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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 27 août 1997 - Vol. 35 N° 52

Consultation générale sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. André Gaulin, président
M. Jean Garon, président suppléant
M. David Payne
M. Thomas J. Mulcair
M. Geoffrey Kelley
M. Michel Morin
M. André Boulerice
M. Normand Jutras
*M. Yves Morency, CCPEDQ
*Mme Charlotte Sauvé, Banque Nationale du Canada
*M. André Pelletier, CCPEDQ
*M. Maurice Piette, CNQ
*M. Michel Cloutier, idem
*Mme Suzanne Thibodeau, idem
*Mme Carole Fortin, ADA
*M. Serge Larochelle, idem
*Mme France Thibault, AQAM
*M. Jules Lizotte, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures cinq minutes)

Le Président (M. Gaulin): Alors, bonjour. Bienvenue aux membres de la commission qui, comme à peu près tout le monde, sont de retour de vacances. Nous avons quorum, M. le secrétaire? Oui. Je rappelle le mandat de cette commission. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à la suite des auditions publiques dans le cadre de notre mandat d'initiative sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Jutras (Drummond) remplace Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) et M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys).

Le Président (M. Gaulin): Merci. À l'ordre du jour, vous noterez que deux organismes se sont désistés. Il s'agit d'Alliance Québec, à 16 heures, et de la Ligue des droits et libertés, région Saguenay–Lac-Saint-Jean, à 17 heures. Nous terminerons donc vers 16 heures cet après-midi. Cependant, le président et député de Lévis, qui sera de retour avec nous à 14 heures, nous informe qu'il souhaite tenir une brève séance de travail afin d'organiser nos travaux pour les prochaines semaines. À 16 heures. Voilà.

Nous procédons donc aux auditions du jour et je souhaite la bienvenue à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec et à la Banque Nationale du Canada. J'invite le représentant à s'identifier et à nous présenter celle et celui qui l'accompagnent.


Auditions


Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ) et Banque Nationale du Canada

M. Morency (Yves): Bonjour, M. le Président. Je vous remercie. MM. les membres de la commission. Alors, mon nom est Yves Morency. Je suis secrétaire aux relations gouvernementales au Mouvement Desjardins. Ce n'est pas la première fois que les deux principales institutions financières québécoises s'adressent conjointement au gouvernement, soit par la rédaction et la signature de lettres conjointes et communes, mais c'est quand même néanmoins la première fois que nos deux organisations respectives se présentent devant une commission pour venir vous exposer un point de vue commun, ce qui ne veut pas dire pour autant que nos deux organisations ne sont pas pour le moins concurrentielles au point de vue quand même des pratiques commerciales et sur le terrain. Mais ce que nous voulons tout simplement ce matin, avec vous, c'est partager nos connaissances, notre expertise dans le domaine soi-disant des cartes d'identité ou à tout le moins quand même la protection de la vie privée.

Alors, c'est pour ça qu'avec moi ce matin j'ai, à ma droite, Mme Charlotte Sauvé, qui est directeur principal des Paiements électroniques aux particuliers à la Banque nationale, et, à ma gauche, M. André Pelletier, qui est directeur des systèmes de paiement au Mouvement des caisses Desjardins. Alors, je laisserais la parole à Mme Sauvé d'abord pour vous exposer notre point de vue que nous partageons tous, tant du côté de la Banque nationale que du Mouvement Desjardins.

Mme Sauvé (Charlotte): Bonjour. Tout d'abord, je vais présenter la première partie de notre document, les sections 2 et 3, soit la carte d'identité elle-même, comment nous la percevons et comment nous l'utilisons; et ensuite, les caractéristiques et le fonctionnement que nous voyons d'une carte d'identité officielle. Ensuite, M. Pelletier couvrira les deux dernières sections, qui sont les cartes multiapplications, des cartes sur lesquelles nous travaillons présentement, et la protection de la vie privée de façon générale.

(9 h 10)

Alors, on va d'abord commencer par mentionner que les institutions financières, dans une commission comme celle-ci, dans un dossier comme celui-ci, peuvent apporter une contribution intéressante à plusieurs points de vue. Premièrement, elles ont développé, avec la gestion de leurs cartes, une grande expérience en gestion de cartes. À nous deux, les deux institutions financières principales du Québec, on gère environ de 4 000 000 à 4 500 000 de cartes qu'on a distribuées déjà à nos clients et qu'on gère depuis plusieurs années, donc on a une expertise intéressante à ce niveau-là. On a développé aussi un niveau de confiance auprès du public: les gens ont confiance en nos cartes, ils ont confiance aux systèmes de sécurité qu'on a mis en place. Donc, on a cette expertise en sécurité, l'expertise en gestion de cartes et en technologie de cartes. Alors, c'est toutes des choses qu'on va essayer de mettre à votre disposition pour aider dans les travaux.

La carte d'identité, de quelle façon nous l'utilisons dans les institutions financières. Nous l'utilisons d'abord pour identifier la clientèle. Nous avons un besoin, dans les institutions financières, d'identifier la clientèle de deux façons. Premièrement, à un point de services, au moment où le consommateur se présente à nos points de services pour ouvrir un compte, pour effectuer une transaction, si nous ne le connaissons pas, on a besoin à ce moment-là d'identifier physiquement un client. Alors, le client se présente à nos points de services et on lui demande des pièces d'identité. Pour faire ça, on utilise plusieurs types de pièces d'identité; on va vous en parler tout à l'heure.

Il y a aussi une identification à distance parce que maintenant, étant donné qu'on a plusieurs points de services qui sont disséminés sur un territoire géographique très grand, il peut arriver qu'un client d'un point de services donné se présente à un point de services à Québec, mettons, à une succursale ou à une caisse populaire à Québec, à une caisse de Québec quand il est client à Montréal, alors la caisse ou la succursale de Québec a besoin d'identifier le client. Alors, là aussi, on a un besoin à distance d'identifier un client qui fait affaire avec nous.

On a aussi développé des modes d'identification électroniques. Étant donné qu'on a développé tout un réseau de guichets automatiques, de terminaux point de vente, on a aussi lancé dernièrement des services tant au téléphone que sur ordinateur personnel. Alors, à distance, on a besoin d'identifier des clients, de savoir qui s'adresse à nous exactement.

De quelle façon on fait ça? Physiquement, on demande des cartes, soit les cartes émises par une institution financière, une carte de crédit, une carte de débit, ou des cartes émises en général par les gouvernements. On va utiliser les passeports, les certificats de citoyenneté, les cartes d'identité de toutes sortes, les certificats de naissance, cartes d'assurance-maladie, cartes d'assurance sociale, permis de conduire. On utilise souvent plus qu'une pièce d'identité. De plus en plus maintenant, étant donné que, sur la carte, par exemple, le permis de conduire ou la carte CAM, on a la photo de l'individu, alors, c'est déjà plus complet comme carte d'identité. Mais avant on demandait plus d'une carte d'identité.

Maintenant, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que ces cartes-là sont vraiment faites pour identifier quelqu'un? On les utilise finalement par défaut, parce qu'il n'y a pas de carte d'identité réelle, mais on sait parfaitement qu'une carte devrait être utilisée, dans le fond, pour les fins pour lesquelles elle a été conçue. Alors, le permis de conduire n'est pas vraiment conçu pour être une carte d'identité, mais on l'utilise par défaut, parce que les autres cartes d'identité ou les autres cartes qui sont en circulation ne répondent pas vraiment à ce besoin-là.

On a aussi une certaine exigence légale, dans des cas précis, de demander des cartes d'identité. Par exemple, pour éviter le recyclage des produits de la criminalité, nous devons demander des cartes d'identité lors de certaines transactions, et aussi quand il y a une fraude et que les gens réclament des assurances un remboursement du montant dont ils ont été fraudés. On est obligé, à ce moment-là, légalement, de demander des pièces d'identité. Alors, il y a plusieurs cas pour lesquels on a besoin de pièces d'identité.

Notre intérêt d'avoir une pièce d'identité unique, du point de vue des institutions financières, c'est de n'avoir qu'une seule carte dont la fonction rencontre réellement le besoin. Alors, comme on le voit, on a un besoin de savoir l'identité d'une personne et on aimerait ça qu'il y ait une seule carte qui a aussi la valeur d'identifier une personne, donc qui contienne en elle-même tous les éléments qui feraient qu'on pourrait ne demander qu'une seule carte et qu'on serait certain, avec cette carte-là, que ça répond vraiment aux besoins qu'on s'est fixés.

L'avantage pour le consommateur aussi d'avoir une seule carte d'identité, c'est de n'avoir qu'une seule carte pour répondre aux besoins d'identification et cette carte-là donc se doit d'être universelle. Alors, si on demande aux gens, aujourd'hui, un permis de conduire, la personne n'a pas de permis de conduire, on demande un autre type de carte, elle n'a pas de carte, et ça peut arriver, à l'occasion, qu'il y ait des gens qui n'aient pas du tout de carte qui fasse notre affaire.

Maintenant, avec la carte d'assurance-maladie, qui est une carte quand même répandue, que tout le monde a en principe, alors, cette carte-là, au moins, on est à peu près certain que tout le monde l'a. Mais, dans les cas des autres cartes, les cartes d'identité gouvernementales, une carte d'identité d'un employeur, on n'est pas certain, d'abord, si on va accepter cette carte-là comme pièce suffisamment intéressante pour nous ou si on va demander une autre pièce, puis la personne ne l'a pas. Donc, ça nous permet aussi, pour le consommateur, d'être sûr que, quand il apporte cette carte-là, on va accepter cette carte-là comme pièce d'identité. Aussi, ça serait la même carte, donc il y aurait les mêmes informations sur toutes les cartes. Alors, pour nous, ça présente un intérêt.

Maintenant, cette carte-là, quelle sorte de contenu elle devrait avoir et quelles devraient être les autres caractéristiques de la carte d'identité? Tout d'abord, on pense qu'il devrait y avoir un numéro unique sur cette carte-là. Est-ce que c'est un numéro existant ou non? Est-ce qu'on voudrait que ce soit le numéro d'assurance-sociale? Ça reste à être débattu, mais, nécessairement, il devrait y avoir au moins un numéro de carte unique. C'est la meilleure façon d'identifier une carte donnée, qu'elle ait un seul numéro.

Il devrait y avoir, dans la carte d'identité, le nom et le prénom du détenteur de la carte. Il devrait aussi apparaître une signature du détenteur, parce que c'est une façon d'authentifier aussi une personne. On va parler tout à l'heure de la différence entre l'identification et l'authentification. Il y a deux types de signatures: il y a une signature physique et il y a une signature électronique. Alors, on va y revenir tout à l'heure, mais il devrait y avoir une signature sur la carte.

Il devrait y avoir une photo, parce que c'est une façon physique d'identifier quelqu'un et ça rend les cartes beaucoup plus efficaces. Sinon, quelqu'un peut prendre n'importe quelle carte et s'identifier comme étant cette personne-là quand, en réalité, ça ne l'est pas.

Une date d'expiration aussi sur la carte. On pense que l'adresse, c'est une information qui est extrêmement volatile, qui est aussi privée et qui ne devrait pas nécessairement apparaître sur la carte, parce que ça nous oblige à remplacer les cartes trop fréquemment. Par contre, c'est une information qui peut être très utile pour le consommateur. Alors, on pourrait permettre l'entrée d'une adresse sur la carte, mais laisser à la discrétion du consommateur la décision d'avoir ou non l'adresse sur la carte et de faire mettre la mise à jour par le détenteur, parce que c'est une information qui demande beaucoup de ressources à mettre à jour.

On pense aussi que la carte d'identité devrait être facultative, on devrait laisser le libre choix au citoyen d'avoir ou non une carte d'identité. On ne devrait pas forcer l'utilisation d'une carte d'identité. Maintenant, si ça apporte des avantages certains, bien, il va y avoir beaucoup de personnes qui vont l'utiliser. Sinon, bien, si cette carte-là n'est pas vraiment perçue comme étant utile, alors les gens vont peut-être l'utiliser moins. Mais, d'une façon ou d'une autre, ça devrait rester facultatif.

L'émission de cette carte-là devrait être faite par le gouvernement provincial pour justement que, dans la tête des gens, ce soit vraiment une carte officielle émise par le gouvernement. Ça donne une valeur beaucoup plus grande à la carte d'identité.

Lors de la demande initiale, il faudrait que le gouvernement vérifie l'identité du demandeur. Lors de la demande initiale et lors du renouvellement aussi, qu'on vérifie comme il faut l'identité du demandeur. Et on se posait la question: À partir de quel moment exactement les gens ont besoin vraiment d'une carte d'identité? On pensait peut-être juste à peu près à partir de l'adolescence, quand les jeunes commencent à aller au secondaire, qu'ils ont besoin d'une carte pour le transport en commun, des choses comme ça, ou pour le transport scolaire. On pense qu'avant ça, le besoin de carte d'identité se fait peut-être moins sentir en bas de l'âge du secondaire. Et la gestion de la carte devrait être assurée par le gouvernement provincial. C'est-à-dire la distribution de la carte, l'émission des cartes et tout ça, ça devrait être assuré par le gouvernement provincial.

Maintenant, pour ce qui est de l'utilisation de la carte d'identité, elle ne devrait servir qu'aux fins d'identification seulement et elle ne devrait pas remplacer les autres cartes. Elle pourrait servir, par exemple, d'identification lors des élections, des choses comme ça, mais elle ne devrait en aucun cas remplacer les autres cartes.

(9 h 20)

On va voir ici deux notions qui sont vraiment essentielles quand on se pose des questions en ce qui regarde les cartes d'identité. Il y a ce qu'on appelle la notion d'identité et la notion d'authentification. La notion d'identité, c'est de vraiment s'assurer qu'on a le nom, l'adresse ou n'importe quelle information, la date de naissance, le lieu de la naissance, des choses comme ça; ça, c'est de l'identité, c'est de l'information qui peut me servir pour retracer, pour envoyer des documents à une personne, être sûre que j'ai le bon nom. Alors, tout ça, c'est un besoin très précis d'identité.

Il y a aussi le besoin d'authentification. Le besoin d'authentification, c'est de m'assurer que la personne qui s'identifie comme étant – je vais prendre l'exemple d'Yves Morency, ici – Yves Morency, c'est bien Yves Morency. Alors, ce besoin d'authentification est important lorsqu'on veut permettre à une personne d'accéder à nos services ou lui donner un... Par exemple, supposons que vous êtes client chez un marchand et le marchand a un programme de bonification ou des choses comme ça, il veut s'assurer qu'il donne ça à la bonne personne.

Alors, comme nous, par exemple, dans nos systèmes, quand une personne se présente au guichet automatique, ce qu'on fait, ce n'est pas une identification, mais bien une authentification. L'identification, on l'a faite lorsque la personne est venue demander un compte bancaire, mais, à partir de ce moment-là, quand la personne communique avec nous pour accéder à ces informations confidentielles ou pour obtenir des services de nous, à ce moment-là, c'est une authentification. Donc, la problématique est complètement différente.

Alors, lors de l'authentification, les principes de sécurité qu'on suit dans le moment, dans les institutions financières, c'est un élément qu'on connaît et un élément qu'on possède. Alors, l'élément qu'on possède, c'est une carte, l'élément qu'on connaît, c'est le numéro d'identification personnel. Alors, à chaque fois qu'une personne veut s'authentifier vis-à-vis d'une institution financière, il faut qu'elle apporte et sa carte et son numéro d'identification personnel.

Maintenant, si on regarde, par exemple, le téléphone, quand on offre des services téléphoniques, on demande aux gens – je vais parler de l'exemple de la Banque Nationale, peut-être qu'André pourrait parler de l'exemple de Desjardins – de nous mentionner leur numéro de carte client et de nous mentionner aussi un numéro d'identification personnel. Alors, dans ce cas-là, il faut d'abord qu'ils aient leur carte en main, parce que c'est un numéro qui a quand même beaucoup de chiffres. Ils nous mentionnent leur numéro d'identification et à ce moment-là on est relativement confortable que la personne qui communique avec nous, c'est bien la personne qu'elle prétend être.

Alors, ça, je pense que c'est un besoin fondamental. Il faut vraiment séparer ces deux notions-là et il faut se dire: Est-ce que la carte d'identité, c'est une carte d'identité ou une carte d'authentification, ou une carte d'identité dont on veut se servir pour authentification? Les principes de sécurité qu'on utilise présentement, c'est les meilleurs à l'heure actuelle. Ce qui s'en vient, qui va être beaucoup plus intéressant, c'est la biométrie, parce que là on ne teste plus ce qu'une personne connaît et ce qu'une personne possède, mais bien ce qu'une personne est, ce qui est un niveau encore supérieur de sécurité. Mais, la biométrie, malheureusement, à l'heure actuelle, est coûteuse et n'est pas encore tout à fait à point, mais c'est quand même une façon d'authentifier une personne.

Donc, si on regarde l'environnement actuel, les gens n'ont pas toujours les infrastructures qu'il faut pour être capable de lire des informations qui sont dans une carte. Si on regarde, par exemple, une carte à puce, l'infrastructure n'existe pas aujourd'hui ou même une carte à piste, les gens n'ont pas toujours cette infrastructure-là, alors, c'est pour ça qu'on pense que c'est important d'avoir des informations sur la carte pour être en mesure d'utiliser la carte comme carte d'identité quand on se présente physiquement à un lieu et d'avoir des informations dans la carte parce que, de plus en plus, il y a des réseaux électroniques qui se développent et on a besoin de communiquer à distance avec des gens. Alors, ça pourrait être via l'information dans la carte. Maintenant, on préconise l'utilisation d'une carte à puce. On va vous en parler davantage, mais on préconise l'utilisation d'une carte à puce.

Alors, je vais laisser la parole à André, qui va vous parler maintenant des cartes multiapplications.

M. Pelletier (André): Merci. Le chapitre 4 de notre mémoire parle justement des cartes multiapplications. En fait, la carte multiapplication est une carte à puce qui permet au détenteur de regrouper sur la même carte plusieurs applications. En fait, c'est aussi simple que ça. On a fait des recherches, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins, du côté du consommateur pour valider son intérêt par rapport à une telle carte. Ce qui ressort, c'est que la plupart des consommateurs voient un avantage à réduire le nombre de cartes qu'ils ont dans leur porte-monnaie, dans leur portefeuille, et ça en combinant plusieurs applications sur la même carte.

Ce qui ressort aussi, c'est que la plupart des consommateurs souhaitent que ces regroupements se fassent par familles d'applications. Par familles d'applications, on regarde les applications de paiement, les applications gouvernementales. Souvent, les gens réagissent beaucoup aux mixtes de familles d'applications. Ils ne veulent pas mélanger les familles. Ils disent: Il y a des types d'applications. Regroupons sur la carte des types d'applications, mais ne mélangeons pas toutes les applications.

Ce qu'on constate aussi ou ce que nos recherches nous indiquent, c'est qu'il y a une très faible proportion de personnes qui sont disposées à regrouper toutes leurs applications sur une même carte. C'est donc dire que même si la technologie permet de regrouper l'ensemble des applications sur une même carte, il y a quand même des limites qu'on ne pourra pas dépasser parce que les gens ne sont pas nécessairement prêts à ça.

Au niveau de l'orientation des institutions financières, bien, c'est assez clair. Depuis 1996, on fait des pilotes avec l'utilisation de la carte à puce. Entre autres, on pilote le porte-monnaie électronique. Alors, c'est des choses qui, dans un avenir rapproché, devraient être offertes à la clientèle. Au niveau des orientations gouvernementales, bien, on regarde au niveau de l'autoroute de l'information. On va vouloir tantôt diffuser de l'information générale, on va vouloir, en plus, permettre aux citoyens d'accéder à des services gouvernementaux. De plus, si on veut faire des transactions électroniques avec les citoyens, il va y avoir des besoins d'authentification de signature électronique et de sécurité, tels que ma collègue parlait tantôt.

Nous, ce qu'on pense, c'est que ça devrait être le citoyen qui puisse décider s'il veut une carte multiapplication et si, en plus, la carte d'identité devrait faire partie de cette carte multiapplication.

Ce qui risque de se produire aussi, c'est que la carte d'identité puisse être utilisée à d'autres fins. On dit: D'une part, c'est sûr, la carte d'identité va être utilisée pour vérifier et prouver l'identité de celui qui la présente, mais elle va être utilisée aussi, dans la grande majorité des cas, dans un environnement transactionnel. Dans un cas de transaction, le fournisseur de services, lui, ce qu'il va vouloir, c'est que l'individu prouve son identité et il va vouloir que l'individu autorise la transaction; l'autorisation de la transaction, ça va nécessiter une signature électronique.

Ce qu'on amène en fait là-dedans, c'est que plus ça va aller, si le gouvernement veut aller au niveau de la carte multiapplication, ça va nécessiter des mécanismes sensiblement semblables à ceux qu'on a mis en place au niveau des institutions financières. Et ce qu'on veut faire, c'est de proposer notre collaboration à travailler avec les gens des différents ministères ou avec les collaborateurs pour partager nos expériences avec vous. C'est essentiellement ça. Je ne sais pas si c'est de façon succincte. Ça «va-tu»?

Le Président (M. Gaulin): C'est beau?

M. Morency (Yves): Alors, nous sommes à votre disposition s'il y a des questions ou des explications.

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous avez vraiment calculé juste, ça fait 20 minutes que vous intervenez. C'était le temps que vous aviez en principe, mais on vous aurait entendu davantage si vous aviez... De toute manière, on va échanger. Le député de Vachon a demandé la parole.

M. Payne: Je voudrais vous remercier d'être venus nous rencontrer ce matin, parce qu'il s'agit, bien sûr, d'un sujet qui préoccupe dans tous les sens du mot depuis trois ans la commission de la culture, c'est-à-dire la protection de la vie privée et l'accès à l'information des institutions sur l'identité d'un individu ou même les détails appropriés sur le comportement ou le style de vie d'un citoyen.

Donc, dans le jargon politique, il s'agit d'une question chaude, pleine de préoccupations pour les députés qui représentent les électeurs, qui sont des consommateurs au premier temps. Vous abondez – ça ne nous surprend pas – dans le sens d'appuyer la carte d'identité, indiquant que vous êtes d'accord que ça devrait avoir un certain nombre de données limitées: numéro unique, nom et prénom, signature, photo, date d'expiration.

Juste une réponse très rapide, parce que je voudrais engager une discussion avec vous sur un autre sujet. En réalité, le permis de conduire tient toutes ces informations-là, par exemple: le nom, la photo, la signature, la date d'expiration, le numéro unique et, bien sûr, le nom et le prénom; même chose maintenant pour la carte d'assurance-maladie. Est-ce que je comprends bien donc que c'est plutôt une question de faciliter les choses plutôt qu'une question de principe d'abonder dans le sens d'une carte d'identité unique? Voulez-vous répondre très rapidement là-dessus?

Mme Sauvé (Charlotte): Oui, oui.

M. Payne: Et je reviendrai à ma question principale après.

(9 h 30)

Mme Sauvé (Charlotte): Oui, effectivement, c'est plus une question de faciliter les choses. Quand les gens se présentent à nos points de services, on pourrait leur demander tout simplement leur carte d'identité au lieu de... Des fois, ça peut être assez pénible, parce que des fois on commence par leur demander une carte, ils ne l'ont pas; on demande une autre carte, ils ne l'ont pas; on demande... Alors, ça peut être assez long. Donc, ça faciliterait beaucoup notre service à la clientèle et ça nous assurerait que la carte qui est présentée, c'est vraiment une carte valide.

M. Payne: Je voudrais élargir la discussion maintenant parce que ce qui nous préoccupe comme consommateur, moi, comme député, pour mes électeurs, et moi, comme consommateur – et on a abondamment discuté ça en commission – notre préoccupation, peut-être que ce n'est pas tellement l'utilisation de la carte mais à quoi ça sert, la carte, et à quoi ça pourrait servir, la carte.

Je prendrai un exemple très concret qui est dans votre domaine. Quand vous rencontrez un client, vous avez un service à offrir, présumément un service honorable, c'est-à-dire prêter de l'argent, faire fructifier l'argent de votre client, garder le client et aussi peut-être offrir des programmes de promotion, de bonis de toutes sortes, des voyages, des assurances. Vous voulez communiquer, élargir votre clientèle, consolider votre clientèle, donc une banque de données, c'est drôlement intéressant pour une banque.

Lorsque quelqu'un cherche du crédit auprès d'une banque, une banque n'agit pas naïvement, et normalement elle aime connaître le client et elle fait appel aux services centralisés d'informations, qui pourraient s'appeler Équifax ou n'importe quelle banque centrale qui, elle, a bâti toute une gamme, une batterie d'informations sur un client, toutes sortes de sujets qui pourraient aller des mises en accusation plus ou moins vraies, de dépositions simples au civil et des informations qui n'ont absolument rien à faire avec la transaction en question auprès de la banque. La banque, elle fait ça souvent. Je ne fais pas d'accusation aucune, je suis en exploration.

Lorsque la banque cherche cette information-là, ce n'est pas monnaie courante que la banque informe le client de l'information qui est cherchée à son sujet. Est-ce que vous considérez que ça va à l'encontre de l'esprit de la lettre de la Loi sur la protection du consommateur et aussi la loi d'accès à l'information?

Mme Sauvé (Charlotte): Il y a plusieurs éléments, je pense, dans cette démarche-là. Premièrement, c'est que les banques se doivent absolument de contrôler leurs risques de façon efficace, sinon, on n'aurait pas la confiance de la population. Puis, pour une institution financière, la confiance de la population, c'est la base sur laquelle repose toutes ses affaires. Si les clients n'avaient pas confiance, ils ne viendraient pas porter leur argent chez nous. Et, comme c'est l'argent des consommateurs, on se doit de gérer cet argent-là de façon très prudente. Alors, c'est dans cet objectif-là que les institutions financières, quand elles font un prêt à une personne ou quand elles prennent un risque, elles se doivent de prendre beaucoup d'informations dans le but de réduire leur risque.

En autant que l'information qui est utilisée est utilisée dans ce but-là, et non pas dans le but d'envoyer de l'information à d'autres entités qui n'ont rien à voir avec le fait de prêter de l'argent à quelqu'un ou des choses comme ça, je pense que la loi d'accès à l'information nous permet d'accéder aux informations dont on a besoin pour rendre un service à la population. Et on dit aux consommateurs: C'est dans cet objectif-là qu'on va accéder à ces informations-là, et non pas dans un autre objectif.

M. Payne: Je comprends très bien, mais ma question était plus précise: Est-ce que vous partagez, d'habitude et d'une façon constante, cette information-là que vous cherchez au sujet de votre client, avec votre client?

Mme Sauvé (Charlotte): Oui. La première chose...

M. Payne: Et je vous indique, de mon expérience et de l'expérience des personnes avec qui je parle – nous avons même discuté de ça en commission – la réponse est non. Et je reviens à mon principe. L'électeur, le consommateur, il est inquiet qu'on bâtisse tranquillement toute une gamme d'informations à son sujet, qui sont susceptibles d'être utilisées à d'autres fins que, par exemple, la transaction du moment. Donc, est-ce que vous communiquez systématiquement ces informations?

Mme Sauvé (Charlotte): Premièrement, les consommateurs savent qu'on accède à ces informations-là. Ils le savent. On leur dit: On va faire une enquête de crédit. Alors, ils savent qu'on va accéder. Et quand on accepte le crédit, on leur dit: C'est beau. Ton crédit est beau, donc on t'accorde le prêt. Et si on refuse le crédit, on va expliquer au consommateur pourquoi on refuse son crédit.

M. Payne: Je sais, mais vous avez des informations empiriques au sujet de votre client, devant vous. Vous avez consulté un fichier, vous êtes en possession d'informations privilégiées à son sujet. Ma question est très simple: Est-ce que vous communiquez d'une façon systématique l'information que vous détenez à son sujet à lui?

Mme Sauvé (Charlotte): Si le consommateur nous le demande, oui. La majorité ne nous le demande pas. Alors, s'il nous le demande, oui, on va lui dire: On a eu telle information. Mais, s'il ne nous le demande pas, on ne le fait pas.

M. Payne: Alors, vous confirmez ma préoccupation majeure qu'il y a des informations qui sont cherchées à son sujet, avec son consentement, je suis d'accord, mais que vous ne l'informiez pas du contenu de vos recherches, à mon avis, constitue un impair dans le sens de nos lois de protection des citoyens.

Mme Sauvé (Charlotte): Non, on va le donner au consommateur. Mais, si le consommateur, il nous dit non...

M. Payne: Mais vous dites: S'il le demande.

Mme Sauvé (Charlotte): Oui, mais s'il ne nous le demande pas puis il ne peut pas l'avoir? On peut lui donner. C'est à sa disposition. Son dossier, il peut toujours le lire. Ce n'est pas...

M. Payne: Comment il peut demander quelque chose qu'il ignore?

Mme Sauvé (Charlotte): Ce n'est pas une information qu'on garde confidentielle et ce n'est pas une information qu'on envoie en dehors. Ça, c'est clair.

M. Morency (Yves): Notamment, depuis la loi 68, le consommateur a droit d'obtenir l'information qu'on détient sur lui dans son fichier. Il peut les voir, ces fichiers que nous détenons sur lui. Il peut même les corriger. Ça aussi, quand même, nous l'avisons que nous détenons une information et qu'il a droit de venir les consulter.

J'irais même plus loin que ça. C'est que, souvent, on repose les mêmes questions au consommateur parce qu'il doit utiliser d'autres services et il s'interroge: Pourquoi vous nous posez cette question-là? Vous avez l'information. Et, à ce moment-là, nous ne l'avons pas toujours, l'information. Donc, le consommateur, je veux bien croire quand même qu'il s'inquiète qu'il y a un cumul d'informations, mais il y a une responsabilité également du consommateur de venir voir ce que nous détenons sur son information.

M. Payne: Je termine en répétant ma préoccupation. Je suis entièrement d'accord, on est très au courant comme quoi le client a le droit de s'informer, mais ce n'est pas ça, ma préoccupation. Moi, ma préoccupation, c'est qu'au moment où une institution tient des informations privilégiées au sujet de quelqu'un, ne serait-il pas plus éthique de la part de l'institution concernée d'informer systématiquement le client de cette information-là?

J'indique pourquoi cette préoccupation-là: parce que le client est de plus en plus conscient qu'il y a des banques centralisées qui détiennent cette information-là, qui trafiquent l'information entre elles. Il y avait même une affirmation devant cette commission, l'an passé, comme quoi ce n'était pas exclu qu'une institution puisse effectivement commercialiser et trafiquer les informations constituées au sujet des clients. Même à l'intérieur d'une même institution, on bâtit des programmes de publicité et de promotion sur la base d'une banque de données. Voilà la préoccupation du client.

M. Morency (Yves): Mais le même client vous dit qu'il veut avoir des services-conseils appropriés. Alors, pour lui fournir ces services-conseils appropriés, ça nous prend un minimum d'informations que nous utilisons dans tout le respect des lois en cours au Québec et pour lesquelles nous mettons à la disposition du consommateur cette information-là. Mais si, à chaque fois qu'un consommateur vient chez nous et qu'on lui rend un service, il faut lui disponibiliser et lui dire à chaque fois «voici ce que je détiens sur toi», il y a quand même des coûts que je ne suis pas certain que le consommateur est prêt à assumer. Et ça ne veut pas dire pour autant que le consommateur n'a pas droit à l'information.

M. Payne: Je ne suis pas d'accord parce que, si vous avez cherché vous-même l'information, le coût est déjà acquitté, assumé, je dois dire, par vous, si vous avez besoin de cette information-là. Vous dites qu'il y a un coût supplémentaire pour informer le client?

M. Morency (Yves): Encore là, il faut faire attention. Vous dites qu'on a accès à des banques d'informations externes, mais c'est la quantité minime d'informations que nous avons à l'externe. Équifax ou les autres, nous y allons quand nous n'avons pas l'information. Mais souvent, le membre ou le client de la banque, qui sont chez nous depuis cinq, six, 10 ans, on n'a pas besoin d'aller voir chez Équifax à chaque fois pour voir si on peut lui faire une note de crédit. Nous l'avons dans nos fichiers et nous le disponibilisons.

M. Payne: Bien oui. Mais, moi, je parle de mes jeunes entrepreneurs, par exemple, qui n'ont pas de crédit. Un bon exemple, c'est le plan Paillé. Le gouvernement a assumé le risque à un tiers, puis les banques, 10 % à peine, et puis il y avait... Je me suis promené avec mes électeurs, mes jeunes entrepreneurs. J'avais des bonnes discussions avec les gérants de banque, que j'ai rencontrés dans mon bureau, j'ai indiqué mes préoccupations. Je regarde ça, celui qui a un crédit établi... Je surveille les intérêts de mes électeurs qui sont les plus démunis, mais qui ont le plus besoin.

(9 h 40)

M. Morency (Yves): Bien, écoutez, aussi, comme institution financière, on a besoin d'évaluer la capacité de payer, la capacité de rembourser. On n'a pas uniquement à protéger uniquement les gens qui viennent faire du crédit, on a aussi des épargnants qui sont chez nous. On a une responsabilité à l'égard des épargnes qu'on nous confie, donc ça nous prend un minimum d'informations, donc il faut aller la chercher quelque part.

Ce qu'on vous dit, c'est que la personne, ou le jeune entrepreneur, ou le consommateur, peu importe qui il est, il peut avoir accès à l'information qu'on a sur lui.

M. Payne: Je répète que je suis entièrement d'accord sur le principe opérationnel de chercher les informations. J'ai répété ça trois ou quatre fois. Ma préoccupation n'est pas là, c'est sur le partage de cette information-là avec le principal intéressé. Et la carte d'identité, surtout la carte multiservice, pose un problème majeur quant à la constitution d'une banque de données qui pourrait desservir l'intérêt du client. Je sais que vous protégez vos intérêts et j'acquiesce au principe qui sous-entend votre comportement, mais il y des préoccupations pour le client.

M. Morency (Yves): Mais ce qu'on vous dit également, c'est que, par rapport à la carte multiapplication, c'est que, des recherches que nous avons menées conjointement, le consommateur aussi demande: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on regroupe au sein d'une seule carte ou de deux cartes certaines utilisations d'ordre bancaire dans un cas et d'ordre gouvernemental de l'autre? Écoutez, on ne pourra pas émettre des cartes, on ne pourra pas lui rendre ces services-là s'il ne les veut pas. Alors donc, il y a un minimum d'autorisation ou encore de volonté de la part du consommateur de faire en sorte qu'il y ait une certaine forme de rationalisation.

Là, on vous parle de l'utilisation. Quant à la carte d'identité, on vous dit: Quand même, il y aurait des avantages à avoir une carte d'identité dans laquelle on retrouve de l'information, ce qui voudrait dire que pour nous comme institution et pour l'individu, ça pourrait être avoir moins de tracasseries administratives de nous fournir des cartes.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, Mme Sauvé, M. Morency, M. Pelletier, bienvenue. Au nom de mes collègues de l'opposition officielle, il nous fait extrêmement plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.

Ma première question concerne ce que vous appelez le caractère facultatif de la carte que vous proposez. Je me permets deux exemples dont je discutais justement avec mon collègue. À deux reprises dans votre document, vous mentionnez, notamment à la page 13, et un petit peu plus tôt, à la page 9, que cette carte d'identité officielle facultative pourrait par ailleurs être utilisée pour permettre aux électeurs de s'identifier lors des élections à différents niveaux.

Je pense que vous ouvrez bien le débat en utilisant cet exemple-là parce que vous dites que c'est facultatif. Et pourtant, l'exemple que vous-même choisissez de donner est l'exemple type où tout citoyen aurait absolument besoin d'une telle carte si elle devait être utilisée comme carte d'identité lors des élections.

Alors, je me demande si vous ne pouvez pas partager avec nous votre réflexion à cet égard, à savoir, même si on dit qu'on la veut facultative, cette carte-là, avec l'exemple que vous choisissez de donner, ne sommes-nous pas en train de dire que du moment que cette carte existe, qu'on l'appelle facultative, si ça nous empêche de voter sans cette carte, est-ce que ce n'est pas en effet une carte obligatoire?

M. Morency (Yves): On parlait davantage quand même d'une utilisation qu'on pourrait avoir par rapport à la carte d'identité. Voici une application d'ordre gouvernemental: ça pourrait être une carte du citoyen qui, lors d'élections, pourrait l'identifier et lui permettre d'aller voter. Mais, au-delà de ça, pour nous, ce qu'on voit par rapport aux études qu'on a faites, c'est laisser le libre choix au consommateur. Si lui, ça lui convient de dire: Moi, avec une carte d'identité, ça m'enlève les tracasseries administratives d'avoir à présenter une carte, ou deux, ou trois, à l'occasion, quand je vais dans mon institution financière, c'est ça quand même qu'on vous propose, qu'on vous recommande comme approche.

Bon. Quant à l'utilisation strictement gouvernementale, bien, elle vous revient. Si le gouvernement convient, décide de dire: Écoutez, voici l'utilisation ultime qu'on veut en faire, soit, pour nous, on va l'accepter comme telle, mais on ne pense pas quand même devoir l'obliger. On a pris un exemple du côté gouvernemental, mais on en prend chez nous aussi en disant que ça nous éviterait de lui demander des cartes qui ne sont pas faites pour ça. Quand on parle d'une carte d'assurance-maladie, la fonction principale de la carte d'assurance-maladie, ce n'est pas une identification pour les services financiers. On la demande, elle n'est pas obligatoire. On dit: Fournis-nous une carte d'identité qui prouve bien que tu es la personne qui vient requérir le service. Donc, c'est un peu dans ce sens-là. Le consommateur, lui, se sent à l'aise, et c'est facilitant pour lui. On dit: Oui, il me semble que ça serait intéressant qu'il puisse avoir une carte d'identité.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'ai plusieurs de mes collègues qui ont des questions aussi, alors...

Le Président (M. Gaulin): D'accord. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Morency (Yves): Mme Sauvé voudrait...

Le Président (M. Gaulin): Mme Sauvé, je vous en prie.

Mme Sauvé (Charlotte): Deux éléments importants par rapport à ce point-là. Premièrement, dans un environnement quand même très démocratique, on pense que c'est très difficile d'imposer une carte aux gens. Ça peut être mal perçu par la population d'imposer l'utilisation d'une carte.

Deuxièmement, une carte s'impose d'elle-même si elle est pratique. Si, par exemple, dans le cas des élections, vous dites aux consommateurs, aux citoyens, vous dites aux gens: Bien, écoutez, si vous avez votre carte d'identité électronique et tout ça, vous allez pouvoir voter de chez vous, par le téléphone, par la télévision, des choses comme ça, ou, si vous n'en avez pas, à ce moment-là, vous allez être obligés de vous présenter à un bureau des élections avec des cartes traditionnelles.

C'est le consommateur ou le citoyen qui va décider par lui-même: est-ce que je veux me doter d'une carte qui va me permettre de faire des choses à distance ou j'aime mieux, à chaque fois, me rendre à un bureau de votation et utiliser les moyens traditionnels? Donc, ce n'est pas d'imposer l'utilisation de la carte, mais de rendre ça tellement commode que les gens vont dire: Bien oui, à distance, je n'ai pas le choix, si je veux voter de chez moi, je n'ai pas le choix que d'avoir cette carte-là, je ne peux pas le faire avec des moyens visuels, je suis obligé de le faire avec un moyen électronique. Par contre, si je ne veux pas me doter de cette carte-là, bien là je me rends au bureau de votation et je le fais de façon traditionnelle. Alors, tout est dans l'utilisation qu'on en fait.

M. Mulcair: Mme Sauvé, en anglais on dit: «That is begging the question.» Si, effectivement la carte s'impose d'elle-même, vous étiez en train de faire vous-même la démonstration que la carte est devenue obligatoire si elle s'impose pour des choses aussi simples que les élections.

Mme Sauvé (Charlotte): Elle ne s'impose pas pour les élections, vous pouvez aller à un bureau de votation et utiliser les moyens traditionnels. Par contre, si vous voulez utiliser des moyens électroniques qui sont beaucoup plus pratiques, on peut difficilement le faire avec des moyens visuels. Alors, à ce moment-là, vous êtes obligé d'avoir un autre moyen. C'est un peu comme nous, avec la carte de débit. On ne l'impose à personne, la carte de débit. Vous pouvez vous présenter en succursale, aller retirer de l'argent de votre compte bancaire en succursale en tout temps. Vous pouvez fonctionner sans carte de débit; vous ne pourrez pas aller au guichet automatique.

M. Mulcair: Bien sûr, mais on parle quand même de deux choses extrêmement différentes entre une carte de débit et une carte d'identité.

Mme Sauvé (Charlotte): Je parle juste du principe de base, là. C'est que la carte n'est pas obligatoire, mais si vous voulez aller au guichet automatique, bien, vous êtes obligé d'avoir un moyen de vous identifier à distance. Ça vous prend quelque chose d'électronique. Ça vous prend un numéro d'identification personnel. Sinon, vous n'êtes pas obligé d'avoir une carte de débit. Allez en succursale, attendez en ligne, allez et attendez aux caissiers aux heures d'ouverture des succursales.

Tu sais, on ne l'impose pas mais, si vous voulez accéder à des services à partir de chez vous, des services électroniques, si vous voulez accéder au petit terminal point de vente que les marchands ont, vous avez besoin d'une carte. Vous pouvez payer en argent, vous pouvez faire un chèque, il y a d'autres moyens, mais il y a ce moyen-là que, par lui-même, les gens ont trouvé tellement pratique que maintenant, quand ils vont dans un magasin d'alimentation, il y a très peu de gens qui se traînent 200 $ dans leur poche, ils vont apporter leur carte de débit. On ne l'oblige pas et le marchand ne l'impose pas non plus, il accepte l'argent, il accepte des chèques, dans certains cas; il accepte encore les moyens traditionnels.

M. Mulcair: À mon sens, il y a un glissement réel lorsqu'on dit que c'est le même principe lorsqu'on est en train de parler d'une carte d'identité et qu'on est en train de parler de quelque chose qui sert simplement comme commodité pour accéder à ses propres fonds. À mon point de vue, lorsqu'on est en train d'avoir un débat de fond comme celui qui nous engage de part et d'autre aujourd'hui, c'est à mon sens perdre un peu de vue les questions essentielles de protection de la vie privée et du droit de la personne justement d'avoir une vie privée et de ne pas être obligée de traîner une carte.

Vous parlez de notre société démocratique. Elle n'a jusqu'à présent jamais exigé une carte d'identité nationale, tel que ça existe dans beaucoup de pays d'Europe, et ça, c'est peut-être quelque chose comme principe – pour reprendre votre terme – qu'on devrait maintenir, l'idée qu'on n'a pas besoin d'une carte d'identité nationale. Je ne suis pas votre raisonnement lorsque vous faite une comparaison entre une carte d'identité et une carte qui donne accès à ses propres fonds en banque, qui est une simple commodité d'identification numérique.

Mme Sauvé (Charlotte): La comparaison que je fais, c'est au niveau de la commodité de la carte. Si une carte est vraiment pratique, les gens vont s'en servir de plus en plus.

M. Mulcair: Oui, mais à quelles fins?

Mme Sauvé (Charlotte): Si ça ne donne rien d'avoir une carte, alors, à ce moment-là, ils ne s'en serviront pas. C'est la seule chose.

M. Mulcair: Mais je pense qu'il n'y a personne dans cette commission qui met en doute le fait que, pour les banquiers et pour bien d'autres gens, l'idée... C'est pour ça que ça existe dans plusieurs pays, une carte d'identité nationale. Personne n'est en train de dire: Ça ne sert à rien. Non, non, non. On sait bien que ça peut servir à bien des choses, et vous nous donnez des exemples dans votre texte. La question demeure, à notre sens, entière, à savoir: Est-ce que c'est un sens dans lequel on veut aller?

(9 h 50)

Je comprends le bémol que vous apportez dans votre texte, c'est une atténuation. Vous et vos principaux, vous arrivez et vous dites: Pas obligatoire. Mais vous dites vous-même qu'elle va s'imposer par elle-même, et je suis totalement d'accord avec vous. Donc, si elle s'impose par elle-même, le débat de fond ne peut pas être évacué aussi simplement que ça, le débat de fond doit avoir lieu. J'aurai l'occasion de revenir là-dessus, mais mon collègue de Jacques-Cartier avait une question.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue, à mon tour, à vous autres et merci beaucoup pour vos commentaires. Moi, je veux revenir sur le point de départ, les pages 2 et 3 de votre mémoire, où il y a une grande liste des pièces d'identité existantes. Je comprends fort bien la problématique que vous avez soulevée, d'exiger la présentation d'une carte précise.

Par contre, comme consommateur, moi, je trouve ça génial que, parmi la grande liste ici, je puisse choisir une carte ou une autre. Alors, si je décide, à ma banque, de m'identifier avec une carte d'assurance-maladie, c'est mon propre choix. Ce n'est pas à vous autres d'exiger ça, vous n'avez pas le droit d'exiger ça; mais moi, j'ai le plein droit d'utiliser cette carte existante, que j'ai déjà dans mon portefeuille. Je peux amener un passeport, je peux amener un acte de naissance. Alors, j'ai une pleine gamme de choix pour m'identifier à vos fins.

Alors, où est le problème? Est-ce que c'est vraiment avec la gamme des cartes qui sont identifiées ici pour le premier contact entre vos clients et l'institution financière? Est-ce qu'il y a vraiment un problème? Est-ce qu'on a vraiment quelque chose qu'il faut solutionner avec encore une autre carte ou est-ce que, parmi la gamme ici... Pour 99,9 % des demandes à nos banques, de tous les jours, pour nos caisses pop, est-ce que la liste qui est là est suffisante?

Mme Sauvé (Charlotte): Je pense qu'il y a deux problèmes. Premièrement, il y a la validité de la carte d'identité. Si vous arrivez, par exemple, avec une carte qui vous identifie comme employé du gouvernement provincial, mettons, et que vous n'avez pas de photo dessus, rien, où c'est juste mentionné votre nom, alors, qu'est-ce qui nous dit que vous êtes vraiment la personne que vous prétendez être, compte tenu que je vous libère de l'argent ou des choses comme ça? Qu'est-ce qui me dit ça? Alors, ça, c'est la validité de la carte pour la transaction que vous voulez effectuer, soit ouvrir un compte, soit demander un prêt ou des choses comme ça. Donc, c'est la validité de la carte.

Deuxièmement, c'est l'universalité aussi de la carte. Est-ce que, quand vous demandez une carte d'identité, les gens vont avoir cette carte-là, une carte valide, une carte qui, pour nous, est suffisamment crédible pour dire: Oui, oui, ça me prouve vraiment que cette personne-là, c'est la personne qu'elle prétend être? Alors, c'est les deux problématiques.

M. Kelley: Mais, dans le système existant, avec toute la gamme des choses que vous pouvez exiger...

Mme Sauvé (Charlotte): Oui.

M. Kelley: ...est-ce que ça pose vraiment un problème à la succursale de la banque dans mon coin? Je n'ai jamais entendu un problème d'un citoyen qui ne peut pas s'identifier.

Mme Sauvé (Charlotte): Non.

M. Kelley: Et, au bout de la ligne, si votre personnel n'est pas satisfait avec une carte, il va exiger une deuxième carte...

Mme Sauvé (Charlotte): C'est ça.

M. Kelley: ...peu importe. Alors, je regarde la gamme qui est ici et je dis: On n'a pas besoin... Je partage la crainte de mon collègue de Chomedey. On a beau dire que ça va demeurer facultatif, avec le gouvernement, avec les compressions budgétaires et tous les autres facteurs, ça risque de devenir obligatoire. Je cite, entre autres: On ne peut pas louer une voiture sans carte de crédit. Ce n'était pas les règlements au point de départ mais c'est devenu maintenant, avec l'usage, qu'il est impossible de louer une voiture sans carte de crédit. On peut arriver avec 10 000 $ comptant, laisser ça au comptoir, ce n'est pas suffisant, j'ai besoin d'un numéro d'une carte de crédit. Ma crainte, c'est qu'avec l'usage ça va devenir quasi obligatoire.

C'est pourquoi je dis: Est-ce que vraiment... Parce qu'après avoir fait le premier contact pour les fins des institutions financières, c'est vos propres cartes d'identité qui sont utilisées ensuite. Vous n'avez aucun intérêt d'avoir une carte gouvernementale pour avoir accès à vos comptes de banque. Vous allez toujours continuer d'émettre votre propre carte de débit ou une carte de crédit ou d'autres cartes comme ça.

Vous autres, après que le premier contact est fait, vous n'avez aucun intérêt dans une carte d'identité émise par l'État parce que vous allez continuer d'émettre vos propres... Alors, je reviens toujours, parce que faire une carte d'identité, ça va coûter cher à l'État. La gestion. Vous soulevez la question d'une adresse, avec 20 % des personnes qui changent d'adresse à toutes les années, le coût de gestion de tout ça est très dispendieux. Alors, je reviens à ma question de base: À partir des cartes existantes, est-ce que c'est suffisant?

Mme Sauvé (Charlotte): Tout à l'heure, dans la présentation, on a fait mention qu'il y avait deux besoins distincts: il y a un besoin d'identification et un besoin d'authentification. Je pense que la première question à se poser: Est-ce que la carte d'identité, le gouvernement, par exemple, voudrait s'en servir aussi comme authentification lorsqu'il donne des services à la population ou il préfère conserver les cartes actuelles d'assurance-maladie, les cartes de la SAAQ ou des choses comme ça?

Si on n'a pas besoin d'utiliser cette carte-là comme authentifiant – on mentionnait l'exemple des élections – pour accéder à un service à distance, à ce moment-là, peut-être qu'on n'a pas besoin d'une carte d'identité, on peut effectivement utiliser les moyens qui sont là. Il faut se poser cette question-là à deux volets: Est-ce que, seulement pour une carte d'identité, on laisse les cartes existantes? Oui, ça marche, ça fonctionne, on arrive à fonctionner quand même. Ou est-ce qu'on veut aller un petit peu plus loin et se servir de cette carte-là aussi comme authentifiant? Donc, on la doterait d'un numéro d'identification personnel et l'individu pourrait accéder à des services gouvernementaux avec cette carte-là. C'est la question, je pense, qu'il faut se poser d'abord. Et ça, cette question-là, nous, on ne peut pas y répondre, à cette question-là.

M. Kelley: Non, non, mais c'est juste que ça devient compliqué, parce que même l'exemple que vous avez utilisé, le droit de vote, tous vos clients n'ont pas le droit de vote...

Mme Sauvé (Charlotte): Non.

M. Kelley: ...mais ils ont besoin d'une carte d'identité pour ouvrir un compte.

Mme Sauvé (Charlotte): Oui.

M. Kelley: Un Américain a le droit d'avoir un compte à la caisse du Mouvement Desjardins, si j'ai bien compris. Alors, c'est très compliqué, la gestion. Est-ce qu'on donne une carte d'identité à tout le monde qui demeure ici, uniquement aux citoyens? Et les non-citoyens, qu'est-ce qu'ils vont utiliser? En tout cas, c'est très compliqué, la gestion de tout ça, et c'est pourquoi, quand je vois la liste, la gamme de choses que nos institutions financières sont prêtes à accepter aujourd'hui, je me demande des grosses questions, s'il faut émettre une carte ou est-ce que ça va juste ajouter un autre morceau de plastique dans nos porte-monnaie? Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, bonjour. Madame, messieurs, bonjour. Moi, c'est un des derniers aspects qui sont traités dans votre mémoire, c'est au niveau de la sécurité. Vous avez parlé, madame, tantôt – je pense que j'emploie le bon mot – d'«encryptage». J'aimerais ça peut-être discuter avec vous au niveau de... Je pense qu'on ne peut pas se demander une sécurité maximale mais, à vos niveaux – les banques et les caisses – dans le domaine de la recherche, est-ce qu'il y a des nouvelles technologies qui s'en viennent? Parce qu'on sait très bien qu'au niveau, je ne vous dirais pas criminel, mais au niveau de la technologie, ceux qui essaient de découvrir, des fois, vont aussi vite que ceux qui inventent les nouvelles cartes.

Moi, j'ai des commettants qui sont venus me voir dans mon comté, et que j'ai rencontrés, et qui ont eu des problèmes avec, entre autres, des cartes de crédit, avec le NIP. Ils l'avaient dans leur porte-monnaie. Ils se sont aperçus que, quand ils ont reçu un compte, il y a une personne ou x personnes qui avaient découvert le numéro de la carte en question et qui avaient dépensé en Europe, au Mexique, et la carte de crédit était dans son porte-monnaie. J'aimerais ça juste échanger avec vous un peu au niveau de la technologie.

Mme Sauvé (Charlotte): J'ai mentionné tout à l'heure deux principes de sécurité: la chose qu'on possède et la chose qu'on connaît. Maintenant, quand on met de la sécurité, on ne met pas la sécurité maximale, mais on met la sécurité optimale. En sécurité, il y a un principe qui dit: Jusqu'à quel point on va? Et, passé ça, il y a un coût marginal, et qu'est-ce que c'est, le risque marginal? Parce que, des fois, pour faire un pas de plus, ça peut nous coûter extrêmement cher et le risque n'est pas suffisant pour... On aime mieux des fois rembourser...

Souvent, d'ailleurs, les institutions financières vont rembourser les clients, vont faire confiance aux clients et vont dire: Oui, tu t'es fait frauder, ou des choses comme ça. Souvent, on va faire une enquête, et, si on n'arrive pas à prouver que ce n'est pas le client qui a fraudé ou des choses comme ça, mais qu'il y a réellement un doute, là, on va faire confiance au client. Pourquoi? Parce que ça nous coûterait tellement cher d'aller valider jusqu'à 100 % la sécurité qu'on aime mieux prendre une certaine marge de risque pour le coût que ça... Donc, c'est toujours une sécurité optimale.

(10 heures)

Ce qu'on a pris aujourd'hui, avec les deux principes que j'ai mentionnés tout à l'heure: ce qu'on connaît et ce qu'on sait, c'est les principes les plus sécuritaires aujourd'hui compte tenu du niveau de risque qu'on peut supporter, si vous voulez, dans les institutions financières et que nos clients acceptent aussi de supporter. Maintenant, la prochaine étape, ça va être vraiment la biométrie, parce que la biométrie, ça me prouve que la personne est vraiment qui elle prétend être. Alors, si quelqu'un se présente à un guichet automatique et qu'au lieu de demander un NIP et une carte on demande, par exemple, une empreinte digitale ou quelque chose comme ça, on est relativement certain que la personne qui est là, c'est vraiment... on est certain que c'est la personne, qui est là. Maintenant, est-ce qu'il y a quelqu'un qui la force à mettre son pouce sur le lecteur? Ça, c'est une autre histoire. Mais ça réduit quand même de beaucoup la fraude. Parce que ceux qui veulent frauder, il faut que ce soit facile. Mais d'amener quelqu'un à côté d'un guichet et de le forcer à mettre son pouce là, c'est plus compliqué que de simplement prendre une carte et d'utiliser un NIP. Alors, on essaie de rendre ça de plus en plus compliqué au meilleur coût possible, et la prochaine étape, c'est vraiment la biométrie. On est en train de la regarder, mais elle n'est pas encore au point et elle est extrêmement coûteuse.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Moi, je vous avoue, j'utilise les cartes et, de plus en plus, j'ai des réserves, entre autres, quand on loue une chambre d'hôtel et qu'on me demande ma carte de crédit par téléphone. Je suis de plus en plus hésitant à donner mon numéro et je suis de plus en plus hésitant aussi à donner... Supposons que je veux faire un virement dans une caisse ou dans une banque par téléphone, je suis de plus en plus hésitant aussi à donner les informations. Et, en même temps aussi, le petit machin, le petit papier qu'on nous retourne quand on va au guichet automatique et qu'on jette dans la petite boîte, je suis de plus en plus hésitant à le jeter dans la petite boîte, dans la poubelle, je le garde et, quand je veux le jeter, je le brûle. Est-ce que je suis en train de devenir paranoïaque?

M. Morency (Yves): Je pense que, dans tout système, l'individu qui utilise les différents moyens électroniques ou autres a une responsabilité. Quand vous dites que vous ne jetez pas dans la poubelle vos reçus de guichet automatique, moi, je dis que vous faites bien. Vous vous donnez un niveau de protection qui est le vôtre. C'est comme les NIP. Tout à l'heure, vous disiez qu'il y a certains membres qui utilisent leur NIP... ou quelqu'un d'autre utilise leur carte ou leur NIP à leur insu, Souvent, ce qu'on se rend compte après enquête chez nous – je ne vous dis pas qu'il n'y a pas d'exceptions – mais le NIP est inscrit à l'arrière, le NIP c'est l'adresse. Alors, quand ils viennent à la caisse prendre leur carte d'identité ou la carte de guichet automatique, on leur fournit l'information, on leur dit à quoi ils s'engagent et les mesures qu'ils devraient prendre pour éviter de donner à tout le monde ou à tout venant leur nom. Un peu comme au téléphone, donner son numéro, à distance, de sa carte Visa ou MasterCard, c'est une responsabilité de l'individu. Puis ce n'est pas les institutions financières qui forcent à le faire, c'est une pratique. Et là, quand même le consommateur aussi, je veux bien croire qu'il faut le protéger, mais il ne faut pas le protéger non plus à outrance. Ce n'est pas en le prenant par la main et en le surprotégeant qu'on va en faire un citoyen responsable.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais vous comprenez les préoccupations des consommateurs.

M. Morency (Yves): Tout à fait.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Parce que, quand on commence à parler de carte d'identité pour s'identifier pour aller voter, le consommateur commence à avoir de drôles d'interrogations puis il se dit: Bon, bien là qui va aller voter à ma place? Est-ce que c'est bel et bien vrai que je suis un tel? Est-ce qu'on va faire une enquête ou on va aller chercher de l'ADN pour vérifier si c'est la bonne personne?

Mme Sauvé (Charlotte): On comprend d'autant plus parce qu'il y a des éléments auxquels les citoyens sont extrêmement sensibles, notamment leurs informations financières, leur argent, et leurs informations de santé. C'est des choses qu'ils ne veulent pas divulguer à personne. Ils ne veulent pas que personne ait accès à ça sans leur autorisation. Alors, on est très conscient de ça et on vit chaque jour depuis des années avec ces problèmes-là.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste une dernière question au niveau technologique.

Le Président (M. Gaulin): Rapidement, c'est terminé. Allez-y, rapidement.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce qu'il est vrai qu'au guichet automatique, le petit bip sonore que nous entendons quand on fait une transaction est le même que le bip sonore dans un «touch-tone», excusez l'expression, téléphonique? C'est une question très pointue, là.

Mme Sauvé (Charlotte): Je ne pourrais pas vous dire ça, je ne le sais pas.

M. Morency (Yves): On peut le noter. On le note et...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): On m'a déjà dit qu'avec un modem on pouvait détecter ton numéro.

Mme Sauvé (Charlotte): Sauf que les lignes en arrière, ce n'est pas des lignes publiques, c'est des lignes privées. C'est des réseaux privés. Ce n'est pas des lignes téléphoniques.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je n'ai pas plus l'information que vous. Je m'interroge.

Le Président (M. Gaulin): Vous pourrez nous écrire à la commission.

M. Morency (Yves): Oui, tout à fait, on vous fournira l'information.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je pense que, moi, je vais hasarder une réponse à la question précédente. Lorsqu'on appuie pour son NIP à un «automatic bank teller», c'est monotone. Ça ne change pas de sonorité comme ça le fait dans le téléphone.

Une dernière question. Il y a un éditorialiste qui a dit que la carte d'identité généralisée, multifonctionnelle, etc., constituait une excellente solution à aucun problème connu. Peut-être que je profiterais des quelques minutes qu'il nous reste à la fin pour vous demander quels sont les réels problèmes actuels d'identification? Je connais bien les anecdotes de votre rapport, mais j'aimerais bien savoir, selon vous, à quels problèmes réels est-ce qu'une carte d'identité constitue la solution?

M. Morency (Yves): Écoutez, ce qu'on a voulu témoigner ici aujourd'hui, nos deux institutions, d'une part, c'est notre expertise par rapport à l'utilisation qu'on a de nos propres cartes, comment est-ce qu'on les protège, comment est-ce qu'on établit un niveau de confiance, et une question de commodité. Ce qu'on a voulu quand même vous démontrer, c'est qu'il y a des utilisations... Tout à l'heure, quand on parlait qu'on utilise différentes pièces d'identification, on les prend, bien sûr. Mais, pour le consommateur, ça devient peut-être fastidieux d'avoir à répondre à plusieurs cartes ou traîner plusieurs cartes et, pour nous, bien sûr, aussi, c'est une question de facilité.

Mais, au-delà de cette question, nous, on vous dit: Oui, ça serait intéressant qu'il y ait une carte d'identité reconnue par tous et chacun. Le consommateur, à notre sens, y trouverait son avantage; nous, on trouverait également le nôtre. Mais, au-delà de ça, je pense que la réponse vous appartient par rapport aux responsabilités que vous avez comme élus à l'égard de vos citoyens. Nous, on est venus témoigner de l'utilisation qu'on en faisait, ce qu'on pouvait voir et ce qu'on entend dire aussi de la part des consommateurs qui viennent chez nous, autant à la banque qu'à la caisse, pour obtenir des services. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on est venu discuter avec vous ce matin.

M. Mulcair: Puis on l'apprécie justement. Merci beaucoup.

M. Morency (Yves): Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, il me reste à remercier messieurs, dames des Caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec et de la Banque Nationale du Canada. L'échange est loin d'être terminé, mais, enfin, nous le poursuivons avec d'autres groupes. Moi, j'aurais aimé, entre autres, parler de la carte biométrique et soulever les problèmes sur la carte numérisée, mais le temps nous manque. Je vous remercie. Au plaisir.

Alors, j'invite la Chambre des notaires à se présenter à la table et le responsable ou la responsable à présenter les gens qui l'accompagnent. Alors, vous avez 20 minutes de présentation. Nous échangerons ensuite deux fois ce temps-là. J'invite le porte-parole à s'identifier.


Chambre des notaires du Québec (CNQ)

M. Piette (Maurice): Alors, mon nom est Maurice Piette. Je suis vice-président de la Chambre des notaires. Je vais vous présenter mes compagnon et compagne: à ma droite, Me Michel Cloutier, qui est président de Notarius et membre du Bureau de la Chambre, et, à sa droite, Me Suzanne Thibodeau, qui est chargée de projet à Notarius.

Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission de la culture, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie de l'opportunité que vous nous donnez ce matin de vous présenter le mémoire du notariat québécois sur l'importante question des cartes d'identité et la protection de la vie privée.

Dans un monde de papiers, le notaire est depuis toujours au coeur de l'établissement de l'identité des citoyens. Le législateur a choisi de conférer à ses constats en ce domaine la même authenticité que celle attachée aux actes de l'autorité publique et les tribunaux lui reconnaissent d'emblée cette fonction cruciale à l'établissement des relations juridiques dans notre système de droit civil.

Le notaire, confident des citoyens, est également amené à s'assurer de la protection des informations qui lui sont confiées, notamment par ses obligations déontologiques à la confidentialité et à l'impartialité. Nous sommes donc, au premier chef, intéressés à la réflexion entamée par la commission de la culture.

(10 h 10)

En ces temps où le monde entier doit s'adapter aux impacts incontournables de nouvelles technologies de l'information sur tous les aspects de la vie des citoyens, la Chambre des notaires a choisi d'agir de façon proactive afin de donner à ses membres les moyens d'assurer adéquatement la protection du public et de mieux servir notre société sur les autoroutes de l'information. C'est pourquoi le notariat a mis en oeuvre un ambitieux plan d'intégration technologique. En effet, depuis le début de cette année, les quelque 1 500 études notariales présentes dans la quasi-totalité des localités du Québec sont en voie de se relier en un réseau sécurisé répondant aux hauts standards de fiabilité et de confidentialité associés à l'exercice de la profession de notaire. Au fur et à mesure de l'évolution de notre plan d'intégration technologique, les citoyens pourront ainsi avoir accès tout près de chez eux à un ensemble de services notariaux entièrement informatisés visant à assurer la sécurité technique et juridique de leurs transactions électroniques. La Chambre des notaires a confié la réalisation de ce plan à sa filiale qui s'appelle Notarius dont le président, Me Cloutier, Michel, va maintenant vous présenter le mémoire de notre ordre professionnel.

M. Cloutier (Michel): Rapidement, en six points. D'abord, au niveau de la problématique, les besoins et enjeux reliés à la carte d'identité nationale, je vais faire un bref résumé. On va aborder quelques pistes de solution. Ensuite, les aspects fonctionnels, économiques et sociaux. Je vais aborder le cadre législatif. Ensuite, les impacts potentiels, avant de conclure d'ici à à peu près 17 minutes ou quelque chose comme ça.

D'abord, au niveau de la problématique, il faut tenir compte des besoins exprimés par les divers acteurs de la société québécoise. D'ores et déjà, les divers acteurs économiques et les citoyens entrevoient la nécessité d'un moyen d'identification qui soit efficace, qui soit sécuritaire et qui leur assure la confidentialité à laquelle ils considèrent avoir droit.

Le premier besoin, c'est un mécanisme d'identification permettant un meilleur contrôle de l'information personnelle. On a toujours l'impression, lorsqu'on utilise un mécanisme d'identification traditionnel, qu'il y a dans ce mécanisme-là des informations superflues pour la personne à qui on les fournit et qui, par ailleurs, sont conservées dans ses livres, dans ses registres et qui peuvent être utilisées à d'autres fins. Par exemple, quand j'utilise mon permis de conduire pour m'identifier à la banque ou ailleurs, il y a mon numéro de permis de conduire qui n'est d'aucun intérêt pour la personne auprès de qui je m'identifie, mais je suis obligé soit de sortir cette carte-là, soit la carte d'assurance-maladie qui a un autre numéro, soit autre chose dans lequel on va trouver les informations que je n'ai pas vraiment intérêt à rendre disponibles à mon interlocuteur.

Deuxièmement, pour l'État particulièrement, l'élément réduction des coûts de traitement et prestation des services nous apparaît important en ce sens que les divers intervenants doivent s'adapter à une multitude de modes d'identification des citoyens, ce qui augmente les coûts et ce qui, particulièrement sur les autoroutes de l'information, devient difficile à gérer, dans le sens qu'une méthode unique d'identification et de traitement de l'information relative à l'identification des individus aura pour effet de réduire les coûts de traitement pour l'État et pour les entreprises et aura pour effet d'améliorer la prestation de services.

Réduction de la fraude. Je ne peux m'empêcher de constater que, dans bien des cas, l'État n'a pas les moyens de s'assurer de l'identité de la personne qui s'adresse à lui, en ce sens que, lorsqu'une information sur un citoyen lui est demandée par écrit, l'État n'a aucun moyen de vérifier si, effectivement, la personne qui signe la lettre, qui signe la demande est bien la personne qu'elle prétend être. Et l'État actuellement ne peut pas matériellement s'assurer de l'identité de ces personnes-là. Il y a un risque qu'un individu puisse obtenir des renseignements sur un autre individu, en prétendant être cet autre individu, sans que l'État n'ait les moyens d'aller vérifier. La mise en place d'un système qui permettrait à chaque organisme public d'aller vérifier les demandes qui lui sont présentées par des citoyens, les demandes d'accès à l'information particulièrement qui lui sont présentées par les citoyens – ces moyens-là sont énormes, c'est des moyens qui devraient être mis en place à chaque fois – c'est un coût important, alors que la présentation d'une carte d'identité sécuritaire, sécurisée et qui assure la confidentialité des informations qui y sont inscrites, l'utilisation de cette carte permettrait à l'État de s'assurer de l'identité de la personne qui demande un service.

Je vous donne un exemple très rapide qui est dans le domaine commercial. Au registre des personnes morales, des entreprises individuelles et des sociétés, n'importe qui peut signer un document et l'envoyer. Il n'y a jamais aucune vérification qui est faite sur l'identité de la personne qui envoie le renseignement. Ça se multiplie à des quantités importantes au niveau de l'État, ce genre de problème là, et il n'y a aucune vérification qui est faite, ce qui fait que, éventuellement, la protection que l'État donne aux renseignements nominatifs des particuliers est relativement limitée, et la carte d'identité aurait pour effet d'améliorer cette protection, qui est accordée par l'État, aux renseignements nominatifs qui sont protégés par la loi sur l'accès. Donc, troisièmement, réduction de la fraude.

Amélioration des services aux citoyens. L'État, actuellement, doit se limiter dans les services qui sont offerts sur les autoroutes de l'information, notamment par des questions de sécurité. Par ailleurs, les citoyens eux-mêmes se limitent dans l'utilisation des autoroutes de l'information à cause des questions de sécurité. Le commerce électronique a tendance à avoir de la difficulté à démarrer parce qu'on est incapable d'identifier la personne qui est assise derrière l'ordinateur. On est capable d'identifier l'ordinateur relativement facilement, mais la personne qui est assise derrière, ça devient très difficile. Alors, l'amélioration des services aux citoyens, à la fois pour l'État et pour les entreprises, c'est un élément important, à notre avis, de l'implantation d'une carte d'identification.

Sécurisation technique et juridique des transactions électroniques, c'est un élément essentiel si le Québec doit devenir concurrentiel dans le secteur du commerce électronique. L'ensemble des pays du monde recherchent actuellement des moyens de sécuriser le commerce électronique et de s'assurer de la sécurité à la fois juridique et technologique, et ça, le Québec aurait une excellente occasion de s'inscrire en avant de l'ensemble des pays du monde dans ce secteur-là.

Les enjeux de la carte d'identité nationale. D'abord, le premier, c'est de respecter les principes de protection de la vie privée, d'abord au niveau de la collecte, de la confidentialité, de l'utilisation, de la finalité de la carte et de la transparence du processus. Deuxièmement, c'est de respecter le contrat social démocratique. Le contrat social démocratique, au Québec, est basé sur la liberté, le choix des citoyens et un contrôle personnel sur la manière d'entrer en relation avec l'État et avec d'autres citoyens. Il faut, par ailleurs, éviter des choix qui soient dirigés par des questions purement administratives ou purement d'intérêt, de façon de voir, de mode, par exemple. Il ne s'agit pas d'entrer dans une mode technologique. Il s'agit de s'assurer que le citoyen a un intérêt à avoir et à utiliser une carte d'identité. Si le citoyen n'a pas intérêt à utiliser et à avoir une carte d'identité, la carte d'identité va devenir quelque chose de négatif, elle va devenir quelque chose de repoussé, de rejeté. Si le citoyen y a un intérêt, à la fois au niveau de la protection de ses renseignements privés et de la facilité avec laquelle il entre en relation avec l'État, le citoyen va être heureux d'utiliser une carte d'identité.

(10 h 20)

Quelques pistes de solution. La carte d'identité, à notre avis, pourrait être une nouvelle carte de citoyen multiservices à microprocesseur. Cette carte permettrait au citoyen, via un guichet électronique, d'accéder à des informations générales sur les programmes et les services du gouvernement, d'accéder de façon sécuritaire à des informations sur ses dossiers personnels, d'effectuer des demandes de services auprès des organismes participants et d'effectuer une mise à jour d'adresse unique pour l'ensemble des organismes participants identifiés par le citoyen, toujours avec l'identification préalable du citoyen de telle sorte qu'une information ne se retrouve pas dans un fichier public ou privé sans son consentement.

La carte d'identité multiservices pourrait comprendre les fonctionnalités suivantes. D'abord, des cases de mémorisation sécurisées qui permettent des accès particuliers à certains intervenants et qui ne sont pas autorisés à d'autres.

Signature électronique et encodage, signature électronique pour des raisons d'identification et pour des raisons de sécurité. Cette signature pourrait à la fois être utilisée par l'État et, au niveau du commerce électronique, par le citoyen lui-même pour s'identifier, pour assurer les autres de son identité et du fait qu'il contracte valablement avec la partie avec qui il transige.

Troisièmement, porte-monnaie électronique. La carte multiservices pourrait ainsi devenir une clé d'accès à l'autoroute de l'information, et une clé d'accès privilégiée que le Québec aurait une chance de mettre en place à peu près avant tout le monde.

Processus d'émission et de gestion des cartes multiservices. Nous suggérons que l'État recoure à plusieurs intervenants dans cette gestion des cartes qui est une gestion, on le sait, très pointue et pour laquelle le citoyen doit être assuré de la sécurité du processus. D'abord, le législateur doit veiller à l'établissement d'un cadre législatif adéquat entourant l'utilisation de la carte. Il doit s'assurer de tous les éléments de protection de la vie privée et de l'établissement de la finalité des cartes. La Commission d'accès à l'information gère déjà les accès aux organismes et devrait avoir l'autorité pour vérifier l'utilisation et l'application de la loi.

Un centre de certification devrait gérer l'émission, la distribution et la révocation des cartes. La Chambre des notaires est en voie actuellement d'établir un centre de certification pour l'ensemble de ses membres, centre de certification qui, éventuellement, sera ouvert à l'ensemble des citoyens qui voudront bien utiliser les services notariaux. L'état civil, pour fins de certification des cartes, devrait transmettre les avis de décès au centre de certification pour s'assurer qu'une personne n'utilise pas la carte d'une autre personne décédée.

En dernier point, à notre avis, le notaire, en tant qu'officier public, en tant que détenteur d'une parcelle de l'autorité publique et en tant que chargé depuis toujours de l'identification des citoyens, devrait être la personne désignée pour certifier l'identité du citoyen. Un avantage de cette formule est évidemment que le notariat est présent – Maurice Piette l'a indiqué tout à l'heure – dans 1 500 endroits au Québec. Il y a très peu de localités – il faut qu'elles soient très petites – où il n'y a pas un notaire. Donc, le notariat, le centre de services, le point de services serait aisément accessible, évidemment, à faibles coûts pour l'État qui n'aurait pas à établir un centre de services spécialisé et à former des gens pour identifier des citoyens. On a déjà des gens formés à identifier les citoyens, on sait comment faire et, par ailleurs, on a déjà un réseau de points de services dont l'État pourrait adéquatement bénéficier.

Aspects économiques. Il nous semble important, avant d'entrer dans l'établissement d'un système de carte multiservices, de faire une étude coûts-bénéfices exhaustive en ces temps où l'État cherche à contrôler l'utilisation de ses sous. C'est un premier élément important. Au niveau du financement des infrastructures, il nous semble important de répartir les coûts entre les organismes bénéficiaires et d'utiliser les infrastructures du secteur privé qui sont déjà en place. Troisièmement, au niveau du financement des opérations, il nous semble possible de vendre de la publicité sur le guichet multiservices et d'inclure des applications commerciales pratiques, tel le porte-monnaie électronique, en échange de redevances pour l'État.

Aspects sociaux et impacts sur la protection de la vie privée. Les moyens choisis pour mettre en oeuvre la carte d'identité doivent respecter les grands principes de protection de la vie privée, notamment: prévenir l'accès non autorisé, la collecte et la communication illégale de l'information personnelle; freiner le détournement de la finalité des données; prévenir la désuétude des informations; et permettre le contrôle de la consultation et de l'échange d'informations entre organismes.

Les moyens que nous suggérons pour ce faire, c'est déterminer la finalité de la carte de façon précise et réduire les conflits résultant de finalités contradictoires, maintenir le principe général de l'étanchéité entre les organismes – il nous semble important – laisser le choix au citoyen de déterminer quels sont les organismes qui ont accès aux informations contenues sur sa carte, attribuer un numéro à la carte elle-même plutôt qu'un numéro permanent à l'individu, doter la Commission d'accès à l'information d'outils informatisés pour détecter les usages illégaux de la carte ou des informations personnelles sur le citoyen et instaurer des pénalités très sévères en cas de contravention à la loi.

Au Québec, le contrat social est basé sur les principes démocratiques suivants: le droit du citoyen à l'anonymat et à la liberté, le droit du citoyen à l'autodétermination, contrôle de ses informations personnelles, le consentement libre et éclairé du citoyen aux services offerts par le gouvernement. Afin de respecter ces principes, la carte d'identité, à notre avis, doit être volontaire. La carte d'identité doit être un moyen d'identification unique plutôt qu'un outil de repérage permanent des individus.

Au niveau législatif, il nous semble important d'interdire les usages non spécifiés ou non autorisés de la carte d'identité, d'interdire aux entreprises le droit d'exiger la carte d'identité, bien que le citoyen puisse la fournir volontairement pour obtenir un service d'une façon particulière, d'interdire le maintien de profil de l'individu à partir d'informations transactionnelles, de prévoir des pénalités sévères en cas de contravention à la loi et de respecter les principes de protection de la vie privée internationalement reconnus afin de promouvoir l'interopérabilité des systèmes.

Impacts potentiels de la solution que nous proposons pour le citoyen. Il s'agit d'abord d'un moyen d'identification permettant un meilleur contrôle de l'information personnelle. Il s'agit également d'un moyen d'accès plus rapide et plus économique aux services publics. Il s'agit enfin d'un moyen de transiger de façon sécuritaire, confidentielle et légale sur l'autoroute de l'information, plaçant ainsi le citoyen en mesure d'utiliser à plein les instruments disponibles sur l'autoroute de l'information.

Pour le secteur public, il s'agit d'abord d'un usage optimal des ressources informationnelles tout en respectant les garanties de protection de la vie privée, d'une réduction des frais administratifs reliés à la collecte et à la mise à jour de l'information, d'une réduction des frais reliés à la prestation des services publics, d'une réduction de la fraude et d'une amélioration du contrôle de l'admissibilité aux services, et de la création d'un environnement favorable au développement de l'autoroute de l'information.

Pour le secteur privé, évidemment, il s'agit tout d'abord de la sécurisation technique et juridique des transactions électroniques qui leur permettra de faire du commerce électronique sur une large base, de la création d'un environnement favorable au déploiement de l'autoroute de l'information et au rayonnement de la société québécoise, de la stimulation d'une masse critique d'utilisateurs de services télématiques, de la possibilité de développer de nouveaux créneaux de marché et d'exploiter le savoir-faire québécois, et de la mise en valeur des infrastructures technologiques existantes ou en voie de développement.

Pour le Québec, il s'agit d'un positionnement sur l'autoroute de l'information en tant que chef de file en matière de traitement de l'information tout comme en matière de protection de la vie privée, d'une participation également dans l'élaboration des normes au niveau international, ce qui réduit le risque d'adopter des stratégies ne permettant pas l'interopérabilité, l'interconnexion et le commerce électronique avec d'autres systèmes et ce qui réduit également les risques de se faire imposer des procédures ou des processus par d'autres systèmes.

En conclusion, la carte de citoyen multiservices telle que proposée peut s'avérer une solution intéressante dans la mesure où elle offre une solution viable aux problèmes actuels tout en permettant l'atteinte d'un juste équilibre entre les bénéfices escomptés et le respect des principes fondamentaux de notre société québécoise. Toutefois, la solution doit s'arrimer aux projets actuellement en voie de réalisation, tant chez les organismes publics que chez les organismes privés, et impliquer la concertation de tous les intervenants. Il nous apparaît que l'État est actuellement devant un choix: Doit-il laisser le secteur privé développer lui-même une carte d'identité qui soit utilisée sur les autoroutes de l'information de façon très large ou s'il doit s'assurer de contrôler et de normaliser une carte d'identité qui soit utilisable à la fois par l'entreprise privée et par l'État, mais sous le contrôle de l'État?

Le Président (M. Gaulin): Alors, avec cette dernière question très pertinente, M. le président, nous allons faire la période d'échanges. J'ai deux demandes de ce côté-ci: M. le député de Vachon et M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques; et M. le député de Chomedey. Alors, par alternance. M. le député de Vachon.

(10 h 30)

M. Payne: Ça me fait plaisir de vous accueillir ici ce matin. C'est très intéressant de la part de la Chambre des notaires de nous faire part de son intérêt dans ce dossier. Vous abondez encore en faveur de la carte multiservices comme un outil pratique pour le citoyen et, comme je l'ai dit tout à l'heure, je voudrais adopter l'attitude d'un avocat, de prudence en faveur de nos électeurs, nous-mêmes aussi, c'est-à-dire les consommateurs.

J'ai un certain nombre de préoccupations, c'est bien connu, sur la question des banques de données. Bref, plus nous avons de cartes, surtout s'il s'agit de cartes multiservices, même si c'est protégé par secteur, mon expérience, c'est que, sur le plan technique, pratique et commercial, ça peut être utilisé pour faciliter la compilation des données pour les banques centralisées, comme Équifax et d'autres. J'aurais moins de réticences si la carte multiservices pouvait avoir une composante où le citoyen aurait droit, le «déteneur» aurait droit d'avoir sur ses cartes les informations qui sont obtenues par ces regroupements, comme Équifax, c'est-à-dire qu'il aurait lui-même dans sa position les mêmes données que les banques de données ont.

Dans votre mémoire, vous dites que la carte, en plus de pouvoir être utilisée en tant que carte d'identité dans les différents comptoirs de services gouvernementaux, permettrait au citoyen d'accéder aux services télématiques suivants. Le deuxième, vous indiquez: Informations sur le dossier personnel. Est-ce que vous abondez dans le même sens que je viens de vous dire, c'est-à-dire que le «déteneur» puisse avoir, comme partie du contenu de cette carte-là, les informations à son sujet qui sont actuellement détenues par les entreprises de données numériques?

M. Cloutier (Michel): En termes de quantité d'informations, si on amenait sur la carte elle-même l'ensemble des informations détenues par l'ensemble des organismes qui s'intéressent à nous d'une façon ou d'une autre, il n'y aurait pas suffisamment de place sur la carte pour emmagasiner tout ça. Par ailleurs, une carte de cette sorte pourrait facilement permettre au citoyen d'accéder à l'ensemble des organisations qui détiennent des informations sur lui. En ayant une liste des organisations qui peuvent détenir des informations sur lui, parce qu'on n'a pas cette possibilité-là actuellement en tant que citoyen, en ayant joint à la carte une liste des organisations qui peuvent avoir des informations sur nous, en accédant au réseau, à l'Internet, ou aux réseaux publics, on peut à ce moment-là facilement aller chercher l'ensemble des informations que les gens ont sur nous, ce qui n'est pas le cas actuellement. Et si l'État mettait une obligation aux détenteurs de banques de données de permettre ce type d'accès là, à ce moment-là, le citoyen aurait une poignée importante.

M. Payne: Donc, vous seriez d'accord avec moi que la carte multiservices, dans la mesure où ça amène au «déteneur» plus de contrôle, tu lui donnes plus de contrôle sur les informations qui circulent à son sujet... vous pensez que, ça, ça pourrait être du progrès.

M. Cloutier (Michel): Je crois que ça peut être un élément positif.

M. Payne: Parce que, quand j'ai posé la question aux banques tout à l'heure, je leur disais que je n'avais pas d'objection qu'elles puissent chercher l'information pour vérifier le crédit du client, mais que c'était une question d'éthique et essentielle pour l'intérêt du client, pour la société en général, que le client puisse en même temps avoir connaissance de cette information tirée par une institution financière. C'est ça, ma préoccupation. Le principe qui sous-tend ma préoccupation, c'est que l'électeur, le citoyen, le consommateur devrait avoir une connaissance de ce qu'il y a sur son sujet, dans un premier temps et, dans une certaine mesure, un contrôle de ce contenu-là. Je ne peux pas éteindre le feu si je ne sais pas où est-ce qu'il est.

M. Cloutier (Michel): Tout à fait.

M. Payne: On a vu ici, on le voit à chaque jour dans les journaux, Protégez-vous en parle souvent, les groupes comme Équifax – je donne ça tout simplement comme exemple – ont beaucoup d'inexactitudes au sujet de l'individu. Vous êtes d'accord?

M. Cloutier (Michel): Tout à fait, mais on n'a pas les... Pour Équifax, je ne sais pas. Mais il est très certain que, sur l'ensemble des bases de données qui sont conservées sur les citoyens par toutes sortes d'organisations, il y a énormément d'erreurs. Mais le citoyen, lui, actuellement, même s'il a un droit d'aller vérifier ces informations-là, n'a pas les moyens de le faire...

M. Payne: C'est ça.

M. Cloutier (Michel): ...parce qu'il ne sait pas où s'adresser. Il n'a pas non plus les moyens de s'identifier auprès de ces organisations-là de façon adéquate pour que l'organisation mette, une organisation qui veut vraiment respecter la loi...

M. Payne: Seriez-vous d'accord avec une disposition législative qui dirait que, lorsqu'une institution cherche de l'information auprès d'un tiers, c'est l'institution qui devrait confier cette information-là aux intéressés, c'est-à-dire le client?

M. Cloutier (Michel): C'est évident.

M. Payne: C'est évident. O.K. Je vous laisse avec deux exemples. J'ai magasiné dernièrement chez Réno-Dépôt, puis on m'a demandé, par exemple, les premiers trois chiffres de mon code postal. On sait très bien que c'est la constitution d'une banque de données sur l'individu, les goûts du client, ce qu'il achète, à quel endroit il arrive, et tout cela. On sait très bien que les banques ont déjà accès et sinon déjà le revenu de l'individu, ses goûts, et tout.

Il y a d'autres exemples qui sont soulevés par la Commission d'accès à l'information, c'est-à-dire que, maintenant, les municipalités, de plus en plus, elles ont tendance à rendre public sur l'Internet le rôle d'évaluation de leurs résidents, les propriétaires, sans le consentement du client. Seriez-vous d'accord pour que le législateur considère amender la loi d'accès, notamment la section 55 qui concerne l'accès aux documents et aux datas... Est-ce que vous seriez d'accord que ça devrait être amendé pour s'assurer que cette information-là ne peut pas être trafiquée ou rendue publique à l'insu et contre l'intérêt du client?

M. Cloutier (Michel): Concernant l'évaluation municipale, la loi d'accès prévoit qu'un renseignement est nominatif lorsqu'il concerne un individu. L'évaluation municipale concerne un immeuble. Ça semble à prime abord un élargissement de la notion de vie privée qui est quand même assez importante. Par ailleurs, l'évaluation municipale est la base de l'établissement de la taxation et tous les citoyens ont intérêt à être certains, pour des motifs de transparence, que la taxation est fixée de façon correcte, de façon juste et équitable. Et lorsqu'on arrive à la taxation municipale, ça poserait un problème de dire: elle n'est plus accessible à personne sauf au citoyen, le citoyen lui-même qui est concerné.

Par ailleurs, relativement aux organismes municipaux, je sais déjà que les notaires ont certaines difficultés dans leur pratique à obtenir des renseignements de la part des municipalités. Et l'impression que j'en ai au niveau des renseignements municipaux, c'est qu'il y a plutôt une tendance à aller beaucoup plus loin que les exigences de la Loi sur l'accès que d'aller moins loin. On a de la difficulté, par exemple, à obtenir des certificats de taxes lorsqu'on fait une transaction, ce qui, en soi, est une aberration.

M. Payne: Par contre, et je suis d'accord avec vous, mais je pourrais vous indiquer des municipalités sur l'Internet où vous pouvez accéder facilement à l'information à propos du statut civil, par rapport à mon collègue de Nicolet-Yamaska, par exemple, en plus de ses préférences confessionnelles et tout.

M. Cloutier (Michel): Sur Canada 4-1-1, on peut avoir l'adresse de tous les abonnés au téléphone à travers le Canada sauf ceux de Québec-Téléphone. Alors, si vous cherchez quelqu'un, c'est facile. Mais, effectivement, ce genre de chose là devrait être à tout le moins divulgué, on devrait avoir la possibilité de s'en exclure, et faire en sorte que nos informations personnelles ne soient pas divulguées à notre insu, ça, ça me semble évident. Je parlais de Canada 4-1-1, il y a peu de monde qui sait que ça existe, là. Mais le jour où les gens vont commencer à... Je vous parlais de Canada 4-1-1 qui est un annuaire téléphonique pancanadien sur l'Internet, il y a peu de monde qui sait que ça existe...

M. Payne: Non, je l'ai.

M. Cloutier (Michel): ...et ceux qui l'apprennent se disent: Wo! on peut me trouver facilement.

(10 h 40)

M. Payne: Non, je l'ai. Je l'ai installé, je suis abonné, ça coûte à peu près 160 $, et les «à jour» sont envoyés régulièrement pour un coût nominal et c'est des informations absolument extraordinaires. Et vous pouvez repérer les informations nominatives par adresse, même par numéro civique, ou, par exemple, par le code postal. C'est vendu dans un logiciel, dans toutes les boutiques qui vendent des logiciels. C'est ça qui est inquiétant et c'est ça que je voulais soulever ce matin et tout à l'heure.

M. Cloutier (Michel): Il faut s'assurer que le citoyen a un moyen de connaître ces informations-là, de savoir qu'elles existent, de connaître ces informations-là et de pouvoir y accéder et de pouvoir les corriger ou intervenir si ces informations-là ne doivent pas être publiques.

M. Payne: C'est ça, premièrement, connaître l'information qui est tenue à son sujet et, deuxièmement, avoir les moyens de les contrôler et les faire vérifier et corriger à mesure.

M. Cloutier (Michel): Tout à fait.

Le Président (M. Gaulin): Bien. Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires au nom de l'opposition officielle. J'aimerais bien, M. le Président, que nos invités ce matin nous parlent un petit peu plus de leur filiale technologique, Notarius (TSIN). Est-ce que vous pourriez nous donner un petit peu plus de détails sur son fonctionnement et comment cette filiale, comme vous le dites dans votre document de la Chambre des notaires, a vu le jour.

M. Cloutier (Michel): Oui, tout à fait. La Chambre des notaires, depuis déjà de nombreuses années, est impliquée dans le développement technologique de la profession notariale, d'abord par le développement d'un logiciel pour la gestion des études notariales et, deuxièmement, par l'établissement d'un projet-pilote de documents informatisés, à Victoriaville, en 1993-1994, projet-pilote qui a permis de transiger entièrement de façon électronique entre des institutions financières, des bureaux de notaires et un bureau de la publicité des droits, de transiger des informations de façon entièrement électronique, dans des transactions réelles à distance, tout ceci en s'assurant de la légalité du processus et en ayant des documents papier lorsqu'il le fallait.

Ces expériences-là ont amené la Chambre des notaires à constater que le notariat avait quelque chose de particulier, quelque chose d'intéressant à apporter au développement des autoroutes de l'information et à l'accès aux citoyens pour les autoroutes de l'information. Alors, en juin de l'année dernière, la Chambre des notaires, qui avait des intervenants qui faisaient affaire avec plusieurs intervenants dans le secteur technologique, a décidé de regrouper l'ensemble de ces interventions-là sous une corporation sans but lucratif, dont les membres sont des membres du Bureau de la Chambre des notaires et dont le conseil d'administration est nommé par les membres du Bureau de la Chambre des notaires, et de regrouper l'ensemble des services qui sont offerts à la fois aux notaires et éventuellement aux citoyens et également à la Chambre des notaires, l'ensemble des services technologiques à l'intérieur de cette entreprise-là.

Notarius, c'est une entreprise sans but lucratif qui est effectivement gérée par les membres du Bureau de la Chambre des notaires et qui a actuellement une quarantaine d'employés: notaires, technologues, administrateurs, etc. C'est une entreprise qui est en train de faire sa marque particulière dans le domaine de la technologie professionnelle. On a été en nomination aux Octas de la Fédération québécoise de l'informatique pour la réalisation dont Me Piette vous parlait tout à l'heure, l'inforoute notariale, qui est un intranet de la profession notariale, qui est une première au Québec au niveau professionnel, un intranet qui vise à regrouper 1 500 bureaux de notaires dans un réseau sécurisé et organisé. On a été en nomination aux Octas de l'an dernier pour cette réalisation-là. Alors, Notarius, c'est une entreprise à la fois juridique et technologique, qui est une filiale de la Chambre des notaires.

M. Mulcair: Justement, en termes de constitution juridique, vu qu'on est avec des hommes et des femmes de loi, pourriez-vous nous dire s'il s'agit d'une entité qui jouit de la personnalité juridique, qui est séparée ou si c'est comme une direction au sein de la Chambre?

M. Cloutier (Michel): Notarius, c'est une entité juridique, une corporation sans but lucratif constituée en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies.

M. Mulcair: Est une filiale de la Chambre des notaires, parce que le hasard fait...

M. Cloutier (Michel): En fait, le terme «filiale» est un peu mal utilisé dans ce cas-là. C'est une corporation satellite beaucoup plus qu'une filiale. Elle est filiale de la Chambre des notaires dans la mesure où, d'après nos statuts, les membres du Bureau de la Chambre des notaires sont d'office les membres de Notarius et les seuls membres de Notarius. Donc, par le lien nécessaire entre les administrateurs de la Chambre des notaires et les membres de Notarius, les deux organisations sont intimement reliées et les orientations de l'une, évidemment, influencent les orientations de l'autre.

M. Mulcair: O.K. Merci pour cette précision-là. Une autre brève question, M. le Président, si vous me permettez. Dans son rapport annuel, cette année, le président de la Commission d'accès à l'information, dans son mot du président du début et dans le premier chapitre qui s'ensuit, parle de ce que, lui, perçoit comme étant une, et je le cite dans le texte, parce que, dans le texte, il utilise l'expression anglaise, «no man's land», il utilise cette expression-là pour décrire la situation de l'information détenue par les ordres professionnels. Est-ce que votre intraroute pour les notaires tient compte des préoccupations et des principes, même si la loi ne s'y applique pas, compte tenu de certaines décisions récentes des tribunaux, tient compte des principes de la protection de la vie privée tels qu'exprimés par cette Commission ou est-ce que vous vous en tenez strictement aux règles énoncées dans votre propre Code de déontologie et dans la Loi sur le notariat?

M. Cloutier (Michel): Dans la mesure où, actuellement, l'inforoute notariale est en développement, ce qui est disponible actuellement sur l'inforoute notariale, c'est le courrier électronique, l'accès à des informations publiques juridiques, des documents, de la documentation, des lois, les lois et règlements du Québec, bon, des informations juridiques publiques. Les informations sur les clients, sur les citoyens ne sont pas actuellement disponibles en ligne.

Ce que nous sommes en voie de faire, c'est de permettre le dépôt à distance, par les notaires, de leurs rapports de testaments et de mandats au Registre des testaments et des mandats et, pour cela, nous développons un système de chiffrement. Nous utilisons, en fait, l'algorithme RSA, qui est actuellement à la fine pointe de la technologie au niveau mondial, et l'utilisation de bi-clé, c'est-à-dire d'une clé publique, clé privée, d'un système clé publique, clé privée, qui permet d'assurer une confidentialité quasi absolue à l'information qui va transiger sur le réseau. Donc, le notaire va pouvoir déposer ses rapports de testaments et de mandats à distance et va pouvoir récupérer, recevoir le retour d'une recherche, le résultat d'une demande de recherche de la même façon, mais toujours avec l'utilisation de moyens sécuritaires. Par ailleurs, l'inforoute notariale étant un intranet, les lignes sont des lignes qui sont... on ne passe pas par l'Internet. On a un numéro d'accès directement au serveur et, à ce moment-là, on peut assurer une sécurité plus importante.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Mes autres collègues ont des questions, après l'alternance.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Et M. le député de Chomedey.

M. Boulerice: Pardon?

Le Président (M. Gaulin): Vous avez demandé la parole tout à l'heure.

M. Boulerice: Non.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Kelley: De Jacques-Cartier.

Le Président (M. Gaulin): De Jacques-Cartier, pardon. Excusez-moi.

M. Kelley: Ça, c'est Chomedey.

Le Président (M. Gaulin): Oui, oui, bien sûr.

M. Kelley: Merci beaucoup. J'ai une courte question. Premièrement, dans les avantages que vous avez mentionnés à la page 4, entre autres, on parle de la réduction de la fraude. Mais l'exemple que vous avez donné, après des années et des années d'une carte d'identité avec notre système d'assurance-maladie, il y a toujours de la fraude. Je ne sais pas, peut-être avec l'imagination et la créativité de nos fraudeurs et de nos «pas bons», dans notre société, j'ai des doutes qu'on va arriver à 100 % à éviter la fraude dans nos services gouvernementaux. Je pense qu'il y aura toujours des personnes créatrices, innovatrices, qui vont en être capables. On dit qu'il y a une autre carte d'identité... on a déjà, à l'intérieur de la Régie de l'assurance-maladie, une carte avec photo, avec beaucoup de données et, malgré ça, on a vu dans le dernier rapport du Vérificateur général, je pense, que 6 % des adresses à l'intérieur de ce super fichier, qui est supposé être sécuritaire et mis à jour, et tout ça... une adresse sur 16 n'est pas bonne. On a déployé beaucoup d'argent. Les deux gouvernements ont investi beaucoup dans les mises à jour, à actualiser, à moderniser, à acheter les meilleurs ordinateurs au monde pour tout ce système, et beaucoup de vendeurs sont venus devant les commissions parlementaires, devant les gestionnaires de la Régie de l'assurance-maladie, et, malgré tout ça, une adresse sur 16 n'est pas bonne.

(10 h 50)

Alors, je me demande vraiment: Est-ce que vous êtes convaincus qu'une autre carte d'identité va éviter la fraude, ou est-ce que la fraude, sans avoir... J'ai vu en Ontario, on parle, pour les assistés sociaux, peut-être de prendre des empreintes digitales et, moi, comme parlementaire, je résiste à ça parce que je pense qu'une empreinte digitale, c'est les bandits qui doivent fournir ça à l'État. Alors, c'est un préjugé que j'ai, que, pour le citoyen honnête... il n'y a pas nécessité pour l'État de prendre mes empreintes digitales. On n'est pas rendu là. Peut-être, un jour, ça peut éviter la fraude. On a parlé avec l'autre groupe tantôt des autres données biométriques; je pense, les yeux peuvent servir comme guide d'entrée dans tout ça. Mais on n'est pas rendu là au Québec, je pense. Alors, c'est quoi l'assurance que vous pouvez me donner qu'avec une autre carte, avec une autre photo, on va éviter la fraude?

M. Cloutier (Michel): Ce dont on peut être certain, c'est que, avec les nouvelles technologies de l'information, les moyens de frauder deviennent de plus en plus importants, ils deviennent de plus en plus faciles. L'autre élément dont on peut être certain, c'est qu'éviter la fraude à 100 %, c'est impossible. L'être humain étant ce qu'il est, on aura toujours quelqu'un de plus brillant qu'un autre pour trouver un moyen de frauder.

Par ailleurs, ce qui est important en matière de prévention de la fraude, c'est de s'assurer d'un système qui soit à la pointe des développements, en ce sens qu'il ne soit pas plus facile de le frauder que de passer dedans. En utilisant des moyens traditionnels, ce à quoi on risque d'arriver dans quatre ou cinq ans, c'est de s'apercevoir que nos méthodes de contrôle ne nous permettent plus d'assurer une protection même optimale contre la fraude. En maintenant des moyens traditionnels, ce dont on risque de s'apercevoir, c'est qu'ils ne sont pas adaptés à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information, particulièrement à l'utilisation d'Internet. Il faut, à mon avis, que l'ensemble des entreprises et l'État s'assurent d'une adéquation entre les moyens qu'ils mettent en place pour éviter la fraude et les moyens qui sont disponibles aux citoyens, qui ne sont plus ceux des années quatre-vingt, qui sont maintenant des moyens tout à fait nouveaux. La carte multiservices, à notre avis, n'éliminera pas à 100 % la fraude, c'est certain, sauf que ce qui risque d'arriver, c'est d'éviter d'avoir une augmentation de la fraude à cause de l'utilisation d'une nouvelle technologie.

Je donnais l'exemple des organismes publics qui n'ont aucun moyen de vérifier l'accès des citoyens aux informations nominatives qu'ils sont supposés protéger. Si on amène ça sur les autoroutes de l'information, cette problématique-là, ça devient tout à fait ingérable et tout à fait impossible à vérifier. Dans la mesure où on veut permettre au citoyen d'accéder facilement aux informations nominatives qui le concernent – parce qu'il va demander ça aussi, rapidement, de ne pas être obligé de se déplacer auprès d'une institution ou d'une entreprise pour connaître les informations que cette entreprise-là ou cette institution-là a sur lui, il va rapidement demander ça – à ce moment-là, si on veut permettre cet accès-là, il va falloir, à quelque part, avoir un instrument qui permette d'assurer par ailleurs la sécurité. Et cet instrument-là ne pourra pas être les moyens traditionnels parce que ces moyens-là visent une autre fonction.

M. Kelley: En tout cas, moi, je demeure sceptique sur la question de la fraude, parce que vous avez insisté beaucoup dans votre mémoire qu'on va prévenir la fraude avec une autre carte, et je demeure sceptique. Je comprends fort bien, avec les nouvelles technologies, que ça va exiger certains autres développements, une protection de ces banques de données.

Il y a une autre chose que j'ai trouvée un petit peu difficile dans votre mémoire, aux pages 8 et 9. Moi, je dois avouer que je ne suis pas chaud à l'idée d'une carte d'identité pour tout le monde, mais je ne pense pas que ce soit une question de manipulation politique. Je pense que j'ai droit à cette opinion, que j'ai le droit de vérifier auprès des témoins qui viennent ici si on a vraiment besoin d'une carte d'identité pour tous les Québécois, oui ou non. Et de suggérer que ça, c'est de la manipulation politique, je n'aime pas cette tournure de phrase. Je pense que c'est une opinion, qu'un parlementaire, avant de dire à l'État qu'il faut dépenser des millions et des millions de dollars pour créer une autre carte d'identité, on doit trouver: Est-ce qu'on a vraiment un problème? Est-ce qu'on a vraiment un besoin? Est-ce que la carte qui est proposée va solutionner ces problèmes ou est-ce que ça va occasionner d'autres problèmes? Alors, de dire qu'à la fois je suis... c'est un choix guidé uniquement par des pressions politiques, non, ce n'est pas du tout ça, mais, moi, je suis ici pour représenter les 47 000 électeurs de mon comté et j'ai le droit de poser ce genre de questions. Si je ne veux pas embarquer tout de suite dans un projet de cette nature, je ne veux pas être traité comme un manipulateur, parce que ce n'est pas ça du tout. Et comme je dis, moi, comme citoyen de 42 ans, je n'ai jamais eu de misère à m'identifier dans la société québécoise à date.

M. Cloutier (Michel): Avec tout le respect...

M. Kelley: Je dis: Ça, c'est un constat, je suis capable de louer un film au magasin vidéo, je suis capable d'aller à la banque et emprunter de l'argent, je suis capable d'avoir accès aux services gouvernementaux adéquatement.

M. Cloutier (Michel): Avec tout le respect que je vous dois, c'est précisément ce que dit la phrase, nous disons que l'instauration d'une carte multiservices ne doit pas être un choix guidé uniquement par des pressions politiques d'organismes intéressés à imposer une carte ou par un enthousiasme démesuré face aux nouvelles technologies de l'information. Alors, ce que nous disons, nous ne disons pas que les parlementaires font de la politique de façon inacceptable, nous disons qu'il ne faut pas, justement, que des groupes d'intérêts imposent une solution aux parlementaires.

M. Kelley: Non, non, mais on parle des effets surprenants de la manipulation politique.

M. Cloutier (Michel): Non.

Mme Thibodeau (Suzanne): Non, je pense qu'on faisait référence à ce qui s'est...

M. Kelley: Je ne le sais pas. Moi, je demeure sceptique, je vais demeurer sceptique...

Mme Thibodeau (Suzanne): Non, mais ce n'est pas...

M. Kelley: ...à ce type de projet parce que ça risque de coûter beaucoup plus cher. À date, entre autres, la Régie de l'assurance-maladie a insisté beaucoup, qu'elle veut garder ses données et ses fichiers distincts des autres. C'est très important compte tenu de la confidentialité et la nature de ses données. La Régie de l'assurance-maladie ne veut rien savoir des autres services. Alors, une carte multiservices ne l'intéresse pas parce qu'elle pense que les données médicales sur les citoyens du Québec sont mieux protégées dans une banque de données distincte. Alors, ça, ce n'est pas de la manipulation politique; ça, c'est l'avis de ce genre de personnes. Alors, je trouve que le ton, de dire qu'une carte multiservices, si on est contre ça, on est un dinosaure... Non, non, je pense qu'on a beaucoup de bonnes raisons de résister à ce genre de gros projets d'identité, multiservices, et tout ça. C'est ça, le point que je veux dire. Je trouve que le premier paragraphe de la page 9 laisse entendre qu'un dinosaure, comme moi, qui veut s'opposer à ça, je suis un manipulateur, et ce n'est pas ça. J'essaie de représenter les voeux de mes 47 000 électeurs, pas plus que ça.

M. Cloutier (Michel): Je vais vous rassurer, ce n'était pas notre intention...

M. Kelley: Merci.

M. Cloutier (Michel): ...de prétendre que vous étiez un dinosaure, loin de là.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député de Chomedey. Étant donné...

M. Kelley: De Jacques-Cartier. De Chomedey est celui avec la barbe.

Le Président (M. Gaulin): Excusez-moi. Je suis distrait, je m'excuse. Alors, M. le député de Jacques-Cartier. Et excusez-moi, M. le député de Chomedey. Problème d'identité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: J'accepte vos excuses, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): On a un problème de carte d'identité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Alors, je remercie beaucoup la Chambre des notaires de s'être présentée devant nous. J'inviterais le prochain groupe à se présenter, l'Association des détaillants en alimentation du Québec, avec l'intervenante, Me Carole Fortin, du moins c'est ce qui nous est indiqué ici.


Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

Une voix: Vous avez la bonne information.

Le Président (M. Gaulin): C'est bien ça? Bon. Alors, voilà.

Alors, je crois comprendre que M. Larochelle vous accompagne. C'est ça?

M. Larochelle (Serge): Bonjour.

Le Président (M. Gaulin): Le prénom? Serge Larochelle. C'est ça?

M. Larochelle (Serge): Oui.

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous avez la parole, Mme la présidente.

Mme Fortin (Carole): Bonjour. Effectivement, vous avez bien identifié, mais je veux juste m'assurer. Alors, mon nom est Carole Fortin, de l'Association des détaillants, à titre de directrice, relations gouvernementales et services juridiques. M. Serge Larochelle est ici; il est un marchand IGA à Lévis et notre président de notre régionale de Québec.

(11 heures)

Je vais vous expliquer brièvement ce que c'est que l'Association des détaillants en alimentation du Québec. On représente environ 9 500 indépendants, partout, dans toutes les régions du Québec. On a moitié-moitié: moitié dépanneurs, moitié magasins de surface moyenne à plus grande. Donc, en comparaison avec le reste du Canada, on peut vous dire que c'est 10 000 magasins ailleurs au Canada; ici, ils sont des indépendants alors qu'ailleurs au Canada il y en a 10 000 corporatifs, mais seulement 1 200 indépendants. Alors, c'est une particularité du Québec.

Nous aimerions aussi, comme prémisse, vous souligner un peu nos rapports avec notre clientèle. Comme vous le savez, le magasin d'alimentation a un peu remplacé le perron de l'église. La majorité de tous les consommateurs vont au moins une fois dans un magasin pendant la semaine et on calcule une moyenne de 30 % qui fréquentent le magasin d'alimentation deux fois par semaine. Alors, ça, c'est pour vous expliquer qu'on a une bonne relation avec nos consommateurs à ce niveau-là.

Aussi, au niveau argent, si l'on compte les détaillants et leurs familles, cela touche 500 000 personnes et commerces au Québec, c'est 85 000 emplois directs. Pour toute l'économie québécoise, ce secteur du détail, qui est environ 2 000 000 000 $, contribue en revenus aux différents niveaux de gouvernement 1 200 000 000 $, incluant les taxes sur le tabac dont, vous l'avez vu, il va être question dans notre mémoire.

Une autre prémisse qu'il faut comprendre, c'est le fardeau actuel des responsabilités imposé aux détaillants en alimentation. Vous avez tous reçu dans notre mémoire, et on l'a dans notre rapport annuel, un tableau qui synthétise les ministères et les dossiers qui sont relatifs aux détaillants, donc qui vous font comprendre que déjà nous avons beaucoup de responsabilités que nous nous sommes imposées et qu'il y a déjà beaucoup de réglementation dans le domaine de l'alimentation au détail, ce qui est aussi particulier au niveau de l'alimentation.

Maintenant, quelle est la position de l'ADA par rapport à une carte d'identité? On ne fera pas de débat moral, à savoir si oui ou non ça devrait être accessible aux gens, ni à la fraude possible. J'écoutais monsieur, tantôt. Quoiqu'il faut se l'avouer, actuellement, on laisse des traces partout, de l'information partout en arrière, et ça, c'est encore bien pire parce qu'on ne le sait pas. Mais, par contre, dans le cadre d'un fonctionnement en alimentation, on va vous faire comprendre une problématique particulière et c'est pour cette problématique-là qu'on pense que la carte d'identité est nécessaire.

Donc, quelles sont les problématiques? Il y a trois éléments. Premièrement, vous savez que le détaillant en alimentation a l'obligation, par les lois et les règlements du Québec et du gouvernement fédéral, de vérifier l'identité et l'âge des consommateurs pour des produits: le tabac, les boissons alcooliques. Et il semble que ça fonctionne tellement bien que le gouvernement envisage de faire la même chose pour les billets de loterie, ce à quoi, on vous le dit tout de suite, nous, on s'y oppose. Puis, en plus qu'on publicise le jeu Monopoly qui est accessible à des petits jeunes à partir de huit ans. Alors, ça, c'est une chose. Donc, on est déjà...

Ce n'est pas le détaillant qui, par plaisir, va dire: Écoutez, j'ai besoin de votre carte d'identité. Au contraire, c'est le gouvernement qui lui dit: Toi, détaillant, tu dois vérifier la carte. Tu dois vérifier l'âge et évidemment t'assurer que c'est cette personne-là qui a bel et bien l'âge pour des achats tels que le tabac et les boissons alcooliques. Évidemment, j'espère que, pour les loteries, ça va être enlevé. Et ça, c'est à l'opposé des commerçants parce qu'on a vu précédemment qu'il y a certains commerçants qui ont dit, ou des gens ont dit: Écoutez, c'est pour le bénéfice des commerçants. Donc, ce n'est vraiment pas dans cette optique-là que, nous, on a besoin d'une carte d'identité, ça nous est imposé.

On va aussi vous expliquer la contradiction dans les objectifs du gouvernement par rapport à une carte d'identité, et ce, par rapport à la vente notamment des produits du tabac et le concept du juste partage des responsabilités. En résumé, le détaillant doit obligatoirement exiger une carte d'identité parce qu'il lui est spécifiquement interdit de vendre à un mineur, sous peine de saisie et de fortes amendes, mais paradoxalement le mineur, lui, peut acheter du tabac. Parce que la loi fédérale ne lui impose aucune contrainte, il a tout à fait le libre choix d'en acheter.

Dans ce sens-là, nous, on regarde, parce qu'on sait que, comme gouvernement provincial, vous pensez effectivement adopter une loi dans la même veine que le fédéral et on se dit: Est-ce que c'est vraiment une façon de fonctionner? Est-ce que ça va vraiment sensibiliser le jeune et est-ce que c'est vraiment une incitation à ne pas fumer? Donc, c'est dire: Oui, exigez une carte, mais, en même temps, ne vendez pas, surtout... Puis de l'autre côté: Mon petit mineur, toi, il n'y a pas de problème, fume tant que tu veux. Même si tu mets en péril le travail du détaillant parce que tu peux en passer une, ce n'est pas grave, lave-toi s'en les mains. Un jour, tu grandiras et tu comprendras que, toi aussi, tu vas avoir une entreprise envers laquelle tu auras des responsabilités.

Le troisième, c'est un petit peu une aberration aussi, c'est qu'on dit: Ils doivent demander une carte d'identité, mais on n'a pas de carte d'identité officielle. Et là donc le détaillant, lui, il est pris au dépourvu: Je demande la carte d'assurance-maladie, je demande le permis de conduire. Et ça, n'oubliez pas, là, c'est obligatoire. Mais là, ah! ah! si tu demandes la carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire, tu es punissable. Tu commets une infraction et, encore, tu peux avoir des peines et des amendes. Alors, il y a une contradiction au niveau du gouvernement qui dit: Le détaillant qui a une adresse, qui paie ses taxes, qui est une personne qui est connue à travers sa région, alors, toi, facilement, on peut te taper sur les doigts. Donc, évidemment, ça, c'est pour s'assurer du respect des lois.

Alors, je vais vous expliquer un peu, brièvement, ce que je viens de dire en survolant mon mémoire – je vous le dis, je ne le lirai pas – et M. Larochelle, par la suite, émettra lui-même ses commentaires et vous expliquera au besoin c'est quoi un fonctionnement, comment ça se passe dans un magasin d'alimentation.

Donc, vous avez vu dans le mémoire c'est quoi, les réglementations au niveau du tabac, la même chose au niveau de la LIMBA. Et on vous dit, au niveau du tabac, qu'effectivement, si vous avez une réglementation, une loi à adopter, faites la même chose, c'est-à-dire mettez en infraction le mineur. La LIMBA le prévoit actuellement: Le mineur ne peut évidemment acheter de boissons alcooliques, sauf que – et d'où on vous soumettait aussi une carte d'identité – quelque part, s'il est pris à en acheter, comment voulez-vous prouver que c'est Carole Fortin, 16 ans, qui vient d'acheter des boissons alcooliques si je n'ai rien et si rien ne m'est imposé comme carte d'identité officielle du gouvernement? Alors, c'est aussi une contradiction par rapport à un objectif.

La loi, je vous avoue, si vous avez quelque chose à faire pour le tabac, ça serait de la copier identique, c'est-à-dire de s'assurer que le mineur a une responsabilité. Mais, en même temps, on vient de découvrir que c'est bien beau, mais comment s'identifie ce mineur-là dans l'éventualité où effectivement il se rend chez le détaillant, le détaillant lui demande une carte d'identité, il en produit une et, à la lecture même, elle a l'air vraie, comme vous savez, et finalement on s'aperçoit que non, c'est une fausse? C'est quoi? Le mineur, il «avait-u» une carte d'identité officielle? Est-ce qu'il peut raconter toutes sortes de sornettes? Alors, c'est une lacune qu'on considère. Donc, la carte d'identité officielle à partir de 14 ans, on dit: Dans le fond, ça serait peut-être une solution pour, dans notre quotidien, assurer un bon fonctionnement. Donc, vous avez vu, là... D'ailleurs, le document de réflexion sur la Commission d'accès à l'information le souligne bien, à savoir ce qui se passe avec la loi sur la carte d'assurance-maladie ainsi que le Code de sécurité routière qui prévoit aussi à chaque fois des infractions.

Que ça va vite! Je veux juste bien comprendre. C'est ça, effectivement, c'est le principe d'équité. Pour ainsi responsabiliser équitablement tous les citoyens, une carte d'identité obligatoire devient alors un moyen de connaître l'identité et l'âge d'une personne pour être en mesure d'entreprendre des procédures légales si cela s'avère nécessaire. Notre objectif n'est pas d'établir une dictature où règne la crainte d'être pris en défaut. Nous comprenons aussi que des détaillants en alimentation tirent un profit de la vente des boissons alcooliques et du tabac et qu'ils doivent donc avoir des responsabilités et suivre des normes gouvernementales. Néanmoins, le gouvernement, lui aussi, tire – on l'a dit précédemment – des profits importants provenant des taxes imposées sur ces produits que lui remet le détaillant à titre de mandataire.

C'est pourquoi, pour alléger le fardeau du détaillant en alimentation, qui, en réalité, supporte seul l'entière responsabilité de la vente de boissons alcooliques et de produits du tabac, le gouvernement doit accepter d'en faire partager une partie à l'acheteur, qu'il soit mineur ou majeur. Alors, nous croyons que la création d'une carte d'identité permettrait d'atteindre ces objectifs.

Ensuite, si on reste dans le quotidien ou dans le fonctionnement du commerce en alimentation, on vous a parlé dans le mémoire des chèques de bien-être social ainsi que des allocations. Comme vous le savez, il y a des personnes qui arrivent et qui disent: Voici, je veux payer en chèque d'allocations familiales ou de bien-être social. On veut juste vous expliquer que, dans l'éventualité où effectivement il s'avère que ce chèque-là est frauduleux, le détaillant, pour se faire rembourser, doit démontrer au gouvernement qu'il a bel et bien une procédure, un système de vérification de l'identité de la personne; il doit aussi s'assurer qu'il a bel et bien dit et expliqué, qu'il a bel et bien exigé une preuve d'identité.

Alors, on se retrouve toujours à la case départ. Le détaillant, oui, mais comment? Et, encore là, c'est une obligation du gouvernement, mais, à l'inverse, il n'y a rien qui peut lui assurer de se dire: C'est officiel, j'ai une carte d'identité à demander. Et, dans le fond, c'est ce qu'on veut vous faire comprendre. C'est bien beau aussi de dire: Le détaillant a la responsabilité, le détaillant a la responsabilité. Toutefois, est-ce que vous le savez, vous? Votre petit jeune qui se rend au dépanneur, est-ce qu'il sait qu'il faut qu'il montre sa carte d'identité? Je suis toujours fière d'aller au bar – et je n'ai pas encore 18 ans – et de dire: Je vais me faire discarter avec n'importe quelle carte. Mais, chez le détaillant en alimentation, ce n'est pas la même chose. Est-ce que les gens et le monde le savent? Oui, le détaillant supporte une responsabilité, mais c'est pour ça, ce n'est pas pour embêter sa clientèle qu'il le fait. Alors, ça, c'est ce dont on parle lorsqu'on parle de chèques de bien-être, d'écarter finalement les jeunes.

(11 h 10)

L'âge pour une carte d'identité. Pour vous expliquer brièvement, on a placé ça à 14 ans uniquement parce que effectivement, dans le Code civil, on dit qu'à 14 ans on est capable de se faire avorter sans l'accord de maman, papa. Quelque part, si le législateur en a ainsi convenu, on dit que c'est logique à ce moment-là qu'à 14 ans, bon, on ne change pas trop, trop, puis on a effectivement la maturité de dire: Je fume, je bois ou je veux le faire. C'est quoi les conséquences? Advenant qu'il arrive quoi que ce soit, en supporter les conséquences.

Alors donc, le principe d'une création de carte d'identité, on vous explique brièvement qu'avec le Big Brother et tout ça, là, on ne veut pas en faire un débat moral. Par contre, il faut vous le dire, c'est qu'actuellement, lorsque vous allez dans un magasin d'alimentation ou n'importe quel commerce qui vous demande votre code postal si vous achetez des petits pois, c'est enregistré. Il y a une entreprise spécialisée qui prend cette information-là et qui la donne au distributeur. Le distributeur dit après: Ah, compagnie Y, tes petits pois se vendent très bien. Mais ni le détaillant en alimentation ni le consommateur n'en retirent un bénéfice.

Donc, quand je vous dis: On laisse des traces, on en laisse, on en laisse, c'est un fait et ça se fait actuellement. Dire que ça va servir... Je reprends ce qui est écrit dans le document de la Commission d'accès à l'information qui dit que c'est une des craintes des gens que, par la suite, il y ait un profil des consommateurs. Ne vous inquiétez pas, vous êtes tous ciblés. Je peux vous dire, avec un peu plus d'expérience, quel type de consommateur vous êtes quand vous venez dans un magasin d'alimentation. Évidemment, vous en laissez, des traces.

Alors, tout ça pour vous dire un peu – puis M. Larochelle va vous l'expliquer – que quelque part il ne faut pas non plus se cacher la tête dans le sable puis dire: Bon, c'est odieux une carte d'identité. Je pense que la pire chose qui arrive, c'est qu'il n'y a pas d'information à cet égard-là, les gens ne savent pas ce qu'ils encourent, ce qu'ils donnent comme information. Et, encore pire, il y a des obligations qui sont imposées aux détaillants puis il n'y a personne qui le sait.

Exemple, la loi n° 132 qui oblige les détaillants à récupérer les contenants vides de boissons gazeuses et de bière. Si tu ne les récupères pas, il faut que tu arrêtes d'en vendre. Madame ou monsieur, je suis convaincue que vous continuez d'aller chez Jean Coutu – excusez de le nommer – ou un autre magasin, vous achetez la marque, vous continuez d'en acheter et vous ne pensez même pas d'aller y porter vos cannettes. Mon Dieu, ça serait sale dans la pharmacie! Mais, chez le dépanneur, ce n'est pas grave, il est fait pour ça!

Alors, comme vous voyez, on a beaucoup, beaucoup d'obligations, mais on n'est pas les seuls qui doivent en supporter et, bien honnêtement, on se dit: Il faudrait que ça se sache et que le gouvernement le dise, qu'il en fasse une bonne information.

Donc, en conclusion, notre position en faveur d'une carte d'identité se base sur le principe fondamental d'un juste partage des responsabilités à chaque individu. On ne s'acharnera pas à la demander, on vous dit juste que c'est une solution qu'on voulait proposer; que, nous, on vit une problématique puis, dans le cadre de cette problématique-là, et je dis bien «dans le cadre de cette problématique-là», les questions de fraude, tout ça, là, on ne pourrait pas vous répondre. On dit: C'est une solution qui est envisageable et qui doit être regardée attentivement.

Donc, voilà. Alors, peu importe si effectivement il y a une carte d'identité ou pas, il y a un fait qui demeure, c'est que, comme consommateur ou comme personne, on est mal informé ou ça ne se dit pas régulièrement, et ça, ça devrait donc être corrigé. Et, sur ce, comme, les détaillants, on vous a dit au départ qu'ils sont partout dans chaque région – tous les consommateurs passent chez nous – si vous avez besoin des détaillants comme intermédiaires, ça va nous faire un plaisir, si ça peut être profitable effectivement à tous. Voilà.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. M. Larochelle, vous vouliez vous adresser à nous.

M. Larochelle (Serge): Pour faire suite à Mme Fortin, moi, je n'appellerai pas ça une carte d'identité, je vais appeler ça un moyen de faciliter la tâche aux commerçants au Québec pour faire appliquer la loi qui sera en vigueur. C'est très important parce qu'on sait tous... J'écoutais le monsieur qui disait tantôt qu'il défendait beaucoup les droits de ses électeurs. Moi, ici, je vais essayer de défendre les droits de mes clients et des clients de mes confrères pour avoir une facilité à accélérer le service et aussi que les jeunes, que les parents soient informés.

Ça fait qu'on aimerait beaucoup que le gouvernement à ce moment-là fasse une très grosse campagne d'information qu'éventuellement il va y avoir des demandes d'identification répétées maintenant dans les points de vente où il y aura du tabac justement pour ne pas que les commerçants portent l'odieux comme quoi c'est eux qui demandent l'identification, mais bien qu'ils sont obligés par la loi de le faire. C'est très important.

Je vais vous raconter une petite anecdote. Vous vous retrouvez dans une file aux caisses du point de vente, d'information, où se retrouvent le tabac, la valideuse de Loto-Québec. Il y a une petite file et arrive un jeune qui est «borderline» un petit peu au niveau de son âge, et la caissière ou le caissier demande une pièce d'identification. Là, je n'ai pas besoin de vous dire que tout retarde et le jeune, en plus, dit: J'aimerais avoir un 6/49 de Loto-Québec. Et là j'imagine ce qui vous passe dans la tête comme consommateur: J'espère qu'ils font mettre quelqu'un d'autre pour venir aider la personne. Même s'il y avait une deuxième personne, la personne à la valideuse ne peut pas être utilisée parce que la preuve d'identité n'est pas encore faite. Pour le comble, le jeune sort une carte de débit pour faire le paiement. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est rendu drôlement laborieux et que ça tape du pied en arrière.

Ça fait que si, en plus, les gens ne sont pas au courant que la tâche de demander une preuve d'identité, ça ne vient pas des marchands, là, à ce moment-là la relation d'affaires avec la clientèle devient très mauvaise. Donc, on demande un support à ce niveau-là, qui est très, très important.

Aussi, on sait tous que des caissiers et des caissières maintenant, avec les nouvelles heures d'affaires... Comme moi, dans mon cas, mon commerce est ouvert 24 heures. Je fais du hockey au niveau de l'évaluation de talents pour le junior majeur et je regardais: avec les Remparts, il y a un jeune de 16 ans qui mesure 6 pi 4 po et demi et pèse 234 lb. Vous vous imaginez: il se présente le soir, à 23 heures. S'il n'a pas trop d'informations et si ce n'est pas devenu une éducation de la part des gens, le caissier ou la caissière peut être intimidé et peut effectivement ne pas demander de preuve d'identité. Donc, il y a toute une éducation à faire à l'intérieur de ça, qui est très, très importante.

J'écoutais tout à l'heure le débat sur la carte d'identité et, je vous le dis, moi aussi, je suis mal à l'aise avec ça. Je suis mal à l'aise dans le sens que ça n'a plus de bon sens. Tout le monde va savoir quasiment ce qui se passe, pas dans la chambre à coucher mais presque. Mais ça prend un moyen d'identifier la personne parce que la loi va nous exiger un comportement qui sera directif et aussi passible de très fortes amendes, pour mettre les commerces en péril. Donc, à ce moment-là, ça prend une façon qui sera aussi simple.

Je suis certain que les débats sont assez intelligents pour protéger les jeunes de ne pas fumer, parce qu'il a été déclaré que c'était très dangereux pour la santé, j'imagine qu'on peut avoir l'équivalent pour protéger les commerces et tous les gens, comme Mme Fortin l'a dit tantôt, qui aident la collectivité au niveau commercial dans toute la province de Québec, ce qui représente 85 000 personnes. Ça fait qu'on se dit qu'on est certain qu'on pourra avoir de l'aide au niveau de l'application. On n'a aucun problème à participer à protéger nos enfants. Il n'y a pas de problème là-dessus, on va être très heureux, mais donnez-nous aussi un moyen et surtout véhiculez le plus possible pour que les parents soient au courant que les enfants ne peuvent pas y aller, autant pour la loto que pour le tabac, même si on n'est pas d'accord... Ça prend effectivement de très bons moyens de communication pour que ça devienne une éducation très, très forte. C'est tout. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, bonjour madame, bonjour monsieur. J'ai bien aimé votre présentation. J'aurais quelques petites questions à vous poser. Vous parlez de la confiance aussi entre le consommateur et les distributeurs, exemple, les dépanneurs, marchés d'alimentation, etc. Je pense que la confiance doit s'établir de façon assez mutuelle aussi. Et j'en parlais tantôt avec mon confrère de Sainte-Marie–Saint-Jacques et leader. Depuis un certain nombre d'années, la confiance, je pense, s'est établie. Quand un consommateur va faire son épicerie, vous fonctionnez par codes. À l'endos d'une canne de jus de tomate...

(11 h 20)

M. Larochelle (Serge): Code universel.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je pense que la confiance est établie, supposons. Le consommateur fait confiance. En même temps, je me dis aussi: À partir de ce code-là, est-ce que vous êtes capable, si, moi, j'utilise une carte de débit, est-ce qu'il peut arriver que vous ayez le profil du parfait consommateur qui a 42 ans ou le profil de la consommatrice, mère et parent de deux enfants?

C'est parce que vous nous demandez de prendre nos responsabilités. Moi, je pense que vous avez tout à fait raison et je suis tout à fait d'accord avec ça, sauf que, moi, je me dis que c'est une question de confiance et de responsabilité de la part aussi des distributeurs.

M. Larochelle (Serge): Si on parle de carte de débit, le détaillant ne peut absolument pas avoir de l'information issue de la carte de débit pour une raison simple: On n'est que le circuit intermédiaire entre deux points, ce qui veut dire entre le consommateur et l'institution financière. En aucun temps. Il y a des machines qui sont là et ça sert de relais. Dans le fond, c'est un petit peu comme une ligne téléphonique qui se parle par numérisation et qui dit: Bon, bien, je voudrais obtenir x. Est-ce que tu me donnes l'autorisation de lui donner? C'est ce que ça dit.

La seule façon qu'il pourrait y avoir de l'information très pertinente sur des individus serait qu'il y ait un club de démarré, un club de fidélité, qu'on peut appeler, comme il y en a qui font. Là, à ce moment-là, s'ils ont le pedigree des individus, effectivement, il pourrait se lever... Je crois que même Club Price a actuellement une espèce de profil très précis du comportement de ses consommateurs. Mais, lui, a une carte d'identité très précise, ce qui n'est pas le cas de tous les détaillants indépendants.

Puis je me demande s'il y a 10 détaillants indépendants au Québec qui ont cette information-là. Pour une première raison, c'est les coûts reliés à ça. La plupart des petites PME n'ont pas les moyens de se donner ces infrastructures informatisées. Mais, par la carte de débit comme telle, aucun moyen, et c'est la même chose pour la carte de crédit, parce que, maintenant, il y a des points de vente qui ont les cartes de crédits. Encore là, c'est un relais.

Pour ce qui est de l'information des codes à barres, je vais vous expliquer un petit peu comment ça fonctionne. Il y a une compagnie qui s'appelle A.C. Neilson, qui est internationale, qui vend de l'information. Elle n'est pas juste en alimentation, elle est à plusieurs niveaux. Elle nous paie, nous, une certaine redevance pour dire combien j'ai vendu de tomates Aylmer 796 ml, mais elle ne me donne même pas l'information. Elle, par après, par l'échange de services pour lesquels elle a rémunéré le commerçant, elle revend l'information aux fabricants, aux distributeurs et ainsi de suite. Mais, en aucun temps il n'y a un nom de relié à cette information-là, jamais, parce que, nous, on n'en a pas, de nom, ce n'est qu'un échange de procédé.

Vous passez à la caisse. Vous achetez un Export A medium, exemple. On passe ça sur le «scan» et là ça enregistre et, à la fin de la semaine, ils viennent chercher l'information. Mais qui a acheté l'Export A medium? Moi, je ne le sais pas, A.C. Neilson ne le sait pas et le fabriquant non plus ne le sait pas.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais quand je paie avec une carte de crédit, supposons, une carte de débit, là...

M. Larochelle (Serge): Avec une carte de crédit, ce n'est que l'émetteur qui peut donner l'information.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais, vous, vous gardez une copie.

M. Larochelle (Serge): Si c'est fait manuellement, effectivement; à ce moment-là, il peut y avoir des choses précises. Si c'est fait par l'informatique, à ce moment-là, il y a la signature de la personne en bas et c'est tout.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non pas que je ne vous fais pas confiance.

M. Larochelle (Serge): Ha, ha, ha!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ce n'est pas ça qui est mon point.

M. Larochelle (Serge): Non, je vous dis le mécanisme.

Mme Fortin (Carole): Je veux juste peut-être différencier le détaillant indépendant versus le distributeur en alimentation, versus le manufacturier. Les détaillants que, nous, on représente aujourd'hui, c'est effectivement, comme M. Larochelle, des propriétaires de commerces. Le distributeur en alimentation, qui est la bannière qu'on connaît, principale: Provigo, Métro, Hudon et Daudelin, il y a Loblaws et Sobeys, sont des maisons-mères à qui des magasins corporatifs appartiennent. On parle de Super C, on parle de Maxi. Eux ont leurs magasins puis, évidemment, le distributeur, il peut savoir, par l'ensemble des commerces qui sont sous sa bannière, puis ça, ça ne revient pas au détaillant, lui, individuellement, mais le distributeur va savoir qu'au Saguenay–Lac-Saint-Jean il se vend du Quik en poudre, il paraît que c'est épouvantable, que ce soit en spécial ou pas; ils le savent par région. Ça, c'est des choses qui se savent. Mais, comme je vous le dis, c'est ce que je vous disais un petit peu en prémisse, le détaillant, lui, ça ne lui revient pas et il ne pourra dire: Bien, je sais que ma clientèle, moi, aime le Quick et je vais toujours m'assurer de l'avoir en hyper gros volume pour la desservir.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Il n'y a pas moyen de savoir, mettons, si l'ensemble des détaillants à travers le Québec, je ne sais pas, moi, vu qu'ils vont faire leurs achats dans des dépanneurs, c'est telle clientèle qui y va et elle achète telles choses.

Mme Fortin (Carole): D'accord, je vous convie à notre prochain congrès qui est à Québec, d'ailleurs, juste ici à côté, où il va y avoir... Et justement, l'idée est d'essayer – c'est le 3, 4, 5 octobre; c'est sérieux, vous viendrez – de faire comprendre aux détaillants d'aujourd'hui c'est quoi, le consommateur, et de pouvoir essayer de voir quel type de consommateurs. Parce qu'on croit beaucoup plus que, quand je suis dans mon commerce, dans une région, dans un quartier, c'est nécessairement qu'il y a des spécificités. Si on regarde à Montréal, vous ne mangerez pas nécessairement la même chose à Québec. Chacun a ses particularités.

Donc, nous, on croit beaucoup au micromarketing, c'est-à-dire de vraiment trouver c'est qui, ton consommateur. Mais, effectivement, ce n'est pas des trucs par les cartes d'identification, comme plus des trucs: Voici où s'en va ton évolution. Voici, quand tu regardes les consommateurs, veux veux pas, physiquement, semble-t-il qu'on laisse des traces de qui nous sommes. Alors, voilà, c'est plus dans ce sens-là.

M. Larochelle (Serge): Si vous permettez un commentaire par rapport à ça.

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. Larochelle.

M. Larochelle (Serge): Ce qui est très important: faire la relation entre les commerçants indépendants et les grosses boites qui sont corporatives. Mme Fortin vient de parler de micromarketing au niveau d'informations pour essayer de faciliter la tâche aux commerçants. On prend deux entités complètement différentes: une petite PME qui doit rentabiliser son point de vente, alors qu'une très grosse bannière corporative, qui a des moyens boursiers qui sont complètement différents, ne passe pas par la banque dans plusieurs investissements. Elle se donne des moyens qui sont phénoménaux. Donc, à ce moment-là, le petit commerçant, sa relation avec la clientèle est excessivement importante. C'est juste ça le point, de dire: Si c'est possible, facilitez-nous la tâche pour que notre clientèle le sache, que, entre guillemets, on s'entraide tous pour protéger nos enfants. Ce n'est que ça. C'est beau.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à Me Fortin et à M. Larochelle. Je dois vous dire que je suis content parce que vous êtes venus aujourd'hui, vous avez un vrai problème et vous proposez la carte comme une solution à votre problème.

Je dois vous dire tout de suite que, de notre côté, on diverge d'opinion avec vous lorsque vous parlez, notamment à la page 7, de détenir obligatoirement une carte de crédit, que ce soit à partir de 14 ans ou de 18 ans. Je vous avoue que je trouve un peu tirée votre analogie avec le Code civil et les avortements pour jeunes personnes aux prises avec une telle difficulté. À 14 ans, il était normal de s'assurer que ce n'est pas le fait qu'il y aurait des pressions exercées par les parents qui l'empêcherait d'aller chercher l'information de santé nécessaire. Je crois qu'ici on est loin d'un tel but social. Cette comparaison était peut-être un peu tirée.

Cependant, je reviens à ce que je disais au départ, vous avez un problème et on l'écoutait bien. Ma première question est tout simplement factuelle. À l'heure actuelle, pour le tabac, pour les produits alcooliques et pour les billets de loterie, est-ce qu'on exige l'âge de la majorité ou ce sont différents âges?

Mme Fortin (Carole): C'est l'âge de 18 ans, c'est exigé pour les boissons alcooliques en vertu de la LIMBA, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, ainsi que le tabac, mais au niveau fédéral. On sait qu'au niveau provincial il y a une réglementation qui s'en vient et on vous dit: Ne faites pas l'erreur du fédéral, ne responsabilisez pas juste le détaillant, responsabilisez le mineur.

Pour les billets de loterie, on l'a vu dans les journaux, que c'est une intention du gouvernement de passer effectivement une loi pour donner un âge pour la vente des billets de loterie.

M. Mulcair: Mais, à l'heure actuelle, c'est complètement ouvert.

(11 h 30)

Mme Fortin (Carole): Oui. Le détaillant, lui, a de petites directives qui ne sont pas obligatoires. Évidemment, le détaillant n'a pas d'obligation, mais, par contre, vous comprendrez que, nous, on dit: Écoutez, ne nous imposez pas une obligation de vérifier l'âge quand ce n'est pas nous... C'est un billet de loterie, il n'y a pas de problème. Vous le demanderez à Loto-Québec, vous leur demanderez c'est quoi, le pourcentage de problème de vente de billets de loterie à des mineurs. Et, en plus, ils font des annonces, tu sais, Monopoly, que tout le monde connaît...

M. Mulcair: C'est ça.

Mme Fortin (Carole): Alors, c'est comme...

M. Mulcair: Qui est un jeu d'enfant, finalement.

Mme Fortin (Carole): Qui est un jeu d'enfant. Alors, c'est dans ce cadre-là qu'on dit: C'est une intention, mais n'y allez pas, dans cette intention-là.

M. Mulcair: O.K. Donc, je vous entends bien là-dessus, et je suis content pour la précision, parce que sur le plan juridique j'avais du mal à cerner, parce que j'ai lu, comme vous, les articles qui parlaient de cette intention-là. Cependant, quand on avait rencontré les représentants de Loto-Québec et qu'on avait parlé de cette question-là, eux, ils nous assuraient que c'était une règle, mais ils ne parlaient pas d'une règle de droit. C'était peut-être dans le sens de leurs directives.

Mme Fortin (Carole): C'est ça. Ça existe dans les directives, actuellement.

M. Mulcair: Parce que eux, ils prétendaient qu'en bas de 18 ans, on n'était pas censé vendre des billets de loterie à des personnes, donc, mineures, quoi.

Mme Fortin (Carole): C'est, disons, une question morale. C'est comme les boissons alcooliques à .5. C'est une question morale. À .5, la loi ne décrète pas que c'est une boisson alcoolique. Par contre, il y a des gens qui nous disent: Écoutez, il y a un mineur qui vient acheter des boissons .5. Je dis: La loi ne dit pas que c'est une boisson alcoolique, donc, vous avez le droit. Par contre, je dis: Appelez donc la mère. Tout le monde se connaît, là. Parce que, effectivement, il y a des enfants qui arrivent, puis qui peuvent abuser, et on revient sur notre lien de confiance avec le client pour dire à la mère ou au père qui viennent, puis qui disent: Bon, bien, O.K...

M. Mulcair: Sans pour autant vous suivre sur le terrain de la détention obligatoire de la carte, on peut quand même vraiment comprendre le problème que vous décrivez. Pour être le père de deux adolescents dont un qui a l'âge de la majorité, l'autre pas, je vois très bien ce qui existe. Cependant, je pense qu'on est tous aussi lucides pour savoir que ceux qui ont 15 ans et qui veulent acheter de la bière, ils savent très bien quels dépanneurs vendent régulièrement de la bière à ceux qui ont 15 ans. Et, si on parle d'information et de responsabilisation, je pense qu'il faut que ça soit des deux côtés. Par contre, moi, j'aimerais vous donner un exemple que j'ai vu dans une autre province où j'ai eu l'occasion de travailler, c'était au Manitoba, et eux, ils avaient un système avec le Liquor Control Board de la province. Ils avaient un système qu'ils appelaient «No hassle idea».

Mme Fortin (Carole): «No hassle»?

M. Mulcair: «No hassle», oui. Il faut faire très attention avec la prononciation de ce mot-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: «Hassle» s'écrit h-a-s-s-l-e, et ça veut dire: pas de trouble, pas de chicane. Pas de tataouinage. Et c'était justement ça. C'était une facilité. C'était quelque chose qui était à la disposition des jeunes qui avaient atteint l'âge de la majorité, pour ne pas qu'ils se fassent embêter ou trop questionner au bar, lorsqu'ils voulaient sortir dans une discothèque, le soir, ou lorsque, justement, ils voulaient acheter de l'alcool. Et c'était en vente, cette carte d'identité-là, c'était très bien contrôlé et en vente dans les succursales équivalentes à la Société des alcools du Québec, dans la province du Manitoba. Et ça fonctionnait bien. Est-ce que, selon vous, on pourrait concevoir un système pareil? C'était facultatif, mais le jeune qui était à la limite d'âge, qui savait qu'il était pour se faire poser des questions, que ça soit en achetant de l'alcool dans un «convenience store» ou en rentrant dans un bar, il avait ce choix-là. Est-ce que ce genre de possibilité-là, vous l'avez considérez?

M. Larochelle (Serge): Ce n'est pas une mauvaise approche. C'est une très bonne question, même. Ce que je dirais, là-dessus, c'est que, en fonction de chacune des régions, comment les gens voient cette approche-là. Ça pourrait être quelque chose qui pourrait être un compromis entre les deux, effectivement. Ce qu'il serait très bon de préciser, c'est que ça serait bon qu'on fasse effectivement une approche commune. Je trouve l'idée très, très bien, mais si, en plus, elle est supportée par une publicité, un marketing de la part du gouvernement, d'après moi, les détaillants seraient intéressés d'une façon importante à embarquer dans une chose comme ça et, en plus, ça vous permettrait de vous libérer, peut-être, au niveau de la carte d'identité obligatoire, effectivement. Les deux auraient à gagner, à l'intérieur de ça. Mais, si c'est véhiculé par les instances gouvernementales comme quoi c'est une aide, et répété, et répété, ça va devenir dans les rituels de la population.

Mme Fortin (Carole): Mais il faut, évidemment, que la loi responsabilise aussi le mineur. Sinon, pourquoi votre mineur irait l'acheter aussi ou s'en préoccuperait?

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Vachon.

M. Payne: Avec quelques institutions financières, plus tôt ce matin, j'ai soulevé des préoccupations que j'avais à l'égard de la compilation des banques de données et l'usage ou les abus appréhendés à cet égard, les abus possibles, c'est-à-dire que souvent, les informations sont communiquées, dans un sens ou dans un autre, entre une institution financière et un groupe comme Equifax – je vous donne un exemple – une entreprise qui compile les données, et souvent, elles ne sont pas communiquées au client. D'ailleurs, la Banque a dit tout à l'heure qu'elle n'avait pas l'habitude de communiquer le fait qu'elle faisait des enquêtes de crédit, de la recherche de crédit sur un client, contrairement à la loi, qui est très catégorique dans l'article 19 de la Loi de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Ça m'étonnait.

Vous dites que l'utilisation de la carte de crédit, disons... Vous dites que tous les achats sont enregistrés, les données sont transmises à des entreprises de statistiques qui les compilent et les vendent aux manufacturiers de produits et aux distributeurs. C'est le cas?

M. Larochelle (Serge): Au niveau d'un produit vendu à la caisse, «scanné», effectivement. Mais il n'y a pas d'identification autre que le produit. Exemple: une identification personnalisée, dans les magasins d'alimentation de taille...

M. Payne: Mais si, moi, j'ai une carte de fidélité de La Baie...

M. Larochelle (Serge): Oui.

M. Payne: ...vous dites qu'aucune information quant à mes achats n'est communiquée à qui que ce soit?

M. Larochelle (Serge): Non. Ce que je dis, c'est que les commerçants au détail, au Québec...

M. Payne: Les quoi?

M. Larochelle (Serge): Les commerçants au détail, au Québec, d'alimentation, qui sont des PME, ne se comparent pas à de très grosses institutions qui ont les moyens financiers de se payer des systèmes informatiques très, très performants. Là, on parle du... Je ne peux pas répondre pour les gros...

M. Payne: Vous, vous êtes les... Comment ça s'appelle, ça? Les «indépendants»?

M. Larochelle (Serge): C'est l'Association des détaillants...

M. Payne: Indépendants.

M. Larochelle (Serge): ...indépendants en alimentation.

Mme Fortin (Carole): Alors, un exemple comme La Baie...

M. Payne: Qui exclut les...

M. Larochelle (Serge): C'est ça.

Mme Fortin (Carole): Ça exclut...

M. Payne: ...grands.

Mme Fortin (Carole): ...le Club Price, ça exclut...

M. Larochelle (Serge): Les grosses boîtes corporatives ne font pas partie de l'Association.

M. Payne: Parce que la carte de fidélité, ça m'inquiète beaucoup, parce qu'il y a une pression énorme qu'ils exercent à ce moment-ci.

Mme Fortin (Carole): Je vais être... C'est ça, je vais être...

M. Payne: Vous avez sans doute un avis.

M. Larochelle (Serge): Moi, si vous – je m'excuse, Carole – me demandez mon opinion à l'effet de savoir que vous pourriez éliminer tout ça, moi, je vous dis: Je vous appuie à 100 %, parce que vous me donnez un moyen supplémentaire de combattre les très grosses surfaces, qui ont des moyens autres que les miens, qu'il n'y a aucune comparaison.

M. Payne: Parce que, quand je m'abonne à L'actualité et je reçois deux semaines plus tard, avec mon premier exemplaire, une invitation à m'abonner à Châtelaine , ça m'inquiète. Peut-être que je suis méfiant de nature, mais je soupçonne qu'il y a un lien.

Mme Fortin (Carole): Nous sommes tout à fait en accord avec vous.

M. Payne: Quand ma femme retourne un article à une entreprise, que ça soit La Baie ou quelque chose comme ça – c'est arrivé il y a une couple de semaines – normalement, dans le passé, on regardait la facture et on remboursait dépendamment du mérite du cas. Mais là ils ont sorti de l'ordinateur une nouvelle facture, sans problème, d'exactement ce qui avait été acheté un mois avant: quelle date, quel préposé et tout cela, plein de données pour corriger ça, avec le remboursement, comprenez-vous. Les habitudes sont bien constituées. J'ai donné un autre exemple tout à l'heure: Rona Dépôt, qui demande systématiquement, depuis un certain temps, d'après ma femme...

Mme Fortin (Carole): Ha, ha, ha!

M. Payne: On lui demande – comment ils appellent ça? – le code postal. Je m'excuse, pas le code postal...

Mme Fortin (Carole): Le code postal.

M. Payne: ...les premiers trois chiffres. C'est abusif. C'est potentiellement abusif, parce qu'évidemment il y a un traficage d'informations entre les institutions. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est que la loi n'est pas appliquée. L'article 8 de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé dit que la personne qui recueille les renseignements personnels – là, on parle d'Equifax ou d'une compagnie de bases de données – auprès de la personne concernée doit – «doit», ce n'est pas facultatif – lorsqu'elle constitue un dossier sur cette dernière, l'informer de l'objet du dossier, de l'utilisation qui sera faite des renseignements, troisièmement, de l'endroit où serait détenu son dossier. Comprenez-vous? Quelles sont vos remarques et commentaires quant à mes préoccupations à cet égard-là?

(11 h 40)

M. Larochelle (Serge): Encore là, ça ne nous touche pas vraiment, nous, les petits détaillants, parce que, un, on n'émet pas de cartes. Si jamais les détaillants en alimentation, au Québec, se mettent à émettre des cartes, ça voudra dire qu'on aura atteint une richesse très importante. Une petite PME ne peut faire quelque chose comme ça. Parce qu'il faut bien faire attention, ce n'est pas lié uniquement au code postal. Je vais vous donner l'exemple de la plus grosse chaîne de détail au monde qui s'appelle Wal-Mart, qui fonctionne par caméras infrarouges dans ses magasins pour identifier le trafic, les habitudes des gens. Ce qui veut dire que le lendemain, les responsables de départements s'assoient devant l'écran d'informatique et identifient... le rouge, c'est la très haute vélocité, et ainsi de suite, et ils refont leur marchandisage à l'intérieur. Ça fait que jusqu'où ça va aller? C'est très poussé.

Là-dessus, au niveau des commerçants d'alimentation, précisément, au détail, ils n'ont pas vraiment les moyens d'identifier, parce qu'on n'émet pas de carte, sauf s'il y a des cartes de fidélisation qui pourront se faire éventuellement. Ça, c'est une autre chose que vous aurez à regarder. Mais, si vous faites une loi là-dessus, comme je vous dis, nous, on va être regagnants. Les grosses surfaces, c'est leur principale qualité, de savoir ce que les consommateurs consomment.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Vachon.

M. Payne: C'est intéressant. Mais, par rapport à vos propres politiques administratives – je reviens – vous dites que tous les achats sont enregistrés, vous parlez de chez vous, de vos membres, et les données sont transmises à des entreprises de statistiques?

M. Larochelle (Serge): Oui.

M. Payne: Vous êtes à l'aise avec ça? Même si ce n'est pas en référence à une personne, ça contient quand même les habitudes de vie, le comportement social, les goûts de chacun.

M. Larochelle (Serge): Encore, c'est un moyen à nous d'identifier une façon de se battre dans un marché qui n'est pas compétitif, qui est actuellement – excusez le mot – débile. Puis l'information comme telle... vu qu'il n'y a pas de personne attitrée qui dit: Je m'appelle Jos Bédard, j'ai acheté une tomate Aylmer 796 ml, je ne fais que transformer l'information qu'il y a eu effectivement des tomates Aylmer d'achetées. Alors, je ne pense pas que je brime quelqu'un précisément.

M. Payne: Donc, pour vous, il s'agit...

M. Larochelle (Serge): Parce qu'elle est générale, l'information.

M. Payne: ...d'une façon d'agir pour mieux vous positionner sur la mise en marché de vos produits.

Mme Fortin (Carole): Puis, en même temps, je vous dirais que c'est peut-être un...

M. Larochelle (Serge): Oui, parce que je n'ai pas l'information personnelle sur l'individu qui dit que cette personne-là a tel revenu, tel comportement, telle heure et ainsi de suite. Elle n'est que générale, l'information, donc elle donne une idée générale. Et encore là, les gens qui sont travaillants et avec un petit peu d'initiative vont améliorer la situation de la présentation de ces étalages-là. Mais il ne sait pas que c'est une personne très précise qui a tel revenu, tel comportement et tel ci et tel ça. Donc, il reste encore une très grande liberté d'action pour le consommateur à l'intérieur de ça.

Mme Fortin (Carole): Et, comme on vous a expliqué, quelque part cette information-là est reprise, et là il vend ça ensuite au distributeur en alimentation au niveau du Québec, au manufacturier qui dit que les petits pois Aylmer, ça fonctionne moins – je dis Aylmer, peu importe – et que ça fonctionne ou non. Mais, pour revenir à votre problématique, et c'est ce qu'on souligne puis, comme on se le disait, on ne veut pas faire un débat moral, mais c'est un fait que, bon, c'est sûr qu'on est plus averti parce qu'on est dans le domaine. Et je sais pertinemment, lorsqu'ils demandent le code postal, c'est pour savoir exactement d'où tu viens, pour savoir c'est quoi qu'ils amènent comme clientèle. Mais Mme Tout-le-Monde, M. Tout-le-Monde, ils ne savent pas. Et c'est pour ça que quelque part c'est dommage.

Mais, comme on disait, on laisse traîner un million d'informations qui sont primordiales pour des gens qui les utilisent, et finalement ça ne nous revient pas nécessairement. Effectivement, nous sommes tout à fait d'accord avec vous que c'est dommage. Moi aussi, j'ai fait un achat et je me suis retrouvée avec la circulaire Chez nous . Je dis: Bien, ah bon! Alors, le seul moyen, est-ce que c'est de payer en argent comptant? C'est quoi, les habitudes? C'est dans un grand cadre.

M. Payne: La règle d'or dans le marketing, c'est de connaître votre clientèle. Les entreprises ont pour but principal, pour les aider à commercialiser leurs produits, de savoir qui sont les consommateurs. Qu'est-ce qu'ils préfèrent? Je constate, hein. Je suis en train de faire une constatation. Il faut se souvenir de ça. Nous, comme consommateurs, il faut être conscients que nos intérêts ne sont pas les mêmes, c'est-à-dire que l'intérêt de la compagnie, c'est de compiler les données pour faciliter la commercialisation de leurs produits, et notre intérêt, c'est de connaître les informations qui sont tenues à notre sujet et d'essayer de les contrôler. Et ça devient une bataille impossible.

Mme Fortin (Carole): C'est ce qu'on vous dit. Finalement, on le sait, lorsqu'on donne ces informations-là, ça ne nous revient pas à nous, détaillants, nécessairement, ni au consommateur. Nous en sommes tout à fait conscients et on vous le soulève dans un esprit où effectivement il y a un manque d'informations au consommateur. Mais bien honnêtement, comme M. Larochelle le dit, comme détaillants en alimentation, nous sommes très à l'aise pour bien servir notre clientèle et nous n'avons pas les moyens d'aller à son insu chercher de l'information. Au contraire, comme on dit et pour terminer un peu, c'est qu'auparavant le détaillant, pour savoir ce qui se passait dans son commerce, était sur son plancher et dans ses étalages. Maintenant, malheureusement, avec les lois, les règlements et les ci et les ça, il perd 70 % de son temps en arrière dans son cubicule et 30 % sur son plancher parce qu'il doit répondre à une panoplie de paperasserie administrative – la TPS, la TVQ, le ci, le ça – alors que sa force est sur le plancher en train de parler à sa clientèle: Bonjour, comment allez-vous? Votre steak, vous le voulez épais comme ça? Venez voir, vous connaissez mon boucher. Je vous avoue bien honnêtement, lorsqu'on parle de détaillants indépendants en alimentation, c'est notre marque de commerce. On veut que notre clientèle soit satisfaite et on veut surtout être proche d'eux, mais pas à leur insu, et leur faire dire: Aïe! Je sais par en arrière que... Au contraire, toi, je sais que tu aimes ça, des petits pois Aylmer ou des petits pois Carrière, et ils leur disent. C'est une particularité, effectivement, et on n'a pas les moyens comme les gros.

M. Payne: Très bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. À mon tour j'aimerais vous remercier tous les deux pour votre présentation. Effectivement, il y a un problème ici. J'ai questionné beaucoup de groupes qui sont venus ici pour trouver des moments où effectivement l'identité pose un problème et, règle générale, je n'ai pas trouvé beaucoup d'instances où il y a un problème. Moi aussi, j'ai deux filles adolescentes, alors ces genres de questions commencent à se poser chez nous. Je pense qu'on a tout intérêt à vous aider à trouver une solution pour cette problématique, l'application à la fois des lois sur les boissons alcooliques et l'application de la loi sur les produits de tabac. Ça soulève une question et nous devons l'adresser, mais je ne pense pas qu'il faille obligatoirement me donner une carte d'identité pour régler cette situation. Je pense que, quand j'arrive pour acheter 12 bières, à la caisse, peut-être que j'ai l'air jeune, mais pas si jeune que ça, mais c'est de toute évidence que j'ai au moins 18 ans. Alors, je pense que ce n'est pas nécessaire obligatoirement pour moi d'avoir une carte d'identité.

Vous avez raison – je pense que c'est dans votre mémoire – de toujours questionner les cartes d'identité des étudiants. Et je me questionne toujours comment ça se fait qu'elles ne soient pas fiables. Vous avez dit ça dans votre mémoire. Je pense que j'ai une certaine mémoire de mon adolescence et, effectivement, les cartes d'identité des étudiants, quand on connaissait quelqu'un qui travaillait pour le collège et qui faisait l'impression de ces cartes, changer un chiffre ou l'autre sur la carte n'était pas impensable.

Mme Fortin (Carole): Ça ne vous dérangeait pas d'avoir l'air plus vieux à ce moment-là.

M. Kelley: Mais est-ce qu'une des solutions serait effectivement – parce que c'est quand même des établissements de l'État – d'avoir un système qui peut rendre les cartes d'étudiant beaucoup plus fiables? Parce que ça, ce sont les clientèles où on soulève la problématique, c'est les jeunes de 18 à 21 ans, ou quelque chose comme ça. Donc, avoir des cartes d'étudiant fiables et s'assurer, parce que c'est l'État et que c'est nos établissements qui émettent ces cartes, d'avoir quelque chose pour vous aider, parce que je suis très sensible qu'il faut avoir quelque chose qui va vous aider. Mais, à mon avis, partir un grand bateau d'avoir une carte d'identité universelle, moi, je trouve que ça, c'est exagéré. Mais est-ce qu'il y aurait moyen de rendre la carte d'étudiant, qui a toujours une photo quand même, une carte qui serait fiable, qui pourrait vous aider à appliquer les lois que vous êtes obligés de faire respecter dans vos établissements?

M. Larochelle (Serge): Vous dites que c'est plaisant, qu'on a apporté de bons arguments. Je dois vous dire qu'on est très heureux d'être venus ce matin parce qu'on est arrivés avec un point très très large et vous nous arrivez avec vos solutions qui sont drôlement applicables et intéressantes. De soulever un point où les cartes d'identité, au niveau étudiant, pourraient être un bon moyen... c'est fantastique; ça pourrait partir du secondaire III jusqu'au cégep. C'est un excellent point, ça. Nous, avec ça, on est très très à l'aise et vous ne serez pas obligés de «carter» toute la province de Québec en entier, puis c'est un excellent point, ça. Nous, on est capables de vivre avec ça sans aucun problème.

(11 h 50)

M. Kelley: Non, non, c'est juste, je pense, dans nos recommandations, à la conclusion. Parce que je pense qu'ici on a une problématique, on a quelque chose qu'il faut proposer au gouvernement, de vous aider, parce que c'est la personne, souvent, tard le soir, seule dans un dépanneur, ou quelque chose comme ça, qui est obligée de... Trois, quatre jeunes arrivent, veulent acheter 12 bières ou un paquet de cigarettes. Si on peut, au moins, donner des outils pour aider votre personnel à appliquer nos lois, je pense que ce serait souhaitable.

Juste une deuxième question, très rapidement. À la page 7, quand on parle des acheteurs qui sont enregistrés, si j'ai bien compris, pour le moment, ça donne plutôt un portrait de consommation par établissement. Alors, si j'ai un dépanneur sur la Rive-Sud qui achète peut-être beaucoup de moutarde mais pas beaucoup de ketchup et que, par contre, un autre dépanneur à Laval, pour une raison qu'on ignore, achète beaucoup de ketchup et pas beaucoup de moutarde, est-ce que c'est le genre de profil qu'on est en train de compiler? Vous faites référence, dans le deuxième paragraphe de la section sur la création d'une carte d'identité, à ce genre de données. Mais ça, ce n'est pas les informations nominatives, on ne sait pas qui achète le ketchup ou qui achète la moutarde, mais c'est plutôt un profil de consommation dans le secteur où se trouve l'établissement.

Mme Fortin (Carole): On n'essaie pas de compiler, actuellement, c'est une pratique – lorsqu'on regarde ce qui est écrit, une des craintes au niveau de la Commission d'accès – c'est quelque chose qui se fait actuellement. Et, comme on vous dit, ça se fait quand il y a un achat qui se fait. Mais, au niveau des retombées du détaillant, il n'y en a pas vraiment, à moins que lui le fasse, dans son magasin. On n'a pas les moyens de le faire systématiquement à moins de vous le demander, à vous. Je vais laisser M. Larochelle répondre.

M. Larochelle (Serge): C'est que l'informatique a facilité la tâche aux dirigeants de fabricants, de distributeurs et de détail. Je me rappelle, quand j'étais plus jeune – d'ailleurs, si le monsieur a un contact étudiant encore pour en avoir une plus jeune, carte d'identité, je serais intéressé – il y avait un représentant qui nous disait que, sur la Côte-Nord, un biscuit Vogue, qui est chocolat pur, avec une petite confiture aux framboises, ça se vend 10 fois comme un Whippet, alors que dans le reste du Québec, le Whippet se vend 20 fois comme le Vogue. Donc, avant, c'était l'humain qui transmettait l'information et qui disait: Si on veut influencer le plus possible la consommation, avoir un impact majeur, ce n'est pas le Vogue qui doit être dans la page frontispice de la circulaire, c'est le Whippet, parce qu'on ne touche que 10 % de la population. Mais avant, elle était humaine, elle était mathématique, l'information, elle était très lente. Aujourd'hui, l'information, elle est très rapide, elle est au bout des doigts. Mais elle est générale, elle n'est pas méchante, elle donne de l'information. Le consommateur, de toute façon, ce n'est pas long, lorsque les gens s'en vont dans une autre direction où ils veulent aller, ce n'est pas vrai qu'on peut influencer le consommateur d'une façon très directe, ce n'est pas vrai. Le consommateur a encore une très grande influence sur son comportement.

Mme Fortin (Carole): Juste peut-être compléter ce que M. Larochelle dit, lorsqu'il parle de page frontispice des circulaires. Comme vous le savez, c'est au niveau national, ce sont les bannières qui les font, les distributeurs. Donc, ça ne change pas, par contre, que, dans ton magasin, si toi, c'est du Vogue, tu vas t'organiser pour que ton Vogue, tes biscuits se vendent. Alors, ça ne dessert pas nécessairement les intérêts du détaillant de savoir que c'est du Whippet partout ailleurs, mais plutôt de dire: O.K. Le distributeur va aller voir Whippet puis va dire: Aïe, Whippet, là, tu vas t'organiser pour me le donner en gros volume, et je vais le mettre en page frontispice. Alors, ce n'est pas les mêmes objectifs, finalement, qui sont visés.

M. Mulcair: Juste pour m'assurer qu'on est bien compris, M. le Président, je veux juste compléter là-dessus. Lorsque mon collègue le député de Jacques-Cartier posait la question, je pense qu'on a eu une partie de la réponse. C'est de l'information de marché, ce n'est pas nominatif, ça ne concerne pas les personnes. Mais est-il possible, sans enfreindre les règles existantes, d'obtenir de l'information nominative? Quelqu'un qui utiliserait une carte pour payer, est-ce qu'on pourrait savoir quelle sorte de pain, ou bière, ou lait, il achète et éventuellement faire un marketing direct pour un concurrent qui fait une autre bière, avec un coupon, parce qu'on sait ce qu'il achète? Je sais que, dans les grandes surfaces d'alimentation, on venait pas mal proche de ça. Alors, je veux juste savoir où on est.

M. Larochelle (Serge): Si vous venez chez moi et que vous payez avec une carte de débit, personne ne peut savoir précisément, parce que le «scan» n'est pas relié à la bande magnétique qui dit que c'est tel NIP qui est venu acheter ça. Il n'y a pas de relation.

M. Mulcair: O.K.

M. Larochelle (Serge): Ce n'est pas connecté. Là, je parle de chez nous. Est-ce que c'est comme ça à la grandeur de tous les réseaux? Ça, je ne le sais pas. C'est sûr que, s'il y a une carte de fidélisation... Club Price, entre autres, lui, a toute l'information pertinente. Je crois aussi que les gens – même maintenant, ils font crédit, Club Price, à plusieurs niveaux – donc ont demandé accès à leur dossier personnel. Donc, à ce moment-là, ils peuvent effectivement faire un profil, parce que l'information, elle est reliée, là. Ils savent que c'est Serge Larochelle qui est allé acheter, telle heure, puis tel jour, puis telle chose. Donc, éventuellement, ils pourraient dire: Il y va toujours le mercredi après-midi. Donc, le mercredi après-midi, Serge Larochelle est un très bon ou un très mauvais... Si je suis un très bon, ils vont essayer de faire un étalage alentour de ce produit-là, c'est sûr.

M. Mulcair: Ça va.

M. Larochelle (Serge): S'il y a une carte de fidélisation.

M. Mulcair: Très intéressant.

Mme Fortin (Carole): Et, pour avancer, parce qu'on parle... au Super Salon de l'alimentation, on a eu... de ce qui arrive dans le futur. Lorsqu'on parle d'informatique, par le biais de l'Internet, tout ça, c'est que c'est vrai qu'à un moment donné Club Price va savoir que M. Larochelle achète tel ou tel produit. Donc, pour lui faciliter la tâche, par après, il va dire: M. Larochelle, cette semaine, voici, nous vous offrons tel, tel, tel, tel produit. Donc, pour eux, ils vont dire: Aïe! M. Larochelle va être fou. Il va dire: Au lieu de passer deux heures à faire ma commande, je vais simplement peser sur un petit bouton et, oui, ça va venir. Alors, dans ce sens-là, effectivement, lorsqu'on parle de carte de fidélité et c'est sûr que le nom le dit, là...

Vous allez chez Zeller's. Ils savent exactement combien vous achetez et à quelle heure. C'est sûr que c'est... Puis encore, lorsqu'on parle d'information, c'est que les gens ne s'en rendent pas compte, puis qu'ils reçoivent tout plein d'information. Ils sont cernés, puis ils ne s'en rendent pas compte. Alors, c'est de dire: Aïe! Quand j'achète, je veux que ça me profite à moi, là. Alors, c'est une préoccupation, effectivement, que nous avons.

M. Mulcair: Merci beaucoup pour cette précision.

Le Président (M. Gaulin): Alors, la question piège du président pourrait être: Est-ce que le «Whippet» se vend davantage en période référendaire?

Mme Fortin (Carole): Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Ha, ha, ha! Alors, je vous remercie beaucoup, madame, monsieur, d'être venus nous apporter votre point de vue au nom de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Nous sommes tous à l'alimentation; nous allons dîner. Alors, bonne chance.

M. Larochelle (Serge): C'est nous qui vous remercions.

Mme Fortin (Carole): Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Les biscuits Leclerc. Ha, ha, ha!

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons reprendre la séance d'aujourd'hui de la commission de la culture sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.


M. Roger Lajoie

À 14 heures, nous avons le plaisir de recevoir M. Lajoie, qui est déjà en place. Vous avez la parole. Vous avez quelque chose comme 20 minutes, et nous échangerons avec vous ensuite.

M. Lajoie (Roger): Merci, M. le Président. MM. les membres, le secrétaire de la commission m'a dit que je devais lire mon document en 20 minutes. Je ne crois pas pouvoir le faire en 20 minutes. Si vous l'avez lu, j'aimerais avoir la dispense d'avoir à vous le lire et je passerais immédiatement aux questions, si vous avez des questions à me poser.

En ce qui me concerne, le document que vous avez là, c'est un cas type d'atteinte à la vie privée. L'argumentation que j'y développe est celle que je crois être la bonne. Il y a peut-être quelques articles que je pourrais corriger, de la Charte des droits, parce qu'il y a eu des changements dans la copie de 1996. J'avais la copie de 1987, on m'excusera. Pour ce qui est de la partie II, chapitre II, article 69, etc., ça a été changé, ces articles-là, dans la Charte. Donc, à ce moment-ci, des changements pourraient être apportés là-dessus.

Il y a aussi le fait que je voudrais dire maintenant que la RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, n'a jamais répondu à ma lettre et que ma députée m'a fait répondre par son attaché politique. C'est les deux remarques que je voudrais faire.

En ce qui me concerne, il peut aussi y avoir des erreurs dans la couleur des cartes. Je les ai vues, ces cartes-là, en 1973, lorsque j'ai été à Paris et à Genève avec le juge Denis Dionne pour une visite qui concernait les corps de police, l'information, etc. Et c'est au meilleur de ma connaissance et sous toutes réserves que je parle des couleurs. Mais les effets sont là quand même. La carte sert à une telle chose et elle sert à une telle autre chose. Ça peut être le permis de conduire, ça peut être la carte de logement, ça peut être n'importe quoi. À tout événement, ça a été institué par le gouvernement Pétain, à Paris, et ça n'a jamais été enlevé, à ma connaissance.

D'ailleurs, il y a aussi une correction. J'appelle la SAAQ la «RAAQ»; c'est la SAAQ, je m'excuse de cette erreur. Et j'ajoute que la SAAQ demande aussi la date de naissance. Or, on sait que la date de naissance est un point très important dans la protection de la vie privée, à mon avis. Là-dessus, M. le Président, MM. les membres, si vous acceptez le dépôt tel quel avec corrections, je suis ouvert à vos questions. Je sais que ce qui vous intéresse, c'est de me poser des questions, vous avez sûrement lu mon document. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Bien, merci. Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, c'est toujours, pour nous, comme parlementaires, très important de recevoir des citoyens comme M. Lajoie sur des questions qui les préoccupent. Lorsqu'il y a des dossiers qui viennent devant cette commission, ce sont souvent des groupes bien structurés, bien nantis et qui viennent avec tous les moyens du bord faire leur présentation. Cette fois-ci, on a un citoyen qui se dit à la retraite et contribuable du Québec, mais, dans sa signature, il prend la peine de nous expliquer un peu sa feuille de route. De toute évidence, c'est aussi une personne qui connaît très bien les rouages de l'administration publique, dans le cas de M. Lajoie, et une personne qui est vraiment très préoccupée par ce qu'elle a vécu dans le domaine de la pharmacie, où elle a eu certaines difficultés avec ses médicaments.

Je me réfère, M. Lajoie, à la page 3 de votre mémoire et je vais essayer de m'assurer d'avoir bien compris. Vous dites: «Motif de la plainte et fondement en droit. Je me porte en faux à l'idée qu'un organisme quasi judiciaire et parapublic, la Régie de l'assurance-maladie du Québec – je suis un peu moins sûr que vous que c'est quasi judiciaire, mais soit – de connivence avec l'OPQ...» Là, on s'entend bien, c'est l'Ordre des pharmaciens du Québec?

M. Lajoie (Roger): Du Québec, c'est ça.

M. Mulcair: O.K. Parce qu'il y a aussi l'Office des professions du Québec.

M. Lajoie (Roger): Ah! Je m'excuse.

M. Mulcair: «...et ses membres, commerces de pharmacie privées, puissent brimer mes droits – vos droits – intrusion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire, en faisant indirectement ce que la loi lui interdit de faire directement en matière de droits de la personne.» Peut-être pourriez-vous nous aider avec cette notion d'une intrusion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire, dans le cas précis.

M. Lajoie (Roger): M. Mulcair, je vous remercie de la question. Dans un premier temps, je voudrais vous dire que je partage totalement le point de vue de la Commission des droits, de M. Comeau de la Commission d'accès et de M. Daniel Jacoby, le Protecteur du citoyen, à cet effet-là. J'ai eu l'occasion de travailler pendant sept ans avec sept juges, à la Commission de police du Québec, et ces sept juges-là m'ont bien expliqué qu'une commission, c'était un pouvoir quasi judiciaire qui jouait un pied sur l'exécutif et un pied sur le judiciaire.

Cette semaine, en lisant La Presse , j'ai constaté que la personnalité de la semaine de La Presse du dimanche 24 août 1997, page A-8, Gérald Beaudoin – Me Gérald Beaudoin, pour ceux qui le connaissent bien – fait un allégué que Montesquieu faisait il y a des années: «Certains croient que les tribunaux jouent un trop grand rôle depuis la Charte des droits de 1982. Je ne suis pas de cet avis. Les cours n'ont pas exagéré dans leur intervention. Le législatif doit se conformer à la Constitution et, si l'exécutif va au-delà de la légalité, le judiciaire se doit de le ramener dans le droit chemin.»

Or, pour moi, la RAMQ – parce que je m'adresse toujours à la RAMQ, lorsque je dis ça en particulier – est un tribunal quasi judiciaire. C'est-à-dire qu'on prend des décisions, on fait approuver les règlements par le gouvernement, et, une fois que ces décisions-là sont prises, elles ont force de loi. Et, à ce moment-là, c'est la RAMQ qui décide si, oui ou non, on va répondre à vos lettres, à vos questions. La RAMQ devient un tampon politique entre ce que j'appellerais, moi, le gouvernement, pouvoir législatif, et l'exécutif, en embarquant quelque peu dans le judiciaire. C'est-à-dire que ses décisions sont d'ordre juridique, plus souvent qu'autrement, parce qu'elles sont basées sur une loi, un statut. Or, c'est pour ça que je dis que toute commission, quelle qu'elle soit...

Je me rappelle, entre autres – je vais vous citer des anciennes lois, mais, en concordance, vous allez les trouver – du chapitre 13, les commissions d'enquête. Lorsqu'une commission enquête, comme la commission Poitras présentement, elle a une partie de son enquête qui dépasse de loin les droits de la personne, en ce sens que des personnes sont quasi obligées de répondre à ses questions, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'un criminel. Et, moi, d'expérience, comme j'ai dit, avec la Commission de police du Québec, avec le Comité de la protection de la jeunesse, où j'ai été quand même le secrétaire général, on donne des pouvoirs absolument extraordinaires. L'article F-38 de la Loi sur la protection de la jeunesse, dans le temps, nous donnait le droit de nous introduire dans des maisons privées sans mandat, sans quelque pièce que ce soit. Alors, c'est ça que j'appelle l'intrusion de l'exécutif dans le judiciaire. Je pense que l'exemple me suffit. Je ne sais pas s'il vous suffit, M. Mulcair.

M. Mulcair: Oui, mais... O.K., je suis très bien votre analyse. Maintenant, peut-être, vous pourriez nous aider à la raccrocher un petit peu plus à la notion d'une carte d'identité. Je suis un peu plus difficilement le lien que vous faites là avec cette partie-là.

M. Lajoie (Roger): Bon, là, c'est totalement différent. La carte d'identité, ça n'a rien à voir avec ce que je viens de dire, c'est un sujet totalement différent, M. Mulcair. Sur ce point-là, j'aimerais mentionner quand même deux choses qui se sont produites, que j'ai lues, rapportées par les journaux. Le ministre Boisclair, celui qui est chargé des Relations avec les citoyens, a déchiré sa chemise quand il a entendu un représentant de la Commission d'accès, M. White, je présume, si son nom m'est fidèle. Et vous-même, M. Mulcair, vous êtes intervenu et vous avez déchiré votre chemise, vous aussi, en disant à M. Comeau: Vous auriez dû faire enquête.

(14 h 20)

Moi, j'ai travaillé dans une commission de police, j'ai fait 51 enquêtes dans différents corps de police, dont une sur la prostitution dans une ville du Nord-Ouest québécois, et je n'avais aucun moyen de faire ladite enquête. C'est-à-dire que, pour détecter dans le milieu de l'information de coulage, ça vous prend des moyens techniques terribles. Prenez seulement le Casino de Montréal. Pour détecter les fraudeurs, pour détecter les croupiers malhonnêtes, ils ont des circuits de télévision fermés, ils ont des enregistreuses, ils ont toutes sortes de choses. Or, demander à la Commission d'accès de pouvoir intervenir dans un gouvernement où pratiquement 210 000 fonctionnaires ont accès à toutes sortes d'informations variées, c'est hors du commun, ça ne tient à rien. Comprenez-vous?

Je réponds à votre question sur la carte d'identité. La carte d'identité, quant à moi, c'est une intrusion directe dans la vie privée des gens. On est déjà recensé par le gouvernement fédéral selon l'article 8 de la Constitution. On a un passeport qui, à mon avis, est un des meilleurs au monde, même si les faussaires peuvent s'en faire à profusion. On a une carte de citoyenneté canadienne qui est vendue à 50 $ et quelques, qui est déjà une carte d'identité, à mon point de vue. Là, on va avoir une carte d'identité du Québec en plus d'un permis de conduire avec des fleurs de lys qu'on n'est même pas capable de voir à la lumière, soit dit en passant, ça nous aveugle quand on essaie de regarder ce qui est écrit dessus.

Pour moi, la carte d'identité avec une puce, aujourd'hui, c'est un prétexte, on n'en a pas besoin. Si vous arrivez dans une banque... Moi, j'ai déposé de l'argent, j'ai acheté des obligations du Québec, comme tout bon citoyen du Québec. Le gars qui m'a vendu mes obligations, il m'a demandé quel était le nom de ma mère. Elle a 91 ans. Qu'est-ce que ça peut lui foutre, le nom de ma mère? Comprenez-vous ce que je veux dire? Tout ça, c'est pour faire des vérifications en profondeur sur l'individu.

La carte d'identité, quant à moi... Dans le rapport L a police et la sécurité des citoyens , fait en 1971 par l'un des meilleurs ministres de la Justice, soit dit en passant, Me Jérôme Choquette, en page 138, on recommandait, nous – nous, de la Commission de police du Québec – que «la Commission de police étudie les moyens de diminuer les fraudes commises par l'utilisation des cartes de crédit en décrétant, par exemple, l'obligation de la photographie». Déjà, la photographie est un moyen absolument exceptionnel.

Lorsque vous mettez la signature sur la carte de la RAMQ, vous invitez le fraudeur qui va voler un portefeuille avec des cartes de crédit à être en mesure de fausser la signature de l'individu. Puis, fausser une signature, ça se fait en deux temps trois mouvements avec un miroir, puis ça ne paraît même pas. Vous savez ce que je veux dire? Or, déjà, là, la photo, c'est une identification absolue, quant à moi.

L'État de la Floride, aux États-Unis, a décidé d'émettre des cartes d'identité à ceux qui en voulaient. Je ne suis pas contre une carte d'identité qui n'est pas obligatoire. Je suis en faveur d'une carte d'identité où l'individu lui-même demande d'en avoir une pour pouvoir s'identifier. Dans l'État de la Floride, on émettait un permis de conduire en 1994 pour 19 $ pour six ans; ça fait une différence avec les 87 $ qu'on paie ici. Puis, si vous vouliez avoir une carte d'identité, l'État de la Floride, par son Bureau de véhicules automobiles, pouvait vous faire une carte d'identité pour 5 $, pour autant que vous en fassiez la demande. Ça, je n'ai rien contre ça. Les cartes à puce, je suis complètement contre ça.

Un dossier bancaire. MM. les membres de la commission, je ne sais pas quelle est la dernière fois que vous avez fait sortir votre dossier bancaire. Vous n'avez rien de confidentiel en ce qui vous concerne, rien. Puis, moi, j'aimerais savoir, et c'est une question fondamentale, c'est celle qui me fatigue le plus, à quoi ça sert à la RAMQ d'avoir mon dossier médical – correct? – les prescriptions que mon médecin me donne. Une fois que la facture est payée, qu'on a décrété que j'étais un gars honnête qui paie des taxes, puis des taxes, soit dit en passant, là, vous savez...

Je suis retraité, moi, depuis 1984. J'ai pris ma retraite du gouvernement à 53 ans d'âge. J'avais déjà 35 ans de services de faits. J'avais pleine... bien, 70 % de ma pension. Puis, depuis ce temps-là, depuis 13 ans, je paie à tous les niveaux du gouvernement, municipal, toute la patente, TPS, TVQ, une Honda Accord à tous les ans, O.K.? Puis, au bout des 13 ans, je vous ai payé une Rolls-Royce Silver Shadow. Mais, moi, je n'ai jamais été capable de m'en payer une. Mais, moi, je me dis qu'à ce moment-là, vous avez tous les moyens.

Si je me trompe sur mon impôt... Ma femme n'a jamais travaillé en 40 ans parce qu'elle est sourde. L'an passé, on m'a obligé à faire un rapport d'impôt pour pouvoir collecter le 35 $ des médicaments, la taxe de 3 % et de 5 %. La carte d'identité, quant à moi, ceux qui la veulent, donnez-la. Les banques ont déjà des contrôles absolus sur nous. Et, en ce qui concerne le gouvernement, il n'a pas besoin de faire de «cross-reference», là. D'ailleurs, les lois ont toutes été passées. Je lisais la loi, les articles ont été passés en 1996, qui permettent à l'impôt sur le revenu d'aller s'informer à la RAMQ qui vient de permettre à mon ancien collègue, président de la Régie des rentes du Québec, l'homme à la moustache bretonne, ce grand sergent-détective qui était responsable du comité de l'ABRPM, président de l'ABRPM, d'aller aussi se nourrir dans l'impôt des individus pour obtenir des renseignements sur l'enfance. Toutes ces références croisées là, comme ancien policier, je vous le dis, on est un des États les plus contrôlés qu'il n'y a pas sur la terre, à l'heure actuelle. Je me demande pourquoi on a besoin d'une carte additionnelle. C'est mon opinion.

M. Kelley: Merci beaucoup.

M. Boulerice: Nous prenons bonne note des remarques que M. Lajoie nous adresse, notamment à titre de citoyen, ancien fonctionnaire.

M. Lajoie (Roger): Pardon?

M. Boulerice: Ancien fonctionnaire? Serviteur public, pardon.

M. Lajoie (Roger): Ancien cadre supérieur du gouvernement du Québec.

M. Boulerice: Cadre supérieur. Mais vous avez employé l'expression «serviteur public», qui est une belle expression.

M. Lajoie (Roger): Oui, serviteur public «bien payé» que j'ai dit.

M. Boulerice: Bien payé, effectivement.

M. Lajoie (Roger): Je ne me suis jamais plaint de mon salaire.

M. Boulerice: J'ai noté, effectivement. Ha, ha, ha! Juste peut-être un petit commentaire. M. Lajoie, ne voyez pas dans le fait que ce soit l'attaché politique de la députée de votre circonscription qui vous ait répondu un désintéressement de la députée comme tel. Vous devez comprendre qu'au nombre de courrier que nous recevons très souvent, l'attaché politique répond en notre nom, mais nous a toujours soumis pour lecture la lettre que vous avez envoyée.

M. Lajoie (Roger): M. le Président, si vous me permettez, je pourrais... Ma députée est partie à Madagascar – je l'en félicite – pour cinq jours, aux Jeux de la francophonie. Elle avait prévu une épluchette de blé d'inde à Candiac pour le 24. Je peux vous montrer la lettre qu'elle m'a adressée pour m'avertir que c'était cancellé parce qu'elle s'en allait à Madagascar. Mais elle n'a jamais répondu à la mienne, ma lettre. Ça fait que je prends bonne note de ce que vous me dites, mais, de là à le croire, vous me permettrez d'en juger.

M. Boulerice: Au moins, elle vous a prévenu que le rendez-vous n'aurait pas lieu.

M. Lajoie (Roger): C'est ça.

M. Boulerice: . Donc, vous ne vous êtes pas présenté pour rien.

Une voix: ...à Madagascar.

M. Boulerice: Ils ont beaucoup de maïs à Madagascar, d'ailleurs.

Le Président (M. Gaulin): Une autre question, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques?

M. Boulerice: Ça va, je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): Est-ce qu'il y a d'autres questions de la part des députés?

M. Mulcair: Juste en terminant, de notre côté, encore une fois, M. le Président, nous tenons à remercier M. Lajoie d'avoir apporté ces éléments à notre considération et à le féliciter sincèrement pour son intérêt pour la chose publique. Ses remarques, ses commentaires, ses réflexions vont alimenter les nôtres. Et on apprécie toujours énormément quand des citoyens viennent partager leur expérience, ici, avec nous, membres élus de l'Assemblée nationale, parce qu'on tient notre seul pouvoir de tous les citoyens. Et c'est toujours un honneur quand des gens comme M. Lajoie se présentent devant nous. Nous le remercions à nouveau.

M. Lajoie (Roger): M. le Président...

Le Président (M. Gaulin): Vous avez des choses à rajouter? Oui, allez-y.

M. Lajoie (Roger): Je vous remercie beaucoup, M. Mulcair, messieurs, je vous remercie. J'aimerais vous suggérer comme lecture de chevet, c'est inhabituel, mais c'est fait en quatre tomes, et ça s'appelle L'histoire de la Gestapo , et c'est écrit par des Suisses qui sont responsables aussi de l'Interpol, le plus gros centre de renseignements mondial. La Gestapo avait préparé ses intrusions en France et dans tous les pays qui l'entourent à partir de 1930. L'histoire de la Gestapo , c'est présenté par Jean Dumont, les Éditions Crémille, Genève 1971, c'est en quatre tomes. Vous allez trouver toute l'argumentation nécessaire pour décider que, dans les faits, on n'en a pas besoin de carte d'identité.

Le Président (M. Gaulin): Mais est-ce que vous pourriez me dire, M. Lajoie, puisque je suis aussi député de Taschereau, en quoi vous trouvez que nous sommes un des endroits les plus contrôlés au monde? Et, quand vous dites ça, est-ce que vous le dites pour le Québec ou pour le Canada?

(14 h 30)

M. Lajoie (Roger): Moi, je le dis pour les deux...

Le Président (M. Gaulin): Pour les deux.

M. Lajoie (Roger): ...mais particulièrement au Québec. Vous remarquerez que, dans ma lettre, et je ne prétends pas fabuler, je dis que certains vont croire que je fabule, mais, pour moi, le Québec n'a pas le moyen de faire le recensement de sa population, et ça, ça lui procure un moyen de le faire. Et ça n'est pas nécessairement pour rendre service aux banques. Vous savez, quand les caisses populaires vous demandent une carte d'identité... Vous n'êtes même pas capable d'ouvrir un compte dans une caisse populaire sans donner le nom de votre épouse et un tas d'informations qui sont particulièrement privées. Pourtant, c'est votre argent que vous déposez, ce n'est pas le leur.

Le Président (M. Gaulin): Et en Suisse, comment ça se passe?

M. Lajoie (Roger): En Suisse, la même chose.

M. Boulerice: Ne parlez pas des banques suisses, je vous en prie.

M. Lajoie (Roger): Mais, vous savez, la référence que je faisais à la Gestapo et à Interpol, les couleurs de la Gestapo, c'était noir et argent; les couleurs d'Interpol, c'est noir et jaune. Et la Suisse dernièrement a démontré – je pense qu'on est en mesure de le voir – qu'elle était plus qu'impliquée avec le IIIe Reich; c'est le moins qu'on puisse dire.

Ici, au Québec, pour répondre à votre question, M. le Président, ça va bien, là, on en a suffisamment de cartes, pourquoi en mettre une autre? Si vous voulez que je vous dise quand je déménage de place, je vais aller m'adresser au policier communautaire pour lui dire: Bien, là, je change d'adresse, je pars de Montréal et je m'en vais à Drummondville, la carte d'identité va m'obliger à le faire, ça. Vous allez être obligés de mettre dans ça des dispositions qui prévoient ça. Et une carte d'identité, aussitôt qu'elle est émise, elle est désuète. Elle doit être renouvelable au moins aux deux ans, parce que, sans cela, la physionomie de l'individu peut changer trop: le gars a une de moustache, il n'en a plus, il a les cheveux gris, il n'en a plus. Il y a toutes sortes d'éléments.

Je vous donne un autre exemple sur l'identité de la personne, la SAAQ. Et je finis là-dessus, M. le Président, parce que je ne voudrais pas m'éterniser. Mon père est mort en 1982 à l'âge de 78 ans. En 1984, ils l'ont convoqué pour passer un examen pour conduire son véhicule automobile. La désuétude, comprenez-vous ce que je veux dire? Et, ayant traité de l'information policière... Vous savez, nous, à la Commission, nous avons animé 10 comités régionaux de prévention du crime au Québec à 10 réunions annuelles, pendant quatre ans. Nous avions 15 000 membres. Et on faisait des échanges d'information avec tout ce qui s'appelle les «State patrol», les «Sheriff Department», les «G-men», appelez-les comme vous voudrez, on avait tout ça. Et ça arrivait à quoi? Ça n'aidait pas davantage à détecter les criminels. Seulement les honnêtes citoyens sont surveillés. Les criminels, on ne connaît rien sur eux. C'est tout. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. Lajoie, je vous remercie au nom de la commission d'être venu témoigner devant nous.

Nous allons suspendre jusqu'à 15 heures ou jusqu'à l'arrivée du prochain groupe. S'ils arrivent avant, c'est dans notre intérêt de les entendre, à ce moment-là, et dans le leur aussi.

(Suspension de la séance à 14 h 34)

(Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons reprendre la séance d'aujourd'hui de la commission de la culture portant sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.


Association québécoise des archivistes médicales (AQAM)

Nous en sommes au dernier groupe, et non le moindre, c'est l'Association québécoise des archivistes médicales. Je suis heureux de vous saluer et je demanderais peut-être à Mme la présidente de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Thibault (France): Bonjour. Je suis France Thibault, je suis archiviste médicale de profession. Je travaille au CLSC-Centre de Sherbrooke depuis 15 ans déjà. Et M. Jules Lizotte, notre directeur général, m'accompagne. Alors, Jules, tu veux bien, s'il vous plaît, présenter le document?

M. Lizotte (Jules): Alors, M. le secrétaire, M. le Président de la commission, madame, au nom de la présidente de l'Association québécoise des archivistes médicales, Mme France Thibault, qui m'accompagne aujourd'hui, et au nom des membres de notre association, je tiens à vous remercier d'avoir invité notre association à venir vous livrer ses commentaires dans le cadre de vos travaux. Les propos que je vous livrerai aujourd'hui sont le fruit de la collaboration, entre autres, de Mme Louise Beaudry, archiviste chef à l'hôpital Sainte-Justine, de Mme Anne Groleau, archiviste chef au Centre hospitalier régional de Rimouski, de Mme Louise Lizotte-Latapie, archiviste chef au Centre hospitalier universitaire de Québec, pavillon Saint-François-d'Assise, de Mme Thibault, notre présidente, des membres du conseil d'administration, bien sûr.

Je vous prie donc de recevoir sans plus de préambule nos commentaires, les commentaires de l'Association québécoise des archivistes médicales quant à l'utilisation des cartes d'identité et à la protection de la vie privée. L'Association québécoise des archivistes médicales remercie la commission de la culture de lui donner l'opportunité de déposer devant elle son mémoire portant sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée.

À prime abord, la notion même de carte d'identité unique et obligatoire n'est pas matière à débat professionnel pour les archivistes médicales. Toutefois, cela pourrait vite le devenir si la carte choisie était la carte d'assurance-maladie. C'est donc dans cet esprit que l'AQAM dépose respectueusement ses commentaires devant la commission de la culture.

L'Association québécoise des archivistes médicales a pour mission de regrouper les archivistes médicales et de leur offrir des services de support, de promotion et de formation assurant la reconnaissance de leurs compétences en gestion de l'information sociomédico-administrative. De plus, l'Association doit fournir à ses membres tous les moyens pour leur permettre d'assurer la protection des droits des usagers en matière d'accès à l'information et du respect des lois ayant trait à l'accès et à la confidentialité. Enfin, l'Association doit s'assurer que le niveau d'enseignement collégial offert réponde aux normes de compétence et permette l'obtention de la certification professionnelle officielle de l'AQAM.

L'AQAM représente la majorité des archivistes médicales qui oeuvrent dans plus de 450 établissements répartis sur tout le territoire du Québec. C'est ainsi qu'on retrouve maintenant les archivistes médicales dans les centres hospitaliers de courte durée, de longue durée, de réadaptation, de gériatrie et dans les CLSC. L'archiviste médicale est une professionnelle de la santé qui assume la gestion des dossiers de santé et des services sociaux. Elle assure également leur confidentialité, tout en protégeant les droits des usagers en matière d'accès à l'information, et ce, en conformité avec les lois, les règlements et les politiques en vigueur.

A priori, l'Association québécoise des archivistes médicales n'a pas d'objection majeure à l'instauration d'une carte d'identité unique et obligatoire au Québec. Au-delà des considérations et des débats philosophiques et sociaux que soulève ce type de changement ou de choix de société, notamment au chapitre des libertés individuelles, et dans un contexte plus terre à terre et très pragmatique, l'AQAM peut voir deux légers avantages à l'instauration d'une telle carte pour ses membres.

Dans un premier temps, il arrive parfois que les usagers se présentent au service des archives médicales et demandent accès à leurs dossiers. L'archiviste médicale doit alors identifier clairement et correctement l'usager. Il peut arriver aussi qu'une personne soit mandataire pour un usager et qu'elle agisse par procuration. Encore là, l'archiviste médicale doit procéder à une identification formelle. La carte d'identité unique pourrait évidemment être la pièce exigée pour confirmer l'identité du requérant.

D'autre part, dans le cas des enfants mineurs dont les parents font une demande d'accès au dossier de leur enfant, l'archiviste médicale doit parfois exiger le certificat de naissance de l'enfant et, dans tous les cas, une preuve d'identité du père. Encore là, il est évident que la carte d'identité avec photo, sauf pour l'enfant, compte tenu des transformations trop grandes d'une année à l'autre, pourrait s'avérer très utile pour fins d'identification formelle des requérants.

Compte tenu de ce qui précède, vous comprendrez facilement que l'AQAM pourrait donner son appui à la mise sur pied d'un programme de carte d'identité unique et obligatoire, à la condition expresse, cependant, que cette carte soit émise par le directeur de l'état civil et que les données y apparaissant puissent permettre de rencontrer les besoins d'identification précités.

L'Association québécoise des archivistes médicales ne veut pas reprendre ici les questionnements soulevés par la Commission d'accès à l'information dans son document de réflexion sur la question des cartes d'identité au Québec, publié en octobre 1996. Les limites et les contraintes qui sont énumérées dans cet excellent document, notamment à propos de l'utilisation du permis de conduire et du certificat de naissance comme carte d'identité, nous semblent tout à fait à propos et rejoignent nos préoccupations, d'autant plus que nous ne préconisons aucunement l'utilisation d'une de ces cartes à titre de carte d'identité officielle et obligatoire au Québec.

Vous constatez que nous avons omis de mentionner la carte d'assurance-maladie comme outil possible d'identification officielle. Cette omission est parfaitement volontaire, et nous nous permettons d'élaborer un peu plus ci-après sur l'utilisation possible de la carte d'assurance-maladie comme carte d'identité unique et obligatoire.

La préservation de la confidentialité des données inscrites au dossier d'un usager est un des grands soucis et une des principales responsabilités des archivistes médicales. La carte d'assurance-maladie, comme son nom l'indique, est la clé d'accès au système québécois de la santé et des services sociaux. Au moment même où la CAI a dénoncé, devant cette commission, des pratiques illégales en matière de divulgation de renseignements personnels, vous comprendrez aisément que l'Association québécoise des archivistes ne puisse être d'accord avec l'utilisation à des fins d'identification d'une carte donnant accès à des informations de nature médicale et confidentielle.

La carte d'assurance-maladie devrait servir uniquement et exclusivement à des fins administratives au sein du réseau québécois de la santé et des services sociaux. C'est sûrement avec ce genre de préoccupation en tête que le législateur a tenu à préciser dans la loi qu'il est illégal d'exiger cette carte à d'autres fins que celles pour lesquelles elle est prévue.

(15 h 10)

De surcroît, la carte d'assurance-maladie, dans sa forme actuelle, est peut-être appelée à disparaître dans un avenir assez rapproché. En effet, la RAMQ vient de conclure un projet-pilote dans la région de Rimouski, comme vous le savez sûrement. Ce projet avait pour but de tester l'efficacité et la fiabilité d'un carte à microprocesseur plus connue sous le nom de carte-santé.

Ainsi, dans l'éventualité où la carte d'assurance-maladie permettrait l'emmagasinage d'informations à caractère médical et où cette carte serait retenue comme carte d'identité officielle au Québec, cela signifierait que nous aurions à utiliser dans un avenir très rapproché une carte à microprocesseur sur laquelle serait emmagasiné un nombre important de renseignements personnels et médicaux.

Bien que ce problème soit seulement indirectement relié à la question qui vous préoccupe dans vos travaux actuels, vous nous permettrez sans doute ce petit écart qui mettra en lumière une autre dimension et une mise en garde face à l'utilisation des cartes à puce, car, qui sait, le pas à franchir n'est pas très grand entre l'instauration d'une carte d'identité unique d'une part et l'utilisation d'une carte d'identité unique multiservice à microprocesseur d'autre part.

Les cartes à puce créeraient un phénomène de méfiance dans la population, qui craindrait de voir divulguées par erreur les informations très sensibles comme les traitements et antécédents psychiatriques, les consultations pour MTS, les avortements juvéniles, pour ne nommer que ceux-là. En plus du phénomène décrit précédemment, ces cartes engendreraient un problème de taille dans les services d'archives médicales des centres hospitaliers.

En effet, dans le cas spécifique de la carte d'assurance-maladie à microprocesseur, on laisse entendre que celle-ci amènera des économies substantielles pour le réseau de la santé et des services sociaux en faisant disparaître les cartes d'hôpital. Ce n'est pas tout à fait vrai. Les systèmes de classement en usage dans les centres hospitaliers sont du type numérique continu. Cela signifie qu'à chaque nouvel usager on attribue le numéro disponible dans la séquence continue. Ainsi, dans les grands centres, on parle de numéro de dossier à sept chiffres. De son côté, la carte d'assurance-maladie est alphanumérique. Par conséquent, au départ, il existerait un problème complexe de correspondance de numéro, s'il fallait modifier le système de classement des dossiers pour qu'ils correspondent à l'alphanuméro de la carte à puce de la RAMQ. On retrouverait la même problématique au niveau des logiciels actuellement utilisés dans le réseau de la santé, notamment pour la transmission des données au ministère que ça soit par MED-ECHO ou autre système.

D'autre part, la gestion des réserves de dossiers deviendrait presque l'équivalent d'un bazar si on considère la quantité de L, de S, de R et de T, par rapport au petit nombre de A, W, Y et Z, par exemple.

Mais les désavantages de l'utilisation de la carte à puce de la RAMQ ne s'arrêtent pas là. En effet, dans le volume 2, numéro 3 de la revue Commentaires en économie médicale , on identifie six inconvénients majeurs à l'utilisation des cartes à puce: premièrement, le risque de perte et la réticence de l'usager à transporter sa carte en tout temps; deuxièmement, l'objection de l'usager à stoker dans la puce de la carte des données délicates connues, des traitements psychiatriques ou des maladies transmises sexuellement ayant pour conséquence que des renseignements sont ainsi cachés et les dossiers de santé demeurent incomplets; troisièmement, incapacité de stoker le dossier de santé complet d'un usager sur une seule carte – dans certains cas, c'est possible, mais dans les cas, par exemple, des gens qui souffrent de maladies chroniques, le volume d'informations serait impossible à stoker sur des cartes semblables; difficulté de contrôler l'accès aux données par des utilisateurs non autorisés; difficultés logistiques à fournir l'accès aux données à des utilisateurs légitimes mais secondaires, comme les épidémiologistes, les chercheurs et les planificateurs.

Finalement, nous ne connaissons pas avec exactitude les degrés de risque de piratage et de décryptage, non plus que le potentiel de fraude rattaché à ce type de carte, mais nous savons fort bien qu'ils existent. Conséquemment, la prudence est de mise. Et nous ne saurions être trop circonspects face à l'implantation généralisée de ce type de carte.

En conclusion, nous sommes de chauds partisans du progrès, mais pas à n'importe quel prix. La protection du public et le droit à la confidentialité sont nos chevaux de bataille et, en même temps, ils représentent deux des fleurons de notre profession. Nous entendons demeurer les gardiens et les gardiennes de la confidentialité, que les données soient informatisées ou non. Le progrès et la technologie ne doivent pas devenir des sources de compromis par rapport à des valeurs aussi fondamentales. Le respect de la vie privée doit primer avant tout, quelle que soit la solution choisie.

Une carte d'identité n'est pas une finalité en soi, c'est un outil d'identification que les administrateurs publics pensent devoir utiliser pour régulariser leurs activités. Cette carte ne doit pas devenir un moyen de contrôle, mais plutôt un outil permettant aux individus de s'identifier facilement pour avoir accès à l'ensemble des services auxquels ils ont droit.

Nous sommes dans une société en mutation, et la tentation est grande de choisir les solutions alléchantes que la technologie moderne nous propose. Cependant, il convient d'user de prudence avant de transformer nos systèmes d'information en infosystèmes.

En terminant, permettez-nous de citer le vieil adage suivant: Il vaut mieux prévenir que guérir . Soyez assurés que l'AQAM et ses membres vous offrent toute leur collaboration dans ce dossier. Nous vous remercions encore une fois de l'opportunité que vous nous avez offerte de présenter devant vous nos réflexions sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Ce n'est pas nécessairement une question, c'est plutôt une réflexion que je voudrais partager avec vous, Mme Thibault et M. Lizotte. Je ne suis pas médecin, vous ne l'êtes pas, mais, par contre, vous êtes beaucoup plus près du milieu médical que moi, je peux l'être. Et je vais partir d'un vécu, pour employer l'expression habituelle, d'un vécu personnel. Mes fonctions, forcément, m'amènent à être à Québec, à travailler à Québec. On a tous, tôt ou tard dans la vie, à l'occasion, des petits problèmes de santé. Donc, je suis allé à l'Hôtel-Dieu de Québec. C'est l'Hôtel-Dieu qui a la petite carte, etc. Par contre, à Montréal, comme je dis toujours à la blague, si j'achète toutes les oranges chez le fruitier de mon quartier, donc je me fais soigner dans mon quartier, donc c'est à Saint-Luc qu'ils ont ma carte. Mais, quand j'arrive à l'hôpital, on me demande ma carte de l'hôpital; c'est la carte qui donne accès à tous les dossiers. Et, quand j'arrive à Québec aussi, si j'ai quelque chose, on me demande ma carte.

Alors, je ne sais pas, il y a quelques mois, je crois que c'est l'an dernier, un problème d'ouïe terrible. Alors, j'arrive à Québec puis je n'ai pas ma carte, donc on me refait une carte. Donc, j'ai passé beaucoup de temps dans la salle d'attente. La carte d'assurance-maladie, en fin de compte, n'a servi que pour m'identifier. À des fins médicales, elle n'a absolument pas servi à quoi que ce soit. Mais, si je vais à l'hôpital, c'est pour être bien soigné. Et je crois que, pour être bien soigné, il faut que l'infirmière, le médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste, qui est devant moi ait quand même un minimum d'historique de ce qui m'est arrivé. Il se peut qu'on soit obligé, compte tenu de ce dont je souffre, peut-être de connaître certaines choses. J'ai peut-être, il y a six mois, fait une dépression nerveuse et on m'a donné... Je ne sais pas ce qu'on donne habituellement là-dedans. Je ne sais pas, moi. Qu'est-ce qu'on donne? Des antidépresseurs, peut-être. Je ne sais pas si c'est ça?

Une voix: Du Bordeaux.

M. Boulerice: Du Bordeaux! Un bon verre de Bordeaux, oui, il paraît que ça guérit tout, effectivement. L'opposition, à l'occasion, a d'excellentes suggestions. Ha, ha, ha!

Alors, il y a peut-être une contre-indication – je ne sais pas – entre ce que, lui, il prévoyait me prescrire et peut-être des résidus de la médicamentation que j'ai eue il y a peut-être trois mois, six mois, quatre mois, etc.

Une maladie transmise sexuellement. Si j'arrive dans un état, enfin, où j'ai de la difficulté à m'exprimer, compte tenu de mon état de santé – et parlons d'une pandémie terrible qui existe – je suis porteur du VIH, sida, donc il y a une médicamentation que vous connaissez comme moi qui est extrêmement complexe, c'est presque des tiroirs que les gens prennent, etc., mais, si le médecin n'a pas cela, il risque peut-être de faire une fausse manoeuvre.

Ceci étant dit, je ne vois pas, moi, où est le problème en disant: Oui, mais ce sont des données sensibles. C'est bien entendu que, si on fait paraître une annonce dans le journal de mon historique médical, je ne vais pas l'apprécier, surtout pas mon profil psychologique non plus, pour être d'actualité. Mais, par contre, moi, je me dis: Si je n'ai pas ça, mes chances de recevoir...

Une voix: C'est sur commande.

(15 h 20)

M. Boulerice: On me dit que c'est sur commande, le profil psychologique. Je risque de ne peut-être pas avoir les soins les plus adéquats, non pas par incompétence et mauvaise volonté du personnel médical, toutes catégories confondues, mais à cause de l'absence de données effectivement pertinentes. Puis je me demande dans quelle mesure aussi... C'est ça que je vous dis, ce n'est pas nécessairement une question, c'est peut-être un peu une réflexion que je partage avec vous. Et je me dis, mais, en partant de cela aussi, est-ce que peut-être, dans un certain sens, on ne fait pas un petit peu un genre de procès d'intention quant au manque d'éthique de ceux et de celles qui vont traiter ces données-là?

Vous êtes, vous, Mme Thibault, présidente de l'Association québécoise des archivistes médicales. Et je sais que vous avez un code d'éthique, qui est blindé, entre moi et vous. Alors, moi, je pense que les gens adhèrent à ça. Donc, on ne fait pas un petit peu – j'ai employé le mot «procès d'intention», c'est peut-être un mot exagéré – un manque de confiance quant à l'éthique des gens qui vont utiliser ces données? Enfin, ça a été très long pour une réponse à laquelle le président va vous dire que vous n'avez qu'une seule minute. Mais, je le dis, ce n'était pas nécessairement un questionnement, mais plutôt un échange que je souhaitais avoir avec M. Lizotte et vous, Mme Thibault.

M. Lizotte (Jules): Je pourrais vous dire, M. le député, qu'il y a deux volets très importants dans votre question. Le premier volet: vous faites état d'une situation qui est très rare. Si vous aviez toutes les maladies que vous nous avez décrites, il est fort probable que votre médecin à Québec et votre médecin à Montréal correspondraient entre eux pour suivre l'évolution de votre cas. Il ne risquerait pas de vous arriver d'entrer à l'hôpital, à l'Hôtel-Dieu de Québec, avec le VIH sans que le médecin le sache parce que ce sont des maladies qui réclament des soins presque quotidiennement et un suivi de très près.

Pour ce qui est du code d'éthique, l'archiviste médicale le respecte. Et la personne qui manipule le dossier, qui fait la codification et qui est chargée de faire la transmission de l'information aux personnes qui sont autorisées à la recevoir travaille très bien. Sauf que, dans le cas d'une carte où on parle de lecteur pour pouvoir accéder et de mot de passe pour accéder, il s'agit d'une simple erreur pour qu'une personne qui n'est pas nécessairement liée par un code d'éthique ou qui, sans avoir aucune mauvaise intention, a accès à une certaine information, la répète.

Je donne toujours comme exemple une chose qui illustre bien, je crois, le monde dans lequel on vit. Il pourrait arriver qu'un personnage très illustre, propriétaire d'un journal quotidien au Québec que je ne nommerai pas, puisse se retrouver avec son historique médical étalé dans son journal sans qu'il ne puisse rien y faire parce qu'il y a eu une fuite ou parce qu'on a transporté son dossier ou parce que quelqu'un a malencontreusement eu accès à certaines données. Et, dès que ça devient une personne plus connue, l'information augmente en sensibilité, et c'est très risqué.

M. Boulerice: Cet hypothétique propriétaire de journal dirait, comme on l'a souvent entendu dire: Clisse!

M. Lizotte (Jules): Probablement.

Une voix: Peut-être qu'il a été mal cité.

M. Lizotte (Jules): Ou autre chose.

M. Boulerice: Ou autre chose. Non, écoutez, je vous l'avais dit au départ, je n'ai pas la même proximité que vous face à ce sujet, mais, comme il nous faut ou il nous faudra légiférer, il est bon, effectivement, d'entendre votre point de vue.

M. Lizotte (Jules): J'ajouterais, si vous me le permettez, que les archivistes font des mises en garde parce qu'elles sont tellement bien placées pour se rendre compte à quel point, parfois, il y a des gens qui tentent d'obtenir de l'information confidentielle. Il y a des cas, par exemple, où il y a des successions complexes. Il y a des gens qui voudraient bien avoir certaines informations médicales pour essayer d'obtenir des parties d'héritage, ou des choses comme ça. Il faut être extrêmement prudent; c'est la position que nous voulions vous communiquer aujourd'hui.

Mme Thibault (France): Et, si vous me permettez peut-être d'ajouter...

M. Boulerice: Je vous en prie.

Mme Thibault (France): Techniquement parlant, au niveau de la transmission des informations – on se remet peut-être dans l'exemple que vous donniez – vous consultez à l'hôpital Saint-Luc à Montréal, vous êtes mal pris, vous consultez ici à l'hôpital de Québec, vous avez quand même les cartes d'hôpital sur vous et vous êtes quand même en état de dire: Oui, j'ai consulté dans un autre établissement. Entre archivistes, entre services d'archives d'un établissement à un autre, il y a toujours moyen de communiquer inter-établissements via toute la technologie que nous possédons aujourd'hui. Donc, c'est peut-être plus rassurant aussi pour le client, pour l'usager de savoir que son dossier est bien sous clé et que l'information circule via le fax ou via le téléphone entre les deux médecins. Les médecins peuvent se parler, et c'est peut-être plus sécurisant et plus confidentiel que de traîner sa petite carte avec soi, dans ses poches, sans savoir nécessairement... Parce que, s'il arrive une perte de cette carte-là, on fait quoi avec toute l'information qui est contenue dessus, aussi? C'est le dossier que vous traînez avec vous.

M. Boulerice: Écoutez, quant à moi, Mme Thibault, M. Lizotte, je vous remercie d'avoir répondu au long préambule et à la courte question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Moi aussi, j'aimerais dire merci beaucoup aux représentants des archivistes médicales de partager une expertise. Je ne connais rien dans le domaine, mais, dans les témoignages que nous avons reçus, si j'ai bien compris, il y a le statu quo. Il y a souvent des documents qui demeurent toujours sur papier, ce qui pose des problèmes d'entreposage à beaucoup d'établissements, et qui sont dispersés. Alors, des fois, et surtout dans l'ère du virage ambulatoire, et tout ça, on va laisser quelques données au CLSC, peut-être d'autres données à l'hôpital, une troisième dans le cabinet privé d'un médecin. Alors, on soulève la problématique que peut-être, des fois, les dossiers sont trop dispersés.

Il y avait une solution proposée, qui était l'expérience à Rimouski, si j'ai bien compris, de tout mettre sur une carte à puce, de mettre les fichiers directement sur la carte. La troisième proposition, au lieu d'avoir tout ça, c'est d'avoir uniquement une carte comme une clé d'entrée. Et on va créer, si j'ai bien compris, une grande banque de données centrale des dossiers médicaux. Alors, la RAMQ, ici, à Québec ou quelque part, va conserver des mégafichiers.

Alors, sur la proposition de garder les grandes banques de données, je vois qu'à maintes reprises, surtout dans votre conclusion, vous nous conseillez la prudence et de prendre le temps qu'il faut. Alors, c'est quoi, les enjeux, et c'est quoi, vos inquiétudes quant à la création d'un mégafichier des données médicales sur tous les Québécois et les Québécoises?

M. Lizotte (Jules): D'une part, c'est que, si on développe un volet de carte de ce type, il y a juste un petit pas à franchir pour en faire une carte multiservice, d'associer des gens, même des entreprises de nature commerciale, que ce soit des banques... Alors, on aurait une carte avec plusieurs sous-fichiers. On pourrait avoir un ficher pour le ministère du Revenu, un fichier pour le ministère de la Santé et des Services sociaux, un autre pour la Société de l'assurance automobile du Québec, un autre pour la CSST. Et, dans ces organismes-là, il y a des gens qui s'échangent les informations de nature médicale. Mais il pourrait y avoir, à un certain moment donné, j'oserais dire, comme une forme de complaisance administrative qui dirait: De toute façon, ces gens-là finissent par s'échanger l'information médicale, donnons-leur en l'accès d'un fichier à l'autre. Et ce n'est pas nécessairement la bonne voie et la bonne solution. Il faut qu'il y ait un contrôle sur l'échange de ces informations-là.

D'autre part, pour ce qui est de la fameuse problématique du dossier papier, on tend à l'éliminer de plus en plus. Les gens du ministère de la Santé et des Services sociaux sont en train de développer l'inforoute sociosanitaire du Québec. On est en train de créer, dans différentes régions, des regroupements d'établissements. On est en train de penser à l'architecture de dépôts cliniques d'informations. Prenons l'exemple de la région de Sherbrooke, qui est un exemple assez frappant, où on a regroupé deux hôpitaux, on a regroupé deux ou trois CLSC, un centre de gériatrie, et tous ces gens-là, éventuellement, les gens autorisés – on parle des médecins, on parle des professionnels qui sont en consultation avec un usager – pourront avoir accès à un dossier unique informatisé. Ce dossier-là sera géré selon des normes et des mesures de sécurité extrêmement sérieuses.

D'autre part, sur une carte à microprocesseur, il est impossible d'emmagasiner toute cette information-là. Alors, on va emmagasiner une partie de l'information, peut-être l'information la plus sensible et la plus susceptible d'irriter les usagers ou de susciter leur crainte. Et le reste des informations devra être supporté autrement aussi, soit par papier, soit sur support informatique. Alors, on voit là une possibilité de dédoublement et un risque. Vous savez comme moi que plus il y a du dédoublement, plus il y a de risque qu'il y ait des gens qui puissent intervenir et briser le sceau de la confidentialité.

(15 h 30)

D'autre part, dans une carte à microprocesseur, l'encryptage et le décryptage est beaucoup plus facile à opérer que quand on parle d'un système informatique hautement sophistiqué, avec des mesures de sécurité à trois et quatre niveaux.

M. Kelley: Et aussi, si j'ai bien compris, votre Association tient beaucoup, comme la Régie de l'assurance-maladie, à ce qu'une carte d'assurance-maladie soit utilisée uniquement pour les fins de la santé, point. Et c'est essentiel de ne pas mélanger les besoins avec d'autres services gouvernementaux, ou autres.

M. Lizotte (Jules): Oui, absolument.

M. Kelley: Parfait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, bonjour. Je suis heureux qu'on ait l'occasion de vous entendre, l'Association des archivistes médicales, parce que, s'il y en a qui, à tous les jours, manipulent des documents confidentiels, c'est bien vous autres. Vous manipulez les dossiers médicaux des gens. Alors, je pense que votre témoignage, en ce sens-là, est bien intéressant. Mais avant d'aller plus loin, il y a une chose qui m'intrigue. Je constate que le nom de votre Association, c'est l'Association québécoise des archivistes médicales, et «médicales» est écrit au féminin pluriel. Est-ce que je dois comprendre que ce n'est réservé qu'aux femmes?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Thibault (France): Non, mais la majorité de nos membres sont des femmes. Peut-être avons-nous 10 – si je dis 10, c'est plusieurs – hommes dans l'Association. Alors, on a peut-être voulu intervertir les règles du français, et, cette fois-ci, c'est le féminin qui l'emporte sur le masculin.

M. Jutras: Qui l'emporte sur le masculin. Ah bon! d'accord.

M. Boulerice: Bon choix pour une seconde carrière, mes chers collègues.

M. Jutras: Parce qu'on peut dire «un archiviste» comme «une archiviste».

Mme Thibault (France): Oui.

M. Lizotte (Jules): Oui.

M. Jutras: C'est l'un ou l'autre. Bon, d'accord. Maintenant, peut-être que c'est dû au fait que, comme je le disais tantôt, à tous les jours, vous avez des dossiers médicaux de gens entre les mains, et on sait à quel point les gens sont sensibles à la confidentialité concernant ce qui est contenu dans leur dossier médical, mais on sent beaucoup de réticence de votre part relativement à la carte d'identité. Je dirais quasiment que c'est comme si on vous arrachait le consentement, parce que vous dites: «L'Association québécoise des archivistes médicales n'a pas d'objection majeure...», en voulant dire: On n'y consent pas, on a peut-être des objections mineures. Mais, par contre, vous utilisez la formulation «n'a pas d'objection majeure». Après ça, vous dites: «L'AQAM peut voir deux légers avantages à l'instauration d'une telle carte.» Alors, vous savez, vous n'êtes pas obligés de dire: Oui, ça nous en prend une carte d'identité au Québec, et obligatoire. Est-ce que dans le fond, finalement, vous n'êtes pas contre ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lizotte (Jules): Non, non. La position qui est exprimée et la nuance qu'il y a peut-être lieu d'apporter est la suivante. Non, nous ne sommes pas contre, mais ce qu'on dit c'est qu'on ne sait pas exactement comment ça va aboutir et à quoi ça va ressembler. Et, avant de le savoir, on dit: On fait une mise en garde sévère et sérieuse parce que ça pourrait facilement déraper, selon nous, justement pour les raisons que vous avez énumérées dans votre question, compte tenu que ces gens-là – je dis ces gens-là, parce que je ne suis pas un archiviste médical – manipulent des documents confidentiels et sont confrontés à toutes sortes de situations où la confidentialité est prise à partie presque quotidiennement.

D'autre part, on y voit deux légers avantages dans la pratique professionnelle des archivistes. Lorsque les gens se présentent habituellement pour obtenir accès à leur dossier, il y a des raisons majeures, soit une question de procédures judiciaires, il y a des cas de décès. Et c'est très bien balisé dans la loi, que ça soit la loi de l'accès à l'information, que ça soit la loi sur la santé et les services sociaux ou que ça soit la Loi sur les archives.

Alors, pour nous, la carte d'identité n'apporte pas beaucoup d'éléments positifs dans le travail quotidien d'une archiviste, ne serait-ce que pour identifier des parents ou pour identifier formellement des personnes. Et, à ce moment-là, on dit: Très bien, à la condition que cette carte-là en soit une qui respecte les principes de confidentialité et ne soit pas rattachée... Nous, on craint beaucoup plus l'orientation vers des cartes à microprocesseur multiservices ou multifonctionnelles et on ne voit pas d'intérêt, et même on voit un certain danger à ce que ça soit utilisé. De là, le manque d'enthousiasme de notre part.

M. Jutras: Ou la très grande prudence. Mais je pense qu'avec ce que vous faites tous les jours on comprend votre très grande prudence. Ça m'amène justement à l'autre partie de votre mémoire, où on comprend que vous dites: La carte à puce, à microprocesseur multifonction vous êtes totalement contre ça.

M. Lizotte (Jules): Oui.

M. Jutras: Ça, c'est exprimé clairement. Vous dites: La carte d'assurance-maladie n'a pas à servir aussi de carte bancaire et de carte de guichet, etc. Je vous suis bien, jusque-là. Mais je comprends aussi, de votre mémoire, et ça me frappe d'autant plus tenant compte de ce que vous vivez tous les jours et du milieu dans lequel vous travaillez, que même la carte à puce qui ne servirait qu'à des fins d'assurance-maladie, même ça, vous avez des restrictions très sévères, vous avez d'énormes réserves par rapport à ça. Parce que, entre autres, à la page 11 de votre mémoire, vous faites référence aux commentaires en économie médicale. Je comprends que c'est tiré d'une revue, mais on voit que même la carte à puce en matière d'assurance-maladie, même vis-à-vis ça, vous êtes contre ou, en tout cas, vous avez d'énormes réserves.

M. Lizotte (Jules): Oui. D'une part, parce que, un petit peu pour reprendre l'exemple de votre collègue qui posait la première question précédemment, une personne qui souffre d'une maladie socialement plus difficile à accepter, que ça soit le VIH ou que ça soit autre chose, pourrait être portée à cacher cette information-là lorsqu'on établira sa carte. Et la personne, en bout de ligne – en tout cas, à moins qu'on ne désire procéder unilatéralement – qui va donner son accord sur le contenu de l'information, ça sera l'usager lui-même. Et, si cette personne-là décide de cacher des choses, ça peut avoir des répercussions. Et là ça pourrait devenir beaucoup plus grave, parce que la personne qui arrivera en urgence et qui aura caché son état, de peur que ça ne soit connu par des personnes qui n'ont pas à avoir accès à ça... Parce qu'il n'est pas dit que l'usager quotidien d'un centre hospitalier, de façon générale, l'usager moyen, est aussi à l'aise et aussi renseigné sur l'évolution des systèmes informatisés que vous et moi on peut l'être. Ça ne veut pas dire qu'ils ne connaissent pas ça, non plus, mais il y a des chances que les gens maintiennent cette perception de danger de divulgation.

Et vous me permettrez un peu d'alléger mon propos par cet exemple: à chaque fois qu'on voit un film de science-fiction, on n'essaie pas de démontrer à quel point le système est sécuritaire, mais combien et comment c'est facile de percer le système et de décrypter les informations pour accéder aux lieux les plus secrets et les plus difficiles à pénétrer. Alors, c'est normal que les gens aient encore une certaine réticence et se sentent un peu inquiets face à l'inscription informatique d'informations les touchant personnellement. Et, quand l'information est inscrite au dossier par le médecin devant l'usager dans son bureau et qu'il ferme le dossier et que ça s'en va au service des archives, et que ça a toujours bien fonctionné, et qu'il n'y a jamais eu de fuites, l'usager est beaucoup plus en confiance, je pense. Et de là la réserve que nous émettons, entre autres.

Mme Thibault (France): Et, si vous me permettez de poursuivre un petit peu aussi, moi, je suis vraiment sur le terrain, et puis la Régie d'assurance-maladie a accès à une banque de données. Mais, quand on envoie à la Régie de l'assurance-maladie les données sur les usagers des établissements, ça coïncide avec un diagnostic. Donc, le médecin doit quand même justifier sa pratique, sa consultation avec un diagnostic.

Vous serez probablement d'accord avec moi si je vous dis: Un diagnostic qui dit «extrême fatigue» ou «fatigue» et qui arrive à la Régie de l'assurance-maladie, même s'il est relié avec un nom, une identité x, ça ne dit rien. C'est le contexte, c'est toute l'histoire qui amène le médecin à diagnostiquer la fatigue, pourquoi le client ou l'usager souffre d'une fatigue, et c'est toute l'histoire personnelle du client. Et, si on s'en va avec la carte à puce, alors, c'est le contenu du dossier, c'est tout ce qui est écrit dans le dossier qu'on retrouvera sur la carte à puce et qui n'est peut-être pas nécessairement obligatoire d'être connu de l'ensemble des gestionnaires. C'est là qu'on embarque dans la privatisation de la vie, la confidentialité, si vous voulez, de la vie privée des gens.

(15 h 40)

On utilise les diagnostics comme tels pour faire des statistiques, pour avoir une image de la population au Québec. Que le gestionnaire, que le ministre de la Santé utilise ces données-là pour savoir où on s'en va dans notre système de santé, oui, nous sommes entièrement d'accord avec ça, parce qu'on doit savoir ce qui arrive. Mais de là à connaître la vie privée de chacun des individus, il y a une immense différence.

Et j'irais encore un petit peu plus loin que ça en disant que même les professionnels deviennent de plus en plus prudents. Autrefois, le professionnel rédigeait son dossier, et le contenu du dossier était encore beaucoup plus clair qu'aujourd'hui. Maintenant, avec toutes les nouvelles lois d'accès, les lois qui permettent à l'usager d'avoir accès à son dossier, les mesures aussi pour aller contre le contenu du dossier quand ce n'est pas satisfaisant pour l'usager, alors le professionnel est de plus en plus prudent à rédiger son dossier. Et il y a un risque, à un moment donné, qu'on en vienne à n'avoir qu'un dossier partiellement rédigé, et l'autre professionnel, en tout cas, n'aura pas tous les éléments dont il a besoin pour poser un diagnostic adéquat. Alors, c'est tous ces dangers-là, aussi, qui font que, si on arrive avec une petite carte qu'on peut traîner dans notre porte-monnaie, dans le fond, qui peut contenir une banque immense d'informations, je ne suis pas sûre qu'on va atteindre le résultat qu'on veut au bout du compte.

M. Jutras: Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Brièvement, M. le Président. Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir soulevé ces dernières questions et j'aimerais poursuivre ça un peu avec vous. N'est-ce pas exact qu'une des raisons aussi pour lesquelles les gens sont de plus en plus prudents, c'est que non seulement le patient a accès, mais, malgré le fait que les professionnels sur l'étage sont astreints à un code de déontologie de par la loi et les règlements, en vertu du Code des professions, il y a beaucoup de gens qui ont physiquement accès? Avec les surcharges de travail, juste les conditions matérielles, lorsque les choses sont sur papier, elles sont souvent laissés là, et il y a plus de gens qui ont accès à ça que ça devrait être le cas, n'est-ce pas exact?

Mme Thibault (France): Oui. Puis il ne faut pas se le cacher, monsieur, on est dans le virage ambulatoire. Il y a de plus en plus de services qui se font en multidisciplinaire. Il y a de plus en plus de professionnels qui sont de garde et qui assurent des services de longue durée. Alors, le professionnel traitant, qu'on parle de psychologue, de travailleur social, d'infirmière ou de médecin, n'étant pas nécessairement sur place, le client a besoin d'un service. Alors, c'est l'intervenant de garde qui doit ramasser tout ça. Et on pourrait élaborer très, très, très longtemps juste sur les cas de santé mentale qu'on se transfère du centre hospitalier au CLSC, du CLSC à l'urgence. Le professionnel qui ramasse le client a besoin d'un minimum d'informations.

M. Mulcair: Oui.

Mme Thibault (France): Et, toujours, la ligne de pensée dans nos établissements, c'est le client en premier. On réchappe le client, on lui donne ce dont il a besoin, on éteint le feu, ensuite, on continue.

M. Mulcair: Donc, il va falloir qu'on tienne compte de cette réalité-là lorsqu'on va bâtir les lignes.

Mme Thibault (France): Il faut être très, très, très prudent.

M. Mulcair: Est-ce que, à votre sens, votre expérience dans les archives vous mène à croire qu'il serait opportun de prévoir, à l'occasion, des manières de vérifier? Lorsqu'on regarde les états financiers d'une entreprise, on parle de vérification, en anglais, on dit «audit». La vérification dans le sens «audit» de l'étanchéité des systèmes de contrôle de la vie privée papier et de la vie privée éventuellement électronique, est-ce que c'est une chose que l'on devrait se donner l'obligation de faire? Il y a des gens qui vérifient les comptes, dans les hôpitaux et dans le gouvernement. Il y a des gens qui sont là pour surveiller les ressources financières, les ressources humaines. Mais est-ce que les ressources, si on peut dire, informationnelles et leur étanchéité ne devraient pas aussi faire l'objet d'une analyse, d'un contrôle?

Mme Thibault (France): Moi, je pense que oui. Les compagnies d'informatique qui nous présentent de plus en plus de produits pour le dossier informatisé, si vous voulez, nous, on arrive toujours avec la petite question: Est-ce que c'est confidentiel? Est-ce que l'accès est surveillé? Oui, il y a des mécanismes, on contrôle l'accès. Dans le fond, les entrées journalières, on peut savoir qui est allé voir quel dossier, si vous voulez. Mais, une fois que le dossier a été vu, le mal a été fait. Mais nous, en tant qu'association, on n'a pas été délégué, le ministère, les gens n'ont pas délégué l'Association pour nous donner le pouvoir, si vous voulez, de contrôler les mécanismes d'accès. Alors, jusqu'où on peut aller là-dedans? Et les lois ne sont pas claires, non plus, là-dessus. Alors, je pense que, oui, il y a un travail à faire là-dessus.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, je remercie les représentants de l'Association des archivistes médicales de leur contribution aux travaux de cette commission.

Nous allons transformer maintenant la commission en séance de travail, parce qu'on ne s'est pas réuni depuis quelque temps.

(Fin de la séance à 15 h 46)


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