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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 4 septembre 1997 - Vol. 35 N° 54

Table ronde dans le cadre de la consultation générale sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée


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Table des matières

Organisation des travaux

Auditions

Organisation des travaux (suite)

Discussion générale

Organisation des travaux (suite)

Discussion générale (suite)

Mémoire déposé

Conclusions


Autres intervenants
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. Thomas J. Mulcair
M. André Gaulin
M. David Payne
M. Geoffrey Kelley
M. Michel Morin
* Mme Micheline McNicoll, Protecteur du citoyen
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures treize minutes)

Le Président (M. Garon): Alors, la commission, puisque nous avons quorum, commence ses travaux.

L'ordre du jour, de 9 heures à 13 heures, c'est de rencontrer et faire une table de discussion avec la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Et puis, si c'est nécessaire, on pourra continuer cet après-midi, puisque, cet après-midi, ce sera soit la continuation de la table ronde ou une séance de travail de la commission, entre 14 heures et 18 heures.

Alors, j'invite les gens à s'approcher. On m'a dit que vous étiez huit, alors ça pourrait être quatre au bout de la table et deux de chaque côté. J'ai l'impression que c'est ça que vous avez déjà fait.

La Secrétaire: Il faut annoncer les remplacements.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Jutras (Drummond) et Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par M. Mulcair (Chomedey).


Organisation des travaux

Le Président (M. Garon): Bon. Alors, le mandat de la commission pour cette séance est de faire le bilan des auditions publiques tenues dans le cadre de notre mandat d'initiative sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée. Nous avons convenu au début de la commission d'entendre, à la fin, les quatre organismes qui sont mandatés par l'Assemblée nationale, donc qui relèvent de l'Assemblée nationale, de travailler avec la commission parce qu'ils ont un mandat de protection du citoyen ou un mandat de l'Assemblée nationale, donc qui sont un peu dans la même situation que nous par rapport à d'autres titres, mais par rapport au sujet que nous regardons. Et nous pensions, la commission avait jugé bon d'avoir l'avis, à la fin des auditions, de ces quatre organismes, dans une discussion, pour faire le point. Il y a quelques jours, nous avons fait parvenir une série de questions qui pourraient faire l'objet de discussions, pour entamer la discussion entre nous.

Maintenant, avant de commencer, M. le député de Chomedey a soulevé une question. Est-ce qu'il est là?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Garon): Il a demandé si la séance devrait être enregistrée ou non. J'ai dit que, personnellement, je...

M. Mulcair: De notre côté, on soulevait simplement la question. On s'est dit que peut-être, dans une situation de table ronde comme ça et avec des gens qui apportent autant d'expertise et d'expérience, ça risque d'être une conversation où les gens pourraient tout mettre sur la table, discuter un peu plus ouvertement si ce n'était pas une séance formelle où on enregistrait, tout cela étant dit en me rendant compte que, dans un dossier d'accès à l'information, ça peut paraître un peu ironique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Cependant, je trouve qu'on a tout à gagner, comme législateurs, à avoir le fond de la pensée des gens qui sont avec nous aujourd'hui, et que personne ne se sente obligé d'être réservé ou mesuré dans ses propos si le tout doit être retranscrit. C'est ça. Et, en plus, la personne responsable de l'audio aujourd'hui m'a dit qu'elle avait quelque chose d'autre à faire, qu'elle voulait partir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Moi, je préfère que ce soit public. On est ici, à l'Assemblée nationale. Les choses qui sont dites sont là pour l'information des citoyens, et je représente les électeurs et les électrices de mon comté. La question technique, à savoir qui va parler, chaque fois que quelqu'un intervient ou quelqu'une intervient, il pourrait tout simplement indiquer son nom d'entrée de jeu pour faciliter l'accueil des notes à l'enregistrement.

Quant au reste, je pense que... Ce qu'on a su hier, par exemple, sur un organisme d'État, la Caisse de dépôt, je pense que c'est important pour les citoyens de savoir ce qui s'est dit hier dans une commission de l'Assemblée nationale, et sur l'accès à l'information davantage, ou tout autant en tout cas.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Bien oui, du côté ministériel, enfin... On a été convoqués à un ordre du jour statutaire. Il ne s'agit pas, dans le sens de notre règlement, d'une séance de travail. À la limite, on pourrait le transformer en une. Mais, dans le contexte d'une discussion qui représente un vif intérêt pour le public dans son ensemble, pour ne pas mentionner plusieurs acteurs privilégiés, nos institutions, je pense que ça serait beaucoup plus pertinent de procéder sans délai à l'audience, tel que convenu, avec enregistrement. Je suis sûr que le député de Chomedey n'a pas de préoccupation majeure à ce sujet-là.

M. Mulcair: M. le Président, étant donné qu'effectivement pour transformer cette séance en une séance de travail ça requiert l'unanimité, on est aussi bien de procéder tout de suite parce que, de toute évidence, il n'y en aura pas.

Le Président (M. Garon): Je peux vous dire qu'on ne s'était pas posé la question auparavant. Alors, une formule ou l'autre aurait été acceptable.

La séance a été convoquée. Alors, on a dit qu'il y aurait d'abord présentation de 15 minutes de chacun des organismes et, ensuite, une discussion avec les membres de la commission. Nous sommes ici un peu à cause de la Commission d'accès à l'information – je ne le dis pas péjorativement.

Je vais donner la parole tout d'abord à la Commission d'accès à l'information, ensuite au Protecteur du citoyen, ensuite au Vérificateur général, et ensuite à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.


Auditions

Alors, M. Comeau.


Exposé du président de la Commission d'accès à l'information


M. Paul-André Comeau

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le Président. Je vous suis reconnaissant de même qu'aux membres de votre commission d'avoir lancé cette initiative, qui, semble-t-il, constitue un précédent dans les commissions parlementaires, d'établir une table ronde sur un sujet. C'est donc dire que nous allons procéder à une lecture comparée de nos constats, de nos hypothèses à la lumière des séances qui se sont déroulées ici depuis maintenant quelques mois.

(9 h 20)

Je voudrais aborder trois points ce matin: rappeler ce qui est important, les raisons à la base de cette démarche; vous présenter les constats que la Commission dégage à ce moment-ci à la lumière des mémoires qui ont été présentés et des discussions auxquelles ils ont donné lieu; et puis un regard sur les conclusions provisoires que la Commission dégage et qu'elle devra traduire en réalité au cours des prochaines semaines dans l'attente, bien sûr, du rapport de votre commission.

Alors, au départ, il me faut faire un rappel important et, je pense, utile. Cette consultation, c'est, bien sûr, votre commission qui l'a engagée – vous me permettez l'expression – à l'appel du pied que nous avons lancé à vos membres au moment où nous avons publié un document d'information sur la double question des cartes d'identité et des identifiants. Ce document, c'est le produit, il faut le rappeler également, des échanges importants que nous avons eus avec votre commission au cours des quatre ou cinq dernières années.

À plusieurs reprises, vos collègues, vos prédécesseurs ont soulevé un certain nombre de questions sur les cartes d'identité, sur les numéros d'assurance sociale, d'assurance-maladie, de permis de conduire, etc., et nos réponses ont toujours été basées sur la position de la Commission, c'est-à-dire que, en l'absence de débat public sur cette question depuis à ce moment-là près de 20 ans, la Commission s'en tenait au statu quo, donc une position traditionnelle. Or, le document résultait de l'intérêt manifesté par votre commission, mais aussi de l'expérience enregistrée par la Commission d'accès au fil des années depuis maintenant 15 ans.

Je vous ai déjà signalé qu'une grande partie des plaintes en matière de renseignements personnels qui débouchent sur des enquêtes portent précisément sur cette question des cartes d'identité et des identifiants. Une précision importante: ce n'est pas l'identification en tant que telle qui fait problème la plupart du temps, mais bien les modalités de cette identification et, surtout, la cueillette de renseignements qui s'effectue à l'occasion de l'identification. Les gens protestent parce qu'on récolte – vous me permettez l'expression – à cette occasion, des renseignements qui sont conservés et colligés et qui peuvent servir à d'autres choses.

Alors, le document en question, qui a largement circulé, a tenté de brosser un tableau de la situation ici et dans un certain nombre d'autres pays en regard du problème de l'identification, voir qu'est-ce qui se passe, quelles sont les possibilités, quels sont également les problèmes. Et le problème à l'origine était relativement simple: comment, pour une personne, pour un individu, répondre à une demande d'identification qui lui provient d'un organisme public ou même d'une entreprise. C'est un problème qui est un problème sérieux mais qui a été vu, dans l'expérience de la Commission, dans une perspective précise, c'est-à-dire la cueillette de renseignements personnels qui ne répondent pas toujours au critère de nécessité, critère fondamental dans la loi. Alors, la Commission n'avait aucun autre objectif, en lançant ce document et cette consultation, que de tenter de prendre le pouls de l'opinion publique. Où en sommes-nous, dans cette question, depuis un certain nombre d'années?

Alors, à la lumière de ce qui s'est déroulé devant votre commission, voici les constats que la Commission a pu dégager.

D'abord, l'une des retombées inattendues de ces séances a été de permettre à tout le monde, y compris et surtout aux députés, de prendre connaissance de projets de cartes qui étaient, dans certains cas, inédites, et, dans certains cas, dont on avait entendu parler – je pense notamment au projet de carte de l'état civil, au projet d'une carte électronique multiservices du Secrétariat de l'autoroute de l'information – ou de projets dont on n'avait qu'une idée relativement vague, comme la nouvelle carte-santé à microprocesseur. Il y a donc eu dépôt sur la place publique d'un certain nombre de projets et, moi, je considère qu'il s'agit là d'une conséquence heureuse de votre commission. Les gens ont pu découvrir les intentions et les projets et, à cet égard, la Commission souscrit aux propos de votre président qui déplore la précipitation de l'examen de projets de loi ou d'initiatives par le manque de temps et de recul.

Donc, nous avons devant nous un certain nombre de projets, ce qui nous permet de voir venir les choses et de sonder les avantages et les inconvénients. La Commission, je le répète, continue de privilégier une démarche préventive et elle voit mal comment on pourrait se prononcer sur des projets importants de façon intelligente et prudente tout à la fois quand tout est ficelé, préparé, assemblé. Alors, ces séances publiques ont permis une vision globale des projets de cartes, du moins d'un certain nombre d'entre eux, et ça a permis, je pense, de jeter un éclairage nouveau en mettant cartes sur table, c'est le cas de le dire.

Deuxièmement – c'est notre lecture de ce qui s'est passé ici – ces mémoires et ces discussions ont illustré deux courants de fond: l'un qui représente ce que j'appelle la logique administrative et l'autre ce qui me semble davantage relever de la culture populaire.

La logique administrative – je pense que c'est évident – favorise nettement l'émission de nouvelles cartes, les unes à vocation universelle, les autres à des fins très précises. On a invoqué un certain nombre d'arguments qui doivent être pris en considération: bien sûr, les arguments rattachés à la carte elle-même, des arguments qui vont de l'ordre de la facilité, qui passent par l'équité, et qui débouchent sur une grande simplicité ou une grande simplification, du moins c'est ce qu'on espère. Et beaucoup misent, du côté administratif, sur des cartes à vocation universelle pour favoriser et faciliter la tâche de l'identification.

Et il y a une foule de raisons, évidemment, qui peuvent être avancées, mais, cependant, nous avons remarqué – parce que nous le faisons, évidemment, sous la perspective de la loi qui est confiée à la Commission – que peu de ces projets ont été accompagnés d'une démonstration sous l'angle de la nécessité qui est le critère sur lequel la Commission doit se prononcer en ce qui concerne le problème de la cueillette des renseignements personnels. C'est donc dire que, lorsque les projets seront présentés – éventuellement, s'ils le sont – la Commission devra reprendre à zéro l'examen de ces initiatives précisément en fonction du critère de la nécessité.

On a vu aussi, d'une façon peut-être moins ordonnée, être réaffirmée une dimension de la culture politique du Québec et des Québécois qui ne nous semblent pas être intéressés par l'émission de nouvelles cartes, qu'elles soient facultatives ou obligatoires. Et je ne pense pas qu'il y ait eu d'enthousiasme délirant à cet égard. Et même les porte-parole du monde des affaires ne se sont pas prononcés en faveur de telles cartes. Alors, sans vouloir donner dans l'interprétation psychosociologique, il faut y lire, je pense, le maintien, la persistance d'un fond culturel important, que nous partageons d'ailleurs avec le reste des habitants de ce continent.

Selon les mémoires qui ont été étudiés ici, les Québécois semblent satisfaits de la situation actuelle. Ils disposent des instruments qui leur permettent de s'identifier. Parfois, il y a des inconvénients, mais les inconvénients sont liés à la suite de l'identification et non pas, semble-t-il, à l'acte de s'identifier lui-même. Or, cette constatation que nous dégageons confirme une impression qui était plus ou moins sous-jacente et qui a constitué le fondement des positions de la Commission au fil des années à cet égard: la question des cartes d'identité est largement culturelle, et vouloir devancer ou brusquer une culture ne nous semble pas un geste important ou un geste significatif.

Alors, les constats – de deux ordres, donc – une logique administrative qui s'exprime clairement, une culture politique qui se manifeste. Quelles conclusions d'action ou de proaction en dégage la Commission? Elle en dégage deux. Je pense que, pour le moment, il est possible de résoudre les problèmes actuels d'identification avec les instruments à notre disposition et dans le respect des législations qui ont déjà été adoptées par l'Assemblée nationale qui interdisent, par exemple, que l'on puisse exiger, aux fins d'identification, la présentation soit de la carte d'assurance-maladie ou du permis de conduire lorsqu'il ne s'agit pas de fins directement reliées aux missions de ces deux organismes, la RAMQ et la SAAQ. Il y a donc, je pense, une réflexion à prolonger là-dessus et, évidemment, nous attendons avec impatience le rapport de votre commission.

(9 h 30)

De façon négative, par contre, ces audiences ont laissé sans éclairage nouveau une zone grise. C'est-à-dire que tout le problème de la cueillette des renseignements d'identité, des numéros, les fameux identifiants qui figurent sur les cartes d'identité, ce problème a été très sommairement abordé lors des audiences, et là la Commission va devoir rapidement poursuivre sa réflexion et déboucher sur un certain nombre de propositions pour permettre aux citoyens de prendre connaissance de leurs droits et aussi aux entreprises et aux ministères d'être conscients de leurs obligations et de la nécessité, bien sûr, de respecter les droits des citoyens. Or, c'est un problème important et nous allons nous y attaquer rapidement et nous espérons arriver, en bout de piste, au même moment où votre commission déposera son rapport.

Alors, telles étaient les conclusions qui me semblent importantes. En un mot, il n'y a pas eu de précipitation pour réclamer des cartes d'identité et, deuxièmement, il reste un problème, une zone grise, c'est la cueillette de ces identifiants qui se fait de façon traditionnelle, irréfléchie souvent, et souvent aussi inutile. Il faut bien interroger les gens qui colligent ces renseignements pour qu'ils nous avouent rapidement qu'ils ne savent pas pourquoi ils les ramassent, et ils ne savent pas à quoi cela sert. Ça fait partie des traditions. Il y a donc un problème auquel la commission va devoir s'attaquer rapidement. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Comeau. Alors, M. le Protecteur du citoyen, M. Jacoby.


Exposé du Protecteur du citoyen


M. Daniel Jacoby

M. Jacoby (Daniel): Merci, M. le Président. Je remercie la commission et l'ensemble de ses membres pour nous permettre, après avoir entendu les diverses présentations qui ont été faites durant la commission, de nous permettre donc d'indiquer notre position à ce stade-ci.

Je peux vous dire que, dans l'ensemble, la position du Protecteur du citoyen n'a pas changé et je peux vous dire que, dans l'ensemble, suite à ces auditions, je dirais que nous avons encore plus de raisons de ne pas changer. Je pense que l'un des grands problèmes actuellement sur la carte d'identité, c'est que, d'une manière générale, on constate qu'il n'y a pas d'instrument parfait d'identification des citoyens. Il y a beaucoup d'instruments sur le marché, entre guillemets, que ce soient des cartes de type gouvernemental ou des cartes de type privé, et il y a, parmi ces cartes, des cartes qui sont tout à fait neutres, il y a des cartes qui contiennent, finalement, une adresse ou un identifiant qui, lui, peut donner accès à des fichiers qui sont contenus dans des banques de données.

La situation n'est pas parfaite, c'est bien sûr, et un des grands problèmes, je crois, pour les citoyens, c'est de ne pas toujours comprendre comment les choses peuvent se passer lorsqu'on utilise une carte comme la carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire pour s'identifier. Et je pense que ça peut expliquer, d'une certaine manière, que plusieurs citoyens se disent: Après tout, quand on n'a rien à cacher, on n'a pas de problème. Sauf que la réalité, elle est tout autre. C'est toujours l'exception, mais c'est toujours à cause d'agents humains que les problèmes se posent. La technologie en soi est tout à fait neutre; elle n'induit absolument rien. C'est par l'intermédiaire de toutes sortes de personnes, des personnes qui ont des complicités dans les ministères, organismes publics, par le fait de pirates de l'informatique, par le fait de cracks de l'informatique, que les choses peuvent faire en sorte qu'à partir d'une carte qui, apparemment, est tout à fait banale – ça devient banal de porter et de montrer sa carte d'assurance-maladie – il peut se produire des choses comme...

Ainsi, quoique la Régie de l'assurance-maladie nous dit qu'elle n'a pas le dossier médical de la personne, il n'en demeure pas moins que quelqu'un qui peut avoir accès aux fichiers par le code d'accès va se rendre compte de tous les problèmes sanitaires, que ce soit physique ou mental, de la personne, parce que tous les actes assurés et payés sont inscrits dans les fichiers de la Régie de l'assurance-maladie. De la même manière pour le permis de conduire. Le permis de conduire est relié à des banques de données, au CRPQ, et au fichier international qui est détenu par INTERPOL, et on peut y retrouver là-dedans, évidemment, tout ce qui est relié notamment à la conduite automobile, mais aussi ça va plus loin que ça, tout ce qui est de nature judiciaire ou criminelle, par une jonction des banques de données. Et je pense que, pour les citoyens, il n'y a pas de problème tant qu'il n'y a pas eu de supposition d'identité comme ça se fait régulièrement. On ne voit pas les dangers.

Et d'autres citoyens sont, eux – c'est quand même l'exception – très conscients de cela à un point tel qu'il y en a beaucoup d'entre eux qui refusent systématiquement d'utiliser des cartes pour s'identifier et qui disent à l'entreprise qui les exige: Arrangez-vous comme vous voulez, sinon vous me perdez comme client. Et il y en a comme ça qui ont vraiment réalisé les dangers, mais aussi qui ont ce besoin d'autonomie, le droit à la vie privée, et pas autre chose que le droit de déterminer l'espace de notre vie privée. Bon, bon, ça peut varier.

Conséquemment, nous ne pensons pas qu'au Québec nous ayons besoin d'une carte d'identité obligatoire universelle, uniforme, applicable à tout le monde. Il y a des dangers, et sans vouloir tomber dans la facilité du monde d'Orwell ou autre, de Kafka, il est évident que, plus on met tous ses oeufs dans le même panier, plus le risque est grand que ce même panier soit porté, rempli, contrôlé par une même organisation qui pourrait facilement à ce moment-là utiliser tous les éléments personnels d'un individu et monter à toutes fins pratiques et permettre l'utilisation d'un fichier de population où on pourrait définitivement établir le profil de n'importe quel individu au Québec, son profil, son comportement. Et là je considère, étant donné que ce sont toujours des agents humains qui interviennent et qui font que les choses se passent comme elles ne devraient pas se passer, je pense que c'est un trop grand risque d'aller aussi loin que ça, d'autant plus que je ne pense pas que le Québec doive à ce stade-ci réinventer la roue.

Si l'on regarde ce qui se passe à travers le Canada et les États-Unis – et je ne parle pas des problématiques particulières à certains pays d'Europe – il n'y a personne qui s'est lancé là-dedans. Absolument pas. Ce qu'on a fait tout au plus, pour des citoyens dans certaines provinces canadiennes et aux États-Unis qui n'étaient pas satisfaits de leurs cartes parce qu'elles étaient risquées, on a créé une carte tout à fait neutre, anonyme, avec un numéro, un numéro propre à la carte et pas un numéro relié à un dossier, pour satisfaire ces gens qui, légitimement, se disent: Moi, je ne veux pas utiliser ces cartes qui peuvent être dangereuses ou qui peuvent ultimement porter atteinte à ma vie privée.

Si je regarde maintenant les différents projets qui ont été amenés devant la commission, et je parle notamment de la position du Secrétariat de l'inforoute qui, bien sûr, est tout à fait légitimé à mousser et à voir que l'inforoute dont on parle puisse être le plus possible utilisée par les citoyens du Québec, c'est que le discours est double dans tout ça. Il est double et peut avoir des conséquences tout à fait pernicieuses. D'un côté, si on lit le début de sa présentation, on réalise qu'il y a une confusion totale avec les besoins d'identité ou d'identification des citoyens et les exigences d'identification de l'administration. Et ça, je pense que c'est une chose qui est loin d'être claire et qui n'est pas facilement saisissable pour le commun des mortels.

Il est évident que, quand j'utilise ma carte-soleil, en même temps cette carte-soleil sert à m'identifier, en même temps elle permet d'obtenir des services. Toutes ces cartes ont à la fois le volet «identification» puis le volet «accès aux services». Ce qu'on nous dit, c'est qu'il faudra une seule carte qui va remplacer toutes les autres.

(9 h 40)

On nous dit qu'un des grands problèmes de l'humanité au Québec, c'est le fait qu'on soit obligé d'avoir des porte-monnaie très épais, à toutes fins pratiques, pour porter de nombreuses cartes. Ce n'est pas un problème, selon moi. Alors, d'un côté, on nous laisse croire que les citoyens se plaignent du fait qu'ils ont beaucoup de cartes sur eux. Je peux vous dire que les citoyens aiment, pour leur ego simplement, avoir beaucoup de cartes sur eux. Il faut en tenir compte. Ça, c'est psychosociologique.

Je dirais aussi que la ligne de démarcation entre les besoins d'identification du citoyen dans l'exercice de sa citoyenneté... ce ne sont pas du tout les besoins ou les exigences d'identification que peut avoir le gouvernement. Et un des grands problèmes actuellement, comme ça a toujours été, les rapports de force entre l'État, l'administration et les citoyens, on ne réussit pas. Je ne vois pas à travers ces papiers-là comment on peut atteindre un juste équilibre entre les besoins d'identité du citoyen et les exigences, au nom de l'efficience, et de l'efficacité, et de la bonne gouverne, que peut avoir l'administration pour mieux contrôler la fraude ou autre chose. Je ne trouve pas qu'il y a un point d'arrimage.

Je trouve aussi que le discours est assez incohérent, et c'est ce qui m'inquiète. Par exemple, dans ce document, on parle en disant: Vous savez, le problème, c'est que tout le monde vit dans l'illégalité. En effet, les commerçants ou différentes entreprises demandent des cartes qui ne sont pas destinées à cet usage, à des fins d'identification, comme le permis de conduire ou la carte-soleil. Et on nous dit que les gens, malgré tout, acceptent et consentent de livrer cette carte-là. Et, quand on est rendu à la lecture vers la fin du document, il y a des phrases qui m'ont, comme on dirait, interpellé, et je vais simplement me permettre de vous rappeler que le texte... Je m'excuse, mesdames et messieurs... Enfin, peu importe, je le connais assez bien quand même.

Le Secrétariat nous dit donc: On va vous trouver quelque chose d'extraordinaire. Parce que le Secrétariat dit: «Les Québécois disposent donc déjà d'une multitude de cartes qui, à tort, sont trop souvent considérées et exigées comme des cartes d'identité. La carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire sont souvent exigés comme pièces d'identification par des institutions ou des commerçants, ce qui est illégal. Cette situation perdure parce que, dans les faits, les Québécois ne disposent d'aucune méthode fonctionnelle et universelle qui leur permette de s'identifier sans avoir à utiliser les documents qui ne sont pas destinés à cet usage.» Le besoin est là, on en met sur le besoin, et ainsi de suite.

Mais, à la fin, on dit: «Cette fameuse carte du citoyen, qui sera aussi la carte d'accès multiservices dans les différents réseaux par le biais de l'inforoute, ne devrait être exigée que pour, justement, avoir accès aux différents services qui existeront par le biais de l'inforoute. En dehors de ça, le citoyen – dit-on en toutes lettres – pourra en faire l'usage qu'il veut.» Je ne vois pas de différence entre ce qu'on nous propose et ce qui existe actuellement. On nous dit: La fameuse carte à microprocesseur universelle, et ainsi de suite, pas de problème; il faut protéger le citoyen, donc, on ne pourra l'exiger qu'à ces fins-là. Mais, par contre, il pourra en faire ce qu'il veut. C'est ce que le Secrétariat a dénoncé au début de son document, et je m'interroge là-dessus. Je ne pourrais pas dire que c'est un manque de compréhension des enjeux, mais je me demande si, derrière tout ça, mais de bonne foi, il n'y a pas des projets encore qui sont en circulation, sans vouloir faire de paranoïa.

Finalement, je peux vous dire que cette approche m'apparaît quelque peu biaisée et lourde de conséquences pour une autre raison. On dit bien, dans ce type de document, qu'il va falloir qu'il y ait une masse critique de citoyens pour pouvoir rentabiliser l'inforoute. On nous dit qu'il va falloir que tout le monde s'adapte, mais il faut tenir compte des besoins et des attentes de chacun. Tout le monde va passer dans le même panier, donc tout le monde... Moi, ce que je décode, c'est que tout le monde devra, un jour, avoir cette carte. Et ça, ce n'est pas autre chose que, un jour, de facto, si les choses tournaient comme ça, ça revient exactement à une carte d'identité universelle obligatoire. Et c'est ce qui m'inquiète.

Donc, je trouve qu'il faut distinguer les choses qui sont distinguables, il ne faut pas courir après plusieurs lièvres à la fois. Je suis de ceux qui favorisent le développement de l'interroute et ça va prendre des identifiants. Mais le problème, c'est de tout vouloir centraliser dans une carte. Moi, comme je l'ai dit, je préfère mettre tous mes oeufs dans plusieurs paniers que dans un seul panier à cause des risques que l'on connaît, et ces risques viennent généralement par des gens de mauvaise foi et qui exploitent des choses. Et ce ne sont pas nécessairement des fonctionnaires ou l'administration.

Donc, je dis: Si jamais le gouvernement ou la commission voulait respecter les droits fondamentaux de ses citoyens qui veulent à tout prix une carte qui soit neutre parce qu'ils ne veulent pas prendre de risques, il serait facile, comme on l'a fait dans plusieurs États américains et dans des provinces canadiennes, d'avoir une carte d'identité ou d'identification qui soit tout à fait neutre, qui contiendrait des informations de base: le nom, l'adresse, le sexe, qui contiendrait une photographie, avec un numéro qui soit relié à la carte et non pas à un fichier, que ces cartes puissent être délivrées sur demande pour les citoyens qui en désirent, que ces cartes seraient, bien sûr, comme toutes les cartes, aux frais des citoyens, ce qui veut dire que, quand on pense à tous les déménagements qui peuvent avoir lieu... Par exemple, dans les grands centres, c'est des milliers de déménagements; bien, ça veut dire qu'une fois par année, si vraiment la personne veut sa petite carte avec son adresse puis qu'on accepte un chèque dans un commerce, elle paiera 10 $ pour mettre à jour sa carte, et ainsi de suite. Donc, une carte neutre, une carte sans conséquences, sinon pour pleinement accorder aux citoyens qui ont le droit légitime d'avoir quelque chose d'identifiant, mais qui soit neutre en même temps. Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Jacoby. Maintenant, c'est au tour du Vérificateur général, M. Breton.


Exposé du Vérificateur général


M. Guy Breton

M. Breton (Guy): Alors, M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, chers confrères et consoeurs. J'aimerais tout d'abord remercier les membres de la commission de la culture pour leur invitation à participer à cette table ronde qui constitue, en quelque sorte, la finale des discussions et témoignages de la consultation générale sur la carte d'identité et la protection de la vie privée. Cette consultation a d'ailleurs permis à des citoyens, à des organismes du secteur public et du secteur privé ainsi qu'à des entreprises spécialisées dans le développement technologique d'exprimer et de défendre leur point de vue sur un ou plusieurs aspects de l'émission d'une carte d'identité.

Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de me prononcer sur l'utilisation de l'information que détiennent les diverses entités gouvernementales. Mes travaux ont déjà mis en lumière que les échanges d'information entre organismes du secteur public offraient des possibilités d'accroître l'efficacité administrative en la matière, tout en soulignant l'importance des risques qui en découlent, par exemple la concentration de l'information dans quelques fichiers. À ce sujet, M. le Président, permettez-moi une mise au point. Dans le dernier rapport annuel de la Commission d'accès à l'information du Québec, le président de la Commission affirme, et je cite, «que mon exhortation de libéraliser les échanges vise le démantèlement de l'architecture de la protection des renseignements personnels dans le secteur public». Fin de la citation.

Cette affirmation passe sous silence mon souci du respect de la vie privée, et je le regrette vivement. S'il est vrai que je préconise certains échanges de renseignements entre les organismes gouvernementaux, je ne suis pas pour autant en faveur d'une libéralisation à outrance de telles pratiques. D'ailleurs, ma recommandation adressée au gouvernement précise que les échanges de renseignements doivent se faire tout en protégeant la vie privée des citoyens.

(9 h 50)

Revenons au sujet qui nous préoccupe, la carte d'identité. Même si je n'ai pas mené de travaux essentiellement orientés vers l'implantation d'une carte d'identité pour les citoyens, je me suis permis d'indiquer dans mon mémoire déposé auprès de cette commission les avantages et les inconvénients d'une telle carte. Si le seul objectif poursuivi était une plus grande efficacité administrative, le débat de fond ainsi que les modalités d'émission d'une carte d'identité seraient simplifiés. Mais la protection de la vie privée, une valeur qu'il ne faut sacrifier à aucun prix, de même que l'amélioration des services aux citoyens sont deux autres dimensions qui corsent le débat.

Selon moi, la question doit être examinée sous tous ses angles pour qu'un véritable débat ait lieu. Il importe que les analyses et les discussions ne laissent pas d'importantes zones inexplorées comme les besoins à combler, la façon de s'y prendre, les règles de gestion à implanter, les conditions d'émission, le mode de conservation et la sécurité des données, ainsi, bien sûr, que les coûts et les bénéfices de l'opération. De plus, quels que soient les avantages prévisibles de la carte d'identité sur le plan administratif, la démocratie doit veiller aux intérêts du citoyen. En somme, il faut que la collectivité et les individus y trouvent leur compte.

Afin de répertorier les idées exprimées dans les mémoires reçus, des membres de mon personnel ont assisté à la plupart des audiences de cette commission et ils ont procédé à l'analyse des mémoires déposés. Cette analyse s'est appuyée sur une méthodologie reconnue laquelle comporte 12 critères d'appréciation qui, selon moi, évacuent les idées préconçues et les spéculations. Habituellement, j'utilise ces critères après le fait, c'est-à-dire au moment de vérifier la gestion d'un organisme. Mais aucune raison ne s'oppose à y soumettre les particularités d'une réalisation à venir. Au cours de cet exposé, je me limiterai aux principaux éléments qui se dégagent de mon analyse sommaire.

Les témoignages entendus au cours des audiences et les mémoires reconnaissent le besoin de s'identifier, que ce soit pour obtenir des services ou comme outil de contrôle pour vérifier l'admissibilité du requérant. Cependant, la nécessité de procéder en cette matière n'est pas la même pour tous. Alors que le citoyen pense que le besoin véritable est surtout ressenti par l'appareil administratif et qu'il craint une intrusion dans sa vie privée, les organismes tant du secteur public que du secteur privé font valoir qu'un tel outil faciliterait la vérification de l'admissibilité, la détection de situations irrégulières ou frauduleuses et améliorerait l'efficacité de la gestion des activités. Je n'ai pu dégager d'intérêt commun ou convergent. Chacun a fait part de ses propres besoins, de ses besoins particuliers.

Je tiens à faire remarquer que deux organismes dont les besoins d'un identifiant sont bien connus, le ministère du Revenu et le ministère de la Sécurité du revenu, n'ont pas jugé bon de déposer de mémoire auprès de cette commission ou d'être entendus en audience. Il n'y a pas eu de présentation sur la vision gouvernementale, sur l'emboîtement de ces besoins particuliers pour former un ensemble cohérent et optimal au sein du gouvernement, par exemple quant à la gestion des fichiers de la clientèle par chacun des organismes gouvernementaux. Normalement, en l'absence d'informations suffisantes sur les besoins, toutes discussions, que ce soit sur les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire ces besoins, sur les valeurs que l'on veut protéger, les résultats escomptés, les effets secondaires et pervers, les contrôles et la transparence, deviennent purement académiques ou théoriques.

Cependant, les audiences et les mémoires énoncent des conditions ou ils fournissent des éléments intéressants que mon analyse a permis de cerner: garantie de transparence, respect de la vie privée, garantie pour le citoyen d'avoir le contrôle sur des informations qui le concernent. Les avis sont partagés quant aux coûts. Les citoyens croient que l'avènement d'un carte d'identité va occasionner des coûts importants tandis que les organismes n'envisagent pas de coûts additionnels.

Parmi les effets, certains craignent un accroissement du pouvoir par ceux qui le détiennent déjà, soit le fisc et les policiers. Il y a également ceux qui redoutent que notre société manque le bateau du virage technologique, ce qui nuirait à notre compétitivité. La majorité des personnes concernées proposent des contrôles pour assurer l'intégrité du fichier, l'inviolabilité – la carte ne peut être reproduite – la certification ou l'authentification, la confidentialité, la sécurité, l'unicité – une seule carte par individu – la création d'un organisme de contrôle, des expériences-pilotes suivies d'évaluations rigoureuses, etc. Comme vous pouvez le constater, ce ne sont pas les idées qui manquent. J'ai en ma possession des copies du rapport d'analyse que je pourrais vous remettre, M. le Président, si vous en manifestez le désir, et que nous pourrions également interpréter ensemble, également si vous le désirez.

Donc, l'absence de besoins convergents et les craintes manifestées font osciller la décision entre le statu quo et l'émission d'une carte d'identité.

La gestion du risque. Comme la recherche de l'efficacité administrative ne doit pas être faite aux dépens du respect de la vie privée, les principes contenus dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels demeurent fondamentalement d'actualité: l'information recueillie doit être nécessaire; il faut savoir à quelles fins les renseignements seront utilisés; le citoyen doit consentir à la communication des renseignements qui le concernent; et le gouvernement est tenu de faire preuve de transparence en cette matière. Il y a des risques dont l'évaluation ne doit pas être faite à la pièce ni en fonction de chacune des entités; mais à la lumière d'une vision gouvernementale de la gestion de l'information.

À un extrême, pour garantir la protection de la vie privée, les organismes ne devraient recueillir aucun renseignement personnel. Il est cependant facile d'imaginer qu'une telle situation est improbable et qu'elle favoriserait – c'est le moins qu'on puisse dire – les irrégularités dans l'application des programmes. À l'autre extrême, la concentration de l'information dans une même banque de données ou la création d'un identifiant qui donnerait accès à l'ensemble des banques de données jumelée à l'absence de contrôle n'est pas davantage pensable. Entre ces deux pôles, il y a une multitude de solutions possibles. Les solutions préconisées doivent tenir compte des nouvelles technologies qui offrent une meilleure protection qu'auparavant; la consultation d'un dossier peut être limitée en fonction des besoins de l'utilisateur; seules certaines données peuvent être accessibles, etc. Une analyse coûts-bénéfices devrait permettre de trouver une solution optimale.

Bien sûr, aucun système, si perfectionné soit-il, n'est à l'abri de l'effraction. C'est un risque réel et il faut mettre en place des contrôles adéquats pour l'amener à un niveau acceptable. Parmi les moyens envisageables, citons la mise sur pied d'un organisme de contrôle indépendant qui devrait s'assurer de la sécurité des renseignements personnels et du respect des grands principes à la base de la protection des renseignements personnels. Depuis plusieurs années, divers organismes réclament tour à tour l'autorisation de requérir des renseignements disponibles dans une autre entité. Jusqu'à présent, les échanges d'informations ont fait l'objet d'une analyse à la pièce soit par la Commission d'accès à l'information, soit par l'Assemblée nationale. Compte tenu de la prolifération de ces requêtes, il est plus que temps que le gouvernement statue à ce sujet en définissant clairement son but et la limite qu'il tient à imposer pour contrer tout abus, bref qu'il gère le risque qui est bien réel.

La gestion de l'information. Donc, avant de décider si l'on doit avoir un identifiant unique donnant accès à toutes les banques de données, ou un identifiant unique donnant accès à un identifiant sectoriel selon certaines conditions, ou pas d'identifiant unique, le gouvernement doit statuer sur sa gestion de l'information et sur la façon dont il va assurer l'étanchéité des banques de données afin de protéger les renseignements personnels tout en favorisant une gestion efficace des programmes.

(10 heures)

S'il est vrai qu'une concentration est impérative afin d'éviter la prolifération des cartes, des réseaux et des systèmes, il est tout aussi vrai qu'il faut établir les paramètres d'identification requis ou souhaités, les coûts annuels des cartes et le niveau de sécurité nécessaire à la protection des renseignements personnels. Selon les mémoires et les témoignages entendus lors des audiences, plusieurs organismes ont besoin d'un identifiant, mais doit-il être universel? Le 24 janvier 1996, le Conseil des ministres déclarait qu'il fallait éviter la multiplication indue des cartes. Cela va de soi, puisqu'il s'agit au départ de simplifier et non de compliquer la procédure. Cependant, il faudra tout de même tracer des frontières à l'intérieur desquelles l'information pourra circuler au sein d'un organisme, au sein d'un secteur, exemples: santé, éducation, agriculture, transport, ou au sein du gouvernement en général.

Ces différentes possibilités exigent des moyens de contrôle différents. À titre d'exemple, il faut s'assurer que seules les personnes habilitées puissent consulter certains renseignements. Il faut mettre en place des contrôles d'accès, journaliser ces accès et faire un examen de ce journal. Plus le nombre de personnes qui ont un droit d'accès est élevé, plus les moyens de contrôle sont complexes et dispendieux. Actuellement, plusieurs projets se développent, mais sans vue d'ensemble: carte avec photo, carte à puce, autoroute de l'information, etc. À l'heure actuelle, le citoyen est identifiable de mille et une façons: code permanent dans le monde de l'éducation, numéro de permis de conduire, numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale, etc. En créant une carte d'identité universelle dans un but d'uniformisation et de simplification, il faut se garder de perdre de vue que le citoyen, tout autant que le gouvernement, doit y trouver son profit.

En conclusion, l'évolution accélérée de la technologie, l'importance de la transmission de l'information, la prestation des services aux citoyens, la gestion efficace des programmes ramènent la réflexion sur les outils susceptibles d'aider à reconnaître les individus dont la carte d'identité constitue l'un des éléments. Il faut appliquer les principes de protection de la vie privée en fonction des réalités actuelles et non de celles d'il y a 20 ans. Aujourd'hui, le même citoyen demande le respect de son droit à la vie privée, mais il exige également du gouvernement une meilleure qualité de services, une gestion efficace des ressources et un traitement équitable. Avec les nouvelles technologies et les nouveaux modes de gestion de l'administration, il y a moyen de faire converger les besoins gouvernementaux et les attentes des citoyens.

Ainsi, l'amélioration des processus amène inévitablement des changements dans des façons de faire bien ancrées et que l'on croit les meilleures. Il faut donc être transparent dans les objectifs et les moyens utilisés afin d'apaiser les craintes, lesquelles peuvent être fondées lorsque l'on constate l'appétit de certains organismes. L'action doit reposer sur la pierre angulaire de la gestion gouvernementale, de l'information et des technologies qui permettent une plus grande confidentialité que celle qui existe actuellement. Ainsi, le gouvernement sera en mesure de présenter un projet concernant un identifiant ou une carte d'identité qui vise à répondre à tel besoin avec tel moyen pour assurer la protection des renseignements personnels. Il pourra dire au public que les coûts de mise en place seront de x millions de dollars, le fonctionnement coûtera tant et les bénéfices escomptés seront de tant en programmes et en services à la clientèle. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Breton. Maintenant, la parole est à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avec Me Claude Filion.


Exposé du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse


M. Claude Filion

M. Filion (Claude): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme, MM. les députés. Il me fait plaisir également de participer à cette table ronde. C'est une première, en tout cas, quant à nous, et cette formule, je pense, est très intéressante, surtout à la suite de la consultation générale fort productive qui a été menée par cette commission.

Pour nous, le présent débat sur les cartes d'identité ne doit pas être un débat restreint – puis ça n'a pas été le cas non plus – aux seuls aspects technologiques ou administratifs d'une ou de plusieurs éventuelles cartes d'identité. Selon nous, l'approche à privilégier devrait permettre d'établir non pas seulement si une carte d'identité est souhaitable, notamment pour des fins d'efficacité administrative, mais aussi et surtout comment assurer le respect de la vie privée des Québécoises et des Québécois lorsqu'ils doivent s'identifier.

De plus, un autre aspect, quoique lié à la question d'une carte d'identité, doit être abordé, à savoir les échanges de renseignements personnels. Dans le mémoire que nous avions déposé en mars dernier, je crois, les deux aspects de la consultation publique ont été traités distinctement, mais, en réalité, il s'agit de deux angles ou deux facettes d'une même problématique. Parce que, de notre avis, quand même, il faut, avant de considérer la mise en place d'une carte d'identité, remettre de l'ordre dans le système de protection des renseignements personnels. C'est pourquoi, au-delà même d'une éventuelle carte d'identité, la Commission se préoccupe des divers projets visant l'identification des citoyens: la carte multiservices, fichiers centralisés, etc., dans le contexte où l'assise de la protection des renseignements personnels, soit, par exemple, le principe du cloisonnement des ministères et organismes publics, est ébranlée par la multiplication que vous connaissez des accès aux mégafichiers de certains organismes publics et la multiplication des couplages avec ces fichiers.

D'abord, en ce qui concerne les cartes d'identité proprement dites, la consultation qui s'est déroulée récemment et qui vient de se terminer n'aura pas permis, à notre avis, nous vous le suggérons respectueusement, de dégager un consensus sur la question d'une carte d'identité universelle. En effet, plusieurs dirigeants d'organismes publics sont venus décrire l'utilisation possible de l'instrument d'identification qu'ils utilisent actuellement comme support d'une carte d'identité universelle. D'autres préconisent plutôt la création d'une nouvelle carte d'identité qui ne soit pas liée à un service ou à un permis existant. Finalement, certains intervenants s'opposaient au principe même d'une carte d'identité, puisque les Québécois, de façon générale, il faut l'admettre, disposent déjà de plusieurs moyens de s'identifier.

Certes, il existe un danger, quant à nous, dans la création d'un identifiant universel et unique par l'usage que pourront en faire certaines personnes sans même accéder au fichier auquel cet identifiant est rattaché. La protection que peut offrir l'État par les règles de confidentialité qu'il s'impose, en autant que ces règles soient respectées cependant, devient à cet égard inefficace, puisque l'utilisation de l'identifiant ne vise pas à obtenir une information gouvernementale, la déclaration de revenus, par exemple, mais vise plutôt à obtenir d'autres informations qui ont été recueillies par divers intervenants puis compilées et organisées sur la base de cet identifiant. C'est donc dire que, dès qu'il existe un tel type d'identifiant, le fait d'y recourir à des fins d'identification permettra de constituer de telles banques de données, donc d'avoir accès aux informations qui s'y trouvent. Au terme de l'exercice parlementaire très intéressant auquel les membres de cette commission se sont livrés, nous soumettons que cet aspect devrait être au centre des préoccupations lors de l'évaluation de tout projet relatif à l'identification des personnes. Une carte d'identité devrait avoir pour objectif de permettre à une personne de pouvoir s'identifier sans pour autant avoir à révéler une multitude d'autres informations.

Dans la situation actuelle, on a recours pour s'identifier à divers instruments non conçus pour des fins d'identification mais plutôt à des fins spécifiques: la carte d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale, le permis de conduire. Les buts visés par une telle demande sont aussi variés: le lieu de résidence, le numéro de téléphone, l'âge ou divers éléments qui permettront d'établir l'admissibilité de cette personne à l'usage de biens ou de services, ou encore des informations permettant de s'assurer de la capacité de payer, par exemple, d'une personne et des informations qui permettront, le cas échéant, de récupérer des sommes qui seraient dues, ou encore des informations permettant d'établir le profil de consommation ou le profil de crédit d'une personne.

À cet égard, il faut se rappeler que la notion même d'identité variera selon les besoins de la personne qui désire vérifier l'identité. Pour un organisme public qui désire vérifier l'admissibilité d'une personne à une prestation, les besoins seront beaucoup plus étendus, par exemple, que pour le portier ou le tenancier d'un bar qui désire vérifier si la personne est majeure. Par ailleurs, le commerçant à qui on présente un chèque ou qui s'apprête à vendre à crédit souhaite non seulement obtenir une preuve de l'identité de la personne avec qui il contracte, mais également il désire obtenir d'autres identifiants qui lui permettront éventuellement de retracer cette personne si elle ne respecte pas ses engagements civils ou commerciaux.

(10 h 10)

Donc, à moins d'avoir une carte d'identité qui satisfasse tous ces besoins, il est permis de douter qu'une telle carte soit concevable cependant, mais la collecte de renseignements ne sera pas limitée du seul fait qu'existe une carte d'identité. À partir de cette prémisse, la Commission considère que, si l'on envisage la création d'une nouvelle carte d'identité, celle-ci ne devrait comporter que des renseignements de base, tels le nom, le sexe, la date de naissance et le lieu de résidence, et comporter une photographie du titulaire. Son usage ne devrait pas être obligatoire, c'est-à-dire que l'État ne doit pas en imposer l'usage, ni non plus cette carte-là ne devrait pas être exigible par qui que ce soit, c'est-à-dire que l'utilisation d'une telle carte ne peut être la condition d'obtention d'un bien ou d'un service. Cette carte ne pourrait servir qu'à des fins d'identification et ne devrait pas constituer la carte d'accès aux services gouvernementaux. Nous aussi, d'ailleurs, soit dit en passant, on a été particulièrement, disons, interpellés, pour employer l'expression de mon confrère, dans le mémoire du Secrétariat de l'autoroute de l'information, lorsque le Secrétariat voudrait que la carte du citoyen – j'emploie textuellement son expression – c'est-à-dire que la carte pourrait être requise, je cite, «pour l'accès à certains services ou l'exercice de certains droits». Alors, ça veut dire essentiellement de relier la possession d'une carte à l'exercice d'un droit. C'est, en fait, ce qui est suggéré là, avec les conséquences que ça impose.

Deux remarques additionnelles. D'une part, la participation des citoyens au débat entourant tout projet de carte d'identité ou de carte d'usager des services gouvernementaux. La présente consultation donne un excellent exemple à suivre, mais elle ne devra surtout pas être considérée comme finale, puisqu'on n'y a pas présenté de projets concrets. Je rejoins les préoccupations exprimées par mon collègue, M. le Vérificateur général, il y a quelques instants. On n'a pas eu de projets spécifiques sur la table. La suggestion que soient tenues des audiences publiques sur un projet spécifique cependant, un peu sur le modèle du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement peut-être, ou d'autres, relativement à tout projet impliquant un développement technologique relatif à l'échange de renseignements et même à un projet d'échange de renseignements entre organismes publics constitue une très intéressante piste de réflexion que nous soumettons à votre attention.

D'autre part – dernière remarque – les détenteurs d'une carte d'identité ou d'une carte d'usager devraient pouvoir exercer un contrôle sur les informations qui y sont inscrites s'il s'agit d'une carte à puce ou sur les informations auxquelles elle donne accès. À cet égard, les conditions ayant présidé à l'expérience-pilote de carte-santé à microprocesseur dans la région de Rimouski devraient inspirer les promoteurs de ces projets. Donc, en ce qui a trait à une éventuelle carte d'identité, le souci de respecter les principes inhérents au droit au respect de la vie privée des citoyens devra, quelle que soit l'option privilégiée, l'emporter sur les considérations d'ordre budgétaire ou administratif.

Maintenant, en ce qui concerne les échanges de renseignements personnels, la problématique – je l'ai dit tantôt – de l'identification est intimement liée, quant à nous, à celle de la protection des renseignements personnels. Toutefois, même si on arrivait à créer un moyen de s'identifier qui assure qu'aucune information non nécessaire ne serait transmise, la problématique de la multiplication des échanges de renseignements personnels au sein de l'administration publique québécoise ne serait pas pour autant résolue.

Pour notre Commission, le débat public initié par la commission de la culture est important en ce qu'il aura permis d'aborder, outre la question des cartes d'identité, les autres aspects liés à la protection des renseignements personnels, aspects qui ne sauraient être ignorés dans ce débat. Pour notre part, nous avons voulu et nous voulons encore attirer votre attention sur un aspect essentiel de la protection des renseignements personnels, c'est-à-dire le principe du cloisonnement entre les organismes publics et entre les ministères. Si l'on continue à créer exception par-dessus exception au principe du cloisonnement des renseignements détenus par les organismes publics, si bien que ces exceptions deviendront plutôt la règle, on aura ainsi construit une immense centrale de renseignements permettant non seulement d'identifier chacun des citoyens du Québec, mais aussi et surtout un guichet unique permettant de connaître un ensemble d'informations personnelles sur l'ensemble de la population. Une telle centrale de renseignements, le ministère du Revenu est en mesure de la constituer, et je parle suite à l'adoption du projet de loi n° 32.

Si on a pu justifier une si importante dérogation aux principes fondamentaux de la protection des renseignements personnels détenus par l'État en invoquant la lutte au déficit, est-il exagéré de croire que l'on trouvera d'autres justifications pour d'autres dérogations globales à ces mêmes principes? En effet, on peut affirmer que l'État est justifié et même qu'il a le devoir de bien contrôler ses dépenses, de la même façon, par analogie, l'État a le devoir, par exemple, de prévenir le crime et de maintenir dans la société québécoise le moins de crimes possible, mais ça n'empêche pas que l'État, dans son processus d'enquête, doit se conformer à certains droits fondamentaux qui découlent de la Charte. Et, pour entrer dans vos demeures, pour entrer dans les demeures des citoyens du Québec, même pour interpeller, pour détenir un citoyen, les corps policiers doivent se soumettre à un ensemble de règles qui sont bien acceptées dans la population, et ce, même si leur objectif est très louable, c'est-à-dire de prévenir le crime. Dans ce cas-ci, l'objectif est des plus louables, c'est-à-dire une gestion intelligente, rationnelle, efficace des fonds publics qui sont entre les mains du gouvernement.

Mais, en deux mots, ce n'est pas parce que l'objectif est louable que l'on doit mettre de côté un droit aussi fondamental que le droit au respect de sa vie privée. Et je vous rappelle que ce droit au respect de la vie privée participe à un droit fondamental qui est le droit à la liberté. Finalement, de pouvoir me promener sur la rue sans devoir m'identifier à tout bout de champ, ça participe à la liberté, le droit de déambuler. On parle même du droit à la solitude dans certains cas. Dans notre société, en Amérique du Nord, on ignore un peu de quoi il s'agit parce qu'on n'a pas eu à se battre beaucoup pour ces droits-là. Il y a d'autres sociétés où le droit à la solitude, vous savez, c'est apprécié, puis le droit de faire ses petites popotes tranquillement – passez-moi l'expression – quand on ne dérange pas personne, il n'y a pas de problème. Évidemment, si on conduit une voiture, bon, on pose un geste public sur un système de transport, puis on est susceptible d'être impliqué, de commettre des infractions, d'être impliqué dans un accident, et il est normal qu'on puisse s'identifier. Lorsque je me présente à un médecin que je ne paie pas parce qu'il est payé par l'État, c'est un service assuré, il est normal que je m'identifie. Mais, en dehors de ce cadre-là, si ce n'est pas strictement nécessaire, et de là, je le répète, le critère de nécessité qui prend toute son ampleur, quand ce n'est pas nécessaire, pourquoi devrait-on s'identifier?

En deux mots, je vous soumets qu'il s'agit là d'un droit extrêmement important qu'on ne peut écarter strictement à cause de la finalité recherchée. L'enfer est pavé de bonnes intentions, on le sait, vous le savez comme législateurs, mais, en même temps, vous devez donc dans vos considérations prendre et tenir en ligne de compte l'importance de ce droit au respect de la vie privée qui est, encore une fois, très bien implanté dans notre patrimoine et dans notre tradition. Alors, de vouloir tout centraliser, vous savez, ça ne peut que susciter également la convoitise – si on réussit à rassembler tous les renseignements... envie et convoitise, c'est normal. Ça laisse miroiter d'ailleurs un accès facile, peu coûteux et efficace à un tas de renseignements. C'est pour ça que, nous, nous disons qu'il faut mettre en perspective cette approche qui peut sembler, à première vue, être une solution logique aux besoins de gestion et de vérification de l'identité des citoyens québécois.

Si vous me permettez peut-être une minute, essayons d'imaginer un scénario, ce qui pourrait se produite environ cinq ans après une décision, suite à vos travaux à la commission de la culture et le gouvernement qui donne suite avec l'Assemblée nationale. Supposons une décision permettant un échange généralisé de renseignements entre les organismes qui administrent les mégafichiers gouvernementaux. En raison des mesures de contrôle imposées à ce moment-là probablement par la Commission d'accès, les ministères et organismes concernés constatent que le maintien d'un identifiant spécifique à chacun des mégafichiers pose des difficultés en termes de compatibilité des informations échangées et ralentit les processus de vérification. Afin de contrer ces problèmes, on utilise un deuxième identifiant, le numéro d'assurance sociale ou le numéro d'assurance-maladie. Cela entraîne des coûts supplémentaires et ne garantit pas l'identification certaine du contribuable. Donc, compte tenu des nouvelles compressions budgétaires annoncées, par exemple, dans le budget 2003-2004, on décide de créer un identifiant unique pour chaque citoyen, identifiant qui serait utilisé dans chacun des fichiers gouvernementaux. De plus, à ce moment-là, puisque le gouvernement vient d'acquérir le nouvel ordinateur, superordinateur Deep Blue 3, tous ces fichiers y seront centralisés, ce qui permet de rencontrer les objectifs de compressions budgétaires trois mois plus tôt que prévu. C'est un scénario hypothétique, mais on est sur l'autoroute de ce scénario-là, si vous me permettez. Mais que resterait-il, dans ce contexte-là, du droit au respect de la vie privée?

(10 h 20)

Prenons les situations qui ont été dénoncées ces derniers temps, cependant: par exemple, la consultation à des fins privées d'un fichier de police, la consultation à répétition du dossier d'une personnalité connue au sein d'un ministère du gouvernement, l'absence de contrôle de l'utilisation des fichiers, la vente d'informations – je me souviens, à l'époque, par le ministère de la Justice, pas le moindre, le ministère de la Justice qui vendait des informations à une compagnie. Si, donc, ces situations-là, ça devait se produire dans le contexte où nous n'aurions qu'un seul panier et que toutes ces informations détenues par l'État seraient centralisées, on imagine en quelques minutes les conséquences.

Alors, selon la Commission, il convient donc plus de se demander comment nous pouvons utiliser cette technologie de façon à respecter les valeurs fondamentales que nous nous sommes données. Ce n'est pas parce qu'il existe environ 130 fichiers gouvernementaux dont huit mégafichiers où des millions de personnes sont inscrites et ce n'est pas, non plus, parce que l'informatique et les développements prodigieux de l'informatique nous permettent parfois de procéder à des comparaisons rapides que l'on peut se permettre d'envisager la mise en commun de toutes ces informations.

Donc, avant de considérer la multiplication et la facilitation des accès aux diverses sources de données, avant d'aller plus loin dans l'étude d'une carte d'identité universelle, ce que nous suggérons, c'est que les organismes publics devraient mieux utiliser les renseignements qu'ils possèdent déjà et qu'ils devraient, bien sûr, resserrer leurs moyens de contrôle. Il semble qu'il est à tout le moins inapproprié dans les circonstances d'envisager de constituer une source unique d'accès à l'ensemble des services gouvernementaux par une carte multiservices, aussi intelligente soit-elle.

En regard – et je termine là-dessus – des échanges de renseignements et indépendamment des divers projets relatifs à des cartes d'identité ou d'usager, la Commission recommande instamment que la commission de la culture incite les organismes publics à limiter l'accès aux banques de données par leur personnel et à exercer un contrôle véritable sur l'utilisation des fichiers de renseignements personnels. En retenant des solutions qui constitueraient des moyens moins intrusifs dans la vie privée des citoyens, l'État satisferait ainsi à l'une des exigences du critère de proportionnalité, une des conditions pour justifier une atteinte à un droit fondamental, je vous le rappelle, en vertu de l'article 9.1 de la Charte. Alors, que ce soit par la mise en commun des mégafichiers gouvernementaux ou par le recours à une carte multiservices, l'efficacité et l'économie qui résulteraient de ces approches risquent de se faire au détriment du droit au respect de la vie privée.

Je vous rappelle, en terminant, qu'il est inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne, et dont l'une des facettes, le droit à la protection des renseignements personnels, est mise en oeuvre par la loi sur l'accès. La Charte des droits et libertés est une loi de nature quasi constitutionnelle, ce que le législateur a affirmé en lui conférant un caractère prépondérant sur toutes les autres lois à moins d'une dérogation expresse. La loi sur l'accès, qui vient mettre en oeuvre ce droit, a, elle aussi, ce caractère prépondérant. Les soucis d'efficacité et d'économie sont réels et nécessaires, mais, en permettant aux diverses instances de l'État de se constituer en une organisation monolithique, il serait beaucoup plus coûteux pour notre société d'ainsi brader la reconnaissance du droit fondamental au respect de la vie privée. Je vous remercie.


Organisation des travaux (suite)

Le Président (M. Garon): Merci, M. Filion. Maintenant, je vais demander aux membres de la commission: Est-ce qu'ils préfèrent procéder... de quelle façon ils préfèrent procéder... On avait posé une série de questions, sept questions, aux quatre organismes. Est-ce que vous souhaitez qu'on commence par ces questions-là puis, ensuite, avoir une discussion générale, ou préférez-vous commencer par une discussion générale en vue, j'imagine, de débattre les questions qu'on avait envoyées aux membres de chacun des organismes? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Mulcair: Dans la mesure où on...

M. Payne: En ce qui concerne nous-mêmes, je pense qu'on voudrait aborder peut-être à notre façon la discussion, pas nécessairement selon l'ordre des questions. En ce qui me concerne, je ne voudrais pas m'attacher aux questions et pas nécessairement dans cet ordre-là.

M. Mulcair: Nous sommes d'accord avec le côté ministériel là-dessus, M. le Président. Je pense qu'il y a eu des éléments très intéressants à ajouter à la discussion ce matin.

Le Président (M. Garon): O.K.

M. Mulcair: Et ma crainte initialement exprimée, que les gens se retiennent, s'est avérée non fondée et on aurait effectivement manqué beaucoup d'échanges, et ceux qui suivent les travaux de cette commission les auraient manqués aussi si on n'avait pas enregistré le tout. Alors, je préfère, comme mon collègue le député de Vachon, qu'on se sente à l'aise de commencer une discussion pour donner suite aux présentations qui viennent d'être faites et on pourrait prendre le temps nécessaire pour analyser les réponses. Il faut se rappeler aussi qu'on a les réponses écrites, déjà, à ces questions-là. Alors, c'était utile de les avoir, mais je préfère, comme lui, qu'on commence tout de suite.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Vachon.


Discussion générale


Avantages d'une carte d'identité

M. Payne: Merci, M. le Président. Comme je suis en premier, je voudrais souhaiter la bienvenue à nos invités de ce matin, M. Comeau, M. Jacoby, M. Breton, M. Filion, des dirigeants d'organismes de l'État qui jouent un rôle sensible et clé dans les opinions concernant les renseignements personnels et publics, donc d'autant plus pertinente la discussion d'aujourd'hui. Mais je voudrais passer à côté des formalités pour engager tout de suite la discussion.

Si je comprends bien, si j'écoute bien, comme nous tous depuis un certain temps, on entend peu de voix prônant l'imposition d'une carte d'identité. À mon avis, donc, la question première, ça devrait être: Quels bénéfices elle doit apporter au détenteur? Je dis la première question, pour nous... C'est parce que, quand on est député, on est des représentants des individus, des électeurs, des contribuables, des amis, de la famille, et on est forcément les avocats – j'imagine, au moins dans mon cas – des intérêts de l'individu. Quels bénéfices ça peut apporter? On est inquiet, tout le monde, par la libre circulation des renseignements. Ça a été témoigné encore une fois ce matin. Effectivement, je pense qu'il y a une nécessaire étude concertée de la part du gouvernement. Qui doit le faire? C'est à discuter.

Mais, encore une fois, ce matin, peu de monde a regardé quels sont les potentiels positifs, dans l'intérêt de l'individu, d'avoir une carte d'identité. Et je suis un peu surpris, par contre, par la proposition de M. Breton, je crois... non, c'est de M. Jacoby, qui propose la photo sur une carte d'identité facultative, la date de naissance, l'adresse, la signature puis le numéro d'inscription. Pour moi, ça, c'est énorme comme renseignements personnels. Et, dans sa conclusion, il dit – vous dites: «Pouvoir s'identifier sans avoir à fournir des informations personnelles.» On m'a toujours appris à ne jamais jumeler le nom avec l'adresse si je voyage en avion ou autre, c'est plutôt la clé de la porte pour beaucoup de banques de données. M. Filion a abondé un petit peu dans le même sens.


Accès du citoyen aux renseignements le concernant

Mais, pour revenir à ma préoccupation, c'est l'individu – et j'arrive à ma question – l'individu doit contrôler, à mon avis, l'information sur l'autoroute. Pour la contrôler, peut-être qu'il a besoin d'une carte à microprocesseur. Sinon, de quelle façon il pourrait se prévaloir des bénéfices accordés par l'article 19 de la loi sur la protection des renseignements personnels? À savoir si une banque – je soulevais la question la semaine passée avec les banques et je n'ai pas eu de réponse satisfaisante... Lorsqu'une banque, une institution financière cherche des informations auprès d'un tiers – une banque de renseignements personnels, une entreprise, il y en a plusieurs – ils n'informent pas, malgré la loi – l'obligation légale – ils n'informent pas nécessairement le client ni du fait qu'ils sont allés chercher les renseignements ni du contenu de cette information-là.

Il pourrait y avoir, à mon avis, un contexte – ça pourrait être récent – où il pourrait y avoir l'obligation d'informer le citoyen, puis le citoyen pourrait donner sa carte où il pourrait y avoir une digitalisation de cette information-là, une procédure de journalisation où, à chaque moment qu'il y aurait une institution qui poserait un geste qui le concernerait, il puisse avoir cette information-là enregistrée sur sa carte d'identité. Il y a des façons techniques de protéger mieux l'individu avec une carte d'identité. Je ne suis pas d'accord qu'on devrait ajouter tout, visiblement, à l'extérieur, ou beaucoup. Mais je pense qu'il y a un argument à faire pour indiquer quels sont les avantages.

C'est bref, la question: Comment l'individu peut suivre sur l'autoroute tout ce qui bouge? C'est comme voir un Grand Prix de trop près, on voit les voitures peu, on est trop proche. Avec une procédure où l'individu pourrait avoir accès à ça, ça pourrait être intéressant. À ce moment-ci, c'est plutôt pour quelqu'un qui se promène, je ne sais pas, dans une cave à fromage et puis court après des souris. On n'est pas capable de suivre le trafiquage et les changements, les déplacements de l'information d'une place à une autre.

(10 h 30)

J'ai voté pour un projet de loi – je dis ça en toute honnêteté – plutôt cette année, il n'y a pas longtemps, mais j'avais un certain nombre de réserves. C'était la loi concernant l'échange d'informations entre les instances gouvernementales. Et, M. Breton, je voudrais avoir votre opinion là-dessus, parce qu'il me semble qu'on manque d'encadrement. On impose une obligation aux institutions privées d'informer le citoyen, mais pas à l'État pour qu'il informe, sous forme de journalisation ou autre, lorsqu'il y a des échanges d'informations qui pourraient être utilisées à son insu. Voilà quelques préoccupations. Et je voudrais peut-être ne pas poser des questions, mais chercher des réactions. Avez-vous pensé aux avantages possibles d'une carte de crédit? Peut-être, M. Breton... J'ai dit «carte de crédit»?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Breton (Guy): Nous n'avons pas cherché à analyser vraiment la carte comme telle parce que nous nous sommes intéressés principalement à l'existence des fichiers, aux échanges d'informations et nous avons expérimenté qu'il y a des ressources de renseignements utiles pour l'amélioration de la gestion, quand on met en commun certaines informations, tout en reconnaissant encore une fois... Et je sais que je joue le rôle de l'administrateur sans coeur qui veut voir seulement l'arrivée au déficit zéro et administrer à tous crins. Veuillez croire que le respect de la personne, on y croit.

Et, moi le premier, je n'accepte pas, par exemple, que quelqu'un qui roulait sur la route et, ayant remarqué ma fille au volant de sa jeep, s'est servi des services de police pour appeler chez moi et connaître son adresse afin de l'inviter à une partie de hockey le même soir. Je n'ai pas apprécié que le système soit détourné de cette façon. On a réussi à remonter... J'ai dit «on a réussi» parce que je me suis adressé à la Société de l'assurance automobile en demandant: Comment se fait-il que des gens ont accès à de telles choses? Ils ont dit: Non, ils n'y ont pas accès, et on a des inspecteurs qui empêchent de telles choses, quelle est la situation exacte? Et là ils sont remontés à la source, dans la région de Sherbrooke. Mais, enfin, c'est de l'histoire ancienne. Mais je vous dis que je suis très, très conscient de cet aspect. Ce que je crois, c'est qu'il y a, bien sûr, une meilleure gestion qu'on peut faire, mais pas au détriment de tout.


Filtrage des renseignements

Ce que nous avons vu aussi dans nos recherches concernant la protection du droit ou ce dont vous parliez, cette obligation, cet encadrement, et c'est technique et ce n'est pas infaillible, c'est le concept de l'identifiant qui donne accès à un filtre et qui ne va pas plus loin. Alors, vous avez un numéro unique qui vous donne accès au filtre, qui est l'accès au gouvernement. Mais, à l'intérieur du gouvernement, chaque fichier maître a son propre identifiant pour les citoyens, que le citoyen ne connaît pas, qui lui a été assigné, si vous voulez, par le citoyen et qui est transcrit dans ce filtre. Alors, dans le filtre, vous avez, s'il le faut, un identifiant par banque de données, mais chaque banque de données ne connaît pas les identifiants des autres. Et, chaque fois qu'une banque de données veut avoir de l'information sur le voisin, elle doit s'adresser au filtre. Une remarque précise: Nous avons besoin du renseignement untel dans la banque, à tel endroit, pour telle et telle raison. Et ce filtre va chercher l'information dans l'autre et la donne au premier en disant: Voici ce dont vous avez besoin pour la bonne gestion, vous n'avez pas accès à quoi que ce soit d'autre, et c'est nous qui contrôlons l'opération.

Et, à partir de là, vous avez un maître d'oeuvre qui, bien sûr, est un être humain, qui est faillible et qui pourrait, lui, le grand tsar de l'information, jouer avec toutes ces choses. Et ça suppose qu'il y a une supervision et qu'il y a un contrôle très, très sévère chez lui; mais ça, c'est l'écran ou le cloisonnement dont on parle. Ce cloisonnement ne devrait pas être seulement physique, avec des informations qui permettent de croiser. Ce cloisonnement est technique, en ce sens qu'il n'y a qu'un mot d'information. Alors, ça peut vouloir dire que, par exemple, ce filtre conserve quelques informations uniques à tout le monde et qu'il leur donne si nécessaire puis, s'ils n'en ont pas besoin, il ne leur donne pas, mais ils ne peuvent pas le garder. Par exemple, ça pourrait être l'adresse. Et ça se justifierait, encore une fois. On change l'adresse une seule fois. Tout le monde peut en profiter parce que le filtre, s'il le faut, le redistribue. Mais le filtre ne donne jamais d'informations d'une banque à l'autre, sauf si justification absolue est en place, et il ne donne strictement que l'information requise. Donc, l'autre ne peut pas se bâtir vraiment une banque avec des informations superflues qu'il a obtenues, comme dans le cas actuel, où on dit: On veut avoir accès à la banque suivante, et on va extraire de cette banque toute une série d'informations plus ou moins absolument requises, ça sera utile, un jour ou l'autre. Bien, là, si le geste est posé, au lieu que la permission soit donnée et que le geste se fasse entre deux banques, deux administrateurs de banques, s'il y a un opérateur qui est, d'autorité, le seul à pouvoir faire ces échanges ou à les permettre, je pense qu'on ajoute au cloisonnement.

M. Payne: Ma question était plutôt: Quelles sont les bénéfices envisageables pour les détenteurs de la carte d'identité? Et un sous-volet de cette préoccupation-là, c'était: Ne serait-il pas utile, peut-être encadré par la loi, dans l'esprit de la loi sur l'accès aux documents et sur la protection des renseignements personnels, d'imposer l'obligation sur l'État de communiquer à l'individu le fait, sous forme de journalisation, qui avait chercher des informations à propos de l'individu, à quel endroit et à quel moment?

M. Breton (Guy): Alors, dans cet esprit, encore un fois, un filtre semblable pourrait, une fois par année, faire un état de compte pour chaque citoyen, s'il le désire, ou le rendre disponible par accès direct au citoyen, s'il veut le savoir, de ce qui s'est déménagé d'une banque à l'autre durant le courant de l'année. Je pense que le prévenir au fur et à mesure serait onéreux. Le rendre disponible, comme source d'information... Avec Équifax, vous pouvez demander l'état de la situation. Donc, comme source d'information, le citoyen pourrait aller voir le bilan des changements dans le courant de l'année.

Le Président (M. Garon): M. le président de la Commission d'accès à l'information.


Accès aux renseignements d'Équifax

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie. Je voudrais répondre à M. Payne parce que sa question, la semaine dernière, m'a fait réfléchir, et j'ai un élément d'information. En ce qui concerne les dossiers de crédit d'une maison comme Équifax, les consultations par les abonnés ou les membres d'Équifax sont évidemment inscrites, de sorte que l'individu, lorsqu'il demande son dossier à Équifax, peut savoir que telle banque a demandé tel renseignement tel jour, ce qui est un principe, semble-t-il, bien suivi, parce que les plaintes à cet égard sont minimes.

Cependant, toujours dans l'intérêt de l'individu, et ça s'est fait avant mon entrée à la Commission, j'ai découvert cela, le ministère de l'Éducation avait obtenu, il y a un certain nombre d'années, le droit de vérifier le dossier de crédit de certaines personnes, des personnes qui ne règlent pas leurs prêts et bourses. Alors, évidemment, ça posait un problème très sérieux, parce que ces consultations-là étaient faites sur des noms ou sur des renseignements qui n'étaient pas toujours exacts, de sorte que l'individu voyait son dossier avec une mention «consulté par le ministère de l'Éducation», alors qu'il n'était pas du tout visé par l'objet de la recherche précise.

Et c'est là où nous avons obtenu l'accord d'Équifax de façon à ce que les consultations, notamment du ministère de l'Éducation, ne soient accessibles qu'à l'individu et non pas aux autres membres adhérents chez Équifax. Alors, on a fait une protection de l'individu pour qu'il sache précisément que le ministère était allé dans son dossier chez Équifax, mais que l'entreprise hypothécaire, la banque, la maison de crédit ne puisse pas avoir accès à ça. Alors, c'est une combinaison des avantages et des inconvénients. Et, vous avez raison, l'article 19 de notre loi est là, et les entreprises commencent à le respecter, certaines banques mieux que d'autres. Mais je pense qu'on y va tranquillement avec les négociations et les discussions, et aussi les problèmes.


Filtrage des renseignements (suite)

Je voudrais revenir également sur M. Breton. Je ne veux pas du tout engager le débat qui fait partie de la révision de la loi, mais, il faut bien le reconnaître, le législateur, quand il a fait la loi, en 1982, a établi un filtre qui est la déposition d'ententes, après approbation par la Commission, auprès du gouvernement et éventuellement de l'Assemblée nationale. Il y a un filtre qui existe déjà. Évidemment, là, on propose un filtre physique et mécanique, mais le filtre, il existe dans l'approbation d'ententes. C'est une provision qui a été prévue déjà, qui risque évidemment de devoir être améliorée, comme on le suggère dans notre rapport quinquennal. Mais c'est un autre débat, M. le Président.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Chomedey.

(10 h 40)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à remercier au nom de notre formation politique M. Comeau, Me Jacoby, M. Breton et M. Filion d'avoir été présents avec nous aujourd'hui et d'avoir partagé le fruit de leurs réflexions et leur expérience avec nous. C'était extrêmement intéressant d'entendre les différents points de vue. Et plusieurs points ont été soulevés, qui sont d'un grand intérêt pour les membres de la commission.

Je commencerais en disant que, dans un premier temps, j'ai trouvé que la présentation de Me Jacoby, comme d'habitude, était extrêmement bien étayée et son analyse était rigoureuse et les éléments de réflexion qu'il a apportés aux membres de cette commission sont fort valables. Et, pour ma part je tiens à exprimer, comme on dit en anglais, «on the record» que c'est le genre d'analyse auquel on s'est habitué, avec lui, au cours des années, et que c'est un atout pour le Québec qu'il ait toujours été là à vraiment tenir compte de sa première préoccupation et à la respecter à tout moment, qui est la protection du citoyen. Et je tiens ce matin à dire ça en tout premier lieu. J'ai l'honneur et le privilège de connaître Me Jacoby depuis de très nombreuses années. En fait, j'ai fait mon stage au ministère de la Justice voilà près de 20 ans, et c'était auprès de lui et de son service. Et j'espère qu'on pourra profiter de son expérience, de ses lumières et de son attitude, toujours visant la protection et l'intérêt du public pendant de très nombreuses années.

M. Breton a soulevé un certain nombre de points avec nous, ce matin. Tout aussi rigoureux, il l'aborde sous un autre angle. Et parfois le hasard fait bien les choses, car, hier, on était avec plusieurs personnes qui travaillent auprès de M. Breton pour regarder un aspect spécifique du rapport annuel de cette année, et c'était la vérification ou du moins la difficulté de vérification des importantes sommes, des dizaines et des dizaines de millions de dollars dépensés à l'aide juridique.

Je veux commencer avec ça parce que je suis personnellement de nature à vouloir... je suis toujours partant pour apporter une solution à un problème. Mais j'étais aussi très sensible et à l'écoute lorsque M. Breton nous disait: Il faudrait quand même savoir de quoi on est en train de parler. C'était dit en des termes plus diplomatiques que ça, mais, lorsqu'on dit qu'il n'y a pas de vision, il n'y a rien qui est sur la table qui est facilement prenable, bien, on entend bien le message, et je pense que c'est un message extrêmement bien envoyé.

Alors, commençons avec ça, parce que c'est de mémoire fraîche, et analysons si une carte d'identité constitue une solution au problème ou si vraiment c'est une question de management qui peut être atteinte par un autre moyen. Parce que, nous, de notre côté, on peut vous dire que – ça surprendrait certains – ça s'appelle le Parti libéral. On est pour la liberté des citoyens. On aime le moins d'intrusion possible dans la vie privée, ou autrement, des citoyens.


Vérification des informations fournies par les demandeurs d'aide juridique

Le problème, je peux le résumer, M. le Président, très brièvement pour les membres de cette commission qui étaient à une autre commission sur l'administration publique, hier. En gros, on a une Commission des services juridiques qui gère nominalement un «pot» de plus de 100 000 000 $ pour l'aide juridique. On a presque une douzaine de centres communautaires juridiques qui, en fait, dépensent l'argent et déterminent notamment une chose: l'admissibilité des gens à l'aide juridique. Or, lorsque le Vérificateur général a voulu regarder un peu cette question-là, notamment pour s'assurer que les gens qui se disaient prestataires d'aide sociale, qui ouvre automatiquement la porte à l'aide juridique... Eh bien, dans l'échantillonnage qu'ils ont pu faire, ils se sont rendu compte qu'il y avait des dizaines de milliers de cas de personnes qui s'étaient dites prestataires d'aide sociale, donc qui n'avaient qu'à dire qu'elles possédaient la clé, elles n'avaient jamais besoin de la montrer de quelque manière que ce soit. Et il y a une muraille de Chine qui s'est bâtie entre la Commission des services juridiques et ses centres communautaires, qui, sur la foi d'un avis juridique, disent qu'ils n'ont pas besoin de montrer au Vérificateur général les dossiers individuels.

Donc, c'est un problème très pratique qui doit être vécu quotidiennement. Mais, pour ma part, je le vois comme un problème de gestion. Comme législateur, je me dis que, s'il faut changer une phrase ou deux dans votre loi pour que l'avis juridique qui prétend que vous n'avez pas le droit d'y aller, que cet avis tombe, je suis prêt à faire ça.

Mais, si on peut rester, M. Breton, avec cet exemple-là, est-ce que, selon vous, il y a quelque chose dans cette situation-là qui serait... Est-ce que le problème serait éliminé si on avait, admettons, une carte avec un identifiant général ou on peut le faire d'une manière sectorielle pour répondre à un tel problème?

M. Breton (Guy): Dans le cas présent, une carte n'aurait rien changé à la situation que nous avons constatée. C'était plutôt une décision administrative des centres communautaires juridiques de ne pas faire appel au fichier informatique du ministère pour savoir si, de fait, les gens étaient inscrits ou non à l'aide sociale, d'une part. Et il y avait également la même constatation qu'ils pouvaient faire, la même vérification qu'ils auraient pu faire auprès du ministère du Revenu pour savoir si, effectivement, ces personnes étaient justifiées de recevoir cette aide parce que leur niveau de revenu normal était inférieur au minimum prévu. Donc, c'est surtout une question de décision dans le mode administratif.

On peut se poser la question. Est-ce que, pour la vie privée de ces gens, on a droit d'avoir accès ou de contester, pour les fins d'une meilleure gestion, leur déclaration et d'aller confronter leur déclaration à l'information qui est disponible dans les deux fichiers? Il est bien sûr qu'administrativement je pense que oui. Tout au moins, on devrait le faire sur une base d'échantillons, pour être certain que les gens sont globalement francs quand ils déclarent quelque chose. Mais, dans un contexte où on constaterait, je pense, que, globalement, les gens ne sont pas francs, il faudrait presque systématiser. Mais le principe est là. En bons gestionnaires, on n'accepte pas n'importe quoi comme information. Mais là une carte ou pas n'aurait rien changé.

La question du non-accès juridique, c'était pour nous permettre de voir s'il y avait d'autres moyens qui avaient été pris par l'avocat responsable du dossier, à savoir... Parce que, normalement, si une personne perd son statut de dépendant économique durant le procès, par exemple, qui peut durer un certain temps, est-ce que l'avocat se préoccupe de cet aspect financier des choses? Est-ce que, régulièrement, il s'assure que la personne n'a pas commencé à gagner un meilleur revenu et, automatiquement, n'est plus assujettie au processus? Alors, en allant voir le dossier, on aurait pu voir si, au minimum, l'avocat avait cette préoccupation, ce qu'on n'a pas vu parce qu'on n'y a pas eu accès principalement. Alors, c'était la principale façon. L'autre, ça avait trait à la façon de gérer les dossiers, l'importance des dossiers comme telle, la nature des difficultés, mais ça n'a rien à voir avec une carte.


Contrôle de l'accès aux fichiers de renseignements

M. Mulcair: O.K. J'apprécie la réponse. Et il y a un autre aspect dans votre présentation, et ça rejoint quelque chose que M. Filion a dit aussi, et j'aimerais brièvement aller sur ça avec vous, quitte à revenir plus tard. Vous avez mentionné que tout cela, votre attitude dépendait du fait qu'on soit capable d'assurer l'étanchéité des banques de données pour garantir la vie privée. On a déjà eu l'occasion de parler avec la Commission d'accès et on a posé la question de savoir si, eux, ils faisaient des tests qui testaient les barrières dans les différentes instances. La première réponse qu'on avait reçue, c'est qu'ils n'avaient pas les moyens financiers pour faire ça. Plus récemment, on a appris que c'était un effort qui commençait. Tout ça, dans la foulée, j'allais dire, de l'information, mais je pense qu'il faut être plus clair et dire des anecdotes à l'effet qu'on pouvait acheter certains renseignements. On attend toujours avec beaucoup d'impatience de savoir si c'est le cas.

Votre travail, voire même votre modèle d'analyse vous amène, vous, à tester constamment la solidité des barreaux qui sont censés garder l'argent public à telle place et s'assurer que ça ne sort que lorsque c'est pour une fin dûment votée par l'Assemblée nationale, et ce, conformément aux règles édictées, le cas échéant, par le gouvernement par le biais d'un règlement. Ça, c'est vraiment la manière de s'assurer que cette énorme somme d'argent qui provient de l'État, générée par l'État est dépensée et que l'on puisse arriver.

(10 h 50)

De la même manière, on génère de plus en plus une masse d'informations. M. Filion le disait tantôt, avec les ordinateurs dont on dispose aujourd'hui, ça circule de plus en plus vite, de plus en plus facilement, puis l'entreposage est devenu un jeu d'enfant, dans ces choses-là. Est-ce qu'il y a quelque chose dans votre expérience ou dans votre modèle ou méthode d'analyse qui pourrait s'appliquer, maintenant qu'on commence à s'inquiéter de la solidité de ces murailles-là, de ces garanties, de cette étanchéité? Parce que, comme l'a mentionné le président de la Commission d'accès, tout à l'heure, on est dans une phase de révision quinquennale, donc tout est sur la table, en termes de notre analyse. Puis, même si le sujet spécifique de notre discussion aujourd'hui, c'est les cartes d'identité et la protection de la vie privée, je profite de votre présence et de ce débat aujourd'hui pour aussi vous demander si, en termes d'«audit», de vérification informationnelle, il n'y a pas quelque chose qu'on peut aller chercher dans votre expérience et appliquer dans l'autre monde, le monde de l'information, pas juste le monde de l'argent.

M. Breton (Guy): Bien, au tout départ, il y a une réflexion qui me vient à l'esprit, et c'est le contraste entre les fichiers d'Équifax, qui conservent l'historique des consultations qui ont été faites sur le fichier, et tous les fichiers gouvernementaux, qui ne conservent pas l'historique des consultations sur les dossiers des citoyens. Évidemment, conserver l'historique signifierait qu'il faut multiplier l'ampleur de ces fichiers pour garder cet historique pour x temps, etc. Mais le fait est là. C'est la grosse différence.

Depuis longtemps, on dit et on s'assure que les gestionnaires de fichiers contrôlent l'accès pour écrire de l'information sur ces fichiers pour ne pas les fausser. Le contrôle pour extraire de l'information sous forme d'imprimé ou sous forme de simple lecture à l'écran, ce n'est pas aussi évident. Mais on n'en tient pas une information propre à chaque dossier, on en tient un journal quotidien.

Alors, imaginez qu'au ministère du Revenu au nombre d'employés qu'il y a, le journal quotidien est énorme. Et, quand on a déterminé qu'une seule personne avait été identifiée plusieurs fois, c'est parce que, volontairement, on a cherché un certain nombre de personnes qu'on pensait susceptibles d'intéresser les curieux et on a fait rechercher dans les journaux combien de fois ces gens avaient été interrogés. Et c'est ainsi qu'on a pu faire dresser une statistique. Mais on était allé la chercher spécifiquement. On aurait pu faire l'inverse, ce qui aurait pris un temps énorme: faire lire tous les journaux, les faire classer par numéro, appareiller les journaux d'un mois et voir ceux qui revenaient fréquemment. C'était l'autre façon technique de le faire. On est allé directement en se servant du gros bons sens, pour sauver du temps. Mais, encore une fois, si j'allais dans ce dossier de cet individu, je ne trouverais pas que, depuis un an, il y a eu 600 interrogations sur son dos et d'où elles viennent, alors qu'Équifax garde la référence à ceux qui ont interrogé, ou, en tout cas, un certain type de transactions s'enregistre automatiquement par individu ou par dossier.

Dans les dossiers du gouvernement, l'historique des accès, l'historique des consultations ne se tient pas; ça ne s'est jamais fait. Et, bien sûr, je vais entendre demain matin les informaticiens déclarer que je suis tombé sur la tête d'arriver avec ce concept, mais, quand on écrivait à la main, on reconnaissait la couleur de l'encre de la personne, puis on reconnaissait son écriture. Puis, quand on le faisait avec des machines comptables, il y avait un seul technicien qui était devant, on savait qui l'avait écrit. Puis, quand est rentré l'ordinateur, au début, on avait seulement quelques personnes qui jouaient avec ça. Mais, maintenant, avec les écrans puis les claviers, on peut perdre la trace. L'idéal, ce serait de garder l'auteur des informations qui s'inscrivent, et, déjà là, vous auriez un contrôle très sévère sur la modification de l'information, mais les consultations, ça pourrait aussi avoir son intérêt.

Mais, encore une fois, je reviens à ce que disait M. Comeau. C'est vrai que le filtre prévu dans la loi existe. Je pense que le filtre doit maintenant avoir son pendant technique ou mécanique et puis dire: On mécanise tout ce qu'on peut, on automatise tout ce qu'on peut et on ne laisse pas bouger si ça ne rencontre pas la norme, point.

M. Mulcair: Merci, M. Breton. Maintenant, pour M. Filion, une brève question qui est dans le même sens.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey?

M. Mulcair: Oui.

Le Président (M. Garon): M. Comeau a demandé de dire un mot, je pense.

M. Mulcair: Ah, oui! Pas de problème.

M. Comeau (Paul-André): Je voudrais simplement vous faire part d'un élément d'information dont je ne disposais pas la semaine dernière. C'est que les responsables, sous-ministres et présidents d'organismes, des cinq mégafichiers – la RAMQ, la Société de l'assurance automobile, le CRPQ... – enfin les cinq fichiers qui ont fait l'objet d'une vérification de notre part ont accepté le principe d'une première rencontre qui aura lieu vendredi prochain pour étudier le problème de l'après-journalisation et d'une modernisation des contrôles soit de la part de ceux qui consultent ou de ceux qui sont consultés. Donc, il y a une bonne volonté, et on relance le processus vendredi prochain.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Comeau. M. le député de Chomedey.


Dévolution de la protection des renseignements personnels à la Commission d'accès à l'information

M. Mulcair: Oui. Alors, je tiens à remercier le président de la Commission d'accès pour cette information. M. Filion, vous avez dit quelque chose, tantôt, qui est important aussi dans notre réflexion. Vous avez rappelé à juste titre que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit et garantit la vie privée comme droit et qu'un aspect de la vie privée, soit la protection des renseignements personnels, est dévolu à la Commission d'accès.

Avant même de recevoir le rapport de la Commission et de commencer cette étape-là, on a déjà commencé informellement à regarder ces questions-là pour savoir quelle était la meilleure manière d'assurer le respect de ce droit-là. Parce qu'il y a différents mandats qui sont dévolus à la Commission d'accès à l'information. Il y a le mandat de consultation-conseil auprès du gouvernement. Il y a le mandat plutôt tribunal. Et, comme on avait déjà vécu, justement dans le domaine des droits de la personne... Il y en a qui disent: On serait peut-être mieux de scinder ces différents aspects là. Le fait qu'il y a un droit consacré dans la Charte, qui est la vie privée, et qu'il y a certains aspects qui ne relèvent pas de votre Commission mais plutôt d'une autre, est-ce que c'est problématique, au quotidien, ou si, d'une manière générale, on s'y accommode? Est-ce qu'il y a des changements qui pourraient être souhaitables pour assurer une meilleure harmonisation, à cet égard-là?

M. Filion (Claude): Selon mon expérience, M. le député, après 13 mois, non, je pense que ça ne pose pas de problème, dû au mandat spécifique de la Commission d'accès, comme vous le dites, qui combine un rôle à la fois judiciaire et un rôle administratif, comme j'ai déjà eu l'occasion d'ailleurs de le dire publiquement. Alors, nous, à la Commission, non. Je pense qu'il existe des canaux de communication bien connus à tous les niveaux de notre Commission et de la Commission d'accès, qui font en sorte que le citoyen s'y retrouve rapidement et il n'y a pas de temps perdu. Non, honnêtement, ça ne pose pas de difficulté à notre Commission dans l'exercice de notre mandat que nous a confié le législateur. Il n'y a pas de problème, honnêtement, qui découle de ça. Il y a une bonne collaboration. Le travail fait par la Commission est vaste. D'ailleurs, à l'occasion, je pense, de l'exercice de la clause crépusculaire contenue à la loi, vous êtes à l'intérieur, dois-je le comprendre, d'un exercice de révision et vous voyez l'ampleur de la tâche de la Commission d'accès dans le cadre du développement technologique, dans le cadre de l'évolution en général. Alors, pour nous, ça ne pose pas de problème pratique, d'aucune façon, honnêtement.

C'est comme la Commission de l'équité salariale, si vous me permettez. Nous avions des réserves sérieuses. Évidemment, nous aurions aimé que certains points de vue... Mais la Commission de l'équité salariale aussi et la Loi sur l'équité salariale sont la mise en oeuvre d'un droit prévu à la Charte. Il y en a d'autres également.

M. Mulcair: M. Filion, vous m'ouvrez la porte très grande. Je vais me permettre de vous poser une question qui était, pour les membres de cette commission, une colle, hier. Sur le document que vous nous avez faxé avant-hier, qui contenait votre opinion, sous la signature de M. Hailou Wolde-Giorghis, on trouve, à la page 2, que ça a été faxé ici à 16 h 23 avant-hier, mais que ça a été faxé de la Commission de l'équité salariale à chez vous, à 15 h 38 le même jour.

M. Filion (Claude): Oui, oui, la raison est simple, c'est que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): Ça vaut la peine d'être expliqué. Félicitations pour votre...

M. Mulcair: On se doutait qu'il y avait une raison simple, mais on était très curieux.

M. Filion (Claude): Oui, la raison est à ma gauche.

(11 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): La raison est à ma gauche puis elle est simple. Puis, dans le fond, ça me donne une chance aussi de parler des difficultés budgétaires de notre organisme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): M. Daniel Carpentier, qui est un des experts de la Commission en matière de vie privée, a aussi – parce qu'il faut être très polyvalent, à la Commission des droits – développé une expertise au niveau de l'équité salariale, qui a fait en sorte qu'il a été le principal légiste qui a présidé à la Loi sur l'équité salariale. Et, après sa prestation de «légisterie», si vous me permettez le mot, la présidente de la Commission de l'équité salariale nous a demandé si on pouvait prêter, en quelque sorte, les services de M. Carpentier à la Commission de l'équité salariale pour mettre au point la formation. Ce qu'on a accepté sous réserve du fait, lui ai-je dit à ce moment-là, que, de temps en temps, les services de Daniel seraient requis à la Commission, notamment pour tout ce qui concernait, ou une partie de ce qui concernait la vie privée. De là, le fax vient... les réponses ont été préparées...

M. Mulcair: C'est ça, être fiché, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): Voilà.

M. Mulcair: Et je peux vous prêter le mot qui a déjà été utilisé par Me Jacoby, qui aurait parlé de «légistique».

M. Filion (Claude): «Légistique», oui. J'aimais bien «légisterie», à l'époque, mais je ne suis pas fermé...

Une voix: Ça a changé.

M. Filion (Claude): Ça a changé? C'est bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.


Type de carte répondant le mieux aux besoins

M. Gaulin: Oui, merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. Je suis très heureux de voir autant de synergie. Je trouve l'expérience intéressante. J'ai écouté, tout à l'heure, les présentations et j'avais, en quelque sorte, une question préalable, parce que j'ai l'impression que vous répondiez à une question particulière, à savoir: Est-ce que nous devons avoir une carte à microprocesseur multiservices? J'ai eu l'impression qu'au moins plusieurs des intervenants ont répondu plutôt à cette question-là.

Notre commission, notre mandat d'initiative porte sur les cartes d'identité et la vie privée. C'est sûr que vous avez pu répondre à une question dans l'optique, d'ailleurs, d'un des mémoires qui a été soumis à notre commission, à un autre mandat, qui était, semble-t-il, le mémoire du Secrétariat de l'autoroute de l'information. C'était juste un point de vue. Ce n'est pas le point de vue de cette commission.

Au fond, la question que nous posons, puis les questions qui vous sont posées, qui nous sont posées et qui sont posées aux citoyens sont là. Et je reste un peu sur ma faim, personnellement. Je pense que ce n'est pas nécessairement parce qu'on va faire l'éloge de la vie privée, même au nom du libéralisme ou du néolibéralisme, qu'on va assurer cette protection de la vie privée, parce que, dans les faits, nous sommes constamment codés, cotés, nous sommes dans des fichiers. Le député de Vachon a soulevé certains problèmes, et on pourrait avoir, d'une certaine manière, une politique de l'autruche à cet égard.

Je trouve que l'approche aussi qu'on a est une approche évidemment qui correspond à notre caractère, à notre civilisation, à notre culture, qui est une approche latine. On pose le problème, en soi, par exemple, du droit à la solitude; vous évoquiez ça, M. Filion. Il y en a qui nous ont parlé du droit à l'anonymat. C'est sûr. Moi, je parlerais du droit au silence. J'arrive de Paris, je vais vous dire que ce n'est pas un droit évident. Si vous parlez du droit à la solitude, je m'en vais en forêt, puis je vois le même type qui revendique le même droit que moi, qui est sur son trois roues et qui fait du bruit, j'ai des problèmes. Il y a le philosophe Dufresne qui est venu nous dire que le même citoyen, en même temps qu'il exige l'équité fiscale, il exige aussi la vie privée et l'anonymat. C'est des choses qui sont parfois contradictoires. Il exige de pouvoir aller en forêt mais, en même temps, il voudrait qu'un médecin, en vertu du virage ambulatoire, puisse éventuellement avoir accès à lui s'il a des besoins de santé, ce qui va supposer qu'il y a quand même un élément électrique qui va nous permettre de l'identifier.

Alors, il y a un certain nombre de questions qui nous sont posées qui sont plus d'ordre philosophique. Le droit de déterminer l'espace de notre vie privée, comme le disait Me Jacoby, c'est sûr, mais on pourrait, là-dessus, citer le vers d'Aragon: «Je croyais choisir et j'étais choisi.» Il n'est pas évident, ce droit-là. Moi, je reste sur une rue, le numéro est là déjà. Et pourquoi? Parce qu'il y a eu la poste, il y a déjà deux siècles. C'est un apport positif, la poste, dans une société comme la nôtre. Cependant, est-ce qu'on a le droit d'exiger mon adresse quand je vais chercher un vidéo au club vidéo? C'est ça, le problème que le citoyen se pose. Je reste sur la rue Crémazie, encore là, mon identité est un peu volée, c'est l'identité d'un autre; mais, tant mieux, c'est un homme célèbre. Devant ma porte, il y a des indications de limites de temps et, si je n'ai pas ma vignette, eh bien, au bout d'une heure... Ils sont très efficaces, à la ville. Tant mieux, pour la caisse. J'ai eu une contravention, etc. Donc, tout est relatif.

Ce que le citoyen se pose comme question, au fond, puis ce qui nous est posé encore ce matin, on l'a répété souvent à cette commission. Vous êtes entrés ici, à l'Assemblée nationale, on a exigé éventuellement de vous une carte qui n'était pas exigible, qu'on n'a peut-être pas le droit d'exiger. Parce qu'au fond la carte-soleil, qui est la plus revendiquée, c'est une carte qui a rapport à notre dossier médical. Pourquoi est-ce qu'on l'exige pour nous identifier? Vous avez, je pense, évoqué, Me Jacoby, le NAS, le numéro d'assurance sociale, si j'ai bien compris. Dans beaucoup d'endroits on le refuse, maintenant, ce numéro-là. Moi, j'ai eu, l'autre jour, la surprise, je suis allé renouveler mon passeport. Je pensais ne plus en avoir besoin, mais j'en aurai encore besoin un bout de temps. Mon passeport, je l'ai renouvelé. On m'a demandé une carte d'identité. J'ai dit: Quel est ce pays qui ne croit pas à ses passeports? Ma photo est là. Mais enfin, il aurait pu y avoir presque un parfait sosie, puis on m'a demandé une carte d'identité.

Alors, la question qui nous est posée, c'est... Je pense, à l'extrême, il y a des gens qui disent: On ne veut pas d'autre carte, on veut le paquet de cartes qui ajoute éventuellement à notre coquetterie, ou bien: On n'a rien à cacher, ou bien: On va prendre la carte qu'on veut. Et, à l'autre extrême, on a des gens qui nous disent: Je ne veux pas de carte d'identité. J'ai tout à cacher; ça pourrait sous-tendre ça aussi. Quand on nous dit que le monde des affaires ne s'est pas prononcé sur une carte, peut-être qu'il y a des intérêts à ne pas le faire.

Alors, qu'est-ce qu'il faut exiger? Qu'est-ce qu'il faut donner au citoyen entre une carte multiservices à microprocesseur ou une carte d'identité qui pourrait servir à des simples fins d'identification? Est-ce qu'on ne pourrait pas choisir ça? Je pense bien que le citoyen québécois, d'après des sondages qui auraient été faits, ne désire pas avoir une carte qui serait multiservices, comme on nous le disait, un numéro identifiant unique qui irait à un fichier universel. Vous avez évoqué, M. Breton, le fichier universel et les fichiers sectoriels. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas avoir une carte...

On nous a dit, par exemple, à cette commission: La femme qui travaille dans un Provigo, il y a un gamin ou un jeune homme, une jeune fille qui vient chercher des cigarettes, on peut être poursuivi au nom de la loi pour avoir vendu des cigarettes à un mineur. Quelle pièce d'identité vous exigez? Est-ce que ce jeune-là il a une carte d'identité ou elle a une carte d'identité? Quand vous entrez ici, quand vous allez au club vidéo... Alors, est-ce qu'on ne devrait pas avoir une carte d'identité avec des éléments les moins nombreux possible: le nom, la date de naissance, point? Ça serait à peu près tout. Alors, ma question est posée à tout le monde.

Le Président (M. Garon): M. le Protecteur du citoyen.

M. Jacoby (Daniel): M. le député, moi, je pense que, fondamentalement, dans une société démocratique, et nous en sommes une, dans une société où on a le culte des libertés, le meilleur moyen d'assurer dans tous les domaines l'épanouissement de l'individu, c'est de lui donner le choix des moyens. Le jour où, quel que soit le secteur ou le domaine d'activité, à cause de décisions gouvernementales, un individu perd le choix des moyens, ça compromet son développement et son bien-être. Et, dans le domaine des cartes d'identification, je pense que nous n'avons pas à aller plus loin que ça. En d'autres termes, le citoyen du Québec veut conserver, selon moi, le choix des moyens.

(11 h 10)

Il y a cependant, et de manière tout à fait légitime, des citoyens qui sont très conscients que l'utilisation de certaines cartes avec une adresse électronique peut donner ouverture à des abus, à de la supposition de personnes, à de l'altération de documents, et ces citoyens revendiquent une carte qui leur permette de répondre à des besoins de la vie quotidienne. Par exemple, les besoins de la vie quotidienne, quand vous allez chez un commerçant, ce qui intéresse souvent le commerçant, c'est votre adresse. Et alors, c'est pour ça que les gens prennent leur permis de conduire, qui contient l'adresse, ne sachant pas toujours le risque que ça peut comporter.

Quand on vient ici, à l'Assemblée nationale, on exige une pièce d'identité. En pratique, souvent, c'est le permis de conduire que l'on va volontairement remettre, ou la carte-soleil. Mais le besoin de l'administration ici, à l'Assemblée nationale, il est très simple. Ce dont elle a besoin, c'est la date de naissance. Pourquoi? Parce que la sécurité est assurée ultimement par un corps de police et que les fichiers du CRPQ utilisent la date de naissance.

Les besoins de l'administration, où qu'elle soit, sont immenses. Les besoins du secteur privé sont immenses. Et les besoins des citoyens et la commodité des citoyens, c'est immense. Mais, selon moi, tout simplement, je dirais: Laissons le choix des moyens. Puis, par ailleurs, si on replace, par exemple, les besoins en identifiants que va exiger l'inforoute – qu'est-ce que l'inforoute, ultimement? – l'inforoute ne sera qu'un autre service gouvernemental pour lequel on aura besoin d'un identifiant.

Et, quand le discours se déplace pour dire: Tiens, profitons de ça pour, à toutes fins pratiques, éliminer tous les autres identifiants, notamment par l'inforoute, c'est un peu comme si – j'exagère à peine – dans sa réflexion, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui va nous arriver bientôt avec de nouvelles cartes, disait: Profitons-en pour faire au Québec une carte d'identité universelle. C'est un peu comme ça que les choses se passent. Et je pense que c'est un peu démesuré, quoique ça soit fait de bonne foi.

M. Gaulin: Mais, M. le Président, votre réponse, Me Jacoby, me laisse sur ma faim, encore là. Parce, que quand vous dites: Laissez le choix à l'individu, on est tous des individus, mais il y a l'individu qui demande puis il y a l'individu à qui on demande. Si l'individu qui demande dit, comme on nous l'a dit ici, à cette commission: On demande la carte ou les cartes qui font notre affaire, c'est discriminatoire, il y a une discrimination du choix des cartes vis-à-vis du citoyen ou de la citoyenne qui veut être protégé dans sa vie privée. Moi, comme député, je suis aussi un citoyen et je vous dis que, comme citoyen, je veux une carte d'identification modeste, simple, qui me permet de dire: Vous voulez une carte d'identité? La voilà, monsieur, ne m'en demandez pas d'autres, ou la voilà, madame, ne m'en demandez pas d'autres. Si je vais chercher un vidéo dans un club et puis que je ne veux pas donner mon téléphone et mon adresse, tant pis pour moi, je n'aurai pas le service.

M. Jacoby (Daniel): Oui.

M. Gaulin: Il faut quand même reconnaître que, si je veux des services, je dois donner des moyens pour qu'on me rejoigne. Ou bien j'achète le film, et puis voilà, c'est terminé, je l'ai chez moi, en ma possession privée, dans ma vie privée, dans ma maison privée.

M. Jacoby (Daniel): M. le député, vous avez parfaitement raison, le choix des moyens. Mais c'est parce que je référais à ma présentation initiale où je disais à toutes fins pratiques: Pour ceux et celles de nos concitoyens et concitoyennes qui veulent avoir une carte relativement neutre qui puisse servir à certains besoins d'identification, il est concevable de le faire dans le sens d'avoir une carte qui contient des données minimales qui puissent répondre aux besoins que le citoyen a de répondre à certaines demandes d'identification.

Et, dans le mémoire complémentaire que je vous ai déposé ce matin, j'explique; je vais jusqu'à l'adresse, mais j'explique tout ça. Donc, je dis le choix des moyens, je pense que, moi, j'encouragerais et je supporterais la création d'une carte neutre, non reliée à un fichier, une carte utile pour les citoyens, une carte qui, en soi, ne donnerait pas ouverture à de multiples portes, à des fichiers, donc une carte qui ne porterait qu'un numéro relié à la carte et non pas relié à l'individu ni à un fichier, avec un minimum d'informations comme la photographie, comme l'adresse, le cas échéant – mais ceci peut être laissé à l'option du citoyen, on n'est pas obligé, encore, d'avoir quelque chose d'uniforme pour tous; le citoyen qui ne voudra pas son adresse sur cette carte délivrée par une autorité gouvernementale dira: Je n'en veux pas d'adresse – sa date de naissance, sa signature, puis donner des options au citoyen et se rappeler que les citoyens qui voudront cette carte presque neutre, peut-être une des moins dangereuses... Dans la mesure où il y a quand même des mesures sur cette carte-là qui minimisent les risques d'altération ou de reproduction – et c'est faisable, techniquement – dans la mesure où le citoyen en fait la demande et qu'on ne lui impose pas en lui invoquant telle ou telle magie, eh bien, moi, je dis que ça va répondre à un certain nombre de citoyens qui, peut-être, avant la commission de la culture et ce qui va en sortir, n'étaient pas conscients des dangers d'utiliser telle ou telle carte et qui peut-être, après, vont être conscients et que peut-être il y aura une demande pour une carte, pour ce genre de chose là. Alors, c'est ma position, M. le député.

M. Gaulin: Mais là vous venez de faire un grand pas, Me Jacoby. Vous admettez que ça pourrait être utile d'avoir une carte de plus, et celle-là, qui va nous éviter peut-être d'en traîner beaucoup d'autres.

M. Jacoby (Daniel): Oui, j'ai fait un pas de plus.

M. Gaulin: Moi, quant à l'adresse, je préfère qu'elle ne soit pas là parce qu'elle rend la carte caduque très rapidement. On sait que les changements d'adresse sont très nombreux.

Le Président (M. Garon): M. Comeau.


Différences entre les besoins du citoyen et ceux de l'administration privée ou publique

M. Comeau (Paul-André): Je voudrais revenir à ce que vient de soulever M. le député. Il y a toujours les deux problèmes dans une carte d'identité. Il y a l'identification comme telle, qui permet à la personne avec qui vous êtes en relation de s'assurer que votre visage correspond à la photo, etc. Ça, c'est relativement simple, et ce n'est pas là où les problèmes se présentent. C'est que, très souvent, ceux qui offrent des services, vendent des biens ou administrent des programmes ne sont pas satisfaits de cela. Ce qu'ils veulent, c'est le moyen de retracer une personne, et même l'adresse ne les intéresse pas. Ce qu'ils veulent, c'est un numéro, les fameux identifiants qu'ils vont pouvoir conserver, parce que ce numéro va leur permettre d'avoir accès à d'autres fichiers, fichiers des agences de crédit, fichiers gouvernementaux, policiers et autres. Et c'est là la différence entre la carte d'identité à des fins d'identification et la carte d'identité pour retracer les individus. Mais les deux problèmes sont différents, même s'ils sont liés l'un à l'autre.

Par exemple, on a à la Commission une carte qui donne la photo, la signature, le lieu de travail. C'est considéré comme de la «gnognote» – vous me pardonnez l'expression – même si c'est moi qui dois les signer. On n'en veut pas parce qu'il est impossible, à ce moment-là, de retracer une personne autrement qu'à son travail, ce qu'on ne veut pas.

Alors, il y a toujours les deux dimensions, et c'est pourquoi la solution de Me Jacoby, la solution d'une carte facultative, je pense l'avoir déjà dit à quelques reprises devant cette commission, c'est, personnellement – je ne parle pas au nom de la Commission – un moindre mal qui va répondre aux désirs d'un certain nombre de citoyens, mais qui ne va pas résoudre tous les problèmes liés à l'identité. Ça, je suis convaincu de ça.

M. Gaulin: Moi, j'ajouterais qu'au fond les citoyens aussi doivent... Ce n'est pas seulement à l'État de protéger la vie privée, c'est aux citoyens à exiger qu'on la respecte et à dire: Cette carte-là, je regrette, c'est celle-là, je ne discute plus... Pardon! Vous voyez que je peux être véhément.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. Filion.

M. Filion (Claude): Juste, si les députés me permettent, dans le même sens, dans son mémoire initial, je l'ai repris dans mes notes, la Commission des droits, non plus, ne voit pas de problème particulier, je le répète, à une carte qui comprendrait des renseignements de base. Selon nous, ces renseignements-là – en somme, c'est libre à la discussion – pourraient comprendre le nom, le sexe, la date de naissance, le lieu de résidence puis une photographie, mais que cette carte-là, je le répète, soit facultative et non exigible. Et c'est là ce que M. Comeau explique, c'est-à-dire qu'une carte d'identité, est-ce que ça va satisfaire... Quand on parle des besoins du citoyen, ça, ça va satisfaire les besoins du citoyen, à mon avis, parce que le citoyen, il va pouvoir utiliser cette carte-là, elle est neutre, donc elle ne fait pas référence à d'autres informations que celles qui sont contenues et, en plus de ça, bien sûr, le citoyen va pouvoir exercer un contrôle sur le contenu de cette carte-là, y effectuer les changements appropriés, qui, dans certains cas, incluent le changement de sexe.

(11 h 20)

Alors, c'est là qu'on voit que cette carte-là satisfait les besoins du citoyen. Mais est-ce qu'elle pourrait satisfaire les besoins des entreprises ou les besoins de l'administration gouvernementale? Autre question. Et c'est là que, pour poursuivre l'analogie de Me Comeau, la carte est une clé. Ce n'est pas la clé elle-même qui intéresse les entreprises, parfois, ou l'administration privée ou publique, c'est ce à quoi on a accès par la clé. Donc, dans vos réflexions, peut-être, sur la carte d'identité, voyez-la comme une clé. Si la clé est neutre, il n'y a pas de problème. Mais soyons aussi conscients du fait que, à ce moment-là, peut-être que ceux qui insistent pour avoir une carte n'y trouveront pas leur compte. Je voudrais juste présenter ça. Et, quant à nous, nous n'avons pas d'objection, donc, pour le répéter, à une carte d'identité qui contient des renseignements de base, qui est neutre, qui est non exigible et qui est facultative.

Le Président (M. Garon): Votre clé n'est pas un passe-partout, si je comprends bien.

M. Filion (Claude): La clé, non, il ne faut pas que ce soit un passe-partout. Mais la carte d'assurance-maladie est une clé qui permet d'accéder quelque part. Il faudrait que ce soit une clé, en quelque sorte, qui n'ouvre rien d'autre que ce qui est contenu sur la clé elle-même, pour reprendre mon analogie. Mais dans l'esprit de ceux qui poussent – ceux et celles, sans faire de procès d'intention – sur une carte d'identité, ils voient la carte d'identité comme autre chose, la carte comme un identifiant transportant avec lui une masse de renseignements phénoménale. Tantôt, avec quelques mots d'humour peut-être, j'essayais d'attirer votre attention là-dessus, le développement de l'informatique. Vous avez raison, le citoyen est préoccupé de ça, il est préoccupé de l'avenir, dans ce sens-là.

Parce que, M. le député, si vous me permettez, je pense qu'actuellement le citoyen, c'est un peu comme des ennuis, de sortir les cartes, etc., il est préoccupé du transfert, du transport des renseignements qui sont contenus sur la carte d'assurance-maladie. Mais il n'y a pas de problématique majeure chez les besoins des citoyens. Et pour ceux pour qui ça existe, encore une fois, je pense que, en tout cas, de ce côté-ci, on a un consensus vers une carte qui aurait les caractéristiques que nous avons décrites, si vous sentez le besoin de le recommander.


Carte de citoyen

M. Gaulin: Oui. D'ailleurs, vous venez de lui trouver un très beau nom, «carte de citoyen», c'est peut-être mieux que «carte d'identité». C'est une carte qui est un laisser-passer, ce n'est pas une clé. Je pense que ce qu'on a entendu à cette commission, ce mandat d'initiative, très peu de gens ont exigé une carte qui serait une clé. Les gens, cependant, beaucoup de gens ont exprimé leurs difficultés quotidiennes, leur emmerdement quotidien avec le processus des cartes. Et cette carte que vous évoquez, carte de citoyen, serait quelque chose de fonctionnel, qui ne répondra pas, M. Comeau, aux besoins que certains voudraient qu'elle ait. Pour le moment, de toute manière, pour le contrôle des finances publiques, on a des éléments qui permettent probablement de voir à ce que chacun paie son dû.

M. Filion (Claude): Vous allez cependant un petit peu plus loin, parce que n'oublions pas je mentionne «carte facultative». Ça veut dire que, si je n'ai pas ma carte, il faudrait être sûr que je continue à être un citoyen.

M. Gaulin: Bien sûr. Non, mais ceci aussi est dit. Et je pense que, dans l'éducation populaire aussi, la carte facultative, l'élément facultatif est excellent. Je veux dire que les gens vont s'apercevoir que c'est pratique d'avoir cette carte-là, même si, au départ, ils ne la voulaient peut-être pas, parce que les gens qui l'ont ont moins d'emmerdements quotidiens que les gens qui ne l'ont pas.

Le Président (M. Garon): Est-ce que je peux vous proposer de prendre une petite suspension de cinq minutes? On doit continuer jusqu'à 13 heures, on est assis depuis 9 heures, et quelques minutes, ça permettrait à chacun, peut-être, de se prendre un café, d'aller faire un téléphone ou autre chose, et revenir dans cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 25)

(Reprise à 11 h 41)


Organisation des travaux (suite)

Le Président (M. Garon): Avant la suspension, il y a des parlementaires qui m'ont suggéré, plutôt que d'aller jusqu'à 13 heures, de recommencer à 14 heures. Parce qu'on a été un peu surpris de voir que c'était mis comme ça comme horaire. Je ne sais pas, est-ce que c'est l'horaire régulier, ça?

Une voix: Non, ce n'est pas l'horaire régulier.

Le Président (M. Garon): C'est curieux que ça ait été mis comme ça. Alors, on était surpris. Alors, ils m'ont suggéré que, si on arrêtait à midi et si on recommençait à 14 heures, ça donnerait le temps aux gens d'aller dîner, et, après ça, on continuerait jusqu'à temps que les discussions et les sujets soient épuisés, et, après ça, la commission continuerait comme séance de travail. Est-ce qu'il y a des problèmes pour certains ou...

Mme McNicoll (Micheline): Me Jacoby ne pourra pas être ici cet après-midi – il me l'a dit tout à l'heure – de toute façon, en ce qui le concerne.

Le Président (M. Garon): Oui. Est-ce qu'il y a d'autres problèmes?

Mme McNicoll (Micheline): Peut-être que c'est changé, là. Il est ici maintenant. Est-ce que...

Le Président (M. Garon): C'est parce que, pendant l'intermission, il y a des parlementaires qui m'ont suggéré, plutôt que d'arrêter à 13 heures, de recommencer à 14 heures. Parce que, moi, j'ai vu ça, je vais être franc avec vous, arriver comme un cheveu sur la soupe: de 10 heures à 13 heures – 9 heures à 13 heures, en réalité – et recommencer à 14 heures. Les parlementaires m'ont suggéré, certains, d'arrêter à midi et de recommencer à 14 heures. Mais je me demandais si ça posait des inconvénients à certains ou s'ils aimaient mieux ça comme ça.

M. Jacoby (Daniel): M. le Président, moi, j'ai malheureusement, ou heureusement, des engagements pour cet après-midi qui sont incontournables. Par contre, si la commission siège cet après-midi, je souhaiterais qu'elle puisse accepter que ma collaboratrice principale et grande experte en la matière soit là pour répondre à votre questionnement.

Le Président (M. Garon): Alors, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je me trouve également dans la même situation que M. Jacoby et je vous offrirais la même chose, que le secrétaire de la Commission puisse collaborer avec les députés.

Le Président (M. Garon): À ce moment-là, on va continuer jusqu'à 13 heures.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Hein?

M. Comeau (Paul-André): Comme vous voulez.

M. Gaulin: On reprendra à 15 heures.

Le Président (M. Garon): C'est ça. On continuera jusqu'à 13 heures et on reprendra à 15 heures, si nécessaire.

M. Gaulin: On va avoir un espace de vie privée de deux heures pour manger.

Le Président (M. Garon): Oui. Alors, en quittant, la parole était au député de Jacques-Cartier.


Discussion générale (suite)


Obligation pour certains commerçants d'exiger un identifiant

M. Kelley: Merci beaucoup. À mon tour, j'aimerais vous remercier pour les éclairages, et je veux continuer sur la même veine que mon collègue le député de Taschereau. Par contre, moi, je n'ai jamais eu de misère à m'identifier. Moi, je trouve qu'on n'a pas vraiment vu beaucoup de problèmes réels des personnes pour s'identifier. Et j'ai toujours pensé qu'au lieu d'être un problème la diversité de cartes dans notre porte-monnaie est un avantage, parce que je peux faire le choix à la fois de m'identifier avec une carte d'assurance-maladie, si je veux, comme citoyen, faire le choix de le faire, ou je peux m'identifier avec une autre carte, je peux m'identifier avec un passeport, j'ai une gamme de choix. Et, si l'État décide d'élargir la gamme de choix pour le citoyen, peut-être que c'est intéressant, mais peut-être... En tout cas, je trouve ça rassurant au lieu d'embêtant, d'avoir un choix des identifiants. Alors, je ne sais pas si c'est vraiment une meilleure protection d'avoir cette diversité des identifiants.

Mais les seules personnes qui ont vraiment soulevé, je pense, un problème réel étaient les gens de l'Association des détaillants, qui disent que, comme législateurs, nous avons déjà mis des exigences sur les détaillants quant à la vente des boissons alcooliques, quant à la vente des cigarettes et peut-être même bientôt quant à la vente des billets de loto. Alors, on met des pénalités assez importantes sur le détaillant lui-même. Alors, il dit: Quelqu'un de 16 à 18 ans – c'est la clientèle qui est ciblée ici – souvent n'a pas de permis de conduire, et on ne peut pas exiger la carte-soleil. Et je pense qu'avec raison ils ont dit: Trop souvent les cartes d'étudiants ne sont pas fiables quant à la date de naissance. Et je pense qu'on a tous un certain vécu de notre vie étudiante pour dire, peut-être, qu'ils ont raison.

Alors, je trouve intéressante votre idée de la carte neutre, de la carte sans conséquence. Mais je me rappelle, en lisant des documents avant de commencer cette commission, qu'il y avait beaucoup d'assurance, au moment où le gouvernement fédéral a émis le numéro d'assurance sociale: ça va être utilisé uniquement pour des fins précises et ça ne porte aucune crainte que ça va devenir un usage beaucoup plus généralisé, avec l'usage. Mais, 30 ans après, on peut voir que le NAS est assez répandu. Alors, qu'est-ce que, comme législateurs, il faut prévoir pour s'assurer que la carte neutre ou la carte sans conséquence demeure sans conséquence?

Parce que je peux voir très rapidement que, dès que le législateur décide d'émettre une carte neutre, les détaillants vont l'exiger de toute manière pour la vente des boissons. Il faut l'avoir parce que, et je comprends l'opposition, nous avons mis des amendes assez importantes. Ils peuvent perdre même leur permis de vendre des boissons. Alors, comme détaillant d'un dépanneur, je comprends fort bien ces inquiétudes. Et, comme je dis, au niveau fédéral, on a dit: La vente de cigarettes, la vente de tabac aux personnes de 18 ans et moins, on a des amendes très importantes, et ça, c'est son gagne-vie de vendre ces produits, alors je comprends l'enjeu pour le détaillant. Mais, dès que j'ai ma carte neutre, ma crainte, avec l'usage, est que ça devienne quasi obligatoire d'en avoir une. Alors, c'est quoi, les précautions, comme législateurs, qu'il faut avoir avant de donner suite à la tentation d'émettre une autre carte?


Carte neutre et facultative

M. Jacoby (Daniel): Je pense qu'il y a des précautions reliées à la carte elle-même et des précautions reliées à des protections juridiques globales. Reliées à la carte elle-même: je pense que la législation qui consacrerait cette carte facultative devrait faire le dessein dans la loi et non pas par règlement, les interdictions que cette carte notamment soit reliée à quelque fichier. Il faudrait que ce soit – enfin je donne ça comme exemple – contrôlé par la Commission d'accès, qu'on arrime les pouvoirs de la Commission d'accès sur cette carte-là. Ensuite, il faudrait que cette carte-là ne soit pas facilement falsifiable, et ainsi de suite. Il y a des techniques pour ça, et ça ne coûte pas nécessairement très cher.

Mais, fondamentalement, moi, je pense que toute la problématique du port obligatoire d'une carte d'identité ou de l'usage obligatoire d'une carte d'identité applicable à tous, une des solutions – il n'y en a pas de parfaites – ça serait que l'on consacre, à tout le moins dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, les dispositions nécessaires pour empêcher le législateur, le cas échéant, d'en faire une carte obligatoire universelle. Et je pense que cette disposition – je n'ai pas la terminologie, mais j'en parlais déjà dans ma première présentation il y a quelques mois et j'en reparle dans celle-ci – ça va très bien avec ce que j'appellerais la citoyenneté, tous les droits reliés à la citoyenneté qu'on retrouve globalement dans une Charte des droits et ça serait... Il y a des interdictions, déjà, dans la Charte des droits, et je pense que ça pourrait être un bon cadre juridique parce qu'il est quand même quasi constitutionnel, comme disait le président de la Commission tout à l'heure. C'est là que j'y verrais une garantie.

Alors, d'un côté une surveillance par la Commission d'accès de toutes les exigences qui sont reliées à l'usage de la carte – pas d'accès à une banque de données, tout ce qu'on voudra – sous la protection de la Commission d'accès. Et l'autre disposition dans la Charte, donc la Commission aurait une compétence d'intervention là-aussi. Dans ce domaine, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je souhaiterais, pour la protection du citoyen, éviter ces possibilités qui ne sont... Quand on regarde, avec le temps, on réalise que ce qui apparaissait utopique ou chimérique il y a 10 ans est devenu une réalité aujourd'hui. Ça a passé imperceptiblement. Je pense qu'il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Donc, deux pièces législatives.

(11 h 50)

Et puis, quand on sait que notre Charte des droits, règle générale, si on veut y déroger, il faut prévoir une clause particulière, ceci susciterait nécessairement des débats devant les représentants de la population, quelles que soient les formations politiques, ce qui nous ramènerait aussi devant le Parlement, si jamais un jour un gouvernement voulait rendre obligatoire et universaliser une carte d'identité.

Le Président (M. Garon): M. Comeau.


Carte à numéro séquentiel

M. Comeau (Paul-André): Alors, je voudrais ajouter à ce que vient de dire le Protecteur du citoyen, au niveau technique et peut-être un tout petit mot plus philosophique ensuite. On dispose maintenant d'expériences de cartes d'identité qui ne sont pas reliées à des identifiants autres qu'un numéro séquentiel. C'est-à-dire que les cartes sont distribuées au fur et à mesure que vous vous présentez, avec un numéro qui varie. Si vous perdez votre carte et que vous vous représentez le lendemain, on va vous redonner une autre carte avec un autre numéro, de sorte qu'il n'y a pas de numéro d'identifiant qui suit l'individu. C'est tellement vrai que certains organismes de protection des renseignements personnels, en Europe, s'opposent maintenant à la volonté des gouvernements d'instituer une carte d'identité, mais avec un numéro unique, à ce moment-là, un numéro qui suive l'individu. C'est donc dire que la carte telle qu'elle est, avec des numéros séquentiels, est efficace, puisqu'elle empêche les recoupements de fichiers de l'un à l'autre. Là, je pense qu'on a un exemple intéressant.


Carte émise par la municipalité

Une autre suggestion concrète – parce que je pense que vous avez bien signalé le problème des jeunes et de certains autres également qui ont besoin d'identité – à mon point de vue, ça devrait être fait par les municipalités, qui émettraient au citoyen le plus près une carte d'identité qui sert à s'identifier, un point c'est tout. Ça limite, à ce moment-ci, la tentation, par législation ou autre, de faire en sorte que ce qui est aujourd'hui libre devienne obligatoire demain. Il y a des précautions à prendre qu'on peut répertorier en regardant un petit peu ce qui s'est fait à cet égard et en mesurant aussi, maintenant, les tentations des gouvernements de renverser cela. À mon point de vue, c'est la preuve a contrario qu'il y a une certaine efficacité derrière cela.


Différences entre les besoins du citoyen et ceux de l'administration privée ou publique (suite)

Il est évident, cependant, je pense que vous l'avez très bien laissé entendre dans votre question, que ces cartes-là ne répondront pas à toutes les exigences de ceux à qui elles seront présentées. Et, là aussi, il y a un compromis entre un droit fondamental – la liberté et le droit à la vie privée – et les nécessités du commerce – les obligations de l'administration – il y a un compromis qui n'est pas parfait et qui va laisser des problèmes. Mais on y arrive, et on y arrive tranquillement.

Je me rappelle d'avoir, il y a quelques mois ou quelques années, signalé le cas d'une entreprise qui, même si l'on payait en espèces sonnantes, comptant, exigeait notre numéro de téléphone. Alors, je peux vous dire que la compagnie, depuis le mois d'avril ou mai dernier, s'est finalement rendue et qu'elle a renoncé à cela. Donc, elle a modifié son système informatique, et on peut maintenant payer sans avoir une fiche qui reste derrière. Mais ça a pris des années avant d'y arriver, et il y a eu une réaction de gens qui trouvaient que ça n'avait aucun sens que, pour acheter 10 cennes de clous, on doive donner son numéro de téléphone.

M. Kelley: Surtout avec le secteur privé. Si le législateur ne dit rien, tous les dépanneurs vont exiger la carte pour la vente de bière pour les personnes en bas de, mettons, 22 ans, ou quelque chose. Si quelqu'un a l'air jeune, on va l'exiger en tout temps. Par contre, si le législateur dit qu'on ne peut pas exiger la carte, que ça demeure facultatif, ce n'est pas très utile pour les détaillants de ne pas résoudre le problème qui était soulevé à la commission.

Alors, je cherche toujours comment respecter à la fois la vie privée, essayer de résoudre un problème réel et, comme j'ai dit, si comme législateurs, on va ajouter les conséquences pour ces détaillants chaque fois qu'on adopte une loi ou un règlement quant à la vente de tabac ou à la vente de boissons alcooliques ou de billets de loto, comment est-ce qu'on peut arrimer ces deux besoins à la fois d'avoir une carte... Parce que, sinon, si je lance une carte comme ça, d'ici cinq ans, son usage va être généralisé, et ça va devenir quasi obligatoire d'avoir cette carte, veux veux pas. Et comment est-ce qu'on peut nous protéger devant le fait qu'au moins dans le secteur privé... On peut bien dire à l'État: Ce n'est pas un numéro unique pour les fins d'accès aux services gouvernementaux, on aurait toujours besoin de notre carte-soleil, de notre permis de conduire, des autres cartes émises par l'État. Mais, dans le secteur privé, comment prévenir le fait qu'avec l'usage l'utilisation de ces cartes va devenir généralisée?


Obligation pour certains commerçants d'exiger un identifiant (suite)

M. Filion (Claude): Si vous permettez, pour revenir peut-être à l'origine de votre préoccupation, le mémoire de l'Association des détaillants en alimentation à qui, si je comprends bien, la législation impose de nouvelles obligations – ils sont peut-être susceptibles, d'ailleurs, d'en recevoir d'autres, si je comprends bien vos remarques préliminaires en ce qui concerne les billets de loterie, ou ces choses-là, ce que j'ignorais – je me demande si on ne pousse pas un peu loin, finalement, leurs besoins.

Prenez, par exemple, les tenanciers d'établissements où l'on sert de l'alcool; il y en a des milliers au Québec. Alors, leur responsabilité, je vous le suggère, consiste à vérifier l'âge. Ce n'est pas l'identité qui est vérifiée, c'est l'âge. À partir du moment où ils ont – parfois c'est simplement au coup d'oeil, d'autres fois ça prend une pièce – la pièce, eux, ils ne sont pas là pour passer des tests, si la carte d'étudiant est valide ou pas, etc., si, à sa face même, c'est raisonnable comme pièce d'identité, ils l'acceptent. Ma foi, je ne sache pas qu'il existe des problèmes là-dessus au Québec. Je pense que ça va être un petit peu la même chose pour l'Association des détaillants en alimentation. Si, en deux mots, vous étiez tentés de pencher du côté d'une carte d'identité, même non exigible, non obligatoire, etc., à cause de ça, je pense que ça vaudrait la peine de réexaminer le besoin à la base.


Contrôle de l'accès aux renseignements personnels (suite)

Mais là où je voudrais revenir, par exemple: si vous glissez dans le sens d'une carte d'identité facultative, je pense qu'il est important de réinsister sur le fait que l'identifiant, probablement un numéro ou un code quelconque, ne soit pas relié à la personne, mais soit relié à la carte. À ce moment-là, vous faites en sorte, en quelque sorte, d'empêcher la centralisation de données personnelles et leur diffusion, etc. Et l'idée peut-être des municipalités ou, peu importe, d'autres... Mais il faut que l'identifiant soit relié à la carte et non pas à la personne, parce qu'à ce moment-là vous construisez, en quelque sorte, sans employer des analogies d'Orson Wells, les outils d'organisations toujours désireuses d'avoir le maximum d'information possible.

Et je veux juste insister peut-être là-dessus, en terminant. Tantôt, avec M. le Vérificateur général, on échangeait. M. le Vérificateur général ne veut pas être perçu comme l'empêcheur d'exercer les droits et libertés, et, d'un autre côté, nous sommes sensibles, à la Commission des droits, à la nécessité pour l'État d'avoir des impératifs budgétaires sérieux. Donc, on ne veut pas être considérés comme des empêcheurs de tourner en rond, sur le plan économique. Mais, en même temps, je pense bien qu'il faut être conscient de ce qui peut rapidement survenir. C'est pour ça que, nous, on suggère, avant d'aller plus loin, de réexaminer les méthodes de contrôle.

Par exemple, si vous me permettez, tantôt il a été donné autour de la table l'exemple d'Équifax, où le nombre de visites était connu, Équifax, où également l'origine des informations était connue. Équifax le fait, le secteur privé. Pourquoi, lorsque M. le Vérificateur général a vérifié le ministère du Revenu, n'était-il pas capable, à sa face même, de constater le nombre de visites – ou de «hit», je pense – et puis l'origine de l'information peut-être? Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, encore une fois, pour les administrations privée et publique de resserrer leur contrôle avant d'aller plus loin?

(12 heures)

Et peut-être qu'à ce moment-là dans une couple d'années, vous aurez le degré de satisfaction suffisant pour aller plus loin dans cette réflexion-là. Merci.


Obligation pour certains commerçants d'exiger un identifiant (suite)

M. Kelley: Moi, je suis très réticent quant aux cartes. Alors, j'essaie de résoudre uniquement le seul problème réel que j'ai vu soulever devant la commission, selon les représentants des détaillants. Et je partage beaucoup... Avant même d'émettre une carte uniquement parce qu'il y a un problème dans nos dépanneurs, je ne suis pas convaincu que c'est un problème assez majeur pour lancer un grand bateau comme ça. Mais je veux tester les problèmes. Même le problème que les cartes d'identité, surtout des étudiants, qui ne sont pas fiables, semble poser des problèmes pour quelques propriétaires de dépanneur. Alors, c'est leur témoignage. Je vais tester ça avec notre dépanneur local, demander à André, en fin de semaine, si ça lui cause des problèmes, l'application de tout ça. On a nos moyens comme députés, aussi, de faire nos recherches. Je pense qu'on a vu dans d'autres juridictions – je pense que mon collègue de Chomedey a soulevé le cas, au Manitoba, où il y avait une carte facultative qui a aidé les bars et les magasins de l'État qui vendent de la boisson à avoir un identifiant pour quelqu'un qui a un visage jeune, notre nouveau ministre de la Sécurité publique, entre autres...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: ...qui, peut-être, aurait besoin d'une carte pour l'aider.

Des voix: Ha, ha, ha!


Carte de citoyen (suite)

M. Kelley: Mais il y a une autre chose. Dans tout ce débat, on parle souvent de la notion d'un citoyen, mais ça, ce n'est pas vrai non plus, parce que ça identifie des résidents, parce que, souvent, ce sont les non-citoyens du Canada qui pourraient en avoir besoin pour avoir accès aux services gouvernementaux, qui sont couverts par la Charte des droits quand même, même comme non-citoyens, mais comme résidents du Québec. Alors, cette notion de citoyen est dans certaines choses. Il faut être citoyen pour voter, il faut être citoyen pour faire certaines choses dans notre société. Mais il y a beaucoup d'autres services gouvernementaux, beaucoup d'autres besoins d'identifiant pour les non-citoyens aussi. Alors, en parlant d'une carte de citoyen, c'est qu'on fausse la question aussi un petit peu parce que c'est vraiment... Il y a toujours un pourcentage de personnes qui demeurent parmi nous qui ont accès à la carte-soleil, qui ont accès à plusieurs services gouvernementaux et qui ne sont quand même pas des citoyens. Et ce n'est pas une vérification de citoyenneté qui est recherchée ici, si j'ai bien compris.

M. Filion (Claude): D'une part, il y a ce que vous dites puis, d'autre part, ce que je soulignais tantôt, finalement, qui me préoccupe, je veux dire. Dans le quelque cinq minutes, j'ai réfléchi un peu, davantage, si l'on veut. On ne peut pas en avoir contre une appellation seulement, tu sais. Mais il demeure que je vois déjà un peu... Bon, carte du citoyen, soyez citoyen, ayez votre carte, ça, c'est une pression énorme pour obtenir une carte. Et je n'ai pas ma carte, donc je ne suis pas citoyen... disons qu'il y a une réflexion à faire parce que ça m'apparaît... Encore une fois, c'est juste une appellation, on ne peut pas en avoir contre une appellation, mais elle est peut-être symptomatique d'un glissement. J'aurais des grandes réticences actuellement, sans réflexion davantage, franchement, à donner un aval à un appel comme ça. Je pense que ça pourrait être une carte, point, une carte d'identité québécoise, je ne le sais pas. Mais en plus de tous les arguments que vous mentionnez.

Le Président (M. Garon): M. Jacoby.


Obligation pour certains commerçants d'exiger un identifiant (suite)

M. Jacoby (Daniel): Je reviens un peu sur vos appréhensions, tout à l'heure, avec les dépanneurs, et tout ça. Vous savez, bien sûr que tous ces commerçants, et avec les lois qui ne font que changer, vont avoir des obligations de s'assurer de l'identité dans beaucoup de domaines... pas de l'identité, mais de l'âge de la personne qui bénéficie ou qui demande un service. Ces gens-là sont assujettis à des pénalités, à des condamnations, le cas échéant, s'il y a une infraction. Je pense que, pour leur protection, le droit pénal statutaire est très varié. S'il s'agit de droit pénal, c'est-à-dire avec une responsabilité stricte ou absolue, il n'y a pas moyen de défense.

Dans la mesure où cette responsabilité pénale est de responsabilité normale, tous les moyens de défense sont valables, tous les moyens raisonnables de défense, y compris le fait que je me suis assuré que certaines cartes supposément officielles... maintenant, s'il y a eu une falsification, je ne peux pas, la carte d'étudiant, tu sais... Alors, je veux dire, ça, ça maintient un juste équilibre entre les parties. Ils ont des moyens de défense, et je pense que le rôle de l'État, c'est de voir à ce qu'on établisse les ponts entre les individus quant à leur fardeau vis-à-vis de l'État. Ça, je pense qu'il faut en tenir compte.


Carte de citoyen (suite)

Par ailleurs, à première vue, je vous dirais que j'aurais des réserves aussi sur l'utilisation d'une carte qui s'appellerait «la carte du citoyen» parce que je pense que ça créerait beaucoup de problèmes, y compris des problèmes de nature politique, et je pense qu'il y a des gens qui pourraient penser: Moi, j'ai une carte de citoyen, tu n'en as pas... Pourquoi? La magie des mots est extrêmement importante, les mots ont beaucoup de magie. Je pense qu'il faut trouver, comme la carte elle-même, une appellation qui soit plus neutre. La carte étant neutre, l'appellation devrait être la plus neutre possible, selon moi.

Le Président (M. Garon): En vous écoutant parler de l'âge, ça me fait penser à une anecdote qu'un de mes amis que vous connaissez tous, mais que je ne nommerai pas, me contait il y a quelques mois. Il va au cinéma et puis le préposé aux billets lui demande s'il a une carte pour identifier son âge. Il dit: Comment, batêche! penses-tu que je n'ai pas l'âge? Il est quasiment chauve, les seuls cheveux qu'il a sont complètement gris. Le gars, il dit: Non, c'est pour voir si vous avez droit à la réduction de ceux qui ont plus de 55 ans.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): C'est à M. le député de Nicolet-Yamaska.


Carte à numéro séquentiel (suite)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Je vais y aller avec une courte question à M. Comeau. Tantôt, vous avez parlé d'une expérience dans certains pays d'Europe à propos d'une carte non pas à numéro unique, si j'ai bien compris, à numéro remplaçable. J'aimerais savoir les pays. Ensuite, j'aurai d'autres questions.

M. Comeau (Paul-André): Alors, la carte en question, elle est d'un usage constant en Belgique depuis de très nombreuses années, et en France également, mais avec une distinction importante. Il y a la police des étrangers qui émet des cartes pour les non-citoyens. Alors, là, c'est deux régimes tout à fait différents. Mais le citoyen français ou le résident permanent reçu a une carte d'identité municipale. C'est les deux pays que je connais bien. Il y en a d'autres avec des régimes semblables. Par contre, le régime opposé, c'est le régime suédois qui, lui, identifie l'individu à sa naissance avec un numéro qui le suit toute sa vie.


Avantages d'une carte d'identité (suite)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Merci. Écoutez, un des mandats que nous nous sommes donné à propos des cartes puis de la protection de la vie privée, puis le mandat que les législateurs, nous avons, et le problème que nous avons... nous rencontrons des commettants dans nos comtés et on se demande avec eux: Est-ce qu'une carte... En fait, la question essentielle, il me semble: Est-ce que la carte du citoyen ou peut-être la carte, disons même, anonyme, mais une carte... est-ce qu'elle nous protège ou elle ne nous protège pas? Est-ce qu'elle va nous protéger? J'imagine qu'il y a 40 ans les législateurs auraient été réunis ce matin ici puis ça aurait été difficile de parler d'une situation comme ça. C'est sûrement que le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général auraient pu être là. Mais, avec l'évolution de la technologie, on se protège contre nous-même, on se protège contre la machine, on se protège contre l'informatique.

M. Garon donnait un exemple hier à propos de numéros de téléphone. On mettait en doute presque, on faisait plus confiance à l'informatique qu'à l'individu. Puis j'entendais l'autre jour à la radio qu'il y a des jumeaux informatiques, qui portent le même nom et qui sont nés le même jour. Quelqu'un qui se fait arrêter, le policier lui dit: Écoutez, on vous enlève votre permis parce que vous ne payez pas vos contraventions depuis deux ans. Bien, il dit: Écoutez, j'ai toujours payé mes contraventions. Mais on ne le croyait pas, on croyait l'informatique, on croyait la machine.

Est-ce que je suis plus protégé avec une carte d'identité ou non? Ce que j'aimerais avoir de... M. Jacoby, tantôt, vous avez fait un pas avec mon collègue de Taschereau vers une autre carte. M. Comeau, j'ai entendu aussi que vous n'étiez pas nécessairement contre une carte facultative. Et, M. Filion, vous avez parlé de glisser vers une carte d'identité facultative. Moi, comme législateur, je me demande aussi, car nous aurons des recommandations à faire: Est-ce que je suis mieux protégé avec une carte, oui ou non?

Le Président (M. Garon): M. Jacoby, ensuite M. Breton, M. Comeau.

M. Jacoby (Daniel): Je pense qu'une carte d'identité neutre, facultative, ne va pas nous protéger contre les homonymes, surtout si les deux personnes ont la même date de naissance. Nous, régulièrement, réglons des situations comme ça et, dans certains cas, on réalise que ce n'est pas les mêmes dates de naissance. Donc, il y a quelqu'un qui n'a pas allumé, qui n'a pas vérifié toutes les données dans la banque. Ça, ça n'empêchera pas ce genre de situation.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça, ça va. Je comprends ça.

(12 h 10)

M. Jacoby (Daniel): Heureusement qu'il y a des mécanismes comme ça.

La carte ne va pas nous protéger, mais elle va nous donner l'avantage d'être un médium, un moyen d'identification qui soit à l'abri de tous les risques dont on parle lorsqu'on utilise une carte avec une adresse électronique, avec un accès à des fichiers. En ce sens-là, cette carte... D'ailleurs, il existe d'autres cartes comme ça sur le marché. Je pense que la carte de citoyenneté en est une; cette carte de citoyenneté est neutre, et ainsi de suite. Alors, l'avantage, c'est qu'on ne pourra pas, en principe, mais il ne faut jamais dire que, dans ce domaine-là... En principe, ça nous protège par rapport à l'utilisation d'autres cartes.

Ensuite, moi, je dirai que la question doit se poser... Ça nous permet de nous identifier, de répondre à un besoin de demande de transaction sans qu'on soit obligé de prendre le risque d'étaler, en utilisant une autre carte, notre vie privée par le biais des renseignements personnels qui se trouvent dans les fichiers.

Alors, en somme, ça ne nous protège pas, mais ça nous met dans une position avec beaucoup moins de risques d'utiliser le permis de conduire ou la carte-soleil. Pour moi, c'est un plus, et ça répond à ce que, moi, j'ai toujours cru: la liberté, le choix des moyens. Moi, quand j'utilise ma carte-soleil pour m'identifier, ça m'arrive, je sais que je prends un risque, mais c'est moi qui vais vivre avec ce risque-là et j'en suis bien conscient.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci.

Le Président (M. Garon): M. Breton.

M. Breton (Guy): Tout a été dit. Merci, M. Jacoby.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je veux simplement, après la sagesse du Protecteur du citoyen, ajouter simplement une chose. C'est que, pour que la carte protège l'individu, et ça, c'est le rôle du législateur, il faut prendre dès le départ les précautions pour que précisément elle ne serve pas à autre chose, qu'elle réponde à une fin, les besoins d'identification, donc qu'elle ne permette pas les interconnexions dont parlait le Protecteur du citoyen, qu'elle ne permette pas non plus indûment de retracer les individus. Et c'est là où je voudrais revenir sur une des considérations qui ont été énoncées soit par M. Filion ou par M. Jacoby, c'est qu'il faut aussi dans une carte d'identité, même neutre, maintenir une liberté de choix des renseignements qui y sont. Je pensais hier soir à cela et je me disais: La première conséquence d'une carte d'identité avec l'adresse va nous venir des mouvements de femmes, de femmes battues, de femmes harcelées, etc., qui changent d'adresse et qui, évidemment, ne veulent pas que cette adresse soit connue. Alors, pour cette catégorie de population, un renseignement qui, pourtant, est banal pour nous devient quelque chose de fondamental. Alors, il y a des précautions à prendre pour que l'instrument ne soit pas une nuisance ou un problème majeur.

Le Président (M. Garon): Ça va, M. le député de Nicolet-Yamaska? M. le député de Vachon.


Expérience d'une carte à puce de la RAMQ à Rimouski

M. Payne: Il y a une carte qui est utilisée sous forme expérimentale – on le sait très bien – depuis quelques années à Rimouski et qui, à mon sens, répond à un certain nombre d'impératifs qu'on connaît tous, c'est-à-dire la volonté d'un État d'administrer des services à un certain nombre de personnes qui sont assurées par un plan national. Un autre impératif, c'est qu'on trafique les informations de nature hautement sensible, personnelle et confidentielle, de la part de l'assuré, dirais-je, de l'intéressé. J'ai vu cet exercice-là de très près et je reviens à ma préoccupation de ce matin, que je ne suis pas convaincu que nous avons jusqu'à maintenant analysé les bénéfices potentiels d'une carte d'identité.

Il y a une nette différence entre une carte d'identité et une carte d'usager du genre RAMQ, telle qu'envisagée par l'expérience de Rimouski. N'empêche qu'il y a dans la carte de la RAMQ des bénéfices pour l'assuré, c'est-à-dire – je ne voudrais pas entrer dans tous les détails – le respect pour la vie privée, le contrôle sur les informations, la réduction des délais, et, de la part de ceux qui gèrent le programme, il y a l'avantage de contrôler les coûts, de vérifier la véracité, ou plutôt l'identité de l'individu. C'est un support très important pour le virage ambulatoire. Et, proprement préparé, il s'agit, à mon avis, d'un exercice qui était voué à un succès formidable à travers le monde d'ailleurs.

Je vous donne un simple exemple. Actuellement, sans carte, je me présente chez un médecin; il prend des notes, il propose, comme à tout patient, des analyses, des vérifications, des tests, qui, actuellement, se promènent, ces informations-là, avec des indications nominatives sur l'individu, au laboratoire – un test de sang, par exemple – avec le nom, souvent avec l'adresse, et puis ça va au laboratoire, ça revient, ça change de main. Avec la réalité de l'expérience de Rimouski, on a enlevé toute cette identification personnelle, on utilise le «bar code». Comment on dit ça? Le code à barres, disons. Il n'y a aucun, comment on dit ça, crochet qui puisse attacher le nom au spécimen de sang au moment où il est transporté entre le laboratoire, et l'information qui revient du laboratoire, au gestionnaire de l'hôpital ou de la clinique.

Il y a d'autres endroits où il y a des bénéfices importants, dans la même expérience, il y a des bénéfices pour ceux qui dispensent les services; l'infirmière, par exemple, qui pose un geste. Dans le cas d'autres services du gouvernement, par exemple, un prestataire de l'aide sociale, nos régimes de rentes, il y a, de toute évidence, la nécessité de la part de l'État, le gestionnaire, de vérifier l'identité de l'individu. Mais il peut aussi y avoir des avantages considérables que l'individu en question – et je reviens à ma préoccupation, mais je ne suis pas satisfait des réponses – où l'individu peut mieux contrôler l'information qui circule à son sujet via une carte, qui est une carte d'identité, mais aussi un microprocesseur, par exemple, où il peut avoir des informations enregistrées là, sur sa propre carte, qui le concernent et qui, actuellement, circulent librement – «willy-nilly» comme on dit en anglais – à son insu. Je pense que c'est un peu – c'est quoi, le mot? – primitif, ou naïf – peut-être c'est le mot – d'imaginer qu'en ne faisant rien on protège mieux l'individu.

Les banques de données, les banques commercialisées, comment on dit ça, les entreprises qui commercialisent, qui trafiquent l'information légalement, qui profitent d'une situation de faiblesse de la part de l'individu m'inquiètent beaucoup. À mesure qu'on vieillit, on accumule un bagage d'informations qui peuvent servir, qui profitent aux entreprises qui veulent profiter de cette information-là. La lacune dans le système, c'est que l'individu, lui, il n'est pas partie dans la game, il n'est pas privilégié. Il n'y a personne qui enregistre les informations qui sont cherchées à son sujet ailleurs. Et le législateur est là, il n'est pas là pour l'aider, parce que c'est trop vieux. Je viens de lire – on a référé à une couple d'exemples ce matin – l'article 19; ce n'est pas respecté. En ce qui concerne l'État lui-même, lorsqu'il cherche l'information... M. Breton vient de nous confirmer qu'on peut, et la loi le permet maintenant, il peut chercher l'information à l'insu de l'individu. C'est ça qui m'inquiète. Je me demande pourquoi on ne peut pas regarder quels sont les avantages pour l'individu d'avoir une carte, pas seulement une carte d'identité, mais une carte qui peut être à la fois aussi une carte qui détient les informations à son sujet. Peut-être M. Jacoby.

(12 h 20)


Pertinence de renforcer la législation sur la protection des renseignements personnels

M. Jacoby (Daniel): M. le député, je partage vos appréhensions, mais je me dis un peu la chose suivante. La loi actuelle qui protège les renseignements personnels et, d'une certaine manière, un grand aspect de la vie privée, elle-même, il faut en faire l'analyse et la pathologie parce que cette loi-là, et je pense que ce sera dans le cadre, selon moi – en tout cas, moi, je me prépare pour ça – de la révision quinquennale... regarder une loi qui était une pièce maîtresse et qui, avec les années, pour des impératifs de nature administrative ou budgétaire, a commencé à se désagréger, une loi qui, avec le temps, fait en sorte que les articles ne sont plus respectés, que les avis de la Commission ne sont pas toujours entendus, que les ententes sont permises, que les gouvernements passent des lois sectorielles pour permettre des arrimages, que, par surcroît, les gouvernements modifient les lois de façon à aller faire de la cueillette de renseignements sans presque aucune limite, qu'on met des garanties dans la loi n° 32, que l'application fait en sorte que la Commission d'accès se pose des questions à chaque fois qu'on revient avec les séquelles de la loi n° 32. Alors, je me dis: Si on en ajoute une autre, qu'est-ce que ça va changer? On n'aura pas plus de protection. Je pense qu'il faudrait commencer par faire du ménage dans notre propre maison et renforcer la loi qui existe actuellement. Ce n'est pas une nouvelle carte qui va nous apporter quelque chose de plus. Ce ne sera pas une plus-value, puisque tout le substrat va demeurer.

Le problème, c'est que la tentation des administrateurs d'aller chercher le plus de données personnelles sur les individus, c'est une tentation qui est même une tentation, je dirais, neutre. Neutre, pour la bonne raison que, moi, quand j'ai eu l'occasion, par exemple, l'année passée, à l'occasion de la loi n° 32, de discuter avec des personnes que je connais bien et qui étaient au ministère du Revenu, et qui étaient des personnes qui sont des informaticiens, des gens absolument aguerris, et tout ça... quand on parle avec ces personnes-là, il n'y a pas la moindre volonté de penser qu'ils pourraient ou qu'ils oseraient, par leurs procédés techniques, violer des droits fondamentaux. Et le discours, il passe comme ça: Les gens ne sont pas de mauvaise foi.

Alors, pour moi, commençons à revoir la loi que nous avons. Il y aura un débat bientôt. Voir comment tout ce qui a été dénoncé par la Commission d'accès, par le Vérificateur général, en termes de mesures de sécurité, ainsi de suite, commençons par là, mais ça n'apportera rien de plus, selon moi. Ça, c'est mon point de vue bien personnel.


Expérience d'une carte à puce de la RAMQ à Rimouski (suite)

M. Payne: Avec tout le respect, je conteste votre postulat et je reviens à l'exemple de la RAMQ. C'est mon impression que la RAMQ fait mieux maintenant, avec le système de microprocesseur, pour protéger l'individu. De contrôler davantage les informations de santé au sujet de l'individu, ça donne des informations accessibles à l'intéressé, des informations que je n'aurais pas normalement, actuellement; ça limite le contenu et le volume volumineux d'informations à mon sujet qui circulent jusqu'à ce moment-ci sur support papier; c'est contrôlé par les zones d'accès soit pour lecture, soit pour saisie de données, dépendant des gestes qui sont posés, que ce soit un geste qui a comme but de vérifier l'identité de l'individu ou qui a comme but d'enregistrer le vaccin que je dois prendre pour un voyage; ça protège mon identité et ça brise le lien, actuellement, qui existe entre mon nom et, par exemple, le spécimen de sang, l'exemple que j'ai donné tout à l'heure, ça limite l'intervention. Il y a des façons de contrôler, soit par carte de l'usager ou, le plus souvent, par les deux, la carte d'accès, c'est-à-dire la carte d'admissibilité – comment ils appellent ça? – c'est-à-dire, l'infirmière ou le médecin doit injecter lui-même, insérer la carte... pour déverrouiller le cadenas, efficace aussi. Je peux avoir accès sur support électronique ou sur support papier à tout ce qui est contenu à mon sujet. Je n'ai pas actuellement cette liberté-là.

Dans cet exemple-là, je suis persuadé que vous pouvez voir les avantages pour l'individu à l'intérieur de vos propres postulats. Et c'est ça que je ne comprends pas. Je ne fais pas un plaidoyer «at large» pour tous les ministères, pour tout ce qui bouge. Mais là c'est un exemple où la carte, à mon avis, est absolument essentielle pour toutes les raisons que je viens de donner. Et je pourrais en trouver d'autres pour d'autres gestes qu'on pose à chaque jour. Non? Je voudrais écouter M. Jacoby, dans un premier temps.

M. Jacoby (Daniel): Personnellement, écoutez, là, on est dans le domaine de la santé, et la santé est un domaine extrêmement sensible, et tous les citoyens du Québec, idéalement, voudraient avoir une puce qui fasse en sorte que, s'il arrive un accident ou qu'ils soient inconscients, on puisse facilement trouver le type de sang dont on a besoin, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Bon. Et jusque-là ça va bien. Mais l'expérience qui a été menée à Rimouski, j'ai ouï dire que, pour différentes raisons, y compris des questions de coûts et peut-être aussi de sécurité, la RAMQ allait abandonner cette idée d'avoir une carte à microprocesseur au niveau de la santé telle qu'elle l'avait annoncée.

M. Comeau (Paul-André): Écoutez, vous avez l'avantage d'avoir eu les nouvelles fraîches parce que vous étiez, semble-t-il, votre commission, hier, à la RAMQ. Je voudrais revenir sur l'expérience de Rimouski avant de déboucher sur le point d'interrogation de M. Jacoby il y a un instant.

L'expérience de Rimouski a été utile, intéressante et, à mon point de vue, fructueuse, d'abord parce que c'était une expérience. On a eu la sagesse, véritablement, sur une échelle importante, de tester un instrument nouveau et de le tester en soi, mais de le tester en fonction d'impératifs juridiques, de considérations éthiques et aussi de tous les problèmes qui gravitent autour du milieu: les obligations des ordres professionnels, les obligations administratives de la RAMQ. Enfin, on a fait une expérience globale dans un milieu précis.

Mais ce qui est important de comprendre, c'est qu'il s'agissait là d'une carte qui était également facultative. Mais, étant donné la cible visée, une population âgée et les mamans enceintes, oui, on a eu un taux de succès fantastique. Ces gens-là ont vu immédiatement, comme vous l'avez signalé, l'intérêt pour eux d'avoir cette carte-là. Alors, la carte-santé de Rimouski avait une caractéristique qui, me semble-t-il, sera abandonnée, c'est de contenir un résumé assez détaillé de l'ensemble du dossier médical.

Si je comprends bien, la nouvelle carte aura un volet administratif, ce qui est normal, va remplacer donc la carte-soleil actuelle, aura un volet vraisemblablement dit d'urgence, ce à quoi faisait allusion Me Jacoby, donc des données fondamentales, ce que certains appellent déjà le passeport-santé, précisément, qui nous permet de voyager, et puis, au lieu d'avoir la référence précise aux maladies et aux diagnostics, va dire que M. Untel a subi un examen sanguin à tel laboratoire telle date. Donc, l'objectif, c'est de pouvoir le retracer via l'autoroute de l'information par les techniques anonymes dont vous avez parlé un instant. C'est ma compréhension du projet. Mais ce projet-là évolue. Alors, l'intérêt pour le moment de ce projet, c'est qu'il se situe dans le prolongement de Rimouski et qu'on va aussi, si j'ai bien compris, le tester à Lanaudière et dans quelques autres endroits. Là aussi, on va faire une expérience. On ne va pas se lancer dans l'imposition d'une technologie prometteuse, une technologie intéressante. On va se lancer dans une expérience à l'ensemble du Québec. Là, c'est intéressant. Et ça confirme un petit peu mon appréhension... pas mon appréhension, mais ma conviction qu'une carte d'identité facultative pourrait être utile.

(12 h 30)

Mais, pour le moment, la carte-santé de Rimouski prouve une chose, c'est qu'elle est utile dans le domaine de la santé, comme telle. Elle a été appréciée – c'est le résultat, je pense, de l'expérience de Rimouski – par les citoyens qui l'ont portée. Mais c'est une carte sectorielle qui répond à un besoin précis et qui ne doit pas être élargie, à mon point de vue, parce que les renseignements auxquels elle donne accès ou qu'elle contenait à l'époque sont des renseignements extrêmement sensibles. Et la tentation qui a sollicité un certain nombre de hauts fonctionnaires au Québec, c'était de porter sur la carte-santé d'autres renseignements dans d'autres domaines. Et là, je pense que la RAMQ a arrêté sa décision: sa carte sera une carte-santé, point. Je pense, enfin.

M. Payne: En fait, le champ d'activité pour la carte, c'est essentiellement, comme je l'ai dit tout à l'heure, la question d'identité. Les actes médicaux comme, par exemple, les médicaments, vaccins, tests, donc ce que, moi, j'appelle les gestes empiriques, factuels comme, par exemple, les indications lorsqu'on se présente à une urgence, les allergies, les choses comme cela; donc, ce n'est pas le dossier médical dans son ensemble, c'est loin de là. Les contre-indications, par exemple, pour un certain nombre de médicaments. Que ça soit pour l'écriture, c'est-à-dire la saisie, ou que ce soit par la lecture, il y a des avantages évidents, selon moi, pour l'individu.

Évidemment, c'est facultatif, mais c'est drôlement intéressant de savoir quels sont les gestes qui sont posés parce que je contrôle l'information qui circule déjà à mon sujet. J'enlève des dossiers qui sont un peu partout, qui sont facilement, dirais-je en passant, admissibles à toutes sortes de personnes qu'on imagine normalement très scrupuleuses, mais qui ne le sont pas dans les faits, je parle des grandes entreprises, les compagnie d'assurances et tout cela. Il faut bien se dire les choses comme elles sont dans cette commission parce qu'elles sont dites ailleurs et puis c'est à nous de ramener à l'ordre. Un petit peu de ménage, comme dit M. Jacoby, dans nos affaires.

Par exemple, il y a d'autres domaines où on peut aller beaucoup plus loin pour mieux contrôler cela et je pense qu'un bon exemple, c'est la question de crédit. Si on pouvait mettre à jour la loi... L'article 19 n'est pas à l'âge de l'informatique. C'est dit qu'on devrait informer l'individu mais, malgré le fait que je sois le dépositaire principal, à mon avis, de l'information qui me concerne, je n'ai pas de coffret; je n'ai aucune place où je peux confier cette information-là. Je n'ai pas de contrôle. S'il y avait, par exemple, un système de journalisation où je pourrais dire «bon, vous voulez chercher des informations, enregistrez-le» ou avoir des dispositions législatives qui encadrent la circulation de l'information... Mais on ne discute pas de ça ce matin, malheureusement. On semble commencer avec un point de vue un peu négatif pour dire qu'on est mieux protégé, on ne va rien faire. C'est ça qui m'inquiète.

Le Président (M. Garon): M. Filion.

M. Filion (Claude): Ces comparaisons finalement entre le secteur de la santé et puis la vie en société en général m'amènent peut-être à examiner un critère que je vous soumets, c'est le critère de la nécessité. Par exemple, dans le secteur de la santé, il n'y a rien de plus frustrant pour un citoyen que se présenter et voir un professionnel de la santé alors qu'il en a vu un trois semaines avant, qui l'a peut-être opéré, d'ailleurs, mais là, vu que le dossier, il n'est pas complet, etc. Bon, avoir les médicaments qu'on prend, les opérations qu'on a subies, avoir en quelque sorte notre profil médical précis dans les mains d'un professionnel de la santé, c'est nécessaire pour être traité adéquatement puis recevoir des soins de santé adéquats.

Puis souvent – je ne sais pas si vous avez vécu l'expérience – on est devant un professionnel de la santé puis on se demande s'il est au courant de ce que l'autre a fait la veille, tu sais. Alors, quand on est sur un lit d'hôpital puis qu'on vient d'être opéré, c'est inquiétant. En tout cas.

Mais, de façon générale, donc dans le secteur de la santé, l'accumulation d'informations accessibles, protégées par voie de microprocessus, etc., c'est tout à fait nécessaire. Parfait. Évidemment, la tentation, c'est de dire: Écoutez, ça va bien dans la santé, allons-y en général. Donc, accumulons, par microprocession, pour un individu, pour Jos Bleau, sa dernière déclaration de revenus – ça serait intéressant – son casier judiciaire, ses points de démérite, son dossier médical, est-ce qu'il a reçu ou pas des prestations d'aide sociale, est-ce que... Puis là on pourrait peut-être combiner puis essayer de savoir s'il a reçu des prestations d'assurance-chômage aussi.

Bref, est-ce qu'on peut accumuler, à ce moment-là, toutes ces données-là sur une carte qu'il pourrait contrôler, si je me fie à cette logique-là? Vous voyez les désavantages. Non seulement il y a des désavantages, mais il y a des risques que nous sommes incapables évidemment d'assumer suite à une opération qui n'est pas, à mon point de vue, nécessaire. Ce que je vous soumets, c'est: Suivez des principes de nécessité. Je pense que c'est sage. Autrement, vous créez des risques énormes.


Accès du citoyen aux renseignements le concernant (suite)

M. Payne: Moi, je pars d'une autre prémisse: c'est moi-même qui cherche des informations. Je ne suis pas nécessairement inquiet... Oui, je suis très inquiet, mais je ne suis pas nécessairement convaincu que les dispositions législatives ne peuvent pas être adoptées pour s'assurer que les informations, qui sont un peu partout éparpillées, ne peuvent pas être zonées et gardées dans les zones. Moi, je veux avoir accès.

À l'heure actuelle, il y a des informations qui sont trafiquées, qui sont échangées même entre ministères à mon insu. Moi, je veux avoir accès à cette information-là. Je veux avoir un mécanisme selon lequel je peux être informé systématiquement. C'est aussi facile de programmer moi-même dans le réseau au moment où il y a un échange d'informations entre deux ministères, par exemple. Vous avez soulevé l'exemple des points de démérite qui circulent entre différents ministères ou services. La SQ, c'est un exemple, et la SAQ, c'est un autre. Mais je ne suis pas informé à mesure, je reçois ça une fois par année, si je regarde mon billet. L'analogie n'est pas parfaite, mais il y a beaucoup d'exemples comme ça où l'intéressé n'est pas nécessairement dans le «link», comme on dit en anglais, dans le «loop». Ma carte à microprocesseur me donne un accès à un certain nombre d'informations. Moi, ma préoccupation, c'est d'avoir accès à l'information qui me concerne. Parce que, si je n'ai pas accès, je ne peux pas contrôler les mauvaises informations et je ne peux pas me protéger comme je veux.

M. Filion (Claude): La possibilité pour le citoyen de contrôler le contenu des informations qui sont contenues.

Le Président (M. Garon): Mme McNicoll ou M. Jacoby, je ne sais pas, vous avez levé tous les deux la main.

Mme McNicoll (Micheline): Parce qu'il voulait me pousser à parler. Ha, ha, ha! Ce que M. le député évoque doit être, je pense, dissocié des besoins d'identité. Monsieur évoque le besoin d'information, le désir d'information du citoyen, qui est un droit fondamental lui aussi, mais je pense que, là encore, si on prend cette tangente, je pense qu'on risque de perdre un peu de vue le débat sur le besoin d'identification. Et j'ajouterai à cela – c'est d'ailleurs présent dans le mémoire complémentaire du Protecteur du citoyen – l'envers de la médaille. Le Protecteur dit que, si le citoyen a besoin d'être protégé encore dans bien des cas, c'est contre certaines magies – on a évoqué de la magie – certaines situations qui peuvent paraître idéales.

Puis c'est vrai que lorsqu'on écoute M. le député on dit: Oui, ça serait plaisant d'avoir tout ça puis de pouvoir cliqueter puis j'ai tout mon pedigree, j'ai tout. L'envers de la médaille de tout ça, là, c'est qu'à partir du moment où on parle de la télématique, d'accès direct à mes dossiers, à des informations, ça implique la mise en place d'une infrastructure – puis là je vais utiliser un gros mot – qui est quasiment incommensurable à l'heure actuelle. Les inforoutes dont on parle, ça implique la mise en place non seulement d'infrastructures physiques, mais d'infrastructures administratives importantes. Dans le document du Secrétariat de l'autoroute électronique, on en a une petite idée.

J'attire simplement votre attention sur l'instance qui va émettre des cartes, cette instance qu'on appelle une instance de certification qui va devoir émettre, elle, des clés publiques d'encryptage, de décryptage, qui va gérer tous les espaces sur les cartes. Tout ceci fait appel d'abord aux méthodes d'encryptage qui relèvent, elles, de la sécurité de l'État. L'État veut toujours pouvoir vérifier ce qui circule sur l'inforoute et même ce qui va circuler sur les cartes, de sorte que le cloisonnement dont on parle, il est très relatif. Je ne veux pas rentrer dans ce débat-là, parce que là-dessus on pourrait dire: Oui, ça va dépendre du système d'exploitation que l'on va utiliser. C'est vrai, mais, là encore, il y a des choix dans les systèmes d'exploitation.

L'accès télématique à mes informations, à nos informations, ça implique que toutes ces informations-là sont toutes informatisées, vont toutes être accessibles dans le cybergouvernement. Si, en plus, ces cartes-là sont partagées, secteur privé et secteur public, comme c'est un des objectifs du Secrétariat de l'autoroute, le mot auquel je pense, je ne le dirai pas, je pense qu'il n'est pas accepté sur le plan parlementaire, mais ça va être une confusion telle... Ha, ha, ha!

(12 h 40)

Le Président (M. Garon): On va vous le dire! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme McNicoll (Micheline): Ça va être une confusion telle que je pense que... Moi, j'utilise le mot «confusion», entre les deux, ou vraiment, comme on le disait à la campagne, une vache peut perdre son veau. Ça, je pense que ça peut être acceptable. Quelle garantie le citoyen va avoir? Moi, je pense qu'il faut arrêter de faire miroiter mer et monde avec les accès à tout, mettre tous les oeufs dans le même panier, parce que je pense que, si on parle de ces accès magiques, il faut aussi voir tout ce que ça comporte sur le plan des infrastructures.

M. Payne: Je pense que c'est réactionnaire un peu, si vous me le permettez, votre philosophie, parce que le principal intéressé, c'est nous, c'est l'individu, et ça me rappelle la réponse de la banque. Quand vous dites que c'est coûteux, c'est compliqué, c'est ce que les banques nous ont dit la semaine passée pour l'article 19. Je n'ai pas fait référence à l'article 19, mais ils ont dit: On n'a pas le temps de répondre à tous les individus lorsqu'on cherche des informations à leur sujet, et ça coûterait trop cher. On n'avait même pas soulevé les exigences législatives de l'article 19.

Lorsqu'il y a le trafiquage, comment on dit ça, le transport de l'information au sujet de quelqu'un, c'est l'individu qui doit être informé. Ça, c'est l'esprit et la lettre de la loi telle qu'elle existe actuellement. Quand vous parlez de cybermonde, là, il y a une prémisse derrière tout cela, c'est que l'individu doit contrôler lui-même. Et, pour contrôler l'information, il doit être informé. Et, au moment où on se parle, il y a beaucoup de gestes qui sont posés par les administrateurs du gouvernement, de l'administration publique, qui ne nous informent pas, tout simplement, des gestes qui ont des conséquences majeures, qui nous concernent. Et il y a des façons techniques et ce n'est pas un cybermystère d'un monde incompréhensible, ce que vous invoquez, qui est trop complexe. Non. Il faut saisir la bête maintenant parce que plus tard, ça va être trop tard.

Mme McNicoll (Micheline): Ce n'est pas tellement ce sur quoi j'ai voulu insister, j'ai voulu insister sur le fait que vous évoquez deux droits différents. Je comprends que vous pensez que tout ça peut être réglé de la même manière. Là-dessus, nous autres, on émet plusieurs bémols. Quand j'ai parlé de confusion, ce que je voulais dire, c'est qu'il y a des interpénétrations qui ne sont peut-être pas souhaitables, que ça soit sur un instrument d'identification ou que ça soit dans des banques de données. Mais je pense que ça, c'est un autre débat, là.

Le Président (M. Garon): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui. Alors, je voudrais ajouter un élément d'information à l'intention de M. le député. Il y a quand même un pas considérable qui a été franchi depuis 15 ans au Québec, c'est que les citoyens ont accès à leurs renseignements personnels. Et, ce qui est significatif, même si la dernière étude date de sept ou huit ans, pour des raisons financières, 85 % de toutes les demandes d'accès répertoriées au Québec – il y en avait près de 350 000 à l'époque – ont été faites pour des renseignements personnels. C'est-à-dire que les gens veulent aller chercher, comme vous le dites, leurs informations à gauche et à droite et s'en servent. Et, la loi, actuellement, a cet avantage considérable de répondre à ces besoins-là des citoyens. C'est, à mon point de vue, une raison de fierté pour le Québec d'avoir réussi à mettre en place ce mécanisme qui lève l'opacité de l'administration et qui permet aux citoyens d'aller chercher leurs informations.

Et les quelques cas qui nous arrivent en révision, à la Commission, où on doit se prononcer ensuite au niveau d'appels, en définitive, sont des cas de zones grises ou de problèmes. Mais, massivement, les citoyens du Québec, lorsqu'ils le désirent, ont accès aux renseignements personnels qui les concernent. Évidemment, vous, vous proposez l'hypothèse maintenant: qu'est-ce que ça sera sur l'autoroute? Mais je pense qu'on a la culture et on a les principes de base pour engager une réflexion dans ce sens.

Le Président (M. Garon): Moi, j'aurais seulement une remarque. Comme député, je peux vous faire remarquer que, il y a 20 ans, il y a des problèmes qu'on n'avait pas parce qu'on n'avait pas de banque de données. Aujourd'hui, on a des problèmes. Souvent, je vais référer au Protecteur du citoyen justement parce que des gens se fient sur la banque de données. Alors, aller contre ce qui est déjà dans la banque de données, c'est compliqué. Tu serais supposé avoir telle maladie et... Alors, la personne dit: Je ne veux pas avoir mon analyse passée, je veux avoir l'analyse actuelle. Et là le médecin, s'il se rend compte qu'il faudrait qu'il aille contre son collègue qui a mis des choses dans son dossier, bien là il aime autant se retirer puis dire: Va donc en voir un autre. Moi, j'ai remarqué que la banque de données a souvent joué contre l'individu plutôt que de jouer en sa faveur.

Ou encore, je me rappelle de la CSST. Combien de fois j'ai eu des cas de CSST où les gens disaient: Bien, prouve-nous donc que si tu n'avais pas eu cet accident-là tu n'aurais pas eu tel problème pareil. C'est difficile à prouver, ça. Là, vous avez quelqu'un qui a une sixième année, qui est pris avec les mots du langage, du jargon. Moi, je l'envoie au Protecteur du citoyen parce que j'ai toujours trouvé que c'était le meilleur défenseur. Mais j'en ai vu beaucoup, de cas de même au cours des années, et je me méfie de ces banques de données où c'est mis un peu de façon anonyme, avec une personne anonyme, puis à un moment donné quand quelqu'un arrive en chair et en os pour qu'on analyse ça, tu sais, c'est différent.

En tout cas, moi, j'ai plusieurs cas que j'ai vus puis je suis assez méfiant vis-à-vis de ces affaires-là, parce que c'est une chose de mettre des données de façon anonyme, qui n'ont pas de conséquences, puis à un moment donné ça sert et là ça a des conséquences, par exemple. Vous êtes poigné avec une banque de données, dans le fond, qui n'a peut-être pas été faite en fonction des besoins que vous avez actuellement, mais elle est là.

Moi, je vous contais le numéro de téléphone. J'ai perdu mon téléphone et je ne sais pas pourquoi, il ne marchait plus, vendredi. J'appelle et le gars vient. Il en vient un deuxième, technicien, et là j'étais tanné, il n'y a rien qui marchait. Je rappelle au Bell mais elle me dit: Je ne vous ai pas dans mon informatique. Me donnez-vous le bon numéro? J'ai dit: C'est ça, je vous appelle pour vous donner des faux numéros, pour voir si les téléphones marchent!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Je m'étais nommé, elle savait qui j'étais, le député de Lévis, puis tout ça. J'ai dit: Pensez-vous que je vous appelle pour donner un numéro pour le fun? Mais je n'étais pas dans sa machine. Elle ne me retrouvait pas dans sa machine. Il faut le faire, hein! M. le député de Chomedey.


Carte neutre et facultative (suite)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, le temps qu'on s'était donné aujourd'hui tire à sa fin et j'aimerais profiter de la présence de tous les interlocuteurs pour essayer de faire le point sur une question très spécifique, c'est la question d'un identifiant neutre et facultatif. Vous savez, j'ai déjà donné un peu l'analyse de ce côté-ci de la table, on attend la preuve qu'il y a un problème auquel une carte est une solution et hormis justement cette question d'identifier les jeunes personnes pour les vendeurs de bière ou de cigarettes, on n'a pas encore, de notre côté, reçu assez de preuves que c'est même une bonne idée.

Puis je dis ça toujours conscient d'une anecdote. C'est une histoire vraie, en fait. À la fin des années 1800, il y avait un savant qui avait écrit que c'était le temps de fermer le Bureau des brevets aux États-Unis, car tout ce qu'il y avait d'utile avait déjà été inventé. Donc, je suis toujours craintif d'émettre une opinion concernant les cartes. Peut-être que dans une autre génération les gens vont regarder nos travaux et dire: Ah! C'est presque attendrissant. Regardez-les. Ils pensaient qu'ils pouvaient freiner l'inévitable, ce qui est arrivé.

Toujours est-il que j'ai beaucoup apprécié la phrase du Protecteur du citoyen, les mots qu'il a employés: la tentation neutre. Pas besoin de donner, d'imputer des motifs indignes, ou néfastes, ou méchants à des gens qui veulent faire ça, c'est quelqu'un qui joue avec de l'informatique et du numérique à longueur de journée. Il dit: Bien, j'ai ça ici et j'ai ça là, je n'ai qu'à le mettre ensemble. Maintenant, j'ai la technologie pour le faire, pourquoi je ne le ferais pas? C'est ça, l'essentiel de notre réflexion aujourd'hui, à mon point de vue, et c'est pour ça qu'il y a un tour de table que j'aimerais faire avec nos partenaires aujourd'hui, leur demander brièvement leur pensée sur cette carte, cette idée d'une carte facultative neutre. J'ai déjà eu plusieurs éléments mais je veux juste maintenant, avec les derniers éléments, m'assurer que j'ai bien compris chacune de leurs positions. Peut-être qu'on pourrait aller dans le même ordre que ce matin.

(12 h 50)

Parce que vous savez, M. le Président, en terminant, il n'y a rien de plus permanent qu'une solution temporaire. Les impôts ont été inventés pendant la première guerre mondiale, l'impôt sur le revenu, comme solution temporaire. C'était à enlever tout de suite après la guerre; on a vu ce qui est arrivé. Pour avoir déjà vu ça, chaque fois qu'on veut faire passer quelque chose on fait des projets-pilotes. Ça, c'est une des plus anciennes astuces de l'administration publique, on dit que c'est facultatif puis on dit que c'est des projets-pilotes. À la fin de la journée, ils ont eu tout ce qu'ils ont voulu malgré les réticences et les questionnements.

Donc, je me permets de demander, dans un premier temps, à M. Comeau, puis j'aimerais avoir les autres réactions juste sur cette seule question là – parce qu'on ne serait pas tous ensemble cet après-midi... je ne voudrais pas être obligé d'interpréter à travers toutes les réponses qui ont été données – quelle est votre réelle position là-dessus?

M. Comeau (Paul-André): Très bien. Alors, je reflète la position de la Commission. La Commission ne voit aucune raison d'avoir une carte d'identité obligatoire. Si la commission – la vôtre – devait recommander une carte d'identité, notre proposition, c'est qu'elle soit facultative et qu'elle soit d'un ordre tout à fait neutre, c'est-à-dire qu'elle ne permette pas de lier l'individu définitivement à un numéro. C'est la proposition de la Commission.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Est-ce qu'on peut demander, M. le Président, la même chose au Protecteur du citoyen maintenant?

M. Jacoby (Daniel): Notre position, c'est qu'il ne doit pas y avoir de carte universelle et obligatoire. Et, dans le respect des intérêts et des besoins des citoyens, qui ne sont pas satisfaits de la panoplie de cartes, quelles que soient les raisons mais surtout pour des raisons de sécurité, je pense qu'on devrait offrir à ces citoyens une carte qui soit neutre et qui réponde à leurs besoins. Je pense qu'on doit le faire.

M. Mulcair: Merci beaucoup. Maintenant, la Commission des droits?

M. Filion (Claude): Alors, aux yeux de notre Commission, la carte d'identité, s'il en est une, si vous allez dans ce sens-là, doit être facultative, non exigible, neutre, et son identifiant, je le répète, doit être relié à la carte elle-même et non pas à la personne.

Cependant, j'ajouterais, en utilisant un des critères finalement dont je vous parlais tantôt, qu'il ne nous apparaît pas nécessaire, selon nous, même d'aller de l'avant avec une carte d'identité facultative. En tout cas – cette partie-là est à titre personnel – je ne suis pas sûr que c'est nécessaire actuellement, dans l'état la société québécoise. Je pense qu'avant, entre autres, les réseaux devraient resserrer les contrôles sur les outils qu'ils possèdent déjà. Ça urge. Et, deuxièmement, ma réponse est longue, mais je sais qu'il y a un exercice qui va débuter bientôt, c'est un exercice indispensable de révision de la loi et, à cette occasion-là, je vous invite à examiner ces mécanismes de contrôle avant d'aller plus loin en ce qui concerne la carte d'identité.

M. Mulcair: Merci beaucoup. M. Breton?

M. Breton (Guy): Nous avons, dans le passé, réalisé plusieurs vérifications sur de grands développements. Et fréquemment nous avons constaté que ces développements avaient été entrepris sans qu'on ait posé le problème ou qu'on ait suffisamment analysé le problème. Je pense qu'actuellement nous cherchons des solutions à un problème qui n'est pas encore sur la table ou pas suffisamment exposé sur la table pour en saisir toutes les facettes. Et je répète: Nous faisons de la théorie sur des portions de problème. C'est bon de le faire, mais il faudra un jour s'asseoir et dire quel est le problème; ensuite, on pourra s'attaquer aux solutions.

M. Mulcair: S'il en est. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste...

Le Président (M. Garon): Je vous ferais remarquer qu'hier, à notre séance de travail, il y avait deux questions qu'on devait poser. À la question 1, il y avait une question qui devait être posée par le député de Jacques-Cartier; puis la question 4, ça devait être par le député de Drummond ou le député de Chomedey.


Nécessité d'un examen des besoins du citoyen et de ceux de l'administration privée ou publique

M. Kelley: Mais, avant de faire ça, dans le document que vous avez signé avant, M. Breton, vous avez parlé des autres enjeux, qu'on n'a pas fait de débat exhaustif. Ça m'intrigue beaucoup parce que, moi, je n'ai pas l'expérience, je ne suis pas un maître de l'ordinateur, loin de là. Alors, j'essaie, comme député, de comprendre les enjeux.

Une des propositions au niveau administratif – proposées, je pense, entre autres, par le directeur de l'état civil – était d'avoir une centrale qui donnerait l'identité des utilisateurs des services gouvernementaux, c'est-à-dire que le directeur de l'état civil peut avoir quelque chose pour avoir l'adresse, l'identité, l'état civil des citoyens du Québec et tous les autres ministères peuvent avoir les clés d'accès. Alors, pour les fins soit de la Régie de l'assurance-maladie ou du permis de conduire, ou du permis de chasse et pêche, tout le monde aura ce genre de clés d'ordinateur qui auraient accès. Comme ça, la gestion de l'adresse et la fiabilité de ces mégafichiers seront assurées soit par le Directeur de l'état civil ou une autre entité.

Est-ce que c'est ça, le débat que vous avez trouvé que nous n'avons pas étudié exhaustivement, est-ce que c'est ce modèle ou un autre modèle? J'ignore les technicalités, mais est-ce que c'est dans ça que vous trouvez qu'on n'a pas porté assez d'attention?

M. Breton (Guy): Non. Je crois qu'on n'a pas encore fait le tour de tous les besoins, qu'on n'a pas encore identifié quels sont ces besoins et quelle est l'ampleur de ces besoins. On voit, d'un côté, que les citoyens qui transigent entre l'âge de 16 et 18 ans chez le dépanneur ont un besoin. Les autres citoyens ont des besoins beaucoup plus cosmétiques ou anticosmétiques, à savoir faire disparaître leur carte personnelle. Passé ça, certains citoyens ont une conscience de la vie privée qui va à un point tel qu'ils voudraient être capables de circuler sans aucun document, sauf un carton neutre qui dit: Je suis, mais ne posez pas de question, je ne vous en permets pas plus.

La panoplie des besoins est grande, mais il n'y a pas de besoins pour mériter de faire des efforts et d'investir, je dirais, pour résoudre ces besoins pour l'instant. Et c'est là que je dis: Par ailleurs, les besoins de l'administration, il y a des problèmes, il y a une loi qui sera repensée et il faudra tenir compte des technologies actuelles pour traduire, dans la technologie, dans l'automatisme, l'application de cette loi pour continuer à respecter les principes. Là, il y aura de l'analyse à faire puis il y aura de la technologie à y mettre. Mais, de là à passer à l'étape suivante et demander à tous les ministères ou à toute l'administration: De quoi avez-vous besoin maintenant? Ça n'a pas encore été mis sur la table suffisamment détaillé pour qu'on puisse dire, en bout de discussion: Nous pouvons aller jusqu'à tel point parce que ça répond à 80 % de la demande; le reste, on ne le donnera jamais. Maintenant, comment le faisons-nous? Mais là, on ne la connaît pas, la demande. On la présume, basée sur un certain nombre de présentations, mais on n'a pas un inventaire de la demande.

Le Président (M. Garon): M. Jacoby.

M. Jacoby (Daniel): Oui. J'interprète tout à fait le Vérificateur général en m'assurant, bien sûr, que, quand il s'exprime ainsi, il ne veut pas dire que les besoins de l'administration sont tellement clairs qu'il faut y répondre, alors que les besoins de la population sont tellement confus qu'il ne faut pas y répondre. Ce n'est pas ça. Merci.


Mémoire déposé

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a des membres de la commission qui ont d'autres questions à poser aux quatre présidents de Commissions qui sont ici? Correct? Je vais déposer, d'abord... On vient de recevoir un mémoire d'Alliance Québec, je pense, sur les cartes d'identité, le n° 45. Je vais demander de le distribuer à chacun des membres de la commission.


Conclusions


M. Jean Garon, président

Je voudrais remercier M. Comeau, Me Ouimet, je pense, qui est avec lui, M. Jacoby, Mme McNicoll, Me McNicoll également, M. Filion, M. Carpentier, M. Breton. On n'a pas le nom... M. Thériault. Ça nous faisait plaisir de vous rencontrer. On s'est rendu compte, en tout cas les membres de la commission – peut-être moins pour vous parce que vous êtes plus familier avec ces questions-là – que l'opinion des membres a évolué beaucoup au cours des auditions publiques et des rencontres avec les différents intervenants qui sont venus donner leur opinion.

Je vais vous conter une anecdote. Quand je vois Me Jacoby, je me rappelle toujours qu'il y a plusieurs années on corrigeait des examens du Barreau ensemble. Me Jacoby, vous savez, il était Protecteur du citoyen ça faisait longtemps dans sa tête. Il avait demandé une intermission pour vérifier une réponse, parce qu'il disait: Il y a des étudiants qui donnent une réponse qui n'est pas dans le corrigé et qu'on n'est pas supposé accepter, mais qui me semble bonne. Il y avait eu une grande discussion. Et, moi, j'étais jeune professeur à ce moment-là, j'avais été très impressionné parce que, à cause de l'intervention de M. Jacoby, on a été obligé de recommencer toute la correction...

Des voix: Ha, ha, ha!

(13 heures)

Le Président (M. Garon): ...pour rendre justice aux étudiants qui avaient trouvé une réponse à la question qui n'avait pas été trouvée par les professeurs ou par ceux qui avaient préparé le questionnaire. Et, quand il a été nommé Protecteur du citoyen, je n'ai pas été surpris, j'ai dit: Batêche! il avait déjà l'esprit. Et, pour moi, ça a toujours été l'exemple de la justice. Les gens ne le savent pas, ces étudiants ne le savent pas; ils ont peut-être passé l'examen du Barreau à cause de cette intervention-là. Mais j'ai toujours trouvé que c'était très important. C'est pour ça que, quand je vois M. Jacoby, quand les partis qui sont au gouvernement ne sont pas contents de lui, je me dis: C'est rassurant. Parce qu'une administration qui est trop contente du Protecteur du citoyen, je me méfierais de ce Protecteur du citoyen.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, je le dis comme je le pense. Parce que je réfère beaucoup de cas au Protecteur du citoyen et je sais à quel point cette fonction-là est utile. À la Commission d'accès à l'information aussi, à la Commission des droits de la personne. Moi, au Vérificateur général, mes expériences ont été plus malheureuses parce qu'on me demandait l'unanimité et je n'étais pas capable de l'obtenir.

Je veux vous dire que, moi, j'ai une grande opinion des institutions que vous représentez, qu'elles sont très importantes pour l'Assemblée nationale, pour le citoyen. Vous êtes, au fond, les gardiens de l'application des lois qui ont été votées par l'Assemblée nationale. Je trouvais que c'était une belle journée aujourd'hui de voir quatre personnes qui sont nommées dans leurs fonctions comme représentants par l'Assemblée nationale pour voir si les lois qui ont été votées par les députés sont appliquées correctement ou s'il y a des changements qui doivent être apportés. C'est pour ça que j'ai toujours été partisan, moi, qu'on demande votre opinion, à chacun d'entre vous, quand une loi est déposée à l'Assemblée nationale, pour voir si vous avez des remarques à faire pour les problèmes que pourrait susciter cette loi-là. Et, quand j'ai pu le faire comme député, j'ai toujours essayé de faire en sorte qu'on demande l'opinion des institutions que vous représentez.

Je vous remercie de votre contribution et du travail que vous avez fait. Tout le monde dit qu'il y a des imperfections, mais, en tout cas, je pense qu'on a essayé de faire le mieux dans les circonstances pour la protection des droits des citoyens du Québec. Je vous remercie.

Nous allons suspendre les travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi – je pense que c'est un peu à la demande générale – pour faire une séance de travail. À 15 heures.

(Fin de la séance à 13 h 2)


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