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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 9 septembre 1998 - Vol. 35 N° 83

Consultation générale sur le projet de loi n° 451 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
M. Geoffrey Kelley
M. David Payne
M. Pierre-Étienne Laporte
*M. Jean-Paul Dutrisac, CIQ
*M. André Gariépy, idem
*M. Raymond Doray, idem
*M. Robert Diamant, OPQ
*Mme Maryse Beaumont, idem
*M. Marc Sauvé, Barreau du Québec
*Mme Marie St-Pierre, idem
*M. Yvon Du Plessis, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre Bosset, idem
*M. Bernard Gagnon, UMQ
*Mme Diane Simard, idem
*Mme Jacinthe B. Simard, UMRCQ
*Mme Isabelle Chouinard, idem
*M. Michel Giroux, idem
*Mme Marie-José Nadeau, HQ
*Mme Stella Leney, idem
* M. Gaétan Côté, ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte. Rappelons le mandat de la commission, qui est de poursuivre la consultation générale et les audiences publiques sur le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Vaive (Chapleau).

Le Président (M. Garon): Alors, l'ordre du jour de la journée, c'est: 9 h 30 – on a commencé avec un peu de retard – Conseil interprofessionnel du Québec; 10 h 15, l'Office des professions du Québec; 11 heures, le Barreau du Québec; 11 h 45, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; 12 h 30, suspension; 14 heures, Union des municipalités du Québec; 14 h 45, Union des municipalités régionales de comté du Québec; 15 h 30, Hydro-Québec; 16 h 15, ajournement, à condition de respecter l'horaire.


Auditions

Alors, j'invite immédiatement les représentants du Conseil interprofessionnel du Québec à commencer leur exposé, puisqu'ils sont ici, et je demande à leur président de se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent. Nous avons 45 minutes ensemble. Ça veut dire normalement 15 minutes pour votre exposé et 15 minutes pour chacun des deux partis pour vous interroger sur votre exposé. Je vous remercie. Allez-y.


Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Dutrisac (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, je me nomme Jean-Paul Dutrisac. Je suis membre de la Chambre des notaires du Québec et secrétaire du Conseil interprofessionnel du Québec, qu'on appelle le CIQ. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Claude Beauregard, directeur général du CIQ; Me André Gariépy, chargé d'affaires professionnelles et conseiller juridique du CIQ; et, finalement, Me Raymond Doray, avocat consultant auprès du CIQ.

Je vous remercie de nous recevoir et nous permettre d'échanger avec vous sur le contenu de notre mémoire. Je ne vous en ferai pas la lecture en présentation ce matin. Vous-même et vos collaborateurs ont certainement eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je n'en dresserai ici que les grandes lignes.

Le Conseil interprofessionnel du Québec a été créé en 1965. Il regroupe aujourd'hui les 43 ordres professionnels régis par le Code des professions. Ces ordres comptent collectivement plus de 260 000 membres.

Depuis cinq ans, le gouvernement et les partenaires du système professionnel cherchent la formule la plus simple et la plus adéquate pour assujettir les ordres professionnels à un régime de protection des renseignements personnels. Plus récemment, on a ajouté la nécessité de l'assujettissement à un régime de transparence dans l'exécution du mandat de protection du public. Les ordres professionnels souscrivent au principe de la transparence dans l'exécution du mandat de protection du public et de la protection des renseignements personnels. La question est de savoir comment seront prises en compte les particularités institutionnelles et législatives du système professionnel.

Dans son rapport d'avril 1998 sur le sujet, votre commission parlementaire a identifié deux voies possibles pour l'établissement du régime applicable au système professionnel: l'assujettissement au régime du secteur public et l'assujettissement à un régime dans le Code des professions. Le projet de loi qui fait l'objet de la présente consultation a été déposé par le ministre André Boisclair en juin 1998. Le projet de loi propose l'assujettissement au régime du secteur public.

Lors d'une rencontre avec des représentants du CIQ au début du mois de juin, le ministre s'est dit ouvert à recevoir et étudier une proposition alternative d'un régime dans le Code des professions. Pour ce faire, nous devions communiquer et exposer notre proposition aux juristes oeuvrant auprès du ministre. Dès le mois de juin, le Conseil interprofessionnel du Québec s'est mis au travail afin de rédiger une proposition législative détaillée. Il l'a fait en collaboration avec l'Office des professions du Québec de même qu'avec le concours de juristes provenant de ses ordres membres et de Me Raymond Doray, ici présent. Notre proposition a été soumise récemment aux juristes du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Vous en trouvez un exposé schématique dans notre mémoire et son annexe.

En matière de transparence, notre proposition établit clairement le droit du public de consulter ou d'obtenir copie d'un document détenu par un ordre professionnel qui concerne l'exécution du mandat de protection du public. Pour ce faire, nous décrivons les documents accessibles et nous conférons un caractère public à divers types de renseignements personnels qui, autrement, seraient protégés.

Notre proposition établit aussi le droit des membres de consulter ou d'obtenir copie d'un document détenu par leur ordre professionnel qui ne concerne pas l'exécution du mandat de protection du public. Pour ce faire, nous décrivons les différents documents qui concernent les rapports de type associatif ou autrement privé entre les membres et l'ordre. De plus, notre proposition établit le droit de toute personne de consulter ou d'obtenir copie d'un renseignement personnel la concernant détenu par un ordre professionnel.

En matière de protection des renseignements personnels, notre proposition intègre par référence le régime prévu dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. On y retrouve les règles de collecte, d'utilisation, de détention et de communication de renseignements personnels. Le régime du secteur privé s'adapte plus aisément à la réalité des ordres professionnels que le régime du secteur public conçu pour les grands fichiers de l'État.

La procédure établie pour le traitement des demandes d'accès est similaire à celle que l'on retrouve dans les régimes public et privé. Les recours en cas de litige sont également similaires à ceux des régimes public et privé. La juridiction de la Commission d'accès à l'information est clairement établie pour trancher les litiges de même qu'enquêter sur ces matières.

Notre proposition respecte la nature hybride des ordres professionnels, elle respecte aussi l'intégrité des processus administratifs d'enquête, d'inspection, de vérification et de discipline institués par le Code des professions.

Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, notre approche législative consiste essentiellement à décrire les documents accessibles et à conférer un caractère public à divers types de renseignements personnels. Pour le public comme pour les ordres, cette approche comporte plusieurs avantages: tout ce qui doit être accessible l'est effectivement, clarté et certitude de la norme, facilité dans l'application du régime, accès rapide aux renseignements désirés et approche suscitant moins d'interprétations et de litiges.

Nous avons présenté au ministre notre proposition alternative détaillée. Nous en avons exposé les grandes lignes dans le mémoire déposé dans le cadre des travaux de votre commission. L'économie générale de notre proposition vise à rendre compte de la nature hybride des ordres professionnels, de même qu'à respecter l'intégrité de leurs processus administratifs d'enquête, d'inspection, de vérification et de discipline. Par sa clarté et son aspect pédagogique, la proposition vise aussi à éviter des litiges qui seraient source de frustration pour les individus et de lourdes dépenses pour les ordres.

Nous croyons donc avoir démontré la pertinence et la faisabilité de la voie d'un régime dans le Code des professions. Nous croyons aussi qu'elle présente des droits et des recours équivalents à ceux des régimes existants. Les partenaires du système professionnel sont convaincus que, par ce régime, le citoyen pourra exercer ses droits dans leur plénitude et bénéficier du même souffle de l'efficacité préservée de l'exécution du mandat de protection du public des ordres professionnels.

Nous sommes disposés à continuer de travailler avec le ministre et ses juristes afin de bonifier notre proposition et ainsi espérer qu'elle puisse être intégrée à son projet de loi, aux étapes subséquentes du processus législatif. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais, messieurs, vous remercier pour votre présentation. Vous faites bien de rappeler que je me suis effectivement engagé à étudier toute proposition qui pourrait m'être proposée. Je voudrais cependant mettre un certain nombre de bémols à vos propos en rappelant que, si nous retenions une proposition semblable à celle que vous avez déposée, nous ne pourrions pas l'intégrer dans le projet de loi qui est à l'heure actuelle à l'étude. Il faudrait, bien sûr, revenir au Conseil des ministres, dans les différents comités ministériels au Conseil des ministres, qu'il y ait un projet de loi distinct qui puisse être déposé. Je doute fort que le Conseil, pas plus que mon collègue de la Justice, autorise un débat de fond aussi important que celui qui est soulevé à l'intérieur de modifications à la loi sur l'accès.

Donc, il y a une difficulté qui demeure entière, la volonté du gouvernement d'agir, votre volonté de proposer des modifications au Code des professions, je pense que vous comprenez bien qu'il serait difficile d'introduire en papillons dans l'actuel projet de loi une proposition de la nature de celle que vous me présentez. Est-ce qu'on s'entend bien, là-dessus?

M. Dutrisac (Jean-Paul): Oui. Je vais laisser un juriste répondre à votre question.

M. Gariépy (André): En fait, il n'est pas incongru qu'une telle chose se passe. Ça s'est déjà vu dans le passé. Je crois que les représentations au cabinet du ministre Ménard nous portent à croire qu'il n'y aurait pas de difficulté sur cet aspect-là, à intégrer dans le projet de loi un tel régime qui viendrait peut-être remplacer l'article d'assujettissement qui se trouve actuellement.

(9 h 50)

M. Boisclair: Je suis convaincu que mon collègue de la Justice souhaiterait, dans la mesure où le gouvernement retenait cette proposition, la régler le plus rapidement possible, mais la volonté politique est souvent limitée par le règlement de l'Assemblée nationale, parfois même par le Comité de législation. Vous avez suffisamment d'expérience, Me Gariépy, pour comprendre que la réponse que vous me donnez n'est pas si évidente que cela ne peut paraître à vos yeux. Il y aurait certainement une discussion.

Alors, je vais quand même déjà vous faire une mise en garde sur la possible faisabilité d'introduire rapidement des amendements au Code des professions dans les amendements à la loi sur l'accès. Certains pourraient très bien plaider... Un parlementaire de l'Assemblée pourrait très bien plaider qu'il s'agit d'un projet de loi d'une autre nature, qui poursuit d'autres fins, et qu'à la limite les amendements... Le président de cette commission pourrait même décider que les amendements ne sont pas recevables au-delà de la volonté des parties. Alors, je pense qu'il faut, à cet égard, nuancer vos propos.

Le deuxième commentaire que je voudrais faire. Effectivement, cette proposition sera regardée attentivement. À ma connaissance, il n'y a pas eu de rencontre à ce jour avec les juristes du ministère sur la proposition. Nous l'avons reçue, me dit-on, il y a quelques jours. J'en ai pris connaissance moi-même pour la première fois cette fin de semaine, alors que je lisais les mémoires. Mais cette rencontre devrait avoir lieu assez rapidement.

Je vous indique qu'il est dans mon intention, au sortir de cette commission, de faire le point sur un certain nombre d'amendements que nous devrons apporter au projet de loi. Déjà, hier, j'ai annoncé un certain nombre de modifications que nous souhaitons apporter au projet de loi. Certaines sont davantage d'ordre technique et requerront uniquement l'aval du Comité de législation. D'autres m'amèneront peut-être à retourner au Conseil des ministres. Sur ces questions, nous verrons de quelle façon nous pourrons procéder, mais il est clair que nous allons étudier le mérite de votre proposition.

J'ai pris connaissance de votre mémoire et j'ai aussi pris connaissance des autres mémoires. La Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne se réjouissent tous de l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès. J'ai indiqué, dans mes remarques d'ouverture, que je notais cet appui à l'orientation gouvernementale retenue.

Je comprends aussi que, de votre côté – comment je pourrais dire – au-delà de la technicité du droit et de la technique législative, il y a, pour vous, un problème de fond que vous illustrez dans votre mémoire. Et je comprends que ce n'est pas un débat d'argutie juridique, là, je ne voudrais pas dire qui nous sépare, mais qui nous fait emprunter parfois des chemins différents, c'est plutôt une orientation de fond. J'ai bien compris de votre argumentation que d'aucune façon vous ne souhaitez être associés à un démembrement de l'État. D'un autre côté, chez nous, en tout cas, nous ne voulons pas non plus multiplier les régimes d'accès pour faire en sorte d'avoir à réglementer dans chacun des secteurs d'activité quelles seraient les conditions d'accès, les différents recours qui s'offrent aux citoyens, et ainsi de suite.

La question, pour moi, se pose, du point de vue de la cohérence de l'action du législateur, en comprenant que, si nous retenions la loi d'accès, il faut des amendements au Code des professions. Ça, pour moi, c'est clair. D'ailleurs, je vous indique que, dans le mémoire que le Conseil des ministres a adopté, pour être cohérents, alors que nous assujettissions les ordres professionnels à la loi sur l'accès, il y a une recommandation adoptée par le Conseil des ministres, et je cite: «d'inviter le ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles à harmoniser les règles sectorielles d'accès et de confidentialité prévues dans les lois et les réglementations professionnelles avec les dispositions de la loi sur le secteur privé applicables aux professionnels agissant en cabinet privé.»

Donc, il y a déjà un certain nombre d'amendements qui devront être apportés, puisque vous nous avez bien fait la démonstration, lors de votre première présentation en commission parlementaire sur le rapport quinquennal, que nous ne pourrions pas tout simplement assujettir comme ça les ordres professionnels à la loi du secteur public sans pour autant faire des amendements dans les lois qui vous régissent. Donc, ce message-là a été bien entendu. Il faut faire preuve de cohérence.

La question est donc la suivante: Sachant qu'il faut faire des harmonisations si on maintient le choix de la loi sur l'accès, quel devrait être le critère qui devrait guider le législateur dans son choix d'établir un régime particulier? Et, à cette question, tous nous ont répondu, et la Commission d'accès à l'information, et le Protecteur du citoyen, et, je présume, la Commission des droits que nous entendrons cet après-midi, que la seule condition qui pourrait justifier un régime particulier, c'est que ce régime particulier assure une meilleure protection ou une plus grande accessibilité, qu'il soit davantage – l'expression n'est pas juste, mais... – contraignant pour l'entreprise ou l'organisme.

Comment vous conciliez ce propos et cette orientation défendue par la Commission d'accès, toujours défendue par les gouvernements successifs, défendue par le Protecteur du citoyen avec celle que vous proposez?

M. Dutrisac (Jean-Paul): En fait, dans un premier temps, ce que je pourrais vous dire, c'est que nous jugeons que les propositions faites dans le mémoire du Conseil interprofessionnel garantissent une protection à tout le moins équivalente à celle qui existerait ou qui existe dans la loi d'accès.

Nous pensons cependant que de particulariser, dans un certain sens, les droits d'accès et les droits de protection de renseignements pour le système professionnel dans sa loi-cadre qui est le Code des professions fait en sorte que les gens s'y retrouvent peut-être plus simplement. Et nous pensons aussi que l'accès en serait peut-être simplifié pour et les clients, et le public en général, et aussi les membres des ordres.

Il faut comprendre aussi que, au niveau des ordres professionnels, il y a deux clientèles différentes qui ont des statuts différents, des droits différents, des besoins différents. C'est un peu ce caractère hybride des ordres qui nous amène deux clientèles différentes avec deux missions différentes qui fait qu'on pense que ça serait plus indiqué d'y aller par la voie de la législation, l'encadrement législatif déjà intégré des ordres professionnels. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui aurait à ajouter là-dessus.

M. Boisclair: Oui. J'entends tout ça, mais vous ne répondez pas à ma question ni au problème qui est le mien. L'État a toujours fait preuve d'une certaine cohérence sous les gouvernements successifs. Je ne voudrais pas non plus ériger ce propos en dogme, mais il y a toujours eu une certaine cohérence du législateur, cohérence des intervenants aussi qui s'intéressent à ces questions de défense de la vie privée. Tous nous ont dit: Un régime général. S'il y a un régime particulier, c'est parce qu'il assure soit une meilleure protection de la vie privée ou une plus grande accessibilité. Ce que vous me répondez, c'est que ce n'est pas le cas. Vous assurez une protection au moins équivalente, m'avez-vous dit.

Alors, la prochaine question, c'est de dire: Essentiellement, ce que vous venez faire, c'est clarifier des possibles interprétations que pourrait donner la Commission d'accès sur l'accessibilité ou non de certains documents détenus par les ordres. Vous venez clarifier dans un texte le type de documents qui pourraient être accessibles et d'autres qui ne le seraient pas. Donc, vous venez lever un problème d'interprétation qui serait autrement confié à la Commission.

En quoi cette façon de faire vous apparaît-elle nécessaire, premièrement? Deuxièmement, si nous assujettissions les ordres à la loi sur l'accès, quel genre de modifications faudrait-il apporter à la loi sur l'accès pour atteindre les résultats que vous définissez vous-mêmes dans votre proposition? Puisque, me paraît-il, toutes les protections nécessaires sont contenues à la loi sur l'accès pour faire en sorte d'en arriver aux fins qui sont celles que vous visez par votre proposition.

(10 heures)

M. Doray (Raymond): Si vous me permettez de répondre, M. le Président, M. le ministre, puisque j'ai eu l'occasion de réfléchir assez longuement à ces questions-là pendant l'été, où il faisait très beau incidemment.

La problématique, je pense, vous l'avez bien identifiée, M. le ministre, c'est-à-dire qu'étant donné que, dans le domaine professionnel, on a déjà des notions, des documents, des modes de fonctionnement qui sont prescrits par le Code des professions de façon très détaillée, contrairement aux ministères du gouvernement du Québec et les autres organismes de l'État où le législateur a conféré des pouvoirs très larges aux fonctionnaires et à ceux qui exercent les pouvoirs de les moduler selon les circonstances, dans le domaine professionnel, le législateur est allé dans le fin détail.

Le Code des professions est véritablement un outil qui va dans la norme la plus fine sur le comment on doit exercer les pouvoirs qui ont été confiés par l'État aux professionnels de façon à ce qu'ils puissent se surveiller et contrôler l'exercice de leur profession. Et, étant donné que le Code, justement, utilise ses notions propres, détaillées, il me semblait et il me semble toujours très difficile de leur imposer un régime comme celui de la loi sur l'accès qui est un régime qui a été conçu pour 3 800 organismes publics très différents les uns des autres, ce qui a obligé le législateur, en 1981-1982, à utiliser des notions très larges, avec évidemment un pouvoir correspondant à la Commission d'accès à l'information de les adapter.

Ce que l'on pense, c'est que, étant donné que, dans le domaine professionnel, justement, on a beaucoup plus d'indications sur la façon d'exercer les pouvoirs par les ordres professionnels, on devrait profiter de ça pour établir un régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels qui soit beaucoup plus efficace parce qu'on le connaît, le fonctionnement des ordres professionnels, et que c'est ça, l'esprit qui anime la proposition qui vous a été soumise.

Pourquoi est-il nécessaire de clarifier? C'était votre première question, M. le ministre. Il est nécessaire de clarifier la norme pour éviter des litiges. Ça peut vous sembler paradoxal que quelqu'un qui se nourrit des litiges vous dise ça, mais je le dis en toute humilité et par simple, je pense, esprit civique. En matière d'accès à l'information, ça n'a pas de sens, quand on y pense deux instants, que les citoyens doivent attendre deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans pour mettre la main sur un document, alors que l'information aura perdu tout son sens.

Dans le domaine professionnel, les enjeux peuvent être très lourds parce que les professionnels qui perdent un droit de pratique sont suspendus ou se voient imposer une sanction disciplinaire. Ils sont prêts à tout faire et à tout mettre en oeuvre pour empêcher la divulgation de renseignements pouvant porter atteinte à leur réputation ou les discréditer dans l'opinion publique. À ce moment-là, on peut facilement imaginer des litiges à n'en plus finir dans un contexte où d'ailleurs les parties ne sont pas nécessairement équilibrées. La proposition, à cet égard-là, a l'avantage d'éviter des interprétations qui passeraient par la Commission d'accès, la Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel. On dit: Tel document est accessible.

En dépit du fait qu'en vertu de la loi d'accès on se poserait la question de savoir est-ce que c'est nominatif, est-ce que ça ne l'est pas, est-ce que ça rentre dans le cadre d'une restriction, on a prévu une cinquantaine de documents qui sont listés comme étant clairement publics, et ces documents-là, au moment où on se parle, ne seraient pas accessibles en vertu de la loi d'accès, puisque, évidemment, la sacro-sainte règle de la confidentialité des renseignements nominatifs l'empêcherait. Ça, c'est votre première question.

Le Président (M. Garon): Monsieur... Ah bien, là, c'est parce que votre temps est écoulé. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à notre tour, il nous fait très plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil interprofessionnel du Québec.

M. le Président, je vais y aller tout de suite, si on peut le dire comme ça, sur la question plus de forme et de procédure que sur le fond parce que, effectivement, que ce soit dans le mémoire du Conseil interprofessionnel ou dans le mémoire de l'Office des professions du Québec, on renvoie à ce que cette commission a déjà décidé unanimement ou proposé et que nous n'avons rien contre l'idée de maintenir un régime particulier à l'intérieur d'un système professionnel qui a déjà fait ses preuves depuis plus de 25 ans au Québec.

Ceci étant dit, j'écoutais attentivement les arguments du ministre responsable des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et je comprends son point de vue. Lui est responsable de la loi sur l'accès à l'information, sur la protection de la vie privée, mais il nous a renvoyés à son collègue de la Justice, puis Me Gariépy en a fait autant en faisant allusion à des discussions qu'il aurait eues avec le cabinet du ministre Ménard. Sauf tout le respect que je dois au ministre qui est ici avec nous aujourd'hui, il a évoqué, et je le cite, «un problème qui est le mien». Mais ce n'est pas comme ça qu'il faut voir le problème, à notre point de vue. Ce n'est pas le problème d'un seul ministre, d'ailleurs.

Il y a un ministre responsable de l'application des lois professionnelles, et ç'aurait été intéressant, même si on prend au pied de la lettre le propos de notre confrère Gariépy à l'effet qu'il a eu ces conversations privilégiées avec le cabinet du ministre Ménard... Moi, j'aimerais bien savoir ce qu'en pense le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, parce qu'il n'y a rien d'incompatible dans ce qui est en train d'être proposé ici aujourd'hui. Tout le monde s'entend sur les paramètres de ce qui doit être public, mais les arguments du Conseil interprofessionnel sont fort concluants, à notre point de vue. Ils sont en train d'expliquer qu'effectivement il y a un régime qui existe déjà, il y a un système professionnel. Il y a des particularités à l'intérieur de ça, et, par ailleurs, ils expliquent fort bien que, à l'intérieur d'un système où la notion de secret professionnel existait bien longtemps avant qu'on commence à respecter des secrets dans d'autres domaines, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'est élaboré et établi beaucoup de jurisprudence, beaucoup de façons de faire, et, à notre point de vue, il faut tenir compte de ça et le respecter.

Par ailleurs, pour revenir encore une fois sur les modalités évoquées par le ministre, je crois qu'il a raison lorsqu'il dit qu'il faudrait qu'il parle avec le Conseil des ministres et sans doute, bien sûr, avec son collègue de la Justice, qui est, comme on l'a mentionné tantôt, le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Par contre, lorsqu'il nous évoque le règlement de l'Assemblée nationale, à moins qu'il puisse, lui, nous montrer quelque chose qu'on n'a pas vu, la seule chose que nous voyons là-dedans, c'est une interdiction d'accepter une modification qui exigerait une dépense de fonds publics. Or, il faut bien comprendre que la proposition du Conseil interprofessionnel du Québec non seulement n'implique pas une dépense de fonds publics, mais, au contraire, puisque l'Office est maintenant extrabudgétaire, toutes les sommes requises pour veiller à l'application de cette partie-là de notre législation seraient payées par les professionnels eux-mêmes et elles-mêmes.

Par ailleurs, pour ce qui est du Comité de législation, on s'entend très bien, le Comité de législation est une instance intéressante qui existe pour regarder la législation mais n'a aucune influence sur nos travaux comme parlementaires. Et je termine en disant que, si le ministre est inquiet que cela puisse être interprété comme représentant un nouveau principe, ce n'est pas notre point de vue, et justement l'opposition serait disposée à travailler avec le gouvernement là-dessus. Il ne faut pas oublier non plus que les limites de notre sphère d'action comme élus, de part et d'autre – côté ministériel et côté opposition – sont non seulement en fonction de règles strictes contenues dans les divers règlements qui régissent notre action, mais aussi de notre volonté commune d'arriver à une solution.

Alors, du côté de l'opposition, ce matin on réitère notre conviction que le point de vue exprimé par le Conseil interprofessionnel, qui rejoint largement le point de vue maintenant exprimé clairement par l'Office des professions avec une telle communauté de pensées entre ceux qui réglementent et ceux qui sont réglementés dans un secteur qui existe déjà, où il y a des structures qui fonctionnent déjà... À notre point de vue, on fait preuve d'un peu de flexibilité et on va pouvoir arriver à une solution qui ne créerait pas, en marge du système professionnel, un nouveau système qui régit juste un aspect du monde professionnel au Québec. On serait fort mieux de tout garder ça à un endroit avec des acteurs qui se connaissent, avec des façons de faire déjà bien rodées. On ne créerait pas le risque d'une sorte de jurisprudence parallèle qui viendrait d'une instance externe au système professionnel sans pouvoir tenir compte, et je pense que ça vaut la peine...

Les modalités restent à voir, mais, quand le Conseil interprofessionnel du Québec nous parle de l'importance de respecter l'intégrité des mécanismes de protection du public en ce qui a trait aux pouvoirs d'enquête, d'inspection ou de vérification, c'est très important, ça, parce que personne ne voudrait que les Hell's puissent faire une demande d'accès à l'information pour savoir combien d'argent est allé dans Carcajou.

(10 h 10)

Lorsqu'on parle de pouvoirs d'enquête, c'est des pouvoirs d'intendance des pouvoirs, de surveillance des pouvoirs, de contrôle, et la manière de régir cette information-là est vraiment différente de la manière dont on régit d'autres informations. Alors, tout en étant d'accord avec le ministre et avec la proposition de loi qui vise à assurer une plus grande transparence dans le système professionnel, nous y sommes. Moi, je connais très bien le système professionnel puis j'aimerais bien que les membres des ordres professionnels aient un accès propre, sans ambages, sans restriction déraisonnable à toute information en ce qui concerne l'administration de leurs ordres professionnels, parce que ça, ça manque, en ce moment.

Il y a eu des histoires d'horreur. Moi, j'en connaissais quand j'étais là, mais il n'y avait quasiment rien à faire avec ça. Alors, ça, là-dessus, il n'y a pas de problème. Mais, pour le reste, là, le secret professionnel, les professionnels en question eux-mêmes détiennent tellement d'information autrement plus privée que ce qu'Équifax ou quelqu'un d'autre pourrait obtenir sur notre vie. Moi, je dis que, s'il y avait des failles majeures dans le système professionnel faisant en sorte qu'on aurait tort de lui faire confiance, je ne serais pas en train de faire la représentation que je fais là. Mais je n'en vois pas, puis personne d'autre ne nous a dit ça.

Le ministre nous renvoie au Protecteur du citoyen, à la Commission des droits. Moi, je veux bien. Il ne faut pas oublier non plus que ce sont des organismes qui se connaissent et se reconnaissent entre eux autres. Eux, ils disent: Oui, on est aussi bien de sortir ça de là. Puis, si on regarde le rapport qu'avait fait le Protecteur du citoyen sur le monde professionnel, il regardait d'un oeil un peu jauni le système professionnel, hein? C'étaient des gens qui s'organisaient entre eux autres. Mais, pour avoir eu l'occasion de travailler dans ce milieu-là pendant longtemps, oui, ça prend un travail vigilant de la part de l'Office, avec des pouvoirs appropriés puis une volonté d'appliquer ces pouvoirs-là, mais personne n'est venu ici nous dire: On ne peut pas leur faire confiance, à ces gens-là, au contraire. Moi, je pense que la preuve est faite qu'ils peuvent régir leur propre système.

Et, de notre côté, en terminant, M. le Président – je suis sûr qu'il y a d'autres points qui doivent être soulevés – ce qui manque, maintenant, c'est une indication de la part de celui qui est responsable de l'application des lois professionnelles, qui est le ministre de la Justice et Procureur général. C'est lui le grand absent à cette table. Le CIQ, en quelque sorte, relève de lui parce que son existence émane du Code des professions, loi dont le ministre de la Justice est responsable.

On va avoir le plaisir d'entendre l'Office des professions tantôt, encore une fois un organisme qui relève du ministre de la Justice, responsable de l'application des lois professionnelles. On est un peu en train de faire ce qu'on appelle en anglais du «shadow boxing», ce matin. On sort des grands principes, mais le ministre responsable d'une autre loi que les lois professionnelles est en train de nous dire: Oui, mais le Protecteur du citoyen nous a dit ci, puis la Commission des droits de la personne nous a dit l'autre. Le grand absent à cette table, aujourd'hui, M. le Président, c'est le ministre responsable de l'application des lois professionnelles, puis c'est peut-être ça qu'il va falloir avoir pour nous sortir de cette apparente impasse. C'est d'avoir son point de vue, son input, si vous me passez l'expression anglaise.

J'aimerais bien avoir une indication, M. le Président, en terminant là-dessus, de la part de M. Gariépy, de la nature de cet échange qu'il aurait eu avec le cabinet du ministre responsable.

M. Gariépy (André): Bien, là-dessus, je pense qu'on parlait essentiellement de la procédure. Tout à l'heure, quand je suis intervenu, je parlais de la procédure. Quand le ministre évoquait qu'il faudrait repasser par diverses canalisations, à son avis, alors j'ai l'impression qu'il n'y a pas de fermeture à regarder – ha, ha, ha! – ces autres possibilités-là. Et, comme le disait si bien le ministre, de par mon expérience, qui fut courte, mais quand même, je peux constater que, quand la volonté y est, les choses peuvent aller assez rapidement, d'autant plus si le ministre doit retourner ou envisage la possibilité de retourner pour des amendements au projet de loi.

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. Gariépy. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, comme les partis ont posé les questions qu'ils avaient à poser ou qu'ils ont écoulé le temps qui leur était imparti, je remercie les représentants du Conseil interprofessionnel du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant les représentants de l'Office des professions du Québec à s'approcher de la table des délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): Alors, évidemment, nous avons 45 minutes, dont 15 minutes pour votre exposé, 15 minutes pour le parti ministériel, 15 minutes pour le parti de l'opposition officielle. Si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. La parole est à vous.


Office des professions du Québec (OPQ)

M. Diamant (Robert): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés – messieurs seulement, je crois – avant tout permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: d'abord, Me Maryse Beaumont, qui est la directrice des affaires juridiques; et Me Yves Dussault, qui est conseiller juridique à l'Office.

Notre organisme, l'Office des professions du Québec, existe, vous le savez tous, en vertu du Code des professions, la loi-cadre qui lui donne le mandat général de veiller à ce que les 43 ordres professionnels assurent la protection du public. Notre mission nous amène plus précisément à surveiller l'application des mécanismes établis au sein des ordres, à conseiller le gouvernement, à participer à l'élaboration de la législation et de la réglementation, à informer le public et à voir à sa représentation au sein des ordres professionnels.

En veillant à ces aspects essentiels, l'Office prête également beaucoup d'attention à d'autres volets, telle l'amélioration continue du système professionnel, notamment quant à la transparence des institutions décentralisées que sont les ordres professionnels; à titre d'exemple, l'avis que l'Office a donné au gouvernement en 1997, proposant une modernisation de l'ensemble du système professionnel. Les travaux se poursuivent dans cette voie selon les orientations du ministre responsable et en collaboration avec l'ensemble du milieu professionnel. La priorité de l'Office, c'est que cet ensemble soit constamment adapté aux besoins de protection du public dans une société qui change.

Notre philosophie d'intervention est, par ailleurs, bien en lien avec les tendances générales dégagées par l'Assemblée nationale ou le gouvernement. Ainsi, il est constant, depuis quelques années, que l'État veuille réduire sa législation et sa réglementation à ce qui est nécessaire et suffisant pour le fonctionnement harmonieux de la société selon les besoins qu'elle se reconnaît. L'Office veille donc à ce que les règles qui les dictent ou qu'on lui soumet correspondent à des mesures nécessaires, suffisantes et efficaces pour le public, qu'il s'agisse de compétence, qu'il s'agisse de discipline ou encore d'accès.

En fait, l'Office croit que la transparence doit être et demeurer une vertu à part entière du système professionnel, mais aussi que l'on doit préserver la cohésion des règles du système en général. Cette cohésion est actuellement assurée par la loi-cadre qu'est le Code des professions, véritable charpente qui tient ensemble 43 ordres professionnels, les 23 lois et les 550 règlements du domaine. Cette structure est en bonne partie l'avantage évident d'un système qui régit l'activité de plus de 260 000 professionnels et leurs millions d'actes quotidiens.

Par le présent document, l'Office des professions souhaite contribuer à l'étude du projet de loi n° 451. L'assujettissement des ordres professionnels à des règles d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels préoccupe l'Office au premier chef. L'article 1 du projet de loi prévoit modifier la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics en y insérant l'article suivant: «Les ordres professionnels régis par le Code des professions sont assimilés à des organismes publics aux fins de la présente loi.»

(10 h 20)

L'Office croit, répétons-le, en la nécessité d'une meilleure transparence des institutions du système et favorise l'instauration d'un régime d'accès et de protection des renseignements personnels. Encore faut-il que ce régime soit le plus adapté possible au système en vue d'une efficacité optimale du régime d'accès, mais aussi du régime professionnel.

Nous mettrons d'abord la question dans un contexte historique avant d'expliquer plus en détail la position de l'Office. Il convient de rappeler d'abord que la question de l'assujettissement des ordres professionnels à des règles d'accès aux documents administratifs et de protection de renseignements personnels a été soulevée notamment par la Commission d'accès à l'information dans son rapport intitulé Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle , rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé de juin 1997.

Ce rapport de la Commission d'accès à l'information a été étudié par la commission de la culture à l'automne 1997. L'Office a participé aux travaux de cette commission pour favoriser l'instauration d'un régime d'accès aux documents administratifs et de protection des renseignements personnels pour les ordres professionnels. Toutefois, l'Office n'a privilégié ni l'une ni l'autre des deux lois, mais plutôt un régime adapté aux particularités propres au système professionnel et établi de concert avec le CIQ, le Conseil interprofessionnel du Québec, et ses principaux partenaires. Lors des audiences, l'Office a suggéré d'inscrire ce régime et ces modalités au sein du Code des professions.

Pour justifier un tel régime, il rappelait notamment que les communications de renseignements prévues au Code des professions devaient être distinguées selon qu'elles étaient dirigées vers le public ou vers les membres des ordres professionnels. Or, les lois susmentionnées ne comportent pas de telles nuances. En effet, en matière d'accès à l'information, le Code des professions apporte déjà des distinctions selon qu'il s'agit du public ou des membres des ordres. Par exemple, le public a accès aux renseignements contenus au tableau des membres des ordres professionnels, notamment le fait qu'une personne soit inscrite ou non au tableau ou, le cas échéant, si elle détient un certificat de spécialiste.

Le public a le droit de savoir qu'un professionnel a fait l'objet d'une radiation permanente, d'une limitation ou d'une suspension permanente de son droit d'exercice ou d'une révocation de son permis ou de son certificat de spécialiste. Le public a aussi, en principe, accès au rôle d'audience des comités de discipline et au dossier disciplinaire. Par ailleurs, les membres des ordres ont droit d'accès à certains projets de règlement avant qu'ils soient adoptés par le bureau. L'ordre est également tenu de transmettre aux membres tout règlement en vigueur adopté par le bureau. Les membres des ordres professionnels ont droit à un rapport sur les activités du bureau et ont aussi accès aux états financiers de l'ordre. Ainsi, un régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels devrait tenir compte du caractère particulier des règles établies par le Code des professions et distinguer les obligations de communication selon ses bénéficiaires, c'est-à-dire le public d'une part et les membres des ordres d'autre part.

Enfin, partant de ces orientations, l'Office recommandait notamment ce qui suit: qu'un régime d'accès aux documents administratifs des ordres professionnels soit instauré afin d'assurer une plus grande transparence administrative au sein du système professionnel; que les ordres professionnels soient assujettis aussi à un régime de protection des renseignements personnels; que les modalités législatives de tels régimes ou de telles règles soient établies de concert avec l'Office des professions et ses principaux partenaires en tenant compte des particularités du système professionnel.

Dans son rapport final d'avril 1998, la commission de la culture a conclu à ce sujet ce qui suit: «Quant à la deuxième hypothèse formulée plus haut, soit l'aménagement à l'intérieur du Code des professions d'un régime particulier d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, la commission de la culture ne voit pas de raison de s'y opposer, dans la mesure toutefois où le résultat quant aux droits et recours des citoyens serait équivalent à ceux garantis par l'hypothèse précédente. On ne peut ignorer, ici, que l'hypothèse d'un régime particulier fasse déjà l'objet d'un consensus au sein des principaux intéressés, soit l'Office des professions et le Conseil interprofessionnel du Québec. Ce dernier offre d'ailleurs de travailler étroitement avec l'Office, dont il partage le souci de transparence, pour produire et recommander au législateur les modifications qui seraient requises au Code des professions; plusieurs amendements en ce sens découlant des travaux menés avec l'Office en 1994 apparaissent déjà dans son mémoire. Cette solution, qui rallie les intervenants du milieu professionnel, pourrait accélérer l'assujettissement des ordres professionnels à un véritable régime de transparence administrative.»

Le 19 juin 1998, était adopté le principe du projet de loi n° 451 dont, rappelons-le, l'article 1 assujettit les ordres professionnels à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Depuis la présentation de ce projet de loi, l'Office des professions du Québec s'est associé au Conseil interprofessionnel pour mettre de l'avant une proposition concrète, alternative en regard de celle offerte par l'article 1 du projet de loi. Cette proposition se veut conforme aux critères suivants: transparence à l'égard du public dans l'exécution du mandat de protection du public; transparence à l'égard des membres dans les affaires de l'ordre; rigueur normative équivalente aux régimes public et privé; niveau de support législatif équivalent aux régimes public et privé; procédure d'accès équivalente aux régimes public et privé; recours équivalents aux régimes publics et privé; sanctions équivalentes aux régimes public et privé; respect de la nature hybride des ordres professionnels (mandat public de surveillance et de réglementation, mais aussi autogestion de type associatif); respect de l'intégrité des processus administratifs, d'enquête, d'inspection, de vérification et quasi judiciaires au sein des ordres; normes nécessaires, justes, efficaces, adaptées.

Selon nous, ces principes respectent l'orientation de l'Office des professions et de la commission de la culture dans la mesure où ils prévoient des droits et recours équivalents à ceux prévus par la Loi d'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ces principes favorisent aussi des mesures adaptées au système professionnel et qui s'intègrent au Code des professions. À ce sujet, l'Office insiste sur le fait que les principaux intervenants du monde professionnel sont familiers avec la pièce législative que constitue le Code des professions.

Une application harmonieuse et efficiente des mesures recherchées conduirait naturellement à insérer des dispositions sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements dans le Code des professions en y indiquant clairement ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas ou sous réserve de quelles restrictions, tout en référant aux autres dispositions et termes de ce Code.

Les ordres professionnels, dont la taille peut varier considérablement, n'ont pas tous la possibilité de consacrer un service spécifique à l'application de ce type de disposition. Toutefois, il est prévu par la proposition alternative que ces règles seront dans le même canevas que celles qu'ils appliquent déjà, les principes d'accès et de protection étant mieux servis, en fin de compte. L'Office estime qu'un régime particulier, spécifique et adapté aux réalités, aux concepts et même au vocabulaire du système professionnel est mieux susceptible de répondre à ces principes, et ce, non seulement pour la commodité des ordres, mais surtout pour les publics visés par ces régimes. Ainsi, en indiquant clairement ce qui est accessible, on facilitera la démarche à la fois des demandeurs et des ordres. Sachant à l'avance ce à quoi ils ont droit, les demandeurs seront d'autant plus satisfaits.

Un régime intégré au droit professionnel permettrait, croyons-nous, une cohérence des actions dans l'ensemble du système professionnel. De plus, la proposition de l'Office et du Conseil interprofessionnel du Québec permet de distinguer les documents qui pourraient être accessibles selon ce qui est prévu au Code des professions, à savoir le public et les membres des ordres professionnels. Enfin, cette proposition respecte les mécanismes mis de l'avant pour la protection du public et assure ainsi une transition harmonieuse entre le statu quo et l'instauration d'un régime de transparence administrative et de protection des renseignements personnels au sein des ordres professionnels.

Par ailleurs, on constate, notamment à partir de l'historique de ce dossier, que le caractère approprié, pour les ordres professionnels, des deux lois en cause a été beaucoup discuté et qu'aucune des deux lois ne semble satisfaire entièrement. Donc, à elles seules, ces hésitations illustrent vraisemblablement l'intérêt d'un régime particulier.

La proposition d'un régime particulier peut s'appuyer sur plusieurs précédents où le législateur a tenu compte du caractère spécifique d'un secteur d'activité. Prenons par exemple le régime établi en vertu de la Loi sur les services de santé et sur les services sociaux. Ces régimes prévoient le droit d'accès aux dossiers de l'usager, le caractère confidentiel de celui-ci et les exceptions à ce principe et établissent qui peut avoir accès aux dossiers, à quelles fins et les restrictions applicables. La loi prévoit aussi dans quels cas il peut y avoir communication du dossier et de renseignements et au bénéfice de quelles personnes. Enfin, ce régime prévoit quels sont les recours disponibles.

(10 h 30)

La Loi sur le ministère du Revenu prévoit aussi des dispositions spécifiques sur le caractère confidentiel des renseignements, sur les possibilités de communication ou d'accès à ces renseignements. Plusieurs autres lois prévoient un régime particulier pour la communication de renseignements. On y précise quel type de renseignement renseignement peut faire l'objet de cette communication, à quelle fin, à quelle destination, sous quelle condition et sur quelle restriction. On indique parfois quels sont les renseignements qui ont un caractère public. On précise quelles dispositions de la loi sur l'accès sont applicables ou encore lesquelles ne le sont pas. À titre d'exemple, on peut consulter le Code de la sécurité routière, la Loi sur le curateur public, la Loi sur la sécurité du revenu, la loi sur le régime d'assurance-maladie du Québec, la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la Loi sur le bâtiment.

Plus fondamentalement il importe de rappeler que le système professionnel constitue une structure unique et particulière en ce qu'il est fondé sur les principes d'autogestion de ses principaux intervenants, soit les ordres professionnels. Ainsi, tout en ayant un mandat de protection du public, ces ordres sont essentiellement gérés par leurs membres.

Il convient enfin de rappeler qu'à l'issue des travaux de la commission Castonguay-Nepveu, à l'origine de ce système, il avait été clairement établi qu'il y aurait un système, au Québec, qui devrait être le seul lieu de contrôle de l'activité professionnelle pour éviter le foisonnement qui existait auparavant et aussi éviter l'approche à la pièce. Or, la pierre angulaire de ce système a toujours été le Code des professions.

En résumé, M. le Président, nous croyons que pour être efficace un régime d'accès et de protection devra non seulement faire certaines distinctions pratiques quant aux clientèles spécifiques, mais aussi s'intégrer harmonieusement dans l'ensemble des règles régissant déjà le système professionnel en vue de la protection du public. Voilà pourquoi, fidèle au principe d'accès, de transparence et de protection des renseignements personnels, l'Office favorise un solide enracinement de ces principes au sein même du Code des professions. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je vous remercie pour votre présentation. Je vais vous le dire comme je le pense: Je suis déçu de votre mémoire. Non pas parce que sur le fond il a une proposition qui est différente de celle que j'ai présentée dans le projet de loi – parce que je suis de bonne volonté, je suis prêt à débattre des voies possibles – mais, lorsque vous me dites dans votre mémoire, où vous invoquez essentiellement un argument d'autorité, à la page 7: Le législateur a toujours su décider de, la pierre angulaire de ce système a toujours été le Code des professions, ce n'est pas plus fort que quand, moi, je vous dis: Le choix du législateur, ça a toujours été d'avoir un régime général, puis, s'il y avait un régime d'exception, c'est parce qu'il assurait une meilleure protection des renseignements privés ou une plus grande accessibilité.

À date, j'ai entendu un argument qui pourrait militer en faveur de la proposition alternative, c'est Me Doray qui nous l'a donné tout à l'heure. Il a évoqué les questions de temps et d'efficacité. Bon. Là, on commence à parler de vrais arguments. J'aimerais que vous m'en donniez d'autres autre qu'une espèce de cohérence ou des choix que le législateur a faits dans le passé, d'autant plus que vous-mêmes avez, il y a quelques mois, au mois de juin dernier, défendu une autre proposition qui était celle contenue dans le projet de loi.

Je trouvais ça assez intéressant que vous me parliez des propositions que vous avez faites dans le passé, mais j'ai assisté à des réunions où les gens de l'Office étaient là, ces gens de l'Office qui, dans des discussions avec le ministre de la Justice... Nous avons eu cette rencontre, le ministre de la Justice et moi-même, en compagnie des gens de l'Office et en compagnie des gens du ministère chez nous et de Me Brière, qui, comme vous le savez, m'a servi de conseiller sur ces questions, et l'Office était très, très, très enthousiaste à l'idée d'assujettir les ordres professionnels à la loi sur l'accès.

Alors, est-ce qu'on peut, pendant quelques instants, oublier la logique, ce que vous appelez le choix du législateur, la pierre angulaire, puis regarder les arguments au fond? Question de délai. Ça, ça serait la première question. La deuxième: Au niveau de la liste des documents, est-ce qu'elle vous apparaît complète? Certaines personnes pourraient me dire qu'il y a des documents qui ne sont pas visés par la proposition alternative, qui devraient être inclus. Troisièmement, je ne vous ai pas entendu vous exprimer sur l'organisme qui devrait surveiller ce régime d'accessibilité. Est-ce que, par exemple, selon vous, ça devrait être la Commission d'accès à l'information qui devrait avoir l'autorité de surveiller ce nouveau régime qui serait instauré dans la proposition alternative?

M. Diamant (Robert): Je voudrais d'abord faire le point sur l'impression que vous semblez retenir, M. le ministre, de l'évolution de la position de l'Office des professions.

Effectivement, l'Office des professions, à certains moments, dans une analyse qui mettait en opposition la loi d'accès, secteur public, et la loi d'accès privé, favorisait nettement la loi d'accès du secteur public. Par ailleurs, à titre de porte-parole de l'Office, j'ai dit devant cette commission, et ce qui a été rapporté dans le rapport de la commission que j'ai cité tout à l'heure, qu'effectivement l'Office privilégiait, dans la mesure où on était capable de démontrer l'efficacité... d'abord, démontrer qu'on aurait des recours équivalents, qu'on aurait un régime qui donnerait des droits équivalents, protégerait de façon claire les demandeurs et ceux qui, aussi, ont besoin de voir respecter les choses qui les concernent; nous étions d'accord pour examiner l'opportunité d'un régime particulier.

Nous avons été convaincus, à l'examen, qu'un régime particulier inscrit dans le Code des professions permettrait une action plus efficace. L'exemple des délais apportés par Me Doray, précédemment, est un bon exemple. Nous croyons, de façon générale, qu'un régime plus adapté permettrait une plus grande efficacité et une plus grande cohérence.

J'ai fait état, dans la présentation, de la position de l'Office, tout à l'heure, d'un certain nombre de ces bénéfices que pourrait apporter l'insertion dans le Code et la précision des choses qui seraient accessibles aux membres, et à cet égard nous croyons que ça serait plus efficace et plus transparent.

M. Boisclair: En tout cas, il y a la question des délais, là, mais on ne peut certainement pas plaider davantage d'efficacité et de transparence. Je suis à la recherche de bons arguments et je n'en entends pas plus dans votre réponse. J'espère pouvoir, dans mes discussions avec les gens, en avoir d'autres, en vous rappelant que je suis de bonne volonté là-dedans.

La question «Qui devrait être l'organisme de contrôle?», est-ce que la Commission d'accès à l'information devrait être l'organisme qui aurait la responsabilité de superviser l'ensemble du mécanisme, finalement de la proposition alternative?

M. Diamant (Robert): Nous avons toujours reconnu que la Commission d'accès devrait être l'organisme qui supervise et aussi l'organisme de recours.

M. Boisclair: Est-ce que, selon vous, ces dispositions devraient faire l'objet d'une révision quinquennale aussi? Est-ce que les dispositions du Code des professions font l'objet d'une révision quinquennale? Non, hein? Le Code ne fait pas de...

M. Diamant (Robert): Pas l'ensemble des dispositions. Il y a certaines dispositions pour lesquelles on prévoit effectivement ce qu'on appelle une clause crépusculaire, mais ce n'est pas l'ensemble du Code. Mais, oui, je pense pouvoir affirmer que nous trouverions très opportun d'avoir une révision, compte tenu effectivement de l'évolution de la vie de ces organismes-là.

M. Boisclair: Est-ce que vous, qui avez sans doute plus que nous, chez nous, étudié cette proposition, parce que je ne l'ai eue que récemment – en tout cas, que, moi, personnellement – êtes d'avis que la proposition soumise par le Conseil interprofessionnel est plus contraignante en termes de plus grande transparence que les dispositions actuelles de la loi sur l'accès?

M. Diamant (Robert): Il me semblerait effectivement qu'une précision accrue des documents qui pourraient être accessibles...

M. Boisclair: Par exemple?

M. Diamant (Robert): ...pour les membres des ordres professionnels, surtout tout ce qui est destiné aux membres, nous semblerait plus efficace non seulement en termes de délais, mais en termes de précision de ce qui est accessible et de ce qui ne l'est pas.

M. Boisclair: Ma question, c'est: Qu'est-ce qui, à l'heure actuelle, serait davantage accessible par la proposition qui ne l'est pas par le régime général que nous proposons?

(10 h 40)

M. Diamant (Robert): Effectivement, comme vous, nous avons reçu la liste récemment. On n'en a pas fait une étude exhaustive, mais déjà nous pouvons convenir que l'essentiel est couvert, et nous avons aussi obtenu l'assurance que nous pourrions travailler à bonifier et à compléter cette liste-là.

M. Boisclair: Alors, qu'est-ce que vous voudriez voir ajouter sur la liste, qui n'y est pas?

Mme Beaumont (Maryse): Bon, on a passé en revue la liste qui était fournie par le CIQ, mais on n'a pas complété l'examen de l'ensemble des dispositions qui se retrouvent là.

À première vue, l'autre fois, notre examen nous a permis de constater qu'il y avait des choses qui pouvaient manquer ou qui n'étaient pas suffisamment précises dans le texte pour englober tout. Je donne un exemple. Quand on parle d'un règlement adopté par le Bureau, on sait que le gouvernement dispose d'un pouvoir supplétif. Je donne juste un exemple comme ça. Donc, il faut inclure aussi tout règlement adopté par le gouvernement. Donc, adopté par le Bureau, ce n'est pas suffisant, là, ça ne donne pas tous les règlements. Mais un peu des exemples de cette nature-là qu'on a vu à l'intérieur du dossier.

M. Boisclair: Et est-ce que vous en avez de nombreux, amendements, que vous voudriez voir adoptés ou retenus en amendement dans la proposition dite alternative, au cas B?

Mme Beaumont (Maryse): Je pense que l'examen n'a pas été fait, là, de façon exhaustive et qui nous permette de chiffrer un nombre d'amendements. Mais c'est en train de se faire.

M. Boisclair: O.K. Bien, en tout cas. Je comprends que vous avez évolué. Malgré l'appui que vous donnez à la proposition, j'apprends qu'il y a des amendements que vous voulez y faire. J'en prends note.

Je voudrais peut-être tout simplement rappeler les propos aussi du Protecteur du citoyen, de Me McNicoll qui parle au nom du Protecteur, au sujet de la plus grande efficacité. Elle dit: Je dirais que c'est un argument très habile et qui est très séduisant, mais au-delà de ça, si on regarde ce qui est à côté de ça, M. le ministre, me disait-elle, ça revient à ce que le secteur privé vous demandait, par exemple, pour «Qu'est-ce qu'un consentement éclairé?», «Qu'est-ce qu'un bon formulaire?», etc.

Eux autres demandaient un règlement. Donc, je pense qu'il faut regarder la situation dans son ensemble tout en reconnaissant la spécificité des corporations professionnelles, qui, je pense, démontrent, peut-être pas de façon très concrète dans des principes, qu'effectivement il y a des spécificités. Alors, c'est une décision lourde qui serait celle ne pas soumettre les ordres à un régime général. Nous nous entendons tous cependant sur la destination. Et je comprends qu'avant même que vous soyez d'accord sur une proposition alternative, vous faites le choix d'une proposition alternative. J'en prends note et j'aurai l'occasion, comme je l'ai déjà indiqué, d'en reparler avec mes collègues du Conseil des ministres, particulièrement avec mon collègue Serge Ménard. Je m'attends certainement, cependant, de votre part, que rapidement on puisse connaître les amendements que vous souhaiteriez voir apporter à ce plan B...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: ...et qu'on puisse certainement en discuter. Parce que, si c'est la voie que choisit le gouvernement, on va procéder, là.

M. Diamant (Robert): Si vous me permettez, M. le ministre, je veux quand même insister sur le fait qu'il est de l'avis de l'Office qu'un outil qui soit mieux adapté à la pratique ou à la vie interne des ordres professionnels...

M. Boisclair: Pour moi, ça, ça veut...

M. Diamant (Robert): Ça veut dire quelque chose parce que...

M. Boisclair: Ça veut dire quoi?

M. Diamant (Robert): Ça veut dire qu'il s'agit d'utiliser un vocabulaire qui est adapté à la réalité quotidienne des ordres professionnels. Quand on pense aux ordres professionnels...

M. Boisclair: Mais tout le monde peut plaider ça.

M. Diamant (Robert): ...on pense souvent au Barreau, on pense souvent au Collège des médecins, mais, aussi, il faut penser à des ordres professionnels qui n'ont pas une infrastructure aussi développée que ces grands organismes-là et qui ont les mêmes obligations et dont les membres ont les mêmes droits et pour lesquelles le public aussi a les mêmes droits.

Donc, dans ce qui nous guide ici, c'est simplement le développement d'un outil qui soit adapté à cette réalité-là. Et nous croyons que, de cette manière, les citoyens seront mieux servis.

M. Boisclair: Alors, je vous pose la question...

M. Diamant (Robert): Alors, le vocabulaire adapté, ce n'est pas une fantaisie, M. le ministre. Pour nous, c'est une réalité. Et pour finir, pour terminer sur la liste des documents qui nous est soumise, nous prenons l'engagement, comme organisme, de faire au gouvernement des représentations que nous devons faire pour nous assurer que cette liste-là soit la plus complète possible et la plus adaptée et protège le mieux possible les intérêts du système d'accès, auquel nous croyons profondément.

M. Boisclair: Alors, puisque vous faites cette intervention, je vous pose une dernière question. En quoi le régime général n'est pas pertinent dans la rédaction législative au-delà du fait qu'il laisse à la commission le choix d'interpréter? Et ça, la spécificité, tout le monde peut la plaider; j'ai entendu des gens des banques venir plaider leur spécificité, les gens du secteur d'assurance venir plaider leur spécificité, les concessionnaires automobiles venir plaider leur spécificité. Tout le monde peut plaider sa spécificité, mais on a choisi un régime général. Et, s'il faut modifier le régime général, c'est aussi une voie qui pourrait être privilégiée à laquelle personne, ni vous, ni vos prédécesseurs, s'est intéressé à ce jour. Et je pense qu'on a aussi cette obligation-là. Si vous me dites qu'il n'est pas adapté, on pourrait aussi l'adapter, le régime général.

Une voix: Vous savez, l'Office est très prudent... Pardon?

Le Président (M. Garon): Il ne reste plus de temps pour le côté ministériel, alors peut-être trouver le moyen de répondre à travers une question de l'opposition. La parole est maintenant à l'opposition. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. On tient à saluer le président de l'Office, M. Diamant, ainsi que Mes Beaumont et Dussault. Bonjour et merci beaucoup pour votre présentation.

Je vais effectivement, M. le Président, à votre invitation, enchaîner sur le sujet qui vient d'être abordé. Ça va nous permettre, je pense, d'élucider les raisons pour lesquelles l'Office a raison d'insister pour le maintien de la spécificité du système professionnel. Avec respect pour l'avis contraire exprimé par mon collègue le ministre responsable, ce n'est pas un argument d'autorité que d'invoquer la commission Castonguay.

Rappelons qu'il s'agissait d'une des plus vastes commissions jamais établies et à l'intérieur de son travail, qui visait à instaurer un système universel de soins médicaux gratuits au Québec, il a été constaté qu'il était nécessaire d'amener, sans jeu de mots, de l'ordre dans le domaine des professions, et par le fait même, au lieu de seulement toucher aux professions du domaine de la santé, toutes les professions ont été mises dans un régime général. Alors, vraiment c'est une question de poule et d'oeuf. Quel est le régime général que l'on veut modifier? Parce que le ministre fait référence au régime général qui est de son ressort – et c'est normal – mais le ministre responsable de l'application des lois professionnelles a aussi un régime général concernant les professions au Québec. Et c'est ce régime-là qui serait modifié si on allait de l'avant avec les propositions telles qu'elles sont formulées là.

Le régime général préconisé, suite aux travaux de la commission Castonguay, a prévu deux choses principales. Premièrement, un ordre professionnel existait pour la protection du public; deuxièmement, il y aurait un organisme gouvernemental dont la principale fonction serait de veiller à ce que les ordres professionnels fassent correctement leur travail de protection du public. L'actuel président de l'Office sait, comme, moi, je sais, que c'est très facile à dire mais parfois très difficile à réaliser, parce que les moyens techniques à notre disposition pour mesurer ce qu'on nous demande de constater, la performance des ordres professionnels, sont très limités.

Je veux me permettre, par le biais d'un exemple, d'illustrer le point auquel il est, à notre point de vue, important de maintenir l'intégrité du système professionnel, intégrité, pas dans le sens rectitude morale ou autre mais intégrité dans le sens de le garder complet. Me Beaumont peut m'aider avec ça, mais, si ma mémoire est bonne, c'est en 1988 que le Code des professions a été modifié pour faire quelque chose de révolutionnaire: pour prévoir que dorénavant un professionnel qui devait aller devant un comité de discipline, son nom serait publié. Jusque là les publications régulières exigées par la loi des décisions disciplinaires, c'étaient: dentiste numéro 258.

Personne ne pouvait savoir si le dentiste chez qui ils allaient était rendu à sa quinzième infraction devant le comité de discipline, son nom n'était pas publié. C'était à ce point là. Pudique, gants blancs et vieux jeu comme système. C'était une révolution. Le ministre responsable des lois professionnelles d'alors, Claude Ryan, avait dit, fort de beaucoup d'analyses... parce que lui était un peu réticent au départ, mais il y avait des arguments de la Charte des droits qui ont prévalu et effectivement il a accédé à la requête de l'Office de changer la loi dans ce sens-là.

(10 h 50)

Il y a un ordre professionnel bien en vue qui a tout fait pour respecter l'esprit de ça, c'était le Barreau. Non seulement il disait: c'est ouvert dorénavant, il publiait un tableau des causes qui devaient être entendues en discipline. Eux, ils se sont dit: Oui, c'est vrai, c'est le nouveau régime, c'est le nouveau système, on embarque là-dedans à 110 %.

Il y a un autre ordre professionnel, dont je me permets de taire le nom, qui a fait exactement le contraire, a dit: Bien, il n'y a aucune obligation de publier un rôle, alors, oui, les audiences des comités de discipline sont publiques, sauf qu'on n'est pas obligé de vous dire où ça se tient ni quand. À peu près deux ans plus tard, on était obligé de revenir là-dessus, de changer la loi à nouveau.

Mais le comportement de cette autre profession, c'était pour nous un voyant lumineux rouge qui s'allumait. On s'est dit: Il y a quelque chose là. Et on avait raison, il y avait quelque chose. Dans des délits très particuliers, d'une certaine sorte, il y avait vraiment un autre «boys' club» qui fonctionnait, et tout était balayé en-dessous du tapis du moment qu'on passait un peu au bureau du principal. Tout le reste, ça s'organisait entre eux autres.

Ça, c'est important pour eux, à l'Office des professions. On leur demande: Faites quelque chose pour assurer que ce système-là fonctionne dans l'intérêt du public, mais, si on ne leur donne pas les outils pour mesurer ceux qui jouent le jeu, ceux qui respectent la loi ou ceux qui utilisent tous les moyens inimaginables et possibles pour la contourner, on est en train de leur donner moins d'outils pour veiller à l'intérêt du public.

Donc, pour ces raisons-là, M. le Président, de notre côté, on est très sensible à la requête de l'Office des professions et la requête qui a été faite préalablement par le Conseil interprofessionnel du Québec. Mais j'aimerais entendre le président de l'Office là-dessus: Est-ce que, pour lui, le fait de garder tous les aspects concernant la régie des ordres professionnels à un endroit peut l'aider à faire son travail dans l'intérêt du public?

M. Diamant (Robert): Je pense qu'il faut répondre oui à ça, parce que dans la mesure où effectivement il y a une définition claire de ce qui, d'une façon ou d'une autre, doit être rendu disponible en matière d'information et à qui ça doit être communiqué, il est clair à ce moment-là qu'on a une accessibilité à l'information qui nous permet de se faire une opinion mieux fondée sur la réalité. Et, de ce point de vue là, j'en conviens avec vous.

M. Mulcair: Parce qu'on a, effectivement, M. le Président, si j'interprète bien, on a besoin de mesures objectives qui sont parfois très difficiles à avoir. On dit de veiller à ce qu'ils fassent leur travail dans l'intérêt du public, mais basé sur quelles mesures objectives? C'est une chose d'avoir une impression basée sur des appels et des choses à répétition, mais de le mesurer il me semble que, si on garde tout à l'intérieur d'un système, le travail, concrètement, peut se faire plus facilement. Est-ce que le président de l'Office est d'accord avec ça?

M. Diamant (Robert): Oui.

M. Mulcair: M. le Président, ça complète, pour notre côté, parce que je trouve que le propos est très limpide. Je termine juste en disant et en répétant, en fait, auprès du ministre que l'opposition est disposée à travailler avec lui pour assurer que ces aspects-là fassent l'objet d'une adoption dans la mesure où ça serait facile pour nous de se voir et de travailler les choses ensemble. Il y a toujours eu un bon esprit de collaboration à cette commission sur ces questions d'ordre public là, et ça va être la même chose ici.

Si on est capable de... J'entendais Me Beaumont tantôt, dire: L'inventaire va être fait et les dispositions législatives, je sais que ça peut représenter, effectivement, énormément de travail. Mais, vu l'urgence de la situation et nos propres échéanciers, je réitère, au nom de mes collègues de l'opposition officielle, qu'on est disposé à mettre tout en oeuvre pour assurer l'adoption de dispositions adaptées et qui répondent aux exigences de l'Office et du Conseil. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de l'Office des professions du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, je vais inviter les représentants du Barreau du Québec à s'approcher de la table des délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): À l'ordre! J'invite la personne en charge à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent. Nous avons 45 minutes, ça veut dire, normalement, 15 minutes pour l'exposé de votre mémoire, 15 minutes pour le parti ministériel, 15 minutes pour le parti de l'opposition officielle. À vous la parole.


Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): M. le Président, merci. Mon nom est Marc Sauvé, je suis avocat au Service de la législation au Barreau du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Marie St-Pierre, avocate chez Desjardins, Ducharme, à Montréal, et spécialisée notamment dans le domaine du droit d'accès. Me St-Pierre va vous entretenir, en particulier, de la question de l'appel des avis par voie publique et du secret professionnel. À ma gauche, je suis accompagné de Me Yvon Duplessis, professeur à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, qui va vous entretenir des banques de données et de la question des nouvelles technologies et, en particulier, de l'article 13 du projet de loi.

Alors, la loi sur l'accès à l'information du secteur public s'applique au Québec depuis 1982 et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, depuis 1994. Alors, suite au rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et suite aux audiences publiques de l'automne 1997, on aurait pu s'attendre à une réforme importante de ces législations compte tenu des difficultés que l'on connaît en regard de ces deux législations.

On constate, on prend acte que des efforts ont été faits, notamment pour harmoniser le secteur public et le secteur privé et pour tenir compte de l'impact des nouvelles technologies sur la vie privée. Mais dans l'ensemble le projet de loi semble comporter, à quelques exceptions près, des modifications mineures et il est plutôt décevant en ce qu'il ne permet pas de corriger les principales lacunes de la législation actuelle.

En particulier, on nous a souligné, au Barreau, la lourdeur et la complexité du régime de protection des renseignements personnels dans la loi du secteur public; cet aspect-là doit davantage retenir l'attention du législateur. Ce régime est si complexe et si lourd qu'il n'est souvent pas respecté par les organismes assujettis.

Si on passe en revue les rubriques qui sont abordées dans le mémoire du Barreau, il y a la question très importante du principe de cloisonnement des organismes publics. Alors, comme on l'a déjà mentionné dans le passé, le principe du cloisonnement des organismes publics en matière de renseignements personnels mérite, aujourd'hui plus que jamais, d'être affirmé et appliqué dans toute sa rigueur. Ce principe, on le constate et on le déplore de plus en plus, est battu en brèche par la nouvelle tendance à favoriser les échanges de renseignements personnels entre divers ministères et organismes gouvernementaux.

Or, pour éviter que la vie privée des citoyens ne soit indûment menacée par l'État qui est appelé à exercer diverses missions, il est essentiel de procéder au cloisonnement des organismes publics de manière à ce que chaque organisme public ne puisse recueillir que les renseignements qui sont nécessaires à l'exercice de ses fonctions et qu'il ne puisse, en règle générale, communiquer des renseignements personnels à d'autres organismes publics ou à des tiers sans le consentement de la personne concernée.

(11 heures)

Alors, on considère, au Barreau, qu'il faut mieux marquer l'importance de ce principe de cloisonnement. Et de quelle façon on peut réfléchir à des mécanismes qui visent à mieux respecter ce principe? Par exemple, en faisant en sorte que les nouvelles possibilités de transfert ou de communication de renseignements soient prévues dans la législation elle-même. De plus, on considère que les nouvelles dérogations à la loi sur l'accès devraient nécessairement faire l'objet de véritables débats publics avant d'être adoptées.

Il y a toute la dimension aussi qu'on avait soulevée dans notre mémoire de septembre dernier concernant l'indépendance et l'impartialité de la Commission, mais plus particulièrement le chevauchement des activités d'enquête et les activités quasi judiciaires du Tribunal administratif. Alors, évidemment, cette situation présente un risque que la Commission soit perçue à la fois comme juge et partie dans les affaires portées devant elle. Alors, la coexistence des rôles d'adjudicateur et d'enquêteur peut, dans certains cas, être de nature à compromettre l'apparence d'impartialité institutionnelle nécessaire à l'exercice de fonctions juridictionnelles.

Alors, il est certain que, comme on l'a déjà mentionné, on juge inacceptable qu'une demande à la Commission donne naissance à deux processus parallèles et distincts sur une même question ou un même litige, ce qui entraîne des risques de conflit et qui est de nature à discréditer le processus quasi judiciaire. En somme, on considère que la Commission devrait limiter son pouvoir d'enquête à des questions générales ou encore procéder à une enquête lorsqu'il n'y a pas de processus quasi judiciaire en cours sur la question qui fait l'objet de l'enquête.

La question, maintenant, de l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès. Certains ont exprimé un besoin de plus grande transparence des ordres professionnels dans l'exercice de leur mandat de protection du public. Alors, de notre côté, au Barreau, on considère qu'il est possible de répondre à ce besoin sans compromettre la capacité des ordres professionnels à bien réaliser, à bien exécuter leur mandat de protection du public tout en respectant leur nature hybride qui est à la fois publique et privée.

Alors, par l'article 1, on applique aux ordres professionnels un régime d'accès qui n'est pas conçu pour eux sans avoir préalablement procédé à une véritable étude d'impact, en particulier sur le système disciplinaire. Quel va être l'impact réel de cette loi-là sur les enquêtes disciplinaires? Sur l'inspection professionnelle? Sur le secret professionnel? Sur le système d'assurance-responsabilité? Ce sont toutes des questions extrêmement importantes. Ce qu'on peut prédire, c'est que, si on applique la loi sur l'accès au système professionnel, eh bien, on va combattre le chômage chez nos amis les avocats parce qu'il y a une mine de sources litigieuses dans cette législation-là qui serait appliquée au système professionnel.

Alors, les ordres professionnels ne sont aucunement des démembrements de l'État. Ils ont un caractère et une nature mixte, à la fois privée et publique. Ils ne sont pas financés à même les fonds publics. Alors, on pense qu'il faut un régime qui permet aux ordres professionnels de bien remplir leur mandat de protection du public tout en donnant une plus grande transparence à la population en regard des activités des ordres professionnels.

Par ailleurs, évidemment, le Barreau s'objecte énergiquement à ce qu'il soit assimilé à un organisme public ou paragouvernemental. Le Barreau agit, en quelque sorte, comme un contre-pouvoir et surveille les actions de l'État dans une société démocratique. D'aucune manière le Barreau ne doit accepter d'être considéré par le législateur comme un démembrement de l'État, ne fut-ce que pour les fins de l'application d'une loi particulière. Il est important, aux yeux des justiciables et des citoyens, que l'indépendance du Barreau par rapport à l'État soit maintenue.

Je cède la parole maintenant à Me Marie St-Pierre sur les questions que j'ai annoncées.

Mme St-Pierre (Marie): Alors, rapidement, je me permets de porter une attention particulière aux trois sujets suivants, c'est-à-dire: secret professionnel dont nous traitons aux pages 6 et 7 de notre mémoire, la procédure d'appel dont nous traitons à la page 10 et la procédure d'avis public dont nous traitons à la page 11.

En commençant par le secret professionnel, nous sommes d'avis, au Barreau du Québec, qu'il est requis d'apporter des modifications tant à la loi sur le secteur public qu'à celle sur le secteur privé pour assurer une meilleure protection au secret professionnel qui est élevé au rang de droit fondamental.

Exemple, dans le secteur public, on retrouve l'article 31 qui constitue l'un des motifs de restriction à l'accès et qui ne s'applique qu'à des avis juridiques ou à des opinions juridiques. Or, il est bien connu qu'un client qui s'adresse à un avocat est, en principe, autorisé à considérer que les documents particuliers qu'il prépare aux fins d'obtenir un avis juridique et les communications écrites qu'il achemine à son avocat à cette fin, pour autant que ce ne soit pas dans un objectif de fraude à la loi, devraient être protégés par le secret professionnel.

Or, comme la jurisprudence à la Commission se développe de façon assez évidente sur la base du principe que ce qui n'est pas mentionné dans la loi comme motif de restriction n'est pas considéré, il nous apparaît absolument essentiel, pour rappeler clairement à la Commission que le secret professionnel est un motif de restriction qui devrait pouvoir être soulevé, si vous voulez, d'extensionner ou de préciser davantage l'article 31 de façon à ce que l'ensemble des communications entre un client qui serait un organisme public dans cette hypothèse et un avocat puissent faire l'objet d'une restriction à l'accès.

Quant au secteur privé, les exemples les plus frappants auxquels on peut vous référer sont, sans doute, les exemples où un employeur, à titre d'employeur, ou un assureur exige, pour la défense de ses intérêts dans le contexte d'un litige qu'il appréhende sérieusement, mais sans avoir reçu mise en demeure ou procédure, recourir aux services d'un expert, un médecin pour obtenir un avis professionnel.

Or, vous pourrez constater, à la lecture actuelle des décisions qui émanent de la Commission, que l'accès à ce genre de rapports est à peu près toujours donné, parce que les médecins, d'une part, ne sont pas toujours au courant du fait qu'ils devraient référer le demandeur à l'accès à l'employeur ou à l'assureur selon l'article 16 et parce que l'article 39.2 qui traite des procédures judiciaires appréhendées est interprété d'une façon telle qu'il faille une menace écrite par mise en demeure ou une procédure pour que l'exception puisse être soulevée. Alors, ça nous apparaît, compte tenu du développement de la jurisprudence, un sujet sur lequel le législateur devrait immédiatement se pencher.

Deuxième élément de notre mémoire: l'appel. Alors, au niveau de l'appel, nous l'avions déjà proposé, nous sommes heureux de constater que l'étape de la requête pour permission d'appeler est une étape que l'on a retirée. En ce sens, au niveau de ce retrait, le Barreau du Québec est tout à fait satisfait. Par ailleurs, retirer la requête et donner un appel de plein droit sans autre mécanisme de protection nous apparaît insuffisant. Voici pourquoi. La législation, telle que proposée actuellement, prévoit que la décision est automatiquement suspendue dès le moment où l'appel est logé. Il y a peut-être des cas où la décision pourrait avoir quand même application, où il ne serait pas nécessaire de suspendre, ce que, d'ailleurs, prévoit le Code de procédure civile lorsqu'il y a un appel d'une décision d'un tribunal de première instance.

Nous recommandons, et je vous explique dans un instant les motifs, qu'il n'y ait pas une suspension automatique, mais que la question de suspension fasse, le cas échéant, l'objet d'une demande à la Cour du Québec: Est-il nécessaire ou non de suspendre? Et je prendrai un exemple. S'il y a une objection à la preuve qui est maintenue, à laquelle on ne peut pas remédier, il est possible qu'il y ait un droit d'appel à exercer, mais il n'est peut-être pas nécessaire que la suite de l'audition soit suspendue. La Commission pourrait, par hypothèse, continuer à entendre sous réserve de compléter, le cas échéant, en fonction de la décision que la Cour du Québec pourrait rendre.

(11 h 10)

Autre point sur cette question. La loi prévoit – et je vais très rapidement, mais ça m'apparaît très important – que l'appel est régi selon les règles du Code de procédure applicables à la Cour d'appel, donc, le cas échéant, avec mémoire et délai prévu dans le Code de procédure pour production des mémoires. S'il n'y a pas de rôle d'urgence et s'il n'y a pas d'adaptation à ce mécanisme, le Barreau craint que l'appel de plein droit suspendant les décisions automatiquement ne devienne un outil pour retarder de façon très significative l'accès aux documents. Alors, nous demandons qu'il y ait des mécanismes de nature à assurer que l'accès puisse être donné le plus rapidement possible tout en respectant les droits de ceux qui auraient à s'adresser à la Cour du Québec.

Je termine rapidement avec la procédure d'avis public. Le Barreau du Québec demande que cette procédure soit exceptionnelle et que ça ne puisse être utilisé que lorsque la preuve sera clairement faite qu'il est impossible de procéder autrement. Ça ne doit pas être une invitation pour les organismes à ne pas conserver à jour leurs données et à être négligents, le cas échéant, dans la recherche des tiers qui doivent être informés.

Nous recommandons que, le cas échéant, la permission de procéder par avis public soit accordée non pas par la Commission d'accès qui pourrait être perçue juge et partie dans une telle hypothèse, mais par la Cour du Québec et que, si avis public est utilisé, on retire, dans cette hypothèse-là, la présomption prévue à l'article 49 à l'effet que, faute de réponse par le tiers, il est censé avoir consenti. Les motifs de refus prévus à 23, 24 sont des motifs obligatoires parce que l'on estime qu'il est essentiel de protéger le droit des tiers, de sorte que, si l'on ne peut pas rapporter la preuve claire à l'effet qu'ils ont été avisés, il nous apparaît incorrect de présumer qu'ils consentent.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

Une voix: Me Du Plessis.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Trente secondes.

M. Du Plessis (Yvon): Bon. Écoutez, brièvement, l'article 55 qui sera remplacé par l'article 13 de la loi nous dit que les renseignements qui ont un caractère public en vertu de la loi ne sont pas des renseignements personnels. Par contre, on ajoute un alinéa où on permet l'accès à l'unité au rôle d'évaluation, registre ou certains fichiers. Or, le problème que ça me pose, et je vais vous donner un exemple, quand on parle du rôle d'évaluation...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je m'en excuse, mais on alloue le temps...

M. Du Plessis (Yvon): Non, non, je peux comprendre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): On a réparti le temps. À moins qu'il y ait une...

M. Mulcair: M. le Président, il peut bien prendre une couple de minutes sur notre temps et sur...

M. Boisclair: Quelques instants, parce qu'on a lu les mémoires.

M. Mulcair: Allez-y, allez-y. Prenez le temps pour finir votre point.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Pour donner la chance ensuite aux deux partis d'échanger avec vous.

M. Du Plessis (Yvon): Écoutez, si vous me permettez, encore une fois, c'est tout simplement que j'aimerais donner un exemple pratique des problèmes que pourrait soulever l'application du nouvel article 13, c'est-à-dire du nouvel article 55 de la loi.

Alors, comme on le sait, certaines municipalités locales, régionales ou communautés ont rendu accessible leur rôle d'évaluation sur le réseau Internet. Ce que l'on vise... Et, d'ailleurs, la très grande majorité des décisions de la Commission d'accès à l'information quant à l'application de l'article 55 portent sur l'accès des renseignements que l'on retrouve dans le rôle d'évaluation. Or, en vue de régler ce problème-là, c'est qu'on donne accès à la pièce.

Alors, je pense qu'il y a d'autres solutions pour régler ce problème-là. À titre d'exemple, et ça a été proposé par la Commission d'accès à l'information dans une directive aux politiques – donc, je n'ai rien inventé; je n'ai pas inventé le bouton à quatre trous – c'est qu'il serait possible de biffer, d'élaguer le nom de l'individu ainsi que la religion. Alors, ce sont des renseignements qui peuvent être très utiles non seulement à l'évaluateur agréé, ça peut également être très utile aux notaires. Ça peut être utile à beaucoup de professionnels. Alors, le fait d'avoir accès à la pièce à ces renseignements-là, je pense que ça pourrait peut-être favoriser les gens qui ont plus de moyens que les autres et tout simplement peut-être créer plus de problèmes financiers aux organismes qui sont chargés d'élaborer ce rôle-là.

Alors, en fin de compte, je pense que, en gros, ce qu'on essaie de résoudre par l'adoption de l'article 13 du projet de loi, c'est régler le problème des nouvelles technologies. Je pense qu'il existe d'autres solutions pour régler le problème des nouvelles technologies que l'application du deuxième alinéa de l'article 55 de la loi sur l'accès.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier pour votre présentation. Je comprends que vous nous parlez d'un certain nombre de choses. Je voudrais revenir dans l'ordre. J'entends votre déception. Je me sens rassuré alors que de nombreux autres organismes sont venus exprimer leur grande satisfaction. J'ai dit, d'entrée de jeu, aux membres de la commission que nous ne prétendions pas tout régler. Je pense qu'il n'y a personne dans cette Assemblée, il n'y a pas un ministre, pas un parlementaire qui, lorsque nous adoptons une loi, peut prétendre soudainement que tout est réglé. Ça serait jeter de la poudre aux yeux à l'électorat que de croire que soudainement il y a une réponse magique à des problèmes qui sont vastes et complexes.

Je comprends que vous vous exprimez d'abord sur la question du cloisonnement. Nous pensons voir qu'il y a là un nouveau régime d'échange de renseignements entre les organismes publics qui vient certainement compliquer les choses pour un gouvernement qui déciderait de ne pas suivre un avis de la Commission. Mais, sur le fond des choses, j'ai un point de vue différent du vôtre.

Vous dites, si le gouvernement décide de déroger aux lois d'accès, qu'il n'y aura pas de débat. Contrairement aux membres du Barreau, moi, je crois que le débat à l'Assemblée nationale est, sans doute, un débat qui a sa place et auquel il faut redonner ses lettres de noblesse. C'est d'abord dans nos institutions politiques, à l'Assemblée nationale, que se prennent les décisions. Et, lorsqu'on s'imagine qu'un débat à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un débat public, je me demande qu'est-ce qu'il faut de plus.

J'ai été moi-même député de l'opposition, député ministériel, et, comme député de l'opposition, combien de fois ai-je utilisé des positions et des appuis qui nous venaient d'organismes représentant des citoyens. Encore aujourd'hui, régulièrement les membres de l'opposition vont citer des appuis qu'ils obtiennent à droite et à gauche à l'appui de leurs thèses.

Donc, accordons un certain mérite aux débats parlementaires. Et j'apprécierais que les membres du Barreau reconnaissent que, à l'Assemblée nationale, les débats sont publics, ils sont importants. C'est peut-être en valorisant justement les débats à l'Assemblée nationale qu'on pourra peut-être être davantage fiers de nos institutions publiques. Mais, en bout de course, le choix appartient aux élus qui sont redevables devant la population.

Je ne voulais pas, dans mes propositions, enlever toute possibilité à une dérogation ou au fait que le gouvernement décide de prendre une décision à l'encontre d'un avis de la Commission. Mais nous allons nous assurer d'une plus grande transparence, d'où l'idée de la publication dans la Gazette officielle et de la décision qui rentre en vigueur après les délais de publication.

Donc, sur le fond, j'ai un point de vue divergent du vôtre. J'ai plutôt l'impression que c'est un bon premier pas, surtout en permettant que les clauses dérogatoires soient redébattues en commission parlementaire à l'Assemblée nationale dans le cadre de la révision quinquennale des lois d'accès et aussi dans le cadre du dépôt du rapport annuel de la Commission, qui prévoit un débat en commission parlementaire, aussi. Donc, à mon avis, les mécanismes sont là.

Vous vous inquiétez quant au possible conflit d'intérêts dans les différentes fonctions qui sont celles de la Commission, particulièrement la fonction d'adjudication et la fonction d'enquête. Cette question nous avait grandement préoccupés au moment des auditions sur le rapport quinquennal, et les membres de la commission, tant les députés d'opposition que les députés ministériels, ont à cet effet entendu deux experts, Me Louis Borgeat et Me Jules Brière, qui nous ont rassurés sur une possible apparence de partialité. Et ceux-ci nous ont bien rassurés quant au respect des dispositions et des critères retenus par la Cour suprême dans cet arrêt de la Petite Maison. On s'est bien assuré... Ils sont satisfaits des mécanismes internes et de ce qui est inclus dans la loi quant au cloisonnement des différentes fonctions, entre autres celles d'adjudication et d'enquête.

Donc, autant cette question nous a préoccupés au début, et nous avons même regardé toutes sortes de scénarios quant à l'avenir de la Commission, on a même pensé à scinder certaines fonctions de la Commission, les discussions que nous avons eues avec deux experts sur cette question nous ont tous rassurés. Je pense que nous sommes en communauté de pensées avec les députés de l'opposition sur cette question.

(11 h 20)

L'assujettissement des ordres professionnels. Vous avez entendu, je présume, les discussions, tout à l'heure. Nous sommes prêts à le regarder. Je comprends qu'il y avait, dans votre mémoire préliminaire, un message au ministre qui ne se retrouve pas dans le mémoire final. Je tiens à le rappeler peut-être pour les membres de la commission qui n'ont peut-être pas pris connaissance des deux versions. En fin de semaine, en lisant, j'avais souligné à grands traits et avec un grand point d'exclamation dans la marge, et je lis, à la page 9: «On demande, par ailleurs, à ces organismes de faire le travail du législateur et de lui proposer un régime d'accès et de protection des renseignements personnels mieux adapté à leur réalité. Cette façon de faire désinvolte de légiférer constitue une véritable abdication des responsabilités du législateur.»

Voilà le blâme que m'adressait le Barreau dans son mémoire préliminaire, qui n'est pas repris dans son mémoire final. J'ai entendu votre proposition, mais, en bout de course, ce que nous recherchons, c'est une meilleure façon de faire. Le gouvernement a mis une proposition sur la table. Nous étions prêts à discuter d'autres propositions. C'est à la suggestion même du Conseil interprofessionnel, c'est eux qui nous ont offert de regarder une proposition. Je pense qu'il est tout à fait correct que des gens puissent se saisir d'une proposition et proposer des amendements à une loi. Vous seriez les premiers à dénoncer le fait que des organismes ne puissent pas le faire. Alors, je prends note toutefois que ces commentaires ont été retirés.

Le secret professionnel – madame, vous avez fait une présentation convaincante – il faut regarder cette question-là. Alors que vous faisiez votre présentation, j'ai demandé aux gens, aux experts qui m'accompagnent. On me dit que ce nouveau courant jurisprudentiel qui apparaît à la Commission existe, est présent chez quelques commissaires depuis un certain temps. On me dit cependant qu'à l'heure actuelle nous sommes en attente d'une décision de la Cour d'appel où un appel a été logé. Je ne sais pas si ça a été plaidé. Cette décision viendra sans doute nous éclairer. Mais ce qu'on m'indique, c'est que la Charte québécoise, aussi, prévoit le secret professionnel. Et nous sommes nombreux à penser ici que la Charte devrait prévaloir sur les lois d'accès. Mais, en tout état de cause, cette question-là doit être regardée attentivement, et je vous remercie d'attirer mon attention sur cette question.

Alors, voilà les quelques commentaires que j'avais à formuler. Sur le secret professionnel, j'ai bien compris que la Commission... Me St-Pierre pourrait peut-être m'éclairer, mais ce que j'ai bien compris, c'est que ce que la Commission a décidé, c'est que le secret professionnel s'applique aux professionnels, mais pas nécessairement à l'organisme.

Mme St-Pierre (Marie): Bien, elle a décidé qu'il appartenait au client et pas nécessairement à l'organisme, ou pas à l'employeur, ou à l'assureur, le cas échéant, dans le secteur privé, qui sollicite l'avis du professionnel, mais à l'égard de l'état de santé de son assuré, ou de son employé, ou de son salarié. Alors, elle a fait ces distinctions qui sont relativement récentes, parce que je vous dirais que la difficulté qu'on soulève maintenant n'existait pas de la même façon il y a un certain nombre d'années. Mais, si on regarde la jurisprudence, je dirais, des deux dernières années, peut-être même depuis le début de la présente année, on a presque la crainte de constater éventuellement que l'article 9 de la Charte n'est pas un motif de restriction dans le domaine de l'accès puisqu'il n'est pas inscrit dans les lois elles-mêmes.

Alors, c'est cette crainte que l'on manifestait et qu'il nous apparaît, là, essentiel de regarder pour s'assurer que ça ne se concrétise pas définitivement.

M. Boisclair: Je vais regarder ça attentivement, de la même façon que la question de l'appel. Je comprends que vous vous réjouissez du fait qu'on a enlevé cette étape de la permission d'en appeler, mais vous souhaiteriez qu'on puisse maintenir un appel et permettre à la cour de statuer sur la suspension de la décision ou pas. Il faudra regarder ces questions. Toutefois, quant aux procédures que vous estimez lourdes et votre interprétation du Code de procédure civile, où vous nous indiquez qu'il faut un mémoire, et ainsi de suite, ce qu'on me dit, c'est que ce n'est pas nécessaire de présenter de mémoire.

Alors, ces questions devront être regardées attentivement. Nous nous engageons à le faire. Je vous inviterais peut-être à commenter mes propos aussi sur votre introduction et les commentaires que j'y ai apportés, si cela vous agrée, sinon je vous remercie pour votre présentation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc): Oui. Effectivement, concernant le débat public entourant les dérogations, c'est vrai que l'Assemblée nationale est le lieu tout indiqué pour ces débats. Ce qui nous inquiète, par contre, c'est qu'en fin de session parlementaire on sait tous comment les choses fonctionnent. Avec les mécanismes de bâillon et autres choses, les débats n'ont pas toujours lieu avec toute l'importance qu'on devrait y accorder. Alors, c'est pour ça qu'on tenait vraiment à ce qu'il y ait un véritable débat public entourant les questions de dérogation à la loi sur l'accès.

M. Boisclair: Je dois vous dire, quand vous parlez du véritable débat, c'est là où je ne vous suis pas. Et je terminerais tout simplement en vous disant: Faites confiance aux députés de l'opposition, quels qu'ils soient, ou des péquistes ou des libéraux. Je n'ai pas vu grand débats de fond qui ne se sont pas faits, même avec un bâillon. Je n'ai pas vu, alors qu'il aurait dû se faire des débats... Si les débats ne se font pas dans le parlement puisque le gouvernement décide d'imposer un bâillon pour une raison ou une autre, combien de fois ai-je vu des débats se faire à l'extérieur du parlement et dans les médias. C'est une illusion de croire que, parce qu'un gouvernement impose un bâillon, le débat ne se fera pas. Moi, je compte sur la compétence des députés, sur leur expertise et sur leur engagement pour faire en sorte que les véritables débats se fassent.

M. Sauvé (Marc): Ce qui nous a frappés aussi concernant l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès, c'est qu'il y a un article dans le projet de loi, l'article 1, puis on ne prévoit pas d'aménagement qui tienne compte de craintes et d'inquiétudes réelles. Et on dit aux ordres professionnels: Rédigez un projet de loi, faites la job du législateur, venez nous voir par la suite puis on verra ce qu'on peut faire. Il me semble que, là, il y a un input des services publics qui aurait dû s'appliquer et qui ne s'est pas appliqué.

Les ordres professionnels ont été contraints, et ce n'est pas dans la grande joie, à rédiger eux-mêmes le projet de loi. Il me semble que le ministre responsable des ordres professionnels ainsi que le ministre responsable de la loi sur l'accès auraient pu patiner un peu plus sur cette patinoire-là puis aller un peu plus loin que l'article 1. C'est cette façon de faire qui me semblait un petit peu particulière, parce que, là, dans ce contexte-là, c'est l'ensemble du système professionnel, c'est l'ensemble des professionnels qui paient aussi des taxes pour que les lois soient rédigées par ceux qui sont payés pour le faire, qui paient aussi les ordres professionnels pour qu'ils rédigent les projets de loi. Ça me semblait un petit peu particulier compte tenu aussi de l'été, et tout ça, des délais très courts. Alors, c'est ça qui m'avait frappé.

M. Boisclair: C'est sûr que la solution simple, ça aurait été de dire non à la proposition du Conseil d'eux-mêmes nous proposer un amendement. On n'aurait pas eu ce débat-là, sauf que, soucieux d'essayer de donner un coup de pouce, et eux autres m'ont offert de mettre une proposition sur la table, je ne l'ai pas refusée. Je comprends que vos propos s'adressent au Conseil davantage qu'au ministre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à notre tour, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Barreau, Me Sauvé, Me Du Plessis, Me St-Pierre. On tient à vous remercier pour tout le travail que vous avez fait en analysant le projet de loi.

J'aimerais juste y aller de quelques questions spécifiques. Je commencerait avec Me Du Plessis. Vous avez mentionné – et je sais que le temps était un peu télescopé pour vous, mais j'aimerais justement vous donner l'occasion de revenir là-dessus – notamment lors de votre intervention, si j'ai bien compris, que des informations sur un rôle d'évaluation, entre autres le nom d'une personne ainsi que sa religion, pourraient être d'un intérêt pour un professionnel. Est-ce que vous pouvez nous dire en...

M. Du Plessis (Yvon): Non, pas du tout, plutôt l'inverse. C'est-à-dire que l'on devrait éliminer ces renseignements-là et donner la possibilité aux gens de consulter le rôle d'évaluation, à titre d'exemples, au moyen de l'adresse civique, au moyen du numéro de lot cadastral. Alors, il y aurait toujours possibilité, même en l'absence du nom et de la région – évidemment qui n'a absolument rien à voir, peut-être pour des fins scolaires, dans le temps à tout le moins...

M. Mulcair: Dans le temps, oui, comme vous dites.

M. Du Plessis (Yvon): ...c'est ça, exactement – de consulter cette information-là par d'autres moyens que le nom de l'individu. Évidemment, si on a le nom de l'individu, ça permet d'établir le portefeuille financier, le portefeuille immobilier d'un individu. Alors, c'est pour éviter évidemment la commercialisation des données que l'on a adopté cette disposition-là.

Mais pourquoi essayer de tuer une mouche avec un «sledgehammer» alors qu'il y a moyen de régler le problème autrement, ce qui aurait pour effet de faire sauver de l'argent aux municipalités qui en ont drôlement besoin ces temps-ci, ce qui aurait également pour effet de donner accès à ces renseignements-là aux gens qui en ont réellement besoin? Alors, on ferait d'une pierre deux coups. C'est tout ce que je veux dire là-dessus.

(11 h 30)

Évidemment, ce qui serait préférable de faire, dans l'ensemble, et ça prend du temps, j'en conviens, c'est d'établir des règles en ce qui concerne les nouvelles technologies. Alors, non seulement ça prend du temps, mais c'est peut-être aussi un problème de compétence juridictionnelle. Est-ce que ça appartient au fédéral, au provincial, etc.? Mais il faudrait s'attaquer de front à ce problème-là et non pas essayer de résoudre ce problème-là à la pièce ou par une disposition telle que le deuxième alinéa de l'article 55. C'est mon opinion là-dessus, c'est-à-dire notre opinion, là, en tant que comité qui s'est...

Encore une fois, il ne faut pas minimiser le problème, mais je pense qu'on crée plus de problèmes avec l'adoption du deuxième alinéa que l'on essaie d'en résoudre ou que l'effet sera d'en résoudre. Un renseignement, il est public ou il ne l'est pas, alors faisons-nous une idée. Il est public, et c'est la Cour du Québec, encore une fois, qui l'a dit, le juge Barbe: Le renseignement, il ne peut pas être les deux à la fois; il est soit public, soit privé. Alors, il y a des moyens de régler ou de solutionner les problèmes que soulève... Je pense qu'on a beau mentionner le registre, les autres fichiers, mais que ça vise principalement – et d'ailleurs c'est le problème qui s'est soulevé devant la Commission d'accès à l'information – le rôle d'évaluation.

M. Mulcair: Oui, et on vous suit là-dessus. En conversation avec mes collègues justement hier, notamment – et d'autres mémoires l'ont soulevé – on a tendance à être d'accord que vous soulevez un bon point particulièrement à cet égard-là.

Mon collègue le député de Jacques-Cartier avait quelques questions, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, juste sur ça parce que je trouve que c'est intéressant. Dans notre municipalité, au moment de la publication d'un nouveau rôle d'évaluation, on met sur une table, dans la bibliothèque municipale, le rôle. Alors, tout le monde a le droit de le consulter. Mais l'économie même de notre rôle pour assurer une équité entre les contribuables... Moi, je veux voir chez moi, ma maison. Je dois payer 3 000 $ ou je ne sais pas trop à la municipalité, mais je veux m'assurer que mon voisin, M. Mulcair, paie plus ou moins la même chose parce qu'il a une maison... pour assurer une certaine équité entre les contribuables dans la municipalité. Mais, si on a limité de demander ça à l'unité, jusqu'au niveau pratico-pratique, ça va impliquer, pour la municipalité, quoi, une greffière ou quelqu'un, une secrétaire qui va prendre les demandes pour soit un lot ou une adresse civique, et après ça je vais comparer ça avec le 132 de la rue Principale, puis après ça le 134 de la rue Principale. Je vois que c'est laborieux.

Comme vous avez dit, si un renseignement est public, c'est comme être enceinte: on ne peut pas le qualifier, on l'est ou on ne l'est pas. Et, pour moi, c'est juste pour le monde avec un intérêt commercial. Si c'est toujours rentable, ils vont faire le travail, ils vont prendre les quartiers peut-être les plus aisés, commencer là pour avoir les listes, ils vont faire le travail parce qu'il demeure public mais laborieux. Et, au-delà de ça, je ne vois pas... Soit on dit: On ne peut pas avoir accès à ça, ou: On peut avoir accès. Et toutes les choses qui sont dans l'article 13, je pense, vont être très difficiles à mettre en vigueur. Est-ce que je me trompe?

M. Du Plessis (Yvon): Non, je suis tout à fait d'accord avec vous, d'autant plus que vous parliez que le rôle est disponible à la bibliothèque municipale. Si on prend la Communauté urbaine de l'Outaouais, le rôle est disponible sur Internet. Alors, malgré qu'au départ il y ait eu des failles, en ce sens qu'on rendait accessible l'information telle qu'un chèque qui n'a pas été honoré par la banque – l'information paraissait sur Internet – bon, écoutez, c'était un début. Évidemment, on a corrigé la situation.

Quant au deuxième point, si on forme une association d'une centaine de personnes, il est facile d'envoyer ces gens-là, une centaine de personnes par jour, cinq jours par semaine, alors que les bureaux de la municipalité, de l'Hôtel de Ville sont ouverts, et d'obtenir... Ça fait 100 personnes, cinq jours, ça fait 500 unités d'évaluation que l'on peut obtenir. Alors, est-ce qu'on donne plus de moyens aux gens qui ont de l'argent ou aux gens qui savent s'associer et qu'on défavorise les gens qui ont moins de moyens? Le résultat est le même. C'est que, si je suis patient, je pourrai obtenir le rôle dans son ensemble. Il suffit d'avoir un peu de logistique, si vous me permettez l'expression, pour pouvoir obtenir l'information. On ne règle pas le problème. C'est un baume que l'on met sur une plaie et c'est tout.

Écoutez, je pense que M. Parent connaît très bien la loi sur l'accès ainsi que les dispositions dérogatoires. Il n'y en a quand même pas une multitude, de dispositions dérogatoires. D'ailleurs, je pense, j'ai un chapitre, ici, qui s'appelle Dispositions dérogatoires. Je n'ai pas la prétention que ce soit exhaustif, mais, en tout cas, j'ai essayé de tout y incorporer. Il y a deux lois, à titre d'exemple, la Loi sur l'organisation territoriale municipale et la loi sur les élections municipales dans certaines municipalités à l'article 659 – dans l'autre cas, je pense que c'est à l'article 213 – où on dit que les renseignements qui ont été fournis en vertu de ces deux lois-là ne sont pas nominatifs. Alors, encore une fois, faisons-nous une idée. La Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités ne date quand même pas de 50 ans ni la Loi sur l'organisation territoriale municipale. Alors, encore une fois, c'est public ou ça ne l'est pas.

Je suis tout à fait d'accord avec votre intervention et je ne dis pas que ce qui a été fait, ça a été fait de mauvaise foi. On a tenté de régler un problème et, à mon avis, ou à notre avis, on s'y est pris de la mauvaise façon. Je comprends la bonne foi, je comprends que... En fin de compte, ce qu'on cherchait à faire, avant, c'était d'éviter la commercialisation des données. Et, pour savoir si les gens avaient l'intention de commercialiser des données, il fallait aller déterminer leur intention. La jurisprudence était complètement à l'inverse.

Quand on a décidé d'appliquer l'article 126, alinéa deux de la loi... Là, il faut aller chercher l'intention, la mens rea de l'individu, et, si on en arrive à la conclusion qu'il a l'intention de commercialiser les données, on ne donne pas accès. Même la Régie du bâtiment n'a pas pu avoir accès alors que le juge Barbe a été assez clair. Ça aurait eu pour effet de sauver de l'argent, d'autant plus qu'il s'agit de deux organismes.

M. Boisclair: On fait un véritable débat, là, hein? Ha, ha, ha!

M. Du Plessis (Yvon): Ce n'est pas tout à fait un débat, mais je pense que c'est quand même un point suffisamment important. Ça a toujours été public, d'ailleurs. La Loi sur les cités et villes, ça date de 1903, le Code municipal date de 1916, on peut remonter à 1871, ça a toujours été public. Alors, en 1998, là, tout d'un coup ça pose un problème majeur? Je pense que, quand même, l'article 171, paragraphe 1° de la loi sur l'accès, qui vient nous dire que les dispositions autres que celles prévues dans la loi sur l'accès et qui sont plus généreuses priment sous réserve de la protection des renseignements personnels... Et, à ce que je sache, il n'existe aucune disposition dans la Loi sur la fiscalité municipale, dans la Loi sur les cités et villes ou dans le Code municipal qui vient nous dire que les renseignements contenus dans le rôle d'évaluation sont publics. On dit tout simplement que le rôle est déposé et qu'il peut être consulté par les individus.

Alors, je pense que la Commission devrait en arriver à la conclusion que, oui, le rôle d'évaluation est accessible, en autant que l'on biffe ou qu'on élague le nom et la religion; de toute façon, ça devrait disparaître ad vitam aeternam, la religion, ça n'a plus rien à voir, maintenant. Mais, à tout le moins, biffer le nom de l'individu. On n'a pas besoin d'une disposition législative pour solutionner ce problème-là, on n'a qu'à appliquer la loi.

M. Kelley: Sur une autre...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En vous rappelant qu'il reste trois minutes.

M. Kelley: O.K. Juste très rapidement. À la page 9 de votre mémoire, on parle que, si les ordres professionnels étaient soumis à l'accès à l'information, les salaires de tous les membres des ordres professionnels seraient des renseignements à caractère public et seraient accessibles au grand public, selon la loi. Pouvez-vous m'expliquer ça davantage? Parce que je suis peu familier. Comment ça peut arriver que les salaires de tous les avocats, de tous les médecins, de tous les...

M. Sauvé (Marc): C'est que, à partir du moment où on dit qu'un ordre professionnel est un organisme public au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics – c'est l'article 57 – ...

M. Du Plessis (Yvon): L'article 57, paragraphe 1° pour les dirigeants et 57, paragraphe 2° pour les employés.

M. Sauvé (Marc): ...où on dit que les renseignements suivants ont un caractère public: le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement d'un membre d'un organisme public, alors, si un ordre professionnel est un organisme public, un membre d'un organisme public, un membre du Barreau, un membre d'une corporation professionnelle verrait son traitement attribuer un caractère public. Alors, c'est un exemple un peu, je dirais, d'improvisation. On n'a pas examiné les impacts que ça pouvait avoir, on a seulement dit: Bien, voilà l'article 1 et puis débrouillez-vous avec ça. Si on ne voit pas au grain, quelles vont être les conséquences, demain matin?

(11 h 40)

M. Mulcair: M. le Président, juste en terminant, je me permettrais de soulever avec les représentants du Barreau, et notamment avec Me Sauvé qui va sans doute pouvoir, avec les ressources de recherche internes, vérifier ce que je vais lui dire là: C'est un autre dossier qui est tout à fait analogue à ce dont on vient de parler pour le rôle municipal. C'est l'accès, dans le plumitif de la cour, aux informations concernant une personne qui a été acquittée. C'est un problème qui a déjà été soulevé auprès de nous, on l'a soulevé dans les journaux, ça a été débattu et il y avait notamment des représentants du monde journalistique qui s'opposaient à ce qu'on porte une restriction à leur accès à cette information-là, ce qui a amené le ministre de la Justice à proposer une solution qui ressemble vraiment à celle-ci, dans la mesure où le problème demeure entier. Il a dit que, dorénavant, il va y avoir un accès restreint à l'information concernant les acquittements, mais que notamment les journalistes pourront continuer à avoir accès à cette information-là.

Le paradoxe là-dedans, bien entendu, c'est le fait qu'après cinq ans une personne qui a été condamnée peut demander un pardon et que, à ce moment-là, toute référence est effacée ad vitam aeternam – personne n'y a accès – alors que la personne qui a été acquittée, hein... On n'est pas trouvé non coupable, on est présumé non coupable dans notre société. Donc, s'il n'y a jamais eu de preuve hors d'un doute raisonnable sur chaque élément d'une infraction, tu n'es pas coupable puis personne n'a besoin de savoir ça.

Puis on a vu des cas, vraiment, de clients un peu spéciaux qui avaient porté des plaintes contre des professionnels, notamment un comptable, je me souviens. Il est venu nous voir. Il a dit: Écoute, ce gars-là n'arrête pas de porter des plaintes au criminel, ça n'arrête pas d'être rejeté par la cour, mais maintenant je ne suis pas capable d'être employé par qui que ce soit parce que, à chaque fois qu'ils interrogent le plumitif ou qu'ils font un «search» avant de m'employer, ça montre que j'ai un tas de plaintes pour fraude, toujours portées par le même gars, toujours rejetées par les tribunaux. Alors, il me semble que c'est un élément...

Je n'ai jamais entendu le Barreau se prononcer là-dessus. Peut-être que je me trompe, Me Sauvé, mais peut-être qu'il serait possible que le Barreau regarde la problématique, les débats qui ont eu lieu ici et la solution qui a été proposée par voie de communiqué de presse par le ministre de la Justice le printemps dernier, si ma mémoire est bonne.

M. Sauvé (Marc): Je me souviens que ça avait fait...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Un court commentaire de 30 secondes. Peut-être que ça pourrait prendre un peu plus de temps que ça, mais il reste environ 30 secondes.

M. Sauvé (Marc): Écoutez, on va regarder ça. Je me souviens que ça avait fait du bruit au Barreau et puis je pourrai vous communiquer le résultat des recherches que je vais faire.

M. Mulcair: Excellent. Merci beaucoup, Me Sauvé.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment. Merci de votre contribution à nos travaux. Si vous me le permettez, nous allons suspendre deux minutes pour permettre au président d'aller...

Une voix: Une pause santé.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Une petite pause. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux. Nous en sommes maintenant à l'Office des personnes...

Une voix: À la Commission des droits.

Le Président (M. Garon): ...ah non, je m'excuse, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Alors, nous avons 45 minutes ensemble, dont 15 minutes pour l'exposé de votre mémoire, Me Filion, 15 minutes pour le parti ministériel, 15 minutes pour l'opposition. Si vous voulez vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, M. le porte-parole de l'opposition officielle, MM. les députés. À ma gauche, m'accompagne le directeur par intérim de la recherche à la Commission, Me Pierre Bosset.

Comme vous le savez, en vertu de l'article 71 de la Charte des droits et libertés de la personne, notre Commission doit assurer la promotion et le respect des principes de la Charte par toute mesure appropriée, y compris l'examen de textes législatifs. Parmi les principes de la Charte figurent le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 5, et le droit à l'information, reconnu par l'article 44. Sur la base de ces principes, la Commission présente aux membres de la commission de la culture de l'Assemblée nationale ses commentaires sur le projet de loi n° 451. Ces commentaires font suite à ceux que nous présentions l'an dernier, à l'occasion de l'examen du rapport quinquennal sur la mise en oeuvre des deux lois pertinentes, et aux interventions passées de la Commission dans ce même secteur.

D'entrée de jeu, la Commission souligne sa satisfaction face à l'orientation générale du projet de loi. Les modifications législatives qui y sont proposées sont, dans l'ensemble, de nature à favoriser la mise en oeuvre du droit au respect de la vie privée et du droit à l'information dans le contexte actuel, marqué par l'évolution des technologies et des pratiques administratives de l'État. Il y a lieu de saluer, à cet égard, l'important travail de réflexion accompli par la commission de la culture dont le rapport unanime, rendu public à la suite des consultations publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, a visiblement influencé les auteurs du projet de loi.

Dans le présent mémoire, la Commission désire revenir sur quatre aspects sur lesquels elle a déjà formulé des observations: d'abord, l'assujettissement aux lois, en particulier, des ordres professionnels; deuxièmement, les délais de rétention ou de confidentialité; troisièmement, l'exercice, par les personnes handicapées, des droits qui leur sont reconnus; et enfin, la protection des renseignements personnels. Cependant, et j'insiste, la Commission désire également formuler d'importantes remarques en regard d'une responsabilité qui est également importante, celle de la défense et de la promotion des droits en jeu dans ces deux lois.

D'abord, en ce qui concerne l'assujettissement aux lois, dans le mémoire que nous présentions à la commission de la culture dans le cadre de l'étude du dernier rapport quinquennal, la Commission soulevait la question de l'assujettissement aux lois pertinentes – on parle bien sûr de la loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé – de certains organismes. De manière générale, nous déplorions que l'interprétation judiciaire des dispositions décrivant le champ d'application de ces lois n'ait pas toujours revêtu le caractère large et libéral qui sied à un texte quasi constitutionnel. En conséquence, un nombre croissant d'organismes échappe à l'application des lois que le Québec s'est données pour mettre en oeuvre le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information.

Pour pallier à ce problème, le projet de loi met de l'avant un certain nombre de mesures. L'une d'elles consiste à assujettir les ordres professionnels à la loi sur l'accès. La Commission appuie cette mesure qui marque un net progrès par rapport à la situation actuelle où les citoyens doivent se fonder sur les dispositions du Code civil pour faire valoir leurs droits.

(11 h 50)

L'assujettissement à la loi sur l'accès permettra désormais aux personnes fichées par un ordre professionnel, qu'il s'agisse de professionnels, d'employés de l'ordre ou de toute autre personne, d'avoir accès à un recours simple et peu coûteux devant la Commission d'accès à l'information pour la mise en oeuvre de leurs droits. Cette mesure rendra aussi applicables aux ordres professionnels les règles d'accès aux documents publics, mesure qui va dans le sens du droit à l'information consacré, comme je le disais tantôt, à l'article 44 de la Charte québécoise des droits et libertés.

De même, la Commission appuie le resserrement de la définition de l'expression «organismes municipaux» proposée par le projet de loi. L'expérience des dernières années montrait bien la nécessité d'une clarification du domaine d'application de la loi sur l'accès à cet égard. En revanche, la Commission relève l'absence d'une disposition visant à régler le problème que pose le renvoi, par la loi sur le secteur privé, au mot «entreprise» tel que défini dans le Code civil du Québec. La notion de «secteur privé», réduite à sa plus simple expression, devrait inclure tout ce qui n'est pas couvert par la loi sur l'accès. En ce sens, la loi sur le secteur privé pourrait prévoir que celle-ci s'applique aux activités non visées par la loi sur l'accès, sous réserve évidemment d'exceptions possibles.

En ce qui concerne les points 2, 3 et 4, je vais laisser la parole à Me Bosset.

M. Bosset (Pierre): D'abord, en ce qui a trait aux délais de rétention ou de confidentialité, la Commission, l'année dernière, devant vous, faisait des commentaires sur cette question. Nos commentaires étaient basés sur ce constat que l'accès aux documents des organismes publics est essentiel non seulement à la formation d'une opinion publique éclairée, mais même à l'exercice de la liberté d'expression. L'an dernier, donc, la Commission recommandait la réduction des délais de rétention prévus à l'égard de certains documents publics, de même que la limitation de la période de confidentialité qui est accordée à certains décrets ou décisions du Conseil exécutif. Sur ce dernier point, nous notons avec satisfaction l'imposition d'une limite de temps – 25 ans – à la confidentialité des décrets et des décisions concernés. Cette limite corrigera l'anomalie de la situation actuelle où l'absence de limite temporelle à la confidentialité équivaut, dans les faits, à soustraire ces décrets et ces décisions au regard de l'histoire.

Sur le premier point, la Commission constate toutefois que les délais de rétention actuels sont maintenus. Nous notons que d'autres juridictions ont maintenant des délais plus courts et nous réitérons que nous sommes favorables à une réduction de ces délais, une mesure qui irait bien sûr dans le sens du droit à l'information reconnu par la Charte.

Quant à l'exercice des droits par les personnes handicapées, l'année dernière, lors de la consultation publique tenue par la commission de la culture, nous avons attiré votre attention sur les obstacles que peuvent rencontrer les personnes qui sont atteintes d'une déficience – notamment sensorielle, motrice ou intellectuelle – dans l'exercice des droits d'accès et de rectification qui leur sont reconnus par la loi. Du point de vue de la Charte, nous soulignions alors que ces obstacles peuvent constituer des facteurs de discrimination indirecte, au sens où les tribunaux reconnaissent cette notion. Nous invitions donc le législateur à inscrire dans les deux lois pertinentes des modalités d'exercice du droit d'accès et du droit de rectification qui soient adaptées aux besoins des personnes handicapées. Par conséquent, la commission ne peut que se réjouir de l'inscription de dispositions spécifiques dans la loi sur l'accès.

Selon nous, la mise en place d'un cadre réglementaire dans cette matière va forcer les organismes publics, dorénavant, à mieux reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées et, en conséquence, à adapter leurs modalités d'accès et de rectification. Toutefois, nous notons que ces modifications sont les seules dont l'entrée en vigueur va dépendre de la volonté du gouvernement. Nous souhaitons donc la mise en place rapide du cadre réglementaire qui est annoncé et, si nécessaire, nous entendons rappeler le gouvernement à ses engagements.

Par ailleurs, conformément au mandat qui nous a été confié, nous nous réservons la possibilité d'analyser cette réglementation à venir en fonction des principes de la Charte et de faire, le cas échéant, les recommandations appropriées. Nous constatons aussi l'absence de toute disposition visant le secteur privé. Peut-être, effectivement, qu'il ne convient pas d'imposer des contraintes uniformes en cette matière à toutes les entreprises, compte tenu des disparités qui existent entre elles et entre les divers secteurs d'activité économique. En tout cas, nous supposons que c'est pour cette raison que le gouvernement préfère s'abstenir de légiférer.

Cependant, selon nous, la forme réglementaire laisse assez de latitude pour tenir compte de cette diversité des situations, et, pour cette raison, nous voyons mal pourquoi le secteur privé échapperait par principe à tout cadre normatif. Donc, nous continuons à souhaiter la mise en place de modalités, qui seraient susceptibles d'être précisées par règlement, pouvant faciliter l'exercice, par les personnes handicapées, des droits qui leur sont reconnus par la loi sur le secteur privé.

En matière de protection des renseignements personnels, maintenant, l'année dernière, l'un des éléments que nous abordions devant vous était la diffusion à grande échelle de renseignements ayant un caractère public. On sait qu'il est maintenant possible de diffuser des renseignements de ce type en vrac et à l'échelle de la planète. Ces pratiques ont pour effet de porter des renseignements personnels recueillis par l'État à une fin bien précise à l'attention d'un public indéfini dont les fins ne coïncident pas nécessairement avec les siennes. Le risque d'un détournement de finalité, bien sûr, est ici présent. Nous accueillons donc avec faveur la solution mise de l'avant dans le projet de loi, soit l'interdiction de permettre l'accès à ces renseignements autrement qu'à l'unité, interdiction à laquelle vient s'ajouter celle de communiquer un fichier contenant de tels renseignements, sauf si c'est nécessaire à l'application d'une loi. Cette double interdiction est de nature à freiner l'usage de fichiers de renseignements personnels de caractère public à des fins de prospection commerciale, par exemple, et elle nous semble aussi difficilement compatible avec la commercialisation des banques de données publiques.

Au chapitre des échanges de renseignements personnels entre organismes publics, sujet sur lequel nous sommes fréquemment intervenus dans le passé, le projet de loi s'inscrit dans la perspective de votre commission dont le rapport unanime recommande un resserrement des normes applicables dans le sens d'une plus grande protection de la vie privée. Notamment, le projet de loi propose de préciser la forme et la qualité du consentement d'une personne à la communication ou à l'usage d'un renseignement personnel qui la concerne, d'interdire d'utiliser un renseignement pour une fin non pertinente à celle pour laquelle on l'a recueilli et d'informer la Commission d'accès dans le cas d'une communication de renseignements personnels nécessaire à l'application d'une loi. Le projet de loi, également, précise le contenu d'une entente relative à la communication de renseignements personnels entre organismes publics, de même que les éléments que la Commission d'accès pourra considérer pour approuver ou non une entente. Enfin, le projet de loi prévoit la publication obligatoire dans la Gazette officielle , comme préalable à toute approbation gouvernementale, des ententes et demandes d'autorisation de couplage de fichiers sur lesquels la Commission d'accès a donné un avis défavorable.

Nous exprimons notre appui à ces modifications qui répondent pour le moment aux deux préoccupations qui sont les nôtres, à savoir la nécessité de rétablir un contrôle institutionnel a priori significatif sur les échanges de renseignements personnels entre organismes publics et, deuxièmement, le besoin de permettre une évaluation sociale de l'impact et de la nécessité de ces échanges. Nous tenons toutefois à signaler que ces modifications ne dispensent en rien les organismes publics de l'obligation de s'interroger sur la nécessité objective de leurs projets d'échange. Quel que soit l'encadrement législatif applicable, le recours au décloisonnement de l'administration publique doit demeurer une mesure d'exception, et le respect de la confidentialité des renseignements personnels, le réflexe de tout organisme public.

M. Filion (Claude): En terminant, je voudrais attirer votre attention sur un point qui nous apparaît important, à savoir la défense et la promotion des droits en jeu. Lorsque la commission de la culture a remis son rapport, la commission soulignait que ce dernier organisme, la Commission d'accès à l'information, de par la loi, n'avait pas le mandat de faire la promotion ou de se porter à la défense des droits sous-jacents aux lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, son rôle, bien sûr, à la Commission d'accès à l'information, en étant un d'adjudication, de surveillance et de contrôle.

La commission de la culture soulevait ainsi une question importante: À qui revient-il d'assumer la défense et la promotion des droits en jeu, notamment le droit au respect de la vie privée, lequel, en vertu de la Charte québécoise, jouit d'une prépondérance de principe par rapport à l'ensemble de la législation? La commission de la culture concluait ainsi – je cite le rapport de la commission de la culture: «Un vacuum existe au sein de nos institutions administratives relativement à la responsabilité qui devrait être assumée à cet égard.» Et la commission de la culture recommandait que ce mandat soit attribué formellement à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

(12 heures)

De l'avis de notre Commission, le problème identifié par la commission de la culture est tout à fait réel. La défense et la promotion du droit au respect de la vie privée, en particulier, est une fonction stratégique dont l'importance est appelée à croître avec l'évolution des technologies de l'information et de la communication et à croître également compte tenu des pratiques administratives de l'État. Pour être véritablement efficaces, cette défense et cette promotion supposent un recul institutionnel par rapport aux enjeux du débat ainsi que des ressources humaines et techniques suffisantes pour en saisir adéquatement les tenants et les aboutissants.

Dans l'état actuel de l'administration publique québécoise, il faut bien convenir qu'aucune institution ne réunit en elle-même ces deux éléments. La commission de la culture s'étant déjà montrée sensible à cette problématique, nous nous permettons, en conclusion, de signaler que nous partageons la préoccupation de la commission de la culture et qu'une réflexion mérite d'être poursuivie à ce sujet sur la base de la prépondérance dont jouissent les principes de la Charte par rapport à la législation. Et cette réflexion devra effectivement mener sur des modifications concrètes pour permettre à un organisme de faire la défense et la promotion de ces droits. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: Sur ce dernier point, M. le Président. La Commission a eu le mandat de le faire?

M. Filion (Claude): Vous me posez la question, j'y répond. Vous savez, la Charte québécoise des droits et libertés, elle contient un énoncé de la totalité des droits fondamentaux, elle contient l'énoncé des droits judiciaires, l'énoncé des droits économiques et sociaux, et ce n'est pas la Commission pour autant qui fait la promotion du Code civil, qui expose concrètement, qui met en oeuvre le principe de la libre disposition des biens, non plus que c'est la Commission qui fait la défense et la promotion de la totalité des principes qu'on retrouve dans la Charte au niveau de leur mise en oeuvre concrète.

Alors, si nous devions, M. le ministre, avoir comme responsabilité d'établir et de faire la défense et la promotion de la totalité des principes qui découlent de ce qu'on retrouve dans la Charte, il faudrait qu'on réunisse la moitié des effectifs en communication du ministère. Alors, en deux mots, nous n'avons pas les ressources humaines, techniques, pour faire le travail et nous n'avons pas l'expertise non plus pour le faire actuellement.

M. Boisclair: Est-ce que vous êtes en train de me dire que le décret que nous avons tous les deux signé pour le Conseil du trésor, qui sera bientôt débattu, où tous les deux convenons des ressources qu'il faudrait ajouter à la Commission pour un montant de l'ordre de 1 000 000 $ n'est pas suffisant?

M. Filion (Claude): Bien, écoutez...

M. Boisclair: Qu'il faudrait aller au-delà du décret qu'on a signé et qui sera bientôt débattu au Conseil du trésor, puisque j'indique aux membres de la commission que des discussions avec le président m'amènent effectivement à conclure qu'il faut augmenter les crédits et les effectifs de la Commission des droits de la personne?

Le président sait aussi ma sensibilité, alors je me demande, donc, si la Commission a les moyens d'aller faire la promotion des droits et de faire valoir l'expertise du Québec à l'étranger comme elle le fait bien, et nous nous en réjouissons. Je comprends que la Commission, de façon plus générale, par exemple en matière d'éducation, se promène dans les écoles et fait une formation qui est des plus pertinente, s'intéresse et fait de la promotion des droits au sens large.

Mon point de vue, à la lecture de la Charte, c'est que la Commission peut très bien faire cette présentation et cette promotion de façon générale de l'ensemble des principes contenus à la Charte, incluant le droit à la vie privée.

M. Filion (Claude): D'abord, une réserve au départ: Advenant le cas où la Commission des droits aille dans cette direction-là, il faut concevoir qu'il peut y avoir incompatibilité entre des principes contenus à la Charte et certains principes tels que mis en oeuvre dans les deux lois, la loi sur l'accès puis la loi sur le secteur privé, auxquels cas il est bien évident que la prépondérance – c'est ce qu'on dit dans le mémoire – de la Charte doit prévaloir.

Cette distinction-là étant faite, je voudrais simplement resignaler, avant – je pense – de laisser la parole à Me Bosset sur ce sujet-là, qu'à cause de l'évolution des technologies, à cause du développement des pratiques administratives de l'État, aujourd'hui la mise en oeuvre des principes et leur défense et leur promotion demandent une expertise et des ressources. On ne peut plus faire ça, passez-moi l'expression, du revers de la main.

J'ai eu l'occasion d'échanger avec la Commission d'accès à l'information qui, elle, comme vous le savez, exerce un certain rôle- conseil au niveau des demandes qu'elle reçoit et exerce un certain rôle au niveau de leur rayonnement extérieur, pour voir ce qu'ils faisaient effectivement. Je dois vous dire que la Commission actuellement, pour répondre directement à votre question, n'a pas les ressources humaines, techniques et financières pour faire le travail.

M. Boisclair: Mais nous avons quand même convenu qu'il sera opportun d'augmenter les crédits de la Commission. Tous les deux, nous nous sommes entendu sur une proposition pour ajouter des ressources. Je pensais que nous avions là, en tout cas, un bon pas de fait pour satisfaire la Commission. Si ce n'est pas le cas, il faut revoir le décret, le retirer puis le renégocier. On pourra le faire.

M. Filion (Claude): Si vous voulez qu'on parle du décret ensemble, on peut le faire, M. le ministre, mais je vous rappellerai le contenu du décret qui met l'accent sur la présence régionale de la Commission, qui est fortement, actuellement, affectée, comme vous le savez fort bien, premièrement; deuxièmement, nos travaux en matière de droit de la jeunesse qui font en sorte qu'on est déficient nettement en matière de ressources. Alors, c'est surtout, je vous le rappellerais à votre mémoire, précisément sur ces deux éléments là que porte le décret que j'ai signé, en tout cas que vous avez signé probablement, je n'ai pas vu votre signature.

M. Boisclair: Nous pourrions effectivement aborder d'autres questions quant au fonctionnement de la Commission dont la possible pertinence de faire un débat quant à l'intégration du personnel de la Commission des droits de la personne dans la fonction publique, tout comme, par ailleurs, le personnel de la Commission d'accès ou du Curateur public, qui est intégré à la fonction publique. Peut-être qu'avec une plus grande mobilité des employés, peut-être qu'avec des possibles révisions de plan de carrière des gens qui y travaillent nous pourrions continuer à débattre en tout cas de cette question et penser à une intégration possible des employés de la Commission dans la fonction publique.

Je voudrais vous poser une question sur votre mémoire concernant l'assujettissement des ordres professionnels. Je ne crois pas que vous ayez pu assister aux délibérations de ce matin. Il y a un débat qui apparaît très clairement entre deux propositions, et je voudrais connaître votre point de vue sans que vous ayez à entrer dans le détail, parce que je présume que vous n'êtes pas au fait de la proposition. Essentiellement, nous nous entendons tous pour que les ordres professionnels en arrivent à une plus grande transparence. Tous, ici, alentour de cette table, tous ceux qui sont venus témoigner, s'entendent sur cette façon de faire.

Deux points de vue s'opposent: celui qui est contenu au projet de loi, où on dit essentiellement qu'on soumet les ordres professionnels à la loi sur l'accès, et les gens des ordres et du Conseil – l'Office des professions, les gens du Conseil interprofessionnel, le Barreau, juste avant vous – nous disent: D'aucune façon, on ne devrait être associés à un démembrement de l'État, et, s'il y a une proposition qu'il nous faut retenir, c'est de faire en sorte d'amender le Code des professions. L'un et l'autre, on invoque que la loi d'accès est une loi à portée générale qui a pratiquement le statut de charte. Les gens de l'Office des professions disent: Nous aussi, nous sommes à l'intérieur d'une loi à portée générale. Le député de Chomedey le rappelait tout à l'heure. Et le débat en est rendu là.

Est-ce que, selon vous, la finalité recherchée devrait l'emporter sur le moyen qu'on devrait retenir? Dans la mesure où l'objectif est le même, que le résultat est le même, devrais-je dire, est-ce que vous seriez prêt à réfléchir sur un autre chemin, ou si plutôt il serait opportun de confier au ministre responsable de la protection des renseignements personnels le soin d'établir un régime dans la loi générale, ou s'il faudrait permettre un amendement au Code des professions? Est-ce que vous avez sur cette question... puisque vous nous... Vous êtes quand même assez clairs quant à votre satisfaction, je ne sais pas si vous pouvez poursuivre votre réflexion là-dessus.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Filion.

M. Filion (Claude): Oui, d'abord, historiquement ce que notre Commission a toujours exprimé, c'est que les ordres professionnels devaient se retrouver ailleurs qu'entre deux chaises, qu'il était nécessaire de faire en sorte que le législateur puisse trouver une solution pour les assujettir. Ça, je pense que c'est clair. Bon.

(12 h 10)

Pour nous, je vous rappelle simplement ceci. Peut-être deux ordres, à ce stade-ci, de réponse. Premièrement, ce qui est important, le droit à l'information, le droit au respect de la vie privée – je pense qu'il pose moins de problèmes – que ces deux droits là se retrouvent substantiellement dans une législation, primo. Secundo, étant donné que la loi sur l'accès a un caractère prépondérant, je pense que vous devriez avoir devant vous, avant de légiférer ailleurs que dans la loi sur l'accès, une démonstration convaincante qu'il existe une balance d'avantages et d'inconvénients qui renverse, si on veut, le caractère prépondérant de la loi sur l'accès et le fait qu'on doit donc retrouver, à l'intérieur de la loi sur l'accès, l'ensemble des dispositions qui gouvernent ce secteur-là, autant dans le secteur professionnel que dans beaucoup d'autres secteurs qui peuvent exister sur le plan particulier. Alors, ce sont des considérations d'ordre général.

Il y a peut-être des considérations d'ordre un peu plus particulier que je soumets également à votre attention, parce que vendredi, on a pris connaissance... c'est une réflexion toute récente et, encore une fois, c'est une réflexion qui n'a pas fait l'objet de discussions lors de la séance de la Commission, comme telle, je tiens à le préciser. Mais, donc, c'est simplement deux considérations que je voudrais émettre, puis demander à Me Bosset de compléter.

La première considération, la protection du public. Évidemment que les ordres professionnels ont une fonction d'adjudication, mais ils ont aussi une fonction de réglementation. La jurisprudence a reconnu à cet égard-là ou la jurisprudence les a assimilés, sauf erreur, à un organisme public en tenant compte de leurs fonctions publique et réglementaire.

Alors, leur fonction réglementaire est importante, à mon sens, et fait partie de cet objectif de protection du public. Je vous le soumets. Il ne faut pas oublier que, si les membres d'un ordre professionnel sont insatisfaits des contraintes imposées par le fait qu'ils appartiennent aussi à un ordre professionnel, donc soumis, si c'est l'intention du législateur, à une loi qui concerne le régime public, ils ont toujours la liberté d'association. Mais à partir du moment où cumulent à l'intérieur d'un ordre professionnel la notion de protection d'intérêt du public et une notion également de représentation des membres, nous vous suggérons, comme considération, que la notion de protection d'intérêt public est extrêmement importante et trouve encore une fois... et s'exerce non seulement au niveau disciplinaire, mais s'exerce au niveau réglementaire.

Ça, c'est le premier ordre de considération, et le deuxième ordre de considération consisterait à distinguer les deux mandats. Est-ce que, par exemple, l'administration d'un ordre professionnel n'intéresse que les membres de cet ordre professionnel là? Je pense que non. Je pense que l'administration des ordres professionnels est une matière qui peut intéresser aussi le public, dans la mesure où le public doit savoir si, en consultant tel professionnel, le régime d'inspection, par exemple, du corps professionnel est existant. Il y a intérêt à savoir si cet ordre professionnel là est gouverné d'une façon intègre, propre, etc.

Alors, en ce sens-là, ce sont deux considérations, mais je demanderais que Me Bosset, qui a réfléchi à la question depuis vendredi, à notre demande, puisse peut-être ajouter à ces considérations.

M. Bosset (Pierre): Il y a un certain nombre d'autres considérations en effet qui appartiennent à un autre ordre, qui sont peut-être davantage des questions de principe.

Il y a le fait que, dans la loi actuelle sur l'accès à l'information et dans la loi sur le secteur privé, on retrouve ce qu'on appelle une clause crépusculaire qui prévoit le réexamen périodique, à tous les cinq ans, de l'ensemble des dispositions de ces deux lois. C'est une innovation qui remonte à une quinzaine d'années, si je me m'abuse, et qui est un progrès et qu'on devrait d'ailleurs généraliser.

On peut se demander si, dans l'hypothèse où on crée un régime particulier dans le Code des professions, on aurait toujours cette clause crépusculaire. Il faudrait à tout le moins y penser, de même qu'il faudrait penser à un autre élément fondamental qui est la prépondérance de la loi sur l'accès sur l'ensemble de la législation. La loi sur l'accès est une loi quasi constitutionnelle et par conséquent le régime particulier auquel on songe devrait, lui aussi, comprendre cette disposition de prépondérance sur la législation qui est déjà présente dans la loi actuelle.

Tout ça soulève la question du caractère quasi constitutionnel de la loi d'accès, et le danger, ultimement, si on reconnaît un régime particulier au Code des professions, c'est qu'on en soit amené à en créer d'autres pour d'autres domaines et donc un danger de morcellement, je dirais, de balkanisation des normes dans ce domaine-là, qui n'est pas souhaitable compte tenu qu'on a affaire à une loi quasi constitutionnelle qui met en vigueur deux droits qui sont également quasi constitutionnels.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Merci, comme d'habitude, aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour leurs observations. Je vais aller directement à une observation que vous faites à la page 2 de votre mémoire en ce qui concerne justement le domaine professionnel, votre cinquième paragraphe où vous dites, pour pallier à certains problèmes, le projet met de l'avant un certain nombre de mesures dont celle qui «consiste à assujettir les ordres professionnels à la loi sur l'accès. La Commission appuie cette mesure, qui marque un net progrès par rapport à la situation actuelle, où les citoyens doivent se fonder sur les dispositions du Code civil pour faire valoir leurs droits. L'assujettissement à la loi sur l'accès permettra désormais aux personnes fichées par un ordre professionnel, qu'il s'agisse de professionnels, d'employés de l'ordre ou de toute autre personne, d'avoir accès à un recours simple et peu coûteux devant la Commission d'accès à l'information pour la mise en oeuvre de leurs droits».

Est-ce que le président de la Commission peut nous dire si c'est vraiment ça la raison pour laquelle il appuie la mesure? Si on avait un recours aussi simple et aussi peu coûteux à l'intérieur du système professionnel, est-ce que sa seule objection est rencontrée alors?

M. Filion (Claude): Évidemment, quand ce paragraphe a été écrit, c'est par rapport à la situation actuelle, ce n'était par rapport à d'autres alternatives, si on veut, et dans ce sens-là notre mémoire a été rédigé. Comme je vous l'ai dit, on a pris connaissance du mémoire du Conseil interprofessionnel, vendredi – bon, Me Bosset – et donc cette phrase-là, bien sûr, doit se lire strictement par rapport à la situation actuelle et non pas pour vous aider. Bien sûr, le recours simple et peu coûteux est un élément à considérer, mais ça ne veut pas dire que les autres branches de l'alternative que vous examinez ne constituent pas des recours simples et peu coûteux.

M. Mulcair: Avant de passer la parole à mon collègue le député de Jacques-Cartier, M. le Président, j'aimerais aussi savoir: On écoutait l'échange, qui débordait sans doute le cadre d'une commission parlementaire, c'est assez inusité d'entendre un débat sur les budgets d'un organisme lorsqu'on étudie un projet de loi, mais puisqu'on est un peu convié et puisque... Le sujet de savoir quel organisme ou entité au gouvernement pouvait faire la promotion des questions concernant le droit à la vie privée, droit d'accès à l'information, je vous avoue – et ça, ça ne pourrait pas être beaucoup plus clair, c'est comme on dit «on the public record» – j'étais de ceux au début qui croyaient fermement que c'était un volet, un aspect du travail de la Commission d'accès qui était un peu négligé et que ça revenait à la Commission.

Fort de nos débats, de nos rencontres avec des différents experts et observateurs de la question, je me suis rallié à la position contraire, c'est-à-dire que, non, on ne pouvait pas à la fois faire l'adjudication de ces questions-là et faire un travail de conseil auprès du gouvernement et devenir un booster pour sa propre loi et ses propres affaires. Je crois qu'effectivement ça mène à des drôles de situations puis il valait mieux les éviter. Là, j'ai écouté attentivement et, pour avoir longtemps justement connu le monde très délicat des dirigeants d'organismes et leur présence en commission parlementaire, avec la même délicatesse qu'on lui reconnaît mais aussi avec la même franchise qu'on lui reconnaît, le président de la Commission des droits vient de nous dire qu'il n'a ni les ressources ni surtout, et je l'ai retenu, l'expertise pour faire la promotion. Alors, si ce n'est pas la Commission des droits, si ce n'est pas la Commission d'accès, c'est qui? Aidez-nous avec ça, parce que... je ne demande pas mieux que de vous écouter là-dessus, puis c'est une admonition qu'on est vraiment pas capable de négliger. Mais vers où on se tourne comme législateurs, à ce moment-là?

(12 h 20)

M. Filion (Claude): Bien, c'est le problème qu'on vous soumet, puis on invite évidemment à ce que la réflexion se poursuive, parce qu'on ne peut pas laisser, comme le soulève votre question, ce travail de promotion puis considérer que les travaux sont terminés, puis fermer les livres, puis s'en aller. À mon avis, il faut qu'il y ait une responsabilité de promotion, compte tenu, vous le savez, vous l'avez étudiée comme question à la commission de la culture, en l'an 2000 on en parle, nous, on est sollicités de plus en plus à ce niveau-là, la Commission d'accès à l'information l'est, et c'est un sujet qui va occuper de plus en plus le temps et l'esprit des élus du peuple dans les années à venir non seulement au Québec, mais partout sur le globe terrestre.

Ceci étant dit, la Commission d'accès à l'information – vous le souligniez – étant donné son travail d'adjudication, de surveillance et de contrôle, peut difficilement, bon, bien sûr, assumer un mandat de promotion. Je pense que, comme le disait la commission de la culture, c'est difficile de promouvoir des droits dont nous sommes ultimement l'arbitre. Je pense que la commission de la culture s'exprimait un peu comme ceci. Donc, écartons la CAI comme possibilité.

Regardons la loi du ministère qui créait le ministère des Relations avec les citoyens et... parce que – j'attire votre attention là-dessus – cette loi confie au ministre responsable certaines responsabilités. Mais, sans qu'il soit nécessaire d'en donner le détail il demeure que le ministre responsable est membre d'un gouvernement et, donc, fait partie d'un gouvernement qui a des objectifs, qui a un agenda et, sans être péjoratif, bien sûr, qui a des objectifs politiques; il est également, en plus de ça, soumis à la solidarité ministérielle. Le ministre a eu l'occasion de défendre certaines législations adoptées par ses collègues. Mais le gouvernement, c'est bien quand même qu'il fasse la promotion des principes contenus dans la loi à l'intérieur du gouvernement puis c'est bon qu'il fasse le maximum, sauf qu'il n'a pas, comme le dit notre mémoire, le recul institutionnel qui lui donne ce caractère d'indépendance et d'impartialité qu'on souhaite à un organisme qui fait la promotion de principes pour la bien simple raison qu'il peut se retrouver parfois en conflit d'intérêts.

M. Boisclair: Est-ce qu'un ONG l'aurait? Un ONG financé par l'État aurait-il ce recul?

M. Filion (Claude): Un ONG financé par l'État... Écoutez, il y a quelque chose là, mais, à mon avis, ça serait bon qu'il puisse y avoir une institution libre, indépendante, qui fait la promotion et la défense de ces principes-là pour les années à venir au Québec. C'est-à-dire qui est capable de résister aux charges du secteur privé qui a soif d'informations comme ça dépasse l'entendement, qui peut résister également à la soif légitime d'informations du secteur public. Les gouvernements veulent en savoir plus pour mieux gérer l'argent des payeurs de taxes et, ça, ça crée des vagues extrêmement puissantes. Pour résister à ça, il faut un endroit, comme la commission de la culture le recommandait, où on puisse prendre en charge cette mission de promouvoir, c'est-à-dire de faire l'essentiel travail de prévention, pas juste prendre les problèmes quand ils arrivent, les échanges de renseignements, et dire non, mais faire la formation, l'éducation, l'information au niveau de ces droits-là pour qu'on puisse faire en sorte d'en imbiber, d'en imprégner le Québec, autant dans le secteur public que dans le secteur privé.

C'est pas beaucoup de monde, c'est pas beaucoup d'argent, et ce n'est pas non plus une expertise incroyable, là. C'est simple. Mais il faut, à mon sens – c'est le message que je vous laisse, peut-être – que vous puissiez arriver à compléter votre boucle de travaux parlementaires qui est commencée il y a déjà longtemps sur l'ensemble de ces sujets-là pour que vous puissiez, je pense, comme représentants du peuple, vous dire: Voilà, il y a une responsabilité définie à tel endroit.

ONG? C'est toujours embêtant de créer des boîtes juste pour ça, surtout qu'elle serait toute petite. Chez nous, à la Commission, on serait prêts à l'envisager; il faudrait collaborer avec la CAI et voir jusqu'où va leur devoir conseil et leur rôle de rayonnement extérieur puis faire en sorte que ça soit intelligemment fait. Mais ça nous prendra bien sûr un minimum de ressources pour le faire. Je vois le sourire ministériel; ça peut être une autre boîte, ONG n'est pas à écarter non plus, puis ce n'est pas parce que... Alors, ça, c'est la réalité des choses.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: J'aimerais revenir sur vos commentaires sur l'article 13 et toute la notion de qui aura accès au registre, surtout l'évaluation foncière. On sait, avec le nombre de plaintes qui sont déposées devant le BREF, que ce n'est pas une science exacte, au contraire, et de limiter l'accès à l'unité, je vois mal dans l'application comment ça peut fonctionner. Pour une grande compagnie qui fait les profils financiers des clients, comme un Equifax, il y aura toujours les moyens pour aller chercher, même à l'unité, des renseignements qu'on souhaite, parce qu'ils demeurent publics.

Alors, on va rendre le processus laborieux, mais, au bout de la ligne, tout le monde aura accès de toute manière. Alors, comment est-ce qu'on va arriver à le faire chercher ici? Si ces données demeurent publiques, elles sont publiques. Et, pour le contribuable qui demande une certaine équité entre qu'est-ce que, moi, je paie comme contribuable et mon voisin paie comme contribuable, il y aura toujours une base comparative de nos rôles d'évaluation foncière. Dès que quelque chose est public, c'est public, alors comment est-ce que la proposition, dans l'article 13, va améliorer la situation?

M. Bosset (Pierre): La proposition va d'abord rendre plus difficile, en tout cas, l'accès à ces renseignements-là sur une grande échelle, à défaut de la rendre totalement impossible. C'est vrai qu'on pourrait y aller, faire faire 10 000 demandes à l'unité pour arriver au même résultat que si on avait fait une seule demande au départ, sauf que ça va être plus compliqué et probablement plus coûteux.

L'article proposé aura également, j'imagine, une valeur éducative. Si malgré tout ce n'est pas suffisant, notre Commission avait proposé, l'année dernière, d'autres types de mesures. Celle-ci nous paraît adéquate dans les circonstances, mais nous avions également proposé l'introduction d'un principe de fidélité dans la loi, donc on interdirait d'utiliser un renseignement public pour une fin autre que celle pour laquelle il a été recueilli au départ.

Nous avions également suggéré la possibilité qu'on dénominalise les renseignements, donc qu'on enlève les noms. Alors, ça serait des mesures qui s'ajouteraient, à notre sens, à celle qui est prévue dans le projet de loi, qui est en soi tout à fait positive.

M. Kelley: Mais, juste au niveau de la gestion, je vois mal, moi... J'aimerais avoir une dizaine d'adresses civiques pour comparer l'évaluation foncière de ces maisons avec l'évaluation faite sur ma maison, ce qui est notre droit dans notre système parce que j'ai toujours le droit d'aller au Bureau de révision de l'évaluation foncière, c'est quelque chose que des milliers de contribuables font à tous les trois ans, au Québec. Mais comment on va dire que, ça, c'est pour mes fins de comparaison, et qu'une compagnie arrive, qui en exige une dizaine, pour peut-être d'autres fins?

Alors, je vois mal, dans la gestion... Ça va être laborieux, peut-être coûteux pour les municipalités de gérer tout ça, mais, au bout de la ligne, dès qu'on décide qu'un renseignement on y a accès, comment est-ce qu'on va limiter ou définir... Vous avez utilisé la phrase «un public indéfini», mais ça va être toujours difficile de définir le public. Dès qu'un renseignement est public, le monde aura accès, alors je vois mal comment on va gérer la proposition qui est dans l'article 13 du projet de loi.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En deux minutes, s'il vous plaît.

M. Bosset (Pierre): Oui. Comme je le disais au départ, cette mesure-là est un pas positif, puisqu'elle rend plus difficile, à tout le moins, cette démarche collective. J'ai vu récemment dans le journal de mon quartier où on annonce le prix de vente de certaines propriétés avec le nom du propriétaire, le nom du vendeur et le nom de l'acheteur, avec le prix demandé et la valeur obtenue. Tout ça en page 5 de mon journal de quartier. C'est le genre de pratique qui a d'ailleurs soulevé des remous au sein des lecteurs; c'est le genre de pratique, à mon avis, qui est douteuse et à tout le moins je pense que le projet de loi a le mérite de proposer pour la première fois une mesure.

Il y avait déjà eu des tentatives au début des années quatre-vingt-dix, il y avait eu un groupe de travail sur la commercialisation des banques de données publiques. À ma connaissance, il y avait eu peu de suite à ce rapport-là, mais pour la première fois, à tout le moins, on semble vouloir agir. Et on verra à la prochaine révision quinquennale s'il y a des ajustements à apporter. Mais pour le moment il y a un premier pas de fait.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, on vous remercie infiniment pour votre contribution à nos travaux. Nous suspendons ces mêmes travaux à cet après-midi, 14 heures, dans le même local. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Nous reprenons nos travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants et représentantes de l'Union des municipalités du Québec. Je demande de vous identifier et d'identifier aussi les gens qui sont avec vous, M. Gagnon.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Gagnon (Bernard): Merci, M. le Président. Alors, je me présente, Bernard Gagnon, maire de Saint-Basile-le-Grand, membre du conseil d'administration de l'Union des municipalités délégué aujourd'hui pour présenter le mémoire. Et je suis accompagné cet après-midi par la conseillère aux politiques, Me Diane Simard, qui est présente avec nous.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bonjour, madame, bienvenue.

Mme Simard (Diane): Bonjour, monsieur.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous rappelle que nous disposons de 45 minutes. Le temps imparti normalement pour présenter votre mémoire est d'environ 15 minutes et 15 minutes à chacun des deux côtés de la présidence. Donc, allez-y.

M. Gagnon (Bernard): Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à remercier la commission de nous donner cette possibilité-là de nous exprimer, cet après-midi. Vous êtes au courant, bien entendu, que l'Union des municipalité représente, au niveau municipal, près de 70 % de la population et gère plus de 70 % des budgets municipaux. Et, bien entendu, la mission de l'Union consiste principalement à promouvoir les intérêts des contribuables municipaux ainsi que l'institution municipale en tant que palier local de gouvernement. C'est dans cette optique-là que nos commentaires, bien sûr, vous sont acheminés, cet après-midi.

(14 h 10)

Alors, en général, je pense que tout le monde a eu une copie du mémoire comme tel. Je me permettrai d'insister sur certains éléments plus particuliers, laissant le soin, bien sûr, à Me Simard d'intervenir en complément au niveau des informations qui pourraient être données.

Alors, en principe, bien sûr, l'Union des municipalités tient à souligner qu'elle est généralement en accord avec l'ensemble du projet n° 451 comme tel. Bien sûr, certains éléments ont retenu plus particulièrement notre attention, qui, de notre avis, ne tiendraient pas compte des particularités municipales et qui impliquent, bien entendu, des impacts financiers pour les organismes municipaux. C'est sous cet angle-là, je pense, que généralement nos commentaires vous sont soumis comme tels.

Alors, dans un premier temps, l'Union constate les difficultés d'interprétation que présente la définition d'organismes municipaux, telle que rédigée à l'article 2 du projet de loi. Il nous apparaît que cette définition mériterait plusieurs précisions afin de pouvoir déterminer quels sont les organismes ciblés par la modification.

Je pense qu'il est déjà ressorti que, aux fins de l'application de la loi d'accès, plus de 3 700 organismes existent. Les organismes municipaux sont au nombre d'environ 2 300, 2 294 organismes assujettis à la loi, presque 62 %, donc, des organismes assujettis à la loi. Alors, si nous élargissons effectivement la définition d'organisme municipal, on peut facilement penser, dans une proportion qui pourrait être similaire – on n'a pas les différents scénarios – augmenter le nombre d'organismes municipaux, donc, assujettis à la loi en fonction de la nouvelle définition et, bien sûr, augmenter systématiquement l'ensemble des coûts afférents à gérer les demandes d'accès qui pourraient nous être présentées.

Alors, le premier point que j'aimerais souligner quant à la définition, en fait, qui est beaucoup plus large que celle... qui est beaucoup plus précise, beaucoup plus large aussi, est la nécessité de maintenir, à la toute fin, «à l'exclusion d'un organisme privé».

Franchement, à la lecture de la définition: «organisme dont le conseil d'administration est composé d'au moins un élu municipal et qui doit soit faire approuver son budget par au moins une municipalité, soit bénéficier d'un financement assuré, pour plus de la moitié, par au moins une municipalité, à l'exclusion d'un organisme privé», on ne comprend pas bien pourquoi, et comment, et à quelle branche de la définition est attachée «à l'exclusion d'un organisme privé». La définition semble inclure et exclure à la fois un organisme privé. Alors, il y aurait certainement lieu, à cet égard-là, d'avoir des précisions. Et je pense que, pour la clarté de la définition, la nécessité de maintenir «à l'exclusion d'un organisme privé» n'est peut-être pas démontrée. En tout cas, elle ne l'est pas, quant à nous, au moment où on se parle.

L'UMQ s'oppose également à cette nouvelle définition qui a pour résultat, dans un certain sens, de métamorphoser plusieurs associations sans but lucratif au niveau municipal dont les conseils d'administration sont composés majoritairement de bénévoles, mais dont les budgets sont assurés, dans certains cas, peut-être par plus de 50 % de subventions municipales. On va viser là ou inclure par cette nouvelle définition là une panoplie importante, à notre point de vue, d'associations culturelles et sportives dont nous saisissons mal en quoi la transparence peut justifier leur assujettissement à la loi sur l'accès à l'information.

Également, ces associations ou ces nouveaux organismes municipaux qui sont souvent dépourvus en termes de ressources humaines et matérielles pourraient engendrer des coûts importants pour les municipalités. À la limite, on pourrait même penser jusqu'à la tenue des procès-verbaux structurés, alors, encore bien plus, à la nécessité de maintenir un service d'accès à l'information pour des informations, dans le fond, qui, selon notre point de vue, ne nécessiteraient pas cette transparence-là, surtout aux coûts importants que cela pourrait engendrer pour les municipalités. Il s'agirait, bien sûr, d'une augmentation de dépenses afférentes importante à la gestion de la loi sur l'accès à l'information, surtout dans un contexte, que tout le monde connaît, économique et budgétaire difficile dans lequel les municipalités évoluent depuis plusieurs années déjà.

Alors, bien sûr, ces organismes-là, on devrait intervenir également pour maintenir un responsable à l'accès à l'information pour traiter les demandes. En fait, tous les coûts qui pourraient être engagés sont des coûts qui, à la limite, seraient supportés par les municipalités.

Alors, considérer ces associations comme des organismes municipaux aux fins de la loi sur l'accès à l'information n'aurait-il pas également pour effet de rendre les municipalités ou ne pourrait-il pas rendre les municipalités responsables à d'autres égards de leurs actes alors que, bien souvent, elles n'en contrôlent nullement les activités? C'est une possibilité qui est à envisager aussi.

Alors, somme toute, la définition d'organisme municipal proposée au projet de loi souffre, à notre point de vue, de confusion puis a pour résultat d'assujettir à la loi un nombre d'organismes privés que le législateur, croyons-nous, dans son article, n'entendait pas et ne voulait pas nécessairement viser. Il y a lieu de s'attendre à une augmentation, nous croyons, significative du nombre de ces organismes visés par la loi. Déjà, il y en a beaucoup au niveau municipal, plus de 2 000 organismes municipaux assujettis à la loi. Alors, on peut s'imaginer que, sur un total de 3 700, les nouveaux organismes assujettis pourraient être en nombre important, de telle façon qu'ils pourraient causer des surprises au niveau des coûts engendrés par l'assumation de ces nouvelles responsabilités en fonction de ces nouveaux organismes.

Alors, au niveau de l'accès aux documents pour les personnes handicapées, le mémoire est clair. Je pense que l'Union est d'accord avec les prescriptions de la loi concernant ces documents pour les personnes handicapées visuelles ou auditives. L'Union souhaiterait cependant, puisque, encore là, il y aura des conséquences pécuniaires à l'ensemble de l'administration de ces questions-là, être consultée lors de la rédaction du règlement qui précisera la forme que devront prendre les documents, et ce, compte tenu, bien sûr, des dépenses inhérentes à la fourniture de ces informations.

Au niveau des restrictions à la communication de fichiers informatisés, en principe, l'Union n'est pas nécessairement en accord avec la limite fixée à l'accès à ces documents-là à l'unité. Je pense que la façon dont les documents peuvent circuler, notamment sur des banques de données qui contiennent ces renseignements-là, sur l'inforoute également, simplifie la tâche au niveau municipal. Beaucoup d'informations sont communiquées là qui ne viennent pas nécessairement sur les comptoirs municipaux. Donc, de limiter, comme l'article 13 du projet de loi, l'accès à l'unité seulement engendrerait pour les municipalités une source de dépenses additionnelle. Pouvoir fournir ces informations-là sur l'inforoute, tel qu'elles sont fournies maintenant, représente une économie certaine, en tout cas, un moins grand nombre de demandes au niveau des municipalités pour ce type d'information.

Au niveau de la prorogation des délais, on constate agréablement que les délais de réponse à une demande d'accès ont été uniformisés et prorogés de 20 à 30 jours. Alors, ces nouveaux délais vont faciliter d'autant la gestion quotidienne des demandes de ces documents-là par l'ensemble des élus municipaux.

En conclusion, donc, le projet de loi n° 451 propose des modifications à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qui s'inscrivent dans la démarche de la révision quinquennale de la loi. L'UMQ ne peut qu'adhérer – comme on l'a dit au tout début – à une démarche aussi nécessaire pour garantir aux citoyens et citoyennes du Québec un régime législatif adapté aux changements de la société.

Toutefois, comme nous l'avons mentionné, l'UMQ s'oppose à certaines des modifications proposées qui ont pour résultat principal d'alourdir la gestion quotidienne de la loi par ses membres et d'augmenter les dépenses qui y sont afférentes. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous indiquer de combien. C'est une information qui aurait été très intéressante d'avoir, d'obtenir, mais il y a là fort à comprendre qu'il y aura un impact financier important puisque la définition, telle que proposée, est élargie.

(14 h 20)

Alors, à ce titre, l'UMQ recommande: de modifier la définition d'organisme municipal de l'article 2 du projet pour la circonscrire davantage pour que la provenance des fonds d'un organisme ne soit pas un critère d'assujettissement à la loi sur l'accès – donc, la première partie de la définition, soit faire approuver son budget par au moins une municipalité, pourrait être suffisante comme telle, le reste ne serait pas nécessaire pour les fins, à notre point de vue, visées par les présentes modifications; aux fins de l'article 10 du projet, d'être consultée, bien sûr, lors de l'adoption de tout règlement pour la détermination de la forme que devront prendre ces communications transmises aux personnes souffrant d'un handicap visuel ou auditif; et de modifier, finalement, l'article 13 du projet afin que les renseignements personnels à caractère public contenus sur les fichiers ne soient pas accessibles que seulement à l'unité, donc qu'ils puissent continuer d'être accessibles au complet, ceci représentant, bien sûr, une source d'économie pour les municipalités, l'inverse représentant une surcharge ou une charge additionnelle de travail engageant des dépenses additionnelles.

Alors, c'est, bien sûr, de façon résumée – le mémoire a déjà été déposé à la commission comme tel – le point de vue de l'Union des municipalités sur ce projet de loi là. Je ne sais pas si Me Simard a des corrections, des modifications ou des précisions à fournir?

Mme Simard (Diane): Non, c'est très bien résumé.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le maire, madame, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je suis heureux de vous entendre, puisque, si ma mémoire est juste, sur le rapport quinquennal de la commission, l'UMQ ne s'était pas fait entendre. Peut-être aviez-vous envoyé un mémoire, mais, si c'est le cas, je n'avais pas eu le plaisir de le lire. Donc, votre présence est d'autant plus pertinente.

Je comprends que vous avez des difficultés avec l'article 2 du projet de loi. Vous semblez invoquer deux arguments, un qui est la définition même de l'organisme municipal. Le premier argument que vous nous avez fait valoir, c'est de nous dire: En ajoutant le membre de phrase «à l'exclusion d'un organisme privé», vous semblez exclure ceux que, pourtant, vous veniez d'inclure dans les membres de phrases précédents.

Cette rédaction nous est inspirée des Affaires municipales. Elle nous est inspirée aussi de l'article 5 de la loi d'accès aux documents des organismes publics où nous retrouvons une définition des organismes municipaux. Mais effectivement, puisqu'on veut éviter des clubs de baseball, des clubs de loisirs, et ainsi de suite, qui pourraient être financés, en partie ou même en majorité, par une municipalité, nous voulons les exclure. C'est vraiment l'objectif qui est recherché. C'est de ne pas inclure ce groupe d'organismes.

Toutefois, là où je voudrais vous entendre... S'il y a un problème de rédaction, nos légistes vont regarder ces questions. Mais je voudrais vous ramener au rapport de la Commission d'accès à l'information. La question qui a été soulevée par la Commission d'accès à l'information m'apparaît pertinente: Est-ce que, par exemple, la Corporation du 350e de Montréal, est-ce que la Corporation de développement économique de LaSalle sont des organismes municipaux? Est-ce qu'ils devraient être assujettis à la loi sur les organismes publics? Sur cette question, j'aimerais avoir votre éclairage. Là, on n'est plus dans les définitions théoriques, on est dans le très, très concret. Est-ce que, par exemple, la Corporation de développement économique de Laval ou celle, je présume, de votre municipalité devrait être assujettie à la loi d'accès aux documents des organismes publics?

M. Gagnon (Bernard): Ce que l'on dit, M. le ministre, tout simplement dans le mémoire que l'on dépose devant vous aujourd'hui, c'est que, tels que définis au projet, effectivement ces organismes-là vont certainement être assujettis à la loi...

M. Boisclair: Est-ce qu'ils devraient l'être?

M. Gagnon (Bernard): ...et vont engendrer des coûts importants pour les municipalités. Ce que je vous ai mentionné dans les conclusions et qui touchait la définition comme telle, c'est que, à la limite, l'UMQ pourrait être d'accord avec une définition qui nous indique, par exemple, qu'un élu municipal siège sur des corporations et doit faire approuver son budget par au moins une municipalité comme telle. L'objection est indiquée ici dans les conclusions sur la provenance des fonds d'un organisme. C'est la dernière partie de la définition.

M. Boisclair: Et, si je retiens ce critère, je comprends que la Corporation de développement économique de LaSalle, tout comme la Corporation du 350e, ne serait pas assujettie. Alors, c'est pourtant l'objectif que nous recherchons. S'il y a un problème de rédaction, je suis prêt à le regarder, mais, sur l'objectif, je dois vous dire que je ne suis pas vraiment prêt à négocier.

Je vous lis juste un article avant de passer la parole à l'opposition. Je sais que mon collègue de Vachon veut intervenir aussi. Je vous lis un extrait du Rapport sur la mise en oeuvre de la loi d'accès sur le secteur privé, à la page 83. «Dans l'affaire [...] Société d'expansion de Baie-Comeau, il s'agissait de déterminer si la Société était assujettie ou non à la loi sur l'accès. La Société prétendait que non puisque son conseil d'administration ne devait être composé, en vertu de son règlement, que de trois élus municipaux sur sept membres. La Commission a rejeté cet argument puisque dans les faits, au moment où la dame avait formulé sa demande d'accès, quatre membres du conseil d'administration étaient des élus municipaux. Elle a conclu, après avoir analysé l'ensemble de ses activités, que la Société était un organisme visé par l'article 5 – donc un organisme municipal. Cette affaire démontre cependant qu'il peut être facile de contourner l'article 5: il suffit de prévoir, dans un règlement, que le nombre d'élus municipaux au sein du conseil d'administration doit être minoritaire.» Et, souvent, dans bien des cas, par cooptation, ils ramènent un autre élu. Mais ce n'est pas prévu par règlement qu'il y ait un élu municipal sur le conseil.

Alors, moi, je vous pose la question bien clairement: Est-ce que, selon l'UMQ, des organismes comme la Société d'expansion de Baie-Comeau, la Corporation de développement économique de LaSalle, la Corporation du 350e anniversaire de Montréal devraient être assujettis à un régime de plus grande transparence? Répondant oui, est-ce que le régime général devrait être celui qui devrait être retenu? Si non, pourquoi?

M. Gagnon (Bernard): Alors, en fonction de la question qui est posée, la réponse, c'est non, au niveau de l'Union des municipalités du Québec, parce qu'il y a des coûts importants qui sont engagés, des coûts additionnels importants qui sont toujours assumés par l'ensemble des municipalités comme tel. On se souvient que, effectivement, de nombreuses nouvelles responsabilités échoient au niveau municipal. On se souvient également d'engagements qui ont été pris par le gouvernement pour éviter que ces dépenses additionnelles soient refilées aux municipalités comme telles.

Dans le sens de la question que vous posez, il est clair qu'il y a un impact financier assumé par les municipalités en termes de gestion additionnelle comme telle, en termes de demandes additionnelles et en termes d'organismes nouveaux qui seront ajoutés.

M. Boisclair: Il y a un grand gain pour la démocratie, monsieur.

M. Gagnon (Bernard): Pardon?

M. Boisclair: Je pense qu'il y a un grand gain. Il y a peut-être un coût, à la limite, minime, mais je pense qu'il y a un grand gain pour la démocratie, un grand gain pour la transparence et un grand gain pour les citoyens que nous représentons.

M. Gagnon (Bernard): Et ce que je vous indique tout simplement ici, M. le ministre, c'est les conséquences très pratiques. C'est pour ça, dans le fond, que la commission est mise sur pied, pour voir les points de vue, les commentaires et les conséquences très pratiques de certaines modifications. Les conséquences que je vous indique sont celles qui sont et seront, dans le cas de l'adoption de la loi, vécues.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, on tient à remercier les représentants de l'UMQ d'avoir fait leur présentation. C'est évidemment difficile de confronter les souhaits de ses membres à des réalités et des priorités politiques.

Sur cette question-là, je dois dire que l'opposition partage le point de vue du côté ministériel. Je pense qu'il faut toujours regarder quelle était l'intention au départ dans une loi. Il existe des véhicules aujourd'hui qui n'étaient pas prévus dans le temps de la rédaction de la loi, sinon je pense que c'était assez clair que ça aurait été couvert. Les tribunaux ont donné une interprétation juste, parce que, si on veut imposer une obligation et, donc, une dépense d'argent, il faut que ce soit écrit clairement dans la loi. Les tribunaux ayant statué, c'est maintenant à nous de regarder ça à nouveau et dire: Bon, est-ce que c'est vraiment ça qu'on veut comme situation?

Je crois que l'argument des coûts est toujours très important. Le monde municipal a eu à hériter d'un pelletage énorme qui a eu même des répercussions sur le membership de l'UMQ. Donc, ce n'est certainement, M. le Président, pas aux gens qui sont présents avec nous aujourd'hui que je dois faire une longue explication là-dessus. Cependant, je tiens à être compris.

Je pense, par ailleurs, que le président de l'UMQ comprend très bien la priorité tout en livrant ses explications très correctement. Je pense qu'il y avait une compréhension mutuelle des priorités de part et d'autre. Et je pense que ce n'est pas exagéré de dire que ça aide, dans une démocratie, que les gens qui paient ces taxes-là puissent au moins savoir où ça s'en va. Dans la mesure où ces nouveaux véhicules là peuvent prendre des sommes énormes, bien je pense que c'est tout aussi important d'avoir la même transparence que ce qui existe pour les municipalités ou les autres entités qui mettent de l'argent là-dedans. Sinon, pour reprendre une utilisation utilisée par la Cour supérieure dernièrement, ça devient une sorte de faux-fuyant. On se dit: Bon, bien, si on veut garder ça un peu secret, on crée une entité autre et puis on déverse des sommes là-dedans. Tout d'un coup, ça devient une Muraille de Chine, on ne peut pas voir à travers.

(14 h 30)

M. le Président, mon collègue le député de Jacques-Cartier aurait voulu entretenir nos invités sur les restrictions à la communication de fichiers informatisés. Alors, je ne sais pas si vous voulez faire de l'alternance ou si vous voulez passer directement...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Peut-être permettre au député de Vachon d'intervenir.

M. Payne: Oui, parce que, si on ne prend pas l'opportunité, on ne l'aura pas. M. le maire, à la page 8, vous dites que «l'UMQ croit toutefois que la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public doit être limitée de façon à empêcher la commercialisation».

M. Gagnon (Bernard): À quelle page?

M. Payne: Page 8 de votre mémoire.

M. Gagnon (Bernard): O.K. Je n'ai pas les pages...

M. Payne: À propos de l'article 13 de la loi, comment pouvez-vous empêcher la commercialisation des données lorsque, par exemple, elles apparaissent sur l'Internet?

M. Gagnon (Bernard): Quand elles apparaissent sur...

M. Payne: Vous dites, à la page 8: «L'UMQ croit toutefois que la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public doit être limitée de façon à empêcher la commercialisation.»

M. Gagnon (Bernard): C'est exact.

M. Payne: Ma question, c'est que, lorsque de telles données apparaissent sur l'Internet, comme c'était déjà le cas, comment vous pouvez empêcher la commercialisation lorsqu'elles sont disponibles à distance à travers le monde pour n'importe quelle entreprise qui voudrait capter ces informations-là?

M. Gagnon (Bernard): Notre prétention est à l'effet que, même avec des limites, on pourrait réussir à avoir, par exemple, un rôle complet au niveau de l'évaluation foncière d'une municipalité.

M. Payne: Je n'ai pas compris.

M. Gagnon (Bernard): Notre compréhension est que, en fonction des définitions de la loi, par exemple, déjà existante, on pourrait avoir copie d'un rôle complet. Il suffirait juste d'avoir des demandes qui pourraient regarder la possibilité d'avoir certaines informations de telle adresse à telle adresse, donc à l'unité comme telle, et de faire des croisements pour avoir des renseignements plus importants. Peut-être que Me Simard, sur ça, peut donner plus d'information.

Mme Simard (Diane): En fait, si je peux me permettre de rajouter, la commercialisation, elle est déjà limitée passablement, du fait de l'évolution rapide d'un rôle d'évaluation, parce qu'un rôle d'évaluation évolue à chaque jour. Donc, même si vous obtenez une copie complète du rôle d'évaluation demain matin, ce rôle-là, si vous le vendez dans trois mois, il y a déjà des modifications qui ont eu lieu et puis il n'y a personne qui va vraiment vouloir vous l'acheter. Un rôle d'évaluation, ça évolue, donc il y a déjà des limites.

Nous, ce qu'on dit dans notre mémoire, en fait, c'est que nous ne sommes pas d'accord à ce que l'information sur un rôle d'évaluation ne soit accessible qu'à l'unité. Mais, par contre, on veut effectivement qu'il n'y ait pas de commercialisation du rôle. Il existe déjà des limites à la commercialisation. Si le gouvernement veut en ajouter d'autres, je crois que l'UMQ est ouverte à regarder les limites.

M. Payne: Laissez-moi enregistrer ma préoccupation.

Mme Simard (Diane): Oui.

M. Payne: Ce n'est pas une situation unique. Un dossier de crédit est dynamique, ça change à chaque jour, la même chose qu'un rôle d'évaluation. Ce n'est pas ça, une exception. Tout dossier qui a des données nominatives ou autres est dynamique. Il y a des données qui changent, comme vos listes d'évaluation. Je ne vois pas ça comme une explication.

Mme Simard (Diane): C'est ce que nous avons compris du document. C'est que, par la restriction à l'unité, le gouvernement voulait justement – le législateur – éviter le téléchargement ou la commercialisation. Là-dessus, l'UMQ est d'accord d'éviter la commercialisation des rôles, mais je crois qu'il y a d'autres façons de le faire qui seraient de mentionner «à l'unité».

M. Payne: Bien, c'est ça que j'ai demandé. Oui, mais ma question était: Lesquelles?

Mme Simard (Diane): Bien, il y a déjà des barrières qui existent au niveau des droits d'auteur. Je crois qu'une personne ne peut pas, du jour au lendemain, décider de vendre des rôles d'évaluation parce que le rôle appartient à la municipalité. À cet effet-là, il y a déjà des restrictions. Mais ce qu'on veut surtout mentionner à la commission, en fait, c'est que les renseignements qui se trouvaient au rôle d'évaluation étaient des renseignements publics jusqu'à ce que, en fin de compte, le problème du réseau inforoute se présente. Alors, ça ne doit pas venir modifier indirectement le fait que la Loi sur la fiscalité mentionnait qu'un rôle d'évaluation pouvait être consulté sur place. Une personne qui se présentait dans une municipalité pouvait accéder au rôle d'évaluation au complet par rue, par quartier, sans être limitée par unité. Alors, on ne doit pas faire de distinction par rapport aux informations qui s'y trouvent parce que c'est un mode de diffusion qui est autre, qui serait Internet. Je crois que, si un renseignement est public, il l'est, que ce soit sur Internet ou que ce soit sur papier dans un registre.

Alors, faudrait trouver une autre façon, comme l'a mentionné Me Hétu, que d'indiquer que ces renseignements ne sont accessibles qu'à l'unité, parce que ça pose quand même d'autres problèmes aussi. C'est que, à l'unité, pour les terrains vacants, on ne peut pas vérifier par numéro civique; il faut le vérifier par rue ou par quartier, à ce moment-là, et ça, c'est dans la pratique quotidienne que ça se voit.

M. Payne: O.K., O.K. Mais là, à la page 8 – soyons simples pour que mes électeurs puissent bien comprendre – vous dites noir sur blanc: «La diffusion [...] doit être limitée de façon à empêcher la commercialisation». S'ensuit une page blanche. Je ne vois pas comment, en termes pratiques, ça peut être limité, et toute la question est là.

On se souvient très bien de la polémique qui a été soulevée au moment de la diffusion sur l'Internet de ces données-là, et je pense que les municipalités, jusqu'à maintenant, faute de preuves du contraire, ont témoigné, ont manifesté une façon qui puisse justement limiter la commercialisation.

Dans ces questions-là, moi, comme législateur, ma politique, ma position, c'est qu'on devrait mettre le fardeau sur l'institution qui utilise ou rend publiques ces données-là pour, bien sûr, protéger le client qui est l'électeur, qui est le contribuable. Comprenez-vous? S'il n'y a pas suffisamment d'indications comme quoi la diffusion est limitée et de quelle façon ça va être limité, bien, je pense que le législateur devrait adopter une attitude plutôt conservatrice. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, sur l'article 13, j'ai beaucoup de misère à comprendre comment ça peut fonctionner. C'est laborieux de réduire ça à l'unité, mais quelqu'un, avec de la patience, peut obtenir le rôle au complet, ça va juste devenir plus laborieux.

Moi, je demeure dans la ville de Beaconsfield, avec, je pense, 7 000 à 8 000 lots, maisons, propriétés à l'intérieur de la ville. Mais, si j'ai un intérêt, je peux faire la demande pour 120, rue Principale, 122, rue Principale et, tôt ou tard, j'aurai la liste au complet. Je ne vois pas comment... Soit quelque chose est public et on a décidé que la valeur des propriétés dans la société québécoise, ça, c'est un renseignement public auquel on peut avoir accès, ou c'est confidentiel. Mais je ne vois pas...

C'est laborieux, mais ma crainte, ici, c'est que ce soient, pour les municipalités, des frais de gestion encore plus importants parce que chaque fois qu'Équifax, par exemple, voudra faire un profil pour quelqu'un qui veut prendre un prêt, elle va prendre l'adresse civique, elle va contacter la municipalité en question pour voir c'est quoi, la valeur de la maison à 120, rue Principale – parce que l'intérêt pour Équifax, c'est juste pour donner une approbation pour un prêt, ou une hypothèque, ou je ne sais pas trop quoi, elle veut savoir l'évaluation – et que, au niveau de la gestion, ce soit beaucoup plus compliqué pour vos membres. Au niveau de la protection du citoyen, je ne vois aucun avantage, parce qu'on arrive aux mêmes choses; c'est juste un petit peu plus laborieux.

Alors, je cherche, ici. Comme j'ai dit, je ne comprends pas. En soi, ça va améliorer la protection du citoyen, mais je vois que ça va occasionner beaucoup de travail et des coûts additionnels pour vos membres. Est-ce que j'ai bien compris?

(14 h 40)

Mme Simard (Diane): C'est exactement ça, et c'est ce que le mémoire cherchait à expliquer. C'est de donner accès à l'unité à ces renseignements-là qui aujourd'hui sont accessibles globalement. Comme vous l'avez mentionné lors de la présentation du mémoire du Barreau, quelqu'un se présente à la municipalité aujourd'hui et peut accéder au rôle d'évaluation. Alors, il n'y a pas eu de problème jusqu'à maintenant à ce sujet-là. Les seuls problèmes qui ont été vécus, c'est par rapport à l'information qui circulait sur le réseau inforoute. Et le fait que ces informations-là soient accessibles globalement, je crois que ce n'est pas là le problème. Si ce n'est accessible qu'à l'unité, effectivement, en pratique, sur le terrain, ça crée une surcharge de travail pour les fonctionnaires, et principalement les greffiers et les secrétaires-trésoriers, qui auront à donner ces informations-là aux notaires et aux agents immobiliers et qui auront à donner des centaines d'informations par jour, là, qui ont à répondre à des demandes d'accès là-dessus, et aujourd'hui ces informations-là sont accessibles globalement et là ne seraient accessibles qu'à l'unité. On ne voit pas en quoi ça pourrait effectivement nuire aux citoyens de donner ces informations-là qui sont, encore là, de par la Loi sur la fiscalité, des renseignements personnels à caractère public.

M. Kelley: Parce que, au bout de la ligne, j'ai juste à trouver l'adresse de mon collègue de Vachon, à écrire à sa municipalité et j'aurai accès à la valeur de sa maison. Alors, le fait que je doive faire ça à l'unité au lieu de demander ça à la ville dans son ensemble, ça change quoi dans la protection?

C'est ça que je cherche, parce que, comme j'ai dit, au moment du dépôt du rôle dans la municipalité de Beaconsfield – j'imagine que c'est comme ça dans d'autres municipalités – on met une copie du rôle sur une table dans la bibliothèque municipale. Tout le monde le consulte pour voir: Est-ce que l'évaluation de ma maison est semblable à ma voisine, etc.? C'est quelque chose qu'on fait. Et, si on se trouve, comme citoyen, brimé dans l'évaluation, on a toute la procédure de révision de l'évaluation foncière. Des milliers de Québécois utilisent ce processus à toutes les années pour contester l'évaluation de leur terrain. C'est leur plein droit de le faire. Pour avoir une idée: Est-ce que la valeur de mon terrain est juste ou non? c'est tout fait sur une base comparative, alors je dois être capable de consulter d'autres places pour dire: Oh, effectivement, l'évaluateur a raison ou a tort, j'ai besoin de consulter un petit peu «at large» le rôle pour déterminer si... Alors, je vois mal comment, dans l'application, on va mieux protéger le citoyen, mais je vois comment on va compliquer la vie de vos membres. Merci beaucoup.

M. Payne: Une demi-phrase pour terminer.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il vous reste une minute et demie.

M. Payne: Je ne prendrai pas ça. C'est parce que c'est beaucoup plus difficile de commercialiser une liste, une demi-tonne de documents, de renseignements que de chercher un cédérom sur l'Internet. Toute la différence est là. Équifax ou tout autre intéressé trouverait beaucoup plus de difficultés à commercialiser des documents physiques réels, tangibles qu'une bande informatisée. C'est ça, le souci.

M. Boisclair: Juste pour...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Trente secondes.

M. Boisclair: Oui. Juste pour clore rapidement sur cette question-là, 55, là, on va sans doute le revoir. Est-ce qu'il faudrait, à un moment donné, passer la finalité pour laquelle ces documents ont d'abord été rendus publics? Je pense que c'est peut-être une piste, mais j'avoue vraiment...

Je voudrais vous renvoyer aux pages 48 et suivantes du rapport de la Commission d'accès à l'information. La problématique, elle est bien posée. Je vous rappelle que la Commission d'accès à l'information a demandé et s'est adressée à l'Union des municipalités du Québec, à l'UMRCQ pour obtenir un moratoire avant que les municipalités procèdent à rendre disponibles ces renseignements sur Internet. Ce qu'on cherche à éviter, c'est le téléchargement, parce que aujourd'hui les nouvelles technologies ajoutent une valeur aux renseignements, puisqu'on peut croiser un renseignement avec une autre banque de données. La Commission proposait un certain nombre de pistes en bas de la page 50 et au début de la page 51 qu'on pourra regarder, mais il n'en demeure pas moins que le fait que ces informations soient diffusées sur Internet, qu'on puisse facilement croiser les données avec une autre banque de données, ça complique les choses.

Notre idée était fort simple, c'était de faire en sorte qu'il n'y ait pas de marché. La façon pour qu'il n'y ait pas de marché, c'est de faire en sorte que le coût soit tellement important pour l'organisme qui cueillerait ces informations que ça ne vaille pas la peine, par la suite, de commercialiser. Je pense que c'est une façon de faire en sorte d'éviter un marché de renseignements.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey ou de Jacques-Cartier? De Chomedey.

M. Mulcair: Juste en terminant, M. le Président, je pense qu'il va falloir faire un «reality check» là-dessus parce que – ha, ha, ha! encore une fois, je dois l'expression à mon collègue le député de Jacques-Cartier – c'est la gestion des bonnes intentions. C'est une bonne intention, mais ça revient presque à dire qu'on peut, de nos jours, réglementer ce qui va être informatisé ou pas. Je pense que c'est louable comme intention, mais c'est presque attendrissant dans sa naïveté. Ce n'est pas ça. On n'est pas capable de contrôler ça.

Je pense qu'il faut revenir à ce que nous disait Me Duplessis, si ma mémoire est bonne, de l'Université d'Ottawa, ce matin. Il disait: Écoutez, la meilleure manière de faire ça, c'est de décider qu'est-ce qui va être public, puis après ça on gère. Si ce n'est pas nécessaire de mettre le nom de famille, mais si les gens ont le droit de savoir combien paient les gens à 109, Bordeleau, bien, ils vont pouvoir aller regarder la liste. Mais ils n'ont pas besoin de savoir que c'est M. Dupont ou M. Tartempion qui en est le propriétaire. Ça, ça les concerne peut-être un peu moins.

C'est peut-être ça, la meilleure manière de gérer ça réalistement, parce que, à la fin de la journée, M. le Président, tout ça, c'est une question de gestion. Est-ce qu'on va mettre sur papier un truc qui va presque être une risée parce que non gérable et non applicable? Ça renvoie à notre intervention d'hier avec le président de la Commission d'accès quand on lui a lu la décision de la Cour supérieure. C'est bien beau de mettre tout ça sur papier, mais, si ça ne va jamais être appliqué, on est en train de se leurrer nous-mêmes. Et, même si on ne se leurre pas nous-mêmes, on essaie de leurrer la population en lui disant: Voilà, on vient d'apporter une solution. Je ne crois vraiment pas que ce soit le cas. Il va falloir qu'on étudie ça sérieusement ensemble. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Commentaires, M. Gagnon?

M. Gagnon (Bernard): Non, ça va. C'est le point de vue exprimé, bien sûr, par l'Union des municipalités du Québec. J'ai pris bonne note cependant des questions et des commentaires, surtout en ce qui touche la page 8 comme telle et le fait que les municipalités devraient être en mesure d'identifier d'une façon beaucoup plus claire les façons de fonctionner, sinon l'application de la loi pourrait être celle qui est suggérée maintenant.

M. Boisclair: Ah, fort probablement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Donc, on vous remercie infiniment de votre contribution à nos travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite maintenant les représentantes de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Donc, bonjour, Mme la présidente.

Mme B. Simard (Jacinthe): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il nous fait plaisir de vous accueillir, cet après-midi. Je vous demanderais de nous présenter les gens qui vous accompagnent, en vous rappelant que nous disposons de 45 minutes. On impartit le temps de la façon suivante: vous avez environ 15 minutes pour présenter votre mémoire, et chaque côté de la présidence a aussi 15 minutes pour faire des échanges avec vous. Merci.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

Mme B. Simard (Jacinthe): Alors, M. le Président, merci. M. Boisclair, MM. les députés, eh bien, je serai accompagnée, à ma droite, de Mme Isabelle Chouinard, qui est responsable du Service juridique à l'UMRCQ, et de M. Michel Giroux, à ma gauche, qui est maire de Lac-Beauport et préfet de la MRC de La Jacques-Cartier. Je vais peut-être prendre un petit peu plus que 15 minutes pour la présentation de mon mémoire, mais, en tout cas, si vous trouvez que c'est trop long, vous pourrez toujours m'interrompre, M. le Président.

L'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, l'UMRCQ, représente quelque 1 175 municipalités locales et 89 municipalités régionales de comté, soit autant d'organismes assujettis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. À ce titre, l'UMRCQ est heureuse de présenter à la commission de la culture ses commentaires sur le projet de loi n° 451, une pièce législative ayant des implications fort importantes pour les organismes publics.

L'un des principes à la base de la vie communautaire des collectivités locales est l'équité entre les citoyens. Pour cette raison, leur droit d'accès aux documents des municipalités s'étend à certaines données fondamentales au système fiscal municipal, qui autrement seraient considérées comme personnelles. Les contribuables peuvent ainsi comparer leurs situations respectives non seulement avec celle des autres citoyens de la municipalité, mais également avec celle des citoyens des autres municipalités comparables.

(14 h 50)

D'entrée de jeu, mentionnons que l'UMRCQ souscrit au maintien de l'application du principe fondamental d'équité et suggère qu'on ne doit pas l'entraver. Elle souscrit également aux objectifs à la base de la mission de la Commission d'accès à l'information, soit la transparence administrative des organismes gérant des fonds publics et la protection de la vie privée. Au fil des ans, le Québec a établi des mécanismes de contrôle sur le fonctionnement de l'État et de ses structures en vue de renforcer le fonctionnement démocratique et d'accorder une protection aux droits et libertés de la personne. La législation québécoise en matière d'accès à l'information a des mérites reconnus à cet égard. La consolidation des acquis en matière d'accès à l'information ne doit cependant pas se faire sans considérer l'objectif d'alléger les contrôles et les normes, poursuivi depuis plusieurs années par le gouvernement du Québec. En effet, depuis le début des années quatre-vingt-dix, soit à l'heure des compressions budgétaires, une nette tendance à la simplification administrative s'est dessinée, tant pour les organismes publics que pour l'entreprise privée.

Le ministère des Affaires municipales a incidemment entrepris une importante révision de ses lois en vue d'alléger les contrôles et les normes applicables aux municipalités. Il a également amorcé la révision de lois originant de certains autres ministères. Malgré cela, les réformes parallèlement concoctées par le cloisonnement des ministères sectoriels ont souvent pour effet d'accroître considérablement les charges administratives imposées aux officiers municipaux. Celle proposée dans le projet de loi sous étude n'échappe pas à la règle.

Nous vous soumettons qu'il faut donc tendre non pas vers un contrôle optimal et une bureaucratisation accrue du fonctionnement des organismes publics pour assurer l'accès aux documents et à la protection des renseignements personnels, mais plutôt vers cet allégement des contrôles tant recherché, tout en maintenant les acquis et en ajoutant les contrôles strictement nécessaires pour l'atteinte des objectifs fondamentaux visés par la loi. Cette préoccupation émane de l'ensemble de nos propos, comme vous pourrez le constater dans les pages qui suivent.

Alors, voyons maintenant plus en détail les mesures contenues dans le projet de loi. D'abord, la notion d'«organisme municipal». Actuellement, la loi considère comme étant un organisme municipal et ainsi assujetti à la loi sur l'accès, notamment, «tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité municipale». Cette définition est généralement conforme à ce que les différentes lois municipales et la jurisprudence appliquent comme critère pour qualifier le mandataire d'un organisme municipal.

Le projet de loi propose d'élargir la notion d'«organisme municipal» à «tout organisme dont le conseil d'administration est composé d'au moins un élu municipal et qui doit soit faire approuver son budget par au moins une municipalité, soit bénéficier d'un financement assuré, pour plus de la moitié, par au moins une municipalité, à l'exclusion d'un organisme privé».

L'objectif de la loi sur l'accès, son titre l'indique, est de favoriser l'accès aux documents des organismes publics. En élargissant à ce point la définition d'«organisme municipal», la loi viendrait indirectement régir l'accès aux documents d'organismes qui, dans les faits, sont privés. Il ne nous apparaît pas souhaitable, dans un souci de compétitivité et de simplicité de gestion, de créer un tel précédent.

Il est vrai que la disposition proposée prévoit que les organismes privés seront plus exclus de l'application de la loi.

Une voix: Seront exclus.

Mme B. Simard (Jacinthe): Seront exclus, je m'excuse. Il est vrai que la disposition proposée prévoit que les organismes privés seront exclus de l'application de la loi. Mais comment les définir? Est-ce que les compagnies régies par la Loi sur les compagnies sont des organismes privés? Sinon, quel sera le critère applicable? Si oui, les centres locaux de développement, les corporations de loisirs et toute autre corporation à but non lucratif que la municipalité est autorisée à subventionner échapperont à l'emprise de la loi. Or, nous présumons que la disposition visait précisément l'assujettissement de ce genre d'organisme.

Si le législateur vise particulièrement les centres locaux de développement, nous suggérons qu'ils soient plutôt nommément identifiés dans la loi, d'autant plus que la disposition, telle que proposée, n'assujettirait que quelques-uns d'entre eux à la loi sur l'accès, puisqu'ils ne sont pas tous financés, pour plus de la moitié, par le monde municipal. Toutefois, afin de ne pas alourdir outre mesure la gestion des autres petites corporations à but non lucratif subventionnées par le monde municipal, et où souvent un élu est invité à siéger afin simplement de favoriser une synergie locale, nous demandons le retrait de l'article 2 du projet de loi tel que présenté.

Deuxièmement, l'accès aux personnes handicapées. Le projet de loi prévoit l'obligation, pour un organisme public, de communiquer un document sous une forme adaptée à une personne atteinte d'une déficience visuelle ou auditive. Nous ne sommes évidemment pas d'emblée opposés à cette mesure. Toutefois, nous ne pouvons donner notre aval à son implantation sans connaître une estimation des impacts financiers de cette obligation pour le monde municipal.

Les documents municipaux sont souvent fort volumineux. Un règlement de zonage peut, par exemple, comporter plusieurs centaines de pages. Nous devinons que les coûts associés à leur transcription en braille seraient très élevés. Certaines municipalités où sont situés des établissements d'hébergement pour personnes handicapées pourraient donc se voir imposer des frais considérables pour l'adaptation des documents publics. Nous suggérons donc qu'une telle étude soit faite et divulguée au monde municipal avant que le règlement du gouvernement ne propose d'assujettir les organismes municipaux à cette obligation.

Le gouvernement devrait, par ailleurs, envisager une modification au Règlement sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction ou la transmission de renseignements nominatifs afin de prévoir un tarif particulier qui corresponde globalement aux coûts reliés à l'adaptation des documents.

Troisièmement, le remplacement de la notion de renseignements «nominatifs». La loi sur l'accès protège actuellement les renseignements dits nominatifs. Le projet de loi propose de remplacer le concept de «renseignements nominatifs» par celui de «renseignements personnels». À première vue, cette modification semble sans incidence, puisque la définition demeure la même, c'est-à-dire que l'article 54 de la loi prévoit que, «dans un document, sont "personnels" les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier». Toutefois, on peut s'interroger sur la portée de cette modification. Le retrait du mot «nominatifs» aura-t-il pour effet de protéger un plus grand nombre de renseignements?

Certaines décisions de la Commission, dont une toute récente, établissent que le fait de masquer le nom d'une personne sur une liste de contribuables tout en y laissant son adresse rendait le document accessible. Dorénavant, pourra-t-on qualifier de personnels ces renseignements, puisque l'adresse, qui permet, dans une certaine mesure, d'identifier une personne, y figure? Le cas échéant, nous suggérons qu'une étude soit faite afin de mesurer l'impact de cette modification sur la possibilité de communication et d'utilisation de documents municipaux avant son adoption dans la loi.

Quatrièmement, la diffusion de renseignements ayant un caractère public. Un renseignement auquel une loi confère un caractère public n'est pas un renseignement personnel. Toutefois, pour la première fois dans la loi sur l'accès, le droit d'accès à certains documents des organismes publics n'est plus inconditionnel. On tente indirectement de restreindre la diffusion de certains renseignements à caractère public tels que les registres, le rôle d'évaluation ou tout autre fichier de même nature. La municipalité ne pourra en permettre l'accès «qu'à l'unité» et elle ne pourra communiquer le fichier, «à moins que ce ne soit nécessaire pour l'application d'une loi au Québec».

Nous nous interrogeons sur la pertinence d'exiger que la communication du fichier soit «nécessaire pour l'application d'une loi au Québec». Si un document est public en vertu d'une loi, n'est-il pas «nécessairement» accessible? Par exemple, le Code municipal mentionne que «le responsable de l'accès aux documents de la municipalité est tenu de délivrer à quiconque en fait la demande des copies de tout livre, rôle, registre ou autre document faisant partie des archives». On peut donc prétendre que la loi rend cette diffusion nécessaire à quiconque en fait la demande sans que cette personne n'ait à justifier un motif quelconque pour obtenir copie du document.

(15 heures)

Cette exigence introduite par le projet de loi est donc, à notre avis, superflue. De surcroît, elle prête à confusion, puisqu'elle laisse sous-entendre qu'un document accessible à quiconque en vertu d'une loi peut ne pas «nécessairement» être accessible, ce qui serait une contradiction. À moins qu'on ne restreigne, dans la loi municipale, l'accès à un document public qu'à certaines fins, cette disposition est inacceptable aux organismes municipaux.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Si vous me le permettez, Mme la présidente.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous m'aviez donné la permission de vous interrompre. Je m'en excuse. Vous avez 12 minutes de prises actuellement; je vous suggérerais peut-être d'aller à vos recommandations pour à peu près les trois prochaines minutes, si c'est possible.

Mme B. Simard (Jacinthe): C'est parce que, oui, nos recommandations sont réparties un peu partout dans le texte. Alors, je vais me rendre peut-être uniquement...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Parce qu'on s'entendrait pour que chaque côté de la présidence ait au moins une quinzaine de minutes d'échanges avec vous.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui, bon, écoutez, je vais demander à Mme Chouinard de résumer le reste du document.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît.

Mme B. Simard (Jacinthe): Et j'espère que vous prendrez le temps de le lire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Avec plaisir.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui.

Mme Chouinard (Isabelle): Alors, je vous remercie. Donc, concernant la diffusion de renseignements ayant un caractère public, ce que nous suggérions, c'était que plutôt que de rendre l'accès conditionnel à certaines fins, qui ne sont pas nécessairement précisées dans la loi, puisqu'on dit qu'il faut que ça soit nécessaire pour l'application d'une loi au Québec, mais que par ailleurs les lois municipales rendent les documents inconditionnellement accessibles, il faudrait peut-être envisager la possibilité de restreindre la diffusion massive de documents sur Internet. Notamment le rôle d'évaluation peut être très utile, de l'avis des évaluateurs municipaux, si on masque le nom de la personne mais qu'on laisse quand même son adresse et les autres données relatives pertinentes, en fait, pour le rôle d'évaluation. Mais il ne faut pas, par contre, restreindre complètement l'utilisation de la technologie Internet pour la diffusion de renseignements municipaux qui ont un caractère public.

Concernant l'avis à la Commission de certaines communications de renseignements, notamment lors de la communication de renseignements à caractère public, ce que nous disions, c'était qu'il y avait des exigences qui étaient fort onéreuses pour les organismes municipaux si, à chaque fois qu'on communique un document auquel quiconque a accès, nous devons remplir une fiche pour indiquer notamment les fins pour lesquelles la personne a obtenu accès aux documents alors que la loi municipale dit qu'elle y a accès de façon inconditionnelle.

Donc, nous suggérions à ce moment-là le retrait de cette obligation d'aviser la Commission lors des communications de renseignements tant publics que personnels.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Mme Simard, madame, monsieur, bienvenue à l'Assemblée nationale. Écoutez, je suis heureux de voir qu'on passe tant de temps à débattre de l'article 55 du projet de loi. Ça m'apparaît tellement mineur par rapport à tout ce qu'on introduit comme modifications. Je prends pour acquis que les autres dispositions suscitent un enthousiasme ou, en tout cas, l'adhésion des membres de la commission et je m'en réjouis. L'article 55, écoutez, là, on ne s'en cachera pas ici et on ne fera pas de grands débats, il y a un problème avec 55. Puis, on comprend bien, le député de Chomedey et d'autres qui sont intervenus, il va falloir réfléchir davantage sur la qualité de l'intervention législative.

Mais il y a un problème de fond qui demeure, c'est la possibilité que, du fait de la diffusion sur Internet de rôles d'évaluation, ça puisse être téléchargé et de là qu'on l'utilise à d'autres fins que celles pour lesquelles ces renseignements avaient été mis, avaient été rendus publics. Et là on a un problème.

Je pense que la Commission d'accès à l'information pose bien la difficulté et pose même des questions en regard de la Charte québécoise des droits et libertés. La Commission pose la question suivante: «A-t-on mesuré l'impact de cette mesure sur un droit qui est pourtant garanti de façon solennelle par la Charte des droits et libertés de la personne?» Et, si la Commission se tourne vers nous pour obtenir des modifications, comme elle le recommande à la page 52 de son rapport, ce que nous avons fait avec une solution qui, j'en conviens, mérite d'être encore débattue, c'est pour ça que nous avons une commission, c'est parce qu'elle s'est adressée à l'UMQ et à l'UMRCQ, lui a demandé un moratoire sur la diffusion, et je comprends qu'elle ne l'a pas obtenu. Donc, le problème demeure entier. Il faut trouver une solution.

Et loin de moi l'idée, là, de faire en sorte, par exemple... je comprends que ça serait un impact indirect de la disposition législative introduite, mais je ne voudrais pas priver un citoyen de pouvoir aller consulter sur place un document, des informations sur support papier.

En ce moment, de la façon dont 55 est libellé, un citoyen ne pourrait même plus se rendre, par exemple, au bureau du greffier ou dans une bibliothèque municipale, qui parfois contient ce genre de renseignements, et aller consulter. Je pense que, là, c'est aller un peu loin. Mais la question, pour moi, c'est d'éviter le téléchargement. Donc, je prends bonne note de vos commentaires tout comme de ceux de l'UMQ et d'autres qui sont intervenus; on va entre nous essayer de trouver une solution originale.

Là où j'ai des difficultés, c'est sur l'assujettissement des organismes municipaux. J'aimerais donc vous convaincre! Je ne sais pas si je vais être capable, mais il me semble que notre vouloir vivre ensemble, Mme la présidente, il repose sur un certain nombre de choses, sur un certain nombre de principes, au-delà des coûts d'administration, au-delà des contraintes avec lesquelles on doit tous vivre. Dans la vie publique, on assume toutes sortes de contraintes; certaines font notre affaire, d'autres nous semblent embêtantes plus que d'autre chose. Mais il y a un certain nombre de règles qui conditionnent notre vouloir vivre ensemble et une de celles-là, en démocratie, c'est le respect de la vie privée qui a été inscrit à la Charte québécoise des droits et libertés, qui nous interpelle quel que soit l'ordre de gouvernement dans lequel nous soyons impliqués, nous, ici, au gouvernement du Québec, vous dans les municipalités, les gens dans les commissions scolaires, et ainsi de suite.

Une autre, c'est l'obligation de transparence des administrés. Je vous entends me parler de certaines contraintes et je sais que ce n'est pas simple gérer la chose publique dans le monde municipal – ça ne l'est pas davantage d'ailleurs au gouvernement du Québec – qu'on est pris avec des contraintes bien réelles, et je ne voudrais d'aucune façon avoir l'air de les minimiser, mais il me semble qu'au-delà de tout ça la question de la transparence et les problèmes qu'on a connus... On ne se fera pas de cachette, là: le problème, c'est notre loi qui a donné lieu aux interprétations que la cour a données.

Puis soustraire la Corporation de développement économique de LaSalle, soustraire la Corporation du 350e anniversaire... Moi, je suis à Montréal, madame; comme citoyen, j'aurais bien aimé pouvoir avoir accès à ces informations-là pour porter un jugement sur la qualité de mon administration et sur les choix de l'administration. Alors, je voudrais vous demander si votre objection, c'est une objection technique compte tenu des contraintes financières, qui m'apparaissent, somme toute, minimales, ou est-ce que c'est une objection de fond? Est-ce que l'UMRCQ pense que des organismes municipaux... ils ne le sont pas encore, là, mais ceux que nous interprétons nous-mêmes comme des organismes municipaux, la Corporation du 350e, la Corporation de développement économique de LaSalle et, l'autre, la Société de développement économique de Baie-Comeau, tous des cas bien documentés dans le rapport de la Commission d'accès à l'information, est-ce que ces institutions, municipales ou pas, devraient être soumises à un plus grand régime de transparence?

Mme B. Simard (Jacinthe): Écoutez, M. le ministre, il y aurait, selon notre relevé, 2 294 organismes municipaux assujettis, si la tendance se maintient. Actuellement, nous, par nos municipalités que nous représentons, nous en touchons environ 50 %. Alors, on considère que c'est alourdir considérablement des organisations qui fonctionnent relativement bien et que, s'il y a des cas – je l'indiquais tout à l'heure – comme les corporations de développement économique, où l'on veut précisément maintenant enchâsser les CLD, les centres locaux de développement – parce qu'ils ont subi une métamorphose – je crois qu'il faut les nommer précisément et ne couvrir que ceux-là. Parce que, si on se retrouve à couvrir les autres, eh bien, le nombre est considérable, et ça vient alourdir de façon – je pense – importante souvent des organismes qui fonctionnent avec des budgets qui sont limités. Et on sait fort bien que, pour eux, aujourd'hui, d'être obligés d'entamer dans une procédure, de consulter les avocats, parce que ce sont parfois... Lorsque les gens veulent chercher l'information, c'est parce qu'il y a un litige, et l'organisation va devoir se protéger. Et là on vient d'alourdir considérablement tout le processus.

(15 h 10)

M. Giroux, est-ce que vous voulez... Non?

M. Boisclair: Mme Simard, j'entends tout ça, ce que vous me dites, là, mais comment ça se fait que je ne vous entends pas du même souffle plaider aussi pour une plus grande transparence de ces institutions, financées en grande partie, de façon majoritaire, par des fonds publics? Il n'y a pas là une nécessité incontournable? Si vous étiez d'accord avec le principe, je serais d'autant plus heureux et à l'aise de discuter des modalités, mais vous ne reconnaissez pas encore le principe d'une plus grande transparence de ces organismes. Et c'est là que j'ai de la misère à vous suivre.

Mme B. Simard (Jacinthe): Pour les organismes et les centres locaux de développement – les CLD – on vous indique de précisément les nommer dans la loi, alors ils seront tous couverts.

M. Boisclair: Ça, les CLD, c'est clair pour moi.

Mme B. Simard (Jacinthe): Bon.

M. Boisclair: Mais les autres corporations, celles que je vous ai nommées qui se développent.

Mme B. Simard (Jacinthe): Oui, mais souvent... Oui, alors, allez-y, Mme Chouinard.

Mme Chouinard (Isabelle): Si vous me permettez, M. le ministre, disons que votre définition ratisse très, très large.

M. Boisclair: Oui.

Mme Chouinard (Isabelle): Dans le sens où souvent il y a des organismes qui ne poursuivent pas des fins municipales...

M. Boisclair: Comme?

Mme Chouinard (Isabelle): ...qui sont subventionnées par les municipalités. Bien, l'article 8 du Code municipal permet aux municipalités de subventionner une foule d'organismes de charité, des organismes...

M. Boisclair: C'est les entreprises privées, pas couvertes par l'article.

Mme Chouinard ( Isabelle): Oui, mais votre définition d'entreprises privées n'est pas prévue dans la loi, de telle sorte qu'on peut peut-être deviner que toutes les corporations privées, qui sont assujetties à une loi privée comme la Loi sur les compagnies, seraient exclues de l'application de la loi. Le cas échéant, toutes les corporations seraient exclues. Alors, disons qu'il y a un flou à ce niveau-là.

M. Boisclair: En tout cas, s'il y a un flou – je m'excuse de vous interrompre – mais il n'est pas question des clubs de baseball, puis de ce genre de choses-là, de...

Mme Chouinard (Isabelle): Vous visez principalement les corporations de développement économique, si j'ai bien compris.

M. Boisclair: Je donne cet exemple, mais...

Mme Chouinard (Isabelle): Alors, les corporations de développement économique ont toutes été transformées en centres locaux de développement.

M. Boisclair: Oui, tout à fait.

Mme Chouinard (Isabelle): Alors, déjà on a couvert une bonne partie. Les autres, c'est plus difficile, parce que, comme je vous dis, il y a plusieurs corporations privées qui sont subventionnées par une municipalité où un élu est invité à siéger pour favoriser une synergie au niveau local entre le conseil, bon...

M. Boisclair: Un organisme sans but lucratif?

Mme Chouinard (Isabelle): Oui.

M. Boisclair: Ça existe.

Mme Chouinard (Isabelle): Il y en a plein, des corporations de loisirs, les maisons des jeunes. Parce que, là, comme je vous dis, votre définition en ratisse très large. La Corporation du 350e, c'est une décision un peu étonnante de la Commission, parce que c'est une corporation sur laquelle, je pense, la ville avait probablement un droit de vie ou de mort sur l'existence même de la Corporation, et c'est un des critères qui font que justement c'est sous l'autorité de la municipalité, donc déjà couvert en vertu de la loi sur l'accès.

M. Boisclair: Ce n'est pas ce que la Cour du Québec en a décidé.

Mme Chouinard (Isabelle): Non, c'est ça. Mais enfin...

M. Boisclair: C'est la Cour du Québec qui a pris cette décision.

Mme Chouinard (Isabelle): ...il y a peut-être moyen de moduler ce critère-là ou de le préciser pour dire qu'est-ce qu'on veut dire quand on dit: C'est sous l'autorité d'une municipalité. Mais de là à venir assujettir toutes les petites entités où siège un élu et qui sont financées, pour majorité, par la municipalité, il me semble que, là, on en ratisse un peu large.

M. Boisclair: Je conclus en vous disant: Il n'est pas question des clubs de baseball puis des maisons de jeunes où un élu pourrait siéger ou, à la limite, un administrateur pourrait à un moment donné se retrouver élu municipal. Ça ne ferait pas davantage de son organisation un organisme public. Donc, là n'est certainement pas ma compréhension, puis en mettant à l'exclusion les entreprises privées, j'ai toujours cru qu'on les excluait.

Maintenant, je vais regarder ça à nouveau, et ça me fera plaisir de vous mettre en contact avec M. Parent, chez nous, qu'on puisse fouiller ça, mais pour le reste je pense qu'il faut poursuivre là-dessus. La Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen sont tous intervenus à la faveur d'une révision de la définition d'organisme municipal qui avait été, peut-être à cause de faiblesses dans la loi, interprétée de façon restrictive par la Cour du Québec.

Vous avez bien lu, je pense, la problématique qui était posée par la Commission d'accès à l'information...

Mme Chouinard (Isabelle): Oui.

M. Boisclair: ...dans son rapport, et c'est à ça qu'on essaie de répondre.

Mme Chouinard (Isabelle): Oui.

M. Boisclair: Là, la maison des jeunes, puis le club de baseball, oublions ça.

Une voix: M. Giroux.

M. Giroux (Michel): Si vous permettez, M. le ministre, je pense qu'il faut être clair que, sur la question du principe, l'UMRCQ est tout à fait d'accord avec le gouvernement. C'est sur le moyen, simplement. C'est que, nous, on vit dans la vie de tous les jours dans ces milieux municipaux et on voit tous ces organismes et, pour nous, on pense que c'est inutile d'aller si large, tout en respectant le principe. Alors, essayons de s'entendre pour atteindre l'objectif sans – j'utilise le même mot que Me Chouinard – ratisser trop large inutilement.

Vous savez, il ne faut pas venir, aussi, en contradiction. On a deux ou trois ministres dans le monde municipal qui nous ont dit, depuis quelques années, qu'on tentait le plus possible de ne pas alourdir, même d'en enlever, des choses, sur nos épaules au niveau de ce qu'il y a à surveiller et de ce qu'il y a à rendre compte au gouvernement ou à d'autres instances, alors il ne s'agit pas d'en mettre plus large qu'il n'en faut. Tout en respectant le principe.

De la même façon, quand on regarde le texte de la loi, quand on parle de l'avis qu'il faut donner. Maintenant, chaque fois qu'une demande est faite à un organisme public, il faudrait envoyer un avis à la Commission de cette demande-là; encore là on vient alourdir, pour nous, inutilement, et surtout d'être obligé de dire pourquoi. Ces gens-là ont droit à l'accès aux documents; on leur donne les documents, et là il faudrait leur demander: Pourquoi vous voulez ça, monsieur? Parce que, nous, il faudra qu'on le dise au gouvernement, à la Commission du moins, quelles sont les raisons pour lesquelles on nous a demandé ce document. Ça me semble aller un peu trop loin; même si l'objectif, encore une fois, est louable, ça me semble personnellement aller encore un peu plus loin. Et on vient encore une fois alourdir de la paperasse, des avis...

M. Boisclair: J'entends ce que vous me dites, sauf que le législateur aussi... Il y a une nouvelle tendance qui se dessine, et je vous rappelle, à la page 83 du rapport de la Commission d'accès à l'information, troisième paragraphe, le législateur, dans une série de projets de loi récemment adoptés, dont la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, qui a défini ces organismes comme étant des organismes municipaux. Les modifications apportées aussi prévoient que des sociétés constituées en vertu de la loi concernant la ville de Laval, la loi concernant la ville de Saint-Romuald, la loi concernant la municipalité régionale du comté de Haut-Richelieu, et ainsi de suite, sont des organismes municipaux. Une disposition de même nature est prévue à ce qu'était feu le projet de loi n° 92 sur la Commission de développement de la métropole. Donc, je pense que c'est cette cohérence que nous recherchons et soyez assuré que, si effectivement on ratisse trop large, on va élaguer et on va demeurer sur l'essentiel. Et je suis heureux de voir que vous êtes d'accord avec le principe.

M. Giroux (Michel): Bien sûr.

Une voix: Allez-y.

M. Giroux (Michel): Il y a un autre point, M. le ministre. Je pense qu'il faut éviter également d'en mettre trop large. Si vous regardez à la page 9 du mémoire que notre Union vous dépose aujourd'hui, où on parle de l'utilisation d'un renseignement personnel à une fin non pertinente. Quand il s'agit d'un organisme public comme le monde municipal, actuellement, nous, depuis plusieurs années, nous nous sommes attachés à mettre en place, par exemple, la géomatique, des structures faisant en sorte de mieux servir notre clientèle et d'être capable de stratifier de l'information, de la faire servir; ne pas travailler de façon séparée, mais, par exemple, que nos choses de base pour le territoire, qu'on puisse y substituer en géomatique des informations sur la valeur des propriétés et sur l'incendie, le 911, et pouvoir travailler de façon très précise et de façon globale pour avoir le meilleur renseignement au meilleur coût pour donner, dans le fond, un meilleur service à la population. Et on le fait, ça, parce qu'on est des organismes publics puis on veut bien le faire puis on veut bien servir. On ne veut pas faire ça pour utiliser des renseignements personnels à des fins non pertinentes.

Dans la loi, on parle du mot «nécessaire». Nous, on vous suggère le mot «utile» à la place, parce qu'on est en mesure... Le législateur jugera de ce qu'on peut lui mentionner dans notre mémoire, mais on pense qu'utiliser le mot «utile» nous permettrait de continuer les mêmes objectifs, qui sont des objectifs publics et non pas d'utilisation à des fins personnelles ou à des fins non pertinentes. Dans ce sens-là, j'insiste là-dessus parce que nous ne voudrions pas que tous les efforts qu'on a mis dans les dernières années, justement pour stratifier toute cette information pour qu'elle soit utile, qu'on puisse en être empêché.

M. Boisclair: Et nécessaire.

M. Giroux (Michel): Pardon?

M. Boisclair: Je n'en doute pas que les efforts que vous avez fournis ces dernières années étaient des efforts nécessaires.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Giroux (Michel): Oui, bien, là...

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Boisclair: Non seulement utiles, mais aussi nécessaires.

M. Giroux (Michel): Si on se comprend... d'après ce que je peux voir, on se comprend, et c'est ce qui compte.

Le Président (M. Garon): Bon. Alors, sur cette bonne note, le temps étant écoulé pour le parti ministériel, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de mes collègues de l'opposition, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentantes et représentants de l'UMRCQ.

Je voulais juste commencer, M. le Président, en exprimant un souhait: que, dans l'échange qui doit s'ensuivre, vous nous fournissiez des exemples. Mon collègue le député de Jacques-Cartier qui avait déjà soulevé... lui était dans un autre sport, il était rendu dans le hockey, mais il avait pressenti exactement la même difficulté que vous étiez en train de soulever. C'est souvent par le biais d'exemples... Et c'est à ça que ça sert finalement, des commissions parlementaires comme celle-ci: des gens qui viennent et disent: Félicitations pour vos bonnes intentions, mais...

Et là vous avez, sur le terrain de baseball ou autre, des exemples à nous fournir, des résultats concrets de notre bonne intention d'assujettir les corporations; les choses importantes qui sont assimilables à l'organisme public, qui est la municipalité, on veut continuer à assujettir ça et on ne veut pas que, par la création d'une autre corporation, ça échappe à l'oeil vigilant des élus et des électeurs. Les gens ont le droit de savoir où va leur argent d'autant plus qu'aujourd'hui c'est très difficile justement de justifier des reculs de cette nature-là.

(15 h 20)

Par contre, si la rédaction est à ce point-là floue, on va la travailler ensemble parce qu'il n'y a pas de chicane de fond entre les deux côtés sur le but recherché. Par contre, si ça va conduire à des résultats absurdes, bien, on veut tous l'éviter, parce que ce qui va se passer dans ce temps-là, c'est qu'un juge va dire que la disposition est inapplicable puis on risque même pas d'assujettir ce qui était visé au départ.

Mon collègue, M. le Président, le député d'Outremont, avait une question, puis, s'il reste du temps, je reviendrai.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais revenir à ce que vous dites à la page 4 – on en a débattu hier avec l'Office des personnes handicapées – sur l'accès aux personnes handicapées. J'ai bien compris; ce que vous dites, c'est que finalement, ça, ça devrait faire l'objet d'une étude d'impact pour voir si c'était coûteux ou trop coûteux. Ensuite de ça vous suggérez, à la suite du paragraphe, qu'on examine aussi le règlement pour ce qui est de la tarification des... D'abord, vous, dans les municipalités régionales, est-ce que des demandes vous ont déjà été faites par des personnes qui...

Mme B. Simard (Jacinthe): Pas à notre connaissance, qu'on ait été obligé de faire traduire en braille, par exemple, un rôle d'évaluation. En tout cas pas à notre connaissance. Mais imaginez-vous qu'on soit obligé de le faire pour un règlement d'urbanisme, par exemple. Eh bien, à notre simple relevé, ça coûte 12 $ pour une page dactylographiée régulière, 8,5 X 11, pour la convertir en braille. Alors, si on a un règlement d'urbanisme de 200 pages, vous imaginez les coûts que ça pourrait être imputables à la municipalité, et en fait pour le service de peut-être juste une ou deux personnes? Et même peut-être encore.

Alors, là, on se retrouve que les coûts peuvent être très importants, et on ne peut pas, même si on essaie de faire la recherche, enregistrer sur cassette un règlement d'urbanisme dans lequel il y a des grilles. Si on essaie, supposons, de dire, à l'effet que c'est trop onéreux de convertir en braille: On devrait peut-être le mettre sur cassette. Mais un règlement d'urbanisme, selon nous, c'est impossible de mettre ça sur une cassette enregistrée, parce qu'il y a des tableaux, il y a des cases, et c'est pratiquement impossible de traduire ça sur une cassette.

Il y a des coûts qui sont liés à ça, oui; alors, on croit qu'à l'effet que c'est seulement quelques utilisateurs qui en auraient besoin eh bien ça serait à eux à payer pour ce que ça peut représenter.

M. Laporte: Excusez mon ignorance, mais est-ce qu'il y a des classes de documents importants? Il y a beaucoup de documents de ce genre-là?

Mme B. Simard (Jacinthe): Chaque municipalité a son plan d'urbanisme, et souvent on peut se retrouver avec des documents qui peuvent avoir jusqu'à 500 pages. Moi, l'harmonisation du règlement d'urbanisme, au printemps, la lecture qu'on s'est imposée, c'est ça. Et ce sont des documents qui sont assez complexes à part ça, ce n'est pas une personne qui est complètement en dehors du domaine qui peut, je pense, même le transcrire; il faut qu'il y ait quelqu'un qui ait déjà des affinités, donc ça vient augmenter encore le coût. Et là ce serait aux citoyens à payer pour ces choses-là. Donc, moi, je crois que, oui, on peut le faire à la demande, mais que ce soit l'utilisateur qui ait à payer pour.

M. Giroux (Michel): Si je peux rajouter... Dans le fond ce qui nous inquiète un peu, c'est le mot «sous forme adaptée». Je pense que c'est dans la réponse à cette définition qu'on va trouver la solution. Si, par exemple, on oblige les municipalités ou les corps publics à avoir de disponible une disquette de toute leur réglementation, une disquette de leur plan d'urbanisme, et que cette disquette, elle, puisse être adaptable ou adaptée, alors on fournit donc à toute personne qui a des problèmes la possibilité d'avoir cette disquette et de la faire traiter ailleurs et d'avoir des copies de toute la réglementation municipale, du plan d'urbanisme, etc. Ça c'est peut-être une façon de comprendre le mot «adapté».

Mais, s'il faut donner quelque chose qui est déjà adapté à tout citoyen qui en fait la demande... Par exemple, les plans d'urbanisme, c'est plusieurs feuilles, c'est grand comme la table, c'est un document public. C'est comme un schéma d'aménagement dans une MRC, ç'a huit ou 12 feuilles, c'est coloré. Comment on fait ça pour rendre ça adapté? Peut-être qu'on comprend mal, là, mais la définition me semble importante, M. le ministre, à savoir: Qu'est-ce qu'adapter par rapport à adaptable?

M. Laporte: Donc, finalement, ce que vous me remettriez, si j'étais un handicapé, ce serait votre disquette; je pourrais en prendre connaissance puis décider ce dont j'ai besoin, puis me satisfaire à mes frais, quoi.

M. Giroux (Michel): Voilà. Comme on ferait avec tout autre citoyen qui vient à la MRC et qui nous demande une copie de notre schéma d'aménagement, on lui donne la disquette, s'il nous en fait la demande, on lui vend quelques dollars, selon le tarif. Il s'en va avec la disquette, il en fait faire des copies s'il veut. S'il nous demande de lui en faire des copies, il y a encore un autre tarif qui est prévu. Mais c'est adaptable sur cette disquette-là. Si on s'en va, par exemple, la faire traiter pour un règlement, ils peuvent le mettre en braille, ils peuvent le mettre auditif, ils peuvent... Ça peut être traité ça, ça peut être adapté.

M. Laporte: Puis, hier, on a aussi débattu, M. le Président, de l'obligation d'assistance dans le cas des personnes qui auraient des handicaps intellectuels.

M. Giroux (Michel): Intéressant.

M. Laporte: Vous réagissez comment à ça, aussi? Ils n'ont pas précisé la nature de l'assistance, mais ça pourrait être une assistance... Tout de même, ça demande une assistance un peu spéciale.

M. Giroux (Michel): Une chose qui est sûre, c'est que nous avons des citoyens qui ont besoin d'aide dans notre société. Il faut tenter de les aider le plus possible. Notre rôle, comme Union, c'est de permettre ça puis en même temps d'essayer de voir à le faire dans les limites du raisonnable, de l'acceptable et de trouver des solutions, en tout cas pour que ces gens-là soient aidés, mais tout en... aussi en favorisant qu'ils nous aident à les aider.

M. Laporte: Ça va, M. le Président.

Mme B. Simard (Jacinthe): Et là-dessus, je crois que, quand des gens ont des formes de déficience qui pourraient peut-être être intellectuelles, habituellement, au niveau des services sociaux, ils ont déjà des personnes qui peuvent les aider, donner un service excellent au niveau de la municipalité. Alors, déjà, ils ont des services permanents qui peuvent leur permettre d'avoir accès et que la personne qui fait le lien entre les deux services sera en mesure de convertir pour l'adapter. On le croit.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, je vais inviter les représentants d'Hydro-Québec à s'approcher de la table des délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): Je ne sais pas qui est la principale porte-parole, mais je vais demander à la porte-parole de se présenter et de présenter la personne qui l'accompagne. Nous avons 45 minutes ensemble. Ça veut dire, normalement, 15 minutes pour votre exposé, 15 minutes pour chacun des deux partis politiques.


Hydro-Québec (HQ)

Mme Nadeau (Marie-José): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Marie-José Nadeau. Je suis vice-présidente aux Affaires corporatives et secrétaire générale pour Hydro-Québec. Je suis accompagnée de Mme Stella Leney, qui est directrice aux Affaires corporatives et secrétaire adjointe pour l'entreprise et qui agit également comme coresponsable de la loi de l'accès à l'information pour l'entreprise.

(15 h 30)

Alors, mes remarques d'introduction seront brèves. Ce n'est pas la première fois que j'ai le privilège de me présenter devant vous et devant cette commission. À pareille date ou à peu près l'an dernier, je me suis prêtée à un autre exercice de révision quinquennale des dispositions de la loi. Certaines des recommandations qui paraissent dans le mémoire que nous vous avons transmis vous ont déjà été communiquées ou ont déjà fait l'objet d'échanges avec vous, d'autres évidemment sont plus fraîches à la lecture du projet de loi. Les commentaires que nous y avons faits et que j'apporterai au cours de la présente séance de travail sont essentiellement vus dans un esprit très constructif.

Hydro-Québec a une expérience riche en matière de gestion de la loi d'accès à l'information. Nous avons, bon an mal an, maintenant 250 demandes que nous traitons et que nous traitons dans un esprit qui se veut le plus ouvert possible et, malgré ce qu'on peut en lire à certains égards ou à certains moments dans les journaux, avec transparence.

Vous le savez – je ne m'étendrai pas là-dessus – nous avons une entreprise à vocation commerciale avec des activités à l'international et nous visons le développement de nouveaux partenariats d'affaires. Évidemment, nous sommes sur tout le territoire du Québec. Les observations que je fais sont conditionnées par la spécificité de l'entreprise.

Je n'ai pas l'intention, à moins que vous ne m'y invitiez, M. le ministre, de reprendre toutes les recommandations qui sont dans le mémoire, mais je voudrais attirer votre attention sur les trois ou quatre qui me paraissent les principales. Peut-être que j'énoncerai le thème de chacune des recommandations, mais pour attirer votre attention sur celles qui me paraissent mériter votre attention.

Alors, la première: les restrictions d'accès et la procédure judiciaire. Nous vous faisons la représentation suivante, c'est-à-dire que le mot «analyse» à l'article 32 de la loi soit remplacé par le mot «document». Il arrive qu'en réalité la portée restreinte aux seuls documents qui constituent des analyses pose préjudice à une entreprise comme Hydro-Québec qui est partie à des litiges civils, puisqu'il se produit un déséquilibre entre les parties, la partie adverse n'étant pas traitée de la même façon que l'entreprise publique ou l'organisme public lorsqu'il y a une demande d'accès à l'information visant l'accès à des documents qui constituent des parties du dossier en litige. Alors, pour cela, il nous paraîtrait plus approprié que le mot plus général, le terme plus général «document» remplace le terme spécifique «analyse».

Le deuxième point sur lequel je voudrais attirer votre attention, c'est à l'article 70 où nous vous suggérons de maintenir le libellé actuel de la loi qui permet de coupler ou d'apparier des fichiers de renseignements personnels. Le terme qui est utilisé est le mot «comparer», dans le projet de loi.

Pour éviter toute confusion, je vous donne quelques cas où il paraîtrait important qu'on s'entende sur ce qui est autorisé et qu'on pourrait apparier: par exemple, c'est précisé dans le mémoire, le prélèvement automatique de paiement de compte d'électricité pour les prestataires du ministère de l'Emploi et de la Solidarité; les saisies de salaire pour le paiement de compte d'électricité en exécution d'un jugement obtenu pour des débiteurs employés d'un organisme public; les faillites, informations à obtenir de l'Inspecteur des institutions financières du ministère des institutions financières. Il va sans dire qu'il s'agit de cas bien spécifiques, mais qui, dans le fond, seraient à l'avantage et du bénéficiaire, puisque, lorsqu'on parle de prestataire de la Sécurité du revenu, c'est le terme qui convient, ou encore évidemment du commettant ou du client lorsqu'il s'agit de situation de faillite ou autre.

L'autre recommandation sur laquelle je voudrais attirer votre attention est celle qui porte sur l'article 126 de la loi qui permet à la Commission d'accès à l'information d'enquêter sur toute matière relative à l'accès à l'information. Nous vous suggérons ici de préciser les modalités d'application de l'article afin qu'une plainte adressée à la Commission par la voie de cet article ne remplace ou ne constitue pas une nouvelle demande d'accès déguisée. L'avantage de la modification permettrait également de bien délimiter et de bien identifier les deux vocations de la Commission d'accès lorsqu'elle agit soit dans l'exercice de ses pouvoirs d'enquête ou de ses pouvoirs d'adjudication. Il s'agit donc d'une précision qui serait à l'avantage de tous, y compris de ceux qui gèrent la loi et, je vous le soumets bien respectueusement, de la Commission elle-même.

Je n'en dirai pas plus tout de suite. Je voulais réserver le maximum de temps d'échange pour pouvoir répondre à vos questions. Je tiens à vous dire à quel point nous avons apprécié notre dernière présentation devant cette commission, le dynamisme des échanges que nous avons eus et l'esprit constructif dans lequel ça s'est fait. Nous avons constaté que les recommandations que nous avions faites avaient été prises en considération. Il nous paraissait, à l'instar de ce que disait le député de Chomedey tout à l'heure et vous-même, M. le ministre, qu'il faut maximiser le temps qu'on a ensemble pour pouvoir comprendre les situations dans lesquelles on se place et pour lesquelles on vous fait des recommandations.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Merci. Avant peut-être d'aborder le contenu de votre mémoire, je comprends que la récente décision de la Régie de l'énergie va faire en sorte que des documents qui auraient peut-être été jugés confidentiels en vertu de la loi d'accès pourraient se retrouver accessibles en vertu des dispositions de la loi de la Régie. Entre autres, la Régie aura, cas par cas, à évaluer la pertinence de rendre accessible un document. Mais, dans une perspective où la Régie a à statuer sur un prix, elle doit s'assurer que l'ensemble des intervenants à un dossier puissent avoir accès à la même information. Et la décision de la Régie, à cet égard-là, est intéressante. Ce sera une contrainte, en tout cas... Ça ne sera pas nécessairement une contrainte, mais c'est un avantage nouveau qui est donné aux différents intervenants qui auront à se présenter devant la Régie.

Comment Hydro va composer avec cette réalité, si on prend le débat plus large que celui de l'accessibilité aux documents d'organismes publics?

Mme Nadeau (Marie-José): Si vous le permettez, M. le ministre, d'abord, la Régie ne s'est pas prononcée spécifiquement – et vous l'avez bien dit – sur l'accès à l'information. Mais évidemment, dans le cadre d'un débat public, on peut comprendre que des pièces qu'on déposerait seraient accessibles.

M. Boisclair: Ce n'est pas la même chose. Je comprends bien.

Mme Nadeau (Marie-José): Maintenant, c'est un avis. Le gouvernement aura à prendre une décision sur la base de l'avis formulé par la Régie. Il n'y a pas, à ce jour, de décision qui soit prise. Hydro-Québec sera à tout moment consciente des impératifs commerciaux qui nous guident et, en même temps, en tous points désireuse de se conformer à la décision que prendra le gouvernement sur les modalités d'établissement du tarif de fourniture, puisqu'il s'agit de ça.

Maintenant, il y aura également pour le gouvernement, me semble-t-il... Oui?

M. Boisclair: Oui, je m'excuse. Mais est-ce qu'on pourrait se retrouver dans une situation où des documents ne seraient pas accessibles en vertu de la loi d'accès et, puisqu'ils auraient été déposés... Et on aurait pu invoquer à cet égard les restrictions prévues à la loi sur l'accès pour ne pas rendre public un document. Est-ce qu'on pourrait se retrouver dans une situation où un document ne serait pas accessible en vertu de la loi d'accès et, puisqu'il aurait été mis en preuve ou en appui à vos prétentions devant la Régie, ce document pourrait se retrouver accessible?

Mme Nadeau (Marie-José): C'est à cela que j'en arrivais. Il me semble que le gouvernement, lorsqu'il prendra sa décision, devrait éviter de nous mettre dans la situation de confronter deux décisions contradictoires entre deux tribunaux quasi judiciaires. Nous avons, comme vous le savez, une décision favorable de la Commission d'accès à l'information relativement...

M. Boisclair: Au niveau des barrages.

(15 h 40)

Mme Nadeau (Marie-José): ...à la divulgation des niveaux d'eau de nos réservoirs. Nous parlons d'une situation hypothétique ici, mais la Régie pourrait en faire la demande et la Régie pourrait également avoir à se prononcer sur le traitement de ce type d'information. Est-ce qu'elle l'entendrait à huis clos comme, à certains égards, la Commission d'accès à l'information le fait lorsqu'elle considère qu'il y a un enjeu commercial? Les règlements que prendra la Régie en application de ses pouvoirs seront déterminants. Ils seront soumis à la consultation publique en vertu de la législation pertinente. C'est certainement des représentations que nous ferons à ce moment-là pour garder confidentielles des informations qu'on juge être au détriment de notre intérêt commercial lorsqu'elles sont rendues publiques.

M. Boisclair: Ça, ça va être un débat intéressant parce que ça appelle le législateur dans sa cohérence. À la limite, la question qu'on pourrait se poser, c'est: Est-ce que des dispositions semblables à celles contenues à la loi sur l'accès pour protéger les activités commerciales d'une entreprise publique ou d'une entreprise privée, à la limite, devraient se retrouver dans la loi sur la Régie?

Mme Nadeau (Marie-Josée): Oui, vous avez raison, ça va être un débat intéressant. Il faudra que les deux organismes quasi judiciaires, dans le fond, soient cohérents dans leur interprétation. Comme je vous dis, j'anticipe et je sais que la Régie devra prendre des règlements en application de ses pouvoirs. Notamment, les décisions qu'elle prendra quant au traitement confidentiel ou non, ou à huis clos, de certaines informations seront suivies de près par nous.

M. Boisclair: Pour revenir à vos recommandations immédiates, écoutez, la première, l'article 32, vous suggérez un document plutôt qu'une analyse. À première vue, les gens, chez nous, m'ont dit que ça pourrait en couvrir large et qu'on craignait un peu l'interprétation qu'on pourrait en faire. Mais ce sont des questions que nous pouvons regarder. Et je pense que cette recommandation nous avait, de mémoire, déjà été formulée...

Mme Nadeau (Marie-José): C'est ce que je vous ai dit, oui. Dans certains cas, on s'est déjà exprimé dans ce sens-là.

M. Boisclair: ... – c'est ça – et qu'on ne l'avait pas retenue. Mais certainement, s'il y a des cas problématiques, au-delà de ce que vous avez présenté dans votre mémoire, qui pourraient nous interpeller, il nous fera plaisir d'en discuter avec des gens chez nous.

Je comprends que votre argument est le suivant: de demander au public la même chose que vous demandez au privé. Vous plaidez pour une harmonisation des dispositions de la loi sur le secteur public et l'article 39 de la loi sur le secteur privé.

Mme Nadeau (Marie-José): Notamment. Il y a aussi l'autre élément – puis Mme Leney pourrait apporter un complément de réponse – qu'on cherche à équilibrer les statuts des deux parties, des parties adverses. Alors, là, on place le procureur de l'organisme public dans une situation différente et, dans le fond, plus névralgique et plus sensible parce qu'il peut révéler une partie importante de sa preuve, ce que la partie adverse, qui n'est pas un organisme public, ne fait pas. Alors, il y a un déséquilibre entre les deux parties au litige, et c'est ce qu'on cherche à faire corriger. C'est de ne pas limiter uniquement au mot «document», mais à ce que... parce que, là, on se retrouve dans un débat juridique, devant un tribunal.

Peut-être que Mme Leney...

Mme Leney (Stella): Non, c'est de ne pas limiter au mot «analyse», effectivement. C'est ce que je voulais expliquer. Donc, ça déséquilibre entre les deux parties parce que la partie adverse qui est du domaine privé ou du secteur privé, elle, n'a pas à révéler l'ensemble de sa preuve ou de ses documents en preuve avant tout le processus prévu au Code de procédure civile, alors que l'organisme public, lui, doit le faire, sauf pour ce qui est des analyses. Mais l'analyse a une portée très restreinte. Ç'a déjà été interprété par la Commission et la définition est bien restreinte.

M. Boisclair: On vous entend. Je ne suis pas sûr qu'on va vous comprendre. Ha, ha, ha! Mais, écoutez, soyez assurées qu'on va le regarder attentivement.

Le délai de réponse, bon, vous dites que ça pourrait être plus long, mais 30 jours... C'était 20 plus 10 auparavant. On a mis 30. C'est un délai de rigueur, il me semble, qu'on peut s'imposer.

Mme Nadeau (Marie-José): Écoutez, oui, tout à l'heure, quand j'ai identifié les dispositions, j'ai...

M. Boisclair: Oui, c'est ça, vous n'êtes pas intervenue là-dessus à nouveau.

Mme Nadeau (Marie-José): Non.

M. Boisclair: Et coupler, apparier, je dois vous dire, je n'ai pas de réflexion particulière sur cette question, mais il me fera plaisir, peut-être, de regarder ça et de vous tenir informées. C'est la première fois qu'on porte à mon attention ce commentaire. N'ayant pas eu l'occasion de faire analyser votre mémoire auparavant, comme ç'a été le cas pour les précédents, on va certainement regarder ce qu'il en est. Il y a sûrement une nuance sur laquelle il faudrait réfléchir. Je vais discuter avec mes collègues pendant que l'opposition vous questionne. Peut-être que d'autres de mes collègues ont des questions, aussi.

Mme Nadeau (Marie-José): Certainement, oui.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier vivement les représentants d'Hydro-Québec pour leur analyse et leur présentation très serrée. Ça paraît, vous êtes des gens qui sont habitués à traiter avec la loi. Chacun des éléments que vous avez retenus pour commentaire aujourd'hui est tout à fait pertinent. C'est vraiment très important, ce que vous avez fait, ça nous aide énormément. Le ministre vient de le dire implicitement dans ses remarques, il y a plusieurs choses que vous avez soulevées que personne d'autre n'a vues et qui exigent, de toute évidence, une attention particulière de notre part. Et, en toute sincérité, on vous remercie beaucoup de ce travail très pointu et très précieux pour nous.

Je vais y aller un par un, de mon côté, pour vous donner un peu d'indications, puis on pourra peut-être échanger brièvement après. De la même manière que le ministre, le terme «analyse» effectivement reçoit une définition serrée de la part des tribunaux. À mon point de vue, ça ne cause pas autant de problèmes que ça, parce que ce qu'on ne veut pas donner à l'adversaire, c'est justement une analyse, le fruit d'une réflexion, mais on veut, par contre, assurer l'accès à une information brute, à des chiffres et des choses comme ça. Ça, c'est ce qu'on permettrait d'obtenir, mais on ne pourrait pas obtenir l'analyse.

Je reste à être convaincu qu'il y a un réel problème là-dessus. J'ai lu attentivement votre argument comme quoi ça désavantage un côté par rapport à l'autre lors d'une procédure civile, mais je ne suis pas sûr que de donner à des gens des informations brutes comme ça, ça constitue vraiment un avantage. L'autre partie n'a pas d'information de cette nature à vous fournir.

Votre question des délais est intéressante de la manière dont vous l'abordez. La partie que je trouve la plus intéressante dans les points que vous soulevez, lorsque vous y allez sur les notions floues en termes de rédaction législative, vous reprochez, avec raison, des notions comme pour un motif raisonnable, des situations exceptionnelles, des choses comme ça. Aussitôt qu'on commence à faire appel à ça, personne ne sait sur quel pied danser. On va l'étudier attentivement. Je sais que les proches collaborateurs et collaboratrices du ministre l'ont noté aussi. Vous avez un très bon point là-dessus.

Pour ce qui est de votre troisième point, prévoir que, si l'avis est donné à la CAI par l'organisme receveur, il remplace l'autre avis à donner, il me semble que c'est le gros bon sens. Très bon point.

Quatrième point. À l'article 68, vous suggérez que le fardeau d'informer les personnes concernées soit porté par l'organisme requérant et que les modalités soient approuvées par la CAI avec avis public ou communication privée. J'aimerais que vous élaboriez un peu plus là-dessus. Je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les nuances de votre propos.

Mme Nadeau (Marie-José): Dans le projet de loi tel qu'il est libellé actuellement, les deux notions d'information ou informer celui qui fait la cible ultime d'une demande d'accès à l'information, d'une information qui le concerne, le mot «consulter» est également utilisé. Nous avons compris que l'organisme requérant ou le requérant, puisque ce n'est pas nécessairement toujours un statut d'organisme, serait exempté de consulter le tiers concerné par l'information, mais pourrait être tenu de l'informer qu'une information le concernant a été communiquée.

Ce que nous vous disons ici, c'est, pour plus de simplicité, pour faciliter la compréhension, de le dire en des termes aussi simples, et si encore notre compréhension est exacte, que l'organisme requérant a le fardeau d'informer celui au sujet duquel il requiert une information, qu'il l'a fait. Je comprends qu'il peut s'agir de listes ou de données très importantes, et là, à la Commission d'accès à l'information... Parce qu'il va probablement y avoir une résistance de la part de l'organisme requérant de dire: Non, écoutez, on n'est pas pour informer, je ne sais pas, moi, 150 personnes de façon nominative. L'avis public dans les journaux n'est pas nécessairement la bonne façon. Je suggère, dans le fond, que celui qui fasse la demande porte le fardeau d'informer, mais qu'en même temps les modalités soient approuvées par la Commission d'accès à l'information.

M. Mulcair: O.K. Mais ça nous permet peut-être de regarder un autre aspect, parce que justement – on va sauter le cinquième point pour l'instant puis revenir à coupler et apparier après – là vous dites effectivement que ça pourrait être approuvé par la CAI, puis, à votre sixième point, vous abordez une notion très importante en droit en regard de la législation déléguée. Vous parliez tantôt d'un règlement. On sait tous qu'il y a une Loi sur les règlements. Il y a des exigences d'une publication préalable, d'une période de consultation. Est-ce que je vous lis bien quand vous êtes en train de nous dire, à votre sixième point, l'inventaire des fichiers à tenir, que ce n'est pas clair que vous allez avoir une période de consultation pour faire des remarques lorsque la CAI viendrait à établir des règles?

Mme Nadeau (Marie-José): Les règles ne sont pas les règlements.

M. Mulcair: C'est ça.

Mme Nadeau (Marie-José): Et c'est sur le mot «règle». Si c'était écrit «règlement», je n'aurais fait aucun commentaire et j'aurais été rassurée que le processus réglementaire normal ait été suivi, que l'après-consultation ou la consultation préalable de 45 jours nous aurait été possible. Tout ce qu'on vous dit ici, c'est que, si c'est des règles, et là c'est une discrétion du législateur de permettre à la Commission d'accès à l'information d'établir des règles, nous voudrions pouvoir nous exprimer sur les règles aussi.

(15 h 50)

M. Mulcair: Oui. On a vu ce qui s'est passé la dernière fois que la CAI a établi des règles. Le juge Pelletier en a eu long à dire là-dessus au mois d'août. Alors, votre inquiétude est extrêmement bien placée et on va suivre ça attentivement avec vous.

Le cinquième point. L'article 70.1, premier alinéa, devait permettre de coupler et d'apparier les fichiers de renseignements personnels comme 68.1 de la loi actuelle le prévoit. Et ce qui est prévu à la place ici, c'est que – excusez-moi – on est en train de parler de comparer.

Je ne peux que dire la même chose que le ministre. Nous, on n'a jamais remarqué la distinction. Mais ce que vous êtes en train de dire est extrêmement important puis, à quelques reprises aujourd'hui – le Barreau l'a dit – il y avait une petite question de terminologie qui était différente de l'article 36, si ma mémoire est bonne, du Code civil du Québec.

En tout cas, il y a beaucoup de questions d'ordre terminologique comme ça auxquelles il faut répondre, parce que, si c'est différent, on est présumé vouloir dire quelque chose de différent. Une présomption peut-être pas toujours méritée, mais il y a une règle d'interprétation à cet effet-là que les juges vont appliquer. Alors, c'est notre devoir de nous assurer que, si on est en train d'utiliser une terminologie différente, c'est pour une raison valable, et sinon on va revenir à l'autre terminologie puis on va travailler là-dessus.

Le septième point est le plus délicat. C'est délicat parce qu'effectivement je pense que votre point ne concerne pas seulement Hydro-Québec et d'autres personnes qui risquent d'être assujetties, mais, croyez-le ou non, je pense que votre intuition risque d'aider la Commission d'accès à l'information. On en a déjà parlé avec mon collègue le député de Jacques-Cartier, il y avait un auteur américain qui parlait du fait qu'on vivait dans une culture de plaignardise. «A culture of complaint» était son expression. Je pense que, du moment où on traite parfois avec des gens qui ont d'autres problèmes, sans trop élaborer là-dessus, qui font des demandes à répétition, que ce soit à la CAI ou dans d'autres organismes, c'est une clientèle bien identifiée et ils vont d'une place à l'autre, bien souvent... Mais, si chaque fois qu'un refus valable avec une décision finale est fait ça se transforme en plainte, effectivement ça va alourdir.

Est-ce que ça vaut la peine de le prévoir pour le nombre de cas que cela représente? Je pense que c'est une question que, nous, on va être obligés de poser à la Commission d'accès à l'information. Peut-être qu'eux, sur la base de leur expérience, vont pouvoir nous dire: Effectivement, écoutez, on n'y a pas pensé. Il faut faire attention parce que... Le but, c'est d'avoir un recours léger et rapide qui permette de savoir où on en est, mais, si cela se transforme en plainte après, il va falloir le soupeser. En tout cas, je n'ai pas encore une idée tout à fait faite là-dessus. Je vais consulter mes collègues du côté de l'opposition. C'est un très bon point. On va le regarder attentivement.

Encore une fois, en terminant, merci beaucoup. C'était très utile. C'est, de toute évidence, un effort de synthèse remarquable. Vous avez vraiment ciblé des points très particuliers et vos observations vont nous aider beaucoup. Merci.

Mme Nadeau (Marie-José): Merci, M. le député.

M. Boisclair: M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: ...puisqu'on a un peu le temps, on va essayer de... Je voudrais vous présenter Gaétan Côté qui est un de ceux qui ont travaillé à la rédaction. Il m'explique que, entre coupler, apparier et comparer, la Commission n'a jamais fait de distinction. Il pourra vous l'expliquer avec les termes de sa science qui n'est pas la mienne, puisque ayant préféré l'économie au droit, même si j'ai fait un peu de droit. Il pourra vous l'expliquer. Règle et règlement, il semble y avoir une interprétation d'application davantage générale dans la Loi sur les règlements. On pourrait peut-être demander à M. Gaétan Côté de préciser.

Une voix: Me Côté, bonjour.

M. Côté (Gaétan): Assez brièvement, là, ce qu'on a voulu faire en utilisant seulement le terme «comparer», on en est venu un peu à la conclusion que «apparier» ou «coupler» étaient des formes de comparaison et on a voulu simplifier la loi à cet égard-là et employer une expression plus générale. Si effectivement il y avait des... C'est parce qu'il y a d'autres formes techniques où on peut faire du couplage ou de l'appariement. On trouvait que l'énumération était peut-être un peu inutile et portait inutilement à confusion.

Quant aux règles de la Commission, à l'article 76, à notre avis, ces règles-là sont visées par la Loi sur les règlements à titre de normes générales et impersonnelles édictées en vertu d'une loi qui a force de loi et la Commission d'accès à l'information est visée par l'article 2 de la Loi sur les règlements. Donc, ce serait assujetti à une prépublication dans la Gazette officielle et le processus de la Loi sur les règlements. Donc, ce serait public. Les règles sont des règlements au sens de la Loi sur les règlements.

M. Mulcair: C'est prévu dans la loi?

M. Côté (Gaétan): C'est que la Loi sur les règlements indique qu'un règlement, c'est un acte normatif de caractère général et impersonnel édicté en vertu d'une loi et qui, lorsqu'il est en vigueur, a force de loi. Ce qui serait le cas de ces règles-là. Et on dit que la présente loi s'applique à tout projet de règlement qui peut être approuvé par un organisme dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, etc. Ce serait visé par la Loi sur les règlements, à prime abord.

M. Mulcair: O.K. Est-ce que l'arrêt Blaikie s'appliquerait à ces règles-là?

M. Côté (Gaétan): Oui. Donc, dans les deux langues.

M. Mulcair: Merci.

Mme Nadeau (Marie-José): Si je peux me permettre, je comprends... Je vous remercie de ces explications, Me Côté. Je vous remercie, M. le ministre, de m'y donner accès. Dans les deux cas, ça va dans le sens des préoccupations que nous avons exprimées. Notre commentaire visait à clarifier l'interprétation. Je comprends que c'est ce que nous avons réussi à faire, et je vous en remercie.

M. Boisclair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants d'Hydro-Québec pour leur collaboration aux travaux de cette commission. Puisque nous avons épuisé la liste des intervenants, j'ajourne les travaux de la commission à demain matin, 9 h 30, dans la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 15 h 56)


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