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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le lundi 13 septembre 2010 - Vol. 41 N° 43

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 103 - Loi modifiant la Charte de la langue française et d’autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Et ça nous fait plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Maxime Laporte, qui va nous parler au nom de M. Étienne Gougoux. M. Laporte, je vais vous demander de nous faire une présentation d'une quinzaine de minutes et peut-être, pour les membres de cette Assemblée, bien nous indiquer qui vous êtes et qui est M. Étienne Gougoux. Alors, la parole est à vous.

MM. Étienne Gougoux
et Maxime Laporte

M. Laporte (Maxime): Oui. M. le Président, Mme la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Mmes et MM. les députés, en effet, un grand plaisir de me présenter devant vous aujourd'hui dans le cadre de cette consultation générale sur le projet de loi n° 103. Je dois dire que je me sens particulièrement honoré de venir défendre ici, à l'Assemblée nationale, cet élément fondamental de notre existence nationale qui est la langue française et qui est aussi la seule langue de l'État québécois.

**(14 h 10)**

Alors, mon nom est Maxime Laporte, j'ai 22 ans, je suis étudiant à l'École du Barreau du Québec à Montréal. Je viens en qualité de représentant de M. Étienne Gougoux, qui est un jeune étudiant en sciences politiques à l'UQAM, et aussi je représente à la même occasion l'organisation qu'il préside, c'est-à-dire le conseil jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Alors, voilà.

En tant que membres de la Coalition contre le projet de loi 103, qui regroupe un grand nombre d'organisations issues de la société civile ainsi que plusieurs partis politiques, nous nous opposons fermement à l'adoption par le gouvernement de la loi n° 103 parce que nous croyons essentiellement qu'elle mènera à l'anglicisation d'un nombre croissant d'allophones et de francophones dans un contexte où la situation du français se détériore rapidement au Québec, participant de ce fait d'un affaiblissement de notre langue d'État et donc de l'État québécois lui-même en affaiblissant notre cohésion sociolinguistique et nationale ainsi que notre capacité d'intégrer et d'accueillir les nouveaux arrivants en français.

Par ailleurs, nous considérons que cette loi créera une justice à deux vitesses en accordant le privilège aux plus fortunés d'accéder aux écoles anglaises publiques, créant par le fait même deux classes de citoyens et encourageant l'idée voulant que l'anglais jouit au Québec d'un statut supérieur malgré nos efforts pour faire du français la langue commune et la langue de la réussite. Alors, nous dénonçons cette réalité diglossique acculturante propre à notre condition de peuple inféodé et que la ministre responsable de l'application de la loi 101 semble vouloir alimenter, au pire par négligence, en nous soumettant tous à l'ordre constitutionnel illégitime d'Ottawa, alors qu'en 2002 tous les représentants du peuple québécois à l'Assemblée nationale avaient voté à l'unanimité pour empêcher le recours aux écoles passerelles. Alors, aujourd'hui, la situation risque de s'empirer alors qu'on consacre légalement en le balisant ce subterfuge des écoles passerelles. Alors, nous étions aux prises jusqu'en 2002 avec des écoles passerelles; aujourd'hui, on se retrouve en quelque sorte avec des écoles passe-droits. Alors, en tant que jeunes, ce genre de politiques nous inquiètent, parce que bien évidemment c'est nous qui en subirons les conséquences dans l'avenir.

Alors, à présent, si vous le voulez bien, je vais vous lire... je vais vous faire la lecture du mémoire d'Étienne Gougoux. Alors, si vous voulez, faites comme si j'étais lui. Alors, ça va comme suit.

Tout d'abord, je tiens à remercier les membres de cette consultation générale sur le projet de loi n° 103 de me donner l'occasion de m'exprimer en tant que citoyen. Pour commencer, j'aimerais me présenter. Je m'appelle Étienne Gougoux, j'ai 20 ans et j'habite dans l'arrondissement LaSalle, dans le sud-ouest de Montréal. Je viens tout juste de commencer un baccalauréat en sciences politiques à l'UQAM. Depuis près d'un an, je m'intéresse à l'avenir de la langue française au Québec. Les statistiques inquiétantes sur la situation du français au Québec, particulièrement à LaSalle et dans la grande région de Montréal, m'ont poussé à m'impliquer tout d'abord comme porte-parole du Mouvement des cégépiens pour le français puis actuellement comme président du conseil jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je présente ce mémoire avec l'objectif de contribuer au débat entourant le projet de loi n° 103. J'espère réussir à apporter des informations pertinentes qui contribueront à trouver un moyen d'assurer la pérennité de la langue française à long terme.

Alors, en octobre dernier, en octobre 2009, la Cour suprême du Canada a invalidé la loi n° 104 -- les alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Charte de la langue française -- votée à l'unanimité par le gouvernement, par l'Assemblée nationale du Québec en 2002. La loi n° 104 avait comme objectif d'empêcher les parents de contourner la loi 101. En effet, en 2002, plusieurs parents envoyaient leurs enfants dans une école anglophone privée non subventionnée pour obtenir rapidement le droit de fréquenter le réseau scolaire anglophone public, qui est normalement réservé à la minorité anglophone historique. Ce stratagème, qui gagnait en popularité d'année en année, mettait en péril la mesure la plus importante de la Charte de la langue française, soit l'obligation pour tous les francophones et les allophones d'envoyer leurs enfants à l'école française au primaire et au secondaire. Notons qu'avant la création de la loi 101 en 1977 une écrasante majorité des immigrants inscrivaient leurs enfants à l'école anglaise, ce qui mettait l'avenir de la langue française en péril.

Toutefois, dans son jugement, la Cour suprême a donné un délai d'un an au gouvernement du Québec afin de lui permettre de trouver une solution de remplacement à la loi n° 104. C'est dans ce contexte que le gouvernement libéral du Québec dirigé par Jean Charest a déposé, en juin dernier, le projet de loi n° 103. Cette loi prévoit la mise en place d'une grille de points pour évaluer le parcours authentique des élèves et ainsi déterminer si ces derniers peuvent avoir accès au réseau scolaire anglophone public.

Par exemple, un enfant allophone ou francophone qui fréquentera une école privée non subventionnée anglaise pendant trois ans pourrait avoir suffisamment de points pour accéder au réseau scolaire anglophone public et pourra par la suite inscrire tous ses descendants dans ce même réseau. En bref, la loi n° 103 légalise une forme de contournement de la loi 101 et permettra ainsi à certaines personnes de ne jamais envoyer leurs enfants à l'école française. C'est le coeur même de la Charte de la langue française qui est ainsi touché.

Dans un contexte où le français est en déclin au Québec, et plus particulièrement dans la région de Montréal, la loi n° 103 propose un retour en arrière dangereux et inquiétant pour l'avenir de notre belle langue. Effectivement, la loi n° 103 semble permettre l'achat du droit de fréquenter le réseau scolaire anglophone public, comme c'était le cas avant la mise en place de la loi n° 104, mais d'une manière un peu plus restrictive. Pourtant, à la lumière des récentes statistiques sur l'état du français, on serait en droit d'exiger un renforcement des mesures pour protéger cette langue plutôt que de subir un nouvel affaiblissement de notre loi 101, comme le propose le Parti libéral du Québec avec sa loi n° 103.

Au cours des derniers mois, plusieurs études ont été publiées sur l'état de la langue française au Québec. Par exemple, l'étude Le Grand Montréal s'anglicise, de M. Pierre Curzi, brosse un tableau plutôt sombre de l'état du français, particulièrement dans la métropole. Selon M. Curzi, le français recule, sur l'île de Montréal, en chiffres absolus et en pourcentages, alors que l'anglais progresse. L'étude Avantageà l'anglais, de M. Charles Castonguay, parue en 2009, abonde dans le même sens et note que la langue d'enseignement a une grande importance sur la langue utilisée au travail après les études.

Plus près d'où j'habite personnellement, à LaSalle, le pourcentage de la population ayant le français comme langue maternelle est passé de 47,3 % en 1996 à 41,5 % en 2006, selon les données de Statistique Canada. Ce déclin du français et à la fois audible et visible dans les lieux publics. En effet, l'affichage d'un grand nombre de petits commerces de l'arrondissement LaSalle ne respecte pas les dispositions de la loi 101. Lorsqu'une plainte est effectuée à l'Office de la langue française, il peut s'écouler plusieurs mois avant que des mesures soient prises pour améliorer la situation.

J'appréhende donc qu'en ne fermant pas complètement la porte au contournement de la loi 101 la loi n° 103 viendra empirer la situation du français au Québec, et plus particulièrement dans les quartiers de Montréal qui, comme LaSalle, accueillent une grande proportion de nouveaux arrivants.

L'illégitimité du jugement de la Cour suprême du Canada. En invalidant la loi n° 104, la Cour suprême du Canada, qui est composée de juges non élus... enfin, nommés par le gouvernement fédéral et qui se base sur une constitution que le Québec n'a jamais signée, est allée à l'encontre de la volonté du peuple québécois, puisque cette loi avait été votée en 2002 à l'unanimité par les députés élus de tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale du Québec. En réponse à ce jugement, deux options principales s'offraient au gouvernement: tout d'abord, ne pas reconnaître la juridiction de... enfin, l'effet de la décision et ainsi se soustraire à cette décision. Voilà. On parle... Il y a un petit changement, si vous le voulez bien, dans... Alors, l'autre solution... Donc, le gouvernement a écarté évidemment cette option, tentant plutôt de se conformer au jugement de la cour en accouchant du projet de loi n° 103, qui légalise le contournement de la loi 101 pour ceux qui en ont les moyens. Autrement dit, le retour des écoles passerelles est à prévoir.

Alors, l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. La loi n° 103 telle que proposée par le gouvernement du Québec ne semble pas être en mesure de mettre un terme à l'achat du droit de fréquenter le réseau scolaire public anglophone. En effet, elle rend simplement le processus plus complexe et laisse place aux méandres du cas par cas. Par conséquent, je suis d'avis que, pour assurer l'avenir de la langue française, il serait plus approprié d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Une telle mesure permettrait d'éviter le retour des écoles passerelles et assurerait ainsi que tous les francophones et les allophones fréquentent le réseau scolaire francophone au primaire et au secondaire. Afin d'éviter que cette solution ne soit invalidée à son tour par la Cour suprême, quelle que soit la solution juridique, il serait nécessaire d'utiliser la clause dérogatoire pour la protéger.

Par ailleurs, défendre les lois linguistiques québécoises contre les assauts de la plus haute instance juridique du Canada semble primordial. Toutefois, les statistiques tendent à démontrer qu'il est aussi urgent d'envisager la mise en place de nouvelles mesures pour assurer l'avenir de la langue nationale du Québec. Divers scenarii devraient être étudiés, comme par exemple l'application de la loi 101 au niveau collégial, l'application de la loi 101 aux entreprises de moins de 50 employés et l'augmentation du nombre de cours de français aux nouveaux arrivants.

En résumé, plusieurs études et acteurs politiques tendent à démontrer que le français subit un recul au Québec. Ce recul semble être plus prononcé dans la région de Montréal, qui accueille la majorité des nouveaux arrivants. Par conséquent, il est essentiel de maintenir et de renforcer les lois linguistiques que les élus québécois ont mises en place à travers les années, et ce, malgré les objections de la Cour suprême du Canada.

Malheureusement, le projet de loi n° 103 va à l'encontre de cette idée. En effet, ce projet de loi s'avère insuffisant pour remplacer la loi n° 104, puisqu'il permettra à certains de contourner la loi 101 en fréquentant des écoles privées non subventionnées pendant quelques années seulement pour ensuite avoir accès au réseau scolaire anglophone public. Pire, si elle est adoptée, la loi n° 103 contredira la mesure la plus importante de la Charte de la langue française, qui indique que seuls les enfants issus de la minorité historique anglophone ont le droit de fréquenter le réseau d'écoles anglophones publiques. C'est pourquoi j'exhorte le gouvernement du Québec à trouver une solution qui respectera la volonté du peuple québécois de protéger sa langue et sa culture plutôt que de se plier au jugement de la Cour suprême du Canada. Alors, c'est la fin du mémoire de M. Étienne Gougoux.

**(14 h 20)**

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Maxime Laporte. Et je cède immédiatement la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, M. Laporte. Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour avoir été un peu en retard. C'est intéressant, ce que vous dites, parce que vous allez... J'avais déjà vu le mémoire. Donc, on sait que vous alliez nous dire que vous alliez dans le sens de l'opposition officielle, c'est-à-dire la loi 101 aux écoles privées non subventionnées plus la clause dérogatoire.

Vous avez entendu probablement M. Bernard, la semaine dernière. Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur ce que M. Bernard a dit la semaine dernière?

M. Laporte (Maxime): Bien, M. Bernard propose une déclaration d'un suivi du parcours à l'école anglaise tout au long du parcours et... Enfin, il s'agit d'un compromis et une idée intéressante. Cependant, pour nous, ce n'est pas suffisant. D'une certaine façon, on pense que la loi n° 103, c'est d'une certaine façon s'aplaventrir. La proposition de M. Bernard, c'est d'être à genoux. Mais, d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, ce serait une façon de se tenir debout et, je veux dire, une façon qui est, à notre sens, possible dans le cadre constitutionnel, même, dans le cadre constitutionnel canadien.

Mme St-Pierre: Lorsque Me Bernard parlait de cette zone de liberté que M. Lévesque et M. Laurin avaient voulu protéger en n'appliquant pas la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, parce qu'ils disaient: Il y a là-dedans aussi des écoles qui enseignent la religion, il y a des écoles religieuses là-dedans, puis ils avaient voulu garder cet espace de liberté. Comment géreriez-vous ça si vous aviez à appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées avec ces écoles-là, avec la clause dérogatoire? Qu'est-ce qui arriverait à ces écoles, si on pense aux écoles religieuses, par exemple?

M. Laporte (Maxime): Bien, écoutez, je pense, c'est une interprétation de la loi 101 qui est propre à M. Bernard. Je pense qu'il y a M. Yves Martin, qui est quand même un des pères de la Révolution tranquille, qui a émis une opinion contraire à ça. Écoutez, je veux dire... C'est parce que vous semblez considérer l'accès, le choix de l'enseignement dans la langue comme un droit fondamental. Moi, c'est sur ça que je voudrais me concentrer. Et donc j'ai certaines objections là-dedans qui vont de pair avec les opinions exprimées par certains spécialistes en droit constitutionnel ces derniers jours.

Par exemple, là, on a entendu M. Stéphane Beaulac, de l'Université de Montréal, et on a lu aussi M. José Woehrling, encore de l'Université de Montréal. Alors, nous sommes... En plus, nous ne croyons pas que le droit international, je veux dire, considère le choix de la langue d'enseignement pour quelqu'un, autre que la langue de l'État ou de... est un droit fondamental de la personne et nous ne croyons pas non plus que c'est ce que dit la Charte canadienne. Si vous voulez bien, je vais juste vous glisser quelques mots à propos de ce point.

Alors, voilà. Alors, selon nous, une langue ne saurait être l'affaire d'individus pris isolément, en fait. Une langue est un objet de culture et n'existe que s'il y a plus d'un locuteur ou plus d'une personne pour la parler. Alors, les idiomes naissent dans l'interaction, ils se construisent dans l'histoire. La langue, en quelque sorte, est donc affaire de civilisation.

Les langues assurent la cohésion des collectivités et, plus important encore, l'organicité des États. Un État, c'est l'ultime instrument de volonté politique d'un peuple. Donc, l'État fait donc partie intégrante du pouvoir d'un État. Alors, en s'attaquant à la protection de la langue française au Québec, à notre sens, l'État fédéral s'en prend aussi à la force politique du Québec. Alors, c'est un vieux refrain au Canada que d'affaiblir sciemment le fait français. L'historique est long. C'est la triste histoire d'une diglossie systémique qui semble se prendre pour un bilinguisme.

Alors, les droits linguistiques concernent donc un objet de culture qui dépasse, selon nous, la sphère de droits consacrés à l'individu seul. M. Beaulac disait récemment, dans un article sur le site de Radio-Canada: Il n'y a pas, soyons clairs, de droit fondamental à l'éducation dans la langue de notre choix. La langue, selon nous, ne devrait constituer un droit indirect que dans cette seule mesure, c'est-à-dire: un individu a le droit à ce qu'on lui garantisse une protection contre la discrimination en fonction de sa langue d'origine. Dans le texte de M. Woehrling, il songeait à l'article 15...

Mme St-Pierre: C'est parce que vous avez fait votre présentation tout à l'heure. J'aimerais ça pouvoir vous poser des questions aussi.

M. Laporte (Maxime): Oui.

Mme St-Pierre: Vous aviez 15 minutes pour faire votre présentation. Je veux vous laisser répondre, bien sûr, mais je voudrais... Parce que, là, vous reprenez votre exposé, là.

M. Laporte (Maxime): Non, c'est un autre chapitre qui répond précisément à vos allégations, bon, à l'effet que le choix de la langue d'enseignement serait un droit fondamental de la personne et donc qu'en conséquence le Québec, en appliquant la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, verrait sa réputation internationale, je veux dire, réduite ou enfin...

Mme St-Pierre: O.K. Alors, vous dites que le choix de la langue d'enseignement, c'est un droit fondamental, mais il faut appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Je voudrais vous poser une question sur la...

M. Laporte (Maxime): ...pas ce que je dis. Non, c'est... Non, non. Selon moi, par exemple, tout peuple, toute société distincte a droit à l'autodétermination interne au sein d'un État. Par exemple, la minorité historique anglaise a droit, puisque c'est sa langue... la langue de la minorité est anglaise, on doit respecter cela. Par contre, pour les allophones et les francophones, je ne vois pas où il y aurait un droit fondamental à choisir une langue d'enseignement qui serait autre que la langue de l'État.

Mme St-Pierre: O.K. Je voudrais vous poser une question sur... Vous avez dit, à la fin de l'exposé de M. Gougoux, vous avez dit qu'il faudrait appliquer la loi 101 au niveau collégial.

M. Laporte (Maxime): Oui.

Mme St-Pierre: Donc, on est dans un exercice, là, on est en train... on ouvre la Charte de la langue française, et ce n'est pas à tous les jours qu'on fait cela. Est-ce que vous souhaiteriez, comme représentant du conseil jeunesse de la Société Saint-Jean-Baptiste, qu'on en profite et que: Allons-y gaiement, allons-y pour les écoles privées non subventionnées et continuons la réflexion, c'est-à-dire continuons dans le raisonnement, et pourquoi ne pas le faire maintenant pour le niveau collégial? Est-ce que vous souhaiteriez cela?

M. Laporte (Maxime): L'application de la loi 101 au cégep?

Mme St-Pierre: Présentement, là, puisque nous sommes dans un exercice d'ouvrir la Charte de la langue française, voudriez-vous qu'on ouvre aussi... qu'on applique ça aussi aux cégeps, puisque nous sommes avec la clause dérogatoire, et tout ça, là?

M. Laporte (Maxime): Oui. Je pense que ce serait un projet légitime, mais je ne pense pas que ce seraient des moyens trop drastiques pour le problème qui se pose au Québec sur le plan linguistique. Alors, on a... Oui?

Mme St-Pierre: Oui. Est-ce que c'est quelque chose que vous voudriez que l'opposition propose présentement, d'appliquer la loi 101 aux collèges aussi, aux cégeps?

M. Laporte (Maxime): Alors, moi, je suis d'accord avec cette option-là...

Mme St-Pierre: O.K.

M. Laporte (Maxime): ...bien évidemment. Écoutez, on a, par exemple, l'exemple de la Catalogne, qui impose sa langue, le catalan, jusqu'à l'université, en Europe. Alors, je veux dire, qu'on cesse de parler d'un tel projet comme d'une abomination. Je pense que les cégeps déjà sont une institution spécifique au Québec, ça visait la démocratisation de l'enseignement supérieur. Je pense que la démocratisation aussi de la langue française, en favorisant une meilleure intégration des nouveaux arrivants, il me semble que c'est quelque chose de positif surtout au vu des données qui ont été sorties récemment par l'IRFA, qui nous ont un peu surpris...

Mme St-Pierre: Oui. Vous êtes maintenant au niveau du Barreau. C'est ce que j'ai bien compris?

M. Laporte (Maxime): Oui.

**(14 h 30)**

Mme St-Pierre: Alors, vous avez terminé votre cégep déjà depuis un certain temps.

M. Laporte (Maxime): Oui.

Mme St-Pierre: La semaine dernière, la Fédération des cégeps est venue ici et nous a parlé de sa position par rapport au projet de loi n° 103 mais a aussi parlé de son avis concernant l'application de la loi 101 aux cégeps, et les cégeps eux-mêmes, la Fédération des cégeps est en désaccord de l'application de la loi 101 au niveau collégial. J'aurais une question à vous poser...

M. Laporte (Maxime): Mme la Présidente, la FEC nous disait, dans une assemblée à Montréal, au sujet justement de ça, qui participait de sa réflexion, de la réflexion actuellement, actuelle de la FEC sur la question, que la position n'était pas définitive.

Mme St-Pierre: Bon. La semaine dernière en tout cas, c'est ce que les représentants sont venus nous dire...

M. Laporte (Maxime): Il est venu pour vous parler de la loi n° 103...

Mme St-Pierre: ...en commission parlementaire.

M. Laporte (Maxime): ...dans les écoles privées non subventionnées; il n'est pas venu pour vous parler de...

Mme St-Pierre: Mais ça, c'est parce que c'est vous qui l'avez amené dans votre mémoire. C'est pour ça que je pose les questions, ça m'intéresse de savoir ce que vous pensez.

M. Laporte (Maxime): Oui, oui, oui.

Mme St-Pierre: Et, si vous ne l'aviez pas amené, je ne l'aurais probablement pas amené.

M. Laporte (Maxime): Je pense, je n'ai pas parlé de la FEC.

Mme St-Pierre: Oui, vous avez parlé des collèges.

M. Laporte (Maxime): Ah oui, oui. Bien ça, c'est notre position...

Mme St-Pierre: Oui, c'est ça.

M. Laporte (Maxime): C'est notre position, tout à fait. Puis, je veux dire, comme je vous disais, au vu des données sorties par, entre autres, M. Sabourin, là, de l'IRFA, je veux dire, je pense que c'est un problème auquel on devrait s'attaquer, c'est-à-dire devant lequel on ne devrait pas rester passifs ou...

Mme St-Pierre: On a bien compris. On a bien compris. C'est ça. Je voulais simplement vous faire...

M. Laporte (Maxime): Oui.

Mme St-Pierre: J'aimerais ça savoir. Puisque vous êtes étudiant en droit, vous avez dû lire évidemment le jugement de la cour, la Cour suprême. Qu'est-ce que vous entendez, vous... Vous, si je vous demandais votre définition d'un parcours authentique, ce serait quoi? Si vous aviez à définir le parcours authentique, qu'est-ce que vous... Comment vous l'avez compris, dans le jugement?

M. Laporte (Maxime): Bien, écoutez, je ne sais pas, à la base, si on pose la question de... il me semble que c'est une vision un peu arbitraire, je veux dire, que ça passe par un processus administratif comme ça. Peut-être que je pourrais vous dire un... ce qui est, pour moi, un parcours authentique, je veux dire, je n'en ai aucune idée, puis je trouve ça malheureux qu'on base, je veux dire, notre action pour la survie de la langue sur des stratégies de la sorte.

Mme St-Pierre: Mais, vous, vous n'auriez pas, vous, de proposition à... de définition à proposer sur la question du...

M. Laporte (Maxime): ...d'accord avec ça. Alors, moi, je veux dire, je milite pour l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Alors, je veux dire, je souhaite que le projet de loi ne passe pas, que ce soit bien clair. Et puis j'espère vous sensibiliser avec ça, avec les données avec...

Mme St-Pierre: ...

M. Laporte (Maxime): Écoutez, je veux dire, si on continue comme ça... Le gouvernement libéral nous a déçus, puis je parle pour les jeunes auprès de qui je milite. Vous voyez: fusion du dernier hôpital francophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, l'Hôpital Lachine, avec le McGill University Health Center, construction de ce mégahôpital du MUHC...

Mme St-Pierre: On ne parle pas du projet de loi n° 103, là.

M. Laporte (Maxime): Non, mais, je veux dire, il me semble qu'il y a...

Mme St-Pierre: Vous disiez tantôt que vous ne vouliez pas déborder.

M. Laporte (Maxime): ...une sorte de continuité là-dedans.

Mme St-Pierre: O.K.

M. Laporte (Maxime): Pourquoi donner un statut bilingue à un hôpital, à un mégahôpital qui coûte plus cher qu'un Stade olympique, O.K., et puis qui va avoir pourtant une clientèle majoritairement non anglophone? Je trouve ça curieux. Puis je trouve ça curieux, les gens qui sont sur le conseil d'administration de ça, d'ailleurs. Mais enfin. Par ailleurs, la publication du rapport quinquennal de l'OQLF, hein, elle est parue en retard, je veux dire, et la présidente...

Mme St-Pierre: J'aimerais ça qu'on reste sur notre projet de loi.

M. Laporte (Maxime): Oui.

Mme St-Pierre: Qu'est-ce que vous pensez des autres aspects. c'est-à-dire... Il y a quand même des aspects qui touchent des politiques de langue dans les cégeps et les universités, c'est-à-dire qu'on rende des comptes périodiquement, qu'il y ait aussi évidemment l'augmentation des amendes parce que, comme elles sont incluses dans la loi, il faut, pour les augmenter, ouvrir la loi, donc, puisque nous sommes dans cet exercice, d'ouvrir la loi.

Il y a également la Charte des droits et libertés. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la proposition que nous faisons sur la Charte des droits et libertés dans le projet de loi?

M. Laporte (Maxime): Ah! Quelle est-elle? Éclairez-moi.

Mme St-Pierre: Pardon?

M. Laporte (Maxime): Bien, éclairez-moi un peu sur cette proposition.

Mme St-Pierre: Bien, le projet de loi n° 103, le projet de loi qu'on propose, il y a différents éléments. Il y a la question des écoles, bien sûr. Il y a la question des universités et des collèges qui doivent avoir une politique linguistique, et on leur demande de faire des rapports périodiquement. Il y a également la question des amendes, comme je vous le disais.

Mais il y a aussi... on fait une modification à la Charte des droits et libertés. Est-ce qu'il y a... Donc, c'est un... Ce qu'il dit, c'est que le projet de loi modifie la Charte des droits et libertés de la personne pour y consacrer l'importance du français, la langue officielle du Québec. Est-ce que vous avez une réflexion à nous faire là-dessus? Ça fait partie, ça, de l'ensemble. Le projet de loi, il est comme un édifice, là, avec plusieurs aspects que nous avons voulu renforcer. Est-ce que vous vous êtes penchés sur cet aspect-là ou juste la question des écoles?

M. Laporte (Maxime): Il y a certainement des mesures intéressantes dans le projet de loi. Cependant, et ça me semble insuffisant. Je pense que l'esprit de la loi 101, depuis le début, c'était de donner un coup, d'opérer une reconfiguration institutionnelle du Québec, et, si vous voulez mon avis, je doute qu'on y arrive pleinement de cette façon. Et, disons, cette reconfiguration constitutionnelle là, peut-être à cause...

Mme St-Pierre: Mais ma question, porte sur la... Parce que, dans le projet de loi, l'article 17 et les autres, là, parlent d'introduire dans le préambule de la Charte des droits et libertés... on dit que ce serait modifié pour dire: «Considérant que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément fondamental de son patrimoine culturel et de sa cohésion sociale.» Ça fait partie des considérants. C'est dans le projet de loi que nous proposons. Je voulais savoir: Est-ce que ce serait...

M. Laporte (Maxime): Je ne crois pas que c'est... Si vous voulez mon avis, je ne pense pas que c'est plus fort, un voeu pieux de la sorte, que ce qui est écrit à l'article 8 de la loi n° 99, où on dit que l'État du Québec doit -- doit -- favoriser l'essor du français. Je veux dire...

Mme St-Pierre: La Charte des droits et libertés, c'est un voeu pieux?

M. Laporte (Maxime): Non. Mais, je veux dire, c'est le préambule. Je veux dire, on devrait...

Mme St-Pierre: Bien, c'est-à-dire, plus loin...

M. Laporte (Maxime): ...on devrait l'édicter clairement. On devrait...

Mme St-Pierre: ...plus loin, on dit que «toute personne qui s'établit au Québec a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, d'apprendre le français et de bénéficier de mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise». L'article 40.1.

M. Laporte (Maxime): Oui. Bien, je veux dire, je pense que c'est un devoir aussi citoyen. Je veux dire, un pays n'est pas que peuplé d'individus, un amoncellement d'individus, ce qu'on semble oublier parfois, avec l'influence du chartisme à la Trudeau. Nous sommes des citoyens et puis, je veux dire, on participe d'un État, nous voulons... Je veux dire, on a certains comptes à rendre vis-à-vis de la langue, par exemple, de l'État.

Alors, ce qu'on souhaite simplement, c'est, quand les nouveaux arrivants, comme dans n'importe quel pays normal, arrivent ici, c'est qu'ils reconnaissent ce devoir-là fondamental et s'intègrent tout naturellement, de façon naturelle à l'État, à la société québécoise.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous l'avez lu, le projet de loi?

M. Laporte (Maxime): Oui, tout à fait, tout à fait. Cette...

Mme St-Pierre: Parce que vous ne sembliez pas savoir qu'on changeait la Charte des droits et libertés.

M. Laporte (Maxime): Ce chapitre-là a moins retenu mon attention. Je vous avoue qu'on s'est beaucoup plus concentrés sur... enfin, ce qui est la traduction de l'avant loi n° 104 mais avec quelques balises administratives, et puis c'est vraiment sur ce point-là. Bien sûr, les mesures accessoires peuvent être intéressantes mais, je veux dire, la substance de la chose, je veux dire, il ne faut pas s'en détourner. Selon moi, c'est problématique, et il y a lieu vraiment d'appliquer la loi 101 aux écoles subventionnées. Si vous avez peur de la clause dérogatoire, bien peut-être qu'il y a un compromis à faire à ce niveau-là. Peut-être qu'il ne s'agit pas des libertés fondamentales, comme le disent plus tôt... plusieurs juristes.

Mme St-Pierre: Mais, la semaine dernière, quand même, vendredi, du côté de l'opposition, il a été très clair que c'était la loi 101 plus la clause dérogatoire.

M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Peut-être que mes collègues auraient des choses à ajouter.

Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, nous poursuivons notre période d'échange. Et je vais céder la parole au député de Borduas, M. le député qui est le porte-parole officiel pour l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Laporte, merci d'avoir pris la place de M. Gougoux. Je comprends qu'il ne pouvait pas venir. Vous l'avez fait un petit peu à pied levé. Alors, je vous remercie de l'avoir fait.

Dans votre lecture du mémoire, je pense que vous avez sauté un bout, hein? C'est ça? Au moment où on parle de l'illégitimité du jugement de la Cour suprême du Canada, hein? Parce qu'effectivement il y a quelques lignes qui ne sont pas... en fait, qui ne sont pas tout à fait justes là-dedans, c'est pour ça que vous l'avez sauté?

M. Laporte (Maxime): Oui, c'est ça. Bien, c'est parce qu'en tant... comme juriste, j'avais vu quelques petits... un petit problème là-dedans, là. Évidemment, on ne peut pas utiliser l'article 33 de la Charte canadienne pour invalider l'article 23, donc voilà. Donc, simplement, là, je lisais ça, je suis arrivé un peu... si vous voulez, là, je me suis organisé rapidement pour venir ici. Vous me pardonnerez. Voilà.

Donc, je pense que le président des IPSO, là, mentionnait trois solutions. Évidemment, on parle en théorie. Comme réponse, là, on parlait, bon, de l'insubordination, de ne pas reconnaître le jugement, ce qui a déjà été fait en droit constitutionnel canadien. Puis, récemment, il me semble que le gouvernement fédéral a, d'une certaine façon... n'a pas considéré, ou du moins pas entièrement, l'affaire Kahdr, là.

Bon, en tout cas, c'est une option qui s'est posée. Moi, à la base, si je parle à titre personnel, j'aurais trouvé ça intéressant, ce... Peut-être qu'il y aurait eu une crise constitutionnelle qui aurait été engendrée. Je pense que, du fait de notre légitimité, du fait de la volonté du peuple et de l'État québécois, du fait de notre effectivité, du fait qu'on est un État naturel, je crois que nous aurions raison de procéder comme ça et puis... Mais bon, que voulez-vous, nous n'en sommes pas là.

La deuxième option, c'est l'application de la loi n° 103 aux écoles subventionnées, qui me semble concorder très bien avec ce que l'on veut, avec un V majuscule, ce qui est essentiel. Puis même je pense que ça pourrait passer, avec le... Quand on regarde la Constitution canadienne, cependant, on ne sait jamais, hein? Je veux dire, avec 200 affaiblissements, avec le temps, de la loi 101, on peut s'attendre à tout. Mais bon.

Et puis l'autre option, bien, c'est cette loi, cette loi n° 103.

**(14 h 40)**

M. Curzi: 101, sans doute, là, je pense que vous... bien, entre 103 et 101, mais on vous suit.

M. Laporte (Maxime): Oui. Désolé.

M. Curzi: D'accord.

M. Laporte (Maxime): C'est bon.

M. Curzi: Ensuite?

M. Laporte (Maxime): Bon, alors, c'est ces trois options, essentiellement. Moi, je ne sais pas si c'est possible de poser une question?

Des voix: ...

M. Laporte (Maxime): Non?

M. Curzi: Je pense que ça va plutôt dans l'ordre inverse, là.

M. Laporte (Maxime): Ah! O.K.

M. Curzi: C'est plutôt nous qui posons les questions.

M. Laporte (Maxime): On est à la bonne franquette.

M. Curzi: Mais je ne veux pas vous priver...

M. Laporte (Maxime): Désolé.

M. Curzi: ...de votre liberté d'expression, mais je pense que, dans ce cas-là, c'est...

M. Laporte (Maxime): ...

M. Curzi: Mais, en tout cas, moi, ce que je voulais juste préciser, c'est qu'effectivement il y a quelques lignes qui me semblaient... Bon, c'est correct. On a réglé ça. Et j'imagine que...

M. Laporte (Maxime): Je pense que, M. Curzi, au niveau de la clause dérogatoire, j'ai étudié un peu la chose, ce ne serait pas une façon indirecte de reconnaître peut-être politiquement que le choix de la langue d'enseignement constitue une liberté fondamentale, puisque, quand on veut... Enfin, quand on veut déroger à une liberté fondamentale, forcément, c'est qu'on reconnaît qu'on l'atteint, etc. Donc, je veux dire, il y aurait peut-être un compromis à l'effet de simplement ne pas l'appliquer, en considérant que ce ne sont pas des libertés fondamentales et qu'il n'y a pas à s'inquiéter de la réputation du Québec à l'étranger.

M. Curzi: C'est sûr que c'est un débat sur lequel, disons, les constitutionnalistes -- on le voyait encore ce matin -- ne sont pas tout à fait d'accord. Ce qu'on comprend, enfin, ce que les non-constitutionnalistes ou non-experts en constitution comprennent, c'est que le choix de la langue d'enseignement n'est pas un droit fondamental. Le droit fondamental, c'est de s'assurer que ses enfants reçoivent une éducation dans la langue maternelle, je crois.

Donc, maintenant, est-ce que la clause dérogatoire... Et l'on a dit aussi. On a dit: La ceinture, disons, d'un projet de loi, c'est d'appliquer strictement la loi 101. Ce qui nous semble clair, et c'est toujours notre position, c'est que la clause dérogatoire viendrait empêcher qu'il y ait poursuite sous quel que motif que ce soit. Maintenant, on voit qu'il y a, sur cette utilisation de la clause, il y a différentes théories. Alors, pour le moment, on est dans cette position-là que nous affirmons.

La question que je voulais vous poser, elle est un petit peu personnelle. Étant donné que vous n'êtes pas M. Gougoux, mais que vous êtes M. Laporte, ce qui m'intriguait... Je vous entendais vous présenter, et vous nous affirmez que vous avez 22 ans, c'est-à-dire que vous étiez... vous êtes né bien après la loi, la loi 101. Et je trouve ça... Et ce n'est pas pour vous remettre en question, mais ce qu'on entend souvent... Je sais que les gens qui sont plus jeunes, qui n'ont pas vécu cette période-là, n'ont pas nécessairement une conscience historique de l'évolution de la situation linguistique au Québec et donc quelques fois ne sont pas... se sentent moins... moins inquiets n'ayant pas vécu dans cette réalité-là. Quand je vois vos propos, vous, vous semblez partager entièrement l'inquiétude généralisée au sujet de l'état du français à Montréal.

Alors, ma question est double: D'où vous vient cette conscience aiguë là? Est-ce qu'elle vous vient du fait que ce sont des notions qui vous ont été transmises par l'éducation, la famille, le milieu social? Et la deuxième question, c'est: Quelle est votre vision? Et est-ce que la vision de ce que vous vivez personnellement, étant Montréalais, je pense, est un facteur...

M. Laporte (Maxime): J'habite à Montréal. Oui, j'habite à Montréal, oui.

M. Curzi: ... -- oui -- est un facteur qui a amplifié ou qui concorde avec ce que vous avez dû apprendre, par ailleurs, puisque vous ne l'avez pas vécu? C'est un aspect qui n'est pas uniquement personnel, c'est juste le...

M. Laporte (Maxime): Si j'avais à vous parler de ma personne, en fait, à titre de témoignage, moi, j'ai un cheminement bien particulier. J'ai déjà milité, quand j'étais très jeune, au Parti libéral du Québec, jusqu'à me rendre compte que, je veux dire, ces gens malheureusement ne réussiraient pas, je veux dire, à assurer la pérennité de la langue française, si bien que je suis devenu assez rapidement indépendantiste. Du moment que j'ai constaté la situation à Montréal, critique, et en constatant aussi que constitutionnellement ce n'était pas possible d'assurer la pérennité et même peut-être la survie ou le rapport de force de cette société distincte là qui s'appelle les Québécois, je veux dire, c'est le choc.

Dans certaines situations, on entend tellement d'anecdotes, vous savez, je veux dire, je n'en rajouterai pas. Mais voilà. Alors, ça nous pousse. Quand on est le moindrement sensible à ces situations, aux chiffres, par exemple, quand on voit que, historiquement, pour la première fois, en tout cas, les francophones sont moins de 50 % à Montréal, quand on observe les données de l'IRFA, quand on voit les données au niveau de l'immigration, on se demande qu'est-ce qui fait que cette société-là se bilinguise, sinon qu'il y a un fort problème, un problème assez important, que j'identifie avec un terme anthropologique qui s'appelle la diglossie, c'est-à-dire une langue... deux langues sur un même territoire, dont une a un statut supérieur, simplement.

Qu'est-ce qui fait qu'à peu près 50 % des immigrants vont s'intégrer en langue anglaise, malheureusement, à leur détriment, puisque le quart de ces gens-là quittent, d'après les données que j'ai, quittent le Québec parce qu'ils ne sont pas capables de s'intégrer, alors qu'il n'y a... la communauté anglophone forme à peu près 10 %? Je trouve qu'il y a quelque chose de curieux là-dedans. Je ne pense pas que, dans un pays normal, ce genre de chose là se tolérerait.

Alors, écoutez, oui, ma génération... ma génération, il faut faire attention à ça. Les gens sont de plus en plus sensibilisés. Je pense aussi que le français, c'est cohérent avec, par exemple, les mouvements altermondialistes, la défense du français, la défense des cultures, de l'autodétermination des peuples. Et, pour moi, moi, bien sûr, c'est une chose qui m'intéresse beaucoup plus que l'impérialisme et puis que la mondialisation néolibérale. Alors, bien évidemment, je trouve ça beaucoup plus intéressant, des cultures qui ne sont pas uniformisées, qui ne sont pas homogénéisées par le commerce ou, à tout le moins, qui y résistent, d'une certaine façon.

Alors, à Montréal, écoutez, je pense qu'il y a encore de l'espoir. Je pense que c'est possible de parler aux immigrants et pas juste de leur parler, de leur montrer qu'est-ce que cette société-là. Mais, écoutez, je pense que l'État a sa responsabilité en ce sens-là, et je pense que la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française en a une aussi.

Et, quand je vois le bilan, vraiment, du gouvernement libéral... Vous voyez, là, juste, on pense: abolition de 31 classes de français représentant une économie de 5 millions; ouverture d'un programme unilingue anglais dans un cégep francophone de la région de Montréal, Édouard-Montpetit, en aéronautique, je ne sens pas un très grand leadership. Puis de part et d'autre, l'opposition aussi, là, doit faire sa job.

Puis vis-à-vis des jeunes, je veux dire, nous, on va suivre ça. Puis, je veux dire, on va se retrouver avec cette situation-là dans quelques années. Et on espère -- en tout cas en ce qui me concerne, puisque je ne crois pas au régime canadien -- on espère que l'indépendance arrive le plus rapidement possible, de façon à vivre, commencer la vie normale du peuple québécois. Merci.

M. Curzi: Écoute, je n'aurais pas dit mieux. Mais en fait, ce que je comprends, c'est que... Ce que vous dites, c'est que votre conscience de la situation du français à Montréal est reliée à un ensemble de valeurs. Il vous semble que ces valeurs-là doivent être affirmées. Ce que je comprends, c'est que, pour vous, il y a plusieurs mesures qui doivent être adoptées, dont ultimement la souveraineté du pays. Alors, pour vous, cette souveraineté-là assurerait une sorte de diversité culturelle, et la présence prégnante, disons, de la langue française, et ça vous semblerait plus clair. Est-ce que je résume ce que vous venez de dire?

M. Laporte (Maxime): Ce serait une façon, si vous voulez, de...

M. Curzi: Oui. Tout ça...

M. Laporte (Maxime): ...de montrer que nous sommes dignes. C'est une question de dignité, l'indépendance, comme le dit souvent M. Landry. Mais, pour les jeunes qui peut-être nous regardent du coin de l'oeil, je les invite fortement à suivre les activités de la Coalition contre la loi n° 103. Et, le 18 septembre, au centre Pierre-Charbonneau, à 19 h 30...

M. Curzi: Il fait un commercial.

**(14 h 50)**

M. Laporte (Maxime): ...il y a un grand rassemblement. Alors, on attend 3 500 personnes.

Le Président (M. Marsan): Alors, le message est fait.

M. Curzi: Bon. Bien, je pense que vous avez... Oui, ça a l'air d'être organisé, là, mais ça ne l'est pas là...

Des voix: ...

M. Curzi: Non, non, ce n'est pas organisé avec le gars des...

La seule chose, je voudrais revenir sur... Parce que vous avez répondu sur d'autres aspects du projet de loi. Ce que j'ai compris de votre réponse, c'est que ce qui vous semblait... Vous êtes en profond désaccord avec la loi n° 103. Si le projet de loi était scindé, vous n'êtes pas en profond désaccord nécessairement avec les autres aspects du projet de loi, qui toucheraient, par exemple, la charte québécoise ou qui pourraient toucher des renforcements, et, selon vous, il y aurait peut-être de l'espace pour qu'on retravaille sur la Charte de la langue sous d'autres aspects, comme la langue de travail, par exemple, ou l'intégration de certains principes dans la charte québécoise. C'est ça?

M. Laporte (Maxime): L'intégration du principe, par exemple, que la société québécoise et l'État québécois, je veux dire, sont attachés à des valeurs reconnaissant non pas la primauté de Dieu, du droit et la suprématie de Dieu, mais la laïcité, et qu'il s'agit d'un peuple de langue française; je veux dire, édicté, pas juste de façon déclaratoire, mais de façon impérative, là, édicté, enfin... Alors, bien sûr, ce serait une mesure absolument intéressante. Voilà.

Mais c'est sûr que je ne suis pas ici pour proposer des compromis. Je veux dire, l'opposition fera son travail. Alors, je pense que la seule solution était et est encore et sera d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, je le répète, j'insiste. Et, de cette façon, on va consolider notre pouvoir, puisqu'au final il s'agit de pouvoir et aussi d'une crise de légitimité entre deux États.

Donc, donner le pouvoir entre autres d'intégrer des nouveaux arrivants, c'est une réalité, là. On le voit, là. Je veux dire, ce n'est pas des hallucinations auditives, là, qu'on entend à Montréal, là. Enfin, j'espère, sinon, je veux dire, je vais m'inquiéter pour ma santé mentale.

Alors, quand La Presse censure, par exemple, des données, les données de l'IRFA -- il y a juste l'éditorial d'André Pratte qui a parlé en la dénigrant, cette étude-là -- on peut peut-être comprendre que le message passe mal parfois dans... et les gens par conséquent ne sont peut-être pas suffisamment sensibilisés. Mais je pense que c'est l'ensemble des institutions, l'État, la société civile, les journalistes, à eux-mêmes se conscientiser de ça, et à transmettre l'information, puis à dire qu'à part ça ce n'est pas juste un débat, c'est un combat, eh oui, alors pour notre survie, eh oui, survie culturelle.

M. Curzi: Merci, M. Laporte. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Maxime Laporte, de nous avoir donné votre opinion et celle de M. Étienne Gougoux.

Sur ce, j'inviterais le Mouvement Lanaudière français à venir se présenter à notre table.

Et je vais ajourner pour quelques instants... Je vais suspendre pour quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 54)

 

(Reprise à 14 h 58)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir le Mouvement Lanaudière français, représenté par M. Jacques Archambault, son président, et M. Jocelyn Jalette, membre.

Alors, M. Archambault, vous avez une quinzaine de minutes environ pour nous présenter la position de votre organisation sur le sujet de la loi n° 103.

Mouvement Lanaudière français

M. Archambault (Jacques): Bon. D'abord, notre organisation, la proposition qu'on fait est assez simple, c'est l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées avec invocation de la cause dérogatoire de la Charte canadienne des droits.

Est-ce qu'on le fait comme experts juristes? Non. On est des citoyens, des citoyens informés, et, en tant que citoyens informés, on regarde ce que les gens ont dit. Et ça, c'est une proposition qui a été faite, entre autres, par le Conseil supérieur de la langue française, donc des gens qui doivent savoir ce qu'ils disent, et c'est le genre de proposition qui nous semble raisonnable et qui semble porteuse d'avenir.

Deuxième chose: on s'objecte au projet de loi parce que ce projet de loi là comporte une façon de procéder qu'on trouve inacceptable. On ne peut pas vendre un droit. Et essentiellement le projet, un, il laisse énormément de latitude au ministre, il peut faire presque tout ce qu'il veut, et il vend le droit d'aller à l'école anglaise. C'est aussi bête que ça. Or, c'est quelque chose qui est inacceptable, c'est quelque chose qui est inacceptable pour la plupart des humains.

**(15 heures)**

Si on se rappelle, enfin on n'était pas là présents, mais la Contre-Réforme et le mouvement luthérien est né de la vente des indulgences; c'était tout bêtement ça. L'Église disait: Bien, voici, vous devez faire telle chose, voici nos commandements, voici les commandements de Dieu, mais, si vous êtes passés à côté sérieusement, inquiétez-vous pas. Si vous avez les moyens, on va vous vendre des indulgences, et tout ça, c'est fini, on n'en parle plus. Ça a tellement révolté les gens qu'ils ont créé une contre-réforme. On est en train de faire le même genre de processus où on va vendre un droit: Oui, monsieur, vous avez combien à mettre? Vous pouvez mettre 20 000 $ pour envoyer votre enfant pendant deux ans dans une école privée? Parfait. Vous avez le droit de vous angliciser. Vous, non, ah! désolé, pas le droit.

Troisième point, ce qu'on dit, c'est qu'en fait déjà à l'heure actuelle, avec la loi n° 104 en vigueur, ce qui ne sera plus le cas à partir du 22 octobre, la loi 101 n'est pas assez forte. Le Québec s'anglicise. M. Curzi a présenté un rapport, on l'a apporté, je l'ai lu, je l'ai relu, et ce rapport-là nous dit qu'on est en train de s'angliciser maintenant. Il le dit à partir de gens qui ont fait des analyses de statistiques, des statistiques qui, jusqu'à présent, sont bonnes. Peut-être que les prochaines ne vaudront pas grand chose mais jusqu'à présent nos statistiques sont considérées comme des bonnes statistiques. Et ce qu'on dit, c'est que le Québec s'anglicise.

Et là je vais vous proposer de regarder ça dans un point de vue... Vous savez, on a tendance à regarder les événements en tant que qu'est-ce qui s'est passé il y a cinq ans, qu'est-ce qui s'est passé il y a 10 ans. O.K., on est rendus là, parfait. Je vais vous demander de prendre un peu de recul et on va partir de plus loin que ça. Quand nos loyalistes sont arrivés ici après la Conquête, ils sont allés s'installer un peu au Québec mais surtout en Ontario, et la première chose qu'ils ont demandé, c'est une frontière. Et ils ont été très clairs là-dessus, ils ont dit: C'est inacceptable qu'une nation doive vivre avec la langue, la culture et les traditions d'une autre nation. Ce n'est pas normal qu'une nation en domine une autre. C'est inacceptable que nous soyons dominés par les francophones, donc donnez-nous une frontière.

Et on leur a donné une frontière, la frontière entre le Québec et l'Ontario, à l'époque Bas-Canada, Haut-Canada et, à partir de ce jour-là, ils ont considéré qu'à l'ouest de cette frontière-là c'était chez eux. Et ça a été très loin: vers la fin du XIXe siècle, début XXe siècle, il y a eu des masses de Québécois qui se sont mises à déferler sur le Canada, qui ont déferlé sur l'ouest de l'Ontario, qui ont déferlé sur l'Ouest canadien. Parce qu'on avait un surplus de population, on l'envoyait un peu partout, ils allaient en Nouvelle-Angleterre, mais ils allaient aussi vers l'ouest. Et ça a inquiété nos voisins. Ils ont réagi: ils en ont fait, des lois linguistiques. Ils ont fait des lois linguistiques très claires. Ils sont allés jusqu'à interdire l'enseignement du français et l'enseignement en français. Ils sont allés jusque-là parce qu'ils se sentaient menacés. Pour eux, c'était clair: à l'ouest de la frontière, c'est chez eux, chez eux; ça se passe en anglais, langue anglaise, culture anglaise, traditions anglaises. Mais ils toléraient que, de l'autre côté de la frontière, ce soit langue française, culture française, traditions françaises.

La situation s'est inversée vers le milieu du XXe siècle, on a cessé de déverser des Québécois à l'extérieur, très peu. Et souvent c'étaient même des nouveaux arrivés qui partent puis qui s'en vont ailleurs. Mais par contre le Québec s'est mis à connaître une immigration. Aujourd'hui, l'augmentation de la population du Québec, elle est due à l'immigration, sinon la population du Québec décroîtrait. Et ces immigrants-là, c'est des gens qui arrivent d'un peu partout à travers le monde. Ils arrivent en Amérique. Ils n'arrivent pas en Amérique pour se franciser, ils viennent en Amérique. L'Amérique, c'est les États-Unis, c'est l'anglais. C'est tout à fait normal qu'ils souhaitent parler anglais, qu'ils souhaitent vivre en anglais.

Donc, on est pris avec ce problème-là, c'est-à-dire qu'on est en train de se faire angliciser. Et on l'a réalisé il y a déjà longtemps, on l'a réalisé, et on a réagi, on a voté la loi 101. Et la loi 101, comparé aux lois linguistiques de nos voisins, c'était très doux, c'était une loi qui osait à peine, à peine dire que le français, ici, au Québec, c'était chez nous. Et, depuis, je pense qu'on a eu 100 quelques modifications?

Une voix: 200.

M. Archambault (Jacques): 200, modifiées, imposées pas la Cour suprême? Mais le plus beau, c'est que, quand on a fait cette loi-là, on a eu nos voisins qui sont venus nous dire: Euh, oui, oui, le Québec s'anglicise, mais vous n'avez pas le droit de l'empêcher. Non, non, non, vous allez brimer des droits si vous faites ça. Vous devez laisser le Québec s'angliciser. Vous devez nous laisser vous prendre votre territoire. Vous devez nous laisser transformer la nation québécoise en une simple communauté culturelle qui va être hébergée sur le territoire canadien.

Et c'est ça, la charte, c'est ce qu'elle dit. Quand elle proclame le droit d'avoir l'éducation dans la langue de son choix, la conséquence, elle est très simple, c'est que le Québec va s'angliciser. Ce n'est pas les autres provinces qui vont s'angliciser. Les autres peuvent être tranquilles, les communautés francophones sont toutes sur le déclin. Ils vont leur fournir quelques services pendant encore quelques années puis, un jour, ils vont être tellement anglicisés qu'ils n'en voudront même plus, des services. Ce qui va s'angliciser, c'est le Québec. Et on va se retrouver comme une nation sans territoire. C'est ça. C'est ça, le droit, c'est ça qu'on nous a mis dans la charte. Et on a eu l'arrogance de mettre ça dans une charte, ce qui fait qu'on est obligés d'utiliser une clause dérogatoire. Est-ce qu'on peut, dans ces conditions-là, utiliser une clause dérogatoire? Nous, on pense que oui. Non seulement on pense que oui, mais on pense que ne pas avoir le courage d'utiliser une clause dérogatoire, ça, ça serait honteux.

M. Jalette (Jocelyn): Si je puis me permettre de rajouter? Quand on parle de la clause dérogatoire, il ne faut pas avoir peur de l'utiliser. Rappelons-nous pourquoi ça a été fait. Les législateurs de l'époque ont mis une clause «nonobstant», la clause dérogatoire, pourquoi? Parce qu'ils jugeaient que ce qui était le plus important: ceux qui devaient avoir le dernier mot sur des lois qui s'appliquaient au peuple devaient être les élus du peuple, et ça devait avoir préséance sur des juges qui, rappelons-le, sont non élus et non représentatifs. Alors, ces juges-là, ça reste des humains qui vont donner des avis sur comment ils interprètent de façon théorique une loi. Mais, dans la pratique, dans le quotidien, quand on regarde ce qui se passe à Montréal sur l'anglicisation, c'est justement là que le législateur, que le député, que le représentant du peuple a son importance, c'est-à-dire que, là, lui, il considère que c'est plus important de dire: On va utiliser la clause dérogatoire et on va étendre justement l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, ce qui veut dire, comme on le répète dans le mémoire, c'est-à-dire, c'est que tout le monde est égal là-dedans, pauvres comme riches.

L'autre chose, peut-être que je pourrais terminer en vous donnant un exemple. Quand on met deux langues sur un même pied, quand on laisse le libre choix... On peut méditer l'exemple de la Belgique. La Belgique est un État binational où vous avez... -- j'imagine que je n'ai pas besoin de vous le répéter, mais je le dis pour un peu peut-être les gens à la télévision -- un État binational où il y a des francophones, les Wallons, et des Flamands, et ces gens-là se partagent un même pays. Ils sont obligés maintenant d'avoir chacun leur région autonome. Mais il y a un problème, c'est celui de la capitale, Bruxelles, qui est enclavée du côté flamand et qui est officiellement bilingue. Qu'est-ce que vous pensez qui est arrivé dans cette belle capitale qui, au début XXe siècle, était très majoritairement flamande et elle est aujourd'hui à 85 % francophone? Pourquoi? C'est logique, parce que l'immigrant -- comme un peu à Montréal -- si on lui laisse le choix en Belgique, il va apprendre quelle langue: le flamand, qui est parlé par 10 millions de personnes, ou le français, par 200 millions de personnes dans le monde et 70 millions autour justement de la Belgique?

C'est un réflexe normal. On n'a pas à en vouloir aux immigrants de faire ça. Mais c'est à nous de se tenir debout, et de s'affirmer, et donc d'étendre la loi 101. Ça, c'est un des moyens; pour d'autres choses, on reviendra dans d'autres commissions. Merci.

Le Président (M. Marsan): Alors, ça termine votre présentation. Je vous remercie. Et je cède immédiatement la parole à la ministre de la Culture et Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci. On a senti que votre plaidoyer venait du coeur. Je voudrais vous parler de... Quand vous avez parlé de votre mouvement ici, je lis dans mes notes que c'est un mouvement qui a été lancé à l'occasion des revendications pour l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées. Donc, c'est tout jeune, là, c'est...

Une voix: Oui.

Mme St-Pierre: C'est quelques mois seulement?

M. Jalette (Jocelyn): Oui, exact.

Mme St-Pierre: Oui? O.K.

**(15 h 10)**

M. Archambault (Jacques): Pour vous faire la chronologie, le 22 octobre 2009, on a la Cour suprême qui a émis un jugement qui invalidait la loi n° 104. On a commencé à en parler; des gens se sont émus. En mars 2010, on a eu un atelier public où on a souhaité la création de quelque chose comme le Mouvement Lanaudière français. Au cours du printemps et jusqu'au début de l'été, on a eu quelques réunions, assez pour commencer à se donner des orientations. Le 11 août dernier, on en a profité pour décider qu'on allait se faire une liste de membres formelle, qu'on allait se donner un exécutif formel, parce qu'à l'époque on avait juste un comité d'action. Et donc on a commencé, depuis le 11 août, donc depuis un peu plus d'un mois, à avoir une liste de membres.

Mme St-Pierre: Bien. Est-ce que vous avez des liens avec la Société Saint-Jean-Baptiste, la Société nationale des Québécois? Est-ce que vous avez des relations ensemble, dans le sens de faire des réunions ou si... Autrement dit, est-ce que vous militez dans plusieurs organismes aussi, dans d'autres?

M. Jalette (Jocelyn): On ne peut pas... Évidemment, il y a des gens qui vont militer dans plusieurs organisations, oui.

M. Archambault (Jacques): Mais, parmi les gens qui font partie du Mouvement Lanaudière français, il y a des gens de la Saint-Jean-Baptiste, il y a des gens de partis politiques, il y a des gens de syndicats, il y a des gens qui sont impliqués dans à peu près tout ça.

Mme St-Pierre: O.K.

M. Archambault (Jacques): ...

Mme St-Pierre: O.K. Je voudrais vous parler de l'intervention de M. Laurin, la semaine... pas M. Laurin mais M. Bernard, la semaine dernière. Il disait: Quand ça a été fait, la loi 101, sous M. Laurin et M. Lévesque, c'était... le fait que, s'ils n'avaient pas appliqué la loi 101 aux écoles privées non subventionnées -- puis il en a reparlé la semaine dernière -- c'est que ce secteur-là n'est pas payé par les fonds publics, c'est 100 % d'argent des...

M. Jalette (Jocelyn): Oui, mais c'est une logique qui est un peu tordue. À l'époque, ils l'ont fait, mais imaginez si aujourd'hui on disait qu'une entreprise, parce qu'elle ne reçoit pas de subvention, ne sera pas obligée d'être soumise aux lois sur l'environnement, on ne trouverait pas ça acceptable. C'est la même chose pour n'importe quelle institution québécoise. Une loi, ça doit être fait pour tout le monde.

Et là ce qu'on ajoute là-dedans, ce que vous ajoutez dans la loi, c'est-à-dire c'est un principe que quelqu'un qui va payer, qui a les moyens de le faire, va contourner un principe d'intégration au Québec, une sorte de contrat social qu'on espère... que vous voulez d'ailleurs inclure dans la Charte des droits et libertés québécoise un peu, avec vos amendements. Ça devient un peu une sorte de contrat social, l'apprentissage du français.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on ne peut pas laisser le libre cours, le libre marché dans une telle situation, on est en Amérique du Nord. Ce n'est pas une question de droits et libertés, c'est une question d'intégration.

Mme St-Pierre: M. Laurin a dit... Voyons, M. Laurin... M. Bernard a dit de M. Laurin la semaine dernière -- on parle de lors de l'adoption: «...c'est une zone de liberté qui existe à l'heure actuelle, puis elle existe depuis la loi 101, et ça, ça a été fait volontairement. Je me rappelle...» Ça, c'est M. Bernard qui dit ça: «Je me rappelle la déclaration du Dr Laurin en particulier, où il avait dit: J'attire l'attention sur le fait qu'il y a des zones de liberté qui sont préservées par la loi 101. Alors, c'est cet esprit-là, qu'il ne faut pas aller plus loin que nécessaire quand on brime ou on encadre les droits fondamentaux des personnes, et c'est dans ce sens-là que je me dis: Si ce n'est pas nécessaire d'aller aussi loin que le préconise l'opposition, si on trouve une autre façon, bien je pense que c'est préférable.»

M. Jalette (Jocelyn): Bien... Veux-tu y aller? O.K. C'est quand même... Bon.

Mme St-Pierre: Mais c'est quand même quelqu'un ici qui a à coeur la langue française, M. Bernard. On connaît ses opinions sur...

M. Jalette (Jocelyn): Oui, je suis d'accord avec vous, mais c'est quand même l'interprétation...

Mme St-Pierre: ...sur l'avenir du Québec.

M. Jalette (Jocelyn): ...de deux personnes. Il faut aussi se reporter dans le contexte de l'époque. En 1977, partir de la loi 63 qui existait et de faire la loi 101, c'était déjà un très grand pas de fait. Ça a été fait, puis on en a vu les effets qui ont été bénéfiques, mais on en a vu aussi les limites, et c'est ce qu'on constate aujourd'hui, c'est-à-dire les limites de ça, c'est-à-dire que l'intégration, elle se fait de moins en moins. On n'a qu'à regarder au niveau cégep, quand l'IRFA nous parle justement, il y a 40 % des élèves de nouveaux... voyons, des nouveaux arrivants qui ont fait leurs études primaires et secondaires en français, qui vont choisir quand même le collège en anglais parce que, et ça, c'est grave, parce qu'au delà...

Il y a deux étapes dans l'intégration. La première étape d'une intégration quand on arrive dans un pays, c'est d'apprendre la langue. C'est vrai. Il y a des niveaux variables avec lesquels on va connaître une langue. Mais la deuxième étape de l'intégration, c'est aussi qu'est-ce qu'on va consommer culturellement. On peut bien connaître le français comme immigrants mais, si, par contre, le matin, on lit la Gazette, qu'on ne connaît pas du tout qui est Louis-José Houde, ou Véronique Cloutier, ou Pierre Curzi et, après ça, qu'on va aller au cinéma ne voir que des films américains... Non, mais c'est vrai.

Je peux vous parler par expérience personnelle. Moi, je suis auteur de bandes dessinées et je fais des animations dans les écoles avec le programme Artistes à l'école. Ça m'est arrivé d'aller dans des écoles dans l'Ouest-de-l'Île, dans la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et je ne leur parle pas de fission nucléaire aux enfants, là, j'étais dans un cours de français, et je me suis très vite aperçu, c'étaient des jeunes de secondaire IV, je leur parlais de choses simples, de créer des personnages, et la plupart avaient l'air... étaient très hésitants. Et, quand je leur demandais de me donner des idées de personnages, ils hésitaient sur des mots aussi simples que «rabbit»: C'est quoi, là, «rabbit» en français? Puis ce n'était pas élevé, le niveau de connaissance du français pour ces élèves-là. Il y en avait évidemment beaucoup qui étaient aussi des anglophones de souche.

Mme St-Pierre: Alors... Oui?

M. Jalette (Jocelyn): Mais ce que je veux vous dire, c'est que, on le voit, on le constate aujourd'hui, Montréal s'anglicise de plus en plus et, si on laisse le libre choix, ça va s'amplifier.

Mme St-Pierre: O.K. Bien, vous savez qu'il n'y a rien de mieux que d'aller sur le terrain, je le dis toujours, et de parler des expériences de terrain. Moi, je peux vous parler d'une expérience où je suis allée rencontrer des enfants d'immigrants qui nous chantaient une chanson de Mes Aïeux. Alors, on vit toutes sortes d'expériences. Puis, pour moi, ça a été l'exemple, en fait, d'une intégration réussie.

Je reviens encore sur M. Bernard la semaine dernière, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus: «...si on l'enlève, on va avoir des problèmes importants parce qu'il y a toutes sortes de d'écoles là-dedans, il y a des écoles ethniques, il y a des écoles religieuses, il y a des écoles qui sont à régime pédagogique privé, etc.; c'est une réalité très diversifiée. [...]il faudrait avoir vraiment de très bonnes raisons [pour enlever cette liberté-là].» Alors, qu'est-ce qu'on fait avec les écoles religieuses?

M. Archambault (Jacques): Première chose. Liberté, c'est très bien, mais la liberté... Pardon?

Mme St-Pierre: Les écoles privées non subventionnées, toujours. On parle de ces écoles-là.

M. Archambault (Jacques): Oui.

Mme St-Pierre: Les écoles non subventionnées.

M. Archambault (Jacques): Oui. Et pour l'instant il n'y a personne qui a dit que ça n'existe plus, les écoles privées non subventionnées. Mais, d'une part, j'aimerais faire remarquer que liberté, hein, on se rappelle que la liberté des uns cesse où commence la liberté des autres.

Dans ce cas-ci, on est en train de parler d'un droit d'avoir l'éducation dans la langue de son choix. Je m'excuse mais sur combien de territoires au monde est-ce qu'on peut avoir l'éducation dans une langue autre que la langue officielle du territoire où on est? Demandez aux Français du Jura qui vivent dans le canton de Berne, si je me souviens bien, qui est un canton alémanique...

Mme St-Pierre: ...plusieurs. Les collèges américains, vous en avez partout dans le monde, puis dans des pays que la langue, c'est l'allemand. Puis il y en a plusieurs pays...

M. Archambault (Jacques): Où les Américains paient.

M. Jalette (Jocelyn): Oui, mais, attention, la différence...

M. Archambault (Jacques): Mais ce n'est pas le gouvernement qui offre un service d'éducation public dans une langue étrangère.

M. Jalette (Jocelyn): Mais la différence là-dedans, c'est qu'on...

Mme St-Pierre: Ce qu'on essaie de... ce qu'on veut faire ici, là, c'est empêcher justement le passage vers l'école publique subventionnée avec les fonds publics, votre argent, le mien, puis, bon. On est dans la zone où il n'y a pas de fonds publics. Et dans les autres... Quand vous dites: Il y a combien de pays dans le monde... Il y en a plein, de pays dans le monde.

M. Jalette (Jocelyn): Mais la différence, Mme St-Pierre...

Mme St-Pierre: Par exemple, aux États-Unis, vous allez avoir des écoles où on enseigne uniquement en français, c'est des collèges français, et ce n'est pas payé par... il n'y a aucune subvention de l'État là-dedans.

M. Jalette (Jocelyn): Mme St-Pierre, mais vous comparez deux choses différentes. Vous comparez deux choses différentes...

Mme St-Pierre: Vous allez avoir aussi des collèges allemands, vous allez avoir des...

Le Président (M. Marsan): J'aimerais ça qu'on écoute la ministre, ensuite je vous donne la parole immédiatement.

Mme St-Pierre: Alors, ce qu'on veut... J'aimerais que vous nous donniez comme des... Si vous aviez des suggestions à faire, comment on arrive à empêcher ce passage vers l'école publique subventionnée? C'est là, là, que le problème se pose. 104 est venu bloquer puis, là, on sait ce qui est arrivé à 104. Mais la cour nous dit que nous sommes légitimes de légiférer. La cour nous parle du parcours authentique. Et on lit le jugement de la Cour suprême, la Cour suprême nous dit qu'il y a des parents qui font cela puis qui ne doivent pas le faire. Alors, c'est là qu'on essaie de faire en sorte qu'on empêche ce passage-là. Nous, c'est le choix qu'on a décidé de faire. Il y en a d'autres qui ont... Puis vous avez... vous partagez un autre choix. Mais, si on applique la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, il y a des problèmes, il y a des situations qui vont apparaître. On les corrige comment, ces situations-là?

M. Jalette (Jocelyn): Bien, je reprends l'exemple...

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Jalette. La parole est à vous.

**(15 h 20)**

M. Jalette (Jocelyn): Merci beaucoup, M. le Président. Je reprends l'exemple que vous donnez. Vous comparez deux choses très différentes. Quand les élèves aux États-Unis vont dans un collège français, ça ne donne pas leur droit... privé non subventionné, ça ne donne pas le droit à leurs frères, leurs soeurs, leurs enfants d'aller à l'école publique en français aux États-Unis. On se comprend qu'on compare deux choses. Et là est la problématique.

Si la personne choisit d'aller à une école privée non subventionnée, si ça ne donnait pas justement que ça perpétue ce droit à toute sa famille pour les 50 prochaines générations, il n'y aurait pas de problème, mais ça le fait. Alors, on est obligés justement de légiférer dans ce sens, c'est-à-dire il faut élargir l'application de la loi 101, notre prédécesseur le disait.

Évidemment, si on était dans un autre contexte, si on n'était pas soumis à la Charte canadienne, si on était indépendants, ça se présenterait de façon différente. Mais ce n'est pas ça, le cas. On est soumis malheureusement à la charte sans notre bon vouloir. Même si on n'a pas signé la constitution de 1982, on y est soumis quand même. Alors, il faut être capable de naviguer là-dedans, nous, on considère, temporairement, on le souhaite, mais il faut être capable de naviguer. Sinon, si on n'agit pas, si on laisse aller les lois du marché comme on l'a dit, c'est de plus en plus d'anglicisation.

Mais je pense que la question de droit, chacun a droit d'avoir une éducation, mais il n'y a rien qui dit qu'il est obligé d'avoir l'éducation dans la langue de son choix. Je vous donne un exemple. Quand on parle du cours d'éthique et culture religieuse, il reste que vous l'appliquez à toutes les écoles. Subventionnées, non subventionnées, ou ce n'est pas appliqué aux écoles non...

Mme St-Pierre: ...subventionnées. Il y a des écoles qui sont... qui enseignent la religion dans les écoles non subventionnées. Il y a une école à Montréal qui est une école allemande. Ce sont des parents qui sont allemands, qui ont des enfants, puis ils veulent envoyer leurs enfants... C'est une école privée non subventionnée. Il y a 300 quelques élèves dans cette école-là. Avec le scénario de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, qu'est-ce qu'on fait avec l'école allemande?

M. Jalette (Jocelyn): Ça, on n'y a pas réfléchi. J'avoue, le cas de l'école allemande mais...

Mme St-Pierre: Bien, c'est pour ça que M. Bernard...

Le Président (M. Marsan): Attendez. Excusez.

Mme St-Pierre: ...la semaine dernière parlait de situations... Il va y avoir des situations qui vont devoir être gérées, là.

M. Jalette (Jocelyn): Mais, dans toute situation...

Le Président (M. Marsan): Juste un instant, s'il vous plaît, là. J'aimerais qu'il y ait seulement qu'une personne qui ait la parole. M. Jalette, vous avez la parole, et j'aimerais ça vous entendre jusqu'à la fin.

M. Jalette (Jocelyn): Merci. Merci beaucoup. Je sais qu'il y aura toujours... Évidemment, c'est comme dans n'importe quelle loi, l'application d'une loi reste toujours une théorie et, sur le terrain, c'est certain que ça va déplaire à des gens. Alors, si la loi 101... À moins qu'on dise: Ça s'applique simplement pour les écoles anglophones, ça peut peut-être être le cas, mais ça devra inclure aussi les écoles allemandes ou d'autres langues. À moins qu'on le dise.

Vous savez, quand il y a eu la loi sur l'affichage sur la loi 101, quand elle a été faite, c'était au départ inclus que c'était: l'affichage unilingue français s'appliquait par rapport à l'anglais. Les autres langues étaient tolérées, que ce soit le chinois, que ce soit l'italien, que ce soient plusieurs autres langues culturelles, et on le sait très bien. C'est certain que ça peut avoir l'air d'une injustice, mais c'est plutôt une question de contexte. On est en Amérique, ce n'est pas la langue italienne, ou la langue chinoise, ou la langue berbère qui puisse poser un problème par rapport à l'intégration des immigrants au Québec.

Le Président (M. Marsan): M. Archambault, vous avez demandé la parole depuis tantôt, ça me fait plaisir de vous la laisser.

M. Archambault (Jacques): Oui, merci. Une chose que vous avez tendance à confondre, quand on vous parle de l'école publique, vous nous parlez de l'école privée non subventionnée. Quand on vous dit qu'il n'y a pas d'État dans le monde... qu'il y a très peu d'États dans le monde, je pense, qui subventionnent l'éducation dans une langue autre que la langue nationale, que la langue officielle, on ne vous parle pas des écoles privées, on vous parle des écoles qui sont subventionnées, des écoles publiques. En France, on étudie en français, en Italie, on étudie en italien. Il y a des Albanais en Italie, on ne leur subventionne pas des écoles publiques en albanais. Une chose.

Deuxième chose. Vous êtes en train de nous dire que vous allez léser les droits de la majorité parce qu'il y a peut-être à quelques endroits des groupuscules qui risquent de ne pas rentrer dans le moule. Quelque part, là, ça ne marche pas. On ne va pas à l'encontre de ce qui est principal pour satisfaire le particulier. On règle d'abord le problème principal, et ensuite on règle les petits cas particuliers, pas l'inverse. On ne s'attache pas aux petits cas particuliers, puis on tasse le principal parce que j'ai des cas particuliers.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis.

Mme St-Pierre: J'ai terminé. C'est une question? Oui, allez-y.

M. Lehouillier: Oui, bien, c'est ça. Bien, moi, ce que je voulais dire, c'est que le projet de loi n° 103 qu'on a actuellement sur la table, d'abord c'est un débat intéressant qu'on a parce que je pense qu'on touche le noeud, le noeud du problème. Et, nous aussi, comme vous, nous sommes d'accord avec le fait que, dès qu'on touche à une école publique, là, subventionnée par l'État, alors effectivement il faut vraiment qu'on soit... Et c'est ça qu'on tente de régler, cet élément d'école passerelle.

Mais, voyez-vous, même en 1996, M. Lucien Bouchard lui-même, dans une entrevue qu'il avait accordée au Soleil, disait: «Je ne peux envisager l'hypothèse où le Parti québécois invoquerait une clause dérogatoire et mettrait de côté les droits fondamentaux de notre charte pour quelque solution que ce soit en matière linguistique. Il faut chercher une autre solution.»

C'est ce qu'on essaie de faire. C'est ce qu'on essaie de faire en se disant que, depuis l'adoption de la charte en 1977, il a toujours été possible au Québec de fréquenter une école anglaise privée non subventionnée. M. Louis Bernard est venu dire à peu près la même chose, c'est que le législateur a voulu garder cet espace de liberté là.

Alors, sur l'école publique subventionnée, subventionnée, on sait, on est sur la même longueur d'onde. Ce qu'on essaie de faire, c'est trouver la solution -- et c'est ce que le projet de loi propose, une solution là-dedans -- la solution pour régler cette problématique des écoles passerelles, là, et faire en sorte qu'à toutes fins utiles ce soit extrêmement difficile de faire le passage.

Quand vous dites tantôt, je fais juste ce commentaire-là, vous avez dit: Bien, une loi, c'est théorique, puis on verra dans l'application. Je m'excuse, mais une loi, ça s'applique à tout le monde, là, tu sais? Alors donc, il faut, dans notre projet de loi, qu'on ait les ingrédients qui fassent en sorte qu'on règle la situation mais en même temps qu'on préserve les droits des gens d'aller dans une école privée non subventionnée. Puis à la limite vous le savez très bien que maintenant il y a même des parents qui veulent faire en sorte que leurs enfants soient éduqués à la maison, bon, etc. Vous avez vu ça, à un moment donné, dans les droits de la personne. Alors, c'est ça qu'il faut préserver en même temps. Et c'est là le dilemme que vous avez touché du doigt tout à l'heure.

Et je comprends, de vos derniers propos que, quand les écoles ne sont pas subventionnées... Et c'est là ma question. Est-ce que je me trompe en disant que... Lorsque les écoles ne sont pas du tout subventionnées par l'État, quel est votre point de vue réel là-dessus? C'est là-dessus que je voudrais vous entendre.

Le Président (M. Marsan): M. Archambault.

M. Archambault (Jacques): O.K. Un, d'une part, je m'excuse, mais M. Bouchard n'est pas la personne à invoquer. M. Bouchard, c'est un politicien qui date et, comme les gens de sa génération, il a fait ce qu'il pouvait. Il sortait d'une mentalité où on était extrêmement soumis, où, ce qui venait de nos voisins, on disait oui. M. Bouchard a toujours acheté ses miroirs à Ottawa. Donc, défendre le français au Québec, il n'était pas capable parce que, quand il regardait dans son miroir, ça lui disait: Non merci, vous ne pouvez pas faire ça. Donc, s'il vous plaît, on l'oublie.

Deuxième chose. Un, on n'a pas dit que la loi était théorique, on a dit que, quand on applique une loi, on l'applique d'abord pour la majorité, pour la masse, pour le cas général et qu'ensuite on va chercher les cas particuliers mais qu'on ne néglige pas le cas général et qu'on ne va pas à l'encontre des intérêts du cas général pour satisfaire des petits besoins particuliers. Il y a...

Troisième chose. Le problème qu'on a aujourd'hui, c'est parce que nos voisins ont tenté de nous imposer quelque chose, c'est parce que la Cour suprême nous impose quelque chose, puis elle le fait parce que c'est dans la charte. O.K.? C'est malheureux, mais quelque part il y a la responsabilité de la Cour suprême. Le jour où elle cessera d'essayer de nous imposer des choses, de tordre nos lois pour faire le contraire de ce que, nous, on veut faire, ce sera plus facile de satisfaire les intérêts particuliers. Mais, en attendant, il va falloir faire ce qu'on peut avec les jugements de la Cour suprême.

Et, malheureusement, si ça veut dire qu'il y a une école allemande non subventionnée qui ne peut plus fonctionner, bien tant pis. Jusqu'à ce que la Cour suprême ou nos voisins décident de remodifier leur constitution et de nous laisser tranquilles, ce sera ça. On sera désolés que ce soit le cas, mais on ne va pas sacrifier la nation, sacrifier les intérêts généraux pour des intérêts particuliers.

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Même si des solutions hermétiques seraient trouvées? Par exemple, en commission parlementaire, on a vu M. Bernard qui a fait des propositions qui vont peut-être être regardées, je n'en sais rien. Mais, même si on a des solutions qui permettraient... vous seriez prêts à dire: Bon, bien, écoutez, aucune concession, et, oui, effectivement on limite les droits de la personne? C'est ça que vous êtes en train de me dire? Même s'il y avait une solution, là, qui sortait à un moment donné, qui...

Une voix: ...

M. Lehouillier: Celle du projet de loi ne vous semble pas intéressante, mais le fond de la question, c'est celui-là.

Le Président (M. Marsan): En terminant. Il reste très peu de temps. M. Archambault.

M. Archambault (Jacques): Pour l'instant, on n'en est pas là. O.K.? Les solutions hermétiques, là, je n'en ai pas vu. Que je sache, il n'y a personne qui a dit qu'il y avait des solutions hermétiques ailleurs. Vos solutions hermétiques, elles sont hypothétiques. Et malheureusement on a souvent tendance à vivre dans l'hypothèse. On va trouver la solution. On ne l'a pas, mais ça va venir, ce n'est pas un problème. On n'est pas obligés de faire des choix parce qu'on se réfugie dans la solution hypothétique.

Désolé, mais je pense que vous êtes devant un choix. Et un choix, c'est souvent désagréable. Et un choix, ça ne satisfait pas tout le monde. Vous allez devoir faire un choix. Vous ne pourrez pas vous réfugier éternellement dans des solutions hypothétiques.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous poursuivons nos échanges avec l'opposition officielle. Et je cède la parole au député de Borduas. M. le député.

**(15 h 30)**

M. Curzi: Merci, M. le Président. M. Archambault, M. Jalette, bonjour. Au moment où la loi n° 104 était en application, est-ce que vous viviez à l'aise avec cette loi-là?

M. Jalette (Jocelyn): Bien, est-ce qu'on se posait la question?

M. Curzi: Exact.

M. Jalette (Jocelyn): Ça, c'est la deuxième chose. J'imagine que, oui, on vivait à l'aise, mais, dans le fond... avec la loi n° 104, d'accord, mais on ne vivait pas à l'aise avec les 200 amendements qui ont rétréci et amenuisé... enfin, qui ont rapetissé, qui ont rapetissé l'impact de la loi 101 justement sur la francisation. C'est avec...

M. Curzi: Donc, c'est-à-dire...

M. Jalette (Jocelyn): Pardon?

M. Curzi: Excusez.

M. Jalette (Jocelyn): Non. C'est avec ça qu'on vivait moins à l'aise. Mais, vous savez, je ne peux pas non plus me prononcer pour tout le monde au niveau du groupe, là.

M. Curzi: Non, mais, donc, l'esprit, l'espace de liberté dont on parle et on reparle, qui faisait partie de la loi n° 104, c'est-à-dire qui permettait qu'on puisse fréquenter une école non subventionnée mais que ça ne donne pas accès au système public ou subventionné de... vous viviez correct, ça ne posait pas de problème. Et, dans le fond, c'est ce que vous dites, je pense, c'est que la décision de la Cour suprême vient de briser ce consensus-là et nous amène à des conséquences qui sont qu'on est pris, en quelque sorte, tenus, obligés par un jugement, que plusieurs jugent extrêmement mauvais -- et ça, plusieurs constitutionnalistes le disent -- on est obligés d'aller plus loin parce qu'il n'y a pas d'autre voie de sortie que celle-là. C'est finalement ce que vous dites. Vous dites: Une décision d'une cour, bon, dont on ne reconnaît pas la légitimité, d'une constitution qu'on n'a pas signée, nous oblige, nous, à adopter une attitude plus rigide que celle avec laquelle on vivait bien. Est-ce que c'est votre pensée?

M. Jalette (Jocelyn): Oui. Oui, parce que, si vous permettez, parce que justement, à l'époque, la loi n° 104 permettait à ce que la personne qui choisissait de payer, d'aller dans l'école dans la langue -- privée non subventionnée --  de son choix, que ce soit l'allemand, ou l'anglais, ou l'italien, ou quoi que ce soit, bien, ça ne donnait pas le droit à côté d'envoyer ses enfants et toute sa famille. Et là est le noeud du problème. Malheureusement, on est obligés de trouver une solution. Dans le contexte, comme vous le dites, on est un peu soumis justement à la question... on est soumis à la Cour suprême du Canada. Il faut trouver, dans l'espace qui nous est laissé, justement, une solution. Il n'y a jamais de solution idéale, de toute façon, dans quoi que ce soit.

M. Curzi: Pour vous, quand on parle d'école non subventionnée, est-ce qu'en appliquant la loi 101, il serait possible pour des gens d'envoyer leurs enfants dans une école non subventionnée religieuse francophone?

M. Jalette (Jocelyn): Si on devrait inclure ça dans la loi?

M. Curzi: Est-ce qu'en appliquant la loi 101 la fréquentation des écoles religieuses linguistiques francophones pour les francophones et les allophones serait permise et anglophones pour les anglophones serait permise?

M. Jalette (Jocelyn): Je ne suis pas un expert là-dedans, mais j'imagine que oui. Mais ça reste que... Là, vous embarquez dans un autre sujet de discussion énorme, c'est-à-dire la question un peu républicaine, si vous me permettez, au sens large du terme, là, d'une intégration au niveau des valeurs religieuses. Est-ce que ça doit être un ressort de l'école ou non? Et ça, c'est un autre débat quand même.

M. Curzi: C'est juste la compréhension stricte de l'application de la loi 101, telle que je la comprends, mais peut-être... Je vous pose la question parce que j'essaie de bien comprendre. Il me semble qu'il s'agit d'une loi qui dit: Les gens qui se qualifient pour fréquenter un système scolaire peuvent le fréquenter. Donc, si vous êtes anglophones, si vous avez les droits que la clause Canada vous accorde, vous pouvez fréquenter le système scolaire anglophone, qu'il soit public, en partie subventionné ou entièrement non subventionné. De la même façon, ce que la clause Canada dit aussi, c'est qu'en appliquant la loi 101, les francophones et les allophones peuvent fréquenter le système scolaire francophone, qu'il soit public, qu'il soit en partie subventionné ou non subventionné. À nulle part, il n'est fait mention d'appartenance ethnique, religieuse ou quoi que ce soit d'autre. Ce qu'on dit, c'est: Voilà le droit reconnu. C'est ce qu'on ferait en appliquant la loi 101. Est-ce que c'est votre compréhension?

Le Président (M. Marsan): M. Archambault, tantôt vous avez levé la main, je ne sais pas si vous vouliez faire un commentaire additionnel.

M. Archambault (Jacques): Oui. C'est-à-dire que, quand on parle si on était à l'aise avec la loi n° 104, la réponse est certainement oui, avec les concepts, avec... Ce qui nous rend mal à l'aise cependant, c'est qu'on constate que, même en appliquant la loi n° 104, le Québec a continué à s'angliciser. Donc, même la loi n° 104 quelque part n'atteint pas le but recherché.

En principe, un immigrant qui arrive sur un territoire, sur le territoire d'une nation, là où il y a une langue officielle, normalement s'intègre aux gens via la langue officielle. Or, au Québec, ce n'est pas le cas. Au Québec, on a comme la moitié des immigrants qui ne s'intègrent pas par la langue officielle du lieu.

Donc, oui, on est d'accord. C'est sûr que le concept derrière la loi n° 104 était tout à fait convenable, mais il faut voir comment maintenant on peut s'assurer que nos nouveaux venus s'intègrent en français au Québec avec la langue, la culture et les traditions du Québec.

M. Curzi: Donc, si je vous comprends, ce que vous dites, c'est que, comme... Et je pense que tout le monde le reconnaît, que la loi 101 a relativement apporté une paix linguistique, mais qu'elle n'a pas atteint tous ses objectifs, étant donné qu'il y a un changement de réalité. Ce que vous dites -- puis j'en suis puisque j'alimente cette pensée-là -- c'est qu'on a des inquiétudes, en particulier pour Montréal et la grande région métropolitaine. Et vous dites: Maintenant, face à cette inquiétude-là, suite au jugement de la Cour suprême, on se doit d'être plus vigilants et que certaines mesures, comme l'application de la loi 101 et sans doute d'autres mesures, sont importantes, je ne dis pas uniques, mais sont importantes pour essayer de redonner au français, particulièrement à Montréal et dans la grande région, toute son importance et toute sa place. Est-ce que c'est ça que vous dites?

M. Archambault (Jacques): Exact. Et non seulement on dit ça, mais ce qu'on voit, c'est que, quand on parle de Montréal et de la grande région, Montréal et la grande région, c'est le coeur économique, culturel et un peu tout du Québec, là. Ce qui se passe à Montréal, à partir du moment où ça se met à déborder, à partir du moment où Montréal s'anglicise, on est dans un processus d'anglicisation global. Donc, c'est sûr que les Gaspésiens, que, nous, dans le fond de Lanaudière, on ne verra pas arriver l'anglicisation demain matin, mais c'est un processus qui est en cours, qui se fait. Et normalement plus on va avoir anglicisé, plus ça va aller vite, plus le processus va s'emballer. Donc, on peut très bien, d'ici quelques dizaines d'années, se retrouver avec un Québec qui ne sera plus majoritairement francophone. Ce n'est pas impossible si on ne réagit pas assez rapidement pour contrer ça.

M. Curzi: Donc, est-ce qu'on peut penser que ce qui a donné naissance à votre mouvement récent, c'est aussi une sorte de prise de conscience dans votre région que ce qui se passe au coeur de la métropole aura tôt ou tard des effets sur vous? Ça, c'est ma première question.

M. Jalette (Jocelyn): Oui, c'est certain que ça a eu un impact décisif sur la décision de créer notre organisme, dans le fond. Il y avait déjà Mouvement Montréal français, alors maintenant... et après il y a eu Mouvement Montérégie français et maintenant on fait Mouvement Lanaudière français. On n'a même pas besoin d'attendre que le Québec en entier tombe. Lorsque la métropole, lorsque Montréal deviendra majoritairement anglophone, je veux dire, le reste du Québec va suivre, va se louisianiser, comme on dit souvent. Évidemment, c'est une inquiétude.

Et je voulais revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure. La loi n° 104, bon, on pouvait vivre avec, mais ça reste que c'était un outil parmi tant d'autres, alors que la loi 101 d'origine a été affaiblie 200 fois. Et il y a plein de solutions, d'autres solutions. On est ici pour discuter du projet de loi n° 103, mais c'est évident que ce n'est pas la seule chose et qu'il y a d'autres choses à faire aussi pour préserver le caractère français du Québec.

M. Curzi: Êtes-vous d'accord aussi pour dire que, dans le fond, on a un problème de minorité, minorité, majorité, c'est-à-dire que l'objet de la loi 101, c'était de préserver ou de renforcer les droits d'une majorité en respectant les droits d'une minorité, mais qu'actuellement on est dans un contexte où cette volonté majoritaire des francophones du Québec est confrontée à une... est minoritaire par rapport à la réalité, alors que la loi du nombre joue dans toutes ces conséquences, celle du grand, grand nombre de ceux de culture anglophone par rapport à la minorité francophone du Québec, qui elle-même est dans une relation de majorité par rapport à une minorité anglophone sur le territoire du Québec?

M. Jalette (Jocelyn): Si vous me permettez, oui. Vous avez...

Le Président (M. Marsan): M. Jalette.

**(15 h 40)**

M. Jalette (Jocelyn): Merci. Vous avez entièrement raison. Et j'aimerais rappeler: dans les années, je pense, début quatre-vingt-dix, il y avait eu, par rapport à... il y avait eu une contestation de groupes anglophones à Montréal, même aux Nations unies, par rapport aux lois linguistiques du Québec. Et les Nations unies avaient quand même, dans leur rapport, dit quelque chose de très important. Ils disaient que la minorité anglophone de Montréal n'était pas une minorité au Québec, elle fait partie de la majorité canadienne. Alors, c'est faux de traiter les gens de Montréal, les anglophones de Montréal comme on va traiter les francophones hors Québec. C'est absolument deux cas fort différents. Ce n'est pas une minorité, c'est une majorité.

M. Archambault (Jacques): Il y a un petit quelque chose qui m'accroche quand on parle de minorité, majorité, et c'est la question suivante: Est-ce que les Italiens sont majoritaires en Italie? Est-ce qu'on se pose la question? Ils sont Italiens, c'est l'Italie, c'est chez eux. Pourquoi est-ce que, nous, on se demande si on est majoritaire ou minoritaire? La nation québécoise a son territoire, c'est le Québec. Est-ce qu'on est majoritaire, minoritaire? Non, c'est chez nous. C'est notre pays. C'est notre territoire, tout comme les Ontariens ont leur territoire de l'autre côté de la frontière, et c'est leur territoire à eux, et on ne le leur conteste pas. Pourquoi est-ce que, nous, on se ferait contester notre territoire? Pourquoi est-ce que, nous, on ne réagirait pas quand notre territoire risque de nous échapper, d'autant plus que c'est le seul territoire qu'on a? On n'en aura pas d'autre.

Le Président (M. Marsan): Ça va?

M. Curzi: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Archambault, M. Jalette, pour nous avoir donné le point de vue du Mouvement Lanaudière français.

J'inviterais maintenant les représentants du Central Parents' Committee of the Lester-B.-Pearson School Board à venir se présenter à notre table.

Et je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

 

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Marsan): Rebonjour. Nous reprenons nos travaux. Et nous sommes heureux d'accueillir le Central Parents' Committee of the Lester-B.-Pearson School Board. Et je vais demander à M. Domenic Pavone de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de nous faire la présentation de votre organisation pour une période d'environ 15 minutes. M. Pavone.

Central Parents' Committee of the
Lester-B.-Pearson School Board
(CPC-LBPSB)

M. Pavone (Domenic): M. le Président, merci beaucoup. Donc, je vous présente notre équipe: à ma gauche immédiate, Mme Liza Cotnoir; à ma gauche extrême, M. Conny Held; à ma droite, M. Sharad Bhargava; et, à ma droite extrême, M. Craig Buchanan. Nous sommes tous des parents représentants du Comité parental central de la commission scolaire Lester-B.-Pearson.

Le Président (M. Marsan): Ça nous fait plaisir de vous accueillir. Et nous vous écoutons.

M. Pavone (Domenic): Alors, nous avons tous préparé le mémoire à présenter. Le mémoire original, je pense que vous l'avez reçu, et c'est... vous l'avez déjà lu. Alors, je commence.

Bonjour, je m'appelle Domenic Pavone. J'aimerais vous remercier de l'accueil que vous nous avez réservé. Je suis fils de parents italiens qui ont émigré dans cette belle province il y a plus de 50 ans. Dès leur arrivée au Québec, mon père s'est inscrit à l'école de soir pour apprendre l'anglais et le français. Ma mère a dû élever deux enfants, mais elle a quand même réussi à apprendre le français à son lieu de travail. Mes parents ont toujours insisté sur les mérites d'une bonne éducation et la connaissance des langues. J'ai fréquenté une école de quartier anglophone. Après avoir été diplômé, j'ai pris des cours de grammaire et composition au cégep pour m'améliorer. J'ai beaucoup plus appris le français dès que j'ai été sur le marché du travail en travaillant avec des francophones.

Quant au choix pour mes enfants, parce que nous avions le choix entre le français ou l'anglais, public ou privé, ma conjointe et moi avons choisi le programme d'immersion française à la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Nous voulons leur donner les meilleures chances possibles afin d'être capables de bien travailler et réussir soit au Québec ou ailleurs.

La loi n° 103 va restreindre l'accès aux écoles publiques anglophones, car, après avoir passé trois ans au privé, les chances que les parents de l'enfant l'inscrivent au public sont rares. Avec la loi n° 104, il était cher d'envoyer son enfant à l'école privée non subventionnée puis ensuite l'envoyer au public. Mais maintenant, avec trois ans, cette option est limitée à la classe des très riches.

Pour la commission scolaire Lester-B.-Pearson, le nombre d'étudiants en question qui transféraient du privé était entre 400 et 500 individus par année, ce qui représente pour nous une école et une possibilité d'accroître notre communauté. Avec le projet de loi n° 103, la porte est fermée et nous n'avons aucune chance de recruter des nouveaux étudiants pour promouvoir la communauté anglophone. Les étudiants d'aujourd'hui feront la communauté de demain, et, sans ceux-ci, c'est le déclin.

Est-ce que personne d'autre ne constate qu'en restreignant l'accès à l'éducation en anglais cela condamne aussi les élèves francophones et allophones en ne les obligeant qu'à ne travailler au Québec puisqu'ils sont mal équipés pour gagner leur vie en Amérique du Nord ou ailleurs? On n'arrête pas de nous dire que Montréal s'anglicise, mais le nombre d'anglophones continue à diminuer à travers la province. Et il faut qu'on soit logique, on ne peut pas dire que le Québec s'anglicise alors que cette population est en déclin.

Il y avait aussi une oeuvre de commande par M. Curzi qui démontre l'anglicisation de l'île de Montréal et la couronne. Il y a un facteur important que M. Curzi a oublié de mentionner, et c'est que les francophones, pour diverses raisons économiques ou sociales, quittent l'île de Montréal pour s'installer en banlieue et que la majorité des immigrants s'installent dans la ville et la couronne parce que c'est là où se retrouvent les emplois. Je dois rappeler à M. Curzi le commentaire de Michèle Ouimet, chroniqueure de La Presse, dans son article intitulé Vers The Province of Québec? No Sir, et je cite: «Le fonds de commerce des péquistes est bien connu: cultiver l'insécurité des francophones pour promouvoir la cause souverainiste.»

Pour conclure, il y a des problèmes plus graves dans notre système: décrochage scolaire, manque de financement adéquat dans tous les départements, des parents qui doivent de plus en plus payer de leurs poches pour une éducation dite publique. Pourquoi, les politiciens, vous n'avez pas le courage d'arrêter les subventions au privé et remettre cet argent au public? Pourquoi ce sujet est tabou? Il faudra trouver une solution acceptable à toutes les parties intéressées, car des nouveaux arrivés dans les écoles anglophones, soit anglophones, francophones ou allophones... notre communauté sera en déclin permanent, vers l'éventuelle disparition. Et, pour terminer, M. le Président, je cite M. Pratte dans un de ses éditoriaux: Et, si cela arrive, je gagerais que vous trouveriez encore des personnes «pour annoncer le déclin du français». Je vous remercie.

Je passe la parole à M. Buchanan.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Buchanan, la parole est à vous.

**(15 h 50)**

M. Buchanan (Craig): Bonjour. Je m'appelle Craig Buchanan et je suis le père de quatre filles qui ont suivi l'école publique à Québec.

I would like to thank you for letting us have this time to make a presentation. I believe that one of the cornerstones of our society is that we are free to present all points of view on an issue.

Je veux dire merci au ministre de l'Éducation pour donner l'appui sur le premier programme de français immersion sur l'île de Montréal en 1971. J'ai fait partie de ce programme. Ou, peut-être, c'est mieux de dire que mes parents ont choisi que je fasse partie de ce programme. Et je crois qu'ils ont bien choisi. Encore, en 1980, j'ai eu la chance d'aller à un programme de français immersion intensif où j'ai demeuré avec une famille française dans le petit village de Sainte-Hélène-de-Kamouraska. J'ai demeuré là pendant huit semaines avec la famille. Et j'ai appris le français pendant les classes, j'ai appris le français en maison et en même temps j'ai appris la culture du Québec.

I also want to thank you for the choice that... in 1998, I had the choice to enroll my first child in either French or English school. As an Anglophone with English eligibility, I had the liberty to choose the best school for my daughter from among all the schools in our area. We had at least four schools to choose from. We chose what we felt was the best school for our child, and that school was a French elementary school. In high school again, we chose what we believe was the best program for our children. And that was an English high school with an excellent French immersion program. In high school, my oldest daughter went to a program known as «Français, langue maternelle», a very intensive French immersion program. This program was so demanding that our second daughter, who'd also attended French elementary school, actually failed the entrance exam.

Grâce aux programmes d'immersion dans nos écoles secondaires anglophones, mes quatre filles ont développé leurs capacités en français et en anglais jusqu'au point qu'aujourd'hui elles sont plus bilingues que moi-même et elles sont prêtes à prendre leur place dans la société québécoise.

Our English school system is really not an English system, it's a bilingual system. And there lies the benefit of the English education system in Québec. Our English public school system graduates bilingual citizens. The English parents who send their children to English schools do so out of choice. Everything is open to them: English or French. My wish today, even my dream today, is that someday my francophone neighbors may have a choice too. That is to choose to send their children to what they believe is the best school for their children. Isn't that what we all want, what's best for our children?

Freedom of choice would be better for all Québec citizens. Freedom of choice would be better for the school system. It would be better for our schools. They would have become better because there would have been a certain amount of competition within the schools to provide a quality education. Some Anglophones go to French schools out of choice. And give the Francophones and the Allophones the same choice and the same liberties that we, as Anglophones, enjoy today. Thank you.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Bhargava.

M. Bhargava (Sharad): Merci. Good afternoon. My name is Sharad Bhargava. I have two children in the Lester-B.-Pearson system. My son was in grade seven, he's just starting at St. Thomas High School. And I expect that, by the time he graduates, he will know four languages, French, English, Spanish and Hindi, which is my mother tongue. So, as a choice of my son attending an English school, I don't see it as a threat to French.

I am personally a human rights activist, and the work I do is based on the United Nations Declaration of Human Rights. Point 3 of article 26 of the Declaration states that «parents have a prior right to choose the kind of education that shall be given to their children». I'm against Bills 101, 104 and 103 because they all contravene the article 26 of the United Nations Declaration of Human Rights.

So, my first recommendation would be to allow freedom of choice to everyone. Parents have the right to choose which school their children attend. If this is not done, then I recommend, one, that any child that who moves to Québec but who's already studying in English be automatically given the option of attending English school.

Second, any child who's mother tongue is not French and is struggling in school be allowed to switch to English school. For example, the case of Cherie Le Blanc, a woman from Delaware who moved to the US, she married a Québécois, she had four children, all in English school, but one of them was struggling in English but she wasn't allowed to switch her child to English school. So, she took two of her children and moved to Delaware so that he could pass. This is what current laws are doing to people.

In conclusion, I just want to say that you cannot build a just society based on laws that violate basic human rights. Thank you.

Le Président (M. Marsan): Mme Cotnoir.

Mme Cotnoir (Liza): Bonjour. Je m'appelle Liza Cotnoir, j'ai 42 ans. Je suis la fille de Denis Cotnoir et Carmen née Létourneau. Je suis une Québécoise bilingue. Je vous remercie de l'opportunité que vous me donnez de partager mon histoire, mes opinions et mes idées.

Mon père demeurait à Coaticook et, à l'âge de huit ans, il a dû quitter son école francophone et aller à l'école anglophone, non par choix, mais par force. Ses parents, deux soeurs, quatre frères et lui se sont fait excommunier de l'Église dû à un changement de foi. Ils étaient catholiques et ils ont choisi de devenir chrétiens évangéliques. Il a donc continué ses études en anglais et il en est devenu bilingue. Ma soeur, mes deux frères et moi-même avons tous fait l'école en anglais. À l'école, nous apprenions l'anglais et le français. À la maison, nous parlions le français et l'anglais et, à l'extérieur de la maison, nous parlions le français et l'anglais. Le plus bel héritage et richesse que mes parents ont pu me léguer, c'est celle d'être bilingue. C'est aussi un des héritages que je désire léguer à mes enfants.

Je suis la mère et belle-mère de cinq enfants bilingues. Marc a complété ses études comme pilote commercial en juin dernier. Samuel est au cégep Bois-de-Boulogne en sciences humaines et aspire à devenir enseignant de littérature française. Caroline finit son secondaire V cette année et veut étudier pour être psychologue. Jonathan est en secondaire III, il veut être un homme d'affaires et son frère jumeau, David, aussi en secondaire III, veut être professeur d'histoire. Ils ont tous fait leur école primaire en immersion française dans une commission scolaire anglophone. Je les ai inscrits ainsi par crainte qu'ils ne perdent pas leur éligibilité et qu'ils puissent un jour avoir un choix pour leurs enfants.

Nos trois plus jeunes fréquentent une école centenaire, Macdonald High School, à Sainte-Anne-de-Bellevue, un établissement qui n'a que la moitié des élèves qu'il peut contenir. Allons-nous fermer cet établissement parce qu'il n'y a pas assez de jeunes pour le remplir? Des jeunes, il y en a. Mais mes voisins québécois, eux, n'ont pas le droit d'envoyer leurs enfants à cette école. Plusieurs générations d'instruction sont passées dans cet établissement, mais nous allons peut-être... nous allons peut-être devoir le fermer, ce lieu historique, par crainte de perdre notre langue française. Pourtant, cette école fait autant partie de mon héritage québécois que ma langue française. Je n'ai pas perdu le français parce que j'ai fréquenté une école anglophone.

Le projet de loi n° 103 et, par conséquent, 104, 101, ne permettent pas les droits à l'égalité d'instruction dans la langue de choix pour tout Québécois et Québécoise. Moi, Québécoise instruite en anglais, j'ai le choix pour mes enfants. Où est le choix pour mes voisins et mes amis? Je vous demande donc de ne pas procéder avec le projet de loi n° 103.

Je sais depuis longtemps que le français est une richesse. Je vous demande de faire confiance à ceux qui sont Québécois et Québécoises de souche ou ceux qui ont fait le choix d'y demeurer, que nous avons besoin du français au Québec parce que nous l'avons choisi et non parce que ça nous a été imposé. Merci pour le temps que vous m'avez accordé.

Le Président (M. Marsan): M. Held.

**(16 heures)**

M. Held (Conny): Good day. My name is Conny Held. I'm an anglophone Quebecker, a parent and a citizen of this province. This is my home, I love Québec and everything that is Québec. I've always felt to be a part of this society, growing up here in Québec. This province is my past and it is my future; it is that of my children as well.

I'm not an enemy. I am a friend. I've always been a good friend, a good neighbor and a good citizen. Growing up here, in Québec, I welcomed the social reforms that were introduced by the politicians of the time to promote a better life for all of Quebeckers and to protect and promote the culture of Québec as a distinct and unique entity. I've always seen myself as part of that culture. I felt that I was part of the coming changes, of the evolution of a society towards a better future. I made my contribution, I've earned my place in the society and my right to call myself a Quebecker. But today, with Bill 103, I feel cheated.

Bill 103, by limiting access to English public education, threatens not just my anglophone community but the culture of Québec, the culture that I have contributed to. This is not right and this is not fair. Yes, Bill 101 had a significant place, a very significant place in the history of Québec. It fulfilled its purpose by protecting the French language and promoting the French culture. It also made anglophones bilingual. The Québécois culture thrives today, it thrives in a different context. I do not believe it is under threat. As a matter of fact, what is under threat is my own community. Québec culture thrives.

It is a time now to move forward and to work towards building bridges between all of our communities to promote initiatives in our schools and in our communities towards an exchange, a sharing and an understanding, and to promote this early in the school years. It's important to promote for our children openness in all of our schools, and to build a future of harmony and understanding.

I grew up in Québec, a product of a Greek mother and an Austrian father. Each was fluent in five languages, and, growing up, I heard many languages spoken around me. By the age of 5, I was multilingual. I lost those languages after my father died because I didn't hear them any more. I always believed that children exposed to languages early in life are most likely to learn, most likely to learn about each other and most likely to build their future. I can further attest that for my work with Inuit children in Nunavik. It is a principle that I have applied in my own family. Today, my thirteen-year-old son is trilingual and my sixteen-year-old daughter is fluently bilingual. They are products of the English public school system.

The English school system has done much to preserve and promote the French language and culture in Québec. I am satisfied and proud for what my school board has offered to my children and to the future direction that it has presented. I believe that most of our graduates are bilingual and ready to build their future here in Québec. Québec is where I hope my children will live their lives and continue to make their contributions. Rather than restricting access to English schools, I ask that you consider supporting schools that thrive, to allow our schools to thrive because they are making contribution to a bilingual culture.

Like many others Quebeckers say, I have a blended family now: my partner is a francophone and her children are in the French school system in Trois-Rivières. It is sad that our thirteen-year-old son in high school cannot speak a word of English, has trouble communicating with my own child, they speak in French. Will my step-children have the same opportunities? Will they have the same future as my own bilingual children? I'm not so sure. They have the right to an education as well, as stated in our Education Act, but I wished they had an education of the highest quality possible and that meets the needs of our children. This is what every parent inherently wants for their children, the very, very best. By limiting access and thereby choice, Bill 103 undermines this principle.

You are our representatives and our elected officials, you are the wise ones whose decisions will pave the road to the future of Québec. I plead with you to rule wisely. Bill 103 is wrong, it is not good for the future of the English school boards and therefore the English community. It is not good for Québec and does not promote and preserve the language and culture of Québec. Rather, it deprives Québec's culture of a critical and defining aspect, the contribution of the anglophone community. It is divisive and just adds more to the wall that once existed between our two communities. It does not steer us in a healthy direction and it's not what, I believe, the parents of Québec want. Most importantly, Bill 103 does not consider the future needs of all of Québec's children. You have heard many recommendations from our colleagues, and I ask you to rule wisely on this. Thank you.

Le Président (M. Marsan): Merci. Merci au Central Parents' Committee of the Lester-B.-Pearson School Board. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Merci pour cet exposé. Vous savez, à vous entendre, on entend presque que vous plaidez en faveur finalement de: Levons la loi 101 puis revenons aux années 1970. Évidemment, il n'est pas question de faire ça ici. Et, lorsque vous parlez de la diminution de vos clientèles du côté anglophone par rapport à la diminution de la clientèle du côté francophone, des deux côtés, il y a une diminution, primaire, secondaire, de la clientèle. Selon, M. Castonguay, qui est venu la semaine dernière, ça va se stabiliser, ça va... À un moment donné, là, des deux côtés, il va y avoir une certaine stabilisation des clientèles.

Donc, vous n'êtes pas les seuls à en perdre sur l'île de Montréal, du côté des francophones aussi, des commissions scolaires francophones, il y a eu une diminution également de la clientèle entre 2002 et 2010, un recul de 20 % au niveau de l'ensemble des commissions scolaires anglophones et un recul de 22 % du côté des commissions scolaires francophones. Donc, on est vis-à-vis... En fait, c'est dû au taux de natalité, bien sûr. Puis, là, on assiste à un taux de natalité qui augmente, enfin, une natalité qui augmente, puis on pense qu'il va y avoir peut-être des effets sur les deux commissions... enfin, les anglophones et les francophones.

Moi, j'aimerais attirer votre attention sur l'exercice qu'on fait ici. La Cour suprême du Canada a vraiment reconnu qu'il y avait des parents -- et disons le mot -- qui envoyaient leurs enfants à l'école privée non subventionnée dans le but de tricher, c'est-à-dire dans le but, un jour, d'envoyer leurs enfants dans l'école publique subventionnée... publique subventionnée anglophone. Donc, ce que nous voulons faire ici, contrairement à ce que l'opposition propose...

L'opposition propose d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées anglophones, et ainsi, de leur point de vue, ça règle le problème, le bouchon est mis, puis avec la clause dérogatoire... Là, c'est une situation, je pense, que vous trouveriez... un remède que vous trouveriez, j'imagine... enfin, un remède que vous n'accepteriez pas. Et nous non plus, on ne l'accepte pas parce qu'on veut garder, comme M. Lévesque et M. Laurin ont voulu le faire, et à cette époque, puis M. Bernard l'a dit la semaine dernière, cet espace de liberté parce que c'est payé à 100 % par les parents qui envoient leurs enfants là. Ce que nous voulons empêcher, c'est que des parents utilisent ces écoles-là pour sauter de l'autre côté de la clôture.

Je vais vous citer la Cour suprême du Canada. Alors, le juge LeBel, il reconnaît qu'il y a des parents qui font ce tour... qui essaient de jouer ce jeu. Alors, il dit: «...je ne [peux] pas nier les dangers que l'expansion illimitée des écoles privées non subventionnées pourrait présenter pour les objectifs de préservation et d'épanouissement de la langue française au Québec. En l'absence de toute mesure susceptible de contrer le développement de ce phénomène, les écoles passerelles pourraient devenir éventuellement un mécanisme permettant de manière quasi automatique de contourner les dispositions de la Charte de la langue française portant sur les droits scolaires linguistiques, de créer de nouvelles catégories d'ayants droit en vertu de la Charte canadienne [des droits] et de rétablir indirectement un régime de libre choix linguistique dans le domaine scolaire au Québec.»

«Certains éléments de preuve relatifs à l'utilisation des écoles passerelles laissent planer des doutes quant à l'authenticité de bons nombres de parcours scolaires, et quant aux objectifs de la création de certaines institutions.»

Alors, le jugement du juge LeBel est assez clair là-dessus. Ce que le juge LeBel nous invite à faire, c'est de dire: Définissez le parcours authentique. Alors donc, c'est le projet éducatif: des parents choisissent d'envoyer leurs enfants à l'école privée non subventionnée anglophone -- nous n'avons absolument rien contre cela ici, de notre côté -- et ils décident d'envoyer leurs enfants...

Alors, définissez le parcours authentique. Si je vous demandais la définition d'un parcours authentique, que me répondriez-vous?

**(16 h 10)**

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Pavone.

M. Pavone (Domenic): Excellente question, Mme la ministre. Parce qu'il y avait beaucoup de discussions concernant les écoles passerelles. Mais, nous autres, ce terme était un peu étrange pour nous, on ne savait pas... Je ne pense pas qu'il y ait des écoles présentement dans le Québec dans le seul but pour sauter la loi ou utiliser la porte arrière qui donne accès aux écoles publiques en traversant par l'école privée. Oui, il y a un certain nombre d'étudiants qui l'ont fait. Est-ce qu'on parle de beaucoup? Selon les chiffres qui m'ont été fournis par ma commission scolaire, ça a été alentour... ça représentait pour nous entre 400 et 500 étudiants qui cela représente, comme je l'ai dit, une école.

Dans votre loi n° 103, je pense que c'est trois ans, si je ne me trompe pas. On n'aura aucun étudiant qui va passer d'une école privée à une école publique. Donc, pour nous, c'est comme si vous utilisiez la loi dérogatoire, section 32 de la Constitution canadienne pour assujettir la loi 101 sur les écoles privées non subventionnées. Ça ferait pareil.

Mme St-Pierre: Alors, je continue avec le juge LeBel. Il dit: «Ainsi, la publicité de quelques établissements suggère qu'un court passage en leur sein permet de rendre leurs élèves admissibles aux écoles anglophones financées à même les fonds publics. Une méthode d'examen des dossiers plus conforme à celle établie dans l'arrêt Solski permet l'étude concrète du cas de chaque élève et celui des établissements concernés.»

Alors, il faut faire en sorte, selon ce que le juge LeBel nous dit, d'établir le parcours authentique des enfants. Alors, ce qu'on dit, c'est que, si le parent choisit le projet scolaire d'envoyer dans des écoles privées non subventionnées, on pense que le parent devrait, en fait, dire: C'est le parcours, c'est ce que j'ai choisi pour mon enfant. Donc, on garde cet espace de liberté. Mais ce que la cour a déterminé, c'est qu'il y a vraiment des parents qui choisissent cette façon de contourner la Charte de la langue française. Et la Charte de la langue française, c'est un outil fondamental dont le Québec s'est doté dans les années soixante-dix pour faire en sorte que les écoles francophones puissent survivre dans la minorité... dans la... au Québec. Alors, je vous repose ma question: Quelle serait, selon vous, la définition d'un parcours authentique?

M. Pavone (Domenic): ...une excellente question. Notre but, ici aujourd'hui, c'est de vous dire tout simplement: Sans des étudiants dans nos écoles, le déclin est fait. On va s'asphyxier, donc. Et l'autre chose qu'on sursaute, l'autre question qu'on sursaute, Mme la ministre, c'est le fait qu'il y a un certain pourcentage de la population allophone, francophone aussi qui veut être capable d'envoyer leurs enfants dans une école anglophone pour mieux apprendre le français. Alors, je pense qu'on peut-être détourne la question un petit peu.

Je vous repose une autre question en disant: Pourquoi n'améliorez... Pourquoi les commissions scolaires francophones... ou le ministre de l'Éducation, pardon, n'améliore pas l'instruction de l'anglais dans leurs écoles? Parce que, s'il y a une demande pour que les enfants de familles québécoises allophones, anglophones, francophones... veulent envoyer leurs enfants dans un milieu anglophone, c'est pour apprendre la langue pour être mieux placés pour le futur qui s'en vient.

Mme St-Pierre: Certains sont venus d'ailleurs nous demander, entre autres les étudiants de collèges, du collégial, du niveau collégial, sont venus dire, des francophones sont venus nous dire que l'apprentissage de l'anglais devrait être meilleur. Mais ce n'est pas là l'objet de l'étude de notre projet de loi. Les clientèles, selon les prévisions du ministère de l'Éducation, dans les commissions scolaires anglophones, vont se stabiliser. Alors, les clientèles ont diminué autant chez les francophones que chez les anglophones au cours des dernières années. Il va y avoir... Ça va se stabiliser. Donc, il n'y a pas... Vous n'êtes pas en train de perdre complètement vos écoles anglophones, là, entendons-nous bien, là.

Puis aussi il faut dire que, le niveau cégep, il y a quand même des cégeps anglophones. Vous avez un réseau d'universités qui est quand même assez important, puis vous avez des universités assez prestigieuses. Donc, vous avez quand même des institutions qui sont fortes et qui sont là pour rester, là. Et il y a un profond respect pour la communauté anglophone au Québec. Il n'y a personne qui remet en doute votre capacité de travailler à l'essor, à l'essor économique puis à l'essor du Québec.

Donc, ce que je vous dis, c'est qu'il faut trouver la formulation. Nous proposons un projet de loi. Je l'ai dit au début, il n'est peut-être pas parfait. Ce que je vous demande, c'est de me dire: Comment allons-nous, selon ce que le juge LeBel nous dit... Parce que, nous, nous voulons respecter le jugement de la Cour suprême. C'est ça notre... peut-être notre défaut, mais c'est ça, nous voulons respecter le jugement de la Cour suprême.

Donc, le parcours authentique, le parent qui décide de choisir l'école privée non subventionnée, est-ce que, dans le fond de sa tête, c'est de se dire: Ah bien, tiens, un jour, je vais passer de l'autre côté, puis ça va être formidable?

Le Président (M. Marsan): M. Pavone.

M. Pavone (Domenic): Nous autres, à titre personnel et comme représentants des parents de la commission scolaire, c'est difficile, pour nous, parce qu'on regarde ça plutôt comme un choix. Tu sais, on veut avoir la liberté de dire: Je peux envoyer mon enfant à telle école, je peux envoyer mon enfant à telle école.

C'est vrai qu'avec la Cour suprême, la décision de la Cour suprême, je l'admets, que ça fait le travail un peu plus difficile. Mais les faits sont là. Vous parlez peut-être pour l'ensemble du Québec, je peux parler pour notre commission scolaire. On peut voir qu'il y avait un certain nombre de bâtisses et des écoles qui ont été fermées. On peut voir, dans notre région, que la commission scolaire francophone a une forte croissance, il y a un manque d'espace dans leurs écoles. Donc, vous dites que les chiffres démontrent qu'il y a une baisse d'un certain pourcentage sur les deux côtés. Peut-être que ce n'est pas... enfin ce n'est pas ça que, nous autres, on voit dans notre comité... pardon, dans notre commission scolaire présentement.

Pour la question de parcours authentique, nous sommes contre la loi n° 103. Vous me demandez une solution à quelque chose que nous regardons pour dire: Ça, ça va fermer la porte au complet. Vous avez proposé trois ans mais, soyons francs, une école publique non... pardon, une école privée non subventionnée coûte environ 15 000 $ par année. Le parent, il va dépenser 45 000 $, puis ensuite le transférer dans une école publique? Je le doute. À moins qu'il y ait un revers de fortune. Franchement!

Mme St-Pierre: Ce ne sera même pas ça parce qu'il y a un règlement aussi pour analyser la situation de l'enfant, un règlement qui va venir... Mais c'est vraiment parce que c'est une question de respect de la loi. C'est vraiment une question de respect de la loi.

Ici, toujours dans le jugement: «...le constituant n'a pas voulu, en adoptant l'article 23, rétablir le principe du libre choix de la langue d'enseignement dans les provinces. L'application littérale du paragraphe 23(2) pourrait cependant provoquer ce résultat et vider la Charte de la langue française de son contenu au sujet de la langue d'enseignement. De plus, une telle application se concilierait mal avec la notion de parcours scolaire authentique...»

On ne peut pas vider la loi 101 de son contenu, c'est ce que le juge LeBel nous dit, puis on ne veut pas. Puis le juge LeBel voit la légitimité, il a dit «la légitimité de légiférer sur la question de la langue».

Puis, il y a eu des moments où ça a été plus difficile. Il y a eu des moments où les forces... Mais on a eu une paix, on a atteint une paix linguistique. Puis les anglophones, les enfants d'anglophones, les jeunes, on dit que les jeunes de 35 ans et moins, trois quarts sont bilingues. Alors, vous avez compris l'importance de la Charte de la langue française puis la préservation du français au Québec, qui est... Nous sommes 2 % dans l'ensemble nord-américain, bien il faut qu'on ait des mécanismes de protection. Puis la cour nous reconnaît ces mécanismes-là de protection.

Ce que nous devons déterminer ici, c'est vraiment la question du parcours authentique. Et le parcours authentique devrait être le parent qui choisit d'envoyer son enfant à l'école privée non subventionnée, qui est payée à 100 % par ses... ce n'est pas payé du tout par l'État. Là, il y a le libre choix dans cette zone de liberté. Dans le public subventionné, bien, là, c'est la Charte de la langue française qui s'applique.

**(16 h 20)**

M. Pavone (Domenic): M. le Président...

Le Président (M. Marsan): Oui, M. Pavone... M. Bhargava.

M. Bhargava (Sharad): Recognizing the fact that most English... like the... say, the Lester-B.-Pearson School Board graduates people who are both... who know both languages, English and French, isn't it time to perhaps look at why you need that law at all, restricting... telling people which school board they should go to, if the objective of the law was to make sure that everybody learns French? And all our schools, school boards, English and French, are graduating students who learn French. Instead of having this complicated law, just give people the freedom to chose.

Mme St-Pierre: Mon collègue voudrait poser une question.

Le Président (M. Marsan): Oui. Je vais maintenant céder la parole à notre collègue le député de Charlesbourg. M. le député.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bienvenue aux parents de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Moi, je voudrais faire un commentaire et vous poser une question. Et le commentaire est le suivant. Bien, d'abord, moi, je suis jeune en politique, et je trouve que l'exercice auquel je participe, là, concernant le projet de loi n° 103, est extrêmement intéressant, extrêmement démocratique, et je suis fier de voir que tous les points de vue peuvent s'exprimer. Puis je voudrais souligner que ce que vous avez dit, chacun d'entre vous, j'ai bien écouté, là, concernant votre attachement au Québec, moi, ça me touche personnellement. Et je pense que vous avez bien fait de venir exprimer votre point de vue, puis je suis heureux de l'avoir entendu.

Mais, comme la ministre l'a expliqué, là on vit un problème particulier. Il y a eu un jugement de la Cour suprême. Ça ne concerne pas un très grand nombre d'élèves, mais ça concerne certains principes. Et le gouvernement a, je crois, une position équilibrée. Vous savez que d'autres personnes sont venues nous dire des choses qui sont différentes de ce que vous nous dites, hein? Tout le monde n'a pas le même point de vue, bien sûr; ça fait partie du jeu démocratique.

Mais, ceci étant dit, donc, on essaie d'avoir une approche équilibrée. Et un d'entre vous, mais je ne sais pas lequel, a parlé de cette loi qui constitue une menace. J'avoue que j'ai de la difficulté, là. Je dirais, malgré ce que vous avez dit, je vois mal le mot «menace» s'appliquer dans le cas du projet de loi n° 103, qui vient régler une question, parmi d'autres, hein? La question de la langue, c'est compliqué. Mais peut-être que vous pouvez prendre quelques instants pour m'expliquer. Vous voyez vraiment le projet de loi n° 103 comme une menace? Personnellement, là, j'ai de la difficulté à comprendre ça.

Le Président (M. Marsan): Mme Cotnoir.

Mme Cotnoir (Liza): Je n'ai pas utilisé le mot «menace». Par contre, je vois, dans ma communauté, les écoles qui sont en train de fermer dû au manque de population. S'il y en a qui, entre guillemets, ont utilisé le système d'écoles passerelles, ce n'était pas mon choix à moi. Par contre, si ça nous donne plus d'élèves pour qu'on puisse conserver ces écoles-là, les garder ouvertes... Cette année, je pense, la commission scolaire en a fermé quatre, et, en 2006, on en a fermé un autre cinq. À un moment donné, il n'y en aura plus à fermer parce qu'on n'aura plus d'élèves.

Parce que, moi, j'ai l'éligibilité, oui, pour mes enfants. Par contre, si... Ma soeur, elle a fait éduquer ses enfants en français au primaire, ses enfants n'ont pas l'éligibilité. Ça fait qu'où se donne le parcours authentique on le perd très rapidement. Ça fait que, pour moi, je trouve, la loi ferme vraiment toutes les portes à l'entrée aux écoles anglophones. Est-ce que j'ai répondu à votre question, M. le ministre?

M. Pigeon: Je dirais, vous avez donné une réponse, là, mais, bon, pour l'instant, je vais m'arrêter là, je pense. Et je pense que le temps d'ailleurs est écoulé, n'est-ce pas?

Le Président (M. Marsan): Et ceci termine l'échange avec le parti ministériel.

M. Pigeon: Alors, merci de votre réponse.

Le Président (M. Marsan): Nous poursuivons avec l'opposition officielle, et je vais céder la parole à M. le député de Borduas, porte-parole en matière de langue. M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. (S'exprime en italien).

Et I do speak English quite fluently, I'm very glad about that, mais je défends le français aussi. Donc, je suis un cas, un cas comme il y en a de multiples. Les cas individuels sont extrêmement diversifiés, et c'est très bien. La connaissance des langues est une richesse, c'est incontestable, et tout le monde, tout le monde qui est ici est d'accord avec ça. Connaître l'anglais, c'est une bonne chose, personne n'est contre ça. Les citoyens anglophones de langue anglaise, de culture... sont des citoyens à part totalement entière, comme n'importe quel autre citoyen du Québec. Les francophones, les allophones, les anglophones, on est tous des citoyens égaux, on contribue tous à construire un Québec plus fort, plus intelligent, plus vigoureux, c'est clair. Il n'y a personne qui doute de ça.

On n'est pas dans une guerre d'un groupe face à un autre groupe. On n'est pas dans une guerre d'une langue contre une autre langue. On est tout simplement dans la question fondamentale de savoir comment cette minorité francophone en Amérique va continuer à se développer en respectant entièrement les droits des anglophones au Québec, qui sont nos confrères, nos consoeurs, qui sont nos semblables, comment on va maintenir cet équilibre-là.

Cette majorité a décidé, en 1977, et ça a fait une bataille inouïe, tout le monde a eu peur... on a décidé de créer la loi 101 et on s'est rendu compte qu'en appliquant des principes clairs on obtenait une paix linguistique. Cette paix-là, elle s'est développée, elle s'est bien construite, et elle a eu deux effets: elle a permis à la langue française de gagner sa juste place et elle a respecté entièrement les droits des anglophones au Québec. Et on avait, à l'intérieur de la loi 101 et de la loi 104, un espace qui permettait de donner une certaine flexibilité. Ça a été détruit par un jugement de la Cour suprême. Donc, de paix linguistique, on se retrouve dans un tiraillement linguistique. Premier effet de la loi...

L'autre effet, c'est que la loi 101, malgré toutes ses intentions, n'a pas réussi à maintenir la force du fait français au Québec, surtout à Montréal et surtout dans la grande région métropolitaine; c'est ça que mon étude dit. Et ce n'est pas la faute des Anglais, c'est aussi la responsabilité... et là, je vous corrige, je dis clairement: Il y a eu 180 000 francophones qui ont quitté l'île de Montréal pour s'établir en banlieue. La première raison du glissement linguistique, c'est une des raisons majeures, c'est le fait que les francophones sont allés s'établir en banlieue, ce que les anglophones et les allophones font actuellement, ce qui est en train de modifier aussi le portrait de la fréquentation scolaire sur l'île. Et je ferai la preuve tantôt, démontrée par des chiffres, de cette modification.

On est donc dans un phénomène compliqué. Et là votre argument, que beaucoup de gens partagent, c'est le droit des parents de choisir ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants. Tout parent cherche à choisir ce qu'il y a de mieux pour ses enfants. Beaucoup de francophones vont vous dire: Ce qu'il y a de mieux pour mon enfant, c'est qu'il apprenne l'anglais et le français, d'abord le français correctement puis ensuite l'anglais correctement. C'est une volonté que tout le monde partage.

Ce qu'on dit, et c'est une conséquence du jugement de la Cour suprême, on dit: Très bien, vous enseignez bien le français aux gens qui fréquentent le Lester-B.-Pearson, les écoles de cette commission scolaire. Est-il imaginable que l'ensemble du système scolaire francophone enseigne très bien la connaissance de l'anglais dans son système? Est-ce que c'est imaginable pour vous?

Le Président (M. Marsan): M. Pavone.

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): M. Pavone.

**(16 h 30)**

M. Pavone (Domenic): Merci beaucoup, M. le Président. M. Curzi, il n'y a pas de guerre. Pour moi, il n'y a pas de guerre. Et, comme parent, moi, je suis établi au Québec et j'accepte la loi 101. Je comprends. Peut-être -- à titre personnel, je vous le dis -- peut-être qu'il y a d'autres personnes, d'autres personnes dans la province qui n'acceptent pas, mais c'est un choix. Je pense que la majorité des personnes qui ont resté après le passage de cette loi ont accepté et ils veulent faire leur vie ici.

Je suis très content que vous m'ayez adressé dans les trois langues. Je suis trilingue comme vous, et, comme Mme Cotnoir disait, c'est une richesse. Maintenant, je comprends, d'un autre côté, votre crainte, comment balancer ça parce que la force de l'attraction de l'anglais... Et je suis d'accord. Parce que j'ai lu l'article de Mme Ouimet dans La Presse, c'est vrai. Par contre, il faut améliorer le sort. Il faut améliorer le sort. Pourquoi vous ici... J'ai regardé votre... je pense, c'est classique au Québec, j'ai regardé votre... Voyons, il y avait le Québec Home and School... Je m'excuse, je ne sais pas comment le dire en français. M. Wilson, le discours, lui, était en anglais, il vous adressait en anglais, vous répondez en français. Alors, on se comprend. Les membres, vous comprenez très bien l'anglais.

Pourquoi cette connaissance de la langue va être réservée pour un petit pourcentage de la population quand le monde... On ne dit pas... Le monde se mondialise. Moi, j'ai eu la chance de travailler pour des entreprises qui ont été basées en Finlande, donc j'ai eu la chance de voyager, voyager au Québec, vraiment beaucoup, beaucoup voyager au Québec, beaucoup voyager en Amérique du Nord et des chances de voyager en Europe. Évidemment, une connaissance des langues, quand on voyage en Europe, c'est extraordinaire parce qu'on est capable de parler avec presque tout le monde. La langue commune, c'est vrai, c'est l'anglais. Donc, j'ai voyagé, mettons, souvent, souvent en Finlande, et la langue commune, c'est l'anglais. Par contre, ça ne veut pas dire qu'ils n'instruisent pas le finnois ni le suédois dans leurs écoles. Vous avez certainement raison que côté...

Maintenant, on... Puis je ne veux pas amener le discours dans l'autre sens. On revient sur le projet de loi n° 103. Je peux vous dire, de notre côté, de notre commission scolaire, et évidemment les principaux directeurs de la commission scolaire Lester-B.-Pearson sont après nous, donc pourraient peut-être ajouter beaucoup plus d'information que, nous autres, comme parents, on pourrait vous donner, c'est qu'il y a vraiment un déclin qui arrive, et on est obligés de fermer les écoles. Comme Mme Cotnoir vient de constater, il y avait 12 écoles de fermées dans 12 ans. Ça, c'est les réalités qu'on voit côté notre commission scolaire. Et on voit que la commission scolaire Marguerite-Bourgoys, qui est dans l'Ouest-de-l'Île, a besoin d'écoles, ils ont trop d'élèves. Ça, c'est la réalité qu'on voit. Et c'est pour cette raison-là qu'on est là, ici, aujourd'hui, pour dire... pour utiliser un terme, je pense, de la... de l'oxygène, un peu. On ne demande pas que la porte sera grande ouverte, mais il faut trouver une solution pour accommoder raisonnablement un accroissement dans nos écoles.

M. Curzi: Mais... Ah! Pardon.

M. Pavone (Domenic): Non, je... John? Non?

M. Curzi: Mais vous venez de dire ce que je crois. Je comprends bien que vous dites: On peut apprendre très bien le français au Lester-B., dans une école de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, mais on peut apprendre très bien l'anglais dans une commission scolaire francophone au Québec aussi. La connaissance de la langue, on n'est pas obligés, comme vous, comme moi... Moi, je suis allé à l'école française, j'ai appris l'anglais. Donc, on n'est pas obligés de changer de système scolaire pour apprendre une langue. Ce que vous dites, c'est: Notre système scolaire est menacé, va manquer d'oxygène. C'est ça.

La ministre vous l'a dit, et j'entérine... C'est rare qu'on est d'accord, mais c'est le fun d'être d'accord. On est d'accord que les chiffres ne disent pas ça. Les chiffres disent: Vous avez connu une baisse, les écoles francophones, les commissions scolaires ont connu une baisse, ça se stabilise. Et ce qu'ils disent clairement, et j'en ai fait, l'autre fois, la démonstration, c'est que les chiffres du ministère de l'Éducation disent: Ces courbes-là vont remonter jusqu'en 2024-2025. Il n'y a pas de menace sur le nombre d'étudiants qui vont fréquenter les commissions scolaires anglophones au Québec.

Il y a des phénomènes particuliers. Plusieurs écoles francophones ferment un peu partout à travers le Québec, faute d'étudiants et d'étudiantes, plein d'écoles. Vous dites: Dans notre commission scolaire, il y a des écoles qui ferment. Je crois que vous avez raison, il y a eu une baisse dans votre commission scolaire, mais il y a des commissions scolaires qui débordent, anglophones et francophones. Il y a un déplacement des situations. Et, si vous avez lu Mme Ouimet -- je vous invite à lire le rapport au complet -- on essaie de comprendre pourquoi, qu'est-ce qui se passe. Et autant les francophones ont quitté, autant les anglophones ont cessé de quitter le Québec et ils sont concentrés à Montréal. Mais, et chez les anglophones et chez les allophones, il y a un déplacement des populations vers les banlieues. Le résultat, c'est que les gens d'expression ou de culture anglaise vont avoir besoin de plus d'écoles en banlieue comme les francophones ont besoin actuellement de plus d'écoles. Donc, on ferme les écoles dans certains lieux et on en ouvre ailleurs.

L'autre différence, pour vous, c'est que les allophones sont assez majoritairement... sont très souvent francophones et ceux qui ne le sont pas sont obligés de fréquenter le système français, donc ça augmente. Alors mais, malgré tout ça, malgré tout ça, globalement vous ne baissez pas, il n'y a pas de diminution. Et globalement la communauté anglophone n'est pas dans une situation alarmante, elle se régénère correctement, même mieux que les francophones, à cause de toutes sortes d'autres phénomènes qu'on essaie de décrire dans le document que j'ai publié, qui s'appelle L'exogamie, qui s'appelle un...

Par exemple, vos enfants à vous, M. Pavone, ont le droit d'envoyer leurs enfants dans le système anglais. Alors, si vos enfants ont des enfants, c'est un droit qui va se transmettre. Vous êtes nombreux à avoir ce droit-là et vous allez l'exercer. Ça alimente, ça alimente le maintien du nombre d'étudiants qui fréquentent le système scolaire anglophone au Québec.

Alors, je comprends votre souci quand l'école d'à côté ferme, mais globalement, pour une école qui ferme, il y en a une autre qui ouvre, et ça, c'est pareil et chez les francophones et chez les anglophones. Donc, votre argument de base, qui est de dire: On manque d'oxygène, il n'est pas, à mon sens, suffisant pour mettre en doute toute la législation linguistique au Québec.

Le Président (M. Marsan): M. Pavone.

M. Pavone (Domenic): Je sais que vous avez cité des chiffres de la ministre de l'Éducation, qui prévoient jusqu'à 2048...

M. Curzi: 2024-2025.

M. Pavone (Domenic): Merci.

M. Curzi: C'est les chiffres du ministère de l'Éducation qui vont jusque-là.

M. Pavone (Domenic): C'est vraiment loin dans le futur pour prédire... Vous avez raison, mes enfants auront le droit, mais ça ne veut pas dire qu'ils vont se prévaloir de ce droit-là. Mais, ça, c'est une autre histoire complètement.

Mais je reviens à votre discussion. Peut-être, la majorité silencieuse des Québécois, des parents, sont en train de vous envoyer un message aux deux partis principaux de la province pour dire: Nous aimerions améliorer le niveau d'éducation d'anglais dans nos écoles. Pourquoi les écoles, commissions scolaires anglophones... Oui, c'est anglophone, mais franchement on n'a pas d'école anglaise, c'est tous des programmes bilingues ou immersion, toujours parlant pour notre commission scolaire. Alors, est-ce qu'il y a, mettons, une immersion anglaise... Est-ce qu'il y a une immersion anglaise qui est faite côté des écoles francophones? Est-ce que c'est quelque chose à regarder à un moment donné? Les questions sont très, très difficiles. Vous abordez certains bons points, je pense que nous avons abordé des bons points aussi. Il faudrait en discuter et calmement.

M. Curzi: ...nous faisons, mais... C'est ce que nous faisons. Alors, mais on est très calmes actuellement.

M. Pavone (Domenic): M. le Président? Je m'excuse, M. Buchanan voulait...

Le Président (M. Marsan): Oui. M. Buchanan, la parole est à vous.

**(16 h 40)**

M. Buchanan (Craig): Les parents anglophones comme moi ont eu le choix entre les écoles anglophones et les écoles francophones. Moi, j'emmène mes enfants à une école francophone pour les écoles élémentaires. Je pense... maintenant, je crois, qu'ils vont perdre leur droit d'y aller, leurs enfants, à une école anglophone. Quand même, elles sont anglaises, elles sont anglophones, on parle anglais à la maison, mais, à cause d'un choix que j'ai fait pour donner la meilleure éducation à mes enfants, mes petits-enfants ne vont pas avoir un choix. Ça, j'ai un petit problème avec ça à cause d'une faute de moi-même, que mes enfants vont perdre quelque chose. Ça, c'est un... je trouve ça, un problème là-dedans. Je ne sais pas comment le faire réparer maintenant, mais c'est fait.

Et en même temps, si... Je vous donne une question: Est-ce que les écoles anglophones travaillaient plus pour garder les enfants parce qu'ils voient eux-mêmes en compétition avec les écoles francophones parce que leurs enfants peuvent y aller n'importe où? Alors, est-ce que ça, ça donne aux écoles anglophones le désir de peut-être essayer un peu plus fort? Et je pense que c'est évident dans les chiffres, ont gradué... quoi, 82 % de nos étudiants ont gradué à l'école secondaire. Alors, est-ce que ça, c'est parce qu'on doit faire un peu plus? Et, si c'est le cas, qu'est-ce qu'on peut faire pour les écoles francophones pour qu'ils poussent un peu plus fort pour s'améliorer sur les taux de graduation?

De mon point de vue, une manière, c'est de peut-être donner un choix. S'ils trouvent que les écoles anglophones sont mieux pour leurs enfants, qu'est-ce que les écoles francophones vont faire? Ils vont pousser pour démontrer que les écoles francophones sont mieux pour leurs enfants. Alors, de mon point de vue, ça, ce n'est pas grave pour les écoles francophones de s'améliorer s'il y a une raison de... Ce n'est pas un combat, mais c'est une compétition. Et, si on peut démontrer que les écoles francophones sont mieux...

De mon point de vue, en 1998... 1988, je trouve que les écoles francophones dans mon quartier sont les meilleures écoles pour mes enfants. Alors, est-ce que c'est la même chose pour les parents francophones? Est-ce que leur école dans leur quartier est meilleure pour ses enfants? Si c'est le cas, ils vont y aller là, même si c'est un règlement, même si c'est ce choix. Ça ne change rien pour eux s'ils peuvent faire ça. Et en même temps, si l'école anglophone lui donne quelque chose qu'il voit que ce n'est pas apparent dans l'école francophone et s'ils ont un choix comme ça, pourquoi pas les écoles francophones ne vont pas essayer de démontrer qu'il y a quelque chose de mieux là pour les enfants de son quartier? Tu comprends?

M. Curzi: Je comprends très bien.

M. Buchanan (Craig): Alors, ce n'est pas des chiffres que je... battre là-dessus, c'est le cas qu'on veut que toutes les écoles s'améliorer. Et, si on trouvait une manière de donner un choix au moins à quelques-unes des personnes, s'il trouve, de son point de vue, un programme est mieux que l'autre, comment est-ce qu'on peut donner un chemin d'y aller là?

Le Président (M. Marsan): C'est terminé, Pierre. Ça va?

M. Curzi: Ah bien, je veux juste dire une chose, là. La situation que vous décrivez, c'est exactement le cas que M. Mulcair proposait. Il disait, la proposition de M. Mulcair, c'était de dire: Si des parents anglophones envoient leurs enfants dans des écoles francophones, ils ne devraient pas perdre leurs droits acquis en tant qu'anglophones. C'était ce que M. Mulcair est venu dire quand il a dénoncé aussi la loi n° 103.

L'autre aspect, c'est... Vous décrivez la situation, dans le fond, comme dans un État de libre marché. L'État de libre marché dit que les écoles les plus compétentes soient celles qui attirent le plus de gens. La majorité des Québécois pensent depuis longtemps, depuis les années 1977, qu'on n'est pas vraiment dans une situation égalitaire de libre marché, qu'il y a des efforts supplémentaires à faire pour conserver la cohésion sociale liée à une langue. Et c'est l'esprit de Camil Laurin et de M. Lévesque de dire qu'on va créer des lois pour s'assurer que cette cohésion sociale... Et il faut comprendre clairement que cette loi-là, elle limite les droits des francophones et des allophones, mais elle ne limite pas les droits des anglophones, et c'était ça, l'esprit, je pense, qui a prévalu à la loi n° 107.

Le Président (M. Marsan): Merci. Et ceci termine l'échange que nous devions avoir. Nous avons écoulé amplement le temps à notre disposition. Et je veux vous remercier, M. Pavone, M. Held, M. Bhargava, M. Buchanan et Mme Cotnoir, de nous avoir donné la position du Central Parents' Committee of the Lester-B.-Pearson School Board.

J'inviterais maintenant les représentants de la commission scolaire Lester-B.-Pearson à se présenter à notre table.

Et je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

 

(Reprise à 16 h 50)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la commission scolaire Lester-B.-Pearson et son président, M. Marcus Tabachnick, à qui je vais demander de nous présenter les gens qui l'accompagnent et de poursuivre avec la présentation, d'une durée d'environ 15 minutes. M. Tabachnick, la parole est à vous.

Commission scolaire Lester-B.-Pearson

M. Tabachnick (Marcus): Merci. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre et députés membres de la commission. Comme a mentionné le président, je suis Marcus Tabachnick, président de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et, avec moi, à ma droite, j'ai Mme Angela Nolet, vice-présidente, et à ma gauche, Mme Viviane Croubalian, directrice générale adjointe de la commission scolaire.

Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de nous adresser aux membres de la commission sur la culture et de l'éducation, mais nous devons déclarer tout d'abord que nous sommes préoccupés et consternés de la nécessité de venir ici pour discuter et donner notre opinion sur un projet de loi dont nous considérons qu'il a été présenté avec un manque total de respect et de considération pour l'une des communautés fondatrices du Québec. Cette loi, si elle est adoptée telle quelle, aura un impact négatif important sur l'institution qui fonde notre pierre angulaire de notre communauté anglophone, notre système scolaire public.

Je voudrais d'abord vous donner quelques renseignements au sujet de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Notre commission scolaire compte l'effectif le plus important en secteur jeune parmi les neuf commissions scolaires anglophones. Cette année, nous accueillons environ 24 000 élèves. Nos secteurs de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle sont ceux qui ont la croissance la plus rapide dans le réseau anglophone et comptent entre 7 000 et 8 000 étudiants individuels, pour une équivalence à temps plein de près de 3 000 élèves. Nous desservons un territoire de plus de 800 kilomètres carrés qui s'étend de l'arrondissement de Verdun, au centre-sud de l'île de Montréal, jusqu'à la frontière de l'Ontario à l'ouest.

La commission scolaire est composée de 51 écoles primaires et secondaires, deux centres pour adultes, plus deux annexes, quatre centres de formation professionnelle, plus deux annexes qui ouvriront au cours de la prochaine année. De plus, notre commission scolaire gère le seul centre linguistique international avec une résidence, de tout le système scolaire québécois. Nous sommes également responsables de quatre écoles de services sociaux.

En 2004, nous avons réuni toutes nos fonctions dans un seul centre administratif situé à Dorval. Notre commission scolaire est représentée par 21 commissaires élus au suffrage universel, plus deux autres commissaires élus par nos comités de parents dont vous avez rencontré il y a quelques minutes. Depuis sa fondation en 1998, la commission scolaire Lester-B.-Pearson a toujours eu un taux de diplomation de plus de 80 %, et, en 2009, le taux était de 82,5 %, nous plaçant au quatrième rang dans la province, malgré le fait que nous intégrons plus de 98 % de tous les élèves handicapés ou qui ont des difficultés en apprentissage, donc, plus que n'importe quelle autre commission scolaire au Québec.

Notre commission a toujours été l'une des plus responsables sur le plan financier de toutes les institutions publiques au Québec. Notre budget annuel dépasse les 220 millions de dollars et nous n'avons jamais eu de budget déficitaire. Nous avons présentement un surplus de plus de 7 millions de dollars injustement -- je dis, injustement -- réglementé par le ministère. Ce surplus, auquel nous n'avons plus accès, représente environ 1/3 de 1 % de tous les fonds que notre commission scolaire a reçus pendant ses 12 ans d'existence et devaient nous aider à gérer la réduction d'effectifs à laquelle nous faisons face au moment. Le gouvernement nous récompense d'avoir géré nos fonds consciencieusement en bloquant ce surplus et nous interdit l'accès à ce petit fonds, ce qui ne nous apparaît pas comme un encouragement à une gestion financière responsable.

Nos préoccupations au sujet du projet de loi n° 103 et de son prédécesseur, la loi n° 104, maintenant déclarée inconstitutionnelle, sont nombreuses, elles incluent: notre conviction que cette nouvelle loi ne remédie pas aux aspects inconstitutionnels de la loi n° 104 qui mènera inévitablement à d'autres difficultés et à d'autres poursuites en justice de la part des parents dont les enfants seront injustement affectés par cette loi; que l'application de la loi proposée est indûment et injustement subjective; que la loi proposée est déguisée en enjeu culturel dans le but d'une game politique peut-être et possiblement d'un évitement des obligations constitutionnelles.

Ce projet de loi ne tient pas compte, ne reconnaît pas ni ne soutient les changements qui se sont produits dans la communauté anglophone et dans le système scolaire anglophone ces 30 dernières années. Je l'ai déclaré en public à plusieurs occasions et je vous le répète aujourd'hui, nous sommes des Québécois, nous aussi. Nous vivons ici, nous apprenons ici, nous élevons nos familles ici. Nous nous sommes adaptés au fait français du Québec et nous en avons même fait la promotion. Nous avons fait notre part, et même plus.

Mme Croubalian (Viviane): Alors, à mon tour, j'aimerais juste vous parler un peu de ce qu'on fait dans nos écoles primaires et secondaires de la commission scolaire. Parce que souvent les gens pensent que, dans une commission scolaire anglophone, tout ce qui se passe dans les salles de classe, c'est l'apprentissage de l'anglais.

Alors, il y a à peu près 30 ans, le français était un cours de 45 minutes par jour que les enfants avaient dans le cadre du programme d'études et, à la fin de leurs études secondaires, la plupart des diplômés anglophones qui provenaient des commissions scolaires protestantes et des secteurs anglophones des commissions scolaires catholiques avaient une connaissance rudimentaire du français et pouvaient probablement le parler un peu dans des rencontres sociales ou en allant au magasin, à des rencontres commerciales.

Dans les années suivantes, la communauté a évolué grâce à un certain nombre de programmes d'enseignement du français langue seconde très efficaces et reconnus mondialement, allant d'un enseignement enrichi du français à une immersion intensive totale ou presque totale en maternelle, en première et deuxième année et qui s'étend maintenant au deuxième cycle de la troisième et la quatrième année.

Le pourcentage du programme enseigné en français est de 50 % ou plus dans beaucoup d'écoles secondaires anglophones à travers la province. Et maintenant, après avoir conclu une consultation de 18 mois auprès de la communauté que nous desservons, nous améliorons encore l'apprentissage du français en initiant des échanges avec des écoles francophones voisines et des interactions structurées telles que des débats et d'autres compétitions. Plusieurs sorties éducatives se font en français, et des troupes de théâtre, d'artistes ainsi se retrouvent en français dans nos écoles. Et nous accomplissons tout cela sans compromettre la qualité de l'anglais qui est enseigné et appris. Nos élèves complètent maintenant l'école totalement bilingues, compétents en anglais et en français. Ceci donne à nos jeunes qui fréquentent nos écoles anglophones la possibilité de réussir au Québec et dans le reste de notre monde entier, qui est interrelié par l'électronique.

L'article 40.1 de la Charte de la langue française se lit comme suit: «Toute personne qui s'établit au Québec a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, d'apprendre le français et de bénéficier de mesures d'accueil et d'intégration à la vie québécoise.» Nos écoles anglophones ont toujours été à l'avant-garde de l'enseignement du français et l'ont amélioré au moyen de l'immersion, tant et si bien qu'on vient du monde entier pour étudier nos méthodes d'enseignement et de l'acquisition d'une langue seconde. Nos élèves vont au théâtre, font du théâtre en français, reçoivent des écrivains francophones dans leurs classes, participent à des concours d'art oratoire et des débats en français et y gagnent des prix. Ils chantent des chansons de Noël en français lors des concerts de Noël, ils participent à une multitude d'activités d'apprentissage expérientielles partout au Québec. Ils sortent de nos écoles secondaires en sachant parler, lire et écrire parfaitement dans au moins deux langues.

Nous soutenons et nous défendrons cette idée qu'étant donné les programmes et les taux de réussite que le système scolaire anglophone peut offrir à la population québécoise, le droit qui est exprimé à l'article de la charte mentionné précédemment peut être réalisé dans des écoles anglaises au Québec.

**(17 heures)**

Mme Nolet (Angela): Voici quelques exemples d'intégration de nos élèves. Deux élèves de quatrième secondaire de Lakeside Academy ont participé, à Halifax, au Forum national des jeunes ambassadeurs intitulé Le français pour l'avenir, où ils ont discuté des moyens de rendre le français plus présent parmi les jeunes dans leur communauté. Dès leur retour, Matthew Morgan et Haley Diamant nous ont dit: Nous avons rencontré des gens qui utilisent le français pour multiplier les possibilités dans leur vie. Et nous avons appris que le français peut nous aider à réaliser nos rêves encore mieux que vous pourrez le croire. Et, par exemple, l'enfant qui n'a jamais été doué d'une motivation exceptionnelle peut aussi connaître le succès.

Matthew est bilingue. Il est entrepreneur ici au Québec. Il a la possibilité de recruter des clients dans plusieurs provinces parce qu'il a pu communiquer aussi bien en français qu'en anglais. Au bout de la ligne, il a obtenu un emploi avec un salaire annuel concurrentiel, il a acheté une maison ici au Québec, il a établi sa propre compagnie avec la volonté de vivre au Québec parce qu'il est passé par un système d'éducation qui lui a offert la possibilité d'apprendre l'anglais et le français. Vanessa est professeure d'immersion française en Nouvelle-Écosse. Elle enseigne toutes les matières en français au niveau secondaire. Elle aussi a poursuivi ses études dans notre système anglophone. Mon dernier exemple est une petite fille de sept ans qui a terminé sa première année dans une école francophone. L'école a considéré que la petite fille avait des problèmes de compréhension. Voyant ceci, ses parents l'ont placée dans une école du secteur anglophone pour avoir une deuxième opinion. Mélissa a pu changer le cours de son expérience scolaire au primaire. Rendue au secondaire, toujours en immersion français langue seconde, elle a terminé sa cinquième année en dépassant les normes avec une moyenne de 96 %. Elle a même écrit son examen d'histoire du Québec en français.

Ils ne sont pas les seuls à se réjouir d'une éducation exceptionnelle en français langue seconde. Il y a des milliers de victoires personnelles qui sont générées par nos élèves. C'est leur propre succès, c'est leur accès sur le monde comme citoyens du Québec. Cependant, plusieurs n'ont pas le choix. Les familles venues des États-Unis doivent inscrire leurs jeunes à l'école privée puisqu'il est improbable que ces élèves réussissent dans une école francophone.

La question soulevée par les médias d'acheter un droit est complètement dénaturée. En fait, ce que les gens achètent, c'est une formation scolaire et non un droit. Les écoles privées ne sont pas seulement bien acceptées au Québec mais soutenues financièrement et moralement par le gouvernement. Alors, acheter une formation scolaire est considéré comme plus qu'acceptable.

Les familles qui n'ont pas l'argent nécessaire pour le privé doivent inscrire leurs enfants à l'école publique francophone où les besoins que suscite l'enseignement en langue seconde n'existent pas. Éventuellement, plusieurs élèves manquent de motivation pour compléter leurs études secondaires et décrochent. Dans les écoles publiques anglophones, ils auraient la possibilité de continuer à apprendre les matières de base tout en apprenant le français dans un environnement idéal.

Alors, je vous demande: Est-ce un manque de confiance de votre part à l'effet que nous ne pouvons éduquer ces jeunes en français langue seconde? Pourtant, les résultats parlent d'eux-mêmes.

M. Tabachnick (Marcus): En 2010, le Québec a toutes les raisons d'être fier et confiant de la place qu'il occupe au sein de la société canadienne et en Amérique du Nord. Il faut reconnaître les changements qui se sont produits dans la communauté anglophone ces 30 dernières années. La plupart des anglophones sont maintenant bilingues, certains plus que d'autres, mais presque tous sont capables de parler et de comprendre le français.

Nos écoles d'aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec les écoles anglophones des années soixante-dix, ou quatre-vingt, ou même des années quatre-vingt-dix. Nos programmes se sont transformés, et la composition de notre personnel a changé énormément. Le fonctionnement du centre administratif est au minimum bilingue, et, dans plusieurs des cas, le personnel parle français pendant presque toute sa journée de travail.

Nos élèves ont un bon rendement dans au moins deux langues. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli. Il est temps pour la majorité québécoise d'accepter et de célébrer ce fait. Nous avons fait la preuve que nous pouvons enseigner le français aussi bien ou mieux que quiconque et assurer que ceux qui l'apprennent pourront occuper une place productive dans la société québécoise. Nous sommes prêts à faire tout ce qu'il faudra pour vous en convaincre.

Nous croyons que le temps est venu de permettre à certains immigrants de choisir d'inscrire leurs enfants dans une commission scolaire anglophone. Ceci ne veut pas dire d'ouvrir les vannes toutes grandes. Nous savons que beaucoup d'immigrants continueront de choisir d'inscrire leurs enfants à l'école francophone. Ils devraient avoir le droit de prendre cette décision. Nous croyons que les conditions pour le faire peuvent être définies de manière raisonnable.

La croissance future du Québec, tant démographique qu'économique, dépend de l'arrivée de nouveaux Québécois des pays étrangers. Nous pouvons encourager l'immigration et les investissements si nous permettons à quelques personnes provenant de certaines régions du monde d'avoir ce choix. Il est très difficile d'attirer au Québec des immigrants des États-Unis, de la Grande Bretagne ou de l'Australie, par exemple, et d'autres pays de ce genre à titre de résidents permanents.

Nous voulons que les immigrants choisissent le Québec non seulement pour venir y travailler, mais pour s'y installer et élever leur famille, investir dans l'avenir d'ici et devenir Québécois et Canadiens. Nous, les commissions scolaires anglophones, les écoles anglophones peuvent faire partie de la solution. C'est ce que nous voulons parce que nous sommes Québécois, nous aussi. Merci, monsieur.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Tabachnick. Et nous poursuivons immédiatement cette période d'échange. Et je cède la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Merci pour cet exposé. Tout d'abord, à vous entendre, je pense que vous faites état d'une situation qui va quand même assez bien. Vous parlez de la croissance la plus rapide. Vous parlez de votre secteur d'éducation aux adultes. Vous parlez du fait que vos enfants, lorsqu'ils sortent de vos écoles, sont des enfants qui ont une bonne connaissance du français. Alors, moi, je vous dis bravo.

Et il n'y a personne qui remet en question ici que vous êtes des Québécois à part entière. Et il n'y a personne qui remet en question votre institution. Je peux vous dire qu'on a le plus grand respect pour la communauté anglophone, et je pense que c'est la grande majorité des Québécois. On a juste à se souvenir lorsque, la veille de la Saint-Jean, des jeunes groupes anglophones avaient été invités à chanter à la veille de la Saint-Jean à Montréal et que certaines personnes s'étaient élevées contre cette idée, on a vu immédiatement beaucoup de francophones québécois réagir, en disant: C'est la fête de tous les Québécois, ils sont Québécois autant que nous. Il y en a qui sont allés chanter des chansons de Beau Dommage. Alors, je pense que c'était une illustration à quel point vraiment il y a une paix linguistique qui s'est installée.

Et la communauté anglophone est fière, je pense, de montrer que leurs enfants parlent très, très bien français. Puis, moi, dans mon comté, j'ai un comté où il y a beaucoup de communautés culturelles, les parents envoient leurs enfants à l'école française et les parents sont fiers de venir me dire et me parler de la qualité du français de leurs enfants. Alors, ce sont des parents qui ont choisi le Québec pour la qualité de vie au Québec et en sachant très bien que la langue officielle du Québec, c'est le français.

Donc, je pense que, ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est comme si ce projet de loi là venait comme complètement chambarder les choses, alors que ce que nous voulons faire, c'est ce que la Cour suprême nous dit de faire. La Cour suprême dit que nous sommes légitimes de légiférer. Le projet de loi que nous avons devant nous est, à notre avis, légitime. Il décrit un parcours authentique. On ne prétend pas que c'est la perfection totale. On vous demande de nous aider peut-être à le bonifier, s'il faut le bonifier.

Mais vous êtes d'accord avec moi qu'il y a des parents qui essaient d'utiliser un stratagème pour aller vers le secteur public subventionné. Et ces parents-là sont en train de salir la réputation de tous les parents qui envoient leurs enfants à l'école privée non subventionnée.

**(17 h 10)**

Donc, ce qu'on veut faire, c'est de dire: Oui, l'école privée non subventionnée va demeurer, puis on est tout à fait d'accord avec ça, contrairement à l'opposition officielle, qui voudrait étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées et mettre par-dessus le marché la clause dérogatoire, suspendre les libertés fondamentales. Nous, ce que nous voulons faire, c'est d'empêcher que des parents utilisent ce système pour faire le passage. Alors, nous avons sur la table une solution. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, si on suit bien votre raisonnement, vous vous rejetez... vous n'êtes pas d'accord avec la Cour suprême.

La Cour suprême a invalidé la loi n° 104. La Cour suprême nous dit que nous sommes légitimes de légiférer parce qu'il y a des parents qui faisaient l'école passerelle, puis il y a même des écoles qui faisaient la promotion, pour dire: Venez chez nous, puis, au bout d'un an, vous allez pouvoir passer de l'autre côté. Et ce que la Cour suprême nous dit de faire, c'est que nous sommes légitimes de le faire. Il y a un phénomène. Les écoles passerelles pourraient devenir éventuellement un mécanisme permettant de manière quasi automatique de contourner les dispositions de la Charte de la langue française, donc vider la Charte de la langue française de son contenu, et on ne veut pas ça. Il nous le dit, le juge LeBel. Bien, le juge LeBel nous dit: Vous devez analyser le parcours authentique.

Alors, moi, je voudrais savoir qu'est-ce que vous... Quelle est votre définition d'un parcours authentique? Parce que, moi, je vous dis, on... Ça, c'est le jugement de la Cour suprême. La Cour suprême nous donne une feuille de route, qui, j'avoue, n'est pas facile à tous les jours, mais nous donne une feuille de route. Puis nous avons sur la table le projet de loi qui correspond à la feuille de route, qui est légitime, puis c'est la feuille de route que le Cour suprême nous a donnée. Donc, parcours authentique... nous dit. Il y a des parcours authentiques. Quelle serait, selon vous, la définition d'un parcours authentique? Où voyez-vous le parcours authentique?

Le Président (M. Marsan): M. Tabachnick.

M. Tabachnick (Marcus): Il y en a beaucoup, de réponses à votre question. Premièrement, ça suppose, et le gouvernement et les membres, les députés supposent que les écoles anglophones n'ont pas à être partie de la solution, que nous n'avons pas l'habilité de former les jeunes ou en français ou dans la culture québécoise. Alors, c'est un propos qu'on n'accepte pas. On fait tous tout notre possible et on le fait assez... plus qu'assez bien, on le fait très bien, de former nos jeunes, pas seulement anglophones mais ceux qui choisissent nos écoles, dans la culture québécoise.

Alors, il y a un autre moyen à regarder sur la décision, et c'est de dire: Le temps est arrivé de prendre toutes les communautés du Québec et de trouver des solutions qui satisferont les deux communautés. Notre communauté peut faire le même que les écoles francophones peuvent faire, c'est de former les gens en français. D'essayer de venir dans la pensée d'un parent, pour moi, ce n'est pas correct. Ce n'est pas pour l'État de rentrer dans la pensée d'un parent, de dire: Vous, vous avez un parcours authentique; l'autre, ne l'avez pas. Et ça, je n'accepte pas ce propos.

D'autrement, juste un autre petit point, c'est tout basé sur le fait qu'il existe des écoles passerelles, à Montréal principalement. Et, je vous le dis, selon moi et selon nous comme sur le terrain, moi, je ne connais pas aucune école passerelle, pas aujourd'hui, ça n'existe pas. Peut-être, il y a quelques parents. Mais il ne faut pas tuer une mouche avec un canon, et c'est ça que vous êtes tentés de faire.

Mme St-Pierre: Permettez-moi, en tout respect pour votre opinion, de vous dire que peut-être que vous allez un peu loin, là, parce que le juge LeBel, dans le jugement de la Cour suprême, dit qu'il y a eu des écoles... qu'il y a des écoles passerelles: «Certains éléments de preuve relatifs à l'utilisation des écoles passerelles laissent planer des doutes quant à l'authenticité de bon nombre de parcours scolaires, et quant aux objectifs de la création de certaines institutions. Ainsi, la publicité de quelques établissements suggèrent qu'un court passage en leur sein permet de rendre leurs élèves admissibles aux écoles anglophones financées à même les fonds publics.» Donc, la Cour suprême a dit que ça existait.

Puis on n'est pas en train de vous dire que ce que vous faites, ce n'est pas bon. Vous avez une commission scolaire qui est solide, vous avez un enseignement qui est solide, vous avez un taux de diplomation qui est très élevé, et nous vous en félicitons. Mais reconnaissez qu'on ne peut pas, avec... La situation que nous avons devant nous, ce sont des parents qui envoient leurs enfants à l'école privée non subventionnée -- ça ne touche pas les parents... dans les derniers cas qu'on a vus, là, c'étaient des parents francophones qui faisaient ça -- école privée non subventionnée, puis, quelques mois plus tard, passaient de l'autre côté.

On a un projet de loi qui est devant nous. On demande: Est-ce que vous voyez des moyens de le bonifier, selon votre point de vue, le projet de loi, ou si vous le rejetez totalement? Parce que l'autre alternative, vous savez c'est quoi, l'autre alternative, c'est ce que l'opposition officielle propose. Et l'opposition officielle, c'est l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées.

Vous avez une communauté qui est forte. Si on regarde dans l'ensemble du Canada... D'ailleurs, la Cour suprême... les Nations unies l'ont dit, vous n'êtes pas considérés comme un groupe minoritaire. Vous avez des institutions qui sont fortes, des radios, des télévisions, des universités, des commissions scolaires qui sont fortes. Le respect de la communauté anglophone, il est total. Il est total. Alors, nous avons à...

D'ailleurs, je veux corriger: tout à l'heure, il y a eu quelque chose qui a été dit, que les parents anglophones qui envoyaient leurs enfants dans l'école francophone pouvaient perdre le droit, c'est l'article 76 de la charte, là: «Les personnes dont l'admissibilité à l'enseignement en anglais a été déclarée en application de l'un ou l'autre des articles 73, 76[, 81,6] sont réputées avoir reçu ou recevoir un tel enseignement». Donc, si les parents demandent l'admissibilité, ils vont la conserver pour les générations à venir, même s'ils ne l'utilisent pas; c'est comme un passage, même s'il n'est pas utilisé. Mais je pense que ce n'est pas tout le monde qui...

Et, dans l'affaire Nguyen, c'est les parents qui n'avaient pas le droit d'envoyer leurs enfants dans des écoles publiques subventionnées. Ils ont le droit d'envoyer leurs enfants dans une école privée non subventionnée; c'est l'espace de liberté qui a été prévu par M. Lévesque, qui était très, très préoccupé par la communauté anglophone. Alors, pour parvenir... Ce que le juge dit, là: «Dans l'affaire Nguyen, les intimés sont des citoyens canadiens qui n'ont reçu aucun enseignement primaire en langue anglaise au Canada. En conséquence, ils ne satisfont pas aux critères prévus par [...] la charte [...] pour que leurs enfants puissent être admis dans les écoles anglophones du Québec financées par les fonds publics. Pour parvenir à cette fin, ils ont inscrit leurs enfants dans les écoles privées non subventionnées...» Alors, pour parvenir à leurs fins, ils sont allés de ce côté-là.

La Cour suprême nous dit que nous sommes légitimes de légiférer. Alors, nous avons devant nous un projet de loi. Je comprends que vous n'êtes pas heureux avec le projet de loi, mais est-ce qu'il y a des choses que vous pourriez nous dire que... Par rapport à la définition du parcours authentique, par exemple, est-ce qu'il y a des choses que vous pourriez nous dire? Dans quelles circonstances? Parce qu'il nous dit qu'il faut étudier cas par cas. La Cour suprême nous dit qu'il faut étudier cas par cas. On propose la grille d'analyse.

M. Tabachnick (Marcus): C'est la même réponse. Si vous... prendre la communauté anglophone, les commissions scolaires, les écoles anglophones comme une voie de solution au lieu de forcer, de fermer, comme vous avez dit, fermer le robinet... On ferme le robinet sur quoi? Sur 400, 500, 600 élèves par année, dont peut-être... Et, je vous dis, ce n'est peut-être pas la grande majorité qui ont choisi ce parcours parce qu'ils veulent contourner la loi. Les situations familiales peuvent changer, ils peuvent perdre leur job, changent de famille, déménager, il y a toutes sortes de raisons pour qu'ils aient changé de l'école privée pour une école publique. Le parcours, le programme de l'école n'est pas le meilleur programme pour leur enfant. Il y a toutes sortes de raisons. Et, en plus, peut-être il y en a quelques-uns qui ont choisi de le faire pour contourner la loi. Ça, c'est possible. Ça, je ne fais pas d'argument contre.

Mais, si vous pouvez accepter que nous pouvons former des jeunes comme vous voulez, comme citoyens québécois, pourquoi nous ne l'utilise pas, un système qui a déjà démontré de bons succès, un grand succès? L'ensemble des commissions scolaires anglophones ont un taux de succès de plus de 80 %, comparatif à l'ensemble du Québec, qui est à 65 %, et nous le faisons en deux langues. On peut le faire. On peut le faire, on peut former des gens comme Québécois. C'est ça que je veux, moi aussi, c'est pour mon avenir aussi d'avoir des jeunes formés ici, et de supporter, et pas de se déplacer vers une autre partie du Canada ou autre part en Amérique du Nord.

Non, je pense qu'il faut prendre votre vision et de mettre en place une ouverture de parler avec notre communauté de comment est-ce qu'on peut travailler ensemble pour assurer que la volonté exprimée par la loi 101 est réalisée par la présence et par l'action des deux communautés. Et, moi, je pense qu'on peut le faire.

**(17 h 20)**

Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, nous allons poursuivre ces échanges. Et je vais reconnaître le député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.

M. Curzi: Ah bien, merci, M. le Président. On était en train d'essayer de bien clarifier l'article 76, là, sur les droits qui sont transférables. Il y a comme...

Une voix: ...

M. Curzi: Oui, il y a comme une contradiction entre ce qu'on comprend de l'article de la charte et aussi de la loi. Mais c'est technique, c'est intéressant cependant à clarifier.

Bonjour, monsieur. Bonjour, mesdames. Ce que vous dites fondamentalement cet après-midi, c'est que vous ne réclamez pas plus d'oxygène, si j'ai bien compris. Vous trouvez que votre commission scolaire se développe bien. Vous dites fondamentalement: Nous offrons une très grande qualité d'enseignement et donc nous voudrions pouvoir continuer à offrir cette qualité d'enseignement-là. Vous allez assez loin dans votre mémoire, vous allez jusqu'à écrire une phrase qui m'a frappé, où vous dites: Les écoles publiques anglophones «procurent des milieux propices à la réception et à l'intégration à la culture francophone». Est-ce que vous vous souvenez de cette phrase-là?

M. Tabachnick (Marcus): Oui. Si c'est là, c'est là. Je n'ai peut-être pas entendu. C'est sur quelle page?

M. Curzi: En fait, ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas de meilleur endroit pour franciser des nouveaux arrivants que votre système scolaire. Ce que je comprends là-dedans, c'est ce que vous dites, c'est: Si les gens viennent de l'anglophonie, des milieux anglophones, ils vont mieux apprendre le français et ils vont mieux s'intégrer à la culture francophone si on les accepte dans notre commission scolaire Lester-B.-Pearson. C'est ça que vous dites.

M. Tabachnick (Marcus): Je dis simplement que, nous, il faut que nous travaillions deux fois plus fort pour faire nos efforts pour assurer que nos jeunes... sortent de nos écoles bilingues, capables en français et en anglais, et que nous pouvons le faire, si ce n'est pas mieux, aussi bien que.

M. Curzi: Parfait. Mais c'est à la page 4, vous regarderez. Mais, ce que vous dites... Dans le fond, quand vous dites ça, ce que vous dites fondamentalement, vous reconnaissez plusieurs choses. Vous êtes d'accord avec l'article 23 de la charte canadienne. La clause Canada, c'est une clause avec laquelle vous êtes d'accord?

M. Tabachnick (Marcus): Oui.

M. Curzi: Bon, fondamentalement, la clause Canada dit: Quelqu'un qui a étudié au primaire en anglais, où que ce soit au Canada, au Québec comme dans les autres provinces, peut recevoir une éducation en anglais dans la province, ou au Québec, et il dit exactement la même chose pour les francophones. Les francophones qui ont fait leurs études primaires, les enfants de ces francophones-là peuvent avoir accès à une éducation en anglais dans d'autres provinces, pourvu que le nombre s'y prête. Vous êtes d'accord avec ça?

M. Tabachnick (Marcus): Oui, oui, ça... Mais il faut dire que... Ce que nous disons, c'est que le... Je pense que le temps est arrivé de parler d'une petite ouverture de cette clause pour nous allouer accès à une partie des immigrants qui arrivent au Québec, élargir...

M. Curzi: Et, quand vous dites ça, vous reconnaissez que, pour vous, la clause Canada actuellement ne s'appliquerait plus au Québec, ne convient plus à la situation actuellement au Québec. C'est ça que vous me dites?

M. Tabachnick (Marcus): Mais, premièrement, je veux revenir sur quelque chose. Je ne parle pas des chiffres parce que nous sommes plus que des chiffres, nous parlons du fait que notre population ait baissée. Et je prends vos chiffres, Vous avez mentionné mes parents, que les chiffres démontrent... Les chiffres du ministre de l'Éducation montrent que les commissions scolaires francophones et les commissions scolaires anglophones ont vécu à peu près la même diminution de population. Et, moi, je vous dis: 10 000 de moins dans notre système est plus important que 60 000 sur 1 million du système francophone. On ne parle pas seulement d'un ratio de 1 %, de 0,5 %, quoi... 10 000 élèves dans cinq ans, pour notre système, ou dans les derniers huit ou neuf ans, c'est trop. Et vous disiez dans vos commentaires que: Reste tranquille, d'ici 14, 15, 30 ans, vous retournez à peu près à ce même niveau. Moi, pour moi, de rester au même niveau, n'aie aucune chance d'agrandir ou d'améliorer un peu, ça me... Puis, non, moi, je ne peux pas accepter ces propos. On ne parle pas des chiffres. Nous ne sommes pas des chiffres, nous sommes des citoyens.

M. Curzi: ...des chiffres, mais quand même les chiffres ont une certaine importance quand on affirme qu'il y a 10 000 personnes. J'ai les chiffres encore ici: de 2002 à 2006, l'ensemble des commissions scolaires francophones ont connu une baisse de 5,5 %; l'ensemble des commissions scolaires anglophones a connu une baisse de moins 3,6 %. Donc, la baisse était moins importante. De 2006 à 2010, les commissions scolaires francophones ont diminué de moins 7,7 %; les commissions scolaires anglophones ont diminué de moins 0,8 %. Là, il y a une légère augmentation de votre côté. Mais, dans la période précédente, c'était le contraire. Ça, c'est vrai.

Vous, commission scolaire Lester-B.-Pearson, vous avez perdu, de 2006 à 2010, 10 % de votre population. Par ailleurs, Sir-Wilfrid-Laurier, qui est une commission scolaire anglophone aussi, a perdu seulement 0,3 %, c'est-à-dire qu'il y a eu, ce que j'expliquais tantôt, un déplacement de la population. Puis les chiffres qu'on vous cite sur ce qui se passe actuellement, ils disent... Je pourrais vous donner les chiffres pour 2012, 2013, 2014, 2015, il y a comme une espèce de plateau où et les francophones et les anglophones restent à peu près au même nombre. Pourtant, l'immigration massivement francophone est plus importante. Mais ça reste au même nombre.

Je ne rentrerai pas dans les explications, ce qui justifie ça, mais il y a des explications, j'en ai fait la démonstration. Donc, vous n'êtes pas que des chiffres, mais les chiffres ont quand même une certaine importance pour décrire une situation. Je comprends que ce n'est pas votre objet. Et on a quitté ma question fondamentale.

Vous reconnaissez... Ce que vous dites, c'est: La clause Canada, elle est plus ou moins efficace au Québec. Mais pourtant vous reconnaissez que la langue officielle au Québec, c'est le français. Et ça explique votre comportement formidable, exemplaire au cours des 30 dernières années, parce que tout à coup tout le monde s'est dit: Oh! la langue officielle, c'est le français, si on veut contribuer et réussir, il va falloir faire des efforts, et vous les avez faits. Vous avez réussi. La communauté anglophone s'est bilinguisée. Et beaucoup d'anglophones parlent bien le français, et vos écoles ont des taux de réussite en français.

Donc, votre logique qui fait que vous vous êtes bonifiés, pourquoi n'appliquerait-on pas cette logique-là au système francophone? Parce que, même si la langue officielle demeure le français, tout le monde est conscient que d'autres langues, dont l'anglais en particulier, vont être nécessaires pour réussir. Alors, ce que vous avez réussi, pourquoi ne pas souhaiter que ça réussisse aussi du côté francophone, qu'on enseigne l'anglais aussi bien que que vous enseignez le français chez vous? Pourquoi n'arrive-t-on pas à enseigner aussi bien l'anglais chez nous?

M. Tabachnick (Marcus): On souhaite le meilleur pour tous les jeunes du Québec, on ne souhaite pas seulement le meilleur pour la communauté anglophone. Ce que je dis, c'est: Pourquoi, pourquoi les écoles anglophones ne peuvent pas avoir leur chance en concurrence avec les écoles francophones? Améliorer l'apprentissage, l'enseignement dans les écoles francophones, tant mieux!

Nous, nous avons essayé de faire un échange avec des écoles francophones, il y a un an ou deux ans, on avait essayé, et les avocats... on a dit: On ne peut faire, ce n'est pas légal, on ne peut pas mettre des petits francophones dans des écoles anglophones, ce n'est pas possible, on ne peut pas accepter au Québec qu'on y va. On demande aux écoles francophones, notre voisine sur l'île de Montréal: Essayons-nous de mieux former tous nos petits. On va envoyer nos jeunes dans des écoles francophones en même temps. On va passer six mois ou un an au complet dans un échange pour le meilleur de tous les élèves, pas seulement nos...

Nous demandons simplement de nous donner la chance, nous donner une chance. Vous dites: Votre communauté va régler eux-mêmes; c'est correct. Mais pourquoi encadrer la communauté anglophone dans cette boîte? Pourquoi c'est nécessaire de ne pas nous laisser accès à quelques-uns, si vous acceptez... Et vous avez très bien dit que nous avons beaucoup changé, que la plupart de notre communauté est maintenant bilingue, peut-être sauf moi, mais il y en a beaucoup qui sont bilingues maintenant, et nous avons un très grand succès en enseignement dans les deux langues. Pourquoi nous ne pouvons pas nous rendre comme partie de la solution et aider à tous les gens de se former comme vrais Québécois, comme bons Québécois, de rester ici, et de vivre ici, et de ne pas partir autre part au Canada ou aux États-Unis? C'est ça, je vous lance ce défi simplement. Pourquoi? Pourquoi ne prendre pas notre offre?

**(17 h 30)**

Mme Nolet (Angela): Est-ce que je pourrais ajouter, s'il vous plaît?

Le Président (M. Marsan): Oui, Mme Nolet.

Mme Nolet (Angela): La fondation de l'alphabétisation estime que 49 % des Québécois souffrent de lacune dans leur habilité à lire et à écrire. Cela représente 2,5 millions de gens au Québec. Parmi ça, bien, le taux de décrochage pour le Québec est à 39 %. Qu'est-ce qu'on veut faire? C'est que tout le monde réussisse. Et, si le Québec continue dans cette direction, qu'est-ce qui va arriver pour la province? C'est ça qu'on veut, on veut que tout le monde s'entraide à devenir la meilleure des provinces au Canada.

M. Curzi: Je vais vous laisser exprimer ça de cette façon-là, madame. C'est sûr que tout le monde souhaite que le Québec réussisse. Que ce soit une province dans un Canada, personnellement, ce n'est pas la solution politique que je préconise, mais on a le droit d'avoir des opinions divergentes à cet égard. Ce que je veux seulement dire, c'est que vous semblez suggérer deux choses. Vous semblez suggérer qu'il y ait, entre les deux systèmes scolaires, de meilleurs échanges et une meilleure utilisation des ressources, ce qui est, j'imagine... ce qui est sans doute imaginable. Et je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas la meilleure utilisation possible des systèmes scolaires. Mais, en même temps, vous êtes d'accord avec moi pour reconnaître que la situation à laquelle nous arrivons, c'est une décision qui émane de la Cour suprême du Canada, madame, et que c'est à titre de province que nous sommes actuellement confrontés à un problème, d'avoir à appliquer d'une façon stricte ce qui s'appelle la clause Canada, et que ce n'est pas un choix que les Québécois ont fait en 1977 et ce n'est pas non plus un choix qui a été fait en 2002, c'est un choix avec lequel nous sommes pris. Je n'ai plus de question, monsieur.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. M. Tabachnick, vous voulez répondre? Un commentaire?

M. Tabachnick (Marcus): Juste, oui, juste, juste un dernier mot.

Le Président (M. Marsan): Allez.

M. Tabachnick (Marcus): Je vous lance peut-être une invitation. Viens nous voir. Ça me fait grand plaisir de vous accueillir, de vous faire... venir, par un, deux, trois, quatre, n'importe quel nombre de nos écoles, pour vous montrer ce qui fait précisément dans nos écoles en 2010. Ça me fait grand plaisir.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Tabachnick, Mme Angela Nolet, Mme Viviane Croubalian, de nous avoir donné le point de vue de la commission scolaire Lester-B.-Pearson.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 21 septembre, à 10 heures, afin de poursuivre son mandat. Merci et bon retour.

(Fin de la séance à 17 h 34)

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