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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 19 mars 2013 - Vol. 43 N° 12

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

M. Éric Barnabé

MM. Jacques Boulianne et Michel Leduc

MM. Giuliano D'andrea et Richard Smith

La Fédération québécoise des associations foyers‑écoles inc. (FQAFE)

Comité d'aide aux femmes sourdes de Québec (CAFSQ)

Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées (AMEIPH)

Commission scolaire Lester-B.-Pearson

Autres intervenants

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien, vice-présidente

Mme Filomena Rotiroti, présidente suppléante

Mme Diane De Courcy

Mme Nathalie Roy

M. Daniel Breton

M. Émilien Pelletier

M. Marc Tanguay

M. Sylvain Roy

M. Geoffrey Kelley

Mme Françoise David

*          Mme Liette Chamberland, FQAFE

*          Mme Joyce Shanks, idem

*          Mme Patricia Willis, idem

*          Mme Rickhey Margolese, idem

*          Mme France Rivard, CAFSQ

*          Mme Caroline Paquin, idem

*          Mme Maritza Côté, idem

*          Mme Marguerite Blais, idem

*          Mme Teresa Peñafiel, AMEIPH

*          Mme Suanne Stein Day, commission scolaire Lester-B.-Pearson

*          M. Linton Garner, idem

*          M. Steven Colpitts, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-neuf minutes)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

• (10 heures) •

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par M. Kelley (Jacques-Cartier).

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous allons débuter par les auditions de M. Éric Barnabé, de MM. Jacques Boulianne et Michel Leduc et de MM. Giuliano D'andrea et Richard Smith. Cet après-midi, nous entendrons la Fédération québécoise des associations foyers-écoles inc., le Comité d'aide aux femmes sourdes de Québec et l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Finalement, ce soir, nous poursuivrons avec la commission scolaire Lester-B.-Pearson et l'Office québécois de la langue française.

Bonjour. Dans un premier...

Une voix : …langue anglaise.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, je suis désolée. La commission scolaire Lester-B.-Pearson et l'Office québécois de la langue anglaise.

Auditions (suite)

Nous allons débuter par un premier intervenant. Bonjour. Bienvenue à la commission. Je vous invite à vous identifier, et vous allez disposer d'un temps de 10 minutes; par la suite suivront les échanges avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

M. Éric Barnabé

M. Barnabé (Éric) : Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Premièrement, je tiens à remercier… Bien, mon nom, c'est Éric Barnabé. J'agis à titre personnel. Premièrement, je tiens à remercier les membres de cette commission de m'avoir invité. Je ne suis pas un expert mais un simple citoyen pour qui la langue est importante, même si mon opinion diffère de celle généralement véhiculée. L'avantage d'une commission publique est de permettre à des individus comme moi de pouvoir émettre une opinion sans être dans une organisation structurée qui opère depuis assez longtemps et qui a obtenu suffisamment de visibilité pour être reconnue et invitée par une commission régulière.

Puisqu'en 10 minutes je ne pourrai pas vous lire mon mémoire, je vais plutôt profiter de ce temps pour expliquer pourquoi cette loi est ségrégationniste et nous amène vers une pente dangereuse.

Sur Wikipédia, la ségrégation raciale est définie comme étant «la séparation physique des personnes de couleurs différentes dans les activités qu'elles exercent couramment». La ségrégation peut être instaurée par la loi ou de façon illégale, par la discrimination dans l'embauche ou la location d'un logement par exemple.

Au Québec, nous connaissons la ségrégation linguistique. Je suis conscient que la loi 101 a besoin d'être mise à jour, c'est pourquoi je crois qu'il faut profiter de la loi n° 14 pour freiner une pente très glissante que le Québec est en voie de prendre.

Pour vous illustrer mon point, je vais vous lire le paragraphe sur l'histoire du nazisme sur Wikipédia. Je ne prétends toutefois pas que nous sommes rendus là, mais la progression et les faits historiques sont là, vous n'avez qu'à changer le mot «juif» pour le mot «anglais». Sur Wikipédia : «Durant toute son existence, de 1920 à 1945, les idéologues nazis, appuyés par la lecture des Protocoles des sages de Sion, développent l'idée d'un complot orchestré par les Juifs. Ceux-ci, désignés par le terme générique de "juiverie", sont perçus par les nazis comme coupables, collectivement responsables de la défaite de 1918 et de la révolution en Russie, dans le cadre d'un complot mené contre une Allemagne innocente. Celle-ci n'aspirerait qu'à se libérer de la tutelle exercée par les Juifs et leurs alliés. Les Juifs sont perçus ainsi comme un sujet politique essentiellement défini par [la] race, sujet contre lequel il est nécessaire de mener une guerre : la propagande du NSDAP — le parti national-socialiste des ouvriers allemands — et [du] IIIe Reich présente le conflit qui s'ouvre en 1939 comme une "guerre contre les Juifs", ces derniers donnaient de nombreuses preuves — bombardements… — de leur volonté d'extermination du peuple [juif]; de même, les Juifs, entendus comme un groupe fantasmatique homogène,  sont ainsi présentés comme les principaux responsables du conflit.»

J'ai relevé dans les mesures du nazisme… entre autres, aucun Juif ne peut être frère de race, boycott des commerces juifs, restriction dans les emplois de la fonction publique, interdiction de mariage entre Juifs et Allemands, privation de la citoyenneté allemande, perte du droit de vote, interdiction de certaines professions libérales. Si les autorités nazies s'acharnent sur les victimes du pogrom, elles font preuve d'une mansuétude toute particulière à l'égard des auteurs des pires exactions. Les incendies, les destructions et les brutalités sont conformes aux instructions données successivement par les responsables de la SA.

J'exagère? N'est-ce pas toujours la faute d'Ottawa ou des Anglais si tout va tout croche au Québec? N'y a-t-il pas une tentative de boycott des magasins anglophones, surtout américains? N'y a-t-il pas de groupes qui traquent les affiches anglophones? Combien de fois j'ai lu ou entendu dans les médias que les anglophones du Québec ne sont pas des vrais Québécois, qu'ils ne devraient pas avoir le droit de vote aux référendums et qu'ils devraient quitter le Québec?

Les Anglais ont gagné sur les plaines d'Abraham, mais c'est la faute de la France, qui a donné ces quelques arpents de neige à l'Angleterre dans le traité de Paris en 1763. C'est à la France que nous devrions en vouloir, pas aux Anglais.

Et, finalement, pour qu'un anglophone puisse exercer une profession libérale au Québec, il faut qu'il passe un examen de français de son ordre professionnel. C'est déjà dans la loi.

Comme vous pouvez le constater, nous nous dirigeons vers le même chemin. L'étape suivante, c'est les émeutes et les attaques physiques. Il y a quelques années, certains nationalistes extrémistes ont mis des lettres dans la boîte postale de certains anglophones, où il était écrit : Si j'ai pu mettre une lettre, j'aurais pu mettre une bombe. Les multiples manifestations — les plus récentes étant celles des carrés rouges — sont en train de nous habituer aux émeutes populaires. Ces manifestations sont orchestrées par les groupes syndicaux, tout comme pour l'Allemagne avec le parti national-socialiste des ouvriers allemands d'Adolf Hitler.

Actuellement, probablement plus de la moitié des plaintes de l'Office québécois de la langue française sont le résultat de moins de 10 personnes représentant trois ou quatre groupes voués à la défense de la langue française qui, en réalité, ne font que s'attaquer aux mots anglophones qu'ils trouvent. Pourtant, aucun d'entre eux ne s'insurge contre le fait qu'un professeur peut enseigner le français avec une note de passage de 70 % obtenue en quatre essais au moins et avec les réponses sur le Net. Aucun d'eux ne revendique le droit d'être servi en français à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal, alors que les médias le rapportent régulièrement. Aucun d'eux ne fait de manifestation ou ne tente de monter des groupes de professeurs afin d'aider les immigrants à apprendre le français. Quand on est fier de sa langue, on agit pour l'améliorer, la protéger et la supporter, pas en attaquant son voisin simplement parce qu'il parle anglais.

Malheureusement, depuis que, dans les médias, la loi n° 14 est jugée ségrégationniste, discriminatoire et ne visant que les anglophones, l'Office québécois de la langue française s'attaque maintenant aux mots italiens. Il est peut-être vrai que le menu du restaurant montréalais était unilingue anglais. Y avait-il une version française? À Québec, un restaurant italien s'est vu aviser que son slogan depuis plus de 15 ans, Pizza, pasta & musica, devrait être cessé parce qu'il ne répond pas aux règles. Il y a même un restaurant qui a son menu en sept ou huit langues différentes pour les touristes. Est-ce légal? Pourtant, les boutiques dont le nom est écrit au son ou avec le mot «boutique» avec un k à la fin du mot pleuvent au Québec. La Boutik Élektra est mon meilleur exemple… la Boutik Électrik, pardon. Pas le droit d'utiliser des mots autres que français, mais le français peut être écrit tout croche, là il n'y a aucun problème. Si tout cela n'est pas de la discrimination et de la ségrégation contre la langue anglaise, qu'est-ce que c'est?

Et, même si un anglophone parle français, c'est un anglophone pour les statistiques. Si cela fait quatre ou cinq générations que vous êtes au Québec, de mère, grand-mère et arrière-grand-mère italienne, portugaise, grecque ou arabe, vous êtes toujours un allophone. Mais quand deviendront-ils des Québécois?

La deuxième langue parlée à Montréal est l'allophone, ils sont plus nombreux que les anglophones. Il est vrai que le français recule à Montréal. Les francophones de souche quittent la banlieue au point que 47 villes anglophones risquent de perdre leur statut bilingue, parce qu'il y a trop de francophones dans la place, mais à Montréal l'anglais recule dans la même proportion que le français à cause de l'arrivée des allophones. Et comment cela se fait-il que le français recule à Montréal si 80 % des jeunes anglophones sont bilingues, 85 % des immigrants sont francophones, et que 100 % des Québécois de souche sont francophones? Serait-il possible que les statistiques soient trompeuses?

L'affichage en anglais, évidemment que les Anglais… les immigrants vont écrire en anglais. Le français est une langue difficile à écrire, et nous ne les formons pas à leur arrivée au Québec. Les grandes entreprises qui affichent en anglais uniquement, est-ce que Bureau en Gros vend plus pour autant? Lors de la Révolution tranquille, à la grosse Anglaise de chez Eaton s'est ajoutée la grosse Québécoise de chez Eaton, simplement parce que les Québécois voulaient acheter chez Eaton. Le pouvoir d'achat est notre force, mais, à voir le stationnement du Costco Wholehouse, nous ne faisons rien pour que cela change.

Nos organismes voués à la langue française sont les principaux responsables du recul du français au Québec. C'est à nous d'agir, pas à réagir. Profitons de la loi n° 14 pour réorienter nos efforts pour la langue française et non contre l'anglais. C'est la Charte de la langue française, après tout.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Barnabé. Nous allons commencer les échanges, et je vais du côté du gouvernement. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Nous aurons un commentaire et pas de question, M. Barnabé. Au Québec existe un grand privilège que nous avons tous et un droit, c'est la liberté d'expression. Je déplore par ailleurs, dans votre intervention, les comparaisons douteuses et les excès de langage. Merci d'avoir participé.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Bellechasse, est-ce que vous avez des questions?

• (10 h 10) •

Mme Vien : M. Barnabé, on est ici en milieu de travail pour s'interroger sur une pièce législative qui été déposée par le gouvernement du Québec, qui est, en l'occurrence, le projet de loi n° 14, qui vient apporter, suggérer des amendements à la Charte de la langue française. Dans la présentation que vous nous avez faite, il y a beaucoup de réflexions mais peu de suggestions — en tout cas, moi, je n'en ai pas saisi aucune, peut-être ai-je mal compris — sur des changements que vous voudriez apporter, des améliorations que vous souhaitiez, que vous… sur lesquels on pourrait se pencher. Je vous donne l'opportunité de nous en préciser peut-être quelques-unes, puis ça se terminera là, mon intervention.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée. M. Barnabé.

M. Barnabé (Éric) : Bien, dans mon mémoire, j'ai proposé beaucoup d'amendements. Je ne voulais pas tous les énumérer, j'ai passé la loi n° 14 au complet. Ce que je déplore, c'est qu'actuellement la langue française n'est pas mise en évidence. Ça fait 30 ans, 50 ans, même, qu'on a eu la Révolution tranquille, on écrit le français tout croche. On ne privilégie pas le français, au Québec, on se contente de vouloir éliminer l'anglais.

Je peux comprendre qu'au Québec ça se passe en français, je suis d'accord. Les anglophones sont d'accord, les allophones sont d'accord. Moi, je ne demeure pas loin de l'Université Laval, je côtoie beaucoup d'immigrants. Tous veulent le français, mais ils ne se sentent pas acceptés au Québec. Ils arrivent au Québec, ils sont laissés à eux-mêmes. Les anglophones, 80 % des anglophones sont bilingues, l'anglais... le français est mieux enseigné aux écoles anglaises qu'aux écoles françaises. Ce n'est pas logique. On est au Québec, on parle français. Pourquoi on ne fait pas des efforts pour l'amélioration de la langue française? Pourquoi l'éducation est si poche du français à l'école? C'est-u normal qu'on arrive au cégep puis ne pas être capable de faire une phrase? Moi, dans un café sur la rue Myrand, j'ai entendu une fille jaser avec une amie sur sa thèse, dire : Je m'avais trompée. C'est ça, l'élite de notre société? Ce n'est pas logique.

Moi, je veux que le français soit bien écrit. J'écris mal le français et je suis un privilégié, parce qu'il y en a que c'est pire que moi, il y en a que c'est écrit carrément au son. C'est-u logique que le français écrit soit si mal écrit, si mal enseigné? Moi, je veux ça. Puis là je regarde aller, puis ce que je vois, là, c'est du racisme des organismes de défense. J'étais ici mardi passé, puis ça court après les affiches en anglais. Mais comment ça se fait qu'il n'y a personne qui veut que le français soit mieux écrit? Ce n'est pas logique. On est au Québec, il faut protéger notre langue. Il n'y a personne qui veut le faire. Ce n'est pas logique, c'est tout.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Barnabé. Je vais maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, je vais prendre la balle au bond, pour répéter l'expression de quelqu'un, et je... D'abord, merci. Merci pour le mémoire, merci pour vous être déplacé. Et je vais poursuivre dans la veine de ma collègue du premier groupe d'opposition.

Il y a 94 amendements qui sont dans le projet de loi n° 14. S'il n'y en avait qu'un, selon vous, qui serait un irritant majeur, quel est l'article? Quel est l'irritant? Quelle est la modification qu'on veut apporter à la charte qui vous dérange particulièrement?

M. Barnabé (Éric) : Moi, je dirais plutôt que c'est un qui manque : privilégier le français. Comment ça se fait qu'il n'y a rien qui dit que… mettre des efforts pour que les immigrants qui arrivent, au lieu d'attendre un an avant d'avoir un cours de français qui dure 33 semaines de jour, du lundi au vendredi… Ça fait que tu attends un an. Tu es sur l'aide social ou bien donc tu travailles. Tu travailles, tu ne peux pas aller suivre le cours. Ça fait qu'ils sont tous laissés à eux-mêmes, les ressources ne sont pas là.

Puis, de l'autre côté, on dit aux immigrants : Tu es né au Québec, mais ce n'est pas grave. Vu que ta langue natale, c'est l'arabe, bien on va te donner des cours d'arabe. Ils n'en ont rien à cirer. Excusez-moi, là, mais je connais des gens qui sont nés au Québec de parents arabes. Ils s'en foutent. Ils parlent en arabe avec leurs parents, mais ils ne veulent pas de cours. Ils veulent être considérés comme des Québécois, c'est juste ça qu'ils veulent. Ils veulent être des Québécois, on leur dit : Tu es un immigrant, tu es un enfant d'immigrant. Ils sont francophones, ils veulent être en français, mais on ne les accepte pas. Ce n'est pas logique.

Comment ça se fait qu'un professeur peut enseigner s'il passe à 70 % les cours de français? Moi, j'ai conseillé de mettre l'accent... un professeur de français ne fait que du français, et il y a des cours d'amélioration. Il se concentre sur le français pour qu'il soit un français parfait, pour enseigner un bon français. Il faut enseigner le français, tout le monde veut enseigner le français. J'ai lu dans le rapport annuel de l'Office québécois de la langue française qu'il y a une année ils ont envoyé, pendant la Francophonie, 27 000 jeux sur la langue française. Ils ont eu une demande pour en avoir plus encore, les gens veulent ça.

Mardi passé, j'étais ici. L'AMDEQ donne des cours de français à des immigrants chinois qui achètent des dépanneurs parce qu'ils n'ont pas le temps d'aller suivre 33 semaines de cours de français, ils ont un commerce à opérer. La plupart des commerces qui écrivent en anglais, à Montréal, écrivent pourquoi? C'est des immigrants qui arrivent, ils ne sont pas capables d'écrire le français correctement. Mais l'anglais, c'est facile, ils mettent des affiches en anglais. Moi, je propose, pour l'Office québécois de la langue française, de mettre des modèles sur leur site d'affiches en français pour qu'eux voient comment faire, pour qu'ils puissent soit les copier, soit les reproduire, simplement pour qu'il y ait un modèle. Tu sais, une microentreprise, quand c'est le propriétaire qui travaille, s'il parle seulement anglais, il va répondre aux gens en anglais. S'il n'a pas d'argent pour engager un employé, il ne l'engagera pas. Puis, en général, il va engager un immigrant, parce qu'il y a rien qu'un immigrant qui engage un immigrant, au Québec, surtout dans les petits commerces. Puis ça, c'est un phénomène que j'ai vu beaucoup. J'ai fait 11 ans de taxi à Québec; j'en ai vu, des immigrants. J'ai travaillé dans la restauration; j'en ai vu, des immigrants. Il y a beaucoup d'immigrants… En général, pour engager un immigrant, ça prend un immigrant. Ça fait que les petits commerces d'immigrants engagent des immigrants, puis en général la langue de travail est le français, parce que c'est la seule langue commune.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Barnabé. C'est malheureusement tout le temps qui était alloué pour le deuxième groupe d'opposition.

J'invite maintenant MM. Boulianne et Leduc à prendre place. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 17)

(Reprise à 10 h 18)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Bonjour. Je vous demande de bien vouloir vous identifier, d'identifier également la personne qui vous accompagne. Vous allez disposer d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé, suivra une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

MM. Jacques Boulianne et Michel Leduc

M. Leduc (Michel) : Merci. Mon nom est Michel Leduc, résident de Laval. Je suis accompagné de M. Jacques Boulianne, également résident de Laval. Nous allons prendre la parole tour à tour à l'intérieur du 10 minutes qui nous est imparti. M. Boulianne va avoir l'occasion de commencer, et je vais poursuivre. On voudrait remercier la commission de nous donner l'occasion de nous exprimer sur le projet de loi n° 14. Merci beaucoup aux membres de la commission.

• (10 h 20) •

M. Boulianne (Jacques) : Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Ça nous fait plaisir... Bon, Jacques Boulianne, comme M. Leduc vient de le dire. Ça nous fait plaisir d'être avec vous pour vous soumettre nos réflexions sur le projet de loi n° 14 qui vise à amender la loi 101.

En ce qui concerne... A priori, on peut dire, d'emblée, que nous sommes favorables au projet de loi dans son ensemble, car nous croyons qu'il est temps de renforcer la loi 101, en particulier — puis nous sommes résidents de Laval — dans la région de Montréal, parce que cette région-là connaît une diminution significative des citoyens qui ont comme langue maternelle le français. Même si la minorité anglaise demeure à un niveau stable — quand je dis «la minorité anglaise», on parle de minorité de langue maternelle anglaise — donc, demeure à un niveau stable, à peu près 10 % de la population, l'anglais demeure malgré tout une langue qui attire de plus en plus d'allophones.

Le fait d'être en Amérique, un voisin puissant que sont les États-Unis, ne peut que nous inciter à prendre des mesures qui vont faire en sorte que le français demeure la langue commune au Québec. Nous soumettons cependant des amendements au projet de loi. Vous les avez, on les a libellés dans le mémoire. Pour l'instant, je n'en fais qu'un résumé.

Donc, dans le préambule, on vous suggère des modifications en rapport avec le multiculturalisme; dans le domaine municipal aussi, où nous souhaitons plus de fermeté par rapport au bilinguisme — on pourra en parler tantôt — et par rapport également à la nécessité pour les municipalités de se doter d'une politique linguistique qui devrait être soumise pour consultation auprès de la population.

On souhaite également un ajout substantiel à l'article 52.1 de la loi actuelle qui touche la langue du commerce et des affaires, en particulier sur les produits technologiques, qui font une place considérable à l'anglais. Juste pour illustration, une petite visite rapide dans un cinéma de Laval, dans la partie des arcades, m'a fait constater, par exemple, que toutes les indications pour faire fonctionner ces arcades, dans à peu près 80 % des appareils, étaient libellées en anglais.

Le ministère de l'Immigration devrait également démontrer une volonté ferme d'inclure les régions dans sa politique d'intégration des immigrants, on ne voit pas cette mention-là dans le projet de loi, de telle sorte que, forcément, les immigrants s'agglutinent dans la grande région de Montréal.

Un nouveau chapitre devrait parler du français et de l'informatique comme moyen de diffusion et de rayonnement du français. Des centres de recherche devraient être mis à contribution pour la création de logiciels en français.

La situation à Laval — puis nous sommes tous les deux résidents de Laval — est décrite comme préoccupante, car il s'agit d'une des plus grandes villes du Québec en termes de population, la troisième, en fait; or, l'anglais est de plus en plus présent à Laval à cause de l'usage du bilinguisme public, ce bilinguisme qui a tendance à se répandre autant dans l'affichage que dans la publicité ou même dans les avis publics. Commencent à apparaître à Laval — et c'est un phénomène relativement nouveau — des affiches, des panneaux publicitaires, le long des artères, en anglais uniquement. On n'avait pas ça il y a 10 ans. Le message envoyé aux immigrants, aux allophones, aux gens qui arrivent ici est de plus en plus ambigu, alors qu'officiellement le français est la seule langue commune reconnue dans la loi.

Il ne faut pas oublier que la langue est le principal véhicule de la culture, que la culture intègre les gens. Mais, si on s'entend pour dire que le français est la langue de 80 % de la population au Québec, il faut donc tendre vers l'adoption de mesures qui vont favoriser l'intégration des immigrants à la culture de la majorité, qui demeure, selon l'expression de Fernand Dumont, la culture de convergence.

Le nouveau chapitre qui donne plus de pouvoirs au ministre, avec la collaboration de tous les ministères, pour faire du français la langue commune constitue un avenir… pour l'avenir, je m'excuse, à la condition que tout soit dynamisé par une volonté politique soutenue par tous les partis politiques et une opinion publique convaincue de la justesse de l'avenir du français en Amérique et dans le monde. Michel.

M. Leduc (Michel) : Je vais surtout revenir sur la question du bilinguisme, qui nous préoccupe beaucoup en tant que Lavallois et en tant que résidents aussi de la région de Montréal.

D'abord, une constatation qui fait, je dirais, l'unanimité : Le français, au Québec, est la langue commune, la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, du commerce, des communications, des affaires. C'est la loi 101. C'est une loi qui fait consensus, même du côté fédéral.

Or, c'est cela qui est en train de s'effriter dans la région de Montréal dont fait partie Laval. Le bilinguisme s'installe partout — et, quand je dis «bilinguisme», je ne veux pas dire le bilinguisme individuel, je parle de bilinguisme collectif — s'installe partout dans les communications, les commerces, les affaires. Les municipalités, il y en a 84 qui sont bilingues, officiellement bilingues. À notre avis, elles doivent être soumises à la règle du 50 %, sinon on crée deux types de municipalité : celles qui ont le droit de pratiquer le bilinguisme et celles qui n'ont pas le droit mais qui voudraient avoir le droit.

Je souligne que, dans le Montréal métropolitain, il y a seulement 11,6 % de langue maternelle anglaise. Il y a 14 municipalités qui ont le statut bilingue et sept sur 14 qui ont moins de 50 %. Or, le bilinguisme collectif s'installe et envoie un message comme quoi il y a deux langues communes dans les faits, le français et l'anglais. Comme les allophones s'installent très majoritairement dans la région montréalaise, on leur envoie un double message : Le français et l'anglais sont tous les deux nécessaires pour vivre et travailler au Québec.

Or, le danger du bilinguisme, dans la région de Montréal en tout cas, c'est qu'il devienne contagieux. Je vais vous donner une preuve : à Laval, troisième ville du Québec, plus de 400 000 habitants, alors Laval agit comme une ville bilingue, même si elle n'a pas le statut officiel. On parlait, dans le mémoire, de 10 %. En fait, c'est plus près de 7 % de population de langue maternelle anglaise, mais, avec une population allophone en pleine croissance, on trouve normal, à Laval, de s'adresser en anglais aux ethnies qui viennent s'ajouter à la population francophone.

Un exemple : il y a un quartier à prépondérance multiethnique, Chomedey. La ville envoie systématiquement à toutes les maisons un bulletin en anglais. Que vous soyez francophone, allophone, peu importe, vous recevez le bulletin en anglais, jusqu'à tout récemment. Maintenant que le gouvernement a mis les pieds à Laval, il y a peut-être des changements auxquels on va assister. Dans les entreprises, les commerces, les caisses populaires, etc. : anglais et français. J'ai aussi apporté avec moi des documents bilingues que les citoyens reçoivent à Laval, français et anglais. Ajoutez à ce phénomène la mondialisation, qui s'exprime en anglais. La preuve nous est faite par toutes les bannières américaines qui envahissent les centres commerciaux et les rues principales qui affichent leur nom en anglais.

Encore une fois — c'est important — rien n'interdit d'être bilingue, on souhaite même que les gens soient bilingues. C'est cette dimension collective qu'on essaie de restreindre par la loi n° 14 afin que le français soit reconnu comme langue commune partout sur le territoire du Québec et en particulier dans la région de Montréal, où son caractère de langue commune est sérieusement menacé, en tout cas selon nos observations. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, MM. Boulianne et Leduc. Nous allons commencer notre période d'échange, et je vais du côté du gouvernement. Mme la ministre, la parole est à vous.

• (10 h 30) •

Mme De Courcy : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, bonjour, messieurs. Merci d'avoir participé activement à cette commission parlementaire, c'est un moment important pour nous toutes et tous.

J'aurai un commentaire et puis une question. Dans votre mémoire, je note que vous vous préoccupez du fait que vous n'y voyez pas de mesure quant à l'accueil et l'intégration des personnes immigrantes, et vous le déplorez, vous le déplorez. J'aimerais vous mentionner d'abord que, malheureusement, quand on est dans une commission parlementaire, et avec les règles qui nous régissent, je ne pouvais pas y associer l'ensemble des 18 mesures qui touchent l'immigration et l'intégration des personnes immigrantes telles que je les ai mises de l'avant lors de l'annonce du projet de loi.

Alors, je vous indique d'ailleurs que ma tournée dans les diverses régions du Québec — j'ai fait 16 régions sur 17 — a été très fructueuse quant aux mesures concrètes qui doivent être mises de l'avant. Lors de l'annonce du projet de loi, j'avais mentionné, entre autres, la question de la régionalisation de l'immigration, mouvement timide qui avait été amorcé par mes prédécesseurs mais qui résolument a besoin, là, d'être accentué, mais, sans son complément en intégration, ça s'avérait une opération plutôt périlleuse, périlleuse pour les personnes immigrantes qui s'en iraient en région puis périlleuse pour la société d'accueil aussi, qui n'aurait pas les moyens et les façons de faire pour les accueillir. Alors, au printemps, je vais être en mesure... tard au printemps, je vais être en mesure d'annoncer des mesures plus concrètes.

Il y en a une par ailleurs qui est déjà, elle, mise de l'avant, je vous l'indique, c'est la modification à la grille de sélection. J'en ai parlé assez abondamment lors de la mise... du lancement du projet de loi et je vous dirais que ça m'apparaît une modification qui va donner des fruits mais un peu plus tard. Il y a déjà eu une première modification, dont on ne voit pas les fruits encore. Je dirais que, d'ici trois ans à cinq ans, on verra, à travers la grille de sélection, ce qui se passera.

Autour des conférences régionales des élus au Québec, le ministère de l'Immigration a des ententes avec l'ensemble des conférences régionales des élus, qui planchent actuellement, c'est le cas de le dire, sur le dossier de la régionalisation, l'immigration, accueil et intégration. Alors, je suis vraiment, vraiment très confiante du complément des mesures en immigration par rapport au projet de loi n° 14, pas uniquement par rapport au projet de loi mais en partie en complément de celui-ci.

D'ailleurs, la première ministre avait une vision assez particulière et partagée, je crois. Le lien entre immigration et langue est important, et vous savez que dorénavant ces deux ministères ont été jumelés. C'était une vision d'avenir pour les 50 000 personnes immigrantes qui se joignent à la société québécoise année après année, plan que nous avons reconduit. Il est clair qu'il faut qu'il y ait ce lien-là.

Notre gouvernement a aussi ajouté un troisième lien qui m'apparaît incontournable, et c'est probablement un des liens les plus étroits, d'ailleurs, avec le projet de loi n° 14, c'est celui de l'emploi, s'assurer que les personnes immigrantes aient un emploi, un emploi en français mais qui peut aussi leur permettre d'utiliser, bien sûr, toutes leurs compétences et les autres langues qu'ils possèdent.

Alors, je voulais faire cette mise au point là avec vous pour vous rassurer quant à la cohésion que nous souhaitons avoir dans le projet de loi n° 14 mais dans l'activité gouvernementale du ministère de l'Immigration aussi.

Ma deuxième question... en fait ma première question, ça touche les technologies, la langue numérique, ce que vous avez mis de l'avant. J'aimerais ça que vous m'en disiez davantage. Est-ce que je dois comprendre que vous déplorez l'absence de mention dans le projet de loi quant à toute la question technologique et numérique, autant dans l'utilisation de logiciels que dans la pratique que nous avons de ces logiciels-là? Voulez-vous préciser votre pensée et quelles suggestions vous nous feriez à cet égard?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Leduc.

M. Leduc (Michel) : C'est qu'on est beaucoup, nous, francophones… et je pense que, la loi 101, loi n° 14 également, il y a beaucoup d'éléments défensifs.

Par ailleurs, dans le projet de loi n° 14, il y a des éléments offensifs, c'est-à-dire qu'on parle de la promotion de la langue française, on parle du rayonnement de la langue française, mais il y a peu de moyens qui sont mentionnés. Or, un des moyens modernes, hypermodernes… Les jeunes sont tous aux nouvelles technologies. Eh bien, pourquoi ne pas faire le rayonnement, utiliser ces nouvelles technologies pour établir un meilleur rayonnement de la langue française d'abord en encourageant la production de logiciels? Que ce soient des jeux, que ce soient des moyens d'apprentissage du français, l'orthographe, le vocabulaire, etc., il pourrait y avoir des applications. Pour les... enfin, les iPad, les iPhone, enfin, de ce monde, il pourrait exister à la disposition de... je pense en particulier aux jeunes qui utilisent ces nouveaux moyens, ça n'existe pas; à la disposition des écoles également. Dans les écoles, d'accord, il y en a. Il pourrait y avoir plus, c'est-à-dire que c'est par le biais de ces technologies modernes qu'on peut faire rayonner beaucoup le français et on ne le sent pas, à mon avis, suffisamment dans le projet de loi.

Je sais que, par contre, le projet de loi permet une collaboration d'autres ministères. On pense en particulier au ministère de l'Éducation, mais aussi au ministère des technologies, Science et Technologie.

Mme De Courcy : ...je n'aurai pas d'autre question, mais je voudrais vous remercier pour la qualité du mémoire et la vision positive et constructive dans les amendements que vous proposez, j'y accorderai une attention particulière. Merci, MM. Boulianne et Leduc.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. La parole est à vous, M. le député.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Je veux saluer mes collègues d'en face. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup de participer à cette commission.

Écoutez, je trouve très intéressant ce que vous dites. Et, bon, moi, je suis quelqu'un de Montréal, je suis quelqu'un qui a vécu... qui a grandi dans un Montréal anglophone. Je me souviens, quand j'étais jeune, d'aller dans le centre-ville puis de se faire servir beaucoup en anglais. J'ai travaillé dans un contexte où la francisation s'est graduellement faite grâce à la loi 101. Et peut-être que vous ne l'avez pas entendu, mais les élus de la CAQ et de l'opposition officielle en ont contre le caractère coercitif de la loi n° 14, et moi, je vais vous dire, je trouve ça étonnant, parce que, dans la loi 101, il y a des éléments coercitifs. Eux disent qu'il faudrait juste faire la promotion du français et que le caractère coercitif est un élément qui est... Dans le fond, ils voient ça comme quelque chose de négatif. Et la semaine dernière je disais que, moi qui viens du milieu de l'environnement, je sais par expérience que faire la simple promotion de l'environnement sans qu'il y ait de règles pour faire en sorte de protéger l'environnement, souvent ça a des résultats qui sont pour le moins mitigés.

J'ai travaillé à Laval pendant un certain temps, et ce que vous m'apportez là comme son de cloche par rapport, dans le fond, si je comprends bien, à une certaine anglicisation de Laval, c'est quelque chose avec laquelle je n'étais pas familier. Et là vous avez parlé de documentations municipales, si je ne m'abuse, qui sont envoyées en anglais?

M. Leduc (Michel) : Dans le quartier Chomedey, oui. Uniquement en anglais dans le quartier Chomedey, oui.

M. Breton : Ça, je dois vous avouer que j'en... les deux bras m'en tombent.

M. Leduc (Michel) : Nous aussi.

M. Breton : Oui, je n'en doute pas un instant. Et là, c'est ça, est-ce que vous avez des indices, justement, qui témoignent, outre ça… Parce que, dans le fond, ça — on va le dire en anglais — c'est un «smoking gun», je veux dire, ça nous dit de façon très claire qu'il y a une anglicisation institutionnelle. Est-ce que vous avez d'autres exemples comme ça à Laval ou ailleurs?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député. Oui.

M. Leduc (Michel) : Ici, j'ai une lettre qui a été envoyée aux résidents de Laval : «Dear residents, mesdames messieurs…» Il n'y a pas de prépondérance, là, c'est caractère égal pour les deux. J'ai ici un formulaire, Demande d'exclusion de la tarification des services de l'eau, Water service fees exemption application, et tout est en français et anglais, même niveau de caractère, il n'y a pas de prépondérance du français. C'est deux exemples.

M. Breton : Et là on parlait de villes bilingues. Corrigez-moi si je me trompe, mais Laval n'est pas une ville bilingue.

M. Leduc (Michel) : Non, c'est 7 % de langue maternelle anglaise.

M. Breton : Je vous le dis, je suis estomaqué. Je n'ai pas d'autre question. Pour moi, la démonstration que vous faites montre l'importance du projet de loi n° 14. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je reconnais maintenant le député de Saint-Hyacinthe.

• (10 h 40) •

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Environ deux minutes, questions-réponses.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Deux minutes? O.K., je vais y aller rapidement.

Dans votre mémoire, à la page 3, vous mentionnez qu'il y a un malaise avec le recours à des expressions comme «minorités ethniques» ou «communautés culturelles» parce que, selon vous, en les employant on reconnaît implicitement le concept du multiculturalisme. Alors, quelle serait la formulation à privilégier, selon vous, dans nos...

M. Leduc (Michel) : Dans le préambule, vous voulez dire, hein?

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Bien, c'est à la page 3, là, du...

M. Leduc (Michel) : C'est dans le préambule?

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Oui.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Boulianne… M. Leduc, c'est M. Leduc.

M. Leduc (Michel) : Oui, bien on ne voit pas la nécessité d'utiliser une expression «communautés culturelles» ou «minorités ethniques». Je connais, moi, des citoyens d'origine grecque qui sont ici depuis 50 ans, et on continue à les appeler des communautés culturelles. Bien oui, mais à quel moment on va commencer à les nommer «Québécois»? Québécois d'origine grecque, je veux bien, Québécois d'origine italienne, mais Québécois.

Donc, il y a une anomalie de ce côté-là, et le multiculturalisme, malheureusement, nous entraîne dans cette voie de catégorisation des citoyens. Alors, on le déplore et on dit : Dans le préambule, au moins, de la loi n° 14, projet de loi n° 14, on devrait parler simplement des citoyens venant d'ailleurs ou issus de l'immigration, si on veut saluer leur contribution, mais pas les qualifier… En les qualifiant, on les disqualifie.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci bien.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons aller maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais le député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais d'abord remercier M. Leduc et M. Boulianne pour le temps que vous avez pris pour réfléchir sur cette importante question, rédiger un mémoire, que nous avons lu, évidemment, avec la plus grande attention, et de prendre le temps ici ce matin de venir nous faire part de votre réflexion, de votre analyse et de vos suggestions.

Un élément qui ressort entre autres : vous parlez du danger… des dangers, devrais-je dire, du bilinguisme. Et vous citez quelques exemples et vous suggérez quelques mesures pour faire en sorte que ce danger-là que vous avez identifié soit arrêté… ou le limiter au maximum.

J'aimerais vous entendre sur une réflexion qui a été rendue publique, de la bouche du député de Rosemont, député de Rosemont qui est également ministre responsable de la métropole et des relations avec la communauté anglophone. Le ministre avait donc dit le 19 janvier dernier dans son blogue, et je le cite : «Les Anglo-Montréalais sont massivement devenus bilingues, depuis un peu plus d'une génération. Ils voient, autour d'eux, notamment à Montréal, une majorité de jeunes francophones bilingues.» Fin de la citation.

Nous convenons que, depuis les années 70, début 70, si nous prenons cette période comme étant le début d'une période de référence, donc de 1971 à 2010, les anglophones et allophones vont de plus en plus à l'école en français. Et, à cet effet, en 1971 — prenons l'exemple des anglophones — 9,5 % des anglophones allaient à l'école en français, et, en 2010, c'était tout près de 25 %. Chez les allophones, desquels, évidemment... groupe auquel participent beaucoup de nouveaux Québécois ou prennent part beaucoup de nouveaux Québécois, en 1971, 14,6 % des allophones, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas le français ou l'anglais comme langue maternelle… en 1971, 14,6 % allaient à l'école en français et, en 2010, plus de 85 % allaient à l'école en français. Il y a également… Vous me permettrez de citer cette dernière statistique. Pour ce qui est des allophones toujours, au niveau de leur inscription au cégep en français, période moins grande, 1998 à 2009, 11 ans, 1998, 43,8 % des allophones allaient au cégep en français et, en 2009, 64,2 % étaient inscrits au cégep en français.

Alors, une fois que nous avons jeté un oeil sur ce constat, cette photographie statistique, je reviens donc à la citation du ministre responsable de la métropole, également ministre responsable de la relation avec la communauté anglophone, où il disait que, de plus en plus — et c'était un constat qu'il faisait, très ferme — on constate de façon non équivoque que les jeunes anglophones sont de plus en plus bilingues, autrement dit… la deuxième langue étant le français. Et, à cet effet-là, il saluait comme étant une avancée ce fait.

J'aimerais vous entendre sur une déclaration toujours du même ministre responsable de la métropole, donc responsable de Montréal et de la relation avec la communauté anglophone, qui a affirmé, vous vous en rappelez, la fameuse citation : «STM, are you listening?». Et, à une entrevue donnée à une radio anglophone, le ministre avait pris position en faveur du bilinguisme des services de la Société de transport de Montréal, la STM.

Alors, vous, comment recevez-vous cette position très claire, très ferme du ministre qui est responsable, oui, de la relation avec la communauté anglophone mais qui est responsable également de la région de Montréal? Comment recevez-vous cette prise de position là très claire, très ferme à l'effet que la STM devrait pouvoir offrir et sans équivoque, là, des services non seulement en français, mais également en anglais? Y voyez-vous soit un égarement du ministre ou un double discours du gouvernement?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. Boulianne.

M. Boulianne (Jacques) : Bien, ma première réflexion, suite à votre intervention, c'est une question : Est-ce qu'on serait là, est-ce qu'on serait rendus là s'il n'y avait pas eu la loi 101? Et est-ce que la loi 101 a été adoptée, à l'époque, à l'unanimité par l'Assemblée nationale? Moi, je pense que la réponse aux deux questions, c'est non. Et, si on arrive à ce taux de bilinguisme des anglophones, c'est parce qu'il y a eu la loi 101 et parce qu'il y a eu des mesures claires pour favoriser le développement de la langue française. Ça, c'est le premier volet de la réponse.

Le deuxième volet, c'est : Est-ce que le fait de maîtriser deux langues fait que je vais utiliser deux langues?, et à cela ma réponse, c'est non. Et ça se vérifie, parce que de plus en plus, à Laval, on se fait aborder dans les commerces en anglais. Alors, peut-être que la personne qui m'aborde en anglais, elle parle l'anglais et le français, mais son premier réflexe, c'est de m'aborder en anglais… ou encore de parler entre eux en anglais, d'aborder le client en anglais, et, dès qu'ils se rendent compte que le client parle français, là ils vont nous parler en français. Ils sont peut-être bilingues, mais à quelque part il n'y a pas eu encore de vraie prise de conscience qu'au Québec il faut que ce soit en français que ça se passe.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Boulianne. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Pour le premier volet, je vous remercie beaucoup. Sur le deuxième volet, double discours ou égarement du ministre?

M. Leduc (Michel) : Sur la STM?

M. Tanguay : Oui.

• (10 h 50) •

M. Leduc (Michel) : Sur la STM, ça dépend de l'interprétation. Moi, j'ai interprété cela... Il y avait une certaine ambiguïté, mais je l'ai interprété comme quoi la personne au guichet, étant donné qu'elle était abordée en anglais par un anglophone, elle aurait pu... la personne aurait pu, au conditionnel, répondre en anglais, bon, aurait pu. Elle ne l'a pas fait, la personne a dit : Je vais lui répondre en français. C'est son droit de lui répondre en français.

Je me suis renseigné. Prenons un autre cas, par exemple les postiers. Saviez-vous que les postiers, qui relèvent du fédéral, n'ont pas l'obligation d'être bilingues? Les cadres, oui, mais pas les postiers. Donc, on ne peut pas généraliser le bilinguisme. Dans un groupe comme les employés de la STM, on ne peut pas les obliger à être bilingues.

D'ailleurs, à ce propos-là, vous soulevez une question fort intéressante, fort importante. J'ai ici un rapport qui date de 1998, une étude de 1998 commandée par le Conseil de la langue française. Le chercheur Michel Pagé constatait que «les services publics [...] servent généralement en anglais toute personne physique qui demande d'être servie dans cette langue». Les immigrants et les nouveaux arrivants sont dans une large mesure servis en anglais parce que la définition de la clientèle anglophone dans les documents publics ne fait aucune distinction entre des personnes de langue maternelle anglaise depuis plusieurs générations… Les immigrants qui accèdent aux services destinés aux anglophones, notamment en matière de santé et de services sociaux, «profitent du caractère très libéral — très libéral — de la définition de la clientèle et de l'accueil à ces services», notait le chercheur. La seule règle appliquée est la liberté de choix des individus. Alors, votre client était-il de langue maternelle anglaise?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et comment, donc, recevez-vous aujourd'hui, à la lumière de ce que vous venez de nous dire, l'intervention très ferme du ministre à l'effet que la STM devait s'assurer que le service soit offert également, pour ceux qui le requièrent, en anglais?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Leduc.

M. Leduc (Michel) : Écoutez, encore une fois, si la loi parle de langue maternelle anglaise, le droit est accordé à la minorité dite historique de langue maternelle anglaise, point. Donc, on ne sait pas si la personne qui s'adresse… est de langue maternelle anglaise ou si c'est un allophone qui nous arrive des Indes et qui a l'obligation d'apprendre le français. Donc, dans les circonstances, il vaudrait mieux s'adresser à tout le monde en français.

Mais, encore une fois, l'individu qui est au guichet, lui aussi, il a une liberté. Il a une liberté tout comme le postier, il n'est pas obligé d'être bilingue. Mais, si une personne lui demande une information en anglais, si le postier se sent capable de répondre, bien, libre à lui de répondre. Au fond, on est dans une question... dans une situation de liberté individuelle.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Par contre, quand on parle de la STM et de la manière dont elle devrait pouvoir agir de façon systématique ou d'avoir cette capacité-là systématiquement à répondre à une demande qui lui est adressée en anglais, là on n'est plus dans les libertés individuelles, mais on est dans l'institution et sa façon, justement, de répondre aux clients.

Mais, mon point, j'aimerais que vous précisiez la distinction que vous faites très nettement avec la découpure de journal de 1998 — et c'est ce que vous venez de dire — par rapport à la langue maternelle anglaise. Est-ce à dire que donc le service ne devrait être disponible qu'à des gens dont nous aurions l'assurance qu'ils sont de langue maternelle anglaise et que, dans les autres cas, on devrait l'exclure?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Leduc.

M. Leduc (Michel) : Bien, ce n'est pas nécessaire… Bien, les exclure, je comprends que ce n'est pas écrit dans le front des gens qu'ils sont de langue maternelle anglaise, mais ça veut dire ceci — j'interprète la loi 101 de cette façon, la loi n° 14 aussi : On répond en français. Si la personne insiste pour avoir une réponse en anglais, là on s'en remet à la liberté individuelle de la personne à qui on demande de répondre en anglais, c'est une question de liberté individuelle. Parce qu'il faut que le cadre soit français, sinon on s'y perd et en particulier avec les allophones, si on veut que les allophones aient une impulsion, sentent la nécessité d'apprendre le français. C'est là qu'est le problème. S'ils ne sentent pas la nécessité, bien ils vont dire : Tout le monde parle anglais, parlons anglais. C'est quoi, cette langue commune? Elle est où, la langue commune, puisque tout le monde me répond en anglais? D'où l'importance de répondre en français à tout le monde. Et, si la personne insiste pour être... bien là c'est une question de liberté individuelle de la part de la personne qui est employée. Mais on ne peut pas bilinguiser le système, sinon on est en porte-à-faux non seulement par rapport à la loi n° 14, mais par rapport à la loi 101. Encore une fois, ce que le chercheur dit ici, c'est qu'on a trop ouvert, on a trop ouvert les portes, les portes sont grandes ouvertes, et il faut tranquillement les resserrer et revenir à l'esprit de la loi 101, ce à quoi nous invite la loi n° 14.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et, en regard de ce que vous dites, donc, ça m'inspire deux éléments, le premier, donc, le fait que l'on puisse... Et il faudrait définir, si la personne insiste pour être... il faudrait définir ce que ce vous entendez par «insister». Si on rephrase encore une fois, une deuxième fois en anglais la requête que nous formulons à la personne au guichet? Mais, essentiellement, ce que vous me dites, c'est que ce serait laissé dans la sphère individuelle et aux aléas de la capacité, au-delà d'une politique interne de l'institution, mais de l'employé et de son désir de répondre ou pas, donc sa capacité et son désir aussi de répondre ou pas. Ça, c'est une chose.

Et, deuxième des choses, quand vous parlez de porte-à-faux, d'être en porte-à-faux par rapport à votre… qui est tout à fait honnête et défendable, votre conception de l'application de la loi 101, je pense qu'on peut peut-être y voir là également des commentaires du ministre qui à tout le moins, vous l'avez dit, avaient l'ambiguïté et cette influence-là de faire en sorte que la vision était qu'il était en porte-à-faux, justement, par rapport à votre interprétation que vous partagez.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. Malheureusement, messieurs, je dois aller du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-on me dire de combien de temps je dispose?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : 3 min 30 s, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Oh là là! Merci. Bonjour, messieurs. Merci d'être là. Merci pour votre mémoire.

Écoutez, vous dites qu'il faut revenir à l'esprit de la loi 101. Nous, ce que nous disons, au deuxième groupe d'opposition, c'est : La loi 101 est bonne, et il y a déjà dedans plusieurs mesures coercitives. Mon collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques trouvait que ce n'était pas suffisant; nous considérons que des amendes pouvant aller jusqu'à 20 000 $, c'est assez coercitif. Ce qu'on dit, c'est qu'on devrait les appliquer, puisqu'elles n'ont pas été appliquées, ces mesures-là. C'est un gros problème.

Mais, cela dit, pour revenir à l'esprit de la loi 101, que pensez-vous de ce règlement qui a été écrit à l'époque de la loi 101 et qui permet aux enfants de parents militaires de choisir la langue ou l'école de leur choix? Ça fait partie de l'esprit de la loi 101 initialement. Vous en pensez quoi, de cette mesure?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Leduc.

M. Leduc (Michel) : Vous avez raison, c'était permis dans la loi 101, donc on n'a pas d'objection à ce qu'on revienne à la loi 101 là-dessus, sauf que ce serait normal que des militaires... Parce que, quand on dit «les militaires», c'est comme si on incluait 100 % des militaires, mais il y en a sûrement un certain nombre qui s'installent au Québec pour plus qu'une génération. Il pourrait y avoir une distinction de faite. Mais, si c'est là pour causer des problèmes... Parce que notre principale préoccupation… Vous parlez de la région de Québec. Je sais qu'ils sont beaucoup dans la région de Québec, 700, qu'on m'a dit, c'est énorme, mais nous, on pense surtout que le problème, il est du côté de la région de Montréal.

Encore une fois, je veux apporter une autre statistique inquiétante : les transferts linguistiques, ça, malgré la loi 101, les transferts linguistiques se font à 54 % en faveur de l'anglais. C'est les dernières statistiques, les dernières études. Alors, la loi 101 a fait son effet, mais elle n'est pas suffisante, c'est ça, la conclusion, parce que, si c'était si fort, bien il n'y aurait pas 54 % des allophones qui opteraient pour l'anglais en arrivant au Québec. C'est énorme. C'est des transferts linguistiques, ça.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Oui, Mme la députée, il vous reste encore… moins d'une minute.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Il est important que vous sachiez également que nous sommes tout à fait en faveur des mesures qui sont dans la loi, des mesures incitatives, et surtout l'amélioration de la francisation de nos nouveaux arrivants. Et Laval est en train de vivre une situation que Montréal a connue, et sachez que nous appuyons ces mesures-là.

Et on a peu de temps. Avez-vous un petit exemple, été témoins du fait que ces nouveaux arrivants manquent de francisation ou de cours de francisation, de français?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Leduc, en quelques secondes. M Boulianne, oui.

M. Boulianne (Jacques) : Je sais que les commissions scolaires — parce que j'ai été associé aux commissions scolaires longtemps — n'ont pas suffisamment de ressources pour faire de la francisation, parce que, dans la région de Montréal, il y a une grosse demande des commissions scolaires pour franciser, sauf qu'il manque de ressources, et effectivement je pense qu'il faudrait ajouter des ressources en francisation dans le réseau scolaire. Ça, on partage tout à fait, parce que le message qu'il faut qu'on envoie — puis je vais terminer là-dessus, Mme la Présidente — le message qu'il faut qu'on envoie, c'est : Il faut clairement envoyer le message qu'au Québec c'est en français que ça doit se passer.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, MM. Boulianne et Leduc.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre aux autres intervenants de prendre place. Merci. Je vous demande, à la ministre et aux députés, après, de rester.

(Suspension de la séance à 10 h 59)

(Reprise à 11 h 4)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Bonjour. Nous reprenons nos travaux et nous accueillons M. Giuliano D'andrea et M. Richard Smith, qui va nous parler par audioconférence, ce matin, du Japon. MM. D'andrea et Smith, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, je vous demande, M. D'andrea, de vous présenter et je vous cède la parole.

MM. Giuliano D'andrea et Richard Smith

M. D'andrea (Giuliano) : Oui, bonjour. Merci beaucoup pour nous donner l'opportunité d'être ici aujourd'hui. C'est vraiment... Comment faire un sommaire en 10 minutes d'une position qui va être tellement différente des positions que vous allez entendre d'autres groupes allophones ou anglophones comme on est?

Je vais commencer par un peu d'histoire, un petit texte de J. Hector St. John de Crèvecoeur, un francophone qui habitait aux États-Unis, qui avait posé la question que les Américains se posent encore aujourd'hui : «What then is the American, this new man?» On peut se poser la même question aujourd'hui de l'Anglo-Québécois : «What then is the Anglo-Quebecker, this new man?», parce que le Québécois anglophone a changé, ce n'est plus le même Québécois qu'il y avait 40 ou 50 ans, et tous ces changements n'ont pas vraiment été reconnus encore, même dans le langage quand on le parle.

Exemple, un peu de définitions. Faisons la définition d'«anglophone». C'est quoi, un anglophone? On a entendu ce matin qu'un anglophone, c'est une personne qui est née parlant anglais, et pourtant la loi 101 a donné des droits à des Québécois où la langue maternelle n'est pas l'anglais. Exemple, la loi 101 définit M. Giuliano D'andrea comme étant anglophone, et pourtant ma langue maternelle n'est pas l'anglais.

De plus, l'ironie : si la famille royale venait s'établir ici, au Québec, le prince William — ou Guillaume — n'aurait pas le droit d'envoyer ses enfants à des écoles anglaises. Certes, il a les moyens pour les écoles privées, mais quand même il n'a pas ce droit, lui, descendant de Guillaume le Conquérant, des Stuarts et des Windsor. Et moi, descendant peut-être des Vivaldi, des Machiavelli… Et pourquoi ne pas dire aussi Berlusconi? Mais c'est ça un peu, l'ironie. On connaît très mal la communauté anglophone.

C'est quoi, un Québécois? Une autre question qu'on se pose tellement. Je me rappelle quand j'étais jeune, j'avais entendu Pierre Bourgault — j'étais vraiment jeune à l'époque — qui disait : Un Québécois, c'est la personne qui veut l'être. Intéressant comme concept, mais quelque part ça veut dire que, si on ne veut pas l'être, qu'est-ce qu'on est?

On dit aujourd'hui qu'un Québécois, c'est toute personne qui habite sur le territoire du Québec. C'est bien, mais des fois, si on est dans la communauté anglophone — et je peux témoigner de ça — tous ces symboles se perdent quand on entend certaines manières de caractériser, disons, ce débat de langue française. Quand on nous dit que la langue est menacée, ça veut dire peut-être quelque chose d'autre dans la communauté francophone qu'anglophone, parce que, pour nous, c'est : «French language is threatened», qui pose la question : «Threatened by whom?» Et, quand on se pose la question : «By whom?», on commence à imaginer tout de suite : Eh voilà, encore une fois c'est nous autres. Les communications, les mots, j'ai entendu avant — j'ai pris une petite note, j'ai trouvé ça assez charmant : Le bilinguisme devient contagieux, qui veut dire que l'anglais est contagieux, qui veut dire que… Si j'utilise l'anglais, est-ce que je suis un «disease»? C'est quoi? Je suis sûr que ce n'est pas l'image qu'on veut donner, mais c'est l'image qu'on entend. Et le problème, ce n'est pas simplement d'avoir une langue commune mais de comprendre le symbolisme derrière cette langue.

Or, on est porte-parole, peut-être vous pouvez le savoir, on a carrément dit ça dans les textes, mais d'un mouvement qui a commencé ça fait 23 ans, Le Mouvement du Grand Québec, qui préconise ou qui veut donner comme solution l'idée d'avoir une école commune pour anglophones et francophones, hein? Si la langue du travail doit être la langue française, pourquoi pas la langue de l'éducation aussi? Et le problème que nous, on voit, c'est un problème de diaspora. Si on regarde les dernières 30 et 40 années, la communauté qui a souffert le plus, ce sont les anglophones. Et ce n'est pas des Anglais, c'est des Québécois. Ce sont des Québécois qui ont été formés par l'État québécois. M. D'andrea qui parlait italien aujourd'hui est anglophone, et c'est l'État québécois qui m'a fait un anglophone, comme il a fait de dizaines de milliers d'autres Québécois. Et, nous qui avons besoin... qui voulons travailler au Québec, la qualité de notre français n'est pas à la hauteur.

Alors, on ne peut pas s'imaginer. Pourquoi tellement d'anglophones ne sont pas embauchés dans le «civil service», c'est simplement parce qu'on n'a pas laissé la capacité, il faut le reconnaître. Alors, si les enfants peuvent jouer ensemble, s'ils peuvent travailler ensemble, s'ils peuvent se marier, pourquoi ces enfants ne pourraient pas aller à la même école? Et l'école que nous, on préconise, c'est une école intégrée où normalement le français va être prédominant mais où aussi l'apprentissage de la langue anglaise va se faire, particulièrement à Montréal, où avoir une connaissance de l'anglais, ce n'est pas une contagion, mais c'est plutôt un atout.

Et je voudrais passer la parole à...

• (11 h 10) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je m'excuse. Juste vous dire que vous avez six minutes et quelques secondes d'écoulées. Si vous voulez que votre collègue reprenne la parole pour votre exposé…

M. D'andrea (Giuliano) : Oui. Alors, je voulais en fait passer la parole à M. Richard Smith en faisant une petite introduction. Quand Le Mouvement du Grand Québec s'est présenté à l'Assemblée nationale, ça fait... bon Dieu, ça fait presque 20 ans, on avait cinq ou six membres de l'exécutif. Il n'en reste qu'un ici, à Montréal. Nos membres aujourd'hui sont au Japon, ils sont rendus aux Bahamas, ils sont rendus en Ontario, aux États-Unis. Et un de ceux-là, c'est M. Richard Smith. Alors, j'aimerais passer la parole à lui.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait. M. Smith, la parole est à vous pour trois minutes.

(Audioconférence)

M. Smith (Richard) : OK, good. In 1979, when I was 15 years old, my father, who was then the president of the parents' committee of the Mount Royal Catholic High School, signed some papers that would allow my school to abandon its outdated facilities in favor of a proposed cohabitation with the nearby, much better equipped French Catholic school named polyvalente Pierre-Laporte. For him, this prospect offered more than a mere possibility of cohabitation. He told me privately that he envisioned it as an opportunity for anglophone and francophone children to explore something bigger : a chance to share common classes, to become fluent in each other's language and be aware of each other's culture, a chance he had never had when he was schooled in Québec. But, for the Pierre-Laporte parents, the focus was much different. Mme Simone Landry, a then member of the parents' «comité d'action» which opposed the plan, told the Montréal Gazette, on March 19th, 1980, «We just want to protect the French entity of Pierre-Laporte school, we never wanted to throw out or segregate the English.» The move never happened.

For my father, the shock of this setback and the warnings from his employer, Montréal Trust, that his own real estate license could be subject to French testing because of law 101 made him realize that language policy could have dire consequences for him and his family. So, he worked very hard, too hard so he could retire early, to avoid losing his license, and, in 1980, he became Montréal Trust's second top-selling salesman across Canada, ironically number one in Québec. Sadly, a year after the cancellation of the move of my high school, and three months after his record year at Montréal Trust, my father was dead from heart disease, and my mother and I, the sixth generation of our family to call Québec home, first moved away.

Now, in all fairness, I am sure that Mme Landry's comments were honest and that she didn't wish to segregate us, nor do I think that the Lévesque Government wanted to help create the atmosphere, with its passage of law 101...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Smith, malheureusement je dois...

M. Smith (Richard) : ...which helped to take my father away from me at age 16.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Smith, malheureusement j'ai dû vous couper la parole parce que votre temps alloué était écoulé. Nous allons maintenant du côté du gouvernement. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Bien, d'abord, merci beaucoup, messieurs, d'avoir participé à cette commission parlementaire. Il m'apparaît important d'entendre différents points de vue, surtout que le vôtre est le premier que nous entendons sur la question d'un grand réseau scolaire intégré. Est-ce que j'interprète bien ce que vous voulez dire?

M. D'andrea (Giuliano) : Oui.

Mme De Courcy : Ma question va être... J'en ai deux. Ma première question va être la suivante : Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler de votre idée de grand réseau intégré avec les autorités de la fédération des commissions scolaires anglophones du Québec?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. D'andrea, je vais devoir demander à M. Smith s'il veut répondre, parce que... M. Smith, est-ce que vous voulez répondre à la question de la ministre ou vous laissez la parole à M. D'andrea?

M. Smith (Richard) : Je repasse la parole à M. D'andrea, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. D'andrea, la parole est à vous.

M. D'andrea (Giuliano) : On n'a pas nécessairement parlé avec la fédération comme telle mais avec les commissions individuelles, que ce soit Pearson, que ce soit English Montréal School Board. Il y a eu beaucoup de résistance à l'idée. C'est normal, parce que ce n'est pas les commissions elles-mêmes qui ont des intérêts… comme on dit en anglais, «vested interests», hein? They would never give up that field for the uncertainty of something else.

Et c'est un peu… Je vous comprends quand vous dites : C'est la première fois qu'on l'entend, cette idée, mais cette idée, elle est vieille. Ça fait longtemps que beaucoup de gens, ils parlent, mais ce n'est pas un discours d'institution, c'est un discours de parents. On vient d'entendre avant que 25 % des Québécois qui ont le droit d'envoyer des enfants dans l'école anglaise optent aujourd'hui de les mettre carrément dans le système francophone, parce qu'ils savent ou ils sentent le besoin que leurs enfants doivent avoir tous les atouts pour être compétitifs. It's not enough just to come here and speak in French, I have to have a professional French where I can work and compete. And, in fact, when you're a minority, you have to be better. Et, dans le système anglophone aujourd'hui même qu'on a, hein, ils ont fait des efforts, ça va mieux que ça allait avant, mais aujourd'hui on fait des «polls» de ces enfants-là, qu'est-ce qu'ils nous disent? Bien, dans les prochains cinq ans, ils se voient peut-être en Ontario, peut-être en Alberta, peut-être quelque part d'autre. Pourquoi? Ils sont nés ici, c'est leur chez eux. C'est parce que les institutions n'intègrent pas non seulement sur la langue, mais aussi la culture québécoise. Imaginez moi, comme anglophone, je vais dans une école, je vois d'autres anglophones. Mais, le francophone, je le vois où? Alors, la raison que nous, on préconise une école intégrée.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. D'andrea. Mme la ministre.

Mme De Courcy : Une sous-question. Lorsque j'ai eu l'occasion de faire beaucoup de consultations, avant de déposer le projet de loi n° 14, j'ai eu, bien sûr, des contacts avec des représentants de la communauté d'expression anglaise, et ma première impression… Quand je m'adressais à eux, c'est de vérifier s'ils étaient inquiets par rapport au statut de l'anglais au Québec, et je vous dirais que, de façon presque unanime… je ne dirai pas «unanime» parce que ça impliquerait que j'ai vu tout le monde, et ça n'a pas été le cas, mais, de façon presque unanime, on m'indiquait que ce n'était pas, absolument pas l'avenir de l'anglais au Québec qui préoccupait ces personnes. Ils trouvaient que l'anglais, comme langue, se porte très bien au Québec, mais mentionnaient plutôt que c'était l'avenir de leurs institutions, de leurs institutions, qu'ils étaient craintifs de voir, au fur et à mesure des transferts linguistiques vers le français… comme vous venez de le mentionner, 25 % des jeunes enfants anglophones qui transfèrent vers le réseau francophone, ils étaient inquiets que, par toutes sortes de mesures, les institutions puissent être remises en cause, voire fermées, et que ça, ça les touchait énormément, et qu'ils étaient très préoccupés par cette question-là.

Alors, cette inquiétude-là de la communauté d'expression anglaise et ce que vous venez de dire, vous le conciliez de quelle manière, de quelle manière?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Smith, est-ce que vous souhaitez répondre à la question ou vous laissez la parole à M. D'andrea?

M. Smith (Richard) : Oui. Répétez la question, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme la ministre, est-ce que vous pouvez répéter la question?

Mme De Courcy : Oui, je vais répéter la question. Mais je vais prendre tout le temps, vous n'aurez pas le temps de me répondre.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Peut-être que M. Smith, pour… permettre à M. D'andrea de répondre…

Mme De Courcy : Peut-être y aller, M. Smith, parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, malheureusement.

M. Smith (Richard) : Non, non, non, je m'excuse. Je suis éduqué au Québec, mais j'ai besoin que vous parliez un peu lentement, s'il vous plaît.

Mme De Courcy : Je m'excuse, je ne vous ai pas bien compris, monsieur.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Smith, est-ce que vous voulez…

Une voix :

Mme De Courcy : Ah oui! Oui, je peux reformuler. Je vais...

M. Smith (Richard) : Ça, c'est la raison que je suis ici. Je suis éduqué au Québec. Si j'ai un problème pour comprendre votre français, ça, c'est la question vitale en ce moment.

Mme De Courcy : D'accord. Je vais…

M. Smith (Richard) : S'il vous plaît, parlez, mais un peu lentement.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : D'accord. Monsieur...

Mme De Courcy : Bien oui, je vais... Je parle déjà lentement, hein?

• (11 h 20) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Smith, je vais céder la parole à Mme la ministre, qui va vous poser une question, et vous pourrez y répondre par la suite.

Mme De Courcy : Mais oui. Alors, comment vous conciliez le fait que la communauté d'expression anglaise, en tout cas certains de ses membres, et ceux que j'ai consultés, c'étaient, dans la majorité... que certains de ses membres puissent être inquiets quant à leurs institutions, et non pas quant à leur langue mais quant à leurs institutions, et la proposition que vous faites de dire : Il faudrait que les deux réseaux scolaires soient intégrés, le réseau francophone et anglophone? Comment on comprend… À ce moment-là, comment on pourrait faire pour réconcilier ces deux intentions-là? C'est ça, ma question.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Smith, la parole est à vous.

M. Smith (Richard) : OK. I believe… One way to integrate them, you can try to do it as a... you can keep the existing systems in place, it's not really important. It isn't a question of structure, as long as you have an opportunity for the children to come together. But Mr. D'andrea will probably concur that, when we tried to propose this to the English community, they have often felt that they could not trust themselves in a common system with Québec Francophones because of their fear of a «québécois» unilateralism where they would act... we would be a minority in that system, and it might act against our interests, so that, in that case, it's better to stay segregated with French immersion schools. This is where the language legislation you are proposing can be very difficult for us, because it sort of supports what our opponents in the English community say, is that we cannot trust the French majority in such a deal. This is what makes it so hard for us to propose this solution.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Smith. Je vais maintenant... M. le député de Bonaventure, je vous reconnais. La parole est à vous, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste environ six minutes.

M. Roy : Six minutes. Merci beaucoup. Salutations à mes collègues, Mme la ministre, je vous souhaite un bon début de semaine. MM. D'andrea et Smith, mes salutations aussi.

Le titre de votre document : Les Québécois auraient besoin d'un nouveau contrat linguistique. O.K. Donc, vous nous proposez de rechercher un nouveau contrat linguistique entre les communautés anglophone et francophone. Donc, j'aimerais que vous nous donniez des précisions sur votre vision. Quel serait le statut relatif du français et de l'anglais dans cette proposition de contrat linguistique?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Bonaventure. M. D'andrea.

M. D'andrea (Giuliano) : Merci beaucoup. C'est normal que, dans ce nouveau contrat social, le français va être prédominant. C'est normal. Le français, c'est la langue de la province du Québec. Il n'y a pas de doute sur ça.

Ce que nous, on préconise plutôt, c'est d'entrer en négociation en faisant que la communauté anglophone devient un participant dans ces discussions et dans ces, comment je peux dire… dans les résultats d'une loi linguistique. La manière qu'on voit ça aujourd'hui, c'est qu'il y a de l'anxiété dans la communauté francophone, on passe une loi, on impose ça sur la communauté anglophone; la communauté anglophone se sent menacée, on lève les boucliers, et on voit ce que vous voyez aujourd'hui, toutes sortes de différentes opinions sur les mots, on se chicane sur tous les détails, les menaces, et tout le reste. Pour nous, ce qui est important, c'est d'ouvrir des discussions comme la discussion qu'on veut faire avec une école intégrée.

Pour répondre un peu à votre question et aussi à celle de la ministre, il y a beaucoup d'anglophones qui veulent tenir leurs institutions, mais ce n'est pas la majorité, parce que la majorité des anglophones, plutôt, ils vieillissent, et leurs enfants sont ailleurs. Et on entend rarement ces gens-là, hein? Ça, c'est la majorité. Ceux qui travaillent dans un système, c'est normal qu'ils veuillent garder les choses... le statu quo, mais ce que nous, on propose, c'est l'école intégrée qui va aussi être l'école de l'anglophone, du Québécois, du Québécois, commun avec l'autre Québécois. Alors, c'est ça. Si on peut avoir une équipe de hockey pee-wee où il y a des anglophones et des francophones qui jouent ensemble et veulent gagner ensemble, bien ils ne vont pas se poser la question : Bien, je veux avoir mon équipe anglophone. Toi… Non. Il n'y a pas de ségrégation là, c'est une équipe. L'école intégrée va être exactement la même.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. D'andrea. M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. M. Smith, M. D'andrea, ma question est assez simple : En quoi consisterait la préservation et la promotion de l'anglais, au-delà de ce qui est déjà assuré par la charte et par les lois du Québec, par exemple, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé, dans le domaine des services sociaux? Au-delà de l'intégration au niveau du scolaire, dans ces institutions-là, comment vous verriez la survie des institutions anglophones?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je dois demander, M. D'andrea, à M. Smith s'il veut répondre à la question du député de Saint-Hyacinthe. M. Smith, en deux minutes, est-ce que vous voulez répondre au député de Saint-Hyacinthe?

M. Smith (Richard) : M. D'andrea.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. D'andrea, allez-y.

M. D'andrea (Giuliano) : Pour nous, la question n'est pas les droits institutionnels. Pour nous, c'est vraiment la question d'avoir accès, d'être pleinement intégrés dans le Québec. Comme anglophones, si on peut avoir l'opposé du Mouvement du Grand Québec, l'opposé de Smith et moi-même… On n'est pas des partitionnistes. We don't want out, we want in. Et c'est important que nous, on est dans l'action, on est dans la société québécoise.

Quand ça vient à des droits acquis, pour nous, ces droits acquis n'ont pas changé, ceux qui auront besoin de se faire servir en anglais auront toujours cette capacité de se faire servir en anglais. Et, vous savez, beaucoup d'anglophones vont dans des institutions francophones où il y a un médecin, et, comme disait à l'époque le premier ministre Bouchard, ce n'est pas un docteur qui tout d'un coup va refuser de parler à un patient qui parle seulement en anglais. L'important, pour la communauté anglophone, c'est d'être dans la communauté comme Québécois à part entière, et ça doit passer par la maîtrise de la langue française.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci.

M. D'andrea (Giuliano) : Et on garde aussi nos droits anglophones, c'est normal.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. D'andrea. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais maintenant le député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais d'entrée de jeu, évidemment, remercier M. Smith qui est sur la ligne également et M. D'andrea. Merci beaucoup à vous deux pour avoir pris le temps, de votre temps personnel parce que la question vous préoccupe, vous trouvez que c'est important d'ajouter votre réflexion. Alors, merci beaucoup de prendre le temps, d'avoir rédigé et de nous envoyer… de nous avoir communiqué ce mémoire, et aujourd'hui d'être, M. D'andrea, présent ici, et vous, M. Smith, d'être présent par la magie du téléphone. Alors, merci beaucoup, d'abord et avant tout.

Et j'accueillais effectivement la référence que M. D'andrea faisait à une citation d'un ancien premier ministre du Québec, ancien premier ministre du Parti québécois qui effectivement avait dit : En matière de santé, la personne veut un test sanguin, ne veut pas nécessairement un test linguistique, et je le paraphrase. Alors, je pense que c'est une référence, en fait, qui nous fait réfléchir et également nous démontre que, la vérité, là, personne ne peut prétendre posséder la vérité. Et, en ce sens-là, on a vu sous ce même premier ministre là un célèbre discours, le discours du Centaur, qui avait été rédigé par… l'actuel ministre de la métropole et en charge, responsable de la relation avec la communauté anglophone avait rédigé et qui démontrait une tout autre approche, une tout autre ouverture même chez les rangs de celles et ceux… du gouvernement qui aujourd'hui présente le projet de loi n° 14.

On parle, dans le cadre du projet de loi n° 14, d'éléments que certains diront coercitifs, et, en ce sens-là, il est important de voir que, si la Charte de la langue française avait également des impératifs à respecter, ça revient toujours à la même notion d'avoir un équilibre, la paix linguistique, et les résultats doivent y être. Et nous constatons, à la vue des statistiques, que les résultats sont là, il y a de plus en plus d'anglophones et d'allophones qui parlent le français, et nous avons donc les outils pour les accompagner. Et nous devons constamment parfaire ces outils-là. Et, en ce sens-là, la coercition ne pourra jamais être le seul remède ni même, je vous dirais, le remède dominant, ce qui est notre position et notre lecture du projet de loi n° 14.

• (11 h 30) •

J'aimerais vous entendre, ceci dit, M. Smith et M. D'andrea. Dans le projet de loi n° 14, on parle... il est fait mention de politiques dont devraient se doter, si le projet de loi n° 14 était adopté… des politiques pour les cégeps anglophones notamment. Ainsi, le projet de loi n° 14 exigerait que… un cégep anglophone devrait rédiger une politique qui ferait en sorte que priorité serait accordée aux élèves, aux étudiants anglophones, priorité sur les élèves francophones, et l'on dit : «…[afin de] respecter la clientèle de langue anglaise pour laquelle avait été constitué l'établissement par le gouvernement.» Je vous avoue qu'il y a là des concepts nouveaux, quand on parle de clientèle de langue anglaise, et il y a là un ajout dans les critères de sélection qui relèvent des directions des établissements et qui vont au premier titre regarder, entre autres, le dossier académique. Autrement dit — je vous donne un exemple — moi, ma fille la plus vieille, une fois qu'elle aura terminé son primaire en français, son secondaire en français, si d'aventure elle veut aller étudier les sciences dans un cégep anglophone et qu'elle a un dossier académique de 85 %, bien, si l'on impose à ce cégep anglophone là de prioriser une clientèle — parce qu'il y a toujours une capacité limite — une clientèle anglophone, bien un étudiant anglophone qui aurait un dossier académique moins bon, 65 % par exemple, viendrait prendre la place de cette étudiante-là francophone qui aurait 85 %. Et ici c'est une lame à deux tranchants. Je pense qu'il est important, par contre, de faire attention à ne pas créer une ségrégation basée sur un critère langue maternelle anglophone, langue maternelle francophone et son application comme étant le critère sine qua non pour avoir l'accès au cégep en anglais. Et je pense que, là-dessus, tout le monde y serait perdant, et ce n'est pas ce qui est demandé, aucunement, par les personnes d'expression anglophone.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. J'aimerais savoir, de un, M. Smith, si vous aviez noté cette modification-là, qui n'est pas anodine, et j'aimerais savoir comment vous, vous la recevez, quels sont vos commentaires.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. Smith, vous avez la parole.

M. Smith (Richard) : Yes. For restrictions on English CEGEP, good luck, I suppose, because we saw what happened last year with the demonstrations in Montréal. You're asking people that are young adults… you're taking… you're restricting them from making the choices they would like to make. And, as the gentleman, the «député» said, you know, his daughter would like to go to an English CEGEP to improve her English.

But again, coming back to what we said earlier, if the integrated school concept were explored, that would make it less necessary to go to a completely English CEGEP, there could be a possibility of further integration at the CEGEP and university level. So, I would suggest that. And again, it's not so important, how we structure it, as long as people have that flexibility to learn in a mixed environment.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Smith. M. D'andrea.

M. D'andrea (Giuliano) : À première lecture, ce que j'ai compris quand j'ai lu le texte, c'est : Est-ce que les anglophones ont peur qu'il n'y ait pas assez de places pour eux dans un cégep anglophone?, et je pense que non. Alors, j'ai eu de la difficulté à le comprendre. Mais, même sur le côté des cégeps et ce qu'on veut proposer pour les écoles supérieures, on veut faire un examen de fin de session où on doit tester les anglophones pour voir s'ils ont appris assez pour le marché du travail. Et on pense que peut-être l'intention est bonne, mais on met le chariot du mauvais côté. Moi, je ne pense pas qu'on doit s'intéresser vers la fin de l'éducation s'ils sont prêts pour le marché du travail, mais plutôt il faut le faire avant.

Et une autre chose qu'on a notée aussi dans le projet de loi, c'est qu'on va donner le droit aux étudiants de demander, les Québécois qui sont dans des institutions anglophones, de demander qu'ils ont tous les outils et toutes les capacités, parce qu'ils ont un tel droit à la fin de leur éducation, ils ont le droit d'être éduqués, je n'ai pas la citation, mais avec tous les outils pour faire partie du Québec de demain. Et ma question, c'est... You know, how does a seven-year-old, how does a nine-year-old, how does a 12-year-old turn around and say to the school commission where he goes, «Hey, I want my rights»? Ça ne se fait pas. Je ne sais pas quelle école vous avez fréquentée, vous autres, mais moi, quand j'étais à l'école où j'étais, on pouvait demander toutes sortes de choses, et puis ils nous traitaient comme : Oui, oui, Giuliano, va faire tes devoirs. On nous considérait comme des personnes sans droits.

Alors, arrivé à 17 ans, on sort et on réalise que, le français qu'on a eu, on le ballotte sur le marché du travail. Et une des raisons... La question, même, on peut poser : Comment ça se fait il n'y a pas assez d'anglophones qui vont aller dans des cégeps francophones? Il y en a beaucoup qui vont dans l'autre sens. Et la raison que nous, on a trouvée, c'est que c'est... You know, these graduates who are 17 years old don't have the confidence to be able to go and study in a French CEGEP or a French university, by and large. Why? Because they're scared of writing in French. How are you gonna be competitive to do, you know… Comment vous allez faire votre dissertation en français si vous ne maîtrisez pas le français? Or, ça continue. On sort d'un «high school» anglophone, on va dans un cégep anglophone, on fait l'université, on fait une maîtrise et on se ramasse au Japon, ou aux États-Unis, ou en Europe.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. D'andrea. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Mr. Smith, I would like to hear from you. You talk a lot with respect to the quality of the French and... So, what are your comments on this, with respect to the quality of the French? And do you have any solutions? You already talked about, you know, the fact that it's important not to segregate Anglophones and Francophones, but, other than that, do you have any other suggestions to make it a reality, what is a main objective, a very important objective to make sure that our students, at the end of their passage within the establishment, they will be able to talk and to write very, very well in French? Do you have any other tangible suggestion to add to your comment?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. Smith.

Ne pas faire de correction. Le texte a été corrigé par M. Smith lui-même et validé par la documentation - guylaine

M. Smith (Richard) : Yes. Well, I'd say... You know, I teach English here, in Japan, and it's a huge industry here. And I can say this much for certain based on the probably 24,000 English lessons I've taught in Europe and Asia, is that the older students get… every five years, their ability to learn, and speak, and write a language diminishes. So, if we get a student even in their twenties getting serious about learning another language, their ability to do so will be handicapped.

And, for instance, to be a French teacher in Japan, you basically have to be conversational in English. So, as much as the current system, we think, doesn't completely equip Anglophones to work in Québec, obviously the current system does not help Francophones to work internationally, which I think is very sad because it deprives them of an opportunity. So, an opportunity to mix will give an instance of… a way to learn more natural English.

My case in point, my family now lives in Toronto area. As I've mentioned before, they left after my father passed away. But my nephew is in a French immersion school, and he's done excellent, and he's done it from the beginning of his education, but unfortunately a lot of the immersion schools still have particular accents and twangs when they speak French, and I'm sure for the Francophones in the immersion programs in Québec it's a similar dynamic. So, that's, again, coming back why we think that more of a mixed activities and mixed learning environment would allow them to interact with real native speakers of the language.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Smith. M. D'andrea.

• (11 h 40) •

M. D'andrea (Giuliano) : Definitely, to go back to our point, integrated schools, get them together early, have the seven-year-old... You know, if I had a seven-year-old child who had to take a bus, he should take the same bus as my francophone neighbor. They should get on the same bus, go to the same school, come back from the same school. It's ridiculous to have one kid go somewhere else, one kid go somewhere else. Both programs are almost the same, you have deep immersion on one side, you have an international program on the other, and they are segregated. And, if you want to make sure that anglophone kids… Or even Francophones who want to learn English. If you want to make sure that these language barriers drop, and that we stop talking about the two solitudes, which, by the way, are very real today, you know, we've got to find ways to integrate, we've got to find ways to have them have a common existence. You can't have kids growing up with two different cultural values. You can't have them, on the one hand, listening to francophone pop music and all the things that make Québec what it is, and, on the other hand, we just turn around and say...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. D'andrea, je suis désolée de devoir vous couper la parole, le temps alloué à l'opposition officielle est maintenant écoulé. Nous allons vers le deuxième groupe d'opposition, et je reconnais Mme la députée de Montarville. Vous avez la parole, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, messieurs. Merci à vous pour le mémoire, c'était très intéressant et surtout très original. Et vous nous amenez dans toute une réflexion lorsque vous dites : Il faut comprendre le symbolisme derrière une langue commune. Alors, c'est toute une réflexion, une réflexion historique et philosophique que malheureusement on n'a pas le temps de faire, j'ai très peu de temps. Sachez cependant que nous considérons qu'il faut défendre la langue française, la protéger, mais tout en respectant le droit de la minorité anglophone.

Alors, ma question est la suivante : Dans cette optique, qu'est-ce que vous pensez des examens de français que le projet de loi n° 14 veut imposer aux jeunes anglophones pour réussir leurs cours du secondaire et leurs cours au collégial?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée de Montarville. M. D'andrea.

M. D'andrea (Giuliano) : I think it's a good idea to have exams, obviously you're able to get feedback as to the success of the program, but there lies not the problem. The problem is the program. We have to make sure that it actually works.

The other thing… I'm going to get back to your symbolism, you know, I'm glad you picked up on that. Wouldn't it be wonderful if we could go to the anglophone community and say, «Guess what, we want you to have the top jobs in Québec»? We're going to give you that opportunity. And you know the way you're going to do it? Why don't you master the French language, because there's jobs for you here? You don't have to emigrate, you don't have to continue the diaspora. Those are positive ways that we can get people to get on board.

Et la réalité est la suivante : la majorité des anglophones au Québec veulent apprendre la langue française. Ce qui a résisté à cet apprentissage, ce sont les institutions, qui ont des intérêts propres à eux autres de ne pas changer. If you have teachers who cannot speak French, they have to go through the system, hit their retirement before they're replaced.Qui souffre dans tout ça? C'est la clientèle, c'est l'enfant. Et nous, ce que Richard et moi, on a constaté, c'est que la génération qui a souffert depuis la loi 101, c'est notre génération. C'est beau de parler de la génération de la loi 101, «the Bill 101 generation», mais il y a l'autre génération aussi, celle qui n'a pas été touchée par cette loi, qui était dans les écoles anglophones. Et, encore une fois, pour nous, la logique : Si la langue du travail est le français, comment on peut continuer d'avoir une langue primaire autre que la langue du travail?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. D'andrea. Quelques secondes, M. Smith, si vous voulez répondre.

M. Smith (Richard) : Non, non. C'est correct, non, non. Bien, peut-être pour la division. Je suis aussi citoyen irlandais, et il est une blague en Irlande. La blague est comme ça : Two men... An atheist goes into a bar and meets two Irish people, and they ask him, «Are you Catholic or are you Protestant?» And he says, «I am atheist.» And they go, «That's very good, but are you a Catholic atheist or a Protestant atheist?» Et ça indique la situation, parce qu'en Irlande du Nord toutes les institutions sont divisées…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Smith. Je dois vous interrompre, je dois vous interrompre. Merci, M. D'andrea, M. Smith.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 15 h 26)

La Présidente (Mme Vien) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux, mesdames messieurs. Je demande à toutes les personnes ici présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 14, la Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Alors, j'invite les représentants de La Fédération québécoise des associations foyers-écoles inc. à prendre place — c'est maintenant déjà fait — et déjà de débuter votre présentation, en vous rappelant que vous avez 10 minutes pour procéder à la présentation de votre mémoire.

La Fédération québécoise des
associations foyers‑écoles inc. (FQAFE)

Mme Chamberland (Liette) : Mesdames et messieurs, bonjour. La Fédération québécoise des associations foyers-écoles est heureuse d'avoir l'opportunité de présenter son mémoire sur le projet de loi n° 14 aujourd'hui. Avant de commencer, j'aimerais vous introduire mes collègues présents à la table avec moi aujourd'hui : Mme Joyce Shanks, mère d'une fillette qui fréquente l'école primaire, travailleuse autonome et siégeant en tant que membre sur notre comité des droits; Mme Patricia Willis, mère de cinq enfants dont un ayant des besoins spéciaux, avec handicap langagier, travailleuse autonome, siégeant à titre de directrice au sein de notre organisation; Mme Rickhey Margolese, mère monoparentale de quatre enfants, a fait carrière à titre d'enseignante, maintenant retraitée et vice-présidente exécutive de notre organisation; ainsi que moi-même, Liette Chamberland, mère de deux enfants dont un avec besoins spéciaux détenant une exemption gouvernementale pour poursuivre ses études en anglais, exemption basée sur les problèmes de langage, avocate et présidente de La Fédération québécoise des associations foyers-écoles inc.

Notre fédération est un organisme bénévole, indépendant, incorporé, à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir l'éducation et d'améliorer le bien-être des enfants et des adolescents. La fédération favorise la participation des parents, des élèves, des enseignants et de la collectivité tout entière à l'avancement de l'apprentissage. Elle agit au nom des parents. La fédération représente près de 5 000 familles.

En date du 21 avril 2012, lors de notre assemblée générale annuelle, nos membres nous ont mandatés de promouvoir que tous les parents aient le droit de choisir l'école qui convient le mieux à leurs enfants. Forts de ce mandat, et pour les raisons qui suivront, nous vous demandons de retirer ce projet de loi dans son intégralité.

• (15 h 30) •

Mme Shanks (Joyce) : La loi n° 14 est source de division et en plus d'être discriminatoire. Les droits de nombreux citoyens québécois seront floués avec la mise en oeuvre de cette loi. La nature même de cette loi est un facteur de division, en plus d'être discriminatoire pour de nombreux résidents et contribuables du Québec.

We'd like to start with the generally accepted definition of «equality». «Equality» means the state of being equal in status, and rights, and opportunities. L'égalité est le principe qui fait que les hommes doivent être traités de la même manière, avec la même dignité, qu'ils disposent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs.

Elle nuit directement aux droits de tous les Québécois de vivre et d'être traités de manière uniforme. Par conséquent, ces changements ne devraient pas être en compte.

Le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que «tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité». Si les Québécois dont la langue maternelle est différente ne peuvent profiter des mêmes opportunités que les autres, cette égalité est inexistante. Partout dans le monde, des barrières sont abolies, et le concept de l'inclusiondomine. En 2013, les différences devraient être célébrées et non flouées. Aucune différence au sein de la population ne devrait servir à la création d'une loi, y compris de la langue parlée. Le respect et la dignité des êtres humains, l'égalité entre les hommes et les femmes et la reconnaissance des droits et libertés sont les bases de la justice, de la liberté et de la paix. Une véritable société inclusive est une société respectueuse envers tout.

L'adoption des termes «communautés culturelles» en remplacement de «minorités ethniques» est discriminatoire pour tous qui sont protégés par l'article 10 et 43 de la Charte des droits et libertés du Québec et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Canada est signataire depuis 1976. Le Québec doit respecter sa propre charte de même que le pacte international. Si ce changement est adopté, nous craignons que les minorités ethniques, tout comme leur droit de préserver et de développer leurs propres intérêts culturels, ne soient menacées. De plus, un tel changement créerait un dangereux précédent pour les autres provinces ou le pays, qui pourraient être tentés de changer leurs propres chartes au détriment de la population québécoise qui constitue aussi une minorité au sein de la population canadienne.

Les immigrants provenant de pays anglophones se voient refuser le droit de permettre à leurs enfants de poursuivre leurs études en anglais. Comment pouvons-nous revendiquer le titre de société libre lorsque les parents ne peuvent profiter de ce droit humain fondamental qu'est celui de pouvoir faire le meilleur choix pour élever leurs enfants?

De plus, la majorité des Québécois n'ont jamais le droit de choisir la langue dans laquelle leurs enfants sont instruits au sein du système scolaire public, même s'ils paient pour ces services avec leurs impôts. Il s'agit non seulement d'une discrimination fondée sur la langue, mais également une façon de dicter comment les citoyens doivent vivre, ce qui est inacceptable au sein d'une société démocratique.

La culture québécoise n'est pas seulement fondée sur la langue, la nature distincte du Québec se compose de bien… beaucoup plus que les langues que nous parlons. En faisant de la langue le fondement de la culture, cela divise les francophones des autres.

Dans une société libre et démocratique, l'accès à l'éducation devrait être simple, les parents devraient avoir le droit de choisir l'école la mieux située et qui répond le plus adéquatement aux besoins de leurs enfants et leur famille. Au Québec, les lois restrictives dont l'objectif est de refuser le droit fondamental à l'éducation dans la langue choisie sont conflictuelles, discriminatoires et contre-productives, en plus de priver le système scolaire d'une part nécessaire de financement.

Mme Willis (Patricia) : Nous aimerions soulever quelques contradictions et redondances du projet de loi qui nous inquiètent. Les parties d'une loi réfléchie et bien pensée devraient toujours être claires, simples et exemptes de contradictions, sans quoi des problèmes d'interprétation peuvent survenir comme c'est le cas avec le projet de loi n° 14.

Le projet de loi n° 14 prévoit insérer à l'article 40 du chapitre IV de la Charte des droits et libertés de la personne que «toute personne a droit de recevoir cette instruction en français». Tout le monde a déjà droit à l'instruction publique gratuite en français. En insérant cette partie à la charte, cela sous-entend que certaines personnes se sont vu refuser l'instruction en français, ce qui n'a jamais été le cas. Toutefois, dans les faits, une majorité de la population se voit refuser le droit d'accès à l'instruction publique en anglais, même s'il s'agit de l'une des deux langues officielles du pays. En fait, le projet de loi n° 14 ne propose pas un nouveau droit mais plutôt impose une loi implicite qui semble aller comme suit : Toute personne devait poursuivre ses études en français seulement, même si cela limite ses choix. La connaissance de plus d'une langue est pourtant vue comme un atout dans la plupart des pays du monde.

Nous sommes sidérés par l'ajout de l'article 73.0.1 à la Charte de la langue française. Celui-ci dit clairement que les parents utiliseront, entre autres, un subterfuge pour contourner la loi en confiant l'instruction de leurs enfants à des écoles privées anglaises de façon illégale, dans le but d'obtenir illégalement une déclaration d'admissibilité. Depuis quand est-il illégal de fréquenter une école anglaise privée? Sur qui reposera le fardeau de la preuve? Considérant que l'article 73.1 de la Charte de la langue française est extrêmement subjectif et stipule que des raisons d'ordre humanitaire peuvent être prises en compte dans le meilleur intérêt de l'enfant lors de l'étude des dossiers d'admissibilité, l'article 73.0.1 semble débuter en tenant pour acquis que les parents créent une situation artificielle causée par la déception.

Lorsqu'il est question d'instruction, le seul objectif des parents québécois est de faire passer le bien-être de leurs enfants bien au-delà des questions de langue et des aspirations souverainistes. Pourquoi le désir d'inscrire ses enfants à l'immersion française Option plus, ou dans des écoles bilingues, ou des écoles anglaises privées ou subventionnées est-il perçu comme un subterfuge? Le souhait de ces parents est de permettre à leurs enfants de profiter du meilleur des deux mondes, d'un avenir au sein, au sein d'un Québec et d'un monde entièrement à leur portée.

En fait, ces lois créent une société à deux vitesses parmi ceux qui ont les moyens de se payer le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de leur choix et ceux qui n'en ont pas et se résignent à leur sort ou quittent la Belle Province.

De plus, puisque l'article 73.0.1 stipule qu'il ne doit pas être tenu compte, etc., d'une fréquentation scolaire, pourquoi la modification apportée à l'article 73.1 nous dit qu'«aucun point ne peut être attribué dans le cadre de ce règlement»?

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci beaucoup, mesdames, pour cette présentation. Alors, c'est le temps qui vous était alloué pour la présentation, je vous remercie. C'était 10 minutes, c'est bien ça. Alors, nous sommes prêts maintenant à procéder à la période d'échange entre vous toutes et les parlementaires, en commençant avec le côté ministériel et Mme la ministre.

Mme De Courcy : Bonjour. Bonjour, mesdames. J'ai l'impression que vous n'avez pas terminé votre présentation. C'est ce qui vous arrive? Est-ce que c'est pour beaucoup de temps qu'il vous reste… Bon. Alors, sur le temps du gouvernement, terminez, et après je vous reparlerai. Vous permettez, Mme la Présidente?

Mme Margolese (Rickhey) : O.K. En nous référant de nouveau aux articles 88.0.1 à 88.0.6, nous trouvons la situation inquiète pour les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage — EHDAA — les élèves à risque et ceux bénéficiant d'un plan d'enseignement individualisé — le PEI — particulièrement en ce qui a trait aux exigences en matière de maîtrise du français qui seront plus élevées pour tous les élèves des écoles publiques du Québec, du niveau primaire au niveau collégial. En effet, ces attentes-là peuvent n'être pas réalisées et pourraient nuire au taux de diplomation de tous les élèves, autant francophones qu'anglophones.

Au moment où les coupures budgétaires touchent directement nos systèmes d'éducation, comment peut-on justifier les dépenses qui devront être allouées pour mettre en oeuvre cette nouvelle bureaucratie pour soutenir la nouvelle loi? Nous préférerions que l'argent soit investi dans l'élaboration de programmes et de matériel qui contribueraient à la réussite de nos enfants et à l'amélioration du taux de diplomation au secondaire. Permettez aux étudiants, aux enseignants et aux administrateurs de concentrer leurs efforts sur l'instruction de nos enfants, au lieu de leur demander de soumettre au gouvernement un rapport à leur sujet.

Le projet de loi n° 14 limite la croissance et le développement de notre population, particulièrement de nos jeunes, et, par le fait même, nuit à l'économie et à l'avenir de la province de Québec. La croissance démographique et économique du Québec est tributaire de l'arrivée des nouveaux Québécois provenant de pays étrangers. Nous pouvons soutenir l'immigration et l'investissement si nous permettons à ces nouveaux arrivants provenant de certains pays de choisir l'école qui répond le plus adéquatement aux besoins de leur famille. Il est difficile d'inciter les immigrants à venir s'installer au Québec en tant que résidents permanents. Nous voulons que ces gens choisissent le Québec pour travailler, établir leurs racines, élever leur famille, investir dans l'avenir et pour devenir Québécois.

De plus, nous estimons que les parents doivent être en mesure d'aider leurs enfants à faire leurs devoirs et doivent pouvoir être capables de discuter avec les professeurs, les répondants de l'administration et, au besoin, avec les représentants des commissions scolaires. Il a été prouvé que le taux de réussite de l'enfant est directement proportionnel à la participation des parents à l'instruction et à la vie à l'école. Si les parents sont incapables de discuter dans la langue qu'ils comprennent, la participation à l'instruction de leurs enfants sera limitée, le succès de l'étudiant sera compromis, et cette famille ne choisira pas le Québec pour établir. L'accès à l'école de leur choix est donc nécessaire pour la croissance et la prospérité du Québec.

Dans l'article 1 de la modification de la Charte de la langue française attribuable à la loi n° 14, on retrouve l'enjeu suivant : «Il constitue le fondement de l'identité québécoise et d'une culture distincte, ouverte sur le monde.» Si c'est réellement le cas et que le Québec est ouvert au monde... and strives to attract and welcome immigrants of all ethnic and national origins, the Québec Government needs to allow all Quebeckers and recently settled immigrants the choice of the linguistic school in order to retain them for generations to come and have them prosper and thrive, in this 21st century, in a Québec society. This is our vision of a future in Québec, la Belle Province.

• (15 h 40) •

Mme Chamberland (Liette) : Une charte des droits est un répertoire des droits les plus importants des citoyens d'un pays. Une telle charte a pour but de protéger ces droits contre toute atteinte. Les droits de l'homme sont entendus comme étant des droits fondamentaux, innés, inaliénables auxquels une personne a droit intrinsèquement juste parce qu'elle est humaine.

La Charte des droits et libertés du Québec, à son article 10, énonce que «toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée — entre autres — sur [...] la langue, l'origine ethnique ou nationale», etc.

L'article 26.3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme déclare que «les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants».

L'article 599 du Code civil du Québec énonce entre autres ce qui suit : «[Le] père et [la] mère ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir[...], de surveillance et d'éducation.» Il ne s'agit pas d'un privilège mais bien d'un droit et d'un devoir.

En tant que parents, comment pouvons-nous accepter que l'État se subjugue à nos droits et devoirs eu égard à l'éducation de nos enfants lorsque la responsabilité de ceux-ci repose sur nous? Comment pouvons-nous accepter passivement que l'État, à toutes fins utiles, décide de l'éducation qui convient le mieux à nos enfants alors qu'il n'a aucune connaissance personnelle de ceux-ci?

Les parents devraient avoir le droit de choisir l'école publique ou subventionnée qui leur semble la plus appropriée pour leurs enfants, qu'on y enseigne en français ou en anglais. Il est temps que l'État redonne à tous les parentsquébécois et non pas seulement aux parents anglophones le droit de choisir l'école qui convient le mieux à leurs enfants.

Considérant qu'il y a discrimination lorsqu'une distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre un de ces droits et considérant que la liberté des uns se termine là où la liberté des autres commence, nous soutenons que le projet de loi n° 14 porterait atteinte à ces droits et n'est certainement pas justifiable dans notre société libre et démocratique. Par conséquent, nous soumettons respectueusement que le projet de loi n° 14 devrait être retiré dans son intégralité. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme Chamberland. Je, maintenant, cède la parole à Mme la ministre.

Mme De Courcy : Alors, bien, mesdames, c'est délibérément que j'ai choisi de vous entendre et que nous puissions tous vous entendre sur le temps du gouvernement pour vous poser des questions, parce que j'ai jugé que votre engagement personnel dans une organisation bénévole, je suis certaine, depuis 65 ans qu'elle a, cette... bon, on devait vous accorder toute l'attention requise.

Votre mémoire est très clair, est très clair, nous indique par ailleurs que nous sommes très éloignés en termes de vision. Alors, comme tous les mémoires que nous recevons, je vais prendre le temps de lire, et de relire, et de repenser à votre intervention. Mes collègues ont quelques questions à vous poser. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Breton : Oui, bonjour. Merci d'être venues faire votre présentation.

J'ai quelques questions pour vous. Donc, vous dites que, si je comprends bien, en fonction du respect des droits individuels des parents et des enfants, on brime les enfants si on dit aux parents dans quelle langue ils doivent éduquer leurs enfants. C'est bien ce que je comprends?

Une voix : Oui.

M. Breton : O.K. Donc, si on part de cette logique-là, et que quelqu'un vienne du Bangladesh ou du Pakistan, on le brime si lui décide qu'il voudrait enseigner à son enfant et élever son enfant avec une éducation en bengali ou en pakistanais, si on part de votre logique.

Mme Chamberland (Liette) : Bien, notre logique est aussi basée sur le fait qu'il y a deux langues officielles au Canada, qui sont le français et l'anglais.

M. Breton : …mais je pars quand même de votre logique. Vous dites que toute intervention de l'État pour dicter la langue d'apprentissage des enfants ne peut être régie par l'État. Or, le Québec est un État où il y a une langue officielle qui est le français. Est-ce que je dois comprendre, selon votre logique, que vous vous opposez aussi à la loi 101?

Mme Willis (Patricia) : Est-ce que je peux répondre? Si vous permettez, je veux revenir aux mots que vous avez utilisés, c'est «brimer les enfants». On ne veut pas brimer les enfants. On veut leur ouvrir… leur donner tout ce qui est possible dans ce monde.

Donc, premièrement, les commissions scolaires anglaises, je vais parler, sont devenues des écoles où on enseigne les deux langues. Toutes les écoles dans les commissions scolaires sont devenues 60 % en français, 70 % en français, même allant jusqu'à 80 % d'enseignement en français, parce que la réalité est qu'on vit au Québec et que la langue principale que l'on parle est le français.

Par contre, on veut que ce Bangladais ou cet Indien de… ou cette personne puisse avoir accès aux deux. Pourquoi le limiter? Puis ce n'est pas limiter la langue. On ne parle pas qu'ils parlent le bengali, il y en a beaucoup qui vont apprendre l'arabe, le bengali, etc., les samedis dans leur communauté, mais on veut leur donner cette possibilité d'apprendre dans les deux langues, sûrement, pour qu'ils puissent rester au Québec. On veut qu'ils restent au Québec et on veut qu'ils aient accès aux deux langues. C'est le choix du parent, ce n'est pas le gouvernement qui devrait choisir pour...

M. Breton : Mais...

Mme Shanks (Joyce) : …d'ajouter un tout petit quelque chose…

M. Breton : Oui, allez-y.

Mme Shanks (Joyce) : Dans la loi n° 14, vous disiez que le Québec est ouvert au monde. Mais pourquoi le monde du Québec ne sont pas capables de partir du Québec pour travailler n'importe où dans le monde? Parce que, si le monde ont plus qu'une langue pour continuer leur vie, ils ont le monde dans leur main. On veut le meilleur pour nos enfants, et le meilleur pour nos enfants est d'avoir plus, pas d'avoir moins.

M. Breton : Moi, écoutez, je vais vous dire, je suis très étonné, parce que je ne suis jamais allé à l'école en anglais, aucun de mes amis n'est allé à l'école en anglais… still, we speak perfect English, and we've learned it through French schools. Ça fait que… Ce qui montre qu'à l'école en français on est très capables d'apprendre l'anglais, ça ne nous ferme aucune possibilité. Et, comme on dit, c'est qu'il y a une question très importante qui est la survie de la nation francophone du Québec. Et donc, pour moi, ce que je vois, c'est que vous dites : Il ne faut pas brimer les enfants, mais, si on vous prend au pied de la lettre, dans le fond, on les brime en leur donnant accès simplement à deux systèmes d'éducation, un en français, un en anglais. Les anglophones ont accès à une éducation en anglais. Nous, ce qu'on dit aux gens qui viennent de pays… d'ailleurs : de pouvoir parler français. Et ils peuvent apprendre l'anglais à l'école francophone.

Mme Chamberland (Liette) : Si je pourrais ajouter, c'est que les anglophones au Québec ont un choix, les anglophones au Québec peuvent envoyer leurs enfants soit à l'école française ou soit à l'école anglaise, et ce choix-là est fait sur la base de ce qui est mieux pour cette famille-là, pour chaque famille. J'ai des voisins et voisines qui sont anglophones et que leurs enfants vont dans des écoles francophones. C'est un choix familial, c'est un droit qu'ils ont. Et il y a des familles anglophones qui envoient leurs enfants dans une école dans ce qu'on appelle le système anglais, mais je pourrais vous dire que le système anglais n'est plus le système anglais qu'on était.

Mon enfant a une exemption gouvernementale parce que, pour lui, apprendre une langue, peu importe laquelle, c'est difficile. Alors, on a choisi l'anglais parce que c'est plus facile à apprendre que le français, puis je pense qu'on peut tous s'entendre là-dessus.

Une voix :

• (15 h 50) •

Mme Chamberland (Liette) : Eh bien, ça sera votre opinion. Mon garçon était à l'école anglophone publique et coulait la géographie, l'histoire ou toutes les matières qui étaient enseignées en français. Pourquoi? Parce qu'il n'était pas jugé sur la matière, il était jugé sur la langue, sur son français. Sa connaissance du français est minime. Ma fille, elle, pas de problème. Mon garçon, lui, c'en est un, problème.

Les écoles anglophones d'aujourd'hui, ce n'est plus des écoles anglophones, c'est 50-50, ou 85-15, ou avec option plus. C'est presque des écoles francophones. Les étudiants qui sortent maintenant des écoles anglophones sont bilingues, ils sont…

Une voix :

Mme Chamberland (Liette) : Oui, mais, si c'est justement ce que vous dites, pourquoi ne pas donner le choix aux parents de décider dans quelle école ils vont? Parce que, de toute façon, quand ils vont graduer, ils vont être bilingues, qu'ils soient à l'école française ou à l'école anglaise. Mais donnez le choix aux parents.

M. Breton : …parce que le Québec est une nation francophone.

Mme Chamberland (Liette) : Parce que c'est une nation qui respecte les droits des parents de choisir ce qui est le mieux pour leurs enfants. C'est ça, une société libre et démocratique. The human right to choose.

M. Breton : Vous savez, il y a les droits individuels et les droits collectifs. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Quelqu'un du côté… Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe. Ou monsieur… Peu importe.

Une voix :

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci beaucoup. J'aimerais citer le dernier... Bonjour, mesdames, premièrement. J'aimerais citer le dernier paragraphe de votre document : «Nous croyons que le véritable désir de l'ensemble des Québécois et Québécoises — francophones et anglophones — consiste à préserver la richesse de la langue et de la culture françaises, sans intervention politique. Tous les Québécois et Québécoises sont animés de la même volonté que les choses se passent ainsi.»

Dans le contexte, bon, de la langue française au Québec et en Amérique du Nord, vous croyez réellement qu'on peut préserver la langue française, lui permettre de progresser sans aucune intervention étatique? Pouvez-vous nous expliquer cette position-là?

Mme Shanks (Joyce) : Vous m'excuserez. Est-ce que je peux vous demander de reposer la question à la fin?

M. Roy : La question, c'est : Compte tenu de la précarité de la langue française dans le contexte nord-américain, croyez-vous réellement que le Québec pourrait continuer de se développer en français sans intervention de l'État? Parce que la dernière ligne de votre mémoire, c'est : «Nous croyons que le véritable désir de l'ensemble des Québécois etQuébécoises — francophones et anglophones — consiste à préserver la richesse de la langue et de la culturefrançaises, sans intervention [étatique]»… ou politique, plutôt, excusez. Est-ce qu'on peut préserver la langue sans intervention politique?

Mme Shanks (Joyce) : Absolument. Je suis allée déjà visiter La Nouvelle-Orléans en Louisiane. C'est français, et il y a une culture, une dynamique qui est spéciale. Et c'est français, et j'étais capable de parler en français. Et c'était bien préservé, absolument.

Mme Willis (Patricia) : Aussi, je vais vous parler de moi. Moi, je viens d'une culture trilingue, on apprend les trois langues dès la maternelle. Et on parle bien l'arabe, on le lit bien, on le comprend bien, on rédige des documents, et, quand on va en cours, on peut présenter en arabe, en anglais et en français. C'est bien entendu que l'arabe est la langue officielle de l'État, mais n'empêche que les enfants sont enseignés dans les trois langues.

Et, en fait, si je reviens à votre question, pour nous, c'est l'intervention de l'État dans ce qui est le droit du parent, c'est ça qui un peu nous offusque, si je peux utiliser ce mot. C'est aux parents de choisir là où ils veulent envoyer leurs enfants. Le français ne sera pas en danger, parce que le français est enseigné dans toutes les commissions scolaires. La seule chose, c'est que, pour nous, on voit un désavantage pour le parent, qui n'a pas le choix d'aller dans une école de son choix. Bien, il se trouve... Bien, tu n'as pas le choix, tu vas à l'école anglaise. Il n'y a aucun mal d'aller dans l'école française — pardon, je voulais dire l'école française — ou la commission française. Il n'y a aucun mal, au contraire. C'est vrai, c'est une langue qui est très difficile, mieux vaut l'apprendre depuis le début. Mais la réalité, c'est qu'on empêche... l'État prend ce droit. C'est comme, l'État, me dire : Tu choisis ce pain et non pas ce pain. Est-ce que tu sais ce qui me convient? Est-ce que l'État sait ce qui convient aux parents ou à la famille? C'est ça.

M. Roy : …une question : Est-ce que vous êtes pour ou contre la loi 101?

Mme Shanks (Joyce) :It's not on the table, it's not something we're talking about.

Mme Willis (Patricia) : On ne parle pas de la loi 101, on parle du projet de loi n° 14.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, merci à tous. Nous allons maintenant passer du côté de l'opposition officielle pour un échange avec nos invités.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pourriez-vous nous indiquer d'entrée de jeu de combien de temps disposons-nous?

La Présidente (Mme Vien) : 18 min 30 s.

M. Tanguay : Pour l'opposition officielle?

La Présidente (Mme Vien) : Absolument.

M. Tanguay : D'accord, merci beaucoup. Alors, merci beaucoup, mesdames, pour le temps que vous avez pris à rédiger ce mémoire. C'est du travail bénévole. Par vos convictions, par votre désir de faire entendre votre voix, d'étayer votre position, je pense que vous participez directement à notre démocratie, et c'est dans ce processus-là que l'on s'inscrit aujourd'hui. Il est important, par de telles interventions, d'apporter de la lumière ou d'apporter notre éclairage pour que l'on puisse, vous savez, en société démocratique, justement, s'il y a des écarts qui sont proposés par un gouvernement donné, bien, faire en sorte qu'à la lumière des représentations qui sont faites l'on puisse envoyer les bons signaux au gouvernement, qui a toujours l'option de faire marche arrière et de reculer, lorsque l'on pense et lorsque l'on réalise que l'approche n'est pas la bonne, que l'approche est peut-être exclusivement ou essentiellement coercitive, alors que l'épanouissement du français peut se réaliser aussi notamment... pas uniquement par des amendements à la loi, mais peut se réaliser par des programmes, des soutiens, faire en sorte que le service que l'on veut donner et que l'on est prêt à rendre soit le chemin par lequel on puisse acquérir des notions, tel le fait de bien parler et de bien écrire le français.

En ce sens-là, vous recommandez, comme d'autres, je dois vous dire... Certains auront porté notre attention, en commission, sur certaines dispositions du projet de loi n° 14, en disant : Bien là, le gouvernement fait fausse route, et il y en a plusieurs, jusqu'à maintenant, qui ont eu l'occasion de le souligner au gouvernement. Et aujourd'hui vous ajoutez votre voix en disant : Écoutez — au gouvernement — vous faites fausse route, vous devriez retirer tout simplement le projet de loi n° 14, et votre message à cet effet-là est très clair.

Vous avez parlé un peu plus tôt — j'aimerais vous entendre là-dessus — de ressources financières. Vous avez parlé d'un certain débalancement, si vous me permettez l'expression, entre, d'une part, la bureaucratie qui sera exigée par certains aspects du projet de loi n° 14… La bureaucratie, madame, tout à l'heure, parlait des articles 88.0.1 et suivants, qu'ils allaient nécessairement occasionner une bureaucratie. D'autres avant vous et après vous... D'autres ont dit avant vous — et d'autres le diront également — que des articles telle l'imposition systématique aux milliers de PME de 26 à 49 employés d'un fardeau administratif de paperasse, bien ça vient alourdir non seulement leur fardeau administratif, mais il y a un coût lié à ça. Et plusieurs, comme vous, ont eu l'occasion de souligner que c'est de faire fausse route.

Je reprends donc au bond un élément que vous mettez à l'intérieur de votre mémoire, que nous avons tous lu, j'en suis persuadé, tant au point de vue de l'opposition qu'au niveau de la banquette ministérielle. Votre mémoire, vous parliez, entre autres, de l'enseignement du français. Je suis à la page 8. L'enseignement du français, vous faisiez la recommandation très vive... donc : «…recommande vivement que les nouvelles normes proposées soient assorties des ressources financières accrues nécessaires pour les atteindre.» Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, au niveau de l'importance… Si l'on dit que c'est important de bien enseigner le français, tout comme c'est important de bien enseigner l'anglais et les autres matières pour que nos enfants puissent avoir un coffre d'outils, un coffre de compétences complet, et que ce soient les bonnes, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur l'importance que vous soulignez d'accorder suffisamment de ressources financières pour atteindre les objectifs au niveau de l'enseignement du français. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Chamberland ou…

Mme Chamberland (Liette) : Ça va être Mme Willis qui va répondre.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Willis, on vous écoute.

Mme Willis (Patricia) : Reposez-moi la question à la fin, s'il vous plaît, juste…

M. Tanguay : Je suis à la page 8 de votre mémoire.

Mme Willis (Patricia) : Oui, oui. J'ai lu ça, oui. Et vous demandez?

M. Tanguay : Alors, j'aimerais vous entendre au niveau de l'importance que vous avez reconnue... Vous dites dans votre mémoire : Pour ce qui est de l'enseignement du français, il faudrait mettre plus d'argent. Alors, j'aimerais que vous me parliez de ça. Quel constat avez-vous fait pour dire : Il manque de l'argent, il faudrait en mettre plus? Et quelle justification? Si vous pouvez étayer là-dessus, j'aimerais vous entendre. Merci.

• (16 heures) •

Mme Willis (Patricia) : Bien, en fait, vous savez que toutes les commissions scolaires, que ce soient des commissions scolaires françaises ou anglaises, ont eu de grosses coupures budgétaires, et ceci a vraiment… En fait, même si le gouvernement a dit que ça ne nuirait pas à l'enseignement et que les services ne seront pas coupés aux enfants, les enfants qui ont besoin de ressources, les enfants qui ont des troubles d'apprentissage, bien ces coupures-là le font. Qu'on le veuille ou ne le veuille pas, ça arrive.

Alors, vous demandez aux écoles d'élever ou de donner de meilleurs… bien en fait au fur et à mesure de hausser les compétences, mais où est le soutien du gouvernement pour ce qui est de donner toute la… vous savez, développement pédagogique, les journées pédagogiques où il y a des développements professionnels? Il faut de l'argent pour faire tout ça, et les commissions scolaires n'en ont plus. Et encore c'est pour toutes les commissions scolaires, je ne parle pas de l'une ou de l'autre mais des deux. Donc, comme on dit, en très simple, c'est bien beau, mais il faut soutenir ça avec le financement. Merci.

M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Également, aussi, vous avez souligné, comme bien d'autres avant vous et comme d'autres continueront de le faire également, autre élément du projet de loi n° 14, les enfants de parents servant dans les Forces armées canadiennes. Le gouvernement, dans sa grande sagesse, a décidé de prendre cette exception-là et de la mettre de côté. Il y a toujours, en vertu du règlement, d'autres exceptions disponibles. Autrement dit, si on explique pour les gens qui nous regardent à la télévision, l'article 72 de la Charte de la langue française fait en sorte que l'enseignement primaire et secondaire se donne en français. L'article 3 du règlement concernant, justement, cet article 72 là fait en sorte… et même ce règlement-là fait en sorte d'identifier certains cas, cas d'espèce où il y a des exemptions à ce principe. L'une d'elles, l'une d'entre elles était l'exemption accordée aux enfants des militaires, des pères et mères qui servent dans les Forces armées canadiennes, faire en sorte que, lorsqu'ils sont stationnés de façon temporaire, pour une période n'excédant pas trois ans, ces parents puissent envoyer leurs enfants à l'école anglophone. On parle ici de quelques centaines d'enfants au Québec, population de 8 millions. Le gouvernement, dans sa sagesse et dans sa recherche — j'en suis persuadé — d'un équilibre et d'une paix linguistiques, a décidé de prendre cette exception-là sur les parents des Forces armées canadiennes et de dire : Bien, ça, là, on tire un trait là-dessus. Et, encore une fois, vous n'êtes pas les seuls à l'avoir souligné, c'est un des nombreux éléments que l'on dit coercitifs du projet de loi n° 14 et pour lesquels nous sommes donc loin d'être en faveur. Nous sommes en défaveur de cet élément-là et du projet de loi n° 14 dans son approche.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que ça vous inspire, vous, de telles mesures comme ça, lorsque... Et vous en faites état dans votre mémoire.

Mme Chamberland (Liette) : Bien, en tant qu'organisme qui favorise la participation des parents dans la vie scolaire des enfants, on trouve qu'ici c'est imposer aux enfants une misère non nécessaire. On sait tous que les enfants des militaires vont être temporairement ici, temporairement là, temporairement ici, temporairement là. Se refaire de nouveaux amis à chaque fois, un nouvel environnement, le stress de : Papa ou maman va-t-il venir?, où ils vont être envoyés, c'est un stress continuel, une vie très mouvementée pour des jeunes enfants, puis là on va les prendre puis on va dire : Bon, l'école en français pour six mois, un an, deux ans. Ces enfants-là vont perdre deux ans. On parle d'un enfant qui a 10 ans, qui n'a jamais parlé français, qui s'en va à l'école française. On a beau lui donner des ressources, comment peut-on vraiment apprendre la matière qui est enseignée si on ne connaît pas la langue? C'est comme si on s'imagine nous-mêmes, en tant qu'adultes, assis dans une classe où on enseigne l'histoire du Québec en chinois. Est-ce qu'on va comprendre? Non. Et je trouve, en plus, que c'est très disrespectueux pour ces familles qui mènent cette vie pour protéger le Canada.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Moi, je peux constater que l'école primaire où mes cinq enfants ont assisté, l'école primaire publique Beacon Hill, elle bénéficie beaucoup de l'existence d'un chapitre très actif du Québec Family of Home and School Associations. J'ai acheté les oranges, les pamplemousses, les tablettes de chocolat et toutes les autres activités de bénévolat. Mais je veux mettre ça en évidence parce qu'on est dans une présentation très politique aujourd'hui et je veux souligner que, dans le quotidien, c'est une association qui est vouée avant tout d'améliorer la qualité de l'enseignement dans nos écoles — moi comme quelqu'un qui aime la lecture et les bibliothèques — notamment dans l'achat de livres additionnels pour nos bibliothèques dans nos écoles mais beaucoup d'autres activités qui sont vraiment là pour enrichir les enfants. Alors, je veux saluer votre bénévolat, parce que, je pense, c'est quelque chose qu'on encourage dans l'ensemble de nos commissions scolaires, que les parents s'impliquent davantage, qu'ils sont vraiment aidants avec leurs enfants, faire les devoirs, et tout le reste. Alors, bravo pour le travail quotidien de l'association.

Et, en passant, j'ai peut-être un autre commentaire et une question. Je vois le commentaire que vous avez soulevé pour les enfants avec les difficultés et les exigences d'une deuxième langue. Comme député depuis un certain temps, ça n'arrive pas souvent, mais parfois… il faut toujours chercher une exemption que… Quelqu'un qui a complété son diplôme de secondaire V, sauf le français secondaire V, est-ce qu'on veut vraiment, comme société, les empêcher d'aller au cégep? Non. Alors, il faut le baliser. Et je ne dis pas que c'est un bar ouvert, mais par contre le point que vous avez soulevé est très important, et je peux, juste dans mon comté, citer les cas où… Un enfant qui a essayé, essayé, essayé de nouveau d'obtenir le secondaire V, c'est quelqu'un qui avait peut-être de la misère à écrire dans sa langue maternelle aussi. Alors, je pense que les points que vous avez soulevés sur, je pense, 88.0.2 et 88.0.3 sont des points qui sont très importants et je pense qu'on invite tout le monde à regarder ça attentivement, parce que, dans les règles du jeu existantes, ce n'est pas toujours évident, et je pense qu'on a tout intérêt de ne pas empêcher quelqu'un qui a tous les autres critères pour aller au cégep et les empêcher… Il y a quelque chose qu'il faut faire, il y a de sensibiliser. Merci beaucoup de l'avoir soulevé.

Peut-être, ma question, m'expliquer… Vous n'êtes pas le premier témoin qui a fait cette distinction entre une minorité ethnique et une communauté culturelle. Moi, je ne suis pas avocat, alors peut-être d'expliquer davantage la nuance, ou la menace, ou toutes les questions que vous avez dites entre ces deux expressions. Pourquoi vous avez une nette préférence pour une formulation plutôt que l'autre?

Mme Shanks (Joyce) : Merci de votre question. C'est énorme. This is a very big issue. For the longest time — and I'm sorry, I'm just going to go back to my notes — for the longest time, back in 1976, Canada signed the UN pact… En français, c'est le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Canada est signataire depuis 1966, pas 1976. Et, en plus de ça, il y a la Charte des droits et libertés du Québec aussi, les communautés culturelles sont protégées…

Une voix : Ethnies, les ethnies.

Mme Shanks (Joyce) : …les ethnies sont protégées. Le nom des ethnies, communautés… Excusez. Les minorités, les minorités ethniques sont protégées. Quand on change le nom, il n'y a plus de protection, plus de protection dans le monde, moins de protection au Canada. Et en plus vous ouvrez une porte ici, parce que les Québécois sont une minorité aussi au Canada. Donc, quand vous changez le terme, vous avez déjà une discrimination, vous oubliez une grande partie de nos... You lose a huge part of this province. They don't have the opportunity to develop the way that they used to, they don't have the support, and they don't have the protection. And you're opening a door for other provinces and the country of Canada to say, «Oh, we don't protect minorities anymore.» And that's going to be a problem for Québec.

• (16 h 10) •

Mme Chamberland (Liette) : Si je pouvais ajouter, c'est qu'encore en vertu de la Charte des droits et libertés du Québec, à son article 10, tantôt j'ai énoncé une partie des droits qui sont garantis et l'origine ethnique ou nationale. Dans l'article 10, il n'y a aucune mention des communautés ethniques. Mais, à ce moment-ci, actuellement, nos minorités ethniques ont droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, mais, dès qu'on enlève ce nom-là puis qu'on le remplace par «communautés culturelles», ils viennent de perdre le droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou référence.

M. Kelley : Si je peux résumer, parce que je ne suis expert, mais… la notion de minorités ethniques va nous attacher à certaines protections qui existent dans la Charte des droits du Québec mais également dans certaines déclarations internationales, de l'ONU, et tout le reste. Alors, il y a un certain bagage qui vient avec l'expression «minorités ethniques» qu'on ne trouve pas avec l'expression «communautés culturelles», qui n'a pas la même résonance au niveau juridique, si j'ai bien compris.

Mme Chamberland (Liette) : C'est ça.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Il reste exactement deux minutes.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et, pour poursuivre sur cet aspect également qui... si le gouvernement le met dans son projet de loi n° 14, c'est sûrement parce qu'il y a une utilité, parce qu'on ne pourrait pas accuser le gouvernement de vouloir faire des modifications sans qu'il y ait des impacts tangibles. Donc, je pense que vous soulevez là, avec l'échange que vous avez eu avec le député de Jacques-Cartier, un élément important de réflexion. Il y a donc les accords internationaux, «minorités ethniques» étant le concept juridique et la réalité également des gens que nous voulons voir protégés, que nous voulons protéger, versus, on vous répondra, peut-être un jour on vous répondra… Un des éléments de la réponse qu'on vous donnera : C'est par concordance à d'autres lois, tout simplement, et que les droits sont également protégés. Par contre, je suis d'accord avec vous que cette modification-là peut ne pas être uniquement que de concordance et anodine, et c'est important de façon initiale, en amont, aujourd'hui, de se poser ces questions-là, parce qu'il y a des obligations internationales signées par le Canada qui ont été évidemment reconnues au Québec et qui font en sorte que, «communautés culturelles» versus «minorités ethniques», il pourrait bien y avoir des modifications de façon tangible et pas uniquement par concordance.

Et là aussi, également, où je partage votre questionnement : l'article 10 nous dit, nous enseigne, de la Charte des droits et libertés de la personne, qu'il n'y aura pas de discrimination au Québec basée sur le sexe, l'âge sauf dans la mesure prévue dans la loi — puis c'est le seul qui l'a — le groupe ethnique, l'appartenance à un groupe ethnique et la langue également. La langue est un des critères, un des aspects, un des éléments, une des réalités par lesquelles on ne peut pas discriminer.

Le gouvernement précédent avait, en introduisant un nouvel article 50.1 à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec...

Une voix : ...

M. Tanguay : 30 secondes? «Les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.» Donc, nous venions, si vous voulez, réaffirmer qu'au Québec, entre les hommes et les femmes, il y avait une égalité qui devait être tangible. Par l'article 50.1, nous venions réaffirmer ce principe-là. Et là ce que l'on fait, c'est que l'on vient prendre un élément de l'article 10 puis on vient dire : Bien, les distinctions se feront là-dessus.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup.

M. Tanguay : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Montarville, droit de parole pour vous.

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci. Pourrais-je savoir combien de temps…

La Présidente (Mme Vien) : Bien entendu. 4 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, mesdames, merci d'être ici. Merci d'avoir déposé ce mémoire, de vous être déplacées.

Il est important que vous sachiez d'entrée de jeu que, pour nous, au deuxième groupe d'opposition, il est important de protéger la langue française et de protéger aussi les droits de nos minorités. Il y a des choses dans votre mémoire qui nous interpellent. Entre autres, on est tout à fait d'accord avec vous en ce qui a trait aux enfants de militaires. Mon collègue de la première opposition en a parlé un peu.

J'aimerais savoir : Parmi votre regroupement, avez-vous des parents qui sont militaires et qui ont des enfants dans les écoles? Sur les bases, en connaissez-vous? Je me posais la question comme ça, à tout événement.

Mme Chamberland (Liette) : Juste comme ça, on ne pourrait pas vous dire. Il faudrait qu'on recherche.

Mme Roy (Montarville) : Parfait.

Mme Chamberland (Liette) : Mais je ne crois pas, mais je ne suis pas sûre.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Mme la ministre, lorsque questionnée par un de mes collègues du deuxième groupe d'opposition sur cet article, justement… Comme je vous dis, nous, nous ne voulons pas de cet article, nous voulons que les enfants de militaires puissent bénéficier de cette exemption-là. Nous avons dit à la ministre que les parents s'inquiétaient, les parents que nous avons rencontrés, à qui nous avons parlé, et la ministre nous a répondu en Chambre qu'il ne devait pas y avoir d'inquiétude. Je ne reprends pas exactement les mots, mais c'était... on pourrait sortir le script, mais vous ne sembliez pas inquiète plus qu'il ne faut à cet égard-là, pour ces gens-là.

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Que l'inquiétude était petite ou qu'elle était... enfin, que ce n'était pas une grande inquiétude. Mais je…

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Alors, pouvez-vous me redire le terme que vous avez employé?

La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre, allez-y.

Mme De Courcy : Bien, en fait, ce que je disais, c'est que, la période d'inscription étant somme toute terminée, les inscriptions pour septembre prochain, on ne pouvait pas avoir d'inquiétude, puisque la période d'inscription était terminée. C'est ce que je disais.

Mme Roy (Montarville) : Alors, voilà pour la précision.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Alors, en conclusion — puisque c'est très court — moi, j'aimerais savoir, à cet égard-là, si vous êtes inquiets pour ces parents, pour ces enfants si ce projet de loi est adopté tel quel, si cet article est adopté.

Mme Chamberland (Liette) : Je ne crois pas que la date d'inscription compte pour les parents. Il y a une date d'inscription que les parents se doivent de respecter, mais ce n'est pas parce qu'on a manqué la date d'inscription qu'on ne peut pas s'inscrire à une école, l'inscription à une école se fait à l'année longue. Ça, ça n'a pas d'impact sur la nervosité des parents.

Mais il y a toujours une nervosité des parents dès qu'on se fait retirer un droit, dès qu'il faut qu'on se batte pour nos enfants. Nous sommes la voix de nos enfants. Nos enfants ne peuvent pas venir puis… ils sont trop jeunes. Ils sont peut-être assez vieux pour jouer de la casserole, mais ils ne sont pas capables de venir s'exprimer. C'est des jeunes enfants, tous en bas du secondaire... bien c'est-à-dire secondaire en descendant. Ils n'ont pas la capacité et la maturité de venir s'exprimer, c'est encore nous qui avons le devoir et le droit à leur éducation.

Sur un côté, on nous donne un droit et un devoir et, sur l'autre, on va nous dire quoi faire. Puis des fois on va nous dire quoi faire, puis nous, on sait très bien que ce n'est pas la bonne chose, mais on est obligés de le faire. Puis c'est nous qui vont être responsables, mais ce n'est pas nécessairement ce qui est bon. Ce qui est bon pour un n'est pas toujours bon pour l'autre, et un soulier pour tout le monde, «one size fits all», ça ne marche pas, ça ne fitte pas.

Mme Margolese (Rickhey) : Et c'est pour ça qu'il y a à peu près 10 000 enfants qui viennent de... anglophones qui sont dans des écoles françaises, parce que les parents pensent que ça, c'est la meilleure chose pour leurs enfants. Et ça, c'est correct, c'est son choix. On vous dit que, tous les parents au Québec, il faut avoir ce choix-là. Et je ne pense pas qu'il va y avoir 10 000 enfants qui vont changer pour le système anglophone, je ne pense pas que ça va arriver.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, mesdames. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Ça complète, Mme la députée de Montarville? Merci infiniment, mesdames, de vous être déplacées aujourd'hui. Merci et bonne continuité.

On va suspendre quelques instants pour accueillir l'autre groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 22)

La Présidente (Mme Vien) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous sommes maintenant prêts pour l'audition d'un second groupe cet après-midi, il s'agit du Comité d'aide aux femmes sourdes de Québec. Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Je demanderais à l'une ou l'autre d'entre vous de vous présenter et de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent. Déjà, nous reconnaissons une collègue qui est à vos côtés. Alors, on vous écoute, madame.

Comité d'aide aux femmes
sourdes de Québec (CAFSQ)

Mme Rivard (France) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Bon, excusez-moi, mais d'abord j'aimerais vous mentionner qu'en étant sourdes, là, pour nous, les personnes sourdes, le regard est très important, ça fait partie de notre culture, alors la façon d'écouter aussi. Merci d'en prendre note. [Fin de l'interprétation]

Mme Paquin (Caroline) : Donc, bonjour à tous. Nous représentons le Comité d'aide aux femmes sourdes de Québec, donc un organisme autonome qui supporte les femmes sourdes dans toutes les sphères de leur vie, donc nous avons une approche conscientisante et féministe. Donc, je vous présente Mme France Rivard, qui est coordonnatrice au sein de notre organisation; Mme Maritza Côté, qui est une intervenante sourde. Moi-même, je suis Caroline Paquin, la directrice du Comité d'aide aux femmes sourdes. Et puis nous avons Mme Marguerite Blais qui nous appuie dans notre démarche et nous sommes très contentes de l'avoir avec nous aujourd'hui.

La Présidente (Mme Vien) : Alors, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, bien entendu. Alors, on vous écoute, madame, pour la présentation de votre mémoire.

Mme Paquin (Caroline) : Oui.

Mme Rivard (France) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Aujourd'hui, nous sommes venues en lien avec le projet de loi sur la Charte de la langue française. On est en accord avec la protection de la langue française, avec le projet de loi, mais, en tant que personnes sourdes, notre façon de s'exprimer, notre langue, c'est la LSQ, la langue des signes québécoise, qui est une vraie langue et qui est en lien avec sa culture aussi. C'est la langue qu'on utilise, c'est la LSQ, donc, québécoise, langue des signes québécoise. C'est sûr que notre identité est également québécoise, comme la vôtre.

En ce moment, au niveau mondial, il y a un mouvement de reconnaissance de la langue des signes. Bon, par exemple, il y a des recherches et des débats qui sont menés à l'intérieur du Canada, par exemple en Ontario, au Manitoba, en Alberta, et, à l'international, dans d'autres pays comme en Finlande, en Nouvelle-Zélande, en Catalogne, les langues des signes sont déjà reconnues à plusieurs endroits, dont ceux que je vous ai nommés. Il y a même aussi à l'intérieur de la convention des droits des personnes handicapées où on reconnaît la langue et la culture, mais au Québec ce n'est pas fait encore. Nous, on croit que c'est important de profiter de ce moment, de ces débats qui ont lieu pour parler de la reconnaissance de la LSQ. Alors, merci. [Fin de l'interprétation]

Mme Côté (Maritza) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Nous, on ne sait pas si, à ce moment-ci, la langue des signes devrait devenir officiellement une langue, ou être incluse dans la charte des langues un peu au même titre que les langues autochtones, ou obtenir un autre statut qui serait à définir, mais ce qu'on sait, c'est que nous voulons des actions concrètes. On a des rêves puis on sait qu'ils peuvent devenir réalité, on sait que c'est possible. On aimerait...

Bien, si je peux... Par exemple, un enseignant qui serait lui-même sourd, qui aurait la culture, la langue sourde pourrait devenir tellement un bon modèle, pour un enfant sourd, qu'il pourrait, à l'aide de ce modèle-là, développer une identité forte et solide puis ensuite prendre ses décisions dans sa vie plus tard, au fil du temps.

Un autre exemple qui serait possible, c'est, par exemple, à l'école en général. Un peu partout, là, les enseignants qui enseignent aux élèves ordinaires pourraient, même s'il y a un enfant sourd d'intégré dans une classe… ou qu'il n'y en ait pas, mais que la langue des signes soit enseignée, des mots de base à tous les enfants qui entendent, comme le mot«jouet», le mot «manger», etc. Alors, l'enfant sourd qu'on voit, qui est à part, qui est symbolisé par mon doigt tout seul, et ma main gauche qui vous montre tous les enfants qui entendent, si ce que je vous dis devenait réalité, on pourrait faire ce signe-là que je vous montre, qui veut dire «intégration», et améliorer la vie en société de ces enfants-là et de ces personnes sourdes. Alors, pour un enfant sourd, l'intégration, c'est bien, mais garder son identité et communiquer avec les personnes sourdes… avec les entendants, ça aussi, c'est primordial.

Alors, présentement, là, si je vous donne un autre exemple concret, on est à l'Assemblée nationale, les caméras nous filment. Elles me filment présentement, je parle en langue des signes, mais la caméra, aussi, peut passer sur les interprètes. Mais, lorsqu'il y aura des questions, quand les députés parleront, la caméra les filmera, et l'interprète ne sera pas complètement visible pour les personnes sourdes qui le voient de l'extérieur. Donc, en ce moment, les sourds peuvent manquer d'accès à ce qui se passe ici. Alors, ça, c'est un exemple concret du manque d'accessibilité.

Une personne sourde aussi ici, au Québec, qui demande des services gouvernementaux, municipaux devrait avoir tout de suite des accès en langue des signes à l'intérieur des services.

Ce qu'on demande, là, en final, c'est de créer une commission où on parlerait de l'éducation, de... — pardon, l'interprète s'est trompée — où est-ce que, dans la commission, il y aurait des personnes qui vivent en langue des signes, des personnes qui sont sourdes, des éducateurs, des personnes qui travaillent au gouvernement, qui aurait comme butde reconnaître la LSQ, et ce comité-là aurait comme mandat clair d'écrire un projet de loi qui soit déposé, qui modifierait la Charte de la langue française ou qui contienne un amendement au sujet de la LSQ et qui soit déposé au début de l'année 2014. Ça, c'est possible, parce que ça fait plusieurs, plusieurs années qu'on en parle. Maintenant, c'est le moment de passer de la parole aux gestes. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Est-ce que ça complète la présentation du mémoire? Oui? Merci beaucoup, mesdames. Alors, nous allons procéder à une période d'échange, qu'on entame tout de suite avec Mme la ministre.

• (16 h 30) •

Mme De Courcy : Alors, bien, bonjour. Bonjour, mesdames. Bonjour, Mme la députée. D'abord, vous dire que vous faites suite à d'autres personnes de la communauté sourde qui sont venues faire une présentation qui a touché une majorité des parlementaires ici par l'engagement des personnes qui se sont présentées et qui avaient des revendications très légitimes à cet égard. Alors, au nom de mes collègues parlementaires, j'aimerais vous dire combien j'ai apprécié cette présentation.

Maintenant, vous me permettrez, même si nous ne sommes pas dans la même formation politique, de souligner l'engagement de Marguerite Blais comme personne dans cette cause et dans plusieurs causes humanitaires. Marguerite, je me permets de le souligner.

En conséquence, à la suite de la présentation que nous avions eue, j'ai convenu avec mes collègues parlementaires du Parti québécois et ceux de la CAQ qu'une motion pourrait être présentée à l'Assemblée nationale. Nous travaillons à cette motion pour s'assurer que… Nous ne sommes, je dirais, pas nécessairement dans le projet de loi n° 14, on n'est pas nécessairement dans ça, on n'est pas nécessairement dans la charte, mais on est absolument dans donner un souffle à la reconnaissance de la LSQ, des oralistes aussi, de tous ceux qui oeuvrent autour d'une oeuvre de communication absolument nécessaire de ce qu'ils nous relient, c'est-à-dire communiquer ensemble, et de prévoir résolument des installations et ce qu'il faut. Maintenant, on travaille en accéléré, là, avec le ministère de l'Éducation, tel que je l'avais dit à mes collègues, le ministère de l'Éducation, pour s'assurer, là, qu'on fait bien les choses, et puis, bien, vous aurez des nouvelles sous peu. Notre intention, c'est de ne pas laisser traîner cette motion-là et aussi de ne pas essayer d'entrer une reconnaissance de la langue des signes ou d'autres possibilités nécessairement dans la charte, pour qui ce serait peut-être un peu étrange de l'insérer là, mais la façon de reconnaître cette façon-là de communiquer qui est votre langue peut très bien se faire, là, pas nécessairement par le procédé qui est actuellement à l'étude.

Alors, quoi vous dire de plus que, pour ma part, l'importance de la communication à tous égards fait en sorte que je suis extrêmement sensible à cette question-là. Marguerite le sait, je sais que la députée de Verdun est une alliée très sûre dans ce dossier-là. Et j'ose impliquer ma collègue la députée de Montarville autour de cette question-là, puisque nous en avions vraiment convenu.

Alors, mesdames, ce sera avec un réel plaisir, je suis certaine, par la députée de Verdun que nous... Saint-Henri — à chaque fois je dis «Verdun» — la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, que nous pourrons vous inviter à nouveau pour, cette fois-là, assister à une vraie motion à l'Assemblée nationale. Je vous remercie donc d'être venues, par mauvais temps quand même, hein, par mauvais temps. Il n'y a rien pour empêcher de faire valoir cette cause-là, je le sais. Alors, vraiment un profond merci d'avoir été présentes. Je n'ai pas d'autre question.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre, en se rappelant respectueusement que nous devons nous appeler et nous interpeller par le titre tout simplement. Mais on ne vous en tiendra pas rigueur.

Du côté ministériel, d'autres questions? M. le député de Saint-Hyacinthe, s'il vous plaît.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue les gens de l'opposition officielle, les gens de la deuxième opposition. Je vous salue, mesdames. Je tiens à souligner... à vous féliciter et vous remercier pour la qualité du mémoire que vous avez présenté.

Vous savez, quand j'étais dans l'opposition, j'étais le porte-parole pour les personnes handicapées, et je suis très, très sensibilisé, et je continue de travailler dans ma circonscription et au niveau du caucus pour sensibiliser davantage mes collègues aux personnes… à ce que vivent les personnes handicapées, parce qu'on a une politique d'intégration pour les personnes handicapées dans nos milieux de vie, dans nos communautés, et je pense que c'est important que cette politique-là, qu'on appelle la politique À part entière, soit, on peut dire, le phare des personnes qui ont une déficience. Et je pense que vous êtes les exemples parfaits de gens qui s'occupent, vous vous êtes occupées, vous vous occupez, et je pense que ça, c'est important.

J'aurais une question quand même pour juste un petit peu alimenter la conversation puis en même temps m'alimenter afin que je puisse mieux comprendre l'environnement dans lequel évoluent les élèves, les jeunes enfants sourds. Pourriez-vous m'en dire davantage sur l'offre de services qui existe dans les écoles du Québec pour les personnes...

Mme Paquin (Caroline) : Bien, pour être honnête, malheureusement, nous, on travaille avec un organisme communautaire, donc nous soutenons les femmes principalement. Je vais vous avouer que je ne connais pas nécessairement les écoles en profondeur, là.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Ah! O.K., O.K. Merci. Bien, à ce moment...

Mme Paquin (Caroline) : Je peux laisser madame… notre alliée en discuter.

La Présidente (Mme Vien) : Oui, Mme la députée.

Mme Blais : Si vous le permettez, je pourrais peut-être dire que les sourds gestuels se reconnaissent par leur langue et leur culture, au détriment de leur handicap. Et ça, c'est important de le dire, parce que c'est très différent que certaines personnes qui sont devenues sourdes après avoir entendu. Et les sourds, notamment, demandent à ce que l'éducation pour les personnes sourdes profondes et gestuelles se fasse sur le mode du bilinguisme, et on parle de bilinguisme LSQ-français écrit, pour permettre aux enfants sourds qui n'ont pas la possibilité d'apprendre à parler de pouvoir apprendre à lire et à écrire, pour être en mesure de faire des études supérieures. Et ça, c'est fondamental, et on pourrait développer une offre de services un peu plus large, un peu plus grande et reconnaître ça. Quand madame a parlé de professeurs sourds, ça fait en sorte qu'il y a des modèles, et ces modèles sourds permettent aux jeunes d'avoir un sentiment aussi de pouvoir accomplir quelque chose dans la vie. Et je pense que c'est important aussi qu'il y ait ces modèles sourds pour notre jeunesse.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Côté ou Mme Rivard, pour un complément d'information… ou si ça… C'est complet pour cette question? M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Est-ce qu'il existe quand même dans certaines institutions scolaires… Est-ce qu'il existe une approche, comme vous disiez tantôt, pour ces personnes, les jeunes, les jeunes et les adultes aussi qui veulent se perfectionner ou qui veulent apprendre le langage? Est-ce qu'il existe des approches dans nos institutions, l'éducation des adultes, l'éducation à tous les niveaux?

La Présidente (Mme Vien) : Oui, Mme Paquin.

Mme Paquin (Caroline) : Je sais que, dans la région de Montréal, il y a des institutions qui sont quand même... bien, qu'il y a une insertion, là, qui est faite et une certaine forme de bilinguisme, mais je vous dirais que c'est quand même très, très restreint, là, c'est minime, là.

Une voix : Lucien-Pagé.

Mme Paquin (Caroline) : Oui, Lucien-Pagé, entre autres.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : Vous avez une question?

M. Roy : Oui, une question : En proportion, chez toutes les personnes qui ont des problèmes de surdité, combien de personnes maîtrisent la langue des sourds du Québec? Puis quelles sont les autres stratégies pour communiquer chez les autres personnes?

Mme Côté (Maritza) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] On n'en a aucune idée, il manque de recherche à ce niveau-là. [Fin de l'interprétation]

Mme Rivard (France) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Moi-même, je n'ai pas de chiffres. On ne tient pas la comptabilité de ça nulle part. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. le député de Bonaventure. Du côté ministériel?

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : …une autre question. Merci, Mme la Présidente. Vous avez proposé dans votre exposé la création d'un comité de travail pour modifier la Charte de la langue française, pour y inclure le statut de la LSQ. Comment ce statut pourrait s'inscrire dans la Charte de la langue française? Avez-vous des pistes, des solutions que vous pourriez amener, là, puis nous suggérer?

Mme Rivard (France) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Bien, c'est une bonne question, mais, comme on dit, c'est de créer un comité qui pourra y répondre. Il y a une bonne réflexion à y avoir, mais c'est par un comité qu'on pourrait avoir cette réflexion-là puis répondre à cette question-là. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Vien) : Mme Paquin.

Mme Paquin (Caroline) : Je pourrais rajouter en complément que c'est le but ultime de notre démarche aujourd'hui, c'est la création de ce comité. Nous croyons fermement que le débat n'est pas encore clarifié au niveau de quel statut que les personnes sourdes veulent réellement. Est-ce qu'elles veulent un amendement? Est-ce qu'elles veulent un statut particulier? Je crois qu'on ne le sait pas encore. Donc, c'est pour ça qu'on voulait vraiment qu'un comité de travail soit formé, autant de la communauté sourde que du gouvernement, du milieu de l'éducation, pour que tout le monde ensemble puisse discuter adéquatement, là, de ce sujet-là. Je crois qu'il reste encore beaucoup à faire, là.

La Présidente (Mme Vien) : Madame…

Une voix :

La Présidente (Mme Vien) : Bien entendu. Il vous reste encore 8 min 30 s.

• (16 h 40) •

Mme De Courcy : Sans vouloir occuper toutes les huit minutes, vous dire que je trouve votre idée de comité de travail intéressante, tout à fait, et nécessaire, mais je pense qu'il faut qu'il y ait des gestes de posés. Et souvent, dans le projet de loi n° 14… Bien, souvent… On va constater dans le projet de loi n° 14 le rôle d'exemplarité de l'État, rôle d'exemplarité de l'État. J'en ai souvent fait référence, c'est important, pour notre part, que l'administration publique soit le plus impeccable possible, tant au sujet de la langue. Et, dans ce contexte-là, je pense sincèrement que l'État peut faire avancer cette cause par un exemple à donner et au premier chef par l'Assemblée nationale, premier chef par l'Assemblée nationale.

Alors, je suis certaine, je le répète, que la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne est un appui très précieux pour faire avancer cette cause. Quant au comité de travail, je considère qu'il est nécessaire et qu'il devrait être au-dessus de tout intérêt partisan et nous permettre de faire avancer une cause très importante pour les personnes sourdes. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Un élément de réponse, Mmes Paquin, Rivard ou Côté? Ça va comme ça?

Une voix :

La Présidente (Mme Vien) : Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Blais : Bien, je trouve très sage ce que la ministre vient de dire. On pourrait très bien commencer par... On l'a fait pendant trois ans consécutifs pour une période de quatre jours, à l'Assemblée nationale, pour souligner la Journée mondiale des sourds, où la période de questions était interprétée en LSQ. L'Assemblée nationale pourrait poser un geste significatif qui ferait en sorte que la période de questions serait à la fois interprétée en LSQ et sous-titrée pour les personnes qui sont malentendantes. Ce serait un premier pas.

Le deuxième pas, il pourrait y avoir ce comité qui ferait en sorte… Quels sont les coûts rattachés à une éducation bilingue plus largement déployée qu'à l'école secondaire Lucien-Pagé ou à l'école primaire Gadbois? Vous connaissez ça, Mme la ministre. Et il faut dire aussi qu'à l'Université du Québec à Montréal il y a le certificat en interprétation, qui fait en sorte qu'aujourd'hui nous avons des interprètes formés. Donc, ce comité pourrait se pencher plus largement pour faire un deuxième pas via tout le système de l'éducation avant d'inclure, comme vous l'avez dit si sagement, la reconnaissance, immédiatement, de la LSQ dans la charte.

La Présidente (Mme Vien) : Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Ça complète de ce côté-ci. Je vais aller du côté de l'opposition officielle pour un bloc de 18 min 30 s.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais également souligner le travailremarquable que vous avez fait pour rédiger votre mémoire et vous remercier pour votre temps, le temps que vous prenez cet après-midi pour venir nous expliquer quelle est la réalité des femmes sourdes au Québec, quels sont vos défis. Et, en ce sens-là, évidemment, je joins ma voix à la ministre et je salue l'apport qu'apporte également aujourd'hui la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Et, comme l'a bien souligné Mme la ministre, l'importance est d'abord, je crois, de reconnaître, justement, l'impact de la diffusion de la LSQ, de la langue des sourds du Québec, de faire en sorte qu'elle soit enseignée, qu'elle soit accessible et que les services puissent être accessibles. Et ça, je pense que tous les partis représentés à l'Assemblée nationale reconnaissent cette importance-là, également que la façon d'atteindre l'objectif ne requiert pas nécessairement un amendement à la Charte de la langue française, mais plutôt, dans un cadre législatif ou autres, faire en sorte que cette reconnaissance-là existe et que, par la suite, il découle des mesures très, très, très tangibles. Et, à cet effet-là, une mesure qui a été initiée par la ministre, à laquelle la CAQ joindra sa voix, j'en suis persuadé, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne aura l'occasion également de se joindre à la motion, qui, dans un délai très court, permettra aux parlementaires du Québec de faire en sorte que cette motion puisse unanimement être adoptée.

Ceci dit, j'aimerais permettre... faire un pas en arrière, parce qu'on arrive déjà à la réalisation de ces objectifs-là par des petits pas, mais des pas tangibles et très concrets, mais j'aimerais revenir sur votre message, qui est très important aujourd'hui. Et je m'adresse, entre autres, à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour lui donner l'occasion... et n'hésitez pas si vous voulez également ajouter, mais lui donner l'occasion de clairement dire aux Québécoises et Québécois qui nous écoutent aujourd'hui toute l'importance dans la vie non seulement des femmes sourdes, mais des personnes sourdes au Québec, toute l'importance qu'a la connaissance de la LSQ, l'accessibilité de la LSQ et l'impact très tangible que ça a dans la vie de tous les jours des personnes sourdes au Québec. Alors, j'aimerais entendre, entre autres, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne sur cet impact-là qu'a la LSQ dans la vie des gens.

La Présidente (Mme Vien) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Blais : On pense à tort que les sourds... que c'est une langue universelle. Il y a plus de 150 langues répertoriées à travers le monde. Et c'est la Suède, le premier pays qui a reconnu la langue des signes de Suède comme étant une langue officielle, et qui fait en sorte que, si vous êtes un entendant et que vous voulez passer un examen, votre thèse doctorale en langue des signes de Suède, vous pouvez le faire.

On pense que la langue des signes québécoise est la langue uniquement des personnes sourdes. Or, imaginez-vous que vous êtes un entendant et que vous êtes né de parents sourds. Votre langue maternelle est effectivement, si vous êtes d'origine francophone, au Québec, la langue des signes québécoise… ou si vous êtes interprète, vous travaillez et vous signez une très grande partie de votre journée, parce que ça fait partie aussi de votre vie, et il y a plusieurs de ces interprètes qui sont issus de parents sourds. Donc, ce n'est pas une langue qui touche uniquement les personnes sourdes. Et il y a aussi des entendants qui sont extrêmement curieux de cette langue qui est visuelle, qui est touchante, attachante, qui suivent des cours. Et je citerai Judi Richards, qui a des interprètes pendant qu'elle chante en spectacle et qui signe très bien la LSQ.

Donc, je disais tout à l'heure que les sourds ne se sentent... n'étaient pas handicapés, mais c'est quand même un handicap invisible, et on ne voit pas nos sourds nulle part. On ne les voit pas à l'Assemblée nationale, on les voit rarement dans les milieux de travail, et ils ont besoin aujourd'hui, en 2013, de se sentir partie prenante de la société québécoise. Si nous, les entendants, on se retrouve avec des sourds et qu'on ne connaît pas la LSQ, par exemple, nous sommes les personnes en situation de handicap, parce que la seule chose, la seule différence entre les sourds et nous, c'est une question de langue. Quand moi, je me retrouve avec des Chinois, si je ne parle pas le mandarin, je suis vraiment mal prise, et c'est la même chose pour les entendants quand ils se retrouvent avec les sourds. Mais les sourds ont une culture. Ils font du théâtre, de la poésie, ils ont des journaux silencieux, ils ont une histoire. Il y a même une université, à Gallaudet à Washington, l'Université Gallaudet, où les sourds peuvent se rendre jusqu'au doctorat dans toutes sortes de matières. Donc, je crois qu'au Québec nous sommes rendus à un point qui va permettre de faire en sorte qu'un jour la langue des signes québécoise sera reconnue à part entière comme étant la langue des sourds francophones du Québec.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, madame…

Mme Blais : Mon cri du coeur.

La Présidente (Mme Vien) : Oui. M. le député, d'autres questions du côté… Mme la députée de Montarville, c'est maintenant votre tour.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Bien, je serai brève, mais d'abord merci, merci beaucoup de vous être déplacées, merci pour votre mémoire. C'est touchant, et vous êtes une inspiration. J'ai dit la même chose de vos collègues masculins la semaine dernière. Vous êtes impressionnantes.

Et j'aurais une petite question très quantitative : Est-ce que je pourrais savoir quel est le pourcentage de la population qui souffre de surdité?

Mme Paquin (Caroline) : Au niveau de la surdité, on dit environ 10 %.

Mme Roy (Montarville) : Et petite question sous-jacente. On parle de bilinguisme, la langue des signes du Québec, la LSQ, et le français. Dans quelle proportion — je ne sais pas si on a des estimés — un enfant qui pourrait avoir l'éducation bilingue dans ces deux langues pourrait-il accéder ou espère-t-on qu'il accède aux études supérieures? Quelle est la proportion de jeunes qui accèdent aux études supérieures qui ont cet outil-là, ce bilinguisme-là?

Mme Paquin (Caroline) : Je vous dirais que je n'ai pas de quantitatif, mais nous, dans nos expériences de vie, on rencontre beaucoup de jeunes femmes qui comme, par exemple, ces deux femmes-là ici ont grandi dans l'oral, donc ont été forcées à apprendre à parler avec leur voix, et puis à l'adolescence, souvent, elles vont changer de cap. Pour continuer leurs études postsecondaires, elles n'ont pas le choix de revenir aux signes, parce qu'elles ne sont pas capables de suivre les professeurs, les travaux d'équipe, les cours. Donc, elles sont obligées de faire une communication… un vrai bilinguisme, finalement, le français avec les signes, donc une expérience, là, qu'on a constatée.

Mme Roy (Montarville) : Parfait. Bien, je vous remercie beaucoup. Oui. Oui, allez-y.

• (16 h 50) •

Mme Côté (Maritza) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Si je peux ajouter, parler de mon expérience, moi, j'ai grandi avec l'oralisme comme méthode de communication jusqu'à l'adolescence, puis quand ensuite, là, j'ai connu la langue des signes, là je me sentais vraiment mieux, je me sentais plus épanouie. Pour apprendre au moyen de l'oralisme, ça prend une concentration incroyable. De lire sur les lèvres, ce n'est aucunement naturel. Ça prend tellement d'énergie! C'est comme vous autres, là, vous parlez, c'est tout à fait naturel, vous avez vos deux oreilles, vous faites ça sans effort, mais nous, là, apprendre… Je ne sais pas, moi. Si vous appreniez dans une langue étrangère, comme une langue qui se parle en Chine ou ailleurs, vous seriez épuisés. Bien, pour nous, c'est un peu comme ça, on essaie d'apprendre des choses nouvelles et en plus d'essayer de comprendre ce qui se dit. C'est trop difficile. Puis, quand on va vers la langue des signes, la LSQ, là on conserve notre énergie pour faire autre chose. C'est notre langue qui est tout à fait naturelle puis à laquelle on a accès. Pour moi, c'est ce que j'ai vécu, c'est mon expérience. [Fin de l'interprétation]

Mme Rivard (France) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Si je peux faire du pouce là-dessus, là, c'est qu'au niveau de l'oralisme, là, on passe beaucoup, beaucoup de temps à essayer de comprendre ce qui se dit puis on n'a plus d'énergie pour apprendre, exemple, les matières comme le français, les mathématiques. Si on m'explique le français et les mathématiques en langue des signes, je comprends au moins ce qui se dit, je comprends du premier coup, puis après ça je peux étudier, je peux garder mon énergie. Quand c'est fait juste avec la lecture labiale, la lecture sur les lèvres de façon... avec la méthode oraliste, là, j'ai toute l'énergie à déployer pour comprendre ce qui se dit. Ça fait que c'est complètement l'opposé, là. Quand c'est en langue des signes, je comprends tout, puis après ça j'ai ce qu'il faut pour étudier. [Fin de l'interprétation]

Mme Côté (Maritza) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] J'ai aussi vu, j'ai été témoin de plusieurs personnes, femmes ou hommes, qui sont immigrants puis qui ne connaissent rien dans la langue, qui, à 30 ans, ont commencé à apprendre la langue des signes, qui sont des personnes immigrantes qui ont une surdité, puis ils voient tout de suite, là, qu'ils sont capables de communiquer rapidement avec la langue des signes, puis ça leur permet de sentir une identité en eux puis une fierté. Puis je les vois s'épanouir tellement, ces personnes-là, qui deviennent beaucoup plus heureuses à cause d'une langue, de cette langue-là. [Fin de l'interprétation]

Mme Roy (Montarville) : Merci. Je sais que j'ai très peu de temps. Merci de nous avoir partagé votre réalité et, justement, des contraintes que vous avez à vivre que, pour nous, bien on ne les voit pas, ces contraintes-là. Alors, merci infiniment de votre temps.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la députée de Montarville. Merci, mesdames, de vous être déplacées cet après-midi, c'est très apprécié. Merci, chère collègue, d'avoir assisté ces dames avec beaucoup d'attention.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

(Reprise à 16 h 55)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous sommes prêts à reprendre nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir Mme Teresa Peñafiel — j'espère que je prononce bien votre nom. Vous êtes de l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Alors, vous jouissez de 10 minutes pour nous livrer l'essentiel de votre mémoire, chère madame, après quoi il y aura un échange avec les parlementaires.

Association multiethnique pour l'intégration
des personnes handicapées (AMEIPH)

Mme Peñafiel (Teresa) : Merci beaucoup de l'accueil que vous nous faites. Ce n'est pas la première fois que l'association multiethnique se présente en commission parlementaire pour des sujets qui concernent effectivement une partie que nous appelons la… une minorité invisible de la population québécoise.

D'abord, je vais faire un petit portrait de l'association. C'est un organisme qui existe déjà depuis 1981 et qui, dans ses années de travail, a tenue forte la représentation des personnes pour lesquelles et avec lesquelles elle travaille. Nous sommes un organisme qui a un soutien financier qui vient de l'agence de la santé et services sociaux et de Centraide, et notre lien financier avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles est justement dans l'aspect francisation. Je vais revenir là-dessus un peu plus tard.

Pour l'association multiethnique, le français, c'est le moyen de collaborer, d'accomplir sa mission. Sa mission est d'améliorer les conditions de vie et faciliter l'intégration des personnes handicapées des communautés culturelles. Donc, le français est le moyen qu'elle utilise, et ça, dans de multiples formes, comme ce sont les services directs, les réunionssociales, les séances d'information puis bien d'autres activités comme des réunions sociales. Et pourquoi on tient tellement à participer à cette commission parlementaire, c'est justement parce que le français, c'est le moyen d'intégrer les personnes, qui vivent très difficilement ce processus d'intégration, entre autres, à cause de la barrière linguistique.

Malheureusement pour les personnes handicapées des communautés culturelles, l'accès à la langue française est un peu difficile quand on a, par exemple, une limitation sensorielle, soit visuelle, auditive, comme nous avons vu avec les personnes sourdes, mais il y a eu des progrès en ce sens-là. Même chose au début de l'association : les centres de formation pour les personnes immigrantes, les COFI, n'étaient même pas accessibles pour les personnes avec une limitation physique. Alors, les conditions se sont améliorées, mais reste une partie des personnes handicapées qui n'ont pas de services adaptés, ce sont les personnes adultes avec une déficience intellectuelle. Ceux qui arrivent avant l'âge de 18 ans peuvent être scolarisés; ceux qui arrivent après, ils n'ont pas accès à ces services-là, et donc ils sont complètement coupés de toute forme d'accès à la langue et donc d'intégration. Nous croyons que le Québec, sans tendre la main à ces personnes-là, se prive de main-d'oeuvre, parce que ce sont des personnes qui parfois sont bien qualifiées. Et, même si elles ne le sont pas, le Québec peut faire en sorte pour qu'elles se qualifient pour un travail, qui peut être très valorisant pour la personne et qui peut apporter à la société dans laquelle ils veulent vivre.

• (17 heures) •

Le pourcentage des personnes qui ne participent pas, parmi les personnes handicapées des communautés culturelles, est assez important, malheureusement, à cause de ces barrières-là. L'association multiethnique a essayé de présenter dans ces brèves pages les points qui, pour nous, sont importants à retenir, et je vous amènerai… Par exemple, quand vous parlez de mesures raisonnables d'accueil et d'intégration à la vie québécoise, pourquoi on demande que ce soit explicite, la mention, c'est parce que, dans les années précédentes, sans cette mention-là, à chaque fois qu'il y a un changement, à chaque fois que nous devons parler des personnes handicapées des communautés culturelles, il y a la même chose : il n'y a pas une protection automatique. Donc, pour nous, que la représentation soit spécifique, ça ouvre la porte à bien des avantages et à l'obtention de beaucoup de changements pour nos personnes.

Et, les besoins d'adaptation, si je vous réfère dans le texte à la politique À part entière, le gouvernement est tenu de suivre la politique À part entière, qui mentionne les personnes handicapées des communautés culturelles à plusieurs reprises justement parce que c'est nécessaire de les mentionner. Et, en ce sens-là, pourquoi on les appelle une minorité invisible, c'est, entre autres, parce qu'il n'y a pas de statistiques nulle part, il n'y a pas de statistiques en partant, parce que le gouvernement fédéral ne les inclut pas, au moment de l'arrivée, avec une petite étiquette qui dit qu'il y a un handicap. De ce fait-là, quand la personne arrive au Québec, il n'y a aucun moyen de l'accompagner, de faciliter le cheminement de la personne qui a une limitation vers les services qui lui sont nécessaires. Ainsi, la personne peut perdre des années avant d'être suivie, et accompagnée, et outillée pour son intégration. Les statistiques, c'est quelque chose que nous demandons depuis longtemps, sans avoir obtenu gain de cause à aucun moment ou espace. Donc, pour nous, cet aspect est très important, comme je disais.

J'essaie de faire vite. Une chose que, pour nous, c'est très important, c'est quand vous parlez du continuum de services. Il existe déjà un précédent — et Mme De Courcy le connaît très bien — dans l'entente entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Services sociaux et de la Santé pour les enfants handicapés qui sont en âge de scolarisation. Une même sorte de travail pourrait permettre d'arrimer les services sociaux et de santé qui sont essentiels à ces personnes-là pour améliorer leur francisation et donc leur intégration.

Et j'ajoute qu'une place doit être faite aux organismes de francisation. Les organismes de francisation connaissent les besoins, connaissent bien leur clientèle, savent comment aller de l'avant avec des programmes qui sont pas mal plus diversifiés que ceux qui ont été conçus, parce qu'avec une population diversifiée, avec des problématiques très diversifiées, on ne peut pas tout simplement donner un bloc académique. Et ça, c'est une des richesses de la francisation offerte par l'Association multiethnique. On allie à un cours qui se veut académique, pour les personnes avec une déficience intellectuelle, des ateliers d'expression artistique. On double ainsi le temps de francisation. Ces personnes-là qui ont une déficience intellectuelle ont de rares occasions de parler français chez eux, donc, si on les laisse avec six heures de français par semaine, ils n'iront nulle part. Pour nous, c'est très important de conserver ce programme Je découvre pour les personnes adultes avec une déficience intellectuelle, et c'est une de nos craintes de le voir disparaître par manque de financement. Le ministère de l'Immigration finance exclusivement les heures données de cours. En ce moment, là, notre enseignante est une personne à la retraite. Donc, elle accepte d'être payée pour les heures données, mais, le moment où elle partira de chez nous, que c'est probablement dans peu de temps, embaucher une autre personne pour offrir… Quatre fois trois, c'est 12 heures-semaine de cours. Sans payer des heures de préparation, que, pour le type de clientèle, c'est une préparation assez ardue, ça va être impossible avec un budget serré comme ça. Alors, ça, c'est une de nos inquiétudes.

J'aimerais rejoindre un peu les présentations précédentes quant au soutien pour les enfants et aux parents. Les parents des communautés culturelles, on sait qu'ils ont de la difficulté à soutenir leurs enfants. Et je vais vous donner un exemple d'une famille anglophone dont l'enfant a été scolarisé en français. La famille a très bien accepté ça, mais la langue de communication avec les parents s'était établie à travers l'anglais, et l'enseignante fonctionnait comme ça avec les parents, mais la direction de l'école a connu cet échange, des courriels et des conversations en anglais, et a interdit à l'enseignante de communiquer en anglais avec les parents. Le seul perdant, dans cette situation-là, a été l'enfant, parce que l'école a besoin de communiquer avec les parents, et un parent qui ne sent pas accueilli va se retirer, et donc l'enfant va être encore perdant.

Et je reviens à l'importance pour les personnes sourdes aussi, des personnes qui n'ont jamais connu la langue des signes, qui parlent une autre langue des signes et qui sont accueillies ici… Mais il y a un point sur lequel je veux marteler, c'est que les services de francisation pour les personnes sourdes ne sont pas nécessairement bien promus dans les services d'accueil.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, madame, pour votre présentation. Le temps vous étant dévolu est maintenant écoulé. Nous allons entreprendre un échange entre vous et les parlementaires, d'abord avec Mme la ministre.

Mme De Courcy : Bien, bonjour, madame. Beaucoup de courage pour venir nous voir aujourd'hui, alors merci. Mes salutations à Mme Soave, qui est une femme remarquable, et vous aussi, qui la soutenez très bien. J'ai connu l'association par mon travail dans une ancienne vie et je sais toute l'énergie que vous menez pour faire reconnaître, justement, ces besoins-là en francisation. Je suis certaine que nous avons beaucoup à faire ensemble. Et sachez que ça va trouver écho au ministère de l'Immigration, bien entendu.

Mais votre message va au-delà du besoin de l'association. Et, de ce que vous avez vu des personnes handicapées, manifestement il y a une reconnaissance plus explicite. Et nous avons assisté, au cours des derniers tours de la commission parlementaire, à des personnes qui profitent aussi de l'ouverture de la charte et du projet de loi n° 14 pour obtenir une reconnaissance de particularités sur le plan linguistique, et ce n'est absolument pas mauvais. Au contraire, ça nous permet justement de voir toute la nuance à laquelle nous arrivons maintenant, 35 ans plus tard après la loi 101. Alors, les choses se sont raffinées, et des besoins nouveaux aussi apparaissent. Alors, sachez que ça trouve écho dans la formation que je représente et au ministère que je dirige.

Vous faire un raccord aussi. Vous avez parlé de la déficience intellectuelle, et, à cet égard-là, nous savons toute la difficulté. Vous serez sûrement d'accord avec moi que, si j'extrapole, les aînés fragilisés qui sont d'autres origines, et qui étaient là bien avant la loi 101, et qui, eux, n'ont pas appris le français, ont travaillé toute leur vie au Québec en anglais, ont, au moment de la vieillesse, des handicaps sérieux, et on doit leur porter, à mon avis, une attention toute particulière, notamment pour qu'ils puissent bien se mouvoir — c'est le cas de le dire — dans le réseau de la santé, entre autres, réseau de la santé et réseau d'hébergement aussi.

Alors, sachez donc que je vais tenir en compte de façon toute particulière votre présentation d'aujourd'hui. Et puis le ministère de l'Immigration, par la voie des administrateurs, va vous recontacter, au niveau de l'association, pour s'assurer que vous ne soyez pas inquiets indûment autour des services de francisation.

Mme Peñafiel (Teresa) : Je vous remercie, Mme De Courcy. J'aimerais ajouter à ce que vous venez de dire, vous me tendez une perche : Les personnes handicapées des communautés culturelles n'ont pas été nécessairement admises comme immigrantes. Elles l'ont été comme conséquence d'accidents de travail, accidents de la route, vieillissement… ou ce sont des enfants nés ici de parents immigrants. Et, à ce niveau-là, la CSST et l'Association multiethnique ont eu une longue période dans laquelle nous avons offert des cours de français à des accidentés de travail. Malheureusement, la commission, la CSST, a donné fin à cette entente-là, et c'est avec regret de notre part, parce que c'est justement des personnes arrivées à l'âge adulte, qui ont travaillé dans des milieux comme le milieu de la construction, entre autres, et qui n'avaient pas eu l'occasion d'apprendre le français.

Mme De Courcy : ...madame. Bien, merci beaucoup. Nous nous entendons très bien autour de ces questions-là. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. M. le député de Bonaventure.

• (17 h 10) •

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations, madame. Je vous trouve très courageuse et très dévouée.

Mme Peñafiel (Teresa) : D'avoir pris l'autobus?

M. Roy : Oui. Surtout de vous retourner en autobus.

En tant qu'organisme communautaire actif sur le terrain, j'aimerais vous entendre sur l'adaptation des cours de français aux personnes immigrantes ayant des handicaps puis j'aimerais savoir ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien.

Mme Peñafiel (Teresa) : Bien, comme je vous ai déjà dit, l'association, elle a créé un programme pour les adultes parce que ça n'existe pas, et au fil des ans on a vu que c'était impossible de pouvoir faire rentrer les caractéristiques de ces personnes dans le cadre d'un cours de francisation comme ça se donne au ministère. Alors, je peux vous en parler, de ça en particulier. Et il s'agit d'avoir adapté tout un programme, parce que ces personnes-là ne peuvent pas suivre un programme pour adultes et ne sont pas non plus des enfants pour être suivis dans un programme conçu pour apprendre une langue à un enfant. Donc, l'association a bâti de A à Z tout le contenu de cette formation, qui est offerte sans limite de temps, parce qu'une personne qui a une limitation intellectuelle va très lentement, et, quand elle commence à entrer à un âge, elle commence à perdre les acquis.

Donc, l'association a créé ce cours-là, qui s'offre deux matins par semaine à deux groupes différents, donc on a les plus faibles et ceux qui sont moyens. Mais on a voulu renforcer ces heures académiques avec les ateliers d'expression artistique, et là on se retrouve avec un groupe beaucoup plus ouvert, beaucoup plus axé sur la sociabilité, qui fait grand défaut à ces personnes-là qui ont vécu la plupart du temps assez isolées, qui se retrouvent à mieux se connaître.

Je vais vous donner le nom au complet de ce programme, qui s'appelle Je découvre ma nouvelle langue, mon nouveau pays, moi-même, et ça représente exactement ce qu'est ce programme. C'est la langue qui permet d'accéder à la société québécoise et d'accéder à la personne elle-même. Les familles de ces personnes-là connaissent pour la première fois les capacités et les habilités des personnes qui ont été considérées, à l'intérieur de la cellule familiale, comme quelqu'un qui n'avait pas de possibilité dans la vie. Alors, ça, ce sont les grandes lignes. Le fait que ces gens-là puissent interagir avec d'autres groupes… Ils vont au musée, ils vont au Biodôme, ils participent à nos activités sociales, ils apprennent à manipuler l'argent. Et ils sont reconnus, parce qu'entre autres les tableaux qu'ils font, qui sont des peintures naïves mais dans le plus beau de cette expression — et Mme de Courcy sait de quoi je parle — ces peintures-là sont exposées et sont achetées. Et les familles, au départ, ne peuvent pas croire que quelqu'un puisse s'intéresser à ça, et là ils commencent à valoriser la personne pour ce qu'elle est.

Je pourrais vous en parler longuement, des succès, mais je pourrais aussi vous parler des déceptions, parfois, et des difficultés de ces gens. Et, je veux vous mentionner, on vient de perdre deux de nos participants, qui ont été déportés parce que les familles n'ont pas été reconnues comme réfugiés. Alors, ça, c'est une autre partie de la chose, mais ça fait mal.

M. Roy : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Je souligne votre courage d'être ici aujourd'hui et de présenter… C'est un mémoire qui est intéressant. Et, comme de raison, comme je disais tantôt pour le groupe qui était là avant, j'ai eu l'occasion quand même de rencontrer l'association il y a quelques années, lors d'un souper-bénéfice à Montréal, et j'avais rencontré la présidente, et c'est une femme qui est super active, bien active, puis qui a été reconnue même au niveau de l'Italie pour des prix intéressants.

Et, comme de raison, vous mentionnez… Ce que j'aime dans votre affirmation, c'est que vous dites que… selon laquelle l'adaptation des mesures de francisation est importante pour l'intégration à part entière des immigrants ayant une limitation. La société québécoise est une société démocratique ayant à coeur la dignité humaine et l'égalité des personnes. Ça, je pense, c'est quand même bien souligné.

Vous apportez un éclairage nécessaire sur l'accessibilité des services de francisation à toutes et tous. Je vous remercie de le rappeler, parce que, dans le contexte de cette commission parlementaire, l'importance de l'égalité des personnes est une valeur chère à la société québécoise. Il faut que, l'intégration, ce ne soient pas que des mots, il faut que ce soit l'action aussi.

Est-ce que vous estimez qu'une priorité devrait être accordée à un secteur ou à une clientèle en particulier dans le domaine de l'intégration des immigrants ayant une limitation? Est-ce que vous avez…

Mme Peñafiel (Teresa) : Évidemment, je vais vous dire que, oui, il y a une priorité : ce sont les personnes qui ont déjà une formation et qui espéraient, en arrivant ici, de se placer. Les personnes handicapées — et je parle de toutes les personnes handicapées du Québec — ne veulent pas être au bien-être, monsieur, elles veulent accéder au marché du travail, mais la société québécoise, comme toute société, prend du temps à reconnaître les capacités de ces personnes et faciliter l'adéquation des postes de travail, l'accueil des personnes handicapées, beaucoup plus quand la personne devant vous est une étrangère. On s'entend que l'intersectionnalité est un fléau pour les personnes handicapées des communautés culturelles. C'est très difficile de dire, quand la personne devant vous est une personne femme, noire, monoparentale, en fauteuil roulant, sur quel de ces quatre chapeaux elle va être discriminée, mais, juste par hasard, cette personne n'a jamais été capable de travailler depuis son arrivée au Québec. C'est un exemple. Je connais plusieurs personnes qui n'ont jamais été capables de travailler, et, comme je l'ai dit tantôt, c'est le Québec qui perd.

Évidemment, ce sont les personnes, elles aussi, qui perdent, parce que, quand on est une immigrante — et je sais de quoi je parle parce que ça fait 34 ans que j'habite le Québec — on a un rêve, un rêve pour nous-mêmes, un rêve pour nos enfants. Lorsque j'arrive ici, et que j'ai des enfants, et que mes enfants voient que je ne suis pas capable de travailler, quel est le message que je transmets à mes enfants? Comment moi, je me vois moi-même en tant que mère, en tant que père et en tant qu'individu dans une société dans laquelle la carte de présentation, c'est : Que faites-vous dans la vie? Je suis au bien-être. Ça me disqualifie même en tant que mère. Et ça, c'est une réalité non pas parce que je suis immigrante. C'est une réalité, point à la ligne.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Merci, ça va.

La Présidente (Mme Vien) : Messieurs, du côté ministériel, ça complète de votre côté? Mme la ministre aussi? Alors, M. le porte-parole, député de LaFontaine, ça va être à vous pour une période de 22 minutes.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup, madame… Penafield? Est-ce que je...

Mme Peñafiel (Teresa) : Penafiel.

M. Tanguay : Penafiel, excusez-moi.

Mme Peñafiel (Teresa) : En fait, c'est Peñafiel.

M. Tanguay : Peñafiel.

Mme Peñafiel (Teresa) : Oui.

M. Tanguay : Alors, je vais essayer de bien prononcer, par marque, évidence de bienséance et de respect. Alors, Mme Peñafiel, merci beaucoup pour votre temps, le temps de rédaction — et je reviens toujours là-dessus — parce qu'il n'y a pas que les minutes que vous passez devant nous qui sont extrêmement importantes, mais il y a toute votre expérience, je dirais, sur le terrain, une expression qui illustre bien votre réalité, et de savoir et de prendre le temps de le mettre en mots comme vous l'avez fait dans votre mémoire, de nous le communiquer au préalable, et de vous entendre aujourd'hui, je pense que c'est très important et je vous en remercie. Et je joins ma voix à celles de mes collègues en ce sens-là.

Votre association, donc, s'appelle Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Vous faites référence là-dedans à des programmes qui mériteraient justement d'être bonifiés quand on parle d'accessibilité, de rendre le service accessible, et vous faites bien, donc, de l'inscrire à l'intérieur de la commission qui traite du projet de loi n° 14. Et je pense que vous soulignez bien et on déduit très bien de votre mémoire que faire en sorte que le français soit enseigné, que la francisation soit une réalité pour les immigrants mais, qui plus est, les immigrants personnes handicapées peut passer par une modification de la loi. C'est un élément parmi d'autres, les autres étant à l'intérieur de la réglementation qui découle de cette loi-là, également à l'intérieur de politiques que le gouvernement pourrait adopter et aussi de programmes tangibles, auxquels on doit justement accorder des crédits qui font en sorte que ça devienne des réalités à tous les jours.

Vous soulignez dans votre mémoire, à la page 3, entre autres, que «la francisation repose, en grande partie, entre les mains des organismes communautaires». J'aimerais vous entendre là-dessus, lorsque vous soulignez : En grande partie, ce sont les organismes communautaires qui font en sorte de dispenser les cours de francisation. Est-ce que vous avez une réflexion quant à l'opportunité de poursuivre en ce sens-là? Ou y aurait-il lieu de faire en sorte de leur… non seulement ajouter des ressources financières, mais également de leur accorder une assistance accrue, à ces organismes communautaireslà, qui pourraient aussi, par de l'aide accrue… Et ça peut ne pas uniquement être financier. Ça peut être financier, mais ça peut être autre. Mais, les organismes communautaires, qui sont en quelque sorte les maîtres d'œuvre pour beaucoup, est-ce que vous, vous avez une réflexion par rapport à cela?

• (17 h 20) •

Mme Peñafiel (Teresa) : Je ne voudrais pas parler au nom du regroupement, je pense qu'ils doivent passer en commission parlementaire aussi, mais je peux vous assurer que les cours de langue offerts par les organismes communautaires sont très bien adaptés aux personnes immigrantes.

J'ai vécu la période des COFI. J'imagine que les plus jeunes ne savent même pas ce que c'était, les COFI, mais les COFI étaient des centres d'orientation et de formation des personnes immigrantes. C'était sept mois. À l'époque, c'était payé par une entente fédérale-provinciale qui permettait aux personnes qui arrivaient… Et c'était presque la majorité des personnes récemment arrivées qui suivaient ces sept mois de cours, parce qu'il y avait un montant alloué qui permettait de vivre sans tracas. Si vous pensez à la possibilité de ces familles-là qui ont passé par ces cours-là d'apprendre à vivre au Québec sans souci pendant sept mois, vous comprendrez que la réussite de l'intégration de ces personnes et la francisation, qui plus est, de ces familles-là étaient assurées. Je peux vous dire que, si la communauté chilienne — qui est ma communauté d'appartenance — est si bien intégrée au Québec, c'est, entre autres, grâce aux COFI. Je ne dis pas que c'était la perfection, mais c'était un temps d'arrêt. C'était la parenthèse entre le déchirement du moment de quitter son pays et le moment de faire face à la réalité, parce que c'est une réalité à laquelle on doit faire face une fois que les cours de français se terminent.

Aujourd'hui, il y a une proportion énorme de nouveaux arrivants qui ne prendront pas le cours de français ou qui le prendront plus tard. Il y a tellement de mesures diverses que parfois on se perd. C'est vrai, il y a des niveaux qui sont très intéressants pour ceux qui sont au niveau universitaire, qui, dans le temps, pouvaient être tannés un peu, mais la difficulté de la langue est énorme lorsqu'on veut rentrer à l'université directement.

Donc, moi, je suis pour des cours de français qui puissent donner un temps de s'habituer à la vie au Québec. Et je suis certaine que, financièrement, ça va aider le Québec et les nouveaux arrivants.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci, Mme la Présidente. Vous parlez, Mme Peñafiel, des COFI, et je pense que vous en reconnaissez les aspects bénéfiques. Et on se rappelle que les COFI ont été abolis en 1998, et un des éléments qui avaient été soulevés par le gouvernement de l'époque, en 1998, était le fait qu'ils étaient trop coûteux. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette décision de 1998. Et pensons à l'avenir pour vous, pensons à l'avenir. Les COFI, donc, vous aimeriez... vous y voyez là une marche à suivre qui pourrait être bénéfique?

Mme Peñafiel (Teresa) : Je n'ai pas des connaissances pour vous dire dans quelle direction il faudrait s'en aller, je fais un rappel des bienfaits de ce type de cours. Loin de moi de juger quelles sont les possibilités financières du Québec pour continuer sur cette voie-là. Mais il faut… Et il y a un dicton québécois que j'adore : Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Donc, peut-être qu'il est question de revoir certaines mesures.

M. Tanguay : Bien, je vous remercie beaucoup, madame. Votre message, j'en suis persuadé, a été entendu à 100 % par la banquette ministérielle. Merci beaucoup, encore une fois, pour votre présence. Merci. Portez-vous bien.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. le député. La parole est maintenant à vous, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, madame, pour votre mémoire, je l'ai trouvé très intéressant, et surtout c'est qu'on parle d'une clientèle qu'on voit peu, qu'on connaît peu, et vous nous amenez une réalité qui, moi, m'était étrangère. Je me doutais bien, mais là vous l'avez très bien articulée.

Et vous dites dans votre mémoire — et là je vais citer ici : «Lorsqu'on…» Attendez, je vais vous citer ça ici : «…il faudra s'assurer que l'offre de cours adaptés aux diverses limitations soit diffusée amplement auprès des services d'accueil et que les personnes ayant ce besoin soient bien renseignées…» Alors, ici, on parle de diffusion de l'information mais surtout d'un manque de diffusion de cette information-là des cours, de l'offre de services. Pouvez-vous nous en parler un petit peu davantage?

Mme Peñafiel (Teresa) : …je disais tout à l'heure, il n'y a pas de statistiques. Quand une personne arrive, handicapée ou pas, il n'y a rien dans son dossier d'immigration qui mentionne «limitation», et ça pour l'enfant qui accompagne comme pour la personne qui, elle-même, est handicapée.

Le danger de ça, c'est que, quand on arrive dans les organismes d'accueil qui sont désignés, on donne à la personne qui arrive une pile comme ça de documents d'information. Vous comprendrez qu'outre la barrière de la langue la personne qui arrive n'a pas le temps ni la patience pour passer à travers toutes ces informations-là, lesquelles contiennent peut-être le nom de l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées du Québec quelque part. Donc, comme l'agent à l'accueil ne voit aucune mention de handicap — et peut-être que cet agent, non plus, il ne connaît pas l'existence de l'Association multiethnique — rien ne va permettre à cette famille ou à la personne qui a une limitation de s'adresser à des services spécifiques pour les personnes qui ont une limitation. Rappelons-nous que ces gens-là viennent de pays, souvent, dans lesquels les services aux personnes handicapées n'existent pas. Donc, comment peuvent ces personnes-là le demander? L'autonomie est une valeur très chère au Québec, et donc les agents des divers services s'attendent à ce que la personne demande, et non pas offrent le service. Donc, c'est une impasse. S'il n'y a pas d'information, s'il n'y a pas d'accompagnement dès le départ, il y a perte de temps. Donc, c'est dans ce sens-là que je parle de diffusion.

Mme Roy (Montarville) : Et comment pourrions-nous, justement, faire en sorte que cette problématique-là soit résolue?

Mme Peñafiel (Teresa) : Nous avons essayé...

Mme Roy (Montarville) : À quelle étape, à quel moment pourrait-on aider?

Mme Peñafiel (Teresa) : Nous avons essayé de faire intégrer le nom de l'association parmi les 11 organismes d'accueil des personnes immigrantes. Étant donné que nous ne sommes pas financés, la mission globale de l'association, par le ministère, le nom de l'association n'est pas intégré à cette liste-là. Si au moins l'Association multiethnique était mentionnée comme un organisme d'accueil, les gens qui arrivent pourraient vraiment... Parce que, quand on passe à travers 11 noms, on peut le voir; quand on passe à travers une pile de documents, on ne le voit pas. Alors, ça, ce serait le premier pas, et l'autre, c'est toujours la formation, la formation des agents d'accueil, qu'ils soient conscients qu'il y a — et ça, c'est un estimé que nous avons — 11 % des personnes des communautés culturelles qui ont une limitation. Alors, c'est peu que de poser la question : Est-ce que vous avez des besoins spéciaux, est-ce que vous auriez une personne dans votre groupe familial qui a une limitation?, et qu'on puisse le référer. C'est juste ça que ça prendrait.

Mme Roy (Montarville) : Merci infiniment. C'est très clair, merci.

La Présidente (Mme Vien) : Ça complète, Mme la députée? Chère madame, merci beaucoup de vous être déplacée aujourd'hui, c'est très apprécié. On vous souhaite un bon retour, soyez prudente sur les routes.

Alors, c'est ainsi que nos travaux prennent fin pour le moment. Nous reprendrons ce soir, à 19 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 19 h 31)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux là où nous les avions laissés un peu plus tôt aujourd'hui pour poursuivre les auditions sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives. Si vous avez des appareils électroniques, des cellulaires, je vous demande de les mettre en sourdine.

Alors, nous sommes prêts à entendre le groupe de courageux qui sont venus nous voir ce soir. Il s'agit de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. C'est exact? Alors, vous aurez 10 minutes pour nous présenter votre point de vue, en vous demandant d'abord de vous identifier — je présume, madame, que vous êtes la porte-parole — et de nous présenter les personnes... ces messieurs qui vous accompagnent. La parole est à vous.

Commission scolaire Lester-B.-Pearson

Mme Stein Day (Suanne) : Mme la Présidente, Mme la ministre, députés membres de la commission, mesdames et messieurs. Je suis Suanne Stein Day, présidente de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, et j'ai avec moi M. Linton Garner, commissaire, et mon garde du corps, M. Steven Colpitts, directeur de regroupement d'écoles. Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de nous adresser aux membres de la Commission sur la culture et l'éducation.

Laissez-moi tout d'abord vous parler de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Notre commission scolaire est la plus grande des neuf commissions scolaires anglophones et elle compte cette année environ 22 000 élèves au secteur des jeunes, notre secteur de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle comptant maintenant plus de 8 000 personnes, pour un total de près de 3 400 élèves équivalents temps plein. Nous desservons un territoire de plus de 800 kilomètres carrés qui s'étend de l'arrondissement de Verdun, au centre-sud de l'île de Montréal, jusqu'à la frontière de l'Ontario.

Notre conseil des commissaires a toujours favorisé la transparence, l'innovation et la prise de décision axée sur les élèves. Nous avons été les premiers à diffuser des séances de conseil sur le Web et nous comptons de 700 à 1 200 visionnements de chaque séance. Nous avons été les premiers d'avoir des réunions publiques du comité exécutif. Nous avons établi les normes de consultation publique dans les commissions scolaires et des réunions de consultation. Nous étions les premiers au Québec à lancer un programme de citoyenneté numérique, pour accompagner la croissance inévitable de l'usage de la technologie dans les écoles, et nous avons été les premiers au Québec à inviter des élèves à siéger au conseil des commissaires.

Depuis sa fondation en 1998, la CS Lester-B.-Pearson a toujours eu un taux de diplomation de plus de 80 %, et en 2012 le taux est de 83,7 %, ce qui nous hisse au troisième rang de la province. 86 % de nos élèves de première ont réussi l'épreuve d'anglais de la fin du troisième cycle, et 89 % ont réussi l'épreuve de français de la fin du troisième cycle. Ce taux de réussite est encore plus impressionnant si vous considérez que nous intégrons avec succès plus de 98 % de tous les élèves handicapés ou en difficulté de la commission scolaire dans les classes ordinaires comme le demande le MELS, un pourcentage plus élevé que toute autre commission scolaire du Québec. En plus, nous n'avons jamais eu de déficit budgétaire.

Enfin, les chiffres de la Direction générale des programmes d'appui aux langues officielles concernant les élèves de langue maternelle anglaise du Québec de cinq à 24 ans indiquent que 77,45 % d'entre eux sont bilingues et plus que capables de fonctionner et de travailler en français. Les statistiques concernant la région métropolitaine de Montréal sont encore plus impressionnantes, car 80,05 % de ces jeunes personnes sont bilingues. Notre compétence dans l'enseignement du français ne peut être mise en doute, étant donné que la majorité de ces jeunes fréquentent ou ont fréquenté des écoles du secteur anglophone.

Nous comprenons que les commissions scolaires francophones ont le devoir supplémentaire d'intégrer et d'éduquer les nouveaux arrivants au Québec. Laissez-nous les aider, spécialement les immigrants provenant de pays anglophones comme les Caraïbes, l'Asie du Sud et, bien entendu, l'Australie, l'Angleterre et les États-Unis. Nous avons maîtrisé l'enseignement de langue seconde et nous sommes sûrs que nous pouvons enseigner aux nouveaux arrivants avec le même degré de succès que nous connaissons actuellement.

Le projet de loi n° 14 nous préoccupe à plusieurs égards. Il y a d'abord des insinuations indiquant que nous n'aurions pas été coopératifs. Cela est faux.

Puis, le surcroît de bureaucratie proposé, jumelé avec les compressions budgétaires incessantes, Mme De Courcy, vous n'avez sûrement pas oublié la quantité de bureaucratie exigée d'une commission scolaire qui subit des réductions budgétaires et doit composer avec des gestionnaires surchargés.

Ensuite, la loi proposée est déguisée en question culturelle à des fins de gain politique. Elle ne prend pas en compte, ne reconnaît pas ni ne soutient les changements qui se sont produits dans la communauté anglophone et dans le système scolaire anglophone ces 30 dernières années.

Il y a 30 ans, le français, langue seconde, était une matière de programme à laquelle on consacrait une période de 45 minutes par jour. À la fin de leurs études secondaires, la plupart des finissants anglophones, comme moi, avaient une connaissance rudimentaire du français et pouvaient probablement le parler un peu dans des situations sociales ou commerciales. Dans les années qui ont suivi, bien avant l'adoption de la loi 101, la communauté avait évolué grâce à des programmes très efficaces et mondialement reconnus d'enseignement de la langue seconde, allant d'un enseignement minimum enrichi à une immersion à temps plein de la maternelle à la quatrième année. Le pourcentage de programmes enseignés en français dans nos écoles secondaires est maintenant 50 % ou plus. Nous continuons à développer l'usage du français dans nos écoles en incluant des échanges avec les écoles francophones avoisinantes et des interactions culturelles et éducatives. Nos écoles ont été à l'avant-garde de l'enseignement du français et l'ont amélioré au moyen de l'immersion, tant et si bien qu'on vient du monde entier pour étudier nos méthodes d'acquisition d'une langue seconde.

Au cours des années, nous avons adapté nos programmes aux réalités de la prédominance du français au Québec. Nous n'avons jamais refusé de reconnaître ce fait et, en conséquence, nous avons amélioré continuellement notre capacité à préparer nos élèves à vivre, à travailler et à prospérer au Québec. Nous soutenons et nous défendrons cette affirmation. Nous avons l'impression d'être perçus comme des ennemis, alors que nous avons fait tant de chemin et que nous avons travaillé si fort pour parler français dans notre communauté. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, et il est temps que nous soyons reconnus comme un partenaire important qui contribue à la francisation du Québec, ce fait a besoin d'être célébré.

La croissance future du Québec, tant démographique qu'économique, dépend de l'arrivée de nouveaux Québécois de pays étrangers. Nous pouvons encourager l'immigration et les investissements si nous permettons à quelques personnes provenant de certaines régions du monde d'avoir une option. Nous voulons que les immigrants choisissent le Québec non seulement pour venir y travailler, mais pour s'y installer, y élever leur famille, investir dans l'avenir d'ici et devenir Québécois.

J'ai assisté au spectacle musical intitulé Mahalia Jackson la semaine dernière au Centre Segal de Montréal, une représentation très inspirante. Lors du spectacle, le discours du grand Martin Luther King a été prononcé. J'ai pensé à paraphraser ses paroles célèbres. Moi aussi, j'ai un rêve. Je rêve d'enfants francophones, anglophones et allophones qui sont tous tout simplement québécois. Merci.

• (19 h 40) •

La Présidente (Mme Vien) : Ça complète votre présentation, Mme Day?

Mme Stein Day (Suanne) : Oui, madame.

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Alors, on va entreprendre maintenant les échanges entre vous trois et les parlementaires, en commençant par Mme la ministre.

Mme De Courcy : Alors, bonsoir. À mon tour de vous dire tout le courage que je salue d'être venus nous voir à Québec dans les circonstances de la température. Et vous me permettrez, si vous êtes encore en contact avec lui, de saluer par votre voix Marcus Tabachnick, qui a été un collaborateur très important pour moi et un homme d'innovation à la commission scolaire Lester-B.-Pearson, hein? Ça a été important, on lui doit beaucoup de ce virage dont vous parlez, mais que vous avez contribué largement à accentuer, je crois, m'a-t-on dit, m'a-t-on dit. Alors, dans ma vie pas si ancienne que ça, en effet, je me souviens beaucoup de cette collaboration-là entre les commissions scolaires.

Je me souviens aussi par ailleurs — et simplement pour être bien sûre que ma mémoire n'a pas failli — la commission scolaire Lester-B.-Pearson a dans ses rangs probablement les familles les mieux nanties de l'île de Montréal. Le statut socioéconomique de la majorité des familles… pas toutes, parce que Marcus m'a souvent parlé de secteurs, mais globalement il s'agit de la commission scolaire au statut socioéconomique le plus élevé de l'île, hein, c'est bien ça? C'est bien ça? D'accord. Ça ne veut pas dire que c'est un tort, au contraire. Tout le monde devrait prospérer de cette manière sur l'île de Montréal.

Je crois que vous avez fait aussi, en effet, beaucoup d'efforts sur l'enseignement de la langue seconde. À cette époque-là, la commission scolaire de Montréal est même allée voir comment vous faisiez, et c'est vrai, ce que vous avez dit, je crois que vous avez probablement le secret le mieux gardé qui… à la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Et je souhaite souligner votre contribution pour l'essor économique aussi de l'île. Et il y a une préoccupation que vous avez qui m'a toujours frappée, c'est celle de l'intégration des enfants en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Vous avez même reçu un prix, je crois, hein, à cet égard-là.

Bon, j'ai lu par ailleurs votre mémoire. Je comprends que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 14. J'ai même compris que vous avez même un hyperlien, là, pour une pétition contre le projet de loi n° 14. Et je constate aussi que vous êtes beaucoup, beaucoup impliqués dans les différentes lois au cours des dernières années, pas ce gouvernement-ci mais même les autres. Vous avez même, en 2008, là, intenté des poursuites, un procès au gouvernement après l'adoption de la loi n° 104, et vous avez aussi déposé un mémoire au moment de la loi n° 104 et au moment de la loi n° 103. Alors, c'est manifeste que vous avez de grandes préoccupations. Il est manifeste aussi que nous sommes assez éloignés dans nos préoccupations… en fait pas dans nos préoccupations, dans les manières, je pense, d'y arriver, ce serait plus juste.

J'ai vu dans votre mémoire que vous nommez le fait que votre organisation s'oppose à la disposition touchant la langue d'enseignement d'enfants de militaires. Je veux vérifier une information que j'ai pour m'assurer qu'elle est bonne : on me dit que, dans votre commission scolaire, il n'y a que deux enfants qui sont concernés par cette... qui pourraient être concernés par cette mesure, mais qu'à cet égard-là ce n'est pas en votre nom, cette fois-là, que vous parlez mais au nom de la commission scolaire Central Québec. Est-ce que c'est bien ça? Donc, c'est bien deux enfants?

Mme Stein Day (Suanne) : Je pense que c'est moins de 10.

Mme De Courcy : Bon, alors...

Mme Stein Day (Suanne) : J'ai entendu sept, mais ce n'est pas exact.

Mme De Courcy : Bon, très bien, c'est très bien.

Mme Stein Day (Suanne) : Mais, oui, nous parlons pour la commission scolaire de Central Québec et aussi pour la commission scolaire Riverside.

Mme De Courcy : D'accord, d'accord. O.K. Alors, bien, merci, d'abord, ça me le clarifie pour m'assurer que je n'avais pas des données qui étaient mauvaises.

Mme Stein Day (Suanne) : …je suis la mère de deux enfants qui sont dans le militaire.

Mme De Courcy : …je comprends, il n'y a pas de problème. Puis vous avez tout à fait… C'est légitime, votre sensibilité, là, à cet égard. Je ne remettrai pas ça en cause, c'est certain.

J'aimerais creuser avec vous, parce que ça fait deux fois aujourd'hui que nous entendons cette affirmation-là, et mes collègues en ont reparlé, d'ailleurs vous… Je ne me souviens pas du comté, là.

M. Kelley : Jacques-Cartier.

Mme De Courcy : Jacques-Cartier. Le député de Jacques-Cartier en a parlé. Alors, vous dites que vous vous opposez à l'appellation «communautés culturelles» en remplacement de «minorités ethniques» dans la Charte des droits et libertés de la personne, et les informations que j'ai, c'est que nous sommes plus de l'ordre de la sémantique, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu aujourd'hui. Aujourd'hui, on faisait allusion à des liens, voire des hyperliens avec la charte des droits et libertés canadienne, même avec des instances internationales, etc. Alors, j'aimerais ça que vous m'expliquiez davantage votre point de vue sur ce sujet-là, si vous le voulez bien.

Mme Stein Day (Suanne) : Je vais demander à M. Garner d'adresser ce sujet.

M. Garner (Linton) : Merci. Merci pour la question, Mme la ministre. Oui, effectivement, je pense que les communautés ethnoculturelles refusent d'être classifiées en tant qu'un terme si homogène ou si, comment vous dites dit ça… si facile que des communautés culturelles. Toutes les communautés ont une culture, toutes les communautés ont des aspects culturels qu'ils donnent à la vie quotidienne de la société dont ils font partie. Moi, je suis une personne de la communauté noire, je parle anglais, j'ai des racines américaines. J'apporte des éléments, je suppose, qui contribuent à la société, à la vie quotidienne, et j'aimerais que… s'assurer qu'en tant que minorité qui vient d'un groupe ethnique on ait les mêmes protections concernant les lois nationales et internationales en termes de reconnaissance de l'importance de la contribution des minorités ethniques et comment leurs droits peuvent être «abridgés», si vous voulez, par la société majeure.

Mme De Courcy : Est-ce que vous rattachez ça à des concepts internationaux ou vous... Qu'est-ce qui fait, à votre avis, la différence de «communautés culturelles» et «minorités ethniques» pour… Je peux comprendre la préférence un peu que vous avez, mais je ne saisis pas bien la nuance que vous en faites.

M. Garner (Linton) : Oui. Bien, tout à fait, des accords internationaux reconnaissent que c'est les personnes issues de ces communautés ethniques qui le définissent elles-mêmes, ce n'est plus le cas de la société en général ou la société majeure qui définit qui c'est, ces personnes, c'est plus ou moins les personnes elles-mêmes qui le définissent, et c'est dans cet esprit que nous voulons s'assurer que nous sommes… reconnaître aussi, comme partout dans le monde et partout dans le pays, comme des minorités ethniques, et pas un terme inventé comme «communautés culturelles».

Mme De Courcy : Bien, je vous remercie. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Une voix :

La Présidente (Mme Vien) : Vous allez mettre votre téléphone sur la vibration? Une excellente idée.

• (19 h 50) •

M. Breton : Bonjour. Je vous remercie d'être venus dans une température pareille. Supposé que ça va être le printemps demain.

J'ai quelques questions par rapport à votre mémoire. Vous avez parlé de l'enseignement du français, langue seconde, vous avez dit que vous avez fait de ça un volet important de votre enseignement à votre commission scolaire. Par rapport aux gens qui viennent de pays étrangers et que vous voudriez continuer à faire en sorte de pouvoir enseigner à ces gens-là le français comme une seconde langue, si je comprends bien — c'est ce que voulez dire? — moi, évidemment, j'apprécierais que… pour eux, ce serait une belle langue seconde, pour eux autres, à apprendre, l'anglais. Et, comme j'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas allé à l'école anglaise, jamais, et aucun de mes amis n'est allé à l'école anglaise, sauf peut-être un ou deux… And yet I speak perfect English. I can express myself very well and understand you very clearly. So, it means that I can go to French school, and yet learn to speak English. Mais l'idée, pour nous, lorsque les gens arrivent d'un pays étranger, c'est de faire en sorte que ces gens-là fassent de la base, de l'essence de leur dialogue, de leur discours, de leur culture une culture qui soit basée sur ce qu'est le Québec, c'est-à-dire une nation à prédominance française. Vous comprenez ce que je veux dire?

Je suis allé au gala des Jutra dimanche — vous connaissez les Jutra — et puis j'ai noté ceci, j'aimerais que vous me fassiez un commentaire là-dessus, j'ai remarqué les félicitations qui ont été faites : Kim Nguyen, Jutra du meilleur réalisateur et meilleur scénario — Nguyen, origine vietnamienne; Rachel Mwanza, Jutra de la meilleure actrice; meilleur acteur de soutien, Serge Kanyinda; trophée de la soirée, Sabrina Ouazani; et meilleur court métrage, Myriam Magassouba. Pas beaucoup de noms québécois là-dedans. Bien, pourtant, ces gens-là, de toute évidence, se sont bien intégrés au Québec et ont développé une culture française du cinéma québécois. Considérant tout ça, je me pose la question… C'est-à-dire que je comprends que vous vouliez que la communauté culturelle anglophone continue à prospérer et à vivre, tu sais, au Québec, c'est tout à fait normal. Et les députés de l'opposition officielle, les députés de la deuxième opposition ont dit qu'ils étaient contre le caractère coercitif de la loi n° 14. Ce que j'ai dit, c'est que, moi qui viens du milieu de l'environnement, lorsqu'on ne fait que la promotion de l'environnement, sans qu'il y ait quelque loi coercitive que ce soit, «you know what», ça ne va pas si bien que ça. Et je vous ai entendus parler du fait que le français que vous avez enseigné dans vos écoles avant la loi 101 a fait en sorte qu'il y avait beaucoup d'anglophones qui parlaient français déjà dans les années 70. Je m'excuse, mais ce n'est absolument pas ce que j'ai vu sur le terrain, parce que j'ai beaucoup d'amis anglophones qui ne parlaient pas du tout français avant la loi 101. Il y a eu un gros, gros changement avec la loi 101.

Ma question, c'est : Est-ce que vous vous êtes aussi opposés à la loi 101, d'abord? Et est-ce que vous voyez des pistes de solution dans la loi n° 14 qui pourraient faire en sorte qu'on pourrait trouver un terrain d'entente?

La Présidente (Mme Vien) : Alors, est-ce que je comprends que M. Colpitts est désigné pour répondre… ou M. Garner?

Mme Stein Day (Suanne) : Non, ça dépend de la question. M. Garner.

M. Garner (Linton) : Oui, bien, bon, je peux traiter la première partie de votre intervention d'abord. Oui, c'est bien ça qu'on voit sur la scène populaire, la scène… la société, on voit beaucoup plus d'implication des gens issus des communautés ethnoculturelles, mais aussi c'est des personnes… des Québécois, ce n'est pas différent que des Québécois. Même s'ils ne partagent pas les noms comme de racine française, ils sont des Québécois.

Je me rappelle bien aussi des années, il n'y a pas longtemps, que… l'affaire avec l'anglais sur les cérémonies, l'ADISQ — je ne sais pas si tu te rappelles ça — ou toute cette bagarre autour de la question de chanter en anglais. Est-ce qu'une personne qui chante en anglais, c'est vraiment quelqu'un du Québec? Ça, c'était… Et c'était un gros problème même pour Céline Dion, si je me rappelle bien. Dans ce sens-là, oui, il y a eu un certain mouvement depuis ce temps-là, on avait progressé. Et c'est même ça, on avait progressé depuis les années 70 en ce qui concerne le français, et notre capacité de parler français, et l'enseignement du français. On avait pris à coeur que la prédominance du français, c'est un fait ici, au Québec, et on avait essayé, à notre part, de s'assurer que nos enfants vont continuer d'être des participants pleinement dans la société québécoise, parce que nous ne voulons perdre.

Moi, maintenant, j'en ai, des enfants, de 24 et 19 ans, et j'aimerais s'assurer que leur futur soit ici, je ne veux pas que ces gens-là disparaissent. Mais, dans certains cas, ça présente des problèmes, parce que ce sont des personnes issues de la communauté d'expression anglaise et aussi avec d'autres éléments, comme communauté noire. Dans certains coins, c'est deux prises contre eux. Moi, en tant qu'immigrant, par exemple, l'immigrant noir anglophone, des fois c'est trois prises contre moi. Mais j'avais, depuis 1964, décidé de rester ici, à Québec, comme plusieurs dans notre communauté, et s'assurer qu'on peut vivre ensemble avec la majorité, et donc c'est là où nous avons pris à coeur en tant que devoir, si vous voulez, pour s'assurer que les personnes comme moi peuvent rester et participer pleinement dans notre société ici, à Québec.

La Présidente (Mme Vien) : Merci. M. le député, avez-vous une autre question?

M. Breton : Bien, en fait, j'avais deux questions...

La Présidente (Mme Vien) : Je sais.

M. Breton : ...auxquelles je n'ai pas eu de réponse. Donc, ma première question, c'est : Est-ce que vous êtes, finalement, aussi contre la loi 101? Et, deux, est-ce que vous voyez des pistes de solution qui pourraient faire que vous pourriez considérer des éléments de la loi n° 14 ou une façon d'aborder la loi n° 14, tu sais, des… Qu'est-ce que vous pourriez proposer comme pistes de solution, dans le cadre de ce nouveau projet de loi là, qui pourraient faire votre affaire?

M. Garner (Linton) : D'abord, en termes de la question de la loi 101, on est ici dans une majorité démocratique, et la majorité a décidé que la loi 101 s'applique et devrait s'appliquer dans la société québécoise, et nous ne sommes pas ici pour protester cet aspect de loi, comme tel. C'est les mesures que donc on voit peut-être qui peuvent nuire à la communauté, c'est plutôt nos préoccupations. Et la chose que nous, on voulait voir, c'est qu'en termes de piste de solution on serait capables de siéger avec les instances pour voir comment on peut travailler ensemble, pour vous démontrer qui nous sommes et notre volonté de faire des choses, avancer l'enseignement du français, avoir des réseaux, si nécessaire, pour le faire et travailler étroitement avec la société en général pour bâtir un meilleur Québec. C'est seulement notre préoccupation.

M. Breton : Donc, j'entends bien que… Bien, je me rends bien compte que vous êtes des gens parlables, puis il y a moyen de travailler ensemble pour faire en sorte de faire avancer le Québec dans ce sens-là.

M. Garner (Linton) : …et que nous faisons partie prenante...

M. Breton : Absolument.

M. Garner (Linton) : ...de l'avenir et de cette société, et il faut que tu tiennes ça en... en tenir compte, de ça, pour...

M. Breton : Parfait. Je vous remercie beaucoup.

M. Garner (Linton) : De rien.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vien) : Un peu moins que cinq minutes.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : O.K., merci. Bonsoir, messieurs dames. À la page 3 de 14 de votre mémoire, moi, il y a une donnée qui me fait sursauter un peu, et je veux clarifier si je comprends bien. C'est marqué : «…des élèves allophones éduqués au secteur francophone, seulement [55,6 %] peuvent parler français.» Je veux bien comprendre. Ces élèves allophones là qui arrivent sont inscrits au primaire, inscrits au secondaire. Quand ils finissent leur secondaire, il y en a seulement 55 % qui parlent français? Moi, celle-là, j'aimerais ça avoir une explication.

Et j'aimerais ça voir qu'est-ce que vous pensez aussi de la vision. Je pense que… Est-ce que vous ne croyez pas que la vision est trop optimiste, compte tenu du fait que l'anglais… On vit dans une mer anglophone, là, en Amérique du Nord. Les francophones, c'est 2 %. Donc, ne pensez-vous pas que c'est normal qu'on trouve des moyens de protéger notre loi par de la coercition — il y en a qui appellent ça de la coercition, mais c'est par une loi — pour que justement on continue de subsister en Amérique du Nord?

La Présidente (Mme Vien) : Mme Day, M. Colpitts?

• (20 heures) •

M. Colpitts (Steven) : Oui, je pense, quand on parle du 56 % dont vous parlez, c'est plutôt à propos des allophones qui arrivent au Québec et qui ne parlent pas ni français ni anglais. Alors, on parle de ces gens-là, on ne parle pas au point de vue de finissants qui ont passé à travers le système ou qui ont été là pendant quelques années puis qui n'ont pas appris le français du tout. Ça se réfère vraiment au fait que, quand ils arrivent ici, ils ne parlent pas français. C'est ça que ça voulait dire dans le texte.

Pour ce qu'il en est de la question sur... la deuxième question, c'était à propos du...

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : …vous estimez que le français n'est plus menacé au Québec, de telle sorte qu'on peut dorénavant laisser aux parents le choix de la langue d'enseignement, mais on vit dans une mer anglophone, donc c'est normal, je pense, qu'on puisse...

M. Colpitts (Steven) : Je ne pense pas qu'on dit que le français n'est pas menacé, dans le sens qu'il faut protéger le français au Québec, on est d'accord avec ça. Ce qu'on essaie, nous, de dire, c'est qu'on est partenaires dans cette mission-là, c'est qu'on veut travailler avec vous pour, justement, travailler avec nos élèves pour qu'ils puissent travailler, et vivre, et rester ici, au Québec. Alors, c'est ça, notre but, c'est de travailler en partenariat.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : J'avais peut-être mal compris au début, mais c'est bien marqué «allophones éduqués au secteur francophone», c'est ça qui est écrit. Quand on dit «éduqués au secteur francophone», ça veut dire que c'est des enfants qui sont inscrits aux écoles francophones. Alors, c'est un petit peu ma remarque. Mais je vais laisser la parole à mon collègue ici qui a une autre question.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Bonaventure, pour un peu moins de deux minutes.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Bonsoir, plutôt.

Dans votre document, à la page 11, j'ai vu un petit paragraphe qui m'a interpellé et j'aimerais vous le citer : «Nous croyons que le projet de loi n° 14 est bel et bien une tentative d'inhiber et de ghettoïser encore plus la communauté anglophone et de resserrer les restrictions déjà étouffantes imposées aux écoles anglophones.»

Qu'est-ce qui vous permet de penser que cette loi-là est une menace pour votre communauté? Parce que les termes sont un peu forts, on parle d'inhiber et de ghettoïser, ce qui est...

La Présidente (Mme Vien) : Rapidement. Rapidement, M. Garner ou madame... M. Garner.

M. Garner (Linton) : Oui, bien je pense qu'on comprend très bien, avec les différentes réglementations en termes des municipalités, en termes de, comment vous dites ça… de demandes supplémentaires pour l'enseignement en français dans les cégeps et universités, de demandes expresses, que les cégeps ont d'abord une mission, les cégeps anglophones ont d'abord la mission d'enseigner. Les anglophones vont commencer à diminuer, la population de ces personnes-là, et ce serait uniquement nous, en tant que la communauté d'expression anglaise, qui se trouvent à l'intérieur de ces choses-là. Donc, on se sent séparés et… en termes de la progression, parce que c'est la mixité...

La Présidente (Mme Vien) : Merci.

M. Garner (Linton) : ...la diversité qui ajoute au goût quotidien d'une communauté.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Garner. Si vous voulez bien, on va passer maintenant la parole du côté de l'opposition officielle pour un temps d'environ 18 min 30 s.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous de prendre le temps ce soir de venir nous faire part de votre analyse, des fruits de votre analyse, que nous avons lue, entre autres, dans votre rapport, dans votre mémoire que vous avez déposé à la commission. Donc, merci beaucoup pour votre éclairage que vous nous apportez et que vous apportez au débat.

Je pense que vous avez dit, quelqu'un, je pense, un peu plus tôt… M. Colpitts, je crois, vous avez dit : Il faut nous voir comme des partenaires, et je pense que vous en êtes absolument, l'épanouissement du français, et vous le reconnaissez. Il faut demeurer vigilants, au Québec, afin de faire en sorte que l'épanouissement du français soit une réalité, et, en ce sens-là, vous faites bien, je crois, et à juste titre vous le soulignez, que vous êtes des partenaires de choix et importants. Et le fait que vous le reconnaissiez vous-mêmes, je pense, parle beaucoup quant à votre bonne foi, votre volonté d'en faire une réalité. Et un peu plus tard je pourrai le démontrer, puis je vous demanderai de commenter, entre autres, sur les réussites que vous enregistrez année après année, sur la qualité de l'enseignement du français que vous dispensez et des résultats tangibles que vos élèves obtiennent.

Au niveau des statistiques, effectivement, nous avions eu l'occasion un peu plus tôt de souligner le fait que les élèves de langue maternelle anglophone ou anglophones vont de plus en plus à l'école en français, quand on se compare sur une période des 20, 30, même, dernières années. Et c'est la même chose également au niveau des enfants allophones, tant au niveau primaire, secondaire, et les statistiques, également, ne mentent pas au niveau des cégeps en français. Donc, il y a de plus en plus de jeunes qui vont à l'école en français, et ça, c'est un élément qui explique et qui justifiait, je crois — on l'a tous entendu et on l'a tous lu — qui justifiait le ministre responsable de la métropole et ministre responsable de la relation avec la communauté anglophone lorsque, le 19 janvier dernier, il écrivait sur son blogue, et je le cite : «Les Anglo-Montréalais sont massivement devenus bilingues, depuis un peu plus d'une génération. Ils voient, autour d'eux, notamment à Montréal, une majorité de jeunes francophones bilingues.» Fin de la citation. Alors, ce constat-là, non seulement on le voit dans les statistiques, le ministre de la métropole et responsable de la relation avec la communauté anglophone le voit également, et, en ce sens-là, je pense que c'est important de le souligner.

Ceci dit, votre mémoire est très clair à l'effet que l'approche qui est préconisée, qui est mise de l'avant au niveau du projet de loi n° 14 n'est pas celle que vous privilégieriez mais une approche qui fait en sorte que vous demandez tout simplement que le gouvernement retire le projet de loi n° 14 et puisse proposer sur d'autres bases, sur d'autres approches plus proactives plus de soutien, des mesures qui feront en sorte effectivement que le français et l'épanouissement du français soient une réalité.

J'aimerais donc... Et j'aurai deux questions. La première, j'aimerais vous demander… Et je fais référence, évidemment, à votre mémoire, à la page 2 de 14. Lorsque vous parlez des résultats de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, vous parlez, entre autres, que 86 % de vos élèves du primaire ont réussi l'épreuve d'anglais de fin de troisième cycle. Commission scolaire Lester-B.-Pearson, épreuve en anglais, 86 % de vos élèves ont réussi à la fin du troisième cycle l'épreuve, donc, d'anglais. L'épreuve de français, ce n'est pas 86 %, ce n'est pas 87 %, c'est 89 %. 89 % des élèves de la commission scolaire Lester-B.-Pearson ont réussi l'épreuve de français de la fin du troisième cycle. J'aimerais, s'il vous plaît… Vous, partenaires dans notre objectif commun, comment vous y arrivez? Comment vous expliquez un tel succès?

M. Colpitts (Steven) : La première chose à dire : Je pense qu'on a des enseignants extraordinaires. Malgré tout, je dois admettre que c'était une difficulté aussi dans le cheminement qu'on a fait. Malgré le fait qu'on reste à Montréal, avoir des enseignants qui sont formés en langue seconde n'est pas facile. Je pense, l'année dernière, l'Université McGill a gradué ou diplômé 25 élèves dans cette faculté-là, alors on fait ce qu'on peut. On a même engagé à la commission scolaire quelqu'un qui travaille à plein temps maintenant pour avoir plus de communications avec les universités francophones, pour pouvoir attirer le plus possible d'enseignants francophones dans notre commission scolaire comme stagiaires, et, comme ça, ça fait connaître notre programme. Alors, c'est le travail des gens sur le plancher, c'est le travail aussi de la commission scolaire.

C'est aussi le fait qu'on a changé nos programmes, qu'on est passé de français, langue seconde, à un programme d'immersion, puis même, au primaire, à un programme de français Plus. On a quelques écoles maintenant qui font du français à 80 % de la maternelle jusqu'à la quatrième année.

Alors, il y a eu des gros changements. Alors, avec ces changements-là, qui ont été demandés, en passant, par nos parents, parce qu'ils veulent que leurs enfants restent ici, au Québec… Ils ne veulent pas qu'ils s'en aillent une fois qu'ils vont être diplômés, ils veulent qu'ils restent ici pour vivre et y travailler. Alors, on doit s'ajuster à ça, à cette mission-là, à cette demande-là. Alors, c'est ce qu'on a fait. Et on a des très bons résultats, comme vous avez mentionné, 89 % au primaire, mais je voulais dire qu'au secondaire, cinquième secondaire, c'est la même chose, on a des très bons résultats aussi où est-ce que les élèves réussissent.

Alors, c'est beaucoup de travail. C'est un focus qu'on s'est donné, c'est une mission qu'on s'est donnée, et ça fait partie de notre plan stratégique.

• (20 h 10) •

M. Tanguay : Mme la Présidente, j'aimerais également revenir sur un élément qui a été soulevé un peu plus tôt. Quelqu'un a parlé de surcroît de bureaucratie par rapport au projet de loi n° 14. Alors, je vous poserais la question : À quel endroit voyez-vous ce surcroît de bureaucratie? Et quelle est sa nature, en quoi il consiste?

Mme Stein Day (Suanne) : Je vais répondre, je pense. Dans le projet de loi, c'est mentionné, on doit faire des rapports chaque trois années, c'est mentionné qu'on doit refaire la politique sur la langue française, linguistique. Nous avons fait cette politique juste l'année passée et nous avons beaucoup de rapports à faire pour le MELS chaque année et de moins en moins d'administrateurs dans le siège social pour le faire. C'est de ça que nous parlons.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. On est dans l'ère du «full disclosure» et de la transparence pour les élus. Alors, moi, je suis un finissant de la commission scolaire Lakeshore, qui était la version protestante, si vous voulez, de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Mon épouse est commissaire scolaire à la commission Lester-B.-Pearson. Alors, je pense, je mets tous mes intérêts sur la table. Mes cinq enfants sont des finissants de l'école… de la commission scolaire Lester-B.-Pearson. Alors, je pense, tous mes intérêts personnels sont dévoilés, Jacques St-Laurent peut dormir en paix, et tout le reste. Alors, je pense, j'ai dévoilé tous mes intérêts.

La Présidente (Mme Vien) : On vous connaît mieux maintenant, on vous connaît mieux maintenant.

M. Kelley : Oui. Et j'ai peut-être deux questions. Je pense qu'il y a deux messages dans votre mémoire, et, le premier, pour répondre un petit peu à notre collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, oui, de toute évidence, le français que j'ai appris dans les années 60 à l'école primaire était beaucoup inférieur à l'offre de français d'aujourd'hui. Et moi, j'ai constaté ça via mes enfants, qui avaient les cours d'immersion, la capacité d'étudier l'histoire, la géographie et d'autres sujets en français. Moi, c'était limité à la demi-heure par jour… ou 45 minutes, je ne me rappelle pas, où on a répété, répété et répété les mêmes 10 phrases dans l'école primaire : Quel âge avez-vous? Je m'appelle Geoff, et tout le reste. Alors, c'était ancré dans mon cerveau en tout temps. Alors, je veux — et blague à part — souligner le travail des commissions scolaires, parce que ce n'était pas toujours avec le soutien du ministère de l'Éducation. Au niveau de développer les programmes, au niveau de développer le matériel pédagogique, et tout le reste, ça a été tout un travail de longue haleine, alors, je pense, c'est une preuve.

Et un petit peu on est revenu sur… On n'est pas ici pour faire un débat sur la loi 101. Les choses ont changé. Peut-être il y a des mesures qui étaient nécessaires dans les années 70, mais on est en 2013 aujourd'hui, et c'est pourquoi on prône parfois une approche autre, parce que, je pense, il y a une évolution. Et, je pense, peut-être une des frustrations dans le réseau scolaire anglophone, c'est qu'il n'y a pas toujours la reconnaissance des efforts très importants qu'ils ont faits pour le fait français. Alors, je pense, ici on a des personnes qui sont venues ici témoigner comme partenaires dans ça.

Et je vais vous poser une question, Mme Day, mais je sais qu'un de vos grands défis… Parce que moi aussi, je prône l'école publique dans la mesure du possible. Moi, je suis finissant d'une école publique québécoise, mes enfants sont tous des finissants des écoles publiques. Il y a une place pour les écoles privées, on n'est pas ici ce soir pour faire le procès, mais ma préférence toujours, dans notre société, est de prôner l'école publique. Je pense que ça doit être privilégié, pour notre société, d'avoir des écoles publiques fortes dans nos quartiers. Et un de vos concurrents, c'est les anglophones qui décident d'aller à l'école publique française, et vraiment ça doit avoir une influence sur votre offre de services. Je sais qu'il y avait la grande consultation en 2008‑2009 de vos parents pour vraiment développer un nouveau plan stratégique pour la commission scolaire. Alors, c'est quoi, les mesures, ou comment est-ce qu'on veut répondre au fait que… De mémoire, ce n'est pas loin de 10 000 étudiants aujourd'hui dans le réseau scolaire francophone qui ont leur fameux papier bleu, qui peuvent aller à l'école anglaise, mais leurs parents ont fait le choix de les envoyer à l'école française. C'est quoi, les conséquences pour votre commission scolaire?

M. Garner (Linton) : …les conséquences pour notre commission scolaire, c'est une diminution de notre population propre à l'intérieur, et qui est donc une diminution des ressources qui viennent à nos écoles pour reprendre ce défi-là. Je pense qu'il y a une certaine perception publique que les commissions anglophones ne sont pas capables d'enseigner le français, ou que les gens préféreraient aller ailleurs, dans la communauté française, pour apprendre du français, et, oui, que…. et que peut-être, dans le passé, c'était pas mal la vérité, et que… Pour rejoindre Geoff, oui, vraiment, je me rappelle bien mes journées de français où on avait appris : Comment allez-vous?, ou : Quelles sortes de légumes avez-vous d'aujourd'hui?, que c'était presque la limite de notre capacité, mais la réalité… Et c'est actuel depuis des années. C'est pour ça que je dis que notre communauté continue à rester au Québec. Ça a donné une énergie à la communauté pour mettre leurs enfants dans une école francophone, pour s'assurer qu'eux, ils allaient apprendre du français. Maintenant, nous voulons les assurer que nous sommes capables, nous sommes prêts à les enseigner et nous sommes vraiment habiles en termes de préparer les jeunes pour vivre, et rester, et participer pleinement dans la société quotidienne du Québec.

M. Kelley : Peut-être d'autres déclarations d'intérêts : Linton et moi jouons au hockey ensemble depuis 40 ans. Alors, ça, c'est une autre... je n'ai pas mis ça sur la table non plus, mais...

Et la deuxième est plus compliquée, parce que ce n'est, à mon avis, pas vraiment touché par la loi n° 14, mais on a, je pense, tout intérêt de garder un réseau des écoles anglophones au Québec. Je pense qu'ils ont leur place. Je regarde mon collègue de Bonaventure, il y a une communauté là qui est très fragile. Alors, de maintenir une offre de services dans les écoles anglaises dans le comté de Bonaventure... On avait le cri du coeur des Townshippers la semaine passée, qui ont un intérêt de conserver leur communauté, et, avec les inscriptions, ils sont à la baisse. Alors, comment corriger le tir?

Il n'y a pas de solution facile, on a jonglé à beaucoup de recettes. Mme Chambers, à un certain moment, a fait un rapport qui a proposé un genre de clause, des personnes qui viennent des pays du Commonwealth, plus les États-Unis, peuvent inscrire... C'est difficile à cerner ça dans la loi, et il n'y avait pas une volonté pour le faire. Mais je comprends, dans la présentation ce soir et d'autres qui ont été faites, que, si on ne fait rien, la clientèle pour les neuf commissions scolaires anglophones au Québec va continuer à être à la baisse, ça va être de plus en plus difficile de garantir qu'à New Carlisle on va aller à l'école en anglais, qu'à Lennoxville on peut le faire, et ainsi de suite.

Donc, la réaction, on dit : C'est juste quelques centaines d'étudiants, des militaires, par exemple, mais c'est l'existence même d'une commission scolaire qui est plus ou moins en jeu avec la démarche. Alors, c'est 16 % de la population. Alors, amputer 16 % dans une toute petite commission scolaire, oui, on peut dire… oui, on peut survivre à ça, mais je pense qu'à un certain moment c'est les choses qui ont un impact qui est beaucoup plus important pour l'objectif recherché. Alors, je pense qu'il faut toujours un équilibre. Et moi, je n'ai pas de solution à proposer ce soir, mais moi, je vais plaider quand même qu'on a intérêt de garder un réseau scolaire anglophone et sa vitalité.

Alors, on a la phrase creuse qu'on met dans tous nos discours, «dans le respect de la communauté historique anglophone», mais juste un avis que, si on ne fait rien au niveau de faire une discussion, comment est-ce qu'on peut s'assurer qu'il y aura des clientèles intéressantes pour ces écoles? On aura un problème à court et moyen terme parce qu'elles sont en déclin, on peut fermer les écoles. Et, une fois qu'on ferme une école anglaise dans une communauté, dans votre comté, à Bonaventure, par exemple, le monde va quitter pour Montréal, ils vont quitter pour Toronto, ils vont aller au Nouveau-Brunswick et... Alors, c'est juste une cause. C'est triste et parfois c'est inévitable. Mais la conclusion de tout ça : on va perdre une présence historique des anglophones dans Gaspé, qui ont toujours forgé l'identité gaspésienne avec les Micmacs, avec les francophones, avec tout le monde, et ça fait partie de qui nous sommes comme Québécois.

Alors, j'ai un problème. Et, comme je dis, une solution ce soir, je ne sais pas, ce n'est pas vraiment dans le cadre du projet de loi n° 14, mais il y a une question très importante de la vitalité du réseau scolaire anglophone. Je pense, la preuve est faite ce soir qu'ils sont des alliés au niveau du défi de : on est 2 % de la population francophone dans une marée anglaise en Amérique du Nord. Alors, je pense, depuis les 10 phrases que j'ai maîtrisées à l'école primaire il y a quelques années, on a fait d'énormes progrès comme partenaires, comme des personnes qui veulent faire la promotion du fait français. Une fois que nous avons dit ça, il y aura l'enjeu de la vitalité que tôt ou tard nous devrons trouver des solutions, parce que c'est un enjeu qui est réel. Il y a un certain cri du coeur au fond du mémoire qui ne touche pas vraiment le projet de loi n° 14 mais quand même la vitalité des communautés anglophones à travers le Québec.

• (20 h 20) •

M. Garner (Linton) : Si je peux prendre un petit peu l'argument qui est présenté par M. Kelley — et merci pour cette clarification — une des pistes de solution peut-être, ce serait de nous aider à garder notre masse critique. On a presque la même problématique en termes… que les francophones, le 2 % en Amérique du Nord, et, les anglophones, le 16 % ici dans le milieu francophone, c'est de garder notre masse critique, et un des volets peut être de donner l'opportunité aux francophones à choisir d'y aller, à des écoles anglophones, ce qui est bloqué présentement, que ça représente un échec, et que peut-être que c'est une piste de solution. Et nous voulons travailler étroitement avec le gouvernement pour réaliser cet objectif-là.

Et même dans mon expérience personnelle... Moi, je suis un coach de basketball. C'est surprenant, j'imagine. Mais, parmi les activités, l'année passée, j'ai participé dans les Jeux du Québec. J'ai eu 14 jeunes de la région de Lac-Saint-Louis, j'ai eu à peu près huit francophones sur l'équipe parmi les 14, et le grand désir de la part de leurs parents : tenir les sessions de pratique en anglais pour permettre aux jeunes d'apprendre mieux, parce qu'ils viennent d'un milieu beaucoup... qui est presque uniquement en français, et eux autres veulent avoir l'opportunité d'apprendre l'anglais et même améliorer leur anglais.

Donc, j'imagine que le taux de représentation qu'on voit des anglophones à l'intérieur des écoles francophones, ce serait le même si ce serait permis par la loi pour les francophones parmi nous autres, en termes de la communauté d'expression anglaise, et ça peut vraiment aider nous à continuer la masse critique de nos commissions scolaires.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Garner. Je cède maintenant la parole à la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Pour combien de temps, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Vien) : 4 min 35 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci. C'est court. Merci à vous. Merci pour votre mémoire, merci de vous être déplacés. J'ai lu le mémoire avec beaucoup d'intérêt, il est très bien fait, très articulé, et, en lisant ce mémoire, il y a vraiment des choses où on se rejoint. Nous considérons qu'il faut protéger la langue française mais dans le respect des droits de la minorité anglophone, bien entendu. Entre autres, vous êtes contre cette nouvelle mesure qui pourrait interdire aux enfants de militaires d'aller à l'école de leur choix; nous aussi.

Et, comme je vous disais, je lisais ça et, les mots que vous avez choisis, j'ai trouvé que dans vos mots il y avait beaucoup d'inquiétude et même un peu d'amertume. Et, si je peux citer une phrase — puis j'aimerais que vous commentiez là-dessus — vous dites : «À la lumière des amendements proposés, on voit clairement que le présent gouvernement perçoit la communauté anglophone et ses institutions comme des secteurs non coopératifs de la population québécoise en matière d'enseignement du français dans nos écoles primaires et secondaires...» Alors, c'est un gros mot, «non coopératifs». Plus loin, vous dites même : Nous ne sommes pas des ennemis, nous sommes des alliés. Alors, pouvez-vous m'expliquer le sentiment qui prévaut ici?

M. Colpitts (Steven) : Je pense qu'on en a parlé un petit peu avant que... En réalité, on se sent comme si on devait tout le temps se défendre. C'est pour ça qu'il y a peut-être ce sentiment-là dans le mémoire, parce qu'on a tout le temps le sentiment qu'il faut se battre, puis pourtant on a tellement mis d'efforts pour pouvoir être un partenaire, justement, essayer de faire notre part pour contribuer à la francisation de notre clientèle. Et, je pense, ça vient de ça, ça vient de ces émotions-là qu'il semble qu'on fait des efforts, mais pourtant à chaque fois il y a quelque chose d'autre qui s'en vient, puis il y a quelque chose d'autre qu'il va falloir se battre. Alors, ça vient de ça.

Mme Roy (Montarville) : Et il y a quelque chose d'autre ici. Dans le projet de loi n° 14, pour vous, c'est surtout des irritants, à cet égard-là, qu'on y retrouve.

M. Colpitts (Steven) : Oui, ça fait partie des irritants.

Mme Roy (Montarville) : Est-ce que vous êtes d'accord, cependant, sur le fait qu'il faille donner davantage de cours de français, franciser davantage les étudiants anglophones mais aussi et surtout nos immigrants, nos nouveaux arrivants?

M. Colpitts (Steven) : Oui, absolument, on pense que c'est important que les immigrants puissent, comme nos élèves, être capables de fonctionner, être capables de travailler et de vivre au Québec en français. Ce qu'on essaie de dire, c'est qu'on pense qu'on fait une bonne job là-dedans, on pense qu'on est capables. On le fait avec nos élèves, on est capables de le faire avec les allophones aussi. Alors, on ne voit pas pourquoi qu'on ne pourrait pas faire le même travail avec eux.

S'il y a une population… On a parlé d'une population pour essayer de ressourcer nos commissions scolaires, on parle des allophones qui viennent… pas des allophones, plutôt des gens qui viennent de pays anglophones ou qui parlent anglais, qui arrivent ici et qui parlent anglais. On peut les amener dans nos écoles et on peut leur apprendre le français. On a prouvé qu'on est capables, on a des bons résultats.

Mme Roy (Montarville) : Oui. À la lecture, justement, des chiffres que vous nous avez soumis, lorsqu'on sait que le taux de décrochage et de diplomation au Québec est bien inférieur à 80 %, vous dépassez les 80 %, je pense que c'est quelque chose qu'il faut souligner, le travail qui est fait dans vos commissions scolaires.

Outre les bons résultats, moi, je me posais une question : Que pensez-vous du fait que, dans ce projet de loi n° 14, on veut faire en sorte qu'il y ait un examen, un genre d'examen — mais on n'a pas encore tous les tenants et les aboutissants, là — un examen qui serait unifié pour l'obtention du diplôme de secondaire V et ultimement du collégial? Qu'en pensez-vous?

M. Colpitts (Steven) : On n'a pas d'objection qu'il y ait un examen. Nous, on est prêts à relever le défi, notre but a tout le temps été que… Encore je le dis, on ne veut pas que les élèves soient fonctionnels dans la langue française, on veut qu'ils soient capables, qu'ils soient complètement à l'aise en milieu de travail et pouvoir vivre en français d'une façon très à l'aise et confortable. Alors, c'est ce qu'on a comme but.

Une des choses, comme on parlait...

La Présidente (Mme Vien) : En terminant, M. Colpitts, si je veux être équitable envers tous les groupes parlementaires.

M. Colpitts (Steven) : Oui. Je vais résumer tout ça très vite.

La Présidente (Mme Vien) : Rapidement, hein, c'est...

M. Colpitts (Steven) : C'est que, si on est pour faire ça, on espère d'avoir les ressources aussi pour pouvoir atteindre ces buts-là. S'il y a des nouveaux buts à donner, c'est ce qu'on demande.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Merci. Alors, Mme la députée de Gouin, le dernier mot est pour vous.

Mme David : Merci.

La Présidente (Mme Vien) : 4 min 35 s pour le faire.

Mme David : C'est ce que j'allais vous demander. Bonjour. Bonsoir.

Deux choses. La première, c'est que je comprends très bien que, sur certains sujets qui soulèvent de l'émotion et tous les sujets autour du vivre-ensemble, le vocabulaire a de l'importance, et, par exemple, on devrait éviter d'utiliser le vocable «communauté culturelle» lorsqu'on parle de la minorité historique anglophone. C'est une minorité historique, et je pense qu'on doit en parler comme ça.

Sur la question de savoir si, pour les autres, on doit parler de communautés culturelles, communautés ethnoculturelles, groupes issus de l'immigration ou minorités ethniques, je comprends la sensibilité. Moi, ma tête n'est pas faite là-dessus, je vais y réfléchir. On a un questionnement, à Québec solidaire, sur cette question-là. Donc, il nous reste encore quelques semaines pour y réfléchir, mais je suis très sensible à ce que vous apportez.

Maintenant, j'aurai une question, parce que, même si je comprends très bien cette inquiétude exprimée d'en quelque sorte disparaître, une inquiétude que les francophones devraient comprendre très bien, d'ailleurs, et comprennent très bien, il reste que de vous voir proposer que, finalement, tous les parents, qu'ils soient francophones ou allophones, aient le choix d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, permettez-moi de vous dire que c'est quand même une remise en question de la loi 101 — si on ne veut pas jouer avec les mots, là, c'est quand même ça — et là moi, j'ai un problème, parce que je pense quand même que la loi 101 a permis au Québec francophone de progresser énormément. Et je dis ça sans rien vous enlever des efforts que vous avez faits, là, vraiment rien. Et moi, je pense donc qu'on doit maintenir les dispositions de la loi 101 qui sont confirmées par le projet de loi n° 14. Puis j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous craignez de disparaître, je comprends, mais, vous, est-ce que vous comprenez que la majorité francophone, qui est une infime minorité en Amérique du Nord, a peur aussi de disparaître?

• (20 h 30) •

M. Garner (Linton) : C'est sûr et certain, j'aimerais vous le dire, sans doute on reconnaît la menace que les francophones ont sentie en termes de leur avenir ici, dans l'Amérique du Nord, et on avait pris ça à coeur que, oui, il y avait vraiment inquiétude là. Ce que nous voulons faire, c'est de ne pas nier cet aspect-là mais de vous rejoindre en termes du bâtiment de cette société. Et nous, on se sent que, si long que nous travaillons ensemble en tant que partenaires, et évidemment avec des accommodations peut-être plus raisonnables en termes de l'entrée à des écoles anglaises, on va bâtir une société qui va aussi, dans son ensemble, appuyer cet effort-là que le fait français resterait ici, au Québec, et que ce soit préservé en tout temps. Et je pense que c'est la meilleure façon de rejoindre les gens. Et, dans cet effort, je pense que, depuis des années, on a entendu des paroles, qu'il y a certains groupes qui ne rejoignent pas cette idée-là, le fameux discours de M. Parizeau lorsque... les minorités et l'argent, et c'est un sentiment au coeur que nous ne partageons pas, qui nous ne rejoint pas, mais peut-être c'est à cause de ne se sentir pas comme partie prenante, à cause que le partenariat, il n'est pas «extendé» à nous autres comme on se sent qu'il faut. Et, au moment que ça soit réalisé, je pense que de plus en plus les francophones, en majorité, vont s'entendre que nous voulons aussi promouvoir le fait français du Québec.

La Présidente (Mme Vien) : 30 secondes, Mme la députée.

Mme David : O.K. Alors, une question extrêmement courte. Je vois que la maîtrise du français est un critère obligatoire d'embauche pour beaucoup des postes à la commission scolaire. Dans quelle proportion, s'il vous plaît?

M. Colpitts (Steven) : Tout ce qui... l'enseignement du français surtout, naturellement, mais, à la commission scolaire, beaucoup de postes. Voilà peut-être cinq ans, même 10 ans, quelqu'un qui voulait être en administration à la commission scolaire n'était pas nécessairement bilingue. Maintenant, on ne peut pas accéder à un poste à mon niveau sans être bilingue.

La Présidente (Mme Vien) : Merci infiniment. Merci à vous trois de vous être déplacés ce soir.

Alors, les travaux de la commission sont terminés, et nous ajournons à demain, après les affaires courantes. Merci à tout le monde. Bonne nuit, bonsoir. Merci.

(Fin de la séance à 20 h 32)

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