L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation

Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le jeudi 2 mai 2013 - Vol. 43 N° 29

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Fédération des associations de familles monoparentales
et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance (CQSGEE)

Remarques finales

Mme Nathalie Roy

Mme Francine Charbonneau

Mme Marie Malavoy

Autres intervenants

Mme Jeannine Richard, présidente suppléante

M. Daniel Breton

M. Émilien Pelletier

Mme Danielle St-Amand

*          M. Pierre St-Germain, FAE

*          M. Sylvain Mallette, idem

*          Mme Sylvie Lévesque, FAFMRQ

*          Mme Lorraine Desjardins, idem

*          Mme Sylvie Gingras, CQSGEE

*          M. Jacques Moreau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-six minutes)

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à tout le monde d'éteindre la sonnerie de vos cellulaires, s'il vous plaît.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques, dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Roy (Bonaventure) sera remplacé par Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion) par Mme St-Amand (Trois-Rivières).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. À l'ordre du jour cet avant-midi, nous entendrons la Fédération autonome de l'enseignement et la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec. Cet après-midi, nous poursuivrons avec le Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance et nous terminerons avec les remarques finales.

Alors, maintenant, nous recevons la Fédération autonome de l'enseignement. Alors, M. St-Germain, vous êtes le porte-parole, je pense. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre première allocution et vous pouvez nous présenter les gens qui vous accompagnent en tout début. Vous avez la parole.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

M. St-Germain (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations à la ministre. Mmes, MM. lesparlementaires. Merci, donc, de nous recevoir pour nous permettre de livrer nos commentaires, nos analyses et suggestions au regard du projet de loi n° 23.

À ma droite, M. Sylvain Mallette, qui est vice-président à la vie professionnelle à la fédération, donc, s'occupe notamment des dossiers concernant les maternelles, et Mme Marie-France Levac, conseillère syndicale, qui s'occupe des projets pilotes qui ont cours actuellement.

Je ne vous cacherai pas que c'est avec beaucoup de soulagement et de satisfaction que la FAE a reçu ce projet de loi, mince peut-être par son texte, mais lourd de retombées positives, un soulagement qui confirmait, pour nous, la volonté de la ministre de tenir promesse. Satisfaction également parce que, pour la FAE, cette mesure répond à des demandes maintes fois exprimées par nos membres. Lors d'une consultation, là, 75 % des enseignantes du préscolaire disaient souhaiter cette mesure-là.

Par ailleurs, lors de la dernière négociation, dans un souci d'améliorer les services aux élèves en difficulté, nous avons convenu, et ça, ce n'est pas anodin, d'insérer, dans notre propre convention collective, la mise en place de six projets pilotes dans autant de commissions scolaires de nos territoires.

Il peut être intéressant aussi de se rappeler, de faire un petit tour historique pour se dire que cette idée-là ne date pas non plus d'hier. Alors, sans se faire un vaste cours d'histoire, on peut se rappeler que déjà, il y a 50 ans, la commission Parent recommandait l'implantation du préscolaire quatre ans en disant qu'il fallait apporter une attention particulière aux enfants issus de milieux défavorisés. En 1979, en 1996, le Conseil supérieur de l'éducation recommandait, dans divers rapports au ministre, d'évaluer la mise en place de tels services aux enfants de cinq ans, quatre ans, voire même trois ans. Les états généraux de 1996 souhaitaient qu'on élargisse l'offre de services gratuits aux enfants de quatre ans en milieux défavorisés ou encore ayant des besoins particuliers.

Depuis 15 ans, malgré une popularité, je dirais, indéniable des centres à la petite enfance, on constate qu'il y a encore une part importante, aux alentours de 27 % des enfants de quatre ans, qui ne fréquente pas les CPE. Donc, on comprendra que cette proportion pourrait être aussi beaucoup plus importante si on était capables de cibler les enfants de milieux défavorisés qui ne fréquentent pas les CPE.

Je pense que c'est important aussi qu'on se dise qu'il faut cesser, là, de mettre les CPE et les maternelles quatre ans en opposition. Il faut les considérer comme étant des mesures qui se complètent. Elles ne touchent pas les mêmes enfants et ne ciblent pas les mêmes objectifs.

(11 h 30)

Pour notre fédération, cette mesure, si elle est poussée et soutenue, s'inscrit non seulement dans un plan d'aide aux enfants en difficulté, mais est au coeur de ce que devrait être un plan gouvernemental de lutte à la pauvreté. Nombreux sont les enfants qui rencontrent des problèmes scolaires et plusieurs décrochent ou encore obtiennent des diplômes peu qualifiants.

Quand on parle aussi d'études, on pourrait en déposer, hein? Elles sont nombreuses qui identifient la pauvreté comme facteur important de décrochage scolaire. Quand on parle de l'effet de cette pauvreté sur le développement global des enfants, on va comprendre que certains puissent entrer à l'école en ayant déjà un retard sur les autres enfants. Alors, ce sont souvent des enfants issus de familles monoparentales, qui disposent de peu de ressources, peu d'accès peut-être à des livres, du matériel divers, de la documentation, moins de jeux éducatifs, souvent des problèmes de nutrition, hein, l'accès à de la nourriture de qualité, qui entraînent aussi des problèmes de développement physique, psychologique, donc plusieurs problèmes qui viennent, je dirais, entacher ou empêcher, là, les enfants de bien se développer en milieu scolaire, en tout cas… et de poursuivre leurs études. Un milieu quelquefois peut-être moins stimulant qu'ailleurs et où on rencontre aussi des problèmes souvent auprès de ces élèves, des problèmes de langage, des problèmes en termes de motricité.

Vous comprendrez que l'école ne peut pas compenser de la pauvreté financière, là, au plan social. Mais l'école, cependant, peut donner aux enfants et aux parents des outils pour s'en sortir. Si les enfants décrochent au secondaire, ce décrochage s'est préparé bien des années avant. Alors, on comprendra également qu'instaurer, donc, des classes de préscolaire quatre ans, ça ne se limite pas non plus à confiner, là, 15 enfants dans un local, O.K.? Cette mesure ne peut venir seule. Elle va nécessiter d'autres ressources, d'autres moyens, des aménagements particuliers.

Alors, je vais laisser la parole à M. Mallette qui va faire le profil, actuellement, des projets pilotes qui ont cours, alors, en termes de retombées, leur déroulement et des conditions de réussite.

M. Mallette (Sylvain) : Donc, en tenant compte des inquiétudes, dont certaines sont à propos, adressées aux membres de cette commission et relayées par certains médias d'information, nous souhaitons profiter de notre présentation aujourd'hui pour faire état d'un bilan préliminaire des six projets pilotes visant à offrir à des enfants âgés de quatre ans issus des milieux défavorisés la possibilité de fréquenter la maternelle à temps plein.

Les résultats obtenus jusqu'à présent et les observations émises par les enseignantes impliquées, qui, jusqu'à la dernière rentrée scolaire, accueillaient des enfants de quatre ans à demi-temps, sont encourageants et permettent d'anticiper des retombées positives et structurantes pour les divers milieux dans lesquels est actuellement expérimenté ce type de service. C'est en s'appuyant sur l'expertise des enseignantes, une expertise tirée de la pratique quotidienne, que nous vous livrons aujourd'hui ce bilan préliminaire.

À plusieurs égards, la fréquentation du service à temps plein démontre des bienfaits notables pour le développement global des enfants de quatre ans. Parce que cette formule leur en donne le temps et qu'ils vivent moins de ruptures dans le déroulement de leur journée, les enfants intègrent plus rapidement les règles de vie et de fonctionnement de la classe. Le temps alloué permet une exploration et une exploitation plus approfondie des contextes d'apprentissage que leur offrent le jeu et les activités dirigées. Les élèves des projets pilotes démontrent un plus grand intérêt pour les livres et une plus grande curiosité dans leur rapport aux activités.

Les apprentissages visent évidemment le développement global de l'enfant. L'allongement du temps de classe permet davantage l'utilisation de situations réelles et spontanées. Sur le plan affectif, la stabilité apportée par la fréquentation du même local et des mêmes adultes durant toute la journée est déterminante, notamment puisqu'elle réduit l'angoisse et l'insécurité causées par la transition récurrente d'un environnement à un autre. La socialisation s'en trouve plus riche et plus approfondie. Les relations interpersonnelles s'avèrent plus chaleureuses, plus propices à l'entraide, à la solidarité et même à la résolution de conflits.

Le développement physique et moteur démontre des progrès. La journée pleine permettant aux enfants de vivre fréquemment des activités physiques, on constate que leur motricité globale se développe généralement mieux. Quant à elle, la motricité fine des enfants de la maternelle quatre ans temps plein accuse un léger en retard en début d'année sur le mi-temps, mais ce retard se résorbe au cours de l'année. L'allongement du temps de présence aidant, la routine est plus stable et la période de repos peut être prolongée pour ceux qui en ont besoin. Les enseignantes observent moins de fatigue, d'irritabilité et de nervosité chez les élèves.

Sur le plan du langage et de la littératie, les occasions de discuter, d'interagir, de s'exprimer étant plus fréquentes, cela aide notamment les enfants à développer plus rapidement leur langage, mais également à aiguiser leur curiosité par une pratique plus notable du questionnement. L'apprentissage du français par des élèves allophones semble en être accéléré et facilité. Le temps disponible permet plus d'interactions et de profondeur dans les échanges.

Sur le plan du développement cognitif et à la numératie, les enfants peuvent aller plus loin dans leurs processus mentaux et leur raisonnement. Les interactions sont plus fréquentes, et les stratégies d'apprentissage ou de résolution de problème s'avèrent plus variées. Leurs expérimentations et leurs jeux témoignent d'un plus grand degré de complexité. Sur l'ensemble des caractéristiques observées, les projets pilotes sont très bénéfiques pour la stimulation et le développement global des enfants.

Les enseignantes notent également que le climat d'apprentissage est plus harmonieux et qu'elles ont moins à intervenir sur les comportements ou dans la gestion des conflits puisque le nombre d'élèves dont elles ont la responsabilité est moindre. Même si la planification est plus exigeante en raison de l'allongement du temps de présence de chaque enfant qui nécessite une plus grande variété d'activités d'apprentissage à préparer, les enseignantes se sentent plus en mesure de planifier leurs interventions tout en étant plus à même de faire preuve de souplesse en profitant de situations spontanées.

Enfin, puisqu'elles n'ont qu'un seul groupe d'élèves, elles disposent de plus de temps pour échanger avec les professionnels, faire les suivis appropriés et elles peuvent également faire des observations plus poussées et, par conséquent, faire une évaluation plus complète ainsi qu'un meilleur suivi auprès des parents. Le facteur temps, principalement, tend à améliorer la qualité des activités de groupe, des ateliers de jeux libres qui peuvent être mieux orchestrés et enchaînés dans une même journée. Les activités sont moins précipitées, et il est possible de les approfondir pour en tirer le meilleur parti pour chaque enfant.

Je tiens aussi à souligner auprès de la commission que le ministère et les commissions scolaires doivent favoriser l'aménagement des locaux, permettre un accès rapide à des ressources professionnelles et de mesures de soutien pour les enfants et, évidemment, mettre en place un perfectionnement pour permettre aux enseignantes de s'approprier le contenu du nouveau programme qui est en cours d'élaboration.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, messieurs.

M. St-Germain (Pierre) : Je voudrais, si vous me le permettez, revenir sur le projet de loi en lui-même. On comprendra...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Vous aurez l'occasion de vous exprimer. Nous allons passer à la période d'échange, mais retenez votre propos pour pouvoir répondre quand même et échanger avec la ministre.

Alors, nous allons passer du côté du gouvernement. Vous disposez de 17 minutes pour faire les échanges avec nos invités. Alors, Mme la ministre.

Mme Malavoy : Merci. Merci à vous d'être là, parce que je sais que, dans toute cette question, vous avez, effectivement, été des... à la fois des convaincus et des convaincants. Je pense que vous avez contribué à ce que ce projet aille de l'avant. Et donc vous avez le très grand avantage, par rapport à bien des personnes qui sont venues parler, de nous raconter une histoire vraie, qui est celle des enfants qui sont actuellement dans les projets pilotes qui ont été autorisés.

Donc, ça m'intéresse, vous comprendrez, de parler d'abord des retombées positives, c'est-à-dire de profiter de votre expérience pour nous dire quelles sont les retombées. Vous en nommez un certain nombre, mais il y en a sur lesquelles j'aurais envie, peut-être, d'avoir un peu plus d'éclaircissements. Vous dites... ça, je le comprends, et plusieurs personnes sont venues nous parler également du rétablissement d'un lien de confiance envers l'école et que c'est un... très souvent, ce sont des familles qui n'ont pas d'histoire tout à fait heureuse avec l'école et que, donc, il y a un premier avantage très important, c'est que l'école peut être vue comme un lieu qui va aider leur enfant à prendre sa place puis, bon, à prévoir un avenir intéressant.

Une des choses qui semble un peu complexe, c'est : Comment fait-on précisément pour que des parents qui ont des réticences et même, parfois, une allergie à l'école fassent le saut puis acceptent que leur enfant y aille à quatre ans? Là, je n'embarque pas dans la question : Pourquoi ils ne choisissent pas les centres de la petite enfance? On en a parlé, ça, quand même assez abondamment. Mais, comment sont-ils recrutés, comment sont-ils approchés pour justement démarrer le lien de confiance et y aller? J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus.

(11 h 40)

M. Mallette (Sylvain) : Bien, on peut, à partir des six expérimentations, là, qui ont cours actuellement, la démarche qui a été entreprise par les commissions scolaires, en collaboration, évidemment, avec l'enseignante, c'est d'interpeller directement les parents. Il y a donc eu l'organisation de rencontres entre l'enseignante et les parents, qui permettaient aux parents de bien saisir l'objectif de transformer le demi-temps à temps plein, puis il faut comprendre que c'étaient déjà des enseignantes qui étaient déjà à demi-temps l'année dernière. Donc, elles étaient en mesure d'expliquer ce que les enfants vivraient dans la classe. Il y a donc nécessité, il était important, pour le milieu scolaire, de réunir les parents puis aussi faire peut-être tomber, là, des inquiétudes qui étaient très, très légitimes, là, quant à l'organisation quotidienne des enfants. Puis je vous dirais que, dans les faits, déjà pour l'an prochain, là, il y a plus de demande que d'offre. Il y a plus de parents qui demandent à ce que les enfants puissent bénéficier du temps plein que de places disponibles. Donc, cette offre-là répond à une demande qui est clairement formalisée, là, ou verbalisée par les parents.

M. St-Germain (Pierre) : Il faut peut-être aussi ajouter que le fait de... parce qu'à l'heure actuelle on ne constate peut-être pas un engouement aussi important pour la maternelle quatre ans demi-temps. À partir du moment où on offre le service à temps plein, ça peut devenir quelque chose de plus attrayant pour les parents. Donc, comme le dit M. Mallette, on constate actuellement qu'il y a un réel engouement dans les milieux où cette mesure-là s'implante. Donc, à long terme, on pense qu'il y aura un effet d'entraînement et qu'elle saura se répandre de façon plus importante.

Mme Malavoy : Il y a une critique, enfin, je dirais une crainte que plusieurs ont exprimée, à laquelle d'autres n'adhèrent pas, entre autres le président du Conseil supérieur de l'éducation, mais, lui, il a une approche de réflexion… vous avez une approche très, très pratique. C'est le lien entre la trop grande homogénéité des groupes et la ghettoïsation ou l'étiquetage des enfants. Moi, je trouve que c'est une question centrale, mais j'aimerais vous entendre de votre expérience là-dessus.

M. St-Germain (Pierre) : Sur cette question... Bien, je vais en faire un bout. Je peux comprendre... c'est-à-dire, je peux comprendre... Je l'entends, mais j'ai de la difficulté à comprendre quand on parle de ghettoïsation. En principe, là, l'école, hein, c'est un milieu de vie. Parler de ghettoïsation, est-ce qu'une école de quartier est un ghetto? Hein, il a été une époque, là, où les gens, là, quand ils s'installaient dans un quartier, ils cherchaient l'église, l'école puis le bureau de poste. Tout le monde cherche l'école de proximité. Donc, est-ce qu'on doit dire que les enfants qui sont dans la classe de première année, c'est un ghetto parce qu'ils correspondent à un milieu socioéconomique identifié géographiquement? Alors, la question de ghettoïsation, quant à nous, est une fausse question. De regrouper des enfants qui sont de milieu défavorisé ensemble, le quartier en lui-même est un quartier défavorisé. Donc, il est normal que l'école regroupe davantage d'enfants issus de ces milieux-là. Alors, je ne comprends pas qu'on puisse invoquer cet argument-là pour venir, je dirais, discréditer cette mesure-là.

M. Mallette (Sylvain) : Et ce que je souhaite rajouter, parce que ça m'a troublé aussi quand j'ai entendu cette crainte-là, c'est : Qu'est-ce qui est le plus dommageable? De regrouper des enfants qui partagent un certain nombre de caractéristiques socioéconomiques dans une même classe ou attendre qu'ils aient 14, 15 ans, les voir décrocher puis se retrouver à l'éducation des adultes dans une même classe? Qu'est-ce qui est le plus dommageable? Le ghetto, on le crée où? On l'a créé parce qu'on... finalement, ces enfants-là risquent de décrocher et vont se retrouver, de toute façon, ensemble, après avoir décroché, dans un centre d'éducation des adultes pour aller chercher le diplôme qu'ils n'ont pas été capables d'aller chercher.

Mme Malavoy : Ce que je trouve intéressant, c'est le lien que vous faites, et je le fais volontiers aussi, entre ce qui se passe dans la petite enfance et les effets que ça peut avoir plusieurs années plus tard auprès de jeunes qui décrochent. Et je pense que, si on est bien conscients de ça, on va avoir d'autant plus envie que cette implantation des maternelles quatre ans, de façon progressive pour les milieux défavorisés, aille de l'avant.

Je vais aborder une autre question parce que je me sers de vous, mais dans le bon sens du terme. Vous avez l'avantage d'avoir une expérience terrain. On a questionné également la formation des enseignants. Je ne reprendrai pas toutes les critiques qui ont été faites, même qui ont été faites, un peu à notre étonnement, par les personnes qui représentent le personnel formé au préscolaire et au primaire. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Est-ce que le personnel enseignant a pu s'adapter à des enfants de quatre ans à plein temps qui n'ont pas le même développement qu'un enfant de cinq ans, là? La différence peut être assez importante. C'est quoi, votre expérience là-dessus?

M. St-Germain (Pierre) : Écoutez, là encore, on comprend mal les critiques qui viennent. Ça fait 15 ans qu'on offre le préscolaire quatre ans à demi-temps. On n'a jamais remis en question l'expertise, la compétence des enseignantes et des enseignants. Sous prétexte qu'on arrive maintenant à temps complet, elles perdent leurs compétences. Elles auront besoin de perfectionnement, nous le reconnaissons. Passer d'une demi-journée à une journée complète, ce n'est plus le même programme. Moi, je suis un prof de science. Quand on introduit de nouveaux programmes, j'ai besoin de perfectionnement pour maîtriser les contenus. Mais la formation initiale est la même pour les enseignantes. Qu'elles soient à demi temps ou à temps complet, les compétences qu'on leur transmet à travers la formation universitaire, ce sont les mêmes qui vont être utilisées en avant-midi et en après-midi. Alors, pour moi, c'est un faux prétexte, et je pense que tout ce tollé ou, en tout cas, tout ce qui se passe autour de l'arrivée du préscolaire quatre ans relève, quelque part, de... En tout cas, je pense qu'il y a des enfants qui sont vus comme un marché, là, puis qu'il y a des groupes qui voient perdre, en tout cas, et voient s'échapper des opportunités d'affaires. Alors, moi, je pense qu'il faut rappeler que les enfants de milieux défavorisés ne fréquentent pas, la plupart du temps, ces services-là. Alors, on a une obligation de les aider.

Et quand on nous parlait, tantôt, d'homogénéité, si on veut éviter que les enfants se retrouvent stigmatisés, rendus au secondaire, dans les classes de cheminement particulier où, là, la stigmatisation est beaucoup plus importante, on a intérêt à les aider dès leur plus jeune âge pour qu'ils puissent s'intégrer par la suite en première, deuxième année, dans des classes plus hétérogènes et trouver leur place exacte dans le parcours scolaire.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Je trouve votre argumentaire très intéressant, madame et messieurs. Je dois vous avouer que, j'en ai palé hier, moi, j'ai, dans ma circonscription, l'école Champlain où il y a maternelle quatre ans, où je trouve qu'ils font vraiment un travail exceptionnel. Et puis c'est — vous le savez peut-être, j'imagine que vous le savez — l'école est considérée comme la plus défavorisée sur l'île de Montréal, et là vous dite que les enfants... les familles de milieux défavorisés seraient plus facilement portées à inscrire leurs enfants dans les maternelles que dans les CPE. J'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, s'il vous plaît.

M. St-Germain (Pierre) : Prenons un cas hypothétique. Je suis mère monoparentale, je suis sur l'aide sociale, je ne travaille pas. Envoyer mon enfant dans un centre à la petite enfance, dans un service de garde, il y a une forme de stigmatisation. Mais les gens, là, autour de moi vont dire : Elle ne travaille pas, elle fait garder ses enfants. Envoyer son enfant à l'école, il n'y a pas personne qui va trouver ça répréhensible. Déjà, là, c'est une première, quant à moi, là, mesure qui fait en sorte que les mères — parce que je vais cibler davantage les mères parce que ce sont plus souvent des mères quand on parle de familles monoparentales — on va leur enlever ce fardeau-là. Et j'ajouterais même — parce que, quand on disait que ça faisait partie, pour nous, d'un plan de lutte à la pauvreté — ça fait en sorte que ces mères-là, parce que, souvent, certaines sont des décrocheuses, donc n'ont pas terminé leur scolarité, ça leur permettrait d'avoir du temps de qualité pour retourner sur les bancs d'école, se former et retourner sur le marché du travail et mieux jouer aussi, par la suite, leur rôle de mère en termes d'accompagnement de leur enfant pour le suivi scolaire. Parce que, quand on parle d'indice de défavorisation, c'est quoi, le principal facteur? C'est la scolarisation de la mère, qui compte pour le deux tiers de l'indice. Quand une mère est moins scolarisée, on considère que les chances de réussite d'un enfant sont diminuées. Donc, en scolarisant les parents, on aiderait aussi les enfants dans leur parcours scolaire et, aux parents, à mieux faire — excusez l'expression — leur travail de parents auprès des enfants.

M. Breton : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme la ministre.

Mme Malavoy : On va poursuivre, si vous permettez, là-dessus, sur l'effet sur les parents et, je dirais, sur la famille, parce que vous notez, dans votre mémoire, que cela a un effet bénéfique sur la cohésion de la famille. Donc, abordez-le en deux temps peut-être : la cohésion de la famille, mais aussi l'effet sur les parents. Est-ce que certains parents sont comme eux-mêmes remis en mouvement par rapport à des apprentissages à l'occasion d'une maternelle qui s'adresse à leurs enfants, étant entendu qu'il faut que les parents soient dans le décor, quelque part, là? Parce qu'à quatre ans ce n'est pas deux univers séparés, l'univers de l'enfant et celui de sa famille.

M. St-Germain (Pierre) : Ce qui est avantageux avec la maternelle quatre ans, nous ne sommes pas dans un cadre éducatif comme on l'est quand on est en première année, et ainsi de suite, ce qui permet donc, je dirais, une zone tampon de deux années pour que les parents apprivoisent l'école et non pas tout de suite rentrer dans l'école, dans un cadre plus formel où l'enfant pourrait être susceptible de vivre des échecs. Donc, je pense que cet espace-là, ce deux ans là, permet à l'école d'établir des liens avec les parents, permet également à l'école, donc, de trouver des solutions quand on peut faire du dépistage, de l'intervention précoce, donc d'aider les enfants. Les parents y voient aussi le côté bénéfique à la chose. Il y a donc un aspect… quelque chose d'organique, hein, de communautaire qui va s'établir entre l'école et les parents.

Alors, moi, je pense que les parents qui ont vécu de mauvaises expériences à l'école, ça leur permet de voir leurs enfants cheminer non pas dans un contexte où... on n'échoue pas son préscolaire quatre ans puis on n'échoue pas son préscolaire cinq ans. Donc, on met déjà la table dans des situations de réussite et de confiance entre l'école et le milieu.

M. Mallette (Sylvain) : Et, si vous permettez, à titre d'exemple, dans un des six projets pilotes où on regroupe... il y a beaucoup d'enfants issus de l'immigration, les parents à un moment donné, au cours de l'année, qui ont une conception très stricte de la discipline, très, très stricte, les parents ont demandé à l'enseignante d'avoir accès à des outils, à des moyens, à des approches différentes pour faire la discipline auprès de leur enfant parce qu'ils constataient que leur enfant avait évolué différemment et ils voulaient donc être outillés.

Donc, on est dans une préscolarisation, mais ça permet aussi aux parents d'exprimer des besoins qui vont au-delà de la préscolarisation. Donc, ça permet aux parents d'établir des liens, je vous dirais, moins conflictuels avec des enfants qui auraient des comportements que le parent juge inadéquats.

Mme Malavoy : Une dernière question, peut-être? Je sais qu'il n'y a plus beaucoup de temps.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Oui.

Mme Malavoy : On comprend qu'on parle d'enfants qui sont vulnérables, qui proviennent de milieux défavorisés, qui ont des carences. Prenons celle du vocabulaire, par exemple, qui en est une importante dont vous parlez. Quelle est la relation avec les parents quand on identifie des difficultés que leurs enfants peuvent avoir? Parce que, là, il s'agit de mon enfant, O.K.? C'est du mien dont on parle. Puis on sait, comme parents, on a tendance à vouloir voir le bon côté des choses pour nos enfants et on n'est pas forcément très, très ouverts à ce qu'on nous signale leurs difficultés ou leurs défauts. C'est une donnée universelle, ça, je pense.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, un peu plus de deux minutes, là. Vous avez du temps.

(11 h 50)

M. Mallette (Sylvain) : Ce qu'on a pu... Ce que les enseignantes ont pu observer, c'est qu'étant... à partir du moment où elles n'ont qu'un seul groupe... parce que, lorsqu'elles sont à demi-temps, elles ont deux groupes, donc deux groupes pour lesquels elles doivent faire l'évaluation, produire le bulletin... Et là je n'aborde pas la question sous l'angle de l'outil. L'outil, c'est une chose. Ça... Le temps... Elles possèdent maintenant plus de temps pour parler avec le parent, expliquer pourquoi cette cote-là apparaît dans le bulletin, quelle est la difficulté de l'enfant et permettre aussi aux parents, donc, d'exprimer des inquiétudes. Parce que, quand un... une enseignante dit à un parent : Bien, moi, j'observe que votre enfant a cette difficulté-là, il y a évidemment une réaction légitime de la part du parent. Donc, elles disposent de plus de temps pour expliquer quelle est la difficulté, mais aussi rassurer le parent et lui permettre... lui donner des pistes pour être capable d'accompagner son enfant afin qu'il résorbe cette difficulté-là. Et ça, elles l'ont observé de façon très, très précise.

Il faut donc — et ça, on l'indique aussi — il faut donc que le ministère prévoit des outils adaptés à cette réalité-là, donc mettre en place un outil qui va parler aux parents, pas tant aux gens de... au monde de l'éducation, mais que le parent puisse bien comprendre ce que veut dire l'enseignante. Et ça, les enseignantes l'ont observé, là, cette année.

M. St-Germain (Pierre) : On comprendra aussi, dans ces relations-là, l'importance de services professionnels également, parce qu'on parle beaucoup des enseignantes et des enseignants, mais il y a un accompagnement professionnel également qui est nécessaire, qui fait... Donc, servir d'interface entre l'école et la maison pour aider aussi au niveau des relations, mais aussi des services à donner, là, auprès de la famille.

Mme Malavoy : C'est très intéressant, je comprends que c'est...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Une minute, oui?

Mme Malavoy : Non, je vais simplement vous remercier, parce que ce qui est intéressant, c'est que vous êtes rassurants sur, je dirais, certains questionnements. Vous ne les abordez pas de façon théorique, mais vous avez expérimenté des choses. Et donc merci pour cet éclairage qui provient vraiment d'expériences très prometteuses, je crois. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la ministre. Les échanges vont se poursuivre avec l'opposition officielle. Mme la députée de Mille-Îles, vous disposez de 14 min 20 s.

Mme Charbonneau : Merci beaucoup, Mme la Présidente, Mme la ministre, collègues de chaque côté. M. St-Germain, bonjour. On a fait les salutations un petit peu plus tôt.

Alors, j'enfile tout de suite aux questions, parce que le temps a été un peu raccourci, puis on essaie d'avoir, un peu comme la ministre dit, le bénéfice de gens qui ont l'expérience, depuis quelque temps, sur un préscolaire quatre ans.

Je reviens sur quelques termes. J'aimerais savoir, rapido, les six projets pilotes ont été mis dans des écoles cotées 9-10, oui?

M. St-Germain (Pierre) : Oui.

Mme Charbonneau : Parfait. Je reviens sur le principe de ghettoïsation, parce que, vous avez raison, si l'école est cotée, c'est que son environnement l'est tout autant, hein, parce qu'on sait que l'école de... ce n'est pas juste l'école, qui est cotée, c'est l'environnement qui fait que cette école est reconnue. Mais, si je suis une commission scolaire et je ne fais qu'une seule classe, bien, ça se peut que je choisisse l'endroit où il y a de la place, qui est une école qui est cotée 6, et que, tout à coup dans cet environnement-là, on apprend qu'il y a une classe quatre ans, et, tout à coup, on sait que les petits bouts de chou de quatre ans qui sont accueillis là à temps plein, ce sont tous — et, on se le dit, là, les enfants, c'est bien fin, mais ça peut être bien méchant — ils sont tous les petits pauvres qui viennent dans notre école.

Donc, quand on prend le principe, puis je comprends le fait que ça ne devrait pas être dit comme ça, mais le mot qui a été choisi pour le dire, c'était plus le regard qu'on pouvait porter. Il ne se veut pas nécessairement négatif, mais on se dit : Si on est pour avoir une bonne idée puis la mettre en place, mettons là en place avec les meilleures conditions puis soyons soucieux de cet aspect-là. Donc, je revenais sur ce point-là juste pour vous dire… parce que je l'ai utilisé à plusieurs égards, le principe de ghetto.

Plusieurs choses dans votre mémoire. Vous êtes revenus — j'ai pris des notes partout — vous êtes revenus sur l'expertise des enseignants. Je vous dirais que, quand on a questionné ou quand j'ai entendu des questions sur l'expertise de l'enseignant, c'était plus sur : Est-ce qu'on peut, dans un groupe 1-18 — parce qu'au départ on disait 1-18 plutôt que 1-15 — est-ce qu'on peut imaginer une enseignante s'y retrouver ou serait-il plus favorable qu'elle soit accompagnée par quelqu'un qui pourrait venir compléter, par une formation à la petite enfance — puisque les enseignants, dans le principe du bac, ont une expertise incroyable, mais une expertise primaire, donc pas juste quatre ans, cinq ans — est-ce qu'on peut la faire accompagner par quelqu'un qui pourrait venir compléter cet aspect-là puis donner une expérience complémentaire auprès du groupe classe?

Et, quand on a rencontré les gens de Saint-Zotique, l'école Saint-Zotique, ils nous ont dit qu'effectivement, à mi-temps, il y avait quelqu'un qui venait compléter, qui ne prenait pas la place de l'enseignant — c'est la place de l'enseignant, de diriger le groupe — mais qui venait compléter l'expertise de la classe. Donc, jamais au grand jamais on n'a mis en doute le professionnalisme et l'approche d'une enseignante présco. Et je rajoute toujours que je sais qu'il y a une stabilité de personnel auprès du préscolaire qui est incroyable. Les autres années, des fois, ça bouge un peu, les enseignants se promènent entre la première et la sixième année. Mais, au présco, il y a une grande, grande... une belle stabilité, du moins je le crois, et peut-être que vous allez corriger mon tir.

Dans les projets pilotes que vous avez faits, pouvez-vous juste me situer... je connais... bien, je connais, j'ai rencontré les gens de Saint-Zotique, pouvez-vous juste me situer où les groupes classes ont été localisés dans les différentes commissions scolaires?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, c'est M. Mallette qui va répondre?

M. Mallette (Sylvain) : Oui. Bien, d'abord, vous dire très rapidement, Mme la députée, que les enfants de quatre ans, ils ne parlent pas de ghettoïsation puis ils ne parlent pas de ghetto non plus. Ce sont toujours les adultes qui parlent de ghetto. Les enfants de quatre ans, là, ce ne sont pas les enfants qui portent des étiquettes, c'est les adultes qui leur en font porter.

Sur la question des ressources, dans certains projets pilotes, certaines enseignantes bénéficient d'une technicienne en éducation spécialisée à temps plein. Dans d'autres, c'est à demi temps, étant donné que ce sont des modèles qui sont développés différemment, en fait, dans six commissions scolaires en fonction des services... les ressources qui existent en vertu des politiques locales d'aide aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation d'apprentissage. Les modèles se sont donc développés différemment.

Il y a aussi parfois des manques, hein, il y a un manque de ressources. Ça, les enseignantes l'ont constaté, là, et d'où le besoin pour elles d'avoir accès à des ressources en nombre suffisant et très rapidement.

Sur la localisation des six projets, il y en a un à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, l'école Enfant-Soleil, une à la Pointe-de-l'Île, l'école Jules-Verne, une à la commission scolaire de Montréal, Camille-Laurin, trois dans l'Outaouais, Portages-de-l'Outaouais, l'école Saint-Rédempteur, commission scolaire des Draveurs, l'école La Source et, la commission scolaire au Coeur-des-Vallées, l'école de la Montagne.

M. St-Germain (Pierre) : On a eu, donc, le souci de répartir le tout pas seulement en milieu urbain, mais également dans d'autres régions.

M. Mallette (Sylvain) : Milieux périurbains, ruraux et urbains.

Mme Charbonneau : Bien, je vous dirais, sans vouloir vous flatter ou faire de la flagornerie, je reconnais le regard que la FAE porte sur son milieu, c'est-à-dire une équité puis un jugement sur chaque milieu pour aller tester la meilleure façon, donc, je vous reconnais là-dedans.

Vous avez touché l'aspect de ma deuxième question. On en a beaucoup parlé parce qu'en ce moment il y a un défi majeur au Québec, il y a des coupures qui se font dans les commissions scolaires, puis on se demande comment ça va se passer puis comment on va faire. Puis les questions se répondent au sein des conseils des commissaires, puis on va avoir, probablement bientôt, la réponse à ça.

Les mesures complémentaires, vous y touchez beaucoup, dans votre mémoire, pour dire : C'est important. Il faut répondre rapidement à une demande puisqu'on fait de la prévention. On travaille en amont. On veut vraiment donner le meilleur à ces jeunes-là — puis vous le disiez un peu plus tôt — pour ne pas que, rendu en troisième année, il décroche ou, rendu en secondaire III, qu'il choisisse d'aller en formation des adultes parce que c'est plus simple et plus intéressant, malgré que la plupart des éducations des adultes ne sont tellement pas loin de l'école secondaire que je ne suis plus sûre que c'est une bonne idée pour eux autres.

Ceci dit, si je mets des services à la portée d'une clientèle quatre ans dans une école et que je dois y répondre rapidement, est-ce que je dois avoir la même efficacité jusqu'en sixième année? Je vous pose la question puis je connais la réponse, là, mais, en même temps, je veux bien qu'on instaure un programme extraordinaire en amont, mais, si je le laisse tomber rendu en troisième année, j'ai un problème avec la volonté que j'ai de la persévérance... ma persévérance est moins bonne que celle de mon jeune parce que, finalement, je... il n'y a plus de services rendu en troisième année. Il y a un enseignant qui est extraordinaire, mais, si son langage n'est pas corrigé correctement, sa motricité fine non plus — c'est toujours un mot que j'ai du plaisir à avoir — je ne l'aide pas plus.

Donc, oui, l'accessibilité aux services. Vous voyez lequel en complémentaire, au préscolaire quatre ans, puisque vous avez déjà des enseignants qui vous ont signifié. Et, de ce fait, est-ce qu'il y a un âge où c'est bon d'arrêter le complémentaire ou bien est-ce que je devrais avoir une fiche qui suit mon jeune jusqu'à temps que la problématique soit résolue chez cette personne-là?

(12 heures)

M. St-Germain (Pierre) : Je vais en faire une partie. Je vais laisser mes collègues répondre. Éduquer, il y a un coût. Je comprends votre préoccupation, à savoir : Est-ce qu'on va donner des services jusqu'à la sixième année et plus tard? Je dirais : Plus on va commencer tôt, moins on va en donner longtemps, parce que je pourrais vous dire que le décrochage scolaire ou les élèves en difficulté, cinq ans dans une classe de cheminement particulier à 20 élèves par classe, là — on va y aller en termes de finances — ça vous coûte plus cher. Des élèves qui se retrouvent dans des centres jeunesse, ça vous coûte plus cher. Des gens qui sont moins bien formés, qui utilisent les systèmes de santé parce qu'ils se soignent moins bien, ils ne savent pas lire la posologie, ça nous coûte plus cher. Plus on intervient rapidement, moins vous aurez, en fin de compte, à faire de suivi en sixième année, moins vous aurez à faire de suivi en cinquième secondaire, moins vous aurez de gens en classe de cheminement particulier, moins vous aurez de gens en éducation des adultes puis peut-être plus de monde en formation professionnelle, en formation technique.

Il faut cesser de voir ça comme étant un coût. C'est un investissement qui se paie par lui-même. Ce n'est pas dans mon langage familier de parler d'économie, mais vous comprendrez que, comme société, il y a là des retombées importantes au plan social et au plan économique.

Et je reviens sur la question des mères également. Les études que l'on a faites démontrent que... On parle beaucoup du décrochage des garçons, il est très élevé, c'est vrai. Mais, quand on parle, à un moment donné, du raccrochage, ça s'équilibre à un moment donné. Mais les femmes ont un problème pour retourner sur le marché du travail parce que ce sont elles qui s'occupent des enfants. Elles quittent l'école à cause de cas de grossesses non désirées ou désirées à l'occasion, mais c'est un frein au retour à l'école. Donc, il faut le voir vraiment de façon très large.

Donc, les services professionnels dont on parle, plus on va les mettre en action rapidement, moins on va en avoir de besoin par la suite.

M. Mallette (Sylvain) : C'est le concept aussi de complémentarité des services. Et la FAE tient un discours où… Oui, il y a des gens, dans les services de garde et les CPE, qui ont développé une expertise, une grande expertise sur laquelle le gouvernement doit s'appuyer pour mettre aussi en place la mesure du quatre ans à temps plein. Donc, plutôt que de tenir... Certains tiennent un discours qui semble vouloir nous opposer les uns aux autres sur cette question-là. Au contraire, réunissons nos expertises respectives pour permettre de répondre aux besoins des enfants de quatre ans qui sont issus des milieux défavorisés, parce que ce sont eux qui sont visés par cette mesure-là. Il existe des expertises, prenons le temps... Et l'avantage de la mesure, c'est qu'elle s'implante graduellement. Donc, on se donne le temps de constater les conditions et de réunir les conditions, mais aussi d'évaluer la mise en place et d'apporter les correctifs. Et on a toujours tenu ce discours-là soit au niveau du comité-conseil ou sur la place publique. Réunissons les expertises respectives, et on pense qu'on va réussir à répondre aux besoins de ces enfants-là.

Mme Charbonneau : Merci. Sans faire un match de tennis, je vous relance en vous disant : Dans une cour d'école, ils ne diront pas «ghetto», vous avez raison. Mais, quand ils ont besoin de dire «gros», ils disent «gros». Puis, quand ils disent «laid», ils disent «laid». Puis, quand ils identifient un jeune pour dire «tu es pauvre», ils disent : Tu es pauvre. Donc, vous avez raison, c'est le vocabulaire des grands qui dit «ghetto», mais le vocabulaire des petits, il veut aussi parler. Puis, entre eux, ils ne sont pas toujours gentils. J'arrête là. J'ai fait mon point. Ça m'a fait plaisir. C'est presque une thérapie.

 Le ratio, on a dit maximum 1-18, on a dit 1-15, une moyenne, on a dit possibilité de s'arrêter à 1-6 pour former un groupe. Vous l'avez vécu en six endroits différents. Est-ce qu'on est... On est à combien? Et est-ce qu'on est à l'aise au chiffre qui a été choisi au moment où vous l'avez mis en place?

M. Mallette (Sylvain) : Pour les six projets pilotes, ça va de 13 élèves à 16 élèves, donc 13, 14, 15, 16 élèves, et il y a un groupe dans une école rurale, là, une école en milieu rural. Le groupe, c'est un multiniveaux, un multiâges, là, le groupe compte cinq élèves de quatre ans. Donc, on n'est pas à 18, malgré ce qu'on a pu entendre, là, de la bouche de certains. Il y a une volonté de la part des commissions scolaires de réunir... de constituer des groupes, là, qui pouvaient permettre à l'enseignante d'agir de façon plus efficace avec les élèves. Mais il faut aussi dire qu'il y a le ratio, mais il y a aussi le soutien qui doit exister dans la classe. Et c'est pour ça que je vous dis que, dans certains modèles, on a vu l'arrivée d'une technicienne en éducation spécialisée à temps plein, alors que, dans d'autres modèles, c'est à demi-temps. Donc, oui, il y a le ratio qui est important, mais il y a aussi le service puis des ressources professionnelles qui viennent soutenir le travail de l'enseignante.

M. St-Germain (Pierre) : Peut-être pour compléter là-dessus. Vous savez, l'expérimentation qui a cours actuellement permet d'identifier ce que je vais appeler les conditions optimales de mise en application. Alors, les ratios, là, vont en faire partie, d'autres éléments en termes d'aménagement, et ainsi de suite. Alors, souvent dans notre langage, vous le savez, là, parce que vous êtes issue du milieu des commissions scolaires, on parle souvent du ratio maître-élèves. Je pense que, dans ce cas-là, on devrait parler du ratio élèves et intervenants étant donné qu'il y a d'autres personnes qui pourraient être sujettes à joindre, je dirais, la classe.

Mme Charbonneau : Tout à fait. Et vous avez raison. Et je vous dirais qu'on s'est fait dire aussi que le moins d'intervenants possible, puisqu'à quatre ans j'ai besoin d'une stabilité de relation adulte-enfant qui est importante, donc une stabilité auprès des gens. Vous avez parlé du principe de francisation. Et ça, on y est. On pense qu'effectivement le plus rapidement possible, je rentre dans un milieu francophone, j'apprends la langue avec mes petits amis puis ça va super bien. Vous avez utilisé le mot «bulletin». Là, je me dépêche, parce qu'il ne me reste que quelques secondes. Puis vous avez aussi parlé de l'éducation physique — au préscolaire, c'est une inquiétude que j'ai — à cinq ans. Donc, à quatre ans, est-ce que je maintiens le même principe qu'à cinq ans, ou j'en donne plus parce qu'il faut que j'apprenne à jouer puis à bouger, ou si je le fais de façon naturelle? Puis est-ce que je suis obligé d'avoir un bulletin ou juste un portfolio dans lequel j'ai mes dessins?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : En 30 secondes.

M. Mallette (Sylvain) : Sur le bulletin, on a déjà signifié au ministère qu'il fallait que l'outil corresponde aux besoins des enseignantes. Donc, le bulletin actuel ne répond pas aux besoins. Sur la question des spécialités, il y a des groupes où c'est de l'éducation physique, d'autres, c'est de l'art plastique. Donc, c'est variable, là, en fonction des modèles qui se sont développés.

Mme Charbonneau : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée de Mille-Îles. Maintenant les échanges vont se poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition. C'est Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Pour quatre minutes?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Quatre minutes, oui.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, merci. Merci, pour votre mémoire. Merci, pour votre présentation. Ce que j'aime entendre de votre mémoire, c'est que vous avez déjà des écoles. Vous avez, depuis déjà quelques années, les maternelles quatre ans temps plein dans les milieux défavorisés, vous connaissez la clientèle. Et la question à laquelle j'aimerais que vous répondiez, c'est qu'on veut s'attaquer ici... non pas s'attaquer, mais aller chercher ces enfants qui ne sortent pas de la maison ou qui sont ailleurs, mais qui ne sont ni à la garderie ni à l'école. Alors, quelles seraient ou quelles sont vos stratégies pour faire en sorte que ces parents, souvent même des mamans monoparentales… les convaincre que l'enfant de quatre ans serait mieux à la maternelle avec vous qu'à la maison, par exemple? Comment fait-on? Parce que le but, c'est d'aller les chercher.

M. St-Germain (Pierre) : Bien, écoutez, mes collègues compléteront. C'est une mesure, on l'a dit tantôt, pour l'instant, comme elle est à demi-temps, elle n'est pas nécessairement aussi attrayante que si elle était à temps plein. Déjà, d'élargir ou d'étendre l'offre de service serait de nature, je pense, à intéresser plus de parents. D'autre part, il n'y a pas juste l'école qui sert à diffuser de l'information. Ce sont des gens qui ont recours à différents services, au CLSC, dans des centres communautaires. Donc, on peut faire de la promotion, de l'information à cet égard-là. Et j'ai confiance parce que, comme c'est quelque chose qui est nouveau, qu'il y aura une réaction en chaîne, là, les gens vont s'en parler, vont réaliser le bienfait, là, les effets bénéfiques de cette mesure-là. Alors, je présume que les gens vont finir par apprivoiser ou réapprivoiser l'école et vont peut-être avoir moins de crainte, en tout cas, à envoyer leur enfant à l'école. Mais, bien entendu, il y a une espèce de plan de communication, mais, pour l'instant, on est à l'aise avec l'approche, je dirais, étapiste qui a été mise en place. Parce que, si le ministère avait souhaité mettre ça en place dès septembre prochain, on aurait été les premiers à s'opposer à ça, parce que les écoles, elles ne sont pas en mesure, actuellement, de recevoir ces enfants-là.

Mme Roy (Montarville) : Parce que, si j'ose ajouter, c'est qu'il ne faut pas aussi froisser une personne dans la mesure où on veut sortir ces enfants de la maison pour leur donner une forme de scolarité avant le cinq ans. Et — oui, je sens que vous voulez répondre — et comment s'y prendre sans froisser personne et pour les convaincre que ce serait mieux?

(12 h 10)

M. Mallette (Sylvain) : L'expérience nous démontre que les parents le veulent. Mise à part l'école située en milieu rural où, là, parce qu'il y a une population d'élèves moins importante, il y a un problème de recrutement. Mais pour les autres milieux, il y a plus de demande que d'offre, hein? Il y a plus de parents qui veulent que leur enfant fréquente la maternelle à quatre ans. Donc, il n'y a pas de problème de recrutement. Il va y avoir un problème qui va reposer sur : Est-ce qu'on est capable ou pas de répondre à la demande?

Et sur la question, parce que vous avez utilisé le terme «scolarisation», puis, moi, je pense qu'il faut faire attention On ne scolarise pas les enfants, on les préscolarise. Mais ce n'est pas tant vous que certains qui utilisent le terme, là, pour faire peur. On est dans une démarche de préscolarisation, donc, permettons à ces enfants-là d'atteindre le niveau qu'ils devraient avoir lorsqu'ils entrent en cinquième année... pardon, en maternelle cinq ans. Donc, c'est vraiment dans cette perspective-là.

Puis je vous dirais que, de l'expérimentation, il y a des enseignantes qui nous ont dit que des parents leur ont dit : Je veux offrir à mes enfants, à mon enfant la chance que je n'ai pas eu, particulièrement des parents issus de l'immigration, qui proviennent de pays particulièrement, là, où il y a eu le chaos puis les guerres, où ils n'ont pas eu accès, eux, à l'école, et c'est une volonté des parents d'offrir ça à leur enfant, la chance qu'ils n'ont pas eue de fréquenter une école qui leur permette, dans leur conception, d'acquérir un diplôme qui va leur permettre ensuite d'occuper un emploi. Il y a cette volonté-là aussi qui est manifestée de la part des parents.

M. St-Germain (Pierre) : Peut-être très rapidement, il faut déconstruire le message qu'on est en train de faire de la scolarisation précoce, qu'on est en train de faire, en fin de compte, la première année avant le temps. Et ça, je pense que c'est un message qui circule trop et qui vient nuire. En tout cas, ça met, je dirais, de la friture, là, sur la ligne actuellement, là.

Mme Roy (Montarville) : Merci infiniment.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie beaucoup, messieurs et madame de la Fédération autonome de l'enseignement.

J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec à prendre place.

Nous suspendons pour quelques minutes les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 15)

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, bienvenue, mesdames de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Mmes Lévesque et Desjardins, bienvenue. Mme Lévesque, je pense que vous êtes la porte-parole du groupe et je vais vous demander de vous renommer et de présenter la dame qui vous accompagne. Et vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre exposé. Merci.

Fédération des associations de familles monoparentales
et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie) : Oui, bonjour. Merci beaucoup de nous avoir invitées à la commission. En fait, on va se partager le temps chacune, donc on va prendre... on prend tout le temps possible pour exprimer le maximum de ce qu'on veut dire. Donc, on va le faire à deux, finalement.

Alors, dans un premier temps, merci à la commission de nous avoir permis de participer aux consultations. D'ailleurs, dès le dépôt du projet de loi, en mars, on avait manifesté, justement, un intérêt de prendre part aux échanges. Ce fut quand même rapide, parce qu'il a fallu qu'on fasse le mémoire la semaine dernière. Donc, en tout cas, on a des petites ressources, mais on essaie quand même d'être présentes et actives, donc… épargnez nos indulgences. J'espère que vous avez eu le temps de parcourir notre mémoire quand même.

Donc, on a été interpellées par le fait que la mise en place des maternelles quatre ans se fera prioritairement dans les milieux défavorisés, et on sait que les familles monoparentales à faible revenu sont souvent parmi les premières à être ciblées par ce type de mesure. Le fait de vouloir mettre en place de nouveaux outils pour favoriser la réussite scolaire des enfants n'a rien de répréhensible en soi. C'est le ciblage des populations qui, selon nous, pose encore une fois problème.

Encore aujourd'hui, les familles monoparentales sont la cible de nombreux préjugés. Par exemple, dans certains milieux, on avance que les enfants qui grandissent dans ce type de famille sont plus à risque que d'autres de développer des comportements antisociaux : délinquance, violence, toxicomanie, etc. Malheureusement, les facteurs retenus pour expliquer ces comportements déviants se résument trop souvent à faire porter la responsabilité des problèmes sur les jeunes et leurs familles sans questionner les inégalités sociales et économiques qui jouent pourtant un rôle fondamental dans les possibilités de développement des enfants. Selon nous, cette approche positiviste, sur laquelle reposent les principaux modèles de prévention précoce, tend à évacuer trop rapidement la dimension politique des problèmes sociaux et à ignorer la multiplicité des solutions possibles. D'ailleurs, le vocabulaire utilisé dans certains milieux est souvent évocateur. On prétend vouloir empêcher la transmission intergénérationnelle de la pauvreté comme s'il s'agissait d'une maladie.

Même si les intentions à la base des mesures destinées aux enfants de milieux défavorisés peuvent paraître bonnes, elles n'en comportent pas moins leur lot d'effets potentiellement indésirables sur les familles. L'exemple du recours peu fréquent des familles assistées sociales aux places qui leur sont réservées dans les CPE est parlant. Bien que les causes exactes de ceci soient peu documentées, on peut avancer l'hypothèse que ces mères, puisque c'est souvent majoritairement des mères, sont peu enclines à fréquenter des milieux où elles se sentiront jugées dans leurs compétences parentales.

On peut aisément comprendre que certains parents se sentent intimidés face à certains intervenants, d'autant plus que, comme les places en CPE destinées aux familles assistées sociales sont régies par des conditions spécifiques, elles sont facilement identifiables. Nous sommes d'avis d'assurer que les interventions ne vont pas contribuer à stigmatiser encore plus davantage les enfants qu'elles prétendent vouloir aider ni à renforcer un sentiment d'incompétence chez leurs parents qui, majoritairement, sont aussi des mères.

L'objectif visé par l'implantation des services de maternelle quatre ans en milieu défavorisé est, semble-t-il, de lutter contre le décrochage scolaire. Pourtant, toutes les études ne s'entendent pas sur les bénéfices de la scolarisation précoce. Selon certaines d'entre elles, l'augmentation du temps de fréquentation scolaire n'aurait pas d'effet notable sur la performance des élèves. On peut aussi se demander s'il y a véritablement lieu de s'inquiéter des résultats scolaires des jeunes puisque, selon les derniers résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le Québec se classe dans le peloton de tête en ce qui concerne les résultats en mathématiques, en sciences et en lecture. Le Québec est même au premier rang dans le monde francophone, devant la France, la Belgique et la Suisse. Par ailleurs, le pays qui obtient la meilleure performance est la Finlande où l'âge d'entrée à l'école est de sept ans.

(12 h 20)

Mme Desjardins (Lorraine) : Alors, mon nom est Lorraine Desjardins. Je suis agente de recherche et de communication à la fédération.

Alors, il y a d'autres aspects concernant l'implantation des maternelles quatre ans qui nous apparaissent aussi préoccupants, des aspects plus concrets. D'abord, la formation du personnel enseignant, il y a d'autres groupes qui sont venus vous dire leur préoccupation par rapport à ça. Est-ce que cette formation-là va leur permettre véritablement d'accueillir et de répondre à des enfants d'âge aussi jeune? On peut se permettre d'en douter quand on sait que, dans le cadre des formations universitaires, c'est seulement entre quatre et 12 crédits sur 120 qui sont consacrés à l'éducation préscolaire et que les besoins développementaux des enfants de quatre ans ne sont même pas abordés.

Encore une fois, une autre préoccupation qui vous a été ramenée par d'autres groupes, le ratio adultes-enfants. Dans les maternelles quatre ans, on parle de classes de 18 enfants, là. J'imagine que, dans ces derniers jours, ça a baissé un petit peu au niveau du ratio. Mais, dans les CPE, c'est le double d'adultes pour le même nombre d'enfants, donc deux adultes pour 18 enfants. Comment est-ce qu'on va s'assurer de créer et de conserver des interactions de qualité avec tous les enfants qui fréquentent la maternelle quatre ans avec un ratio aussi élevé? Et en plus, dans les CPE, les repas sont fournis, alors que, dans un milieu scolaire, l'enfant arrive avec sa boîte à lunch. Quand on sait que, pour les supervisions de dîners, le ratio peut aller jusqu'à un adulte-60 enfants, on se demande comme les tout-petits, qui ont de la misère à gérer leur boîte à lunch, vont faire, là.

Par ailleurs, quelles mesures est-ce qu'on entend mettre en place afin de faciliter la conciliation famille-travail-études pour les parents qui en ont besoin? En CPE, on sait que les horaires, c'est à longueur d'année, à part deux semaines de vacances, alors que le calendrier scolaire, bien, il y a des journées pédagogiques, il y a des semaines de relâche et il y a aussi l'été. Alors, qu'est-ce qu'on va faire avec ces enfants-là? Les parents qui ont des enfants d'âge scolaire savent déjà ce que c'est, gérer ces conflits-là, mais, quand les enfants sont plus jeunes, c'est des problèmes d'ordre encore plus important. Et puis, pour l'été, bien, les camps d'été, il y en a certains qui offrent des activités à des enfants aussi jeunes que quatre ans, mais ce n'est pas tous les camps d'été. Il y a des camps de jour qui prennent les enfants seulement à partir de cinq ans.

Notre fédération croit que multiplier les mesures ciblées auprès des enfants des milieux défavorisés sans questionner — on le disait tantôt — les inégalités sociales, c'est non seulement discutable sur le plan des fondements scientifiques, mais ça porte aussi son lot de retombées négatives possibles sur les familles. Si on est aussi convaincus, d'ailleurs, des effets bénéfiques de la scolarisation précoce, pourquoi ne pas offrir les maternelles quatre ans à l'ensemble des familles, peu importe leur statut socioéconomique?

Alors, ceci nous amène à nous questionner sur les objectifs véritables du projet de loi n° 23, c'est-à-dire l'implantation des maternelles. Si on pense rejoindre les enfants de quatre ans qui ne fréquentent pas les services de garde et dont les parents sont prestataires de l'aide sociale, on ne peut pas s'empêcher, évidemment, de faire le lien avec les récentes coupures à l'aide sociale. Rappelons qu'il s'agit de priver, pour les gens qui ne le savent pas, là, les ménages qui comptent deux adultes avec enfant de moins de cinq ans de l'allocation pour contrainte temporaire qui est un montant de 129 $ par mois. La fédération, d'ailleurs, s'est prononcée contre cette coupure qu'elle juge inadmissible et contre-productive.

Alors, avouez que... ou avouons ensemble qu'il existe un paradoxe plutôt difficile à comprendre entre le fait de vouloir offrir des services éducatifs qu'on dit de grande qualité aux enfants issus de familles les plus pauvres tout en privant leurs parents de ressources financières vitales. Alors, le ciblage des populations à risque ou vulnérables — je mets des guillemets ici parce que ça fait partie du vocabulaire qui est souvent utilisé dans les programmes de prévention précoce — est loin d'être gratuit. Alors, il vient de la volonté, pour les États, d'endiguer les coûts économiques et sociaux de la pauvreté. C'est des façons de faire qui sont d'ailleurs dans la foulée de diverses réformes qui ont été assenées dans les programmes sociaux, dans les dernières décennies, dans l'ensemble des pays industrialisés.

Alors, on multiplie, auprès d'enfants en situation de pauvreté, une quantité toujours plus impressionnante et sophistiquée d'interventions destinées à faire d'eux, évidemment, des adultes productifs, donc qui ne sont pas sur l'aide sociale puis qui sont donc moins coûteux pour l'État. Et la fédération pense qu'on devrait plutôt privilégier les mesures universelles. Les services de garde...

Une voix : ...

Mme Desjardins (Lorraine) : J'ai terminé. Les services de garde en font partie, d'ailleurs, les CPE, les mesures universelles de soutien à la famille pour s'assurer... et s'assurer que tous et toutes disposent de revenus suffisants pour vivre en santé et dans la dignité.

Voilà, c'est terminé. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, mesdames. Alors, nous allons passer aux échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, la parole est à vous pour un temps de 17 minutes.

Mme Malavoy : Je vous remercie. Bonjour, mesdames. Je vous remercie de venir partager votre point de vue, même si, à l'évidence, là, on n'est pas tout à fait sur la même longueur d'onde, mais une commission parlementaire, c'est fait pour entendre toutes sortes de points de vue. Alors, je vais vous dire quel est le mien, vous me croirez ou non, mais je vais vous le dire quand même en toute sincérité.

Le premier point de départ pour moi, quand on a commencé à travailler ce projet de loi, il y avait, dans nos engagements électoraux, d'avoir une maternelle à plein temps pour les milieux défavorisés, mais le point de départ, pour moi, qui a été mon premier choc — je l'ai encore — c'est cette étude de 2008 faite par santé publique, à Montréal, qui a conclu que 35 % des petits enfants sur l'île de Montréal arrivaient en maternelle à cinq ans avec des carences telles qu'on pourrait prévoir des difficultés et voire même risques de décrochage. Ça, ça a été mon premier choc. Puis je ne travaille pas d'abord avec des statistiques, mais ce 35 % là, je n'ai jamais oublié.

L'autre donnée qui est aussi mon point de départ et qui est contenue dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, et son président est venu nous le réitérer, c'est que seuls 73 % des petits enfants de quatre ans utilisent un des services d'accueil ou d'intégration. Donc, il y en a un bon nombre qui sont en dehors de ces services-là.

Sans vouloir faire une combinaison parfaite de ces deux statistiques, il reste que, moi, je sens le besoin d'offrir à des enfants quelque chose de plus que ce qu'on fait actuellement puisque ce qu'on fait actuellement ne les rejoint pas ou que, tout au moins, je dis ne les rejoint pas eux, mais ils ne font pas partie des choix que leurs parents font.

Vous savez comme moi qu'il y a des places réservées pour des enfants de milieux défavorisés dans les CPE, mais, nonobstant cela, et quand bien même on compléterait toutes les places, il y a un certain nombre de parents qui ne feront pas ce choix-là. Et on est venus nous expliquer plusieurs des raisons que je ne reprendrai pas ici, mais qui sont très éclairantes.

Donc, moi, je me sens, mais très sérieusement, un devoir moral de faire que les enfants de quatre ans du Québec, s'ils n'ont pas accès à une préparation à l'école, je me sens un devoir moral qu'on leur offre, qu'on ajoute une porte d'entrée. Je n'en fais pas un jugement sur le modèle des centres de la petite enfance, parce que j'ai le plus grand respect pour ce qui s'y fait et la plus grande estime, et, dans ma trajectoire familiale à moi, c'est le parcours que mes enfants et petits-enfants ont suivi, mais je pense qu'il faut accepter qu'on ajoute, dans les services que nous offrons, quelque chose de nouveau. Et, honnêtement, les gens qui le font et qui sont, donc, dans les projets pilotes me donnent plutôt envie de croire que ça a un effet bénéfique.

Alors, j'aimerais que vous réagissiez à ça. Je comprends que vous faites une lecture politique plus globale, puis je respecte ça, mais, honnêtement, ma lecture à moi, elle est très, très centrée sur l'intérêt de ces enfants-là.

(12 h 30)

Mme Desjardins (Lorraine) : Oui, effectivement, puis je pense que c'est... on l'a dit d'emblée dans notre mémoire, on n'est pas d'emblée contre les maternelles quatre ans, c'est vraiment le ciblage, l'aspect ciblage qui est un petit peu fatiguant.

Pour vous donner un exemple, un peu, de la dynamique qui se produit quand les familles à faibles revenus ou assistées sociales — parce qu'on parle d'elles ici — qui ne fréquentent pas les places qui leur sont réservées en service de garde, on a une association, nous, qui travaille avec des mères monoparentales et qui offre aussi un service de garde à l'intérieur de ses murs. Mais ils font aussi autre chose que juste offrir un service de garde, c'est-à-dire qu'il y a des activités pour les mères. Et c'est pendant que les mères participent à leurs activités qui... Donc, ces femmes-là vont au service de garde de cet endroit-là parce qu'il y a un accueil qui n'est pas jugeant, d'une part.

D'ailleurs, un des exemples que je pourrais vous donner, là, de comment ces mères peuvent se sentir, il y avait une jeune mère qui est arrivée avec son enfant de deux ans à cette association-là, et le petit garçon avait l'épaule luxée, il avait une luxation de l'épaule. Et elle est arrivée en larmes, évidemment, puis elle ne voulait pas aller à l'urgence de l'hôpital, puis les intervenantes lui ont demandé : Mais pourquoi tu ne veux pas aller à l'urgence? Bien, elle dit : J'ai peur qu'ils me l'enlèvent, qu'ils disent que je suis négligente puis que... Et là, donc, ils l'ont donc accompagnée à l'urgence, et l'infirmière a dit : Madame, ça arrive tout le temps, ça arrive souvent qu'il y ait des enfants de deux ans. Mais sauf que, là, c'est une femme, une jeune mère assistée sociale qui a ça, cette espèce de stigmate là sur elle. Donc, dans ce cas-là, elle pouvait faire confiance, parce qu'elle a une relation de confiance avec les gens de l'association, mais, dans d'autres milieux, elle ne l'a pas, cette relation de confiance là.

Je voudrais revenir aussi sur... Bon, on l'a fait, effectivement, en 2008. Nous aussi, hein, on suit les études qui sortent sur les familles défavorisées, et tout ça, sauf qu'il y a aussi d'autres études qui disent exactement le contraire, c'est-à-dire que, dans notre mémoire, entre autres, on cite l'étude de 2005 de Lapointe, Richard Tremblay et Martine Hébert qui dit, entre autres, que ce n'est pas prouvé et ce n'est pas démontré que la scolarisation précoce va nécessairement aider les familles défavorisées. Entre autres, ils disent même que, dans certains cas, ça peut même nuire. Donc, c'est ça. Au niveau de la recherche, tout le monde ne s'entend pas là-dessus, là.

Donc, oui, effectivement, offrir des services éducatifs, mais le côté ciblage de population, c'est fatigant, parce que, bon, on le disait, quand on est arrivées tantôt, il était question des cours d'école où il n'y avait pas de ghettos, là, les enfants n'ont pas de ghettos, mais il faut dire aussi que les intervenants, bon, qui interviennent avec des enfants, il y a des tags, là, c'est taggé, un enfant qui arrive...

Mme Malavoy : Comme on a peu de temps, je veux juste dire un mot, mais je sais que mon collègue meurt d'envie de poser également une question. Je voudrais juste me permettre de reprendre une chose que vous avez dite, parce que, dans notre esprit, il ne s'agit pas de scolarisation précoce, il s'agit d'offrir à des enfants de quatre ans des activités adaptées à un enfant de quatre ans, mais à leur permettre de se mettre à niveau en acquérant certaines habiletés dont ils auront besoin pour réussir à l'école. Par exemple, s'il y a une carence au plan du vocabulaire, ce n'est pas de la scolarisation précoce que d'offrir à l'enfant des occasions d'élargir son vocabulaire, mais tout en adaptant cela, bien sûr, à son âge. Donc, je voudrais au moins vous rassurer sur un élément. Dans notre esprit, là, il ne s'agit pas de commencer à leur inculquer des notions de... apprendre à compter, apprendre à lire, apprendre à écrire à quatre ans.

Mme Lévesque (Sylvie) : Si je peux me permettre, c'est ce qu'ils font déjà en CPE actuellement. Et comment se fait-il — justement, il y a des places réservées pour… vous dites les familles défavorisées, mais que ce n'est pas du temps plein, parce que c'est deux jours et demi — ne vont-elles pas… comment se fait-il… Le pari que vous faites, finalement, c'est que ces familles-là vont plus aller en maternelle. Même si ce n'est pas sur une base obligatoire, on sait que la majorité des parents, effectivement, en maternelle cinq ans, on y va d'emblée, on met nos enfants en maternelle même si on sait que ce n'est pas obligatoire, malgré que, tous les parents, on pense tous que c'est obligatoire, d'ailleurs, mais enfin ça, c'est une autre histoire. Mais, en fait, comment on peut dire, prétendre qu'automatiquement ces parents-là, par contre, qui ont des enfants défavorisés en bas de quatre ans, vont tous aller à la maternelle alors que ce n'est pas une base obligatoire?

Mme Malavoy : D'abord...

Mme Lévesque (Sylvie) : Donc, je pense qu'effectivement, au niveau des services de garde, nous, on l'a dit depuis plusieurs années, effectivement, qu'on ne réussit pas à rejoindre ces familles-là, et je pense qu'il faut travailler davantage, à mon point de vue, sur les... Oui, les enfants, c'est important, mais, je pense qu'on oublie souvent, quand il y a des enfants pauvres, il y a des parents pauvres aussi.

Mme Malavoy : C'est vrai.

Mme Lévesque (Sylvie) : Et, je pense, quand on travaille sur le revenu, c'est parce qu'on présume d'avance que ces parents-là ne sont pas capables de stimuler leurs enfants, alors que, s'il y a des familles aisées qui choisissent de garder leurs enfants à la maison, mais qui ont les moyens, eux, par exemple, on leur fiche la paix. Donc, c'est un peu ça, là.

Mme Malavoy : Je veux juste qu'on s'entende bien, parce que vous avez tendance à, je dirais, faire de notre position quelque chose de beaucoup plus rigide que ce n'est. Vous dites qu'on oblige systématiquement tous ces enfants-là... Non, on veut offrir une chose additionnelle pour les parents qui le souhaitent, et notre observation et les témoignages qu'on a entendus, c'est que, pour bon nombre de parents, ça fonctionne. Ça fait que c'est beaucoup plus, je dirais, simple, que ce n'est pas une position théorique et universelle, c'est vraiment d'offrir une chose additionnelle.

Mais mon collègue souhaite également poser une question.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bien, en fait, je voudrais renchérir sur ce que la ministre vient de dire. C'est qu'en fait il ne faut pas oublier une chose, c'est que moi-même qui viens d'Hochelaga-Maisonneuve et qui ai l'école Champlain dans ma circonscription, je peux vous dire que, d'abord, on parle de stigmatisation, il y en a qui ont parlé de ghettoïsation, et, hier, les gens du conseil supérieur de... l'enseignement?

Mme Malavoy : De l'éducation.

M. Breton : ...de l'éducation on dit : Écoutez, quand il est question de choix, il n'y a pas de ghetto. C'est-à-dire qu'on n'oblige pas les enfants à y aller, on n'oblige pas les parents à envoyer leurs enfants dans ces écoles-là. Donc, de dire que ça, ça ferait en sorte de créer une espèce de ghettoïsation, c'est mettre en... ils ne voyaient pas vraiment la logique derrière ça.

Ensuite de ça, vous avez parlé du paradoxe entre les coupes à l'aide sociale et l'idée d'envoyer les enfants dans les maternelles quatre ans. Moi, je peux vous dire que je fais partie du groupe de députés qui travaillent sur le dossier de l'aide sociale avec la ministre Maltais… la ministre... parce que je ne peux pas dire son nom, je m'excuse. Mais, bref, tout ça pour dire que c'est que vous présumez de ce qui va être annoncé bientôt — …

Mme Malavoy : ...de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

M. Breton : …c'est ça — vous présumez de ce qui va être annoncé ce... bientôt. Et donc il y a des choses qui vont être annoncées qui vont peut-être vous sembler moins paradoxales.

Pour... Qu'est-ce que je voulais dire? Ah oui! C'est que l'école Champlain, moi, je suis allé voir l'école Champlain à quelques reprises, et j'ai vu que le travail qui se fait là est un travail, à mon avis, qui est très impressionnant. Et puis il y a une chose dont on m'a parlé. Il y a des gens qui sont venus ici, en commission parlementaire, nous parler de ça, c'est qu'à cette fameuse école Champlain on se retrouve aujourd'hui avec les trois quarts des enfants qui sont issus de familles immigrantes : Bangladesh, Amérique latine, Afrique, Haïti, Vietnam, je dirais à peu près. Et il semblerait que, dans la culture de ces... surtout en Amérique latine, mais je pense aussi ailleurs, pour eux, d'envoyer leurs enfants se faire garder dans un CPE, parce que c'est comme ça qu'ils le perçoivent, ce n'est pas quelque chose qui est vu de façon aussi positive. C'est-à-dire que ces mères-là, d'après ce que ces gens-là de ces communautés-là me disent, préfèrent garder leurs enfants plus longtemps. Quand il est question d'envoyer leurs enfants en maternelle quatre ans, pour eux, c'est vu d'une façon différente et plus positive. Et les gens de la Fédération autonome de l'enseignement nous ont dit tout à l'heure justement que, pour les gens qui venaient de milieux plus défavorisés — comme, moi, je viens d'un milieu plus défavorisé — voyaient d'un meilleur oeil et ne voyaient pas une stigmatisation, c'est-à-dire, ils disaient : L'image qu'on va avoir d'avoir une mère qui est sur l'aide sociale qui envoie son enfant dans un CPE, ça va être perçu de façon plus négative qu'une mère qui envoie son enfant dans une maternelle quatre ans. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

(12 h 40)

Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, c'est sûr que nous, ce qu'on disait tantôt, c'est qu'on n'est pas complètement contre. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire attention à qui on l'offre. Je veux dire, l'égalité des chances, c'est pour tous, c'est dans cet esprit-là qu'on l'amène. On ne dit pas qu'on est totalement contre. Ce qu'on amène, c'est ce qu'on voit sur le terrain, c'est quoi la réalité et est-ce qu'il y a les ressources. Déjà qu'on dit qu'il n'y a pas suffisamment de ressources et de locaux, on sait que c'est problématique dans les écoles actuellement. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que : Mettons les conditions parfaites aussi qui vont faire en sorte de favoriser le développement de ces enfants-là. C'est aussi ce qu'on amène. Donc, on sait très bien que, connaissant les écoles, actuellement, comment ça se passe, il y a quand même des coupures budgétaires, il y a quand même un manque de ressources pour l'ensemble des élèves au secondaire puis au primaire. Donc, nous, on se questionne beaucoup sur quand on veut mettre en place des mesures comme celle-là. Est-ce que le réseau est en mesure de le faire? C'est aussi ces questionnements qu'on a par rapport à ça. Et, quand on offre à l'ensemble des enfants québécois, nous, ce qu'on dit : Pourquoi ne pas l'offrir aussi à l'ensemble des enfants, peu importe la situation, le statut socioéconomique des enfants.

Aussi, parce qu'on présume d'avance, comme on disait tantôt dans les études, parce qu'on peut prendre les études du bord... celui qu'on veut. Effectivement que les enfants — effectivement, on les a vues, ces études-là — qui arrivent plus perdants par rapport à d'autres... Moi aussi, je viens du milieu Hochelaga-Maisonneuve. Je m'en suis tirée pas si mal quand même, puis il n'existait pas des maternelles quatre ans, mais il n'existait pas des CPE, mais, enfin. Bref, ceci étant dit, je pense que c'est un peu ça, ce qu'on amène. C'est que les gens... il faut travailler aussi sur les revenus des personnes, il faut améliorer leurs conditions de vie pour que les parents soient aussi en mesure de stimuler leurs enfants. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit... On ne dit pas que c'est complètement mauvais. Ce qu'on... La lumière rouge qu'on allume, c'est qu'on sait que les familles, entre autres monoparentales, qui sont dans une situation de pauvreté sont souvent stigmatisées, même si on ne veut pas l'admettre. C'est dans ce sens-là qu'on dit : Quand on offre des services au Québec, offrons-les à l'ensemble des enfants.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Mme Desjardins, rapidement, et M. le député de Saint-Hyacinthe aura une question après.

Mme Desjardins (Lorraine) : C'est ça, là, c'est juste que je ne comprends pas, parce que Mme la ministre nous dit que ce n'est pas vraiment de la scolarisation. Mais pourquoi est-ce qu'on envoie ça à l'école si ce n'est pas de la scolarisation, d'une part? Et, d'autre part, comment on va faire pour rejoindre ces parents-là si, déjà, ils ne vont pas en CPE puis que ce n'est pas obligatoire comme mesure, là? Comment on va les convaincre d'envoyer leurs enfants?

Vous savez, quand Sylvie disait, tout à l'heure, qu'on présume que les parents en situation de pauvreté stimulent moins leurs enfants, mais quand, jour après jour, tu vis le stress de la pauvreté puis du manque de ressources, tu as peut-être un peu moins d'énergie pour faire des activités éducatives et ludiques avec tes enfants, là. Puis aussi c'est que ces enfants-là n'ont pas accès à des loisirs non plus parce qu'ils n'ont pas l'argent pour aller dans des loisirs, puis les loisirs, bien, des fois, c'est éducatif aussi, là.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe pour quelques minutes.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Je salue mes collègues ce matin. Je vous salue mesdames. Bien sûr, une de vos préoccupations principales, je pense, dans votre mémoire, c'est… vous parlez souvent de cibler les clientèles, éviter de cibler des clientèles. Mais vous savez aussi que, selon les études et les démarches qui sont faites, c'est dans les milieux les plus défavorisés où on a le plus de risque de décrochage scolaire et le phénomène de pauvreté amène son lot aussi de… on peut dire de phénomènes, ça amène son lot de conditions. Mais les enfants qui arrivent, qui n'ont pas fréquenté l'école et qui n'ont pas fréquenté la maternelle quatre ans ou les maternelles ou qui n'ont pas... les 27 % qui n'y vont pas parce que ça ne les intéresse tout simplement pas, peut-être, d'aller dans un CPE, mais peut-être qu'ils pourraient y aller à la maternelle quatre ans, vu que c'est une école et qu'on s'identifie plus à une école pour certains parents, ou certains groupes communautaires, ou certains groupes culturels.

Alors, ces enfants-là qui vont arriver avec un retard, veux veux pas, ils vont être ciblés par le milieu. Ils vont être identifiés dans leur milieu. Comment vous expliquez que ça serait grave de les amener dans une maternelle défavorisée, mais qu'un coup qu'ils vont être identifiés, s'ils ne vont pas à la maternelle, puis qu'ils arrivent à l'école, puis qu'ils sont identifiés déjà avec des carences… Comment vous le percevez, ce ciblage-là? Il va être ciblé de toute façon parce qu'il va être obligé d'être suivi, il va être encadré par des professionnels. À ce moment-là, comment vous arrivez à faire ce partage-là?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie. Malheureusement, la réponse devra venir à même les échanges qui vont suivre. Je vous remercie. Le temps est écoulé.

Alors, nous passons aux échanges avec l'opposition officielle, et c'est la députée de Trois-Rivières qui prendra la parole.

Mme St-Amand : Merci beaucoup, Mme la...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, vous avez un peu plus de 14 minutes.

Mme St-Amand : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Levesque, Mme Desjardins, contente de vous rencontrer ce matin. En fait, je... D'entrée de jeu, je vais vous dire qu'hier il y a eu un moment ici qui m'a fait frissonner et pas de plaisir, je peux vous le dire. À un moment donné, on a des intervenants qui sont venus nous dire… une dame qui avait déjà travaillé dans les maternelles quatre ans puis qui est venue nous dire : Quand tu as un groupe de 15 enfants — puis là on venait juste d'entendre avant que ça se peut qu'on rentre en maternelle quatre ans à trois ans et huit mois — et que tes enfants qui sont sur cinq autobus différents, la gestion de ça… Puis là, moi, je n'ai pas eu le défi d'avoir de la garde partagée ou de vivre la séparation, mais, en fait, ce que l'enseignante nous disait, c'est qu'elle comme enseignante avec ces enfants-là, il faut que tu t'assures que c'est dans le bon autobus. Là, je pensais à cet enfant-là et je me disais : Ma foi du bon Dieu... En tout cas. Et je sais que vous autres, dans l'organisme que vous représentez, évidemment, vous avez à accompagner, à soutenir et à composer avec ce genre de défi là. Alors, je voulais partager ça avec vous parce que je trouvais que c'était une image qui était quand même très forte et qui nous amène à s'assurer que, si on met en place les maternelles quatre ans en milieu défavorisé, il faudra vraiment tenir compte de ça.

Maintenant, tantôt, vous avez parlé de la situation des femmes qui, souvent, on le sait... Bon, d'abord, c'est parce que des séparations où les gens s'enrichissent, on n'en a pas vu beaucoup, là, et c'est souvent les femmes qui sont victimes de cet appauvrissement-là. Il y a un coût pour aller à l'école, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que, pour les familles monoparentales, les familles en milieu défavorisé, en fait, le coût d'aller en service de garde versus le coût d'aller en milieu scolaire, j'imagine que vous avez probablement... J'ai lu dans le mémoire un peu, mais j'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, parce que, ne serait-ce que... Je ne parle même pas de matériel pédagogique, là, mais le coût des repas, le coût des services de garde, l'impact que ça va avoir sur ces familles-là.

Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, effectivement, on n'a pas eu le temps non plus d'aborder tous les aspects, mais c'est sûr que ça fait partie, bien, autant en maternelle cinq ans qu'en quatre ans, là, mais effectivement on a parlé tantôt aussi du temps, dans le sens que les garderies, bon, c'est à l'année, il y a juste un deux semaines... bon, il y a ces éléments-là. Mais effectivement il y a un coût rattaché à ça parce qu'il y a beau avoir l'école, mais il y a aussi avant... avant 8 heures le matin, donc les services de garde… Donc, c'est sûr qu'il y a des coûts qui se rajoutent là-dessus bien qu'ils peuvent avoir des ressources supplémentaires, parce qu'on a le soutien aux enfants qui s'est rajouté, et tout ça.

Mais c'est pour ça que, nous, on parle… C'est un tout, c'est global, dans le sens que, quand on est un parent, il faut regarder tout ça. Donc, c'est des obstacles supplémentaires, ces familles-là, pourquoi elles ne vont pas en CPE. Mais c'est sûr qu'à école c'est moins cher, sauf qu'effectivement ça peut être aussi des obstacles supplémentaires. Donc, c'est tous des coûts qui se rajoutent. Ça fait que c'est un ensemble de facteurs qui font que ces familles-là, effectivement, disent : Bien, autant ça me coûte quelque chose à cinq ans... parce qu'on n'a pas juste un enfant non plus, parce qu'on peut en avoir deux puis trois enfants en bas âge. Donc, ça aussi, ça fait en sorte que ça se rajoute, effectivement.

Puis, comme vous disiez tantôt, toute la complexité... Parce qu'on sait que les ruptures se font de plus en plus jeunes avec de plus en plus des jeunes enfants, et les recompositions se font rapidement aussi, dans le sens que les gens ne restent pas longtemps monoparentaux. Donc, on se recompose rapidement pour toutes sortes de raisons, aussi des raisons économiques. Donc, ça... Puis on se décompose aussi rapidement, là. Donc, ça fait qu'effectivement il y a toute la gestion quotidienne de : Il est-u chez son père, il est-u chez sa mère? Puis, des fois, on en a plusieurs pères, plusieurs mères aussi. Bon. Bref, ça... Pour l'enfant ou pour les enfants aussi, déjà que ça demande énormément... Mais la gestion du personnel scolaire, on le sait, nous, on l'entend aussi beaucoup sur le terrain : Les parents… le père est-u là? La mère est-u là? Est-ce que c'est aujourd'hui, c'est-u demain? Bon. Donc, effectivement, c'est une joyeuse problématique. Puis on se dit : Bien, est-ce qu'on est prêts à recevoir ça? C'est un peu tous ces questionnements-là qu'on a, finalement.

Mme St-Amand : Merci. En lisant votre mémoire, évidemment, ma première impression, c'était que vous étiez totalement contre. Tantôt, je vous ai entendue dire : On n'est pas d'emblée contre. J'ai envie de vous demander... Parce que, bon, je comprends que vous n'êtes pas trop favorable à la scolarisation, mais, quand vous dites : On n'est pas d'emblée contre, qu'est-ce qui ferait que vous seriez favorable?

Mme Desjardins (Lorraine) : Bien, déjà, que ce soit offert de façon universelle, ça serait... Bien, déjà, que ça ne soit pas obligatoire, c'est intéressant. Que ce soit offert de façon universelle, ça serait aussi intéressant. Et, bien, s'assurer de tous les aspects pratico-pratiques dont on a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire la formation des maîtres, c'est important qu'ils soient formés pour accueillir des enfants aussi jeunes; le ratio adulte-enfants; la question de la conciliation famille-travail aussi, hein. Il faudrait vraiment voir... Parce que c'est un aspect important aussi, on l'oublie.

D'ailleurs, juste pour revenir pour les CPE, c'est-à-dire que les familles assistées sociales qui ont des places réservées en CPE, c'est deux jours et demi par semaine, 130 jours par année, hein? Donc, ce n'est pas gratuit pour tout le temps. Quand je vous parlais de notre association qui reçoit... qui a des services de garde, il y a des mères qui s'endettent parce que ça leur coûte finalement la moitié du prix, 3,50 $ par semaine, pour envoyer leur enfant à la garderie parce que... parce qu'il faut qu'elles paient quand même une partie, là. Donc, le problème ne serait pas réglé, effectivement, s'ils les envoient à la maternelle puis c'est gratuit mais qu'il y a des services de garde à défrayer en milieu scolaire, là.

Mme St-Amand : Est-ce que ça veut dire que, s'il y avait une autre piste de solution, par exemple de — on aabordé, au cours des trois derniers jours, la possibilité que les enfants puissent fréquenter les services de garde — qu'on mette des mécanismes en place, ce genre de mécanisme... parce que, dans le fond, on le sait, la préoccupation, c'est qu'on a 27 % de nos enfants qui, en fait, n'ont pas de service. Et, dans cette catégorie-là, on sait qu'on a des enfants que c'est un choix parental, on sait qu'il y a d'autres parents qui ne veulent pas envoyer leurs enfants en service de garde. Est-ce que, s'il y avait des mécanismes qui étaient offerts pour favoriser...

Mme Desjardins (Lorraine) : ...la gratuité totale et complète, par exemple. C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir juste deux jours et demi de gratuits en CPE, bien, si c'était gratuit à temps plein, ça serait intéressant, effectivement. Peut-être qu'on rejoindrait plus de familles, mais, encore là, bon, il reste à voir si les familles à faibles revenus fréquenteraient davantage. Mais la gratuité, c'est sûr, complète, ça serait vraiment quelque chose, là, ça serait vraiment un plus.

(12 h 50)

Mme St-Amand : Vous avez raison, ça serait vraiment quelque chose pour plusieurs personnes qui auraient à trouver tout ce... ça serait vraiment l'idéal, en fait. C'est ce que vous nous dites. Je comprends.

Vous avez parlé de stigmatisation. On a parlé de ghetto ici depuis trois jours. Moi, j'ai donné l'exemple de... Parce qu'en plus moi, je suis une éducatrice de formation. Alors, c'est sûr que, bon, il y a une partie de mon coeur qui est avec les petits enfants, qui se demande un peu comment ces enfants-là, à l'école, vont réagir, puis l'estime de soi-même, et tout ça. Et donc, d'être le plus grand dans un service de garde, ça peut être intéressant pour un enfant aussi. Être le plus petit... puis là je disais : Être le plus petit dans un petit groupe de pauvres en plus, ça donne une autre image que j'aime moins. Alors, vous, vous apportez une dimension qui est plus universelle. Ce que vous dites, j'aimerais ça que vous alliez un peu plus loin quand vous dites : J'aimerais ça que ça soit offert à tout le monde.

Mme Desjardins (Lorraine) : ...offert à toutes les familles, pas de façon obligatoire, mais tous les enfants de quatre ans au Québec, comme les CPE sont offerts de façon universelle, c'est une mesure universelle, ça pourrait être intéressant.

La gratuité, écoutez, je ne le sais pas, là, il faudrait voir. Dans un monde idéal, ce serait ça, mais, bon, on n'est pas nécessairement dans un monde idéal. Mais n'empêche que ce qui serait vraiment l'idéal, là, ça serait d'offrir des revenus qui permettent à tout le monde d'être au-dessus du seuil de pauvreté, là. Là, on serait en business puis on aurait peut-être moins besoin de faire des mesures de prévention précoces à ce moment-là, là.

Mme St-Amand : Oui, je comprends bien. Dites-moi, dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez de la compétence et de la bonne volonté du personnel enseignant. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'écouter nos auditions en début de semaine, mais, en fait, l'association préscolaire du Québec est venue nous parler de leurs préoccupations par rapport au fait que, dans la formation préscolaire élémentaire, nos enseignants ne se sentent pas nécessairement... et vous en parlez brièvement. Est-ce que vous pouvez un petit peu plus élaborer là-dessus?

Mme Desjardins (Lorraine) : Bien, écoutez, on en a parlé parce que, dans le cadre du mémoire, c'était une préoccupation, mais on s'est abreuvés aux gens qui sont des spécialistes là-dedans, en fait, justement, les... entre autres ces personnes-là, les enseignants, et tout ça, les fédérations d'enseignants, et tout ça. Ils savent effectivement que la formation des maîtres, présentement, ne comprend pas suffisamment de... c'est une préoccupation. Ça ne comprend pas suffisamment d'heures de formation pour le préscolaire et certainement pas non plus pour les enfants... les besoins développementaux des enfants aussi jeunes, alors que, quand tu as une formation, tu reçois une formation pour être éducatrice — on dit éducatrice, mais on s'entend-u que c'est pas mal majoritairement des filles, là, qui sont là — elles reçoivent une formation sur les besoins développementaux des jeunes enfants, là. Donc, ça serait quelque chose à considérer, là.

Mme St-Amand : J'ai envie de vous poser la question qui tue. Hier, on a reçu la Coalition des garderies privées du Québec qui sont venues, en fait, nous parler de comment elles accueillaient les enfants en situation de pauvreté, parce qu'on sait que, parfois, les CPE sont complets et que les parents, bon... puis avec le crédit d'impôt, et puis tout ça. Évidemment, je vous écoute depuis tantôt, et vous avez utilisé le mot CPE depuis le début. Si on avait une ouverture à créer, à faire plus d'espaces pour nos enfants de milieu défavorisé en service de garde, est-ce que, pour vous, c'est uniquement CPE ou si le fait qu'ils puissent aller dans des services de garde privés, subventionnés ou pas, pour vous, c'est acceptable ou pas?

Mme Desjardins (Lorraine) : Le problème avec les services de garde privés, c'est qu'ils sont privés, hein? Quand une mesure est étatique, le souci de faire du profit n'est pas présent. Dans le privé, bien, on est là parce qu'il faut faire du profit.

Ce qui est aussi évident, ce qui est démontré dans toutes les études qui sont faites sur les services de garde, c'est que le personnel est mieux formé en CPE, le ratio de gens diplômés, avec des diplômes d'éducatrice en service de garde est plus grand dans les CPE. Donc, c'est sûr qu'on privilégie plus ce mode-là, parce que les services sont de meilleure qualité. En tout cas, ça a été démontré par plusieurs études, puis c'est un peu comme dans les résidences pour personnes âgées. Dans le privé, des fois, les conditions de travail aussi sont moins bonnes, la formation est moins bonne, les conditions salariales sont moins bonnes. Donc, c'est ça. Donc, c'est sûr qu'on privilégie davantage, la fédération en tout cas, les services publics, là.

Mme St-Amand : O.K. Je vais vous laisser... Parce que, évidemment, la coalition nous dirait quelque chose de différent. On sait qu'ils sont quand même soumis... ils sont quand même soumis aux mêmes normes, là.

Mais j'aurais une dernière question pour vous. Le programme Passe-Partout, vous connaissez?

Mme Desjardins (Lorraine) : Très peu, très peu. J'ai lu un peu, dans le cadre du mémoire, j'ai lu un peu là-dessus. Je ne pourrais pas vous dire que nos parents, les parents qu'on représente ou les familles qu'on représente participent beaucoup à ce genre de mesure là. Ce que j'ai lu là-dessus, c'est qu'on en disait grand bien. Mais je ne pourrais pas vous dire, là, je ne serais pas à l'aise de vous répondre plus amplement là-dessus.

Mme St-Amand : Parfait, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci beaucoup. Nous allons passer, pour un dernier bloc, au deuxième groupe des partis d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez quatre minutes pour terminer.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames, bonjour. D'abord, un petit éditorial très bref. Pour moi, les parents monoparentaux en particulier, les mamans monoparentales chefs de famille, pour moi, ce sont des héroïnes. Elles accomplissent des miracles, là, vraiment, là. Cela dit, c'était mon petit éditorial.

Je vous ai bien entendues répondre à la question de ma collègue que j'allais vous poser, mais la réponse est sortie. Je comprends bien que vos membres et les parents que vous représentez, s'ils avaient le choix d'envoyer leur petit enfant de quatre ans à la maternelle quatre ans en milieu défavorisé à temps plein ou dans une garderie, CPE, temps plein gratuite, le choix serait facilement fait, et ce serait la garderie.

Mme Lévesque (Sylvie) : Bien, c'est-à-dire que je ne sais pas si c'est facile que ça. Ce que… nous, ce qu'on amène, c'est que, déjà, ces familles-là ont tendance à garder leurs enfants à la maison en général. Donc, ça, c'est un constat, hein? On l'a vu. Tout le monde essaie de les rejoindre, tout le monde essaie d'aller les chercher, puis on n'est pas capable.

Bon, en même temps, il y en a d'autres parents qui font ce choix-là aussi. Pourquoi? Parce qu'on est une famille défavorisée, parce que les études disent qu'il faut les stimuler, ta, ta, ta, parce qu'il y a du décrochage scolaire. Sauf qu'il y a aussi du décrochage scolaire auprès des jeunes que des enfants... les parents sont aisés puis une classe moyenne supérieure aussi, là. Je veux dire, il ne faut pas non plus penser que, parce que... le décrochage scolaire est juste du côté des pauvres. Enfin, c'est mon éditorial aussi.

Donc, ceci étant dit, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas nécessairement automatique. C'est sûr que l'avantage, c'est ça, comme on disait tantôt, l'école, c'est dans ton quartier, il y a un CPE aussi, donc c'est proche, à proximité. Donc, je pense que c'est des choix qui peuvent être variés, effectivement. On peut aussi offrir des possibilités. Donc, ce n'est pas sur une base obligatoire, ni les CPE non plus, donc il y a des parents qui peuvent vouloir quatre ans puis d'autres... bon.

Ce qu'on dit, c'est : Pourquoi, à ce moment-là, si on a un système public puis on doit offrir l'ensemble de l'école, pourquoi on ne l'offre pas à l'ensemble des enfants, peu importe le statut socioéconomique des parents? Puis qu'on travaille aussi davantage sur les revenus pour aider ces familles-là aussi à faire en sorte d'avoir des meilleures conditions pour que ces enfants-là, quand ils arrivent à quatre, cinq ans, six ans, sept ans, ne soient pas non plus dans une situation en arrière par rapport aux autres, parce qu'ils sont déjà, comme on disait tantôt, le monsieur posait la question tantôt — M. le député, je ne me souviens plus de votre nom, désolée — quand, ces enfants-là, ils vont être moins stigmatisés s'ils arrivent à la maternelle. Mais ils sont déjà stigmatisés, de toute façon, dès quasiment l'enfance, parce que, quand elles arrivent à l'hôpital, ces mères-là, puis que les enfants sont pauvres, bien, ils sont déjà avec une batterie d'intervenants. Donc, ça commence déjà là. Alors donc, ils n'ont pas fini d'être stigmatisés, là.

Mme Roy (Montarville) : Vous faites justement allusion à la stigmatisation, je voulais en venir là. Vous la craignez beaucoup avec ces maternelles quatre ans pour enfants de milieu défavorisé. Pensez-vous qu'elle serait moins grande ou est moins grande en CPE?

Mme Desjardins (Lorraine) : Moi, je pense que, comme disait Sylvie… bien, elle ne serait pas nécessairement moins grande, mais je pense que, s'il y a un endroit où on devrait agir en priorité, c'est d'assurer des revenus décents à ces familles-là, des logements décents, hein? Parce qu'il y a de ces familles-là qui doivent débourser des fortunes pour se loger, des pourcentages énormes de leur revenu pour se loger parce qu'il manque de logements sociaux. Donc, donnons-leur des conditions de vie socioéconomiques décentes, puis peut-être que, peu importe qu'ils aillent en CPE quatre ans ou en maternelle quatre ans, peut-être qu'ils seront mieux, les enfants réussiront mieux parce que leurs parents seront moins stressés aussi, là.

Mme Roy (Montarville) : Donc, vous dites de travailler en amont plutôt qu'en bas, là.

(13 heures)

Mme Lévesque (Sylvie) : Bien d'ailleurs, l'étude que vous faisiez référence, Mme la ministre, la santé publique sur la maturité scolaire, je pense que c'est à celle-là que vous faisiez référence, au directeur de la santé publique en 2008, disait d'ailleurs qu'il faut travailler aussi à ce que ces enfants-là soient avec l'ensemble des autres enfants. C'est plus gagnant auprès... même chose pour les enfants handicapés ou les enfants qui sont différents. Ce n'est pas en mettant l'ensemble de ces enfants-là ensemble qu'on va améliorer leur situation.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Eh bien, je vous remercie, Mmes Lévesque et Desjardins de la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées du Québec. Je vous remercie de votre présence.

Ceci met fin à nos travaux pour tout de suite. Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Bonjour. Bienvenue à cette commission. Nous reprenons les travaux de la Commission de la culture et de l'éducation. Je vais demander tout de suite aux gens de bien éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, et nous allons poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique concernant certains services éducatifs aux élèves âgés de moins de cinq ans.

Alors, nous recevons, cet après-midi, avec grand plaisir, le Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance. Alors, le porte-parole, est-ce que c'est M. Moreau ou madame...

Conseil québécois des services de
garde éducatifs à l'enfance (CQSGEE)

Mme Gingras (Sylvie) : Bien, c'est-à-dire...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...Mme Gingras? Oui.

Mme Gingras (Sylvie) : Oui, c'est ça. M. Moreau pourra vous exposer notre mémoire.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui, d'accord. Alors, bienvenue à vous. Alors, Mme Gingras, je vais peut-être vous demander de prendre la parole la première, en vous présentant et en présentant monsieur qui vous accompagne...

Mme Gingras (Sylvie) : Oui, certainement. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...et vous aurez 10 minutes pour l'exposé du mémoire.

Mme Gingras (Sylvie) : Alors, merci à la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Je vais abréger sur la présentation du conseil québécois. Dans le mémoire, étant donné qu'on a déposé le mémoire séance tenante, vous pourrez... vous serez à même de lire les détails de notre organisation.

Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Jacques Moreau, qui est professeur et chercheur à l'École de service social de l'Université de Montréal, qui est spécialiste des facteurs psychosociaux nuisant à la qualité du développement de jeunes enfants. Il est coconcepteur de l'outil GED. Il a aussi travaillé pour l'évaluation des initiatives 1, 2, 3 GO! et il est spécialiste en intervention précoce auprès des enfants vulnérables, négligés et maltraités.

Alors, je débuterais la présentation du mémoire en vous disant : Ce qu'on a choisi, nous, aujourd'hui, à titre d'organisation provinciale représentant les centres de la petite enfance, c'est de vous dire que nous, on prépare l'enfant pour l'école, on trouve que c'est bien, c'est très bien, mais le préparer pour la vie, c'est encore mieux. Alors, sur ce, je laisse la parole à M. Moreau.

M. Moreau (Jacques) : Merci. Écoutez, la rédaction de ce mémoire est dans une vision beaucoup plus développementaliste qu'autre chose. Donc, quand j'ai entendu parler de l'ambition du gouvernement pour les enfants défavorisés de quatre ans ou, pour utiliser une expression que je préfère… Parce que ce n'est pas tous les enfants vivant en milieux défavorisés qui vont avoir des problèmes de développement, je préfère personnellement parler des enfants en conditions d'adversité à leur développement, ce qui est un petit peu plus juste, vous en conviendrez. Donc, quand j'ai eu pris connaissance de la volonté du gouvernement d'aller de l'avant, d'envoyer tous les enfants de milieux défavorisés vers l'école, je me suis posé de nombreuses questions. Et il y a eu, avec le conseil québécois, il y a eu un lac-à-l'épaule qui s'est organisé au mois de février. On a posé plein de questions aux membres du conseil à ce moment-là, et il y en a eu... il y en a eu, quelques réflexions, quelques conclusions, les principales sont présentées dans le mémoire que vous avez sous les yeux.

Donc, rapidement, je vous dirai que, d'un point de vue des connaissances récentes en développement de l'enfant, je suis loin d'être convaincu que la maternelle quatre ans, dans le contexte particulier, québécois, organisé des services de garde et de l'école, je suis loin d'être convaincu que c'est la meilleure solution pour les enfants de milieux défavorisés ou des enfants en conditions d'adversité face à leur développement, et je vais m'expliquer.

D'abord, ce n'est pas parce qu'on vit dans un environnement ciblé défavorisé que, justement, on va nécessairement vivre des problèmes qui sont associés aux nombreux facteurs de risque qui sont documentés dans la littérature, y compris la pauvreté. Et tous les enfants se développent selon une séquence universelle, on le sait, et tous les enfants se développent également à un rythme qui leur est propre, ce qui fait qu'ils traversent, toutes et tous, les mêmes étapes de développement mais pas nécessairement au même moment, au même rythme et de la même façon.

Donc, ceci étant dit, ça n'empêche pas qu'il y a certains enfants... Parce que, de deux choses l'une, ou, chez certains enfants, il y a une biologie qui se met en déroute et qui fait en sorte que, là, les enfants développent un problème, comme dans le cas des TED, par exemple, ou les enfants qui naissent avec une trisomie comme le syndrome de Down, ou bien il y a des enfants qui vont rapidement présenter ce qu'on appelle des retards de développement pour des raisons, cette fois-ci, qui sont de l'ordre de l'influence de l'environnement qui… l'influence de l'environnement, ici, étant néfaste. Donc, ce sont de ces enfants-là dont on parle, finalement, quand on parle de l'accessibilité à des ressources pour que des enfants puissent se développer harmonieusement.

Donc, quand on vise des enfants de milieux défavorisés, dans le fond, ce que moi, je lis et ce que moi, j'entends, c'est qu'on vise ces enfants-là particuliers, qui sont en difficulté dans leur développement, ou certains auteurs pourraient dire qu'ils sont en souffrance dans leur développement, et on cherche à faire en sorte de les aider à rattraper les retards de développement qui vont se présenter ou les troubles d'adaptation et de comportement qui vont se présenter à un jeune âge. Et c'est souvent vers les trois ans, quatre ans, justement, qu'apparaissent les premiers signes assez évidents de ce type de problème, de ce type de retard chez les enfants.

Donc, les connaissances récentes en développement de l'enfant nous indiquent effectivement que plus on dépiste tôt et bien, mieux on est en mesure de travailler avec les jeunes enfants et d'établir un programme, ce qu'on appelle un programme d'intervention précoce. Quand on parle d'intervention précoce, on ne parle pas strictement, uniquement ou spécifiquement de scolarisation précoce — donc, vous avez, dans le mémoire, une section qui, justement, s'intitule Intervention précoce et scolarisation précoce ne sont pas synonymes — parce que, quand on fait de l'intervention précoce, quand on cherche à faire de l'intervention précoce, on vise justement la population des enfants en retard de développement, en difficulté de développement, des enfants qui ont besoin d'un supplément de quelque chose pour les aider à rattraper le retard, pour les aider à atteindre les jalons de développement attendus pour leur groupe d'âge. Quand le problème de l'enfant n'est pas d'origine biologique, quand le problème de l'enfant est d'origine environnementale, même si elle affecte certains aspects biologiques de sa croissance comme, notamment, celle du cerveau, on peut inverser la tendance et faire en sorte que l'enfant puisse rattraper le retard. Et donc les activités d'intervention précoce visent spécifiquement ça : travailler à ce que l'enfant rattrape son retard de développement, lui donner toutes les opportunités possibles pour faire en sorte qu'il atteigne, selon l'âge chronologique qu'il a, le jalon développemental attendu pour son âge.

La scolarisation précoce, ce n'est pas ça. La scolarisation préscolaire, la scolarisation préprimaire, selon les auteurs, elle, elle vise strictement à faire en sorte que les enfants acquièrent les habiletés cognitives, et strictement cognitives, nécessaires à leur adaptation à l'école. Quand on parle des habiletés cognitives, on parle de lecture, écriture, mathématiques, habiletés spatiotemporelles, et ainsi de suite. Donc, tout l'univers du développement social, émotionnel, tout le domaine d'amener l'enfant dans l'autorégulation émotionnelle pour s'adapter aux autres enfants de son entourage, pour s'adapter aux adultes de son entourage, pour s'adapter à un nouvel environnement de garde, et ainsi de suite, toutes ces habiletés-là ne sont pas nécessairement visées par la scolarisation précoce ou l'éducation préscolaire. Dans certains cas, oui, mais encore trop peu, à mon avis, un peu partout dans le monde.

• (15 h 10) •

Donc, dans une vision développementaliste et en fonction des aspects plus particuliers, O.K., du développement socioaffectif, émotionnel et l'atteinte, justement, des capacités d'autorégulation dans ces aspects-là, je suis loin d'être convaincu que… De déplacer des enfants quatre ans qui sont déjà dans des services de garde ou qui sont déjà installés, à deux ans, trois ans, depuis un certain temps, qui sont déjà dans les services de garde, et de les envoyer dans un nouvel environnement, vous prédisposez beaucoup d'enfants à vivre de l'insécurité. Et, chez certains enfants de groupes vulnérables, qui sont dans des conditions d'adversité, pour qui les jalons sont difficiles à atteindre même s'ils y arrivent, vous allez provoquer, effectivement, des réactions d'anxiété. Et là, quand des enfants se retrouvent en... — une minute? Ah! Seigneur, vous êtes dure avec moi. Quand vous mettez des enfants dans ces conditions-là, ils deviennent anxieux, et là il y a un univers émotionnel qui prend le dessus sur les habiletés cognitives, ils ne deviennent plus disponibles à apprendre. Ça devient beaucoup plus compliqué pour eux. Et là on ne leur rend pas service, là, vraiment pas du tout.

Donc, pour toutes ces raisons et d'autres qui sont écrites dans ce mémoire, qui a été écrit vite, là, bon, je vous demanderais de respecter la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation, et annoncée à la page 77, qui est : «…pour assurer rapidement l'accès de 90 % des enfants de quatre ans à des services éducatifs de qualité réglementés par l'État, [...]créer en CPE les places qui manquent [et] maintenir les services qui desservent déjà des enfants de quatre ans…» Voilà.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Vous arrivez pile sur le 10 minutes. Merci, M. Moreau.

Alors, nous allons débuter les échanges avec la partie gouvernementale. Alors, vous disposez de 24 minutes. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Malavoy : Je vous remercie, je vous remercie d'être là. Mais je vais vous prendre au mot, M. Moreau, je vais commencer exactement par la phrase que vous venez d'évoquer, mais je vais la terminer, page 77, du Conseil supérieur de l'éducation. On va la reprendre parce que le président du conseil est venu et, honnêtement, il n'a pas dit ce que vous dites, mais moi, je vais me référer à son texte. On pourra aller voir ensuite les galées exactes de ses interventions à la commission. Mais le texte de l'avis dit ceci : «Le conseil croit donc que, pour assurer [aussi] rapidement…» «…pour assurer rapidement — pardon — l'accès de 90 % des enfants de quatre ans à des services éducatifs de qualité réglementés par l'État, il faut créer en CPE les places qui manquent — on est d'accord avec ça, on a annoncé 28 000 places, au Parti québécois, il y a quelque temps. Il faut aussi maintenir les services qui desservent déjà des enfants de quatre ans — on est d'accord avec ça — de manière à atteindre le plus rapidement possible un taux de fréquentation de 90 %, tout en améliorant la qualité dans tous les types de services éducatifs.»

Et ce que le président du Conseil supérieur de l'éducation est venu nous dire, c'est qu'il concevait bien qu'on garde comme approche, je dirais, majeure, au Québec, l'approche des centres de la petite enfance, et j'en suis. Je veux dire, c'est un réseau qui remplit admirablement bien son mandat, tellement qu'on s'est engagés justement à le compléter, on n'est pas du tout critiques par rapport au réseau des centres de la petite enfance, on y croit totalement. Et en même temps le président du Conseil supérieur de l'éducation nous a dit : Écoutez, moi, je conçois qu'on puisse ajouter quelque chose de particulier pour des enfants qui ne sont pas rejoints.

Et donc c'est donc ma première question. Parce que, M. Moreau, vous êtes un spécialiste, puis je ne vous concurrencerai pas sur ce terrain-là, parce que je ne veux pas en faire une question d'école de pensée. Moi, mon point de départ, c'est qu'actuellement il y a plus du quart des petits enfants de quatre ans qui ne vont pas en service de garde ou en quelque service que ce soit. Loin de moi l'idée de prendre les enfants de quatre ans des services de garde puis de les envoyer ailleurs. Plusieurs d'entre nous sommes ou avons été des parents ou sommes des grands-parents et on sait parfaitement que, quand un enfant est quelque part et qu'il y est bien, la dernière chose à faire, c'est de le changer pour je ne sais pas quel motif. On doit le faire si on déménage ou... bon. Mais, si l'enfant est bien, il va y rester. Et moi, je crois que les enfants de quatre ans en CPE actuellement, ils vont y rester, puis les parents vont choisir la stabilité.

Mais ce n'est pas à eux que je pense, moi. Moi, je pense à ceux qui ne vont pas dans les CPE. Et, depuis lundi, on a eu plusieurs témoignages qui nous ont aidés à comprendre mieux ce phénomène-là. Il y a des facettes que j'avais à l'esprit, comme par exemple le fait que des parents considèrent qu'un service de garde, bien, ça équivaut à garder son enfant, puis qu'eux, ils le gardent, s'ils ne travaillent pas, ils gardent l'enfant, et que, rendu à l'école, ils sont prêts à ce que l'enfant soit dans des milieux où on va lui permettre de développer les habiletés qu'il n'a pas développées et dont il pourrait avoir besoin une fois rendu en maternelle cinq ans. Donc, je dirais, ces parents-là, ils peuvent avoir ces raisons-là, mais d'autres nous ont dit, par exemple : Moi, mon enfant, à quatre ans, je me rends compte que, par exemple, il n'a pas été habitué du tout à vivre en groupe, hein, je m'en suis occupé tout le temps jusqu'à quatre ans. Cet enfant-là, il a été aimé, il a été soutenu, il a probablement développé toutes sortes de choses, mais une mère nous dit : Moi, je me rends compte qu'il lui manque des choses, à ma petite fille. Je ne veux pas l'envoyer en service de garde. À quatre ans, je considère que c'est trop tard pour cet enfant-là, qu'il vaut mieux, si on m'offre une maternelle quatre ans, prendre ce chemin.

Pourquoi ne pourrions-nous pas prendre ce chemin pour des enfants… qui ne vous en enlève pas dans les services de garde, ils n'y vont pas, chez vous. Et, pour des raisons profondes, même si on complète les classes, même si on donne plus d'accès, peut-être qu'on en rejoindra quelques-uns de plus, mais ça ne comblera pas les besoins. Alors, pourquoi ne pas ajouter une porte d'entrée additionnelle pour ces enfants qui, actuellement, ne bénéficient pas des services éducatifs? Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Moreau (Jacques) : Écoutez, tout ça fait du sens. D'un point de vue développemental, tous les enfants, quel que soit leur âge, ont à atteindre des jalons développementaux particuliers. Certains d'entre eux se retrouvent dans des conditions qui font en sorte que cette tâche-là qu'ils ont à accomplir devient difficile et compliquée même, et parfois ils n'y arrivent tellement pas que, justement, ils développent des retards de développement.

C'est un classique que, dans les populations vulnérables, dans les groupes vulnérables de la société, les parents ont de grandes réticences à se séparer de leurs enfants, qu'ils ont une grande méfiance à l'égard des institutions. Et souvent c'est un phénomène un peu, si vous voulez, intergénérationnel. C'est-à-dire qu'eux-mêmes ont eu, étant enfants et étant jeunes, des rapports difficiles avec les institutions, notamment l'école, et ça fait en sorte que ça ne les prédispose pas justement à vouloir faire en sorte que leurs enfants fréquentent un service de garde pour toutes ces raisons-là.

Ce qui fait qu'il y a un problème qui est connu. Il y a beaucoup de parents dans des conditions de vie difficiles qui refusent que les enfants aillent en service de garde, et c'est probablement ceux-là qui sont effectivement les plus difficiles à rejoindre et probablement les enfants de ces parents-là qui sont peut-être, pas toujours mais peut-être, en plus grande difficulté dans leur développement.

Donc, de vouloir ouvrir une porte pour que ces enfants-là puissent avoir accès à des services pour les aider dans leur développement, je suis tout à fait d'accord avec ça. Je suis tout à fait d'accord avec la flexibilité et la diversité des portes d'entrée pour qu'on puisse venir en aide aux enfants en difficulté de développement. Là où j'en ai, là où j'ai un souci, c'est que les enfants qui sont déjà dans les services de garde et ceux qui vont s'ajouter avec les 28 000 places qui ont été annoncées, une fois qu'ils sont là et qui s'annoncent… qui sont dans un milieu où il y a une diversité… Parce que ce n'est pas que des enfants de la classe moyenne qui fréquentent les services de garde, quand même. Il y a beaucoup de services de garde qui sont dans des milieux justement dits défavorisés et qui vont accueillir une diversité d'enfants.

• (15 h 20) •

Il y a une section, dans le mémoire, qui s'appelle Les leçons tirées des initiatives 1, 2, 3, GO!. Les initiatives 1, 2, 3, GO!, elles étaient toutes, ces initiatives-là, en territoires défavorisés, et on est allés au hasard, dans ces territoires-là, compte tenu des objectifs d'intervention précoce qu'on avait, pour l'évaluation des impacts et des effets des initiatives. Et là on est allés au hasard des codes postaux. Et, à tous les deux ans, on avait une cohorte d'environ 450 à 500 enfants et familles, et les enfants, à chaque deux ans, dans ces cohortes-là, étaient âgés entre 20 et 40 mois. On est allés faire des évaluations du développement pour un total de 1 800 enfants sur huit ans de cueillette de données. Qu'est-ce qu'on a appris de ça? On a appris des choses importantes. On a appris que le quotient de développement diminue significativement et de manière importante avec le cumul de risques, que, sur les territoires, on avait des familles qui avaient zéro risque. Donc, même s'il y avait des familles qui étaient en territoires défavorisés, on a rencontré des familles des enfants qui, elles, n'accumulaient absolument aucun risque dans leur vie, ni pauvreté, ni faible scolarisation, ni monoparentalité, ni rien. Et ces enfants-là, il y a une figure dans le mémoire qui le montre bien, ces enfants-là, dans leur score moyen de développement, ce groupe d'enfants là, zéro risque, ils sont tout à fait dans les normes, tout à fait dans les normes dans leur développement. À partir du moment où il y a un risque, ou deux risques, ou trois risques, vous voyez une chute drastique de la qualité du développement des enfants.

Qu'est-ce qu'on a appris de ça? On a appris deux choses importantes. Les enfants pour qui le quotient… peu importe le nombre de risques, O.K., les enfants pour qui il y avait des jeux à la maison, et des livres, et des casse-têtes, les enfants pour qui il y avait un temps de stimulation à la maison avec les adultes, les parents en temps suffisant à tous les jours, et les enfants qui fréquentaient un service de garde sur le territoire, peu importe le nombre de facteurs de risque présents dans leur vie, les enfants qui fréquentaient un service de garde avaient des quotients de développement supérieurs aux enfants qui ne fréquentaient pas un service de garde.

Donc, pour moi, il est clair que fréquenter un service de garde, avec la qualité des actions éducatives qui sont menées dans les services de garde, est un facteur de protection au développement de l'enfant. Alors, à ce moment-là, oui, je suis d'accord avec l'idée d'ouvrir et de se donner davantage de portes pour que des parents qui sont réfractaires à l'idée d'envoyer leurs enfants en service de garde puissent... que ces enfants-là puissent avoir accès à des services. Je pense que la meilleure porte pour les quatre ans et les plus jeunes, ça reste un environnement de service de garde. Je ne dis pas que ce n'est pas la seule qu'on pourrait offrir, mais je pense que, compte tenu de ce qui précède dans le développement, les quatre ans, compte tenu de tout ce qui peut induire un retard de développement ou des difficultés de développement chez les jeunes enfants, je pense que la meilleure porte d'entrée pour aider ces enfants-là et les parents aussi, bien évidemment, ça reste le service de garde.

D'ailleurs, je vous rappelle aussi qu'il y a un protocole d'entente qui existe, à travers le Québec, centres jeunesse et CPE. Et, dans beaucoup de CPE, on reçoit des enfants qui sont suivis par les centres jeunesse, qui y sont pour maltraitance-négligence et qui sont l'objet d'un suivi du DPJ. Et, quand ces enfants-là fréquentent le service de garde, après un certain temps, grâce aux actions éducatives qui sont mises en place dans ces environnements-là, les enfants récupèrent, les enfants rattrapent leur retard, les enfants vont mieux.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci. Je pense qu'on va passer à une autre question.

Mme Malavoy : Oui, c'est parce que je...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Le temps va avancer. Alors, Mme la ministre.

Mme Malavoy : Moi, j'ai un chronomètre, alors je vois le... je devine quand on va me dire que c'est terminé.

M. Moreau, on n'est pas en train de discuter du meilleur modèle partant de rien. Et, quand je lis vos... Quand je lis dans votre mémoire, à la page 12, un certain nombre de principes que vous émettez en vous fiant sur des auteurs...

Une voix : ...

Mme Malavoy : Je ne suis pas en désaccord avec ça. Plus un programme débute tôt dans la vie des enfants, plus importants seront ses effets. Plus un programme efficace est un... Un programme efficace est un programme qui agit directement sur un enfant. Il est plus efficace quand ses actions sont soutenues et poursuivies dans et par la famille. Je ne lis pas de choses, dans ce texte, qui me dérangent sur le fond. Et c'est d'ailleurs sur cette base-là qu'on a développé le réseau des centres de la petite enfance. C'est précisément en s'appuyant sur des données comme celles-là et sur des recherches comme celles que vous menez. Donc, les conclusions qui sont là sont tout à fait limpides, là, et nous encouragent à développer nos centres de la petite enfance.

Le problème que j'ai... Moi, je suis une ministre de l'Éducation, bon, et je pense, vraiment, là, dans ma tête, là, je pense aujourd'hui à des enfants de quatre ans qui n'ont pas bénéficié de ça, qui ont actuellement des carences, par exemple au plan du vocabulaire. Alors, moi, je ne veux pas qu'ils apprennent à écrire à quatre ans, mais ce que des spécialistes me disent, des spécialistes du développement des enfants me disent, c'est que, si on a des centaines de mots en moins dans son vocabulaire quand on a quatre ans, bien, rendu à cinq ans, on va déjà se sentir un peu à part des autres. Et, quand on commencera vraiment l'école en première année, on va être moins bon que les autres. Et, si on intègre qu'on est moins bon si jeune, bien sûr on ne le nommera pas et bien sûr on va rester dans la classe, parce que ce n'est pas l'enfant de cinq ans qui décide, mais, quand on aura 13, 14 ans, là, là, l'école, on en aura par-dessus la tête, puis ça n'aura pas été un milieu où on aura eu du plaisir.

Alors, je reviens à mes enfants de quatre ans. Moi, je me dis : Si, dans leur trajectoire, ils arrivent dans les centres de la petite enfance, et qu'ils s'y épanouissent, et qu'on les aide à acquérir les habiletés sociales, cognitives, langagières, c'est parfait. Mais, s'ils n'y arrivent pas, pour toutes sortes de raisons... Et je ne porte pas un jugement non plus sur le choix des parents. J'observe.

Je veux offrir à ces enfants-là quelque chose. Viser dans les milieux défavorisés, c'est restreint. On a dit : Ça va être dans des milieux de ce qu'on appelle, même si les mots ne sont pas très jolis, mais en tout cas on sait ce que ça veut dire, indices de défavorisation 9 et 10, donc dans les milieux, les territoires où les enfants sont les plus défavorisés. Je veux pouvoir leur offrir quelque chose et je veux faire aussi très attention pour que ce qu'on leur offre ne soit pas... vous appelez ça de la scolarisation précoce. Moi, j'ai entendu des gens venir me parler de ce qu'ils font avec des enfants de quatre ans, ça ne me semble pas être de la scolarisation précoce. Ça me semble être leur donner, à ces enfants-là, une occasion, de quatre à cinq ans, d'acquérir des habiletés, des comportements qui vont tout simplement faire que, rendus à l'école, ils ne seront pas déroutés puis ils ont des chances de réussir.

Alors, j'aimerais juste que vous me disiez si, dans ce que je vous indique, qui est vraiment notre projet... Notre projet n'est pas de substituer aux centres de la petite enfance autre chose, c'est d'ajouter. Je voudrais que vous me disiez si, dans ce que je résume de mon mieux, il y a des choses qui ne vous vont pas ou qui ne correspondent pas au bien de l'enfant.

M. Moreau (Jacques) : Ma crainte, pour être franc, c'est de voir les objectifs que vous cherchez à atteindre s'inscrire dans une pédagogie traditionnelle au lieu d'une pédagogie sociale. Alors, il y a deux petites sections, là, qui portent là-dessus dans le mémoire, sur la pédagogie sociale en lien avec les besoins développementaux. Et donc ce que les enfants de quatre ans en milieux défavorisés, comme tous les enfants de quatre ans, les enfants de... La seule différence qu'on va avoir entre certains enfants en conditions d'adversité à leur développement et les autres, c'est que ces enfants-là vont être en retard dans l'atteinte des jalons développementaux.

Donc, ce qu'il faut faire avec eux, c'est de travailler justement à atteindre les normes en fonction de leur âge chronologique pour que l'âge chronologique et l'âge développemental soient à la même place. Aller chercher les enfants de... pour pouvoir travailler avec eux, là, il y a un défi considérable. Et ma crainte, une fois qu'on les a, ces enfants-là, qu'ils soient en service de garde modèle CPE ou un autre type de porte d'entrée, qui pour l'instant m'est difficile à imaginer… Ce qui est important, c'est de leur offrir une pédagogie qui va être adaptée aux besoins développementaux spécifiques des quatre ans ou des moins de quatre ans et en plus d'être capable d'identifier, pour les quatre ans qui ne sont pas là où ils devraient être dans leur développement, d'être capable d'identifier correctement les étapes à mettre en place pour les aider à atteindre le jalon développemental.

Donc, dans cette vision-là développementaliste, la pédagogie traditionnelle, je ne la vois pas agir dans une façon de faire qui permettrait ça, parce qu'elle va être trop axée sur des habiletés pour s'adapter à l'école et non pas des... viser les habiletés générales pour aider l'enfant dans son développement global. Et ma crainte, elle est là.

Donc, si vous me dites que vous êtes dans une tradition, dans la vision que vous avez, d'offrir à ces enfants-là les services auxquels vous faites référence, que vous êtes dans une vision de pédagogie sociale, bien, je pense que, là, oui, on pourrait... je pense que, là, c'est une vision et c'est une vision qu'il faut viser. Il faut aller là.

• (15 h 30) •

Mme Malavoy : Ce qui serait peut-être intéressant pour moi… Parce qu'il y a des gens qui, actuellement, accompagnent des expériences de maternelle quatre ans à plein temps et qui sont venus, entre autres, nous dire qu'est-ce qu'on pouvait faire avec des enfants de quatre ans et qu'on ne fera pas avec cinq ans, qui sont venus nous dire... Puis je suis persuadée qu'ils ont raison, je suis persuadée que vous appuyez cela tout à fait. Quatre ans et cinq ans, c'est très différent au plan du développement comportemental. Ce n'est pas une année de différence. À cet âge-là, cette année-là, comme c'est le cas d'ailleurs dans toute la petite enfance, les années, même les portions d'année, elles font une énorme différence entre un enfant qui passe le cap de deux, trois, quatre, cinq ans. Bon, ils sont venus nous dire ça.

Mais j'aimerais ça peut-être que vous puissiez illustrer ce que vous trouvez important comme type d'approche, que vous me la donniez avec un peu d'exemples.Parce que j'ai bien compris aussi qu'un de nos défis — je le reconnais tout à fait — c'est d'avoir un programme qui soit un programme qui s'adresse vraiment à ces enfants-là et qui ne soit pas rajouté en amont, une année de plus à un parcours scolaire. Donc, si vous le dites dans vos mots, avec votre expérience, votre réflexion, on doit faire quoi avec des enfants de quatre ans? Ne parlons même pas d'où ils sont, là, mais, si on veut accompagner leur développement, et éventuellement détecter des problèmes, et leur permettre de s'ajuster, on procède comment, on a quelle approche qui ne soit justement pas l'approche classique que vous dénoncez mais qui soit une approche garante de succès? Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais je ne demande pas... On pourrait en... Quatre minutes, vous avez quatre minutes, quand même.

M. Moreau (Jacques) : Aïe, aïe, aïe! Écoutez, dans l'avis du conseil de l'éducation, on explique bien la différence entre le modèle de pédagogie sociale et la pédagogie traditionnelle, et je pense que, justement, pour des raisons associées à, justement, ce qu'est le développement d'un jeune enfant et là où, en moyenne, les quatre ans sont rendus, je pense que le meilleur modèle, la meilleure façon de faire, ça reste la philosophie de la pédagogie sociale où on vise l'installation d'activités avec les enfants qui sont... qui ne vise pas strictement et uniquement les cognitions, les habiletés mathématiques, de lecture et d'écriture, mais une vision plus holistique, si vous voulez, de l'ensemble des habilités qu'un enfant doit avoir pour s'adapter à l'ensemble des exigences de la vie de tous les jours et des exigences de l'environnement social des enfants autour de lui et des adultes, donc l'ensemble des habiletés sociales que l'enfant doit acquérir, justement, pour être capable de s'ajuster une fois rendu à l'école, pour avoir les habiletés d'interaction nécessaires et d'établissement des relations aussi avec les autres enfants et les adultes, pour que, justement, il puisse être en mesure d'être disponible à apprendre. Et c'est ça, la pédagogie sociale.

Donc, en faisant ça, bien, écoutez, on est dans une philosophie d'action où on prend conscience de l'enfant en tant que personne. C'est peut-être un cliché de dire ça comme ça, là, mais l'enfant est vu comme un tout, l'enfant est vu comme dans sa globalité de développement. Et là, quand on voit qu'un enfant n'est pas là où il devrait être, c'est-à-dire qu'il a chronologiquement quatre ans et deux mois, mais on constate très bien qu'il y a des habiletés qui ne sont pas là, bien là, on réfléchit et on installe le programme qu'il faut pour que se réalise l'atteinte du jalon. Et ça, bien, on ne le fait pas de façon désincarnée, dans un seul aspect du développement pour qu'il rattrape son retard, non. On met en place des...

Et il y a toujours une vision ludique. Ce qui est très important dans la vision de la pédagogie sociale, c'est que, pour que l'enfant apprenne à aimer à apprendre, bien, il faut que ça soit intéressant pour lui. Et donc l'aspect de... que les activités soient structurantes et soient éducatives, mais en même temps, si elles ne sont pas plaisantes et que l'enfant n'y trouve pas son compte dans le plaisir qu'il a à apprendre, on va... on risque de rater notre coup. Donc, cette dimension-là d'installer un plaisir et d'installer le ludique à l'intérieur des apprentissages est très important. Et je pense que, pour tous les quatre ans, que ce soient des quatre ans tout-venant ou des quatre ans qui ont besoin d'aide supplémentaire pour atteindre les jalons, je pense que cette vision-là est beaucoup plus appropriée, parce que, justement, vous l'avez dit tantôt, le développement, ce n'est pas linéaire. Il y a une grande différence entre un quatre ans puis un cinq ans, et ce n'est pas en termes d'années, là, tu sais, c'est plus qualitatif, là, que ça, là.

Mme Malavoy : Je sais que le temps se termine, mais je veux dire tout simplement qu'il y a une chose à laquelle vous songez et à laquelle nous adhérons, qui se résume dans une jolie phrase qui est dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation : «L'enfant apprend en jouant, mais il ne joue pas pour apprendre.» Et je pense que ce que nous avons à l'esprit dans nos maternelles pour des enfants en milieux défavorisés, c'est un développement global. Alors, si tant est que cela réussisse bien et puisse s'implanter, en septembre, de façon progressive, bien, on pourra le juger au fur et à mesure, mais notre conception des choses va plutôt dans ce sens-là également.

M. Moreau (Jacques) : Est-ce que je peux?

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Le temps est terminé pour la partie gouvernementale, mais vous pourrez quand même vous servir de vos réponses un peu plus tard pour compléter, si vous le désirez.

On passe du côté de l'opposition officielle. Je reconnais la députée de Trois-Rivières. D'accord. Alors, vous avez 20 min 30 s.

Mme St-Amand : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Gingras, M. Moreau, bonjour. Avant de débuter, M. Moreau, brièvement, je vais vous permettre de terminer ce que vous vouliez dire.

M. Moreau (Jacques) : Alors, merci. Ma crainte et mon souci, c'est le ratio, à l'école versus service de garde, là,pour moi, il y a un os, et un sérieux. Donc, le ratio un sur 18 qu'on retrouve à l'école, pour les quatre ans, je considère que, pour toutes les raisons que j'ai invoquées et pour des raisons, justement... développement des quatre ans, je suis loin d'être convaincu que, là, il y a... c'est ce qu'il faut. Je pense que le ratio pour les quatre ans qu'il y a maintenant en service de garde doit être maintenu pour, justement, des raisons de qualité du développement des enfants et de qualité... installer la disponibilité à l'apprentissage dans le plaisir. Donc, le ratio étant ce qu'il est dans l'univers scolaire, bien, à un sur 18, là, j'avoue que ça me... comment dire, ça me perturbe quelque peu, quoi. Voilà.

Mme St-Amand : Alors, bien, je vais poursuivre sur cette lancée-là, parce que ça faisait partie de mes questions, en fait. D'abord, je vais vous dire que c'est fort intéressant de vous entendre parler du développement de l'enfant,parce qu'en fait, au coeur de tout ce questionnement-là qu'on a depuis le début de la semaine, c'est vraiment notre préoccupation principale.

Vous parlez de ratio. Est-ce que je comprends que... Parce que j'ai cru entendre... Vous avez dit : Je préconiserais qu'on maintienne celui des services de garde.Est-ce qu'à ce moment-là ça voulait dire que vous suggérez qu'on maintienne le un pour 10?

M. Moreau (Jacques) : Oui, oui.

Mme St-Amand : O.K. Et je vais aller un petit peu plus loin, parce que la ministre nous a dit cette semaine...

M. Moreau (Jacques) : Et même j'ajouterais que, dans le cas des enfants... Le un pour 10, c'est pour les enfants tout-venant en service de garde. Mais, les enfants qu'on a identifiés, de milieux défavorisés, qui, eux, ne sont pas des vrais quatre ans,ils ont quatre ans d'âge chronologique, mais, en termes d'âge et de développement, ils n'ont pas quatre ans,bien, pour eux, ce n'est pas du un pour 10, là, qu'il faut avoir, là. C'est moins que ça, donc ça serait du un pour huit ou un pour six. Pourquoi? Parce qu'il faut prévoir des activités encore plus spécifiques pour eux, une intensité plus spécifique pour eux, de l'intervention particulière pour eux. Donc, le travail n'est pas tout à fait le même. Il y a un plus, là, auquel il faut arriver. Et, si on garde le même ratio, un pour 10, avec ces enfants-là, bien, pour certains de ces enfants-là, je ne suis pas sûr qu'on va y arriver comme on le souhaiterait. Voilà.

Mme St-Amand : C'est exactement dans cette direction-là que je m'en allais. Alors, la ministre, cette semaine, nous disait qu'il y aura tout près de 600 $, par enfant, d'attribués avec, si j'ai bien compris, le ratio du groupe de 15, donc on peut penser environ 9 000 $ pour le service complémentaire. Évidemment, ça inclut aussi le matériel pédagogique.

J'aimerais ça vous entendre sur... Parce qu'on pense à des groupes quatre ans de milieux défavorisés. On sait qu'ils auront besoin de services complémentaires. À votre avis... — puis là je vous le dis, M. Moreau, c'est important, parce que j'ai plusieurs questions, ma collègue aussi,alors si on peut faire des réponses assez courtes pour qu'on puisse... parce qu'on veut vraiment aller au fond des choses avec vous. Qu'est-ce que vous suggérez comme servicescomplémentaires? Par exemple, si on allait dans un groupe de 10 enfants, à votre avis, qu'est-ce qu'on peut s'attendre d'avoir comme services complémentaires? En termes de ratio ou en termes de... On peut penser que ce sera possiblement... En milieu scolaire, on voit souvent les éducatrices spécialisées, psychoéducateurs occasionnels, dépendamment, orthophonie. Alors... l'orthophonie, bon. Mais, approximativement... Parce que moi, j'ai un peu de difficultés, pour avoir travaillé en milieu scolaire pendant plusieurs années, à comprendre, avec 9 000 $, qu'est-ce qu'on va pouvoir se payer comme services.

M. Moreau (Jacques) : Quelle question! Écoutez, il n'y a pas de... C'est un petit peu embêtant parce que...

Mme St-Amand : Je m'excuse, Mme la Présidente. Je veux juste valider si mon chiffre est bon, parce que j'entends les collègues qui me disent que c'est 5 000 $ pour les services complémentaires?

• (15 h 40) •

Mme Malavoy : C'est-à-dire, pour les enfants, c'est... Au total, la subvention pour une maternelle quatre ans à temps plein en milieu défavorisé, c'est précisément 6 526 $, comprenant l'ensemble. Ce que vous avez évoqué, c'est, entre autres, pour du matériel pédagogique. Mais il faut faire attention quand on dit tant par enfant, là, O.K.? C'est...

Mme St-Amand : O.K., c'est pour le groupe.

Mme Malavoy : Au total, c'est... au total, pour chaque enfant multiplié par 15, ça fait 6 526 $, multiplié par 15, et ça comprend aussi le personnel. Mais poursuivez, là, je veux juste que...

Mme St-Amand : Parfait, parfait. Non, mais merci de la précision. En fait, je comprends que j'en avais trop mis. J'avais peur de n'en avoir pas assez mis. Alors, on comprend que c'est autour de 6 000 et quelques centaines de dollars.

Alors, je vous redonne ma question. Dans l'idée où on est dans le développement de ces enfants-là qu'on veut soutenir, on sait que, dans nos services de garde, il y a déjà du soutien et du travail qui se fait, de proximité, avec nos CLSC, avec nos partenaires du ministère des Services sociaux. On connaît... vous avez nommé tantôt — je suis contente, vous n'en avez pas parlé encore — l'entente avec les centres ... pas les centres jeunesse, mais avec les services sociaux, de l'entente particulière. Donc, à votre avis, brièvement, qu'est-ce que vous pensez qu'on peut s'attendre à avoir besoin comme services?

M. Moreau (Jacques) : Bien, écoutez, à partir du moment où on identifie un jeune, un jeune quatre ans ou moins qui est en difficulté dans son développement, la première chose à faire, c'est de l'accueillir. Et, cet enfant-là, dès le départ, parce qu'il n'est pas là où il devrait être, il est... il y a des chances aussi que, quelque part, il se méfie des adultes. Ce n'est vraiment pas rare. Donc, il y a un lien de confiance qu'il faut d'abord établir avec cet enfant-là, entre les adultes du milieu de garde ou du milieu d'éducation ou d'intervention précoce.

Et ça, c'est un travail que, si on ne le fait pas bien, ça va nuire tout le long. Donc, il faut prendre le temps de le faire, ce travail-là. Et ça, bien, il n'y a pas de recette magique, ça prend du temps. Donc, c'est minimum, je vous dirais, minimum six mois, O.K., d'établir avec l'enfant une relation qui, pour lui, va devenir significative. Pour lui, dans son imaginaire, dans sa façon de voir l'adulte qui entre en interaction avec lui deux jours-semaine, ou trois jours-semaine, ou cinq jours-semaine, qui cherche à faire en sorte que cet enfant-là soit mieux, soit bien…L'important, c'est que, chez cet enfant-là, on fasse naître justement le sentiment qu'il est devenu important pour cet adulte.

La bienveillance, c'est l'ingrédient numéro un. À partir du moment où l'enfant sent la bienveillance chez l'adulte qui en prend soin, là c'est gagné, là c'est gagné. Là, on peut commencer à travailler des habiletés plus spécifiques. On peut commencer à lui demander des choses un petit peu plus difficiles. Et là, si on a besoin d'un spécialiste, que ce soit orthopédagogue, psychoéducateur, éducateur spécialisé ou, que sais-je, orthophoniste, là on le fait venir. Parce que, là, c'est un étranger, hein, O.K.? Donc là, on le fait venir, mais, parce que la relation est installée, qu'elle est significative et qu'il a confiance en l'adulte qui en prend soin dans le milieu de garde, là, l'étranger, le spécialiste va être bien accueilli par cet enfant-là, et là il va se rendre disponible pour écouter, apprendre, et ainsi de suite.

Et là ces services-là complémentaires… Bien là, écoutez, comment les organiser, là, ce n'est pas ma tasse de thé, ce n'est pas moi, le spécialiste. Mais, moi, ce que j'aimerais, c'est que le spécialiste puisse se rendre au CPE sans problème, qu'il y ait des protocoles d'entente CSS-CLSC qui se fassent un peu mieux que ce qui se fait présentement dans beaucoup d'endroits, qu'il y ait une meilleure concertation, que, des psychologues pour enfants, il y en ait un peu plus, et qu'ils puissent être... que les enfants qui ont besoin de ce type de ressources là, même tout jeunes, puissent y avoir accès, et,mieux, qu'il y ait davantage de services de ce type-là qui soient connectés aux CPE, même si ce n'est pas dans le CPE lui-même, mais que ça ne soit pas loin. Dans 1, 2, 3 GO! , aussi, on a appris que la proximité des services était très importante. Dans beaucoup d'initiatives 1, 2, 3 GO! qui ont bien fonctionné, ce que... on a compris que la proximité des services à pied, O.K., était un indice de réussite, là, de l'initiative, entre autres choses, là.

Je ne sais pas si je réponds bien à votre question, mais, bon…

Mme St-Amand : Oui, vous répondez bien à ma question, et, en fait, ce que j'en comprends, c'est beaucoup sur votre notion de stabilité avec l'enfant.Et, quand je pensais à la notion de budget, je pensais aussi à, possiblement, un intervenant qui soit intégré en début d'année scolaire avec le titulaire, en même temps, donc qui n'aurait pas l'effet insécurisant d'un nouvel adulte dans l'environnement six mois plus tard.

Je vais avoir d'autres questions, mais, Mme Gingras, j'aimerais ça vous entendre. Vous venez de signer une entente avec le ministère de la Famille, notamment sur la création d'une table de concertation, et évidemment, dans vos recommandations, il y a une recommandation qui est quand même assez claire, hein, la recommandation n° 3, que le projet de loi n° 23 soit retiré. Je veux juste valider avec vous :Est-ce que vous avez de l'ouverture ou pas — puis je vais prendre la réponse que vous allez me donner — dans le contexte... Parce que je l'ai posée à peu près à tous les groupes qui sont venus ici, qui travaillent dans les services... qui sont en collaboration avec les services de garde. Est-ce que, dans cette nouvelle table de concertation là, qui vient d'être créée, est-ce qu'il n'y aurait pas un espace possible, avec quelqu'un du ministère, ou je ne sais pas comment, une façon de faire pour... Parce qu'on vise toujours…Et la ministre nous a bien dit qu'elle regardait la possibilité,parce que, présentement dans le projet de loi…Évidemment, ce n'est pas inscrit dans le projet de loi tel quel que c'est pour les enfants de milieux défavorisés, c'est une question de juriste. Elle a bien dit qu'elle le regardait.

Pour nous, c'est important parce qu'en fait on veut garder ce cadre-là.Mais, si tel est le cas, parce qu'on est dans ce contexte-là, est-ce que, pour vous, il y a une possibilité de collaborer en se disant : O.K… Parce que je vois que vous recommandez aussi, on y reviendra plus tard, mais qu'il y ait 90 % des enfants qui puissent fréquenter les CPE. Est-ce que vous avez une ouverture à collaborer avec le ministère pour faire une certaine cohabitation, je dirais, de l'installation de ces classes-là pour les enfants maternelle quatre ans de milieux défavorisés?

Mme Gingras (Sylvie) : Bien, en fait, il faut distinguer la table de concertation, c'est-à-dire la notion des discussions qu'on doit avoir sur le plan administratif, corporatif au niveau des centres de la petite enfance, et on doit distinguer les discussions qu'on doit avoir qui sont plus, je vous dirais, sur le plan politique. Évidement, notre ministère est le ministère de la Famille; on s'adresse ici au ministère de l'Éducation, je crois qu'on vous a livré un message simple, clair. Prendre soin des enfants qui vivent en milieux défavorisés, on le fait, on le fait bien, on le fait tous les jours. Est-ce qu'il y a de l'ouverture à discuter? Est-ce qu'il y a de l'ouverture à avoir du partenariat avec le ministère de l'Éducation? Certainement. Le conseil québécois est reconnu pour être un partenaire pour parler, pour discuter, pour consulter, pour donner le meilleur de ce qu'il est. Vous savez, nos listes d'attente, elles sont longues comme ça, hein?On n'est pas ici pour défendre nos corporations, on n'est pas ici pour dire que, si on perd les enfants de quatre ans, plus rien ne va, là. Ce n'est pas ça du tout. On est venus vous parler des enfants.

Alors, si Mme la ministre veut parler des enfants, veut parler de ce qu'il y a de mieux pour eux, on va en parler. Si ces enfants-là... On le fait en partenariat avec les milieux. Vous savez, moi, je viens d'un tout petit milieu avec des toutes petites écoles de 30, 40, 50 élèves. Le partenariat, il existe déjà. Il existe avant que le ministère nous le dise, nous nomme et nous l'enseigne; il est déjà là. Alors, il y a déjà des expériences, il y a déjà de beaux projets qui se font, il y a déjà des liens importants qui se font avec les écoles, avec des passerelles vers l'école, avec l'atteinte d'objectifs. Et, pour les enfants, c'est clair, c'est clair que ce partenariat-là, il peut exister.

Maintenant, ceci étant dit, rien ne change dans le fait que nous ne sommes pas d'accord avec la préscolarisation des enfants.On ne croit toujours pas qu'actuellement ce sont des milieux qui sont sains pour les enfants de quatre ans, et, quand je dis sains, pas que c'est des milieux malsains, mais que ce ne sont pas des milieux qui sont adaptés, ce ne sont pas non plus des équipes de travail qui travaillent directement, de façon pointue, avec le parent. On ne les voit pas, les parents, en milieu scolaire, hein? Les enfants arrivent à l'école et ils repartent. En CPE, dans nos services, on voit les parents le matin, on les voit le soir, on vient les chercher. Alors, il y a une nette distinction à faire.

Alors, oui, pour du partenariat, mais un partenariat organisé, réfléchi. Ce qu'on demande, nous, c'est le retrait de ce projet de loi là. On demande de réfléchir, on demande de travailler avec les groupes et on demande de trouver les meilleures solutions, mais pour les enfants.

Mme St-Amand : Merci. En fait, je vous pose cette question-là parce qu'une chose est claire ici, c'est dans cette clientèle-là de 27 % qu'on ne rejoint pas…On sait qu'il y a des petits enfants qui ont besoin d'aide, qui ont besoin de soutien et qui ne sont pas… présentement, qui n'en reçoivent pas.

Je vais... Je ne peux pas faire autrement que de vous poser la question, parce que votre deuxième recommandation, c'est que 90 % des enfants de quatre ans obtiennent une place en CPE. Ce que je veux vous demander, c'est : Est-ce que vous avez des recommandations à nous faire sur... Parce que je pars toujours de l'idée que notre objectif, c'est de rejoindre les enfants. Et la ministre, elle est très claire là-dessus aussi. Donc, est-ce que vous avez des idées à nous suggérer sur comment on pourrait faire pour augmenter leur fréquentation en service de garde? Vous nous parlez de 90 %, j'imagine qu'il faut peut-être mijoter ça.

• (15 h 50) •

Mme Gingras (Sylvie) : J'imagine qu'il y a des incitatifs pour amener les enfants à l'école. J'imagine qu'il y a des appels qui sont faits. J'imagine que, dans un réseau scolaire… qui est un réseau qui appartient aux services qui sont offerts, aux services sociaux, alors que les centres de la petite enfance sont des organismes à but non lucratif. Je vois mal un CPE appeler un parent, dire : Bonjour, vous êtes ciblé milieu défavorisé, on aimerait vous avoir dans nos services. Qu'est-ce qui va se faire à l'école pour inciter les enfants à fréquenter? Est-ce que ces gens-là, qui vivent parfois chez nous, dans mon coin de pays, dans le fond des rangs, qui ne veulent pas sortir, qui se cachent dans leur misère…Qu'est-ce qui va les inciter à aller à l'école? L'autobus? Le téléphone de l'école, de la direction d'école? Qui va les inciter? Donnez-nous des incitatifs dans les centres de la petite enfance. Permettez-nous d'utiliser nos équipes au maximum, et le travail, il va être fait.

En fait, c'est une approche, c'est un apprivoisement qu'il faut faire auprès de ces parents-là, et c'est un... Ça, c'est du 1-1. Ce n'est pas : Bonjour, je vous appelle, et aujourd'hui vous venez à l'école. Non. C'est vraiment délicat, j'en fais régulièrement. Je le fais, ce travail-là,c'est délicat, ça demande beaucoup, beaucoup, je vous dirais, de... j'oserais utiliser le mot «tendresse», non-jugement, approche particulière et unique de famille en famille. On ne peut pas dire qu'il y a une recette. Alors, oui, ces enfants-là doivent fréquenter. Oui, il doit exister des incitatifs. Puisque l'école dit qu'ils vont aller les chercher, il doit en exister, des incitatifs. Je pense que, hein, c'est déjà prévu. Alors, bien, oui, je pense qu'il y a lieu de faire place à la créativité pour aller recueillir… cueillir ces enfants-là. M. Moreau me...

M. Moreau (Jacques) : C'est parce que je viens d'avoir une idée. Je suis impliqué...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Un moment, M. Moreau. Je pense que la députée avait une autre question.

Mme St-Amand : Je m'excuse, Mme la Présidente, c'est juste parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, puis ma collègue avait aussi une question. Ça fait que, peut-être, M. Moreau brièvement, puis après je vais laisser...

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : O.K., en quelques secondes.

M. Moreau (Jacques) : Très rapidement.Je suis impliqué dans l'évaluation nationale des programmes de soutien aux jeunes parents dans les SIPPE, et une chose qu'on a apprise de cette évaluation-là, c'est que, dès les jeunes âges, il y a beaucoup de jeunes parents qui ne souhaitent pas envoyer leurs enfants en service de garde. Ils ne veulent pas se séparer de leurs enfants. Donc, le travail d'apprivoisement dont parle Sylvie ici, bien, il faut qu'il commence très tôt. Donc, dans mon idée à moi, c'est : Les infirmières SIPPE qui travaillent avec les populations vulnérables, pourquoi elles ne travailleraient pas justement à éduquer ces parents-là puis à leur expliquer tranquillement pas vite, à les charmer au service de garde et pour faire… pour arriver à faire ça, pour qu'à un moment donné cet enfant-là qui nous inquiète, il puisse y arriver, au service de garde? Donc là, il y aurait un travail de concertation puis de collaboration à faire entre le réseau de la santé, le réseau des services de garde et éventuellement le réseau de l'éducation.

Donc, voilà. Bon, je suis peut-être un peu idéaliste et naïf, là, mais, bon, ce travail-là d'apprivoisement, il doit commencer assez tôt.

Une voix : On est peut-être rendus là.

M. Moreau (Jacques) : On est peut-être rendus là. Voilà.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, Mme la députée de Mille-Îles, il reste presque deux minutes.

Mme Charbonneau : Il me reste presque deux minutes. Bonjour. Et vous avez parlé de votre coin de pays. Vous me glisserez à l'oreille c'est où.

Vous avez parlé de 1, 2, 3 GO! J'ai bien connu à Laval. Ça existait. Je dis «ça existait» parce que je ne suis plus sûre que ça existe encore, 1, 2, 3 GO!, mais il y a un programme qui s'appelle Passe-Partout...

Une voix : ...

Mme Charbonneau : Brièvement, parce que j'ai compris que vous êtes passionné, brièvement, vous le connaissez. Et est-ce que vous y voyez là un handicap, puisque je ne suis pas en système de CPE, je ne suis pas en système scolaire? Je suis dans un système parallèle, mais j'offre des services aux parents et aux enfants.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : En une minute, monsieur.

M. Moreau (Jacques) : Une minute! J'y vois une solution partielle à un problème complexe. Mais c'est...En ce moment, dans l'état actuel des services, Passe-Partout est nécessaire.

Une voix : C'est une bonne réponse.

M. Moreau (Jacques) : C'est...

Mme Gingras (Sylvie) : Et Passe-Partout s'adresse aux parents, prioritairement.

M. Moreau (Jacques) : Prioritairement.

Mme Gingras (Sylvie) : Évidemment, il a développé, au fur et à mesure, l'expertise, l'expérience auprès des enfants, mais, prioritairement, il permet aux parents d'acquérir les meilleures habiletés pour les enfants de quatre ans. Oui, c'est ça.

Mme Charbonneau : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Je vous remercie beaucoup. Merci, Mmes les députées. Nous allons passer au deuxième groupe d'opposition, la députée de Montarville. Vous avez 5 min 30 s pour poser les questions.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Mon Dieu, c'est l'abondance.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Madame, bonjour, monsieur, merci. Merci de vos propos, c'est très intéressant de vous entendre. Et, un peu comme vous, j'aime bien l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, la page 77. Voici ce que je comprends, dites-moi si on le comprend de la même façon, lorsque le conseil dit… le conseil croit, donc, que «pour assurer rapidement l'accès de 90 % des enfants de quatre ans à des services éducatifs de qualité réglementés par l'État, il faut créer en CPE les places qui manquent». Alors, je l'interprète de cette façon, le conseil, nous dit-il, on sait qu'il y a 73 % des jeunes qui y vont déjà, il y en a 27 % qui nous manquent. De ce nombre, allons donc en chercher suffisamment pour atteindre un 90 %. Vous le comprenez de cette façon-là?

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Moi aussi, parfait. Cela dit, maintenant, j'aimerais vous poser une autre question. Nous avions, hier, les gens de la CSQ, les fédérations syndicales, et j'ai posé une question qui pouvait paraître simpliste pour certains, mais moi, je m'inquiète — et je suis particulièrement heureuse de voir que vous êtes des spécialistes du développement de la petite enfance — et j'ai posé la question suivante : Un petit de quatre ans, est-ce que c'est mieux pour son développement, là — son développement psychologique entre autres, mais son développement point — qu'il soit dans de petits groupes avec des enfants de son âge, entouré d'enfants de son âge, ou s'il n'y a aucun problème qu'on l'envoie dans une grande école où il y aura des enfants de 10-11 ans?

On m'a dit qu'il n'y a aucun problème, les enfants ne se croisent pas, mais moi, je voudrais entendre un spécialiste, là, outre un syndicat. À cet égard-là, est-ce qu'il peut y avoir quelques complications ou quelques craintes, quelques anxiétés qui seraient créées?

M. Moreau (Jacques) : D'un point de vue développemental, je pense que c'est... et d'un point de vue social aussi, je ne pense pas que ça soit une bonne idée de mélanger des enfants de quatre ans à cinq ans avec des enfants de 10 ans, qui, pour moi... pour des raisons évidentes. Même en Europe, en France, les... où l'école commence à trois ans, ils ont des établissements, ils ont des édifices spécifiques pour les trois ans à quatre ans, et des édifices spécifiques pour les cinq, six, et des édifices spécifiques pour les... Ils ne se mélangent pas. Quand ces édifices-là sont autour d'une cour commune, les récréations sont spécifiques aux âges. Donc, ils ne se mélangent jamais pour des raisons évidentes. Il y a... Les grands, souvent, peuvent abuser de leur relation de pouvoir sur les plus petits, et ça crée des tensions, des situations conflictuelles, et ainsi de suite. Donc, ce n'est pas une bonne chose, à mon avis, ce n'est pas préférable, ce n'est pas préférable.

Les quatre ans, les cinq ans ont, comme je le disais tantôt, des... un travail important à accomplir au niveau de leur développement et ils ont besoin de toute l'attention de l'univers social des adultes et des autres enfants près d'eux, près de leurs âges respectifs, pour arriver à acquérir… pour atteindre les jalons développementaux. Et, une fois les jalons développementaux atteints, là, ils ont les habiletés nécessaires pour s'adapter à des situations de plus en plus complexes.

Donc, exposer un quatre ans à des exigences dans la relation sociale avec un huit ans ou un 10 ans, pour moi, non, ça ne me paraît pas du tout souhaitable.

Mme Roy (Montarville) : C'est très clair comme réponse. En terminant, dans la même optique, dans la mesure où le projet de loi irait de l'avant, qu'il y aurait ces maternelles, il n'y en aurait qu'une par commission scolaire, donc il faudrait trouver les enfants qui iraient à l'école en question. Il y a toute la problématique du déplacement mais également du nombre d'intervenants que l'enfant aura à côtoyer dans sa journée et le fait que cet enfant-là pourrait changer d'une ville à l'autre pour revenir dans son quartier pour la maternelle à cinq ans. Vous en pensez quoi?

• (16 heures) •

M. Moreau (Jacques) : Écoutez, plus ils sont jeunes, plus ils ont besoin de stabilité autour d'eux. C'est préférable pour le développement. C'est vrai pour les deux ans, c'est vrai aussi pour les quatre ans, dans un autre registre. Donc, il faut que les adultes se rendent disponibles à l'enfant pour que l'enfant devienne disponible à apprendre. Alors, à ce moment-là, il faut créer des environnements stables, des environnements physiquement stables et des environnements socialement stables pour les... et stables aussi dans le relationnel à l'enfant.

Donc, comme je le disais tantôt, les adultes qui prennent soin des enfants sont les médiateurs des apprentissages pour les enfants. Donc, une fois que la confiance est bien établie et que l'enfant se sent sécure dans sa relation avec un adulte qu'il côtoie à tous les jours, qui n'est pas ses parents, cet adulte-là, parce qu'il est devenu sécurisant, est en mesure d'amener d'autres adultes qui vont offrir un soutien à cet enfant-là dans d'autres aspects de son développement et des habiletés plus spécifiques à acquérir. Et donc il faut qu'il y ait une stabilité de l'univers à ce moment-là, de l'univers relationnel, et une stabilité de l'univers physique pour les enfants, et plus ils sont jeunes, plus c'est important. Donc, c'est très important pour les quatre ans que ce soit stable. Alors, qu'on déplace l'enfant d'un milieu à un autre pour faire des acquisitions ou des habiletés, ça ne me paraît pas non plus souhaitable, non.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme Gingras, M. Moreau, du Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance, je vous remercie beaucoup. Nous suspendons les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 3)

Remarques finales

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, nous allons reprendre les travaux avec les remarques finales. Alors, j'inviterai tout d'abord le groupe de deuxième opposition à faire les remarques finales pour trois minutes, ensuite ce sera le groupe de l'opposition officielle pour six minutes, et la partie gouvernementale, Mme la ministre, pour six minutes. Alors, nous débutons dès maintenant. Mme la députée de Montarville, vous disposez donc de trois minutes.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à tous, merci à tout le monde d'avoir présenté des mémoires. Il y a deux choses qui font consensus. On recherche tous ici le meilleur intérêt de l'enfant, là, c'est incontestable. La deuxième chose qui fait consensus, c'est aussi l'avis du Conseil supérieur de l'éducation. On l'aime bien, cet avis-là; cependant, ça dépend de l'interprétation qu'on lui donne et des éléments qu'on va tous chercher dedans.

À la Coalition avenir Québec, nous l'avons dit d'entrée de jeu, nous ne sommes pas fermés à l'idée d'offrir des services préscolaires aux enfants de quatre ans. Nous sommes convaincus que le dépistage précoce des problèmes d'apprentissage ou de comportement chez les enfants de quatre ans est important, puisque ces problèmes sont des indices qui prédisent, jusqu'à un certain point, le décrochage scolaire.

À l'écoute des représentants de différents groupes, de ces groupes qui ont participé à cette consultation qui se termine à l'instant, nous constatons que les points de vue divergent d'opinion sur le cheminement de ce projet de loi qui nous est présenté par le gouvernement. Chacun des groupes semble défendre ses intérêts et, du même souffle, ceux des enfants de quatre ans. Le milieu scolaire veut du dépistage et des interventions conséquentes dans le milieu scolaire, entre autres par des services d'éducation préscolaire. Le milieu des CPE souhaiterait que nous considérions davantage l'offre de services éducatifs des établissements de son réseau et souhaite qu'on appuie davantage ces efforts pouvant être faits pour mieux rejoindre les enfants et les parents, en particulier ces 27 % qu'il ne rejoint pas actuellement.

Alors, à ce stade-ci, nous ne sommes pas plus ouverts au projet de loi que nous ne l'étions, mais nous ne sommes pas plus fermés, comprenez-nous bien.

Plusieurs témoignages…

Une voix :

Mme Roy (Montarville) : … — eh oui — alimentent notre désir de bien faire pour les enfants issus de milieux défavorisés.

La formation des enseignantes au préscolaire ne contenant déjà pas beaucoup de prédispositions à l'intervention à la petite enfance, alors on se questionne : Est-ce bien sage de passer du stade des projets pilotes au déploiement progressif des classes de maternelle quatre ans? Autre question : Est-ce que les conditions gagnantes réunies dans plusieurs des projets pilotes sont reproductibles ailleurs, dans toutes les commissions scolaires et à une si courte échelle, sur une si courte période de temps, d'ici la rentrée? Ne devrions-nous pas agir, comme législateurs, de manière à ce que les conseils d'établissement se prononcent dans les écoles choisies pour qu'on soit rassurés sur la présence de ces conditions sur le plan matériel, entre autres? Est-ce que la ministre a fait le calcul de ses prévisions d'allocation — on parlait d'argent tout à l'heure — à un petit peu plus de 5 000 $ par enfant, en tenant compte du ratio de deux intervenants adultes par groupe de 15 enfants, comme nous l'ont recommandé d'ailleurs tous les spécialistes des projets pilotes?

Mme la Présidente, la Coalition avenir Québec n'acceptera pas de voter pour une loi qui modifiera la Loi de l'instruction publique sans s'assurer que les enfants âgés de moins de cinq ans au sein des familles québécoises en sortiront gagnants. Alors, voilà où se trouvent nos intérêts. Nous allons plaider pour le meilleur intérêt de l'enfant et nous allons en discuter en caucus, d'ailleurs.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la députée de Montarville et porte-parole de la deuxième opposition en matière d'éducation. Merci infiniment.

J'inviterais maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation primaire et secondaire et députée de Mille-Îles à prendre la parole pour un temps de six minutes.

Mme Francine Charbonneau

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, Mme la députée de Montarville, chers collègues qui nous avez accompagnés, encore une fois, Mme la Présidente, on a eu une commission parlementaire fort intéressante où non seulement l'ambiance, la convivialité, mais l'ensemble des groupes que nous avons rencontrés nous ont nourris, nourris pour mettre en place le meilleur projet de loi.

Dès le départ, de notre côté aussi, on s'est dit ouverts, accueillants. Je crois que le projet de loi, il est fort intéressant. Mais un projet de loi, ça reste un projet. On va pouvoir, avec l'ensemble des avis que nous avons reçus, probablement, je nous le souhaite, l'améliorer, regarder ensemble le programme. La formation, on en a discuté; les ratios, on aimerait ça y revenir puis voir l'opinion de la ministre. Est-ce que le financement sera adéquat? Ma collègue en a parlé, je pense que c'est un souci. On sait qu'en éducation toute la bonne volonté peut être là, s'il n'y a pas de ressources financières, malheureusement je n'y arrive pas. Je n'y arrive pas parce que du personnel, de la ressource humaine, ça vient avec un coût.

Le matériel pédagogique par contre, j'ai confiance. J'ai, je le dis souvent, une confiance aveugle dans les commissions scolaires. Ça se tourne sur un dix cennes, ces machines-là, c'est incroyable, et ça ne sera pas la première fois ni la dernière fois que le ministère de l'Éducation va demander aux gens de poser des gestes rapidement. Que ce soient des rapports à donner, que ce soient des choses à mettre en place, les commissions scolaires répondent prêt à chaque fois. On bougonne un peu, on trouve qu'on nous presse un peu, mais en même temps ils sont extraordinaires, dans l'ensemble de leur personnel, pour faire les choses correctement et d'avoir toujours en tête l'intérêt supérieur du jeune. J'allais dire «de l'élève», mais on se rappellera qu'on s'est fait dire qu'un enfant de quatre ans, ce n'est pas un élève; et je n'ai pas entendu une fois dans la bouche de la ministre que ça deviendrait un élève. On ne va pas les scolariser, on va leur faire apprivoiser un monde dans lequel on pourrait leur donner des forces et la capacité de réussir à l'école.

Le souci de notre côté, c'est aussi après, puisque je peux lui donner tout en amont, le laisser passer après, et, rendu en troisième année, si ça tombe à l'eau, je n'ai pas réussi ce que je voulais mettre en place. Et malheureusement, après un cinq ans, un bilan serait fait, puis on dirait : Bien, c'est drôle, mon taux de décrochage n'a pas changé, et ce serait triste que tous ces efforts-là faits tombent. Alors, pour nous, il y a un souci important.

Ma collègue me le disait tantôt, il y a, dans la petite enfance, un intérêt particulier, et on a des spécialistes, des gens qui ont développé une spécialité, c'est les gens des centres de la petite enfance. Donc, pour nous, c'est vraiment important de pouvoir prendre leur avis et voir comment on peut arrimer les choses. Mais, encore une fois, les investissements sont importants.

Les professionnels au niveau de l'éducation, que ça soit l'orthophonie, l'orthopédagogie, c'est tout aussi important et ça doit être au rendez-vous pour non seulement dépister la problématique, mais l'aider à devenir meilleur pour que… quand il va arriver en première année, il va arriver au même calibre qu'un enfant qui sort d'un CPE ou d'un milieu familial, et tout le monde va partir sur le même pied d'égalité.

(16 h 10)

La dernière fois, c'était ma première fois. C'est maintenant ma deuxième fois, et je sais qu'il y a une tradition. Alors, Mme la Présidente, je vous remercie d'avoir bien présidé et d'avoir bien tenu ce décorum de rencontres. J'ai beaucoup apprécié l'ouverture de la ministre. Les échanges ont été vraiment agréables. Les gens qui l'accompagnent ont sourcillé une couple de fois, mais en même temps ils sont très tranquilles en arrière et ont eu beaucoup d'écoute. J'ai vu des gens écrire tout le temps, prendre des notes et bien entendre les suggestions. Et finalement le personnel qui nous accompagne, Mme la secrétaire, les gens de la technique, les gens à l'arrière de moi, la page qui s'assure que le café est toujours au rendez-vous pour nous tenir aux aguets et à l'écoute, merci infiniment, je pense que ce travail-là, c'est un travail d'équipe.

Et, pour finir, je vous dirais : Le mélange des groupes qu'on a reçus, de l'éducation, du CPE et d'autres services qu'on a reçus en périphérie de la petite enfance, ont bien nourri les réflexions que nous aurons à faire collectivement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la députée, pour ces remarques finales. Alors, la parole est maintenant à Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Pour vos remarques finales, Mme la ministre, vous disposez de six minutes.

Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy : Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord, à mon tour, de remercier mes collègues de part et d'autre, à la fois ceux qui m'ont accompagnée mais également les collègues des partis d'opposition, parce que je crois que nous avons eu, depuis quatre jours, une grande qualité de discussions et un climat d'échange tout à fait intéressant. Ça vaut la peine de le dire, parce qu'en ces lieux, parfois, il y a des échanges un peu plus musclés, et disons qu'on a eu le bonheur, je pense, d'avoir un exercice de grande qualité.

Permettez-moi également de souligner la qualité des mémoires qui nous ont été présentés. 17 groupes sont venus nous parler. Je pense que ça a été des échanges très constructifs, évidemment des points de vue parfois divergents, mais toujours des questionnements intéressants, parfois des craintes exprimées ou des appuis exprimés, mais dans un climat, là encore, qui était tout à fait positif. Tout cela, je tiens à le redire, est d'une grande utilité. C'est un exercice sérieux que l'on fait. Des consultations, ça veut dire qu'on écoute ce que les gens ont à dire et qu'on s'apprête ensuite à en tenir compte et à ajuster ce que l'on peut ajuster. Il s'agit d'un projet de loi, donc il va falloir qu'il reflète à la fois notre objectif mais aussi qu'il tienne compte des commentaires qui ont été faits. Donc, ce projet de loi sera bonifié.

J'aimerais rappeler, et je crois qu'on avait tous ça à l'esprit, que… De même que le président du Conseil supérieur de l'éducation qui dit : Les enfants de quatre ans, au Québec, il faut s'en préoccuper, je pense que chacun, chacune d'entre nous ici se préoccupe de ces enfants de quatre ans. Et, quand nous proposons un service diversifié, quand nous proposons d'ajouter une nouvelle porte d'entrée — c'est l'image que j'ai prise — c'est vraiment pour permettre à tous les petits enfants du Québec d'avoir des chances le plus possible égales pour ensuite entreprendre un parcours scolaire en étant bien équipés. Les enfants sont donc au coeur de notre projet. En même temps, on ne veut rien enlever de ce qui existe, on veut ajouter. Et en même temps, également, je tiens à le redire, ce que nous allons offrir, c'est sur une base volontaire. On ne veut pas non plus dire aux parents : On vous juge puis on veut vous prendre les enfants de force. On veut que les parents sachent simplement qu'il y a un service qu'on leur offre. Et les gens qui sont venus témoigner, y compris du côté des parents, je pense, ont bien compris que c'était une offre de collaboration sur une base volontaire.

C'est sûr qu'on a des défis. Je ne les nommerai pas tous, mais je les reconnais bien, on a des défis pour que ce projet-là soit un projet de réussite. Et tout ne sera pas mis dans le projet de loi, parce qu'un projet de loi, c'est un peu plus technique. Mais je veux quand même bien préciser que, oui, l'encadrement des élèves, les questions de ratio, ce sera important. L'identification des jeunes, comment aller les chercher, comment aller les chercher, viser les bonnes personnes, quels programmes d'activités développer pour qu'on réponde aux objectifs qu'on s'est fixés, comprenant bien qu'on ne veut pas de la scolarisation précoce, on veut autre chose, mais il faudra le mettre en forme. Et, déjà au ministère, depuis plusieurs mois, il y a un groupe qui travaille à ce sujet avec des intervenants de tous les milieux. Quelle formation continue offrir aux enseignantes pour qu'elles soient tout à fait aptes à s'adresser à des petits enfants dans une approche de développementglobal, qui ont quatre ans, alors que leur formation ne les prépare peut-être pas à ça de but en blanc? Il faudra s'ajuster.

Donc, on a fait le choix, dans ce que nous proposons aujourd'hui, d'une nouvelle porte d'entrée, d'une implantation progressive. Je l'ai dit, je le redis : Une place par commission scolaire, pour commencer, pour des jeunes des milieux défavorisés. Il n'est pas question d'aller les enlever ailleurs. On s'adresse à des jeunes qui, pour le moment, ne reçoivent pas de service. J'ai précisé aussi, en cours de route, quelques indications. Par exemple, dans les règles budgétaires, je le redis, on va financer des enfants, quand ils sont six, comme s'ils étaient 15, la moyenne du groupe était 15. On va ajouter également des montants pour des services complémentaires et pour du matériel.

Alors, où en est-on aujourd'hui? Bien, on en est à terminer des consultations. Je sais que toutes les personnes qui nous accompagnent et que vous avez vues… parfois mieux que moi, parce qu'ils sont derrière moi, mais vous les avez vues effectivement prendre des notes. Je tiens à souligner d'ailleurs qu'il y a du personnel du ministère de la Famille qui est ici, du ministère de l'Éducation, Loisir et du Sport, qui vont bien s'assurer que tout ce qu'on a dit, d'abord, va être utilisé, compris, récupéré et, bien entendu, transposé, de sorte qu'on vous arrive très bientôt, c'est mon souhait, avec un projet de loi qui sera d'ores et déjà, donc, amélioré. Et donc mon souhait le plus grand, c'est d'arriver à progresser dans nos étapes législatives jusqu'à l'adoption de ce projet de loi dans les meilleurs délais.

Je me permets de terminer en vous remerciant, Mme la Présidente, Mme la secrétaire, les gens qui vous accompagnent, qui captent nos idées et qui font que ces idées-là, bien, elles auront une certaine durée dans le temps, parce qu'on pourra s'y référer. Je suis certaine qu'on va se revoir dans les prochaines étapes, mais je trouve que le climat que nous avons eu pour cette première étape importante de consultation, pour moi, c'est garant de la réussite de l'ensemble du projet, et j'ai hâte de continuer avec vous. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la ministre. Alors, j'en profite pour remerciertous les parlementaires qui ont participé à cette commission. Merci au personnel aussi qui a accompagné nos parlementaires.

Alors, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 18)

Document(s) associé(s) à la séance