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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 23 mars 2016 - Vol. 44 N° 39

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire


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Table des matières

Auditions (suite)

Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE)

M. Julien Prud'homme

Commission scolaire Marie-Victorin

Autres intervenants

Mme Filomena Rotiroti, présidente

M. Sébastien Proulx

Mme Nicole Léger

M. Jean-François Roberge

Mme Françoise David

M. David Birnbaum

*          Mme Danielle Boucher, AQPDE

*          M. Carl Ouellet, idem

*          Mme Manon Fortin, idem

*          Mme Carole Lavallée, commission scolaire Marie-Victorin

*          M. Michel Gervais, idem

*          Mme Paule Froment, idem

*          M. David Miljour, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi à tous! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l'école des lieux de décision et d'assurer la présence des parents au sein de l'instance décisionnelle de la commission scolaire.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Léger (Pointe-aux-Trembles).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Nous entendrons cet après-midi les personnes et les organismes suivants : l'Association québécoise du personnel de direction des écoles, merci d'être là, M. Julien Prud'homme et la commission scolaire Marie-Victorin.

Alors, je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise du personnel de direction des écoles. Mme Bissonnette, Mme Fortin, Mme Boucher et M. Ouellet, merci d'être là. Je vous rappelle que vous disposez de 30 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, on passera à une période d'échange entre les élus.

Alors, je vous demanderais juste... encore vous identifier, pour les fins d'enregistrement, ainsi que les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez commencer tout de suite votre présentation.

Association québécoise du personnel
de direction des écoles (AQPDE)

Mme Boucher (Danielle) : Parfait.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, la parole est à vous.

• (15 h 10) •

Mme Boucher (Danielle) : Merci, Mme la Présidente. Alors, MM., Mmes les députés membres de la commission parlementaire, M. le ministre de l'Éducation, des Loisirs et du Sport, je désire vous remercier pour cette invitation parce qu'on veut partager nos réflexions et nos attentes sur le projet de loi n° 86.

Alors, je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Carl Ouellet, qui est vice-président de la l'AQPDE et qui est directeur d'une école secondaire à la commission scolaire des Premières-Seigneuries; à ma droite, Mme Manon Fortin, qui est responsable aux affaires professionnelles à l'AQPDE, mais qui est aussi directrice d'un établissement scolaire primaire à la commission scolaire des Découvreurs; et, à ma droite, Mme Louise Bissonnette. Elle était présidente de l'Association des directions d'établissement d'enseignement de la Rive-Sud de Montréal, mais qui ont joint nos rangs en septembre dernier.

Alors, voilà. Et, derrière moi, il y a une vingtaine de directrices et de directeurs d'établissement scolaire de toutes les régions que nous représentons, alors, du Québec, et je les remercie grandement de leur présence.

Notre mémoire a été rédigé avec le souci de contribuer de manière constructive à votre réflexion. D'emblée, l'AQPDE est reconnue comme une association qui cherche des solutions, et on est convaincus que le projet de loi n° 86, avec des modifications — j'imagine qu'on n'est pas les premiers à vous le dire, nous vous le proposerons, en tout cas, tout à l'heure — aura des retombées positives et durables sur la réussite des élèves. Certains vous ont dit ou vous diront qu'il est faux de croire que des modifications à l'organisation, à la gouvernance, auront des effets directs sur la réussite des élèves. Nous, on pense que ça peut en avoir, des effets. Ça dépend comment ça atterrit dans les milieux.

Maintenant, à ces personnes, j'aurais le goût de dire : Une structure lourde, trop bureaucratique, trop centralisée — puis là je vais m'expliquer, là, c'est autant au niveau commission scolaire que ministère, je pense qu'il y a des choses qu'il faut entendre, il faut avoir l'ouverture de les entendre — comme celle dans laquelle nous travaillons, nuit à ceux et celles qui font l'école au quotidien. Elle affaiblit leur capacité d'innovation et réduit leur marge de manoeuvre pour lutter contre le décrochage scolaire.

Nous ne pouvons fermer les yeux sur le fait que, dans la structure actuelle et malgré les programmes qui sont mis en place depuis plus de 10 ans, nous observons, bon an, mal an, de 25 % à 30 % des jeunes qui échouent. Nous ne pouvons pas non plus fermer les yeux sur les recherches, puis là je vais en citer quelques-unes. Il y a celle de l'OCDE de 2008 sur la direction des établissements scolaires ou encore celle rapportée dans le rapport sur la gouvernance des commissions scolaires de 2014 qui démontrent que les chefs d'établissement peuvent contribuer à améliorer les résultats des écoles et des élèves s'ils ont suffisamment d'autonomie pour prendre les décisions importantes. Maintenir le statu quo n'est pas une solution qui répondrait aux besoins de l'école du XXIe siècle. C'est protéger un système parmi les plus centralisés avec les résultats que nous observons. Ça, ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est la recherche. Puis je pourrai vous citer les endroits où on le documente.

Notre mémoire est le fruit d'une longue réflexion des membres du conseil d'administration et aussi des membres qui oeuvrent dans nos écoles et nos centres, qui proviennent des régions de Québec, de la Capitale et de la Rive-Sud de Montréal. Notre point de vue reflète la réalité de ces établissements. Ils sont au coeur de grands centres ou en milieu rural. Ce sont des écoles populeuses ou une petite école de village.

Avant de poursuivre, je vous ramène au milieu de la décennie 1960 en vous citant un court passage du rapport Parent, qui a inspiré les bases de notre système d'éducation puis qui inspire toujours notre association, et je vais citer, puis je vais un peu la moderniser : «[Le directeur d'école ou la directrice] doit être un homme [ou une femme] de confiance auquel on laisse beaucoup de latitude et dont on espère beaucoup d'initiative. Son rôle premier, c'est évidemment d'organiser l'enseignement, d'en surveiller la qualité, d'en assurer le progrès. Il faut donc lui laisser la plus grande liberté possible...» Fin de la citation. Je l'aime, celle-là.

Cette citation vous indique bien là où logent les membres de l'AQPDE. Et l'école, c'est la base de notre système d'éducation. C'est ce qui a inspiré la réforme du gouvernement de 1998 et qui inspire le gouvernement actuel. Nous espérons que le principe de subsidiarité, de décentralisation, soit une fois pour toutes compris, appliqué et qu'il se reflète dans les décisions du réseau de l'éducation québécois. L'école du XXIe siècle doit avoir les coudées franches pour mettre en place les stratégies les mieux adaptées et les plus efficaces pour assurer la réussite de tous les élèves qui lui sont confiés. Et je dis bien... je vais insister sur le «tous les élèves» parce qu'on ne veut pas toucher seulement le plus grand nombre d'élèves. On veut vraiment toucher tous les élèves. Sur ce sujet, je vous réfère à la page 14 de notre mémoire.

Diriger une école, c'est faire preuve d'humanisation et c'est faire oeuvre d'humanisation. Aux premiers jours de l'année scolaire, lorsque nos jeunes arrivent, les nouveaux comme les anciens, ce ne sont pas des statistiques que nous recevons, ce sont des jeunes filles, des jeunes garçons. Ils ont un nom, ils ont une histoire, ils ont une famille, ils ont vécu des succès, ils ont vécu des échecs, ils ont un balluchon, ils ont un balluchon d'expériences déjà. Et, quand ils arrivent, nous avons, avec les enseignantes et les enseignants, une préoccupation : on veut les amener plus loin, on veut les amener vers la réussite puis dans un milieu qui va être propice aux apprentissages.

Mmes, MM. les parlementaires, les directions d'établissement ont besoin de votre soutien puis ont besoin de votre confiance. Ils sont prêts à relever le défi d'une école qui est plus autonome et qui est plus responsable, ce qu'on comprend aussi qui vient avec l'imputabilité. C'est un beau défi. Nous pensons que nous sommes capables de relever ce défi. Nous croyons que le projet de loi n° 86, avec les quelques modifications que nous suggérons, il y en a quand même seulement 25, peut améliorer notre travail et rejoindre trois principes qui nous servent de fondement.

Un premier principe, c'est : l'éducation se fait dans une classe composée d'un enseignant et d'un groupe d'élèves. C'est assez évident. Cette classe est dans une école ou dans un centre. C'est là que les besoins se déterminent, les services s'organisent, les décisions se prennent. La persévérance et la réussite de tous les élèves constituent notre quotidien.

Un deuxième principe sur lequel on s'appuie, c'est vraiment : la direction est à l'école ce que l'enseignant est à la classe. La classe, elle n'est pas toute seule comme ça, là. Elle vit à quelque part dans un milieu qu'on appelle une école, où c'est un ensemble de classes. Et c'est au directeur d'école, avec la contribution de son équipe d'enseignants, de professionnels, de personnel de soutien, que revient le choix des moyens et des stratégies pour assurer la persévérance et la réussite de tous les élèves.

Et un troisième principe sur lequel on s'appuie, c'est vraiment : l'éducation, c'est une responsabilité collective. L'école, pourquoi? Parce que l'école, elle n'est pas située n'importe où. Elle est située dans un quartier, elle est située dans un village, elle est située dans une ville, une municipalité. Elle doit donc entretenir une relation étroite avec tous les citoyens ainsi que les institutions sociales, culturelles, économiques de son milieu. Elle doit pouvoir compter sur leur engagement pour assurer la persévérance et la réussite de tous ses élèves. Le directeur, il doit faire rayonner son école au coeur de sa communauté. Et, pour notre association, le projet de loi est construit sur cette base du principe de subsidiarité que nous retrouvons à l'article 72.

La décentralisation est au coeur de nos demandes depuis plusieurs années. Ce principe veut que la décision soit prise par la plus petite entité, la plus près du citoyen, afin que la solution soit la plus adaptée et efficace possible. Appliqué au système d'éducation, ça veut dire que la mission première, la réussite des élèves, doit d'abord être portée et avant tout par la classe et l'école. D'ailleurs, dans la loi actuellement, c'est l'enseignant qui est le premier responsable des élèves. Donc, il y a quand même déjà quelque chose. L'école est l'entité au coeur du système, celle qui est plus près des élèves, des parents, de la communauté. Mais nous souhaitons une école pas seule. Nous souhaitons une école qui est soutenue par une commission scolaire qui comprend son rôle d'accompagnement et de conseil, qui ne se met pas en avant-plan, ne crée pas de lien hiérarchique avec l'école et fait équipe avec elle. Nous souhaitons que les bonnes expériences avec certaines commissions scolaires soient maintenant loi. C'est ce qui inspire le projet de loi, notamment avec le comité de répartition des ressources, avec quelques amendements, quand même.

• (15 h 20) •

Dans notre mémoire, on a 25 recommandations, mais, pour nous, ces 25 recommandations-là sont très importantes les unes comme les autres, là. Elles vont du statut de l'école jusqu'au rôle du ministre ainsi que la mise en place de modalités pour accompagner le changement. Elles sont regroupées dans un tableau. Vous avez reçu une annexe, l'annexe 1 de notre mémoire, c'est un tableau 8½ X 14. Vous avez dû la recevoir. C'est plus clair, peut-être. Vous avez l'ensemble des recommandations.

Avant d'engager la discussion avec vous, je vais quand même prendre le temps de mettre en évidence les éléments les plus importants. Il y a cinq éléments sur lesquels on veut parler avec vous. Il y a le statut de l'école puis le leadership de la direction d'école, il y a le rôle du conseil d'établissement, il y a la composition du conseil scolaire, il y a les comités de gestion et de répartition des ressources puis le rôle du ministre.

Alors, premier élément, la Loi sur l'instruction publique, je vais dire LIP, là, elle donne à l'école un statut d'institution sur lequel repose l'organisation générale du système d'éducation, mais le projet de loi n° 86 confirme sa mission qui lui a été confiée, son mandat, ses buts, la valeur fondamentale qui l'inspirent, c'est-à-dire l'égalité des chances. Il s'attaque à la bureaucratie en simplifiant un des éléments de son cadre organisationnel, le projet éducatif, qui intègre maintenant le plan de réussite. Donc, il abolit la convention de gestion et de réussite. On appuie cela, on trouve que c'est un pas vers une bonne direction. Cependant, en s'appuyant sur le principe de subsidiarité, vous conviendrez avec nous qu'il faut que l'école demeure l'entité à la base du système éducatif. Nous sommes d'avis que, pour donner sens et force au présent projet de loi, une notion doit être introduite, et ça fait l'objet de notre première recommandation de la page 12 de notre mémoire : l'école est l'entité de base au coeur du système éducatif.

Cette école est composée d'élèves, de jeunes, des fois, des adultes, d'enseignantes, d'enseignants, de personnel professionnel, de soutien. Elles font l'école, ces personnes-là, elles doivent agir sous la direction d'une autorité clairement établie, la direction d'école ou de centre. Même si ce mode organisationnel est décrit abondamment dans le projet de loi, il faut quand même confirmer les directions d'école et de centre à titre de leader de leur établissement et de leur communauté. Je pense qu'il est nécessaire de leur donner tous les moyens pour leur permettre d'exercer pleinement leur rôle, de mettre à leur service toute la richesse des ressources de la commission scolaire non pas dans un cadre hiérarchique, mais dans un rôle conseil face à l'accomplissement de la mission de l'école.

Et donc ça m'amène à une deuxième recommandation, que la loi précise que l'école relève de l'autorité pédagogique et administrative de la direction d'école, laquelle tient compte des orientations contenues au projet éducatif adopté par le conseil d'établissement. Nous souscrivons à l'idée de reconnaître les enseignantes et les enseignants comme experts en pédagogie. On va se le dire, il était temps, hein? Il était temps qu'on vienne concrétiser cet état de fait, et cette reconnaissance devra se refléter dans les fonctions et responsabilités qui leur sont confiées et qui sont confiées aussi, dans la loi, à la direction d'établissement et au conseil d'établissement, à la commission scolaire et au ministère.

Comme vous le savez, les directrices et directeurs d'école sont d'abord des enseignants de formation, et cette exigence doit être maintenue. Nous avons fait une recommandation. Qui de mieux pour comprendre les besoins des enseignantes et des enseignants pour ramener leurs élèves vers la réussite qu'un directeur ayant vécu, ayant été dans la même situation? Agir ainsi, c'est reconnaître notre compétence pédagogique, notre capacité à animer nos équipes d'enseignantes et d'enseignants et de soutenir leur développement professionnel.

Le rôle du conseil d'établissement maintenant. Le conseil d'établissement, dont le soutien et la permanence sont assurés par la directrice ou le directeur, préside aux destinées de l'école. Si nous appuyons l'orientation d'une gestion participative et collaborative de tous les acteurs d'école, il nous semble tout aussi important qu'il faut respecter les devoirs et responsabilités de chacun. Nous pensons que les décisions liées aux modalités d'application du régime pédagogique et la définition de l'orientation générale en vue de l'enrichissement des programmes d'études doivent être laissées à la direction d'école et son équipe. C'est une recommandation de la page 23, recommandation 6.

Si la loi accorde au conseil d'établissement des pouvoirs qui se rapprochent des fonctions caractéristiques d'un conseil d'administration, la loi ne lui accorde aucune responsabilité en matière d'organisation du travail et d'embauche ou de sélection du personnel. La directrice ou le directeur d'établissement sont des employés de la commission scolaire. Ils exercent leurs fonctions sous l'autorité de la direction générale. C'est la direction générale de la commission scolaire qui transmet ses attentes de gestion aux directions d'établissement et procède à l'évaluation de leur rendement. Nous sommes d'avis qu'il est de la responsabilité de la direction générale de procéder à l'évaluation du rendement des directions d'école selon une grille d'évaluation reconnue et approuvée.

Je vais prendre une gorgée. Cependant, une des fonctions importantes de la direction d'école et de centre, c'est de collaborer avec son conseil d'établissement, le projet de loi est très explicite à ce sujet. On trouve normal qu'une collaboration puisse être évaluée par le directeur général, qui peut demander un avis aux parents, aux représentants de la communauté membres du conseil. De manière à établir le plus d'objectivité possible, des critères concernant l'assistance que la direction pourrait fournir au conseil d'établissement devront être développés.

Nous sommes prêts au changement. En acceptant que le travail d'assistance puisse faire l'objet d'un avis au directeur général, les directions d'établissement confirment leur adhésion au principe de subsidiarité. Cependant, pour que l'évaluation soit significative, elle doit être partie intégrante de l'évaluation annuelle faite par la direction générale. Sur ce sujet, aux recommandations 8 et 9, page 29 de notre mémoire.

Concernant la sélection de la direction d'école ou de centre, nous soulevons quelques questions. Vous les retrouverez à la page 30 et 34 de notre mémoire. Nous tenons à rappeler, ici encore, que l'école et le centre n'ont pas de statut juridique. On n'est pas des employeurs puis on ne veut pas l'être. On va être clairs là-dessus, là, tout de suite en partant. En vertu de la loi, la commission scolaire a l'entière responsabilité de la sélection et de l'affectation, nomination des directeurs d'école et de centre. Toutes ces responsabilités-là sont encadrées par la loi et par le règlement sur les conditions d'emploi des gestionnaires des commissions scolaires. Les processus de sélection sont bien rodés, ont fait leurs preuves. Apporter des modifications pourrait entraîner de la confusion.

En matière de gestion des ressources humaines, il est essentiel d'avoir une vision globale de l'organisation et des caractéristiques du personnel pour les affecter aux postes qui conviennent le mieux à leur profil. Alors, les questions concernant l'affectation et la sélection des directions devraient être davantage l'objet de discussions entre la direction générale et les associations professionnelles qui représentent les directions d'établissement. Il nous semble que ce sont les entités les mieux placées pour répondre aux préoccupations des conseils d'établissement. On comprend, là, qu'ils peuvent avoir des attentes, d'où la recommandation 10 de la page 34, qui demande de maintenir le statu quo en matière de sélection et d'affectation des directions. Toutefois, nous nous attendons à ce que notre règlement sur les conditions d'emploi des gestionnaires soit plus précis sur le processus de sélection du personnel en prévoyant obligatoirement une étape d'affichage des postes de cadre et de hors-cadre et ainsi rendre transparent tout le processus de sélection et d'affectation de la commission scolaire.

Maintenant, on va parler du conseil scolaire. Le projet de loi apporte des changements assez majeurs, en profondeur, même, de la gouvernance, hein? Vous avez fait le choix, à ce qu'on a compris, d'une gestion participative assez différente. Le conseil scolaire qui est mis en place, composé des parents des élèves du territoire, les premiers concernés par le système d'éducation, des membres de la communauté et de certaines catégories de personnel de la commission scolaire, on comprend, là, la composition. On est prêts à siéger au conseil scolaire. On est bien conscients, par contre, que cette participation sera très exigeante, hein, on s'entend, pour les personnes qui y seront choisies par leurs pairs et qui seront désignées pour apporter leur contribution. On pense que leurs contributions peuvent être quand même assez significatives sur le conseil.

Nous sommes persuadés d'apporter, donc, cette contribution-là en lien avec l'ensemble des décisions stratégiques qui peuvent être prises par la commission scolaire. En admettant des personnes provenant des écoles ou des centres à la gouvernance, on reconnaît que les décisions du conseil scolaire doivent répondre davantage aux enjeux et aux problématiques des territoires que les commissions scolaires occupent et au coeur desquelles se trouvent les écoles et les centres. Cependant, la gestion participative au conseil scolaire gagnant en crédibilité... Puis là on va vous parler de représentation un petit peu plus large. D'abord, les places au conseil devraient être distribuées de manière équivalente entre les trois groupes, parents, communauté, personnel, soit un tiers, un tiers, un tiers. On pense qu'une place dans la partie personnel devrait être accordée au personnel de soutien parce qu'on reconnaît leur apport au fonctionnement de l'école, et elle est reconnue, cette participation-là, par les équipes-écoles.

Finalement, le gouvernement a précisé dans son projet de loi qu'il voulait une meilleure prise en considération des besoins de main-d'oeuvre qualifiée dans les régions pour faire face aux pénuries anticipées ou pour appuyer le développement économique des régions. Alors, pour cette raison, on pense qu'au niveau de la représentativité des directions d'école on souhaiterait avoir une place pour une direction d'un centre de formation professionnelle ou d'éducation des adultes sur le conseil scolaire. Le tout est bien exposé dans notre recommandation 12.

• (15 h 30) •

Un quatrième élément, le comité de gestion et de répartition des ressources. Quand on introduit un principe de subsidiarité, le gouvernement prend parti pour la décentralisation des pouvoirs puis pour une prise de décision sur tous les aspects de la vie scolaire par l'entité au coeur du système scolaire, c'est-à-dire l'école ou le centre qui est sous l'autorité pédagogique et administrative de la direction de l'établissement. Pour les membres, cela implique que les directions d'établissement aient un contrôle plus large de leur budget. Plus encore, ils doivent être à la base du processus budgétaire annuel de la commission scolaire. Ils en sont les premiers bénéficiaires et les gestionnaires. Les directions d'établissement ne sont-elles pas les personnes les mieux placées pour développer et adapter les stratégies les plus efficaces pour amener tous les élèves vers la réussite en y affectant les budgets en conséquence, pour répartir les services professionnels entre les écoles en fonction des besoins?

En matière de planification stratégique et budgétaire, le projet de loi, sous la gouverne de la direction générale, fait des représentants des directions d'école et de centre des personnes influentes au sein de la commission scolaire pour contribuer significativement aux décisions et aux choix budgétaires. Il transforme le comité consultatif de gestion en comité conjoint de gestion et crée le comité de répartition des ressources.

Alors, on appuie les initiatives de ces deux comités, mais d'abord il faut garder un processus clair, simple et utile. Il ne faudrait pas que des modifications législatives viennent bureaucratiser et alourdir ce processus. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Alors, c'est notre maxime.

Nous avons besoin d'une composition adaptée et des mandats clairs des comités de gestion et de répartition des ressources. L'expérience nous montre que, si la loi ne donne pas de balises suffisantes pour encadrer le mandat et le fonctionnement d'un comité, il sera davantage source d'insatisfaction et deviendra improductif, voire obsolète. En tout cas, il y a des risques. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même bain, là, mais il y a des risques. Il ne faudrait pas que le changement de culture fondé sur le principe de subsidiarité échoue à cause d'imprécisions qui pourraient mener à de multiples interprétations. Je vous invite à prendre connaissance des recommandations 14 à 17, les pages 40 à 49 de notre mémoire. On propose quand même d'adopter des modifications substantielles à la composition, au fonctionnement et au mandat des comités de gestion et de répartition des ressources.

Avec la participation majoritaire des directions d'établissement sur ces deux comités, nous croyons que plusieurs autres comités mis en place pourraient disparaître, ce qui diminuera la bureaucratie. Mais ça, ça va appartenir à chaque milieu d'en décider et de faire cet exercice. Il faut éviter le mur-à-mur. Nous croyons que, sans ces modifications au projet de loi, les comités n'auront pas le même pouvoir d'impact, peut-être deviendront obsolètes, et les personnes concernées n'y verront qu'une autre étape bureaucratique additionnelle. Nous sommes capables d'avoir une vision d'ensemble et de s'assurer d'une répartition des ressources tant budgétaires que des services complémentaires en fonction des réels besoins des élèves. Ils font déjà, les directions d'établissement, des arbitrages entre eux. Nous connaissons des situations où des directions ont accepté de venir en aide à une école pour contrer les contraintes budgétaires parce que ça met en péril un programme dans des milieux défavorisés, par exemple, ou une petite école, tu sais. On se donne des règles de répartition qui vont venir favoriser des petites écoles qui ont moins de budget.

Alors, finalement, je vais parler du rôle du ministre. J'ai le dessert pour la fin. C'est ça, hein? Auparavant, si je dois vous indiquer que le gouvernement fait le choix de mettre l'école au coeur du système de l'éducation, bien, il profite également de l'occasion pour renforcer le pouvoir central d'intervention du ministre. Les nouveaux pouvoirs donnés au ministre auront des effets jusque dans les écoles. Ils peuvent donner le signal contraire à la marge de manoeuvre que le ministre dit vouloir accorder aux directions d'école et de centre. On ne dira pas quoi puis comment, mais on est d'avis que le principe de subsidiarité au coeur du projet de loi doit s'appliquer du ministère, je parle, je vais le dire comme ça, du ministère jusqu'à l'école. Dans le fond, ce qu'on souhaite du ministère, c'est qu'on définisse des orientations devant guider le développement du système d'éducation. On souhaite qu'il établisse des cibles nationales visant une reddition de comptes publique, compte tenu des sommes importantes investies.

On attire l'attention des commissions scolaires sur certaines problématiques comme la sécurité ou l'intimidation. Qu'on transmette des informations détaillées aux commissions scolaires sur la situation de leurs élèves, il nous semble que ça, ça répondrait au principe établi. Mais jusqu'où devrait-il intervenir? On pense qu'il faudrait que le ministre s'investisse dans un pouvoir de soutien et de surveillance à tous les niveaux pour faire en sorte que le principe de subsidiarité qui est en toile de fond dans le projet de loi soit respecté.

Les résistances aux changements, il y en a toujours, c'est normal, mais il faut les identifier, il faut les contrer de façon à favoriser l'implantation de meilleures pratiques de gestion décentralisée, que ces pratiques de gestion décentralisée ne soient pas à la merci de changement de personnes à la tête du ministère ou de la commission scolaire, raison pour laquelle nous sommes d'avis qu'il faut aller de l'avant mais en venant préciser un certain nombre de choses dans le projet de loi. Ça donnerait un signal clair au réseau, si le principe de subsidiarité s'appliquait du ministre, du ministère, jusqu'à l'école. La fermeté de son orientation de base à l'effet qu'il appartient à la plus petite unité du système de développer et de prendre des moyens pour amener tous les élèves vers la réussite et résoudre les problèmes rencontrés au quotidien... Et nous avons fait une recommandation, que «le ministre exerce ses fonctions et pouvoirs en respectant le principe de subsidiarité envers les commissions scolaires et les établissements d'enseignement dans l'exercice de leurs responsabilités». Nous avons des recommandations, 19 à 23, des pages 52 à 58 sur le rôle et les pouvoirs du ministre.

En conclusion, je vous précise que l'AQPDE trouve important de commenter et d'influencer la rédaction du projet de loi parce que, pour nous, c'est important que ce projet-là se rapproche le plus possible de la réalité du terrain et contribue concrètement à la réussite scolaire. Les références que nous avons actuellement seront remplacées par des nouvelles. Alors, il faut s'assurer que tous les acteurs les comprendront, les appliqueront dans l'esprit à partir duquel elles auront été écrites. Pour assurer le succès, nous sommes confiants que le ministre mettra en place un comité d'implantation de la nouvelle loi, tel que nous le proposons à la page 59.

Et enfin les directions d'établissement, avec le personnel, sont les mieux placées pour créer un environnement propice à la réussite, et ce sont eux qui peuvent choisir les stratégies efficaces en réponse aux besoins particuliers des élèves. Donc, chaque école doit avoir plus d'autonomie pour adapter ses actions. Le projet de loi, c'est un départ. Une première application porteuse serait dans les règles budgétaires des commissions scolaires.

Nos jeunes sont les leaders de demain. Ils seront le moteur économique et social de nos régions. Accorder un plus grand pouvoir décisionnel aux directions d'établissement et de centre ainsi qu'aux parents et aux membres de la communauté devient impératif. On en appelle aujourd'hui et aux oppositions de procéder à l'adoption du projet de loi avec les modifications qu'il requiert. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Boucher. Alors, on va passer maintenant à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre pour environ 25 minutes.

M. Proulx : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre présentation, qui était très dynamique, sincèrement très intéressante. Votre mémoire est extrêmement bien fait. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous souhaitiez faire des propositions, donner votre point de vue, y aller de ce que vous considérez être des améliorations. Puis je vous le dis sincèrement, je l'ai dit à tous les groupes, il n'y a pas gêne à proposer des propositions. On est dans un mode où on écoute, on réfléchit avec les gens, on réfléchit, les parlementaires ensemble, pour faire en sorte d'avoir le meilleur projet de loi lorsqu'on sera, et je le souhaite, en mesure d'adopter le projet de loi n° 86 avec les modifications que nous proposerons de notre côté, du côté des parlementaires. Mais ces propositions-là ne viendront pas de nos bureaux, elles vont venir des gens qui, comme vous, viennent nous faire part de leurs expériences et de leurs connaissances sur le terrain.

D'abord, j'ai apprécié la citation que vous aviez au début de votre mémoire : «Tout le mal qu'on dit de l'école nous cache le nombre d'enfants qu'elle a sauvés.» Vous avez raison. Et malheureusement c'est un constat que je sais ne pas être seul à faire, mais, trop souvent, on parle des affaires qui vont mal, mais on oublie de valoriser et d'expliquer haut et fort ce qui va bien.

Je pense que vous avez rapidement décelé l'intention du gouvernement de vouloir travailler à une décentralisation, décentralisation pour améliorer la réussite, pour faire en sorte que chaque personne qui travaille dans le milieu de l'éducation, du bas vers le haut, soit exploitée au meilleur de ses capacités, ait l'espace nécessaire pour être capable de faire ce qu'il doit faire pour s'assurer que nos enfants réussissent au mieux et pour le mieux dans les écoles.

On a eu des groupes de tous les horizons jusqu'à maintenant puis on va avoir la chance d'en entendre encore plusieurs au cours des prochains jours et prochaines semaines. Et c'est intéressant parce qu'on va avoir vu effectivement des gens des commissions scolaires, des gens comme vous, qui sont du personnel de direction. Il y aura des gens qui sont des parents. Il y aura des gens qui sont des intéressés parce qu'ils sont dans des milieux qui gravitent autour de l'école. Puis il y aura des gens qui sont aussi intéressés à l'éducation.

 • (15 h 40) •

Alors, vous avez parlé de démocratie participative. C'est vrai qu'on modifie l'ordre établi, mais il faut garder à l'esprit qu'il y a aussi une démocratie représentative dans notre système scolaire. Je pense que Paul Gérin-Lajoie l'a dit, hein, il faut être capables de conserver ces espaces-là pour faire en sorte que ce que lui a appelé des tensions... Je pense que ce n'était pas négatif, il l'a dit, c'est des tensions qui existent mais qui doivent cohabiter. Et notre travail à nous, puis j'en suis de plus en plus convaincu, c'est être capables de maintenir les équilibres tout en étant adaptés à la réalité d'aujourd'hui. Donc, vous nous permettez de faire un bon bout de chemin dans la réflexion. Je vous en remercie.

Nous ne serions pas ici à discuter de cela si certains... en tout cas, si nous pensions que tout est correct, qu'il y avait cette décentralisation-là, qu'il y avait de la latitude dans les écoles, que le miracle de la classe pouvait se produire à tous les jours parce qu'il y avait la capacité de le faire localement avec l'équipe-école. Manifestement, il y a certains obstacles dans la situation actuelle. Je dois dire d'ailleurs, puis plusieurs l'ont dit, c'est assez variable. Il y a des endroits où on voit une décentralisation, des endroits où il n'y a pas de décentralisation. Il y a des succès dans certaines régions, et commissions scolaires, et équipes-écoles parce qu'il y a des gens qui travaillent ensemble. J'ai même entendu que... Vous nous proposez un comité de répartition des ressources, il y a même des gens qui, sans avoir cette appellation-là, n'ont peut-être pas l'équivalent mais ont des structures qui font en sorte qu'on est capable de travailler plus près de l'école à faire... je vais utiliser «arbitrage», ce n'est pas le bon mot, être capable de faire les compromis d'équité et de répartition nécessaires pour soutenir tous les élèves.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples de ce que sont les obstacles actuellement à la réussite scolaire? Puis je vous invite à aller un petit peu plus loin en me disant... Je sais que vous avez fait quelques sondages, vous n'êtes pas les premiers du personnel de direction à venir nous voir. D'un côté, vous dites : On peut décentraliser, de l'autre, vos membres disent souvent : On n'a pas assez de latitude. Alors, pourriez-vous nous mettre ça en contexte, des exemples d'obstacle et des exemples de manque de latitude dans l'espace qui est le vôtre?

Mme Boucher (Danielle) : O.K. Bien, dans un premier temps, je dois vous dire que, par rapport aux obstacles, bon, c'est à géométrie variable, O.K.? Mais même le projet de loi, il y a des milieux qui vont encore plus loin au niveau de la décentralisation. Je voulais quand même le nommer parce qu'il y a quand même des choses intéressantes qui se font. Et ce qu'on souhaite éviter, c'est le mur-à-mur. Donc, des obstacles, c'est, par exemple, il y a beaucoup... bon, il y a deux ordres. Il y a des obstacles, des fois, qui nous proviennent de nos commissions scolaires, mais il y en a d'autres, des fois, qui nous proviennent de nos ministères. Alors, je peux vous donner des exemples des deux.

Par exemple, quand il arrive une somme, dans les commissions scolaires, par rapport à des mesures comme, par exemple, stratégie d'intervention Agir autrement, bien, ce qui est intéressant là où ça fonctionne bien, c'est qu'on annonce le montant et on fait la répartition équitable entre les écoles avec la contribution des directions d'établissement. Donc, ça, c'est une façon de fonctionner qui est très gagnante.

La façon de fonctionner qui est moins gagnante, c'est qu'on se garde une partie pour administration ou autre, ça peut être engager un coordonnateur ou peu importe. Je ne dis pas que ce n'est pas ça nécessairement que les directions décideraient de faire, mais ces décisions-là sont prises, puis, après dans les directions d'école, ils reçoivent... par exemple, au nombre d'élèves, ils vont recevoir un montant x, O.K.? Ça, c'est un exemple.

Un exemple, au ministère, qui est contraignant, c'est, par exemple, on reçoit une enveloppe qui s'appelle Aide aux devoirs et aux leçons, vous l'avez entendu, celle-là, hein, puis là on est pris pour la dépenser pour ça, alors que, dans des milieux, il y a des besoins puis, dans d'autres, il n'y en a pas. Je trouve que dans... Écoutez, là, on a une formation d'enseignant, mais on est aussi les seuls gestionnaires, dans le système, qu'on a l'obligation de détenir un diplôme de deuxième cycle en gestion de l'éducation. Donc, on ne fait pas une maîtrise sur la couleur des murs, on va se le dire, là.

M. Proulx : Ça, ce n'est pas toujours réussi.

Mme Boucher (Danielle) : La maîtrise qu'on fait, c'est comment on mobilise le personnel, c'est quoi, les pratiques probantes. Donc, quand on a une certaine marge de manoeuvre pour être capable, avec notre équipe-école... Quand on mobilise nos gens autour d'une problématique x, je peux dire que l'«empowerment» après, il est vraiment élevé, puis ça, ça donne des impacts. Puis ça, vous me voyez parler, là, on vient les yeux brillants, puis c'est tellement stimulant.

Puis là, dans le dernier budget, bien, on aurait aimé ça, voir un petit peu plus de marge de manoeuvre. Puis, je vais vous le dire, il y a une mesure qui a été mise, quand j'ai lu ça, j'ai dit : C'est des bonnes intentions. Vous avez, là, la recherche, qu'est-ce qu'elle dit, par exemple, par rapport à la gestion des agendas ou des pratiques d'étude dirigée, O.K.? Bon, je vais prendre cet exemple-là parce que je trouve que ça m'a sauté aux yeux. Mais on est venu tellement déterminer qu'est-ce qu'il faut faire qu'à part de... la direction de l'école, avec son équipe, on va décider si c'est lundi, mardi, mercredi ou jeudi, il n'en reste plus, de place.

Donc, la réussite, là, des élèves, ça ne se négocie pas. C'est gros, ce que je dis, là, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Et ça, là, tu sais, je veux bien être précise, mais je pense qu'on n'est pas là pour taper sur la tête de personne. On est là pour voir comment on peut faire pour que tous les gestes qu'on pose, tous les sous qui sont pour les élèves, pour la réussite des élèves, comment on peut les appliquer pour que l'impact sur la réussite et la persévérance soit le plus important. Et je pense qu'on a besoin de tout le monde pour ça. Puis il faut arrêter de faire du «top-down», comme vous l'avez entendu, là, des hiérarchies. Ce n'est pas comme ça qu'il faut travailler.

M. Proulx : ...m'a parlé de ça hier soir.

Mme Boucher (Danielle) : Vous avez des belles conversations de soirée. Mais, dans le fond, ce que j'ai le goût de vous dire, c'est qu'il faut mobiliser nos gens. Puis ça, ce n'était pas mal intentionné. Et moi, je l'ai fait dans mon école secondaire, ça, avant même que la mesure arrive, O.K.? Et c'est une enseignante-ressource, mais moi, j'ai dit : La condition qu'on va mettre ça en place, c'est qu'il faut que tout le monde s'implique dans le projet. Puis ça a duré toute l'année, puis on accompagné des élèves de secondaire I sur la gestion de l'agenda, qui, en passant, est une compétence transversale, on s'entend-u? Ça fait que ce n'est pas juste en français que ça se passe, c'est dans toutes les matières. Donc, comment gérer son agenda dans l'espace puis dans le temps. Puis, à part ça, on leur disait : Il y a un sens à ça. Un jour, tu vas avoir un travail, il va falloir que tu gères ton agenda. Il ne faut pas que tu arrives en retard à ton travail, etc.

Donc, je ne sais pas si je parle trop, là, mais je voulais vous donner un exemple. Ça, c'est très concret. Puis, quand j'ai vu ça, j'ai dit : On vient de passer à côté d'une belle occasion de mobiliser une équipe autour d'une problématique qu'ils ont. Mais, s'ils ne l'ont pas, ils font quoi, là? Ou, moi, si j'ai déjà mis quelque chose en place, je fais quoi avec le 3 000 $? Je le perds? C'est assez clair, je pense.

M. Proulx : Non, c'est très clair, ce que vous dites, d'abord. Puis je l'ai dit, pas pour... Hier, effectivement, nous avons eu cette discussion-là à l'étude des crédits provisoires, puis vous avez raison, j'entends très bien ce que vous dites. Ce que je disais hier, c'est que, là où il y a une marge de manoeuvre pour le ministère et pour le ministre, c'est de travailler dans l'élaboration des règles budgétaires. Il y a là une marge de manoeuvre. Le budget annonce effectivement les orientations qui ont été prises par le gouvernement, mais après ça il y a le travail qu'on fait avec les différents partenaires. Et j'entends ce que vous me dites maintenant. Je sais qu'on peut faire plus avec un projet de loi qui pourrait... parce que le projet de loi ouvre la porte à ça, être capable de diriger directement de l'argent vers les établissements.

D'ailleurs, toujours dans le même sujet, avant de passer à autre chose, vous avez une recommandation, qui est la 20, qui dit... vous proposez... bon, l'article 473.1 de la Loi sur l'instruction prévoit qu'un montant de base par élève soit transféré vers le budget des établissements d'enseignement. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous souhaitez?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, ça, c'était le rêve, là. On se disait : Ça serait merveilleux d'avoir...

M. Proulx : C'est un excellent endroit pour les donner.

Mme Boucher (Danielle) : Bon, bien, c'est parfait. Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y a un budget de base qui devrait être donné aux établissements pour... puis pas un budget taggé, là, où on dit : Tu vas faire ça tel jour, telle couleur, là. Ce n'est pas ça, là. D'avoir un budget, par exemple, de réussite éducative mais un budget de base où, là, l'école est mise, là, au travail. On a cet argent-là maintenant, comment on peut organiser les services? Comment on peut répondre aux besoins davantage des élèves?

Je vous le dis, là, il y aurait des innovations extraordinaires. Pourquoi? Parce que les directions d'établissement, elles sont préoccupées par la réussite des élèves puis elles ne veulent pas faire n'importe quoi avec l'argent. On le sait que l'argent, il ne pousse pas dans les arbres puis que c'est important de l'utiliser aux bons endroits. Donc, on est capables de se coller sur ce que la recherche dit. Puis la commission scolaire, elle n'est pas partie, là. Il y a des personnes-ressources, dans ces commissions scolaires là, qui peuvent venir appuyer l'école. Nous, on y compte bien. Ils sont là pour nous aider. Il y a déjà des milieux qui le font et que c'est extraordinaire.

Il y a des milieux où les conseillers pédagogiques sont sous la direction des directions d'école. Ça, on pourra vous en parler, c'est un exemple de décentralisation extraordinaire qui donne des résultats extraordinaires. Pour l'avoir connu personnellement, ça a tout un impact. Quelqu'un qui est dans un bâtiment, là, il a un impact formel et informel. Puis, des fois, l'informel, vous savez comme moi que ça peut avoir encore plus d'impact que le formel parce qu'il y a tout un lien qui va pouvoir s'inscrire avec le personnel, et là ça développe la confiance, l'appartenance. Et c'est là aussi que peuvent émerger des idées porteuses.

M. Proulx : Vous dites — et j'ai pris bien des notes pendant votre allocution — à la page 15 de votre mémoire, là, c'est sous la recommandation 2, c'est ce que vous souhaitez, alors vous dites : Modifions l'article 36 ainsi — je suis à la fin : «L'école relève de l'autorité pédagogique et administrative de la direction d'école.» Pouvez-vous m'expliquer un peu ce que vous voulez dire? Vous avez dit tantôt : On n'est pas des employeurs, on ne veut pas le devenir.

• (15 h 50) •

Mme Boucher (Danielle) : Bien, c'est parce qu'on gère dans une école, on ne fait pas juste de la gestion pédagogique. On gère l'école.

M. Proulx : Alors, pouvez-vous m'expliquer ce que ça veut dire, ça, «relève de l'autorité»? Parce que, si on l'inscrit dans un projet de loi, ça a des conséquences, et là, c'est l'avocat en moi, je me dis : Jusqu'où vont ces conséquences-là? Alors, pourriez-vous nous indiquer ce que vous souhaitiez exprimer au moment où vous le rédigez ainsi?

Mme Boucher (Danielle) : C'est seulement de confirmer le leadership pédagogique et administratif de la direction d'école parce qu'on a une formation d'enseignant, on est capables d'accompagner nos enseignants. Donc, on est capables de faire de la supervision pédagogique, on est capables de donner du soutien. Donc, ça, c'est important.

L'autre partie qui est importante, c'est qu'on fait aussi de la gestion de ressources humaines dans notre école. Moi, je suis dans une école où il y a 150 membres du personnel, là, tout confondu, là. Bien, je ne fais pas juste écrire de la paperasse, on s'entend, je fais de la gestion de personnel, autant les enseignants, autant le personnel de soutien, le personnel professionnel. Et puis, des fois, il y a deux conventions collectives dans la même école. Vous le savez, hein? Bon, alors, je pense qu'il faut reconnaître, à un moment donné, le rôle des directions d'établissement puis l'impact qu'elles peuvent avoir aussi sur la mobilisation de leur équipe, toujours dans un esprit de meilleurs services pour la réussite de l'élève.

M. Proulx : D'ailleurs, c'est intéressant, tout au long de votre mémoire, vous dites : L'école doit occuper un espace central. Vous dites d'ailleurs, et à juste raison, que l'école n'a pas un statut juridique. Vous ne réclamez pas ça, mais vous dites : Il faut être capable de trouver les aménagements sans transformer le statut, d'être capable d'affirmer le statut de l'école. Je l'aurais exprimé un peu ainsi.

J'ai une question sur le conseil scolaire, une autre sur le comité de répartition des ressources. Allons-y avec le conseil scolaire pour commencer. Vous avez vu, effectivement, vous l'avez dit, il y a une transformation importante qui est proposée. On a entendu beaucoup de groupes puis on en entendra d'autres. Plusieurs ont des suggestions : les répartitions, le poids de chacun, l'espace qu'on doit occuper, qui doit être à la table. Vous faites une proposition : un tiers, un tiers, un tiers. Mais, au-delà de la répartition et de qui doit s'y retrouver, j'avais envie de vous entendre sur les bienfaits d'avoir un conseil scolaire différent du conseil des commissaires en ce sens qu'il y a, oui, des élus, oui, des parents, oui, des gens de la direction, oui, des gens de la communauté. Alors, si on met tout ce monde-là ensemble sans avoir déterminé aujourd'hui, là, pour les fins de notre discussion, qui devrait y être, mais on sait qu'il y aura plusieurs intérêts, des profils différents, des gens qui viendront d'horizons différents, mais toujours autour de l'école, est-ce que vous y voyez des bienfaits pour la réussite scolaire, donc, «slash», contrairement à la structure actuelle? Puis ce n'est pas une question pour dire que vous êtes mal à l'aise par rapport à la structure actuelle. Moi, je veux savoir où est-ce que ça en est pour vous, si, pour vous, il y a des bienfaits d'impliquer d'autres personnes dans les décisions pour l'école.

Mme Boucher (Danielle) : Bien, premièrement, dans le conseil d'établissement, il y en a du personnel, hein? Et la direction générale, auprès de son conseil, joue à peu près le même rôle qu'on joue auprès de notre conseil d'établissement, avec des enjeux différents, on s'entend, bon.

On pense que les directions d'établissement, quand ils sont à tous les niveaux de décision par rapport à la réussite des élèves, par rapport aussi aux enveloppes budgétaires, bien, ça va avoir un impact parce qu'on vient du terrain, on a la réalité terrain. On représente aussi... on est nommés par nos pairs. Donc, on représente... mais on ne vient pas d'une association. Ça a été clair dans le projet de loi, mais quand même. Donc, des fois, on peut avoir cinq, six écoles dans notre carrière déjà. Ça fait qu'on est à même de savoir que les milieux sont diversifiés, les milieux ont des réalités différentes, les milieux ont des territoires différents aussi. Donc, ça peut être une contribution intéressante sur le conseil scolaire.

M. Proulx : Je veux parler du comité de répartition des ressources. Beaucoup de personnes sont venues ici nous dire que le comité est une bonne idée. C'est une occasion de faire, oui, déjà une décentralisation. Il y a là une occasion d'aller... je disais tout à l'heure «arbitrage», je ne pense pas que c'est le bon mot, là, pouvoir faire des choix en équité, et en organisation, puis en redistribution, et en répartition, là, des ressources matérielles ou en ressources humaines. Donc, il y a là, je pense, quelque chose qui a plu à beaucoup de gens. Bien sûr, il y a des gens qui sont contre, mais il y a beaucoup, je pense, de gens... et même des gens qui n'étaient pas à l'aise avec le projet de loi ont dit : Il y a quelque chose là d'intéressant. D'ailleurs, il y en a qui font des choses qui ressemblent à ça.

Vous dites, vous, à la page 43... vous appuyez l'initiative, mais il ne faudrait pas que ça devienne source d'insatisfaction et... improductif, obsolète, même être critiqué comme étant une structure engendrant une bureaucratie inutile. Vous aurez compris que je ne me suis pas levé ce matin pour que ça, ça arrive. Alors, dans ce contexte-là, est-ce que vous pourriez me donner les conditions de la réussite?

Mme Boucher (Danielle) : Du comité de répartition des ressources? Bien, ça prend un mandat clair, ça prend des objets de travail clairs. Donc, il faut que ce comité-là se donne des moyens pour voir comment ils vont se concerter, comment ils vont aller chercher aussi l'information parce que ça va provenir des conseils d'établissement, O.K., des directions d'établissement aussi. Donc, ça prend un nombre minimal de rencontres par année. Si tu te vois deux fois par année, il ne se décidera pas grand-chose là. Ça prend aussi, je pense, la préoccupation de services équitables. Donc, on n'est pas là pour représenter son école, mais on est là vraiment dans un esprit de donner des services pour l'ensemble des élèves sur le territoire.

Donc, dans le mémoire, ce qu'on vous a proposé, dans le fond, c'est des règles, des règles de base minimales mais aussi des objets de discussion minimale. Donc, la répartition des ressources, ce n'est pas juste financier, là. Ça peut être aussi comment on répartit les ressources par rapport, par exemple, aux professionnels dans les écoles, par rapport, par exemple, au service informatique, comment on travaille avec le service informatique, qu'est-ce qui serait le plus payant pour les écoles et pour les élèves.

Quand je dis école, là, il faut entendre qu'est-ce qui rendrait le plus service aux écoles pour les élèves. C'est toujours dans cet esprit-là qu'on le fait.

M. Proulx : J'ai bien entendu. Il me reste deux questions. Il va falloir jouer un peu à la période de questions à l'Assemblée nationale parce qu'il ne reste que quelques minutes. Le pouvoir du ministre, vous en avez parlé et vous n'êtes pas les seuls, effectivement, à avoir des préoccupations. Je me questionne sur une chose. Vous dites, puis je pense que c'est les modifications telles que vous les apportez : Modifions les pouvoirs du ministre pour que ce soit «le ministre peut», et, quand je regarde le projet de loi, il y a des fois où c'est «le ministre doit». Je me questionne sur une chose. Dans l'éventualité où il y avait certaines errances, il y avait des gens qui ne respectent pas le projet de loi, qu'on est dans la situation où il n'y a pas la décentralisation souhaitée, je n'ai pas d'exemple particulier en tête, mais je vous évoque le contexte dans lequel ça pourrait se produire, est-ce que vous ne trouvez pas que la recommandation, ce n'est pas suffisant?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, je pense que, présentement dans la loi, le ministre peut intervenir lorsqu'il juge à propos de le faire, et dans notre projet de loi, dans notre recommandation, on vient préciser l'obligation du comité conjoint de gestion de faire un avis au conseil scolaire sur la façon dont est appliqué le principe de subsidiarité dans la commission scolaire. Ça fait que je pense que le ministre, peut-être, peut, là, intervenir, mais il doit au moins s'intéresser à ce qui se passe. Puis vous avez mis en place un processus de plainte. Moi, ce qu'on m'a expliqué, c'est que les associations peuvent l'utiliser. Ce n'est pas ce qu'on souhaite parce que ce qu'on souhaite, c'est vraiment travailler dans un esprit de collégialité.

M. Proulx : Alors, est-ce que je pourrais dire, à la fin de votre intervention, que, si ce qu'il y a à la Loi sur l'instruction publique n'est pas suffisant, parce que c'est un peu la prémisse que vous aviez, pour intervenir en temps opportun pour s'assurer que les choses aillent comme elles doivent l'être, c'est-à-dire qu'on retrouve partout la méthode à succès qu'on mettrait de l'avant, vous ne seriez pas en désaccord qu'il y ait un «doit» de temps en temps?

Mme Boucher (Danielle) : Non.

M. Proulx : Ce n'est pas ça que vous avez dit?

Mme Boucher (Danielle) : Non.

M. Proulx : J'ai bien essayé, quand même.

Mme Boucher (Danielle) : Non, non.

M. Proulx : Bien, ma dernière question... Non, mais il faut quand même s'amuser un peu.

Mme Boucher (Danielle) : ...

M. Proulx : Vous trouvez? Bon, bien, en tout cas, ce n'était pas discret, mon affaire, hein?

Mme Boucher (Danielle) : C'est bon, c'est bon.

M. Proulx : Dans le cas de la transition, vous avez parlé d'un comité d'implantation. Je comprends, il y a un mécanisme qui est actuellement dans le projet de loi. Il y a, dans le projet de loi également, la possibilité de mettre en place un guide des meilleures pratiques. Là, je ne suis pas certain, mais il me semble avoir vu que, là aussi, vous transformiez le «doit» en «peut». Ça se peut-u?

Mme Boucher (Danielle) : Non, «faut». Ça, il le faut.

M. Proulx : Ça, il doit?

Mme Boucher (Danielle) : Oui, ça, on doit. On doit, mais on doit aller plus loin. On doit s'assurer du suivi, on doit s'assurer de la formation, on doit s'assurer de l'accompagnement parce que faire un changement de cette ampleur-là, ça ne prend pas deux ans, là. On en a pour quelques années parce qu'on change de paradigme, hein? C'est un paradigme de collaboration et de collégialité pour certains.

Là, quand je dis ça, j'ai toujours l'impression... Je ne veux pas que vous ayez l'impression que je parle pour tout le monde. Ce n'est pas ça, là, mais on veut que ça s'applique partout, donc il faut se donner les moyens de le faire. Et c'est un peu ce que la loi n° 180 prévoyait, mais elle ne s'est pas assurée d'avoir du monitorage et de la régulation. Et nous, on se dit : Bien là, on peut-u apprendre de nos erreurs puis s'assurer qu'on ne la manque pas, celle-là?

M. Proulx : Bien, d'ailleurs, s'il me reste encore une...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Quelques minutes, deux minutes.

• (16 heures) •

M. Proulx : Bon, deux minutes. Mais vous avez raison, puis vous prenez la peine quand même, à plusieurs occasions dans le projet de loi, de dire qu'il faut avoir la capacité de faire notre travail. Donc, il faut être encadré, il faut être soutenu.

Sur ce point-là précisément, qui touche la transition, est-ce que vous trouvez... Bien, dans le fond, pourriez-vous me le définir un peu, votre comité d'implantation? Parce que ça m'a semblé différent de ce que nous proposions. Vous me dites : Il faut aller un petit peu plus loin. Mais, en quelques mots, qu'est-ce qui manque, selon vous, dans le projet de loi de manière concrète, là?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, premièrement, quand le projet de loi sera adopté, il faut qu'il y ait une présentation des orientations pour éviter de l'interprétation. Donc, ça, ça vient du ministère. Puis ça, c'est clair. Par la suite, il faut s'inscrire dans une approche de suivi, d'accompagnement, de formation. Il faut associer les gens. Donc, moi, je vous le demande carrément, il faut que les associations soient associées à ça, là. Ça fait associations associées, mais, qu'est-ce que vous voulez, c'est ça. Mais il faut qu'on soit là. Il faut qu'on soit là dans un esprit de collaboration puis d'ouverture parce qu'on commande à faire les choses autrement, mais, faire les choses autrement, bien, il faut prendre le temps de le faire. En éducation, des fois, on veut des résultats très, très, très rapides, mais ce n'est pas ça, l'idée. Je pense que, des fois, il faut prendre le temps de faire les choses parce que des fois, en cours de route, ça peut faire qu'on modifie des choses pour que ça fonctionne mieux. Et ça, il faut se garder cette latitude-là. C'est dans ce sens-là.

M. Proulx : Alors, pour moi, le mot de la fin, c'est merci. Merci de votre présentation. Merci aux gens derrière vous, motivés, mobilisés pour venir vous entendre. J'ai entendu, j'ai lu, j'ai eu beaucoup de plaisir à échanger avec vous. Merci beaucoup.

Mme Boucher (Danielle) : Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. On va passer du côté de l'opposition officielle. Et je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour environ 15 minutes.

Mme Léger : Merci beaucoup. Alors, bonjour, Mme Boucher. Bonjour, madame, bonjour, monsieur. Bonjour, vous tous, tous vos supporteurs, dans le fond, tous les artisans du milieu de l'éducation qui sont avec vous. Il me fait plaisir de vous recevoir ici, au parlement, avec mes collègues. Un mémoire très étoffé, très clair, très senti, même. On sent aussi beaucoup... beaucoup d'humain dans votre mémoire, malgré que vous êtes très, très précis, puis tel article, puis tel... Vous y allez vraiment en détail.

Au préalable, j'essaie de faire l'origine, dans le fond, du projet de loi n° 86, là, parce qu'il ne faut quand même pas oublier que c'est parti des élections scolaires qu'on a eues en 2014 et avec des déclarations qu'on a eues des autres ministres au préalable. Et est arrivé aussi beaucoup de... sur la table, dans les médias, un peu partout, sur la taxe scolaire aussi et les fusions des commissions scolaires. On s'attendait à avoir un projet de loi qui avait tout ça en même temps. J'ai appelé mon collègue qui est à côté, qui se souvient qu'on en avait beaucoup discuté. On pensait qu'il y avait un projet de loi qui serait déposé. Et là on arrive avec un projet de loi n° 86 qui est sur la gouvernance particulièrement, décentralisation des pouvoirs, etc. On se retrouve soit avec... Quand on a vu dans le débat public... on abolit les commissions scolaires. Non, on garde le statu quo, c'est très bon, on garde le statu quo. Non, on devrait partager davantage. Il devrait avoir un meilleur équilibre, une meilleure complémentarité des responsabilités. Puis là on a aussi le projet de loi n° 86.

Alors, dans le partage des responsabilités telles quelles puis la complémentarité, parce que vous en avez parlé tout à l'heure, vous avez parlé beaucoup de complémentarité, qui, pour vous, devrait prendre les décisions? Quel est le type de marge de manoeuvre que les directions d'établissement devraient avoir? Quelle est la place que vous accordez à une direction telle quelle? Parce que, là, on ne peut pas tout lire... bien, je veux dire, on ne peut pas exprimer tout le mémoire ici, vous en avez dit des grands bouts. Mais qu'est-ce qui fait que, parfois, avec une commission scolaire, ça va bien, il y a des forces, et, parfois, ça ne va pas bien? On réussit à bien s'entendre, on réussit dans certains milieux, et, d'autres commissions scolaires... Est-ce que c'est juste une question de direction ou c'est vraiment qu'on a besoin du projet de loi n° 86 pour vraiment clarifier les choses?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, le projet de loi n° 86 va venir comme clarifier des choses, c'est clair, parce que, présentement, le leadership des directions générales va faire en sorte qu'on va avoir une commission scolaire qui est plus centralisée ou plus décentralisée. Et ça va faire en sorte que les gens, ils sont plus mobilisés autour de la réussite ou moins mobilisés autour parce qu'ils ont moins de marge de manoeuvre dans leurs écoles, hein? Ils appliquent des décisions. Quand on applique des décisions, vous allez être d'accord avec moi qu'on se sent moins interpellé par les choses que quand on est partie prenante de certaines décisions, même quand les décisions sont difficiles à prendre. Quand on est dans un règne de coupure, on s'entend-u que ce n'est pas facile à prendre, ces décisions-là? Mais, quand on est à contribution, puis on est capable de donner notre opinion, puis de donner des exemples, puis de proposer, peut-être, d'au lieu de couper là de couper peut-être plus là, que ça aurait moins d'impact, bien, ça, c'est mobilisant pour une équipe de direction d'établissement.

Je pourrais vous donner puis je pense que Carl pourrait donner des exemples très concrets de décentralisation qui sont vraiment porteurs. Puis on trouve ça très intéressant de voir comment il y en a qui peuvent fonctionner avec un système qui fait en sorte qu'il y a de la collégialité, tout le monde est mis à contribution, puis il n'y a pas personne qui est oublié dans l'équation. Parce que la direction d'école, après, là, elle ne s'en va pas dans son bureau décider où elle va mettre l'argent, là. Elle s'assoit avec son équipe-école. La direction d'école, elle n'a pas son argent pour elle, elle a l'argent pour son école. Donc, elle doit travailler avec son équipe. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Léger : Oui, bien, elle était large aussi, ma question. Mais vous dites, dans le fond, que vous ne pouvez pas nécessairement, actuellement, être partie prenante des décisions ou, parfois, oui. Qu'est-ce qui fait que vous ne pouvez pas, aujourd'hui, avec la situation actuelle, sans le projet de loi n° 86, prendre... vous n'êtes pas partie prenante des décisions?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, le comité de répartition des ressources, comme il est écrit, avait vraiment besoin qu'on clarifie davantage qu'est-ce qu'il va faire, le comité de répartition des ressources. Et un des éléments importants du comité de répartition des ressources, c'est que l'information va être là, toute là, la transparence de l'information au complet. Et il y a beaucoup de milieux qui l'ont déjà. Il y a des milieux qui l'ont moins. Donc, ça, c'est un premier élément, je pense, qu'il faut considérer.

Un deuxième élément, c'est que le comité de répartition des ressources, les gens, les directions d'école qui sont nommés là, ils sont élus par leurs pairs, donc ils représentent des collègues, hein? Donc, ils ne sont pas là en leur nom, pour leur école à eux, ils sont là pour l'ensemble des écoles. Donc, c'est certain qu'ils vont trouver un modèle de concertation avec leurs collègues.

Le troisième élément, c'est que ce comité-là n'est pas décisionnel, on en convient, O.K.? Le comité fait quand même des recommandations au conseil scolaire. Donc, il va y avoir des recommandations en bonne et due forme qui sont faites et non de dire : Êtes-vous d'accord? Êtes-vous pour? Non? O.K. C'est beau, on part avec ça. Et, comme il y a des directions d'école sur le conseil scolaire, vous comprendrez que l'information va suivre. Alors, on trouve intéressant le comité de répartition des ressources dans ce contexte-là.

Mme Léger : Ce comité-là... On nous pose beaucoup de questions sur ce comité-là parce que c'est une nouvelle...

Mme Boucher (Danielle) : Une nouvelle affaire.

Mme Léger : ...structure, peut-être pas, là, on verra, là, mais vous avez parlé des balises parce qu'il manque de balises. On ne les sait pas, les balises, là. Ce n'est pas clair. Et, j'irais jusqu'à vous dire, si on ne réussit pas à avoir, dans le fond, une décision commune, comment se ferait, pour vous, le processus d'arbitrage de ça? Si vous n'arrivez pas vraiment à vous entendre, et, oui, même si ce n'est que des recommandations, mais ça a une grande importance, comment on peut régler les différends? Parce que, là, il n'y a rien d'écrit, là. Il n'y a rien qui nous indique comment faire ça, là. Parce que, là, on pense tous que tout le monde s'entend bien, vous représentez vos pairs, comme vous dites. Tout le monde...

Mme Boucher (Danielle) : Bien, tout le monde ne s'entend pas toujours bien, là. Là, on va clarifier les choses, on est tous des humains, hein? Bon.

Ceci étant dit, là, où moi, j'ai vécu, dans une commission scolaire qui était décentralisée, là, on se met des critères de fonctionnement. Avant même de regarder qu'est-ce qu'on a comme argent, on se met des critères, des principes, hein? Alors, j'en ai donné un petit peu tout à l'heure, des idées, puis ce n'est pas des principes sur le nombre de têtes de pipe qu'il y a dans les écoles, là, nécessairement, là. Les principes, là, sont reliés aux facteurs clés de la réussite. Donc, milieux défavorisés, combien j'ai d'élèves handicapés dans mon école, combien j'ai de plans d'intervention, des taux de réussite qu'on a accès, parce qu'on en parlait, c'est pour ça que mes amis m'aident un peu, là.

Donc, c'est sur ces bases-là qu'on prend ces décisions-là. Puis il ne peut pas y avoir vraiment de décision sur cet aspect-là qui n'est pas... On ne l'a jamais vécu, nous autres, hein? On ne l'a jamais vécu. Puis j'ai été 15 ans à la direction de l'établissement, là. Ça fait qu'on ne l'a jamais vécu. Mais il y a un conseil scolaire qui est là, hein?

Mme Léger : Mais voulez-vous que ce soit dans la loi, ça, ces principes-là?

Mme Boucher (Danielle) : Oui, on veut que ça soit...

Mme Léger : Parce que, tout à l'heure, vous dites : On peut se donner des principes, mais ce ne sera pas chaque comité de répartition des ressources qui va faire ça. Vous vous attendez, dans le projet de loi, que les balises soient plus claires.

Mme Boucher (Danielle) : Bien, c'est-à-dire, ce que l'on demande, c'est que le comité de répartition des ressources se donne des règles de fonctionnement et s'appuie sur des principes. On ne veut pas les nommer là, là, parce qu'on ne veut pas le mur-à-mur. Parce que, vous savez, Charlevoix fonctionne d'une façon déjà qui est tellement décentralisé. Eux autres, ils fonctionnent... Tu sais, ils ont le budget sur la table puis ils décident, là, en collégialité, là.

Moi, je ne veux pas imposer de modèle, puis il ne faut pas aller là. C'est ça qu'on ne veut pas. On ne veut pas ça, le mur-à-mur. On ne veut pas ça. Mais on veut quand même que le comité de répartition des ressources ait un certain nombre d'éléments. Donc, il faut se donner des modèles de fonctionnement, il faut se donner au moins un nombre de... De quoi qu'on va parler dans le comité de répartition des ressources? Ça, c'est important. Puis on veut que le comité de répartition des ressources se donne des règles de fonctionnement mais des règles de répartition.

Et les gens qui sont là, là, le D.G. est là, à ce que je sache, il va être accompagné aussi de gens des services, et puis ils vont pouvoir arriver, eux autres aussi, avec des... C'est ça qui se passe, là, présentement, là. Ils sont là puis ils arrivent avec des propositions, puis on va s'appuyer sur les données, les bonnes pratiques de gestion, puis il va y avoir un guide. Alors, on va être équipés pour travailler.

Moi, c'est drôle, je fais confiance. Il faut, à un moment donné, faire confiance, il faut baliser, pas trop parce que, quand on balise trop, on met toute la même couleur. Tu sais, tout beige, là, ce n'est pas sûr que c'est une bonne idée.

• (16 h 10) •

Mme Léger : Je veux revenir sur un autre sujet, sur les élections scolaires telles quelles. Plusieurs groupes sont venus nous dire qu'ils verraient que l'élection scolaire soit jumelée avec les élections municipales. On a posé la question à certaines associations municipales, les commissions scolaires seraient d'avis en général sur cette élection-là, scolaire-municipale, pour améliorer la participation. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Boucher (Danielle) : Bon, moi, je comprends tout à fait la situation présentement qui prévaut, là, par rapport aux élections au suffrage universel versus ce qui nous est présenté comme plutôt un collège électoral, c'est de ça dont il est question là-dedans, ce qui n'empêcherait pas une élection parce qu'il y a quand même une ouverture à faire des élections plus larges, à moins que je ne me trompe. Mais nous, là-dessus, on va laisser le législateur faire son travail. Il a entendu des groupes, il verra qu'est-ce qu'il va faire. Nous, on trouve intéressant d'y être. Mais ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est la partie du projet de loi... parce que je pense qu'il y en a beaucoup qui ont parlé d'élection, là, depuis ces derniers mois, mais le projet de loi, il ne porte pas sur les élections scolaires uniquement, là, il porte aussi sur rapprocher l'école des lieux de décision. Bien, nous, là-dessus, là, on trouve ça important de se positionner très clairement là-dessus.

Puis la présence des parents au sein des instances décisionnelles, on est d'accord avec ça parce que les parents sont nos premiers partenaires pour la réussite des élèves. Nous, on est confortables à ce qu'il y ait des parents dans nos instances décisionnelles. Il y en a plus d'ailleurs, il y en a six, là. Je n'ai pas bien, bien répondu, là, mais je n'irais pas plus loin, bien, bien, aussi non plus.

Mme Léger : Donc, vous... non, mais ce que je comprends...

Mme Boucher (Danielle) : On comprend.

Mme Léger : Ce que je comprends, c'est que vous êtes à l'aise avec le modèle qui est proposé actuellement, parce qu'on a un modèle actuel, mais ce qui est proposé actuellement, vous semblez à l'aise avec ça. Comment la composition du conseil...

Mme Boucher (Danielle) : Nous, on a travaillé avec ce qu'on nous avait proposé et on vous a dit : Bien, c'est intéressant d'avoir des directions d'école sur le conseil scolaire pour les raisons qu'on vous a nommées.

Mme Léger : Je veux revenir sur le pouvoir du ministre, vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure. Dans ce projet de loi, le ministre s'attribue des pouvoirs, alors qu'au même moment on voit quand même, dans le projet de loi, le titre du projet de loi, dans le fond, qui rapproche les lieux de l'école... les lieux de décision. Alors, je pense qu'il y a une certaine contradiction, à notre avis, par rapport à... Là, j'énumère quelques pouvoirs du ministre dans les articles 459.2, 459.3 : «259.2. Le ministre peut déterminer [...] des orientations, des objectifs [...] des cibles...»

«259.3. Le ministre peut prescrire [...] la démarche de planification stratégique[...].

« [...]du plan d'engagement vers la réussite d'une commission scolaire, [...]demander d'en différer la publication ou de procéder à des modifications...»

Alors, entre le titre de notre projet de loi puis ce qu'on voit dans le projet de loi, je pense qu'il y a une grande contradiction. Alors, vous l'avez glissé tout à l'heure, mais j'aimerais vous entendre davantage sur le pouvoir du ministre et l'idée de rapprocher les lieux de décision.

Mme Boucher (Danielle) : Bon, premièrement, le principe de subsidiarité, on l'a dit, il faut que ça s'inscrive à tous les niveaux. Donc, je pense que, de dire ça, ça vous parle un peu, là. Le principe de subsidiarité, c'est : il faut laisser l'école prendre les décisions là où il faut que ça appartienne. Il faut laisser les commissions scolaires prendre les décisions là où il faut que ça appartienne. Puis le ministre aussi, il a des décisions puis il a des orientations à donner.

J'aurais le goût de vous dire, c'est un peu comme le conseil supérieur a dit : Il faut être ferme dans les objectifs puis souple dans les moyens. Mais, tu sais, de venir faire de la microgestion, là, ça, je pense, ce n'est pas gagnant pour personne. Tu sais, à un moment donné, je pense que tout le monde a son rôle à jouer. Mais qu'est-ce qui fait peut-être qu'on vit un certain inconfort depuis une quinzaine d'années, c'est qu'il y a eu une confusion de genres à un moment donné. Tout le monde, tu sais, se préoccupait des mêmes choses, puis il y avait comme un entremêlage de rôles et responsabilités. Je pense que c'est important de venir bien clarifier les choses, qui fait quoi, puis tout le monde a son rôle à jouer puis tout le monde a sa place, tout le monde est important dans le réseau. Donc, il ne faut pas banaliser le rôle de personne, mais aux bons endroits.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Une minute.

Mme Léger : Parce qu'on peut rester au niveau des principes, mais ça n'a pas force de loi, là. Alors, dans la loi actuelle, c'est vraiment clair, les pouvoirs du ministre. Alors, vous, est-ce qu'il y a des éléments qui sont, pour vous... que vous pouvez préciser davantage pour modifier ce qui est sur la table?

Mme Boucher (Danielle) : Bien, quand on parle du principe de subsidiarité, on pense que les grandes orientations... bien, on l'a dit un petit peu, tout à l'heure dans mon allocution, j'ai parlé des grandes orientations, mais je peux peut-être les renommer rapidement. Je vais les retrouver. On a dit qu'il faut qu'il définisse les orientations qui guident le développement du système d'éducation, ça, c'est clair. Il faut qu'il établisse des cibles nationales. C'est bien évident. Nous autres, ce qu'on veut, c'est la réussite des élèves. C'est normal qu'on travaille avec des cibles. Ça, on n'a pas de problème avec ça. Mais on a à rendre des comptes publics parce qu'il y a de l'argent quand même en éducation, là, c'est important. Il faut qu'il attire l'attention des commissions scolaires sur des problématiques comme la sécurité ou l'intimidation, mais pas d'aller lui dire : Tu vas faire ça. Il faut que tu l'attires sur la problématique, que tu lui dises : Oh! là, il y a un... ou, s'il y a des orientations données, il faut les donner, mais il faut transmettre des informations détaillées aux commissions sur la situation des élèves. C'est ça, nous, qu'on campe dans le rôle du ministre. Et, tout à l'heure, il a eu une ouverture en disant : Bien, si on adopte une loi avec un principe de subsidiarité, ça pourrait être intéressant que le ministre vienne s'assurer que ce principe-là soit bien descendu, bien conservé, bien compris, bien appliqué. Bien, moi, je serais pas mal d'accord avec ça, là. Ça, je trouve ça intéressant. Mais, pour le reste, il faut faire confiance aux gens qui travaillent et qui font l'école.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Boucher. On va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition, et je cède la parole à M. le député de Chambly pour 10 minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Merci à tout le monde aussi qui s'est déplacé. C'est très intéressant d'avoir non seulement les porte-parole, mais aussi les gens du groupe.

Je vais commencer par quelques phrases presque bibliques. Je vous dirais que l'enfer est pavé de bonnes intentions mais que le diable est dans les détails. Et j'ai l'impression que le projet de loi a été écrit quelque part en enfer parce qu'il est pavé de bonnes intentions mais que le diable est dans les détails. Vous nous dites dans la première page : «L'AQPDE [elle] souhaite une école soutenue et conseillée par une commission scolaire qui comprend son rôle d'accompagnement et de conseil, [pour faire] équipe [avec elle].» Pensez-vous qu'il y a, dans ce projet de loi, quelque chose qui est un sérieux changement de paradigme, là, des articles qui diraient : Toi, l'organisme régional, commission scolaire ou autre, tu as un rôle de soutien, d'accompagnement et de conseil? Tu n'es plus un petit gouvernement élu qui vient nous dire quoi faire. Est-ce que vous voyez un changement aussi fort que celui que vous dites quelque part dans les articles? Parce que moi, je ne l'ai pas vu.

Mme Boucher (Danielle) : Bien, écoutez, on a quand même fait des recommandations, hein, on en a fait 25. Il y a quand même des éléments intéressants. Bon, c'est sûr que vous allez me dire que c'est un principe, là, mais le principe de subsidiarité, si la recommandation qu'on fait est conservée, c'est-à-dire qu'on doit donner un avis, nous, sur le fonctionnement par rapport à cela, bien, je pense qu'on a une poignée là. Le guide des bonnes pratiques que le ministre veut rendre disponible aux commissions scolaires, ça, on trouve ça intéressant aussi. Et je pense qu'il peut avoir un pouvoir d'intervention éventuellement si jamais le principe n'est pas respecté.

Là, je pense que, plus que ça, j'ai comme le goût de vous dire : C'est un premier pas, O.K.? Je pense qu'on aurait pu avoir plus, mais c'est ça qu'on a. On a fait un certain nombre de recommandations pour venir comme baliser, préciser, mais, ceci étant dit, nous, on prend vraiment le projet de loi n° 86 comme un premier pas, puis, nous, notre pas qui est plus intéressant encore, c'est toutes les règles budgétaires. Vous comprendrez qu'ici on est dans l'action. Alors, les directions d'établissement, là, on est beaucoup sur le terrain puis dans l'action. Ça fait que c'est sûr que les règles de répartition, ça, on trouve ça bien intéressant. Ça fait que c'est sûr que le principe, il faut qu'il s'inscrive partout, partout, au ministère aussi.

M. Roberge : Je pense que vous avez pris le projet de loi comme document de travail à bonifier, à corriger dans votre compétence d'enseignants et d'enseignantes et vous l'avez bien corrigé. Mais, des fois, j'ai même l'impression que vous l'avez vu plus beau que ce qu'il est. Page 50, vous dites, vous soulignez : «...la volonté du gouvernement de rapprocher le pouvoir décisionnel des écoles.» Rapprochez le pouvoir décisionnel des écoles, mais, quand je regarde le titre du projet de loi, c'est rapprocher l'école des lieux de décision. C'est important, les mots, là. Est-ce qu'on rapproche le pouvoir décisionnel des écoles, donc autonomie, décentralisation, ou on fait, comme dit le titre du projet de loi, rapprocher l'école des lieux de décision? Ça, c'est toute la différence pour les directions d'école. Est-ce qu'on me donne de l'autonomie pour gérer mon école ou si on me dit : Maintenant que tu veux gérer ton école, je te rapproche du lieu de décision, qui est la commission scolaire? Sors de ton école, prends ton auto, fais 20 kilomètres puis va à la commission scolaire parce que c'est là que tu vas gérer ton école. Moi, je vois ce danger-là. Ne le voyez-vous pas?

• (16 h 20) •

Mme Boucher (Danielle) : J'attendais la question. Ne le voyez-vous pas?

M. Roberge : Ne le voyez-vous pas?

Mme Boucher (Danielle) : Qu'en pensez-vous? Bien, il y a deux choses. Il y a les comités décisionnels, je pense, qui sont importants parce que les comités décisionnels vont faire en sorte que la marge de manoeuvre qu'on va avoir pour travailler dans nos écoles, si on n'a pas d'enveloppe taggée, on va le dire comme ça, si on a une espèce d'autonomie d'utilisation des ressources, on va être capables de faire quelque chose d'intéressant. Puis j'aurais comme le goût de vous donner un exemple peut-être concret de la façon dont vous le vivez chez vous, la décentralisation dans... Je pense que ça serait intéressant de l'entendre, cet exemple-là.

M. Ouellet (Carl) : Juste un exemple. Chez nous, aux Premières-Seigneuries, on est décentralisés surtout dans les budgets de mesures d'appui. Quand on parle d'élèves EHDAA, je pense que ça concerne beaucoup de monde. En mars de chaque année, donc, les écoles, les adjoints, les directions d'école et les adjoints sont convoqués pour discuter du budget des élèves EHDAA. Alors, la préparation se fait au préalable, on a des données au préalable des services des finances, des services éducatifs, de l'organisation scolaire. Tous les services en place nous apportent l'eau au moulin. Et on prend des décisions, nous autres, comme direction d'école, pour les classes commission scolaire, c'est-à-dire les élèves qui ont des besoins spécifiques, des élèves qu'on va garder jusqu'à 21 ans, des élèves où ils ont des besoins particuliers. Donc, entre directions d'école, et, je vous le dis, il n'y a personne qui déchire sa chemise là, on s'assoit, on discute, on parle de besoins d'élèves, on est centrés sur les besoins d'élèves parce que ce ne sont pas toutes les écoles qui ont des classes commission scolaire. Donc, on parle des besoins des élèves. Enfin, à la fin de cette rencontre-là, on détermine les besoins, comme je vous disais, et on décide, bon, tel élève, telle classe, tel besoin, tel service. Et ça, ensemble, c'est très bien fait. On est accompagnés, quand on parle, tantôt... oui, on a de l'accompagnement des services éducatifs, on a de l'accompagnement des autres services, on continue à le dire, on a besoin d'eux autres également là-dedans.

Ensuite, à la fin de cette démarche-là, ce qu'on appelle l'enveloppe des mesures d'appui, les décisions sont prises pour les classes commission, et qu'est-ce qui va nous rester comme montant d'argent, c'est décentralisé dans nos écoles. Donc, une école comme chez nous, dans mon école, ça donne à peu près un 240 quelques mille dollars pour l'année pour décider, dans mon école, quels services je veux donner, quels services, comme équipe-école, on va donner à nos élèves et à partir de leurs besoins. Alors, cette structure-là passe très bien. Il n'y a personne, comme je disais, qui déchire sa chemise. Et, quand on revient dans nos écoles avec nos budgets, c'est décidé ensemble, c'est nous qui décidons ensemble qu'est-ce qu'on donne pour les besoins de nos élèves. Je pense qu'on est les meilleurs acteurs, avec nos équipes-écoles, pour décider, en partant du haut jusqu'en bas, comment on doit gérer ces budgets-là.

Alors, c'est un exemple, là, parmi tant d'autres, là, mais je pense que c'est ce type d'exemple là, c'est ce type de fonctionnement là qu'on veut retrouver, et ça se passe déjà dans plusieurs commissions scolaires. Chez nous, on le vit comme ça.

M. Roberge : Merci. Je vais vous amener sur un autre sujet, celui des fameuses données probantes ou pratiques efficaces, reconnues. Le conseil supérieur est venu nous parler, le fameux CTREQ est venu nous parler, Égide Royer est venu nous faire une présentation, et il y a des points de convergence, mais il y a des points de divergence entre tous ces acteurs-là. Le conseil supérieur et le CTREQ nous disent : Bien, nous existons, nous diffusons de l'information, mais comment on peut s'assurer que, sur le plan de la gouvernance, les données probantes puis les bonnes pratiques soient réellement appliquées? Parce que, dans les faits, là, en ce moment, là, il faut se le dire, c'est variable, disons. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire, au niveau de la gouvernance, pour s'assurer que les bonnes pratiques, les données probantes, ça ne soit pas appliqué au bon vouloir puis au bon dynamisme des meilleurs profs puis des profs peut-être plus dynamiques pour qu'il y ait davantage d'adhésion à ces bonnes pratiques?

Mme Boucher (Danielle) : O.K. Je vais laisser la parole à...

Mme Fortin (Manon) : Bien, je pense qu'en tant que leader des établissements, là, c'est les directions d'établissement qui sont en mesure de s'assurer que les pratiques pédagogiques, dans leurs milieux, soient mises en place, les pratiques gagnantes. Mme Boucher en parlait un peu plus tôt, vous savez, on accède à un poste de direction et on fait, par la même occasion, un diplôme de deuxième cycle en gestion de l'éducation. Ça nous amène à être très collés sur les pratiques qui sont probantes, très collés sur les dernières recherches en éducation. D'ailleurs, on en a apporté une qu'on pourra peut-être vous remettre tout à l'heure, les huit facteurs clés pour le haut rendement d'une école, et, parmi les facteurs clés qui sont donnés par l'auteur, c'est le leadership très fort de la direction de l'école, l'importance de l'enseignement des méthodes pédagogiques, une bonne utilisation des données sur les élèves et les renforcements des compétences du personnel. Et ça, je pense que ça appartient au leadership de la direction de l'école d'être capable de travailler avec ces huit facteurs-là pour faire progresser son école.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste quelques secondes, M. le député.

M. Roberge : Quelques secondes? Je vais poser une dernière petite question.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Rapidement.

M. Roberge : On nous parle de budget, vous nous parlez de comité de répartition des ressources, on veut plus d'autonomie. Que diriez-vous de l'idée d'avoir des budgets pluriannuels et d'être capables de gérer vos surplus sur deux, trois ans pour avoir un petit peu de vision?

Mme Boucher (Danielle) : Ça, on aimerait ça, hein? Ça, on aimerait ça. Je pense que tout le monde a dû vous dire ça, c'est le bonheur parce qu'on peut avoir une vision sur un an, deux ans, trois ans. Quand on met un projet en place, là, tu sais, il reste 2 000 $ à la fin de l'année, puis on le perd. On ne peut pas dire : Bien, on va l'utiliser l'année prochaine, ça va nous faire un plus gros montant puis on va pouvoir réinvestir. Il y a quelque chose à regarder là. Ça, c'est clair, là. C'est un appel. Tu sais, par rapport aux surplus, là, il y a quelque chose à regarder là. Puis, je vous dis, l'école, on est là pour donner des services, pas pour faire de l'argent, là, puis faire des 50 000 $ de surplus, ce n'est pas ça, l'idée. On s'entend, là? Bon. Mais en même temps, quand on a un projet de longue haleine, ça, ça serait extraordinaire. Je pense qu'on est tous là à se dire : Aïe! Ça, ça serait... On aime, on aime vraiment.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Boucher, M. Ouellet, Mme Fortin et Mme Bissonnette, pour votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre à M. Julien Prud'homme de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 27)

(Reprise à 16 h 31)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, rebonjour. Bonjour, M. Prud'homme. Merci d'être là.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Rotiroti) : On va juste attendre quelques minutes pour que les gens qui doivent quitter la salle le fassent en silence, s'il vous plaît. Merci.

Alors, bienvenue à M. Prud'homme. Alors, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, je vous cède la parole. C'est à vous.

M. Julien Prud'homme

M. Prud'homme (Julien) : Je vous remercie beaucoup. Comme vous l'avez dit, mon nom est Julien Prud'homme. Je suis professeur associé à l'UQAM et spécialisé dans l'histoire récente des réseaux de l'éducation et de la santé, qui sont mes principaux sujets d'enseignement, de recherche et de contribution aux politiques publiques. Et c'est donc à titre d'universitaire et d'observateur des réseaux de l'éducation et de la santé que je m'adresse à vous et que vous avez eu la gentillesse de m'inviter ici.

Mon message principal est très simple, il est le suivant. Le projet de loi n° 86, en l'état actuel, ne devrait pas être adopté. Et il ne devrait pas être adopté pour trois grandes raisons, la première étant qu'il est inopportun au sens où il ne répond pas aux demandes actuelles de l'éducation et que son contenu, même, correspond assez mal aux lignes de presse qui sont censées le justifier dans le débat public.         

Il ne devrait pas être adopté, d'autre part, parce qu'il renforce les pouvoirs discrétionnaires du ministre en même temps qu'il réduit son imputabilité et sa responsabilité à l'endroit du réseau, ce qui est un cocktail assez néfaste en démocratie de manière générale.

Enfin, il ne devrait pas être adopté car il promet un réseau plus fragmenté et dépourvu de vision d'ensemble, alors que cette vision d'ensemble est un besoin criant en éducation aujourd'hui.

Alors, en peu de temps, je dirai, d'une part, que ce projet de loi est inopportun car il ne répond pas aux besoins de l'éducation, d'une part, parce que la réussite scolaire, on gagne à se le rappeler, s'est améliorée depuis la dernière réforme des structures qui a coûté sang et eau depuis la fin des années 1990. Et, à ce titre, il paraît beaucoup plus urgent de préserver les cadres qui ont permis cette amélioration plutôt que de nous faire entrer dans une nouvelle réforme de structure que peu de gens demandent.

On pourrait ajouter d'ailleurs que le projet de loi contrevient directement aux recommandations du récent rapport Champoux-Lesage, très récent, qui demandait clairement le maintien du régime actuel. En fait, comme je le disais dans mon mémoire de façon très ironique, les seuls problèmes réels de structure qui étaient identifiés dans ce rapport, comme, par exemple, l'insuffisance du financement statutaire ou l'iniquité fiscale entre les commissions scolaires, entre le public et le privé, sont à peu près les seuls problèmes de structure qui sont négligés par le présent projet de loi.

Par ailleurs, on pourrait dire aussi que ce projet est inopportun parce que les principaux freins à la réussite scolaire en ce moment et à l'équité dans le milieu scolaire ne viennent pas des commissions scolaires ou des rapports entre les écoles et les commissions scolaires, ils viennent d'ailleurs, selon le rapport Champoux-Lesage et selon d'autres intervenants. Le principal obstacle à l'initiative locale ne vient pas des commissions scolaires, il vient du ministère lui-même et de son ingérence dans le travail des commissions scolaires et des écoles et par son manque de leadership dans certains dossiers clés qui, eux, requerraient le leadership ministériel, comme le dossier, par exemple, des élèves en situation de handicap ou en difficulté d'apprentissage, sujets qui n'ont rien à voir avec l'actuel projet de loi mais auxquels nuira fort probablement le projet de loi n° 86.

Finalement, un autre frein qui vient du ministère lui-même et que le projet de loi ne viendra pas corriger, c'est quoi? Ce sont les décisions arbitraires que le ministère lui-même a prises dans les dernières années sans tenir compte des données probantes et qui ont donné lieu à des projets et englouti des centaines de millions de dollars à la suite d'initiatives qui ne venaient pas des écoles, qui ne venaient pas des commissions scolaires, qui n'étaient pas le fruit d'une dynamique déficiente entre commissions scolaires et écoles mais étaient plutôt de fruit d'une prise de décision déficiente à l'échelle du ministère lui-même.

Les réformes passées des structures scolaires, celles des années 60, 70, celle de la fin des années 90, avaient leurs défauts, mais elles avaient le mérite de définir clairement les pouvoirs et les relations qui devaient s'établir entre les acteurs de l'éducation. Le projet de loi n° 86, lui, risque de créer une situation beaucoup moins claire à cet égard dans la mesure où il promet de favoriser l'ingérence discrétionnaire du ministre et du ministère dans la microgestion des établissements d'enseignement et dans la mesure où il crée des mécanismes de pouvoir beaucoup plus opaques qu'auparavant, un peu sur le modèle qui est mis en oeuvre en santé depuis 2014 et qui s'attire déjà des critiques. Et ceci est d'autant plus désolant que les lignes de presse du gouvernement promettent exactement le contraire.

En réalité, le projet de loi n° 86 viendra minimiser le pouvoir véritable des parents et des directions d'école. En surface, les parents et les directions sembleront gagner en influence à certaines tables, mais le fait est que ces tables elles-mêmes perdront, elles, de leur importance au profit du ministre et du ministère, qui pourra, par exemple, décréter des fusions, tandis que les futurs conseillers élus ou nommés, n'étant plus rémunérés, ne pourront plus consacrer autant de temps à leur travail et deviendront plus dépendants encore qu'aujourd'hui de leur direction générale et de leur administration.

Or, le projet de loi attribue au ministre un pouvoir plus grand et discrétionnaire sur quoi? Sur cette administration, sur les directions générales des commissions scolaires dont les élus seront devenus plus dépendants. Le ministre va surveiller les directeurs généraux, valider leur renouvellement ou leur renvoi, exigera du directeur général qu'il se rapporte au ministre en cas de déficit ou de manquements allégués aux consignes ministérielles. L'effet net de ces pouvoirs discrétionnaires sera de brouiller l'imputabilité de chaque acteur et de donner au ministre un pouvoir discrétionnaire qui va être important mais qui sera dissimulé derrière les structures administratives ou dissimulé derrière la possibilité de se défausser au dernier moment sur les responsables locaux. Cela ne pourra que nuire à la transparence et à la qualité de la gouvernance scolaire.

Et finalement, et ça, plusieurs l'ont dit avec raison, le projet de loi accroît dans les faits, au contraire du discours, mais, dans les faits, il accroît, encore là de manière très peu visible, l'emprise réelle du ministère sur l'administration des écoles en donnant au ministère le pouvoir de prescrire non seulement des cibles, mais aussi des moyens d'action. Là encore, le projet de loi accroît les pouvoirs directs du ministre sur les écoles mais par des voies peu connues, peu visibles et en contradiction avec les lignes de presse avancées en ce moment par le gouvernement. Je n'insiste pas sur cette question car il est difficile de dire mieux que le Conseil supérieur de l'éducation, par exemple, qui a remis un mémoire qui est limpide sur cette question-là.

Finalement, pendant que le ministère et le ministre s'attribueraient plus de pouvoir discrétionnaire sur les écoles, ils renonceraient, par ailleurs, à assumer les responsabilités de coordination qu'ils ont déjà et adopteraient dans ce projet de loi des mesures qui, elles, contribueraient à fragmenter davantage le réseau. Le cas des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les EHDAA, offre un exemple évident, alors même que les pistes d'action possibles auprès de ces élèves ne manquent pas. Le ministère pourrait assumer son leadership en mettant en vigueur l'approche non catégorielle qui existe présentement sur papier. Il pourrait refondre sa panoplie d'enveloppes fermées et de mesures ponctuelles en une politique cohérente, mais il adopte plutôt des mesures qui fragmenteront et rendront d'autant moins cohérente la politique à cet égard.

Le projet de loi, d'ailleurs, réduit aussi l'habileté des commissions scolaires elles-mêmes à répartir équitablement les ressources sur leur territoire. Plus précisément, la création, dans chaque commission scolaire, du fameux comité de répartition où siégeront les directions d'école risque de mettre les écoles en concurrence les unes avec les autres. Je sais qu'il y en a qui promettent une vision très idyllique de la chose, mais on va apprendre quelque chose aujourd'hui : ça existe, le tirage, aussi, de couverte en éducation, OK? Ça s'est déjà vu. Un comité de répartition où siègent les directions d'école et qui risque de mettre les écoles en concurrence les unes avec les autres pour le partage des budgets ou l'attribution des services professionnels aux élèves en difficultés, qui font déjà l'objet de foires d'empoigne dans bien des milieux...

L'image, bref, d'un ministère, d'un ministre qui s'octroie des pouvoirs discrétionnaires sur la microgestion des établissements mais qui, en même temps, abdique ses responsabilités à l'endroit du réseau est évidemment une image qui est très dérangeante. Il serait rassurant que le ministre avance plutôt des politiques plus opportunes et plus cohésives, par exemple, en posant cinq gestes qui sont les cinq dernières recommandations du mémoire que j'ai soumis, à savoir quoi? À savoir, d'une part, répondre aux problèmes de structure véritables qui sont identifiés dans le rapport Champoux-Lesage, à savoir l'équité fiscale entre les commissions scolaires, les modalités du financement des commissions scolaires, les inéquités fiscales et pédagogiques qu'entraîne le soutien actuel apporté aux écoles privées et à la multiplication des programmes sélectifs.

D'autre part, le ministre pourrait formuler un cadre, dans le cadre, même, peut-être, de ce projet de loi, pour que les relations entre le ministre et les commissions scolaires soient régies par des mécanismes qui sont explicites, qui sont transparents, qui sont respectueux du principe de responsabilité ministérielle plutôt que par le régime d'intervention discrétionnaire à l'échelon purement administratif qui est prévu dans l'actuel projet de loi.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant, M. Prud'homme.

M. Prud'homme (Julien) : Oui. Il me restait juste deux recommandations.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, allez-y.

M. Prud'homme (Julien) : Finalement, il pourrait élaborer des mesures qui, tout en confirmant la capacité du ministre à fixer des cibles, laissent aux commissions scolaires et aux écoles une véritable autonomie quant au choix des moyens. Il pourrait mettre à jour la politique de l'adaptation scolaire et travailler à l'élaboration d'une politique plus cohérente, plus volontaire et non catégorielle à l'endroit des élèves handicapés ou en difficulté et finalement constituer, et ça, c'est important, et je ne suis pas le seul à le dire, un groupe de travail pour étudier la création d'un institut national d'excellence en éducation inspiré du modèle que présente l'INESSS dans le secteur de la santé et qui viendrait discipliner l'usage de la science et des données probantes dans la prise de décision par le ministre et le ministère. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. Alors, on va passer à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre pour environ 15 minutes.

M. Proulx : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Prud'homme, de vos travaux puis de votre rapport à la commission. Merci pour votre mémoire. Je le voyais à la fin, vous êtes cosignataire du projet pour la création d'un institut national en éducation. Avant de parler proprement dit de certaines de vos recommandations, j'aurais aimé que vous puissiez nous expliquer ce que c'est, pour vous, cet institut-là et, dans le fond, de me dire également en quoi ça diffère, par exemple, du Conseil supérieur de l'éducation.

M. Prud'homme (Julien) : Un institut d'excellence qui s'inspire des modèles existant dans le milieu de la santé, par exemple, sur le modèle de l'INESSS ou le modèle de l'INSPQ, que vous connaissez. C'est un organisme indépendant dont le mandat est de discipliner l'usage des données probantes de la science dans la décision en éducation, ce qui est un grave problème, là, depuis les 15 dernières années, alors même que les autres juridictions, comme l'Ontario, qui ont vraiment réussi à améliorer le sort et la réussite de leurs élèves se sont donné des politiques analogues à celle-ci.

Qu'est-ce que c'est? Bien, il s'agit, comme je l'ai dit, d'un organisme qui est indépendant et qui a le mandat de produire des revues de littérature et ce qu'on appelle souvent des métas-analyses sur les savoirs qui peuvent être mobilisés dans la prise de décision. En ce moment, il n'existe pas de tel organisme dans le secteur de l'éducation. Il existe des organismes, par exemple, comme le Conseil supérieur de l'éducation, qui remplit très bien son travail mais qui n'a pas un mandat de scientificité. Ou il existe d'autres organismes qui, d'une part, ont des mandats exclusivement de transfert, par exemple, mais qui n'ont pas à se prononcer sur la scientificité des différentes mesures, qui n'ont pas l'indépendance qui caractérise de pareils instituts, comme dans le cas de la santé, par exemple, et qui — la preuve du pudding, c'est qu'on le mange — n'ont pas joué ce rôle-là dans les 15 dernières années.

M. Proulx : Et ce que vous dites, c'est : On aurait eu intérêt, c'est ce que j'entends, à avoir ce type d'institut là dans les 15 dernières années, par exemple.

M. Prud'homme (Julien) : On aurait eu intérêt à avoir ce genre d'institut dans la mesure où plusieurs mesures qui ont canalisé chacune des centaines de millions de dollars dans les dernières années reposaient sur des revendications d'expertise, sur des savoirs qui se voulaient scientifiques, qui, au moment même où la décision a été prise, ne faisaient pas l'objet de consensus scientifiques malgré ce qui était allégué à ça. C'est le cas, par exemple, du renouveau pédagogique, c'est le cas de certaines mesures comme l'aide aux devoirs ou l'usage un peu mur à mur qui a été fait des ratios du nombre d'élèves dans les classes. C'est le cas en ce moment en ce qui concerne les maternelles quatre ans.

Il y a un urgent besoin de discipliner, de policer le recours aux données probantes et au savoir dans la prise de décision. Ça serait bon pour la prise de décision, ça serait bon pour le politique dans la mesure où ça viendrait baliser et donner un filet de secours aux décideurs lorsqu'ils doivent prendre des décisions qui sont censées s'appuyer sur la science, un peu comme dans le domaine de la santé. Dans le domaine de la santé, pour prendre un exemple, on a eu, il y a peu d'années, la mode de la méthode Zamboni pour guérir la sclérose en plaques, l'opération chirurgicale qui se revendiquait de la science, vous connaissez l'histoire. Qu'est-ce qui a permis aux décideurs de la santé de pouvoir résister à cet effet de mode? Mais ils ont dit : Mais, écoutez, on va demander à l'INESSS, on va demander à des organismes indépendants qu'est-ce qu'ils en pensent. Et là ça a permis de policer le recours à la science et de résister plus facilement à une mode qui aurait été une erreur. On a connu plusieurs de ces modes qui ont été autant d'erreurs dans le secteur de l'éducation dans les 15, 20 dernières années, elles ont coûté très cher en coûts d'opportunités et en efforts perdus.

M. Proulx : Peut-être même avant, encore une fois, de parler de deux de vos recommandations, vous dites : Il y a eu des recommandations, avec le rapport Champoux-Lesage, sur la gouvernance des commissions scolaires. Vous dites : Ne faites pas 86, faites certaines des recommandations ou des recommandations de Champoux-Lesage. Pourriez-vous m'identifier d'abord lesquelles, pour vous, sont inévitables, doivent être mises en application, et, à ce moment-là, peut-être m'indiquer lesquelles devraient passer par un projet de loi qui modifie la gouvernance scolaire?

M. Prud'homme (Julien) : Les recommandations essentielles à mon sens, puisque vous me le demandez, du rapport Champoux-Lesage sont celles que j'ai évoquées, c'est-à-dire celles qui portent sur l'équité fiscale entre les commissions scolaires. On sait qu'il y a certaines circonstances qui font que, sur le plan fiscal, des commissions scolaires sont avantagées par rapport à d'autres et qu'on devrait apporter des correctifs à ces mécanismes-là à l'échelon administratif. Le rapport Champoux-Lesage, par ailleurs, évoquait le manque de financement statutaire aux commissions scolaires et aux écoles, c'est-à-dire la prolifération, dans les dernières années, d'un financement qui passe par des enveloppes fermées, qui passe par des enveloppes ciblées, ce que ma prédécesseure sur ce siège a appelé des enveloppes taggées. Elle a raison, et il faudrait apporter des correctifs à ça. Or, en ce moment, il y a beaucoup de dispositions, dans le projet de loi n° 86, qui suggèrent qu'on va, au contraire, intensifier cette pratique, par exemple, des enveloppes taggées, par exemple, en accroissant les pouvoirs déjà existants du ministre de prescrire non seulement des cibles, mais des moyens d'action. Ça, ça accroche avec beaucoup de monde, même ceux qui sont d'accord avec le projet de loi.

M. Proulx : Dans le cas des enveloppes, prenons cet exemple-là, dans le cas des enveloppes, est-ce que vous dites : Vous devriez avoir des enveloppes avec de la souplesse et de la flexibilité vers les commissions scolaires ou vous dites aussi : Vous devriez avoir certaines enveloppes avec flexibilité directement vers les établissements?

M. Prud'homme (Julien) : Il y a une décision qui appartient au politique. Est-ce que vous voulez centraliser ou est-ce que vous voulez décentraliser? Si vous voulez centraliser, vous le dites puis vous le faites à visière levée. Puis là vous ferez des enveloppes fermées dans le cadre de programmes nationaux, de politiques nationales, par exemple, en matière d'élèves handicapés ou d'autres formes de politiques. Si vous voulez une vraie forme de décentralisation, mais vous fixez des cibles à atteindre, puis ça, c'est tout à fait la prérogative ministérielle, je pense que tout le monde est d'accord avec ça, vous pouvez même moduler les cibles en fonction des différentes régions, mais vous réduisez au maximum l'emploi de ces enveloppes fermées en laissant, comme vous l'annoncez, le choix des moyens aux écoles et aux commissions scolaires.

M. Proulx : Dans la recommandation 4, vous dites : «[Il faut] travailler à l'élaboration de mesures — on est un peu là — qui, tout en confirmant la capacité du ministre à fixer des cibles nationales, laissent aux commissions scolaires et aux écoles une véritable autonomie quant au choix des moyens.» C'est un peu ce que vous venez d'exprimer. Comment fait-on d'abord pour s'assurer que, laissant aux commissions scolaires et aux écoles une véritable autonomie, puisse véritablement se produire... c'est-à-dire qu'il y ait de l'autonomie pour les deux, pas seulement pour la commission scolaire et les écoles sous l'emprise de... je n'utilise peut-être pas le bon mot, qui sont dans un ordre hiérarchique établi, mais pour s'assurer qu'il y ait vraiment autonomie pour les deux? Parce que je pense que c'est une... en tout cas, je lis ou j'ai l'impression que c'est la vision que vous portez, non? Qu'il y ait un équilibre, à tout le moins, dans l'autonomie?

M. Prud'homme (Julien) : Bien, je ne connais pas grand monde qui est contre l'idée d'un équilibre entre les commissions scolaires et les écoles. Le débat porte sur la définition de cet équilibre-là. La réponse à votre question, ce qui est un peu dommage, c'est qu'on ne la trouve pas dans le projet de loi n° 86 dans la mesure où les rôles de chacun sortent passablement brouillés de ce projet de loi. Comme plusieurs l'ont dit avant moi, il ne paraît pas vrai de dire que les écoles s'en sortiront avec plus de pouvoirs. Ce qui paraît vrai, c'est qu'on aura rapproché certains acteurs issus des écoles de comités qui continuent d'appartenir aux commissions scolaires. On les aura mis en concurrence, parfois, les uns avec les autres. Tant mieux s'il y a des endroits où ça marche bien, il y a des endroits où ça ne marchera pas bien. Mais il en demeurera, que ça marche bien ou pas, que la décision, elle aura été prise à l'échelle de la commission scolaire selon des balises qui ne changeront pas beaucoup par rapport à celles qui sont déjà utilisées. Tu sais, les commissions scolaires, elles ne travaillent pas dans le vide en ce moment, quand elles distribuent les ressources.

À cet égard-là, je répondrais un peu comme le rapport Champoux-Lesage. En ce moment, les rôles de chacun sont assez clairement établis, sont plus clairement établis maintenant qu'ils ne le seront si vous adoptez le projet de loi dans l'état actuel des choses, et il n'y a pas d'urgence à bousculer. Et, si on veut vraiment donner plus d'autonomie aux écoles, aux directions d'école, bien, je ne crois pas que c'est ce projet de loi là qui va le faire. Je ne crois pas que ce projet de loi serve la vision décentralisatrice qui est portée dans les lignes de presse du gouvernement en ce moment.

• (16 h 50) •

M. Proulx : Si on veut donner plus d'autonomie aux écoles, alors, à ce moment-là, quel est, pour vous, le moyen de le faire? Parce qu'on doit inévitablement passer par la législation.

M. Prud'homme (Julien) : Si vous voulez donner plus d'autonomie aux écoles, donnez des enveloppes aux commissions scolaires en disant aux commissions scolaires comment les distribuer par école ou distribuez directement les enveloppes aux écoles. Sur le plan administratif, c'est au ministère de déterminer la meilleure forme. Mais la meilleure façon de le faire, c'est de commencer par vouloir le faire. Et ça ne ressort pas de ce projet de loi là dans la mesure où, là, ce qu'on voit, c'est des acteurs locaux qui vont être pris, d'une part, entre des arbitrages souvent difficiles qu'ils vont avoir à faire à ces nouvelles tables de répartition des ressources et, d'autre part, l'intensification de directives et d'enveloppes qui viennent directement du ministère.

Alors là, la question que vous me posez, il est difficile d'y répondre parce qu'elle suppose des objectifs qui ne sont pas servis en ce moment par le projet de loi. J'ai peine à croire que cet objectif-là soit réellement celui qui soit servi et visé par ce projet de loi.

M. Proulx : Dans le temps que nous avons, et c'est intéressant, je voulais vous entendre sur les EHDAA. Vous proposez une orientation. J'aurais voulu vous entendre nous l'expliquer.

M. Prud'homme (Julien) : En fait, je ne propose pas une orientation neuve, je propose de mettre en oeuvre une politique à l'égard des enfants en difficulté, qui est déjà sur papier, en principe, en tout cas, dans certains papiers. La politique du ministère, c'est avoir une politique dite non catégorielle, c'est-à-dire une politique qui insiste sur le fait que le soutien à un élève ne devrait pas être dépendant d'un diagnostic ou d'une étiquette particulière, ce qui réglerait, si c'était mis en oeuvre, effectivement, bien des problèmes. Je sais qu'on a peu de temps, alors je ne m'éparpillerai pas là-dessus, je ne m'étendrai pas.

M. Proulx : Vous l'avez... parce qu'on a trois ou quatre minutes ensemble à parler de cette question-là, mais allez-y, oui.

M. Prud'homme (Julien) : Bon, bien, ça réglerait bien des problèmes qui sont liés à une surpathologisation des problèmes scolaires, qui sont liés au fait qu'on rend obligatoire une espèce de stigmate à l'endroit de l'élève, qu'on rend obligatoire, dans certains cas, pour obtenir des ressources, l'octroi d'un diagnostic qui est dur à obtenir et qui coûte cher, il y a une inégalité économique, qui nous mène à sous-estimer le poids des facteurs socioéconomiques dans l'échec scolaire et qui, par ailleurs, implique une inflation de l'évaluation du diagnostic, de l'évaluation individuelle et de l'accommodement individuel qui est totalement néfaste pour l'organisation des services.

Bref, une politique non catégorielle, si elle était mise en oeuvre... et que le ministère a le mérite de le mettre en avant dans certains documents, mais qu'il ne le met pas en oeuvre dans les faits parce qu'il est confronté à quoi? À la dispersion des efforts en matière de soutien aux EHDAA en l'absence de leadership et de politiques claires. Ce que je suggère, c'est de mettre à jour la politique de l'adaptation scolaire, qui date quand même de 1989, c'est-à-dire d'une époque où la situation était très différente, et de la mettre à jour... Puis je sens qu'il y a une bonne volonté de la part du ministère à aller dans ce sens-là. Ce qui manque, c'est qu'on ramasse les efforts puis qu'on mette le temps. Et de mettre à jour cette politique dans le sens d'une politique non catégorielle, pourquoi? Parce qu'en ce moment les écoles, il y en a qui vont dire qu'elles sont bien contentes d'avoir les ressources, mais la réalité, c'est qu'en l'absence de politique claire leur meilleure façon de gérer le trafic, parce qu'ils sont dépassés par les demandes, c'est quoi? C'est de recourir au diagnostic parce que ça, au moins, ouf, ça leur donne un critère pour gérer le trafic. Sauf que c'est néfaste à tant d'égards qu'une politique devrait leur permettre d'adopter d'autres balises et d'autres pratiques.

M. Proulx : En terminant, je comprends ce que vous dites et je suis content de vous l'entendre dire parce que c'est comme ça que ça se passe vraiment. Effectivement, vous sentez qu'il y a une réflexion, mais, dans les faits, ce que vous venez de décrire n'est pas l'application actuelle.

M. Prud'homme (Julien) : Si on voulait soutenir vraiment les pouvoirs autonomes des écoles, on devrait leur donner une politique-cadre qui leur donne la légitimité et les moyens d'agir sur une base non catégorielle, ce qu'ils n'ont pas en ce moment, ce qui les rend prisonnières. À cet égard-là, une politique plus directe et plus affirmée de la part du ministère renforcerait la capacité des écoles à agir dans des cadres qui sont viables.

M. Proulx : Et ce qui oblige, dans ce cas-là, de recourir à un diagnostic pour pouvoir obtenir un financement parce que le financement est attaché à la capacité d'avoir le diagnostic.

M. Prud'homme (Julien) : Ou même à l'organisation des services. Même quand il n'y a pas d'argent attaché au diagnostic, l'organisation des services est telle qu'il faut recourir pratiquement au diagnostic pour que ça s'organise. Et ça va au-delà de juste du financement.

M. Proulx : Merci de votre présentation. Merci pour votre mémoire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. On va passer du côté de l'opposition officielle. Et je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour environ neuf minutes.

Mme Léger : Oui. Bonjour, M. Prud'homme. Bienvenue au parlement. Vous n'y allez pas de main morte. Le projet de loi n° 86, inutile et nuisible, qui va empirer les choses. Parfois, vous parlez des fonds publics. Il y a un manque de cohérence et de l'improvisation. Je vais vouloir en entendre davantage parce que c'est sûr qu'on n'a quand même pas beaucoup de temps à tout entendre votre réflexion, qui ne date pas d'hier, là, j'en conviens.

L'un des éléments peut-être importants, vous parlez des ressources limitées parce que, quand vous parlez de votre institut national en éducation, l'un des éléments que vous dites, compte tenu des grands défis à relever et des ressources limitées à un moment plus propice pour le Québec de se doter d'un tel organisme... Je veux revenir sur l'institut, mais avant, au-delà du projet de loi n° 86, il y a quand même un besoin criant qu'on entend partout, puis vous l'avez dit tout à l'heure, l'investissement en éducation.

Je ne suis pas certaine qu'on arriverait nécessairement à autant de discussions sur la gouvernance, autant de discussions sur différents éléments, différents types de politiques en éducation, s'il n'y avait pas un réel réinvestissement en éducation, d'une part, s'il y avait plus d'enveloppes dédiées aussi parce que les enveloppes, effectivement, on dit qu'elles sont davantage dédiées, mais je pense que plusieurs groupes sont venus nous dire qu'on aimerait ça que les enveloppes soient plus ouvertes puis qu'on puisse être capables d'avoir une marge de manoeuvre dans ces enveloppes-là.

Réinvestir des enveloppes ouvertes en enlevant les coupures, évidemment, il y a déjà un portrait différent, à mon avis. Alors, ça n'enlève pas le fond de la question, mais il y a déjà un portrait différent parce que vous dites quelque part qu'avant de faire des politiques de toute forme et de résister aux modes, vous avez parlé aux modes, vous avez donné l'exemple un peu des maternelles quatre ans... Je suis davantage interpellée par celle-là parce que ça n'a pas été une mode pour la maternelle quatre ans. Peut-être que vous allez me le préciser, votre... Il y a eu un long processus, en tout cas, nous, dans notre formation politique à l'époque. Ça vient vraiment des gens qui nous en ont parlé, du milieu de l'éducation. C'est venu dans un processus d'une formation politique, de notre formation politique. On a eu beaucoup, beaucoup de discussions pendant plusieurs années pour arriver... que, lorsqu'on était au gouvernement, on a dit : On va travailler avec la maternelle quatre ans, avec les discussions avec le ministère de la Famille et le ministère de l'Éducation ensembles. Puis on a vu les tenants et aboutissants de vouloir instaurer...

Alors, ça n'a pas été une question de mode. Je donne cet exemple-là, là, d'une part, mais tout ça pour parler du consensus scientifique que vous apportez. Vous dites qu'il faudrait avoir le consensus scientifique avant d'apporter ce type de politique là. Pouvez-vous élaborer davantage?

M. Prud'homme (Julien) : Oui, d'une part, je vais faire une mise au point en ce qui concerne les maternelles quatre ans. Les maternelles quatre ans ne sont pas une mode et ne sont pas une mauvaise politique, bien au contraire. Je l'ai évoqué pour parler d'une politique dont la mise en oeuvre aurait avantage... Parce que c'est beau dire la maternelle quatre ans, mais il y a plusieurs types de maternelles quatre ans, plusieurs façons de mettre ça en oeuvre, puis, pour faire une histoire courte, si on choisit de faire une politique de maternelle quatre ans, mais il faut la faire de la manière qui est conforme aux données qui existent, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Je le dis brièvement. Pour répondre à votre question de fond, qui porte sur... excusez-moi...

Mme Léger : ...consensus scientifique. Vous parlez...

M. Prud'homme (Julien) : Oui! Excusez-moi. Bon, voilà. Il ne s'agit pas d'attendre les consensus scientifiques avant de faire une politique, et, souvent, on pourrait attendre longtemps. Il s'agit par contre d'offrir aux décideurs politiques une idée claire de l'état des connaissances en la matière. C'est aux politiques de décider, ce n'est pas aux scientifiques. Un institut national d'excellence, ce n'est pas une utopie scientiste qui veut donner le pouvoir à des chercheurs. L'idée, par contre, c'est de donner aux décideurs une image claire et véridique de l'état des connaissances sur un sujet donné qui fait l'objet d'une politique.

Un cas remarquable, c'est le cas, par exemple, du renouveau pédagogique et des idées pédagogiques qui le sous-tendaient. Au moment où on a mis en oeuvre le renouveau pédagogique, on avait une pile haute comme ça de textes, de méta-analyses qui montraient qu'il y avait zéro consensus scientifique à l'égard des fondements de cette réforme, même si les promoteurs de la réforme affirmaient le contraire. On aurait eu bien besoin, à ce moment-là, qu'un organisme indépendant, reconnu pour son indépendance et pourvu d'un mandat qui porte sur les revues de littérature informe les dirigeants de l'époque de la situation réelle, de l'état réel des connaissances. Après ça les politiques, qu'ils décident, c'est leur job, O.K., mais ils doivent pouvoir décider en étant exposés à un état, à l'état réel des connaissances sur un sujet donné.

Et, lorsqu'on lance des politiques qui vont coûter des centaines de millions de dollars et qui... ce n'est pas juste que c'est un gros chiffre, des centaines de millions de dollars, c'est que c'est un coût d'opportunité, c'est de l'argent, mais c'est des efforts, c'est du monde, c'est de la conviction. Il faut que cet effort, et cette conviction-là, et ce temps-là soient mis dans des projets qui fonctionnent. Et, pour ça, je pense que les décideurs politiques, pour protéger l'intérêt public et, à quelque part, se protéger eux-mêmes, pour ne pas avoir à ramasser leur propre dégât dans deux ans, doivent pouvoir être exposés à un état réel des connaissances sur un sujet donné. Puis, en ce moment, il n'existe pas, en éducation, d'organisme dont c'est le mandat et qui est structurellement dans une position qui l'autorise à faire ça.

• (17 heures) •

Mme Léger : Je comprends très bien.

M. Prud'homme (Julien) : On comprend très bien...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Trois minutes.

M. Prud'homme (Julien) : ...quand on parle de médicaments, de procédures médicales dans le domaine de la santé. On devrait comprendre ce principe-là en éducation aussi.

Mme Léger : J'apprécie, là, toutes les clarifications que vous nous apportez.

Je veux revenir sur les pouvoirs entre les acteurs de l'éducation parce que le projet de loi n° 86 pense répondre à ça, puis, je pense, les organisations qui sont venues, les organismes qui sont venus, les associations, sont venus vraiment clarifier plus de pouvoirs à un, moins... Comment vous le voyez? Est-ce que vous trouvez qu'actuellement le pouvoir entre les acteurs est assez équilibré?

M. Prud'homme (Julien) : Bien, je pense, moi, ma position est assez analogue à celle du rapport Champoux-Lesage sur ce point précis, à savoir qu'on pourra toujours l'améliorer. Puis je pense qu'il est bien, de la part du gouvernement, de vouloir améliorer les rapports entre les différents acteurs. Mais, d'une part, l'urgence n'est pas là. La dernière chose, dont on a besoin, c'est d'une grosse réforme de structure qui, l'intervenante qui m'a précédé l'a dit, va prendre plusieurs années et mobiliser beaucoup d'énergie, alors même que les besoins qui sont exprimés par les gens du milieu, les parents, les enseignants ne vont pas dans cette direction-là. Il n'y a personne qui fait des manifestations pour avoir une réforme de structure en éducation, O.K.? Alors, on peut faire des petits correctifs, mais une grosse réforme là-dessus, qui va canaliser les énergies, ce n'est pas pertinent et ce sera néfaste.

D'autre part, si on veut améliorer les rapports entre les différents acteurs, il faut que ces rapports-là soient clairs. Or, la clarté ne me semble pas le fort de ce projet de loi qui, comme je l'ai dit, confère au ministre beaucoup plus de pouvoirs, à la rigueur, si c'est ça qu'ils veulent, qu'ils le fassent, mais confère des pouvoirs qui sont surtout discrétionnaires, qui seront difficiles à repérer et à observer. Si on veut que les rapports entre les différents acteurs soient plus sains, il faut qu'ils soient plus transparents, il faut qu'ils soient plus clairs. Or, ce projet de loi propose des rapports entre le ministre et son réseau qui seront plus opaques, et plus discrétionnaires, et plus ponctuels.

Mme Léger : Vous parlez même de microgestion.

M. Prud'homme (Julien) : À sa face même, je veux dire, à sa face même, le projet de loi, à la fois, incite le ministre à intervenir de façon discrétionnaire dans la microgestion des commissions scolaires et des écoles, en même temps, qui, en fragmentant le réseau, réduit son imputabilité, sa responsabilité à l'égard du réseau pris comme un tout. Il ne me semble pas que ce soit une direction à privilégier.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Quelques secondes, Mme la députée.

Mme Léger : Vous seriez ministre de l'Éducation, vous tasseriez le projet de loi n° 86 immédiatement, ça, je le comprends. Vous feriez quoi, immédiatement, pour rehausser l'éducation au Québec?

M. Prud'homme (Julien) : J'ai formulé des recommandations, là, elles sont dans mon mémoire, je ne crois pas avoir le temps de les répéter, mais ça irait dans le sens d'un réseau qui est plus cohésif et où les pouvoirs du ministre s'appliqueraient de façon plus transparente, moins discrétionnaire, et augmenteraient sa responsabilité à l'endroit du réseau comme un tout plutôt que de l'inciter à agir de façon ponctuelle et discrétionnaire en microgestion des établissements.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. On va passer du côté du deuxième groupe d'opposition. Je cède la parole à M. le député de Chambly pour six minutes.

M. Roberge : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Il me semble que vous résumez un peu ce que vous feriez à la page 6.4, en bas, le dernier paragraphe, vous dites : Le ministre pourrait, dans le fond, travailler à l'élaboration de mesures qui, tout en confirmant... Donc, la capacité du ministre, dans le fond, ce qu'il doit faire, c'est fixer des cibles nationales mais laisser aux commissions scolaires, aux écoles, une véritable autonomie quant au choix de moyens. Tout est là.

M. Prud'homme (Julien) : Il y a beaucoup de choses là-dedans, puis on voit que c'est une demande qui rejoint à la fois des gens comme moi, qui sont plutôt réticents face au projet de loi, et des gens comme l'intervenante qui m'a précédé, qui sont plutôt en accord avec le projet de loi ou plutôt qui sont plutôt en accord avec le discours accompagnant le projet de loi mais qui s'opposent aux mesures concrètes qu'il contient. Alors, oui, je crois que c'est une disposition très importante.

M. Roberge : J'aime bien que vous dites «en accord avec le discours qui accompagne le projet de loi mais pas nécessairement en accord avec les articles» parce qu'il y a vraiment une différence entre ce qu'on dit qu'il y a dedans et ce qu'il y a dedans. C'est le souvenir d'enfance d'un cadeau de Noël qu'on espérait tant, qu'on l'ouvre puis on fait : Ah...

Bon, page 13, je vais vous poser quelques questions sur l' institut national en éducation. Je le vois comme quelque chose peut-être de complémentaire au Conseil supérieur de l'éducation. Est-ce que cet institut national aurait aussi une fonction importante par rapport à la formation continue des enseignants? Est-ce qu'il donnerait lui-même la formation continue ou donnerait des orientations? C'est quoi, son rôle par rapport à la formation continue des enseignants?

M. Prud'homme (Julien) : Là, on rentre dans des modalités dont il serait bien de discuter une fois que le principe va être accepté, mais je ne vois pas qu'un tel institut... être un maître d'oeuvre en formation continue, par exemple, parce que je vois, au contraire, un tel institut national d'excellence comme le fait l'INESSS, par exemple, ou l'INSPQ, qui, oui, vont assumer certaines fonctions de formation mais dont ce ne sera pas le corps de métier. Je vois plutôt un institut national d'excellence en éducation agir en complémentarité avec des formes qui existent déjà, le CTREQ, par exemple, ou d'autres, qui ne sont pas pourvues du mandat qui serait celui d'un institut mais qui assument déjà des fonctions de transfert.

Il ne faut pas confondre de simples fonctions de transfert avec des fonctions associées à l'évaluation et à une prise en compte de l'état des connaissances. Ici, il s'agit vraiment de deux fonctions différentes.

M. Roberge : Parlant de l'institut national en éducation, vous faites un peu le parallèle, la comparaison avec le milieu de la santé, qui peut, à plusieurs égards, être comparé au réseau de l'éducation. En santé, il y a les médecins ou les infirmières qui ont tantôt leur syndicat ou leur regroupement, ils ont aussi leur employeur, leur direction, et ils ont un ordre professionnel, et ils ont leur institut national. Vous parlez de l'institut national. On sait qu'en enseignement il y a le syndicat, il y a la commission scolaire, tout ça, mais il n'y a pas d'ordre professionnel. Est-ce que c'est, pour vous, un joueur important? Est-ce que c'est intéressant à considérer, à écarter? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Prud'homme (Julien) : Je vais être parfaitement honnête, autant la création d'un institut me paraît une nécessité fondamentale, autant le débat entourant un ordre professionnel me paraît un peu secondaire dans la mesure où, bien, il y a des modus operandi qui ont été déterminés pour le milieu scolaire il y a plusieurs décennies. Le régime des ordres professionnels qui prévaut davantage en santé a des avantages indéniables. Je connais bien le système des ordres professionnels. Je lui trouve beaucoup d'avantages. On a, au Québec, un système professionnel de bonne tenue. Cela dit, il y a aussi des inconvénients. L'un d'eux est de favoriser, dans le milieu de la santé, une médicalisation qui est parfois excessive et dont on n'a pas besoin en milieu scolaire.

Alors, bon, je vous dirais que ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus, là. Même si je peux convenir qu'il y a des visées associées à ce projet qui sont tout à fait louables, je ne crois pas que ça devrait être une priorité dans les prochaines années.

M. Roberge : D'accord. Et dernière... très rapidement, sur les EHDAA, vous avez une vision non catégorielle, et j'ai l'impression que, si on élimine les catégories, les diagnostics, il faut avoir une très, très grande confiance dans les directions d'école et les profs parce que, surtout dans un contexte de pénurie de ressources, si les profs identifient les élèves : O.K., on a besoin de cinq orthophonistes, on en a juste un, comment on fait s'il n'y a personne qui a des diagnostics?

M. Prud'homme (Julien) : Oui, sauf qu'en ce moment, comme je le disais tantôt, les diagnostics servent d'outils un peu arbitraires pour gérer le trafic faute de mieux, vous l'exposez fort bien, mais ça reste un artifice, en ce moment, le recours systématique au diagnostic. Il ne s'agit pas d'éliminer le recours au diagnostic en tant qu'outil qui peut aider, au diagnostic, aux évaluations, parce qu'il y a une différence, pour servir d'outil pour aider l'élève, mieux cerner ses besoins, par exemple. Et il y a des travaux très étoffés sur les approches non catégorielles qui sont appliquées ailleurs, je ne vais pas les développer ici. Mais il s'agit de faire en sorte que le soutien à l'élève ne soit pas dépendant de façon bête et méchante de l'obtention d'un diagnostic sous prétexte que c'est la seule façon qu'on a trouvée pour gérer le trafic. Ce n'est pas une bonne façon.

• (17 h 10) •

M. Roberge : Merci beaucoup

M. Prud'homme (Julien) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député et M. Prud'homme. Alors, je cède la parole au parti indépendant, à la députée de Gouin, pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, Mme la Présidente. J'ai très peu de temps, mais je vais quand même prendre 20 secondes pour vous féliciter pour votre mémoire parce que, je pense, vous aurez remarqué qu'il nous invite à la réflexion et vraiment une réflexion de très, très bonne tenue.

Dans la suite de ce que mon collègue vient de dire puis parce que j'avoue que je ne suis pas une experte de la chose, j'essaie un petit peu de comprendre, en particulier pour ce qui est des élèves, là, qui ont des difficultés particulières, comment agir, vous invitez le ministre, le ministère, là, dans ce cas-ci, à vraiment s'assumer, coordonner, diriger et vous dites : Attention, les diagnostics, c'est un outil, mais, pour le moment, ça sert d'outil unique et ça ne peut pas être ça. Mais j'aimerais ça que vous alliez un peu plus loin.

Alors, comment on fait? Comment on fait? On est ministre, on a des ressources... mettons qu'on en a plus, déjà, ça aiderait, mais elles ne seront jamais illimitées. Donc, comment on fait pour s'assurer que tous les enfants du Québec, quels que soient leurs problèmes, leurs difficultés, les défis qu'ils rencontrent, bien, aient accès à une éducation de qualité?

M. Prud'homme (Julien) : Comme vous l'avez dit, on a peu de temps. Une première marche... Comme je dis, la politique non catégorielle existe déjà, O.K.? Ce n'est pas quelque chose qu'on sort de notre chapeau, c'est quelque chose qui est assez bien défendu par le ministère sur papier. Une première étape, ça serait de vouloir la mettre en oeuvre.

Comment faire ça? Ça serait d'ailleurs un bon mode d'application pour les visées du présent projet de loi dans la mesure où il s'agit d'un cas remarquable où le ministère a déjà une responsabilité à l'endroit de son réseau et où les directions d'école jouent déjà un rôle clé, un rôle pivot dans l'identification des élèves. Il ne resterait qu'à rendre le financement le moins dépendant possible de l'identification des élèves mais plutôt de le mettre à la disposition des écoles et des commissions scolaires — là, il y a des équilibres à établir — disponible de façon statutaire, c'est-à-dire pas sous la forme d'enveloppes ponctuelles qui sont juste bonnes pour les 10 prochaines semaines — ça se voit, ça se voit en ce moment, O.K. — qui ne sont pas juste bonnes pour la prochaine année, mais qui sont bonnes pour les cinq prochaines années puis qui vont permettre aux écoles d'adopter de véritables politiques, d'une part, de prévention, qui vont réduire énormément les besoins individuels, et des approches, par exemple, comme la réponse à l'intervention, qui ont précisément pour but de favoriser la réussite des élèves en difficulté sans avoir à passer par une inflation démesurée et en partie artificielle d'interventions strictement individuelles. À la fin, il restera toujours les besoins d'intervention plus individuelle, mais au moins on saura que ces interventions plus individuelles là, bien, elles seront réservées aux élèves qui n'auront pas bien répondu aux autres mesures moins coûteuses et moins stigmatisantes.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup.

M. Prud'homme (Julien) : C'est des généralités, évidemment, mais c'est le mieux qu'on peut faire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, M. Prud'homme, pour votre contribution. Je vais suspendre quelques instants pour laisser la place à la commission scolaire Marie-Victorin.

(Suspension de la séance à 17 h 14)

(Reprise à 17 h 16)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, j'inviterais à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît!

Des voix : ...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Je demanderais à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît! On va débuter. Merci. Alors, merci beaucoup.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la commission scolaire Marie-Victorin. Merci d'être parmi nous. Alors, comme vous le savez déjà, vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, on passera à une période d'échange entre les élus. Je demanderais de vous identifier, ainsi que les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez commencer tout de suite votre présentation. Alors, Mme Lavallée, je vous cède la parole.

Commission scolaire Marie-Victorin

Mme Lavallée (Carole) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, un grand remerciement à tous et à toutes de nous recevoir ici, la commission scolaire Marie-Victorin. Je présente rapidement ceux qui sont avec moi. D'abord, le vice-président, M. Michel Gervais.

M. Gervais (Michel) : Bonjour.

Mme Lavallée (Carole) : M. Alain Riendeau, commissaire. À ma droite, Mme Paule Froment, commissaire, M. David Miljour, commissaire, et, derrière moi, Serge Mainville, commissaire qui est venu nous supporter.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Bienvenue.

Mme Lavallée (Carole) : Alors, d'abord et avant tout, je dois vous dire que la commission scolaire Marie-Victorin dessert le territoire qui inclut les villes de Brossard, de Saint-Lambert et de Longueuil, en incluant les arrondissements de Greenfield Park, de Saint-Hubert, et de ville LeMoyne, et du Vieux-Longueuil.

Notre commission scolarise annuellement plus de 34 000 élèves, ce qui la positionne parmi les plus grandes commissions scolaires au Québec, autour de la septième. Elle est une commission scolaire en croissance, ce qui veut dire que, l'année passée, nous avons accueilli 631 nouveaux élèves. 600 élèves, par exemple, là, pour vous donner un ordre de grandeur, c'est une grosse école primaire, et donc nous construisons actuellement des écoles primaires sur l'un des territoires les plus petits que nous disputons à la... en tout cas, est-ce qu'on a le territoire le plus petit? Peut-être que c'est celui de la commission scolaire de Pointe-de-l'Île qui est le plus petit, mais on est pas mal de la même dimension.

Alors, la clientèle issue de l'immigration représente 49,1 % de la population scolaire, c'est-à-dire un sur deux élèves, et provient de 80 pays différents. Plus de 29 % des élèves n'ont pas le français comme langue maternelle. Par ailleurs, avec plus de 4 000 employés réguliers, la commission scolaire se classe parmi les plus importants employeurs de la Rive-Sud. Encore là, nous, on dispute toujours le titre de premier, et ce titre-là, on le dispute à Pratt & Whitney, alors ce qui n'est pas rien. Et la commission scolaire, dois-je le préciser, est désaffiliée de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Alors, d'emblée, le conseil des commissaires tient à faire valoir son insatisfaction concernant le projet de loi n° 86 et que nous ne souhaitons pas voir adopter. Et l'objet de la présentation, c'est de vous en expliquer les raisons.

Alors, je dois d'abord dire que les commissaires de la commission scolaire abordent ce nouveau projet de loi avec l'ouverture aux changements. Nous croyons que le changement est nécessaire et nous ne sommes pas réfractaires au changement, mais encore faut-il que ce soit pour le mieux. Alors, d'abord et avant tout, parce que les structures du réseau de l'éducation dans son sens large ont besoin d'être rafraîchies pour s'adapter à l'école de l'avenir.

Pour les élus, dont nous sommes, il n'est pas question d'analyser ce projet de loi à travers le prisme d'une fonction dont on propose l'abolition mais de garder une distance objective face au projet de loi, de le questionner sur les besoins et les attentes de la population de notre territoire, de veiller à la pertinence et à la qualité des services éducatifs offerts par la commission scolaire et de s'assurer de la gestion efficace et efficiente des ressources humaines, matérielles et financières mais surtout de regarder ce projet de loi dans la ligne du temps et de considérer non pas ce dont nous avons besoin maintenant mais ce dont les générations futures auront besoin. Et je cède la parole au vice-président.

• (17 h 20) •

M. Gervais (Michel) : Les membres du conseil des commissaires ont fait un exercice à deux niveaux. Nous nous sommes prononcés sur le projet de loi, pour lequel nous avons une grande réserve, je le répète, puis nous avons tenu à donner notre point de vue sur certains changements proposés dans l'hypothèse où le projet de loi se réaliserait en mettant chaque fois de l'avant les principes suivants.

D'abord, la réussite de tous les élèves. Par exemple, nous proposons un comité sur la persévérance scolaire qui aurait comme mandat de jouer un rôle actif pour améliorer la persévérance et la réussite scolaire.

La place importante des parents. Nous voulons que les parents gardent leurs liens avec le conseil d'établissement et le comité de parents parce qu'ils doivent leur être redevables et imputables.

La valorisation de la profession enseignante. Nous souhaitons que des mesures concrètes soient prises pour valoriser la profession enseignante, pas seulement pour faire un beau compliment, comme de dire d'eux qu'ils sont des experts essentiels en pédagogie. Et la nécessité du changement. Il faut voir venir, avoir une vision et adapter nos pratiques et notre structure. Et je cède la parole à Mme Paule Froment.

Mme Froment (Paule) : La légitimité des commissaires, c'est, entre autres, ainsi que l'on pourra constater, l'importance et la priorité de l'éducation dans notre société.

Le besoin de structures démocratiques fortes telles que les conseils d'établissement, le comité des parents et le comité des EHDAA : les parents mais aussi les établissements ont besoin de s'exprimer et de faire valoir leur point de vue. Ils ont besoin de prendre les décisions qui les concernent. La représentation régionale : un conseil des commissaires ou un conseil scolaire doit être constitué de gens de son territoire. Le problème ne se pose pas dans les régions éloignées, mais il se pose avec acuité dans des territoires urbains où le tissu social avec les régions limitrophes est serré. Et le fameux principe «no taxation without representation», ce n'est pas une loi, mais c'est un principe démocratique sur lequel le «Boston Tea Party» a posé les bases d'une démocratie occidentale. Mon collègue M. David Miljour

M. Miljour (David) : Oui. Les élus scolaires souhaitent qu'une réflexion collective et un débat public se tiennent sur l'école de l'avenir pour la définir. Il faut choisir notre terrain d'atterrissage et quérir l'adhésion par la participation au débat de la population et les intervenants impliqués dans notre réseau éducatif avant de décider du véhicule qui nous y amènera. Il faut dégager une vision qui s'appuie sur une connaissance fine des enjeux. En ce sens, la réforme de la gouvernance scolaire nous apparaît prématurée. Qui plus est, combien d'autres priorités s'imposent au ministère de l'Éducation? La réussite scolaire et le décrochage scolaire, on a de la misère à atteindre nos objectifs et à les conserver. L'alphabétisation de tous les Québécois, notons que 53 % des Québécois ont peine à lire. La performance des garçons par rapport aux filles, cela aura des incidences sur tous nos rapports hommes-femmes et sociaux quand les femmes seront toutes ingénieures et médecins et que les hommes gagneront moins d'argent parce qu'ils sont moins instruits. Le renouveau pédagogique, qui n'est pas un succès selon une recherche universitaire, et personne n'a suggéré des solutions jusqu'à maintenant, on poursuit, on corrige ou on abolit? Je n'en ai nommé que quatre, mais ce sont quatre priorités majeures pour notre société, qui ébranlent les colonnes du temple de l'éducation et mériteraient, pour chacune de ces urgences, une corvée nationale d'envergure.

Comment, dans ces circonstances, s'arrêter aux structures, immobiliser autant de cerveaux de qualité autour de cet enjeu à cette étape-ci? Il faut d'abord se questionner sur les vrais enjeux de l'éducation au Québec puis se doter d'une structure qui réponde à ces priorités. Faisons les choses dans l'ordre. Et, lorsqu'il sera temps et le temps sera venu de revoir la structure, il serait très intéressant de regarder du côté de la gestion participative. Je laisse la parole encore à notre vice-président.

M. Gervais (Michel) : Un petit mot sur les élections de 2014, un rendez-vous manqué. Je tiens à rappeler qu'à l'automne 2014 on n'a pas donné les moyens ni aux candidats de faire connaître leurs programmes ni aux électeurs de prendre connaissance des enjeux mis de l'avant par les candidats. Ça faisait sept ans, quatre ans pour le mandat puis trois ans de ballottement, qu'il n'y avait pas eu d'élections scolaires. Les jeunes rencontrés pendant la campagne électorale ne savaient même pas que ça existait, les élections scolaires. Le gouvernement n'a pas tenté de stimuler la participation démocratique mais plutôt tenté de l'éteindre à tout jamais. Mme Lavallée.

Mme Lavallée (Carole) : Alors, dans notre mémoire, le conseil des commissaires y va de plusieurs recommandations. Et nous insistons sur l'urgence de la réflexion et du débat public pour dégager une vision globale de l'école de l'avenir qui serait basée sur une connaissance fine des enjeux et parce que nous croyons que ce n'est que par un large consensus issu d'un véritable débat public que les Québécois pourront se réapproprier les enjeux de l'éducation et orienter par la suite les nouvelles structures du réseau scolaire qui pourra se retrouver et se dévouer entièrement à la réussite scolaire et, comme je l'ai dit tantôt, préparer la société de demain.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer à la période d'échange, et je cède la parole à M. le ministre pour environ 15 minutes.

M. Proulx : Merci, Mme la Présidente. Mme Lavallée, messieurs, merci d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre mémoire. J'ai bien entendu ce que vous avez dit dès le départ, hein? Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas à l'aise avec la proposition que vous ne souhaitez pas voir des changements être constructifs. Je l'ai bien entendu, et on apprécie quand les gens travaillent dans cette optique, bien évidemment.

J'ai envie de vous poser une question assez simple et assez large sur la réussite scolaire d'abord et avant tout. Est-ce que vous avez l'impression que, dans le modèle actuel, oublions le projet de loi n° 86, j'irais vous voir à votre bureau puis je vous poserais la question suivante : Est-ce qu'il y a actuellement des obstacles à la réussite? Est-ce qu'on pourrait faire mieux? Est-ce qu'on devrait faire une certaine décentralisation ou revoir l'équilibre des pouvoirs actuellement pour faire en sorte de favoriser davantage la réussite scolaire?

Mme Lavallée (Carole) : D'abord et avant tout pour vous dire que ce n'est pas un champ d'action sur lequel le conseil des commissaires s'est prononcé dans le mémoire, O.K.?

M. Proulx : Je comprends.

Mme Lavallée (Carole) : Et ce que je peux vous dire, ce n'est que des réflexions très personnelles. Alors, j'espère que mes collègues vont me permettre d'y aller.

M. Proulx : Avec plaisir.

Mme Lavallée (Carole) : Mais pour vous dire que, bien, d'abord, effectivement, dans le projet de loi n° 86, on ne retrouve pas grand-chose qui vise la réussite scolaire. Et on en est comme un peu déçus parce qu'effectivement c'est un des graves problèmes qu'on a dans toutes les commissions scolaires au Québec et au ministère de l'Éducation et qu'il faut absolument faire des changements dans nos pratiques pour pouvoir atteindre cette réussite scolaire là un peu plus... encore davantage. Je sais que le ministère s'est fixé une cible de 80 % de diplomation, puis nous, dans notre commission scolaire, on a certaines difficultés à atteindre ces objectifs-là. Cette année, par ailleurs, on a augmenté le taux de décrochage scolaire, à notre plus grand désarroi, mais on a aussi augmenté le taux de diplomation. Ce qui veut dire qu'il y a plus de jeunes qui décrochent mais que ceux qu'on garde, on les rend jusqu'à la diplomation.

Est-ce qu'il y a des choses à changer? Oui, évidemment, il y a des choses à changer, on peut toujours s'améliorer. Il y a beaucoup de belles et grandes choses qui se font actuellement dans notre commission scolaire pour la réussite scolaire. Dès qu'on est rentrés en fonction, il y a 17 mois, le conseil des commissaires a voulu créer un comité sur la persévérance scolaire. Et, comme il y en avait déjà un, on s'y est intégrés. Et puis, bon, récemment, on a repensé à notre comité de persévérance scolaire, on s'est donné un nouveau mandat puis on repart parce qu'on sent que c'est notre mission, c'est notre mission, de scolariser les jeunes. C'est ça qu'il faut faire. Et, si on n'avait qu'un... Et là c'est le principal objectif de notre plan stratégique. Alors, oui, il faut changer des choses.

Est-ce qu'on peut le faire par, comme vous le dites, le changement des structures de pouvoir? C'est une question qui est tellement vaste qu'on peut difficilement y répondre.

M. Proulx : Est-ce que vous êtes... et je vous pose la question pour le savoir, dites-moi ce que vous en pensez, mais est-ce que vous êtes une commission scolaire dite décentralisée par rapport aux autres ou plus centralisée que les autres?

Mme Lavallée (Carole) : On est une commission scolaire qui est désaffiliée de la Fédération des commissions scolaires.

M. Proulx : Mais vous connaissez quand même vos voisins.

Mme Lavallée (Carole) : Alors, c'est difficile, souvent, de se comparer les unes par rapport aux autres.

M. Proulx : Je comprends. Mais vous avez quand même une expérience, là, de la façon dont vous fonctionnez, vous, j'imagine, connaissez les modèles, vous êtes, je pense, en mesure de qualifier la structure que vous avez. Est-ce que, chez vous, la philosophie est d'utiliser au maximum les rapports avec les établissements ou vous avez une structure qui est, disons... puis, si on avait à les comparer, peu importent les affiliations, nous dirions : Bien oui, ils sont plus ou moins centralisés que les autres?

Mme Lavallée (Carole) : Écoutez, je ne peux pas dire si on est plus ou moins centralisés que les autres parce que je ne suis pas allée voir dans les autres commissions scolaires, mais ce que je peux vous dire, c'est que nous consultons, que la direction générale consulte régulièrement les directions d'établissement pour avoir leur avis, et leur soumettre des enjeux, et puis, oui, faire valoir un consensus chez les directions d'établissement. Il y a souvent de ce genre de rencontre là. Par exemple, pour le budget, eh bien, on leur a dit : On a été obligés... M. le ministre, est-ce que je peux vous dire qu'on a été obligés de couper l'année passée? On a été obligés de faire des compressions.

M. Proulx : ...le dire.

• (17 h 30) •

Mme Lavallée (Carole) : Comment on peut faire des compressions, sinon que de demander à ceux qui les vivent tous les jours s'ils n'auraient pas des suggestions pour peut-être faire le moins mal possible, là, dans le réseau? Alors, oui, effectivement, il y a eu un grand exercice de fait avec les directions d'établissement dans toutes les instances des commissions scolaires pour demander : Donnez-nous des pistes de solution.

M. Proulx : Vous avez parlé, bien sûr, des élections, et d'autres l'ont dit avant vous aujourd'hui, effectivement deux très grandes préoccupations dans le cadre du projet de loi. Il y a des gens qui s'intéressent et se préoccupent beaucoup de la démocratie scolaire parce qu'effectivement elle est modifiée par le projet de loi, il y a une proposition en ce sens. Il y a d'autres gens qui s'intéressent davantage à la gouvernance puis à ce qu'on pourrait appeler une décentralisation. Concernant la démocratie scolaire, deux choses. Est-ce que je comprends que vous souhaiteriez voir une simultanéité avec les élections municipales?

Mme Lavallée (Carole) : Ce qu'on souhaiterait par-dessus tout, O.K., c'est qu'on repense à la démocratie scolaire en fonction de l'objectif parce que nous avons réfléchi. Comme je vous dis, on n'est pas réfractaires aux changements. Alors, on a réfléchi. Qu'est-ce qui serait mieux que le suffrage universel? Il y a-tu une meilleure idée dans le monde? Est-ce qu'un collège électoral... par qui, comment? Est-ce que ça prendrait des enseignants qui siègent au conseil scolaire ou... appelez le conseil des commissaires ou peu importe. On s'est beaucoup posé la question, mais finalement on en arrive à dire que... en tout cas, à penser qu'il n'y a rien de mieux que le suffrage universel, d'autant plus qu'on donne au conseil scolaire la responsabilité de la taxation. Et, on l'a dit tantôt dans la présentation, «no taxation without representation». On est immensément étonnés que ce principe-là ait été transgressé dans le projet de loi qui nous a été présenté. Personnellement, je ne pensais pas que ça se pouvait qu'un gouvernement propose de ne pas respecter ce principe-là.

Et, qui plus est, les taxations, il y a plusieurs problèmes. Mme Champoux-Lesage, dans le rapport dont la personne qui nous précédait ici a parlé abondamment, elle l'a dit elle-même qu'il y a beaucoup d'iniquité dans la taxation. Il y a des régions qui ne sont presque pas taxées, alors qu'elles sont très riches, et celles qui sont beaucoup taxées, elles sont pas mal moins riches, elles sont pas mal moins nanties. Et ça aussi, c'est un autre étonnement qu'il y avait dans le projet de loi n° 86, de voir qu'il n'y avait aucune solution à un grave problème comme celui-là.

M. Proulx : Si vous me permettez, oui, concernant l'idée de tenir les deux élections en même temps, est-ce que vous trouvez que... Je vous ai entendu tout à l'heure expliquer le contexte dans lequel se sont tenues les dernières élections. On pourrait remonter en arrière puis se dire qu'on a eu peut-être autant de difficulté à trouver de l'espace pour que les gens écoutent ce qu'on a à dire lorsqu'on fait une campagne électorale comme commissaire. Comment vous qualifiez ou qu'est-ce qu'on peut espérer de la possibilité de joindre les deux élections pour l'espace, pour un commissaire scolaire, de vendre un programme pour l'éducation si ce n'est que d'obtenir peut-être une participation supplémentaire? Parce qu'inévitablement, s'il y a une meilleure participation à l'élection municipale et si on avait deux bulletins... là, je ne connais pas les processus, on a parlé que le Directeur général des élections a émis des hypothèses, mais je me pose la question puis je pense que ça va intéresser tous les gens et les parlementaires : Tenir les deux élections en même temps, est-ce que ça fait juste augmenter la participation ou ça donne l'occasion à des commissaires scolaires de vendre ou d'expliquer et de proposer un programme que les gens auront de l'espace pour entendre à l'intérieur d'une grande campagne municipale? Vous êtes dans un secteur où il y a de grandes agglomérations.

Mme Lavallée (Carole) : Vous avez raison.

M. Proulx : Il y a du bruit en campagne électorale chez vous.

Mme Lavallée (Carole) : Effectivement.

M. Proulx : Comment est-ce qu'on fait pour se faire entendre?

Mme Lavallée (Carole) : Oui, puis, à un moment donné, le nombre de poteaux est limité. Mais d'abord, vous avez raison, je pense que, dans toutes les autres provinces canadiennes, ce qu'on constate, c'est que, quand les élections scolaires et les élections municipales se tiennent ensemble, il y a un taux de participation aux élections scolaire autour de... je pense que la moyenne est de 40 %. Alors, oui, effectivement, ça atteint un des objectifs. Mais est-ce que ça atteint l'objectif d'intéresser les gens? Je pense que le gouvernement, je ne dis pas juste le ministère de l'Éducation, a une responsabilité dans l'intérêt qu'il donne aux élections scolaires. Il faut considérer que plus les gens vont être informés...

Premièrement, il y a l'attitude gouvernementale qui est de... en tout cas, celle qu'on a vue aux dernières élections, c'était vraiment un éteignoir total. Il disait : Écoutez, là, n'allez pas voter, puis je vais vous arranger ça par la suite. C'est ça qu'on... Les mots étaient presque exactement comme ça. Mais, s'il y avait un enthousiasme de la part du ministère, de la part des différents intervenants, dire : Écoutez, les élections scolaires, c'est important, c'est ça qui permet à toute la société québécoise de penser et de réfléchir à la génération qui s'en vient... Et c'est elle que nous formons actuellement dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires. Nous sommes en train de former la génération qui va venir s'asseoir autour de la table ici, dans une dizaine d'années, ou deux, ou trois, et c'est important.

Et quel genre de personnes nous voulons là-dedans? Je pense que tous les Québécois doivent se sentir interpellés puis dire : Moi, les enjeux scolaires, je trouve ça important, j'ai mon mot à dire. Et, quand on explique bien les enjeux scolaires puis quand on l'explique avec enthousiasme, eh bien, à ce moment-là, je pense que la population pourrait s'approprier ces enjeux-là, et aller voter, et aller voter avec, je dirais, le plaisir de donner son avis sur des enjeux qui sont soumis lors d'une campagne électorale. Mais, comme je vous dis, il faut absolument que le ministère de l'Éducation et que tout le gouvernement y mette du sien.

M. Proulx : Courte question, et vous pourriez même répondre par oui ou par non parce que je sais que j'ai deux collègues qui auraient aimé vous poser une question, dans les recommandations, à la page 9, vous faites des recommandations justement sur jumeler les élections scolaires. Vous dites : «S'il devait y avoir des personnes représentant les différents secteurs tels qu'énumérés dans le projet de loi — bon, les quatre personnes de la communauté — [il faudrait] que chacun des secteurs y soit représenté.» Est-ce que je vois là une ouverture? Est-ce que, dans l'éventualité, il y a un conseil scolaire, il y a, oui, une démocratie représentative comme vous faites, mais il y a la possibilité d'avoir des gens qui émanent de d'autres milieux et qui ne sont pas élus de la manière du scrutin universel?

Mme Lavallée (Carole) : Non, ce n'est pas perçu comme une ouverture au projet de loi n° 86, mais c'est... Mais, comme on le dit...

M. Proulx : ...écrit comme ça.

Mme Lavallée (Carole) : Mais, comme on le dit dans la présentation puis dans le résumé du début, ce qu'on dit, c'est... on s'est prononcés comme à deux niveaux. D'abord, on a dit pourquoi on ne voulait pas du projet de loi n° 86, et ensuite on a dit : Mais, si jamais vous deviez l'adopter, faites attention à telle, telle, telle chose. Et ça faisait partie de cette... Faites attention, s'il vous plaît.

M. Proulx : J'ai compris que ce n'était pas une grosse ouverture.

Mme Lavallée (Carole) : Merci beaucoup.

M. Proulx : Mais je vous remercie parce que j'ai quand même... j'ai entendu ce que je voulais entendre. Mon collègue de D'Arcy-McGee a des questions pour vous. Merci pour votre échange.

La Présidente (Mme Rotiroti) : O.K. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, il vous reste trois minutes.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Mme Lavallée, M. Gervais, Mme Froment, M. Miljour, M. Riendeau, merci pour votre exposé. D'ailleurs, on a eu l'opportunité, Mme Lavallée, de collaborer lorsque vous étiez directrice du cabinet de l'ancienne ministre de l'Éducation, Mme Malavoy. Alors, vous connaissez le système, et tout ça.

Bon, on parle d'un rendez-vous avec l'électorat qui n'était pas tout à fait réussi la dernière fois ni à quelques reprises. On est pris avec un problème d'un taux de participation assez modeste, il faut le dire. Vous avez parlé un petit peu de peut-être des responsabilités du gouvernement, du ministre, du ministère pour inciter un plus grand intérêt. C'est quoi, la part, la contribution des commissions scolaires pour s'adresser à ce problème-là?

Mme Lavallée (Carole) : D'accord. Alors, d'abord, pour vous dire que, concernant le taux de participation, quand on constate le taux de participation qu'il y a dans notre commission scolaire puis qu'on constate le taux de participation qu'il y a eu récemment dans deux élections partielles municipales, on se ressemble pas mal, on doit pas mal se ressembler. Et je suis certaine que les municipalités, comme le gouvernement avec son Directeur général des élections, devraient faire en sorte de renouveler la formule des élections municipales partielles, des élections partielles municipales parce qu'il y a un problème là. Idéalement, les citoyens doivent participer à leur exercice démocratique. Alors là, j'ai perdu votre deuxième partie de question, M. Birnbaum.

M. Birnbaum : Mais votre rôle, là, le rôle des commissions scolaires pour inciter un plus grand intérêt.

Mme Lavallée (Carole) : Ah! le rôle des commissions scolaires dans ces élections-là, O.K. Oui, effectivement, il y a un grand rôle à jouer dans les élections scolaires, mais on s'aperçoit qu'après sept ans, et c'est la raison pour laquelle mon collègue l'a souligné, il y a... je vais prendre un terme que vous connaissez, un terme en anglais, le «know-how», le savoir-faire, s'était beaucoup perdu dans les commissions scolaires, et on laissait aux commissions scolaires le soin d'organiser ces campagnes électorales avec évidemment le soutien du Directeur général des élections. Mais il reste que les commissions scolaires avaient perdu beaucoup de savoir-faire, là, avec les années parce que les employés, après sept ans, ils ne sont pas tous là, et puis... Mais il y a une grande responsabilité, mais, d'abord, ça commence par l'enthousiasme, d'abord, du gouvernement, du ministère, des commissions scolaires, des candidats pour l'insuffler à la population.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Lavallée. On va passer du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles pour neuf minutes.

Mme Léger : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Lavallée. Bonjour, mesdames messieurs. Alors, bienvenue au parlement. Vous me permettrez de saluer mon collègue de Marie-Victorin qui s'est joint à nous vu que vous êtes de sa circonscription, évidemment.

Mme Lavallée (Carole) : Ça, c'est la commission scolaire Marie-Victorin, le comté de Marie-Victorin. Alors, vous comprenez qu'on est voisins.

• (17 h 40) •

Mme Léger : Alors, vous dites, entre autres, qu'avec le projet de loi n° 86 on ne sent pas que l'éducation devient une priorité nationale. Vous avez mis certains enjeux : la lecture, le décrochage, la rétention des enseignants, et plein d'autres, évidemment. Mais l'un est important, celui de... Je veux revenir sur les enfants issus de l'immigration parce qu'il faut quand même se dire que, depuis deux ans que le gouvernement est en place, ce qu'on a dans les mains depuis deux ans, bien, c'est le projet de loi n° 86 qui est sur la table. Alors, je comprends très bien que vous dites : Où est... Si on veut parler de réussite scolaire puis qu'on veut que la priorité soit vraiment à l'éducation dans son sens le plus large, que le projet de loi n° 86... je pense qu'on est d'accord avec ça.

Mais, par rapport aux enfants, toute la problématique de francisation, est-ce que vous considérez que les enfants ont... que la commission scolaire telle quelle ou les écoles ont le soutien nécessaire, ont l'accompagnement nécessaire, ont les ressources nécessaires pour aider à l'intégration des enfants issus de l'immigration? Parce que c'est quand même 49,1 %, vous avez dit, des enfants issus de l'immigration dans la commission scolaire Marie-Victorin.

Mme Lavallée (Carole) : Je dois dire, Mme la députée de Pointe-de-l'Île, que les dernières coupures des dernières années ont fait très mal à notre commission scolaire. Et c'est grâce au dévouement des employés de la commission scolaire, les enseignants, le personnel de soutien, le personnel non enseignant, les professionnels non enseignants... qui nous ont permis de rencontrer les objectifs, effectivement, puis de pouvoir accueillir les jeunes issus de l'immigration et de les franciser parce que 29 %, vous pouvez imaginer que c'est un grand travail. C'est grâce à leur...

Mais actuellement on a perdu nos marges de manoeuvre. C'est-à-dire que, des fois, on avait plus d'argent qu'on pouvait placer à une place plutôt qu'à une autre, mais on a perdu ça. Mais on continue à donner un excellent service et on continue à rencontrer nos besoins. Puis on a des mécanismes qui sont bien en place et qui fonctionnent très bien.

Mme Léger : Est-ce qu'il y a des ressources additionnelles qui devraient être données par rapport à cet enjeu-là que vous avez ou avec ce que... les budgets qui sont déjà dédiés sont suffisants?

Mme Lavallée (Carole) : Bien, vous savez, bien, en tout cas, on en a parlé à plusieurs reprises, notre commission scolaire, on a écrit aux ministres successifs. Non, effectivement, on a beaucoup de difficulté à comprimer nos budgets en fonction... Comme j'ai dit, c'est nos marges de manoeuvre, hein? Puis nos marges de manoeuvre, c'est ça qui nous permet de faire une coordination intelligente et avec jugement des ressources qui nous sont allouées.

Mais je dois dire une autre chose aussi, c'est que le ministère de l'Immigration donne aussi des cours de francisation et normalement il rémunère les immigrants qui vont suivre des cours au ministère de l'Immigration, ce qui fait qu'il y a une concurrence entre les deux ministères. Au ministère de l'Éducation, nous, on donne des cours aux adultes — là, je parle des adultes — on leur donne des cours de français. Alors, ils commencent l'année avec nous, puis là, en cours d'année, ils s'aperçoivent... quelqu'un leur dit : Oui, mais, au ministère de l'Immigration, allez-y, ils vont vous payer, en plus. Alors, qu'est-ce que vous pensez qu'il arrive? On perd notre clientèle, et là on a de la difficulté à... Comment je dirais? On a des ressources qui ne correspondent plus au nombre d'élèves adultes qu'on a.

Et puis là j'adresse cette... J'espère que M. le ministre pourra en parler avec son collègue de l'Immigration parce qu'il y a vraiment un ménage à faire, qui est là depuis des années et qu'il y a entre... et de... comment je dirais, de répartir les pouvoirs entre le ministère de l'Immigration et celui de l'Éducation.

Mme Léger : Il y a deux éléments que vous avez apportés dans votre mémoire et que vous dites que le projet de loi n° 86 ne concrétise pas ça : celle du pouvoir des parents et celle de la valorisation de la profession enseignante. Quand vous parlez du pouvoir des parents, vous dites que... le pouvoir à des parents mais pas nécessairement aux parents. Pouvez-vous aller un peu plus...

Mme Lavallée (Carole) : Effectivement. Au comité de parents actuellement, comme on a dit, il y a 70 établissements, bien, il y a 70 parents qui se retrouvent, qui se réunissent au comité de parents. Et actuellement ils nomment quatre parents qui deviennent des commissaires-parents et qui viennent siéger à notre conseil des commissaires, et il y a des échanges d'information puis de décisions qui sont faits de part et d'autre. Et évidemment les parents qui siègent avec nous au conseil des commissaires sont redevables au comité de parents, à qui ils rendent des comptes, évidemment, de ce qui se passe chez nous. Par exemple, pour le calendrier scolaire, les parents viennent, puis ils nous disent ce qui s'est passé au comité de parents, puis ils nous l'expliquent, puis ils nous disent : Écoutez, c'est important de le faire de telle façon. On aimerait mieux telle date plutôt que telle date, etc., bon. Et ça, ils sont redevables.

Mais, dans le projet de loi n° 86 qu'on fait, on dit aux parents : Vous allez être davantage, mais vous n'aurez plus de lien ni avec le comité de parents ni avec votre conseil d'établissement. Ce qui fait qu'on nomme six personnes pour deux ou trois ans, et puis cette personne-là ne rencontre plus jamais son comité de parents ni son conseil d'établissement. Elle n'est plus redevable. Elle est travailleur autonome, si je peux dire. C'est un élu autonome, alors que le comité de parents a besoin d'un lien d'influence auprès d'un conseil des commissaires ou auprès d'un conseil scolaire, comme vous l'appelez dans le projet de loi n° 86.

Mme Léger : Sur un autre ordre d'idées, comment voyez-vous le comité de répartition des ressources?

Mme Lavallée (Carole) : Le conseil des commissaires ne s'est pas fait une tête à ce sujet-là, et on ne l'aborde pas dans notre mémoire. Et, si vous le permettez... Pardon?

Mme Léger : Oui, effectivement, vous ne l'abordez pas.

Mme Lavallée (Carole) : Non, alors, c'est parce qu'on ne désire pas l'aborder, hein? Mais j'ai manqué la deuxième partie de votre question tantôt concernant les enseignants. Pourquoi est-ce qu'on dit : Bon, on n'a pas juste des beaux compliments à leur faire, comme quoi que ce sont des experts essentiels en pédagogie? C'est parce que dans le projet de loi, là, on dit ça dans l'introduction, mais après ça il n'y a rien, il n'y a rien pour concrétiser ce magnifique compliment. Il n'y a aucun nouveau pouvoir, à part de siéger éventuellement sur le... en tout cas, que deux enseignants puissent siéger au conseil scolaire, mais qu'il ne soit pas représentatif de son groupe, qu'il ne soit pas redevable, non plus, à n'importe quel groupe.

Mais il y a d'autres choses à faire pour les enseignants. Puis là je ne voudrais pas faire de suggestion parce que vous savez qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites dans les conventions collectives à ce sujet-là, mais le ministère, il a un devoir de réfléchir, comment faire en sorte que les enseignants concrétisent cette affirmation-là comme quoi que ce sont des experts essentiels en pédagogie. Les enseignants, je suis certaine qu'ils sont venus ici pour faire des suggestions, il y en a d'autres qui viendront le faire.

Une voix : ...

Mme Lavallée (Carole) : Pardon?

Une voix : ...

Mme Lavallée (Carole) : ...

Mme Léger : Vous reveniez au conseil scolaire. Vous parlez de la représentation, particulièrement l'éducation des adultes, les 18-21 ans, que, dans le projet de loi, vous ne le retrouvez pas. Alors, vous aimeriez avoir quoi? Un poste pour les 18-21 ans au conseil?

Mme Lavallée (Carole) : Bien, ça, c'est... Comme je vous ai dit, on a fait notre mémoire à deux niveaux, hein? D'abord, dire que, bien, non, puis on a donné les raisons, puis la deuxième... Mais, si jamais on constate que, dans le projet de loi n° 86, il y a un oubli qui est flagrant, c'est que les 18... les élèves de 18 à 21 ans, et on en a dans notre commission scolaire, puis on a des adultes aussi... puis là il n'y a aucune façon d'être représenté au conseil scolaire sinon que par les contribuables, les gens des secteurs ou des communautés.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Lavallée. Il ne reste plus de temps, Mme la députée, désolée. Alors, on va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition. Je cède la parole à M. le député de Chambly pour six minutes.

M. Roberge : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation, ça fait bien plaisir. J'ai quelques questions pointues. D'abord, parmi le conseil des commissaires en ce moment à Marie-Victorin, combien, parmi les commissaires élus, sont aussi des parents d'élèves de la commission scolaire?

Mme Lavallée (Carole) : Ça me fait plaisir de répondre à... Nous sommes tous des parents, O.K., nous avons tous des enfants. On a... Il y en a plus de la... Il y a la majorité qui ont des enfants qui sont actuellement inscrits à la commission scolaire Marie-Victorin, O.K., dans une école de Marie-Victorin. On a une exception qui n'a jamais eu d'enfant inscrit encore, et c'est M. Miljour, qui est là, parce que son ti-pit, il a deux ans, O.K.? Mais il prépare l'avenir de son fils. Vous voyez comme nous sommes des visionnaires?

Alors, non, on est tous des parents. J'ai siégé sur un conseil d'établissement quand mon fils était au secondaire. Puis monsieur a siégé aussi sur plusieurs conseils d'établissement. Enfin, on a tous...

Mme Froment (Paule) : Je n'ai plus d'enfant à l'école.

Mme Lavallée (Carole) : Non, non, on n'a plus...

Une voix : Des petits-enfants.

Mme Lavallée (Carole) : Oui, effectivement, on a des petits-enfants.

M. Roberge : C'est juste pour comprendre.

Mme Lavallée (Carole) : Mais on est tous des parents. Bien, on a tous cette vision-là aussi, cette vision d'être parent puis de... On comprend comment l'école fonctionne puis on n'est peut-être pas rattachés au comité de parents comme tel, mais on comprend la dynamique, puis on comprend les besoins, et on comprend aussi, souvent, les solutions.

• (17 h 50) •

M. Roberge : Très bien. Donc, ça m'éclaire parce qu'il y a des gens qui nous ont dit, justement : Le projet de loi n° 86, veut faire de la place aux parents sur le conseil scolaire. Or, beaucoup des commissaires actuellement élus au suffrage universel sont des parents. Je voulais juste voir... petit sondage comme ça avec vous, là, pour comprendre mieux l'affaire.

D'autres groupes qui sont venus avant vous nous ont fait des suggestions, je les teste avec vous. On nous a dit : Ah! on serait ouverts, pour ne pas avoir le projet de loi n° 86, à donner le droit de vote aux commissaires-parents. Je ne l'ai pas vu dans votre mémoire, peut-être j'ai sauté. Est-ce que c'est une avenue avec laquelle vous êtes en accord?

Mme Lavallée (Carole) : Effectivement, on est très, très ouverts à donner le droit de vote aux commissaires-parents. Et d'ailleurs, quand on est en comité de travail, ils participent à tous les votes, à tous les votes indicatifs, là, que nous pouvons avoir. Nous les considérons comme nôtres, on ne fait pas de différence. Puis on considère aussi que leur... Effectivement, bien, ils représentent les parents, et puis, dans ce sens-là, chaque fois qu'ils prennent la parole et qu'ils nous véhiculent les messages du comité de parents, nous sommes très, très, très attentifs.

M. Roberge : C'est particulier parce que certains comités de parents qui sont venus nous ont demandé ce droit de vote là et d'autres nous ont dit : Non, non, non, on ne le veut surtout pas. Mais je voulais juste tester avec vous qui êtes au jour le jour commissaires. Donc, vous avez une ouverture, il n'y a pas de problème avec ça.

Maintenant, je vais changer de palier de gouvernance, je vais vous questionner sur les conseils... voyons, les conseils d'établissement. Sur les conseils d'établissement, il y a en ce moment, bon, 50 % équipe-école puis 50 % parents, mais avec le vote prépondérant direction d'école, et les membres de la communauté n'ont pas droit de vote. Est-ce que, pour vous, de donner le droit de vote aux membres de la communauté sur le conseil d'établissement, c'est une bonne idée ou une mauvaise idée?

Mme Lavallée (Carole) : On ne s'est pas prononcés là-dessus, mais ce qu'on s'est dit, c'est que c'est une bonne idée d'avoir des membres de la communauté qui siègent sur les conseils d'établissement et que nous souhaitons par ailleurs que ces personnes-là soient mieux informées sur la fonction, et sur les enjeux, effectivement, et les interventions que nous attendons d'eux. On sent qu'il y a un manque de formation à ce sujet-là puis on voudrait en avoir davantage. Comme, d'ailleurs, on trouve que peut-être, dans le projet de loi, ce qui était immensément intéressant, c'est de former des conseillers scolaires. La formation devrait être obligatoire à tous les niveaux parce qu'il n'y a personne qui a d'innée la connaissance de la gestion d'une commission scolaire. On vient tous là avec notre bagage d'expérience. Il y en a, effectivement, qui viennent, qui sont des gestionnaires, il y en a d'autres qui sont des médecins, d'autres des ingénieurs, d'autres des avocats. Il y a d'autres personnes qui viennent de tous les milieux. Mais tout ça ensemble, on fait une... De façon générale, les conseils des commissaires, ce sont des gens qui viennent de milieux variés, qui ont une expérience variée, et c'est ça aussi qu'on trouve qui est intéressant pour prendre des décisions concernant l'éducation de nos enfants.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il reste une minute, M. le député.

M. Roberge : Très bien. À la page 12, vous posez une question, vous dites : «A-t-on évalué la possibilité que les conseils d'établissement soient gérés selon le modèle participatif que l'on retrouve dans les écoles innovantes?» Pouvez-vous nous parler c'est quoi, les écoles innovantes pour vous puis c'est quoi ça, gérer selon le modèle participatif? À quoi vous faites référence?

Mme Lavallée (Carole) : Je vais laisser mon collègue David Miljour vous répondre.

M. Miljour (David) : Bonjour. Alors, oui, en fait, la cogestion autonome, c'est aussi une autre appellation qu'on donne à la gestion participative, se fait par un partage des rôles et des responsabilités de façon équitable entre l'école, la direction, l'équipe-école et les parents. Et chacun d'entre eux ont des tâches bien précises qui leur sont attribuées ou... c'est leur travail, mais, dans une certaine façon, lorsqu'on rejoint les cercles, ils ont à travailler ensemble et ils le font par partage de dossiers de façon égale. Et chacun des membres des conseils d'établissement sont aussi des agents de liaison pour des sous-comités qui peuvent être en lien avec le comité événement, le comité communication, le comité de la fondation de l'école, le comité financement. Et chacun d'entre eux ont des dossiers précis et ils font le lien avec d'autres personnes impliquées au sein de l'école. Et l'objectif derrière la cogestion autonome, c'est de travailler à avoir un consensus, donc de réfléchir, d'avoir une réflexion et d'arriver au bout de la ligne avec une décision consensuelle. Et on voit que le pouvoir est établi un peu plus de la base, mais que chacun d'entre eux ont des responsabilités qui leur sont propres. Donc, on a un meilleur travail d'équipe.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer la parole à Mme la députée de Gouin pour trois minutes.

Mme David (Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames messieurs, bonjour. J'aimerais revenir à la question de la formation des immigrants, des personnes immigrantes, parce que, là, vous m'avez intriguée. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Vous dites : Le ministère de l'Immigration donne des allocations aux personnes qui suivent des cours de francisation. Moi, ça m'est toujours apparu normal parce que, pendant que ces personnes-là suivent ces cours-là, elles ne peuvent travailler à temps plein, donc il faut quand même qu'elles paient le loyer puis la bouffe. Alors, je trouve ça normal. Mais vous me dites : Le problème, c'est que, lorsque ces cours-là sont donnés dans nos écoles, là, il n'y a pas d'allocation. Alors, évidemment, si les gens savent qu'ailleurs il y a une allocation, bien, moi, je trouve ça un peu normal, hein? Même très normal. Bon.

Mme Lavallée (Carole) : Moi aussi. On est tous d'accord avec vous.

Mme David (Gouin) : O.K. Mais, à ce moment-là, quel est le problème, au juste, pour vous? C'est ce que j'essaie de comprendre. Quel est le problème? Est-ce que... Bien, enfin, c'est ça, expliquez-le-moi. Je ne comprends pas.

Mme Lavallée (Carole) : Le problème, c'est de mobiliser des ressources en début d'année et de voir qu'au cours de l'année on n'en a plus besoin, O.K., ou qu'en a beaucoup moins besoin. Par exemple, on forme une classe de sept personnes, et puis, au mois de janvier, il y a une personne pour un enseignant. Je pense que ce n'est pas un ratio qui fait que...

Mme David (Gouin) : Donc, c'est vraiment une question d'organisation, là, d'être capable de prévoir correctement ce qui va se passer dans une année. O.K. Mais est-ce que la solution la plus simple, à ce moment-là, serait un arrimage entre les deux ministères pour que, quel que soit le lieu de francisation, il y ait une allocation?

Mme Lavallée (Carole) : Je ne voudrais pas m'avancer sur la solution, mais je pense que le gouvernement du Québec doit se préoccuper de cette question et y trouver une solution parce qu'aussi il y a comme deux ministères qui donnent des cours, il y a deux ministères qui font la même chose, mais pas tout à fait de la même façon et pas avec le même genre d'enseignants parce que même les enseignants, ils n'ont pas le même statut. Alors, il faut... Bien monsieur... Oui, monsieur, vous avez... Vous êtes au courant. Alors, il faut trouver une solution à ça. Je comprends que, dans un gouvernement, la solution n'est pas très facile parce que c'est les pouvoirs de deux ministères différents, mais qu'il y a une conciliation à faire pour trouver les meilleures solutions. Puis la meilleure solution, elle doit être trouvée pour l'immigrant, pour l'élève, pour la personne qui vient prendre les cours. C'est pour elle que la solution doit être trouvée.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Quelques secondes, Mme la députée. 20 secondes.

Mme David (Gouin) : J'aurais vraiment aimé ça que vous me parliez de taxation, mais je pense qu'on va manquer de temps. Vous dites, dans votre mémoire, que la taxe scolaire est injuste et inégale depuis trop longtemps puis qu'il faut absolument y voir. Mais je pense que c'est un gros sujet pour quelques secondes.

Mme Lavallée (Carole) : C'est un gros sujet, mais je vais juste vous inviter à aller lire...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, très...

Mme Lavallée (Carole) : Est-ce que j'ai 30 secondes?

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui.

Mme Lavallée (Carole) : O.K. Alors, je vais...

Une voix : ...30 secondes.

Mme Lavallée (Carole) : Merci. Merci, M. Roberge... M. le député de Chambly.

La Présidente (Mme Rotiroti) : C'est la présidence qui décide le temps. Alors, je vous accorde, Mme Lavallée, le 30 secondes pour répondre. Allez-y.

Mme Lavallée (Carole) : J'aime beaucoup votre intervention.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci.

Mme Lavallée (Carole) : Alors, Mme la députée de Gouin, ce que vais vous dire, c'est : Je vais vous inviter, rapidement comme ça, à aller lire le rapport de Mme Champoux-Lesage. Tout son chapitre sur la taxation, ça rencontre parfaitement bien les vrais enjeux qu'on trouve sur le terrain.

Et puis je veux juste finir en disant qu'à la fin de notre exercice de taxation on ne peut pas faire grand, grand-chose, là, on n'a pas une grande marge de manoeuvre là-dedans. Mais, si, par hasard, il y a un développement résidentiel, puis on se retrouve à avoir plus de revenus que nous permet le produit maximal de la taxe, qui est l'exercice qui est fait par le ministère, bien, on est obligés de faire un chèque au ministère de l'Éducation, alors qu'on pourrait très bien conserver ces revenus dans notre commission scolaire pour les années à venir. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Je vous ai donné plus que 30 secondes, en passant.

Mme Lavallée (Carole) : Ah mon Dieu!

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, Mme Lavallée, M. Gervais, Mme Froment, M. Miljour et M. Riendeau, pour votre présence.

Alors, la commission ajourne ses travaux à demain, le jeudi 24 mars, après les affaires courantes, vers 11 h 30, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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