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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 16 novembre 2017 - Vol. 44 N° 84

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur


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Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Hélène David

Mme Catherine Fournier

M. Jean-François Roberge

Mme Manon Massé

Auditions

Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

Union étudiante du Québec (UEQ)

Sans oui, c'est non!

Ni viande ni objet

Autres intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

M. David Birnbaum

Mme Lise Lavallée

*          M. Jason St-Amour, FECQ

*          M. Dominik Boudreault Lapierre, idem

*          Mme Lauréanne Cauchy-Richer, idem

*          M. Simon Telles, UEQ

*          Mme Catherine Grondin, idem

*          Mme Milène Rachel E. Lokrou, Sans oui, c'est non!

*          Mme Andréanne St-Gelais, idem

*          M. Alexandre Blanchette, Ni viande ni objet

*          Mme Clara Houle-Roy, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures vingt-quatre minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Kotto (Bourget) sera remplacé par Mme Fournier (Marie-Victorin).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme de Santis) : Voyant que nous sommes maintenant à 12 h 25, je propose, si vous acceptez, que les remarques préliminaires soient tenues pendant cinq minutes — 2 min 30 s pour le gouvernement, 1 min 30 s pour l'opposition officielle et une minute pour la deuxième opposition — et qu'ensuite on procède avec la présentation de nos invités, qui sont là devant nous, jusqu'à 13 h 10. Donc, il faudrait prolonger la session jusqu'à 13 h 10. Est-ce que j'ai votre accord?

Une voix : Consentement.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, nous débuterons avec les remarques préliminaires et puis après nous allons entendre la Fédération étudiante collégiale du Québec. Alors, Mme la ministre, vous disposez de 2 min 30 s.

Mme Hélène David

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Ça ne prendra même pas ça. Donc, si mes collègues veulent en prendre plus... Je veux surtout dire que... tout le monde, sentez-vous salués, et je veux surtout dire qu'on arrive à un moment important. Ça fait un an qu'on travaille ces questions-là. Elles sont éminemment d'actualité, au cas où on en doute, elles sont éminemment d'actualité. Je remercie les partis d'opposition de leur vigilance et de leur intérêt par rapport à cette question-là.

Donc, à titre de ministre de la... j'allais dire «de la Condition féminine» — oui, il y aura de la condition féminine sous-jacente à ça — mais de l'Enseignement supérieur, je suis très heureuse, donc, d'entendre les gens qui sont allés en consultations et qui reviennent maintenant nous donner de très, très bonnes suggestions. Je serai à l'écoute. Je ne vois pas ce projet comme un projet partisan. Je vois ce projet comme un progrès de société, et c'est ensemble, tous les partis confondus, que nous allons arriver à la meilleure façon possible de travailler dans ce dossier de la prévention et accompagner les victimes de violence à caractère sexuel dans les collèges et dans les universités. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Maintenant, j'invite la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Marie-Victorin à faire ses remarques préliminaires pour un maximum de 1 min 30 s.

Mme Catherine Fournier

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Donc, je salue tous les collègues qui vont participer aussi à l'étude de ce projet de loi.

D'abord, je salue le dépôt du projet de loi n° 151. C'est un projet de loi qui était extrêmement attendu par les gens du milieu, et je suis extrêmement heureuse qu'on puisse enfin parler d'un cadre législatif qui va sensibiliser et aussi axer sur la prévention des violences à caractère sexuel. C'est évident que c'est une question qui est éminemment d'actualité. On l'a vu avec les plus récentes vagues de dénonciation aussi. Donc, il y a vraiment un changement de culture qui est en train de s'opérer au Québec, et je suis donc très satisfaite qu'on va se doter d'un cadre législatif qui va permettre d'encadrer le phénomène. Et donc on va collaborer, avec plaisir, avec tout le monde autour de la table, toujours avec le besoin des victimes en tête. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme la députée de Marie-Victorin. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Chambly de faire ses remarques préliminaires pour un maximum d'une minute.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Je vais être très bref. Donc, on accueille favorablement le projet de loi. On va travailler évidemment à l'améliorer, en écoutant tout ce que les groupes viendront nous présenter pour le bonifier, l'améliorer et s'assurer qu'il soit très efficace.

Sachant que c'est un petit peu tard au postsecondaire de viser à prévenir et combattre les violences à caractère sexuel, vraiment on prend une position très ferme pour que le cours d'éducation à la sexualité soit offert au primaire et au secondaire. La prévention, c'est davantage là que ça se fait. Donc, il faut que le gouvernement aille aussi dans cette direction-là et l'implante dès septembre prochain avec les partenaires, pas contre les enseignants, mais avec les enseignants en donnant les formations. Donc, pour avoir une cohérence, là, il y a des lois, c'est correct, mais il y a aussi les actions. Donc, je pense qu'on devrait avoir un vrai continuum à partir de septembre prochain.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député de Chambly. Est-ce que je peux avoir l'accord des membres que la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pourrait aussi faire quelques remarques préliminaires? Elle aurait 45 secondes pour faire ses remarques. Consentement?

Une voix : Consentement.

• (12 h 30) •

La Présidente (Mme de Santis) : Voilà.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Bien, merci, chers collègues. Alors, je me passerai des remerciements et des salutations d'usage pour dire, d'une part, à la ministre que nous sommes très heureuses et heureux de voir ce projet-là aboutir, on va travailler sur du concret. Je pense que les femmes du Québec et certains hommes aussi qui sont victimes d'agression sexuelle attendent de nous, parlementaires, des résultats et je trouve ça intéressant qu'on commence avec ce projet de loi, en sachant bien sûr qu'il y a beaucoup de travail à faire plus largement, mais... très heureuse de pouvoir contribuer à celle-là et je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme la députée.

Auditions

Alors, maintenant, je vais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération étudiante collégiale du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. D'abord, vous allez vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et vous pouvez procéder immédiatement à votre exposé. Allez-y.

Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. St-Amour (Jason) : Merci, Mme la Présidente. Alors, on nous a dit que, si on brisait la glace, on avait plus de chances d'être entendus à cette commission, alors nous allons briser la glace.

Merci de nous recevoir. Alors, je me présente : Jason St-Amour, président de la Fédération étudiante collégiale. Je suis, aujourd'hui, accompagné de deux de mes collègues : Lauréanne Cauchy-Richer, vice-présidente, et M. Dominik Boudreault Lapierre, coordonnateur aux relations et aux communications.

Je me permets rapidement de présenter notre organisation. La Fédération étudiante collégiale du Québec est une organisation qui représente 68 000 membres collégiaux à travers 24 associations étudiantes. Nous avons pour mission de défendre l'intérêt de nos membres, et c'est dans ce cadre que s'inscrit notre participation aux travaux du projet de loi n° 151.

La FECQ a contribué activement, depuis les événements d'automne 2016, à lutter contre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur. Nous avons participé aux consultations et déposé un premier mémoire l'an dernier. Nous avons été présents sur le terrain. Nous avons été présents aux consultations. Nous travaillons en concertation avec les différents intervenants impliqués. Dans ce contexte, la FECQ ne peut que saluer le dépôt du projet de loi n° 151 et espère une adoption rapide de ce projet de loi.

Un élément des notes explicatives nous indispose, cependant, et c'est la date, que nous trouvons trop loin. Nous demandons que l'adoption des politiques soit faite pour le 1er septembre 2018 et qu'elle entre en application au 1er janvier 2019. De plus, la santé, la sécurité, l'intégrité et le respect des survivants et des survivantes doivent se retrouver au coeur du projet de loi et des politiques. Les résidences étudiantes doivent aussi être soumises aux champs d'application de la loi et des politiques. J'aimerais aussi ajouter à la définition du chapitre I la notion de consentement sexuel et aussi que les violences à caractère sexuel fassent aussi référence à l'identité sexuelle et à l'expression de l'identité sexuelle.

Je cède maintenant la parole à mes collègues, qui feront un retour sur l'ensemble des chapitres en y proposant des ajouts, et des modifications importantes, à la bonification de ce projet.

M. Boudreault Lapierre (Dominik) : Pour ce qui est du chapitre II, concernant ce que doit contenir la politique, à l'alinéa deux, nous, nous croyons qu'il devrait être ajouté que les politiques doivent tenir compte des personnes issues de minorités sexuelles ou de genre, de minorités visibles, des communautés autochtones, des personnes en situation de handicap, puisque ce sont eux qui sont le plus à risque de subir des violences à caractère sexuel.

Si nous allons au sous-alinéa 1°, qui vient définir les rôles et responsabilités, il y a... nous croyons que quelqu'un a été oublié dans toutes ces personnes, ce sont les personnes sous-traitantes qui ont des activités au sein des établissements postsecondaires. La même chose pour le sous-alinéa 3°, là, où est-ce qu'il vient définir les activités de formation obligatoire, nous voudrions que les sous-traitants qui oeuvrent au sein des établissements soient ajoutés. De plus, pour ce qui est des formations, nous aimerions que l'ensemble de la communauté étudiante soit compris dans ces formations-là et que celles-ci soient faites annuellement dans le but de prévenir et contrer les violences à caractère sexuel sur les campus d'enseignement collégial et universitaire. Au sous-alinéa 6°, le projet de loi ne vient aucunement inscrire dans les politiques les recours possibles pour les survivantes et les survivants. C'est pourquoi nous voulons que, premièrement, soient inscrits tous les recours judiciaires qui peuvent être faits par les survivantes et les survivants, mais aussi tous les recours administratifs. Dans le sous-alinéa 7°, on vient préciser que les établissements doivent protéger les personnes concernées. Néanmoins, nous croyons qu'il est impératif de plutôt mettre l'emphase sur les survivantes et les survivants, parce que ce sont eux qui doivent être au coeur des préoccupations de ce projet de loi et des politiques.

Au sous-alinéa 10°, on vient préciser que la politique doit comprendre des délais d'intervention maximaux. Néanmoins, nous croyons qu'il devrait être précisé que ceux-ci doivent avoir un maximum, et, pour nous, ça devrait être de 30 jours. Il y a deux petits ajouts que nous voudrions faire au sous-alinéa, soit : le premier, où nous voudrions qu'il soit précisé dans le projet de loi qu'il est interdit pour les établissements d'enseignement supérieur de mettre en place des délais de prescription afin... On croit que ceci vient limiter l'accès aux services d'aide et aux mesures d'accompagnement académiques, parce qu'il faut comprendre que les survivantes et les survivants ne sont pas toujours prêts à dénoncer dans l'immédiat ou encore trois mois plus tard, comme on l'a vu avec les dénonciations dans les différents médias sociaux au cours des derniers mois. De plus, nous aimerions clarifier l'importance de l'efficacité et du partage des informations confidentielles entre les personnes-ressources afin que les survivantes et les survivants n'aient pas à revivre leurs traumatismes et à répéter aux différents intervenants ce qui s'est passé, finalement.

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Nous tenons à souligner notre appréciation de l'ajout d'un code de conduite dans le projet de loi. Cependant, pour nous, à notre sens, il faut plus qu'encadrer les relations entre le personnel soit enseignant et professionnel, il faut tout simplement le proscrire, donc proscrire les relations entre étudiants et le personnel. Le contexte est fort simple : les cégeps sont de petits milieux où les intervenants ont tous un lien entre eux et peuvent tous avoir une influence sur le parcours académique, scolaire et sur la vie d'un étudiant, et ainsi que le lien d'autorité peut ne pas être présent au moment où la relation a lieu mais se développer une session, deux sessions, trois sessions plus tard, quand l'étudiant tombe dans un cours avec la personne avec qui il a eu une relation.

Cet ajout, de proscrire les relations, permet aussi de protéger l'enseignant, puisqu'il est au courant qu'il n'a pas le droit d'avoir une relation avec l'étudiant. Nous apportons cependant une précision, concernant une exception à cette interdiction, pour le cas où la relation serait antérieure à l'établissement du lien d'autorité, auquel cas la relation devra effectivement être encadrée. Par la suite, il est primordial qu'en plus d'une politique les établissements se dotent d'un plan d'action afin d'établir des mesures concrètes, des mesures très précises, d'action à porter au sein de l'établissement. L'établissement d'un plan d'action permet aussi de faire un suivi très juste de l'efficacité de la politique au sein d'un établissement postsecondaire.

Aussi, dans l'optique de favoriser, de faciliter et surtout d'inciter la dénonciation pas juste au sein de l'établissement, mais au criminel et d'apporter tout le soutien possible et nécessaire aux survivants et survivantes, nous souhaitons que soient rendues disponibles des trousses médicolégales au sein des établissements collégiaux et universitaires accompagnées des ressources humaines adéquates, donc des infirmières qui pourront accompagner l'étudiante avec la trousse médicolégale.

Au chapitre IV, dans les mesures de surveillance et d'accompagnement, nous sommes très heureux qu'il y ait des processus de traitement de plaintes à l'interne dans les établissements collégiaux, mais il faut aussi que le traitement des plaintes au sujet des manquements aux politiques dans les établissements puisse être fait au niveau du ministère, que ce soit sous la forme d'un ombudsman qui gérera les plaintes... Nous laissons le soin au ministère de déterminer la forme que prendra cette gestion-là.

M. St-Amour (Jason) : Nous ne pouvons passer outre certains éléments que nous considérons absents du projet de loi n° 151.

Tout d'abord, bien qu'une stratégie existe actuellement, l'obligation pour le ministère de se doter d'une stratégie doit figurer au sein du projet de loi et elle doit être actualisée à tous les cinq ans.

De plus, cette stratégie doit, sans l'ombre d'un doute, être financée. En ce moment, le projet de loi ne contient aucune disposition financière. Nous demandons que le projet de loi prévoie des enveloppes publiques récurrentes indexées et dédiées à la réalisation des plans d'action des établissements, de la stratégie gouvernementale et de l'application des lois et politiques en vigueur. Aucune lutte ne se fait sans des ressources importantes qui sont garanties d'une récurrence.

Un élément capital devrait se retrouver dans ce projet de loi, et c'est l'abolition des délais de prescription pour les indemnisations de victimes d'actes criminels pour les requêtes découlant de violences à caractère sexuel. Cette idée ne sort pas de nulle part, cela fait maintes années que des acteurs de la société civile et des acteurs politiques affirment que ces délais sont inconcevables. Dans notre démarche, nous avons regardé le projet de loi ontarien qui, lui, se donne toute la latitude en modifiant la loi sur les victimes d'actes criminels et en abolissant les délais de prescription pour les requêtes émanant de violences à caractère sexuel. Nous croyons que, si l'Ontario peut se permettre d'aller de l'avant, le Québec peut faire de même.

Les ressources dédiées aux personnes survivantes ne doivent pas être disponibles qu'à l'intérieur du réseau de l'enseignement supérieur, mais aussi via l'IVAC. Il est temps de mettre fin à cette injustice de notre système.

Enfin, un dernier pilier manquant à cette politique, c'est la recherche. Les efforts de recherche permettent de mettre en lumière des problématiques et les bonnes pratiques à mettre en application dans le réseau de l'enseignement supérieur. C'est pourquoi le ministère et les établissements se doivent d'encourager et de financer la recherche via leurs chaires de recherche ou leurs centres collégiaux de transfert des technologies pour l'amélioration de cette recherche. Donc, cela doit être inscrit au sein du projet de loi.

En conclusion — mes collègues ont fait un résumé rapide de nos demandes vis-à-vis ce projet de loi — je réitère l'importance d'un code de conduite fort, clair vis-à-vis les établissements collégiaux, des délais d'intervention aussi inscrits au sein du projet de loi, des délais de prescription qui sont abolis, interdits au sein des politiques et au sein de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, des plans d'action arrimés aux politiques, une stratégie claire et des dispositions financières nécessaires au sein du projet de loi. N'oublions pas non plus que les survivants et les survivantes doivent toujours demeurer au coeur du projet de loi. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. St-Amour, Mme Cauchy-Richer et M. Boudreault Lapierre. Nous allons maintenant débuter la période d'échange, qui va être comme suit : 13 min 13 s avec la ministre, 8 min 6 s avec l'opposition officielle, 5 min 24 s avec le deuxième groupe et, les députés indépendants, trois minutes. Alors, Mme la ministre.

Mme David : Bien, merci beaucoup d'abord d'avoir été très, très présents pendant les consultations — je pense qu'à toutes les consultations vous étiez là — d'avoir soumis, à ce moment-là, un mémoire, un autre mémoire maintenant. C'est très clair, il y a beaucoup de choses très intéressantes. Moi aussi, je suis limitée, comme vous avez vu, par le temps, et j'aurai donc quelques questions de précision.

Quand vous dites : «Ajout demandant que tous les recours judiciaires et administratifs soient mentionnés à l'intérieur des politiques des établissements», est-ce que vous voulez dire, dans la politique qui va être écrite, rédigée par les établissements, qu'il soit fait mention — est-ce que c'est ça? — il soit fait mention, dans la politique, de toute cette espèce de continuum possible d'interventions, de plaintes? Parce qu'on sait que ce n'est pas simple, tout ça, et je veux être sûre de comprendre que c'est de ça dont vous parlez, puis «les recours administratifs» voulant dire probablement — je veux être sûre de ce que je comprends — «au sein de l'établissement».

Donc, est-ce que ce que vous voulez, c'est qu'à l'intérieur de la politique tout de suite la personne qui va lire la politique, parce qu'elle se sent victime de quelque chose, puisse savoir, administrativement : qu'est-ce que je peux faire, quels sont mes recours judiciaires, si je veux aller à la police, ou avant même de décider?, pour que ça l'aide. Est-ce que c'est un peu à ça que vous faites référence?

M. St-Amour (Jason) : Je crois qu'il y a une espèce de préjugé qui existe présentement dans la sphère publique qui dit, en fait, que le projet de loi qu'on est en train d'instituer... il y en a qui pensent, en fait, qu'on met complètement de côté le recours judiciaire en voulant créer un système peut-être de justice à l'interne. Nous, ce qu'on veut, c'est vraiment passer outre ce préjugé-là, et on pense que venir préciser dans les politiques les différents recours judiciaires qui s'offrent à l'étudiant, ça va vraiment venir mettre fin à ce préjugé. Donc, quand l'étudiant veut déposer une plainte, de un, il sait clairement avec la politique quels sont les recours administratifs, mais la politique ne vient pas cacher que des recours judiciaires sont disponibles, et il vient aussi dire à l'étudiant quels sont ces recours judiciaires là. Donc, c'est pour ça qu'on veut vraiment l'inscrire au sein même des politiques des établissements.

Mme David : O.K. Puis je vous remercie donc d'effectivement préciser ça, que ce n'est pas une loi qui se substitue en quoi que ce soit au recours judiciaire, mais de dire : Voici les options possibles ou l'ensemble de ce qui peut être fait pour mieux informer. C'est ce que je comprends. Alors, je comprends beaucoup mieux ce que vous dites.

Ça va évidemment aller dans le même sens, mon deuxième commentaire. Quand vous parlez d'une trousse médicolégale, on est un peu beaucoup dans le système judiciaire avec... Alors, est-ce que vous avez vérifié et vous êtes sûrs de votre coup quand vous dites : L'université ou le collège, qui n'est pas une force policière ou une cour de justice, peut se prévaloir d'avoir elle-même une trousse, faire passer les trucs, etc.?

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : En fait, la loi américaine se permet d'inclure la trousse médicolégale dans la politique, au même titre qu'on le demande pour cette politique... pour ce projet de loi là, excusez-moi, le projet de loi. Cette trousse médicolégale ne peut pas être effectuée seulement par l'étudiant, là, c'est seulement pour dire que l'étudiant qui subit une agression, il a besoin de la trousse médicolégale, va voir l'infirmière, l'infirmière peut l'accompagner dans le processus, faire la trousse médicolégale puis que la trousse soit disponible immédiatement quand l'étudiant en a besoin, donc, au sein des établissements.

Mme David : O.K. Alors, c'est intéressant. On va vérifier, évidemment, regarder ça attentivement avec nos juristes.

Je suis sûre que d'autres vont aller vers ça, alors je ne sais pas si je veux prendre trop de temps là-dessus, mais on va vouloir vous entendre sur la question de l'encadrement des relations intimes par un code de conduite. Et là on se souvient qu'on parle du niveau collégial, donc où il y a évidemment des étudiants mineurs aussi, donc pas seulement des étudiants majeurs... en grande majorité majeurs, mais où je pense que, dans votre cas à vous, il est très clair que ce n'est pas un encadrement, c'est carrément une proscription, et non pas une prescription, une proscription totale — et je voudrais vous entendre là-dessus — même si l'étudiant est majeur, d'une part — oublions le premier trimestre, là, disons qu'ils sont majeurs — entre un étudiant et un professeur qui n'aurait aucun lien d'autorité et d'accompagnement académique.

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Pour ce qui est des liens d'autorité, en fait, là, je vais parler au niveau des cégeps et non des universités, parce que les cégeps, comme je l'ai mentionné, sont des petits milieux. Il y a des très petits cégeps, et, même s'il y a des gros cégeps, les professeurs sont en contact les uns avec les autres. À cause du tronc de formation générale, également les étudiants peuvent avoir des professeurs en commun. Ça fait en sorte que, même si un étudiant n'est pas dans la classe d'un enseignant et qu'il a une relation avec lui, cet enseignant-là peut avoir une influence sur son parcours scolaire en influençant les professeurs de cet étudiant-là, en influençant le département, les conflits, les litiges peuvent survenir. C'est certain que nous, on proscrit les relations au niveau des cégeps pour cette raison-là, pour la raison aussi qu'un étudiant peut débuter une relation avec un enseignant à sa première session, ne pas être dans la classe de cet enseignant-là, mais, trois ans plus tard, se retrouver dans la classe de cet enseignant-là par la force des choses, parce qu'il a changé de programme, et tout.

Donc, dû à la petitesse du réseau collégial, il nous semble important d'encadrer mieux. Comme j'ai dit, il y a l'exception, où les relations sont antérieures : on pense à un retour aux études, une personne qui a déjà une relation avec un enseignant avant d'entrer au cégep. Évidemment, cette relation-là devra être encadrée, mais on ne la proscrit pas.

M. St-Amour (Jason) : À titre... Je ne sais pas si j'ai encore du temps, Mme la Présidente. Oui. À titre indicatif, aussi, l'âge, je crois, joue un rôle important dans le milieu collégial. Bien sûr, il y a des étudiants plus vieux, des étudiants parents, mais je crois que la maturité des étudiants est un petit peu moindre que ce qu'on retrouve à l'université, donc ça a un grand rôle à jouer aussi là-dedans.

Ce qu'on vient dire, en fait, c'est que le lien d'autorité, le lien d'influence s'applique de façon omniprésente dans le milieu collégial parce que n'importe quel intervenant, une personne travaillant dans le collège peut intervenir sur l'étudiant, que ça soit un membre du personnel enseignant, un membre du personnel de soutien, un membre du personnel professionnel. Donc, tout le monde travaillant au sein de l'établissement a une influence sur l'étudiant, que ça soit par une simple interpellation ou que ça soit dans un cours. Donc, c'est un petit peu pour ça qu'on va de l'avant avec une interdiction directe.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. St-Amour. Mme la ministre.

Mme David : Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste 6 min 20 s.

Mme David : O.K. Je vous entends bien. En fait, il y a toutes sortes de cas de figure qui me viendraient en tête, mais on aura l'occasion, je pense, aussi, avec d'autres groupes et peut-être avec l'opposition, de reparler de ça. Vous voulez, et là je ne suis pas sûre de comprendre les éléments oubliés, que le projet de loi prévoie qu'une stratégie gouvernementale soit arrimée à la loi et révisée aux cinq ans.

Donc là, on met la stratégie gouvernementale pour les collèges et les universités ou l'ensemble de la stratégie gouvernementale qui s'arrime à cette loi-là? Je n'étais pas sûre de comprendre.

M. St-Amour (Jason) : En fait, présentement, la stratégie existe, vous l'avez déposée en septembre.

Mme David : Vous parlez de la nôtre pour les collèges et universités.

M. St-Amour (Jason) : Oui, exactement, je parle de la stratégie...

Mme David : O.K. Parce qu'il y en a deux, hein? Il y en a une pour l'ensemble des violences à caractère sexuel.

• (12 h 50) •

M. St-Amour (Jason) : Non, je parle vraiment ici de la stratégie visant à prévenir et à éviter les violences à caractère sexuel sur les campus des établissements d'enseignement supérieur.

Pourquoi on vient dire ça? En fait, c'est qu'on vient vraiment obliger les ministères, de gouvernement en gouvernement, de parti en parti, à mettre en place cette stratégie-là et qu'elle ne soit pas soumise à une volonté politique. Donc, c'est pour ça qu'on vient soumettre cela. Aussi, que ça soit révisé à chaque cinq ans, comme à l'habitude. La plupart des stratégies sont d'une durée de cinq ans. Et, par rapport à cette stratégie-là, c'est qu'habituellement les sommes dédiées sont arrimées avec les stratégies. Donc, le fait d'obliger des stratégies, nécessairement, il va y avoir des sommes qui vont suivre la stratégie. Donc, on s'assure que la politique va être appliquée dûment dans le réseau.

Mme David : O.K. Un autre sujet mais qui est vraiment d'ordre plus du ministère de la Justice. Vous le savez, quand on parle du délai de prescription à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, là vous sortez un peu beaucoup du champ collège-université.

M. St-Amour (Jason) : Oui, mais on se permet de le faire. Je crois que l'indemnisation des victimes d'actes criminels et les survivants et les survivantes dans le milieu de l'enseignement supérieur, ce n'est pas indissociable, c'est complémentaire. Donc, oui, il y a des ressources qui existent à l'interne, il y a des ressources qu'on met en place vis-à-vis la stratégie, mais il faut qu'il y ait aussi des ressources pour les survivants et les survivantes tout au long de leurs parcours de vie, et ça passe nécessairement par l'IVAC.

Présentement, il existe une injustice importante dans l'IVAC, et ce qu'on vient dire, c'est que, si l'Ontario, qui a balisé la lutte... dans le milieu de l'enseignement supérieur à l'intérieur de sa province en venant mettre fin aux délais à l'IVAC, même si ça ne touchait pas directement l'enseignement supérieur, nous, on pense que le Québec peut aussi faire de même. C'est quelque chose qui est demandé depuis des années, et on pense que ça peut très, très bien s'inscrire dans ce projet de loi là et que le ministère de la Justice devra aussi travailler en collaboration avec votre ministère pour aller de l'avant.

Mme David : En ce qui a trait à la formation, qu'est-ce que vous mettriez dans la formation à tous les étudiants? Je trouve ça intéressant. J'ai des petites opinions là-dessus puis des témoignages d'étudiant. Mais, vous, une formation à tous les étudiants, c'est sur le consentement, c'est sur... qu'est-ce que vous mettriez au niveau collégial? Notre collègue de la deuxième opposition a bien dit : On commence dès le primaire, secondaire, etc. C'est important aussi, mais on va plus loin : formation au niveau collégial.

M. Boudreault Lapierre (Dominik) : Oui. Bien, c'est sûr que ce serait important que, dès la rentrée scolaire, tant pour les nouveaux que les anciens, on aille faire une formation pour qu'ils comprennent qu'est-ce que c'est, les violences à caractère sexuel, et comment aussi les repérer — on pense, entre autres, aux formations de témoins actifs de Sans oui, c'est non! — pour que les étudiants soient en mesure de les repérer, de savoir comment les voir, qu'est-ce qu'ils sont, pour, par la suite, eux-mêmes pouvoir intervenir et dire : O.K., bien, ça, ça ne fonctionne pas, pour qu'il y ait une prise de conscience automatique quand les violences à caractère sexuel arrivent.

Mme David : Alors, j'imagine, vous seriez tout à fait prêts à collaborer à ce genre de formation, qui est faite d'ailleurs, dans certains collèges et universités, à tout le monde. Ça existe déjà. Là, on pourrait le structurer plus, mais c'est de la formation, sensibilisation, information beaucoup sur ce qu'est une violence à caractère sexuel. C'est parce que des étudiants nous disent : Je ne le sais pas, moi, je ne suis pas capable de placer exactement ce qui m'est arrivé. Alors, pour que ça atteigne tout le monde, il faut être très bien structurés, hein? Les étudiants entrent en janvier, entrent, des fois, l'été, entrent, des fois, à l'automne. Alors, il va falloir avoir du matériel qui pourrait être fort intéressant.

M. Boudreault Lapierre (Dominik) : C'est pour ça aussi qu'on est allés préciser qu'on voulait que les formations soient, au minimum, annuellement, parce qu'entre autres, dans le réseau collégial, comme les étudiants se renouvellent assez... aux deux ans, des fois c'est aux ans qu'ils vont... à changer d'établissement, là c'est pour permettre à tous les étudiants de... bon, pour les anciens étudiants, de se rappeler qu'est-ce que c'est, pour les resensibiliser encore, mais, pour les nouveaux étudiants, pour qu'ils comprennent immédiatement dans leur entrée au réseau collégial qu'est-ce que c'est puis comment faire pour le voir et intervenir.

Mme David : O.K. Sur la recherche... Je pense que je vais me prendre une horloge, parce que je ne sais jamais combien de temps il me reste.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

Mme David : Une minute. Sur la recherche sur les violences à caractère sexuel, je suis entièrement d'accord avec vous, on veut d'ailleurs aller vers le niveau collégial pour faire l'équivalent de ce qui a été fait avec l'ESSIMU au niveau universitaire. Alors, c'est déjà présent dans la stratégie, je vous rassure, mais je suis contente que vous l'ayez souligné, parce que c'est quand même... C'est bien beau, dire : On va faire tout ça, mais il faut un peu mesurer aussi et s'ajuster au fur et à mesure, parce que, je pense, c'est un dossier dont on n'a pas fini d'entendre parler. Alors, moi, je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez des commentaires additionnels? Parfait. Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de Marie-Victorin pour 8 min 6 s.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois d'être présents aujourd'hui en commission parlementaire pour nous apporter vos suggestions afin de bonifier le projet de loi. C'est très apprécié.

Moi, je vais vous amener rapidement sur la question du code de conduite qui proscrirait, donc, les relations entre tout membre du personnel et les étudiants, étudiantes. Donc là, on comprend bien que ça inclut vraiment tout le monde qui est à l'emploi de l'établissement collégial, donc un membre du personnel administratif, un membre, par exemple, de l'entretien ménager aussi ainsi que les professeurs, c'est bien ça? Tout le monde?

M. St-Amour (Jason) : Oui, exactement, oui.

Mme Fournier : O.K. Puis donc vous excluez la notion de relation d'autorité aussi dans votre exposé, et je me demandais comment, dans ce cas-là, c'est possible de l'appliquer, compte tenu que vous dites qu'il y aurait quand même une exception pour les relations qui précèdent les relations d'autorité, sauf que vous n'incluez pas la notion de relation d'autorité.

Alors, dans les faits, est-ce qu'il va falloir que les gens qui ont déjà une relation, par exemple, avant d'être étudiants à l'établissement vont devoir la noter quelque part, prévenir quelqu'un qui serait chargé de l'administrer au sein des établissements? Comment vous voyez ça dans l'application concrète?

M. St-Amour (Jason) : Je crois que la première distinction, en fait, qu'il faut faire, c'est qu'on n'exclut pas la notion d'autorité. Pour nous, la notion d'autorité vient s'inclure dans la notion d'influence. Donc, c'est pour ça qu'on va vraiment plus large avec toute la notion d'influence, qui reprend la notion d'autorité. Par après, je vais céder la parole à Lauréanne pour les cas types que vous m'avez donnés.

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Je ne prendrai pas le temps de le relire, là, juste pour être sûre, mais effectivement, si la relation date d'avant l'entrée au cégep, parce qu'on vient de dire que la relation d'influence, d'autorité démarre dès l'entrée au cégep pour le personnel... que, si la relation est antérieure à ça ou, par exemple, si cette relation-là inclut des enfants... bien, évidemment, on ne peut pas proscrire cette relation-là. Il serait bien mal vu de le faire aussi. Mais il faut quand même qu'il y ait un encadrement pour ne pas... on peut penser à un... le lien d'influence, là, favoriser quelqu'un, défavoriser quelqu'un parce qu'on a un lien particulier avec cette personne-là. C'est pour ça qu'on garde la notion d'encadrement à ce niveau-là, comme elle l'était déjà dans le projet de loi soumis par le ministère.

Mme Fournier : O.K. Puis comment vous voyez, dans le concret, l'encadrement? Est-ce que, c'est ça, il va devoir y avoir, par exemple, une déclaration qui est faite lors de l'entrée, par exemple, au cégep?

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Je ne sais pas comment ça va s'inscrire, là. Est-ce que cette déclaration-là doit être publique, au niveau administratif, et tout? Mais évidemment il faut que la relation soit déclarée. Je pense que c'est important pour pouvoir faire l'encadrement que cette relation-là soit connue.

Mme Fournier : Merci. Sur un autre sujet, le fait que vous souhaitez que donc les politiques soient adoptées avant le 1er septembre 2018 plutôt que 2019. Je serais intéressée de vous entendre sur, dans le fond, le processus qui va nous mener là. Est-ce que vous considérez que justement les délais seraient suffisants pour les établissements qui partent quand même d'un peu plus loin? On sait qu'il y a plusieurs établissements universitaires qui ont déjà une politique qui pourrait cadrer dans le projet de loi actuel.

Pour ce qui est des cégeps, on est un petit peu plus loin en la matière de façon générale, de ce que j'ai pu comprendre. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu si vous pensez vraiment que ça peut être réaliste, 2018?

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Oui. Je crois que l'adoption de la politique est réaliste en 2018. Et il y a une raison pour laquelle on a mis l'application plus tard, c'est pour donner le délai pour mettre en place les mesures en janvier 2019, et je crois qu'avec la volonté, avec la loi, avec un effort aussi, évidemment, des établissements, c'est possible pour les établissements de se doter d'une politique avant septembre 2018.

M. St-Amour (Jason) : En fait, ce qu'il faut se dire, c'est que ce n'est pas nouveau, là, tout ça, là, ça ne sort pas de nulle part. Je crois que ça fait plus d'un an que les établissements savent qu'il y a un projet de loi qui s'en vient là-dessus. Ils savent très bien qu'ils vont devoir écrire une politique. Nous, ça nous a beaucoup étonnés quand même de voir «septembre 2019». On trouvait ça loin. Je crois qu'en venant faire aussi la distinction entre adoption et application on vient permettre à l'établissement d'avoir un petit peu plus de temps pour commencer à mettre en place ses ressources, structurer ses ressources. Mais je crois que le réseau collégial a une force aussi très grande, c'est un réseau de concertation, c'est un réseau qui se parle, c'est un réseau qui bâtit ensemble. Donc, oui, il y a des petits cégeps qui ne sont pas nécessairement préparés à appliquer rapidement une politique, mais le fait que ce réseau-là se parle, ça permet aux cégeps d'être prêts, de se concerter et de bâtir des politiques ensemble, aussi en mettant par après, avec leur autonomie institutionnelle, un petit peu de leur touche.

Mais je crois que le réseau collégial est prêt aussi à mettre ça de l'avant et surtout qu'on a une expertise aussi qui se développe au sein des associations étudiantes par rapport à cette question-là, les intervenants y sont sensibilisés aussi. Donc, ce n'est pas nouveau. Les établissements doivent être prêts pour janvier 2019 à mettre leurs politiques et leurs plans d'action en application.

• (13 heures) •

Mme Fournier : Très bien. Merci pour ces éclairages. Évidemment, je pense qu'on partage la préoccupation du fait qu'on va ériger un cadre maintenant. Donc, c'est une très bonne nouvelle. Par contre, souvent, on va manquer de ressources appropriées pour le mettre en oeuvre, justement, qui nous permettent d'aller plus vite, par exemple, pour l'adoption de la politique et du code de conduite, et tout ça.

Et donc est-ce que vous avez évalué les besoins qui seront nécessaires au sein des institutions? Puis est-ce que vous considérez que les ressources actuelles seront suffisantes pour être en mesure de bien mettre en place, donc, la politique au sein des établissements?

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : On n'a pas eu le temps et les ressources pour chiffrer exactement, là, le montant.

Par contre, la Fédération des cégeps avait fait l'exercice de ventiler un peu le 23 millions à travers les établissements. Évidemment, comme Mme David nous le rappelait la dernière fois, ça ne sera pas ventilé de la même façon d'établissement en établissement, selon la grosseur, selon plein de particularités, mais ça donnait une moyenne, pour cinq ans, d'à peu près 20 000 $ par établissement, ce qui est très peu si on pense aux besoins d'ajouter une ressource humaine, d'ajouter des ressources matérielles, toutes les mesures, d'appliquer la politique, le plan d'action qu'on suggère, la stratégie et la loi. On considère que ce n'est pas suffisant pour l'instant. C'est vraiment un bon début, par contre.

Mme Fournier : Dans votre chapitre n° 2, je reviens, là, vous demandez une modification qui demande que les délais d'intervention, suivant le dépôt d'une plainte, soient d'un maximum de 30 jours. Est-ce que vous pouvez nous parler des situations actuelles? Est-ce que vous pensez que ça pourrait aller au-delà de 30 jours si on ne l'inscrit pas dans la loi?

Est-ce que vous avez vécu des situations dans les établissements que vous représentez?

La Présidente (Mme de Santis) : Il vous reste une minute.

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Oui. Pour avoir participé à l'écriture du mémoire... pas celui sur le projet de loi actuel, mais le mémoire sur les violences à caractère sexuel de l'an dernier, j'avais fait la recherche dans plusieurs cégeps. Les délais sont très, très, très longs. C'est beaucoup plus qu'un mois pour traiter une plainte dans un cégep. Et, les délais de prescription, si on est du même sens, il y a des cégeps que c'est aussi peu que 30 ou 60 jours pour porter plainte. Donc, si on dit que, pour porter plainte, c'est 30 jours, c'est beaucoup plus long, traiter la plainte après ça.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Donc, maintenant, nous allons procéder, et la parole est au député de Chambly pour 5 min 24 s.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Je vais revenir sur le sujet de ma collègue, c'est le délai de 30 jours pour traiter une plainte. Vous avez sorti ce chiffre-là en s'appuyant sur quoi? Est-ce qu'il y a d'autres exemples dans d'autres institutions qui ont ce délai de 30 jours?

M. St-Amour (Jason) : Non. Présentement, le délai d'intervention, de un, n'est pas inscrit à la loi. Donc, pour nous, c'est essentiel que ce soit inscrit. Je ne pourrais pas dire s'il y a des délais d'intervention qui sont inscrits au sein même des politiques des établissements, parce que les politiques ne sont pas existantes. Je vous dirais que c'est les différents rapports, là, l'ESSIMU, par exemple, qui recommandaient 45 jours. Nous, on est avant-gardistes, on dit «30».

Pour nous, ce n'est jamais trop tôt pour aider un survivant puis une survivante. Bien sûr, c'est un délai d'intervention de 30 jours. L'intervention peut être quand même beaucoup plus longue, là. Quand qu'on opère des services de psychologie, bien sûr que le temps de la guérison est beaucoup plus long que 30 jours, mais les premières interventions doivent se faire obligatoirement dans un délai de 30 jours, parce qu'auparavant, comme ma collègue le disait, c'étaient des délais vraiment déraisonnables qui étaient appliqués ou, du moins, des délais qui étaient non suivis par les établissements. Donc, il faut vraiment venir fixer un maximum pour que les établissements un petit peu, là, se recouvrent les manches et travaillent rapidement.

Mme Cauchy-Richer (Lauréanne) : Dans les pires situations, il n'y avait juste aucun traitement de la plainte. C'est déjà arrivé aussi.

M. Roberge : C'est clair que ça démontre quand même la nécessité qu'on se penche sur ces questions-là puis qu'on ait une certaine uniformité. Puis c'est une préoccupation que j'ai. Évidemment, chaque institution va faire son plan d'action, mais il faudrait éviter qu'il y ait de trop grands écarts d'une institution à l'autre. Donc, moi, je pense que c'est intéressant qu'on s'y penche. Je comprends votre suggestion de 30 jours. Peut-être que d'autres groupes vont... peut être que tout le monde dira «30», d'autres, «45», mais je ne peux pas imaginer que, dans un certain cégep, ça soit 30 jours puis que, dans un autre, ça soit 90. Je veux dire, une personne qui est victime... ou, on utilise le mot, qui est survivant, survivante a les mêmes besoins, peu importe son cégep. Donc, je pense qu'il va falloir l'inscrire, moi, ce chiffre. On l'établira ensemble, mais je pense que ça devrait être dans la loi. Ça, je suis tout à fait d'accord avec vous.

Mais je vais continuer sur la question des délais. Vous voulez ajouter quelque chose qui n'est pas du tout dans le projet de loi ici, mais vous en profitez parce qu'on est directement dans le thème. Vous parlez d'abolir le délai de prescription pour l'IVAC. En ce moment, il y en a un ici. C'est de combien en ce moment?

M. St-Amour (Jason) : Deux ans.

M. Roberge : C'est deux ans.

M. St-Amour (Jason) : Deux ans depuis la survenance de l'acte, en fait, où la personne peut déposer une requête pour indemnisation.

M. Roberge : Puis, quand on sait que souvent c'est très, très long avant de décider de porter plainte si la personne décide de le faire, on comprend que, des fois, le délai peut être passé.

Est-ce qu'il y a des exemples, vous avez documenté ça? Dans d'autres provinces, dans d'autres pays, ce délai-là est de combien... ou est-ce qu'il y en a, des délais, partout?

M. St-Amour (Jason) : Je ne pourrais pas vous dire, mais le meilleur exemple que je peux vous donner, c'est nos voisins de l'Ontario, qui ont tout simplement décidé de l'abolir. C'est le meilleur exemple que je peux vous donner, je crois.

M. Roberge : O.K. Je pense que c'est quelque chose d'intéressant. Puis je suis d'accord que, là, on est dans un projet de loi sur l'enseignement supérieur, mais, dans le fond, c'est davantage un projet de loi de lutte aux violences sexuelles qu'un projet de loi du réseau de l'enseignement supérieur. Ça fait que moi, j'accueille votre suggestion avec beaucoup d'ouverture. Je pense qu'on va essayer de l'amender de telle façon à couvrir plus large plutôt que de se restreindre, pour dire : Bien, ça, ça ne touche pas les écoles. En réalité, les gens, ils vont dans les cégeps, ils vont dans les universités, ils sortent des cégeps, puis c'est toujours la même victime. Donc, si on pouvait profiter de l'opportunité qu'on a pour régler des problèmes à l'extérieur de l'enseignement supérieur, je pense qu'il ne faudrait pas s'en priver.

Autre question. Encore une fois, la ministre a... Bien, peut-être que c'est une question juridique. Cette idée d'avoir les trousses médicolégales dans les institutions, je ne pense pas que ça soit une question juridique, c'est peut-être plus une question médicale. Vous, vous liez ça avec la présence d'un ou d'une infirmière, je pense.

M. St-Amour (Jason) : Je ne crois pas que c'est... Ce n'est pas indissociable du système juridique. C'est, en fait, seulement de dire que la trousse qu'on peut retrouver dans un hôpital, un centre de prévention peut se retrouver aussi dans un milieu d'établissement collégial qui est parfois le repère d'un étudiant. Bien sûr, il y a des étudiants pour qui leur repère, c'est le CLSC. Il y en a d'autres pour qui c'est les hôpitaux, mais il y en a d'autres aussi pour qui c'est les établissements collégiaux et les établissements universitaires. Donc, nous, on dit : Ces trousses-là doivent se retrouver dans les établissements. Et il y a aussi des partenariats qui se font avec les services de la santé. Donc, nécessairement, il y a au moins une infirmière, un jour par semaine, qui est présente au sein d'un établissement. Donc, c'est pour ça que l'infirmière doit disposer de cette trousse médicolégale là. Et je crois bien que, si c'est fait par une infirmière qualifiée, ça sera recevable en cour comme il se doit aussi.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour trois minutes.

Mme Massé : En fait, je vais vous poser deux questions, puis vous aurez le temps d'y répondre. Je veux être certaine que j'ai bien compris. Donc, ce n'est pas l'ensemble des cégeps qui ont une infirmière à temps plein. Ça, c'est la première chose que je veux que vous me répondiez.

Et, deuxièmement, vous avec cru bon, au moment de la définition dans l'alinéa deux de l'article 3, d'inclure la question de minorités sexuelles mais, je dirais, d'élargir, là, en fait, de nommer un certain nombre de personnes que vous dites : Bon, bien, je pense que c'est important qu'elles soient nommées. Je serais intéressée à vous entendre là-dessus.

Et finalement j'en ai une troisième petite. Il y a la question du suivi, de l'accueil des plaintes, etc. Est-ce que vous croyez que ce doit être un guichet unique à l'intérieur de l'institution? Comment vous voyez ça?

M. St-Amour (Jason) : Je vais faire des petites réponses courtes, vu que vous n'avez pas beaucoup de temps. La première réponse, c'est non, il n'y a pas d'infirmière à temps plein dans tous les établissements. La deuxième question, en fait, c'est que ça a été documenté par les différentes recherches, que c'est vraiment les personnes issues des minorités sexuelles ou de genre, des minorités visibles, des communautés autochtones ou encore les étudiants en situation de handicap qui sont le plus sensibles d'être victimes de violence à caractère sexuel. Donc, c'est pour ça qu'on vient l'inscrire directement dans la loi, que les politiques doivent avoir un souci particulier pour ces communautés-là.

Et la troisième question, c'était?

Une voix : Le guichet unique.

M. St-Amour (Jason) : Le guichet unique, oui. Pardon. Bien sûr, il y a des petits cégeps qui n'auront pas les ressources nécessaires pour mettre un seul guichet unique. Il va falloir nécessairement que les cégeps coopèrent entre eux. Tantôt, je l'ai dit, je crois qu'il y a une grande force, dans le réseau collégial, qui est la coopération entre les établissements. Exemple, dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, il y a des cégeps qui vont devoir se regrouper les ressources, mais je crois que les guichets uniques sont importants... ou, du moins, les mécanismes, le principe du guichet unique.

• (13 h 10) •

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

M. St-Amour (Jason) : Le guichet... pardon, le principe du guichet unique est extrêmement important et ce principe-là est que l'étudiant n'ait pas à répéter à maintes et maintes reprises son traumatisme. Donc, c'est pour ça qu'on veut seulement que le principe de ce mécanisme-là de guichet unique soit repris. Et nécessairement, si des ressources sont dédiées, indexées, qui sont publiques, qui sont récurrentes, ça va permettre à des mesures comme ça d'être appliquées au sein du réseau.

Mme Massé : Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, je remercie M. St-Amour, Mme Cauchy-Richer et M. Boudreault Lapierre de leur contribution aux travaux de la commission. Je m'excuse que vous n'avez pas eu votre heure entière pour faire votre exposé. On a été retardés dans le salon bleu. Mais, encore une fois, merci d'avoir participé ici avec nous aujourd'hui.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 15 h 1)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur. Cet après-midi, nous entendrons l'Union étudiante du Québec, la campagne Sans oui, c'est non! et la campagne Ni viande ni objet.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Union étudiante du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé. Alors, allez-y. Et j'aimerais mentionner que l'éclairage n'est pas tout à fait normal, il y a un problème. Il y aura une résolution peut-être dans les prochaines minutes ou les prochaines heures, on ne sait pas. On a décidé de commencer, nonobstant le fait que l'éclairage ne soit pas là. Alors, excusez-nous si ça vous cause un petit peu de problèmes. Alors, allez-y.

Union étudiante du Québec (UEQ)

M. Telles (Simon) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me présente : Simon Telles, président de l'Union étudiante du Québec, accompagné, aujourd'hui, de ma collègue Catherine Grondin, coordonnatrice aux affaires académiques, également à l'Union étudiante du Québec.

C'est vraiment un plaisir pour nous d'être ici aujourd'hui pour vous présenter nos travaux, là, sur le projet de loi n° 151 pour prévenir et contrer les violences sexuelles en milieu universitaire. Vous vous doutez, dans le contexte, là, que les associations étudiantes, on est particulièrement interpellées par ce projet-là. Et je peux vous dire qu'on a aussi beaucoup sensibilisé... depuis plusieurs années. Il y a même beaucoup d'initiatives concrètes déjà qui sont mises en place par les associations. Et ce projet-là vient non seulement compléter la stratégie, mais nous donner des outils nécessaires pour aller encore plus loin, et on tâchera aujourd'hui de bonifier, encore une fois, le projet, et je suis confiant qu'on pourra le faire tous et toutes ensemble.

On va vous présenter, en fait, trois volets du projet qu'on va détailler avec certaines mesures : le premier volet, sur la prévention et la sensibilisation, l'aide aux personnes survivantes; le deuxième volet, les obligations institutionnelles qui incomberont aux institutions; et finalement l'action gouvernementale. Donc, je vais laisser ma collègue Catherine commencer à vous présenter le premier volet, soit la prévention, la sensibilisation et l'aide aux personnes survivantes.

Mme Grondin (Catherine) : Oui. Donc, ce qui est très important pour nous, là, en fait, à l'Union étudiante du Québec, c'est vraiment de mettre les personnes survivantes au coeur de la stratégie de la loi puis, évidemment, des mesures de prévention puis de sensibilisation qui vont en découler. Non seulement on veut les mettre au coeur de cette loi-là, mais également on veut tenir compte des spécificités de certaines de ces populations-là.

Donc, notre mémoire le mentionne, en fait, au niveau de la recommandation n° 2, il y a des populations, en fait, qui sont plus à risque que d'autres de subir des violences à caractère sexuel. On parle, notamment, des personnes en situation de handicap, des personnes issues des communautés autochtones, des minorités visibles puis, évidemment, des minorités sexuelles et de genre. Donc, c'est pourquoi on indique, là, au sein de la recommandation 2 qu'on doit penser vraiment les politiques et la prévention par rapport à ces populations-là.

Une autre chose qui est très importante pour nous, c'est vraiment que les personnes survivantes se sentent en sécurité lors du dévoilement ou du dépôt d'une plainte ou d'un signalement d'une violence à caractère sexuel, finalement. C'est pourquoi on précise à la recommandation 29 qu'on aimerait que le projet de loi oblige les établissements à inclure, au sein de leurs politiques, une interdiction des représailles contre les personnes qui portent plainte, en prévoyant, là, même des mesures disciplinaires si jamais c'est le cas. Donc, c'est nécessaire, là, par cet ajout, de réduire au maximum les irritants pour les personnes survivantes.

On va également le mentionner un petit peu plus... en fait, on le mentionne déjà au sein du projet de loi, au septième paragraphe de l'alinéa deux de l'article 3, que l'on souhaite limiter l'impact, là, de ces agressions-là, finalement, sur leurs études. On est, bien évidemment, entièrement en accord avec ce point-là.

Pour venir encore plus limiter les difficultés pour eux, on souhaite vraiment, comme ça va être indiqué à la recommandation 31, que les établissements mentionnent la politique, en fait, qu'ils vont établir au sein même du contrat de bail de leur résidence universitaire. C'est actuellement le cas à l'Université de Sherbrooke, puis on croit vraiment que c'est une initiative qui vaut la peine d'être mise, là, pour l'ensemble du réseau d'enseignement supérieur. Ça permet aux personnes, là, survivantes de ne pas avoir, par exemple, s'ils ont besoin de résigner le bail pour leur résidence, d'irritant financier en plus du reste.

Une autre mesure facilitante, évidemment, c'est définitivement l'interdiction des délais de prescription lors du dépôt d'une plainte. Ce n'est vraiment pas toutes les personnes survivantes, là, qui sont prêtes à en parler rapidement, de ce qui s'est produit. Ça peut prendre du temps, on parle de mois, même ça peut prendre des années. Donc, ça ne peut pas être une raison, en fait, ce délai-là, pour rendre la plainte irrecevable, finalement. Donc, ce n'est pas parce que l'acte s'est produit il y a quatre ans qu'on devrait ne pas en tenir compte. De la même manière, là, la personne qui va faire une plainte ne peut pas craindre, là, qu'en quittant l'établissement, donc, par exemple, à la fin de son parcours universitaire, si la plainte n'a pas été traitée encore... en déduire que cette plainte-là va juste être tablettée puis qu'il n'y aura pas de suivi qui va être fait, en fait. C'est vraiment important que ça continue.

Une autre de nos recommandations, là, qui est assez importante, c'est la recommandation 14, c'est le fait qu'on ne veut pas que le parcours académique de la personne survivante soit affecté encore plus par un long délai de traitement des plaintes. Donc, ce qu'on vous demande aujourd'hui, c'est vraiment d'inclure au sein du projet de loi que le délai maximal de traitement d'une plainte puis des procédures qui vont en découler soit de 45 jours. Pour nous, 45 jours, c'est un compromis. Ça pourrait même être moins, puis on serait très heureux, évidemment. Mais 45 jours, pour vous donner une idée, c'est environ la moitié d'une session universitaire. Donc, on croit que c'est très réaliste, là, finalement, de traiter cette plainte-là puis les procédures en la moitié de cette session-là. Puis ça permet aussi, là, qu'on ne compromette pas les études de manière... plus que ce que ça va déjà être, en fait, à ce moment-là.

Pour le reste, je vais laisser mon collègue poursuivre avec les obligations institutionnelles des établissements d'enseignement supérieur.

M. Telles (Simon) : Merci beaucoup. Donc, on saute maintenant dans les obligations des institutions. La première qu'on tient à souligner, c'est le guichet unique qui est mentionné à l'article 4. Donc, on parle d'un endroit qui est connu, qui est facilement accessible. On est tout à fait favorables à cette mesure-là, d'ailleurs on est très heureux que ça figure dans le projet, mais, pour bonifier encore cet article-là un peu plus, on pense que ce serait important que les mesures soient également mentionnées sur le site Internet des établissements et sur les plans de cours aussi des différents cours pour qu'elles soient connues, en fait, de toute la communauté étudiante. C'est ce qu'on recommande, là, notamment, à la recommandation n° 20.

Maintenant, également, en termes d'accessibilité des politiques, bien, qui dit accessibilité dit publicité. On pense que ce serait important qu'à même le projet de loi on mentionne que toutes les politiques soient publiques. Ça a été mentionné dans la stratégie, mais pourquoi ce n'est pas une obligation dans le projet? On se l'explique mal, en fait. On ne pense pas que ça devrait varier d'une institution à l'autre. Tout devrait être public. C'est certain qu'on pourrait faire des demandes d'accès à l'information individuelles, mais pourquoi se rajouter une étape administrative? On pense que la transparence, ce serait important, et que de le rendre public, là, dans le projet, bien, ça garantirait l'uniformité un peu partout dans le réseau. On recommande ça au numéro 23.

Maintenant, en termes de processus, ça aussi, c'est fondamental, le processus qui doit être impartial, équitable et juste, et on doit prévoir ça aussi au sein même de la loi, certaines garanties, parce que, quand on laisse les établissements déterminer eux-mêmes ces garanties-là, bien, on arrive à des drôles de résultats parfois. Et je vous donne l'exemple de l'Université de Montréal, qui a choisi, lorsqu'une plainte étudiante est faite, d'exclure les étudiants et les étudiantes des comités de discipline. Donc, ce qui se passe en ce moment, là, c'est que c'est des professeurs qui jugent des professeurs. Et, quand une plainte est faite par un étudiant ou une étudiante, eh bien, il n'y a pas de voix étudiante. Pour nous, c'est inacceptable. C'est précisément des mesures comme ça qui font que des personnes survivantes vont perdre foi envers les processus, et ça, ça doit être corrigé et indiqué très clairement dans le projet de loi. On recommande ça, là, à la recommandation n° 11.

Maintenant, pour ce qui est de la troisième et dernière section, on parle des actions gouvernementales. Eh bien, le projet de loi prévoit déjà une série de mesures qui sont obligatoires. En plus de la politique à adopter par établissement, on pense, là, tout comme la FECQ vous l'a mentionné ce matin, que chaque établissement devrait adopter un plan d'action qui va expliquer, en fait, comment seront mises de l'avant les politiques et que ça s'ajoute aux éléments de reddition de comptes qui sont prévus par l'article 11 du projet. Donc, je vous renvoie à la recommandation n° 36 pour l'explication détaillée de cette mesure-là.

• (15 h 10) •

Également, le délai d'adoption des politiques, là, nous inquiète un peu, nous aussi. On parle de la date du 1er septembre 2019. On trouve que c'est un peu loin. Donc, ce qu'on proposerait, en fait, c'est que la date d'application soit le 1er septembre 2019 mais que la date d'adoption de la politique, elle soit devancée au 1er janvier, ce qui laisserait le temps aux établissements, aux associations étudiantes, entre le 1er janvier et le 1er septembre 2019, de s'assurer que tout fonctionne pour la politique puis qu'on arrive vraiment, là, le 1er septembre 2019, avec une politique qui est prête, qui est réfléchie, qui a été travaillée avec l'ensemble de la communauté universitaire.

Ensuite, la reddition de comptes, ça aussi, c'est un élément sur lequel on a beaucoup insisté et qui est quand même omniprésent dans le projet de loi. À ce propos-là, on pense que c'est important que la Commission de la culture et de l'éducation puisse entendre les administrations universitaires sur comment elles auront mis en place leurs politiques. On pense aussi que les audiences de la loi devraient être élargies pour permettre aux associations étudiantes aussi de pouvoir témoigner sur qu'est-ce qui se passe sur le terrain. Présentement, ce n'est pas le cas. Et on pense qu'aux recommandations 25 et 26, là, ça devrait être élargi pour permettre aux associations de témoigner sur l'efficacité des politiques sur le terrain.

On pense aussi qu'évidemment que le ministère donne beaucoup de responsabilités aux associations étudiantes, aux différents regroupements, aux universités. On pense que le ministère, aussi, de l'Enseignement supérieur devrait avoir une responsabilité dans ce projet-là, de renouveler la stratégie d'intervention à tous les cinq ans, ce qui permet d'identifier là où il y a des problématiques puis aussi de revoir le financement pour s'assurer que ce financement-là va toujours être adéquat. C'est ce qu'on propose à la recommandation 32.

Ensuite, un autre élément qui a fait couler beaucoup d'encre, c'est toute la question du code de conduite. Donc, en fait, on est très heureux que déjà le projet ait l'audace de reconnaître cette situation-là comme étant problématique, mais on demande à la commission à ce que ça aille encore plus loin : d'interdire formellement les relations entre les professeurs, étudiants, dirigeants en cas de lien d'autorité direct. Donc, on parle vraiment en lien d'autorité direct ici. On pense que ça n'a tout simplement pas sa place et donc on devrait l'interdire formellement partout à travers le réseau.

Je termine avec le financement. Ça va de soi que le succès de cette politique-là va dépendre d'un financement qui soit adéquat. On sait que la prévention et la sensibilisation entraînent un nombre supplémentaire de demandes, de plaintes. Or donc, on aura besoin de ressources supplémentaires pour suivre, en fait, la demande, qui va être croissante. Et ce n'est pas une mauvaise chose, là. Il faut juste répondre au rendez-vous avec les ressources. Ça nous prend des fonds qui sont récurrents, indexés, évidemment, qui sont publics. Et donc on voudrait s'assurer, là, que ce soit le cas suite à l'adoption de ce projet, éventuellement.

Mme Grondin (Catherine) : Somme toute, finalement, à l'Union étudiante du Québec, on est assez satisfaits, là, du projet, on considère que c'est un bon projet de loi. Par contre, ce qu'on voit, c'est qu'il n'y a pas assez de conditions minimales, finalement, de troncs communs pour qu'il y ait une uniformité entre des pratiques, là, autour de la province. On ne voudrait pas qu'il y ait, par exemple, un étudiant de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue qui soit moins protégé, par exemple, qu'une étudiante de l'Université Laval. Donc, c'est ce qu'on a tenté de dégager, là, au sein de nos recommandations dans le présent mémoire, d'avoir une uniformité autour du réseau.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Merci, M. Telles. Merci, Mme Grondin. Nous allons maintenant débuter avec la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 24 minutes.

Mme David : Bon. On va prendre notre souffle un petit peu. Un tour de force que vous avez réussi, mais ça a été tellement vite que j'en ai perdu moi-même des bouts. Alors, on repart à zéro, O.K.? On repart avec des choses très importantes que j'ai réussi à... Parce qu'en plus vous êtes allés d'une recommandation à une autre, alors, on cherchait, puis vous n'avez pas dû trouver qu'on vous écoutait trop, mais on essayait de vous suivre. Et, à la vitesse où vous deviez parler... En tout cas, je vous félicite, vous avez réussi à en dire beaucoup en très peu de temps. Maintenant, on va essayer de prendre le temps pour un certain nombre de choses, comme pour avoir le temps pour réagir.

Il y a comme trois choses... ou quatre choses sur lesquelles je veux revenir rapidement. La participation des étudiants à ce que... je ne prends même plus le temps de chercher dans mes papiers, là, mais vous allez savoir de quoi je parle, au comité de discipline. Je ne suis pas sûre que vous l'avez appelé comme ça, mais vous dites : Il y a seulement des professeurs qui jugent des professeurs ou des étudiants. Bon, pour avoir moi-même siégé à un tel comité de discipline, il y en avait un pour étudiants, un pour professeurs, mais je veux être bien sûre de ce qui vous inquiète et comment vous verriez un modèle optimal, donc, en termes de, on se comprend, un étudiant qui est référé en discipline parce que... et donc on suppose que c'est l'agresseur et non pas la victime, parce qu'il a posé des gestes qui sont à l'effet que l'institution, et non pas la victime, l'institution décide qu'il doit y avoir des conséquences à ça. Alors, je pense que c'est à ça que vous faisiez référence. J'aimerais vous entendre plus là-dessus.

M. Telles (Simon) : Absolument. En fait, une des façons de traiter une plainte — ce n'est pas le cas dans tous les établissements — c'est de créer un comité de discipline, de la déférer au comité de discipline. Et l'exemple qu'on donnait à l'Université de Montréal, c'est qu'il y avait des sièges d'étudiant auparavant, lorsqu'un professeur recevait une plainte pour témoigner, en fait, devant le comité de discipline... et ce siège-là, il y a deux ans, à l'Université de Montréal, a été retiré aux étudiants. Donc, sur ce comité-là, qui traite de toute plainte envers un professeur, il y a seulement des professeurs qui jugent des professeurs, et ça, pour nous, c'est problématique. Et on doit s'assurer que, pour les institutions qui choisiront un comité de discipline pour faire le suivi des plaintes... de s'assurer, en termes d'équité procédurale, que minimalement, si on veut une confiance de la communauté universitaire, bien ça va prendre aussi un étudiant sur ce siège-là... sur ce comité-là, en fait, pour parler de la réalité étudiante puis d'assurer un point de vue étudiant. Donc, c'est ce qu'on voulait s'assurer, dans le projet, là, en termes d'équité, là, qui ne soit pas répété.

Mme David : Parce que, si on regarde dans le projet de loi, on s'assure que, pour élaborer cette politique liée aux violences à caractère sexuel, les étudiants sont obligatoirement membres de ce comité-là. J'imagine que, là, vous ferez, évidemment, faire valoir... Parce que, là, on parle des statuts de l'université, de chacune, qui ne sont pas exactement les mêmes des unes aux autres. Alors, j'ai l'impression que ce que vous voulez, c'est vous assurer, dans le projet de loi, et non pas dans votre présence pour élaborer la politique, où vous pourrez faire aussi valoir ça, qu'il y ait vraiment l'assurance que les étudiants participent au processus de sanction ou d'analyse du comportement quand c'est un professeur et quand c'est un chargé de cours, ce qui va référer, je le crains fort, à toutes la question de la convention collective, des statuts des universités. Chacune a l'autonomie de son processus disciplinaire. Alors, j'entends bien, mais je veux être sûre que c'est de ça, là, dont il est question.

M. Telles (Simon) : C'est exactement ça dont il est question. Justement, l'exemple qu'on donnait, c'est que, si on laisse les institutions décider ces processus-là par elles-mêmes, force est de constater qu'on exclut les étudiants pour protéger les professeurs. Donc, on pense que le projet de loi devrait réaffirmer ça très clairement, et j'ai confiance aux juristes, qui seront mieux habiletés que nous à trouver une manière de le faire, mais on demande vraiment à ce que ce soit, là, dans le projet de loi et non dans les politiques, puisque ça n'arrive pas, là, en pratique, là, de ce qu'on constate.

Mme David : O.K. On les aime beaucoup, les juristes. On va avoir besoin de leur aide, parce qu'il y a tout le concept d'autonomie des universités aussi. Alors, on va regarder ça très attentivement, mais je comprends très bien l'idée de ça.

Moi, je veux évidemment vous entendre un peu plus, même si je connais quand même votre position, mais je veux vraiment la partager avec les collègues, parce que ça va devenir important, au fil du temps, le code de conduite. Vous êtes allés... et vous le dites — merci — que ça existe déjà — pour le Québec, c'était une première, disons-le comme ça — mais que vous voulez que ça aille beaucoup plus loin. On sait que, sur la planète, il y en a qui sont allés plus loin. Il y en a où ça n'existe pas du tout, cette question-là. Donc, on doit y réfléchir bien comme il faut. Et je voudrais vous entendre un peu plus sur l'étendue de votre vision de ce que seraient les interdictions ou les déclarations ou un code de conduite.

M. Telles (Simon) : Parfait. Merci pour l'opportunité, là, de pouvoir le présenter plus précisément à la commission.

Donc, notre position là-dessus, c'est vraiment d'interdire toute relation sexuelle, amoureuse entre un membre du corps professoral, du personnel et les étudiants et les étudiantes lorsqu'il y a un lien d'autorité direct. Donc, c'est vraiment lorsqu'on a un lien d'autorité. Par exemple, un étudiant en histoire qui a un professeur en sciences, pour nous, là, il n'y a pas de lien d'autorité. Puis même, des fois, même au sein du même département, il n'y a pas nécessairement de lien d'autorité s'il n'y a pas une relation académique. Donc, c'est vraiment dans ces cas-là très précis où, selon nous, ça devrait être interdit, évidemment, comme la FECQ vous l'a mentionné ce matin, avec l'exception de la relation antérieure. Donc, si on arrive déjà avec une relation, il faudrait la mentionner pour que ce soit pris en compte. Mais, selon nous, là, il ne devrait pas y avoir de sanction, là, qui s'applique à ce niveau-là. Mais effectivement on a la ligne dure. On pense que, le consentement sexuel, par exemple, qui serait donné dans le cas d'une relation d'autorité, bien, il n'y a aucune façon de s'assurer de sa validité, parce que justement ce lien-là vient vicier le consentement. Il peut y avoir une crainte de représailles. Aux cycles supérieurs, spécifiquement, des fois, on est dans des domaines très précis, puis une étudiante ou un étudiant pourrait craindre de refuser certaines avances justement par peur de perdre sa relation académique, et, cette situation-là, nous, on l'identifie comme étant très problématique. On a beaucoup de cas qui parviennent à nous d'étudiants et d'étudiantes qui se disent mal à l'aise puis on pense vraiment qu'une note claire à cet effet-là permettrait de dissuader ce comportement-là et de s'assurer de protéger une communauté qui est vulnérable.

• (15 h 20) •

Mme David : O.K. Et vous n'employez pas le même vocabulaire que nous, hein? Nous, c'est «qui est en situation de relation académique» pour justement... qu'est-ce que c'est que l'autorité si c'est un technicien de laboratoire, qu'est-ce que c'est que l'autorité si c'est le doyen de la faculté, qu'est-ce que c'est que l'autorité si c'est quelqu'un qui est un employé du département mais qui n'est pas un professeur direct. Alors, les mots ont évidemment leur importance.

On a beaucoup pensé à ce mot-là, «autorité», et j'imagine que vous aussi, vous y avez pensé, mais on a finalement retenu plus l'expression «qui peut avoir une influence sur son cheminement académique», parce que le doyen n'est peut-être pas en train d'enseigner à l'étudiant, mais c'est quand même un doyen qui signe au moment d'une soutenance de thèse ou quelque chose comme ça.

Alors, ce n'est pas une sémantique gratuite, là, que je veux qu'on fasse, mais je voudrais vous entendre plus sur le mot «autorité».

M. Telles (Simon) : Je pense qu'on a la même définition en tête, là, malgré le choix des mots. Par exemple, nous, un technicien ou une technicienne de laboratoire, la personne n'a pas réellement une incidence sur le cheminement académique de la personne, donc, pour nous, là, il n'y a pas de lien d'autorité. Un doyen a très clairement un lien d'autorité sur l'étudiant ou sur l'étudiante; un professeur qui l'évalue, qui le supervise, également. Donc, c'est cette idée-là, où le jugement ou les actions de cette personne-là pourraient influencer le parcours académique de l'étudiante ou de l'étudiant.

Donc, je pense que, malgré le choix différent des mots, on est d'accord, là, il faut vraiment qu'il puisse y avoir une incidence sur le parcours académique.

Mme David : O.K. Et là où vous aller clairement plus loin que nous, c'est dans la question de code de conduite versus interdiction totale. Alors, on est peut-être trop prudents à votre goût ou trop... C'est un peu comme : Il faut le dévoiler quand on est en situation de conflit d'intérêts, par exemple. Alors, on l'a dit, puis là les gens prennent les mesures. C'est une option. L'autre option, c'est : Essayez-vous même pas, parce qu'il va y avoir une sanction. Essayez-vous même pas, là, il va y avoir... Parce que, quand on interdit quelque chose, par définition, il y a des conséquences. On se comprend, là, je pense que c'est ça que vous voulez dire. Donc, si je comprends bien, puis je voudrais vous entendre sur la différence entre les deux, c'est : vous allez plus du côté de l'interdiction totale, de quelque forme que ce soit, de relation intime ou amoureuse. Parce que, là, vous avez mis «sexuelle», «amoureuse» ensemble. Ça ne va pas toujours ensemble, là. Des fois, c'est sexuel, pas amoureux, puis, des fois, c'est amoureux, pas sexuel, hein, on se comprend.

Mais là vous voulez vraiment qu'il y ait une interdiction totale. Avec quoi comme mécanisme ou comme conséquence? Jusqu'où vous allez là-dedans?

M. Telles (Simon) : Donc, absolument, on demande une interdiction totale. On est assez ouverts sur les sanctions possibles. Puis ça, on pourrait laisser le soin aux établissements de la déterminer.

Ce qu'on aurait besoin, c'est d'une directive claire dans la loi, justement, qui dit que ça doit être interdit, et là on laisserait libre cours aux établissements de dire, bon, est-ce que c'est une sanction disciplinaire, est-ce que c'est une autre forme de sanction. Ça, nous, on n'est pas limités au niveau des sanctions, mais on pense qu'il faut que, dans la loi, ce soit clair pour ne pas que, par exemple, à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue on fasse un code de conduite où c'est très clairement interdit puis qu'ailleurs ce soit permis. Donc, on veut éviter qu'à travers le réseau il y ait des établissements où les règles varient, l'une et l'autre, et que, là, les étudiantes, les étudiants magasinent, si on veut, leurs établissements d'enseignement supérieur en fonction de la protection qu'ils et elles vont recevoir. Ça, c'est une des situations qui nous préoccupent. Puis, sur un élément fondamental comme celui-là, bien, ça nous inquiète, là, que ce ne soit pas mentionné directement dans la loi et qu'on laisse libre cours aux établissements de le mentionner. Ça a des conséquences trop importantes sur les personnes survivantes. Surtout quand on met les statistiques en perspective, où 95 % des agressions sexuelles ne sont pas rapportées à la police, bien, je pense qu'on ne peut pas présumer que, le fait qu'il n'y ait pas de plainte, c'est : il n'y a pas de problème.

Je pense qu'il faut vraiment essayer de cibler une situation qui est très problématique et de l'interdire. Bien sûr que, des fois, ça peut être consensuel, mais il y a tellement de cas qu'on reçoit, il y a tellement de situations problématiques que... Évitons-nous ce problème-là, attendons la fin de la relation académique pour avoir ces relations-là. Je pense qu'on est rendus là au Québec, présentement.

Mme David : Ça a l'avantage d'être extrêmement clair, et on sait où ça commence et où ça se termine, c'est-à-dire que ça ne commence pas puis ça se termine mal si jamais une telle chose arrive. Encore faut-il que ça soit connu, là, parce que, si c'est de consentement mutuel, ça se peut que ça ne se sache pas, hein, mais ça se peut que ça se termine mal aussi. Puis, on le sait, ça ne se termine, souvent, pas très bien puis ça peut avoir une très mauvaise influence.

Comment vous voyez la suite des choses? Admettons que la chose se produise et que ça se sache. Qu'est-ce que vous voyez comme suite des choses? Qu'est-ce que qu'on fait du professeur ou de l'étudiant ou...

M. Telles (Simon) : Une de nos inquiétudes, par exemple, si un étudiant ou une étudiante portait plainte au département, c'est qu'on mette simplement fin à la relation académique, parce que ça peut être un frein supplémentaire à la dénonciation, de se dire : Écoutez, imaginez, on est aux cycles supérieurs, ça fait trois ans qu'on travaille sur un projet et on se dit : Mais, mon Dieu! si je dénonce cette situation-là, je perds mon projet de recherche, je perds trois années d'études. Donc, ça, c'est un souci qu'on a en tête, et, pour nous, l'interdiction vient apporter une solution supplémentaire à ça, elle vient créer un effet dissuasif qui fait que, ce genre de problématique là, on va éviter que ça survienne, puis on met la responsabilité sur les professeurs, qui sont titulaires de ce lien-là d'autorité, de s'abstenir d'avoir ce genre de relation là.

Mme David : O.K. Donc, c'est vraiment le modèle des ordres professionnels. Par exemple, pour un ordre que je connais bien, des psychologues, tu n'as pas le droit, tout simplement, d'avoir une relation, et ça a été suite justement à toutes sortes de choses assez dramatiques qui se sont passées depuis des décennies. Mais vous dites : Quand l'étudiante va se plaindre. Mais, par définition, si elle se pense vraiment amoureuse, ce n'est pas elle qui va aller se plaindre d'être aimée de son prof, comprenez-vous? On ne parle pas de... À ce moment-là, elle se pense consentante, et on s'entend sur le fait qu'elle se sent très consentante. Elle se sent amoureuse, admettons. Il y a toutes sortes de définitions sur le consentement, puis, je suis d'accord, quand on est en position d'autorité et de pouvoir, c'est peut-être un consentement pas si éclairé que ça.

Mais ce que vous dites, c'est que, si on interdit complètement, là, du genre : Essayez-vous même pas, pensez-y même pas, ça éviterait ce genre de consentement, qui n'est pas si consentant, puisque, dans une relation de pouvoir, on peut, comme par hasard, peut-être ne pas être aussi rationnel qu'on le voudrait. Est-ce que c'est ça?

M. Telles (Simon) : C'est bien ça. Puis une relation qui peut être consentante au départ peut changer en cours de relation. Donc, imaginez une relation qui commence de façon consentante. Des bouleversements émotifs peuvent se produire dans n'importe quelle relation, et, si ça arrive pendant la relation d'autorité, là ça peut donner lieu à des scénarios assez particuliers où, là, on se sent pris, comme étudiant, comme étudiante, dans cette relation-là, puis, pour nous, ça cause des problèmes, là. Donc, oui, c'est dans un objectif de protéger aussi les étudiants et les étudiantes de cette situation-là.

Mme David : O.K. Puis c'est dans un objectif de prévention que ça peut tourner très, très mal — ça, c'est vrai aussi, ça arrive, malheureusement, trop souvent — mais aussi parce que, même si ça va bien, puis que c'est ton directeur de thèse, puis que tu sors avec lui en même temps, ce n'est pas nécessairement une atmosphère très saine ou très normale. Mais je répète donc ma question sur : O.K., admettons que ça se passe. Comment vous voyez la suite des choses, là? Ça se passe. D'habitude, il n'y a pas grand témoins, là, il n'y a pas grand témoins. Et ça se sait tout à coup, là. C'est comme les lois : nul n'est à l'abri des lois. Donc, même s'il n'y a personne dans la chambre à coucher, là, le professeur sait qu'il est en infraction.

Mais comment vous voyez la suite des choses? Comité de discipline? Sanction? Suspension?

M. Telles (Simon) : Comme je l'ai mentionné un peu tantôt, que, ça, on est ouverts à laisser l'autonomie aux établissements sur la manière dont ils voudraient traiter ce problème-là. Le comité de discipline est une option. Une autre option dont on parle dans le mémoire, c'est peut-être d'intégrer une tierce partie à la relation d'encadrement pour, si jamais... En fait, je pense qu'il faut d'abord penser à l'étudiante ou l'étudiant qui va faire la plainte, lui demander dans quelle situation cette personne-là serait à l'aise. Peut-être que d'intégrer une tierce partie, c'est la solution. Peut-être que le comité de discipline en est une autre. Je pense qu'on a plusieurs possibilités. Et là je laisserais le soin, en fait, aux établissements de trouver des solutions. Mais on a besoin de cette ligne-là directrice dans la loi. Et je pense que vraiment ça va prévenir beaucoup de situations malheureuses qui se produisent et protéger des professeurs également. Je pense que ce n'est pas juste les étudiants, les étudiantes que ça protège, ça protège toute la communauté des situations malencontreuses qui peuvent être inconfortables aussi pour l'autre partie.

Mme David : O.K. Ça m'amène un peu au dernier sujet que je voulais aborder, que madame a abordé justement, c'est que, si vous résumez, vous voudriez, dans le fond, plus de conditions minimales dans l'encadrement, dans les balises de notre fameux article 3, où on dit : Il y a ça, ça, ça. Vous aimeriez qu'on soit plus prescriptifs, pour donner une certaine homogénéité, d'un ordre d'enseignement à un autre, d'ailleurs, et d'une institution à une autre, et qu'on soit vraiment dans une politique presque écrite d'avance, puis on l'envoie à tout le monde, puis tout le monde fait la même chose. Est-ce que j'exagère quand je dis ça ou est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles vous trouvez vraiment... J'ai entendu : Les délais. Il y a des choses que je trouve fort intéressantes.

Est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles vous dites : Il faut mettre des conditions minimales absolument?

• (15 h 30) •

Mme Grondin (Catherine) : Bien, c'est très clair, en fait. Vous l'avez mentionné, là. Sur la question des délais, on doit absolument mettre un délai maximum de traitement de ces plaintes-là. Nous, on a identifié 45 jours, étant donné que ça nous semblait être une bonne mesure, là. Lorsque ça fait la moitié de ta session que tu attends d'avoir finalement une idée de ce qui se passe avec ta plainte, je pense que ça peut aussi jouer dans le reste de tes études, donc c'est important d'avoir une réponse quand même assez rapide.

C'est certain, là, que, oui — c'est ce qu'on disait aussi à la fin de notre présentation — on a besoin que ce projet de loi là vienne vraiment encadrer les politiques un petit peu plus que ce qui est fait actuellement, parce qu'on a l'impression qu'il pourrait y avoir des situations différentes qui se produisent au sein d'une université ou de l'autre. Justement, comme mon collègue le disait, par rapport à l'interdiction d'une relation prof-étudiant, il ne faudrait pas que ce soit juste interdit dans certaines universités et pas dans d'autres. Donc, oui, c'est principalement ça, nos recommandations, là, tournent pas mal autour d'un truc beaucoup plus prescriptif, finalement.

Mme David : Vous avez dit quelque chose... Je vais reprendre la balle au bond, là. C'est le fun, on peut vraiment échanger. La fille, par exemple... la personne — on ne va pas genrer — la personne porte plainte et, vous dites, elle ne veut pas attendre je ne sais pas combien de temps avant que sa plainte soit traitée.

Moi, je vais être bien plus dans l'urgence que ça : il arrive quelque chose dans la nuit de samedi à dimanche. Il se passe quelque chose de bien plate, puis la personne est prise avec ça. Il n'est pas question qu'elle retourne dans le même groupe, dans la même classe le lundi matin. Qu'est-ce que vous nous suggérez? Parce qu'une plainte de 45 jours, c'est un gros luxe, là, ça. Ça veut dire porter plainte pour qu'il y ait une conséquence sur l'agresseur, admettons. Mais moi, je parle d'un cas, là... il arrive quelque chose dans la nuit, à 4 heures du matin, là, une agression sexuelle mais qui... Vous le savez, là. Ce n'est pas clair c'est quoi, l'agression. Puis c'est-u vraiment une agression? Puis, de toute façon, j'avais bu un peu trop puis je me sens coupable, puis etc. J'ai besoin de voir quelqu'un le lundi matin parce que c'est ça ou je lâche mon semestre. Ça, vous voyez ça comment, cette situation-là? Moi, dans le 45 jours, c'est dans les cas où on a le temps d'attendre, je porte plainte, puis ils vont traiter ma plainte, puis il va payer pour. Mais la victime, là, elle, c'est dans les 24 heures. Peut-être que c'est moi qui sens trop un besoin d'urgence d'intervention dans ce cas de figure là.

M. Telles (Simon) : On est très d'accord avec vous, là. Le 45 jours, même c'est généreux, là, c'est vraiment un délai, là, un plancher qu'on veut établir. Il faut que ce soit plus rapide que ça.

Une des mesures qu'on propose dans le projet, justement, c'est d'avoir un service 24 heures sur 24, là, que ce soit électronique pour pouvoir déjà faire un signalement puis être pris en charge rapidement. Bien, ça peut être intéressant aussi d'avoir des partenariats avec des CALACS locaux, par exemple, ou des ressources communautaires près des universités qui, en tout temps, vont pouvoir épauler les personnes survivantes. On sait qu'il y a déjà des ressources présentement. Donc, il faut qu'il y ait un travail de concertation aussi entre le communautaire puis le milieu universitaire. Mais je suis d'accord avec vous, là, il doit y avoir une évaluation très rapide qui est faite pour voir, là, le moment où l'intervention doit être faite. Maintenant, je me questionne à savoir comment, dans le projet de loi, on va baliser ça, mais je trouve ça très intéressant comme idée de... Si on est capable, là, pour des cas urgents, de le préciser encore plus, c'est certain qu'on ne sera pas opposés à ça.

Mme David : Et je vais vous ramener à... je ne sais pas quel article, là, mais il est bien dit qu'il faut que la politique précise les délais d'intervention. Et, dans ma tête à moi, il y a l'intervention à moyen terme. 45 jours, j'appelle ça moyen terme, je n'appelle pas ça court terme. L'idée d'avoir tout de suite un centre de référence, puis il y a une ligne 1 800, ça, ça va. Mais, bien au-delà de la question des CALACS, et tout ça, c'est la question : Je ne veux pas, demain matin, me retrouver dans la même classe que cet agresseur. Ça, la FECQ n'en a pas parlé beaucoup non plus.

De mon humble expérience de quand même quelques années à l'université, ce qui se passe dans la vraie vie, là, c'est que, le lundi matin, ou bien elle lâche son semestre, son cours ou bien elle va voir quelqu'un, dans un service d'aide aux étudiants, qui serait dédié et avec une certaine expertise, qui dit : Écoute, O.K., je comprends ce qui t'est arrivé, etc. Nous, on va s'organiser pour que tu ne le lâches pas, ton semestre, puis je vais appeler ton directeur de département, puis il y a quatre groupes-cours dans ça, on va te le changer ou l'autre va être changé, etc., pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abandon. Et ça, j'appelle ça vraiment des mesures d'accommodement académique d'urgence. Et ça, est-ce que ça résonne quelque chose pour vous autres ou... Il reste deux minutes.

M. Telles (Simon) : Absolument. On a justement, là, précisé dans notre mémoire, là, à la recommandation 10, donc, qu'au paragraphe 7°, en fait, de l'article 3, alinéa deux, on mentionne qu'il doit y avoir des mesures qui visent à protéger les personnes concernées et à limiter l'impact sur leurs études.

Nous, ce qu'on proposait, en fait, c'est de mettre l'emphase sur les personnes survivantes. Donc, on voulait être certains que les personnes concernées dans ce libellé-là, c'étaient bien les personnes survivantes et non les personnes qui recevaient les allégations. Donc, c'est fondamental pour nous que, dès qu'une personne fait un signalement, bien, on s'assure rapidement de l'accommoder, elle, davantage que la personne contre qui il y a une allégation. Donc, ce qu'on observe souvent, c'est qu'on va sortir la personne qui fait une plainte de son cours. On pense que c'est l'inverse qui doit être fait, on doit aider cette personne-là, lui faire un accommodement académique très, très, très rapidement. Et on était très heureux, d'ailleurs, que ce soit mentionné dans la stratégie et on est tout à fait, là, pour que ce soit fait, là, dans les meilleurs délais et, évidemment, pour le bénéfice de la personne qui va faire la plainte.

Mme David : O.K. C'est clair. C'est peut-être pour ça que vous n'en avez pas trop parlé. Mais je suis contente de vous entendre, parce que, pour moi, là, c'est comme arriver dans une salle d'urgence, là : tu n'attends pas 40 jours pour te faire traiter, là, tu es en urgence. Puis on le sait, la question des plaintes, la question de l'aide, bien, c'est ça souvent qui arrive, c'est que le temps passe, puis : Ah! c'était de ma faute, puis j'avais fait ci, j'avais fait ça. Et il peut arriver des choses vraiment plates, du genre : Bien là, je vais laisser ma session. Puis on sait ce que ça veut dire. On sait ce que ça veut dire au collégial, la course à la cote R. Et moi, je vois ça comme des mesures d'urgence et, après, des mesures d'accompagnement à court, moyen ou long terme. Enfin, il y a plusieurs ingrédients dans ce cocktail de réactions qu'une institution doit avoir. Mais, si la jeune fille ou le jeune garçon n'a pas l'opportunité, dans les heures qui viennent, de pouvoir, comme vous dites, soit envoyer un courriel : Aidez-moi, je voudrais vous voir lundi matin, puis que personne ne lui répond... pour moi, on aura failli à notre tâche, ça, c'est très, très clair. Ou on donne un rendez-vous deux semaines après, on aura aussi failli à notre tâche. Alors, il y a toutes sortes de cas de figure, mais je ne veux pas qu'on oublie les heures qui suivent quelque chose de malheureux qui a pu arriver.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est à l'opposition officielle, à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être présents aujourd'hui en commission parlementaire pour nous éclairer puis un peu nous aider à bonifier le présent projet de loi, qui est un projet de loi extrêmement important.

Puis je vais commencer en faisant un peu du pouce sur ce que disait la ministre, qui est un angle extrêmement intéressant qui démontre que les personnes survivantes, justement, ont besoin d'aide rapide et que l'aide soit aussi facilement accessible au sein même, là, des institutions universitaires. Et donc, avec la même réflexion, je me demandais si vous aviez pensé à la possibilité qu'il puisse y avoir justement des ressources dédiées à un intervenant, par exemple, dans chaque institution. Est-ce que c'est quelque chose que vous auriez envisagé?

Et quelle serait la meilleure façon qu'une victime pourrait avoir, donc, de l'aide rapidement au sein des institutions?

Mme Grondin (Catherine) : Nous, on demande beaucoup, en fait, là, au sein de ce mémoire-là, que soit créé, finalement, un guichet unique pour les personnes survivantes. Donc, c'est clair que ça rentre assez clairement, là, dans l'aide spécifiquement pour les personnes survivantes, étant donné qu'on veut que toute l'information se retrouve à un même endroit, que la personne puisse aller à ce guichet-là et qu'elle n'ait pas non plus à répéter son histoire à peu près 50 fois dans plusieurs endroits différents. Donc, le guichet unique, c'est vraiment une recommandation qu'on trouve importante.

Sinon, évidemment, à un autre endroit, à la recommandation... bien, on parle, en fait, de retrouver les informations, là, évidemment, sur le Web mais également, au sein des plans de cours dans... qu'il y ait une mention, là, de la politique au sein des plans de cours pour que tous les étudiants, toutes les étudiantes soient au courant. Donc, c'est quand même assez important, cette recommandation-là, également.

Mme Fournier : Puis, quand vous parlez justement de la notion d'un guichet unique, de quelle façon vous le voyez, concrètement? Parce que, bon, c'est bien beau, avoir un guichet unique, une porte où aller, si on peut envoyer un courriel, mais encore faut-il qu'il y ait quelqu'un, au bout du fil, qui puisse nous répondre, nous aider.

Alors, comment vous le voyez dans le concret, ce guichet unique?

• (15 h 40) •

M. Telles (Simon) : Absolument. Bien, on le voit évidemment comme un endroit qui est connu, qui est facilement accessible, qui est confidentiel, où une personne survivante qui va se rendre va toujours avoir une réponse. On ne peut pas se permettre d'aller cogner à une porte pour une première fois puis se faire retourner de bord soit parce qu'il n'y a personne ou soit parce que : Ah! bien, je ne sais pas c'est quoi, les ressources, je ne sais pas où vous envoyer. On doit être reçu puis avoir en main toutes les informations, toutes les choses à faire pour la suite des choses. Donc, c'est vraiment un endroit où on se rend, où il y a idéalement un intervenant, une intervenante pour les centres qui le permettent. On est conscients que ça se peut qu'en région éloignée, par exemple, d'avoir une ressource par établissement, ce n'est peut-être pas réaliste. Ce serait l'idéal à atteindre, mais je ne pense pas que ça soit réaliste. Donc, idéalement, d'avoir une intervenante ou d'avoir quelqu'un qui, s'il n'y a pas toutes les ressources, puisse faire le pont avec les ressources communautaires. Donc, ça doit être un endroit qui, dans les heures ouvrables, si on veut, des universités, soit... qu'il y ait toujours quelqu'un, et, lorsqu'il n'y a personne, bien, il doit y avoir un lien, soit une ligne téléphonique qui renvoie à un endroit qui pourra prendre le relais soit vers une adresse courriel où on peut faire un signalement.

C'est certain qu'il doit y avoir un lien qui est fait. Maintenant, est-ce que c'est une ligne nationale, un service provincial qui doivent être établis? Est-ce que c'est de le mettre en lien avec les ressources locales? Peut-être davantage, mais il doit y avoir un lien qui est fait, là, puis un suivi, après ça, qui est fait avec l'établissement une fois que la ressource est de retour au bureau, idéalement le lendemain.

Mme Fournier : Donc, on parle d'avoir une espèce de responsable interne dans chaque établissement.

M. Telles (Simon) : Absolument. On pense que ça prend, là, idéalement, un bureau d'intervention en matière de harcèlement dans chaque institution, et, lorsque ce n'est pas possible pour des considérations de distance ou de population trop faible, ça prend quand même un endroit accessible, là, à courte distance, où on pourra être suivi, là, sur l'ensemble du processus.

Mme Fournier : Puis la nature du bureau d'intervention, est-ce que c'est pour donner des conseils en tout genre? Est-ce que vous voyez ça davantage comme quelqu'un qui va guider avec une ressource psychologique, une ressource qui va donner des conseils juridiques, est-ce que c'est un peu de tout ça ou bien vraiment, simplement, guider pour la plainte à l'intérieur même des murs de l'établissement? Parce que, bon, il y a cette plainte-là qui peut être faite, mais il y a aussi d'autres recours que peut prendre la personne survivante, notamment, là, au point de vue juridique. Alors, comment vous le voyez?

Mme Grondin (Catherine) : Bien, en fait, ce serait un peu un amalgame de tout ça. On voit évidemment, là, des services juridiques, des services psychologiques aussi, des personnes, là, qui peuvent peut-être faire le pont avec le service des études de l'université ou de l'établissement, en fait, en général, s'il y a besoin d'avoir des accommodements académiques, que la personne n'ait pas nécessairement besoin non plus de faire toutes les démarches elle-même. C'est sûr qu'idéalement aussi ce bureau-là serait chargé de faire de la prévention puis de la sensibilisation au sujet, là, finalement, des violences à caractère sexuel au niveau de l'établissement. Donc, ce serait vraiment comme un bureau, là, chargé de cette politique-là au sein de l'université.

Mme Fournier : Super. Très intéressant.

M. Telles (Simon) : Vous avez...

Mme Fournier : Oui?

M. Telles (Simon) : Oui. Vous avez parlé aussi des recours juridiques, là. Ça aussi, je pense que c'est une information qui doit être rendue disponible à toute la communauté étudiante. La façon dont on l'articule, un peu comme la FECQ ce matin, là, c'est que, dans la politique des établissements, on mentionne les recours, là, pour les personnes survivantes, donc qu'elles sachent qu'il y a des recours internes, il y a des recours juridiques, et comment faire ces recours-là puis d'avoir un support aussi, dans ce bureau-là, qui permet d'accompagner les personnes survivantes à travers ces processus-là et que ça continue même après le lien contractuel, si on veut, entre l'étudiant, l'étudiante et l'établissement.

Mme Fournier : Intéressant. Merci. Tantôt, vous avez aussi parlé du lien justement avec le communautaire puis le fait qu'il y avait certaines institutions qui avaient vraiment des collaborations, notamment, avec des centres d'aide aux victimes, dont les CALACS, et tout ça. Et corrigez-moi, si je me trompe, mais je pense que l'Université du Québec en Outaouais a fait un partenariat justement avec le CALACS local parce qu'elle n'avait pas assez de ressources à l'interne pour aider les victimes.

Donc, est-ce que c'est des situations qu'on voit souvent actuellement? Quelle est la nature un peu du lien avec le communautaire présentement? Puis quel serait votre objectif à terme?

M. Telles (Simon) : D'abord, nous, c'est important de privilégier une ressource dans les universités, parce qu'il y a des situations académiques qui demandent une expertise que le réseau communautaire n'a pas nécessairement pour tout ce qui est le volet académique. Je pense que le communautaire a une expertise qui est indéniable dans tout le traitement des violences sexuelles, mais, pour faire le pont, des fois, avec, par exemple, un professeur puis des processus internes, c'est vraiment pratique d'avoir dans l'institution un intervenant, une intervenante qui va pouvoir faire le pont aussi avec l'ensemble du processus interne universitaire. Donc, je ne pense pas que le financement du communautaire doit être vu comme une alternative au financement interne, mais vraiment comme un travail d'équipe pour des réalités bien particulières. Je pense à Sherbrooke. Je sais qu'il y a des liens, là, qui sont très, très étroits entre le communautaire et les ressources internes. Je trouve ça formidable, mais je pense qu'une université comme Sherbrooke devrait avoir toutes les ressources à l'interne, par exemple. Donc, ça ne doit pas être une alternative, mais, lorsque ce n'est pas possible pour toutes sortes de considérations, bien, je pense que c'est une excellente chose que le communautaire vienne compléter les services qui sont offerts à l'interne.

Mme Fournier : Oui. Bien, je suis tout à fait d'accord avec vous. Puis d'ailleurs je tiens à souligner votre travail aussi. Les recommandations sont très riches. On voit que vous avez vraiment la préoccupation pour la prévention aussi, de façon continue, dans les établissements. Mais c'est un peu ma crainte, quand je regarde ça, les moyens nécessaires aussi pour la faire appliquer.

Les besoins, est-ce que vous les avez identifiés? Est-ce que vous considérez justement que les universités, actuellement... Puis avec l'argent qui est annoncé, là, dans les différentes stratégies, est-ce que ce sera assez pour mettre en oeuvre le projet de loi, pour les recommandations aussi que vous suggérez? J'aimerais donc vous entendre là-dessus.

Mme Grondin (Catherine) : Oui. Bien, en fait, ce qu'on remarque actuellement, là, au sein des établissements, c'est que la situation est disparate, là. L'ensemble du réseau n'a vraiment pas les mêmes ressources. Par exemple, il y a un bureau d'intervention en matière de harcèlement à l'Université de Montréal, mais, comme mon collègue parlait, à l'Université de Sherbrooke, c'est beaucoup plus en lien avec le communautaire, parce qu'ils n'ont pas nécessairement une ressource assez forte au sein de l'université. On le remarque aussi, là, au sein des délais de traitement des plaintes. On sait que les délais de traitement sont vraiment longs, sont complètement différents aussi d'une université à l'autre. Donc, c'est important qu'on puisse uniformiser ça au niveau du réseau.

Puis évidemment, là, ça va prendre probablement beaucoup plus de financement pour intégrer, finalement, une ressource au sein de chaque université puis pour mettre en oeuvre, là, les recommandations déjà, là, que le projet de loi propose. Donc, clairement, il va falloir avoir une hausse du financement pour ça.

Mme Fournier : Donc, vous considérez justement que les 23 millions actuellement, ce ne sera pas assez pour mettre en oeuvre tout ça?

M. Telles (Simon) : On ne pense, effectivement, pas que ce sera suffisant, 23 millions sur cinq ans, là. Ça laisse une enveloppe quand même faible par année, quand on pense que, des fois, le montant qui serait distribué par établissement pourrait peut-être juste couvrir une ressource ou une partie de ressource. Il y a plein d'autres mesures à mettre en place. Donc, c'est certain qu'on pense que cette somme-là n'est pas assez élevée. C'est pour ça qu'on propose, notamment, que la stratégie gouvernementale soit renouvelée à tous les cinq ans pour faire un réexamen de ces besoins-là pour s'assurer que le financement soit adapté. En fait, si jamais on se rend compte que, bien, pour mettre tout ça de l'avant, on a besoin de ressources supplémentaires, bien, on espère que l'ajustement sera fait en termes de financement. Mais, oui, ça nous inquiète à l'heure actuelle.

Mme Fournier : Très bien. Merci. Sur un autre sujet, celui de la fameuse interdiction, bon, des relations entre les professeurs et les étudiants, en fait, de toute personne, je pense, qui est en relation d'autorité, si j'ai bien compris votre point, puis... J'aimerais que vous nous parliez un peu de ce qui se fait ailleurs, parce que je crois que vous vous êtes inspirés des universités américaines comme Yale et Harvard et je pense que c'est ce qui est en vigueur au sein de leurs établissements. Puis est-ce que vous pouvez nous parler de est-ce que ça fonctionne bien là-bas? De quelle façon est-ce qu'ils l'appliquent? Parce que moi, je vous dirais que j'ai quand même un questionnement par rapport au fait qu'il y a quand même l'exception de la relation antérieure. Je comprends que ce serait difficile de l'enlever, mais, en même temps, ça m'apparaît difficile d'application aussi.

Est-ce que ces universités-là ont un registre où on peut justement signaler... à la même mesure, si on veut, qu'un conflit d'intérêts? Est-ce qu'il doit y avoir un registre? Comment ça fonctionne dans ces universités américaines?

M. Telles (Simon) : Merci. Donc, effectivement, on faisait référence, dans notre mémoire, au cas, là, des universités Yale et Harvard, qui spécifiquement, dans un code de conduite, ont inscrit très clairement... en fait, ont posé un jugement de valeur sur la pratique. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'un professeur devrait... une professeure devrait s'abstenir carrément d'avoir des relations intimes, amicales même... ça va même jusqu'à amicales et sexuelles. Nous, on ne va pas jusque-là, mais on se dit : Un professeur ne devrait pas traverser cette ligne-là avec ses étudiants, ses étudiantes, et, s'il le fait, il y aura une sanction. On n'est pas ferrés, là, totalement, sur les processus internes qui sont mis en place dans ces institutions-là pour faire le suivi des plaintes, mais au moins on vient clairement dire dans la politique qu'on ne peut pas le faire. On peut penser que des établissements vont aller jusque-là, mais, comme je le mentionnais tout à l'heure, si ce n'est pas indiqué dans la loi qu'on devrait interdire cette pratique-là, bien, on craint que ce ne soit pas le cas.

Donc, ce serait intéressant de s'intéresser aux mécanismes, peut-être de s'en inspirer, mais je ne peux pas, là, vous détailler davantage, là, le suivi puis les sanctions qui sont proposés par ces universités-là.

Mme Fournier : Exact. Parce que j'en comprends que la crainte, c'est, par exemple, dans une université de Montréal, que ce soit interdit puis, à quelques kilomètres de là, dans une autre université, que ce soit permis. Donc, ça, ce serait problématique dans ce cas-là.

M. Telles (Simon) : Exactement. On ne veut pas que la protection varie d'un établissement à l'autre, puis c'est pour ça qu'on parle toujours de seuils minimaux dans la loi, là. On veut laisser de l'autonomie aux établissements, c'est certain, mais dans le mémoire on a identifié plusieurs points qui, selon nous, ne devraient pas être négociables. C'est des garanties minimales, je pense, que chaque étudiante, chaque étudiant au Québec devraient avoir à travers la province, peu importe dans quelle institution ils et elles étudient.

Mme Fournier : Donc, uniformiser les principes mais être plus lousse sur la façon de l'appliquer.

M. Telles (Simon) : Exactement.

Mme Fournier : Exact. Super. Le dernier sujet que je voulais aborder, c'était la question des représailles. Votre recommandation n° 29, je trouve ça extrêmement intéressant. Puis je me demandais si ce serait une première au Québec. Est-ce que ça existe quelque part dans le corpus juridique, justement, qu'il y ait vraiment une clause qui protège, là, contre les représailles? Ou, si ça ne se fait pas au Québec, est-ce que ça se fait ailleurs? Est-ce qu'on a pu avoir des résultats tangibles de ça?

Mme Grondin (Catherine) : Je vous dirais que je ne suis pas exactement au fait, à savoir si ça se fait actuellement ailleurs. Par contre, nous, on croit que, peu importe si ça se fait actuellement ailleurs ou pas, c'est vraiment important de mettre sur pied ce type de recommandation là, parce qu'on ne veut pas finalement que les personnes qui ont subi, justement, une quelconque, là, violence à caractère sexuel ne se sentent pas à l'aise de faire une plainte parce qu'elles ont peur, par la suite, qu'il y ait des représailles.

Puis les mesures disciplinaires, là, finalement, pour ces tentatives de représailles là. Par exemple, là, si je prends le cas d'une personne aux cycles supérieurs, que son directeur de thèse est très fâché parce qu'elle a osé finalement mentionné qu'il s'était passé, finalement, un cas qui n'était pas superlégitime en termes de consentement sexuel, on ne voudrait pas que cette personne-là se sente persécutée après ça dans ses études parce que son professeur est très fâché contre elle puis qu'il veut, au sein du département, discréditer son travail. Donc, c'est des cas comme ça, là, qu'on espère qui n'arriveront plus avec ce type de mesure là qu'on veut mettre en place.

• (15 h 50) •

Mme Fournier : Donc, on veut interdire toute forme de représailles?

Mme Grondin (Catherine) : Exactement.

Mme Fournier : Super. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Maintenant, la parole est au deuxième parti d'opposition, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci. Pour une durée de... à peu près?

La Présidente (Mme de Santis) : La durée, c'est de 9 min 30 s.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation. Vous êtes extrêmement bien préparés. C'est tant mieux. Ça va nous aider, définitivement, dans nos travaux puis à amender le projet de loi, qui va déjà dans la bonne direction, il faut le dire, mais pour boucher les trous, puis, je pense, comme vous l'avez bien dit, augmenter les seuils minimaux, dans le fond, pour éviter qu'il y ait trop de disparités entre les établissements.

Quand même quelques petites questions surtout d'éclaircissement. On parle du traitement des plaintes. Vous mentionnez que ça doit être fait à l'intérieur d'au moins 45 jours. La ministre pense... elle a soulevé même que, des fois, ça peut être plus rapide que ça, il peut y avoir des situations d'urgence. Mais, si le plaignant ou la plaignante n'est pas satisfait — ou satisfaite, on s'entend — du traitement de la plainte — je ne l'ai pas vu dans le projet de loi, peut-être que c'est quelque part — est-ce qu'il y a un mécanisme d'appel qui est prévu ou est-ce que vous en suggérez un? Qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là?

M. Telles (Simon) : Bien, merci, je suis très heureux que vous nous en parliez. J'ai fait un x dessus en me rendant compte que je n'aurai pas le temps d'en discuter. Donc, effectivement, ça fait partie des trous de ce projet-là. Je pense que ce serait important justement de permettre aux personnes survivantes d'avoir un lien direct, en fait, pour alerter le ministère. Ce sera un processus de dernier recours, évidemment, là, si jamais on voit qu'un établissement, là, manque à ses obligations. Je pense qu'on doit se donner ce lien-là direct entre l'étudiant, l'étudiante et le ministère pour les alerter d'une situation qui pourrait se passer sur les campus. Donc, oui, c'est une recommandation formelle, là, qu'on a faite dans le mémoire. On pense que ça ajouterait beaucoup, là, au projet de loi actuellement.

M. Roberge : Juste pour nous aider un petit peu; c'est votre recommandation à quel numéro? Ah! bien, sinon on va la trouver, je pense. Si vous l'avez sortie, on va la trouver. Ce n'est pas grave, on va prendre le temps de regarder ça comme il faut. Il y a, dans les universités puis dans les institutions, déjà des mécanismes. Est-ce que c'est nécessaire d'aller au bureau du ou de la ministre? Il y a un ombudsman dans les universités.

Est-ce qu'on ne pourrait pas instituer le fait que l'ombudsman deviendrait un peu celui qui traite l'appel? Parce qu'il y a d'abord la plainte. Ensuite, si les gens ne sont pas satisfaits, peut-être que l'ombudsman pourrait être le bureau ou le mécanisme d'appel.

M. Telles (Simon) : Parfait. D'abord, pour répondre à votre question : c'est la recommandation 37. On l'a trouvée entre-temps.

M. Roberge : Merci.

M. Telles (Simon) : Donc, on fait vraiment référence, là, directement à un mécanisme. Ça pourrait passer par l'ombudsman. On n'est pas fermés à l'idée. Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'ombudsman dans chaque université. Donc, il faudrait trouver une façon pour les établissements qui n'en ont pas d'avoir un lien aussi avec le ministère. Donc, ça, c'est le genre de mesure pour lequel on est très flexibles. Sur la mécanique, il faut simplement s'assurer que peut-être une tierce partie, là... des fois, que ça ne passe pas par l'institution, mais qu'on ait un lien directement pour prévenir le ministère d'une situation exceptionnelle. Donc, on espère que ce n'est pas une situation qui aurait lieu fréquemment, mais on pense que c'est important que ce lien-là existe.

M. Roberge : Très bien. Dans le projet de loi, chapitre II, article 3, alinéa un, on précise ici, on dit que «le ministre peut prescrire les rôles et responsabilités des dirigeants, des membres du personnel, des représentants des associations étudiantes et des étudiants au regard des violences à caractère sexuel».

Ça pourrait être quoi, selon vous, les rôles et responsabilités des représentants d'association étudiante? Ça ressemblerait à quoi? Parce que soit que c'est correct, puis vous le comprenez bien, soit il faudrait le préciser, mais pour moi ce n'est pas clair.

M. Telles (Simon) : Oui, effectivement, puis ça, je tiens à le mentionner d'emblée, là, les associations étudiantes sont prêtes à être responsabilisées dans l'organisation des activités festives. Ça vient avec une responsabilité d'organiser des activités qui soient sécuritaires, qui soient respectueuses, et ça, on n'a pas peur, nous, de mentionner aujourd'hui qu'on est prêts à prendre des engagements très clairs puis d'être redevables aussi des activités qu'on fait. Donc, le genre de mesures qui, selon nous, seraient pertinentes, c'est des formations obligatoires, donc que chaque responsable d'événements soit formé en termes, évidemment, de sécurité, sur comment recevoir un témoignage, des formations aussi sur les témoins actifs pour savoir comment réagir quand on est une tierce partie qui est témoin d'une situation de violence sexuelle. Donc, tout ça, c'est des mesures, là, qui devraient être obligatoires pour toute association étudiante qui organise des événements sur les campus. On est prêts à aller jusque-là puis à faire notre part aussi, là, pour lutter contre les violences sexuelles.

M. Roberge : Est-ce que vous souhaitez l'inscrire dans la loi ou vous présumez que dans chacune des universités, dans leurs politiques, ça va être inclus ou on devrait amender la loi pour prévoir qu'en réalité les responsables de tenue d'événements doivent recevoir une formation, dans le fond, ce que vous venez de dire?

M. Telles (Simon) : Oui. En fait, là, si on prend l'article 3, aliéna deux, paragraphe 3°, on parle d'«activités de formation obligatoires pour les dirigeants, les membres du personnel et les représentants [d']associations étudiantes». Donc, selon nous, tel qu'on le comprend, c'est déjà obligatoire dans le projet de loi, et donc dans la politique ça devra être prévu expressément.

M. Roberge : Et puis, la politique, bon, il y a des dates, des moments d'échéance, là, on voit que vous voulez devancer ça un peu par rapport à ce qu'il y a dans le projet de loi, mais je ne sais pas si... Je n'ai pas vu ça dans le projet de loi, mais au combien de temps, d'après vous, il faudrait que les universités revoient leurs politiques? Parce qu'on sait bien qu'à un moment donné ce ne sera plus à jour, là.

Donc, est-ce qu'on devrait l'inscrire dans le projet de loi, que chaque institution devrait revoir sa politique après deux ans, trois ans, cinq ans, 10 ans?

M. Telles (Simon) : Oui. En fait, l'article 10 du projet de loi nous mentionne que «l'établissement d'enseignement doit réviser sa politique au moins une fois tous les cinq ans». Donc, ça, on pense que c'est un nombre d'années minimal. Ça pourrait être réduit, là, effectivement, peut-être à trois ans même, pour s'assurer que la politique répond, mais je suis content de voir qu'il y a un mécanisme qui est prévu dans le projet.

Est-ce qu'on peut le réduire davantage pour s'assurer que la politique soit mieux adaptée? Je pense que vous touchez un point intéressant.

M. Roberge : Et la politique gouvernementale, elle, d'après vous? Parce que, bon, elle a été déposée. Il y a eu la politique, il y a eu le projet de loi. Là, on n'est pas dans le projet de loi, mais je vous pose la question quand même.

Est-ce que vous pensez que, la politique gouvernementale, aussi on devrait déjà se dire dans combien de temps on va la revoir?

M. Telles (Simon) : Absolument. Ça, pour nous, c'est très clair que la stratégie gouvernementale doit être révisée à tous les cinq ans. Ça, encore une fois, pourrait être réduit encore comme délai, mais le ministère doit aussi avoir la responsabilité de faire l'évaluation, puis de pouvoir déceler s'il manque des ressources, puis d'en redonner. C'est pour ça aussi qu'on veut fixer des seuils minimaux, parce que, si on n'est pas capable d'atteindre ces seuils minimaux là, bien, forcément, c'est parce qu'on va manquer de financement ou de coordination. Donc, on veut être capable de faire l'examen, là, de ça rapidement, puis de pouvoir se revirer sur un dix sous, puis de corriger le tir si jamais on voit qu'on n'arrive pas à atteindre ces cibles-là.

M. Roberge : Puis finalement peut-être une petite dernière. Il y a une section du projet de loi qui parle de la reddition de comptes et puis par contre il n'y a pas d'indicateur.

Est-ce que vous auriez des idées, des indicateurs, des statistiques, des outils de mesure que devraient utiliser les universités dans leurs redditions de comptes pour bien montrer que ça fonctionne, que les étudiants sont dans un cadre sécuritaire? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

Mme Grondin (Catherine) : Oui. Bien, en fait, on était quand même satisfaits de voir que, dans le projet de loi, au chapitre III, article 2, au point 3° — excusez-moi, je n'ai pas le vocabulaire exact — il y avait pour les indicateurs, là, le «nombre de plaintes et de signalements reçus» par les universités. Ça me semble être quand même une mesure qui va nous permettre de voir si ça descend ou si ça augmente avec les mesures, là, qui vont être mises en place. Donc, ça nous satisfaisait en termes d'indicateurs.

M. Telles (Simon) : Il pourrait y avoir aussi peut-être la moyenne du délai de traitement qui pourrait s'ajouter à ça, tout en en fixant un plancher, là. Mais ça pourrait être intéressant de voir après combien de temps, généralement, les plaintes sont traitées. Mais on est vraiment heureux qu'il y ait des indicateurs dans le projet. C'est la seule façon, en fait, qu'on a de mesurer la progression puis de savoir là où on a à s'améliorer pour la suite des choses. Donc, on vise quand même juste dans le projet à ce niveau-là.

M. Roberge : Il pourrait peut-être y avoir aussi des mesures qualitatives, supposons, le taux de satisfaction des étudiants par rapport à ça...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

M. Roberge : ...ou leur sentiment de sécurité sur le campus, peut-être par des sondages, parce qu'on peut bien avoir un paquet de chiffres... mais pour voir un peu comment les gens se sentent aussi.

• (16 heures) •

M. Telles (Simon) : Effectivement, ça pourrait être superintéressant, puis c'est aussi toujours en reddition de comptes. C'est pour ça qu'on voulait élargir les audiences de la loi n° 95 pour permettre aux associations étudiantes de témoigner, sur le terrain, de comment ça se passe. Puis il y a plusieurs scénarios, là, qu'on pourrait utiliser aussi en termes de reddition de comptes. On nous avait aussi souligné qu'on pourrait peut-être faire des audiences spécifiques au projet de loi n° 151. Donc, d'avoir vraiment des audiences spécifiquement sur ce projet-là, d'inclure l'ensemble de la communauté étudiante universitaire, ce n'est pas une option qu'on a avancée dans le mémoire, mais c'est une autre option de reddition de comptes qui serait peut-être encore plus spécifique puis intéressante. Donc, c'est aussi une proposition de reddition de comptes avec laquelle on est très à l'aise.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Telles, Mme Grondin. Nous apprécions énormément votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la campagne Sans oui, c'est non! de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 3)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la campagne Sans oui, c'est non! Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et ensuite de commencer votre exposé.

Sans oui, c'est non!

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : ...Mme la Présidente. Bonjour, messieurs mesdames de la commission. Mon nom est Milène Lokrou, présidente du conseil d'administration de Sans oui, c'est non! Je suis accompagnée d'Andréanne St-Gelais, secrétaire du conseil d'administration.

Il nous fait grandement plaisir d'être présentes aujourd'hui pour vous présenter les recommandations de Sans oui, c'est non! au sujet du projet de loi n° 151.

Avant tout, permettez-moi de présenter un petit peu Sans oui, c'est non!, un organisme à but non lucratif. Nous avons pour objectif la prévention des violences à caractère sexuel. Plus précisément, Sans oui, c'est non! vise à sensibiliser les communautés universitaires et collégiales à l'importance du consentement, à outiller les personnes à réagir adéquatement lorsqu'elles sont témoins de violence à caractère sexuel, c'est-à-dire être des témoins actifs et actives, ainsi qu'à publiciser les ressources disponibles pour les personnes survivantes. La campagne est née, en décembre 2014, d'une collaboration entre l'Université de Montréal, son Bureau d'intervention en matière de harcèlement et l'association étudiante de campus, la FAECUM. Depuis le lancement provincial de la campagne, une cinquantaine d'établissements d'enseignement et une cinquantaine d'associations étudiantes en sont partenaires. Au total, ce sont donc plus de 350 000 personnes qui sont touchées par cette campagne au sein de leurs établissements d'enseignement supérieur.

Sans oui, c'est non! accueille très favorablement le projet de loi n° 151. Nous sommes d'avis que ce projet de loi, s'il est accompagné des sommes nécessaires à sa mise en application, permettra de lutter de manière efficace contre les violences sexuelles au sein des établissements d'enseignement supérieur. Parmi les mesures qui ont été incluses dans la version actuelle du projet, nous tenons à souligner l'exigence de mettre en place une politique distincte au sujet des violences à caractère sexuel au sein de chaque établissement. Selon nous, il s'agit d'un grand pas en avant pour que chaque établissement agisse concrètement et de manière directe afin de prévenir et contrer les violences sexuelles mais également afin d'accompagner les personnes survivantes en les plaçant au centre de toutes les préoccupations.

Sans oui, c'est non! souhaite également rappeler l'importance de la collaboration entre les groupes concernés lors de la rédaction de la politique au sein de chaque établissement d'enseignement supérieur. Ce n'est qu'en agissant de manière concertée et en plaçant les personnes survivantes au coeur de nos préoccupations communes que nous parviendrons à agir de manière durable pour instaurer une réelle culture du consentement au sein des établissements d'enseignement supérieur et, plus largement, au sein de la société québécoise.

Bien que le projet de loi n° 151, dans sa mouture actuelle, présente de nombreux éléments positifs, Sans oui, c'est non! profite de son passage en commission parlementaire pour proposer certaines modifications. Nos recommandations porteront plus particulièrement sur trois thèmes : les relations entre les membres du personnel et les membres de la communauté étudiante, le processus de suivi des plaintes et des signalements reçus ainsi que les exigences qui doivent être établies envers le gouvernement.

Sur la question des relations entre les membres du personnel et la communauté étudiante, la position de Sans oui, c'est non! est claire. Le projet de loi ne doit pas seulement faire en sorte que les établissements d'enseignement supérieur encadrent les relations, il doit les proscrire lorsqu'il existe un lien d'autorité direct entre l'employé et l'étudiante ou l'étudiant. En effet, la présence d'un lien d'autorité entre deux personnes vient flouer le consentement de la personne qui est soumise à cette autorité. C'est donc simple : lorsqu'il y a un lien d'autorité, pas de relation. La seule exception à cette règle apparaît lorsque la relation précède le lien d'autorité. On peut penser, par exemple, à deux étudiants, dont l'un devient chargé de cours à la suite d'un passage aux cycles supérieurs. On peut penser à d'autres exemples, parce qu'ils sont nombreux. Mais de manière générale, quand ces situations arrivent, il est important que ces relations soient dévoilées. Le dévoilement a pour objectif de garantir un milieu d'études ou de travail sain et sécuritaire. De plus, des mesures peuvent être mises en place suite au dévoilement pour s'assurer que le lien d'autorité n'ait pas d'influence sur le parcours académique ou professionnel de la personne. À titre d'exemple, pour un étudiant ou une étudiante aux cycles supérieurs qui entretient une relation avec son directeur ou sa directrice de recherche, il pourrait être possible d'effectuer un changement de direction. Si cela n'est pas possible, il serait possible de mettre en place un comité d'accompagnement.

Un seul principe doit guider la mise en place de ces mesures : il ne doit pas y avoir de conséquence négative envers la personne subordonnée. En effet, de telles conséquences auraient simplement pour effet de la dissuader de dévoiler sa relation et potentiellement de l'inciter à demeurer dans une situation qui la rend, au mieux, inconfortable.

Au sujet du processus de suivi et de traitement des plaintes et des signalements reçus par les établissements, il est important, d'abord et avant tout, que le projet de loi spécifie que les politiques doivent concerner toutes les personnes présentes sur le campus, notamment les visiteurs et les invités, de même que toutes les activités sociales ou d'accueil, peu importe le groupe par lequel elles sont organisées. Cela vise à inclure au sein des politiques des établissements d'enseignement supérieur les activités organisées, notamment, par les clubs sportifs et les comités étudiants.

De plus, l'ensemble des mesures prévues au sein des politiques élaborées par les établissements doivent tenir compte des groupes minoritaires, qui sont susceptibles de vivre des situations de violence sexuelle. Parmi ces groupes figurent, notamment, les personnes issues de la diversité sexuelle, de la diversité de genre, les communautés autochtones, les minorités ethniques, les personnes racisées et les personnes en situation de handicap.

• (16 h 10) •

Il est aussi important que ces mesures de protection mises en place à la suite d'une situation de violence visent, d'abord et avant tout, à protéger les personnes survivantes plutôt que l'ensemble des personnes concernées, tel que prévu actuellement dans le projet de loi.

Un autre élément important : le temps requis par les établissements d'enseignement supérieur pour effectuer les suivis des plaintes et des signalements reçus. Ce suivi devrait d'ailleurs faire partie des éléments de reddition de comptes exigés par le ministère. Finalement, il importe que le processus de suivi des plaintes soit impartial, juste, équitable et qu'il soit perçu comme tel par la communauté de l'établissement concerné. Nous croyons que la perception de la communauté est particulièrement importante, puisqu'elle a un impact sur la décision, ou non, de porter plainte ou de dénoncer une agression sexuelle.

Concernant les exigences envers le gouvernement, le projet de loi, dans sa mouture actuelle, exige plusieurs éléments de la part des administrations universitaires. Toutefois, il reste muet sur certaines obligations de la part du gouvernement, et nous croyons que des obligations doivent y être incluses.

D'abord, un financement adéquat, par le biais d'enveloppes dédiées, récurrentes et indexées, doit être au rendez-vous. Ce financement est plus que nécessaire pour permettre aux établissements d'enseignement supérieur de mettre en application les exigences du projet de loi, notamment, afin d'offrir gratuitement des formations obligatoires à l'ensemble des groupes concernés : membres du personnel, représentants et représentantes des associations étudiantes et les membres de la communauté étudiante. De surcroît, ces formations doivent être offertes régulièrement et révisées de façon périodique afin de toujours correspondre aux meilleures pratiques recensées en matière de prévention et de lutte aux violences sexuelles.

De plus, afin de poursuivre la lutte aux violences sexuelles à plus long terme, le projet de loi doit prévoir l'obligation pour le ministère de l'Enseignement supérieur de procéder à la révision de sa stratégie d'intervention pour prévenir et contrer les violences sexuelles en enseignement supérieur. Cette révision devrait avoir lieu tous les cinq ans.

Finalement, un problème important subsiste, et c'est celui de la date limite imposée aux établissements d'enseignement supérieur. À ce sujet, nous croyons qu'il est impératif que tout soit en place sur les campus et les établissements pour que les politiques soient mises en application pour la rentrée scolaire de septembre 2019. Un temps suffisant doit être accordé aux établissements d'enseignement supérieur, et, afin de prendre en considération tous ces paramètres, la date d'adoption de la politique devrait être devancée et fixée au plus tard au 1er janvier 2019. Advenant l'adoption du projet de loi en décembre 2017, cela laisse environ un an aux établissements d'enseignement supérieur pour s'y conformer. Ce délai nous semble réaliste, considérant que le projet de loi exige que l'élaboration de la politique se fasse en collaboration avec l'ensemble des parties prenantes, ce qui, nous le répétons, est d'une importance capitale.

Nous vous remercions de nous écouter et de nous avoir écoutées. Nous sommes maintenant prêtes à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci pour votre exposé, Mme Lokrou et Mme Gelais. Maintenant, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer.

Mme David : Oui. Alors, bonjour de nouveau. Vous êtes les grandes spécialistes de la prévention, du consentement, du non-consentement. Je tiens à le dire publiquement, je vous admire du plus profond de mon coeur. Vous êtes en train de changer les choses, changer la société. Vous avez de nombreux établissements universitaires et collégiaux maintenant. Vous avez parlé d'une cinquantaine... 350 000 étudiants, ou je ne sais trop. C'est sans compter aussi l'autre campagne, qui s'appelle Ni viande ni objet. Je pense qu'on doit féliciter les étudiants et la communauté universitaire parce que Sans oui, c'est non!, ce sont les étudiants, mais ce sont les administrations qui acceptent aussi de joindre votre mouvement et de s'engager à faire beaucoup de choses.

Alors, vous avez été précurseurs. Et j'étais partie quelques mois avant que vous ne lanciez cette initiative, j'avais quitté le milieu universitaire, mais je suis vraiment très, très fière de vous et je voulais vous le dire, et c'est un peu grâce à vous qu'on est ici aujourd'hui, un peu beaucoup, même, grâce à vous qu'on est ici aujourd'hui, et que vos réflexions ont permis d'orienter nos propres réflexions. Alors, vous avez un immense rôle à jouer dans tout ce processus, parce que vous vous êtes dit : Ça suffit, il faut faire quelque chose, vous avez eu une vision extraordinaire pour la société.

Maintenant qu'on a dit ça, je voudrais évidemment profiter de votre expertise, appelons-la vraiment comme ça, votre expertise pour nous dire, au niveau de la prévention, au niveau de la sensibilisation, de la formation, qu'est-ce que vous tirez, jusqu'à maintenant, de votre expérience, forte de deux ans, peut-être trois ans, maximum, de tout ça. Vous êtes plongés dans cet univers depuis plusieurs mois maintenant. Est-ce que vous avez des réflexions plus pointues, plus définitives sur certains enjeux dans les collèges et les universités — je sais que c'est plus les universités, c'est là que vous avez pris naissance, mais vous êtes quand même dans 30 établissements collégiaux — sur ce qui marche très bien, sur ce qui marche moins bien, sur, dans vos rêves les plus fous, ce que vous pourriez développer de plus et qui commence à être urgent, donc des approches, des outils?

Et est-ce que vous faites face à de la résistance? Puis, si oui, j'aimerais connaître ces lieux de résistance. Ça peut être des groupes, ça peut être des sous-groupes, ça peut être le côté plus administratif. Personne ne vous écoute ici, là, alors c'est le temps de le dire, pour nous aider à bien cibler les mesures, les objectifs, et nous dire vos bons coups et vos mauvais coups en matière d'intervention dans ce domaine.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Je vais commencer et céder la parole ensuite à Mme St-Gelais, qui va poursuivre notre réflexion.

Je tiens, avant tout, à dire qu'on remarque au Québec, au sein de nos établissements collégiaux et universitaires, une volonté féroce des administrations mais aussi des associations étudiantes de venir à bout des violences à caractère sexuel. Cet été, on a eu la chance de travailler dans les différents établissements, universitaires surtout, pour... le rapport que nous avons déposé conjointement avec la ministre en août et on s'est rendu compte qu'il y avait énormément de bonnes pratiques qui se faisaient, en tout cas, en termes d'activités d'accueil et d'intégration. On s'est rendu compte aussi que les administrations universitaires et les associations étudiantes voulaient travailler de concert pour trouver des solutions durables à la question des violences à caractère sexuel. Ça, c'est le positif qu'on retient.

Bien entendu, et on serait hypocrites de ne pas le dire, il y a un manque criant de ressources à la fois financières, humaines et matérielles qui fait en sorte que les universités, même si elles ont toute la bonne volonté, n'ont pas forcément les outils. Je vais te laisser y aller pour la suite.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Ce qu'on constate également, c'est qu'il y a un besoin de partage des bonnes pratiques au sein du réseau des établissements d'enseignement supérieur. Et c'est un peu ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est de venir mettre des seuils minimaux pour qu'il y ait des bonnes pratiques sur l'ensemble du réseau. Puis notre objectif aujourd'hui, c'est de venir apporter des suggestions pour bonifier finalement les seuils minimaux, là, qui sont présents dans le projet de loi.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : En termes d'éducation et de sensibilisation, le problème majeur qu'on rencontre sur le terrain, c'est la compréhension de la notion de consentement. C'est d'ailleurs pour ça qu'une de nos recommandations est explicitement que, lorsque les formations sont données, elles incluent obligatoirement ou minimalement les notions de consentement, la manière d'accueillir un dévoilement, donc, lorsqu'on dénonce une agression, ou alors la formation de témoins actifs ou témoins actives, parce que c'est un enjeu collectif, et surtout c'est une responsabilité qui est collective, de savoir comment réagir, comment dénoncer et surtout comment faire en sorte que les gens soient dans des espaces, donc des milieux, d'enseignement universitaire et collégial sécuritaires.

Mme David : Est-ce que vous pourriez, pour le bénéfice de tout le monde, parce que ce n'est pas nécessairement un vocabulaire... Là, je m'y habitue un peu depuis un an que j'ai fait les consultations, mais ce n'était pas dans mon vocabulaire avant. Expliquez-nous la notion de témoin actif.

• (16 h 20) •

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Alors, «le témoin actif» ou «la témoin active», empruntés de l'anglais «the bystander», c'est une personne qui, normalement, en assistant à un comportement ou une violence à caractère sexuel, est capable de réagir pour aider ou pour venir en aide à la personne qui vit cette situation-là. Alors, on peut être, toutes et tous, des témoins actifs, parce qu'on a déjà entendu, ce qu'on dit au Québec, des jokes de mononcle ou alors des, permettez-moi l'expression, situations qui rendent mal à l'aise une personne, et notre rôle, comme témoins actifs ou témoins actives, c'est de pouvoir intervenir.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Mais l'objectif de ce genre de formation, c'est vraiment que ça devienne un réflexe chez l'ensemble des personnes qui sont présentes, là, au sein des établissements d'enseignement supérieur et éventuellement de la société québécoise en général pour, lorsqu'on voit une situation, qu'on est témoin d'une situation problématique, bien, on intervienne, qu'on n'attende pas que la situation dégénère.

Mme David : O.K. Alors, c'est très large, et on voit bien que ça concerne, comme vous dites, pas seulement les établissements pas seulement collégiaux, universitaires, c'est toute la société, en ce moment, qui est appelée à être témoin active, on pourrait dire.

Maintenant, vous touchez à quelque chose d'extrêmement important, qui est cette notion de consentement, de dévoilement. Certains de vos prédécesseurs ont recommandé — c'est assez intéressant — que la formation ne soit pas seulement pour les associations étudiantes pour bien les préparer à bien accompagner les activités d'accueil puis tout ce qui se passe pendant toute une année, mais de vraiment faire de la formation à tout le monde, tout nouvel étudiant, parce qu'on se rend compte du degré, dans le fond, beaucoup plus élevé de questionnement par rapport à cette notion de consentement et même par rapport à la notion d'agression sexuelle, par rapport à geste déplacé, agression. Et peut-être que, même si nous, on passait un examen ici, on ne le saurait pas vraiment, où commence et où termine cette question de consentement, d'agression, quand est-ce que tu vas à la police, quand est-ce que tu n'y vas pas, des plaintes fondées, non fondées. Ça peut être non fondé au niveau criminel. Tu sais, là, il y a eu plein de lignes ouvertes pour le SPVM. Ils ont entendu près de 500 personnes. Ils en ont retenu peut-être les deux cinquièmes. Je ne me souviens plus, là, des chiffres. Mais donc ça ne veut pas dire qu'il ne s'est pas passé quelque chose pour les plaintes qui ne sont pas retenues. Mais, dans les établissements d'enseignement, il va falloir que ça soit très clair, à quel moment on dit : Écoute, tu sais, ça pourrait aller jusqu'à une plainte à la police, tu n'es pas obligé, mais on t'informe de... d'après ce que tu nous rapportes. Alors, je m'aperçois que, chez les étudiants puis peut-être même chez les adultes en général, chez les parents, on n'a pas tant que ça cette notion de qu'est-ce qu'est le consentement et qu'est-ce qu'est l'agression sexuelle.

Alors, quand vous parlez de ça, est-ce que vous trouvez que... évidemment, votre campagne est très importante pour ça, mais est-ce que vous voyez des gestes de plus qu'on devrait poser, comme par exemple cette formation obligatoire, qui peut être hybride, en ligne, etc., ça peut-être de toutes sortes de façons, mais pour tous les étudiants?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Premièrement, à la recommandation 9 dans notre avis, on mentionne que justement ces formations obligatoires doivent être offertes à différents groupes de la communauté des établissements d'enseignement supérieur, ce qui voudrait dire étendues à l'ensemble de la communauté étudiante, entre autres.

Sur la question de qu'est-ce qui peut être fait de plus que ce que le projet de loi présente, on en a fait quelques recommandations, entre autres le fait que des études ont dévoilé que les personnes des groupes cibles, donc des groupes minoritaires, sont plus susceptibles de vivre des violences à caractère sexuel, et donc, dans cet état de vulnérabilité, il se pourrait qu'elles soient moins enclines à dévoiler ou à dénoncer une situation. C'est bien important que le projet de loi indique qu'une attention particulière soit portée à ces personnes-là. C'est important aussi qu'une éducation à la diversité soit faite à l'intérieur des établissements, parce que c'est, de toute façon, en étant éduqué qu'on commence à réaliser les situations et puis à se rendre compte qu'elles existent autour de nous.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Également, au niveau de ce qui doit être inclus dans les formations — Mme la ministre a mentionné deux éléments — on ajouterait également le fait de former les personnes à connaître les attitudes aidantes lorsqu'elles reçoivent un dévoilement. Un peu tout le monde, là, au sein du réseau des établissements d'enseignement supérieur, peut être appelé à assister une personne, finalement, qui a besoin de parler de la situation qu'elle a vécue. Donc, c'est important qu'ils sachent comment réagir et ensuite à qui les rediriger pour s'assurer que, dès le premier dévoilement de la personne à son ami ou à un de ses pairs, la situation soit prise en charge de manière adéquate.

Mme David : Vous ouvrez la porte à un, peut-être, de mes dadas, mais je pense que je n'ai pas eu tellement d'échos dans les équipes, mais je vous le soumets, parce que moi, je me disais : J'essaie de visualiser la vie d'une étudiante, là, ou d'un étudiant, et il est arrivé quelque chose, elle retourne à son département, parce que sa vie, là, ce n'est pas d'avoir une vue aérienne de l'immense campus de l'Université Laval, où il y a 62 buildings. Elle connaît son building, ses salles de classe, elle est souvent en début d'année, nouvelle étudiante, etc., ou... nouvel étudiant. Il lui arrive quelque chose qui la met vraiment dans un immense malaise. Elle pense qu'il est vraiment arrivé quelque chose de grave ou, en tout cas... Et elle fait quoi, là, à part de connaître son numéro de salle de cours puis peut-être une secrétaire qui l'a...

Bon. Alors, moi, mon idée, c'était d'avoir des... vous appelez ça des endroits... bien, peut-être parce que Mme St-Gelais vient d'en parler, quelqu'un qui l'accueille en sachant au moins à quel endroit référer quelqu'un qui... alors, j'appelais ça un genre de logo, tu sais : Viens ici, là, j'ai mon petit logo sur mon pupitre, ou sur ma porte de bureau, ou au registrariat, les endroits, vraiment, où les étudiants... au café étudiant. Et là tu dis : Moi, écoute, là, que c'est que je fais, là? Même pas besoin de dire ce qui est arrivé, mais... et que tout de suite cette personne-là ne dise pas : Va prendre une bière puis va te reposer, dise : Oui, j'entends, il s'est passé quelque chose, regarde, ça se passe à tel endroit, veux-tu que j'aille te reconduire, ou etc.? Est-ce que c'est fou, mon idée, ou pas, de cette espèce de visuel ou de gens qui seraient... On a ça pour les alertes de feu, on a ça pour... tu sais, il est marqué «responsable», dans les ministères, ou les Parents Secours, ou, dans chaque ministère, à chaque étage, «responsable du feu», s'il y a un incendie, ou je ne sais pas quoi.

Parce que vous avez pensé beaucoup aux mesures de prévention. C'est votre spécialité. Est-ce que j'erre ou ça se pourrait que ça soit une bonne idée?

Mme St-Gelais (Andréanne) : On pense que c'est une mesure qui est intéressante, là, inspirée, là, d'ailleurs, des espaces sécuritaires pour les... C'est des choses qui existent ailleurs également. Par contre, ce que nous, on croit également, c'est qu'il faut s'assurer tout de même que l'ensemble de la communauté universitaire reçoive une formation minimale.

C'est très bien que certaines personnes soient identifiées, qu'elles reçoivent une formation peut-être plus en profondeur pour vraiment connaître l'éventail des ressources et être capables de vraiment diriger un peu plus adéquatement les personnes, mais il devrait y avoir une formation tout de même minimale à l'ensemble des personnes qui font partie finalement des communautés des établissements d'enseignement supérieur, parce que, bien, une personne qui a besoin de dévoiler une situation qui est arrivée, bien, elle ne devrait pas avoir à choisir, là, à qui elle choisit de le dévoiler, finalement, elle devrait le faire avec la personne avec laquelle elle se sent le plus en confiance, et c'est important que cette personne-là soit outillée pour bien accueillir son dévoilement.

Mme David : Vu de même, je suis d'accord, mais, pour avoir fréquenté quand même ce milieu pendant de nombreuses années, des milliers de professeurs qui ont, des fois, bien des considérations autres que d'avoir le temps à passer à ça — mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas intéressés, mais est-ce qu'ils vont aller suivre une formation? — permettez-moi d'être inquiète sur le taux de participation. Mais, si on leur envoie de l'information par courriel, ou tout ça, peut-être qu'ils vont la lire. Mais ce n'était pas tant quelqu'un que tu connais — souvent, c'est un peu ça — mais quelqu'un où tu sais qu'il peut répondre au moins à ta question : Où est-ce que je peux aller chercher de l'aide? C'est comme : Où est le service de santé? Mais, si tu arrêtes à un professeur dans son laboratoire, il ne le saura pas s'il n'a pas utilisé le service de santé.

On comprend que ce sont des villes, ces campus-là, c'est très, très gros, très intimidant, surtout quand tu as quelque chose de vraiment dur qui t'est arrivé, puis souvent que... tu es un nouvel étudiant, tu ne connais à peu près personne. Alors, je suis d'accord, ça peut être le chargé de cours, le professeur, un assistant d'enseignement, mais, en tout cas, il me semble que... Admettons qu'il y aurait toute cette formation mais qu'en plus il y avait une sorte de logo, est-ce que... Parce que vous, vous en avez, des logos, Sans oui, c'est non!, mais il n'y a pas nécessairement : Bien, va voir telle personne s'il t'arrive quelque chose, à moins que je ne me trompe puis que ça existe déjà.

• (16 h 30) •

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Comme Andréanne l'a mentionné, avoir des identifications claires, c'est complémentaire à recevoir de la formation, parce que, finalement, ce qu'on veut faire, c'est changer une culture. Ça prend de l'éducation. L'éducation, c'est un investissement à long terme, c'est un investissement pour faire en sorte que des gens comprennent certaines notions qui sont plus difficiles à assimiler, qu'ils acceptent, de manière volontaire, d'aller apprendre sur ces notions-là puis de recevoir une formation. On est conscients que ce n'est pas forcément le plus facile, de l'étendre à toute la communauté, mais on croit que c'est faisable puis on croit que c'est important d'investir dans ce sens-là, dans le sens de donner le plus possible d'éducation au plus grand nombre possible...

Mme David : J'ai une dernière question, moi, parce que, si j'ai un collègue qui veut poser une question, ça va me faire un grand plaisir de lui céder la parole. Puis tout d'un coup qu'on se retrouve dans la même zone. Je ne sais pas, moi, on ne s'est pas parlé.

J'entends de vous, mais on a entendu des autres intervenants avant une attitude beaucoup plus prescriptive en ce qui a trait à ce que nous avons appelé peut-être trop timidement code de conduite. Alors, les étudiants vont beaucoup plus loin que ça, tous, puis c'est correct, là. Il faut qu'on... nous, ça va être important, les parlementaires, pour ça, là. Puis, comme j'ai dit, moi, je ne veux pas un projet de loi partisan là-dessus, là, on parle de choses trop importantes. La question de la proscription, de proscrire complètement toute relation intime, amoureuse, sexuelle entre quelqu'un en relation... et vous avez employé vous-même le mot «autorité», ce que nous, on n'a pas utilisé. On a utilisé : Quelqu'un qui est susceptible d'avoir une influence sur son cheminement académique. Peut-être qu'on est dans du synonyme, là, peut-être. Mais vous êtes très clairs, vous aussi, puis vous dites même, comme la FECQ et l'UEQ, «sauf des relations antérieures», puis on peut comprendre, là. Mais vous êtes sûrs de votre coup, là, vous êtes sûrs que c'est ça, on est rendus là en 2017 dans les établissements d'enseignement supérieur?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Ce qu'il faut qu'on présente puis qu'il faut comprendre aussi, c'est que le consentement, cette fameuse notion de consentement n'est pas valide en situation de relation d'autorité. De ce fait, si on prend quelqu'un qui a une influence sur le cheminement de l'étudiant et qu'on suppose que cette personne est donc en situation d'autorité, parce que la situation d'autorité, c'est aussi le statut d'une personne par rapport à une autre, à ce moment-là, le consentement, il n'est pas valide.

En ayant dit cela, on trouve intéressant d'avoir un code de conduite aux établissements. On est conscients que les établissements sont spécifiques. Par contre, il faudrait qu'on soit clair sur la question. Il faudrait qu'on interdise une relation entre un étudiant ou une étudiante et un membre du personnel quand il y a une relation d'autorité directe, à l'exception, bien entendu, des relations qui sont antérieures à la relation d'autorité.

Mme David : Avez-vous l'impression qu'on est dans ce consensus social des deux parties, je dirais? On aura l'occasion peut-être de le demander aux représentants des parties, j'oserais dire, de l'autre côté de la clôture, les parties plus enseignantes ou ceux qui ont l'autorité.

Je pense... enfin, je ne donnerai pas la réponse, mais vous trouvez qu'on a ce consensus en 2017?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Il y a déjà, en fait, là, plusieurs groupes, notamment, des regroupements syndicaux qui se sont prononcés en faveur de ce genre de mesure là. Donc, oui, je pense qu'il y a un certain consensus qui entoure cette question-là, oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez quatre minutes.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Dans un premier temps, je vous salue, Mme Lokrou et Mme St-Gelais, à la fois pour votre mémoire mais aussi pour votre implication et votre travail très impressionnants au fil des dernières quelques années.

On parle beaucoup de comment mettre en place un régime qui va bâtir sur une plus grande conscientisation, dont vous avez contribué, sur les questions de l'agression sexuelle, de comportement approprié et de comportement qui n'est pas acceptable. Je veux vous inviter, parce que vous êtes sur le terrain, à poursuivre la discussion un petit peu sur le consentement et je me permets à parler d'une cible évidente et très importante, c'est les jeunes gars. Je pense à mon fils de 20 ans, que je suis fier de croire sensible et ouvert et qui prend pour une évidence l'égalité hommes-femmes, et tout ça, mais je n'ai aucun doute qu'il se questionne sur le concept de consentement. Est-ce que ça veut dire qu'un petit flirt est banni maintenant? Comment je me comporte? Il tient à connaître et à internaliser les limites, mais ce n'est pas facile. Alors, je sais qu'on est en train de parler d'un projet de loi, et les articles, et les choses facilitantes, et tout ça, mais je ne veux pas perdre l'opportunité de vous entendre, parce que vous êtes sur le terrain.

Je vous invite de nous parler un petit peu, de façon concrète, de cette dynamique-là, parce que je parle d'une cible qui est essentielle à la solution globale et qui est susceptible à faire partie du problème si on n'adresse pas cette population comme il faut.

La Présidente (Mme de Santis) : Deux minutes.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Permettez-moi, avant tout, de prendre l'occasion d'être en commission pour définir la notion de consentement. À ce moment-là, je pense qu'on aura un bon schéma commun de compréhension.

Alors, le consentement, il doit être donné librement et de manière éclairée. Il peut être donné de plusieurs manières, verbal ou non verbal. En tout temps, un consentement peut être retiré, c'est-à-dire qu'une personne peut décider qu'elle ne consent plus, même si elle avait consenti avant. Elle a le droit. Aussi, dans une relation entre deux personnes... et nous, on le voit bien, ce besoin-là de faire des formations, justement parce que beaucoup de gens nous disent exactement la même chose : Est-ce que ça veut dire qu'il ne peut plus y avoir de flirt ou que je suis obligé d'aller devant le notaire pour entreprendre une relation?, c'est simple : s'il n'y a pas de consentement, c'est une agression. Alors, c'est à nous de nous assurer dans notre relation avec l'autre que la personne a consenti, qu'elle a consenti de manière libre et éclairée, c'est-à-dire qu'on n'était pas en position d'autorité quand on l'a fait consentir, qu'on ne la menaçait pas avec une arme ou par des menaces verbales, qu'on était conscient qu'on n'influençait pas sa réponse, qu'elle soit verbale ou non verbale.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Je pense qu'il y a aussi l'importance d'éduquer les personnes à ce que veut dire un non, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a plus de consentement, lorsqu'une personne retire son consentement ou lorsqu'elle avait consenti à une certaine activité puis qu'elle change d'avis pour une autre activité. Un consentement, c'est valide seulement pour l'activité pour laquelle on l'a donné, finalement. Je pense qu'il y a cette notion et ces notions-là aussi, qui accompagnent les notions de consentement, qui sont importantes, et les paroles que vous avez dites soulignent justement l'importance de former l'ensemble des communautés universitaires et collégiales, là, à ces notions-là pour que tous, finalement, soient réellement au courant, là, et qu'on puisse partager ces notions communes là pour faire changer les cultures.

La Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, c'est au tour de — la parole est à l'opposition officielle — la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous cet après-midi en commission parlementaire pour nous apporter vos commentaires sur le présent projet de loi. Je tiens aussi à vous offrir toutes mes félicitations pour le travail que vous faites dans la campagne Sans oui, c'est non! C'est extraordinaire, ce que vous avez réussi à accomplir, là, depuis seulement trois ans. Donc, chapeau! Je reviendrais sur la question, justement, de l'interdiction des relations entre les étudiants et les professeurs quand il y a le lien d'autorité, parce que moi, je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait, je crois, qu'il y a un consensus là-dessus au Québec aujourd'hui en 2017. Moi, mon questionnement se situe plutôt au niveau de l'applicabilité de la chose.

Donc, quand on parle de, bon, autoriser les relations antérieures, c'est une chose. Mais comment est-ce qu'on s'assure justement que ça soit connu? Est-ce que vous voyez ça via, par exemple, l'obligation de la divulgation de la relation lorsque vient le moment de s'établir la relation d'autorité? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

• (16 h 40) •

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Ce qu'on dit dans l'avis que nous avons présenté à la commission, c'est que, si la relation intime est antérieure à la relation d'autorité, à ce moment-là, il y a une obligation de dévoiler sa relation. Alors, les mécanismes de dévoilement vont être laissés à la discrétion des différents établissements, parce qu'on est conscients qu'il y a une spécificité institutionnelle et, dans une loi, on ne peut pas aller dans la spécificité des établissements.

Ensuite, ce qu'on dit, c'est qu'aussi, lorsque c'est impossible pour l'étudiante ou pour l'étudiant de changer de direction dans une relation de deuxième ou de troisième cycle, par exemple, il faudrait qu'il y ait des mécanismes qui soient mis en place. Alors, dans l'avis qu'on présente, on suggère un comité d'accompagnement, un comité d'évaluation, par exemple, ou tout autre comité qui va venir balancer un peu la relation pour que le prof n'ait pas à lui seul la responsabilité d'évaluer ou d'encadrer l'étudiant ou l'étudiante.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Parce qu'il y a l'importance de souligner que les mesures dont parlait ma collègue ne doivent pas être prises à l'encontre de la personne qui subit, finalement, le lien d'autorité, pour s'assurer, là, que celle-ci, si jamais la situation devient problématique, n'ait pas d'hésitation à la dévoiler ou à faire une plainte en sachant, là, qu'il n'y aura pas de mesures qui vont être prises, là, qu'il n'y aura pas de conséquence, finalement, là, sur son cheminement à elle, donc qu'elle va être protégée, là, finalement, dans son cheminement académique, personnel.

Mme Fournier : Parfait. Puis, à ce moment-là, si on oblige, justement, la divulgation de la relation, par exemple, au premier cycle, où le cours serait donné par plusieurs enseignants, est-ce que vous envisagez un mécanisme qui pourrait permettre à l'étudiant ou à l'étudiante de simplement avoir un autre cours que celui qui est donné par la personne avec qui elle a une relation intime? Parce que je comprends que, par exemple, au deuxième ou au troisième cycle, ça peut peut-être être plus compliqué en raison justement de si la personne est vraiment spécialisée puis qu'il y a seulement une personne qui va offrir un encadrement académique dans un domaine ou un autre.

Mais, dans la possibilité où il y a plusieurs professeurs qui vont offrir le même cours, par exemple, au premier cycle, est-ce que vous trouveriez intéressant que ce soit simplement, au fond, interdit d'être, par exemple, enseigné par la personne avec qui on a une relation qui avait déjà été établie?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Les mécanismes spécifiques vont être laissés, encore une fois, à la discrétion des établissements. C'est sûr que, dans plusieurs établissements, dans les cheminements, malheureusement, il y a des cours obligatoires. Est-ce qu'on veut qu'un étudiant ne suive pas un cours obligatoire parce qu'il a une relation intime avec le prof? Il se pourrait que le prof soit le seul spécialiste aussi. Donc, ce qu'on dit, encore une fois, dans l'avis, c'est qu'il faut que des mécanismes soient mis en place, entre autres un comité d'évaluation. Par contre, on insiste pour dire qu'il faut que la mécanique de ces choses soit laissée à la discrétion des établissements universitaires et collégiaux.

Mme Fournier : Parfait. Puis comment on assure, à ce moment-là, la confidentialité des informations? Par exemple, est-ce que ça ferait partie de l'espèce de guichet unique ou, encore là, c'est vraiment laissé aux établissements, selon vous?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Selon nous, encore une fois, puis je sais que je me répète, mais les mécaniques doivent être laissées à la spécificité des établissements, parce que, si on commence, à l'intérieur d'une loi, à vouloir toucher tout ce qui est spécifique, on va perdre de la portée parce qu'on va s'attaquer à un problème qui, finalement, va être singulier. On va tenir compte, et c'est très important, premièrement, de la volonté collective, mais surtout ne pas décourager... puis, pour ce faire, il faut tenir compte des contextes institutionnels qui sont propres à chaque collège et à chaque université.

Mme Fournier : Oui. Parfait. Je comprends bien. Sur d'autres de vos recommandations, par exemple la quatorzième, vous parlez, donc, des activités, donc, d'accueil. C'est bien la quatorzième? Non, c'est la quinzième, pardon, l'encadrement des activités sociales ou d'accueil. Vous recommandez, au fond, de l'élargir pour toutes les personnes aux regroupements affiliés à un établissement d'enseignement supérieur. Est-ce que vous pouvez nous parler... Parce que, dans la loi actuelle, c'est simplement, je pense, pour les associations étudiantes, tout ça.

Au fond, j'en comprends que vous voulez aussi couvrir les comités étudiants. Est-ce que c'est bien le cas?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : En fait, dans le rapport de consultation qu'on a déposé en août 2017, on mentionne... le rapport était surtout sur les activités d'accueil et d'intégration. Donc, on est en plein dans les activités sociales. On se rendait compte qu'il n'y avait pas uniquement les associations étudiantes qui organisaient des activités d'accueil ou des activités sociales, des organisations sportives, des comités étudiants qui ne sont pas forcément reconnus ou affiliés à l'université pouvaient organiser des activités sociales, d'où l'importance, pour nous, de l'étendre à n'importe quelle entité affiliée à l'université ou au cégep qui organiserait une activité sociale ou une activité d'intégration.

Mme Fournier : Tout à fait. Parce que, là, j'en comprends qu'avec la mouture actuelle de la loi une association sportive affiliée à un établissement d'enseignement pourrait organiser une espèce d'activité d'intégration qui ne serait alors pas couverte par la politique.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Ce qu'on a compris de la loi, c'est, en effet, que des comités étudiants ou des organisations sportives ne seraient pas couverts.

Mme Fournier : Merci. Dans une de vos recommandations aussi, la recommandation n° 19, vous parlez du suivi, donc, des plaintes. On a reçu un peu plus tôt la FECQ et l'UEQ. Eux mettaient des délais très, très précis. La FECQ, par exemple, parlait du 30 jours. L'UEQ parlait de 45 jours.

Est-ce que vous avez réfléchi aussi au fait d'écrire peut-être un nombre de jours précis dans la loi afin de s'assurer justement qu'il n'y ait pas une différence entre les différents établissements? Parce que, bon, je comprends qu'il y a l'autonomie, là, des cégeps, des universités. J'en suis.

Par contre, il y a peut-être justement des principes plus importants qu'il serait alors important d'écrire dans la loi. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Ce qu'on dit dans la recommandation 19, c'est que le projet de loi inclue, parmi les mesures de reddition de comptes exigées, le temps requis par les établissements supérieurs quand ils effectuent les suivis de plainte. Pourquoi on le met dans la reddition de comptes? Parce que ça nous permet d'avoir un portrait. On comprend que, pour une première année, la loi qui va être appliquée va permettre de dessiner un peu le portrait et va permettre d'établir les bonnes pratiques. Sur cette base-là, on va pouvoir créer un consensus sur les meilleures pratiques pour le temps de suivi, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il n'y a personne qui s'entend sur le nombre de jours, ou de mois, ou de semaines qu'il faut pour faire le suivi d'une plainte. Alors, on croit que c'est important d'en faire un élément de reddition de comptes, de sorte que, dans deux ou trois ans, quand les politiques vont être révisées, quand les stratégies vont être révisées, on puisse avoir ces informations-là et qu'on puisse les intégrer ensuite pour faire le suivi et pour déterminer le consensus.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Le fait d'ajouter le délai, là, de traitement du suivi des plaintes dans les mesures de reddition de comptes, ça permet aussi d'avoir une certaine comparaison entre les différents établissements du réseau de l'enseignement supérieur, d'identifier peut-être les endroits où il manque de ressources mais aussi les endroits où ça va peut-être mieux que ce qui était espéré et de partager, finalement, les bonnes pratiques, qu'est-ce qui fait que le suivi et le traitement se font rapidement dans un endroit versus un autre.

Mme Fournier : Puis est-ce que vous pouvez nous spécifier ce que vous entendez par «suivi des plaintes»? Est-ce que c'est le résultat concret? Est-ce que la plainte est retenue ou elle n'est pas retenue? Qu'est-ce que ça couvre, pour vous?

Mme St-Gelais (Andréanne) : En fait, ça couvre, là, le moment à partir du moment où la plainte est dévoilée à l'établissement d'enseignement supérieur jusqu'au moment où, finalement, il y a une décision qui est rendue sur tout le processus, là, en fonction de ce que la personne survivante a souhaité tout au long, là. Donc, c'est vraiment de l'ouverture jusqu'à la fermeture de la situation.

Mme Fournier : O.K. Puis, dans le cas où il y aurait une plainte qui serait non retenue, est-ce que vous exigeriez qu'il y ait des motifs qui soient liés au refus ou à la non-retenue, dans le fond, de la plainte?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Je ne suis pas très sûre de comprendre la question. Non retenue par l'établissement ou non retenue en justice?

Mme Fournier : Par l'établissement, au fond. Au final, bon, la personne soumet une plainte, et il y a une réponse au bout d'un certain nombre de jours. Et, si la plainte est refusée, est-ce que vous voudriez exiger qu'il y ait des motifs qui soient fournis à la personne qui a porté plainte, pour expliquer le refus de sa plainte?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Normalement, les établissements ne fonctionnent pas comme la justice, ce qui fait en sorte qu'ils reçoivent les plaintes, de toute façon. Et ensuite les différents mécanismes qui existent à l'intérieur des établissements, que ça soit universitaire ou collégial, mais universitaire surtout, puisque je vais me référer au mécanisme universitaire, font en sorte qu'ensuite il va y avoir tout un processus. Alors, si un rejet de plainte arrive, ce qui, normalement, m'étonnerait parce que l'université doit recevoir la plainte, elle ne peut pas simplement la rejeter... Et d'ailleurs, le projet de loi le dit aussi, il faut qu'il y ait tout un processus d'écoute, d'accueil qui fait en sorte qu'une université ne pourrait pas dire : Je décide de ne pas écouter ta plainte. Il faudrait toujours, en fait, qu'il y ait des mécanismes, et c'est ce que le projet de loi dit puis c'est ce qu'on dit aussi.

Mme Fournier : Oui, tout à fait, je comprends bien. Mais, une fois que la plainte, justement, elle est traitée, si on décide, si on dit : Finalement, bien, il n'y a pas assez... ce n'est pas comme le juridique, là. Ce n'est pas le fait qu'il n'y a pas assez de preuves, mais, si on décide que, finalement, la plainte, elle tombe, à ce moment-là, est-ce qu'il y aurait des motifs qui seraient fournis?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Oui. Bien, je pense qu'il y a une importance, là, à ce que les personnes survivantes soient accompagnées jusqu'au bout du processus, là. Donc, ça fait partie aussi, là, de l'accompagnement, d'expliquer, finalement, là, l'ensemble du processus et le résultat de celui-ci. Je pense que ça fait partie des mesures d'accompagnement, tout à fait.

Mme Fournier : O.K. Merci beaucoup. Dans vos explications introductives, aussi vous avez parlé de la notion de représailles, qu'il faut protéger, justement, les personnes qui portent plainte contre ça. Donc, j'aimerais vous entendre peut-être un peu plus sur le sujet.

• (16 h 50) •

Mme St-Gelais (Andréanne) : Oui. Donc, en fait, bien, on croit qu'il doit y avoir, là, directement dans les politiques, là, des mentions qui interdisent les représailles, donc qui interdisent à une autre personne de faire des menaces ou de venir intervenir pour empêcher le dévoilement ou le signalement d'une plainte en matière de violence sexuelle. Il y a certains établissements, là, qui prévoient déjà ce genre de mesure dans leurs politiques. On pense que ça devrait être étendu, là, partout pour venir vraiment assurer aux personnes survivantes que ça ne sera pas retenu contre elles, finalement, lorsqu'elles déposeront une plainte.

Mme Fournier : Merci. Vous avez aussi, à la recommandation n° 14, le fait qu'il faut que la personne, justement la personne survivante, soit assurée d'une prise en charge rapide et adaptée. Donc, je me demandais ce que vous pensiez de la notion, justement, du guichet unique.

On a les fédérations étudiantes aussi qui proposent qu'il puisse y avoir un mécanisme de réception, d'aide, aussi d'accompagnement qui soit disponible, par exemple, 24 heures sur 24, une ligne téléphonique dédiée puis une ressource, vraiment, au sein des établissements. Est-ce que vous avez une position là-dessus?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Oui, tout à fait. On pense que c'est important, là, qu'il y ait vraiment une espèce de principe de guichet unique où l'ensemble des ressources, l'ensemble des services, des informations soit regroupés au même endroit pour qu'une fois qu'une personne choisit de dévoiler... bien, en fait, qu'elle soit prise en charge puis que, dans un même endroit, on puisse vraiment lui offrir l'ensemble des services dont elle a besoin puis qu'elle puisse être accompagnée, là, tout au long des étapes du processus.

Mme Fournier : Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait une ressource qui soit dédiée dans les établissements?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Je pense que c'est ce qui serait l'idéal. Maintenant, est-ce que la réalité, là, de l'ensemble des établissements pourrait permettre ce genre de situation? Le projet de loi ouvrait la porte, là aussi, à ce qu'il y ait une collaboration avec le milieu communautaire. Puis ça se peut que, dans certains établissements, ça soit ce qui soit le plus réaliste, le plus facile. Mais clairement que ça prend, minimalement, là, quelqu'un qui puisse recevoir les dévoilements, recevoir les plaintes dans chaque établissement d'enseignement.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole, c'est au deuxième groupe d'opposition. Il faudrait demander le consentement des membres de la commission pour que la députée de Repentigny puisse poser des questions. Est-ce que j'ai le consentement? Alors, Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci. Merci d'être présents. Votre présentation a été très intéressante, puis j'ai envie de vous amener un petit peu ailleurs que le projet de loi n° 151. Je m'explique.

Tout à l'heure, vous avez parlé du manque de compréhension au niveau de la notion du consentement. Puis ça, je pense que c'est très présent, toute la compréhension des relations égalitaires aussi, la nécessité qu'il y ait un changement de culture. Et vous avez aussi parlé... c'est une chose que j'ai retenue, c'est que ça prend une éducation. Et là on se retrouve avec une problématique qu'on a vue dans les universités, toute la question des agressions sexuelles, des violences sexuelles. Et, depuis plusieurs années, il y a l'absence de cours d'éducation sexuelle au secondaire, et je crois qu'une des grosses problématiques se situe là. J'ai rencontré beaucoup de groupes communautaires qui travaillent au niveau des agressions sexuelles, et c'est revenu souvent, cette question-là de dire l'importance d'avoir des cours d'éducation sexuelle adéquats pour expliquer pas juste comment on fait les bébés, mais expliquer toute cette notion-là aussi de respect, de relations égalitaires, la notion du consentement et que, si c'était inscrit jeune dans notre compréhension, possiblement qu'on n'aurait pas besoin de cette loi-là. Ça ne veut pas dire que ça n'arriverait jamais, mais ce ne serait peut-être pas de façon aussi présente — je ne sais pas si je peux dire ça comme ça — que ce qu'on a vu dans les dernières années.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : On peut présumer justement que plus on éduque, plus on a des chances de changer la culture dans laquelle on est.

Ce qu'on veut certainement, c'est une culture du consentement, une culture du respect de l'autre. Et c'est sûr que, si ça commence dès le jeune âge et si ça commence à être enseigné, non pas de l'éducation sexuelle, mais de l'éducation à la sexualité et de l'éducation à la diversité et à la différence de genre, par exemple, ce serait un bon moyen d'inculquer cette notion de consentement dès le bas âge. Il y a des exemples qui existent, quand même, où on apprend aux jeunes enfants à demander avant d'emprunter un jouet. Déjà là, c'est toute une manière d'inculquer un consentement, de dire : Je ne touche pas au jouet de Marie, si elle ne me dit pas oui, ou au jouet de Kevin s'il ne me dit pas non. Donc, c'est plein de mécanismes qui doivent, à notre sens, être mis en place dès le bas âge, parce que l'éducation, ça prend du temps. Donc, autant commencer très tôt. Ça ne veut pas dire non plus qu'on n'a pas besoin d'éducation, nous, en tant qu'adultes. La preuve en est. Donc, je pense que c'est à tous les âges qu'il faut le faire. L'éducation, c'est de longue durée. Comme on aime à le dire, c'est un investissement à long terme, puis ça doit se faire de longue haleine.

Mme Lavallée : Merci. On s'entend sur ce besoin-là, que nous avons actuellement dans les écoles. Puis effectivement, tout à l'heure, j'ai dit «secondaire», mais, dans ma tête, même au niveau primaire c'est important, en adaptant la compréhension à l'âge où les enfants ont.

Vous avez parlé tout à l'heure que le programme devait être accompagné de sommes nécessaires, qu'il y ait un financement adéquat, dédié et récurrent. Encore là, tout à l'heure, ma collègue a posé une bonne question à un autre groupe, parlant : Est-ce que de faire affaire avec des groupes communautaires comme les CALACS pourrait être un moyen d'intervenir dans les universités? Parce que la question du financement est toujours une question qui est problématique. Actuellement, les organismes qui sont dédiés à toutes les violences sexuelles souffrent de sous-financement, le réclament. Donc, vous, vous dites : Mais nous aussi, on veut avoir un financement, un financement adéquat qui est dédié et récurrent.

Est-ce que ça pourrait être une solution de se joindre à ces groupes communautaires là, ou sinon est-ce que vous avez évalué les besoins que vous auriez?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Pour répondre à la première question : je pense que ce n'est pas au communautaire de prendre la place des universités, c'est un travail complémentaire. On le dit, on le répète, c'est une collaboration, c'est de la volonté collective, et cette volonté-là, elle fait en sorte qu'il faut aussi que les établissements soient responsabilisés et que la communauté universitaire et collégiale soit responsabilisée.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Je pense également que, bon, les partenariats peuvent être intéressants, là, avec les ressources communautaires.

Maintenant, c'est aussi important d'avoir la spécificité au sein d'établissements d'éducation supérieure pour faire le lien, là, avec les mécanismes internes, les mesures d'accommodement qui peuvent être réalisées. Là, il y a plein de choses qui peuvent se faire. Ça fait que c'est important qu'il y ait une ressource qui soit un peu spécialiste de ce genre de mesures d'accommodement qui peuvent être créées, et tout en soulignant, là, évidemment que le financement des organismes communautaires, ce n'est pas... Ce n'est pas un ou l'autre, là. On pense qu'il doit y avoir un financement qui est accordé, et un financement suffisant, aux organismes communautaires et également un financement suffisant pour les établissements d'enseignement supérieur pour qu'ils puissent mettre en application, finalement, les mesures qui seront prévues dans le projet de loi.

Mme Lavallée : O.K. Donc, votre position, elle est concordante avec l'autre groupe qui est passé avant vous. Mais est-ce que vous avez une idée du financement? Est-ce que vous êtes capables de chiffrer le financement qui serait nécessaire pour répondre à ce qui devrait être installé dans toutes les universités ou les cégeps?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Donc, actuellement, il n'existe pas, là, de portrait très, très, très spécifique de qu'est-ce qui est en place exactement dans chaque établissement d'enseignement supérieur, là, de façon globale. C'est certain que les établissements vont être beaucoup plus à même d'évaluer quels sont les besoins pour mettre en place les différents éléments qui seront prévus dans le projet de loi, d'autant plus qu'on ne sait pas actuellement, là... Bon, il y a eu une promesse de financement de 23 millions sur cinq ans. Donc, on ne sait pas exactement comment ça sera réparti dans les différents établissements, donc il y a un flou qui entoure ça. Et je pense que ça sera aux établissements, là, de pouvoir mieux chiffrer, finalement, les besoins pour appliquer le projet de loi. Mais certainement qu'on pense que ça prend un financement, là, qui devra être suffisant pour permettre cela.

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : Et ce qu'on espère surtout, c'est que, lorsque ce portrait général va être fait, si on se rend compte qu'on a besoin de plus de financement, ce financement-là, il soit accordé, parce qu'encore une fois c'est une responsabilité collective, puis je pense que c'est un enjeu suffisamment important pour qu'on puisse investir adéquatement.

Mme Lavallée : Donc, vous avez parlé du 23 millions sur cinq ans. Ce que vous souhaiteriez, c'est que, si jamais vous vous rendez compte que le financement n'est pas adéquat, il y ait une révision avant le cinq ans ou on révise après cinq ans...

Est-ce que vous vous attendez à ce qu'il y ait des ajustements rapidement si vous sentez que ce n'est pas suffisant?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : ...

M. Roberge : Bonjour. Donc, je vais poursuivre rapidement. Bon, on parle d'un mécanisme de traitement des plaintes.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de Chambly.

• (17 heures) •

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Donc, évidemment, il peut arriver que la plainte ne soit pas traitée à la satisfaction du plaignant ou de la personne qui est visée par la plainte.

Ce n'est pas prévu dans le projet de loi qu'il y ait nécessairement un mécanisme d'appel. Quelle est votre réflexion là-dessus? Est-ce que ça devrait être prévu dans la loi qu'à l'intérieur des institutions il y ait un mécanisme d'appel ou si le mécanisme d'appel, ça doit être au bureau du ou de la ministre?

Mme St-Gelais (Andréanne) : Effectivement, là, je pense que... en fait, je crois que les deux peuvent être possibles. Donc, il peut y avoir un mécanisme d'appel, là, à même les établissements d'enseignement supérieur, et un dernier recours un peu comme ce qui se fait, en fait, aux États-Unis, où est-ce qu'il y a ce genre de recours là au niveau, là, du ministère de l'Éducation... de l'équivalent, là, de leur ministère de l'Éducation, en cas de dernier recours, lorsqu'une personne qui porte plainte considère, là, que ses droits n'ont pas été respectés. Mais c'est le genre chose, là, qui pourrait être intéressant à mettre en place, effectivement.

M. Roberge : Il me reste quelques secondes.

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Roberge : Oui. Ça va vite pour une question et une réponse. À date, tous les groupes nous ont mentionné que, oui, on parle d'une politique, mais il devrait aussi y avoir un plan d'action.

Pouvez-vous nous préciser pourquoi ce n'est pas assez, une politique, il faut une politique et un plan d'action dans chacun des établissements?

Mme Lokrou (Milène Rachel E.) : La politique, c'est la lettre... ou, du moins, c'est l'esprit de la lettre, et le plan d'action, c'est la lettre. La politique, elle vient définir les seuils minimaux. Le plan d'action, c'est le concret, c'est les actions, c'est comment on fait pour arriver à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel, d'où l'importance d'avoir les deux : un plan d'action qui suit la politique et qui est concordant avec la politique.

Mme St-Gelais (Andréanne) : Également, ce genre de plan d'action pourrait faire partie des mesures de reddition de comptes qui sont exigées du ministère, et ça permettrait justement au ministère de suivre les étapes d'implantation de la politique, puis qu'est-ce que les établissements se sont engagés à faire dans leurs politiques, et qu'est-ce qui, finalement, est fait sur le terrain, là, concrètement. Ça serait un outil, je pense, intéressant pour suivre ce qui se passe au niveau des établissements.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Lokrou et Mme St-Gelais, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la campagne Ni viande ni objet de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 17 h 5)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la campagne Ni viande ni objet. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à faire votre présentation.

Ni viande ni objet

M. Blanchette (Alexandre) : Merci beaucoup. Bonjour.

La Présidente (Mme de Santis) : Mais avant, s'il vous plaît, identifiez-vous.

M. Blanchette (Alexandre) : C'était l'objectif premier. Ma collègue et moi-même venons de Sherbrooke et nous sommes des personnes qui faisons partie de l'équipe de la campagne Ni viande ni objet, qui est une initiative pour contrer, prévenir et sensibiliser les communautés, collégiales majoritairement, à la problématique des violences à caractère sexuel. Ma collègue se nomme Clara Houle-Roy et elle est travailleuse sociale, intervenante et coordonnatrice dans l'équipe. Moi-même, je m'appelle Alexandre Blanchette et je suis le responsable de cette initiative-là, initiative qui est née par et pour les étudiants et étudiantes du cégep de Sherbrooke, à l'origine, il y a deux ans de cela, et qui a été conçue avec les ressources étudiantes, à l'origine, pour être partagée un peu partout gratuitement et adaptable dans tous les milieux qui le désiraient bien. Alors, c'est une campagne, en premier lieu, qui se veut à l'image un peu des jeunes de 16 à 25 ans puis qui a été construite à l'aide de leurs réalités, de leurs témoignages, de ce qu'ils et elles vivent sur le terrain.

Alors, on vous remercie, évidemment, tous les membres de la commission, de nous recevoir aujourd'hui, c'est un privilège, et puis, dans les prochaines minutes, on va vous présenter quelques points, là, qui nous sont apparus fort importants, là, à noter à propos du projet de loi n° 151, puis ça va nous faire plaisir, bien entendu, de les préciser ensuite, lors de la période de questions.

Alors, d'emblée, je préciserais que nous saluons le dépôt du projet de loi n° 151 dans sa forme actuelle, pour l'ensemble des volets que le projet de loi couvre, à commencer par la latitude qu'il offre aux différentes institutions pour pouvoir, à l'intérieur de chaque milieu, décliner un peu, là, les différentes dispositions du projet de loi. On ne peut pas penser qu'une action mur à mur va avoir le même effet dans un cégep régional, dans une grande université, et autres. Il faut s'adapter aux réalités de chaque communauté universitaire et collégiale, et j'entends là les étudiants et étudiantes, bien sûr, mais les membres du personnel, les cultures, aussi, à l'intérieur des institutions, et le projet de loi donne une belle latitude en ce sens-là, il faut saluer ça.

Par contre, sur certains éléments contenus à l'intérieur du projet de loi, nous avons des préoccupations à l'effet qu'il n'y ait pas de balise plus claire ou de ligne directrice plus claire qui pourraient permettre de garantir, je vous dirais, là, l'atteinte des objectifs du projet de loi à moyen et long terme dans l'ensemble du réseau d'enseignement postsecondaire. On peut penser... puis ça nous fera plaisir de préciser ensuite, on peut penser à certains éléments du projet de loi, comme le fameux code de conduite, où il est impensable que, d'une institution à l'autre, il y ait des variations importantes. Quand on pense à la mobilité étudiante, la mobilité du personnel enseignant ou non aussi dans les institutions soit collégiales ou universitaires, bien, ça prend des points, des lignes directrices communes pour nous assurer qu'il n'y ait pas de variation, là, qui ajoute à la confusion puis qui fasse en sorte aussi de créer des situations problématiques. Ça, c'est évident. En termes de traitement des plaintes, d'accueil, d'accompagnement également, on estime que, pour nous assurer que, dans l'entièreté du réseau, il y ait la possibilité, là, d'un traitement qui respecte les paramètres du projet de loi, il faudrait que le projet de loi en soi balise davantage, notamment, la façon dont on traite les plaintes, c'est-à-dire les délais de traitement suite à la réception d'une plainte et puis les délais pour mettre en place des actions, des mesures concrètes, là, pour répondre, dans le cas échéant où la plainte est retenue, traitée, où il faut intervenir, là, pour faire, par exemple, des accommodements académiques, des changements aussi, là, à l'intérieur du parcours d'un étudiant ou d'une étudiante, pour nous assurer qu'il n'y ait pas de revictimisation, qu'il n'y ait pas de situation problématique qui se reproduise parce que le délai s'étire, par exemple, encore. Ça fait que ça, ce sont des éléments où, s'il n'y a pas un contrôle du gouvernement en cette matière-là au niveau législatif, nous, on craint peut-être qu'à l'intérieur de certains établissements il puisse y avoir des interprétations qui n'aillent pas dans le sens des objectifs de la loi.

Il ne faut pas penser que toutes les institutions collégiales et universitaires sont prêtes à appliquer les différentes mesures qu'il y a à l'intérieur de ce projet de loi là. Ce serait faux de le penser. Nous, on a une bonne connaissance des procédures collégiales, notamment, pour les plaintes en général, là, qu'on peut retrouver actuellement, il y en a déjà tout un volet. Et puis c'est très variable d'une institution à l'autre, et ça crée des dérives, ça crée aussi des inégalités qui sont importantes. Si les objectifs veulent être atteints avec le projet de loi, des balises additionnelles, ce serait fondamental, je vous dirais.

Un dernier point avant de passer la parole ma collègue, pour la fin de notre présentation, qui va vous entretenir du volet formation. Nous, on a également réfléchi beaucoup puis on s'est promenés beaucoup sur la question du guichet unique et on estime que de le suggérer, de l'encourager, c'est une bonne chose. De le rendre obligatoire à l'intérieur de chacune des institutions collégiales et universitaires du Québec, pour nous, il y a un risque là.

Je vais vous donner l'exemple du cégep de Sherbrooke, d'où je viens, plus spécifiquement. Un guichet unique où on retrouverait toutes les ressources, qu'elles soient d'accueil, d'accompagnement, mais aussi, généralement... on peut penser au traitement des plaintes, aux ressources pour la sensibilisation, etc., c'est peut-être faire fi des réalités sur le terrain, où souvent la première ligne, elle est dans les cours, les enseignants, enseignantes qui peuvent recevoir un dévoilement, qui ont des liens privilégiés avec des étudiants, étudiantes. Il y a des services d'accueil psychosociaux évidemment, mais il y a aussi toutes sortes d'autres acteurs et actrices dans une communauté collégiale ou universitaire qui ont des rôles importants à jouer. J'y inclus également les associations étudiantes dans certains cas, pas tous les cas. Puis il faut s'assurer qu'il y ait une pluralité de portes d'entrée mais qu'après ça les chemins soient connus pour obtenir toutes les ressources, évidemment, toute l'aide nécessaires, l'accompagnement aussi relatifs au dépôt d'une plainte, par exemple. Ça fait qu'un guichet unique qui physiquement serait au même endroit pourrait aussi être un frein pour certaines personnes à s'y présenter pour, en fait, demander de l'aide, déposer une plainte ou encore demander un rendez-vous, par exemple, là, d'accueil ou de soutien avec un professionnel en intervention ou une professionnelle en intervention.

Ça fait qu'on a peut-être un souci qu'il y ait une plus grande flexibilité sur la notion de guichet unique pour nous assurer que chaque milieu puisse adapter cette notion-là en fonction de ses réalités et aussi des ressources présentes sur le terrain pour faire en sorte que les objectifs soient atteints. Ce qu'on veut, c'est le fond. La forme, à ce niveau-là, nous, on juge qu'elle n'est peut-être pas si importante si tous les paramètres sont respectés. Au niveau de la formation, maintenant.

• (17 h 10) •

Mme Houle-Roy (Clara) : Oui. Donc, nous, on souligne l'importance qui a été accordée à tout l'aspect formation. Donc, il y a des formations obligatoires pour les membres du personnel, la direction puis les associations étudiantes. Il y a aussi des formations non obligatoires offertes à toute la communauté étudiante, puis on trouve ça important, mais on recommande de le baliser davantage encore dans la même ligne d'idées que mon collègue vient de dire, surtout pour s'assurer de la fréquence de l'offre de ces formations-là, de s'assurer de la qualité puis des thèmes abordés lors de ces formations.

On trouve extrêmement important tout l'aspect de l'éducation puis de la formation à ce sujet-là. La dimension humaine est importante. On sait que, lorsque quelqu'un va, justement, aller porter plainte, l'importance de la réception de la personne à qui on porte plainte va jouer beaucoup sur le processus, là, qui va suivre. Donc, le savoir-être lorsqu'on reçoit la plainte ou comme témoin actif, comment faire finalement lorsqu'on est témoin d'une violence à caractère sexuel ou même comment accompagner quelqu'un vers les ressources, c'est une partie d'information, justement, qu'il est important que tout le monde qui soit obligé de faire cette formation-là maîtrise bien.

Donc, nous, on a des thèmes, comme que je viens d'énoncer, qui sont plus à prioriser, comme comment recueillir un dévoilement de violence à caractère sexuel, comment accompagner quelqu'un vers les ressources internes et externes puis finalement, comme je le mentionnais, comment être un témoin actif, bien, dans les milieux, les établissements.

M. Blanchette (Alexandre) : À cela, évidemment, on doit ajouter la question, oui, toujours, des ressources. Nous, aujourd'hui, évidemment, c'est sur le projet de loi qu'on se concentre, mais on pourrait vous sortir les mêmes rengaines que vous allez entendre probablement tout au long de vos consultations et qui sont valables à un certain niveau. Que ce soit pour l'implantation dans les différentes institutions d'enseignement postsecondaire... bien, il faut voir que, si on veut atteindre les objectifs du projet de loi, les objectifs, évidemment, aussi des différentes composantes du projet de loi, ce ne sont pas tous les milieux qui actuellement ont l'expertise ou les ressources pour peut-être bien déployer ça. Alors, il faut juste accorder un souci à cette démarche-là de création de la politique, de mobilisation du milieu et de comment on va ensuite organiser ça à l'intérieur de tous les autres mandats, là, bien, que les directions, que des intervenants, intervenantes et que tous les acteurs et actrices qui sont sur le terrain... comment on organise ça pour qu'on atteigne nos cibles mais qu'on ne puisse pas... On n'a pas tant de ressources à y consacrer, finalement. C'est un peu la réalité de beaucoup de milieux. Je pense beaucoup aux plus petits milieux également puis aux milieux collégiaux comparativement à certains milieux universitaires.

En ce qui a trait également au niveau des partenariats possibles avec le réseau communautaire, on pourrait y voir là une solution pour dire : Bon, bien, très bien, on va faire un arrimage entre les deux. Nous, on part du postulat qu'il n'y a pas nécessairement à avoir de dédoublement, de développer des expertises au niveau des universités ou des cégeps alors qu'il y a déjà des expertises dans le milieu communautaire ou au niveau d'instances nationales ou régionales. Ça pourrait être la voie d'avoir une belle solution, du personnel spécialisé qui a déjà beaucoup d'expérience en accompagnement, ou autres, qui pourrait faire une partie de la formation, donner une partie des services, peut-être. Encore là, il faut considérer la notion des ressources à ce niveau-là, également s'assurer que, dans les milieux où c'est la voie qui est privilégiée, les ressources soient adéquates pour que les organismes communautaires puissent contribuer de façon efficace à l'atteinte des objectifs de la politique et, plus globalement, du projet de loi, bien entendu.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Blanchette, Mme Houle-Roy, pour votre exposé. Maintenant, nous procédons à la période d'échange. Mme la ministre, vous avez 22 min 30 s.

Mme David : Oui. Merci beaucoup. Très intéressant. Et je pense que plus on écoute, plus les choses se complexifient, d'une certaine façon, pas sur le fond, pas sur le fond, mais sur la forme. Et on le sait, le diable va être dans les détails : comment on balise plus, balise moins; régions; petits établissements; grands établissements; communautés, organismes communautaires. Et on le sait, tout ça. Puis il faut que cette loi-là puisse vivre, vivre dans les établissements et dans tous les établissements.

Alors, je vous remercie de nous alerter à des aspects. Je sais que vous venez de Sherbrooke. Je sais que vous avez une grande sensibilité justement à l'univers plus collégial, qui a peut-être beaucoup moins de moyens, à certains égards, qu'une université de 62 000 étudiants, là, c'est évident, évident. Par contre, ils ont d'autres problèmes que peut-être on a moins dans les petits milieux. Alors, notre exercice périlleux mais passionnant, ça va être de trouver cette ligne où tout le monde va se retrouver. Et on aura l'occasion... parce que je vais revenir sur l'histoire du guichet unique justement, parce qu'encore là je pense qu'il va falloir clarifier ce que, dans notre tête, est un guichet unique, et dans la vôtre, et puis on va s'entendre certainement sur quelque chose.

Vous avez commencé en parlant du fameux code de conduite, qui n'était pas nécessairement du tout dans le paysage au début des consultations. En fait, il était plus dans mon paysage interne à moi. Pour avoir oeuvré pas mal dans ce milieu-là, et auquel je tenais, je voulais faire quelque chose. Maintenant, une fois qu'on a dit ça, l'idée peut être bonne, ça peut être une fausse bonne idée ou une bonne mauvaise idée, on verra, mais moi, je pense qu'il y a quelque chose là qui ne sera pas simple non plus, parce qu'il y a toutes sortes de considérations. Mais vous dites, vous aussi, je pense, mais je veux être sûre, bon : Pareil partout. Vous êtes allés moins loin que d'autres groupes, mais je pense que vous êtes d'accord avec les autres groupes d'étudiants, entre autres, sur le fait de proscrire complètement, en situation d'autorité, les relations intimes, amoureuses ou sexuelles pour éviter une confusion des genres, c'est-à-dire rapport d'autorité et rapport... je n'aime pas dire «amoureux égale sexuel» ou «sexuel égale amoureux», mais, disons, un mélange de tout ça. Donc, je vais vouloir un peu vous entendre là-dessus, parce que vous comprendrez évidemment qu'on parle d'adultes, en principe, consentants. Mais que vient faire la notion d'autorité dans le consentement? C'est une question à laquelle bien des philosophes pourraient... sur laquelle ils pourraient se pencher, bien des juristes, d'ailleurs, bien des chartes.

Alors, je crois entendre... en fait, je suis sûre d'entendre de la part des autres groupes que le modèle est calqué sur celui des ordres professionnels. On est médecin, on traite un patient, on n'a pas de relation intime avec son patient. C'est bon pour, en général, les ordres professionnels même, clients, avocats, psychologues, physiothérapeutes, etc. J'ai l'impression que c'est l'esprit de cette chose-là qui vous a inspirés. Mais là on n'est pas dans les ordres professionnels, c'est une relation, bon, dite d'autorité. Alors, la réflexion va être extrêmement intéressante, parce que vous allez tous, à date, du côté étudiant, plus loin que le projet de loi. Peut-être qu'on a été trop timides, code de conduite, etc., mais je voudrais vous entendre un peu là-dessus avant de passer à mes autres petites questions.

• (17 h 20) •

M. Blanchette (Alexandre) : Bien, en fait, nous, on a quelques références au code de conduite au niveau du mémoire qu'on vous a déposé.

Nous ne sommes pas du tout pour l'interdiction des relations entre étudiants, étudiantes et membres du personnel qui ont une influence, là, sur leur cheminement académique, loin de là. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, ce sont des adultes consentants et consentantes qui peuvent, dans un cadre de promiscuité, là, associé aux études, développer des relations intimes. On n'a pas de problématique avec ça personnellement, de nos réflexions puis des échanges qu'on a, là, un peu partout à travers le Québec avec les enseignants, les enseignantes puis les membres de la communauté étudiante.

Là, évidemment, où le bât blesse, c'est au niveau de la notion d'autorité. Nous, on estime que, si, par exemple, il y a une relation entre une personne étudiante puis une personne enseignante qui naît, là, dans un contexte x ou y, on n'y voit pas nécessairement de problème. Si le code de conduite prévoit, notamment, de déclarer d'une façon ou d'une autre, toujours en assurant une certaine forme de confidentialité, là, cette relation-là parce que c'est dans le cadre de l'employabilité de la personne, là, que ça doit être fait, allons-y comme ça, mais, dans le cas où après ça, bien, il y a un cours que la personne enseigne et l'autre, le partenaire ou la partenaire, assiste à ce cours-là, bien, c'est là que les institutions, nous croyons, doivent avoir des mesures, là, pour atténuer l'effet, je vous dirais, de la relation dans un cadre d'autorité. Mais, le bannissement complet, ce que certains et certaines demandent, ou aucune intervention non plus, on ne croit pas que ce soit la ligne nécessairement à tenir. Nous, on recommande d'abord un débat national pour avoir justement une uniformité en cette matière-là et d'interpeller les acteurs et actrices. Et il y a déjà du travail qui se fait là-dessus actuellement, notamment, au niveau des syndicats en enseignement. C'est un enjeu qui, depuis plusieurs mois, là, est débattu à l'interne. Je pense à la FNEEQ, notamment, et d'autres. Nous pensons que ces acteurs et actrices là auraient des éléments, là, positifs à suggérer dans ce débat-là.

Tout n'est pas noir ou blanc. L'interdiction complète n'enraierait pas les problématiques liées aux relations entre étudiants, étudiantes et membres du personnel. Ce serait bête de le croire. Mais il y a un resserrement à avoir à certains égards pour que les institutions, les établissements d'enseignement jouent un rôle de vigile pour s'assurer que, dans des cas de débordement, bien, l'intervention, elle soit rapide et que ce soit tolérance zéro. Et c'est là que l'introduction du code de conduite à l'intérieur du projet de loi peut être une belle idée, parce que ça va permettre de faire cette réflexion-là en parallèle du reste. Nous, on était un petit peu inquiets quand on a vu tout de même l'introduction du code à l'intérieur du projet de loi, parce qu'en soi c'est tout un enjeu, c'est tout un débat. Et on a peut-être des craintes inavouées, là, que ça pourrait alourdir tout le reste et détourner une partie considérable de l'attention et des ressources, là, vers cet élément-là si les syndicats, notamment, bon, s'en mêlent et qu'il y a des débats, là, et que les gens déchirent leurs chemises sur la place publique pour ce volet-là. Mais il est cohérent, bien sûr, avec le reste de la politique.

Mme David : Ah! fort intéressant. On n'a pas tellement de temps, il reste 15, 20 minutes. Je pense qu'on aura l'occasion d'en reparler, parce que je n'avais pas lu votre mémoire, qui vient d'arriver, encore tout chaud. Alors, je le vois bien, ce que vous dites là. Alors, c'est encore plus intéressant d'aborder cette question-là, parce que, comme vous dites, effectivement, c'est quatre lignes dans le projet de loi, mais quatre lignes qui ont tout leur poids. Par contre, ne pas l'avoir mis du tout, je ne pense pas qu'un jour on aurait vu naître un projet de loi exclusivement sur cette question, honnêtement. Et je pense qu'il y a une certaine pertinence. Les syndicats, la FQPPU, bon, ont leur opinion, qui va pas mal dans le sens de ce dont on discute jusqu'à maintenant. Maintenant, c'est clair que vous allez plus, vous, dans le sens de ce que nous avons déposé, qui est peut-être plus modéré, plus modeste, qui tient compte d'une certaine complexité mais qui est très différent du fait de proscrire totalement, dès qu'il y a... Alors, la situation n'est pas simple, mais on aime ça. La vie n'est pas simple de toute façon, puis, les relations intimes, quand on tombe là-dedans, c'est encore plus compliqué. Donc, on va avoir des heures de plaisir, mais c'est important qu'on parle de ces choses-là. Et je prends ça très au sérieux.

Maintenant, je voudrais revenir sur le guichet unique. Là aussi, tout est question de définition. Je suis très sensible quand vous dites de... Vous parlez de première ligne, puis, moi, c'est ça sur lequel je veux insister. Puis je suis d'accord avec vous qu'il faut qu'il y ait des balises pour ce que je pourrais appeler la phase d'urgence, là. C'est comme : Tu arrives à l'urgence, priorités 1, 2, 3, 4, 5. Bien, à un moment donné, il faut qu'il y ait rapidement, peut-être, un processus d'accompagnement, de prise en charge, des mesures académiques. Il y en a qui exigent, là, je dirais, un bouquet de mesures urgentes. Alors, ça, ce n'est pas sur rendez-vous deux semaines après, trois semaines après, quatre semaines après. Ça, c'est pour moi très clair, puis il va falloir peut-être que ça le soit plus dans le projet de loi si tout le monde trouve que ça ne l'est pas. On demande, évidemment, dans la politique, qu'ils nous disent comment ils vont faire ça, mais peut-être qu'on pourra les inspirer à comment faire ça, un petit peu.

Donc, il y a la phase d'urgence, la phase d'accompagnement, de suivi, ça peut aller jusqu'à une plainte au criminel, enfin on a tous les cas de figure possibles. Alors, c'est sûr que le guichet unique peut-être a l'air trop lourd, là, tu sais. J'imagine un guichet, là, puis : Tu vas là puis... Vous avez raison de dire que la première ligne est partout et devrait être partout. J'ai parlé, précédemment, avec vos prédécesseurs, d'un logo ou d'un signe genre Parents-Secours, là, où la personne peut aller, elle sait qu'elle va être écoutée avec bienveillance — c'est déjà pas pire — qu'elle va pouvoir être référée : Le centre d'aide, il est à tel endroit, je vais aller avec toi, etc., tu n'as vraiment pas l'air à filer, je pense qu'on va y aller tout de suite, genre. Alors, je suis d'accord qu'une première ligne doit être répandue partout puis que la pluralité des portes d'entrée — j'ai bien aimé l'expression — c'est vrai, parce que, quand tu as quelque chose à dévoiler, bien, ça s'adonne que ce n'est pas de dévoiler que tu t'es fait voler ta sacoche au premier policier que tu rencontres sur la rue.

Un dévoilement comme ça, ça demande une confiance de base. Alors, il va falloir travailler cette question-là mais que les suivis soient clairs après. Alors, moi, je vais être claire avec vous que, dans ma tête, le guichet unique, c'est plus, après, là, de dire : Bien là, oui, il y a des gens spécialisés en cette prise en charge. Ça ne veut pas dire que tout va être là, les comités de discipline vont être là, etc., pas du tout. Mais peut-être qu'il va falloir raffiner, donc, cette question-là. Moi, je voulais peut-être plus vous rassurer là-dessus que de vous poser une question. Mais vous m'avez alertée à cette question-là. Donc, si vous avez des commentaires à faire là-dessus, je suis bien prête à vous écouter, mais j'étais plus dans l'ordre du commentaire.

Mme Houle-Roy (Clara) : Bien, d'où l'importance, finalement, de la formation, de comment recevoir un dévoilement, parce que des fois on est plus proche d'un professeur, ça va être plus adéquat ou plus facile d'aller dénoncer ou porter plainte à ce professeur-là. Si ces professeurs... ou le membre du personnel est formé pour recevoir un dévoilement, accompagner vers les ressources, là... puis si les ressources sont toutes au même endroit, ça pourrait être plus simple.

Mme David : Donc, la formation : j'ai bien noté la fréquence de la formation, la qualité de la formation, le contenu de la formation. Donc, quand vous pensez formation, vous pensez à qui? Autant aux étudiants, aux professeurs, au personnel, à tout le monde? Comment vous voyez ça? Parce que vous êtes très réalistes, en même temps, dans vos propos, alors je suis curieuse de voir...

Mme Houle-Roy (Clara) : Bien, c'est sûr qu'idéalement c'est au plus de gens possible. Nous, on a pensé aux membres du personnel, à la direction, aux associations étudiantes, aussi aux capitaines d'équipe sportive, aux entraîneurs d'équipe sportive. Souvent, il y a des gardes de sécurité qui sont beaucoup la première ligne, qui sont sur le terrain, dans les campus puis... C'est ça.

• (17 h 30) •

M. Blanchette (Alexandre) : On ajouterait aussi : pour nous, la formation, c'est le socle sur lequel ce projet de loi là peut atteindre ses objectifs ou non, indépendamment des structures, des mécanismes de plainte ou de déploiement de mesures pour protéger les personnes qui émettent des plaintes, et autres, indépendamment de la sensibilisation. La formation est la clé maîtresse de ça, dans la mesure où toutes les personnes qui ont un rôle à jouer à l'intérieur des mécanismes, des procédures ou encore dans la diffusion de mesures de sensibilisation, ou autres, doivent le faire adéquatement.

Et on ne s'improvise pas, du jour au lendemain, formateur ou formatrice sur ces questions-là. Il y a des gens en intervention qui sont spécialisés dans ces questions-là. Nous, ça fait deux ans qu'on travaille aussi à créer du contenu adapté pour les milieux collégiaux et des formations également, puis on s'est appuyés sur ce savoir et cette expertise-là de partenaires locaux, régionaux ou nationaux qui sont en première ligne et qui y ont réfléchi, sur les études aussi. Ça fait qu'on ne peut pas se dire : Demain matin, une personne x va devenir la personne responsable de l'application de la politique, voici un petit guide et une formation de 20 minutes en ligne, et ça va. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Former tout le monde, oui, les enseignants, enseignantes sur une base volontaire, les étudiants et étudiantes sur une base volontaire, et, comme le projet de loi, avec justesse, le suggère, toute personne qui a un rôle à jouer à l'intérieur de l'application de la politique doit être formée de façon plus pointue et obligatoire. Les autres groupes que ma collègue a mentionnés sont, pour nous, des groupes qui sont importants, dans le fond, d'approcher. C'est ce qu'on a fait.

Tout ce qu'on vous présente, nous, on l'a fait sur la base d'expériences terrain, et non pas de réflexions, là. Alors, nous, c'est comme ça qu'on s'est dit : On va lutter contre les violences à caractère sexuel sur notre campus, et c'est la formule qu'on va proposer pour tous les campus qui adhèrent à notre campagne, c'est d'y aller stratégiquement puis après ça en déployant une campagne. Ça fait partie d'un tout.

Ça fait que la formation, oui, c'est le socle, puis, après ça, on peut aller un petit peu plus loin, élargir les cercles. Il faut le faire avec une fréquence, parce qu'évidemment... puis c'est la question qu'on pose d'emblée dans notre mémoire : Ça fait quatre ans qu'on a été formée, est-ce qu'on juge encore que cette formation-là, elle est valable? Est-ce qu'il n'y a pas une évolution aussi en ces matières-là? Est-ce que ce n'est pas bon de se rafraîchir un peu la mémoire parfois également? Les ressources changent, et tout. Les formations doivent être articulées en fonction de chaque milieu, et le gouvernement, la loi doit garantir un minimum de qualité si on veut que, sur le terrain, ce soit bien. Ma collègue l'a dit, les premières minutes, lorsqu'on veut faire un dévoilement ou lorsque, par exemple, on a une plainte à déposer, la façon dont on reçoit... puis c'est comme ça dans la rue aussi, c'est comme ça partout, la façon dont on est reçu lorsqu'on fait ces démarches-là peut tout changer. On peut se retourner, se recroqueviller, puis ça peut être terminé. En matière de violence à caractère sexuel, c'est particulièrement vrai.

Et, en terminant, sur la question de la notion du guichet unique, nous, on fait une distinction claire entre l'application de la politique, et le traitement des plaintes, et l'offre d'accueil, d'accompagnement psychosocial, les mesures de sensibilisation, les formations, et tout, même si tout est lié, bien entendu. Le guichet unique qui renvoie à des services en intervention, c'est une chose, et ça ne doit pas nécessairement être avec, évidemment, tout ce qui concerne les plaintes. Ce qui est important, c'est les vases communicants. Ce qui est important, c'est que, dans la politique, il n'y ait aucune ambiguïté aux zones grises sur les procédures pour que l'ensemble des services et des ressources soient disponibles à partir du moment où on allume une lumière, là. Je viens faire un témoignage, je viens déposer une plainte, mais de facto, bien entendu, les services d'aide psychosociale, les organismes externes, tout ça est mis en branle, puis on l'offre, mais il y a des gens qui vont peut-être simplement vouloir déposer une plainte et qui n'ont pas besoin de ces services-là, parce qu'évidemment ils et elles les obtiennent à l'extérieur, par exemple. Alors, il faut tenir compte de ça. Si on alourdit trop en voulant... Puis c'était un peu notre crainte, là... parce qu'évidemment un guichet unique, ça peut être large, mais c'était notre crainte, de dire : Il ne faut pas que ça devienne trop énorme. Il y a des gens qui vont aller chercher des parties de ce qui est offert à l'intérieur de la politique puis, bon, des objectifs, là, au niveau du projet de loi parce que c'est ce qui convient. Il faut respecter ça, évidemment. Puis il y a des gens, vous savez, c'est courant, qui vont peut-être faire une plainte plusieurs mois après qu'un événement soit arrivé, peut-être des années même.

Il faut s'assurer que les mécanismes de réception et de traitement des plaintes tiennent compte de ça, qu'il n'y ait pas de délai nécessairement qui vienne faire en sorte qu'après 30 jours ouvrables aucune plainte n'est recevable après un événement. Ça ne doit pas être ça, d'une part. Et, d'autre part, aussi ça fait en sorte que ces gens-là, à ce moment-là, sont peut-être rendus ailleurs dans leur réflexion, dans leur cheminement. Alors, ce qu'ils ont de besoin, là, c'est de déposer une plainte dite institutionnelle qui n'a aucun lien avec une plainte au criminel puis qui n'a, nécessairement, pas toujours de lien avec des services directs, là, internes ou externes.

Mme David : O.K. Alors, je pense que je vais passer la parole à mon collègue, qui a une question.

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, M. Blanchette, Mme Houle-Roy. J'ai eu le plaisir d'être inspiré par votre présentation lors d'une des journées de consultation auprès des universités et je vous félicite pour le fait que... Il me semble que le seul critère qui vous gouverne, c'est qu'est-ce qui va joindre les jeunes sur le terrain, et j'admire votre approche à la fois pragmatique, réaliste, humaine, parce que, sans ces trois éléments, on ne va pas avancer plus que ça.

Dans cette optique pragmatique, réaliste et humaine, vous notez dans vos conseils généraux, et vous y avez fait référence lors de vos remarques, l'importance de trouver cet équilibre entre l'idée de donner aux établissements une latitude appréciable mais aussi d'avoir ici et là des balises qui vont faire en sorte qu'on ait une approche cohérente aussi. Ce n'est jamais facile.

Est-ce que vous avez quelques principes directeurs à nous proposer pour trouver le juste équilibre entre ces deux idées-là, ces deux concepts-là?

M. Blanchette (Alexandre) : Oui, tout à fait. On est venus ici pour ça. Je vous dirais que, d'emblée, une des choses à considérer, c'est peut-être au niveau des plaintes. Nous, on suggère qu'il y ait des délais qui soient prescrits par le législateur pour le traitement des plaintes.

On ne peut pas faire l'économie d'une vision globale de comment on doit accueillir et dans quel délai on doit traiter ces éléments-là. Il y a toujours des facteurs atténuants évidemment, mais ça prend une ligne directrice pour s'assurer qu'après ça sur le terrain il n'y ait pas des universités ou des cégeps où on est bien desservi, quand il y a une problématique, et d'autres où ça dure, ça dure et c'est long. Il ne doit pas y avoir cette inégalité-là, là, entre les institutions.

Nous, on suggère qu'à partir du dépôt d'une plainte ou de l'équivalent, c'est-à-dire d'un dévoilement... Il ne faut pas mélanger les deux. On peut initier une plainte sans remplir un formulaire, et c'est très, très important, je vous dirais. À partir du moment où il y a ce dévoilement ou ce dépôt de plainte là, nous, basés sur nos propres expériences sur le terrain, on suggère que, dans un délai maximum de cinq jours ouvrables, cette plainte-là soit prise en charge et que la personne soit rencontrée. Mais évidemment, au moment du dépôt, l'obtention du service d'aide, d'accompagnement interne ou externe, cela va de soi, mais la prise en charge, par l'institution, par l'établissement, en fonction de la politique, de la plainte, ça ne devrait pas se faire dans un délai dépassant cinq jours ouvrables. Pour nous, en fait, c'est impensable qu'on puisse mettre trois ou quatre semaines. Les gens peuvent continuer à vivre des violences à caractère sexuel au quotidien qui émaneraient, là, de cette problématique-là.

Il y a aussi, évidemment, l'importance, après ça, d'agir avec diligence pour essayer de préserver le plus possible le potentiel de réussite académique des personnes, et les accommodements à mettre en place au niveau académique sont complexes. Vous savez, quand on est en stage, par exemple, qu'on se retire de son milieu de stage ou qu'on quitte, il n'y a pas d'explications qui sont données. Après, bon, on fait un genre de plainte institutionnelle. On n'est pas prêts à aller au criminel, ça ne nous intéresse pas. Cinq jours pour le traitement et cinq jours aussi pour l'application des mesures, évidemment, ça fait que c'est, maximum, deux semaines, et tout est déjà en place. C'est la responsabilité des institutions d'agir rapidement et avec diligence dans ces cas-là, comme on le retrouve pour les cas, par exemple, de menace, de violence physique, et autres, dans les établissements. On ne croit pas que ce soit trop demander. Pour faciliter le traitement des plaintes, premièrement, et la mise en place de mesures d'accommodement, qu'elles soient académiques ou autres — on peut penser à changer un horaire, etc., et tout — nous, on recommande la création d'un comité institutionnel. C'est très clair, c'est assez détaillé dans notre mémoire, les grandes lignes de ce comité-là. Nous, on en fait l'expérience actuellement à Sherbrooke, au niveau collégial, et on juge qu'il serait pertinent que cette expérience-là soit considérée. On retrouve, alentour d'un comité comme ça, les gens qui sont en charge des affaires étudiantes, des études, les directions des études, qui sont en charge également, bon, des ressources humaines de l'institution, le syndicat des enseignants, enseignantes, et, lorsque c'est approprié, parce que ce ne l'est pas toujours, des représentants ou représentantes d'association étudiante quand l'association est dynamique, là, dans un milieu. Ça devrait être, de facto, tout de même, permis.

Entente de confidentialité obligatoire pour toutes les personnes qui y siègent. Ce comité-là, ce qu'il fait, quand, par exemple, la personne reçoit une plainte et que c'est d'une complexité qui nécessite... bon, là, il faut parler à la gestion des horaires, il faut parler aux ressources humaines, il faut... C'est long quand la balle se promène. Un comité comme ça, il permet d'emblée d'avoir toutes les ramifications possibles. On évite, là, de se relancer ces éléments-là puis on agit plus rapidement. Ça prend une mobilisation de cette nature-là, un comité qui se réunit aussitôt qu'il y a une plainte qui le dépasse.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Blanchette.

M. Blanchette (Alexandre) : Ça le prend, je vous le dirais.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être parmi nous cet après-midi en commission parlementaire. Merci aussi de nous avoir un peu distribué certains éléments publicitaires que vous faites dans le cadre de la campagne Ni viande ni objet. C'est d'une belle originalité, donc félicitations!

Je voulais vous amener... ou vous avez dit tantôt que votre priorité ou, dans le fond, ce que vous... vous étiez très satisfaits de la place qu'accorde le projet de loi à la formation, et je me demandais si vous pouviez nous en parler davantage et aussi nous dire si vous pensez qu'il y a certaines choses par rapport à la formation qui pourraient être précisées dans le projet de loi.

Mme Houle-Roy (Clara) : Bien, premièrement, les thèmes que j'avais déjà énoncés, les thèmes comme comment recueillir un dévoilement, comment accompagner quelqu'un vers les ressources internes ou externes ou comment être un témoin actif, aussi la qualité, donc, qui qui la donne, c'est quoi, l'information, tout ça, comment qu'on s'assure finalement que la formation est donnée par des gens compétents, qu'on trouve importante d'être retrouvée dans le projet de loi, la fréquence, puisque, dans les associations étudiantes, tout ça, ça bouge beaucoup, donc s'assurer qu'au moins une fois l'an, là, ça soit disponible pour que les gens reçoivent cette formation-là. C'est des points qu'on trouve importants, là.

• (17 h 40) •

M. Blanchette (Alexandre) : À ça on peut ajouter : évidemment, il y a des moments stratégiques.

Par exemple, aux rentrées, lorsque c'est le début de l'année scolaire, par exemple, de la session d'automne, c'est un moment important pour marquer le pas. Il y a beaucoup de nouveaux et nouvelles... étudiants, étudiantes aussi. Alors, des moments stratégiques comme ça devraient être identifiés par les institutions. Et, nous, notre seule crainte... Quand on dit «formation», vous savez, c'est un mot qui est utilisé à toutes les sauces et qui aussi est une réalité dans plusieurs aspects. On se forme en formation continue pour toutes sortes de choses, et tout. Là, ça a une autre valeur. Là, c'est «outiller» davantage qui serait le terme concret sur le terrain, là. On ne veut pas les former, on veut les outiller. On veut les outiller à intervenir, à être des témoins actifs, à avoir des trucs. Il faut donner des trucs puis pas juste aux étudiants, étudiantes, donner des trucs pour repérer et pour agir. Alors, de là l'importance d'avoir cette notion-là, là. C'est des notions... on dirait des mauvais titres, là, mais c'est concret, il y a des recherches en arrière de ça. Ça fait que comment agir, d'une part, comment on reçoit ça aussi. On a parlé un peu de l'importance de ça. Il faut s'assurer concrètement qu'on donne les outils, que ce soit à une personne qui occupe un poste à une réception aux affaires étudiantes, par exemple, que ce soit à une personne qui officie dans les résidences, etc., les autres groupes qu'on a nommés. Il faut que ces gens-là soient en mesure d'être outillés pour que le projet de loi fonctionne, pour que la politique à l'intérieur d'une institution fonctionne.

Alors, si on peut suggérer des pistes de solution ou avoir une vision globale qui peut être non pas dans le projet de loi, mais dans ce qui l'accompagne, là, dans la mobilisation sur le terrain, bien, ce serait vraiment nécessaire que ce soit réfléchi pour nous assurer qu'il n'y ait pas trop d'inégalités et qu'on n'ait pas qu'une coquille vide, mais qu'on ait des individus, à l'intérieur de ce socle-là qu'est la politique, par exemple, qui, eux, et elles, vont faire la différence sur le terrain.

Ce qu'on oublie dans les violences à caractère sexuel, c'est la dimension humaine, comparativement à d'autres problématiques, parfois, de société. Et la dimension humaine, elle n'est pas qu'au niveau des personnes victimes, témoins ou qui commettent des agressions, elle est beaucoup au niveau des gens qui ont à intervenir ensuite, qui sont en première ligne, ou autres. Nous, on se promène beaucoup dans les programmes de techniques policières, où on rencontre les étudiants, étudiantes qui vont devenir des futurs membres des corps de police, et on insiste beaucoup sur ces éléments-là : comment accueillir, bon, un dévoilement, comment faire en sorte que la personne ne se sente pas, tout de suite, jugée. Ou même, des fois, ça peut être : Ah! mais c'est dégueulasse, il faut faire... Ce n'est pas la bonne façon de réagir. Ça fait que de là l'importance d'aller plus loin. Est-ce que c'est au projet de loi à déterminer les termes? Probablement pas. Mais il y a une réflexion à y avoir dans les réseaux, à tout le moins, puis avec les principaux partenaires pour nous assurer qu'il y a une belle uniformité, puis qu'il y a une qualité, puis que ce soit en fonction de ça aussi, et pas seulement en fonction de grands principes, là, vertueux, en fonction du projet de loi et des politiques. C'est fondamental.

Mme Houle-Roy (Clara) : Juste rapidement. Aussi, c'est de s'assurer, qu'on soit en région éloignée ou dans les grandes villes comme Québec ou Montréal, qu'on ait les mêmes types... ou, du moins, la même qualité de formation, peu importe, là, finalement, où on se trouve.

Mme Fournier : Là, c'est de là où je crois que c'est intéressant de pouvoir, par exemple, inscrire les objectifs justement dans le projet de loi, parce que, comme ça, ça donne des balises claires à tout le monde puis on fait en sorte qu'il n'y ait pas de disparité justement entre les établissements, qu'on soit justement... que ce soit à Sept-Îles ou à Montréal, donc, qu'on retrouve le même cadre pour tout le monde. Par exemple, en ce qui est de la récurrence de la formation, est-ce que ça doit être fait à chaque année, à chaque deux ans? Donc, ce genre de choses là.

Vous, est-ce que vous avez une opinion, aussi, particulière? Est-ce que vous trouvez que la formation, ça devrait être à chaque année? Par exemple — je crois que c'est la FECQ qui propose ça — donc, de donner la formation à l'ensemble des étudiants une fois par année, est-ce que vous iriez jusque-là?

M. Blanchette (Alexandre) : C'est illusoire de penser que l'ensemble des étudiants et étudiantes vont suivre une formation annuellement. Il y a des institutions, nous, à Sherbrooke... il y a Bishop's qui le fait. À chaque entrée, il y a une formation obligatoire d'une heure pour toutes les personnes qui entrent, et c'est très bien. Mais pensez à des établissements de 20, 30, 40... Est-ce qu'une fois par année de l'obliger pour l'ensemble de la communauté étudiante, c'est réaliste? Nous, je ne crois pas qu'on va dans cette voie-là. Mais de l'offrir, moi, je dirais, une fois par session, sur une base volontaire, pour les étudiants, étudiantes et pour les membres du personnel et une fois par année, sur une base obligatoire, pour toutes les personnes identifiées dans le projet de loi... et moi, j'ajouterais celles que nous suggérons également au niveau, notamment, des équipes sportives, et d'autres, pour nous assurer qu'il y ait toujours une mise à jour. Les pratiques changent parfois aussi. Il faut s'ajuster. Les partenaires peuvent changer également. Ça fait qu'évidemment, oui, une fréquence de cette nature-là, ce serait extraordinaire, c'est certain.

D'obliger l'ensemble des communautés étudiantes à suivre des formations, c'est vertueux, c'est bien, mais on fait ça comment, concrètement? C'est un peu plus hasardeux. Si on a une belle offre et une belle fréquence, sur une base volontaire mais régulière, bien, je pense qu'on peut rejoindre beaucoup de gens. Nous, on croit plus à la création de petits espaces aussi, là. Remplir un auditorium avec 600 personnes puis leur lancer du contenu, bon, c'est bien. Être avec un groupe de 30 ou 40 personnes une demi-heure, une heure dans un cours, par exemple, ou, sur une base volontaire, dans une soirée organisée à chaque mois et aller plus loin, la dimension humaine est encore importante, à ce sujet-là, pour outiller. Une formation, pour nous, ça demeure ça, l'outil.

Mme Fournier : Tout à fait, vous avez raison. En même temps, le caractère volontaire, ça fait en sorte que ce n'est pas tout le monde qui va recevoir la formation, puis il faut quand même qu'il y ait un intérêt. Donc, ça devient plus difficile d'aller chercher les personnes qui pourraient pourtant être visées.

Mais, sans penser à une formation qui serait donnée, par exemple, dans un auditorium, à plusieurs centaines, voire des milliers de personnes, de dire qu'il y a quelqu'un qui pourrait faire une tournée des classes à chaque année, justement, de façon que les étudiants reçoivent la formation obligatoirement, ça, est-ce que c'est une avenue que vous pensez qui serait envisageable?

M. Blanchette (Alexandre) : Je vais vous donner juste l'exemple du cégep où tout a commencé pour nous, celui de Sherbrooke. On a environ 6 000 étudiants, étudiantes à Sherbrooke. Notre équipe compte quatre intervenants, intervenantes qui cumulent environ 80 heures par semaine, là, de travail pour la campagne, qui a d'autres responsabilités aussi, et, en deux ans, on n'a même pas été capables, en se promenant dans les classes, de former l'entièreté d'une cohorte, là, collégiale, c'est-à-dire 6 000 personnes, parce que c'est très difficile et c'est très laborieux. Mais, de faire des activités à chaque semaine ou à chaque deux semaines, nous, on est pour ça, là. Mais où vont être les ressources? Qui va le faire? Et une seule personne? Je ne sais pas. La formation obligatoire pour les gens des comités et des conseils exécutifs ou conseils d'administration des associations étudiantes, oui, certainement.

La formation obligatoire pour l'entièreté des étudiants, étudiantes en tenant compte des horaires, et tout, dans un monde idéal, oui. Actuellement, peut-être s'assurer d'avoir une belle offre de formation, d'autres activités aussi. Ce n'est pas tout le monde qui veut s'asseoir et avoir... des fois, c'est une conférence. De là le volet aussi de sensibilisation, prévention qui est imbriqué avec la formation. Puis c'est ce qui est beau dans ce projet de loi ci, tout est dans la politique. Ça reste à définir davantage, mais au moins il n'y a aucune composante essentielle qui est mise de côté. Ça fait que ça donne un grand carré de sable, mais au moins tous les éléments y sont, parce que des fois, avant d'être prêt ou prête à recevoir une formation puis d'intégrer les éléments qui y sont présentés, il y a peut-être des réflexions, des cheminements personnels. Il y a d'autres façons d'éveiller la conscience ou de discuter avec des pairs, et non pas une personne de l'externe qui vient puis qui nous dit : Il faut faire ça comme ça ou... Évidemment, on ne tombera pas dans les pièges, là, de culpabilisation ou de victimisation dans la formation, évidemment, mais nous, on crée le postulat que c'est davantage que simplement dire : O.K., la formation, on y va. Les pratiques ne changent pas avec la formation. Les pratiques changent avec la réflexion, la prise de conscience, les échanges et le fait que, sur le terrain, on peut finalement réussir, là, à articuler un peu les petites lumières qu'on a allumées, là, à travers toutes ces activités-là. C'est plus complexe que ça en a l'air au niveau des étudiants, étudiantes, il nous apparaît, humblement.

Mme Fournier : Merci. Merci pour votre point de vue. J'aimerais vous amener sur le sujet de la reddition de comptes. Je ne me souviens pas, en tout cas, vous avoir entendus vraiment là-dessus, mais, dans votre mémoire, vous vous interrogez, donc, sur la pertinence, par exemple, de mentionner le nombre de plaintes reçues, les sanctions appliquées, etc., dans les rapports annuels. Je me demandais si, par pertinence, c'est que vous trouviez que c'est inutile ou simplement insuffisant.

Vous, quelle serait votre vision de la reddition de comptes des établissements en regard de cette loi-ci?

• (17 h 50) •

M. Blanchette (Alexandre) : On pense que, d'emblée, cette reddition de comptes là passe par un volet plus qualitatif que quantitatif.

Et puis je vais en profiter pour vous parler des zones grises en même temps, ça va avec ça. C'est-à-dire, nous, on identifie quelques zones grises, là, qui sont très dangereuses, on croit, dans l'application du projet de loi et de la politique, là. On a une personne qui fait une démarche à l'établissement pour faire une plainte, qui n'en fait pas aux forces de police, par exemple. L'établissement essaie de faire enquête, ne réussit pas vraiment à trouver des éléments de preuve qui incriminent la personne visée mais croit d'emblée l'autre personne et essaie de l'accommoder. Mais là qu'est-ce qui arrive? On ne peut pas intervenir contre la personne qui est visée s'il n'y a pas d'élément de preuve, mais on ne peut pas non plus dire à l'autre personne : Bien, on n'a rien trouvé, ça fait que ta plainte, elle n'est pas valable. Ça fait qu'il y a quelque chose là d'assez délicat. On ne parle même pas des accommodements. On ne peut pas retirer une personne d'un cours sur la base d'une allégation d'une autre personne, de dire : Toi, change de cours, parce que tu as probablement commis un crime, là. La présomption d'innocence, elle s'applique encore. Puis peut-être qu'on s'inscrit en porte-à-faux avec plusieurs groupes, mais il faut penser à ça aussi au niveau des établissements, là, qui sont coincés avec ça, qui s'exposent à des poursuites également.

L'idée, c'est d'accompagner, d'aider et d'accommoder les personnes qui déposent des plaintes, qui font des témoignages et des divulgations, mais, de penser que les institutions vont toujours pouvoir être en mesure de trancher, comme un tribunal administratif, sur la plainte, je pense que c'est irréaliste, et, s'il n'y a pas, évidemment, de processus en parallèle au niveau de la justice, bien, c'est encore plus difficile de savoir si les décisions qui sont bonnes sont prises. Et, s'il y a un processus parallèle, alors ils sont où, les vases communicants?

Je reviens à la reddition de comptes. Les gens peuvent déposer simplement au criminel leurs plaintes après avoir vécu des événements sur un campus puis avoir eu des mesures d'aide. Alors, ce n'est pas comptabilisé, mais ils ont pu avoir l'accès à toute l'aide des ressources professionnelles, de tout ce qu'il y a dans l'établissement, pour finalement aller peut-être où ça compte à leurs yeux — si c'est le cas, il faut respecter toujours ça — c'est-à-dire au criminel, pour que ce soit public, que ce soit annoncé, parce qu'il y a justice à avoir. Les gens peuvent arrêter un processus de plainte, obtenir les services puis en rester là, etc. Vous voyez, il n'y aura pas de... Alors, quelle valeur va avoir le «nous avons eu six plaintes» dans un rapport annuel ou dans une reddition de comptes quelconque annuellement, au niveau quantitatif? Pour nous, aucune. Ce qu'on veut savoir dans la reddition de comptes, c'est si l'ensemble des mesures prévues à la politique puis les actions qui doivent être posées... Combien de formations? C'était quand? Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que vous avez de la sensibilisation sur place, etc.? Oui. Si on s'interrogeait sur la valeur de dire : Ah! bien, à telle université, il y a eu huit plaintes l'année dernière, là il y en a sept, ça va mieux... Non, ça ne veut absolument pas dire que ça va mieux. Ça fait qu'il n'y a pas d'indicateurs de réussite ou d'application adéquate qui viennent avec ces mesures quantitatives là de déclarations et, comme on veut que ce soit intégré avec les ressources externes et comme on veut respecter le rythme des personnes aussi, bien, ça vient encore ajouter une couche de discrédit, je dirais, sur le quantitatif.

Mais, sur le qualitatif, la façon dont le ministère, le gouvernement va s'assurer...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Blanchette.

M. Blanchette (Alexandre) : ...ça, c'est autre chose.

La Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation très, très, très concrète. Ça paraît que vous êtes sur le terrain, on n'est pas dans la théorie.

Vous avez amené un point de vue qu'on n'avait pas entendu encore, celui de la prise en charge. On avait entendu des groupes précédemment dire : Bien là, là, le traitement de plaintes va se faire en 30 jours, en 45 jours. Puis c'est très intéressant de dire que, dans le projet de loi, ça peut être précisé. Mais vous nous dites : La prise en charge du plaignant, de la plaignante, de la victime, du survivant, peu importe comment on l'appelle, doit se faire dans un délai de cinq jours ouvrables.

Vous avez dit : Cinq à 10 jours. Est-ce que vous pensez que ce chiffre-là, cinq jours... 10 jours — je vais vous demander de le préciser — ça devrait être dans la loi?

M. Blanchette (Alexandre) : Oui. Oui, pour la simple et bonne raison que les préjudices — puis ça, encore là, on part de ce qu'on voit sur le terrain — qui peuvent être causés à une personne qui dépose ce genre de plainte, et puis je le mettrais même pour des plaintes d'autre nature, peuvent être importants à ce niveau-là.

Nous, on croit que les balises devraient être précisées dans la loi. Il pourrait y avoir des mesures d'ajustement, puis ce n'est pas simple non plus. Mais sinon qu'est-ce qui fait que dans une institution ce serait avec diligence, cinq à huit jours par exemple, et que dans une autre ce serait 45? Comment peut-on justifier ou expliquer ça? Est-ce que les étudiants, étudiantes sensibilisés à cette problématique-là vont regarder le palmarès des délais de traitement des plaintes avant de s'inscrire dans une université, par exemple? Vous voyez, il y a quelque chose là... Peut-on penser qu'un traitement en 45 jours, et une prise en charge, et la mise en place aussi de mesures en 45 jours ont le même effet pour une étudiante ou un étudiant qu'une prise en charge et l'application de mesures en 10 jours? Si mon agresseur est dans la même classe que moi et que je dépose une plainte, je ne veux pas passer un mois et demi à aller dans la même classe que mon agresseur, je n'irai pas à mon cours pendant un mois et demi, mais ça me crée un préjudice et des dommages au niveau de... Ça fait que l'idée, c'est que l'institution, l'établissement doit rapidement réagir pour, parfois, retirer la personne d'un milieu, pour la protéger, dire : O.K., tout de suite, communiquer avec l'enseignant, l'enseignante, dire : Actuellement, cette personne-là, bien, tu mets sur la glace les évaluations, etc., trouver des... temporaires, des mesures d'accommodement, un changement d'horaire, etc., si la personne est prête déjà à réintégrer... Et puis l'événement peut s'être passé à l'extérieur du campus. Il y a toutes sortes de scénarios, ce n'est vraiment pas simple.

On a de grandes craintes sur comment les institutions, les établissements vont être en mesure de jongler avec ça sans aide extérieure ou sans expertise, à bien des égards. Mais ça devrait être inscrit pour la simple et bonne raison qu'il y va des objectifs et des valeurs exprimés dans le projet de loi. Si on veut avoir de l'empathie, les protéger, que la notion de sécurité est importante, que le soutien, l'accompagnement, et tout... bien, il faut évidemment se donner les moyens, et le temps ici est un des moyens, un des outils à considérer pour la prise en charge de l'application de mesures.

Mme Houle-Roy (Clara) : Pour tout qu'est-ce qu'est l'aspect humain aussi. Ça prend beaucoup de courage pour aller porter plainte, c'est extrêmement exigeant. Puis de se faire dire : On va t'en reparler dans 45 jours, c'est extrêmement difficile. Donc, juste pour la partie humaine des établissements, de se dire : Dans cinq jours ouvrables, on va t'en reparler, puis, dans 10 jours, on va revenir avec une solution, c'est déjà rassurant, là, pour quelqu'un.

M. Blanchette (Alexandre) : En terminant, j'ajouterais, vous savez, cinq jours, c'est un cycle de cours, c'est du lundi au vendredi, disons. Alors, s'il arrive un incident, puis là le mardi on a un cours, et ça cause problème dans ce cours-là, là, bien, dans les cinq premiers jours après que la plainte a été déposée, on est peut-être absent ou absente de ce cours-là, puis c'est avec raison, là, on peut le comprendre. Mais là on a des nouvelles de notre établissement déjà, qui nous dit : O.K., là, on a reçu ta plainte, on va te rencontrer, on a cinq jours pour le faire, maximum — parce qu'il y a bien des moments où je pense que ça va être encore plus rapide — et puis là on se fait déjà un peu un plan. Nous, on a d'autres vérifications. Puis, à partir du moment où cette rencontre-là a eu lieu, bien, c'est un autre cinq jours avant l'établissement de mesures. Ça fait que c'est 10 jours, maximum, avant qu'il se passe quelque chose concrètement sur le terrain puis que la personne puisse peut-être réintégrer un autre cours ou le même cours mais avec un autre enseignant ou une autre enseignante ou encore qu'il y ait une intervention, que le dévoilement de l'enquête... etc.

L'idée, c'est que l'enquête peut se prolonger, bien sûr, puis, la plupart des enquêtes — je vous fais une petite prédiction un peu noire — ça va être très difficile de trancher, ça va être très difficile d'arriver jusqu'à la culpabilité ou la preuve hors de tout doute qu'une personne a commis quelque chose, que ce soit en dehors ou sur le campus, ou autres, et les témoins, et tout. Vous savez que les zones grises sont grandes. Mais par contre, avec ces plaintes-là, on va être capable de prendre en charge les gens qui vivent des situations et qui font des dévoilements, des divulgations, et je pense que c'est là la force de ce projet de loi là. On ne transformera pas les universités, les cégeps en tribunaux administratifs ou institutionnels, alors qu'il n'y a même pas, des fois, de démarche au niveau criminel ou autre, c'est impossible. Les recours sont trop grands aussi pour les gens qui seraient l'objet de ça. On peut poursuivre son cégep ou son université en disant : Bien, vous m'avez retiré d'un cours, mais, regardez, ce n'est pas un vrai procès, il n'y a pas de preuve, c'est une allégation.

La complexité de ça, elle est immense. Ça fait qu'en ce sens-là, si, dans ces 10 jours là, on peut tout de même intervenir, prévenir une revictimisation, prévenir une reproduction des situations inadéquates puis juste essayer d'atténuer le mal-être, le malaise et la douleur, c'est déjà pas mal. Mais condamner des gens avec une politique institutionnelle... très, très rare, très, très difficile, à notre avis, mais pas impossible et souhaitable, bien sûr.

M. Roberge : Très intéressant. Donc, de ne pas voir la sanction comme une fin en soi. Ce n'est pas ça du tout, du tout. Dans le fond, c'est de la protection de la victime puis de répondre à ses besoins, ses inquiétudes, la rassurer, etc. O.K. Bien, c'est très éclairant.

Pour votre comité, là, vous, ce que vous faites... Puis c'est intéressant de voir que ça se fait, d'abord, puisque c'est une expertise que je n'ai pas pantoute. Ça fait que vous arrivez, vous nous dites quelque chose, ça fait que, bon, on ne peut pas dire : Aïe! ça ne se peut pas, Jean-François, c'est trop tôt. Ça se vit, mais, vous, de votre côté... je sais bien que, le nombre de plaintes, vous l'avez très bien dit à ma collègue, ce n'est pas ça qui fait foi de tout, mais ça ressemble à quoi, dans votre expérience, en ce moment? Combien de dévoilements ou de plaintes vous avez eus à traiter depuis que vous existez? Avez-vous des chiffres pour ça?

M. Blanchette (Alexandre) : Très peu, et vous comprendrez qu'on n'en tient pas un compte très rigoureux, considérant notre position, et c'est comme ça, je pense, pour mes collègues, là, à l'intérieur du cégep, dans la mesure où parfois c'est un accueil-orientation puis, comme je le disais tout à l'heure, ça se règle en dehors de l'institution pour les mesures suivantes, etc.

Mais combien de dossiers on traite par contre avec ce comité-là? Ce ne sont pas que des dossiers au niveau des violences sexuelles. Il y a des dossiers de tout autre nature aussi, dont, des fois, des relations entre étudiants, étudiantes, et autres. L'idée, c'est que ce comité-là ne traite pas tout. Ce comité-là rentre en jeu aussitôt qu'il y a quelque chose qui déborde du cadre traditionnel de traitement. Alors, dans le cas du projet de loi actuellement, il y a des plaintes, je pense, qui pourraient suivre leur cours assez aisément, sans qu'il y ait de problématique, mais, si, par exemple, dans les mesures d'accommodement académique, là, il faut se mettre à brasser tout ça, obtenir une permission du ministère, c'est ce comité-là qui peut agir. Les ressources humaines, le syndicat des enseignants, enseignantes, de la représentation étudiante, tout ce qui concerne le pédagogique, l'académique et ce qui concerne les affaires étudiantes et les services, évidemment, sont en mesure de mobiliser beaucoup, rapidement. Ça fait que je n'ai pas de nombre à vous donner.

Nous, on est un cégep aussi qui, comme je vous dis, a ce comité-là. Il l'a mis en place pour toutes sortes de cas, pas seulement des cas de cette nature-là, ça fait qu'en ce sens-là c'est difficile de vous répondre. Mais l'idée, c'est d'éliminer le : J'ai laissé un message sur son répondeur, dans deux jours je vais avoir la réponse, et puis après ça il faut communiquer avec le responsable du service. Ce comité-là est en mesure rapidement d'intervenir à tous les niveaux. Et c'est ce qui ferait qu'un délai de 10 jours pour l'application de mesures serait réaliste, que ce soit cette forme-là ou une autre, puis c'est ce qui ferait que le projet de loi atteindrait un de ses objectifs.

• (18 heures) •

La Présidente (Mme de Santis) : 45 secondes.

M. Roberge : Je vous remercie beaucoup, c'était très intéressant. Puis il est possible qu'on vous rappelle pour avoir plus de secondes de vos précieux conseils. Merci beaucoup.

M. Blanchette (Alexandre) : On va abuser de notre présence. On va quitter, mais on va vous remettre — on est téteux et téteuses comme ça — un portfolio de visuels qu'on a créés pour notre campagne. Vous aurez ça comme lecture de chevet dans les prochaines semaines. C'est tout de même positif, pas nécessairement noir.

Nous vous remercions infiniment pour votre écoute, c'est fort apprécié.

M. Roberge : Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Houle-Roy, M. Blanchette, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux au mardi 21 novembre 2017, à 10 heures. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 1)

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