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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 22 novembre 2017 - Vol. 44 N° 86

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur


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Table des matières

Auditions (suite)

Citoyenneté Jeunesse

Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Auteures, Enquête Sexualité Sécurité et Interactions en milieu universitaire (enquête ESSIMU)

Intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

Mme Hélène David

Mme Karine Vallières

Mme Catherine Fournier

M. Jean-François Roberge

M. David Birnbaum

Mme Claire Samson

Mme Manon Massé

*          M. Francis Paré, Citoyenneté Jeunesse

*          Mme Véronique Simard Brochu, idem

*          M. Jean-Marie Lafortune, FQPPU

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          Mme Silvie Lemelin, idem

*          M. Luc Caron, idem

*          Mme Suzanne Tousignant, idem

*          M. Sandrine Ricci, enquête ESSIMU

*          Mme Geneviève Paquette, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Auger (Champlain) sera remplacé par Mme Vallières (Richmond) et M. Kotto (Bourget), par Mme Fournier (Marie-Victorin).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Cet avant-midi, nous entendrons l'organisme Citoyenneté Jeunesse. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'organisme Citoyenneté Jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à procéder à votre exposé. Merci.

Citoyenneté Jeunesse

M. Paré (Francis) : Alors, bonjour, Mme la ministre, tous les députés de tous les partis politiques et de l'opposition, Mme de Santis, je m'appelle Francis Paré, président de Citoyenneté Jeunesse.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Bonjour. Mon nom est Véronique Simard Brochu, je suis chargé de projets pour Citoyenneté Jeunesse. Merci beaucoup de nous recevoir ce matin.

M. Paré (Francis) : Alors, tout d'abord, juste pour faire un petit rappel sur ce qu'est Citoyenneté Jeunesse, c'est le rassemblement des forums jeunesse régionaux du Québec. On part du principe du par et pour les jeunes. Nous, ce qu'on cible beaucoup, c'est de représenter la jeunesse. On favorise la concertation et la participation citoyenne des jeunes de moins de 35 ans. On est plusieurs conseils d'administration dans différentes régions administratives au Québec. Alors, nous, ce qu'on veut, c'est de favoriser la voix des jeunes dans les différentes régions. On a plus d'une centaine d'administrateurs, administratrices un peu partout au Québec, et puis on promouvoit, donc, l'implication sociale à l'échelle locale, régionale, et on veut surtout exercer un rôle conseil en matière de jeunesse. C'est surtout sur ce point qu'on veut venir faire valoir notre point de vue ici, aujourd'hui, dans la commission parlementaire sur les violences à caractère sexuel dans nos institutions d'enseignement supérieur.

Juste peut-être pour vous dire tout d'abord, dans le cadre de l'élaboration du cadre de référence gouvernemental sur la participation citoyenne, en décembre 2016, Citoyenneté Jeunesse avait montré l'importance d'un processus consultatif qui assure un accès élargi et équitable aux décideurs en consultant autant les organismes pertinents que les citoyens de façon plus individuelle et tout en ayant un calendrier qui vise à assurer la préparation de chacun des participants. On recommandait également de diviser le processus de consultation en plusieurs phases afin justement que l'ensemble des acteurs concernés par le sujet qui est à l'étude soient consultés à différentes étapes. Donc, c'est pour ça qu'on tient à souligner, avec la démarche actuellement faite dans le cadre de ce projet de loi là sur le sujet... on tient à remercier, donc, le gouvernement provincial d'avoir écouté nos revendications et d'avoir assuré un processus consultatif qui a permis à chacun des acteurs de venir s'exprimer à différentes étapes de la démarche, notamment l'Union étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec.

Et donc, également, ce qu'on doit dire aussi en lien avec notre rôle, c'est que Citoyenneté Jeunesse aborde ce projet de loi comme un spécialiste jeunesse et non pas comme un spécialiste des institutions ou des établissements d'enseignement supérieur. C'est très important, cette nuance-là. Donc, même si on s'attarde moins sur les détails du fonctionnement à l'interne, comparativement à certains de nos partenaires comme l'Union étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale, on souhaite apporter un appui à certaines des recommandations qui ont déjà été mentionnées à l'égard du fonctionnement interne des institutions d'enseignement qui seront soumises à la présente loi. Donc, on est vraiment pour parler des jeunes ici, et donc ces jeunes-là de qui on traite dans ce projet de loi là, on les voit comme des jeunes qui sont représentés par les assos étudiantes dans cet environnement-là dans lequel se trouve le... à ce sujet-là.

Donc, en fait, je vais juste mentionner quelques recommandations parmi les 14. Si on va à la page 6, la recommandation n° 1, Citoyenneté Jeunesse croit important de centraliser les services de dénonciation, d'aide et de sensibilisation au sein d'un même service et que celui-ci soit publicisé sur le site Web de l'établissement d'enseignement et du ministère de l'Enseignement supérieur. Donc, on croit important de centraliser toutes ces ressources-là et d'avoir une obligation d'afficher les services également sur les sites Internet respectifs et le site du ministère lui-même, notamment. Donc, on veut vraiment montrer l'importance d'un guichet unique, ce qui peut diminuer aussi l'expérience traumatisante des jeunes, là, qui ont vécu des violences à caractère sexuel et d'éviter de raconter à plusieurs reprises toujours la même histoire également.

Si on va, par la suite, à la recommandation n° 5, page 8 : «Qu'un siège étudiant soit prévu au sein du comité-conseil chargé d'étudier les plaintes et les requêtes découlant du suivi du traitement et du dévoilement de ladite requête ou plainte.» Ce qu'on trouve très important à la base, à Citoyenneté Jeunesse, c'est la place des jeunes dans les sphères décisionnelles, qu'ils soient pleinement accomplis, qu'ils peuvent s'investir dans les processus décisionnels. Alors, je crois qu'ici c'est très logique. On trouve déjà très intéressant que le ministère veuille inclure l'ensemble des acteurs des établissements d'enseignement supérieur dans le processus d'élaboration d'une politique, notamment afin de contrer les violences à caractère sexuel, et on croit justement important, et voire légitime, que les jeunes aient leur place également au sein du comité pour la suite des choses.

Si on va par la suite à la page 9, recommandation n° 6, on énonce «que toute relation sexuelle ou amoureuse dans le cadre d'un lien d'autorité, à l'exception d'une relation antérieure au lien d'autorité, soit proscrite entre les membres du corps professoral, la direction, les cadres et les membres du personnel avec un étudiant ou une étudiante dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur.» Donc, on trouve très important que, lorsqu'il y a une présence d'autorité, tout simplement, à l'exception des relations antérieures, qu'on évite d'avoir à tolérer ce genre de relation dans un cadre académique, puisque la relation d'autorité vient ici vicier le consentement clair et éclairé qui est un élément qui est vital de l'établissement d'une relation saine. Par lien d'autorité, ce qu'on entend, c'est le lien où l'un des partenaires de la relation peut avoir une incidence, un contrôle ou un effet direct sur le cursus académique de l'autre partenaire. Donc, on veut que les règles soient les plus claires et les plus uniformisées que possible dans tous les établissements.

Si je vais par la suite à la proposition... à la recommandation n° 10, page 13 : «Que soit prolongé le devoir d'aide, de soutien et d'accommodement académique d'urgence à l'ensemble des étudiantes et étudiants, et ce, même si l'acte de violence à caractère sexuel n'a pas eu lieu dans l'enceinte de l'établissement ni été perpétré par un membre de la communauté universitaire.» En gros, ce qu'on veut dire ici, c'est qu'on veut que les étudiants qui vivent ces problématiques-là aient un soutien de leurs établissements d'enseignement, peu importe les circonstances. On ne veut pas nécessairement que le collège ou l'université sanctionne un jeune qui n'est pas dans la communauté universitaire ou si l'acte s'est fait à l'extérieur du lieu de l'établissement d'enseignement, mais bien de créer ce climat de confiance auprès des victimes à l'égard de l'institution également pour les aider, surtout quand il peut arriver un événement, la fin de semaine, à l'extérieur avec un examen le lundi matin. Donc, il peut y avoir différentes circonstances, et on sent la... il y a une préoccupation à ce que ces jeunes-là aient un appui dans le cadre de ces problématiques-là.

On a également la recommandation n° 11, qui est à la page 15 : «Que le ministère mette en place un dispositif permettant de gérer les plaintes émanant de manquements aux politiques des établissements et/ou du non-respect de la présente loi en s'inspirant du modèle du comité d'examen des demandes dérogatoires au regard de l'aide financière aux études.» Alors, ce qu'on veut, ce qu'on explique très clairement, c'est que... Et, dans certaines universités, par exemple, il y a un ombudsman qui peut traiter ces problématiques-là de façon très impartiale, bien entendu, des plaintes des étudiants, mais cet office n'a aucun pouvoir décisionnel et ne peut que formuler des recommandations à l'institution. C'est important, donc, qu'il y ait un organisme externe qui a un pouvoir décisionnel, qui soit le palier suprême de traitement dans le cas de ces... en cas d'insatisfaction, donc, s'il y a non-conformité également. Alors, ça, on trouve ça très important.

Enfin, la recommandation n° 12, en page 16 : «Que toute mention d'un délai des prescriptions pour les plaintes de violence, harcèlement ou agression soit proscrite de la politique pour contrer les violences sexuelles des établissements d'enseignement supérieur.» Donc, depuis 2008, en fait, le Code criminel stipule qu'aucun délai de prescription n'est établi pour les victimes d'actes criminels. Pourtant, il y a des cégeps et des universités qui ont des réglementations à l'interne qui imposent des délais de limite pour la dénonciation, notamment le cégep de Victoriaville, l'Université Laval, qui imposent un délai de 90 jours. Alors, on voudrait simplement proscrire ces délais de prescription.

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Il vous reste une minute.

M. Paré (Francis) : Une minute? Alors, voilà, c'est ce qu'on voulait revendiquer avec cette recommandation. Finalement, la recommandation 14, en page 17 : «Que le gouvernement envisage de prolonger l'obligation pour les établissements d'éducation supérieurs de se doter d'une politique pour contrer les violences sexuelles à l'ensemble des établissements d'enseignement.»

On sait que ça dépasse en quelque sorte un peu le mandat, du moins de cette commission, mais on trouve important que... considérant que le deux tiers des survivants et des survivantes des violences à caractère sexuel sont âgés de moins de 18 ans au moment de l'agression, bien, on trouve important, nous, en tant que Citoyenneté Jeunesse, qui représente les 12 à 35 ans, de soumettre, en fait, dans le cadre de consultations... c'est-à-dire d'élargir les demandes qui sont faites aux institutions académiques supérieures et d'élargir ça à tous les établissements de niveau secondaire, donc, c'est-à-dire en parlant de l'obligation de se doter d'une politique.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Paré. Alors, on vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme David : Merci beaucoup. Merci d'être ici avec nous ce matin, vous qui êtes à la fois représentant jeunesse, mais pas représentant officiel d'association étudiante. Alors, ça vous donne un regard à la fois interne et externe. Et vous êtes plongés dans toutes sortes, en plus, de dossiers via la jeunesse. Alors, j'apprécie particulièrement que vous soyez ici puis que vous ayez le temps de regarder et de vous positionner sur plusieurs enjeux. Je pense que c'est important, les positions que vous prenez. On va en discuter. Vous allez nous aider parce qu'on est ici pour bonifier le projet de loi, pour se poser, dans le fond, un certain nombre de questions assez importantes de société, d'enjeux qui dépassent des choses qui sont des prescriptions assez techniques. Il y a des enjeux assez profonds. Je pense qu'on assiste, avec ce projet de loi là, je pense, à une avancée importante dans le domaine des violences à caractère sexuel.

Alors, la recommandation simple... parce que je ne les reprendrai pas toutes, mais où vous demandez qu'il y ait des étudiants dans ce que vous appelez les comités-conseils ou une espèce de comité qui regardera des mesures académiques, peut-être les... Je ne sais pas si vous parlez de l'ensemble des comités, parce que, dépendant de la plainte, il y aura un comité d'urgence, d'une certaine façon, je ne me souviens plus comme Ni viande ni objet appelait ça, en tout cas, une espèce de comité d'accompagnement pour décider rapidement est-ce que l'étudiant a changé de résidence ou est-ce qu'il doit y avoir telle ou telle mesure. Ça, c'est la phase un peu salle d'urgence, là. Puis après ça il y a d'autres choses, là, traitement de la plainte puis après ça il peut y avoir des comités de discipline. Est-ce que, dans votre esprit, cette présence étudiante devrait être un peu partout dans toutes les étapes? Est-ce que c'est à ça que vous faites référence?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Je vais reprendre la balle au bond. En fait, ce qu'on pensait, dans cette recommandation-là, c'est que, dans le projet de loi, c'est inclus que pour l'élaboration de la politique, il doit y avoir un siège étudiant, et les étudiants doivent être consultés. Ça, c'est très clairement établi.

Par contre, si jamais il y a un comité ou un conseil qui décide de... qui doit prendre la décision au bout du délai de traitement de la plainte, on pense que, sur ce comité de discipline là, il doit y avoir un représentant étudiant, donc que ce ne soit pas simplement des cadres, la direction et les professeurs qui prennent les décisions sur les cadres, les professeurs ou même les étudiants. Donc, les étudiants doivent être sur ces comités-là.

Évidemment, ce n'est pas tous les universités, ou les cégeps, ou autres institutions qui vont choisir d'avoir un comité de discipline comme ça. Ça va peut-être être différent. Par contre, ce qu'on dit, c'est que, sur ces comités de discipline là, il doit y avoir un siège étudiant.

Ce n'est pas nécessaire que des étudiants soient là, je pense. Par exemple, quand un jeune ou une jeune fille arrive au guichet unique et qu'ils disent : Bon, il est arrivé tel élément, et tout ça, je ne pense pas qu'il est nécessaire d'aller consulter la communauté étudiante pour décider. Je pense que c'est à la victime de dire c'est quoi, ses besoins, et de dire : Bien, j'ai besoin d'accommodement académique d'urgence, j'ai besoin de rencontrer un psychologue, j'ai besoin d'aide psychologique.

Et je pense que ça alourdirait le processus de devoir aller voir le comité et dire : Bon, bien, qu'est-ce qu'on fait avec ce dossier-là? Je pense que, dans l'état d'urgence, c'est des spécialistes du milieu qui doivent être consultés et la victime qui doit être capable de déterminer très clairement ses besoins à elle ou à lui parce que c'est la personne tout indiquée pour déterminer lui-même ou elle-même ses besoins.

Mme David : Alors, si je comprends bien... Et je sais que ça existe dans certaines universités, par exemple, un comité de discipline pour les étudiants, donc, qui gère des problèmes plus liés aux étudiants qu'au personnel enseignant ou au personnel autre. Il y a toujours un siège étudiant prévu dans certaines universités. Je ne vous dis pas que c'est partout puis je ne vous dis pas que c'est dans les collèges non plus. Alors, ce que vous suggérez, c'est que ça soit inscrit dans le projet de loi pour être sûr qu'il y ait au moins un représentant étudiant qui fasse partie du comité d'examen de la plainte?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui.

Mme David : O.K. L'autre recommandation, la 6, elle est très importante aussi. On en parle beaucoup, on en parle à peu près à chaque, je pense, échange qu'on a avec les gens qui viennent nous rencontrer puis qui ont la générosité d'avoir eu le temps, et l'énergie, et la motivation de se pencher sur ces questions-là. Ce n'en est pas une nécessairement facile, c'est celle de la relation sexuelle ou amoureuse dans le cadre d'un lien d'autorité. Vous reprenez sensiblement le même libellé que l'UEQ et vous allez, à l'exception... et la FECQ aussi, à l'exception d'une relation antérieure. Vous, comment vous avez réfléchi à cette question-là pour arriver à cette conclusion-là?

Mme Simard Brochu (Véronique) : En fait, étant donné qu'on est un organisme qui représente l'ensemble des jeunes sur le territoire du Québec, on avait la question... et la préoccupation, en fait, de l'homogénéité des règlements et de la protection au sein des différentes institutions. Mais, pour nous, c'était important, cet aspect-là, ça fait qu'on y a réfléchi et on s'est dit : Effectivement, dans un souci d'uniformité, on doit garantir une certaine ligne directrice, donc une certaine ligne de protection. Donc, c'est comme ça qu'on l'a vu.

Je sais qu'en commission parlementaire l'UEQ a dit : On ne veut pas que les étudiants magasinent leurs universités en fonction de ça. Moi, mon point, c'est... bien, notre point, ce n'était pas ça. C'était de dire qu'on ne veut pas que les étudiants qui se disent : Bon, bien, mon programme est juste offert dans un seul cégep, mais ce cégep-là, ou cette université-là, ou peu importe, n'offre pas cette protection-là, qu'ils soient obligés d'aller dans une institution qui ne garantit pas les mêmes protections qu'ailleurs. Ça fait que nous, pour nous, c'était cette idée-là d'obligation-là.

Et c'est important, nous croyons, dans une politique ou dans une loi, de penser dans une perspective uniforme, et c'est pour ça, en fait, là, qu'on a décidé d'aborder ce point-là. Oui?

Une voix : Oui.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, voilà.

Mme David : Donc, je reprends vos mots, pour vous, c'est une protection pour les étudiants et non pas une privation de droit fondamental entre deux adultes consentants?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Non. En fait, c'est un... Le point, c'est de dire que, quand il y a un lien d'autorité où... Je pense que vous, vous apportez plus quand il y a un impact sur le parcours académique. Mais, tu sais, on peut s'obstiner sur les mots, mais, pour nous, vous savez, je pense qu'on a la même vision un peu.

Ce n'est pas nécessairement de priver les gens d'avoir des relations amoureuses ou sexuelles comme ils le souhaitent et entre deux adultes consentants, mais c'est l'idée de dire que, quand il y a ce lien-là, ça vient vraiment vicier le consentement et qu'il n'y a aucun moyen pour les institutions de se protéger de ça. Parce qu'une relation peut commencer super positivement, puis ça peut être la plus belle relation de toute ta vie, puis, comme deux semaines plus tard, ça vire tout croche. Puis, quand c'est ton prof, ça devient un peu plus compliqué, puis tu ne peux pas nécessairement quitter, tu ne peux pas... Ça fait que ça peut devenir vraiment, vraiment difficile.

Puis on sait que c'est une ligne qui est dure, je pense que tous les acteurs qui apportent cette recommandation-là savent que c'est une ligne qui est dure. Mais on pense qu'il y a tellement eu d'abus par le passé qu'on ne peut plus se tolérer de se dire : Bon, bien, on va être souples, et tout ça. Non, il faut vraiment dire les choses telles qu'elles sont et être clairs et cohérents, je pense.

• (11 h 50) •

Mme David : Vous êtes loin, vous êtes loin d'être le premier groupe qui allez dans ce sens-là. Vous êtes peut-être, je ne sais pas, moi, le sixième ou le septième groupe, là, qui allez dans ce sens-là. Je vais vous reposer la même question que j'ai posée, je pense, au tout premier groupe ou au deuxième groupe, parce que, ça, c'est un enjeu de société quand même nouveau. Je ne pense pas qu'on ait jamais discuté dans ces termes-là avec autant de jeunes, autant de représentants de jeunes aussi de cette question-là avec une quasi-unanimité, pour l'instant, à un bémol près, mais à une quasi-unanimité. Est-ce que ça vous surprend?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Vous voulez dire que les gens soient aussi...

Mme David : Prennent majoritairement position pour une interdiction de rapports intimes ou amoureux, enfin, selon la définition. Est-ce que votre position... vous surprend qu'elle soit aussi partagée par la jeunesse, je dirais?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Moi, ça ne me surprend pas. Ça ne me surprend pas parce que je pense que, dans le climat dans lequel on évolue, dans le contexte actuel, je pense que tous les organismes, et les institutions, et même beaucoup de membres de la société civile sont conscients de l'urgence de devoir agir et de devoir adopter des règles qui sont claires.

Ça fait que, personnellement, ça ne me surprend pas tant que ça. Je ne sais pas si tu veux ajouter, mais moi, ça ne me surprend pas qu'il y ait autant un consensus là-dessus.

M. Paré (Francis) : Peut-être pour ajouter à ce que ma collègue dit, quand on parle de climat, bien, avec tout ce qui se passe actuellement, ce qu'on a vu dans les actualités très récentes, bien, on voit aussi, là, qu'il y a quand même des statistiques assez frappantes du nombre de jeunes, le ratio de jeunes de moins de 18 ans où, lors de leurs études, de leurs projets académiques... où est-ce qu'ils ont eu des événements à caractère... de violences à caractère sexuel. Je pense que ça devient une évidence d'en discuter puis de trouver les façons d'encadrer clairement et de mettre les règles du jeu beaucoup plus claires pour l'avenir. Je pense qu'on est sensibilisés, mais comment on met ça concrètement aujourd'hui... C'est pour ça qu'on trouve bien qu'il y ait déjà des démarches de faites en ce sens et qu'il y a une intervention qui est proactive actuellement, dans la sphère publique. Donc, ça, on l'apprécie énormément. Puis de devoir mettre ça plus clair aussi que seulement des politiques d'encadrement mais qu'on uniformise davantage dans ce domaine-là, je pense qu'on en est rendus là, actuellement, avec tout ce qui se passe.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Et protéger les populations qui sont à risque. C'est surtout ça, il faut protéger les populations qui sont à risque, et malheureusement la communauté étudiante en fait partie. On l'a vu dans le milieu artistique, on l'a vu dans plein d'autres milieux. Donc, il faut protéger les populations qui sont à risque et qui sont à risque de voir un lien d'autorité, ou académique, ou peu importe affecter leurs cursus.

Mme David : Je vais passer à la recommandation 10, où vous nous dites : S'il vous plaît, aidez tous les jeunes, même s'il s'est passé quelque chose et que ce n'est pas avec un étudiant du campus ou un adulte en position d'autorité, etc. Pour moi, ça paraît évident, là, qu'un étudiant qui cogne à une porte d'un service d'aide aux étudiants, il est reçu depuis toujours d'ailleurs. Je peux témoigner de mon passé en ce domaine, les gens aux services aux étudiants, on l'espère qu'ils accueillent dans la plus grande, je ne sais pas, générosité et expertise, que ça soit quelque chose qui se soit passé avec son conjoint, que ça soit n'importe quoi, une agression, ils sont là pour essayer d'aider les étudiants et de bien les diriger.

Alors, je vous remercie quand même de le souligner, parce que ça a l'air évident, mais ça ne l'est pas toujours. Et j'espère que les gens ne seront pas là à dire : Bien là, on a une grille, puis, non, ce n'est pas arrivé avec quelqu'un de... donc, on ne t'aide pas, puis va te chercher un psychologue quelque part sur le marché. Je pense qu'il y aura toujours cet accueil-là dans la mesure du possible. Puis l'accompagnement, bien, c'est au moins de guider vers les bonnes ressources.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Le seul point, par rapport à ça, c'est que, pour nous, tu sais, il y a beaucoup d'«on espère», «on souhaite», «certains établissements». Notre but, derrière cette politique-là, c'était de rendre ça clair, que ce soit écrit. Puis c'est surtout le point sur les accommodements académiques d'urgence.

Donc, par exemple, une jeune demoiselle ou un jeune garçon, qu'il arrive un événement malheureux, la fin de semaine, et qui arrive, et qui a un examen le lundi, nous croyons qu'il devrait être capable... Et ça devrait être spécifié dans la loi que l'université, le collège ou peu importe a le devoir de lui donner un accommodement académique d'urgence s'il le demande ou si elle le demande. Ça fait que c'est pour ça qu'on a demandé que ce soit rajouté parce que, pour nous, c'est clair qu'il faut que ce soit spécifié que l'action n'arrive pas sur le campus ou n'arrive pas avec un membre de la communauté universitaire ou cégépienne, que le ou la étudiante puisse avoir accès à ces services-là et à ces ressources, et de les rendre publiques, et qu'il soit au courant que ces ressources et ces accès-là lui sont octroyés.

Parce que parfois, si ce n'est pas arrivé sur le campus, il va se dire : Bien là, est-ce que je dois aller voir la police?, est-ce que je dois aller voir un psychologue extérieur?, est-ce que je dois aller voir les CALACS?, est-ce que je dois aller voir d'autres organismes? Mais de savoir que son université ou son cégep n'a pas le choix de lui donner ces services-là, que c'est une obligation, pour nous, ça rendrait la situation, encore une fois, beaucoup plus claire, et ça uniformiserait la situation sur l'ensemble des secteurs, notamment pour les collèges et universités qui sont dans les milieux régionaux. Parfois, ils n'ont pas les ressources qui sont là et de les obliger d'avoir la ressource et de faire suivre le financement en fonction de cette demande-là, évidemment, pour nous, ça favoriserait vraiment une protection complète de l'ensemble des jeunes sur le territoire québécois.

M. Paré (Francis) : Et surtout, très humainement, de bien voir que pour ces jeunes-là qui subissent ce genre d'acte là, qu'ils n'aient pas le poids académique non plus. Donc, d'avoir une relation de confiance avec l'institution dans laquelle c'est, en quelque sorte, leur milieu de vie aussi, alors, c'est de créer cette relation-là et que, justement, le cursus académique n'est pas impacté suite à ces événements-là. Donc, on trouve ça très important, de façon humaine pour les élèves en général, d'avoir cette considération-là.

Mme David : O.K. Est-ce que vous parlez seulement de s'il arrive un événement à caractère... une violence à caractère sexuel ou qu'il arrive une agression physique, un... toutes sortes de choses? Parce que, je répète, je m'attends, moi, et j'espère... Et je pense que c'est le cas d'un étudiant qui arrive, et qui a vécu de la mortalité dans sa famille, la fin de semaine d'avant, puis qui dit : Moi, je ne suis pas prêt à passer l'examen mardi, là, écoutez, là, j'ai besoin d'un accommodement académique. J'ose croire que ça se fait, quelle que soit la raison, si la raison est justifiée.

Donc, peut-être que je vais plus large que ce que vous voulez dire, mais je comprends que vous voulez dire : Si, entre autres, il arrive une violence à caractère sexuel, que la personne puisse aller chercher l'aide et dire : Je ne suis vraiment pas en état; je sais que ça ne concerne pas quelqu'un de l'université, mais regardez, là, moi, l'examen demain, là, oubliez ça, je suis dans tous mes états, puis pouvez-vous m'accompagner, m'aider?, qu'est-ce que je fais?, où je vais?, etc. Je pense c'est ça que vous voulez dire. Peut-être que j'élargis encore plus en disant : Bien, normalement, les services sont là pour accompagner les étudiants, autant des étudiants qui vivent des choses très difficiles dans leur vie, qui sont déprimés, qui ont besoin d'aide, des fois, financière, etc.

Mme Simard Brochu (Véronique) : ...en désaccord avec vous, là. Je veux dire, c'est vrai que, si on peut le faire à tous les actes de violence, d'agression, mortalité et tout, et tout, troubles, c'est sûr et certain que, si on peut l'élargir, nous, on va faire : Yé! Mais, vu qu'on était dans un cadre, là, sur la consultation des actes de violence sexuelle, on s'est vraiment ciblés là-dessus. Mais effectivement, vous avez raison, l'important, par exemple, c'est de s'assurer que ça soit une obligation dans tous les établissements d'enseignement supérieur.

Mme David : ...bien. La recommandation 11, je suis sensible à ça, que le ministère mette en place un dispositif pour gérer des plaintes émanant, dans le fond, de manquements à la politique. Manquements à la politique, ça peut être beaucoup de choses parce qu'une politique a plusieurs éléments. Donc, l'étudiant peut dire : Ils n'ont pas... Par exemple, vous espérez qu'on mette des délais, plusieurs nous ont mentionné ça, là, dans... qu'il n'y ait pas de délai pour certaines choses, comme de porter plainte, mais qu'il y ait des délais pour la gestion de la plainte, le cas échéant. Alors, ça, on entend très bien ça, puis je pense qu'on est très sensibles à cette question-là. Mais, donc, s'il y a un manquement, ça a pris six mois avant de... tu sais, s'ils ne respectent pas un certain nombre de critères de la politique.

Et donc on pourrait vous répondre que, oui, il y a toujours possibilité de déposer une plainte au ministère. Mais vous me sensibilisez à l'idée : O.K., une fois qu'on a dit ça, comment, dans mon ministère, on va s'organiser pour avoir un système, peut-être, qui est un retour? Il y en a un, retour, mais... Vous n'avez pas suivi votre politique, O.K., mais... mais quoi, une fois qu'on a fait ça? Donc, je pense que c'est ça que vous voulez dire, c'est... Mais je veux être sûre que le mot «manquement à la politique», ce n'est pas une procédure d'appel sur une sanction, admettons.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Bien, en fait, oui et non. C'est-à-dire que, si la sanction n'a pas été adaptée, ou que l'université n'a pas fait une sanction qui était adéquate, ou que l'élève s'est vu retirer certains droits ou elle a dû abandonner son cours, finalement, à cause que l'université ne jugeait pas, là, que l'acte justifiait, par exemple, le retrait de l'élève dans un cours, oui, effectivement, on pense que ce mécanisme-là devrait exister.

Puis on s'entend, puis on l'a très bien spécifié dans le mémoire, c'est un mécanisme qui doit être d'exception, donc on ne s'attend pas à ce qu'à chaque fois qu'un étudiant n'est pas satisfait il retourne puis qu'il aille se plaindre. Le but, c'est vraiment que ça soit une exception parce qu'on croit que les institutions d'enseignement supérieur vont être aptes à gérer correctement les plaintes.

Par contre, il y a toujours... La perfection n'existe pas tout à fait. Parfois, il y a des torts, des fois, qui sont là. Donc, oui, on pense que l'étudiant devrait avoir recours à ce processus-là si jamais la sanction n'est pas jugée adéquate parce que ça peut être d'autres choses qui soient intrinsèques à ça, et, dans ce cas-là, oui, l'étudiant devrait avoir accès à ce service-là et faire la demande au besoin.

• (12 heures) •

Mme David : Donc, je répète, parce que c'est important, ce que vous dites là, ce n'est pas que porter plainte au ministère parce que le processus aurait été mal suivi, mais parce qu'ils ne sont pas contents que l'agresseur ait eu un mois de suspension puis qu'elle aurait aimé qu'il ait six mois de suspension qui soit... un processus d'appel de sanctions.

Mme Simard Brochu (Véronique) : ...si la sanction n'a pas été mise correctement. C'est-à-dire que, si la politique du campus, c'est de dire : Pour tel acte ou pour un acte qu'un professeur fait sur une étudiante, il y a un mois de suspension, la politique de l'université dit ça dans ce cas-là, puis que l'étudiant ou l'étudiante dit : Bien, moi, je pense qu'il devrait y avoir six mois, effectivement, non, il ne peut pas aller voir le ministère et lui dire : Bien là, moi, j'aurais voulu six mois, parce que la politique de l'université, qui a été approuvée par le ministère, tel que c'est dit dans le projet de loi, dit que c'est un mois. Donc, ça va être un mois. Dans ce cas-là, effectivement, il n'y a pas de raison pour l'étudiant ou l'étudiante de se plaindre. Par contre, si, dans la politique, ça dit : Bien, c'est six mois, et qu'on donne seulement un mois, dans ce cas-là, oui, l'étudiant ou l'étudiante pourrait avoir accès à ce service-là. Voilà.

Mme David : O.K. Merci. Mme la Présidente, on va passer à quelqu'un d'autre.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Alors, on va passer la parole à la députée de Richmond.

Mme Vallières : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez 3 min 50 s.

Mme Vallières : Beaucoup trop de questions pour ce temps. Mais je voudrais surtout souhaiter la bienvenue à votre baptême de commission parlementaire. Et, connaissant le niveau d'activité et l'effervescence chez Citoyenneté, je sais fort bien que l'on se reverra certainement. Et on a l'occasion en plus de collaborer ensemble dans les dossiers jeunesse. C'est toujours un plaisir.

Je dois y aller dans les priorités. Je vais faire du pouce sur ce que ma collègue ministre a mentionné par rapport aux relations d'adultes en autorité sur un étudiant, un élève. On a entendu parler aussi beaucoup de l'extension même de la classe et de l'école sur les réseaux sociaux, Facebook, Snapchat, etc. Vous n'en faites pas part nécessairement dans votre mémoire, mais, connaissant votre proximité avec les jeunes, est-ce que vous pouvez aussi nous dire si vous allez jusque-là dans vos propositions?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Non, non, dans les faits, pas dans le cadre du mémoire actuel. Effectivement, c'est sûr qu'on encourage l'extension de ces applications-là, là. Ça, c'est évident. Mais, dans le cadre de notre mémoire, non, effectivement, on n'a pas mentionné ce point-là.

Mme Vallières : Également, on a eu plusieurs groupes qui nous disent de mieux définir tout l'aspect des violences à caractère sexuel, d'aller davantage donner... de déterminer certaines notions justement quant aux agressions potentielles. Vous n'en parlez pas dans votre mémoire. Est-ce que vous y avez réfléchi? Est-ce que c'est quelque chose qui serait souhaité pour Citoyenneté Jeunesse?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Pour nous, comme Francis vous l'a mentionné, en fait, on ne se voit pas comme étant des spécialistes d'agression sexuelle, mais on se voit... En tout cas, de tout ce qui est de la nomenclature de l'agression sexuelle, on n'est pas des spécialistes là-dedans. On est vraiment des spécialistes jeunesse. Donc, oui, on a laissé la place à certains groupes, comme Sans oui, c'est non! ou Ni viande ni... que je ne me souviens plus le nom...

Une voix : ...

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, voilà, O.K. Bien, ces gens-là sont des spécialistes du domaine. Donc, eux connaissent davantage ça. Et, comme on n'aime pas parler au travers de notre chapeau, même si on a des opinions, même si on a une vision, on souhaite vraiment se cibler avec... rester sur notre mission. Mais, certainement, les opinions et les points qui ont été mis en valeur par ces groupes-là, on vous recommande fortement de les écouter, évidemment, parce que c'est des spécialistes du milieu et du domaine.

M. Paré (Francis) : Puis d'ailleurs, quand on parle de spécialistes, juste une petite parenthèse, à la recommandation 4, d'ailleurs, pour les activités de formation obligatoire, on invite justement à ce que ce soient des intervenants qui sont spécialisés dans le domaine aussi pour former les gens, tous les intervenants, qui sont autant les étudiants, que les dirigeants ou le membre du personnel aussi, là, pour faire du pouce au fait qu'il y ait une spécialité.

Mme Vallières : Quand vous parlez de l'intervenant spécialisé, est-ce que vous voyez des travailleurs sociaux? Est-ce que ce sont des infirmiers? Est-ce que ce sont des sexologues? Vous la voyez comment, cette intervention spécialisée?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Tout ce que vous venez de nommer, c'est tous des gens que nous croyons qui sont adaptés, qui ont les compétences pour agir. Le seul point, c'était de dire : Bon, on ne veut pas que ça soit le permanent d'une association étudiante qui ait à donner cette formation-là, exemple. On ne veut que ça soit un professeur de français qui ait cette charge-là à faire parce qu'ils ont déjà une charge de travail et ce ne sont pas des spécialistes qui ont été formés. Donc, sexologues, psychologues, spécialistes qui ont étudié là-dedans, et qui ont étudié la question, et qui ont élaboré la question, ça, c'est des gens qui sont adaptés, on croit, pour donner ces formations-là.

Mme Vallières : Pour élargir au secondaire — je sais qu'il reste très peu de temps — mais, par rapport à votre proposition de dire : On aimerait que tous les établissements d'enseignement aient une politique pour contrer les violences sexuelles, quelle est...

La Présidente (Mme de Santis) : ...la parole est à...

Mme Vallières : Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. La parole est à la représentante de l'opposition officielle, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être avec nous aujourd'hui en commission parlementaire pour nous donner le point de vue, donc, des jeunes sur la question du projet de loi n° 151. Vous nous aidez à enrichir les travaux de la commission, donc je vous en remercie encore une fois.

Et je vous relancerais peut-être sur justement la question que souhaitait vous poser la députée de Richmond parce que c'est quelque chose aussi que j'avais bien noté dans votre mémoire. Vous êtes le premier groupe qui en parlez jusqu'à maintenant dans les consultations particulières, et donc je trouverais intéressant d'avoir votre vision. Est-ce que vous trouvez qu'un projet de loi comme le projet de loi n° 151 pourrait, par exemple, s'appliquer dans les écoles secondaires? Quelles seraient les nuances à apporter? Donc, j'aimerais avoir votre point de vue sur la question.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui. Merci beaucoup de pouvoir nous en parler. C'est une recommandation qu'on s'est dit qu'on va ajouter parce que... même si ce ne sera pas écrit dans la loi, on trouvait ça important de vous l'amener parce qu'on trouve que le pas que le projet de loi fait est important. Ça va marquer, je pense, les établissements d'enseignement supérieur d'une manière positive. Et on aimerait voir cet effet positif là reporté sur les autres établissements d'enseignement et que les écoles secondaires, même primaires, se dotent de ces mécanismes-là parce que c'est important aussi de protéger l'ensemble des jeunes. Nous, on représente des jeunes de 12 à 35 ans, comme Francis vous l'a dit. Donc, on a cette volonté-là de protéger l'ensemble des jeunes. Puis, vraiment, quand on a vu le projet de loi n° 151, on était supercontents parce que c'est un bon pas dans la bonne direction. On aimerait voir ce bon pas dans la bonne direction là se perpétuer et continuer dans les établissements pour les plus jeunes et les tout-petits.

Mme Fournier : Donc, c'est ça. Donc vous pensez qu'un projet de loi qui pourrait ressembler à 151 pourrait être applicable aussi dans les écoles primaires et secondaires?

M. Paré (Francis) : Oui, tout à fait, je pense que... dans l'optique où, comme je disais tantôt, dans les statistiques, le deux tiers des survivants des violences à caractère sexuel ont moins de 18 ans, on présuppose qu'ils n'ont pas juste 17 ou 18 ans et qu'ils sont au cégep, mais il y en a que ça date aussi du secondaire et de peut-être même antérieurement à ça également. Alors, je pense que d'aller en amont et d'éduquer le plus rapidement possible, au bas âge, à des moments critiques, des moments importants dans la formation des jeunes... Ça commence le plus tôt possible.

Mme Fournier : Vous avez utilisé le mot «éduquer». Donc, ce n'est pas écrit dans votre mémoire, mais j'imagine que vous appuyez donc fortement le retour de l'éducation à la sexualité dans nos écoles le plus rapidement possible?

Mme Simard Brochu (Véronique) : On n'a pas de position claire, ça fait que je ne sais pas jusqu'à quel point est-ce qu'on a la permissivité de vous dire oui. Mais c'est un moyen que l'on juge adéquat, tout à fait. Je veux dire, quand on parle de formation sur les violences à caractère sexuel, bien, c'est ce genre de formation qui peut en faire partie, tu sais, c'est le genre de chose qui peut être pertinent. Mais c'est sûr que, bon, dans le cadre d'une consultation, et vu qu'on n'a pas eu la réflexion avant, je vais me garder une petite gêne à vous dire un gros oui. Mais vous voyez où est-ce qu'on se situe.

M. Paré (Francis) : Et, si je déborde légèrement également pour donner du pouce... Je pense que ce qui est intéressant, c'est que les jeunes ont besoin de modèles, ont besoin, sur le terrain, de voir, de comprendre, de connaître ces réalités-là qu'ils n'ont pas toujours accès nécessairement ou qu'ils ne connaissent pas. Mais de les connaître et d'être sensibilisé à ça dès le départ, dès la jeunesse, bien, je pense que c'est un pas dans la bonne direction aussi et que ça va se répercuter également dans les milieux postsecondaires par la suite, là.

Mme Fournier : Tout à fait. Puis justement vous parliez de formation aussi, puis on sait que le projet de loi inclut certaines dispositions. Il y a également la FECQ qui croit que les étudiants également devraient pouvoir recevoir de la formation pour prévenir, dans le fond, les violences à caractère sexuel sur les campus, donc, des différents cégeps. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

• (12 h 10) •

M. Paré (Francis) : Oui, tout à fait, là. Je pense que c'est dans le même ordre d'idées, là, qu'on ait l'aspect éducatif également, puis c'est bien d'établir des cadres, mais, à l'intérieur de ça, qu'est-ce que les gens doivent connaître. Puis, quand on parlait d'activités de formation à la recommandation 4, encore une fois, je donne du pouce là-dessus, qu'on ait plus d'accès à de l'information en général, puis je pense que, de cette façon-là, on apprend à penser davantage avant d'agir aussi. Donc, humainement, je pense que c'est comme ça qu'on fonctionne : plus on connaît de choses, qu'on est sensibilisés, l'empathie se développe, également, davantage. Et je pense que, dans la culture, au Québec, ce serait une bonne chose, là, qu'on travaille ça dès le bas âge, puis de justement avoir un accès à des activités pédagogiques pour les jeunes aussi là-dessus, là.

Mme Fournier : C'est clair, parce qu'on veut soutenir, aider les victimes de violence à caractère sexuel, mais on veut aussi faire en sorte qu'il y en ait de moins en moins, de ce type de violence. Alors, on se rejoint tout à fait.

Je voulais vous amener sur la question du guichet unique. Vous en parlez dans votre mémoire. Vous avez eu un échange tantôt avec la ministre sur la question. Je sais que ça a été partiellement abordé, mais la question, par exemple, d'un bureau québécois... Donc, un bureau qui se trouverait au ministère, où, justement, les gens qui se sentiraient lésés par le processus interne pourraient avoir recours, comment est-ce que vous le visualisez? Je sais que vous en parlez à la recommandation 11, mais est-ce que vous pouvez nous en parler un petit peu plus en détail?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, tout à fait. Alors, nous, ce qu'on a réfléchi, c'est qu'on s'est dit : Bon, maintenant qu'il y a une courroie qui serait créée entre la communauté du milieu universitaire ou collégial et le ministère, en cas de problème, comment est-ce qu'on articule tout ça à l'intérieur? Puis, quand on regarde le Comité d'examen des demandes dérogatoires au regard de l'aide financière aux études, c'est un comité qui est formé de personnes de différents milieux sous recommandation des associations étudiantes, des universités et tout ça. Donc, c'est un comité qui, pour nous, a une bonne, une grande légitimité à cause de sa représentativité et que ce n'est pas seulement des gens qui sont extérieurs et qui n'ont jamais eu un lien avec les milieux d'étude ou d'enseignement supérieur qui prennent la décision.

Donc, nous, on pense que ce type de modèle là devrait être repris dans un cadre de gestion des plaintes s'il y a eu des manquements à la politique de l'université. Puis ça, c'est important, on ne pense pas que les gens qui sont spécialistes dans l'aide financière aux études devraient prendre les décisions parce que ce n'est pas adapté... mais de vraiment créer un comité qui aurait comme responsabilité de se rencontrer sporadiquement et de prendre une décision sur la plainte ou la requête en question. Et c'est important pour nous, pour ça qu'on n'a pas laissé à l'ombudsman... parce que je sais que ça a été discuté un peu, un, parce que l'ombudsman, ce n'est pas dans toutes les universités, et les collèges, et tout ça, qu'il y en a, et, deux, c'est des pouvoirs de recommandation et non pas décisionnels. Pour nous, c'est important que ce mécanisme-là ait un pouvoir décisionnel. Voilà.

Mme Fournier : Merci. Merci pour les éclaircissements. Au sein du fameux guichet unique dont on parle, est-ce que vous aviez visualisé un certain seuil plancher de ressources qui seraient disponibles au sein du guichet unique? Parce qu'on sait qu'il y a quand même une crainte, notamment, disons, que la protection ne soit pas la même selon les établissements. Par exemple, hier, il y a les gens de l'AVEQ qui nous ont parlé qu'à l'Université Concordia il y avait vraiment un bureau déjà, même, d'installé, avec des ressources spécialisées, dédiées pour les étudiants, alors que, par exemple, à Chicoutimi, à l'UQAC, il y a une personne à temps partiel. Donc, est-ce que vous pensez que ça prend des ressources dédiées, un minimum de ressources dédiées?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, à la fin du mémoire, on rappelle, dans notre conclusion, l'importance que le financement soit présent et soit au rendez-vous, parce que, comme on a dit, la loi n° 151, on est très satisfaits et très contents, mais ça aura beau être la meilleure loi possible, s'il n'y a pas les moyens d'application qui sont mis en place, ça ne sert pas à grand-chose. Donc, il faut, oui, s'assurer que les ressources soient au rendez-vous.

Par ailleurs, on recommande dans une de nos recommandations que la stratégie du gouvernement en matière de protection des actes de violence à caractère sexuel soit revue aux cinq ans et que le financement soit revu également à ce moment-là. Donc, oui, effectivement, là, pour nous, c'est important que cette politique-là et que ce projet de loi là aient les ressources pour atteindre l'aspect positif dans la société qu'elle peut faire. Donc, vraiment d'y aller, là, au maximum de ses capacités et de faire suivre le financement, ça, c'est évident.

M. Paré (Francis) : Et on n'a pas nécessairement chiffré un nombre de ressources ou un montant spécifique, mais ce qui est important, c'est d'éviter le déséquilibre régional. Donc, en tant que Citoyenneté Jeunesse, ce qu'on trouve très important, c'est que toutes les régions aient un accès, là, qui est équitable pour les jeunes dans les établissements d'enseignement.

Mme Fournier : De ne pas faire en sorte que, si on habite sur un territoire qui est très vaste, bien, d'être pénalisé en raison de ça?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Absolument.

Mme Fournier : Oui, je partage votre préoccupation.

Sur la question de la reddition de comptes, vous l'abordez, là, à la page 12 de votre mémoire, votre recommandation 9, donc que soit ajoutée l'obligation que les rapports liés aux politiques des établissements soient rendus publics. Puis c'est justement sur ces rapports-là que j'aimerais vous questionner parce qu'hier on a reçu certains groupes qui trouvaient que la reddition de comptes n'était pas nécessairement appropriée dans ces cas-ci, les gens, par exemple, des collèges privés, si je ne me trompe pas. Donc, vous en pensez quoi? Est-ce que vous pouvez nous parler de ce qui est, selon vous, l'importance de la reddition de comptes dans un cas comme celui qui nous préoccupe actuellement?

M. Paré (Francis) : Je pense que le principe de base d'une reddition de comptes, ça permet de voir comment sont utilisés les... comment sont réalisés les processus qui sont mis en place quand il y a un encadrement. Mais également il y a un lien de confiance qui se développe, ce qui est très important. Et, pour les jeunes, je pense que c'est primordial encore plus. Je ne veux pas dire que c'est moins important pour les autres, mais, dans ce genre de problématique là, très sensible, très personnelle, que de vivre des violences à caractère sexuel, notamment, je pense que c'est quand même... Puis ça mobilise tout le monde en plus. Ça fait que je pense que la reddition de comptes va de soi dans ce sens-là. Mais le lien de confiance est un élément central quand on fait une reddition de comptes pour s'assurer que l'encadrement est bien respecté. Puis, si, en plus, on veut, en quelque sorte, uniformiser ou avoir des balises claires partout, qui sont uniformes, et donc que ça permette un service qui est équitable et qui est semblable d'une région à une autre, je pense qu'à ce moment-là c'est important de voir si c'est bien réalisé.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Et, si je peux ajouter, pour commenter un peu la recommandation 9, c'est que, quand on a vu que la reddition de comptes pouvait être jointe au rapport annuel des universités, on faisait des blagues en disant : On vous met tous au défi de trouver des rapports annuels et de trouver un élément particulier dans un rapport annuel d'université. C'est très lourd et très complexe. Donc, pour nous, c'est important que ce rapport-là soit fait peut-être en même temps que le rapport annuel et joint au rapport annuel, mais on doit faire un document à part, facilement trouvable sur les sites de l'université ou du collège. Et c'est important que ce soit public, parce que ce n'est pas spécifié nécessairement dans la loi, et, pour nous, c'est important que ces rapports-là soient rendus publics pour que les jeunes soient capables de lire les rapports, et de chercher l'information facilement, et de trouver l'information, et de ne pas que ça soit, bien, dans un collège, on fait un rapport annuel, mais on a décidé de faire un rapport aussi, mais de le garder interne ou de le présenter juste aux assos étudiantes, mais vraiment que ces rapports-là soient rendus publics.

Ça fait que ça, c'est des éléments qu'on voulait ajouter à la reddition de comptes parce que, comme Francis vous l'a dit, c'est une question de créer un lien de confiance.

M. Paré (Francis) : Et, en plus, tout en assurant, bien entendu, l'anonymat des victimes. Ça, c'est très important aussi.

Mme Fournier : Merci. Finalement, quelque chose aussi qui a piqué ma curiosité était sur les délais de traitement des plaintes. Donc, vous êtes le premier groupe aussi à distinguer le réseau collégial du réseau universitaire, là, en termes de nombre de jours. Ça tombe bien parce que la FECQ proposait 30 jours et l'UEQ, par exemple, proposait 45 jours. Puis il y a plusieurs groupes, par la suite, aussi qui nous ont parlé du 45 jours. Donc, je voulais vous entendre sur pourquoi vous distinguez, dans le fond, un délai plus court pour ce qui est des cégeps puis un délai un petit peu plus long pour ce qui est des universités.

Mme Simard Brochu (Véronique) : En fait, c'est simple, pour nous, là, si ça pouvait être le plus rapidement possible, on serait très, très satisfaits. Au début, on s'était dit : Bien, on va mettre 30 jours pour les collèges puis 30 jours pour les universités. Par la suite, à force de discussions avec nos partenaires qui viennent notamment des universités, ils nous ont dit : 30 jours, ce n'est pas assez parce qu'il y a beaucoup plus d'étudiants dans une université, c'est beaucoup plus lourd. Le processus est parfois plus complexe parce que justement il y a beaucoup plus de représentants. Puis c'est pour ça qu'on s'est dit : O.K., disons 45 jours pour les universités parce que, pour eux... ce qui représente une demi-session et ce qui semblait comme acceptable pour la plupart des représentants des universités, et, pour les cégeps, gardons notre 30 jours parce qu'on pense que 30 jours, c'est un délai... Un mois, c'est beaucoup pour, déjà, une victime, de devoir se questionner, à savoir, bon, qu'est-ce qui va être fait, tu sais, qu'est-ce qu'il se passe avec tout le soutien et l'aide. Donc, pour nous, on voulait mettre le 30 jours, mais, par la suite, à force de discuter avec aussi les gens qui sont dans les universités, les jeunes qui sont dans les universités, ils nous ont dit : Oui, 45 jours, pour nous, ça fait plus de sens.

Je m'excuse, Mme de Santis.

Mme Fournier : Oui. En même temps, certains diraient qu'il y a quand même certains cégeps qui sont très importants, en termes de nombre d'étudiants, qui ont plus d'étudiants que certaines petites universités.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, mais, étant donné que c'est une clientèle aussi qui est beaucoup plus jeune, pour nous, il y a encore plus une pression. Tu sais, comme je vous dis, si ça pouvait être 30 jours pour les universités, ça serait parfait. Mais, pour nous, l'idée, c'est de protéger le plus rapidement possible les victimes. Donc, c'est pour ça...

• (12 h 20) •

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. La parole maintenant est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, plusieurs choses ont été discutées précédemment, et c'est intéressant aussi de faire des liens, des comparaisons entre ce que vous apportez puis ce que des groupes précédents nous ont apporté. Ça fait que, des fois, je vais vous questionner sur ce que vous avez dit ou ce que d'autres ont dit.

Votre recommandation 14, elle est originale. Vous nous amenez là où personne ne nous a amenés jusqu'à présent quand vous... Je vais vous la lire, là, en fait, pour les gens qui nous écoutent puis qui n'ont pas le document devant eux, donc que «le gouvernement envisage de prolonger l'obligation pour les établissements d'éducation supérieure de se doter d'une politique pour contrer les violences sexuelles à l'ensemble des établissements d'enseignement.»

Donc, dans le fond, vous parlez des établissements qui seraient dans les commissions scolaires. On peut penser que c'est les écoles primaires, secondaires, vous l'avez dit précédemment. Moi, j'ai peut-être plus en tête ce qu'on appelle les centres de formation pour adultes, les centres de formation professionnelle. Ce que je vous ai entendu, tout à l'heure, dire : Oui, mais ça peut même arriver chez les jeunes, donc, qui sont mineurs, mais, si on a 18, 19, 20, 25 ans, là, donc, on ne parle même pas de clientèle mineure, on parle... Il peut y avoir deux jeunes de 20 ans. Il peut y en avoir un qui est au cégep, l'autre qui est en centre de formation professionnelle. Il peut y en avoir un troisième en centre de formation pour adultes.

Donc, à cet égard-là, est-ce que vous pensiez vraiment dans le sens de couvrir tous les établissements des commissions scolaires ou de cibler peut-être là où les gens sont majeurs, par rapport à cette proposition-là?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Bien, c'est pour ça que la recommandation dit «l'ensemble des établissements d'enseignement», donc l'ensemble des établissements d'enseignement, oui.

M. Roberge : Bon, c'est très bien. C'est bon. Je comprends mieux. Par contre, il y a une nuance, peut-être, et je pose une question d'ordre juridique, là. Je suis content qu'il y a déjà des juristes qui nous écoutent. Comme le dit, des fois, la ministre, les questions sont importantes, les réponses, des fois, sont un peu plus complexes. Je ne sais pas dans quelle mesure et à partir de quel âge un jeune peut lui-même porter plainte, à quel âge il doit être accompagné d'un adulte, etc. Évidemment qu'on veut bien que le jeune, s'il a 14 ans puis il est victime de quelque chose, il puisse le signaler. Mais c'est une interrogation que j'ai. Mais, pour moi, c'est plus facile de dire qu'on implante ce type de protection aux établissements où il y a des jeunes qui sont majeurs, mais, peut-être, il faudra le faire aussi pour l'ensemble, ce modèle-là, considérant le fait que 100 % des Québécois, on veut qu'ils soient prémunis contre les violences à caractère sexuel. Il est possible, par contre, que la manière de le faire ne soit pas la même, la politique ne soit pas la même, le bureau des plaintes ne soit pas le même si on accueille une victime de 12 ans versus 20 ans.

Mme Simard Brochu (Véronique) : Absolument. Et d'ailleurs on sera charmés de revenir en commission parlementaire si jamais vous décidez d'aller de l'avant avec un projet de loi pour les établissements secondaires, primaires et enseignement aux adultes. Ça nous fera plaisir d'être présents. Mais effectivement, à chaque situation, on doit s'adapter. L'idée, c'est de dire... Les objectifs, l'idée générale, l'idée de devoir se doter d'une politique dans les écoles primaires et secondaires et de formation aux adultes, c'est important, et on croit que ça devrait être fait. Après ça, toutes les nomenclatures... Je ne suis pas juriste, et c'est très bien comme ça. Je veux dire, ça nous fera plaisir, dans ce cas-là, de venir, et de commenter, et de voir justement les spécificités, et de voir à quel point est-ce que ça peut s'adapter à des contextes qui sont particuliers, effectivement.

M. Roberge : C'est très bien parce qu'on pose des bonnes questions. Nous autres aussi, on en a, des juristes dans notre équipe. Il y en a un peu partout. On trouvera les meilleures réponses. Mais, en tout cas, c'est une contribution intéressante que vous apportez là.

Je vais vous amener à votre recommandation 12. Vous dites que toute mention d'un délai de prescription pour les plaintes de violence, de harcèlement ou d'agression soit proscrite de la politique pour contrer les violences sexuelles des établissements d'enseignement supérieur. Donc, comme un groupe qu'on a entendu hier, pour vous, même un ex-étudiant pourrait venir porter plainte dans son cégep ou dans son université pour quelque chose qu'il aurait vécu même si ça faisait trois ans, quatre ans, cinq ans, même s'il était sur le marché du travail. Donc, de dire que ça ne se fait pas en un mois, c'est une chose, mais, juste être certain, est-ce que vous incluez vraiment les ex-étudiants dans cette politique?

Mme Simard Brochu (Véronique) : Oui, tout à fait. Mais, dans ce cas-là, ça sera à voir, comment est-ce qu'on s'articule avec les mécanismes qui sont déjà présents dans la société civile, c'est-à-dire, quand ça fait un certain moment, qu'on fait une plainte d'agression sexuelle, et que, là, les cégeps et les universités doivent être mis au courant. L'objectif de cette recommandation-là, c'est, oui, de protéger les victimes, oui, d'être conscient, de se dire... Ça peut prendre un certain temps avant qu'on fasse comme : Ah mon Dieu! C'est terrible, ce qui m'est arrivé, maintenant je suis prête à déclarer. Mais c'est aussi une politique pour protéger les institutions, et que les institutions soient conscientes des gens qui sont dans leurs murs, et de protéger les étudiants qui sont actuellement dans l'université ou dans le cégep et qui ont peut-être peur de mettre ça à jour et de dénoncer également.

Ça fait que l'abandon du délai de prescription, c'est tout un ensemble de procédures qui protègent, je pense, l'ensemble des acteurs qui sont là : la victime, les institutions, les étudiants qui sont présentement là. Donc, oui, effectivement, je pense qu'il y aura... Et ça sera aux universités de voir quelle politique ils dealent avec ça, donc : Est-ce qu'on suspend le professeur? Est-ce qu'on fait ça? Mais on pense que, oui, effectivement, là, les étudiants et étudiantes devraient avoir le droit de retourner voir l'université et de l'avertir, de dire : Bien, écoutez, tel professeur ou tel étudiant a fait des actes répréhensibles, là, dans les... Après ça, ça sera de voir est-ce qu'on doit adapter la sanction en fonction de ça. Oui, certainement, si c'est entre deux étudiants puis les deux étudiants ne sont plus à l'université, bien là, il faut adapter les sanctions en fonction de ça, vous comprenez un peu. Voilà.

M. Paré (Francis) : Je pense aussi que c'est quand même important, cette flexibilité-là, parce que souvent le traumatisme vécu par le jeune peut prendre plusieurs mois avant de finalement émaner, de finalement sortir au grand jour pour la personne elle-même. Donc, c'est sûr que c'est... On aimerait bien que ce soit le plus rapidement possible que la personne dénonce ou en parle, mais c'est différent d'une personne à une autre. Donc, c'est très difficile. Puis je pense qu'on a beaucoup de preuves dans l'actualité, avec la vague sur les médias sociaux, que des fois ça prend des années même avant de sortir. Donc, on espère éventuellement que la culture va changer et que ce sera davantage exprimé plus rapidement, là, chez les personnes qui en sont victimes, qui ne seront pas gênées de le dire non plus. Mais, bon, c'est sûr que c'est des choses qui peuvent arriver aussi, côté flexibilité, dans le temps.

M. Roberge : Oui, parce que ce n'est pas juste une question de sanction. Donc, on peut imaginer que, si ça arrive entre deux étudiants, les deux ne sont plus, supposons, à l'université, mais, pour la victime, de pouvoir retourner à l'université, ce n'est pas nécessairement pour obtenir la sanction, c'est peut-être aussi pour obtenir des services. Donc, on peut le voir de cette manière-là aussi. Et, de toute façon, il n'y a pas de délai de prescription pour les souffrances. En tout cas, ça serait intéressant de savoir, après cinq ans : Tu es guéri, ça fait trop longtemps. Ça serait pas mal intéressant. Malheureusement, ce n'est pas ça. Donc, je comprends très, très bien, d'éliminer ces délais de prescription là, mais je voulais quand même vous entendre là-dessus, sur les ex-étudiants. Donc là, c'est très clair pour vous.

Il me reste bien peu de temps. Vous avez parlé, à votre recommandation 9, des rapports qui sont liés aux politiques, la reddition de comptes. Ma question, c'est... Pour préserver la confidentialité, mais, en même temps, ça prend une reddition de comptes pour savoir... Il y a des fonds qui sont là, puis on veut être sûrs que c'est bien investi, puis on veut être certains que les gens sont bien protégés, qu'ils sont bien aidés. Comment on fait justement pour avoir une reddition de comptes qui soit efficace, une bonne gouvernance puis une bonne protection de la confidentialité?

Mme Simard Brochu (Véronique) : En fait, c'est en normalisant, là, les données, là, c'est-à-dire, tu sais, de dire : Bien, on a tant de cas répondus, tant de cas terminés, tant de cas en cours, là. Ce n'est pas obligé... Tu sais, on ne voit pas comment les noms des victimes pourraient se retrouver, là, dans les rapports, là. Ça fait que c'est vraiment en normalisant la donnée, là, en analysant ça d'une manière très quantitative, et d'amener par la suite les services... qui ont été donnés de manière qualitative, sans nécessairement donner de nom de victime, en fait, ni d'agresseur, là. De toute façon, les noms des agresseurs, bon, parfois, ça sort dans les médias et tout ça, mais de vraiment normaliser les données, là... Voilà.

M. Roberge : Je vous remercie. Je pense que c'est possible de le faire, mais c'est juste qu'il faut savoir, des fois, que, dans des petits milieux, des fois, en croisant les données, on finit par savoir c'est qui. Mais je le comprends. De toute façon, il va falloir trouver un arbitrage, là, ici ou, justement, dans les différentes politiques de chaque établissement, en tenant compte de la grandeur des établissements.

Donc, c'est tout le temps que j'ai. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme de Santis) : Mme Simard Brochu, M. Paré, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

Bon appétit, tout le monde!

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise à 15 h 2)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Veuillez éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 151, la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Cet après-midi, nous entendrons la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, la Centrale des syndicats du Québec et les auteures de l'enquête sur la sexualité, la sécurité et les interactions en milieu universitaire.

Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Marie Lafortune, représentant de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis après, ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à procéder avec votre exposé.

Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université (FQPPU)

M. Lafortune (Jean-Marie) : Merci. Alors, bonjour. Merci de me recevoir parmi vous aujourd'hui. Évidemment, j'ai conscience qu'ayant transmis le document quelques jours à l'avance vous avez eu l'occasion de le parcourir, surtout qu'il est relativement concis. Alors, peut-être juste, d'entrée de jeu, indiquer l'orientation générale par le sous-titre qu'il a : Un engagement professoral et un défi de société, pour bien attester, bien sûr, de la... le sérieux par lequel on envisage le problème des violences à caractère sexuel, mais aussi par le fait qu'on considère que, s'il se manifeste à l'intérieur du milieu universitaire, c'est qu'il englobe plus largement des logiques sociétales et que, donc, l'action nous mobilise bien au-delà de l'enceinte universitaire.

Alors, je reprends brièvement les principaux éléments apparaissant dans ce mémoire. D'entrée de jeu, bien sûr, débuter en disant que les syndicats de professeurs n'ont pas attendu le dépôt d'un projet de loi pour, disons, se doter de lignes de conduite en matière de violence à caractère sexuel, plus spécifiquement, éventuellement, de mesures à prendre pour éviter d'être en situation de conflit d'intérêts ou d'abus de pouvoir.

Alors donc, il y a depuis longue date des diffusions d'information à cet égard et prises de conscience par le corps professoral, bien que, bien sûr, on ne peut pas garantir que l'ensemble des membres de ce corps professoral, disons, appliquent systématiquement les recommandations de leurs syndicats.

Sur l'orientation générale du projet de loi, nous sommes plutôt favorables à cette approche qu'on a qualifiée de ferme et flexible, c'est-à-dire qui s'instaure dans le respect de l'autonomie universitaire. On considère qu'effectivement, à cet égard, les institutions sont au coeur de la solution et que leurs approches sérieuses, méthodiques et diligentes permettront d'éviter la prolifération de dénonciations publiques en marge du système, qui, donc, lui fait mal et qui touche bien sûr l'ensemble du corps professoral.

Par ailleurs, de manière très prosaïque, la question du financement préoccupe la FQPPU, comme bien d'autres acteurs du milieu, à savoir que, bien sûr, l'annonce du 23 millions sur l'étendue de cinq ans ne nous garantit pas éventuellement que ce sera suffisant pour satisfaire les besoins. C'est pour ça que nous appelons à non seulement un financement dédié de cette nature, mais également récurrent, et indexé, et éventuellement révisé, le cas échéant, s'il fallait qu'il ne soit pas à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, nous considérons donc, à la fédération, qu'une possible incohérence est susceptible d'apparaître entre deux principes relativement au traitement équitable, à la présomption d'innocence et la confidentialité des dossiers. Le premier principe est évidemment celui de l'accès à l'information sur le suivi des plaintes par les victimes, et le second principe est celui de la confidentialité des processus. Alors, nous nous interrogeons sur la possibilité de concilier réellement les principes de suivi des plaintes et celui de confidentialité. D'un côté, la demande des victimes d'obtenir l'information sur l'exemption nous apparaît légitime et garante du maintien de la confiance envers le processus institutionnel de traitement des plaintes, mais, de l'autre côté, la préservation de la confidentialité s'appuie sur les principes de justice naturelle et d'équité procédurale, qui sont à la base de notre système juridique.

On en arrive au point qui, éventuellement, fait craindre à plusieurs de nos collègues une mise en oeuvre peut-être abusive d'un encadrement, disons, excessif et celui relatif à l'instauration d'un code de conduire selon les modalités mêmes de mise en oeuvre de ce code de conduite. Il n'est pas clair, dans le projet de loi, en tout cas, ce que l'on entend par là, à savoir est-ce qu'il s'agit, comme je l'évoquais d'entrée de jeu, de ligne de conduite ou d'un code, au sens plus strict qui amènerait, par exemple, l'ensemble des membres du corps professoral à devoir s'engager, par exemple, par écrit à respecter certaines règles.

Puisque vous n'êtes pas sans avoir que, bien sûr, les conventions collectives des professeurs leur garantissent une liberté universitaire contre laquelle certains éléments de code de conduite pourraient entrer en contravention et que les codes de conduite, tels qu'ils ont tenté d'être mis en oeuvre, en tout cas, depuis un certain nombre d'années par les administrations universitaires, sont considérés par nous comme un outil de régulation qui cherche davantage à museler l'opposition qu'à garantir les bonnes pratiques et les bonnes conduites. Alors, dépendamment de la manière dont on aura d'instaurer et de mettre en oeuvre un tel code de conduite, on sera plus ou moins, disons, favorables à son avènement.

Autre élément... enfin, avant-dernier, si on veut, c'est celui de l'accessibilité aux services. Dans le cadre des consultations en début d'année, en 2017, donc, nous avions proposé d'envisager une mutualisation des ressources de manière, évidemment, à nous assurer que le 23 millions annoncé puisse satisfaire, donc, ces besoins dans un contexte, je vous le rappelle, où les universités ont connu, disons, des coupures, des compressions budgétaires importantes au cours des dernières années. Et, par exemple, on s'interroge à savoir : Qu'en est-il des universités multicampus? On a à l'esprit une université comme celle du Québec à Rimouski, un campus à Rimouski, un campus à Lévis. Est-ce que le bureau, donc, sera à l'un ou l'autre des campus? Sera-t-il aux deux campus? Auquel cas il faudra prévoir, bien sûr, les budgets nécessaires. Mais nous continuons d'opter pour une perspective de mutualisation lorsque possible.

• (15 h 10) •

Dernier élément, c'est celui de la limite de la compétence des universités lorsque le projet de loi énonce qu'il devra prendre en compte également les échanges dans le cyberespace. Alors, on s'interroge à savoir si effectivement il y a une capacité des administrations universitaires à intervenir ou à réguler le cyberespace ou l'Internet. Nous en doutons fortement. On se demande dans quelle mesure il y aura, dans cette perspective, respect de la vie privée, qui fait l'objet de débats dans la société québécoise et canadienne, depuis longue date, et pour nous, l'idée que l'ensemble des échanges par Internet soient surveillés par les administrations, ça fait une surenchère de contrôles et de régulations. Parce que vous n'êtes peut-être pas sans savoir que maintenant le milieu universitaire est traversé par un ensemble de caméras, un ensemble d'agents de sécurité qui sont censés garantir cette sécurité mais qui, au fond, exercent également une surveillance étroite sur l'ensemble des membres de la communauté universitaire et, au fond, aussi de manière importante sur les professeurs.

Alors, en conclusion, nous considérons que ce projet de loi constitue une initiative importante, notamment par le fait qu'il pourra apporter une réponse plus uniforme aux problèmes, aux abus que vivent un certain nombre de victimes. Mais, vous aurez compris que nous avons un certain nombre d'éléments qui nous apparaissent difficiles à mettre en oeuvre ou qui, à notre avis, ne relèvent pas de la compétence des universités. À titre de remarque finale, nous estimons donc que les violences à caractère sexuel trouvent racine dans une culture qui n'est pas l'apanage du milieu universitaire, ce dont témoigne l'actualité récente. Et, dans ces circonstances, on ne saurait trop insister sur l'importance que revêtent l'éducation, la prévention et la sensibilisation.

En terminant, donc, une mise en garde, si on veut, à l'effet que, bien sûr, toutes les solutions qu'on est tentés d'apporter à ce problème comportent leurs propres problèmes et que, donc, il faut agir avec prudence dans leur implantation. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Lafortune. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui, merci beaucoup. Merci, M. Lafortune, de vous être déplacé jusqu'à Québec pour venir nous donner des avis sur ce projet de loi qui, pour nous, revêt une grande importance. Je pense que ça témoigne de non seulement ce qui se passe dans la société depuis plusieurs années, mais ce qui, suite à toutes sortes d'événements dans les universités, des consultations... auxquelles je n'ai pas vu beaucoup la FQPPU, d'ailleurs, dans les cinq journées de consultations. Je ne pense pas que...

Une voix : ...

Mme David : Oui? Vous êtes venus? Je pense que, si vous avez assisté à l'ensemble des consultations, vous serez d'accord que les gens étaient très inquiets de ce qui se passait. Ils disaient : Il faut faire quelque chose, il faut réfléchir à cette question-là, elle est plus présente qu'on pensait.

Un des mémoires qui nous a été proposé, dont on va discuter tout à l'heure, à 5 heures, c'est l'enquête ESSIMU, qui a été faite, d'ailleurs, à partir de l'UQAM et qui est une enquête qui a fait couler beaucoup d'encre, qui a révélé un certain nombre de choses qui nous empêchent d'ignorer la situation des violences à caractère sexuel, dont vous avez tout à fait raison de dire que ce n'est pas l'apanage des universités et des collèges, mais c'est aussi dans les universités et les collèges, et on ne pourrait faire fi de cette situation. Donc, je vais vouloir avoir une intéressante conversation avec vous, puisque vous acceptez gentiment de partager la tribune pour nous dire ce que vous pensez.

Je pense que, dans ces journées, on a vu beaucoup de très belles initiatives. Je parle de l'enquête ESSIMU, mais je parle aussi des campagnes Sans oui, c'est non! et Ni viande ni objet, qui ont mis à jour vraiment des besoins de prévention, d'information, de formation, d'encadrement des activités d'accueil et d'intégration qu'on appelle plus communément «initiations», dans les universités, beaucoup de dérapage, donc beaucoup de choses liées à des conséquences fâcheuses à partir d'événements qui se passent hors campus et sur campus.

Alors, on a eu beaucoup de discussions là-dessus avec les associations étudiantes, qui sont venues à peu près toutes, des associations de jeunes, la Fédération des cégeps, des représentants, donc, de différents milieux. Et tous et toutes nous demandent, contrairement à vous, et là c'est là que je veux comprendre un peu, d'au contraire intervenir hors campus. Parce qu'il existe plusieurs activités qui peuvent être faites à partir d'une association étudiante accréditée par une université, par exemple, et qui fait une activité d'accueil, d'initiation, un party de Noël, etc., ou qu'un événement tourne mal, mais ça se passe vraiment entre membres d'une communauté universitaire. Et là ils nous ont dit : Bien, ne vous limitez pas aux campus parce que plusieurs activités ne se font pas nécessairement aux campus, mais... où l'association étudiante, ou le département, ou la faculté cautionne et accepte que cette activité-là se tienne.

Alors, je voulais savoir un petit peu vos réflexions sur cette question-là. Parce que, s'il arrive un élément un peu malencontreux, un peu ou beaucoup, est-ce que je comprends que l'université ne devrait pas s'en mêler, si l'étudiante ou l'étudiant demande de l'aide ou veut accuser un... porter plainte contre la personne de qui elle a été agressée, parce que ça ne serait pas dans les limites géographiques du campus?

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, ce qu'il nous semble, d'entrée de jeu, c'est qu'il sera difficile, bien sûr, de mettre en place un dispositif de surveillance et de suivi en ces matières pour toutes les universités. Est-ce qu'on peut considérer qu'elles ont effectivement des responsabilités en regard, par exemple, d'activités qui peuvent se dérouler à des centaines de kilomètres de leur campus principal? Est-ce qu'il y a d'autres modalités qui existent, éventuellement, pour que justice soit faite, dans le cas d'abus, d'agression, et qu'ils puissent être attestés plus directement et sur les lieux mêmes de ces abus ou de ces comportements, là, réprimables?

Et nous, jusqu'à présent, on interroge parce qu'on ne pense pas qu'à l'heure actuelle les universités pourront être efficaces dans cette perspective. Et on se demande jusqu'à quel point les dispositifs en question ne comporteront pas ce que j'appelais les effets collatéraux de surveillance et de contrôle qui feront en sorte que... Est-ce qu'au fond ça va aller jusque chez les individus? Est-ce que ça va aller jusque... les lieux de rencontre informelle? Parce qu'on comprend bien, là, dans l'exemple que vous utilisez, qu'il s'agit de rencontres étudiantes ou d'activités socioculturelles. Mais qu'en sera-t-il d'activités de recherche professorale, etc.? Alors donc, une fois qu'on entre dans cette voie-là, on craint qu'on veuille s'engouffrer dans une perspective un peu, là, inépuisable de moyens de surveillance qui vont ultimement contraindre l'ensemble de la communauté universitaire et, éventuellement, donc, bien sûr, les professeurs, au nom, évidemment, je dirais, d'une problématique sérieuse à laquelle, effectivement, on doit chercher des solutions.

Mais il y a tout lieu de craindre que cette voie-là ne soit pas la plus souhaitable, en tout cas, dans l'état actuel des choses, pour que, d'une part, le phénomène s'estompe et pour que, d'autre part, le milieu universitaire puisse continuer de se développer, je dirais, sainement, sans le souci de dire que chaque geste, chaque parole va être épié par, je ne sais pas, des pions, par des personnes qui relateront l'ensemble des propos et gestes à une instance dont on ne connaît pas d'ailleurs d'emblée, disons, la composition, mais dont on peut suspecter qu'elle relèvera de l'administration et qui pourra l'utiliser éventuellement sur le corps professoral pour toutes sortes de pressions. Puisque notre observation nous mène à considérer que chaque outil additionnel de contrôle fait parfois l'objet d'une utilisation malveillante par des gens qui soit veulent faire taire des professeurs qui ont, je dirais... qui défendent leur liberté universitaire, et donc leur aire de liberté, par rapport à des ambitions administratives qui cherchent, au contraire, à gérer sur la base de leurs propres chefs. Alors, c'est l'équilibre des pouvoirs qu'on a nommés dans le mémoire qui nous semble être peut-être compromis si on s'avance dans cette voie.

• (15 h 20) •

Mme David : Vous parlez de liberté universitaire, un concept, quand même, que je connais assez bien, et vous mettez ça en opposition... j'ai marqué ici : «Museler des positions, des positions plus administratives qui pourraient exercer un pouvoir», vous en parlez souvent, les mots «contrainte», les mots «administration malveillante», etc. J'essaie vraiment de comprendre en quoi le concept de liberté universitaire, qui date du Moyen Âge, on se comprend, les accords de Bologne, si on peut en parler, on va en parler longtemps... Cette contrainte ou ce souci de liberté, c'est la liberté de penser, c'est la liberté académique de pouvoir faire de la recherche libre, de la recherche indépendante. J'essaie de voir le lien entre ce concept, et la notion de violence à caractère sexuel, et de danger sur les membres du personnel parce qu'il pourrait se passer quelque chose. Je ne comprends pas, honnêtement, le lien, et j'aimerais vous entendre là-dessus, entre ladite liberté universitaire et la question des violences à caractère sexuel.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Alors, je pense qu'on a une autre définition de la liberté universitaire, qui, pour nous, consiste à pouvoir révéler des vérités qui peuvent heurter les pouvoirs — politiques, économiques, religieux, syndicaux mêmes — et que donc... Justement, c'est un peu ce qui fait objet de l'opposition, dans la démocratie universitaire, qui est aujourd'hui mise à mal. Parce qu'à la lecture que l'on fait des choses, c'est que les administrations sont tentées de s'accaparer l'ensemble des pouvoirs, de la destinée des institutions pour les conduire de leur propre chef.

Alors, la référence aux violences, elle est indirecte. C'est que les outils qu'on est tentés de vouloir mettre en place pour pallier ce problème sont susceptibles d'être utilisés de manière à faire taire les oppositions internes aux universités. Alors, pour nous, c'est vrai de tous les moyens de régulation qui actuellement ont été mis en place. J'ai été moi-même, disons, mis au courant d'au moins une demi-douzaine de cas où, par exemple, les politiques contre le harcèlement ont été instrumentalisées par des administrations pour mettre à l'écart des professeurs qui étaient considérés comme nocifs, par exemple, à l'image de l'université.

Alors, on se dit : Par extension, les politiques en matière de harcèlement sexuel ou de lutte à la violence à caractère sexuel n'échapperont éventuellement pas à cette logique. Et donc les membres du corps professoral nous demandent, nous, aux représentants et représentantes de ce groupe, de nous assurer qu'on n'ira pas plus loin dans l'outillage, si on veut, des administrations, en matière justement de contrôle de régulation, considérant le risque avéré — enfin, si on tient compte au moins de la demi-douzaine de cas qui ont été portés à mon attention — d'abus dans l'utilisation, les usages de ces outils.

Alors, tel est l'état, si on veut, du problème, à savoir que, cherchant bien sûr à s'outiller mieux, éventuellement, on suscite de nouveaux problèmes qui sont d'une autre nature, j'en conviens, mais qui importent bien sûr aux membres du corps professoral.

Mme David : Est-ce que vous pensez que cette question des violences à caractère sexuel qui touchent les jeunes, nos jeunes, est importante, est suffisamment importante pour qu'on doive essayer d'intervenir pour les accompagner, si tant est que cette chose-là existe dans la posture que vous semblez développer aujourd'hui?

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien sûr. Nous, on pense qu'il faut effectivement que, dans chacune des universités, enfin, dans chacun des établissements postsecondaires ou d'enseignement supérieur, il y ait des ressources spécialisées suffisamment dotées pour permettre effectivement un traitement rapide, sérieux des signalements et des plaintes qui seront portés à leur attention. Donc, on estime le problème réel et sérieux. Mais, simplement, la recherche de solutions peut parfois, donc, comme je le soulignais, nous entraîner dans des pentes glissantes, et c'est ce que l'on cherche à éviter par nos commentaires, par nos réserves, le cas échéant. Et, sans avoir les solutions clé en main, on se dit : Il faut véritablement faire attention à ne pas justement, je dirais, transformer nos univers universitaires en univers carcéraux, je vais dire.

Mme David : Est-ce que vous pouvez élaborer un peu sur l'univers carcéral universitaire?

M. Lafortune (Jean-Marie) : C'est que là, nous, comme professeurs, il faut comprendre qu'on est évalués à l'entrée, on est évalués à chacun de nos contrats, chacune de nos demandes de financement, chaque dépôt de texte pour une revue, pour un livre, on est évalués dans chacun de nos cours, on est surveillés par les caméras, par les gardiens, on est... Donc, je dirais, on fait l'objet d'une surveillance continue. Quiconque a lu déjà sur le panoptisme comprend qu'il y a peu de marge de manoeuvre additionnelle pour que l'ensemble, je dirais, des gestes et des paroles soient consignés et éventuellement utilisés contre les membres du corps professoral.

Il y a un tel état de sécurité, et c'est a priori, à notre sens, une question importante et que... Ce qui a été mis en place, les dispositifs élaborés ont cherché à répondre à un problème réel, mais tout ça finalement contribue à transformer, effectivement, l'université, on pourrait dire même à transformer peut-être les rapports entre les membres du corps professoral et le reste des membres de l'université parce que, si les... Enfin, on peut imaginer que, si on est soumis à un regard constant et à une évaluation constante, les comportements vont également changer et que l'ouverture, par exemple, du corps enseignant à toutes sortes de discussions qui permettent d'approfondir certaines questions de recherche, de pédagogie vont être omises à l'avenir, puisque risquant, par effets collatéraux, de compromettre la carrière d'un ou d'une professeur.

Mme David : O.K. On va revenir. J'ai un collègue qui voudrait vous poser une question, et après ça je reviendrai sur votre... un certain nombre de vos affirmations. Alors, mon collègue de D'Arcy-McGee, Mme la Présidente, voudrait...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Alors, la parole est à vous, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lafortune, et merci pour votre exposé. Écoutez, avec tout respect, je me permets d'exprimer, dans un premier temps, mon étonnement et à vous inviter de me convaincre de votre constat premier qui est que vous appuyez le geste très important que pose la ministre dans un dossier que, vous convenez avec nous, est d'une importance capitale. Et je me permets de poser la question sur deux volets.

Dans un premier temps, j'ai cru comprendre que les genres d'instances qu'on propose à instaurer vous inquiètent parce que ça risque de renforcer une tendance que vous avez déjà vue qui est de permettre aux administrations des universités de faire procès d'intention des profs sur d'autres terrains. Premièrement, ça m'étonne un petit peu. Dans un deuxième temps, est-ce qu'il faut tout simplement adresser ce problème-là, au lieu de dire que, les structures qu'on proposerait, c'était très difficile?

Deuxième question sur une chose assez fondamentale, et là j'ai plutôt une question. Vous notez à juste titre que la question de confidentialité est d'une sensibilité... d'une difficulté accrue. Évidemment, il faut à la fois respecter la notion de protéger des gens contre les allégations non fondées, et, évidemment, je crois qu'on va s'entendre sur l'importance, si on est pour adresser au phénomène de l'intimidation, tout ce phénomène qui rend ça tellement difficile pour les femmes, surtout de se protéger, de se mettre de l'avant lors d'un incident. Il faut respecter leur confidentialité en même temps. Là, dans votre mémoire et dans vos remarques, vous avez parlé de cette difficulté de trancher, mais vous n'avez pas proposé de solution. Alors, je vous invite d'élaborer un petit peu sur la question de confidentialité.

Et comme je dis, je persiste et je maintiens, je pose la question. Vous êtes en train de dire que vous avez tout à fait compris l'importance sociétale d'attaquer un problème de sécurité, d'un bien-être qui touche un pourcentage de la population et souvent les gens les plus vulnérables, vous l'avez dit, comme constat, et là je vois devant nous des bâtons assez larges que vous mettez dans les roues d'un processus qui s'adresserait à ce grand problème.

• (15 h 30) •

M. Lafortune (Jean-Marie) : Merci de la question. Alors, il n'y a pas d'ambiguïté sur la reconnaissance du problème, mais ce n'est pas tout que de le reconnaître pour penser que, magiquement, bien sûr, des solutions toutes faites ou importées d'autres contextes puissent être satisfaisantes et sans impact sur le milieu universitaire et notamment le corps professoral. Alors, si, évidemment, on observe que malgré les lignes de conduite diffusées par les syndicats de profs auprès de leurs membres, certains professeurs abusent et se compromettent dans toutes sortes de gestes et de paroles, non seulement on le déplore, mais on les rappelle à l'ordre à l'interne à partir de ce qu'on considère être les outils d'éducation et de sensibilisation, éventuellement, donc de changement comportemental volontaire, plutôt que d'instaurer un cadre strict, légal, judiciaire qui démontre que, on le voit bien dans le cas américain, on a beau instaurer des codes de conduite avec des documents à signer par tout le monde, il n'empêche qu'il y a des cas d'abus dans les initiations, il y a des cas d'abus dans les universités, etc.

Donc, on s'inspire aussi de ce qui se fait ailleurs pour comprendre qu'il y a des solutions qui nous apparaissent inquiétantes, même si effectivement, je le reconnaissais tout à l'heure, on n'a pas les réponses à tout. Donc, on manifeste un certain nombre d'inquiétudes en nous disant : Inspirons-nous non seulement de solutions que des membres de la communauté universitaire proposent ici, mais aussi d'expériences ailleurs, pour bien voir que ce qui apparaîtrait a priori comme des solutions intéressantes ne le sont, dans les faits, pas tant que ça et comportent des effets pervers qu'il faut donc prévenir.

La question de l'administration autoritaire, pour nous, ça fait de nombreuses années qu'on la traite, et donc... Parce que vous m'invitiez, si on veut, à dire : Est-ce qu'il n'y aurait pas un travail à faire de ce côté-là?, et que, si on retrouvait la collégialité dont on se... enfin, on prétend encore, disons, utiliser comme principe constitutif ou structurant de la vie universitaire, force est d'admettre que la collégialité est réduite à sa plus simple expression aujourd'hui, que la... on pourrait dire, l'administration managériale a pris le dessus sur la gestion collégiale et que donc, effectivement, ça fait craindre des usages intéressés, détournés des outils qu'on pourrait mettre en place à des fins de confort d'un pouvoir que certaines administrations cherchent à concentrer.

Alors, il faut reconnaître le problème, il faut s'atteler à trouver des solutions qui soient les plus intéressantes. Celles qui procèdent par incitation, par sensibilisation, éducation, adhésion volontaire à un certain nombre de comportements nous semblent toujours à privilégier, considérant qu'ailleurs sur la planète on a tenté de jouer le jeu des interdictions, des grandes sanctions et que ça n'a en rien réglé le problème, même qu'il est sans doute plus important au sud de la frontière qu'ici, au Québec.

Mme David : C'est parce que...

La Présidente (Mme de Santis) : Mme la ministre.

Mme David : Oui, excusez. Je sais et je comprends le modèle que la FQPPU peut privilégier, la cogestion, etc. Vous ne vous en êtes jamais cachés, puis, bon, c'est correct, on a tous nos modèles de gestion. Mais là on parle... Moi, je vois très mal comment on pourrait cogérer, au sens de dire à un professeur ou de dire à un employé ou à un autre étudiant qui aurait commis un geste malheureux, que ça soit n'importe qui vis-à-vis n'importe qui, qu'il y ait une incitation à se reprendre en main. Disons qu'il y a des gestes qui appellent des conséquences un peu plus graves que ça. Je pense que vous l'admettrez avec moi que, quand on parle de viol, quand on parle d'agression sexuelle, il faut toujours bien qu'il y ait quelqu'un qui, dans notre société, qui est un État de droit, il y ait une victime, il y a un agresseur. Peut-être que ce n'est pas un vrai agresseur puis qu'il n'y a pas de vraie victime, mais il y a aussi des vraies victimes et des vrais agresseurs, et donc ça prend un système... La société est faite ainsi qu'il y a des interdits dans notre société.

Il y en a qui ont dit qu'il était interdit d'interdire. Je ne sais pas si vous participez de ce modèle où on n'interdit rien, mais quand vous comparez... parce que vous avez employé le mot «panoptisme» tout à l'heure, qui est quand même un mot de Michel Foucault, qui parle des asiles psychiatriques du XVIIIe siècle, et que nous serions dans ce climat-là dans le climat universitaire. Si c'est le fond de l'arrière-plan à partir duquel vous installez votre réflexion sur les violences à caractère sexuel, j'ai un peu de misère à suivre parce que je comprends à ce moment-là que, dans cet univers... on a parlé d'univers carcéral tout à l'heure, bien, c'est la prémisse à partir de laquelle vous faites cette réflexion sur comment ne pas encadrer ou ne pas se poser de question sur...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste 30 secondes.

Mme David : ...qu'est-ce qui arrive entre un agresseur et une victime.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Alors, bon, évidemment, il y a certaines agressions qui, à notre avis, relèvent carrément du Code criminel, là, si on évoque le viol et tout ça. On se demande pourquoi ce serait limité à une administration universitaire qui voudrait bien réguler ça. Au fond, il y a déjà un système en place. Donc, pour ce qu'il y a de vraiment plus brutal, là, normalement, là, on reconnaît, là, la prérogative du système judiciaire et policier.

Pour le reste, évidemment, c'est une... comment dire, c'est une préoccupation, une inquiétude, qui est rendue manifeste chez le corps professoral, qu'on est dans un contexte où, effectivement, disons, les relations de confiance sont rompues avec les administrations, ce qui nous amène à faire acte de plus grande prudence, mais ça ne veut pas dire de protéger des personnes qui commettent des gestes répréhensibles.

Alors, c'est sûr à ce qu'on s'attend à ce qu'éventuellement des gestes qui n'ont pas lieu d'être à l'université soient sanctionnés. C'est l'évidence même. Alors là, après ça, il s'agit de voir quel est cet appareillage-là à partir duquel on va opérer, d'une part, une sanction...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Lafortune. La parole maintenant est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Rebonjour et bienvenue en commission parlementaire.

Je vais tout de suite poursuivre un peu sur les questionnements des collègues du gouvernement qui sont passés avant moi, parce que, bon, c'est certain qu'on ne se cachera pas que votre position aujourd'hui, elle est quand même assez largement différente de celles qu'on a entendues jusqu'à maintenant dans les consultations particulières. Puis il y a quelque chose que vous avez dit, qui m'a interpellée, il y a quelques minutes seulement. Vous avez dit que... En tout cas, vous avez semblé laisser entendre que les solutions qui pouvaient s'apparenter au projet de loi n° 151, qui avaient été adoptées ailleurs dans le monde, n'étaient pas... ne répondaient pas un peu à nos préoccupations ou ne fonctionnaient pas bien. Pourtant, on a souvent cité, par exemple, les cas des universités américaines comme Harvard ou Yale et, en tout cas, de ce que moi, j'en sais, c'est que ça fonctionne bien. Les solutions ne sont pas parfaites, mais c'est néanmoins un très bon pas en avant.

Donc, j'aimerais vous entendre sur la nature de votre déclaration puis plutôt quelles expériences avez-vous noté qui ne fonctionnaient pas bien ailleurs, en matière de lutte contre les violences à caractère sexuel dans les universités.

M. Lafortune (Jean-Marie) : D'accord. Le regard, effectivement, a tendance à se tourner vers les universités américaines, eu égard à, moi, je dirais, à l'ossature juridique qu'ils ont tenté d'imposer à l'ensemble des membres de la communauté universitaire. Mais lorsqu'on regarde simplement des statistiques sur les réalités des occurrences de cas d'agressions de nature sexuelle sur les campus américains, lorsqu'on se tourne du côté des actions de débordement qui accompagnent les activités d'initiation sur les campus américains, on ne voit pas de grande avancée ou de grande différence, eu égard à ce qui se faisait avant l'instauration de ces mécanismes de contrôle.

Et donc on s'interroge, à savoir : est-ce que ce sont donc les bons outils, les bons véhicules, si on veut, à mettre de l'avant pour y parvenir? Et la judiciarisation des milieux de travail ne nous apparaît pas nécessairement, là, l'option la plus souhaitable. On est d'accord pour le fait que les actes les plus répréhensibles soient sanctionnés, mais, à plus long terme, c'est-à-dire, au fond, peut-être dans un premier temps, il faut symboliquement montrer un peu plus de force dans le combat contre ces violences.

Mais à terme, ce qu'on souhaite, et sans être une interdiction d'interdire, c'est que la prise de conscience, l'éducation, la sensibilisation prennent le pas sur les sanctions, parce que dans tous les cas, à vrai dire, d'espèce, en éducation comme ailleurs, dans le milieu universitaire comme dans le milieu de travail en général, les sanctions atteignent rapidement leur limite et les personnes parviennent à contourner les règles existantes pour pouvoir, finalement, continuer d'exercer leurs abus dans bien des cas, si bien que, pour nous, la voie de la pénalité nous apparaît être à suivre dans un moment premier, mais très limité, de manière à bien marquer le point à ce moment-ci de l'histoire, mais que rien ne remplacera, donc, une éducation dès le plus bas âge, pour nous assurer du respect de chacune, chacune, et d'une évolution pacifique, et de la création d'un milieu de travail et d'études qui soit sain.

• (15 h 40) •

Mme Fournier : Là-dessus, c'est certain qu'on s'entend. Je pense qu'on a du travail à faire en amont aussi en même temps qu'il y a du travail à faire en aval, mais il faut le reconnaître que c'est quand même une problématique qui est très présente. On l'entend aussi énormément depuis quelques semaines, voire quelques années, avec les différentes vagues de dénonciation. Alors, il faut quand même reconnaître que le problème, il est là, et donc de donner toutes les ressources nécessaires aux personnes qui ont pu être victimes de violence à caractère sexuel dans nos cégeps, dans nos universités, de passer à travers ça puis aussi d'avoir les recours appropriés pour s'en sortir.

Donc, vous avez dit tantôt que vous aviez, en réponse à ma question sur les cas des universités américaines, par exemple... Est-ce que vous avez un rapport en particulier que vous citez? Parce que vous sembliez faire allusion à des statistiques particulières.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Ce n'est rien d'absolument récent. Donc, ça ne me donne rien d'aller beaucoup plus loin parce qu'il faudrait sans doute... Ça évolue rapidement, ce genre de chose là, et, comme je le disais, il y a des fois des gestes, qui apparaissent d'abord symboliques, peuvent aussi à plus long terme, disons, opérer et faire la différence.

On pourrait... si vous le souhaitez, je pourrais vous transmettre ça plus tard, là, ce mois-ci, des statistiques qu'on pourrait trouver, plus récentes, là, sur l'occurrence de ces cas-là. Encore faut-il voir comment est-ce que c'est compilé parce que ce qu'on appelle abus ou agression a différentes natures, recouvre différents gestes ou paroles. Et là il faut voir aussi quelle est la gravité relative de ces gestes ou paroles et est-ce que c'est compilé de la même manière au Québec, au Canada, aux États-Unis, parce qu'il faut bien sûr s'assurer d'avoir du comparable en ces matières.

Mais je rencontre, dans mes activités de représentation à l'international, des collègues des universités américaines, et ces gens-là, forts de leur connaissance, si on veut, du système universitaire, me disent que tout ça, finalement, a un impact proprement symbolique, mais qu'éventuellement cet engagement-là par écrit des membres de la communauté universitaire les attache et finalement les met dans une situation où ils se sentent muselés, non seulement de participer à la vie universitaire plus intégralement, mais éventuellement de mettre de l'avant des débats qui pourraient éventuellement heurter les sensibilités.

Et là on voit que la question des violences à caractère sexuel, on glisse vers l'ensemble des sujets mis en débat à l'intérieur d'un cadre universitaire, et, pour nous, c'est là où on fait apparaître cette idée de liberté universitaire, où ça ne nous apparaît pas une solution, une perspective réjouissante de se dire que, dans la foulée des outils pour combattre un phénomène sérieux, réel et qu'on doit, au fond, contenir, de modifier le registre des échanges intellectuels dans un milieu universitaire qui ne doit pas être, je dirais, muselé de quelque manière que ce soit. Et donc on pourrait dire, les limites sont minces entre une solution adéquate sur le long terme et une solution qui pourrait apporter des revers, des aspects plus négatifs.

Et, quand on dit pour la communauté universitaire, bien, c'est éventuellement pour l'ensemble de la société, puisqu'évidemment on est dans une société du savoir, une économie qu'on dit du savoir et donc virtuellement, par la démocratisation, on souhaite que tout le monde passe par l'université, mais il faut garder une université qui puisse encore jouer son rôle d'approfondir des questions, de questionner ce qui relève des pouvoirs et donc d'éviter tout ce qui est susceptible d'aller à l'encontre d'une vie universitaire, je dirais, fébrile, créative.

Et donc c'est pour ça que c'est, disons, sous l'image, là, de crainte, d'inquiétude et de questionnement que je viens ici aujourd'hui sans pouvoir effectivement vous livrer des solutions, là. Mais dépendamment, comme je le disais autour de la question des cas de reconduite, de la manière dont on implante ça, ça peut éventuellement, puisque si ça suit la... enfin, je dirais, l'orientation qu'on a prise, nous, dans les syndicats, à savoir de ligne de conduite à laquelle les gens adhèrent volontairement, on pense que, sur le long terme en tout cas, ça va être plus intéressant que des codes de conduite qui engageraient formellement les gens par des signatures et qui iraient éventuellement, donc, à l'encontre d'une vie intellectuelle plus ouverte.

Mme Fournier : Parce que ce que nous disaient beaucoup de groupes jeunes, aussi, par exemple, la Fédération des cégeps, tout ça, c'est que les mesures, par exemple, qui sont contenues dans le projet de loi n° 151, les mesures que vous semblez un peu plus dénoncer, bien, pouvaient participer au contraire à créer ce lien de confiance là entre la partie étudiante, et les professeurs, et, bref, tout le personnel qui est en relation d'autorité.

Mais quand même je pense qu'on s'entend sur la partie éducation, prévention, sensibilisation. Dans votre mémoire, vous parlez notamment, là, des cours d'éducation à la sexualité dès l'école primaire, tout ça, et, bon, je partage entièrement votre position. Mais à ce regard-là, en regard de l'éducation, de la prévention, de la sensibilisation, selon vous, que pourraient faire de plus les universités québécoises?

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, c'est d'outiller les intervenants et intervenantes, déjà aussi de s'associer à des forces de la société civile, enfin, ou communautaire, associatif, qui déjà ont des expertises dans le domaine. Évidemment, là, on l'a appelé dans la consultation antérieure et on estime que... enfin, ce milieu universitaire est en mesure d'outiller convenablement l'ensemble des parties personnelles ou individuelles et organisationnelles qui cherchent justement à aller plus loin dans cet objectif de sensibilisation et d'éducation, de documenter, de faire des enquêtes pour voir effectivement est-ce qu'il y a des avancées, donc est-ce qu'il y a un recul de l'apparition de ces cas-là, par exemple, après la mise en oeuvre d'un certain nombre de programmes de sensibilisation, etc. Et donc, au fond, on pourrait dire de monitorer, comme on l'a dit souvent, le phénomène et de voir ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins.

Donc, au fond, c'est ça qui est, je pense, l'apport particulier de l'université. Ça a toujours été de tenter de contribuer à ce qu'on s'administre, qu'on se gère avec une plus grande lumière, si on veut, c'est-à-dire à travers des faits et non pas uniquement, bien sûr, des impressions.

Mme Fournier : Merci. Un autre aspect sur lequel on s'entend, c'est la nécessité d'avoir des ressources dédiées pour mettre en application le projet de loi n° 151, parce que c'est vrai qu'il contient plusieurs mesures auxquelles les universités devront se soumettre.

Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez un peu chiffré les besoins? Est-ce que selon vous ça prendrait certaines ressources minimales? Donc, comment vous l'entrevoyez, nonobstant votre position, là, nécessairement, sur les mesures plus spécifiques?

M. Lafortune (Jean-Marie) : Non, on ne l'a pas chiffré, à vrai dire, et... mais, enfin, on a le souci d'une mutualisation, comme je l'ai évoqué plus tôt, parce qu'enfin c'est un secret de polichinelle que les universités crient famine depuis cinq, six ans, et que ce qu'on craignait, c'était qu'on demande aux universités d'aller puiser dans leur maigre budget les ressources nécessaires à la mise en place de ces nouveaux outils.

Alors, nous, on dit : Tentons le coup avec l'annonce, enfin, les disponibilités budgétaires annoncées jusqu'à présent, voyons ce qu'il en est et ouvrons la porte éventuellement à ce qu'on puisse accroître ces budgets-là, le cas échéant. C'est difficile de mesurer, pour l'heure, combien de personnes seront nécessaires, les coûts de la formation, le nombre de plaintes, de signalements, le nombre d'enquêtes qui seront menées. Et donc je ne sais pas exactement sur quels critères on pourrait se fonder pour établir un coût approximatif assez, enfin... ou même précis de ces ressources. Mais toujours est-il qu'au moins, là, on dispose d'un budget de démarrage, et puis il faut simplement, à notre avis, rester ouverts à cette idée qu'il ne faut pas, disons, amputer les autres budgets des universités. Il faut dédier, donc, les ressources financières adéquates eu égard aux besoins qui seront manifestés.

Mme Fournier : Bien sûr. Peut-être, finalement, parce qu'il ne reste vraiment pas beaucoup de temps, mais peut-être nous préciser ce que vous entendiez, là, par la mutualisation des ressources.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, la mutualisation, c'est que, lorsqu'il y a plusieurs établissements, éventuellement, de petite taille, où on peut peut-être envisager, et c'est la réalité qui nous le dira, qu'il y a un moins grand nombre, à tout le moins en chiffres absolus, de cas qui se présenteront, est-ce qu'il n'y aurait pas la possibilité de faire en sorte qu'un seul lieu soit créé avec les ressources présentes pour éventuellement accueillir les personnes qui voudront avoir de l'aide, ou voudront porter plainte, ou faire des signalements?

Donc, on pense souvent, éventuellement, à des situations régionales, où est-ce que cégeps et puis universités de petite taille sont à proximité et permettraient, le cas échéant, d'avoir un seul bureau pour deux établissements ou trois, là, le cas échéant. Parce que cette exigence-là de l'avoir par établissement a priori semble intéressante, mais s'il y a des ressources qui sont là et inutilisées, là, on se demande effectivement si elles ont été bien allouées.

• (15 h 50) •

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la représentante du deuxième groupe d'opposition, la députée d'Iberville.

Mme Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lafortune. Je dois vous dire d'entrée de jeu, M. Lafortune, que, contrairement à plusieurs de mes collègues, je ne suis pas une experte du domaine de l'éducation au Québec, encore moins du système universitaire. Je n'ai pas fait mes études au Québec. J'imagine que, dans mon jeune temps, ça existait aussi dans les universités américaines. Je ne l'ai pas connu, mais peut-être que, quand on mesure six pieds puis qu'on est ceinture noire en karaté, on n'est peut-être pas le groupe cible, là, prioritaire des abuseurs. Donc, ça m'a peut-être aidée un peu. Mais j'ai trois choses que j'aimerais aborder avec vous, et la troisième, ça sera la question qui tue, je vous préviens d'avance.

Mais vous avez dit d'entrée de jeu que votre fédération n'avait pas attendu un projet de loi pour se doter ou, enfin, s'outiller. J'imagine que vous avez fait de la sensibilisation, des communications auprès de vos membres par rapport au phénomène qu'on a connu, peut-être de façon plus accentuée récemment. Mais est-ce que votre fédération a envisagé de doter ses membres d'un code d'éthique ou de conduite jusqu'à maintenant? Si j'ai bien compris, non. Ce n'est pas une solution, une piste que vous avez abordée et ce n'en est pas une que vous contemplez non plus pour le moment.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Je répondrai à la fin des trois questions? C'est ça?

Mme Samson : Non, non. Allez-y. Allez-y.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Tout de suite? D'accord. Bien, c'est que, contrairement à d'autres professions, il n'y a pas un ordre professionnel des enseignements, ici, et des professeurs, si bien que ce qu'on appelle un code d'éthique, ça paraît, encore là, être une option intéressante, mais elle n'est pas consacrable dans la réalité québécoise. C'est pour ça qu'on parle de ligne de conduite en ce qui nous concerne. Et, oui, on a diffusé des outils de mobilisation. On démarre prochainement un autre projet qui est sur ce qu'on appelle le «mobbing» universitaire, c'est-à-dire des stratégies concertées d'éviction de membres de la communauté universitaire, et dans le souci effectivement d'en arriver à un fascicule qui outille les syndicats et qui leur permette d'être plus efficaces dans leur travail au sein des différents établissements.

Alors, non, ce n'est pas quelque chose qu'on prend à la légère. Malgré les réserves que j'ai eues sur les outils, sur la question, on a, je pense, toujours été, là, soucieux d'agir, mais d'agir, comme je le dis, par la sensibilisation et l'éducation même de nos propres collègues. Même si, parfois, on pense que les professeurs n'ont pas besoin d'éducation eux-mêmes, dans certains dossiers, ce n'est pas le cas.

Mme Samson : Pas le cas. Je peux vous dire d'un autre côté, par expérience, que de doter une association professionnelle d'un code de déontologie, ce n'est pas impossible et ça ne requiert pas de faire partie des professionnels. Je l'ai fait avec l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, qui se sont dotés d'un code de déontologie, auquel d'ailleurs les gens qui ont des problèmes pourraient faire appel. Malheureusement, peut-être que son existence n'est pas assez connue.

Mon deuxième point... et là j'ai eu de la misère à comprendre comment le projet de loi dont découlerait des mécanismes de traitement des plaintes et tout ça pourrait accroître la menace qui plane sur l'embauche des enseignants. Vous avez, à moins que je vous ai mal compris... dire que, puis que mon collègue l'a soulevé tantôt, qu'on puisse faire des procès d'intention à des professeurs. En quoi le projet de loi qui vise à combattre les violences à caractère sexuel peut-il augmenter le risque qu'un professeur soit victime de discrimination ou qu'on lui refuse un contrat? Dans quelles circonstances cela pourrait-il se produire? Si son dossier était public, était non confidentiel? Je ne sais pas. J'aimerais juste que vous m'expliquiez en quoi la menace est grandissante.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, d'une part, évidemment, ce n'est pas le projet de loi lui-même. Ce sont, comme vous le dites, les mécanismes prévus, exactement, qui sont susceptibles d'être, nous, on dit instrumentalisés, hein? Parce qu'au fond, s'il s'agit de faire une plainte, un signalement et d'engager une enquête et si on souscrit à l'idée qu'il faut d'entrée de jeu, à ce moment-là, publiciser le nom des personnes suspectées...

Mme Samson : ...bout-là, là. O.K.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Bien, évidemment qu'on est, là, dans une stratégie évidemment de... Ce n'est pas le complot, là, selon nous, là, mais parce qu'on est témoin. Ça arrive déjà, là. Alors donc, on se dit, faisons attention. Puis on comprend, on l'a mis dans le mémoire, que les victimes souhaiteraient bien qu'il y ait publicisation rapide de l'ensemble des démarches et éventuellement des sanctions, mais nous, on dit, encore là, prudence dans le... Tant que ça reste à l'état d'allégations, ça ne devrait jamais être, évidemment, publicisé.

Mme Samson : C'est ça. C'est vraiment l'aspect de la confidentialité.

M. Lafortune (Jean-Marie) : Et donc ce n'est pas du tout à l'embauche, là. C'est plutôt les professeurs qui manifestent des désaccords profonds avec les orientations des directions qui sont parfois visés par ces instrumentalisations des mécanismes en place ou en...

Mme Samson : Je comprends. Maintenant, je vous envoie celle qui tue. Beaucoup de gens qui se sont présentés en commission ou à qui on a parlé dans différentes instances de consultation, plusieurs organismes nous ont demandé que le projet de loi inclue des directives claires quant à l'interdiction de relations intimes entre un étudiant ou une étudiante et quelqu'un qui a une influence sur son parcours d'éducation. Comment vous réagissez à ça, vous, que ce soit une interdiction?

M. Lafortune (Jean-Marie) : Enfin, la façon de l'envisager, pour nous, c'est, d'une part, de considérer que le langage n'est pas toujours performatif, comme on dit en philosophie, à savoir que dénoncer le discours, ce n'est pas de créer la réalité. Et donc de dire : Il est interdit, ça ne fait pas en sorte qu'il y a interdiction dans les faits.

Notre crainte, et on l'a mis dans le mémoire, c'est qu'une fois qu'une situation fait l'objet d'une interdiction, comme plusieurs phénomènes dans la société, ça ne cesse pas d'apparaître, mais ça revêt des caractéristiques qu'on a appelées de clandestinité. Or, dans la clandestinité des rapports intimes entre membres de la communauté universitaire, ce qu'on craint, c'est que la partie la plus vulnérable peine encore plus à l'intérieur d'une telle relation, où est-ce que tout ça devrait rester éventuellement caché. Et donc les pressions qui s'exerceront sur les personnes vulnérables dans un rapport intime risquent d'être encore plus dures à subir, et l'omerta, si on veut, encore plus forte, si, dans la veine d'une interdiction, ça s'accompagnait, bien sûr, de sanctions, disons, automatiques, auquel cas ça voudrait dire que, là, il y aurait vraiment, on estime, nous, des dangers accrus pour les personnes qui sont vulnérables à l'intérieur de ça.

Donc, pour nous, on ne s'interdit pas, bien sûr, d'envisager cette question-là, mais on en a débattu avec un certain nombre de représentants des associations étudiantes. Et encore là, ça semble, d'entrée de jeu, être une solution intéressante, c'est-à-dire, au fond, à tout le moins, à mettre de l'avant puis à analyser. Mais on estime que ça ne résiste pas longtemps à l'analyse, parce que justement ça risque de créer des effets contraires à ceux qu'on souhaite, parce que ça ne réglera pas simplement, magiquement, des cas qui... Enfin, vous disiez, même à l'époque où vous étudiiez, sans doute que ça se passait. Ça se passera dans 15 ans, 20 ans. On souhaite que ce soit le plus faiblement possible. On souhaite outiller les victimes pour qu'elles puissent mieux, évidemment, répondre à cette situation et ne pas sacrifier une existence dans ces cas-là, mais l'interdiction, dans le discours, ne créera pas l'impact envisagé d'une manière bien théorique ou abstraite, mais risque de créer, en tout cas, d'autres phénomènes.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

Mme Samson : ...qui m'a passé la remarque plus tôt aujourd'hui, naturellement, qu'une relation intime entre deux adultes consentants n'implique pas nécessairement qu'il y ait violence. On parle ici d'un projet de loi qui vise à combattre et à prévenir la violence ou les agressions sexuelles. Alors, naturellement, deux adultes consentants, la relation n'est pas nécessairement empreinte de violence. Il y a un rapport, naturellement, d'autorité qui existe potentiellement, qui pourrait être un litige ou qui pourrait donner lieu à des difficultés, mais il faut voir quelle sorte de terrain on veut couvrir. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lafortune.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée d'Iberville. M. Lafortune, on vous remercie pour votre exposé.

Nous allons maintenant suspendre pour quelques instants afin de permettre aux représentants de la Centrale des syndicats du Québec de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 2)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants, oui, il y a des représentants en grand nombre, de la Centrale des syndicats du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à procéder avec votre exposé. Allez-y.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise) : Merci. Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec. Oui, on est venus en collégialité vous présenter notre mémoire dans le cadre de cette commission parlementaire. D'abord, merci pour l'invitation, Mme la ministre.

Ça fait que je vous présente les personnes qui sont avec moi : Marie-Claude... pardon, Marie-Josée Dallaire, qui est vice-présidente de la fédération de l'enseignement privé, à la CSQ, qui regroupe aussi des cégeps. J'ai Mme Suzanne Tousignant, qui est la présidente des professionnels des collèges, des cégeps. J'ai Silvie Lemelin, qui est vice-présidente à la Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep, toujours à la CSQ, hein, Mme Diane Courchesne, qui est responsable du dossier de la condition des femmes. J'ai Luc Caron, qui est président du Syndicat des professionnelles et professionnels de recherche à l'Université Laval, et j'ai M. John Cuffaro, qui est vice-président du personnel de soutien en enseignement supérieur.

Bien, d'abord, c'est avec beaucoup de fierté qu'on est ici aujourd'hui pour venir saluer un projet de loi qui à notre avis est une grande avancée sur les questions de violence et d'agression en matière d'agression sexuelle. Vous le savez, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, la CSQ, ça fait 40 ans qu'elle lutte, comme mouvement syndical, avec ses comités de la condition des femmes, avec les groupes communautaires puis avec les groupes de femmes pour faire en sorte que nos milieux de vie partout soient exempts de discrimination, soient exempts d'agression et soient exempts de harcèlement. C'est, pour nous, majeur.

Ça fait que vous l'avez vu dans notre mémoire, on va saluer plusieurs articles du projet de loi qui sont en cause. Mais je vais me permettre de dire qu'on va aussi saluer la ministre pour le leadership qu'elle a exercé dans ce dossier-là, parce que la lecture qu'on fait du projet de loi, c'est qu'il est vraiment conforme, en grande partie, à la stratégie qui a été déposée. Puis la stratégie qui a été déposée, bien, elle a fait l'objet d'abord d'une grande consultation, où les principaux acteurs ont été invités. Vous avez pris ça à bras-le-corps dès le début, puis on sent dans le projet de loi une volonté d'avoir répondu aux préoccupations du milieu.

Ce qu'on salue particulièrement avec ce projet de loi, c'est l'idée... la volonté du gouvernement de prévenir et de contrer les violences à caractère sexuel en enseignement supérieur, un projet de loi qui est distinct et qui oblige à mettre en place, dans chacun de nos établissements, une politique avec des éléments prescrits, une consultation de tous les acteurs du milieu, une évaluation annuelle pour les établissements, une révision de la politique aux cinq ans, et l'exigence de se conformer aux obligations prévues dans la loi sans quoi l'établissement pourrait se voir imposer par le ministre des mesures de surveillance et d'accompagnement.

On salue aussi l'obligation de diffusion de la politique au début de chaque session. Cette information, je pense qu'elle va permettre de rendre plus visible et accessible l'endroit où on devrait trouver tous les renseignements, de l'écoute et de l'aide. On salue aussi les formations prescrites. Ça nous apparaît essentiel pour tout le personnel parce que, vous le savez, le personnel, dans nos réseaux, dans nos cégeps, dans nos universités, le personnel est susceptible d'être appelé à intervenir auprès de la population étudiante ou auprès des collèges. Ça fait que, dans les volets de formation qu'on suggère, c'est que ça devrait traiter des rapports sociaux égalitaires, de la culture du viol, et de la question de consentement. On doit absolument veiller à déconstruire les stéréotypes puis identifier les relations de pouvoir qui se perpétuent malheureusement encore dans nos établissements. Suivi étroit des plaintes et des signalements, c'est majeur, comme la confidentialité est cruciale, surtout dans les petits établissements, pour protéger les personnes concernées.

Au niveau des éléments du projet de loi qui sont à améliorer, on va se référer à l'article 2. En premier lieu, à moins que ça soit déjà couvert, mais on insisterait pour dire que la loi doit s'appliquer aussi l'Institut maritime du Québec puis aux centres collégiaux de transfert et de technologie. Ça fait partie du réseau collégial puis, pour nous, c'est majeur. À l'article 3, dans la mise en place de la politique, vous faites état que la politique doit prévoir les rôles et les responsabilités des dirigeants, des membres du personnel, des représentants des étudiants. Il manque les syndicats. Ça fait qu'on va vous demander d'ajouter les syndicats, notamment par l'intermédiaire, pour certains, de leurs comités de la condition des femmes. Je le disais d'entrée de jeu, on a joué un rôle important là-dedans, ça fait qu'ils doivent absolument être ajoutés, ça fait qu'on vous a proposé un contenu.

Mise en place de la politique aux pages... à la recommandation n° 3 que nous faisons, c'est que la stratégie rendue publique en août indiquait que la politique des établissements devait prévoir des mesures qui visent à protéger les personnes concernées et à limiter les impacts sur leurs études. C'est d'ailleurs dans le projet de loi. Mais toutefois la stratégie ministérielle disait aussi qu'il faudrait demander aux établissements de réviser le règlement sur l'abandon de cours sans échec de même que le règlement sur la résiliation de bail à la résidence. C'étaient des bonnes idées, mais on ne les retrouve pas dans le projet de loi, c'est pour ça qu'on vous propose d'ajouter un bout de texte à l'article... au paragraphe 3°... au paragraphe de l'article 3. Je n'aurais pas dû m'enfarger dans les chiffres, là, je le fais tout le temps. Dans le fond, de dire : Notamment, la révision des règles sur l'abandon des cours et la mention d'échec et sur la résiliation de bail à la résidence étudiante. Pour la mise en place de la politique... à défaut, on disait aussi, pardon, sur la dernière question, que les établissements devraient quand même veiller à réviser ces règlements, ce qui pourrait vouloir dire que le fait d'être victime de violence à caractère sexuel pourrait, au collégial, faire l'objet d'une mention incomplet pour force majeure, puis, au niveau universitaire, être considérée comme une raison valable à prendre en compte lors de la réinscription de l'étudiant.

• (16 h 10) •

Pour la mise en place de la politique, le paragraphe 12° de l'article 3 prévoit que chaque politique institutionnelle énonce les sanctions applicables dans l'établissement selon la nature, la gravité ou le caractère répétitif. On pense, nous, que ça pourrait poser un problème d'équité. Pour une même faute, les sanctions pourraient être différentes d'un établissement à l'autre. On a une solution pour vous, en tout cas pour le projet de loi. Vous savez qu'il y a un comité-conseil qui est peut-être déjà mis en place ou qui doit se mettre en place. Pour nous, c'est majeur qu'il se mette en place rapidement. C'était prévu dans la stratégie ministérielle, et ça pourrait être le comité-conseil qui produise un guide pour outiller les établissements de façon à uniformiser le plus possible les pratiques dans les universités puis les collèges. On entend beaucoup parler aussi de la question des sanctions. Bien, je pense que de ce côté-là aussi, il pourrait avoir un guide pour pouvoir finalement prendre en compte la présence des personnes mineures qui étudient dans les établissements, l'impact possible, dévastateur, des relations intimes entre des membres du personnel, des étudiants, mais aussi de l'impact de l'interdiction formelle. On a entendu une question. Ça fait que pour nous, ça serait majeur que le comité-conseil devienne incontournable sur cette question-là, afin d'uniformiser les pratiques et de soutenir les établissements. C'est une recommandation qu'on vous fait.

À l'article 6, là, ce sera peut-être nouveau, sur le processus de consultation à mettre en place pour l'élaboration ou la révision de la politique. On a salué ça, la question de la consultation, c'est majeur. Mais on croit qu'il faudrait aller plus loin. Il va y avoir une responsabilité importante de nos établissements dans la mise en place de ces politiques, mais on pense aussi qu'il doit y avoir un comité permanent, je dirais multicatégoriel ou intercatégoriel, sur les violences sexuelles. Un comité qui inclurait à la fois la communauté étudiante — un de ses représentants — les directions, le personnel, mais aussi les organisations syndicales. Chaque association pourrait — vous allez me couper la parole...

La Présidente (Mme de Santis) : ...

Mme Chabot (Louise) : ...j'ai 30 secondes? — pourrait ainsi être au rendez-vous pas seulement pour dire... être consultée si la politique me convient ou pas, mais pouvoir participer pleinement, consulter, suivre la politique, être en mesure, s'il y a des révisions à faire, donc, d'être partie prenante des comités dans chaque établissement, qui inclut l'ensemble de la communauté collégiale. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci à vous, Mme Chabot. Maintenant, nous allons procéder avec la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Oui, merci beaucoup. D'abord, je vais commencer par vous remercier sincèrement de votre présence et de votre vraie, réelle présence depuis le début de ce dossier. En tout cas, en ce qui me concerne et en ce qui nous concerne, une présence permanente, assidue, constructive, critique dans le bon sens du terme, aidante, pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants de toute cette question qui... on ne le savait pas personne, ni vous ni nous, là, qu'on se retrouverait dans cet automne un peu «ouragan social», comme je l'ai qualifié, qui n'est pas nécessairement dans une institution plus que dans une autre, mais qui est comme en arrière-plan à tous les jours, dans les journaux, partout, de quelque chose qui se passe dans la société. Ce n'était pas nécessairement ça l'an dernier, mais souvenez-vous, on était dans une autre dynamique, à l'automne, d'événements dans les collèges, les universités, qui n'étaient pas particulièrement sympathiques ou rigolos, et à partir desquels on a décidé de faire des journées, en disant : On va essayer d'aller voir un peu qu'est-ce qu'il en est. Et vous avez été présents tout au long pour nous aider à réfléchir, et on est allés, en tout cas, en ce qui me concerne, de constatation en constatation pour dire O.K., je pense que là, on prend la mesure de quelque chose qui n'avait peut-être pas été suffisamment discuté, réfléchi. Oui, dans des instances, peut-être, syndicales, dans des associations étudiantes, dans des administrations, mais de mettre tous ces gens-là ensemble, d'avoir des victimes, de rencontrer des organismes communautaires, ça nous a amenés à faire le constat, assez rapidement d'ailleurs, lors des journées, qu'on allait plutôt vers une loi que vers une politique ou un règlement qui demande une politique.

Ça veut dire quelque chose, aller vers une loi. On le sait, vous le savez, on le sait tous ici. Ça veut dire qu'on se retrouve, entre autres, ici, à regarder qu'est-ce qu'on va mettre dans cette loi-là pour qu'il se passe quelque chose qui correspond aux vrais enjeux qu'on trouve suffisamment importants, dans la société, pour pouvoir agir. C'est quand même pour ça qu'on est en politique, c'est-à-dire pour faire des lois et puis pour avoir l'impression, à notre petit niveau, de changer les choses en espérant pour le mieux, grâce à, d'ailleurs, tous les partis, qui ont des commentaires très, très intéressants. Et on se dit que tout le monde ensemble, on va peut-être arriver à des choses fort intéressantes pour l'avenir de notre société. Alors, je vous remercie d'être là, puis je vous remercie du mémoire, encore une fois, que vous avez soumis, puis je vais avoir quelques questions. Mais vous rassurer sur un certain nombre de choses ou, en tout cas, vous dire qu'on entend bien puis qu'on veut travailler là-dessus.

La première recommandation, j'ai trouvé ça intéressant parce que j'ai un attachement particulier pour l'Institut maritime du Québec, et vous avez dit : Oubliez-le pas! Mais on ne peut pas l'oublier, je vous rassure, parce qu'il fait partie du cégep de Rimouski, il fait partie. C'est une école nationale qui fait partie d'un collège qui va être assujetti, donc, par extension, il va être assujetti. Je vous rassure, aussi, et merci de l'avoir souligné, aux CCTT, aux centres collégiaux de transfert de technologie, parce qu'il y en a plusieurs, parce qu'il y a de plus en plus d'étudiants qui fréquentent aussi... Enfin, c'est un milieu de formation de plus en plus et qu'on veut de plus en plus responsabilisé par rapport à la formation, et à exposer nos étudiants à la recherche et à... Ils font des choses extraordinaires. Alors, eux-mêmes dépendent aussi des collèges. Alors, je vous rassure aussi là-dessus. Dans notre tête à nous, en tout cas. Mais peut-être qu'on le mettra plus clairement dans le libellé. Alors, je vous remercie d'avoir pensé à ça. Évidemment, vous êtes les deuxièmes... et on comprend puis on accepte très bien que de mettre «et leur syndicat», c'est une très bonne idée. Vous êtes une partie incontournable d'une organisation d'enseignement, et c'est sûr qu'on va regarder ça de très, très près.

Maintenant, la troisième recommandation, effectivement, je ne sais pas si vous vous souvenez, mais moi, ça m'a rappelé quelque chose, la question de résiliation de bail. L'association des... Je ne sais pas s'ils s'appellent une association, mais des résidences universitaires. Ils se rencontrent, les gestionnaires, et ils m'avaient dit que, dès le mois de septembre 2017, donc, ils voulaient inclure comme cause de résiliation de bail une cause liée à des violences à caractère sexuel. Alors, je n'ai pas fait un suivi personnel là-dessus, mais c'est pour dire qu'il y avait déjà cette idée de pouvoir, dans des cas avérés de violence, tout de suite agir sur la question de résiliation de bail.

Puis évidemment, l'abandon de cours sans mention d'échec, vous me permettrez de me féliciter d'une chose : c'est qu'on a adopté... enfin, il y a eu toutes les consultations sur le règlement sur les études collégiales, ça vous dit quelque chose, le RREC, là? Je vois des hochements. Parce qu'il y a des gens qui nous écoutent qui ne savent peut-être pas. Bien, c'est ce qui gère, littéralement, c'est ce qui régule le régime d'études collégiales dans tous les collèges du Québec. Et un des ajouts que nous avons faits, c'est de permettre aux collèges d'eux-mêmes gérer la question des abandons de cours parce que ça passait — vous le savez peut-être ou peut-être pas, mais moi, je ne le savais pas — par le ministère, chaque abandon de cours. Je me suis dit : Je pense que les collèges sont assez matures et assez organisés, les directeurs des études, etc., pour juger d'un cas d'abandon de cours. Parce que c'est grave, un échec versus un abandon. On sait les conséquences sur la sacro-sainte cote R pour rentrer à l'université, dans plusieurs cas. Et on pensait que c'était une bonne idée de donner cette autonomie aux collèges, de pouvoir regarder les cas. Et, des fois, il y a des cas vraiment d'une grande tristesse, et c'est évident qu'on aime mieux «abandon» qu'«échec».

Alors, ça, c'est quelque chose qui donne une autonomie aux cégeps, mais en même temps, ça leur permettra aussi de pouvoir évaluer, dans des cas de violence à caractère sexuel et toutes les conséquences — est-ce que, bon, ça pourrait être mentionné comme exemple? — bon, bien, dans ce genre de cas là, avec évidemment justification, on parle plus d'abandon que d'échec. Alors, ça, j'entends très bien cette question-là.

Afin d'uniformiser votre quatrième recommandation, on parle du comité- conseil qui est en très sérieuse réflexion et action de construction. On n'attend pas que la loi soit adoptée pour travailler sur les comités d'accompagnement. Parce que, vous avez raison, si on veut une certaine cohérence aussi, je pense qu'il faut qu'on travaille avec les réseaux, et tout ça, mais pour avoir un comité-conseil qui puisse vraiment accompagner les gens. L'Association des collèges privés nous l'a demandé ce matin. Et ce n'est pas tout le monde qui est équipé pour créer leur politique dans les moindres détails. Alors, je pense que le ministère est déjà très en marche vers ce comité-conseil, qui est prévu dans la stratégie ministérielle. Alors, vous suggérez qu'il outille les établissements sur les sanctions à prévoir, et vous dites — et là, je vais évidemment vouloir parler un peu avec vous de ça — et du code de conduite à inclure dans leur politique.

• (16 h 20) •

Vous avez une position prudente. Vous remettez ça un peu au comité-conseil, mais à d'autres moments, vous avez... Il y a des vos composantes, puis là, je ne veux pas me tromper, il y a des... Par exemple, la fédération des enseignants et enseignantes de cégep sont affiliés à la CSQ, mais je ne veux pas vous faire dire à vous des choses qu'une organisation affiliée a dites. Mais alors excusez-moi si je fais une petite gaffe procédurale, mais c'est parce qu'ils allaient carrément plus loin que votre prudence, probablement très instruite, mais que votre prudence, où ils disaient le 20 janvier, puis c'est relaté dans Le Devoir, là, qu'on prône un code de conduite, mais là, eux disent ce qu'ils mettraient dedans «qui proscrit les rapports amoureux et sexuels entre le personnel et les étudiants et étudiantes. De telles relations s'inscrivent dans un rapport de pouvoir maître-élève. Elles peuvent devenir toxiques et avoir des conséquences néfastes pour les jeunes. Certaines directions ont déjà fait connaître leurs attentes à ce sujet. D'autres devraient y songer sérieusement.»

Elles y songent tellement sérieusement qu'il y a des cégeps qui ont annoncé carrément leurs couleurs, m'ont-ils dit hier, d'ailleurs, avec une grande consultation dans leurs milieux respectifs. Dans ce cas-ci, il y a une certaine prudence. On parle des cégeps, mais leur relation de pouvoir qui s'inscrit dans une dynamique de rapports amoureux, enfin, on sait que ce n'est jamais très, très simple, ces histoires-là, mais vous parlez plus des cégeps. Est-ce que vous pouvez nous aider un petit peu à réfléchir pour les universités aussi? Voilà ma première question.

Mme Chabot (Louise) : Avec les chiffres?

Mme David : Non. Nous aider à réfléchir.

Mme Chabot (Louise) : Oui, avec les universités.

Mme David : Non, non, je ne veux pas de chiffres. Non, non.

Mme Chabot (Louise) : Bien, je vais laisser madame... Silvie y répondre en partie.

Mme Lemelin (Silvie) : Je vais faire un bout, parce que je ne suis pas des universités, je suis de la FEC. Et le texte que vous citiez effectivement était tiré du mémoire qu'on avait déposé au moment des consultations ministérielles. Et pour clarifier, là, d'abord, ce mémoire-là, c'est le comité de la condition des femmes de la FEC. Il n'a pas fait l'objet d'une adoption formelle par l'instance suprême de la FEC, là, le conseil général. Alors, c'est vraiment le comité-conseil de la FEC. Et la position qui était là-dedans, je le rappelle, invitait à réfléchir à la possibilité d'interdire carrément. Cela dit, ce n'est pas la position de la CSQ, bien sûr. Et le texte du projet de loi, en ce moment, qui parle plutôt d'encadrer les relations, nous paraît, comme vous le dites si bien, prudent, en effet, considérant justement qu'il y a la question des cégeps, mais que la situation est fort différente à l'université. Et je laisserais peut-être des représentants des universités en parler.

Effectivement, à la FEC, il y a peut-être un appétit, je dirais, un petit peu plus grand pour l'interdiction, sans que ce soit, je le répète encore une fois, là, une position formelle. Parce qu'on comprend que le diable est dans les détails, comme vous le savez, vous l'avez dit à quelques reprises quand vous avez eu d'autres invités ici, et qu'au niveau légal, au niveau des chartes et ainsi de suite il y a toutes sortes de questionnements à avoir, questionnements qu'on a nous autres aussi. Alors, c'est ce qui fait qu'à la FEC on a avancé un peu plus, sans aller pour autant jusqu'à l'interdiction totale comme position officielle. Mais il y a un appétit. Pour ce qui est des universités, bien, je laisserai les représentants peut-être compléter.

M. Caron (Luc) : Oui. Eh bien, pour les universités, c'est sûr que, là, avec la différence, là, qu'on peut constater tout de suite en partant, c'est qu'il y a l'âge des étudiants et des étudiantes, là. Quand on arrive à l'université, c'est... On est plus dans le monde adulte. Nous, notre position là-dessus, c'est sûr qu'on voit les choses sur le terrain. J'écoutais M. Lafortune, tout à l'heure, débattre de la question qui tue, là, mais il y a des professeurs qui sont charmants, c'est peut-être ça qui explique qu'il y a des relations, là, mais il y a aussi des professeurs qui semblent être charmeurs. Et c'est là où il y a tout un spectre qui peut s'installer. Charmeur jusqu'à quel point? Charmeur à chaque année? Charmeur pour un certain temps? Alors, c'est sûr que, nous, la position vis-à-vis une loi qui est plus rigide, je vais vous dire bien franchement, j'ai beaucoup de difficultés avec ça dans le sens que, dans un monde adulte, bien, les gens doivent faire leurs choix eux-mêmes. Mais ce n'est pas... Il faut tout de même penser qu'il y a probablement un certain encadrement à faire dans ces relations-là effectivement parce que, dans le milieu, on voit des choses, puis ça... Il y a des choses qui sont un peu dérangeantes, mais il y en a d'autres qui ont l'air correctes, là.

Mme David : ...je peux vous soumettre la situation où même ce qui a l'air correct... on parle de relation d'autorité d'un professeur qui évalue un étudiant, on ne parle pas de toutes les relations, là, on n'est pas là, là, on est vraiment dans la réflexion d'une relation... certains parlent d'autorité, donc une relation où on est directeur de thèse, ou directeur de mémoire, ou professeur d'un étudiant qui va avoir une note à la fin du trimestre, ou qui va couler ou réussir sa thèse de maîtrise ou de doctorat, qui est directement, donc, évalué. Donc, il y a un bulletin à la fin ou il y a quelque chose qui est une conséquence académique. Alors, comprenons-nous bien, là, quand on pense à ça, on ne réfléchit pas à l'ensemble de toute relation sur un campus, là, ça, ce serait vraiment, au niveau universitaire... d'abord, ce serait, selon moi, non pertinent. Mais, quand se croisent la notion d'autorité, de rapport de pouvoir et de rapport sexuel, est-ce que vous... C'est parce que vous nous renvoyez : Bien, décidez un peu à notre place, parce que c'est compliqué, ces histoires-là. Mais moi, je ne veux pas décider non plus toute seule, là, vous comprenez que c'est trop grave, comme réflexion, pour ne pas être le plus éclairés possible, et donc c'est cette articulation entre autorité et relations, disons intimes, qui peut être un peu, enfin, sujette à réflexion.

Mme Lemelin (Silvie) : Je dirais, comme CSQ plurielle que nous sommes, c'est le genre de débat, tu sais, qu'on peut se poser. Puis on n'a pas fait effectivement de grand débat large dans nos instances, on a vu que cette question-là se posait. Vous-mêmes, Mme la ministre... tu sais, à un moment donné, quand on dit proscrire des rapports entre des adultes... tu sais, mais là je comprends votre question, là, je suis en rapport de pouvoir, puis on le voit, là, dans, malheureusement, les dénonciations récentes, c'est souvent un rapport de pouvoir. On pourrait être porté à dire — bien, en tout cas, d'entrée de jeu, puis je n'engage personne, là — mais on pourrait dire : Ça devrait être à proscrire, on ne devrait pas pouvoir utiliser une situation de pouvoir pour mettre dans une situation de vulnérabilité quelqu'un.

Mais ce qu'on se disait aussi, vu qu'il n'y a pas de réponse... puis on allait un petit peu plus loin quand on veut... ce n'est pas qu'on veut remettre la balle à quelqu'un, mais on avait plus de questions, nous autres aussi, que de réponses. Puis le comité-conseil, on l'avait vu aussi vite le mettre en place sur d'autres questions. Ce qu'on souhaite aussi, c'est qu'il n'y ait pas de géométrie variable dans les règles de conduite que pourront se donner chaque établissement. On ne voudrait pas qu'une tolérance, à quelque part, devienne une intolérance ailleurs. Parce que pour rassurer, si on revient à l'objet de la loi, si on veut rassurer puis donner tous les outils aux personnes qui sont agressées, bien, à notre avis, il faut qu'elles connaissent... si elle a le courage de dénoncer, bien, à quoi je peux m'attendre? On discutait de ça. Est-ce que, si je fais le geste de dénoncer, ça ne donnera rien, parce que la sanction... puis, en même temps, est-ce que dans un tel établissement... À notre avis, le comité-conseil, en tout cas, peut éclairer les questions qu'on pose. Nous, on n'a pas tout l'éclairage, puis effectivement le proscrire serait un peu comme...

• (16 h 30) •

Mme David : On se comprend que c'est une partie de la grande réflexion, puis vous avez raison de revenir à la question de base qui nous a fait nous rencontrer plusieurs fois cette année, avec plaisir d'ailleurs, c'est la question : Est-ce qu'on accompagne bien? Non, commençons par le début : Est-ce qu'on prévient bien, est-ce qu'on forme bien à cette question de consentement? Puis là on parle d'éducation bien en amont aussi d'arriver au collégial, qui est une question qui concerne la société, qui concerne peut-être moins ce projet de loi, mais on est très conscients de ce qui se passe en amont. Mais on veut aussi, au collégial, à l'universitaire, qu'il y ait toute cette question de formation, d'information et de sensibilisation, et que ça, ça soit clairement fait. Et je pense qu'on est d'accord sur les modalités qu'on essaie de proposer. Puis, après ça, on veut que, si malheureusement il arrive quelque chose, un dévoilement, qui n'est pas toujours une plainte qui va jusqu'à la police, dans l'immense majorité des cas, ce n'est pas ça, mais qu'il y ait tout de suite une écoute bienveillante, une prise en charge, une... avec, et plusieurs l'ont... Je ne crois pas que vous parlez de ça directement, mais c'est implicite, je pense, dans cette qualité de prise en charge.

Plusieurs nous ont parlé de délais extrêmement précis, cinq jours pour ça, cinq jours pour ça, 45 jours. Bon, on va regarder ce qui est réaliste, mais de mettre ça dans des balises temporelles qui fait que l'étudiant, disons, ne se retrouve pas : Bien, peut-être qu'on va s'occuper de moi dans six mois. On sait qu'il y a un facteur souvent urgent dès le début, quand il y a un dévoilement, puis après ça, bien, il y a rapidement des accommodements académiques à mettre en place. Et puis évidemment, s'il y a une plainte à déposer, bien là, il y a tout le reste de l'armature d'encadrement, je dirais, qui doit être là puis y compris, comme vous dites, par exemple, des mentions d'abandon de cours, plutôt que... Parce que, très souvent, s'il n'y a pas de prise en charge rapide comme ça, ça va être l'abandon puis pas rien qu'un cours, des fois du programme, et tout ce qui s'ensuit comme blessure chez la victime. Alors, c'est ça, l'essentiel, effectivement, du projet de loi, puis je pense qu'on fait un chemin important.

Le comité intercatégoriel. Ça, je n'avais jamais entendu ce mot-là, donc j'apprends tous les jours. «Intercatégoriel», c'est... bien, il y a tellement de mots qui... mais je suis sûre que ça veut dire des catégories probablement d'employés, d'intervenants. Je comprends que, quel que soit... Je suis sûre que votre mot veut dire quelque chose. Je vais vous demander, juste pour ma satisfaction personnelle, là, quelle est la différence entre multidisciplinaire, bon, comités intercatégoriels, toutes catégories, mais je suis d'accord qu'il pourrait peut-être y avoir une réflexion sur son comité plus permanent.

J'étais dans un cégep où ils réfléchissaient à leur éventuelle politique, parce que plusieurs sont en train de regarder ça, et c'était extraordinaire, ils avaient lancé un appel à tous. Et je pense qu'ils étaient 35 à avoir répondu, à vouloir être sur le comité, toutes catégories confondues. Il y a comme un appétit à vouloir discuter de ces questions-là, et je salue ça. Malheureusement, je ne me souviens plus du cégep où j'étais, c'était en région quelque part, puis il y avait plein de monde en visioconférence parce qu'ils ont des centres d'études collégiaux. Alors, je sais qu'il y a une motivation réelle à mettre des gens de toutes catégories. Là, pour l'instant, on la proposait dans l'élaboration puis, après ça, dans la révision, mais qu'il y ait un suivi, ça peut être une possibilité intéressante.

Puis il y a aussi l'espèce de comité des... je ne sais pas comment on va l'appeler, mais il va falloir qu'il y ait une sorte de comité des affaires... dans l'accueil du guichet unique, il faut que, rapidement, on prenne des mesures académiques. Alors, il faut qu'il y ait une espèce de pivot qui appelle le directeur du programme ou qui dit : Je pense qu'on devrait sortir cette étudiante-là de ce groupe-là, ou, etc., le BAIL, tu sais, une espèce d'intervenant pivot. Ça peut être un comité pour assurer plus de neutralité, je ne le sais pas, mais c'est différent du comité intercatégoriel, d'après moi, puis c'est différent du comité-conseil du ministère, qui va travailler avec vous mais qui va donner des balises directrices. Alors, parlez-moi de votre comité intercatégoriel.

Mme Chabot (Louise) : Bien oui, ce sera un plus. Puis vous avez raison de dire que c'est en plus de ce qu'on parlait tout à l'heure. Dans notre jargon, «intercatégoriel», ça veut dire que ça doit inclure l'ensemble des catégories de personnel que vous retrouvez dans un établissement, d'abord, puis, pour les organisations syndicales, c'est le personnel de soutien, le personnel professionnel et le personnel enseignant. Et, pour nous, on voit ce comité-là de façon permanente. À la différence de ce qui est annoncé, qu'on sera consultés sur la politique passée à la révision, pour nous, c'est plus que ça, c'est de dire qu'il y a un comité permanent dans le milieu, intercatégoriel pour nous, mais qui inclut d'autre monde où on veut participer.

Vous avez utilisé... qu'on a un appétit. C'est un bon terme, mais je dirais que c'est plus que ça. Il y a comme une volonté, dans chacun des établissements, parce qu'on se sent concernés, de faire partie aussi de l'identification des solutions qu'on pourrait mettre en place puis aussi faire partie des solutions. Puis on a envoyé beaucoup de mandats, on parle beaucoup de mandats qu'ils pourraient se voir confier. Silvie, si tu veux compléter.

Mme Lemelin (Silvie) : Oui. Vous savez, il existe déjà, Mme la ministre, ce genre de comité intercatégoriel. Par exemple, c'est ce type de comité, dans les cégeps, qui a travaillé sur les politiques pour contrer le harcèlement psychologique, qui concerne évidemment davantage le personnel des cégeps, mais la plupart des cégeps ont ce type de politique. Et c'est vraiment un comité intercatégoriel qui inclut souvent, mais ce n'est pas toujours le cas, aussi des étudiants, étudiantes nommés par leur association plus les trois syndicats, par exemple, au niveau cégep. Et c'est la même chose aussi pour le cadre, le personnel cadre et éventuellement la direction des ressources humaines.

Alors, c'est le même genre de comité qu'on souhaite mettre en place pour cette question-là, étant conscients que souvent les comités de la condition des femmes, des syndicats sont souvent celles qui poussent beaucoup, qui ont réfléchi à ça, qui ont lu beaucoup sur cette question-là et qui peuvent vraiment contribuer à l'élaborer, cette politique-là, et non pas juste mettre, excusez l'anglicisme, un «rubber stamp» à la fin du processus. C'est dans ce sens-là qu'on insiste vraiment beaucoup là-dessus.

Mme David : ...on a ce comité plus permanent, ça nous assure — je rajoute de l'eau à votre moulin, là — d'avoir une mobilisation de toutes les parties prenantes, y compris les étudiants, qui nous ont demandé : Oubliez-nous pas. Évidemment, ce sont les premiers récipiendaires.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous six d'être présents aujourd'hui, en fait, sept, même, je pense, d'être présents avec nous en commission parlementaire. Vous êtes le plus grand nombre de personnes qui sont venues nous voir au même moment. Puis merci, donc, de contribuer à l'avancement de nos travaux pour le projet de loi n° 151, qui est un projet de loi très attendu par le milieu et auquel, je pense, on est tous heureux de pouvoir contribuer.

Donc, j'irais sur ce dont parlait la ministre juste avant, c'était en fait ma première question, sur le fameux comité intercatégoriel, parce que c'est une première, là, jusqu'à maintenant, dans les consultations particulières, qu'on nous parle de ce type de comité. Et donc vous avez eu peut-être pas nécessairement tant de temps que ça pour pouvoir bien nous l'expliquer puis vous parlez beaucoup du caractère participatif de ce comité-là dans votre mémoire, et donc j'aimerais pouvoir vous entendre sur cet aspect-là plus spécifiquement.

Mme Chabot (Louise) : Bien, pourquoi qu'on amène ça? Je vais vous ramener d'abord à ce qui est prévu dans le projet de loi. Dans le projet de loi, l'article 6, on dit que lors de l'élaboration puis de la révision de la politique, l'établissement met en place un processus afin de s'assurer que tout le monde soit consulté. Mme Lemelin l'a bien dit, on veut plus que ça.

Sur des questions aussi importantes puis l'exemple qu'elle a donné sur le harcèlement psychologique, bien, on a voulu se donner des moyens, dans chacun de nos milieux, pour s'occuper de ces questions-là qui sont importantes mais qui touchent souvent plus notre monde. Mais on dit : Pour une politique comme ça, on veut être en mesure pas juste d'être consultés, là, parce qu'il y aura deux étapes importantes, mais on veut mettre l'épaule à la roue, si je peux le dire comme ça, chacune des catégories de personnel qui rencontre les élèves à tous les jours.

Puis on se le disait tout à l'heure aussi, souvent, là, pour... qui ont l'expertise du terrain. Souvent, pour une étudiante — je dis «élève», là, des fois, je suis dans le monde scolaire — ça peut être même son enseignante ou quelqu'un de proche à qui elle va se confier pour la première fois. Ça fait qu'on a des idées, puis l'idée, c'est de garder cette politique-là vivante, c'est de la suivre.

Il y a une recommandation que je n'ai pas eu le temps de parler. On voudrait être particulièrement dans les cégeps, qu'on puisse conduire la même étude, en termes de recherche scientifique, qui a été faite dans les universités. En tout cas, pour les collègues de l'Université Laval, ça a été probant parce qu'ils ont un bel outil, maintenant, qui reflète la réalité de leur université. Ça fait que ça aussi, on le souhaite pour les cégeps. Ça fait qu'à partir de ça on sera en mesure de réviser en cours de route puis de se dire que c'est vraiment quelque chose qu'on garde vivant. Parce qu'on ne voudrait pas que tout ça tombe, finalement, qu'on se dise : Bien, on a une politique, on l'a adoptée, puis dans cinq ans on s'en reparle, puis qu'entre-temps on n'aura pas été capables de s'ajuster.

On dit aussi... quand on parle de ça, de la politique mise en place dans les établissements, on va parler aussi de toute la question des lieux physiques. C'est là qu'on va demander aussi, à partir de recherches, ou d'une analyse, ou d'une grille, d'avoir des analyses différenciées selon les sexes. On sait que, selon les lieux physiques d'un établissement, par exemple, qu'il pourrait y avoir des... qu'il y aura des choses à... C'est large, une politique. Comment on peut, dès le départ, prévenir tout ça? Tu sais, ça va plus loin que juste dire : Bien, mais que ça arrive... Mais, si, malheureusement, ça arrive : Voici ce qu'il faut faire.

Ça fait qu'il y a un ensemble de questions, puis c'est de mettre tout le monde en mouvement, chacun selon ses moyens, bien sûr, là. Parce que je dois vous dire que ce n'est pas tout le monde, dans tous nos établissements, qui ont les libérations qu'il faut ou qui ont la tâche... ou que leur tâche, c'est possible pour suivre des travaux de comité. Mais il y a quand même... je pense qu'on est capables de rendre ça de façon permanente. En tout cas, c'est ce qu'on souhaite.

• (16 h 40) •

Mme Fournier : C'est extrêmement intéressant. Puis vous parliez de l'outil de l'Université Laval. Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage?

Une voix : Monsieur...

Mme Fournier : Parfait.

M. Caron (Luc) : Oui. En fait, l'outil, ça a été extrait de l'enquête ESSIMU. Ils ont extrait les données qui concernaient l'Université Laval. Mais moi, quand j'en ai pris connaissance, j'ai été passablement troublé. Parce qu'enfin on voit qu'est-ce qui se passe à l'université... bien là, dans les universités en général, là. Mais, dans ce rapport-là, on note tout de même une identification de qui est l'agresseur, de quel type d'agresseur il est. Puis c'est étonnant de voir que la proportion d'agresseurs au niveau des employés de l'université, tous corps d'emploi confondus, c'est tout de même un bon pourcentage, là.

Ceci dit, ça nous permet tout de même, si on pense à un groupe... Comme là, nous, notre expérience, c'est sûr... on représente des employés, de notre expérience du harcèlement psychologique qu'on peut appliquer un peu à un harcèlement sexuel, mais on comprend que ce n'est pas vraiment la même chose, ce qui arrive, c'est qu'il y a un cas sur 10 à peu près, de nos statistiques, là, les gens vont dénoncer, vont aller jusqu'à la dénonciation. Alors, pour le harcèlement sexuel, on en a. Puis ce qui nous dérange dans tout ça puis ce qui pourrait être positif qu'on participe au moins à l'élaboration des protocoles, c'est... Moi, qu'une femme vienne me dire que son supérieur immédiat se permet de passer des commentaires sur ses attributs physiques en pleine réunion, bien, ça me dit deux choses. D'abord, que la personne qui fait ça, elle se sent inattaquable. Il y a tout de même cet élément-là, là, qui est troublant, là, dans ce qu'on voit sur le terrain. Alors, c'est ce genre d'éléments là, là, qu'on pourrait amener, là, pertinemment, là, s'il y avait un comité intercatégoriel, là, ce genre de connaissances terrain là.

Mme Fournier : Merci, merci beaucoup pour cette explication. Dans votre mémoire, vous parlez quand même à plusieurs reprises, là, du manque de ressources dans les établissements. On sait que, donc, depuis plusieurs années, là, les établissements, particulièrement les universités, là, épongent encore beaucoup les déficits. Et donc est-ce que vous pouvez nous faire un petit tour d'horizon de la situation actuelle? Est-ce que vous pensez que les universités et que les cégeps ont les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre les politiques contenues dans le présent projet de loi? Parce qu'on s'entend que ce sont des bonnes dispositions, mais encore faut-il avoir les moyens de les appliquer si on veut vraiment qu'elles puissent avoir un impact puis qu'elles soient plus que des voeux pieux.

Mme Chabot (Louise) : Bien, merci pour votre question. D'abord, ça va me permettre de compléter le mémoire. On sait qu'il y a... C'est majeur, ce que vous posez comme question, puis c'est majeur comme... tu sais? Bon, on sait qu'il y aura 23 millions de promis sur cinq ans, mais, au-delà de ça, c'est comment s'assurer que, dans chacun de nos établissements d'enseignement supérieur, on ait le personnel professionnel ou de soutien requis en quantité suffisante, en termes de soutien psychosocial, pour accueillir, pour donner suite, puis être un répondant, puis faire une différence là-dedans. Tu sais, le cégep de notre collègue Silvie, dans les Bois-Francs, à Victoriaville, il n'y en a pas de psychologue. Il y a une demi-technicienne...

Mme Lemelin (Silvie) : Depuis septembre.

Mme Chabot (Louise) : Bon, ça fait que, tu sais, on va élaborer des protocoles, on va identifier des intervenants, on va avoir besoin de ressources psychosociales. Vous savez, au niveau, des services professionnels puis de soutien, là, déjà, là, sans cette loi-là, sans qu'il y ait des protocoles puis des politiques, c'est déjà malheureusement une denrée rare pour soutenir déjà des élèves en difficulté. Ça fait que des élèves, des étudiants en état de vulnérabilité, c'est encore plus important. Ça fait que pour nous, c'est majeur que chaque établissement puisse avoir les ressources nécessaires pour soutenir.

Mme Fournier : Tout à fait, puis je pense que c'est une question d'équité aussi. Parce qu'on sait qu'actuellement, si on regarde la situation, par exemple, on prend l'Université Concordia, bien eux, ils ont un bureau d'aide aux victimes d'agressions sexuelles. Par contre, bon, vous amenez l'exemple du cégep des Bois-Francs, que vous n'avez même pas une ressource, là, qui est disponible, l'Université de Chicoutimi, l'UQAC, qui a seulement une ressource à temps partiel. Donc, ça pose la question : Est-ce que tous les étudiants sont protégés de la même façon dans tous nos établissements? Donc, dans ce contexte-là, est-ce que vous pensez qu'il va y avoir des ressources minimales dédiées dans chaque établissement?

Mme Chabot (Louise) : Ma réponse serait oui. Ma réponse serait oui, s'en assurer. Je sais qu'il y a des protocoles... il peut y avoir des protocoles qui existent avec le ministère de la Santé et des Services sociaux ou avec des groupes communautaires. Mais, à mon avis, chaque établissement devrait s'assurer de pouvoir se doter des ressources nécessaires. Suzanne.

Mme Tousignant (Suzanne) : Ce que j'ajouterais, c'est que les études démontrent que la proximité des ressources a une grande importance pour ce groupe d'âge, qui sont des 17-24 ans. Et donc effectivement, il faut s'assurer qu'il y a des ressources minimales dans tous les cégeps, quelles que soient leurs grosseurs. Et ça m'amènerait à ajouter que, quel que soit le montant qui sera dégagé, la façon de ventiler ce montant parmi les cégeps ne devra pas seulement tenir compte de l'effectif étudiant, mais bien d'un certain plancher minimal pour chacun des cégeps. Par exemple, pour une ressource de professionnels, de coordonner le plan de formation, de mettre en place des activités de sensibilisation, de préparer ces activités-là, c'est le même travail, qu'il y ait 1 000 étudiants ou 5 000, le travail est le même.

Mme Fournier : Puis ça m'amène à poser la question aussi des campus satellites des universités. Par exemple, si on prend l'université de Sherbrooke, bien, il y a le campus principal à Sherbrooke, c'est sûr, mais il y a quand même un gros campus à Longueuil aussi. Qu'est-ce qui arrive dans ce temps-là? Est-ce que vous considérez qu'il devrait y avoir une ressource aussi sur place, dans les campus, qui sont hors des établissements principaux des universités ou des cégeps dans certains autres cas?

Mme Chabot (Louise) : Il y a certains... ça s'applique aussi pour les cégeps. Bien, c'est parce que des fois, c'est un peu loin, hein, de dire que ton premier répondant est à Montréal ou à Sherbrooke. Ça fait que oui.

Mme Fournier : Merci. Puis vous parlez aussi, plus loin dans votre mémoire, du financement des organismes communautaires aussi qui peuvent être des ressources pour les établissements, par exemple, les CALACS et les CAVAC, que vous nommez expressément, là, dans le mémoire. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette importance-là, là, pour le bénéfice de tous?

Mme Chabot (Louise) : Bien, en tout cas, je pense que c'est deux groupes reconnus de façon importante, dans ces causes-là, référés par tout le monde. D'ailleurs, on a fait appel à ces organismes-là dans une situation de crise. Pour nous, c'est un financement qui ne doit pas juste arriver dans ces situations-là, c'est un financement stable parce que c'est majeur, en termes d'accompagnement, partout. Mais on sait que dans certaines régions il n'y en a pas, hein? Donc, oui, c'est une de nos demandes d'intervention que leur financement soit bien soutenu. Tu veux compléter, Silvie?

Mme Lemelin (Silvie) : Bien, justement, j'ai appelé le CALACS de ma région cette semaine parce qu'on voulait, dans le cadre des 12 jours contre la violence faite aux femmes, faire un partenariat avec eux et les inviter dans notre cégep. Et, à la faveur des récentes annonces qui ont été faites de réinvestissement dans le cadre du mouvement #moiaussi, la ministre avait annoncé des sous, et le CALACS de ma région, pour lui, ça signifie 15 000 $. Mais, 15 000 $, me disait la responsable, je ne peux pas engager quelqu'un qui a un certain niveau d'expérience, un certain niveau de diplômes pour plus d'un mois ou deux, si je veux lui donner un salaire intéressant, qui est celui qu'elle mérite. Puis on n'engage pas non plus une jeune qui sort du cégep pour ce genre d'intervention très délicate.

Alors, à notre avis, oui, investir et mettre des sous dans les CALACS, c'est important, d'autant qu'ils seront nécessaires pour nous aider à la formation. Et c'est vraiment là-dessus qu'on veut insister. Ces gens-là vont pouvoir nous aider à former le personnel qui va ensuite s'occuper de faire la sensibilisation dans nos milieux et évidemment toute l'aide, la référence, le soutien psychosocial.

Mme Fournier : On s'entend que le 15 000 $ dont vous parlez, que ce soit une personne expérimentée ou pas, ça ne suffit pas pour avoir une ressource supplémentaire. Donc, on partage votre préoccupation, là. Je pense que vous êtes d'accord sur le fait que ça prend un réinvestissement beaucoup plus significatif à la mission des organismes communautaires qui viennent en aide aux victimes.

• (16 h 50) •

Mme Chabot (Louise) : ...de l'ensemble des organismes communautaires, de plus en plus, pour des raisons d'austérité ou de rigueur budgétaire, les organismes communautaires veulent avoir un financement pour leurs missions autonomes, et non pas avoir juste un financement pour venir substituer ou agir en complémentarité quand il arrive une situation où on se désengage. Pour nous, l'engagement...

La Présidente (Mme de Santis) : ...Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : C'est un plaisir.

La Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, la parole est aux représentants du deuxième groupe d'opposition. Est-ce que c'est Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. C'est à vous.

Mme Samson : Merci. Bonjour, mesdames messieurs. Vous avez d'entrée de jeu signalé à la ministre que l'Institut maritime méritait d'être inclus dans l'application de la loi. Je pense qu'elle vous a bien entendus, elle vous a rassurés. Mais ça m'a fait poser une question dans ma petite tête, et je pense que la CSQ représente également les enseignants du secondaire : Est-ce que vous croyez que la politique doit s'appliquer également au CFER, aux centres de formation professionnelle et aux centres d'enseignement des adultes également?

Mme Chabot (Louise) : C'est une bonne question. Déjà, on demande, pour ces centres-là, qu'une autre politique, qui est obligatoire en éducation, sur la violence puisse s'appliquer. On s'est posé la question. Ce n'est pas le même type d'étudiants non plus dans les centres de formation professionnelle et centres de formation des adultes. Mais on a décidé finalement de... en tout cas, pas de donner suite à cette question-là dans le cadre de la commission qui s'applique en enseignement supérieur. Je vous dirais que de voir une politique ou une loi s'adresser pour ces deux institutions-là, c'est... La formation professionnelle, c'est du secondaire, là. Oui, on représente 100 000 membres, dans le secteur primaire et secondaire, madame, donc... Tandis que, dans les centres de formation des adultes, bien, on voit que de plus en plus la clientèle est de plus en plus jeune pour d'autres raisons, là. Mais il faudrait vraiment adapter la question, là, on ne pourrait pas faire un copier-coller, je vous dirais.

Mme Samson : ...de ce projet de loi?

Mme Chabot (Louise) : Non.

Mme Samson : Je vous remercie. On a parlé un peu du 23 millions. C'est évident que 23 millions sur cinq ans, si je ne me trompe pas, en tout cas, c'est grosso modo 20 000 $ par centre, si on n'en rajoute pas, naturellement. Et moi, ça m'inquiète un peu parce que c'est le genre de choses qu'on met en place, et il n'y a personne qui peut se permettre, dans cinq mois, de répondre : Il n'y a plus de service au numéro que vous avez composé, là. Il en va de la crédibilité de la démarche, et du système, et de la protection qu'on veut effectivement... qu'on veut apporter à des victimes. Alors, ça, ça m'inquiète un peu.

Je ne sais pas si vous avez... Vous n'avez pas de chiffre magique à proposer parce que vous n'avez pas nécessairement tout ce qu'il faut pour faire nécessairement un plan d'affaires pour chaque centre, là, basé sur des statistiques, mais est-ce que vous avez... Vous n'avez pas de chiffres à proposer? Ou avez-vous un chiffre à proposer?

Mme Chabot (Louise) : Bien, écoutez, on le mentionne dans notre mémoire, on dit qu'il y a un 23 millions. Mais vous avez vu qu'on a mis l'accent beaucoup, surtout, sur les ressources qu'on doit avoir de proximité dans les milieux. Maintenant, 23 millions de dollars, je pense qu'il y aurait une capacité certainement d'aller plus loin. Puis, si on divise... On n'est pas entrés là-dedans, mais on a dit quand même dans notre mémoire que l'argent, c'est quand même une clé majeure pour la réussite de cette politique-là puis c'est... de cette loi-là puis de sa mise en application. Donc, il va falloir que les sommes d'argent, mais les ressources soient aussi disponibles. Si on divise ça par cégeps, puis tout ça, puis, en plus, sur cinq ans, vous avez raison. C'est pour ça que de dire : Si on veut que la loi... Nous, on a salué que la loi avait des dents, mais pour s'assurer qu'elle s'applique, bien, il va falloir les ressources et les sommes d'argent nécessaires. C'est une évidence.

Mme Samson : O.K. Peut-être une question pour M. Caron. C'est bien M. Caron? Bon. La ministre a abordé avec vous toute la question d'imposer des interdictions. Je sais que vous ne l'aimez pas, mais c'est la question qui tue pareil, il va falloir l'aborder éventuellement, sur l'interdiction possible, imposée par la loi, quant aux relations intimes qui peuvent survenir entre du personnel d'un cégep ou d'une université et un ou une étudiante. Et puis je n'étais pas sûre, là, êtes-vous pour ou vous êtes contre que ce soit inclus dans le projet de loi?

M. Caron (Luc) : Ce qui me dérange un peu, c'est comme si c'est moi qui allais trancher la question aujourd'hui, là, mais...

Mme Samson : Non, non, je ne vous demande pas de trancher la question. On va se charger de ce bout-là, là. Mais je veux vraiment savoir si vous avez une position ou s'il y a... Est-ce qu'au sein de votre groupe il y a des déchirements, certains sont pour, d'autres sont contre, ou si vous êtes carrément pour ou carrément contre, ou si ça ne fait pas consensus?

M. Caron (Luc) : Là, vous parlez de malaises. Je l'ai mentionné, ça crée des malaises dans certaines conditions, mais, je veux dire, c'est un monde. Comment intervenir dans une question comme ça? Je comprends... Mme la ministre m'a remis à ma place un petit peu, dans le sens que, je veux dire, c'est sûr qu'on s'entend que, si un professeur a une relation avec une étudiante ou un étudiant, bien, il ne faut pas que l'étudiant fasse partie du cours de cet enseignant-là. Ça, on est entièrement d'accord avec ça. Mais, pour ce qui est de l'interdiction, je veux dire, je pense, c'est un problème de... c'est une question de société plus qu'une question qu'on peut poser à un individu en particulier. Mais je pense que, s'il y avait un ordre professionnel ou comme vous l'aviez mentionné, bien, ça relève de ces ordres-là. Je pense, c'est plus une question qui relève au niveau des professeurs et des personnels des universités à se questionner eux-mêmes puis à établir des lois, là, j'imagine, ou des règlements en fonction de ça.

Mme Samson : Je comprends. Je vous remercie.

Mme Chabot (Louise) : Normalement, ça doit être proscrit puis, on va le dire, pour toute la société, là. On s'adresse à... tu sais? Les rapports de pouvoir, là, quel type de sanction qu'on donne? Quelqu'un qui est en autorité... Puis d'ailleurs ça, ça va être important, hein, de le distinguer aussi, c'est qui, les personnes qui accompagnent puis les personnes en autorité, là, parce qu'il peut y avoir des définitions différentes. Mais ça ne touche pas juste l'enseignement supérieur, la question que vous posez.

Mme Samson : C'est beau pour moi. Jean-François, avais-tu d'autres questions, toi? Je vais passer la parole à mon collègue, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Ah! parfait. Je m'excuse. Alors, maintenant, le député de Chambly.

M. Roberge : Merci. Est-ce qu'il reste... Combien de temps il reste à peu près?

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste 2 min 45 s.

M. Roberge : O.K. On va aller vite. Plusieurs intervenants qui sont venus précédemment ont parlé de la possibilité d'avoir la politique, dans un premier temps, un plan d'action par la suite. Alors, est-ce que, pour vous, ça doit être une étape dans la loi, on dit : Bon, bien, la politique devrait... je pense que ça dit le 1er septembre 2019, ou bien vous voyez ça en deux étapes?

Mme Chabot (Louise) : Comme on ne s'est pas posé la question, on n'a pas... Normalement, il y a une loi. Puis ce qu'on salue de ce projet de loi là, c'est que les établissements vont avoir une obligation d'avoir une politique puis qu'il y a un délai. Ça fait que, pour nous, ça fait partie des éléments qu'on salue.

M. Roberge : Bien, c'est tout. Ça complète. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, Mme la députée d'Iberville?

Mme Samson : ...

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez terminé aussi? Alors, on vous remercie pour votre exposé et d'être venus en si grand nombre. Merci beaucoup.

Alors, on va simplement suspendre pour quelques instants afin de permettre aux représentants de... les auteures de l'enquête sur la sexualité, la sécurité et les interactions en milieu universitaire de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 2)

La Présidente (Mme de Santis) : ...il y a un vote?

Une voix : Oui, il y a un vote. Donc, on va juste resuspendre.

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, on doit suspendre pour quelques minutes parce qu'il faut aller voter.

Alors, on s'excuse. On va vous laisser ici, et nous, on va sortir.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 25)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants, qui sont les auteurs de l'enquête sur la sexualité, la sécurité et les interactions en milieu universitaire. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et procéder avec votre exposé. Merci.

Auteures, Enquête Sexualité Sécurité et Interactions
en milieu universitaire (enquête ESSIMU)

M. Ricci (Sandrine) : Bonjour. Je m'appelle Sandrine Ricci. Je suis coauteure de ce rapport de l'enquête ESSIMU.

Mme Paquette (Geneviève) : Bonjour, je suis Geneviève Paquette. Je suis professeure agrégée au Département de psychoéducation de l'Université de Sherbrooke et je suis aussi cochercheuse dans le cadre de cette enquête.

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, maintenant, vous pouvez faire votre exposé.

Mme Paquette (Geneviève) : Merci. Alors, le projet de loi est accueilli favorablement par l'équipe de l'ESSIMU qui recommandait, dans son rapport, de mettre en place une loi-cadre et un plan d'action du gouvernement du Québec visant à obliger les établissements d'enseignement postsecondaire à lutter contre la violence sexuelle. Autre point positif, la loi couvre tout le continuum de violences sexuelles en y incluant les conduites relevant du harcèlement sexuel, y compris dans le cyberespace, jusqu'aux comportements sexuels non désirés, incluant l'agression sexuelle. Enfin, la loi, telle que nous le recommandions, exige que les institutions considèrent la violence sexuelle subie sur les campus universitaires, mais aussi à l'extérieur des campus, lorsque cette violence implique deux personnes affiliées à l'université. Au-delà des activités festives se déroulant hors campus, les activités de formation pratique, les milieux de stage, nous semblent aussi un contexte où il faut garantir aux personnes les mêmes protections qu'au sein des murs des établissements.

La présentation mettra en lumière les zones où le projet de loi nous semble à clarifier, proposera des réflexions à propos des précisions pouvant y être apportées. Cette première section de présentation couvrira la portée de la loi auprès des victimes, le code de conduite et la reddition de comptes.

Alors, tout d'abord, tout au long du projet de loi, il semble plutôt, voire exclusivement être question de la violence sexuelle potentiellement subie par les membres de la communauté étudiante. Or, les résultats de l'ESSIMU mettent en lumière que près de 30 % des personnes victimes d'au moins un événement de violence sexuelle en milieu universitaire étaient employées, enseignantes ou cadres au moment des événements subis.

Deuxièmement, au chapitre II, alinéa 3, article 12, il est prévu que la politique institutionnelle encadre «les liens intimes, amoureux [et] sexuels qui peuvent s'établir entre un étudiant et une personne ayant une influence sur le cheminement de ses études, qu'elle soit membre du personnel ou dirigeante de l'établissement». Rappelons à ce sujet que les résultats de l'ESSIMU montrent que, dans le tiers des situations de violence sexuelle rapportées par les personnes travaillant ou étudiant dans les universités, ces violences sexuelles ont été commises par une autre personne, qui était dans un statut hiérarchique supérieure aux leurs. Ce pourcentage augmente à plus de 40 % dans les situations de coercition sexuelle, c'est-à-dire lorsqu'il y a eu chantage en retour de considération future reliée à l'emploi ou au milieu scolaire.

Selon ces résultats, ce sont les situations de violence sexuelle, incluant la coercition sexuelle potentielle, qu'il faut éliminer. En ce sens, nous recommandons de proscrire les relations amoureuses, intimes et sexuelles lorsqu'une relation d'autorité directe est présente, relation pédagogique ou relation professionnelle en contexte universitaire. Lorsque des relations amoureuses, intimes ou sexuelles ont existé ou existent, elles doivent aussi être déclarées lorsque les protagonistes se retrouvent en relation hiérarchique, car, dans le cheminement des personnes en milieu universitaire, de nouvelles relations hiérarchiques peuvent s'établir au fil des nouveaux défis relevés par les personnes professionnelles ou dans un cadre académique.

Troisièmement, au chapitre III sont prévus les différents renseignements à partir desquels seront effectuées les procédures de reddition de comptes auxquelles seront soumis les établissements, dont le nombre de plaintes et de signalements reçus. Rappelons que 90 % des victimes n'ont pas dénoncé les événements de violence sexuelle en milieu universitaire aux instances et ressources de l'université. À l'heure actuelle, il y a donc lieu de penser que cet indicateur n'est pas valide pour rendre compte de l'ampleur de la problématique ou de son évolution. La confiance doit se construire. Selon les résultats de notre étude, seules un peu plus de 6 % des victimes ces violences font appel à des ressources extérieures et encore plus rarement aux corps policiers. Par contre, plus du tiers d'entre elles ont signalé ou confié la situation à une autre personne affiliée à l'université. Ces personnes confidentes ont possiblement besoin de soutien, et l'idée du guichet unique à l'interne ou du recours à des ressources externes pourrait aussi servir de lieu d'écoute et d'accompagnement pour les personnes témoins et confidentes de violences sexuelles en milieu universitaire.

Devant la lourdeur de certaines situations confiées, les confidentes pourraient non pas encourager mais forcer des victimes qui ne le souhaitent pas à consulter des services formels, à signaler, à porter plainte, alors que ce n'est pas leur désir. Si les personnes confidentes sont bien formées et accompagnées, de telles situations risquent moins de se produire.

Enfin, il faut aussi prévoir la création ou l'identification des instances mandatées pour recevoir le défaut de se conformer à cette loi.

• (17 h 30) •

M. Ricci (Sandrine) : Donc, à ce stade, pour ma part, je vais vous parler... enfin, ma contribution va se déployer en trois volets. Je vais vous parler sanctions, je vais vous parler représailles et je vais vous faire une proposition qui va créer de l'emploi au Québec, ce dont tout le monde devrait se réjouir.

Alors, au chapitre des sanctions, pour favoriser la création d'un environnement sécuritaire, à la fois propice aux relations saines et au dévoilement des agressions par les victimes ou les témoins, et pour contrer l'impunité qui règne en la matière, nous avons suggéré que les politiques institutionnelles précisent certains éléments essentiels, dont le protocole de signalement ou de plainte, les sanctions pour les auteurs, sanctions d'ordre académique ou professionnel, et le résultat du traitement des plaintes. Donc, dans cet objectif, nous avons spécifiquement recommandé une communication transparente du processus de traitement des plaintes, c'est-à-dire que, lorsqu'une situation est détectée, qu'elle est dénoncée, qu'elle est traitée, l'établissement doit communiquer les résultats du traitement, incluant les faits reprochés et les sanctions, et les communiquer, de notre point de vue, non seulement à la victime ou aux victimes, mais à l'ensemble de la communauté universitaire, et ce, dans trois objectifs principaux. D'abord, pour manifester aux victimes que l'injustice qu'elles subissent et qu'elles ont subie a été prise en considération par l'institution, envoyer ce message-là. Deuxième message que ça enverrait, ça contribuerait à rassurer l'ensemble de la communauté universitaire sur le fait que l'institution prend au sérieux la problématique. Et troisième effet, troisième objectif poursuivi, ça créerait un effet véritablement dissuasif que de communiquer les faits et la sanction.

Deuxième volet de mon intervention concerne les représailles. Nous avions, en tant qu'équipe, également recommandé que les politiques institutionnelles incluent une déclaration interdisant les représailles contre les personnes qui portent plainte et des mesures disciplinaires pour les tentatives de représailles. On ne retrouve pas cet enjeu-là dans le projet de loi. Et je dirais que tenter de bâillonner les femmes et les personnes survivantes en les menaçant de les attaquer en diffamation est une stratégie courante aux États-Unis, depuis les années 80 au moins, et on peut craindre qu'elle se propage ici. Par exemple, il y a plusieurs des hommes, qui sont accusés dans le sillage de la récente campagne #moiaussi, qui ont déclaré dans les médias qu'ils entreprendraient des poursuites judiciaires contre les femmes qui les ont accusés ou contre les médias qui ont rapporté la nouvelle, même, de leur accusation.

Dans les institutions d'enseignement supérieur, il y a eu des cas récemment qui ont vu des victimes ou leurs alliés recevoir des mises en demeure de la part d'institutions qui plaident l'obligation de défendre, par exemple, les membres de sa direction ou son corps enseignant. On invoque les droits du travail, le droit syndical ou la loi sur la protection de la vie privée. Il y a aussi des victimes de violence sexuelle ou leurs alliés qui ont été menacés de plainte ou de poursuite en libelle diffamatoire par le ou les agresseurs qu'elles ont dénoncés. Il y a un cas célèbre en France, par exemple, d'un professeur de sociologie qui a entrepris une plainte en diffamation contre huit femmes qui l'avaient dénoncé pour agression sexuelle, un procès qui a été débouté, par ailleurs. Mais à quel prix?

Donc, menacer de diffamation, ça vise différents objectifs, sur lesquels je n'ai pas l'opportunité de me concentrer maintenant, j'y répondrai avec plaisir dans la période de questions, des objectifs ou des effets, hein, selon la perspective, selon de quel côté on se place. Mais, comme le résume la juriste Josée Bouchard : «Les politiques adoptées pour contrer le harcèlement sexuel — je la cite — devraient au moins préciser clairement que toutes représailles ou menace de représailles contre une personne qui dépose une plainte de harcèlement sexuel ou qui participe à une procédure mise sur pied pour traiter du harcèlement sexuel pourront faire l'objet de mesures disciplinaires.» Et c'est pourquoi nous avons demandé qu'il fallait qu'on s'intéresse à la question des représailles.

Et troisièmement, et ça me fera plaisir, là encore, d'élaborer ultérieurement, nous vous proposons une piste d'action pour travailler à contrer les violences sexuelles en milieu universitaire, donc pour restaurer ce sentiment de confiance à l'endroit des institutions, et nous vous proposons donc, considérant la feuille de route peu glorieuse des universités en la matière...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant commencer avec la période d'échange, mais, avant qu'on fasse cela, j'aimerais confirmer qu'il y a eu le consentement, que, parce que cette séance a commencé en retard, la séance va se terminer à 18 h 25. Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Merci beaucoup et merci de vous prêter encore une fois à venir nous éclairer de vos recherches, de vos expertises. Alors, vous êtes, on pourrait dire, des enseignantes chercheuses très engagées aussi dans vos recherches, et ce n'est pas seulement des recherches théoriques, mais c'est des recherches qui sont très pratiques en même temps et qui alimentent énormément nos réflexions. Alors, je vous remercie encore une fois de nous les faire partager.

Je voudrais peut-être, parce que vous m'avez laissée un peu sur ma curiosité et mon appétit, surtout quand vous avez dit, au début : J'ai trois points... Alors, pourriez-vous nous présenter le troisième point? Comme ça, je verrais ce qui a piqué ma curiosité, et puis on pourra en discuter, j'imagine.

M. Ricci (Sandrine) : Alors, on vous proposait de travailler dans le sens de restaurer le sentiment de confiance à l'égard des établissements d'enseignement, un sentiment qui s'est désagrégé au fil du temps, considérant que le problème qui nous occupe aujourd'hui n'est pas un problème récent, hein, dans les universités, non plus que l'inadéquation de la réponse institutionnelle à cette question, qui tient largement du secret bien gardé, pour citer un article de La Presse paru le 6 février 1989 à propos d'une série d'attaques commises dans différentes universités québécoises et une réticence à communiquer les statistiques à cet égard.

Alors, attendu ceci, nous avons, mes collègues et moi, commencé à réfléchir à la création de nouveaux postes dans les établissements d'enseignement supérieur et dans les instances de recherche du Québec — vous comprendrez pourquoi j'élargis — des postes de chargés de mission à l'égalité ou conseillère à l'égalité, comme vous voulez, qui auront pour objectif, donc, de favoriser la mixité, la parité et l'égalité entre les femmes et les hommes et entre les genres dans les établissements d'enseignement et dans les instances de la recherche au Québec.

Alors, un exemple de responsabilité, donc, ce serait d'agir à titre d'experte-conseil auprès des instances, des groupes concernés, de faire du travail de liaison, de favoriser, de monitorer la mise en oeuvre de la loi n° 151, mais aussi de monitorer et de favoriser la mise en oeuvre d'autres politiques institutionnelles et gouvernementales en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et entre les genres, d'aider à définir des axes pour améliorer ces questions-là au sein des établissements. Et on suggère aussi, donc, parallèlement à ces postes de chargés de mission à l'égalité, qui existent en France, par exemple, aux États-Unis ou dans le Canada anglais, on parle de «gender equality officers», nous suggérons donc la mise sur pied de comités paritaires qui appuieront les titulaires des postes en question dans leur mission, dans leur travail.

Et un aspect intéressant, je crois, qu'on trouvait prometteur, c'était que ces titulaires des postes dans les différentes universités du Québec pourraient tenir régulièrement des rencontres de concertation et créeraient ainsi une sorte de communauté de pratique qui pourrait s'avérer très utile. Et donc on comprend bien que ce n'est pas tout à fait du même ordre quand on est dans un établissement de petite envergure versus grande envergure, donc il pourrait peut-être y avoir des accommodements qui seraient pensés, mais, du même coup, je suggère aussi la création d'un deuxième poste de chargé de mission, cette fois à la diversité. Et donc ça aurait pour objectif de favoriser la mixité, l'égalité et l'inclusion des personnes racisées, et ces deux postes-là, dans des plus petites universités, pourraient être fusionnés éventuellement. Mais l'idéal, c'est effectivement que ce soient deux postes distincts et que les établissements détenant de très petits effectifs pourraient se partager une telle ressource, des postes diversité, égalité, donc qui pourraient... qui devraient collaborer ensemble, justement, ça nous paraît indispensable. Voilà.

• (17 h 40) •

Mme David : Alors, oui, c'est intéressant, ça. C'est la première fois que quelqu'un nous soumet cette idée. L'idée, l'appellation même de chargé de mission est un peu inspirée, on pourrait dire, de la culture française. Chargé de mission, c'est un poste ou un statut qu'on entend souvent, mais qui, dans le fond, serait comme une sorte de... Je ne sais pas à quoi... Ce n'est pas une sorte d'ombudsman de l'égalité dans les universités, ce n'est pas quelqu'un qui reçoit les plaintes, qui agit dans l'intervention, c'est quelqu'un qui est plus en soutien à l'ensemble des politiques qui traitent des rapports hommes-femmes. Est-ce que je suis à peu près... Oui, c'est à peu près ça?

M. Ricci (Sandrine) : Oui, parce que, ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il faut se souvenir que les problématiques des violences à caractère sexuel, c'est un problème lié aux rapports de pouvoir basés sur le genre, hein, notamment. Il y a des rapports hiérarchiques au niveau professionnel, bon, etc., mais c'est des rapports de genre qui sont en jeu, là.

Donc, on réintègre cette problématique-là dans un cadre d'analyse large qui pense l'égalité entre les femmes et les hommes, et entre les genres, et entre les êtres humains en général aussi, puisqu'il y a aussi des rapports de pouvoir à d'autres niveaux.

Mme David : Bien au-delà des violences à caractère sexuel, ça pourrait être aussi de traiter d'autres enjeux d'égalité hommes-femmes au sein de l'institution.

M. Ricci (Sandrine) : Et là on rebondit sur le fait que vous êtes aussi à la Condition féminine. Donc, ça nous paraît l'occasion idéale, n'est-ce pas, de penser de manière intégrée, concertée différents dossiers, par exemple... et là moi, je vais mettre mon chapeau de coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes pour penser en termes de représentation des femmes au pouvoir dans les sphères universitaires. C'est des mêmes logiques patriarcales qui président aux violences à caractère sexuel et qui empêchent les femmes d'accéder aux ressources, aux chaires d'étude, etc., dans les universités.

Mme David : Oui, je comprends de mieux en mieux, là. Autant ça peut s'appliquer à la difficulté d'accéder à certains postes, même administratifs, ou alors en recherche, d'atteindre un certain niveau ou dans les postes... Enfin, il y a toutes sortes de dimensions. C'est vraiment comme une experte du rapport hommes-femmes, mais qu'on peut évidemment détailler en différents niveaux d'intervention et différents sujets d'étude, mais toujours dans ce regard de l'égalité hommes-femmes.

M. Ricci (Sandrine) : Et l'égalité entre les genres.

Mme David : Et d'égalité entre les genres. Et ça pourrait être quelqu'un de l'institution, une professeure?

M. Ricci (Sandrine) : Ah non!

Mme David : Vous pourriez être une chargée de mission ou non?

M. Ricci (Sandrine) : Oui, parce que je vais être au chômage après mon doctorat, mais, ceci étant dit, c'est précisément, je crois, un poste qui doit être pensé de façon externe à l'institution, c'est-à-dire que c'est des fonds qui viennent du ministère. Un des problèmes qu'on a dans le dossier, c'est qu'il faut rétablir un sentiment de confiance, et que ce n'est pas du jour au lendemain que ça va se faire, et que... et, pour monitorer, les universités ne peuvent pas être juge et partie. Donc, il faut qu'il y ait quelqu'un qui monitore, qui soit une instance externe, et elle doit être soutenue par le ministère et...

Mme David : Et pourquoi vous en mettriez dans toutes les universités? Pourquoi il n'y en aurait pas un certain nombre, mais qui réfléchissent à la question en termes de plusieurs universités, ou du réseau, ou... Je ne sais pas. Surtout depuis que vous dites que c'est moi qui paierais à travers mes fonds, j'essaie de voir si on peut... Il doit y avoir une raison pour laquelle vous dites : dans chaque institution.

Mme Paquette (Geneviève) : Bien, il y a la question... Quand on la pensait, cette idée-là, on la voyait dans le cadre, justement, du projet de loi, où, on le voit bien, dans chaque établissement il va y avoir beaucoup de travail. Il semble aussi qu'au niveau des différentes politiques, là, il y ait des problèmes. C'est du moins ce que le BCI a tenté de soulever, si j'ai bien compris son intervention en audition. Et il y a aussi une uniformisation des pratiques qui est recherchée.

Et donc ce type de poste là nous amènerait à un agent de liaison qui permettrait, tant dans l'intra établissement et dans l'inter établissement, de s'assurer d'une uniformité des pratiques en matière de violence sexuelle, mais plus largement aussi en matière d'égalité entre les genres et en tenant compte de la diversité.

Mme David : Ma dernière question là-dessus, mais ça m'intéresse vraiment, mais je veux vous poser d'autres questions aussi : Est-ce qu'il y a un équivalent dans une autre sphère dans le réseau universitaire? J'essaie de voir un poste qui... c'est un conseiller à l'égalité hommes-femmes, mais j'essaie de voir s'il y a des précédents dans d'autres thématiques.

Mme Paquette (Geneviève) : Pas à ma connaissance.

Mme David : Non, c'est ça, en tout cas.

M. Ricci (Sandrine) : En France, aux États-Unis, au Canada anglais, il y a les «diversity officers», les «gender equality officers». Ce sont des postes qui existent ailleurs, mais à ma connaissance... Ceci étant dit, ça mériterait de... il faudrait voir, mais l'enjeu, là, c'est que ce n'est pas un poste interne. Ce n'est pas dans la hiérarchie universitaire. Il faut que ce soit à l'extérieur pour lui donner plus de liberté.

Mme David : Oui, oui, c'est très... C'est clair. Ça, je vous remercie, parce qu'au début ne n'avais pas réalisé que ça ne serait pas à la charge des institutions, mais quelqu'un d'indépendant, qui est vraiment basé dans une institution, mais qui est là en toute autonomie et indépendance.

Je vais aller justement dans la question des relations intimes. On en parle, on va en rêver bientôt. Et je vais vous soumettre quelque chose, parce qu'à force d'en parler et d'entendre différents intervenants, si on ne peut pas utiliser nécessairement le mot «proscrire», «interdire», est-ce qu'on peut dire quelque chose comme quand une relation intime ou sexuelle se crée dans une situation de rapport de pouvoir ou d'autorité entre, donc, une personne qui est habituellement une étudiante ou un étudiant et un professeur ou chargé de cours, en tout cas, il faut... la personne en situation d'autorité est tenue de déclarer tout de suite, donc, la situation à x, là, bon, et l'institution est tenue de prendre des mesures pour que la relation d'autorité cesse immédiatement? C'est-à-dire que...

Ce que ça veut dire, c'est que, si la relation d'autorité cesse, bien, l'étudiant n'est plus dans le même cours ou l'étudiante au doctorat n'est plus avec le professeur... parce que là tu choisis : ou tu as la relation ou tu... Bien, à partir du moment où tu dévoiles une relation, ça veut dire que tu ne peux plus reculer, là. Elle existe, la relation, ou elle a déjà existé. Donc, il y a déjà quelque chose qui s'est installé, que ça finisse mal ou bien, mais que l'institution soit tenue de prendre des mesures tout de suite pour que cesse la partie relation de pouvoir ou d'autorité qui veut dire soit donner un cours, soit un stage, soit une direction de thèse.

J'essaie de formuler pour que, tous ensemble, on ait une sorte de consensus pour se dire : C'est à peu près ça qu'on veut. Alors, j'aimerais vous entendre sur la façon dont... J'essaie de formuler pour nous aider à arriver à quelque chose.

Mme Paquette (Geneviève) : Bien, je pense que... Nous pensons, en fait, que c'est exactement ça. Les personnes en position d'autorité doivent être retirées de leur fonction de supervision ou d'évaluation auprès du tiers subalterne impliqué. Puis vous connaissez bien, Mme la ministre, le milieu universitaire. Vous savez que, dans la même journée, une personne peut à la fois être étudiante, à la fois être aussi chargée de cours, à la fois agir comme professionnelle, tout ça auprès d'individus différents.

Donc, il faut bien circonscrire qu'il faut être en relation d'autorité directe avec un autre employé ou un autre étudiant, étudiante. Puis à partir du moment où il y a une relation, bien là, il ne peut plus y avoir de supervision du travail académique ou du travail professionnel.

• (17 h 50) •

Mme David : Donc, quand on dit pour que cesse immédiatement, c'est que, dans le fond, l'institution impose que ça cesse, mais quelque part, cette relation-là a amené à cette interruption de relation d'autorité, parce qu'on a installé autre chose à la place.

Alors, je pense qu'on va peut-être y arriver. En tout cas, on réfléchit tous ensemble, mais vous avez entendu... bien, peut-être pas, Mme Ricci était là, certains intervenants précédents où ça brimerait la liberté académique ou... en tout cas, je... On veut être intellectuellement honnête et dire qu'il y a des gens qui ne pensent pas nécessairement que c'est une relation d'autorité pour laquelle il faut avoir ce genre d'intervention. Par contre, beaucoup d'autres ont dit un peu ce que vous dites, particulièrement des étudiants, mais pas que des étudiants. La Fédération des cégeps aussi va plus loin, c'est l'entièreté de... peut-être parce c'est à cause de l'âge de leur clientèle. Ce n'est pas seulement la relation dite d'autorité professeur-étudiant, mais c'est... il n'y a pas de relation intime entre un membre du personnel et un étudiant, quel qu'il soit, là. C'est ce qu'ils nous ont proposé hier.

Mais donc vous êtes conscientes qu'il y a peut-être d'autres opinions aussi là-dessus, que deux adultes, c'est consentant par définition et qu'il n'y a pas de problème à continuer le double statut, autorité et sexualité, disons ça comme ça, je ne sais pas.

Mme Paquette (Geneviève) : Je ne vois pas comment une relation pédagogique ou professionnelle ne peut pas être teintée par une relation sexuelle, intime ou amoureuse. C'est sûr que, dans notre rapport, on voit que les relations hiérarchiques, c'est un contexte propice à la violence sexuelle. Par contre, il faut faire les nuances qui s'imposent. Toute relation amoureuse, puis vous l'avez déjà dit ici, n'est pas... ce n'est pas équivalent à la violence sexuelle, c'est un contexte propice.

Puis il y a aussi toute la question de neutralité bienveillante qui, je pense, on le pense, doit être présente dans les relations pédagogiques, dans les relations professionnelles. Quand tout le monde est en lune de miel, sûrement qu'il y a des périodes où il n'y a pas de problème. Mais c'est lorsque les problèmes surviennent et que là la personne se retrouve à ne pas pouvoir le déclarer, ne pas savoir à qui demander de l'aide, parce qu'elle n'a plus accès à ses données de recherche alors qu'elle termine une thèse, parce qu'elle n'a pas accès à de l'avancement au travail parce qu'elle est en rupture amoureuse...

Alors, c'est quand même des vases communicants, les relations amoureuses et la violence sexuelle. Vous savez que je fais partie d'un groupe de recherche qui s'intéresse à cette double problématique là, le Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et l'agression sexuelle, qui est d'ailleurs financé par le fonds québécois de la recherche. Et il y a des liens théoriques puis il y a des liens empiriques entre ces deux problématiques-là, et donc effectivement je pense que les personnes en autorité doivent faire des choix, doivent se retirer de leur fonction d'autorité à partir du moment où ils sont en relation intime, sexuelle ou amoureuse.

M. Ricci (Sandrine) : Je peux-tu rajouter quelque chose?

Mme David : Je vais vous amener vers l'autre sujet qui n'est pas facile non plus, et je vous remercie d'aborder de front ces questions-là, la divulgation donc à la victime. Jusque-là, bon, il n'y a pas... il y en a d'autres qui ont suggéré ça aussi, pour ne pas laisser la victime dans l'obscurité par rapport à d'éventuelles sanctions de son agresseur. Vous ajoutez «et à l'ensemble de la communauté universitaire» pour qu'il y ait un effet dissuasif.

Ce qui m'est venu comme équivalent, puis c'est public, quand on est membre d'un ordre professionnel et qu'il y a une radiation pour x ou y cause, la loi impose que ça soit public et que dans... moi, je recevais un journal de mon ordre professionnel, on avait la liste des gens radiés, et il y avait la raison pour laquelle la personne était radiée, et, bon, quelquefois c'était pour justement relation non... je ne sais pas, ils avaient des expressions pour ça, alors radiés un mois, deux mois, six mois, un an, deux ans, trois ans.

Est-ce que c'est le modèle sur lequel vous vous basez? Parce que là on est dans un autre environnement, dans l'environnement académique. Je ne suis pas sûre que les gens... ça serait unanime, ce genre de recommandation.

M. Ricci (Sandrine) : Bon, écoutez, ce n'est pas le maccarthysme comme approche qu'on privilégie. L'idée, c'est qu'il faut s'intéresser à la problématique de ce sentiment de confiance qui est extrêmement petit, qui est atteint à la fois sociétalement par rapport à la problématique des victimes qui ne portent pas plainte. Quand on sait qu'il y a entre quatre... selon les études, 4 % et 10 % de personnes qui vont porter plainte à la police, ça veut dire qu'il y a un problème de confiance dans le traitement judiciaire des agressions à caractère sexuel au niveau du Québec, et c'est des chiffres qu'on retrouve dans d'autres sociétés.

En milieu universitaire, il y a 90 % des personnes qui ne dévoilent pas aux instances. Dans les raisons invoquées de ce non-signalement, on retrouve le sentiment que vraiment, l'université, on n'a pas confiance qu'elle va régler le problème, qu'elle va prendre au sérieux, etc. Quand on n'entend jamais parler des sanctions contre les agresseurs parce que c'est fait en catimini, je veux dire, la culture, c'est de balayer sous le tapis, c'est d'envoyer Johnny en congé maladie pendant une session, deux sessions, de plaider des problèmes d'alcoolisme. Enfin, moi, j'ai tout entendu, là, mais jamais on ne reconnaît qu'il a un problème, il y a eu des comportements inadéquats ou qu'il a agressé sexuellement, etc., pour ne pas euphémiser.

Donc, tant que la communauté n'entendra pas qu'il y a quelque chose qui est fait dans ce sens-là, d'une transparence, mais aussi d'une prise au sérieux, on va continuer à perpétuer le problème. Ce qu'on appelle la culture du viol, c'est aussi ça. C'est le fait qu'on répète les affaires, on les perpétue et on n'arrive pas à sortir de ce modèle-là. Et c'est quand même intéressant, quand même, que, dans les auditions ici ou autrement, les étudiantes et les étudiants demandent qu'on interdise des relations sexuelles, amoureuses qui impliquent un prof et une étudiante ou un étudiant et que celles et ceux qui sont contre ce genre de mesures là, ce sont les profs. D'accord?

Donc, la reconnaissance des rapports de pouvoir qui sont au coeur de la problématique, elle est primordiale, les rapports de pouvoir de hiérarchie, mais des pouvoirs liés au genre et à d'autres niveaux. Si on ne reconnaît pas ça et qu'on n'agit pas, qu'on continue d'avancer en se voilant le visage et en faisant comme si on devait nous... l'institution méritait la confiance comme ça du jour au lendemain, non. C'est pour ça que ce projet de loi, il a un rôle à jouer pour dire : Non, on arrête ça maintenant, et le projet de loi doit exiger la redevabilité, la transparence et pour en finir avec cette impunité-là qui mine tous ces processus de plaintes et de dénonciations.

Mme David : Merci beaucoup. On vous écoute...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

Mme David : Une minute? Il en restait trois à notre...

La Présidente (Mme de Santis) : Non... parce qu'il y a une indépendante.

Mme David : Ah! excusez. Alors, oui, on veut absolument laisser place à l'indépendante.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme David : Alors, je voulais vous parler de représailles. Je dépose ça au cas où quelqu'un ait le goût d'en parler. Merci. Donc, il y aura un relais sur cet autre sujet pas facile que vous avez abordé. En tout cas, je vous remercie parce que chaque sujet, ce sont des sujets exigeants pour nous, des décisions lourdes de conséquences. Il faut bien y réfléchir. Alors, on vous lit, on vous écoute attentivement puis on va faire le meilleur possible pour tenir compte de tout ce qui est dit. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est au représentant de l'opposition officielle, le député de Chambly.

Une voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : Oh non! Je m'excuse. Je regarde... J'ai fait un très mauvais faux pas. Alors, c'est Mme la députée de Marie-Victorin. Mes excuses.

Mme Fournier : Vous êtes pardonnée, Mme la Présidente. Merci. Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui avec nous en commission parlementaire. Vous contribuez beaucoup à enrichir, là, nos travaux ici, pour bonifier aussi le projet de loi n° 151. Donc, je vous en remercie.

Et c'est drôle, la ministre parlait de la question des représailles, et c'était le premier point que j'avais noté sur ma feuille. Donc, je sais que vous l'avez abordé plus rapidement puis vous nous avez justement dit que vous souhaiteriez revenir là-dessus pour davantage nous expliquer votre point, donc toute la question de la possibilité de poursuivre en diffamation, qui est souvent utilisée comme une menace pour empêcher les victimes, là, de porter plainte. Alors, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus.

Mme Paquette (Geneviève) : Je vais commencer puis je vais laisser ma collègue compléter.

Les situations de violence sexuelle se produisent souvent dans un contexte où la victime est seule avec l'auteur, ce qui fait qu'ensuite, lorsqu'elle veut porter plainte, signaler, porter plainte, les personnes ont peur de ne pas être crues et d'avoir aussi des représailles de l'auteur qui va dire : Bien ce n'est pas vrai, et je vais vous poursuivre parce qu'il n'y a pas d'autre preuve que le témoignage de la victime. Et c'est là toute la problématique, je dirais, de la violence sexuelle.

• (18 heures) •

M. Ricci (Sandrine) : Quand on lit l'expérience des Françaises universitaires, que j'ai évoquée suite à la plainte en diffamation d'un prof de socio là-bas, et elles ont publié dans une revue scientifique en sciences sociales cette expérience-là, bon, à mots couverts, mais ce qu'elles... et ça me semblait intéressant qu'elles nous rappellent que menacer de diffamation ou poursuivre en libelle diffamatoire les femmes qui dévoilent des agresseurs, ça a des effets, ça a des conséquences puis ça peut être aussi des stratégies, des objectifs, hein, du point de vue de l'agresseur. Et donc, par exemple, ça a pour effet... Moi, je privilégie toujours les enjeux au niveau collectif, hein? Je trouve que c'est souvent ce qui passe un peu à la trappe, mais menacer les victimes de diffamation, ça a pour effet d'empêcher les autres victimes de dénoncer. Donc, elle parle d'un effet prophylactique de la plainte en diffamation qui véhicule, en creux, un message d'intimidation à l'ensemble des individus. Elle nous informe de la possibilité pour chacune et chacun d'entre nous d'être poursuivi à notre tour.

Ce type de manoeuvre, au niveau plus individuel, ça a un effet d'isolement, comme Geneviève l'a souligné, un isolement qui est un isolement des individus, mais qui est un isolement du groupe, aussi, qui fait l'objet de la plainte, parfois. Et par ailleurs il ne faut pas oublier que ça a des... il y a une dimension financière, c'est-à-dire que cette plainte-là, elle engendre une préoccupation fondamentale, c'est-à-dire que le coût d'une action en justice, il est onéreux, le coût de se défendre, donc des personnes qui sont en situation de précarité peuvent difficilement soutenir de tels investissements.

Et enfin, il y a une dimension psychologique, hein, qui joue un rôle crucial, du fait des pressions, des intimidations, du stress qui est induit par la procédure judiciaire. Donc, pour les femmes, et là je cite de nouveau la juriste Josée Bouchard, qui a produit des analyses intéressantes sur ces questions-là en 1995 : «La crainte des poursuites en libelle diffamatoire intentées contre elles représente une nouvelle forme d'abus de pouvoir, abus à la fois politique, social et économique.» Et on peut faire le lien avec nos résultats de recherche. Parmi les raisons du non-signalement, il y a la crainte de représailles. Et là, je viens de citer... disons que je mets l'accent sur les représailles juridiques, mais il y a aussi d'autres formes de représailles qui peuvent être de l'ordre de l'intimidation, verbale ou d'autres manières. Et ça me semble un problème préoccupant.

Mme Fournier : Tout à fait, parce que vous parliez aussi que c'était une stratégie courante aux États-Unis, depuis les années 1980. Savez-vous s'il y a des politiques aussi qui ont été établies aux États-Unis, à certains endroits? On parlait beaucoup des politiques contre les violences sexuelles, par exemple, à l'Université Yale, à l'Université Harvard. Est-ce que, dans leurs politiques ou dans leurs codes de conduite, ça inclut aussi cette interdiction de représailles?

M. Ricci (Sandrine) : C'est une question qu'il va falloir étudier, et c'est pourquoi, d'ailleurs, avec ESSIMU, on a l'intention vraiment de porter notre regard aussi, l'année prochaine, sur les enjeux d'ordre juridique, avec des juristes. Moi, je ne suis que sociologue, et je n'ai pas regardé des articles de loi comme tels, mais il y a un travail à faire pour voir, justement.

Mais c'est clair que pourquoi je soulève cet enjeu du juridique, c'est aussi parce que, bon, c'est, d'une part, parce que j'ai observé qu'il y avait des situations qui se sont produites dans les universités, et je ne suis pas vraiment... je ne peux pas vraiment en parler parce que ce n'est pas de notoriété publique, O.K.? Il y a des situations qui se sont produites de plaintes et de mises en demeure contre des survivantes et contre leurs alliés. Et il y a aussi cet enjeu de mettre à la table, ici, non seulement la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Condition féminine, ce qui est très bien, mais aussi la ministre de la Justice, la ministre du Travail, pour réfléchir les noeuds juridiques qui sont en présence dans ce dossier. Et la question des sanctions, avec le respect de la vie privée, la confidentialité, tout ça, c'est un noeud. La question des représailles, c'est un noeud. Est-ce que la loi sur le harcèlement sexuel peut prévoir une telle disposition que de refuser à l'agresseur présumé, entre guillemets, de faire une plainte, une contre-attaque, hein? Et il y a un troisième noeud, à mon avis, qui concerne le milieu juridique, hein, ce dans quoi pataugeait un petit peu, si vous me pardonnez l'expression, la présentation du BCI.

Mme Fournier : O.K. Merci, merci beaucoup. Dans le cas des relations intimes entre les professeurs et les étudiants, qu'on a évidemment souvent évoquées, vous parliez de retirer le lien d'autorité, en fait, quand il arrivait une situation comme celle-là, que la personne justement qui, elle, est en autorité, bien, fasse en sorte qu'il n'y ait plus cette relation d'autorité. Donc, j'imagine, par exemple, de changer de cours, ou en tout cas... Comment vous visualisez, là, dans l'application concrète aussi, par exemple, dans les cas où la relation serait antérieure à l'établissement de la relation d'autorité... Est-ce que vous avez pensé à un mécanisme, est-ce que vous avez vu des choses, sur le terrain, qui pourraient nous inspirer pour le projet de loi?

Mme Paquette (Geneviève) : Bien, d'abord, si... Prenons en exemple qu'une étudiante suit un cours. Il se produit une relation intime, là, avec le chargé de cours, le professeur qui donne le cours. Bien, à ce moment-là, il va être retiré des activités d'évaluation. Il va falloir nommer une nouvelle personne pour évaluer les productions de l'étudiante. Possiblement qu'elle pourra poursuivre son cours, c'est-à-dire faire les apprentissages en classe, mais l'acte d'évaluer ne devrait pas revenir à un amant ou à un amoureux. Je ne vois pas de différence même si la relation est antérieure. C'est-à-dire, j'arrive à l'université, supposons, moi, je suis un cours, c'est mon conjoint qui le donne. Pourquoi, tout à coup, ce serait correct que ce soit lui qui m'évalue? Je ne pense pas que... Il faudrait, à ce moment-là, le déclarer, il faudrait prévoir les formulaires de déclaration, puis que, lorsque la relation est directe, qu'elle implique l'évaluation ou la supervision d'employés, d'étudiants, d'étudiantes, que les universités prennent des mesures pour s'assurer de retirer ces personnes-là tout en ayant le moins d'impact possible sur le cheminement académique des étudiants, des étudiantes et des employés.

Mme Fournier : Exactement. Parce que vous introduisez une notion dont on n'a pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant dans les consultations particulières. On a parlé beaucoup, évidemment, de l'aspect... de la notion de consentement, qui pouvait être plus ou moins présente dans une relation d'autorité, mais il y a effectivement aussi la question de la neutralité pédagogique aussi dans l'évaluation, qui, à mon sens, est extrêmement importante. Donc, merci pour votre point.

Maintenant, sur l'aspect des ressources — puis, bon, on a parlé beaucoup de la notion de guichet unique aussi dans le cadre des consultations, tout ça — quel est votre point de vue sur la question? Est-ce que, selon vous, ce serait important d'avoir des ressources minimales dédiées au sein d'un type de guichet unique qu'on pourrait retrouver dans tous les établissements?

Mme Paquette (Geneviève) : Oui, l'idée du guichet unique, moi, je pense que c'est une bonne idée. ESSIMU... on le recommandait qu'il y ait un lieu, vraiment, où l'ensemble des ressources soit connu, accessible. Les portails Web... on recommandait des portails Web qui rassemblent toute l'information, des politiques distinctes et idéalement des ressources qui se consacrent à traiter les cas de violence sexuelle.

Maintenant, où j'ai des réserves, puis c'est ce qu'on expliquait, c'est que toute mesure qui vise à forcer, si je peux m'exprimer ainsi, des victimes à poser des actes... Il ne faut pas avoir des effets iatrogènes, là, autour de la loi. C'est-à-dire que les victimes, elles ont justement eu à subir quelque chose auquel elles n'ont pas consenti. Et l'un des grands principes de l'intervention, c'est d'agir toujours dans une optique d'«empowerment» pour vraiment que, par la suite, les victimes, les survivantes choisissent les recours, les étapes par lesquels elles veulent passer. Et ça remet, d'après nous, à l'agenda l'importance de bien former le personnel des universités, les étudiants, les étudiantes sur l'accueil d'un dévoilement d'une violence sexuelle parce que, force est de le constater, les résultats de l'étude vont dans ce sens-là, c'est là qu'elles se confient.

Mme Fournier : Merci. Il reste peu de temps, mais j'aimerais vous entendre sur les délais de traitement des plaintes. C'est quelque chose aussi qui est revenu assez fréquemment, là, presque à toutes les rencontres qu'on a eues jusqu'à maintenant. Donc, avez-vous une position là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'on devrait inscrire un délai maximal de traitement des plaintes dans la loi?

Mme Paquette (Geneviève) : Je pense que, comme toute situation qui implique la violence, puis j'ai écouté certaines auditions, puis j'ai entendu toutes sortes de propositions, effectivement, il y a une première étape. C'est basé, même, ce que je vais vous dire, ça s'insère bien aussi dans un modèle de rétablissement, le modèle d'Hermann, qui est assez connu, qui est une chercheuse qui a travaillé beaucoup en agression sexuelle auprès des femmes. Et donc les premières mesures immédiates doivent se préoccuper de la sécurité des victimes. Et cette intervention-là est importante, puis c'est celle-là qui doit rapide, hein? Ça peut être quelques heures dont on dispose, hein, pour sécuriser l'environnement d'une victime. La deuxième étape, c'est vraiment la diriger vers des ressources psychosociales, dans un premier temps, puis de s'assurer qu'elle gère les conséquences de l'agression sexuelle, les conséquences psychologiques, les conséquences physiques, etc., les conséquences sociales, s'il y en a. Et, dans un troisième temps, si elle le décide, on fait le traitement du signalement ou de la plainte, là. C'est un peu le parcours qui s'insère dans le rétablissement dont les victimes nous témoignent, la manière dont les victimes se rétablissent, donc. Et donc il y avait trois niveaux d'intervention avec des délais différents.

• (18 h 10) •

Mme Fournier : Merci beaucoup.

M. Ricci (Sandrine) : Mais des délais les plus brefs possible, évidemment. On va dans le même sens que les étudiantes et les étudiants à cet égard-là.

Une voix : Oui, les 45 jours maximum me semblaient...

M. Ricci (Sandrine) : Puis cinq jours, cinq jours.

Une voix : Oui.

M. Ricci (Sandrine) : 45, cinq...

Une voix : Oui.

M. Ricci (Sandrine) : C'était ça, la formule qu'on a entendue?

Mme Fournier : Oui, exact. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Merci à la députée de Marie-Victorin. Maintenant, nous passons... la parole sera au représentant du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Je dispose de combien de temps?

La Présidente (Mme de Santis) : Vous avez 8 min 48 s.

M. Roberge : Ça, c'est précis. D'abord, bien, merci beaucoup pour votre présentation puis pour tout le travail que vous faites dans ce dossier-là. Je pense que c'est assez incontournable. Donc, c'est important de vous avoir avec nous.

Je vais d'abord m'attarder vers la fin de votre document dans l'axe d'intervention 5, la quatorzième recommandation. Vous parlez d'appuyer le développement d'interventions auprès des individus ayant commis des gestes de violence sexuelle dans le but de les responsabiliser. Donc, ça n'exclut pas des mesures disciplinaires, des sanctions et d'autres dispositions judiciaires. Est-ce qu'on parle, là, de ce qu'on peut appeler des fois la justice alternative ou réparatrice? Pouvez-vous élaborer un peu sur ce sujet-là, s'il vous plaît?

Mme Paquette (Geneviève) : Je pourrais tenter, mais moi, je suis vraiment spécialisée auprès des victimes, par contre j'ai des collègues qui se spécialisent au niveau de l'agression sexuelle perpétrée. Et ici on faisait plutôt référence — et ça n'exclut pas les sanctions, ça s'y ajoute — à ce que ces personnes-là aient accès à du traitement. Parce qu'il existe des programmes de traitement pour les personnes qui ont commis des agressions sexuelles ou qui sont à risque d'en commettre. Ces organismes-là, tout comme les CALACS, peinent d'ailleurs à survivre, hein, malgré le travail important qu'ils font auprès des personnes qui ont commis des agressions ou qui sont à risque d'en commettre.

M. Roberge : Donc, dans le fond, ce serait de préciser qu'évidemment on axe les ressources sur les victimes, leur venir en aide puis leur offrir tout le soutien nécessaire, les outiller vers les intervenants, vers le processus judiciaire si elles le souhaitent. Mais ce que vous apportez, puis même si vous n'avez pas nécessairement tout un programme là-dessus, vous nous levez un petit drapeau, vous dites : Attention, il faudrait peut-être aussi penser à s'arranger pour que ceux qui commettent ces gestes-là soient accompagnés pour ne plus qu'ils en commettent aussi. Parce que les sanctionner, c'est une chose, mais, si on ne veut pas tous... si on veut minimiser le nombre d'actes de violence, il faut aussi aller en prévention des deux côtés. O.K., bon, bien je vous remercie pour ça.

Ensuite, juste avant, vous parlez de ceux qui peuvent intervenir. Là, l'axe 13, vous parlez de soutenir financièrement la création d'une ressource spécialisée en matière de violences sexuelles. Donc, dans le projet de loi, on parle d'un guichet unique, mais là, la ressource spécialisée, donc, fort possible qu'il y ait... des fois, on peut l'avoir dans le cégep ou dans l'université, mais pas toujours. En ce moment, c'est variable d'un établissement à l'autre, d'où l'importance de la politique et du projet de loi. D'après vous, c'est qui, cette fameuse ressource spécialisée? Qui va être à même de porter ça, là, dans une institution? Est-ce que c'est un travailleur social? Est-ce que c'est un psychologue? Est-ce que c'est un sexologue? Est-ce que c'est un intervenant d'un CALACS ou d'un organisme qui existe déjà? C'est quoi, le profil de cette ressource-là?

M. Ricci (Sandrine) : Il faut comprendre aussi qu'historiquement on a commencé à travailler dans ce dossier et que c'est issu de mobilisation collective en milieu universitaire, beaucoup étudiante, féministe, et qu'il y avait un besoin d'avoir un... le besoin était nommé comme d'avoir un CALACS à l'UQAM, pour ne pas la nommer, parce qu'il y avait d'autres universités, comme à Concordia ou à McGill, où il y avait des bureaux qui s'occupaient... les «sexual assault centers», bon, etc., «service». Donc, c'était ça un peu, la logique et on a voulu réfléchir donc à cette possibilité d'avoir un CALACS dans certaines universités, mais rapidement, on en est venus à réfléchir à ça aussi par rapport à l'établissement d'une passerelle de services, comme c'est testé actuellement à l'UQAM, justement, avec le CALACS Trêve pour elles, comme ça l'a été aussi à l'Université d'Ottawa. Mais une chose est certaine, c'est que nous comprenons le mandat de cette ressource-là à la fois en termes de soutien aux victimes, donc un soutien psychosocial, mais un accompagnement aussi dans les démarches sociojuridiques et aussi en termes de dispensation d'activités de prévention, de formation, qui correspond au triple mandat des CALACS, en fait. Et les CALACS ont aussi une mine d'expertise au regard de leur approche, de leur compréhension, de leur analyse du problème. Donc, c'est pour ça qu'il nous semble primordial de les inclure dans l'équation et de recourir à leurs services, si tant est qu'on pouvait les financer adéquatement.

M. Roberge : Ce que je comprends, c'est que, bien, de toute manière, il faudra financer adéquatement ce fameux guichet unique, cet intervenant ou cette intervenante. Donc, ce que vous dites, au fond, c'est : Plutôt que d'essayer de réinventer la roue, il y a un modèle qui fonctionne, qui s'appelle les CALACS, qui ont développé une façon de faire, une organisation, c'est efficace, donc ne réinventons pas la roue, finançons-les mieux de manière à ce qu'ils puissent desservir les campus. Est-ce que c'est pas mal ce que vous exprimez?

Mme Paquette (Geneviève) : Dans certains milieux, c'est sûr que le traitement institutionnel de la plainte, là, il y a possiblement quelqu'un à l'interne aussi qui va falloir qu'il s'occupe de ça. Mais, côté ressources, moi... On l'a vu dans les auditions, il y a beaucoup de ressources qui ont des expertises en violence sexuelle puis qui peuvent être mises à profit dans une optique de concertation. Je pense que ça va être ça, l'enjeu, c'est celui de la concertation entre les ressources.

M. Ricci (Sandrine) : Mais il y a quand même une dimension importante au problème, que nous, on a sondé auprès, donc, des 9 284 répondants et répondantes à notre enquête, c'est : Est-ce que vous préféreriez — et là, qu'elles aient subi une violence à caractère sexuel ou non, hein, on a sondé tout le monde — est-ce que vous préféreriez une ressource à l'intérieur de l'université ou à l'extérieur de l'université? Et c'est quand même mitigé. Il y a quand même beaucoup de gens qui seraient plus à l'aise d'aller à l'extérieur de l'université, d'où l'intérêt d'avoir une présence sur le campus et une présence à l'extérieur, où les gens peuvent sortir de leur institution à cause des, justement, problématiques de crainte de représailles, je ne sais pas, moi, atteinte à la réputation, etc.

M. Roberge : Oui, mais je pense que c'est la liberté de choix, en réalité. C'est qu'en ce moment il y a peut-être des ressources qui sont surtout à l'extérieur du campus. Puis là on dit : Bien, il faudrait que ça soit plus accessible, il est possible que des gens n'aillent pas à l'extérieur, ouvrons un guichet unique. Puis là on se fait dire : Oui, mais il y en a qui ne voudront pas aller sur le campus. On s'entend que, dans le fond, il faut que les ressources soient disponibles avec un guichet unique sur le campus, mais on ne fermera pas les CALACS qui sont à l'extérieur.

Bien, ça fait le tour pour moi. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. le député de Chambly. Maintenant, la parole est à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, pour trois minutes.

Mme Massé : Merci. Pour trois minutes? C'est bien. Je trouve ça... Merci beaucoup, premièrement, pour l'étude. ESSIMU a joué un rôle important. Peut-être brièvement, vous aviez annoncé que vous alliez regarder du côté des cégeps aussi. Est-ce que ça se maintient? Le projet a été financé puis ça va? On peut imaginer un rapport à quelle étape?

Mme Paquette (Geneviève) : On n'en est pas là, je pense, dans le processus.

Mme Massé : Ah! O.K. C'est correct.

Mme Paquette (Geneviève) : Mais oui, milieu collégial, puis même, peut-être, ça me permet de glisser, dans le cadre de la révision de la loi, avant cinq ans, aussi, l'étude en milieu universitaire serait à reconduire, si on veut voir comment ça évolue aussi.

Mme Massé : Entendu. Les postes que vous créez, j'ai bien entendu que ce ne serait pas une bonne idée que ce soit à l'intérieur des institutions, mais plutôt à l'extérieur. J'aimerais juste avoir votre opinion. Serait-il pertinent qu'ils soient rattachés, par exemple, je ne sais pas, moi, au Secrétariat à la condition féminine? Est-ce que ça pourrait être... Parce que vous avez dit : Peut-être au ministère. Si vous avez une opinion là-dessus...

• (18 h 20) •

M. Ricci (Sandrine) : Je pense que, vraiment, on n'a pas eu l'occasion de réfléchir à la mécanique fine de tout ça. Je pense que c'est une proposition qui pourrait être intéressante. Moi, je suis plus favorable à des approches concertées, personnellement, donc... parce que c'est... Il y a des approches transversales, il y a des approches spécifiques, bon, et là je crois qu'on est au croisement de plusieurs portefeuilles ministériels, etc. Et donc je pense que tous ces gens doivent se parler, mais je crois que ce poste répondrait à plusieurs besoins que j'ai évoqués. Et on doit aussi s'intéresser à la surcharge de travail que les directrices ou les agentes dans les bureaux de harcèlement dans les universités... Pour prendre l'université dans laquelle, moi, j'évolue depuis une vingtaine d'années maintenant, c'est l'UQAM, et une des raisons qu'on invoque pour que la politique prenne autant de temps à être révisée, la politique 16, qui est la politique sur le harcèlement, c'est aussi parce qu'elle a d'autres choses à faire, la directrice, elle a tant d'autres fonctions. Il y a un problème de surcharge. Donc, de les soutenir, je pense que ça répondrait mieux aux problèmes.

Mme Massé : Bien, juste pour vous dire que c'est la beauté de la Condition féminine, c'est-à-dire que de rattacher au ministère, c'est le ministère de l'Éducation supérieure... Le Secrétariat à la condition féminine a cette responsabilité-là justement d'essayer de coordonner les choses. Ça fait que c'est peut-être quelque chose à continuer à réfléchir, et... Il me reste-tu du temps? Je vous regarde, Mme la Présidente. Peut-être juste dernier élément, parce que, comme le disait Mme la ministre, c'est évident à partir du moment où on parle de sanctions, où on parle de représailles, là on met le doigt sur ce que nous savons, les féministes, qui cause un problème, c'est-à-dire on ne veut pas en parler.

La Présidente (Mme de Santis) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : C'est terminé?

La Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement, on est à la fin. Mme Ricci, Mme Paquette, nous vous remercions pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 23 novembre 2017, après les affaires courantes.

Je remercie tout le monde d'avoir consenti qu'on soit ici jusqu'à 18 h 25, et, à vous tous et toutes, bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 22)

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