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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le vendredi 1 décembre 2017 - Vol. 44 N° 89

Étude détaillée du projet de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

Mme Hélène David

Mme Manon Massé

Mme Catherine Fournier

M. Jean-François Roberge  

Journal des débats

(Onze heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 151, la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : M. Ouellette (Chomedey) sera remplacé par M. Hardy (Saint-François) et M. Kotto (Bourget), par Mme Fournier (Marie-Victorin).

Étude détaillée (suite)

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la secrétaire. Hier, lors de l'ajournement de nos travaux, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques était sur le point de nous présenter un amendement insérant un nouveau paragraphe 12.1° au deuxième alinéa de l'article 3. L'amendement vous a été distribué. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, veuillez nous faire lecture de votre amendement et nous le présenter.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, chers collègues, ça me fait plaisir d'être ici ce matin pour cette deuxième vague. Il y a eu une première qui a bien avancé hier, malgré le fait qu'on a terminé assez tard. Donc, je propose un nouvel amendement à l'article 3, d'ajouter, après le paragraphe 12°, un nouveau paragraphe, qui se lirait comme suit :

«12.1° Les mesures de divulgations des sanctions qui échoient aux personnes ayant fait l'objet de plainte et dont les manquements à la politique ont été reconnus, comprenant minimalement, une divulgation auprès de la personne ayant porté plainte.»

Alors, Mme la Présidente, si je présente cet amendement ce matin, c'est parce que, lors des audiences, si vous vous rappelez, les groupes qui interviennent nous ont rappelé combien c'est important, pour les victimes, de savoir que le geste qu'elles ont posé, qui leur demande beaucoup de courage, n'est pas un geste qui tombe à plat et qu'il est important que les victimes soient informées d'un certain suivi des actions qui sont posées par rapport à la personne qui a posé des gestes.

Alors, je sais que le paragraphe 12° dit : «Des sanctions applicables en cas de manquements à la politique...» Bien. L'article 12.1°, ce qu'il vient faire, ce que je propose, c'est qu'il vient dire : Oui, et, quand il y a des sanctions, bien, ça serait bien que la victime en soit informée, parce que, Mme la Présidente, c'est ça qui donne le sentiment d'injustice... de justice, pardon, pas d'injustice, c'est de savoir que ce que tu as posé comme geste, il y a eu des conséquences, les conséquences ont été sanctionnées, et donc il est nécessaire d'en tenir informée la victime.

Je dis : «...comprenant minimalement, une divulgation auprès de la personne ayant porté plainte.» Ça peut être autre chose. Je sais qu'il y a des institutions qui pensent à d'autres affaires. Mais, pour moi, ce qui est important, c'est que la victime soit informée. Et on a entendu, durant nos auditions, des groupes qui proposaient d'y aller beaucoup plus largement que ça. Mais, pour nous, ce qui est minimalement important à cette étape-ci, c'est que la victime soit informée des sanctions.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme David : Alors, je pense qu'on va pouvoir s'entendre quelque part sur une partie du fond de la suggestion; sur la forme de l'amendement, on me dit que cet amendement-là contreviendrait à la loi sur l'accès en matière de protection des renseignements personnels.

Et donc nous allons soumettre nous-mêmes, en fait, deux autres amendements qu'on pourrait suspendre pour vous expliquer, parce qu'ils s'appliquent à deux endroits de la loi. Et je pense qu'on obtient... je vous écoutais puis je pense qu'on arrive au même résultat en protégeant la protection des renseignements personnels.

La Présidente (Mme de Santis) : Madame.

Mme Massé : Bien, écoutez, je suis très heureuse d'entendre ça. C'est de même qu'on fonctionne, hein, depuis hier : on s'entend sur le fonds, puis, après ça, on essaie de trouver les meilleures façons pour le formuler. N'étant pas juriste, je fais confiance à l'équipe de la ministre, puis on va regarder ça en temps et lieu.

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, l'amendement, est-ce que c'est retiré?

Mme Massé : J'imagine qu'il faut que je le retire pour permettre d'arriver à... Mais, avant de le retirer, si vous voulez, je vais juste jeter un oeil sur ce qui m'est proposé.

La Présidente (Mme de Santis) : On va suspendre pour quelques moments.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 42)

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. On reprend nos travaux. Alors, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, est-ce que vous proposez de retirer votre amendement?

Mme Massé : Oui, j'aimerais retirer mon amendement.

La Présidente (Mme de Santis) : Est-ce que j'ai le consentement de tout le monde que l'amendement soit retiré? Merci. L'amendement est retiré. Alors, est-ce qu'il y a un nouvel amendement, une proposition d'un autre amendement?

Mme David : Oui, Mme la Présidente. Alors, je vais déposer un amendement pour ajouter, après le paragraphe 11° du deuxième alinéa de l'article 3 du projet de loi, le paragraphe suivant : «11.0.1°...»

La Présidente (Mme de Santis) : On n'a pas copie de l'amendement. Est-ce que tout le monde peut avoir copie, s'il vous plaît?

Des voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, on va suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 45)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la ministre.

Mme David : Alors, oui, Mme la Présidente. Donc, ajouter, après le paragraphe 11° du deuxième alinéa de l'article 3 du projet de loi, le paragraphe suivant :

«11.0.1. des mesures encadrant la communication de renseignements nécessaires à toute personne en vue d'assurer sa sécurité;».

La Présidente (Mme de Santis) : Veuillez l'expliquer.

Mme David : Alors, écoutez, je pense qu'on reprend l'essentiel de l'objectif en évitant d'être contestés ou contestables en matière de loi d'accès à l'information des renseignements personnels. Qu'est-ce que les victimes disent de plus? Je veux savoir si je risque de croiser mon agresseur dans les corridors. Je veux savoir s'il est là. Je veux savoir s'il va revenir. Je veux savoir si j'ai à craindre quelque chose.

Alors, cet amendement, ainsi qu'un autre qui est un peu complémentaire, qu'on présentera après, dit vraiment qu'on doit prendre des mesures qui encadrent la communication de renseignements à toute personne. Toute personne, c'est évidemment la victime en premier lieu, mais on doit prévoir toutes sortes de cas de figure en vue d'assurer sa sécurité.

Je pense, avec ce qu'on a entendu, particulièrement l'étudiante à l'UQAM qui nous a fait un grand plaidoyer... je pense que vous étiez là au dévoilement de l'enquête ESSIMU... qui disait que c'était un des facteurs clés qui augmentaient le stress — je ne sais jamais quand je vais le croiser, où il est, est-ce qu'il est revenu, pas revenu — alors, je pense, c'est une façon qui atteint le même objectif en n'atteignant pas la question des droits aux renseignements ou à la vie privée. C'est un grand pas en termes de pratiques par rapport à ces situations très, très malheureuses.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Des interventions?

Mme Massé : Bien, oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Allez-y, Mme la députée.

Mme Massé : Oui. Merci, Mme la Présidente. En fait, oui, effectivement, je considère que c'est un grand pas. Puis la question de la sécurité physique et mentale, psychologique est effectivement ce qu'on a, il me semble, comme législateur, le... C'est le plus important à protéger. Ce que je comprends, c'est que seuls les renseignements concernant la sécurité seront possibles de divulgation. Et là vous faites un lien avec le droit de... la protection des renseignements, etc. J'en suis. Mais, en même temps, je me pose une question. Parce qu'on le sait qu'il y a déjà eu des pratiques, par exemple, où on faisait signer aux victimes, dire : Bon, regarde, on te l'a dit, là, qu'on a... Pour telle raison, il a été changé...

Par exemple, O.K. : Pour telle raison, il a été changé d'aile, ou, si on est au cégep, il été changé de... il n'enseignera plus ce cours-là, mais plutôt celui-là, bon, peu importent les sanctions. Je ne parle pas nécessairement toujours rien que des accommodements, parce qu'ici, dans votre proposition, il n'y a plus du tout la question de la sanction. Ce que vous faites état, c'est beaucoup plus des accommodements. Mais, par exemple, on dit à la victime : Bien là, maintenant, tu le sais, et on va te faire signer ici comme quoi tu ne peux pas parler de ça, parce que...

Bien, je ne sais pas si vous étiez au courant de cette forme de pratique là. Parce que, et on le réitère, là, puis, hein, on veut protéger l'excellence, on veut protéger les institutions, on veut protéger les professeurs, on veut protéger... Mais nous, on est en train d'écrire une loi pour protéger les victimes. Alors, j'aimerais entendre la ministre sur... Parce que c'est une pratique qui existe, qui a déjà existé, je ne dis pas qu'elle existe encore de façon généralisée. Mais est-ce que, dans cette perspective-là, on dit à la victime : Bien, on va te le dire, mais tu n'as pas le droit d'en parler. Mettons, on va te le dire, puis surtout n'avise pas tes autres collègues que ce prof-là, c'est un taponneux, etc. Ça fait que, moi, c'est un peu ma préoccupation. J'avais l'impression que mon amendement visait un petit peu plus large. Je comprends qu'il peut y avoir des contraintes légales. Je ne suis pas juriste, vous le savez. Mais, voilà, peut-être voir à ce niveau-là.

• (11 h 50) •

Mme David : Bien, écoutez, je vérifie un certain nombre de choses, parce qu'effectivement il faut penser à tous les aspects dans ça. Mais il n'est pas dit nulle part qu'il est prévu qu'on fasse signer à la victime un avis de non-divulgation de ce qu'on lui dit. Il n'est pas écrit, là, nulle part. Et, même dans l'autre amendement, il n'y a rien de ça. Alors, «des mesures encadrant la communication de renseignements nécessaires», c'est large. Quels sont les renseignements nécessaires en vue d'assurer sa sécurité? Sécurité, ça peut être effectivement mentale, physique. On n'est pas loin de la déduction que la victime peut faire.

Et ce n'est pas seulement sur l'accommodement. C'est drôle, moi, je le voyais au moins autant sur la sanction que sur l'accommodement. C'est vrai qu'il y a un côté accommodement aussi, mais il y a un côté sanction aussi. Ton agresseur va être, genre, de retour dans une semaine, bien, il me semble que c'est assez facile à déduire, à ce moment-là, que, dans une semaine, si ça fait deux mois qu'il est parti, ça veut dire qu'il a eu une sanction de deux mois et une semaine. Alors, moi, je ne voyais pas ça. En fait, je n'ai même pas pensé aux questions des accommodements, mais c'est vrai que ça inclut les accommodements, mais aussi — et aussi au moins autant, d'après moi — les sanctions.

Alors, c'est large, cette question de sécurité des personnes, puis je pense que les établissements vont faire et obliger de faire un peu de cas par cas, mais je pense qu'on fait vraiment un pas de plus, significatif, dans la question d'informer la victime, de ne pas la laisser toute seule à dire : Quand va-t-il être là? Que fait-il? Alors, oui, les accommodements... puis c'est des mesures, souvent, ça, immédiates, mais aussi... bien là, dans un mois, il va être de retour. Alors, s'il est parti depuis un mois puis il s'en vient dans un mois, c'est facile à déduire, quelque chose qui, par ailleurs, n'est pas divulgable sans le consentement de la personne visée. La personne visée doit consentir à divulguer des renseignements personnels, c'est-à-dire signer... C'est pour ça qu'il faut, si la personne ne veut pas contourner un peu cette question... en allant sur le volet sécurité. Ça ne veut pas dire, à la limite, que la personne qui a eu des sanctions, à la limite, pourrait signer en disant : Bien, divulguez à la victime que je reviens dans un mois. Mais, pour des raisons de sécurité, on va pouvoir le faire de toute façon.

Mme Massé : Bien, tout à fait, je le comprends, puis c'est le minimum, tu sais, la sécurité, ça, c'est vraiment... c'est fondamental. Puis, si, dans votre tête, ça inclut aussi la sécurité psychologique, là, c'est... j'imagine, considérant vos racines, on sait de quoi on parle, je pense que c'est fondamental.

Moi, ma préoccupation, c'est quand on parle de mesures, hein? On dit, donc «des mesures encadrant la communication». On ne se le cachera pas, Mme la ministre, il y a inévitablement une tension, tu sais, parce qu'on vit aussi dans une culture du viol, donc globalement, ça va être long avant de déconstruire toute cette culture-là qui a infiltré chacune des couches de nos sociétés.

Et, par rapport à la question de faire signer aux victimes des papiers qui disent : Bien, moi, je m'engage à ne pas parler de ça, à ne pas dire ça, on sait que, un, c'est déjà des pratiques existantes et, deux, ça pourrait être considéré comme une mesure encadrant la communication. C'est de dire : O.K., nous, comme institutions, on va développer nos mesures pour communiquer les renseignements nécessaires à la sécurité, mais, là-dedans, un coup qu'on va l'avoir communiqué, une des mesures va être de faire signer la personne pour dire : Bien, tu n'as pas le droit d'en parler.

Ce pourquoi... puis moi, j'avais déjà préparé un amendement, là, à cet effet-là, pour nous sensibiliser à ces pratiques-là existantes. On est en train d'essayer de voir si on ne peut pas l'amener en sous-amendement là-dedans. Parce que la tension, inévitablement, entre la renommée de l'université, la renommée d'un chercheur, d'un professeur, de... bon, vous connaissez mieux ça que moi, ça vient souvent en tension avec ce qui est un peu intégré dans le discours dominant de la culture du viol, c'est-à-dire, la petite fatigante qui vient déranger, là, tu sais, c'est une... puis là j'y vais, là... je pense que les gens qui nous écoutent savent très bien que je ne suis pas en train de dire ce que je pense, tu sais, je veux dire, je ne trouve pas que ces femmes-là sont fatigantes, mais, dans la culture du viol, c'est quelque chose : C'est les victimes qui sont dérangeantes, c'est les victimes qui sont fautives, c'est les victimes qui font perdre les jobs, qui ruinent la vie des gars, etc. Alors, moi, j'aimerais ça qu'on puisse leur dire, aux victimes, aux survivantes et/ou aux survivants, de leur dire : Écoutez, soyez assurés qu'on ne vous fera pas signer des affaires, parce que, ça, on met cette balise-là.

Alors, je pense que, hein, je pense qu'on voit, là... J'aimerais ça entendre la ministre peut-être là-dessus, puis après je pourrais être prête, Mme la Présidente, à déposer un sous-amendement.

Mme David : Oui, j'essaie de visualiser, là, puis je pense que, cette partie-là, je la saisis un peu mieux. C'est que, même si on assure sa sécurité, même si on lui dit : Il va revenir dans deux mois et que... Vous ne voulez pas que l'établissement, qui est le seul autorisé, dans le fond, à divulguer ou pas la question disciplinaire de l'agresseur... vous ne voudriez pas qu'on empêche la victime de divulguer ce qu'on lui a dit comme communication concernant sa sécurité. C'est ça? Est-ce que je comprends bien?

Mme Massé : Bien, je ne suis pas certaine que je vous ai comprise, Mme la ministre, votre voix baisse et mes oreilles aussi.

Mme David : Bon, je vais répéter puis je vais peut-être être plus claire. En parlant à haute voix, des fois, puis en répétant, on devient plus clairs nous-mêmes. Je pense que, ce que vous ne voulez pas qu'il arrive, c'est que, si on... Parce que là on demande que le projet de loi prévoie les mesures encadrant la communication de renseignements nécessaires à toute personne en vue d'assurer sa sécurité, mais que... j'imagine que ce qui risque de s'ajouter, c'est : mais ne pas l'empêcher de dire à ses amis ou de faire un Facebook ou un tweet : Il est de retour dans deux semaines, genre. Ce serait... C'est-u ça, là?

Mme Massé : Oui, c'est ce que les pratiques... Tu sais, quand vous signez un papier qui dit : Je t'ai donné une information et tu t'engages à la taire, c'est de ça qu'on parle.

Une voix : ...

Mme David : Une réponse qu'on me donne... on n'est pas dans le simple, hein?

Mme Massé : Non.

Mme David : Mais vous allez voir que ça se complique encore plus, puis là ça peut jouer contre la victime. Alors, l'engagement à tenir certaines informations confidentielles a pour effet, dans bien des cas, de protéger les victimes contre des poursuites en dommages de la part de la personne qui fait l'objet de la divulgation. Donc, de dire : Il s'en vient, il va revenir dans deux semaines, il est dans la classe d'à côté, on l'a changé de... je ne sais pas quoi, on l'a changé de résidence, etc., et qu'elle met ça sur Facebook, elle met ça sur Twitter : Il est encore là, il a eu ça, il a été jugé, mais, regardez, on est un mois après, je ne sais pas quoi, son procès... on ne peut pas dire procès, mais son comité disciplinaire... il est déjà de retour.

Et là, donc, on lui a communiqué ça pour lui dire, pour sa sécurité : Bien, on aime mieux te le dire, te dire que sa sanction va être terminée. On a vu, hier, là, tous les délais de traitement, et tout ça. Et que là, à ce moment-là, bien, l'aspect négatif de ça, ça peut être que ça se retourne contre elle, en disant : Là, ça suffit, j'ai été jugé, j'ai eu mes sanctions. On te l'a dit pour ne pas que tu paniques, puis que tu le saches, puis que tu voies venir, puis, en plus, tu t'en vas mettre ça sur Facebook. Bien là, je peux me permettre de te poursuivre en... je ne sais pas quoi, en poursuite en dommages.

Alors, je ne suis pas une grande habituée de toutes ces procédures-là. Je comprends bien qu'on essaie de faire le mieux pour la victime, mais il faut aussi faire attention à tous les enjeux qui sont en cause.

Mme Massé : Oui. Bien, c'est sûr. Puis, vous le savez peut-être, Mme la ministre, mais, dans, disons, la pression qui est faite sur les victimes, notamment dans les grands mouvements de «hashtag», souvent, la menace de la poursuite est l'outil le plus utilisé pour faire taire les victimes. Vous, ce n'est pas ça que vous avez dit. Vous, ce que vous avez dit, c'est... Dans le fond, ce pourquoi vous nous suggérez d'être prudentes là-dedans, c'est de s'assurer de ne pas mettre les victimes dans une mauvaise trappe.

• (12 heures) •

Mme David : C'est parce qu'il y a une énorme différence entre les deux cas de figure. Le @moiaussi, il m'a fait quelque chose, dans la... mais sans procès, sans rien. Dans la situation qui nous occupe, dans le cas de figure, il y a eu plainte; il y a eu des mesures d'accompagnement pour la victime; il y a eu des accommodements, fort probablement; il y a eu, dans les... je pense qu'on était à 90 jours, il y a eu, donc, traitement de la plainte; il y a eu sanction; il y a eu divulgation à la personne pour des fins de sécurité. Il revient, il va être là dans deux semaines. Là, on n'est pas dans : Il m'a fait ça, sur Facebook, là, il y a eu tout un processus. Et là on ne peut pas dire que c'est juste comme ça, sans aucune forme de... tout le processus a été bien suivi, et il a eu une sanction.

Alors, l'étape de plus, si je comprends bien, que vous voudriez proposer, c'est que la personne puisse dire : Il va être de retour, un peu comme quand un pédophile sort de prison, ou un délinquant dangereux, puis on dit... parce que ça, il y a toute une loi qui entoure les délinquants dangereux, puis il y a des... Il va ressortir de prison et puis il va être, je ne sais pas quoi, en liberté conditionnelle ou je ne sais pas quoi. On tombe dans des choses un petit peu compliquées, là.

Mme Massé : En fait, moi, mon objectif, c'est surtout d'essayer de voir comment des pratiques, notamment de musellement des victimes, sont intégrées dans nos façons de fonctionner, et que, même si on a une belle politique, si, en bout de ligne, on muselle la victime... C'est vrai au niveau des institutions, mais c'est surtout vrai partout où il y a des rapports de pouvoir, partout où il y a des rapports d'autorité, partout où il y a des rapports de force et où les victimes ne sont pas souvent celles qu'on appuie d'entrée de jeu.

Alors, moi, c'est pour ça que le projet, cette idée de sous-amendement, c'était, d'une part, parce que je sais que la pratique existe déjà, d'une autre part, je sais que les menaces de poursuite sont l'outil le plus utilisé pour faire taire les femmes victimes soit d'une agression soit du harcèlement, beaucoup du harcèlement, et au niveau de l'inconduite. Et, en même temps, vous me donniez un exemple. O.K., peut-être que les sanctions, dans le processus, c'est une chose, mais ce qui nous protège souvent le plus, les femmes, c'est quand on est capables de se dire — puis on le fait, les «hashtags» font ça, tu sais : Fais attention à toi, fais attention à toi, moi, il m'est arrivé ça; faites attention à vous, moi, il m'est arrivé ça. Alors, c'est pour ça que j'essayais d'y arriver. On y est-u arrivés?

Des voix : ...

Mme Massé : On pense que oui. On n'est pas juristes, mais on pense que oui. Alors, Mme la secrétaire, on va vous envoyer, à l'instant, un sous-amendement qui s'intégrerait au 3.1°.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. On va suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 12 h 12)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez un sous-amendement au paragraphe 11.0.1° à proposer. Allez-y.

Mme Massé : Oui. Alors, voici, comme vous venez de le dire, le sous-amendement à l'article 3, paragraphe 1.0.1°...

Une voix : 11.0.1°...

Mme Massé : Ajouter, après le mot «mesures», les mots suivants : «, ne pouvant comprendre des moyens pour obliger les victimes à garder [...] silence,».

Voilà. Je pense que je vous ai un peu émis mon point. Ce que je voulais juste dire, peut-être, c'est que, dans les faits, ce que je souhaite là-dedans, c'est vraiment de dire aux victimes : Oui, on vous donne ces mécanismes-là pour vous protéger, mais, en même temps, on n'acceptera pas qu'il y ait une représaille institutionnelle qui se fasse en vous faisant garder le silence. Nous avons des situations, c'est des pratiques qui existent, et je pense que les institutions dans lesquelles ces pratiques existent, là, pourraient considérer que c'est une mesure acceptable. C'est dire : Oui, oui, O.K., on va permettre... on va lui transférer les informations pour sa sécurité, mais, en même temps, on va s'assurer qu'elle ne dise pas un mot. Et ça, pour moi, ça fait partie d'un bouquet de représailles, que je ne voudrais pas que cette loi-là puisse permettre aux institutions.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme David : Oui, en fait, elle a exactement employé le mot que je voulais employer, c'est... On regarde la question, on va demander de passer à un autre article puis de suspendre temporairement celui-là, parce que ça fait beaucoup référence à la question des représailles, et, dans la question des représailles, il pourrait y avoir justement représailles s'il y a un non-consentement à signer ça. S'il y a un consentement, on ne peut pas empêcher si la victime consent; mais, si elle ne consent pas, ça risque d'être couvert, et c'est ça qu'on veut valider par notre article sur les représailles. Alors, on va vous demander un peu de temps pour accorder nos violons d'articles, d'alinéas, de sous-alinéas. Et je pense qu'on va trouver une façon pour arriver au but souhaité.

Alors, on pourrait donc y revenir parce que ça va... à moins que vous vouliez suspendre, ça va prendre un peu de temps pour la cogitation juridique de tout ça, et législative, mais on avait parlé d'un autre amendement hier qu'il fallait récrire, alors on serait prêts à le soumettre.

La Présidente (Mme de Santis) : Parfait. Alors, une chose à la fois. D'abord, est-ce que j'ai le consentement pour qu'on suspende le débat sur le sous-amendement et l'amendement?

Une voix : Oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Parfait. Alors, maintenant, nous allons procéder à l'étude du paragraphe 10° de l'article... du deuxième alinéa de l'article 3. Est-ce qu'on a une... O.K.

Alors, on va suspendre un instant pour qu'on remette à tout le monde une copie du sous-amendement.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 12 h 16)

La Présidente (Mme de Santis) : On reprend nos travaux. Alors, actuellement, c'est un remplacement de l'amendement qui est proposé. Mme la ministre.

Mme David : Alors, à l'article 3, remplacer le paragraphe 10° du deuxième aliéna de l'article 3 par le suivant...

La Présidente (Mme de Santis) : On va faire le suivant d'abord. D'abord, il y a un amendement qui est sur la table, il faut retirer l'amendement qu'on a discuté hier. Est-ce que j'ai... C'est l'amendement qui se trouve sur cette feuille, O.K.? Alors, est-ce que j'ai le consentement que l'amendement, qui a été proposé hier de remplacer le paragraphe 10° du deuxième aliéna par un paragraphe 10°, qui était nouveau, soit retiré?

Une voix : Oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, Mme la ministre, vous voulez présenter un autre remplacement au même paragraphe?

Mme David : Alors, oui : Remplacer le paragraphe 10° du deuxième aliéna de l'article 3 par le suivant :

«10° les délais d'intervention applicables aux mesures d'accommodements prévues au paragraphe 7°, à l'offre de service prévue au paragraphe 8° et aux actions prévues au paragraphe 9° ne peuvent excéder 7 jours, tandis que le délai de traitement des plaintes ne peut excéder 90 jours», virgule.

La Présidente (Mme de Santis) : Mme la ministre.

Mme David : Bien, on en a parlé beaucoup hier. Je pense que le français est beaucoup plus fluide et je pense que ça dit très, très bien ce que ça veut dire. Ça réfère aux paragraphes 7°, 8°, 9°. On est dans le 7-90 plutôt que le 5-45 ou le 10-90, ou etc. On est dans le 7-90 et c'est vraiment beaucoup plus clair. C'est simplement une question de reformulation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des interventions? Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui, tout à fait. Bien, je suis très heureuse qu'on ait pu arriver à ce compromis. Je crois que la nécessité était bien là de pouvoir inscrire des seuils maximaux de traitement des plaintes et de prise en charge. Maintenant, on en a bien discuté hier. Je pense qu'on entend bien les arguments de la ministre, qui nous a dit que 90 jours, ça pouvait être plus raisonnable pour certains cas étant donné qu'il peut y avoir des situations où un étudiant, une étudiante revient après quelques mois, quelques années. Donc, ça peut prendre plus de temps à ce moment-là pour être sûr de bien traiter la plainte et aussi que ce soit bien fait, et qu'on s'assure que le système fonctionne pour qu'il puisse y avoir ce lien de confiance. Donc, ça, c'est très bien.

Puis le sept jours aussi, je pense que c'est un bon compromis entre le cinq et le 10 aussi, qui était proposé. Donc, sept jours, une semaine pour prendre en charge, donc, et faire les mesures d'accommodement. Ça me satisfait puis je pense que le principe est là. C'est une uniformisation pour tous les établissements. Donc, on assure le même niveau de protection pour tout le monde, et ça, c'est une autre très bonne avancée.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. M. le député de Chambly.

• (12 h 20) •

M. Roberge : Merci bien. Donc, oui, je pense que c'est un travail qui est conforme aux discussions qu'on a eues hier. Donc, c'est sûr qu'on aurait souhaité des délais de traitement plus courts que ça. Puis les gens qui sont venus nous voir aussi lors des auditions ont plaidé avec beaucoup de vigueur pour des délais qui sont plus courts. Mais on comprend que, dans un monde idéal, on ferait tout rapidement et très bien. Mais il y a une préoccupation très importante de s'assurer que le traitement des plaintes ne se fasse pas à la va-vite pour garder la confiance. Parce qu'il y a justice et apparence de justice. Donc, le danger est trop grand, en ramenant des délais trop courts, d'avoir des gens qui seraient blanchis alors qu'ils ne devraient pas l'être. Donc, on va se rallier au travail de la ministre et de son équipe. Je sais que tout le monde a travaillé autour d'elle, donc c'est correct, ça nous convient. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Voilà un travail extraordinaire de collaboration. On a réfléchi. Pour moi, ça a été un des plus beaux moments, ça, hier, de voir comment, en partant de ce qu'on a entendu des groupes, en partant des préoccupations qu'on avait autour de la table, en partant... avec la contribution de la ministre puis de l'équipe ministérielle, on arrive là à quelque chose de clair. Il n'y a personne qui va pouvoir dire : On n'avait pas compris que c'était sept jours.

Et, pour moi, ce qui est une des clés maîtresses en dehors de cet extraordinaire travail-là, c'est que cet article-là... ce paragraphe-là inclut «ne peuvent excéder», et «ne peuvent excéder», ça parle d'un maximum. Donc, toutes les institutions qui vont pouvoir le faire avant, ils comprennent... En tout cas, si moi, j'étais en charge, je comprendrais qu'idéalement j'ai à le faire avant. Mais «ne peuvent excéder»... Alors, moi... Bravo, gang! Beau travail. Alors, on va être contents... contentes d'adopter ce paragraphe.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Est-ce que l'amendement remplacer le paragraphe 10° du deuxième alinéa de l'article 3 est adopté?

Des voix : Adopté.

La Présidente (Mme de Santis) : Adopté, merci. Maintenant, nous allons à l'étude du troisième alinéa de l'article 3...

Des voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, on a suspendu l'étude du troisième alinéa de l'article 3 du projet de loi, mais on voulait présenter un sous-amendement. Et maintenant je demande qu'une copie du sous-amendement soit distribuée à tout le monde.

On va suspendre pour quelques instants pour que tout le monde ait une copie, et ensuite je demande à la députée de Marie-Victorin de présenter le sous-amendement.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 12 h 24)

La Présidente (Mme de Santis) : Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui, merci, Mme la Présidente. Donc, mon sous-amendement se lit comme suit : Donc, il s'agit, à l'article 3, de modifier l'amendement remplaçant le troisième alinéa de l'article 3 du projet de loi par :

D'une part, le remplacement, au premier alinéa, des mots «prévoyant les règles qu'une personne ayant une relation pédagogique ou d'autorité avec un étudiant doit respecter si elle entretient des liens intimes tels que amoureux ou sexuels avec celui-ci.» par les mots «proscrivant clairement tout lien intime, amoureux ou sexuel entre un étudiant et un membre du personnel ou de la direction, qui seraient en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide, à l'exception des relations antérieures à la relation pédagogique, d'autorité ou d'aide.».

En deuxième lieu, le remplacement, au deuxième alinéa, des mots «toute situation où pourraient coexister ces liens et relations lorsqu'une telle situation risque de nuire à l'objectivité et l'impartialité requises dans la relation ou de favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à caractère sexuel» par les mots «s'il existe une telle relation antérieure au lien pédagogique, d'autorité ou d'aide, la coexistence de ces liens».

Donc, les alinéas se liraient donc ainsi :

«La politique doit également inclure un code de conduite proscrivant clairement tout lien intime, amoureux ou sexuel entre une étudiante ou un étudiant et un membre du personnel ou de la direction, qui seraient en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide, à l'exception des relations antérieures à la relation pédagogique, d'autorité ou d'aide.

«Ce code de conduite doit comprendre un encadrement ayant pour objectif d'éviter s'il existe une telle relation antérieure au lien pédagogique, d'autorité ou d'aide, la coexistence de ces liens.»

Donc, oui, si je peux l'expliquer...

La Présidente (Mme de Santis) : Allez-y.

Mme Fournier : J'en ai déjà parlé hier, comme je vous dis, ce n'était pas une surprise. J'ai bien pris connaissance de l'amendement qui avait été présenté par la ministre et, comme je l'ai déjà dit, je pense que ça... c'est un pas dans la bonne direction, parce qu'on comprenait bien l'intention. Je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'il ne faut pas que ces situations-là arrivent, que ce type de relation n'a pas sa place dans un contexte pédagogique. Et on le dit bien, là, dans l'amendement, on dit que ces situations-là risquent «de nuire à l'objectivité et à l'impartialité requises dans la relation ou de favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à caractère sexuel».

Donc, une fois que c'est dit, est-ce qu'on peut s'entendre pour dire que l'intention du législateur ici... Si on veut éviter que ça arrive, bien, il faut qu'on puisse le proscrire clairement dans la loi. C'est quelque chose qui se fait déjà ailleurs. On a cité les exemples américains avec les universités de Yale, l'Université Harvard. Même chez nous, ici, il y a le collège de Rosemont qui a déjà décidé d'agir en ce sens-là et de carrément les interdire.

C'est le cas aussi pour d'autres professions, hein, si on regarde les différents codes de déontologie. On sait que les membres du personnel des établissements d'enseignement supérieur n'y sont pas nécessairement soumis. Mais, quand on regarde d'autres cas de figure, des relations qui pourraient ressembler à des relations d'autorité, d'aide, donc, comme je l'ai mentionné... Si on regarde les extraits, par exemple, du Code de déontologie des psychologues, à l'article 26, sur les conflits d'intérêts et l'indépendance professionnelle, on dit bien : «Pendant la durée de la relation professionnelle, le psychologue n'établit pas de liens d'amitié susceptibles de compromettre la qualité de ses services professionnels, ni de liens amoureux ou sexuels avec un client...» Dans le Code de déontologie des membres de l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, à l'article 48.17, il est stipulé : «Pendant la durée de la relation professionnelle, le membre ne peut établir de lien intime, amoureux ou sexuel avec [le] client.» En ce qui a trait au Collège des médecins, c'est bien stipulé sur leur site Internet que «le Collège rappelle aux médecins et à la population qu'aucune forme d'intimité sexuelle n'est tolérée entre un médecin et un patient ou un(e) patient(e)». Donc, c'est quelque chose qui existe déjà.

On a pu constater, lors des consultations particulières, qu'on arrivait même, je pense, à un consensus social. Il y a de nombreux groupes qui se sont exprimés en faveur, qui ont réclamé qu'on puisse inscrire la proscription claire de ce type de lien. Je vais les nommer : il y a eu la FECQ, qui s'est proposée en faveur; l'UEQ; la campagne Sans oui, c'est non!; Ni viande ni objet; le regroupement Québec contre les violences sexuelles; le regroupement RQCALACS; l'AVEQ; la Fédération des cégeps; l'Association des collèges privés du Québec; Citoyenneté jeunesse; l'ESSIMU. Il y a aussi des syndicats, Mme la Présidente : il y a le FNEEQ-CSN, qui s'est proposé pour l'introduction, donc, de la prescription claire.

Donc, je pense qu'on est rendus là. Je pense qu'on reconnaît qu'il faut avoir une uniformisation à travers le Québec, parce que, quand on pense à ça, ça ne fait pas de sens de dire qu'on va interdire les relations entre les étudiants et un membre du personnel en relation d'autorité au collège de Rosemont, mais qu'au fond ça ne sera pas interdit au cégep du Vieux Montréal, qu'on va peut-être l'interdire au cégep de Baie-Comeau, mais que ça peut tout à fait être... en fait, que ce n'est pas interdit au cégep de Sept-Îles, par exemple. Donc, il faut que le message soit clair partout. Comme je l'ai dit, ce n'est pas des relations qui ont leur place en contexte pédagogique.

Et, lorsqu'il y a une situation exceptionnelle où il arrive qu'il y a une relation qui est antérieure à l'établissement de la relation d'autorité, de la relation pédagogique ou d'aide, bien, encore là, oui, il faudrait qu'il puisse avoir un encadrement. Donc, c'est pourquoi que je propose qu'on puisse avoir, dans ces cas-là, à l'instar de ce qui pourrait arriver lorsque, par exemple, il y a une relation parentale... Donc, par exemple, un étudiant que son parent est un professeur, qui se retrouve dans sa classe, à ce moment-là, il y a des mesures d'accommodement qui sont prises pour qu'idéalement il ne puisse pas y avoir l'établissement de cette relation d'autorité. Parce qu'on s'entend qu'il y a quand même un enjeu éthique aussi à tout ça, qui est très bien amené dans l'amendement de la ministre quand elle dit que ça peut risquer «de nuire à l'objectivité et l'impartialité requises» dans ce type de relation.

Donc, c'est pourquoi j'ai présenté ce sous-amendement aujourd'hui, parce que je pense que le débat... Je sais qu'il y a eu beaucoup de travail qui a été fait, notamment au collège de Rosemont, pour arriver là, mais je pense que justement c'est une réflexion qu'il y a eu dans la société québécoise, dans les établissements d'enseignement supérieur depuis un an, avec les consultations que la ministre a faites, et le consensus est en train de se dégager. Donc, moi, je pense qu'il faut prendre le leadership et qu'on puisse vraiment venir l'inscrire dans la loi.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

• (12 h 30) •

Mme David : Bien, c'est intéressant. Je pense que je vais commencer par Ni viande ni objet, parce qu'ils sont exactement là où je suis, là où on est. Et Ni viande ni objet, je peux-tu dire que ce n'est pas les plus conservateurs? Disons ça comme ça.

«En ce qui a trait au "code de conduite pour encadrer les liens intimes, amoureux ou sexuels entre les personnes qui étudient et celles ayant une influence sur leur cheminement académique", tel que mentionné précédemment, il nous apparaît essentiel que des lignes directrices — "des lignes directrices" — soient établies au niveau national — c'est exactement ce que nous faisons en légiférant — par souci de cohérence [...] afin d'éviter les disparités entre les établissements, tant pour les communautés étudiantes que les membres du personnel.

«Selon nous, toute personne qui utilise son autorité pour obtenir des liens intimes, amoureux ou sexuels doit être dénoncée et sanctionnée par l'établissement.» Son autorité : ça, c'est entièrement couvert par l'essentiel du projet de loi, dans le fond, qui porte sur les violences à caractère sexuel. L'autorité est une forme de violence. On ne parle pas de lien amoureux égalitaire, on parle... L'autorité... Puis d'ailleurs on le met dans le code de conduite, mais on semble oublier tous les articles qui précèdent, c'est-à-dire : une violence à caractère sexuel, ça peut être d'utiliser ton autorité, et, à ce moment-là, c'est entièrement couvert par tout l'ensemble du projet de loi.

Et, après ça : «Selon nous, toute personne qui a des liens intimes, amoureux ou sexuels avec une personne qui étudie, liens ayant débuté avant de se retrouver dans un contexte d'autorité — puis ça, on est tout à fait d'accord — est autorisée à continuer la relation. [...]des mesures doivent être prises...»

C'est un exemple parmi d'autres, mais je pense que... et on peut reprendre les choses une par une, mais, ce qu'il faut comprendre profondément... Et, des fois, c'est complexe, la vie, et ce n'est pas : On dit non puis c'est réglé, puis la vie est belle, on a tout interdit. Il faut penser à nos chartes, il faut penser à la Charte des droits et libertés, il faut...

Vous mettez dans le même pied l'ensemble des cégeps, qui est déjà un ordre d'enseignement différent des universités, vous confondez le cégep de Rosemont ou de Maisonneuve qui ont pris un an, à l'intérieur, pour faire quoi, pour aller chercher l'accord de tous les membres. On n'empêchera jamais un établissement, s'il décide de se lancer là-dedans, de négocier. C'est parce que ça existe, les syndicats, les griefs, les ci, les ça.

Donc, le collège de Rosemont est un bel exemple, ils ont négocié avec tous leurs corps constituants pour que tous soient d'accord. Donc, ils s'entendent qu'il n'y aura pas de grief s'il y a ce genre de comportement, de lien, qu'il y a une relation sexuelle, admettons. Ils se sont tous entendus d'avance qu'ils étaient sur la même ligne. On ne peut pas, s'il n'y a pas cet accord-là, obliger d'une façon aussi généralisée. Puis là on parle d'universités aussi, on ne parle pas seulement de cégeps, puis on parle de conventions collectives, puis on parle de griefs.

Ce que vous ne dites pas, c'est : Admettons qu'il y en a une, relation sexuelle, puis... on fait quoi? Qu'elle est connue, parce que le prof parle à un collègue, ou je ne sais pas? Parce que, là, ils vont se cacher si c'est complètement interdit, mais, si c'est connu, on met le prof à la porte, mais son syndicat va être le premier à dire : Je dépose un grief, on n'a jamais accepté ça, on n'a jamais négocié ça. Rosemont ne pourrait pas le dire puisqu'ils ont tous accepté ensemble.

C'est pour ça qu'il faut être extrêmement prudent entre la question du travail qui est fait au sein de l'établissement avec tous les corps constituants — tous les corps constituants — qui est une situation très différente d'un gouvernement qui décide. Et là il y en a qui nous accusent déjà de trop de rectitude politique, que de... c'était dans l'article du Devoir du 5 avril 2017. Il faut faire très attention, et ça, c'est les représentants syndicaux qui disent ça, qu'il y ait... ils «disent redouter [...]un vent de rectitude politique [dictant] à des adultes consentants comment se comporter».

Alors, aux États-Unis, on les accuse souvent de grande rectitude politique. Il n'y a plus personne qui couche avec personne, il n'y a plus personne qui ne fait rien, il n'y a plus d'alcool, il n'y a plus ci, il n'y a plus ça. Et l'autre côté, la protection des droits et libertés, le fait qu'on ne veut pas se retrouver avec l'adoption d'une... j'ai le mot «proscription», je pense qu'il n'existe pas, alors d'une interdiction totale, parce que, là, c'est le gouvernement qui interdit, c'est grave, là, c'est le gouvernement qui interdit, et que, là, à la première occasion, première plainte ou je ne sais trop, il y a tout de suite un dépôt de poursuite selon la... en vertu de la Charte des droits et libertés. Et là on est parti dans quelque chose en disant : Ça ne répond pas à ces critères-là, ça ne passera pas le test de la Charte des droits et libertés.

Alors, on navigue entre, oui, on ne veut pas qu'il y ait de violence à caractère sexuel, on ne veut pas qu'il y ait de lien d'autorité où on abuse, et c'est pour ça que, dans l'alinéa qu'on a ajouté, ça va très loin. Puis vous êtes peut-être chanceuse, plus jeune que certains d'entre nous, et donc peut-être vous ne réalisez pas d'où on vient. Moi, ça fait... je suis rentrée à l'université comme étudiante en 1972, ça commence à faire 45 ans. Et je peux vous dire qu'un projet de loi comme ça, là, c'est incroyablement progressiste, là. Et l'interdiction complète, sans autre forme, bien là, ça se «colletaille» avec plein d'autres enjeux constitutionnels. Ça, c'est la vraie vie, c'est les juristes qui vont vous dire : Attention! ce n'est pas applicable. On est allés le plus loin qu'on pouvait aller pour être sûrs que ça s'applique.

Et, vous le dites vous-même, le libellé du deuxième paragraphe va tellement loin que c'est comme si on disait qu'on interdit. Mais voilà l'importance du deuxième paragraphe : on ne met pas le mot «interdiction», mais on dit : Dès qu'il y a des situations où il y a une... là, il faudrait que je le lise, pour être sûre, comme il faut... dès qu'il y a... le «code de conduite doit comprendre un encadrement ayant pour objectif d'éviter toute situation...» C'est déjà assez prescriptif, parce que, remettez-vous, là, on met le paragraphe avant : «La politique doit également inclure un code de conduite prévoyant les règles qu'une personne, ayant une relation [...] doit respecter si elle entretient des liens intimes[...]

«Ce code de conduite doit comprendre un encadrement — ce n'est pas un petit mot, ça — ayant pour objectif d'éviter toute situation...» Puis là ce qui suit, c'est que, dans le fond, ça couvre presque tous les cas de figure. C'est pour ça que vous dites... Mais, dans le fond, où — parce que je la continue, la phrase — «où pourraient coexister ces liens et relations lorsqu'une telle situation» — et c'est là qu'on peut répondre peut-être oui à chaque relation qui... de ça — «risque de nuire à l'objectivité et l'impartialité...»

On pourrait dire : Bien là, l'université va se dire, oui, là, je pense que ça répond à ce code-là. Donc, à ce moment-là, l'encadrement dit : Tu dois éviter cette situation-là. Donc, «nuire à l'objectivité [...] dans la relation ou favoriser l'abus de pouvoir — ce qui peut être intrinsèque à toutes sortes de situations — ou la violence à caractère sexuel», donc, c'est pour nous un grand, grand pas dans la question des relations intimes qui peuvent être vues soit comme une perte d'objectivité, d'impartialité, abus de pouvoir ou violence à caractère sexuel, tout en respectant par ailleurs, de l'autre côté, la question des chartes et les questions constitutionnelles.

Par ailleurs, allons sur les ordres professionnels, que je connais bien parce que j'ai fait moi-même longtemps partie de l'Ordre des psychologues. «Un ordre professionnel a pour fonction d'autoriser des personnes à exercer une profession — un ordre émet des permis — et leur délivre des permis d'exercice à cette fin. Les ordres professionnels ont donc un lien direct avec leurs professionnels puisqu'ils émettent des permis d'exercice. Ils contrôlent l'exercice de la profession en retirant le permis d'exercer ou en le suspendant.» On recevait régulièrement des avis de radiation pour cause, effectivement, de relations intimes non autorisées. Mais il y a des permis donnés à des psychologues, travailleurs sociaux... C'est chaque ordre — un peu comme le collège de Rosemont — qui décide de lui-même s'il met ça dans son code de déontologie. Et il donne un permis d'exercice à la personne qui s'engage forcément à suivre le code de déontologie. Et il y a toujours un syndic à un ordre professionnel, il y a des inspections professionnelles. Puis, savez-vous quoi, quand le syndic vous appelle, vous êtes un petit peu... vous avez peur à ce qui vous arrive et vous savez que ça peut finir par une radiation un peu, moyennement, ou très longue, ou à vie. Alors, ça, c'est les conditions légales dans lesquelles fonctionne un ordre professionnel.

• (12 h 40) •

Maintenant, un corps professoral, ça ne fonctionne pas du tout comme un ordre professionnel. Il n'y a pas d'ordre professionnel de professeurs, il n'y en a pas, ça, c'est clair. Le ministère de l'Enseignement supérieur ne peut pas agir comme un ordre professionnel à leur égard, parce que... surtout pas en enseignement supérieur. Les conditions de travail des professeurs sont régies par des conventions collectives et des contrats de travail. Donc, les conventions collectives, on a les syndicats qui ont comme mandat eux-mêmes de défendre leurs clients, leurs membres si une plainte est déposée contre le membre.

Alors, imaginez le cas où le membre est un membre du corps professoral qui a passé outre à ladite interdiction gouvernementale de ne pas coucher avec son étudiante. Le syndicat, qui n'a pas nécessairement décidé qu'il était d'accord avec ça, parce que ce n'est pas venu de l'intérieur d'un consensus institutionnel de l'établissement comme le collège de Rosemont, pourrait dire : Nous, on n'a jamais voté pour ça, on pose un grief. Et là on est partis dans toute l'histoire des chartes de droits et libertés. Et on nous dit, et les constitutionnalistes sont clairs là-dessus : Ça ne passerait pas le test des chartes. C'est clair, clair, clair.

Donc, les établissements sont leur employeur, de ces professeurs-là, et c'est à eux de décider, dans les relations employeur-employé, des règles qui régissent les relations, les prestations de travail. Donc, à la limite, l'établissement, tout comme a fait Rosemont — il pourrait y avoir une université — après avoir consulté, discuté avec tous leurs corps constituants, décide unanimement qu'ils interdisent ça. Parce qu'à Yale on ne le dit pas, comment ça s'est passé, là. Je vais aller voir comment ça s'est passé, mais ça se peut que ça se soit passé parce que tous les corps constituants se sont mis d'accord sur la même...

Ce n'est pas le gouvernement des États-Unis qui a décrété que toutes les universités allaient avoir ça. On cite toujours des exemples individuels. Même au Québec, vous citez des exemples individuels, parce qu'il y a une raison pour ça, il faut que ça soit un consensus à l'interne à cause des relations employeur-employé. Ce sont donc des établissements d'enseignement qui ont la capacité juridique d'intervenir sur la prestation de travail. Donc, il faut respecter l'autonomie des établissements. On n'a pas le choix. C'est dans leur loi, c'est dans la loi des établissements universitaires. Et même la Fédération des cégeps laisse aller les collèges un par un, parce que c'est comme ça que ça marche, ils vont chercher le consensus à l'intérieur de leurs établissements.

Et l'amendement déposé, donc, par l'opposition officielle voudrait qu'on intervienne directement sur la relation entre deux personnes majeures et non sur la capacité de faire le travail. L'objectif de l'intervention est donc vraiment très, très, très différent. Et la logique des ordres professionnels ne peut pas s'appliquer au gouvernement. Les ordres, c'est un par un qu'ils décident, là aussi. Ce n'est pas tous les ordres professionnels qui ont ça. C'est chaque ordre qui décide. Est-ce que, dans le type d'action, d'acte réservé de l'ordre, il y a un risque de nuire au public? Parce que c'est ça, un ordre professionnel, il doit protéger le public. Ça risque de nuire s'il y a une relation intime. Que ce soit souvent en soins de santé... Ce n'est pas pour rien que vous citez les médecins, les psychologues, des travailleurs sociaux, c'est parce qu'il y a une relation d'aide qui est bien différente, peut-être, d'un autre ordre professionnel qui n'est pas dans ce même type de relation. Donc, c'est les ordres eux-mêmes qui décident ce qu'ils font, ce n'est pas le gouvernement qui leur a dit d'interdire.

Alors, si on interviendrait donc dans la vie privée des gens et non sur la capacité d'une personne à faire son travail, donc les chartes vraiment ne permettent pas ce genre d'intervention, avec non pas l'objectif que vous poursuivez... je pense qu'on poursuit pas mal le même objectif... mais c'est beaucoup par la nuance importante des mots qu'on utilise et des façons d'approcher la chose. Et ce qu'on veut avant tout, c'est arriver à éviter ces situations-là le plus possible.

Puis, avec ce qu'on dit, particulièrement le deuxième paragraphe qu'on a ajouté, je pense qu'il y a... N'oubliez pas que tout ça, là, c'est une politique qui doit être faite par les établissements. Ils doivent lire ça puis ils doivent dire... ils doivent inclure le code de conduite, donc ils doivent l'écrire. On veut que les syndicats fassent partie du comité permanent. On veut que les étudiants soient là. On veut que les dirigeants, les cadres, en tout cas ceux qui constituent la communauté... Bien, si, tous ensemble, ils sont tous d'accord, dans une université x, ils iront vers l'interdiction. Eux ont droit de le faire, mais nous, comme gouvernement, on n'a pas le droit de l'obliger. Mais c'est pour ça qu'on reste assez général, mais assez précis en même temps, pour dire : Ah bien, là, dans votre code de conduite, là, vous devez mettre un encadrement, et on vous dit l'objectif : d'éviter toute situation — ça commence à être pas mal coercitif — où pourraient coexister des liens, lorsqu'une telle situation risque de nuire... Puis là on en rajoute : nuire à l'objectivité et l'impartialité.

Il y a pas mal de monde qui vont dire : Oui, si je couche avec, ça se peut que je sois un peu moins objectif que si... Ou : si ça vire mal, puis que, là, elle me laisse ou je la laisse, il pourrait y avoir un abus d'autorité. Et ça, ça devient, à ce moment-là... et, attention, c'est important de comprendre ça... ça devient couvert par tout projet de loi sur la violence à caractère sexuel.

Donc, quand ça va bien, admettons, là... je caricature un peu... tant que ça va bien, la relation, on peut dire que ça nuit à l'objectivité et l'impartialité. Puis, si ça va mal, on peut tout de suite... ladite victime peut tout de suite porter plainte en disant : C'est une forme de violence à caractère sexuel, c'est un abus de pouvoir, il m'a coulée dans mon cours, etc. Et elle est entièrement couverte. Donc, je ne vois pas beaucoup d'angles... qui n'est pas couvert par ça tout en respectant l'applicabilité, je ne sais pas si c'est un terme juridique, mais l'application réaliste et surtout possible, à travers toutes les autres lois qui nous gouvernent, de la situation, n'oublions pas, gouvernementale où on se trouve. On n'est pas, ici, des chefs d'établissements. Et j'espère, en tout cas, vous avoir apporté le meilleur de ce que je pouvais apporter comme arguments. Et on peut continuer à discuter.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Oui, tout à fait. Bien, simplement pour préciser d'entrée de jeu que, oui, et je pense que je l'ai répété à de nombreuses reprises durant la commission : c'est une avancée, c'est bien certain, on le reconnaît. Mais je pense qu'il faut être aussi à l'écoute, puis je pense que, la ministre, elle l'est bien entendu, mais ça fait presque le consensus, les gens... Même, vous avez cité la Fédération des cégeps; la Fédération des cégeps, ils veulent qu'ils puissent avoir la ligne claire, qu'on dise que c'est proscrit, les relations intimes quand il y a un lien d'autorité pédagogique ou d'aide entre un étudiant et un membre du personnel. On s'entend, là, c'est une relation qui est délimitée dans le temps. On n'interdit pas l'amour. Je veux dire, s'il y a une relation, s'il y a des sentiments qui se développent, c'est permis de l'avoir, mais après, après coup ou après la fin de la session, je veux dire. Dans le pire des cas, une session, là, ça dure à peu près trois mois. Donc, on n'interdit à personne de vivre sa vie non plus.

Je pense qu'il faut être très clair. Je pense que c'est ça, l'intention de dire qu'on veut que ces situations-là n'arrivent pas, mais il faut qu'on le dise clairement. C'est l'intention du législateur qui est importante à ce moment-ci. Puis, tu sais, on parle de beaucoup... les gens, en consultation, nous ont beaucoup parlé de la notion de consentement. Puis il est écrit directement dans l'amendement. Et, je le répète, ce sont des relations qui risquent «de nuire à l'objectivité et à l'impartialité requises dans la relation ou de favoriser l'abus de pouvoir ou la violence à caractère sexuel». Donc, à partir de ce moment-là, il faut reconnaître que ces relations-là n'ont pas leur place.

Et ce qui s'est fait au collège de Rosemont, oui, ça a pris du temps. Je pense que justement on peut s'en servir... d'exemple, avec ce qui a été fait là-bas, mais il ne faut pas oublier que la loi, elle ne s'applique pas demain matin. Les collèges, les universités vont avoir du temps pour faire justement ces consultations, pouvoir en discuter au sein même de l'établissement, puis arriver au meilleur code de conduite possible, aussi, parce qu'on sait bien les sanctions, tout ça, seront laissées à la discrétion des établissements. Donc, il va pouvoir y avoir quand même les discussions à l'interne.

La loi s'applique seulement à partir de 2019, donc on a au moins une bonne année, même plus, un an et demi devant nous pour que les établissements en viennent à se concerter avec toutes les parties prenantes. Moi, je pense que c'est possible d'y arriver quand on voit qu'en consultations particulières il y a eu autant des associations étudiantes, autant des syndicats, autant les parties patronales aussi qui se sont prononcés en faveur d'une proscription claire. Moi, je pense que c'est tout à fait possible de penser qu'on est capables d'y arriver. Et je crois que c'est important qu'on puisse, à ce moment-ci, venir l'inscrire dans la loi.

• (12 h 50) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. On va permettre maintenant le député de Chambly d'apporter son point de vue là-dessus. Allez-y.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. C'est un sujet qui est très, très délicat, on en est bien conscients. Puis je pense que la ministre a quand même avancé, parce qu'on partait du projet de loi qui disait : Ah! il faut se donner un code de conduite. On a écouté les membres, puis elle a elle-même amendé le projet de loi pour essayer de préciser un peu, mais il me semble que, même dans l'amendement de la ministre, on ne va pas aussi loin que le consensus des gens qui sont venus. Je ne dirais pas l'unanimité; de toute façon, c'est assez rare d'avoir l'unanimité à... Je ne sais pas combien de groupes qu'on a eus, une bonne dizaine, puis vraiment de tous horizons. L'unanimité, c'était presque impossible, mais il y avait un consensus très, très fort qui allait dans le sens : Interdire, proscrire ou, enfin, quelque chose comme ça, qui allait pour interdire ou proscrire les relations intimes entre les profs et les étudiants. C'est ce que j'ai compris, moi, vraiment, en portant une grande attention aux groupes qui sont venus.

Il y avait deux arguments, essentiellement. Ce qu'ils disaient, c'est que le consentement... puis on a beaucoup entendu ce mot-là lors des auditions, le consentement... est-ce que le consentement était parfaitement libre en cas de situation d'autorité ou d'aide? Puis la plupart des intervenants nous ont dit non. Ils disaient : Bien, ah! probablement que le consentement, probablement que le consentement serait vicié dans ce cas-là. Est-ce que ça se peut que des gens tombent en amour? Oui, ça se peut. Mais je pense qu'il y avait une espèce de priorité, je sentais que les gens priorisaient la protection de gens qui pourraient être victimes, sans présumer qu'il y a toujours des victimes puis qu'il y a toujours des violences sexuelles.

Tu sais, si, des fois, tu... Je sentais qu'il y avait une espèce d'arbitrage entre, bien, dire qu'on doit attendre quelques semaines versus permettre quelque chose ou le... dans lequel le consentement est vicié ou dans lequel aussi il y a une question d'objectivité et d'impartialité pour mettre les notes. Sans dire qu'il y a des gens qui sont victimes de violences sexuelles, il pouvait y avoir, en tout cas, un biais ou, encore une fois, je ramène la notion de justice et d'apparence de justice; pour les autres étudiants aussi dans la classe, de savoir que x est en amour et maintenant vit même chez le prof ou est allé dormir chez le ou la prof, disons que, pour les autres étudiants, ça amène un doute sur la qualité des notes ou la sévérité de l'évaluation.

Et un troisième argument... Donc, les gens craignaient que le consentement soit vicié, craignaient qu'il y ait un problème d'impartialité ou, en tout cas, d'apparence d'impartialité. Et la troisième chose, la troisième préoccupation que j'ai entendue, c'était la nécessité d'avoir une uniformité dans le réseau. Et, si on ne fait que donner des lignes directrices, oui, dans ce cas-ci, dans la loi, bien, on risque d'avoir ce que ma collègue a dit, c'est-à-dire, dans un campus x, un encadrement des liens intimes puis, dans un campus y, une interdiction. Et donc il me semble que l'amendement de ma collègue va dans le sens du consensus qui a été exprimé par les intervenants.

Et, juste avant de terminer mon intervention, ce n'est pas vrai que le gouvernement ne peut pas légiférer dans ce genre de domaine, parce qu'on a beaucoup parlé des ordres professionnels, puis la ministre dit : Bien, ce sont les ordres professionnels, ils sont autogérés, hein, c'est de l'autogestion par les membres, pour les membres. Mais le gouvernement légifère avec le Code des professions, qui, ça, est une loi votée par les parlementaires. Et, tantôt, on regardait le Code des professions, article 59.1, donc, qui est une loi votée par les parlementaires, et il y n'y a pas très longtemps, il me semble d'ailleurs, où là on parle d'un acte dérogatoire au code et on parle des liens intimes, et on parle des relations sexuelles.

On mentionne par contre que ça pourrait être en situation d'abus et on apporte une petite nuance. Mais disons que les députés de cette présente législature se sont permis de légiférer dans ce domaine-là, peut-être pas avec les mêmes mots, mais vraiment dans ce domaine-là. Ce n'est pas les ordres professionnels qui ont décidé ça. Il y a un code des professions qui encadre toutes les professions, qui est une loi qui est allée dans ce domaine-là.

Et je n'ai pas entendu personne invoquer la charte dans ce dossier-là, là. Donc, je pense qu'on ne peut pas l'invoquer non plus à toutes les sauces, là, parce que, si la charte nous empêche de légiférer là-dedans, bien, la charte aurait dû empêcher qu'on légifère pour le Code des professions, puis la charte devrait même empêcher les ordres professionnels de se faire des règles comme ça. Ça fait qu'à un moment donné on ne peut pas le jouer tout le temps.

Donc, peut-être qu'on pourrait améliorer le libellé de l'amendement de ma collègue, tu sais, je ne pense pas qu'elle soit fermée à ça. Et je pense qu'on est là pour l'améliorer. Mais ce que je dirais en terminant, c'est que c'est essentiel, je pense, de se rapprocher un petit peu plus du consensus des intervenants. Je pense que la ministre a fait un pas dans la bonne direction avec son amendement, mais je n'ai comme pas l'impression qu'on va satisfaire la majorité des intervenants avec l'amendement de la ministre. Peut-être qu'il faudra faire un pas quelque part entre l'amendement de la ministre et la proposition de la collègue. Voilà.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député. Maintenant, c'est le tour à la ministre. Mme la ministre.

Mme David : Oui. D'après moi, le 59.1 correspond exactement à ce qu'on met dans notre amendement à nous : «Constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession...» Et on parle de profession, attention, vous le savez très bien, un professeur d'université, ce n'est pas une profession gérée avec un permis d'exercice. Déjà, c'est très différent. Cela «constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession le fait pour un professionnel, pendant la durée de la relation professionnelle — qui n'est pas une relation professionnelle, professeur-étudiant — qui s'établit avec la personne à qui il fournit des services, d'abuser de cette relation — d'abuser de cette relation — pour avoir avec elle des relations sexuelles — on est tout à fait dans notre projet de loi avec ça, c'est une violence à caractère sexuel — de poser des gestes abusifs — on continue — à caractère sexuel — on est exactement couvert par notre projet de loi, même sans le code de conduite — ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel». On est exactement dans ce que sont nos définitions, qu'on a travaillées depuis le début.

Alors, si on voulait copier 59.1, ça nécessite un environnement juridique comparable à celui du Code des professions, puis, à la limite, il faudrait que tous les enseignants universitaires soient membres d'un ordre professionnel. On n'est pas dans un acte réservé, on n'est pas dans la même logique. Mais on arrive à cette logique-là avec une logique qui se colle le plus possible avec la réalité collégiale, universitaire. Vous revenez beaucoup au collégial, et, nous, dans cette loi et dans notre réseau d'enseignement supérieur, puis on l'a un peu voulu comme ça...

Puis même, imaginez, si on avait rajouté la formation générale, qui est à un autre, encore, niveau, un autre ordre d'enseignement... on n'est pas nécessairement aux mêmes âges non plus, alors que les cégeps décident, eux, et ils ont tout à fait le droit de le faire, d'aller vers un encadrement, mais c'est une clientèle aussi qui est plus jeune. À l'université, on peut parler jusqu'à... je veux dire, une relation peut être entre quelqu'un de 40 ans puis quelqu'un de 38 ans, là, qui est au doctorat. On n'est pas dans le même genre de relations du tout.

Et c'est clair que, si on allait plus loin que ça, la loi ne passerait pas le test des chartes, les risques sont trop grands de fragiliser la loi au niveau des chartes des droits et libertés. Puis fragiliser, bien, moi, c'est ce qui me ferait le plus de peine. Parce qu'on aurait pu ne pas mettre du tout de code de conduite finalement, puis on n'en serait même pas à discuter de ça, mais moi, j'ai voulu qu'on en parle, du code de conduite, puis qu'on fasse un grand pas de ce côté-là. Mais je ne veux pas aller jusqu'à fragiliser la loi puis qu'à la première occasion elle est contestée. Et l'amendement, d'après moi, tel que proposé, est celui qui permet d'atteindre nos objectifs, mais, comme je le répète d'une autre façon, en demeurant juridiquement acceptable.

Alors, c'est compliqué, c'est vrai, on voudrait que les choses soient oui ou non, c'est... Moi, je pense qu'une université... Parlons universités, là, qui sont avec cette obligation de code de conduite, avec les deux paragraphes qu'on a, être obligées, vraiment, vraiment de penser à à peu près tous les cas de figure, puis il n'y a probablement pas beaucoup de relations intimes qui vont passer la rampe du deuxième paragraphe. Ils vont être obligés d'agir. Alors, c'est comme si on faisait 90 % du chemin. Vous voudriez l'interdiction pure et simple qui nous amène dans toutes sortes d'autres complexités juridiques. Moi, honnêtement, j'aime mieux le 90 % — en me disant qu'ils vont être obligés de rendre compte de tout ça — et passer le test des chartes.

La Présidente (Mme de Santis) : Mme la députée de Marie-Victorin.

• (13 heures) •

Mme Fournier : Je pense qu'il reste très peu de temps. Mais, quand on parle des chartes, quand même, moi, ma compréhension, c'est que ça passerait, parce que ça va passer pour le collège de Rosemont, ça passe pour ce qui est des codes de déontologie, là. Je vous l'ai cité très clairement, le code de déontologie des membres de l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec : «Pendant la durée de la relation professionnelle, le membre ne peut établir des liens intimes, amoureux ou sexuels avec [le] client», je veux dire, le principe est exactement le même. Si ça passe pour les hygiénistes, ça va passer pour les membres du personnel dans les établissements.

Parce que, oui, le député de Chambly l'a bien apporté, on a parlé énormément de consentement lors des consultations particulières. Et la campagne Sans oui, c'est non! le dit très spécifiquement : le consentement ne peut pas être libre et éclairé quand il y a une relation d'autorité qui existe entre deux personnes, dans un établissement d'enseignement supérieur, avec la relation, par exemple, d'un contexte pédagogique, le lien d'autorité ou d'aide, et un étudiant, étudiante. Donc, c'est vraiment important de bien saisir ça. Et, considérant la situation, on parle de pouvoir abuser de la relation, mais ce n'est pas nécessairement visible, un abus dans la relation, parce qu'il peut y avoir apparence de consentement, mais qu'au fond la personne a accepté, oui, mais parce qu'elle sentait qu'elle n'avait pas vraiment le choix d'accepter, sans quoi la relation n'aurait pas été la même, sans quoi, par exemple, la personne en autorité aurait pu lui faire subir certaines conséquences qui puissent avoir des impacts dans sa relation. Alors, des fois, les apparences sont très différentes de la réalité.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. C'est maintenant 13 heures. Je vous remercie pour votre collaboration.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au lundi 4 décembre 2017, à 14 h 30. À tout le monde, une bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 13 h 1)

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