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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le vendredi 8 décembre 2017 - Vol. 44 N° 94

Entendre les intéressés et procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 234, Loi modifiant la Charte de l’Université de Montréal


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Table des matières

Auditions (suite)

M. Guy Rocher

Mme Nathalie Trépanier

Autres intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

M. David Birnbaum

M. Alexandre Cloutier

M. Jean-François Roberge

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Marc Tanguay

Journal des débats

(Douze heures neuf minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre l'audition des intéressés et l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 234, Loi modifiant la Charte de l'Université de Montréal.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

• (12 h 10) •

La Secrétaire : Non, Mme la Présidente, il n'y a aucun remplacement.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme de Santis) : Aujourd'hui, nous entendrons M. Guy Rocher et Mme Nathalie Trépanier. M. Rocher, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec des membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

M. Guy Rocher

M. Rocher (Guy) : Merci, Mme la Présidente. Je vous salue. Je salue Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et collègue de l'Université de Montréal, membres de la commission parlementaire.

Je ne représente aucune institution. Je ne représente bien sûr pas l'Université de Montréal. Je ne représente pas non plus le syndicat des professeurs de l'Université de Montréal, dont je ne suis plus membre, étant retraité, et donc n'ayant plus le droit de participer au syndicat des professeurs de l'Université de Montréal.

Ce que je représente peut-être, et j'ose le dire, c'est 60 années de vie universitaire québécoise. J'ai commencé ma carrière de professeur en 1952 à l'Université Laval. Je l'ai poursuivie pendant 50 ans à l'Université de Montréal, de 1960 à 2010, et je suis professeur émérite depuis 2010, tout en étant encore présent à l'université, je peux le dire, j'ai encore mon bureau à l'université, je suis encore en contact avec des collègues, je visite beaucoup nos bibliothèques universitaires. Donc, je suis encore dans l'université.

Mais il me semble que je me présente devant vous comme un doyen, non pas comme un doyen qui va relever du recteur, non, mais comme un doyen d'âge. J'ai derrière moi 93 ans de vie et 60 ans d'enseignement universitaire. Et c'est sur cette base que j'ai voulu me présenter devant vous. Parce que ce que j'observe, comme sociologue et comme membre de la communauté universitaire, c'est que le nouveau projet de charte a ouvert une crise institutionnelle que je trouve très grave. Une crise institutionnelle qui, je dois le dire, était latente et qui explose à l'occasion de ce projet de charte. La crise institutionnelle était présente parce qu'elle a des racines historiques et, je dirais, comme sociologue, des racines sociologiques aussi.

J'appelle la situation actuelle une crise institutionnelle parce que, tout d'abord, le projet de loi actuel a créé un état de zizanie et de discorde à l'intérieur de la communauté universitaire. Je pense que vous l'avez vu depuis trois jours avec tous ceux qui se sont présentés devant vous. Nous ne vivons pas dans un état d'harmonie en ce moment, pas du tout. La charte, la nouvelle charte n'a pas apporté la paix, au contraire. Au contraire, vous avez vu que les étudiants se présentent contre nous, les professeurs, les chargés de cours. Les professeurs sont en guerre avec l'administration. Nous sommes dans une situation de conflit très grave, et je suis venu vous le dire.

Et surtout, en particulier, je voudrais vous dire que ce que je n'ai jamais vu en 60 ans, c'est l'état de détérioration des relations entre les professeurs et l'administration. C'est peut-être ce qu'il y a de plus grave en ce moment. Pourquoi? Parce que ce qui me frappe, c'est que les professeurs en ce moment se manifestent vivement. À ma grande surprise, les professeurs de droit sont devenus contestataires. Jusqu'à présent, c'étaient des sociologues. Nous avons perdu le monopole de la contestation. Vous avez entendu mes collègues de droit venir devant vous. Ce qui me frappe, c'est que les institutions extérieures à l'Université de Montréal, la FQPPU, l'association des professeurs canadiens sont venus devant vous parce qu'ils voient qu'il y a à l'université un problème grave concernant les professeurs de l'université.

Troisièmement, vous avez entendu et vous entendrez de mes collègues qui sont venus individuellement. Vous avez entendu particulièrement notre syndicat de professeurs se présenter ici, devant vous, et protester avec vive... vivement contre ce projet.

Je dirais que ce qui est en cause, c'est un problème fondamental de l'université de l'avenir : Quel sera, dans l'université de l'avenir, le statut de professeur de carrière? Et c'est le problème de fond qu'à mon avis le conseil de l'université, la direction de l'université, a passé sous le tapis en proposant cette charte. Or, ce qu'on appelle université moderne, de la modernisation, ce qu'on appelle l'université moderne recherchera, comme dans le reste de la société, d'ailleurs, l'unité dans la diversité. C'est certain. Nous allons vivre maintenant dans la diversité.

Je dirais que, jusqu'à présent, les professeurs de carrière ont fait l'université. Depuis 60 ans, j'ai assisté à cette évolution, je l'ai vécue, j'y ai participé. Nous, les professeurs de carrière, nous avons fait l'université. Et voilà qu'aujourd'hui ce statut de professeur de carrière pose problème dans l'université. Il est le problème de fond que vous avez devant vous.

La profession de professeur de carrière, elle est nouvelle au Québec. Elle a à peine 50 ou 60 ans. J'ai commencé mes études à l'Université de Montréal en 1944, à la Faculté de droit. Il n'y avait à ce moment-là qu'un seul professeur de carrière à la faculté de droit, il s'appelait Maximilien Caron. Aujourd'hui, Maximilien-Caron est un édifice. À l'époque, c'était un homme, un professeur que j'ai bien connu. Mais il était le seul professeur de carrière. Je fais partie de la première ou de la deuxième génération des professeurs de carrière.

Quand j'ai commencé à enseigner à l'Université Laval, ma mère était très inquiète parce qu'elle était persuadée que je ne pouvais pas être payé par l'université. Ce n'était pas une carrière. Elle pensait qu'enseigner à l'université était du bénévolat. Elle m'a dit : Guy, tu aurais dû enseigner au primaire, ça, c'est payant, mais pas à l'université. À l'université, on ne vous paie pas, mais non. On ne pouvait pas imaginer qu'on pouvait faire une profession de carrière dans l'enseignement dans ces années-là.

J'ai assisté à la mise en place de la profession de professeur de carrière dans les universités de langue française du Québec. Ce sont ces professeurs de carrière qui ont fait l'université. Et la crise aujourd'hui, la crise institutionnelle, elle est là, elle est là dans sa racine, dans sa racine que j'appelle historique et sociologique. Quel doit être maintenant, dans les nouveaux statuts, le rôle, la fonction de professeur de carrière dans la diversité dans laquelle nous voulons vivre en même temps?

Ce que je suis venu vous demander, c'est de proposer à l'Assemblée nationale qu'elle invite l'université à revoir son projet. Parce que ce qui me frappe, une chose que je n'ai pas vue très souvent, c'est l'unité des professeurs derrière le syndicat des professeurs, en ce moment. Je connais le syndicat des professeurs depuis longtemps, j'ai participé à sa fondation, j'ai été très militant dans ce syndicat. Le syndicat des professeurs a souvent été divisé sur lui-même. Eh bien, en ce moment, il n'y a pas d'équipe de rechange. L'exécutif qui est là, il a la légitimité des professeurs, et l'exécutif qui est là en ce moment, je peux vous le dire, il représente les intérêts des professeurs.

Vous allez me dire que ce sont des intérêts corporatistes, que nous essayons de sauver notre territoire. C'est peut-être l'impression que ça veut donner. Il ne faut pas voir ça sous ce petit angle. Je crois que la situation est bien différente. La vraie situation, c'est celle de l'avenir du statut des professeurs dans cette nouvelle université de demain. C'est là qu'est le véritable problème. Ça ne doit pas être vu comme une lutte de territoire. Ça ne doit pas être vu comme une lutte de pouvoir.

Voilà ce que je suis venu vous dire et vous demander. Je crois qu'il ne faut pas que cette nouvelle charte soit faite dans la rapidité et d'une manière trop rapide. Vous avez vu comment les professeurs d'université s'opposent à la fois au contenu et à la manière dont cette charte a été présentée. Vous l'avez vu, vous l'avez entendu. Voilà le très grave problème, voilà la crise institutionnelle dans laquelle nous vivons en ce moment. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Merci beaucoup, M. Rocher. Maintenant, nous procédons à une brève période d'échange avec les membres de la commission. M. le député de D'Arcy-McGee.

• (12 h 20) •

M. Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. M. Rocher, merci pour votre témoignage. On ne peut que saluer 60 ans d'une carrière très digne, et votre dévouement, et votre intérêt, j'ose dire, votre passion pour la vie universitaire. Et on accueille de bonne foi tous vos commentaires. Vous parlez des accusations de corporatisme. Bon, si on peut s'entendre qu'on va mettre tout ça à côté, on prend ça à juste titre et en bonne foi, vos commentaires et vos suggestions.

J'aimerais bien comprendre le mot «crise latente» et «crise très grave». Ce n'est pas anodin. Je me permets de dire que je crois que je me joins aux gens qui risquent de nous écouter en vous demandant d'expliquer l'ampleur de ces mots-là. De toute évidence, on parle d'un fleuron, l'université, qui accomplit ses mandats assez ambitieux avec des étudiants d'ici et de partout au monde. On parle de consultations qui avaient l'air d'être assez étoffées, où participait 49 % d'une assemblée universitaire, de corps professoral.

Alors, je vous invite, dans un premier temps, de nous faire comprendre ce qui était des lacunes dans un processus assez élaboré et de toute évidence transparent, qui nous aurait emmenés ici et, dans un deuxième temps, d'élaborer sur l'ampleur des mots que vous avez employés, qui suggèrent un état de crise au sein d'une de nos grandes universités ici, au Québec.

M. Rocher (Guy) : Bien, je pense que, quand les professeurs représentés d'abord par le syndicat des professeurs ne sont plus capables d'établir un dialogue avec l'administration, c'est une très grave situation de crise. Je considère que la situation présente est grave parce qu'il faudrait maintenant... et c'est, je pense, ce qu'il faut proposer à l'université, de rétablir, premièrement, le dialogue avec les professeurs à travers le syndicat des professeurs. C'est, à mon avis, la première chose à faire.

Deuxièmement, je pense qu'il faudrait revoir ce projet de charte d'une manière plus équilibrée avec l'ensemble de ce que j'appellerais la société universitaire, la communauté universitaire. L'Université de Montréal, comme les autres universités, est devenue une société très complexe, c'est évident, et cependant il reste que le noyau central d'une université, c'est encore le corps professoral.

J'entendais le recteur hier... avant-hier parler des quatre fonctions des professeurs : enseignement, recherche, service à la communauté et service à l'administration. Eh bien, ce sont les professeurs de carrière qui, à travers ces quatre fonctions, font l'université. Et le sentiment que les professeurs ont en ce moment, c'est de n'avoir pas été respectés dans la préparation de ce projet.

Et ce qui m'inquiète pour l'avenir — et moi, à mon âge, je pense que je peux penser à l'avenir — ce qui m'inquiète pour l'avenir, c'est que, si l'Assemblée nationale adopte ce projet de loi, il est évident que vous n'instaurez pas la paix à l'Université de Montréal, la crise va continuer, parce que c'est une crise institutionnelle, parce qu'il est évident que le syndicat des professeurs ne pourra pas accepter la nouvelle charte, c'est évident. Je pense que vous l'avez, j'espère, compris, me semble-t-il. Si bien que nous allons nous retrouver maintenant où? Devant les tribunaux? C'est épouvantable. Comment l'Université de Montréal pourra-t-elle recruter des professeurs en leur disant : Bien, vous venez dans une université où votre syndicat est en procès avec la direction de l'université? Quelle image notre université va-t-elle donner?

Et je peux vous dire que nous sommes regardés de loin en ce moment, hein? Parce que ce n'est pas pour rien que la FQPPU est venue devant vous, ce n'est pas pour rien que l'association canadienne des professeurs d'université est venue devant vous, c'est que nous touchons un problème fondamental de l'université de demain, le rôle et le statut des professeurs de carrière, et ça, c'est très grave, et je pense que c'est le problème fondamental de l'université de demain. Merci.

M. Birnbaum : Vous parlez de l'importance primordiale d'un lien sain entre les profs et l'administration. Je comprends. Il y a, avec respect, d'autres cibles aussi, les étudiants, les chargés de cours, et, de toute évidence, leur interprétation de la situation actuelle ne concorde pas tout à fait avec la vôtre. Je vous rappelle aussi qu'on est devant notre devoir, comme parlementaires, de bonifier un projet de loi d'une charte. Une charte de l'université comme des documents clés constitutionnels, et autres, sont importants. Ils ne règlent pas le comportement et les conflits quotidiens des personnes sur le terrain. Alors, ça, ce n'est pas notre rôle. Je vous invite de nous conseiller, dans le temps qu'il me reste, à comprendre s'il y a quelque chose dans le projet de loi actuel qui vous convient ou vous nous proposez de repartir à zéro.

M. Rocher (Guy) : C'est bien sûr que ce projet de charte, il a des éléments positifs, c'est certain...

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse. Maintenant, la parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Rocher, je veux vous dire que c'est un immense honneur de vous recevoir ici, dans cette commission parlementaire. Vous êtes le père fondateur de nos cégeps. Vous avez siégé à la commission Parent. Vous avez contribué à la rédaction de la Charte de la langue française et vous êtes certainement un des plus grands intellectuels québécois. Et je trouve ça incroyable et tellement inspirant qu'avec toute l'expérience que vous avez vous continuez à prendre position et à être actif. Alors, merci de venir nous donner un peu de sagesse et de hauteur par votre présence à cette commission parlementaire.

Et, à chaque fois que j'ai la chance de rencontrer un certain Lucien Bouchard, l'ancien premier ministre du Québec, il me dit toujours que le meilleur professeur qu'il a eu, c'est vous. Et alors je ne pouvais pas passer sous silence aujourd'hui votre feuille de route exceptionnelle et je veux vous dire que le Québec, je l'espère, en est reconnaissant. Je sais qu'on a eu la chance de vous remettre de nombreuses distinctions au cours de votre carrière, mais, quand même, je voulais minimalement le souligner.

Vous nous invitez à la prudence et vous dites que c'est le statut du professeur qui est le réel enjeu et que l'opposition, qui semble assez consensuelle, des enseignants, des profs à l'Université de Montréal, pour vous, c'est suffisant pour qu'on retire le projet de loi et qu'on reprenne le processus. Est-ce que vous diriez que le projet manque d'acceptabilité au sein de l'Université de Montréal et que l'opposition importante des enseignants suffit à ce que le processus prenne plus de temps?

M. Rocher (Guy) : Oui. Ma réponse, c'est : Oui, certainement, il y a un problème d'acceptabilité. Il est toujours difficile de parler pour l'ensemble des professeurs. Il y a 1 300 professeurs. Je connais bien le corps professoral. La très grande majorité des professeurs se tiennent loin de l'administration. Ça, c'est normal. Les professeurs ne sont pas entrés à l'université pour s'occuper d'administration. Au contraire, les professeurs considèrent que l'administration doit être à leur service, et non pas les professeurs au service de l'université.

Mais ce qui me frappe, c'est que les professeurs qui militent dans une... Parmi le corps professoral, il y a toujours eu une minorité de professeurs qui militent, qui militent pour les intérêts des professeurs et qui militent aussi pour l'idée de l'université, car les professeurs ont toujours eu comme projet pas seulement de défendre leurs intérêts, mais de défendre l'institution universitaire, et en ce moment, à mon sens, le grave problème, c'est que ces professeurs ne sont pas entendus, et c'est, je pense, très grave.

M. Cloutier : En quoi le statut de professeur est remis en cause par le projet de loi actuel? Concrètement, pour vous, en quoi c'est si fondamental, les propositions qui sont faites?

M. Rocher (Guy) : Tout d'abord parce qu'il est clair que le syndicat des professeurs se sent menacé dans son institution même, dans son existence même et dans sa capacité de pouvoir de négociation. Ça, c'est le point de départ. Et puis vous avez entendu de mes collègues parler de leur rôle à l'assemblée universitaire. Je peux vous dire que l'assemblée universitaire a l'air toujours bien heureuse, mais j'ai toujours constaté l'amertume de beaucoup de mes collègues qui ont participé à l'assemblée universitaire, je peux le dire, beaucoup de frustration...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Rocher. Maintenant, la parole est au député de Chambly.

• (12 h 30) •

M. Roberge : Merci bien, merci. C'est un honneur de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je vous remercie pour votre contribution à la société québécoise. Avant de contribuer à ce projet de loi là, je pense que vous avez mené bien d'autres combats.

Mais je vais y aller très concrètement, parce que mes secondes sont comptées. Je comprends que vous êtes extrêmement déçu du processus puis de la façon dont ça s'est fait. Mais, si on en fait fi puis on regarde le projet de charte tel qu'il est, vous, vous nous dites que ça ne respecte pas la place des professeurs, vous employez le terme «professeurs de carrière». Mais qu'est-ce qu'il faudrait changer concrètement dans ce projet de loi là pour vous réconcilier, si c'est possible, avec cette charte?

M. Rocher (Guy) : Le problème, à mes yeux, c'est que ça ne servirait à rien en ce moment de changer quelque chose. C'est aussi simple que ça pour moi. Ce que ça veut dire, c'est qu'il faut revenir sur le processus lui-même. Vous l'avez entendu, ce dont les professeurs se plaignent, ce n'est pas seulement le contenu du... mais c'est aussi le processus, comment ce projet de charte a été conçu et comment il a été présenté aux professeurs, et il y a une révolte des professeurs non seulement sur le contenu, mais sur la procédure, et donc il faut revenir là-dessus. Ce n'est pas en faisant quelques amendements à la charte qu'on réglera le problème. Au contraire, on ne fera qu'enflammer le problème, à mon avis, avec le projet de charte tel qu'il est. Il faut revenir sur le processus lui-même, repartir du dialogue entre l'administration, le conseil d'administration, et le corps professoral, et le syndicat des professeurs, et finalement l'ensemble des composantes de l'université. Sans ça, c'est évident qu'on s'en va vers une crise institutionnelle qui va se poursuivre. Et qui va aboutir où? Je ne sais pas, mais je suis très inquiet pour l'avenir.

M. Roberge : On parle beaucoup du processus, donc restons-y. La voie qui a été prise par l'administration pour consulter les professeurs — ils ont été consultés — ça a été de passer par l'AU, l'assemblée universitaire. D'après ce que je comprends, vous auriez voulu que ce soit négocié davantage comme quelque chose de patronal-syndical, en ayant pour interlocuteur... Quand on veut parler aux profs, selon vous, on ne doit pas passer par les profs élus par des profs à l'assemblée universitaire, mais bien par les profs élus par les profs au syndicat. C'est ce que vous auriez souhaité?

M. Rocher (Guy) : Bien, c'est évident, à mon avis, qu'étant donné le rôle des professeurs de carrière il fallait établir un dialogue avec les représentants de ces professeurs de carrière, c'est-à-dire avec le syndicat des professeurs, premièrement. Et, deuxièmement, je pense que vous avez entendu les professeurs membres de l'assemblée universitaire exprimer leur frustration — hier, c'était très clair — leur frustration de la manière dont le projet leur a été présenté...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Rocher. Maintenant, la parole est au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour, M. Rocher. Je ne me confondrai pas en éloges parce que j'ai seulement deux minutes, et c'en prendrait pas mal plus que ça pour dire tout le bien que je pense de vous. Mais je vais vous poser des questions rapides.

En 60 ans de carrière universitaire, avez-vous vu souvent ce genre de crise institutionnelle à l'Université de Montréal?

M. Rocher (Guy) : Non, je n'ai jamais vu une telle crise. À mon avis, des 60 ans que j'ai vécus à l'Université du Québec, des universités du Québec, bien sûr, j'ai vu des conflits, j'ai vu des conflits entre les professeurs et l'administration, bien sûr, il y en a eu, mais une crise de cette ampleur, de cette profondeur, de cette gravité, non. C'est la première fois que je vois mon université aussi divisée sur elle-même, c'est la première fois que je vois mes collègues aussi amers, c'est la première fois que je vois mon syndicat des professeurs aussi combatif. Non, je n'ai jamais vu une telle crise, et c'est pour cela que j'ai voulu venir vous le dire.

Ma seule mission dans ce qu'il me reste de vie universitaire, c'est de venir vous dire : Nous vivons une grave crise institutionnelle qui ne peut pas être réglée par quelques amendements à cette charte. Non, il faut revenir au processus lui-même. Il faut revenir à la manière dont cette charte a été pensée et présentée à la communauté universitaire. Autrement, il est évident que, si l'Assemblée nationale vote ce projet de loi, vous n'apportez pas la paix à l'Université de Montréal.

M. Nadeau-Dubois : Quelles seraient les conséquences, selon vous, de l'adoption de cette charte?

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Rocher, pour votre contribution à nos travaux. Alors, j'invite immédiatement Mme Nathalie Trépanier à prendre place.

Bienvenue, Mme Trépanier. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Et par la suite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, maintenant, la parole est à vous.

Mme Nathalie Trépanier

Mme Trépanier (Nathalie) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs mesdames. Je suis ici à titre de professeure d'université, bien sûr, en mon nom personnel. Mais je vais commencer d'abord par mon parcours.

J'ai été étudiante à l'Université de Montréal depuis 1988. J'ai fait mon baccalauréat. J'ai poursuivi, j'ai fait ma maîtrise. J'ai continué, j'ai fait un doctorat. Donc, j'ai vécu la vie universitaire UdeM mur à mur, si je peux m'exprimer ainsi. Et j'ai aussi été assistante et professionnelle de recherche. Donc, j'ai compris ce que c'était d'apprendre à faire de la recherche, à être formée à l'université par des profs différents dans mon domaine. J'ai été chargée de cours pendant 10 ans. Et un jour un poste s'est ouvert, et j'ai postulé en me disant : C'est différent être chargée de cours et être professeur d'université. Je n'étais pas trop sûre de la différence, parce que je me disais : Il y a de l'enseignement, mais je voyais que mes profs faisaient de la recherche, de la formation et que cette formation dépassait le cadre que je vivais comme chargée de cours ou comme professionnelle de recherche aussi. Je n'étais plus une exécutante, j'étais un maître d'oeuvre. Et c'est de ça que je vais vous parler aujourd'hui, en quoi cette charte va venir changer, pas mes conditions de travail, mais la carrière que j'ai choisie, la profession que j'ai choisie.

Je suis membre de l'assemblée universitaire. Je suis membre du comité de l'ordre du jour de cette assemblée. Je suis membre du comité du statut du corps professoral, comme tous les profs s'investissent dans l'institution. Parce qu'on a quatre volets dans notre tâche, et, ces quatre volets, je veux vous les expliquer, et en quoi la charte, telle qu'elle est présentée actuellement, pose un problème, en ce qui me concerne, et je pense que je ne suis pas la seule professeure à penser qu'il y a peut-être un problème à ce niveau-là.

Pour la première fois de ma vie, je vous dirais, en assemblée universitaire... On a parlé du processus depuis quelques jours. Moi, c'était la première fois de ma vie qu'en assemblée je ne me sentais pas respectée. Habituellement, je suis capable d'exprimer mes idées ou de poser des questions, et là je n'avais plus le goût de poser de questions, je n'avais plus le goût de m'exprimer parce que je ne me sentais pas respectée. Oui, il y a eu des ajustements par la suite, mais, quant à moi, c'était trop peu, trop tard.

L'autre chose qui s'est passée dans le processus, c'est l'histoire du fait que, comment dire, le projet a été présenté, le projet de modification de charte a été présenté pour faire en sorte de nous dire : Bien, voici, maintenant, vous devez adopter, vous devez... on peut regarder ensemble quelques virgules, et tout ça, mais, dans les faits, on n'avait plus notre mot à dire sur le développement de tout ça. Donc, les mécanismes tels que M. Trudel les a présentés, beaucoup mieux que je le ferais de toute façon... il y a des mécanismes qui existent pour ça, et ils n'ont pas été utilisés pour être présentés en assemblée universitaire.

Ça, c'est dans un premier temps. Donc, l'article 23 me dérange énormément dans le projet actuel par le fait qu'on vide l'AU de ses pouvoirs, littéralement. L'AU devient consultative, à toutes fins pratiques, puisque la commission des études et le conseil de l'université pourra décider d'outrepasser, finalement, les suggestions ou les commentaires des professeurs ou les principes émis par les professeurs à l'université.

• (12 h 40) •

Ça, c'est la partie générale. Maintenant, bon, ce qui en découle, c'est... Je vous disais : Je veux vous parler de la tâche, comment ça peut affecter ma tâche de professeure d'université. Je vais essayer d'être le plus concrète possible. Vous avez compris que, quand on est prof à l'université comme professeur de carrière, là, comme on dit bien, c'est qu'il y a quatre volets. Donc, la partie institution, je vous ai dit, on fait partie de différents comités. On peut s'investir de différentes façons. Il y a des gens qui choisissent plus une carrière administrative à certains moments de leur carrière mais qui vont redevenir chercheurs et enseignants, et tout ça, par la suite, disons. Ça fait partie, donc, de notre profil de carrière, mais on en reste le maître d'oeuvre. Il n'y a personne qui nous impose quoi que ce soit, et ça, c'est la beauté de l'université.

Bon, dans la partie institution, mon implication, donc, devient consultative, à toutes fins pratiques, et disons que je ne sens pas que j'aurai une voix à porter. C'est-à-dire que, comme en département ou en faculté, si on décide de prendre position et d'aller porter une parole, finalement, ou une idée à notre rectorat, éventuellement, on ne pourra pas le faire. On ne pourra pas le faire parce que la façon dont le libellé est fait, de cette charte, ça fait en sorte que les recteurs sont dépendants de l'administration, ils sont tributaires, donc ils dépendent directement de l'administration, et on ne peut plus directement consulter nos doyens ou nos directions de département pour nous porter, pour nous représenter.

Il y a un lien inextricable enseignement-recherche et ce qu'on appelle, nous, le rayonnement. Le rayonnement, c'est la diffusion des connaissances, je dirais, d'une façon comestible, quand on veut transmettre les connaissances au grand public, hein, le transfert des connaissances, mais quand on veut aussi diffuser sur le plan scientifique. Quand on a une possibilité qu'au niveau administratif il y ait des décisions qui se prennent, ça va impacter ce qu'on fait au niveau de l'enseignement et de la recherche. Pourquoi? Parce que les cours que je donne, ils dépendent de la recherche que je fais. Si je peux être meilleure avec les années, c'est parce que je fais des recherches dans mon domaine puis que je vais aider à orienter même les programmes d'études qui se font dans ce domaine-là. Et ça, c'est les profs qui le portent. Et, quand on accompagne les chargés de cours dans les formations qu'on présente et qu'on fait, c'est justement pour faire en sorte qu'il y ait une unité dans ce qu'on propose en termes de distinction, je dirais, dans nos domaines professionnels.

J'étais aux portes ouvertes, petit exemple, cette année. Ça faisait longtemps que je n'avais pas fait les portes ouvertes. J'accueille des futurs étudiants. Et, en fait, les questions, c'était : Pourquoi je viendrais chez vous plutôt qu'ailleurs? Bien, ça, quand on n'est pas prof de carrière, on ne peut pas répondre à ça. Puis ce n'est pas pour être méchant puis ce n'est pas pour être concurrent, c'est juste parce qu'on a une spécificité qu'on a travaillée en équipe et qu'on peut porter.

Maintenant, le lien enseignement-recherche et rayonnement, là je vais essayer de faire ça le plus simplement possible, je vous parlais de porter... Quand on développe des programmes d'études, on le fait d'abord entre nous, entre collègues. Ça ne peut pas venir d'une idée sociale : Ah! ça serait intéressant si on travaillait sur tel ou tel domaine, et tout ça. On peut avoir des échanges avec l'extérieur, c'est sûr. Mais ça ne peut pas venir de quelqu'un qui n'est pas dans le domaine. On peut faire des bonnes consultations à l'interne, on peut travailler avec les gens, mais il faut que ça soit porté par la base. Et c'est ce bout-là, moi, qui me dérange le plus. M. Rocher a parlé abondamment, hein, du statut de professeur d'université, et, moi, ce qui me questionne amplement dans toute cette démarche-là, c'est qu'est-ce qu'on veut comme professeurs d'université au Québec? Est-ce qu'on veut des exécutants ou on veut des gens qui sont capables de penser, d'articuler les choses, mais également d'exprimer clairement, au niveau de la recherche, les enjeux et les... pas que les enjeux, mais les idées, les travaux, l'expression même de leurs travaux? C'est à eux de décider, les chercheurs, quand c'est le temps, sur quoi c'est le temps de diffuser et auprès de qui. Alors, si on est commandés par le haut, on ne pourra pas le faire. En tout cas moi, je le vois comme ça.

Je ne le sais pas si... Je n'ai probablement pas pris les 10 minutes, mais, moi, c'était l'ensemble de mon message que je voulais essayer de passer ici, comme quoi tout ça était intrinsèquement lié et que tout ça a une portée... En tout cas, pour moi, dans ma carrière, c'est clair que ce n'est pas la carrière que j'ai choisie au départ si on applique la charte qui est proposée ici. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Trépanier. Maintenant, on procède à une brève période d'échange avec les membres de la commission. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Trépanier. Merci beaucoup de venir participer à nos travaux.

J'en suis. Puis je ne veux pas alourdir le débat par des références, mais l'article 23 qui est proposé par l'article... donc l'article 23 de la charte, qui est amendé par l'article 14, donc 23 de la charte de l'Université de Montréal, qui se lit comme suit : «La commission des études assure la coordination de l'enseignement», et là on viserait, par le projet de loi : «et son arrimage avec la recherche». Donc, sur cet aspect-là... Puis après ça on ira sur l'aspect... plus tard, dans un second temps, sur le fait que l'on a enlevé «sous réserve des pouvoirs de l'assemblée universitaire», mais, juste sur ce premier aliéna là, y voyez-vous... Donc, le fait d'ajouter «et son arrimage avec la recherche», lorsque l'on ajoute ça à «la coordination de l'enseignement»... dévolue... pouvoirs à la commission des études, là-dessus, est-ce que vous avez un élément sur lequel vous ne seriez pas d'accord ou vous pensez que c'est une bonne chose?

Mme Trépanier (Nathalie) : Bien, moi, c'est ce que j'essaie d'expliquer, c'est que je pense qu'il y a un problème à ce niveau-là, parce que l'idée... D'abord, l'enseignement et la recherche sont intrinsèquement liés, je l'ai dit, mais parce que, juste en amont de ça, on n'est pas obligés de tenir compte des avis de l'assemblée universitaire, ça fait en sorte que la commission des études peut, à toutes fins pratiques, faire ce qu'elle veut, pour utiliser un langage simple, c'est comme ça que je le comprends.

M. Tanguay : Et en quoi ce serait mieux que ce soit l'assemblée universitaire versus la commission des études?

Mme Trépanier (Nathalie) : C'est que la collégialité, ça fait en sorte de pouvoir faire en sorte d'échanger avec, justement, les gens qui décident. L'idée de la collégialité de l'AU, c'est ça, l'assemblée universitaire, c'est de pouvoir échanger. Oui, il y a des frustrations, il peut y avoir toutes sortes de choses, ça, c'est autre chose, mais on peut porter les dossiers, c'est-à-dire qu'on peut développer des choses à la base, au niveau départemental, au niveau facultaire, et ça, ça peut permettre d'échanger puis de même faire reculer, à la limite, une décision potentielle de la commission des études.

Un autre exemple que je pourrais vous donner, c'est au niveau de l'évaluation. La commission des études, pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas claires à mes yeux, s'est approprié la dimension d'évaluation. L'évaluation, ça fait partie des critères de promotion, chez nous — critère de promotion, donc, pour passer de professeur adjoint agrégé à titulaire — et l'évaluation, depuis qu'elle est sous l'égide, si vous voulez, de la commission des études, ça pose certains problèmes importants, tellement qu'on n'arrive plus à avoir d'étudiants qui évaluent leurs profs de façon quantitative assez intéressante. Donc, il y a des problèmes. Puis il y a pourtant des choses qui se sont faites en amont avec des professeurs, avec des étudiants, tout ça, mais, quand ça a été supporté par la commission des études, ça a soulevé un ensemble de problèmes qui ne sont pas résolus à ce moment-ci, et c'est pour ça que je dis qu'il y a des choses à faire en amont.

M. Tanguay : Et est-ce que la collégialité qui serait perdue, selon cette approche... selon vous, est-ce qu'elle découle du fait qu'à l'assemblée universitaire il y a à l'heure actuelle 49 % de professeurs, elle est constituée de 49 % de professeurs, et qu'à la commission des études non seulement il y aurait des professeurs à 9 %, mais il y aurait des chargés de cours, des étudiants, des diplômés qui auraient une participation plus active? Est-ce que vous voyez, donc, la diminution du nombre de professeurs ou du poids des professeurs vers une commission des études nouvelle, qui donnerait une voix, oui, aux professeurs, mais aux chargés de cours, étudiants et diplômés... est-ce que c'est là que vous voyez une perte de collégialité?

Mme Trépanier (Nathalie) : Non, moi, c'est plus sur le fait... Il y a une partie sur la gouvernance que je ne commenterai pas, dans le sens : je ne suis pas experte en gouvernance puis je ne vais pas me réclamer experte aussi. La chose, pour moi, qui est claire, ce n'est pas le fait qu'on met plus d'étudiants, et tout ça, ce n'est pas ça, c'est plus le fait que l'assemblée universitaire perd son pouvoir, c'est-à-dire qu'elle peut faire en sorte, au moment où il n'y a pas de changement à sa charte... Actuellement, elle peut faire en sorte, l'assemblée universitaire, de moduler certaines décisions ou, en tout cas, de faire en sorte de dire : Faites attention, ne faites pas ça, on vous recommande de ne pas faire ça, à la commission des études ou au conseil de l'université. Et il va y avoir une écoute et des échanges à ce sujet, ce qui ne sera pas possible dans le cas où... C'est beau de pouvoir parler, mais, si ça n'a pas d'impact, dans le cas où on enlève les pouvoirs de l'AU... bien, la commission des études, elle peut écouter ou ne pas écouter puis elle va faire ce qu'elle veut, à toutes fins pratiques.

M. Tanguay : Autrement dit, c'est comme si on enlevait... je ne veux pas prendre un terme trop juridique, mais une cour d'appel de la commission des études sous réserve... à l'heure actuelle, la charte prévoit que c'est sous réserve, autrement dit, la commission des études fait approuver les règlements nécessaires pour l'organisation pédagogique sous réserve des pouvoirs de l'assemblée universitaire. Autrement dit, ce que vous nous dites, c'est qu'on va perdre une sorte de cour d'appel de l'assemblée universitaire qui pourrait réviser les décisions, à l'heure actuelle, de la commission des études. Est-ce que je vous comprends bien?

Mme Trépanier (Nathalie) : Bien, écoutez, je ne suis pas juriste, là, je ne veux pas me mélanger dans les termes...

M. Tanguay : C'est juste l'expression de dire qu'elle peut modifier.

Mme Trépanier (Nathalie) : ...mais c'est dans le sens... On parlait de la fonction...

M. Tanguay : Tricamérale.

Mme Trépanier (Nathalie) : Oui, c'est ça. Je voulais dire «tridimensionnelle», là, mais voilà, donc les trois composantes clés. Et l'AU en est une à cause de ça, c'est cette espèce d'équilibre qu'elle permet, l'AU, aussi, c'est ça que ça permet, c'est pour ça que c'est là. Est-ce que ça devrait changer ou pas? Je n'en sais rien, on ne s'est pas posé la question, à l'université, comme telle, on s'est fait dire : Voici ce qu'il faut faire à partir de maintenant, et c'est vers ça qu'on s'en va avec une nouvelle loi. Ce n'est pas comme ça qu'on travaille, à l'université, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Peut-être que, dans d'autres situations, oui, dans d'autres institutions, peut-être, mais à l'université ce n'est pas comme ça qu'on travaille. On n'est pas en entreprise privée, on n'est pas dans un cégep non plus, c'est un autre type de formation institutionnelle. Puis je ne dis pas ça de façon péjorative, j'ai un bac en éducation au départ, je suis une enseignante aussi, donc je respecte les institutions.

La Présidente (Mme de Santis) : ...une minute.

Mme Trépanier (Nathalie) : Bon, voilà, je ne veux pas...

M. Tanguay : Et est-ce que vous avez été mise au courant... ou vous êtes-vous intéressée aux travaux — j'y vais de mémoire — du CEPTI, le comité qui avait été mis en place par 11... qui était constitué de 11 personnes et présidé par M. Samir Saul, 11 personnes dont des profs et des chargés de cours, des étudiants? Vous êtes-vous intéressée à la réflexion qui les a menés à déposer deux rapports?

• (12 h 50) •

Mme Trépanier (Nathalie) : Oui. En fait, ce qui s'est passé, c'est que le CEPTI avait été une espèce de comité... là, ça remonte à loin, là, il faudrait que je révise les procès-verbaux, ce que je n'ai pas fait, mais, de mémoire, ce que je me souviens, c'est que le CEPTI avait eu une espèce de mandat d'étudier les transformations institutionnelles. On ne parlait pas de changement à la charte, tellement que, le 5 décembre, à la dernière assemblée — le 5 décembre 2016, pour être précise, parce que ça, j'ai regardé les p.-v., il n'était pas question de changer quoi que ce soit à la charte de l'université. Ça, c'était la dernière assemblée annuelle. Et, en fait, tout s'est passé dans l'intermédiaire, là, comme ma collègue Mme Laplante l'a expliqué, dans l'intermédiaire du temps des fêtes, ça s'est passé...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Est-ce que vous jugez qu'il y a une crise institutionnelle à l'Université de Montréal? Est-ce que vous allez jusque-là?

Mme Trépanier (Nathalie) : Crise institutionnelle, c'est un grand mot, mais il y a quelque chose qui ne va pas, en tout cas. Je ne sais pas si c'est une crise institutionnelle, je ne sais pas, ce n'est pas mon domaine d'expertise...

M. Cloutier : Vous n'êtes pas à même de...

Mme Trépanier (Nathalie) : ...mais il y a quelque chose qui va mal avec les professeurs, dans le sens où on essaie... on dirige... Moi, comment je le vis, comme prof, là, j'ai l'impression qu'on essaie d'opposer les professeurs aux chargés de cours, aux étudiants, aux diplômés, nommez-les tous, là, et je comprends mal ça. Moi, je suis quelqu'un qui travaille en collaboration tout le temps avec tout le monde, puis là, tout d'un coup, on n'a plus de voix, comme professeurs, puis on se fait dire qu'on veut... Moi, j'entends toutes sortes de choses, comme quoi on est des enfants gâtés, on veut des privilèges. Ce n'est pas ça du tout. On veut juste faire notre travail correctement, et on dirait que ce travail-là n'est pas reconnu, et c'est beaucoup ça qui me dérange. Et ça déborde l'Université de Montréal, et ce qui se passe à l'Université de Montréal va avoir des répercussions certainement sur les autres universités au Québec. Ça, j'en suis convaincue.

M. Cloutier : Mais sentez-vous qu'il y a un consensus? Est-ce que votre point de vue représente ce que vous entendez autour de vous de vos collègues enseignants?

Mme Trépanier (Nathalie) : De mes collègues dans mon département, je peux vous l'affirmer sans aucun doute. Peut-être pas l'unanimité, il y a peut-être certains collègues qui ne sont pas d'accord, mais je peux vous dire que la majorité des collègues avec qui j'ai eu des échanges à ce sujet sont tout à fait derrière ma prise de position, et c'est pour ça que je suis là aujourd'hui, d'ailleurs, sinon je ne l'aurais peut-être pas fait.

M. Cloutier : Mais vous êtes là à titre individuel. Est-ce que je me trompe?

Mme Trépanier (Nathalie) : Je suis là à titre individuel, je ne suis pas là comme représentante syndicale, je ne suis pas là... Je suis vraiment là de mon propre chef, avec le bagage que j'ai, simplement.

M. Cloutier : Puis votre principale opposition, ce serait laquelle, ou le principal élément irritant, c'est quoi? C'est le processus de consultation? Ou ce sont les pouvoirs qui sont revus à l'assemblée universitaire?

Mme Trépanier (Nathalie) : Bien, en fait, c'est... Dès le départ, comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises, comme c'est le conseil qui a présenté la charte à l'assemblée universitaire... Le processus aurait dû être inversé. C'est ça, l'assemblée universitaire, c'est de... C'est l'assemblée universitaire qui, par ses différentes instances, a les comités qu'il faut pour en arriver à une proposition. Et les consultations peuvent se faire au travers des différents départements et facultés pour voir où sont les problèmes, où sont les besoins pour faire ces changements-là. Et là on peut étudier ça sur le plan juridique avant de faire une proposition, pour que le conseil puisse s'ajuster par la suite et là proposer une charte différente, disons.

M. Cloutier : Est-ce que vraiment le problème, c'est l'origine de la proposition? Parce que... Oui?

Mme Trépanier (Nathalie) : Oui. Au départ, oui. Ça, c'est clair.

M. Cloutier : Mais est-ce que ce n'est pas le pouvoir du... Il me semble que c'est au conseil que revient cette initiative de présenter les amendements, là.

Mme Trépanier (Nathalie) : Pas dans la charte avant le projet de loi. Dans la charte avant le projet de loi, il y a les trois composantes, et l'AU doit, par ses instances... Il y a une responsabilité d'être membre de l'AU aussi. Ça permet justement d'utiliser les comités qui existent pour ça, par exemple le comité du statut du corps professoral et d'autres comités, au besoin d'en former d'autres aussi, mais pour faire en sorte d'en arriver avec un projet qui est porteur et qui représente la communauté, et là il y a échange avec l'administration.

M. Cloutier : Êtes-vous en train de dire que le processus...

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Cloutier : ...utilisé est contraire aux statuts actuels, que ce n'était pas au conseil de...

Mme Trépanier (Nathalie) : Bien, pourquoi pensez-vous qu'on a été 26 signataires et 26 personnes à se retirer de l'assemblée universitaire comme professeurs? Ce n'était pas pour faire ce qu'on peut appeler en français un show de boucane, excusez l'expression, ce n'était pas pour ça. L'idée, c'était de faire comprendre qu'on sentait qu'on n'était pas écoutés puis que ce n'est pas comme ça que les choses doivent se faire, et, quand on le disait, on se faisait à peu près rire de nous. Alors, pour moi, c'est inacceptable, ce n'est pas comme ça que ça marche. Il y a des règles qui sont là, elles n'ont pas été respectées, pour ma part.

M. Cloutier : Mais vous étiez là à quel titre à ce moment-là? Vous étiez membre de l'assemblée...

Mme Trépanier (Nathalie) : Je suis membre de l'assemblée universitaire.

M. Cloutier : Membre élue de l'assemblée universitaire?

Mme Trépanier (Nathalie) : Oui, membre élue, oui, tout à fait, pardon. Oui.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. La parole, maintenant, est au député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien. Vous portez plusieurs chapeaux, vous avez plusieurs, plusieurs groupes dans l'université. Certains sont venus ici. Vous êtes étudiante diplômée. On a eu les associations étudiantes, associations de diplômés. Vous étiez assistante de recherche, chargée de cours, prof. Là, je viens de comprendre que vous étiez sur l'assemblée universitaire mais faites partie de ceux et celles qui se sont retirés. Est-ce que vous êtes aussi ou étiez aussi membre du syndicat ou de l'exécutif du syndicat?

Mme Trépanier (Nathalie) : Non. J'ai été membre de l'exécutif syndical pendant sept ou huit années, là, je ne peux pas... Mais c'est dans le passé. Là, ça fait peut-être trois ans, là, je ne veux pas dire de bêtises, là, ça fait quelques années que je ne suis pas dans l'exécutif syndical. Je suis actuellement déléguée substitut, donc comme d'autres collègues peuvent être délégués syndicaux. Alors, je ne suis pas dans l'exécutif, non.

M. Roberge : Par rapport au procédé, vous dites : Ça aurait dû être l'assemblée universitaire qui aurait dû proposer quelque chose. Nul doute qu'en tout cas ça aurait peut-être plus rassemblé les gens autour de la démarche, parce qu'on voit bien que ça a été divisif. Mais certains s'impatientaient, notamment les associations étudiantes sont venues nous dire : Écoutez, là, c'est parce que ça fait longtemps qu'on le dit, puis, par rapport à la discipline, ça n'avançait pas. Est-ce que vous partagez ça? Je ne parle pas de... Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec la solution, mais est-ce que vous reconnaissez qu'il y avait un problème? En tout cas, les étudiants le crient haut et fort, il y avait un problème avec la discipline puis il fallait forcer le jeu parce qu'au fil des années ça ne changeait pas. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Trépanier (Nathalie) : Bien, je ne veux pas prendre trop position parce que je ne suis pas très à l'aise avec tout ce qui touche la discipline. De ce que j'ai compris, c'est qu'il y a quand même eu une proposition, parce qu'il y avait eu, en 2015, un jugement de la Cour supérieure, hein, parce que l'université avait changé des éléments qui touchaient la discipline. Et, comme ça touchait des dimensions qui touchaient... qui relevaient de certaines conditions de travail, il y a eu donc un jugement de la Cour supérieure qui avait été fait, on disait que l'université ne pouvait pas modifier les composantes du comité de discipline sans travailler en négociation avec les différents groupes, dont le syndicat des profs. Et il y avait eu, à ce moment-là, une proposition claire qui a été faite conjointement, suite aux négociations, avec le vice-rectorat et la première vice-présidente de l'époque, qui était Mme Kempeneers, donc, M. Charest qui était vice-recteur, je pense, aux affaires académiques, quelque chose comme ça, puis Mme Kempeneers, ils ont fait une proposition en assemblée universitaire, qui a été donc votée, où il y avait des comités de discipline impliquant professeurs, bon... pour les chargés de cours, pour les professeurs, pour les étudiants.

Maintenant, pourquoi... Est-ce qu'il y a un problème? Bon, pour la dimension pourquoi il y a des professeurs, par exemple, sur le comité des professeurs, c'est tout simplement pour pouvoir apporter un regard critique, disons, dans une cause de plagiat, par exemple. Pour voir de quoi il en relève, là, il faut appartenir un peu au domaine, il faut comprendre comment les choses fonctionnent. Ça, c'était comme une dimension.

Maintenant, pour la dimension harcèlement sexuel ou inconduite sexuelle, j'ai compris qu'il y avait des choses, bon, qui avaient à être révisées.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Trépanier. Maintenant, la parole est au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Bonjour, madame, merci de votre contribution. J'ai une première question pour vous. Vous avez parlé du rapport entre l'enseignement et la recherche, vous avez dit que la charte venait bouleverser la manière dont les choses se font actuellement. Pouvez-vous nous dire concrètement qu'est-ce qui va changer dans le rapport entre l'enseignement et la recherche si la charte est adoptée?

Mme Trépanier (Nathalie) : Il faut que je fasse ça en deux minutes?

M. Nadeau-Dubois : Moins, idéalement.

Mme Trépanier (Nathalie) : O.K. Ce qui va changer entre l'enseignement et la recherche, c'est que, si on décide, sans que j'aie mon mot à dire, de ce qui est important à faire comme recherche, ça va définitivement teinter ce que je vais pouvoir enseigner ou pas. Parce que nécessairement on touche des phénomènes sociaux, on touche des sensibilités, peu importe le domaine dans lequel on se trouve. Et, comme on n'a pas nécessairement une portée du bas vers le haut, bien, si ça se décide... Par exemple, la composition du... Il y avait les compositions... On parlait de philanthropie hier. Si, au niveau de la philanthropie, dans les conseils d'administration, on accepte que quelqu'un puisse éventuellement avoir un mot à dire sur les orientations privilégiées, ça va orienter les recherches et donc teinter l'enseignement. Et, dans ce sens-là, la diffusion de la recherche, et le transfert des connaissances, va être touchée également.

Donc, un exemple concret, ça peut être ça. Si on a un philanthrope qui travaille en éducation des enfants en difficulté et qui dit : Bien, moi, je ne finance que ce type de difficultés, bien, l'argent va aller définitivement là, et ça veut dire qu'on va cautionner les programmes qui vont être là-dessus ou la recherche qui va se faire uniquement dans un volet spécifique, qui peut nuire à d'autres collègues qui ont des idées aussi, mais qui ne sont peut-être pas aussi porteuses socialement à ce moment-ci, mais, dans 20 ans, qui pourraient l'être. C'est ça que ça peut faire.

M. Nadeau-Dubois : Et, par rapport à la commission des études, est-ce que... Parce que, là, vous parlez davantage du conseil, mais, pour ce qui est de la commission des études, est-ce que c'est le fait de donner à la commission des études le pouvoir d'arrimage?

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse...

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que ça détermine le contenu de la recherche?

Mme Trépanier (Nathalie) : Oui, bien, c'était le comité des études, en fait, je me suis trompée de...

La Présidente (Mme de Santis) : Ça va, ça va. Merci beaucoup, Mme Trépanier, d'avoir contribué à nos travaux. Merci à tous et toutes qui ont collaboré avec nous aujourd'hui.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Compte tenu de la journée, je souhaite à tous et toutes joyeux Noël, bonne et heureuse année, «happy holidays», joyeuses fêtes! À l'année prochaine. Merci.

(Fin de la séance à 13 heures)

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