Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
jeudi 7 octobre 2021
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Vol. 45 N° 101
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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Intervenants par tranches d'heure
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Guillemette, Nancy
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Guillemette, Nancy
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Ghazal, Ruba
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Ghazal, Ruba
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Guillemette, Nancy
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Perry Mélançon, Méganne
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Guillemette, Nancy
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Foster, Émilie
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Lévesque, Mathieu
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David, Hélène
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Barrette, Gaétan
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Ghazal, Ruba
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Perry Mélançon, Méganne
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Guillemette, Nancy
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Lemieux, Louis
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Guillemette, Nancy
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David, Hélène
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Arseneau, Joël
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Guillemette, Nancy
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Jolin-Barrette, Simon
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Lemieux, Louis
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Lemieux, Louis
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Guillemette, Nancy
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David, Hélène
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Barrette, Gaétan
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Birnbaum, David
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Ghazal, Ruba
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Arseneau, Joël
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11 h (version révisée)
(Onze heures 10-huit minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Votre attention, s'il vous plaît. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie aujourd'hui afin
de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par
M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) par
M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie) par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal (Mercier); et
Mme Hivon (Joliette) par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la secrétaire. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Table de
concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes
et M. Marc Termote, démographe.
Donc, nous sommes maintenant à l'audition
de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées
et immigrantes. Bienvenue à leurs deux représentants, donc M. Stephan
Reichhold, directeur général, et M. Frey Guevara, membre, conseil d'administration,
directeur de l'organisme Solidarité ethnique régionale de la Yamaska de Granby.
Bon avant-midi. Merci d'être avec nous, messieurs.
Donc, vous disposez de 10 minutes
pour nous faire votre présentation et il y aura un échange avec les membres de
la commission par la suite. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
• (11 h 20) •
M.
Reichhold (Stephan) : Alors, merci beaucoup. M. le ministre, Mme la
Présidente, MM., Mmes les députés, on est très contents d'être parmi vous et
merci de l'invitation.
Donc, moi, je suis directeur de la Table
de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes. Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec la TCRI,
l'acronyme, nous sommes un regroupement de 159 organismes communautaires à
travers le Québec, dans toutes les régions du Québec, qui interviennent auprès
des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut.
Le champ de mission de la TCRI, c'est... ce
sont vraiment l'accueil et l'intégration des nouveaux arrivants au sens très,
très large. Notre réseau, en temps normal, disons que... hors pandémie, donne
environ des services à 60 000 personnes, et ont des ententes avec le
MIFI à cet effet, pour l'accueil, l'intégration et l'accompagnement et, pour
certains organismes aussi, des ententes avec des ministères, ministère de
l'Emploi, <ministère...
M. Reichhold (Stephan) :
... donne environ des services à 60 000 personnes, et ont des
ententes avec le MIFIV à cet effet, pour l'accueil, l'intégration et
l'accompagnement et, pour certains organismes aussi, des ententes avec des
ministères, ministère de l'Emploi, >ministère de Santé et Services
sociaux, etc.
Alors, d'emblée, nous tenons à réaffirmer
que les organismes d'accueil et d'intégration de la TCRI ont toujours appuyé le
fait qu'il faille protéger le français comme langue commune au Québec. Et il
est essentiel que l'intégration des nouveaux arrivants se fasse en français et
que tout soit mis en oeuvre afin que l'accès à la francisation soit offert à tout
le monde dans les meilleurs délais. D'ailleurs, vous le verrez inscrit dans
notre vision et dans notre mission aussi ce fait.
Donc, nos préoccupations par rapport au projet
de loi n° 96 porteront principalement sur l'impact
pour les personnes réfugiées immigrantes et sans statut nouvellement arrivées
au Québec et tout le défi de l'accès à des services publics qu'on peut
considérer essentiels souvent pour les nouveaux arrivants. Il y a beaucoup de
démarches à faire quand on immigre dans un nouveau pays, et on s'entend que,
souvent, ça prend beaucoup plus de temps que six mois, ces démarches auprès des
services publics, notamment quand les personnes ont des statuts non permanents
qui... Rappelons que les nouveaux arrivants qui arrivent chaque année au Québec
sont majoritairement des personnes avec des statuts temporaires et avec des
statuts précaires.
Limiter l'accès aux services publics
uniquement en français risque de couper la communication et l'interaction entre
le nouvel arrivant et l'État, et c'est ce que personne ne souhaite. Au
contraire, actuellement, on a mis en place justement un nouveau dispositif,
Accompagnement Québec, qui cherche à renforcer les liens entre l'État et le
nouvel arrivant.
Alors, vous allez nous demander
probablement qu'est-ce que nous proposons par rapport au délai de six mois. Je
dirais que, bon, pendant des années, l'admissibilité aux services, pour les
nouveaux arrivants, aux services d'intégration, était fixée à cinq ans,
maximum. Heureusement, et nous sommes très, très contents que ce critère
d'admissibilité le gouvernement actuel l'a fait sauter, ce qui permet
maintenant à tous les nouveaux arrivants, peu importe le nombre d'années où ils
résident au Québec, d'accéder à des services et à la francisation, ce qui est
une excellente nouvelle. Par contre, d'autres ministères, comme le ministère de
l'Emploi, continuent à appliquer le délai de cinq ans pour les services
spécialisés en matière d'employabilité. Ce que nous recommandons, et, bon, vous
avez pu le voir dans notre avis, c'est de ne pas imposer une limitation et de...
qu'il y ait le retrait des articles 6, 7 et 15 pour faciliter l'intégration des
nouveaux arrivants. Il y a deux raisons <pour ça, ça...
M. Reichhold (Stephan) :
...
et, bon, vous avez pu le voir dans notre avis, c'est
de ne pas imposer une limitation et de... qu'il y ait le retrait des articles
6, 7 et 15 pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivants. Il y a deux
raisons >pour ça, ça va... Parce que cette limitation de six mois,
en fait, et de ne plus communiquer dans une autre langue, en anglais ou dans
une autre langue, rajoute des obstacles aux nouveaux arrivants, et... Mais
surtout la deuxième raison, c'est l'application pour déterminer si on peut
communiquer ou pas en français avec un nouvel arrivant. Et selon nous,
impraticable, notamment à cause des différents statuts. D'ailleurs, on se
questionne au niveau... comme il n'y a pas de définition des personnes
immigrantes, on se questionne, est-ce que... De qui on parle, là? On parle de
toute personne qui pose son pied sur le sol québécois? Ou bien des personnes
avec des statuts de résidence permanente, etc., mais ça, on pourra en débattre.
Donc, pour aussi avoir un, disons, un peu
voir l'impact aussi en région qu'aurait une telle limitation, je vais passer la
parole à mon collègue Frey qui va vous parler un peu de la réalité de SERY de
l'organisme à Granby, par rapport à l'impact qu'aurait une telle limitation.
M. Guevara (Frey) : Merci
beaucoup. Bonjour. Merci pour l'espace que vous nous permettez pour pouvoir
présenter notre réalité.
Alors, Solidarité ethnique régionale de la
Yamaska fonctionne depuis 82... pardon, 92. Et en 96, on a été accompagné par
le ministère de l'Immigration pour pouvoir accueillir des personnes réfugiées
et immigrantes. Au fil des années, nous avons développé différents services qui
pourront permettre d'accompagner les différentes personnes immigrantes, peu
importe le statut, pour pouvoir être accompagné à l'intérieur d'un guichet
unique, comme on appelle, car on concentre la plupart des services nécessaires
pour une personne nouvellement arrivée. Granby, ville d'accueil, reçoit toutes
les sortes de catégories d'immigration que vous pouvez connaître.
Et j'en arrive juste pour vous faire un
portrait de la situation, c'est une réalité que nous vivons à Granby et dans
différentes régions, parce que la réalité de Montréal, ce n'est pas la même
situation que dans une ville comme Granby, par exemple, de retrouver
80 000 habitants.
Alors, il y a un bel effort de la part du
ministère de l'Immigration pour permettre l'accès à la francisation. Il y a un
investissement financier qui permet à différentes catégories d'immigration
d'accéder à la francisation. Mais le processus pour pouvoir commencer son cours
de francisation, ce n'est pas si facile. Il est complexe parce qu'il y a tout
un processus à respecter que je comprends très bien, je suis d'accord, sauf
que, si on dit qu'à l'intérieur de six mois, on doit être francisés, c'est
quasiment impossible. Si on arrive et la période d'évaluation vient de
terminer, bien, il faut attendre trois mois pour pouvoir être évalué pour
identifier le niveau de francisation dans lequel on doit être classé. Après ça,
l'ouverture de groupes, il faut atteindre des cibles pour pouvoir ouvrir nos
groupes en région, qui n'est pas la même réalité que Montréal. Donc, le bassin
de l'immigration à Granby, par exemple, ce n'est pas la même qu'à <Montréal...
M. Guevara (Frey) : ...
vient de terminer, bien, il faut attendre trois mois pour pouvoir être
évalué pour identifier le niveau de francisation dans lequel on doit être
classé. Après ça, l'ouverture de groupes, il faut atteindre des cibles pour
pouvoir ouvrir nos groupes en région, qui n'est pas la même réalité que
Montréal.
Donc, le bassin de
l'immigration à
Granby,
par exemple, ce
n'est pas la même qu'à >Montréal. Donc, on ne peut pas avoir la même
quantité de personnes qui sont prêtes à commencer son cours de francisation,
donc il faut attendre des mois et des mois. J'ai des exemples de personnes qui
ont attendu six mois, et ici on parle de réfugiés pris en charge par l'État. Il
y a des exemples de personnes qui attendent depuis neuf mois pour pouvoir
commencer la francisation.
Alors, l'impact de cette situation, ça met
en péril la vie des gens dans le sens que, pour pouvoir fonctionner comme il
faut, régulièrement, ça va être pas facile. Donc, pensez juste le fait de
négocier le bail ou d'acheter un véhicule et plein d'autres situations. Et, en
moins de six mois, on n'arrive pas à se franciser. Alors, il faut considérer
cette situation. Et en plus que nous ne sommes pas tous égaux. Alors, on arrive
avec... on reçoit différentes catégories d'immigrations avec différents niveaux
de scolarité et différents défis autant de santé mentale, à niveau cognitif
aussi. Alors, il faut considérer cette situation, on ne peut pas trancher à dire
qu'en six mois tout le monde est déjà francisé. Sûrement dans la salle, il y a
des gens qui ont déjà appris une troisième, quatrième ou cinquième langue, et
c'est sûr qu'en six mois on ne peut pas dire que la langue est consolidée pour
pouvoir faire affaire avec le secteur public.
Et c'est un réfugié accueilli par l'organisme
en 2003 qui vous parle, c'est le directeur de... c'est un intervenant d'un organisme
communautaire qui travaillait avec des personnes immigrantes, et c'est le
directeur d'un organisme qui accueille des personnes immigrantes, et qui a des
ententes avec le ministère de l'Immigration et d'autres ministères, et qui
connaît la réalité des personnes qui habitent dans notre région. Alors, je vous
prie de porter attention de cette situation. C'est une réalité que je vous
nomme aujourd'hui. Malgré les efforts du milieu, je pense qu'il faut considérer
qu'à l'intérieur de six mois ce n'est pas logique ou ce n'est pas facile à dire
qu'on est francisé, pleinement francophone. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M.
Reichhold (Stephan) : Je vous remercie, on a... notre présentation.
Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous pouvons maintenant débuter les échanges avec les membres de la commission
en débutant par M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Reichhold, M. Guevara,
bonjour. Merci beaucoup de participer aux travaux de la commission.
C'est très intéressant d'entendre votre point de vue. Nous, M. Reichhold,
on s'est vu à de nombreuses reprises, mais dans mes anciennes fonctions. Là, on
se voit moins...
M.
Reichhold (Stephan) : Effectivement. Très content de vous revoir...
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est ça. Moi aussi, je suis très heureux de vous revoir.
Écoutez, d'entrée de jeu, un des objectifs
que nous avons, c'est de faire en sorte que la langue française est la langue
officielle du Québec, mais également que ça soit la langue commune, que ça soit
également la langue d'intégration des personnes immigrantes. Et là, depuis
2018, on fait beaucoup d'efforts, notamment en augmentant le financement, en
offrant davantage de cours, temps plein, temps partiel, le rehaussement du
financement des organismes en francisation également. Donc, on souhaite
vraiment agir sur ce volet-là. Et notre objectif est de faire en sorte que la
langue d'intégration au Québec, ça soit le français, incluant sur l'île de
Montréal.
• (11 h 30) •
Et là, actuellement, il y a certains
enjeux, il y a certaines problématiques parce que bien souvent, et on le
constate, là, dans les données statistiques, les...
11 h 30 (version révisée)
M. Jolin-Barrette : ...également,
donc on souhaite vraiment agir sur ce volet-là. Et notre objectif est de faire
en sorte que la langue d'intégration au Québec, ça soit le français, incluant
sur l'île de Montréal. Et là, actuellement il y a certains enjeux, il y a
certaines problématiques parce que bien souvent, et on le constate, là, dans
les données statistiques, les personnes immigrantes sont parfois poussées à
choisir une autre langue que le français. On a énormément de témoignages qui
disent : J'arrive au Québec, on m'a dit que c'était en français puis,
finalement, quand je me cherche un emploi à Montréal, on me demande :
Parles-tu anglais? Alors, ça devient... c'est un peu dichotomique, là, tout ça.
Alors, notre objectif avec le projet de
loi, c'est vraiment de faire en sorte que les milieux de travail se déroulent
en français, que la langue commune, ça soit le français et qu'on puisse
intégrer en français les personnes immigrantes. C'est pour ça qu'on met en
place Francisation Québec, justement pour avoir un guichet unique, une porte
d'accès unique comme nous le recommandait la Vérificatrice générale en 2017. Et
donc, l'objectif, c'est de fédérer tout ça sous Francisation Québec, à la fois
ce qui se faisait au ministère de l'Éducation, au ministère de l'Immigration,
au ministère de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité sociale. Et également,
pour les employeurs, pour savoir qui contacter pour obtenir des services de francisation,
notamment en entreprise, Francisation Québec va être le guichet unique. Et en
plus, on élargit les services aux personnes immigrantes, mais également les
gens qui sont au Québec et qui souhaitent améliorer leurs compétences
langagières en français, Francisation Québec va être là pour ça. Et également
ce qu'on fait, dans le projet de loi, c'est qu'on donne un droit fondamental à
l'apprentissage du français également.
Alors, ça, c'est ce qu'on propose avec
Francisation Québec. Je voulais vous demander qu'est-ce que vous en pensez, de
Francisation Québec, et ensuite on reviendra sur le six mois pour les
services de l'État.
M.
Reichhold (Stephan) : Bien, tout d'abord, on est ravis, là, par
rapport au droit à la francisation. C'est sûr que ça va aider. Ça va vous
mettre beaucoup de pression organisationnelle et financière, aussi, le
gouvernement, mais l'enjeu du milieu de travail, l'immigrant qui arrive à qui
on avait dit : Vous allez pouvoir vivre en français puis le matin, il va
au travail et puis tout le monde lui parle en anglais, c'est, disons, ce n'est
pas la faute de l'immigrant, là. Il y a un problème au niveau de la société
québécoise qui n'arrive pas à vraiment consolider les milieux de travail pour
que ça se fasse en français. Donc, là, on est totalement d'accord avec... C'est
de convaincre les entreprises de faire plus d'efforts au niveau de la
francisation et je pense que beaucoup de nouveaux arrivants qui parlent
français ou qui commencent à parler français vont être très contents.
Mais là, le problème, c'est l'image qu'on
entend, même dans cette commission, c'est que, le fait que le français recule,
c'est la faute des immigrants alors que du côté de la société québécoise, de la
société d'accueil, on constate que, des fois, il y a comme un manque d'effort,
là, de vraiment offrir des milieux francophones.
Par rapport à Francisation Québec, j'avoue
que pour l'instant, on ne comprend pas très bien comment ça va <fonctionner...
M.
Reichhold (Stephan) :
... de la société d'accueil, on constate
que, des fois, il y a comme un manque d'effort, là, de vraiment offrir des
milieux francophones.
Par rapport à Francisation Québec,
j'avoue que pour l'instant, on ne comprend pas très bien comment ça va >fonctionner.
On va laisser la chance au coureur. C'est sûr que ça fait 25 ans, je
pense, qu'on parle d'harmoniser... on parle du guichet unique et d'harmoniser
les différents systèmes de francisation. Ces dernières années aussi, là, il y a
des relances régulières. Pour l'instant, je n'ai pas l'impression que ça a
donné beaucoup de résultats. Est-ce que cette fois-ci, avec Francisation
Québec, ça va fonctionner? Tant mieux, là, je pense que ça va faciliter
effectivement.
Actuellement, c'est un labyrinthe pour un
nouvel arrivant pour trouver la ressource de francisation qui est adaptée pour
lui, là. Les organismes, et je pense que ROFQ vous en a parlé aussi, vont tout
faire pour les aider là-dedans, à se retrouver dans ce labyrinthe, mais ça
reste un labyrinthe.
M. Jolin-Barrette : Et
là-dessus, M. Reichhold, je veux vous confirmer... (panne de son) au sujet
de la commission et l'objet du projet de loi n'est pas de faire porter le
chapeau aux personnes immigrantes. Ce n'est pas la faute...
M.
Reichhold (Stephan) : Ça, j'ai bien compris.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas la faute des personnes immigrantes, c'est un devoir collectif que nous
avons, et au premier chef, c'est au niveau de l'exemplarité de l'État, hein?
Comment nous-mêmes, comme État, si on ne prend pas toutes les mesures pour être
exemplaire en matière d'utilisation de la langue française, pouvons-nous
demander à des entreprises, à des citoyens, à des nouveaux arrivants de, eux,
faire des efforts supplémentaires? Alors, c'est une responsabilité qui est
collective à ce niveau-là.
Et l'objectif notamment dans le projet de
loi n° 96, et je viens à ce que vous avez souligné tout à l'heure par
rapport au délai, l'objectif, c'est que l'État, dès le départ, fasse toutes les
démarches pour accueillir en français les personnes immigrantes. Donc, ça, c'est
le principe général. Par la suite, on permet d'avoir six mois pour communiquer
dans une autre langue que le français avec les personnes immigrantes pour faire
en sorte d'avoir une adaptation.
Mais effectivement on est conscients que
la compétence langagière, supposons, de niveau 7, parce que ça a été une
des critiques, ne sera pas acquise à l'intérieur du six mois. On le sait.
Cependant, on doit mettre fin au bilinguisme institutionnel de l'État, comme
dans un plusieurs autres États dans le monde, des États nationaux où on
accueille les personnes qui font le choix d'un autre État dans la langue
nationale. Et il y a une série d'exceptions dans le projet de loi justement qui
vont permettre d'avoir de la souplesse et pour répondre aux personnes
immigrantes.
Mais le principe de base c'est qu'au
Québec, ça doit se passer en français, le tout sous réserve des exceptions, le
tout sous réserve de la souplesse associée à la réalité des personnes qui
arrivent au Québec, les personnes réfugiées, les immigrants économiques ou le
regroupement familial. Nous sommes conscients de ça. Mais il faut quand même se
mettre un cadre, parce qu'actuellement, et c'est la même chose avec les
municipalités bilingues, il n'y a pas nécessairement de cadre, et ça participe
au <bilinguisme...
M. Jolin-Barrette :
...
de la souplesse associée à la réalité des personnes qui arrivent au
Québec, les personnes réfugiées, les immigrants économiques ou le regroupement
familial. Nous sommes conscients de ça. Mais il faut quand même se mettre un
cadre, parce qu'actuellement, et c'est la même chose avec les municipalités
bilingues, il n'y a pas nécessairement de cadre, et ça participe au >bilinguisme
de la société québécoise. Alors, si on veut, un jour, changer cette façon de
faire là, il faut mettre des balises en place. Donc, c'est en ce sens-là que le
six mois est avancé.
Alors, il y a juste un élément, dans votre
mémoire, qui m'a un petit peu troublé, Vous dites, à la page 7 : «Il ne
devrait pas y avoir d'oppression linguistique pour les nombreuses personnes
s'intégrant harmonieusement à la société québécoise, mais en utilisant, en plus
du français, d'autres langues que le français dans leurs vies privées.» Il n'y
a pas d'enjeu là-dessus, là. Il n'est aucunement question d'oppression
linguistique. C'est question d'intégrer en français, et les gens, à la maison,
peuvent parler leur langue maternelle, il n'y a pas d'enjeu là-dessus. Mais il
faut avoir un tronc commun où l'ensemble des acteurs de la société québécoise
se retrouvent, et ça doit être en français. N'êtes-vous pas d'accord avec ça?
M. Reichhold (Stephan) :
Bien, oui, on est d'accord sur le principe, mais il y a des... je vais laisser
la parole à mon collègue, Frey, aussi, mais il y a des collatéraux qui ne sont
pas voulus par le projet de loi. Le cadre que vous proposez, à notre avis,
apporte plus d'obstacles que de facilité et rendra plus difficile encore le
parcours d'intégration. C'est, nous, ce qu'on constate sur le terrain. Donc, il
faudrait un petit peu assouplir le cadre, à mon avis, pour éviter justement que
les personnes, certaines personnes, et elles sont nombreuses, ne pourront plus
communiquer directement avec les services publics.
M. Jolin-Barrette :
Peut-être... Ah! allez-y, M. Guevara.
M. Guevara (Frey) : Oui, merci
beaucoup. Je suis d'accord avec certains de vos propos, je les trouve
pertinents. Je suis tout à fait d'accord que notre langue... je suis fier de
parler français. Ce n'est pas ma langue maternelle, mais je suis fier d'être
quasiment francophone, parce qu'à tous les jours j'apprends de nouveaux mots,
j'essaie d'articuler mieux mon français. Mais voilà, la situation, ce que je
trouve complexe, à l'intérieur de ça, c'est qu'accéder à la francisation...
mettons, si j'arrivais aujourd'hui, ce n'est pas demain que je vais pouvoir
commencer ma francisation et ce n'est pas non plus dans six mois que je vais
avoir la garantie que j'ai la capacité de me débrouiller face au secteur
public. Alors, c'est là que je vois la complexité, la difficulté. Parce que
comme les exemples que je vous ai donnés, il y a des gens qui attendent trois,
six, et j'en ai un, exemple très clair, de neuf mois d'attente avant de pouvoir
commencer la francisation. Alors, comment combiner cette idée, que je trouve
bien, de faire du français la langue commune, la langue d'intégration.... mais,
si je ne suis pas encore francisé à l'intérieur de six mois et assez capable de
m'exprimer, comment je vais pouvoir adhérer à cette position? C'est là qu'on
trouve un gros défi pour les personnes immigrantes et les organismes en région
qui n'arrivent pas à ouvrir des groupes.
Parce que ce n'est pas juste ouvrir les
groupes, c'est les différents niveaux. Si on accueille, par exemple, 10
personnes, et que chaque personne ou trois, quatre personnes sont d'un groupe,
d'un niveau, deux autres, d'un autre niveau, alors <il faut...
M. Guevara (Frey) : ...
comment je vais pouvoir adhérer à cette position? C'est là qu'on trouve un gros
défi pour les personnes immigrantes et les organismes en région qui n'arrivent
pas à ouvrir des groupes.
Parce que ce n'est pas juste ouvrir les
groupes, c'est les différents niveaux. Si on accueille, par exemple, 10
personnes, et que chaque personne ou trois, quatre personnes sont d'un groupe,
d'un niveau, deux autres, d'un autre niveau, alors >il faut... C'est
complexe, c'est difficile de pouvoir ouvrir la francisation rapidement au moins
en région. Je ne connais pas nécessairement le détail à Montréal. Mais c'est
des gros défis auxquels les personnes immigrantes sont confrontées.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues, là.
Il y a beaucoup de gens qui sont venus en commission parlementaire et qui ont
dit : On devrait amener une approche... bien, ajouter le volet culture au
projet de loi parce que langue et culture vont ensemble, et notamment ils
parlaient de la question de l'intégration des personnes immigrantes. Est-ce que
vous croyez qu'on devrait ajouter un volet au projet de loi qui va faire en
sorte de pouvoir intégrer à la culture québécoise les personnes immigrantes?
Est-ce qu'on doit dissocier la langue de la culture ou on doit les rapprocher?
M. Reichhold
(Stephan) : Je ne sais pas. Frey, est-ce que...
M. Guevara (Frey) : Mais je
pense qu'effectivement les deux choses des composantes importantes. La culture,
ça fait partie des valeurs présentes, et je pense que, les valeurs, on ne peut
pas les négocier. La même chose que les valeurs québécoises, il faut les
respecter. On est ici, ce sont des valeurs, mais en même temps, oui, c'est le
côté linguistique qu'il faut considérer à l'intérieur de cette grande balise.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie beaucoup pour votre présence.
M. Reichhold
(Stephan) : D'ailleurs, l'approche, bon, vous le savez que...
M. Jolin-Barrette : Ah!
excusez-moi, je voulais céder la parole.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Reichhold
(Stephan) : ...après. Non, je dis, M. le ministre, vous vous souvenez
probablement d'un passage au ministère de l'Immigration, les organismes sont
très, très impliqués au niveau de transmettre la culture québécoise, hein, donc
d'où leur approche, leurs pratiques soit au niveau de la francisation, au
niveau des services, au niveau de l'offre de services est toujours rattachée,
imbriquée dans la culture québécoise, là. D'ailleurs, le nouveau programme...
se donne cet objectif aussi, là, et marche bien...
M. Jolin-Barrette :
Merci de votre présence en commission.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Donc, je céderais la parole au député de Chapleau pour
cinq minutes. M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Reichhold, M. Guevara, merci
beaucoup de votre présentation. J'aimerais peut-être prendre la balle au bond,
là, du ministre en lien avec la culture. Là, vous nous dites que souvent les
organismes que vous représentez, là, vont mettre en parallèle avec la langue
française, la culture et ils vont proposer justement un parcours culturel.
Peut-être vous pourriez nous dire, là, qu'est-ce qu'il a été possible de faire
pour vous, M. Guevara, mais également qu'est-ce qui manquerait ou
qu'est-ce qu'on pourrait ajouter en en lien avec la culture, là, pour justement
bonifier l'offre de services à ce niveau-là.
M. Guevara (Frey) : Je
pense que, comme je l'avais déjà nommé, les valeurs culturelles sont très
importantes. Il y a une fierté qui nous représente, alors, au fil des années,
il faut que la personne immigrante devienne aussi fière des valeurs de la
communauté dans laquelle on vit. Alors, oui, partager et mettre en valeur les
deux cultures, c'est important. Il faut reconnaître, il faut mettre de l'estime
de soi avec chaque individu selon sa culture. Il faut l'inviter aussi à adhérer
à des valeurs culturelles de la société d'accueil. Alors, je pense que les deux
choses devront se <matcher. Il y a des...
M. Guevara (Frey) : ...
devienne aussi fière des valeurs de la communauté dans laquelle on vit. Alors,
oui, partager et mettre en valeur les deux cultures, c'est important. Il faut
reconnaître, il faut mettre de l'estime de soi avec chaque individu selon sa
culture. Il faut l'inviter aussi à adhérer à des valeurs culturelles de la
société d'accueil. Alors, je pense que les deux choses devront se >matcher.
Il y a des activités qu'on pourrait
développer. Déjà, il existe, dans les différents programmes du ministère, les
mots «rapprochement interculturel». Ce sont des espaces qui permettent à la
communauté d'accueil de découvrir l'immigrant, et c'est l'espace aussi pour la
personne immigrante de découvrir sa société d'accueil. Alors, il faut continuer
à miser de ça et permettre, faire la sensibilisation à la population. Parce
qu'on n'entend pas nécessairement les bonnes informations sur l'immigration,
parce qu'actuellement on dit qu'on a accès à l'information via les réseaux
sociaux, mais parfois c'est plutôt la désinformation. Alors, permettre à Mme,
M. Tout-le-monde de découvrir l'immigration dans son coin, dans son quartier,
dans sa ville, ce sont des facteurs très importants et pertinents à continuer à
développer.
M. Lévesque (Chapleau) : ...tellement
raison, M. Guevara. Effectivement, moi, dans Chapleau, justement, il y a
un organisme qui m'invite presque à tous les mois, là, pour aller, justement,
soit faire un dîner interculturel... Donc, c'est un organisme de francisation,
donc souvent j'ai l'occasion d'y aller puis de rencontrer les nouveaux
arrivants dans Chapleau, puis également on échange, autant la culture québécoise
que la culture, là, qui est, donc, apportée par le nouvel arrivant, et le tout
se fait en français. Donc, c'est très, très intéressant, là, les échanges qu'on
peut tirer, vous avez tellement raison.
Vous avez, par le passé, parlé du droit à
l'apprentissage du français puis vous êtes en faveur de l'élévation de l'accès,
justement, à ce droit-là, là, à la francisation en tant que droit fondamental,
comme le projet de loi le propose. Peut-être vous pourriez nous entretenir sur
cette importance-là, ce que vous voyez dans ça.
M. Guevara (Frey) : Je préfère
que peut-être M. Reichhold puisse...
M. Reichhold (Stephan) : Oui,
bien, écoutez, bon, ça a déjà été proposé dans un projet de loi qui n'a pas
abouti, il y a quelques années, qui n'a pas fonctionné. Que ça revienne, oui,
nous, on pense que c'est... déjà les... Si on parle des personnes immigrantes,
parce que ce droit s'applique à tout le monde aussi, au Canadien qui vient
d'une autre province, tout ça, mais, nous, bon, par rapport aux nouveaux
arrivants, c'est sûr que tout droit qu'on rajoute à cette population, nous, on
est ravis. Et aussi ça va obliger, parce que, bon, si la loi entre en vigueur
dans les prochaines années, même s'il y a des changements de gouvernement,
etc., que tous les gouvernements, si on retournait vers un gouvernement qui
s'amuse à faire de l'austérité, des coupures de services, et tout ça, disons
qu'il ne pourra plus faire n'importe quoi, là, pour limiter les services en
francisation, par exemple, parce que vous aurez une obligation de l'offrir, là,
sinon vous allez être poursuivi en justice.
M. Lévesque (Chapleau) : On ne
connaît pas ça, des gouvernements qui font de l'austérité, nous, là, évidemment.
Maintenant, peut-être sur l'accueil des immigrants, là, en région, vous avez
parlé, justement, à Granby qu'il y avait certains enjeux, notamment sur les <délais...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
On ne connaît pas ça, des
gouvernements qui font de l'austérité, nous,
là,
évidemment.
Maintenant,
peut-être sur l'accueil des
immigrants, là, en région, vous avez parlé,
justement, à
Granby
qu'il y avait certains enjeux,
notamment sur les >délais pour
pouvoir accéder à un cours de francisation. Est-ce qu'il y a d'autres éléments
qui seraient à travailler justement pour régionaliser l'immigration puis
s'assurer que les nouveaux arrivants en région que ça puisse bien fonctionner,
ça puisse se faire rapidement? Parce que l'objectif, effectivement, c'est
qu'ils puissent accéder à des cours, mais il y a peut-être d'autres éléments
que vous voyez, d'autres points d'achoppement, c'est-à-dire.
M. Guevara (Frey) : Mais ça
fait des années, je ne sais pas exactement combien d'années, mais plus de 10
ans peut-être, qu'on essaie de faire valoir la réalité de la région, les exemples
que je vous ai donnés au début. Je pense que c'est le principal facteur dans
lequel on devrait considérer la réalité montréalaise à la même réalité d'une
ville de 90 000 habitants. Alors, on n'arrive pas à combler les groupes,
le minimum de personnes pour pouvoir ouvrir un groupe... j'avais donné des
exemples, si on accueille 10 personnes, chacune, c'est dans un niveau
différent, on n'aura pas 10 personnes pour... un groupe et, même à 10
personnes, ce n'est pas toujours évident de pouvoir obtenir le oui pour pouvoir
ouvrir le groupe. J'ai entendu... Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre les échanges
avec la députée... Mme la députée, oui.
Mme David : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je ne savais pas si c'était
vous qui preniez la parole ou un autre membre de votre groupe.
Mme David : Bien, ça va, Mme
la Présidente. Ça va.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme David : Bien, écoutez, je
ne ferai pas de politique, alors de politique financière, mais je suis extrêmement,
extrêmement contente de vous entendre, la table, la TCRI, parce que vous jouez
un rôle absolument fondamental dans l'accueil, l'intégration. On le sait, là,
vous êtes vraiment un acteur majeur de la question non seulement de la
francisation, mais de l'intégration, de la culture, etc. M. Guevara, je veux
vous dire à quel point je, on, nous sommes fiers de votre parcours, et vous
l'avez dit vous-même : Regardez, je suis arrivé comme réfugié, qui est un
mot qui fait souvent peur aux gens, ils ont l'impression que c'est... enfin, je
ne ferai pas de politique là-dessus non plus, mais que les réfugiés ne
serviront pas la société, mais vont se prendre des choses dans la société,
alors que vous redonnez énormément puis vous redonnez à tous les nouveaux
arrivants. Alors, je pense que vous en êtes fiers, mais je pense qu'on est très
fiers de vous aussi.
Alors, dans vos inquiétudes, mais j'ai
trouvé que l'échange avec le ministre était très bon, l'échange était très
constructif, de part et d'autre. Et il y a des choses qui m'ont fait très
plaisir à entendre, j'ai pris quelques notes, quand vous avez dit, M. Reichhold :
Ce n'est pas la faute de l'immigrant si le français recule. Et puis, moi,
j'avais mis... bien, j'avais mis trois petits points et de mon cru, mais vous
le dites aussi à la page 7, je crois, de votre mémoire «ni à cause de la langue
parlée à la maison». Alors, je voulais vous poser la question, parce qu'on aura
un échange fort important, tout de suite après vous, avec un <démolinguiste...
Mme David : ... bien,
j'avais mis trois petits points et de mon cru, mais vous le dites aussi à la
page 7, je crois, de votre mémoire «ni à cause de la langue parlée à la
maison». Alors, je voulais vous poser la
question, parce qu'on aura un
échange fort
important,
tout de suite après vous, avec un >démolinguiste
qui va justement nous entretenir beaucoup sur sa vue, ma foi, assez pessimiste
de l'avenir du français au Québec. Mais en lien avec l'indicateur de la langue
parlée à la maison, vous vous dites : On peut parler le vietnamien, on
peut parler le mandarin, mais on parle français dans l'espace public et on en
est très fier. Alors, je voulais vous entendre là-dessus parce que le ministre
a dit qu'il était d'accord, justement, qu'on n'est pas ici pour parler de
langue parlée à la maison. On est ici pour parler de langue de travail, de
langue dans l'espace public, de la culture partagée. On est ici pour parler de
ce qui nous réunit. Et qu'on ne touche pas à l'espace privé. Est-ce que vous
avez la même lecture que moi des enjeux?
M. Reichhold (Stephan) :
Bien, je peux peut-être commencer la réponse. C'est sûr que tout le débat
autour du recul de la langue française, là, je sais qu'il y a différente école
de pensée. Nous, notre rôle c'est de faire la promotion du français auprès des
personnes immigrantes. Souvent, les nouveaux arrivants, le seul contact qu'ils
ont avec la société d'accueil, c'est l'organisme où il va participer, faire du
jumelage, faire des activités... pouvant vous en donnez beaucoup, beaucoup
d'exemples. Et... bon, je peux utiliser... moi-même, je suis... ma langue
maternelle c'est l'allemand. Non, mais il y a les statistiques de
Statistique Canada. Je suis un allophone. J'apparais comme un allophone. C'est
vrai qu'on ne parle pas allemand à la maison, mais ça se pourrait. Ça arrive
parfois quand j'ai de la visite de ma famille. Donc, ça, c'est le fossé.
Beaucoup... j'ai beaucoup d'amis immigrants, en fait, qui parlent une autre
langue à la maison, mais qui cartonnent en français, là, mais c'est... et c'est
ça la solution à mon avis. C'est d'encourager, et je pense que le projet de loi
en fait une partie, propose une partie, c'est d'encourager et de soutenir et de...
le français dans l'espace public. Et pour ça, par contre, il faut que l'État
soit en mesure de communiquer avec les gens pour faire passer les messages. Si
on coupe la communication entre le nouvel arrivant qui parle mal ou pas le
français avec l'État, je veux dire, on rate notre cible.
• (11 h 50) •
Mme David : on revient à ce
six mois. On revient à ce six mois. J'ai la... dans les crédits ou je
ne sais pas... enfin, ça s'appelle Cahier explicatif des crédits 2021‑2022
du MIFI. Justement, on voit bien... on a la ventilation par région sur le
nombre de jours que ça prend avant d'avoir accès au jour un de la
francisation. Et la moyenne dans l'ensemble du Québec c'est 68,8 jours.
Ça, là, ça fait deux mois et <quelques jours...
Mme David : ... des
crédits
2021‑2022
du MIFI. Justement, on voit bien...
on a la ventilation par région sur le nombre de jours que ça prend avant d'avoir
accès au jour un de la francisation. Et la moyenne dans l'ensemble du
Québec
c'est 68,8 jours. Ça, là, ça fait deux mois et >quelques
jours, disons. Deux mois et quelques jours sur les six mois, il nous en reste
quatre, disons, pour faire des chiffres ronds, pour franciser. Vous n'êtes
les... Vous n'êtes pas les seuls, là. Vous n'êtes pas les premiers. Je crois
que vous ne seriez pas les derniers si les consultations se poursuivaient, à
dire : Attention! Attention! On n'y arrivera pas.
Et en même temps le ministre dit :
Oui, mais on ne peut pas éternellement attendre. On ne peut pas attendre deux
ans. Mais il y en a qui ont proposé un an. Alors, d'autres ont proposé deux
ans, mais il y a un facteur commun, tout le monde dit : On n'y arrivera
pas malgré toute la bonne volonté et tout l'argent investi. En tout cas, moi,
connaissant mes piètres compétences d'apprentissage linguistique, puis plus on
vieillit, moins ça va vite, hein, on dit ça malheureusement, nos neurones se
perdent un peu, ça me prendrait plus que 60... que six mois, probablement, à
apprendre l'allemand, par exemple, si j'immigrais en Allemagne.
Alors, je veux que vous nous expliquiez bien
comment ça se passe. Bien, admettons que le jour 1 de la francisation,
encore faut-il que ça soit temps plein, soit deux mois après son arrivée. Mais
ça ne se peut pas... Je le sais bien, là, le ministre a même bonifié les budgets
pour pouvoir assister. Et je salue aussi le fait que ça soit ouvert à l'ensemble
de la famille, et je salue aussi, et encore plus, notre proposition de rendre
accessible à tous les Québécois qui résident au Québec les cours d'accès à la
langue française. Il va manquer de professeurs, mais ça, c'est un autre
problème. Mais comment...
M. Reichhold
(Stephan) : Ce que je voulais dire, la pénurie de profs qui est quand
même dramatique, surtout à Montréal, qui empêche des centaines et des centaines
de personnes de se franciser au moment où se parle...
Mme David : Et ça, ça va
être un enjeu, puisque vous m'amenez là-dessus, aussi majeur pour le ministre
que... que d'autres enjeux de pénurie de main-d'oeuvre. Ça va faire partie...
Si on veut que cette loi-là soit une réussite, il faut absolument qu'il y ait
énormément de professeurs de français langue seconde. Or, ça ne court pas les
admissions dans les universités, dans les collèges. Il va falloir trouver des
façons pour... pour franciser. Et ça, c'est un gros chantier aussi en suivi du
projet de loi.
Mais admettons qu'on reste avec le six
mois, qu'est-ce qui se passe dans les... dans le meilleur des mondes s'il
commence au jour 1 après 68 jours après son arrivée? Puis il en est
où après quatre mois?
M. Guevara (Frey) : Bien,
je ne veux pas contourner, là, la réponse, mais j'aimerais peut-être revenir
aussi pour considérer certains facteurs que j'ai trouvé importants lorsque le
ministre nous avait parlé que, dans les milieux de travail, par exemple, les
gens sont obligés à fonctionner en anglais. Ils sont en processus de se
franciser, puis finalement ils arrivent dans le milieu de... Ils ont réussi à
décrocher un emploi avec le petit français qu'ils ont développé, puis ils
rentrent dans l'usine, dans le milieu de travail, et c'est en anglais. Ce n'est
pas <peut-être...
M. Guevara (Frey) : ...
lorsque le ministre nous avait parlé que, dans les milieux de travail, par
exemple, les gens sont obligés à fonctionner en anglais. Ils sont en processus
de se franciser, puis finalement ils arrivent dans le milieu de... Ils ont
réussi à décrocher un emploi avec le petit français qu'ils ont développé, puis
ils rentrent dans l'usine, dans le milieu de travail, et c'est en anglais. Ce n'est
pas >peut-être plus qu'on devrait penser à l'anglais qui a retreint le
temps pour pouvoir se franciser et couper les services dans une langue
différente? Ce sera peut-être ça, peut-être, l'enjeu.
Mme David : Donc, en anglais
au travail, dans certains cas, que vous voyez, que vous entendez. Langue tierce
à la maison, langue tierce, admettons que ça soit l'allemand, l'espagnol. Et
donc le français dans les cours de francisation, c'est ça, alors que le français
devrait être plus intégré à l'ensemble de sa vie quotidienne. C'est ça qu'on
espère, c'est ça qu'on veut. Vous voyez ça comme un enjeu réel et concret du
nouvel arrivant qui, dans le fond, doit souvent parler plus anglais que français
dans son milieu de travail?
M. Guevara (Frey) : Je parle
de mon milieu. Donc, ce n'est peut-être pas la même réalité, je reviens avec la
même expression, la réalité montréalaise. Mais de plus en plus on entend les
gens qui ont réussi à avoir un parcours intéressant pour pouvoir décrocher un
emploi qui, rendu à l'entreprise, tous les mots techniques sont en anglais. Il
y a un langage... au niveau du langage technique de l'entreprise et de la
culture organisationnelle, c'est aussi l'anglais qu'il faut développer. Alors,
les gens ne se sentent pas compétents, ils cherchent à voir comment on peut
développer soit l'anglais et consolider son français.
À tel point, je vous donne un exemple, le
consulat général de la Colombie — parce que c'est mon pays d'origine,
la Colombie, j'ai su ça parce que j'adhère à cette infolettre — offre
des cours de français pour les Colombiens qui veulent consolider son français.
Alors, vous voyez même des énergies qui sont des pays tiers pour pouvoir aider
ses concitoyens ou ses citoyens qui habitent à l'extérieur à pouvoir développer
la langue commune de l'autre pays. À ce point-là, on se trouve.
Mme David : Admettons,
admettons qu'il a la chance d'arriver dans un milieu entièrement francophone de
travail. On est encore à 68 jours d'attente, moyenne pour avoir le jour 1 du
cours de français. Combien de temps ça prend, d'après votre expérience, là,
vous allez dire : Ça dépend de l'âge, ça dépend temps plein ou temps
partiel. Mais essayez de nous faire un portrait de ça.
M. Guevara (Frey) : C'est tellement
complexe. Parce que nous, en tant qu'organisme humaniste, on prend en
considération l'être humain qui est devant nous. C'est difficile à couper. Il y
a des... Bon. Dans six mois, dans huit mois, dans un an, dans je ne sais pas,
c'est assez. C'est sûr qu'il faudra mettre une limite, je suis tout à fait
d'accord avec vous. Mais je ne me sens pas à l'aise de vous dire... ou de vous
présenter une recommandation exacte, c'est à tel temps qu'on devrait couper. Je
ne sais pas, Stephan, si t'avais autre chose...
M.
Reichhold (Stephan) : Non, non, je suis totalement d'accord avec toi,
là. Je vous disais, c'est très artificiel, là. Tu sais, avant, c'était toujours
la règle du cinq ans. Dans le reste du Canada aussi, c'est la règle du cinq
ans, là, le temps d'apprendre à parler la langue, et après tu n'as plus <accès...
M. Guevara (Frey) : ...
Je ne sais pas, Stephan, si t'avais autre chose...
M.
Reichhold (Stephan) :
Non, non, je suis totalement d'accord
avec toi, là. Je vous disais, c'est très artificiel, là. Tu sais, avant,
c'était toujours la règle du cinq ans. Dans le reste du Canada aussi, c'est la
règle du cinq ans, là, le temps d'apprendre à parler la langue, et après tu
n'as plus >accès aux services d'intégration. Est-ce que ça devrait être
ça ou... Mais on sait qu'il y a des personnes qui sont là depuis 15, 20, 25 ans
qui ne parlent pas un mot de français. Je veux dire, c'est... Est-ce qu'on va
les punir, on va les pénaliser?
Mme David : On pourrait dire :
C'est un autre problème, là, ça. Ils n'ont peut-être pas eu de...
M. Reichhold (Stephan) :
C'est sûr que c'est moins notre clientèle, là, mais...
Mme David : Mais je pense que
l'esprit... Et puis là, je ne veux pas parler pour le ministre, là, puis
l'esprit de sa loi, mais je pense que l'idée du six mois, c'est d'être capable
de communiquer avec les services gouvernementaux, ou de lire des lettres, ou de...
Bon.
M. Reichhold (Stephan) : C'est ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions.
Mme David : Merci, Mme.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous poursuivons les échanges avec la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Merci, M. Reichhold, M. Guevara, pour votre présentation. Bien,
moi, je n'ai pas beaucoup de temps, donc je vais venir sur le sujet que vous
avez mis dans votre mémoire, et j'ai lu aussi la lettre qui est parue, une lettre
collective, là — notamment, la TCRI aussi l'a signée — sur
le fameux six mois. Là, pour nous aider, on est en commission parlementaire, il
faut qu'on voie si le ministre peut faire des compromis. Vous dites que six
mois, ça ne marche pas, mais vous ne proposez pas une alternative, c'est-à-dire
que, vous, vous êtes contre le fait qu'il y ait un délai. Il faut que le délai,
ça soit en fonction de la personne, elle est rendue où dans sa francisation.
C'est ce que je pense, là, vous corrigerez si ce n'est pas le cas.
Il y a eu des organismes qui sont venus
avant vous, il y en a qui ont proposé deux ans, trois ans. J'ai même posé la
question au regroupement des... l'association des... en tout cas, des
organismes en francisation, et, je me rappelle, quand j'ai posé la question de
deux ans, je crois, Mme Aleksanian m'avait dit que, oui, ça serait acceptable,
déjà ça serait acceptable. Qu'est-ce que vous proposez pour m'aider quand je
suis en commission parlementaire puis amener des amendements, au lieu de dire :
Non, on enlève le six mois, et c'est tout, puis le ministre refuse?
• (12 heures) •
M.
Reichhold (Stephan) : Écoutez, on va vous laisser la stratégie, là,
vous avez plein de conseillers qui... Mais c'est ce que je disais, en fait.
Bon. C'est bien beau de mettre une limitation, un an, deux ans, trois ans,
quatre ans, cinq ans, mais dans la vraie vie, là, c'est impraticable. Je veux
dire, le préposé à l'accueil dans une institution, il va falloir qu'il épluche
les documents d'immigration de la personne pour voir s'il a le droit de lui
parler en français, ou en anglais, ou dans une autre langue. Je veux dire,
c'est kafkaesque, là, c'est comme... Parce que les personnes n'auront pas une
carte leur disant : Oui, moi, ça fait trois ans que je suis ici, ça fait
un an. Puis à partir de quand un demandeur d'asile qui a attendu sa résidence
permanente pendant cinq ans... Est-ce qu'il doit... le décompte, il va
commencer quand il a déposé sa demande d'asile ou quand il est devenu résident
permanent? Toutes ces choses-là ne sont pas... Il va falloir les clarifier. Et
on parle de dizaines, de dizaines et de...
12 h (version révisée)
M. Reichhold
(Stephan) : ...ça fait trois ans que je suis ici, ça fait un an. Puis à
partir de quand un demandeur d'asile qui a attendu sa résidence permanente
pendant cinq ans... est-ce que le décompte, il va commencer quand il a déposé
sa demande d'asile ou quand il est devenu résident permanent? Toutes ces
choses, là, ne sont pas... il va falloir les clarifier. Mais on parle de
dizaines, de dizaines et dizaines de milliers de personnes qui sont dans ces
situations-là. Alors...
Et moi, je peux vous assurer, j'ai eu beaucoup
de conversations informelles avec des fonctionnaires du ministère de
l'Immigration, de l'Éducation, avec des gestionnaires aussi, qui sont
catastrophés, là, par rapport à cette histoire de six mois, là...
Mme Ghazal : C'est surtout
difficile, je conviens...
M. Reichhold
(Stephan) : À gérer.
Mme Ghazal : ...pour les
communications orales...
M. Reichhold
(Stephan) : Oui, oui, oui. Même écrites, je veux dire, c'est à quel
moment... Comment tu sais si tu as le droit d'envoyer une lettre en anglais ou
en français à la personne? Tu sais...
Mme Ghazal : Mais... bon.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme Ghazal : ...on aura
l'occasion d'y réfléchir. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je vais céder la parole à la députée de Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci de nous... d'être présents et de
nous partager vos nombreuses connaissances sur le dossier de l'immigration et
de l'intégration des nouveaux arrivants.
On voit aussi que, dans votre organisme et
dans plusieurs, là, qui sont au service des nouveaux arrivants, il y a des gens
qui ont vécu le parcours aussi de s'intégrer au Québec, alors, je pense, il y a
quelque chose de rassurant aussi pour ces personnes-là. Donc, bravo aussi à
M. Guevara, là, pour tout votre parcours.
J'aimerais en fait savoir... Moi, je suis porte-parole
en immigration pour ma formation politique et je suis une députée de région, en
Gaspésie, très proche aussi, là, de mes groupes comme les SANA. Et nous, on a vraiment
comme objectif de faire grimper, là, le taux d'immigration dans les régions à
50 %, là. C'est ambitieux, mais pour nous ça ferait une véritable
différence dans l'intégration, mais aussi dans la maîtrise du français, on le
croit.
J'aimerais vous entendre là-dessus si,
vous croyez que, pour la question du français, une meilleure régionalisation
pourrait être une avenue possible.
M. Reichhold (Stephan) :
Vas-y, Frey...
M. Guevara
(Frey) : Oui, c'est ça. La régionalisation, je pense, c'est le facteur
fondamental aujourd'hui lorsqu'on parle d'immigration pour pouvoir répartir les
gens qui sont intéressés à s'établir et à faire une vie au Québec. Et le
facteur commun : la langue de travail. Est-ce que le milieu, il est prêt à
accueillir autant de gens? Est-ce qu'il y a assez de logements? Est-ce que le transport
en commun est assez développé? Ce sont des facteurs qu'il faut vraiment
consolider et considérer dans ce processus de régionalisation. À l'intérieur de
tout ça, la langue commune, le français.
Alors, je ne sais pas comment ça se passe
à Gaspé, mais... et je ne sais pas si le lendemain de l'arrivée on a accès à la
francisation, encore une fois. On a des données qui sont des moyennes, mais ce
n'est toujours la même réalité partout. Je vous ai donné mes exemples de neuf
mois peut-être d'attente. Alors, ce n'est pas évident.
Mme Perry Mélançon : Oui,
puis, bien, en fait, je peux vous donner... Effectivement, en Gaspésie, là, de
ce qu'on entend, de par mon expérience, mes connaissances, le taux de rétention
des nouveaux arrivants est très élevé, et puis l'intégration se passe bien.
Donc, on... Puis on voit, là que nous, le milieu est <vraiment...
M. Guevara (Frey) : ...
exemples de neuf mois
peut-être d'attente. Alors, ce n'est pas évident.
Mme Perry Mélançon :
Oui, puis, bien, en fait, je peux vous donner...
Effectivement, en
Gaspésie, là, de ce qu'on entend, de par mon
expérience, mes
connaissances, le taux de rétention des nouveaux arrivants est très élevé, et
puis
l'intégration se passe bien. Donc, on... Puis on voit, là que nous,
le milieu est >vraiment francophone et les gens s'intègrent bien à ce nouvel
environnement là. Donc, merci de votre réponse. Et puis, bien, pour poursuivre,
parce que vous parlez des cours de francisation qui ne sont pas toujours accessibles,
nous il y a également la question qu'on souhaite que l'exigence du français
soit un critère pour sélectionner les nouveaux arrivants. On parle bien sûr des
immigrants économiques. Est-ce que, quand vous dites que c'est complexe, justement,
d'avoir accès à ces cours-là, une meilleure connaissance du français à la base,
et qui pourrait être déjà appris dans les pays, comme la Colombie ou autres, est-ce
que, pour vous, c'est un moyen qu'on doit se donner?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions. Nous n'avons plus
de temps pour la réponse. Merci, messieurs, d'avoir été avec nous. Merci de
votre contribution aux travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 12 h 4)
<
>
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bienvenue. La commission reprend ses travaux. Et nous accueillons maintenant
M. Marc Termote, géographe. Bienvenue. Merci d'être avec nous cet
avant-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre
exposé. Il y aura un échange avec les membres de la commission par la suite.
Donc, je vous cède la parole.
M. Termote (Marc) : Merci, Mme
la Présidente. Merci, Mme et messieurs. Je voudrais d'abord avant tout vous
remercier de m'avoir invité. C'est un grand honneur pour moi et ça me donne
l'illusion que je peux être encore un peu utile peut-être. Et en plus, de votre
part, inviter un démographe, faut du courage, parce que les démographes, ce n'est
pas des gens très fréquentables. Ils arrivent toujours avec des mauvaises
nouvelles. Et, bon, il n'y a pas assez d'enfants ici, il y a trop d'enfants ailleurs,
il y a trop d'immigrants ici, il n'y a pas assez d'immigrants, enfin, toujours
de mauvaises nouvelles. Alors, je risque d'un peu faire partie de ces gens
infréquentables, surtout que nous sommes dans un domaine, la langue, l'avenir
de la langue française, qui est un domaine très émotif.
Et c'est une des louanges qu'on devrait
faire au projet de loi, c'est qu'on a essayé vraiment, disons — l'expression
est peut-être mal pris — de ratisser le plus large possible, d'aller
voir partout. Donc, il faut une vue d'ensemble quand on évalue ce projet de
loi, ce qui n'est pas toujours le cas. Comme c'est très émotif, chacun va aller
chercher le petit quelque chose qui le dérange, qui n'est pas dans ton intérêt.
On peut toujours trouver quelque chose. On est tous pour la vertu ou ce qu'on
croit être la vertu, mais c'est un peu facile, sinon, de critiquer.
Alors, moi, je vais essayer de donner,
pour le commencer... on aura l'occasion pendant la discussion, je vais
commencer par donner une idée d'ensemble comment je vois les choses du côté du
projet de loi. C'est que pour évaluer les diverses mesures qu'on nous propose,
et là c'est peut-être un biais de démographe, j'essaie de voir... de faire une
sorte d'analyse coûts-bénéfices. Qu'est-ce que ça va me donner, comme locuteur
du français, en plus, si j'adopte telle mesure, et qu'est-ce que ça va me
coûter socialement, économiquement, politiquement, etc.?
Et, si on applique ce critère-là, cette
façon-là d'approcher les choses, mon bilan global est très positif. On peut
toujours trouver des histoires. J'en ai quelques-unes à vous soulever : le
collégial en anglais, on en parlera certainement, les noms d'entreprises, la
francisation des immigrants, l'affichage, etc., la langue de travail, bien sûr.
Et j'espère que, si je n'en parle pas tout de suite, vous m'en parlerez et vous
allez me relancer là-dessus.
Donc, si on raisonne de cette façon-là, moi, je
dirais que c'est très positif.
Le seul gros bémol que j'oserais faire, et
on y reviendra dans la deuxième <partie...
M. Termote (Marc) : ... si
je n'en parle pas tout de suite, vous m'en parlerez et vous allez me relancer
là-dessus.
Donc, si on raisonne de cette façon-là, moi, je
dirais que c'est très positif.
Le seul gros bémol que j'oserais faire,
et on y reviendra dans la deuxième >partie de ma présentation dans
quelques minutes, c'est du côté de la francisation des immigrants. On peut
faire énormément de choses de ce côté-là et on propose beaucoup de mesures qui,
directement ou indirectement, peuvent aider à franciser les immigrants.
Mais ce qu'on oublie toujours c'est qu'il
y a très peu de gens qui changent de langue. Le nombre de personnes qui
changent de langue est minime parce que ce n'est pas facile de changer de
langue. L'immigrant moyen arrive à l'âge de 30 ans, à 30 ans, vous ne
changez plus de langue. Toutes les données non seulement démographiques, mais
de pédagogie linguistique montrent qu'à partir d'un certain âge, on ne
changeait plus de langue, c'est surtout avant 15 ans qu'on change de
langue, au primaire et au secondaire, d'où le discours tout à l'heure, peut-être,
sur le collège anglophone. Donc, c'est mon seul bémol, on se dit on fait ce
qu'on peut, bien sûr, mais il ne faut pas se faire d'illusion ça ne changera
pas grand-chose.
Et il y a tout récemment eu un rapport de l'Office
de la langue française, qu'on a demandé à Statistique Canada, que l'office a
demandé à Statistique Canada, qui dit, noir sur blanc, que vous pouvez faire
tout ce que vous voulez du côté de la francisation des immigrants, vous pouvez
même dire : Je ne fais venir que des immigrants francophones, vous pouvez
même dire : On va faire passer la moitié des immigrants en région, ce qui
est très utopique, hein, toutes ces mesures, même très utopiques, aboutissent à
un résultat quasiment dérisoire, ça n'affecte que très marginalement, ça ne
ralentit que très marginalement le déclin du poids démographique des
francophones.
Et ça m'amène à la deuxième partie de mon
exposé et du mémoire que je me suis permis de vous soumettre. C'est que pour un
démographe, ce qui compte, c'est la langue à la maison. Par définition, on ne
peut... de dire politiquement que du côté de la langue publique, par
définition. Comme disait un cher premier ministre canadien, on ne peut pas
s'occuper de la langue qu'on parle dans la cuisine ou dans la chambre à
coucher, on ne peut s'occuper que de la langue parlée dans l'espace public.
Mais là où ça se passe pour un démographe,
c'est la langue qui est parlée à la maison, pourquoi? Parce que la langue
parlée à la maison devient la langue maternelle des enfants. Et comme
démographe, on ne raisonne pas à court terme, on essaie d'avoir une perspective
générationnelle, une perspective de long terme et donc à ce moment-là, la
transmission d'une langue d'une génération à l'autre est fondamentale. Et de ce
côté-là, malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes du tout parce que,
malgré tout ce qu'on a fait, malgré les énormes progrès, malgré les énormes
progrès du côté de l'enseignement primaire et secondaire, bien sûr, malgré tout
ça, le pourcentage de francophones n'a cessé de <diminuer...
M. Termote (Marc)T : ...
fondamentale. Et de ce côté-là, malheureusement, les nouvelles ne sont pas
bonnes du tout parce que, malgré tout ce qu'on a fait, malgré les énormes
progrès, malgré les énormes progrès du côté de l'enseignement primaire et
secondaire, bien sûr, malgré tout ça, le pourcentage de francophones n'a cessé
de >diminuer depuis qu'on a ces données, depuis 1971, n'a cessé que de
baisser en ce qui concerne la langue parlée à la maison. Alors, dans ce sens-là — et
je pense que j'ai atteint mes 10 minutes — je ne peux qu'être
pessimiste.
Le problème c'est que si vous voulez
corriger, il n'y a pas beaucoup de solutions. On ne va pas agir sur la
fécondité. On ne peut pas dire : On donne des bébés bonus aux meilleurs
francophones. On ne peut pas agir sur la mortalité. On ne va pas dire : On
ne va soigner que les... Enfin, il n'y a qu'un seul domaine sur lequel on peut
agir, c'est l'immigration. Mais, justement, l'étude de l'office, dont je vous
parlais tout à l'heure, montre que l'impact que peuvent avoir des mesures, même
utopiques, sur l'immigration, même ces mesures-là ne ralentissent que très,
très légèrement le déclin du français comme langue parlée à la maison.
Et donc, c'est ça le problème pour le Québec,
c'est qu'on a pris... on a été écartelé entre des progrès qu'on peut espérer significatifs...
Grâce au nouveau projet de loi, on peut espérer des progrès significatifs du
côté de la langue française parlée dans l'espace public, mais cet écartèlement
entre l'évolution dans le privé et dans le public, je ne sais pas si la société
québécoise est capable de prendre ça. Surtout que derrière ça, il y a un autre
écartèlement, une autre cassure, celle qui existe entre Montréal, la région de Montréal,
et le reste du Québec. Je dirais même quoi... Ce sera pour terminer mon exposé,
finalement, on dit : Le Québec, c'est l'îlot francophone en Amérique du
Nord. Non, c'est le reste du Québec moins la région de Montréal qui est l'îlot,
parce que Montréal est déjà minoritaire en termes de langue maternelle, de
langue française, et elle sur le point de l'être en termes de langue d'usage à
la maison. Merci pour votre attention.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote. Donc, nous allons débuter les échanges en commençant
avec M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Termote, bonjour. Merci, d'être présent à l'Assemblée
nationale. C'est un plaisir de vous recevoir à la Commission de la culture et
de l'éducation.
M. Termote, il y a beaucoup de gens
qui sont venus témoigner avant vous et qui remettaient en doute le déclin du français
au Québec, à la fois la langue d'usage, à la fois la langue de travail, la langue
de service, la langue parlée à la maison. Qu'est-ce que vous leur répondez? Est-ce
que le français est en déclin au Québec?
M. Termote (Marc) : Alors,
nous allons commencer avec la langue d'usage public et un des critères le plus
souvent utilisé, c'est la langue de travail. Et un heureux hasard veut qu'il y
a un an ou deux j'aie publié, à la demande d'une revue, anglophone d'ailleurs,
qui voulait faire le bilan de la Charte de la langue française en matière de
langue <d'usage...
M. Termote (Marc) : ... le
plus souvent utilisé, c'est la langue de travail. Et un heureux hasard veut
qu'il y a un an ou deux j'aie publié, à la demande d'une revue, anglophone
d'ailleurs, qui voulait faire le bilan de la Charte de la langue française en
matière de langue >d'usage public... Alors, ça m'a donné l'occasion
d'étudier la langue de travail. C'est un problème très complexe. C'est
ultracompliqué d'essayer de mesurer l'évolution de la langue utilisée au
travail. Pourquoi? Parce qu'il y a une multiplicité de variables. Ça dépend du
type d'activité. Moi, ma langue de travail, à la limite, c'est l'anglais, parce
que la littérature, en démographie... alors, bon. On ne choisit pas toujours sa
langue de travail. Ça dépend de l'activité. Il faut distinguer le type d'entreprise,
le statut de l'entreprise, la taille de l'entreprise, le type de... Il faut
distinguer la langue utilisée avec les subordonnés, les supérieurs, les collègues.
Il y a une multiplicité...
Alors, résumer en un mot, en un chiffre l'évolution
de la langue, l'utilisation des langues dans le domaine du travail, c'est
quasiment impossible. Surtout que pendant des décennies, les démographes ont
demandé à Statistique Canada d'avoir des données au recensement. Il a fallu
attendre 2001 pour avoir la première question sur la langue de travail au
recensement. Alors là, nous n'avons que 15 ans, 2001‑2016, pour étudier
l'évolution. Ce n'est pas grand-chose pour étudier une tendance, 15 ans. Cette
tendance n'est pas très positive, bon.
À côté de ça, il y a des enquêtes, il y a
eu plein d'enquêtes, au cours des 30 dernières années, sur la langue de
travail, souvent effectuées par l'Office de la langue française. Les enquêtes
ont toutes des problèmes. Est-ce que c'est comparable, les questions ne sont
pas posées de la même façon, les échantillons, etc. Mais il y a quand même des
tendances, et là la tendance est très nette, c'est un déclin...
M. Jolin-Barrette : Donc, il
y a un déclin du français dans les différentes sphères. Qu'en est-il de la
langue anglaise? Est-ce que la langue anglaise est en déclin au Québec?
M. Termote (Marc) : Je dirais
que le groupe anglophone, quelle que soit sa définition, en termes langue
maternelle ou langue d'usage, est dans le bateau que le groupe francophone,
dans la mesure où ils ont une sous-fécondité énorme, elle est même un peu
supérieure quand même encore à celle du groupe francophone, mais tout juste.
Donc, ils ont ce gros défi là aussi. En plus, ils ont perdu énormément par
exode, en termes de migration interprovinciale, dans les années 70 et 80, et ça
leur coûte aujourd'hui énormément. Parce que c'est une population très vieillie
et concentrée dans quelques régions. 88 % des anglophones sont dans quatre
régions métropolitaines, où elles bénéficient de quasiment tout le support
institutionnel en santé, en éducation, souvent de niveau supérieur à ceux du
groupe francophone. Donc, je dirais que les anglophones, effectivement, ont ce
problème de fécondité, ont ce problème de vieillissement de population, qui est
un peu leur faute, puisqu'ils ne font pas d'enfants aussi.
Mais il y a une seule différence, et elle
n'est pas <négligeable, ils...
M. Termote (Marc) : ...
en santé, en éducation, souvent de niveau supérieur à ceux du groupe
francophone. Donc, je dirais que les anglophones, effectivement, ont ce
problème de fécondité, ont ce problème de vieillissement de population, qui est
un peu leur faute, puisqu'ils ne font pas d'enfants aussi.
Mais il y a une seule différence, et
elle n'est pas >négligeable, ils bénéficient toujours des transferts...
On peut bien dire il n'y a pas beaucoup de transferts linguistiques à chaque
année, il y en a très peu, tout le monde a fait des estimations, hein, parce
que les seules données dont on dispose sur les transferts linguistiques, durée
de vie, sur toute la vie, ça, ça... on ne sait pas quand, quel âge, où, quand
on a fait le transfert. Mais là, si on le fait par année ou par période, là, on
dit : Il faut faire des estimations, mais toutes les estimations, quels
que soient les auteurs qui les ont faites, toutes les estimations disent qu'il
y a quelques milliers... tout le monde converge pour dire 7 000 à
8 000 par an en changement de langue. Là, les anglophones... maintenant
les francophones gagnent un peu maintenant, avant ils perdaient, mais c'est
2 000 par an, et un peu moins selon certains, que ce serait 3 000
pour les anglophones. Donc, ils continuent à gagner du côté des transferts
linguistiques et proportionnellement au nombre d'habitants, au nombre de
personnes de langue anglaise, c'est proportionnellement plus que pour les
francophones. Pour les francophones, la part, en termes de transferts
linguistiques est minime. On a au total quelque chose comme un peu moins de 10 %.
Pour les anglophones, la différence entre le nombre de personnes qui ont le
français comme langue d'usage... qui ont, pardon, l'anglais comme langue
d'usage, mais qui sont de langue maternelle anglaise, la différence est de
35 %. Ils ont gagné... mais ça, c'est durée de vie, hein. Donc, il y a des
points semblables, des situations semblables, mais aussi il y a une différence
en termes de transferts linguistiques.
M. Jolin-Barrette : Au niveau
de la langue d'usage, est-ce que la langue anglaise est en augmentation, au
niveau de la langue d'usage dans l'espace public?
M. Termote (Marc) : Alors, ça,
c'est... il faut distinguer, parce qu'encore une fois, c'est tellement
complexe, et il faut distinguer la fréquence qu'on déclare au recensement,
pardon, qu'on déclare au recensement, et il faut distinguer le nombre de
personnes qui déclarent ce qu'on appelle dans le jargon des langues multiples.
Et de ce point de vue là, plusieurs y ont fait référence, l'augmentation du
côté du nombre de locuteurs de l'anglais dans l'espace public n'est pas
tellement élevée, en termes de langue unique. Mais l'augmentation est très
sensible en termes de langues multiples, autrement dit, les personnes qui déclarent
utiliser en même temps, le plus souvent... j'ai toujours des problèmes avec ça,
parce que comment est-ce qu'on peut utiliser le plus souvent deux langues en
même temps? Il faudrait qu'on m'explique un peu ça. Mais alors les gens
répondent comme ils peuvent, et là, l'augmentation est très sensible, du nombre
de personnes qui ont déclaré utiliser en même temps, le plus souvent, à la fois
l'anglais et le français. C'est quand même quelque chose comme 4 % sur 15
ans, ce n'est pas négligeable. Le problème, c'est de comment on interprète ça,
comment <interpréter...
M. Termote (Marc) : ...
ils peuvent, et là, l'augmentation est très sensible, du nombre de personnes
qui ont déclaré utiliser en même temps, le plus souvent, à la fois l'anglais et
le français. C'est quand même quelque chose comme 4 % sur 15 ans, ce n'est
pas négligeable. Le problème, c'est de comment on interprète ça, comment >interpréter
ces langues multiples... Et là je reviens à mon point de tout à l'heure, si on
parle de langue du travail, on ne choisit pas toujours. Tantôt, on va parler en
français, tantôt, on va parler en anglais. Et donc ce sont des données qui sont
très difficiles à interpréter. Et je serais très prudent d'en dire : Ça va
très bien ou ça va très mal. Il y a trop de variables en jeu. Et ça vaut pour
la langue utilisée dans les commerces, hein, c'est tout aussi compliqué à
étudier. Ça vaut pour l'affichage. Est-ce qu'on parle de l'affichage interne,
externe, etc.?
Donc, pour répondre à votre question, je
suis obligé d'être un peu ambigu, mais je dirais que... et d'ailleurs les
auteurs anglophones, eux-mêmes, sont rares à dire que l'avenir de l'anglais est
en danger au Québec. Les deux derniers rapports de Statistique Canada, un
datant de 2017, l'autre de 2021, qui ont étudié l'évolution de la langue,
tantôt dans le privé, tantôt dans le public, concluent tous qu'il n'y a pas de
problème pour l'avenir de l'anglais.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Croyez-vous que
le projet de loi n° 96 que nous étudions présentement peut permettre
d'avoir un impact sur le déclin du français, de limiter ce déclin ou de
renverser la tendance? Croyez-vous que les mesures qui y sont présentes vont
nous permettre de nous aider à freiner le déclin du français?
M. Termote (Marc) : Avec le
large éventail de données qui ont été introduites... des mesures qui ont été
introduites dans le projet de loi, je suis convaincu qu'effectivement on peut s'attendre
à ce qu'il y ait une remontée du pourcentage de personnes qui vont utiliser le
français dans l'espace public. De là à dire qu'on va renverser la tendance, ça
m'étonnerait fort. On n'est déjà pas parvenu par le passé à le faire. Il y a eu
le choc de la charte à l'époque. Le choc a été très fort et très bénéfique pour
le français, en termes de langue d'enseignement au primaire et au secondaire,
mais une fois que ce choc-là a été fait, ça a stationné, et depuis...
• (12 h 30) •
Il ne faut pas oublier que dans l'évolution
dont on parle, il y a une double évolution. Il y a eu un accroissement très
fort du français dans l'usage public, entre la Charte de la langue française en
1977 et, disons, le tournant du siècle. Mais, depuis 2001, il y a manifestement
un renversement en faveur de l'anglais, aussi bien dans l'espace public que
dans l'espace privé. Et donc on peut espérer que le projet de loi...
12 h 30 (version révisée)
M. Termote (Marc) :
...entre la Charte de la langue française en 1977 et, disons, le tournant du
siècle. Mais, depuis 2001, il y a manifestement un renversement en faveur de
l'anglais aussi bien dans l'espace public que dans l'espace privé, et donc on
peut espérer que le projet de loi va aider à diminuer l'impact de ce revirement
en faveur de l'anglais, mais je serais sceptique, parler de renversement. On
peut espérer qu'il y aura un frein au ralentissement dans l'espace public. Dans
l'espace privé, je ne vois pas comment on peut renverser et même freiner la
tendance au déclin du français.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire.
M. Termote (Marc) :
Merci.
M. Jolin-Barrette :
Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Donc, je cède la parole à la députée
de Charlevoix—Côte-de-Beaupré pour six minutes.
Mme Foster : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Termote, merci de votre présence ici.
C'est un plaisir d'écouter votre expertise. Merci de nous la partager. Merci de
cette belle générosité.
Ma première question, je reprendrais un
peu la balle au bond sur vos derniers échanges avec le ministre qui nous
parlait des effets possibles, potentiels des mesures contenues dans le projet
de loi en ce qui concerne la sauvegarde du français au Québec, ou plutôt son
déclin au Québec.
Vous mentionnez, à la page 1 de votre
mémoire, que le principal défi en ce qui concerne la langue française au Québec
se retrouve dans la région métropolitaine de Montréal. On sait que Montréal
accueille les deux tiers des immigrants, entre autres, à elle seule, 83 %
si on regarde le Grand Montréal. Bon. Vous dites également une autre chose, dans
les régions, le français n'est pas menacé, du moins, dans les chiffres que vous
avez devant vous. Ça, je sais que vous le mentionnez à quelque part.
Dans cette optique-là, est-ce que
justement, si on parle de solutions concrètes, là, pour stopper le déclin ou
freiner au maximum le déclin du français au Québec, est-ce qu'une meilleure
régionalisation, entre autres, de l'immigration, selon vous, vraiment, là, une
nette amélioration à ce chapitre pourrait améliorer, là, de façon significative...
stopper le déclin du français au Québec? Quel serait l'effet?
M. Termote (Marc) : Votre
question est très pertinente. Et le hasard veut que, bon, ça fait 50 ans
que je suis au Québec et j'ai toujours mon maudit accent belge, entre
parenthèses, ce qui montre la difficulté de changer de langue quand même. On ne
change même pas d'accent. Bon.
En tout cas, ce que je veux dire, moi, ma
toute première recherche, à l'époque, c'était le ministre Bonin qui venait
de... on venait de créer un ministère de l'Immigration, et m'a demandé de
faire une étude sur la régionalisation. C'était ma première étude, il y a
pratiquement 50 ans, et depuis donc il y en a eu d'autres, bien sûr. Ce
qui se passe, c'est qu'effectivement toutes les données dont on dispose
montrent que les immigrants qui s'installent en région se francisent beaucoup
plus rapidement et s'intègrent non seulement linguistiquement, <mais
économiquement beaucoup...
M. Termote (Marc) : ...il y
a pratiquement 50 ans, et depuis donc il y en a eu d'autres, bien sûr. Ce
qui se passe, c'est qu'
effectivement toutes les données dont on dispose
montrent que les immigrants qui s'installent en région se francisent
beaucoup
plus
rapidement et s'intègrent non seulement linguistiquement, >mais
économiquement beaucoup plus vite et dans des bien meilleures conditions que
ceux qui s'installent à Montréal. Donc, il y a certainement cet aspect-là à
prendre en compte.
L'autre problème, c'est qu'il y a
relativement peu d'immigrants et il y en a, parmi les immigrants, très peu qui
vont en région justement. Et je ne peux que faire, pour répondre à votre
question, que reprendre les conclusions du rapport de Houle et Corbeil, donc le
rapport dont je faisais allusion tout à l'heure. L'Office de la langue française
a demandé tout récemment... c'est sorti, ce rapport au printemps dernier, et
dans ce rapport-là, Houle et Corbeil avaient testé cinq façons d'essayer d'agir
sur l'immigration pour faire augmenter le pourcentage de francophones aussi
bien privé que public, bien sûr.
Et la conclusion est très nette, l'influence
du phénomène des transferts ou des substitutions linguistiques chez les
personnes immigrantes, sur l'évolution de l'apport de la population québécoise
ayant le français comme principale langue d'usage au foyer est plutôt marginale
au regard du nombre d'immigrantes et d'immigrants de langue maternelle et de
langue d'usage tierce <quand...> que le Québec. En d'autres
termes, on accueille trop peu d'immigrants et trop peu vont en région pour que
ça puisse avoir un impact important. Ils avaient même utilisé des hypothèses
incroyables, tout à fait utopiques : 100 % des immigrants qui
arrivent au Québec parlent le français au départ, avant d'arriver. Ils viennent
d'un pays francophone au départ. 50 % d'entre eux vont en région.
Quasiment tous... enfin, plusieurs hypothèses se recoupent évidemment, la
connaissance des langues, combien... Même ces scénarios les plus utopiques,
faire venir beaucoup plus de gens en région, ils connaissent tous le français
au départ, etc., même ça affecte très, très, très peu l'évolution et le déclin.
Il y a trop peu d'immigrants et il y a trop peu d'immigrants en région par
rapport aux millions d'habitants de langue française qui existent au Québec.
Donc, c'est en sens-là que la nouvelle... la réponse que je peux vous donner
n'est pas très positive.
Mme Foster : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
Mme Foster : Oh!
1 min 30 s, O.K. Ah! tu as une question? Bon, écoutez, mon
collègue aurait une question, donc je lui passe la balle avec plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente, rapidement. Mais merci beaucoup, M. Termote,
d'être avec nous, là. Vous avez parlé des statistiques, notamment Statistique Canada,
puis certains, d'autres démographes, sont venus dire que, souvent, les
questions qui étaient posées, là, par Statistique Canada, notamment dans
le reste du Canada, mais ici aussi, <ne donnaient pas vraiment un
portrait juste...
Mme Foster : ...je vais lui
passer la balle avec plaisir.
La Présidente (Mme
Guillemette) :
M. le député de
Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci
beaucoup,
Mme la Présidente,
rapidement. Mais
merci
beaucoup, M. Termote, d'être avec nous, là. Vous avez parlé des
statistiques,
notamment
Statistique Canada, puis certains autres
démographes sont venus dire que, souvent, les
questions qui étaient
posées, là, par
Statistique Canada,
notamment dans le reste
du
Canada, mais ici aussi, >ne donnaient pas vraiment un portrait
juste de la situation. Ils proposent d'ailleurs que Statistique Québec ou,
du moins, un institut similaire pose de vraies questions. Qu'en pensez-vous?
M. Termote (Marc) : Bien, votre
question est très pertinente et très délicate. D'abord, comme vous le savez certainement,
les questions qu'on pose au recensement... Bon, je vais commencer à parler de
l'institut de la statistique de... Statistique Canada, hein? Comme vous le
savez certainement, Statistique Canada ne fait pas ce qu'il veut. Vous le
savez probablement que les questions qu'on pose au recensement, la formulation des
questions, la place de la question au recensement est décidée au Conseil des
ministres, là, au fédéral. Vous voyez bien l'importance politique qu'il y a
derrière. Ce n'est pas par hasard que, malgré toutes les demandes des
démographes, on a dû attendre 2001 pour avoir finalement une question sur la
langue de travail, alors que la commission Gendron le demandait depuis des
décennies. Bon. En tout cas, donc, il y a des limites à ce que Statistique Canada
fait, peut faire, parce que...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote.
M. Termote (Marc) : Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote, nous... c'est tout le temps que le parti du
gouvernement avait. Donc, nous allons poursuivre nos échanges avec la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Termote. Écoutez, j'ai bien aimé votre début. Vous
nous avez mis en garde ou presque, en disant qu'un démographe est
habituellement porteur de mauvaises nouvelles. Mais moi, je vais être un peu
optimiste puis je vais essayer de vous rendre plus optimiste. Ça dépend,
j'oserais dire, presque de votre base épistémologique. Et là je ne suis pas une
linguiste. J'admire et j'apprécie énormément la question des études
linguistiques et démographiques. Je trouve ça formidable, l'évolution des
langues à travers le monde, l'histoire des langues, c'est... Et la Belgique,
vous en savez quelque chose, c'est très politique, cette question des langues.
Mais quand j'ai terminé votre mémoire...
je l'ai lu il y a deux, trois jours, merci, on a eu le temps de le lire et
relire, j'ai écrit ceci : Un mémoire extraordinairement pessimiste pour
quelqu'un qui a toute cette expertise. Alors, en plus, ce n'est pas que des
choses superficielles, c'est comme un mémoire à partir de toute votre
expérience. J'ai écrit aussi : C'est le mémoire le plus pessimiste à date,
pas beaucoup de solutions. Et c'est un peu ce que vous nous avez répété : «M.
le ministre, j'aimerais bien vous arriver avec des solutions.»
Mais vous avez dit quelque chose
d'important à la... je ne sais pas si c'est au député de Chapleau ou à sa
prédécesseure, <et je l'ai noté, vous avez dit...
Mme David : ...pas
beaucoup
de solutions, et c'est
un peu ce que vous nous avez répété :
M.
le ministre, j'aimerais bien vous arriver avec des solutions.» Mais vous avez
dit
quelque chose d'
important à la... je ne sais pas si c'est au
député
de
Chapleau ou à sa
prédécesseure, et je l'ai noté, vous avez dit> :
«Ça ouvrira peut-être une avenue, trop peu d'immigrants francophones et en
région. Il y en a trop peu, il y en faudrait beaucoup plus.» Vous êtes
vous-même un immigrant francophone belge, et Dieu sait que vous avez été
important pour l'apport démolinguistique au Québec. Vous avez été à la l'OQLF,
vous avez vraiment occupé des postes extrêmement centraux sur la question de la
langue. Et vous avez, et c'est là que je reviens à l'épistémologie, vous avez
comme un postulat de base ou un paradigme de base qui, celui-là, je pense, vous
n'en changerez pas, et je n'arriverai certainement pas à vous faire changer
d'avis, c'est la langue parlée à la maison. Tout part de cela,et c'est ce
paradigme qui vous rend peut-être pessimiste et qui, moi, ne me rendrait
peut-être pas si pessimiste que ça.
• (12 h 40) •
Je vous donne un exemple, mais je veux
seulement vous entendre là-dessus. C'est vrai à Montréal, beaucoup
d'immigration asiatique, sud-américaine, bon, que ça soit l'espagnol, le
mandarin, le vietnamien, le turc, le polonais, je ne sais pas, mais il me
semble que même si la première génération par exemple, de ce qu'on a appelé les
«boat people», Kim Thúy en est un exemple éloquent, de parents qui parlent
en vietnamien à la maison, l'enfant va à l'école en français, tombe en amour
avec la langue française ou parle parfaitement le français, se met en... est en
couple ou a un enfant avec un Belge, un Espagnol, un Québécois de souche, un
anglophone même, on pourrait dire : En en quoi l'avenir d'une Kim Thúy
est moins francophone que l'avenir d'une députée de Marguerite-Bourgeoys dont
le grand-père est né en Algérie, la mère en France, avec un père québécois de
souche, on pourrait dire, puis ça donne une Québécoise qu'on m'appelle de
souche? Mais on est tous l'immigrant de quelqu'un. Vous serez le premier à le
dire et à le vivre. En quoi cette famille de Vietnamiens qui, en deuxième,
troisième génération, est parfaitement francisée, francophile, francophone
n'est pas pour vous une ouverture optimiste à la suite des choses, à la suite
du monde, on pourrait dire?
M. Termote (Marc) : Je suis le
premier à plaider pour qu'on parle le plus de langues possible. C'est une
richesse que de parler une langue. Plus on en parle et plus on est riche <dans
tous les sens du mot...
Mme David : ...une ouverture
optimiste à la suite des choses, à la suite du monde, on pourrait dire?
M. Termote (Marc) : Je
suis le premier à plaider pour qu'on parle le plus de langues possible. C'est
une richesse que de parler une langue. Plus on en parle, plus on est riche >dans
tous les sens du mot, et j'ose croire que je fais partie de ces gens, j'en
parle quatre sans trop de problèmes.
Le problème qui se pose dans votre...
c'est tout à fait... Je comprends super bien votre question, sauf qu'il y a quelque
chose qu'on oublie dans toutes ces discussions, c'est la distinction fondamentale,
à mon avis, à faire entre le niveau micro et le niveau macro, le niveau des
individus et le niveau des groupes, le niveau d'évolution dans leur utilisation
d'une langue au niveau des individus et le niveau macro qui est celui de l'évolution
d'une langue dans l'ensemble du groupe.
Si on tient compte de ça, c'est là qu'il y
a le problème justement. À mon avis, tous les immigrants qui, si ça ne sera pas
eux, ça sera probablement leurs descendants ou, plus tard, à la deuxième
génération, les petits-enfants, tous passeront au français, il n'y a pas de problème,
et j'en suis convaincu que ce sera le cas. Il y aura peut-être quelques
exceptions du côté... Mais, bon... Mais... Mais ça n'est pas... ça ne règle pas
le problème parce que le temps que ça prend d'une génération à l'autre — une
génération, disons, c'est 25 ans — pendant ces 25 ans, et
souvent c'est plus que 25 ans. Bon, ceux qui ont fait les études dans ce
domaine disent, en moyenne, une génération et demie à deux générations. Bon.
Pendant tout ce temps que ça prend, 25 ans, 30 ans, 40 ans pour
que les individus deviennent francophones au privé, au public, là, la
distinction, on peut l'oublier, le temps que ça prend, tous les autres
phénomènes continuent à jouer. C'est ça, le problème. C'est qu'on a beau gagner
chaque année quelques milliers de personnes qui passent au français par
transfert linguistique au niveau des individus, pendant ce temps-là, pendant
cette même année-là, le groupe francophone du Québec a un déficit des
naissances d'au moins 20 000. Pendant chaque année, pendant toutes ces
années, d'une génération à l'autre, pendant chaque année, il y a, disons, vous,
pour l'avenir, pour l'instant, ça peut diminuer, le niveau d'immigration a un
baissé, mais on prévoit 50 000 bientôt, 55 000. Chaque année, il y a
50 000, 55 000 qui rentrent, dont la majorité n'est pas francophone.
O.K.? Il y a aussi la migration interprovinciale qui joue moins, beaucoup moins
apparente, mais qui joue aussi.
Donc, c'est ça, le problème, c'est qu'on
peut très bien... Et tout le monde connaît des individus, des familles qui sont
passés de leur langue maternelle... Et moi, je ne dis pas qu'il faut oublier sa
langue maternelle, au contraire, il faut la garder, mais le temps que ça passe,
que ça prend pour passer alors au français langue d'usage privé ou public, ça
prend tellement de temps que, pendant tout ce temps-là, les autres phénomènes
jouent. C'est ça, la différence. <On peut discuter à longueur de
journée...
M. Termote (Marc) : ...et
moi, je ne dis pas qu'il faut oublier sa langue maternelle, au contraire, il
faut la garder. Mais le temps que ça prend pour passer au
français
langue d'usage privé ou public, ça prend
tellement de temps que, pendant
tout ce temps-là, les autres
phénomènes jouent.
C'est ça, la
différence. >On peut discuter à longueur de journée sur les transferts
linguistiques, sur la francisation, etc., on oublie — et ça, le
démographe est obligé de prendre... d'avoir une vision d'ensemble — on
oublie que la sous-fécondité énorme des francophones, même pire que celle des
anglophones, ce qui n'est pas peu dire, la sous-fécondité des francophones, il
y a l'immigration internationale, et maintenant il y a l'immigration des
temporaires en plus qui complique beaucoup la situation.
Et c'est ça, ma réponse à votre question.
Vous dites : Oui, est-ce qu'il y a des solutions? Mais non, je ne vois
vraiment pas comment on peut dire : Dorénavant, bien, on peut jouer que
sur la migration, on ne peut pas jouer sur les autres... On ne peut pas jouer
sur la migration interprovinciale, on ne va pas dire : Les francophones,
vous ne pouvez plus quitter et les anglophones, ils doivent partir. On ne peut
pas jouer sur la fécondité. On ne peut pas jouer sur la mortalité, etc. On ne
peut jouer que sur l'immigration. Mais les études dont j'ai fait état montrent
qu'on a bien beau prendre des hypothèses utopiques... Moi, j'avais fait des
simulations dans certains...
Mme David : M. Termote,
je vais être obligée de vous interrompre parce que je veux passer la parole à
mon collègue de La Pinière. Merci beaucoup.
M. Termote (Marc) : C'est moi
qui vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, M. le député.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Termote. Bon, on comprend bien votre propos, on est dans un
sujet qui est, bien, tant qu'à faire, on va faire au moins ça. Ce que vous nous
dites, c'est ça. Alors, parfait, on va faire au moins ça. Alors, à partir du
moment où on a dit ça, sur la question de la francisation, est-ce que vous êtes
d'accord que ça soit un sujet important? Ça fait trois semaines qu'on est en
consultations, ça fait trois semaines qu'on nous dit que la francisation est
importante. Êtes-vous au moins de l'avis que c'est important?
M. Termote (Marc) : C'est
important, c'est indispensable, mais ce n'est pas suffisant.
M. Barrette : On comprend. On
est dans «le tant qu'à faire», là.
M. Termote (Marc) : Non, mais
parce qu'on ne va pas donner un vaccin, je m'excuse de la métaphore qui est un
peu... on ne va pas donner un vaccin en disant : Du jour au lendemain, les
immigrants, vous parlez français.
M. Barrette : On comprend. On
comprend votre propos, M. Termote, mais vous êtes d'accord avec le fait
que la francisation soit importante.
M. Termote (Marc) : Bien sûr.
M. Barrette : Bon. Moi, je
vais vous poser une question très simple : N'êtes-vous pas étonné de voir
arriver ce projet de loi là maintenant? Et je vous explique pourquoi. Si la francisation,
elle est importante, elle devait l'être au premier jour de ce gouvernement-là,
et je rappellerai que ce gouvernement-là, en arrivant en poste, bénéficiait des
plus grands surplus de l'histoire du Québec, toutes proportions gardées, il n'y
a pas de gouvernement qui a eu autant d'argent liquide disponible à son
arrivée. Or, le sujet dont on discute aujourd'hui est un sujet de survie, et essentiellement
la francisation n'a pas eu, à mon avis, le succès ou les résultats escomptés
durant les dernières années. Est-ce que vous trouvez qu'en matière de francisation
ce gouvernement, <avec les moyens qu'il disposait et disposait encore, a
agi avec...
M. Barrette : …
aujourd'hui
est un sujet de survie. Et essentiellement, la francisation, on n'a pas peu, à
mon avis, le succès ou les résultats escomptés durant les dernières années.
Est-ce que vous trouvez qu'en matière de francisation, ce
gouvernement, >avec
les moyens qu'il disposait et disposait encore, a agi avec efficacité?
M. Termote (Marc) : Quand vous
dites c'est une question de survie, je ne sais pas si j'ai bien compris
votre point. Je ne dirais pas que la survie…
M. Barrette : …culturelle.
M. Termote (Marc) : Oui, que
la survie culturelle, linguistique, pour le français, dépend de la francisation
des immigrants. Si c'est ça votre point, je ne suis pas d'accord.
M. Barrette : Ça n'était pas
mon point.
M. Termote (Marc) : Moi, j'ai
réagi comme démographe. J'ai dit : Attention, s'il n'y a pas plus de
locuteurs du français, c'est parce que les francophones ne font pas d'enfants.
M. Barrette : La question que
je vous pose…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député.
M. Barrette : Malheureusement,
je n'ai…
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant la parole à la députée
de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Termote pour votre présence ici. Là, je vous écoute.
Je lis votre mémoire puis, je ne sais pas, je vais donner un qualificatif,
peut-être que vous ne l'aimerez pas, mais vous avez une vision défaitiste qui
est un peu décourageante, et je me dis… je veux dire, là, on pourrait discuter
sur la langue parlée à la maison. Par exemple, vous disiez que les immigrants
se francisent beaucoup mieux en région. Est-ce que ça veut dire qu'ils
commencent à parler à la maison le français? Non, j'imagine que non. Et là vous
utilisez cet indicateur-là qui fait qu'on est pessimiste de la langue parlée à
la maison. Mais aussi, même si vous avez une vision défaitiste, en même temps,
je vous ai entendu dire que vous reconnaissez quand même que le projet de loi
n° 96 va permettre d'augmenter l'usage du français dans le public. Est-ce
que ça ne met pas un peu d'optimisme dans votre vision...
M. Termote (Marc) : Bien sûr, et
j'espère que…
Mme Ghazal : ...au lieu de
rester concentré sur la langue parlée à la maison?
• (12 h 50) •
M. Termote (Marc) : Alors,
pour commencer, j'oserais dire que, quand on fait des prévisions comme
démographe on n'a pas d'état d'âme. On fait des hypothèses sur le comportement
de fécondité, de migration internationale, de migration interprovinciale, sur
l'évolution de la mortalité et sur l'évolution des transferts linguistiques. On
fait des hypothèses.
Très curieusement, jamais personne n'a
attaqué mes hypothèses ni celles de Statistique Canada qui ressemblent
d'ailleurs beaucoup aux miennes. Sauf que, quand on est… et après, une fois
qu'on avait fait les hypothèses, on pousse sur un bouton, on voit les
résultats, O.K? Bien sûr, on fait plusieurs hypothèses, on fait…
Mme Ghazal : Les résultats de
quel indicateur? Ça, c'est important.
M. Termote (Marc) : Oui, oui,
je vous parle de langue privée.
Mme Ghazal : Langue privée?
M. Termote (Marc) : La langue
privée, comme Statistique Canada vient de le faire d'ailleurs. Et de façon
intéressante, ils ont fait la même chose pour la langue maternelle. Ils ont
fait la même chose pour la première langue parlée, officielle parlée, l'anglais
et le français. Tous les indicateurs, lequel que vous preniez — parce
que le fameux PLOP, première langue officielle parlée, est proche de la langue
publique, hein? Il n'y a plus de tierce langue, là, quel que soit
l'indicateur, <dit Statistique Canada…
M. Termote (Marc) : …ils ont
fait la même chose pour la langue maternelle, ils ont fait la même chose pour
la première langue parlée, officielle parlée, l'anglais et le français. Tous
les indicateurs, lequel que vous preniez
— parce que le fameux
PLOP, première langue officielle parlée, est proche de la langue publique, hein?
Il n'y a plus de tierce langue, là, quel que soit l'indicateur, dit Statistique
Canada, il y a un déclin. O.K.? Alors, est-ce que c'est pessimiste, défaitiste,
on n'a pas…
Mme Ghazal : Mais c'est quoi
la solution? Vous, qu'est-ce que vous proposez? Puisque, pour vous, ce qui est important,
c'est la langue parlée à la maison dans le privé, c'est ça qui est important.
Ça, ce n'est pas ça. Moi, je pense qu'il faut un ensemble d'indicateurs, puis
c'est vrai qu'ils sont tous négatifs. Alors, travaillons sur la langue d'usage
public, travaillons à la francisation même si vous dites que ce n'est pas
suffisant, on ne va pas quand même lâcher le morceau. C'est quoi votre solution,
ou, comme démographe, vous n'en donnez pas?
M. Termote (Marc) : Bien, je
peux donner comme solution qu'on pourrait dire : Tout le monde va parler
français. Votre idée, en région, ça fonctionne beaucoup mieux. On a fait des
simulations, aussi bien moi que Statistique Canada…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote.
M. Termote (Marc) : …en
supposant que tout le monde passe à l'anglais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Termote (Marc) : ...avant
de mourir, ce qui est utopique, ça ne changerait rien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
C'est tout le temps que Mme la députée avait. Je cède la parole à la députée de
Gaspé.
Mme Perry Mélançon : Merci,
Mme la Présidente. Merci, M. Termote, d'être là. Je ne suis pas démographe,
mais les enjeux démographiques dans la région de la Gaspésie, on en traite au
quotidien, on est beaucoup là-dedans. Donc, moi, j'ai vraiment une approche où
on joue le tout pour le tout, on est des combattants, on travaille les
solutions, on est là-dedans tout le temps, donc. Et si je me fie aussi à mon
parti, bien, il n'a pas… on n'a pas présenté, là, un plan d'urgence pour la
langue française qui est fait de demi-mesures, alors on ne croit pas qu'il faut
aller avec des compromis.
Alors, ma première question, c'est... Parce
que vous avez parlé du compromis politique qui est fait avec ce projet de loi
là, et ma première question, c'est : Ne croyez-vous pas qu'on devrait
mettre les compromis de côté et jouer le tout pour le tout?
M. Termote (Marc) : Je ne sais
pas si j'ai bien compris la question. Je m'excuse.
Mme Perry Mélançon : Vous avez
parlé d'un projet de loi qui était dans le compromis politique pour s'assurer
d'avoir une espèce de consensus dans la société. Nous, on a présenté un projet...
un plan d'urgence, au Parti québécois, qui n'est pas dans la demi-mesure, et je
pourrai vous… Vous savez, nous, la régionalisation, on est pour un 50 % de
l'immigration. On croit à l'application de la loi 101 dans les cégeps.
Alors, tout ça mis ensemble, et quand je dis, jouer le tout pour le tout, comme
une élue de région, est-ce que vous croyez qu'on aurait dû y aller d'un projet
de loi pas dans le consensus, mais dans les vraies mesures?
M. Termote (Marc) : Bien, ce
que j'ai osé dire en parlant de compromis, c'était à propos du collégial. Et là
je me permets de dire, en décidant tout ce débat, trop souvent, on parle en
termes de pourcentages. Ah! il faut tel pourcentage de transfert vers le
français pour que ça a… Entre des très petits chiffres, les pourcentages
peuvent doubler, tripler en quelques années. Bon, justement, au cégep, le
nombre de personnes qui passent du cégep francophone… pardon, du secondaire
francophone au cégep anglophone est très faible, et donc là…
Mme Perry Mélançon : Oui,
mais… <vous parlez beaucoup des chiffres…
M. Termote (Marc)T : …chiffres,
les pourcentages peuvent doubler, tripler en quelques années. Bon,
justement,
au cégep, le nombre de personnes qui passent du cégep francophone… pardon, du
secondaire francophone au cégep anglophone est très faible, et donc là…
Mme Perry Mélançon : Oui,
mais… >vous parlez beaucoup des chiffres faibles en immigration, en
régionalisation, dans les cégeps anglophones, mais, à un moment donné, quand on
multiplie les solutions…
M. Termote (Marc) : On peut
ajouter, c'est évident, et c'est ce qu'on a fait dans plusieurs scénarios.
C'est ce que Statistique Canada vient de faire dans le rapport qui a été
déposé au printemps dernier que, malheureusement, il n'y a pas beaucoup de
personnes qui en ont parlé parce que ça dérange énormément. Statistique Canada
dit, noir sur blanc : Vous pouvez faire venir tous les immigrants
francophones, vous pouvez les mettre en région, vous pouvez dire qu'ils parlent
tous le français, etc., ça ne change quasiment rien. Donc, je suis bien obligé
d'accepter ça, et ça correspond à 100 % à ce que j'obtenais dans mes
prévisions à moi. Il n'y a pas de défaitisme ou de pessimisme là-dedans, on
pousse sur un bouton, on voit ce que ça donne. On fait un autre scénario, on
voit ce que ça donne. Tous les… Et Statistique Canada fonctionne de la
même façon.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup.
M. Termote (Marc) : Mais tous
les résultats de tous les scénarios ne sont pas très réjouissants, disons comme
ça.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Termote. Merci, Mme la députée. Merci, M. Termote,
de votre contribution aux travaux de la commission et de votre présence ici
avec nous aujourd'hui.
Donc, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
14 h (version révisée)
(Reprise à 14 h 3)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi, tout le monde. Votre attention, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières du projet de
loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
Donc, avant de débuter, je vous informe
qu'il y a eu consentement afin que le député des Îles-de-la-Madeleine remplace
la députée de Joliette pour le reste de la séance, et pour que la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
remplace la députée de Taschereau pour la durée de la deuxième audition cet
après-midi.
Donc, nous avons à l'ordre du jour cet
après-midi la Société nationale de l'Estrie, la communauté mohawk de Kanesatake
et la Fédération des communautés francophones et acadiennes.
Donc, nous accueillons maintenant la
Société nationale de l'Estrie, avec ses deux représentants,
M. Etienne-Alexis Boucher, président et M. Antonin-Xavier Fournier,
du cégep de Sherbrooke, sciences politiques. Bienvenue. Bon après-midi,
messieurs, merci d'être avec nous. Donc, vous disposez de 10 minutes pour
nous présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les
membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, permettez-moi de vous saluer, chers membres
de la commission parlementaire de la culture et de l'éducation, et de vous
remercier de permettre à la Société nationale de l'Estrie de contribuer à des
travaux qui sont d'une importance capitale pour l'avenir de la langue française
au Québec.
D'entrée de jeu, l'organisme que nous
représentons, mon collègue et moi, tient à souligner que le projet de loi
n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le
français, est la réforme législative du droit linguistique la plus
ambitieuse depuis l'adoption de la Charte de la langue française en 1977. Par
contre, comme certains intervenants entendus à cette commission, la société nationale
est aussi convaincue que cette loi, dans sa mouture actuelle, ne pourra pas
inverser de très lourdes tendances sociodémographiques pointant vers un déclin
constant de la langue française sur le territoire.
C'est dans cet esprit qu'Antonin-Xavier
Fournier, professeur de sciences politiques au cégep de Sherbrooke, et moi-même
avons humblement contribué au nom de la Société nationale de l'Estrie, aux
travaux de la commission, des travaux qui mèneront, je l'espère, à l'adoption
d'un projet de loi plus robuste, une loi qui aura les moyens de contribuer non
pas à la seule survie d'une langue et d'une culture ultraminoritaires en
Amérique du Nord, mais, surtout, à leur développement. Aussi, puisqu'il nous
est impossible de résumer l'ensemble du mémoire présenté par la société en
quelques <minutes...
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
...je l'espère, à l'adoption d'un projet de loi plus robuste, une loi qui aura
les moyens de contribuer non pas à la seule survie d'une langue et d'une
culture ultraminoritaires en Amérique du Nord, mais, surtout, à leur
développement. Aussi, puisqu'il nous est impossible de résumer l'ensemble du
mémoire présenté par la société en quelques >minutes, M. Fournier
et moi-même, nous nous contenterons d'en résumer les grandes lignes.
En premier lieu, nous tenons à saluer la
volonté gouvernementale de concrétiser le principe d'exemplarité de l'État en
matière de promotion du français, en faisant de cette langue la seule langue
dans laquelle seront délivrés les services aux individus, exception faite des
ayants droit, bien évidemment. Il y a là un geste concret pour faire du
français une langue utile, incontournable sur le territoire.
D'autre part, l'État pourrait aller plus
loin sur la question de la langue de la législation. Puisque le processus
législatif québécois se déroule uniquement en français, et, nous le disons,
heureusement, on devrait revenir aux dispositions originales de la Charte de la
langue française qui faisaient de la version francophone des lois la seule
version officielle de celles-ci. Certains répliqueront qu'une telle disposition
contreviendrait à l'arrêt Blaikie, 1979, ce qui n'est pas faux. Or, cet arrêt
est survenu il y a désormais plus de 40 ans. La jurisprudence et le droit
linguistique ont beaucoup évolué depuis ce temps, et nous sommes convaincus
qu'un tel jugement ne pourrait plus survenir en 2021.
Troisièmement, la société nationale croit
que l'application de la loi 101 au réseau collégial est la solution la
plus évidente pour contrer un phénomène de transfert linguistique pérein
d'importance. Si le gouvernement actuel refuse d'adopter cette solution, un
moratoire sur l'octroi de nouvelles places dédiées au réseau collégial
anglophone doit être sérieusement envisagé.
Toujours en matière d'éducation, il nous
semble pertinent que le gouvernement québécois adopte un cadre national minimal,
devant être respecté par les politiques universitaires, lié à la promotion du
français. Actuellement, la loi oblige ces institutions à adopter une telle
politique, mais sans cadre minimal, avec, pour résultat, qu'il existe
d'immenses disparités entre celles-ci.
Enfin, nous croyons que cette question,
soit la dynamique linguistique actuelle au sein du réseau universitaire
québécois, comporte toujours d'importantes zones d'ombre. Cette situation ne
peut pas être favorable à l'adoption de solutions efficaces. C'est pourquoi la société
nationale propose au gouvernement de mettre sur pied de véritables états
généraux sur la question. Peut-être en viendrons-nous à la conclusion que les arguments
justifiant l'application de la Charte de la langue française au réseau
collégial sont tout aussi valables pour le baccalauréat.
En quatrième lieu, la société nationale
tient à saluer la volonté gouvernementale d'aborder la question de la gouvernance
linguistique en créant un poste de commissaire à la langue française, de même
qu'un véritable ministère dédié à la question. L'une de ces instances pourrait
notamment avoir pour responsabilité d'évaluer l'efficacité des programmes et
des initiatives portant sur la langue. L'objectif poursuivi est de s'assurer
que jamais plus le Québec ne se retrouve dans la situation décrite par la
Vérificatrice générale à l'automne 2017, qui évaluait, par exemple, le
taux de succès des programmes de francisation à un famélique <3 % à
5 %...
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
…
pour responsabilité d'évaluer l'efficacité des programmes et des
initiatives portant sur la langue. L'objectif poursuivi est de s'assurer que
jamais plus le Québec ne se retrouve dans la situation décrite par la
Vérificatrice générale à l'automne 2017, qui évaluait, par exemple, le
taux de succès des programmes de francisation à un famélique >3 % à
5 %, on va être généreux.
Enfin, une autre mesure structurante
pourrait être la création d'un conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications du Québec. Un tel organe aurait l'avantage de pouvoir
réglementer strictement en fonction des besoins et des défis auxquels font face
la langue française et la culture québécoise, et non pas le faire en devant
aussi considérer une autre culture… la réalité d'une autre culture, pardon,
majoritaire, dont les besoins, tout aussi valables, sont très différents,
néanmoins. En plus, à l'instar de l'immigration, la culture est un domaine pour
lequel il existe un très fort consensus québécois quant à la pertinence de
rapatrier plus de pouvoirs d'Ottawa.
• (14 h 10) •
Bref, la société nationale est convaincue
que le développement et le rayonnement du français est une aventure qui
comporte de nombreux chantiers. Nous savons qu'ils sont exigeants, mais nous
croyons aussi qu'ils sont passionnants. Il faut, bien sûr, franciser les
Québécois issus de l'immigration, mais ça reste insuffisant. Il faut surtout
s'assurer que les Québécoises et les Québécois soient de véritables
francophiles, que les membres de cette nation, peu importe leurs origines,
soient fiers de leur langue, de leur culture.
Prenez l'exemple de l'art de la table. Depuis
quelques années, nous avons redécouvert la richesse et la diversité du terroir
alimentaire québécois. Les histoires à succès d'entreprises maraîchères,
brassicoles ou fromagères sont innombrables. En menant des campagnes
permanentes de promotion du français, par l'entremise de concours artistiques,
et par l'entremise de conquêtes de marchés économiques francophones, et autres
formations d'équipes nationales sportives, le français regagnera le coeur de
ses locutrices et de ses locuteurs, ce qui sera vital afin que notre langue
puisse rayonner et émouvoir, et non simplement survivre.
Avant de laisser la parole à mon collègue,
j'affirme que le Québec se trouve à un carrefour de son histoire. Désirons-nous
nous projeter dans l'avenir comme une véritable nation, avec une culture, une
histoire qui lui est propre, ou, encore, accepterons-nous la fatalité, notre
tranquille disparition? Osons espérer que nous choisirons collectivement la
première option, que l'avenir du Québec se conjuguera aux paroles de la célèbre
chanson d'Yves Duteil,La langue de chez nous, avec un français
traversant les océans, de l'île d'Orléans jusqu'à la Contrescarpe, plutôt
qu'avec une non moins célèbre chanson, cette fois, de Pauline Julien, Mommy,
qui se termine par : «Mommy, tell my why it's too late, much too late.»
Merci.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Boucher, pour votre présentation.
Je vais prendre quatre minutes pour essayer de vous résumer quelque chose que,
normalement, je traiterais, dans mes cours, en 45 heures, donc je le ferai avec
beaucoup de plaisir quand même.
D'abord, la Société nationale de l'Estrie
salue, évidemment, les initiatives du gouvernement par rapport au projet de loi
n° 96, mais il y a un élément, dans le projet de loi n° 96, qui, de
notre point de vue, devrait <être…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
…Je vais prendre quatre minutes pour essayer de vous résumer
quelque
chose que, normalement, je traiterais, dans mes cours, en 45 heures, donc je le
ferai avec
beaucoup de plaisir
quand même.
D'abord, la Société nationale de
l'Estrie salue,
évidemment, les initiatives du
gouvernement
par
rapport au
projet de loi n° 96, mais il y a un élément, dans le
projet de loi n° 96, qui, de notre point de vue, devrait >être
davantage souligné — il l'a été un peu au tout début, mais il ne
l'est presque plus aujourd'hui — c'est les modifications
constitutionnelles qui sont amenées par le projet de loi n° 96. Hein, on
le sait, là, de brillants juristes sont venus ici vous expliquer toute la
constitutionnalité, au niveau juridique, des modifications apportées au
chapitre V de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, via
l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le Québec peut se doter, dans ses champs
juridiques, dans ses champs de compétence, de sa propre Constitution. En
passant, se doter d'une constitution à l'intérieur d'un régime fédéral, là, ce
n'est pas quelque chose de nouveau. En fait, c'est une anomalie canadienne,
pour un État fédéré, de ne pas avoir sa propre Constitution. La Suisse oblige,
dans sa Constitution fédérale, les cantons suisses à se doter eux-mêmes de leurs
propres constitutions. Il y a une obligation légale, pour l'équivalent des
provinces suisses, de se doter de leurs propres constitutions. Au sud, ici, de
notre frontière, les 50 États américains ont leurs propres constitutions,
avec leurs propres Cours suprêmes. Au Canada, il y a la Colombie-Britannique
qui semble avoir une quasi-constitution, il faudrait y revenir.
Mais la plupart des provinces canadiennes
n'ont pas leurs propres constitutions. C'est le résultat d'un amalgame. La
Constitution canadienne de 1867 est, elle-même, extrêmement mal faite,
c'est le résultat de sources non écrites, bon, qui partent de la Magna Carta,
en passant par le Bill of Rights, l'habeas corpus, et qui comprennent, en même
temps, les quatre constitutions qu'on a eues avant 1867, donc
de 1763 à 1867, auxquelles se rajoutent les conventions, les
coutumes et les traditions britanniques.
Mais le Québec lui-même, comme tel, dans
ses champs de juridiction, n'a pas sa propre Constitution. Nous, on pense que
le gouvernement, c'est une très bonne chose qu'il propose, dans le projet de
loi n° 96, de modifier l'article 90 en y ajoutant 90Q.1, 90Q.2, qui
affirment, en fait, le caractère national du Québec et la particularité de la
langue française. C'est une bonne chose. D'ailleurs, on aura, là, à la SNE,
quelques petites propositions, que vous pourrez lire dans le mémoire, pour
modifier, bonifier quelques ajouts en rapport avec 90Q.1 et 90Q.2. Mais, sur le
fond, on est profondément persuadés qu'en modifiant simplement de cette
manière-là l'article 90 on ne se rend pas assez loin. On n'achève pas le
projet initial de la Révolution tranquille, qui était de doter le Québec de son
propre État. Il faut permettre au Québec de se définir au niveau constitutionnel.
Le Québec a été chassé du giron constitutionnel canadien en 1982. Il n'y a
aucun parti, depuis 1982, à l'Assemblée nationale, qui n'a reconnu le coup
de force…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Déjà? Pour vrai?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va prendre sur le temps du…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Aïe! c'est fou, hein? Mais j'y arrive, à la fin. Toutes mes excuses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y. On va…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Merci, M. le ministre. Il n'y a aucun parti politique à l'Assemblée
nationale qui n'a reconnu le coup de force de 1982. Le Québec n'a pas de statut
constitutionnel. On <pense qu'on…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
…
l'Assemblée nationale, qui n'a reconnu le coup de force…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Déjà? Pour vrai?
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va prendre sur le temps du…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Aïe! c'est fou, hein? Mais j'y arrive, à la fin. Toutes mes excuses.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y. On va…
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Merci, M. le ministre. Il n'y a aucun parti politique à l'Assemblée
nationale qui n'a reconnu le coup de force de 1982. Le Québec n'a pas de statut
constitutionnel. On >pense qu'on doit aller plus loin, parce que,
malheureusement, 90Q.1 et 90Q.2, c'est une bonne chose — oui, il faut
se le dire — mais ça rajoute à l'incohérence de notre Constitution,
parce qu'on ne va pas jusqu'au bout du processus.
Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'on
réhabilite le processus constitutionnel. C'est la première fois, depuis les
années 1990, qu'on le fait, mais on le fait, encore une fois,
partiellement. Je pense qu'il faut aller jusqu'au bout, il faut que le Québec
se dote de sa propre Constitution. Il faut que, dans cette Constitution-là, on
soit capable de parler de l'aménagement du pouvoir exécutif, qu'on regroupe les
conventions constitutionnelles dans un texte unique, bien sûr, qu'on y
incorpore les lois fondamentales du Québec de nature quasi constitutionnelle,
dont fera partie la Charte de la langue française, qu'on reconnaisse,
évidemment, les valeurs de la société québécoise, et, finalement — je
terminerai là-dessus, Mme la Présidente — qu'on reconnaisse les
droits des autochtones.
Je pense qu'en y allant avec un projet qui
est plus global — et c'est ce qu'on suggère au
gouvernement — on aura une étape de franchie, on pourra compléter,
finalement, le projet de la Révolution tranquille. Une révolution, qu'elle soit
tranquille ou qu'elle soit violente, ce n'est jamais terminé, c'est toujours
permanent. Il y a une occasion pour le gouvernement de mettre une pierre, je
pense, à cet édifice de la Révolution tranquille, en adoptant, pour le Québec,
une véritable constitution formellement écrite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je cède la parole à M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup. M. Boucher, M. Fournier, bonjour, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Toujours un plaisir de vous accueillir. Je souligne également le
fait que M. Boucher est un ancien parlementaire également, je crois, du
comté de Johnson, si je…
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
…l'ancien comté de Johnson, avant la réforme de la carte électorale.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Vous dites, à la page 7 de votre mémoire que le projet de loi n° 96
est le geste le plus puissant posé par l'État québécois, depuis 1977, en ce qui
a trait à la langue. Donc, pour vous, les mesures qu'il y a dans le projet de
loi n° 96 sont suffisamment larges, suffisamment costaudes pour envoyer un
signal très fort sur l'importance de la protection et de la promotion de la
langue française?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, en fait, ce qui est intéressant avec le projet de loi n° 96,
contrairement aux autres projets de loi qui ont porté sur la langue depuis 1977 — je
pense, par exemple, au projet de loi n° 103 sur les écoles passerelles, je
pense que c'était bien le chiffre, mais, enfin, la loi sur les écoles
passerelles — c'est que, depuis 1977, tout ce qu'on a fait, c'est
boucher des trous. Woup! là, ça tanguait un peu là, on a renforcé un peu la
loi, mais il n'y a jamais eu de vision globale. Or, le projet de loi n° 96
agit sur de nombreux tableaux : au niveau de l'emploi, au niveau de
l'affichage, au niveau… bon, au niveau constitutionnel, comme le disait mon
collègue. Bref, c'est un projet de loi qui embrasse très large, et c'est dans
cet état d'esprit que nous le qualifions de plus grande réforme du droit
linguistique, évidemment.
M. Jolin-Barrette :
J'aimerais ça qu'on discute du cégep. Donc, dans le projet de loi, ce que le
gouvernement a édicté, c'est à l'effet <qu'on…
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
...
et c'est dans cet état d'esprit que nous le qualifions de plus grande
réforme du droit linguistique, évidemment.
M. Jolin-Barrette :
J'aimerais ça qu'on discute du cégep. Donc, dans le projet de loi, ce que le
gouvernement a édicté, c'est à l'effet >qu'on vient plafonner le nombre
de places dans le réseau collégial anglophone, puis, également, en limitant le
facteur de croissance, parce qu'on croit que la langue normale des études doit
demeurer le français, et on croit également que les allophones, les francophones
doivent aussi, normalement, étudier en français. Qu'est-ce que vous pensez...
Il y a plusieurs intervenants qui sont venus avant vous qui nous ont suggéré
d'étendre la loi 101 aux cégeps en intégralité. Qu'est-ce que vous pensez
de cette proposition?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, moi, je... Évidemment, la société nationale est en faveur, hein? Même
qu'on le disait, la situation est telle, puisque c'est... On a beaucoup appris
à travers ces auditions, et la situation du français au niveau des études
postsecondaires, bon, semble telle que le fait d'étendre... et là, après ça, je
vais laisser mon collègue, mais le fait d'étendre la loi 101 au cégep est
comme une forme d'évidence. Mais la question qu'on doit se poser, c'est : Est-ce
qu'il ne serait pas nécessaire d'aller un peu plus loin, comme le proposait,
par exemple, un certain Guy Rocher? Et que ça pourrait très bien... les
arguments justifiant l'application de la Charte de la langue française aux
cégeps pourraient être tout aussi valables à l'université.
Tu sais, il faut aussi se rappeler que,
bon, on a réussi à nous vendre qu'on était une majorité sur le territoire du
Québec, mais il faut comprendre que... à moins que je ne m'abuse, que j'aie
manqué quelque chose, là, le Québec est toujours au Canada. Or, dans le Canada,
les francophones sont tout sauf une majorité, et donc d'avoir des lois comme la
Charte de la langue française ou d'utiliser les deniers publics pour favoriser
cette culture minoritaire, ça va pas mal de soi, tu sais. Maintenant, je
laisserais mon collègue compléter sur cet aspect.
• (14 h 20) •
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Bon, sur la question, je vais prendre mon chapeau de professeur de cégep, là,
quelques instants, quand même, mais aussi de membre de la Société nationale de
l'Estrie. On a une chance unique, en fait, au Québec, qui est celle d'avoir un
réseau d'études postsecondaires qui est unique, unique en Amérique du Nord,
unique au monde, probablement, dans une certaine mesure. Dans le monde
anglo-saxon, c'est-à-dire, essentiellement, aux États-Unis, dans les autres
provinces canadiennes, on fait, essentiellement, une sixième année de
scolarisation au secondaire et, ensuite, on rentre dans une première année, à
l'université, de formation dite générale. Il n'y a pas cet entre-deux. Et cet
entre-deux-là, qui a été voulu par la commission Parent en 1968, se voulait un
peu en continuité avec ce qu'on appelait, anciennement, le collège classique,
c'est-à-dire une formation citoyenne qui permet, évidemment, aux futurs
citoyens, aux étudiants, aux étudiantes, de devenir engagés à l'intérieur de
leur société, dans notre cas, une société majoritairement francophone. C'est
donc complètement unique.
Et on a la formation générale, essentiellement,
bon, évidemment, des cours d'anglais, des cours de littérature, des cours de
philosophie et des cours d'éducation physique. C'est une construction unique
que d'avoir ces cours de formation générale pour <préparer...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
...
dans notre cas, une société majoritairement francophone. C'est donc
complètement unique.
Et on a la formation générale, essentiellement,
bon, évidemment, des cours d'anglais, des cours de littérature, des cours de
philosophie et des cours d'éducation physique. C'est une construction unique
que d'avoir ces cours de formation générale pour >préparer à la
citoyenneté, d'une part, et c'est une formation unique que d'avoir le collégial,
à un moment précis dans l'ADN d'un citoyen et d'une citoyenne. Vous savez,
quand on est au secondaire, dans le monde anglo-saxon, et qu'on quitte pour
l'université, forcément, on s'en va dans une formation qui nous mène plus
précisément vers le marché du travail. Là, dans le cas du collégial, on est
dans une période culturelle très intense, qui permet aux étudiants de devenir
des citoyens à part entière, qui permet aux étudiants de se faire un réseau de
contacts, qui permet aux étudiants de bâtir leur avenir collectif, pas
simplement en termes de citoyenneté, mais en termes culturels aussi. Ça, ça
m'apparaît fondamental pour le projet de loi n° 96.
Et je considère que, oui, de vouloir
étendre, évidemment, la loi 101 aux cégeps, en ce sens-là, c'est une bonne
chose, parce qu'on est à une période charnière dans la formation des élèves,
dans la formation des étudiants, et que de leur permettre, à ce moment-là
précis de leur enseignement culturel et citoyen, que de pouvoir le faire en
français, dans la culture minoritaire, mais majoritaire au Québec, ça me semble
essentiel. Le gouvernement ne semble pas vouloir aller dans cette direction. Si
jamais le gouvernement décide de conserver... puis de ne pas écouter les
différents intervenants autour de la table pour appliquer la loi 101 au
collégial, je pense qu'il devrait faire une réflexion globale... et, en ce
sens-là, je m'inscrirai, là, un peu dans la ligne de Guy Rocher... il devrait
faire une réflexion globale sur ce que sont les études supérieures.
Vous savez, les études, au Québec, elles
sont divisées en deux grands cycles, les études primaires et secondaires, d'une
part, et les études collégiales et universitaires, d'autre part, là, qui
appartiennent au cycle des études supérieures. Je pense que si le gouvernement
ne va pas dans la direction d'appliquer la loi 101... Moi, personnellement, je
serais favorable à ce qu'on applique la loi 101, évidemment, au collégial, mais
si on n'allait pas dans cette direction, je pense que ça va prendre une
réflexion globale, de la part du gouvernement, sur comment on doit former, dans
la langue de la culture majoritaire, les étudiants des études postsecondaires,
c'est-à-dire au cycle des études supérieures. Ça va prendre, je pense, une
étude, un commissaire, peu importe comment on le nomme, quelqu'un qui est
chargé d'avoir des pistes de solution qui vont être réservées aux études
supérieures, et non pas simplement calquer le modèle de la loi 101, comme il a
été conçu, pour le cycle des études primaires et secondaires.
M. Jolin-Barrette : Une
question, M. Fournier. Vous l'avez abordée, et également, M. Boucher, la notion
de culture. Vous avez dit : Au cégep, bon, bien, la langue française, oui,
mais c'est là également qu'on adopte une culture. Vous proposez, dans votre
mémoire, d'avoir une loi par la suite, une loi sur la convergence culturelle.
Quelle est l'importance soit d'avoir une loi sur la convergence culturelle ou
d'avoir un aspect culturel au sein de la loi... du projet de loi n° 96
lui-même? Parce qu'on parle beaucoup d'intégration, puis il y a beaucoup
d'acteurs qui sont venus, avant vous, nous dire : Bien, écoutez, ne
dissociez pas langue et culture, et c'est vraiment important que, lorsqu'on <intègre...
M. Jolin-Barrette :
...
par la suite, une loi sur la convergence culturelle. Quelle est
l'importance soit d'avoir une loi sur la convergence culturelle ou d'avoir un
aspect culturel au sein de la loi... du projet de loi n° 96 lui-même?
Parce qu'on parle beaucoup d'intégration, puis il y a beaucoup d'acteurs qui
sont venus, avant vous, nous dire : Bien, écoutez, ne dissociez pas langue
et culture, et c'est vraiment important que, lorsqu'on >intègre les
personnes immigrantes, notamment, on les intègre en français, mais également au
sein de la culture québécoise. Alors, pouvez-vous définir ce concept-là de
convergence culturelle, et pourquoi c'est important?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, je vais prendre mon exemple personnel. Ma conjointe, elle est née à 6 000 kilomètres
d'ici, en France. Évidemment, elle était francophone lorsqu'elle est débarquée
ici. Est-ce que le fait d'être francophone faisait d'elle une Québécoise du
jour au lendemain? Évidemment que la réponse est non. Elle est devenue
Québécoise en vivant le Québec, en goûtant sa table, en vivant les saisons, en
découvrant son théâtre, son cinéma. Bref, elle est devenue Québécoise par
l'entremise de la culture du Québec, et non pas de la langue. La langue et une
culture, c'est quelque chose qui s'imbrique, c'est indissociable. Une langue,
ce n'est pas que des mots. Une langue, c'est une vision de voir le monde, c'est
une façon de le décrire, ce monde-là. Toutes les langues n'ont pas la même
façon de décrire ce qu'est un éléphant, ou ce qu'est un scandale, ou ce qu'est
un monstre, tu sais.
Or donc, une langue, c'est, d'abord et
avant tout, le véhicule d'une culture. Et d'ailleurs je suis bien placé pour le
vivre. Comme président de la société nationale, notre mission première est de
promouvoir la langue française. Or, depuis quelques années, on mise beaucoup
aussi sur l'initiation culturelle, notamment auprès des néo-Québécoises et
néo-Québécois. C'est-à-dire qu'on prend ces personnes, qui ont complété leur
parcours de francisation et qui sont donc en mesure, si vous me permettez
l'expression, de consommer de la culture québécoise, puisqu'ils comprennent ce
qui est dit dans une pièce de théâtre ou la réplique au cinéma, et on leur fait
découvrir ces formes d'art là, avec, pour conviction que, s'ils goûtent au
Québec, ils y prendront goût et auront le goût davantage de non seulement en
connaître plus, mais aussi de contribuer à l'enrichissement de cette culture,
qui est issue, finalement, d'un mélange de nombreuses cultures venant de
partout à travers le monde.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste une question, avant de céder la parole à mes collègues. On vient imposer
une épreuve uniforme de français aux étudiants du collégial anglophone, dans le
réseau collégial anglophone. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
...on parle des non-ayants droit, là, ici, là? C'est bien de ça qu'on parle?
M. Jolin-Barrette : Oui,
effectivement. Donc, à la fois pour les allophones et les francophones qui
choisissent d'étudier dans un collège, dans un cégep en anglais, on impose une
épreuve uniforme de français pour obtenir la diplomation.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Pour bien connaître le réseau, là, je vous dirais que c'est, en toute honnêteté,
un minimum, là, si on veut s'assurer, à tout le moins, que les non-ayants
droit, c'est-à-dire les allophones, les gens qui sont issus des communautés de
l'immigration, essentiellement, mais aussi les francophones qui fréquentent le
versant collégial anglophone... c'est essentiel si on veut qu'ils puissent
adhérer à une culture commune. Moi, ça me semble fondamental.
Il faut savoir que l'épreuve uniforme, là,
au collégial, là, c'est quelque chose qui fonctionne très <bien, là...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
…
c'est-à-dire les allophones, les gens qui sont issus des communautés de
l'immigration, essentiellement, mais aussi les francophones qui fréquentent le
versant collégial anglophone... c'est essentiel si on veut qu'ils puissent
adhérer à une culture commune. Moi, ça me semble fondamental.
Il faut savoir que l'épreuve uniforme,
là, au collégial, là, c'est quelque chose qui fonctionne très >bien, là.
Oui, bon, on peut faire des critiques à l'endroit de l'épreuve uniforme, mais
c'est une épreuve qui est très bien enseignée, c'est une épreuve qui est, en
général, bien réussie par les étudiants. Et ça donne une espèce de trame
narrative des quatre cours de littérature qui sont proposés au collégial. Je
pense que c'est un minimum que les étudiants francophones qui fréquentent le
réseau anglophone, et donc, majoritairement, qui sont de langue maternelle
française, doivent passer, évidemment, cette épreuve uniforme en français. Ça
me semble un prérequis minimal, dans ce compromis que semble vouloir proposer
le gouvernement, pour accepter que les francophones puissent faire le libre
choix lorsqu'arrivera le temps de faire leurs études collégiales.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais céder la parole au député de Saint-Jean. Quatre minutes, M. le
député.
M. Lemieux : Quatre minutes. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Boucher, M. Fournier, bonjour. Vous
semblez… en tout cas, pour M. Fournier, c'est clair... vous semblez avoir
été charmés, comme moi, je l'ai été, par les possibilités constitutionnelles du
projet de loi n° 96.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
…on est trop peu.
M. Lemieux : Évidemment, ça
passionne les constitutionnalistes ou ceux qui se souviennent que l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique est au début de tout ça, et puis qui essaient de
s'y retrouver là-dedans. Et c'est une occasion en or, comme vous l'avez
démontré, pour faire la promotion d'une constitution québécoise. Vous n'êtes
pas le premier, mais, malheureusement, vous allez être le dernier, parce qu'il
n'y en aura pas d'autres, dans cette branche-là de la société qui vont venir
nous parler, à faire ce plaidoyer-là. Je vous soumets que ce n'est pas la
place, mais c'était une belle occasion, c'était une merveilleuse occasion, et
je pense que ça a contribué beaucoup — puis c'est là que je voulais en
venir — au reste du débat, parce que la langue, c'est tout. Tout est
dans tout, comme je dis souvent, et, forcément, à partir du moment où on ouvre
ce tiroir-là, il déborde vite.
Je voulais vous parler de la perception de
l'Estrie. Vous êtes de l'Estrie. Et j'en parlais, hier, avec d'autres témoins,
les gens des régions... mais vous, vous n'êtes pas une région, qu'on disait, à
l'époque, éloignée, qu'on appelle, maintenant, excentrée, là... les gens des
régions ont souvent le réflexe de dire : Ah! bien, ça, c'est à Montréal,
ça, nous autres, on n'a pas ces problèmes-là, mais ça nous fait peur de voir
comment ça se passe à Montréal, le français. Mais l'Estrie, c'est particulier,
alors, parce qu'il y a une histoire, d'abord, puis ensuite, il y a la proximité.
Si je vous demandais de me faire un portrait de... Quand on parle de déclin du
français au Québec, est-ce que c'est proportionnel, entre guillemets, en
Estrie?
• (14 h 30) •
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Écoutez, là, vous me posez une question au-delà de mes compétences, en ce sens
que je n'ai pas de données sociodémographiques qui portent sur l'Estrie même.
Par contre, on sait que, notamment, dans les…
14 h 30 (version révisée)
M. Lemieux : ...entre
guillemets, en Estrie.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Écoutez. Là, vous... Vous me posez une question au-delà de mes compétences en
ce sens que je n'ai pas de données sociodémographiques qui portent sur l'Estrie
même. Par contre, on le sait, dans... que, notamment, dans les études de
l'Office québécois de la langue française, je prends par exemple aux chiffres
liés aux entreprises, c'est impossible qu'il n'y ait pas déclin... qu'il n'y
ait déclin que pour la seule ville de Montréal. Autrement dit, il y a un déclin
partout au Québec. Et nécessairement, l'Estrie, étant située à à peine
100 kilomètres de Montréal, le vit.
M. Lemieux : J'ai mal
posé ma question. Est-ce que vous êtes inquiet chez vous, vous, de ce que vous
sentez dans votre vie à vous? C'est anecdotique, mais en même temps ça nous
amène tous, à quelque part, à se poser la question. Puis je veux savoir si,
vous, vous aviez votre réponse.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, je ne suis pas nécessairement inquiet pour l'Estrie. Ce que je suis
inquiet, c'est pour le Québec, hein? Ce qu'on est en train d'assister, à mes
yeux... Je fais... Des fois, évidemment, les parallèles peuvent toujours être
boiteux, mais je trouve que ce qu'il se passe avec... à Montréal, et le Québec,
on peut faire un parallèle avec Bruxelles et la Flandre. Bruxelles était sur le
territoire flamand. Or, aujourd'hui, Bruxelles n'est pas flamand. C'est une
ville francophone. Et, bref, la Flandre a perdu sa métropole. J'ai
effectivement crainte de perdre Montréal.
M. Lemieux : Qu'on va
faire le parallèle aussi avec les francophones du reste du Canada en terminant
la journée. Et, ça aussi, ça va être intéressant. Moi, je les appelle les
canaris dans la mine. Mme la Présidente, est-ce qu'il reste au moins une minute
pour le député de Richelieu? Même pas. Alors, je lui...
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes.
M. Lemieux : Alors, je
vous en dois une, M. le député de Richelieu. Désolé. Et je voulais en terminant
dire, en parlant justement des canaris dans la mine, qu'on est tous inquiets de
Montréal, là. Bon, forcément, le bilinguisme, il est plus évident. Est-ce qu'en
Estrie on se plaint ou on entend beaucoup, encore, c'est anecdotique, qu'il y a
des emplois qui sont étiquetés bilingues, qui n'auraient pas besoin de l'être?
Ou il y en a trop?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Tout à fait. J'ai moi-même usé du service de plaintes de l'Office québécois de
la langue française puisque j'avais été alerté...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
...de la présence d'offres d'emplois qui demandaient l'anglais sans le
justifier.
M. Lemieux : Merci,
messieurs.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. Boucher. Je cède la parole à ma collègue la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. MM. Boucher et Fournier, bonjour. Écoutez, vous êtes la... la
deuxième Société Saint-Jean-Baptiste, pour ne pas dire la troisième, le MNQ est
venu comme organisme parapluie, j'imagine, SSJB et vous. Je comparais les trois
mémoires et je me disais : Mon Dieu! En fait, la bonne nouvelle, est que
vous vous entendez pas mal bien sur l'ensemble des points à traiter, mais
beaucoup, beaucoup de points sont identiques. Et c'est des concepts dont on
parlait peut-être moins avant, dont la convergence culturelle, mais beaucoup d'autres,
les municipalités, les cégeps, la langue.
Mais je vais vous... Je vais vous demander
une chose. Est-ce qu'il y a des points, vous, sur lesquels vous aimeriez plus
particulièrement attirer notre attention, des points, peut-être, comme disait
le député de Saint-Jean, plus régionaux, ou des spécificités, des angles que
vous avez traités que vos collègues <n'ont pas...
Mme David : ...
mais beaucoup d'autres, les municipalités, les cégeps, la langue.
Mais je vais vous... Je vais vous
demander une chose. Est-ce qu'il y a des points, vous, sur lesquels vous
aimeriez plus particulièrement attirer notre attention, des points, peut-être,
comme disait le député de Saint-Jean, plus régionaux, ou des spécificités, des
angles que vous avez traités que vos collègues >n'ont pas abordés?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, on l'a... on en a souligné durant notre intervention. Je voudrais simplement
vous dire, Mme la députée, avec tout le respect que j'ai pour vous et votre
fonction, cette remarque-là, je ne l'ai entendue que vis-à-vis Me Rousseau, entre
autres, et la SSJB de Montréal. Je n'ai jamais entendu quelque reproche que ce
soit de fait aux Townshippers, alors que le Quebec Community Network Group,
dont ils font partie, avait été aussi présent en commission parlementaire. Ou
encore, vous n'allez quand même pas reprocher à la ville de Montréal d'être
ici, alors que l'Union des municipalités, qui les regroupe, avait aussi
contribué à ces travaux.
Je terminerais simplement en disant
qu'aussi la liste des groupes et des personnes qui sont entendues en commission
parlementaire font l'objet de négociations entre les leaders des différentes formations
politiques. S'il y avait une forme d'insatisfaction quant à l'identité des
groupes présents, entendus à cette commission, peut-être que certaines
questions peuvent être posées à votre leader. Mais...
Mme David : Écoutez, je
vous remercie de vos commentaires, mais loin de moi l'idée de vous faire un
reproche, je demandais s'il y avait... absolument pas.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Oui, oui. Non, non, mais on s'entend, là, ce n'était pas la première fois, là.
Mme David : Et puis... Et
je demandais à savoir s'il y avait des points différents sur lesquels vous
vouliez apporter ou donner un complément ou quelque chose de différent parce
que, justement, sinon, je pourrais vous reposer les mêmes questions qu'on a
posées au collègue antérieur.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Il y en a un énorme, en fait, c'est le projet de doter le Québec d'une
constitution et d'aller beaucoup plus loin que l'article 90.
Mme David : Oui, bien,
j'allais aller là-dessus.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ça, vous n'avez pas entendu parler de ça dans aucune autre intervention de la
part du groupe parapluie qu'on représente.
Mme David : Non, mais ce
que je... On en a entendu parler de d'autres, par contre, puis effectivement,
comme disait le député de Saint-Jean, c'est quelque chose qui n'avait pas été
abordé beaucoup, ça... Ça a été abordé dès les années 60, là, mais disons
que ce n'était pas...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
...lui-même, d'ailleurs.
Mme David : Voilà. Et qui
avait mandaté Paul Gérin-Lajoie à un moment donné, etc.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Tout à fait.
Mme David : Donc, on
remonte quand même à assez loin. Et là ça revient peut-être plus, et c'était ma
prochaine question. Alors, vous allez... Je suis contente, on est sur la même
longueur d'onde, donc, dans les modifications constitutionnelles.
Ce que je me demandais... parce qu'on a eu
plusieurs propositions de mettre toutes sortes de choses. Et un qui n'est pas
réputé nécessairement indépendantiste, Benoît Pelletier, qui se dit...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
...cité dans notre mémoire abondamment, dans notre mémoire, là, soit dit en
passant.
Mme David :
Effectivement, effectivement, mon Dieu! Oui, très bien. Alors, Benoît Pelletier
qui dit : On pourrait mettre telle chose, telle chose, telle chose. Ça
fait des années qu'il écrit sur la possibilité de rédiger une constitution.
Donc, là-dessus vous êtes d'accord.
Mais est-ce que je dois comprendre...
parce que vous dites dans votre mémoire que ça serait un projet comme en... La
convergence culturelle, vous dites... Il faudrait qu'il y ait un projet de loi
sur la convergence culturelle en parallèle ou la loi n° 96.
Pour la constitution, c'est moins clair. Est-ce que vous mettriez tout ça dans
les 90Q.1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, ou ça serait une loi constitutionnelle à côté,
comme ont proposé d'autres intervenants qui sont venus ici?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Bien, <écoutez, là...
Mme David : ...
un
projet de loi sur la convergence culturelle en parallèle ou la loi
n°
96. Pour la constitution, c'est moins clair.
Est-ce que vous mettriez tout ça dans les 90Q.1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, ou ça
serait une loi constitutionnelle à côté, comme ont proposé d'autres
intervenants qui sont venus ici?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Bien, >écoutez, là, moi, je pense que ça prend une constitution pour le
Québec qui est formelle. Est-ce que ça doit passer par l'article 90 du chapitre
V de la Loi constitutionnelle de 1867 ou si ça doit passer par un autre texte?
Dans tous les cas, il va falloir que ça passe par l'article 45 de la Loi
constitutionnelle de 1982, là, ça, ça me semble incontournable. Là, j'essaie...
là, vous me posez la question, simplement, est-ce que ça doit passer par le
chapitre V ou à l'extérieur du chapitre V?
Mme David : Même un expert,
entre autres, est venu dire que c'était peut-être comme la Charte des droits et
libertés du Québec, pas besoin d'aller à travers la constitution. C'était Jean
Leclair, je pense, ou Hugo Cyr qui disait ça.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ah! non, ça, non, attention. Non, ça, je vais répondre à cette question-là.
Dans tous les cas, là, que ça soit via 45 de la Loi constitutionnelle de 1982,
que ce soit à travers une procédure législative normale, il faut doter le
Québec d'une constitution formellement écrite justement pour régler cette
problématique-là d'avoir de multiples lois supralégislatives qui sont éparses à
l'intérieur de notre constitution, parce que soit dit en passant, je ne vous
apprendrai rien, là, le Québec a déjà une constitution, là, hein, on n'a pas
pas de constitution au Québec, sauf qu'on n'a pas une constitution formellement
écrite. Ce qui amène son lot d'interprétations, là, et surtout, ce qui amène
une forme d'incohérence constitutionnelle.
Mme David : Donc, je comprends
que ce que vous proposez, c'est quelque chose en parallèle au projet de loi
n° 96.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ah! tout à fait.
Mme David : C'est une
suggestion au ministre de la Justice, on pourrait dire dans ce cas-ci, de dire :
Ça pourrait être une bonne idée.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Bien, c'est-à-dire, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi n° 96
participe à l'incohérence constitutionnelle canadien et québécois, en y
ajoutant une tranche de plus parmi ce méli-mélo en suivant une procédure, celle
de chapitre V via l'article 45, qui pourrait constituer une constitution
globale, mais qui, là, ne le fait pas parce qu'ils s'arrêtent à dire que le
Québec forme une nation dont la langue principale est le français, il faut
aller plus loin que ça. Donc, oui, ça s'adresse au ministre de la Justice bien
sûr, mais dans le cadre du projet de loi n° 96, ce qu'on dit, c'est que le
projet de loi n° 96, il participe au méli-mélo de l'incohérence
constitutionnelle. Ça, c'est très important de le souligner.
Mme David : Oui, mais comme
dit le député de Saint-Jean, peut-être qu'on n'en a jamais autant parlé.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ah! bien, tant mieux, c'est une bonne chose. Moi, j'avais l'impression qu'on
n'avait pas assez parlé, y compris dans la commission parlementaire sur le projet
de loi n° 96.
Mme David : Ah! bien, moi, je
trouve qu'on en a quand même pas mal parlé, plus que prévu. Donc, ce que vous...
je vais rester dans ça, parce que vous allez, dans la page 10 et 11, dans la
langue de la justice, et vous dites qu'on pourrait — et là, je veux
bien comprendre votre proposition — vous ne dites pas nécessairement
que le projet de loi n° 96 devrait obliger tout... que la seule langue
parlée dans les tribunaux, les procès, les jugements, mais toutes les
procédures seraient uniquement en français. Je ne pense pas que c'est ça que
vous voulez dire. Je veux juste être sûre, parce que vous dites, je vais juste terminer
comme ça, vous pourrez répondre à l'ensemble, vous parlez qu'on peut modifier
unilatéralement l'article 133 de la <Loi constitutionnelle de 1867...
Mme David : ...
parlée dans les tribunaux, les procès, les jugements, mais toutes les procédures
seraient uniquement en français. Je ne pense pas que c'est ça que vous voulez
dire. Je veux juste être sûre, parce que vous dites, je vais juste terminer
comme ça, vous pourrez répondre à l'ensemble, vous parlez qu'on peut modifier
unilatéralement l'article 133 de la >Loi constitutionnelle de 1867,
parce que ça a été fait dans un... bon, dans l'affaire Montplaisir. Là, je ne
suis pas sûre de comprendre, parce que tous les gens qui nous ont parlé de
l'article 133, là, c'était ultra, supra, mégalégislatif, prenons tous les
adjectifs, et là, je veux être sûre de ce que vous proposez à la page 11.
• (14 h 40) •
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
En fait, ce qu'on dit, c'est qu'avant le projet de loi n° 96,
le statut de langue officielle pour le français au Québec n'était que de la
poudre aux yeux. Il n'y avait... C'était... Il n'y a aucun pays au monde dont,
par exemple, vous prenez les tribunaux, il y a des jugements rendus qui ne sont
pas disponibles dans la langue officielle du même pays, c'est impossible. Autrement
dit, on a constaté par l'entremise d'une étude qui a fait finalement l'objet de
la publication d'un livre, Restaurer le français langue officielle, on a
constaté que, lorsque le français était comparé aux autres langues officielles
à travers le monde, il ne répondait pas aux mêmes critères.
Alors, évidemment, on ne va pas jusqu'à
proposer qu'il ne puisse pas y avoir de plaidoirie en anglais ou dans la langue
que les gens choisiront, mais ce qui est important, par exemple, c'est que les
tribunaux ne puissent pas produire de jugement sans que ce jugement-là soit
disponible dans la langue officielle. À un moment donné, un statut comme le
statut de langue officielle, il faut l'incarner. Même chose pour la langue de
la législation, nous pensons que Blaikie est un jugement qui est survenu dans
un environnement juridique qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui,
d'où notre conviction que ce jugement-là ne pourrait plus survenir en 2021. Il
faut quand même le faire, là, partir d'un 133 puis dire que les lois doivent
être imprimées et publiées dans les deux langues et prendre ces mots-là puis de
dire : Woups! le français et l'anglais sont sur le même statut. Comment
dire? C'est une interprétation extrêmement large de ce que veut... de ce qui
est écrit dans 133, alors que depuis 40 ans, en matière de jurisprudence
linguistique, ce qu'on a fait, c'est qu'on a pris les lois et on les a
interprétées de manière toujours plus restrictive. Donc, on a fait le contraire
depuis 40 ans de la méthode employée par Blaikie, d'où notre conviction que
Blaikie ne pourrait plus survenir en 2021.
Mme David : Alors, peut-être
que ça sera un jour testé. Je vais...
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Peut-être.
Mme David : Je vais vous
amener sur les cégeps. Là aussi, je vais reprendre un ancien chapeau, plusieurs
anciens chapeaux. La question qui me venait, c'est... Parce que je ne veux pas
passer tout le temps à parler de structures, mais, si... quand vous parlez du
réseau collégial — je pense, c'était vous, M. Fournier, qui parliez
plus de ça — vous disiez, puis effectivement avec raison, l'Ontario
et les autres, bon, c'est une sixième secondaire, une première année générale
qu'on appelle U0 à McGill, etc. Alors, est-ce que vous seriez à l'aise que le
collégial, si on le mettait avec le... sous la loi 101, disons, sous le régime
de la loi 101, serait comme un <mélange...
Mme David : ...
une
première année générale qu'on appelle U0 à McGill, etc. Alors, est-ce que vous
seriez à l'aise que le collégial, si on le mettait avec le... sous la loi 101,
disons, sous le régime de la loi 101, serait comme un >mélange qui
n'appartiendrait peut-être plus à l'enseignement supérieur, qui appartiendrait
peut-être à un entre-deux?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Je vois très bien où vous voulez en venir, donc ça me fait sourire parce que je
connais la finesse de votre analyse quant au régime des études supérieures aux Québec,
là, bien sûr. La réponse à ça, c'est techniquement, évidemment, je ne pense pas
que ça serait une bonne chose que le réseau collégial n'appartienne plus aux
études supérieures. Et vous avez raison, en toute honnêteté, là, Mme David — je
sais que je devrais normalement l'appeler par son titre, là, mais le nom de sa circonscription
m'échappe, vous m'excuserez, Mme la Présidente — vous avez raison
qu'il y a là une possibilité de glissement. Ce que vous soulignez là, c'est
juste. C'est-à-dire que c'est vrai que, si on applique formellement la
loi 101 au collégial, à moins qu'elle ne soit appliquée ensuite au
baccalauréat, ce qui pourrait être le cas, c'est la suggestion de Guy Rocher,
soit dit en passant, parce que la différence entre le collégial et le
baccalauréat, il n'est pas très grand en termes de... comment on appelle ça, en
termes de projets de fin d'études, là, hein, de finalité de diplomation.
Mme David : Bien, c'est quand
même trois ans de plus.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Oui, non, non, je suis d'accord. Mais, en termes de profil de sortie, quand on
est au collégial, on peut quand même sortir vers, directement, le marché du
travail exactement lorsqu'on termine le bac, lorsqu'on prend, par exemple, le
secteur technique, ou encore on est dans le préuniversitaire. Ce que je veux
dire par là, c'est que vous avez raison. En toute honnêteté, il y a un risque
de glissement là si on fait simplement appliquer techniquement la loi 101
au réseau collégial. De mon point de vue à moi, si on fait ça, il va falloir le
faire dans une réflexion globale où on va aussi réfléchir à l'application de la
loi 101 à l'université.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole à
au député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Mme la Présidente, est-ce qu'il est possible de récupérer le temps laissé sur
la table par ma collègue députée de Québec solidaire qui est absente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce qu'il y a consentement pour transférer le temps de Mme la députée de
Mercier?
Une voix
: ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, tout le monde. Donc, consentement. M. le député, vous pouvez y aller.
M. Arseneau : C'est un sujet
qui nous intéresse. Merci, Mme la Présidente. Merci à mes collègues de nous
permettre ces deux minutes supplémentaires. Messieurs, j'aimerais d'abord
rentrer dans le vif du sujet. Merci de votre présentation.
Pour ce qui est de l'application de la
loi 101 au cégep, ce que je comprends, c'est que vous y seriez favorable.
C'est une question d'environnement francophone, évidemment, là, étudier,
découvrir, je dirais, là, passer... ce passage important, là, en français, mais
est-ce que ça a trait aussi au programme, c'est-à-dire la formation générale,
les cours de français, de littérature, de philosophie et tout ça? Est-ce que c'est
non seulement l'environnement francophone, mais également ce qu'on y apprend?
En fait, parce qu'on parle souvent, l'environnement francophone dans les
corridors, mais la matière aussi, est-ce qu'elle est importante, celle qu'on
enseigne en français pour créer cet esprit linguistique culturel?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ah! <bien oui...
M. Arseneau : ...
les
cours de français, de littérature, de philosophie et tout ça? Est-ce que c'est
non seulement l'environnement francophone, mais également ce qu'on y apprend?
En fait, parce qu'on parle souvent, l'environnement francophone dans les
corridors, mais la matière aussi, est-ce qu'elle est importante, celle qu'on
enseigne en français pour créer cet esprit linguistique culturel?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ah! >bien oui, la réponse à ça, M. le député des Îles-de-la-Madeleine,
c'est bien ça?
M. Arseneau : Oui.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
M. le député, la réponse à ça, c'est assez simple. Oui, effectivement, par les
cours de philosophie, par les cours de littérature, notamment, on apprend
spécifiquement et on baigne spécifiquement, dans une période intense de notre
vie, dans la culture québécoise, et ça a un impact, je pense, ensuite sur notre
manière d'approcher le marché du travail directement. Donc, il pourrait y avoir
une forme de transférabilité, entre guillemets, là, entre le fait de passer
dans un cégep francophone et l'impact que ça aura sur notre manière de vivre
dans la société québécoise par après, entre autres à cause des cours de
philosophie et de littérature, encore plus évidemment que des cours d'anglais
ou des cours d'éducation physique.
M. Arseneau : D'accord. Et,
quand vous parliez tout à l'heure du fait que, si le gouvernement décidait de
ne pas aller jusque là... on doit de toute façon faire une réflexion. Vous
parlez de... même dans votre mémoire, je pense, éventuellement de faire...
déposer un livre blanc. En fait, ça, c'est tant pour le cégep que pour
l'université?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Oui. Jusqu'à maintenant... Puis j'étais content que Mme David le souligne
tantôt. Jusqu'à maintenant, on pense simplement faire le calque de la
loi 101 pour l'amener jusqu'au cégep, c'est ce qu'on propose. C'est une
bonne chose, mais ça ne doit pas nous épargner un débat global sur
l'enseignement du français dans le cycle des études supérieures, qui sont
formées des études collégiales et des études universitaires.
Un étudiant ou une étudiante qui suit ses
études en médecine à l'Université de Sherbrooke n'apprendra pas du tout le même
bagage culturel. Et on est à l'université, là, M. le député des Îles-de-la-Madeleine,
on est à l'université, on est dans une formation de pointe universitaire. Il
n'apprendra pas du tout le même bagage culturel qu'un étudiant ou un résident
en médecine qui est formé à l'Université McGill. C'est deux mondes complètement
différents. Vous demanderez à des gens. Peut-être que le député... J'essaie d'y
penser, là, rappelez-moi-le déjà...
Une voix
: ...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
La Pinière, oui. Peut-être que M. le député de La Pinière aurait une
opinion bien-pensante là-dessus, je serais intéressé de l'entendre d'ailleurs.
Mais il y a une formation complètement différente, et donc il ne faut pas
exclure non plus la réflexion globale sur les études supérieures. Et donc, oui,
appliquer la loi 101, c'est un modèle, mais réfléchissons d'abord sur
l'enseignement du français. Parce que les problèmes qu'on vit en français au
collégial vont être les mêmes qui vont se répercuter ensuite au bac
universitaire ou dans les premiers cycles universitaires.
M. Arseneau : D'accord. Vous
avez parlé tout à l'heure du fait que le projet de loi était... en fait,
embrassait très large et que c'était positif à vos yeux, mais ce que je
comprends, c'est qu'il ne va pas assez loin. Ma question, très précisément,
est-ce que vous avez le sentiment que ce projet de loi là nous permettra
d'inverser la tendance au déclin, là, de l'usage de la langue française dans la
société québécoise?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, je pense que je l'ai dit d'entrée de jeu, que, malgré son caractère des
plus ambitieux, dans sa mouture actuelle, le projet de loi se doit d'être <amélioré...
M. Arseneau : ... Ma
question, très précisément, est-ce que vous avez le sentiment que ce
projet
de loi là nous permettra d'inverser la tendance au déclin, là, de l'usage de la
langue
française dans la
société québécoise?
M. Boucher (Etienne-Alexis)T :
Bien, je pense que je l'ai dit
d'entrée de jeu, que, malgré son
caractère des plus ambitieux, dans sa mouture actuelle, le
projet de loi
se doit d'être >amélioré pour se donner uniquement des chances de
réussir à inverser des tendances linguistiques très lourdes. Et ce projet de
loi en soi ne sera pas suffisant. On a parlé d'une loi sur la convergence
culturelle et on a parlé du caractère supralégislatif de la Charte de la langue
française. Pourquoi? Pour que l'ensemble des politiques et autres lois qui
seront adoptées par le gouvernement du Québec répondent ou, du moins, ne vont
pas à l'encontre des objectifs fixés par la Charte de la langue française.
Autrement dit, ça va prendre un effort tous azimuts, dont évidemment la Charte
de la langue française et le projet de loi n° 96 qui
vient la renforcer est une pièce maîtresse, mais qui ne peut être la seule pièce
qui permettra à cette nation ultraminoritaire que sont... qu'est la nation québécoise
de perdurer ou de se pérenniser.
M. Arseneau : Est-ce que j'ai
encore quelques...
La Présidente (Mme Guillemette) :
40 secondes.
M. Arseneau : 40 secondes. Rapidement,
sur les municipalités à statut bilingue, vous voudriez que, pour conserver ce
statut-là, on fasse appel aux électeurs de la municipalité, si je comprends
bien, là, par référendum?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Et d'ailleurs, vous me permettez de répondre en partie à la question de
Mme David que je n'ai pas eu le temps de faire, c'est une de nos
distinctions. Oui, on veut la majorité qualifiée. Mais, en même temps, pour
avoir été conseiller municipal aussi, tu es très proche de ton monde,
contrairement souvent, par exemple, lorsqu'on siège à l'Assemblée nationale ou
à la Chambre des communes, on les croise moins fréquemment. Et on pense
qu'étant donné l'extrême proximité entre les élus et les citoyens, bien, des fois,
on peut prendre des décisions qui... disons, pour acheter la paix. On pense
important que les citoyens puissent avoir droit de regard sur la décision que
prendront les élus quant au statut bilingue.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui, messieurs. Donc, la
commission suspend ses travaux quelques instants le temps d'accueillir nos
nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
15 h 30 (version révisée)
(Reprise à 15 h 38)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bienvenue. La commission reprend ses travaux. Merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, nous avons avec nous présentement la
Fédération des communautés francophones et acadiennes, donc avec
Mme Liane Roy, présidente, et M. Alain Dupuis, directeur
général. Donc, merci d'être ici. Vous aurez 10 minutes pour votre
présentation, et il y aura par la suite un échange avec les membres de la
commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Mme Roy (Liane) : Merci. Mme
la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, je tiens à vous
remercier d'avoir invité la FCFA à comparaître aujourd'hui. C'est la première
fois depuis longtemps que la fédération a l'occasion de s'exprimer devant une commission
de l'Assemblée nationale du Québec, et nous sommes très heureux de le faire. Je
commence par vous transmettre les salutations solidaires des Acadiens et des
Acadiennes, des francophones de l'Ontario et du Manitoba, des Fransaskois et
Fransaskoises, des francophones de la Colombie-Britannique, du Yukon, des
Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et de Terre-Neuve et du Labrador. C'est
un peu pour ça que nous sommes ici, par solidarité pour l'affirmation et la
protection du français et dans une volonté de rapprochement réciproque avec le <Québec.
...
Mme Roy (Liane) : ...de la
Colombie-Britannique,
du Yukon, des
Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et de Terre-Neuve et
du Labrador. C'est un peu pour ça que nous sommes ici, par solidarité pour
l'affirmation et la protection du français et dans une volonté de rapprochement
réciproque avec le >Québec.
À cet égard, vous n'êtes pas sans savoir
qu'en juin dernier le gouvernement du Québec et la FCFA ont tenu conjointement
le Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes. Cet événement en
mode virtuel était l'aboutissement de trois années de travail pour justement
fonder de nouvelles relations, renforcer les liens qui existent et en créer
d'autres. Cette volonté de rapprochement trouve son expression également dans
le projet de loi n° 96, et nous nous en réjouissons.
• (15 h 40) •
À notre connaissance, c'est la première
fois qu'un projet de loi aussi majeur sur la langue française au Québec
mentionne dès le préambule les liens avec les communautés francophones et
acadiennes. Merci. Ce préambule exprime aussi une volonté de jouer un rôle de
leadership en francophonie. Ce rôle, nous encourageons le Québec à l'assumer de
manière rassembleuse en consultation avec nos communautés, et surtout à toutes
les tables fédérales, provinciales, territoriales auxquelles il siège. Qu'il
s'agisse du Conseil de la fédération, du Conseil des ministres en Éducation du
Canada ou de la conférence des ministres de la francophonie canadienne, le
Québec peut faire une réelle différence lorsqu'il s'exprime non seulement comme
gouvernement, mais aussi au nom des intérêts des francophonies canadiennes. Le
Québec peut aussi faire une différence tangible par son engagement à
identifier, à même la politique linguistique de l'État, les occasions dont un
organisme de l'administration québécoise peut se saisir pour faire rayonner le
français et tendre la main auprès des communautés francophones et acadiennes.
À date, les collaborations et partenariats
entre le gouvernement du Québec et nos collectivités ont principalement
transité par le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Engager d'autres
ministères et agences dans une relation renouvelée avec les francophonies des
autres provinces et territoires peut avoir un effet levier très important, à la
condition qu'ils intègrent dès leur départ à leurs politiques et programmes
futurs des mesures précises reflétant l'intention de rapprochement manifestée
par le gouvernement.
Le projet de loi n° 96
ouvre aussi la porte à l'élimination des droits de scolarité supplémentaires
pour ceux et celles qui étudient dans un établissement collégial ou universitaire
québécois, à condition que le programme ne soit pas offert en français dans
leur province ou territoire d'origine. Prenons ce <geste pour...
Mme Roy (Liane) : ...à
l'élimination des droits de scolarité supplémentaires pour ceux et celles qui
étudient dans un
établissement collégial ou
universitaire
québécois,
à condition que le
programme ne soit pas offert en
français dans
leur province ou territoire d'origine. Prenons ce >geste pour ce qu'il
est, une manifestation fort appréciée de solidarité avec la jeunesse francophone,
pour qui souvent les possibilités en matière d'études postsecondaires en
français sont limitées.
Il faut concilier ici deux impératifs :
d'une part, ne pas limiter indûment les choix des jeunes francophones, mais
plutôt encourager leur détermination à poursuivre leurs études en français
jusqu'à l'obtention de leur diplôme; d'autre part, nous sommes naturellement
sensibles à l'impact que pourrait avoir cette mesure sur les institutions
postsecondaires francophones de nos provinces et territoires déjà aux prises
avec des difficultés sérieuses. Vous n'êtes d'ailleurs pas sans savoir que,
devant l'urgence d'agir, des états généraux sur le postsecondaire en contexte
francophone minoritaire ont débuté le 22 septembre dernier et se
dérouleront jusqu'au mois de mars 2022. La FCFA recommande que le libellé
de l'article 29.6 du projet de loi spécifie que cette mesure se fait en
consultation avec les organismes représentant la jeunesse francophone en milieu
minoritaire ainsi que les institutions postsecondaires de nos collectivités.
Elle recommande aussi qu'une évaluation périodique d'impact soit intégrée à
cette mesure.
Passons maintenant aux impacts politiques
et juridiques potentiels du projet de loi n° 96. Il est du devoir de la
FCFA de s'adresser à ces impacts, et elle le fait de manière factuelle et
constructive. Pour la FCFA, que le Québec forme une nation et que le français
en soit la langue officielle, cela est un fait bien établi et cela va de soi.
D'autre part, il est clair que l'Assemblée nationale dispose des pouvoirs pour
enchâsser ces caractéristiques dans la Loi constitutionnelle de 1867. Cela dit,
si le Québec choisissait, pour atteindre ce même résultat, d'entamer un
dialogue élargi avec le gouvernement fédéral, cela pourrait renforcer l'esprit
collaboratif au sein de la fédération en matière de langue, notamment avec les
autres provinces et territoires. Soyons clairs, l'enchâssement constitutionnel
de ces deux caractéristiques fondamentales du Québec est un objectif plus que
légitime. La FCFA suggère simplement une façon d'y arriver qui pourrait être
bénéfique pour la protection du français au Québec et sur l'ensemble du
territoire.
Notre mémoire inclut également quelques
commentaires sur l'usage de clauses <dérogatoires. Il ne...
Mme Roy (Liane) : ...plus
que légitime. La FCFA suggère simplement une façon d'y arriver qui pourrait
être bénéfique pour la protection du
français au
Québec et sur
l'ensemble du territoire.
Notre mémoire inclut également
quelques
commentaires sur l'usage de clauses >dérogatoires. Il ne s'agit
pas ici d'un jugement sur les dispositions à cet égard dans le projet de loi
n° 96 spécifiquement, mais notre rôle comme organisme de la société civile
nous impose de rappeler qu'un mécanisme conçu à l'origine pour des cas
exceptionnels est utilisé de plus en plus fréquemment par des gouvernements
provinciaux et territoriaux. Il y a un potentiel d'affaiblissement des régimes
des droits de la personne auquel il faut porter attention.
Enfin, notre mémoire s'adresse également
au potentiel que le projet de loi n° 96, par les pouvoirs qu'il confère au
ministre de la Langue française et au commissaire de la langue française,
produise d'autres situations où le Québec et nos communautés se retrouvent en opposition
devant les tribunaux, notamment en ce qui a trait aux droits linguistiques
scolaires. La FCFA reconnaît le droit du Québec de prendre les mesures qui
s'imposent pour protéger le français sur son territoire, y compris lorsque cela
signifie des interventions en justice. Mais, au nom du rapprochement et de la
solidarité, il serait utile, voire important de prévoir des mécanismes de communication
entre le Procureur général du Québec, la FCFA et ses communautés lorsque l'État
québécois prévoit intervenir dans une cause pouvant avoir un impact sur les
droits linguistiques des communautés francophones et acadiennes.
Mme la Présidente, M. le ministre, membres
de la commission, au fil du temps, il est arrivé trop souvent que les
communautés francophones et acadiennes soient perçues comme n'appuyant pas les
gestes d'affirmation du Québec. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que la
FCFA soutient entièrement l'intention du projet de loi n° 96
de renforcer et protéger le français, langue officielle et commune du Québec.
Nous connaissons trop bien la fragilité de notre langue, nous savons trop bien
à quel point il faut toujours demeurer vigilants. Autant les crises
linguistiques qui ont secoué nos communautés en 2018 ont créé une vague de
solidarité au Québec, autant le recul du français dans l'espace public à
Montréal interpelle nos communautés. Des différends politiques ou juridiques
peuvent surgir entre nous, c'est normal. Mais ne laissons pas ces différends
freiner notre volonté d'affirmation de la langue française sur l'ensemble du
territoire canadien. Le projet de loi n° 96, tout comme le Sommet sur le
rapprochement des francophonies canadiennes, campe des <principes...
Mme Roy (Liane) : ...c'est
normal. Mais ne laissons pas ces différends freiner notre volonté d'affirmation
de la
langue française sur
l'ensemble du
territoire
canadien.
Le
projet de loi
n° 96, tout comme le
Sommet sur le rapprochement des
francophonies canadiennes, campe des >principes
forts à notre action commune et à notre solidarité, au premier chef que
l'avenir du français repose sur nos efforts.
Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Roy, M. Dupuis, bonjour. Merci de participer aux travaux
de la commission parlementaire, on est très heureux de votre présence.
D'entrée de jeu, je dois vous dire que ce
que j'ai voulu illustrer dans le projet de loi n° 96,
c'est le nécessaire devoir de solidarité des Québécois et des Québécoises
envers les francophones hors Québec et envers les Acadiens. Je crois que le
Québec, à l'intérieur de la francophonie canadienne, doit jouer son rôle et
doit être solidaire des différentes communautés, et le Québec va le faire et
veut le faire, également. Ma collègue la ministre responsable de la
Francophonie canadienne, vous l'avez dit, a organisé un sommet, tout ça, et on
est en action justement pour faire en sorte de valoriser et de promouvoir le
français. Mais, surtout, dans les différentes communautés au Canada, c'est fort
important, et, vous l'avez bien dit, au fil de l'histoire, parfois il y a eu un
manque de solidarité, quoique le Québec, historiquement, a fait siens les
combats également des communautés, et on parle... dans l'histoire, on peut
penser d'Honoré Mercier, d'Henri Bourassa, de plusieurs personnages. Alors, je
suis heureux que l'on retrouve avec le projet de loi n° 96
cet esprit.
Je souhaite aborder avec vous la question
de la modification constitutionnelle à l'article 159 du projet de loi. Vous
dites que vous êtes en accord que le Québec affirme que les Québécoises et les
Québécois forment une nation et que la langue officielle du Québec, c'est le
français, mais vous nous dites : Écoutez, quoique ça soit légitime
d'utiliser l'article 45, et légal, on préférerait que vous utilisiez l'article
43, pour avoir une négociation bilatérale avec le fédéral, et ce — et
vous me corrigerez, là, j'essaie d'illustrer les propos — par crainte
des réactions des autres États fédérés, des autres provinces au Canada. Est-ce
que je me trompe?
• (15 h 50) •
Mme Roy (Liane) : M. le
ministre, non, vous ne vous trompez pas. Effectivement, c'est un peu notre
crainte, comme vous l'avez dit. On a trop vu dans le passé, quand on utilise un
petit peu plus de force, disons, que ça peut éclabousser un peu partout. Mais,
pour le cas de la Constitution, pour nous c'est important de le faire en
pensant aux autres régions et aux autres provinces et territoires.
Donc, je vais <laisser à...
Mme Roy (Liane) : …que ça
peut éclabousser un peu partout. Mais, pour le cas de la Constitution, pour
nous c'est
important de le faire en pensant aux autres régions et aux
autres provinces et
territoires.
Donc, je vais >laisser à
M. Dupuis, notre directeur général, de vous donner plus de détails sur
cette réponse-là.
M. Dupuis (Alain) : Oui. Bien,
je pense, pour nous, ce qu'on suggérerait, c'est… Évidemment, on reconnaît le
droit de l'Assemblée nationale de modifier sa partie de la Constitution. Ça, ce
n'est même pas en jeu, puis vous avez le droit de le faire. Tout simplement, on
proposait qu'il y a peut-être une autre façon aussi de le faire, en dialogue
avec le gouvernement fédéral, simplement parce qu'on croit que quand il est question
du français, pour nous, c'est important aussi que la discussion soit élargie et
qu'on aille chercher d'autres partenaires, et c'est sûr qu'il y a eu ces
moments-là où parfois l'affirmation du français au Québec était… on a vécu
certains ressacs dans l'histoire par rapport à des provinces qui voulaient ou
qui ont affirmé davantage l'anglais. Est-ce qu'on dit que ça va arriver cette
fois-ci? Probablement pas. Mais c'est sûr que le dialogue, et cet exercice
d'expliquer et de rappeler l'importance de la francophonie, et pourquoi c'est important
de protéger cette langue-là qui est menacée, et voici les dispositions... Je ne
pense pas que c'est compris nécessairement partout au Canada anglais, le
pourquoi la langue française est fragile et pourquoi c'est important de faire
des gestes d'affirmation et de protection qui vont plus loin que ce qu'on a en
ce moment.
Alors, je pense, c'est dans cette idée-là
d'un dialogue accru, pas pour demander la permission à qui que ce soit, mais
simplement pour qu'on voie ça comme un partenariat avec l'ensemble de la
fédération canadienne, cette idée de renforcer le français au Québec et partout
au pays
M. Jolin-Barrette :
Savez-vous ce qui est dramatique? C'est que c'est comme si on marchait sur des
oeufs. Parce que je comprends très, très bien votre position, dans laquelle
vous êtes. Vous, vous dites : On est en faveur de la protection du
français au Québec, on le sait, à quel point c'est important, et surtout ça
peut avoir un effet également sur l'ensemble de la francophonie canadienne.
Mais, d'un autre côté, il ne faut pas y aller trop fort, parce qu'on pourrait
choquer certaines autres personnes dans la fédération canadienne.
En gros — puis ça, c'est mon
propos, et je le dis — moi, ça me choque, ça me choque profondément,
parce que ce qu'on perçoit, c'est que, si le Québec veut protéger la langue
française au Canada, si le Québec veut protéger la langue française au Québec,
on est sous la menace de représailles envers les communautés francophones dans
le reste du Canada, et ça, c'est complètement inacceptable. Et d'ailleurs le
rôle du gouvernement fédéral, ça devrait être de protéger les minorités
francophones, les Acadiens partout, et moi, je vous le dis, le fait qu'au fil
des années ça n'a pas été fait et que les ressources n'aient pas été données
par le gouvernement fédéral aux différentes communautés, ce n'est pas
acceptable, et surtout il faut que ça soit analysé également par les tribunaux <avec…
M. Jolin-Barrette :
...les Acadiens partout, et moi, je vous le dis, le fait qu'au fil des années
ça n'a pas été fait et que les ressources n'aient pas été données par le
gouvernement
fédéral aux différentes
communautés, ce n'est pas acceptable, et
surtout
il faut que ça soit
analysé également par les tribunaux >avec
un oeil... avec des effets qui ne sont pas uniformes entre le Québec et le
reste du Canada. Ce n'est pas la même chose, les communautés francophones hors
du Québec et la communauté anglophone au Québec. Ça, c'est fondamental de le
dire et de le répéter. Mais on ne peut pas appliquer le même régime dans le
reste du Canada aux communautés francophones ou acadiennes que celui qu'il y a
à la minorité anglophone au Québec, ça doit être vu d'une façon distincte,
asymétrique, et on doit arrêter d'être gêné de le dire que ça doit être fait
ainsi. Le français est en péril au Canada, dans la francophonie canadienne. Et,
lorsqu'on voit des événements qui sont survenus comme à Calgary, où, pour les
élections, on parle... on traduit ça dans 10 langues différentes et que la
langue officielle... une des deux langues officielles du Canada n'est pas
indiquée, moi, comme Québécois, mais comme francophone du Canada, je suis
solidaire avec les Franco-Albertains qui ne peuvent pas avoir l'information
dans leur langue et qu'on leur dit comme réponse : Bien, les francophones
comprennent l'anglais.
Alors, au fil de l'histoire du Canada, il
y a eu beaucoup, beaucoup d'atteintes envers les droits des francophones. Ça
doit cesser, et on est de tout coeur et solidaires avec vous sur ces différents
éléments-là.
Je voudrais vous poser une question, parce
que je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser également une
question : Relativement, là, aux dispositions qu'on a mises dans le projet
de loi sur les études supérieures, est-ce que vous envisagez ça positivement?
Mme Roy (Liane) : Oui, M.
le ministre, on... c'est bien reçu, et on l'envisage positivement, et c'est
pour cette raison qu'on a fait quelques petites suggestions dans notre mémoire,
justement pour nous assurer qu'on évalue l'impact de façon périodique afin
d'être capables de l'ajuster au besoin, justement pour nous assurer que nos
institutions ne sont pas pénalisées et... dans nos régions.
Ce qu'on aimerait également et ce qu'on a
mis dans le mémoire, c'est que vous... qu'il y aurait des applications qui
seraient faites pour être capable de consulter nos différentes associations
jeunesse, où il y a des institutions postsecondaires dans leurs provinces et territoires,
ou bien pour voir aussi comment ils veulent se prévaloir de cette nouveauté.
Donc, pour nous, c'est vraiment important
aussi de considérer les dispositions pour la reconnaissance des titres et des
diplômes. Comme vous le savez, il y a... nos systèmes, à l'extérieur du Québec
et au Québec, sont un peu différents. Donc, il y a des dispositions comme celles-là
qu'on aimerait voir, celles-là de la <reconnaissance des...
Mme Roy (Liane) : ...c'est
vraiment important aussi de considérer les dispositions pour la
reconnaissance
des titres et des diplômes. Comme vous le savez, il y a... nos systèmes, à
l'extérieur du Québec et au Québec, sont un peu différents. Donc, il y a des
dispositions comme celles-là qu'on aimerait voir, celles-là de la >reconnaissance
des titres et des diplômes au Canada et au Québec, la mobilité bidirectionnelle
aussi, c'est... Bien entendu, pour les jeunes, ça va leur donner toutes sortes
d'autres possibilités que d'être capables d'aller étudier en français au
Québec, mais ça serait intéressant aussi qu'il y aurait une mobilité dans
l'autre direction également, de faciliter cette mobilité-là et aussi de voir
comment on est capable de continuer à développer des programmes conjoints entre
les institutions au Québec et nos institutions dans nos régions. Ça fait... Comme
ça, ça fait un beau mélange de programmes et d'offres pour la jeunesse
francophone dans nos communautés.
Donc, pour nous, c'est bien reçu, mais c'est
juste... Comme on dit, on veut quand même suivre ça et de s'assurer qu'il y ait
un suivi assez régulier pour évaluer l'impact de manière périodique.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie...
Mme Roy (Liane) : Mais on est
contents.
M. Jolin-Barrette : Merci. Je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la
parole à mes collègues. Un grand merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre.
Mme Roy (Liane) : Merci, M. le
ministre.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais la parole au député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Combien de temps,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sept minutes.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Je pense que le député de Chapleau, cette fois-ci, je vais
faire attention au chronomètre puis je vais lui faire du temps.
Bonjour, Mme Roy. M. Dupuis,
bonjour. Je suis tellement content que le ministre ait eu le temps de vous dire
ce qu'il vous a dit, et de vous parler de ce ressac appréhendé, et d'entendre
ce qu'il vous a dit par rapport à la position que nous défendons, et je vais
rajouter la mienne, en bon Fransasquois que j'ai été, en bon Franco-Manitobain
que j'ai été, en bon Franco-Albertain que j'ai été, donc des quelque 20 ans que
j'ai passés dans le reste du Canada, comme on l'appelle, où j'ai constaté un
certain nombre de choses qui convergent dans ce que vous écrivez dans votre
mémoire plusieurs années plus tard, entre autres ce ressac-là. Je ne veux pas
faire toute l'histoire là-dessus, là, mais vous écrivez dans votre mémoire :
«Quand la loi 101 est arrivée, ça n'a pas été facile, mettons, on l'a eu
difficile dans le reste du Canada, les francophones. Mais c'était vrai aussi
pour d'autres périodes, les époques référendaires n'ont pas été faciles non
plus.»
Là, dans ce cas-ci, êtes-vous encore aussi
vulnérables que vous l'étiez il y 43 ans par rapport à ce ressac-là? Parce
que ce n'est pas les gouvernements qui vont vous faire subir les contrecoups de
ce qui va se passer au Québec, c'est les Canadiens, le peuple, pas
nécessairement la machine gouvernementale chez vous ou ailleurs, là.
Mme Roy (Liane) : Veux-tu
essayer de répondre, Alain, à cette belle question?
• (16 heures) •
M. Dupuis (Alain) : Oui,
certainement. Je pense que oui, nos communautés ont évolué depuis 43 ans, et
c'est sûr que je ne pense pas que la crainte du ressac, elle est énorme. Mais
c'est important que... Je pense que, comme francophones, puis, je pense, c'est
ça, notre souhait avec le Québec, c'est qu'il...
16 h (version révisée)
Mme Roy (Liane) : ...veux-tu
essayer de répondre, Alain, à cette belle question?
M. Dupuis (Alain) : Oui, certainement.
Je pense que oui, nos communautés ont évolué depuis 43 ans, et c'est sûr
que je ne pense pas que, la crainte du ressac, elle est énorme. Mais c'est important,<
que...> je pense que comme francophone, puis, je pense, c'est ça, notre
souhait avec le Québec, c'est qu'il faut dialoguer, il faut avoir une
discussion avec les Canadiens et leur expliquer la part sociale, économique,
culturelle, historique de la francophonie au pays, et encore trop souvent,
malheureusement, la francophonie chez nous est vue comme un accommodement
plutôt que quelque chose à célébrer. Puis je ne dis pas c'est partout pareil,
mais c'est une démarche d'explication et de dialogue. Ce n'est pas naturel pour
les Canadiens anglais de comprendre c'est quoi une minorité linguistique et
pourquoi c'est important le français s'ils ne le vivent pas, eux, au quotidien.
Donc, je pense que c'est dans cette
idée-là d'un dialogue, il ne faut pas que le Québec dise : On protège le
français chez nous, et ailleurs, bien, bonne chance aux communautés. Puis je ne
pense pas que c'est ce que vous dites, mais il faut ensemble faire la promotion
de cette langue-là et de rappeler pas juste son apport historique, mais tout ce
que ça amène pour l'avenir du Québec et du Canada en entier d'avoir cette
langue française, cette langue officielle là. Alors, c'est en ce sens-là qu'on
parle d'un dialogue avec le reste du pays.
Et, quand c'est fait en dialogue, et on va
chercher les autres provinces, et on leur dit en fait : L'éducation en
français, les services en français, ce n'est pas une dépense, ça a des impacts
socioculturels majeurs pour vos provinces et territoires, bien, c'est dans ce
temps-là qu'on change le discours qui est un discours peut-être historique qui
était plus polarisant, mais aujourd'hui on est rendu ailleurs. Mais ça ne veut
pas dire, parce qu'on est rendu ailleurs, le travail est fini, et on a besoin
du Québec pour faire valoir ces points-là, finalement, à nos concitoyens.
M. Lemieux : Message compris.
Et j'espère, en parlant du passé, que là où le nombre le justifie ne vous
revient pas dans la face aussi souvent qu'il y a 43 ans et que, quand on
fait le décompte, on ne compte pas surtout les gens qui sont en immersion. Bon.
Excusez, je l'avais sur le coeur.
Il y a une chose que le ministre a
abordée, et je veux vous entendre parce que vous n'avez pas eu beaucoup de
temps pour lui répondre là-dessus. Il n'y a aucune commune mesure — ces
mots sont parfaits, là — il n'y a aucune commune mesure, et c'est
dans l'asymétrie qu'il faut voir la minorité francophone du Canada et la
minorité anglophone du Québec. Une fois que j'ai dit ça, je ne veux surtout pas
aller dans la chicane. Au contraire, je suis fier de ce projet de loi là parce
qu'il n'est pas contre la minorité anglophone au Québec qui ne perd pas de
droit là-dedans, mais le débat, n'empêche, ravive certaines craintes. Mais, au
Canada français, on est encore dans un monde, même si ce n'est pas là où le
nombre justifie, dans un monde très difficile. Là, ça ne se ressemble pas, là.
Mme Roy (Liane) : Non, non,
non, tu sais, la fragilité du français au Québec et la fragilité du français
dans nos communautés, on ne part pas du même pied d'égalité ici, là. Nos
communautés aussi, il y a des situations qui sont très précaires. Les taux
d'assimilation sont encore rampants dans <plusieurs communautés. C'est...
Mme Roy (Liane) :
...fragilité du
français au
Québec et la fragilité du français
dans nos communautés, et on ne part pas du même pied d'égalité ici, là. Nos
communautés aussi, il y a des situations qui sont très précaires. Les taux
d'assimilation sont encore rampants >dans plusieurs communautés. C'est
sûr un peu, vous l'avez mentionné tout à l'heure, depuis 43 ans, il y a eu
beaucoup de changement, beaucoup d'évolution, beaucoup d'amélioration dans les
communautés, mais la vitalité dépend beaucoup... On vient de le vivre avec tout
ce qui s'est passé pendant la pandémie, dans certaines communautés, dès que les
gens n'ont pas pu se rassembler avec des points où ils peuvent parler français,
on s'est aperçu rapidement que cette vitalité-là peut disparaître assez
rapidement. Chez les jeunes entre autres de la petite enfance, ou chez les
jeunes à l'école, si on ne parle pas français pendant plusieurs jours,
plusieurs mois, comme on a vu <dans la... >avec la pandémie, ça
vient vraiment miner tous les efforts qui sont faits dans les régions, dans les
centres scolaires communautaires entre autres.
M. Lemieux : Merci
beaucoup, Mme Roy. Je vais céder la parole, et en espérant qu'il reste au
moins une minute et demie ou deux minutes, au député de Chapleau. Le temps de
vous dire que, si vous m'avez entendu parler du canari dans la mine tout à
l'heure, ne vous inquiétez pas, c'était loin d'être dérogatoire, c'était loin
d'être négatif. Au contraire, j'apprécie les canaris que vous êtes. Merci
beaucoup.
M. Roy (Liane) :Merci.
M. Dupuis (Alain) :
Merci. Et je tiens tout simplement à préciser, la Francophonie canadienne, dans
la dernière génération, s'est transformée. On parle de 28 commissions
scolaires, conseils scolaires francophones, 721 écoles, 22 collèges
et universités qui offrent des programmes et des cours en français, tu sais,
900 organismes communautaires à travers le pays. Alors, il faut aussi
avoir un... moi, je suis fier de cette Francophonie canadienne là, de sa
capacité à s'affirmer et d'institutionnaliser aussi cette vie en français au
quotidien, et ça, c'est important de le communiquer aux Québécois. On n'est pas
non plus juste des communautés qui s'assimilent, on est aussi de communautés
qui ont réussi à construire quelque chose dans la dernière génération et dans
les générations précédentes également. Alors, je pense qu'on arrive à un
nouveau point de collaboration avec le Québec où on se dit : Il faut
promouvoir cette langue-là ensemble et contrer ces possibles oppositions qui
pourraient survenir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je vais céder... Malheureusement, M. le député de Chapleau, c'est
tout le temps qu'on avait. Je cède la parole à Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Monsieur, madame, bonjour. Écoutez, je vais
continuer sur la fierté et l'admiration que nous avons, que j'ai et que nous
partageons, je pense, tous au Québec, de votre résilience, de vos convictions,
et on est très, très heureux de vous entendre aujourd'hui.
Je vais… vous avez… vous venez d'évoquer
le nombre de commissions scolaires, le nombre d'universités, enfin tout ce que
vous avez vraiment réussi, de peine et de misère des fois, hein, et avec de la
mobilisation, <à conserver...
Mme David : …conviction, et
on est très, très heureux de vous entendre aujourd'hui. Je vais… vous avez…
vous venez d'évoquer le nombre de commissions scolaires, le nombre d'universités,
enfin tout ce que vous avez vraiment réussi, de peine et de misère des fois,
hein, et avec de la mobilisation, >à conserver.
Alors, je vais revenir un petit peu sur
justement la question des programmes et de la mesure prévue, dans le projet, de
loi pour les études universitaires. Vous l'accueillez très positivement. Je
pense qu'il y a effectivement beaucoup de bénéfices, et d'accueil, et de
bienveillance, et de générosité dans cette mesure-là. Mais, et là il y a
évidemment le «mais», certaines universités, particulièrement, je pense, au Nouveau-Brunswick,
qui s'inquiètent beaucoup de l'attrait que pourrait comporter, justement, la
parité des droits de scolarité avec les Québécois, dont on sait qu'ils sont
vraiment très, très faibles par rapport au reste du Canada, et encore plus
faibles par rapport, évidemment, aux États-Unis, mais déjà au reste du Canada.
Alors, ils sont très inquiets et ils
proposent un amendement, particulièrement la Société d'Acadie du Nouveau-Brunswick,
de dire que ça ne serait pas seulement que le programme n'est pas disponible en
français dans la province, mais il n'est pas disponible en français ailleurs au
pays. Autrement dit, une université en Saskatchewan qui donne des programmes en
français, mais pas celui que l'étudiant veut suivre, et il se donne à l'UQAM, à
l'UQTR, mais il ne se donne pas dans la province d'origine, bien, ils n'auront
peut-être pas le réflexe UMoncton, le réflexe Université Laurentienne, etc., et
je pense que ça, c'est l'effet qui peut être un peu dangereux, de fragiliser
les autres universités francophones canadiennes.
Vous, vous proposez un suivi, vous
proposez… ce qui est très, très bien. Mais est-ce que vous pensez qu'on devrait
s'inquiéter de ça puis accueillir cette idée que le programme n'est pas
disponible ailleurs au pays plutôt qu'ailleurs dans la province?
Mme Roy (Liane) : Bien, je
pense qu'il faut être un peu préoccupés, il faut le suivre de près, c'est comme
on a dit. Mais nous, on ne s'oppose pas à toute offre de programmes en français
que ce soit au Québec ou que ce soit ailleurs. On veut donner le plus de choix,
le plus d'opportunités à notre jeunesse de nos communautés d'être capables d'aller
suivre les programmes où ils sont, dans la mesure du possible, et cette
offre-là vient rajouter à leurs possibilités, à leurs choix de carrière, à
leurs choix d'orientation. Et pour nous, c'est important de l'offrir en
français parce que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, madame, il y a
les Américains à côté, il y a beaucoup d'autres pays. Maintenant qu'on peut
étudier en ligne, ce n'est pas uniquement l'attrait du français qui peut jouer.
Mais pour nous, ce qui est important, c'est d'avoir le plus d'offres possible,
le plus de choix dans les programmes collégiaux ou universitaires. Mais on veut
quand même… comme on l'a mentionné, il faut le suivre de près <parce que
c'est certain qu'on…
Mme Roy (Liane) : …en ligne,
ce n'est pas uniquement l'attrait du français qui peut jouer. Mais pour nous,
ce qui est
important, c'est d'avoir le plus d'offres possible, le plus
de choix dans les
programmes collégiaux ou
universitaires. Mais
on veut
quand même… comme on l'a mentionné, il faut le suivre de près >parce
que c'est certain qu'on va revenir à la charge si jamais qu'on voit dans un an,
deux ans, trois ans que, justement, que ça vient nuire à nos institutions
postsecondaires, c'est certain qu'on va le mentionner, qu'on va le dire, qu'on
va interagir. Mais on aimerait quand même donner la chance au coureur et
d'offrir… d'avoir une plus grande offre de programmes pour la jeunesse.
• (16 h 10) •
Mme David : Et là où c'est peut-être
un peu… ça peut-être un peu délicat, c'est que la notion de programme, si l'Université
du Québec à Trois-Rivières offre un programme en développement durable,
baccalauréat, par exemple, et qu'on est à Saskatoon, et qu'il n'y a pas le programme
en développement durable, mais il y a le programme en environnement au
baccalauréat, alors, est-ce que la petite nuance dans l'appellation fait en
sorte qu'il pourrait avoir la parité des droits de scolarité au Québec? Alors,
un étudiant qui veut vraiment profiter d'avoir des frais de scolarité moins
élevés, évidemment, que peut-être des universités en dehors du Québec pourrait peut-être
trouver facilement le truc. Je vais dire ça comme ça. Mais je vais vous
souhaiter justement…
M. Dupuis (Alain) : Mais je
pense que cette mesure-là…
Mme David : Oui?
M. Dupuis (Alain) : …elle doit
être mise en oeuvre. Il faut qu'au ministère de l'Enseignement supérieur au Québec
il y ait un comité, pour gérer cette nouvelle mesure-là, qui sera composé de
jeunes de nos communautés et d'institutions postsecondaires parce que, justement,
vous mentionniez quels programmes on va identifier comme étant offerts ou pas
offerts, il va falloir qu'on se parle, il va falloir qu'on établisse cette
liste-là ensemble. Et si on peut prévoir ce mécanisme-là, ce comité-là avec
vous pour mettre en oeuvre cette mesure-là, je pense qu'on va éviter, là, de
possibles, tu sais, conséquences qui n'étaient pas prévues. Mais il faut se
parler.
Mme David : Bon, bien, c'est
une super idée que vous donnez. On la donnera a au ministre, et ça ira jusqu'au
ministère de l'Enseignement supérieur. Très, très bonne idée, je pense, qui pourrait
aplanir des difficultés. Je vais laisser la parole, Mme la Présidente, au député
de La Pinière.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à
vous.
M. Barrette : Pour combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
5 min 30 s.
M. Barrette : Merci. Alors,
Mme Roy, M. Dupuis, rebienvenue. Écoutez, <c'est un… >votre
mémoire est un mémoire très lucide parce que… et qu'il y a un crescendo dedans.
Vous voyez vraiment bien les enjeux, ça, ce n'est pas surprenant, mais aussi
les écueils possibles. Et votre mémoire, il passe d'un grand enthousiasme à
certaines craintes. J'ai même noté beaucoup de craintes, là, quand on arrive à
la portion politique. Et quant à la question de l'antipathie que le projet de
loi n° 96 pourrait générer hors Québec, moi, j'ai écrit qu'il pourrait
même y avoir de l'hostilité. Il y a un risque là qui m'apparaît indéniable.
Est-ce que vous être d'accord avec ça?
Mme Roy (Liane) : Oui. Oui, c'est...<
Oui, M. le député, c'est…
M. Barrette : …que le
projet
de loi n° 96 pourrait générer hors Québec, moi, j'ai écrit qu'il pourrait
même y avoir de l'hostilité. Il y a un risque là qui m'apparaît indéniable. Est-ce
que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Roy (Liane) : Oui. Oui,
c'est...> Oui, M. le député, c'est pour ça justement qu'on a fait
état de nos préoccupations et que l'on vous suggère certains éléments.
Pour nous, c'est très important que le
Québec joue son rôle aux tables nationales, provinciales, territoriales
justement pour valoriser, je ne vais pas répéter tout ce qu'on a dit depuis le
début, là, mais pour valoriser la place du français. Il y a des impacts très
positifs aux communautés francophones et acadiennes, et au français, et au
Québec, partout au Canada, partout en Amérique du Nord. Donc, c'est de nous
aider, autour de ces tables-là, à justement valoriser.
Et quand Alain, tout à l'heure, parlait
d'accommodement, mais c'est ça, le français, ce n'est pas un accommodement, là,
le français joue un rôle, le français, c'est important, comme vous le savez, et
il y a des impacts très positifs au niveau économique, au niveau culturel,
d'avoir le français présent partout. Donc, c'est un peu une des mesures qu'on
suggère, que vous nous aidez à continuellement rappeler ça. Vous le faites déjà,
mais il faut le faire encore plus autour des tables nationales.
M. Barrette : Sur le plan
politique, là, vous avez abordé le délicat sujet des clauses dérogatoires. Vous
l'avez abordé, puis vous l'avez abordé… on le sent dans la lecture de votre
mémoire, que là, il pourrait y avoir un problème. Est-ce que vous considérez,
là, compte tenu de votre position à l'extérieur du Québec, que, si
l'utilisation des clauses dérogatoires au Québec, telle que proposée dans 96,
était mieux balisée, que ça amenuiserait un peu un potentiel sentiment
d'antipathie ou d'hostilité législative dans les provinces hors Québec?
Mme Roy (Liane) : Je vais
laisser Alain répondre. Mais avant, je vais vous dire, les clauses
dérogatoires, pour nous, ce n'est pas juste dans ce cas, ici, dans le cas de la
loi n° 96, ou le projet de loi… de la loi n° 96. Notre préoccupation
est sur l'utilisation <beaucoup plus… >beaucoup plus qu'on a vu
dans les dernières années, qu'on utilise ça plus à bon escient qu'avant. C'est
qu'auparavant on utilisait très peu les clauses dérogatoires, et on a juste… C'est
la préoccupation qu'on a, parce qu'on ne veut pas que ça devienne la norme. Ça
fait que je vais laisser quand même Alain ajouter.
M. Dupuis (Alain) : Oui. Puis
évidemment, nous, on est un... on fait partie de cette grande communauté
francophone, mais la charte... la Charte des droits et libertés, pour nos
communautés, a été très importante à l'extérieur du Québec pour faire valoir
nos droits, et on estime que l'utilisation de clauses dérogatoires par trop de
gouvernements à trop de moments pourrait miner <pas juste les droits
linguistiques…
M. Dupuis (Alain) : …des
droits et libertés, pour nos communautés, a été très importante à l'extérieur
du
Québec pour faire valoir nos droits et on estime que dans une… que
l'utilisation de clauses dérogatoires par trop de
gouvernements à trop
de moments pourrait miner >pas juste les droits linguistiques, mais les
droits de l'ensemble des minorités, mais ça pour nous c'est important de le
rappeler en général.
M. Barrette : Et pour vous,
là, est-ce qu'on pourrait aller aussi loin que de dire : Trop de moments,
trop de gouvernements et trop étendue? Parce qu'on aura ce débat-là, ici au Québec,
là, dans les prochains mois, est-ce que ce qui est prévu dans 96 devrait être
mieux balisé alors que, là, c'est du mur-à-mur?
Mme Roy (Liane) : Alain?
M. Dupuis (Alain) : Je ne
pense pas qu'on souhaite intervenir davantage sur ce cas-là spécifique. Nous,
notre commentaire était vraiment en général.
M. Barrette : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une minute
M. Barrette : J'ai… mon
collègue de D'Arcy-McGee voudrait…
M. Birnbaum : Écoutez,
bonjour, madame, monsieur. C'est difficile de s'exprimer dans une minute.
Moi, dans mes vies antérieures au sein de
la communauté d'expression anglaise au Québec j'ai eu la fierté de participer
dans la cause qui reste la pierre angulaire des droits minoritaires
linguistiques, de batailler pour la survie de l'hôpital Montfort. Je ne
vous cache même pas ma déception et ma surprise que vous faites abstraction
totale, pas partielle, mais de la minorité linguistique au Québec qui exprime
de façon presque quasi unanime son inquiétude, insécurité face à ce projet de
loi n° 96. Est-ce que vous avez le moindre mot à dire là-dessus, sur le
concept d'ayant droit qui est dans la loi, qui porte un intérêt pour vous, pour
le réseau scolaire et de services et pour la communauté québécoise d'expression
anglaise qui est en quelque part votre parallèle avec toutes les différences
auxquelles on va en convenir?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Je suis désolée, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je
cède la parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Roy, M. Dupuis, merci beaucoup pour votre
présentation. Vous avez amené des éléments très, très intéressants. Vraiment,
je suis contente qu'on vous entende aujourd'hui.
Par rapport au ressac dans le reste du
Canada, vous parlez que le fait de faire cette modification dans la
Constitution de 1867, ça peut miner l'esprit coopératif, créer un sentiment
d'antipathie envers la francophonie, créer des obstacles, etc. Mais vous avez
vu comme nous tous que même Justin Trudeau a accueilli de façon
relativement favorable cet ajout-là. Est-ce que ça ne réduit pas vos craintes
de ressac?
Mme Roy (Liane) : Bien, les
craintes sont là, mais je pense qu'il y a des moyens, comme on l'a dit tout à
l'heure, il y a des moyens de ne pas vivre un ressac partout. Je pense, que si
on le regarde du point de vue de, comme on a dit tout à l'heure, de
rapprochement, du point de vue du travail qui peut être fait <au niveau
des commissions nationales et des…
Mme Roy (Liane) : …je pense
qu'il y a des moyens, comme on l'a dit tout à l'heure, il y a des moyens de ne
pas vivre un ressac partout. Je pense que si on le regarde du point de vue de,
comme on a dit tout à l'heure, de rapprochement, du point de vue du travail qui
peut être fait >au niveau des commissions nationales et des tables
nationales territoriales et provinciales, je pense qu'il faut regarder aux
avantages, justement, de la langue française, et… Mais quand on parle de,
justement, soit de la constitution ou des clauses dérogatoires, là, c'est beaucoup
plus politique et juridique, et il peut y avoir différents effets, comme vous
le dites. Je pense que… mais, à moins… Alain, veux-tu continuer sur celui-là,
ou… On en a déjà un peu parlé, là.
Mme Ghazal : Mais… Oui, c'est
ça, vous en avez parlé, mais je voulais juste amener ça, que ce n'est pas si
fermé.
Par rapport à la… vous parlez beaucoup de
la mobilité étudiante, vous parlez que c'est important qu'il y ait une
réciprocité, que ça se passe dans les deux sens, j'aimerais savoir… puis là,
vous amenez des propositions. Comment ça se passe, actuellement, la dynamique
entre les universités du Québec et universités francophones ailleurs au Canada?
Il y a quand même des échanges, il y a quand même quelque chose, ou il n'y a
absolument rien en ce moment. Ça fait que je voulais vous entendre là-dessus.
Mme Roy (Liane) :
<Il y
a... >Oui, il y a des échanges, au niveau des chercheurs. Il y a des
organisations qui travaillent avec les universités du Québec et les universités
canadiennes. Il y a aussi des regroupements au niveau collégial qui travaillent
entre les cégeps du Québec et les collèges communautaires ou les collèges
ailleurs au Canada. Il y a beaucoup de partage, il y a beaucoup d'échanges qui
se font, il y a moins... Par exemple, par rapport aux étudiants, comme tels, et
les étudiantes, il n'y a pas beaucoup de mobilité, présentement, qui vont dans
les deux sens. Il y a des programmes, il y a des partages de programmes. Déjà,
il y a des ententes avec le ministère de l'Enseignement supérieur qui, pour les
programmes, disons, de… au niveau de la médecine et des choses comme ça, qui…
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
• (16 h 20) •
Mme Ghazal : Très bien. Bien,
merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je cède la parole maintenant au député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci, Mme Roy, M. Dupuis, pour votre présentation. Vous
reconnaissez que le Québec peut et doit exercer un leadership en matière de
langue française, et ce, pour l'ensemble de la fédération canadienne, en
concertation et tout ça. Et quand vous abordez la question du ressac de la
façon de faire du gouvernement pour modifier de façon unilatérale la loi
constitutionnelle, en fait, la question qui me vient : Est-ce que le
ressac, ce n'est pas simplement que le Québec souhaite affirmer, une bonne fois
pour toutes, la prédominance de la langue française ici? Quand on regarde des
exemples, là, on en a nommé tout à l'heure, là, ce qui se passe à Calgary
lorsqu'on veut solliciter les gens pour les élections municipales et puis que
le français disparaît, je ne ferai pas référence, là, nécessairement, là, au
dernier débat en anglais dans la course fédérale, mais le simple fait de
vouloir affirmer le français au Québec semble créer un ressac au Canada
anglais. <Comment espérer que par un mode…
M. Arseneau : ...solliciter
les gens pour les
élections municipales, et puis que le français
disparaît. Je ne ferai pas référence, là, nécessairement, là, au dernier débat
en anglais dans la course fédérale, mais le simple fait de vouloir affirmer le
français au Québec semble créer un ressac au Canada anglais. >Comment
espérer que, par un mode collaboratif, qu'on sorte, là, de cette espèce de
dynamique où le français, là, ne semble pas être considéré comme une langue à
l'égal de l'anglais au Canada de plus en plus?
Mme Roy (Liane) : Alain?
M. Dupuis (Alain) : Bien, je
pense que c'est justement en entrant en dialogue qu'on va faire comprendre
pourquoi c'est important. Oui, c'est... nous, on le sait, c'est un travail
continu, c'est un travail de longue haleine, mais il ne faut surtout pas
arrêter d'expliquer et de faire valoir cette langue-là et ses impacts positifs.
Je pense qu'on le voit, là, il y a de plus en plus d'enfants, de jeunes... de
parents anglophones au Canada qui envoient leurs enfants à l'école d'immersion.
Il y a un désir d'apprendre le français, il y a une valeur.
Mais c'est-à-dire qu'on n'a pas fini le
travail de sensibilisation et il faut continuer. Il faut s'assurer qu'on ait
plus d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec. Il faut s'assurer que
ce soit vraiment accessible à tout le monde, à l'extérieur du Québec,
d'apprendre le français, si on le souhaite. Il faut expliquer l'apport
économique et le potentiel économique non exploité si on faisait plus de place
à cette langue-là dans l'espace public.
Alors, nous, on est dans cette démarche-là
de façon continue avec les anglophones au Canada et on invite le Québec à
entreprendre cette démarche-là avec nous parce que ça nous donnerait un poids
encore plus grand pour faire valoir notre langue et ses bienfaits.
M. Arseneau : J'admire votre
combat, votre optimisme, votre résilience, mais il y a quand même des signaux
qui sont inquiétants qui viennent du Nouveau-Brunswick, viennent de l'Ontario,
et c'est là où les communautés francophones sont les plus imposantes au Canada,
à l'extérieur du Québec. Mais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député, c'est tout le temps que nous avions.
M. Arseneau : Ah!
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, merci beaucoup, Mme Roy, M. Dupuis, d'avoir été avec nous, et merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, la commission suspend ses travaux
quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
<
>
(Reprise à 16 h 27)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant la communauté
mohawk de Kanesatake et le chef Jeremy Tomlinson, ainsi que Mme Linda Nicholas,
directrice culturelle.
Donc, étant donné que nous avons eu
quelques problèmes techniques, nous vous entendrons pendant votre exposé de
10 minutes, mais malheureusement on ne pourra pas avoir de période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède sans plus
tarder la parole.
M. Tomlinson (Jeremy Teiawenniserahte) :
Merci.< (S'exprime dans une langue autochtone)...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...nous vous entendrons pendant votre exposé de 10 minutes, mais
malheureusement
on ne pourra pas avoir de
période d'échange avec les membres de la
commission.
Donc, je vous cède sans plus tarder la parole.
M. Tomlinson (Jeremy
Teiawenniserahte) : Merci.
>(S'exprime dans une langue
autochtone).
Alors, mon nom, c'est Teiawenniserahte
Jeremy Tomlinson. Je suis un chef ici, à Kanesatake. Je suis accompagné de ma collègue,
la directrice du centre culturel, Mme Hilda Nicholas.
Puis notre présentation va être en trois
parties aujourd'hui. Mme Nicholas va vous adresser la parole dans sa langue
maternelle, le kanien'kéha. Puis ensuite j'ai une présentation à faire, courte un
petit peu, en anglais et je vais procéder en français pour votre convénience.
Mme Nicholas (Hilda) : (S'exprime
une langue autochtone).
• (16 h 30) •
M. Tomlinson (Jeremy Teiawenniserahte) :
Alors, qu'est-ce que Mme Nicholas ici vous a adressé dans notre langue, le
kanien'kéha, c'est sa langue maternelle, qui est la langue qui est parlée par
nos aînés ici à Kanesatake puis par certains de nos adultes et de nos jeunes, puis
on met beaucoup d'efforts à essayer de revitaliser notre langage ici à
Kanesatake. Puis j'avais invité Hilda aujourd'hui pour vous adresser parce
qu'elle fait partie d'une poignée de...
16 h 30 (version révisée)
M. Tomlinson (Jeremy
Teiawenniserahte) : ...de nos adultes et de nos jeunes. Puis on met beaucoup
d'efforts à essayer de revitaliser notre langage, ici, à Kanesatake.
Puis j'avais invité Hilda aujourd'hui pour
vous adresser parce qu'elle fait partie d'une poignée de gens dans notre communauté
qui travaillent très fort depuis des décennies à essayer de revitaliser notre
langue puis s'assurer de la survie de notre langue, ici, à Kanesatake, puis
dans aussi dans nos communautés soeurs de Kahnawake, Akwesasne et Tyendinaga.
Alors, c'est une... C'est un combat qu'ils
livrent, comme j'ai dit, depuis des décennies, comme un peu, vous, le Québec,
vous livrez afin de protéger la langue française. Ça fait que, d'un côté, nous,
on admire les efforts que vous mettez à protéger la langue française au Québec.
Puis on va prendre l'opportunité aussi aujourd'hui de discuter dans cette
avenue-là pour voir si on peut arriver à une entente de collaboration qui va
souligner l'honneur de la couronne autant de la couronne anglophone, de la
couronne francophone, ici, au Québec, de reconnaître que, nous, les peuples
autochtones, à l'arrivée des Européens, on était déjà ici. On existait avec nos
lois, notre culture, nos moeurs, notre langue.
Puis l'honneur de la couronne démontrait
que, nous, on pouvait exister et les Européens venus pouvaient exister aussi
dans un... dans une... dans un esprit de collaboration et de respect mutuel. Au
fil des années, ça n'a pas été le cas pour nous. On a été marginalisés, on a
été oppressés. Comme Hilda l'a expliqué, ça fait des centaines d'années, maintenant,
que notre langue est sous pression, des pressions très, très, très difficiles.
On le voit maintenant avec les pensionnats, avec les enfants qu'on trouve, les
cadavres. C'était beaucoup dans les efforts d'effacer notre culture puis
d'effacer notre langue.
Maintenant, nous, on travaille très, très
fort à la ramener. Puis le problème avec le projet de loi n° 96, c'est que
ça va amener beaucoup plus de pression sur nos communautés, sur nos peuples à
pouvoir préserver nos langues. Puis ce n'est pas qu'on veut interférer dans les
matières du Québec. En fait, comme j'ai dit, on applaudit le Québec avec les
efforts qu'ils font pour protéger leur culture et leur langue, mais c'est
déplorable de le faire en mettant de la pression additionnelle sur nos communautés
et nos peuples.
Alors, on demande plutôt que, dans votre projet
de loi, serait inclus une section, un texte qui laisserait l'ouverture à la collaboration,
à la discussion avec les peuples autochtones afin d'assurer que nous ne serons
pas négativement impactés par vos actions pour protéger votre langue et votre
culture, mais plutôt de laisser ouverte... On peut travailler en collaboration
que vous pouvez atteindre vos buts et que, nous aussi, on pourrait <continuer...
M. Tomlinson (Jeremy
Teiawenniserahte) : ... la discussion avec les peuples autochtones
afin d'assurer que nous ne serons pas négativement impactés par vos actions
pour protéger votre langue et votre culture, mais plutôt de laisser ouverte...
On peut travailler en
collaboration que vous pouvez atteindre vos buts
et que, nous aussi, on pourrait >continuer à faire notre cheminement
afin de revitaliser notre culture et nos langues.
On ne veut pas se mêler de vos affaires politiques.
Nous, le point reste le même, nous étions ici depuis tant... bien avant
l'arrivée des Européens. On peut coexister ensemble, alors c'est important de
reconnaître que si vous faites des efforts, en autant que ça ne vient pas
empiéter et nous causer des problèmes, je crois qu'on peut vraiment arriver à
une entente de cette façon-là. Il y a beaucoup d'autres lois québécoises qui
incorporent dans leurs textes des clauses afin de respecter et d'ouvrir le
dialogue avec les peuples autochtones afin de voir que nos lois et notre
existence sont respectées aussi sur nos terres maternelles.
Maintenant, je vais prendre quelques
minutes pour aussi lire un texte qui a été préparé par la coalition des
communautés autochtones anglophones du Québec qui vient un peu illustrer qu'est-ce
que je viens juste de discuter avec vous en français. Le texte
est en anglais et il va de suit : «The Coalition of English-speaking First
Nations in Québec was
established in 2012 by English-speaking First Nations of Québec. It is made up of 11 First Nations
communities, including Akwesasne, Kebaowek First Nation, Gesgapegiag,
Kanesatake, Kahnawake, Kawawachikamach Kitigan Zibi,
Restigouche, Long Point First Nations Winneway, Timiskaming and Algonquins of
Barriere Lake. Two Indigenous organizations also
participate in the Coalition, mainly the Native Women's Shelter of Montréal and
the Friendship Center of Maniwaki.
The Coalition was
specifically created to address the challenges confronting English-speaking
First Nations in Québec with respect to improving access to health and social
services in English. Over the years, the coalition has expressed these concerns
to the Minister of Health and Social services and the MSSS's Aboriginal affairs
unit and other branches of the Government of Québec, including to the Viens
commission. Ensuring access to health and social services for English-speaking
First Nations has been an ongoing, longstanding concern which is being raised
once again in the context of the current consultations.
To contribute to a
comprehensive response to the specific needs of English-speaking First Nations,
the Coalition's brief makes a few key recommendations. The Coalition's objective
is to collaborate with the Government of Québec, so that the well being of
First Nations is protected. First, the Coalition recommends that the prevision
be included in the French charter to expressively grant the Government of
Québec the power to enter into an agreement in respect to any matter to which
the French charter applies. This is the most efficient solution to address the
specific needs of each <English…
M. Tomlinson (Jeremy
Teiawenniserahte) :
…
First Nations is protected. First, the Coalition recommends that
the prevision be included in the French charter to expressively grant the
Government of Québec the power to enter into an agreement in respect to any
matter to which the French charter applies. This is the most efficient solution
to address the specific needs of each >English-speaking
First Nations.
Second, the coalition
recommends that section 97 of the French charter be further amended to allow
for language requirement exceptions for all professionals who work exclusively
on reserves, settlements, or category 1 lands, whether they reside on or off
reserve. This will make it easier for First Nations to hire professionals to
meet their needs.
Third, as a consequence
amend to the professionals' exemption, the coalition recommends… include in the
French charter a provision specifying that all technical heath and safety
documentation sent to institutions and professionals on reserves, settlement or
category 1 lands must be accompanied by an English translation. Such
documentation is essential to the safety and well-being of First Nations
individuals, and as such it is essential that either content be easily
accessible and understood.
Additional proposed amendments
to the text of Bill 96 are also raised in the brief that was sent to the
commission. The three recommendations mentioned above are those of the greater
importance. They aim to build partnerships between English-speaking First
Nations and Québec's
institutions and insure that wholly adapted health and social services are
available to our people.»
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, chef Tomlinson et Mme
Nicholas. C'est tout le temps que nous avions, malheureusement, dû aux
problèmes techniques. Merci encore de votre contribution aux travaux de la commission.
Et, en terminant, je dépose les mémoires
des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus. Donc, c'est plus de
52 mémoires qui ont été déposés.
Et la commission, ayant accompli son
mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 38)