Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Le
mardi 23 novembre 2021
-
Vol. 46 N° 1
Étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
Aller directement au contenu du Journal des débats
15 h (version non révisée)
(Quinze heures vingt-neuf minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la
langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) par M. Provençal
(Beauce-Nord); Mme St-Pierre (Acadie) par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette) par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
• (15 h 30) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Donc, avant de débuter, je vais déposer les mémoires
qui ont été reçus depuis la fin des consultations particulières, qui sont les
mémoires de la Fédération des centres de services scolaires du Québec, de M. Charles
Castonguay, du Bureau d'assurance du Canada, le Syndicat canadien de la
fonction publique au Québec, la Société de formation à distance des centres de
services scolaires et des commissions scolaires du Québec et l'Association
professionnelle des notaires du Québec, ainsi qu'une correspondance, suite à
une demande de la juge en chef Manon Savard, qui nous a été adressée le
1er novembre dernier. Je vais vous lire l'extrait du courriel, donc c'est
adressé à la secrétaire de la commission, Mme Cameron : «À la suite
de la rencontre des juges en chef avec le ministère de la Justice, qui s'est
tenue vendredi dernier, la juge en chef Manon Savard me prie de m'assurer...
15 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Thériault) :
…suite à une demande de la juge en chef Manon Savard qui nous a été adressée le
1er novembre dernier. Je vais vous lire l'extrait du courriel, donc c'est
adressé à la secrétaire de la commission, Mme Cameron : «À la suite
de la rencontre des juges en chef avec le ministre de la Justice qui s'est
tenue vendredi dernier, la juge en chef Manon Savard me prie de m'assurer
qu'elle pourra compter sur vous afin que la correspondance des juges en chef
jointe à son envoi du 1er octobre dernier sera déposée lors de l'étude
article par article du projet de loi n° 96. Je vous remercie et vous prie
d'agréer, Mme Cameron, l'expression de mes sentiments distingués.»
Donc, la correspondance signée de la juge
en chef sera déposée, pour que les gens puissent en prendre connaissance. Parce
qu'en temps normal, la correspondance est dans un onglet Correspondance, ce ne
sont que les députés ainsi que leurs attachés qui y ont accès, donc ça
deviendra public, comme un mémoire.
Donc, je cède maintenant la parole au
ministre responsable de la Langue française pour ses remarques préliminaires.
M. le ministre, vous disposez de 20 minutes.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme la Présidente, aujourd'hui, nous amorçons une étape importante du
processus législatif entourant le projet de loi n° 96 sur la langue
officielle et commune du Québec.
Plus tôt, cet automne, nous avons tenu
d'importantes consultations particulières. C'est en effet plus de
50 intervenants, un nombre record pour la présente législature, qui sont
venus partager leurs commentaires relativement à cette importante réforme de la
Charte de la langue française que nous nous apprêtons à étudier en détail. Nous
les remercions toutes et tous d'avoir contribué à enrichir le débat
parlementaire. Ces consultations étaient l'occasion de discuter de l'état du
français dans les différentes sphères de la société québécoise. Elles ont mis
une fois de plus en lumière les reculs inquiétants qu'accuse la langue
française au Québec.
Force est d'admettre que notre langue
commune connaît une perte de vitesse alarmante, et ce, tout particulièrement
dans la grande région de Montréal. Nous sommes en quelque sorte arrivés à un
point de rupture : si nous n'agissons pas maintenant, si nous n'adoptons
pas le projet de loi n° 96, ce déclin ne pourra que s'accentuer.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs reconnu
à plus d'une fois au cours des derniers mois la nécessité d'intervenir et
d'assurer la pérennité de la langue française au Québec. En tant qu'élus de la
nation québécoise, nous avons le devoir de poser des gestes forts pour inverser
la tendance du déclin du français, nous le reconnaissons tous ici, je crois,
mais cela ne signifie pas que nous n'aurons pas de bonnes discussions pour
autant, j'en suis convaincu. Quoi qu'il en soit, j'ai bien entendu les premiers
commentaires, et je vais demeurer à l'écoute avec écoute, patience et
ouverture, comme me l'invite à faire la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Je l'ai dit et je le répète, nous sommes
ouverts à toute proposition qui permettra de protéger et de valoriser notre
langue française et qui contribuera à renforcer son statut au Québec, nous
avons la conviction que ce n'est pas le fait d'une seule mesure phare.
La question linguistique est transversale,
elle nous concerne toutes et tous, et ce, de multiples façons : comme
individu, comme citoyen, comme étudiant, comme nouvel arrivant et comme société
d'accueil, comme employé ou comme employeur, comme…
M. Jolin-Barrette : …Nous
avons la conviction que ce n'est pas le fait d'une seule mesure phare, la question
linguistique est transversale. Elle nous concerne toutes et tous, et ce, de
multiples façons comme individu, comme citoyen, comme étudiant, comme nouvel
arrivant et comme société d'accueil, comme employé ou comme employeur, comme
commerçant, comme grand patron et comme nation.
C'est ce qui explique qu'au moyen de ces
quelques 200 articles, le projet de loi n° 96 ratisse large, très
large. Il touche à toutes les sphères de la société, que ce soit
l'administration, les commerces, le marché du travail, les institutions
d'enseignement postsecondaires, la justice et plusieurs autres. C'est ainsi que
cette réforme d'envergure donnera l'impulsion pour freiner le déclin du
français et pourra susciter l'élan d'une relance linguistique au Québec.
Nous ne sommes pas les premiers à débattre
du sort de la langue française sur ce territoire et nous ne serons probablement
pas les derniers à le faire. Notre histoire nationale est profondément
imprégnée par ces discussions, parfois intenses et déterminantes, sur l'avenir
de notre langue nationale. C'est d'ailleurs sous la toile Le débat sur les
langues, du peintre Charles Huot, que les parlementaires québécois
débattent depuis plus d'un siècle. Cet oeuvre gigantesque, qui surplombe le
salon bleu — juste à côté, dans la salle qui est juste à
côté — nous rappelle avec éloquence que si nous pouvons encore
aujourd'hui nous exprimer en français, dans les murs de ce Parlement, dans
notre Assemblée nationale, c'est d'abord parce qu'en 1792, des élus ont osé
s'affirmer et défendre leur langue avec conviction. C'est aussi parce qu'en
1977, Camille Laurin et ses compagnons de l'époque ont eu le courage
d'agir.
Ce courage, le gouvernement du Québec l'a
eu en proposant, au mois de mai dernier, la plus importante réforme de la
Charte de la langue française depuis 1977. Nous leur devons d'agir, à notre
tour, avec fierté et d'assurer l'avenir de cette langue afin que les
générations qui nous succèdent puissent, elles aussi, contribuer en français à
l'avancement de ce Québec que nous aimons. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Donc, sans plus tarder, nous allons avec la porte-parole
de l'opposition officielle, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Vos
remarques préliminaires, vous avez un total de 20 minutes à votre
disposition.
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, les accompagnateurs compétents — experts
devrait-on dire — en avant, en arrière, MM. les collègues, mon collègue…
mes collègues de l'opposition, bienvenue. Bienvenue à cette extraordinairement
importante conversation, échange, discussion que nous allons avoir, historique,
effectivement, qui n'a probablement pas eu lieu, effectivement, depuis 1977.
En 1977, était élu, depuis quelques mois,
un gouvernement souverainiste, un gouvernement du Parti québécois, qui a décidé
de poursuivre ce que Robert Bourassa avait commencé en 1974, c'est-à-dire
de proclamer le français langue officielle du Québec, et a présenté donc la
loi 22. Et, après, en 1977, le…
Mme David : ...un gouvernement
du Parti québécois qui a décidé de poursuivre ce que Robert Bourassa avait
commencé en 1974, c'est-à-dire de proclamer le français langue officielle du Québec,
et a présenté donc la loi 22. Et, après, en 1977, le premier ministre de
l'époque, René Lévesque, a dit à son ministre : Occupe-toi de redresser un
peu la situation. C'est à peu près la commande qu'il a eue. Je ne sais pas si
le ministre actuel a eu le même genre de recommandation ou de commande, mais
c'est ce qui est arrivé à l'époque.
Et le ministre s'est adjoint, donc, des
grands sociologues Fernand Dumont et Guy Rocher, ce n'était pas rien comme
accompagnateurs. Et ils se sont mis au travail. Et, en avril 1977, ils ont
produit un rapport, un rapport qui s'appelait un livre blanc sur la politique...
ça s'appelait La politique québécoise de la langue française,
60 pages, en 1977, quatre mois avant le dépôt du projet de loi.
Je l'ai dit en adoption de principe, je le
redis, c'est très dommage qu'avec les experts dont s'est entouré le ministre
cette fois-ci aussi, je dirais, il n'y a pas eu ce genre de document qui, je
pense, aurait satisfait tout le monde, y compris les députés au gouvernement,
députés de l'opposition, la population, parce que c'est avant tout pour la
population, citoyens, citoyennes du Québec que nous faisons... procédons à cet
exercice, que le ministre, je pense, a déposé le projet de loi. Nous aurions
tous bénéficié de ce qu'on appelle ça un document d'orientation, un livre
blanc. Ça aurait montré les grandes orientations ministérielles, les grandes
orientations gouvernementales que le ministre voulait, donc, avoir et, à partir
de là, développer ce vaste projet de loi qu'il a développé.
Ça aurait permis de comprendre beaucoup de
choses : les données sur la langue française, où on en est avec la langue
française, les enjeux, les enjeux même constitutionnels, les enjeux liés au
travail, aux entreprises, enfin, bon, de l'éducation, tout ce qui a été traité
dans le livre blanc de 77.
Je l'ai lu, ce livre blanc. Le ministre
l'a probablement lu aussi. J'ai relu récemment les deux chapitres consacrés à
la biographie de Camille Laurin sur justement... Et je vous enjoins d'aller
lire ça, c'est assez intéressant, ça donne une idée de ce à quoi nous nous
exposons tous volontairement, c'est-à-dire des discussions extrêmement
importantes où les enjeux, ma foi, en 77 et les enjeux maintenant, il y a
beaucoup de choses qui se ressemblent parce qu'il reste qu'il y a toujours deux
peuples fondateurs au Canada et qu'il y a la communauté anglophone, la
communauté francophone...
Mme David : …nous nous exposons
tous volontairement, c'est-à-dire des discussions extrêmement importantes où
les enjeux, ma foi, en 77 et les enjeux maintenant, il y a beaucoup de choses
qui se ressemblent parce qu'il reste qu'il y a toujours deux peuples
fondateurs au Canada et qui a la communauté anglophone, la communauté
francophone, et qu'au Québec, c'est majoritairement francophone, il y a une Constitution
canadienne, nous sommes encore dans la Constitution canadienne. Tout ça était
présent, était très présent en 77, mais il y avait un esprit, à l'époque
d'aller, vers un référendum d'où, par exemple, la langue de la législation.
Camille Laurin l'a dit 20 ans après très clairement. C'est cité dans la
biographie : Écoutez, je le savais très bien que c'était
anticonstitutionnel, voyons donc, l'article 133, c'était évident, c'était dans
la constitution. On le met quand même parce que, de toute façon, nous serons un
pays indépendant. Référendum 1980, on connaît la suite. On ne la connaissait
pas nécessairement en 1977. Dans ce cas-ci, on se retrouve donc plusieurs
décennies après avec un projet de loi où il y a toujours deux peuples
fondateurs, il y a toujours une communauté anglophone inquiète, qui était
inquiète en 1977, qui les encore maintenant pour toutes sortes de raisons, dont
un certain nombre, mais pas que ça, qui sont… qui ressemblent un peu à celles
de 1977, mais je laisserai mon collègue probablement parler de ça, mais des
inquiétudes des communautés culturelles, des nouveaux arrivants, des chambres
de commerce. Enfin, vous y étiez là. On a entendu un certain nombre
d'inquiétudes des… les constitutionnalistes. Et ça, c'était nouveau, les
constitutionnalistes parce qu'il n'y avait pas la charte de 1982 à ce
moment-là. Souvenez-vous, on est en 77. Donc, ça, c'est un élément nouveau, le
fameux article 45. Il n'y avait pas les dispositions de dérogation, évidemment,
qui va être un autre enjeu extrêmement important.
• (15 h 40) •
En fait, le ministre nous convie à, tous
ensemble, monter un peu l'Everest, l'Everest d'enjeux constitutionnels
législatifs, sociaux, j'oserais dire psychologiques, multiculturels ou
interculturels, économiques, éducatifs. C'est à tout ça que le ministre nous
convie dans son excursion ou dans son expédition en montagne. Et on va finir
par se connaître, je pense. On a commencé avec les consultations particulières.
On va continuer à travailler dans ce chemin avec, je l'espère, «EPO», écoute,
patience et ouverture. On va appeler ça «l'EPO du ministre». Alors, écoute,
patience et ouverture.
M. Jolin-Barrette : …
Mme David : Ah! on pourrait
dire «PEO», patience, écoute et ouverture. Alors, on va dire patience, écoute
et ouverture pour ne pas qu'il n'y ait pas de confusion. M. le ministre, vous
voyez, mon amendement est modifié, puis je l'accepte avec grande humilité Donc,
patience, écoute et ouverture, mais pour tout le monde, parce que je pense que
nous sommes conviés à un très long exercice, pas un exercice de… qui peut se
régler… j'étais ici, même chaise, même ministre en face de moi, quelques
collègues qui étaient là aussi…
Mme David : …je l'accepte avec
grande humilité. Donc, patience, écoute et ouverture, mais pour tout le monde,
parce que je pense que nous sommes conviés à un très long exercice, pas à un
exercice de… qui peut se régler… j'étais ici, même chaise, même ministre en
face de moi, quelques collègues qui étaient là aussi, pour un autre projet de
loi, qui était le projet de loi n° 21. En deux semaines, c'était expédié,
et puis on avait un bâillon rapidement, le 16 juin 2019, je m'en souviens,
parce qu'on est arrivés… je suis arrivée à la maison un petit peu fatiguée, et
c'était la fin de la session. Alors, on avait eu ce bâillon. Et c'était
dommage, parce que, dans le fond, on s'est rendus à l'article 3, 4, 5,
quelque chose comme ça. Là, on en a 202, articles.
Alors, on a énormément, énormément de
travail qui nous attend, avec des enjeux extrêmement stimulants, on doit le
dire, extrêmement stimulants, avec des consultations très stimulantes que nous
avons eues. Mais oh! là, là, quelle responsabilité nous avons de dessiner les
contours, tous ensemble, c'est ça, la démocratie, tous ensemble, de ce que nous
voulons comme société francophone, québécoise, inclusive, fière d'être
québécoise, une nation francophone qui accueille et qui vit depuis toujours avec
les Premières Nations, qui vit depuis toujours avec les communautés
autochtones, qui vit depuis toujours avec nos… la communauté d'expression
anglaise, avec, depuis peut-être 1977, un peu plus présent qu'avant, plusieurs,
plusieurs communautés culturelles qui ont contribué de façon exceptionnelle à
l'avancement du Québec, qu'on pense, prenez un nom qui me vient, Yoshua Bengio,
c'est actuel, ça, c'est tout le développement de l'intelligence artificielle,
des données profondes, que je pense à Kim Thúy qui a été quelqu'un qui est venu
dans des conditions très difficiles et qui, finalement, est un apport
considérable pour la Québec, que je pense à Dany Laferrière, membre de
l'Académie française, un fier Québécois qui le dit qu'il est devenu inspiré et
inspirant pour nous tous en étant au Québec. Alors, j'étais à son intronisation
à l'Académie française, c'est difficile d'être plus fier que ça d'être
Québécois, et il est venu d'Haïti. Et on pourrait multiplier les exemples comme
ça de gens qui ont contribué, qui contribuent et qui contribueront à l'essor du
Québec de façon exceptionnelle, tous et toutes ensemble, tous et toutes
ensemble.
Et nous avons ici, jusqu'à maintenant… je
ne vois pourquoi nous ne pourrions pas continuer. Ce à quoi ce projet de loi
nous convie, c'est un exercice complexe, sensible où on veut protéger la langue
française, oui, et la protéger pas pour les années à venir, pour les décennies,
les siècles à venir. Donc, on a des décisions…
Mme David : …je ne vois pas
pourquoi nous ne pourrions pas continuer. Ce à quoi ce projet de loi nous
convie, c'est un exercice complexe, sensible, où on veut protéger la langue
française, oui, et la protéger pas pour les années à venir, pour les décennies,
les siècles à venir. Donc, on a des décisions importantes à prendre, on a des
décisions qui sont osées, qui ne vont peut-être pas faire l'unanimité pour
certains. Nous serons pour certains articles, nous serons contre certains
autres articles, mais une chose est certaine : nous allons travailler avec
énormément de rigueur. Ça prendra le temps que ça prendra — patience,
écoute et ouverture, Mme la Présidente — pour pouvoir aller au fond
de tous les sujets.
Alors, ça fait… et j'ai adoré ça, mais ça
fait six mois, là, depuis le mois de mai, plus que six mois, je pense, maintenant,
que je me suis plongée dans ce projet de loi là, et ça m'a fait revoir
tout : l'histoire du Canada, l'histoire du Québec, l'histoire de la langue
française, notre histoire constitutionnelle, toute la question du développement
des entreprises, la question du développement avec le rapport Parent, et tout,
de l'éducation au Québec, toute la question des services aux minorités
linguistiques. Il y en a tellement qu'en même temps tu te dis : Bon, bien,
c'est formidable.
Est arrivé de façon surprenante… c'est ce
qui a fait, d'ailleurs, couler probablement 98 % de l'encre coulée depuis
le 13 mai 2021 ou 14 mai, c'est essentiellement deux choses, que les
gens n'avaient pas vues venir, on doit le dire. Peut-être qu'on aurait pu voir
venir la deuxième parce qu'elle avait été massivement, disons, utilisée au projet
de loi n° 21, c'était la disposition mur à mur de dérogation. Et l'autre
chose, c'était l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982. Donc là, comme
dit le ministre, il a émoustillé beaucoup les constitutionnalistes. Alors, on
les a tous connus, on les a tous lus, de A à Z.
J'avais proposé au ministre, à l'étude des
crédits… puis je n'avais pas été si loin que ça de mes prédictions, j'avais ma
boule de cristal, qui s'appelle un livre publié par le conseiller du ministre.
On a le droit de le nommer, Mme la Présidente, ou on n'a pas le droit? Je ne
sais plus, dans les règles… M. Poirier, il mérite d'être nommé, Éric Poirier,
qui a écrit un livre sur…
M. Jolin-Barrette : Dr
Poirier.
Mme David : Alors, appelez-moi
Dre David. Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Certainement. Bien, je vais vous appeler la docteure de Marguerite-Bourgeoys,
parce que sinon je n'ai pas le droit.
Mme David : C'est vrai, vous
avez bien raison. Oui, avoir un doctorat, ça veut dire quelque chose. Et il en
manquait beaucoup, des maîtrises, des doctorats, à la faculté de droit. Les
doyens me disaient toujours, à l'époque, dans mon ancienne vie : Il faut
qu'on ait plus étudiants aux études supérieures. Alors, bravo, parce que
la profession attire beaucoup dans la pratique, et vous êtes très formés à la
pratique. Or là, vous avez décidé d'aller dans, justement, un sujet qui est les
politiques linguistiques, et tout ça. C'est fait de façon…
Mme David : …les doyens me
disaient toujours, à l'époque, dans mon ancienne vie : Il faut qu'on ait
plus d'étudiants aux études supérieures. Alors, bravo parce que la profession
attire beaucoup dans la pratique, et vous êtes très formé à la pratique, donc,
là, vous avez décidé d'aller dans, justement, un sujet qui est les politiques
linguistiques et tout ça. C'est fait de façon très rigoureuse, donc je ne suis
pas ici pour faire l'apologie du livre de Dr Poirier, mais je peux quand
même dire que ça a contribué à l'ensemble de mes lectures, à comprendre et à
voir venir un certain nombre de choses parce qu'il me… il parlait beaucoup de
constitution, justement, alors il y a… je ne suis pas sûre qu'il est content
que ça ne soit pas allé plus loin, mais au moins il y a un petit recours à la
constitution. Donc, il a vu ça ainsi que d'autres choses, mais il n'y a pas de
livre blanc, et ça, on est un peu déçu.
Alors, dans ces deux surprises, il y a effectivement
le recours à l'article 45. On en parlera, ça fait beaucoup, beaucoup, non
seulement jaser, mais il y a eu des motions à l'Assemblée nationale, aux
Communes, et il y a eu ce recours, dispositions de dérogation, qui, elles,
vraiment, je pense, sont celles qui inquiètent le plus, j'oserais… je ne pense
pas me tromper en disant ça, particulièrement dans son côté que j'appellerais
mur-à-mur, Mme la Présidente. Mur-à-mur, ça veut dire partout, tout le temps,
tous les articles. Et il y a beaucoup de monde, beaucoup de gens sérieux, le
Barreau, la Commission des droits de la personne, des constitutionnalistes qui
sont venus dire : Mais pourquoi? Pourquoi aller si loin? Pourquoi utiliser
ça? Et particulièrement dans les pouvoirs donnés aux inspecteurs de l'OQLF. Et
puis là c'est… moi, je m'incline devant le côté savant des juristes qui
disent : Mais ça n'a pas de bon sens, Mme la Présidente, qu'il n'y ait ni
mandat ni… et que tout ça soit sous une disposition de dérogation. Et en plus,
autre contradiction, alors j'annonce, évidemment, là, où on se posera bien des
questions, la Charte des droits et libertés de la personne qui se voit ajouter
un autre droit, et suivez-moi bien, un autre droit qui est le droit de vivre en
français. Jusque là on peut dire : Bon, droit de vivre en français, est-ce
que c'est un droit collectif? Charte des droits et libertés, c'est un droit
individuel — enfin, on en discutera — mais qui, lui-même,
paradoxalement, est soumis à la dérogation parce que la disposition de
dérogation est mur-à-mur. Donc, il y a une certaine incongruité, et je pense
qu'on pourra avoir des conversations et des discussions et des échanges forts
importants, forts sérieux. Et des gens de bonne volonté et de grande compétence
sont venus nous dire toutes sortes de choses.
• (15 h 50) •
Alors, nous parlerons évidemment des
collèges, nous parlerons des entreprises. Le ministre s'est montré déjà ouvert
à un amendement avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Nous en
aurons, évidemment, beaucoup plus que ça, puis ça c'était assez technique sur
les contrats, mais quand même bien important, les contrats à l'international et
tout ça, mais j'espère que le ministre sera aussi intéressé par plein d'autres
amendements parce que vous savez quoi, les fois où j'ai participé à des projets
de loi que ça soit d'un côté ou de l'autre, à quelque titre que ce soit,
j'étais toujours impressionné par les propositions des oppositions. Ça faisait
des très beaux…
Mme David : …contrats, mais quand
même bien importants, les contrats à l'international, et tout ça. Mais j'espère
que le ministre sera aussi intéressé par plein d'autres amendements, parce que
vous savez quoi? Les fois où j'ai participé à des projets de loi, que ce soit
d'un côté ou de l'autre, à quelque titre que ce soit, j'étais toujours
impressionnée par les propositions des oppositions. Ça faisait des très bons projets
de loi, finalement, d'être ouvert à ce que les oppositions suggéraient. Alors,
je remerciais les oppositions et je disais oui à beaucoup de choses. Alors,
j'espère que le ministre, qui a été dans l'opposition, qui en a sûrement
suggéré beaucoup, se rappellera du rôle qu'il avait, assis en face d'un ministre,
et qu'il dira : Oui, mais j'en avais, des bonnes idées, moi, quand j'étais
dans l'opposition. Alors, je nous souhaite tous d'être à la hauteur. Nous
sommes dans une salle, un salon qui est à la hauteur, je l'ai déjà dit au ministre,
à la hauteur de la solennité des réflexions que nous avons à faire et j'espère
que nous-mêmes, comme parlementaires, nous serons tous à la hauteur de la responsabilité
qui nous incombe, très grande responsabilité, Mme la Présidente, et je l'assume
entièrement, mon parti aussi, et j'espère que nous nous retrouverons dans un
avenir le plus lointain possible pour l'adoption de ce projet de loi, parce que
ça devrait prendre plusieurs mois, et non pas deux semaines avec un bâillon. Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, j'invite maintenant la porte-parole
du deuxième groupe d'opposition en matière de langue française et la députée de
Mercier à faire ses remarques préliminaires. Vous aussi, vous avez 20 minutes à
votre disposition.
Mme Ghazal : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Alors, bonjour, M. le ministre, bonjour, chers collègues les
députés, bonjour aussi à toute l'équipe qui a travaillé sur le projet de loi, à
nos équipes aussi, qui ont travaillé très, très fort.
Écoutez c'est un projet de loi qui est très,
très important, puisqu'il couvre énormément, énormément d'éléments et de
secteurs dans la société, on l'a vu, puisque les consultations particulières ont
été très, très populaires. En fait, il y avait peut-être juste les groupes
écologistes qui n'étaient pas venus. Vous savez, c'est un projet de loi… je dis
qu'il est important, est-ce qu'il va être historique? Ça, seulement l'histoire
nous le dira. C'est sûr que le projet de loi… la loi 101, dont on parle encore
aujourd'hui, la Charte de la langue française, qu'on modifie, qu'on modernise,
elle, elle a été historique, ça, c'est sûr et certain.
Et moi, je le dis, je le répète, je suis
très fière d'être dans cette commission, de travailler à la modernisation de la
Charte de la langue française, puisque je suis une enfant de la loi 101. Quand
je suis arrivée au Québec, il y a plus de 30 ans, la petite fille de 10 ans
n'aurait jamais pensé qu'elle ferait partie d'une commission parlementaire qui
modifierait une loi sur une langue qu'elle ne parlait pas et qu'elle ne
connaissait pas. Donc, c'est quelque chose, pour moi, qui est très important,
et je vais mettre toute l'énergie et tous les efforts pour travailler de façon
rigoureuse, diligente, avec écoute, patience et ouverture, moi aussi, de mon
côté, et j'espère que ce sera le cas aussi pour le ministre et tous les
collègues.
Ça aussi, c'est quelque chose…
Mme Ghazal : ...c'est quelque
chose pour moi qui est très important et je vais mettre toute l'énergie et tous
les efforts pour travailler de façon rigoureuse, diligente, avec écoute,
patience et ouverture, moi aussi, de mon côté. Et j'espère que ce sera le cas
aussi pour le ministre et tous les collègues.
Ça aussi, c'est quelque chose que j'ai
répété à plusieurs, plusieurs reprises. La langue française, son avenir sera
assuré par la langue du travail. Oui, bien sûr, elle est très importante dans
tous les pans de la société, premièrement à l'école, et c'est ce qui fait que
je me définis comme une enfant de la Loi 101 puisque je suis allée à
l'école primaire, secondaire en français, en commençant par une classe
d'accueil pour apprendre le français, mais pour apprendre aussi la culture
québécoise. Donc, c'est un socle, l'éducation, qui est extrêmement important
pour l'avenir de la langue française. Mais après, une fois qu'on sort de
l'école, plus tard, on passe la grande majorité de notre vie, comme le disait
Gérald Godin, ancien député de Mercier, on passe la grande majorité de notre
vie au travail. Et c'est très important que la langue du travail se passe en français.
Moi,
je viens du milieu privé. J'ai travaillé pendant une quinzaine d'années dans
des entreprises manufacturières privées. J'ai des gens en ce moment, aujourd'hui,
qui travaillent dans les milieux privés, des anciens collègues qui voient le
travail que je suis en train de faire sur la langue française et qui me
disent : C'est incroyable à quel point beaucoup, beaucoup de choses se
passent en anglais dans le milieu du travail. C'est aussi le cas dans les entreprises
où j'ai travaillé où, par exemple, le siège social était à l'extérieur du Québec.
Et ça peut être normal que certaines fonctions nécessitent qu'on parle en
anglais, mais il y a quand même une exagération qui est faite. Et on l'a vu
avec l'exemple incroyable qui a... dans le fond, c'est un symbole de cette situation-là
et du problème et de la protection du français dans le milieu du travail. Et ça
a été... bien, l'affaire qu'on appelle maintenant l'affaire Air Canada ou
l'affaire Rousseau, puisque le P.D.G. a fait un discours devant un parterre des
gens du milieu des affaires. Il a été applaudi à la fin et il l'a fait
entièrement en anglais. Et ce qui a été encore pire et qui a choqué les
Québécois, c'est ça, mais c'est encore plus les justifications qu'il a données.
Et vraiment, ce que M. Rousseau a dit publiquement, c'est ce que beaucoup
de gens, malheureusement, dans le monde des affaires, dans le milieu du
travail, pensent secrètement.
Quand on regarde ce qui se disait dans les
revues de presse à l'époque, juste avant l'adoption de la Loi 101, le
milieu des affaires était totalement contre cette loi en disant que ça allait
être une catastrophe économique. Et ils n'y allaient pas avec le dos de la
cuillère, si je peux m'exprimer ainsi, ils disaient que c'était une loi qui ne
devait pas voir le jour, et c'étaient des mots extrêmement, extrêmement durs.
Aujourd'hui, ça a un peu changé dans le
discours, et on l'a vu aussi pour les gens du monde...
Mme Ghazal : ...contre cette
loi en disant que ça allait être une catastrophe économique, et il n'y allait
pas avec le dos de la cuillère, si je peux m'exprimer ainsi, il disait que
c'était une loi qui ne devait pas voir le jour, et c'était des mots extrêmement,
extrêmement durs.
Aujourd'hui, ça a un peu changé dans le
discours, et on l'a vu aussi pour les gens du monde des affaires qui sont
venus, que ça soit la Chambre du commerce du Montréal métropolitain, le Conseil du patronat, etc. Ils disent qu'ils sont d'accord avec
le principe du projet de loi n° 96, personne ne la conteste, tout le monde
est d'accord avec le fait qu'il faut protéger la langue française. Donc, le
discours a changé depuis 40 ans.
Mais, dans les faits, quand il s'agit de
faire des efforts, eh bien, là on dit que c'est impossible, qu'on ne peut pas,
qu'il ne faut pas trop demander d'efforts aux entreprises parce que ce n'est
pas bon pour les affaires, ce n'est pas bon dans un contexte de mondialisation.
Et ça, comme je le disais, moi, ayant été
en entreprise, je n'ai pas eu une seule entrevue que j'ai passée sans qu'on me
demande si je parlais anglais. Des fois, c'était nécessaire, d'autre fois, ça
ne l'était pas. Donc, je sais qu'il y a des modifications dans la loi par
rapport à cet élément-là de demander des compétences en anglais. Il faut les
restreindre, il faut aller encore plus loin.
Et, moi, c'est sûr et certain, je ne m'en
suis jamais cachée, je vais déposer des amendements qui vont aller dans le sens
de renforcer encore plus la langue du travail, parce que, quand on voit, par
exemple, des personnes immigrantes qui sont déjà francophones et qui ne se
trouvent pas du travail parce qu'elles ne parlent pas l'anglais, c'est un
problème. Quel message on leur envoie?
Mais il y a aussi tous les autres qui,
comme moi, comme ma famille, on ne parlait pas le français en arrivant au
Québec, et il faut qu'on mette en place les efforts, ils existent, mais il faut
encore augmenter les efforts et faire confiance à notre système d'intégration
des personnes immigrantes et le renforcer encore plus en leur permettant
d'apprendre le français, d'apprendre la culture québécoise et de s'intégrer.
Donc, ça, ça va être quelque chose d'important.
Mais, pour le faire, il faut, de l'autre
côté, quand ces personnes-là veulent vraiment s'intégrer, elles veulent
apprendre le français, bien, quand elles vont aller dans le milieu du travail,
il ne faut pas qu'après ça elles sentent qu'elles ont perdu leur temps puis
qu'elles ont appris le français et que finalement il faut qu'elles apprennent
l'anglais, ou le monde du travail se passe uniquement en anglais, ou, par
exemple, dans les très petites entreprises où beaucoup d'immigrants
travaillent, bien, ça va se passer même dans leur langue maternelle que ce soit
l'espagnol, l'arabe, etc., parce qu'ils vont rester dans leur communauté.
• (16 heures) •
Donc, renforcer la Charte de la langue
française dans le milieu du travail, c'est fondamental, c'est ce qui va assurer
la survie du français au Québec, je ne mange pas mes mots, j'en suis absolument
convaincue. Et je suis certaine que l'avenir va aussi le prouver. Si, pour
mettre du pain sur la table de la famille, la salle à manger, ça prend la
connaissance du français, bien, vous pouvez être assurés que tout le monde va
l'apprendre et va s'intégrer. C'est ce que la grande...
16 h (version non révisée)
Mme Ghazal : ...et je suis
certaine que l'avenir va aussi le prouver. Si, pour mettre du pain sur la table
de la famille, la salle à manger, ça prend la connaissance du français, vous
pouvez être assuré que tout le monde va l'apprendre et va s'intégrer. C'est ce
que la grande majorité des immigrants demandent, mais à cause de cette
ambiguïté, ambivalence qu'on a dans le milieu du travail, du monde des
affaires, bien, c'est une menace à la protection et à la pérennité de la langue
française.
Donc, je vais avoir des amendements
là-dessus, c'est sûr et certain, notamment d'appliquer la Charte de la langue
française aux entreprises de 10 employés et plus. Et, non, ça ne mettra
pas à mal l'économie, j'en suis convaincue, puisqu'en 1977, c'était l'argument
principal du monde des affaires — je pourrais partager des articles
qui étaient écrits à l'époque, et aujourd'hui on trouverait que c'est
incroyable ce qui se disait — et on a vu que ce n'est pas du tout ce
qui est arrivé.
Je voudrais moi aussi renchérir, comme ma collègue
de Marguerite-Bourgeoys, sur le fait qu'il aurait été intéressant d'avoir aussi
un livre blanc. Moi, je l'ai lu à plusieurs reprises aussi pour me préparer au
travail que je vais faire pour le projet de loi n° 96. Il y a des choses
intéressantes aussi qui sont écrites dedans, notamment les principes que j'ai
repris, les principes du... les quatre principes de la loi 101 qui étaient
mis dans le livre blanc de Camille Laurin, à l'époque. Je les ai repris, et
moi-même j'ai déposé un livre orange pour nous rappeler ce document qui était
très, très important. Donc, ça aurait été intéressant que le gouvernement ait
un livre de n'importe quelle couleur, mais, dans le fond, l'important, c'est
qu'il définisse la vision du gouvernement par rapport à ce projet de loi là.
Je sais que le ministre va pouvoir
répéter, le dire et parler de l'intention du gouvernement de c'est quoi,
l'objectif. Pendant la commission, tout ça a été enregistré, mais ça aurait été
quand même intéressant d'avoir ce document. Ça aurait pu aussi rassurer
certaines communautés, par exemple les communautés anglophones. Moi, je l'ai
toujours dit, s'il y avait un élément ou un article dans le projet de loi qui
menaçait les droits historiques de la minorité anglophone, Québec solidaire, on
aurait été les premiers à nous insurger, mais ça aurait été bien dans le livre
blanc ou dans un livre qui énonce les intentions et la vision du gouvernement
par rapport à la langue française, que ça soit mentionné.
Il aurait pu aussi rassurer les personnes
issues de l'immigration ou les groupes qui les accompagnent dans leur
intégration ou dans la francisation sur les intentions du gouvernement. On a eu
des groupes qui ont émis certaines... certaines inquiétudes, notamment, par
rapport au délai de six mois où, après six mois, le gouvernement, partout, les
services de la santé et de l'éducation vont s'adresser à eux et à elles, aux
immigrants, uniquement en français. C'est sorti dans les médias. Il aurait pu
les rassurer, dire c'est quoi l'intention du gouvernement. Il aurait pu aussi
parler. Ça aurait été une belle occasion de parler aux Premières Nations et
Innus, aux autochtones...
Mme Ghazal : ...où, après six
mois, le gouvernement, partout, les services de la santé, de l'éducation, vont
s'adresser à eux et à elles, aux immigrants, uniquement en français. C'est
sorti dans les médias. Il aurait pu les rassurer, dire c'est quoi, l'intention
du gouvernement.
Il aurait pu aussi parler... Ça aurait été
une belle occasion de parler aux Premières Nations et innues, aux autochtones. Parce
qu'eux aussi, comme les Québécois, font face au défi de protéger leurs langues.
Certaines langues sont mortes, elles sont de moins en moins parlées par les
plus jeunes. Donc, s'il y a un peuple au monde qui peut comprendre les
inquiétudes des Premières Nations et des Innus par rapport à leurs langues
maternelles, à leurs langues, bien, c'est vraiment... c'est les Québécois.
J'aurais aimé aussi... Je sais qu'on ne
peut pas parler de l'absence d'un député lors d'un discours. Je ne vais pas le
faire. Ce n'est pas du tout ça, mon intention. Mais moi, je sais que j'ai
beaucoup lu et j'ai même fait référence à des discours qui ont été faits par M.
Camille Laurin, ministre, donc responsable de la Langue française, à l'époque
de l'adoption de la loi 101, et ça a été des discours historiques. Il y a même
eu une émission, une fois, à Télé-Québec, je pense, où on parlait... où on
analysait le discours de Camille Laurin. Il a fait plusieurs discours tout au
long de l'avancement du projet de loi.
J'aurais aimé... Et encore une fois, ce
n'est pas un reproche, du fait qu'il était absent. Je sais que le ministre est
très, très, très occupé, il a beaucoup de pièces législatives qu'il a sous sa
responsabilité. Mais j'aurais aimé l'entendre, lui, parler lors de l'adoption
du principe. Ça aurait été une belle occasion. J'espère que, lors des
prochaines étapes de l'avancement du projet de loi... qu'on va l'entendre. Et,
qui sait, peut-être un jour, dans 40 ans, d'autres parlementaires plus jeunes,
nos enfants, vont référer à ce discours. C'est rare qu'on réfère aux discours
des oppositions, malheureusement. On le fait un peu quand ça fait scandale ou
quand ça a été très gros. Mais on fait référence beaucoup au discours du
ministre qui était en poste à l'époque, et donc c'est aussi une occasion, pour
le ministre, de marquer peut-être l'histoire ou de faire en sorte que les gens
qui vont nous suivre puissent y référer.
Donc, c'est une invitation, un appel que
je lance au ministre. Moi, je serai présente à toutes les étapes et j'espère
que lui aussi, parce que ça nous renseigne, nous aussi, lors de notre étude du
projet de loi, sur certains éléments importants. Et je pense que c'est des
moments qui sont importants pour tous les parlementaires et aussi, comme je le
disais, pour les historiens du futur.
Je pense que je ne l'ai pas mentionné,
j'ai envie de le répéter, pour avoir à notre esprit la réflexion de Camille
Laurin et des gens qui l'ont entouré, notamment M. Guy Rocher. Dans le livre
blanc, il y avait quatre principes, et, comme je l'ai dit, je les ai répétés et
je les ai repris, parce que ces principes-là sont toujours d'actualité, donc,
dans le livre orange que j'avais déposé au printemps dernier. Le premier
principe, au Québec, la langue française n'est pas qu'un simple mode
d'expression, mais un milieu de vie, et ça, c'est...
Mme Ghazal : …j'ai quatre
principes et, comme je l'ai dit, je les ai répétés et je les ai repris, parce
que ces principes-là sont toujours d'actualité, donc dans le livre orange que
j'avais déposé au printemps dernier. Le premier principe, au Québec, la langue
française n'est pas qu'un simple mode d'expression, mais un milieu de vie, et
ça, c'est tout à fait vrai. On doit respecter, le deuxième principe, on doit
respecter les minorités, leur langue et leur culture. Donc, c'était une
invitation à l'ouverture pour tous les peuples et pour toutes les personnes qui
viennent se joindre au Québec.
Le troisième principe, il est important
d'apprendre d'autres langues que le français et, moi, j'ai envie d'ajouter et
que l'anglais, parce qu'à l'époque on apprenait peut-être moins souvent… les
jeunes étaient moins attirés par l'anglais, alors qu'aujourd'hui ce n'est plus
du tout le cas. Pourquoi ne pas apprendre d'autres langues? Gérald Godin avait
fait l'effort, quand il était député de Mercier, d'apprendre le grec, ce qui
n'est pas très, très facile. Il disait que je n'étais pas très bon, mais il a
quand même fait cet effort. Donc, ça aussi, c'est un principe intéressant de
dire : Bien, on s'ouvre à toutes les langues et pourquoi non plus des
langues autochtones.
Quatrième principe, le statut de langue
française au Québec est une question de justice sociale, et ça, ça revient à
toute la question de la langue du travail qui est si importante. Il ne faut pas
que la langue qu'on parle, que le fait de ne pas parler anglais crée des
inégalités économiques. Et les inégalités économiques, ça existe dans notre
société, on dirait qu'on en parle de moins en moins, on parle déjà d'identité,
de pays d'origine, d'ethnies, mais on oublie aussi que, des fois, quelqu'un qui
vient d'une famille pauvre à Rimouski ou dans le Bas-du-Fleuve, peut-être a des
choses à partager qui sont beaucoup plus proches avec quelqu'un, par exemple,
qui n'est pas né ici et qui est dans une famille de Parc-Extension. Peut-être
qu'il partage des choses beaucoup plus que deux personnes qui sont ici et que
leurs ancêtres sont ici depuis 400 ans, alors qu'il y en a un qui vient d'une
famille riche et aisée et l'autre d'une famille pauvre. Donc, je trouve que la
question de la justice sociale qu'on faisait référence dans le livre blanc de
la Charte de la langue française Camille Laurin, des inégalités économiques,
c'est un élément important et c'est par la langue du travail, en faisant en
sorte que ça se passe en français au travail, qu'on va pouvoir assurer cette
justice sociale.
Donc, Mme la Présidente, je répète, je
suis heureuse d'être ici. Je suis en mode écoute, patience, ouverture, etc., et
toutes les qualités possibles inimaginables et de collaboration, mais je veux
être ferme par rapport à la défense de la langue française en milieu de
travail. Il y a urgence en la demeure. On l'a vu avec les P.D.G. des grandes
entreprises qui sont totalement déconnectés de ce qui se passe au Québec. On
l'a vu, malheureusement, même avec la direction de l'Université McGill, Don, j'espère
que toutes ces personnes écoutent notre commission et prennent des bonnes notes
pour voir qu'est-ce qui se passe dans la société québécoise et sur cet enjeu
qui est extrêmement important pour notre avenir, pour l'avenir de tous les
enfants de la loi 101, de tous les enfants…
Mme Ghazal : …avec la direction
de l'Université McGill. Donc, j'espère que toutes ces personnes écoutent notre
commission, et prennent des bonnes notes pour voir qu'est-ce qu'il se passe
dans la société québécoise, et sur cet enjeu qui… extrêmement important pour
notre avenir, pour l'avenir de tous les enfants de la loi 101, de tous les
enfants québécois, peu importe leurs origines, peu importe leur statut social,
peu importe d'où ils viennent, et j'ai très, très hâte de commencer l'étude
article par article. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Mercier. Donc, j'invite maintenant le
porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière de langue française et
député de Matane-Matapédia à faire ses remarques préliminaires. La parole est à
vous.
• (16 h 10) •
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je veux saluer le ministre et mes
collègues et toutes ces personnes qui s'intéressent à cet enjeu et qui vont
nous écouter, soit en direct, soit en différé, sur cet enjeu important.
Aucune formation politique dans l'histoire
du Québec ne s'est autant intéressée à la langue française, que ça soit de ses
origines jusqu'à aujourd'hui. Le français, c'est à la base de l'engagement
politique des militants du Parti québécois : Camille Laurin était un
membre du Parti québécois, Gérald Godin était un membre du Parti québécois. Guy
Rocher a travaillé avec le Parti québécois à écrire la loi 101 et, encore
aujourd'hui, son message nous parle.
Le gouvernement a annoncé un projet de loi
costaud. Je ne partage pas sa conception de costaud. C'est un projet de loi à
dose homéopathique : il y en a beaucoup mais sur très grand. Ce n'est pas
un projet de loi courageux, c'est encore moins un projet de loi historique, ce
projet de loi n'est pas à la hauteur des défis qui sont les nôtres. Lors de la
commission parlementaire, de nombreux intervenants sont venus nous dire :
Ce projet de loi ne va pas permettre de renverser le déclin du français. Le ministre
le sait, mais le ministre est isolé, ne peut pas aller plus loin.
Camille Laurin, parce qu'on s'en réclame
souvent, est arrivé avec un projet de loi audacieux, courageux, non consensuel
mais nécessaire. Il a convaincu son premier ministre d'aller de l'avant. Le
ministre a échoué, le premier ministre n'a pas été convaincu par le ministre.
Encore récemment, lorsqu'on posait la question au premier ministre : Avec
ce qu'on a entendu en commission parlementaire, est-ce qu'on ne devrait pas
aller plus loin, notamment, sur la fréquentation des cégeps? Non, ça se termine
là. Et on a appris qu'il y a une limite au nationalisme de ce
gouvernement : c'est le maximum où on peut aller.
Alors, si on connaît les mesures
essentielles, notamment, la fréquentation des collèges, notamment, la
connaissance du français pour les immigrants, et qu'on refuse de le faire,
c'est non seulement dommage, mais c'est une occasion manquée.
Je ne doute nullement, Mme la
Présidente, des intentions du ministre. Je sais qu'il est en mesure… il serait
en mesure d'apprécier à peu près toutes les mesures qu'on a proposées. Mais il
est dans un gouvernement où il y a une limite au nationalisme et il l'a appris
à ses dépens. Présentement, j'ai l'impression que le premier ministre est davantage
emballé par un ministre délégué aux Nordiques qu'à la Langue, je vous le dis
très sincèrement…
M. Bérubé : …des intentions du
ministre. Je sais qu'il est en mesure… qu'il sera en mesure d'apprécier à peu
près toutes les mesures qu'on a proposées, mais il est dans un gouvernement où
il y a une limite au nationalisme. Il l'a appris à ses dépens. Présentement, j'ai
l'impression que le premier ministre est davantage emballé par un ministre
délégué aux Nordiques qu'à la langue. Je vous le dis très sincèrement.
Des démographes, des mathématiciens, des
gens qui ont étudié ces questions ont dit : Écoutez, on peut intervenir
sur plusieurs fronts, mais il y a des enjeux qui sont plus déterminants que
d'autres. D'abord, l'immigration. Avant même de parler de la langue du travail,
parlons de l'immigration, la connaissance du français des immigrants. Bien sûr,
on peut décider de franciser, mais la connaissance à l'entrée au Québec est un
gage supplémentaire de réussite de sa vie au Québec, dans le domaine du
travail, dans son quartier, dans sa communauté. Vivre l'expérience québécoise,
ça passe beaucoup par le français.
Le Québec est une société fragile au plan
démographique, au plan linguistique. L'enjeu de l'immigration est important.
Pourtant, personne d'autre que le Parti québécois n'en a parlé, personne
d'autre. Bien sûr, le ministre pourra se dire : Bien, deux des oppositions
sont plutôt heureuses de notre projet de loi. Si c'est l'étalon sur lequel il
faut juger ce projet de loi là, c'est bien insuffisant, Mme la Présidente.
L'enjeu de l'immigration est essentiel, et on va en parler. L'enjeu de la
culture, également. Il faut lier la culture et la langue, ça s'impose. Si on
avait eu une vision, un livre blanc, probablement qu'on aurait pu lier les
deux. Alors, le Parti québécois va lier la culture québécoise et la langue, ça
va de soi.
À l'origine de la loi 101, et c'est
un de ses rédacteurs qui nous l'a dit ici, il aurait fallu inclure les cégeps.
Pourquoi? Parce que le parcours scolaire commence au primaire, voire même au
préscolaire, se poursuit au secondaire, et qu'est-ce qu'on découvre au collège?
Et on l'a découvert récemment dans un article du Journal de Montréal,
certains cégeps québécois ont maintenant une majorité d'allophones. Alors,
cette information, on ne l'avait pas, on pourrait supposer qu'on ne l'avait pas
lors des consultations, mais le ministre l'a depuis ce temps-là. Le ministre a
rencontré le premier ministre, et il n'a pas bronché. Donc, on accepte, nous…
en tout cas, le Parti québécois est le seul parti qui ne l'accepte pas,
qu'après avoir investi un temps précieux pour faire connaître le français à des
enfants, à des jeunes issus de l'immigration, au collégial, financé par l'État
québécois, un moment important de socialisation, de choix professionnels, de…
on commence à être en couple, à choisir son lieu d'implantation, là, on
n'abandonne tout. C'est le libre choix. Le gouvernement du Québec va financer
sa propre assimilation linguistique.
Ces données sont connues, mais personne
d'autre que le Parti québécois n'en a parlé. Pourquoi? Parce que nous
considérons que le but des mesures qu'on propose, ce n'est pas d'être
populaires, ce n'est pas de préserver des clientèles électorales, l'objectif,
c'est de faire ce qui est nécessaire pour renverser le déclin. Et ça, c'est le
vrai courage…
M.
Bérubé
:
...linguistique. Ces données sont connues, mais personne d'autre que le Parti
québécois n'en a parlé. Pourquoi? Parce que nous considérons que le but des
mesures qu'on propose, ce n'est pas d'être populaires, ce n'est pas de
préserver des clientèles électorales. L'objectif, c'est de faire ce qui est nécessaire
pour renverser le déclin, et ça, c'est le vrai courage.
Tout à l'heure, le grand Guy Rocher sera à
la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. Je vais vous faire une prédiction, Mme
la Présidente : il y a plein d'élus qui vont aller le rencontrer et qui
vont lui dire qu'ils l'admirent. Aucun de ceux-là, outre les députés du Parti
québécois, ne vont lui dire qu'ils ont retenu ce qu'il a dit en commission à
l'effet qu'il fallait appliquer la Charte de la langue française au domaine
collégial, aucun ne le dira. Si on veut rendre hommage à Camille Laurin, on
fait preuve de courage. Si on veut rendre hommage à Guy Rocher, on écoute son
propos aujourd'hui. Fort de toute son expérience de vie, il nous a dit de façon
limpide qu'on est rendu là, qu'il a changé d'idée sur cette question, qu'il
faut l'appliquer au collégial. À partir du moment où dans certains collèges il
y a une majorité — je ne parle même pas des francophones — une
majorité d'allophones qui font le transfert linguistique vers les cégeps
anglophones, et qu'on le sait, et qu'on l'accepte, je me questionne fortement
sur l'exercice qu'on va vivre. Nos propositions sont connues, le gouvernement
les a déjà refusées. Alors, article par article, on va à certains égards
valider des définitions, proposer des choses, mais ça va être très secondaire,
Mme la Présidente. Donc, moi, je n'ai pas d'attentes élevées.
La bataille, le gouvernement l'a déjà
perdue dans son caucus, ils n'iront pas plus loin que ce qu'ils ont proposé. À
peu près tous les groupes sont venus nous dire... Le ministre a évoqué qu'il y
en a eu une cinquantaine. Combien d'entre eux nous ont dit : J'ai changé
d'idée sur la fréquentation au cégep? Quand vous avez une coalition qui part de
Guy Rocher jusqu'à Christian Dufour, ça commence à faire assez large dans le
spectre, Mme la Présidente. Mais pourtant, ils ont décidé de ne pas y aller.
Encore une fois, je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je suis assez
convaincu que le ministre n'est pas rébarbatif à ça, mais le premier ministre
ou les gens qui l'entourent lui ont dit : Non, c'est le maximum. Ça a
l'air nationaliste, ça a l'air de s'occuper du français, mais on n'ira pas plus
loin que ça. Alors, je m'excuse d'avoir ce ton, mais il faut dire les choses
telles qu'elles sont. La langue, pour moi, c'est une conviction très profonde,
mon engagement politique de 25 ans au Parti québécois est motivé fortement par
cet enjeu. Je connais très bien cet enjeu, j'ai à peu près tout lu ce qui
existe là-dessus.
Tout à l'heure, on a indiqué que c'est le
plus grand exercice depuis la loi 101. Pourquoi occulter la loi n° 14
du gouvernement de Mme Marois en 2013, loi n° 14 qui
n'a pas pu aller de l'avant, on était un gouvernement minoritaire? Pourquoi?
Parce que, notamment, le gouvernement de la CAQ, en fait qui était l'opposition
de la CAQ, disait que ça allait trop loin. Moi, je m'en souviens, j'étais au
Conseil des ministres, Mme la Présidente. Ça m'a fait mal d'entendre ça, parce
qu'on aurait pu avancer, ça allait trop loin. Alors, je me souviens de ça.
En 1977, je n'y étais pas, mais j'ai
suffisamment lu pour savoir que ce n'était pas consensuel, que le Parti libéral
a voté contre la loi 101, avec tout ce que ça impliquait de critiques à l'égard
du Dr Laurin. Mais il y est allé quand même parce que c'était nécessaire, pas
parce que c'était nécessairement populaire avec toutes les classes de la...
M. Bérubé : ...en 1977, je n'y
étais pas, mais j'ai suffisamment lu pour savoir que ce n'était pas consensuel,
que le Parti libéral a voté contre la loi 101, avec tout ce que ça
impliquait de critique à l'égard du Dr Laurin. Mais il est allé quand même
parce que c'était nécessaire, pas parce que c'était nécessairement populaire
avec toutes les classes de la société, il fallait le faire.
Le courage, c'est aussi de dire les choses
telles qu'elles sont. Il y a des municipalités qui ont statut bilingue qui ne
devraient pas l'avoir. Le ministre le sait, il a les statistiques. Qu'est-ce
qu'il fait avec le projet de loi? Il dit aux municipalités : Écoutez, on
va faire une entente entre nous, je vous enlève le statut, mais vous avez 120
jours, avec une motion, pour annuler ça. On le fait ou on ne le fait pas. Ça,
ce n'est pas le courage que moi, je souhaitais. Nous, on pense qu'à partir du
moment où vous avez le tiers de votre population qui est... en deçà du tiers
qui est anglophone vous perdez votre statut, là. Pourquoi on fait ça? De quoi
a-t-on peur?
Le gouvernement va nous dire : Ah!
mais il y a deux trouvailles, il y a deux trouvailles importantes. D'abord, le
ministre a bien pris note de la proposition du Pr Patrick Taillon, mon
successeur au Comité national des jeunes du Parti québécois à l'époque, qui
dit : Il y a une partie québécoise à la Constitution, puis on pourrait y
insérer un certain nombre de nos souhaits politiques, comme une carte de
souhaits. Mme la Présidente, de l'aveu même du Pr Taillon, cet exercice
est loin d'être assuré qu'il est voué au succès. Pourquoi? Parce qu'on est dans
la fédération canadienne, puis on peut bien mettre des souhaits, le Canada a
toujours le dernier mot.
Moi, c'est un statut que je n'accepte pas,
je travaille pour m'en libérer. D'autres l'accepteront, ils vont se river le
nez à cette réalité comme si moi, je m'avançais vers ce plexiglas. Ça va
arriver. Et là il va rester quoi après cet émoustillage de
constitutionnalistes? Qu'est-ce qui va rester dans le réel à Montréal, à Laval
pour protéger notre langue? Seulement de la poussière, un peu de fumée.
• (16 h 20) •
Le ministre, je l'ai entendu dire
récemment, dans l'histoire du P.D.G. d'Air Canada : Dans notre projet
de loi, on va assujettir les entreprises fédérales à la loi 101. Comment?
Comment on va faire ça? Est-ce que le gouvernement fédéral a abandonné sa
juridiction? Est-ce qu'il nous a envoyé un message qu'on pouvait le faire? Bien
sûr que non. Alors, c'est un souhait, sans plus. Ça mérite d'être dit.
Par contre, sur le réel, il avait
l'occasion d'agir. Cégeps en français : non. Il ne faut pas s'aliéner les
jeunes qui vont là et leurs parents, c'est comme pour les... C'est la même
chose qu'avec les collèges privés avec la CAQ : C'est des clientèles qui
nous aiment, il ne faudrait pas aller là, on pourrait perdre du monde. Mais
c'est regrettable.
Alors, moi, je n'ai aucune attente face à
ce projet de loi là, aucune attente. Sur l'essentiel, c'est un échec. Sur
l'immigration, le ministre est bien placé pour en parler, il a été titulaire de
ce ministère, ils ont même identifié des cibles à l'élection de 2018, des cibles
qui sont révisées. Si c'est fragile, le français au Québec, si notre capacité
d'intégration est limitée, si le premier ministre nous a dit...
M. Bérubé : …Sur l'immigration,
le ministre est bien placé pour en parler, il a été titulaire de ce ministère.
Ils ont même identifié des cibles à l'élection de 2018, des cibles qui sont
révisées. Si c'est fragile le français au Québec, si notre capacité
d'intégration est limitée, si le premier ministre nous a dit, je le cite, qu'il
a peur que ses petits-enfants ne parlent pas français. Une fois qu'on a dit ça,
pourquoi on ne fait pas ce qui doit être fait? Avoir un équilibre linguistique,
notre capacité d'intégration en français, la socialisation en français. Il faut
que ça soit plus que des symboles, il faut ça soit la réalité. On a proposé
notre propre plan au mois de mai, d'accord? Et on a proposé notre projet de loi
récemment.
Au mois de mai, qu'est-ce qu'on disait?
C'est intéressant parce que dans l'actualité récente on a questionné le
collègue du ministre, le ministre de l'Économie, sur la connaissance du
français pour faire affaire avec l'État. Bon, j'ai entendu Québec solidaire en
parler récemment, mais notre proposition date du mois de mai, je l'ai
là-dedans. Et le ministre a dit quoi? Puis la question était bien posée :
Qu'est-ce que vous pensez des conditions qui ont été proposées par Québec
solidaire? Et sur celle du français, le ministre a dit : Il n'en est pas
question. Pas convaincu que le ministre responsable de la Langue était heureux
d'apprendre ça, pas convaincu du tout. On l'avait écrit, en mai dernier, qu'une
des conditions essentielles pour faire affaire avec l'État, c'était de
respecter la Charte de la langue française. On pourrait s'imaginer que les
entreprises ont une liste d'exigences auxquelles elles doivent répondre,
exemple, de s'assurer que ça se passe en français dans leur entreprise, les
communications, l'apprentissage, les saines pratiques, vraiment l'intégration
au Québec, et que si vous respectez tout ça, bien, l'État fait affaire avec
vous si vous n'êtes pas en contravention, par exemple, avec la Charte de la
langue française. Ça pourrait être sur l'affichage aussi, ça pourrait être sur
d'autres enjeux. Bien là, là, j'ai su, parce qu'un article récent nous a
rappelé qu'il y avait des échanges au caucus là-dessus, bien là je le sais dans
quelle colonne placer au moins un ministre : le ministre de l'Économie.
Puis ça va compter, là, l'économie pour ce qui est des entreprises, puis pour
ce qui est de ce qu'on souhaite faire dans la langue du travail. Lui, il n'est
pas émoustillé, là, pour reprendre le terme de tout à l'heure, là, ça ne
l'émoustille pas le nationalisme et la langue. Ce n'est pas pour ça qu'il est
venu en politique. Mais moi ça me touche cet enjeu-là. Et comme je n'ai pas
accès aux discussions du gouvernement, bien, c'est par ces bribes-là que je
réalise qu'il y a des gens qui ne veulent pas qu'on aille plus loin que ça.
Pourtant, c'est nécessaire et c'est même gagnant pour le Québec. Parce qu'on
peut apprendre une langue, deux langues, trois langues, quatre langues, cinq
langues, c'est souhaitable, mais l'État doit avoir un caractère français, seule
langue officielle, puis c'est même un avantage de faire le pont entre la
francophonie et l'Amérique. On est résolument américains dans le sens
continental, mais on a un avantage supplémentaire, c'est la connaissance d'une
langue qui est parlée par 500 millions de locuteurs, une des langues les
plus apprises comme langue secondaire, une grande langue du monde. Moi, je
trouve que c'est quelque chose de beau. C'est non seulement un héritage, c'est
un actif actuel. Donc, il ne faut pas manquer notre coup avec le projet de
loi…
M.
Bérubé
: …la
connaissance d'une langue qui est parlée par 500 millions de locuteurs,
une des langues les plus apprises comme langue secondaire, une grande langue du
monde. Moi, je trouve que c'est quelque chose de beau. C'est non seulement un
héritage, c'est un actif actuel. Donc, il ne faut pas manquer notre coup avec
le projet de loi.
Le gouvernement, je vais lui accorder,
dispose présentement d'un capital de sympathie qu'il pourrait utiliser à des
choses utiles, comme la langue. Le moment est venu. J'aurais souhaité qu'entre
la fin de l'écoute des groupes et le début de ces travaux il y ait des
changements, notamment sur la fréquentation collège. Non, le premier ministre a
fermé la porte. C'était lors du congrès de la CAQ, je crois, qui a eu lieu il y
a quelques semaines à Trois-Rivières. J'aurais aimé que d'autres des ministres
disent : Nous sommes d'accord avec notre ministre, il a raison d'exiger le
français. Parce que si le ministre de l'Économie avait lu le projet de loi de
son collègue, il aurait vu que le ministre est sensible à ces questions-là
aussi, c'est écrit dans le projet de loi. Alors, c'est tout un camouflet.
Ce serait facile pour moi de vous
dire : J'espère qu'on va réussir, j'espère qu'on aura de bonnes discussions,
j'espère qu'on avancera.
Ça dépend de vos attentes par rapport au projet de
loi. Nous, nos attentes, c'est de renverser le déclin. Ça n'arrivera pas, avec
le projet de loi. Alors, ça nous place dans quelle situation? De dire :
Bien, écoutez, bravo, M. le ministre! Vous êtes allé le plus loin que vous
pouviez avec le gouvernement que vous aviez. Pas pour nous, non. C'est sérieux,
l'affaire. Ce n'est plus Montréal seulement, c'est Laval, c'est Saint-Lambert,
c'est Brossard, c'est l'Outaouais, c'est l'Estrie, c'est les réseaux sociaux,
c'est le défi qu'on a avec la jeunesse québécoise.
C'est le défi également d'intéresser le français
en étant exemplaire à tous égards. Nous-mêmes, dans notre rôle de parlementaire,
on doit donner l'exemple à travers la qualité du français, puis généralement je
trouve que les parlementaires québécois ont un français assez exceptionnel,
dont on peut être fier. Mais il faut être exemplaire à tous égards dans notre
conduite et aussi dans les gestes qu'on pose à travers les politiques, à travers
les projets de loi, à travers des événements de l'actualité qui sont spontanés.
Quand arrive un événement comme l'affaire Michael Rousseau, c'est quand même
assez révélateur. Le ministre, à ce moment-là, nous dit : Oui, ça va être
réglé dans notre projet de loi parce que les entreprises fédérales vont être
assujetties. Sur quelles bases dit-il ça? Un souhait, oui. Quelles sont ses
chances de réussite? Je suis assez convaincu qu'on lui a dit que c'était très
faible. Mais il ne nous le dira pas ici. Puis que le ministre de l'Économie
nous dise : Moi, je ne vais pas forcer personne, puis moi, quand je suis
allé en Chine, j'ai appris huit phrases en cantonais… L'histoire du Québec ne
va pas s'appuyer là-dessus pour dire que c'est assez, là. Je ne penserais pas,
non. Alors, cet enjeu-là est très important pour nous.
Le ministre a entre les mains notre projet
de loi, peut-être l'a-t-il consulté, peut-être sait-il que c'est ce qui est nécessaire.
Moi, je me porte volontaire, Mme la Présidente, pour rencontrer personnellement
chacun des membres de son caucus qui est contre ces enjeux que j'ai évoqués et
que je sais le ministre sympathique à. C'est sérieux, là, je le dis pour vrai,
parce que je ne veux pas qu'on manque notre coup, je veux qu'à la fin de ce
projet de loi là…
M.
Bérubé
:
...je me porte volontaire, Mme la Présidente, pour rencontrer personnellement
chacun des membres de son caucus qui est contre ces enjeux que j'ai évoqués et
que je sais le ministre sympathique à.
C'est sérieux, là, je le dis pour vrai parce
que je ne veux pas qu'on manque notre coup. Je veux qu'à la fin de ce projet de
loi là on puisse dire : On a avancé de façon significative. Ce n'est pas
la première fois que je débats avec le ministre. J'étais là sur la loi n° 21. D'ailleurs je me permets de rappeler notre responsabilité
comme parlementaires face aux lois votées à l'Assemblée nationale. Une fois
qu'elles sont votées, il y a le respect qu'on doit avoir à l'égard de ces
lois-là, à l'égard des parlementaires. Et respecter une loi votée par l'Assemblée
nationale, c'est respecter les prérogatives de l'Assemblée nationale. Alors, la
loi n° 21, je serais allé de façon différente, plus
complète, plus cohérente. Mais une fois qu'elle est adoptée, je la défends,
cette loi-là. Puis j'ai voté. Puis même si j'avais voté contre, je la
respecterais quand même.
Sur la langue, on n'est pas au même
endroit du tout. En partant, le ministre, et j'ai le regret de le dire, j'ai beaucoup
d'estime pour lui, mais il a perdu la bataille déjà. Il y avait moins de nationalistes
qu'on pensait à la CAQ. Je sais qu'ils le savent. Je sais qu'ils savent qui
bloque au Conseil des ministres. Puis j'ai une bonne idée aussi, mais c'est
regrettable. J'aimerais qu'en cours de route on puisse les convaincre
d'appliquer les mesures qui ont été proposées. Guy Rocher va rappeler tout à
l'heure ce qu'il nous a dit ici. Il va encore le dire. Avis à ceux qui vont le
voir au cinq à sept. Je vous avertis d'avance, il va le dire.
Si on se réclame de Camille Laurin, il
faut également avoir ce courage. Et ultimement, si on est vraiment sérieux avec
la langue, si on veut arrêter d'attendre après le gouvernement fédéral, si on
pense que l'avenir de la nation québécoise ne repose pas sur les humeurs des ministres
du gouvernement de Justin Trudeau, bien, il faut faire l'indépendance du Québec.
Il faut arrêter d'attendre. Il faut prendre toutes nos décisions. Si on est un
grand peuple, bien, on est capable d'assumer pleinement notre destinée. Et ça
passe par la langue. Et la langue, à elle seule, serait un argument pour faire
l'indépendance. Mais vous savez quoi? Il y en a beaucoup d'autres.
Alors, en résumé, Mme la Présidente, je
suis extrêmement déçu de ce projet de loi. Je constate, comme bien des acteurs
nationalistes qui avaient fondé des espoirs que, finalement, on est passé à
côté d'une occasion qui, elle, aurait été historique. Mais ça ne sera pas historique.
Ça sera un projet de loi comme les autres. Je vais y participer, mais j'ai le
regret de voir que la Coalition avenir Québec, sur cet enjeu, a vu ce dossier
comme un dossier comme les autres. Puis c'est regrettable. Et on passe à côté
du destin du Québec. Et ça, c'est une occasion manquée que je regrette
tristement. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia.
20 minutes pile. J'ai trois députés qui ont l'intention de prendre la
parole. Donc, j'ai... Je reconnaitrais pour commencer le député de Sainte-Rose.
M. le député, vous pouvez aller jusqu'à 20 minutes si vous le désirez
aussi.
• (16 h 30) •
M. Skeete : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Très heureux de pouvoir intervenir à l'aube de la consultation...
Bien, pas la consultation, mais l'étude détaillée d'un important projet de loi
qui, il faut se le dire...
16 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Thériault) :
...Rose. M. le député, vous pouvez aller jusqu'à 20 minutes, si vous le
désirez, aussi.
M. Skeete : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Très heureux de pouvoir intervenir à l'aube de la consultation...
bien, pas la consultation, mais l'étude détaillée d'un important projet de loi,
qui, il faut se le dire, est vaste comme chantier.
Vous le savez, chers collègues, j'ai la responsabilité,
qui m'a été donnée par le premier ministre, d'être responsable des Québécois
d'expression anglaise, une tâche qui, dans le contexte actuel du projet de loi n° 96, est une tâche, on va dire, délicate. Elle est
délicate, cette tâche, parce que l'histoire, du point de vue des deux solitudes
et de la solitude anglaise, est une histoire différente qui est vécue par la majorité
francophone, mais elle n'est pas pour autant indissociable. On est... Il y a
deux peuples, les anglophones et les francophones, les deux solitudes, on le
sait. Et les 50 dernières années n'ont pas été faciles pour les anglophones,
qui, dans le discours souverainiste, fédéraliste, ont été forcés de choisir
entre leur lieu d'appartenance, leur Québec, et leur pays. On sait le choix
qu'ils ont fait.
Arrive un projet de loi comme n° 96, qui, à mon sens, nous permet l'occasion de freiner
le déclin du français en misant sur des vecteurs importants d'anglicisation,
sans pour autant viser la communauté d'expression anglaise. Et quand je dis ça,
je le dis sincèrement, parce que ce n'est pas négligeable d'avoir écrit,
articulé une vision, dans le projet de loi n° 96, qui
nous permet de protéger à la fois la langue française et l'unicité du fait
français en Amérique du Nord, en même temps, de respecter la contribution, la
place de la minorité linguistique anglophone. Et ça, c'est vraiment spécial, il
fait se le dire.
D'un bord, le ministre nous a créé un
nouveau droit, un droit que nous avons tous maintenant, un droit à vivre en
français. Et c'est bizarre quand on le dit comme ça, parce que, tu sais, il me
semble qu'on a toujours eu ce droit-là, mais la réalité, c'est que c'était
difficile, à beaucoup d'égards, de vivre au Québec en français. Et en créant ce
droit-là, on va aussi donner le droit à la minorité linguistique historique au
Québec d'apprendre le français pour y vivre, pour mieux y vivre et pour mieux y
réussir.
Dans mes consultations que j'ai faites
auprès de la population en 2019, j'ai fait le tour du Québec, j'ai rencontré
plus de 140...
M. Skeete : …on va aussi donner
le droit à la minorité linguistique historique au Québec d'apprendre le
français pour y vivre, pour mieux y vivre et pour mieux y réussir.
Dans mes consultations que j'ai faites
auprès de la population, en 2019, j'ai fait le tour du Québec, j'ai
rencontré plus de 140 groupes, et le constat était unanime : la
demande numéro un, Mme la Présidente, c'était un désir profond
d'apprendre davantage le français. Parce qu'on le réalise que, pour avoir du
succès au Québec, on doit maîtriser la langue française. Comment peut-on penser
vivre en Allemagne et ne pas apprendre l'allemand? C'est la même chose pour le
français et le Québec.
Le projet de loi donne le droit aux
Québécois d'expression anglaise un nouveau droit de prendre… d'apprendre le
français pour bien y vivre et aussi il reconnaît ses institutions, notamment,
les institutions comme les cégeps, où on va donner la première priorité aux
Québécois d'expression anglaise, à leur réseau.
C'est une donnée qui ne m'est pas très
fier… qui ne me rend pas très fier, mais quand je suis sorti du secondaire, je
n'avais pas une forte moyenne, elle n'était pas si bonne que ça, là. Puis c'est
un peu gênant de le dire aujourd'hui parce que ma fille, elle m'écoute
certainement et puis ça va lui donner des idées que c'est acceptable d'avoir
une moyenne comme ça, ça fait que… Mais j'avais une moyenne de 73 % quand
je suis sorti du secondaire.
Aujourd'hui, un jeune anglophone qui veut
fréquenter Dawson, Vanier, John-Abbott avec une moyenne de 73 % n'y a pas
accès parce qu'il est en compétition avec d'autres personnes qui viennent du
réseau francophone, qui viennent augmenter la moyenne générale de ces écoles
qui sont limitées en nombre. Le projet de loi vient corriger ça, vient donner
un droit aux Québécois d'expression anglaise à fréquenter leur réseau.
Donc, beaucoup a été dit du projet de loi
n° 96 mais, rapidement, on constate la création de deux nouveaux droits,
et ça, je pense que c'est spécial, compte tenu que c'est une loi qui est
nécessairement pour la protection du français.
But that's not all.
Because a lot has also been said about the scope of this bill in terms of how
it may be in the front to English-speaking Quebeckers' ability to be and remain in Québec, but in which way, my colleague
the MNA of Mercier has said it
very eloquently : We looked and we looked and we looked for where it was
that the English community was impacted and there was no indication of that.
Section XV of the
health care… Health and Social Services Act remains unaffected which means
English-speaking Quebeckers,
English tourists from abroad…
M. Skeete : ...for where it was that the English was impacted. And there was no
indication of that. Section XV of health and social services act remains
unaffecting, which means English-speaking Quebeckers, English tourists from abroad, anybody wanting or needing services
in health care in Québec has
the right to receive those services in English.
We've also said that
access to justice will be unaffected. Section I.22 of the Charter of Rights and
Freedoms is out of scope of Bill 96, therefore your right to justice is
unimpacted.
So, what this bill does
is it gives you two new rights: the right to be successful in Québec by learning and mastering French, the
only French jurisdiction in North America, and also allowing you to have access
to your higher education network in priority.
So, we can look and look
for ways that this bill is an affront. I think we find none. What I do concede
is the fear. There is clearly concern, I think my colleague... one of my
colleagues in the Opposition mention that there is
concern in the community, and I hear that concern, and I am not deaf to it. I
think that fear is largely rooted in the suspicion of the other, rooted in our
two solitudes, a gap that I have tried to bridge for the passed three years.
So, the opportunity that
we have her, in front of us, is to analyze each disposition, and to make sure
once again that it doesn't affect the English community directly. And that's my
promise to the community, to the friends that I grew up with, to the friends
that I went to school with, that this law gives you advantages in Québec as a
linguistic minority. And it also has the added advantage of keeping what makes
this place special, what allows us to brag to our friends who live in Toronto
that, you know, Toronto might be nice, but it's not as cool as Montréal and
Québec. The thing that makes us proud when we fly back home from international,
and all the signs are in French, and we know how to read, and that je ne sais
quoi that we all have is maintained because we all recognize that this place
has always been and needs to always be a French jurisdiction.
And the alternative is
simple, the alternative to that reality is Louisiana. Do we really want French
to be a cute little happenstance that happens by accident in a couple French
names and a couple French people who are left speaking, but really, it's an
anecdote? I don't think anybody in the English community wants that. I think
the English community is committed to protecting French. And when you look at
the alternative, a clear example in the United States in the State of
Louisiana, I think we have our warning, and we have the ability to act.
Donc, chers
collègues, j'ai hâte...
M. Skeete : …it's an anecdote. I don't think anybody in the English community
wants that. I think the English community is committed to protecting French.
And when you look at the alternative, a clear example, in the United States, in the state of Louisiana. I
think we have our warning and we have the ability to act.
Donc, chers
collègues, j'ai hâte d'échanger avec vous. Je suis sûr que ça va être des
heures et des heures de plaisir. Et je vous remercie pour votre attention, et
au plaisir d'échanger avec vous. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de Sainte-Rose. Je reconnais maintenant M. le député de
Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Lemieux : Il reste combien
de temps au tour de…
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous pouvez avoir 20 minutes vous aussi. Les remarques préliminaires,
c'est tout le monde 20 minutes.
M. Lemieux : Je n'en prendrai
pas tant que ça, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez droit, M. le député.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
C'est qu'en vous écoutant tous et en arrivant ici, tout à l'heure, j'avais
envie de crier : Enfin! pressé que j'étais d'aborder cette partie-là de ce
projet de loi là en particulier. Et, comme tout… comme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
dans le fond, tout m'interpelle dans ce projet de loi là. Je l'avoue, je le
confesse, même l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, quand on commence à
parler de constitution, j'en suis. Je veux en savoir plus, en tout cas. Pas sûr
que je vais signer une constitution demain matin, mais j'aimerais ça en parler.
Bref, tout m'intéresse là-dedans.
Et les plus jeunes ou les moins vieux vont
se dire : Ah! je me souviens, je n'étais pas là, en 1976, 1977, mais je
m'en souviens. Mais moi, j'étais là pour le bill 22. Ah! ça, je sais, les
libéraux s'en souviennent, 22, c'est un mauvais souvenir, mais j'étais là pour
le bill 63 aussi. On se disait : «bill», à l'époque, ce n'est pas un
anglicisme, c'est comme ça qu'on disait ça.
Et je me souviens du bill 63, parce
que ce que vient de dire mon collègue de Sainte-Rose au sujet de ce monde dans
lequel on vit… a vécu au cours des dernières décennies, parce que c'est un
sujet très sensible, c'est une corde très délicate pour les Québécois que de
parler de leur langue et de parler de comment organiser cette langue et comment
la légiférer, c'est vraiment… de tout temps et pour tous les gouvernements, ça
a été une chausse-trappe.
Par exemple, j'étais en train de vous
parler du bill 63, ça, c'est fin années 60, on est dans un gouvernement
unioniste. Et je m'en souviens, pas que j'étais si vieux que ça à l'époque,
mais parce que le député de Saint-Jean, qui est décédé récemment, qui était là
à l'époque, m'a fait… m'a forcé, par la force des choses, pour lui rendre
hommage, à aller lire ce que le député de Saint-Jean de l'époque, Jérôme
Proulx, avait fait et dit dans ce gouvernement unioniste, fin années 60. Il
avait démissionné de l'Union nationale en disant, à propos de cette loi 63, qui
était ni plus ni moins que le libre choix de la langue d'enseignement, qui
avait soulevé des tollés au Québec… Lui, il avait démissionné de son parti avec
d'autres en disant qu'il choisissait la patrie avant le parti. Inquiétez-vous
pas, M. le ministre, ce n'est pas ça que je m'en vais faire, là, inquiétez-vous
pas. Non, bien, c'est parce que je voyais le député de Matane avec un grand
sourire, il me voyait déjà arriver en courant. Mais le député Proulx, à
l'époque, à Saint-Jean…
M. Lemieux : …en disant qu'il
choisissait la patrie avant le parti. Inquiétez-vous pas, M. le ministre, ce
n'est pas ça que je m'en vais faire, là, inquiétez-vous pas. Non, bien, c'est
parce que je voyais le député de Matane avec un grand sourire, il me voyait déjà
arriver en courant. Mais le député Proulx, à l'époque, à Saint-Jean, était… d'ailleurs,
ça a été le premier député du Parti québécois à siéger aux côtés de René
Lévesque, juste avant les élections de 1970, ça ne l'a pas empêché de les
perdre, ni en 1974 ni en 1976, et il était là pour voter pour la loi 101, bon.
Et c'est là que je reviens à notre
histoire, parce que cette Charte de la langue française va avoir 45 ans, probablement,
au moment où le lieutenant-gouverneur va s'apprêter à la signer, je l'espère,
cette mise à niveau qu'on va faire. Historique, c'est un bien grand mot, puis
vous aviez raison, Mme la députée de Mercier, c'est l'histoire qui va nous le
dire, ce n'est pas à nous de dire que c'est historique. En passant, j'étais là,
en 1977, comme journaliste, je connais très bien le contexte de ce que vous
parlez. Mais souvenez-vous, Mme la députée de Mercier, que le contexte fait foi
de tout. Effectivement, il y a une Révolution tranquille, il y a eu les
lendemains de la Révolution tranquille, et comparer les textes de 1977 à aujourd'hui,
il faut se souvenir de comment ça se passait vraiment à l'époque. On en
reparlera rendu là si vous voulez bien.
Et c'est ce que je veux faire avec vous,
je veux placer les choses dans leur contexte. Je veux comprendre exactement
jusqu'où on va et pourquoi on s'en va là. Effectivement, c'est préoccupant, je
l'ai dit, je l'ai répété, et pendant les audiences de consultations
particulières, combien c'était préoccupant, que la protection du français chez
nous, c'était préoccupant à toutes sortes d'égards, y compris au niveau de la
culture, parce qu'on l'a probablement tous mieux compris pendant les consultations
particulières, que culture et langue, ça va de pair, et l'un a vraiment besoin
de l'autre.
Donc, j'étais sur Jérôme Proulx parce que
je travaillais sur la prise de parole, l'allocution que j'ai faite pour le
principe du 96. Pour moi, ça a réveillé plein de souvenirs de l'époque de cette
loi 101, mais ça a réveillé aussi les raisons pour lesquelles ce projet de loi
là est tellement important, on verra s'il est historique, mais est tellement
fondamental pour la suite des choses. La suite des choses au niveau de ce que
le Québec deviendra au fur et à mesure qu'on prendra le contrôle de ce qu'on a
appelé de transversal dans ce projet de loi là. Parce qu'il ne faut jamais
oublier qu'on n'est pas en vase clos. Oui, on travaille sur un projet de loi
sur la langue, et c'est un projet de loi important, et qui est tentaculaire,
200 quelques articles, bon, on comprend tout ça. Mais, en même temps, l'avenir
du français ne tient pas qu'à cette loi-là, il tient à tout ce qui va autour de
ça, tout ce que le Québec va faire de sa société au fur et à mesure qu'on a ce
courage de faire du français pas seulement la langue officielle et commune,
mais une langue de travail — vous avez tellement raison, Mme la
députée de Mercier — et le droit de travailler en français, c'est
fondamental. Donc, pour moi, ce qu'on s'apprête à faire, chère collègue, et
désolé, là, on était rendu en pleine conversation, je ne vous ai pas saluée et
remerciée comme il est de mise de le faire dans…
M. Lemieux : ...de faire
du français pas seulement la langue officielle et commune, mais une langue de
travail — vous avez tellement raison, Mme la députée de Mercier — et
le droit de travailler en français, c'est fondamental.
Donc, pour moi, ce qu'on s'apprête à
faire, chers collègues… Et désolé, là, on était rendus en pleine conversation,
je ne vous ai pas salués et remerciés, comme il est de mise de le faire dans
ces débuts de séance d'étude article par article, mais je suis très content
d'être avec vous pour m'attaquer à ce travail. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Je reconnais
maintenant M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'en profite pour vous saluer, également
saluer le ministre, bien, l'équipe qui vous accompagne et également les collègues,
autant de l'opposition que de la banquette ministérielle, vous dire que je
suis, moi aussi, dans le même état d'esprit que le collègue de Saint-Jean, un état
d'esprit du fameux «enfin» qu'il nous a mentionné. J'avais bien hâte de pouvoir
débuter cette étude détaillée, là, du projet de loi n° 96, un projet de
loi qui est tellement important pour l'avenir de la nation québécoise.
Vous dire également que ça a pris du
courage pour le ministre, pour le gouvernement, de pouvoir déposer un tel
projet de loi qui, avouons-le, soulève les passions. Et on n'a pas eu... Le
ministre n'a pas eu... n'a pas hésité, justement, à prendre à bras le corps ce
dossier-là, puis c'est tout en son honneur.
On le sait, les gens qui sont venus en
commission, en consultation particulière, nous ont dit : Il y a un déclin
qui se produit actuellement avec la langue française, il y a un risque que le
peuple québécois se folklorise. La survie de la nation québécoise est, en fait,
en jeu et d'où l'importance d'agir. Ce n'est pas… Puis on l'a vu avec l'exemple
de Michael Rousseau, tout récemment, ce n'est pas l'anglais qui est à
risque. La seule vraie minorité au Québec, sur le territoire québécois, puis
dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, c'est la nation francophone, c'est le
français au Québec. C'est ce qui est à risque actuellement. Bon, on le voit, on
peut vivre en anglais seulement à Montréal, l'exemple dont j'ai fait mention,
du P.D.G. d'Air Canada, puis ça se répercute ailleurs, donc dans le Grand
Montréal, la région où j'ai le plaisir et le privilège de représenter, en
Outaouais également beaucoup d'anglicisation, en Estrie également. Et donc vous
dire de l'importance de légiférer en ces matières, c'est essentiel, à vrai
dire.
Et dans le projet de loi, il y a également
d'autres mesures fort importantes, puis on l'a mentionné d'entrée de jeu, mais
je pense que c'est important de le dire : La première mouture de la loi, à
l'époque, elle a été… elle a passé sous le regard des tribunaux puis à la fin,
il y a eu plusieurs éléments qui ont été retirés ou modifiés ou amendés, et
d'où l'importance de mettre des dispositions de souveraineté parlementaire, Mme
la Présidente. Je pense que c'est essentiel de protéger l'ensemble… de
respecter la volonté des élus de la nation québécoise, de respecter, en fait,
la démocratie québécoise. C'est un peu ça, l'idée des dispositions de
souveraineté parlementaire, et également de pouvoir s'affirmer en tant que
nation, avec une langue, la langue commune, le français, dans la…
M. Lévesque (Chapleau) : ...la
volonté des élus de la nation québécoise de respecter, en fait, la démocratie québécoise.
C'est un peu ça, l'idée des dispositions de souveraineté parlementaire, et
également de pouvoir s'affirmer en tant que nation, avec une langue, la langue
commune, le français, dans la Constitution. Je pense, c'est essentiel, c'est un
geste d'affirmation fort qui... On ne le fait pas contre personne, mais on le
fait pour soi-même, pour s'affirmer, et ça m'apparaît essentiel également.
Puis d'ailleurs j'ai eu l'occasion, là,
tout récemment, lors de l'adoption du principe, à titre d'adjoint parlementaire
du ministre... Le ministre m'avait fait confiance pour pouvoir justement bien
exprimer la pensée du gouvernement pour... à cet effet, donc j'ai pu parler de
ces enjeux-là lors de l'adoption du principe. Je remercie d'ailleurs le
ministre de sa confiance. Puis ça a vraiment été un plaisir pour moi de
participer aux échanges du p.l. n° 96, qui risquent
d'être fort intéressants. Donc, merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de Chapleau. J'ai le député de Beauce-Nord.
M. Poulin : ...Sud.
La Présidente (Mme Thériault) :
Sud. Désolée, pourtant, je sais que c'est Sud, hein?
M. Poulin : Oui, je sais que
vous le savez.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. À vous, M. le député.
M. Poulin : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue de présider ces travaux. Je sais que vous le ferez
d'une main de maître parce que vous êtes une femme d'expérience, alors très
hâte de vous voir mener le tout. Je veux saluer le ministre, évidemment, qui,
je sais, entame cette étude d'article par article avec énormément de passion et
le regard tourné vers le futur, parce que ce que l'on fait, on le fait
évidemment pour les générations qui nous suivront. Il est papa une deuxième
fois depuis peu, et je sais à quel point ça l'habite de pouvoir léguer une loi
qui va faire en sorte que les jeunes au Québec puissent être encore plus fiers
de leur langue française, et à terme, évidemment, on le sait, d'être encore
plus fier d'être Québécois.
• (16 h 50) •
Et je sais, tout comme lui, que l'un des
derniers rapports de l'OQLF, dans les dernières années, qui démontrait que les
jeunes avaient une indifférence face à la survie du français, particulièrement
sur l'île de Montréal que ça l'a particulièrement préoccupé, tout comme
l'ensemble des membres de notre gouvernement. Et on ne s'en rend pas toujours
compte, mais il est presque minuit moins une pour l'importance de rappeler à
nos jeunes le fait français.
D'ailleurs, l'OQLF qui, sous la
responsabilité du ministre, a lancé récemment une campagne très importante
auprès des jeunes sur l'importance d'écrire en français, de communiquer en
français. Et des fois, on dit, bon, une campagne de promotion, les unes après
les autres, mais c'était une des rares fois dans l'histoire du Québec qu'on a
ciblé particulièrement les jeunes sur l'importance du fait de parler en
français et de communiquer en français. Et à terme ce qu'on souhaite, c'est
qu'ils puissent davantage l'utiliser dans leur vie personnelle, au travail, et
pas seulement, Mme la Présidente, on le sait sur l'île de Montréal où il y a
des enjeux importants, mais dans l'ensemble des régions du Québec. Parce que
personne n'est à l'abri d'un recul du français, qu'on se trouve dans la
Capitale-Nationale, chez nous en Beauce ou dans d'autres régions du Québec,
parce que, justement, on peut prendre cette langue-là pour acquis, alors qu'il
ne faut pas le prendre pour acquis.
Et le projet de loi qui est devant nous,
Mme la Présidente, il est important. C'est une des plus grandes…
M. Poulin : ...régions du Québec,
parce que personne n'est à l'abri d'un recul du français, qu'on se trouve dans
la capitale nationale, chez nous en Beauce ou dans d'autres régions du Québec, parce
que, justement, on peut prendre cette langue-là pour acquise, alors qu'il ne
faut pas le prendre pour acquis.
Et le projet de loi qui est devant nous, Mme
la Présidente, il est important, c'est une des plus grandes réformes qui ne
s'est jamais faite pour l'avenir de la langue française au Québec, qui couvre
différents volets, et il faut le faire, oui, évidemment, en prenant en compte
le présent, mais également les générations futures. Alors, merci à vous. J'ai
très hâte de participer à cette étude.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Il n'y en a pas.
Donc, est-ce qu'il y a des motions préliminaires? Je ne crois pas non plus.
D'accord.
Donc, sans plus tarder, j'appelle l'article
1 du projet de loi.
Mme David : Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense
qu'il faut, si je trouve mes papiers, demander une sorte d'étude article par
article. Attendez une seconde.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, j'espère que la députée de Marguerite-Bourgeoys veut demander une
étude article par article, paragraphe par paragraphe.
Mme David : C'est en plein ça.
Mais, vous voyez, comme c'est un gros projet de loi, on finit par être un peu
mêlés. Mais voilà, c'est le bon moment pour vous dire très formellement, tel
que prévu à l'article 245 et conformément à notre jurisprudence : Pour cette
étude détaillée, je demande que les articles de ce projet de loi soient étudiés
alinéa par alinéa et paragraphe par paragraphe là où c'est applicable et à ce
que chacun des articles qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans les lois
existantes soit étudié séparément.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est conforme au règlement. Donc, ce sera fait. Donc, sans plus tarder, M. le
ministre, je vais vous demander d'appeler l'article numéro 1 du projet de loi.
La parole est à vous. J'imagine que vous allez nous faire la lecture de
l'article, et vous introduisez les amendements au fur et à mesure?
M. Jolin-Barrette :
Certainement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Alors,
article 1 :
Le préambule de la Charte de la langue
française (chapitre C-11) est modifié:
1° par l'insertion, après le deuxième
alinéa, du suivant:
«L'Assemblée nationale reconnaît que le
français est la langue commune de la nation québécoise et qu'il est déterminant
que tous soient sensibilisés à l'importance de cette langue et de la culture
québécoise comme liants de la société. Elle est donc résolue à ce que chacun
ait accès à l'apprentissage de cette langue ainsi qu'à faire du français la
langue de l'intégration.»;
2° par l'insertion, après le quatrième
alinéa, du suivant:
«Seul État de langue française en Amérique
du Nord, le Québec partage une longue histoire avec les communautés
francophones et acadienne du Canada. Il en découle une responsabilité
particulière pour le Québec, qui entend jouer un rôle de premier plan au sein
de la francophonie.»;
3° par l'ajout, à la fin, de l'alinéa
suivant :
«En vertu de la souveraineté
parlementaire, il revient au Parlement du Québec de confirmer le statut du
français comme langue officielle et langue commune ainsi que de consacrer la
prépondérance de ce statut dans l'ordre juridique québécois, tout en assurant
un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits
et libertés de la personne.».
Commentaire. L'article 1 du projet de loi
modifie le préambule de la Charte de la langue française... L'article 1 du projet
de loi modifie d'abord le préambule de la Charte de la langue française pour y
introduire un nouveau troisième alinéa. Ce nouvel alinéa établit que l'Assemblée
nationale reconnaît...
M. Jolin-Barrette : …entre les
droits collectifs de la nation québécoise et les droits et libertés de la
personne.»
Commentaire. L'article 1 du projet de loi
modifie le préambule de la Charte de la langue française. L'article 1 du projet
de loi modifie, d'abord, le préambule de la Charte de la langue française pour
y introduire un nouveau troisième alinéa. Ce nouvel alinéa établit que l'Assemblée
nationale reconnaît que le français est la langue commune de la nation québécoise.
Il rappelle également qu'il est déterminant que tous les Québécois et les Québécoises
soient sensibilisés à l'importance du français et de la culture québécoise en
tant qu'élément essentiel pour assurer la cohésion de la société. Enfin, il
souligne que l'Assemblée nationale est résolue à faire en sorte que tous les Québécois
et les Québécoises aient accès à des mesures qui leur permettent d'apprendre
cette langue et que le français devienne la langue de l'intégration au sein de
la société.
L'article 1 du projet de loi modifie ensuite
le préambule de la Charte de la langue française pour y introduire un nouveau
sixième alinéa. Ce nouvel alinéa souligne que le Québec se démarque en tant que
seul État de langue française en Amérique du Nord. Il rappelle également que le
Québec partage une longue histoire avec les communautés francophones et
acadiennes du reste du pays. Enfin, il affirme que cette particularité fait en
sorte que le Québec a la responsabilité de jouer un rôle de premier plan au
sein de la francophonie.
Finalement, l'article 1 du projet de loi
introduit un nouveau huitième alinéa dans le préambule de la Charte de la
langue française. Ce nouvel alinéa souligne que le principe de la souveraineté parlementaire
permet, sans équivoque, au Parlement du Québec de confier le statut du français…
de confirmer le statut du français comme langue officielle et langue commune et
de consacrer la prépondérance de ce statut dans l'ordre juridique québécois. Il
souligne également que le Parlement du Québec doit exercer ce pouvoir en
assurant un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et
les droits et libertés de la personne.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que vous nous faites lecture du texte proposé avec vos modifications?
M. Jolin-Barrette : Non, ça, par
contre…
La Présidente (Mme Thériault) :
On ne le fait pas. Parfait. Pas de problème. Questions? Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Vous me le dites,
hein, si je ne suis pas dans les formes puis je parle trop, trop vite, pas au
bon moment, mais je pense que c'est à moi à parler. Alors, je vais vous
informer que nous avons trois amendements à déposer dans cet article 1. Et je
suis pas mal sûre que le ministre va être d'accord avec le premier. C'est une
erreur d'inattention, je pense, mais je ne sais pas si je dois le dire maintenant,
si je dois déposer, si je dois discuter.
La Présidente (Mme Thériault) :
Si vous avez un amendement à proposer, on va vous demander de le faire parvenir
au secrétariat de la commission. Nous allons suspendre…
Mme David : On y va un par un,
hein, c'est ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien oui, parce que, pour que vous en fassiez la lecture, j'aimerais que tous
les députés puissent avoir copie de l'amendement en main. Oui, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Excusez-moi. Par souci d'efficacité, Mme la Présidente, puisqu'il s'agit d'un
volumineux projet de loi, ce que je pourrais vous suggérer pour le fonctionnement
de la commission, c'est, si jamais les parlementaires ont les amendements et
qu'ils sont prêts, ce qu'on pourrait faire, par souci d'efficacité, c'est
qu'avec nos différentes équipes on puisse les faire parvenir à Mme la
secrétaire de la commission, par la voie d'Internet, qu'elle puisse le déposer
sur Greffier, au moment où tout le volet administratif est fait, on puisse en
faire la lecture et on puisse cheminer pour éviter de suspendre fréquemment la
commission.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est une proposition qui est tout à fait louable. Évidemment, moi, je me range
au consentement de tous les collègues. J'imagine que, par proposition
d'amendement, pour les amendements qui sont prêts, ça inclut les amendements…
M. Jolin-Barrette : …tout le
volet administratif est fait, on puisse en faire la lecture et on puisse
cheminer pour éviter de suspendre fréquemment la commission, si c'est possible.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est une proposition qui est tout à fait louable. Évidemment, moi, je me range
au consentement de tous les collègues. J'imagine que par proposition d'amendement…
pour les amendements qui sont prêts, ça l'inclut les amendements du ministre
aussi, j'imagine, ou si ça va juste du côté des parlementaires?
M. Jolin-Barrette : Non, non,
de toutes les oppositions, ce que je dis, là, supposons, là, que…
La Présidente (Mme Thériault) :
Que des oppositions.
M. Jolin-Barrette : Pardon?
La Présidente (Mme Thériault) :
De déposer les amendements que des oppositions pour ceux qui sont prêts.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non, ce n'est pas ça que je dis.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. O.K.
M. Jolin-Barrette : Je dis,
quand nous avons une discussion, là, comme celle-ci, on ouvre l'article un, la députée
de Marguerite-Bourgeoys nous dit : Je vais avoir trois amendements.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
que je veux dire, avant même qu'il soit, supposons déposé publiquement aux parlementaires,
tout ça, si de façon informelle, on peut envoyer le tout au secrétariat pour
qu'on n'ait pas à suspendre fréquemment à chaque fois que… Dans le fond, si on
peut travailler en amont avec le secrétariat pour les transférer déjà. C'est ce
que je dis. Pas de transférer tous les amendements tout de suite, mais, quand
on sait qu'on s'en vient avec amendement, plutôt que de suspendre la commission
durant plusieurs minutes, si ça peut se faire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je comprends qu'il peut y avoir des amendements prêts, donc qui sont inspirés
souvent des discussions.
M. Jolin-Barrette : Ah! Tout
à fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais je vais quand même reconnaître les droits de parole des collègues avant de
statuer sur votre demande, M. le ministre. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Bien, en fait, parce
que moi, tu sais, le ministre a tout un ministère qui travaille avec lui, beaucoup,
beaucoup de gens, beaucoup de personnel, moi, c'était souvent le député de Jonquière
qui disait ça, mon ministère, il est ici, puis c'est une personne qui a beaucoup,
beaucoup de choses. Donc, je veux dire, même si des fois on le sait, qu'on va
faire un amendement, on n'est pas sûr. Puis, des fois, c'est la discussion,
puis on ne sait pas trop où le placer. Mais moi, si je comprends bien, pour cet
article-là, le ministre n'a pas d'amendement, lui, à déposer. Moi, j'aurais
aimé ça qu'il dépose tous ses amendements pour que nous, si on a… si, par
exemple, mon ministère d'une personne travaille très, très, très fort à faire
des amendements, finalement, son amendement, il ne marche pas parce que le ministre
modifie ou amène des amendements. Ça fait que là il faut tout retravailler.
Donc, si on veut vraiment être dans un souci d'efficacité, et j'en suis, nous
aussi, parce que j'ai aussi, moi, d'autres projets de loi comme le ministre,
bien, ça serait beaucoup, beaucoup plus profitable à l'ensemble des membres de
la commission de recevoir les amendements du ministre en premier. Ça, ça va
nous faciliter encore plus, nous, notre travail au lieu de modifier des articles
qui on ne le sait même pas après s'ils vont être modifiés de toute façon par le
ministre. Je fais cette proposition-là d'efficacité en complément à celle du ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'entends la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Bien,
j'accueille avec ouverture la proposition de la députée de Mercier et j'en
aurai un pour ajouter «sur le territoire du Québec» dans le préambule.
La Présidente (Mme Thériault) :
Dans le préambule, donc ça veut dire à l'article 1.
M. Jolin-Barrette : Donc, on
va pouvoir l'envoyer au secrétariat.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Est-ce que, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys…
• (17 heures) •
Mme David : Bien, moi, j'en
suis efficacité, etc. Là on ne va pas trop s'enfarger dans les fleurs du tapis.
Je ne suis pas une spécialiste des procédures parlementaires. Mais, si le ministre
a des amendements, effectivement, je suis tout à fait d'accord avec…
17 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : … dans le
préambule.
La Présidente (Mme Thériault) :
Dans le préambule, donc ça veut dire à l'article 1.
M. Jolin-Barrette : Donc, on
va pouvoir l'envoyer au secrétariat.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Est-ce que, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys…
Mme David : Bien, moi, j'en
suis efficacité, etc. Là on ne va pas trop s'enfarger dans les fleurs du tapis.
Je ne suis pas une spécialiste des procédures parlementaires. Mais, si le
ministre a des amendements, effectivement, je suis tout à fait d'accord avec ma
collègue. Et puis moi, il y en a, comme je dis, là, je ne pense pas que ça va
poser problème. Alors, je n'ai pas d'objection à déposer. De toute façon, on
vote article par article, j'ai compris. Bon, alors moi, je suis prête à déposer
si… à moins qu'il y ait des choses que je ne vois pas, mais pour l'instant…
mais à condition que le ministre soit un peu dans la même…
La Présidente (Mme Thériault) :
Là j'entends, M. le ministre, que vous avez de toute façon un amendement au
premier article. C'est ça?
M. Jolin-Barrette : Oui,
alors…
La Présidente (Mme Thériault) :
En partant. Donc, plutôt que de laisser la députée de Marguerite-Bourgeoys
déposer son amendement, je vais vous inviter à déposer le vôtre parce que ça…
beaucoup plus rapidement quand on va avec les amendements du ministre en
premier. Je vous demanderais peut-être aussi par souci d'efficacité, puis c'est
à votre choix, là… Si nous, on sait là où il y a des amendements, bien, on va
savoir comment gérer, puis je pense, les députés aussi pourraient dire :
Bien là, il y a un amendement. Donc, ils vont vous dire : Bien, si on est
d'accord avec votre amendement, on ne sortira pas le nôtre, puis si… C'est
parce que, souvent, c'est là que la discussion va se faire. Je pense que ça
serait peut-être logique de le faire comme ça. Si on peut avoir une indication
à quel article vous attendez peut-être faire des amendements, quitte à ce que
vous le fassiez section par section même, moi, je n'ai pas de problème. Vous
n'êtes pas obligé de faire tout le projet de loi. Je comprends qu'on rédige
souvent…
M. Jolin-Barrette : En fait,
pour informer les parlementaires, ce que je vous proposerais, c'est d'y aller
dans l'ordre du projet de loi, parce que, comme je l'ai expliqué en briefing
technique, Mme la Présidente, c'est que le projet de loi, tel qu'il est
construit, le projet de loi n° 96, dans le fond, il suit, vu que c'est une
loi modificatrice, il suit la structure de la Charte de la langue française de
la loi 101. Donc, puisqu'on commence au préambule puis on vient modifier la
Charte de la langue française tout le long, c'est logique pour le 96 d'étudier
un article après l'autre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pas de problème pour l'ordre d'articles. Au niveau des amendements, à ce
moment-là, je vais suspendre quelques instants. Je vais vous demander d'envoyer
votre amendement au secrétariat.
M. Jolin-Barrette : C'est
déjà dans les Internets, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est déjà fait. Donc, à ce moment-là, les députés ont déjà copie, mais moi, je
n'en ai pas. Donc, ça me prend… Pardon?
Une voix
: …
La Présidente (Mme Thériault) :
Ce n'est pas rentré encore, M. le ministre. Donc, on va suspendre quelques
instants. Et, à ce moment-là, je vous invite, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys également, peut-être même avoir une discussion…
Une voix
: …
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est dans les internautes… dans les Internets, dans le nuage. Bien là, de
toute façon, je vais demander de suspendre parce que je dois prendre
connaissance de l'amendement du ministre, voir… à savoir s'il est recevable
dans un premier temps. Et évidemment, bien, vous savez que vous pouvez toujours
vous parler même quand les micros et les caméras ne sont pas ouverts non plus,
donc je vous invite à le faire.
Nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous allons reprendre les travaux de la commission. Il y a… juste pour le
bien fonctionnement, que tout le monde comprenne, c'est qu'à chaque fois qu'il
va y avoir des amendements ils seront déposés, sur notre site Greffier, dans
Amendements à venir, et celui qu'on étudiera sera placé dans Amendement en
cours. Donc, pour éviter les suspensions à chaque fois, si je reçois à l'avance
les amendements, donc, qui était la demande du ministre, à ce moment-là, ça me
permet de ne pas suspendre les travaux parce que j'ai copie des propositions d'amendement
devant moi, donc je peux statuer de leur recevabilité immédiatement.
Donc, pour l'article n° 1,
dans l'ordre, le premier amendement sera l'amendement du ministre. La députée
de Marguerite-Bourgeoys avait annoncé trois amendements, et la députée de Mercier
a également un amendement. Donc, nous allons débuter avec l'amendement du
ministre à l'article n° 1. Donc, M. le ministre, pour
la lecture de votre amendement et les commentaires.
M. Jolin-Barrette : Avec
votre permission, Mme la Présidente. À l'article 1 du projet de loi,
insérer, dans le dernier alinéa du préambule de la
Charte de la langue française que propose le
paragraphe 3° et après «langue
commune», «sur le territoire du Québec».
Donc, cet amendement modifie le préambule
de la Charte de la langue française afin de réaffirmer que la charte est fondée
sur le principe de la territorialité linguistique.
Donc, au troisième paragraphe, par l'ajout,
à la fin, de l'alinéa suivant, ça se lirait ainsi :
«En vertu de la souveraineté
parlementaire, il revient au Parlement du
Québec de confirmer le statut du français comme
langue officielle et langue commune sur le territoire du Québec ainsi que de consacrer
la prépondérance de ce statut dans l'ordre juridique québécois, tout en
assurant un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et
les droits et libertés de la personne.»
Donc, l'amendement vise à rattacher un
caractère territorial et de le nommer très clairement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Alors, c'est du
grand Pr Rousseau.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous savez, on écoute les gens qui viennent en commission parlementaire,
et, notamment, le Pr Rousseau nous a indiqué qu'il serait de bon aloi de
rattacher ça au caractère territorial de l'État québécois. Mais ce qui est fort
important là-dedans, et il faut le dire… et, notamment, tout à l'heure,
j'entendais le député de Matane-Matapédia nous dire : Écoutez, comment
est-ce qu'on va faire pour dire que la loi 101, la Charte de la langue
française, s'applique aux entreprises de juridiction fédérale? Bien, c'est justement
en ayant une approche territoriale qui va faire en sorte que les lois
québécoises s'appliquent en matière… bien, sur l'ensemble du territoire
québécois. Et on peut faire le parallèle aussi avec les lois environnementales
québécoises, on souhaite qu'au Québec ça soit la Loi sur la qualité de
l'environnement qui s'applique sur l'ensemble du territoire québécois. Alors,
je pense que c'est important de le spécifier que, sur l'ensemble du territoire
québécois, c'est la Charte de la langue française qui s'applique.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme David : Si je peux
continuer… Je n'avais pas prévu de parler de l'approche territoriale du Pr
Rousseau, mais, comme je l'ai lu attentivement, dans tous ses écrits, je
savais, et il le disait très…
M. Jolin-Barrette : …sur
la qualité de l'environnement qui s'applique sur l'ensemble du territoire québécois.
Alors, je pense que c'est important de le spécifier que, sur l'ensemble du territoire
québécois, c'est la Charte de la langue française qui s'applique.
Mme David : Si je peux
continuer, je n'avais pas prévu de parler de l'approche territoriale du Pr
Rousseau, mais comme je l'ai lu attentivement dans tous ses écrits, je savais,
et il me disait très, très bien dans un entretien avec Mathieu Bock-Côté, très
long entretien sur le Web, que M. Bock-Côté aime beaucoup faire. Il en a
fait un avec M. Rousseau, qui nous avertissait , et je me demandais tellement,
il nous avertissait qu'il avait… pourtant, il est le maître d'oeuvre avec son ex-doctorat,
devenu docteur, Me Poirier, Dr Poirier, donc on est dans la filière clairement,
clairement de cette théorie à laquelle tient beaucoup, beaucoup le
Pr Rousseau. Je ne suis pas sûre d'avoir très bien compris l'importance
incroyable de cette approche territoriale, mais je comprends que, quand le Pr
Rousseau disait : J'aurai de nombreux amendements, il était presque aussi
déçu, on dirait, du projet de loi que peut l'être le député de Matane-Matapédia
à l'entendre, mais pourtant il était l'architecte de la loi n° 21 aussi,
et là, l'architecte plus dans l'ombre peut-être, mais très clairement de cette
loi n° 96. Alors, c'est le fun parce que ça nous permet de voir venir
comme nous permettait de voir venir le livre de M. Poirier. Donc, on va voir
du territoire pas mal partout, Mme la Présidente, pour être bien sûr qu'on est
sur le territoire québécois, le territoire québécois, le territoire québécois.
Je n'ai pas de problème fondamental, mais
je trouve qu'on met ceinture, bretelle, cadenas et tout ce qu'il faut, mais je
saurai vraiment, je vais aller relire comme il faut tous ses écrits, et je vais
prévoir d'avance quels seront les amendements du ministre pour faire un peu
plaisir au Pr Rousseau.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme la députée de Mercier.
• (17 h 20) •
Mme Ghazal : Juste pour
comprendre parce que, souvent, ce qui est intéressant, quand on l'a dans le
cahier, c'est qu'on a toute la justification là. On a l'amendement, la
justification, le ministre nous l'a donnée sommairement, mais elle n'est pas
écrite, puis là je ne m'en rappelle pas par coeur de tout ce que
M. Rousseau a dit comme ma collègue. Donc, si possible, juste d'expliquer,
ça, ça a été ajouté pour permettre, par exemple, de dire au gouvernement
fédéral, l'article qui dit que les entreprises à charte fédérale qui sont sur
le territoire du Québec, bien, elles sont soumises à la Charte de la langue
française. Est-ce que c'est ça que ça permet en le mettant de façon magique
pour faire en sorte que le fédéral va dire : Bien oui, toutes les
entreprises à charte fédérale… est-ce que c'est que ça permet ou c'est une
moindre portée que ça? J'essaie de comprendre vraiment qu'est-ce que ça donne.
M. Jolin-Barrette : En
fait, pour les entreprises de juridiction fédérale qui vont être assujetties à
la charte, on va voir l'article qui est un peu plus loin dans le projet de loi,
où on vient assujettir nommément toutes les entreprises qui sont sur le
territoire québécois. Donc, l'article, pour faire en sorte d'assujettir les
entreprises, il va être plus loin. Pourquoi est-ce que, dans le préambule,
c'est important d'indiquer l'approche territoriale? C'est pour bien nommer les
choses. Depuis 1977, la Charte de la langue française, elle est basée sur…
M. Jolin-Barrette : …on vient
assujettir nommément toutes les entreprises qui sont sur le territoire
québécois. Donc, l'article pour faire en sorte d'assujettir toutes les
entreprises, il va être plus loin.
Pourquoi est-ce que, dans le préambule,
c'était important d'indiquer l'approche territoriale? C'est pour bien nommer
les choses. Depuis 77, la Charte de la langue française, elle est basée
sur une approche territoriale du territoire, qui est québécois, qui est uni et
indivisible. Donc, c'était important de venir souligner le fait que, dans le
cadre d'une loi linguistique comme la Charte de la langue française, bien, il
n'y a pas de partitionnisme linguistique au sein du Québec, il n'y a pas de
partitionnisme législatif non plus au sein de l'État québécois, le Québec est
un tout unique et indivisible. Et on vient par ce fait même, en spécifiant
l'approche territoriale, qui est une approche effectivement qui a cours
depuis 77, bien, on vient nommer la chose directement dans le préambule
pour dire : Sur le territoire québécois, la langue officielle et commune,
c'est le français.
Mme Ghazal : Et ça, ça ne
touche pas… par exemple, si jamais votre collègue le ministre responsable des
Affaires autochtones décide de faire une loi pour protéger, admettons, là, les
langues autochtones, ça, ici, ça ne vient pas jouer là-dessus? Est-ce que ça a
un impact, le fait de dire c'est partout sur le territoire? Si, par exemple,
une communauté autochtone veut, je ne sais pas, faire quelque chose pour
valoriser sa langue dans une réserve ou sur un territoire où elle a… pas
juridiction mais dont elle est responsable, est-ce que ça, ça vient jouer
là-dessus? Ou ça ne l'affecte nullement.
M. Jolin-Barrette : Ça ne l'affecte
pas, c'est le statut de la langue française qui est visé, notamment, puis de
dire clairement que, sur l'ensemble du territoire québécois… Et sur la question
des langues autochtones, la promotion et leur valorisation, aussi, il y a des
outils législatifs qui pourraient être mis en place par mon collègue le
ministre des Affaires autochtones, et ça n'entrerait pas en contradiction avec
ce que nous faisons maintenant.
Mme Ghazal : O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? D'autres…
Mme Ghazal : Merci. Je n'ai
pas d'autres questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Pas d'autres questions? Parfait. Donc, on est prêt à mettre aux voix
l'amendement du ministre.
Mme David : O.K., ça, c'est
seulement cet amendement-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un vote… oui, juste l'amendement du ministre pour commencer. Donc, on y
va par vote… c'est des votes par appel nominal, hein, Mme la secrétaire?
M. Jolin-Barrette :
…Mme la Présidente, quand ce n'est pas demandé, on peut voter…
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. On vote?
M. Jolin-Barrette : Oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
O.K. Parfait. Oui. Est-ce que l'amendement du ministre est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, on va passer à l'amendement qui a été déposé par la
députée de Marguerite-Bourgeoys. Oui, vous allez sur lequel de vos amendements,
Mme la députée?
Mme David : C'est le… bien,
moi, j'appelle ça le premier mais je ne sais pas comment vous le dire, là, il
concerne…
La Présidente (Mme Thériault) :
…le préambule, là…
Mme David : C'est celui où il
est marqué en gras «Premières nations et Inuit».
La Présidente (Mme Thériault) :
«Premières nations et Inuit», c'est le premier de vos amendements, oui.
Mme David : Mais c'est parce
que ce n'en est pas un.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, vous pouvez nous en faire la lecture. On va le transférer…
Une voix : Il y a un petit
problème au niveau de la forme.
Une voix : …
Une voix : Oui, il est en
train de le réécrire, celui-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon. Sauf qu'on me dit qu'il y a un petit problème au niveau de la forme, qu'on
est en train de le réécrire, celui-là…
Mme David : …c'est parce que ça
n'en est pas un.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, vous pouvez nous en faire la lecture et le transférer…
(Consultation)
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon. Sauf qu'on m'a dit qu'il y a un petit problème au niveau de la forme,
qu'on est en train de le réécrire, celui-là. Donc, c'est ce qu'on vient de
m'indiquer, Mme la députée.
Mme David : …qui avait un
problème?
La Présidente (Mme Thériault) :
On a indiqué à la secrétaire de la commission, donc j'imagine que c'est
probablement avec les gens qui sont en arrière de vous, là. Je vois qu'il
manque quelqu'un.
Je vais suspendre quelques instants, juste
le temps de mettre au clair, je m'excuse. On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 25)
(Reprise à 17 h 30)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons nos travaux. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, je
vais vous demander de nous lire votre amendement, s'il vous plaît.
Mme David : Oui, Mme la
Présidente. Article 1 : L'article 1 du projet de loi est modifié
par l'ajout du paragraphe suivant :
4° par le remplacement, en son quatrième
alinéa, des mots «Amérindiens et aux Inuit du»...
17 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Thériault) :
…donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, je vais vous demander de nous
lire votre amendement, s'il vous plaît.
Mme David : Oui, Mme la
Présidente. Article 1 :
L'article 1 du projet de loi est modifié
par l'ajout du paragraphe suivant :
4° par le remplacement, en son 4° alinéa,
des mots «Amérindiens et aux Inuits du» par les mots «Premières Nations et aux
Inuits au».
Commentaire. Le préambule de la Charte de
la langue française, tel qu'amendé, se lirait ainsi… ainsi, c'est ainsi,
j'imagine, ce que je viens de lire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, ça donnerait :
L'Assemblée nationale reconnaît…
Mme David : Ah oui, excusez,
je n'avais pas descendu l'écran.
L'Assemblée nationale reconnaît aux Premières
Nations et aux Inuits au Québec descendant des premiers habitants du pays le
droit qu'ils ont de maintenir et de développer leurs langues et cultures
d'origine, Mme la Présidente, alors…
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Question, commentaire?
Mme David : C'est vrai que
c'est compliqué, parce qu'on est allé retrouver quelque chose qui était mal…
qui était formulé à la façon 1977. On parlait d'Amérindiens. Maintenant, on ne
parle plus d'Amérindiens, on parle de Premières Nations. C'est tout simplement
ça. Et là se pose la question de l'orthographe du mot «Inuit» et nous étions
venus à la conclusion, avec nos recherches, mon collègue le député de D'Arcy-McGee
pense la même chose, effectivement, qu'il nous devrait pas y avoir de s. La Protectrice
du citoyen a dit, en se fiant à la Charte de la langue française actuelle et à
l'Office québécois de la langue française, il n'y a pas de s.
Mais, en même temps, il y a, j'ai
l'impression, d'autres propositions. Alors, écoutez, je ne suis pas une
linguiste, je ne suis pas une spécialiste du singulier et du pluriel pour les
nations autochtones. Alors, mon collègue apporte un argument valable, «les communautés
francophones et acadienne», «acadienne» se met toujours au singulier. Alors là,
écoutez, je ne pense pas qu'on puisse transformer en débat ici ça prend-tu un s
ou pas de s, je vais laisser peut-être le ministre, avec son énorme équipe de
plusieurs, plus qu'un, parce que nous aussi, notre équipe est un peu réduite…
de statuer sur cette question du s.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, j'accueille favorablement l'amendement qui est proposé par la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Sur la question de la rédaction, à savoir si ça prend un
s ou pas de s, dans la Charte de la langue française, le terme n'avait pas de
s. Par contre, on me dit que la pratique a changé, et, selon le Grand
dictionnaire terminologique de l'OQLF, on dit : «Pour une meilleure
intégration au système linguistique du français, l'emprunt «Inuit» varie en
genre et en nombre», donc, varie en genre et en nombre et… attendez, qui tend…
bon, «cette règle est conforme à l'usage moderne du français qui tend à
abandonner, pour les mots empruntés, les oppositions singulier-pluriel qui
existent dans la langue source. Et la présidente de l'OQLF nous dit qu'on
devrait mettre un s également.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de D'Arcy-McGee, si vous avez terminé votre intervention, M. le
ministre…
M. Jolin-Barrette : ...cette
règle est conforme à l'usage moderne du français qui tend à abandonner, pour
les mots empruntés, les oppositions singulier-pluriel qui existent dans la
langue source. Et la présidente de l'Office québécois de la langue française
nous dit qu'on devrait mettre un «s» également.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee, si vous avez terminé votre intervention, M. le
ministre. Oui, M. le député allez-y.
M. Birnbaum : Si je peux juste
nous inviter à la prudence, parce que, malgré les 13 villages, la communauté
inuite s'identifie comme une nation. Il y a un parallèle, en quelque part,
comme je dis, avec la communauté acadienne où le «s» n'apparaît pas. Alors,
c'est intéressant que l'amendement est accueilli, mais si on peut inviter à la
grande prudence de toute vérification parce qu'ils se déclarent comme seule
nation.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Voyez-vous, ce qu'on va faire, on va voter l'amendement tel qu'il est proposé
par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Puis, puisque j'imagine que ça ne se
termine pas ce soir, l'étude du projet de loi, ça me laissera le temps de faire
toutes les vérifications. Donc, votons-le comme ça, puis, si jamais ça prend un
«s», là, on reviendra avec des précisions.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord.
Mme David : ...et j'encourage
à la très grande prudence et au respect de la volonté des peuples en question
de savoir s'ils mettraient, eux, un «s» ou pas de «s», parce que c'est un
projet de loi, c'est un préambule, ça a l'air petit comme enjeu, mais disons
que ça commencerait mal si collectivement nous faisions une erreur qui pourrait
quand même indisposer nos confrères et consoeurs inuits. Alors, je pense qu'il
faut faire très, très attention.
Alors, merci, M. le ministre, d'aller
prendre tous les moyens nécessaires pour bien vérifier auprès des communautés.
Vous avez un collègue aux Affaires autochtones, etc., donc on pourra être
rassurés.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai la députée de Mercier, je crois, vous voulez faire une intervention, Mme
la députée.
Mme Ghazal : Bien, en fait,
oui. Bien, vous allez le voir, là, il est en attente, là, mon amendement, je le
déposerai quand ça sera le temps, qui va changer ce paragraphe. Et d'ailleurs
ça me fait penser qu'il va falloir suspendre pour le changer... En tout cas. On
est au début, là, on est encore rouillés, mais on va s'habituer.
Moi aussi, je veux réitérer que c'est
très, très important qu'on l'écrive comme il faut. Puis j'avais déjà... j'étais
prête à faire des amendements partout, puis je vois que je ne suis pas la
seule, et je suis contente de voir que je ne suis pas la seule à l'avoir vu.
Je regrette par contre que le
gouvernement, qui a travaillé sur le projet de loi, qui a changé toute la loi,
qui l'a étudié de fond en comble, n'ait pas profité de l'occasion pour le
changer. Et, je veux dire, c'est tellement un changement de base, de
dire : Bien, on va utiliser la terminologie qui est utilisée aujourd'hui
pour les Premières Nations et les Inuits. Donc, je ne comprends pas pourquoi ça
n'a pas été fait. Je vais me dire que ce n'est pas fait par exprès, c'est juste
parce qu'il avait d'autres priorités, ce n'est pas la question des Premières
Nations et des Inuits qui était dans l'esprit du gouvernement vu qu'ils se
sont... Ce que j'ai compris du ministre, c'est qu'il ne veut pas que, dans le
projet de loi, on traite de cet aspect-là...
Mme Ghazal : ...comprends pas pourquoi
ça n'a pas été fait. Je vais me dire que ce n'est pas fait par exprès, c'est
juste parce qu'il y avait d'autres priorités. Ce n'est pas la question des Premières
Nations et des Inuits qui était dans l'esprit du gouvernement, vu qu'ils se
sont... Ce que j'ai compris du ministre, c'est qu'il ne veut pas que, dans le projet
de loi, on traite de cet aspect-là, même s'il a quand même eu l'ouverture
d'inviter des représentants des Premières Nations et des Inuits.
Donc, je comprends qu'il va y avoir une
recherche pour s'assurer que ce soit écrit comme il faut, et je comprends qu'il
va y avoir un dépôt d'amendements partout, partout, partout, dans la Charte de
la langue française, où on dit «amérindiens et Inuits du Québec». Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je ne veux
pas m'attarder trop, mais ça donne une idée de l'importance de l'étude article
par article, de l'importance d'un regard extérieur. Ce n'est pas quelque chose
d'énorme, mais de toute évidence, ça a échappé aux yeux de lynx du gouvernement
ou de l'équipe ministérielle. Ce n'est pas... On n'est pas dans le reproche
ici, mais on est dans... Ça donne quelque chose, l'étude détaillée, ça donne
qu'on a un meilleur projet de loi. Alors, je voulais juste profiter de l'occasion
pour redire ce que j'ai dit en propos introductifs, à quel point c'est
important, cette étude détaillée. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. D'autres interventions? Je n'en vois pas, donc à ce moment-là, nous
allons mettre... on procède pour la mise aux voix. Est-ce que l'amendement est
adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté, parfait. Donc, on va passer à votre deuxième amendement, Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien oui, déjà.
Alors, mon deuxième amendement, je vais le lire, là. Ça parle de
l'apprentissage. Est-ce que vous voulez savoir quoi lire, vers où je m'en vais,
Mme la Présidente, ou vous le savez? C'est celle où il y a...
La Présidente (Mme Thériault) :
On nomme les choix?
Mme David : Non. C'est celle
où il y a le mot «perfectionnement» en grand, dans l'avant-dernier...
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, c'est beau.
Mme David : Alors : L'article
1 du projet de loi est modifié par l'insertion, dans le deuxième alinéa
introduit par le premier paragraphe, après le mot «apprentissage», des mots «et
au perfectionnement».
Commentaires. Le préambule de la Charte
de la langue française, tel qu'amendé, se lirait ainsi :
«L'Assemblée nationale reconnaît que le
français est la langue commune de la nation québécoise, et qu'il est
déterminant que tous soient sensibilisés à l'importance de cette langue et de
la culture québécoise comme liants de la société. Elle est donc résolue à ce
que chacun ait accès à l'apprentissage et au perfectionnement de cette langue,
ainsi qu'à faire du français la langue de l'intégration.»
Est-ce que vous voulez que je commente le commentaire?
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y, oui.
Mme David : Alors, dans le projet
de loi... on y viendra beaucoup plus loin, mais pas si loin que ça... dans les ordres
professionnels, il est bien dit clairement, et on en discutera, mais que les professionnels
doivent non seulement avoir une maîtrise de la langue française au moment
d'entrer dans leur ordre professionnel... c'est là depuis très longtemps, et
les professionnels suivent des cours de français, surtout quand ils ont étudié
dans une langue autre que le français... mais on demande aussi, dans le projet de
loi, de...
Mme David : …avoir une maîtrise
de la langue française au moment d'entrer dans leur ordre professionnel, c'est
là depuis très longtemps, et les professionnels suivent des cours de français,
surtout quand ils ont étudié dans langue autre que le français. Mais on demande
aussi, dans le projet de loi, de maintenir, tout au long de la carrière, le
français, pour être sûrs qu'ils ne restent pas à un niveau qui pourrait être…
s'ils n'ont pas souvent l'occasion de le pratiquer, un niveau assez de base qui
ne leur permettrait peut-être pas d'être à la fine pointe de la maîtrise du
français.
Dans cet esprit-là, ce qu'on pense, c'est
que le mot «apprentissage», dans notre Québec d'aujourd'hui, avec une très,
très grande attraction pour des langues autres que le français et particulièrement
pour l'anglais… je pense, et nous l'avons dit beaucoup dans notre plan
d'action, les 27 propositions qu'on a déposées, il était très, très
important de non seulement parler français, mais de bien maîtriser la langue
française. C'est dans cet esprit-là que nous devons parler, oui, de
l'apprentissage, mais pas seulement l'apprentissage fonctionnel, de pouvoir
échanger deux, trois phrases ou des phrases pour accueillir des gens dans des
commerces, ou tout ça, mais de pouvoir perfectionner ce français-là, qui
montrerait la réelle motivation de tous et chacun de se dire… et c'est valable,
Mme la Présidente, pas seulement pour des anglophones ou des allophones, parce
que je pourrais oser dire : Pour les francophones aussi, de perfectionner
tout au long de la vie la qualité de la langue française. Ça, c'est autant à
l'écrit qu'à l'oral. Alors, c'est ce qui nous inspirés pour ajouter «au
perfectionnement de cette langue».
• (17 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Commentaires? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je
comprends l'objectif de la députée de Marguerite-Bourgeoys avec son amendement.
Cependant, au niveau du libellé, j'aurais peut-être une suggestion à faire,
parce que moi, je serais plus à l'aise avec : «que chacun ait accès à
l'apprentissage de cette langue, et à en parfaire la connaissance et la
maîtrise», plutôt que seulement «perfectionnement». Parce que c'est comme si
«perfectionnement» était rattaché à la langue, tandis que le souhait, je crois
que la députée de Marguerite-Bourgeoys… c'est de viser l'individu, qui, lui,
vise à avoir un perfectionnement, donc à en parfaire la connaissance et la
maîtrise. Donc, si vous le souhaitez, on pourrait modifier votre amendement
pour aller en ce sens-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, à ce moment-là… proposerait un sous-amendement qui viendrait amender.
Non? On retire l'amendement de la députée , et on vous...
Mme David : Oui, je suis
d'accord avec sa suggestion.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce qu'on faire, Mme la Présidente, si la députée de Marguerite-Bourgeoys
retire cet amendement-là, puis elle pourrait redéposer l'amendement que je lui
suggère.
La Présidente (Mme Thériault) :
Que vous lui suggérez bien gentiment. Donc, ça vous va,
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui, Mme la
Présidente. Ça me va…
La Présidente (Mme Thériault) :
…sous-amendement, qui viendrait amender. Non? On retire l'amendement de la
députée et on vous...
Mme David : Oui, je suis d'accord
avec sa suggestion.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce qu'on peut faire, Mme la Présidente, si la députée de Marguerite-Bourgeoys
retire cet amendement-là, puis elle pourrait redéposer l'amendement que je lui
suggère…
La Présidente (Mme Thériault) :
Que vous lui suggérez bien gentiment. Donc, ça vous va, Mme la députée, de Marguerite-Bourgeoys?
Mme David : Oui, Mme la
Présidente. Ça me va.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre, ça lui va.
M. Jolin-Barrette : …en
attendant que ça soit écrit, Mme la Présidente, on pourrait peut-être faire
l'autre amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, on peut passer au troisième amendement. Donc, à ce moment… Oui?
Mme David : Alors…
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça me prend un consentement pour retirer l'amendement qui avait été déposé.
Une voix
: Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement, parfait. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, le temps
que les légistes du ministre réécrivent votre deuxième amendement, vous nous
présenter votre troisième amendement qui, cette fois-ci, c'est le mot «choix»
qui est en gras.
Mme David : Voilà, Mme la
Présidente. Alors, l'article 1 du projet de loi est modifié par le
remplacement, dans l'alinéa introduit par le troisième paragraphe, après
les mots «équilibre entre», du mot «droits» par le mot «choix».
Le préambule de la Charte de la langue
française, tel qu'amendé, se lirait comme suit :
«En vertu de la souveraineté
parlementaire, il revient au Parlement du Québec de confirmer le statut du
français comme langue officielle et langue commune ainsi que de consacrer la prépondérance
de ce statut dans l'ordre juridique québécois, tout en assurant un équilibre
entre les choix collectifs de la nation québécoise et les droits et libertés de
la personne.»
Mme la Présidente, là, on est dans du plus
costaud comme amendement. Et là aussi, comme le ministre disait qu'il
s'inspirait des audiences publiques, des consultations particulières, nous
aussi, on s'inspire des consultations particulières et des mémoires que nous
avons reçus.
Alors, en particulier, évidemment, le
professeur Benoît Pelletier qui nous a bien dit que le mot «choix» serait
préférable au mot «droit». Là, je vais rentrer dans un petit peu de revue de
littérature pour expliquer ça. La notion de droit collectif est plutôt associée
à un droit exercé par un groupe minoritaire, minoritaire, pas majoritaire,
minoritaire. Par exemple, le terme «droit collectif» est souvent associé au
droit des peuples des Premières Nations justement ou aux droits des
travailleurs de s'associer. Le terme «choix collectif» réfère plutôt au choix
du législateur québécois d'adopter des lois dans le but de préserver le visage
francophone de la province même si parfois ces choix interfèrent avec certains
droits individuels comme la liberté d'expression commerciale, par exemple.
Jocelyn Maclure, dont on se
souviendra au projet de loi n° 21, professeur de philosophie à
l'Université Laval, mentionnait, dans un texte publié dans LaPresse…
À ce moment-là, il parlait du projet de loi n° 21, mais ça s'applique au
projet de loi n° 96, «L'argument de l'équilibre nécessaire entre les
droits collectifs et les droits individuels est rhétoriquement habile. Il
constitue néanmoins une mystification. Nous sommes plutôt en présence du
problème classique, théorisé, entre autres, par Alexis de Tocqueville et John
Stuart Mill, du rapport entre la volonté de la majorité et les libertés
fondamentales des citoyens touchés par une décision gouvernementale.» La même
logique s'applique en l'espèce avec le projet de loi n° 96.
Jean Leclair, qui est venu nous voir, qui
a écrit un mémoire passablement étoffé…
Mme David : …du rapport entre
la volonté, la volonté de la majorité et les libertés fondamentales des
citoyens touchés par une décision gouvernementale. La même logique s'applique
en l'espèce avec le projet de loi n° 96.
Jean Leclair, qui est venu nous voir, qui
a écrit un mémoire passablement étoffé, je dirais, mentionnait dans un texte
publié dans Le Devoir, donc pas nécessairement dans son mémoire,
mais il l'a redit dans son mémoire : «Nulle part, que ce soit en droit
national ou international, trouverez-vous un document où un texte juridique qui
justifie la limitation des droits des citoyens au nom des droits collectifs de
la majorité nationale. Les droits collectifs permettent de se défendre contre
les plus puissants que soi. Ils n'autorisent pas la minorité qui les invoque à
retourner son pouvoir collectif contre ses propres ressortissants. Il faut donc
appeler un chat un chat. Quand l'État québécois limite les droits de ses
concitoyens, il le fait dans l'exercice de son pouvoir souverain de contrainte
et non en tant que mandataire d'une nation détenant des droits collectifs.» Et
là on revient au pouvoir souverain qui parle un peu aussi de la souveraineté
parlementaire.
Benoît Pelletier, professeur de droit
constitutionnel à l'Université d'Ottawa, mentionne aussi, dans un texte publié
dans La Presse : «Le législateur doit disposer de la capacité de
poser et même d'imposer ce que nous appellerons ici des choix collectifs. C'est
là sa vocation et sa fonction, et les cours de justice ne doivent pas usurper
ces dernières.» On parle de choix collectifs.
Je continue. Je le sais que c'est assez
aride, mais j'ai trouvé que c'est suffisamment important parce que les mots, on
le dit beaucoup dans la législation, chaque mot compte. Alors, droit et choix,
ce n'est pas la même chose.
Dans le renvoi relatif à la sécession du
Québec en 1998, au paragraphe 59, la Cour suprême du Canada fait référence
à la poursuite d'objectifs collectifs, objectifs dans ce cas-ci et non de
droits collectifs par des minorités linguistiques constituant la majorité dans
une province, je cite : «Le principe du fédéralisme facilite la poursuite
d'objectifs collectifs par des minorités culturelles ou linguistiques qui
constituent la majorité dans une province donnée.» C'est pas mal nous la majorité
francophone dans une province donnée. «C'est le cas au Québec où la majorité de
la population est francophone et qui possède une culture distincte. Ce n'est
pas le simple fruit du hasard, la réalité sociale et démographique du Québec
explique son existence comme entité politique et a constitué, en fait, une des
raisons essentielles de la création d'une structure fédérale pour l'union
canadienne en 1867. La structure fédérale adoptée à l'époque de la
Confédération a permis aux Canadiens de langue française de former la majorité
numérique de la population de la province de Québec et d'exercer ainsi les
pouvoirs provinciaux considérables que conférait la loi constitutionnelle de
1867 de façon à promouvoir leur langue et leur culture.» Alors, c'est 1998,
renvoi relatif à la sécession du Québec qui parle donc d'objectifs collectifs.
Michel Bastarache, qui est encore très
actif, on l'a vu récemment dans un rapport, ancien juge…
Mme David : …que conférait la Loi
constitutionnelle de 1867 de façon à promouvoir leur langue et leur culture.»
Alors, c'est 1998, renvoi relatif à la sécession du Québec qui parle donc
d'objectifs collectifs.
Michel Bastarache qui est encore très
actif, on l'a vu récemment dans un rapport, ancien juge à la Cour suprême du Canada,
indique dans son ouvrage Les droits linguistiques au Canada en 2013 que
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 est une reconnaissance de
droit collectif des minorités francophones et anglophones du Canada, compte
tenu du contexte historique et politique dans lequel s'inscrit l'adoption de la
Loi constitutionnelle de 1867. Il conviendrait plutôt de considérer que cette
disposition, l'article 133 assure la reconnaissance de droit collectif en vue
du développement et de la préservation des minorités francophones et
anglophones. D'ailleurs, la participation à l'activité parlementaire est par
nature foncièrement sociale et collective.
Tout ça pour dire, Mme la Présidente, que
ce n'est pas anodin, le recours aux mots dans ce cas-ci. Je ne me prends pas
pour une constitutionnaliste, certainement pas, je ne suis pas juriste, mais je
suis capable de lire des rapports et des avis de la Cour suprême et de me faire
alerter au fait que le mot «droit collectif», pour une majorité, n'est pas
nécessairement judicieux et que c'est beaucoup mieux de décrire ça en termes de
«choix collectif».
Maintenant, le ministre a des avis,
probablement, qui vont dans un autre sens, mais j'ai bien hâte de l'entendre
sur la réponse à un arrêt de la Cour suprême, un ancien juge de la Cour
suprême, des constitutionnalistes qui vont tous dans cette direction-là. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Le député de Sainte-Rose m'a fait signe qu'il voulait parler. M. le
député de Sainte-Rose.
• (17 h 50) •
M. Skeete : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Rapidement. La collègue, elle a fait une bonne recherche. Je
pense que le point de départ, pour moi, et où est-ce que je diverge de la
collègue, son point de départ est de mettre une équivalence entre l'anglais et
le français et de ne pas reconnaître la fragilité du français même au Québec.
Donc, de dire que la langue majoritaire au Québec est le français, c'est
peut-être vrai en termes de nombre sur le territoire Québec. Mais même le
gouvernement fédéral, aujourd'hui, reconnaît la symétrie du pouvoir entre les
deux langues officielles. Je ne suis pas certain qu'il y a une équivalence
à donner, et donc je ne suis pas certain que c'est pertinent d'évoquer des
arguments que les francophones au Québec sont majoritaires comme argument
premier. La langue française, elle est fragile au Québec. Donc, tout ce qui en
découle de cet argument-là, je suis dubitatif… j'ai de la misère avec ce
mot-là… Alors peut-être on pourrait entamer une discussion là-dessus, parce que
je ne suis pas sûr de voir, même sur le territoire du Québec, les francophones
comme une majorité. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, sur
celui-là, Mme la Présidente, je ne serai pas accord avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys, parce qu'il y un élément important pourquoi est-ce qu'on
utilise le terme «droit» plutôt que «choix»…
M. Skeete : …comme une majorité.
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, sur
celui-là, Mme la Présidente, je ne serais pas en accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys,
parce qu'il y a un élément important pourquoi est-ce qu'on utilise le terme
«droit» plutôt que «choix». Parce que ce qu'on fait avec la Charte de la langue
française, c'est important. La nation québécoise, elle est titulaire de droits
collectifs, il faut que ça apparaisse dans nos lois, il faut que ça apparaisse
clairement que pour protéger le français, bien ça fait partie des droits qui
sont inhérents à la nation québécoise. Et ce que nous faisons, aujourd'hui,
c'est un choix, entre parlementaires. La notion de choix réfère davantage à
l'aspect sociologique de la chose.
Mais là on vient mettre dans une loi un
aspect juridique. Alors, il y a des droits individuels, les droits et libertés
existent, mais il y a également les droits collectifs. Et moi, je pense que
c'est important de le nommer et que la Charte de la langue française fait
partie des droits collectifs de la nation québécoise de pouvoir s'exprimer en français
aussi. Alors, c'est pour ça que je ne retiendrai pas la suggestion relativement
à remplacer la notion de droit par la notion de choix.
Mme David : Bien, j'entends ce
que vous dites, mais la notion de… C'est vrai que c'est un choix, en même temps,
le choix qu'on fait de collectivement valoriser la langue française, mais ce
qu'on entend beaucoup, des gens que j'ai cités, entre autres, mais d'autres,
c'est que la notion de droit collectif est une notion qui est contestable en
soi. La Charte des droits et libertés de la personne, c'est beaucoup plus pour
des individus. D'ailleurs, quand la commission des droits de la personne est
venue dire le droit de vivre en français n'était pas nécessairement un droit et
liberté de la personne et se demandait un peu pourquoi un droit comme ça serait
mis dans la Charte des droits et libertés de la personne…parce que c'est
beaucoup plus fait pour protéger les minorités.
Alors, j'ai l'impression que c'est un peu
dans le même esprit que… Les auteurs que j'ai cités, qui ne sont quand même pas
les moindres, se posent des questions sur la question des droits collectifs en
disant : Ce n'est peut-être pas un mot, juridiquement, qui veut dire ce
que ça veut dire dans le contexte de ce projet de loi là, où, qu'on le veuille
ou pas… Le député de Sainte-Rose disait : On n'est pas une majorité, mais…
on est peut-être une majorité fragile au sein du Canada mais là c'est une loi
provinciale, donc on est une majorité. On n'est peut-être pas majoritaires au
sein du Canada, mais c'est une loi provinciale.
M. Jolin-Barrette : Mais
québécoise. Une loi québécoise.
Mme David : Bien oui, bien
oui, provinciale, province de Québec. Je veux dire, on n'est pas à la Chambre
des communes, ici, ce n'est pas une loi qu'on adopte à la Chambre des communes.
M. Jolin-Barrette : Je suis
d'accord, mais ce que je souhaite dire, par mon commentaire, c'est qu'il est
établi que le Québec est un État, et ce, depuis, je vous dirais… l'appréciation
d'État a été beaucoup développée par le Parti libéral dans les années 60 avec
Jean Lesage, et notamment par Paul Gérin-Lajoie. Alors, je crois que le statut
d'État fédéré du Québec est important. Oui, c'est une loi qui est québécoise,
par contre, la nation québécoise, elle est titulaire de droits collectifs, et
certains…
M. Jolin-Barrette :
...l'appréciation d'État a été beaucoup développée par le Parti libéral dans
les années 60 avec Jean Lesage, et notamment par Paul Gérin-Lajoie. Alors, je
crois que le statut d'État fédéré du Québec est important. Oui, c'est une loi
qui est québécoise.
Par contre, la nation québécoise, elle est
titulaire de droits collectifs, et certains le nient, ça, le nient, puis, dans
les auteurs que vous avez cités, beaucoup de ceux-ci disent : Bien non, l'État
québécois, la nation québécoise n'est pas titulaire de droits collectifs. C'est
le ratio de leur argumentaire de dire : Bien, tout ce qui compte dans la
vie au Canada, au Québec, tout ce qui compte dans la vie, c'est les droits
individuels. Mais, dans tout ça, ils oublient que la nation québécoise est
titulaire de droits collectifs. Et ce n'est pas pour rien également que dans
chacune des chartes, à la fois la Charte des droits et libertés de la personne,
donc la charte québécoise, et la Charte des droits et libertés, la charte
canadienne, bien, dans les deux cas, que ce soit l'article 1 de la charte
canadienne ou à 9.1 de la charte québécoise, bien, il y a un mécanisme qui fait
en sorte, pour la charte canadienne, que dans une société libre et
démocratique, les droits peuvent être limités, hein? C'est la disposition qui
fait en sorte que ce n'est pas des droits et libertés absolus dans notre État
fédéral qui sont mur à mur, parce que la limite de vos droits s'arrête à celle
des autres où elle commence, puis il y a également comme... au sein d'une
collectivité, on ne peut pas faire n'importe quoi, il y a un régime juridique
qui s'applique. Or, il ne faut pas oublier que, comme nation, comme peuple,
celui-ci est également titulaire de droits collectifs, et c'est pour ça qu'on
vient l'inscrire ici.
Comme nation, on a le droit de défendre la
langue officielle, la langue commune du Québec, et c'est le sens de la portée
de l'ajout que l'on fait au préambule, parce qu'il est fondamental que, comme
nation, on puisse exprimer les choix collectifs qu'on fait par le biais des
droits collectifs que nous avons. Alors, on fait un choix d'exprimer les droits
collectifs que nous avons. Dans le dossier de la laïcité, l'Assemblée nationale
est venue consacrer les droits collectifs de la nation québécoise. Les peuples
autochtones également ont des droits collectifs, et ça, c'est toujours
intéressant d'entendre ces différents auteurs que vous citez venir dire :
Écoutez, ça n'existe pas, les droits collectifs. Par contre, pour les nations
autochtones, ça existerait. Alors, pour la nation québécoise, ça n'existerait
pas? Alors, moi, je m'inscris en faux avec cette approche et je crois que,
comme assemblée, on doit le souligner, qu'il existe des droits collectifs. Et
là, ici, ce qu'on vient faire, c'est qu'on vient amener un équilibrage entre
les droits individuels et les droits collectifs, parce que c'est tellement
important de protéger le français, c'est important également que la nation québécoise
puisse s'exprimer en français pour maintenant et pour le futur pour assurer sa
pérennité, qu'il faut le dire, que ça fait partie des droits collectifs de la
nation.
Mme David : Bien, évidemment,
je comprends qu'il n'y aura pas d'accord pour ça. Mais ce que je trouve
intéressant, c'est qu'on revient à des discussions qui ont eu lieu en 1977. Il
y avait un article qui s'appelait l'article 172 que Camille Laurin voulait absolument
faire adopter qui donnait la... — et là vous allez trouver ça
intéressant — le même statut à la Charte de la langue française
que...
Mme David : ...je
comprends qu'il n'y aura d'accord pour ça, mais ce que je trouve intéressant,
c'est qu'on revient à des discussions qui ont eu lieu en 1977. Il y avait un
article qui s'appelait l'article 172, que Camille Laurin voulait
absolument faire adopter, qui donnait la, et là vous allez trouver ça
intéressant, le même statut à la Charte de la langue française que la Charte
des droits et libertés de la personne qui avait été votée deux ans plus tôt, en
1975.
Et là il y a eu une telle discussion,
conversation. Puis vous savez, il a retiré son projet de loi et il en a déposé
un autre avec des amendements. Et avait complètement effacé l'article 172
parce que ça créait trop de tollé et de tension au sein du Parti québécois
entre est-ce que... Parce que, là, on va y arriver un jour, au fait que la
charte des droits, et même c'est déjà mentionné, ici, là, qu'ils vont avoir le
même statut législatif, les deux chartes. Puis on voit bien que ça tiraille un
peu du côté de la Charte des droits et libertés, mais ça tiraillait déjà
énormément en 1977, tellement que cet article 172 a été retiré.
Donc, je pense que Camille Laurin,
là-dessus, n'a pas eu le dessus sur son Conseil des ministres parce qu'il y
avait beaucoup de gens qui plaidaient pour : Non, non, non, on ne s'en va
pas là. On ne s'en va pas là. Là, on est 50 ans plus tard quand même, là,
je ne sais plus, 44 ans plus tard. Alors, écoutez. Moi, je ne peux pas
aller plus loin que ça dans la discussion. Je comprends que le ministre
n'acceptera pas. Alors, j'ai terminé mon intervention, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Après
réflexion, moi, je suis totalement d'accord à ce qu'on garde «droits
collectifs». Je trouve que c'est une notion importante qui doit être
mentionnée, pas juste les droits et libertés de la personne, mais il y a des
droits collectifs, notamment que ça soit par rapport à la langue française pour
la nation québécoise et d'autres droits qui peuvent être reconnus. Mais j'avais
une question. Est-ce que la notion de droits collectifs, c'est la première fois
que ça apparaît dans un texte législatif ou c'est déjà présent?
M. Jolin-Barrette : Dans
la loi sur la laïcité qu'on a adoptée en 2019, c'était présent.
Mme Ghazal : C'est les
seuls, les deux seuls?
M. Jolin-Barrette :
Est-ce que c'est les deux seuls? Je vais pouvoir vous revenir.
Mme Ghazal : Oui. Très
bien.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous
allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?
Une voix
: Rejeté.
La Présidente
(Mme Thériault) : Rejeté. L'amendement est rejeté.
Mme Ghazal : Mais est-ce
que... O.K. Bon point. Je voulais qu'on... Est-ce qu'on peut faire un...
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous voulez faire un vote par appel nominal. Un
par appel nominal, il n'y a pas de problème. Mme la secrétaire. C'est parce
qu'il faut que vous me le demandiez.
Une voix
: ...
La Présidente
(Mme Thériault) : Sinon je dis adopté ou rejeté.
Une voix
: ...
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est la pratique. C'est normal, on est en
début de commission. Donc, le vote par appel nominal, Mme la secrétaire.
La Secrétaire
: Oui.
Veuillez répondre pour, contre ou abstention.
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire
:
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum : Pour.
La Secrétaire
:
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire
:
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
:
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
:
M. Provençal (Beauce-Nord)?
Mme Proulx (Côte-du-Sud) :
Contre.
La Secrétaire
:
Mme Guillemette (Roberval)?
Mme Guillemette : Contre.
La Secrétaire
:
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
• (18 heures) •
La Secrétaire
:
Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal : Contre.
La Secrétaire
:
M. Bérubé...
18 h (version non révisée)
La Secrétaire
: …M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire
: M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire
: Mme
Guillemette (Roberval)?
Mme Guillemette : Contre.
La Secrétaire
: M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
: Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Contre.
La Secrétaire
: M. Bérubé
(Matane-Matapédia)?
M. Bérubé : Contre.
La Secrétaire
: Et Mme Thériault
(Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, c'est rejeté. Est-ce qu'on revient à l'amendement de la
députée de Marguerite-Bourgeoys, qui aurait dû être corrigé? Ça a déjà été
envoyé. Donc, on va vider les amendements de la députée et après ça on viendra
à votre amendement, Mme la députée de Mercier. Donc, on nous indique que ça a
été envoyé, mais là je n'ai pas le texte.
Donc, je vais vous demander une très
courte suspension, le temps qu'on puisse me donner une copie du texte, s'il
vous plaît.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 18 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
pour l'amendement de l'article qui a été… pardon, de l'amendement qui a été
retiré et remplacé par un nouvel amendement. Allez-y, je vous écoute.
Mme David : Alors, à l'article
1 du projet de loi, insérer, dans l'alinéa du préambule de la Charte de la
langue française que propose le paragraphe 1° et après «l'apprentissage de
cette langue», «, et à en parfaire la connaissance et la maîtrise,».
La Présidente (Mme Thériault) :
…
Mme David : «, à en parfaire
la connaissance et la maîtrise,», excusez-moi, Mme la Présidente. Donc, le
texte amendé de l'alinéa du préambule proposé par le paragraphe 1° se
lirait comme suit :
Le préambule de la Charte de la langue
française (chapitre C-11) est modifié :
1° par l'insertion, après le deuxième
alinéa, du suivant :
«L'Assemblée nationale reconnaît que le
français est la langue commune de la nation québécoise et qu'il est déterminant
que tous soient sensibilisés à l'importance de cette langue et de la culture
québécoise comme liants de la société. Elle est donc résolue à ce que chacun
ait accès à l'apprentissage de cette langue, à en parfaire la connaissance et
la maîtrise, ainsi qu'à faire du français la langue de l'intégration.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Voilà pour l'amendement. Commentaires?
Mme David : Alors, écoutez, je
suis bien d'accord avec cette formulation. Je pense que c'est même mieux que la
première formulation, donnons le mérite au ministre. Et je pense que ce n'est
pas banal comme ajout, parce que c'est non seulement, comme j'ai dit,
l'apprentissage, mais «en parfaire la connaissance et la maîtrise», ça nous
touche tous et toutes à tous les jours : relire nos courriels, relire nos
textos, avoir Antidote, se dire : Est-ce que je passerais, là, l'épreuve
uniforme de français du secondaire… du secondaire, oui, mais du collégial, est-ce
que j'échouerais moi aussi, comme, malheureusement, 40 %, souvent, des
étudiants au collégial? Bien, écoutez, pour moi, c'est extrêmement important,
c'est une affaire de tous les jours, cette maîtrise du français. Ce n'est pas
une fois pour toutes, et on doit tous s'inclure là-dedans. Comment ça s'écrit,
«vigilance»? C'est-u avec un a ou avec un e? Comment ça s'écrit… Ce n'est pas
que les autocorrecteurs, là, il y a tout un grand débat autour des accords de
participes passés, la nouvelle orthographe. Est-ce qu'il devrait y avoir… On
fait sauter ça, les participes passés liés au verbe avoir, garder seulement le
verbe être. Une langue vivante, c'est une langue qui doit s'intégrer à notre
culture, mais il faut constamment y penser. Donc, Mme la Présidente, je suis
très heureuse de voir apparaître dans le préambule la notion du droit à en
parfaire la connaissance et la maîtrise, parce qu'un préambule, ça veut dire quelque
chose. Alors, merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Puisqu'il n'y en a pas, nous
allons…
Mme David : …très heureuse de
voir apparaître dans le préambule la notion du droit à parfaire la connaissance
et la maîtrise, parce qu'un préambule, ça veut dire quelque chose. Alors, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Puisqu'il n'y en a pas, nous
allons procéder à la mise aux voix. Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Donc, nous sommes rendus au cinquième amendement sur l'article, celui
déposé par la députée de Mercier. Mme la députée de Mercier, si vous voulez
nous faire la lecture de votre amendement, s'il vous plaît.
Mme Ghazal : L'article 1 du projet
de loi est modifié par l'ajout du paragraphe suivant :
Par le remplacement du 4° alinéa par «Dans
une relation de nation à nation, l'Assemblée nationale reconnaît aux Premières
Nations et aux Inuits du Québec le droit d'enseigner, de valoriser et défendre
leurs langues et leurs cultures».
Donc, je sais qu'on vient d'adopter un amendement
pour changer l'appellation «Amérindiens» par Premières Nations et Inuits du
Québec», mais moi, l'amendement, dans le fond, je le prends textuellement du
mémoire de l'APNQL. Vous savez, à l'époque, en 1977, le ministre de l'époque,
le gouvernement de l'époque aurait pu ne jamais faire mention dans le préambule
de la question des premiers peuples, mais ils ont trouvé que c'était important,
dans un esprit innovateur, progressiste, inclusif, d'en faire mention et de
dire que… j'essaie de retrouver la formulation d'origine… excusez-moi, et donc
de dire, à l'époque, de reconnaître aux Premières Nations et Inuits du Québec
descendant des premiers habitants du pays le droit qu'ils ont de maintenir et
de développer leurs langues et cultures d'origine. Et ça, ça répond, dans le
fond, au principe de dire qu'il faut que ce soit inclusif, la question de la
langue, s'intéresser aux autres cultures, etc.
• (18 h 20) •
Mais plus de 40 ans plus tard, c'est
important de moderniser et d'amener une formulation qui, dans le fond,
représente là où on est rendu aujourd'hui, de… cette relation de nation à
nation, et encore plus important, d'écouter ce que les Premières Nations et
Inuits nous ont dit. Ils sont venus, on les a invités en commission pour nous
dire ce qu'ils pensaient du projet de loi n° 96. Et
là la moindre des choses aurait été, peut-être, de prendre le temps de
modifier, et peut-être que le ministre avait déjà l'intention de le faire, je
ne le sais pas, pour les autres articles où on dit Amérindiens, ça, c'était la
moindre des choses.
Mais là, moi, ce que j'amène, c'est
vraiment de reprendre leur formulation et de dire qu'ils ont le droit, en fait,
le droit de l'enseigner, de la valoriser, de défendre leur langue et leur
culture d'origine, mais toujours dans une relation de nation à nation. Et que
ça soit écrit dans le préambule de la Charte de la langue française, bien,
c'est un message très fort et important qu'on leur dit qu'on vous écoute…
Mme Ghazal : …formulation et de
dire qu'ils ont le droit… en fait, le droit de l'enseigner, de la valoriser et
de défendre leur langue et leur culture d'origine mais toujours dans une
relation de nation à nation. Et que ça soit écrit dans le préambule de la Charte
de la langue française, bien, c'est un message très fort et important. Qu'on
leur dit qu'on vous écoute : Nous voulons défendre la langue française,
mais nous sommes aussi conscients de la fragilité de votre langue et nous vous
écoutons et nous l'ajoutons aussi, dès le préambule. Donc, ça envoie un message
de bienveillance, d'ouverture, d'écoute, de patience, etc., voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
Commentaires? M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, je comprends très bien l'objectif de la députée de Mercier, en lien avec
sa proposition d'amendement.
Là, désormais, avec l'amendement qu'on
vient d'accepter de la députée de Marguerite-Bourgeoys, le… un, deux, trois,
quatre, cinq, cinquième alinéa se lit ainsi : L'Assemblée nationale reconnaît
aux Premières nations et aux Inuit du Québec, descendants des premiers
habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur
langue et culture d'origine.»
Alors, l'essence même de ce qui est
proposé par la députée de Mercier s'y retrouve déjà. Le souhait de rajouter
«dans une relation de nation à nation», actuellement, ça n'apparaît pas dans
aucune loi québécoise, les négociations, les ententes se font de nation à
nation puis c'est un principe bien établi.
Par contre, ce n'est pas l'endroit, dans
la Charte de la langue française, pour l'inscrire, le collègue aux Affaires
autochtones a tout le loisir de le faire éventuellement dans un projet de loi.
Et l'objectif de la Charte de la langue française, c'est de protéger la langue française,
précisément, mais ça n'enlève rien aux nations autochtones. Et justement,
l'article, il est là pour faire en sorte… bien, le… pardon, l'alinéa, il est là
pour le… il est là pour faire en sorte justement de permettre aux nations
autochtones de faire en sorte de maintenir et de développer leur langue et leur
culture d'origine. Donc, lorsqu'on parle de valoriser, de défendre leur langue,
c'est déjà ce qui est indiqué aussi.
Donc, le concept, il est là mais je ne
crois pas que c'est l'endroit approprié pour inscrire ce concept-là, de nation
à nation, à l'intérieur de la Charte de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, Mme la députée de Mercier. J'aurai le député de Matane après.
Mme Ghazal : Si je me fie à
l'argument du ministre, qui dit qu'ici, c'est… on est là pour défendre et
valoriser et protéger la langue française au Québec, si cet argument-là était…
ou cette façon de réfléchir là était utilisée à l'époque, en 1977, en
disant : Bien là, l'objectif, c'est la langue française, probablement que
cet alinéa-là ne se serait jamais retrouvé là à l'origine. Et là, on serait
venu le modifier puis peut-être qu'on l'aurait ajouté, ou pas. Et je me
demande, avec l'argument du ministre, s'il l'aurait lui-même ajouté, s'il n'était
pas déjà là depuis 1977, à cause de l'argument qu'il vient de me donner.
Je comprends que c'est ça, l'objectif de la loi, c'est de protéger la langue
française. Mais à l'époque, dans un esprit innovateur, progressiste,
d'inclusion, de bienveillance envers…
Mme Ghazal : …avec l'argument
du ministre, s'il l'aurait lui-même ajouté, s'il n'était pas déjà là depuis
1977, à cause de l'argument qu'il vient de me donner. Je comprends que c'est
ça, l'objectif de la loi, c'est de protéger la langue française, mais à
l'époque, dans un esprit innovateur, progressiste, d'inclusion, de
bienveillance envers les premiers peuples, même à l'époque, il y a 40 ans,
sans même qu'il y ait toute une organisation ou, si je peux dire, des gens des Premières
Nations, des autochtones qui étaient organisés pour demander que ce soit là, ce
n'était même pas là à l'époque, ça a été fait par le gouvernement de l'époque
par lui-même.
Donc, moi, je fais appel au même esprit
qui existait à l'époque, d'ouverture, d'inclusion, et de ne pas rester
restreints et fermés en disant : Ah! mais ici je suis dans… c'est juste la
langue française, donc je ne peux pas parler d'autre chose, ce n'est pas ça,
l'objectif du projet de loi. On ne peut pas réfléchir comme ça. Bien, le ministre
peut le faire, mais, selon moi, ce n'est pas une bonne façon de réfléchir à la
protection de la langue française au Québec. On ne peut pas faire fi des
langues des premiers peuples en disant : Bien, c'était déjà écrit, on ne
va pas le changer. Et, en plus, moi, ce que je propose ici, ce n'est vraiment
pas juste de faire des Premières Nations et des Inuits des acteurs passifs,
mais plutôt des acteurs actifs et même qui participent aux changements de la
loi qu'on est en train de faire ici en tant que législateurs. Et ils l'ont
fait, cet effort-là, ils l'ont proposé. Ils ont… c'était écrit : Afin de
moderniser les termes descriptifs applicables aux Premières Nations, il est
proposé de modifier le préambule de cette façon-là. Ils ont proposé
d'ajouter : «une relation de nation à nation», un peu comme «droits
collectifs» a été ajouté dans la Charte de la langue française. Le ministre m'a
dit qu'il a été ajouté aussi dans le projet de loi n° 21, peut-être que ça
existe ailleurs ou peut-être non. Le gouvernement a décidé d'innover puis de
dire : Il faut aussi reconnaître les droits collectifs, c'est important.
Alors que là, on parle de la langue française, je comprends qu'on peut
dire : Bien, la langue française, c'est un droit collectif, on peut en
discuter, mais je trouve que c'est important d'écouter cette main tendue et de
ne pas dire : Bien, on va pelleter ça pour le ministre qui est responsable
des Affaires autochtones.
En plus, on… ils ont été invités, et
c'était la seule chose à faire. Bien, maintenant, on ne peut pas juste leur
dire : On vous écoute, il faut aussi les entendre. Et moi, c'est dans cet
esprit-là que je demande au ministre d'accepter l'amendement, mon amendement,
qui est celui de l'APNQL et des Premières Nations.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de Matane qui voulait faire une intervention.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
je suis d'accord avec les arguments invoqués par le ministre. Certes, ça
m'apparaît très vertueux de faire ça, mais ce n'est pas l'endroit pour ça. Le
français, sa protection, ne va pas à l'encontre des langues autochtones. Je ne
crois pas ça. J'ai beaucoup étudié cet enjeu-là et j'ai étudié aussi les
raisons initiales dans la loi 101 pour lesquelles on a considéré ça. Il y
a plein de moyens de faire des relations d'égal à égal. Reconnaître les
11 nations, ça en est un, ça a été fait en 1985 par le gouvernement de
M. Lévesque. Signer des ententes, dans l'usage, ça se fait régulièrement…
M. Bérubé : …je ne crois pas
ça, j'ai beaucoup étudié cet enjeu-là et j'ai étudié aussi les raisons
initiales. dans la loi 101, pour lesquelles on a considéré ça. Il y a plein de
moyens de faire des relations d'égal à égal, reconnaître les 11 nations, c'en
est un, ça a été fait en 1985 par le gouvernement de M. Lévesque, signer des
ententes. Dans l'usage, ça se fait régulièrement. Je suis d'avis que les
langues autochtones mériteraient un projet de loi à part entière qui pourrait
être initié par n'importe quelle formation ici présente, mais je suis plutôt en
accord avec le ministre, il me semble qu'on embarque dans quelque chose qui ne
rendrait pas justice justement à la cause qu'on veut servir, c'est-à-dire les
lois autochtones… en fait, les langues autochtones. Donc, je souscris aux
arguments du ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci beaucoup.
Pas mal en accord avec le collègue de Matane-Matapédia et le ministre, mais
surtout au-delà de la bonne idée qu'a la collègue de Mercier, je pense que ce
serait, encore une fois, un autre exemple d'une instance qui décide pour des
groupes sans les consulter, je pense qu'il faut éviter ça. Je pense que cette
nomenclature-là, et tout ce qui en devient, doit être négociée avec respect de
nation à nation, et ce n'est pas la place pour faire ça. Donc, je m'inscris en
accord avec les deux collègues.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : …ce n'est pas la
place pour faire ça. Pourquoi est-ce qu'on les a invités? On leur a demandé de
présenter, déposer un mémoire pour pouvoir, après ça, utiliser ça ailleurs.,
Pourquoi on les a invités à le faire ici, si ce n'était pas la place? Pourquoi
est-ce qu'on n'aurait pas attendu de justement présenter une autre pièce
législative sur les Premières Nations? C'est parce que c'est la place, parce
qu'on est à la bonne place pour en discuter. C'est pour ça qu'on les a invités.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre,
M. Jolin-Barrette : Bien, je
comprends que c'est la prétention de la députée de Mercier de dire lorsque…
dans le fond, on entend tous les groupes qui viennent en commission
parlementaire, mais on ne donne pas suite à toutes les demandes des groupes qui
viennent en commission parlementaire, ça, je crois que tout le monde en est
conscient. On écoute les gens, mais parfois il y a certains choix du
législateur qui sont effectués. En l'occurrence, ici, l'alinéa 5, là, déjà de
la Charte de la langue française, fait déjà en sorte et, depuis 1977, de
construire… puis la Charte de la langue française a été construite dans une
notion de respect, hein, de la culture et des langues… et de la valorisation
qu'on reconnaît dans la culture et dans les langues autochtones et surtout
l'amendement que la députée de Mercier propose, en fait, supprime l'aspect qui
est… descendant des premiers habitants du pays, ça, je pense que c'est
important de le maintenir également.
• (18 h 30) •
Et tout ce qui est souhaité par la députée
de Mercier s'y retrouve également, le droit qu'ils ont de maintenir et de
développer leur langue et leur culture et culture d'origine, donc ça veut dire,
déjà, ce qui est souhaité par la députée de Mercier. Et le véhicule approprié,
par rapport à la Charte de la langue française…
18 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...également.
Et tout ce qui est souhaité par la députée de Mercier s'y retrouve également,
le droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et leur culture,
et... culture d'origine. Donc, ça veut dire, déjà, ce qui est souhaité par la
députée de Mercier. Et le véhicule approprié, par rapport à la Charte de la
langue française... c'est pour la langue française, mais on dit : On
protège, valorise la langue française dans le respect de la langue et de la
culture d'origine des nations autochtones également. Alors, sur cet aspect-là,
il n'y a pas d'enjeu, c'est déjà là, et l'alinéa le dit déjà.
Pour ce qui est de l'enjeu de nation à
nation, bien, écoutez, c'est un principe qui est établi, mais ce que je dis,
c'est que, pour le faire, ce n'est pas le véhicule législatif approprié pour le
faire, de venir inscrire ça, «de nation à nation», dans la Charte de la langue
française... et des impacts juridiques qu'il peut y avoir, découlant de tout
ça.
Mme Ghazal : Bien, j'aimerais
savoir c'est quoi, les impacts juridiques découlant d'écrire, dans un texte de
loi, «relations de nation à nation».
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, il y en a plusieurs, il y en a plusieurs, et ce n'est pas dans le corpus
actuellement. Donc, le fait de venir modifier cela a certainement un impact
juridique. Et déjà, le gouvernement du Québec, depuis plusieurs années... Et à
juste titre, le député de Matane-Matapédia l'a souligné que c'est le
gouvernement du Parti québécois qui l'a reconnu en 1985, les nations
autochtones. Il y a des accords avec les différentes nations autochtones qui se
font également.
Mais pour ce qui est de l'aspect de la
Charte de la langue française, ce n'est pas là qu'on va venir établir
légistiquement ce principe-là, à l'intérieur de la Charte de la langue
française. Je crois que c'est beaucoup mieux d'avoir une loi destinée
précisément aux relations avec les autochtones, basée sur ce concept-là, plutôt
que de venir le mettre dans la Charte de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai la députée de Marguerite-Bourgeoys qui veut faire une intervention.
Mme David : O.K. Oui, écoutez,
je vais bien humble dans mes propos, par rapport à ça, parce qu'effectivement
c'est un sujet extrêmement délicat. J'avais l'impression qu'on y référait par
le paragraphe qu'on a changé, justement, en parlant de Premières Nations.
Mais j'insiste pour dire qu'il va falloir
parler d'enjeux autochtones quand on va arriver à certains articles du projet
de loi n° 96 qui touchent particulièrement les
anglophones... les anglophones, excusez, les Premières Nations, les
autochtones. C'est... Je donne un exemple, l'épreuve uniforme de français. On
va y arriver éventuellement. Ça, ça touche la question de l'apprentissage de
l'anglais, souvent, qui est langue seconde, et du français, qui est langue
tierce pour eux. Et je suis... j'ai été très sensible à un certain nombre
d'arguments. Mais très liée au projet de loi n° 96.
Donc, ça, j'annonce déjà qu'évidemment on
interviendra à ce moment-là, au moment où on pense qu'il peut y avoir
amélioration, aide, sensibilité à des enjeux qu'ils vivent, qui, entre autres,
provoquent du décrochage scolaire, ce qu'on ne veut pas, évidemment, avec les
communautés autochtones.
Donc, ici, je ne me prononce pas vraiment,
bien que je suis sensible aux arguments aussi du député de Matane-Matapédia,
qui dit : Ce n'est peut-être pas le bon véhicule, et ce n'est peut-être
pas rendre justice...
Mme David : …qu'ils vivent et
qui, entre autres, provoque du décrochage scolaire, ce qu'on ne veut pas, évidemment,
avec les communautés autochtones. Donc, ici, je ne me prononce pas vraiment,
bien que je suis sensible aux arguments aussi du député de Matane-Matapédia qui
dit : Ce n'est peut-être pas le bon véhicule et ce n'est peut-être pas
rendre justice aux, justement, à l'immense complexité des enjeux. C'est là que
mon humilité prend le dessus et je dis : Je ne m'y connais pas assez. Mais
il ne va pas falloir oublier, à plusieurs endroits dans le projet de loi, ordre
professionnel, collégial, etc., qu'il y a des enjeux, effectivement, pour les
autochtones, d'application du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Bien, je
voudrais… dans le fond, le ministre refuse de mentionner, dans une relation… ce
qui dérange, là, dans mon amendement, c'est «relation de nation à nation»,
c'est ce que je comprends? C'est la raison principale pourquoi il refuse mon
amendement.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, je ne donne pas suite à votre amendement parce que, dans un premier
temps, je vous ai expliqué le concept de «nation à nation», ce… ne se
retrouvera pas, on ne va l'incorporer dans la Charte de la langue française, dans
un premier temps. Deuxièmement, ce qui est visé relativement au reste de votre
amendement, défendre la langue française, l'enseignement également, c'est déjà
couvert par le libellé actuel du cinquième alinéa. Donc : L'Assemblée…
reconnaît aux Premières nations et aux Inuit du Québec, descendants des
premiers habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de développer
leurs langues et leur culture d'origine. Donc, c'est implicite que ça prend
parti les autres éléments. Puis l'autre point, c'est que dans votre amendement,
vous supprimez l'aspect «descendants des premiers habitants du pays», puis je
pense que c'est important de le reconnaître aussi. Donc, c'est pour ça,
notamment, qu'on ne donne pas suite à l'amendement.
Mme Ghazal : Puis… donc, il y
a des aspects qui sont inclus. Il y a quelque chose que j'ai enlevé. Je ne l'ai
pas enlevé. Je ne l'ai pas fait par moi-même. J'ai pris ce que les groupes qui
ont été consultés ont amené, mais ce que je comprends, parce que j'aurais pu,
par exemple, le garder, mais le ministre… supposons que j'avais gardé
«descendants des premiers habitants du pays» ou supposons si j'avais mis dans
une «relation de nation à nation» et j'aurais gardé exactement le même libellé,
sauf évidemment «Amérindiens» qui est là actuellement, est-ce que le ministre
l'aurait accepté?
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis très à l'aise avec la proposition qu'on a accepté de la députée de
Marguerite-Bourgeoys de modifier les termes, de les actualiser par «Premières
nations et aux Inuit du Québec», et, dans le fond, je ne donnerai pas suite aux
autres amendements.
Mme Ghazal : Mais est-ce que
la raison principale, c'est «relation de nation à nation» qui… parce que ça
amène des implications? Quelles implications ça amène? Parce que c'est quelque
chose qu'on tient beaucoup dans le discours. Et je suis certaine que,
peut-être, soit le ministre ou quelqu'un du gouvernement l'a déjà dit «relation
de nation à nation…», tout le temps dans le discours, mais dans une loi pourquoi
est-ce qu'on ne le met pas? Parce que ce n'est pas le bon véhicule. Ça serait
quoi le bon véhicule?
M. Jolin-Barrette : Mais ce
que je vous dis, c'est que ce n'est pas… le projet de loi n° 96 ce n'est
pas le véhicule approprié pour incorporer ça dans le corpus législatif de
l'État québécois.
Mme Ghazal : Parce que moi
j'y… dans mes anciennes responsabilités, je…
Mme Ghazal : …est-ce qu'on ne
le met pas? Parce que ce n'est pas le bon véhicule? Ça serait quoi, le bon
véhicule?
M. Jolin-Barrette : Mais ce
que je vous dis, c'est que ce n'est pas le projet de loi n° 96, ce n'est
pas le véhicule approprié pour incorporer ça dans le corpus législatif de l'État
québécois.
Mme Ghazal : Parce que moi,
j'ai… dans mes anciennes responsabilités, je m'occupais aussi d'environnement,
et il y a eu à plusieurs reprises dans des projets de loi des discussions sur
les autochtones parce qu'on en faisait référence dans des lois qui concernaient
l'environnement, protection du territoire, etc. Puis j'ai eu toujours la même
discussion : Ah! bien, ce n'est pas la place, ce n'est pas le temps, là on
ne parle pas des autochtones, ce n'est pas ça, le sujet, ce n'est pas le bon
véhicule. Et là je me suis dit :Bien, c'est où, le bon véhicule? Là on m'a
dit la même chose, que ce n'est pas le bon véhicule. C'est quoi, le bon
véhicule pour parler de cette notion de nation à nation dans un texte
législatif?
M. Jolin-Barrette : Bien, manifestement,
ce n'est pas à moi à vous dire ça, quel est le bon véhicule, mais il y a un
ministre responsable des Affaires autochtones, puis c'est à lui à porter le
dossier.
Mme Ghazal : Puis est-ce que
c'est possible de… je ne sais pas si…
M. Jolin-Barrette : Puis
l'autre point, là, qui est important, là, c'est que le préambule, là, annonce
le contenu de la loi, et donc le contenu de la loi de la loi 101, c'est la
protection puis la valorisation de la langue française. C'est ça, l'objectif du
préambule.
Mme Ghazal : Mais il y a
d'autres articles, là, qui parlent aussi des autochtones, d'autres articles.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
sous forme d'exclusion.
Mme Ghazal : Comme la Charte
de la langue française ne s'applique pas sur les réserves, etc.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme Ghazal : Est-ce que c'est
possible que quelqu'un, un juriste peut-être si le ministre ne peut pas le
faire, m'expliquer c'est quoi, les implications juridiques de dire «de nation à
nation»?
M. Jolin-Barrette : Non, le
gouvernement du Québec ne donnera pas d'opinion juridique à la télévision comme
ça.
Mme Ghazal : Mais comment
est-ce que vous pensez que les… ceux qui ont travaillé, qui ont déposé un
mémoire, qui l'ont présenté, qui sont venus en commission pour le présenter,
comme, par exemple, Ghislain Picard et les autres, comment est-ce que vous
pensez qu'ils vont percevoir votre refus d'inclure leur amendement?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, là on n'est pas dans une séance de questions-réponses sur comment les
gens vont percevoir ça. Il y a eu 50 groupes qu'on a entendus. Tout le
monde a fait des recommandations. Certaines recommandations vont être
acceptées, d'autres ne seront pas acceptées. Ça fait partie du travail législatif
que nous effectuons. À titre d'exemple, l'actualisation des termes
«Amérindiens» pour «Premières Nations», ça faisait partie de leurs
recommandations notamment et je l'ai accepté. Alors, voyez-vous, je fais preuve
d'ouverture. Et je l'avais annoncé, parfois, on accepte certains amendements,
parfois, on n'en accepte pas pour les raisons qui incombent.
Mme Ghazal : Moi, ce que je
trouve dommage, c'est que c'est une occasion manquée d'envoyer un message aux
autochtones pour leur dire : On vous écoute et ça va commencer maintenant.
Mais, à chaque fois, c'est plus tard, à un moment donné quelque chose va venir
plus tard ou, oui, plus tard, et, pendant ce temps-là, ils attendent, par
exemple, de dire que ce n'est pas le…
Mme Ghazal : ...dommage.
C'est que c'est une occasion manquée d'envoyer un message aux autochtones pour
leur dire qu'on vous écoute et ça va commencer maintenant. Mais à chaque fois
c'est plus tard. À un moment donné, quelque chose va venir plus tard. Oui, oui,
plus tard. Et pendant ce temps-là, ils attendent. Par exemple, de dire que ce
n'est pas le bon véhicule.
Moi, ce que j'avais compris au début, et
ça a été... c'était sorti dans les médias, du ministre aux Affaires autochtones,
il a dit : «On ne touchera pas à ça, les lois autochtones. Ça ne nous
intéresse pas». Là, après ça, j'ai senti une évolution. Il y a eu un changement
d'idée. C'est ce que je comprends. Je ne sais pas si c'est lui qui l'a dit ou
c'est le ministre, je ne le sais plus. Ou il a dit : Ah! Finalement, peut-être
qu'on va faire quelque chose. Maintenant qu'on parle de langue française, on va
peut-être parler aussi des langues des premiers peuples qui étaient ici avant
nous aussi. Puis on est les mieux placés au Québec pour comprendre leur
sentiment d'inquiétude et de fragilité identitaire, si je peux l'appeler comme
ça, on est les mieux placés en Amérique du Nord pour le comprendre.
• (18 h 40) •
Et donc, ils attendent cette main tendue.
Ils l'attendent. Là, il y a une occasion. Dans les lois environnementales, le ministre
de l'Environnement me disait que ce n'était pas le bon véhicule, ce n'était pas
la bonne place, ce n'est pas là qu'on va en parler, à chaque fois qu'il y avait
des articles sur les autochtones. Et là maintenant je pensais que c'était la
bonne place puisqu'on les a invités. Tu sais, on n'a pas invité, par exemple,
je disais à la blague tout à l'heure, les groupes écologistes, environnementalistes,
on ne les a pas invités. On a invité les Premières Nations parce que la langue
française, et la protection de la langue française, et les dispositions qui
sont dans la Charte de la langue française, c'est aussi important et ça a un
impact sur eux. Et c'est aussi une opportunité pour leur offrir cette... une
main, leur tendre la main pour pour dire : On vous entend, on vous écoute.
Et là on me dit que c'est... Ce n'est pas
le bon véhicule, ce n'est pas la bonne place. Il faut le faire ailleurs, plus
tard, un jour. Je ne sais pas quand viendra ce jour. Le ministre me dit que ce
n'est pas maintenant et ce n'est pas à lui de répondre. C'est... On a hâte
d'entendre le ministre aux Affaires autochtones l'annoncer parce que la
dernière fois qu'il en a parlé, il a dit : On n'a pas l'intention de ne
rien modifier par rapport aux langues autochtones. Moi, c'est ce que j'ai
entendu. C'est un... C'est un message de fermeture que j'ai entendu. Et là on
dit que oui, il y a quelque chose qui s'en vient. Et je trouve que c'est vraiment
une occasion manquée de ne pas reprendre, non pas l'amendement de la députée de
Mercier, mais l'amendement qui a été amené et déposé par l'APNQL.
La Présidente
(Mme Thériault) : Madame.
Mme Ghazal : Et je trouve
ça très, très, très dommage.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre. Puis après ça, ça sera M. le député de Matane.
M. Jolin-Barrette : Je
veux juste qu'on s'entende sur un point super important, sur notre fonction de parlementaire.
J'espère que c'est l'amendement de la députée de Mercier, que ce n'est pas sous
la dictée d'un tiers. Parce que quand on est assis ici à l'Assemblée nationale,
là, on représente les citoyens du Québec et on a une responsabilité
individuelle de ce qu'on propose comme députée que ça soit nos amendements. Ça,
c'est extrêmement important. Parce que, moi, Mme la Présidente, je n'accepterai
pas qu'on dise : Bien, ce n'est pas mon amendement. C'est l'amendement
d'un tiers. Non, non. Vous avez une responsabilité. Vous avez un siège comme
députée. Puis à ce titre-là, vous agissez en tant que députée de Mercier.
Alors, il faut faire bien attention. On a une responsabilité comme
parlementaire de dire : Les choses que je présente, là, je suis en accord
et je vais les défendre. Donc, ça, c'est fort important. C'est lié..
M. Jolin-Barrette : …non, non,
vous avez une responsabilité, vous avez un siège, comme députée, puis à ce
titre-là, vous agissez en tant que députée de Mercier. Alors, il faut faire
bien attention, on a une responsabilité, comme parlementaire, de dire :
Les choses que je présente, là, je suis en accord et je vais les défendre.
Donc, ça, c'est fort important, c'est lié au siège, à la personne qui
représente ses concitoyens. Alors, je veux juste qu'on ramène ça…
Mme Ghazal : Je n'ai pas besoin
d'avoir une leçon sur mes responsabilités, je les connais très bien, comme législateur,
et c'est sûr que je
n'aurais pas déposé un amendement avec lequel je
ne suis pas d'accord.
M. Jolin-Barrette : Mais non,
mais vous dites : Ce n'est pas votre amendement, ce n'est pas mon amendement,
c'est l'amendement du groupe. Attention, là, c'est votre amendement, là, il ne
faut pas vous dissocier puis dire ce n'est pas vous.
Là-dessus, la Charte de la langue
française vise à faire en sorte, hein, de protéger le statut du français. L'alinéa,
il est là pour justement dire que le statut du français est protégé en tout
respect des droits des nations autochtones. Ça a toujours été comme ça depuis
1977. Puis depuis tantôt, j'entends la députée de Mercier nous dire : Ah
bien, j'entends un signe de fermeture, j'entends dire que ce n'est pas le bon
endroit, tout ça.
Ce n'est pas ça que j'ai dit. Ce n'est pas
un signe de fermeture, j'ai dit que le statut du français, c'est là-dessus
qu'on travaille, présentement, puis sur les autres questions rattachées aux
nations autochtones, que ce soit la relation de nation à nation, que ça soit
relativement à l'enseignement ou aux autres… bien, en fait, l'enseignement,
c'est couvert justement par le libellé actuel, mais ce n'est pas le véhicule
approprié, puis il ne faut pas mélanger l'environnement avec le statut du français.
C'est tout ce que je dis. Je ne dis pas que la proposition de la collègue de
Mercier, elle n'est pas légitime, je dis juste que je ne la retiens pas dans le
cadre de la loi 101. C'est tout ce que je dis.
Mme Ghazal : Moi…
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais vous donner la parole, Mme la députée de Mercier. Je vais juste vous
rappeler que, jusqu'à date, ça fonctionne bien, les échanges vont bien, je
laisse les députés, ministres se parler, il y a une franche discussion. Tant
que c'est respectueux, je n'interviendrai pas. Par contre, je vais vous
demander quand même d'écouter jusqu'au bout et de ne pas vous interpeler et de
vous couper la parole, autant pour un que pour l'autre. Puis à ce moment-là, on
va continuer comme on est bien parti au début de la commission.
Si je vois que ça commence à déraper, bien
là, je vais devoir vous dire : Bien, adressez-vous à la présidente puis
vous allez passer par moi, vous allez attendre les droits de parole, puis je
vais demander qu'on n'ouvre pas les micros tant que je ne vous ai pas donné la
parole. Donc, je veux juste que tout le monde soit respectueux. Mme la députée
de Mercier.
Mme Ghazal : Oui, j'entends.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et après, je reconnais le député de Matane-Matapédia.
Mme Ghazal : Oui. J'entends très,
très bien, Mme la Présidente. Absolument. C'est juste que ça m'a choquée un
petit peu que le ministre me donne des leçons sur mes responsabilités. Nous
sommes aussi le relais de la société civile et des gens qui viennent en commission.
C'est sûr que si je n'étais pas d'accord, je n'aurais jamais déposé cet amendement-là.
Quand je dis que ce sont eux qui l'ont écrit, c'est que c'est aussi important,
quand on dit justement de nation à nation, même si on ne va pas l'écrire, on
peut le pratiquer, puisque c'est souvent mentionné dans les discours du gouvernement
de parler de nation à nation et tout le monde est d'accord lorsqu'il s'agit des
beaux discours. Mais c'est de faire d'eux aussi une sorte de législateur, de
dire qu'ils sont actifs, les autochtones, dans notre société par rapport à des
questions qui les…
Mme Ghazal : ...discours du gouvernement
de parler de nation à nation, et tout le monde est d'accord lorsqu'il s'agit
des beaux discours, mais c'est de faire d'eux aussi une sorte de législateur,
de dire qu'ils sont actifs, les autochtones, dans notre société par rapport à
des questions qui les concernent, et que ce n'est pas uniquement nous qui
disons comment les choses doivent se passer.
Et c'était... c'est dans esprit-là, moi,
c'est ça que j'aurais aimé voir, c'est de dire : Bien, dans un message
d'ouverture et d'écoute envers les autochtones, j'accepte ce qu'ils déposent
comme amendement. Et, oui, ça serait la bonne place de dire : Bien, c'est
à la Charte de la langue française, puisqu'à l'époque, en 1977, on a cru bon
d'ajouter cet alinéa-là dans le préambule et d'autres articles alors que
l'objectif, c'était de protéger le français. On n'a pas vu que c'était le
mauvais véhicule, on a trouvé que c'était une bonne place, quand on parle de la
langue française, d'ajouter aussi la reconnaissance des autochtones de
maintenir, développer leur langue.
Et j'aurais aimé ça qu'ici, bien, on fasse
un pas plus loin car plus de 40 ans plus tard, avec tout le contexte et les
discussions qui ont lieu actuellement dans la société et le sentiment, peut-être,
de non-écoute du gouvernement actuel, ça aurait été une belle occasion, une
opportunité de dire : Bien, on vous entend, on vous écoute. Et, au-delà les
technicalités, est-ce que c'est le bon véhicule, est-ce que ça prend un autre
projet de loi, ça aurait été une belle occasion qui est malheureusement manquée
ici.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Tout à l'heure, la
collègue de Mercier indiquait qu'on les a invités. Juste une précision :
Est-ce que le gouvernement a sollicité la participation ou, dans les groupes
qui se sont inscrits, ils ont été sélectionnés? Ça, c'est juste une nuance qui est
importante pour moi. Est-ce qu'il y a eu une approche en disant : On
aimerait que vous puissiez venir nous présenter vos propositions ou, de tous
les groupes, on a choisi ce groupe-là? Juste pour qu'on soit clair sur comment
ça s'est fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Là-dessus, je ne pourrais pas vous dire précisément, là, il y a toujours des
négociations entre les différentes formations politiques à savoir qui soumet
les listes de groupes, tout ça. Alors, je ne pourrais pas vous dire
précisément, il faudrait que je retourne dans mes souvenirs. Puis à cette
époque-là...
M. Bérubé : ...revenir parce
que ça fait une distinction. Puis, tu sais, moi, j'accepte l'argument de la
députée de Mercier, puis c'est important. S'ils ont été sollicités, ils ont des
attentes légitimes, c'est sûr.
D'ailleurs, une des attentes légitimes qui
va revenir plus tard, puis moi, je vais vouloir en discuter, c'est la
question... je l'annonce, là, parce que ça va revenir, l'examen du ministère en
français. Ça, c'est un enjeu important, je me souviens qu'on a entendu parler
de ça. Ça, c'est une demande très concrète, on aura d'autres occasions d'en
parler. Moi, j'ai retenu cet enjeu-là. Ça, c'est le genre d'enjeu qui a un lien
avec les langues autochtones direct avec la Charte de la langue française ou la
loi n° 96 parce que c'est la connaissance du français qui est plus
complexe si on part d'une langue autochtone que si on part de l'anglais ou
d'une autre langue. C'est la démonstration qui nous a été faite comme quoi,
oui, les enjeux autochtones peuvent être discutés...
M.
Bérubé
:
...qui a un lien avec les langues autochtones direct avec la Charte de la
langue française ou la loi n° 96, parce que c'est la connaissance
du français qui est plus complexe si on part d'une langue autochtone que si on
part de l'anglais ou d'une autre langue. C'est la démonstration qui nous a été
faite, comme quoi, oui, les enjeux autochtones peuvent être discutés dans le
cadre du projet de loi lorsqu'ils ont un lien direct. Mais je termine en disant
que les langues autochtones, qui sont des langues millénaires, méritent, je
dirais, un exercice comme celui-là à part entière qui rendrait justice à la
hauteur de ce que la députée veut faire, et d'autres aussi, et... Bien, voilà.
Moi, je serais intéressé à participer à l'exercice, par exemple, j'aurais beaucoup
d'intérêt à faire ça. Mais je comprends que le message que la députée veut
envoyer... Mais je ne vois pas d'opposition, par contre, là, entre ce qu'on
veut faire puis rassurer.
Donc, je voulais envoyer ces nuances-là au
centre des échanges pour préciser qu'on peut continuer sans l'amendement, puis
ça va être correct, mais on peut l'avoir en tête comme législateurs aussi pour
la suite, cette sensibilité-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'autres commentaires? Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, on est prêt à
mettre aux voix l'amendement? Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix
: Rejeté.
Une voix
: Pas d'autre...
Vote par appel nominal.
La Présidente (Mme Thériault) :
Rejeté. Mais on me demande un vote par appel nominal. Mme la secrétaire.
La Secrétaire
:
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal : Pour.
La Secrétaire
: M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire
: M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire
: Mme
Guillemette (Roberval)?
Mme Guillemette : Contre.
La Secrétaire
: M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
:
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Abstention.
La Secrétaire
: M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum : Abstention.
• (18 h 50) •
La Secrétaire
: M. Bérubé
(Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé
:
Abstention.
La Secrétaire
: Et Mme Thériault
(Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, l'amendement est rejeté. Puisque...
Est-ce qu'il y a d'autres amendements à l'article
n° 1? Je ne crois pas. Donc, à ce moment-là, on peut
faire la discussion sur l'article n° 1. On est rendu
à faire la discussion sur l'entièreté de l'article tel que nous venons de
l'amender à quatre reprises. Oui, M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
: Là,
on revient sur le n° 1. C'est ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
On revient sur le n° 1, oui.
M.
Bérubé
: Bon.
Vous allez me dire si je suis correct en disant ça. Quand c'est écrit — puis
ça va nous guider pour l'ensemble du projet de loi : «L'Assemblée
nationale reconnaît que le français est la langue commune de la nation
québécoise», d'accord, ma question au ministre, tiens : Pourquoi on
n'indique pas partout dans le projet de loi «la seule langue commune de la
nation québécoise»? Moi, c'est une précision qui m'importe et qui pourrait nous
guider tout au long de l'étude du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous aurez noté qu'à l'article 2, O.K. — là, je vais un petit
peu plus loin — bien, on vient dire que... Excusez-moi, pas à
l'article 2. On vient indiquer précisément «la seule langue officielle»...
(Consultation)
M. Jolin-Barrette : Oui. À l'article
2 du projet de loi, pardon, c'est ça, on vient ajouter : «Le français est
aussi la langue commune de la nation québécoise et constitue l'un des
fondements de son identité et de sa culture distincte. Seule cette langue a...
M. Jolin-Barrette : …on vient
indiquer précisément la seule langue officielle… Oui, à l'article 2 du projet
de loi — pardon — c'est ça, «Seule cette…» On vient
ajouter : «Le français est aussi la langue commune de la nation québécoise
et constitue l'un des fondements de son identité et de sa culture distincte. Seule
cette langue a ce statut.» Donc, à 1, à l'article 1 de la Charte de la
langue française, mais à l'article 2 du projet de loi n° 96, on vient
dire : Le français est la langue officielle du Québec, seule cette langue
a ce statut.
Donc, la langue officielle du Québec,
c'est la langue de l'État, la langue des lois, la langue de la justice, c'est
la langue officielle du Québec. Il n'y a qu'une seule langue officielle au
Québec. Le concept de langue commune, c'est un concept qu'on vient insérer à la
fois dans la loi 101 et dans le projet de loi n° 96. Et l'objectif,
c'est qu'on vient dire : La langue commune au Québec, c'est le français.
C'est la langue publique commune, c'est elle qui permet de tisser des liens.
C'est elle qui, dans l'espace public, bien, c'est elle qui fédère les gens et
c'est la langue d'intégration. La langue publique, là, c'est lorsque vous
sortez travailler, lorsque vous discutez avec des gens de différentes origines,
de partout à travers le monde, c'est la langue qui nous unit, c'est le tronc
commun de la société québécoise, c'est l'assise de la société québécoise.
M. Bérubé : Alors, Mme la
Présidente, pourquoi je dis ça au ministre? Parce qu'il se trouve des personnes
qui choisissent la position canadienne et qui disent : Ah non! Moi, je
suis au Canada, et il y a deux langues officielles. Alors, comment on répond à
ça, quand quelqu'un nous dit ça? Moi, j'ai choisi de venir habiter au Canada,
puis, quand j'ai par prêté serment, on m'a dit que c'était un pays bilingue.
Donc, je suis au Québec, le Québec est au Canada, donc il y a deux langues
officielles. Il m'apparaît que si on le précise qu'il y en a une seule, ça
enlève toute ambiguïté. En tout cas, moi, je vais pouvoir m'appuyer sur cet
article-là du projet de loi en disant : Oh non! Voici le projet de loi
n° 96, il précise que c'est la langue officielle, mais c'est la seule. On
ajoute de la force, parce que cet argument-là, il est bien réel. Vous pouvez
dire ce que vous voulez. D'ailleurs, on se le fait dire sur les réseaux sociaux
lorsqu'on est indépendantiste ou le moindrement intéressé à la langue : Au
Canada, il y a deux langues. C'est pour ça que je l'évoque au bénéfice du
ministre et des collègues.
M. Jolin-Barrette : C'est
bien noté.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est
bien noté.
M. Bérubé : Bien, en fait,
c'est noté, mais allez-vous faire quelque chose avec ça?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans le fond, c'est très bien établi que la seule langue officielle du Québec,
c'est le français. Puis avec le… dans le libellé, là, «l'Assemblée nationale
reconnaît que le français est la langue commune de la nation québécoise…» Donc,
on dit, c'est quoi, la langue de la nation québécoise, la langue commune de la
nation québécoise. C'est le français.
M. Bérubé : Je repose ma
question différemment. En quoi d'ajouter «seule», rendrait les choses moins
claires qu'avec la formulation actuelle?
M. Jolin-Barrette : …Mme la
Présidente, ce ne sera pas bien long…
M.
Bérubé
: …je
repose ma question différemment. En quoi d'ajouter «seule» rendrait les choses
moins claires qu'avec la formulation actuelle?
M. Jolin-Barrette : …Mme la
Présidente, ce ne sera pas bien long.
M.
Bérubé
: Vous
ne l'avez pas vue venir.
(Consultation)
M. Jolin-Barrette : Bien, si le
député de Matane-Matapédia souhaite que nous spécifiions «seule langue commune
de la nation québécoise», moi, je n'ai pas d'enjeu à le faire, parce que c'est véritablement
ça. La nation québécoise s'exprime en français, c'est la langue officielle de
l'État et c'est la seule langue commune au Québec, à ne pas confondre avec la
langue d'usage.
M.
Bérubé
:
Exact. D'ailleurs, ça a déjà fait l'objet d'un débat, la langue d'usage, dans
les excuses de M. Rousseau, vous vous souvenez? Donc, comme le ministre
l'utilise, lui, verbalement, de sa position dans cette commission, il peut dire
«seule», et qu'il accueille favorablement cet argument, puis-je évoquer que ça
pourrait faire l'objet d'un amendement qui serait accepté par le ministre? Est-ce
que c'est ce qu'il nous suggère?
M. Jolin-Barrette : Je suis
très ouvert à accepter un tel amendement.
M.
Bérubé
:
Pourrait-il m'en donner une garantie pour ne pas que je travaille pour rien?
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Jolin-Barrette : On
pourrait même, Mme la Présidente, le rédiger et le soumettre au député de
Matane-Matapédia pour qu'il puisse le déposer.
M.
Bérubé
: Je
pourrais même laisser la paternité de cet amendement-là au ministre, je
n'aurais pas de problème, il a plus de monde pour l'aider à monter ça.
M. Jolin-Barrette : Écoutez,
ma paternité est déjà établie à deux reprises…
Des voix
: Ha, ha, ha!
M. Jolin-Barrette : Je peux…
À la guise du député de Matane-Matapédia. Je n'en serai pas jaloux. On peut… écoutez,
on peut avoir un projet parental, Mme la Présidente, ensemble.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je comprends, M. le ministre, que…
M.
Bérubé
: …je
l'appuie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je comprends, M. le ministre, que vos légistes vont s'affairer à préparer un amendement
qui sera déposé par le député de Matane-Matapédia.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
M.
Bérubé
: Vous
suivez avec intérêt nos… Vous comprenez pourquoi je propose ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je suis toujours avec beaucoup d'intérêt ce qui se dit.
M.
Bérubé
: Mais
vous avez compris pourquoi je propose ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Bérubé : Parce qu'il y a
des petits malins, là… Puis d'ailleurs ça fait l'objet d'une de nos propositions
qui va venir plus tard que les députés de l'Assemblée nationale repassent après
les cérémonies d'assermentation des nouveaux arrivants en disant : On vous
a dit que c'était bilingue, mais au Québec, ce n'est pas tout à fait ça, puis
il n'y a personne pour le dire. Mais là il y aura l'amendement qui va le dire
dans la loi, puis plus tard, je vous parlerai de ma proposition que les députés
de l'Assemblée nationale rencontrent les immigrants québécois après les
fédéraux pour leur dire : Égalité entre les hommes et les femmes, primauté
du français, laïcité. Et je pense que ce sera pertinent, mais ça, c'est un
autre projet.
La Présidente (Mme Thériault) :
…donc je me fie sur l'équipe des légistes pour préparer l'amendement qui aura
votre paternité, avec coparentalité du ministre. Mais j'ai quand même une
intervention sur l'article 1, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys, donc ça
permet aux légistes de nous faire la rédaction. Quand ça sera prêt, vous
l'enverrez au secrétariat. À ce moment-là, on reviendra voter l'amendement qui
sera déposé par le député de Matane-Matapédia…
La Présidente (Mme Thériault) :
…amendement qui aura votre paternité, avec coparentalité du ministre. Mais j'ai
quand même une intervention sur l'article 1, avec la députée de Marguerite-Bourgeoys,
donc ça permet aux légistes de nous faire la rédaction. Quand ça sera prêt,
vous l'enverrez au secrétariat. À ce moment-là, on reviendra voter l'amendement
qui sera déposé par le député de Matane-Matapédia. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci. Bien, moi,
c'était pour faire suite à la discussion, où je trouve que le ministre a dit
oui vite, très, très vite. Mais je reviens au départ, il faut écouter les mots,
là. Le député de Matane-Matapédia a dit : Ça, là, ça va avoir des
conséquences sur toute la suite des choses. Alors, j'ai comme l'impression…
l'adage qui me revient, c'est : Qui trop embrasse mal étreint. On est dans
la coparentalité, on va continuer dans ça.
Quelle est l'intention du ministre… du
député de Matane-Matapédia de faire adopter ça au ministre? Et est-ce que le ministre
a entendu la même chose que moi? C'est qu'est-ce qu'on va mettre cette
insistance partout, partout, partout dans le projet de loi? J'ai l'impression
que c'est un peu ça que je vois venir.
Moi, je savais, on le sait tous qu'il y a
l'article 2… seule la langue officielle, je ne sais pas trop, là, est le français,
c'est la seule langue officielle, ou je ne sais pas quoi. Je veux dire, à un
moment donné, ça insiste, comme on dit, là, ça insiste, là, c'est comme…
Alors, je veux comprendre la facilité, la
rapidité, parce que, si vous l'aviez voulu, vous l'auriez mis, j'imagine, dès
le départ. Est-ce que c'est le seul endroit, ou partout on va faire un «ctrl+f»,
ou je ne sais pas quoi, puis, dès qu'on va parler de français, on va mettre le
mot «seule»? Je m'inquiète un petit peu de l'étendue que ça va prendre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : En fait,
pourquoi ne pas l'avoir spécifié dès le départ? Simplement parce que le concept
même de langue commune, pour la nation québécoise, fait état du fait que c'est
la seule langue de rencontre, de connexion, que ça soit au niveau du travail,
que ça soit dans la sphère publique, que ça soit la langue des communications
interculturelles, que ça soit la langue d'intégration. Donc, c'est
sous-entendu. Lorsqu'on parle de langue commune, au Québec, on s'entend
que c'est le français, donc que c'est la seule langue commune à travers
laquelle les gens de toutes les régions, les gens de partout à travers le
monde, lorsqu'ils sont au Québec, bien, ça se passe en français.
Donc, vous avez la langue officielle de
l'État, le français, mais vous avez également ce que nous souhaitons faire au
Québec, de faire en sorte que, dans les différents pans de la société, lorsque
les gens se retrouvent dans l'espace commun, bien, le tronc commun, il soit
cimenté et supporté par la langue française. Ce que l'on souhaite, c'est que la
langue publique commune, ça soit le français.
Alors, moi, quand le député de
Matane-Matapédia dit : On devrait mettre «seule», bien, c'est implicite
que c'est à l'intérieur de tout ça. Et donc, dans le projet de loi, on ne fait
pas référence souvent à la langue commune, hein? C'est ça. On fait référence
dans le préambule mais pas dans le reste du projet de loi.
• (19 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de…
19 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...la
langue publique commune, ça soit le français. Alors, moi, quand le député de Matane-Matapédia
dit : On devrait mettre «Seul», bien, c'est implicite que c'est à
l'intérieur de tout ça. Et donc dans le projet de loi on ne fait pas référence
souvent à la langue commune, hein? C'est ça. On fait référence dans le
préambule, mais pas dans le reste du projet de loi.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est le député de Matane-Matapédia qui voulait
intervenir parce que c'est à sa suggestion qu'il y a un amendement qui en
rédaction.
M.
Bérubé
:
Comme on m'interpelle, j'entends le questionnement de la députée de Marguerite-Bourgeoys,
mais je n'entends pas sa crainte, à la députée, pourquoi ça serait problématique
pour la députée qu'on l'ajoute? Moi, je vous ai dit pourquoi j'aimerais qu'on
l'ajoute. Parce que, notamment, pour les nouveaux arrivants au Québec, cette
précision-là n'existe pas. Et je vous mets au défi de voir combien de fois
c'est entendu qu'il y a le Canada. Puis il y a le Québec qui est distinct, à
telle enseigne que sa langue officielle, sa langue commune, c'est le français.
Ce n'est pas si clair que ça dans la cérémonie d'assermentation.
Alors, c'est... J'ai reprécisé pourquoi,
moi, je voulais le faire. Je me réjouis que le ministre soit intéressé à aller
de l'avant. Et j'aimerais entendre la députée de Marguerite-Bourgeoys sur qu'est-ce
qui serait problématique à le faire. Ça serait préjudiciable pour qui de
préciser que c'est la seule langue officielle?
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Alors, écoutez,
ce n'est pas préjudiciable. Et que le député de Matane-Matapédia soit rassuré.
Ma question, c'est : On pourrait mettre «seule et unique». Je pourrais
faire un autre sous-amendement, «seule et unique langue commune». À la limite,
là, on... Mais ça s'en vient dans l'article 2. Alors, je me disais, je ne
suis pas nécessairement contre, mais si ça se retrouve partout dans le projet
de loi, ce que je n'ai jamais fait, moi, là, de faire un, on appelle ça un
CTRL+F ou je ne sais pas quoi. Si vous me rassurez que ça ne vient pas
50 fois puis qu'on va avoir 50 fois cette conversation-là, cet
échange-là, bien, écoutez, c'est... Comme on le dit à l'article 2, puis
qu'on n'est pas contre l'article 2, ça serait un peu... Ça serait
superfétatoire de dire qu'on est contre l'article 1 avec la modification
du député de Matane-Matapédia. Mais je voulais souligner que je m'inquiétais un
peu d'en mettre trop, d'être trop insistant parce que j'avais l'impression que
c'était assez clair avec l'article 2.
M. Jolin-Barrette : En
fait, ce que l'on va faire, dans le fond, déjà comme avec la langue officielle,
on vient spécifier à l'article 1 que, le français, c'est la seule langue
officielle de l'État. Donc, on va faire un amendement à l'article 2 également
pour dire c'est la seule langue commune. Puis pour le reste de la loi, à cause
de l'interprétation légistique, on n'a pas besoin de le réécrire partout à
travers la loi. Donc, ça ne revient pas. Puis on parle peu de langue commune
dans le projet de loi, à l'exception d'un titre d'une section, qui parle de
langue commune, notamment sur la langue d'intégration des personnes
immigrantes. Donc...
Mme David : Donc, est-ce
que je... on peut s'attendre à ce que le titre va changer puis va être la seule
langue commune d'intégration? C'était un peu le sens de...
M. Jolin-Barrette : Où
ça?
Mme David : Bien, dans...
Vous dites que ça revient plus loin, là.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, dans le fond, il y a une section qui... qu'on parle de langue commune,
mais ça ne sera pas nécessaire d'indiquer dans le titre «seule langue commune».
Dans le fond, vous me demandiez... La députée de Marguerite-Bourgeoys me
demandait : Est-ce que ça revient à plusieurs reprises? Non...
Mme David : …d'intégration.
C'est un peu le sens de…
M. Jolin-Barrette : Où, ça?
Mme David : Bien, dans… vous
dites que ça revient plus loin, là.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, dans le fond, il y a une section qui… on parle de langue commune, mais ça
ne sera pas nécessaire d'indiquer dans le titre : Seule langue commune.
Dans le fond, vous me demandiez… la députée de Marguerite-Bourgeoys me
demandait : Est-ce que ça revient à plusieurs reprises? Non, ça ne revient
pas à plusieurs reprises, mais on va le faire à l'article 1 puis à
l'article 2. Mais, en fait, pour la langue commune, à l'article 2, on
va venir spécifier là, puis on n'aura pas besoin de venir le spécifier dans le
reste du projet de loi.
Mme David : O.K. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, ça va? Donc, je comprends que la discussion, elle est clause. On attend
de recevoir l'amendement de l'équipe des légistes du ministre qui portera la
paternité du député de Matane-Matapédia. Nous avons compris également, M. le
ministre, que l'article 2, vous nous annoncez un amendement. C'est ce
qu'on comprend.
M. Jolin-Barrette :
…justement, pour répercuter la modification.
La Présidente (Mme Thériault) :
Absolument. Donc, c'est ce qu'on appelle une modification de concordance pour
que le… autant dans le préambule que dans la loi, qu'on ait le même terme aux
deux endroits. Donc…
M. Jolin-Barrette : Ça ne
sera pas bien long avant qu'il s'achemine. Je peux répondre à d'autres
questions s'il y a d'autres questions sur l'article.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce qu'il y a d'autres questions ou commentaires sur
l'article 1, dans d'autres paragraphes? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Ça aussi, un peu
comme l'introduction du député de Matane-Matapédia, ça fait partie de la
doctrine, vous savez qui, pour écrire ce projet de loi là, le concept de
souveraineté parlementaire, il revient assez souvent, et c'est un concept qui
vient même du droit britannique qui est… puis, bon, c'est quand même… vous ne
l'avez pas inventé, mais vous l'utilisez avec plaisir, de ce concept-là,
disons-le comme ça, et…
Mais je voulais vous entendre là-dessus.
Je voulais un petit cours 101 du ministre sur son appréciation de ce
concept-là, parce que ça va vous servir à plusieurs sauces et dans plusieurs
articles. C'est toujours en filigrane de votre réflexion, votre pensée puis de
la rédaction de la loi. Alors, comme c'est quand même… et particulièrement, et
particulièrement pour le recours aux dispositions de dérogation, particulièrement
pour ça, c'est une des conséquences, je dirais, directes. On est souverains,
c'est le Parlement, le gouvernement des juges, on n'en veut pas, etc. C'est
très, très… bon, c'est votre appréciation du rapport avec la justice, mais la
souveraineté parlementaire, c'est quelque chose qui dit : Ce sont les
parlementaires qui sont souverains avant le recours aux chartes et puis aux…
puis que les juges décident pour nous. Ça, c'est beaucoup, beaucoup dans la
réflexion aussi du rapatriement de la constitution, là, la question du recours
des dispositions de dérogation qui, je le répète, ne venaient pas du Québec,
venaient de provinces anglophones, mais dont le Québec s'est beaucoup… a
beaucoup utilisé entre 1982 et 1985 et après ça. Mais la souveraineté parlementaire,
je vais m'arrêter de parler parce que je voudrais vous entendre sur votre
appréciation de ce concept-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, je vous dirais, dans un premier temps, que…
Mme David : …anglophones, mais
dont le Québec s'est beaucoup… a beaucoup utilisé, entre 82 et 85 et
après ça. Mais la souveraineté parlementaire… je vais m'arrêter de parler parce
que je voudrais vous entendre sur votre appréciation de ce concept-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, je vous dirais, dans un premier temps, que ce n'est pas en lien avec les
rapports avec la justice mais plutôt c'est dans une conception de rapport avec
la démocratie, et ça, je pense que c'est fondamental. Parce que le rôle que l'on
joue tous aujourd'hui… on est dans une démocratie élective, représentative et
je pense que la nation, hein, les Québécoises et les Québécois qui font le
choix de leurs représentants… notre système fonctionne du fait que la
légitimité des élus provient de la nation, provient du peuple, provient des
citoyens. Et on est dans un régime parlementaire qui fait en sorte que nos lois
sont votées par un Parlement élu. On est tous élus comme législateurs, dans un
premier temps, ensuite, certains se retrouvent à l'exécutif, désignés par le
premier ministre, et le troisième pouvoir, c'est le pouvoir judiciaire.
Vous l'avez bien dit, la députée de Marguerite-Bourgeoys
l'a bien dit, il est arrivé un événement traumatique en 1982 avec le
rapatriement de la Loi constitutionnelle de 1867, et l'adoption de la Loi
constitutionnelle de 1982, avec l'instauration d'une charte, la charte des
droits et libertés, donc la charte canadienne, auxquelles l'État québécois n'a
jamais adhéré. Et on s'entend, à la fois les gouvernements successifs du Parti
québécois, du Parti libéral de Robert Bourassa, à nouveau du Parti québécois, à
nouveau du Parti libéral et désormais de la Coalition avenir Québec, aucune des
formations politiques, de quelle couleur politique qu'elle soit, n'a adhéré à
ce rapatriement, à cette modification constitutionnelle là. Et il y a des
décisions de la Cour suprême là-dessus.
Et ce que ça fait comme nation, comme État
fédéré à l'intérieur du Canada, c'est qu'on doit s'assurer de protéger les
droits de la nation québécoise. On est dans une situation où on est une
minorité. Il y a 8,5 millions de Québécois, environ 7,5 millions de
Québécois de langue française. La langue commune, au Québec, c'est le français,
la langue officielle du Québec, c'est le français. On doit, dans l'océan
anglo-saxon nord-américain, mettre en place des mesures pour protéger la langue
française. On voit le déclin qu'il y a, de la langue française, et tout le
monde l'a constaté, qui sont venus en commission parlementaire, à part quelques
personnes qui mettaient en doute la vigueur du français au Québec, mais ça fait
pas mal l'unanimité, que le français est en déclin.
Partant de là, c'est nécessaire d'adopter
une loi qui va freiner le déclin mais pour ce faire, il faut assurer cet… il
faut… en fait, je vous dirais, il faut garantir à la nation québécoise que
cette loi-là pourra s'appliquer…
M. Jolin-Barrette : ...que le français
est en déclin. Partant de là, c'est nécessaire d'adopter une loi qui va freiner
le déclin. Mais pour ce faire il faut assurer cette... il faut... en fait, je
vous dirais, il faut garantir à la nation québécoise que cette loi-là pourra
s'appliquer. Et surtout, sur le principe de souveraineté parlementaire, on
dit : C'est tellement important, le français, pour le Québec, c'est
tellement important pour l'identité de la nation québécoise, la spécificité du Québec,
les valeurs sociales distinctes qui sont associées à l'État québécois que l'on
dit : Bien, ce choix-là, là, ce choix fondamental de protéger l'identité québécoise,
ce choix fondamental de protéger l'identité de la nation québécoise, nation
inclusive, par rapport... par ailleurs, qui inclut les Québécois d'expression
anglaise, qui inclut les membres des nations autochtones, qui inclut l'ensemble
des personnes qui ont choisi de venir s'établir au Québec, bien, ce choix-là,
de cette nation québécoise là, elle s'exprime en français. Et ça revient aux
élus de la nation québécoise de dire : Bien, c'est comme ça que la langue
française sera protégée au Québec, donc, d'où l'importance de référer à la
souveraineté parlementaire du mandat électif que nous avons eu par rapport,
notamment, au rôle du judiciaire.
Et vous l'avez dit. Vous avez dit :
Il y a une disposition de dérogation qui existe, à la demande des provinces
anglophones, bien entendu. Mais il ne faut pas oublier de dire que, dans le
fond, c'est un deal qu'il y a eu, sans le Québec, puis encore aujourd'hui on
subit les conséquences dommageables, tristes et affligeantes de ce choix-là qui
a été fait à l'époque. Puis, comme élus de la nation québécoise, on doit tous
faire en sorte de permettre à la spécificité québécoise de s'exprimer, d'où la
référence à la souveraineté parlementaire.
• (19 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme David : Non, c'est parce
que j'attendais la petite lumière rouge.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est parfait.
Mme David : Mais O.K.,
j'entends tout ça, puis c'est exactement ce que j'avais... la lecture que je
faisais de la réflexion que vous vous êtes faite et de tout ce que j'ai lu
là-dessus. Il ne faudra pas, cependant, que ce recours justifie tout et son
contraire, et c'est ça... et c'est là que nous serons très vigilants, quand il
sera question du recours aux dispositions de dérogation, que ça ne brime pas un
certain nombre de choses fondamentales auxquelles vous croyez autant que moi,
par exemple, le secret professionnel, par exemple, des enquêtes qui seraient
nettement exagérées, sans aucun mandat. Et ça, c'est comme emporté, inclus dans
un — oh! j'allais dire un mot anglais — dans un... je
cherche le mot... dans un tout, sous le prétexte de la souveraineté
parlementaire.
Alors, je comprends ce que vous dites, je
comprends l'histoire, je comprends tout ça, mais...
Mme David : ...inclus dans
un... oh! j'allais dire un mot anglais... dans un... je cherche le mot... dans
un tout, sous le prétexte de la souveraineté parlementaire.
Alors, je comprends ce que vous dites, je
comprends l'histoire, je comprends tout ça, mais il ne faut pas mettre sur les
épaules ou le dos de la souveraineté parlementaire des processus qui pourraient
être nettement exagérés et qui, là, peuvent venir brimer... Et ça, ce n'est pas
que des anglophones qu'ils l'ont dit, ou d'expression anglaise, c'est plein de
monde. Ils ont dit : Attention. Parce que c'est une tempête qui peut
frapper fort et qui emporte sur son passage des choses qu'on ne veut pas nécessairement
qui soient emportées.
On n'a pas besoin d'en discuter tout de
suite, mais c'est clair qu'il ne faut pas automatiquement associer... parce
qu'on dit qu'on est d'accord que le Parlement peut être souverain à l'égard de
l'adoption des lois... que ça ne donne pas une clé universelle, un
passe-partout pour tout ce qui peut être soumis aux dispositions de dérogation.
C'est juste ça que je veux dire, et je l'ai annoncé. De toute façon, on l'a dit
plusieurs fois. Mais plusieurs sont venus nous dire : Attention, il y a
quand même des choses où les droits peuvent être très menacés. Je n'ai pas dit
«tous». J'ai dit «certains droits».
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
rapidement. Je crois que l'amendement est prêt. Mais pour le député de
Matane-Matapédia, juste en réponse à ça, il faut juste distinguer souveraineté
parlementaire, utilisation des dispositions de souveraineté parlementaire,
parce qu'on vient insérer également les droits individuels versus les droits
collectifs aussi. Alors, c'est un équilibrage, et c'est un message également
qu'on envoie au monde judiciaire pour dire : Écoutez, ce sujet-là, il est
important, et c'est important de protéger la langue française. Mais on aura
l'occasion d'en discuter abondamment.
Alors, pour l'amendement, je ne sais pas
si le député de Matane-Matapédia...
La Présidente (Mme Thériault) :
...Matane-Matapédia, est-ce que vous avez l'amendement devant vous? Si vous
nous en faites la lecture, on aura peut-être le temps de le voter. Il reste une
minute.
M.
Bérubé
: Je
pars :
L'Assemblée nationale reconnaît que le
français est la seule langue commune de la nation québécoise, et qu'il est
déterminant que tous soient sensibilisés à l'importance de cette langue et de
la culture québécoise comme liants de la société. Elle est donc résolue à ce
que chacun ait accès à l'apprentissage de cette langue, à en parfaire la
connaissance et la maîtrise, ainsi qu'à faire du français la langue de
l'intégration.
C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, ça, c'est l'article qui serait tel qu'amendé.
M.
Bérubé
: Oui,
oui, je l'ai lu au complet, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, l'amendement, c'est à l'article 1 du projet de loi.
M.
Bérubé
:
Exact.
La Présidente (Mme Thériault) :
Insérer, dans l'alinéa du préambule de la Charte de la langue française...
M.
Bérubé
:
C'est-u correct?
La Présidente (Mme Thériault) :
...que propose le paragraphe 1°, et après «français est la», «seule». Donc,
c'est l'amendement qui est proposé.
M.
Bérubé
:
C'est-u correct ou...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, je viens de vous le lire pour la bonne compréhension de tout le monde.
Donc, est-ce qu'il y a des interventions ou on met aux voix?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
On peut mettre aux voix? Est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne
les travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 15)
La Présidente (Mme Thériault) :
...l'amendement est adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
Donc, compte tenu de l'heure, j'ajourne
les travaux sine die.
(Fin de la séance à 19 h 15)