Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 24 novembre 2021
-
Vol. 46 N° 2
Étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-deux minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur
la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); M. Émond (Richelieu) par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Skeete
(Sainte-Rose) par M. Thouin (Rousseau); Mme St-Pierre (Acadie) par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette) par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, merci. Donc, hier, lors de l'ajournement de nos travaux, les
discussions portaient sur le fait qu'on venait d'adopter le dernier amendement
qui avait été proposé par le député de Matane-Matapédia. Et donc nous devons
revenir à l'article n° 1 dans nos discussions
générales, dans son ensemble. Donc, est-ce que j'ai quelqu'un qui veut faire
une intervention sur l'article n° 1? Si je n'ai aucun
intervenant, nous allons passer... nous allons mettre aux voix l'article 1
tel qu'amendé. Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. M. le ministre, à l'article 2. Et vous nous aviez signifié hier
que vous aviez un amendement également.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, on va avoir un amendement à écrire. Je vais vous lire
l'article 2 dans un premier temps.
Donc : L'article 1 de cette charte
est modifié :
1° par l'ajout, à la fin, de la phrase
suivante : «Seule cette langue a ce statut.»;
2° par l'ajout, à la fin, de l'alinéa
suivant :
«Le français est aussi la langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.».
Commentaire. L'article 2 du projet de
loi apporte deux modifications à l'article 1 de la Charte de la langue
française. La première modification vise à confirmer qu'il n'y a qu'une seule
langue officielle...
M. Jolin-Barrette : …2° par
l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant :
«Le français est aussi la langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.»
Commentaire : L'article 2 du projet
de loi apporte deux modifications à l'article 1 de la Charte de la langue
française.
La première modification vise à confirmer
qu'il n'y a qu'une seule langue officielle au Québec, le français.
La seconde modification vise, d'une part à
consacrer le statut du français comme langue commune de la nation québécoise
et, d'autre part, à reconnaître que le français constitue un fondement de
l'identité et de la culture de cette nation.
Donc, avec le texte proposé, ça se lirait
ainsi :
«Le français est la langue officielle du Québec.
Seule cette langue a ce statut. Le français est aussi la langue commune de la nation
québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de sa culture
distincte.»
Donc, l'amendement que je vais proposer,
Mme la Présidente, vise à faire en sorte de donner suite à la proposition du
député de Matane-Matapédia pour également indiquer que seule… que le français
est aussi la seule langue commune. Donc, on va l'envoyer.
La Présidente (Mme Thériault) :
On ne l'a pas reçu encore.
M. Jolin-Barrette : Et… Ça ne
sera pas bien long, il va être envoyé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va suspendre quelques instants, le temps que le document soit acheminé
à la secrétaire de la commission et aux parlementaires. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 25)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 39)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc les travaux. Donc, M. le ministre, l'amendement nous est
parvenu. Les collègues l'ont également sur Greffier.
M. Jolin-Barrette : Alors,
juste avant, Mme la Présidente, on vient de fermer l'article 1, mais je
m'y étais engagé, hors micro, avec mes collègues, si jamais, au fil du projet
de loi, il y aurait des modifications à apporter dans le préambule, on pourra
revenir à l'article 1 puis réajuster le préambule si jamais nécessité de
le faire. Donc, je voulais dire dans le micro que je suis ouvert à revenir à
l'article 1 même si on l'a voté puis qu'on l'a approuvé.
Alors, l'amendement, Mme la Présidente, à
l'article 2 se lit ainsi : «À l'article 2 du projet de loi,
insérer, dans le paragraphe 2° et après «est aussi la», «seule.»
Donc, cet amendement modifie
l'article 2 du projet de loi afin d'y préciser que le français est la
seule langue commune de la nation québécoise. Donc, concrètement, on vient…
l'article va se lire, là : Le français est la langue officielle du Québec.
Seule cette langue a ce statut. Le français est aussi la seule langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.»
Donc, ça fait suite à la discussion que
nous avons eue, hier, avec le député de Matane-Matapédia et également à la
discussion qu'on a eue avec la députée de Marguerite-Bourgeoys sur le fait
qu'on n'a pas besoin de répercuter ça à différents endroits dans le projet de
loi, mais qu'on vient le dire au départ, puis on s'entend, qu'à la lecture de
la loi, ça fait en sorte que «seule langue commune», «seule langue officielle»,
ne seront pas reproduits à plusieurs endroits.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Questions, commentaires sur l'amendement du ministre? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez,
c'est cohérent avec la discussion d'hier. La nuit n'a pas porté conseil dans
une autre direction. Donc, je pense que c'est acceptable et d'autant plus que
la langue officielle, qu'elle soit seule ou pas, je pense, c'était… ça respecte
quand même l'esprit de 1974 quand Robert Bourassa a fait adopter que le
français était la langue officielle du Québec. Alors, avec les années, on
dirait qu'on rajoute des adjectifs, mais je pense que l'esprit de l'époque
était la même chose et que compte tenu du fait qu'il y a quand même un article
dans la charte actuelle de langue française qui n'est pas modifié…
Mme David : …que le français
était la langue officielle du Québec. Alors, avec les années, on dirait qu'on
rajoute des adjectifs, mais je pense que l'esprit de l'époque était la même
chose et que, compte tenu du fait qu'il y a quand même un article dans la
charte actuelle de la langue française qui n'est pas modifié et qui est important,
l'article 7, et ainsi que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, si
on additionne les deux, c'est donc possible de faire une sorte de lecture
complémentaire, additionner l'article 2, l'article 7, l'article 133 pour faire
en sorte que, finalement, il y a quand même une sorte de protection
constitutionnelle, en vertu de l'article 7 et 133, pour les gens qui pourraient
être inquiets de certaines protections de droit de la minorité d'expression
anglaise. Alors, ça va. C'est en respect des autres articles que je vous
mentionnais.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'autres questions, commentaires? Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Rapidement, ce
que je comprends, c'est qu'à différents endroits, dans le projet de loi, cette
mention seule va être ajoutée… Non.
M. Jolin-Barrette : …d'ajouter
partout, parce qu'en le faisant dans le préambule… en le faisant à l'article 1,
pardon, dans le fond, ça emporte pour le reste de la loi, il y aurait peut-être
un titre qui va être modifié plus tard, mais on va y arriver plus tard. On n'a
pas besoin de le refaire à chaque endroit dans la loi.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, puisque je ne vois pas d'autre commentaire, est-ce qu'il y a…
est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Mais nous revenons maintenant sur l'article comme tel, l'article 2,
est-ce qu'il y a d'autres questions, commentaires sur l'article 2? Je n'en vois
pas. Donc, est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. M. le ministre, l'article 3.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'article 3. L'article 2 de cette charte est modifié :
1° par l'insertion, après «sociaux», de «,
les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur les services de santé
et les services sociaux (chapitre S-4.2)»;
2° par l'insertion, après
«professionnels», de «, leurs membres titulaires d'un permis délivré
conformément à l'article 35, les établissements d'enseignement de niveau
collégial et universitaire»;
3° par le remplacement de «salariés» par
«travailleurs».
Commentaire. L'article 2 de la Charte de
la langue française reconnaît que toute personne a le droit fondamental à ce
que l'administration, certains groupements et les entreprises, exerçant au
Québec, communiquent avec elle en français. L'article 3 du projet de loi vise à
préciser et à étendre la portée de ce droit. Ainsi, il sera désormais clair que
sont tenus de respecter le droit d'une personne à ce qu'on communique avec
elle, les prestataires d'un service régi par la Loi sur les services de santé
et les services sociaux tels que les ressources intermédiaires et les
ressources de type familial. Les membres des ordres professionnels, à
l'exception de ceux titulaires des permis qui peuvent exceptionnellement être
délivrés sans avoir une connaissance du rapport appropriée à l'exercice de la
profession, les établissements d'enseignement de niveau collégial et
universitaire, tels que les cégeps, les collèges privés et les universités. En
plus de ces modifications…
M. Jolin-Barrette : ...les
membres des ordres professionnels, à l'exception de ceux titulaires des permis
qui peuvent, exceptionnellement, être délivrés sans avoir une connaissance du
français appropriée à l'exercice de la profession; les établissements
d'enseignement de niveau collégial et universitaire, tels que les cégeps, les
collèges privés et les universités.
En plus de ces modifications, le
remplacement de l'annexe de la Charte de la langue française, proposé par
l'article 119 du projet de loi, a également pour effet d'étendre la portée
du droit reconnu par l'article 2 de cette charte. En effet, puisque c'est
dans cette annexe qui définit «l'Administration», plus elle vise d'organismes,
plus la portée du droit reconnu par l'article 2 s'en trouve étendue.
Donc, l'article intégré, Mme la Présidente,
là, se lirait ainsi avec le texte proposé : «Toute personne a le droit que
communiquent en français avec elle l'Administration, les services de santé et
les services sociaux, les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité
publique, les ordres professionnels, leurs membres titulaires d'un permis
délivré conformément à l'article 35, les établissements d'enseignement de
niveau collégial et universitaire, les associations de travailleurs et les
diverses entreprises exerçant au Québec.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Question, commentaire? M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Ma question au ministre : Est-ce que les termes «entreprises
d'utilité publique» englobent les sociétés d'État? Par exemple, le gouvernement
du Québec, par l'entreprise d'Hydro-Québec, envoie toujours des factures en
anglais, aujourd'hui, encore, puis il y a encore beaucoup de «Bonjour! Hi!» à
la Société des alcools du Québec. Alors, ma question : «Entreprises
d'utilité publique», est-ce que ça inclut les sociétés d'État?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, dans le fond, relativement, exemple, aux contrats, supposons, aux
factures d'Hydro-Québec, ça, on va le voir plus tard, là, dans le projet de loi.
Mais désormais l'État devra s'exprimer exclusivement en français, sauf les
exceptions. Donc, exemple, ça ne sera plus possible d'avoir sa facture
d'Hydro-Québec uniquement en anglais. Les seules personnes qui vont pouvoir
avoir accès à la facture bilingue, donc français et anglais, ce sont les ayants
droit et ce sont les personnes qui bénéficient de la clause d'antériorité.
Donc, un nouveau client chez Hydro-Québec ne pourrait pas avoir sa facture en
anglais, à moins qu'il soit dans les exceptions.
Puis à votre question précise, est-ce que
c'est... c'est inclus dans l'Administration, les entreprises d'utilité
publique.
M. Bérubé : À ce moment-là, Mme
la Présidente, est-ce que le ministre serait ouvert à préciser «sociétés d'État»
dans l'article 3 pour que ça soit clair pour tout le monde? Parce qu'il
indique qu'on y reviendra tout à l'heure, mais allons-y dans l'ordre. Il me
semble que de préciser «entreprises d'utilité publique», à part pour des
parlementaires, ou des juristes, ou des gens qui sont rompus à nos pratiques,
ça ne dit pas grand-chose. «Sociétés d'État», c'est plus clair.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ils sont compris dans l'Administration avec un grand A. Puis
l'annexe I du projet de loi, la fin du projet de loi, là, sous «Administration»,
donc, les organismes gouvernementaux, 2°, b : «les organismes dont le
gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres ou des
administrateurs;».
M. Bérubé : Seulement pour
s'assurer, là, qu'on se comprenne bien, j'ai donné l'exemple d'Hydro-Québec.
Donc, il faudra attendre l'adoption de cette loi pour que cette...
M. Jolin-Barrette : …des organismes
dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres ou des
administrateurs;»
M. Bérubé : Seulement pour
s'assurer, là, qu'on se comprenne bien — j'ai donné l'exemple d'Hydro-Québec — donc
il faudra attendre l'adoption de cette loi pour que cette pratique, qui a toujours
cours, d'envoyer des factures bilingues, cesse. Ça prend une loi pour ça?
M. Jolin-Barrette : En fait,
actuellement… Et Hydro-Québec a modifié sa pratique relativement à ça, parce
que je sais qu'antérieurement ils envoyaient juste des factures en anglais à un
certain moment.
M. Bérubé : Encore aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette : Là, ils
sont revenus pour les clients qui demandent la facture en anglais, la facture
est désormais bilingue. Et donc suite à l'adoption de la loi, ça ne sera plus
possible d'envoyer des factures bilingues à moins que vous soyez dans les
exceptions prévues au projet de loi n° 96.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
à travers vous, je veux m'adresser à Hydro-Québec et je prends à témoin le
ministre. Je trouve particulier qu'Hydro-Québec, qui sont toujours très prompts
à répondre aux gens sur les réseaux sociaux, en considérant qu'ils font preuve d'un
humour aigre-doux, décident de poursuivre cette pratique-là, et c'est seulement
un projet de loi qui va faire en sorte d'arrêter cette pratique qui a encore
cours aujourd'hui. Ce mois-ci, des citoyens québécois vont recevoir des
factures unilingues en anglais pour ce qui est Hydro-Québec.
M. Jolin-Barrette : …
M. Bérubé : C'est le cas, là?
M. Jolin-Barrette : Non, la
pratique a été changée. Ce ne sont plus des factures unilingues en anglais, ce
sont des factures qui sont bilingues.
M. Bérubé : Ce n'est pas
mieux.
M. Jolin-Barrette : Bien, ce
que je vous dis, c'est que…
M. Bérubé : Ce n'est pas
mieux.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : …il y a
déjà eu un changement chez Hydro-Québec. Mais ce qui va arriver avec le projet
de loi n° 96, en raison de la politique linguistique de l'État qui va
venir… être établie, ce ne sera plus possible de fonctionner de cette façon-là.
Donc, les seuls qui vont pouvoir avoir leur facture en langue anglaise, ce sont
les ayants droit ou les personnes disposant de la définition d'antériorité.
M. Bérubé : O.K. Mme la
Présidente, à titre préventif, je vais en informer Hydro-Québec, tout à
l'heure, sur les réseaux sociaux. On verra bien leur réaction. Mais il s'envoie
encore aujourd'hui, au début d'un mois, par exemple, la facturation, des
factures bilingues, ce qui n'est pas beaucoup mieux selon moi.
Quant à la Société des alcools du Québec,
pas besoin de faire une visite commune avec le ministre, mais je pourrais lui
préciser des succursales, nombreuses au Québec, où on nous accueille avec un «Bonjour!
Hi!», qui n'est pas de nature à faire plaisir. Alors, j'espère que c'est le
sens de... l'intention du législateur, parce que moi, j'aimerais que ça cesse,
et j'aurais aimé qu'ils n'attendent pas un projet de loi pour s'y conformer.
Alors, on a parlé d'Hydro-Québec. J'entends
le ministre. Pour la SAQ, ou pour le Casino de Montréal, ou le Casino du
Lac-Leamy, c'est la même chose, c'est ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, avec le projet de loi, désormais, les gens auront le droit d'être...
M. Bérubé : …un projet de loi
pour s'y conformer. Alors, on a parlé d'Hydro-Québec, j'entends le ministre.
Pour la SAQ, ou pour le Casino de Montréal, ou le Casino du Lac-Leamy, c'est la
même chose, c'est ce que je comprends.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, avec le projet de loi, désormais, les gens auront le droit d'être servis
et informés en français. Au niveau de l'accueil, à ce moment-là, oui, dans les
sociétés d'État, ça devait être : Bonjour. L'État québécois doit être
exemplaire, et donc ça doit être : Bonjour.
M. Bérubé : D'accord. Donc, en
résumé, le ministre m'indique que «entreprises d'utilité publique» incluent
l'ensemble des sociétés d'État, donc Hydro-Québec, Société des alcools du
Québec, SQDC, Société des casinos, et d'autres que je pourrais oublier, mais
c'est essentiellement, là, celles-ci qui sont visées. D'accord. On pourra y
revenir tout à l'heure pour s'assurer qu'on n'oublie personne.
M. Jolin-Barrette : Non,
juste une précision. Dans le fond, les sociétés d'État sont incluses sous le
terme «administration». Donc, dans l'article, là, dans «administration».
M. Bérubé : Elles sont toutes
incluses.
M. Jolin-Barrette : Pas dans
«entreprises d'utilité publique», c'est dans «administration».
M. Bérubé : O.K. J'ai une
question complémentaire, Mme la Présidente. Si, d'aventure, ce droit d'être
servis en français n'était pas respecté dans l'une ou l'autre de ces sociétés
d'État, quel est le recours qui est la disposition des citoyens qui seraient
lésés?
M. Jolin-Barrette : Bien,
dans le fond, c'est possible de faire une plainte, parce qu'actuellement… bien
là, on devance, là, les questions du député de Matane-Matapédia devancent
l'étude des articles où on va être rendus, mais ça va être possible, dans le
fond, dans un premier temps, de faire des plaintes pour que la situation se
corrige… et surtout le nouveau régime qu'on met en place.
Actuellement, vous aviez la politique
linguistique gouvernementale qui régissait les différents ministères et
organismes, O.K.? Puis cette politique linguistique gouvernementale là, elle
n'était pas vraiment appliquée. Chacun des ministères avait des objectifs. Puis
le rapport du Conseil supérieur de la langue française, c'est ça qu'il nous
disait, il disait : Écoutez, il n'y a pas de suivi, les employés ne sont
pas au courant, on ne sait pas comment ça fonctionne, puis c'était à géométrie
variable à l'intérieur de l'État.
Désormais, ce qu'on fait en créant le
ministère de la Langue française, il va y avoir une politique linguistique
étatique, qui va couvrir tout le monde dans l'administration, qui va être très
large, et ça inclut désormais les municipalités. Vous vous souvenez, avec
l'échange qu'on a eu avec la ville de Montréal également, la FQM, l'UMQ, ils
nous en ont parlé. Mais on décide de les couvrir parce que ça fait partie de
l'exemplarité de l'État. Alors, le ministre, désormais, va avoir un pouvoir
d'intervenir, en vertu de la politique linguistique de l'État, puis s'il y a
des plaintes, on va pouvoir corriger la situation.
Mais surtout, il va y avoir un suivi
effectué par le ministère de la Langue française, à travers l'ensemble de
l'État québécois, qui va nous permettre de s'assurer des plus hauts standards
en matière d'utilisation de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense que
l'échange qu'on vient d'avoir va un peu dans le sens de ma réflexion. On est au
début du projet de loi. C'est plus un commentaire, mais il y a...
M. Jolin-Barrette : ...des
plus hauts standards en matière d'utilisation... française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...maintenant, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense que
l'échange qu'on vient d'avoir va un peu dans le sens de ma réflexion. On est au
début du projet de loi — c'est plus un commentaire, mais il y a un
aspect question — et je comprends que c'est comme... Là, on commence
à mettre la table sur les grands principes, puis après ça il y a mille et un
cas de figure qui vont suivre après, mais c'est important qu'on mette ça dès le
départ. Mais ça n'empêche pas qu'on parle d'ordres professionnels, on parle de
beaucoup de gens, d'institutions, de statuts. On va devoir y revenir après,
parce que, là, on va trouver plusieurs diables dans plusieurs détails. Donc, on
va pouvoir avoir l'occasion de discuter après, mais une fois que ce principe
est comme mis sur la table, adopté, j'imagine, qu'au Québec on a le droit de se
faire servir en français, ce qui n'exclut pas qu'il y a toutes sortes
d'exceptions de pouvoir se faire servir en anglais dans certaines dispositions
prévues par des articles qu'on verra plus loin.
Alors, si je comprends bien, c'est comme
pour dire : On est au Québec, on a le droit de communiquer en... on a le
droit que communiquent en français l'administration, services de santé, etc.,
mais ce n'est pas à l'exclusion de plein de choses qui s'en viennent par la
suite et plein de détails qu'on devra apporter. Est-ce que je comprends bien?
M. Jolin-Barrette : La
députée de Marguerite-Bourgeoys comprend très bien, puis dans le fond on vient
modifier la Charte de la langue française. Donc, au début de la loi, c'était
déjà le principe de base, mais on vient ajouter certaines modalités pour
dire : Votre droit de communiquer en français, ça s'applique à
l'administration, ça s'applique notamment aux établissements de niveau
collégial, universitaire, vous avez ce droit-là désormais. Comme Québécois,
vous avez le droit que l'université communique avec vous en français. Donc, on
vient rajouter certains paramètres. Donc, ça, c'est le principe de base. Puis
les lois sont faites comme ça, au début c'est le principe de base, puis là on
va rentrer dans les exceptions sur la politique linguistique de l'État, avec
toutes les exceptions où est-ce que c'est permis d'utiliser une autre langue
que le français. Donc, le projet de loi, il est construit comme ça. On va le
voir un peu plus loin, aux articles, je pense, 13, 14 — hein,
Éric? — dans ce coin-là.
Mme David : O.K. Excusez, je
suis un peu distraite par l'annonce de votre collègue qui doit se retirer pour
des problèmes de santé. Alors, je lui offre vraiment, au nom de moi-même et ma
formation politique, le meilleur... les meilleurs soins possible et la
meilleure santé possible.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est très apprécié de la part de la députée de Marguerite-Bourgeoys, puis je
pense qu'au nom de tous les parlementaires, on est tous humains, et puis,
lorsqu'on affronte les situations personnelles difficiles, c'est bien de savoir
la solidarité de tous les parlementaires aussi. Alors, on envoie nos mots à la
ministre responsable des Relations internationales.
Mme David : Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
...congé d'assurance... de maladie, pardon, parce que sa santé n'est pas au
rendez-vous. Donc, c'est ce qui se passe. Oui, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Moi aussi, j'offre...
La Présidente (Mme Thériault) :
…de maladie, pardon, parce que sa santé n'est pas au rendez-vous. Donc, c'est
ce qui se passe. Oui, Mme députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Moi aussi, j'offre tout mon courage, c'est-à-dire que j'espère
que ça va bien, bien se passer pour notre collègue, et je lui souhaite prompt
rétablissement, et qu'un jour on puisse la retrouver ici parmi nous.
Pour la question sur les établissements d'enseignement
au niveau collégial et universitaire qui a été ajoutée, le fait que ça ait été
ajouté, qu'est-ce que ça amène de nouveau par rapport à la situation actuelle?
Est-ce que… Parce qu'en ce moment c'était déjà le cas, les établissements
d'enseignement de niveau collégial, universitaire devaient déjà communiquer en
français, devaient avoir une politique, ou ce n'était pas le cas du tout, et
cet article-là vient ajouter cette obligation-là à ces établissements-là?
M. Jolin-Barrette : En fait,
actuellement, ce n'était pas déjà prévu par la loi, donc les établissements
collégiaux, les établissements universitaires n'étaient pas visés par
l'administration, tu sais, la définition de l'administration. Donc, on vient
nommément le dire, qu'une personne peut s'adresser à un cégep ou à une
université et communiquer avec le cégep ou l'université en français.
Mme Ghazal : Donc, ça va…
parce que moi, j'étais sous l'impression que c'était déjà la pratique, même si
ce n'était peut-être pas dans la loi. Mais, en réalité, ce n'est pas la
pratique, je veux dire, les établissements d'éducation postsecondaire ont des… peut-être
pas les cégeps, mais ont des politiques linguistiques, qu'ils ne respectent
pas, des fois.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
ça. Dans le fond, ce que ça vient faire, ça vient dire, bien, j'ai le droit que
communiquent en français avec moi ces universités et ces cégeps-là. Donc, je
suis d'accord avec vous, ils étaient dotés de politiques linguistiques à
géométrie variable, plus ou moins appliquées, mais là on vient permettre au citoyen
québécois que des institutions d'enseignement postsecondaires communiquent en français
avec les citoyens québécois.
Mme Ghazal : Donc, en ce
moment, c'est qu'elles le faisaient de façon volontaire, elles n'étaient pas
obligées d'aucune façon par la charte de le faire, elles le faisaient de façon
volontaire, et là, maintenant, comment c'est une obligation légale, elles vont
toutes devoir le faire, et de façon plus uniforme.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce que ça donne, ça donne le droit au citoyen. Le citoyen a le droit que
communiquent en français avec lui les cégeps et les universités. C'est un droit
qui est confié à l'individu. Donc, un individu qui va vouloir être informé en français,
l'établissement d'enseignement collégial ou universitaire devra communiquer
avec cette personne en français. C'est un droit qui est donné à la personne.
Mme Ghazal : J'étais sous
l'impression que ce droit-là n'existait pas, mais je comprends que non. Peut-être
que, dans la pratique, c'est ce que la majorité faisait, mais ce n'était pas
partout comme ça. Très bien.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
• (12 heures) •
Mme David : Ça va me permettre
de reformuler justement ce que j'ai dit, ce que la députée de Mercier a dit.
Cet article-là, c'est…
12 h (version non révisée)
Mme Ghazal : …c'est ce que la
majorité faisait, mais ce n'était pas partout comme ça. Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Ça va me permettre
de reformuler, justement, ce que j'ai dit et ce que la députée de Mercier a
dit. Cet article-là, c'est un droit citoyen de recevoir de la communication en
français, ce n'est pas une obligation institutionnelle de communiquer en
français. Cela dit, cela dit, plus loin et partout dans le projet de loi, les
institutions vont à leur tour avoir des articles qui les concernent, donc c'est
le droit citoyen, dans ce cas-ci, un par un.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Donc…
Mme David : Mais ça n'enlèvera
pas que, plus loin, et on va le voir dans les articles 88, etc., tout ce
qui a trait aux enseignements collégiaux et… plus collégiaux, la question des
politiques linguistiques, là on va parler des institutions.
M. Jolin-Barrette : …Donc là,
on est dans l'exercice des droits fondamentaux, et là c'est des droits qui sont
conférés au citoyen.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'en ai pas. Par contre, M. le ministre, j'aimerais porter à votre
attention… je pense qu'il y a peut-être une petite coquille qui s'est glissée.
Parce que vous énumérez, dans votre texte proposé, vous énumérez
«l'administration, les services de santé et services sociaux, les autres
prestataires, les entreprises d'utilité, les ordres professionnels», et là,
vous avez ajouté «leurs membres titulaires d'un permis délivré conformément à
l'article 35». Et ça, ça devrait être rattaché à «leurs ordres
professionnels», les ordres professionnels. Là, c'est comme une énumération et
on ne voit pas à quoi fait référence «les membres».
M. Jolin-Barrette : Non,
bien, «les membres titulaires»… «les ordres professionnels», puis ensuite
«leurs membres titulaires d'un permis», donc on le rattache au précédent.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous faites une énumération. C'est comme s'il faudrait écrire «et leurs
membres», «les ordres professionnels et leurs membres» parce que là, vous
énumérez différentes catégories, donc c'est comme si «leurs membres titulaires
d'un permis», ça fait référence à quoi? Ce n'est pas clair, dans le texte, donc
il y a une toute petite coquille.
M. Jolin-Barrette : Je
vérifie, Mme la Présidente.
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, on me dit que c'est conforme, donc ça a été révisé puis on me dit que
c'est conforme.
La Présidente (Mme Thériault) :
Si on dit que c'est conforme, c'est conforme mais disons que… tant qu'à y être,
M. le ministre, bien, ça va. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, je
vais me fier à vos légistes. Est-ce que l'article 3 est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. M. le ministre, l'article 4. Et j'aimerais vous
souligner que la députée de Marguerite-Bourgeoys a bien suivi vos consignes, il
y a un amendement qui a été déposé dans le site Greffier. Mais on va procéder
d'abord avec la lecture de l'article 4.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'article 4 : Cette charte est modifiée par l'insertion, après
l'article 6, des suivants :
«6.1. Toute personne domiciliée au Québec
a droit aux services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
La personne domiciliée au Québec qui
reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement
du français.
Cet… pardon, cet enseignement du français
doit permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune afin…
M. Jolin-Barrette : …qui
reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement
du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir interagir, s'épanouir
au sein de la société québécoise et participer à son développement.»
«6.2 Toute personne a droit à une justice
et à une législation en français.»
Donc, le commentaire, Mme la
Présidente : L'article 6.1 de la Charte de la langue française que propose
l'article 4 du projet de loi reconnaît à toute personne domiciliée au Québec le
droit à des services d'apprentissage du français.
Les deuxième et troisième alinéas de cet
article précisent les modalités de ce droit à l'égard des personnes qui
reçoivent d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais. En ces cas, l'enseignement du français leur est donné par
l'établissement anglophone fréquenté. Cet enseignement du français a pour
objectif que la personne qui le reçoit alors qu'elle reçoit l'ensemble de
l'enseignement primaire, secondaire et collégial donné en anglais aura, à la
fin de cet enseignement, des compétences suffisantes pour utiliser le français
comme langue commune.
Les dispositions du premier alinéa de
l'article 6.1 entreront en vigueur un an après la sanction du projet de loi,
ainsi que le prévoit le paragraphe 3° de l'article 201.
Commentaires pour l'article 6.2 :
L'article 6.2 de la Charte de la langue française que propose l'article 4 du
projet de loi reconnaît le droit de toute personne à une justice et à une
législation en français.
Les dispositions du chapitre III du
titre I de cette charte, portant sur la langue de la législation et de la
justice, prévoient des règles qui découlent du droit linguistique fondamental
reconnu à l'article 6.2.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous avez un amendement. Est-ce que vous voulez qu'on dépose l'amendement
de la collègue de Marguerite-Bourgeoys avant qu'on fasse la discussion, M. le
ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
certainement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui?
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis à l'aise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc…
Mme David : …dépose les deux
amendements que j'ai.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez deux amendements? Parfait. Je n'ai pas… Il y en a effectivement deux,
désolée. L'article 4, vous avez 6.1 et 6.2. Parfait. Donc, je vous laisse
aller, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour nous présenter votre
premier amendement.
Mme David : Alors, l'article 4
du projet de loi introduisant l'article 6.1 de la Charte de la langue française
est modifié par le remplacement du mot «domiciliée» par les mots «qui réside»,
et ce, partout où il se trouve.
L'article 6.1 de la Charte de la langue
française, introduit par l'article 4 du projet de loi tel qu'amendé, se lirait
ainsi :
«Toute personne qui réside au Québec a
droit à des services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
«La personne qui réside au Québec qui
reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en français a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement
du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir…
Mme David : …primaire, au
secondaire, au collégial offert en français a le droit de recevoir de cet établissement
l'enseignement du français. Cet enseignement du français doit permettre à la
personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire, secondaire et
collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour utiliser le français
comme langue commune afin de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société
québécoise et participer à son développement.
C'est le premier amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
Mme David : Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, on y va un pas un, donc on va rediscuter de celui-là, donc.
Mme David : Est-ce que
j'explique?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous pouvez nous expliquer pourquoi vous l'avez…
Mme David : Alors, écoutez,
c'est un amendement sémantique fort intéressant. C'est l'intérêt de l'étude
détaillée, je trouve. C'est quoi la différence entre résider et domicilier?
Bien, quand on fréquente des juristes, on apprend plein, plein de choses, c'est
vraiment un domaine dans lequel j'ai failli me retrouver, d'ailleurs. Un
domicile, c'est le lieu de notre établissement principal. Chaque personne, en
vertu du droit québécois, a droit à un seul domicile. C'est simple. Une
résidence, c'est un endroit où on demeure de façon habituelle, mais une
personne peut avoir plusieurs résidences. Par exemple, et c'est là que ça
devient important pour notre projet de loi, une personne peut avoir une
résidence en Floride et une autre au Québec. Pas besoin de comprendre pourquoi
on prend l'exemple de la Floride, il y en a plusieurs qui, en ce moment, sont
sous des cieux un peu plus cléments. Un nouvel arrivant aussi ou un réfugié
peut avoir une résidence au Québec, mais avoir encore une résidence dans son
pays d'origine dans l'attente de la confirmation de son statut.
Le terme résidence, vous avez compris, est
donc plus large. Qui plus est, il est beaucoup plus facile d'en faire la
preuve, de la résidence, que du domicile, parce que la résidence, on peut avoir
une carte d'identité, un bail, vous connaissez bien ça, Mme la Présidente, un
bail locatif, une facture d'Internet ou d'Hydro-Québec, peut-être. Faire la
preuve d'un domicile est plus complexe. Quel est l'établissement principal
d'une personne ayant une résidence en Floride habitée six mois par année? On le
sait, là, c'est six mois moins un jour, 180, je pense. Celle en Floride ou
celle au Québec? Ce n'est pas pour rien, là, on ne s'amuse pas à jouer avec les
mots, c'est parce que tout ça résulte d'avoir accès à des cours de francisation.
Quel est l'établissement principal d'un nouvel arrivant dans l'attente de sa
résidence permanente?
Alors, ce qu'on veut, avant tout, c'est
franciser, franciser, franciser, et rapidement, rapidement, rapidement. Dans ce
cas-ci, on est pressés, on n'a pas de patience, on se dépêche à vouloir
franciser, avec raison. Alors, ce qu'on se demande, c'est : Est-ce que le gouvernement
du Québec va mettre réellement sur le dos des personnes immigrantes le fardeau
de prouver leurs domiciles sur le plan juridique pour obtenir des cours de francisation?
Il n'est certainement pas dans l'intérêt justement d'offrir les cours de francisation
prenant un grand délai, déjà qu'on sait qu'il y a des délais, en moyenne, de 68
jours pour mettre les pieds dans une classe de francisation…
Mme David : …fardeau de prouver
leurs domiciles sur le plan juridique pour obtenir des cours de francisation?
Il n'est certainement pas dans l'intérêt justement d'offrir les cours de
francisation en prenant un grand délai, déjà qu'on sait qu'il y a des délais,
en moyenne, de 68 jours pour avoir… mettre les pieds dans une classe de
francisation. Alors, ce genre de souci de prouver le domicile, qui est plus
compliqué que de prouver la résidence, bien, ça pourrait retarder et ça pourrait
diminuer le nombre de gens qui ont accès aux cours de francisation.
Alors, nous proposons que le terme
«résidence» devrait remplacer le terme «domiciliée», donc «qui réside» plutôt
que «domiciliée». J'espère avoir été assez claire sur le but de ça. Parce que je
pense qu'on est tous ici dans le même objectif que les gens qui, donc, résident
au Québec — résidence temporaire, résidence permanente — puissent
avoir accès le plus rapidement possible puisque plus loin dans le projet de
loi — on le sait, en en beaucoup parlé déjà dans les consultations — on
va exiger le six mois. Puis ça va être six mois qui va devoir…
l'administration va communiquer avec toi en français. Donc, là se posent toutes
sortes de problèmes, mais les résidents… Si on prenait le terme «résidence»,
ils auraient donc accès beaucoup plus rapidement aux cours de français, et
surtout beaucoup moins lourd administrativement pour prouver qu'ils sont… que
leur domicile est bien au Québec. Voilà la raison de cet amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
• (12 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
alors je comprends l'intention relativement à ça, mais quand qu'on se réfère,
là, aux notions du Code civil pour le domicile, la résidence, là. 75 du Code
civil nous dit : «Le domicile d'une personne, quant à l'exercice de ses
droits civils, est au lieu de son principal établissement. La résidence est… La
résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle. En
cas de pluralité de résidence, on considère, par l'établissement du domicile,
celle qui a le caractère principal.»
Pourquoi est-ce qu'on choisit la notion de
domicile parce que c'est le lieu d'établissement principal de la personne?
Donc, une personne qui est situation d'immigration, qui est en… supposons qui
n'a pas sa citoyenneté, mais qui est résidente permanente. Donc, elle, son
lieu… son domicile va être au Québec. Il n'y a pas d'enjeu. La personne qui est
en situation temporaire aussi, elle élit son domicile ici également. Donc, il
n'y aura pas d'enjeu. Puis aussi ce qu'on a fait, c'est qu'on a ouvert, à
l'époque où j'étais ministre de l'Immigration, notamment les cours de
francisation aux personnes en situation temporaire au Québec, mais parce
qu'elles sont domiciliées ici aussi puis qu'on veut les garder.
Donc, je comprends l'intention, mais ce
qui arrive, c'est que si on met «résidence», on va se retrouver avec des gens,
supposons, qui résident uniquement l'été ici et que ce n'est pas leur domicile
principal. Donc, c'est pour ça qu'on a choisi la notion de domicile.
Mme David : Mais admettons
que, là, on prenne un autre exemple… qui sont des jeunes, qu'on désire beaucoup
convertir à la résidence permanente et faire leur vie au Québec…
M. Jolin-Barrette : …et que ce
n'est pas leur domicile principal. Donc, c'est pour ça qu'on a choisi la notion
de domicile.
Mme David : Mais admettons
qu'on prenne un autre exemple… qui sont des jeunes qu'on désire beaucoup
convertir à la résidence permanente et faire leur vie au Québec, ce sont les
étudiants internationaux qui viennent ici et qui sont domiciliés officiellement
ailleurs. Si vous vous êtes allé passer un an à Harvard et que vous voulez
apprendre l'anglais, mais votre domicile est à Québec, admettons, ou à Chambly,
ou je ne sais trop, Beloeil, bien, à ce moment-là, vous n'auriez pas accès si
vous aviez ce projet de loi aux États-Unis, ce qui n'arrivera pas de toute
façon. Mais un étudiant international qui vient ici, qui est un étudiant qui
vient faire un diplôme, ou une année, ou… bien, s'il peut avoir accès au cours
de français mais qu'il réside ici plutôt que domicilié, moi, je pense que ça
nous permettrait de lui donner accès au cours de français, ça nous permettrait
de nous donner, je dirais, une meilleure assurance qu'il peut vivre au Québec parce
qu'il apprend le français et puis ça peut permettre d'avoir une conversion de
ces types d'étudiants là à une conversion à l'amour du Québec et l'amour du
français.
En ce moment, puis ça va être dans le
deuxième amendement où on va parler de gratuité, c'est sûr que, si l'étudiant
international est domicilié à… je ne sais pas, moi, c'est un Allemand qui vient
étudier à McGill, bien, son domicile et son adresse va probablement chez ses
parents à Berlin. Mais ça se peut que, si ça résidence… Évidemment, il va
habiter quelque part ici, il va avoir un bail, il va avoir des factures. Alors,
sa résidence va être ici, le temps qu'il soit ici pendant, disons, ses
trois ans. Et ça se peut que, si on lui donne accès au cours de français,
il reste beaucoup plus au Québec que s'il n'apprend pas un mot de français
parce qu'il étudie dans une université anglophone. Et, et là ça va aller de
pair avec un de mes dadas, parce que je l'ai vécu de l'interne quand j'étais à
la gestion de l'Université de Montréal, des étudiants internationaux, puis on
l'a vu encore cette semaine avec l'Université McGill, ça coûte cher de se
franciser, ça coûte cher, 2 200 $ pour six semaines de cours.
C'est plus cher que les droits de scolarité au Québec ça. Alors, c'est bien
plus cher que les droits de scolarité au Québec. Donc, si on leur donne accès
gratuitement, mais qui peuvent, parce qu'ils sont résidents, ils résident et
non domiciliés parce que domiciliés, ça serait son adresse à Berlin, bien,
d'une part, ça va le franciser, ça va peut-être lui donner le goût de
s'intégrer plus, ça va peut-être lui faire rencontrer un conjoint, une
conjointe qui parle français. Puis…
Mme David :
...gratuitement, mais qui peuvent, parce qu'ils sont résidents, ça fait qu'ils
résident et non domiciliés parce que, domiciliés, ça serait son adresse à
Berlin, bien, d'une part, ça va le franciser, ça va peut-être lui donner le
goût de s'intégrer plus, ça va peut-être lui faire rencontrer un conjoint, une
conjointe qui parle français. Puis, savez-vous quoi? Il va peut-être résider au
Québec, puis ça va nous donner un super diplômé francisé qui décide de vivre au
Québec et qui est un diplômé en TI, en ingénierie, en n'importe quoi, dans des
domaines où on a une très forte pénurie de
main-d'oeuvre.
Alors, oui, l'exemple peu probable du ministre,
peu probable parce que s'il vient ici, au Québec, pendant un mois, à faire un
voyage touristique, moi, en tout cas, quand je suis allée passer trois semaines
en Allemagne, je n'ai pas pensé à apprendre l'allemand parce que c'est une
langue très compliquée. Alors, je ne pense pas que ça se produirait. Mais je
pense que mon exemple risque de se produire beaucoup plus. 45 000 étudiants
internationaux qui viennent à Montréal ou dans le Québec par année — là, oublions la pandémie — mais ça va être à la hausse. Je vous le
garantis que ça va être à la hausse. Montréal, Québec, grandes, grandes villes
d'attraction internationale pour les étudiants, c'est une bonne nouvelle.
Encore faut-il qu'on leur permette d'accéder à des cours de français. Ce
n'est pas prévu dans les programmes d'études puis ce n'est pas vrai que ça va
marcher de mettre six crédits de cours de français. Puis là, ça va de toute
façon coûter très cher au gouvernement parce qu'on va les financer, ces six
crédits-là à travers les crédits du ministère de l'Enseignement
supérieur. Mais ces étudiants-là qui n'apprennent pas le français, qui ne
peuvent pas parce qu'ils ne l'ont pas, le 2 200 $, puis ils n'ont pas
le temps non plus, je pense que s'ils sont des
cours en français puis qu'ils sont domiciliés... forcément qu'ils sont
domiciliés au Québec le temps de leurs études, c'est un meilleur exemple plus
prometteur que l'exemple d'un touriste qui vient passer deux mois, disons.
Alors, voilà, mais je vais continuer à plaider si le ministre est ouvert à la
discussion.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait la députée de Marguerite-Bourgeoys amène un bon point. Mais, dans le
libellé, là, de 6, là, qu'on vient insérer, là, dans le fond, on dit :
Toute personne admissible à l'enseignement au Québec
a droit de recevoir cet enseignement en français.
Mais, ensuite,
6.1 : Toute personne domiciliée a droit aux services prévus aux articles 88.11
et 88.12 pour faire l'apprentissage du français.
Donc, le «a
droit», on vient conférer un droit. Donc, le droit, il appartient aux gens qui
choisissent de s'établir au Québec, puis je suis d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys
sur le fait qu'en termes d'attractivité on a tout intérêt à a offrir des cours
de français. C'est pour ça que comme ministre de l'Immigration, à
l'époque, bien, j'ai dit : On va inclure désormais les temporaires également
dans l'offre de francisation également qui va être faite.
Alors, avec Francisation Québec, bien,
déjà, dans le fond... c'est parce que Francisation Québec, ce que ça va
faire, c'est que ça va venir coordonner le tout parce que, là, actuellement,
vous le savez, c'est
M. Jolin-Barrette : ...c'est
pour ça que comme ministre de l'Immigration, à l'époque, bien, j'ai dit :
On va inclure désormais les temporaires également dans l'offre de francisation également
qui va être fait.
Alors, avec Francisation Québec, bien,
déjà, dans le fond... c'est parce que Francisation Québec, ce que ça va faire,
c'est que ça va venir coordonner le tout, parce que, là, actuellement, vous le
savez, c'est scindé en trois ministères, si vous voulez, vous avez le ministère
de l'Emploi, Travail, Solidarité sociale qui fait de la francisation, vous avez
le ministère de l'Éducation, vous avez le ministère de l'Immigration. Puis ça,
c'était une recommandation de la Vérificatrice générale, je pense en 2017, de
dire : Bien, écoutez, ça prend un guichet unique, là, désormais, là, puis
coordonner le tout notamment pour l'inscription, notamment pour les
entreprises, notamment pour les apprenants aussi qui... il faut qu'ils sachent
où ils se dirigent.
Puis on a fait beaucoup de travail
là-dessus au cours des dernières années. On a augmenté les allocations puis on
a décloisonné, dans le fond, les groupes. La personne en situation temporaire
qui est sur un permis d'étude peut y accéder actuellement. Même chose pour la
personne qui est sur un permis de travail fermé peut avoir les cours de
francisation également. Alors, on va continuer dans cette lignée-là. Ça fait
que, là-dessus, je vous rejoins.
Par contre, sur la question du droit
rattaché à un résident, là, à ce moment-là, on se retrouve plus dans une
optique où c'est... En fait, le facteur de rattachement pour le mettre, par
souci de cohérence d'un programme gouvernemental, on vient le rattacher au fait
que vous vous établissez au Québec, vous en faites votre domicile. Mais ça ne
veut pas dire qu'on ne peut pas offrir le programme. Mais c'est juste que le
droit qui est garanti à l'individu, il est garanti à celui qui fait le choix
d'en faire son domicile, et non pas à celui qui fait simplement résider.
Donc, pour être clair, là, le résident
québécois temporaire, lui, pourra avoir accès au cours de francisation, mais ça
ne lui confère pas nécessairement le droit d'avoir accès. Voyez-vous la nuance
entre les deux? Le droit va être rattaché à la personne qui est domiciliée,
parce que, pour des situations qui sont court terme ou... C'est la nuance qu'on
fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
• (12 h 20) •
Mme David : Bien, c'est ça,
j'essaie de comprendre, là, pour être bien sûre. C'est comme s'il fallait qu'en
amont du cours l'étudiant international ait décidé de rester ici.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non. Dans le fond, là, on est sur 6.1, c'est un... Dans le fond, la structure
du projet de loi, ça vient garantir des droits, O.K.? Donc, on vient dire à
l'individu qui est domicilié au Québec : Vous, en tant qu'individu, vous
avez le droit à la francisation, aux services prévus par Francisation Québec,
vous avez le droit.
Mme David : Bien, excusez de
vous interrompre, mais qui est domicilié au Québec. Donc, de facto, ça veut
dire qu'il est... on l'a dit, la définition de domicile est beaucoup plus
exigeante que la définition de résidence.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison. Ça fait que ça, c'est le droit qui est conféré. Donc, on vient
hiérarchiser ça, puis on vient dire... on vient confier un droit aux gens qui
vont être domiciliés au Québec. Première étape. Ça, c'est dans la loi, on vient
l'inscrire dans...
Mme David : ...la définition de
«domicile» est beaucoup plus exigeante que la définition de «résidence».
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison. Ça fait que ça, c'est le droit qui est conféré. Donc, on vient
hiérarchiser ça, puis on vient dire... on vient confier un droit aux gens qui
vont être domiciliés au Québec. Première étape. Ça, c'est dans la loi, on vient
l'inscrire dans la loi. Ce que moi, je vous dis, c'est que pour les gens qui
sont résidents du Québec, O.K., qui sont en situation temporaire actuellement,
travailleurs étrangers temporaires, étudiants étrangers, périodes...
Mme David : ...de plus en
plus, vous le dites vous-mêmes, de plus en plus de résidents temporaires,
d'étudiants étrangers, etc. Vous l'avez dit qu'il y avait de plus en plus de
statuts du travail...
M. Jolin-Barrette :
...travailleurs étrangers temporaires.
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
qu'on veut, par contre, c'est les garder ici.
Mme David : Bien, voilà!
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc, à ce moment-là, ils sont déjà couverts par les programmes gouvernementaux,
les résidents.
Mme David : De français?
M. Jolin-Barrette : Oui, par
l'offre de francisation. C'est ce que j'ai changé, j'ai mis les personnes en
situation temporaire qui pouvaient accéder aux cours de francisation. Donc,
l'obligation légale, elle est là, pour l'État, pour les personnes domiciliées,
mais déjà, de notre propre chef, on le fait pour les résidents.
Mme David : Mais pas pour les
étudiants internationaux.
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce que votre étudiant international, il est en situation... il est sur un
permis temporaire ici, ça fait que, désormais, il peut accéder aux cours de francisation
gratuitement. C'est juste qu'on ne vient pas lui accoler...
Mme David : Gratuitement? J'ai
bien entendu le mot?
M. Jolin-Barrette :
Actuellement, c'est gratuitement. Les cours qui sont offerts par le MIFI, là,
c'est gratuitement.
Mme David : Et est-ce qu'ils
sont disponibles?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
ils sont disponibles. En tout cas, quand j'étais là, le taux de fréquentation
des cours de francisation a augmenté de plus de 20 %.
Mme David : Parce que tout ce
que vous avez dans le projet de loi, il va avoir du monde à la porte pour
accéder à tout ça, puis ça va prendre des professeurs, puis etc. Mais ça prend
beaucoup... Alors, ce que vous êtes en train de me dire, c'est qu'à peu près
tout le monde peut être couvert avec le mot «domicile».
M. Jolin-Barrette : En fait,
je reviens sur ma réponse, là. Dans le fond, dans le cadre du projet de loi, ce
n'est pas l'offre de services qu'on vient discuter. On vient conférer un droit
aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que ça, c'est la base, vous
êtes domicilié, vous avez droit à la francisation au Québec. Après ça, moi, ce
que vous dis, c'est qu'actuellement, si vous n'êtes pas domicilié mais que vous
êtes résident temporaire, vous avez tout de même accès aux cours de
francisation, parce qu'on a fait le choix, dans le cadre du programme, de
décloisonner le tout puis de l'offrir à tout le monde.
Mme David : Donc, tous les
travailleurs étrangers temporaires, les travailleurs saisonniers qui viennent
six mois faire les moissons, faire les cueillettes de ci, faire... et ça va devenir,
là, on le sait, là, ça va devenir un immense bassin de main-d'oeuvre temporaire
pour le meilleur et pour le pire, là, je pense qu'il faut prévoir ça, si on
leur donne accès...
Mme David : …qui viennent six
mois faire les moissons, faire les cueillettes de ci, faire… et ça va devenir,
là, on le sait, ça va devenir un immense bassin de main-d'oeuvre temporaire, le
meilleur et pour le pire, je pense qu'il faut prévoir ça. Si on leur donne accès,
parce qu'ils y auraient droit, ces étudiants-là, ces travailleurs étrangers
temporaires, s'ils viennent trois mois, quatre mois, ils font partie de vos
cohortes de domiciliés au Québec.
M. Jolin-Barrette : Et c'est
ça qu'il ne faut pas mélanger, dans le fond, ceux qui sont domiciliés auront un
droit aux services de Francisation Québec, ça, on s'entend là-dessus.
Mme David : Bien, on ne
s'entend peut-être pas sur la définition, là, la définition, elle est plus
restreinte, en tout cas, que résident.
M. Jolin-Barrette : Mais la
personne… oui, parce qu'un résident, moi, je peux être résident, pendant deux
semaines, là, de la ville de Québec, mon domicile, supposons, est dans La
Vallée-du-Richelieu, puis je suis résident temporaire de la ville de Québec quelques…
par année… bien, plusieurs. Les résidents qui sont ici temporairement ont accès
actuellement aux cours de francisation, et ça, ça va demeurer, mais, par contre,
le droit garanti aux cours de français n'est pas pour les résidents, il est
pour les gens qui sont domiciliés.
Mme David : Alors, je suis
encore plus mêlée. Je sais que c'est de la pédagogie tout ça, parce que c'est
compliqué, mais notre exemple… mon exemple de travailleurs étrangers
temporaires que votre collègue le ministre de l'Économie veut avoir à la
pelletée, parce que ça n'a plus de bon sens comment c'est difficile, dans les
entreprises, pour l'été, les travailleurs saisonniers, etc. Eux, ils entrent
dans quelle catégorie, entrent-ils dans un droit à la francisation ou pas?
M. Jolin-Barrette : Non, ils
sont dans résidents et le gouvernement du Québec a décidé de leur offrir les
cours gratuitement. La situation actuelle, là, c'est que les gens qui sont avec
un permis de travail temporaire, là, ont accès aux cours de francisation
gratuitement.
Mme David : Il y a des professeurs
de français qui vont, dans Lanaudière, enseigner dans les fermes, etc., parce
qu'on va en reparler plus loin, là, avec Francisation Québec, là, et même les
toutes petites entreprises, là, il va voir, chaque année, des secteurs ciblés,
etc. Donc, ils pourraient faire partie de ces secteurs ciblés, d'aller
dire : On va aller enseigner le français à 40 travailleurs étrangers temporaires
qui sont en train de cueillir des pommes dans le verger de X, mais qui sont là
depuis le mois de mai, puis ils repartent en octobre.
M. Jolin-Barrette : Ça
pourrait, ça pourrait.
Mme David : Et ça, c'est en
dehors de la loi…
M. Jolin-Barrette : C'est en
dehors de la loi.
Mme David : …c'est parce que
le ministère de l'Immigration, le MIFI a décidé de leur donner accès, ce n'est
pas la loi n° 96 qui va leur donner accès.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Quand j'étais ministre de l'Immigration, vous vous souvenez.
Mme David : Vous ne l'êtes
plus, d'une part, puis les ministres passent, on le sait très bien.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
mais ce qui est important, c'est de faire des changements qui améliorent les
choses…
Mme David : C'est ça…
M. Jolin-Barrette : …puis je
pense, quand j'étais à l'Immigration, j'ai fait des choses…
Mme David : …mais c'est, en ce
sens-là, que si vous avez cru bon de le faire, quand vous étiez ministre de
l'Immigration, pour les résidents…
Mme David : …ce n'est pas la loi
n° 96 qui va leur donner accès.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Quand j'étais ministre de l'Immigration, vous vous souvenez de…
Mme David : Oui, oui, vous ne
l'êtes plus, d'une part.
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est ça.
Mme David : Puis les ministres
passent, on le sait très bien
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
mais ce qui est important, c'est de faire des changements qui améliorent les
choses. Puis je pense que, quand j'étais à l'immigration, j'ai fait des choses…
Mme David : C'est ça. Mais
c'est dans ce sens-là que si avez cru bon de le faire, quand vous étiez ministre
de l'Immigration, pour les résidents à statut temporaire, pourquoi ce n'est pas
aussi bon de le faire dans la loi n° 96?
M. Jolin-Barrette : Parce que
ce que ça fait… la nuance entre les deux, là, c'est que quelqu'un qui est en
établissement temporaire, on viendrait… si on suit votre proposition, si on
suit la proposition de la députée de Marguerite-Bourgeoys, on vient faire en
sorte de permettre… en fait, d'accorder un droit à des résidents qui sont de
passage, alors que… et ça peut avoir des impacts, certains impacts légaux
associés à ça, ces droits-là.
Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on
dit : On accorde les droits aux gens qui choisissent d'être domiciliés au
Québec, et pour tous les gens qui sont en situation temporaire au Québec, on
offre… le gouvernement, notre gouvernement a décidé de décloisonner l'offre de
service et de couvrir toutes les personnes qui sont en situation temporaire
pour les cours de francisation. Elle est là la nuance entre les deux. Le droit,
il va être rattaché à la notion de domicile. Donc, à la base, la personne va
pouvoir dire : Moi, je suis domicilié au Québec, j'ai le droit aux
services offerts par Francisation Québec. Pour la personne qui est en situation
temporaire au Québec, nous, notre gouvernement a décidé d'offrir aux
temporaires, étudiants, travailleurs étrangers temporaires, PMI, PMI+,
supposons, dans les catégories, d'accéder aux cours de francisation. Donc, ça,
ça a été fait depuis 2018‑2019.
Je vous donne un exemple, le précédent gouvernement,
lui, il n'ouvrait pas aux temporaires. Nous, on l'a ouvert. Donc, c'est le
choix qu'on a fait.
Mme David : Mais, si je résume
bien, vous ne voulez pas l'ouvrir dans la loi n° 96 parce que vous avez
peur que ça donne lieu à des abus de gens qui viendraient plus en touristes et
qui en profiteraient pour demander des cours de français. Donc, dans votre
gestion du risque financier, aussi, j'imagine, vous préférez faire un plus un
égale deux, donc deux mesures, la loi n° 96 plus la loi de l'ex-ministre
de l'Immigration, qui va être poursuivie par le ministre actuel, j'imagine.
C'est un plus un, plutôt qu'un un beaucoup plus gros qui serait justement la…
de mettre le mot «résident» plutôt que… parce que vous ne voulez pas prendre le
risque, qui, d'après moi, est petit… Donc, le risque est petit d'avoir des gens
qui sautent sur l'occasion en trois semaines, de prendre des cours de français.
Est-ce que je comprends? C'est à peu près ça.
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, les gens en situation temporaire au Québec, étudiants, travailleurs
étrangers temporaires, pourront avoir les services de Francisation Québec, ils
sont admissibles. C'est une décision gouvernementale, c'est une décision de
programme.
Mme David : …décision légale,
c'est une décision gouvernementale.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Exactement, qu'on offre le service. Là, avec la… 6.1, ce qu'on fait, c'est
qu'on… dans le fond, on vient…
12 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette :
…temporaires, pourront avoir les services de Francisation Québec, ils sont
admissibles. C'est une décision gouvernementale, c'est une décision de programme.
Mme David : …une décision
légale, c'est une décision gouvernementale.
M. Jolin-Barrette :
Exactement, qu'on offre le service. Là, avec la 6.1, ce qu'on fait, c'est
qu'on… dans le fond, on vient garantir un droit aux gens qui sont domiciliés au
Québec. Donc, c'est ça, la nuance en soi. Et, lorsqu'on garantie un droit qui
est de nature exécutoire, si l'État n'offre pas les cours… bien, n'offre pas
les services qui sont offerts par Francisation Québec, ils pourront saisir les
tribunaux : J'ai droit à ceci, au cours… bien, aux services offerts par
Francisation Québec, donc toi, État, tu dois m'offrir ces services-là, c'est
prévu. Alors, le droit que l'on confère, c'est à ceux qui sont domiciliés au
Québec. Ça ne veut pas dire que de façon proactive, comme nous le faisons
actuellement, que les personnes résidentes en situation temporaire au Québec
ont leur…
Mme David : O.K. Mais :
J'ai droit, moi, et donc État tu dois me donner, ça, c'est les domiciliés.
Maintenant, le programme, parce qu'on dit qu'il y a une loi versus un
programme, le programme pour les résidents temporaires, un travailleur
temporaire étranger, ce n'est pas : Moi, j'ai droit et toi, État, tu dois
me le donner, c'est : Moi, je suis un résident, un travailleur étranger
temporaire et il y a un programme qui peut m'offrir, pas qu'il doit m'offrir,
qu'il peut m'offrir. Ce que je… Ce n'est pas le…
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : L'autre,
c'est : Doit m'offrir quand tu es domicilié. Puis, quand tu es un Mexicain
qui travaille sur une ferme, c'est : Peut m'offrir, dépendant des
enveloppes ministérielles.
M. Jolin-Barrette : En
résumé, vous avez une bonne compréhension.
Mme David : Alors, est-ce que
je résume bien en disant que ma proposition, notre amendement est à l'effet de
mettre du «doit» dans les deux cas, alors que vous, c'est à deux régimes,
«doit» et «peut», et que vous préférez garder le «peut» parce que vous avez…
vous ne voulez pas vous engager dans du devoir de donner à ceux qui le
demandent et qui pourraient être des gens qui aiment trop la langue française
pour des mauvaises raisons, disons ça, comme ça, parce qu'ils viennent juste
deux, trois semaines, et que, je vous soumets humblement, que je pense que
ce cas de figure là, il ne sera pas très, très, très étendu. Et que moi, je
crains que, si on reste dans le «peut offrir», si la demande est là, ça risque
de ne pas être grand-chose et qu'on va perdre une formidable opportunité de
franciser des milliers et des milliers d'étudiants ou de travailleurs étrangers
temporaires. Puis le sait, vous le plaider, on est tous d'accord avec ça, quand
on possède la langue de l'État de la nation ou de tout ce que vous voulez,
c'est un facteur majeur d'intégration et de rétention. Alors, c'est pour ça que
je trouve ça quand même un risque plutôt bien calculé de mettre «domiciliée»
plutôt que «résider».
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait…
Mme David : Ou «résider»
plutôt…
Mme David : ...c'est un facteur
majeur d'intégration et de rétention. Alors, c'est pour ça que je trouve ça quand
même un risque plutôt bien calculé de mettre «domicile» plutôt que «résider».
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait...
Mme David : Ou «résider»
plutôt que «domicilier», excusez.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
c'est ça, c'est le contraire. Mais, en fait, c'est parce qu'il peut y avoir des
situations juridiques plus complexes aussi avec la question de résidence aussi.
Donc, je donne un exemple, tu sais, vous l'avez dit, la personne qui vient deux
semaines, trois semaines ici, dans le fond, si on lui confère le droit aux
services de Francisation Québec, opérationnellement également ça peut être
difficile. Si on dit «le résident», bien là, le résident, il arrive, il
dit : Ah! moi, j'ai le droit à des services de francisation, ça fait que
je suis ici trois semaines, donc vous ne m'avez pas francisé, vous ne m'avez
pas offert des services de francisation.
C'est ça que ça amène aussi comme
question, où le travailleur étranger, il vient pour un court délai de, je ne
sais pas, un mois et demi, puis c'est le seul moment où il vient, il est de
passage au Québec, puis il réside pour six semaines, bien là, à ce moment-là,
l'obligation de l'État lui conférerait un droit sur sa tête de poursuivre
notamment l'État pour dire : Bien, vous ne m'avez pas, pendant cette
période-là de six semaines, offert les services de Francisation Québec.
Voyez-vous? Il y a plein de situations qui
peuvent découler de ça, ça fait que c'est un immense pas en avant, le fait de
dire : Toute personne qui est domiciliée au Québec a droit aux services de
Francisation Québec, toute personne. Tu sais, légalement, c'est une avancée
significative parce qu'on vient donner ce droit-là puis dire : Écoutez,
l'État, là, doit vous le fournir, là, doit fournir les services de Francisation
Québec.
Par contre, pour les résidents, mais on le
fait déjà. Tu sais, moi, la mesure que j'ai mise en place, c'est de dire :
Bien, tout le monde a accès. Vous vous présentez dans un organisme
communautaire où est-ce que c'est un prof du MIFI, un professeur du ministère
de l'Immigration qui vient donner le cours, vous avez accès à l'allocation, il
n'y a pas de problème. Vous êtes dans une entreprise, il y a des cours qui sont
offerts, vous pouvez les suivre, il n'y a pas d'enjeu.
Ça fait que, dans le fond, le programme,
il est déjà là, tu sais, c'est éclaté, c'est ouvert à tous, alors on le fait
déjà avec de l'argent québécois.
La Présidente (Mme Thériault) :
...quatre minutes, et j'ai la députée de Mercier aussi qui veut faire une
intervention.
Mme David : O.K. Mais j'ai-tu
droit à mon quatre minutes?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il vous reste quatre minutes, il n'y a pas de problème.
Mme David : O.K. C'est
correct, je vais prendre mon quatre minutes, puis après ça...
La Présidente (Mme Thériault) :
Si vous voulez vider la conversation, allez-y, vous avez quatre minutes.
Mme David : C'est parce que
j'ai peur de perdre mon idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
Mme David : Dans notre plan
d'action sur la langue française, on proposait — et j'y crois
mordicus, quand on vient d'un domaine, on le connaît assez
bien — qu'il y ait des antennes du MIFI dans tous les campus
collégiaux et universitaires des grandes régions métropolitaines où il y a un
bassin. Autant des universités francophones, les collèges francophones puis
anglophones parce qu'il y a des étudiants internationaux. L'Allemand dont je
parle, là, il peut aussi bien aller dans un... Donc, accès à des programmes de
francisation.
Ce que vous me dites, admettons,
là — on y reviendra plus tard parce que ça aussi, ça va revenir
beaucoup plus tard dans le projet de loi — qu'il y aurait de telles
antennes du MIFI dans ces campus-là, vous me dites qu'il...
Mme David : …aussi bien dans un
que dans l'autre. Donc, accès à des programmes de francisation. Ce que vous me
dites, admettons, là — on y reviendra plus tard, parce que ça aussi,
ça va revenir beaucoup plus tard dans le projet de loi — qu'il y
aurait de telles antennes du MIFI dans ces campus-là, vous me dites qu'il
pourrait, pas qu'il devrait, mais qu'il pourrait se déployer là des cours de français
offerts aux étudiants internationaux qui sont des résidents temporaires et qu'à
ce moment-là ça serait couvert tant que ce programme-là, ce programme-là va
être là, ils pourraient avoir accès gratuitement à des cours de français.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est déjà le cas parce que, dans les cours de francisation, là, qui sont
donnés dans les établissements… parce que le MIFI, là, loue également des
locaux dans les collèges, dans les établissements collégiaux, dans les
universités aussi.
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Oui, un
peu.
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Ils en
louent.
Mme David : Oui, oui, j'en ai
visité. Un peu.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Ils en louent également… dans le fond, ils donnent des allocations également
aux organismes communautaires qui… ils fournissent le professeur et ils louent
bien le local aussi. D'ailleurs, j'ai rehaussé le financement qui était accordé
également pour les locaux, à l'époque où j'étais là, pour soutenir, justement,
les organismes de francisation, là, notamment, le ROFQ.
L'autre point qui est important, c'est que
Francisation Québec, là, va offrir aussi ses services aux membres de la
communauté anglophone. Puis, le député de Sainte-Rose aussi, c'était une de ses
recommandations d'offrir ce service-là de perfectionnement, de maîtrise de la
langue. Et donc Francisation Québec est là pour les gens qui ne sont pas dans
le cursus scolaire, donc la majorité, c'est des adultes, donc, qui ont une vie…
qui sont sur le… comme on dit, le domaine de la vie active, et donc toute
personne qui est domiciliée au Québec pourra en bénéficier. Donc, on parle beaucoup
des personnes qui sont en situation d'immigration ou en situation temporaire
ici, qui vont devenir permanents, mais également des gens qui veulent améliorer
leurs compétences langagières en français, qui sont des Québécois, mais qui
veulent améliorer le tout, ils vont pouvoir bénéficier des services de
Francisation Québec, mais eux rentrent dans la catégorie «domiciliés». Donc, ça
sera un droit pour, notamment, les membres de la communauté anglophone d'en
bénéficier.
Mme David : Y compris l'amendement
qu'on a passé hier sur le perfectionnement, là, je ne sais plus quel mot on a
employé.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Donc, c'était «à la connaissance et à la maîtrise».
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : «…visant
à parfaire la connaissance et la maîtrise…»
Mme David : O.K. Ça va, Mme la
Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Ça va? Parfait. Merci. Mme la députée de Mercier,
sur l'amendement.
Mme Ghazal : Merci, merci, Mme
la Présidente. Donc, j'ai écouté attentivement l'échange entre le ministre et
la députée de Marguerite-Bourgeoys, puis, si je comprends bien, la façon que
c'est formulé comme ça, cet article, ça veut dire, par exemple, le travailleur
agricole saisonnier Pablo Palma Contreras, qu'on a appris que, dans le fond, il
a… je pense que c'était hier, c'était dans les nouvelles, là, il est devenu
paraplégique à cause d'un accident de la route, parce qu'il a une condition
personnelle, il est épileptique, et, parce qu'il est travailleur étranger, ça
fait des années qu'il vient travailler des étés, là, pour cueillir des fruits
et légumes, je comprends que…
Mme Ghazal : ...hier, c'était
dans les nouvelles, là, il est devenu paraplégique à cause d'un accident de la
route, parce qu'il a une condition personnelle, il est épileptique. Et parce
qu'il est travailleur étranger, ça fait des années qu'il vient travailler des
étés, là, pour cueillir des fruits et légumes, je comprends que lui n'a pas le
droit à l'indemnisation de la Société d'assurance automobile du Québec, c'est
ce qui est ressorti dans les nouvelles, mais quelqu'un comme lui, un travailleur
agricole comme lui, aurait droit à recevoir des cours de francisation avec
cette modification-là. Est-ce que quelqu'un comme lui y aurait droit avec cette
disposition qui est ajoutée dans le projet de loi n° 96?
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
le fond, la personne... ce que l'article 6.1 du projet de loi n° 96
indique, c'est que la personne qui est domiciliée au Québec a le droit aux
services prévus aux articles. Donc, les services prévus à 88.11, 88.12 pour
l'apprentissage du français, c'est Francisation Québec. Donc, la personne, le
critère, c'est le droit conféré, c'est à la personne qui est domiciliée. Pour
une personne qui est en situation temporaire, comme un étudiant, un travailleur
étranger, lui, à ce moment-là, actuellement, ils sont déjà couverts par le
programme, parce que j'ai décloisonné ça et que les personnes en situation
temporaire, maintenant, peuvent accéder aux cours de francisation.
Mme Ghazal : Donc, lui, dans
le fond, y a droit, pas à cause du projet de loi n° 96, ce que vous
disiez, c'est quand vous étiez ministre, quand vous avez amené cette
ouverture-là. Mais le décloisonnement s'est fait comment? C'est par un
programme qui peut être modifié?
M. Jolin-Barrette : Bien,
deux choses. Il fallait mettre l'argent, parce qu'on a mis plus que
70 millions de dollars là-dedans. Puis d'ailleurs je rappellerais qu'un
budget de 2019, c'était la première fois que la totalité de l'enveloppe de
l'entente Gagnon-Tremblay—McDougall, qui a été signée en 1991, que la totalité
de l'argent allait au ministère de l'Immigration, parce qu'auparavant, c'était
versé au fonds consolidé puis ce n'était pas tout l'argent qui allait qui
allait au ministère de l'Immigration. Ça, c'est fort important, c'est la première
fois qu'un gouvernement a fait ça, et ça a fait en sorte de pouvoir permettre,
justement, que les personnes en situation temporaire bénéficient des services
désormais. Alors, oui, c'est une décision gouvernementale de dire : Bien,
on l'offre aux temporaires.
Mme Ghazal : Mais ça, de
l'offrir aux temporaires, pourquoi ce n'était pas... c'est-à-dire que je
comprends que la façon que c'est écrit comme ça, le décloisonnement qui a été
fait lorsque vous étiez ministre puis qui continue au ministère de
l'Immigration, si, à un moment donné, un autre ministre vient puis le change,
il le recloisonne...
M. Jolin-Barrette : Supposons
un autre gouvernement.
Mme Ghazal : Oui, c'est ça.
...puis qu'il le recloisonne, ici, l'article ne peut pas empêcher ça. Pourquoi
ça n'a pas été mis... mentionné aussi dans le projet de loi n° 96 pour
s'assurer que ce soit le cas pour toujours ou jusqu'à ce que quelqu'un change
la loi?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, j'ai exposé les raisons tout à l'heure, pour des situations de
conséquences juridiques associées au statut de résidents. Donc, nous, notre
gouvernement, on a fait le choix, parce que... puis, honnêtement, je pense
qu'on est rendus là, de faire en sorte que les personnes qui sont...
Mme Ghazal : …ou jusqu'à ce que
quelqu'un change la loi.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, j'ai exposé les raisons tout à l'heure pour des situations de
conséquences juridiques associées au statut de résident. Donc, nous, notre gouvernement,
on a fait le choix, parce que… puis, honnêtement, je pense qu'on est rendus là,
de faire en sorte que les personnes qui sont sur le territoire québécois, on
souhaite les garder au Québec, donc les travailleurs étrangers temporaires
qu'on… qu'ils puissent demeurer au Québec. Puis, les facteurs d'intégration,
c'est notamment le travail puis la langue française. Alors, c'est tout dans
notre intérêt de maintenir cette offre de services là aux personnes qui sont en
situation temporaire, notamment les étudiants étrangers, et, surtout,
supposons, avec le programme de l'expérience québécoise, le PEQ, bien, ils ont
une voie rapide pour accéder à la résidence permanente en passant par le PEQ.
C'est un programme qui est très bien fait aussi. Puis…
Mme Ghazal : Mais moi, je veux
parler des travailleurs agricoles. O.K., continuez. Oui.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'autre élément, c'est que le mandat de francisation au Québec, il demeure
aussi. Dans la loi, l'objectif de Francisation Québec, c'est d'offrir des
services de francisation à l'ensemble des gens qui sont sur le territoire
québécois. Donc, ça, c'est l'objectif. À 6.1, par contre, c'est le droit sur la
tête de la personne. Donc, on le confère à la personne qui est domiciliée au
Québec.
Mme Ghazal : Travailleurs
étrangers, travailleurs agricoles, ceux qui viennent ici nous aider à faire un
travail que la majorité des Québécois ne veulent pas faire. Donc, ces gens-là,
il va y en avoir de plus en plus, c'est ça, on va augmenter leur nombre, et
c'est ce que le ministre a dit, bien : On va leur offrir, là, la
possibilité d'apprendre le français, qui a été décloisonnée. Mais… oui.
M. Jolin-Barrette : Bien,
juste en matière d'immigration, là, c'est parce qu'exemple, le Programme des
travailleurs étrangers temporaires, en matière agricole, c'est un programme qui
est spécifique et qui est géré par le gouvernement fédéral. Dans le fond,
lorsque vous êtes en situation temporaire, le permis de séjour, il est fédéral.
Donc, c'est le fédéral qui gère l'administration des permis temporaires, à
l'exception de, lorsqu'on est matière d'éducation, ça prend un certificat
d'acceptation du Québec pour être un étudiant étranger aussi. Donc, ce que ça
fait… puis même chose aussi sur les PMI, PMI+, aussi, le fédéral est impliqué
aussi, notamment relativement au traitement des dossiers des immigrants en
situation temporaire. Puis là, vous avez le PTET aussi, le Programme des
travailleurs étrangers temporaires, que mon collègue le ministre du Travail a
justement réussi à assouplir pour faire en sorte de répondre aux besoins des
entreprises.
Mme Ghazal : Toutes ces
personnes-là ont accès aux cours de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : Pas à cause de
«domicilié», mais à cause du décloisonnement qui a été fait lorsque vous étiez
ministre?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme Ghazal : O.K.
M. Jolin-Barrette : Sauf que…
sauf qu'une personne qui est avec un permis de travail temporaire et qui fait
sa demande de, supposons, de… j'ai juste CAQ dans la tête, là.
Mme Ghazal : CSQ.
M. Jolin-Barrette : Oui, son
CSQ. Merci. Son CSQ. À ce moment-là, lui, il établit son domicile au Québec,
parce qu'il fait sa demande de CSQ également.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement suspendre nos travaux compte tenu de l'heure…
M. Jolin-Barrette : …j'ai
juste CAQ dans la tête, là.
Mme Ghazal : CSQ.
M. Jolin-Barrette : Oui, son
CSQ, merci. Son CSQ. À ce moment-là, lui, il établit son domicile au Québec
parce qu'il fait sa demande de CSQ également.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement suspendre nos travaux, compte tenu de l'heure, nous
avions jusqu'à 12 h 45 puisqu'il y a un caucus ici. Donc, à la
reprise, à 15 heures, je vous redonnerai la parole, Mme la députée de
Mercier, pour poursuivre l'échange avec le ministre et par la suite, il y aura
le député de D'Arcy-McGee qui m'a signifié son intention de prendre la parole.
Donc, bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 9)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît. Donc, la Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
J'aimerais vous informer qu'à la suite
d'échanges entre les leaders, qu'il y a eu consentement afin de permettre au
député de La Pinière de remplacer la députée de Saint-Laurent pour le
reste de la séance. Donc, M. le député, bienvenue parmi nous à cette
commission.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
en étions à l'étude…
La Présidente (Mme Thériault) :
...d'échange entre les leaders, qu'il y a eu consentement afin de permettre au député
de La Pinière de remplacer la députée de Saint-Laurent pour le reste de la
séance. Donc, M. le député, bienvenue parmi nous à cette commission.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
en étions à l'étude de l'amendement qui avait été déposé par la députée de
Marguerite-Bourgeoys. C'était la députée de Mercier qui avait la parole sur
l'amendement toujours de la collègue de Marguerite-Bourgeoys et, par la suite, il
y a le député de D'Arcy-McGee qui m'a signifié son intention de faire une intervention
aussi. Donc, Mme la députée, vous avez la parole.
• (15 h 10) •
Mme Ghazal : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente.
Donc, l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys
demande à changer... je n'étais pas dans le... de mettre le mot «réside» à la
place de «domicilié». Oui, c'est ça. Et moi, en fait, j'essayais juste de voir
un peu le... j'allais dire que c'est cocasse, mais ce n'est pas cocasse parce qu'il
y a quand même quelqu'un qui souffre... je parlais de monsieur... un
travailleur agricole Pablo Palma Contreras qui... j'essayais de
prendre cet exemple-là pour juste voir un peu l'absurde de la situation. Ce que
je comprends, c'est que, lui, comme travailleur étranger, et des gens comme
lui, il va y en avoir de plus en plus, c'est l'intention du gouvernement. Donc,
on dit que la loi... c'est tellement, tellement important, la langue française,
c'est tellement important que le ministre, quand il était ministre de
l'Immigration, il a ouvert l'apprentissage de la langue française pour des gens
comme lui, alors que, là, il se retrouve dans une situation où on l'empêche
d'avoir accès à la Société de l'assurance automobile du Québec comme n'importe
quel autre Québécois.
Donc, je voulais juste confirmer :
Est-ce que c'est bien ça, la situation de quelqu'un comme lui qui est un
travailleur agricole saisonnier qui vient, toutes les années, pour travailler
l'été, a le droit d'apprendre le français alors qu'il travaille dans les champs
jour et nuit? Est-ce que c'est ça que le ministre a permis pour un travailleur
comme lui?
M. Jolin-Barrette : La
question de la députée de Mercier, ce n'est pas... juste pour que je comprenne
bien sa question, ce n'est pas sur la proposition de 6.1 que je fais, là. Sa
question, c'est : Actuellement, ce que le gouvernement du Québec fait
présentement, c'est ça? Oui. Alors, oui, depuis 2019, les personnes qui sont en
situation temporaire au Québec que ce soient des étudiants, que ça soient des
travailleurs qui ont un permis de travail temporaire au Québec peuvent suivre
des cours de francisation. On l'a ouvert aux temporaires, notamment parce qu'il
y en a beaucoup de temporaires qui deviennent permanents entre autres. Donc, on
fait la francisation puis surtout notamment ceux qui souhaitent, supposons,
être admis par le Programme de l'expérience québécoise à la fois pour les travailleurs
et à la fois pour les étudiants, c'est niveau sept de français qui est requis,
donc, pour nous, c'est la première fois que ça se faisait, et on a décloisonné
les cours pour les offrir aux personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Je comprends
que ce n'est pas, donc, l'ajout que fait article. Mais est-ce que le ministre
est d'accord avec moi avec l'absurdité de la situation? C'est qu'on va
continuer à avoir des personnes temporaires, puis on trouve que, le français,
c'est tellement...
M. Jolin-Barrette :
...première fois que ça se faisait, et on a décloisonné les cours pour les
offrir aux personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Je comprends que
ce n'est pas, donc, l'ajout que fait article. Mais est-ce que le ministre est d'accord
avec moi avec l'absurdité de la situation? C'est qu'on va continuer à avoir des
personnes temporaires, puis on trouve que le français, c'est tellement
important qu'on va leur permettre de l'apprendre. C'est juste qu'ils n'ont pas le
temps de l'apprendre parce qu'ils sont ici pour travailler. Puis surtout avec
les conditions d'un travailleur agricole, par exemple, comme lui, puis il y a
d'autres secteurs économiques. Le gouvernement disait tout le temps qu'il
voulait restreindre le nombre d'immigrants, mais finalement, il l'a augmenté
pour des raisons de pénurie de main-d'oeuvre, pour... à cause des demandes du
milieu des affaires.
Mais on dit : Toutes ces
personnes-là, on va être très, très, très généreux, ils vont pouvoir apprendre
le français. C'est juste que c'est une façon de dire «oui, oui, on va
ouvrir», mais en réalité, ils ne le feront pas pour la majorité, contrairement
à des travailleurs... pas des travailleurs, mais des immigrants permanents, qui
ont les bonnes conditions pour apprendre le français et qui vont avoir envie de
l'apprendre, sachant qu'ils vont rester au pays pendant très, très longtemps.
Et là je... donné juste cet exemple-là,
parce que c'est un exemple qui déchire le coeur, quand on a entendu cette
personne-là dire : Je n'ai même pas le droit... J'ai travaillé ici pendant
longtemps, mais comme je suis temporaire, et je n'ai même pas le droit à avoir
de l'assurance automobile... Mais ce que le ministre me dit, c'est que le
gouvernement est tellement généreux qu'il lui permet de prendre des cours de
français, par exemple. Je veux juste montrer l'absurdité de la situation au
ministre.
Puis cette situation-là va augmenter de
plus en plus, puisque c'est l'intention du gouvernement. On ne veut pas avoir
de l'immigration, mais la situation... puis les demandes, par exemple, du
milieu des affaires, et tout ça... Ils veulent avoir plus d'immigrants pour la
situation économique, donc là on dit, bien, on va se rabattre vers
l'immigration temporaire, puis ces personnes-là, bien, n'apprendront pas le
français, même si on leur ouvre la possibilité de le faire, puisque ont-ils le
temps, de toute façon, de le faire? Et pourquoi est-ce qu'ils le feraient,
sachant qu'ils sont temporaires, même si, des fois, ils sont temporaires
pendant de très nombreuses années?
Et la vision, donc, la vision du
gouvernement, par rapport à l'immigration, ne concorde pas ou est en
incohérence par rapport à sa vision pour protéger et renforcer la langue
française.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, Mme la Présidente, je dirais : Non, je ne suis pas d'accord du tout
avec la députée de Mercier, avec égard. Ce n'est pas ça pantoute que j'ai dit.
Ce que j'ai dit... Puis il ne faut pas mélanger des pommes, puis des oranges,
puis des tomates, puis tout le kit, là. Il y a une situation particulière qui
nous a été présentée relativement à, je comprends, une assurance... un accident
d'automobile. Là, ce n'est pas du tout la même chose.
Là, on est dans une situation où, à 6.1,
on vient donner un droit aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que
ça, je l'ai établi clairement, toute personne qui est domiciliée. Une personne
qui est en situation temporaire au Québec peut être domiciliée au Québec, là,
hein? Ça, il faut le dire. La notion de domicile, on a eu le débat tout à
l'heure là-dessus. Ça fait qu'elle peut être domiciliée. Ce qu'on dit, par
exemple, c'est que le droit n'est pas conféré à quelqu'un qui est seulement
résident...
M. Jolin-Barrette : …au Québec.
Ça fait que ça, je l'ai établi clairement, toute personne qui est domiciliée.
Une personne qui est situation temporaire au Québec peut être domiciliée au Québec,
là, hein, ça, il faut le dire. La notion de domicile, on a eu le débat tout à
l'heure là-dessus, ça fait qu'elle peut être domiciliée. Ce qu'on dit, par
exemple, c'est que le droit n'est pas conféré à quelqu'un qui est seulement
résident. Donc, le domicile, c'est l'intention de demeurer, c'est son principal
lieu d'affaires… son principal lieu d'établissement.
Ce que je dis, par ailleurs, c'est que
même pour ceux qui ne sont pas domiciliés ici, déjà, ils bénéficient des
services du ministère de l'Immigration en matière de francisation. Puis là le
point où je ne vous rejoins pas, vous dites : Écoutez, bien, les travailleurs
étrangers, ils n'ont pas le temps d'aller dans les cours de français. Mais ce
n'est pas vrai parce que la démonstration a été faite, depuis qu'on l'a ouvert,
que ça a explosé le nombre de personnes qui suivent les cours en… qui sont en
situation temporaire dans les cours de francisation. Alors, ce n'est pas exact,
là, malheureusement, ce que vous dites. Il y a des situations… Il y a des gens
qui ne suivent pas les cours; il y en a qui les suivent.
Nous, notre objectif, là, c'est que toute
personne qui décide de demeurer au Québec, bien, on puisse la franciser dès le
départ — ça, c'est clair. Ça fait que ça, c'est le débat sur la
mission de Francisation Québec, on va voir ça à 88.11, 88, 12. Mais là à
l'article 6.1, on est vraiment sur le droit… conférer le droit par rapport
à la personne qui est domiciliée ici. Donc, on vient bonifier une situation, on
vient conférer aux gens qui sont domiciliés au Québec le droit de bénéficier
des services de Francisation Québec — c'est ça. Mais la discussion
que là nous avons, on va l'avoir à 88.11.
Mme Ghazal : …de dire que
c'est domicilié et non pas résident. Ça, je suis d'accord avec ça, donc je
l'annonce tout de suite. Mais j'essaie juste de faire réaliser au ministre
l'incohérence… Parce que, là, j'ai le ministre responsable de la Langue française,
qui est dans un gouvernement, qui a une vision et une stratégie — si
je peux dire ainsi — en immigration, sur l'accueil des immigrants, le
nombre et le type d'immigration qu'on veut avoir qui est en incohérence avec sa
vision par rapport à la protection de la langue française. Je suis d'accord
qu'on ouvre à tout le monde, mais si… Parce que là, il dit qu'il y a eu une
grande augmentation, une grande augmentation pour les immigrants temporaires.
Il y en a eu combien? Est-ce que, par exemple, de tous ceux qui ont commencé à
prendre des cours depuis qu'il a ouvert puis qu'il a mis plus d'argent, combien
parmi eux sont des immigrants temporaires, en immigration temporaire, comme un
travailleur agricole, admettons?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on peut… on va faire les vérifications, parce que ça fait quand même
un an et demi que j'ai quitté le ministère de l'Immigration, alors… C'est des
bons souvenirs et…
Mme Ghazal : Bien, ce n'est
pas la majorité.
M. Jolin-Barrette : …je
souhaite bon succès au ministre de l'Emploi et du Travail qui reprend ces
fonctions. Bien, vous avez… les personnes en… Bien, en fait, ce qu'il faut même
dire, là, c'est que le gouvernement du Québec offre des cours de francisation
même avant la venue des personnes immigrantes, déjà, dès l'étranger, pour leur
dire : Écoutez… Puis vous le savez, Mme la Présidente, vous avez été
ministre de l'Immigration…
M. Jolin-Barrette : …bien,
vous avez les personnes en situation… Bien, en fait, ce qu'il faut même dire,
là, c'est que le gouvernement du Québec offre des cours de francisation même
avant la venue des personnes immigrantes, déjà, dès l'étranger, pour leur
dire : Écoutez… puis vous le savez, Mme la Présidente, vous avez été ministre
de l'Immigration.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
M. Jolin-Barrette : Bon, vous
l'avez instauré, des bonnes choses qui ont été faites.
La Présidente (Mme Thériault) :
Apprendre le Québec, le guide Apprendre le Québec.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
puis nous, on l'a bonifié ça, hein?
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : Avec une
évaluation de connaissance des valeurs québécoises. Je suis content que vous
m'appuyiez, Mme la Présidente.
Et ça fait en sorte que, bien sûr, les
personnes qu'on accueille au Québec, on veut les franciser. Alors, là-dessus,
l'objectif, il est là. Et la question des temporaires, également… mais le fait
de venir… comme avec un permis de travail temporaire aussi, ce que ça fait,
c'est que ça peut permettre à la personne d'expérimenter le Québec, déjà, de
venir, puis déjà ça lui donne une expérience québécoise. Donc, ça lui permet,
notamment, par le Programme de l'expérience québécoise, d'avoir une
bonification, une rapidité également, parce que je crois que c'est à peu près
85 %, 88 % des dossiers qu'on accepte en sélection économique qui
proviennent du PEQ, présentement. Donc, ça fait en sorte que les gens qui ont
une expérience de travail, bien, ils se retrouvent avec une voie rapide pour
passer par le PEQ pour être sélectionnés, plutôt que… et, on le sait, là, le projet
de loi n° 9, il me semble. C'est-u 9 que j'ai déposé? Je ne me souviens
plus. Mais on faisait en sorte de réduire les délais en matière d'immigration,
parce que, vous vous souvenez, il y a plusieurs délais en immigration. Il y a
avant, puis il y avait des dossiers qui dataient de 10, 11 ans dans
l'inventaire de dossiers. Donc, ça, c'était dans l'inventaire québécois.
• (15 h 20) •
Nous, un coup qu'on donne le certificat de
sélection du Québec, après ça, ça s'en va à Ottawa. Puis là le problème,
présentement, sur les délais, qu'on voit, là, jusqu'à deux ans, le problème, il
est dans l'inventaire fédéral. Le fédéral ne traite pas les dossiers du Québec
en matière de résidence permanente, même s'ils ont eu le CSQ en temps opportun
et en temps rapide. Donc, il est là l'enjeu, présentement, des délais. Nous, on
a réglé l'enjeu qu'il y avait auparavant, par rapport à l'inventaire. Puis ça,
ça a été un gros enjeu, parce que ce qui arrivait, sous les gouvernements
précédents, c'est qu'ils sélectionnaient beaucoup plus de personnes immigrantes
que les seuils d'admission qu'ils autorisaient. Ça fait que d'un côté, les
précédents gouvernements disaient : On vous sélectionne, on vous
sélectionne, on vous sélectionne, mais on ne vous admet pas. Voyez-vous? Parce
qu'il y a deux volets à l'immigration, il y a la sélection puis il y a
l'admission, il y a deux niveaux de seuil. Ça fait que c'est comme si la main
gauche ne parlait pas à la main droite, dans le temps.
Mme Ghazal : Oui, puis il y a
une demande, aussi, des groupes, de dire : Bien là, maintenant… et aussi à
Québec solidaire, bien, il faudrait repartir à zéro, parce que ça n'a pas de
bon sens, le message contradictoire qu'on donne. Mais moi, ma question
s'adresse, pas à l'ancien ministre de l'Immigration, mais au ministre
responsable de la Langue française. Est-ce que le fait d'avoir plus d'immigration
temporaire aide la protection et la pérennité de la langue française?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais qu'on a plusieurs…
Mme Ghazal : ...ne s'adresse
pas à l'ancien ministre de l'Immigration, mais au ministre responsable de la
Langue française. Est-ce que le fait d'avoir plus d'immigration temporaire aide
la protection et la pérennité de la langue française?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais qu'on a plusieurs défis. Je vous dirais oui, parce que...
Mme Ghazal : L'immigration
temporaire aide plus le français que l'immigration permanente?
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, c'est un tout, parce qu'il y a beaucoup de pays... en fait, il y a
beaucoup de gens qu'on accueille de façon temporaire qui proviennent de... qui
ont une... que les gens ont une maîtrise de la langue française ou qui
proviennent de pays francotropes, alors... et où... Puis, là, c'est un autre
point qui est important. Avec un permis de travail temporaire, bien souvent, le
permis de travail temporaire, c'est un permis qui est fermé, O.K. Donc, le
permis de travail fermé, supposons, de deux ans vise à faire en sorte que le
travailleur temporaire est sélectionné pour travailler dans une entreprise x,
O.K., entreprise x, supposons, qui est située dans le Bas-Saint-Laurent, à
Montmagny, supposons, O.K. La personne immigrante en situation temporaire qui
décide d'aller travailler à Montmagny, qui ne parle pas le français, pendant
une période, supposons, de deux ans, bien, je vais vous dire que, ça, c'est une
bonne façon d'apprendre le français. Donc, oui, l'immigration temporaire fait
en sorte que de vivre un passage en région au Québec, ça fait nécessairement en
sorte que la société d'accueil, le milieu d'accueil, le milieu de vie, il est
quasiment totalement francophone. Donc, bien entendu que ça va aider vos
compétences langagières, parce que les gens au bureau, les gens au travail vont
vous parler en français, ils vont vous inviter chez eux, ils vont vous inviter
à des activités, à des événements communautaires, puis ça va se passer en
français. Ça fait que c'est sûr que ça fait en sorte que ça favorise
l'intégration en français. Puis, en plus, avec Francisation Québec, ce qu'on
veut faire, c'est donner les ressources dans les entreprises pour donner de la
francisation, puis là les temporaires sont visés actuellement. Ça fait que je
vous dirais : Oui, c'est un modèle qui fonctionne, notamment sur la
francisation.
Mme Ghazal : ...un exemple
idéal d'une personne qui, à cause de son permis de travail lié à son employeur,
est dans une région qui n'est pas à Montréal et que ça se passe en français,
donc c'est une situation idéale. Mais est-ce qu'il y a des chiffres qui
démontrent ça, que l'immigration temporaire assure la protection de la langue
française au Québec? Est-ce qu'il y a des études qui le démontrent, ça? Parce
qu'intuitivement, je dirais : Mais non, ce n'est pas l'immigration
temporaire, c'est temporaire, les gens ne viennent pas ici nécessairement pour
s'intégrer. Il y en a qui vont finalement s'intégrer et qui vont rester ici
plus longtemps, qui vont peut-être après ça vouloir faire un cheminement
d'immigration. Mais le fait de dire : J'ouvre à tout le monde
l'apprentissage du français, ça va permettre d'assurer la protection de la
langue française? Mais — je prends l'exemple de ce travailleur
agricole, mais n'importe quel travailleur temporaire — dans quelle
proportion ils vont aller vraiment suivre les cours de français qui sont
donnés? Si par exemple ils sont à Montréal, ils ne sont pas nécessairement dans
un milieu où tout se passe... S'ils sont à Montréal puis qu'ils sont dans un
milieu où tout ne se passe pas nécessairement en français, donc ils vont avoir
le désir d'apprendre le français, si... ils vont avoir le temps d'apprendre le
français? Il y a toutes ces conditions-là, je... ce n'est pas évident. Même les
personnes qui sont permanentes, qui viennent...
Mme Ghazal : …si, par exemple,
ils sont à Montréal, ils ne sont pas nécessairement dans un milieu où tout se
passe… s'ils sont à Montréal, puis qu'ils sont dans un milieu où tout ne se
passe pas nécessairement en français, donc ils vont avoir le désir d'apprendre
le français, s'ils vont avoir le temps d'apprendre le français. Il y a toutes
ces conditions-là, ce n'est pas évident, même les personnes qui sont
permanentes, qui viennent au Québec et qui veulent apprendre le français,
l'argent qu'ils reçoivent, le montant, on a fait le calcul, et c'est la moitié
du salaire minimum. Donc, dès que tu as un emploi, tu as juste le goût… tu as
une famille à faire vivre, tu as juste le goût de quitter ton cours de français
puis d'aller travailler, gagner ta vie, à moins d'avoir des cours de français
au travail.
Donc, moi, ma question, c'est : Il y
a une vision du ministre pour protéger le français, puis il ouvre ça à tout le
monde. Mais, après ça, de l'autre côté, le gouvernement dit : On va avoir
juste de l'immigration temporaire.
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme Ghazal : Bien surtout, de
plus en plus.
M. Jolin-Barrette : Mais non,
non, non, ce n'est pas ça qu'on doit, ce n'est pas moi qui est le ministre de
l'Immigration, mais ce n'est pas ça qu'on dit. Mais, premièrement, sur votre
première question, puis là on est un peu hors sujet parce que le projet de loi
n° 96, c'est un projet de loi sur le français, sur la Charte de la langue
française, là on débat plus des questions d'immigration qui n'est pas dans le
cadre du projet de loi. Mais pour répondre à votre question… Je donne un
exemple. Dans l'immigration qui est sélectionnée, au niveau de l'immigration
économique, la majorité des dossiers, près de 90 % des dossiers
proviennent du Programme de l'expérience québécoise. C'est quoi, le Programme
de l'expérience québécoise? C'est des gens qui ont été en situation temporaire
au Québec et qui deviennent permanents.
Alors, est-ce que l'immigration temporaire
permet d'aller chercher une connaissance en français? La réponse à cette
question-là, c'est oui, parce que les chiffres démontrent que la plus forte
majorité de la sélection, 85 %, 90 %, c'est des gens qui sont passés
par le PEQ. Les critères pour passer par le PEQ notamment, c'est d'avoir un
niveau 7 de français, mais d'avoir aussi, vous vous souviendrez de la réforme
que j'ai faite aussi avec le PEQ, les deux réformes visent à passer un certain
nombre de temps au Québec, d'avoir une expérience de travail pour les étudiants
et, pour les travailleurs, de passer x nombre de temps au travail également,
avant de pouvoir soumettre sa candidature au PEQ. Donc, ça, ça assure, un, dans
un premier temps, l'immigration en région, notamment où il y a des besoins de
main-d'oeuvre et, par la suite, une connaissance de niveau 7 du français.
Alors, oui, et donc c'est pour ça que je l'ai ouvert aux temporaires aussi. Sur
votre autre question… je ne me souviens plus c'est quoi.
Mme Ghazal : Bien, c'était sur
le fait que vous voulez avoir plus d'immigration…
M. Jolin-Barrette : Ah oui!
Bien non, nos seuils...
Mme Ghazal : …de plus en plus.
M. Jolin-Barrette : …nos
seuils demeurent intacts relativement… on a descendu à 40 000, on est
monté à 44 000, 48 000 Donc, les fourchettes demeurent également,
mais…
Mme Ghazal : 60 000,
70 000.
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, le 70 000, c'est les seuils sur les trois années qu'on a, mais en
raison de la pandémie, du fait qu'on n'a pas accueilli les gens, puis avec le
retard qu'il y a à Ottawa. Mais quand vous faites sur les trois années, sur la
planification pluriannuelle de trois ans, vous revenez au seuil qu'on a, et le
recours à l'immigration temporaire, oui, fait…
Mme Ghazal : …
M. Jolin-Barrette : Non, mais
en fait, le 70 000, c'est les seuils sur les trois années qu'on a
mais en raison de la pandémie, du fait qu'on n'a pas accueilli les gens puis
avec le retard qu'il y a à Ottawa. Mais quand vous faites, sur les
trois années, sur la planification pluriannuelle de trois ans, vous
revenez aux seuils qu'on a.
Et le recours à l'immigration temporaire,
oui, fait partie du fait qu'on va pouvoir accueillir ces gens-là de façon
permanente aussi. Dans le fond, les gens, ils viennent plus rapidement au Québec
dans les différents milieux, travaillent, se francisent et par la suite sont
admis de façon permanente.
Ça fait que la différence, là, avec dans
le temps, là, c'est que dans le temps, les précédents gouvernements laissaient
durant des années une famille pendant trois, quatre, cinq ans dans leur
pays d'origine puis là, ils disaient : O.K., là, c'est le temps, on vous
admet, ça fait que venez-vous-en. Nous, on dit : Écoutez, si vous… on a
des besoins de main-d'oeuvre, notamment, venez au Québec, venez vous intégrer,
voici la marche à suivre, la formule : cours de francisation,
apprentissage, occuper un emploi, expérience de travail pendant x temps,
vous allez passer par la voie rapide, par le PEQ. Donc, vous vous retrouvez
avec des gens qui peuvent aller en région et qui parlent français.
Mme Ghazal : Mais comme le
disait le ministre, aussi, on aura d'autres occasions d'en parler, notamment,
quand on va parler de francisation au Québec et tout ça. Pour le moment, je
comprends. Moi, je ne suis pas contre le fait de dire «domiciliée», absolument.
De l'ouvrir le plus possible à tout le monde, ça, je suis d'accord. Mais après
ça, il y a d'autres décisions du gouvernement qui ne sont pas… c'est du
gouvernement, là, et non pas seulement le ministre responsable de la Langue
française, qui entrent en cohérence avec les prétentions, peut-être, du
ministre de protéger la langue française. Mais on aura… j'aurai l'occasion d'y
revenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais maintenant le député de D'Arcy-McGee. C'est toujours sur
l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 4.
Allez-y.
• (15 h 30) •
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Moi, j'aimerais retourner au fond de l'amendement de…
proposé, et c'est-à-dire de remplacer le mot «domiciliée» par «qui réside».
Écoutez, nous sommes dans un des objectifs assez primordiaux du projet de loi
devant nous, et assez partagés, c'est-à-dire de bonifier le droit, l'accès réel
à la francisation.
Et notre préoccupation, c'est qu'on risque
d'écarter une cible assez intéressante, assez importante et assez recherchée.
Je me permets de parler de ce qui est introduit à la collègue de
Marguerite-Bourgeoys. Ces nombreux étudiants et étudiantes, qui viennent au
Québec souvent avec le choix d'aller ailleurs, même pour l'expérience
temporaire, bien, plusieurs d'entre eux qui choisissent le Québec ou ailleurs
sont, disons, au moins ouverts à la possibilité de faire de leur foyer
l'endroit qu'ils choisissent. Souvent, de plus, c'est du monde, dans notre cas,
qui risque d'être francophile, du monde qui risque d'être, comme je dis, ouvert
et ouverte à se joindre à notre société québécoise en connaissance du fait que
la seule langue commune est le français…
15 h 30 (version non révisée)
M. Birnbaum : ...c'est du
monde, dans notre cas, qui risque d'être francophiles, du monde qui risque
d'être, comme je dis, ouvert et ouverte à se joindre à notre société québécoise
en connaissance du fait que la seule langue commune est le français.
Maintenant, je crois que nous avons tous
compris la distinction que le ministre a faite à plusieurs reprises pour
proposer de maintenir le mot «domicile». Mais... Et on a compris parce que, là,
on propose d'octroyer un droit dans un cas et de rester avec... et je n'utilise
pas le mot de façon péjorative, mais de rester avec le facultatif pour les
autres. Oui, il y a des programmes, comme je dis, facultatifs, ça ne veut pas
dire que ce n'est pas disponible, mais, actuellement et dorénavant, selon
l'article devant nous, ça resterait une option quelque part. Et le ministre
privilège l'idée de bonifier le droit pour les résidents. Donc, en quelque
part, implicite dans ça, c'est le fait que d'avoir accès n'est pas aussi fort
et actionnable, si vous voulez, que le droit, dont ce mot dont on parle, qui
est une cible assez intéressante, on va en convenir, pour le Québec de garder
ces gens-là, qui ont souvent une grande expertise, comme je dis, qui auraient
pu choisir leur séjour temporaire ailleurs, de les impliquer de façon
statutaire, en quelque part, dans la francisation. Donc, pour le faire, il faut
qu'ils se voient octroyer un droit.
De plus, je crois que c'est intéressant de
nous rappeler que, dans le deuxième alinéa proposé de 6.1, on parle des gens
qui résident ou... qui résident, notre préférence, qui reçoivent, d'un établissement
d'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en anglais, le droit.
De mon expérience, ces établissements... et voilà le raisonnement derrière
notre proposition de bonifier l'offre du français langue seconde dans les
cégeps, à titre d'exemple, ces établissements sont tout à fait prêts à être au
rendez-vous pour participer pleinement et de façon bonifiée dans la
francisation. Il faut dire que c'est leur gagne-pain chaque jour. Pour avoir
été directeur général de l'Association des commissions scolaires anglophones du
Québec, c'est des pionniers sur le plan mondial sur le français langue seconde sur
le modèle d'immersion française.
Alors, je crois que ces établissements
sont tout à fait prêts et au rendez-vous pour même accentuer le rôle en tout ce
qui a trait à la francisation. Donc, j'inviterais le ministre d'être, si je
peux, peut-être plus clair sur ce qui empêche...
M. Birnbaum : ...ces établissements
sont tout à fait prêts et au rendez-vous pour même accentuer leur rôle en tout
ce qui a trait à la francisation. Donc, j'inviterais le ministre d'être, si je
peux, peut-être plus clair sur ce qui empêche le législateur d'ordonner...
d'octroyer ce droit à cette classe de personne qui, actuellement, a quelques
options mais à géométrie variable de poursuivre sa francisation.
Alors, si on peut... deux choses, si je
peux, dans un premier temps, comprendre où est la contrainte. Ça ne serait pas
une première fois que des résidents de cet ordre-là se voient octroyer les
droits. Alors, si on peut avoir des précisions sur les réticences du ministre
là-dessus.
Et, deuxième chose, parce que j'ose croire
que, malgré l'offre de programmes dont parle le ministre, comme je dis, comme
j'ose croire que c'est à géométrie variable, c'est au plaisir d'un prochain ministre
d'annuler de tels programmes, ça serait dommage, mais voilà. Alors, ma deuxième
question serait de connaître s'il y a quelques données qui démontrent que
l'offre actuelle que le ministre... qu'il aurait bonifiée dans son ancien rôle,
est-ce qu'on a quelques statistiques qui démontrent que ça marche, son plan
panquébécois dans la plupart des régions? Alors, voilà les deux questions que
j'aurais, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La question,
dans le fond, c'est la question des données statistiques pour le nombre
d'inscriptions des temporaires qui se sont inscrits? C'est ça. On a demandé
puis on va demander au MIFI qu'il nous les envoie par rapport à l'ouverture aux
temporaires.
Bien, en fait, c'est un peu la même
réponse que je donnais à la députée de Marguerite-Bourgeoys relativement à
«domicilié» et «résident». Ça ne veut pas dire qu'une personne en situation
temporaire n'est pas domiciliée au Québec. Et, dans le fond, le droit est
garanti à la personne qui établit son domicile au Québec, donc c'est la question
du droit. Mais actuellement on l'offre déjà, même aux résidents, on l'offre à tout
le monde. Et c'est notre intention de continuer à l'offrir, on a tout intérêt à
le faire. Mais c'est plus une application, là, de ce qu'on fait, on vient
insérer un droit dans la loi.
Donc, avec la proposition qui est faite,
c'est comme si on donnait le droit d'exiger à une personne en situation qui est
seulement résident, et ça pose les cas d'espèce que je vous ai exposés tout à
l'heure. Une situation qui est... une personne qui est ici trois semaines, un
mois et demi également, qui pourrait se retrouver à poursuivre l'État québécois
si elle n'avait pas son cours, bien, en fait, les services de Francisation Québec.
Alors, voyez-vous, on est sur... on a le
même objectif, là, le fait que des personnes en situation temporaire, qui
soient étudiants, qui soient des travailleurs étrangers temporaires, puis là je
reviens à ce que je disais à la députée de Mercier, que, vu que la majorité
passe par le PEQ, mais ils sont tous une expérience québécoise puis un
niveau 7. Ça fait que, nécessairement, on a intérêt à les franciser dès le
départ, ça fait qu'on va continuer à le faire également. On utilise notamment
les fonds dédiés au ministère de l'Immigration...
M. Jolin-Barrette : …étrangers
temporaires, puis là je reviens à ce que je disais à la députée de Mercier,
que, vu que la majorité passe par le PEQ, mais ils ont tous une expérience québécoise
puis un niveau 7. Ça fait que, nécessairement, on a intérêt à les
franciser dès le départ, ça fait qu'on va continuer à le faire également, mais
on utilise notamment les fonds dédiés au ministère de l'Immigration pour ça.
Parallèlement à ça… bien, c'est ça, la disposition, c'est un gros pas en avant,
là, parce qu'on dit : «Toute personne domiciliée» ici. Puis vous l'avez
bien dit aussi, dans les établissements du réseau anglophone, dans le fond, on
vient dire également : Bien, les gens ont le droit également d'avoir…
d'acquérir une bonne connaissance du français aussi. Dans le fond, c'est un
droit qui devient l'équivalent d'un droit personnel pour les citoyens qui sont
sur le territoire québécois puis pas citoyen au sens légal, mais au sens
sociologique du terme, une personne qui s'établit au Québec, qui est domiciliée
au Québec. C'est la seule nuance à 6.1 entre les deux.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Oui. Si je peux…
Deux choses. Dans un premier temps, parce que, derrière ça, pour moi, il y a
une question d'approche. Très important. Je vais commencer là et à d'autres
endroits dans le projet de loi où je risque d'avoir même sentiment. Je trouve
ça important, pour nous, d'être à l'aise d'assumer l'idée qu'on parle de la
concurrence, qu'on agisse avec une certaine humilité, et je continue d'avoir en
tête, Mme la Présidente, ces étudiants et étudiantes d'ailleurs. Ils n'ont pas
besoin de choisir le Montréal, le Québec, nos universités en région. Souvent,
ces gens-là auront plein de choix. Nous avons à nous situer sur le plan mondial
et devant cette concurrence pour la meilleure qualité de visiteurs potentiels
résidents, résidentes permanents.
Alors, pour moi, voilà une des raisons
pourquoi je me demande comment on peut s'outiller de la façon optimale pour
attirer ce monde ici et dans l'optique de les aider à se franciser. Et, quand
je dis, on est devant un article qui propose à bonifier le droit pour certaines
personnes, alors ça suggère que le droit d'avoir ce droit est mieux que d'avoir
l'accès qui n'est pas enchâssé dans un droit. Alors, il y a un avantage de se
voir doter de ce droit-là.
Alors, avec… quand je dis, en cas de cette
optique, que nous sommes en concurrence avec d'autres juridictions qui
cherchent à pérenniser la présence de ces mêmes gens, alors est-ce qu'on peut
le maximiser? Et, si oui, j'invite le ministre, je sais qu'il a tenté de donner
des réponses, mais à préciser, à préciser les risques. Est-ce que c'est de
l'ordre financier? Je ne sais pas. Le…
M. Birnbaum :
...pérenniser la présence de ces mêmes gens. Alors, est-ce qu'on peut le
maximiser? Et, si oui, j'invite le ministre, je sais qu'il a tenté de donner
des réponses, mais à préciser... à préciser les risques. Est-ce que c'est de
l'ordre financier, je ne sais pas, le risque de déclarer que ce droit serait à
la portée des résidents? Est-ce qu'il peut nous citer des exemples d'où on se
mettrait en quelque part à risque d'octroyer un tel droit aux gens qui résident
au lieu que des gens qui auraient établi comme prévu leur domicile?
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien
simplement répéter dans le fond, il peut y avoir une kyrielle de conséquences
juridiques aussi, puis, moi, je suis très, très à l'aise, là, à mettre les personnes
qui sont domiciliées parce que, ce droit-là, on vient l'insérer, c'est un
nouveau droit, une personne domiciliée au Québec. La notion de domicile, c'est
une question d'intention, ça fait que ça, ce droit-là, il est là. Après ça,
pour ce qui est des personnes qui sont résidents et donc lorsque vous êtes
résident, vous avez déjà accès aux cours ou à l'offre de services de
Francisation Québec. C'est déjà le cas actuellement avec les cours de
francisation. Là, moi, je vous dirais, si je voulais faire de la politique :
Comment ça se fait qu'à l'époque, si c'était si important que ça d'attirer les
meilleurs talents de par à travers le monde, comment ça se fait que le gouvernement
précédent n'a pas justement ouvert la francisation puis qu'il n'en faisait pas
la promotion aussi là-dessus?
Alors, voyez-vous, l'avancée significative
qu'on fait en instaurant le droit de bénéficier des services de
Francisation Québec, et déjà on a mis l'argent puis les cours sont ouverts
aux temporaires actuellement. Mais je comprends votre objectif pour
l'amendement, il est louable. Mais pour les conséquences qui peuvent survenir,
moi, je suis à l'aise de conférer le droit aux personnes qui sont domiciliées
au Québec.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député.
M. Birnbaum : Juste pour,
bon, de ma part, pour conclure, l'argument que j'essaie d'avancer sur la
concurrence de la conjoncture actuelle, en quelque part, je me permets de dire
qu'il y a un pion qu'on laisse sur la table parce que cette classe de personnes
dont je parle ne serait pas en mesure de dire : Oui, oui, j'ai... je suis
en train de faire un choix. C'est l'oeuf ou la poule et, une fois rendu
résident, un choix aura été fait en absence d'une garantie de ces services-là.
Alors, moi, je dis qu'on laisse un pion sur la table, Mme la Présidente. Ces
gens qui, souvent, souvent, en connaissance de leur situation, sont en train de
peser la possibilité de rester où ils sont actuellement de façon temporaire. Il
y a des facteurs qui vont peser dans cette décision...
M. Birnbaum : ...Présidente,
ces gens qui, souvent, souvent, en connaissance de leur situation, sont en
train de peser la possibilité de rester où ils sont actuellement de façon
temporaire. Il y a des facteurs qui vont peser dans cette décision. Un facteur,
qui fait en sorte que nous sommes autour de cette table-là, qui est d'importance
capitale, c'est que ça se passe surtout en français au Québec. L'accès de cette
personne potentielle à une société qui fonctionne surtout en français dépend
sur son... sa perception de sa capacité, son potentiel de s'intégrer au Québec.
Et je me permets l'observation. On se prive d'un outil pour aider cette
personne à prendre la décision que nous souhaitons tous qu'il prenne.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus,
là... Moi, je suis le député de D'Arcy-McGee, là, mais s'il a accès aux cours,
comme on l'offre actuellement, il n'y a pas d'enjeu, là. Tu sais, parce que les
cours, ils sont disponibles pour les temporaires, puis il a accès à
l'allocation aussi. Tu sais, il n'y a pas d'enjeu, là. Mais, tu sais, avant
2019, ce n'était pas comme ça. Là, c'est rendu comme ça, puis ce n'est pas
notre intention d'enlever ça, au contraire.
Donc, je vous rejoins. On est juste sur
l'aspect légal, sur le fait de conférer le droit. On est plus là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Si je n'ai pas d'autre intervention, je serais prête à mettre
aux voix l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Il n'y a
pas d'autre intervention? Est-ce que l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys
est adopté?
Des voix : Rejeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Rejeté. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous nous avez déposé un
autre amendement, qui introduit 6.1.1. Je vais vous demander de nous en faire
la lecture. Et, pour les collègues, c'est dans le site Greffier.
Mme David : Voilà. Ça me
permet d'enlever le masque aussi, alors, les amendements, parce que, si on
pouvait ne pas porter le masque, on aurait peut-être moins d'amendements.
M. Jolin-Barrette : Mais, tu
sais, là-dessus, Mme la Présidente, on peut s'arranger, là.
Mme David : Je le savais qu'il
trouverait, lui, qu'il trouverait une façon. Blague à part, le 6.1.1, donc, qui
ferait partie du 6, éventuellement, et qui découle pas mal logiquement d'un
projet de loi que... Je n'ai pas le droit de parler, hein? Il faut que je le
lise tout de suite, puis je parle après?
La Présidente (Mme Thériault) :
Lisez-le, puis après ça, vous ferez votre argumentaire. Parce qu'en déposant
votre amendement, le temps est retenu sur l'intervention générale de l'article,
puis du moment qu'il est déposé, et vous en avez fait la lecture...
Mme David : ...là, j'ai 20
minutes.
La Présidente (Mme Thériault) :
...après ça, l'argumentaire repart dans votre autre chronomètre de 20 minutes.
Mme David : Alors :
L'article 4 du projet de loi est modifié par l'insertion, après l'article 6.1
qu'il introduit, de l'article suivant :
«6.1.1. Toute personne qui réside au
Québec a droit à la gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement du français offerts par Francisation Québec.»
Commentaires. L'article se lirait comme suit :
6.1.1. Toute personne qui réside au Québec
a droit à la gratuité des...
Mme David : ...l'article 4 du projet
de loi est modifié par l'insertion, après l'article 6.1 qu'il introduit,
de l'article suivant :
«6.1.1 Toute personne qui réside au Québec
a droit à la gratuité des services d'apprentissage et de perfectionnement du
français offerts par Francisation Québec.»
Commentaires : L'article se lirait
comme suit :
«6.1.1 Toute personne qui réside au Québec
a droit à la gratuité des services d'apprentissage et de perfectionnement du français
offerts par Francisation Québec.
«6.2 Toute personne a droit à une justice
et à une législation en français.» Ça, c'est... on change de sujet un peu.
Alors, écoutez, Mme la Présidente, il y a
eu un projet de loi que le ministre avait bien aimé de notre collègue le député
de Jacques-Cartier, projet de loi n° 590 sur
l'apprentissage gratuit du français. Le projet de loi n° 590, qui
s'appelait Loi modifiant la Charte de la langue française afin d'instaurer la
gratuité des services d'enseignement du français pour toute personne qui réside
au Québec, qui prévoyait que toute personne qui réside au
Québec — là, c'était le mot «réside» — a droit à la
gratuité des services d'enseignement du français. Le gouvernement détermine par
règlement les services d'enseignement du français visés par l'obligation de
gratuité. Alors, nous gardons la partie qui dit : Toute personne qui réside,
ou, si je comprends bien, est domiciliée au Québec — alors, je ne
voudrais pas qu'on s'arrête au mot «réside» parce qu'on vient un peu de statuer
sur le mot «réside», alors on changera s'il faut, là, Mme la
Présidente — a droit à la gratuité des services d'enseignement du
français.
En fait, là, le ministre dit depuis
presque, je ne le sais pas, ça fait longtemps que c'est déposé, ce projet de
loi là, plus qu'un an, dit qu'il est très ouvert, et, dans les faits, tout ce
qu'on a entendu depuis tout à l'heure, le début de l'article 4, c'est la
gratuité. Donc, pourquoi pas le dire? Il se trouve que ça fait... ça donne
vraiment du corps et de la conviction à cette question d'apprentissage du
français pour les personnes domiciliées au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon,
pour les personnes qui vont suivre les cours, l'objectif est que ça soit
gratuit, dans un premier temps, comme c'est le cas actuellement. Puis en plus
on offre une allocation, donc allocation temps plein, création d'une allocation
temps partiel. Ça, depuis 2019, les gens qui sont à temps partiel, ils
n'avaient pas d'allocation, puis là j'ai instauré une allocation à temps
partiel. Même chose, bonification des frais de garde pour les enfants, donc,
dans la journée, pour les temps pleins, bonification, également on avait
bonifié le soir pour les coûts de frais de garde. Puis même, je pense que, à
moins que je me trompe, on me corrigera, il y avait également, dans certains
cas frais, de transport également qu'on couvrait au ministère de l'Immigration.
Bon, ça fait que Francisation Québec, les
cours de francisation, notre objectif, c'est qu'ils soient gratuits, comme
c'est le cas actuellement. Ou il risque peut-être d'avoir certains services de
Francisation Québec qui pourraient, puis là je ne dis pas que ça va être le
cas, mais il pourrait y avoir une contribution financière aussi, supposons, de
l'employeur, dans certaines situations, parce que Francisation Québec va être
là pour aller... notamment, pour franciser dans un premier temps...
M. Jolin-Barrette :
…actuellement. Ou il risque peut-être d'avoir certains services de Francisation
Québec qui pourraient, puis là, je ne dis pas que ça va être le cas, mais il
pourrait y avoir une contribution financière aussi, supposons, de l'employeur,
dans certaines situations. Parce que Francisation Québec va être là pour aller,
notamment, pour franciser dans un premier temps, mais pour donner des outils
aux entreprises pour faire en sorte de franciser le milieu de travail, les
termes, la terminologie, tout ça, différents accès. Ça fait qu'aujourd'hui je
ne peux pas vous garantir que Francisation Québec, sur tous les volets de
Francisation Québec, ne sera jamais tarifée. Mais, par contre, pour les cours
pour les personnes, les individus, oui, c'est l'intention qu'ils soient
gratuits.
Mme David : Mais il me semble,
M. le ministre, que vous avez tellement de belles personnes qui vous
conseillent qu'on peut certainement trouver une formulation qui protégerait
cette gratuité de la part de celui ou celle qui reçoit le service, même si
Emploi-Québec finance un entrepreneur ou je ne sais trop. Parce qu'il me semble
qu'on veut tellement, et c'est tellement important puis on est tous d'accord
ici que la francisation, c'est le nerf de la guerre, que la francisation est la
pérennité dans le temps aussi de cette qualité du français, on l'a dit hier,
que la gratuité est au coeur de tout ça. C'est un peu comme l'école primaire et
secondaire, quand on a fait le rapport Parent, c'était évident qu'il fallait
que ça soit gratuit, le niveau collégial aussi. Alors, je ne peux pas imaginer
qu'on ne trouve pas une façon de redire, à peu près dans les mots que vous avez
dits vous-même que, même si le citoyen n'a pas à débourser, puis on n'est pas
obligés de rajouter les allocations et tout ça, parce que ça, c'est des conditions
particulières du… qui accompagne les citoyens à aller suivre leurs cours de
francisation, les nouveaux arrivants, entre autres, là, ce n'est pas… Mais il
me semble qu'il y a moyen de…
(Interruption)
Mme David : Oupelaïe! de
trouver une façon pour parler de gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement, mais sans exclure qu'il y ait une allocation qui soit versée.
Ça, ça me semble évident, là, qu'Emploi-Québec ou ce que vous avez donné comme
exemple, ça puisse être des… une contribution de l'employeur, par exemple. Et
c'est pour ça, nous, dans cet… l'esprit de cet amendement-là, c'est le receveur
de services, ce n'est pas l'employeur ou le dispensateur de services, c'est
vraiment celui qui reçoit le service, l'importance de la gratuité de ce
service-là pour être sérieux dans nos convictions de francisation.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Je
comprends et j'en suis, et c'est ce qu'on fait actuellement, et c'est
l'objectif que ça demeure, que les cours de français soient gratuits. Et on n'a
aucun intérêt à rendre les cours de francisation payants, vous comprendrez que
c'est l'ensemble de la société qui y gagne. Et avec l'enveloppe Canada-Québec,
ce que ça nous permet de faire, c'est justement de débloquer des millions pour
franciser, pour donner des allocations. Alors, je comprends l'objectif, mais ça
amène des conséquences aussi, autres, qui me font… qui font en sorte que je ne
peux pas donner suite à l'amendement.
Mme David : Bien, les
conséquences autres, c'est celles que vous avez nommées, que dans certains cas…
M. Jolin-Barrette : Bien,
entre autres… entre autres…
Mme David : …l'employeur
aurait à contribuer?
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est parce que…
M. Jolin-Barrette : …Alors, je
comprends l'objectif, mais ça amène des conséquences aussi autres qui me font…
qui font en sorte que je ne peux pas donner suite à l'amendement.
Mme David : Mais les
conséquences autres, c'est celles que vous avez nommées…
M. Jolin-Barrette : Bien,
entre autres, entre autres.
Mme David : …que dans certains
cas, l'employeur aurait à contribuer?
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est parce qu'actuellement, tu sais, Francisation Québec, ça n'existe pas
encore, ça fait qu'il y a différents… Dans le fond, Francisation Québec va se
déployer, et là, on va amener les ressources du ministère de l'Éducation, du
ministère de l'Emploi, Travail, Solidarité sociale, du MIFI dans le cadre d'un
guichet unique, puis ça va être une offre de service qui va être paramétrique.
Ça fait que, bien entendu, ça va servir de guichet unique à la fois pour la
personne qui veut suivre un cours de français, mais à la fois pour les
entreprises également.
Alors, lorsqu'on parle de «toute
personne», bien «toute personne», est-ce que ça inclut une personne morale
aussi? Voyez-vous, tu sais, ça ouvre une boîte qui est très large. Nous, on va
continuer de la façon dont on fonctionne pour les services de francisation des
personnes, qui vont être gratuits avec allocation. On l'a augmenté
substantiellement. Bien, c'est pour ça que je ne donne pas suite… Parce qu'au
niveau de Francisation Québec, en général, il se peut… Ce n'est pas l'objectif,
mais à ce stade-ci, je ne peux pas vous dire que… tu sais, on n'ouvre pas la
loi 101 à chaque année. Ça faisait une couple d'années que ça n'avait pas
été ouvert, donc, depuis 2002, je crois.
Une voix : 2010.
M. Jolin-Barrette : 2010?
Bon, 2010. Alors, voyez-vous, ça fait 12 ans, 11 ans. Alors, je ne
peux pas prévoir, là, ce qui va arriver dans les prochaines années par rapport
à comment va fonctionner Francisation Québec, tout ça. Mais notre objectif, il
est… il demeure clair que les personnes puissent suivre des cours de français.
Puis je reviens sur la proposition du projet de loi du député de
Jacques-Cartier, qui était inspirée notamment de la proposition du député de
Sainte-Rose aussi. Mais là on ne… pas qui est toute la paternité puis tout ça,
là.
Mme David : …l'a dit…
coparental.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Bien là, il y a deux parents, deux parents. Et donc l'objectif, c'est justement
de faire en sorte que les Québécois, notamment d'expression anglaise, qui
veulent perfectionner leur connaissance du français, puissent aller le faire
gratuitement. Puis je l'ai déjà dit que j'étais d'accord avec ça. Puis c'est
pour ça également qu'on l'a mis à Francisation Québec, et surtout parce
qu'actuellement la problématique avec ça — puis à la fois, c'est bien
identifié par le député de Jacques-Cartier puis le député de
Sainte-Rose — c'est le fait que les cours de francisation qu'il y a
actuellement, c'est principalement pour les personnes immigrantes. Donc, si
vous êtes originaire du Québec puis que vous voulez améliorer vos compétences
langagières en français, vous ne pouviez pas aller dans les cours de
francisation. Puis c'est ça qui ne marchait pas, là, donc, d'où l'importance du
projet de loi du député de Jacques-Cartier, qu'on a intégré là-dedans, puis de
la proposition du député de Sainte-Rose.
Mme David : Quand vous dites
«toute personne», ça peut inclure les personnes morales. On peut changer
l'esprit de l'amendement puis mettre des personnes physiques, là, parce que je
sais bien que personne morale, c'est une entreprise. Si c'est juste ça, le
problème, on va vous trouver des solutions. En fait, je comprends très bien ce
que vous voulez dire, mais…
Mme David : ...quand vous
dites : «toute personne», ça peut inclure les personnes morales, on peut
changer l'esprit de l'amendement puis mettre des personnes physiques, là, parce
que je sais bien que personne morale, c'est une entreprise. Si c'est juste ça,
le problème, on va vous trouver des solutions. En fait, je comprends très bien
ce que vous voulez dire, mais tout individu, tout citoyen, là... Parce que je
dirais qu'à ce moment-là votre propre article 6.1 ne fonctionne pas parce
que vous dites : «Toute personne domiciliée au Québec». Est-ce qu'on parle
de personne morale aussi, tant qu'à faire?
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est dur d'enseigner à une personne morale.
Mme David : Oui, je sais, mais
c'est parce que, quand même, je pense qu'on peut comprendre...
M. Jolin-Barrette : Il y a
bien du monde incorporé au Québec puis il y a peut-être du monde incorporé qui
ne devrait pas être incorporé.
Mme David : Ça, c'est un autre
débat.
M. Jolin-Barrette : Je vois
le député de La Pinière sourire. Je pense que je sais à quoi il fait
référence.
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette : Pardon?
M. Barrette : ...va pour les
deux côtés.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je ne suis pas incorporé.
M. Barrette : Mais vous avez
des semblables, là, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais Dr
Poirier non plus, il n'est pas incorporé.
La Présidente (Mme Thériault) :
On ne s'interpellera pas, s'il vous plaît, on va continuer le débat sur l'amendement.
Mme David : Vous m'avez un peu
fait perdre le fil, mais ce que je veux dire, c'est que c'est évident qu'une
personne morale, ce n'est pas une personne, un individu, un citoyen,
appelons-le comme on veut, un Québécois, une Québécoise, mais il y a moyen de
contourner si c'est ça qui vous embête, de dire : Bien, il faut vraiment
préciser, on peut le mettre à l'exclusion des personnes morales, là. Tu sais,
ça m'apparaît tellement évident que ce n'est pas une personne morale qui a le
droit à la gratuité des services d'apprentissage et de perfectionnement du français
parce que ce n'est pas une personne... une entreprise qui a droit à une
gratuité de services d'apprentissage, c'est une personne individuelle.
Alors, je trouve qu'on y est déjà tellement
avec les... comme vous dites, la gratuité de facto, là, mais qui n'est pas
écrite nulle part. On est là pour l'avenir. Nous, on ne sera pas là, l'avenir,
la loi va rester. Il me semble que, si vous voulez circonscrire un peu plus
quelle personne physique ou quel citoyen à qui on peut assurer cette
gratuité-là, ce serait peut-être déjà pas pire, mais il me semble, si on a
réussi à dire que l'école serait gratuite dans la réforme Parent dans les
années 60, on est capables de dire que la francisation peut être gratuite
pour les personnes civiles. Je ne sais pas trop comment on appelle ça.
M. Jolin-Barrette : Mais
l'enjeu, notamment sur l'aspect financier aussi, je ne peux pas l'évaluer pour
le futur non plus, je ne peux pas l'évaluer pour les gouvernements successifs.
L'objectif, c'est de donner un droit à la francisation, mais je ne peux pas
prévoir le futur non plus. Donc...
Mme David : ...rester complètement
dans la brume s'il n'y a plus d'argent. Là, vous êtes chanceux, on vous a laissé
beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, et vous avez pris... et on pourrait le
mettre dans la loi, peut-être, d'obliger les transferts, l'entente
Canada-Québec, pour que ça aille tout à la francisation, effectivement, je
serais d'accord avec vous. Mais ce que vous êtes en train de dire, c'est que
si, tout d'un coup, on a moins d'argent, bien...
Mme David : …s'il n'y a plus
d'argent. Là, vous êtes chanceux, on vous a laissé beaucoup, beaucoup, beaucoup
d'argent, et vous avez pris… et on pourrait le mettre dans la loi, peut-être,
d'obliger les transferts, l'entente Canada-Québec, pour que ça aille tout à la
francisation, effectivement, je serais d'accord avec vous.
Mais ce que vous êtes en train de dire,
c'est que si, tout d'un coup, on a moins d'argent, bien, il va avoir le droit,
mais il n'y aura plus d'argent, donc le nouvel arrivant, je ne pense pas qu'il
va payer 2 200 $ pour 24 heures de cours, là, ça ne se peut
juste pas.
M. Jolin-Barrette : On vient
conférer un droit qui est exécutoire. Puis c'est ça, la nouveauté, notamment,
avec les premiers articles relativement aux droits fondamentaux, là.
Maintenant, ce sont des droits exécutoires. Donc, la personne qui est
domiciliée au Québec a le droit à des services d'apprentissage du français.
Mme David : Est-ce
qu'exécutoire égale gratuit?
M. Jolin-Barrette :
Exécutoire, c'est effectif.
Mme David : Effectif n'égale
pas gratuit.
M. Jolin-Barrette : Mais la
notion de gratuité, aussi, elle peut être discutée aussi, parce que, vous
savez, parfois, et même à l'école, il y a certains frais qui sont chargés,
notamment par rapport à des feuilles, ou quoi que ce soit, là. Alors, ça amène
certains enjeux relativement à ça. Mais je vous dis, l'objectif, c'est que les
cours demeurent gratuits, et même il y a des allocations. Puis j'ai monté les
allocations au même niveau que le soutien à la solidarité sociale. Donc, ça,
c'est une avancée significative.
Mme David : …je ne conteste
pas ça et je salue ça.
M. Jolin-Barrette : Et juste
un petit bémol ici, je vous dirais que la bonification provient du fait que
c'est de l'argent Canada-Québec qu'on a fait le choix de consacrer au ministère
de l'Immigration.
Mme David : Puis c'est vrai
aussi, on pourra parler de l'aide financière aux études, ça aussi, c'est tout
un débat. C'est votre… ça va dans le fonds consolidé, mais on n'est pas ici
pour parler de ça. Mais ça m'inquiète encore plus, ce que vous dites, parce que
le droit, là, le droit… vous avez dit : C'est un droit, je ne sais plus
quel mot vous avez employé, là, mais…
La Présidente (Mme Thériault) :
…
Mme David : Pardon?
La Présidente (Mme Thériault) :
Exécutoire.
Mme David : Exécutoire. Oui,
un droit exécutoire : Je veux mon cours de français et j'y ai droit. Mais
c'est comme aux États-Unis, j'ai droit à un service santé, mais sors ta carte
de crédit, parce que sinon tu ne l'auras pas, ton service de santé.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est différent. C'est différent. Exemple, comparez-le au Canada, sur votre
droit à la santé, il est là. C'est parce que ce qu'il arrivait avant, là, sur
la Charte de la langue française, là, c'étaient des droits fondamentaux, mais
qui n'étaient pas exécutoires, contrairement à ceux qui sont prévus à la Charte
des droits et libertés de la personne, le 1 à 38… oui, c'est ça, 1 à 38 de la Charte
des droits et libertés de la personne, charte québécoise, ils sont exécutoires.
Vous pouvez saisir le tribunal pour dire : Bien, je veux obtenir soit
réparation, ou je veux obtenir délivrance de la chose ou du service. C'est ça
qu'on vient faire.
Mme David : …pour ne surtout
pas les appliquer.
M. Jolin-Barrette : Quoi, 1 à
38?
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
on va venir à la discussion là-dessus. Oui, mais…
Mme David : …oui, oui… des
fois, ils servent pour des bons exemples, mais ils prennent le bord quand c'est
un peu embêtant dans une loi.
M. Jolin-Barrette : Non, pas
du tout, parce qu'on vient conférer aux droits fondamentaux de la Charte de la
langue française le même statut que les droits fondamentaux qui sont présents.
Donc, on vient élever la Charte de la langue française.
Mme David : …oui, je le sais.
• (16 heures) •
M. Jolin-Barrette : Mais
alors que ça, ça aurait dû être fait il y a longtemps. Puis surtout ça aurait
dû être considéré par les tribunaux.
Mme David : ...exécutoire…
16 h (version non révisée)
Mme David : ...c'est un peu
embêtant dans...
M. Jolin-Barrette : Non, pas
du tout, parce qu'on vient conférer aux droits fondamentaux de la Charte de la
langue française le même statut que les droits fondamentaux qui sont présents.
Donc, on vient élever la Charte de la langue française.
Mme David : Oui, je le sais.
M. Jolin-Barrette : Mais
alors que ça, ça aurait dû être fait il y a longtemps. Puis surtout ça aurait
dû être considéré par les tribunaux.
Mme David : ...exécutoire. Le
mot «exécutoire», ça veut dire le nouvel arrivant, admettons, ou M., Mme XYZ,
un mari, une femme de quelqu'un qui a été francisé mais l'autre n'a pas eu le
temps de se franciser... dit : Moi, je veux, c'est un droit, et c'est important,
c'est inclus, là, dans les grands droits au même niveau que les droits de la Charte
des droits et libertés de la personne. «Exécutoire» veut-il dire que l'État
doit s'exécuter à tout prix ou il y a un prix, justement, il y a un prix, c'est-à-dire
que la personne qui réclame ça doit avoir à payer au bout de la ligne? On est
loin de la RAMQ, là, on est de la carte-soleil qui dit : Moi, j'ai besoin
d'un service médical, puis je ne recevrai pas de facture à la fin.
M. Jolin-Barrette : Ce ne
sont pas tous les services médicaux qui sont couverts par la RAMQ.
Mme David : ...exécutoire?
C'est un droit qui oblige l'État à s'exécuter? Mais ça ne dit pas qu'il n'y a
pas une facture au bout de la ligne, le mot «exécutoire»?
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Donc, il est
obligé de trouver... La personne est obligée de dire : O.K., je vais le
payer. Mais l'État est obligé de lui trouver le prof, et etc., d'avoir l'infrastructure
pour franciser la personne. C'est un droit à la francisation, mais ce n'est pas
un droit à la gratuité de la francisation.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison. Mais, par contre, les cours de français sont gratuits au Québec, puis
le gouvernement du Québec les finance, les met en place, donne des allocations
aux personnes pour le faire. Alors, c'était comme ça depuis plusieurs années,
puis ça va continuer comme ça, on n'a pas l'intention de changer les pratiques.
Vous, ce que vous voulez faire, c'est
instaurer le fait qu'en tout temps ça soit la gratuité. Moi, ce que je vous
dis, c'est que je ne peux pas prévoir le futur. Nous, dans notre laps de temps,
la mise en place, l'intégration des personnes immigrantes, on veut que ça soit
gratuit. Mais, si jamais il y a un autre gouvernement qui souhaiterait
économiser sur la francisation, je ne peux pas le garantir.
Mme David : Et c'est là qu'on
trouverait ça, vous, moi et bien d'autres, très dommage. Mais on se fie... une
loi, ce n'est pas supposé se fier au gouvernement en place, on fait une loi
pour que, justement, on protège. Quand il y a eu la Charte des droits et
libertés de la personne en 75, on ne s'est pas mis à dire : Bien là, on ne
mettra pas ça dans la charte parce que... bien, parce que ce n'est pas
nécessaire, puis les gouvernements, bien, ça dépendra des gouvernements si le
droit à la liberté, l'égalité, le droit à...
M. Jolin-Barrette :
Savez-vous ce qu'ils ont fait avec la Charte des droits et libertés de la
personne? C'est qu'ils n'ont pas rendu tous les droits exécutoires. Puis ils
ont fait la même chose en 77 avec les droits fondamentaux, ils n'ont pas été
exécutoires. Alors, nous, on va beaucoup plus loin.
Mme David : ...droit
exécutoire, pourquoi lui, il est exécutoire?
M. Jolin-Barrette : Parce
qu'on veut que ça se fasse...
Mme David : …le droit à…
M. Jolin-Barrette :
Savez-vous ce qu'ils ont fait avec la Charte des droits et libertés de la
personne? C'est qu'ils n'ont pas rendu tous les droits exécutoires, puis ils
ont fait la même chose en 77 avec les droits fondamentaux, ils n'ont pas
été exécutoires. Alors, nous, on va beaucoup plus loin.
Mme David : …un droit
exécutoire, pourquoi lui, il est exécutoire?
M. Jolin-Barrette : Parce
qu'on veut que ça se fasse. On veut que l'État offre les services.
Mme David : …dit où qu'il est
exécutoire par rapport aux droits de la Charte des droits et libertés de la
personne, au droit x ou y?
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, exemple, 1 à 38, là, de la Charte des droits et libertés de la
personne, ces droits-là sont exécutoires. Mais par la suite, 39 et suivants,
ce n'est pas exécutoire. Les droits économiques et sociaux ne sont pas
exécutoires. Comme à la Charte des droits et libertés… comme à la Charte de la
langue française, actuellement, les droits fondamentaux qui sont prévus, points
1 à 10, à peu près, 1 à 7, 6, 1 à 6,
1 à 6, ils n'étaient pas exécutoires. Nous, on les rend exécutoires.
Donc, l'article qui les rend exécutoires…
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : Je vais
vous revenir avec l'article qui les rend exécutoires.
Mme David : Si vous êtes
capable, vous, peut-être que la question va être hors-champ, elle reviendra
plus tard, si vous êtes capable, avec ce projet de loi ci, de mettre sous
dérogation 1 à 38 de la Charte des droits et libertés puis celle
canadienne, aussi, qui empêcherait un autre gouvernement, un autre ministre, un
autre… de dire : On va mettre sous dérogation la Charte de la langue
française comme on met sous dérogation la Charte des droits et libertés?
M. Jolin-Barrette : Bien, là,
on rentre dans le fun, là, avec la Constitution canadienne et la constitution
québécoise, alors beaucoup de plaisir. Mais c'est plus loin, dans le projet de
loi, qu'on va en parler.
Mais, dans le fond, la loi que nous
adoptons aujourd'hui, bien, aujourd'hui, que nous étudions aujourd'hui, le
projet de loi n° 96, elle bénéficie de la disposition de dérogation… des
dispositions de dérogation, des dispositions de souveraineté parlementaire.
Alors, pour pouvoir supprimer ces dispositions de dérogation, ces dispositions
de souveraineté parlementaire, il faudrait que le législateur vienne supprimer
ces dispositions-là, un peu comme le Parti libéral du Québec qui a dit que,
s'il remporte l'élection en 2022, va enlever la disposition de souveraineté
parlementaire prévue à la Loi sur la laïcité. Je crois que c'est toujours votre
position.
Mme David : Ce n'est pas là
pour en discuter mais c'est tout à fait possible. Tout comme en 93, Claude
Ryan a décidé de ne pas reconduire la clause dérogatoire de la loi sur
l'affichage commercial, alors ils ont passé une loi pour la prépondérance à ce
moment-là.
M. Jolin-Barrette : …que ça a
été heureux pour le Parti libéral.
Mme David : Bien, en tout cas,
ça… on ne refera pas l'histoire là-dessus. Mais c'est parce que j'essaie
vraiment de comprendre votre histoire de droits exécutoires parce que, là, je
sais qu'on rentre dans des considérations très, très, très légales. Mais moi,
j'essaie de protéger le plus possible, de mettre à l'abri votre loi, dans ce
cas-ci, dans cet article-ci à, justement, une facturation de plus en plus large
de ces droits-là qui ferait en sorte que l'esprit, je pense, que vous voulez
installer…
Mme David : …à l'abri votre
loi, dans ce cas-ci, dans cet article-ci, à, justement, une facturation de plus
en plus large de ces droits-là, qui ferait en sorte que l'esprit, je pense, que
vous voulez installer demeure, ou disparaisse, dans le cas où il y aurait de la
facturation pour tout le monde, finalement. L'État va être, admettons, là, en
grande, grande récession, là, puis ça va vraiment mal, c'est évident que vous
allez dire : Bien là, on n'est plus capables de prendre l'argent de
l'entente… On va enlever la gratuité, on ne donnera plus d'argent de
subvention, de transport, de ci, de ça. Bien là, vous allez avoir un… on va
tous avoir un sérieux problème avec l'accessibilité à la francisation. Et on
dit : C'est le nerf de la guerre, la francisation. Donc, les gens vont
aller plus vers l'anglais, les gens… C'est là que vous dites : Non, on est
protégés par le mot «exécutoire». C'est ça qui a l'air d'être encore plus fort
légalement que la question de la gratuité.
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, le caractère exécutoire fait en sorte que l'État va devoir donner ces services-là.
Sur l'aspect de la gratuité, comme je vous l'ai dit, c'est notre intention de
continuer à donner ces services de francisation là gratuits. C'est l'objectif,
et l'argent est là pour le faire, et c'est budgété annuellement pour le faire.
Vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'on l'inscrive dans la loi. Moi, ce que je
vous dis, c'est qu'à ce stade-ci je ne peux pas impliquer les gouvernements
successifs rattachés à cela.
Mme David : Seriez-vous ouvert
à quelque chose qui est entre les deux, à tendre de plus en plus… à tendre le
plus possible vers la gratuité, quelque chose comme ça? C'est sérieux, là, ce
dont on discute, là, c'est vraiment… Vous dites : Notre gouvernement… Je
veux bien, mais malheureusement on n'est pas éternels personne, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, écoutez, je vais explorer la possibilité de voir ça.
Mme David : …
M. Jolin-Barrette : Je ne
sais pas si vous avez d'autres questions sur…
Mme David : Non.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et le député de La Pinière qui a une intervention à faire, mais M. le
ministre est en train d'explorer présentement une piste de solution à la
demande de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, on lui laisse les quelques
secondes qu'il aurait de besoin? Est-ce que vous voulez qu'on passe? Parce que
le député de La Pinière a une intervention à faire en attendant que votre
équipe…
M. Jolin-Barrette : On fait
des vérifications pendant ce temps-là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Donc, l'exploration n'a pas été encore fructueuse. On n'a pas
trouvé.
M. Jolin-Barrette : …
M. Barrette : Bien, puisque le
ministre explorait.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, on est en analyse.
M. Barrette : Ah! en analyse.
Donc, on n'a pas…
M. Jolin-Barrette : En
analyse exploratoire.
M. Barrette : Donc, on n'a pas
tiré de conclusion. Très bien. Moi, je suis comme ma collègue, et c'est
l'intervention que je voudrais faire. Puis je suis très heureux de voir que ma collègue
de Marguerite-Bourgeoys m'ait précédé, on a eu la même idée…
M. Jolin-Barrette : …mais, en
fait, on est en analyse…
M. Barrette : Ah! L'analyse.
M. Jolin-Barrette : …en
analyse exploratoire.
M. Barrette : Donc, on n'a pas
tiré de conclusion. Très bien. Moi, je suis comme ma collègue, et c'est
l'intervention que je voulais faire, et je suis très heureux de voir que ma
collègue de Marguerite-Bourgeoys m'ait précédé, on a eu la même idée. Je veux, quand
même, le regarder sous cet angle-là puis aller un peu plus loin, puis je vais
commencer par me mettre dans les souliers du commun des mortels. Le commun des
mortels qui nous écoute ne peut pas comprendre ce qu'on vient d'avoir comme
échange. Alors, un droit exécutoire, là, pour le commun des mortels, ça devrait
vouloir dire, il est exécuté. Alors, si, dans cette loi-ci, il y a un droit à
avoir des services de francisation, là, il faut que les gens comprennent ce que
ça veut dire. Alors là, je comprends du débat que la seule chose que ça veut dire,
c'est qu'on a le droit que des cours de français existent, ça veut juste dire
ça.
M. Jolin-Barrette : Mais, en
fait, c'est la proposition déclaratoire, parce que vous avez deux types de
droit, dans un premier temps…
• (16 h 10) •
M. Barrette : Mme la
Présidente, restons donc sur l'exécutoire.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais, pour pouvoir vous expliquer adéquatement et expliquer aux gens qui nous
écoutent la distinction entre les deux, c'est important de souligner d'où on
part et où on s'en va. Dans le fond, où on part, on part des droits qui étaient
déclaratoires : Je déclare que toute personne admissible en enseignement
au Québec a le droit de recevoir cet enseignement en français. Dans le fond, en
bon québécois, c'était des voeux pieux, on le déclare, c'est ça qu'on veut.
Mais il n'y avait aucun mécanisme qui faisait en sorte que, bien, si je n'avais
pas accès aux droits de recevoir l'enseignement en français, si je ne recevais
pas d'enseignement en français, je ne pouvais pas me plaindre de la personne.
Donc là, je vais pouvoir me plaindre pour dire : Écoutez, les services ne
sont pas offerts, je n'ai pas accès à l'apprentissage du français, ce n'est pas
disponible. Ce que ça veut dire «exécutoire», c'est que vous avez un recours au
civil, vous avez un recours administratif, vous avez un recours au pénal.
M. Barrette : Je reprécise ce
que je disais tantôt, là, moi, je ne suis pas simplement dans l'enseignement,
là. Ce projet de loi là vise à ce qu'un citoyen qui réside au Québec ait accès
à des services de francisation. Est-ce que j'ai mal compris le projet de loi?
M. Jolin-Barrette : Aux
services de francisation, à l'apprentissage du français, à la maîtrise. Voilà.
Donc, notamment, à parfaire la connaissance. Donc, on donnait l'exemple du
projet de loi du député de Jacques-Cartier, inspiré par l'idée du député de
Sainte-Rose, de dire que des membres de la communauté anglophone pourront avoir
accès à des cours de français au Québec.
M. Barrette : Je reprends ma
phrase, parce que je n'ai pas eu ma réponse, Mme la Présidente. Le projet de
loi va faire en sorte que le droit n'étant plus déclaratoire, alors
déclaratoire, c'est, on affirme une chose pour laquelle il n'y a aucune obligation
de résultat. Là, ça va devenir un droit exécutoire…
M. Barrette : ...je n'ai pas eu
ma réponse, Mme la Présidente. Le projet de loi va faire en sorte que, le droit
n'étant plus déclaratoire... Alors, «déclaratoire», c'est : on affirme une
chose pour laquelle il n'y a aucune obligation de résultat. Là, ça va devenir
un droit exécutoire. Donc, il doit y avoir un résultat de... si ce n'est pas
garanti, au moins qu'il y ait un processus pour nous amener au résultat. Lui,
il doit être garanti. L'existence du processus doit être là, là.
M. Jolin-Barrette : La
réponse à cette question-là, c'est oui.
M. Barrette : Bien oui. Alors,
ça, c'est un droit déclaré?
M. Jolin-Barrette :
Exécutoire.
M. Barrette : Bien, exécutoire,
il est...
M. Jolin-Barrette : Vous
pouvez le faire exécuter.
M. Barrette : Exactement. Et
ça, ça s'adresse et ça s'applique à tout citoyen qui reste au Québec?
M. Jolin-Barrette : Toute
personne domiciliée.
M. Barrette : O.K., c'est
correct. Qui reste au Québec...
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : ...pour le
commun des mortels... Oui, je comprends, je comprends, je comprends!
M. Jolin-Barrette : On a eu
le débat...
M. Barrette : Je sais. Je ne
veux pas refaire le débat. Domiciliée au Québec. Alors, ça, ça veut dire, là,
qu'une personne domiciliée au Québec, là, là, cette personne-là doit avoir en
face d'elle la possibilité d'avoir des services de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui, et
même, et même, vous noterez à 6.1, alinéa deux : «La personne domiciliée
au Québec qui reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou
collégial offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un
enseignement du français.» Ça...
M. Barrette : Oui, mais j'ai
bien fait exprès, là, de ne pas embarquer dans l'enseignement comme tel, là.
Moi, là, je suis un citoyen domicilié au Québec puis je ne vais pas à l'école,
là, je suis un adulte. Avec le projet de loi, j'ai le droit exécutoire d'avoir
des services de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui, et
vous faites bien de le dire, que vous êtes un adulte, parce que Francisation Québec
s'adresse aux personnes qui sont au-delà de la scolarité obligatoire.
M. Barrette : C'est la raison
pour laquelle je ne veux pas embarquer dans l'enseignement.
Alors, en même temps, Mme la Présidente,
le ministre nous dit que, bien, c'est parce qu'il n'y aura peut-être pas assez d'argent.
Là, on embarque dans une notion qui fait en sorte qu'on comprend que dans
l'esprit du ministre, pour sa loi, ce n'est pas gratuit en partant. Il explore actuellement,
c'est correct, la possibilité de rendre ça gratuit. C'est ce que j'ai compris
de son exercice exploratoire actuel. Très bien. C'est le sens de l'amendement
de ma collègue. Mais le ministre nous dit aussi, Mme la Présidente, qu'il peut
se plaindre. Là, il a un droit. S'il a un droit, ça veut dire qu'il peut se
plaindre. C'est les mots du ministre. S'il peut se plaindre, il a donc un
recours avec une réparation. Ça veut dire que... Bien oui, parce que, là, s'il
peut se plaindre, là, il a un dommage, et, s'il a un dommage, le dommage ici
étant : Le gouvernement me garantit un droit de service de francisation,
je ne l'ai pas; je l'exige, il ne me le donne pas, je poursuis le gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Mais là,
ça dépend de la nature du recours que vous allez entreprendre pour faire
respecter...
M. Barrette : Le service de francisation...
M. Barrette : ...bien oui,
parce que, là, s'il peut se plaindre, là, il y a un dommage, et s'il y a un
dommage, le dommage ici étant le gouvernement me garantit un droit de services
de francisation, je ne l'ai pas, je l'exige, il ne me le donne pas, je poursuis
le gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Mais
là ça dépend de la nature du recours que vous allez entreprendre pour faire
respecter...
M. Barrette : Le service
de francisation.
M. Jolin-Barrette : Non,
non, ça dépend de la nature du recours que vous allez exercer. Là, vous, vous
êtes dans le cadre d'un recours de nature civile avec dommages et intérêts.
Donc, vous choisissez la voie du dommage qui est résultant du non-respect du
droit qui est exécutoire qui vous a été conféré relativement à l'apprentissage
du français. Mais votre recours pourrait être également un recours associé à
une plainte envers l'administration pour que l'administration vous offre ce
service-là aussi donc en matière administrative. Donc, exemple, je demande que
le service me soit offert. L'Administration avec un grand A ne me rend pas le
service, alors je vais en révision, et par la suite je...
M. Barrette : Oui.
M. Jolin-Barrette :
Donc, vous connaissez les différents processus.
M. Barrette : Oui, oui,
oui, je comprends. Ça, c'est les... on appelle ça les avocasseries. Mais dans
la vraie...
M. Jolin-Barrette : Non,
pas du tout. Non, non, non, Mme la Présidente...
M. Barrette : Je m'explique,
Mme la Présidente, je vais finir... j'ai la parole, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Ça,
Mme la Présidente...
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous aurez le droit...
M. Barrette : ...je
n'accepte pas ça. Il faut renseigner adéquatement les Québécois parce que, et
ça, c'est fort important, Mme la Présidente, il y a différents recours à la
portée des citoyens, notamment du député de La Pinière qui va pouvoir, un
coup que le projet de loi va être adopté, renseigner ses concitoyens de
La Pinière pour leur dire adéquatement les différents recours qui sont à
leur portée et que le gouvernement de la CAQ a voulu leur accorder pour
s'assurer qu'ils bénéficient de services supplémentaires.
M. Barrette : Donc, Mme
la Présidente, ce sont quand même des avocasseries. Je ne dis pas ça
négativement. Ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. Ce n'est pas négatif
ce que je dis là. Ce que je dis, ce sont des propos qui sont des portes de
sortie. Au bout de la ligne, là, le citoyen devant ce droit déclaratoire selon
lequel, à partir du moment où la loi est sanctionnée, un citoyen normal va
comprendre qu'alléluia, à partir de maintenant, j'ai accès à des services de
francisation et j'irais même jusqu'à dire en temps opportun. On remarquera, et
le ministre me contredira, je l'espère qu'il me contredira parce que je ne l'ai
pas vue, mais peut-être que j'ai mal lu, il n'y a pas de notion de temps
opportun pour l'accès ou de l'exercice du droit exécuté. Il n'y a pas ça dans
le projet de loi.
Alors, d'un côté, le ministre nous dit que
vous avez droit aux services en français, ça, c'est une déclaration qui est
l'équivalent de... sans effet garanti que l'on remplace par un droit exécutoire
qui, lui, par définition, induit la perception au moins de l'exécution en temps
opportun dudit droit. Mais là le ministre nous dit — et c'est là que
j'arrive dans les avocasseries : Ah! vous allez avoir toutes sortes de
manières de vous plaindre, mais, au bout de la ligne, ça pourrait essentiellement — ça,
il ne le dit pas, c'est mes mots à moi — ne rien donner.
Alors, est-ce qu'on est devant un droit
vraiment exécutoire de la façon dont la loi est écrite? Alors, la loi ne
prévoit pas d'exécution dans un temps opportun. Je n'ai pas vu de sanction
prévue dans la loi si le droit n'est pas exécuté. Je comprends...
M. Barrette : …un droit vraiment
exécutoire de la façon dont la loi est écrite? Alors, la loi ne prévoit pas
d'exécution dans un temps opportun. Je n'ai pas vu de sanction prévue dans la
loi si le droit n'est pas exécuté. Je comprends la position du ministre qui
a : Bon, bien, vous choisirez votre manière de vous plaindre. Mais on sait
bien que, si on s'en va, par exemple, au TAQ, mettons, qu'au bout de la ligne
il n'y aura peut-être pas beaucoup de sanctions. Les sanctions, je ne les vois
pas ou peut-être que je l'ai mal lu. Alors là, le droit exécutoire, là, il
s'exécute comment? Et en plus, Mme la Présidente, en plus, le ministre nous dit
lui-même que, de la façon dont ils ont écrit son projet de loi, il pourrait y
avoir… Non, ce n'est pas comme ça. La façon dont le projet, il a été écrit, il
ne veut pas et il ne peut pas lier les gouvernements subséquents, et il admet lui-même
qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
Une voix : …
M. Barrette : Oui, oui, ça, ça
a été dit, là, ça.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
je n'admets pas qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
M. Barrette : Bien, je n'avais
pas fini mon intervention, Mme la Présidente. Alors…
M. Jolin-Barrette : J'ai dit
que je ne pouvais pas prévoir l'avenir.
M. Barrette : Je n'avais pas
fini mon intervention.
M. Jolin-Barrette : Et je me
souviens, Mme la Présidente, d'une…
M. Barrette : Mme la
Présidente, dites-lui que je n'ai pas fini mon intervention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Désolée. Là… Tous les propos allaient très bien. J'ai déjà fait un premier
appel au moment où vous n'étiez pas là, M. le député de La Pinière. Je
laisse allez les conversations tant que vous ne vous interpellez pas.
L'atmosphère, elle est très bonne. On avance. Il y a des idées qui
s'affrontent. C'est le but parlementaire, qu'on puisse avoir des débats
sereins. Mais vous avez votre temps, vous allez pouvoir tout le prendre au
complet. Le ministre essaie de répondre, donc essayez d'être… de ne pas vous
interrompre inutilement, simplement.
M. Barrette : Mme la
Présidente, j'ai été… Faites-vous-en pas, Mme la Présidente, ça se fait dans la
plus grande cordialité. On porte un nom similaire, hein, ça fait qu'on doit
avoir des gènes qui se ressemblent en quelque part.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est vous qui l'avez dit, M. le député de La Pinière.
• (16 h 20) •
M. Barrette : Oui. Je m'assume
aussi.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Barrette : Ah! mais juste
terminer là-dessus. Ce droit-là, là, qui est exécutoire m'apparaît faiblement
balisé en termes de garantie de résultat.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais il
ne faut pas… il ne faut pas mélanger les choses, Mme la Présidente. Il y a la question
de l'exécution du droit. L'État me confère un droit à l'apprentissage du
français. L'État doit vous garantir que vous allez pouvoir bénéficier de ces
services-là, premier volet. Le volet qui est amené par la députée de Marguerite-Bourgeoys,
c'est relativement aux services de francisation offerts par Francisation Québec
qui seraient gratuits. C'est ça, le sens du propos. Il ne faut pas mélanger les
deux. Puis ce que j'ai dit, c'est que je ne peux pas prévoir l'avenir. C'est
une question hypothétique.
Moi, je me souviens très bien, Mme la
Présidente, une conférence de presse, en 2012, avec le député de La Pinière
qui répondait aux journalistes, qui disait : Vous me posez des questions
hypothétiques, puis je ne peux pas prévoir…
M. Jolin-Barrette :
...gratuits. C'est ça, le sens du propos. Il ne faut pas mélanger les deux.
Puis ce que j'ai dit, c'est que je ne peux pas prévoir l'avenir. C'est une question
hypothétique.
Moi, je me souviens très bien, Mme la
Présidente, une conférence de presse, en 2012, avec le député de La Pinière
qui répondait aux journalistes, qui disait : Vous me posez des questions
hypothétiques, puis je ne peux pas prévoir l'avenir, que, si jamais il y avait
une météorite qui s'en venait sur la planète Terre... Bien, je ne peux pas
répondre à toutes ces situations hypothétiques là. Je pense qu'il sait à quelle
conférence de presse je fais référence.
Alors, ce que je dis, c'est un peu la même
chose. Notre objectif, il est là, que les services de français... de francisation
soient gratuits, puis nous le faisons, et surtout, nous l'avons démontré, parce
qu'on a offert les cours de francisation aux personnes en situation temporaire,
ce qui n'était pas fait auparavant.
La Présidente (Mme Thériault) :
... La Pinière, j'ai Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys aussi qui
voudrait faire une intervention.
M. Barrette : Je voudrais
répliquer, Mme la Présidente, que je n'aurais jamais dit, dans un point de
presse, que je vous garantis que, si vous m'élisez, vous allez être protégés
contre toutes les météorites qui tombent sur la planète Terre. Alors que là,
vous déposez un projet de loi qui garantit un droit exécutoire à tout le monde
à la sanction. Je ne vois pas comment il est possible de garantir ça, pas de la
manière que le projet de loi est écrit. Elle est où, la garantie, ne serait-ce
que par les capacités de francisation qui existent aujourd'hui?
Là, si, demain matin, là, tous les gens de
langue maternelle anglophone ou allophone, à la sanction, se présentent pour
avoir des cours de francisation, le ministre va faire quoi? Ça devient un
droit, un droit. C'est comme les limites de vitesse, là. À la sanction de la
limite de vitesse, tout le monde qui fait un excès de vitesse, à la sanction, a
une amende. Là, là, c'est un droit exécutoire. À la sanction, tous les gens qui
n'ont pas le français comme langue maternelle se présentent pour être
francisés. Que fait l'État? Alors, ça fait un drôle de droit s'il est
exécutoire, puis qu'en même temps il n'est pas exécutable.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je voudrais juste préciser que c'est un an après l'adoption de la loi, donc...
M. Barrette : Non, je
m'excuse...
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais, non, il y a juste une nuance, parce que je ne veux pas que les gens
pensent que c'est à l'adoption.
M. Barrette : Vous avez
raison, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un an après. Mais, M. le ministre, la parole est à vous. Vous pouvez
répondre au député.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
une bonne connaissance du projet de loi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je suis tous les échanges et les débats ici.
M. Jolin-Barrette : Alors, il
n'est pas exact de dire que les droits ne sont pas exécutoires. C'est le
principe même de, quand on confère des droits aux citoyens, de pouvoir,
lorsqu'ils sont exécutoires, par opposition à déclaratoires, venir faire
respecter leurs droits et de saisir l'autorité compétente pour leur permettre
d'avoir accès.
C'est la même chose que dans le réseau de
la santé. Vous garantissez un droit à l'accès aux services de santé dans
différentes régions. Est-ce que tous les services de santé sont offerts dans
chacune des municipalités, dans chacune des localités du Québec? La réponse, c'est
non. Mais par contre, on garantit le droit exécutoire à des soins de santé.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : La loi sur la
santé et les services sociaux et les lois connexes, nulle part n'est-il prévu
que tous les services...
M. Jolin-Barrette : ...des
localités du Québec? La réponse, c'est non. Mais par contre on garantit le
droit exécutoire à des soins de santé.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : La loi sur la
santé et les services sociaux et les lois connexes, nulle part n'est-il prévu
que tous les services soient livrables dans toutes les municipalités du Québec,
par exemple. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas, M. le ministre. Alors que là
vous nous... d'abord, il n'y a aucune nuance dans votre... dans le projet de
loi n° 96 sur ce droit exécutoire. Il n'y a pas de notion territoriale, il
n'y a pas... Je prends le ministre au pied de la lettre, là, quand on dit
«accès à des services de francisation pour une anglophone ou un allophone», ça
veut dire qu'en Gaspésie, il devra y avoir des services de français. Nulle part
n'ai-je lu dans le projet de loi la garantie qu'il y ait des services de
francisation sur tout le territoire du Québec. Alors, le parallèle qui est fait
avec la santé, là, il ne se fait pas, Mme la Présidente. La loi sur la santé ne
dit pas ce que le ministre dit qu'elle dit, et là on dépose une loi qui
garantie ça, puis il n'y a pas de notion de. Là...
La Présidente (Mme Thériault) :
...même chose que vous, par contre, c'est qu'on... Moi, c'est ce que j'ai
compris de l'intervention du ministre, c'est qu'il disait la même chose que
vous.
M. Barrette : Oui, mais...
La Présidente (Mme Thériault) :
Qu'on ne garantissait pas dans chacune des villes de recevoir, que c'était
organisé en fonction du système de santé.
M. Barrette : Oui, mais, Mme
la Présidente, cette loi-là, là, qui garantie, c'est un droit exécutoire, là, à
des services de francisation, là. On ne fait pas de nuance. Alors, moi, mon
point, là, que j'essaie de faire, là, depuis le début de mon intervention,
c'est qu'on a un droit qui est exécutoire, et, à sa face même, il n'est pas
exécutable. Il va être dépendant d'un financement et d'une capacité de
francisation. Il n'y a rien dans la loi pour le gouvernement actuel ni pour les
gouvernements successifs qui oblige l'État à se donner la capacité de franciser
ceux qui le veulent. Alors, pour moi, c'est une lacune.
Alors, si on passe de «déclaratoire», que
le ministre a lui-même qualifié, et j'ai oublié le mot, là, des paroles en
l'air, ou quelque chose de ce genre-là, puis je ne dis pas ça péjorativement,
mais là on veut passer à «exécutoire». Bien, si on passe à «exécutoire», en
quelque part, il faut qu'il y ait une certaine pérennité à ça et il faut qu'il
y ait une capacité qui vient avec. Je ne vois ni un ni l'autre.
Et il y a le troisième élément, comme je
l'ai dit, c'est quand qu'on... c'est en dedans de quand, là, qu'on exerce ce
droit-là? On a eu le cas récemment, là, dans les médias, c'est un cas qui était
très intéressant, de l'immigrant qui, lui, ça lui coûte cher pour se faire
franciser. Le chèque ne vient pas, puis là il va comme arrêter de se franciser,
parce que là, il est mal pris, puis on le comprend. Mais ces notions-là, ce
n'est pas des notions banales, ce sont des notions qui, si on ne s'y adresse
pas, ça vient atténuer un projet de loi qui, sur cet aspect-là, il est bon. Mais,
si le gouvernement ne se donne pas les moyens, dans sa loi, d'aller jusqu'au
bout de ses intentions, on a fait...
M. Barrette : …franciser, parce
que là, il est mal pris, puis on le comprend. Mais ces notions-là, ce n'est pas
des notions banales, ce sont des notions qui, si on ne s'y adresse pas, ça
vient atténuer un projet de loi qui, sur cet aspect-là, il est bon, mais si le gouvernement
ne se donne pas les moyens, dans sa loi, d'aller jusqu'au bout de ses
intentions, on a fait quoi, exactement?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme la Présidente, je suis convaincu que le député de La Pinière a lu la
totalité du projet de loi, mais que peut-être qu'il y a deux pages qui
s'étaient collées, Mme la Présidente, dans la lecture, parce que c'est un projet
de loi fort volumineux. Mais je le référerais à l'article 156.24 du projet
de loi, qui indique : Francisation Québec conduit et gère l'action
gouvernementale en matière de francisation des personnes domiciliées au Québec
qui ne sont pas assujetties à l'obligation de fréquentation scolaire en vertu
de la Loi sur l'instruction publique, des personnes qui envisagent de s'établir
au Québec, de même qu'en matière de francisation des personnes au sein
d'entreprises. À cet effet, Francisation Québec est l'unique point d'accès
gouvernemental pour ces personnes désirant recevoir des services
d'apprentissage du français et qui ne s'inscrivent pas dans le cadre du régime
pédagogique prévu par la loi. Et là, ça devient intéressant : Francisation
Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec et établit des bureaux
afin d'assurer le droit aux services permettant de faire l'apprentissage du
français prévu au premier alinéa de l'article 6.1. Francisation Québec
peut, lorsqu'un établissement offrant de l'enseignement
collégial et universitaire, mettre des locaux à sa disposition pour y fournir
des services. Donc, il y a une approche territoriale, sur l'ensemble du
territoire.
M. Barrette : C'est très bien.
Le temps, les délais… Et je vais simplement rappeler au ministre une notion
qu'il a apprise en première année de droit, évidemment, la différence entre
«peut» et «doit».
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est une obligation, 156.24, là. On retourne là. Ça ne sera pas long, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va.
M. Jolin-Barrette : On a tellement
travaillé, avec beaucoup d'articles.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un projet de loi assez volumineux, donc il n'y a pas de problème, prenez
votre temps, et quand…
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Francisation Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec et établit
des bureaux afin d'assurer le droit aux services permettant de faire
l'apprentissage du français. Alors, «doit». «Doit»,
«doit».
M. Barrette : …
M. Jolin-Barrette : Non. Et
établit des bureaux.
M. Barrette : Non. Un petit
peu plus loin, il y a les locaux, là.
M. Jolin-Barrette : Prévu au
premier alinéa de l'article 6.1 : Francisation Québec peut, lorsqu'un
établissement offrant l'enseignement collégial ou universitaire, mettre des
locaux à sa disposition pour y fournir ses services. Donc, on établit des
bureaux partout puis on dit : Les universités et les établissements
collégiaux, ils peuvent fournir des locaux à Francisation Québec.
M. Barrette : O.K.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Pourquoi
est-ce qu'on a fait ça? Parce qu'il y a des cégeps en région, il y a des
universités dans les différentes régions, puis c'est un bon endroit qui ont les
infrastructures nécessaires, puis on voulait faire en sorte que le ministère de
l'Enseignement supérieur, les établissements universitaires et collégiaux
collaborent avec Francisation Québec pour dire : Eh! vous avez des
infrastructures, partagez-les dans les différentes régions pour permettre aux
étudiants en francisation d'acquérir des compétences langagières en français.
Donc, c'est…
16 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...qui ont
les infrastructures nécessaires. Puis on voulait faire en sorte que le ministère
de l'Enseignement supérieur, les établissements universitaires, collégiaux
collaborent avec Francisation Québec pour dire : Vous avez des infrastructures,
partagez-les dans les différentes régions pour permettre aux étudiants en francisation
d'acquérir des compétences langagières en français. Donc, c'est exécutoire.
M. Barrette : Non, ce n'est
pas exécutoire. Oui, c'est exécutoire dans l'esprit du ministre, c'est sûr.
Mais...
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non, pas dans mon esprit. Ça l'est, exécutoire. On passe de déclaratoire à
exécutoire.
M. Barrette : Mme la
Présidente, pourquoi, par exemple, le ministre n'a pas mis dans son projet de
loi un délai? L'État doit offrir les services payants ou pas payants, parce que,
là, initialement j'étais vraiment sous l'impression que c'était gratuit, tout ça,
là, mais ce ne l'est pas...
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non. Attention. On n'a pas dit que ce n'était pas gratuit. Je vous l'ai dit, je
l'ai dit nommément dans le micro.
M. Barrette : Non, j'ai dit
«sous l'impression», c'est une impression erronée.
M. Jolin-Barrette : C'est
gratuit, Mme la Présidente, c'est gratuit. Alors, ce que j'ai dit, par contre,
j'ai dit que, de tous les services offerts par Francisation Québec, je ne
pouvais pas garantir, à ce stade-ci, que tous les services allaient être pour toujours
tout le temps gratuits. Moi, c'est mon intention de faire en sorte que le
service d'apprentissage en français soit gratuit, mais il y a d'autres services
qui vont être offerts par Francisation Québec, notamment connexes au sein des entreprises,
notamment sur l'aspect terminologique, il va avoir certains services qui vont
être offerts qui pourraient être tarifés, c'est ça que je dis.
M. Barrette : ...Mme la
Présidente, ce que j'aurais... ce qui aurait été agréable, ça aurait été de
voir, dans le projet de loi, que l'État, dans sa volonté de francisation, offre
des services de francisation dans une période de... dans un délai x à
déterminer par le ministre, après la demande dudit service.
Parce que, moi, ce que je vois, je
reprends l'exemple de tantôt, si, demain matin, il y a un afflux vers une
demande de francisation, l'État va faire comme en santé, va créer des listes
d'attente, c'est ça qu'il va faire. Bien voyons! Où est-ce que c'est écrit dans
le projet de loi que les services de francisation, après avoir été demandés par
un individu, dans le cadre de la loi, vont être donnés en dedans d'un an,
mettons?
M. Jolin-Barrette : Non, il n'est
pas indiqué, effectivement, vous avez raison, il n'est pas indiqué, il n'y a
pas de délai. Mais l'objectif, c'est de donner rapidement les services de francisation,
et ça, à travers les différentes régions du Québec, en entreprise. Puis c'est
ça, le défaut du fait qu'il n'y avait pas Francisation Québec, parce que les
services de francisation étaient éparpillés. Et là nous, on suit la recommandation
de la Vérificatrice générale pour unifier les services, pour être beaucoup plus
efficace puis pour offrir ces services de francisation là.
Et, d'ailleurs, avant que j'arrive au ministère
de l'Immigration, saviez-vous que les classes ne démarraient qu'aux 11
semaines? Comment ça se fait, quand vous étiez une personne immigrante qui
voulait avoir des cours de francisation, que vous manquiez la session, vous
débarquez, puis là, bien, si le cours était déjà commencé, il restait 10
semaines, bien, c'était au bout des 10 semaines que l'autre cours repartait?
Alors, on a mis des sessions intercalées justement pour faire en sorte de
permettre aux...
M. Jolin-Barrette : …quand
vous étiez une personne immigrante qui voulait avoir des cours de francisation,
que vous manquiez la session, vous débarquez, puis là, bien, si le cours était déjà
commencé, il restait 10 semaines, bien, c'était au bout des
10 semaines que l'autre cours repartait? Alors, on a mis des sessions
intercalées justement pour faire en sorte de permettre aux apprenants d'aller
rapidement dans les cours de francisation.
M. Barrette : Mme la
Présidente, c'est une bonne idée.
M. Jolin-Barrette : Bon.
M. Barrette : Alors, pourquoi
ne pas avoir la bonne idée d'inscrire dans la loi, un délai?
M. Jolin-Barrette : Bien, parce
que comme tous les services de l'État, ils sont soumis aux différents aléas,
aux différentes contraintes d'un programme gouvernemental qui est mis en
application. Et je crois que le député de La Pinière le sait très bien.
M. Barrette : Oui, absolument.
Donc, c'est la raison pour laquelle je soupçonne que le programme en question,
dans son évolution, va souffrir d'une grande demande et de moins de financement
et va créer des listes d'attente.
M. Jolin-Barrette : Alors là,
je ne suis pas d'accord, Mme la Présidente. Savez-vous pourquoi? Parce que
l'entente Canada-Québec, hein, l'entente Gagnon-Tremblay-McDougall, qui est une
bonne entente, mais qui fait suite à l'échec de l'accord du lac Meech, Mme la
Présidente, mais qui est une bonne entente. Ça — je dois le dire — ça
a été bien négocié par le gouvernement libéral de l'époque.
La Présidente (Mme Thériault) :
Très bien.
M. Jolin-Barrette : Je
redonne à César…
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Très, très bien.
M. Jolin-Barrette : Bien, au gouvernement
libéral de Robert Bourassa, à Mme Gagnon-Tremblay qui a été députée
de Saint-François…
La Présidente (Mme Thériault) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : …pendant
des années, et je la salue bien bas. Donc, c'est une très bonne entente qui
fait en sorte que le gouvernement du Québec a les outils, notamment en matière
de francisation. Mais par contre, c'est juste depuis 2019 que l'argent, elle
est consacrée au ministère de l'Immigration pour la francisation. Parce que
savez-vous ce qu'ils faisaient, Mme la Présidente, les gouvernements
précédents?
La Présidente (Mme Thériault) :
Consolider.
M. Jolin-Barrette : Ils
prenaient l'argent et l'envoyaient au fonds consolidé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais juste me permettre d'apporter une petite précision. C'est que, lorsque
l'entente a été négociée, Mme Gagnon-Tremblay a même fait en sorte qu'il y
ait une indexation automatique à toutes les années en fonction des indexations
de budget du gouvernement fédéral et de l'augmentation de la quantité de
personnes qui étaient admises. Donc… c'était une entente qui mathématiquement
fait que les sommes d'argent augmentent d'année en année. Et il faut vraiment
que le gouvernement n'ait pas rempli ses objectifs pour admettre les gens sur
le territoire du Québec pour que les sommes d'argent soient à la baisse. Donc,
techniquement, il y a de l'argent aussi parce que ça l'a été très bien négocié
par l'ancienne députée de Saint-François,
Mme Monique Gagnon-Tremblay, évidemment.
M. Jolin-Barrette : En fait,
vous avez raison, Mme la Présidente, mais il y a même une clause dans l'entente
qui fait en sorte que le versement, Mme la Présidente, de l'année ne peut pas
être moindre que celui de l'année antérieure.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, absolument.
M. Jolin-Barrette : Alors, à
cette époque-là, il négociait bien, le Parti libéral.
M. Barrette : Mais, Mme la
Présidente, je suis tellement heureux…
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais je vais quand même juste préciser, par contre, qu'à l'époque, pour avoir
eu le ministère de l'Immigration pendant deux années sous ma gouverne, c'est
qu'il y a quand même une… il y a plusieurs services qui sont offerts autres que
la francisation, quand même, par le gouvernement du Québec, que ce soient des
services d'éducation, des services de santé, des services de garde. Donc,
évidemment, à l'époque, l'argent passait par le fonds consolidé, mais je ne
voudrais pas qu'on soit sur l'impression que les sommes d'argent n'ont pas été
dédiées à la clientèle qui y est… avec qui…
La Présidente (Mme Thériault) :
…il y a plusieurs services qui sont offerts autres que la francisation, quand
même, par le gouvernement du Québec, que ce soient des services d'éducation,
des services de santé, des services de garde, donc évidemment, à l'époque,
l'argent passait par le fonds consolidé. Mais je ne voudrais pas qu'on soit sur
l'impression que les sommes d'argent n'ont pas été dédiées à la clientèle qui y
est… avec qui l'argent vient, donc les personnes qui sont admises par le ministère
de l'Immigration. Il y a une panoplie de services du gouvernement qui sont
offerts.
Maintenant, il y a un calcul différent qui
fait que tout l'argent sert plus directement à l'intégration. C'est tout à
votre honneur, M. le ministre, d'avoir pris cette décision-là.
M. Barrette : Et, par
ricochet, j'imagine qu'aucun des transferts fédéraux pour les programmes de
garderies ne va aller dans le fonds consolidé.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, cette entente, et vous aurez pu le constater fort probablement, c'est une
entente sans condition. Mais ce qui est intéressant là-dedans, par contre,
c'est que notre gouvernement s'est engagé à combler les 37 000 places
et à garantir une place pour chaque enfant.
Et d'ailleurs, justement, vous pouvez
syntoniser sur le canal de l'Assemblée nationale. Il y a des auditions,
présentement, publiques sur le projet de loi n° 1 de la nouvelle session
de mon collègue le ministre de la Famille, justement, pour améliorer le réseau
des garderies et modifier la Loi sur les services éducatifs à l'enfance. Mais
cette commission-ci est beaucoup plus passionnante, Mme la Présidente.
M. Barrette : Mme la
Présidente, est-ce que je suis en train d'entendre que le souhait du ministre
est que les transferts pour le programme de garde s'en aillent au complet dans
le programme québécois de CPE, et qu'aucun de ces dollars-là n'aille dans le
fonds consolidé?
M. Jolin-Barrette :
Mme la Présidente, ce n'est pas ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je
dis. Le député de La Pinière veut me prêter certaines intentions, Mme la
Présidente. Mais je comprends qu'il a un après-midi intéressant, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je ne voudrais pas m'immiscer dans le débat, sauf que là, on est rendu dans les
services de garde. Je vais me permettre de faire mon rôle de présidente et vous
ramener sur l'amendement qui a été déposé. D'autant plus que la députée de
Marguerite-Bourgeoys aurait une autre intervention à faire, M. le député
de La Pinière, donc si vous voulez conclure. Il vous reste au total
7 minutes sur votre intervention mais vous pouvez aussi céder la parole à
votre collègue.
M. Barrette : Bien,
momentanément… bien, si ma collègue me le permet, je reviendrai plus tard,
mais…
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Là, là?
M. Jolin-Barrette : Oui,
juste un petit deux minutes.
M. Barrette : Veux-tu y aller
tout de suite?
Mme David : Non, non.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière, à la demande du ministre, on me demande une
courte suspension.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 47)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons nos travaux concernant le projet de loi n° 96.
Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys , la parole est à vous.
Mme David : Donc, nous
acceptons de retirer notre amendement, que je n'ai pas besoin de relire,
j'imagine, Mme la Présidente, il est déjà déposé. Et je pense que c'est pour aller
vers un autre amendement qui sera présenté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Par le ministre.
Mme David : Par le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le ministre, est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement
qui avait été déposé par la députée?
M. Jolin-Barrette : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Parfait. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme
la Présidente, oui, un amendement à l'article 6.1 de la Charte de la
langue française :
À l'article 6 du projet de loi,
insérer, dans après le premier alinéa de l'article 6.1 de la Charte de la
langue française qu'il propose, l'alinéa suivant:
«Francisation Québec doit tendre à la
gratuité des services fournis en vertu de l'article 88.11.»
Cet amendement prévoit que....
Commentaire : Cet amendement prévoit que Francisation Québec doit tendre à
la gratuité des services de francisation qu'elle fournit en vertu de
l'article 88.11.
Alors, Mme la Présidente, suite aux
discussions que nous avons eues avec les collègues, c'est un amendement...
M. Jolin-Barrette :
…Francisation Québec doit tendre à la gratuité des services fournis en vertu de
l'article 88.11.»
Cet amendement prévoit que… Commentaire.
Cet amendement prévoit que Francisation Québec doit tendre à la gratuité des
services de francisation qu'elle fournit en vertu de l'article 88.11.
Alors, Mme la Présidente, suite aux
discussions que nous avons eues avec les collègues, c'est un amendement… dans
le fond, je l'ai dit que les services de francisation envers les personnes sont
gratuits, vont demeurer gratuits, mais on vient, dans la loi, dire également
qu'ils doivent tendre à demeurer gratuits. Donc, au-delà de mon propos en commission
parlementaire, je viens insérer quel est l'intention du législateur de dire que
les services offerts aux personnes en matière d'apprentissage du français et de
perfectionnement de la connaissance et de la maîtrise langue française doivent
tendre vers la gratuité.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Alors, écoutez,
j'accueille favorablement cet amendement. J'en aurai un autre sur un autre
sujet complémentaire. Mais le ministre l'a bien dit : Pour l'instant,
c'est la gratuité. Et nous devons le plus possible mais sans pouvoir prévoir
l'avenir, justement, il est important d'inclure dans le projet de loi, parce
que chaque mot compte dans un projet de loi, doit tendre à la gratuité des
services fournis. Ça veut dire que, si un jour, un gouvernement a l'inspiration
de vouloir facturer ces services-là, il ne pourra pas faire ce qu'il veut quand
il veut comme il veut, parce que le mot «tendre à la gratuité», ça ne veut pas
dire charger des prix absolument déraisonnables pour ce service de
francisation.
• (16 h 50) •
Alors, on espère que ça va rester toujours
comme c'est là, c'est-à-dire gratuit. On sera là pour surveiller. Mais
malheureusement les gouvernements passent, les ministres passent, les députés
passent et les lois restent, alors c'est aussi bien de prévoir dans la loi la
question de la gratuité. Elle n'est pas exactement comme on aurait voulu en
disant : Il doit y avoir gratuité. Le compromis est «doit tendre à la
gratuité». Alors, on va accepter de vivre avec ce compromis puisque la
politique, c'est l'art du possible. Alors, je pense qu'on veut garder l'esprit,
très important, de l'accessibilité aux services de francisation puisque c'est
au coeur même du projet de loi que d'assurer une francisation de tous les
citoyens du Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Alors, sur le
nouvel amendement, j'y vois un problème très simple. Puis pour l'illustrer, je
vais faire ce que le ministre aime faire, je vais faire un parallèle avec la
santé. À chaque fois que je prends une intervention, on fait toujours un
parallèle avec la santé. Alors, je vais lui éviter de le faire tout de suite.
Alors, dans le système de santé, lorsqu'il y a des frais, Mme la Présidente,
pas toujours, mais souvent, il y a une modulation des frais en fonction de la
situation financière de l'individu. Alors, je vous soumets, Mme la Présidente,
qu'actuellement on avait formellement une gratuité et on vient introduire une
provision qui ouvre la porte à éventuellement — je pèse mes
mots — à une tarification éventuelle. Tendre vers la…
M. Barrette : …alors, je vous
soumets, Mme la Présidente, qu'actuellement on avait formellement une gratuité
et on vient introduire une provision qui ouvre la porte à, éventuellement, je
pèse mes mots, une tarification éventuelle. Tendre vers la gratuité, ça
signifie que ce n'est plus gratuit. Alors, tendre vers la gratuité, le ministre
va me répondre : Oui, mais c'est comme le calcul différentiel, là, on peut
arriver à. Alors là, pour le moment, c'est gratuit, on a plus que tendu vers la
gratuité, c'est gratuit. Mais là on fait une loi qui va pouvoir… devoir
s'exercer dans le temps, et le temps faisant son oeuvre dans l'appareil
gouvernemental, il pourrait survenir qu'un gouvernement ou le même
gouvernement, un autre ministre, il mette un tarif. Alors, moi, je pose une
question bien simple au ministre : Est-ce qu'il serait d'accord pour le
sous-amender, son amendement, pour qu'il y ait une provision quelconque qui
permette une modulation du service en question, une modulation selon des paramètres
à déterminer par règlement, là, éventuellement, pour s'assurer que le commun
des mortels moins fortunés ne soient pas freinés en termes de francisation par
des enjeux monétaires?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
l'amendement que j'ai déposé fait suite aux préoccupations du Parti libéral
relativement à la gratuité des services. Alors là, le député de La Pinière
vient de nous dire : Bien, avant votre amendement, on comprenait que
c'était gratuit. Là, moi, je suis d'accord avec cette proposition-là, parce que
c'est la proposition que nous faisons en tant que gouvernement, les cours de
français sont gratuits, et même on les a élargis. Mais là, dans le souci de
trouver une voie de passage avec les collègues, on propose «tendre vers la
gratuité» pour vraiment l'indiquer, le terme «gratuité» à l'intérieur des
services offerts aux personnes qui suivent les cours de francisation. La
question des tarifs, elle n'est pas modulée en fonction du revenu des individus.
La tarification, elle n'est pas basée comme ça. Mais là il n'est même pas
question de tarification, je vous le dis, il n'y a pas de tarification
relativement aux services d'apprentissage du français. On veut que les gens
puissent suivre les cours de français, on a tout intérêt comme société, comme
nation à faire en sorte que les services de francisation soient populaires et
suivis. Et justement l'argent est là pour les suivre.
M. Barrette : Mme la
Présidente, il n'y a pas de contradiction ici, là. Puis je vais remettre les
choses dans leur bon ordre, là, le ministre nous a dit qu'il voterait contre
notre amendement. Il n'a pas voulu écrire dans la loi que ce soit gratuit. Il a
refusé, il nous l'a dit, il l'a dit dans le micro, il voterait contre notre
amendement. S'il vote contre l'amendement qui prévoit la gratuité, c'est parce
qu'il prévoit au moins la possibilité de la non-gratuité.
L'argument, Mme la Présidente, de
dire : Bien oui, mais regardez, c'est gratuit aujourd'hui, bien, cette phrase-là
ne peut pas se continuer en droit par : C'est gratuit aujourd'hui, ça le
sera toujours, certainement pas si le texte…
M. Barrette : ...qui prévoit la
gratuité, c'est parce qu'il prévoit au moins la possibilité de la non-gratuité.
L'argument, Mme la Présidente, de dire : Bien oui, mais regardez, c'est
gratuit aujourd'hui, bien, cette phrase-là ne peut pas se continuer en droit
par : C'est gratuit aujourd'hui, ça le sera toujours, certainement pas si
le texte de loi dit «tend vers la gratuité». Alors, si on tend vers la
gratuité, «tendre», ça veut dire de partir d'un point de départ et un point
d'arrivée qui est la gratuité, le point de départ, c'est un tarif.
Il n'y en a pas de tarif, je le comprends,
là. Mon commentaire est commentaire préventif, pour le futur, tout simplement.
Et ça, je vois mal comment on peut être contre ça, là. Je comprends qu'aujourd'hui,
c'est... si je fais un sous-amendement, là, il n'a aucun effet, je suis d'accord,
c'est gratuit. Mais moi, ce qui m'importe, et comme le ministre l'a dit
lui-même, cette loi-là va changer, quoi, aux 25 ans, aux 30 ans, aux
40 ans, aux 50 ans, alors, cette loi-là, si on est pour l'écrire aujourd'hui
avec cet esprit-là, écrivons-le comme il faut.
Et, comme je l'ai dit, Mme la Présidente,
j'ouvre la porte à une flexibilité gouvernementale. On n'a pas à écrire les
règles actuellement. Établir un principe de modulation quelconque par règlement,
ça engage rien que ça et ça protège éventuellement des gens qui ont moins les
moyens d'avoir quand même, de façon garantie, j'irais même jusqu'à dire
exécutoire, d'avoir accès aux tarifs. Alors, me répondre qu'aujourd'hui, c'est
gratuit, bien, je veux dire, ce n'est pas le propos, là. Ce dont je parle,
c'est pour le futur, là, ce n'est pas pour aujourd'hui.
Alors, je repose ma question : Le
ministre serait-u disposé à discuter, on peut suspendre, d'un sous-amendement
qui prévoit une modulation dans le temps en fonction de la situation de la
personne? Il peut l'écrire comme il veut, là, ne me dérange pas, là. Mais, tu
sais, puis je vais renchérir, Mme la Présidente, là, on fait ça actuellement,
là... parce que c'est le sujet de l'heure, là, c'est comme ça dans les CHSLD,
si vous n'avez pas les moyens, c'est gratuit puis, si vous avez les moyens,
vous avez un frais.
Là, on parle de la notion de la vitalité
de la société québécoise, la notion avec un n majuscule, là, hein, un n
majuscule, c'est vital, alors il me semble qu'on devrait prévoir tous les cas
de figure, dont celui qui ferait en sorte qu'un éventuel successeur du
ministre, là, j'imagine qu'il n'a pas l'intention d'être ministre pendant les
60 prochaines années, de la Langue française, qu'on n'ait pas ce
travers-là dans le futur.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, j'entends bien les propos du député de La Pinière, là, puis je réfléchis
à tout ça, c'est juste que là, dans cette section-ci, à laquelle on est, là,
dans le cadre du projet de loi, c'est les droits fondamentaux, hein, puis ces
droits-là sont interprétés largement, d'autant plus qu'ils sont exécutoires.
Donc, même l'amendement que je propose, idéalement, il se retrouverait à 88.11
avec les propositions aussi...
M. Jolin-Barrette : …c'est
juste que là, dans cette section-ci, dans laquelle on est, dans le cadre du projet
de loi, c'est les droits fondamentaux, hein, puis ces droits-là sont
interprétés largement, d'autant plus qu'ils sont exécutoires. Donc, même l'amendement
que je propose, idéalement, il se retrouverait à 88.11, avec les propositions
aussi que vous faites, mais je n'ai pas l'intention de donner suite à la proposition
que vous faites de moduler un tarif qui n'existe pas non plus. Donc, ça, c'est
très clair, mais, moi, la piste de solution que je vous propose, c'est
celle-ci, sur cet alinéa-là. Mais sinon, ce qu'on peut faire, je peux retirer
mon amendement aussi puis en discuter à 88.11 puis revenir là-dessus lorsqu'on
va vraiment parler de Francisation Québec, parce que là le principe de droits
fondamentaux, c'est des droits qui sont interprétés généralement. Alors, dans
une loi, quand on a les droits fondamentaux en premier, on ne vient pas faire
le descriptif généralement très précis de chacun des éléments qui le compose.
Ça fait que, dans le fond, soit que je
retire puis, quand on va être rendu à 88.11, on en parle d'une façon plus
approfondie sur les… Francisation Québec précisément, ses services, qu'est-ce
que ça comporte, puis tout ça, puis on fait les amendements que vous voulez
faire là-bas.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je remercie le ministre pour le cours de droit, moi, je fais de la
pratique légale du droit, ce n'est pas ma compétence, alors je le remercie. Je
lui ferai remarquer que c'est lui qui a déposé l'amendement maintenant, il n'a
pas demandé ça, là, c'est lui qui l'a présenté maintenant. Alors, il est tout à
fait de bon aloi de ma part de faire le débat sur la chose. S'il veut refaire
le débat à 88.11, j'en discuterai avec ma collègue qui est la porte-parole, je
n'ai pas de problème avec ça.
Mais il y a une chose qui est certaine,
sur le fond de l'argumentaire que j'ai mis de l'avant, il ne peut pas être
opposé par l'argument d'«aujourd'hui, c'est gratuit», auquel j'oppose, on
change la loi aux 50 ans, là. À un moment donné, si on fait une loi, qu'on la
fasse d'une façon… puis c'est correct qu'on le fasse à 88.11, mais on ne peut
pas m'opposer comme argument que c'est maintenant gratuit au moment où on
introduit un article qui introduit, lui, la possibilité de tarification de
façon explicite. La réalité, elle est… gratuité, mais là on vient explicitement
d'ouvrir la possibilité, sans dire que ça va arriver, mais puisque ça peut
arriver, balisons, c'est mon propos.
La Présidente (Mme Thériault) : Votre
propos est bien entendu. Je crois que la députée de Marguerite-Bourgeoys veut
faire son intervention justement sur l'ensemble de la discussion par rapport à
l'amendement du ministre.
• (17 heures) •
Mme David : Oui, puis je vais
probablement demander de suspendre quelques minutes, parce qu'effectivement je
comprends l'idée des droits fondamentaux qu'on va parler dans le fin détail,
mais, moi, c'est un droit fondamental, la gratuité, c'est pour ça que j'allais
faire ça et, de là, si on refait un peu notre discussion des dernières 45
minutes, on est allé de gratuité, à tendre vers la gratuité, mais il faut
rester dans l'esprit qu'effectivement de quelque chose de général. On est à
l'article 4 qui modifie l'article 6, on est au début dans les grands principes
généraux. Maintenant, dans les grands principes généraux, il peut y avoir
aussi, dans une limite de temps raisonnable et donc là, la question qui va se
poser, c'est : Est-ce que…
17 h (version non révisée)
Mme David : ...on est allé de
«gratuité» à «tendre vers la gratuité», mais il faut rester dans l'esprit, effectivement,
de quelque chose de général. On est à l'article 4, qui modifie l'article 6. On
est au début, dans les grands principes généraux. Maintenant, dans les grands
principes généraux, il peut y avoir aussi «dans une limite de temps
raisonnable», et donc là, la question qui va se poser, c'est : Est-ce que
c'est un principe général? Moi, je pense que oui, «limite de temps
raisonnable», c'est... Il y a deux choses importantes dans la vie d'un nouvel
arrivant, c'est qu'il soit accessible, son service de francisation, et qu'il
soit rapide. Ça, là, c'est des droits fondamentaux, ça ne... Tu ne peux pas,
quand tu fais une crise cardiaque, attendre six mois pour te faire traiter pour
ta crise cardiaque, l'urgence, elle est maintenant. Alors, dans l'esprit de
l'avenir du Québec et de sa francisation, la francisation doit être faite rapidement.
On l'a dit tellement souvent. Le ministre l'a dit souvent, il l'a même dit dans
une entrevue il n'y a pas longtemps, passé six mois... C'est pour ça qu'il y a
six mois pour Francisation Québec, les services gouvernementaux, parce qu'après
il y a des plis qui se prennent, puis le français, il est comme moins
apprenable ou appris.
Alors, on est dans une sorte d'impératif,
d'obligation absolue dans les principes généraux qu'il y ait l'accessibilité et
la rapidité. Alors, on est un peu embêtés, parce que, si on met ça dans les
principes généraux, la gratuité, tendre vers la gratuité, ça serait bien de
tendre aussi vers la rapidité, parce que les deux sont à peu près
inexplicablement liés. Alors, je vais peut-être demander une suspension pour
qu'on regarde l'ensemble de l'oeuvre, parce que, oui, 88.11, il va falloir en
discuter, c'est vrai. Savez-vous quoi, ce que j'ai peur le plus? C'est qu'on ne
se rende pas à 88.11, parce qu'on a un bâillon avant ça.
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme
la Présidente, juste là-dessus, là, avant de suspendre, là, moi, là, je n'ai
jamais, jamais, jamais abordé la question de la procédure législative
d'exception. Je sais que ça énerve bien gros la députée de
Marguerite-Bourgeoys, là, mais, moi, là...
Mme David : ... M. le
ministre, devant vous, assise ici, puis vous, là. On s'est rendus à l'article
6.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est parce que c'était différent comme dossier, et je sais fort bien que le
nouveau Parti libéral post-2020 est en faveur de la promotion et de la
protection de la langue française. Alors, je suis convaincu qu'on va réussir à
adopter le projet de loi dans des délais raisonnables puis je trouve qu'on fait
un bon travail depuis hier là-dessus, puis on a eu des consultations de trois
semaines, puis je trouve ça fort intéressant cet après-midi, échanger avec mes
collègues, d'ailleurs particulièrement avec le député de La Pinière, qui a
un plaisir fou à venir ici. Mais c'est ça. Ça fait que, moi, ce que je dis :
Énervons-nous pas sur la procédure législative d'exception. Par contre, je
dénote que ça fait longtemps qu'on en a fait une, puis, peut-être parce qu'on
s'ennuie de ça, c'est peut-être ce que je décode...
Mme David : ...qui ne
permettait pas de faire ça.
M. Jolin-Barrette : Cela
étant, peut-être que, comme je le disais à micro semi-fermé, Mme la Présidente,
peut-être que l'amendement que j'ai déposé, on devrait le traiter à 88.11 avec
les autres discussions qu'on va avoir tout à l'heure, puisque l'article 6,
c'est un article de droit général, de droits fondamentaux, puis la précision,
tout ça devrait peut-être aller à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai...
M. Jolin-Barrette : …comme je
le disais à micro semi-fermé, Mme la Présidente, peut-être que, l'amendement
que j'ai déposé, on devrait le traiter à 88.11, avec les autres discussions
qu'on va avoir tout à l'heure, puisque l'article 6, c'est un article de droit
général, de droits fondamentaux, puis la précision de ça devrait peut-être
aller à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee qui veut faire une intervention, mais on m'a
demandé une suspension.
M. Birnbaum : Mais je me
permets, Mme la Présidente…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y.
M. Birnbaum : …juste pour
encadrer notre discussion…
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous reconnais…
M. Birnbaum : …hors ondes et
après en ondes. Et je vais être soit désabusé de ma compréhension ou… de l'avoir
de confirmée. On est dans l'article 4…
Une voix : …
M. Birnbaum : Oui, dans… qui
va amender d'autres articles. Moi, je comprends que le sujet de l'article,
c'est l'étendue de l'offre de francisation de façon significative,
significative. Et là, quand on parle d'ajouter de la chair sur l'os… et dans
l'esprit de plusieurs des interventions, je me permets de parler de deux
chantiers énormes qui sont, si j'ai bien compris, touchés par cet article, où
l'offre est… bon, est assez limitée, mitigée actuellement. Je parle, dans un
premier temps, et voilà l'esprit du projet de loi tel que proposé par mon collègue
de Jacques-Cartier, d'autres cibles aussi, mais des Québécois qui… ici depuis
longue date, nés ici souvent, souvent, qui n'auraient pas eu l'opportunité ou
même, peut-être, ne se sont pas dotés de l'opportunité, mais qui veulent faire
autrement maintenant, de se perfectionner en français — c'est tout un
chantier — ainsi que d'autres gens issus de l'immigration, mais qui
risquent d'avoir été ici depuis 15 ans, 20 ans, 30 ans, et qui, en bonne foi,
ont l'intention, la volonté de participer pleinement dans la vie québécoise
dans notre langue seule, commune.
Tout ce monde-là, actuellement, n'est pas
ciblé de façon systématique ou claire ni, j'ose dire, rigoureuse par la machine
de francisation actuelle. Ce n'est pas une petite chose dont on parle. Alors,
j'espère que, hors ondes et en ondes, on va explorer les projets d'amendement
en tout ce qui a trait au sujet devant nous avec du sérieux, parce qu'on parle
de plusieurs aspects d'une importance capitale quand et si… et je prends pour
acquise la réponse «oui», si on veut impliquer tout le monde dans nos efforts
collectifs de francisation. Ce n'est pas un petit point, ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous ai bien entendu. J'ai le député de La Pinière qui me fait signe… parce
qu'il doit s'absenter, mais qui a un petit propos à ajouter.
M. Barrette : Oui, je dois
quitter, puis je tenais absolument, merci, Mme la Présidente, à faire ce
commentaire-ci. Le ministre nous…
M. Birnbaum : ...si on
veut impliquer tout le monde, dans nos efforts collectifs de francisation. Ce
n'est pas un petit point, ça.
La Présidente
(Mme Thériault) : Je vous ai bien entendu. J'ai le député de La Pinière
qui me fait signe qu'il... parce qu'il doit s'absenter mais qui a un petit
propos à ajouter.
M. Barrette : Oui, je
dois quitter, puis je tenais absolument, merci, Mme la Présidente, à faire ce commentaire-ci.
Le ministre nous oppose une chose qui m'époustoufle, là. Je suis époustouflé de
la chose. Il nous dit : Ici, on est dans les droits fondamentaux, donc ce
n'est pas nécessairement une bonne idée d'y attacher des notions de gratuité et
de délai. Mme la Présidente, là, si ce gouvernement-là considère que la loi n° 96 est si fondamentale pour le français, il me semble
que le droit exécutoire à la francisation devrait qualifier, qualifier par sa
gratuité et son délai d'accès à ladite francisation. Ça m'apparaît fondamental.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, M. le député de La Pinière. Donc, est-ce
que vous tenez toujours à votre suspension, Mme la députée? Parfait. Donc, nous
allons suspendre nos travaux, pour des discussions, quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons donc les travaux de la commission concernant le projet de loi
n° 96. M. le ministre, vous aviez déposé un amendement. Je vous passe la
parole pour la suite.
M. Jolin-Barrette : Oui. Avec
votre permission et celle des membres de la commission, Mme la Présidente, je
souhaiterais retirer l'amendement suite aux discussions que nous avons eues
pour en déposer un nouveau.
La Présidente (Mme Thériault) :
...consentement pour retirer l'amendement déposé par le ministre?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, l'amendement à l'article 6.1... l'article 4 mais
6.1 est retiré.
M. Jolin-Barrette : Et là
j'insérerais, Mme la Présidente, un nouvel amendement. Donc : À l'article
4 du projet de loi, remplacer, dans le présent alinéa de l'article 6.1 de la
Charte de la langue française qu'il propose, «prévus aux» par «prévus et
offerts en vertu des».
Donc, ça se lirait ainsi avec le texte
amendé : «Toute personne domiciliée au Québec a droit aux services prévus
et offerts en vertu des articles 88.11 et 88.12 pour faire l'apprentissage du
français.»
Et, dans le cadre des discussions que nous
avons eues, Mme la Présidente, on a convenu de faire le débat que nous avions
relativement à la gratuité et...
M. Jolin-Barrette : …ça se
lirait ainsi, avec le texte amendé : Toute personne domiciliée au Québec a
droit aux services prévus et offerts en vertu des articles 88.11 et 88.12
pour faire l'apprentissage du français. Et dans le cadre des discussions que
nous avons eues, Mme la Présidente, on a convenu de faire le débat que nous
avions relativement à la gratuité et relativement aux délais pour offrir les
cours à Francisation Québec. Mes collègues souhaitent faire un débat là-dessus
et également proposer des amendements, j'imagine, et on va pouvoir le faire à
l'article 88.11, parce qu'à l'article 4 ou 6 du projet de loi, c'est
un article qui est général, donc c'est sur les droits fondamentaux général,
donc les précisions associées à ça, relativement au mandat de Francisation Québec,
c'est préférable de le faire à 88.11, alors je m'engage à ce qu'on en redébatte
et qu'on fasse le débat à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez, je
suis d'accord avec le ministre et j'entends bien, donc, que nous ferons le
débat à 88.11. Implicitement, ça veut dire qu'on va se rendre à 88.11 et qu'on
va même aller plus loin, et le ministre a dit : Certainement, et que je
n'avais pas raison d'avoir… de craindre une éventuelle procédure d'exception,
ce que j'accueille avec grand enthousiasme, parce que j'aime beaucoup débattre
de ce projet de loi et je pense que c'est absolument vital et essentiel que
nous puissions parler de chaque article, quand on dit article par article, étude
détaillée, sans exagérer dans les détails, mais en étant très ferme sur les
précisions et la qualité du projet de loi. Ça va bien, on avance bien, donc je
suis prête à relever le pari de se rendre non seulement à 88, mais de se rendre
à 102. C'est-u ça? 102, je pense, articles. 202 articles.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : 88, c'est le
début, dans le fond.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, parfait.
Mme David : Donc, Mme la
Présidente, j'accueille favorablement l'amendement du ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
L'amendement. Parfait. Est-ce que j'ai d'autres commentaires sur l'amendement
du ministre? Pas de commentaires. On est prêts à mettre aux voix. Parfait.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que l'amendement présenté par le ministre à l'article 4
est adopté?
M. Jolin-Barrette : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, est-ce qu'il y a d'autres amendements à
l'article 4? Non. On est prêts à terminer la discussion sur
l'article 4. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui, M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : …l'article 4,
si j'ai bien lu, parle de «la personne domiciliée au Québec qui reçoit un… d'un
établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en
anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement du français.
Ma question au ministre : Pourquoi le domaine universitaire n'est pas là?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce sont les trois niveaux qui sont visés, ce sont des niveaux où est-ce
que la contribution de l'État, elle est importante, elle est grande, et ça
relève du réseau de l'État. Donc, à la fois du parcours obligatoire pour le
primaire, le secondaire, puis le collégial…
M. Jolin-Barrette : ...en
fait, ce sont les trois niveaux qui sont visés, ce sont les niveaux où est-ce
que la contribution de l'État, elle est importante, elle est grande et ça
relève du réseau de l'État, donc à la fois du parcours obligatoire pour le
primaire et le secondaire, puis le collégial qui est financé en grande partie
par l'État québécois. Donc, l'autonomie institutionnelle des universités est
distincte.
M. Bérubé : D'accord. Mais si
je suis cette logique-là, on pourrait parler du parcours de la Loi 101
dans le domaine scolaire, puis le collégial devrait s'appliquer aussi, là, si
je suis la même logique, là, du ministre. Alors...
M. Jolin-Barrette : Bien, ça,
c'est un autre débat, mais nous ce qu'on dit...
M. Bérubé : Qui va venir,
soyez-en assuré.
M. Jolin-Barrette :
J'imagine, j'imagine.
M. Bérubé : ...n'est-ce pas?
Entre nous.
M. Jolin-Barrette : Bien,
j'imagine que vous aurez l'occasion de faire des amendements pour faire en
sorte de mettre sous forme d'amendement la proposition que vous défendez.
M. Bérubé : D'accord. Donc, Mme
la Présidente, l'explication du ministre, qui explique que le domaine
universitaire n'est pas là, c'est le degré d'autonomie face à l'État. J'ai bien
compris?
M. Jolin-Barrette : Bien, il
y a le degré de proximité avec l'État, là, notamment relativement au
financement, mais également relativement à l'autonomie institutionnelle de
l'institution. Les universités ont une grande autonomie institutionnelle.
L'autre point également, vous aurez noté à
l'article 88.0.13 qu'un établissement d'enseignement universitaire
francophone doit veiller à ce que l'enseignement offert en français ne soit pas
donné dans une autre langue. Ça, on va le voir plus tard, là, dans la langue de
l'enseignement. Et... c'est ça.
Ça fait que l'objectif, c'est de faire en
sorte que, lorsque vous avez quelqu'un qui est dans le parcours scolaire, qu'il
soit primaire, secondaire ou collégial en anglais, bien, il puisse acquérir les
compétences langagières relativement à l'apprentissage du français et que les
cours soient de la qualité pour pouvoir s'exprimer. Donc, à l'université, dans
le parcours, supposons, là, pour une université anglophone ou université
francophone, vous n'avez pas nécessairement des cours de langue seconde non
plus. Ce n'est pas nécessairement dans le cadre du cursus du programme, alors
qu'exemple, au niveau collégial, au niveau primaire et secondaire, vous avez
des cours, dans le cursus, de langue seconde.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
ça tombe bien que le ministre évoque qu'on n'ait pas nécessairement des cours
de langue seconde dans les universités, parce que l'actualité de cette semaine
nous indique qu'à l'Université McGill, par exemple, des formations qui étaient
données pour apprendre le français ont été abolies au nom, notamment, de
l'indépendance de cette université qui dit : C'est une révision, c'est une
nouvelle vision et on abolit ces formations. Et les chargés de cours, Mme la
Présidente, pour votre information à vous, sont même sortis publiquement en
disant : On est prêts à descendre notre salaire pour offrir cette
formation essentielle. Puis l'Université McGill a dit : Bien non, on est
autonomes, on est indépendants, donc c'est nous autres qui décident. J'espère que
ça a choqué le ministre autant que nous.
Je note aussi que le ministre évoque...
M. Bérubé : …ces formations. Et
les chargés de cours, Mme la Présidente, pour votre information à vous, sont
même sortis publiquement en disant : On est prêts à descendre notre
salaire pour offrir cette formation essentielle. Puis l'Université McGill a
dit : Bien non, on est autonomes, on est indépendants, donc c'est nous
autres qui décident. J'espère que ça a choqué le ministre autant que nous.
Je note aussi que le ministre évoque
l'indépendance universitaire. Mais là c'est variable, là, cette conception-là
dans ce gouvernement. Parce que le gouvernement a décrété de lui-même une
commission pour se pencher sur la liberté de parole et l'indépendance
intellectuelle dans les universités, comité présidé par un ancien collègue à
moi, député de Lac-Saint-Jean. Là, ce n'est pas les universités qui décident,
c'est le gouvernement, mais, dans d'autres cas, il y a une indépendance
universitaire. J'avoue que je trouve ça particulier. Si c'est le cas, si les
universités sont totalement indépendantes, bien, le gouvernement n'aurait pas
lancé un exercice sur la liberté académique que dans les universités, comme il
l'a fait, là. Mais je présume qu'il avait d'autres objectifs en faisant ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien
entendu que la décision de McGill qu'ils ont prise est totalement répréhensible
et je crois qu'ils auront l'occasion de corriger le tir au cours des jours à
venir. Cela étant, l'argument que je faisais était à l'effet que ce n'est pas
dans le cadre du cursus. Donc, ce qu'on vise notamment, c'est les gens qui
étudient en anglais puissent avoir des cours de français qui leur permet
d'avoir une autonomie langagière en français, donc c'est la qualité des cours.
Et justement, par rapport à ce que nous disait le député de Sainte-Rose et le
député de Jacques-Cartier, il disait, dans le fond : Bien, il faut avoir
des outils, notamment pour permettre aux membres de la communauté anglophone
d'avoir une bonne connaissance de la langue française, d'avoir l'opportunité de
bien apprendre le français, et c'est le sens de l'alinéa 2 de 6.1 de
dire : Quand vous passez dans le réseau anglophone, vous avez le droit
d'avoir un bon apprentissage du français.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Bérubé : …je ne voudrais
m'arrêter en si bon chemin, parce qu'à chaque fois le ministre ajoute des
informations qui stimulent ma réflexion. Le ministre qui semble disposer
d'informations privilégiées semble indiquer que l'Université McGill va pouvoir
corriger la situation au cours des prochains jours. Alors, manifestement, soit
il a un dont de clairvoyance soit qu'il dispose d'informations privilégiées,
tant mieux si c'est le cas, c'est juste la normalité. Ceci étant dit, comme il
indique lui-même à l'effet qu'il n'est jamais trop tard pour corriger une
situation, je l'invite à communiquer avec sa collègue présidente du Conseil du
trésor pour bloquer le don du Royal Victoria à l'Université McGill. Et, s'il
était conséquent, en fait, si son gouvernement était conséquent dans la défense
du français et que les gestes comptent, tout comme moi, il s'opposerait au don
à l'Université McGill du Royal Victoria, qui est symbole épouvantable…
M. Bérubé : ...et, s'il était
conséquent, en fait, si son gouvernement était conséquent dans la défense du français
et que les gestes comptent, tout comme moi, il s'opposerait au don à l'Université
McGill du Royal Victoria, qui est un symbole épouvantable d'abandon
linguistique à Montréal. Ce n'est pas la première fois que j'en parle, je ne
suis pas le seul à en parler. Ça envoie un signal négatif quant à la volonté gouvernementale
de s'occuper pour vrai du français et de s'occuper de... pas de l'équilibre
linguistique, de la prédominance du français à Montréal.
Donc, je me permets au passage d'aborder
cet enjeu-là maintenant, ce qui n'était pas prévu. Mais comme le ministre parle
de McGill qui peut faire amende honorable, j'invite son gouvernement à en faire
autant, parce que, si je me retrouve à nouveau dans un projet de loi libéral
appuyé par la CAQ qui va faire en sorte de céder Royal Vic à McGill, je vous
garantis, Mme la Présidente, que je vais y retourner et que ça va être la même
chose que la dernière fois, je vais devoir le dénoncer haut et fort parce que
ça n'a aucun sens qu'un gouvernement qui se proclame nationaliste — ce
n'est pas un tiers qui l'a indiqué, là, c'est lui-même — puisse faire
une telle chose lorsqu'on parle ici de l'avenir de la langue française.
Alors, le Parti québécois sera peut-être
le seul à dénoncer ça, ce qui est manifestement le cas présentement. On va
continuer de le faire, Mme la Présidente, j'en informe le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est
bien noté.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est bien noté.
M. Bérubé : Merci. On compte
sur le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, est-ce que j'ai d'autres commentaires concernant l'article 4? Sinon,
je suis prête à mettre aux voix l'article 4 tel qu'amendé. Est-ce que
l'article 4, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. M. le ministre pour l'article 5. Je tiens par contre à
préciser qu'à l'article 5 on a 7.1, 8, 9, 10, 11, 12 et 13, et que j'ai
déjà trois amendements qui m'ont été envoyés, deux par le ministre et un par la
députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, on va laisser le ministre nous présenter
l'article dans sa totalité. Et, par la suite, au 7.1, qui est le premier
paragraphe, ça sera la députée de Marguerite-Bourgeoys qui pourra me déposer l'amendement
qui touche le premier sujet de l'article 5 au 7.1. Ça vous va? Donc, M. le
ministre, la parole est à vous pour la présentation de l'article 5.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, l'article 5, Mme la Présidente : Les articles 8 et 9 de cette
charte sont remplacés par les suivants :
«7.1. En cas de divergence entre les
versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un autre acte
visé au paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte
français prévaut.
«8. Les règlements et les autres actes de
nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, tels que les règlements municipaux, doivent être
rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français.
«Les organismes et les établissements
reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger, adopter et publier ces
actes à la fois en français et dans une autre langue; en cas de divergence, le
texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une autre langue.
«9. Une traduction en français...
M. Jolin-Barrette :
...doivent être rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français
«Les organismes et les établissements
reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger, adopter et publier
ces actes à la fois en français et dans une autre langue; en cas de divergence,
le texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une autre langue... que
celui dans une autre langue.
«9. Une traduction en français certifiée
doit être jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant d'une
personne morale.
«La personne morale assume les frais de la
traduction.
«10. Une version française doit être
jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais
par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un
intérêt pour le public.
«Tout autre jugement rendu en anglais est
traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu en français est
traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.
«11. L'article 10 s'applique, compte
tenu des adaptations nécessaires, à toute décision rendue dans l'exercice d'une
fonction juridictionnelle par un organisme de l'administration ou par une
personne nommée par le gouvernement ou par un ministre qui exerce une telle
fonction au sein d'un tel organisme.
«12. Il ne peut être exigé de la personne
devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle
sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française
estiment que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle
connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence.
«13. L'article 12 s'applique, compte
tenu des adaptations nécessaires, à la personne qui doit être nommée par
l'Assemblée nationale, par le gouvernement ou par un ministre pour exercer une
fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'administration.».
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Donc, pour le 7.1., Mme... Marguerite-Bourgeoys,
je vais... je vous demande de présenter votre amendement.
Mme David : J'aurais une question
à poser avant...
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui.
Mme David : ...au ministre.
Attendez, il faut que je trouve le bon papier. Je vous avertis, on tombe dans
un... dans du costaud, là, alors il y a eu beaucoup de préparation, mais il ne
faut pas se mélanger dans tout. C'est comme... ce n'est pas un amendement,
c'est vraiment une question. Il semble y avoir erreur, mais ce n'est peut-être
pas une erreur. La toute première ligne de l'article 5 dit : «Les
articles 8 et 9 de cette charte sont remplacés par les suivants», et selon
notre lecture ou notre compréhension, mais détrompez-moi si je me trompe, on
devrait plutôt lire : «Les articles 8 à 13 de cette charte sont remplacés
par les suivants», et non : «Les articles 8 et 9 de cette charte sont remplacés
par les suivants». Est-ce que je me trompe?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...dans
le fond, à la Charte de la langue française,les articles 10, 11, 12, 13
ont été abrogés. Donc, on ne vient pas les remplacer. Dans le fond, on vient
les insérer. Dans le fond, actuellement, là, la Charte de la langue française,
la loi 101 actuelle, là, avant le projet de loi 96...
Mme David : Oui, c'est
ça.
M. Jolin-Barrette :
...10, 11, 12, 13 n'existent plus.
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Ils
n'existent pas, comme il y a un vide.
Mme David : Et donc, ne
les nomme pas parce qu'ils n'existent plus. C'est ça?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : Donc, c'est
pour ça qu'il ne restait...
M. Jolin-Barrette : ...dans le
fond, on vient les insérer. Dans le fond, actuellement, là, la Charte de la
langue française, la loi 101 actuelle, là, avant le projet de loi n° 96...
Mme David : Oui, c'est ça.
M. Jolin-Barrette : ...10,
11, 12, 13 n'existent plus, ils n'existent pas, comme, il y a un vide.
Mme David : Et donc on ne les
nomme pas parce qu'ils n'existent plus, c'est ça?
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Donc, c'est pour
ça qu'il ne resterait que 8 et 9...
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est ça.
Mme David : ...puisque les
autres sont abrogés.
M. Jolin-Barrette : Quand
vous dites «les autres», vous faites référence à... les autres étant?
Mme David : Bien, vous avez
dit : Ils sont abrogés, là, 10, 11, 12, 13.
M. Jolin-Barrette : Actuellement,
là, dans la Charte de la langue française, là, vous avez les articles 1 à 9,
puis ensuite vous passez à 14.
Mme David : Donc, on n'a plus
besoin de référer à ceux qui sont déjà abrogés?
M. Jolin-Barrette : Non, parce
que...
Mme David : ...ils n'existent
plus, ils ont été...
M. Jolin-Barrette : Ils
n'existent pas. Dans le fond, en 1993, M. le député d'Argenteuil, l'ancien
ministre de l'Éducation...
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Ryan.
M. Jolin-Barrette :
...Ryan... c'est ça, désolé, c'est bien son nom... les a abrogés.
Mme David : O.K. C'est
correct, je voulais juste... Donc, je vais déposer un amendement, un premier
amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais vous demander de nous en faire la lecture, Mme la députée.
Mme David : O.K. Il est
déjà...
La Présidente (Mme Thériault) :
Il est déjà disponible pour les députés, oui...
• (17 h 50) •
Mme David : Ah! quelle
efficacité!
La Présidente (Mme Thériault) :
...puisque vous nous avez fait parvenir vos amendements. Donc, il est déjà
disponible.
Mme David : Tout à fait. Merci
beaucoup, formidable. Alors : L'article 5 du projet de loi est
modifié :
1° par le remplacement, dans
l'article 7.1 de la Charte de la langue française qu'il introduit, des mots
«que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre
convenablement, le texte français prévaut» par les mots «nécessitant l'usage
des règles ordinaires d'interprétation législative par un tribunal, la version
française sera présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur»; et
2° l'ajout, à la fin de l'article 7.1
de la Charte de la langue française qu'il introduit, de l'alinéa suivant :
«Cette présomption peut être réfutée par
toute preuve contraire.»
Commentaires. L'article 7 de la Charte de
la langue française, introduit par le projet de loi tel qu'amendé, se lirait
ainsi:
7.1. En cas de divergence entre les
versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un [...] acte
visé au paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte
français prévaut, nécessitant l'usage de règles ordinaires d'interprétation
législative par un tribunal [...], la version française sera présumée correspondre
le mieux — et il y a une petite erreur dans «correspondre», il manque
un «r» — à l'intention du législateur.
Cette présomption peut être réfutée par
toute preuve contraire.
Alors, on tombe dans nos beaux articles,
133, Blaikie, etc. Comme nous le savons, la Cour suprême, dans Blaikie, affirme
que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît au français et
à l'anglais un statut officiel. Alors, on a des citations de l'Association du
Barreau canadien...
Mme David : …alors, on tombe
dans nos beaux articles 133, Blaikie, etc. Comme nous le savons, la Cour
suprême, dans Blaikie, affirme que l'article 133 de Loi constitutionnelle
de 1867 reconnaît au français et à l'anglais un statut officiel. Alors, on a
des citations de l'Association du Barreau canadien, évidemment, le Barreau du
Québec qui est venu nous le dire, et d'autres constitutionnalistes, entre
autres. Donc, les versions anglaises et françaises d'une loi du Québec font
toutes deux autorité. Notons que, depuis 1977, la Loi d'interprétation du
Québec prévoit ceci à son deuxième alinéa : «Les lois doivent
s'interpréter, en cas de doute, de manière à ne pas restreindre le statut du
français.» Cet article n'a jamais été invalidé par les tribunaux, notamment en
raison du fait qu'il n'est pas ou très peu utile aux tribunaux. Ça, c'est dit
par le Barreau, c'est dit par d'autres, ça n'a pas vraiment souvent… l'enjeu ne
s'est pas présenté souvent. La… je cherche, excusez, une façon ici plus simple
de le dire. Donc, comme indiqué dans le mémoire du Barreau du Québec, la
prépondérance ainsi donnée à la version française par le projet de loi pourrait
être considérée comme visant à nier le statut d'égalité des versions françaises
et anglaises d'une loi ou d'un règlement, ce qui contreviendrait, évidemment, à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il faut donc être
prudents avec ce type de dispositions.
Donc, dans le cas d'une divergence entre
la version française et anglaise d'une loi, le tribunal utilisera les règles ordinaires
d'interprétation législative établies en droit québécois. Dans cette
interprétation, un critère que le juge devra évaluer est l'intention du
législateur. Il s'agit d'un critère parmi d'autres, comme le contexte
législatif, l'objet de la loi ou le texte, etc. La modification proposée — donc
celle que nous proposons dans notre amendement — permettrait au
tribunal, dans l'analyse de l'intention du législateur, de présumer… et j'ai
compris dans mon petit cours de droit 101 que présumer puis réputer, c'est
très différent, donc présumer que la version française est celle qui correspond
le mieux à l'intention du législateur. L'utilisation du terme «présumer» fait
naître une présomption légale. Or, cette présomption ne doit pas être absolue.
Toute preuve contraire pourra permettre, et c'est de là le dernier alinéa de la
preuve contraire… toute preuve contraire pourra permettre à une partie devant
les tribunaux de démontrer que le juge doit préférer la version anglaise de la
loi.
Donc, on part de la version française, on
présume, puis là, bien, si on veut contester, on peut contester, mais il faut
démontrer que, non, non, non, la version anglaise serait mieux. Cette preuve
peut être faite à l'aide des travaux parlementaires, des commentaires du
ministre, du contexte de l'adoption de la loi et de toutes les autres façons.
Donc, il est important, selon nous, de
laisser la possibilité à toute personne de réfuter cette présomption légale, le
tout afin de respecter l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867
qui exige l'égalité des versions française et anglaise de la loi. Donc, pour
dire, bien, de façon peut-être que moi, je me simplifie dans ma tête…
.
Mme David : ...à toute personne
de réfuter cette présomption légale, le tout afin de respecter l'article 133 de
la Loi constitutionnelle de 1867 qui exige l'égalité des versions française et anglaise
de la loi.»
Donc, pour dire, bien, de façon peut-être
que moi, je me simplifie dans ma tête, l'arrêt Blaikie était vraiment très
important. L'égalité des deux langues, si on veut, devant la loi, et de dire
que la version anglaise et française... de dire, avec l'article qu'on est en
train d'étudier, que la version française prévaut, c'est : attention,
attention, article 133.
Alors, ce que nous, on propose, c'est
justement de dire que l'article 133 pourrait donc être un motif de
contestation. Alors, on dit, bien, de dire que la version française sera
présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur. On présume ça,
mais en disant : Cette présomption, étant donné qu'on est dans une société
de droit, peut être réfutée par toute preuve contraire, mais au moins il y a
une présomption que la version française corresponde le mieux à l'intention du
législateur.
Qu'est-ce que le Barreau nous dit? Le Barreau
va nous dire, dans son mémoire : «Nous considérons qu'il est peu probable,
en utilisant les principes d'interprétation généralement admis, qu'une
divergence entre la version française et anglaise ne puisse se
résoudre — autrement dit, on finit à peu près toujours par
s'entendre, il y a eu très peu de cas — et qu'il n'est donc pas
nécessaire de prévoir une telle mesure dans le projet de loi.» Donc, selon le
Barreau, ça ne devrait même pas exister, cette mesure-là, de dire que la
version française prévaut. Il dit : «D'ailleurs, la prépondérance donnée à
la version française par le projet de loi pourrait être susceptible de nier le
statut d'égalité des versions française et anglaise d'une loi ou d'un règlement
consacré au fameux article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.»
Alors, qu'est-ce qu'on fait ici, Mme la
Présidente? Parce que je veux juste peut-être vous dire aussi, l'Association du
Barreau canadien, version Québec, ou branche du Québec, ou section Québec, qui
dit : «Une telle prépondérance — donc, de la version
française — semble incompatible avec le statut d'égalité des versions
française et anglaise des actes de la législature du Québec prévu où? À
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.» Puis là il cite la
Cour suprême dans l'arrêt R. versus Quesnelle.
Alors, ils disent : «Nous soulignons
l'incongruité apparente entre l'article 7.1 proposé et l'actuel
paragraphe 7.3 de la charte, qui n'est pas modifié par le projet de loi et
qui prévoit que les versions française et anglaise des textes visés aux
paragraphes 1° et 2° de l'article 7 ont la même valeur juridique. D'un
point de vue de réforme cohérente du droit, nous notons que la proposition de
faire primer la version française sur la version anglaise en cas de divergence
s'inscrit en porte-à-faux avec les efforts mis en oeuvre au fil des dernières
années afin d'améliorer la concordance, sur le fond du droit, entre les textes
anglais et les textes français de lois du Québec. Il est difficile de ne pas
être préoccupé par le risque que la prépondérance qui serait conférée...
Mme David : …française sur la
version anglaise, en cas de divergence, s'inscrit en porte-à-faux avec les
efforts mis en oeuvre au fil des dernières années afin d'améliorer la
concordance, sur le fond du droit, entre les textes anglais et les textes
français de lois du Québec.
«Il est difficile de ne pas être préoccupé
par le risque que la prépondérance qui serait conférée à la version française
pourrait avoir pour conséquence d'éroder, avec le temps, l'importance des
efforts consacrés par la législature du Québec à l'adoption de versions
française et anglaise des lois et règlements qui soient les plus concordantes
possible.»
D'où notre proposition, notre humble
proposition, de dire que la version française sera présumée correspondre le
mieux à l'intention du législateur, mais cette présomption peut être réfutée
par toute preuve contraire. Est-ce que c'est couper la poire en deux? Est-ce
que c'est essayer d'aider le ministre à dire qu'on va garder une certaine
présomption du côté de la version française, mais sans aller de façon aussi
frontale avec la version française, qui serait la plus, disons, la principale…
comme c'est dit, le texte français prévaut? On essaie de trouver un juste
milieu qui n'affronte pas trop directement la question de l'article 133 de
la Loi constitutionnelle.
Je suis sûre qu'ils ont pensé à tout. Ils
ont des juristes formidables. Ils ont des constitutionnalistes. Mais quand même
le Barreau, l'Association du Barreau canadien, d'autres constitutionnalistes — on
ne les citera pas nécessairement tous maintenant — ont tous la même
inquiétude qu'on s'en va frontalement avec une contestation constitutionnelle à
travers l'article 133.
Alors, voici notre humble contribution à
cet article-là en proposant quelque chose qui serait un peu mitoyen en
disant : La version française sera présumée correspondre le mieux. Mais le
mot «présumée» veut dire que ça peut être réfuté, donc il peut y avoir un
débat, où là, bien… auquel cas, un juge tranchera. Mais on nous dit partout que
ce n'est à peu près jamais arrivé, donc on se demande pourquoi emprunter ce
sentier peut-être un peu dangereux, peut-être un peu risqué par rapport à
l'article 133. Pourquoi faire ça, alors que les choses ont l'air… Et je
répète ce qu'on a lu de gens qui ont… qui s'y connaissent évidemment, ont l'air
d'aller assez bien dans ce domaine-là. Donc, les gens sont un peu surpris de
cette prépondérance de la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, il y a plusieurs choses qui ont été dites, et essayons de débroussailler
tout ça.
Bon, dans un premier temps, il existe
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Et, bon, les différents
arrêts, notamment dans Blaikie, 79, 81, les principes sont établis.
Donc, ce que 133 nous dit, c'est que les lois de la législature du Québec,
donc de l'Assemblée nationale du Québec et du…
18 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette :
…de 1867. Et, bon, les différents arrêts, notamment dans
Blaikie, 79, 81, les principes sont établis. Donc, ce que 133
nous dit, c'est que les lois de la législature du Québec, donc de l'Assemblée
nationale et du Parlement fédéral, sont adoptées dans les deux langues. Donc,
le processus, ici, même si on étudie les lois en français, ultimement, les lois
sont sanctionnées en anglais et en français, donc les lois… les deux ont la
valeur légale.
Les principes d'interprétation en droit
font en sorte que les lois sont interprétées les unes par rapport aux autres,
la version anglaise, la version française, donc, dans les différentes
interprétations. Le juge, lorsqu'il y a un conflit qui est porté devant lui… ça
vient faire en sorte que le juge regarde la version et, dans le cas du doute,
si ce n'est pas clair, il peut aller se référer soit à la version anglaise,
soit à la version française, tout ça.
Il arrive, par contre, que le juge se
retrouve dans une situation, après les règles d'interprétation ordinaires qui
existent, arrive devant une situation qui, comment on dit… dans une impasse, le
juge n'est pas capable de connaître la véritable intention du législateur. À
partir de ce moment-là, en matière judiciaire, souvent, ce qui arrive, c'est
que le juge va venir réécrire la disposition alors que ce n'est pas le rôle du
magistrat de réécrire une disposition, le rôle d'écrire les lois, c'est le rôle
du législateur. Alors, parfois, il arrive qu'en cas de conflit ou en cas
d'absence de, comment je pourrais dire, de résultat, un coup que toutes les
règles d'interprétation ont été faites l'une par rapport à l'autre,
l'interprétation téléologique, l'interprétation large et libérale de
l'interprétation des lois et des règlements, on se retrouve où le juge,
lorsqu'il est dans une impasse, bien, il se retrouve lui-même à dire :
Bien, finalement, c'est ça que ça veut dire.
Sauf qu'un coup que tout a été analysé
selon les règles et les pratiques judiciaires, il reste un espace pour
dire : Écoutez, M. le juge, lorsque vous ne réussissez pas par les
règles d'interprétation régulières à trouver le sens que le législateur a voulu
dire… Si jamais c'est le cas, bien, on lui dit : Écoutez, au bout du
processus… donc les deux lois sont égales, donc les deux versions sont égales,
mais si vous arrivez dans une impasse, vous pourrez, à ce moment-là, regarder
le texte français et regarder l'intention du législateur en français, mais
uniquement lorsque les règles normales d'interprétation des lois n'amènent pas
à un résultat qui permet de conclure, plutôt que le juge lui-même rédige ou
vienne indiquer ou vienne écrire ce que voulait dire l'intention du
législateur.
Donc, on donne un outil supplémentaire
d'interprétation au juge, par le biais de l'article 7.1. Et d'ailleurs, ça
réfère à la loi de Robert Bourassa, en 74. C'était la loi n° 22? Oui,
c'est ça…
M. Jolin-Barrette : ...ou
viennent indiquer ou viennent écrire ce que voulait dire l'intention du
législateur. Donc, on donne un outil supplémentaire d'interprétation au juge
par le biais de l'article 7.1. Et d'ailleurs, ça réfère à la loi de Robert
Bourrassa en 74, c'était la loi n° 22? Oui, c'est ça,
la loi n° 22. Quand Robert Bourrassa a mis en place
la loi n° 22, l'article 2 de la loi
disait : «En cas de divergence, que les règles ordinaires d'interprétation
ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec
prévaut sur le texte anglais». Donc, en 1974, Robert Bourrassa, c'est ça qu'il
dépose dans le projet de loi n° 22.
Donc, c'est ça. Ça fait que tout ça est
sous réserve de l'article 133. 133, c'est le plancher, et là, à partir de ce
moment-là, on vient... le juge vient interpréter les textes ensemble. Mais, ultimement,
lorsqu'il est en conflit puis il ne réussit pas à résoudre le tout, on lui dit :
Écoutez, vous avez fait tout votre travail d'interprétation, mais voici... le
législateur indique : Voici la dernière étape que vous devez faire avant
de rédiger la disposition, c'est qu'on dit que le texte français prévaut
lorsque les règles d'interprétation ne permettent pas d'arriver à une solution.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Oui. Alors, pourquoi
le Barreau, l'Association du Barreau canadien sont si inquiets et disent :
Il n'y en a pas de problème, on règle un problème qui n'existe à peu près pas?
Puis le Barreau nous amène sur le mot «convenablement». Et je trouve ça fort
intéressant. Ils disent : «La prépondérance ainsi donnée à la version française — je
lis le mémoire du Barreau — par le projet de loi pourrait être
considérée comme visant à nier le statut d'égalité des versions françaises et
anglaises d'une loi ou d'un règlement, ce qui contreviendrait à
l'article 133. Au surplus, l'article 7.1 semble trop vague et
imprécis puisqu'il indique que le texte français prévaudra lorsque la
divergence ne sera pas résolue convenablement». Ça, j'aime ça, ces choses-là,
moi, parce qu'effectivement, ça veut dire quoi «convenablement»? Ils n'en sont
pas venus au coût? Ou, je ne sais pas ce que ça veut dire, d'être résolue
convenablement. Alors, ils disent : «En se référant au test de la
résolution de convenable, ceci risque de créer de nombreux litiges inutiles
basés sur une notion non juridiquement définie».
Alors, évidemment qu'ils trouvent que ça n'a
pas beaucoup de bon sens et que ça pose beaucoup de difficultés. Et il cite, et
là je m'en souviens parce que ça a été cité par d'autres, le fameux... un
auteur, là, qui date de 1983, qui est mort en 1985, Driedger, je pense.
M. Jolin-Barrette : J.A.
Driedger.
Mme David : J.A. Driedger.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
J.A., ce fameux J.A.
Mme David : Ce n'est pas... un
nom qu'on connaît, c'est J.A. Driedger.
M. Jolin-Barrette : ...non.
Mais, en fait, je ne pense pas que Driedger est... Il est européen, non, Éric?
Mme David : En tout cas, il
est... on l'a cherché, mais il est malheureusement décédé en 1985. Mais il
semble avoir un livre que les gens aiment beaucoup qui s'appelle Construction
of Statutes, dont la seconde édition a été publiée en 83. Le Pr Elmer
A. — ce n'est pas J.A., c'est E.A. — Elmer A. Driedger a...
Mme David : ...on l'a cherché,
mais il est malheureusement décédé en 1985. Mais il semble avoir un livre que
les gens aiment qui s'appellent Construction of Statutes, dont la
seconde édition a été publiée en 83. Le Pr Elmer A. — ce n'est
pas J.R., c'est E.A. — Elmer A. Driedger a proposé une synthèse de
ces principes classiques. Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou
solution, il faut lire les termes d'une loi. Alors, on imagine le juge avec...
il y a deux versions, puis là c'est laquelle des deux il faut... Donc, il faut
lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens
ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la
loi, l'intention du législateur. C'est là qu'on parle : Qu'est-ce que
c'est que le ministre, il voulait par cette loi? Comment il a vu... Bon. Alors,
c'est ce qui occupe le pain et le beurre des juristes, là, de faire... Bon, ça
devrait être ça. Alors, il ne dit pas seulement le sens ordinaire, grammatical
de ce qui est écrit, mais c'est l'esprit plus général.
À maintes reprises, la Cour suprême du
Canada a affirmé que le principe moderne de Driedger constitue la façon
adéquate d'interpréter les lois, quels que soient leur nature et leur domaine
d'application. Alors, il revient après... ils reviennent à l'article 41 de
la Loi d'interprétation : «Toute disposition d'une loi est réputée avoir
pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations, de favoriser
l'exercice des droits ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque
avantage — bon. Une telle loi reçoit une interprétation large,
libérale — j'aime bien le mot "libérale" — qui
assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ces prescriptions
suivant leurs véritables sens, esprit et fin.»
Alors, j'ai comme l'impression qu'on est
dans... comme dit le Barreau : «Il est peu probable qu'en utilisant ces
principes d'interprétation une divergence entre la version française et
anglaise d'une loi ne puisse se résoudre.» Alors... Et ils s'interrogent, eux,
sur la contradiction entre le 7.1 et le 7.3 de l'actuelle Charte de la langue
française, qui n'est pas modifié, qui dit : «Le français est la langue de
la législation et de la justice au Québec, sous réserve de ce qui suit», puis
là, bon, bien, on dit : «les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique».
Alors, je trouve que c'est un beau débat
de juristes, là, auquel on est conviés, là, c'est... L'article 7.3, si ça
a la même valeur, si les gens normalement sont capables de s'entendre entre
deux versions en prenant, justement, l'esprit de ce que le Pr Driedger a
dit qu'il faut prendre, l'esprit de la loi, l'objet de la loi, l'intention du
législateur, qu'il faut tenir compte de la nature du domaine d'application puis
que ça soit... comprendre les véritables prescriptions du sens, de l'esprit et
des objectifs, qu'est-ce qu'il reste comme enjeux si ce n'est que, je ne sais
pas, pourquoi vous être attardés sur un problème que les juristes semblent ne
pas trouver qu'il existe? Est-ce un faux problème?
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est un vrai problème. Et il s'agit d'un geste d'affirmation du pouvoir
législatif. Et ça, c'est fort important parce que vous l'avez bien dit...
Mme David : …que les juristes
semblent ne pas trouver qu'il existe? Est-ce un faux problème?
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est un vrai problème, et il s'agit d'un geste d'affirmation du pouvoir
législatif. Et ça, c'est fort important. Parce que, vous l'avez bien dit, avec
les principes de Driedger ou ceux de Philippe-André… P.-A. Côté, P.-A.
Côté — j'oublie son petit nom — sur le volume l'Interprétation
des lois — moi, c'était troisième édition, je
crois — vous l'avez bien dit, il y a les principes d'interprétation
généraux. Là on se retrouve dans une situation où le texte français et le texte
anglais ont la même valeur juridique. Ça, c'est la base, hein, c'est ce que
nous dit la charte, c'est ce que nous dit 133 aussi de la Loi constitutionnelle
de 1867. Ça fait que les deux textes ont la même valeur juridique. Là on
est dans une situation où il y a un conflit entre les deux versions, entre
la version française et la version anglaise. Là, à partir de ce moment-là, le
juge qui est dans sa salle de cour ou dans son bureau, qui a à interpréter, il
va regarder les deux versions, et là il va avoir toutes les approches de
Driedger, l'interprétation contextuelle, tout ça, pour voir qu'est-ce que le
législateur veut dire, quelle était l'intention du législateur. Alors, vous
avez toutes les couches d'interprétation, tous les principes.
Ce que l'article 7.1 dit, c'est qu'à
partir du moment où le juge est dans un cul-de-sac, est dans une impasse, le
législateur lui dit : Attention. Avant vous-même, M. le juge, de réécrire
la disposition et de dire : C'est ça que ça veut dire — parce
que ce n'est pas le rôle du juge de faire les lois, là-dessus, j'espère qu'on
s'entend, c'est le rôle de l'Assemblée nationale, c'est le rôle des
élus — on lui dit : Écoutez, puisque les règles d'interprétation
ne vous permettent pas d'arriver à une solution qui est rationnelle, à une
interprétation rationnelle et raisonnable…
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Convenable.
M. Jolin-Barrette :
...convenable en fonction des règles, vous regardez le texte français, et cette
version française là saura vous éclairer pour interpréter la loi et rendre
votre jugement. Et ce qu'on fait, c'est qu'on vient occuper un espace pour le
législateur et on vient dire à la magistrature, on vient dire au pouvoir
judiciaire : Écoutez, avant d'exercer un pouvoir de réécriture des lois
qui ne sont pas conférées au pouvoir judiciaire, mais qui sont plutôt conférées
au législateur, voici les étapes à suivre dont vous avez les principes de base,
mais il y a quand même un espace qui est vacant que le législateur québécois, en
termes d'interprétation des lois, vient occuper. Donc, les deux lois ont la
même valeur légale, les deux lois doivent être interprétées les unes par
rapport aux autres... les deux versions, pardon, pas les deux lois, les deux
versions d'une loi, anglais, français, et là vous avez l'ensemble des principes
juridiques d'interprétation, et là on dit : Ultimement, ultimement, vous
ne pouvez pas interpréter convenablement le conflit, vous ne pouvez pas
résoudre le conflit convenablement. Alors, à ce moment-là, on dit que le texte
français prévaut parce que c'est le texte français... notamment au Québec,
c'est la langue officielle. Donc, c'est le sens.
Et vous disiez... Pardon. La députée de...
M. Jolin-Barrette : …le
conflit, vous ne pouvez pas résoudre le conflit convenablement. Alors, à ce
moment-là, on dit que le texte français prévaut parce que c'est le texte français…
notamment, au Québec, c'est la langue officielle. Donc, c'est le sens.
Et vous disiez… pardon, la députée de Marguerite-Bourgeoys
disait : Est-ce qu'il y a un problème? Ce n'est pas à toutes les semaines
qu'il y a un problème, tu sais, parce que les juristes de l'Assemblée nationale,
les juristes de l'État, les légistes font un excellent travail, mais ça peut
arriver parfois qu'il y a des conflits puis que les deux versions ne disent pas
la même chose.
Alors, dans ces situations particulières
là… et surtout on ne peut pas prévoir le futur non plus, alors c'est un article
qui vient affirmer très clairement et verrouiller, dans le fond, le pouvoir
d'interprétation et qui vient dire : Bien, le facteur de rattachement que
vous devez avoir, il est ultimement sur la version française, et la
Constitution nous permet d'avoir cet espace-là.
Alors, je suis d'accord avec vous, dans la
majorité des cas, il n'y a pas d'enjeu parce que le juge va pouvoir
interpréter, en fonction des règles d'interprétation, la version anglaise par
rapport à la version anglaise. C'est dans de très rares cas qu'arrivent
certaines problématiques. Mais ce qu'on dit aux juges, c'est qu'ultimement,
plutôt que, vous, d'exercer un pouvoir de rédaction législative qui appartient
aux législateurs, vous devez vous référer à la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
Mme David : Pourquoi la
version française serait présumée… mais même pas présumée dans ce cas-ci. Là,
on pourrait dire «réputée» dans votre cas, «présumée» dans le mien. Moi, je
propose un amendement où on parle de «présumée», mais, dans le fond, vous, je
réalise que vous faites plus référence au concept de «réputée», puisque la
version française va prévaloir dans la loi d'emblée, il n'y a pas de
discussion. Nous, on propose «présumée» pour qu'il puisse y avoir, justement,
un débat. Pourquoi prendre pour acquis, première question, que la version française
est mieux faite que la version anglaise? Première des choses.
Deuxième des choses, à quel moment le juge
va convenir que c'est… que ça ne se résout pas de façon convenable? J'aimerais
que vous me décriviez ce que ça veut dire, «convenable».
Et puis, troisièmement, s'il n'y avait pas
eu le projet de loi n° 96, là, qu'est-ce qui arrivait à ce problème-là? On
l'aurait… Est-ce qu'un ministre de la Justice, et non pas un ministre
responsable de la Langue française, aurait fait ou aurait introduit, dans un
autre projet de loi qui n'a rien à voir avec le français, cette disposition-là?
Ou c'est parce que c'est un projet de loi sur le français et que vous avez l'autre
base… Il y a l'article 133, qui est le plancher, mais l'autre plancher aussi,
c'est la souveraineté parlementaire, on entend bien ça, puis c'est dans un
projet de loi sur la protection de la langue française. Alors, est-ce que c'est
plus le ministre de la Justice qui veut répondre à un problème de…
Mme David : ...en français
et que vous avez l'autre base. Il y a l'article 133 qui est le plancher,
mais, l'autre plancher aussi, c'est la souveraineté parlementaire, on entend
bien ça, puis c'est dans un projet de loi sur la protection de la langue
française. Alors, est-ce que c'est plus le ministre de la Justice qui veut
répondre à un problème de justice ou si c'est le ministre de la Langue
française qui veut mettre du muscle dans une version qu'il va présumer, lui,
être meilleure en français parce que c'est en français sans autre forme de
possibilité, puisque c'est réputé plutôt que présumé, de contestation?
Et troisièmement, le mot «convenable» ça
veut dire quoi? Vous avez dû réfléchir longuement au mot «convenable». Moi,
j'aurais de la misère à est-ce qu'un juge anglophone convenable va être
différent d'un juge francophone. Est-ce qu'un juge d'un certain âge, un juge
d'une certaine approche... Alors, ça veut dire quoi, «convenable»?
Alors, j'ai... je suis consciente que j'ai
plusieurs questions à ma question, mais c'est un peu tout ça qui... c'est pour
ça que j'aime mieux mon amendement : «La version française sera présumée
correspondre le mieux à l'intention du législateur.» Et ça va revenir souvent
dans le projet de loi, le «réputé» puis le «présumé», là, vous l'avez deux
fois... au moins deux fois, mais pas les moindres. Dans les ordres
professionnels réputés...
M. Jolin-Barrette : Mais
je n'appelle pas ça souvent.
Mme David : Bien, non,
mais c'est parce que c'est des gros «réputé», mettons.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme David : C'est des
«réputé» qui font réfléchir beaucoup et qui ont fait réagir aussi. Alors, je ne
pense pas me tromper, il n'y a pas écrit le mot «réputé», là, mais c'est
l'équivalent, je pense, sémantique du mot «réputé» ou même juridique du mot
«réputé» quand le projet de loi dit carrément que c'est le texte français qui
prévaut, «that's it, that's all».
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mais là il n'y a pas de présomption. Là, c'est différent des autres articles.
Bon. À la base, là, dans le fond Robert Bourassa, en 74, il vient
dire, il vient édicter... un gouvernement libéral, une bonne chose, qui vient
dire : La langue officielle de l'État québécois, c'est le français. Le
projet de loi n° 22 ou, à l'époque, bill 22, vient dire : La
langue de l'État québécois, c'est le français. Il vient également dire que la
version française prévaut dans les lois.
Ce que nous faisons, c'est notamment un
geste d'affirmation. Que je porte mon chapeau de Justice ou que je porte mon
chapeau de Langue française, ils peuvent être confondus les deux, j'aurais la
même position étant l'un ou étant l'autre et n'ayant pas les fonctions
cumulatives, ça serait la même position. Dans l'interprétation des lois, il
peut arriver qu'il y ait un vide juridique et c'est ce vide juridique là qu'on
vient combler en disant, bien entendu, la version française et la version
anglaise ont la même valeur juridique, c'est prévu dans la Charte de la langue
française.
Par contre, il peut y arriver que les deux
versions… il y ait une divergence, entre les deux. À partir de ce moment-là, si
le juge, après avoir passé à travers les différentes règles d'interprétation,
il se retrouve devant rien…
M. Jolin-Barrette : … Par
contre, il peut y arriver que les deux versions, il y ait une divergence entre
les deux. À partir de ce moment-là, si le juge, après avoir passé à travers les
différentes règles d'interprétation, il se retrouve devant rien, il n'est pas
capable de dire : Bien, comment je réconcilie les deux versions? Règle
générale, il va être en mesure de réconcilier les deux versions. Mais, dans
l'éventualité où il ne réussit pas à réconcilier les deux versions, parce que
la loi dit : Un chat noir, puis «the bill says : a white cat», O.K.,
là, le juge va passer à travers ça, il va regarder les deux versions, version
française, version anglaise…
Mme David : …je voulais savoir
si c'était là, dans la loi n° 22…
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon,
dans la loi n° 22…
Mme David : Ça a été abrogé,
puisque vous sentez le besoin de revenir. Il va falloir que j'aille revoir la loi
n° 22 de l'époque pour voir comment c'était.
M. Jolin-Barrette :
L'article 2 disait : «En cas de divergence que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français
des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.»
Mme David : Ça, c'est la loi
n° 22?
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est
la loi n° 22, 1974.
Mme David : Puis ça a disparu?
M. Jolin-Barrette : Bien, ça
a disparu parce qu'en 1977, Camille Laurin, avec le Parti québécois, ce qu'ils
ont fait, et c'est les articles qui sont disparus, notamment…
Mme David : Ce n'était que la
langue française?
• (18 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...c'est
que la langue de la justice et la langue des tribunaux, c'était exclusivement
la langue française. Et vous vous souviendrez, là, il y a Blaikie qui arrive en
1979…
Mme David : Oui, qui dit non.
M. Jolin-Barrette :
…Blaikie 1, Blaikie 2, puis là ils ont dit : Bien, écoutez, non,
c'est 133 qui arrive, tout ça. Mais ça fait en sorte que la disposition de 1974
n'a jamais été invalidée par Blaikie, elle n'a pas été invalidée, et donc la
valeur de l'article 2 de la loi n° 22 est valable et peut être
insérée, parce qu'on vient affirmer la compétence du législateur pour
dire : Attention, M. le juge. Avant d'aller vous-même rédiger, alors que
ce n'est pas votre rôle en tant que juge de rédiger les lois... On se souvient
de la séparation des pouvoirs, l'exécutif, le législatif, le judiciaire. Eux,
leur rôle, c'est l'interprétation. Alors, on vient guider le juge à partir du
moment où les règles d'interprétation entre deux textes qui ne disent pas la
même chose, qui ne réussissent pas à résoudre convenablement... Sur le terme
«convenablement», ça vise... en sorte de trouver... d'avoir... d'interpréter le
texte d'une façon qui est raisonnable et qui est conforme à l'intention du
législateur, donc donner un sens. Que veut dire le sens? Est-ce que c'est
convenable? Est-ce que c'est ça qui était recherché par l'intention du
législateur? Dans l'interprétation que j'en fais, est-ce que c'est quelque
chose... Quand j'interprète la loi par rapport à la version anglaise et par
rapport à la version française, est-ce que c'est une approche qui est logique
dans l'interprétation que je vais donner à la disposition législative? Parce
que j'ai une version anglaise qui dit quelque chose puis j'ai une version
française qui dit quelque chose.
Mme David : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
...Mme la députée, c'est que...
M. Jolin-Barrette : ...par
rapport à la version anglaise et par rapport à la version française, est-ce que
c'est une approche qui est logique dans l'interprétation que je vais donner à
la disposition législative? Parce que j'ai une version anglaise qui dit quelque
chose puis j'ai une version française qui dit quelque chose.
Mme David : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée, c'est que, quand je vous ai mentionné le temps qui
vous restait, la longueur de la réponse du ministre ne touche pas votre temps.
Mme David : Donc, je peux le
laisser parler plus longtemps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce que je vois que vous voulez l'interrompre.
Mme David : Mais c'est parce
que j'avais peur que mon trois minutes soit fini.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, vous avez droit à 20 minutes puis le ministre a droit à
20 minutes. Et, à chaque fois qu'il fait une intervention, on peut
rajouter un cinq minutes. Donc, je vous invite à écouter sa réponse et à ne pas
le presser, puis, à ce moment-là, vous pourrez reprendre votre temps là où vous
serez rendue, sans aucun problème.
Mme David : Impécable.
La Présidente (Mme Thériault) :
La longueur de la réponse du ministre ne touche pas du tout au temps que vous
avez dans votre droit de parole.
Mme David : Me voilà rassurée.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
les juges, eux, ont plusieurs règles d'interprétation : la règle de
l'unité du texte, la règle de l'harmonisation avec les lois connexes, la règle
de la primauté du texte spécial, la règle de la primauté du texte postérieur,
la règle ejusdem generis, donc la règle relative aux choses du même genre, les
règles relatives à l'historique de la législation, l'approche théologique,
l'interprétation libérale, la méthode grammaticale et les arguments de textes,
la méthode systématique et logique ou les arguments de cohérence, dont la
méthode théologique, je vous l'ai dit, ou les arguments de finalité, puis
l'approche historique.
Alors, l'interprétation des lois en soi,
c'est quasiment une science. Tu sais, il y a plusieurs juristes qui l'ont fait
puis on apprend notamment à... puis la Cour suprême enseigne par rapport à ça,
comment est-ce qu'on doit interpréter un texte puis quelle est l'intention du
législateur.
Alors, dans la majorité des cas, le juge
va réussir à résoudre le conflit. Mais s'il ne réussit pas à le résoudre, le
conflit d'interprétation de texte entre la version anglaise et la version française,
il reste un espace. Avant que le juge, lui-même, se mette à rédiger ce qu'a
voulu dire le législateur, on lui dit : Référez-vous au texte français.
Mme David : Mais si c'est si
simple que ça, pourquoi les deux plus grandes associations de juristes vous
disent que ce n'est pas une bonne idée? Le Barreau, c'est quand même... vous
êtes membre du Barreau, tout le monde ici est membre... il y a plein de membres
du Barreau, et je sais bien que des juristes... il y a un arrêt de la Cour
suprême, c'est cinq contre quatre, donc il faut... ils n'ont pas la même
perspective, souvent, bon. Alors, tu as deux juristes, tu as deux lectures
complètement différentes. Mais, quand même, on dit souvent : Il faut se
fier... ou il faut écouter quand les gens nous parlent en consultations
particulières. Et là, il n'y a personne qui n'est venu dire que c'était donc
une bonne idée, puis que c'était formidable, et puis que... pour... en 1974,
etc., ils disent : Ce n'est pas une bonne idée, c'est trop vague, c'est
imprécis, il va y avoir des litiges, ça va être déclaré inconstitutionnel, etc.
Je me dis : Est-ce que c'est parce qu'ils voient des choses que vous ne
voyez pas ou ils s'inquiètent beaucoup de la question de l'article 133?
Pourquoi... Si vous les aviez devant vous, vous leur...
Mme David : ...ça va être
déclaré inconstitutionnel, etc. Je me dis : Est-ce que c'est parce qu'ils
voient des choses que vous ne voyez pas ou ils s'inquiètent beaucoup de la question
de l'article 133? Pourquoi... Si vous les aviez devant vous, vous leur
diriez qu'ils se trompent, tout le monde?
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous savez, lorsqu'on veut défendre le français, il y a des gestes qui
doivent être posés. Ça fait que ça, c'est le premier volet de ma réponse, mais
le deuxième volet sur... Je vais revenir au premier volet. Deuxième volet, en
tant que législateur aussi, on a un rôle à jouer également pour exercer le
pouvoir de législateur jusqu'à la finalité et occuper l'espace, notamment pour maintenant,
mais également pour le futur. Donc, les règles d'interprétation sont là, mais
on ne peut pas prévoir les situations, également, futures. Donc, on va venir
dire aux juges : Écoutez, un coup, là, que vous avez regardé les
différentes interprétations, les règles d'interprétation qui vous commandent, à
ce moment-là... et que vous ne réussissez pas à résoudre le conflit, vous avez
la possibilité de regarder le texte français.
Et surtout, à la fois dans le mémoire du
Barreau canadien et du Barreau du Québec, il y a un peu de confusion
relativement à 133 de la Loi constitutionnelle, que l'on respecte et qu'on va
continuer à respecter, et l'espace qui est disponible sur le plan législatif au
niveau des règles d'interprétation qui nous permet de venir ajouter ça. Parce
qu'à l'époque, lorsque M. Ryan est venu modifier la charte, bien, ils sont
revenus à Blaikie, mais ils n'ont pas référé au premier mandat de Bourassa,
bien, au deuxième mandat de Bourassa en 74 relativement à ça. Il aurait pu le
faire, mais il faut comprendre que le «Bill» 22 a été remplacé par la
loi 101 aussi.
Mme David : Oui, oui.
Mais, si c'est... En tout cas, ça m'inquiète un petit peu. Est-ce que des fois
vous ne vous dites pas dans le fin fond de votre tête : Bien, je vais
faire comme Camille Laurin puis je le dirai dans 20 ans : Je le savais que
ça serait contesté constitutionnellement puis que je perdrais, mais ça valait
la peine de l'essayer pareil? C'est ça que Camille Laurin s'est dit entre
autres devant Blaikie. C'est ça qui est arrivé exactement, là, sur la langue de
la justice.
M. Jolin-Barrette : Non.
Moi, je sais que c'est...
Mme David : C'est votre
consultant qui doit vous dire ce que vous avez dans votre tête des fois quand
vous vous couchez le soir... Vous êtes vraiment très complices, là.
Une voix : ...
Mme David : Parce que ma
question, c'était : Quand vous vous couchez le soir, là, vous n'avez pas
des fois cette impression que c'est un peu comme Camille Laurin qui
disait : Je le savais que... c'était évident... mais de toute façon ça
serait un pays indépendant, en 1980, référendum, etc., alors tout ça ne serait
plus important...
Mme David : …Quand vous vous
couchez le soir, là, vous n'avez pas, des fois, cette impression que c'est un
peu comme Camille Laurin qui disait : Je le savais, que c'était évident, que…
Mais de toute façon, ça serait un pays indépendant en 80, référendum,
etc., alors tout ça ne serait plus important.
M. Jolin-Barrette : Bien,
Dr Poirier ne m'a jamais bordé encore avant de me coucher, mais ça fait peut-être
partie des tâches connexes…
Non, pour moi, la disposition que nous
insérons, elle est constitutionnelle et j'en suis convaincu, parce qu'on
respecte en tout point l'article 133. Puis l'article 7 demeure
également, dans la Charte de la langue française, donc la valeur égale entre
les textes anglais et les textes français, donc, qui sont adoptés par l'Assemblée
nationale.
Mais il ne faut pas oublier, également,
que la langue de la justice puis la langue de la législation, c'est le
français, on vient affirmer ça, également, dans le projet de loi. On vient
affirmer… Par contre, tout ça est sous réserve de l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, ça fait que vous avez le 133 qui vient
garantir le tout.
Par contre, à partir du moment où vous
avez un conflit entre deux versions, la Cour suprême nous dit : Bien,
vous devez interpréter les textes, les uns par rapport aux autres, puis il y a
les méthodes d'analyse téléologique, puis il y a les analyses d'interprétation.
Mais ça arrive dans certains cas que le juge n'a pas le choix de réécrire la
disposition, pour dire : Les règles d'interprétation ne me permettent pas
d'arriver à une solution qui est convenable au niveau de l'intelligibilité du
texte, au niveau de l'interprétation du texte.
Alors là, c'est là que l'article 7.1
arrive et qui dit : Bien, écoutez, lorsque vous avez passé à travers tout
ce cheminement-là, hein, le texte français, le texte anglais sont égaux mais
ils ne disent pas la même affaire, les règles d'interprétation… après ça, quand
on est rendu à la fin du gâteau, là on dit au juge : Avant d'aller rédiger
la disposition, avant de réécrire la disposition, vous allez regarder le texte
français puis vous allez baser votre décision sur le texte français, donc…
Mme David : Donc, vous êtes
très confiant que ça n'entrave pas l'article 133 de la loi
constitutionnelle, et que ça ne sera pas soumis à des contestations
judiciaires.
M. Jolin-Barrette : Votre
question, c'est : Est-ce que ça va être soumis à des contestations
judiciaires?
Mme David : Vous êtes très
confiant, un, que c'est compatible avec l'article 133 et que, deux, ça ne
sera pas soumis à des contestations judiciaires.
M. Jolin-Barrette : Bien,
première question que vous me posez, oui, je suis convaincu que c'est
constitutionnel, et que nous avons la marge de manoeuvre, comme législateurs,
de faire ce geste.
Deuxième question : Est-ce que les
dispositions du projet de loi n° 96 ou de la loi 101 seront
contestées? Il appartient à toute personne de pouvoir contester une loi de l'Assemblée
nationale, parfois, on a même des juges qui contestent les lois de l'Assemblée
nationale.
• (18 h 30) •
Mme David : Mais je n'en
demandais… je ne demandais même pas d'être…
18 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : …est-ce
que les dispositions du projet de loi n° 96 ou de la loi 101 seront
contestées? Il appartient à toute personne de pouvoir contester une loi de
l'Assemblée nationale. Parfois, on a même des juges qui contestent les lois de
l'Assemblée nationale.
Mme David : Mais je n'en
demandais… je ne demandais même pas d'être convaincue, je vous demandais :
Êtes-vous confiant? Là, vous me répondez que vous êtes même convaincu, donc
vous êtes assez sûr de votre coup en cette matière-là, que vous respectez l'article 133
et que vous apportez une précision qui aurait probablement dû être apportée
bien avant…
M. Jolin-Barrette : À
l'époque.
Mme David : Dans les
différentes modifications.
M. Jolin-Barrette : Et même,
d'ailleurs, si Robert Bourassa l'a dit en 1974 avec la loi 22, je trouve
que ça émane également de sa vision et de son héritage. Le fait de dire que si Robert
Bourassa, lui, il considérait qu'au-delà des règles d'interprétation c'est la
version française qui prévaut, bien, je pense que c'est une bonne source
d'inspiration.
Mme David : Puis pourquoi la
loi 101 n'a pas retenu ça?
M. Jolin-Barrette : Bien, là,
écoutez, ça, je ne peux pas vous dire, je n'étais pas là.
Mme David : Bien, vous aimez
l'histoire. Moi, ça m'étonne un petit peu.
M. Jolin-Barrette : Mais on
aurait dû poser la question à M. Rocher.
Mme David : Ah! bien. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Je ne suis pas juriste, mais j'imagine que, quand on parle d'une
certaine confiance, qu'on ne risque pas d'atteindre… 133. C'est difficile
d'invoquer, comme le ministre a fait, le fait que les deux décisions et deux
arrêts de Blaikie ne se prononçaient pas sur les dispositions dans la loi
n° 22, qui… ces dispositions n'existaient plus, alors, d'ajouter comme
prétexte que Blaikie n'invalidait pas cette disposition de 22 et ne pouvait pas
invalider des sections qui n'avaient plus d'effet.
Je veux juste m'assurer que le ministre
est convaincu qu'aucunement la disposition proposée risque d'atteindre le
concept qui est au fond de l'article 133, de l'égalité. Parce qu'en quelque
part, est-ce qu'il ne constaterait pas qu'il est en train de, en quelque part,
réduire le seuil pour assurer que chaque juge aurait examiné de façon
exhaustive les deux versions? Actuellement, il n'y a pas de tel mécanisme de
prescrit pour faciliter à ce que les juges tranchent quand il y a une difficulté.
Alors, actuellement, j'imagine que les juges, en bonne et due forme, compte
tenu de tout ce qui est… toute la jurisprudence qui touche 133, trouvent une
façon de faire. Alors, en quelque part, deux questions préliminaires. Dans un
premier temps, comment est-ce qu'on s'assure qu'un juge, dans un tel cas…
18.30.56
M. Birnbaum : …tout ce qui est…
toute la jurisprudence qui touche 133, trouvent une façon de faire. Alors, en
quelque part, deux questions préliminaires. Dans un premier temps, comment
est-ce qu'on s'assure qu'un juge, dans un tel cas, aurait assuré un examen
exhaustif et clair des deux versions? Comment on assure ça pour établir que les
divergences dans les deux versions auraient été examinées, la jurisprudence
derrière ces deux versions, d'autres interprétations qui précédaient son
jugement auraient été réglées sans ce mécanisme, dans un premier temps? Et je
veux comprendre, quand le ministre suggère que, dans ces cas-là, le juge, actuellement,
est obligé de réinventer, de réécrire des dispositions, est-ce que c'est ça qui
se passe? Ou, actuellement, ils retournent, ils font une deuxième vérification,
ils font tout ce qu'ils peuvent faire pour trouver une façon légitime, dans
l'intérêt du processus, dans l'intérêt des intervenants qui sont touchés par
tout ça, ils ou elles trouvent la solution, actuellement?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais, dans
le fond, la question du député de D'Arcy-McGee, elle est bonne, parce qu'actuellement,
le processus qui se passe, là, quand les deux versions du texte ne disent pas
la même chose, version anglaise dit blanc, version français dit noir, à ce
moment-là, le juge, il s'assoit, puis il regarde les deux versions, puis il
utilise les règles d'interprétation qui sont de la doctrine, de la
jurisprudence également, pour voir quel est le sens, quelle est l'intention du
législateur par rapport à ça. Mais, lorsqu'il se retrouve dans une situation où
ce n'est pas logique, l'interprétation, puis, parfois, il doit venir lui-même
dire : Bien, le législateur a voulu dire ça, puis le texte aurait dû être
écrit comme ça. Donc, ça arrive, ça, dans le fond, que la disposition… le juge,
c'est l'équivalent qui agissait à titre de législateur, puis il fait en sorte
de réinterpréter la disposition, de la réécrire. Ça arrive dans certains cas.
Ce n'est pas fréquent, mais ça arrive. Alors, à ce moment-là, c'est à ce
moment-là qu'on dit : Attention! Avant de faire ça, avant d'agir comme un
législateur pour dire : Voici la disposition telle qu'elle devrait se
lire, c'est la version française que la personne devra regarder.
Sur la question de Blaikie, dans le fond,
la Charte de la langue française attaquait… dans la première version, la
première mouture de M. Laurin, attaquait l'article 133, dans le fond,
concrètement, contrevenait à 133, puis c'est ce que Blaikie est venu nous dire,
dans le fond, que, bon, 133 est là, puis vous ne pouvez pas faire… C'est pour
ça que les articles ont sauté. Par contre, sur la question de l'interprétation,
la commission Gendron disait que c'était possible de le faire, puis, parmi les
juristes…
M. Jolin-Barrette :
...s'attaquer à l'article 133. Dans le fond, concrètement, contrevenant à
133, puis c'est ce que Blaikie est venu nous dire dans le fond que, bon, 133
est là, puis vous ne pouvez pas faire. C'est pour ça que les articles ont
sauté.
Par contre, sur la question de l'interprétation,
la commission Gendron disait que c'était possible de le faire. Puis, parmi
les juristes, il y a Louis Bloomfield, Jean-Charles Bonenfant de
l'Université Laval, Pierre Patenaude de l'Université de Sherbrooke,
Henri Brun de l'Université Laval, Jean-K Samsonl'Université Laval
également qui avaient cette approche-là qui disait qu'on pouvait faire en sorte
de venir spécifier un coup que les règles d'interprétation sont passées puis
qu'on se retrouve dans ce cul-de-sac-là, dans cette impasse-là de dire, bon,
bien, la prochaine étape, le législateur a la possibilité de dire :
Regardez la version française. Mais c'est en bout de course ultimement. Mais je
suis d'accord avec vous que la majorité, très, très, très grande majorité, avec
les règles d'interprétation, le juge va réussir à interpréter l'intention du
législateur en faisant la concordance entre les deux textes puis en analysant
les débats, tout ça.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député.
M. Birnbaum : Il semble
qu'on veut que le seuil soit difficile à atteindre. On parle de respecter
l'administration de la justice à l'honneur et aux besoins des intervenants, des
gens touchés et l'administration de la justice.
M. Jolin-Barrette : Mais
le seuil, il est élevé, là. Ce n'est pas... le juge, il ne regarde pas les deux
versions puis il dit : Oui, tout ça, finalement je vais aller voir la
version française. Ce n'est pas ça, là. Les deux versions de la loi ont la même
valeur en vertu de 133, puis là on pourrait parler de 133, mais on n'est pas
dans une modification constitutionnelle de 133, puis il faut le dire aussi, là,
le Secrétariat aux relations canadiennes a produit une très bonne codification administrative,
Loi constitutionnelle de 1867 et du Canada Act de de 1982. Et ce qui est fort
intéressant, tu sais, on parle de la Constitution, on parle de 133, mais la Loi
constitutionnelle de 1867, elle n'est pas traduite, la Loi constitutionnelle de
1982 non plus. Donc, on est dans un pays où la Loi constitutionnelle de 1867,
l'acte fondateur, elle n'est pas dans la langue officielle du Québec.
Vous comprenez qu'il y a quand même un
malaise encore après 152, 153, 154? On est rendu... le Canada, ça fait combien
de temps?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : 155.
Oui, ça va faire 155, 155. Après 155 ans, les Québécois n'ont pas une
constitution dans leur langue officielle quand même, tu sais, quand même donc,
puis le français puis l'anglais sont les langues officielles du Canada. Bon.
Pour la particularité québécoise, la
langue officielle du Québec, c'est le français, il y a eu de nombreux débats,
il y a eu Blaikie, puis on ne revient pas puis on ne touche pas à 133. Puis on
aura l'occasion de le dire également lorsqu'on va faire la modification
constitutionnelle plus loin à l'article 158, 159, il me semble, du projet
de loi, bien entendu c'est en fonction de 133. Cela étant, pour
l'interprétation des lois, on réitère que les lois ont la même valeur...
M. Jolin-Barrette : …on aura
l'occasion de le dire également lorsqu'on va faire la modification constitutionnelle
plus loin à l'article 158, 159, il me semble, du projet de loi. Bien
entendu, c'est en fonction de 133. Cela étant, pour l'interprétation des lois,
on réitère que les lois ont la même valeur juridique, mais le juge, il ne passe
pas tout de suite pour dire : Bien, la primauté va à la version française.
Il doit faire tout le processus avec les règles d'interprétation, au niveau de
l'interprétation qui s'avère convenable.
M. Birnbaum : On est dans le
champ… 133. On va s'entendre, là. On va… Je comprends que le ministre... il
n'est pas en train de confectionner un amendement constitutionnel, mais on est
dedans le sujet. Je veux reprendre l'exemple du ministre de son chat noir,
«white cat». C'est un… Ça serait tout un problème, j'en conviens. Si on veut
parler de l'égalité des deux versions, «white cat», chat noir, ce n'est
pas pareil, mais j'imagine qu'il y aurait des conséquences que… d'une décision
d'un juge de trancher. Et là où on lui offre une voie, dans cette voie-là,
c'est le chat noir qui va survivre «and the white cat, I suppose, is finished.»
Ce n'est pas une petite chose. Et je… il y aurait des circonstances réelles
attachées à ces deux exemples, là. Et si je suis le «white cat, I'm a little
worried.» Et là on offre au juge… Et je comprends que le processus pour s'y
rendre est réel et circoncis… et décrit, mais on offre une échappatoire qui
est… qui ne protège pas, de mon sens, dans mon exemple que le ministre,
lui-même, a donné, l'égalité des deux versions. Oui, il y a un problème à
régler ça, mais est-ce que la solution est de mise et dans les intérêts de
l'administration de la justice?
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais la
question qui se pose, là, puis j'aimerais avoir cette conversation-là avec le
député de D'Arcy-McGee. En tant que législateur, là, préférez-vous laisser…
Dans le fond, parce que la loi a été étudiée par le législateur. Préférez-vous,
lorsqu'il arrive une situation comme celle-ci, conférer le pouvoir de légiférer
au pouvoir judiciaire, ou plutôt indiquer au pouvoir judiciaire : Vous
devez vous référer, on vous donne un outil supplémentaire pour arriver avec
l'interprétation…
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, j'insiste et ce n'est pas mon avocat, alors je suis un terrain
dangereux, mais qu'on n'est aucunement, mais aucunement dans le débat sur la
«suprêmeté» parlementaire et l'administration de la justice. Mon «white cat»
n'est pas situé là-dedans…
M. Jolin-Barrette : Mais oui,
mais oui.
M. Birnbaum : …du tout. On
parle d'offrir au juge la possibilité de se prévaloir à la version française.
Ce n'est pas la «suprêmeté». La loi aurait été adoptée avec la «suprêmeté» du
Parlement dans…
M. Birnbaum : ...situé
là-dedans du tout. On parle d'offrir aux juges la possibilité de se prévaloir à
la version française. Ce n'est pas la... la loi aurait été adoptée avec la «suprêmeté»
du Parlement dans les deux langues, c'est ça, 133. Alors, comment impose-t-il
dans ce débat-là ce principe de «suprêmeté»? Je ne comprends pas.
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce que, Mme la Présidente, dans le fond, là, actuellement, puis avec le
projet de loi aussi ça demeure, les deux lois, les deux versions de la loi ont
la même valeur légale. Ça, c'est 133. Le juge est confronté à une difficulté
d'interprétation. Les versions sont contradictoires, anglais, français. Le juge
fait ce qu'il fait actuellement, ça demeure ainsi, interprète à la lumière des
règles d'interprétation, fait son interprétation à la lumière des règles
d'interprétation. Le juge arrive à... il n'est pas capable de réconcilier les
versions française et anglaise., il est dans un «dead-end». Actuellement, ce
qui se passe, c'est que le juge va réécrire la disposition. Donc, c'est le
pouvoir judiciaire qui réécrit la disposition. Parce que le juge, lui, il est
saisi d'un litige, là, un litige d'interprétation, et il doit se commettre.
Alors là, ça revient à la souveraineté parlementaire, et de dire... et là,
nous, c'est l'approche que nous prenons, on dit : Bien, écoutez, quand
vous êtes rendu là, M. le juge, on vous indique, qu'un coup que vous n'avez pas
pu statué, c'est le texte français qui prévaut pour pouvoir arriver à la
résolution du conflit d'interprétation.
Mais attention ce n'est pas le début, ce
n'est pas le début de votre processus, là, ce n'est pas : Version
française, version anglaise ne disent pas la même affaire, prenez la version
française. Ce n'est pas ça qu'on dit, parce qu'on respecte 133. Les deux lois
ont la même valeur légale, les règles d'interprétation ordinaires s'appliquent.
Il ne résout pas. Plutôt que, lui, de réécrire, le législateur lui dit :
Regarde la version française pour résoudre le conflit. Mais c'est des cas
d'exception.
La Présidente (Mme Thériault) :
...puis vous avez utilisé l'expression «dead-end», que le français prévaut, ça
sera l'impasse, c'est ça? D'accord. Et sur votre...
M. Jolin-Barrette : C'était
pour imager, Mme la Présidente, mes propos.
La Présidente (Mme Thériault) :
Absolument. Mais puisque vous êtes le ministre de la langue française, et que
les gens suivent nos propos, je trouvais que c'était peut-être à-propos. Et,
très brièvement, il reste à peine 30 secondes.
M. Birnbaum : ...Mme la
Présidente, je trouve qu'on est sur un terrain dangereux. Est-ce qu'on est en
train de dire que... en quelque part, ça a l'air de faire une telle allusion,
que l'Assemblée nationale du Québec, dans sa «suprêmeté», va en quelque part se
pencher sur une version française de loi qu'elle aurait adoptée? Alors, c'est
là où j'ai de la difficulté à imposer ce concept de «suprêmeté».
La Présidente (Mme Thériault) :
Et votre question demeurera sans réponse, en suspens jusqu'à la prochaine
séance, puisque, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die. Merci pour votre collaboration...
M. Birnbaum : …d'une loi
qu'elle aurait adoptée. Alors, c'est là où j'ai de la difficulté à imposer ce
concept de suprématie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et votre question demeurera sans réponse, en suspens jusqu'à la prochaine
séance, puisque, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die. Merci pour votre collaboration. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 45)