Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mercredi 8 décembre 2021
-
Vol. 46 N° 4
Étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures trente-trois minutes)
La Présidente
(Mme Thériault) : Votre attention, s'il vous plaît. Votre
attention, s'il vous plaît, collègues. Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); M. Émond (Richelieu) par...
La Présidente (Mme Thériault) :
...et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par
M. Lévesque (Chapleau); M. Émond (Richelieu), par M. Provençal
(Beauce-Nord); Mme Guillemette (Roberval), par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette
(La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, merci. Donc, lors de l'ajournement, hier, les discussions portaient
sur un amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui visait à modifier
l'article 9 proposé à l'article 5 du projet de loi du ministre. Est-ce qu'il y
a d'autres interventions? M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Alors, Mme la
Présidente, j'aurais un sous-amendement à déposer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que le sous-amendement est sur Greffier?
M. Barrette : Je pense qu'il
est déjà sur le Greffier, si vous me le confirmez.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Il est sur Greffier, donc vous pouvez nous présenter votre sous-amendement.
M. Barrette : Alors, le sous-amendement
se lirait comme suit, l'article 5 : Modifier l'amendement proposé à
l'article 5 qui modifie l'article 9 de la Charte de la langue française par
l'insertion, après les mots «une attestation», des mots «, produite dans un
délai raisonnable,».
Alors, Mme la Présidente, c'est un sous-amendement
qui fait suite, je ne dirais pas, au long débat qu'on a eu hier, mais je dirais
certainement au débat animé que nous avons eu hier sur la pertinence d'avoir
une mesure qui faisait en sorte que le justiciable ou le poursuivant, dans les
deux cas, ne puisse pas être lésé, dans le sens de 133, par ce que le
propose... choisit d'imposer, dans son projet de loi n° 96,
à l'article 9. Et lorsqu'on a eu le débat là-dessus hier, Mme la Présidente, le
ministre s'est exclamé, en pointant ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, en lui
disant essentiellement, et je dirais même précisément : Bien, il n'y a
même pas de délai dans sa proposition.
Alors, comme nous écoutons le ministre
avec attention, alors on a pris le ministre au mot, et nous arrivons aujourd'hui
avec la proposition que vous voyez, qui introduit un délai raisonnable. Les
mots sont choisis. «Un délai», évidemment, ça tombe sous le sens, Mme la
Présidente. «Raisonnable», ça, contrairement à «convenablement», ça a une
valeur juridique reconnue, écrite dans toutes sortes de jugements et toutes
sortes de textes de loi à répétition. Notre corpus contient le mot
«raisonnable» à de multiples reprises, contrairement à «convenablement».
Alors, comme le ministre semblait trouver
que «raisonnable» était une condition essentielle à recevoir cet article...
M. Barrette : …à répétition,
notre corpus contient le mot «raisonnable» à de multiples reprises, contrairement
à «convenablement». Alors, comme le ministre semblait trouver que «raisonnable»
était une condition essentielle à recevoir cet article, on lui propose donc l'amendement
modifié avec des termes qui, théoriquement, selon les commentaires affirmés
avec émotion du ministre, émotion étant intensité dans le cas présent, on
imagine que le ministre va trouver ça bon. Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, écoutez, c'est déjà une bonification de l'amendement, c'est déjà
une bonification de l'amendement, puis je suis capable de reconnaître que l'amendement,
il est plus complet avec le sous-amendement qui est présenté avec le député de La Pinière,
c'est un pas dans la bonne direction. Cependant, l'enjeu, avec l'amendement,
qui est sous-amendé par le député de La Pinière, est à l'effet qu'il y a tout
de même un délai et le signal qu'on doit envoyer, c'est que le français, il est
incontournable. Or, ce que l'amendement jumelé au sous-amendement fait, c'est
qu'on dit : Bien, dans le fond, écoutez, ce n'est pas si grave si le français
n'est pas là dès le départ, ce n'est pas si important au Québec de faire en
sorte que la procédure, l'acte de procédure par une personne morale ne soit pas
disponible immédiatement dès le moment de la signification en français pour le
justiciable.
Ça fait que l'essentiel du projet de loi,
c'est de faire en sorte que le français soit la langue commune. Donc, à partir
du moment où on dit que la langue commune, c'est le français, il faut que ça se
traduise de multiples façons, notamment à travers les actes de procédure.
Alors, moi, je ne souhaite pas instaurer un délai relativement aux actes de
procédure par une personne morale. L'essence même de l'article 9, qui est
introduit par l'article 5, c'est de faire en sorte que toutes les personnes
morales, lorsqu'elles décident de faire leurs actes de procédure dans une autre
langue que le français, la version soit immédiatement jointe avec la version
anglaise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Et vous
remarquez que j'ai attendu que vous me reconnaissiez, Mme la Présidente. Ça va
bien, hein? Continuons.
La Présidente (Mme Thériault) :
Félicitations, oui. Vous avez bien compris mes consignes hier.
M. Barrette : Je dois être
docile dans le sens caquiste du terme, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez la parole, continuez, M. le député.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je vais reprendre les propos du ministre, Mme la Présidente.
Il nous a dit que là il y avait une valeur positive à notre proposition, il n'a
pas dit qu'il l'acceptait, Mme la Présidente, il a dit que ça avait… qu'il
était agréablement surpris — ce n'est pas les mots, j'oublie les
noms, là. Mais ce que je retiens des propos que le ministre a dits pour la
citation, il nous a dit que c'était un…
M. Barrette : ...une
valeur positive à notre proposition. Il n'a pas dit qu'il l'acceptait, Mme la
Présidente. Il a dit que ça avait... Il était agréablement surpris. Ce n'est
pas les mots, j'oublie les noms, là, mais ce que je retiens des propos que le ministre
a dits pour la citation. Il nous a dit que c'était un pas dans la bonne
direction.
Moi, Mme la Présidente, quand on me dit
que j'ai fait un pas dans la bonne direction, c'est parce que je m'en vais vers
quelque chose de tangible et que je prends le bon chemin pour m'y rendre.
Alors, le ministre peut-il m'indiquer quelle serait une destination acceptable?
On propose un sous-amendement d'un amendement, Mme la Présidente. Il a dit non
à l'amendement. Là, c'est un pas dans la bonne direction. J'en conclus qu'il y
a une destination acceptable pour le ministre. Et comme on est dans les amendements
de son projet de loi, j'en conclus que la direction est une destination
différente de l'article écrit initialement.
• (11 h 40) •
Alors, encore une fois, je prends à la
lettre, au pied de la lettre, les commentaires du ministre et je l'invite à
m'indiquer quelle serait une destination acceptable dans le débat que nous
faisons depuis hier, qui, Mme la Présidente, n'exclut pas l'importance d'avoir
le français, qui ne remet pas en question l'obligation d'avoir le français.
Mais c'est un débat de logistique. Ce n'est pas un débat de finalité de
l'existence d'une version française on non. C'est un débat de logistique. Ce
que nous avons fait valoir, c'est que selon certains cas de figure ça pourrait
poser des problèmes. Y a-t-il moyen de solutionner ça, la bonne direction dans
une destination, tout en préservant l'esprit et l'intention — non,
l'esprit du ministre, ça, c'est trop — en préservant l'intention
législative du ministre? Son esprit, je laisse le... Je lui laisse le soin de
s'autoprotéger, là.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, bien entendu qu'il y a une destination commune. Donc, moi, j'invite le
député de La Pinière à embarquer dans le véhicule que je lui propose pour
se rendre à la destination commune. Et la destination commune, c'est le fait de
pouvoir permettre aux justiciables québécois d'avoir accès en temps réel
lorsqu'ils se font poursuivre, lorsqu'il y a un acte de procédure qui leur est
signifié, d'avoir accès immédiatement à cet acte de procédure là lorsqu'il
s'agit d'une personne morale qui en est l'instigatrice, de l'obtenir en
français immédiatement.
Et il faut comprendre également que la
proposition à l'article qui est faite par l'amendement aussi vise à faire en
sorte que... vise à faire en sorte d'amener un délai. Quoiqu'il soit
raisonnable... Quoiqu'il soit raisonnable, ce délai... Quoiqu'il soit
raisonnable, ce délai, il...
M. Jolin-Barrette : …vise à
faire en sorte d'amener un délai, quoiqu'il soit raisonnable, quoiqu'il soit
raisonnable, ce délai, ou quoiqu'il soit raisonnable, ce délai, il n'en demeure
pas moins que ça fait en sorte que l'effet est de ne pas permettre à la personne
d'avoir accès en français aux actes de procédure, et ce n'est-u pas différent
de la situation actuelle. Actuellement, là, la personne qui reçoit une
procédure, là, qui est écrite en langue anglaise par le biais d'une personne
morale, il n'a pas accès à la version française. Et le sous-amendement que vous
proposez, dans le fond, on n'est pas différent de la situation actuelle pour
dire : Bien, écoutez, vous le recevrez en temps opportun, dans un délai
raisonnable. Mais le délai raisonnable, c'est deux semaines,
trois semaines, un mois? Un délai raisonnable, ça fait en sorte
qu'immédiatement lorsque vos droits de comprendre la procédure sont en jeu, ça amène
un enjeu, cette question de délai.Et c'est ce qu'il faut changerr dans le système
de justice, le droit à une justice en français, le droit à pouvoir comprendre
ces procédures-là dans la langue nationale, dans la langue officielle de
l'État, dans la langue commune. Il faut améliorer nos façons de faire dans le système
de justice, et ça signifie, justement, de faire en sorte que les personnes
morales écrivent leurs procédures en français ou, si elles ne le font pas en
français, à tout le moins, qu'elle joigne une copie certifiée d'un traducteur
agréé en français au moment où elles vont faire timbrer leur procédure.
La Présidente (Mme Thériault) :
Député de La Pinière.
M. Barrette : Avant de
repasser la parole à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, je vais faire le
commentaire suivant. Je pense, Mme la Présidente… bien, je vais un pas en
arrière, bon, manifestement, à cette étape-ci du débat, on revient dans la même
dynamique qu'hier soir, le cas de figure du francophone qui reçoit une documentation
d'une personne morale en faisant abstraction de tous les autres cas de figure.
Ici, Mme la Présidente, là, notre sous-amendement, il est dans l'esprit non pas
de contester l'importance pour un justiciable de recevoir une copie en
français, ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout, notre cas de figure à nous
est celui des autres cas de figure où une partie, je prenais l'exemple du
camionneur hier, là, pourrait-elle se retrouver dans une situation où elle
choisirait de ne pas aller de l'avant avec sa procédure, faute de coût, faute
de moyen. Là, le ministre, il va dire : Il ne peut pas avoir ces problèmes-là,
moi, je pense que oui. À la fin de la journée, là, ou au début de la journée
juridique, n'est-ce pas, avec notre sous-amendement, Mme la Présidente,
n'est-ce…
M. Barrette : …choisirait de ne
pas aller de l'avant avec sa procédure faute de coûts, faute de moyens. Là, le
ministre va dire : Il ne peut pas y avoir ces problèmes-là. Moi, je pense
que oui. À la fin de la journée, là, ou au début de la journée juridique, n'est-ce
pas, avec notre sous-amendement, Mme la Présidente, n'est-ce pas au juge de
statuer ce qui est raisonnable? Dans un nouveau droit établi par sa loi n° 96
et par l'article 9, le côté raisonnable du délai… et là, j'insiste, Mme la
Présidente, nous, ce que l'on souhaite, c'est que la loi soit écrite
équitablement pour tous les cas de figure. C'est juste ça qu'on souhaite, là.
Il y aura des cas de figure où c'est facile d'arriver, parce que la partie a
les moyens de le faire, avec toute la documentation. Ça va arriver, ça.
L'inverse va aussi arriver. Et nous, ce que l'on dit, c'est : Ne devrions
pas… ne devrions-nous pas s'assurer que, dans tous les cas de figure, ça ne
soit pas une embûche pour l'individu ou la personne morale?
Hein, je prenais le camionneur, ça
pourrait être une OBNL. Une OBNL, là, qui se retrouve dans une situation
juridique, je ne sais pas, moi, dans une RPA modeste. Mme la ministre, vous
avez connu ce genre de milieu là au municipal, des fois il y a des OBNL qui se
retrouvent dans des situations d'ordre juridique, ils n'ont pas les moyens
parce qu'ils sont pauvres. Et puis là, ça, ça devient un problème. Alors, ne
devrions-nous pas prendre ça en considération et, dans l'exercice de ce nouveau
droit-là, n'est-ce pas au juge de dire : Regardez, là, on va vous donner
deux semaines, là, c'est ce que je vous donne, parce que c'est raisonnable,
puis là on enlève un obstacle. Le délai raisonnable, là, il n'est pas statué
dans la loi en termes de temps, parce que le mot «raisonnable» est un texte qui
a une signification en droit. C'est clair, contrairement à «convenablement».
Alors là, c'est un peu une protection
qu'on fait. Alors, le ministre ne peut pas arriver puis nous répondre, comme il
fait à chaque fois : Ah! vous niez l'importance du français, vous voulez
faire ci, vous voulez faire ça. Non, non, non. Ce n'est pas ça. On veut
simplement faire notre travail, notre travail étant de faire en sorte qu'il n'y
a pas de citoyens qui vont se trouver lésés là-dedans, tout simplement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme la Présidente, je confirme qu'il n'y aura pas de citoyen lésé du fait que
les personnes morales devront joindre leur acte de procédure avec une version
traduite et certifiée par un traducteur agréé. Je veux juste revenir sur ce que
le député de La Pinière vient de dire relativement à «convenablement».
C'est dans le corpus, c'est utilisé dans plusieurs lois ce terme-là,
«convenablement». C'est dans nos lois, alors, à plusieurs reprises. Je voudrais
juste savoir… parce que le député de La Pinière nous dit : Écoutez,
le terme «raisonnable», donc une traduction dans un délai raisonnable… délai
raisonnable. Dans les meilleurs délais, est-ce qu'il considère ça plus fort que
«raisonnable»? Tu sais, dans le fond, «meilleurs délais», c'est encore plus
rapide que «raisonnable».
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est bon.
M. Jolin-Barrette : Il est
d'accord avec moi là-dessus?
M. Barrette : Oui…
M. Jolin-Barrette :
…raisonnable. Délai raisonnable… «Dans les meilleurs délais», est-ce qu'il
considère ça plus fort que «raisonnable»? Tu sais, dans le fond, «meilleurs
délais», c'est encore plus rapide que «raisonnable».
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est beau.
M. Jolin-Barrette : Il est d'accord
avec moi là-dessus?
M. Barrette : Oui.
M. Jolin-Barrette : Donc…
M. Barrette : Bien, oui. Mme
la Présidente, je vais… Bien, vous ne m'avez pas désigné, excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est à votre tour, M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais juste rappeler que, tant que les échanges sont cordiaux, il n'y a
absolument aucun problème. La parole est à vous.
M. Barrette : Il faut que je
fasse attention à ce que je vais dire après.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est pour ça, je fais un rappel tout de suite.
M. Barrette : Vous faites
bien, Mme la Présidente. Je pense que, dans la majorité des circonstances, dans
la majorité des circonstances, «meilleurs délais» va vouloir dire la même chose
que «raisonnable», mais on peut interpréter ça comme étant plus court, parce
que «meilleurs délais» implique aussi que ça soit raisonnable, dans une
certaine mesure. Parce que «meilleurs délais», ça veut dire que ça ne peut pas
aller à la vitesse… on ne statue pas le délai temporel, ni dans «délai
raisonnable». Mais, pour moi, «dans les meilleurs délais»…
M. Jolin-Barrette : C'est
plus fort.
M. Barrette : …c'est
probablement un peu plus fort, oui, c'est vrai, j'accepte l'argument, mais
«délai raisonnable», ce n'est pas si plus faible que ça, là. Mais, si le ministre
veut aller de l'avant avec «dans les meilleurs délais», moi, pas de problème
avec ça, on va sous-sous-amender.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est parce que, Mme la Présidente, je pose la question, parce que, vous vous
souvenez, quand il y a eu le rapatriement de la Constitution, en 1982, auquel
le Québec n'a pas adhéré, il y avait un article, qui était l'article 55, qui
disait : «Le ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans
les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du
Canada qui figurent à l'annexe. Toute partie suffisamment importante est, dès
qu'elle est prête, déposée pour adoption par proclamation du gouverneur général
sous le Grand Sceau du Canada, conformément à la procédure applicable à
l'époque à la modification des dispositions constitutionnellement qu'elle
contient.»
Alors, ça, c'est dans la Constitution,
quand ils ont fait le rapatriement, «dans les meilleurs délais». Là, 1982, moi,
je suis en 1987, plus cinq, ça fait 39 ans. Encore aujourd'hui, le Canada Act
de 1982, malgré le fait qu'il y a une obligation dans la Constitution, à
l'article 85… à l'article 55, que le ministre de la Justice est chargé,
ministre de la Justice du fédéral, est chargé de rédiger «dans les meilleurs
délais», qui est plus fort que «dans un délai raisonnable», comme le député de
La Pinière vient de le dire, bien, 39 ans plus tard, ça n'a pas encore été
fait.
Alors, moi, vous voyez ma crainte, Mme la
Présidente, d'accepter «dans un délai raisonnable», considérant que notre loi
fondamentale, qui gouverne actuellement le Canada mais auquel le Québec n'a pas
adhéré, n'est toujours pas traduite. Il y a juste une version anglaise des
textes constitutionnels qui gouvernent la fédération. Ça fait que je fais juste
illustrer…
M. Jolin-Barrette : ...dans un
délai raisonnable considérant que notre loi fondamentale, qui gouverne actuellement
le Canada mais auquel le Québec n'a pas adhéré, n'est toujours pas traduite. Il
y a juste une version anglaise des textes constitutionnels qui gouvernent la
fédération. Ça fait que je fais juste illustrer ce à quoi ça peut mener.
L'autre point, dans l'amendement qui est
proposé avec le sous-amendement, supposons, sur l'argument de texte : «Une
traduction en français certifiée par un traducteur agréé ou une attestation, produite
dans un délai raisonnable, indiquant que la partie a donné instruction à un traducteur
agréé de traduire l'acte de procédure doit être jointe à tout acte de procédure
rédigé en anglais émanant d'une personne morale.» Alors, quand on le relit, là,
la... bien, en fait, ça part de l'amendement avec le sous-amendement du député
de La Pinière, on dit : «ou une attestation produite dans un délai raisonnable».
Alors, votre amendement et sous-amendement a pour effet de faire en sorte que
la procédure... vous avez la procédure en anglais, supposons, puis ce qui doit
être joint dans un délai raisonnable n'est non pas la traduction, mais est
l'attestation que vous avez mandaté un traducteur pour traduire l'acte de
procédure.
Donc, vous présentez, vous signifiez votre
requête en anglais à un justiciable québécois, vous lui dites : Écoutez,
je vais vous produire une attestation dans un délai raisonnable. Ce n'est pas
la traduction qui va être dans un délai raisonnable, c'est l'attestation qui
dit que vous avez donné le mandat de traduire. Ça ne veut pas dire qu'il a la
traduction, là. De la façon dont c'est rédigé, c'est ça que ça dit. Ça fait que
voyez-vous, ce à quoi ça amène?
Parce que là, je comprends l'intention,
mais ce que ça fait, c'est qu'on n'a pas aucune garantie qu'il va y avoir une
traduction. Puis même, au bout du compte, le document, là, il est joint, là, à
la procédure, il dit : Ah! il y a une attestation, moi, je lui ai donné le
mandat. Ça se peut bien que, par la suite, la personne se retourne, dire :
Écoute bien là, je ne te paierai pas, là, puis finalement fais-la pas, la
traduction.
M. Barrette : Alors, Mme la
Présidente, on va mettre les choses dans leur juste perspective, O.K.? Le ministre,
là, maintenant, là, nous a dit que notre amendement est un pas dans la bonne
direction, hein? Donc, c'était une bonne idée, O.K.? Et là le ministre prend la
Constitution qui n'a pas encore été traduite. Bon. Alors, quand il nous a dit
que c'était un pas dans la bonne direction, Mme la Présidente, il savait qu'il
allait utiliser ça comme argument, il le savait. Alors, il s'est volontairement
autocontredit pour avoir le dernier mot? Mme la Présidente, ce n'est pas
sérieux.
Bon, maintenant, je vais soumettre au ministre
que la Constitution est un texte dont les ramifications sont d'une grande,
grande, grande complexité, et, à la limite, on peut comprendre que le temps que
ça prend pour la traduire peut être plus long qu'un simple acte de procédure.
Ceci dit, Mme la Présidente, le texte, peut-être qu'il aurait bénéficié
d'une...
M. Barrette : ...sont d'une
grande, grande, grande complexité. Et, à la limite, on peut comprendre que le
temps que ça prend pour la traduire peut être plus long qu'un simple acte de
procédure. Ceci dit, Mme la Présidente, le texte, peut-être qu'il aurait
bénéficié d'une virgule additionnelle à laquelle... je peux sous-amender, je
vais rajouter une virgule. Une traduction en français est certifiée par un
traducteur agréé, ou une attestation, produite dans un délai normal. Bien là,
le «produit», là, c'est soit... c'est la traduction, là, qui est produite dans
un délai raisonnable. On peut l'interpréter comme ça, là. Là, on est dans la
sémantique, on est dans une dynamique puis on n'a pas à aller jusqu'à la
destination évoquée par le ministre qui considère que c'est un pas dans la
bonne direction.
J'ai beaucoup d'estime pour ce genre de
jeu parlementaire là. Poser une question en sachant qu'on... la Constitution,
c'est cute, mais là, là-dessus, là, ils le savaient, là. Ou bien c'est un pas
dans la bonne direction, ou bien ça n'en est pas un. Alors, on ne peut pas
prendre comme exemple une patente qui va à 180 degrés de la bonne
direction, là, pour justifier de dire non.
Mme la Présidente, si vous me le
permettez, je vois... vous savez, c'est comme au hockey, dans ma vision
périphérique, je vois ma collègue de Marguerite-Bourgeoys qui souhaite
intervenir. Si vous le permettez.
La Présidente (Mme Thériault) :
Absolument, il n'y a pas de problème. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole vous appartient, sauf qu'avant je vais juste mentionner qu'on ne peut
pas sous-amender un sous-amendement, donc...
M. Barrette : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
...mais si besoin étant, vous pouvez par contre retirer votre sous-amendement
et refaire un autre sous-amendement. Donc...
M. Barrette : Dans le feu de
l'action, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Dans le feu de l'action. Mais pour les gens qui nous suivent, je pense que
c'est important de préciser qu'on ne peut pas amender... on ne peut pas
sous-amender un sous-amendement. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, merci, Mme
la Présidente. Je vais essayer de revenir au fond et non à la forme, parce que
mon collègue de La Pinière a raison, le ministre est un... n'est pas assez
maître dans l'art de la forme, on va revenir au fond. Et dans le fond, ce qu'on
veut au vrai, vrai fond, là, c'est faire en sorte, justement, que la personne
qui écrit quelque chose en anglais, pour toutes sortes de bonnes ou de
mauvaises raisons, là — on sait, des fois, qu'il y a des procédures
juridiques qui sont peut-être exagérées, qui sont ci, qui sont ça, mais la
justice existe, et j'espère que le ministre est d'accord avec ça — pour
protéger les citoyens, protéger les entreprises, protéger tous les droits, les
lois qui existent.
Alors, arrive quelqu'un qui est incorporé,
c'est vrai, mais ce n'est pas le gros méchant en partant, là, le ministre était
d'accord hier, ça peut être un petit OBNL, ça peut être une RPA, ça peut être
un regroupement, une association qui a une tradition — on n'ose plus
prononcer le mot parce que c'est presque tabou — anglophone, et qui,
là, demande à un avocat de déposer une procédure.
Hier, le ministre m'a dit...
Mme David : ...ça peut être une
RPA, ça peut être un regroupement, une association qui a une tradition — on
n'ose plus prononcer le mot parce que c'est presque tabou — anglophone,
et qui, là, demande à un avocat de déposer une procédure. Hier, le ministre m'a
dit : Mais l'avocat, il est obligé d'être bilingue, il est obligé,
l'ordre, le Barreau l'oblige. Donc, il a juste, lui, à écrire sa procédure en
français, et bingo! ça règle la question.
Alors là, je me souviens même d'avoir
dit : Donc, l'avocat va être réputé — maintenant que je sais ce
que ça veut dire en plus, le mot «réputé» — être à la fois très,
très, très bilingue au point qu'il puisse écrire toutes les procédures en
français, et donc un traducteur agréé lui-même. Puis là, là, c'est embêtant
parce que l'ordre des traducteurs agréés ne vont pas être trop contents.
Donc, l'association, admettons, qui dépose
ou qui veut déposer une procédure, un acte de procédure, bien, j'espère que
l'association elle-même ou la personne qui le représente, bien, il doit
comprendre l'acte de procédure, doit être capable de lire l'acte de procédure,
parce que, si tu donnes un mandat à un avocat et que l'avocat te redonne une
affaire... Moi, si on me redonnait un acte de procédure dans une langue qui
n'est pas la mienne et que je ne maîtrise pas nécessairement dans les détails,
fait par un avocat qui, peut-être, ne connaît pas aussi cette langue dans les
fins détails, je me demande ce que le ministre pense de l'accessibilité à la
justice pour cet OBNL représenté par une ou deux personnes anglophones qui
reçoivent une procédure en français parce que l'avocat, il va écrire en
français, ça va être plus simple, c'est ce que le ministre a dit hier.
Mais là c'est grave, les conséquences.
Elles peuvent être désastreuses, les conséquences, pour son client, parce que,
s'il dit oui à un acte de procédure qui n'est pas dans sa langue, il dit oui
parce qu'il fait confiance à son avocat, puis qu'il le trouve gentil, son
avocat, puis il coûte assez cher, l'avocat, qu'il dit : Il doit...
Une voix : ...
Mme David : En général.
Des voix : ...
Mme David : Alors, si le
client de cet avocat fait confiance, mais il ne comprend rien à ce qui est
écrit, il est anglophone. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre sur le
service que rend cet avocat, puisque facilement il peut écrire en français,
tous les avocats du Québec, les 25 000 membres du Barreau... Là, je sais
que le ministre va dire : Non, ce n'est pas 25 000, c'est
25 482, vous vous êtes trompée, Mme la députée, je connais un peu la
technique. Disons 25 000.
M. Jolin-Barrette : J'ignore
le nombre exact.
Mme David : Et le mot
«ignore», je ne l'ai pas entendu souvent dans sa bouche, c'est formidable.
J'aurai au moins gagné ça.
M. Jolin-Barrette : Vous
allez me découvrir.
• (12 heures) •
Mme David : Donc, qu'en est-il
du droit...
12 h (version non révisée)
Mme David : …vous vous êtes
trompée, Mme la députée. Je connais un peu la technique. Disons
25 000.
M. Jolin-Barrette : J'ignore
le nombre exact.
Mme David : Et le mot
«ignore», je ne l'ai pas entendu souvent dans sa bouche, c'est formidable.
J'aurai au moins gagné ça.
M. Jolin-Barrette : Vous
allez me découvrir.
Mme David : Donc, qu'en est-il
du droit au client de pouvoir lire l'acte de procédure dans sa langue? Vous
allez dire : Il n'y a pas de problème. Mais non, vous avez dit : Il a
juste à déposer sa procédure en français, cet avocat-là. Donc, si le client ne
comprend pas ce qui est écrit, lui-même peut être impliqué dans une procédure
qui a des conséquences désastreuses pour lui, parce qu'il n'a même pas pu
comprendre ce qui se passait autour de lui, alors que c'est sa procédure. Donc,
admettons… ça, j'aimerais vous entendre là-dessus, mais que ce n'est plus
l'avocat, là, dans votre réponse, parce que ça n'a beaucoup de bon sens que cet
avocat-là écrive lui-même, on revient au problème initial. Il faut un
traducteur, puis, s'il faut un traducteur, bien, il faut que ce soit un
traducteur agréé. Puis, si c'est un traducteur agréé, comment on fait pour
faire en sorte qu'il y ait à la fois accessibilité pour le client de pouvoir
faire ça dans la langue de son choix, ce que le ministre nous a juré qu'il
arriverait, en vertu de l'article 133, mais aussi de dire : S'il
dépose sa procédure en français, son avocat… mais là c'est le pauvre client qui
risque très, très gros, avec des conséquences désastreuses. Première question.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, on
a plusieurs éléments de réponse. Premièrement, l'acte de procédure, là, qui est
visé, appartient au client, le client, c'est la personne morale, donc c'est
l'entreprise incorporée. Donc, une personne morale, ça n'a pas de langue, c'est
la personne morale. On ne parle pas des personnes physiques ici. Les personnes
physiques ne sont pas visées aucunement par la disposition de l'article 9.
C'est vraiment la personne morale incorporée.
Autre élément important, toutes les
personnes morales doivent être représentées par un procureur, sans exception.
Bien, ce n'est pas vrai, sauf exception aux petites créances, dans certaines
circonstances. Donc, les personnes morales sont représentées par un avocat
membre du Barreau. L'avocat au dossier, dans le cadre de son code de
déontologie, dans le cadre des règles, doit s'assurer que son client comprenne
les gestes et les recommandations qu'il lui fait relativement aux conseils et
aux avis juridiques, et à sa représentation devant les tribunaux. Donc,
l'avocat conseille la personne morale. Il ne conseille pas une personne
physique, on est vraiment... et puis c'est important de distinguer les deux,
là. Une personne morale, c'est une fiction juridique. On vient créer une
personnalité juridique…
M. Jolin-Barrette :
...devant les tribunaux. Donc, l'avocat conseille la personne morale. Il ne
conseille pas une personne physique, on est vraiment... et puis c'est important
de distinguer les deux, là. Une personne morale, c'est une fiction juridique.
On vient créer une personnalité juridique distincte d'une personne physique.
C'est un véhicule corporatif qui propose et qui procure certains avantages
fiscaux pour de multiples raisons en vue de générer des activités.
Je reviens à un autre argument que la
députée de Marguerite-Bourgeoys a fait, la personne, là, elle a un choix à
faire dès le départ. Une personne qui est de langue maternelle autre que le français
ou l'anglais, déjà lorsqu'elle va devant les tribunaux, fait un choix. C'est
soit l'anglais, soit le français. Vous ne pouvez pas prendre un acte de
procédure en espagnol devant les tribunaux québécois, en français, en anglais.
Il y a déjà un choix qui est effectué à partir de ce moment-là. Et là, la
personne morale, elle, qui fait ce choix-là, bien, elle choisit soit le
français, soit l'anglais pour faire ses représentations devant les tribunaux.
Si elle fait le choix de l'anglais, il n'y a aucun enjeu, elle peut le faire du
début à la fin. Mais, par contre, ce qu'on vient dire, c'est qu'au Québec les
personnes morales qui font le choix de produire leurs actes de procédure en
langue anglaise, elles devront joindre une traduction en français de leurs
actes de procédure. Mais la personne morale a tout le loisir de décider : Est-ce
qu'elle mène son dossier en français ou est-ce qu'elle le mène en anglais?
Mais, au Québec, dans l'environnement de
travail, notamment dans le domaine judiciaire, on doit favoriser, notamment
avec les entreprises incorporées, avec les personnes morales, l'utilisation de
la langue commune. Donc, la proposition législative qui est devant nous vise à
faire en sorte justement qu'on garantit tous les droits qui sont prévus à 133.
Cependant, on dit : Écoutez, les Québécois ont le droit de recevoir des
actes de procédure dans la langue officielle, dans la langue commune, dans la
langue nationale au Québec, mais ça ne les empêche aucunement d'utiliser langue
anglaise dans leurs actes de procédure. Ils peuvent le faire. Mais, par contre,
on dit : Écoutez, vous faites le choix de le faire, puis je donnais
plusieurs exemples, puis ce n'est pas une question de grosseur, ce n'est pas
une question de riche, de pas riche, tout ça, c'est une question
d'accessibilité à la justice universelle.
Puis la députée de Marguerite-Bourgeoys
l'a dit à juste titre, les tribunaux sont là pour faire respecter les droits,
assurer un équilibre dans la société, trancher des litiges qui sont parfois
insolubles entre deux parties... les parties...
M. Jolin-Barrette :
...puis c'est une question d'accessibilité à la justice universelle. Puis la députée
de Marguerite-Bourgeoys l'a dit à juste titre, les tribunaux sont là pour faire
respecter les droits, assurer un équilibre dans la société, trancher des
litiges qui sont parfois insolubles entre deux parties, malgré que les parties
ont intérêt à se parler, puis il y a de plus en plus de méthode de prévention
et de règlement des différends qui sont instaurés, la médiation, tout ça, mais
pour les documents, surtout que la justice, elle est publique, dans la sphère
publique, sauf certains dossiers d'exception où il y a un interdit de
publication pour des raisons, notamment, en matière familiale ou de jeunesse.
Donc, l'idée que notre système de justice,
il est public et que la confiance notamment à travers les institutions, c'est au
niveau de la compréhension, alors, c'est pour ça qu'on veut rendre disponible immédiatement
la traduction en français de la procédure. Puis déjà toutes les personnes
morales ont déjà fait un choix d'aller vers l'anglais ou vers le français,
d'autant plus que s'ils ne sont... si ce n'est pas leur langue à la base, s'ils
ne sont pas de langue maternelle anglaise ou francophone, quelqu'un qui a une
autre langue maternelle va utiliser une autre langue, va utiliser le français
ou l'anglais. Donc, le choix demeure intact, mais on ajoute un élément qui
m'apparaît tout à fait raisonnable au Québec, le fait de faire en sorte qu'on
communique au moins, à tout le moins, je dirais, la version française.
Puis vous vous rappelez aussi, l'an passé,
on a adopté le décret, l'article 1 de la loi n° 104,
là. La loi n° 104, c'est une loi qui avait été
adoptée en 2002 par le Parti québécois, mais qui n'avait jamais été mise en
vigueur, relativement au fait que les personnes morales doivent communiquer en
français avec l'État. Là, on a pris le décret. Ça rentre en vigueur un an après
le décret. Je crois qu'on a pris le décret en février, mars, me semble, ou mai.
On me corrigera. Alors donc, ça va... Mai 2021. Donc, ça va entrer en
vigueur mai 2022. Alors, l'État, en soi, pour communiquer avec l'État pour
relativement aux personnes morales, ça se fait en français.
Donc, ça, c'est pour l'État en général.
Pour les tribunaux, la protection associée à l'article 133 demeure. Donc,
les personnes morales peuvent utiliser la langue anglaise également,
contrairement avec le reste de l'État. Cependant, on leur dit : Écoutez,
veuillez fournir une procédure si vous faite le choix... une traduction si vous
faites le choix de faire votre acte de procédure en anglais.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Je trouve ça
très intéressant d'écouter le ministre, mais j'ai l'impression qu'il crée une
fiction de la fiction. Je m'explique. Il répète souvent qu'une personne morale
est une fiction. Et je pense qu'il fait de la fiction en nous parlant de cette
fiction de la personne morale. Qu'est-ce que je veux dire? C'est qu'une
personne morale, en bout de ligne, il y a quand même des êtres humains en chair
et en os derrière la personne morale, particulièrement quand on parle de
personne morale de taille modeste, voire carrément très petite. Il y a
quelqu'un...
Mme David : …de cette
fiction de la personne morale. Qu'est-ce que je veux dire? C'est qu'une
personne morale, en bout de ligne, il y a quand même des êtres humains en chair
et en os derrière la personne morale. Particulièrement quand on parle de
personnes morales de taille modeste, voire carrément très petite, il y a quelqu'un
quelque part qui lit l'acte de procédure et qui doit être conscient que c'est
sa poursuite à lui ou à elle, et ça peut être un groupe de personnes, on est d'accord,
mais il y a toujours bien des êtres humains derrière ces actes de procédure qui
doivent comprendre l'acte de procédure. Est-ce que là-dessus, le ministre est d'accord
avec moi?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Rien
dans le projet de loi n'empêche d'avoir à la fois la version en anglais et la
version en français. La disposition n'empêche pas d'avoir une version en
anglais. On n'oblige pas la personne morale à produire uniquement sa procédure
en français. Ce n'est pas ça, ce que dit l'article 9, là, qu'on est en
train d'étudier. Ce qu'on dit, c'est que vous avez le libre choix d'utiliser la
langue de votre choix… bien, la langue de votre choix, on s'entend, entre
français puis anglais. Si vous faites le choix d'utiliser l'anglais, comme
personne morale, à ce moment-là, sachez que dans vos actes de procédure vous
devrez également les produire en français. Donc, on ne vient pas nier le droit
de comprendre la procédure, on vient simplement dire qu'au Québec, si vous êtes
une personne morale, ça prend une procédure également traduite en français.
Puis ce n'est pas le lot des personnes physiques, là. Il n'y a rien qui touche
les personnes physiques, ce sont des personnes morales.
• (12 h 10) •
Mme David : M. le
Président, je sais tout ça, et nous ne sommes pas contre. Je pense que le député
de La Pinière l'a répété, je ne sais pas combien de fois qu'il va falloir
le répéter, que nous ne sommes pas contre l'idée qu'il y ait une version
française. Nous sommes en train de discuter sur la faisabilité, et, quand on
parle de faisabilité, on parle de temporalité.
Alors, un acte introductif d'instance,
c'est quelque chose dont on a parlé justement hier. À cet acte-là doit toujours
être joint un avis d'assignation selon l'article 145 du Code de procédure
civile. Alors, cet avis d'assignation, on le dit bien, l'article 146 du Code
de procédure civile prévoit nommément que l'avis d'assignation doit être
conforme au modèle établi par le ministre de la Justice. Le modèle, là, j'en ai
un exemple ici, là. Il est là, Mme la Présidente. Un avis d'assignation, là, il
est marqué en haut : Modèle du ministre de la Justice, dépôt d'une demande
en justice. Tout ça est en français pur, là. Pourquoi le ministre ne ferait
pas... puisqu'il aime bien intervenir donc il pourrait intervenir en
disant : Dans ça, là, il va y avoir l'obligation, dans un délai raisonnable,
meilleur délai, on va le mettre comme on veut — on est sur le fond,
là, on n'est pas sur la forme, hein, sur le fond…
Mme David : …là. Pourquoi le
ministre ne ferait pas, puisqu'il aime bien intervenir donc il pourrait
intervenir en disant : Dans ça, là, il va y avoir l'obligation, dans un
délai raisonnable, meilleur délai, on va le mettre comme on veut, on est sur le
fond, là, on n'est pas sur la forme, hein, sur le fond… il ne pourrait pas être
écrit, dans cet avis d'assignation, qu'une version française suivra dans un
délai très raisonnable, meilleur délai? Puis le juge pourra dire, à ce
moment-là : Bien là, on est dans une poursuite vraiment où peut-être je
vais donner deux jours, je vais donner trois jours puis l'autre,
bien, c'est une poursuite de plusieurs millions, on va peut-être donner une
semaine.
Pourquoi, ça, ce n'est pas raisonnable
dans la tête du ministre? Parce que l'avis d'assignation, il est obligatoire
dans l'acte introductif de l'instance, pourquoi ne pas rajouter justement ce
que nous proposons? Une attestation qui indique que la partie a donné
instruction à un traducteur certifié de très… agréé de traduire l'acte de
procédure. Et puis là, ça, c'est écrit en français. Donc, fini la crainte que
le ministre évoquait hier, la personne est chez elle puis là, elle reçoit ça
puis là elle dit : Mais c'est tout en anglais, je ne comprends rien. Bien
non, elle reçoit ça en français, puis c'est écrit que la traduction française
s'en vient. Puis ils peuvent même être bien, bien, bien établis, balisés, les
délais qu'on demande.
On est, je le répète, dans la faisabilité.
On n'est pas dans le principe.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Comment
je pourrais vous dire ça, Mme la Présidente? Actuellement, comment ça se
passe, là, c'est qu'une personne morale, dans le fond, peut écrire uniquement
en anglais sa procédure, puis le fardeau d'avoir une traduction de la procédure
repose sur le justiciable.
Dans le fond, un citoyen québécois, lui,
il peut se faire poursuivre de A à Z par une personne morale, par une
entreprise incorporée, de A à Z, là, à la Cour du Québec, à la Cour
suprême du Canada en anglais. Donc, au Québec, c'est comme ça, là,
présentement. Puis s'il veut faire traduire les procédures, bien là, c'est à
ses frais.
Ce qu'on introduit, nous, c'est le fait de
dire : Écoutez, la personne morale peut continuer de poursuivre des
Québécois en anglais de A à Z, cependant, si c'est le choix de la
personne morale d'aller dans ce sens-là, elle devra joindre sur ses actes de
procédure une version française de la procédure.
L'autre point au départ, là, puis en
termes d'accès à la justice, puis en termes de diffusion de la justice, et en
termes de crédibilité du système de la justice au Québec, la langue officielle,
c'est le français. Pourquoi est-ce que les citoyens québécois, lorsqu'une
entreprise incorporée poursuit devant les tribunaux…
M. Jolin-Barrette : …justice
et en termes de crédibilité du système de la justice au Québec, la langue
officielle, c'est le français. Pourquoi est-ce que les citoyens québécois,
lorsqu'une entreprise incorporée poursuit devant les tribunaux, agit devant les
tribunaux, fait des actes de procédure devant les tribunaux, on ne permettrait
pas que ces procédures-là soient en français à partir de moment où il y a un
acte qui est fait? Tu sais, parce que normalement, là, puis je ne suis pas un
spécialiste du nouveau code, auparavant, c'était dans les 10 jours que la
personne doit comparaître en matière civile, maintenant, c'est rendu à 15. Ça
va quand même vite, là, pour le justiciable, là, pour orienter son dossier,
pour aller consulter un avocat, pour savoir ce qu'il fait, tout ça. Alors, moi,
je trouve ça raisonnable de dire : Écoutez, quand c'est une personne
morale, la personne qui est au Québec devrait avoir le droit de recevoir la
procédure qui lui est signifiée, l'acte de procédure, les différents actes de
procédure en français. Je ne vois pas pourquoi est-ce qu'on devrait reporter
dans le temps la signification en français d'un acte de procédure d'une
personne morale. On n'est pas à Toronto mais on est au Québec. La langue
officielle du Québec, c'est le français. On a le droit d'avoir une justice en
français aux différentes étapes sans délai.
Puis, tu sais, c'est trop facile. Souvent,
on le voit dans le Canada, le français, c'est moins important, ça va venir
après. Pourquoi est-ce que le français au Québec, ça viendrait après? Puis je
le dis avec beaucoup d'égards, là, je comprends le souci des collègues, mais
pour moi, c'est clair qu'il faut faire en sorte que, dans le système de
justice, on permette aux justiciables québécois immédiatement d'avoir les actes
de procédure en français. Puis, tu sais, hier, je le disais, ce n'est pas juste
les justiciables, c'est le public, les chercheurs, les journalistes, les
procureurs, le personnel de la cour, les greffiers. Le droit de travailler en
français, il s'applique aussi. Tu sais, on est venus inscrire également le
droit vivre en français au Québec, ça inclut également le système de justice.
Donc, c'est pour ça que moi, l'approche
que j'ai par rapport à ça, je la trouve raisonnable parce qu'on vient respecter
133, on vient faire en sorte que l'anglais ou le français peut être utilisé du
début à la fin des procédures par une personne morale, parce que là on parle
juste des personnes morales, là, les personnes physiques, il n'y a même pas
cette obligation-là sur les personnes physiques, là, juste les personnes
morales. Moi, je ne considère pas ça comme un fardeau le fait que la procédure
soit traduite. Ça m'apparaît raisonnable.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée…
M. Jolin-Barrette : …les
personnes morales. Moi, je ne considère pas ça comme un fardeau le fait que la
procédure soit traduite. Ça m'apparaît raisonnable.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Oui, ça sera ma
dernière intervention sur ça. La réflexion que je me fais par rapport au
ministre, par rapport à la loi, parce qu'on a bien d'autres articles qui nous
attendent. On est dans un… on monte le Kilimandjaro, là, mais une étape à la
fois. Il va y avoir des arrêts, il va y avoir des bouts raboteux qu'on n'espère
pas trop raboteux, mais il y a un constat que je fais dans toute la loi pour
l'avoir tellement étudiée.
Le ministre, j'ai parlé patience, écoute,
ouverture, bon, patience, écoute, ouverture. Un petit peu plus d'écoute, aujourd'hui,
un peu plus d'ouverture, mais la porte se referme vite. Mais ce qui me frappe
le plus dans ce projet-là, ça serait le mot «patience», parce que le ministre
veut tout tout de suite. On parle de délai, on va en parler dans
l'article 10, délai, puis là les juges ne sont pas contents, là.
«Immédiatement et sans délai», c'est une phrase clé, mais tout le projet de loi
est comme ça.
• (12 h 20) •
L'impatience, je dirais. C'est peut-être
l'impatience de la jeunesse, c'est peut-être… mais il va bousculer énormément.
Là, c'est le système de justice, que dire de ce qui s'en vient sur la
francisation. Six mois, six mois pour apprendre le français. On en reparlera.
Tout le monde est venu dire que c'était impossible, impossible. Peut-être que
pour le ministre, «impossible», n'est pas un mot, mais ça aussi en vieillissant
peut-être que, à un moment donné, la sagesse va rentrer. Mais ça bouscule
beaucoup, et comme c'est une loi qu'on pourrait mammouth sur la langue, ça
touche tous les secteurs, il va falloir que tous les secteurs soient extrêmement
agiles, extrêmement financés pour tout ce qui s'en vient. Dans ce cas-ci, c'est
les traducteurs. Il va en falloir des traducteurs. Puis «envoye», puis ça
presse, puis il faut aller vite, il n'y a pas de place pour une sorte de
sagesse du temps. On est loin de Bouddha, là, on n'est pas du tout dans… ouf,
on va respirer par le nez. Vite, vite, vite, mais hier on se l'est dit :
On va arriver tous les deux, un jour, au jour ultime, mais à des vitesses
différentes. Il court vite, vite, vite, peut-être qu'il faut être un peu plus
raisonnable.
Nous, on apporte un côté peut-être plus
raisonnable, mais cette patience-là ou cette impatience, je devrais dire, c'est
exactement de ça dont il est question dans ce cas-ci. Ce n'est pas une question
d'accès au français, puis ce n'est pas une question que «on est au Québec», ce
n'est pas une question de «tout doit se passer en français», parce qu'on ne le
dira jamais assez, on est d'accord qu'il y ait une traduction française. On
n'est pas d'accord sur le temps, sur la temporalité parce que…
Mme David : ...exactement de ça
dont il est question dans ce cas-ci. Ce n'est pas une question d'accès au français
puis ce n'est pas une question que : On est au Québec. Ce n'est pas une
question de tout doit se passer en français, parce qu'on ne le dira jamais
assez, on est d'accord qu'il y ait une traduction française. On n'est pas
d'accord sur le temps, sur la temporalité parce qu'on essaie d'être plus
concrets sur les conséquences dans la vie des gens, la vie des juges, la vie
des procureurs, la vie des clients, la vie de tout le monde.
Alors, je vais m'arrêter là parce que le ministre
étant très impatient, il va être content de passer à autre chose. On ne le
gagnera pas, on le sait, mais j'aimerais ça qu'on retienne ça. Est-ce qu'on va
être jusqu'à la fin en haut du Kilimandjaro dans cette impatience puis certains
vont arriver en haut puis d'autres ne s'y rendront pas parce qu'ils auront fait
une crise cardiaque en chemin? Je ne le sais pas. Mais je pense qu'il faudrait
réfléchir de cette façon-là. Est-ce qu'on veut à ce point bousculer, même si on
est d'accord... puis je pense que le député de La Pinière a dit : On
va arriver à la même place, mais avec une Ferrari qui va avoir plein de
contraventions en chemin sur l'autoroute ou avec un respect de ce qui est plus
raisonnable? Alors, je m'arrête là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre, après ça, j'irai au député de La Pinière.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça
me fait penser à l'histoire de Betty, Mme la Présidente. Touf, touf, touf,
lentement, mais sûrement. Lentement, mais sûrement. Alors, Mme la Présidente,
moi, j'ai l'approche de Betty, parce que, je vous explique, Donald Duck a sa
voiture rouge rutilante, et Goofy... c'est une histoire vraie, Mme la
Présidente, que je lis fréquemment...
La Présidente (Mme Thériault) :
...enfants.
M. Jolin-Barrette : Pour ma
fille, bien entendu. Alors, et Goofy est dans la vielle Betty, une vieille
auto, et Betty... Goofy dit toujours à Betty : Lentement, mais sûrement,
puis elle fait : Touf, touf, touf. Puis là, dans le fond, ils font une
course. Donald dit à Goofy, il dit : Écoute, on se rend au prochain
village, puis le premier arrivé paie la crème glacée à l'autre.
J'ai plutôt l'approche de Goofy.
Lentement, mais sûrement, lentement, mais sûrement, parce que ce dossier-là, Mme
la Présidente, il m'a été confié en septembre 2019 par le premier ministre. Aujourd'hui,
on est en décembre 2021, on arrive en janvier 2022. Donc, ça fait deux ans.
Plus que deux ans. Pendant ce temps-là, Mme la Présidente, on a pris acte du
déclin du français. On a constaté dans la sphère publique à quel point il
fallait agir. Tous les exemples qu'on a eus sur... dans la région
métropolitaine de Montréal, les entreprises, la langue du travail, la langue
des affaires, la langue d'intégration des personnes immigrantes, je vous dirais
que j'ai été fort sensibilisé, à l'époque où j'étais au ministère de
l'Immigration...
M. Jolin-Barrette : …pendant
ce temps-là, Mme la Présidente, on a pris acte du déclin du français, on a
constaté dans la sphère publique à quel point il fallait agir. Tous les
exemples qu'on a eus dans la région métropolitaine de Montréal, les entreprises,
la langue du travail, la langue des affaires, la langue d'intégration des
personnes immigrantes, je vous dirais que j'ai été fort sensibilisé à l'époque
où j'étais au ministère de l'Immigration, et on a bien fait le travail pour
arriver en mai 2021 avec un projet de loi qui est costaud, qui agit sur les
différents paramètres, et tout le monde le reconnaît, même la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Alors, on ne peut pas dire qu'on a fait ça
de façon prématurée, on a vraiment beaucoup réfléchi à chacune des dispositions
et à leur impact et à l'opportunité de les présenter dans un contexte général.
Je donne un exemple. Même pour Francisation Québec, comment est-ce qu'on fait
pour mieux intégrer les personnes immigrantes? Comment est-ce qu'on fait pour
franciser sur les lieux de travail? Puis c'est un défi que tous les gouvernements
ont eus au cours des années. On a mis en place le décret par rapport à l'article
1 de la loi n° 104 en 2002. C'est une kyrielle de mesures qu'on met en
place pour freiner le déclin du français, surtout, et ça, c'est le plus
important, faire du français la langue commune. Il faut que ça se traduise
concrètement.
Alors, Mme la Présidente, en commission
parlementaire, on a beaucoup de travail à faire, mais, déjà, moi, je trouve que
je prends pas mal mon temps comparativement à d'autres projets de loi, trois
semaines de consultations, Mme la Présidente, 51 groupes, ça a été les plus
longues consultations de la législature, quand même, Mme la Présidente. Alors,
je tiens à rassurer la collègue, je vais continuer avec Betty… lentement mais
sûrement. Puis il y a une côte dans cette histoire-là, puis Betty réussit à
monter la côte puis arriver au bout d'un chemin, puis là, sans vous… mais je
vais vous le dire, Mme la Présidente, parce que Donald, durant tout ce
temps-là, fait plein de choses, va laver son auto, arrête dîner, décide de
jouer au baseball, tout ça, fait plein de… se laisse divertir, disons, mais
Goofy, il n'arrête pas dîner, il continue, il conduit lentement mais sûrement.
J'ai cette approche-là, Mme la Présidente, et je ne me laisserai pas divertir,
je reste précisément sur mon objectif de livrer un projet de loi, Mme la Présidente,
qui va être complet et je ne souhaite pas le dénaturer, enlever des éléments
qui permettraient de ne pas assurer la pérennité et la protection du français.
Et ça, l'article 9, ça en fait partie.
Donc, simplement vous dire, je vais
continuer avec Betty, et qu'à la fin, bien, je vais vous le dire à la fin du
projet de loi qui a gagné la course, entre Betty puis entre Donald. Donc, je
suis…
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : Toute ma
patience est là, Mme la Présidente, pour continuer à travailler sur le projet
de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est rassurant pour la suite des choses. Merci, M. le ministre. M. le député
de La Pinière.
M. Barrette : Disons que j'ai
noté trois moments, trois phrases où j'aurais pu faire un article 35. Selon les
propos qui sont particuliers, là, ce n'est pas compliqué, ça se résume à, vous…
La Présidente (Mme Thériault) :
...rassurant pour la suite des choses. Merci, M. le ministre. M. le
député de La Pinière.
M. Barrette : Disons que j'ai
noté trois moments, trois phrases où j'aurais pu faire un article 35...
les propos, qui sont particuliers, là, ce n'est pas compliqué, ça se résume
à : Vous intervenez, vos interventions dénaturent le projet de loi. Mais
je ne dis pas que c'est ça que le ministre a dit, Mme la Présidente, mais
je dis que le mot «dénaturer» a été prononcé. Touf, touf, touf! ça pourrait
vouloir dire autre chose. Là, à un moment donné, si tout ce que l'on dit est
inutile, que le ministre nous le dise, on va aller tout de suite à la fin, là,
à la date de sanction. Je sais qu'il n'a pas dit ça, là. J'ai dit «si».
Alors, je vais continuer quand même dans
la même ligne, là, parce que je pense qu'on a une utilité, même si le ministre
est passé, dans la même séance, ce matin, de «un pas dans la bonne direction»
à... Bien, je vous dirai, à la fin, qui a gagné, là, je ne sais pas trop, là.
Ça me déçoit.
Ceci dit, je vais poser une question
simple au ministre, là, par curiosité, ça a peu d'intérêt. Le Canada Act, là, d'après
le ministre, là, pourquoi il n'a pas été traduit, en 39 ans, en français?
M. Jolin-Barrette : Ça,
Mme la Présidente, je ne peux pas vous le dire. Ce que je constate, c'est
les résultats, par contre. Je ne peux pas vous dire la genèse, et pourquoi
est-ce que ça n'a pas été traduit.
M. Barrette : Est-ce qu'il a
des hypothèses? Ça se peut-u que ce soit complexe, qu'il y ait des enjeux, dans
la traduction, qui aient une portée, même, je dirais, législative
significative? C'est-u de la mauvaise foi, une absence de volonté? Ou peut-être
qu'il y a des raisons justifiées de ne pas l'avoir traduit?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Moi,
Mme la Présidente, vous me connaissez, je ne souhaite pas prêter
d'intention à personne, donc je ne peux pas dire qu'il y a de la mauvaise foi
ni quoi que ce soit. Donc, je ne peux pas vous le dire.
M. Barrette : Je n'ai pas
demandé au ministre de prêter des intentions. Je lui ai demandé s'il avait des
hypothèses. Une hypothèse, ce n'est pas prêter une intention.
Une chose est certaine, Mme la Présidente,
il n'est pas traduit. Et d'aucuns pourraient dire que ce n'est pas traduit
parce qu'il y a un problème, on peut juste dire ça, il y a un problème. Admettons
que le problème n'est pas de nature politique, n'est pas une intention
politique, admettons ça. Je ne dis pas que c'est ça, je ne le sais pas, mais il
y a une raison. Mais admettons que c'est parce que ça pose un problème. Bien,
si la traduction, si la traduction de la Constitution pose un problème, là,
peut-être que la traduction, dans le commun des mortels, peut poser un
problème, aussi, et représenter, comme je le disais hier, un fardeau.
• (12 h 30) •
Je vais poser une autre question au
ministre, là, qui est très terre à terre, celle-ci, là, et qui est
dans 96, là…
12 h 30 (version non révisée)
M. Barrette : …de la
constitution pose un problème, là. Peut-être que la traduction, dans le commun
des mortels, peut poser un problème aussi et représenter, comme je le disais
hier, un fardeau.
Je vais poser une autre question au
ministre, là, qui est très terre à terre, celle-ci, là, et qui est dans 96, là.
Le ministre fait souvent référence au fait... et là je ne connais pas la
réponse, là, je ne veux pas le piéger d'aucune manière, là, il a dit qu'il y a
juste aux Petites Créances qu'il n'y a pas d'avocat. Puis le fait d'avoir
besoin d'un avocat, pour une personne morale, c'était quelque chose de cardinal
dans le fait qu'il n'y en a pas de problème, avec le français, bon. Je
comprends, là, est-ce que je comprends mal qu'à la Cour des petites créances il
va falloir une version française aussi. C'est peut-être que j'ai mal compris,
là, c'est…
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Donc, une personne morale doit avoir une version française avec les actes de
procédure.
M. Barrette : À la Cour
des petites créances aussi.
M. Jolin-Barrette :
Partout.
M. Barrette : Parfait.
C'est correct. Mais, à la Cour des petites créances, il n'y a pas nécessairement
d'avocat. Alors, on a là l'obligation d'avoir... parce que... et je fais un pas
de recul, Mme la Présidente. Un des arguments fondamentaux, cardinaux du
ministre sur tout le débat qu'on a, là, c'est : Regardez, vous vous
énervez pour rien parce qu'au Québec les avocats doivent parler français, et
puis il n'y a pas de raison que. Bon. Nous, on dit : Oui, oui, mais il y a
peut-être des cas de figure où c'est le contraire, il va y avoir un problème,
la traduction va poser un problème. Les Petites créances, c'est un cas de
figure où ça peut poser un problème. Bon. Je prends un cas de figure hypothétique,
très hypothétique, d'une résidence anglophone de Beaconsfield qui est une RPA
et qui ne dessert que des gens pauvres, et ça existe. Là, je ne sais pas si le
ministre est au courant, là, mais il y a des OBNL qui sont des OBNL
d'habitation, qui sont des RPA, et puis qu'ils ont de la misère à rejoindre les
deux bouts, et puis la RPA peut avoir contracté, je ne sais pas, moi, une entreprise
de rénovation anglophone qui n'a pas donné des bons services et la poursuit
puis la poursuit aux Petites créances. C'est combien, là? C'est rendu
3 000 $ ou 5 000 $ les Petites créances, là?
Une voix : 15.
M. Barrette : 15, oui. Ça
fait longtemps que je suis en retard. 15 000 $. Bien, il est possible
que la traduction soit un obstacle, là. Et là, ici, dans un cas de figure où ce
n'est pas la banque canadienne-anglaise qui poursuit un Québécois francophone,
on n'est pas là-dedans, là. On est dans un cas de figure anglais, anglais, à la
Cour des petites créances, mettant en cause des gens modestes, pour qui la
traduction peut entraîner des coûts substantiels. Pourquoi ça, là? Puis là on
ne conteste pas, là... je vais être clair, là, je ne conteste pas le français,
là, on n'est pas là-dedans, qu'il ne nous réponde pas : Le Parti libéral
est contre le français. On dit simplement, je dis, dans l'exemple suivant,
qu'en droit c'est comme ça, là, il y a eu, par exemple, un contrat, il y a eu
un tort...
M. Barrette : ...je vais être
clair, là, je ne conteste pas le français, là, on n'est pas là-dedans, qu'il ne
nous réponde pas : Le Parti libéral est contre le français. On dit simplement,
je dis, dans l'exemple suivant, qu'en droit c'est comme ça, là, il y a eu, par
exemple, un contrat, il y a eu un tort, il y a eu un dommage, il y a quelqu'un
qui poursuit. La personne qui poursuit, qui est dans son bon droit, peut être
dans une situation où il y a un enjeu de temps, hein? Et là on dit : Bien,
peut-être que, dans ce cas de figure là, par exemple, là, on devrait s'assurer
que ça, ça ne soit pas un obstacle à l'accès à la justice pour des raisons a,
b, c, le coût, le temps, et ainsi de suite.
Puis on est d'accord, on va la faire, ils
vont la faire, ça va arriver. Pourquoi ça, ce n'est pas recevable?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, je suis très sensible à ce que dit le député de La Pinière.
Mais le droit de recevoir des actes de procédure en français de la part des
personnes morales, il m'apparaît fondamental et que ça soit immédiatement. À
partir du moment où une entreprise incorporée décide de faire des actes de
procédure, au Québec, les personnes morales devraient le faire en français, à
tout le moins, de donner une traduction certifiée, et elles ont tout le loisir
d'agir en anglais ou en français, mais ça prend au moins une traduction
certifiée.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Barrette : Mme la
Présidente, le ministre vient de me dire qu'il est sensible à ce que je dis.
Ça, ça devrait se manifester par prendre le même cas de figure dans la réponse,
là. Le cas de figure que j'ai donné, je vais le répéter : OBNL, modeste en
moyens financiers, anglophone, qui s'adresse à un entrepreneur qui est un
individu qui est anglophone. Nous, tout ce qu'on dit, c'est que, dans un cas
comme celui-là, là, la version française, elle est nécessaire par la loi qui
sera éventuellement adoptée, mais elle n'est pas nécessairement utile. Le délai
pourra être utile pour la partie qui est l'OBNL modeste. Alors, je dis que,
dans ce cas-là, il y a un problème.
Je ne prétends pas, je ne suis pas un
oracle, je ne peux pas voir tous les cas de figure. Mais j'essaie de voir s'il
y a des cas de figure où la loi, telle qu'elle est écrite, peut poser un
problème. On en expose un. La réponse, dans mon cas de figure, c'est que tout
le monde a le droit de recevoir ça en français. Mme la Présidente, dans le cas
de figure que je montre, là, ça n'a aucun intérêt pour les parties ni la cour.
Ça devient un dogme.
Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a moyen,
là, d'atténuer ça grâce à l'amendement. Qu'on le change, l'amendement. Mais il
y a un intérêt, là, à regarder ça en ce qui me concerne, tout simplement.
Alors, elle est quoi, la réponse à ça? L'exemple que je donne, il n'est pas bon?
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, chaque cas peut être un cas d'espère, une question relativement au
principe. Est-ce qu'au Québec on souhaite...
M. Barrette : ...concerne tout
simplement. Alors, elle est quoi, la réponse à ça? L'exemple que je donne, il
n'est pas bon?
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, chaque cas peut être un cas d'espèce. Une question relativement au
principe : Est-ce qu'au Québec, on souhaite faire en sorte que les
personnes morales joignent une procédure en français de leur acte de procédure?
La réponse à cette question-là, pour nous, c'est très clairement oui, et sans
délai, immédiatement, si c'est le choix qui est fait par la personne morale.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Barrette : Il me reste?
La Présidente (Mme Thériault) :
...minute.
M. Barrette : Une minute. Est-ce
que le rôle du législateur est, ou non, dans l'esprit du ministre, d'édicter
des lois qui protègent les intérêts de tous les citoyens au Québec? Ça, ça veut
aussi dire de ne pas nuire à certains citoyens du Québec. Est-ce que le
législateur a la responsabilité d'analyser tous les cas de figure et de voir
s'il est possible de faire des aménagements pour éviter les impairs juridiques?
Pour moi, la réponse à ça, c'est oui. Est-ce que le ministre, c'est non? Si
c'est non, ça veut dire que c'est dogmatique, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme
la Présidente, on semble vouloir prêter des intentions de nouveau. Alors, moi,
mon objectif, Mme la Présidente, c'est de faire en sorte de pouvoir garantir à
tous les citoyens québécois qu'ils vont pouvoir accéder à des actes de
procédure en français, dès le moment où ça leur est signifié par une personne
morale, et c'est ce que dit la disposition.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député, rapidement.
M. Jolin-Barrette : C'est
donc une loi nonobstante. Ma job, c'est de faire une loi qui arrive à telle
destination, nonobstant potentiel le tort que ça pourrait causer à des citoyens
du Québec. C'est une version législative de la clause nonobstant. C'est
fantastique. Moi, je trouve ça extraordinaire, le moment qu'on vit actuellement.
Je termine là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Vous n'avez plus de temps. Est-ce que vous avez d'autres interventions?
Sinon, on va mettre aux voix le sous-amendement. On est prêts à mettre aux voix
le sous-amendement.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Vote par appel nominal. Mme la secrétaire.
La Secrétaire
:
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette : Pour.
La Secrétaire
: Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire
: M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire
: M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
: M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire
: Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire
: M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire
: M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire
: Et
Mme Thériault (Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, le sous-amendement est rejeté. Et nous revenons donc à
l'amendement qui a été déposé par la collègue, la députée de
Marguerite-Bourgeoys, à l'article 9 de l'article 5.
M. Barrette : …un autre
amendement à déposer...
La Secrétaire
: …et Mme Thériault
(Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, le sous-amendement est rejeté. Et nous revenons donc à l'amendement
qui a été déposé par la collègue, la députée de Marguerite-Bourgeoys, à l'article
9 de l'article 5.
M. Barrette : …un autre amendement
à déposer. Non, c'est un…
Une voix : …
M. Barrette : Ah! il faut
qu'on vote sur… Excusez-moi, excusez-moi, excusez-moi.
La Présidente (Mme Thériault) :
…premier amendement de la collègue, la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc,
si…
Mme David : Mme la Présidente,
je n'ai pas grand-chose à rajouter. Je pense qu'on a…
La Présidente (Mme Thériault) :
On a fait le tour?
Mme David : Bien, on a épuisé
le sujet. Enfin, on note tout ça, et puis on se gardera au fur et à mesure un
fil conducteur pour la suite de nos interventions. Alors, ça va s'arrêter là
pour cet amendement-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je comprends que vous voulez mettre aux voix l'amendement que vous avez
déposé.
Mme David : Oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Vous voulez un vote par appel nominal, encore? Mme la députée.
Mme David : Pour.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. Vous voulez un vote par appel nominal?
Mme David : Ah! oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
Mme David : Oui, excusez…
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais je vois que vous êtes pour. Pour votre amendement, c'est bon. Mme la
secrétaire, vous pouvez procéder.
La Secrétaire
: Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire
: M. Barrette
(La Pinière)?
M. Barrette : Pour.
La Secrétaire
: M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire
: M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
: M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire
: Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire
: M. Poulin
(Beauce-Nord)?
M. Poulin : Sud.
La Secrétaire
:
(Beauce-Sud)? Pardon.
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire
: M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire
: Et Mme Thériault
(Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente
(Mme Thériault) : Abstention. Donc, l'amendement déposé par la députée
de Marguerite-Bourgeoys est rejeté. M. le député de La Pinière, j'ai
compris que vous avez un autre amendement à nous proposer concernant l'article
9. Allez-y.
• (12 h 40) •
M. Barrette : Oui.
Excusez-moi, là, pour l'impair de procédure que j'ai fait, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que l'amendement est sur Greffier?
M. Barrette : Je l'ai fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Attendez juste une seconde, la secrétaire va me répondre. L'amendement est
sur Greffier. Donc, vous pouvez procéder. J'ai une copie devant moi aussi.
M. Barrette : Très bien.
Alors, l'amendement se lit ainsi : L'article 5 du projet de loi est
modifié par le remplacement, dans l'article 9 de la Charte de la langue
française qu'il introduit, du deuxième alinéa par le suivant : «Les frais
de la traduction sont des frais de justice.»
Alors, Mme la Présidente, ça, je veux simplement
l'expliquer, parce que le temps passe et je vais probablement terminer avec ça,
là. Alors, écoutez, là, ici, je n'ose pas encore imaginer, je ne suis pas
capable, imaginer que cet élément va être considérer comme hostile au concept
de la nécessité d'avoir des traductions françaises, là, ça ne se peut pas, là.
Alors, le ministre, évidemment, connaît mieux que moi le concept des frais de
justice. C'est un sujet qui est apolitique, qui est totalement juridique et
que… Bien oui, là. Là, c'est le message de la présidente, je vois…
M. Barrette : …ça ne se peut
pas, là. Alors, le ministre, évidemment, connaît mieux que moi le concept des
frais de justice. C'est un sujet qui est apolitique, qui est totalement
juridique et que… Bien oui, là… Mme la Présidente, je vois une expression
d'étonnement dans le regard du ministre quand j'ai prononcé le mot
«apolitique»… Si l'étonnement vient du fait que c'est politique, bien là, on va
avoir de longs échanges.
Alors, la notion de frais, vous le savez, Mme
la Présidente, c'est une notion qui est de nature juridique administrative, c'est-à-dire
que, dans un jugement, un juge va déterminer, en fonction du mérite de la cause
et de la démarche de la cause, si les frais sont à la charge de l'une ou
l'autre partie. Et nous considérons, depuis le début… Et là, Mme la Présidente,
c'est quand même un beau moment pour rappeler que les frais de justice, à ma
connaissance, sont un fardeau pour une des deux parties, puisqu'il arrive que
le juge impute les frais à la partie qui fait l'instance, qui fait le procès.
Ce n'est pas automatique que ça s'en va à l'autre partie, même que l'autre
partie, là, le défenseur peut se ramasser avec des frais.
Ceci dit, Mme la Présidente, depuis le
début, nous, on dit que ces frais-là vont, dans les faits, constituer un
fardeau et nous souhaitons laisser le loisir au juge, dépendamment de la circonstance,
d'attribuer ces frais-là à l'une ou l'autre des parties. En français, là, la
partie qui a tort puis qui fait une procédure qui n'est pas vraiment justifiée,
au mérite, là, normalement, elle a une espèce pénalité, on va dire ça comme ça,
en langage laïque, là. Regarde, tu as fait quelque chose de frivole, tu te
ramasses avec les frais. Alors, ça, ce sont des frais qui sont un fardeau, et
on veut donner la chance au justiciable de récupérer sa mise si cette
personne-là se retrouve, à la fin d'un jugement, dans une situation favorable.
Alors là, ce n'est pas une question de langue française ou non, c'est une
question de fardeau pour lequel on peut avoir un soulagement si les
circonstances juridiques le permettent.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de La Pinière. M. le ministre, je vais vous permettre
de prendre la parole au retour, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, parce que
je vais vous interrompre dans quelques secondes pour vous dire qu'on est
arrivés à l'heure prévue pour ajourner… pour suspendre les travaux ce matin.
Donc, sans plus tarder, je vais suspendre
les travaux. Et nous nous retrouverons après 15 heures pour la poursuite
des travaux. Bon appétit, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 12)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux et nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi
n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le
français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
en étions à l'étude de l'article 9, de l'article 5. M. le député de La
Pinière avait déposé un amendement. Il nous l'avait présenté et nous étions
rendus au tour du ministre que… j'ai très élégamment souligné le fait que je ne
lui ferais pas commencer son intervention pour 15, 20 secondes. Donc, au
retour, la parole est à vous, M. le ministre sur l'amendement du collègue de La
Pinière.
M. Jolin-Barrette : Oui,
voyez-vous… oui, c'était au niveau des frais judiciaires. En fait, ce que le
député de La Pinière nous disait, c'est il disait : Écoutez, bien, celui
qui a entamé la poursuite, dans le fond, va payer les frais judiciaires. On va
laisser le juge déterminer. Or, la traduction, ça ne peut pas être des frais
judiciaires considérant le fait que c'est l'accès à la justice, l'accès à une
procédure en français. Donc, moi, je vois mal comment on devrait… même si la
personne se fait condamner, au niveau du jugement, par la poursuite, par le
biais d'une personne morale supposons, on viendrait la pénaliser d'avoir une
procédure dans sa langue en français. Donc, ça va un peu à l'encontre de la
disposition, parce que la proposition, là, que ça fasse partie des frais de
justice, là, dans un cas comme dans l'autre, là, que la personne morale soit en
poursuite ou en défense, là, la proposition fait en sorte que, dans le fond, à
partir du moment où la personne morale elle doit traduire sa procédure en
français, le député de La Pinière nous dit : Bien, écoutez, ça va faire
partie des frais de justice. Le juge lorsqu'il accorde les débours judiciaires,
avec frais, sans frais, lorsqu'il accorde la requête où chaque parti payant ses
frais, si on relie ça à, justement, tel qu'il est proposé, ça fait en sorte
qu'on viendrait dire : Bien, écoutez, le juge pourrait faire porter comme
les frais de la traduction comme étant un fardeau à la partie défenderesse ou à
la partie demanderesse. Alors, on viendrait dire : Bien, le fait d'avoir
sa procédure en français, ça constitue des frais judiciaires. Or, ce n'est pas
ça le principe qu'on veut faire. On ne veut pas pénaliser quelqu'un parce qu'il
a droit à sa procédure en français. Donc, c'est ça qui est…
M. Jolin-Barrette : …alors, on
viendrait dire : Bien, le fait d'avoir sa procédure en français, ça
constitue des frais judiciaires. Or, ce n'est pas ça, le principe qu'on veut faire,
on ne veut pas pénaliser quelqu'un parce qu'il a droit à sa procédure en
français. Donc, c'est ça qui est… avec lequel je ne suis pas à l'aise dans
l'amendement, le fait de faire supporter à une partie, supposons, qui est… qui
n'obtient pas gain de cause ou qui se fait condamner, de lui dire : Bien,
en… puis peut-être que son point était légitime, là, parce que tout le monde a
le droit de se défendre devant les tribunaux, tout le monde a le droit de
prendre action, de faire valoir ses droits. Là, on viendrait lui dire :
Bien, écoute… c'est comme si on insérait le droit d'avoir une procédure en
français comme étant un élément qui pourrait être pénalisant. Or, c'est tout le
contraire qu'on veut faire, on veut rendre ça disponible dès le départ. Comprenez-vous
ce que je veux dire?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, j'aimerais
que le ministre m'explique alors les frais judiciaires, quand on impute à une
partie ou à l'autre. Ce n'est pas la même réflexion pour tous les autres frais.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
la différence…
Mme David : …obligé de payer
quelque chose, là. C'est un fardeau.
M. Jolin-Barrette : Bien,
généralement, lorsque vous demandez la poursuite, vous demandez avec frais.
Vous faites valoir votre droit, puis là vous dites : Avec frais, O.K.?
Donc là, la personne morale, on lui dit : Bien, écoute, la charge, le fait
de choisir de faire la procédure en anglais t'engage des frais en français,
supposons, pour les frais de traduction, mais c'est un choix qui est fait. À
partir de ce moment-là, c'est comme si on disait au justiciable, qui,
supposons, est poursuivi, puis supposons qu'il a tort… On lui dit : Bien,
écoute, à la base, là, la procédure, là, parce qu'on est une personne morale,
on va te la charger en plus. Si jamais tu n'as pas de gain de cause, on va te
la charger en plus, alors que la langue de la législation puis la justice,
c'est le français. Donc, c'est comme si on venait dire : Bien, c'est un
fardeau supplémentaire parce que c'est écrit en français. Or, ce n'est pas la
bonne logique, là. La logique, c'est le fait de dire : Ça doit être en
français lorsqu'on est une personne morale ou qu'il y ait une traduction en
français. Moi, je n'aime pas le fait de venir dire : Ça va vous coûter des
frais parce que vous avez obtenu une traduction en français. À la base, là, la
personne morale, là, elle fait le choix, là, de l'écrire en anglais, supposons,
ou de l'écrire en français. Là, elle a le choix. Mais là nous, ce qu'on
dit : L'article, il est là pour faire en sorte que tout le monde ait accès
à une procédure en français, puis pas juste la partie à l'instance, mais aussi
le public, le public en général, le personnel de la cour, les journalistes. Tu
sais, c'est le principe même de la justice. La justice, elle est publique, il
faut que la population puisse comprendre, puisse saisir. Alors, l'acte de
procédure, comme tel, c'est normal qu'il soit en français, dès le départ, par
une personne morale.
Mme David : Puis, quand vous
dites…
M. Jolin-Barrette : …le personnel
de la cour, les journalistes. Tu sais, c'est le principe même de la justice. La
justice, elle est publique, il faut que la population puisse comprendre, puisse
saisir. Alors, l'acte de procédure, comme tel, c'est normal qu'il soit en
français dès le départ par une personne morale.
Mme David : Puis, quand vous
dites : La langue de la justice, là, c'est le français, là, je ne
comprends plus. Il me semble que Blaikie ne dit pas ça, c'est le français ou
l'anglais.
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, Blaikie… Dans le fond, l'article 133 nous dit que les deux langues
peuvent être utilisées, mais quand même sous réserve de 133, la langue de la
législation et de la justice, c'est le français.
Mme David : C'est… Mais on le
dit dans quel corpus, ça, par rapport au corpus 133? Parce que la langue de la
législation là, ici, on parle français, c'est clair, mais on peut parler
anglais aussi. Puis le projet de loi, il est déjà traduit. On en a même parlé
de la traduction hier.
(Consultation)
M. Jolin-Barrette : …la
langue de la législation et de la justice, c'est le français, sous réserve de
1, 2 dans la Charte de la langue française.
Mme David : Une fois qu'on a
enlevé les réserves, qu'est-ce qui reste?
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce
que vous voulez dire, sous réserve?
Mme David : Bien c'est la
langue… le français est la langue de la législation… sous réserve de, mais sous
réserve de 133 qui dit que la législation et ce qui se passe en cour, tout ça,
peut être dans une des deux langues.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : Alors, qu'est-ce
qui reste une fois que tu as enlevé les réserves de français? C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Mais
qu'est-ce qui reste, il reste ce qu'on est en train de faire, de dire que les
personnes morales, lorsqu'elles produisent un acte de procédure…
Mme David : Ils doivent le
traduire en français.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Ils
doivent le traduire.
Mme David : Mais admettons que
la poursuite est futile puis que ça coût plein d'argent, puis que c'est dans…
C'est ça, l'esprit des frais qui sont imposés à une partie ou à l'autre. Le
juge, quand il réfléchit sur les frais, là, puis qu'il dit : Les frais
doivent être à telle partie ou à telle autre partie, il me semble que c'est
parce qu'il dit : Bien là, on incombe les frais, habituellement, aux
perdants — si je comprends bien — et non pas aux gagnants.
Donc là…
M. Jolin-Barrette : …ça, ça
dépend, parce que le juge, quand les arguments ont de l'allure des
deux côtés, peut faire le choix de chacun des parties payant ses frais.
Mme David : Mais c'est ça,
mais notre amendement n'empêche pas ça, là, quand on dit que la… sont des frais
de justice, on laisse le juge dire : Bien, ça va être l'un ou l'autre qui
va payer, hein, ou les deux, dépendant de ce que le juge décide.
M. Jolin-Barrette : Mais je
ne veux pas assimiler la langue française à des frais de justice. Tu sais, dans
le fond, le principe de base, c'est que le français devrait toujours être
présent. C'est ça le principe de base, ça ne doit pas être pénalisant, le fait
d'avoir une traduction française.
Mme David : …pouvez-vous me
donnez d'autres exemples de frais de…
M. Jolin-Barrette : …mais je
ne veux pas assimiler la langue française à des frais de justice, tu sais, dans
le fond, le principe de base, c'est que le français devrait toujours être
présent, c'est ça, le principe de base, ça ne doit pas être pénalisant, le fait
d'avoir une traduction française.
Mme David : Pouvez-vous me
donner d'autres exemples de frais de justice?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
débours judiciaires, les transcriptions, les notes sténographiques, le timbre
judiciaire, supposons qu'il y a du repiquage.
Mme David : C'est parce que
c'est intéressant, l'échange, parce que, est-ce que le fait d'avoir… parce que
les notes sténographiques, c'est de la transcription, mais ce n'est pas de la
traduction. La traduction, c'est plus à partir d'une autre réflexion que vous
dites, ça ne devrait pas être dans les frais de justice. Pourquoi? Parce que
c'est la question d'une langue, d'une langue qui est la langue officielle du Québec,
et donc ça, ce ne serait pas un frais de justice, mais le reste des
technicalités des dépenses qui viennent, là, comme ce que vous appelez le
timbre ou les notes sténographiques, ça, ce serait comme une autre base de
réflexion pour le juge de dire : Ça doit être une ou l'autre des deux
parties qui doit assumer ces frais-là. Mais la langue, c'est comme par
principe, ce ne sera pas un ou l'autre même si ça peut coûter cher, parce qu'il
y a quelqu'un que paie le traducteur en bout de ligne, là, ça s'est sûr.
M. Jolin-Barrette : Dans ce
cas-ci, c'est la personne morale.
Mme David : Puis, tout d'un
coup que la personne morale, pour tous les frais de justice, là, le juge
dise : Ça ne va pas avec la personne morale qui va payer les frais de
justice, ça va être l'autre partie, parce que si le juge doit décider, ça veut
dire qu'il y a deux choix, bien…
M. Jolin-Barrette : Il a plusieurs
choix, soit qu'il dit «avec frais», «sans frais», «chaque partie payant ses
frais».
Mme David : Bon. Bien, c'est
ça, il a quelque chose à décider. Puis ce que vous dites, c'est que, même si,
lui, il n'a pas… disons que le juge dit «avec frais pour l'autre partie», «avec
frais pour l'autre partie», mais la personne morale va dire : Bien, moi, O.K.,
ils vont me rembourser le timbre, le sténographique, etc., mais pas la
traduction, c'est ça que je comprends, on ne le mettra pas dans…
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce qu'il ne faut pas assimiler le fait d'imposer à un justiciable le coût
d'accéder à des documents en français au Québec. Ce n'est pas une partie au
litige à assumer les frais de traduction.
Mme David : Bien, la question
ne s'est jamais posée, en fait, dans ces termes-là, puisque ça n'existait pas
jusqu'à ce que cette loi-là vienne en vigueur, parce que je comprends bien, là,
on est dans une nouvelle réflexion.
M. Jolin-Barrette : Bien, la
députée a raison, Mme la Présidente, effectivement, c'est du droit nouveau, à
l'exception qu'à l'époque de la loi 101, en 1977, il y avait certains articles
qui faisaient en sorte que la seule langue, devant les tribunaux, c'était le français,
à moins que l'autre partie consentait à ce que les documents soient en anglais
ou, un truc comme ça, mais ça a été invalidé par Blaikie.
Mme David : Bien, je suis
contente de…
M. Jolin-Barrette : ...en
1977, il y avait certains articles qui faisaient en sorte que la seule langue
devant les tribunaux, c'était le français, à moins que l'autre partie
consentait à ce que les documents soient en anglais ou un truc comme ça, mais
ça a été invalidé par Blaikie.
Mme David : Bien, je suis
contente de me dire, même à moi-même : C'est du droit nouveau, parce que
je ne l'avais pas pensé en ces termes-là, mais c'est vrai puisque ça n'existait
pas avant. Donc, on a au moins raison, mon collègue et moi, de se poser la question :
Ça fait-u partie des frais ou ça ne fait pas partie des frais?
M. Jolin-Barrette : Bien non,
mais ça ne fait pas partie des frais de justice. Dans le fond, moi, je ne
souhaite pas le qualifier comme étant... faisant partie des frais de justice,
parce qu'il s'agit d'accès à la justice en français. Il ne faut pas l'assimiler
à ça. L'amendement que vous proposez, l'amendement que le député de La Pinière
propose, c'est justement de faire ça, de faire en sorte que c'est comme si vous
assimilez la traduction en français d'un document à des frais de justice, ce
que nous ne souhaitons pas faire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée Marguerite-Bourgeoys, ça va? Ou, sinon, j'ai le députée de La
Pinière qui voudrait continuer.
M. Barrette : Rapidement, là,
parce que je vois où est-ce qu'on s'en va, ou plutôt là où on ne va pas, là.
Alors, ici, le ministre, essentiellement, fait un choix, il l'a dit lui-même,
il ne veut pas assimiler un frais qui est incontournable, comme les autres
frais, à la traduction française, dont il vient sacraliser un frais qui devient
intouchable. Les autres frais, eux autres, c'est des frais païens, alors eux
autres, on peut les mettre dans des frais, mais les sacralisés, on ne peut pas
les mettre. Alors, c'est ça qu'il fait. C'est un choix, il l'a dit
lui-même : Je ne veux pas assimiler ça à un frais juridique parce que
c'est la justice en français. Mais tous les autres frais sont incontournables,
eux autres aussi. Je prends l'exemple des notes sténographiques. Quand il y en
a, c'est un frais, c'est incontournable, merci, bonsoir.
Je ne veux pas, Mme la Présidente, aller
plus loin. Je comprends que le ministre, il ne céder pas là-dessus. Si ma collègue
est d'accord, on peut voter là-dessus, parce que c'est toujours la même roue
qui tourne, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
...commentaires? M. le ministre semble d'accord à passer au vote. Oui, Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, le dernier commentaire
que je ferais va dans le sens de mon collègue, c'est qu'on décide ensemble à ce
moment-ci, parce qu'il faut être conscient que cette loi-là, elle a beaucoup de
droit nouveau, elle a beaucoup d'enjeux qui n'ont pas été nécessairement
abordés ailleurs, ou dans d'autres lois, ou dans les années passées. Donc, il
est clair que s'il y a une partie qui dépose un litige, qui est de toute
évidence de mauvaise foi, qui abuse, n'importe quoi, le juge pourrait, si on
mettait ça dans la loi, dire : Tu vas rembourser aussi les frais de
traduction. Parce que ça a toujours bien coûté quelque chose à quelqu'un
d'avoir à traduire ça, mais ça, ce n'est pas considéré comme étant une
dépense... j'aime un peu l'expérience, on peut l'appeler «païenne ou laïque»,
et que c'est une dépense, je pense, mon collègue a dit «sacralisée»....
La Présidente (Mme Thériault) :
«Sacralisée», oui.
Mme David : ...sacralisée,
c'est parce que c'est la langue, ce n'est pas comme la note sténographique.
Alors, on...
Mme David : ...j'aime un
peu l'expérience, et on ne va pas l'appeler païenne ou laïque, et que c'est une
dépense, une dépense... je pense que mon collègue a dit «sacralisée».
La Présidente
(Mme Thériault) : Sacralisée, oui.
Mme David : Sacralisée.
C'est parce c'est que la langue, ce n'est pas comme de la note sténographique.
Alors, c'est vrai qu'il y a comme un petit fil conducteur là-dedans. Mais je
trouve ça important, ça va rester à tout jamais ces échanges-là qu'on dans les
galées. Donc, je pense que c'est important de dire effectivement que c'est une
décision qui peut-être peut avoir sont fondement, qui peut être discutée, mais
qui est un ou l'autre.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
...avant de pouvoir voter, simplement dire que ce n'est pas de l'orthodoxie que
de dire que la langue française, la langue de la justice, on ne doit pas
pénaliser du fait que, financièrement, le fait de rendre une version française
de disponible pour l'ensemble de la population québécoise. C'est juste dans ce
sens-là, puis c'est pour ça que je ne l'assimile pas à des frais de justice.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée.
Mme David : Mais je
répète, Mme la Présidente, même si la personne qui, pour tous les autres frais,
se fait rembourser parce que le juge a dit : C'était, disons, un litige où
il y avait clairement un abus fait dans les procédures, donc ça, ça va devoir
être payé quand même par la personne qui n'a jamais demandé d'être poursuivie
puis qui n'avait pas de raison d'être d'être poursuivie. Mais il va falloir
qu'elle paie parce qu'elle fait sa contribution à la langue française quelque
part même si elle n'a pas demandé, elle. Alors, elle va être remboursée pour
tous les autres frais que ça soit sténographique, le timbre, le ci, le ça, mais
pas le 3 000 $ que lui a couté la traduction.
M. Jolin-Barrette :
Juste un bémol là-dessus, et je donne un exemple. Les frais extrajudiciaires ne
sont que très, très, très rarement remboursés. Par frais extrajudiciaires, on
entend des honoraires des avocats. Supposons, toute personne morale doit passer
par un avocat, par un procureur. Ça, non plus, ce n'est pas remboursé, donc. Et
dans le fond, là, pour la personne morale, on ne doit pas assimiler le fait
d'avoir un document en français comme étant un frais judiciaire. On parle
d'accès à la justice en français, c'est plutôt ça. Mais je comprends très bien
le point de mes collègues, je le respecte, mais je ne le partage pas.
Mme David : J'apprécie la
conclusion du ministre, je vais le dire, et que ça soit noté.
La Présidente
(Mme Thériault) : Êtes-vous prêts à passer au vote s'il n'y a pas
d'autre intervention? Est-ce que vous demandez... Oui, il faut que vous me
demandiez un vote par appel nominal.
Mme David : Oui. Mais
c'est parce que c'est mon collègue qui a déposé.
La Présidente
(Mme Thériault) : N'importe lequel, n'importe lequel des
collègues.
Mme David : O.K. Alors,
je demande un vote par appel nominal.
La Présidente
(Mme Thériault) : Voilà. Alors, Mme la secrétaire.
La Secrétaire
:
Veuillez répondre pour ou contre, abstention. M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette : Pour.
La Secrétaire
: Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire
:
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire
:
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
:
M. Provençal (Beauce-Nord)?
M. Provençal : Contre.
La Secrétaire
:
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac)?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Contre.
La Secrétaire
:
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
:
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire
: M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
• (15 h 30) •
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre...
15 h 30 (version non révisée)
La Secrétaire
: …
Mme David : Pour.
La Secrétaire
: M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire
: M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) :
Contre.
La Secrétaire
: M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire
: Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac)?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Contre.
La Secrétaire
: M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire
: Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire
: M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire
: Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire
: M. Bérubé
(Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé
:
Contre.
La Secrétaire
: Et Mme Thériault
(Anjou―Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, l'amendement proposé à l'article 9 de l'article 5
est rejeté. Donc… Oui? Mme…
M. Jolin-Barrette :
…Mme la Présidente, je vous demanderais une courte suspension.
La Présidente (Mme Thériault) :
Une courte suspension? Certainement.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 34)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons donc nos travaux. Donc, après avoir voté sur l'amendement qui
avait été présenté par le député de La Pinière, nous en sommes rendus à
l'article 9, monsieur… 9. On revient sur l'article parce qu'on n'a pas eu de
discussion sur l'article, on a eu que des discussions sur les amendements et le
sous-amendement. Est-ce qu'il y a des questions, commentaires sur l'article 9,
qui nous a déjà été présenté par le ministre hier? Il n'y a pas de commentaire.
Donc, je comprends que nous pouvons passer à l'article 10. M. le ministre,
l'article 10.
M. Jolin-Barrette : 10, Mme
la Présidente :
«Une version française doit être jointe
immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt
pour le public.
«Tout autre jugement rendu en anglais est
traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu en français est
traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.»
Et j'aurai un amendement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y pour l'amendement, faites…
M. Jolin-Barrette : Qui est
déjà sur Greffier, je crois.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il est sur Greffier, et j'ai une copie en main aussi. Donc, vous pouvez nous en
faire la lecture, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
Mme la Présidente, à l'article 5 du projet de loi, insérer, dans le deuxième
alinéa de l'article 10 de la Charte de la langue française qu'il propose et
après «rendu», «par écrit» partout où cela se trouve.
Commentaire : Cet amendement vise à
codifier l'interprétation donnée à l'article 9 actuel de la Charte de la langue
française, dont les dispositions sont reprises par le deuxième alinéa de
l'article 10 que propose l'article 5 du projet de loi.
Donc, ça se lirait ainsi, Mme la
Présidente :
«Une version française doit être jointe
immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt
pour le public.
«Tout autre jugement rendu par écrit en
anglais est traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu par
écrit en français…
M. Jolin-Barrette : …Donc, ça
se lirait ainsi, Mme la Présidente : Une version française doit être
jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais
par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un
intérêt pour le public.
Tout autre jugement rendu par écrit en
anglais est traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu par
écrit en français… Pardon. Celui rendu par écrit en français est traduit en
anglais à la demande d'une partie.
Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.
Donc, essentiellement, Mme la
Présidente, ce qu'on vient faire, avec l'article 10, c'est le fait de
rendre disponible un jugement immédiatement et sans délai en français au moment
du prononcé d'un jugement écrit, Mme la Présidente. Lorsque le jugement en
anglais met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public, donc, il
y a une version française qui doit être jointe immédiatement et sans délai à ce
jugement. Donc, c'est les jugements rendus par écrit qui sont visés.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Questions? Commentaires? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez,
parce que, moi aussi, j'ai un amendement à déposer et donc pour ce
deuxième alinéa. Mais j'en aurai un pour le premier alinéa, aussi,
puis j'en ai un pour le troisième alinéa. Donc, je veux juste qu'on soit
efficace, qu'on ne vote pas ou qu'on ne discute pas sur… je ne dis pas que je
suis contre, au contraire, le jugement écrit. Mais on avait un amendement dans
ce deuxième alinéa. Alors, qu'est-ce qu'on fait, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que… Je veux juste poser une question. Est-ce que les amendements sont
sur Greffier, qui ont été déposés par la collègue, la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Il faudrait commencer à les envoyer dans Greffier. On m'a fait signe que oui,
vous êtes supposée de les avoir, Mme la secrétaire.
M. Barrette : Mme la
Présidente, question, je dirais, d'intendance sur… Je pense que c'est la même
chose, mais il apparaît deux fois, là. L'amendement, c'est le même
deux fois, là.
Une voix : …
M. Barrette : Sur Greffier, là,
les amendements du député… du ministre, il y en a deux. Je pense que c'est
exactement, les deux fois, la même.
La Présidente (Mme Thériault) :
On va vérifier dans Greffier, ça se peut qu'il y ait une répétition, là.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Il faut refermer votre dossier et le réouvrir.
Une voix : …
M. Barrette : Ah bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
Fermez le dossier et rouvrez-le. Ça devrait se régler.
M. Barrette : O.K. Je vais le
faire.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est la technologie. M. le ministre, vous aviez une intervention.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, si je peux suggérer au collègue, dans le fond, qu'on débute par
l'amendement que j'ai déposé. Comme ça, ça va faire en sorte que s'il dépose
des amendements suite au texte, on aura déjà disposé du par écrit, parce que
notre intention, c'est de viser les jugements par écrit.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Il y a quelqu'un
d'obéissant, aussi, dans la technique, alors ils allument quand vous donnez
l'ordre, Mme la Présidente. Donc, moi, je n'ai aucun problème avec ça…
La Présidente (Mme Thériault) :
…oui. Allez-y, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Il y a quelqu'un
d'obéissant aussi dans la technique, alors ils allument quand vous donnez
l'ordre, Mme la Présidente. Donc, moi, je n'ai aucun problème avec ça, dans la
mesure où le fait de mettre «écrit», ça règle déjà une petite partie des enjeux
qu'on voyait.
La Présidente (Mme Thériault) :
À ce moment-là, on va procéder avec l'amendement du ministre. De toute façon,
on n'adopte pas l'article. Donc, il n'y a pas de problème, on va pouvoir passer
vos amendements sans aucun problème. Donc, oui, effectivement, si on adopte
l'amendement du ministre, ce qui risque d'arriver, ça l'a une incidence directe
sur la balance de la rédaction de l'article.
Mme David : …est-ce que…
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va aller sur l'amendement du ministre.
Mme David : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) :
Par contre, vos amendements sont là quand même. Donc, l'équipe ministérielle a
accès à vos amendements qui ont été déposés sur Greffier. N'est-ce pas? Donc, à
ce moment-là…
Mme David : Et qui devrons
être réécrit en fonction…
La Présidente (Mme Thériault) :
On va… Oui, s'il y a quelque chose, vous les réécrirez comme en fonction de ce
qui aurait été fait comme ajout par le ministre. Donc, on peut aller sur
l'amendement du ministre avec le par équipe. Donc, est-ce que vous avez un
commentaire sur l'amendement du ministre?
Mme David : Oui, j'ai
commentaire qui est, comme dirait le ministre, et que mon collègue a beaucoup
repris, on avance, on a fait un pas, mais des fois, ont fait un pas en avant
puis deux pas en arrière. Mais là je pense qu'on fait un pas en avant.
Parce que c'était une de nos importantes préoccupations, c'est, et pas juste
nous, mais la magistrature aussi, c'est les jugements oraux rendus sur le vent,
comme ça, comment on fait pour traduire, et on aura évidemment un amendement
sur d'autres aspects de la formulation de l'alinéa, mais le fait qu'on réduise
ça à «écrit», je pense qu'il y a eu une grande sagesse dans l'ajout de ce
mot-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le ministre? Parfait. Donc,
j'imagine que s'il n'y a pas d'autre intervention sur l'amendement du ministre,
on peut la mettre aux voix. Parfait. Est-ce que l'amendement du ministre est
adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, on va parler… maintenant, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez trois amendements. Vous voulez qu'on
dispose dans l'ordre?
Mme David : Dans l'ordre, s'il
vous plaît.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, le premier paragraphe, c'est : «Une version française doit être
jointe immédiatement», donc c'était celui où vous ajoutez «dans un délai
raisonnable». J'imagine, vous allez nous présenter votre amendement.
Mme David : Bien oui, Mme la
Présidente. Vous pouvez continuer à le lire si vous voulez, moi, je n'ai pas de
problème avec ça. Est-ce qu'il faut que je lise tout? Oui. L'article 5,
donc : L'article 10 de la Charte de la langue française tel que proposé
par l'article 5 du projet de loi est modifié par le remplacement, dans son
premier alinéa, des mots «immédiatement et sans délai» par les mots «dans un
délai raisonnable»
L'article 10 de la Charte de la langue
française, introduit par le projet de loi tel qu'amendé se lirait ainsi :
«Une version française doit être jointe
dans un délai raisonnable à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à ce ou présente un intérêt pour le
public.»
Alors… «tout jugement rendu par écrit»,
c'est déjà…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce qu'au départ…
Mme David : …le projet de loi
tel qu'amendé se lirait ainsi : «Une version française doit être jointe
dans un délai raisonnable à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt
pour le public.»
Alors, «à tout jugement rendu par écrit»,
c'est déjà…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce qu'au départ, dans le premier alinéa, le «par écrit» était déjà là,
c'est dans le deuxième et dans le troisième que le ministre l'a ajouté.
Mme David : Ah! c'est vrai, je
disais : Voyons, il est déjà rendu dans ma… O.K. Excusez, mon cerveau n'a
pas connecté tout de suite.
Alors, Mme la Présidente, voulez-vous que
je vous fasse part un peu des commentaires.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, de vos commentaires, votre argumentaire.
Mme David : Alors, évidemment,
on revient non pas sur le fond, on va le dire, le dire, et le redire, et le
redire, on revient sur la forme et sur la temporalité. Alors, ça ressemble aux
enjeux de l'article 9. Quand on dit : «Immédiatement et sans délai à
tout jugement rendu par écrit en anglais», évidemment, il n'y a pas que les
humbles députés devant vous qui s'inquiètent sur la faisabilité de la chose et
les conséquences de ça.
Il y a évidemment, entre autres, la
magistrature, c'est sûr, qui nous le disent très bien dans une correspondance
que vous avez rendue publique, d'ailleurs, des juges, la juge en chef de la Cour
supérieure, la juge en chef du Québec, le juge en chef de la Cour supérieure,
la juge en chef de la Cour du Québec, le juge en chef adjoint. Il y a des
inquiétudes vraiment importantes sur le «immédiatement et sans délai». La
correspondance nous indique au moins quatre questions importantes dans cette
lettre, si on peut dire, envoyée au ministre. Et je vais les poser au ministre
sans… dans l'ordre, en les séparant.
Alors, une des grandes inquiétudes, et qui
va complètement à l'encontre de l'accès à la justice, c'est comment la
traduction française d'un jugement pourrait être jointe immédiatement et sans
délai sans retarder, forcément, l'administration de la justice. Alors,
j'aimerais entendre le ministre sur ces deux, j'oserais dire, intérêts,
peut-être, divergents, «immédiatement et sans délai», mais justement sans
retarder l'administration de la justice, qui, comme humble citoyenne, on entend
tellement souvent que les délais judiciaires, l'arrêt Jordan, tout prend du
temps. Puis là, tout à coup, il faut rajouter une traduction immédiatement et
sans délai. Donc, je tiens à rappeler que le ministre va peut-être dire, parce
qu'il l'a déjà dit, là : La Cour suprême le fait, pourquoi… il n'y a pas
une publicité qui le fait, fais-le donc, bon, bien, on va le faire nous aussi. Peut-être
que cet…
M. Jolin-Barrette : …produit?
Mme David : Pardon?
M. Jolin-Barrette : C'est
quoi, le produit de la publicité?
Mme David : Aïe! Ça fait
longtemps de ça. Je pense que le ministre était à l'école primaire ou
peut-être... Tout le monde le fait, fais-le donc. Bon.
Des voix
: …
M. Jolin-Barrette : ...
Mme David : Voilà, ce n'est
pas parce que tout le monde le fait qu'il faut le faire. Je suis tellement
d'accord. Alors…
M. Jolin-Barrette : ...de la
publicité?
Mme David : Aïe! Ça fait longtemps
de ça. Je pense que le ministre était à l'école primaire, ou peut-être qu'ils
savent... Tout le monde le fait, fais-le donc. Bon.
M. Barrette : Oui, ça fait longtemps.
M. Jolin-Barrette : …
Mme David : Voilà, ce n'est
pas parce que tout le monde le fait qu'il faut le faire. Je suis tellement d'accord!
Alors, si l'argument... si le ministre s'en va sur «la Cour suprême le fait»,
je lui rappellerais juste des choses qu'il sait. On a pris un exemple d'une
année : 2017, la Cour suprême du Canada rendait un total de 67 jugements.
La même année, en 2017, il y avait 543 802 dossiers ouverts en Cour
du Québec. C'est beaucoup, 543 802 dossiers pour 67 jugements à
Ottawa. Disons que ce n'est pas tout le même niveau de dossiers.
M. Jolin-Barrette : C'est
quoi, vos chiffres?
Mme David : C'était
67 jugements de la Cour suprême en 2017, et, la même année, en 2017, il y
avait 543 802 dossiers ouverts en Cour du Québec.
M. Jolin-Barrette : 500 000?
Mme David : 543 000.
Chaque juge de la Cour suprême est aidé par quatre clercs. Chanceux. Puis
d'ailleurs c'est très valorisé, je pense, dans votre profession, d'être un
clerc à la Cour suprême. Enfin, on l'entend souvent : J'ai été clerc à la
Cour suprême. Je ne sais pas dans votre cas, mais, quand les gens l'ont été,
ils le disent haut et fort. Ils en ont quatre chacun, des... quatre… juge, et
ils ont donc 36 clercs pour neuf juges. D'ailleurs, le mot «clerc» est un
mot... «Clerc», ça vient de «clergé», alors c'est intéressant. 36 clercs pour
neuf juges. Les 308 juges de la Cour suprême... Les 308 juges de la
Cour du Québec n'ont généralement qu'une seule adjointe, donc un... puis en
plus, il y a un manque de main-d'oeuvre, il y a une pénurie là aussi. Où c'est
qu'il n'y en a pas, en fait, de pénurie de main-d'oeuvre dans les palais de
justice du Québec?
Donc, on se dit : Comment, comment
faire pour… Même si on comprend après que ce sont les jugements écrits, les
jugements écrits, il y en a quand même beaucoup au Québec, et «le faire
immédiatement et sans délai», les juges s'inquiètent beaucoup de ça puis
s'inquiètent même qu'il y en ait qui utilisent le français même s'ils sont
beaucoup plus confortables à faire leurs propres réflexions en anglais, mais,
pour ne pas justement rallonger les délais, allonger les délais, même dans une
langue dans laquelle ils ne sont pas nécessairement très confortables, où ils
auraient préféré écrire en anglais, le faire traduire, avoir un certain temps,
de le relire, etc., et… Parce que c'est quand même le juge qui se prononce,
c'est son… C'est comme… Un écrivain, il écrit son roman dans la langue dans
laquelle ça lui vient, là, avec laquelle il est le plus confortable. L'écriture
juridique d'un juge est un peu ça aussi.
Donc, les juges s'inquiètent beaucoup de
retarder l'administration. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour les rassurer,
M. le ministre?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, il
y a plusieurs choses. Peut-être débuter par : Pourquoi est-ce que la
mesure, la disposition législative, elle est inscrite au projet de loi? Ce que
l'on recherche, c'est de faire en sorte que les jugements écrits, qui
représentent un intérêt pour…
Mme David : …les rassurer, M.
le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, il
y a plusieurs choses. Peut-être débuter par pourquoi est-ce que la mesure, la
disposition législative, elle est inscrite au projet de loi? Ce que l'on
recherche, c'est de faire en sorte que les jugements écrits, qui représentent
un intérêt pour le public, puissent être diffusés en français, dans la langue
officielle de l'État, puisse être rendus accessibles aux parties en français,
aux journalistes, aux membres du tribunal, au personnel, à l'ensemble de la
population, en français. On est dans un état où la langue française c'est la
langue officielle, c'est la langue commune, c'est normal que, dans le cadre
d'un jugement qui est rendu, il puisse il y avoir une version française au
moment du prononcé du jugement. Ça, c'est le principe de base, pourquoi est-ce
que la disposition, elle est là. Parce qu'il arrive parfois que des
justiciables, au moment du prononcé du jugement, n'aient pas un jugement en français,
que ça soit uniquement en anglais. Les tribunaux, comme pratique
administrative, ont souvent, appliquent souvent la règle de dire : Bien,
on va rendre jugement dans la langue de celui qui perd le dossier. Je résume,
là, mais en gros c'est ça.
Nous, ce qu'on dit, c'est : Il n'y a
pas d'enjeu avec ça, parce que… Puis là, je donne une explication secondaire à
côté, l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le juge,
tout comme les parties qui sont devant lui, peut utiliser la langue de son
choix. Donc, c'est une mesure qui a été mise, lors de la création de la
Confédération, pour permettre la nomination de juges, notamment, qui n'avaient
la maîtrise que d'une seule langue. Donc, ça permet de faire en sorte que les
juges peuvent s'exprimer dans la langue de leur choix.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Continuez, M. le ministre. Vous… M. le ministre, il n'y a que votre micro qui
est ouvert. Les gens entendent simplement votre explication. Je vous invite à
continuer.
M. Jolin-Barrette : Je suis
d'accord. Mais savez-vous pourquoi, Mme la Présidente, j'aime beaucoup le
droit?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous allez nous l'expliquer. Allez-y.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Il y a un
aspect historique au droit. Tout est relié à l'histoire, Mme la Présidente,
c'est très proche. Alors, on pourrait revisiter tout ça avec le député de La Pinière
en heures supplémentaires hors session, je suis sûr qu'on aurait des
discussions intéressantes sur le pourquoi de la Loi constitutionnelle de 1867,
et pourquoi les articles, tels qu'ils sont écrits dans la Loi constitutionnelle
de 1867, le sont de cette façon-là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous allez finir par exaucer son voeu et il va se faire inviter chez vous, là.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je n'ai aucun problème à inviter le député de La Pinière chez moi. Ça
va me faire plaisir de l'inviter, puis je suis convaincu qu'on va passer un
agréable moment. Alors, l'invitation, elle est lancée, ainsi que la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mais écoutez, ce qu'on pourrait même faire, Mme la Présidente, si tout va
rondement…
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : Après
l'adoption du projet de loi, hein, on vient célébrer ça ensemble à la maison.
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : …alors
l'invitation, elle est lancée ainsi que la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mais, écoutez, ce qu'on pourrait même faire, Mme la Présidente, si tout va
rondement, après l'adoption du projet de loi, hein, on vient célébrer ça
ensemble à la maison. Le député de Matane-Matapédia aussi, la députée de Mercier
vont être invités, bien entendu.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon. Beaucoup d'ouverture.
M. Barrette : À date, c'est
décevant.
M. Jolin-Barrette : À date,
c'est décevant, bien, écoutez, j'espère que les invités vont être agréables.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, dans l'argumentaire, on va revenir au fond de l'argumentaire par rapport
à l'amendement qui a été déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon.
On revient au principe. Alors, le juge peut rendre le jugement dans la langue
qu'il souhaite, en anglais ou en français. Les procureurs, les parties peuvent
s'exprimer dans la langue de leur choix. Cependant, il arrive, comme je vous
l'exposais, que, bien souvent, au moment du prononcé du jugement notamment par
écrit, ça arrive que le jugement ne soit pas disponible en français, Mme la
Présidente. Alors, ce qu'on cherche à faire, c'est qu'au moment du prononcé du
jugement par écrit, le jugement puisse être accessible au public pour faire en
sorte… dans la langue officielle, en français.
Ça, Mme la Présidente, il y a beaucoup de
cas de figure. La députée de Marguerite-Bourgeoys, à juste titre, citait la
Cour suprême. La Cour suprême, eux rendent leur jugement en anglais et en
français, parce qu'ils ont décidé de se soumettre à la Loi sur les langues
officielles même s'ils n'étaient pas visés par la Loi sur les langues
officielles. Par contre, tous les tribunaux fédéraux sont soumis à la Loi sur
les langues officielles. Donc, la cour fédérale, la Cour d'appel fédérale y
sont soumis puis eux aussi rendent des jugements, et plus nombreux qu'à la Cour
suprême. Donc, l'obligation de rendre un jugement immédiatement et sans délai
au moment du prononcé du jugement. Alors, il n'y a pas d'enjeu sur le délai
pour rendre jugement. Parce que je sais qu'il s'agissait d'une crainte, mais
tous les outils sont à la portée de la magistrature afin de pouvoir rendre le
jugement en temps opportun.
Puis l'autre élément qu'il est important
de dire, puis c'est pour ça qu'on apporte l'amendement… il y a beaucoup de
jugements oraux qui sont rendus et, dans le fond, le fait de rendre un jugement
oral, supposons, en anglais, n'est pas visé par l'article. Dans le fond, il n'y
a pas l'obligation, au moment du prononcé du jugement oral, de le rendre
oralement en français au même moment. On parle vraiment des jugements qui sont
par écrit.
Puis pour la diffusion de notre droit, la
recherche, les étudiants en droit, les chercheurs, tout ça, c'est tout à fait
approprié qu'il puisse y avoir une copie en français au moment du prononcé du
jugement, c'est… c'est quoi le jugement, c'est quoi le contenu du jugement,
c'est quoi les motifs. Donc, on demande que ça puisse être rendu en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Ah! excusez, il y
a un changement de micro, il faut que je m'habitue. Alors, je vais vous
regarder un peu plus, Mme la Présidente, parce que le micro est en ligne
directe. Je cite quand même la lettre des quatre juges, juges en chef, en fait,
c'est quand même les... je ne sais pas comment les appeler, là, mais les
patrons de leurs cours respectives…
Mme David : ...alors je vais
vous regarder un peu plus, Mme la Présidente, parce que le micro est en ligne
directe. Je cite quand même la lettre des quatre juges, juges en chef, en fait,
c'est quand même les... je ne sais pas comment les appeler, là, mais les
patrons de leurs cours respectives.
Une voix : ...
Mme David : Bien, des juges en
chef, il y a le mot «chef», en tout cas. Et puis vous, vous êtes le chef des
chefs.
M. Jolin-Barrette : Non, parce
que, dans le fond, à cause de la séparation des pouvoirs, je ne suis pas le
chef des cours. Dans le fond, vous avez... les tribunaux judiciaires au Québec,
vous avez la Cour du Québec, la Cour supérieure, la Cour d'appel du Québec.
Chacun est juge en chef de sa cour. Mais en plus la juge en chef de la Cour
d'appel du Québec est la juge en chef du Québec. Donc, si vous voulez un
patron, c'est la juge en chef de la Cour d'appel.
Mme David : Bon. Bien, alors,
elle est signataire aussi de cette lettre-là, disons-le comme ça, là.
M. Jolin-Barrette : Je l'ai
constaté.
Mme David : Bon. Donc, juge en
chef de la Cour du Québec, juge en chef adjointe de la Cour du Québec
responsable des cours municipales, juge en chef Cour supérieure du Québec et juge
en chef du Québec. Bon, alors, c'est quand même des gens qui ont une certaine importance
dans la hiérarchie judiciaire.
Et ils disent, bon : «Sous réserve de
connaître les intentions du ministère de la Justice quant au maintien des
services de traduction des jugements qu'il assume à l'heure actuelle, comment
les traducteurs seront-ils informés qu'un tel jugement rendu en anglais a été
déposé au greffe et comment pourront-ils s'assurer de leur traduction
"immédiatement et sans délai"?».
Je poursuis : «À la lumière du manque
criant...» Et là c'est pour ça que j'ai parlé tout à l'heure de... ça va
revenir dans tous les secteurs du projet de loi mammouth, comme on
dit — pas sûre que j'aime le mot «mammouth», mais en tout
cas — du projet de loi intersectoriel ou multisectoriel. «À la
lumière — donc — du manque criant de ressources et du
nombre de postes qui demeurent à être pourvus dans le milieu judiciaire, nous
désirons être rassurés que le nombre de traducteurs qualifiés soit suffisant
pour répondre aux obligations imposées par l'article 10, c'est-à-dire
"immédiatement et sans délai" pour les jugements visés par le premier
alinéa ou dans un délai raisonnable pour ceux visés par le second alinéa.»
Comprenant quand même que, là, nous sommes dans les jugements écrits et non
plus oral et écrit pour le deuxième alinéa.
«Nos préoccupations sont importantes à la
lumière notamment de la situation déjà fort problématique des sténographes qui,
vu leur nombre insuffisant, ne peuvent répondre aux besoins des justiciables
pour la transcription des témoignages tenus en langue anglaise. Vous n'êtes pas
sans savoir qu'une telle situation occasionne déjà des délais importants et
nuit à la saine gestion du système de justice.
Notre objectif étant de s'assurer que
l'article 10 ne soit pas source de délais additionnels, ce qui irait à
l'encontre de l'accès à la justice pour lequel nous travaillons tous ardemment,
des précisions quant à la teneur de ces mesures et au nombre de traducteurs qui
seront requis nous éclaireraient sur la suite des événements.»
Donc, je pense qu'ils mettent bien la
table sur leurs inquiétudes. C'est un moment privilégié, M. le ministre,
peut-être pour les rassurer.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, tout
à fait. Puis, Mme la Présidente, je dois dire à cette commission que, sans
dévoiler le contenu des discussions que j'ai eues avec la cour, parce que j'ai
eu des...
Mme David : …Donc, je pense
qu'ils mettent bien la table sur leurs inquiétudes. C'est un moment privilégié,
M. le ministre, peut-être pour les rassurer.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, tout
à fait. Puis, Mme la Présidente, je dois dire à cette commission que — sans
dévoiler le contenu des discussions que j'ai eues avec la cour, parce que j'ai
eu des rencontres avec les trois juges en chef — je les ai
rencontrés justement pour les rassurer, et pour leur expliquer et pour prendre
acte de leurs préoccupations. Et l'objectif du ministère de la Justice, c'est
justement de mettre en place les ressources nécessaires et requises pour
répondre à leurs craintes, donc justement de fournir le nombre de traducteurs
approprié au sein des différentes cours.
Il faut dire que la disposition qu'on met,
là, elle n'est pas unique. Elle se retrouve dans la Loi sur les langues
officielles pour les institutions fédérales. Elle se retrouve à la Cour
suprême. Elle se retrouve également au Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick
également, des dispositions similaires sont présentes aussi. Donc, ce n'est pas
inusité, ce n'est pas différent comme mécanique. Donc, généralement, là, le
délai pour rendre un jugement au Québec, c'est six mois, la règle. Exemple, la
Cour du Québec, vous avez l'audition, le jugement doit être rendu à l'intérieur
de six mois. Si le juge ne rend pas le jugement, à l'intérieur du délai de six
mois, il va demander l'autorisation à son ou sa juge en chef pour pouvoir
excéder ce délai-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Mme la Présidente,
est-ce que, M. le ministre, vous avez évalué, fait des projections, un, du
nombre de traducteurs, qui va être exigé ou impliqué, et des montants
financiers que vous allez devoir rajouter? Puis l'argent ne coulera pas
toujours à flot que vous avez laissé généreusement quand vous êtes arrivé au
pouvoir, donc là, l'argent va peut-être être un petit peu plus difficile à
trouver. Avez-vous évalué combien ça pouvait coûter puis combien de traducteurs
additionnels?
M. Jolin-Barrette : Mais,
écoutez, ça fait partie de l'enveloppe budgétaire qui nous est accordée en
matière de langue française. Et l'idée, il faut le dire, au Nouveau-Brunswick,
là, ils doivent rendre des jugements simultanément, donc à la fois en anglais
et en français. Alors, en matière de langue française, l'accès à la justice, ce
n'est pas normal qu'au Québec il y a un jugement qui est prononcé par une cour
de justice, par écrit, qui est diffusé puis qui ne soit pas traduit au moment,
là, où il y a le prononcé du jugement, au moment, là, où justice est rendue
dans un État francophone, dans un État où un des principes à la base de la
justice, c'est le caractère public de la justice, la publicité, du fait que ça
ne soit pas rendu publiquement en français. Je ne vous dis pas au niveau du
prononcé du jugement qui peut être rendu en anglais, qui peut être écrit en
anglais aussi par le juge… mais encore faut-il que les motifs puissent être
compris par la population.
• (16 heures) •
Mme David : Disons qu'on n'est
pas contre le principe, je le répète, on n'est pas contre le principe, je pense
qu'on va vous le dire à peu près jusqu'à la fin de ce projet de loi là…
16 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : …du
prononcé du jugement qui peut être rendu en anglais, qui peut être écrit en
anglais aussi par le juge… Mais encore faut-il que les motifs puissent être
compris par la population.
Mme David : Disons qu'on n'est
pas contre le principe. Je le répète. On n'est pas contre le principe, puis je
pense qu'on va vous le dire à peu près jusqu'à la fin de ce projet de loi là
pour de nombreux articles, peut-être pas tous, mais de nombreux articles. On
n'est pas contre, mais, sur l'application, quand les juges… à moins que vous
les ayez tellement rassurés, mais je n'ai pas eu de chiffres beaucoup, là, mais
vous dites…
En plus, ça m'apparaît un peu difficile à
croire que tout ça va passer par le budget, parce que ça ne sera pas toujours
le ministre responsable de la Langue française qui est aussi ministre de la
Justice, hein? Vous l'étiez, responsable de la Langue française, pendant que
vous étiez à l'Immigration. Moi, je l'étais pendant que j'étais à la Culture.
On se comprend, là, que nos budgets, petits budgets Langue française, là, même
s'ils sont améliorés, si je comprends bien, dans votre cas… Ce n'est quand même
pas le ministre de la Langue française qui va financer le ministère de la
Justice et tous les autres ministères qui exigent, à travers ce projet de loi
là, de la francisation.
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, les demandes budgétaires font partie du projet de loi de la Langue
française, mais ce sont des crédits qui vont se retrouver à la Justice, vous
avez raison.
Mme David : O.K. Mais ces
crédits-là, vous les avez évalués, déjà? Ou les juges l'ont évalué? Parce que,
quand ils disent, là…
M. Jolin-Barrette : …
Mme David : Attendez, je vais
juste finir, là. Dans ce contexte, leur deuxième alinéa : «Dans un tel
cas, nous désirons comprendre…» Bien, le premier alinéa était : «Il serait
important de préciser que le ministère de la Justice n'entend pas modifier ses
façons de faire et continuera d'assumer la responsabilité de la traduction des
jugements, tel qu'exigé par l'article 10. Dans un tel cas, nous désirons
comprendre comment la traduction française d'un jugement pourrait être jointe
immédiatement et sans délai, dans les cas visés au premier
alinéa — donc on y est, là — sans retarder l'administration
de la justice et dans le respect — mais ça, on va en parler tout à
l'heure — du secret du délibéré. Cette exigence de temporalité nous
semble impossible à respecter.» Ça, c'est les gens qui sont là du matin au soir
à gérer leur cour. Alors, vous dites : Je les ai rencontrés. Ils n'ont
plus d'inquiétude? Ou vous avez promis de l'argent? Comment ça s'est passé
pour… si vous dites qu'ils sont rassurés? Ou alors ils ne sont pas rassurés,
puis vous allez encore les rassurer plus aujourd'hui? On en est où?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
vous savez, une partie de mon travail, comme ministre de la Justice, c'est de
rassurer les gens, les différents acteurs du système de justice, quand on
apporte des changements. Vous avez pu le constater dans le projet de loi
n° 92, où j'ai dû rassurer plusieurs acteurs du système de justice. Puis
c'est en se parlant qu'on réussit à trouver des voies de passage, et c'est ce
qu'on fait.
Mais l'objectif, puis vous êtes d'accord…
la députée de Marguerite-Bourgeoys est d'accord avec l'objectif, c'est de faire
en sorte que les jugements puissent être rendus immédiatement et sans délai en
français au moment du prononcé du jugement en anglais, lorsqu'il est par écrit.
Dans d'autres juridictions au Canada, ça fonctionne. Le critère de simultanéité
existe.
Actuellement, de la façon que ça
fonctionne, c'est que, quand il y a une traduction de jugement, c'est envoyé à
la SOQUIJ…
M. Jolin-Barrette : ...au
moment du prononcé du jugement en anglais, lorsqu'il est par écrit. Dans
d'autres juridictions au Canada, ça fonctionne. Le critère de simultanéité
existe.
Actuellement, de la façon que ça
fonctionne, c'est que, quand il y a une traduction de jugement, c'est envoyé à
la SOQUIJ, la Société québécoise d'information juridique, qui traduit les
jugements par la suite. Et en ce qui concerne le secret du délibéré, il y a
plusieurs options qui s'offrent à nous, à développer avec les cours. Soit qu'il
y a des ententes de confidentialité qui sont signées entre les traducteurs qui
sont à la SOQUIJ, avec la cour, si c'est pendant le processus de délibéré, ou
soit que les postes sont rajoutés directement à la cour, entrent des postes de
traducteur directement dans l'organisation interne de la cour.
Alors, nous, on va travailler avec les
différentes cours pour voir ce qu'elles préfèrent et pour faire en sorte
qu'elles se sentent tout à fait à l'aise. Parce que je suis préoccupé par leurs
considérations à l'effet que... bon, le secret du délibéré, et tout ça. Mais ce
n'est pas une difficulté qui est insurmontable parce que, dans les autres
juridictions, justement, que ce soient la Cour suprême, la Cour fédérale, la
Cour d'appel fédérale, que ce soit au Nouveau-Brunswick également, ça se fait
déjà. Donc, vous comprenez que, si ça fonctionne ailleurs, avec des obligations
légales similaires en termes de simultanéité de traduction des jugements, je
pense que ça peut se faire au Québec.
L'autre point, peut-être pour répondre à votre question, là, c'est le
ministère de la Justice qui continue de payer.
Mme David : Bon. Mais, vous
savez, on le sait tous, on est passés par le gouvernement, vous y êtes, quand
on veut faire des gros changements, ça prend des gros chèques, d'habitude. Gros
changements égale gros chèques. Si gros changements égale pas de chèque ou
petit chèque, ce n'est pas évident. Et vous, c'est plein de gros changements, dans
tous les secteurs. J'ai hâte d'additionner tout ça, là, parce que j'espère
qu'il va y avoir un engouement persistant pour toutes les dépenses qui vont
devoir être mises en place. Parce que, vous le dites, là, il va falloir engager
des traducteurs, il va falloir... Il va falloir que ce soit efficace, là, qu'on
opère, là. Comme je l'ai dit, vous n'êtes pas d'une patience à tout crin, là.
Donc, «immédiatement» et «sans délai», ça
veut dire, il faut que la traduction, pouf! soit brochée au jugement en anglais.
Pour ça, ça veut dire qu'il y a eu tout un mécanisme mis en place. Il faut que
SOQUIJ puisse livrer en temps réel. Puis vous dites que ça existe ailleurs. Je
suis d'accord, mais le «ailleurs», ça fait peut-être des années que ça existe.
Alors, nous, on part du point zéro, si je comprends bien, puis là on implante
une nouvelle façon de faire.
Et vous rassurez tous ceux qui sont
impliqués là-dedans. Moi, je ne le suis pas, là, le député de La Pinière
non plus. Mais on sait qu'il y a du monde là-dedans, il y a des vrais êtres
humains, qui disent : Ah mon Dieu! Comment ça va marcher? Puis, bon. C'est ce
que les juges en chef, je pense, vous témoignent dans leurs inquiétudes. Donc,
vous dites... et je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais je
pense que vous dites : Je suis conscient de ça...
Mme David : …impliqué
là-dedans. Moi, je ne le suis pas, le député de La Pinière non plus, mais
on sait qu'il y a du monde, là-dedans, il y a des vrais êtres humains qui
disent : Ah mon Dieu! Comment ça va marcher, puis, bon. C'est ce que les
juges en chef, je pense, vous témoignent dans leurs inquiétudes. Donc, vous
dites, et je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, mais je pense que
vous dites : Je suis conscient de ça, l'argent sera au rendez-vous, les
traducteurs seront au rendez-vous, il n'y aura pas plus de délais judiciaires.
Puis Dieu sait que vous en connaissez un bout, parce que moi, je vous ai beaucoup
entendu questionner la ministre de la Justice sur l'arrêt Jordan puis, bon, ces
histoires-là.
Il y a une imputabilité de temporalité, maintenant,
en justice, là. Tu ne peux pas dire : Je vais rendre mon jugement dans
trois ans, là. Quelqu'un peut être libéré, etc. Donc, vous êtes conscient de
ça, vous dites : Tout le monde sera au rendez-vous, l'argent sera au rendez-vous,
puis on va opérer, puis ça va marcher.
M. Jolin-Barrette : …c'est
oui, puis on ne part pas du point zéro, parce qu'il faut comprendre qu'actuellement
il existe déjà un mécanisme de traduction pour les parties qui en font la
demande. Donc, déjà, il y a des citoyens… l'article actuel, là, fait en sorte
qu'un citoyen peut demander la traduction. Donc, ça existe déjà, le mécanisme.
Mais ce qu'on fait, c'est qu'on dit : Tous les jugements rendus par écrit
qui représentent un intérêt doivent être traduits au niveau… au moment du
prononcé du jugement. Donc, on rajoute des droits supplémentaires pour que le
jugement soit disponible. Puis il y a un maximum de délai, là, pour rendre le
jugement, là, actuellement, là, c'est six mois. Six mois. Généralement, au Québec,
c'est six mois, également. Alors, au Québec, on n'est pas moins bons
qu'ailleurs, là, on est capables de faire ça, surtout lorsque la langue
officielle du Québec, c'est le français. Puis je sais que vous partagez ça. Ça
fait qu'on va mettre les ressources en place justement pour faire en sorte…
Puis il ne faut pas penser que tous les jugements sont en anglais, là.
Mme David : …quand vous
dites : Pour l'instant, ça existe, mais pour ceux qui en font la demande,
ça, c'est comme quand on remplit des formulaires, puis si vous ne voulez pas,
cochez la petite affaire qui est écrite tout petit en bas, donc il y a 2 %
de la population qui coche, là. Ça risque… Là, c'est une obligation, alors
c'est beaucoup de monde. Donc, le «immédiatement et sans délai», si je
comprends bien, ne vous inquiète pas, et vous n'êtes pas tenté par notre
sagesse du «délai raisonnable». Vous trouvez que le «immédiatement et sans
délai» est tout à fait réaliste, réalisable, que l'argent sera au rendez-vous,
que les traducteurs seront au rendez-vous et que les juges seront de bonne
humeur.
M. Jolin-Barrette : Oui, et
je rajouterais à vos qualificatifs que c'est nécessaire aussi, que c'est nécessaire,
au sein de l'État québécois, qui inclut les tribunaux, en tout respect de la
séparation des pouvoirs quand même, que les justiciables québécois lorsqu'un
jugement est prononcé et qu'il représente… lorsqu'il met fin à une instance ou
qu'il représente un intérêt pour le public, puisse être rendu… puisse avoir une
copie en français, une traduction en français…
M. Jolin-Barrette :
…séparation des pouvoirs quand même, que les justiciables québécois, lorsqu'un
jugement est prononcé et qu'ils représentent… lorsqu'il met fin à une instance
ou qu'il représente un intérêt pour le public puisse être rendu… puisse avoir
une copie en français, une traduction en français.
Mme David : Dernière chose sur
ça. Le secret du délibéré, ils sont inquiets de ça. Comment rassurez-vous pour
qu'on ait quelque chose à dire pour calmer leurs inquiétudes?
M. Jolin-Barrette : Bien,
comme je vous disais précédemment dans ma réponse, il y a deux options qui
s'offrent à nous, soit des ententes de confidentialité avec les traducteurs qui
sont à la SOQUIJ, donc déjà ça peut se faire, ou, et c'est les discussions
qu'on va avoir les cours, ou directement placer le personnel, les traducteurs, directement
à l'intérieur de la structure de la cour. Donc, exemple, à la Cour suprême,
c'est comme ça, les traducteurs font partie du personnel de la cour. Donc, ça,
c'est possible de le faire aussi. Donc, voyez-vous ce n'est pas des enjeux qui
sont insolubles, là.
• (16 h 10) •
Mme David : J'entends bien que
ce n'est pas des enjeux insolubles, et on le sait qu'il y a eu quand même… que
ça existe ailleurs, qu'ils ont donc l'infrastructure pour ça. Mais je comprends
aussi que là on créé quand même une grosse infrastructure, parce que, quand on
dit… quand le tribunal met fin à une instance, c'est quand même beaucoup de
monde, c'est plus de jugements que ce qu'il y a à la Cour suprême… «ou présente
un intérêt pour le public», il va falloir définir. Moi, peut-être, ce qui m'intéresse
comme jugement ce n'est pas ce que, vous, vous intéresse ou le député de La Pinière
l'intéresse. Donc, il va falloir quelqu'un arbitre c'est quoi qui présente un intérêt
pour le public.
Et il va falloir que ce changement
complètement d'approche soit au rendez-vous dans l'efficacité, parce que, comme
ministre de la Justice, là, vous ne serez pas content s'il y a des délais, si
le fameux six mois, vous dites, pour rendre jugement, bien, là, tout le monde
tire, pousse, puis ça ne marche pas. Puis on a déjà assez du système de santé
qui est très embourbé, il ne faudrait pas que la justice devienne très, très,
très compliquée à gérer, elle n'a pas l'air déjà si simple.
Alors, l'obligation de votre part, de
votre côté, je dirais, gouvernementale, c'est de livrer ce qu'il faut, la boîte
à outils dont vous parlez, pour pouvoir changer et installer la nouvelle
approche.
M. Jolin-Barrette : Mais oui,
je suis d'accord, puis c'est ce qu'on fait. Dans le fond, le juge garde
totalement sa marge de manoeuvre, mais les ressources vont être au rendez-vous
pour remplir l'objectif qu'on vient inscrire dans la loi.
Mme David : Mais vous n'avez
pas de montant, vous n'avez pas évalué, vous n'avez pas demandé à vos
fonctionnaires combien ça peut exiger de traducteurs de plus, combien ça peut
coûter? Ça, O.K., je vais coûter combien de plus?
M. Jolin-Barrette : Bien,
oui, il y a des montants qui font partie de l'enveloppe générale. Mais on doit,
avec la cour, suite à l'approbation de cette disposition-là par les
parlementaires, travailler avec eux pour l'organisation puis faire en sorte que
leurs besoins puissent être comblés adéquatement. Puis on s'y engage.
Mme David : Parce que c'est
toujours intéressant, si on passe une loi, je l'ai fait moi-même, je le sais,
c'est... il y a de l'argent à la clé, mais, après ça, nous, on disparaît, la
loi reste, puis là, les gens lèvent la main puis ils disent : Bien, mais
il me faut de l'argent pour continuer à appliquer la loi, là...
M. Jolin-Barrette : …que leurs
besoins puissent être comblés adéquatement, puis on s'y engage.
Mme David : Parce que c'est toujours
intéressant, si on passe une loi, je l'ai fait moi-même, je le sais, c'est… il
y a de l'argent à la clé, mais, après ça, nous, on disparaît, la loi reste,
puis là, les gens lèvent la main puis ils disent : Mais il me faut de
l'argent pour continuer à appliquer la loi, là. C'est de la panique totale.
Alors, je pense qu'il faut être très, très sérieux sur ça, mais ça va se
présenter dans tous nos chapitres du projet de loi. La francisation, je n'ose
même pas imaginer le prix, etc. Alors, pour moi, ça clôt, Mme la Présidente,
mon intervention là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce qu'il y a… Oui. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : …question très
rapide et très simple. Quelle est la conséquence si la version anglaise
n'apparaît pas simultanément à la version française… la version française
simultanément à la version anglaise?
M. Jolin-Barrette : Mais
l'obligation par écrit est à l'effet de rendre une version française en même
temps qu'un jugement par écrit en anglais, qui met fin à l'instance ou qui
représente un intérêt pour le public.
M. Barrette : …ma question.
Quelle est la conséquence si ça n'arrive pas?
M. Jolin-Barrette : Bien, la
conséquence… les tribunaux respectent la loi, là, respectent les lois du
Québec.
M. Barrette : Donc, il n'y a
pas de conséquences.
M. Jolin-Barrette : Bien, il
n'y a pas pas de conséquences… Les tribunaux sont chargés d'appliquer,
d'interpréter et de faire respecter les lois. Eux-mêmes s'y soumettent.
M. Barrette : Bon. O.K. Je ne
veux pas perdre de temps là-dessus, Mme la Présidente, là, c'est juste qu'il y
a un enjeu… il y a un enjeu qui est réel, là. S'il y a un problème de
ressources, il va y avoir un ralentissement du processus juridique, là, je ne
vois pas comment ça peut être autrement. Si le ministre me dit qu'il n'y a pas
de conséquences parce qu'ils doivent observer la loi et qu'il y a un problème
de ressources, donc qu'ils vont retarder la publication simultanée français,
anglais. À ce moment-là, il n'y a pas d'autre porte de sortie. Je ne vais pas
plus loin, Mme la Présidente, autrement que de dire : Vaut mieux être un
jugement au Québec qu'être un citoyen, là, parce que je peux vous dire que
jamais une telle mesure sera appliquée au Québec pour les patients qui, par
exemple, seraient opérés selon la loi en dedans d'un mois. Jusque là, il y aura
des conséquences… Non, c'est de l'ironie, Mme la Présidente. Alors, je vais
terminer sur cette question-ci : Si la réponse du ministre est il n'est
pas question de parler de conséquences, puisqu'ils ont «l'obligation de». S'ils
ont «l'obligation de» et qu'ils n'ont pas les ressources parce que, bien, donc
il va y avoir un ralentissement du processus judiciaire.
M. Jolin-Barrette : Ils vont
avoir les ressources.
M. Barrette : Ah! bien, c'est
ça, c'est merveilleux. Alors, c'est pour ça que je dis, Mme la Présidente :
Au Québec, vaut mieux être un jugement qu'un malade. Parce que, même si le gouvernement
promettait d'opérer tout le monde dans un mois, ça n'arrivera pas ça.
C'est peut-être pour ça qui ne le font pas, parce que ça coûte trop cher. C'est
tout, je ne veux pas aller plus loin, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, il n'y a pas d'autres commentaires sur la collègue de Marguerite-Bourgeoys?
Donc, je vais mettre aux voix l'amendement de la collègue à l'article 10.
M. Jolin-Barrette : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Non. Le vôtre est passé, M. le ministre, c'était l'amendement qui va avec «une
version française doit être jointe dans un…
La Présidente
(Mme Thériault) : ...collègue de Marguerite-Bourgeoys. Donc, je
vais mettre aux voix l'amendement de la collègue à l'article 10.
Une voix : ...
La Présidente
(Mme Thériault) : Non. Le vôtre est passé, M. le ministre.
C'était l'amendement qui va avec «une version française doit être jointe dans
un délai raisonnable». C'était l'amendement qui touche le premier alinéa de l'article 10.
Est-ce que cet amendement est adopté?
M. Jolin-Barrette :
Rejeté.
La Présidente
(Mme Thériault) : Rejeté. Donc, l'amendement est rejeté.
Vous aviez signifié, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
que vous aviez un autre amendement au deuxième alinéa.
Mme David : Voilà.
La Présidente
(Mme Thériault) : Allez-y.
La Présidente
(Mme David) : Et je dirais, et ce malgré l'amendement du
ministre qui enlève quand même une épine du pied, là, qui enlève la partie
orale qui est quand même... j'aimerais ça entendre les statistiques. Mais, en
tout cas, je vais lire l'amendement. On en parlera après.
L'article 5 du projet de loi est
modifié, dans l'article 10 de la Charte de la langue française qu'il
introduit, du deuxième alinéa après le mot «anglais» par le remplacement du texte
qui suit par le suivant :
«Tout autre jugement rendu en anglais ou
en français est traduit dans l'autre langue à la demande d'une partie; ou de
toute personne démontrant son intérêt à obtenir une telle traduction.»
Donc, dans les commentaires : l'article 10
de la Charte de la langue française introduit par le projet de loi tel
qu'amendé se lirait ainsi :
«Tout autre jugement rendu en anglais ou
en français est traduit dans l'autre langue à la demande d'une partie.»
Alors, il va falloir dire : «Tout
autre jugement écrit — avec l'amendement du
ministre — rendu en anglais ou en français est traduit dans l'autre
langue à la demande d'une partie ou de toute personne démontrant son intérêt à
obtenir une telle traduction.
«Les frais de traduction sont assumés,
bon, par le ministère ou l'organisme qui l'effectue et qui assume les coûts
nécessaires à l'exercice des fonctions du tribunal qui a rendu le jugement.»
Alors, Mme la Présidente, que ça soit
qu'on ait rajouté, qu'on ait enlevé en fait «oral» et qu'on ait mis juste
«écrit», ça enlève quand même un certain fardeau. Mais, mais quand même
pourquoi tous les autres jugements, tous, donc ceux qui ne mettent pas fin à
une instance puisque, dans le premier, c'étaient ceux qui mettaient fin à une
instance, donc là, c'est tous les autres, tout autre jugement, on va dire
écrit, rendus en anglais doivent être traduits en français à la demande de
toute personne alors que celui-ci rendu... que celui rendu en français est
traduit en anglais uniquement à la demande d'une partie? Difficile de
comprendre pourquoi.
D'ailleurs, notre chère correspondance de
la juge en chef, je ne sais pas si vous les avez rassurés aussi là-dessus,
disent : «Il est à craindre qu'un citoyen mal intentionné demande
systématiquement la traduction de tous les jugements — on va dire
écrits maintenant — visés par cet alinéa, ce qui pourrait évidemment
paralyser l'appareil judiciaire.
«De plus, comme proposé dans la forme
actuelle, est-ce que toute personne pourrait demander la traduction d'un tel
jugement, peu importe la date du jugement rendu? Puis est-ce qu'une personne
mal...
Mme David : ...visé par cet
alinéa, ce qui pourrait évidemment paralyser l'appareil judiciaire. De plus,
comme proposée dans la forme actuelle, est-ce que toute personne pourrait
demander la traduction d'un tel jugement, peu importe la date de production, la
date du jugement rendu? Puis est-ce qu'une personne mal intentionnée pourrait
demander la traduction de l'ensemble des jugements, qui ne mettent pas fin à
l'instance ou qui n'ont pas d'intérêt pour le public, rendus, disons, l'an
dernier, en anglais? Donc, évidemment, quand on passe des lois, on pense
toujours aux cas d'exception. Vous allez me dire : Des personnes mal
intentionnées, ça ne court pas les rues. Non, mais ça peut arriver. Donc,
pourquoi, d'abord, tout autre jugement écrit rendu en anglais peut être traduit
en français à la demande de toute personne, là? Toute personne, là, n'importe
qui qui se promène sur la rue pourrait demander ça et faire une liste
interminable, et peut-être rétrospective.
M. Jolin-Barrette : ...par
écrit.
Mme David : Par écrit, oui,
oui, par écrit. Bon, alors, voilà déjà la première partie de la question. La
deuxième : «celui rendu en français est traduit en anglais à la demande
d'une partie.» Alors là, nous, c'est pour ça qu'on dit : «Tout autre
jugement écrit et rendu en anglais ou en français est traduit dans l'autre
langue à la demande d'une partie.» Là, on vient de partir de ça, là, puis on
s'en va «à la demande d'une partie; ou de toute personne démontrant son intérêt
à obtenir une telle traduction». Je ne sais pas pourquoi le ministre... est-ce
que ça, c'est la hyper, hyper, hyperaccessibilité à la justice, de dire que
quelqu'un qui voudrait avoir tous les jugements traduits en français pourrait
les avoir, un quidam qui décide que, lui, ça l'intéresse, un étudiant qui fait
un mémoire de maîtrise sur je ne sais pas quoi décide, lui, qu'il a besoin,
depuis 2005, de tous les jugements?
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette :
...procédure administrative où, comme c'est le cas actuellement lorsque vous
voulez un jugement qui est traduit, demander la traduction, que vous devez
remplir jugement par jugement. Donc, la quérulence, c'est une préoccupation que
je partage aussi, mais administrativement, dans le fond, lorsqu'on demande le
document, on doit remplir le document pour obtenir le jugement en question, il
faut mettre les renseignements, il faut faire tout ça, il faut faire la
demande, là. Donc, l'idée, c'est de faire en sorte de pouvoir accéder au
jugement en français, que ça puisse être diffusé.
Mme David : Oui, mais on a
beau remplir un formulaire, on remplit un formulaire. Puis ceux qui sont assez
motivés, je vais dire ça positivement, pour demander tous les jugements rendus
en anglais qu'ils soient disponibles en français, si je comprends bien, dans le
formulaire, il n'y a pas de personne mise en charge pour évaluer la
raisonnabilité de la demande, pour faire un jugement de valeur sur la demande.
Donc, la personne pourrait passer… et je pense qu'il y en a des gens qui
passent leur vie au palais de justice, pas juste des journalistes puis des
avocats, des simples citoyens, soit parce que ça les intéresse… mais ils
peuvent avoir, dans certains cas, là…
Mme David : …de la demande pour
faire un jugement de valeur sur la demande. Donc, la personne pourrait passer…
Et je pense qu'il y en a des gens qui passent leur vie au palais de justice,
pas juste des journalistes puis des avocats, des simples citoyens, soit parce que
ça les intéresse… Mais ils peuvent avoir, dans certains cas, là… Vraiment, ils
décident que, O.K., on me demande un formulaire pour chaque jugement, je vais
les remplir, je vais passer une semaine à remplir mes formulaires. Il n'y aura
pas de fonctionnaire, de… quelqu'un qui dit : Ça, c'est valable; ça, c'est
déraisonnable — disons ça comme ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est
déjà le cas actuellement. Dans le fond, la formule administrative vise à faire
dire : Tel jugement rendu par tel juge dans tel district, tu sais, la
pièce de… doit être demandée. Tu sais, ce n'est pas vraiment différent qu'une
demande d'accès à l'information où les demandes d'accès à l'information sont
traitées individuellement aussi. On vient rendre disponibles les jugements en
français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Continuez.
M. Jolin-Barrette : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Ah! vous voulez une suspension? Oui, on va aller sur une courte suspension
quelques instants, s'il vous plaît, à la demande du ministre.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 28)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux et nous étions sur la discussion de l'amendement
qui a été déposé par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je peux vous
passer la parole. J'ai aussi le collègue de La Pinière, oui.
Mme David : Bien, justement,
j'allais vous dire de laisser la parole à mon collègue. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
À votre collègue. Parfait. M. le député de La Pinière, la parole est à
vous.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je veux juste préciser les choses, le législateur tentant en
général d'être précis dans ses textes, il ne parle pour ne rien dire. J'ai beaucoup
de difficulté, et le ministre, je souhaite qu'il nous éclaire.
Mme la Présidente, là, dans notre amendement
et dans l'amendement du ministre, là, «tout autre jugement par toute personne»,
c'est non balisé, là, ça, c'est non qualifié. Ce n'est pas attaché à quelque règlement
de procédure que ce soit. Il n'y a rien, là-dedans, là, ça fait que, dans les
faits, là, «tout autre jugement par toute autre personne», il me semble que ça
veut dire n'importe qui pour tout. Alors là, je vais prendre un cas de figure
extrême, et j'aimerais que le ministre m'explique comment sa loi, telle qu'elle
est écrite, vient empêcher ça. Et je le dis avec tous les égards possibles, Mme
la Présidente, O.K.? Qu'est-ce qui empêcherait dans sa loi et… qu'est-ce qui
empêcherait une administration de dire non à un membre militant de la Société
Saint-Jean-Baptiste de venir devant le tribunal et dire : Vous allez
traduire tous les jugements passés écrits en anglais parce que le texte de loi
de la loi n° 96 me le permet?
• (16 h 30) •
Ce n'est pas la quérulence, ça, le texte,
il dit ça, il ne peut pas dire autre chose, il dit… il ne dit pas : Tout
autre jugement peut être… «doit être traduit en français à la demande de toute
personne dans les circonstances x, y, z, à la condition de», il dit «toute
personne, à la demande»… c'est-à-dire «tout autre jugement, à la…
16 h 30 (version non révisée)
M. Barrette : …il ne dit
pas : Tout autre jugement peut être… doit être traduit en français à la
demande de toute personne dans les circonstances x, y, z, à la condition de. Il
dit : Toute personne, à la demande… c'est-à-dire : «Tout autre
jugement… à la demande de toute personne», alors en quoi, là, moi, là, je suis
un militant, là? Il va prendre, le militant, là, le même argument que le
ministre, l'importance du français, l'importance de l'histoire juridique en
français, l'importance de l'importance de l'importance de… Je le dis avec tous
les égards possibles : En quoi, ça, ça empêche ça?
M. Jolin-Barrette : Le député
a raison. On ne vient pas qualifier la nature de la personne qui fait la
demande. Donc, effectivement, une personne pourrait demander que plusieurs
jugements soient traduits en français. Oui. Il y a deux choses. Dans la mise en
application de la loi, l'administration, avec un grand a, est là pour la mettre
en application et pour faire en sorte, dans le fond, d'établir une procédure
pour venir opérationnaliser le droit du citoyen à obtenir ces jugements-là.
Donc, comme ça se fait actuellement, on doit remplir un formulaire, où on doit
indiquer le nom de jugement, le nom de juge, le district, pour obtenir la copie
du jugement en français.
Donc, le cas d'espèce qui est soulevé par
le député de La Pinière est un cas, effectivement, qui pourrait survenir.
C'est quelque chose de possible. Cela étant, cela étant, c'est toujours… dans
l'amendement qui vous proposez, vous, vous dites, là, dans le fond, là :
«Toute personne démontrant son intérêt à obtenir une telle traduction.» Là, on
vient inclure un caractère subjectif sur la nature, on vient porter un jugement
sur la personne. Donc, ce n'est pas vraiment là où on veut aller. On veut que
le concept de base, ça soit que la justice soit accessible en français. Donc,
lorsqu'il y a abus, l'administration, administrativement, peut prendre les
mesures en place pour s'assurer que les ressources de l'État soient
effectivement gérées d'une façon efficace, comme ça se fait actuellement dans
tous les services publics qui sont donnés.
M. Barrette : C'est tout?
Alors, Mme la Présidente, j'ai quand même la même inquiétude, ça n'enlève pas
l'inquiétude, là. Quand bien même le ministre prend l'argument… il a pris deux
arguments, là. Il y a l'argument administratif, il faut remplir un formulaire.
On est en 2021, la justice se numérise, alors remplir les formulaires, là, de
façon séquentielle, si on a la…
M. Barrette : …la même
inquiétude, ça n'enlève pas l'inquiétude, là. Quand bien même le ministre prend
l'argument… il a pris deux arguments, là. Il y a l'argument administratif, il
faut remplir un formulaire. On est en 2021, la justice se numérise, alors
remplir les formulaires, là, de façon séquentielle si on a la base de données
numérique, c'est super facile et super rapide. Donc, ça, c'est faisable. Ça ne
deviendra plus, dans le futur, un obstacle, à mon avis, à mon avis. Et pour ce
qui est de l'intérêt, bien, moi, je peux très bien imaginer un argumentaire
provenant de militants pour le français qui vont prendre les mêmes arguments
que le ministre, et dire : Dans l'intérêt du public, on doit avoir notre
historique en français. Je vois mal comment l'administration va nier ce
droit-là avec la plaidoirie que le ministre fait de son propre projet de loi.
M. Jolin-Barrette : Mais,
dans le fond, là, Mme la Présidente, l'argument que fait le député de La
Pinière, là, c'est relativement… dans le fond, moi, ce que je lui dis, c'est
que dans son amendement il vient qualifier l'intérêt du demandeur. C'est ce que
fait l'amendement. C'est difficile à faire de justifier l'intérêt du demandeur
parce que le principe de base qu'on souhaite faire, là, c'est justement de
rendre accessible les jugements, la justice en français. Alors, à partir du
moment où vous dites : Bien, écoutez, le principe de base, là, c'est qu'on
fait en sorte que les jugements sont accessibles en français. La personne
pourra le demander. Là, ce qu'on vient introduire du côté du Parti libéral, ça serait
de faire en sorte de porter un jugement sur le motif de la nature de la
personne qui fait la demande.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je veux juste que le ministre me dise le bout de phrase où on
retrouve ce qu'il dit là. Moi, j'ai son amendement devant moi, là, et
l'amendement, la seule qui change par rapport à l'article original, c'est «par
écrit.» C'est la seule chose qui change, là. Et lorsqu'on parle d'intérêt…
est-ce que je me trompe?
M. Jolin-Barrette :
Pouvez-vous répéter juste le dernier mot.
M. Barrette : Bien,
l'amendement du ministre, là, vient ajouter le «par écrit», mais le texte ne
change pas, là, et par rapport au texte d'origine.
M. Jolin-Barrette : Au texte
d'origine du projet de loi?
M. Barrette : Oui, oui, du
projet de loi. Le seul moment où on parle d'intérêt, parce que le ministre m'a
dit : C'est une question d'intérêt. Le seul moment où on parle d'intérêt,
là, c'est intéressant parce que ce n'est pas l'intérêt du demandeur de tout traduire.
La seule place où on parle de l'intérêt, c'est : «Une version française
doit être jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en
anglais par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente
un intérêt pour le public.» Ce n'est pas l'intérêt de l'individu qui demande,
ça. L'intérêt pour le public, c'est un intérêt qui est jugé par une partie x,
là, pas une partie à une procédure.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste…
M. Barrette : C'est ça que ça
dit… oui.
M. Jolin-Barrette : … juste,
si je peux ajouter, dans le raisonnement du député de La Pinière. Ce à quoi je
faisais référence, c'est votre amendement qui dit : Tout autre jugement
rendu par écrit en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la…
M. Barrette : …l'intérêt pour
le public, c'est un intérêt qui est jugé par une partie X, là, pas une partie à
une procédure. C'est ça que ça dit.
M. Jolin-Barrette : Mais,
juste si je peux ajouter dans le raisonnement du député de La Pinière, ce
à quoi je fais référence, c'est votre amendement qui dit : «Tout autre
jugement rendu… en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la
demande d'une partie; ou de toute personne démontrant son intérêt à obtenir une
telle traduction.»
M. Barrette : Ça, c'est
correct. Ça, c'est notre jugement à nous. Mais, comme, à date, nos amendements
ne sont pas toujours acceptés — on va dire ça comme ça — et
qu'on risque de revenir à son texte, dans son texte, si c'est le texte final
qui prévaut, il n'est nullement question de l'intérêt de l'individu qui fait
cette demande-là.
M. Jolin-Barrette : Dans mon
texte, non, effectivement. Mais moi…
M. Barrette : Bon, il n'y en a
pas. Alors, le texte, nous, on fait un amendement, entre autres, pour éviter ce
genre de choses là. Là, notre amendement… à moins que le ministre nous dise maintenant
qu'il est en faveur, ça serait intéressant, il peut nous le dire, sinon on
retombe dans une situation où quiconque, peu importe le motif, peut arriver et
demander une traduction de tous les jugements écrits en anglais passés. On
comprend que c'est écrit, là, et non oral. On s'entend, là? Oublions cette
distinction-là, parce qu'on s'entend que ça va causer un problème si quelqu'un
a, par la loi, le pouvoir de demander ça.
M. Jolin-Barrette : J'entends
bien le député de La Pinière relativement à sa crainte, et ce que je lui
dis, dans le fond, l'objectif, c'est de permettre que les jugements soient
disponibles en français. Donc, si quelqu'un fait de la recherche, souhaite
obtenir les jugements écrits, il faut qu'il puisse le demander, donc un
journaliste, un citoyen, un professeur de droit, quelqu'un qui souhaite accéder
au jugement. Donc, c'est sûr que, par le biais administratif, dans le fond, il
y a… l'administration va s'assurer de traiter les demandes en fonction de
chacune des demandes. Puis j'entends bien le député de La Pinière
lorsqu'il me dit : Bien, maintenant, avec l'informatisation, tout ça… Oui,
mais il y a quand même une demande à faire pour chacun des numéros de dossier,
chaque juge, chaque district. Donc, c'est tout de même balisé sur le plan
administratif.
M. Barrette : Nous, on fait
des amendements pour éviter ce genre d'abus là. Est-ce que je comprends du
ministre qu'il ne le voit pas, ce potentiel d'abus là ou, même si on dit que
c'est légitime, admettons que c'est légitime puis que ce n'est pas un abus,
O.K.?, donc le ministre ne voit pas qu'une telle démarche pourrait paralyser le
système de santé? C'est correct. Je veux dire, si c'est ça, c'est son choix.
M. Jolin-Barrette : De
justice, pas de santé.
M. Barrette : Je m'excuse, de
justice. Déformation professionnelle.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est parce que c'est un équilibrage. Parce que l'autre option qui nous est
offerte, ça serait le fait de dire, tu sais, tel que vous le proposez, c'est de
qualifier l'intérêt de la personne. Là, à ce moment-là, on va à l'encontre du
principe, le principe du fait qu'il doit y avoir la disponibilité en français
des jugements…
M. Jolin-Barrette : …autre
option qui nous est offerte, ça serait le fait de dire, tu sais, tel que vous
le proposez, c'est de qualifier l'intérêt de la personne. Là, à ce moment-là,
on va à l'encontre du principe, le principe du fait qu'il doit y avoir la
disponibilité en français des jugements. Donc, lorsqu'un citoyen souhaite avoir
accès au jugement, qu'il puisse l'obtenir en français, traduit.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je comprends cet intérêt-là. Je suis d'accord avec cet intérêt-là.
Alors, nous, de la manière qu'on l'écrit, là, on ferme un peu la porte à quelqu'un
qui voudrait, pour des raisons x, y, z, de l'ordre du militantisme, là, de
paralyser le système en demandant la traduction de tout. Moi, je n'ai aucun
problème à ce qu'on puisse permettre à un individu qui est dans une cause et
qui demande la traduction de tous jugements qui ont fait jurisprudence dans sa
cause. Ça, c'est une affaire. Ce n'est pas la même… Là, il a un intérêt, c'est
sa cause, il est devant la cour.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Juste
là-dessus, Mme la Présidente, c'est tout le défi relativement à l'amendement du
député de La Pinière relativement aux critères de l'intérêt. Comment
qualifiez-vous la nature de l'intérêt pour l'individu?
M. Barrette : Bien…
M. Jolin-Barrette : Tu sais,
c'est parce qu'on vient, dans le fond, porter un jugement de valeur sur…
M. Barrette : Oui. Alors, Mme
la Présidente, je comprends l'argumentaire du ministre. C'est la balance entre
l'intérêt de l'individu, là, et l'intérêt de l'accès à la justice. On peut
imaginer toutes sortes de cas de figure pour lesquels un individu a un intérêt.
Ça peut être sa propre cause, qu'il veut voir la jurisprudence traduite en
français. C'est même poussé pas mal, ça. Ça serait quelqu'un de vraiment très
militant pour le français, je pense, qui ferait ça, parce que c'est plus les
avocats qui y verraient un intérêt. Ça peut être un chercheur. Il fait une
thèse, là, puis il veut regarder tel type de cause, là, dans le passé puis le
chercheur — ce qui est exceptionnel, mais c'est toujours
possible — est incapable de lire un jugement en anglais, mettons.
C'est correct. Mais maintenant il n'en reste… Ça, c'est nous. Nous, on
dit : S'il y a un intérêt — c'est assez simple à qualifier, je
pense — ou constater un intérêt sans apporter un jugement. Bien, à
l'autre bout, là, si notre amendement ne passe pas, bien, c'est toute personne,
tout jugement de l'histoire du Québec qui va être traduit en français.
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : Le seul frein,
c'est le remplissage du formulaire. Mais dans le monde d'aujourd'hui, ça peut
aller pas mal vite, là.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas «tout», c'est tout jugement qui est demandé, donc ce n'est pas l'ensemble
du corpus. «Tout autre jugement rendu par écrit en anglais est traduit en
français à la demande de toute personne;» Donc, un individu qui souhaite avoir
un jugement spécifique peut le demander.
M. Barrette : …Mais là notre
amendement, là… Je voyais les gestes de ma collègue, là. Nous ce que l'on dit,
Mme la Présidente, là, c'est que dans la théorie des ensembles, là, il y a un
grand, grand, grand ensemble qui est celui de tous les jugements écrits en
anglais. Le texte proposé par le ministre, c'est n'importe qui peut arriver
puis dire : Ce grand ensemble là va être traduit en français, à ma
demande.
M. Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas…
M. Barrette : Maintenant,
nous, on dit : On va réduire ça. O.K., on a…
M. Barrette : ...dans la
théorie des ensembles, là, il y a un grand, grand, grand ensemble qui est celui
de tous les jugements écrits en anglais. Le texte proposé par le ministre,
c'est n'importe qui peut arriver puis dire : Ce grand ensemble là va être
traduit en français, à ma demande.
Maintenant, nous, on dit : On va
réduire ça. O.K., on a réduit ça de... le ministre lui-même est parti de tout à
écrit. Et nous, on dit «s'il y a un intérêt pour une partie». Ça nous apparaît
sensé de faire ça dans l'administration de la justice.
Là, le ministre, ce qu'il m'oppose, c'est
que, oui, essentiellement, on ne va pas brimer peut-être telle ou telle personne.
Mais en refusant un amendement comme le nôtre de peur de brimer quelqu'un, puis
je ne le vois pas vraiment comment on peut le brimer, bien, on va revenir au
grand, grand ensemble des jugements écrits.
M. Jolin-Barrette : Non. Non,
Mme la Présidente. Je tiens à rassurer, là, le député de La Pinière, là.
Ce n'est pas tous les jugements écrits, comme ça, pour dire : Mme la
Présidente, depuis la Confédération, je veux tous les jugements écrits en
anglais qui soient traduits en français. La personne doit savoir le jugement
qu'elle veut.
M. Barrette : Je reviens à mon
argument informatique, là. On est en 2021, là. Le texte... O.K., je vais poser
ma question simplement. Dans une époque moderne où l'informatique,
l'apprentissage mécanique nous permet de prendre une base de données qui sont
les jugements et de remplir des formulaires, n'est-il pas vrai qu'avec ce
moyen-là... n'est-il pas vrai que, si on a le moyen, on peut faire ce que le ministre
ne souhaite pas qui arrive qui est de traduire tous les jugements antérieurs?
M. Jolin-Barrette : La
réponse à cette question-là, c'est non. C'est non parce que ce ne sont pas tous
les jugements qui se retrouvent sur les banques de données. Ça, c'est important
de le dire. Dans le fond, il y a un tri qui est déjà effectué par la Société
québécoise d'information juridique, Mme la Présidente, et ce ne sont pas tous
les jugements interlocutoires, tous les jugements rendus par écrit en anglais
qui se retrouvent dans les banques de données, il y a déjà un tri qui est fait
par la SOQUIJ. Donc, c'est faux de dire que tous les jugements du corpus se
retrouvent là. Puis ce n'est pas tous les jugements qui ont été numérisés également
aussi, il faut le dire.
Alors, je comprends l'argument du député
de La Pinière, mais ce n'est pas cette situation-là dans les faits, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : ...un commentaire
sarcastique, je ne le ferai pas, mais je comprends que le ministre est capable
mieux que moi de voir l'avenir. Je vais le laisser aller avec l'avenir qu'il
voit, qu'il entrevoit. Bon. Maintenant, deuxième question qui, elle, elle est
très... Ce n'est pas parce qu'on n'aura pas voulu le protéger, là, c'est écrit,
là, ça va être écrit dans nos archives, on l'aura dit. Puis, si ça arrive,
bien, c'est de même.
Autre question. La traduction, dans
l'esprit du ministre, au sens légal, de quelle qualité, de quelle nature? Est-ce
qu'elle doit être légalement l'équivalent, la même valeur, la même affaire que
le jugement en anglais? À la limite, là, est-ce que ça doit être traduit par un
traducteur...
M. Barrette : …dans l'esprit du
ministre au sens légal. De quelle qualité, de quelle nature? Est-ce qu'elle
doit être légalement l'équivalent, la même valeur, la même affaire que le
jugement en anglais? À la limite, là, est-ce que ça doit être traduit par un
traducteur agréé? Question fondamentale : La traduction doit-elle être,
dans l'esprit du ministre, équivalente en tous points, en termes de valeur
juridique, à la version anglaise dans le cas présent? Et dans l'autre sens
aussi, évidemment.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
pour la valeur juridique, c'est la valeur juridique du prononcé du jugement
dans la langue que le juge le rend.
M. Barrette : O.K. Je peux-tu
avoir, Mme la Présidente, une réponse plus précise? Pour le… Tantôt, là, dans
les documents, là, on demandait des traductions certifiées, agréées, le nec
plus ultra. On comprend que, quand on demande ça, on s'attend à ce que le
texte, à la fin, ait le même sens, le même poids que l'original. Moi, là, c'est
comme ça que je vois ça. Puis peut-être que… j'imagine aussi que si on
traduisait la Constitution, c'est ce que le ministre voudrait avoir. Il dit
non?
M. Jolin-Barrette : Non,
bien…
M. Barrette : O.K. Alors, je
vais juste finir ma question, Mme la Présidente. Alors, si on demande une
traduction certifiée, ce n'est pas juste… en tout cas, peut-être que je
comprends mal, mais que le ministre nous explique. Est-ce que… on va le mettre
dans deux phrases, à ce moment-là : Est-ce que ça doit être une traduction
faite par un traducteur agréé et est-ce que ça doit avoir la même valeur?
Mettons ça dans cet ordre-là, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : On parle
de la version… Dans le fond, là, prenons un cas concret, là, un jugement par
écrit, dans le fond, le juge décide d'écrire en anglais son jugement. Donc, la
version qui fait foi, c'est la version anglaise, c'est cette version-là qui est
officielle. La traduction en français n'est pas une version co-officielle.
Donc, le jugement qui a valeur, force probante, si je peux dire, là, qui est
officielle, est la version du jugement dans laquelle le juge a prononcé son
jugement.
M. Barrette : Très bien, c'est
clair. Est-ce que la traduction doit être effectuée, comme pour les documents,
par un traducteur agréé?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La
réponse à cette question-là, c'est non, ça va être effectué par soit les
traducteurs de la cour, soit les traducteurs de la SOQUIJ, comme c'est le cas
actuellement.
M. Barrette : …commentaires,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée, il vous reste 5 minutes à votre bloc.
Mme David : Bien, ça ne sera
pas long, je veux juste être sûre de comprendre la dernière réponse, là. Donc,
le jugement rendu, là, revenons au premier alinéa, «la version française doit
être jointe immédiatement, sans délai à tout jugement écrit par»… je suis
rendue «par écrit, en anglais, par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à
une instance». Ça, c'est le juge, là, qui écrit son jugement en anglais, qui le
fait traduire. Mais là, il faut que ça soit agréé, j'imagine, là, c'est un
juge, là, qui écrit son truc…
Mme David : …doit être jointe
immédiatement, sans délai, à tout jugement écrit par»… je suis rendue «par
écrit, en anglais, par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une
instance». Ça, c'est le juge, là, qui écrit son jugement en anglais qui le fait
traduire. Mais là, il faut que ça soit agréé, j'imagine, là, c'est un juge, là,
qui écrit son truc. Il faut que ça soit traduit par la SOQUIJ… broche ça. Mais
c'est la langue dans laquelle il a pris la plume qui est la langue officielle
du jugement, qui a valeur officielle.
M. Jolin-Barrette :
Exactement, donc la version originale.
Mme David : La version
originale. Et donc, ça, c'est valable pour le deuxième alinéa aussi.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : C'est-à-dire qu'il
n'y a pas de valeur officielle à la traduction. Le cas de figure de mon
collègue : la personne remplit 250 demandes de traduction et donc ces
250 demandes là sont traduites non pas par la SOQUIJ, si je comprends
bien, dans ce cas-là… ou c'est la SOQUIJ, puis c'est, là aussi, des traducteurs
certifiés puis tout le kit? Mais ça n'a pas valeur officielle.
M. Jolin-Barrette : En fait,
dans votre cas d'exemple relativement à l'alinéa deux, il y a une
distinction. Dans le fond, lorsqu'on est à un… on est à l'alinéa un,
on est lorsque le juge prononce son jugement. Donc, si c'est par… dans le fond,
un jugement par écrit qui met fin à l'instance ou qui présente un intérêt pour
le public, à ce moment-là, la version française doit être jointe au moment du
prononcé du jugement. Mais la langue du jugement, c'est l'anglais, dans le cas
où c'est un jugement en anglais. Donc, le jugement officiel, si je peux dire,
le jugement qui fait autorité, c'est la version anglaise, parce que le juge,
lui, décide de s'exprimer en anglais, donc c'est cette version-là. Donc, ça,
c'est l'effet immédiatement et sans délai.
À l'alinéa deux, on se retrouve dans
un cas où le jugement…
Mme David : …il y a
10 ans.
M. Jolin-Barrette : Il peut
dater, il peut dater. Puis là, c'est le jugement qui est au dossier, là, qui a
valeur officielle et donc, c'est le jugement en anglais.
• (16 h 50) •
Mme David : Donc, c'est pour,
dans le fond, répondre à la demande du citoyen, du chercheur, du juriste.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
que je voulais vous dire, dans le fond, c'est qu'il y a une distinction pour
l'alinéa deux, parce que l'alinéa deux, le jugement est déjà rendu.
Donc, actuellement, ça se fait déjà par la SOQUIJ, donc ça, on peut continuer à
le faire par la SOQUIJ avec la méthodologie actuelle.
Là où il y a un ajustement à faire, puis
vous le souligniez à juste titre tout à l'heure, c'est relativement… par
rapport au secret du délibéré. Il y avait des craintes des juges relativement à
ça. Donc, pour l'alinéa un, soit qu'on met le personnel traducteur à
l'intérieur de la cour ou on fait signer clairement des ententes de
confidentialité, pour respecter le secret du délibéré.
Donc, voyez-vous, la distinction entre les
deux alinéas, elle est là.
Mme David : Et tout ça va…
tous ces frais-là vont être assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue et qui en assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Ce n'est jamais…
le citoyen, qui demande 250 traductions, il n'a pas un sou à débourser,
c'est sur le bras de l'État, comme on dit.
M. Jolin-Barrette : Quand
c'est un jugement…
Mme David : …va… tous ces
frais-là vont être assumés par le ministère ou l'organisme qui l'effectue et
qui en assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du tribunal qui
a rendu le jugement.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : Ce n'est jamais le
citoyen qui demande 250 traductions, il n'a pas un sou à débourser, c'est
sur le bras de l'État, comme on dit.
M. Jolin-Barrette : Quand
c'est un jugement par écrit.
Mme David : Puis un ancien
jugement, là, un ancien… bon.
M. Jolin-Barrette : C'est un
jugement par écrit.
Mme David : Ça peut coûter
cher, cher, cher.
M. Jolin-Barrette : Bien,
encore une fois, tu sais… puis je reviens à votre exemple, là.
M. Barrette : …retraite?
M. Jolin-Barrette : À votre
retraite?
M. Barrette : Bien, oui. Je
vais les demander, les traductions.
M. Jolin-Barrette : Bien,
honnêtement, moi, M. le Président…
La Présidente (Mme Thériault) :
…
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente. Excusez-moi, je suis un peu fatigué. Mme la Présidente, on a besoin
de travailleurs expérimentés, puis je souhaite que le député de La Pinière
puisse continuer à travailler.
M. Barrette : Je suis un
demandeur expérimenté.
M. Jolin-Barrette : Un
demandeur expérimenté. Non, mais, honnêtement, je pense que le député de La Pinière,
malgré le fait qu'il va faire autre chose, je pense qu'il peut contribuer beaucoup
à la société québécoise et qu'il peut occuper un poste actif, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Et j'en
suis convaincu que je vais revoir le député de La Pinière dans d'autres
fonctions. J'ai comme ce…
M. Barrette : …le français.
M. Jolin-Barrette : J'ai
comme ce pressentiment-là. Bien, écoutez, Mme la Présidente, ça me donne des
idées. Ça me donne des idées, ce que dit le député de La Pinière. Et je
vais… on va pouvoir… écoutez, il va y avoir un nouveau ministère, de la Langue
française. On va avoir besoin de gens dévoués, en faveur du français.
M. Barrette : …remplir des
formulaires.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je comprends aussi que vous allez l'inviter chez vous. Donc, vous aurez
l'occasion d'en discuter.
M. Jolin-Barrette : Lorsque
le projet de loi sera sanctionné.
La Présidente (Mme Thériault) :
Sera adopté. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Alors, écoutez,
moi, ça termine nos interventions, et ça évite même que je dépose mon troisième
amendement. J'ai eu les réponses à mes questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, vous avez eu des réponses à vos questions.
Mme David : Alors, vous voyez
comme nous plaidons pour la collaboration et l'efficacité.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, puisqu'il n'y a… puisque je ne vois pas d'autre intervention en
faveur de l'amendement ou contre l'amendement de la collègue de Marguerite-Bourgeoys,
est-ce que l'amendement est adopté?
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Rejeté. Donc, à ce moment-là, nous passons à la discussion sur
l'article 10, de manière générale. C'est bien ça? Donc, est-ce qu'il y a
des questions, commentaires sur l'article 10, de manière générale? M. le
député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Comme vous offrez
la rubrique «commentaires», je vais en faire un. Juste exprimer que j'ai bien
hâte qu'on soit rendus aux articles qui vont permettre, je l'espère, de freiner
le déclin du français au Québec. Alors, vous voyez que je retiens mes
interventions, j'ai hâte qu'on arrive à l'essentiel, je voulais le partager
avec les membres de la commission.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est noté pour les fins des travaux de la commission. Donc, puisque je n'ai
pas d'autre commentaire sur l'article 10…
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, oui. Excusez-moi. M. le député de La Pinière, allez-y.
M. Barrette : J'imagine…
M. Bérubé : …à l'essentiel, je
voulais le partager avec les membres de la commission.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est noté pour les fins des travaux de la commission. Donc, puisque je n'ai
pas d'autre commentaire sur l'article 10…
M. Barrette : …au collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Oui, excusez-moi, M. le député de La Pinière. Allez-y.
M. Barrette : Oui. J'imagine
que le député de Matane a remarqué l'énergie et l'argumentaire du ministre à
chaque alinéa du projet de loi, à date, selon lesquels c'est la défense et la
promotion du français.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'imagine que vous voulez… Oui, vous voulez faire une intervention, M. le
député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Ce n'était pas
prévu, mais, comme je suis interpelé par le député de La Pinière, vous me
permettrez de dire les éléments suivants. Quand j'entends le débat entre le
Parti libéral et la CAQ, depuis plusieurs heures maintenant, j'ai parfois
l'impression que, d'un côté, le Parti libéral agit d'abord comme le porte-voix
de la communauté anglophone, tandis que ce n'est pas ce qui avait été annoncé
dans la bande-annonce du nationalisme du Parti libéral. Le ministre répond tant
bien que mal, mais il ne paie rien pour attendre, parce que, sur des enjeux, on
va lui demander plus au lieu de demander moins. On sera là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon.
M. Barrette : …un commentaire
additionnel.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière, votre micro est ouvert, allez-y.
M. Barrette : Oui. On comprend
que, dans l'esprit du député de Matane, il y a une seule catégorie de citoyens
qui compte, et que, dans son esprit, c'est impossible de débattre dans
l'intérêt collectif des citoyens, donc qui inclut tout le monde, en argumentant
de différentes manières, et que, pour cette raison-là, c'est pour ça qu'il est
très confortable avec la position de la CAQ.
La Présidente (Mme Thériault) :
Là, je pense qu'il ne faudrait juste pas commencer à s'interpeler comme ça.
M. Bérubé : Confortable?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je pense que nos travaux allaient très bien.
M. Barrette : …
M. Bérubé : Il y a une revue
de presse que je peux t'envoyer, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Nos travaux allaient très bien. Donc, je pense qu'on peut passer à l'article
11, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, très certainement.
Les articles 8 et 9 de cette charte sont
remplacés par les suivants :
«11. L'article 10 s'applique, compte tenu des
adaptations nécessaires, à toute décision rendue dans l'exercice d'une fonction
juridictionnelle par un organisme de l'Administration ou par une personne
nommée par le gouvernement ou par un ministre qui exerce une telle fonction au
sein d'un tel organisme.»
Le commentaire : L'article 11 de la
Charte de la langue française que propose l'article 5 du projet de loi rend les
dispositions de l'article 10 applicables aux décisions rendues dans l'exercice
d'une fonction juridictionnelle par certains organismes de l'administration ou
par certaines personnes au sein d'un tel organisme.
Les dispositions de l'article 11 entreront
en vigueur six mois après la sanction du projet de loi ou à une date antérieure
que peut déterminer le gouvernement, ainsi que le prévoit le paragraphe 2° de
l'article 201.
La Présidente (Mme Thériault) :
Questions, commentaires sur l'article 11? 10, pardon. Allez-y.
Mme David : Nous n'avons pas
de commentaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Aucun commentaire. Parfait. Donc, M. le ministre, je vais vous demander de nous
introduire l'article 12.
M. Jolin-Barrette : Oui,
alors, à l'article 12, Mme la Présidente :
«12. Il ne peut être exigé de la personne
devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la langue officielle
sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française
estiment que…
M. Jolin-Barrette :
...oui. Alors, à l'article 12, Mme la Présidente : «12. Il ne peut
être exigé de la personne devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait
la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que
la langue officielle sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la
Langue française estiment que, d'une part, l'exercice de cette fonction
nécessite une telle connaissance et que, d'autre part, tous les moyens
raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence.»
Commentaires. L'article 12 de la Charte
de la langue française que propose l'article 5 du projet de loi prévoit
les conditions devant être remplies pour qu'il puisse être exigé d'une personne
qui doit être nommée juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une autre langue que le français.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Mme la
Présidente, avant d'entreprendre l'étude de l'article 12 de la Charte de
la langue française, tel qu'introduit par l'article 5 du projet de loi,
vous me permettrez de vous poser une question de directive. Votre éclairage...
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous avez dit une question de directive?
Mme David : De directive.
La Présidente
(Mme Thériault) : O.K. Je vous écoute.
Mme David : De directive.
Votre éclairage sera notre guide pour la suite de l'étude.
Je dois vous dire, Mme la Présidente, que
j'éprouve un grand malaise à étudier l'article 12. Nous avons pris connaissance
d'une procédure judiciaire déposée devant la Cour supérieure le 4 novembre
dernier. Cette procédure du Conseil de la magistrature, conjointement avec les
juges en chef associés de la Cour du Québec, les demandeurs, vise directement
le ministre de la Justice, le Procureur général du Québec et la secrétaire à la
sélection des candidats à la fonction de juge. Je n'entrerai pas dans le détail
de cette requête, Mme la Présidente, mais je souhaite un éclairage de votre
part pour la suite de nos travaux.
Mme la Présidente, les règles de procédure
et notre jurisprudence qui nous gouvernent nous enseignent que l'application
que la règle sub judice relève de la discrétion du président ou de la
présidente. Selon la pratique observée à ce jour à l'Assemblée nationale et
dans d'autres parlements en matière pénale et criminelle, la règle du sub
judice doit s'appliquer de manière absolue, car le préjudice est présumé. Pour
nous, Mme la Présidente, c'est clair.
Cependant, en matière civile,
l'application de la règle du sub judice est moins absolue, compte tenu de
l'impact que pourraient avoir des paroles prononcées à l'Assemblée nationale ou
en commission parlementaire est moins grand qu'en matière criminelle.
D'ailleurs, la présidence de l'Assemblée nationale a déjà décidé que, «dans le
cas de poursuites civiles, un député peut s'y référer de manière générale, mais
ne peut, lorsqu'on approche le coeur du sujet, faire des remarques de nature à
porter préjudice à qui que ce soit». La décision 35(3)5, JD, 20 mars 1984,
Richard Guay.
• (17 heures) •
Mme la Présidente, l'Assemblée nationale
est souveraine, nous en sommes bien conscients. Cependant, nous avons devant
nous le ministre de la Justice, qui est directement visé par une poursuite dont
le fond n'a pas encore été statué. Vous comprendrez que je ne souhaite pas
limiter nos débats. Je souhaite donc obtenir votre éclairage, Mme la
Présidente, car j'éprouve un malaise à étudier l'article...
17 h (version non révisée)
Mme David : …nous en sommes
bien conscients. Cependant, nous avons, devant nous, le ministre de la Justice
qui est directement visé par une poursuite, dont le fond n'a pas encore été
statué. Vous comprendrez que je ne souhaite pas limiter nos débats. Je souhaite
donc obtenir votre éclairage, Mme la Présidente, car j'éprouve un malaise à
étudier l'article 12 de la charte, tel qu'introduit par le ministre à l'article
5 du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Bon. Donc, je comprends que vous me demandez une question de directive
concernant l'article 12. Dans l'exposé que vous m'avez fait, vous m'avez
mentionné qu'il y a une procédure, présentement, civile qui est en cour, qui
vise le ministre de la Justice. Je comprends que vous me dites que vous avez un
malaise à discuter de cet article-là, puisque ça touche le litige qui est
devant le tribunal même si c'est une notion… que c'est un tribunal civil, c'est
ce que j'entends.
Mme David : Exactement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous voulez que je vous donne une directive.
Mme David : En plein ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais… Oui, M. le ministre, je suis disposée à vous entendre, après ça, vous
comprendrez que, puisque vous me demandez une directive, je vais prendre le
temps de consulter le secrétaire. Donc, je pense que je vais entendre des
plaidoyers. Je vois la main du député de Matane-Matapédia aussi, sauf qu'avant
de vous entendre, M. le député, j'avais reconnu M. le ministre. Donc, je vais
continuer de noter vos interventions. M. le ministre, allez-y, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Bien,
quelques commentaires préliminaires. La disposition de l'article 12, incluant
celle de l'article 13, Mme la Présidente, est distincte du fond du recours qui
est présenté par le Conseil de la magistrature et la Cour du Québec. La
requête, elle est publique et la base d'assise du recours du Conseil de la
magistrature et de la Cour du Québec est basée sur le règlement sur la
sélection des juges et également sur la Loi sur les tribunaux judiciaires. Or,
ici, la disposition, Mme la Présidente, qui sera étudiée en l'espèce, vise à
introduire une disposition à l'intérieur de la Charte de la langue française,
et ce n'est pas du tout la même chose, la même base et la même assise
législative. Donc, je comprends que la question de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, à votre égard, est relativement l'étendue de la
discussion que nous pouvons avoir, eu égard au litige qui se retrouve devant
les tribunaux, et comment circonscrire le débat dans le cadre de nos échanges
pour ne pas entraver la règle de sub judice qui a cours dans le cadre de nos
travaux.
Je vous soumets, Mme la Présidente, que
c'est un débat qui n'est pas directement le même, et que nous pouvons très
certainement étudier les dispositions 12 et 13 prévues au projet de loi, tout
en étant prudents pour ne pas faire de commentaire en lien avec le litige qui
existe entre… et qui est initié par la Cour du Québec et le Conseil de la
magistrature…
M. Jolin-Barrette : …et que
nous pouvons très certainement étudier les dispositions 12 et 13 prévues
au projet de loi, tout en étant prudents pour ne pas faire de commentaires en
lien avec le litige qui existe entre… et qui est initié par la Cour du Québec
et le Conseil de la magistrature, relativement à un dossier autre. Donc, ce
sont des dispositions qui sont autoportantes en soi et qui sont distinctes.
Subsidiairement, Mme la Présidente, et j'entends… bien, je comprends ou je vais
comprendre, la députée de Marguerite-Bourgeoys me corrigera, à savoir sa
question sous-jacente, c'est : Est-ce qu'on peut étudier les
articles 12 et 13? Est-ce que je me trompe?
Mme David : Bien, c'est ce que
j'ai soumis à la Présidente.
M. Jolin-Barrette : C'est un
peu ça. Bon. Bien, je vous le soumets, je vous le soumets.
La Présidente (Mme Thériault) :
…dans son argumentaire, oui.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
C'est ça. Moi, je vous soumets, Mme la Présidente, que s'il advenait que
l'Assemblée soit menottée, qu'elle ne puisse pas effectuer son travail de
législateur, ça porterait atteinte au principe de souveraineté parlementaire et
à la latitude que les élus ont de faire leur travail et de pouvoir modifier
toute loi en toute circonstance. Et ça viendrait entraver le pouvoir de
l'Assemblée et des élus de la nation québécoise d'agir à l'intérieur de leur
sphère de compétence. Et il y a un principe très clair qui est établi, Mme la
Présidente, dans notre jurisprudence, notamment qu'on ne peut pas entraver le
travail d'un député et qu'on ne peut pas limiter son action. Et ça a été
rappelé par le président Chagnon, notamment, dans le dossier, notamment, du
collègue de Chomedey.
Et ça fait part du fait que le législateur
est libre d'étudier les dispositions, de contrôler l'action gouvernementale, de
légiférer, de représenter ses concitoyennes et ses concitoyens. Alors, je suis
d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys qu'il faut être prudents
relativement au dossier du fond, du litige comme tel. C'est un dossier de
nature civile. La députée de Marguerite-Bourgeoys l'a très bien dit, relativement
au fait que ça n'a pas la même portée qu'un dossier en matière criminelle, mais
on ne discutera pas, dans le cadre de l'article 12, du litige,
directement, qui a été initié par la Cour du Québec avec le Conseil de la
magistrature.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Matane-Matapédia. Par la suite, je reconnaîtrai le
député de La Pinière.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
débat intéressant ici. Au-delà de l'enjeu linguistique sur la souveraineté
parlementaire, sur le rôle des élus dans notre société, il ne saurait avoir
aucun enjeu où des positions parfois abusives ou mal avisées de la magistrature
puissent porter ombrage à nos débats ou exactement créer ce qu'on vient de
voir, là, une hésitation à traiter d'enjeux essentiels pour la nation
québécoise.
En ce sens, je veux réitérer la position
du Parti québécois à l'effet que le français soit la seule langue officielle
des lois et de la justice au Québec. Et je pense que c'est l'objectif qui est
poursuivi par le ministre…
M. Bérubé : ...vient de voir,
là, une hésitation à traiter d'enjeux essentiels pour la nation québécoise. En
ce sens, je veux réitérer la position du Parti québécois à l'effet que le
français soit la seule langue officielle des lois et de la justice au Québec.
Et je pense que c'est l'objectif qui est poursuivi par le ministre.
Et, en ce sens, il sait très bien quel est
l'objectif de la magistrature, des juges, quand ils font les interventions
qu'ils ont faites, mais je salue le ministre d'y résister et je lui indique
qu'il peut compter sur notre soutien, parce que ce qui se passe là pourrait se
passer dans d'autres domaines. D'ailleurs, le ministre le sait, c'est arrivé
dans au moins un autre dossier où les juges lui ont dit qu'il ne devrait pas
faire ce qu'il souhaitait faire.
Ce qu'il souhaite faire, bien, c'est
légiférer, c'est l'initiative d'un Conseil des ministres, d'un ministre. Alors,
il n'y a pas beaucoup de politique là-dedans, le gouvernement a la légitimité
d'aller de l'avant et de nous soumettre, par la suite, à notre approbation, une
loi. On soit pour, on soit contre, mais on défend ici les fondements mêmes de
notre Parlement, de notre rôle ici. Alors, en ce sens, procédons, et le
ministre peut compter sur le Parti québécois pour réaffirmer le pouvoir des
parlementaires sur celui des juges.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. J'ai le député de La Pinière, et, par la suite, j'aurais la députée de
Mercier.
M. Barrette : Alors, Mme la
Présidente, c'est vraiment fantastique ce à quoi vous assistez. Vous avez... Et
là je vais plaider pour que vous ayez des arguments pour prendre votre décision
sans présumer de votre décision, mais c'est intéressant sur le plan
intellectuel. Vous avez entendu ma collègue demander... de vous demander de
prendre une décision sur... face à la situation qui est... je ne pense pas
exagérer en disant qu'elle est particulière, bon, avec les arguments qu'elle a
avancés dont vous avez pris note.
Le ministre, lui, nous dit, puis je
comprends son argumentaire, mais que je n'accepte pas, il nous dit : Ce
sont deux univers juridiquement différents. Dans mon projet de loi, l'article
en question traite de, les juges, eux autres, traitent de, il n'y a pas de
connexion entre les deux, donc on peut continuer.
Je plaide, Mme la Présidente, que, moi, je
ne suis pas juge, je ne suis pas avocat, je pense que ma collègue ne l'est pas
non plus, mais pour n'importe quel observateur extérieur, et, je dirais,
n'importe quel parlementaire objectif va voir un minimum de liens entre les
deux, ne serait-ce que le sujet, le sujet, la nomination des juges et les
obligations.
Je comprends que le sujet est traité dans
un cadre juridique différent par les juges qui sont allés à la cour. Je
comprends aussi que ce sujet-là est traité différemment dans l'article. Je
comprends ça. Mais ce sont des traitements qui sont connexes, à la limite
complémentaires, certainement connexes. Veux veux pas, dans nos esprits, là, à
un moment donné, il y a une cour, là, alors...
M. Barrette : ...je
comprends aussi que ce sujet-là est traité différemment dans l'article. Je
comprends ça. Mais ce sont des traitements qui sont connexes, à la limite
complémentaires, certainement connexes. Veux veux pas, dans nos esprits, là, à
un moment donné, il y a une cour, là, alors le principe du sub judice, il
s'applique. Mais ce qui est amusant, Mme la Présidente, quand le ministre, lui,
nous dit que ce sont deux univers juridiques différents, le député de Matane,
lui, nous dit : Bien, non, c'est exactement la même affaire. Aïe! puis là,
go, go, go, là, le ministre, nous autres, on vous appuie. Mais là... puis il
dit oui en plus, mais il y a de l'écho dans la salle. Alors, Mme la Présidente,
à sa face même, là, vous voyez bien qu'il y a une collision des concepts, et
c'est une des raisons pour lesquelles vous devez statuer.
• (17 h 10) •
Et là j'arrive à l'argument qui, pour moi,
est pas mal final : Est-ce que... écoutez, ça, c'est la meilleure. Là, on
nous dit... le ministre nous dit :Bien, c'est essentiellement en... de la
même manière. Le député de Matane... Écoutez, si jamais vous en veniez à faire
une pause, on va dire à suspendre les travaux sur cet élément-là, ça
ralentirait nos travaux de façon indue tel qu'implicitement exprimé par les deux.
Bien, non.
Mme la Présidente, on ne demande pas
d'arrêter. Là, ma collègue n'a pas demandé d'arrêter de siéger. Elle n'a pas
demandé ça. Elle a demandé... elle vous demande s'il n'y aurait pas lieu,
compte tenu des arguments que je viens de plaider devant vous, de faire une
pause.
Quand le ministre dit : Bien, là, là,
on ne peut pas entraver le travail des parlementaires. Je veux bien. Mais là,
actuellement, là, un, c'est un projet de loi qui n'a pas d'urgence. On n'est
pas dans une situation de procédure d'exception. La planète judiciaire Québec
ne va pas arrêter de tourner parce qu'on prend un moment de réflexion. Ça ne va
pas arriver, là, ça, là. Alors, sur l'argument d'on vient entraver les travaux
de la Chambre, Mme la Présidente, là, il y a là, il me semble, une
spectaculaire exagération.
Alors, Mme la Présidente, si ça, c'est un
problème, bien, je pense qu'on ne devrait même pas partir dans deux jours pour
les vacances de Noël. Voyons donc! c'est tellement urgent de traiter ça, là,
qu'on va continuer le 24 au soir, puis au lieu de chanter le Minuit,
chrétiens, là, on va chanter autre chose. Mais non, on va partie en
vacances, là, puis on va revenir.
Alors, Mme la Présidente, je ne vois pas
comment les arguments des deux autres partis sont recevables devant la demande
de ma collègue qu'évidemment, comme tout parlementaire, nous allons recevoir
telle quelle, et favorablement votre décision quelle qu'elle soit, ou plutôt
quelle qu'elle sera.
La Présidente
(Mme Thériault) : O.K. Merci, pour votre argumentaire. Oui,
j'avais reconnu la députée de Mercier. J'imagine que vous voulez faire une
petite intervention après, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Des
informations complémentaires, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous reviendrai, ne soyez pas...
La Présidente (Mme Thériault) :
...O.K., merci pour votre argumentaire. Je... Oui, j'avais reconnu la députée
de Mercier. J'imagine que vous voulez faire une petite intervention après, M.
le ministre?
M. Jolin-Barrette : Des
informations complémentaires, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous reviendrai, ne soyez pas inquiets. Je ne suspendrai pas tant que je
n'aurai pas entendu tous ceux qui veulent s'exprimer sur le sujet de toute
façon. Donc, Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Ghazal : Oui, merci, Mme
la Présidente. Bien, moi, ça va être simple. Je ne partage pas le même malaise
que le Parti libéral. Je pense qu'ici c'est notre responsabilité, notre devoir
et notre droit de discuter de n'importe quel article, particulièrement
celui-là. Je suis d'accord qu'on en discute. Je suis aussi d'accord avec le
contenu de l'article. Peut-être qu'on se retrouve dans cette situation parce
que nous n'avons pas devant nous uniquement le ministre responsable de la
Langue française, mais aussi le ministre de la Justice, peut-être. Mais ça
n'empêche pas que, sur le fond, bien, on devrait pouvoir parler de cet
article-là et continuer. Merci.
M. Barrette : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai dit que je reconnaîtrais le ministre avant.
M. Jolin-Barrette : ...je
vais y revenir à la fin.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui? Vous allez y aller après, parfait. M. le député de La Pinière et de Marguerite-Bourgeoys
après.
M. Barrette : Jamais n'a-t-il
été question de ne pas débattre du... jamais n'a-t-il été question d'arrêter
les travaux, là. Ce n'est pas de ça. Jamais n'a-t-il été question de ne pas
débattre de l'article en question. La question est, dans la circonstance
actuelle, est-ce qu'il est approprié d'en parler maintenant? Tout simplement.
Alors, on ne peut pas, là... qu'on ne nous mette pas des mots dans la bouche,
là. La question n'est pas d'arrêter les travaux, la question n'est pas de ne
pas en parler, la question, elle est temporelle. C'est tout.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je répète,
nous avons devant les yeux une procédure judiciaire déposée en Cour supérieure,
là. C'est une procédure judiciaire déposée qui vise des choses, comme dit mon
collègue, très, très, très connexes. Et même le ministre dit : Nous
devrions, si jamais on l'étudiait, être extrêmement prudents.
Je pense que la députée de Mercier a mis
exactement le doigt sur le problème, le ministre est aussi le Procureur
général, est aussi le ministre de la Justice et le ministre responsable de la
Langue française. Donc là, il y a une autre collision ou... dites-le comme vous
voulez, sur le fait des multiples chapeaux, mais il est l'objet d'une procédure
judiciaire. Donc, on étudie un article qui touche à peu près le même sujet que
la procédure. C'est un malaise. Moi, je vous demande de réfléchir à ça, mais on
peut passer à... on en a 188 autres articles à étudier en attendant, là.
Il n'y a aucun problème, là. Je ne veux absolument pas entraver les travaux de
qui que ce soit. On passe à l'article 6, là, ou 13 ou, je ne sais pas
quoi, là, ou 14. C'est l'article 6, au niveau du p. l. n° 96,
puis on continue. Puis vous réfléchissez, puis vous rendrez votre décision sur
cet article-là en particulier. C'est ça, c'est la question que moi, je vous
pose par rapport à l'article 12, point final...
Mme David : ...14. C'est l'article
6, au niveau du p.l. n° 96. Puis on continue, puis
vous réfléchissez, puis vous rendrez votre décision sur cet article-là en
particulier. C'est ça, c'est la question que moi, je vous pose par rapport à l'article
12, point final.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'entends votre argumentaire. J'ai le député de Matane-Matapédia qui veut
s'exprimer aussi.
M.
Bérubé
: ...Matane-Matapédia,
en effet, Mme la Présidente. Écoutez, cette procédure ne rend pas le ministre
inapte à siéger, inapte à assurer ses responsabilités. Et si, d'aventure, on
devait... puis c'est votre décision... on devait statuer qu'on ne doit pas
aller de l'avant, ou aller plus tard, ou en être gênés, il me semble qu'on
donnerait raison à la magistrature, qui souhaite peut-être, en partie... je ne
prête pas d'intention ici... en faire un genre, entre guillemets, de poursuite
bâillon, en disant aux parlementaires : Voici un coup de semonce, voici ce
qu'on vous indique, nous vous rappelons notre importance dans la société.
Bien, ça tombe bien, parce que, nous
aussi, on peut rappeler la nôtre, et la prépondérance du politique, qui,
ultimement, à travers ses représentants élus, dont nous sommes ici, votent les
lois. Et ce n'est pas manquer d'égard à la magistrature. Le fondement de
l'affaire, c'est qu'un facteur discriminatoire serait de demander le
bilinguisme pour les juges. Donc, les seuls qui seraient discriminés,
potentiellement, c'est les gens qui sont unilingues francophones. Ça ne veut
pas dire que c'est des mauvais juges. Alors, ça, c'est le fondement.
J'ai réaffirmé, tout à l'heure, que le
français devrait être la loi... devrait être la langue des lois et de la
justice. C'est ce que le ministre propose, c'est ce que j'ai compris, en tout
cas, de l'intention du ministre. Pour le reste, s'il fallait que, dans ce
domaine ou dans le domaine de la justice, où on retrouve à peu près le même genre
de relations avec le ministre, je ne blâme pas le ministre pour ça. Il fait ce
qu'il a à faire, il est habité de bonnes intentions. Je crois que nous le
sommes aussi. Alors, vous allez avoir à trancher cette question. Mais mon
souhait... ce n'est pas une suggestion, ce n'est pas une proposition... mon
souhait, c'est qu'on procède dans l'ordre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
quelques informations complémentaires, Mme la Présidente, que je souhaite porter
à votre attention avant que vous rendiez votre décision. Je ne suis pas en
accord avec la proposition de mes collègues de l'opposition officielle de
suspendre les articles et de passer à autre chose, pour plusieurs raisons. Le
législateur est souverain d'étudier tous les textes qu'il souhaite dans le
cadre de ses travaux et... dans le cadre des travaux parlementaires et dans le
cadre de la commission.
Je veux juste vous rappeler certains
faits, Mme la Présidente, qui vont vous permettre notamment de bien saisir
l'étendue. Le projet de loi n° 96 a été déposé le 13
mai 2021. Les consultations ont eu lieu au mois de septembre 2021. Le principe
du projet de loi a été adopté en novembre. La poursuite à laquelle fait
référence la députée de Marguerite-Bourgeoys est survenue après les
consultations, les auditions publiques, Mme la Présidente, après le dépôt du
projet de loi...
M. Jolin-Barrette : …au mois
de septembre 2021; le principe du projet de loi a été adopté en novembre. La
poursuite à laquelle fait référence la députée de Marguerite-Bourgeoys est
survenue après les consultations, les auditions publiques, Mme la Présidente,
après le dépôt du projet de loi. Si vous rendiez… dans votre décision suite à
la question de directive de la députée de Marguerite-Bourgeoys, ça signifierait
que le législateur, à chaque fois qu'il dépose un projet de loi, un citoyen,
une personne morale, si elle déposait une poursuite à l'encontre de l'État sur
un sujet qui est similaire à celui qui est traité dans le cadre d'un projet de
loi, ferait en sorte de paralyser les travaux parlementaires. Ça n'aurait pas
de sens, ça va à l'encontre même des règles fondamentales de l'Assemblée de se
saisir de tout sujet qui lui appartient. Premier élément.
Deuxième élément, Mme la Présidente. En
fonction de la séparation des pouvoirs, tout le monde a un rôle à jouer, et, en
tout respect, l'exécutif, le législatif, le judiciaire. Malgré le fait que les
parlementaires, ce sont eux qui étudient la loi, qui font les lois, ça n'a pas
empêché, Mme la Présidente, et les collègues y ont fait référence tout à
l'heure, aux trois juges en chef des trois différentes cours du Québec ainsi
qu'à la juge en chef de la Cour d'appel du Québec et la juge en chef du Québec
d'écrire à la commission et d'intervenir directement dans le cadre des travaux
des dispositions qui sont présentement devant nous. Ça ne les a pas empêchés.
Ça n'a pas empêché, dans le cadre d'un autre projet de loi, Mme la Présidente,
d'une juge en chef d'intervenir publiquement dans le cadre des travaux et de
déposer aussi un argumentaire aux membres de la commission. Deuxième élément.
• (17 h 20) •
Alors, voyez-vous, c'est un peu la même
chose. Les tribunaux décident d'intervenir dans le processus législatif pour
dire : Voici ce qu'on en pense, et cette façon de faire là, Mme la
Présidente, peut être à tout le moins questionnée sur l'opportunité. Ce n'est
pas moi qui vais l'évaluer, mais je veux juste vous sensibiliser à cet
effet-là. Or, si d'un côté ça fonctionne d'intervenir dans les travaux de la
Chambre et dans les travaux du processus législatif de la part de la
magistrature, qui souhaite communiquer certaines informations, comment ça se
fait que le législateur lui-même, qui est souverain et qui tire sa source, son
pouvoir de son mandat représentatif du peuple, de la nation, des gens qui les
ont élus… pourquoi lui… nous, en fait nous, Mme la Présidente, les
législateurs, on ne pourrait pas continuer de légiférer parce qu'il y a un
dossier qui est porté devant les tribunaux?
Et je reviens à mon argument, Mme la
Présidente, de dire : donc, sur tout projet de loi, tout le monde pourrait
prendre des poursuites puis dire : Ah! bien, on ne peut plus rien étudier,
le temps que les tribunaux soient saisis de quelque chose. Ça n'aurait pas de
sens, là, ça paralyserait notre démocratie. Donc, c'est pour ça que je vous
invite à rendre une décision dans le sens qui va nous…
M. Jolin-Barrette : …et je
reviens à mon argument, Mme la Présidente, de dire, donc, sur tout projet de
loi, tout le monde pourrait prendre des poursuites, puis dire : Ah! bien,
on ne peut plus rien étudier le temps que les tribunaux soient saisis de quelque
chose. Ça n'aurait pas de sens, là. Ça paralyserait notre démocratie. Donc,
c'est pour ça que je vous invite à rendre une décision, dans le sens, qui va
nous dire qu'on peut continuer d'étudier l'article 12, l'article 13 et suivant.
Puis le dernier élément, puis ça, ce n'est pas un élément pour votre décision, Mme
la Présidente, mais c'est un élément en réponse au député de La Pinière,
au contraire, je crois qu'il y a urgence d'aborder tous les aspects du français
au Québec, et moi, je considère qu'il y a urgence sur tous les volets, incluant
celui-ci.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de Chapleau qui veut faire une intervention. M. le député de
Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pour ajouter, là, au débat, également pour
éclairer votre décision, là. Lorsque vous prendrez votre décision, là, vous
réfléchirez tout à ces points-là. Il en va de nos pouvoirs dont nous disposons
en tant qu'élus, il en va de nos prérogatives en tant qu'élu. Nous sommes sur
une pente glissante, il y a un risque à notre démocratie, puis ça m'inquiète.
Donc là, j'imagine que, lorsque vous aurez prendre en considération ça, il y
aura ces inquiétudes que vous partagerez, du moins j'espère, je vous le soumets
humblement. La confiance envers nos institutions également doit demeurer et
l'institution que nous représentons en tant que représentants élus de la nation
québécoise se doit d'être respectée puis nous devons faire respecter, du moins,
nous assurer de cette confiance-là. Donc, je vous invite à prendre ces
éléments-là en considération lorsque vous prendrez votre décision. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de La Pinière qui a signifié son intérêt encore une fois.
M. Barrette : Mme la
Présidente, vous aurez remarqué dans les plaidoiries que vous avez entendues
qu'à aucun moment je n'ai porté de jugement ni prêté d'intention, je ne dis pas
que les autres l'ont fait, mais jamais je n'ai insinué qu'il y avait une
intention dans la poursuite de la magistrature. Pour être bien franc avec vous,
Mme la Présidente, je ne l'ai pas lu, je ne peux même pas vous dire comment
elle est écrite, je ne peux même pas vous en parler au mérite. Je peux dire une
chose, par exemple, ici sur l'argument du ministre, sur l'argument du ministre.
S'il considère qu'il y a urgence, c'est son appréciation, je ne la conteste pas
et je ne la débats pas. Mais une chose qui est certaine, par exemple, Mme la
Présidente, sur l'argument de l'urgence, l'étude jusqu'à l'adoption du projet
de loi n° 96 va se passer dans un espace temporel fini qui va être le même
peu importe qu'on le fasse dans la séquence que l'on voudra. La séquence, là,
elle n'a pas d'importance actuellement. On pourrait se promener, là, de
maintenant à 88, revenir à 26, puis aller à 10 dans trois semaines. Alors,
le cas est particulier…
M. Barrette : ...peu importe qu'on
le fasse dans la séquence qu'on voudra. La séquence, là, elle n'a pas d'importance
actuellement. On pourrait se promener, là, de maintenant à 88, revenir à 26,
puis aller à 10 dans trois semaines. Alors, le cas est particulier.
Je le répète, nous ne souhaitons pas
ralentir les travaux. D'une façon... d'un observateur laïque du droit, je vois
un enjeu, un enjeu de compréhension et de connexion. Ça ne changera rien au
temps qu'on va prendre pour adopter ce projet de loi là. Donc, fin de la
discussion là-dessus et fin de cet argumentaire-là.
Également, Mme la Présidente, le cas est
particulier. Nous avons été informés hors d'ondes de la part du ministre que la
cause va être entendue en janvier, entendue sur le fond, donc il va y avoir une
conclusion, là. Il est possible, et je dirais même probable qu'avant qu'on
reprenne nos travaux ça soit réglé. Alors, autre argument pour dire :
Écoutez, là, cet argument-là du temps, il ne marche pas.
Moi, personnellement, puis je pense
refléter la pensée de ma collègue, nous autres, là, tout ce qu'on souhaite, là,
c'est que nos travaux se concluent ou se fassent sans une espèce
d'arrière-pensée d'influence extérieure, juste ça, là. Et c'est la raison pour
laquelle on pense qu'on n'a pas besoin... on ne va pas ralentir les travaux, ma
collègue l'a dit, je l'ai dit, moi aussi, on continue un autre article, là,
c'est tout, là. Le temps imparti, là... pas imparti, ce n'est pas le bon mot,
mais, à la fin, le temps qui aura été consumé pour faire l'étude ne va pas être
modifié, altéré par la demande qui est faite aujourd'hui autrement que le
20 minutes qu'on prend à débattre. Mais ça, on en prend souvent, des
20 minutes pour débattre, là.
Alors là, là qu'on est rendu à dire que
ça, ça atteint la démocratie, bien, Mme la Présidente, vous allez porter votre
jugement à la demande, puis on va s'y soumettre, puis c'est tout à fait normal.
Mais les arguments qui sont avancés, il me semble qu'ils ne tiennent pas complètement
la route ou suffisamment.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai entendu tous les arguments de part et d'autre. Évidemment, lorsqu'on
demande à la présidence, peu importe que ce soit le président de l'Assemblée
nationale, un président, une présidente de commission, je pense que les
présidents doivent faire un travail rempli de rigueur. C'est ce que j'entends
faire.
Donc, je vais suspendre les travaux. Je
vais aller prendre connaissance de certaines choses avec la secrétaire de la
commission. Si j'ai besoin d'être guidée, je demande d'être guidée. Je vais
vous revenir avant la fin de l'heure pour vous dire... ou à tout le moins vous
donner une indication sur la suite des choses.
Donc, je suspends les travaux le temps que
je puisse aller faire mon travail. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
La Présidente (Mme Thériault) :
…la suite des choses. Donc, je suspends les travaux le temps que je puisse
aller faire mon travail. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 56)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Au moment de la suspension, j'ai été saisi
d'une question de directive de la députée de Marguerite-Bourgeoys. J'ai entendu
les argumentaires de part et d'autre, du côté ministériel, tous les partis, la
deuxième opposition, la troisième opposition, l'opposition officielle, les
députés ministériels, et je tiens à vous dire, qu'au moment où on se parle, je
ne suis pas en mesure de prendre une décision qui permettrait de répondre au
questionnement des parlementaires de façon satisfaisante. Donc, je vais prendre
la question en délibéré, et compte tenu du peu de temps qu'il reste devant
nous, aujourd'hui, je vais vous revenir demain avec une décision. Le but étant
de pouvoir statuer sur la question qui m'a été présentée par la députée. Donc,
j'ajourne…
La Présidente (Mme Thériault) :
…je vais prendre la question en délibéré, et compte tenu du peu de temps qu'il
reste devant nous aujourd'hui, je vais vous revenir demain avec une décision,
le but étant de pouvoir statuer sur la question qui m'a été présentée par la
députée.
Donc, j'ajourne nos travaux. Merci. Bonne
soirée.
(Fin de la séance à 17 h 57)