Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)
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Le
mardi 22 mars 2022
-
Vol. 46 N° 25
Étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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17 h 30 (version non révisée)
(Dix-sept heures quarante-deux minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, votre attention, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Madame la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Allaire (Maskinongé) sera remplacé par Mme Jeannotte
(Labelle); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), par M. Lévesque
(Chapleau); M. Lemieux (Saint-Jean), par M. Caron (Portneuf); Mme Rizqy
(Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie),
par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal
(Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la secrétaire. Donc, lors de notre ajournement jeudi dernier, la
commission en était à l'étude d'un amendement présenté par le député de La
Pinière, visant à modifier l'article 88.1 introduit par l'article 62 du projet
de loi. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur cet amendement? Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. On reprend nos habitudes dans cette salle-ci, moderne, plus fraîche
que la semaine dernière, alors on va être bien, hein, les esprits vont être
calmes, et tout. Alors, dans cet esprit-là, je vais vous dire que nous allons
retirer cet amendement-là pour toutes sortes de...
Mme David : ...raisons
dont une qu'il a fait que le député de La Pinière n'est pas là et,
deuxièmement, parce qu'on s'est aperçu en relisant comme il faut que peut être
que les réponses se trouvaient déjà dans d'autres paragraphes d'autres
articles. Donc, ne voulant pas faire œuvre inutile de temps passé à un
amendement qui se retrouve dans d'autres paragraphes et avec un souci
d'exemplarité, nous allons retirer notre amendement
La Présidente
(Mme Guillemette) : ...le consentement pour retirer
l'amendement? consultation
C'est ça. D'habitude, c'est sur l'auteur
de l'amendement qui peut le retirer. Mais comme le député de La Pinière n'est
pas là, avec le consentement, on me dit qu'on peut tout faire. Donc, s'il y a
consentement de tout le monde...
M. Jolin-Barrette : On
consent.
La Présidente
(Mme Guillemette) : On consent. Donc, donc nous pouvons retirer
l'amendement. Donc, nous revenons à l'article 62. L'article 88.11.
M. Jolin-Barrette : Oui,
avec votre... Bien, peut être que... est ce qu'il y a d'autres questions sur 88
.11? 88.11, Mme la Présidente, avec votre permission, après ça peut être qu'on
pourrait revenir, si mes collègues sont d'accord, à l'amendement qu'on avait
déposé à 88. 9.1 relativement à la politique en matière d'immigration. Donc,
peut-être qu'on pourrait fermer les 88.11 puis, si on a terminé, revenir si mes
collègues sont prêts.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Sur celui qui a été suspendu?
M. Jolin-Barrette : Oui.
La Présidente
(Mme Guillemette) : D'accord. Donc, est-ce qu'il y a
consentement?
Mme David : Bien, oui,
il y a consentement parce que, tel que je l'avais promis la semaine dernière,
j'ai fait mes devoirs pendant la fin de semaine et je suis prête à poser des
questions au ministre.
M. Jolin-Barrette : O.K.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste avant, Mme la Présidente, il n'y a plus d'autres questions sur 88.11.
Mme David : Non.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Puis je vous informer, Mme la Présidente, j'ai communiqué à la commission hier
certains amendements en prévision de leur adoption éventuelle et, également ce
matin, on a envoyé d'autres amendements aux membres de la commission, des
amendements qui sont prêts, qui sont sur le site Greffier également, qui vont
venir plus tard, conformément aux souhaits de la députée de
Marguerite-Bourgeoys qui m'ont été formulés la semaine dernière.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Les amendements sont déjà déposés sur
Greffier.
M. Jolin-Barrette : Oui.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait, merci. Donc, excusez... M. le
ministre, vous pouvez nous le présenter tout de suite.
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, en fait, on revient à 88.9.1, et là... bien, en fait, à l'article 62
qui avait été suspendu. Je vais le relire pour les fins des travaux. À
l'article 62 du projet loi : Insérer, après l'article 88.9 de la
Charte de la langue française qui propose l'article suivant 88.9.1 :
«La politique québécoise en matière d'immigration visée à l'article 3 de
la Loi sur l'immigration au Québec doit être conforme à l'objectif de faire du
français la langue commune.»
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, des commentaires? Oui, Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Alors,
je vais déposer un sous-amendement. C'est-u ça, un sous-amendement? Parce que
c'est un amendement.
La Présidente
(Mme Guillemette) : C'est un amendement que vous venez de faire
déposer sur le Greffier.
Mme David : C'est ça
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, on va le mettre à l'écran, s'il vous
plaît. Il est déjà sur le Greffier. Donc, vous pouvez nous le présenter votre
sous-amendement, Mme la députée.
Mme David : Avec
plaisir, Mme la Présidente. Alors, l'article 62, l'amendement proposé par
le député de Borduas, qui introduit l'article 88.9.1 de la Charte de la
langue française introduit par l'article 62 du projet de loi, est modifié
par :
1° le remplacement du chiffre «3» après le
mot «article» par le chiffre «2».
2° le remplacement des mots «Loi sur
l'immigration du Québec (chapitre I-0.2.1)» par «Loi sur le ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Iinclusion (chapitre M-16. 1)».
Commentaire : l'article 88. 9.1
de la Charte de la langue française, introduit par l'article 62 du projet
de loi tel que sous-amendé se lirait ainsi :
«88.9.1. La politique québécoise en
matière d'immigration, visée à l'article 2 de la Loi sur le ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion (chapitre M-16.1) doit
être conforme à l'objectif de faire du français la langue commune.
Explication, Mme la Présidente. On a fait
nos devoirs. On est revenu même dans l'histoire que le ministre aime beaucoup,
et l'amendement proposé vise à indiquer dans la Loi sur l'immigration au Québec
que la politique d'immigration doit être conforme avec l'objectif de faire du
français une langue commune.
Alors, la question première : Est-ce
que l'amendement est placé au bon endroit? Alors, le ministre souhaite que son
amendement touche la politique d'immigration visée à l'article 3 de la Loi
sur l'immigration du Québec. Cet article qui se dit ainsi : «Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration — excusez-moi
de faire un petit arrêt à ce mot pluriannuel parce que vous étiez peut-être là
quand j'ai beaucoup, beaucoup plaidé le pluriannuel pour la...
Mme David : ...des devis au
collégial et le ministre n'a pas... enfin, pas dire que... le gouvernement n'a
pas accepté mon amendement, mais il existe, disons, du pluriannuel dans la
planification de l'immigration. Il pourrait y en avoir dans la planification
des étudiants au collégial exactement pour les mêmes raisons. Mais ça, c'est ma
petite parenthèse que je referme, mais... Donc, le ministre connait très bien
le mot pluriannuel puisqu'il a été lui-même ministre de l'Immigration et qu'il
a dû, donc, travailler dans une perspective de pluriannuel.
Alors, je recommence : «Afin
d'élaborer une planification pluriannuelle de l'immigration, le ministre, en
tenant compte notamment de la politique québécoise en matière d'immigration, de
la demande d'immigration, des besoins du Québec dont ceux de ses régions ainsi
que de sa capacité d'accueil et d'intégration, propose des orientations
pluriannuelles au gouvernement pour leur approbation.»
Or, quand on fait le travail plus en
profondeur et que l'on cherche ce qui dicte le contenu de cette politique, on
se rend plutôt compte que cela est contenu dans une autre loi, à
l'article 2 de la Loi sur le ministère de l'Immigration, de la Diversité
et de l'Inclusion, qui se lit ainsi : «Deuxièmement, article 2 :
Le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations des politiques
sur l'immigration et la pleine participation en français des personnes
immigrantes et des minorités ethnoculturelles à la société québécoise, en toute
égalité et dans le respect des valeurs démocratiques et des valeurs québécoises
exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne,
chapitre C-12. Il élabore notamment une politique québécoise en ces
matières. Le ministre coordonne la mise en œuvre de ces orientations, de ces
politiques et en effectue le suivi afin d'en assurer la pertinence et
l'efficacité.»
• (17 h 50) •
On remarque donc que la Loi sur le
ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion prévoit déjà que
le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations ou des
politiques sur l'immigration et la pleine participation en français des
personnes immigrantes. Donc, nous avons déjà, dans la Loi sur le ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, une obligation légale envers
l'élaboration de politiques visant la pleine participation en français.
Alors, ça recoupe l'essence même de
l'amendement du ministre. Alors, outre la redondance, pourrait-on dire, la
question se pose à savoir si l'amendement ne devrait pas y faire référence. Allons
aussi voir la politique d'immigration du Québec. Il se trouve qu'elle a été
publiée en 2016 par notre collègue d'alors, la députée de Notre Dame-de-Grâce.
Il s'agit d'un beau document, je me souviens, qui s'intitule Ensemble, nous
sommes le Québec. Alors, dans la préface, on dit : «Assurer l'accès rapide
des personnes immigrantes à une vie professionnelle à la hauteur de leurs
compétences ainsi que la vitalité du français. On retrouve le français
notamment par des services de francisation misant sur l'acquisition de
compétences nécessaires à une insertion rapide au marché du travail.» Puis, on
ajoute aussi : «On y propose une vision d'avenir pour le Québec, celle
d'une société francophone et inclusive, qui vise une plus grande prospérité en
s'appuyant sur l'immigration et la pleine participation des personnes
immigrantes et des minorités ethnoculturelles.»
Quand on fait une lecture détaillée de
cette politique, on peut, entre autres, y trouver des prémisses de base,
incluant : L'immigration joue un rôle important pour accroître la
prospérité du Québec et la vitalité du français. On retrouve le français. La
section Contexte de cette politique contient d'ailleurs une section intitulée
Le français, clé de voûte pour la réussite de la participation économique et
sociale et la vitalité de la langue commune. Donc, pas nécessaire de faire
toute la nomenclature de ce que contient cette politique, mais je ne peux que
me questionner sur l'amendement du ministre parce que, dans les faits, et c'est
déjà ça, la politique fait la promotion de la langue commune.
Alors, remontons plus loin. La précédente
politique datait de 1991. Elle avait été rédigée sous le gouvernement Bourassa
par la ministre Monique Gagnon-Tremblay. Il s'agit d'un intéressant document
qui se nomme Au Québec pour bâtir ensemble. La préface, qui était signée par le
premier ministre d'alors, Robert Bourassa, indique d'ailleurs : «Qu'il
s'agisse du redressement démographique, de la pérennité du fait français ou de
l'adaptation de notre économie aux nouvelles réalités internationales,
l'immigration constitue une de nos priorités d'intervention en vue d'édifier
une société dynamique, compétitive et ouverte.» La préface de la ministre de
l'époque indique aussi : «Elle dépend tout autant - cette politique - de
notre volonté de notabilité, comme Québécois, à faciliter l'intégration des
immigrants à une société d'accueil résolument francophone, démocratique et
pluraliste. Voilà pourquoi le Québec doit se donner une politique en matière
d'immigration et d'intégration.»
Ce document parle d'ailleurs de la
pérennité du fait français et d'une société dont le français est la langue
commune de la vie publique, et on est en 1991. Il...
Mme David : ...Même une
section complète intitulée Le français, langue commune. C'est intéressant,
parce que dans ce projet de loi ci, c'est même dans le titre du projet de loi.
Donc, Le français, langue commune, 1991, on parle du français tellement souvent
dans ce document que le mot y revient 188 fois. Donc, vous comprendrez,
Mme la Présidente, quand je regarde l'amendement du ministre, je ne comprends
pas trop l'objectif de l'amendement. Si on regarde le passé, les politiques
étaient éminemment en phase avec l'objectif poursuivi par son amendement.
On pourrait rajouter aussi que
l'article 146 du projet de loi 96, qui modifie la Loi
d'interprétation, prévoit déjà que toute loi doit être interprétée de manière à
favoriser l'utilisation de la protection du français et que l'article 213
de la Charte de la langue française actuelle indique : La présente loi
s'applique au gouvernement. Or, qui rédige et publie la politique d'immigration
du Québec? Évidemment, c'est le gouvernement. Alors, ce qu'il... CQFD, nous
sommes donc liés par la Charte de la langue française.
Pour conclure, Mme la Présidente, on a
bien travaillé. Les deux dernières politiques d'immigration font la promotion
du français, langue commune. Le ministre, lorsqu'il était ministre
l'Immigration, et les deux ministres caquistes qui lui ont succédé n'ont pas modifié
la politique, ne l'ont pas modifiée, donc ce n'était peut-être pas nécessaire.
Alors, la Charte de la langue française sera supralégislative et donc
gouvernera déjà par ses objectifs la Loi sur le ministère de l'Immigration, de
la Diversité et de l'Inclusion qui régit la politique d'immigration. J'espère
que vous me suivez. Donc, comme il le dit souvent... Comme le dit souvent le
ministre, ne défonce-t-on pas une porte ouverte?
Voilà ma question, d'où mon amendement,
Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Votre sous-amendement.
Mme David : Mon
sous-amendement.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, j'apprécie la proposition de ma collègue. D'abord, deux choses. Dans
la Charte de la langue française, on va venir modifier la loi... Le nom du
ministre de l'Immigration conformément. Parce que par décret, il est appelé le
ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration. Donc, à l'article 148
de notre projet de loi, on va venir modifier justement le nom du ministère à
l'intérieur de la Loi sur le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de
l'inclusion.
Il faut comprendre que cette loi-là, qui
crée le Ministère, c'est la loi créatrice du ministère. Dans le fond, elle dit
quelles sont les fonctions du ministre. On dit qu'il doit développer,
notamment, à l'article 2 comme vous l'indiquez, qu'il doit développer des
orientations et des politiques. Nous, ce qu'on parle, c'est la politique en
matière d'immigration qui fait plus référence aux admissions, à la sélection,
qui se retrouvent dans la Loi sur l'immigration.
Mais, écoutez, je prends votre suggestion.
Puis, si vous voulez, moi, je suis ouvert, en lien avec votre amendement, à
viser les deux lois qui régissent le ministère de L'Immigration. Vous avez
raison parce que la Loi sur l'immigration, elle est opérationnelle tandis que,
si je pouvais dire, la Loi sur le ministère, elle est davantage
institutionnelle, si je peux dire. Alors, ce que je vous suggérerais, suite à
la réception de votre sous-amendement, c'est peut-être de venir viser les deux
lois, effectivement, pour qu'on fasse... on boucle la boucle... Pour être très
certainement que sur l'ensemble, lorsqu'on parle de politique, ça vise à faire
en sorte que les politiques qui sont développées doivent faire en sorte que le
français est la langue commune.
Alors, si vous voulez, je vous suggère
qu'on puisse suspendre votre amendement également, que les équipes travaillent
à proposer un texte consolidé qu'on vous soumettrait pour viser les deux lois.
Parce que je trouve que la proposition que vous faites de viser la Loi sur le
ministère également, c'est une proposition qui est positive pour être bien
sûr... Parce que vous voyez l'objectif. Malgré le fait que dans les politiques,
on parle du français en... pleine participation en français, ça signifie pas
français, langue commune. Puis c'est ça qu'on vient insérer à l'intérieur de la
Charte de la langue française. Donc, pour faire le pont avec les deux lois, je
pense que si on rattache les deux lois à la Charte de la langue française, ça
peut être positif.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, Mme la députée.
Mme David : Est-ce que vous
pouvez commenter aussi le côté... là, je comprends votre proposition,
article 3, article 2 d'une autre loi. Mais sur le fait que la
protection par rapport au français, langue commune, est déjà implicitement
très, très, très présente à travers la Charte de la langue française actuelle
et à travers votre article 146 qui s'en vient, c'est-u 146 ou... oui,
146, «toute loi doit être interprétée de manière à favoriser l'utilisation et
la protection du français.» Qu'est-ce que, même si on le met aux deux articles,
qu'est-ce que ça apporte...
Mme David : ...que vous
n'avez pas déjà comme protection à l'intérieur même du projet de loi 96 ou
même de la Charte actuelle de la langue française.
M. Jolin-Barrette : Bien, ce
que ça fait, c'est qu'il n'y a aucun lien entre la politique en matière
d'immigration et la langue commune, de faire du français la langue commune. On
a bien beau dire, dans une politique gouvernementale : Bien entendu, on
veut que les personnes immigrantes participent pleinement en français à la société
québécoise. Bien, ça, ça ne dit pas que la politique d'immigration doit être
arrimée avec français langue commune. Donc, concrètement, lorsqu'on développe
la politique en matière d'immigration, on ait en tête les objectifs de la
Charte de la langue française. Donc, on vient faire le pont entre la politique
québécoise en matière d'immigration et l'objectif de la Charte de la langue
française, pour être bien certains que le gouvernement, les gouvernements
successifs, lorsqu'ils vont développer leur politique d'immigration, bien, que
la langue française devienne une priorité en matière d'immigration dans la
politique migratoire du Québec. Il faut que ça soit pris en considération.
Mme David : Alors, ce n'est
pas dans les opérations, c'est dans la philosophie du projet de loi, plus que
vous voulez intervenir, parce qu'en disant : Langue commune, ça ne rajoute
rien d'opératoire, c'est pour qualifier le rôle du français. Ce qui est
opératoire, c'est dire : Il faut que les nouveaux arrivants, par exemple,
ils aient une politique de francisation et qu'on leur apprenne le français. Ce
que vous voulez bien marquer, c'est "soit conforme avec le fait que la
langue française est la langue commune". C'est comme un fait que vous
voulez mettre, parce qu'on est toujours... Est-ce qu'on est encore dans...
d'ailleurs, langue commune, dans l'espèce de chapitre plus... pas symbolique,
mais plus... Oui, c'est ça, plus symbolique. On est encore dans ça, là, avec
cet article-là. Il est placé dans langue commune, si je me...
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Effectivement...
Mme David : Alors, est-ce
qu'on pourrait dire que ça n'apporte rien de plus au niveau de comment on va
les accueillir, mais sinon que de souligner le fait que c'est la langue
commune?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, je vous dirais que vous avez raison de dire que ce n'est pas
l'opérationnalisation de la chose. Par contre, c'est l'objectif. Et le fait de
venir l'inscrire dans la Charte de la langue française, qui est une loi... qui
va devenir une loi quasi constitutionnelle, si on peut dire, bien, ça vise à
faire en sorte que pour les parlementaires, c'est extrêmement important. Donc,
à partir du moment où la politique migratoire du Québec va être développée,
bien, le gouvernement ou les gouvernements successifs sauront qu'ils doivent
développer leur politique en immigration, en conformité et en concordance avec
l'objectif qui est prévu dans la Charte de la langue française, de dire :
Bien, écoutez, lorsqu'on développe la politique d'immigration, il faut qu'elle
soit faite en concordance avec l'objectif de faire du français langue commune.
Parce que ça, tout le concept de langue
commune, c'est nouveau dans notre loi. Parce que le chapitre qu'on y a inséré,
c'est vraiment clairement de dire : Au Québec, la langue commune, c'est le
français. Donc, on intègre les personnes immigrantes en français. Et donc, pour
que les bottines suivent les babines, notamment, il faut que dans le texte de
la Charte de la langue française, ça soit très clair que le français, c'est la
langue commune, mais qu'aussi la politique migratoire, la politique en matière
d'immigration du Québec prenne cet état de fait en compte également dans le
développement de celle-ci.
Mme David : Bien, je
comprends votre idée, mais...
M. Jolin-Barrette : Je vous
donne un sous-exemple, là. Quand le commissaire à la langue française va être
remplacé, on va regarder, il va avoir la possibilité de regarder et de dire,
dans le cadre de ses rapports : Est-ce que le gouvernement du Québec
respecte l'objectif de la Charte de la langue française de faire du français
langue commune? Et notamment est-ce que la politique migratoire du Québec, elle
est en adéquation avec l'objectif qui est prévu à la Charte de la langue
française de faire du français langue commune? Donc, il pourrait y arriver
qu'un commissaire dise : Ce qui se passe au ministère de l'Immigration, ce
n'est pas en concordance avec l'objectif de la Charte de la langue française.
Donc, avec l'article 89.1... 88.9.1, il dise : Écoutez, là, je
constate qu'il y a un enjeu là et ce n'est pas conforme à l'objectif de la loi.
Mme David : Bien, j'ai deux
questions là-dessus. Quelle différence faites-vous entre français, langue
officielle du Québec, promulgué en 1974, langue officielle, et langue commune?
Parce que qu'est-ce que le commissaire pourrait avoir comme indicateur pour
dire : Elle n'est pas commune versus elle est commune.
M. Jolin-Barrette : La langue
officielle, c'est la langue de l'État, langue de la justice, la langue des
lois, la langue de l'État. Le français s'exprime... en fait, l'État s'exprime
exclusivement en français, on l'a vu, sauf les exceptions. Donc, le critère de
langue officielle...
18 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...de l'État,
notamment, maintenant il se traduit par son exclusivité d'utilisation, sous
réserve des exceptions qu'on a vues dans le chapitre sur l'exemplarité de l'État.
La langue commune, c'est la langue qui est le liant social. C'est la langue qui
est parlée pour rapprocher les gens. C'est la langue de communication publique.
C'est la langue où les gens se retrouvent dans l'espace public. C'est la langue
du travail, c'est la langue des affaires, c'est la langue du commerce, c'est la
langue d'affichage, c'est la langue d'intégration. C'est la langue qui fait en
sorte que... qui crée des ponts et qui rassemble les gens autour d'un espace
commun. C'est ça, la langue commune. La langue commune, c'est : Ça se
passe en français dans le public.
Mme David : Oui, bien, je
vous suis, je vous suis, mais je ne suis pas sûre que j'aimerais ça être le
commissaire qui a à évaluer si elle est assez commune, pas assez commune ou
trop commune. Parce que quand vous dites «doit être conforme à l'objectif de
faire du français la langue commune», O.K., on francise les nouveaux arrivants
le plus possible. Puis on a vu dans le budget, bon, il va y avoir de l'argent
pour franciser. Mais quelle va être la différence entre la francisation et l'objectif
que le commissaire doit devoir... va devoir avoir pour pouvoir dire elle est
assez commune ou elle n'est pas assez commune, en rapport avec l'arrivée des
nouveaux arrivants, disons, dans son rapport annuel. Je ne sais plus, là, si c'est
un rapport annuel qu'il remet ou aux deux ans, aux trois ans.
Mais j'essaie de comprendre l'objectif de
faire du français la langue commune. Ça, c'est comme en recherche scientifique.
Pour que ça soit valable, il faut qu'on puisse infirmer l'hypothèse. Alors, ça,
c'est l'hypothèse nulle, qu'on appelle. Alors, ou bien on infirme l'hypothèse,
ou bien on la confirme. Comment on peut infirmer ou confirmer qu'il y a langue
commune quand on est commissaire de la langue française, là, par rapport,
disons, au chapitre immigration, francisation? Parce que, là, c'est ça, là. C'est
comment...
Parce que jusqu'à maintenant, il y a des
critères d'avoir... Notre collègue dont je parlais tout à l'heure, ministre de
l'Immigration, parlait toujours du niveau 7, là. Vous connaissez ça mieux que
moi encore, là. Il faut que les nouveaux arrivants parlent... aient un seuil
assez élevé, niveau 7, etc. Donc, est-ce que c'est comme ça qu'il va pouvoir
dire que la langue est assez commune, pas assez commune, moyennement commune,
pas du tout commune? C'est un peu intrigant.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
dans l'espace public et il y a des données notamment là-dessus, la langue
utilisée quand vous êtes en dehors de la maison, la langue parlée au travail,
la langue qui est utilisée lorsque les gens se rassemblent entre des
francophones, des non-francophones, entre des personnes immigrantes qui
viennent de partout à travers le monde. Quelle langue choisissent-ils de parler
au Québec?
Mme David : O.K., donc, les
indicateurs classiques de : est-ce que je suis servi en français, est-ce
que le français en langue de travail, le français langue d'échange, bon, en
fait, tout ce dont on discute dans les différents chapitres...
M. Jolin-Barrette : Oui, puis
le commissaire va pouvoir faire des recherches, des sondages sur la langue qui
est utilisée par les différents locuteurs de langues maternelles différentes.
Puis ce concept-là de langue commune, il a
été développé avec la commission Gendron déjà à l'époque, où est-ce qu'on
venait dire : Écoutez, le Québec doit faire du français la langue commune.
Ça fait que c'est bien beau, la langue officielle de l'État, qui date de 1974
sous monsieur Bourassa, mais l'enjeu avec ça... puis l'expérience des 46, 47,
48 dernières années a démontré que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas
suffisant de dire que la langue officielle du Québec, c'est le français. O.K.,
d'accord. Mais voyez-vous, puisque ça ne s'est pas matérialisé au sein même de
l'État québécois, on a inséré les dispositions sur l'exemplarité de l'État.
Mais au-delà de ça, en termes de langue commune, ça a une portée différente. C'est
le liant social.
Certains diraient, même si on parle d'immigration...
Et vous me permettrez de citer Gérard Bouchard, au niveau de l'interculturalisme,
quelles sont les valeurs de la société québécoise? Qu'est-ce qui permet d'intégrer?
Quel est le tissu social? Ça passe notamment par le lieu commun qu'est le
français en tant que facteur d'intégration interculturelle, notamment. On vient
rassembler les gens des différentes cultures par le français. C'est l'outil qui
vient faire en sorte que la société québécoise puisse se rassembler. C'est un
lieu commun. C'est à travers l'utilisation de français langue commune qu'on
peut communiquer, qu'on peut se rassembler, qu'on peut vivre ensemble...
Mme David : ...donc
est-ce qu'on pourrait dire, a contrario, que la politique québécoise actuelle
en matière d'immigration, on n'est pas sûrs qu'elle est conforme à l'objectif
de faire du français la langue commune?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, c'est une politique qui a été développée par votre gouvernement. J'en
suis, j'ai...
Mme David : Bien, il y a
eu quand même quelques ministres, dont vous, depuis ce temps-là.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais j'ai modifié la loi, donc il y a des modifications à apporter également à
la politique. Et là ce qu'on vient faire, c'est qu'on vient l'insérer dans la
charte, alors c'est encore plus fort qu'une politique. Et la politique pourra
très clairement être arrimée à la Charte de la langue française. Mais il y a
déjà du bon, là, dans la politique, là, comprenez-moi bien, là. Tu sais, pleine
participation en français, bien sûr. Mais il faut que la politique en matière
d'immigration soit clairement orientée sur les objectifs de la Charte de la
langue française. Il ne faut même pas qu'il y ait un doute. Tu sais, là, Mme la
Présidente, lorsque la députée de Margurite-Bourgeoys et moi ne serons plus
ici, Mme la Présidente, il faut qu'il n'y ait pas de doute, Mme la Présidente,
sur ce que le législateur a voulu, c'est de faire du français langue commune,
et qu'on intègre les personnes immigrantes en français, et qu'on puisse les
intégrer à la société québécoise, qu'ils puissent apprendre le français et
qu'ils puissent s'en servir. Dans le fond, là, langue commune, c'est aussi
langue d'usage.
• (18 h 10) •
Mme David : Bien, on
espère que, si elle est commune, elle est utilisée un petit peu, oui.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais vous savez, on a vu, au cours des derniers mois, que ce n'était pas si
clair que ça. Puis, tu sais, «langue commune», c'est plus large que «langue
d'usage». Comme, je vous donne un exemple, là. Compagnie de juridiction
fédérale nous disait : Écoutez, ah! c'est vrai, le français, c'est la
langue d'usage. Non, non, le français, ce n'est pas juste la langue d'usage au
Québec, c'est la langue commune. Donc, il ne faut pas diminuer la langue
française. Le français, ce n'est pas qu'une vulgaire langue qu'on peut utiliser
au Québec, là, c'est la langue d'usage. Alors, je pense que...
Mme David : Mais vous
êtes tellement convaincant que je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas mis
ça dès le départ dans votre loi. Ça me mystifie, ça.
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, on a mis beaucoup de choses dans la loi, mais on continue à réfléchir.
Puis on continue aussi de réfléchir sur la façon dont on peut s'assurer, pour
la pérennité du français, qu'on ait tous les outils à l'intérieur du projet de
loi 96 pour assurer la protection du français. Puis ça, honnêtement, c'est
quelque chose, c'est une bonification, puis on l'a entendu également dans les
consultations, alors ça nous permet de bonifier le projet de loi.
Mme David : Donc, Mme la
Présidente, je conclus qu'il n'a pas du tout hâte de terminer ce projet de loi
parce qu'il le bonifie constamment, comme un concerto qu'on compose, et on
bonifie, on rajoute un mouvement, on rajoute un instrument, on rajoute pour
avoir le plus beau concerto possible. Alors, on va passer beaucoup de temps
encore ensemble.
M. Jolin-Barrette : Je
vous dirais que c'est un processus d'amélioration continue. Puis, puisqu'on a
beaucoup d'idées la nuit, bien, ça se traduit en amendements.
Mme David :Donc, on est
ici pour plusieurs nuits et jours, Mme la Présidente.
M. Jolin-Barrette : Bien,
Mme la Présidente, si la députée de Marguerite-Bourgeoys veut passer la nuit
avec moi, ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) :
On va se ramener sur le sujet de la commission.
Mme David : Mme la
Présidente, là, à l'ordre.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, est-ce qu'il y a d'autres commentaires
sur le sous-amendement de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Mme David : Est-ce qu'on
est au sous-amendement ou à sa proposition de suspendre pour...
M. Jolin-Barrette : Bien,
avec votre permission, les équipes nous proposeraient un nouvel amendement qui
pourrait faire le pont avec ce que vous avez proposé puis ce qu'on a proposé.
Mme David : Bon, bien,
suspendons.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, on va suspendre le 88.9.1.
Mme David : On suspend
encore le même article une deuxième fois, donc.
La Présidente
(Mme Guillemette) : On suspend les deux, là, le sous-amendement
et l'amendement. C'est bien ça, M. le ministre?
Mme David : O.K. Ce n'est
pas une suspension ponctuelle où on se parle comme ça, là, O.K.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Non, non, non. On va travailler cette nuit.
M. Jolin-Barrette : Bien,
je pense même qu'on va réussir avant la fin de la séance, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Donc, on suspend le sous-amendement
et l'amendement. Et nous revenons, ça nous amène à l'article 88.12
introduit par l'article 62. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
«88.12. Les établissements qui offrent en anglais l'enseignement primaire,
secondaire ou collégial de même que le ministre de l'Éducation, du Loisir et du
Sport et le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la
Science et de la Technologie doivent, selon leurs attributions respectives,
prendre les moyens raisonnables pour s'assurer d'offrir aux personnes
domiciliées au Québec, pendant qu'elles reçoivent cet enseignement, un
enseignement... pardon, un enseignement du français. Cet enseignement du français
doit permettre à la personne qui l'a reçue pendant tout l'enseignement
primaire, secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes
pour utiliser le français comme langue commune...
M. Jolin-Barrette : ...afin
de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer
à son développement.»
Commentaire. Le nouvel article 88.12 de la
Charte de la langue française, proposé par l'article 62 du projet de loi, vise
à assurer la mise en oeuvre d'un droit conféré par l'article 6.1 de la charte,
tel que proposé par l'article 4 du projet de loi. Selon l'article 6.1 de la
charte, une personne domiciliée au Québec qui reçoit, dans un établissement
d'enseignement primaire secondaire au collégial offert en anglais, a le droit
de recevoir de cet établissement un enseignement du français. L'article 88.12
impose donc à ces établissements, de même qu'au ministère de l'Éducation, du
Loisir et du Sport et au ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche,
de la Science, de la Technologie, selon leurs attributions respectives, de
prendre les moyens raisonnables pour s'assurer de leur offrir un enseignement
du français pendant qu'ils reçoivent un enseignement en anglais.
Comme le prévoit également l'article 6.1
de la charte, cet enseignement du français doit permettre à la personne qui l'a
reçu, pendant tout l'enseignement primaire, secondaire et collégial, d'avoir
acquis des compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue
commune afin de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise
et participer à son développement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Donc, oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien oui, ça fait
longtemps, Mme la Présidente, que j'attends cet article-là, 88.12, parce qu'on
touche à un point extrêmement important qui dit, en termes très larges, sans
indicateur, mais, mon Dieu, que c'est important, particulièrement à cause de
tout ce qui précède et des nombreuses, nombreuses discussions qu'on a eues au
niveau de l'ordre, on appelle ça, l'ordre en enseignement supérieur, l'ordre
collégial. Nous avons beaucoup parlé de ce niveau d'éducation postsecondaire,
mais nous avons très peu parlé depuis le début, et je l'ai dit au ministre
très, très peu, depuis le début du projet de loi, du primaire, secondaire.
Pourquoi? Parce que ça avait été pas mal traité, je dirais, dans la loi 101
d'origine, avec des conséquences et des arrêts de la Cour suprême, etc., et
donc on ne touche pas à la question de l'obligation de fréquenter les écoles en
français quand on est issu de l'immigration. Alors, ça... on en a discuté pour
un seul aspect qui est les enfants de militaires, les enfants de travailleurs
étrangers temporaires, on a demandé un renouvellement. Vous vous souvenez de
l'article auquel je fais référence. C'est le seul endroit, je dirais, un peu
encapsulé, dont on a parlé, du primaire, secondaire.
Là arrive ici le primaire, secondaire,
puis vous allez voir pourquoi ça m'apparaît si important. C'est que les mots
veulent dire quelque chose dans cet article-là, je ne sais pas qui l'a rédigé,
mais c'est quand même assez... c'est assez lourd de, je dirais, compromettant
au sens où il faut avoir du temps donc, pour répondre à cet article-là, des
objectifs précis. Et dans ce cas-ci, quand on dit «prend les moyens
raisonnables», il va falloir définir ce que veut dire le mot «raisonnable» pour
s'assurer d'offrir aux personnes, pendant qu'elles reçoivent cet enseignement,
un enseignement du français. Et là c'est parce que, normalement, et, moi, je
viens de la culture, dans mes différents emplois que j'ai occupés, je viens de
l'enseignement postsecondaire. Alors, je suis moins spécialiste du primaire
secondaire, mais je comprends que le ministre a comme objectif de franciser
plus peut-être, mieux peut-être, plus intensément peut- être les enfants du
primaire, secondaire qui reçoivent un enseignement en anglais. Et ceci est très
louable, et on en parle depuis 60 ans, 80 ans, depuis que l'école est
obligatoire, depuis... Bon. On a agi très, très fortement avec la loi 101 en
1977, mais après ça, bon, ça a été confirmé à de multiples reprises.
Mais là, comme on s'en va beaucoup parler
de l'ordre dit collégial, bien, ça va être extrêmement important que le
ministre nous dise comment mieux préparer ces enfants-là, disons au secondaire,
pour arriver au collégial et répondre aux attentes, répondre aux attentes
nouvelles du projet de loi 96, aux attentes de cette langue commune, aux
attentes que ça se passe en français dans le milieu de travail. Ce n'est pas...
il ne faut pas attendre, à 17 ans, pour enseigner correctement. En fait, le
ministre va certainement être d'accord avec moi qu'en sortant du secondaire V,
tous les jeunes devraient avoir une maîtrise du français qui leur permet,
quelle que soit la langue d'enseignement, au collégial, qu'ils choisissent, de
pouvoir avoir une certaine maîtrise du français...
Mme David : ...moi, c'est
comme ça que je lis, le 88.12, et je me dis : Comment peut-on faire tous
ensemble pour mieux préparer les jeunes du primaire secondaire à arriver au
collégial et à répondre aux nouvelles attentes du projet de loi 96? Parce
que, je vous dis, il y a quand même des grands soucis de : On va être
obligés de franciser en même temps puis on est rendu au postsecondaire. Il
devrait y avoir un niveau minimal de francisation atteint à travers, justement,
ce que le ministre dit bien : Prendre les moyens raisonnables au primaire,
au secondaire et au collégial. Il ne dit pas juste : Au collégial. Il
dit : Au primaire et au secondaire.
Donc, ma question : Est-ce qu'on
prend les moyens nécessaires? Est-ce qu'on... Comment on prend les moyens
raisonnables? Et qu'est ce que c'est, les compétences suffisantes? Ce n'est pas
rien, là. Ce sont des mots très, très, très importants parce qu'on ne peut pas
donner l'entière responsabilité au niveau collégial de dire : Tout à coup,
là, il faut que tu sois très, très bilingue. Et c'est un peu comme ça que c'est
reçu, là, la question du collégial. Donc, j'aimerais entendre le ministre là
dessus parce que c'est une vraie question, parce que je ne suis pas spécialiste
du primaire secondaire, parce que je suis un peu étonnée, peut-être, de voir
qu'ils ne maîtrisent pas le français autant que j'aurais cru. Et donc, est-ce
que cet article-là a comme objectif d'améliorer quelque chose, de changer
quelque chose? Il va falloir opérationnaliser les mots «raisonnables» et
«compétences suffisantes».
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre.
• (18 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Bien, la
réponse à cette question-là, c'est oui. Parce que... et on l'a entendu en
commission parlementaire notamment. Je crois que c'est la Fédération des cégeps
qui disait : Écoutez, il y a certaines lacunes en matière de compétences
langagières à travers le réseau scolaire, primaire et secondaire, donc on veut
faire en sorte véritablement que les cours de français qui soient offerts, ça
soit des cours de français de qualité et que ça puisse permettre aux étudiants
qui ont ces cours de français là d'avoir les compétences nécessaires pour être
capables de fonctionner, d'interagir, de s'épanouir en français au sein de la
société québécoise.
Alors, moi, je pense qu'on a un effort à
faire. Et également, vous savez, il faut relever également le défi pour la
qualité de la langue, la qualité du français, et pour donner à toutes les
Québécoises et à tous les Québécois les outils pour pouvoir bien utiliser la
langue française au niveau primaire et secondaire, et également au niveau
collégial. Donc, c'est... en fait, vous vous souvenez, on a conféré le droit à
l'apprentissage du français au début de la loi et là, ici, à 88.12, on vient
dire aux établissements qui offrent en anglais l'enseignement primaire secondaire
ou collégial, de même qu'au ministre de l'Éducation, ministre de l'Enseignement
supérieur, selon leurs attributions respectives, de prendre les moyens
raisonnables pour s'assurer d'offrir aux personnes... au Québec, pendant
qu'elles reçoivent cet enseignement, un enseignement du français.
Donc, on leur dit : Écoutez, vous
devez prendre les moyens nécessaires pour qu'ils puissent suivre les cours de
français, et cet enseignement du français doit permettre... Alors, là, il y a
le niveau de qualité du français au deuxième alinéa... «qu'il a reçu pendant
tout l'enseignement primaire, secondaire et collégial, d'avoir acquis des
compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de
pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à
son développement». Et d'ailleurs, cette réflexion-là provient également du
député de Sainte-Rose. Je sais que le député de Jacques-Cartier aussi s'est
déjà prononcé là-dessus, à l'effet qu'il faut avoir les outils dans nos institutions
publiques, les outils notamment linguistiques, pour permettre d'apprendre le
français adéquatement. Puis la qualité de la langue... puis, je pense, c'est le
Conseil du patronat qui en parlait dans son mémoire notamment, il misait
beaucoup là-dessus, il faut valoriser notre langue, mais ça passe notamment par
la qualité de l'expression au niveau du français parlé, au niveau de l'écriture
également, au niveau de la littératie aussi. Alors, ça, je pense que c'est un
des objectifs qu'on vient encadrer avec l'article 88.12 dans la loi.
Mme David : C'est intéressant
ce que ce que vous dites, mais vous qui avez, j'imagine, consulté tous les
collègues que... dont vous touchez au domaine, parce que la langue touche
évidemment énormément d'autres ministères, chacun pourrait se renvoyer la balle
d'un ordre à l'autre. Le primaire dit : Ce n'est pas ma job, c'est le
secondaire. Le secondaire dit : Ce n'est pas ma job, c'est le collégial.
Finalement, qui a l'imputabilité de vraiment avoir une séquence rigoureuse?
M. Jolin-Barrette : Les deux.
Dans l'article, là, on vise le ministre de l'Éducation puis le ministre de
l'Enseignement supérieur. Donc, autant le ministre de l'Enseignement supérieur,
dans son réseau, au niveau collégial... Mais vous comprendrez que le... un est
tributaire de l'autre. Le ministre de l'Enseignement supérieur est tributaire
de ce qui s'est fait au primaire et au secondaire avant, bien entendu. Donc, ça
commence dès le primaire. Puis, dans le fond, ce n'est pas de faire du français
simplement une langue seconde, là. Le français, c'est la langue commune au
Québec. C'est la langue qui rassemble les gens, c'est la langue...
M. Jolin-Barrette : ...utilisée
sur le marché du travail, également, c'est la langue du commerce et la langue
des affaires. Donc, il faut s'assurer que les cours qui sont offerts, ce sont
des cours de qualité. Ce sont des cours qui permettent à la personne qui les
suit de pouvoir acquérir des compétences linguistiques à la hauteur de ce qu'elle
a besoin pour pouvoir s'épanouir au sein de la société québécoise.
Mme David : Bien, à quel
point cet article-là est engageant pour les deux ministres? Des fois, c'est un,
des fois, c'est deux, bon, ça, c'est l'histoire de l'humanité, ça va toujours
être ça. Tous les gouvernements commencent avec un puis après ça ils finissent
avec deux : un, primaire, secondaire, l'autre, enseignement supérieur.
Bien, admettons que même si c'était juste une personne...
M. Jolin-Barrette : Vous
voulez dire... De ministres?
Mme David : Je parle des
ministres.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme David : Il y a un
ministre ou il y a deux ministres, ça importe peu, mais à quel point c'est
engageant et compromettant, je pourrais dire? Parce qu'y a-t-il une
imputabilité à 88.12? Et si c'est le cas, puis là, ça m'étonne parce qu'on ne
retrouve pas notre fameux ministre de la Langue française qui met son nez
là-dedans, c'est assez étonnant.
M. Jolin-Barrette : Il
n'est pas là?
Mme David : Vous l'avez
oublié. Cette nuit, vous allez peut-être le retrouver.
M. Jolin-Barrette : Voulez-vous
qu'on l'ajoute?
Mme David : Je ne veux
pas nécessairement qu'on l'ajoute. Mais à partir du moment où vous... c'est
parce que vous l'ajoutez dans tellement d'autres endroits que à quel point...
Je veux dire comment on fait pour vivre avec 88.12 si on est ministre, soit
tout seul dans sa tête, primaire, secondaire, collégial, ou il y a deux
ministres, puis à quel point il faut qu'ils se parlent pour répondre aux
objectifs de 88.12?
M. Jolin-Barrette : Bien,
premièrement, 88.12, c'est la première fois qu'on a une obligation. Au premier
alinéa, vous aurez noté qu'on utilise le terme «doivent», au milieu, «doivent,
selon la rétribution respective, prendre les moyens raisonnables pour s'assurer
d'offrir aux personnes domiciliées au Québec pendant qu'elles reçoivent cet
enseignement un enseignement du français», et là, on... «cet enseignement du
français doit», donc c'est une obligation, doit permettre à la personne qui l'a
reçu», au complet, quelqu'un qui fait son cursus de la maternelle jusqu'au
collégial, deuxième année, supposons, préuniversitaire, «d'avoir acquis des
compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de
pouvoir s'interagir, s'épanouir et au sein de société québécoise et participer
à son développement.» Donc, ça crée une obligation sur les deux ministres,
autant le ministre de l'Éducation qui est responsable du primaire, secondaire,
autant le ministre l'Enseignement supérieur. Vous avez raison, des fois, dans
certains gouvernements, c'est ensemble, des fois, c'est séparé, puis des fois,
en cours de route, ça se divorce, des fois, ça refusionne, comme...
Mme David : Je vous le
dis, c'est une éternelle histoire.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste pour vous dire que la responsabilité devient sur la tête du réseau, mais
sur la tête ultimement des deux ministres, de dire : Écoutez, dans le
cursus, vous devez vous assurer que c'est des cours de français de qualité puis
que l'objectif atteint, ce n'est pas juste un petit cours de français pour
dire : Bonjour, comment allez-vous? C'est pour outiller les gens qui
passent à travers le réseau public québécois, notamment, d'avoir des
compétences pour faire du français, la langue commune.
Mme David : O.K. alors,
question un peu concrète, est-ce que vous avez eu une espèce d'état de la
situation actuelle pour dire : il nous faut absolument un article plus
contraignant que ce qui existe de la part, par exemple, du ministère de
l'Éducation? Puis deuxièmement, quand est-ce qu'ils vont devoir l'appliquer?
Là, Il n'y a pas de... Cette fois-ci, on n'a pas de date, d'heure et de jour
pour dire que ça doit arriver. Est-ce que c'est parce que, tout ça, on est dans
des grands principes? Parce que vous êtes pourtant très clair et très
restrictif pour l'application de d'autres articles dans le chiffre 88, qui
concerne les collèges. Alors, ça, on vise quoi? L'application, la mise en place?
Puis on part d'où? Moi, je vous ai dit, je ne suis pas une spécialiste. Mon
collègue est beaucoup plus spécialiste du primaire, secondaire, par les
fonctions qu'il a occupées. Mais vous avez dû faire un constat pour arriver à
ça. Parce que vous dites vous-même : C'est des mots, «doit», ce n'est
pas... Donc, on fait quoi avec ça, puis quand et comment?
M. Jolin-Barrette : Bien,
quand? Je vous dirais dès maintenant, dès la sanction de la loi, dans le fond.
Et ce n'est pas nouveau, ce concept-là. Déjà, je regrette de ne pas pouvoir
souligner ce bon coup là, mais dans le projet de loi 14, c'était déjà
prévu avec Mme De Courcy, d'outiller, dans le fond, le primaire,
secondaire et le collégial aussi pour dire : ça doit être des cours de français
de qualité. Alors, on a eu la Fédération des cégeps qui est venue le dire, pour
dire : Écoutez, la qualité de la langue qui est enseignée pourrait être
bonifiée. Alors, on veut participer à ça puis on veut surtout créer une
obligation aux deux ministres, donc le «doit», pour dire : Écoutez, vous
devez vous assurer...
M. Jolin-Barrette : ...que
les cours qui sont dispensés, c'est notamment pour avoir les outils, parce
qu'on n'aide pas personne en n'ayant pas des cours qui sont de qualité pour
permettre aux personnes de s'épanouir au sein de la cité québécoise et
d'utiliser notamment la langue française en matière de langue commune.
Mme David : Donc, les moyens
devront suivre, parce que si on veut que ça soit de qualité et de quantité
aussi, forcément, bien, il faut qu'il y ait les ressources au rendez-vous puis
une volonté, je dirais, au-delà de deux ministres ou un ministre qui a deux
missions ou trois missions. Il faut que ça soit réaliste aussi. Mais une chose
est certaine, on ne peut pas commencer ça au niveau collégial parce que, là,
c'est infaisable, à ce point-là.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
c'est comme un train avec des wagons, là. Ça commence par le primaire et le
secondaire. C'est sûr que vous ne pouvez pas être excellent, supposons, dans
une langue si vous commencez... Je vais reprendre. C'est beaucoup plus facile
d'avoir des compétences langagières dans une langue, supposons en français,
dans la langue commune, plus vous avez des années d'enseignement, on s'entend,
de qualité. Donc, c'est sûr que si dès le primaire, secondaire, il y a un
français de qualité qui est enseigné, bien, ça va permettre, notamment, au
niveau collégial, de se raccrocher à ça, là.
• (18 h 30) •
Mme David : Je vais vous
dire, j'habitais dans un quartier très, très, très bilingue et quand mes
enfants étaient jeunes, ils sont encore jeunes, parce que, 34 ans, pour moi,
c'est très jeune, là.
M. Jolin-Barrette : Oui, 34,
c'est jeune, après ça...
Mme David : C'est ça. C'est
parce que mon plus vieux va avoir 34 bientôt, alors je ne fais aucune autre
référence.
M. Jolin-Barrette : C'est les
bonnes années, ça, 34.
Mme David : Quand mes enfants
étaient vraiment, vraiment jeunes, là, six ans, sept ans, huit ans, 9 ans, 10
ans, il y avait une petite voisine qui était aussi à l'école primaire, mais
dans le secteur anglophone parce que c'était une ayant droit, bon. Mais elle
était dans des classes d'immersion. Elle était... la moitié de sa semaine se passait
carrément en français dans une école publique anglophone qui donnait un
formidable enseignement, vraiment, là, et elle parlait français avec mes
enfants qui, j'étais tellement triste, n'étaient pas capables de dire trois
mots d'anglais aussi bons qu'elle pouvait faire des phrases complètes et très,
très bon français. Et est-ce que c'est quelque chose comme ça que vous avez en
tête? Parce que moi, là, mon collègue pourrait tellement en parler mieux que
moi de toutes ces initiatives des écoles publiques, anglaises ou probablement
privées aussi, anglophones, primaires, secondaires, dans ce qu'on appelait les
classes d'immersion française. Ça, c'est un très bon apprentissage du français
quand c'est la seule langue qui est enseignée ou quand on enseigne, je ne sais
pas, moi, l'histoire, bon. Alors, est-ce que c'est quelque chose comme ça que
vous allez favoriser en disant: On va donner plus d'argent, plus de
professeurs? Parce que c'est là que je dis qu'il va falloir une volonté puis
des moyens.
M. Jolin-Barrette : Bien,
l'idée n'est pas d'imposer aux différents réseaux la façon de procéder, parce
que je pense que les professionnels qui sont dans ces différents réseaux là
sont les mieux placés pour déterminer de quelle façon ça doit se faire. Ce que
vous soulignez en immersion, bien, effectivement, c'est une bonne façon qui a
amené à des résultats. Est-ce que ça doit être la façon? Moi, je pense qu'on
doit laisser la latitude aux différents réseaux pour déterminer de quelle façon
ils veulent organiser ça. L'objectif, par contre, dans la loi, il est très
clair, c'est qu'au bout du compte, les outils linguistiques soient à la portée
des étudiants. Donc, l'objectif... Ce qui est important avec l'article, c'est
le résultat au bout du compte, la façon d'y arriver, le chemin. On ne vient pas
dans la loi dire de quelle façon ça doit être fait, parce que dans ce cadre-là,
en termes d'autonomie, en termes de particularités... Puis, vous savez, ça
dépend des écoles, la façon que c'est organisé, ça dépend... On ne vient pas
pour imposer le programme pédagogique dans la loi puis dire de quelle façon ça
se passe. Moi, je pense qu'il doit y avoir une discussion, dire: Voici
l'objectif de la loi, puis c'est cohérent avec l'ensemble des dispositions du
projet de loi 96, le droit à l'apprentissage français, le droit de vivre en
français, le droit de pouvoir s'épanouir également au Québec en maîtrisant la
langue française, pour participer à la vie collective, à la vie commune. Donc,
on...
Mme David : Mais vous avez
raison de dire que c'est un exemple que je donnais, parce que je l'ai vu
celui-là puis je trouvais ça intéressant. C'était un exemple. Puis vous avez
raison tout à fait de dire que les réseaux, ce sont eux et les professeurs au
premier chef qui connaissent le mieux la pédagogie et comment faire des projets
spéciaux ou des...
18 h 30 (version non révisée)
Mme David : ...plus généraux.
Et je dirais que ça s'applique aussi au réseau collégial, parce que, même si on
parle de cours qui sont donnés dans une langue autre que la langue officielle,
disons, du cégep, qui peut être l'anglais, la langue officielle ou la langue d'usage,
bien, c'est les professeurs qui vont savoir comment trouver la meilleure façon
aussi d'atteindre l'objectif. C'est valable pour le primaire, le secondaire, le
collégial, l'universitaire. Donc, je ne peux qu'être d'accord avec votre
objectif, c'est-à-dire de laisser l'autonomie, de trouver les façons. Mais je
trouve ça quand même intéressant. Et ça pose des questions que tout à coup, cet
article 92 arrive là et vous dites : Il n'existait pas avant. Et
pourtant, Dieu sait qu'on en a parlé du primaire et du secondaire depuis 1977,
là, et même avant ça. Alors, je comprends un peu mieux, d'une part, qu'il faut
que ça soit un continuum et d'autre part, qu'il faut que ça soit accessible,
donc pour être accessible, il faut que l'offre soit là et réponde à des besoins
d'enseignement de la langue commune.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord.
Puis vous noterez que l'insertion de ce nouveau chapitre-là, là, c'est
notamment au niveau des objectifs généraux. Tu sais, on l'a vu, créer un lien
entre le français et la culture, créer un lien avec l'immigration, la politique
d'immigration, puis également créer un lien avec l'apprentissage du français
également. Donc, français langue commune, qu'on vient insérer comme nouveau
chapitre, ça inclut cela, mais ce sont des objectifs généraux. Puis on n'est
pas... pardon, dans les modalités d'application. Dans chacun des cas, ça va se
faire en fonction des différents réseaux.
Mme David : O.K. Ça va pour
moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Nous ne sommes quand même pas devant un préambule, une clause
interprétative, on est devant un article, et comme le ministre lui-même a dit,
qui comprend, les mots déclaratoires "doivent". Nous sommes devant
une attente d'une éventualité mesurable, un résultat, qui peut bien être
partagé. C'est un travail continu pour les Québécois qui ne sont pas
francophones de langue maternelle de se perfectionner. Aucun doute. Mais il me
semble qu'il y a des questions qui se posent sur l'état de la situation
actuelle, le diagnostic là- dessus, l'évaluation des besoins, l'état de compte
des exigences actuelles, ainsi que la façon de procéder pour ne pas parler des
retombées en termes de déploiement d'enseignants et enseignantes, retombées
budgétaires, conventions collectives, etc.
Je vais commencer par me permettre d'un
tout petit peu d'histoire. Qu'on se rappelle des Dr wallace Lambert de... et
des autres experts, Fred Genesee, les gens qui ont développé des programmes d'immersion
française au Québec qui font toujours le tour du monde, Mme la Présidente. Les
programmes d'immersion française ont été développés à l'initiative, au début,
dans les années 60, des parents des communautés de langue anglaise, et
incités par la recherche du Dr Wallace Lambert et ce monde-là. Et je vous
avoue, parce que j'ai oeuvré là-dedans, leur travail, leurs principes de base
font le tour du monde, je vous donne un, juste pour souligner l'ampleur de l'affaire,
que l'enseignement de l'immersion se fasse et doit se faire de façon
expérientielle, holistique et intégrée. Ce n'est pas l'enseignement du français
langue seconde, c'est toute une autre philosophie qui est derrière ça, qui a
été développée ici au Québec. Je tiens à noter, les études vont le démontrer,
que le financement de tout cette pédagogie qui, comme je dis, est chose à part,
n'a été jamais au rendez-vous, au détriment des gouvernements successifs, il faut
le dire. L'argent a été toujours confié, trouvé par les commissions
scolaires... et qui finançaient...
M. Birnbaum : ...conseillers,
conseillères pédagogiques, et tout ça, tout ce qui s'est fait, y compris les
outils pédagogiques, parce que quand on est en immersion, ce n'est pas qu'on
regarde un petit texte du français langue seconde, c'est des textes appropriés
pour le concept d'immersion française.
Je tiens à noter aussi juste quelques
exemples de comment ça se manifeste dans... Il y a toute une panoplie d'options
et je ne veux pas par tout ça écarter l'importance et la nécessité d'en faire
mieux. Mais à titre d'exemple, il y a plein, plein de programmes d'immersion
française où les jeunes de première et deuxième année se trouvent immergés dans
le français. Il y a un cours, des fois, un cours de langue anglaise. Les
mathématiques, les orientations, le tout se passe en français.
Là, si on veut parler des lacunes, de plus
en plus, mais je suis le premier à avouer qu'il y a beaucoup, beaucoup plus à
faire, c'est que ce genre de formation soit biculturelle aussi, qu'ils soient
immergés dans la culture française, idéalement la culture française québécoise.
Il y en a beaucoup plus à faire. Mais il y a de tels programmes. Il y en a
d'autres qui sont moins intensifs et, oui, il y en a d'autres où c'est le
français langue seconde de base, où c'est des élèves qui suivent les régimes
pédagogiques tels qu'ils sont exigés actuellement, où ça se peut que c'est 60,
80 minutes par jour, au primaire. Au deuxième cycle du primaire, c'est un petit
peu plus accentué, à titre d'exemple.
• (18 h 40) •
Je mentionne ça parce qu'on parle d'un
régime qui existe depuis longue date qui est toujours bonifié et, je souligne
une autre fois, souvent bonifiée parce que les parents insistent là-dessus.
Vous verrez les reportages dans les médias chaque année pour les programmes
d'immersion française les plus cotés dans les écoles anglaises publiques. Il y
a des gens qui se gèlent l'hiver, durant la semaine des inscriptions, ils se
mettent en ligne toute la soirée pour assurer que leurs enfants dans une école
anglaise publique soient inscrits dans une école d'immersion française.
Tout ça se passe de façon, en quelque
part, très intéressante. Oui, en quelque part, à géométrie variable. Et est-ce
qu'on peut faire mieux? J'imagine que oui. Mais je trouve ça important, dans un
premier temps, de souligner que, presque sans exception, les commissions
scolaires... Ce n'est pas des centres de services, c'est toujours des
commissions scolaires, du côté de langue anglaise. Chacun des neuf, depuis des
années, va au-delà des exigences des régimes pédagogiques, le cursus prescrit,
en tout ce qui a trait au français langue seconde.
Si je me permets ce préambule, c'est pour
savoir si l'article devant nous a des assises dans quelque étude que ce soit de
la situation actuelle. Comme j'ai dit, de ma perspective, je peux suggérer
qu'il faut faire plus, dans l'optique de l'article devant nous. Mais je parle
d'une panoplie de programmes, plusieurs exigés dans la Loi sur l'instruction
publique et les documents associés, les régimes pédagogiques actuellement, je
parle du primaire et secondaire, évidemment. Mais assez souvent, ça va plus
loin que ça.
Donc, ma première question : Est-ce
que l'article devant nous a des assises dans des études ou des portraits
mesurables de la situation actuelle?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Notamment
en 2012, là, il y avait un rapport en ce qui concerne l'apprentissage du
français au sein des établissements d'enseignement anglophones du Québec, qui a
été publié en février 2012 et portant sur les défis en matière d'emploi et
d'employabilité auxquels fait face la communauté anglophone du Québec et les
recommandations sur la façon d'y répondre. Et notamment on disait dans le
rapport, là : «Bien que l'enseignement du français langue seconde aux
niveaux primaire, secondaire et collégial soit obligatoire, nous avons
généralement l'impression que celui-ci est insuffisant pour assurer de
trouver...
M. Jolin-Barrette : ...dans
nos nombreux secteurs, professions, d'où une plus grande tendance des
anglophones à envoyer leurs enfants à l'école française. Des niveaux accrus et
améliorés d'enseignement du français langue seconde et de formation propre à
l'emploi sont nécessaires pour maintenir et encourager l'inscription dans des
écoles de langue anglaise, ainsi que pour mieux préparer les diplômés à
l'emploi dans un contexte où le niveau de français adéquat est essentiel.
Donc, essentiellement... bien entendu,
vous avez soulevé... le député de D'Arcy-McGee a soulevé, à juste titre, des
initiatives qui sont présentes dans de nombreuses écoles et qui fonctionnent,
mais il faut garantir l'accès à tous les Québécois puis à toutes les
Québécoises à ce même niveau de compétence là. Puis quand je discutais avec la
députée de Marguerite-Bourgeoys tantôt, l'objectif n'est pas d'imposer le
modèle en question, l'objectif, dans la charte, c'est de dire : Bien,
écoutez, il faut que tous aient la même possibilité, entre autres, puis ça
vient conférer également le droit à l'apprentissage du français. Donc ça, c'est
pour l'ensemble des citoyens au Québec, mais 88.12 vient notamment parler des
enfants qui sont primaire, secondaire et éventuellement au collégial, pour dire
oui, en tant qu'institution, institution, on s'entend, au sens où ça repose sur
la tête du ministre l'Éducation ou sur la tête du ministre de l'Enseignement
supérieur, parce l'obligation, elle est faite à ces deux personnes, de
dire : Écoutez, vous devez vous assurer que les cours, les compétences
langagières qui vont être enseignées, bien, elles soient de qualité, elles
puissent donner les outils également pour fonctionner dans la société québécoise.
Ça fait que l'objectif, c'est de venir
vraiment le camper dans la loi, pour dire : Écoutez, c'est une obligation
qu'on se doit, comme société, dans les différents réseaux pour dire :
Bien, voici. C'est une obligation, dans le fond, qui est créée envers l'État,
elle n'est pas créée envers les citoyens, dans le fond, c'est une obligation
étatique de dire : Il faut offrir cette mesure-là. Sur les modalités,
comme je disais tantôt, bien là, écoutez, ce n'est pas dans le projet de loi 96
que les modalités sont déterminées, vous l'avez dit, il y a des bons cas
d'exemple qui fonctionnent très bien. Ce n'est pas l'État qui va venir :
C'est de même que ça se passe, mais l'État, par contre, se doit d'avoir une
obligation de dire : Bien, voici ce à quoi, nous, on se lie.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, comme je dis, il y a des mots déclaratifs là-dedans, le ministre
lui-même l'a souligné, «doivent» dans le premier paragraphe. Deuxième
paragraphe, on commence, en quelque part, à tenter... le moindrement qualifier
la chose, on parle du fait qu'on vise à aider les élèves concernés à acquérir
des compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin
de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer
à son développement. Alors, on commence à tenter d'identifier et de cibler
l'objectif. Deux choses, il y a, dans un premier temps, je trouve ça
intéressant à remarquer qu'il y a un bon pourcentage de ces élèves à la fin du
secondaire IV, en immersion française, qui subissent l'examen du français
langue maternelle. Et à travers les écoles secondaires montréalaises, à titre
d'exemple, il y avait plusieurs années où les résultats se classaient beaucoup
plus haut que... plus que la moyenne des écoles secondaires françaises.
Alors, une autre fois, je pardonne aspect
de l'état actuel, mais qui m'amène à une question auxiliaire avant de
continuer, et ce n'est pas la première fois qu'on est en train de discuter
d'une mesure très légitime qui ne vise que les non-francophones. Est-ce que je
peux comprendre deux choses, dans un premier temps, est-ce que le ministre
dirait que ce fait est basé sur un constat qu'il n'y a pas d'amélioration à
chercher en tout ce qui a trait à l'instruction au primaire, secondaire et collégial
en français langue maternelle? Est-ce qu'il fait un constat? J'imagine, un
autre va baser sur les informations quelconques, que l'État est très
satisfaisant. Bon, si on est dans l'absence des études là-dessus, ce serait
intéressant d'entendre le ministre là-dessus. Si ce n'est pas le cas, est-ce
que les résultats sont assez probants pour suggérer comme...
M. Birnbaum : ...le
législateur a l'air d'avoir fait ici, d'écarter les élèves de langue française
quand on parle d'une amélioration continue du français au Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci M. le député. M. le ministre.
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, si je peux, je ne veux pas être impoli, mais peut-être, moi, j'ai
des pouvoirs de concentration mitigés, mais les conversations continues rendent
ça difficile pour moi de m'exprimer et d'écouter le ministre comme il faut que
je fasse. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, messieurs, s'il vous plait, on se concentre sur les
conversations qu'il y a ici. Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le
ministre.
• (18 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, bien entendu, il y a davantage d'enjeux au niveau de la maîtrise de la
langue française chez les jeunes anglophones. Le rapport de l'OQLF paru en 2018
disait : Les élèves de langue maternelle française réussissaient davantage
à l'épreuve ministérielle que les élèves de langue maternelle anglaise ou
autres. Donc, statistiquement, notamment du fait que, bien entendu, c'est leur
langue maternelle, donc, en termes de — comment je pourrais dire — de
compétences langagières, bien entendu qu'il y a un lien de corrélation avec ça.
À votre question : Est-ce que le
réseau francophone doit faire mieux? Bien sûr que oui. Est-ce qu'au primaire,
secondaire, collégial... français, est-ce que ça doit être mieux? Est-ce qu'on
doit améliorer la qualité du français qui y est enseigné, la qualité du
français qui... la maîtrise de la qualité de français par les élèves qui
étudient dans le réseau francophone? Bien sûr que oui, j'en suis. Mais l'idée
aussi, puis c'est ce que le député de Sainte-Rose nous rapportait dans le cadre
de sa tournée, entre autres, c'est à travers la communauté anglophone
notamment, ce qui était notamment demandé, c'est le fait aussi d'avoir des
cours de qualité, d'avoir aussi les outils pour pouvoir évoluer aussi avec la
langue commune, avec le français aussi.
Donc, lorsqu'on a garanti le droit à
l'apprentissage du français pour tous, au début de la Charte, c'est notamment
pour faire suite à ça. Mais est-ce que, oui, il y a des améliorations à faire
dans un réseau francophone? Bien oui, j'en suis. Puis honnêtement, vous vous le
voyez, là, notamment sur les gens qui arrivent sur le marché du travail, les
téléphones, les messages textes, les réseaux sociaux, vous conviendrez avec moi
que c'est un défi, là. C'est rare, là, que les gens, ils écrivent à la main
maintenant, puis les règles, tout ça. Veut veut pas, les correcteurs
automatiques, les Antidote, tout ça, c'est pratique, mais bien entendu que...
comment je pourrais dire, on est loin des coups de règle sur les doigts à
l'époque où vous connaissiez votre grammaire puis tout ça, là. Mais ça se
transforme puis tout ça, mais bien entendu que c'est un défi du réseau de
l'éducation au Québec d'améliorer la qualité du français. Puis ça, je pense
qu'il y a beaucoup de gens qui le reconnaissent.
Donc, c'est un défi important pour tous.
Puis notamment, votre ancien collègue, le député de Jean-Talon, le ministre de
l'Éducation sous le précédent gouvernement, le disait aussi puis j'en suis.
Donc, oui, il faut collectivement améliorer notre niveau de connaissance du
français. La qualité aussi, parlé et écrit, c'est un objectif pour l'État
québécois qui devrait être partagé dans le temps, tout le temps, si je peux
dire. Alors, ma réponse, c'est oui. Tout le monde doit s'améliorer.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Donc, je reçois que... je comprends que le ministre vise, dans cet
article, la population pour qui le français n'est pas la langue maternelle.
Est-ce qu'on prend pour acquis, si on commence à imaginer comment ça peut
s'opérationnaliser, est-ce qu'on prend pour acquis, donc, que les épreuves actuelles...
je comprends qu'on ne veut pas, ici, gérer le système de l'éducation, mais il
faut se situer en quelque part. Est-ce qu'on prend pour acquis que les épreuves
exigées actuellement, c'est à dire, pour avoir...
M. Birnbaum : ...des
plans d'études secondaires, il faut franchir des épreuves en français. Est-ce
qu'on prend pour acquis que le... ce n'est pas le bon mot, mais que le plafond
actuel n'est pas satisfaisant? Et, comme demande ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys, est-ce que le réseau dirigé et chapeauté par le ministre
de l'Éducation a à se préparer pour tout un autre cursus de cours, a à se
préparer pour engager plus de profs qui peuvent enseigner en français? Est-ce
qu'ils ont à faire des plans, et j'aurai d'autres questions là-dessus, des
plans de contingence pour les élèves qui ont des plans individualisés parce
qu'ils ont des difficultés d'apprentissage et d'adaptation? Est-ce qu'il y a
des nouveaux programmes à développer? Y a-t-il un échéancier? Donc, le début de
ma question, mais tout ça en découlerait : Est-ce que les épreuves
actuelles, on prend pour acquis, par cet article, ne sont pas suffisantes?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors,
non, je ne dirais pas ça. Je dirais que c'est un travail de longue haleine
qu'on va devoir faire, parce que, le député de D'Arcy-McGee doit le constater
aussi, dans la communauté anglophone, parfois c'est un commentaire qui revient,
notamment à travers le réseau public, peut-être que, lorsque la personne
devient diplômée, qu'elle arrive sur le marché du travail, peut-être qu'elle
n'a pas tous les outils linguistiques qu'elle aurait dû avoir pour pouvoir être
outillée pour fonctionner. Je donne un exemple. Dans la fonction publique québécoise,
les membres de la communauté anglophone, ils ne viennent pas suffisamment.
Parfois, certains vont se tourner davantage vers la fonction publique fédérale.
Pourquoi? Dans les témoignages qu'on entend parfois, c'est de dire : Bien,
écoutez, je n'ai peut-être pas une maîtrise suffisante de la langue française.
Peut-être que c'est avéré, peut-être pas. Mais moi, je pense qu'il faut faire
des efforts en ce sens-là pour qu'on puisse recruter tous les Québécois, toutes
les Québécoises. Les enjeux... Même chose en matière d'immigration aussi, où
que la fonction publique québécoise recrute dans tous les... partout au Québec.
Bien entendu, parfois, il faut déménager à Québec, très belle ville, mais il
faut nous assurer que, comme État, on se dote de l'obligation de développer les
outils nécessaires.
Mais comme je vous disais tout à l'heure
relativement aux épreuves, au cursus, au nombre de cours, ça, c'est à détailler
avec les différents réseaux comment est-ce qu'il fonctionne. Puis vous-même,
selon votre expérience, vous avez vécu ça dans le réseau. Je pense que vous le
disiez bien tout à l'heure, qu'il y a des initiatives qui fonctionnent très,
très bien actuellement. Donc, l'idée n'est pas d'imposer aux différents réseaux
de dire : Ça va se passer de cette façon-là. Mais l'objectif, il est là,
sur la tête du ministre de l'Éducation puis le ministre de l'Enseignement
supérieur pour développer les outils pour dire : Bien, voici, on veut
permettre à tout le monde d'avoir ces compétences-là pour ne pas être pénalisé,
notamment. Si, à partir du moment où, supposons, vous dites : Bien, moi,
ça ne m'intéresse pas, c'est un choix individuel. Mais l'État, lui, est là pour
dire : Voici, on vous donne les outils, puis vous pouvez les prendre.
M. Birnbaum : Si je
peux, Mme la Présidente, je... on écarte tout de suite que je suis en train de
dire que c'est un objectif qui n'a pas sa place, que c'est ça, la raison... le
but de mes interventions, mais aucunement, aucunement. Je dois me permettre une
parenthèse sur la question de la fonction publique. Pour avoir travaillé sur ce
sujet depuis 30 ans, le faible pourcentage des Québécois de langue
anglaise ainsi que des Québécois non francophones tous confondus, auprès de
quelque 400 000 emplois de la fonction publique du Québec, si on
inclut les profs, et tout ça, au fil de trois décennies, ça varie de 1 %,
à 3 %, à 4 %, qui est triste. Et, pour moi, c'est triste pas juste
pour les gens issus de la communauté québécoise de langue anglaise, ça devrait
être un enjeu, une préoccupation de chaque gouvernement successif, on veut que
notre fonction publique reflète les réalités et la diversité de notre...
M. Birnbaum : ...au
Québec. Pour avoir travaillé là dedans, il y a deux facteurs primordiaux et, le
député de Sainte-Rose, j'espère qu'il a fait ses recherches, devrait être au
courant. Il y en a plusieurs facteurs. Il y en a un, il y a beaucoup de monde
qui ne se sent pas à la taille en termes de maîtrise du français, c'est
pourquoi je partage l'importance d'aller plus loin.
Il y en a une chose qui est citée assez
souvent, et je me permets de dire que ça devrait préoccuper n'importe quel
gouvernement du Québec, ils ne se sentent aucunement bienvenus. Je ne plaide
pas le droit, c'est un fait. Il y a plein d'études qui démontrent qu'ils ne se
sentent aucunement bienvenus.
Troisième chose qu'on entend souvent,
quatrième réponse, il y a beaucoup de ces postes à Québec et il y a plusieurs
issus de la communauté de la langue anglaise qui ne sont pas prêts à faire le
saut. Mais troisième chose qu'on entend souvent, c'est que les gens
s'autoévaluent, évaluent comme pas assez bien en français.
Moi, je connais plein de monde qui parle
le français comme moi qui peut toujours... je peux toujours m'améliorer, qui ne
se permettraient, mais jamais, jamais, de se présenter pour devenir député. Ils
s'autocensurent. Une autre fois, je me permets de parenthèse. Je crois que
c'est une chose, un phénomène qui devrait nous préoccuper.
• (19 heures) •
Je retourne à mon contexte en quelque part
en me permettant de dire que ce genre de libellé ne risque pas de faire en
sorte que les joueurs qui auraient le travail d'agir là-dessus se sentent
interpellés de façon ouverte. Je me permets de dire qu'ils risquent de
dire : Mon Dieu, y a-t-il une compréhension de notre réseau? Y a-t-il une
reconnaissance des efforts collectifs qu'on aurait faite déjà? Y a-t-il une une
connaissance de la volonté, comme je dis, des parents québécois de la langue
anglaise à avoir les meilleurs programmes pour leurs enfants? Toutes ces
questions se posent.
Je me permets de poursuivre un sujet tout
à fait lié, et c'est le fait le ministre fait allusion, c'est un fait qu'il y a
une cible, des cibles de jeunes de langue anglaise pour qui l'acquisition du
français est tout un défi. Et c'est là où j'espère que le député de Sainte-Rose
et l'adjoint parlementaire du premier ministre est au courant, un phénomène qui
a aidé a été identifié par d'ailleurs Bill Floch qui est actuellement
secrétaire adjoint du Secrétariat pour les relations avec les Québécois de
langue anglaise, un phénomène très préoccupant qui a sa pertinence quand on
regarde cet article, et très triste en quelque part. On parle de... On dit en
anglais : «An English speaking underclass», un phénomène de jeunes de
langue anglaise qui sont en quelque part devant un cul-de-sac. Souvent, il y a
un lien, c'est triste, mais peut être si on veut un lien socioéconomique, un
lien parental où les parents, souvent dans la situation monoparentale aussi,
mais où les parents n'auraient pas eu l'opportunité de se perfectionner en
français. Ils, étaient moins employables dans un Québec légitimement qui
évoluait. Ils n'ont pas inculqué au sein de leurs enfants l'intérêt et le goût
de perfectionner leur français. L'heure est venue conséquemment de tout ça a
été souvent moins élevé pour ces jeunes là et leurs familles. Ils se trouvent
souvent en Gaspésie, à Pointe-Saint-Charles, dans certaines régions de
l'Outaouais, sur la Basse-Côte-Nord, pour qui l'acquisition du français est très
difficile. Ils se trouvent évidemment légitimement au sein des écoles surtout
publiques de langue anglaise au Québec. Très souvent, il y a un match parfait
de ses élèves avec les programmes les moins exigeants en français. Ils suivent
toujours le programme du français...
19 h (version non révisée)
M. Birnbaum : ...langue
seconde de base. Donc, je n'écarte pas la réalité que, pour plusieurs, le
pourcentage de jeunes aux écoles primaires et secondaires qui doivent, selon
cet article-là, se rendent en mesure d'utiliser le français comme langue commune
afin de pouvoir interagir, s'épanouir, etc. Il y aurait une cible, il y a une
cible légitime de Québécois à part entière pour qui ça va être difficile. Est-ce
que le ministre peut dire s'il entrevoit... il voit la possibilité d'implanter
éventuellement ce genre d'exigences dans cet article-là de façon flexible, afin
que, nécessairement, ces élèves dont je viens de parler ne seraient pas écartés
de la possibilité de poursuivre leurs études au Québec et qu'ils peuvent être
accompagnés dans leur perfectionnement continu du français au lieu d'être
devant un cul-de-sac et l'obligation de laisser leur famille de faire leur
avenir ailleurs qu'au Québec?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, au
contraire, c'est justement l'objectif de l'article est de faire en sorte de
pouvoir outiller les Québécois puis les Québécoises avec les outils
linguistiques. L'objectif de l'article n'est pas de faire des... de mettre des
barrières, puis c'est pour ça que l'article, il n'est pas tourné vers les
citoyens, il est tourné sur l'État. L'imposition de l'obligation, elle est sur
l'État, elle n'est pas sur les citoyens. L'objectif, puis je pense que vous
êtes d'accord avec l'objectif aussi, c'est l'institution qui a des obligations,
ce n'est pas l'étudiant ou l'élève qui a des obligations. Dans le fond, on dit
à l'institution : Écoutez, là, c'est sérieux, là, on veut que... Puis vous
avez raison de le dire dans l'accompagnement, dans le soutien. L'objectif de la
loi, c'est de faire en sorte que l'élève, là, lui qui sort à partir de son
parcours, là, il ait eu tous les outils possibles pour s'épanouir au sein de la
société québécoise, puis, justement, pour ne pas lui donner envie de s'en aller
ailleurs, qu'il soit au Québec, qu'il reste au Québec, qu'il travaille au
Québec, qu'il vive avec sa famille au Québec. Mais le député de Sainte-Rose,
quand il a fait sa tournée, là, avec le secrétariat québécois aux relations d'expression
anglaise, c'était une demande des différentes communautés de dire :
Écoutez, là, on veut être mieux outillés, puis vous avez raison de dire ces
commentaires-là, ça revenait particulièrement dans les différentes régions du
Québec. Alors, l'article, c'est ça, son objectif. Donc, on partage le même
objectif.
Puis, tu sais, l'autre point aussi, Mme la
Présidente, qui est important, c'est que l'étudiant, là, ou l'élève, là, lui,
avec cet article-là, là, il va être dans le siège du conducteur. Il va dire...
il va pouvoir dire à l'institution : Écoutez, là, moi, là, j'en veux plus.
Vous avez, vous, en tant qu'institution, l'obligation de me donner les outils.
Donnez-les-moi. Comme on dit : «Show it to me».
Donc, l'idée de l'article, c'est justement
de créer une pression sur l'État pour dire : Vous avez une obligation,
mais elle n'est pas sur les individus, cette obligation-là, c'est plutôt de
dire : Écoutez, comme État, on se doit de prendre acte des revendications,
des critiques également à l'endroit des différents réseaux, puis on vient
donner écho dans le projet de loi.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Il vous reste dix secondes, M. le député.
M. Birnbaum : Merci. Je
reviens à ma question de base. Y a-t-il eu une évaluation de la situation
actuellement des discussions avec le ministère de l'Éducation... ces experts
sur le comment les considérations de toutes les modalités pour donner acte?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, la
réponse, c'est oui. Quand on a discuté le projet de loi, on a discuté avec
Éducation notamment et c'est notamment un des objectifs qui est souhaité.
Alors, juste vous informer, Mme la
Présidente, on a une proposition de libellé pour la politique en matière d'immigration
qui est sur le site Greffier également. Donc, un coup qu'on aura terminé 88.12,
on pourra retourner.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Pour l'amendement qui a été suspendu.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
D'accord. On va terminer avec le 88.12. Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je trouve
que mon collègue a apporté plein de points extrêmement intéressants qui
montrent l'ampleur, insoupçonnée peut-être, de cet article-là, 88.12, ou
sous-article, je ne sais pas comment on appelle ça, là, mais en tout cas, c'est
un article en lui-même. Parce qu'effectivement, ça donne... ça oblige à un
certain nombre et même beaucoup de moyens additionnels, probablement. On ne dit
pas quels moyens, puis c'est correct, je suis d'accord avec le ministre. Mais
quand le collègue dit : Ils ont porté ça à bout de bras, ces programmes
d'immersion, les commissions scolaires anglophones, bien là, ils vont
certainement se tourner vers le ministre de l'Éducation, puis dire : Bien,
aidez-nous, si on veut atteindre l'objectif de 88.12, il nous faut plus de moyens
financiers. Comme par hasard, c'est souvent ça, plus de moyens, de cursus, etc.
Puis moi, je rajouterais, avec ce qu'on a rajouté au collégial, ça va être
encore plus important de pouvoir avoir les moyens au primaire, secondaire. Puis
tout ça prend du temps. Puis là vous allez me trouver fatigante, puis je vous
ai averti que j'allais être fatigante jusqu'à mon dernier souffle, ça va
prendre plus de temps pour implanter tout ça. Parce que, là, il faut implanter
plus, c'est bonifié primaire, secondaire, collégial. Alors, ce n'est pas vrai
qu'en dix mois on va pouvoir permettre au collégial d'être prêt, parce que
d'autant plus qu'ils vont recevoir des étudiants d'un produit de primaire,
secondaire qui n'auront pas vécu avec le 88.12, qui n'auront pas vécu,
peut-être, avec cette motivation ou ces moyens pour leur permettre d'arriver
beaucoup mieux préparés à une certaine francisation au collégial.
• (19 h 10) •
Donc, moi, je vais revenir jusqu'à ce que
mort s'ensuive sur le délai septembre 2025, parce que ça n'a pas de bon sens de
faire tout ça en si peu de temps. D'ailleurs, la Fédération des cégeps a mis
sur le site Greffier aujourd'hui, une demande d'aller... au moins de donner
trois ans. Ils sont assez catastrophés du délai. Alors, 88.12 a plus de conséquences
qu'on peut imaginer. Pas des mauvaises conséquences, des plutôt bonnes
conséquences, mais il faut, et je suis fatigante avec cette phrase-là, donner
du temps au temps aussi pour ça.
Et je retiens une dernière chose, parce
que je ne sais pas combien de temps il me reste, mais il va falloir trouver une
façon... peut-être, qu'on n'y est pas arrivés, peut-être que ce n'est pas assez
là, mais de parler de la qualité de la langue française dans ce projet de loi
là. Je vous avertis, nous, on va en inventer un, amendement, s'il faut, là,
mais mon collègue a vraiment raison de dire que la question du français, c'est
l'affaire de tous, tous voulant dire autant francophones qu'allophones,
qu'anglophones. On parle beaucoup, beaucoup, évidemment, de francisation
d'allophones, mais je pense qu'il faut franciser nos francophones aussi, là, je
suis rendue à dire quasiment ça, là, de leur apprendre. Et ça, ce n'est
peut-être pas suffisamment présent dans le projet de loi, la qualité du
français, pas juste chez les fonctionnaires, chez l'ensemble de la population.
Et il y a des mouvements comme Impératif français qui insistent beaucoup,
beaucoup là-dessus. Mais dans le projet de loi, est-ce que c'est suffisamment
présent? Bien là, vos équipes pourraient peut-être regarder ça, mais je pense
qu'on pourrait insister beaucoup plus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, s'il n'y a pas d'autre commentaire, est-ce que l'article 88.12
est adopté?
Mme David : On n'adopte pas
88.12, Mme la Présidente. Excusez...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Il n'y a pas d'autre discussion sur le 88.12. Donc, j'aurais besoin, pour
retourner à l'article 88.9.1 du consentement, pour retourner à l'amendement et
au sous-amendement. Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement. Donc,
est-ce qu'il y a consentement pour retirer le sous- amendement de Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys?
M. Jolin-Barrette : Consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement de M. le ministre?
M. Jolin-Barrette : Consentement.
La Présidente (Mme Guillemette) :
M. le ministre, vous pouvez nous présenter votre nouvel amendement.
M. Jolin-Barrette : Alors, le
nouvel amendement, suite aux discussions, que je proposerais, c'est : À
l'article 62 du projet de loi, insérer, après l'article 88.9 de la Charte de la
langue française qui propose l'article suivant : «88.9.1. La politique
québécoise, en matière d'immigration, visée à l'article 3 de la Loi sur
l'immigration du Québec et à l'article 2 de la Loi sur le ministère de
l'Immigration, de la francisation et de l'Intégration, doit être conforme à
l'objectif de faire du français la langue commune.»
Donc, cet amendement vise à s'assurer que
la politique du Québec, en matière d'immigration, soit conforme avec le fait
que la langue française est la langue commune de la nation québécoise. Donc là,
on fait le pont entre les deux lois du ministère de l'Immigration. Donc, avec
votre amendement que vous suggériez et le mien, donc on vient rassembler le
tout pour couvrir la politique.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : J'ai envie de
dire : O.K., Mme la Présidente…
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Mme David : …je sais que le
ministre aime beaucoup ça quand on est sur ce mode-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...adopté, le nouvel article 88.9.1. Donc, ça nous mène au nouvel
article... à l'article suivant qui est le 88.13.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc, l'article 88.13 : Le gouvernement est tenu de prendre des
mesures, en plus de celles prévues aux articles 88.11 et 88.12, propres
à :
1. favoriser l'utilisation par tous du
français comme langue commune ainsi que son apprentissage par les personnes qui
ne sont pas en mesure d'en faire usage.
2. assurer la vitalité et la pérennité de
la langue française.
Commentaire : le nouvel
article 88.13 de la Charte de la langue française, proposé par
l'article 62 du projet de loi impose au gouvernement de prendre des
mesures propres à favoriser l'utilisation par tous du français comme langue
commune ainsi que son apprentissage par les personnes qui ne sont pas en mesure
d'en faire usage assurer la vitalité et la pérennité de la langue française.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Monsieur le ministre. Des
commentaires?
Mme David : Bien, moi,
écoutez, ça me va. Ça ne fait qu'insister encore plus sur la discussion qu'on a
eue à 88 12. Alors, le gouvernement est tenu de prendre des mesures. Bonne
chance. Prenez-les, mais ça... c'est encore plus d'imputabilité.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Donc, est-ce qu'il y a d'autres
commentaires sur l'article 88.13 introduit par l'article 62? Non.
Donc, y a-t-il des commentaires sur les intitulés à l'article 62? S'il n'y
a pas de commentaire, je vais mettre aux voix l'article 62. Est-ce que
l'article 62 amendé est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Donc, l'article 62 amendé est
adopté.
Et compte tenu de l'heure, je vous
remercie tous de votre collaboration et j'ajourne les travaux sine die. Merci,
tout le monde et à demain.
(Fin de la séance à 19 h 15)