Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Le
mercredi 23 avril 2025
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Vol. 47 N° 63
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l’éducation et modifiant diverses dispositions législatives
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante-et-une minutes)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la culture et de l'éducation ouverte. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et...
La Présidente (Mme Poulet) : ...auditions
publiques sur le projet de loi no 94, Loi visant notamment à renforcer la
laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions
législatives.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) est remplacé par Mme Schmaltz
(Vimont); Mme Garceau (Robert-Baldwin), par M. Morin (Acadie); et Mme Gentilcore
(Terrebonne), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
Alors, ce matin, nous entendrons les personnes et les organismes
suivants : la Fédération des syndicats de l'enseignement et la Fédération
autonome de l'enseignement.
Alors, comme la séance a débuté plus tard
que prévu, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à 13
heures?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Poulet) : Consentement.
Merci. Alors, je souhaite donc la bienvenue à la Fédération des syndicats de
l'enseignement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes. Alors, par la
suite, on va procéder à une période d'échange avec les membres de la
commission. Alors, la parole est à vous.
M. Bergevin (Richard) : Bonjour,
Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames messieurs les parlementaires.
D'abord, nous remercions la commission de nous recevoir de manière distincte,
en tant que principaux représentants des enseignants. Mon nom est Richard
Bergevin, je suis enseignant en sciences au secondaire et président de la
Fédération des syndicats de l'enseignement. La FSE-CSQ est la plus importante
organisation, représentant plus de 95 000 enseignantes et enseignants regroupés
dans 34 syndicats aux quatre coins du Québec. Je suis accompagné de Mme Karine
Nantel, enseignante de sixième année au primaire et première vice-présidente de
la FSE-CSQ, ainsi que de Me Sandy Royer et M. Sébastien Bouchard, tous deux
membres du personnel-conseil à la FSE. Nous tenterons, comme à l'habitude,
d'être respectueux et constructifs en portant la voix des enseignantes que nous
représentons.
Cette présentation et le mémoire de la FSE
sont complémentaires de ceux de la Centrale des syndicats du Québec, dont nous
faisons partie. Ainsi, comme vous le verrez demain, la CSQ se concentrera sur
les enjeux sociaux, notamment sur la laïcité. Du côté de la FSE, nous nous
limiterons aux enjeux enseignants. Avant d'aller dans le détail, nous aimerions
affirmer notre adhésion à l'objectif d'assurer des services éducatifs de
qualité et notre étonnement, voire notre déception par rapport aux moyens
proposés dans le projet de loi pour y parvenir.
Premièrement, le projet de loi est
présenté comme une réponse appropriée aux différents rapports qui ont découlé
des événements s'étant produits à l'école Bedford. Même si nous partageons les
préoccupations du ministre à ce sujet, les modifications proposées ne
correspondent pas, selon nous, aux constats et aux recommandations de ces
rapports. Deuxièmement, nous constatons qu'en matière de qualité des services
éducatifs, les outils d'intervention pour prévenir un cas similaire à l'école
Bedford... pardon, qu'un cas similaire à l'école Bedford se reproduise existe
déjà. D'ailleurs, le fait que les interventions du ministre aient permis de
rétablir la situation à l'école Bedford en témoigne. Troisièmement, le projet
de loi dépasse largement l'enjeu de la laïcité. Nous constatons qu'il comporte
des dispositions très contraignantes pour les enseignantes, sans rapport direct
avec la laïcité. Il est inconcevable à nos yeux d'apporter des modifications
aussi importantes aux encadrements de la profession enseignante dans le
contexte d'un débat polarisant comme celui de la laïcité. Quatrièmement, il est
tout aussi inconcevable que les changements à la profession enseignante aient
été élaborés sans impliquer les principaux intéressés, les profs, alors que la
loi les reconnaît comme des experts de la pédagogie. Cinquièmement, le projet
de loi ne répond pas aux besoins identifiés par le personnel enseignant quant à
la qualité des services éducatifs et aux problèmes prioritaires du réseau
scolaire, notamment la pénurie de personnel qualifié.
En tenant compte de tous ces éléments, la
principale proposition que nous faisons ici est de retirer du projet de loi les
articles qui portent sur l'enseignement. Il nous semble essentiel de séparer
les enjeux de laïcité des enjeux de nature professionnelle qui touchent
directement les enseignants. Ainsi, nous recommandons le retrait des articles
5, 6, 7, 15, 27 et 37 du projet de loi no 94, et nous soutenons l'organisation
d'une grande réflexion collective sur l'avenir de l'éducation et l'égalité des
chances au Québec.
Mme Nantel (Karine) : Bonjour.
De mon côté, je vous présenterai notre avis général sur les questions en lien
avec les droits et obligations des enseignantes et enseignants ainsi que la
qualité des services éducatifs.
D'abord, les droits et les obligations des
enseignants. Avec les modifications aux articles 19 et 22 de la Loi sur
l'instruction publique proposées par le projet de loi no 94, le gouvernement
démontre un manque de confiance envers le corps enseignant du Québec. L'article
19 de la LIP est modifié pour limiter l'autonomie professionnelle de
l'enseignant en y ajoutant des encadrements. Par ailleurs, les modifications à
l'article 22 de la LIP ajoutent l'idée de...
Mme Nantel (Karine) : ...conformer
à tout autre encadrement pédagogique applicable, un concept flou qui ouvre la
porte à l'interprétation et à l'arbitraire.
Chacune de ces modifications entraînera
des conséquences sur la capacité des enseignants à exercer leur expertise et
leur jugement professionnel et à s'adapter aux besoins des élèves.
Maintenant, la vérification des
planifications annuelles. Sachez que la FSE ne s'oppose pas à ce que les
directions d'établissement puissent demander aux enseignants d'avoir accès à
leur planification. Les dispositions actuelles de la LIP le permettent
d'ailleurs déjà. Cependant, nous dénonçons l'obligation de soumettre sa
planification dans une forme et un moment imposés, tout en respectant un guide
des bonnes pratiques du ministre. Cette modification des pratiques imposée
partout de façon uniforme dévalorise l'expertise pédagogique du personnel
enseignant, qui est tout à fait en mesure de choisir le format de la
planification de son propre travail. De plus, cet ajout aura pour effet
d'augmenter la tâche, forçant plus de 100 000 enseignants à effectuer ce qui
est appelé à devenir une formalité administrative énergivore.
Comme l'indique le rapport Bedford, la
vérification des planifications annuelles est non seulement inefficace pour
encadrer les enseignants avec des lacunes, mais elle est néfaste car elle
ajoute de la pression inutile à celles et ceux qui n'ont pas de difficultés. Le
projet de loi no 94 porte spécifiquement sur l'évaluation de tous les
enseignants et enseignants. Nous croyons que cette obligation imposée et
généralisée à tout le personnel enseignant ne permet pas d'encadrer les
pratiques qui posent problème et viendra mettre indûment de la pression sur
d'autres qui ne présentent aucune lacune.
Pourtant, la dernière chose dont le réseau
a besoin dans le contexte actuel, c'est d'ajouter inutilement de la pression et
de la bureaucratie. Déjà, dans plusieurs milieux, l'évaluation des nouveaux
enseignantes et enseignants, souvent non qualifiés, est difficilement
réalisable par les directions. Ajouter une obligation annuelle à près de 3000
directions et à plus de 100 000 profs implique de faire un choix. Alors, si
nous ajoutons une tâche, laquelle allons-nous retirer?
De plus, il nous semble contreproductif de
prioriser, lors de l'évaluation du personnel, la mesure de leur contribution au
projet éducatif. D'un côté, le projet éducatif est une responsabilité
collective de l'établissement. De l'autre, on viendra augmenter la pression
pour l'atteinte de statistiques de réussite, ce qui induit toute une série de
mauvaises pratiques déjà largement documentées par la science.
Ajoutons qu'il est incompréhensible qu'un
comité sur la qualité des services éducatifs soit mis en place dans chaque
centre de services sans qu'une majorité d'enseignants y siègent. Dans le même
ordre d'idée, il est inconcevable que le ministre impose des pratiques aux
experts de la pédagogie sans les impliquer. Si l'objectif souhaité est
réellement le rehaussement de la qualité des services éducatifs, nous croyons
que le ministère de l'Éducation devrait plutôt miser sur l'évaluation institutionnelle,
qui consiste à prendre en compte l'ensemble des variables d'un établissement
scolaire et ne pas cibler uniquement les enseignants. Cette suggestion rejoint
d'ailleurs la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation.
Je voudrais terminer sur une note positive
en ajoutant qu'il est possible d'agir dès maintenant pour permettre de dénoncer
les problèmes importants, autant en termes de laïcité que de qualité des
services éducatifs. Nous vous invitons, M. le ministre, à modifier la Loi sur
le Protecteur national de l'élève afin de permettre aux personnels scolaires
d'effectuer un signalement au Protecteur régional de l'élève visant à porter à
son attention une situation pouvant mener au non-respect des droits des élèves.
On estime d'ailleurs que cette possibilité pour le personnel d'effectuer un
signalement aurait fait une différence en favorisant une intervention plus
rapide dans le cas de l'école Bedford ou dans d'autres situations malheureuses
qui ont été largement médiatisées.
• (11 h 50) •
M. Bergevin (Richard) : Dans
le contexte actuel, tous les acteurs du réseau éducatif s'entendent sur la
nécessité d'agir face à la pénurie de personnel qualifié. Le projet de loi no
94 risque au contraire d'amplifier le problème de la pénurie en générant de la
démotivation et du désengagement des enseignants par l'ajout de contraintes
bureaucratiques. Si l'on veut véritablement améliorer la qualité...
M. Bergevin (Richard) : ...les
services éducatifs, des solutions existent et reposent notamment sur les
capacités novatrices des milieux plutôt que sur l'ajout de contraintes
nationales.
D'ailleurs, à très court terme, il serait
possible d'assurer et de pérenniser le financement de l'entente sur la rareté
du personnel enseignant. Les projets issus de cette entente nationale ont
permis de développer des solutions adaptées aux réalités locales qui ont eu un
effet significatif sur la pénurie et l'encadrement des élèves. Cette façon...
cette façon de faire nous semble extrêmement porteuse pour la suite des choses.
Plus globalement, nous nous apprêtons à
présenter au ministère nos priorités pour lutter contre la pénurie et nous
croyons qu'elles représentent elles aussi des améliorations notables à la
qualité des services éducatifs. Toutefois, cette nécessaire discussion sur les
services éducatifs ne doit pas se faire dans le cadre d'un projet de Loi sur la
laïcité. Et c'est pourquoi, M. le ministre, nous insistons sur le retrait des
articles du projet de loi n° 94 qui y réfèrent.
Ensemble...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
Alors, c'est tout le temps que nous avons. Le 10 minutes est écoulé.
Alors, on va procéder à la période d'échange avec le ministre. Alors, la parole
est à vous.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre participation et votre
présentation. Je comprends, là, que vous vous êtes séparé le travail entre la
CSQ et la FSE, mais, comment dire, il faut quand même discuter un peu de
laïcité, là. On va... faites-vous, on va quand même aborder les thèmes que vous
avez soulevés dans votre mémoire.
Mais sur la laïcité, je veux quand même
avoir votre position, là, comme fédération, là, parce que c'est vous qui
représentez les enseignants qui sont affiliés à la CSQ.
D'abord sur le visage à découvert, l'obligation
du visage à découvert, vous êtes d'accord avec ça ou pas?
M. Bergevin (Richard) : Pour
nous, la laïcité, c'est un grand consensus au niveau national. On considère que
c'est... c'est quelque chose auquel on adhère. Maintenant, pour les modalités
d'application, on a fait le choix de contribuer au mémoire de la CSQ, et donc
la CSQ va présenter demain l'ensemble des... de la perception que l'on en a,
auquel on adhère complètement. Donc, on pense que ça serait plus... ça serait
plus sain de leur laisser rendre... rendre compte de la position des
enseignantes et des enseignants à ce sujet.
M. Drainville : Non, je
comprends M. Bergevin. Mais vous avez une voix autonome à l'intérieur de la
CSQ.
M. Bergevin (Richard) : Oui,
oui.
M. Drainville : Je comprends
qu'il y a des enjeux peut-être un peu plus délicats, controversés, qui font
davantage débat. Mais il me semble que sur la question du visage...
M. Bergevin (Richard) : Oui.
M. Drainville : ...l'obligation
d'avoir le visage à découvert dans une classe au Québec.
M. Bergevin (Richard) : Oui,
je peux répondre à ça, simplement, là : Oui, on est d'accord.
M. Drainville : Sur le fait
que des personnes qui déclarent pratiquer une religion se voient accorder plus
de congés rémunérés qu'un employé qui ne pratique aucune religion. Là-dessus,
qu'est-ce que... est-ce que vous jugez que c'est acceptable que quelqu'un qui
déclare avoir une religion ait davantage de congés rémunérés qu'une personne
qui déclare n'avoir aucune religion?
M. Bergevin (Richard) : Pour
nous, on a laissé la CSQ prendre position là- dessus. Mais on considère que,
considérant que tous les enseignantes et enseignants sont égaux, ils devraient
avoir accès au même... au même nombre de congés annuellement, donc qu'ils ne
devraient pas en avoir de plus pour des conditions de cette nature.
M. Drainville : Très bien.
J'apprécie votre franchise et votre transparence, votre clarté sur... alors, je
vais m'arrêter là pour la laïcité par respect pour la décision que vous avez...
que vous avez prise.
Sur votre mémoire en particulier, bon,
d'abord, je me réjouis de vous entendre dire que la fédération ne s'oppose pas
à ce que les directions aient accès à la planification pédagogique. Ça,
j'apprécie cette position de principe. Maintenant, si je vous comprends bien,
vous dites : Le problème qu'on a, ce n'est pas tellement que nos
enseignants donc doivent remettre leur planification pédagogique, c'est qu'ils
devront le faire dorénavant en fonction du guide ministériel. Hein, c'est...
est-ce que je résume bien votre position? Mme, vous n'avez pas l'air certaine.
Mme Nantel (Karine) : En
fait, c'est... ce qui nous... ce qui cause problème pour nous, c'est d'avoir un
format unique au moment imposé par la direction qui devra s'appuyer
effectivement sur le guide que vous allez produire. Ça, pour nous, ça cause...
c'est un défi dans les... dans les milieux présentement, nous pensons que les
enseignants sont les mieux placés pour fournir leur planification annuelle dans
le format qu'ils auront déterminé selon le contexte, évidemment.
M. Drainville : Oui, vous
dites un format unique. À moins que vous me trouviez un passage du projet de
loi qui dit ça, là, puis je ne pense pas que vous allez le trouver.
M. Bergevin (Richard) : Le
projet de loi propose...
M. Bergevin (Richard) : ...un
format déterminé par la direction.
Une voix : Par la direction.
M. Drainville : «Le ministre
élabore, à l'intention des directeurs d'établissement, un guide proposant des
bonnes pratiques en matière de planification pédagogique et d'évaluation des
contributions des enseignants au projet éducatif.» C'est ce que dit le projet
de loi. Ce n'est pas... Vous dites : Un format unique. Moi, je vous dirais
que le guide va prévoir, je dirais, un cadre. Mais on ne va pas venir dicter,
là, dans le détail ce que cette reddition ou, comment dire, cette... Le fait de
remettre cette planification pédagogique, ça va se faire à l'intérieur d'un
processus à l'intérieur duquel il va y avoir de la souplesse, là. On ne va
pas... On ne va pas dicter une façon de faire. On va dicter par le guide un
certain nombre de choses. Mais, par la suite, regardez ce que ça dit, là :
«L'enseignant doit soumettre une planification pédagogique au directeur
d'établissement dans la forme et au moment déterminés par ce dernier.» Alors,
il va y avoir beaucoup de souplesse au niveau local, là. Vous comprenez?
M. Bergevin (Richard) : Oui.
Mais on laisse... on laisse dans les mains de la direction le choix. Tandis que
nous, ce qu'on considère, c'est que c'est les enseignantes et les enseignants
qui devraient choisir le format. Pourquoi? Parce qu'un enseignant de sciences
comme moi ne ferait pas la même chose, ne ferait pas nécessairement le même
type de planification qu'une enseignante de français ou un enseignant
d'anglais. Ça peut être différent dans le format. Alors, la direction n'a pas
nécessairement... ne ne va pas nécessairement choisir de faire... de faire
faire des planifications dans des formats qui sont très différents, considérant
que dans une école secondaire où il y a une centaine d'enseignants, bien, ça va
être plus facile de demander un format unique. Alors, on a des grandes craintes
sur comment ça va se répercuter dans les milieux.
Je comprends que le projet de loi ne
précise pas que ce sera un format unique, mais il précise que c'est la... ce
sera un format déterminé par la direction. Et, là-dessus, si on veut que ça
reste la... si on veut laisser l'enseignant choisir le format dans lequel il va
produire sa planification, puisque c'est lui, l'expert en pédagogie, bien, on
devrait l'écrire comme ça dans le projet de loi, dire que c'est l'enseignant
qui a ce dernier choix là.
M. Drainville : Oui, mais là,
M. Bergevin...
M. Bergevin (Richard) : Puis,
si la direction n'est pas satisfaite, bien, elle pourra toujours le mentionner,
puisqu'elle l'aura reçu.
M. Drainville : Oui. Mais là,
M. Bergevin, là, comment dire, la direction d'école doit exercer ses
responsabilités, là. À un moment donné, les directions d'école, elles ont un
rôle à jouer. Il faut qu'ils le jouent. Alors, moi, ce que je dis, c'est que le
projet de loi donne beaucoup d'autonomie à la direction d'école. Et puis la
direction d'école va s'asseoir avec l'enseignant, avec l'enseignante, et puis
il y aura une discussion sur la forme.
Maintenant, à la fin, vous avez raison de
dire que le projet... le projet de loi prévoit que c'est la responsabilité du
directeur ou de la directrice de l'école de demander à l'enseignant de
soumettre sa planification. Mais, ça, c'est normal. Vous... Je pense que
vous... On reconnaît quand même... Vous reconnaissez le... Vous voulez
l'autonomie des enseignants, j'en suis, mais vous voulez aussi des directions
d'école qui assument leurs responsabilités de direction d'école.
M. Bergevin (Richard) : Oui.
Tout à fait.
M. Drainville : Chacun...
comment dire, chacun sa...
M. Bergevin (Richard) : Chacun
a son rôle à jouer.
M. Drainville : Chacun son
rôle. Exactement. Exactement.
M. Bergevin (Richard) : Tout
à fait. Puis on est d'accord avec le fait que la direction puisse faire cette
demande-là, d'avoir la planification des enseignants. Mais, nous, on considère
que c'est aux enseignants à produire cette planification-là, avec toute
l'expertise pédagogique et tout le professionnalisme qu'ils peuvent y mettre.
M. Drainville : O.K.
M. Bergevin (Richard) : Et
cette planification-là, une fois qu'elle sera produite, si la direction a
des... considère que ce n'est pas suffisant ou satisfaisant, bien, la direction
aura tout le lieu de jouer son rôle de leader pédagogique et de demander des
améliorations ou des modifications. Et donc on pense qu'il faut garder l'enjeu
de l'expert de la pédagogie dans les mains de l'enseignant, et de la direction
comme étant juge de la valeur. Parce que c'est la direction, dans la Loi sur
l'instruction publique, qui a la responsabilité de s'assurer de la qualité des
services éducatifs, bien, ce sera à elle à juger de la production de l'enseignante
ou de l'enseignant.
• (12 heures) •
M. Drainville : O.K. Je
respecte cette position. Je respecte cette position.
Sur le comité sur la qualité des services
éducatifs, là, bon, d'abord, je vous rappelle, là, c'est quand même important,
là, quand on regarde le rapport Bedford, là, il...
12 h (version non révisée)
M. Drainville : ...il y a une
bonne partie du rapport qui porte sur la qualité des services éducatifs, là,
une vingtaine de pages, quatre recommandations qui portent là-dessus. Est-ce
que vous en avez contre le principe de l'existence même d'un comité comme
celui-là, ou vous en avez davantage sur la composition?
M. Bergevin (Richard) : Pour
nous, au départ, ce qu'on aurait souhaité par rapport à l'organisation de la
qualité... des services éducatifs, c'est qu'on ait des discussions préalables
au dépôt d'un projet de loi, parce qu'on pense qu'il y a beaucoup d'enjeux de
nature professionnelle qui concernent les enseignants, qui devraient être
discutés dans un forum qui est approprié à ça. Un projet de loi, on a deux
semaines pour se préparer, on a 45 minutes pour présenter, c'est limité comme
capacité à aller chercher le pouls des enseignantes et des enseignants sur le
terrain, d'être capable de ramener ça, d'organiser ça et d'être capable de
faire un échange complet avec le ministère de l'Éducation ou le ministre,
directement. Donc, on est limité dans cette capacité-là à faire le travail.
Alors, le comité, pour nous, dans un
premier temps, on pense qu'il n'a pas sa raison d'être pour l'instant, mais si
on était capable de construire quelque chose avec vous pour être capable d'y
arriver, bien, on pense que ça vaudrait la peine, au moins, d'en faire la
discussion. Parce qu'on n'est pas fermé à la discussion de... le travail sur
les services éducatifs, mais on pense que, présentement, on est un peu coincés
dans le processus, là.
M. Drainville : Dernière
question, puis là je vous demande, puis j'en suis conscient, là, de faire une
généralisation, mais je vous pose quand même la question : De façon
générale, l'évaluation des enseignants, est-ce qu'elle est faite par les
directions d'école ou pas? Et, si elle est faite, elle est faite dans quelle
proportion? Avec la vaste expérience que vous avez, est-ce que c'est dans
50 % des cas, 75 % des cas, est-ce que, dans la majorité des cas, l'évaluation
est faite ou n'est pas faite? Quelle est la réponse à cette question?
Mme Nantel (Karine) : Bien,
moi, j'aurais envie de vous dire qu'avec l'expérience des 18 années sur le
terrain, là, je peux vous dire que c'est à géométrie variable puis ça dépend du
contexte de chaque école. Vous savez, moi, j'ai enseigné pendant 13 ans en
sixième année. Il y a eu des années où on a changé de direction trois fois dans
la même année. Alors, vous comprendrez qu'il y a un contexte, ici, qui est plus
difficile, hein, il y a évidemment un roulement de personnel aussi. J'ai eu, à
l'occasion, à accompagner des gens qui sortaient de l'université et qui avaient
très peu d'expérience. Alors, c'est moi qui, souvent, les soutenais, sur mon
temps, avec des planifications.
Et évidemment les directions d'école n'ont
pas toujours le temps. Et c'est de prendre le temps de faire une évaluation
correctement. Une évaluation, ça doit être fait dans de bonnes conditions, et,
présentement, dans les milieux, M. le ministre, vous le voyez, là, dans votre
tournée d'écoles, il y a beaucoup, beaucoup de travail, et les ressources ne
sont pas toujours au rendez-vous, le soutien pour les enseignants,
professionnels et le personnel de soutien n'est pas non plus toujours au
rendez-vous parce qu'il y a une pénurie là aussi. Donc, ça crée beaucoup de
pression dans les milieux, et nous ne sommes vraiment pas certains que cette
réponse-là, de l'évaluation annuelle pour tous les enseignants et les
enseignantes, ça répond à un besoin des milieux.
Je pense qu'on pourrait cibler les gens
qui sont en insertion professionnelle ou les gens qui sont non légalement
qualifiés et à... leur apporter du soutien, à ces gens-là. C'est ça que les
gens ont besoin, dans les milieux, présentement, c'est de cette flexibilité-là,
M. le ministre.
M. Drainville : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Poulet) : 26
secondes.
M. Drainville : Ah! bon,
bien, écoutez...
Mme Nantel (Karine) : ...une
grande réflexion en éducation, on aura l'occasion de s'en reparler.
M. Drainville : Mais je veux
quand même dire, dans les 20 secondes qui restent, que vous avez parlé de la
pénurie de personnel qualifié. Vous reconnaîtrez avec moi, quand même, que la
hausse de la rémunération, les aides à la classe, les nouveaux... la nouvelle
catégorie d'enseignants permanents, toutes ces mesures sont...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Alors, on va poursuivre la discussion avec la députée
de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Bergevin, bonjour, Mme Nantel, M. Bouchard et Me Royer.
Merci beaucoup d'être avec nous pour votre exposé.
Souvent, donc, quand je commence ces
échanges-là avec les différents groupes, là, je nous ramène à ce qui nous amène
ici, autour de la table, donc, ça, le cas Bedford, puis ensuite le rapport sur
les 17 écoles. Et, évidemment, et vous le dites même au début de votre mémoire
puis vous l'avez réitéré en début d'allocution, tout le monde ici endosse les
principes de laïcité, tout le monde ici se dit, donc, face à Bedford, qu'il
fallait agir, face au rapport des 17 écoles, il fallait agir.
Maintenant, il y a le pourquoi, puis
ensuite il y a le comment. Et la question que je vous pose, d'entrée de jeu, c'est
de savoir : est-ce que, selon vous, ce qui se retrouve dans le projet de
loi, soit du côté de la laïcité ou soit du côté de la qualité des services
éducatifs, selon vous, donc, ça nous permet...
Mme Cadet : ...ça nous
permettrait d'empêcher un autre Bedford de se produire.
M. Bergevin (Richard) : Pour
nous, Bedford, c'est un moment particulier, c'est une situation très
particulière dans le système d'éducation au Québec. Ce n'est pas une généralité.
Alors, on a de la difficulté à prendre des décisions sur un cas particulier
pour généraliser à la grandeur du Québec, on ne pense pas que ce soit le choix
le plus adéquat, là, dans le contexte.
Pour nous, Bedford, ça pouvait... ça peut
se régler. La preuve, c'est que le ministre, avec ses démarches, a réussi à
régler la question. Le problème, c'est combien de temps ça a pris avant qu'on
puisse agir? Et la prise de parole des enseignantes et des enseignants,
protéger les lanceurs d'alerte devrait être une priorité actuellement et
permettre surtout le signalement au protecteur national de l'élève. C'est un
des éléments qu'on amène dans notre mémoire. Parce que d'être capable de
signaler qu'un droit d'élève n'a pas été respecté, ça permettrait au protecteur
national de l'élève de faire enquête. Premièrement, de discriminer les
bonnes... et les signalements farfelus et les choses qui sont plus sérieuses
sans qu'on cause préjudice à la carrière de quelqu'un. Et, en plus, ça
permettrait de faire... d'avoir une opinion externe au milieu de l'école, parce
que, quand on demande à la direction de faire enquête, il y a parfois des
interactions sur le climat d'école, sur l'interaction entre les individus qui
peuvent mettre des barrières à la résolution des problèmes de climat de
travail, tandis que si on demande à quelqu'un d'externe qui nous fait rapport,
qui nous fait des recommandations, mais ensuite de dire : non, on ne suit
pas les recommandations, c'est plus difficile. Alors, on pense que c'est une
voie qui serait à privilégier de permettre aux enseignantes et aux enseignants,
au personnel scolaire de signaler un problème de respect des droits des élèves
au protecteur national de l'élève... au protecteur régional, pardon, de
l'élève.
Mme Cadet : Merci. Donc,
c'est très intéressant ce que vous amenez comme position parce
qu'effectivement, donc, la Loi sur le protecteur national de l'élève ne permet
pas au personnel scolaire de déposer une plainte. Donc, selon vous, vous
dites : il faut absolument que ce soit amendé. Allez-y.
M. Bergevin (Richard) : Si
vous me permettez, je vais faire une petite... une petite nuance, là. Dans le
contexte du protecteur national de l'élève, on parle de signalement. On peut
faire un signalement uniquement quand il y a des violences à caractère sexuel.
Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'on prend un mécanisme qui existe déjà
puis on fait juste élargir un peu la possibilité de faire un signalement, mais
pour des manquements aux droits des élèves, ce qui permettrait... ce qui aurait
permis à Bedford de... les enseignants qui sont allés voir la direction pour
dire qu'il y avait un problème, bien, auraient pu, de façon confidentielle,
signaler au protecteur régional de l'élève qu'il y avait un problème. Ce aurait
été en toute confidentialité. Ces gens là ne se seraient pas fait discriminer
par le groupe dominant et auraient... et on aurait pu aller plus loin dans le
processus. C'est même probable. Et si j'ai bien compris, là, dans les
mécanismes là, le protecteur régional parle parfois au protecteur national qui
va... qui pourrait soumettre au ministre un problème qui est de grande
envergure. Alors, ça permettrait... C'est un mécanisme qui existe déjà qui
pourrait être juste élargi, ça ne devrait pas être très compliqué d'un point de
vue administratif, mais ça permettrait de signaler des problèmes qui peuvent
être plus importants dans les milieux et éviter que ça dégénère, parce que le
problème de Bedford, c'est que ça a dégénéré pendant plusieurs années avant que
ça puisse être traité.
Mme Cadet : Merci. Merci
beaucoup de cette recommandation très enrichissante. Ensuite, dans votre
mémoire, donc, vous nous dites la nécessité d'un débat distinct sur ce qui
permet le rehaussement de la qualité des services éducatifs. On vous a
entendus, donc, dans votre allocution d'une dizaine de minutes... en gros,
donc, ce débat-là, le débat ici, qui est un peu... en fait, les dispositions
qui se trouvent au projet de loi n° 94, de façon parcellaire,
s'intéressent au débat sur la qualité des services éducatifs et, selon vous,
donc, tous ces éléments-ci devraient être tout simplement retirés du projet de
loi pour qu'on puisse avoir ce débat ailleurs, c'est bien ça?
M. Bergevin (Richard) : Exactement.
On pense que ce serait mieux de les retirer, de prendre le temps de faire les
discussions nécessaires pour être capable d'avoir une discussion sur les enjeux
de nature professionnelle avec les enseignantes et les enseignants, mais on
pense aussi qu'on est dus au Québec pour une grande réflexion sur le milieu de
l'éducation qui inclurait plus largement... Il y a des enjeux qui sont de
nature professionnelle, qui sont... qui doivent être traités par les
enseignantes et les enseignants, mais aussi, plus largement que ça, l'ensemble
de la société devrait s'impliquer dans une grande réflexion au Québec sur le
milieu de l'éducation parce qu'on pense qu'on est rendu là. On l'a fait dans
les années 60, on a refait un bout dans les années 90, on pense qu'on
y arrive. On a des problèmes importants dans le milieu de l'éducation qu'on a
de la difficulté à régler à la pièce, on devrait faire une réflexion sur le
rôle de l'école au Québec.
• (12 h 10) •
Mme Cadet : Mais je comprends
que, subsidiairement, donc s'il y avait, donc, un comité sur la qualité des
services éducatifs... tantôt, dans votre échange avec le ministre, je vous ai
entendu dire «construire quelque chose avec vous», on est prêt à construire
quelque chose avec vous. Qu'est-ce que c'est...
Mme Cadet : ...signifie pour vous,
en fait...
M. Bergevin (Richard) : Bien,
on pense que, si on prenait le temps de s'asseoir pour réfléchir aux services
éducatifs dans les écoles, être capable de regarder l'ensemble du portrait et
de proposer des solutions, on est capable de travailler avec l'ensemble des...
le gouvernement, le ministère de l'Éducation et les autres organisations
syndicales qui représentent les enseignants et le personnel scolaire, pour être
capable... et les directions d'école aussi, là, je n'exclus personne, mais de
faire la discussion pour être capable de construire quelque chose qui permet
d'améliorer les services éducatifs. Parce que les enjeux qui sont liés à la
pénurie de personnel, qui sont liés aux ressources qui sont consacrées à la...
aux enseignants non légalement qualifiés ou non formés, c'est des enjeux qui
sont majeurs actuellement dans les milieux, et c'est ceux-là qu'il faut traiter
en priorité.
Mme Cadet : ...je n'ai pas
beaucoup de temps. Le ministre vous demandait tantôt : Est-ce que vous
avez des enjeux au niveau de la composition? Donc, selon vous, est-ce que des
enseignants devraient faire partie d'un tel comité?
Mme Nantel (Karine) : Absolument.
Pour nous, c'est incontournable. Ce que les enseignants et les enseignantes ont
besoin présentement dans les milieux, ce n'est pas des encadrements
supplémentaires, ce n'est pas de se faire dire qu'ils doivent remettre leur
planification. Si vous mettez une salle remplie ici d'enseignants et
d'enseignantes, ils vont vous dire que les enjeux, c'est des enjeux de temps,
c'est des enjeux de services pour les élèves en difficulté qui ne reçoivent pas
tous les services dont ils ont besoin. C'est un enjeu aussi de respect dans le
cadre de tous les acteurs. Donc, il faut impliquer tous les acteurs pour que
ces gens-là y adhèrent. Alors, on ne pense pas que davantage d'encadrements
vont permettre aux enseignants de plus s'impliquer, là. Les enseignants,
présentement, là, ce qu'ils ont l'impression, c'est qu'on les pointe du doigt
comme étant les coupables dans ça, alors que les enseignants au Québec, ce sont
la solution, ce ne sont pas ceux qui sont responsables.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on va poursuivre la discussion avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Oui, bonjour.
J'ai deux minutes 33, donc je pose une question bien vite. Ce que je trouve
important, moi, c'est qu'on soit capable d'estimer un peu la lourdeur de la
tâche qui va découler d'une exigence d'une évaluation annuelle des enseignants.
Vous en avez parlé, mais pouvez-vous me donner une idée encore plus concrète?
Vous avez dit, bon : C'est comme inégal, la façon dont c'est appliqué.
Puis là ce qui est paradoxal, c'est que, quand les directions changent, c'est
encore plus difficile d'évaluer. Là, on augmente les exigences, on va diminuer
la capacité, en même temps, des directions à rencontrer ces exigences-là. Une
bonne évaluation, là, ça prend combien d'heures, mettons, pour qu'on soit
capable de faire le calcul après ça, fois 100 000, puis etc.?
M. Bergevin (Richard) : Bien,
en fait, vous parlez des enseignants, des enseignantes et des... je n'irais pas
jusqu'à dire des spécialistes, mais quand même, on a beaucoup de bagage en
termes d'évaluation, puis, pour être capable de faire des bonnes évaluations,
il faut avoir des observations, il faut être capable de noter puis être capable
de transposer ça dans une évaluation puis une rétroaction. Donc, un minimum de
deux à trois heures par personne, ça, c'est le strict minimum qui devrait être
fait, une rencontre en début d'année, une rencontre en fin d'année puis une
rencontre en cours d'année, pour être capable de donner de la rétroaction.
Hier, j'entendais dans cette commission
qu'on parlait de peut-être donner une tape dans le dos, faire une petite
rétroaction rapide. Ce n'est pas une évaluation. Puis, si on ne veut pas une...
Si ce qu'on veut, c'est être capable de donner de la rétroaction aux
enseignants, bien, appelons ça comme ça, appelons... une rencontre à chaque
année, appelons ça une rétroaction, mais n'appelons pas ça une évaluation,
parce que faire une évaluation sur un coin de table, ça peut être plus
démobilisant que mobilisant.
L'autre aspect, c'est qu'il y a beaucoup
de travail à faire sur l'évaluation puis l'accompagnement des personnes en
insertion professionnelle. On parle des plus jeunes qui sortent de l'université
mais aussi de ceux qui arrivent en milieu de carrière qui viennent donner un
coup de main. Bien, nous, on pense que les directions devraient se concentrer
sur accompagner ces gens-là et les profs d'expérience qui ont du bagage, qui
sont capables de soutenir et d'aider ces gens-là, bien, qu'ils puissent être
mis à contribution. Et, de cette façon-là, on va améliorer de façon
significative à court terme les services éducatifs.
L'évaluation de tout le monde, tout le
temps, on ne pense pas que ce soit la meilleure solution. Et ce n'est pas parce
qu'on est contre l'évaluation, on n'a pas de problème avec ça, mais on pense
que ce n'est pas un bon usage des ressources de l'école actuellement.
M. Zanetti : J'ai combien de
secondes?
La Présidente (Mme Poulet) : Huit.
M. Zanetti : Bon, merci
beaucoup.
M. Bergevin (Richard) : Je
suis désolé.
M. Zanetti : Non, non, non,
mais... c'est bon. Mais c'est parce que ça en dit long, là. Mettons, trois
heures pour, mettons, une école où il y aurait 100 enseignants, c'est
300 heures.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Alors, c'est tout le temps que vous avez, M. le député. Ça va vite,
2 min 33 s, j'en conviens. Alors, maintenant, on poursuit les
discussions avec le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci. Bienvenue.
Revenons à l'essentiel de notre présence. Si ce projet de loi est une réponse à
ce qui s'est passé à Bedford, on va aller directement là où il y a un problème,
une relation avec des enseignants et des élèves. Ce qui est arrivé à Bedford,
ce ne sont pas vos membres, mais ça pourrait arriver dans une école représentée
par...
M. Bérubé : ...syndicat pour
les enseignants. Alors, moi, ma principale préoccupation, c'est la question de
la sanction. Si un enseignant ou une enseignante fait preuve de prosélytisme,
exclut des élèves de certaines formations ou des jeunes filles de sport, comme
le soccer, comme c'est arrivé, il faut qu'il y ait une sanction. Je comprends
que vous défendez vos membres, mais comment voyez-vous une sanction qui serait
appropriée à quelqu'un qui ferait, dans vos membres, une... de tels gestes,
comme on l'a vu à Bedford? Est-ce que vous avez réfléchi sur les sanctions?
Parce que moi, juste ça, ce serait une bonne réponse déjà. Si on veut ouvrir
sur la laïcité, je suis prêt à en parler, on va plus loin que le gouvernement
puis je nous trouve plus cohérents. Mais sur les sanctions, quel est votre état
d'esprit là-dessus?
M. Bergevin (Richard) : Présentement,
quand un enseignant ne respecte pas les conditions de travail ou la convention
collective ou la loi, il y a déjà des sanctions qui sont prévues, ils sont bien
organisés, structurés. Et nous, ce qu'on fait, c'est qu'on défend les droits
des membres, O.K.? Donc, les enseignantes et les enseignants ont le droit
d'être défendus, comme tout le monde dans la société, ni plus ni moins. Alors,
nous, on fait respecter les droits. Mais si un enseignant ne respecte pas la
loi ou ne respecte pas les règles de convention collective ou les demandes du
patron, il y a des sanctions qui sont déjà prévues.
M. Bérubé : O.K. La langue
parlée à l'extérieur des classes, le ministre, le gouvernement propose que ce
soit le français. On soutient cette mesure. Est-ce que vous êtes en accord?
M. Bergevin (Richard) : Nous,
on est en accord des... pour toutes les mesures qui vont améliorer la qualité
du français dans les écoles. Maintenant, les détails vont vous être livrés
demain par la CSQ.
M. Bérubé : O.K., le suspense
se poursuit. Quant à l'évaluation, je le dis au ministre et aux collègues, on
n'est pas pour plus de redditions de comptes. C'est souvent un problème avec ce
gouvernement, c'était le cas pour la langue, beaucoup de ce qu'on appelle en
anglais du «red tape». Pouvez-vous prendre le temps qu'il nous reste pour
exposer davantage en quoi ça devient un problème pour vous d'alourdir la tâche
des enseignants, enseignantes?
M. Bergevin (Richard) : Bien,
présentement, nos milieux sont en souffrance, nos enseignantes et nos
enseignants sont en souffrance parce qu'ils doivent faire plus qu'une tâche
régulière pour soutenir les gens qui arrivent dans les milieux. Le Vérificateur
général du Québec nous disait qu'il y avait 30 000 enseignants non
légalement qualifiés au Québec, des gens qui n'ont pas la formation nécessaire
pour être capable de soutenir...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
Je dois vous interrompre. Alors, c'est tout le temps que nous avons. Alors, je
vous remercie à vous quatre pour votre participation à nos travaux. On suspend
les travaux quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse
s'installer.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 12 h 20)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on poursuit nos travaux. Je souhaite donc la bienvenue à la Fédération autonome
de l'enseignement. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, par
la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.
Mme Hubert (Mélanie) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci de
nous recevoir. Je suis Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de
l'enseignement. La FAE regroupe neuf syndicats qui représentent près de
60 000 enseignantes et enseignants du préscolaire, du primaire, du
secondaire, de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle. On
est présent dans sept régions du Québec dans lesquelles se trouvent les quatre
plus grands pôles urbains. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme...
Mme Hubert (Mélanie) : ...Annie-Christine
Tardif, enseignante et vice-présidente à la vie professionnelle, de Mme
Séverine Lamarche, avocate et conseillère, et de M. Yves Cloutier, conseiller à
la FAE.
Le p.l. 94 a été déposé le 20 mars.
Le jour même, on était ici pour commenter le projet de loi n° 89. Et, ce
matin même, un autre projet de loi sur le régime de négociation a été déposé.
Notre employeur, le gouvernement, semble prendre l'habitude de légiférer pour
régler les problèmes auxquels il est confronté, plutôt que d'ouvrir le dialogue
avec les partenaires du réseau.
Le projet de loi n° 94 nous le
démontre, le gouvernement préfère sanctionner, imposer plutôt que négocier et
soutenir le personnel enseignant.
Ce projet de loi prend en parti le
professionnalisme enseignant. Sous couvert de laïcité, il contient des mesures
qui non seulement ne s'attaquent pas au bon problème, mais qui nuiront au
travail des profs.
Avec ce projet de loi, le ministre de
l'Éducation dédouble des encadrements législatifs existants. On réagit dans la
précipitation aux événements concernant l'école Bedford, qui, quoique
condamnables, restent quand même rares et isolés.
Tient-on tous les profs du Québec
responsables en lieu et place des directions et des centres de services
scolaires qui n'ont pas fait leur travail?
Le gouvernement s'attaque à la profession
enseignante, à la liberté d'expression, à nos droits fondamentaux. Il a
l'intention de recourir aux dispositions de dérogation, espérant ainsi se
soustraire au contrôle judiciaire. Ce faisant, il admet qu'il contrevient aux
chartes. Cette façon de faire est irréconciliable avec le principe de primauté
du droit, fondement d'une société libre et démocratique comme la nôtre.
C'est légitime de débattre sur la laïcité,
sur la place des religions dans la société, dans l'espace public. Mais, pour
nous, ce sont les institutions et l'État qui doivent être laïques, pas les
individus.
Quant à l'ajout de dispositions comme
l'obligation de visage découvert, l'interdiction d'utiliser des locaux à des
fins de prière, le refus d'adapter des programmes d'études pour motifs
religieux, soyons clairs, on pense que les modifications sont souhaitables et
cohérentes. Notre problème, c'est l'application de ces mesures, notamment en
raison d'autres encadrements qui existent et l'utilisation de la clause
dérogatoire.
Je vais céder la parole à Mme Tardif, qui
va intervenir sur la qualité des services éducatifs et sur le français.
Mme Tardif (Annie-Christine) : Mme
la Présidente, j'aimerais d'abord rappeler à quel point le réseau était fragilisé
quand le ministre de l'Éducation actuel a été nommé. Nous avions besoin d'un
leader qui valoriserait notre profession et lui fournirait le soutien
nécessaire.
Moins de trois ans plus tard, nous sommes
déçus et en colère. Durant son mandat, le ministre n'a fait qu'ajouter des
obligations qui n'apportent aucune amélioration concrète aux conditions
d'enseignement ni aux conditions d'apprentissage des élèves.
Concernant la qualité des services
éducatifs, y a-t-il un tel problème avec les services éducatifs dispensés par
le personnel enseignant qu'il faille déposer un projet de loi? Dans le cas de
l'école Bedford, les accompagnateurs ont principalement constaté et nommé
l'échec des gestionnaires à appliquer les encadrements existants. Pourquoi les
gestionnaires du réseau de l'éducation n'ont-ils pas agi lorsque c'était
nécessaire?
Dans le rapport de vérification des
17 écoles sous enquête, les vérificateurs ont écrit que «le programme de
formation de l'école québécoise était bien suivi dans les établissements, il
n'a donc pas été nécessaire pour eux de recourir aux pouvoirs qui leur étaient
conférés, car il n'y avait pas de problème.» Comment le ministre peut-il penser
que dupliquer les encadrements existants en y ajoutant des obligations et des
mesures de contrôle, par exemple l'évaluation annuelle et la remise d'une
planification, soit une réponse aux problèmes soulevés, alors que le problème
est l'application des encadrements?
Plutôt qu'ajouter une mesure générale de
contrôle revêtant un caractère abusif, pourquoi ne pas s'assurer d'une
meilleure compréhension des dispositions existantes et leur application par le
personnel de direction?
Mme la Présidente, je suis une enseignante
de première année et je vous amène pour quelques instants dans ma classe. Quand
l'année débute, bien sûr, je planifie. Je commence par enseigner les lettres de
l'alphabet, puis les sons, puis la phrase. Cela dit, même si je l'écris tel
quel dans ma planification, il se peut qu'en raison des besoins de mon groupe,
je doive m'adapter. Une planification, c'est dynamique. Parfois, on doit
prendre un pas de recul, parfois, on peut aller plus vite. Le ministre semble
vouloir contrôler l'autonomie professionnelle des profs. Il doit comprendre
qu'exercer cette autonomie, ce n'est pas faire ce qu'on veut, mais pouvoir
faire ce qu'il faut pour notre classe.
De plus, qui analysera les planifications,
et avec quel temps? Pour une petite école de 10 profs, on parle de 50 à
60 planifications à soumettre. Il faudrait aussi...
Mme Tardif (Annie-Christine) : ...que
le personnel de direction soit compétent dans toutes les matières et pour tous
les niveaux d'enseignement pour pouvoir en faire une analyse juste, ce qui est
impossible. C'est sans compter que la mise en forme de ces documents
nécessiterait un temps substantiel puisque le ministre souhaite nous imposer un
modèle précis. Bref, il s'agit de temps qui pourrait plutôt être consacré aux
services éducatifs et aux élèves.
Il en va de même pour l'évaluation du
personnel enseignant en lien avec sa contribution au projet éducatif. Sur quels
critères la direction d'un établissement se basera-t-elle? Sur les résultats
des élèves, sur le nombre de plaintes de parents reçues? C'est en étant sur le
terrain et non le nez dans des planifs et autres documents administratifs
qu'une direction peut soutenir le personnel enseignant et faire le suivi des
situations problématiques. Nous sommes d'avis qu'en raison du manque de temps
et de ressources il est impossible que chaque enseignante et enseignant soit
évalué sérieusement. Et tout ça renforcerait-il la laïcité dans nos écoles?
Non. Ça ne ferait qu'alourdir la tâche du personnel enseignant et des
directions. Il est clair qu'en prenant la voie législative, le gouvernement
cherche encore une fois à modifier unilatéralement des conditions de travail
qui devraient être dûment négociées. L'évaluation, notamment, est un sujet
important qui fait partie de plusieurs ententes locales. Il n'est pas banal
pour un employeur d'exiger une évaluation annuelle standardisée à tous ses
salariés sans égard à la qualité de leur prestation de travail. Or, le
gouvernement clôt à toutes fins pratiques une discussion qui n'a jamais eu
lieu, préférant imposer que négocier.
Concernant l'attaque à notre liberté
d'expression et sur le français dans l'école québécoise, d'une part, par le
projet de loi no 94, le gouvernement cherche à appliquer un régime distinct au
personnel des CSS en matière d'utilisation du français. Par l'introduction de
l'article 301.1 à la LIP, les enseignantes et les enseignants devront utiliser
exclusivement le français sur les lieux de travail lorsqu'ils communiquent
oralement ou par écrit avec un autre membre du personnel. Cela s'applique même
s'ils ne sont pas dans l'exercice de leurs fonctions. Cet article vise donc des
discussions d'ordre strictement privé. Les tribunaux ont jugé que
l'interdiction de parler dans la langue de son choix est notamment une atteinte
à la liberté d'expression, telle que protégée par les chartes. Par ailleurs, le
projet de loi no 94 prévoit que, dans la mesure où ils sont présents sur les
lieux de travail, les enseignants devront s'adresser aux élèves uniquement en
français en tout temps. Cette nouvelle norme a de quoi étonner quand on la
compare au code d'éthique prescrit récemment et qui semble moins strict que le
projet de loi no 94. C'est une autre illustration du dédoublement et de
l'incohérence entre les nouveaux encadrements et ceux qui existent déjà.
Les enseignantes et les enseignants
doivent composer avec des réalités humaines complexes et changeantes. Pour
résoudre les problèmes auxquels il est confronté, qu'il soit pédagogique,
relationnel ou autre, le personnel enseignant exerce son jugement
professionnel. Dans certains cas, pour les enseignants de langue seconde ou
tierce, par exemple, parler une autre langue que le français avec les élèves
dans les corridors est une pratique pédagogique importante. Le projet de loi no
94 leur interdira-t-il cette pratique pédagogique? Qu'en est-il des élèves
issus de l'immigration?
Mme Hubert (Mélanie) : Alors,
en conclusion, la FAE demande le retrait du projet de loi no 94 puisqu'il ne
réglera pas les problèmes identifiés. Le message envoyé ne valorise en rien le
personnel enseignant, pire, il indique qu'on doute de son professionnalisme. Ce
qui s'est passé à l'école Bedford est inacceptable, mais la situation a surtout
démontré une méconnaissance des encadrements par certains gestionnaires et un
manque de soutien du centre de services scolaire.
Comme le ministre, les profs veulent des
milieux d'apprentissage sains et sécuritaire, mais ils ont besoin de moyens,
pas d'une autre modification législative. Il conviendrait, à notre avis, de
mettre en place un plan d'action ministériel visant à s'assurer de
l'application adéquate des encadrements qui existent déjà. Les profs sont les
experts de la pédagogie qui font preuve d'un grand professionnalisme. Ils ont
besoin d'autonomie pour exercer leur jugement, et on invite le ministre à faire
preuve d'écoute en ouvrant un véritable dialogue avec nous. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Alors, on commence la période d'échange. M. le ministre, la parole
est à vous.
• (12 h 30) •
M. Drainville : Bonjour.
Merci pour votre présentation et votre participation à cette commission. Vous
demandez le retrait du projet de loi, vous avez conclu de cette manière. Il y a
quand même des éléments importants dans le projet de loi, là, par exemple, le
projet de loi prévoit que le visage couvert est interdit en tout temps dans
toutes les écoles du Québec. Est-ce que vous êtes d'accord avec...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Hubert (Mélanie) : ...comme
je l'ai indiqué dans ma présentation, la FAE est au clair avec l'idée du visage
découvert. Il n'y a pas d'enjeu pour nous avec ça. Le problème en ce moment, c'est
les encadrements tels qu'ils sont prévus. À la loi 21, il est prévu deux
situations précises : question d'identification et de sécurité. En
dédoublant les encadrements comme on le fait actuellement, on crée de la
confusion. Quelle loi devra s'appliquer, sur quel encadrement on va se baser?
Et ça, ça va amener des difficultés d'application dans le réseau, et c'est de
ça dont on n'a pas besoin en ce moment, et c'est pour ça qu'on dit : En ce
moment, il existe des encadrements, travaillons à les mettre en application.
M. Drainville : Mme Hubert,
la loi 21 ne prévoit pas l'interdiction du visage couvert pour les élèves.
Elle ne prévoit pas l'interdiction du visage couvert pour les élèves. La loi 94
le prévoit. Alors, dans le cas 21, ce qu'on dit, c'est : Tu peux
porter le visage couvert, à moins qu'on te demande de découvrir pour des
raisons de sécurité ou d'identité. Bien, nous, nous faisons lever ces deux
conditions et nous légiférons pour que ce soit visage à découvert en tout
temps. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, visage à découvert en tout temps?
Mme Hubert (Mélanie) : On n'est
pas en désaccord avec le principe. Le problème, c'est que la Loi sur la laïcité
de l'État dit autre chose, et on va se retrouver à avoir de la difficulté à
appliquer un concept qui n'est pas écrit de la même manière dans deux lois
différentes. C'est ça, le problème, M. Drainville.
M. Drainville : Mme Hubert...
Mme Hubert, la loi 94, qui est devant nous, prévoit le visage à découvert
en tout temps. C'est très, très clair ça. Alors, je ne comprends pas pourquoi
vous voulez absolument créer un, comment dire, un malentendu? Utilisons un mot
poli.
Mme Hubert (Mélanie) : Il n'y
a aucun malentendu, la loi 94 ne modifie pas les articles de la loi 21
conséquents. Donc, il y aura deux applications de deux règlements parallèles.
M. Drainville : Mme Hubert,
la LIP sera modifiée en vertu du projet de loi. La Loi sur l'instruction
publique sera modifiée et elle prévoit, cette loi si elle est adoptée, le
visage à découvert en tout temps pour les élèves. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça oui ou non? Ça fait trois fois que je vous pose la question. C'est
facile, là.
Mme Hubert (Mélanie) : Bien,
la réponse est aussi facile, la FAE n'a pas d'objection au visage découvert.
M. Drainville : Pourquoi vous
ne dites pas : On est en faveur?
Mme Hubert (Mélanie) : On est
en faveur, M. Drainville.
M. Drainville : Bon, merci.
Mme Hubert (Mélanie) : Le
problème, c'est la loi 21 qui dit autre chose.
M. Drainville : O.K.
Mme Hubert (Mélanie) : On
aura de la difficulté à appliquer dans les milieux. C'est ça qu'on dit.
M. Drainville : Bon. Bon.
Maintenant, le rapport sur les 17 écoles souligne le fait que quelqu'un
qui déclare avoir une religion a davantage de congés payés parce qu'il déclare
avoir une religion alors que quelqu'un qui n'a pas de religion a moins de
congés payés. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on encadre les
accommodements de telle manière à ce que quelqu'un qui déclare une religion n'ait
pas davantage de congés payés que quelqu'un qui n'en déclare pas de religion? Est-ce
que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Hubert (Mélanie) : On est
d'accord avec les lignes directrices qui existent déjà au gouvernement, les
lignes directrices qui étaient émises, et on parle des encadrements existants,
et ça en est un exemple, bien, en matière d'accommodements pour les congés, le
critère d'équité entre les corps d'emploi et entre les employés était très
clair. La notion de contrainte excessive, la notion qu'il n'y a pas de locaux
disponibles, la notion du manque de personnel, tout ça était déjà dans les
lignes directrices, alors nous sommes en accord avec les principes. On n'a pas
contesté les lignes directrices. On était en accord avec les lignes
directrices. Mais encore une fois, on dédouble les encadrements qui existent
déjà, et c'est déjà difficile d'appliquer ce qui existe. Nous, ce qu'on pense
en ce moment, c'est qu'on devrait mettre un plan d'action pour appliquer tout
ça qui est déjà prévu dans un encadrement ou un autre en ce moment.
M. Drainville : Oui. Donc,
vous êtes d'accord avec le visage découvert, vous êtes d'accord avec le fait
que les congés religieux doivent être mieux encadrés, mais vous demandez quand
même le retrait du projet de loi. Il y a des choses quand même importantes dans
le projet de loi avec laquelle vous souscrivez, là, même s'il faut un peu
insister pour obtenir cette... cette adhésion.
Mme Hubert (Mélanie) : On est
d'accord.
M. Drainville : Ça, je trouve
ça... je trouve ça... Honnêtement, il me semble que la FAE avait l'occasion de
venir devant cette commission puis dire : Là-dessus, là-dessus, là- dessus
et là-dessus, là, on est d'accord avec le projet de loi. Il me semble qu'il y
aurait... il y avait cette ouverture-là, cette possibilité.
Laissez-moi maintenant vous poser une
autre question, parce qu'il y a beaucoup de gens qui se la posent. Est-ce que
la FAE va finalement renoncer à contester la Loi sur la laïcité de l'État
devant les tribunaux?
Mme Hubert (Mélanie) : M.
Drainville, on a rendu des comptes à nos membres. Nous avons entrepris des
démarches, et l'utilisation de la clause dérogatoire...
Mme Hubert (Mélanie) : ...pour
s'attaquer tous azimuts aux droits des gens, pour nous, on verra, en Cour
suprême, ce qu'ils auront à dire, puis il n'y aura... il n'y aura pas d'autre
réponse à ce sujet là, par déférence pour le tribunal, qui va nous entendre.
M. Drainville : Donc, vous
maintenez votre contestation de la loi n° 21?
Mme Hubert (Mélanie) : Oui,
tout à fait.
M. Drainville : Est-ce que
vous avez un mandat de vos membres là-dessus?
Mme Hubert (Mélanie) : Je
pense qu'on est en commission parlementaire pour discuter du projet de loi
n° 94. Puis j'aimerais ça qu'on reste sur le sujet M. Drainville.
M. Drainville : Bien, le
projet de loi n° 94 a pour objet principal la laïcité de l'État. Vous
contestez la laïcité de l'État.
Mme Hubert (Mélanie) : C'est
faux, c'est faux.
M. Drainville : Je vous pose
la question : Avec quel mandat... avec quel... quel mandat avez-vous
obtenu de vos membres pour contester la laïcité de l'État devant les tribunaux?
Mme Hubert (Mélanie) : Il est
faux de dire que la FAE s'oppose à la laïcité de l'État et de ses institutions.
Nous contestons devant les tribunaux la discrimination à l'embauche, la
discrimination en emploi, et nous avons contesté l'opération de dénombrement
qui avait lieu sur le dos des profs qui portaient des signes religieux à
l'automne qui a précédé l'adoption du projet de loi. Nous ne nous sommes jamais
opposés à l'ensemble du projet de loi n° 21, et encore moins à la laïcité
de l'État, que nous soutenons.
M. Drainville : Quand vous
parlez de discrimination, vous parlez de quoi, là? Les signes religieux?
Mme Hubert (Mélanie) : On
parle de la discrimination à l'embauche et on parle de la discrimination à
l'emploi pour les personnes qui portent des signes religieux.
M. Drainville : Vous
parlez... vous parlez, donc, de l'interdiction de porter des signes religieux?
Mme Hubert (Mélanie) : Absolument.
C'est ce critère-là qui a été contesté en cour, pas l'ensemble de la loi.
M. Drainville : O.K. Moi, les
dernières documents... les derniers documents que j'ai de la FAE, là,
concernant la laïcité, là, et concernant la consultation des membres de la
FAE... c'est un document, ici, conseil fédératif, daté du 13, 14 et
15 mars 2013, et c'est écrit qu'il y a eu une large consultation au
printemps 2011, auprès de vos membres. Près de 2 000 enseignants et enseignantes
ont participé à cette large consultation. Et le résultat de la consultation,
c'est que le congrès se prononce pour l'interdiction, aux représentants et
représentantes de l'État, de porter des vêtements ou accessoires affichant une
appartenance religieuse. 77,75 % des membres sont contre les
démonstrations d'appartenance religieuse.
Donc, vos membres, la dernière fois que
vous les avez consultés, ils étaient favorables à l'interdiction de porter des
signes religieux, et là vous nous dites que vous contestez, au nom de vos
membres, l'interdiction de porter des signes religieux. De là ma
question : À partir de quel mandat vous pouvez contester la position qui
est contraire à celle que vos membres vous ont donnée la dernière fois que vous
les avez consultés?
Mme Hubert (Mélanie) : Nous
avons consulté des membres, nous avons eu un mandat d'un congrès. Et la joie du
syndicalisme, c'est les débats qui suivent dans nos instances, et, à force de
débattre entre nous, les pensées évoluent. Et quand les gens ont saisi que ça
pouvait vouloir dire le congédiement et la fin d'emploi de personnes, les
débats ont mené à une décision, certes, serrée, parce que c'est un sujet qui
divise, chez nous comme ailleurs dans la société. Mais les membres, en congrès,
ont dit : Nous défendrons les droits acquis des gens qui portent les
signes religieux, et c'est ce que nous faisons depuis 2013. Et on a eu des
échanges répétés avec nos instances depuis ce temps, jusqu'en janvier, cette
année, puis on a...
M. Drainville : O.K., mais
vous reconnaissez, Mme Hubert... la position que vous avez prise contredit la
position que les membres vous ont donnée dans la consultation.
Mme Hubert (Mélanie) : Nous
nous sommes gouvernés avec la position de notre congrès, qui n'a pas été remise
en question depuis le congrès de 2013, qui a eu lieu peu après la consultation,
pour les raisons que je vous dis. On débat, on s'interinfluence et on ne reste
pas campés sur des positions. On se donne une chance de réfléchir ensemble.
C'est ça qu'on a fait en congrès.
M. Drainville : D'accord,
mais vous reconnaîtrez avec moi que la position du congrès n'est pas celle des
membres que vous avez consultés. Elle est la... elle est le contraire de la
position qui vous a été donnée lors de la consultation. Je trouve ça étonnant.
Mme Hubert (Mélanie) : Le
congrès...
M. Drainville : Puis non
seulement vous avez changé de position par rapport à ce que les membres vous
ont dit, mais vous prenez les cotisations de vos membres et vous allez contester
la laïcité de l'État devant les tribunaux.
La Présidente (Mme Poulet) : Monsieur
le... M. le ministre, s'il vous plaît, on s'en tient à la... au sujet, alors...
Mme Hubert (Mélanie) : Merci,
Mme la Présidente.
M. Drainville : Bien, on s'en
tient au sujet. Je m'excuse, là, la...
La Présidente (Mme Poulet) : Et
je vais vous demander maintenant de passer par la présidence pour vos...
M. Drainville : Oui. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Poulet) : Ça
allait bien, mais là on va passer... vous allez vous adresser à la présidence,
et, par la suite, je vais vous céder la parole.
M. Drainville : Je fais ça.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Alors...
M. Drainville : Alors, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
M. le ministre.
• (12 h 40) •
M. Drainville : Merci.
Maintenant, sur la question... Alors donc, là-dessus, je pense avoir été clair,
et vous ne renoncerez pas, donc, à la contestation. Vous demandez le retrait du
projet de loi, on a compris ça. Maintenant, quand vous parlez de... quand vous
imputez l'échec de Bedford à la mauvaise...
M. Drainville : ...des
gestionnaires. Moi, je veux quand même vous rappeler, là...
La Présidente (Mme Poulet) : M.
le ministre, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît, et, après
ça...
M. Drainville : Bien oui, Mme
la Présidente, je veux quand même vous rappeler... la page 51 du rapport
sur Bedford, le paragraphe 198, je cite : «Notons également que les
témoignages rapportent un parti pris en faveur du délégué syndical par les
intervenants au syndicat. Cette impression s'appuie aussi en partie par l'appui
manifesté par Mme Bovet-St-Pierre, la présidente de l'alliance, dans les
reportages radiophoniques. De nombreuses lettres signées par de nombreux
enseignants ont été transmises à l'alliance afin que des interventions soient
effectuées auprès du délégué syndical. Ces lettres n'ont pas engendré des faits
tangibles. Au contraire, selon les témoignages, un intervenant de l'alliance
aurait plutôt conseillé à au moins un enseignant plaignant de changer d'école.
L'absence d'intervention aurait été justifiée par le fait que l'alliance
n'intervient pas pour les situations entre ses membres. Elle a demandé aux
enseignants plaignant de plutôt s'arranger avec le délégué syndical à qui
l'alliance transmettait toutes les informations. Ces informations... ces
interventions, dis-je, ont alimenté les problématiques de climat.»
Je vous rappelle que le délégué syndical
faisait partie du clan dominant. Donc, les gens se plaignaient, vos membres se
plaignaient à l'alliance et l'alliance les retournait au délégué syndical qui
faisait partie du clan dominant, et donc il faisait partie du problème. Est-ce
qu'avec le recul, vous reconnaissez que les agissements de l'alliance...
La Présidente (Mme Poulet) : M.
le ministre, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît...
M. Drainville : Est-ce que...
Est-ce que... Mme la Présidente, je m'adresse à vous, je pose la question.
Est-ce que vous reconnaissez...
M. Zanetti : Non, non,
excusez, mais, tu sais, c'est parce que vous êtes en train de ne pas s'adresser
à elle. Est-ce que, Mme la Présidente... est-ce qu'ils peuvent dire que...
M. Drainville : Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse, je m'excuse. Alors, silence, s'il vous plaît, dans la salle. J'ai demandé
à ce que les interpellations se fassent directement par la... via la
présidence. Et ce que je demande...
M. Drainville : Mme la
Présidente, est-ce que Mme Hubert...
La Présidente (Mme Poulet) : M. de Jean-Lesage,
désolé, vous n'avez pas le droit de parole. M. le ministre.
M. Drainville : Mme la
Présidente, est-ce que Mme Hubert reconnaît que l'attitude et les
comportements de l'alliance, qui est un syndicat membre de la FAE, ont
contribué au problème de Bedford?
La Présidente (Mme Poulet) : Mme Hubert.
Mme Hubert (Mélanie) : Mme la
Présidente, d'abord, je ne suis pas l'alliance des profs et la FAE n'a pas
d'interaction avec les centres de services scolaires. Ceci étant dit,
l'alliance des profs n'a pas eu l'occasion de témoigner dans le cadre de
l'enquête de Bedford pour expliquer ses faits et gestes. Donc, il y a un moment
où on veut... je veux bien qu'on accuse les gens, mais d'abord, le syndicat n'a
pas eu l'occasion de s'expliquer, d'une part.
D'autre part, les gestes étaient
condamnables. Si l'alliance avait été au courant de l'ensemble de l'oeuvre...
et, à plusieurs reprises, l'alliance a demandé au Centre de services de
Montréal de lui communiquer des informations, ce qui est très difficile en ce
moment dans les relations entre le centre de services et le syndicat. Et M. le
ministre est au courant, Mme la Présidente, puisqu'on l'a rencontré cet
automne, et la présidente elle-même a demandé au ministre d'intervenir pour lui
permettre d'avoir de l'accès à de l'information, ce qui nous a été refusé
jusqu'à maintenant. On a est intervenu auprès du cabinet, on est intervenu
auprès de la sous-ministre et, à tout moment, on a appris les événements par
les médias au moment où c'était rendu public.
Alors, on veut bien collaborer, on veut
bien pouvoir participer à la recherche de solutions, mais, pour ça, il faut
nous considérer comme un interlocuteur valable dans le débat, et ce n'est pas
ce qui s'est passé en ce moment. Et rappelons quand même les conclusions à
Bedford, il y a des gestionnaires qui, pendant des années, ont laissé pourrir
un problème, et ce n'est pas le rôle du syndicat de mettre au pas les profs ou
les autres employés, c'est le rôle...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, c'est tout le temps que nous avons pour la banquette gouvernementale.
Alors, on poursuit les discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour...
La Présidente (Mme Poulet) : Et
je vais vous demander aussi de passer via la présidence, s'il vous plaît.
Merci.
Mme Cadet : O.K., d'accord.
Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue, Mme la Présidente, Mme Hubert,
Mme Tardif, Mme Lamarche et M. Cloutier. Donc, Mme la
Présidente, vous nous avez entendus poser cette question plusieurs fois, donc,
aux autres groupes. Je pense qu'ils m'ont entendu précédemment. Donc, d'entrée
de jeu, donc, j'aimerais savoir, donc, si le groupe considère que le projet de
loi qui a été déposé, les dispositions du projet loi n° 94,
telles que nous les connaissons aujourd'hui, nous permettraient d'empêcher un
autre Bedford de se produire.
La Présidente (Mme Poulet) : Mme Hubert.
Mme Hubert (Mélanie) : De
notre point de vue, non, parce que les encadrements existent déjà. Notre
mémoire fait état de tout ce qui existe déjà au niveau des centres de services,
au niveau du ministère, au niveau des directions. Le problème, c'est
l'application des encadrements existants. Et pour nous, c'est pour ça qu'on
dit : Laissons tomber le projet de loi et attaquons-nous de manière
urgente à comprendre pourquoi on a de la difficulté à appliquer...
Mme Hubert (Mélanie) : ...ces
mesures-là et appliquons-les, parce qu'on n'en veut pas, d'autre Bedford. Ça,
on est tous d'accord, là-dessus.
Mme Cadet : Merci. Hier, on a
entendu, Mme la Présidente, donc, des groupes nous dire donc qu'effectivement,
donc, il y avait un certain enjeu d'application. C'est ce que la FAE, donc,
vient de réitérer, il mentionne également dans son mémoire.
Hier, on nous parlait de l'utilisation de
la LIP comme un instrument de travail, là, plutôt qu'une loi-cadre. J'aimerais
savoir si c'est un peu leur interprétation. Et aussi, en fait, quels mécanismes
de la loi, donc, seraient les plus appropriés, donc, à mettre en œuvre,
considérant le fait que, selon le groupe, les dispositions, les encadrements
légaux déjà en vigueur, donc, nous permettraient de répondre à la situation,
là?
La Présidente (Mme Poulet) : Mme
Hubert.
Mme Hubert (Mélanie) : On
n'est pas sûrs d'avoir compris la question. Si vous voulez, vous pouvez
reformuler?
Mme Cadet : Oui. Bien sûr. En
fait... Bien, en fait, quels mécanismes, là, de... quels mécanismes existent
déjà dans la loi, si on veut, là, qui nous permettraient de régler la
situation?
Mme Hubert (Mélanie) : Bien,
dans notre mémoire, il y a plusieurs éléments, là, qu'on peut vous nommer. Par
exemple, si des enseignants et enseignantes manifestent des difficultés dans la
classe, que ce soit au niveau de l'accès aux services, les planifications
inadéquates, tout ça, le rôle de la direction, c'est déjà d'encadrer les
enseignantes et enseignants. Et j'ai été présidente d'un syndicat local
longtemps, puis j'ai été là 12 ans, dans le syndicat. Quand les membres appelaient
pour dire : Est-ce que la direction a le droit de me demander ma planif?
La réponse était : Je suis désolée, mais oui, et, si la direction voit des
lacunes, elle est en droit de te demander, elle est en droit d'aller visiter
dans ta classe. Et ce n'est pas acceptable que ça existe.
Les processus disciplinaires existent
aussi. Donc, quand les gens ne se conforment pas aux attentes, qu'on les a
rencontrés, qu'on leur a expliqué ce qui ne fonctionne pas, il y a un processus
disciplinaire. Et il y a un principe, d'habitude, de gradation des mesures qui
peuvent aller jusqu'au congédiement. Si c'est grave, on peut même sauter
l'étape de gradation et aller directement à des mesures qui sont plus musclées.
Et il y a aussi l'article 26 qui a été renforcé récemment, où on peut
dénoncer tout acte dérogatoire à la profession, on peut suspendre les permis,
les révoquer, et ainsi de suite.
Donc, pour nous, ces mécanismes-là,
comment ça se fait que, pendant huit ans, dans une école, on n'a pas activé ces
mécanismes-là? C'est ça, la question qu'il faut se poser, et c'est à ça qu'il
faut s'attaquer. On pourra écrire les meilleurs projets de loi, si ça dort sur
des tablettes, et qu'on n'arrive pas à les mettre en application, le milieu
scolaire ne sera pas soutenu adéquatement.
Mme Cadet : Merci. Ça répond
exactement à la question que j'ai posée.
Le groupe précédent nous parlait de faire
en sorte que les membres du personnel scolaire puissent déposer une plainte au
Protecteur national de l'élève. Est-ce que vous vous êtes penché sur cette
recommandation-là?
Mme Hubert (Mélanie) : Honnêtement,
on ne s'est pas penché sur la question. Nous, ce qui nous préoccupe dans ça,
comme dans nos codes d'éthique, comme dans d'autres dispositions, c'est cette
idée de délation de collègues. Ça nous inquiète sur le climat que ça pourrait
créer dans les écoles. On a une grande préoccupation à ce niveau-là. Ceci étant
dit, je le répète, l'article 26 de la LIP permet déjà de signaler des
enseignantes ou des enseignants qui commettent des actes dérogatoires. Et,
encore une fois, je nous mettrais en garde par rapport au dédoublement de
structures. S'il existe une voix pour dénoncer cette situation-là, peut-être
qu'en créer d'autres amènerait une confusion et plusieurs portes ouvertes pour
résoudre les mêmes problèmes. Et, ça, ça peut être compliqué. On le vit
actuellement. Le Protecteur national mène des enquêtes par les protecteurs
régionaux, mais il y a des processus avec les policiers, parfois, ou la
protection de la jeunesse, en parallèle de mesures disciplinaires. Tout ça
devient extrêmement complexe à gérer.
Mme Cadet : Merci.
Planification. Donc, on a parlé, donc, de lourdeur. Puis aussi une autre... en
fait, une autre question que je me posais. Je me dis, bon, c'est une chose,
donc, il y a... il y a cet aspect-là au niveau de la lourdeur administrative
que ça amène, mais aussi je me dis la personne qui, sciemment, souhaiterait ne
pas respecter le programme éducatif auquel il est assujetti, est-ce que, selon
vous, il va véritablement mettre dans sa planification annuelle ces
éléments-là? Est-ce que vous pensez que c'est très utile, là, cet élément-là
qui se retrouve dans le projet de loi?
• (12 h 50) •
Mme Tardif (Annie-Christine) : Bien,
effectivement, si je compte ne pas enseigner une notion, que ce soit en
sciences ou éducation à la sexualité, qui semblent être ce qui était le plus
problématique, je n'inscrirai pas dans ma planification que je ne l'enseignerai
pas. Alors, une planification, ça demeure un document. La direction peut mettre
beaucoup de temps à vérifier si le document correspond aux encadrements
existants, mais ça ne demeure que des documents. Pour nous, la direction, elle
doit être sur le terrain, elle doit être présente, elle doit être à l'écoute,
elle doit être à l'affût et voir s'il y a des situations problématiques. Et
c'est là qu'elle doit mettre son temps pour accompagner et régler les
situations problématiques. Ce n'est pas en vérifiant si un...
Mme Tardif (Annie-Christine) : ...papier
correspond au programme.
Mme Cadet : Merci. Je vais
laisser mon collègue de l'Acadie compléter notre temps.
La Présidente (Mme Poulet) : Oui.
M. le député de l'Acadie, la parole est à vous.
M. Morin : Merci, Mme la Présidente.
Alors, merci beaucoup pour votre présence en commission et votre mémoire. Vous
avez souligné, vous, en répondant à une question, que la situation, elle est
comme Bedford, elle avait duré pendant des années, il ne s'est rien passé. Le
groupe qui vous a... qui vous a précédé, la FSE, parlait de mieux protéger des
lanceurs d'alerte. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Est-ce
que vous pensez que c'est un élément qui pourrait permettre à des gens de
divulguer ce qui se passe pour permettre, évidemment, une intervention plus
rapide?
Mme Hubert (Mélanie) : Bien,
il faut d'abord se rappeler, sous un autre régime, avec le ministre de
l'Éducation Roberge de l'époque, le ministre Roberge, à l'époque, nous disait
qu'il fallait les protéger et peut-être même enchâsser ça dans les conventions
collectives, et on a poussé dans ce sens-là. Et on a vu apparaître l'effet
inverse en ce moment. Bien, on est plutôt dans l'idée de recadrer les profs
dans leur devoir de loyauté. On vient de signer ou... en tout cas, ils viennent
de s'adopter dans les centres de services, des codes d'éthique qui vont plutôt
dans le sens de faire taire les gens et de porter atteinte à leur liberté
d'expression. Mais on voit... on a vu un changement au fil des dernières années,
parce que ce n'était pas ce que le prédécesseur du ministre actuel disait quand
il parlait des lanceurs d'alerte. Mais nous, on serait favorables à la
libération de la parole parce que, malheureusement, les centres de services, et
je le répète, ont de la difficulté à appliquer les encadrements et à régler les
situations problématiques.
M. Morin : Et, d'après vous,
quelle serait la meilleure façon de protéger ces lanceurs d'alerte?
Mme Hubert (Mélanie) : Bien,
d'abord, peut-être en retirant les codes d'éthique et autres encadrements qui
font en sorte qu'on limite leur droit de parole et, ensuite, enchâsser ça dans
les conventions collectives serait une bonne façon d'encadrer ce qui est permis
et pas permis notamment, par la négociation. C'est ça la clé, la négociation.
M. Morin : Oui, je vous
entends bien. Je vous remercie. Dans votre mémoire, vous soulignez également,
je suis à la page 19, qu'il semble y avoir des enjeux, des contradictions
ou, en fait, des éléments qui ne sont pas clairs entre la possibilité, par
exemple, d'enseigner une langue autre que le français et le projet de loi n°
94, évidemment, dans des écoles où on enseigne d'autres langues...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Je m'excuse de vous interrompre.
M. Morin : ...Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
le temps... votre temps est écoulé. On va poursuivre les discussions avec le
député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. D'abord, je voudrais saluer nos invités puis souligner et féliciter
leur sang-froid vis-à-vis, je trouve, une attitude du ministre qui est peu
accueillante. C'est poli.
J'aimerais savoir. Quand on lit le rapport
Bedford, on réalise qu'il y a eu un grand roulement parmi les directions, qu'il
y a un grand roulement même parmi le personnel qui n'était pas issu du clan
majoritaire. Très clairement, ça a eu une influence importante sur l'absence de
suivi de tout ça, sur l'absence d'évaluation, sur... à chaque fois, il fallait
que quelqu'un reprenne le dossier du départ, les informations ne se
transmettaient pas. Qu'est-ce que... Ça, cette situation-là, le projet de loi
risque de l'empirer parce qu'on va augmenter les contraintes puis ne pas
augmenter les ressources qui permettraient aux administrations de faire des
suivis puis empêcher les situations comme à Bedford. Qu'est-ce que vous pensez
qui pourrait être fait pour soulager vraiment les écoles et être capable de
leur donner les moyens d'évaluer de façon plus serrée l'enseignement qui s'y
donne?
Mme Hubert (Mélanie) : Pour
nous, c'est le rôle des directions, d'abord. Donc, ça serait de regarder avec
les directions ce qui leur nuit, de quoi elles ont besoin en ce moment pour
mener à terme le travail. Nous faisons l'hypothèse qu'il y a des enjeux parfois
de connaissance parce qu'il y a beaucoup de jeunes directions, il y a de la
désertion, des problèmes de recrutement pour eux aussi. Donc, d'abord de faire
en sorte de s'assurer que tout le monde connaît les encadrements qui peuvent...
les leviers dont ils disposent, parce qu'il y en a beaucoup dans les différents
lois et règlements qui sont... qui sont à notre disposition, puis peut-être des
ressources, parce que, quand les directions changent, s'il n'y a personne de désigné
dans les centres de services pour pouvoir s'assurer de l'accompagnement de la
nouvelle direction, s'assurer que les informations, qu'est-ce qu'on met en
place dans les transitions... On fait l'hypothèse que ça prend du temps et ça
prend des ressources, donc. Mais, pour nous, quand on dit de mettre en place un
plan d'action ministériel, c'est un peu l'esprit de dire : Penchons-nous
sur comment on peut faire ces choses-là et appliquons-les, n'ajoutons pas de
nouveaux encadrements. C'est... La clé serait là, d'après nous. Des ressources,
ça serait probablement une bonne façon de faire.
M. Zanetti : Il ne doit pas
me reste bien, bien de temps.
La Présidente (Mme Poulet) : 20
secondes...
M. Zanetti : ...bon, bien, je
vous remercie.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on poursuit la discussion avec le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je suis vraiment opposé à votre position sur le projet de loi. Je
suis même mets mal à l'aise que vous soyez en poursuite face au gouvernement du
Québec. J'ai voté pour la loi n° 21. Ceci étant dit, vous avez des
instances et nous avons des instances. Il ne m'appartient pas de questionner
votre prise de décision, ainsi je le ne le ferais pas.
Vous avez parlé tout à l'heure des
directions. Je présume qu'on parle des directions d'école, voire même des
directions de centres de services scolaires. Pouvez-vous préciser en quoi leur
rôle pourrait être précisé ou en quoi ils pourraient faire appliquer les règles?
Parce que le ministre a quand même des pouvoirs importants. Dans le cas du
centre de services scolaire de Montréal, la direction relève du ministre. Le
ministre peut même les nommer maintenant. Et je retiens que, dans le cas qui
nous occupe, Bedford, qui fait en sorte qu'on est ici, le ministre a maintenu
sa confiance à l'égard de la direction générale du centre de services scolaires
de Montréal. Alors, pouvez-vous préciser ce que vous entendez quant aux
responsabilités des centres de services scolaires et voire même des directions
générales qui sont à partir de maintenant nommés par le ministre?
Mme Hubert (Mélanie) : C'est
une des choses qu'on dénonçait dans un projet de loi précédent d'ailleurs,
cette concentration-là des pouvoirs vers le ministre, mais pour nous, c'est à
tous les niveaux quand on parle de la direction. Quand la direction d'école est
prise avec une difficulté puis qu'elle n'arrive pas à régler, elle se tourne
vers le centre de services scolaire, vers les ressources humaines, vers les
ressources éducatives. Elle a besoin d'avoir l'appui des gestionnaires au
niveau du centre de services scolaire, qu'on puisse déployer des ressources
humaines, financières, peu importe. Et malheureusement, souvent, les ressources
ne sont pas disponibles. Puis on connaît le contexte actuel, budgétaire
notamment, si on veut monter des formations où on a besoin de plus de monde, ça
se peut qu'on nous dise : on n'a pas les ressources. Donc, pour nous, ça
prend une volonté politique à tous les paliers du gouvernement pour que la
direction, dans son école qui est mal prise, quand elle se tourne vers le
centre de services, il y ait des gestionnaires qui sont en mesure de mettre des
choses en place et il y a un directeur général qui soit en mesure d'appuyer
tout ça, quitte à se battre avec le ministre après pour faire valoir les
besoins.
M. Bérubé : Qu'il le nomme.
Est-il possible que, dans certains cas, ça soit moins de trouble pour une
direction de regarder à côté que d'affronter le problème?
Mme Hubert (Mélanie) : Malheureusement,
on fait l'hypothèse que oui, faute de temps, faute de ressources, faute de
connaissance. C'est possible. Et c'est pour ça que nous on dit :
attaquons-nous à l'application des choses, ne créons pas des nouveaux
encadrements. On a de la difficulté à faire appliquer tout ce qui existe déjà.
M. Bérubé : …question, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci beaucoup. Alors, je vous remercie pour votre participation aux travaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme Poulet) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et
auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à
renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses
dispositions législatives.
Alors, cet après-midi, nous entendrons les
personnes et les organismes suivants : Association québécoise des cadres
scolaires, Association québécoise du personnel de direction d'école, Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse et maître Louis-Philippe
Lampron.
Alors, je vous souhaite donc la bienvenue
à vous quatre. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, et, par la suite, on procédera à une période d'échange. Alors, la
parole est à vous.
M. Parent (Jean-François) : Très
bien. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés,
bonjour. Mon nom est Jean-François...
M. Parent (Jean-François) : ...Jean-François
Parent, je suis P.D.G. de l'Association québécoise des cadres scolaires. Je
suis accompagné de Mme Mélanie Boissel, directrice adjointe du Service des
ressources humaines au centre de services scolaire de la Capitale, Mme Karine
Labelle, directrice adjointe au service des ressources éducatives au CSS de
Marie-Victorin, et Me Josianne Landry, directrice adjointe et secrétaire
générale adjointe au service du Secrétariat général et des communications au
CSS des Mille-Îles. Précisons que l'Association québécoise des cadres scolaires
représente plus de 3 400 au sein des 72 centres de services scolaires
et commissions scolaires du Québec.
En introduction, l'AQCS salue les
intentions du projet de loi n° 94, soit de renforcer la laïcité dans le réseau
d'éducation tout en assurant des milieux sains et sécuritaires aux élèves. Nous
sommes également favorables à l'établissement d'un système scolaire public
fondé sur des valeurs démocratiques et québécoises.
Pour des fins d'application des différents
articles du projet de loi, il serait opportun de clarifier la source des
valeurs sur lesquelles repose ce projet de loi. Nous souhaiterions savoir s'il
fait référence aux sept valeurs nommées dans la Déclaration sur les valeurs
démocratiques et les valeurs québécoises exprimées par la Charte, ou encore aux
valeurs regroupées sous cinq clés dans le Guide pratique produit par le
ministère de l'Immigration, de la francisation et de l'intégration, ou encore
s'il fait référence aux situations énumérées au nouvel article 18.1 s'adressant
à l'élève qui nous semble moins être dans le sens de valeur ici. Des précisions
seraient donc à propos pour les nombreuses personnes qui auront à appliquer,
dis-je, bien, ce projet de loi et à faire vivre les valeurs démocratiques et
québécoises aux élèves dans les établissements.
Nous recommandons également de clarifier
le libellé de l'article 258.0.3 pour éviter toute variante dans les
interprétations juridiques des directions d'établissement au regard de
considérations religieuses et des valeurs démocratiques et québécoises.
L'AQCS est en faveur des articles qui
rendent obligatoire le visage découvert pour les élèves et toute personne se
trouvant dans les locaux des établissements scolaires. Ces dispositions
préviendront des enjeux de sécurité et d'identification qui pourraient se poser
dans les milieux. Il serait pertinent de prévoir, dans la loi... excusez-moi,
dans la Loi sur la laïcité, que la Loi sur l'instruction publique, dis-je bien,
que le parent est considéré comme un usager au sens de la Loi sur la laïcité qui
se présente à l'école pour le parent qui est interrogé en visioconférence, ce
parent devrait donc le faire à visage découvert. Par ailleurs, nous remarquons
qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect du visage découvert. La
seule possibilité de réprimande serait liée au code de vie d'un établissement.
Dans ce contexte, nous suggérons d'approfondir certaines pistes.
Nos remarques sont également analogues en
ce qui a trait à l'enseignement à la maison, afin que l'enfant et le parent
respectent l'obligation du visage découvert s'ils reçoivent des services d'un
CSS aussi se trouvent dans les locaux d'un CSS.
En complément, notre association constate
que lors de l'élaboration des contrats de location d'espaces, les CSS devront
ajouter une clause spécifiant que toute personne se trouvant dans ces lieux
devant avoir le visage à découvert. Considérant que les ententes régissant le
partage des infrastructures scolaires ne sont pas toujours établies par contrat
de location, notamment en cas de prêt gratuit, l'AQCS souhaiterait que soit
précisé si les municipalités sont concernées par cet article.
Au sujet de l'interdiction du port de
signes religieux par le personnel des CSS, l'AQCS estime qu'il sera complexe de
gérer les situations de droits acquis du personnel. La date de présentation du
projet de loi n° 94 et la date de référence prévue dans la Loi sur la laïcité
de l'État entraîneront de multiples régimes d'application par les directions et
les services des ressources humaines, des CSS. Dans un souci de simplification,
nous suggérons que la notion de droits acquis soit conservée par l'ensemble du
personnel en fonction de la date de présentation du projet de loi, nonobstant
les changements professionnels qui pourraient survenir pour ces employés. Enfin,
nous recommandons qu'il soit précisé, à l'article 258.0.4, si les bénévoles
sont visés par les alinéas 3° et 4° de ce nouvel article.
• (15 h 10) •
Considérant l'intention manifestée dans le
projet de loi de resserrer la gestion des accommodements pour motifs religieux
en milieu scolaire, le nouvel article 706 est nécessaire, selon nous.
Toutefois, nous sommes d'avis que le principal enjeu identifié concerne des
situations qui ne relèvent pas d'accommodements religieux autorisés. En effet,
les élèves qui s'absentent pour des fêtes religieuses ne demandent pas la
permission. Ce sont leurs parents qui motivent l'absence. Un accommodement
pourrait prendre la forme d'une reprise à un examen à la suite d'une absence
motivée. Nous croyons qu'un tel accommodement est applicable lors de toute
absence à l'école d'un élève.
Langue française, l'AQCS est favorable aux
dispositions sur la langue française prévue au projet de loi. Nous suggérons
même de ne faire planer aucun doute, toute personne effectuant une prestation
de service pour un CSS en présence ou non d'élèves est dans l'obligation de
communiquer en français.
À présent, abordons la question de la
planification pédagogique et de la supervision professionnelle des enseignants.
Bien que ces nouvelles dispositions constituent un levier pour rehausser la
qualité des services éducatifs dans certains milieux...
M. Parent (Jean-François) :
...nous sommes préoccupés par les ajouts aux responsabilités déjà importantes
des directions d'établissement et des services éducatifs. Nous proposons que la
planification pédagogique soit exigée par niveau et par département ou secteur
afin d'assurer une meilleure équité de services éducatifs offerts aux élèves.
Notre association voit d'un bon oeil l'intention du ministre d'élaborer un
guide de bonnes pratiques. Nous pensons que ce guide devrait d'abord s'adresser
aux enseignants et nous vous proposons d'y être associés.
L'évocation de l'évaluation des pratiques
des enseignants pave la voie à une réflexion sur la création d'un ordre
professionnel. Selon l'AQCS, la mise en place de cet organisme dégagerait le
ministre et des CSS de lourdes responsabilités qui leur incomberait en vertu du
projet de loi. Nous remarquons que plusieurs des dernières modifications à la
Loi sur l'instruction publique s'apparentent à des pratiques relevant d'un
ordre professionnel, soient les 30 heures de formation par deux ans, la
vérification de la bonne conduite et le respect d'un code d'éthique et de
déontologie. Bien que le Protecteur national de l'élève joue un certain rôle de
protection en accueillant les plaintes et en les faisant cheminer, ce dernier
ne se prononce pas sur les pratiques ou la compétence des enseignants. Notre
association recommande donc d'évaluer la possibilité de la mise en place d'un
ordre professionnel des enseignants.
La sous-section du projet de loi qui
prévoit la mise sur pied d'un comité sur la qualité des services éducatifs dans
chaque CSS a particulièrement retenu notre attention. Nous y voyons des enjeux
d'efficience parce que des services éducatifs et des services des ressources
humaines exercent déjà un rôle-conseil et une vigie en matière de qualité des
services. Le comité d'engagement pour la réussite éducative de chaque centre de
services scolaire est mandaté pour analyser et promouvoir les pratiques
éducatives pour la réussite des élèves. L'AQCS est donc moins à l'aise avec
l'instauration d'un comité sur la qualité des services éducatifs parce qu'il
engendrerait non seulement bureaucratisation, mais également une confusion des
rôles. Nous recommandons donc de tirer la nouvelle... de retirer, dis-je bien,
la nouvelle sous-section 7.1 du projet de loi.
En ce qui a trait à la création d'un code
d'éthique et de déontologie applicable aux membres des conseils d'établissement,
nous suggérons qu'un même code soit prescrit à l'ensemble des membres des
conseils d'établissement du Québec. Il serait important d'y indiquer que les
membres des conseils d'établissement doivent exercer leurs fonctions à visage
découvert et sans signe religieux. Ce nouvel outil permettra de donner des
leviers d'intervention lors de situations particulières. En ce qui a trait à la
gestion des dénonciations, les processus prévus devraient être de nature
administrative et relever des centres de services scolaires sans nécessiter de
suivi ministériel. Cela permettra d'éviter des délais et une bureaucratie
supplémentaires.
Par ailleurs, au sujet des modifications
proposées au Règlement sur les normes d'éthique et de déontologie applicables
aux membres du conseil d'administration d'un CSS francophone, nous tenons à
préciser que le mécanisme en place avec le comité d'enquête à l'éthique formé
d'un membre externe est efficace. Nous considérons qu'ajouter une étape
ministérielle alourdirait le processus.
De manière à assurer la subsidiarité, nous
recommandons de laisser le mécanisme actuel dans le champ de compétence des CSS
et de retirer l'obligation de transmettre un avis au ministre au statut de la
recevabilité.
En conclusion, l'AQCS est globalement
favorable au projet de loi n° 94 qui guidera les intervenants du réseau de
l'éducation, notamment les gestionnaires, pour faire respecter les valeurs
démocratiques et québécoises dans les milieux scolaires. Nos recommandations
visent une application harmonisée des dispositions du projet de loi et à
simplifier les processus, particulièrement en ce qui a trait à la gestion des
ressources humaines. Notre association offre sa pleine collaboration au
gouvernement afin d'aborder plus en détail les recommandations de ce mémoire.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec le
ministre. Alors, la parole est à vous.
M. Drainville : Merci,
Mme la Présidente. Bien, merci pour votre participation et pour le travail que
vous faites de façon générale au sein de nos centres de services scolaires.
C'est très souvent un travail de l'ombre, un travail dans l'ombre. Les gens ne
savent pas ce qu'ils vous doivent. Et donc ils vous doivent beaucoup, à vous les
cadres. Et donc je veux vraiment souligner le travail que vous faites. J'ai pu,
par... Je donne un exemple pour les gens qui nous écoutent, là, quand on parle,
par exemple, d'une affectation des enseignants au 8 août, comme on l'a
fait lors de la dernière rentrée scolaire, puis ça a fait une immense
différence, là, ça a permis d'embaucher plus rapidement des milliers
d'enseignants supplémentaires. Et donc ça a permis de donner aux élèves une
rentrée scolaire, à beaucoup d'élèves, une rentrée scolaire beaucoup plus
harmonieuse, c'est parce qu'il y avait des cadres qui ont travaillé très fort
pour affecter les enseignants, pour qu'à la fin août, au moment de la rentrée
scolaire, il y ait des enseignants dans les classes et puis...
M. Drainville : ...quoi,
c'était 97 % des postes qui étaient comblés à ce moment-là. Et je sais le
travail que les cadres ont dû accomplir pour respecter cette cible du 8 août.
Alors, je parle des cadres des ressources humaines, mais on pourrait parler des
cadres des ressources matérielles, qui travaillent sur les projets d'école, et
tout ça. Donc, les gens doivent savoir à quel point vous faites un travail
essentiel, et je vous en remercie.
Pour ce qui est de votre position, quand
vous parlez... Je vous ai bien compris, vous souhaitez qu'il y ait des
sanctions lorsqu'il y a non-respect de l'obligation du visage à découvert?
Est-ce que j'ai bien compris?
M. Parent (Jean-François) : Effectivement.
En fait, il y a deux éléments, il y a le visage à découvert lorsque l'élève fréquente
l'école puis il y a le visage à découvert lorsqu'il y a l'enseignement à
domicile. Lorsque l'élève fréquente l'école, c'est sûr qu'il y a le code de
vie, mais, souvent, en ce qui a trait au visage, ce sont les parents qui sont,
je vous dirais, derrière ça, en toute honnêteté.
M. Drainville : Lorsque
l'enfant a le visage couvert, dites-vous, c'est les parents qui sont derrière
ça. Oui.
M. Parent (Jean-François) : Oui,
c'est souvent ça. Et de sorte que le...
Des voix : ...
M. Drainville : Continuez,
continuez...
M. Parent (Jean-François) : C'est
beau, je vous en prie.
M. Drainville : ...je suis
capable de faire deux choses en même temps.
M. Parent (Jean-François) : Ça
va, il n'y a pas de problème. C'est que le code de vie, dans le fond, il est
opposable à l'élève, il n'est pas opposable aux parents. Et, dans certaines
situations, il faudrait peut-être réfléchir à comment je vais aller un petit
peu loin, là, ici, mais comment l'école pourrait, disons, peut-être retenir
certaines communications, ou encore ne pas transmettre un bulletin, ou encore
limiter les communications avec les parents. Donc, cet aspect-là, pour nous, a
quand même une certaine importance, parce qu'il va falloir appliquer ça,
éventuellement, et donc ça prend, selon nous, des sanctions.
M. Drainville : Mais, dans ce
cas-ci, si je vous comprends bien, ce seraient des sanctions à l'égard des
parents, c'est ça?
M. Parent (Jean-François) : Oui.
Effectivement, une sanction pour l'élève, oui, dans certains cas, mais, dans
certains cas, dans d'autres cas, pour les parents.
M. Drainville : Donnez-moi
des exemples de sanctions qui pourraient s'appliquer aux parents.
M. Parent (Jean-François) : Bien,
on pense plus aux questions qui ont trait, par exemple, à la remise des
bulletins, par exemple, la communication avec certains parents. Donc, c'est ce
qui nous vient à l'esprit. Maintenant, si on décidait d'aller là...
M. Drainville : Vous voulez
dire qu'une sanction, ça pourrait être, par exemple, obliger un parent à venir
à l'école pour chercher, mettons, le bulletin de l'élève, et, à ce moment-là,
par le fait même, on lui imposerait une rencontre, une discussion avec la
direction de l'école, par exemple?
M. Parent (Jean-François) : Ça
pourrait être ça. On...
Mme Labelle (Karine) : Si je
peux me permettre...
M. Parent (Jean-François) : Je
vous en prie.
Mme Labelle (Karine) : Parce
que, si on appliquait le code de vie, il faut savoir que c'est l'élève qu'on
priverait probablement de services éducatifs en le suspendant de ses cours.
Alors, on juge que ce n'est pas cette sanction-là qui serait la plus à même
d'opérationnaliser l'application de cet élément-là.
M. Drainville : Mais vous
comprenez, en même temps, la difficulté d'imposer des sanctions aux parents,
c'est...
Mme Landry
(Josiane) :Oui, tout à fait. Par contre,
je pense que c'est important de se dire qu'à partir du moment où on inscrit ça
dans une loi, il faut se donner les moyens de le faire appliquer. Si on souhaite
faire appliquer quelque chose, il faut tenir compte du besoin et de la
nécessité de l'élève d'avoir des services éducatifs. Donc, comment est-ce qu'on
peut avoir une gradation des sanctions qui visent l'élève mais également le
parent qui ne respecterait pas cette situation-là? Parce qu'on ne veut pas,
ultimement, que cet élève-là soit retiré de l'école et ne reçoive pas les
services éducatifs. Au contraire, on souhaite que l'élève demeure à l'école,
puisse être inclus et ainsi bénéficier des valeurs québécoises et
démocratiques.
Donc, il faut penser à des moyens
alternatifs de faire respecter cette obligation-là en trouvant des moyens pour
que le parent et l'enfant adhèrent, ultimement, à ce qu'on souhaite, et non pas
de s'assurer d'avoir quelque chose qui est inscrit dans la loi, qu'on n'a pas
les moyens de faire respecter.
• (15 h 20) •
M. Drainville : O.K., bien,
continuons un peu là-dessus, là, parce que je... tu sais, je suis très
conscient de l'aspect délicat de cet enjeu, mais, en même temps, je suis prêt à
l'aborder publiquement, y compris devant les caméras, parce que, comme je l'ai
dit hier, je pense... j'ai rappelé assez tôt dans mon mandat de ministre le
rôle des parents comme premiers éducateurs des enfants, en disant que l'éducation
commençait à la maison et que l'éducation des enfants, c'était un travail
d'équipe entre l'école et les parents, mais les parents sont les premiers
responsables de l'éducation de leurs enfants. Et puis, hier, d'ailleurs, on
parlait de... quelqu'un a fait référence à la publicité qui est diffusée
présentement, où on voit des... un...
M. Drainville : ...un papa et
une maman qui discutent et l'enfant qui écoute ce que les parents disent de
l'enseignant, et puis le message, c'est : Ils amènent à l'école ce qu'ils
entendent à la maison, là, je paraphrase, puis c'est une publicité, moi, dont
je suis très fier. Puis les réactions qu'on a eues étaient très positives. Et
donc je suis très ouvert, moi, à discuter du rôle des parents, y compris de
ceux qui, malheureusement, auraient une influence négative sur les... sur leurs
propres enfants et qui par... peu importe la raison, par leurs gestes ou leurs
non-gestes, contribueraient peut-être à priver l'élève de son droit à
l'éducation. Bon. C'est de ça dont vous parlez. Mais explorons, quand même, là.
Par exemple, le code de vie. Bon. Si vous
avez vu le projet de loi, le projet de loi prévoit que les règles de conduite
doivent prévoir les attitudes et comportements des élèves, notamment des
comportements dénués de toute forme de violence, d'intimidation, des
comportements qui seraient, par exemple, motivés par le racisme, l'orientation
sexuelle, et tout ça, tout ça, c'est interdit. Ils vont devoir respecter
l'égalité entre les hommes et les femmes, l'utilisation des médias sociaux. Est
nommé... Le code vestimentaire est nommé, les sanctions disciplinaires sont
nommées, mais aussi les règles de conduite qui pourraient prévoir le rôle des
parents dans la mise en œuvre, donc, de ces... de ce code de vie, dans le fond.
Puis je dois vous dire, je suis en
réflexion là-dessus, nous sommes en réflexion là-dessus, donc vous contribuez à
notre réflexion, mais, quand on pose la question : Comment on pourrait
sanctionner un comportement parental qui serait inacceptable?, ça devient assez
compliqué. C'est pour ça que je trouve votre idée d'obliger, par exemple, une
rencontre avec les parents... peut-être, peut-être. En même temps, peut-être
que je suis mal fait, mais, moi, quand l'école m'appelait pour me dire :
On aimerait ça vous rencontrer à propos de votre enfant, on en a trois, Martine
et moi, je... enfin, je considérais que ça faisait partie de mon... ma
responsabilité de parent que de... envoye à l'école, tu sais, puis va voir ce
qui se passe, parce que visiblement il y a un problème. Ça fait que, pour moi,
ce n'est pas une grosse sanction que de me faire dire : Vous devriez venir
à l'école, et on a des choses à vous dire concernant votre enfant. Ça fait que
je...
Mme Labelle (Karine) : Bien,
la sanction, c'est de retenir le bulletin, qui est l'outil de communication
administratif, c'est de le retenir jusqu'à ce qu'on puisse avoir cette
conversation-là.
M. Drainville : O.K.
Mme Labelle (Karine) : Parce
que, sinon, le bulletin, il est accessible via les portails, là.
M. Drainville : Mais un
parent qui ne s'intéresse pas au comportement de son enfant ou qu'il s'en
balance après, mettons, des appels répétés de la direction... d'abord, ça
commence par la secrétaire, par la suite ou en même temps, l'enseignante, à un
moment donné, peut signifier par courriel ou autrement : Il y a des enjeux
avec votre enfant, la direction d'école éventuellement, puis, à chaque fois, le
parent s'en fout, je ne sais pas jusqu'à quel point le fait de retenir le
bulletin va le convaincre de...
Mme Labelle (Karine) : Ça va
finir par entraver la suite du parcours scolaire, parce que le bulletin est
nécessaire pour l'inscription, par exemple, au cégep, l'inscription... Il y a
différents impacts, là.
Mme Landry
(Josiane) :Je compléterais en disant que
peut-être que ce n'est pas le seul et l'unique moyen ou peut-être pas le bon
moyen. Nous, aujourd'hui, on souhaite réfléchir, on souhaitait déposer cette
réflexion-là avec vous parce qu'ultimement on ne souhaite pas que des enfants
soient suspendus ou révoqués de l'école parce qu'ils ne respectent pas cette
obligation-là dû à une pression de leurs parents. Donc, il faut trouver des
moyens. Et justement, vous l'avez nommé dans l'article 76, quels sont les
moyens que nous allons prévoir pour obliger les parents à jouer leur rôle?
Parce que vous le nommez, c'est le rôle du parent de se soucier de ce qui se
passe à l'école, mais comment allons-nous obliger les parents qui sont
récalcitrants à jouer le rôle qui leur est dévolu dans la loi sur l'instruction
publique, mais également dans le Code civil, donc d'exercer leur autorité
parentale dans le sens qu'on le souhaite? C'est ça, la question, ultimement,
aujourd'hui. Parce que, si on écrit ça dans la loi et qu'on n'a pas de moyen
d'action...
M. Drainville : Non, je
comprends. Est-ce que vous avez d'autres suggestions sur comment on pourrait
inciter appelons ça fortement les parents à collaborer?
M. Parent (Jean-François) : On
est prêts à réfléchir, M. le ministre, puis à vous fournir quelques exemples si
c'est quelque chose qui vous préoccupe.
M. Drainville : O.K. O.K.
Bien oui, ça me préoccupe.
M. Parent (Jean-François) :
Alors, on pourrait s'engager à...
M. Drainville : C'est certain
que ça me préoccupe, parce que vous avez raison de dire que, dans certains cas,
ce n'est pas le choix de l'enfant, c'est le choix du parent, et le parent
impose ce choix à l'enfant. Puis vous avez raison de dire qu'à un moment donné
c'est l'enfant...
M. Drainville : ...qui va
subir les conséquences, qui va payer le prix de ça. Mais, en même temps, pour y
avoir longuement réfléchi, est-ce qu'on accepte dans une école du Québec que
des élèves soient voilées pendant toute la journée, qu'on ne puisse même pas
les identifier, ou qu'un enseignant dise : Écoute, j'en ai une couple dans
ma classe puis je ne sais pas laquelle est laquelle, parce qu'ils ne parlent
pas et ils ne s'adressent pas à moi parce que je suis un homme? Bien, pour moi,
c'est absolument inacceptable, là. Alors, oui, j'aimerais, si vous avez
d'autres suggestions.
Je vais vous dire franchement, une des
idées avec laquelle nous avons jonglé, puis ça fait encore partie des
réflexions, c'est... le code de vie prévoit un certain nombre de règles. Est-ce
qu'on pourrait, par exemple, demander aux parents de souscrire au code de vie,
de s'engager à collaborer avec l'école pour respecter le code de vie de
l'élève, tu sais, une forme d'engagement moral, mais écrit?
M. Parent (Jean-François) : Mais
ils le font déjà fait.
Une voix : C'est fait dans
bien des cas.
M. Parent (Jean-François) : Ils
le font déjà.
M. Drainville : Alors, ça
pourrait être généralisé. Parce que, ça, c'est une autre chose que vous
demandez. N'est-ce pas? Vous souhaiteriez que le code de vie... si je ne me
trompe pas, le code de vie soit une sorte de code de vie national, n'est-ce
pas, un code de vie modèle. Exact?
M. Parent (Jean-François) : Non.
C'est-à-dire que faisons attention ici. Nous c'est pour les règles du conseil
d'établissement. Au niveau du code de vie, ça, on ne s'est pas prononcé
là-dessus.
M. Drainville : O.K. C'est le
code de vie... pas le «code de vie», le code d'éthique des membres des conseils
d'établissement.
M. Parent (Jean-François) : Des
membres du conseil d'établissement. Oui.
M. Drainville : D'accord.
Vous souhaiteriez un code... un code d'éthique, pour les conseils
d'établissement, qui soit un code de modèle.
M. Parent (Jean-François) : Oui.
Uniforme.
M. Drainville : Uniforme?
M. Parent (Jean-François) : Au
Québec. Oui.
M. Drainville : Et adaptable
au niveau local ou pas?
M. Parent (Jean-François) : Ce
n'est pas un enjeu dont on a discuté. Il pourrait peut-être y avoir des
adaptations. Mais je dirais qu'il nous apparaît nécessaire qu'il y ait un tronc
commun.
M. Drainville : Je pense que
mon collègue de Côte-du-Sud aimerait se... participer à cette discussion, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Poulet) : Bien
sûr. Alors, vous avez la parole.
M. Rivest : Merci à vous.
Vous savez, les grandes questions, c'est de savoir jusqu'où on peut aller. Et,
parfois, je me rends compte que plusieurs de vos recommandations va encore plus
loin que ce qu'on propose. Puis, souvent, c'est attaché à l'application et de
peut-être trouver des troncs communs pour faciliter l'application de
certains... certains éléments qu'on propose. Vous avez mentionné, dans votre
introduction, la partie des droits acquis. Pouvez-vous nous dire de quelle
façon justement on pourrait, avec les droits acquis... vous disiez qu'il peut y
avoir plusieurs régimes ou plusieurs adaptations possibles, donc comment qu'on
pourrait se faciliter le travail, faciliter le travail de vos membres à
l'intérieur de ces droits acquis là? Quelle était votre proposition?
M. Parent (Jean-François) : Bien,
pour nous, les droits acquis, c'est qu'à partir du moment où le projet de loi,
disons, est sanctionné, il devrait n'y avoir qu'un seul et unique régime pour
ceux qui ne sont pas visés par la date du 27 mars... 27 mars 2019, il
devrait n'y avoir qu'un seul régime pour l'ensemble des employés d'un centre de
services scolaire, donc...
M. Rivest : Vous pensez que
ce serait applicable d'une bonne façon par vos membres puis par vos équipes?
M. Parent (Jean-François) : Plus
facilement. Parce qu'à partir du moment où c'est uniforme, on n'a pas à se
poser la question si un employé occupe une partie de tâche de telle chose ou de
telle autre, un préposé aux élèves handicapés ou encore un TES qui cumule des
tâches. Alors, ce ne serait pas une question sur le plan de la prédominance,
pour nous, uniquement une question de date. Et c'est beaucoup plus facile à
appliquer pour l'ensemble des membres du personnel, clairement.
M. Rivest : Puis vous avez d'autres
éléments justement de se dire jusqu'où on va dans cette application-là. Vous
avez, je crois, 72 centres de service scolaires
M. Parent (Jean-François) : Oui,
c'est ça, effectivement, oui.
M. Rivest : Et un certain
nombre, anglophones?
M. Parent (Jean-François) : Oui,
c'est ça. Là, je... C'est ça, effectivement. Il y a... Je ne sais pas avec
exactitude, mais c'est une soixantaine de centres de services scolaires puis
une dizaine de commissions scolaires, effectivement.
• (15 h 30) •
M. Rivest : Une dizaine
environ. Puis, dans... un peu dans le même ordre d'idée, l'application de la
langue française à l'ensemble... puis, tu sais, vous alliez même aussi plus
loin dans presque l'ensemble des activités finalement qui sont... qui sont
offertes, là, dans les écoles, cette application-là, comment vous la voyez
particulièrement au niveau des centres de services anglophones, par exemple?
M. Parent (Jean-François) : Bien,
pour nous, à partir du moment où un employé est en prestation de service dans
un centre de services scolaire, qu'il soit en contact avec l'élève ou non, il
doit s'exprimer en français. Donc, pour nous, c'est clair qu'à partir du moment
où tu as une prestation de service à faire dans un établissement, que ce soit
en présence élève ou non, tu dois t'exprimer en français.
M. Rivest : Jusqu'où on va à
l'intérieur des activités parascolaires ou des autres éléments?
M. Parent (Jean-François) : Bon.
Il peut y avoir pour des cas peut-être certaines nuances, pour les élèves qui
sont en francisation, les nouveaux arrivants, pour des consignes de sécurité.
Ça, ça nous apparaît très correct. Et il y a l'aspect également des enseignants
qui enseignent une autre langue aussi. Alors là, c'est clair que, quand tu
apprends une autre langue, bien, ça se passe autrement qu'en...
15 h 30 (version non révisée)
M. Parent (Jean-François) : ...en
français.
M. Rivest : Assurément. Peut-être
petite question courte. La partie que vous évoquez, le visage découvert pourrait
ou devrait s'appliquer pour les conseils d'établissement. C'est quoi, votre
suggestion à ce propos-là?
M. Parent (Jean-François) : C'est
qu'à partir du moment où le symbole de l'école...
La Présidente (Mme Poulet) :
Je m'excuse de vous interrompre. Vous ne pouvez pas répondre à la question du
député, parce qu'on va transférer... on va poursuivre les discussions avec la
députée de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci d'être avec nous. Je ne sais pas si
vous vouliez compléter rapidement votre réponse, vous étiez sur une lancée.
M. Parent (Jean-François) : C'est
bien. Je vous remercie. C'est que l'école, c'est considéré comme un lieu où
doit s'exprimer les valeurs de laïcité, bien, ça doit être du début jusqu'à la
fin.
Mme Cadet : Parfait.Merci
beaucoup. Donc, de nouveau, enchantée. Merci beaucoup d'être avec nous. Moi, je
vais me concentrer peut-être sur le volet 2 de votre mémoire puis, par la
suite, mon collègue député de l'Acadie aura également l'occasion de vous poser
quelques questions sur le premier ou le second volet.
Dans votre mémoire puis aussi dans votre
présentation initiale, vous vous êtes penché sur la question de la création d'un
comité sur la qualité des services éducatifs. Vous nous dites que l'AQCS estime
que «l'instauration d'un comité sur la qualité des services éducatifs
engendrerait non seulement une lourdeur administrative, mais également une
confusion des rôles», et donc vous proposez le retrait de cette section du
projet de loi. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. On n'a pas
eu l'occasion de vous entendre élaborer sur ce point dans votre échange avec la
partie gouvernementale.
M. Parent (Jean-François) : Oui,
très bien. Alors, du côté de ce comité, ce que nous estimons, c'est qu'il y a
déjà en place des services éducatifs, des cadres des services éducatifs, des
cadres des ressources humaines et des cadres du secrétariat général qui
exercent un rôle conseil auprès des directions d'établissement. Donc ça, pour
nous, déjà là, auprès des directions d'établissement, ça nous semble suffisant.
Il y a également le Comité pour l'engagement sur la réussite éducative qui est
présent et celui-là aussi, sur le plan de la qualité des services éducatifs,
joue un certain rôle. Donc, on voyait moins la présence de ce comité-là dans le
projet de loi.
Mme Cadet : Vous le voyez
comme un dédoublement, c'est ce que je comprends.
M. Parent (Jean-François) : C'est
juste.
Mme Cadet : O.K. Parfait.
Volet 4, code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des conseils d'établissement,
vous vous dites en faveur de la création d'un code d'éthique et de déontologie,
applicable, donc, aux membres des conseils d'établissement. Hier, je ne sais
pas si vous avez suivi un peu, donc, les échanges que nous avions avec
certaines associations de comités de parents. Donc, la question, donc, du
devoir de loyauté qui pourrait faire partie d'un tel code d'éthique a été
soulevée, donc, il y a eu certaines préoccupations. J'aimerais peut-être vous
entendre si vous avez une opinion sur ce volet-là, de ce qui devrait composer
un code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des CE.
M. Parent (Jean-François) : Bien,
sur l'aspect de la loyauté, on ne s'est pas penché sur cette question-là, pas
plus qu'on ne s'est penché sur un tronc commun de ce que pourrait être un code
d'éthique. On n'est pas allé dans ce niveau de détail là. C'est éventuellement...
C'était une question qui nous était soumise, ça nous fera plaisir de regarder cet
aspect-là des choses. D'ailleurs, nous soulevons dans notre mémoire que nous
sommes prêts à y contribuer.
Mme Cadet : O.K. Vous dites,
donc, il faudrait...Le seul point sur lequel vous élaborez, c'est de s'assurer
que, dans sa forme, qu'il y ait un seul code d'éthique et de déontologie
applicable aux membres des CE à travers la province, donc,qu'il y ait une
certaine uniformité. C'est ça, donc...
M. Parent (Jean-François) :
C'est juste.
Mme Cadet : ...c'est l'objectif
ici. Et vous dites : «Par souci de cohérence, préciser au code d'éthique
et de déontologie que tout membre d'un conseil d'établissement devrait exercer
ses fonctions à visage découvert — bien sûr, mais
aussi — sans signes religieux.»
M. Parent (Jean-François) : Oui,
c'est ça.
Mme Cadet : O.K. Pourquoi, en
fait, quand vous dites «par souci de cohérence»... Ici, ils ne sont pas
nécessairement en contact avec les jeunes. Je sais que, dans votre premier
volet, vous demandez certaines précisions, à cet égard, justement pour les
membres du personnel, par exemple, des centres de services scolaires qui, eux,
ne sont pas en contact avec les jeunes.
M. Parent (Jean-François) : Bien,écoutez, c'est une question de cohérence avec l'ensemble du projet de loi.
Il nous semble ici clair qu'à partir du moment où l'école est un lieu de
laïcité, que tout doit s'ensuivre. Donc, pour nous, ça doit être...
Mme Cadet : Incluant pour les
parents bénévoles.
M. Parent (Jean-François) : Bien,
pour les parents bénévoles, pour eux, c'est une question qu'on soumet. On veut
savoir si, effectivement, cet aspect-là s'applique pour eux. On est porté à
penser que oui, mais on soumet la question.
Mme Cadet : O.K.Donc,
vous reliez ça, donc... de législateurs afin de nous assurer que cette question-là
soit clarifiée par la suite...
M. Parent (Jean-François) :
Oui.
Mme Cadet : ...mais vous n'avez
pas nécessairement un préjugé favorable ou défavorable de ce côté-là. Vous émettez
le questionnement.
M. Parent (Jean-François) : Nous
posons la question, effectivement.
Mme Cadet : O.K. Donc, c'est
une question de clarification...
M. Parent (Jean-François) : C'est
ça, effectivement.
Mme Cadet : ...mais vous
n'avez pas nécessairement de position là-dessus. Merci. C'est assez clair.
Ensuite...
Mme Cadet : ...peut-être
revenir sur le premier volet. Donc, ici, je pense que vous demandez, donc,
surtout certaines clarifications... je vais m'assurer de ne pas oublier une des
questions que j'avais... voilà, Conduite du personnel et considérations
religieuses. Vous dites aussi, donc, à la page 5 : «Notre association
estime que la formulation de l'article — ici, on parle de
l'article 258.0.3 — pourrait laisser place à différentes interprétations
juridiques par les directions d'établissement. Pensons à un employé qui évoque
en classe un exemple tiré de son vécu, soit sa participation à la chorale de
l'église.» Je voulais... Ça m'avait un peu frappée parce que je n'étais pas
certaine, donc, de bien comprendre, encore une fois, où est-ce que vous vous
situiez ici, là, si c'était juste une clarification ou si vous vous disiez...
bien, dans la reformulation, que vous, vous proposez que cet exemple-là ne
serait pas un exemple de considération religieuse, là.
M. Parent (Jean-François) : En
fait, c'est l'appellation ou l'expression «considérations religieuses» qui nous
embête un peu. On trouve que ce devrait être une question de laïcité de A
jusqu'à Z. Parce que qu'est-ce qui est une considération religieuse, comment ce
sera appliqué dans les différents milieux? C'est ça qui nous embête. Tu sais,
c'est pour ça qu'on repropose une... on propose une reformulation de
l'article 258.0.3. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter.
Mme Landry
(Josiane) :Oui. En fait, c'est dans un
désir de cohérence avec l'ensemble du projet de loi, pour référer toujours au
même concept afin d'en faciliter l'interprétation et l'application. C'est
uniquement l'objectif de la reformulation dans ce cas-ci.
Mme Cadet : Je comprends.
Merci beaucoup. Je vais laisser un peu plus de temps à mon collègue de l'Acadie
pour poser des questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Poulet) : Oui.
Alors, allez-y, M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, Mme la Présidente.
Alors, merci beaucoup pour votre mémoire, merci d'être là avec nous cet
après-midi. Moi, j'avais quelques questions pour vous. À la page 14 de
votre mémoire, en lien avec le volet 2.1, ordre professionnel, je
comprends que vous y seriez favorable. Est-ce que... Bien, en fait, vous, vous
êtes une association de cadres. Bon, est-ce que c'est une chose que vous
avez... un sujet que vous avez abordé avec les enseignants, les avez-vous
consultés, vous en avez parlé entre vous? Vous êtes rendu à quel stade dans vos
démarches ou dans votre réflexion à ce sujet-là?
M. Parent (Jean-François) : Non,
ce n'est pas une question, je vous dirais, d'avoir consulté les enseignants.
C'est un constat que, depuis quelques années, avec les derniers projets de
loi 40, 47, 23, celui-ci, 94... puis il y a également des dispositions
dans la Loi sur l'instruction publique, où on constate dans un contexte de
bureaucratisation, de gel de personnel que le ministre, le ministère et les
centres de services scolaires, dans une certaine mesure, se substituent à un
ordre professionnel. Et donc le moment est peut-être venu pour réfléchir à une
autorégulation par les enseignants eux-mêmes, dans leur propre pratique
professionnelle, puisqu'ils ont tout de même des actes réservés. On observe ça
chez les psychoéducateurs, chez les psychologues, chez les ergothérapeutes. Du
côté des cadres, on a les avocats, les CPA, les ingénieurs, les architectes.
Donc, on se dit : Ici, nous, comme cadres administratifs, on applique
certaines dispositions, plusieurs dispositions, et le ministère également,
qu'un ordre professionnel pourrait faire. C'est dans un contexte ou un angle
de...
M. Morin : Je vous remercie.
M. Parent (Jean-François) : ...je
vous dirais, de... il me semble, de chercher à débureaucratiser un tout petit
peu nos fonctions.
M. Morin : Merci.
M. Parent (Jean-François) : Je
vous en prie.
Mme Labelle (Karine) : ...
M. Morin : Oui, bien sûr.
Mme Labelle (Karine) : Parmi
les membres de l'association, nous sommes quand même plusieurs à être d'anciens
enseignants, détenir un brevet et être associés au service éducatif. Donc, sans
avoir consulté formellement les enseignants, nous sommes tout de même
conscients de ce que cela implique et nous sommes en faveur.
M. Morin : D'accord. Et
est-ce que vous en feriez une condition d'emploi pour... très bien. Et, à ce
moment-là, est-ce que ce serait le centre de services scolaire, ou le
ministère, ou l'enseignant qui paierait sa cotisation professionnelle? Parce
que souvent, si on parle... Bien, je vais vous donner l'exemple des avocats.
Quand un avocat travaille pour un ministère ou un organisme, ça fait partie de
ses conditions d'emploi, c'est le ministère qui paie les cotisations au Barreau.
Donc, est-ce que c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi?
• (15 h 40) •
M. Parent (Jean-François) : Ça
viendrait dans la deuxième étape, cette réflexion-là.
M. Morin : O.K. Bien.
Avez-vous eu des échanges avec l'Office des professions à ce...
M. Parent (Jean-François) : Non,
on en est à l'étape de l'idée, à l'étape de dire : Est-ce qu'on pourrait
penser à ça tout doucement, étant donné ce que nous observons au cours des
dernières années?
M. Morin : Je vous remercie.
Dans votre mémoire, vous parlez aussi de l'évaluation. Vous voulez participer à
l'élaboration des critères d'évaluation des enseignants. Si cette évaluation
est mise en place, est-ce que vous avez le personnel, le temps pour être
capable de faire des évaluations puis est-ce que vous suggérez que ce soient
des évaluations annuelles ou biannuelles?
M. Parent (Jean-François) : Je
vais laisser ma collègue Karine...
M. Parent (Jean-François) :
...mais toutefois je dois vous dire que nous sommes à l'aise pour l'évaluation.
Et sur le plan de la pratique, je pense qu'il faut laisser la place au jugement
professionnel des directions d'établissements et des gens qui les
accompagneront au niveau des services éducatifs et des ressources humaines. Il
y en a certains cas où il y a des enseignants pour lesquels l'évaluation va
être relativement rapide. Ce sont des chevronnés, des gens, donc, de grand
calibre. Ça va aller. Mais pour les non légalement qualifiés ou les jeunes
enseignants, là, je pense que l'évaluation devra se faire avec un petit peu
plus de suivi régulier.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci beaucoup. Alors, on poursuit les discussions avec le député de Jean
Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme
la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence, votre contribution. J'ai peu
de temps, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'application, là. Vous avez un
peu mentionné que ça va être difficile d'appliquer l'interdiction de visage
découvert pour les enfants, les élèves, sans les sortir du système d'éducation.
Vous évoquez la pogne de, tu sais, faire venir le parent de la maison pour une
discussion en échange de ne pas transmettre tout de suite l'information sur le
bulletin. En tout respect, j'ai l'impression que c'est une toute petite,
minuscule poigne. Je n'appellerais pas ça un rapport de force où, contraint,
quelqu'un pourrait très bien dire : Moi, je n'y vais pas et continue à
aller à l'école. On va voir ce qu'il se passe. En fin de l'année, il ne connaît
pas ses notes. Le parent ne sait pas. Et ça va vous... C'est vous, c'est vous
qui allez être pogné avec cette affaire-là, tu sais. Ça fait que comment...
C'est quoi l'intervention? Puis l'autre affaire aussi, c'est qu'on part, tu
sais, du préjugé, à moins que ce soit établi. Puis corrigez-moi, mais on part
du préjugé que c'est le parent qui force l'élève, là, à mettre, mettons, le
niqab, là. Ce n'est pas... Est-ce que, ça, ça a été démontré? Parce que, tu
sais, vous, vous en parlez comme c'est ça qui se passe le plus souvent,
mettons. Mais à ma connaissance, personne d'entre vous ne travaille dans un
centre scolaire dans lequel il y a eu des cas, à moins que je me trompe. Ça
fait que comment est-ce qu'on sait ça, mettons? Puis comment est ce qu'on peut
réfléchir à l'application de cette affaire-là pour de vrai?
M. Parent (Jean-François) :
Alors, je vais laisser ma collègue Mme Landry répondre à cette question.
Mme Landry
(Josiane) : Donc, effectivement, on travaille à proximité de l'île
de Montréal. Donc, il y a quand même de nos collègues qui ont vécu ce genre de
situation là. Il faut penser que c'est une proportion. Ce n'est pas... On n'a
pas à dire que c'est l'ensemble de la majorité, que c'est les parents qui
l'obligent, mais il y a une proportion, que c'est les parents qui vont avoir ce
pouvoir-là sur leurs enfants. Donc, comment on va traiter cette proportion-là?
C'est ça la discussion qu'on a aujourd'hui. Et ça, c'est démontré qu'il y a une
proportion, pour les quelques aspects qui ont été démontrés, que c'est de cette
façon-là. Donc, la question est comment allons-nous traiter? Et, oui, la pogne,
comme vous dites, elle est faible actuellement. Est-ce qu'il y a lieu de
réfléchir à d'autres moyens pour essayer d'avoir la collaboration et la
coopération des parents dans ces volets-là et des élèves? Parce que les élèves,
on a un pouvoir sur eux. Ils sont dans nos établissements, on a accès, mais
avec les parents, on n'a pas de pouvoir comme centre de services scolaire sur
les parents. Donc comment est ce qu'on va travailler avec eux? Comment la loi
peut nous aider à travailler avec les parents pour résoudre ces situations-là
afin d'éviter que les élèves soient sortis du système? Parce que ce n'est en
aucun cas ce qu'on souhaite.
M. Parent (Jean-François) :
Il faut comprendre qu'on a, on a quand même, dans la très, très, très grande
majorité des parents du Québec, une excellente collaboration. Il ne faut pas
avoir cette impression que là, ici, on peut avoir quelques cas d'exception.
C'est de dire, maintenant, qu'est-ce que... Comment on peut travailler ensemble
pour trouver la meilleure façon possible, ici, dans les cas de sanctions? Mais
il ne faudrait pas que les gens qui sont à l'écoute présentement pensent que...
La collaboration avec les parents, elle est excellente. Mais on peut avoir
quelques cas d'exception plus complexes.
M. Zanetti : De toute
façon, il y a quatre cas documentés au Québec d'élèves qui ont le niqab. Ça
fait que, de toute façon, déjà, on parle d'une goutte dans l'océan, là.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions avec le député de
Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Très bon travail.
Vous avez répondu clairement à mes préoccupations. Je vous offre, comme je le
fais parfois, d'aborder un enjeu qui n'a pas été traité, que vous aimeriez
partager avec les membres de la commission. Alors, je ne sais pas, s'il y a
quelque chose qui vous vient spontanément en tête, ce n'est pas moi qui ai le
plus de temps, mais j'ai beaucoup d'écoute, mes collègues aussi.
M. Parent (Jean-François) :
Bien, je vous dirais qu'au niveau des accommodements, par exemple, il y a dans
l'article 706 un certain nombre d'exceptions. Mais par contre, le
principal, au fond, enjeu qui concerne les situations qui ne relèvent pas
d'accommodements sont ceux où les élèves s'absentent pour des fêtes religieuses
et où les parents justifient simplement en disant : L'enfant est malade.
Et par la suite, nous, si c'est une journée d'examens ou autre, bien, on doit
accommoder. Donc, il y a cet aspect-là qui demeurera toujours. Nous,
évidemment, notre action...
M. Parent (Jean-François) : ...gestes
seront toujours posés en fonction de la justification que donnera le parent à
l'égard de l'absence de son enfant. Donc, ça, c'est une chose.
Et un autre message que je voudrais vous
livrer, en terminant, c'est... M. le ministre l'a souligné en introduction, en
disant : Vous êtes des gens de l'ombre. Bien, les gens de l'ombre ou les
figures de l'ombre sont prêts à travailler très étroitement pour vous aider à
trouver des solutions pour dénouer certaines, peut-être, impasses sur la
réflexion ou la façon dont la loi sera écrite définitivement. Alors, on est
prêts à contribuer très étroitement, au cours des prochaines semaines, si vous
avez besoin de notre aise... de notre aide, dis-je bien, pour certains cas de
figure, par exemple, ou valider certaines informations. On sera présents pour
vous.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Merci à vous quatre pour votre contribution à nos travaux.
Alors, la commission suspend ses travaux
quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on reprend nos travaux. Je souhaite donc la bienvenue à l'Association
québécoise du personnel de direction d'écoles...
La Présidente (Mme Poulet) : ...alors,
vous avez 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous allons
procéder à une période d'échange. Alors, on vous écoute.
M. Ouellet (Carl) : Merci.
Bonjour, je suis Carl Ouellet, président de l'Association québécoise du
personnel de direction des écoles, qui représente plus de 820 membres,
directions, directions adjointes, gestionnaires administratifs des
établissements scolaires, des niveaux primaire, secondaire, de la formation
professionnelle et de l'éducation aux adultes. Je suis accompagné d'André
Bernier, vice-président de l'AQPDE et directeur aux écoles du Bourg-Royal et du
Châtelet, au Centre des services scolaires des Premières seigneuries, ainsi que
d'Éric Chevalier, directeur à l'école secondaire Antoine-Brossard du Centre de
services Marie-Victorin.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes,
MM. les députés, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui, dans le cadre
de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 94.
Compte tenu de la complexité de ce projet de loi, notre association a choisi de
concentrer son analyse sur ses répercussions concrètes pour les gestionnaires
scolaires. Pour éclairer cette démarche, nous avons consulté nos membres à
travers un sondage interne auquel près de 200 directions, directions
adjointes et gestionnaires administratifs ont répondu. Ce que nous vous livrons
aujourd'hui, c'est le terrain. Ce sont les réalités quotidiennes des personnes
responsables de faire vivre les orientations gouvernementales dans nos écoles
et nos centres.
D'entrée de jeu, nos membres réitèrent
avec force leur engagement envers la laïcité des institutions publiques.
L'école québécoise doit être et demeurer un espace neutre, un lieu
d'apprentissage, de socialisation où l'on transmet les valeurs démocratiques et
québécoises, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes. Le personnel
scolaire a la responsabilité d'incarner ces valeurs en tout temps et cela
implique notamment un environnement libre de toute manifestation religieuse
directe ou indirecte pour les élèves.
Voici donc quelques résultats marquants de
notre sondage. 80 % des directions estiment que le personnel scolaire ne
devrait pas porter de signes religieux dans les établissements scolaires.
70 % appuient également cette interdiction pour les prestataires de
services aux élèves. En revanche, seulement 39 % sont favorables au principe
du droit acquis. À nos yeux, cela sera davantage de gestion pour nous,
gestionnaires, et nous pensons que ça pourrait créer des tensions importantes
au sein de nos milieux. 96 % soutiennent l'obligation du visage à
découvert dans les établissements, essentiellement pour des raisons de sécurité
et de communication. Toutefois, 75 % redoutent une application difficile
de cette mesure pendant l'enseignement à domicile. Enfin, 64 % disent
avoir autorisé des absences du personnel liées à des accommodements religieux.
Ces chiffres illustrent bien une chose, il
existe une adhésion de fond au projet de loi, mais aussi des zones grises qui
nécessitent d'être encadrées plus clairement. Être directeur ou directrice
d'école, c'est porter une mission hautement humaine et pédagogique. C'est
vouloir faire réussir les élèves, mais aussi mobiliser les équipes, bâtir une
communauté éducative, souvent dans des conditions complexes. Mais soyons
francs, au fil des années, nos responsabilités se sont alourdies. Formulaires
ministériels, campagnes de vaccination, organisation de repas, accueil des
nouveaux arrivants, suivis du brossage de dents, soutien à la préparation des
camps de jour, gestion d'enseignement sans brevet, et, maintenant,
l'application des dispositions du p.l. n° 94, tout
cela sans ressources ou soutien supplémentaire. Nous ne remettons pas en
question les objectifs du projet de loi, mais sa mise en œuvre sans soutien
adapté pourrait nuire à la mobilisation des équipes et miner les effets
attendus. Pour nous, plusieurs éléments du projet de loi doivent être précisés
pour en garantir une application équitable et cohérente.
Dans le cadre de cette allocution, nous en
présenterons six.
Premièrement, la liberté de conscience et
de religion. Que signifient concrètement ces notions dans un contexte scolaire?
Et surtout, que faire lorsqu'un parent refuse de se conformer à l'obligation du
visage à découvert lors de l'enseignement à domicile? Qui est sanctionné?
L'enfant?
2. Les accommodements religieux. Dans des
cas congrès... des cas concrets, pardon, nous ont été apportés... il nous a été
rapporté qu'un élève demandant de ne pas s'asseoir à côté d'un garçon ou un
enseignant sollicitant un horaire modifié pour prier le vendredi...
M. Ouellet (Carl) : ...où se
situe la limite du raisonnable.? Nous réclamons un cadre clair et uniforme.
Trois. L'usage du français à l'école. Nous
sommes favorables à ce que tout se passe en français entre les élèves et le
personnel, mais en ce qui concerne les communications avec les parents, qui
assumerait la responsabilité du service de traduction, les écoles ou les
familles?
Quatre. Les droits acquis et les signes
religieux. Permettre à certains employés de porter des signes religieux alors
que d'autres en sont interdits, c'est introduire une inégalité dans nos
équipes, c'est créer deux catégories de personnel. Et ça, pour nous, c'est
préoccupant. Comment peut-on justifier que certaines personnes conservent ce
droit tandis que d'autres en sont privées? Sommes-nous en train de scinder,
dans une même école, deux entités distinctes ou, pire encore, instaurer une
division entre les individus au sein de nos établissements, ceux bénéficiaires
des droits acquis et ceux qui en sont privés?
Cinq. Suivi pédagogique, planification et
évaluation. Nos membres appuient les mesures de planification annuelle et
d'évaluation des enseignants, mais encore faut-il que cela soit réaliste. Nous
recommandons des gabarits clairs, un accompagnement structuré et une rotation
biennale des évaluations, sauf pour les enseignants à statut précaire, les
non-titulaires de brevet ou ceux en difficulté identifiés par les directions.
Autrement, nous risquons d'alourdir encore la charge des directions et de
perdre le sens pédagogique de ces démarches.
Six. Le code de déontologie et la
constitution du Comité sur la qualité des services éducatifs. Pour le code de
déontologie, nous souhaitons que le ministre établisse un code de déontologie
unique pour les conseils d'établissement afin d'uniformiser les pratiques à
l'échelle du Québec, mais la gestion des sanctions devrait demeurer entre les
mains des centres de services scolaires. Quant aux comités sur la... sur la
qualité des services éducatifs, ils sont les bienvenus, mais à condition qu'ils
s'appuient sur des... les bonnes pratiques déjà en place.
En résumé, les membres de l'AQPDE saluent
que le caractère laïc de l'école soit réaffirmé dans ce projet de loi, ainsi
que la reconnaissance du rôle de leader pédagogique des écoles. Toutefois,
certaines clarifications sont nécessaires afin d'en assurer une mise en œuvre
efficace. Préciser les définitions de la liberté de conscience et la liberté de
religion, revoir l'article sur les droits acquis afin d'assurer une application
cohérente et équitable, mieux encadrer le processus de remise, de planification
et d'évaluation annuelle des enseignants, confier au ministre la responsabilité
d'établir un code d'éthique garantissant ainsi une uniformité des normes à
l'échelle provinciale.
Mme la Présidente, mesdames, messieurs,
merci pour votre écoute attentive. Nous savons... nous avons confiance que vos
travaux sauront prendre en compte les réalités du terrain et les préoccupations
légitimes de nos membres. Maintenant, nous sommes prêts à échanger avec vous
sur le sujet.
La Présidente (Mme Poulet) : Effectivement,
on va procéder à la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à
vous.
M. Drainville : Oui. Merci,
Mme la Présidente. Bienvenue. Merci pour votre approche très concrète, très
concrète et très constructive. J'aime bien, moi. Vous avez fait un sondage,
vous êtes allé voir le terrain. Vous nous revenez avec les résultats.
J'apprécie cette façon de faire valoir votre position.
Et, M. Ouellet en passant, j'aurais
dû d'ailleurs prendre un moment pour le dire à M. Prévost également tout à
l'heure, mais si je ne m'abuse, c'est peut-être la dernière fois qu'on se
rencontre, n'est-ce pas?
M. Ouellet (Carl) : Oui.
• (16 heures) •
M. Drainville : Bien, je veux
vous remercier pour votre service public, parce que c'est du service public ce
que vous faites depuis nombre d'années. Et j'ai beaucoup apprécié nos échanges.
D'ailleurs, je retrouve dans cette approche dont je viens de parler beaucoup de
vous et de votre approche, une approche constructive, pragmatique, qui ne vise
pas qu'à critiquer puis mettre l'aspect négatif de l'avant, vous avez toujours
cherché une sorte d'équilibre dans votre approche, parce qu'il y a beaucoup de
beau et de positif dans notre système scolaire, et on oublie trop souvent de le
dire, et vous avez été quelqu'un, je pense, qui a incarné cette approche
équilibrée.
Et j'aurais pu dire de très bonnes choses
de M. Prévost également. Je m'excuse de ne pas avoir pris le temps de le
faire. J'espère qu'on lui fera le message.
M. Ouellet (Carl) : Merci
beaucoup.
M. Drainville : Alors, je
reprends quand même certaines de vos observations, constatations. D'abord, les
absences liées aux accommodements religieux...
16 h (version non révisée)
M. Drainville : ...dans votre
sondage, 64 % des gestionnaires déclarent avoir autorisé des absences
liées à des accommodements religieux pour des membres de leur personnel.
Comment gèrent-ils ces absences pour congés religieux?
M. Chevalier (Éric) : Si je
peux me permettre, les services des ressources humaines nous encadrent
là-dessus. Donc, pour des fêtes religieuses en lien avec le ramadan, c'est des
cas de force majeure, donc ça donne à ces personnes-là des congés
supplémentaires, ce qui crée une tension entre les membres du personnel, qui
eux... les gens qui ne sont pas... puis on va parler, par exemple, pour la fin
du ramadan, les gens qui sont de confession musulmane, pour la fête de la fin
du ramadan, la fête de... bien, il y a des gens qui s'absentent, et c'est un
cas de force majeure. C'est rémunéré dans la banque force majeure, qui existe
en surplus des congés maladie.
M. Drainville : Mais qui
détermine que c'est un cas de force majeure? Vous êtes bien M. Chevalier, c'est
ça?
M. Chevalier (Éric) : Oui. C'est
les ressources humaines. L'employé nous dit : Moi, je vais m'absenter, je
vais aller à une fête religieuse, et puis nous, on a l'obligation de mettre un
cas de force majeure. Ce n'est pas une absence sans solde.
M. Drainville : Mais une
obligation... qui décide que c'est une obligation? Qui décide que c'est...
M. Chevalier (Éric) : Bien, c'est
l'employé qui nous dit : C'est la fête de... puis le service des
ressources humaines donne une consigne aux gestionnaires de l'établissement :
C'est la fête du ramadan, la personne s'absente pour cette raison-là, c'est...
Vous déclarez un cas de force majeure.
M. Drainville : Mais est-ce
qu'il n'y a pas un nombre de congés limité pour force majeure dans la
convention collective?
M. Chevalier (Éric) : Les cas
de force majeure peuvent se transférer ensuite en journées de maladie lorsqu'on
n'en a pas, oui, mais ça reste une journée de plus que d'autres personnes n'ont
pas. Mais un cas de force majeure, ça peut être un accident de voiture aussi,
par exemple. C'est le même principe, c'est dans la convention collective, et il
y a les... congés pour affaires personnelles, maintenant, dans la nouvelle convention.
M. Bernier (André) : Si vous
me le permettez, dans le fond, la convention collective, si je me souviens
bien, dit que, pour force majeure, c'est toute situation où il y a... entre le
syndicat et le centre de services peut être considérée comme une force majeure.
Donc, si, dans une situation telle que décrite par M. Chevalier, il y a une
entente entre les deux parties, ça peut être considéré comme une force majeure,
mais avec un maximum de trois annuellement.
M. Drainville : O.K. Dans la
convention collective de votre centre de services, c'est trois, mais dans
certaines autres conventions collectives, ça peut être plus que trois, non? Ou
est-ce que c'est trois partout?
M. Bernier (André) : Je ne
pourrais pas m'avancer.
M. Drainville : Je ne suis
pas... moi, je ne suis pas certain que c'est trois partout, mais chose
certaine, ce que je comprends, c'est que dans certains cas, en tout cas, nous
dit M. Chevalier, une fois que les trois... mettons, les trois congés de force
majeure sont épuisés, après ça, ils peuvent aller puiser dans d'autres
enveloppes de congés, par exemple... congés de maladie, avez-vous dit. On s'entend
qu'un congé religieux puis un congé de maladie, ce n'est pas la même chose, là.
M. Chevalier (Éric) : Je suis
pas mal d'accord avec vous.
M. Bernier (André) : Je me
permettrais que... encore, dans la banque de congés, un congé pour affaires
personnelles est pris dans la banque de maladie. C'est la même banque, en tant
que telle, là, de six jours pour les employés, au niveau enseignant, et qu'on
doit donner notre O.K., mais une fois que ça, c'est fait, qu'on a dit : D'accord,
vous pouvez prendre congé pour affaires personnelles, l'employé n'est pas
obligé de nous dire que c'est pour une fête religieuse, c'est... il prend un
congé pour affaires personnelles, il peut aller faire du ski s'il veut.
M. Drainville : Donc, vous
devez donner votre O.K., mais il n'est pas obligé de vous dire quelle
affaire... de quelle affaire personnelle il s'agit, c'est ça?
M. Bernier (André) : Exactement.
M. Drainville : O.K., mais en
quoi est-ce que ça crée une iniquité? Parce que tout le monde a trois congés de
force majeure puis, mettons, six congés pour affaires personnelles, mettons. O.K.,
on jase, là. En quoi est-ce que ça crée une iniquité? Parce qu'une personne
pourrait dire : Bien, moi, j'ai pris mes trois congés pour force majeure,
ce n'était pas pour des raisons religieuses, mais c'était pour d'autres
raisons, puis, au bout de trois, je n'en ai plus. J'ai pris mes six pour
affaires personnelles, puis, après six, je n'en avais plus, et donc, en bout de
ligne, c'était trois plus six, j'en ai eu neuf, l'autre en a eu trois... mon
collègue en a eu trois plus six. Dans ces neuf-là, il y en avait que c'était
pour des raisons religieuses, mais, en bout de ligne, on a chacun a eu un neuf.
Alors, en quoi est-ce que ça devient inéquitable, M. Chevalier?
M. Chevalier (Éric) : Quand
on prend congé de force majeure, il faut dire pourquoi on le prend. Je ne peux
pas dire : Je prends un congé de force majeure. On doit le mentionner, en
tout cas, à la direction, le motif. Donc, quand c'est un accident de voiture, c'est
un congé de force majeure, quand c'est une fête religieuse, c'est un congé de
force majeure, c'est l'encadrement qu'on met en place.
M. Drainville : Donc, ce que
vous dites, c'est qu'il y a des années où tu ne les prends pas, tes trois
congés de force majeure.
M. Chevalier (Éric) : Exactement.
M. Drainville : Tu n'as pas
eu d'accident de voiture où tu n'as pas eu d'enfant malade, ou je ne sais trop,
parce que j'imagine qu'un enfant malade c'est un congé de force majeur, ça?
M. Chevalier (Éric) : On
peut.
M. Drainville : On peut. Ça
fait que, dans d'autres mots, le fait d'utiliser la banque de congés pour force
majeure à des fins religieuses, ça peut faire en sorte que tu vas prendre plus
souvent la totalité de tes trois congés que quelqu'un qui ne prétexte pas des
raisons religieuses, c'est bien ça?
Une voix : Oui.
M. Drainville : O.K. Donc,
vous devez vous réjouir du fait que, dans le projet de loi, on dit : Plus
de congés religieux dès que ça met en cause la...
M. Drainville : ...comment...
la qualité de l'éducation? C'est quoi l'expression qu'on a utilisée? C'était
la... n'a pas le droit de donner plus de congés. Excusez-moi. Je veux être cité
correctement. Alors, c'est ça : «Services éducatifs, s'assurer que ne sont
compromis ni les services éducatifs ni les services de garde.» Donc, on
s'entend que, dans un... par exemple, dans un contexte de pénurie, de donner
des congés religieux, ça peut éventuellement compromettre la qualité des
services éducatifs. Ça, c'était le 17, ça? O.K.
Une voix : ...
M. Drainville : 16. Alors,
pour les gens qui nous écoutent, qui suivent nos débats assidûment, il s'agit
de l'article 16 du projet de loi. Très bien. Alors, ça va... ça devrait
vous faciliter la vie, ça. Le fait qu'on dise : Là, là, les congés
religieux, là, c'est... essentiellement, c'est terminé, ça ne peut plus se
justifier dès que ça met en cause la qualité des services éducatifs. Ça, ça
devrait vous aider dans la gestion que vous faites des écoles.
M. Bernier (André) : J'aime
l'utilisation du conditionnel : ça devrait nous aider. Par contre, si on
est dans l'acceptation d'une affaire... congé pour affaire personnelle qu'on
aurait octroyé, où qu'on dit : Non, on ne l'octroie pas, et que la
personne déclare une maladie le matin même, on se retrouve dans une gestion qui
va devenir probablement une gestion disciplinaire, parce qu'on n'a pas autorisé
le congé, ça se revire en congé de maladie. Donc, dans l'applicabilité, il va y
avoir des enjeux. Puis on va avoir besoin de balises très claires en lien avec
ça pour, si on refuse, c'est quoi, qu'est-ce qui se passe par la suite, là, si
la personne revire ça dans un autre type de congé pour pouvoir bénéficier de
son congé.
M. Drainville : Oui. Mais, à
tout le moins, pour ce qui est des congés de force majeure, là, vous avez une
poignée, là.
M. Bernier (André) : Oui.
Tout à fait.
M. Drainville : Tu ne peux
plus dire : C'est telle ou telle fête religieuse, je le prends dans ma
banque de congés de force majeure. Là, vous allez pouvoir dire : Non, ce
n'est pas possible.
M. Bernier (André) : Oui. On
est d'accord.
M. Drainville : Mais il
pourrait dire : Bien, je vais la prendre dans ma banque de congés pour
affaires personnelles.
M. Bernier (André) : J'ai le
loisir de dire oui ou non à ce niveau-là.
M. Drainville : Et, s'il vous
dit : c'est pour une raison religieuse, avec le projet de loi, vous
allez... vous allez dire non?
M. Bernier (André) : Bien
oui. C'est... Ce n'est pas permis, là, de... avec le projet de loi.
M. Drainville : Puis, ce que
vous dites, c'est que, dans un contexte comme celui-là, il pourrait vous donner
une autre raison.
M. Bernier (André) : Tout à
fait.
M. Drainville : Et, s'il vous
dit que c'est : Je suis malade... Je suis malade, est-ce que... est-ce que
vous avez le droit de demander la preuve?
Une voix : ...
M. Drainville : Pardon?
M. Chevalier (Éric) : Pour
les congés de moins de trois jours, on n'a plus le droit.
M. Drainville : Parce que ça
fait partie des mesures pour diminuer...
Une voix : Exact.
M. Drainville : Dans les
autres... Sur les autres sujets où vous vous prononcez, bon, vous souhaitez un
gabarit clair pour ce qui est de l'évaluation et de la planification. Alors,
comme vous le savez, dans le projet de loi, on prévoit un guide, n'est-ce pas?
Il y a eu des interventions ici qui émettaient des doutes sur le bien-fondé du
guide, sur le risque que ça devienne peut-être un peu trop bureaucratique, que
ça vienne compromettre l'autonomie personnelle... l'autonomie des...
professionnelle, dis-je, des enseignants, etc. Vous, visiblement, ce n'est pas
un enjeu. Ce que vous souhaitez, c'est que le gabarit soit clair, là.
• (16 h 10) •
M. Ouellet (Carl) : Oui, on
veut un gabarit clair, on veut des orientations claires. Où c'est un enjeu,
c'est vraiment une question de temps pour évaluer. Là, on parle bien de
l'évaluation des enseignants, l'évaluation annuelle des enseignants?
M. Drainville : Exact. Exact.
M. Ouellet (Carl) : Où on a
des réticences, c'est dire : bien, annuellement parlant, si j'ai 25 ou
30 enseignants à évaluer, ça va demander beaucoup de temps. J'aimerais
savoir, moi, un peu plus concrètement, qu'est-ce que vous vous attendez. Est-ce
qu'on va faire de l'observation en classe? Est-ce qu'on va faire... Il y a deux
rencontres officielles par année? Est-ce qu'il y a une rétroaction à la fin de
l'année? Comment c'est géré? C'est vraiment le temps que ça prend. On n'est pas
contre. On est pour. Ce qu'on dit, c'est que, si c'est fait biannuellement,
donc aux deux ans, pour la plupart des enseignants, on est capables de le
faire. Mais on regarde quand même, là, annuellement parlant, les enseignants
précaires, les enseignants qui n'ont pas de brevet, les enseignants en
difficulté, ça, on tient à ce que ce soit fait à chaque année. Mais, encore une
fois, c'est une gestion de temps, là. Ça va demander beaucoup de temps.
M. Drainville : Mais on nous
dit, M. Ouellet, que, de façon générale, ça se fait, les évaluations, puis
c'est... c'est inégal, je dis bien «inégal», d'une école à l'autre, mais de façon
générale, ça se fait.
M. Drainville : ...que c'est
exact de dire ça, que, de façon générale, les directions d'école font
l'évaluation des enseignants?
M. Ouellet (Carl) : Bien,
c'est de la supervision pédagogique qu'on appelle, c'est la supervision
d'enseignants. On est obligés d'évaluer les enseignants qui arrivent en
fonction. Donc, après leur probation, il y a une évaluation formelle, mais
après ça, c'est de la supervision. Je vous dirais que, dans les écoles où moi,
j'ai exercé, c'est un devoir de rencontrer chaque enseignant une fois
minimalement par année. J'ai un délégué à mes directions adjointes aussi, une
fois ou deux fois par année. En général, je vous dis que... je vous dirais que
ça se fait, là, partout, là.
M. Drainville : Mais c'est ce
que le projet de loi prévoit. Le projet de loi prévoit une évaluation annuelle.
Donc, vous me dites : En tout cas, dans mon cas, à moi, Carl Ouellet, je
le faisais, ça se faisait, quitte à le déléguer à votre DA.
M. Ouellet (Carl) : En
supervision... En supervision, ça se faisait par l'équipe de direction,
effectivement, au moins une fois par année. Donc, une supervision pédagogique
proprement dite, on le faisait, ça, dans les... dans nos écoles à nous autres.
M. Drainville : Puis
qu'est-ce que vous évaluiez à ce moment-là?
M. Ouellet (Carl) : On
évaluait, bien, la pertinence... la planification, la planification de
l'enseignant...
M. Drainville : Le respect de
la planification?
M. Ouellet (Carl) : ...le
respect de la planification de l'enseignant, le programme enseigné, la gestion
de classe en lien avec les 12 compétences de l'enseignant, on touchait à la...
au projet éducatif aussi, parce qu'on sait qu'on a... on travaille ensemble à
l'école avec l'équipe-école pour notre projet éducatif. Donc, on avait des
formulaires, des gabarits déjà, là, qui nous soutenaient avec le centre de
services et on convenait ensemble, là, d'un modèle. Mais, en tout cas, chez
nous, dans nos écoles, c'est comme ça que ça se passait. Je ne sais pas si ça
se fait partout comme ça, mais chez nous c'est comme ça que ça se passait.
M. Chevalier (Éric) : Si je
peux me permettre...
M. Drainville : Oui, M.
Chevalier.
M. Chevalier (Éric) : Qu'est-ce
qui arrive quand l'évaluation n'est pas positive, on ne le voit pas dans le
projet de loi. Si l'évaluation demande à l'enseignant de modifier des choses,
qu'est-ce que... Si l'évaluation n'est pas bonne, c'est quoi les impacts pour
l'enseignant, c'est quoi les impacts pour la direction? Il faudrait que le
projet de loi le spécifie. De dire qu'on évalue quelqu'un, c'est une chose.
Qu'est-ce qui arrive lorsque l'évaluation est moins adaptée, lorsque
l'enseignant est plus en difficulté? Qu'est-ce que ça impliquerait? Quel serait
le suivi qui serait demandé? Je ne pense pas qu'on a l'intention d'aller en
disciplinaire pour ça, mais...
M. Drainville : Mais les
conventions collectives ne prévoient-ils pas, par exemple, une clarification
des attentes dans ces cas-là? Si l'évaluation n'est pas à la hauteur de ce qui
est attendu, est-ce qu'il n'y a pas un processus de clarification des attentes,
où on dit, avec l'enseignant : Écoute, ça, ça ne va pas, il faut
travailler là-dessus, tu pourrais suivre une formation là-dessus, puis ça
pourrait faire partie du 30 heures aux deux ans que tu dois suivre?
M. Chevalier (Éric) : C'est
ce qu'on fait en ce moment.
M. Drainville : C'est ça.
M. Chevalier (Éric) : Ça fait
que, si vous ne demandez rien de plus que ça, bien, il n'y a pas... il n'y a pas...
ça ne sera pas une problématique, mais ce n'était pas spécifié dans le projet
de loi, quels étaient les impacts dans l'éventualité...
M. Drainville : Bien, ça
pourrait... ça pourrait être spécifié dans le guide.
M. Chevalier (Éric) : Oui, tout
à fait.
M. Drainville : Ça pourrait
être spécifié dans le guide. Mais est-ce que j'ai raison? Quand il y a une
évaluation négative, la... le principal moyen d'y réagir, c'est par la
clarification des attentes ou est-ce qu'il y a d'autres voies? Par exemple,
vous parliez de supervision pédagogique tout à l'heure, Carl. Est-ce que...
Est-ce que... M. Ouellet, pardon. Est-ce que c'est... Est-ce que... C'est l'un
ou l'autre ou... Comment... Parce que, des fois, ce n'est pas trop clair la
différence entre clarification des attentes puis supervision pédagogique. Je ne
sais pas si vous pouvez préciser ça.
M. Bernier (André) : Je vais
me permettre de clarifier. Dans le fond, c'est beaucoup au niveau du langage,
là, propre au milieu de l'éducation. Quand on parle d'évaluation, ça s'applique
uniquement aux... «aux enfants», non, pas du tout, aux enseignants qui sont en
début de carrière, donc en attente d'une probation. Selon les centres de
services, les critères, là, diffèrent, mais c'est en début de carrière qu'on
est en évaluation.
M. Drainville : ...en
attente de poste, en attente de...
M. Bernier (André) :
Exactement. Exactement.
M. Drainville : Oui, voilà.
M. Bernier (André) : On est en
évaluation dans cette portion-là. Par la suite, on tombe en supervision. Donc,
une supervision n'entraîne pas de mesures administratives. On est en pratiques
collaboratives, on est en soutien avec l'enseignant pour voir comment ça se
passe dans sa classe, son groupe, ces choses-là, si... Il y a une différence,
là. Par contre, on peut arriver, en cours de processus, une fois qu'un
enseignant est permanent, de dire : O.K., on a un cas avec un enseignant
où ça se déroule mal, où on va tomber en attentes signifiées, où on va procéder
plus loin en mesures, peut-être disciplinaires, avec les ressources humaines,
jusqu'à une possibilité, là, de renvoi.
M. Drainville : ...dans une
logique d'alerte... avertissement, réprimande puis...
Une voix : Attentes
signifiées.
M. Drainville : Oui, voilà.
Tout ça, ça s'inscrit dans le processus de clarification des attentes ou
d'attentes signifiées, je pense qu'on parle de la même chose, là.
M. Bernier (André) : Oui,
tout à fait. Processus, là, que, s'il n'y a pas de chose qui se règle, on
devient un processus disciplinaire.
M. Drainville : Donc,
l'attente signifiée ou clarification des attentes, ça s'inscrit dans un
processus disciplinaire. La supervision pédagogique, c'est quelque chose de
régulier...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup pour ces échanges. On va poursuivre les discussions avec la députée de
Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous cet après-midi...
Mme Cadet : ...la première
question que j'ai concerne, donc, les défis que l'on connaît au niveau du
recrutement des... du personnel, donc, au sein, donc, des directions
d'établissement. On a entendu vos homologues, hier, donc, nous parler, donc, du
grand défi de recrutement, et notamment en raison, donc, de l'alourdissement de
la tâche. Je pense, si je vous ai bien entendus, que, dans votre présentation
de 10 minutes, donc, vous nous parliez un peu, donc, de la question de
l'alourdissement de la tâche, ou peut-être que... Bon, je me suis noté, donc, cet
élément-ci. Donc, j'aimerais vous entendre sur comment... Vous, vous dites que
ce qui est présenté, de la manière dont c'est présenté dans le projet de loi
n° 94... Donc, quelles répercussions ça pourrait avoir au niveau du
recrutement des membres, donc, du personnel de direction?
M. Bernier (André) : En
termes d'enjeu, c'est le fait de... Actuellement, on a beaucoup de personnes
qui sont dans nos milieux qui portent des... soit le voile ou des signes
religieux, qui, s'il n'y a pas de... excusez, le terme... de droits acquis,
risquent de nous quitter, très fortement, donc vont amplifier l'impact de la
pénurie. Donc, il y a ce gros enjeu-là qu'il faut avoir en tête s'il n'y a pas
de droits acquis. Parce qu'à l'opposé, si le droit acquis demeure, on va avoir
possiblement de la difficulté à attirer des gens parce qu'il y a... ils vont
vouloir porter les signes religieux, et ne pourront pas.
Et à l'intérieur de l'école, de la même
école, on pourrait avoir deux niveaux d'école, deux catégories de personnel, et
de la difficulté à gérer cet aspect-là, de savoir, comme direction, quand on
arrive dans un nouveau milieu, est-ce que cette personne-là, elle a un droit
acquis ou pas... On ne le sait pas, on ne les connaît pas, ils... ne se
promènent pas avec des brassards pour nous dire, là, s'ils ont un droit ou pas,
là. Donc, il y a tout cet enjeu-là, là, de connaître, de voir le fonctionnement
sur le terrain, jour après jour, avec les gens qui sont déjà dans un milieu
quand on arrive, là, qui est compliqué aussi.
Mme Cadet : O.K., merci. Là,
je pense que vous avez répondu, peut-être, au deuxième volet de ma question,
qui était peut-être en filigrane, là, sur les difficultés, donc, de
recrutement, effectivement, donc de pénurie de main-d'œuvre au niveau du
personnel, bon, enseignant, mais surtout, en ce qui couvre, donc, le projet de
loi n° 94, donc, des membres, donc, du personnel de soutien et
professionnel.
Ma question initiale, donc, portait
surtout sur l'alourdissement de la tâche au niveau des directions et
gestionnaires administratifs des écoles et des centres, parce qu'on sait qu'il
y a des propositions qui concernent la planification pédagogique, l'évaluation
des enseignants. Je comprends que vous avez fait, donc, le sondage auprès de
vos membres, et qu'ils sont favorables à ces... à ces dispositions-ci. Et je me
demandais, donc, comment, donc, ces tâches supplémentaires, donc, pourraient
contribuer à un alourdissement de la tâche des directions, et donc miner, donc,
le recrutement au niveau, donc, des directions, alors que le personnel
enseignant se dit : Oui, peut-être que... je n'irai peut-être pas là,
parce que c'est déjà une tâche qui est très, très lourde, à la base.
M. Chevalier (Éric) : C'est
dur de chiffrer en temps combien de temps ça va prendre de plus, les éléments
du projet de loi. Quand on parle... Il y a une différence entre une supervision
puis une évaluation. Lorsqu'on parlait avec M. Drainville... Une évaluation va
demander peut-être plus de rencontres qu'une supervision. La gestion des signes
religieux, la gestion, la fin de semaine, de l'école, parce que, dans les
petites écoles, dans les petits milieux, les directions qui... C'est tous des
ajouts dans une tâche qui est déjà bien remplie.
Prenez une école comme la mienne. L'année
dernière, j'ai eu 250 personnes qui ont eu des postes d'enseignants. Là-dessus,
26 % étaient des enseignants non détenteurs de brevet. 26 %, ça veut
dire que j'avais 60 quelques personnes qui demandent des rencontres à tous les
mois. C'est quoi, une rencontre de parents, quand c'est la première fois que tu
es un enseignant? C'est quoi, faire un bulletin? C'est quoi, participer à une
rencontre matières? C'est quoi, faire une planification annuelle? C'est tous du
temps supplémentaire, du temps qu'on n'avait pas il y a 10, 15 ans, parce qu'il
y a 10, 15 ans j'en avais... Il y a 10, 15 ans, au mois de septembre, il y
avait des gens sur les listes qui attendaient puis qui me disaient :
T'as-tu une job pour moi? Maintenant, au mois de juillet, ces gens-là, ils ont
déjà une job pour l'année d'après. Ça fait que c'est cet alourdissement-là qui
demande de plus en plus de temps aux directions et aux directions adjointes.
Et là on se questionne sur l'ajout dans le
projet de loi, qui vient encore ajouter des tâches supplémentaires à des tâches
qui, des fois, n'étaient pas dans l'école. On l'a dit dans notre... dans notre
mot d'ouverture, on gère le brossage de dents, la vaccination, plein de choses
comme ça, qu'on demande aux directions et aux gestionnaires de gérer ça, en
surplus. Mais le but premier, c'est la réussite des élèves.
• (16 h 20) •
Mme Cadet : Oui. Oui, tout à
fait, ça me semble très lourd.
M. Chevalier (Éric) : Oui,
c'est important de fonctionner avec la santé, mais il y a beaucoup de travail qu'on
a à faire en dehors de ça et ça, ça vient en ajouter un petit peu. Par contre,
je dois le dire, on est d'accord avec la très grande majorité de ce qui est là.
Mme Cadet : Oui, c'est ce que
j'ai lu.
M. Chevalier (Éric) : La
laïcité de l'État, pour nous, c'est essentiel.
Mme Cadet : Oui, c'est ça, en
termes de principes, mais... C'est ça. Quand même, ce que... vous venez de nous
donner...
Mme Cadet : ...comme exemple,
là, ça me semble effectivement très louche. Puis, dans votre mot ouverture, là,
vous parliez du défi, donc de réaliser le tout sans ressources ou soutien
supplémentaires. Donc, vous parlez ici de ressources financières, j'imagine, ou
de ressources humaines...
Une voix : Ressources
humaines.
Mme Cadet : ...ressources
humaines surtout. O.K. Donc, de ressources humaines. Donc, c'est de s'assurer
que le ministre, donc, puisse vous offrir ce type de ressources là.
M. Ouellet (Carl) : Du
soutien, on en demande aussi. On parle de soutien administratif aussi en termes
de ressources humaines aussi, des tâches qu'on ne faisait pas il y a quelques
années. Éric en a parlé. M. Chevalier en a parlé. Maintenant, ça se
retrouve sur le bureau de la direction. Donc, il y a beaucoup de tâches
administratives, mais on est des pédagogues, on est des diplômés
d'enseignement, on a nos brevets, on est des enseignants, on a des gens qui ont
à cœur la réussite de leurs élèves, on est rendus tellement surchargés par des
tâches administratives qu'on a moins de temps pour faire ce travail là de
leader pédagogique, et c'est ce qu'on demande. Ça vient... Encore une fois,
quand on a fait notre sondage, ce que les gens nous disaient : on est
pour, mais on va prendre le temps où pour faire tout ça? Comment ça... On va-tu
avoir de l'aide pour le faire? Oui, on veut embarquer là-dedans, mais comment
on va remplir tous ces mandats-là?
Mme Cadet : Deux constats
qu'on a entendus plus tôt aujourd'hui. D'une part, certains intervenants nous
ont parlé d'un certain roulement au niveau des directions d'école, donc, qui
empêcherait peut-être, donc, certaines directions nouvellement arrivées, donc,
de bien évaluer le... bon, l'enseignant, donc, en cours de route. Et l'autre
élément qui nous a été aussi rapporté, là, c'est que l'évaluation a été
évaluée, donc, une à trois heures par année. Est-ce que vous souscrivez à ces
deux assertions-là?
M. Chevalier (Éric) : Moi, si
je veux faire une vraie évaluation, je vais rencontrer l'enseignant en début
d'année, en milieu d'année, en fin d'année, je vais aller le voir enseigner
minimum deux fois.
Mme Cadet : O.K.
M. Chevalier (Éric) : Ça fait
que ça, on parle de minimum cinq à six heures de rencontre par l'enseignant.
Mme Cadet : O.K. Donc, vous
corroborez, donc, un peu ce qu'on a entendu. Donc, minimalement, donc,
vraiment, début d'année, milieu d'année, fin d'année. Donc, c'est ça, une
véritable évaluation des enseignants.
M. Chevalier (Éric) : Bien,
si on veut faire une vraie évaluation. Puis, je dois être honnête, je ne peux
pas faire ça à Paul parce que je pense qu'il n'est pas bon, mais à Jean, lui,
je le trouve bon : Ah, bien, toi, c'est correct, vas-y.
Mme Cadet : Une tape dans le
dos.
M. Chevalier (Éric) : Non,
non, si je veux faire mon travail de façon normale, il faut que je le fasse
pour tout le monde.
Mme Cadet : C'est une
question d'équité aussi.
M. Chevalier (Éric) : C'est
une question d'équité.
Mme Cadet : O.K. Je comprends.
M. Ouellet (Carl) : Puis pour
la pénurie, effectivement, ça touche les directions autant que le personnel. On
est... nous aussi, on est en... à l'heure actuelle, il y a encore des chaises
qui ne sont pas occupées par une direction, c'est des retraités qui sont là,
les gens qui reviennent dans nos écoles, heureusement, pour nous donner un coup
de main, mais on vit... on est frappé de plein fouet, comme les autres... les
autres personnels.
Mme Cadet : O.K. Merci. Puis,
sinon, au niveau du défi de recrutement du personnel, donc, vous l'aviez évoqué
un peu plus tôt, donc, vous disiez, donc, ce qui est présenté, donc, il y a un
certain risque au niveau, donc, du recrutement, donc, supplémentaire, demande
de personnel qui ne viendrait pas, donc, dans le milieu en se disant :
Bien, on souhaite, donc, préserver, donc, le port, donc, de certains signes
religieux et donc on bifurquera, donc, vers d'autres réseaux.
M. Ouellet (Carl) : On
s'attend à ça. Oui.
Mme Cadet : O.K. Donc, vous
vous attendez à ça. Je vais peut-être laisser alors mon collègue poursuivre.
Merci.
La Présidente (Mme Poulet) :
Oui. Alors, allez-y. Il vous reste 4 min 14 s.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre mémoire. Merci pour vos statistiques. Je sais que
vous faites un travail qui est difficile. Est-ce que vous avez aussi des
statistiques sur la santé de vos cadres en général? Est-ce que vous souffrez
d'épuisement? Est-ce qu'il y a des gens qui...
M. Ouellet (Carl) : On a
deux... On a eu deux recherches qui ont été faites avec le GRIDE, un groupe de
recherches universitaires des universités québécoises associées aux trois...
aux trois fédérations, direction, direction. Ça fait deux données qu'on prend
chez les membres, chez les directions au Québec. Et dernièrement il y a eu l'institut
aussi, l'INSPQ, qui a fait une... pour tout le personnel scolaire. Et on voit
aussi que la santé mentale des directions est mise à mal. Je vous dirais que,
dans les dernières... pour le GRIDE, le dernier sondage du GRIDE, on remarque
que les gens travaillent tout près de 53 heures, 53 à 55 heures par
semaine. Il y a une hausse de prise de médicaments pour la santé, pour la santé
mentale, de sommeil, difficultés de sommeil, difficultés à la maison,
conciliation famille... famille-maison... famille-travail, pardon, mais...
C'est ça. On est comme les autres personnels du réseau scolaire, un petit
peu... même un petit peu plus élevé en termes de détresse psychologique.
Présentement, on travaille là-dessus avec les chercheurs, on est à regarder des
solutions, on supporte nos membres comme association aussi, mais effectivement,
là, on a... on est dans le... je vous dirais, on est dans le même bain que
notre personnel là-dessus aussi, là.
M. Morin : Et est-ce que vous
avez du soutien de la part du ministère ou des centres de services scolaires
pour aider les cadres quand ils vivent des situations de détresse?
M. Ouellet (Carl) : Oui, je
vous dirais qu'on a du soutien de nos employeurs avec les centres de services
scolaires...
M. Ouellet (Carl) : ...les
associations, nous aussi, les associations de cadres et de directions, là, on
fait... on essaie de soutenir nos membres, là. Les ressources sont là, je vous
dirais, là, les ressources sont là, mais c'est difficile, là, pour certains de
nos membres.
M. Morin : J'imagine que,
comme le soulignait ma collègue, ça ne doit pas faciliter le recrutement au
niveau de votre association puis au niveau des cadres dans les écoles.
M. Ouellet (Carl) : Les
tâches ont beaucoup augmenté. C'est sûr que, pour nous, le bassin de
recrutement pour... direction, ce sont les enseignants, mais les enseignants
nous regardent aller et voient qu'on travaille très fort, c'est... on n'est pas
très attirant, je vais le dire comme ça, là, comme profession, présentement.
M. Morin : Je vous comprends,
avec la situation que vous décrivez. Dans le projet de loi, on parle aussi
d'une évaluation, vous en avez parlé. Évidemment, je suis d'accord avec vous,
quand vous faites une évaluation, elle doit être évidemment faite de la même
façon pour tout le monde, vous l'adaptez à l'enseignant, mais comme vous avez
dit, vous ne pouvez pas dire : a, je trouve qu'il est bon, je n'en fais
pas, puis b, je vais en faire une. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Ça, c'est
clair. Vous avez décrit le temps que ça prenait, avez-vous les ressources pour
faire ça?
M. Chevalier (Éric) : Bien,
si on fait ça, ça va prendre... on va mettre moins de temps ailleurs. C'est sûr
que ça a un impact, évaluer un enseignant sur la réussite des élèves, c'est
important, mais quand il faut que j'organise, quand il faut que je remplisse
des collectes d'info, quand il faut que j'organise une campagne de vaccination,
quand il faut que je gère le bâtiment, le déneigeur qui a brisé trois, quatre
affaires, bien, c'est sûr que ça demande du temps aussi que je dois faire à
l'extérieur de mon temps de travail.
M. Morin : Et, dans le cadre
d'une évaluation, j'imagine que vous pouvez offrir... S'il y a des manques qui
sont évalués, observés, avez vous des moyens, offrir de la formation, offrir...
Est-ce que vous avez des budgets pour ça, pour les enseignants?
M. Chevalier (Éric) : Oui,
oui, on a un budget de perfectionnement qui vient annuellement, c'est
conventionné. On est capable d'avoir des conseillers pédagogiques qui viennent
aider. Dans l'éventualité où un prof désire avoir une formation, ce n'est
jamais un problème.
M. Morin : Très bien, c'est
bon. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci beaucoup. Alors, on poursuit les discussions avec le député de
Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Par rapport à l'interdiction du visage découvert pour les élèves,
le groupe précédent a mentionné l'enjeu des sanctions. Eux disaient : On
ne souhaite pas que l'élève soit sorti de l'école en cas de non-respect de la
consigne. On sait que les sanctions touchent les parents. C'est ce qu'ils
disaient. Vous, qu'est-ce que vous en pensez? Quel genre... Qui devrait viser
les sanctions? Et quel genre de sanctions seraient pour vous, disons,
applicables puis, en même temps, optimales, là, du point de vue des...
M. Chevalier (Éric) : Ça fait
15 ans que je suis directeur d'école. En 15 ans, il y a eu un cas
d'une cape et c'est cette année. Ça fait que c'est quoi, les sanctions à
donner? Je n'ai pas d'idée pour le moment là-dessus parce que c'est quelque
chose qui est tellement exceptionnel que... ce sont des exceptions puis des
exceptions ne peuvent pas se gérer de cette façon-là, à mon avis. Donc, c'est
difficile pour nous de vous dire quelles devraient être les sanctions. Je pense
que c'est plus aux législateurs de nous dire : Dans le cas où ça arrive,
appliquez tels éléments, tu sais, vous êtes capable de nous proposer qu'est-ce
qu'on a le droit de faire aussi. Je ne pense pas que de priver un jeune de
l'école, c'est une bonne chose, jamais. Mais s'il y a des règles à respecter
puis qu'on nous dit : Bien, cet enfant là, s'ils ne veulent pas respecter
les règles, faites... retournez-le à la maison, on le fera.
• (16 h 30) •
M. Zanetti : Parce que
j'imagine que c'est à quelque part vous qui êtes les mieux placés pour évaluer
qu'est-ce qui se fait puis qu'est-ce qui ne se fait pas, qu'est-ce qui est une
sanction applicable, qu'est-ce qui est une sanction pas applicable. Par rapport
à quelle sanction, on peut se défiler à l'infini, par rapport à laquelle...
Puis c'est... moi, j'ai l'impression que vous le savez peut-être mieux que le
ministre puis que, là... puis je n'ai pas l'impression non plus que... en tout
cas, dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de sanctions prévues. Ça fait
que, là, c'est une patate chaude qui va être... qui va tomber entre vos mains.
Moi, c'est une crainte que j'ai, là.
M. Ouellet (Carl) : Oui, mais
comme on vous dit, comme M. Chevallier dit, c'est vraiment des cas
d'exception, on n'en vit pas tant que ça. On a posé la question aussi, là, lors
de notre sondage et ce n'est pas ressorti chez nos membres. Les gens disaient
que c'était vraiment marginal et on le gère à la pièce. C'est certain que s'il
y avait des orientations, on les suivrait, là, mais, pour l'instant, pour nous,
là, on n'en a pas fait... on n'a pas fait beaucoup de travaux, on n'a pas
avancé de travaux là-dessus.
M. Zanetti : Parfait. Puis,
selon vous, là, mettons, si j'ai encore un petit peu de temps... J'ai-tu au
moins une minute?
La Présidente (Mme Poulet) : 1 min 45 s.
M. Zanetti : Le rapport
Bedford, quand ils parlaient de l'évaluation des professeurs, eux autres semblaient
conclure que, dans ce cas-là précis...
16 h 30 (version non révisée)
M. Zanetti :... c'est
comme s'il y avait... il n'y avait pas eu de prise pour la direction pour
obliger une évaluation qui se faisait dans un temps raisonnable puis qui
pouvait fonctionner. Donc, là, la réaction du ministre c'est de dire : Une
évaluation annuelle pour tout le monde. Vous mentionnez bien que c'est, avec
les ressources qui sont à votre disposition, difficile à réaliser, là. 100 000 profs,
cinq heures, d'évaluation par année, ça ne se peut comme pas. Et est-ce qu'en
ce moment vous avez déjà les prises pour évaluer des professeurs dont vous
pensez qu'ils posent problème, ou est-ce qu'il faut une solution législative de
plus que les moyens à votre disposition?
M. Chevalier (Éric) : On
a les prises pour faire le travail. Je n'étais pas à l'école Bedford. Ça fait
que c'est dur pour moi de commenter ce que la direction aurait dû faire, ou qu'est
ce qu'elle a fait, ou qu'est ce qu'elle n'a pas fait. Moi, dans les milieux
dans lesquels j'étais, si j'ai des interventions à faire, je le fais avec les
encadrements qui sont prévus dans les conventions, avec l'aide des ressources
humaines dans la majorité des cas, parce que c'est des cas complexes. Mais je ne
crois pas qu'on ait besoin de leviers supplémentaires pour faire des
encadrements pour des enseignants qui ne font pas le travail, qu'ils sont
supposés faire. Le projet loi vient amener d'autres éléments qu'on va devoir
respecter, simplement. Puis on a les leviers qui existent déjà dans les
conventions. C'est déjà écrit partout, les mesures disciplinaires sont claires.
M. Zanetti : Génial!
Merci. Ça fait le tour pour moi. Merci.
M. Chevalier (Éric) : Merci.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci à vous trois de votre participation. Alors, on va suspendre les travaux
temporairement, le temps que le prochain groupe s'installe.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 40)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on reprend nos travaux. Nous accueillons la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse en mode hybride. Alors, je vous rappelle
que vous avez un 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va procéder à
une période d'échange. Alors, la parole est à vous.
M. Tessier (Philippe-André) : Merci,
Mme la Présidente, merci de l'invitation. Je suis accompagné de mes collègues
Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte, Geneviève
St-Laurent, conseillère juridique, et Jean-Sébastien Imbeault, chercheur à la
commission.
Le projet de loi devant nous interpelle
notre commission à bien des égards. D'abord, évidemment, parce qu'il concerne
le droit des enfants en milieu scolaire ainsi que les droits des membres du personnel
de l'école. Nous l'avons analysé en lien avec la Charte des droits et libertés
de la personne du Québec, comme le veut notre mandat. Je vais donc vous
présenter les grandes lignes de notre mémoire que je vous invite à lire pour
prendre connaissance de nos neuf recommandations. Notez que le mémoire a été
produit dans des courts délais, donc nous n'avons pu analyser l'ensemble des
éléments du projet de loi, dont les nouvelles mesures sur la langue. Nous
allons insister dans cette présentation sur certains points qui nous
apparaissent comme les plus importants de la perspective de la commission.
Il faut rappeler qu'au cours des dernières
années, la commission s'est prononcée à de multiples reprises en faveur de
l'affirmation d'une laïcité dans une loi...
M. Tessier (Philippe-André) : ...qui
soit arrimée aux droits et libertés contenus dans la charte. Une telle laïcité
constitue une composante centrale d'une société démocratique et diversifiée
devant favoriser une cohabitation harmonieuse, fondée notamment sur un partage
des valeurs démocratiques et de la langue publique commune qu'est le français.
La commission soutient plusieurs des
objectifs du projet de loi n° 94 qui peuvent être compatibles avec le cadre de
la charte et avec les droits de l'enfant dans la mesure où les moyens choisis
sont adaptés aux enjeux réels. La charte offre d'ailleurs des outils
incontournables pour assurer le bien-être et la sécurité des élèves. De même,
la garantie du caractère laïque des institutions d'enseignement public
nécessite le respect du droit à l'égalité, de la liberté de conscience et de
religion, qui sont deux des principes de la laïcité.
Le projet de loi n° 94 pose cependant
problème pour plusieurs raisons, et, si je devais résumer notre analyse en une
phrase, je dirais que certains des moyens choisis pour atteindre les objectifs
du projet apparaissent disproportionnés ou inadéquatement formulés pour répondre
aux problèmes concrets importants auxquels le projet de loi entend répondre. Je
cède la parole à ma collègue.
Mme Pierre (Myrlande) : Merci.
Alors, nous avons pris connaissance des enjeux soulevés dans certaines écoles
au Québec et nous avons analysé avec attention les rapports produits dans le
contexte. D'emblée, nous déplorons le climat toxique au sein de l'école Bedford
qui a perduré pendant plus de sept ans, et ce, au détriment du développement du
bien-être et des droits des élèves. Nous avons également pris connaissance du
rapport portant sur 17 écoles et des possibles enjeux affectant notamment
les enfants.
Nous croyons cependant qu'un portrait plus
complet aurait permis d'apporter des propositions mieux ciblées à la fois par
rapport aux enjeux réels qui se posent et par rapport au cadre des droits et
libertés de la personne à respecter. Alors, en se basant largement sur le
rapport portant sur un échantillon restreint de 17 écoles et en
généralisant les constats à l'ensemble des écoles du Québec, le législateur a
plutôt opté d'introduire dans la loi des interdictions le type de ce qu'on
appelle mur à mur. Alors, ces interdictions entraîneront des conséquences sur
l'exercice des droits et libertés de la personne, notamment pour les élèves.
Pourtant, les enjeux identifiés à l'école Bedford et dans les 17 autres
écoles pourraient être résolus avec le cadre légal existant. Certaines
bonifications à ce cadre relatives à l'ajout d'un code d'éthique et de
déontologie ou un meilleur encadrement des pratiques pédagogiques, par exemple,
sont néanmoins à souligner.
Le projet de loi réduit la portée des
droits des enfants et du personnel dans la pratique religieuse minoritaire
implique, par exemple, un ou deux congés à l'extérieur du calendrier civil. De
plus, le projet de loi crée de nouvelles barrières discriminatoires à l'emploi,
que ce soit à l'embauche ou à la promotion, en interdisant le port des signes
religieux pour l'ensemble du personnel de l'école. Pourtant, des pistes de
solutions plus proportionnées auraient pu être mises de l'avant, par exemple en
accentuant la responsabilisation des décideurs du milieu scolaire.
Ces enjeux soulevés dans les rapports
exposent probablement davantage des besoins en matière de compréhension et
d'application de l'accommodement raisonnable et de la Loi sur la laïcité de
l'État, de là la nécessité d'offrir des formations, un accompagnement auprès de
la direction et du personnel des écoles. Ces solutions permettraient de mieux
répondre à la singularité des questions qui se posent dans les milieux.
La commission se désole du recours large,
sans nuance et sans justification, à la disposition de dérogations de la
charte, alors, particulièrement dans la mesure où le projet de loi poursuit des
objectifs qui sont compatibles avec celle-ci. On ne devrait avoir recours à la
clause dérogatoire que lorsqu'il est strictement nécessaire de le faire et pour
protéger davantage les droits des personnes.
À cet effet, la commission s'étonne tout
particulièrement que le projet de loi propose de déroger au droit à l'égalité,
alors même que plusieurs de ses dispositions visent justement à protéger
l'égalité entre les femmes et les hommes et à lutter contre l'intimidation
fondée par exemple sur le racisme ou l'homophobie.
Il est également surprenant que les
dispositions ou des dispositions du projet de loi, relatives entre autres à
l'encadrement des interventions pédagogiques, à la mission de l'école et aux
pouvoirs des directeurs fassent l'objet d'une dérogation, alors que rien dans
ces dispositions ne semble porter atteinte aux droits et libertés.
Une meilleure prise en compte de la
Charte, tant dans la...
Mme Pierre (Myrlande) :
...la rédaction du projet de loi que dans sa mise en œuvre permettrait
d'atteindre ces objectifs de manière plus concluante. Compte tenu de ces
constats, la commission exhorte le gouvernement de ne pas introduire de
dérogation à la charte dans le cadre du projet de loi. Et si le législateur
entend malgré tout déroger à certaines dispositions de celle-ci, la commission
recommande de mieux cibler les articles du projet de loi qu'il souhaite
soustraire à l'application de la charte et de préciser à quels droits ou
libertés on souhaite spécifiquement déroger.
M. Tessier (Philippe-André) :
Il faut rappeler que la laïcité est une caractéristique essentielle de l'État,
qui s'incarne d'abord dans les structures institutionnelles, dans les normes et
les pratiques. L'école québécoise n'a pas pour objectif de nier les différences
religieuses des élèves, leurs croyances, leur incroyance ou leur indifférence
totale à la religion, mais d'accueillir ce fait dans les limites du raisonnable
à l'intérieur de l'école et de s'assurer que les intérêts primordiaux des
enfants soient garantis. De plus, il serait faux de prétendre que le sexisme,
l'homophobie ou la transphobie, pour ne prendre que ces exemples, sont le seul
fait de croyances religieuses. Ces phénomènes, tout comme l'opposition au
programme d'éducation à la sexualité, existent en dehors de croyances
religieuses, par exemple, dans un courant masculiniste de plus en plus affirmé
au Québec.
Le projet de loi prévoit l'interdiction de
toute conduite motivée par des considérations religieuses, un ajout qui paraît
mal adapté. En effet, cette interdiction semble traduire certaines
incompréhensions à l'endroit des croyances religieuses, qui seraient donc
forcément contraires au bien commun et dont il faudrait se méfier. D'autre
part, elles pourraient détourner l'attention de comportements qui, sans être
motivés par des convictions religieuses, seraient nuisibles aux élèves ou au
personnel, comme le révèle le conflit d'ordre idéologique ayant sévi à l'école
Bedford. La Commission recommande donc de remplacer «est exempte de
considérations religieuses» par des expressions exigeant que la conduite soit
neutre et précisant que la personne doit agir de manière à favoriser le
développement de tous. J'ajouterais sans discrimination afin de mieux répondre
aux enjeux identifiés. Rappelons que la liberté de religion ne doit pas être
appréhendée comme un absolu. La possibilité des individus d'agir selon leurs
croyances a été restreinte par le passé à de multiples reprises en fonction de
diverses considérations. Par exemple, la liberté de... le meilleur intérêt de
l'enfant, pardon, a contrebalancé la liberté de religion des parents dans le
cas d'un refus de transfusion sanguine, ou la sécurité des élèves a été
restreinte... est venue restreindre, pardon, les conditions de port de signes
religieux par un jeune sikh, la prise d'une photographie sur un permis de
conduire a également été autorisée malgré les allégations relatives à la
liberté de religion.
Donc, les interdictions qui sont mises en
avant dans le projet de loi risquent d'être perçues comme une forme de
durcissement qui pourrait renforcer malheureusement la polarisation trop
présente dans notre société, une société de diversifiée, comme est le Québec.
Il y a des demandes relatives à la liberté de religion qui peuvent être plus
difficiles à traiter et qui peuvent, pour cette raison, est plus susceptibles
de susciter la controverse, on le reconnaît. Le milieu scolaire peut rencontrer
des difficultés dans la mise en place de mesures respectueuses à la fois de la
neutralité des institutions et du respect de la diversité religieuse. C'est impossible
de nier ce fait. Mais la voie de la solution unique, l'approche mur à mur qui
peut être tentante, ne règle pas les défis quotidiens du vivre ensemble au sein
du milieu de vie que constitue l'école québécoise. Pour faire face à ces défis,
il nous semble que la sensibilisation, l'accompagnement des acteurs scolaires,
l'éducation aux droits, des mécanismes d'accommodements raisonnables et de
contraintes excessives sont essentiels. Et c'est ce qu'on invite le législateur
à aborder dans ses travaux. Merci.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Drainville : Oui.
Merci pour votre présentation. Je salue les gens qui sont avec nous à distance.
N'hésitez pas à intervenir si vous le jugez nécessaire. Bon, je note dans vos
propos, Mme Pierre, je note que, bon, vous... vous nous reprochez très
respectueusement de faire du mur-à-mur. Mais moi, je vais vous dire, quand je
regarde Bedford, quand je regarde le rapport sur les 17 écoles, quand je
regarde le plan d'action également qui nous a été soumis par les
accompagnateurs à Bedford, quand je regarde également d'autres reportages qui
ont illustré un certain nombre de problématiques en lien avec des manquements à
la laïcité, quand on additionne tous ces cas, moi, je... En tout cas, moi et
notre gouvernement, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait
resserrer le cadre, qu'il fallait préciser le cadre et qu'il fallait resserrer
le cadre. Et j'attire votre attention, en particulier sur le paragraphe 49
du rapport sur les 17 écoles, paragraphe 49, donc page 15. Je
vais vous lire le...
M. Drainville : ...au
passage, il ressort des témoignages entendus que l'arrivée de la directive
ministérielle, la directive ministérielle sur les activités religieuses dans
les écoles, a beaucoup facilité les choses dans le réseau. Bien que la Loi sur
la laïcité de l'État affirme le caractère laïc de l'État et des centres des
services scolaires, depuis 2019, de nombreux établissements d'enseignement
avaient traité les demandes de locaux de prière comme des demandes
d'accommodement pouvant être acceptées. La directive ministérielle est venue
mettre fin à l'ambiguïté qui existait entre la primauté de la laïcité de l'État
et les accommodements raisonnables dans les écoles publiques du Québec.» Et
moi, ce passage-là, je l'ai trouvé très intéressant parce que ce qu'il
démontrait, c'est que, parfois, il faut des règles claires pour donner aux gestionnaires
la bonne information et la clarté voulue pour qu'ils agissent dans le cadre de
leurs fonctions. Donc, je comprends que vous dites : Bien, écoutez, les
gestionnaires ont déjà la latitude voulue pour agir pour... Vous parliez tout à
l'heure de responsabilisation des décideurs, hein, dans le milieu scolaire,
c'est-à-dire l'expression ou les mots que vous avez utilisés
«responsabilisation». Moi, je suis d'accord avec vous, il faut responsabiliser
les gestionnaires, et ce sont eux et elles qui vont devoir mettre en œuvre le
projet de loi à l'intérieur de leurs responsabilités bien entendu, que ce
soient les directions de centres de services ou encore les directions d'école.
Mais je pense que parfois il est nécessaire de préciser les règles du jeu, et c'est
ce que fait le projet de loi et j'en ai... j'en donne... je m'inspire de ça, de
cette conclusion-là que je viens de vous citer par rapport à la directive sur
les lieux de prière et les activités religieuses.
Par ailleurs, j'aimerais vous entendre sur
la question du visage découvert. Est-ce qu'à votre avis d'exiger que, dans une
école au Québec, un élève ou un élève se présente à visage découvert, est-ce
qu'à votre avis c'est une violation de ses droits individuels?
M. Tessier (Philippe-André) : Oui.
Bien, peut-être pour répondre à la première partie de votre question, M. le
ministre.
M. Drainville : Oui.
M. Tessier (Philippe-André) : Pour
ce qui est des interdictions mur à mur, j'attire l'attention de la commission
parlementaire à la page 40 de notre mémoire. Pour ce qui est des locaux de
prière, la Commission souligne qu'effectivement une directive a été adoptée,
puis ce qu'on préconise ici, c'est peut-être d'avoir une approche qui émanerait
d'un type de directive d'une approche réglementaire, mais qui viendrait créer
des balises et des conditions.
Par exemple, il est possible, il est
raisonnable de penser que dans le haut niveau du cycle primaire ou du premier
cycle du secondaire, des restrictions beaucoup plus importantes pourraient être
apportées versus le deuxième cycle du primaire, encore là, en fonction de
l'âge, de la nécessité de supervision, de la disponibilité de locaux. Il y a
toutes sortes d'éléments qu'une directive ou qu'un règlement ministériel peut
contenir qui vont venir encadrer, baliser et limiter, dans des limites
raisonnables, dans une société libre et démocratique, laïque, avec une langue
commune qu'est le français, qu'est le Québec, tel que notre Charte québécoise
dûment amendée par cette même Assemblée nationale en 2019 et en 2022 par p.
l. 21 et par p. l. 96. Donc, ces éléments-là, pour nous, donnent
l'espace au législateur, à l'Exécutif, de pouvoir venir placer des balises et
que ces balises-là soient raisonnables, je le répète, dans une société libre et
démocratique comme le Québec.
Pour la deuxième partie de votre question,
si vous me le permettez, pour ce qui est de la question de l'interdiction,
c'est un peu la même approche. Ce qu'on dit, c'est qu'encore une fois le
législateur est libre de venir poser des balises quant au port de signes, par
exemple, le visage découvert, et ça, c'est également développé à notre mémoire.
La question ici est de l'utilisation de la
clause dérogatoire, parce que nous, ce qu'on dit, c'est que le législateur, et
c'est ce qui est indiqué dans les commentaires qui ont été déposés lors du
dépôt du projet de loi des communiqués de presse, il y a des motifs, il y a des
raisons. Donc, la question d'identification de la sécurité, de l'apprentissage,
tous ces éléments-là, c'est des éléments factuels qui peuvent être... faire
l'objet d'un débat judiciaire et qui permet, à ce moment-là, d'apprécier et
d'appréhender si ces limites- là sont raisonnables, encore une fois, dans une
société libre et démocratique. Donc, nous, évidemment, la question, ce n'est
pas pour ou contre le visage découvert. Ce qu'on dit, c'est que cette
question-là, on ne voit pas la nécessité de déroger. On pense que cette
question-là mérite d'être débattue, mérite d'être tranchée et des des limites
pourraient être apportées à ces éléments-là compte, tenu encore une fois de
leur...
M. Tessier (Philippe-André) : ...des
enfants du cycle de toutes sortes d'autres considérations qui pourraient être
mises de l'avant, mises en preuves et testées devant les tribunaux. Ça va faire
en sorte que le cadre qui est par la suite mis en place va être beaucoup plus
robuste, va être beaucoup plus accepté, parce qu'à ce moment-là il y a eu ce
dialogue-là, entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif. Et donc ça va
faciliter la vie... comme le ministre, Mme la Présidente, l'interpelle, pour
faciliter la vie des administrations publiques, qui, elles, après ça, ont à
appliquer ces règles-là. Donc, nous, c'est un peu ce qu'on vous recommande à la
fois pour les locaux de prière et pour le visage découvert. Si vous... J'attire
votre attention à votre mémoire.
Puis ma collègue voulait ajouter un
élément.
Mme Pierre (Myrlande) : Et,
l'autre élément aussi que l'on pense incontournable dans le cadre de cet
exercice, c'est de revenir et de se rattacher à la logique même, et des
principes et objectifs de l'accommodement raisonnable. Parce qu'en fait,
l'accommodement raisonnable, c'est toujours jusqu'à contrainte excessive.
Alors, je pense que, comme mon collègue vient de le mentionner, nous avons les
éléments, nous avons un cadre qui nous permettent justement, sans déroger par
exemple aux droits... aux droits d'autrui... parce que l'accommodement
raisonnable, justement, permet, lorsqu'il est... lorsque cette notion, elle est
bien comprise et bien appliquée... parce que c'est une chose de comprendre les
principes qui sous-tendent l'accommodement raisonnable, et c'est une autre
chose que de l'appliquer, et...
M. Drainville : Mme Pierre,
si vous me permettez, comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais quand même
vous interrompre, là. Donc, si je vous comprends bien, puis si je comprends
bien les propos de votre président, la question du visage à découvert, pour
vous, ce n'est pas une question de principe. Ça pourrait faire l'objet
éventuellement d'un accommodement. C'est là que nos chemins se séparent. Parce
que moi, j'en fais une question de principe. Moi, je pense que, dans une école
québécoise, qu'elle soit publique ou privée, qu'elle soit subventionnée ou pas,
tous les élèves en tout temps doivent avoir le visage découvert. Pour des
raisons de communication, pour des raisons d'identité, pour des raisons de
sécurité...
Une voix : Tout à fait. Mais,
ça, on a très bien compris ça, M. le ministre.
M. Drainville : ...pour des
raisons pédagogiques, à mon avis, il n'y a aucun compromis à faire sur cette
question-là. On ne peut pas accepter au Québec, dans une école, le voile
intégral, point à la ligne, que ce soit pour un membre du personnel ou que ce
soit pour un élève.
M. Tessier (Philippe-André) : Tout
à fait. Et donc nous, et j'attire votre attention, pages 27 et 28 de notre
mémoire qui développent cette question-là, les éléments que vous venez de
mentionner, on les reprend textuellement dans notre mémoire. Ce sont des
explications, des justifications que le gouvernement, à travers les avocats du
Procureur général du Québec, vont pouvoir plaider devant un tribunal, et va
pouvoir dire : Oui ou non, cette limite-là, que le législateur vote... Le
législateur va voter une limite. Vous allez dire : Cette limite-là... Puis
j'ai... on a bien compris l'intention gouvernementale. On ne la remet pas en
question. On dit : Visage couvert, c'est terminé. Ça, on a compris ça. On
dit : Soumettez-la au test des tribunaux.
M. Drainville : Mais, M.
Tessier, que l'on veuille introduire dans le projet de loi la clause de
souveraineté parlementaire, ça s'explique. Et ça s'explique essentiellement
pour une seule et unique raison, ça vise à protéger le projet de loi. Ça vise à
assurer la protection du projet de loi et des principes sur lesquels il
s'appuie.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça. Tout à fait. Mais je...
M. Drainville : Mais là, je
pense que c'est là qu'on a aussi un désaccord. Je pense que le mot n'est pas
trop fort.
• (17 heures) •
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
peut-être qu'il y a une nuance que je vais vous faire. Parce qu'il faut faire
attention aussi, vous le savez, le Québec est régi par deux chartes.
M. Drainville : Oui.
M. Tessier (Philippe-André) : Là,
ici, évidemment, mon propos vise la Charte québécoise. La Commission des droits
et libertés de la personne du Québec, hein, la commission, nous, la Charte, on
est fiduciaires de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Et, ici, l'Assemblée nationale est le constituant. Donc, la clause de
souveraineté parlementaire, elle a sens par rapport à la Charte canadienne.
Parce que l'Assemblée nationale n'est pas le constituant, elle n'a pas la
capacité ou le pouvoir de la modifier. L'Assemblée nationale, lorsqu'on parle
la Charte québécoise, l'Assemblée nationale... puis d'ailleurs l'Assemblée
nationale l'a fait en 2019 sur p.l. 21, introduit la laïcité, l'a fait en
2022 sur p.l. 96 sur le français, donc l'Assemblée nationale, comme constituant
à exercer ses prérogatives, vient juste de le faire d'ailleurs en commission
parlementaire sur p.l. 84, on vient encore de modifier la charte... des
articles de la charte. Donc, ici, ce qu'on vous plaide ou ce qu'on vous
explique, c'est des propos qui visent la Charte québécoise. Donc, on ne parle
pas d'une dérogation à la canadienne ici. Je veux juste qu'on se comprenne
bien. On parle d'une dérogation à la québécoise.
M. Drainville : D'accord. Sur
les congés religieux, si je vous ai bien compris, Mme la vice-présidente, puis
là, corrigez-moi si je me trompe, là, ça se peut que j'aie mal compris, là, ça
arrive, ça, là, mais vous avez parlé d'un ou deux congés religieux, hein? Je
pense que vous avez dit ça, un ou deux, là. Je pense que je vous ai entendu
dire ça. Donc, expliquez votre pensée...
17 h (version non révisée)
M. Drainville : ...s'il vous
plaît ou élaborez ça. Si je vous comprends bien, pour la commission, de donner
un congé supplémentaire à quelqu'un, un congé payé supplémentaire pour des
raisons religieuses, un ou deux congés de plus, ce serait quelque chose d'acceptable?
Est-ce que j'ai bien compris? Sinon, expliquez-moi.
Mme Pierre (Myrlande) : Oui.
Bien, en fait, c'est plus... on appelle à un aménagement. Il y a déjà des
congés qui sont prévus, qui sont prévus dans les conventions collectives. Et est-ce
qu'on peut penser à une certaine souplesse pour un aménagement de ces congés-là?
Et c'est toujours... Je reviens sur la logique, hein, et les principes qui sous-tendent
l'accommodement raisonnable, c'est toujours sur la question de la contrainte
excessive, mais aussi de ne pas déroger aux droits, aux droits des autres.
M. Drainville : Est-ce que
vous parlez des élèves ici ou vous parlez du personnel quand vous parlez d'accommodements?
Mme Pierre (Myrlande) : Bien,
ça peut s'appliquer aux deux, ça peut s'appliquer aux deux catégories.
M. Drainville : Au deux? O.K.,
mais...
M. Tessier (Philippe-André) : Le
droit à l'accommodement, il s'applique pour toutes les personnes sur le
territoire du Québec, qu'on soit un enfant ou un adulte, là.
M. Drainville : Je comprends,
mais, dans mon esprit, quand vous parliez de congés, pour moi, c'était pour les
employés, c'était pour le personnel. Mais là...
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
les enfants, ils manquent de l'école des fois parce qu'ils vont chez le
dentiste, ils sont malades. Il y a toutes sortes de raisons qu'on accommode,
les enfants, entre guillemets, parce que, bon, théoriquement, c'est le droit au
handicap, la personne est malade. Je ne veux pas rentrer dans technicalités là,
mais, je veux dire, la logique est toujours là, c'est toujours... On donne une
souplesse, puis c'est tout, là.
M. Drainville : Oui, je
comprends. Mais quand on lit dans le rapport sur les 17 écoles, là, quand
on lit à la page 20, paragraphe 62 : «Un employé pratiquant une
religion peut donc se voir accorder plus de congés rémunérés qu'un employé ne
pratiquant aucune religion». Est-ce que vous trouvez ça normal?
M. Tessier (Philippe-André) : Mais
ça, ce n'est pas en raison...
M. Drainville : Est-ce que
vous trouvez ça juste?
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
Mme la Présidente, ça, n'est pas en raison de la charte québécoise ou de l'accommodement
raisonnable, c'est en raison des prescriptions d'une convention collective
applicable à l'employé en question. Nous, on n'est pas responsable des
conventions collectives, on est responsable de la charte.
M. Drainville : Non, pas tout
à fait, pas tout à fait. Ce qui est dit dans le...
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
les congés payés, avec égard, les congés payés sont payés parce qu'il y a une
convention collective qui reconnaît qu'elle est payée ou pas payée.
M. Drainville : Oui, mais
dans...
M. Tessier (Philippe-André) : Si
on a un congé personnel, par exemple, on a cinq jours de congés personnels
payés, bien, c'est prévu dans une convention collective.
M. Drainville : Non. Dans le
rapport sur les 17, c'est très clair, ils s'appuient sur des décisions des
tribunaux pour donner ces accommodements religieux.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
écoutez, là, l'idée encore une fois, c'est jusqu'à la contrainte excessive, c'est :
Il ne faut pas ici que ça vienne perturber le fonctionnement normal, il ne faut
pas que ça soit... donne des... La logique de l'accommodement, ce n'est pas de
donner un avantage indu à personne, c'est de rééquilibrer. Puis je sais que l'égalité
réelle, c'est un peu... ça peut mettre des fois un peu au défi, parce que l'égalité
formelle, donc tout le monde pareil partout, bien, la limite de ça, bien, c'est,
par exemple, la personne en situation de handicap, bien, c'est bien le fun, l'égalité
réelle... l'égalité formelle, pardon, mais si elle n'a pas accès à la bâtisse,
elle n'a pas accès à la bâtisse. Il faut adapter l'égalité, donc on est passé de
l'égalité formelle à l'égalité réelle. La mise en œuvre de l'accommodement, c'est
juste ça, c'est des aménagements au cas par cas. Puis là, après ça...
M. Drainville : Mais ça ne
doit pas... ça ne doit pas, excusez-moi de vous interrompre encore une fois, on
n'a pas beaucoup de temps...
M. Tessier (Philippe-André) : Non,
non, c'est correct.
M. Drainville : Mais ça ne
doit pas créer d'iniquités, hein? Je pense que c'est... vous avez...
M. Tessier (Philippe-André) : Ce
n'est pas l'objectif. Puis, encore une fois, si le législateur veut venir régir
ces éléments-là, dans le cadre de la charte, bien, peut être peut-il tu le
faire par directives, par règlements, prévoir des règles ou des consignes, mais
toujours dans un cadre où on donne une certaine flexibilité, on donne une
souplesse. C'est un peu ça, le concept de l'accommodement, c'est donner un peu
de souplesse aux gens pour permettre d'accommoder le monde. Dans la vie de tous
les jours, il se passe des choses.
M. Drainville : Mais ça ne
devrait pas créer d'iniquités entre les employés et ça ne devrait pas mettre à
mal le fonctionnement de l'institution.
Mme Pierre (Myrlande) : Mais
vous avez tout à fait raison en disant ça, ça ne devrait pas porter atteinte
aux droits, aux droits d'autrui. Donc c'est toujours dans une perspective d'égalité.
Alors, toujours jusqu'à contraintes excessives, est-ce qu'on peut trouver des
aménagements pour donner une certaine souplesse dans l'applicabilité de l'accommodement
raisonnable? Et d'ailleurs, à la commission, nous recevons des demandes,
justement, soit des écoles ou de différents milieux, pour mieux comprendre l'accommodement
raisonnable, mais aussi dans son applicabilité. C'est ça. Et c'est là, le défi,
je pense, pour nos écoles, comme pour les autres institutions.
M. Drainville : Mais on en
revient au point premier, il y a les règles qui pourraient s'appliquer ou
peut-être devraient s'appliquer, mais qui, malheureusement, dans le quotidien,
ne s'appliquent pas, de là la justification pour légiférer, pour venir
clarifier.
M. Tessier (Philippe-André) : Bien,
avec... mais encore une fois, ça, là-dessus, il y a eu le rapport Fleury de
2007. Ça fait 20 ans au Québec qu'on a appelé à avoir... puis ça, dans le
rapport Fleury, donc, il y avait une vaste consultation de toutes les écoles au
Québec. On est arrivé, on a dit : Ça prend un guide pour outiller les
directions d'école, pour les aider à appliquer ça de façon cohérente et
uniforme...
M. Tessier (Philippe-André) :
...ce guide-là, nous, on le dit dans notre mémoire, on n'a pas connaissance
qu'il ait été déployé. On a fait, en 2019, le projet...
La Présidente (Mme Poulet) :
...on va poursuivre la discussion avec la députée de Bourassa-Sauvé
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Tessier. Bonjour, Mme Pierre. Également, je
reconnais à l'écran Mme St-Laurent... Me St-Laurent et
M. Imbeault. Et je pense que vous aviez aussi l'intention d'intervenir.
Donc, n'hésitez pas à prendre la parole au niveau des questionnements que
j'aurai. Donc, notre temps est limité. Donc, je me lance. Donc, j'ai également,
donc, noté, le ministre vous a questionné là-dessus. J'ai également noté dans
votre allocution principale, M. Tessier et Mme Pierre, que vous
indiquez que la... que plusieurs, donc, des défis pourraient être résolus avec
le cadre législatif actuel. J'ai également noté le fait que... le fait que le
ministre a pointé, là, donc, qu'il faudrait, donc, accentuer la responsabilité...
la responsabilisation, pardon, des décideurs, des décideurs du milieu scolaire.
Donc, j'aimerais peut-être vous entendre, donc, élaborer, donc, sur ce
point-là. Donc, il y a... Je veux m'assurer, là, que j'ai bien compris, parce
que si je vous entends bien, en fait, je me dis que votre interprétation, c'est
que le projet de loi actuel, dans sa mouture, n'était pas nécessaire. C'est
bien ça?
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci. Mme la... Oui.
Mme Pierre (Myrlande) :
Bien, en fait, ce qu'on dit vraiment, ce sur quoi on met l'accent, c'est que ce
qui est proposé pour répondre aux constats en termes de mesures, c'est
disproportionné. Donc, c'est... c'est... En fait, est-ce que... Le cadre du
projet de loi, oui, a sa pertinence. Toutefois, la commission insiste sur le
fait que les mesures sont disproportionnées par rapport au constat fait sur le
terrain. Et on le rappelle encore, le droit à l'égalité et d'appliquer le cadre
légal, mais aussi que la Charte des droits et libertés soit au cœur des mesures
qui sont présentées aussi dans le cadre du projet de loi n° 94 et de
toujours se rattacher au principe même de l'accommodement raisonnable. Et là,
je pense qu'on a des éléments qui nous permettent, comme société, de s'assurer
que le vivre-ensemble, parce que c'est de ça dont il s'agit, c'est du
vivre-ensemble et c'est de toute la question de l'inclusion. Et je pense que ce
sont des valeurs que le Québec a portées pendant des années, des décennies.
Alors, c'est un peu cette contribution que la commission souhaite amener parce
qu'il y a des repères, il y a des valeurs et nous avons une charte des droits
et libertés au Québec. Donc, cette charte-là, qui a une valeur quasi
constitutionnelle, doit être au cœur de nos décisions.
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci. M. Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, c'est ça. Avec votre permission, simplement pour compléter. Tout à
l'heure, ce que je parlais, c'est qu'aussi au Québec on s'est doté un cadre qui
vient régir la laïcité dans deux lois importantes la loi sur la neutralité de
2017 qui... et donc la Loi sur la laïcité de 2019. Donc, dans la loi sur la
neutralité, il faut comprendre qu'il y a un cadre pour l'accommodement
raisonnable religieux. Donc, le législateur est venu baliser. Et donc, nous, ce
qu'on... Encore une fois, ce qu'on dit, c'est qu'il est possible pour le
législateur de vouloir agir sur les questions de laïcité. Il est possible de
vouloir agir sur des problématiques. Et donc il l'a fait en 2017, il l'a fait
en 2019. Et donc il faut mettre maintenant en œuvre ces cadres-là. C'est bien
de les avoir, il faut les appliquer. Et les cas rapportés à Bedford, et dans
les 17 écoles, et les autres cas qui ont été médiatisés, ce sont beaucoup
plus des cas d'application que des cas de «il manque un cadre». Puis, même s'il
faut un cadre, comme on dit dans notre mémoire, pas de problème, mettons des
directives, mettons un règlement. On peut prévoir des éléments comme ça, mais
toujours dans le respect des droits garantis à la Charte des droits et libertés
de la personne.
Mme Cadet : Merci. Je ne
sais pas si Mme St-Laurent voulait compléter.
• (17 h 10) •
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Non, non, c'était plus par
rapport aux accommodements religieux, de rappeler effectivement que le
l'accommodement n'existe que quand il y a une situation de discrimination. Et
donc il va jusqu'à la contrainte excessive, et ça reste un principe. Et je
pense qu'on le détaille bien dans le mémoire. On donne plusieurs éléments qui
pourraient constituer des balises justement pour guider les décisions des
décideurs. Vous parliez de responsabiliser les décideurs, mais c'est aussi de
les équiper avec la formation adaptée, avec les outils nécessaires pour
justement que ces problèmes d'application auxquels faisait référence Me Tessier
soient... soient atténués. Il manque peut-être d'équipements, justement, pour
atténuer ce cadre. Puis comme on dit depuis 20 ans, ce guide sur les
accommodements raisonnables, qui avait été recommandé par la commission Fleury,
est attendu par le milieu. Et puis la commission offre aussi des services
d'accompagnement à d'accommodement. Donc, c'est aussi des choses à prendre en
compte.
Mme Cadet : Merci
beaucoup, c'est très clair. Puis d'ailleurs, je m'en allais là-dessus parce que
je vous ai entendu, donc, Mme Pierre, donc, nous parler dès le départ du
besoin de formation...
Mme Cadet : ...d'accompagnement
des directions d'école, donc en complémentarité avec ce que vous nous disiez au
niveau de la responsabilisation des décideurs. Donc, il y a d'abord, donc,
l'enjeu d'applicabilité, que vous venez d'évoquer, M. Tessier, mais également,
donc, un enjeu... un défi d'accompagnement de ces décideurs pour permettre
d'amplement jouer leur rôle.
Mme Pierre (Myrlande) : Tout
à fait. D'accompagnement, de formation également. Et le besoin, il est exprimé,
hein, par le milieu scolaire, donc les décideurs.
Mme Cadet : Oui. Et vous
n'êtes pas les premiers à le mentionner, effectivement, oui, oui.
Mme Pierre (Myrlande) : Non,
tout à fait. Nous avons quand même des échanges avec des décideurs et qui
disent que, écoutez, lorsqu'une situation donnée survient, bien, on est comme
un peu pris seul à trouver des solutions, alors que ce besoin d'accompagnement,
de mieux comprendre l'applicabilité de ces principes, bien, il est exprimé, là,
par différents milieux et les décideurs dans le milieu scolaire.
Mme Cadet : Merci. Dans un
deuxième temps, je veux revenir sur les éléments de votre mémoire qui portent
sur la question des accommodements, notamment, donc, celles pour les congés...
les congés religieux, celles sur les restrictions, donc, alimentaires et, bon,
ensuite, bon, il y a... de l'école à des fins de pratique religieuse comme la
prière. Mais, de façon plus générale, là, au niveau de la conceptualisation des
accommodements, selon ce que vous nous présentez, je veux m'assurer d'avoir
bien saisi l'échange que vous aviez avec le ministre précédemment, parce que,
si je vous entends bien, votre... ce que vous souhaiteriez voir dans le projet
de loi, le cas échéant, donc, c'est beaucoup plus une question, donc, de
neutralité, donc, face aux différents accommodements possibles. Si je me penche
sur la question des congés, donc, précisément, M. Tessier, donc, vous disiez,
donc, de façon générale, donc, on accommode, là... ce n'est pas le terme qu'on
utilise, mais qu'on accommode les élèves, donc, pour différentes absences sans
que celles-ci soient motivées, et donc, si nous souhaitions être véritablement
neutres, donc, il faudrait que cette... que ce... cette non-précision, donc,
des congés religieux, donc, se retrouve au cœur du projet de loi. Je vais vous
laisser élaborer, si vous avez bien saisi ma question.
M. Tessier (Philippe-André) : Oui,
bien, peut-être aussi pour préciser qu'on peut faire une loi, mais les congés
religieux ne disparaîtront pas, là. Il faut appeler un chat un chat. Des congés
religieux, il y en a, et il y aura toujours une Pâque orthodoxe, une Pâque
juive, il va y avoir une fête. Donc, ces congés-là, ils existent dans la vie.
Dans une société diversifiée comme le Québec, ils sont là. Maintenant, c'est
comment on s'adapte, comment on prend position par rapport à l'existence de ces
faits-là. Bien, c'est sûr qu'il y a des congés pour lesquels c'est un peu plus
simple parce qu'ils s'adonnent à arriver en même temps que le calendrier civil,
puis je dis bien «calendrier civil». On s'entend qu'on n'est plus dans un
calendrier de type religieux au Québec. Cela dit, les dates fonctionnent quand
même bien pour le calendrier catholique. Les chrétiens orthodoxes, cette année,
ça tombait bien, la Pâque juive... la Pâque orthodoxe était même temps que...
Bien, il y a le nouvel an orthodoxe aussi. Donc, ce n'est pas juste aussi une
question de catégoriser une religion en particulier. L'idée... Puis, je pense,
j'ai entendu la communauté juive qui est venue en commission parlementaire puis
qui a... qui a aussi dit : Écoutez, nous aussi, on a des... Alors, ces
fêtes-là vont continuer à exister, donc elles vont continuer à se placer.
Donc là, ce qui va arriver, c'est qu'on va
avoir des situations d'absentéisme, très élevé dans des endroits, parce que les
gens vont s'absenter quand même. Et là comment on va réagir comme État, comme
administration par rapport à ces absences-là? Et c'est un petit peu ça, la
problématique que nous pose une interdiction du type mur-à-mur, là, puis je
n'apprécie pas nécessairement l'expression, mais c'est un peu la façon la plus
imagée qu'on peut le traduire. C'est que ça fait état que là, bien, peut-être,
dans une classe, ça ne s'appliquera pas, mais peut-être qu'il y en a d'autres,
ça va s'appliquer. Il y a peut-être une... Il y a peut-être des solutions qui
sont mises en place, il y a peut-être des équipes-écoles qui décident de
placer... parce qu'ils ont le choix, par exemple, certaines pédagogiques, ils
peuvent les déplacer. Peut-être que, dans certaines écoles, ils décident...
Bien, on la place là parce que c'est plus simple comme ça pour tout le monde.
Il y a toutes sortes de choses qui se font. Vont-elles être encore possibles,
ces solutions-là, très pratico-pratiques, qui ne changent rien à personne ou
qui n'enlèvent rien à personne? C'est une pédago, c'est une pédago. Qu'elle
soit le 24 janvier ou le 24 février, ça change quoi à qui? Mais peut-être que
ça a un gros impact dans cette école-là.
Mme Cadet : Je vais laisser
mon collègue de l'Acadie compléter.
M. Morin : Parfait. Il me
reste combien de temps?
La Présidente (Mme Poulet) :
Trois minutes 30.
M. Morin : Trois minutes?Très
bien. Alors, je vais y aller rapidement. Merci beaucoup d'être avec nous et
puis merci d'être là en virtuel.
Moi, j'ai... Il y a certains éléments que
je voulais discuter avec vous, et c'est en référence à la page 22 de votre
mémoire, en ce qui a trait à la clause de dérogation. Je comprends que, dans le
projet de loi, et c'est une expression qui a été utilisée, le gouvernement fait
du mur-à-mur, ne fait pas du sur-mesure. Et je comprends que notre charte
québécoise tire, évidemment, essentiellement son essence de documents
internationaux, comme le Pacte international relativement aux droits civils et
politiques, d'ailleurs vous en faites la référence, et que, dans ces cas-là,
évidemment, la dérogation doit être faite dans des circonstances exceptionnelles.
Ici, en utilisant la clause de dérogation mur à mur, est-ce que j'ai raison de
croire que les...
M. Morin : ...1 à 38 de la
charte ne s'appliqueront plus ou ne pourront pas être utilisés pour faire
valoir un droit.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
effectivement notre compréhension. C'est une application. Puis c'est un peu ça
qu'on indique au législateur, c'est que ce qui serait intéressant ici, c'est
qu'encore une fois si on veut déroger à certains éléments, peut-être pourrions-nous
aller de façon plus précise. Par exemple, pour mieux assurer l'égalité dans le
milieu scolaire, présentement, on déroge à l'égalité, au droit à l'égalité qui
est prévu à la charte. Nous, on trouve ça un petit peu particulier.
M. Morin : Alors là, vous me
devancez, ça devait être la prochaine intervention que j'allais faire.
M. Tessier (Philippe-André) :
Pardon.
M. Morin : Donc, le projet de
loi, finalement, vient déroger à des principes qui sont dans la charte puis qui
permettent de respecter notamment la laïcité.
M. Tessier (Philippe-André) : ...c'est
le droit de vivre en français, il a été ajouté en 2022 par p.l. n° 96. On
y déroge.
M. Morin : Exact. On y
déroge. Donc, on va déroger à... Le législateur...
M. Tessier (Philippe-André) : On
déroge au droit de vivre en français pour assurer le vivre en français dans
l'école publique québécoise.
M. Morin : C'est ça. Donc,
sciemment, le législateur québécois va déroger au droit de vivre en français
pour adopter une loi qui va faire en sorte qu'on peut vivre en français.
M. Tessier (Philippe-André) : Puis
nous, ce qui nous a interrogés par rapport à ça, je vous le dis, là, c'est
aussi le fait que le législateur déroge au propre cadre qui vient d'être adopté
en 2019 puis en 2022, p.l. n° 21, p.l. n° 96. Puis, dans ces lois-là,
il y a des dérogations. Mais là on vient déroger à la dérogation, ça fait que,
même pour nous, je vous avoue bien honnêtement, c'est pour ça que nous, il faut
même... même pour nous, il faut qu'on... on n'a pas encore fini d'y réfléchir
qu'est ce que ça veut dire exactement?
M. Morin : Je comprends
également qu'on dérogerait à des articles comme, par exemple, le droit au
secret professionnel qui n'est pas tout à fait en lien avec ce dont on parle,
mais...
M. Tessier (Philippe-André) :
On déroge à tous les droits.
M. Morin : On va déroger à
tous les droits. Ça inclut le droit pour un citoyen de déposer...
M. Tessier (Philippe-André) : De
se porter candidat aux élections.
M. Morin : Oui. De déposer
une pétition à l'Assemblée nationale avec un député. On va déroger à ça. O.K.
Parfait.
Donc, je vous remercie, ça m'aide dans la
compréhension de l'impact de la dérogation. Maintenant, vous me dites... Oui, allez-y.
M. Tessier (Philippe-André) : ...nous,
on ne nie pas la capacité pour le législateur de déroger à la charte, c'est un
droit expressément prévu. Nous, ce qu'on dit, c'est s'il y a dérogation, pouvez
vous, s'il vous plaît, cibler quel article est visé, pour quelle finalité et
quelles fins? Parce que, comme on dit, il y a plein de choses dans le projet de
loi, il n'y a aucune nécessité de déroger. Puis ce n'est pas nécessaire. Mais
ça envoie un message aussi que la charte, qui est notre loi quasi fondamentale,
hein, notre quasi-constitution au Québec, c'est comme si ça devenait une loi
ordinaire. Je ne pense pas que c'est un message que le législateur devrait
envoyer aux Québécois.
M. Morin : Pis ce n'est pas
la façon dont la Charte québécoise a été non plus caractérisée, définie par des
tribunaux. Puis, comprenez-moi bien, je ne dis pas que le Parlement ne peut pas
utiliser la clause de souveraineté parlementaire, mais j'essayais de voir avec
vous quels vont être les impacts de cette clause dérogatoire, compte tenu de
l'objectif qui est poursuivi par ailleurs par le législateur dans ce projet de
loi. Donc, ça, ça m'éclaire. Avec le projet de loi, pensez vous que ça
éviterait un autre...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, M. le député de l'Acadie. Alors, on va poursuivre les discussions
avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vais poser une question qui est
assez difficile puis qui ressemble à la question que le ministre a posée. Il y
a un groupe qui est venu ici en commission, PDF-Québec, puis ils nous ont dit
que les élèves qui portent le niqab subissent de la maltraitance. Bon. D'une
part, donc, je fais mes questions en rafale, qu'en pensez-vous? Est-ce que
leurs droits sont niés? Là, évidemment, on parle de quatre cas, là. Et, si oui,
comment intervenir sans faire reculer leur droit à l'éducation?
• (17 h 20) •
M. Tessier (Philippe-André) : Écoutez,
là, encore une fois, nous... la commission l'a dit dès les années 90,
cette question là s'est posée sur les signes religieux à l'école, elle avait
dit : C'est sûr et certain que si ce qu'il y a en preuve, c'est une
coercition quelconque, on arrête ça là. Si ce qui est en preuve, c'est qu'il y
a des droits qui sont bafoués, bien, on arrête ça là.
Et la question du visage découvert, on le
constate, on le dit dans notre mémoire, on reconnaît son caractère extrêmement
sensible, on reconnaît aussi le fait qu'ici on parle d'un milieu particulier,
on parle... on parle de mineurs dans un milieu éducatif. Donc, il y a des
explications, des justifications tout à fait raisonnables dans une société
démocratique que le législateur peut mettre de l'avant pour pouvoir savoir si
cette limite là, il est raisonnable, peut-être l'est-elle. Je ne suis pas juge.
Nous sommes la commission des droits. Ultimement, il y aura un... il y a un
arbitre. Donc, quand on lit Locke et Montesquieu, donc c'est un peu ça l'idée
de la séparation des pouvoirs, là. On se retrouve dans une dynamique où est-ce
que là on pose la question, et il y a peut-être des limites qui sont tout à
fait raisonnables, le visage découvert en est peut-être un pour les enfants
d'âge scolaire. Et, à ce moment-là, bien, très bien, la question est tranchée,
la question est réglée. Mais là ce n'est pour ça qu'on fait, on dérange, donc
on n'aura pas la réponse. Donc, ce qui va arriver, c'est qu'on va avoir deux
camps, un camp qui dit : on est pro laïcité, d'autres, hein, puis ils vont
dire : on a raison, on a tort. On ne tranchera pas la question, on va
perpétuer ce débat-là dans l'espace public ad infinitum.
M. Zanetti : J'ai... dans le
fond, je raffinerais ma question, là : Pensez-vous qu'il est possible,
sans aller devant les tribunaux...
M. Zanetti : ...de déterminer
à l'avance si l'élève qui porte un niqab subit de la maltraitance ou pas. Parce
que ça semble être une prémisse du législateur dans ce cas-ci.
M. Tessier (Philippe-André) : Encore
une fois, moi, si j'étais procureur pour le Procureur général du Québec, je
ferais toute la preuve possible et nécessaire pour justifier la loi. Ça
inclurait potentiellement ce genre de preuve là, si j'en ai.
Mme Pierre (Myrlande) : Parce
que, la question, elle est tellement hypothétique que c'est très difficile, là,
de proposer... même du point de vue de la commission, de proposer des éléments
de réponse. C'est... C'est très hypothétique.
M. Zanetti : Je comprends.
Merci. C'est... C'est tout. C'est bon pour moi.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci à vous quatre de votre participation.
Alors, on suspend les travaux
temporairement, le temps que le prochain groupe s'installe.
(Suspension de la séance à 17 h 22)
(Reprise à 17 h 27)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on reprend nos travaux. Je souhaite la bienvenue à Me Louis-Philippe Lampron.
Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, on va procéder à la période d'échange. Alors, on vous écoute.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Alors, merci beaucoup,
Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. le ministre, Messieurs et mesdames les
députés. C'est un plaisir d'être ici. Merci de m'entendre.
Je commencerais la présentation,
peut-être, par un clin d'œil soulignant à quel point ça fait longtemps qu'on
parle de laïcité, d'accommodement religieux, de séparation du religieux et de
l'État au Québec. En 2010, donc, je présentais un mémoire à l'Assemblée
nationale sur un autre projet de loi n° 94, portait, celui-là... déposé
par un gouvernement du Parti libéral du Québec, portait sur l'encadrement des
demandes d'accommodement. Et, fait amusant, en 2010, c'était le printemps
Halak. Donc, les Canadiens jouaient aussi contre Washington. Alors, je pense
que c'est un signe que ça va bien se passer pour le Canadien, manifestement,
cette répétition-là, là. L'oracle est... va du bon côté.
Je m'excuse également d'avoir déposé
tardivement un mémoire très, très touffu. L'horaire était très, très chargé.
L'Agenda donc, ne m'a pas permis de terminer avant très, très tard hier soir.
Je n'ai pas eu le temps de procéder à une relecture également, alors je suis
désolé pour les coquilles, etc.
La démarche que j'ai suivie en lien avec
la présentation que je viens vous faire aujourd'hui, donc l'analyse que j'ai
faite du projet de loi n° 94, essentiellement, moi, je suis parti du
projet de loi n° 94 tel qu'il est annoncé, en fait, et tel qu'il est
présenté par le gouvernement, la raison d'être du projet de loi n° 94, tel
qu'en témoigne son titre. Alors, ça a été mon angle initial d'analyse, et, bien
sûr, en fonction du besoin d'intervention législative, hein? Qu'est-ce qui fait
en sorte qu'on a besoin du projet de loi n° 94.
Et donc, dans mon mémoire, dans mon
introduction, je pose le contexte. Évidemment, on pourra en débattre ou en
discuter lors des échanges. Mais il me semble clair que la raison pour laquelle
le gouvernement dépose le projet de loi n° 94, c'est en réaction à une
controverse, à une crise, en fait, qui a été révélée dans les médias, la crise
qui a eu lieu à l'école Bedford, la situation inacceptable qui a perduré
pendant plus de sept ans.
Et donc, dans cette crise-là, là, on est
en 2023, quand on en a entendu parler au sein de la population pour la première
fois, de cette crise-là. Et là, je fais référence à un résumé, là, qui est tiré
du rapport d'enquête commandé par le ministère de l'Éducation. Il a notamment
été question de «graves lacunes au niveau pédagogique chez plusieurs
enseignants, de suivis pédagogiques qui n'ont pas été dispensés à des élèves
dans le besoin, et d'enseignants qui ne laissent pas entrer les services
professionnels dans la classe. Certains enseignants nieraient les difficultés
d'apprentissage des élèves en qualifiant plutôt le tout de paresse ou de
caprice.» Et le rapport décrit des tensions interculturelles importantes, la
présence de clans, dont notamment un clan dominant composé d'un noyau dur qui
tenterait de contrôler l'école.
Donc, rapidement après que soit révélée la
crise et donc le contexte général qui entoure la crise à l'école Bedford, le
débat dans l'espace public va tourner rapidement vers des enjeux d'entrisme
religieux, des enjeux donc d'insuffisance alléguée du cadre applicable au
Québec en matière de laïcité de l'État, notamment de laïcité à l'intérieur de
l'école. On parle même de ce qui se passe à l'école... On décrit ce qui se
passe à l'école Bedford comme étant la pointe de l'iceberg de ce qui se
passerait dans d'autres écoles en ce qui concerne les manquements à la laïcité
à la québécoise.
• (17 h 30) •
Et donc on est confrontés, à tout le moins
c'est comme ça qu'on le présente, à un véritable problème qui va justifier
qu'on renforce le cadre applicable en matière de laïcité à l'école. Alors, de
manière conséquente, et c'était très sage de le faire, là, le ministère de
l'Éducation va commander deux enquêtes, une qui porte spécifiquement sur
l'école Bedford, ce qui s'est passé, comment on a pu en arriver là, et la
deuxième sur des manquements allégués à la laïcité de l'État qui auraient eu lieu
dans 17 écoles du Québec.
Alors, je me suis, bien sûr, j'allais dire
tapé, mais ce n'est pas très Assemblée nationale, mais j'ai lu les rapports
avec beaucoup d'intérêt, donc, qui ont été rendus. Et ce qu'on constate, c'est
qu'en ce qui concerne Bedford, c'était davantage une situation de relations de
travail. Et, en ce qui concerne les constats, donc, du rapport d'enquête, là,
en ce qui concerne les manquements allégués à la laïcité de l'État, et là je
fais référence notamment, là, aux conclusions à la page quatre de...
17 h 30 (version non révisée)
M. Lampron
(Louis-Philippe) : ...mon mémoire, on parle de manquements
anecdotiques en quantité, à tout le moins, là, au cadre actuellement applicable
en matière de laïcité de l'État. Alors, c'est donc en ce... en réponse à ce
contexte qu'on dépose le projet de loi 94 qui vise, hein, c'est son titre
et c'est dans la note explicative, là, qui vise principalement à renforcer la
laïcité à l'école.
Alors, considérant l'angle d'analyse et
la raison pour laquelle on a fait appel à mon expertise, là, à mon expertise en
matière de protection des droits et libertés de la personne et de laïcité de
l'État, évidemment, je me suis attardé à au projet de loi et aux portions qui
peuvent être associées spécifiquement au renforcement de la laïcité de l'État.
Et donc la première partie de mon mémoire, je fais un rappel de ce... du cadre
applicable actuellement, là, depuis 2019, et même avant 2019, en ce qui
concerne la séparation du religieux et de l'État. Qu'est-ce qu'a fait la loi
sur la laïcité de l'État? Qu'est-ce que ça a changé et, maintenant, où est-ce
qu'on en est avec l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État et qu'est ce
qu'on viendrait changer avec les propositions qui se trouvent en ce qui
concerne la laïcité de l'État dans le projet de loi 94.
Dans la deuxième partie, je m'intéresse
plus spécifiquement aux nombreuses propositions de modification qu'on retrouve
dans le projet de loi 94. Alors, ce qui est important pour moi, là, dans
les cours d'appel évidemment, sinon je vous renvoie à 'est je vous renvoie à ce
que j'écris dans le rapport, mais c'est important de préciser que la laïcité de
l'État et le régime de séparation du religieux et de l'État, régime
supralégislatif de séparation du religieux et de l'État, il n'a pas été établi
par l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État en 2019. Avant 2019, depuis,
aussi loin qu'un arrêt de la Cour suprême en 1985, là, il est clairement établi
qu'au Québec, comme dans le reste du Canada, il y a un principe constitutionnel
qui impose un devoir de réserve aux agents de l'État en matière d'expression de
leurs convictions religieuses, qui impose le principe de la neutralité
religieuse de l'État et qui interdit donc des actes de prosélytisme pour les
agents de l'État lorsqu'ils sont dans le cadre de leurs fonctions. Évidemment,
ces principes-là ne font pas partie de nos lois. Ce n'est pas dans la tradition
civiliste notamment, là, on a... C'est vraiment l'analyse de la jurisprudence
qui prévoit ce cadre-là. Mais ce cadre-là, il était clairement préexistant
avant l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État en 2019.
Donc, le cœur de la différence, en fait
qu'est-ce qui a changé concrètement pour les agents de l'État qui sont visés
par la Loi sur la laïcité de l'État? La Loi sur la laïcité de l'État, puis
entendons-nous bien, hein, la codification de principes jurisprudentiels, ça
peut avoir des vertus très importantes, notamment en ce qui concerne la
clarification de ces principes-là. Hein, ce n'est pas tout le monde qui a
envie, et je réutilise l'expression se taper, là, mais des arrêts de la Cour
suprême parce que c'est très long et c'est très fastidieux .alors d'être
capable de condenser ces principes-là puis d'en faire une loi en disant voici
ce que ça implique la laïcité de l'État, c'est quelque chose qu'on peut porter
au crédit de la loi sur la laïcité de l'État. Mais si on abrogeait, demain
matin, la Loi sur la laïcité de l'État, ce qu'il est important de garder en
tête, c'est que l'essentiel de ces principes continuerait à s'appliquer en
droit québécois et canadien.
Ce qui a changé en fait, suite à
l'adoption de la loi de signes religieux, essentiellement, là, l'interdiction
qui concerne tous les agents de l'État, les agents et les agents de l'État. En
ce qui concerne la capacité de porter des signes religieux qui voilent le
visage. Une manière sibylline de parler du niqab et de la burqa et une
interdiction de tout signe religieux visible qui est applicable uniquement pour
certaines catégories des agents de l'État et, en ce qui nous concerne, pour le
projet de loi 94, le choix qui a été fait en 2019 par le législateur, ça a
été de faire entrer les enseignants et les enseignantes à l'intérieur de cette
catégorie-là, en se fondant sur l'argument de l'autorité. En fait, ce sont des
agents de l'État qui sont en situation d'autorité par rapport aux enfants, et
c'était la raison principale qui justifiait pourquoi on avait élargi le fameux
compromis Bouchard-Taylor d'une telle manière qu'à interdire le port de signes
religieux aux enseignants et aux enseignantes, en plus des autres agents de
l'État, là, qui ne peuvent plus porter de signes religieux sur le lieu de
travail.
Alors, une fois ces principes rappelés,
là, dans mon mémoire, je m'intéresse maintenant aux propositions de
modifications qui ont été mises de l'avant dans le projet de loi 94. Et ce
qui frappe d'emblée, ce qui étonne en fait, c'est qu'il semble que, pour un
projet de loi qui vise principalement à renforcer la laïcité de l'État, j'ai trouvé
qu'il y avait un nombre important de modifications qui visaient à renforcer les
pouvoirs du ministère de l'Éducation et du ministre de l'Éducation et qui
permettaient même une certaine forme d'ingérence à l'intérieur de ce qui se
passe dans les salles de classe, ce qui dépasse largement la question, bien
sûr, de la laïcité de l'État. Ça, c'est le premier constat que je mets de
l'avant dans mon mémoire.
Maintenant, en ce qui concerne
spécifiquement la laïcité de l'État, il y a plusieurs constats que je fais,
notamment sur le fait qu'il y a peut être, dans certaines circonstances, et là
je vais passer à la conclusion, là, pour résumer les principales conclusions
que recommandations que je fais suite à mon mémoire. Mais il y a beaucoup,
beaucoup de choses. C'est un projet de loi, et il faut se lever de bonne heure
pour être capable de le suivre, parce qu'il faut regarder la loi sur
l'instruction publique et regarder le...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...le projet de loi n°
94 pour bien comprendre l'avant, après, avec toutes les propositions, et elles
se multiplient, là, qui sont mises de l'avant avec le projet de loi n° 94.
Alors, d'une part, il nous semble... il me
semble que le titre de la loi est trompeur en ce sens que ce n'est pas un
projet de loi qui vise principalement à renforcer la laïcité de l'État.
Évidemment, il y a des commentaires qui
sont faits sur la dérogation, encore une fois, mur à mur. Là-dessus, je joins
ma parole à celle qui a été portée par la Commission des droits de la personne.
On se trouve carrément à déroger à un régime qui déroge déjà aux droits et
libertés... à tous les droits et libertés de la personne qui sont intégrés dans
la Charte québécoise et dans la Charte canadienne, tout le moins dans la mesure
où il est possible de déroger aux droits protégés par la Charte canadienne, les
articles deux et 7 à 15.
En ce qui concerne donc l'élargissement
des deux interdictions, donc, qui ont été mises de l'avant et qui sont venues
changer le cadre applicable en matière de laïcité de l'État, il est tout de
même étonnant, voire troublant que, quand on regarde les constats qui sont
faits du rapport d'enquête sur l'affaire Bedford et du rapport d'enquête...
Oui?
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse, M.... Me Lampron. Le temps est écoulé déjà.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :C'est... Mais c'est...
La Présidente (Mme Poulet) : Oui.
Ça va vite.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je parle trop. Oui.
C'est ma blague sur le printemps Halak, en fait, j'ai mangé du temps avec ça.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
voilà. On va poursuivre. On va enchaîner avec les discussions. Alors, M. le
ministre, la parole est à vous.
M. Drainville : Oui. Très
bien. Merci beaucoup, Professeur Lampron. Bien, je souhaite que votre
prédiction se réalise en ce qui a trait aux Canadiens. Peut-être que c'est le
destin. On verra bien.
Je... Alors, écoutez, je... vous l'avez
vous-même souligné, là, puis ce n'est pas un reproche que je vous fais, le
mémoire nous est parvenu aujourd'hui et puis je n'ai pas eu le temps d'en
prendre connaissance comme j'aurais voulu le faire.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je peux continuer mon
exposé si vous voulez.
M. Drainville : Oui, je sais,
je sais. Mais j'ai quand même pris connaissance de vos propos. Dans la foulée
du dépôt de la loi 21 sur la laïcité de l'État, vous avez fait référence,
dans une prise de position, aux groupes religieux minoritaires qui croient
sincèrement devoir porter certains signes religieux pour se conformer à leur
foi.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Drainville : Vous
reconnaissez avoir tenu ces propos?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui.
M. Drainville : J'ai le goût
qu'on discute, vous et moi, là. C'est la fin de la journée, puis des fois, ça
se prête davantage à des discussions à caractère philosophique. La croyance
sincère, c'est un concept sur lequel s'est appuyé... sur lequel se sont appuyés
les tribunaux pour conférer à la liberté de religion, je dirais, le statut d'un
super droit. Et je... la question que j'avais le goût de vous poser,
c'est : Est-ce que cette croyance sincère, reconnue par les tribunaux, en
particulier par la Cour suprême, est-ce qu'elle doit faire foi de tout, sans
jeu de mots? Est-ce qu'il n'est pas raisonnable et légitime que le législateur,
par exemple, dise non à certaines pratiques religieuses, même si elles
s'appuient sur la croyance sincère? Par exemple, de dire : Nous, comme
Québécois, nous refusons le voile intégral dans les salles de classe, la personne
qui porte le niqab ou la burqa le fait peut-être par croyance sincère, mais
nous refusons de franchir cette ligne-là, c'est un... c'est un principe trop
important, et, même s'il y a un croyant sincère, il y a aussi croyance sincère
de la part de la société québécoise que nous n'accepterons pas ce vêtement qui
emprisonne la femme, qui vise à la faire disparaître de l'espace public, qui
brime sa dignité, qui brime le principe de l'égalité entre les hommes et les
femmes, donc oui, il y a peut-être certainement, dans certains cas, croyance
sincère, mais il y a aussi la conviction sincère et le principe très sincère
auquel nous adhérons comme société et nous n'accepterons pas ce type de symbole
religieux. Est-ce que c'est légitime, ça, pour vous comme argument?
• (17 h 40) •
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, c'est
certain que là, vous posez une question qui est très spécifique par rapport à
votre projet de loi. Puis ça me permet peut-être de rebondir sur le fait que,
moi, ce qui m'a étonné dans votre projet de loi, c'est que, quand on regarde
les rapports sur... d'enquête sur ce qui s'est passé à Bedford et quand on
regarde le rapport d'enquête qui a été commandé quant aux manquements allégués
à la Loi sur la laïcité de l'État dans 17 écoles...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : ...du Québec. La réponse dans le projet de
loi n° 94 est complètement décalée par rapport à ce qui a été constaté, en
fait. Alors, évidemment, il y a des portions qui concernent le visage
découvert, puis je fais plusieurs précisions en ce qui concerne l'idée de la
laïcité de l'État. Ça donne une légitimité très, très grande en fait, à l'État
pour être capable de limiter l'expression des convictions religieuses, quelles
qu'elles soient, par ailleurs, des agents de l'État quand ils sont sur leur
lieu de travail. Là où ça devient plus étranger au concept de laïcité de
l'État, c'est quand on veut se fonder sur la laïcité de l'État, qui est
l'opérationnalisation de la séparation du religieux et de l'État en fait, et
qu'on demande à des citoyens et des citoyennes de se limiter au nom de la
laïcité de l'État dans l'expression de leurs convictions religieuses dans
l'espace public. Là, il y a un amalgame, en fait, qui est fait dans le projet
de loi n° 94, en ce qui concerne spécifiquement la question du niqab. Et
donc ça pose des questions importantes, notamment sur qu'est-ce qu'on fait avec
l'élève ou les quatre élèves qui ont été constatés portant un niqab sur l'école
publique en lien avec le souhait qu'on a. On ne peut pas les abandonner, ces
personnes-là. Alors, si on veut les aider, qu'est ce qu'on fait? Est-ce que
c'est une interdiction avec sanction qui vient avec une impossibilité qu'elles
fréquentent l'école? Tous ces enjeux-là ne me paraissent pas suffisamment
documentés pour qu'on en vienne à une conclusion claire sur cet enjeu très
problématique là. Ça, c'est la première chose.
M. Drainville :
Qu'est-ce qui n'est pas suffisamment documenté, là, à votre... à vos yeux?
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, c'est-à-dire qu'à partir du moment où
cette personne-là, qui est une mineure en l'espèce, porte un signe religieux
comme celui-là, puis j'y reviens dans mon mémoire, le niqab et la burqa, ce
n'est pas un signe religieux comme les autres, ce n'est pas un signe religieux
qui n'entre pas en tension directe, voire en choc avec la conception de
l'égalité entre les femmes et les hommes, en fait. Alors, c'est un... c'est un
signe religieux comme les autres. Maintenant, qu'est ce qu'on fait?
M. Drainville :
...conflit avec l'égalité, vous dites.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Tout à fait. Le niqab et la burqa, ce n'est
pas un signe comme les autres dans ce sens-là, et je l'ai déjà dit, et je le
remaintiens dans mon... Maintenant, la question, c'est... Il y en a beaucoup, en
fait. Pourquoi un projet de loi qui cible cette situation-là, ce signe-là en
particulier, qui renforce le cadre qui est déjà applicable et qui permet de
traiter des situations comme celles-là au cas par cas, dans un contexte où,
encore une fois, les rapports d'enquête sur Bedford et les manquements allégués
à la Loi sur la laïcité de l'État dans 17 écoles ne nous mènent pas à une
situation d'urgence, de crise ou encore de... Moi, je ne le vois pas, là, le
besoin que je vous entends dire sur les tribunes, selon lequel il y a une
insuffisance du cadre applicable en matière de laïcité de l'État d'une part. Et
d'autre part, s'il y a un problème associé à l'école Bedford, bien, pourquoi ne
pas s'attaquer à la question du prosélytisme qui, là, va être absolument
transversal et qui va concerner toutes les religions? C'est quand on se
focalise uniquement sur le port de signes religieux, puis là on parle du niqab,
mais il y en a bien d'autres qui sont en cause dans le projet de loi
n° 94, on laisse de côté une forme de radicalité religieuse, chrétienne en
fait, qui n'a pas... et qui ne vient pas avec le port de signes religieux.
Alors, l'interdiction du prosélytisme bien cadré, pas cadré dans la manière que
vous l'amenez dans le projet de loi n° 94, ça aurait pour vocation, par
exemple, d'assurer que l'État va pouvoir identifier et gérer plus facilement
des situations où, pour des motifs, qu'ils soient philosophiques, politiques ou
religieux, un enseignant ou une enseignante refuse de donner une portion du
cursus minimal obligatoire.
Là, le problème, c'est qu'il y avait une
situation qui était très controversée en raison. C'était inacceptable, ce que
moi, j'ai entendu et que j'ai lu dans le rapport, le fait que ça avait duré
sept ans à l'école Bedford. Mais la réponse gouvernementale m'apparaît
complètement décalée par rapport à ce qui était nécessaire en matière de
laïcité. Mais c'est que le problème, c'est que, sur une loi qui vise
officiellement à renforcer la laïcité de l'État, on se trouve à multiplier les
pouvoirs qui donnent au ministère de l'Éducation et au ministre de l'Éducation
la capacité d'agir sur le cursus, et pas uniquement en matière de laïcité, sur
le cursus général applicable et donné dans les écoles.
M. Drainville : Oui,
mais vous comprenez que, si un enseignant refuse d'enseigner la science...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Oui.
M. Drainville : ...parce
qu'il ne croit pas à la science en raison de ses convictions religieuses...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : C'est réglé, il ne peut pas faire ça.
M. Drainville : ...c'est
un lien. Le lien est assez évident avec la laïcité, là.
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Bien, il est évident avec la laïcité telle
qu'elle est applicable aujourd'hui, mais pas avec les mesures que vous
renforcez dans votre projet de loi. C'est-à-dire que dans l'état actuel des
choses, et je vous réfère aux arrêts Commission scolaire des Chênes et Loyola,
là, le devoir de réserve en matière d'expression des convictions religieuses
avant la Loi sur la laïcité, tel que ça a été codifié dans la Loi sur la
laïcité de l'État, ça permet au gestionnaire d'agir pour sanctionner un
enseignant qui, par exemple, essaierait de convertir ses élèves dans le cadre
de son emploi, ou encore qui refuserait de donner des portions du cursus
minimal des professeurs.
M. Drainville : Oui,
mais Pr Lampron, là, on n'est pas seulement dans un débat théorique, là,
sur ce que permet le droit, là. Tout à l'heure, je ne sais pas si vous étiez
là, là, mais je donnais l'exemple d'un extrait du rapport sur les
17 écoles, qui affirmait que le fait d'avoir émis une directive sur
l'interdiction des lieux de prière et des activités religieuses dans les
écoles...
M. Drainville : ...ça avait
donné aux gestionnaires les outils très concrets qui leur ont permis
d'intervenir. Alors, vous pouvez citer abondamment les différents jugements, à
un moment donné, les gestionnaires, eux, ils travaillent dans le réel, avec des
vrais élèves, dans des vraies écoles...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Tout à fait.
M. Drainville : ...et ils
n'ont pas nécessairement les outils juridiques, ou la connaissance de la
jurisprudence, ou encore la confiance que devrait peut-être leur procurer cette
jurisprudence. Et là il faut que le législateur fasse son travail et donne des
règles claires. C'est ce que j'ai fait avec la directive sur les activités
religieuses, les lieux de prière. Et, oui, le rapport sur les 17 est très
clair, il y a des gestionnaires qui hésitaient à intervenir puis qui ont décidé
de le faire parce que là, à leurs yeux, la règle était claire.
Je pense que le projet de loi va faire
office de clarté, il va permettre, justement, une meilleure application, dans
certains cas, de règles existantes, en vertu de jugements existants. Vous avez
raison là-dessus. Mais moi, je ne suis pas juriste, je ne suis pas
constitutionnaliste, je n'enseigne pas le droit dans une université. Moi, je
suis législateur, ministre de l'Éducation, et je veux que les règles soient
appliquées, et, parfois, oui, il faut légiférer, au nom de la clarté.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :C'est très bien. Moi,
je trouve ça louable et je suis complètement d'accord avec vous là-dessus. Ça a
vraiment des vertus, en fait, que de ramasser des principes et de les faire
loi, en fait.
M. Drainville : Oui,
absolument.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Très, très bien. Le
problème, en fait, c'est que, dans le projet de loi n° 94, moi, je vois
deux choses qui sont en... incompatibles avec l'énoncé que vous venez de faire.
Un, si l'objectif, c'est d'outiller... de mieux outiller les gestionnaires pour
faire face à un Bedford 2.0, en quoi ça a rapport avec l'interdiction de plus
de signes religieux, en fait? Là, on ne parle pas du niqab et de la burqa. On
parle du fait que vous venez d'accroître la catégorie de membres du réseau de
l'éducation qui ne pourront plus porter des signes religieux. Puis ça, c'est
mon premier élément : En quoi ça répond à la situation de Bedford?
Une deuxième problématique, là où il y a
vraiment une piste intéressante, sur la codification du principe visant à...
qu'est-ce que c'est qu'un professeur peut faire ou ne peut pas faire. Vous
parliez, par exemple : Est-ce qu'un professeur qui ne croit pas à la
science peut dire : Moi, je ne donne pas la science dans mes salles de
classe? Pour moi, c'est très, très clair dans la jurisprudence. Et vous faites
un effort, là. Je vous réfère aux articles 258.03 et 479.2, que vous voulez
faire entrer dans la Loi sur l'instruction publique. C'est intéressant, mais,
malheureusement, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions, je ne sais pas
si c'est laïque de dire ça. Mais, grosso modo, ces articles là, tels qu'ils
sont libellés, ils vont mener à quelque chose qui va desservir l'objectif.
Je fais la lecture de 479.2, qui est proposé
à l'article 39 du projet de loi n° 94 : «Il est interdit d'influencer
ou de tenter d'influencer, en étant motivé par une conviction ou une croyance
religieuse, l'exercice d'un pouvoir ou d'une fonction ou l'accomplissement d'un
devoir ou d'une obligation prévu par la loi.» Bon, là, c'est parce que ça, on
fait complètement abstraction du fait que les convictions politiques, morales,
philosophiques, ça se construit en couches, en fait, et que c'est très, très
difficile, à un certain moment, de dépatouiller tout ça, en fait, et de
dire : Ça, c'est une partie de mes convictions religieuses, les autres,
non, c'est plus... c'est ma... mes convictions personnelles.
Alors, le principe du prosélytisme est
beaucoup plus opérationnalisable que les choix que vous avez faits à ces
dispositions-là, qui m'apparaissent problématiques, et même, pouvoir mener à
des applications discriminatoires, étant entendu que, si une personne vient...
est d'origine maghrébine, il est tout à fait possible qu'on l'assimile à une
musulmane, et que, donc, cette personne-là, quand elle va prendre des prises de
position, là, on va peut être se demander plus facilement si ce n'est pas
motivé par ses convictions religieuses, alors qu'une personne qui s'appelle
Tanguay, Bérubé ou Drainville on va... bien, c'est ça, il est comme ça, il est
carré.
• (17 h 50) •
M. Drainville : Quand vous
dites : L'objectif de 94, c'est d'éviter un Bedford 2.0, vous avez raison,
en partie. Mais soyons prudents ici, ou soyons davantage précis. L'objectif du projet
de loi n° 94, ce n'est pas simplement de prévenir un Bedford 2.0, c'est
aussi de répondre au rapport sur les 17, qui documentait, de façon très
précise, qu'il y a présentement, dans le réseau scolaire, des manquements
concrets, évidents, répétés, dans certains cas, de manquements à la laïcité. Et
donc le projet de loi n° 94 nous donne également l'occasion de venir
corriger ces manquements. Donc, ce n'est pas simplement un Bedford 2.0 qu'on
veut éviter là. On veut, effectivement, s'assurer que la laïcité soit bel et
bien respectée dans le réseau scolaire, et c'est pour ça qu'on apporte un
certain nombre de modifications, d'ajouts, de précisions, etc.
Il ne nous reste pas beaucoup de temps,
mais je veux revenir à la croyance sincère. Il a été documenté, notamment dans
le rapport sur les 17, que des personnes qui portaient un signe religieux ont
accepté de le retirer pendant les heures de travail, et ça, pour moi, c'est
très important, parce que je ne doute...
M. Drainville : ...pas de la
croyance sincère de ces personnes qui portaient un signe religieux. Je ne doute
pas de leur croyance sincère. Ça leur appartient. C'est un droit fondamental.
Mais elles ont accepté l'obligation ou la responsabilité qui vient avec leurs
fonctions, responsabilités prévues par la loi, obligation prévue par la loi de
retirer donc leurs signes religieux pendant les heures de travail. Et donc,
moi, ce que ça me dit, c'est que la croyance sincère, ce n'est pas un absolu.
Il y a des personnes qui ont des croyances sincères et qui acceptent que
pendant un certain nombre d'heures de leur journée, retirer le signe religieux
est quelque chose pas juste de... pas juste légal, mais qui est compatible avec
leur foi.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, c'est certain...
M. Drainville : ...avec leur
foi, avec leur croyance sincère.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, je comprends.
M. Drainville : Et, ça, je
pense qu'on l'oublie trop souvent.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je comprends sur
l'effet de l'adoption de l'interdiction de port de signes religieux. Mais c'est
certain qu'à partir du moment où vous les confrontez au choix de garder leur
emploi ou d'enlever leurs signes religieux, le choix, il... ça penche un petit
peu plus en faveur du retrait du signe religieux.
Et, la grande question, c'est :
Est-ce que... Parce que la question posée est très, très bonne : Est-ce
que... Est-ce qu'il est raisonnable et légitime... Est-ce que.... Est-ce que
parce que moi, je crois sincèrement devoir porter des signes religieux, l'État
ne peut jamais m'interdire d'en porter? La réponse, c'est non. Il y a des
situations, il y a peut-être même des corps d'emploi, de métier... Moi-même, je
faisais partie de celles et ceux qui croyaient que, dans l'état actuel de la
jurisprudence, le compromis Bouchard-Taylor, qui a été désavoué par Charles
Taylor, mais peu importe, le compromis Bouchard-Taylor avait des chances de
passer le test de la justification de l'atteinte à la liberté de conscience et
de religion si vous n'aviez pas dérogé mur à mur aux chartes québécoise et
canadienne pour qu'on soit capables...
M. Drainville : Êtes-vous
toujours... Êtes-vous toujours de cet avis? Est-ce que vous...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, moi, je n'ai
aucun... moi, je crois qu'il y a...
M. Drainville : Vous appuyez
toujours le, entre guillemets, compromis Bouchard-Taylor?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Moi, je... Bien, encore
une fois, le... Comment dire? Il y a eu... Il y a des conséquences à l'adoption
de la Loi sur la laïcité de l'État et qui a été accompagnée d'une dérogation
mur à mur aux dispositions qui protègent le droit à l'égalité, notamment, dans
un contexte où il y a quand même l'impact majoritaire. L'impact le plus
important qui découle de l'interdiction de port de signes religieux visibles,
il est vécu par les groupes religieux minoritaires. On a beau dire, là, revenir
à l'exemple qui avait été donné par la commission Stasi à l'époque, là, en
France en disant d'interdire le port de signes religieux, ce n'est pas discriminatoire
parce que ça vise toutes les religions, ça concerne autant le voile musulman
que les kippas juives, que les chrétiens qui portent de grandes croix. Il faut
les voir, ils sont où, les chrétiens qui portent de grandes croix? Alors, il y
a vraiment un effet qui désavantage. Il y a des groupes qui croient sincèrement
devoir porter des signes religieux. Eux sont impactés, pour parler comme Michel
Bergeron, par cette interdiction-là, alors que la majorité de la population
québécoise, elle n'a aucun effort à faire pour respecter cette interdiction-là.
Alors, il y a une atteinte prima facie au droit de ces groupes religieux
minoritaires qui découle de l'interdiction de port de signes religieux.
Maintenant, est-ce qu'elle pourrait se justifier dans une société libre et
démocratique? C'est tout le débat dont on a été privé, parce que le débat
devant la Cour suprême qui va se faire, il va porter sur la légitimité du
recours à la disposition de dérogation, que certains, certaines, maintenant...
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse de vous interrompre. On a dépassé le temps.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Désolé.
La Présidente (Mme Poulet) : Oui.
C'est moi qui est désolée de vous interrompre.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui. Je m'emballais.
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on poursuit la discussion avec le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, Professeur Lampron. Merci, merci d'être avec nous.
Merci aussi pour le mémoire que vous avez produit.
Dans les quelques minutes, parce que vous
étiez sur une lancée, puis là, woups! On vous a coupé, là, c'est qu'on est pris
avec le temps, n'est-ce pas, et Mme la Présidente fait bien ça, elle gère le
temps, mais je vous permettrais de terminer sur le temps que j'ai, parce que
là, vous étiez parti avec quelque chose qui était vraiment intéressant.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Oui. Bien, la question,
en fait, c'est que là, maintenant, on est en train de rebaptiser ou d'essayer
de rebaptiser la disposition de dérogation «clause de souveraineté
parlementaire. Puis, pour moi, on tombe dans la catégorie de ce que j'appelle,
et je vais parler avec un anglicisme, je suis désolé, du «rebranding», en fait.
C'est-à-dire qu'il faut appeler un chat un chat. Quand on déroge aux droits
fondamentaux, la conséquence nette, peu importe la raison pour laquelle on le
fait, c'est qu'on empêche les justiciables de contester la disposition
législative en se fondant sur les droits et libertés protégés par la Charte
canadienne et la Charte québécoise. Alors, on a beau dire qu'on le fait pour
protéger la souveraineté parlementaire, l'effet net du recours à la disposition
de dérogation, ça demeure de déroger aux droits et libertés de la personne.
Bon.
Alors, le débat qui se fait actuellement
et la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État en raison de ce choix-là
qui a été fait et qui est maintenu, puis là-dessus, le gouvernement a le mérite
de la cohérence, on peut le dire comme ça, en accompagnant le projet de loi
n° 94 pour tout ce qui concerne la laïcité de l'État, d'une redérogation,
c'est justement que ça, ça nous prive de l'avis d'un tiers indépendant, puis ça
prive surtout...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...le gouvernement de
l'opportunité de faire valoir ses arguments pour justifier la raisonnabilité
d'une portion des interdictions qui sont rajoutées par la Loi sur la laïcité de
l'État. Parce qu'il peut y avoir de très, très bons motifs, on l'a vu, et ça
avait structuré, d'ailleurs, le compromis Bouchard-Taylor. Maintenant, on peut
être en accord et en désaccord, mais ce n'est pas au gouvernement d'être juge
et partie et de dire à la population : Fiez-vous sur nous, c'est
raisonnable, en fait, et c'est un bel équilibre entre les droits de la majorité
et les droits de groupes minoritaires. L'effectivité des droits et libertés de
la personne, de la Charte québécoise comme de la Charte canadienne, ça passe,
de manière incontournable, par l'existence d'un tiers indépendant, qui est
capable de porter un jugement sur l'action du législateur, parce que c'est le
législateur qui doit respecter les droits et libertés de la personne.
Alors, après ça, on peut bien en débattre
jusqu'à demain matin de la légitimité de l'arbitre canadien, qui a été mis en
place, depuis 1982, pour déterminer la portée des droits et libertés de la
personne, mais on se dessert collectivement si on va dans le sens de déroger au
nom des droits de la majorité. C'est antinomique avec la raison d'être des
textes sur les droits fondamentaux, qui est de protéger les groupes
minoritaires des abus potentiels de groupes majoritaires.
M. Morin : Je vous remercie.
J'ai lu... J'ai lu votre mémoire avec attention. Le projet de loi n° 94,
d'après vous, il éviterait un Bedford 2.0?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je...
Là, encore une fois, la grande question, c'est... Et je reviens aux deux
parties du projet de loi n° 94. Il y a les portions qui concernent la
laïcité de l'État. Pour moi, il y a des... La seule portion de ces
dispositions-là qui pourrait, par le truchement de la codification des
principes concernant le devoir de réserve et le prosélytisme, là, aider les
gestionnaires à éviter un Bedford 2.0, si tant est que ça a été nourri par des
convictions religieuses, là, une portion de cette crise-là... parce que ce
n'est pas clair, ce qui ressort du rapport Bedford, quant aux motivations, là,
des membres de ce clan-là, là, qui étaient problématiques, c'est que c'est
libellé d'une telle manière qui a mené à une pente glissante, qui va nous
desservir, à terme. Alors, moi, j'en suis, c'est pour ça que je fais des
recommandations, si tant est qu'on reformule ces dispositions-là pour mettre
l'accent sur l'interdiction du prosélytisme, en fait, là, qui réfère,
nécessairement, à une tentative de conversion à une religion, ou encore, à un
refus de faire une partie de son travail sur la base de convictions
religieuses. Ça, c'est des critères qui sont objectifs puis qui peuvent
permettre à des gestionnaires de dire : Ça, non, toi, professeur de
sciences, tu enseignes le cursus minimal obligatoire, peu importe tes
convictions religieuses, ça fait partie de ta job. Ça, c'est quelque chose qui
est tout à fait compatible avec le principe de laïcité de l'État. Alors, dans
ce contexte-là, bien, je trouve que le projet de loi n° 94, si on
reformule ces dispositions-là, ça pourrait, effectivement, être utile, par le
truchement de la codification.
Maintenant, je remets en doute, au vu de
ce qui s'est passé à Bedford, là, le fait qu'on élargisse subitement le port...
les catégories de membres du réseau de l'éducation qui ne pourront plus porter
de signes religieux sur le lieu de l'école. Puis il y a même une contradiction
avec l'argument qui avait été mis de l'avant par le gouvernement pour justifier
l'élargissement du compromis Bouchard-Taylor aux enseignants et aux
enseignantes, c'est-à-dire le fait que les enseignants et enseignants sont en
situation d'autorité par rapport aux enfants. Bon, ça, c'est la première
partie.
La deuxième partie... Mais là, encore une
fois, c'est à savoir si les gestionnaires avaient en main tous les outils pour
intervenir, puis que c'est leur inaction qui a créé la crise de Bedford. Moi,
je ne suis pas un grand spécialiste du droit du travail, mais c'est ma mineure,
en fait, puis il me semble que les gestionnaires... et les règles applicables
en matière de relations de travail... avaient tout en main pour être capables
d'agir au jour un de la crise, en fait, et à s'assurer que les enseignants qui
agissaient de manière toxique, qui refusaient des portions du travail qu'ils
devaient faire, bien devaient être sanctionnés, rappelés à l'ordre, etc.
Maintenant, le gouvernement, manifestement, croit le contraire.
• (18 heures) •
Mais là on se trouve vraiment à faire des
propositions qui permettent au gouvernement, au sens très large, pas juste au
ministre de l'Éducation puis au ministère de l'Éducation, là, de se mettre les
deux mains dans les cursus qui vont être donnés dans les écoles, puis moi, je
vois là une problématique, parce que ça s'inscrit dans une tendance lourde à la
centralisation des pouvoirs exécutifs puis à la capacité d'intervention, on va
le dire, là, du ministère de l'Éducation et de... du gouvernement comme tel à
l'intérieur de ce qui se passe dans les écoles. Puis moi, ça, ça m'apparaît
problématique, en fait, parce que l'exécutif...
J'entendais le président de la Commission
des droits de la personne, tout à l'heure, faire référence à Montesquieu puis à
Locke. La séparation des pouvoirs, surtout quand on parle d'enjeux aussi
importants que les valeurs québécoises et les valeurs démocratiques, ça ne peut
pas être le gouvernement qui les définit d'une politique à l'autre, en fait,
parce que le... c'est des enjeux qui sont trop importants pour que ce soit mis
dans les mains de l'exécutif gouvernemental. Il faut absolument que ce soit
l'Assemblée nationale qui se prononce, puis qu'on passe le processus législatif
puis qu'on ait l'occasion de... d'entendre toutes celles et ceux qui sont
concernés et visés par ces fameuses valeurs québécoises, pour qu'elles soient
véritablement consensuelles.
Et c'est la même chose sur le respect de
l'expertise de...
18 h (version non révisée)
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...et ceux qui font
vivre l'école au quotidien puis voir qu'ils la tiennent à bout de bras, en
fait, parce que j'y fais fait référence indirectement. Mais le système de l'éducation,
on va le dire, est carrément en crise en fait. Et le fait de rajouter des
mesures de contrôle, je ne vois pas dans quelle mesure ça va nous aider à
sortir de ce bourbier-là en rendant la profession plus attractive.
M. Morin : Je vous remercie.
J'ai une autre une autre question pour vous. Ma compréhension du projet de loi
s'attarde beaucoup sur le port de signes religieux, mais pas comme tel sur le
prosélytisme. Et corrigez-moi si je fais erreur, mais ma compréhension de ce
qui s'est passé, notamment à Bedford, par certains enseignants, c'est qu'ils ne
portaient pas des signes religieux, mais, par exemple, ils essayaient de
convertir les gens à leur foi et...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Tout à fait. Bien, en tout cas...
M. Morin : ...en fait, c'est
ce que j'ai compris. Ce n'est peut-être pas ça, mais, moi, c'est ma
compréhension. Et...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Quand on parle, par
exemple... Je m'excuse de vous interrompre. Mais on a fait référence beaucoup
aux problèmes d'entrisme religieux, un problème auquel il faudrait qu'on s'attaque,
bien, pour faire face à l'entrisme religieux, il faut outiller les
gestionnaires pour s'assurer que, si les acteurs et actrices du réseau de l'éducation
sont motivés par un agenda religieux, quel qu'il soit musulman, chrétien, juif,
on soit capable de dire non, en fait.
M. Morin : Et, dans le projet
de loi n° 94, le législateur aurait l'opportunité de régler ça...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : Tout à fait, tout à fait.
M. Morin : ...mais il ne le
fait pas présentement.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Mais il ne le fait pas
bien, le problème, en fait. Et là je vous réfère...
M. Morin : O.K.Alors,
commentpourrait-il le faire mieux?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je vous réfère donc à
la portion, tant qu'à l'avoir écrit, je vous réfère à la portion de mon mémoire...
M. Morin : Êtes-vous à la page...
M. Lampron
(Louis-Philippe) : ...2.1.
M. Morin : Êtes-vous à la page
18?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je suis à la page...
Oui, page 18...
M. Morin : Page 18.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...2.1, d, dans mes
recommandations, en fait... bien, c'est-à-dire que, oui, il y a un problème, en
fait, avec la manière qu'on a de libeller. Puis j'ai lu tout à l'heure une portion
de 479.2, je vais vous lire 258.03 : «Le centre de services scolaire s'assure
que la conduite des membres de son personnel et de toute personne appelée à
dispenser des services, pour le compte de celui-ci, est exempte de
considération religieuse.» Qu'est-ce que ça veut dire? Et là on est
complètement éloigné de l'idée de prosélytisme. Qu'est-ce qu'une considération
religieuse, exempte de considération religieuse? C'est absolument inopérationnalisable.
Encore une fois, on sent l'intention, l'intention, c'est vraiment d'avoir les
pouvoirs puis de permettre au gestionnaire d'éviter Bedford 2.0. Dans ce
contexte-là, les dispositions sont mal formulées.
M. Morin : Et, à ce moment-là,
quelle serait l'expression ou les mots qui devraient être utilisés pour éviter
justement qu'il y ait du prosélytisme et qu'on s'assure effectivement que l'école
est laïque? Voilà.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Je lis l'avant-dernier
paragraphe du... l'avant-dernier paragraphe de la page 19 de mon mémoire :
En ce sens, si tant est que l'objectif poursuivi soit effectivement de codifier
la portée du devoir de réserve des membres du personnel du réseau de l'éducation
en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes et du contenu obligatoire
des cours, il serait largement préférable de s'en tenir au concept d'interdiction
des actes de prosélytisme et de devoir de réserve en ce qui concerne l'expression
de ses convictions religieuses sur le lieu de travail.»
M. Morin : Donc, si je vous
comprends bien, plutôt que de parler d'exemption de considération religieuse,
ce qui est le libellé retenu par le législateur dans son projet de loi, il
serait préférable de parler en fait, bon, d'interdiction des actes de
prosélytisme et du devoir de réserve...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :C'est que là on est
dans du...
M. Morin : ...on est au cœur.
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...on est dans du
tangible surtout, parce que là, si on essaie de faire du neuf avec du vieux, le
problème, c'est qu'en droit les nouveaux concepts, ça permet des
interprétations. Et, moi, je vois, là, toutes les lumières rouges s'allument
quand je regarde le libellé des dispositions qui sont proposées, notamment pour
la possibilité d'application discriminatoire de ces considérations-là, qui sont
beaucoup trop individualisées et individualisables, d'une part, et, d'autre
part, qui ne tiennent pas compte du fait qu'il y a des convictions
personnelles. Bien, je veux dire, moi, j'ai été élevé, j'ai été baptisé, je ne
suis plus du tout croyant, mais, je veux dire, je suis... Une partie de mes
valeurs, ça doit avoir un lien avec... et être cohérent avec les valeurs
chrétiennes, en fait, essentiellement.
Alors, comment faire pour départager ce
qui relève du personnel, du construit et de ce qui relève de mon éducation dans
mon... dans ma lointaine enfance religieuse? Je veux dire, c'est absolument
impossible de départager ça, puis ça peut mener à des applications
discriminatoires en fonction du fait que la personne, je le disais tout à l'heure,
elle provient et elle provient, par exemple, d'une région... elle provient du
Maghreb, par exemple. Et là on fait des amalgames beaucoup, c'est largement
documenté, puis là on risque de lui poser des questions ou encore de la
remettre en question beaucoup plus avec ces critères-là, que si on y va avec
des critères qui réfèrent à des religions collectives, en disant — l'exemple
qui était donné par le ministre, par exemple : Moi, je refuse d'enseigner
la science, parce que je mets ma conviction... mes convictions religieuses font
en sorte que je n'y adhère pas. Je suis créationniste, par exemple. Mais ça, c'est
non, ça, c'est hors jeu...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :...et c'est facile, en
fait, d'y faire référence avec l'interdiction du prosélytisme, en fait.
M. Morin : Du prosélytisme,
et non pas... vous pouvez ne pas porter de signe religieux et...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Les signes religieux,
on est ailleurs, en fait.
M. Morin : On est ailleurs.
Très bien. Je vous remercie. Dans le projet de loi, on utilise... le
gouvernement veut aussi utiliser la clause de dérogation à nouveau. Vous avez
mentionné, effectivement, il y a une cohérence avec ce qui a été fait dans le
passé, mais on veut utiliser la clause de mur-à-mur, donc pas de sur mesure.
Quels sont les... En fait, ça va faire en sorte que les gens ne pourront pas
utiliser les articles 1 à 38 de la charte québécoise. Donc, ça voudrait dire
que, si jamais il y avait une contestation, par exemple... Le gouvernement ne
cible en rien certains droits qui pourraient être exclus, et, comme je l'ai
mentionné précédemment, ça pourrait... en fait, ça inclut même... ça exclut, en
fait, de l'article 9.1, la charte, qui parle de l'égalité hommes-femmes, de la
laïcité de l'État, de...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, M. le député de l'Acadie. C'est tout le temps que nous avons. Alors,
on poursuit la discussion avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci beaucoup.
Merci pour votre présentation. Il y a quelque chose, dans le projet de loi,
bon... il y a une volonté de clarifier des encadrements pour la pratique, là,
des gens qui sont des directeurs d'école, ou, etc. Puis vous reconnaissez vous
aussi que c'est pertinent de...
Des voix : ...
M. Zanetti : Excusez-moi,
c'est un petit peu difficile de se concentrer, juste... C'est, bon... Vous
dites aussi : C'est pertinent, oui, qu'il y ait une clarification, hein,
parce qu'évidemment les directeurs d'école, directrices d'école, les gens des
centres de services scolaires ne connaissent pas toute la jurisprudence. Il n'y
a probablement pas un document, ou peut-être, là, qui dit... qui fait un résumé
de ça. Est-ce que ça pourrait intéressant de prendre la jurisprudence sur les
accommodements raisonnables, par exemple, puis de le rentrer, de le
centraliser, ou dans un règlement, ou dans une loi? Ou est-ce que... Ça a-tu du
bon sens, cette idée-là?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Bien, ça peut tout à
fait... Là, l'enjeu, c'est en matière de laïcité de l'État, de faire des
précisions, en fait, des critères, puis c'est ce que fait la Cour suprême dans
ses arrêts, en fait, elle donne des balises qui peuvent être prises en
considération pour dire : Ici, ce sera d'imposer une contrainte excessive,
en fait, que de le demander à l'école.
Et c'est toujours dépendant du contexte,
en fait. Le fait, par exemple, qu'il y ait un nombre effarant de demandes de
congés religieux au sein d'employés, qui feraient en sorte de menacer la
capacité de l'institution à offrir les services, ça pourrait être suffisant
pour que le gestionnaire dise : Bien, écoutez, s'il n'y avait pas ce
risque-là, je pourrais bien vous accommoder dans votre demande de congé
religieux. Là, je ne peux pas parce que l'institution ne sera pas capable de
livrer les services, et donc je refuse parce que contrainte excessive. Alors,
c'est ça qui doit être mis de l'avant, en fait.
Et, malheureusement, dans le projet de loi
no 94, notamment, il y a des dispositions où on vient carrément interdire toute
forme d'accommodement religieux, alors que, par ailleurs, il est possible de
demander des accommodements pour d'autres motifs. Ce deux poids, deux mesures
là, il est littéralement incompatible avec la protection du droit à l'égalité.
Que je fasse référence, par exemple, avec la question de la restauration et de
l'hébergement, alors, il n'est pas possible de demander des menus sur la base
de convictions religieuses, mais j'imagine qu'il va demeurer possible de
demander des menus santé, des menus végétariens ou des... Et donc ça crée des
situations qui sont très, très, très problématiques, en fait, et qui, pour moi,
ne sont permises que parce qu'on déroge à la Charte québécoise des droits et
libertés. Et là c'est la fameuse dérogation à la dérogation à laquelle faisait
référence le président Tessier, de la Commission des droits de la personne.
C'est malheureux, en fait, parce que, dans
les faits, il pourrait tout à fait y avoir des... Si l'objectif, c'est vraiment
de renforcer la capacité des gestionnaires à dire non lorsqu'ils peuvent le
dire, en fait, parce qu'on refuse le prosélytisme religieux ou parce que la
capacité de l'institution est atteinte, en fait, bien, une directive de la
nature de celle que vous évoquiez pourrait être absolument utile, et pas besoin
d'aller vers des interdictions mur à mur d'accommodements pour des motifs puis
d'accepter les autres, en fait.
• (18 h 10) •
M. Zanetti : ...directive
ministérielle ou un règlement...
M. Lampron
(Louis-Philippe) :Tout à fait.
M. Zanetti : ...mais en même
temps... Je comprends. Puis, sinon, bien, pour moi, ça fait le tour, en fait...
Bien non, en fait, j'ai une dernière question. J'ai-tu une minute?
La Présidente (Mme Poulet) : Il
reste 56 secondes
M. Zanetti : O.K. Quelle
serait votre définition de la laïcité, en 50 secondes?
M. Lampron
(Louis-Philippe) :En 50 secondes, bon.
Heureusement, je l'ai bien écrit. La laïcité, en fait, c'est vraiment une
opérationnalisation de la séparation du religieux et de l'État. Et c'est donc
ce qui va permettre les conditions du vivre-ensemble, au sens où ça doit
respecter les convictions des uns et des autres et permettre une coexistence
pacifique, en fait. Et donc ça doit tenir compte de la réalité culturelle,
notamment, d'une société. Et ça explique pourquoi, notamment, je croyais que,
dans la réalité québécoise, le compromis Bouchard-Taylor, qui ne comprenait pas
les enseignants et les enseignantes, ça aurait pu passer le test de la Charte
canadienne des droits et libertés.
M. Zanetti : Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. Alors, merci...
La Présidente (Mme Poulet) : ...beaucoup
de votre contribution à nos travaux.
Compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 24 avril 2025, après les avis
touchant les travaux des commissions.
(Fin de la séance à 18 h 11)