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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mercredi 23 avril 2025 - Vol. 47 N° 63

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l’éducation et modifiant diverses dispositions législatives


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures quarante-et-une minutes)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et...

La Présidente (Mme Poulet) : ...auditions publiques sur le projet de loi no 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) est remplacé par Mme Schmaltz (Vimont); Mme Garceau (Robert-Baldwin), par M. Morin (Acadie); et Mme Gentilcore (Terrebonne), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les personnes et les organismes suivants : la Fédération des syndicats de l'enseignement et la Fédération autonome de l'enseignement.

Alors, comme la séance a débuté plus tard que prévu, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à 13 heures?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Poulet) : Consentement. Merci. Alors, je souhaite donc la bienvenue à la Fédération des syndicats de l'enseignement. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes. Alors, par la suite, on va procéder à une période d'échange avec les membres de la commission. Alors, la parole est à vous.

M. Bergevin (Richard) : Bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames messieurs les parlementaires. D'abord, nous remercions la commission de nous recevoir de manière distincte, en tant que principaux représentants des enseignants. Mon nom est Richard Bergevin, je suis enseignant en sciences au secondaire et président de la Fédération des syndicats de l'enseignement. La FSE-CSQ est la plus importante organisation, représentant plus de 95 000 enseignantes et enseignants regroupés dans 34 syndicats aux quatre coins du Québec. Je suis accompagné de Mme Karine Nantel, enseignante de sixième année au primaire et première vice-présidente de la FSE-CSQ, ainsi que de Me Sandy Royer et M. Sébastien Bouchard, tous deux membres du personnel-conseil à la FSE. Nous tenterons, comme à l'habitude, d'être respectueux et constructifs en portant la voix des enseignantes que nous représentons.

Cette présentation et le mémoire de la FSE sont complémentaires de ceux de la Centrale des syndicats du Québec, dont nous faisons partie. Ainsi, comme vous le verrez demain, la CSQ se concentrera sur les enjeux sociaux, notamment sur la laïcité. Du côté de la FSE, nous nous limiterons aux enjeux enseignants. Avant d'aller dans le détail, nous aimerions affirmer notre adhésion à l'objectif d'assurer des services éducatifs de qualité et notre étonnement, voire notre déception par rapport aux moyens proposés dans le projet de loi pour y parvenir.

Premièrement, le projet de loi est présenté comme une réponse appropriée aux différents rapports qui ont découlé des événements s'étant produits à l'école Bedford. Même si nous partageons les préoccupations du ministre à ce sujet, les modifications proposées ne correspondent pas, selon nous, aux constats et aux recommandations de ces rapports. Deuxièmement, nous constatons qu'en matière de qualité des services éducatifs, les outils d'intervention pour prévenir un cas similaire à l'école Bedford... pardon, qu'un cas similaire à l'école Bedford se reproduise existe déjà. D'ailleurs, le fait que les interventions du ministre aient permis de rétablir la situation à l'école Bedford en témoigne. Troisièmement, le projet de loi dépasse largement l'enjeu de la laïcité. Nous constatons qu'il comporte des dispositions très contraignantes pour les enseignantes, sans rapport direct avec la laïcité. Il est inconcevable à nos yeux d'apporter des modifications aussi importantes aux encadrements de la profession enseignante dans le contexte d'un débat polarisant comme celui de la laïcité. Quatrièmement, il est tout aussi inconcevable que les changements à la profession enseignante aient été élaborés sans impliquer les principaux intéressés, les profs, alors que la loi les reconnaît comme des experts de la pédagogie. Cinquièmement, le projet de loi ne répond pas aux besoins identifiés par le personnel enseignant quant à la qualité des services éducatifs et aux problèmes prioritaires du réseau scolaire, notamment la pénurie de personnel qualifié.

En tenant compte de tous ces éléments, la principale proposition que nous faisons ici est de retirer du projet de loi les articles qui portent sur l'enseignement. Il nous semble essentiel de séparer les enjeux de laïcité des enjeux de nature professionnelle qui touchent directement les enseignants. Ainsi, nous recommandons le retrait des articles 5, 6, 7, 15, 27 et 37 du projet de loi no 94, et nous soutenons l'organisation d'une grande réflexion collective sur l'avenir de l'éducation et l'égalité des chances au Québec.

Mme Nantel (Karine) : Bonjour. De mon côté, je vous présenterai notre avis général sur les questions en lien avec les droits et obligations des enseignantes et enseignants ainsi que la qualité des services éducatifs.

D'abord, les droits et les obligations des enseignants. Avec les modifications aux articles 19 et 22 de la Loi sur l'instruction publique proposées par le projet de loi no 94, le gouvernement démontre un manque de confiance envers le corps enseignant du Québec. L'article 19 de la LIP est modifié pour limiter l'autonomie professionnelle de l'enseignant en y ajoutant des encadrements. Par ailleurs, les modifications à l'article 22 de la LIP ajoutent l'idée de...

Mme Nantel (Karine) : ...conformer à tout autre encadrement pédagogique applicable, un concept flou qui ouvre la porte à l'interprétation et à l'arbitraire.

Chacune de ces modifications entraînera des conséquences sur la capacité des enseignants à exercer leur expertise et leur jugement professionnel et à s'adapter aux besoins des élèves.

Maintenant, la vérification des planifications annuelles. Sachez que la FSE ne s'oppose pas à ce que les directions d'établissement puissent demander aux enseignants d'avoir accès à leur planification. Les dispositions actuelles de la LIP le permettent d'ailleurs déjà. Cependant, nous dénonçons l'obligation de soumettre sa planification dans une forme et un moment imposés, tout en respectant un guide des bonnes pratiques du ministre. Cette modification des pratiques imposée partout de façon uniforme dévalorise l'expertise pédagogique du personnel enseignant, qui est tout à fait en mesure de choisir le format de la planification de son propre travail. De plus, cet ajout aura pour effet d'augmenter la tâche, forçant plus de 100 000 enseignants à effectuer ce qui est appelé à devenir une formalité administrative énergivore.

Comme l'indique le rapport Bedford, la vérification des planifications annuelles est non seulement inefficace pour encadrer les enseignants avec des lacunes, mais elle est néfaste car elle ajoute de la pression inutile à celles et ceux qui n'ont pas de difficultés. Le projet de loi no 94 porte spécifiquement sur l'évaluation de tous les enseignants et enseignants. Nous croyons que cette obligation imposée et généralisée à tout le personnel enseignant ne permet pas d'encadrer les pratiques qui posent problème et viendra mettre indûment de la pression sur d'autres qui ne présentent aucune lacune.

Pourtant, la dernière chose dont le réseau a besoin dans le contexte actuel, c'est d'ajouter inutilement de la pression et de la bureaucratie. Déjà, dans plusieurs milieux, l'évaluation des nouveaux enseignantes et enseignants, souvent non qualifiés, est difficilement réalisable par les directions. Ajouter une obligation annuelle à près de 3000 directions et à plus de 100 000 profs implique de faire un choix. Alors, si nous ajoutons une tâche, laquelle allons-nous retirer?

De plus, il nous semble contreproductif de prioriser, lors de l'évaluation du personnel, la mesure de leur contribution au projet éducatif. D'un côté, le projet éducatif est une responsabilité collective de l'établissement. De l'autre, on viendra augmenter la pression pour l'atteinte de statistiques de réussite, ce qui induit toute une série de mauvaises pratiques déjà largement documentées par la science.

Ajoutons qu'il est incompréhensible qu'un comité sur la qualité des services éducatifs soit mis en place dans chaque centre de services sans qu'une majorité d'enseignants y siègent. Dans le même ordre d'idée, il est inconcevable que le ministre impose des pratiques aux experts de la pédagogie sans les impliquer. Si l'objectif souhaité est réellement le rehaussement de la qualité des services éducatifs, nous croyons que le ministère de l'Éducation devrait plutôt miser sur l'évaluation institutionnelle, qui consiste à prendre en compte l'ensemble des variables d'un établissement scolaire et ne pas cibler uniquement les enseignants. Cette suggestion rejoint d'ailleurs la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation.

Je voudrais terminer sur une note positive en ajoutant qu'il est possible d'agir dès maintenant pour permettre de dénoncer les problèmes importants, autant en termes de laïcité que de qualité des services éducatifs. Nous vous invitons, M. le ministre, à modifier la Loi sur le Protecteur national de l'élève afin de permettre aux personnels scolaires d'effectuer un signalement au Protecteur régional de l'élève visant à porter à son attention une situation pouvant mener au non-respect des droits des élèves. On estime d'ailleurs que cette possibilité pour le personnel d'effectuer un signalement aurait fait une différence en favorisant une intervention plus rapide dans le cas de l'école Bedford ou dans d'autres situations malheureuses qui ont été largement médiatisées.

• (11 h 50) •

M. Bergevin (Richard) : Dans le contexte actuel, tous les acteurs du réseau éducatif s'entendent sur la nécessité d'agir face à la pénurie de personnel qualifié. Le projet de loi no 94 risque au contraire d'amplifier le problème de la pénurie en générant de la démotivation et du désengagement des enseignants par l'ajout de contraintes bureaucratiques. Si l'on veut véritablement améliorer la qualité...

M. Bergevin (Richard) : ...les services éducatifs, des solutions existent et reposent notamment sur les capacités novatrices des milieux plutôt que sur l'ajout de contraintes nationales.

D'ailleurs, à très court terme, il serait possible d'assurer et de pérenniser le financement de l'entente sur la rareté du personnel enseignant. Les projets issus de cette entente nationale ont permis de développer des solutions adaptées aux réalités locales qui ont eu un effet significatif sur la pénurie et l'encadrement des élèves. Cette façon... cette façon de faire nous semble extrêmement porteuse pour la suite des choses.

Plus globalement, nous nous apprêtons à présenter au ministère nos priorités pour lutter contre la pénurie et nous croyons qu'elles représentent elles aussi des améliorations notables à la qualité des services éducatifs. Toutefois, cette nécessaire discussion sur les services éducatifs ne doit pas se faire dans le cadre d'un projet de Loi sur la laïcité. Et c'est pourquoi, M. le ministre, nous insistons sur le retrait des articles du projet de loi n° 94 qui y réfèrent. Ensemble...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Alors, c'est tout le temps que nous avons. Le 10 minutes est écoulé. Alors, on va procéder à la période d'échange avec le ministre. Alors, la parole est à vous.

M. Drainville : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre participation et votre présentation. Je comprends, là, que vous vous êtes séparé le travail entre la CSQ et la FSE, mais, comment dire, il faut quand même discuter un peu de laïcité, là. On va... faites-vous, on va quand même aborder les thèmes que vous avez soulevés dans votre mémoire.

Mais sur la laïcité, je veux quand même avoir votre position, là, comme fédération, là, parce que c'est vous qui représentez les enseignants qui sont affiliés à la CSQ.

D'abord sur le visage à découvert, l'obligation du visage à découvert, vous êtes d'accord avec ça ou pas?

M. Bergevin (Richard) : Pour nous, la laïcité, c'est un grand consensus au niveau national. On considère que c'est... c'est quelque chose auquel on adhère. Maintenant, pour les modalités d'application, on a fait le choix de contribuer au mémoire de la CSQ, et donc la CSQ va présenter demain l'ensemble des... de la perception que l'on en a, auquel on adhère complètement. Donc, on pense que ça serait plus... ça serait plus sain de leur laisser rendre... rendre compte de la position des enseignantes et des enseignants à ce sujet.

M. Drainville : Non, je comprends M. Bergevin. Mais vous avez une voix autonome à l'intérieur de la CSQ.

M. Bergevin (Richard) : Oui, oui.

M. Drainville : Je comprends qu'il y a des enjeux peut-être un peu plus délicats, controversés, qui font davantage débat. Mais il me semble que sur la question du visage...

M. Bergevin (Richard) : Oui.

M. Drainville : ...l'obligation d'avoir le visage à découvert dans une classe au Québec.

M. Bergevin (Richard) : Oui, je peux répondre à ça, simplement, là : Oui, on est d'accord.

M. Drainville : Sur le fait que des personnes qui déclarent pratiquer une religion se voient accorder plus de congés rémunérés qu'un employé qui ne pratique aucune religion. Là-dessus, qu'est-ce que... est-ce que vous jugez que c'est acceptable que quelqu'un qui déclare avoir une religion ait davantage de congés rémunérés qu'une personne qui déclare n'avoir aucune religion?

M. Bergevin (Richard) : Pour nous, on a laissé la CSQ prendre position là- dessus. Mais on considère que, considérant que tous les enseignantes et enseignants sont égaux, ils devraient avoir accès au même... au même nombre de congés annuellement, donc qu'ils ne devraient pas en avoir de plus pour des conditions de cette nature.

M. Drainville : Très bien. J'apprécie votre franchise et votre transparence, votre clarté sur... alors, je vais m'arrêter là pour la laïcité par respect pour la décision que vous avez... que vous avez prise.

Sur votre mémoire en particulier, bon, d'abord, je me réjouis de vous entendre dire que la fédération ne s'oppose pas à ce que les directions aient accès à la planification pédagogique. Ça, j'apprécie cette position de principe. Maintenant, si je vous comprends bien, vous dites : Le problème qu'on a, ce n'est pas tellement que nos enseignants donc doivent remettre leur planification pédagogique, c'est qu'ils devront le faire dorénavant en fonction du guide ministériel. Hein, c'est... est-ce que je résume bien votre position? Mme, vous n'avez pas l'air certaine.

Mme Nantel (Karine) : En fait, c'est... ce qui nous... ce qui cause problème pour nous, c'est d'avoir un format unique au moment imposé par la direction qui devra s'appuyer effectivement sur le guide que vous allez produire. Ça, pour nous, ça cause... c'est un défi dans les... dans les milieux présentement, nous pensons que les enseignants sont les mieux placés pour fournir leur planification annuelle dans le format qu'ils auront déterminé selon le contexte, évidemment.

M. Drainville : Oui, vous dites un format unique. À moins que vous me trouviez un passage du projet de loi qui dit ça, là, puis je ne pense pas que vous allez le trouver.

M. Bergevin (Richard) : Le projet de loi propose...

M. Bergevin (Richard) : ...un format déterminé par la direction.

Une voix : Par la direction.

M. Drainville : «Le ministre élabore, à l'intention des directeurs d'établissement, un guide proposant des bonnes pratiques en matière de planification pédagogique et d'évaluation des contributions des enseignants au projet éducatif.» C'est ce que dit le projet de loi. Ce n'est pas... Vous dites : Un format unique. Moi, je vous dirais que le guide va prévoir, je dirais, un cadre. Mais on ne va pas venir dicter, là, dans le détail ce que cette reddition ou, comment dire, cette... Le fait de remettre cette planification pédagogique, ça va se faire à l'intérieur d'un processus à l'intérieur duquel il va y avoir de la souplesse, là. On ne va pas... On ne va pas dicter une façon de faire. On va dicter par le guide un certain nombre de choses. Mais, par la suite, regardez ce que ça dit, là : «L'enseignant doit soumettre une planification pédagogique au directeur d'établissement dans la forme et au moment déterminés par ce dernier.» Alors, il va y avoir beaucoup de souplesse au niveau local, là. Vous comprenez?

M. Bergevin (Richard) : Oui. Mais on laisse... on laisse dans les mains de la direction le choix. Tandis que nous, ce qu'on considère, c'est que c'est les enseignantes et les enseignants qui devraient choisir le format. Pourquoi? Parce qu'un enseignant de sciences comme moi ne ferait pas la même chose, ne ferait pas nécessairement le même type de planification qu'une enseignante de français ou un enseignant d'anglais. Ça peut être différent dans le format. Alors, la direction n'a pas nécessairement... ne ne va pas nécessairement choisir de faire... de faire faire des planifications dans des formats qui sont très différents, considérant que dans une école secondaire où il y a une centaine d'enseignants, bien, ça va être plus facile de demander un format unique. Alors, on a des grandes craintes sur comment ça va se répercuter dans les milieux.

Je comprends que le projet de loi ne précise pas que ce sera un format unique, mais il précise que c'est la... ce sera un format déterminé par la direction. Et, là-dessus, si on veut que ça reste la... si on veut laisser l'enseignant choisir le format dans lequel il va produire sa planification, puisque c'est lui, l'expert en pédagogie, bien, on devrait l'écrire comme ça dans le projet de loi, dire que c'est l'enseignant qui a ce dernier choix là.

M. Drainville : Oui, mais là, M. Bergevin...

M. Bergevin (Richard) : Puis, si la direction n'est pas satisfaite, bien, elle pourra toujours le mentionner, puisqu'elle l'aura reçu.

M. Drainville : Oui. Mais là, M. Bergevin, là, comment dire, la direction d'école doit exercer ses responsabilités, là. À un moment donné, les directions d'école, elles ont un rôle à jouer. Il faut qu'ils le jouent. Alors, moi, ce que je dis, c'est que le projet de loi donne beaucoup d'autonomie à la direction d'école. Et puis la direction d'école va s'asseoir avec l'enseignant, avec l'enseignante, et puis il y aura une discussion sur la forme.

Maintenant, à la fin, vous avez raison de dire que le projet... le projet de loi prévoit que c'est la responsabilité du directeur ou de la directrice de l'école de demander à l'enseignant de soumettre sa planification. Mais, ça, c'est normal. Vous... Je pense que vous... On reconnaît quand même... Vous reconnaissez le... Vous voulez l'autonomie des enseignants, j'en suis, mais vous voulez aussi des directions d'école qui assument leurs responsabilités de direction d'école.

M. Bergevin (Richard) : Oui. Tout à fait.

M. Drainville : Chacun... comment dire, chacun sa...

M. Bergevin (Richard) : Chacun a son rôle à jouer.

M. Drainville : Chacun son rôle. Exactement. Exactement.

M. Bergevin (Richard) : Tout à fait. Puis on est d'accord avec le fait que la direction puisse faire cette demande-là, d'avoir la planification des enseignants. Mais, nous, on considère que c'est aux enseignants à produire cette planification-là, avec toute l'expertise pédagogique et tout le professionnalisme qu'ils peuvent y mettre.

M. Drainville : O.K.

M. Bergevin (Richard) : Et cette planification-là, une fois qu'elle sera produite, si la direction a des... considère que ce n'est pas suffisant ou satisfaisant, bien, la direction aura tout le lieu de jouer son rôle de leader pédagogique et de demander des améliorations ou des modifications. Et donc on pense qu'il faut garder l'enjeu de l'expert de la pédagogie dans les mains de l'enseignant, et de la direction comme étant juge de la valeur. Parce que c'est la direction, dans la Loi sur l'instruction publique, qui a la responsabilité de s'assurer de la qualité des services éducatifs, bien, ce sera à elle à juger de la production de l'enseignante ou de l'enseignant.

• (12 heures) •

M. Drainville : O.K. Je respecte cette position. Je respecte cette position.

Sur le comité sur la qualité des services éducatifs, là, bon, d'abord, je vous rappelle, là, c'est quand même important, là, quand on regarde le rapport Bedford, là, il...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Drainville : ...il y a une bonne partie du rapport qui porte sur la qualité des services éducatifs, là, une vingtaine de pages, quatre recommandations qui portent là-dessus. Est-ce que vous en avez contre le principe de l'existence même d'un comité comme celui-là, ou vous en avez davantage sur la composition?

M. Bergevin (Richard) : Pour nous, au départ, ce qu'on aurait souhaité par rapport à l'organisation de la qualité... des services éducatifs, c'est qu'on ait des discussions préalables au dépôt d'un projet de loi, parce qu'on pense qu'il y a beaucoup d'enjeux de nature professionnelle qui concernent les enseignants, qui devraient être discutés dans un forum qui est approprié à ça. Un projet de loi, on a deux semaines pour se préparer, on a 45 minutes pour présenter, c'est limité comme capacité à aller chercher le pouls des enseignantes et des enseignants sur le terrain, d'être capable de ramener ça, d'organiser ça et d'être capable de faire un échange complet avec le ministère de l'Éducation ou le ministre, directement. Donc, on est limité dans cette capacité-là à faire le travail.

Alors, le comité, pour nous, dans un premier temps, on pense qu'il n'a pas sa raison d'être pour l'instant, mais si on était capable de construire quelque chose avec vous pour être capable d'y arriver, bien, on pense que ça vaudrait la peine, au moins, d'en faire la discussion. Parce qu'on n'est pas fermé à la discussion de... le travail sur les services éducatifs, mais on pense que, présentement, on est un peu coincés dans le processus, là.

M. Drainville : Dernière question, puis là je vous demande, puis j'en suis conscient, là, de faire une généralisation, mais je vous pose quand même la question : De façon générale, l'évaluation des enseignants, est-ce qu'elle est faite par les directions d'école ou pas? Et, si elle est faite, elle est faite dans quelle proportion? Avec la vaste expérience que vous avez, est-ce que c'est dans 50 % des cas, 75 % des cas, est-ce que, dans la majorité des cas, l'évaluation est faite ou n'est pas faite? Quelle est la réponse à cette question?

Mme Nantel (Karine) : Bien, moi, j'aurais envie de vous dire qu'avec l'expérience des 18 années sur le terrain, là, je peux vous dire que c'est à géométrie variable puis ça dépend du contexte de chaque école. Vous savez, moi, j'ai enseigné pendant 13 ans en sixième année. Il y a eu des années où on a changé de direction trois fois dans la même année. Alors, vous comprendrez qu'il y a un contexte, ici, qui est plus difficile, hein, il y a évidemment un roulement de personnel aussi. J'ai eu, à l'occasion, à accompagner des gens qui sortaient de l'université et qui avaient très peu d'expérience. Alors, c'est moi qui, souvent, les soutenais, sur mon temps, avec des planifications.

Et évidemment les directions d'école n'ont pas toujours le temps. Et c'est de prendre le temps de faire une évaluation correctement. Une évaluation, ça doit être fait dans de bonnes conditions, et, présentement, dans les milieux, M. le ministre, vous le voyez, là, dans votre tournée d'écoles, il y a beaucoup, beaucoup de travail, et les ressources ne sont pas toujours au rendez-vous, le soutien pour les enseignants, professionnels et le personnel de soutien n'est pas non plus toujours au rendez-vous parce qu'il y a une pénurie là aussi. Donc, ça crée beaucoup de pression dans les milieux, et nous ne sommes vraiment pas certains que cette réponse-là, de l'évaluation annuelle pour tous les enseignants et les enseignantes, ça répond à un besoin des milieux.

Je pense qu'on pourrait cibler les gens qui sont en insertion professionnelle ou les gens qui sont non légalement qualifiés et à... leur apporter du soutien, à ces gens-là. C'est ça que les gens ont besoin, dans les milieux, présentement, c'est de cette flexibilité-là, M. le ministre.

M. Drainville : Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Poulet) : 26 secondes.

M. Drainville : Ah! bon, bien, écoutez...

Mme Nantel (Karine) : ...une grande réflexion en éducation, on aura l'occasion de s'en reparler.

M. Drainville : Mais je veux quand même dire, dans les 20 secondes qui restent, que vous avez parlé de la pénurie de personnel qualifié. Vous reconnaîtrez avec moi, quand même, que la hausse de la rémunération, les aides à la classe, les nouveaux... la nouvelle catégorie d'enseignants permanents, toutes ces mesures sont...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, on va poursuivre la discussion avec la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bergevin, bonjour, Mme Nantel, M. Bouchard et Me Royer. Merci beaucoup d'être avec nous pour votre exposé.

Souvent, donc, quand je commence ces échanges-là avec les différents groupes, là, je nous ramène à ce qui nous amène ici, autour de la table, donc, ça, le cas Bedford, puis ensuite le rapport sur les 17 écoles. Et, évidemment, et vous le dites même au début de votre mémoire puis vous l'avez réitéré en début d'allocution, tout le monde ici endosse les principes de laïcité, tout le monde ici se dit, donc, face à Bedford, qu'il fallait agir, face au rapport des 17 écoles, il fallait agir.

Maintenant, il y a le pourquoi, puis ensuite il y a le comment. Et la question que je vous pose, d'entrée de jeu, c'est de savoir : est-ce que, selon vous, ce qui se retrouve dans le projet de loi, soit du côté de la laïcité ou soit du côté de la qualité des services éducatifs, selon vous, donc, ça nous permet...

Mme Cadet : ...ça nous permettrait d'empêcher un autre Bedford de se produire.

M. Bergevin (Richard) : Pour nous, Bedford, c'est un moment particulier, c'est une situation très particulière dans le système d'éducation au Québec. Ce n'est pas une généralité. Alors, on a de la difficulté à prendre des décisions sur un cas particulier pour généraliser à la grandeur du Québec, on ne pense pas que ce soit le choix le plus adéquat, là, dans le contexte.

Pour nous, Bedford, ça pouvait... ça peut se régler. La preuve, c'est que le ministre, avec ses démarches, a réussi à régler la question. Le problème, c'est combien de temps ça a pris avant qu'on puisse agir? Et la prise de parole des enseignantes et des enseignants, protéger les lanceurs d'alerte devrait être une priorité actuellement et permettre surtout le signalement au protecteur national de l'élève. C'est un des éléments qu'on amène dans notre mémoire. Parce que d'être capable de signaler qu'un droit d'élève n'a pas été respecté, ça permettrait au protecteur national de l'élève de faire enquête. Premièrement, de discriminer les bonnes... et les signalements farfelus et les choses qui sont plus sérieuses sans qu'on cause préjudice à la carrière de quelqu'un. Et, en plus, ça permettrait de faire... d'avoir une opinion externe au milieu de l'école, parce que, quand on demande à la direction de faire enquête, il y a parfois des interactions sur le climat d'école, sur l'interaction entre les individus qui peuvent mettre des barrières à la résolution des problèmes de climat de travail, tandis que si on demande à quelqu'un d'externe qui nous fait rapport, qui nous fait des recommandations, mais ensuite de dire : non, on ne suit pas les recommandations, c'est plus difficile. Alors, on pense que c'est une voie qui serait à privilégier de permettre aux enseignantes et aux enseignants, au personnel scolaire de signaler un problème de respect des droits des élèves au protecteur national de l'élève... au protecteur régional, pardon, de l'élève.

Mme Cadet : Merci. Donc, c'est très intéressant ce que vous amenez comme position parce qu'effectivement, donc, la Loi sur le protecteur national de l'élève ne permet pas au personnel scolaire de déposer une plainte. Donc, selon vous, vous dites : il faut absolument que ce soit amendé. Allez-y.

M. Bergevin (Richard) : Si vous me permettez, je vais faire une petite... une petite nuance, là. Dans le contexte du protecteur national de l'élève, on parle de signalement. On peut faire un signalement uniquement quand il y a des violences à caractère sexuel. Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'on prend un mécanisme qui existe déjà puis on fait juste élargir un peu la possibilité de faire un signalement, mais pour des manquements aux droits des élèves, ce qui permettrait... ce qui aurait permis à Bedford de... les enseignants qui sont allés voir la direction pour dire qu'il y avait un problème, bien, auraient pu, de façon confidentielle, signaler au protecteur régional de l'élève qu'il y avait un problème. Ce aurait été en toute confidentialité. Ces gens là ne se seraient pas fait discriminer par le groupe dominant et auraient... et on aurait pu aller plus loin dans le processus. C'est même probable. Et si j'ai bien compris, là, dans les mécanismes là, le protecteur régional parle parfois au protecteur national qui va... qui pourrait soumettre au ministre un problème qui est de grande envergure. Alors, ça permettrait... C'est un mécanisme qui existe déjà qui pourrait être juste élargi, ça ne devrait pas être très compliqué d'un point de vue administratif, mais ça permettrait de signaler des problèmes qui peuvent être plus importants dans les milieux et éviter que ça dégénère, parce que le problème de Bedford, c'est que ça a dégénéré pendant plusieurs années avant que ça puisse être traité.

Mme Cadet : Merci. Merci beaucoup de cette recommandation très enrichissante. Ensuite, dans votre mémoire, donc, vous nous dites la nécessité d'un débat distinct sur ce qui permet le rehaussement de la qualité des services éducatifs. On vous a entendus, donc, dans votre allocution d'une dizaine de minutes... en gros, donc, ce débat-là, le débat ici, qui est un peu... en fait, les dispositions qui se trouvent au projet de loi n° 94, de façon parcellaire, s'intéressent au débat sur la qualité des services éducatifs et, selon vous, donc, tous ces éléments-ci devraient être tout simplement retirés du projet de loi pour qu'on puisse avoir ce débat ailleurs, c'est bien ça?

M. Bergevin (Richard) : Exactement. On pense que ce serait mieux de les retirer, de prendre le temps de faire les discussions nécessaires pour être capable d'avoir une discussion sur les enjeux de nature professionnelle avec les enseignantes et les enseignants, mais on pense aussi qu'on est dus au Québec pour une grande réflexion sur le milieu de l'éducation qui inclurait plus largement... Il y a des enjeux qui sont de nature professionnelle, qui sont... qui doivent être traités par les enseignantes et les enseignants, mais aussi, plus largement que ça, l'ensemble de la société devrait s'impliquer dans une grande réflexion au Québec sur le milieu de l'éducation parce qu'on pense qu'on est rendu là. On l'a fait dans les années 60, on a refait un bout dans les années 90, on pense qu'on y arrive. On a des problèmes importants dans le milieu de l'éducation qu'on a de la difficulté à régler à la pièce, on devrait faire une réflexion sur le rôle de l'école au Québec.

• (12 h 10) •

Mme Cadet : Mais je comprends que, subsidiairement, donc s'il y avait, donc, un comité sur la qualité des services éducatifs... tantôt, dans votre échange avec le ministre, je vous ai entendu dire «construire quelque chose avec vous», on est prêt à construire quelque chose avec vous. Qu'est-ce que c'est...

Mme Cadet : ...signifie pour vous, en fait...

M. Bergevin (Richard) : Bien, on pense que, si on prenait le temps de s'asseoir pour réfléchir aux services éducatifs dans les écoles, être capable de regarder l'ensemble du portrait et de proposer des solutions, on est capable de travailler avec l'ensemble des... le gouvernement, le ministère de l'Éducation et les autres organisations syndicales qui représentent les enseignants et le personnel scolaire, pour être capable... et les directions d'école aussi, là, je n'exclus personne, mais de faire la discussion pour être capable de construire quelque chose qui permet d'améliorer les services éducatifs. Parce que les enjeux qui sont liés à la pénurie de personnel, qui sont liés aux ressources qui sont consacrées à la... aux enseignants non légalement qualifiés ou non formés, c'est des enjeux qui sont majeurs actuellement dans les milieux, et c'est ceux-là qu'il faut traiter en priorité.

Mme Cadet : ...je n'ai pas beaucoup de temps. Le ministre vous demandait tantôt : Est-ce que vous avez des enjeux au niveau de la composition? Donc, selon vous, est-ce que des enseignants devraient faire partie d'un tel comité?

Mme Nantel (Karine) : Absolument. Pour nous, c'est incontournable. Ce que les enseignants et les enseignantes ont besoin présentement dans les milieux, ce n'est pas des encadrements supplémentaires, ce n'est pas de se faire dire qu'ils doivent remettre leur planification. Si vous mettez une salle remplie ici d'enseignants et d'enseignantes, ils vont vous dire que les enjeux, c'est des enjeux de temps, c'est des enjeux de services pour les élèves en difficulté qui ne reçoivent pas tous les services dont ils ont besoin. C'est un enjeu aussi de respect dans le cadre de tous les acteurs. Donc, il faut impliquer tous les acteurs pour que ces gens-là y adhèrent. Alors, on ne pense pas que davantage d'encadrements vont permettre aux enseignants de plus s'impliquer, là. Les enseignants, présentement, là, ce qu'ils ont l'impression, c'est qu'on les pointe du doigt comme étant les coupables dans ça, alors que les enseignants au Québec, ce sont la solution, ce ne sont pas ceux qui sont responsables.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on va poursuivre la discussion avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Oui, bonjour. J'ai deux minutes 33, donc je pose une question bien vite. Ce que je trouve important, moi, c'est qu'on soit capable d'estimer un peu la lourdeur de la tâche qui va découler d'une exigence d'une évaluation annuelle des enseignants. Vous en avez parlé, mais pouvez-vous me donner une idée encore plus concrète? Vous avez dit, bon : C'est comme inégal, la façon dont c'est appliqué. Puis là ce qui est paradoxal, c'est que, quand les directions changent, c'est encore plus difficile d'évaluer. Là, on augmente les exigences, on va diminuer la capacité, en même temps, des directions à rencontrer ces exigences-là. Une bonne évaluation, là, ça prend combien d'heures, mettons, pour qu'on soit capable de faire le calcul après ça, fois 100 000, puis etc.?

M. Bergevin (Richard) : Bien, en fait, vous parlez des enseignants, des enseignantes et des... je n'irais pas jusqu'à dire des spécialistes, mais quand même, on a beaucoup de bagage en termes d'évaluation, puis, pour être capable de faire des bonnes évaluations, il faut avoir des observations, il faut être capable de noter puis être capable de transposer ça dans une évaluation puis une rétroaction. Donc, un minimum de deux à trois heures par personne, ça, c'est le strict minimum qui devrait être fait, une rencontre en début d'année, une rencontre en fin d'année puis une rencontre en cours d'année, pour être capable de donner de la rétroaction.

Hier, j'entendais dans cette commission qu'on parlait de peut-être donner une tape dans le dos, faire une petite rétroaction rapide. Ce n'est pas une évaluation. Puis, si on ne veut pas une... Si ce qu'on veut, c'est être capable de donner de la rétroaction aux enseignants, bien, appelons ça comme ça, appelons... une rencontre à chaque année, appelons ça une rétroaction, mais n'appelons pas ça une évaluation, parce que faire une évaluation sur un coin de table, ça peut être plus démobilisant que mobilisant.

L'autre aspect, c'est qu'il y a beaucoup de travail à faire sur l'évaluation puis l'accompagnement des personnes en insertion professionnelle. On parle des plus jeunes qui sortent de l'université mais aussi de ceux qui arrivent en milieu de carrière qui viennent donner un coup de main. Bien, nous, on pense que les directions devraient se concentrer sur accompagner ces gens-là et les profs d'expérience qui ont du bagage, qui sont capables de soutenir et d'aider ces gens-là, bien, qu'ils puissent être mis à contribution. Et, de cette façon-là, on va améliorer de façon significative à court terme les services éducatifs.

L'évaluation de tout le monde, tout le temps, on ne pense pas que ce soit la meilleure solution. Et ce n'est pas parce qu'on est contre l'évaluation, on n'a pas de problème avec ça, mais on pense que ce n'est pas un bon usage des ressources de l'école actuellement.

M. Zanetti : J'ai combien de secondes?

La Présidente (Mme Poulet) : Huit.

M. Zanetti : Bon, merci beaucoup.

M. Bergevin (Richard) : Je suis désolé.

M. Zanetti : Non, non, non, mais... c'est bon. Mais c'est parce que ça en dit long, là. Mettons, trois heures pour, mettons, une école où il y aurait 100 enseignants, c'est 300 heures.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que vous avez, M. le député. Ça va vite, 2 min 33 s, j'en conviens. Alors, maintenant, on poursuit les discussions avec le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci. Bienvenue. Revenons à l'essentiel de notre présence. Si ce projet de loi est une réponse à ce qui s'est passé à Bedford, on va aller directement là où il y a un problème, une relation avec des enseignants et des élèves. Ce qui est arrivé à Bedford, ce ne sont pas vos membres, mais ça pourrait arriver dans une école représentée par...

M. Bérubé : ...syndicat pour les enseignants. Alors, moi, ma principale préoccupation, c'est la question de la sanction. Si un enseignant ou une enseignante fait preuve de prosélytisme, exclut des élèves de certaines formations ou des jeunes filles de sport, comme le soccer, comme c'est arrivé, il faut qu'il y ait une sanction. Je comprends que vous défendez vos membres, mais comment voyez-vous une sanction qui serait appropriée à quelqu'un qui ferait, dans vos membres, une... de tels gestes, comme on l'a vu à Bedford? Est-ce que vous avez réfléchi sur les sanctions? Parce que moi, juste ça, ce serait une bonne réponse déjà. Si on veut ouvrir sur la laïcité, je suis prêt à en parler, on va plus loin que le gouvernement puis je nous trouve plus cohérents. Mais sur les sanctions, quel est votre état d'esprit là-dessus?

M. Bergevin (Richard) : Présentement, quand un enseignant ne respecte pas les conditions de travail ou la convention collective ou la loi, il y a déjà des sanctions qui sont prévues, ils sont bien organisés, structurés. Et nous, ce qu'on fait, c'est qu'on défend les droits des membres, O.K.? Donc, les enseignantes et les enseignants ont le droit d'être défendus, comme tout le monde dans la société, ni plus ni moins. Alors, nous, on fait respecter les droits. Mais si un enseignant ne respecte pas la loi ou ne respecte pas les règles de convention collective ou les demandes du patron, il y a des sanctions qui sont déjà prévues.

M. Bérubé : O.K. La langue parlée à l'extérieur des classes, le ministre, le gouvernement propose que ce soit le français. On soutient cette mesure. Est-ce que vous êtes en accord?

M. Bergevin (Richard) : Nous, on est en accord des... pour toutes les mesures qui vont améliorer la qualité du français dans les écoles. Maintenant, les détails vont vous être livrés demain par la CSQ.

M. Bérubé : O.K., le suspense se poursuit. Quant à l'évaluation, je le dis au ministre et aux collègues, on n'est pas pour plus de redditions de comptes. C'est souvent un problème avec ce gouvernement, c'était le cas pour la langue, beaucoup de ce qu'on appelle en anglais du «red tape». Pouvez-vous prendre le temps qu'il nous reste pour exposer davantage en quoi ça devient un problème pour vous d'alourdir la tâche des enseignants, enseignantes?

M. Bergevin (Richard) : Bien, présentement, nos milieux sont en souffrance, nos enseignantes et nos enseignants sont en souffrance parce qu'ils doivent faire plus qu'une tâche régulière pour soutenir les gens qui arrivent dans les milieux. Le Vérificateur général du Québec nous disait qu'il y avait 30 000 enseignants non légalement qualifiés au Québec, des gens qui n'ont pas la formation nécessaire pour être capable de soutenir...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Je dois vous interrompre. Alors, c'est tout le temps que nous avons. Alors, je vous remercie à vous quatre pour votre participation à nos travaux. On suspend les travaux quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 12 h 20)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit nos travaux. Je souhaite donc la bienvenue à la Fédération autonome de l'enseignement. Vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

Mme Hubert (Mélanie) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les parlementaires, merci de nous recevoir. Je suis Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l'enseignement. La FAE regroupe neuf syndicats qui représentent près de 60 000 enseignantes et enseignants du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l'éducation des adultes et de la formation professionnelle. On est présent dans sept régions du Québec dans lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains. Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme...

Mme Hubert (Mélanie) : ...Annie-Christine Tardif, enseignante et vice-présidente à la vie professionnelle, de Mme Séverine Lamarche, avocate et conseillère, et de M. Yves Cloutier, conseiller à la FAE.

Le p.l. 94 a été déposé le 20 mars. Le jour même, on était ici pour commenter le projet de loi n° 89. Et, ce matin même, un autre projet de loi sur le régime de négociation a été déposé. Notre employeur, le gouvernement, semble prendre l'habitude de légiférer pour régler les problèmes auxquels il est confronté, plutôt que d'ouvrir le dialogue avec les partenaires du réseau.

Le projet de loi n° 94 nous le démontre, le gouvernement préfère sanctionner, imposer plutôt que négocier et soutenir le personnel enseignant.

Ce projet de loi prend en parti le professionnalisme enseignant. Sous couvert de laïcité, il contient des mesures qui non seulement ne s'attaquent pas au bon problème, mais qui nuiront au travail des profs.

Avec ce projet de loi, le ministre de l'Éducation dédouble des encadrements législatifs existants. On réagit dans la précipitation aux événements concernant l'école Bedford, qui, quoique condamnables, restent quand même rares et isolés.

Tient-on tous les profs du Québec responsables en lieu et place des directions et des centres de services scolaires qui n'ont pas fait leur travail?

Le gouvernement s'attaque à la profession enseignante, à la liberté d'expression, à nos droits fondamentaux. Il a l'intention de recourir aux dispositions de dérogation, espérant ainsi se soustraire au contrôle judiciaire. Ce faisant, il admet qu'il contrevient aux chartes. Cette façon de faire est irréconciliable avec le principe de primauté du droit, fondement d'une société libre et démocratique comme la nôtre.

C'est légitime de débattre sur la laïcité, sur la place des religions dans la société, dans l'espace public. Mais, pour nous, ce sont les institutions et l'État qui doivent être laïques, pas les individus.

Quant à l'ajout de dispositions comme l'obligation de visage découvert, l'interdiction d'utiliser des locaux à des fins de prière, le refus d'adapter des programmes d'études pour motifs religieux, soyons clairs, on pense que les modifications sont souhaitables et cohérentes. Notre problème, c'est l'application de ces mesures, notamment en raison d'autres encadrements qui existent et l'utilisation de la clause dérogatoire.

Je vais céder la parole à Mme Tardif, qui va intervenir sur la qualité des services éducatifs et sur le français.

Mme Tardif (Annie-Christine) : Mme la Présidente, j'aimerais d'abord rappeler à quel point le réseau était fragilisé quand le ministre de l'Éducation actuel a été nommé. Nous avions besoin d'un leader qui valoriserait notre profession et lui fournirait le soutien nécessaire.

Moins de trois ans plus tard, nous sommes déçus et en colère. Durant son mandat, le ministre n'a fait qu'ajouter des obligations qui n'apportent aucune amélioration concrète aux conditions d'enseignement ni aux conditions d'apprentissage des élèves.

Concernant la qualité des services éducatifs, y a-t-il un tel problème avec les services éducatifs dispensés par le personnel enseignant qu'il faille déposer un projet de loi? Dans le cas de l'école Bedford, les accompagnateurs ont principalement constaté et nommé l'échec des gestionnaires à appliquer les encadrements existants. Pourquoi les gestionnaires du réseau de l'éducation n'ont-ils pas agi lorsque c'était nécessaire?

Dans le rapport de vérification des 17 écoles sous enquête, les vérificateurs ont écrit que «le programme de formation de l'école québécoise était bien suivi dans les établissements, il n'a donc pas été nécessaire pour eux de recourir aux pouvoirs qui leur étaient conférés, car il n'y avait pas de problème.» Comment le ministre peut-il penser que dupliquer les encadrements existants en y ajoutant des obligations et des mesures de contrôle, par exemple l'évaluation annuelle et la remise d'une planification, soit une réponse aux problèmes soulevés, alors que le problème est l'application des encadrements?

Plutôt qu'ajouter une mesure générale de contrôle revêtant un caractère abusif, pourquoi ne pas s'assurer d'une meilleure compréhension des dispositions existantes et leur application par le personnel de direction?

Mme la Présidente, je suis une enseignante de première année et je vous amène pour quelques instants dans ma classe. Quand l'année débute, bien sûr, je planifie. Je commence par enseigner les lettres de l'alphabet, puis les sons, puis la phrase. Cela dit, même si je l'écris tel quel dans ma planification, il se peut qu'en raison des besoins de mon groupe, je doive m'adapter. Une planification, c'est dynamique. Parfois, on doit prendre un pas de recul, parfois, on peut aller plus vite. Le ministre semble vouloir contrôler l'autonomie professionnelle des profs. Il doit comprendre qu'exercer cette autonomie, ce n'est pas faire ce qu'on veut, mais pouvoir faire ce qu'il faut pour notre classe.

De plus, qui analysera les planifications, et avec quel temps? Pour une petite école de 10 profs, on parle de 50 à 60 planifications à soumettre. Il faudrait aussi...

Mme Tardif (Annie-Christine) : ...que le personnel de direction soit compétent dans toutes les matières et pour tous les niveaux d'enseignement pour pouvoir en faire une analyse juste, ce qui est impossible. C'est sans compter que la mise en forme de ces documents nécessiterait un temps substantiel puisque le ministre souhaite nous imposer un modèle précis. Bref, il s'agit de temps qui pourrait plutôt être consacré aux services éducatifs et aux élèves.

Il en va de même pour l'évaluation du personnel enseignant en lien avec sa contribution au projet éducatif. Sur quels critères la direction d'un établissement se basera-t-elle? Sur les résultats des élèves, sur le nombre de plaintes de parents reçues? C'est en étant sur le terrain et non le nez dans des planifs et autres documents administratifs qu'une direction peut soutenir le personnel enseignant et faire le suivi des situations problématiques. Nous sommes d'avis qu'en raison du manque de temps et de ressources il est impossible que chaque enseignante et enseignant soit évalué sérieusement. Et tout ça renforcerait-il la laïcité dans nos écoles? Non. Ça ne ferait qu'alourdir la tâche du personnel enseignant et des directions. Il est clair qu'en prenant la voie législative, le gouvernement cherche encore une fois à modifier unilatéralement des conditions de travail qui devraient être dûment négociées. L'évaluation, notamment, est un sujet important qui fait partie de plusieurs ententes locales. Il n'est pas banal pour un employeur d'exiger une évaluation annuelle standardisée à tous ses salariés sans égard à la qualité de leur prestation de travail. Or, le gouvernement clôt à toutes fins pratiques une discussion qui n'a jamais eu lieu, préférant imposer que négocier.

Concernant l'attaque à notre liberté d'expression et sur le français dans l'école québécoise, d'une part, par le projet de loi no 94, le gouvernement cherche à appliquer un régime distinct au personnel des CSS en matière d'utilisation du français. Par l'introduction de l'article 301.1 à la LIP, les enseignantes et les enseignants devront utiliser exclusivement le français sur les lieux de travail lorsqu'ils communiquent oralement ou par écrit avec un autre membre du personnel. Cela s'applique même s'ils ne sont pas dans l'exercice de leurs fonctions. Cet article vise donc des discussions d'ordre strictement privé. Les tribunaux ont jugé que l'interdiction de parler dans la langue de son choix est notamment une atteinte à la liberté d'expression, telle que protégée par les chartes. Par ailleurs, le projet de loi no 94 prévoit que, dans la mesure où ils sont présents sur les lieux de travail, les enseignants devront s'adresser aux élèves uniquement en français en tout temps. Cette nouvelle norme a de quoi étonner quand on la compare au code d'éthique prescrit récemment et qui semble moins strict que le projet de loi no 94. C'est une autre illustration du dédoublement et de l'incohérence entre les nouveaux encadrements et ceux qui existent déjà.

Les enseignantes et les enseignants doivent composer avec des réalités humaines complexes et changeantes. Pour résoudre les problèmes auxquels il est confronté, qu'il soit pédagogique, relationnel ou autre, le personnel enseignant exerce son jugement professionnel. Dans certains cas, pour les enseignants de langue seconde ou tierce, par exemple, parler une autre langue que le français avec les élèves dans les corridors est une pratique pédagogique importante. Le projet de loi no 94 leur interdira-t-il cette pratique pédagogique? Qu'en est-il des élèves issus de l'immigration?

Mme Hubert (Mélanie) : Alors, en conclusion, la FAE demande le retrait du projet de loi no 94 puisqu'il ne réglera pas les problèmes identifiés. Le message envoyé ne valorise en rien le personnel enseignant, pire, il indique qu'on doute de son professionnalisme. Ce qui s'est passé à l'école Bedford est inacceptable, mais la situation a surtout démontré une méconnaissance des encadrements par certains gestionnaires et un manque de soutien du centre de services scolaire.

Comme le ministre, les profs veulent des milieux d'apprentissage sains et sécuritaire, mais ils ont besoin de moyens, pas d'une autre modification législative. Il conviendrait, à notre avis, de mettre en place un plan d'action ministériel visant à s'assurer de l'application adéquate des encadrements qui existent déjà. Les profs sont les experts de la pédagogie qui font preuve d'un grand professionnalisme. Ils ont besoin d'autonomie pour exercer leur jugement, et on invite le ministre à faire preuve d'écoute en ouvrant un véritable dialogue avec nous. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) :  Merci beaucoup. Alors, on commence la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

• (12 h 30) •

M. Drainville : Bonjour. Merci pour votre présentation et votre participation à cette commission. Vous demandez le retrait du projet de loi, vous avez conclu de cette manière. Il y a quand même des éléments importants dans le projet de loi, là, par exemple, le projet de loi prévoit que le visage couvert est interdit en tout temps dans toutes les écoles du Québec. Est-ce que vous êtes d'accord avec...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Hubert (Mélanie) : ...comme je l'ai indiqué dans ma présentation, la FAE est au clair avec l'idée du visage découvert. Il n'y a pas d'enjeu pour nous avec ça. Le problème en ce moment, c'est les encadrements tels qu'ils sont prévus. À la loi 21, il est prévu deux situations précises : question d'identification et de sécurité. En dédoublant les encadrements comme on le fait actuellement, on crée de la confusion. Quelle loi devra s'appliquer, sur quel encadrement on va se baser? Et ça, ça va amener des difficultés d'application dans le réseau, et c'est de ça dont on n'a pas besoin en ce moment, et c'est pour ça qu'on dit : En ce moment, il existe des encadrements, travaillons à les mettre en application.

M. Drainville : Mme Hubert, la loi 21 ne prévoit pas l'interdiction du visage couvert pour les élèves. Elle ne prévoit pas l'interdiction du visage couvert pour les élèves. La loi 94 le prévoit. Alors, dans le cas 21, ce qu'on dit, c'est : Tu peux porter le visage couvert, à moins qu'on te demande de découvrir pour des raisons de sécurité ou d'identité. Bien, nous, nous faisons lever ces deux conditions et nous légiférons pour que ce soit visage à découvert en tout temps. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, visage à découvert en tout temps?

Mme Hubert (Mélanie) : On n'est pas en désaccord avec le principe. Le problème, c'est que la Loi sur la laïcité de l'État dit autre chose, et on va se retrouver à avoir de la difficulté à appliquer un concept qui n'est pas écrit de la même manière dans deux lois différentes. C'est ça, le problème, M. Drainville.

M. Drainville : Mme Hubert... Mme Hubert, la loi 94, qui est devant nous, prévoit le visage à découvert en tout temps. C'est très, très clair ça. Alors, je ne comprends pas pourquoi vous voulez absolument créer un, comment dire, un malentendu? Utilisons un mot poli.

Mme Hubert (Mélanie) : Il n'y a aucun malentendu, la loi 94 ne modifie pas les articles de la loi 21 conséquents. Donc, il y aura deux applications de deux règlements parallèles.

M. Drainville : Mme Hubert, la LIP sera modifiée en vertu du projet de loi. La Loi sur l'instruction publique sera modifiée et elle prévoit, cette loi si elle est adoptée, le visage à découvert en tout temps pour les élèves. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça oui ou non? Ça fait trois fois que je vous pose la question. C'est facile, là.

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, la réponse est aussi facile, la FAE n'a pas d'objection au visage découvert.

M. Drainville : Pourquoi vous ne dites pas : On est en faveur?

Mme Hubert (Mélanie) : On est en faveur, M. Drainville.

M. Drainville : Bon, merci.

Mme Hubert (Mélanie) : Le problème, c'est la loi 21 qui dit autre chose.

M. Drainville : O.K.

Mme Hubert (Mélanie) : On aura de la difficulté à appliquer dans les milieux. C'est ça qu'on dit.

M. Drainville : Bon. Bon. Maintenant, le rapport sur les 17 écoles souligne le fait que quelqu'un qui déclare avoir une religion a davantage de congés payés parce qu'il déclare avoir une religion alors que quelqu'un qui n'a pas de religion a moins de congés payés. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on encadre les accommodements de telle manière à ce que quelqu'un qui déclare une religion n'ait pas davantage de congés payés que quelqu'un qui n'en déclare pas de religion? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

Mme Hubert (Mélanie) : On est d'accord avec les lignes directrices qui existent déjà au gouvernement, les lignes directrices qui étaient émises, et on parle des encadrements existants, et ça en est un exemple, bien, en matière d'accommodements pour les congés, le critère d'équité entre les corps d'emploi et entre les employés était très clair. La notion de contrainte excessive, la notion qu'il n'y a pas de locaux disponibles, la notion du manque de personnel, tout ça était déjà dans les lignes directrices, alors nous sommes en accord avec les principes. On n'a pas contesté les lignes directrices. On était en accord avec les lignes directrices. Mais encore une fois, on dédouble les encadrements qui existent déjà, et c'est déjà difficile d'appliquer ce qui existe. Nous, ce qu'on pense en ce moment, c'est qu'on devrait mettre un plan d'action pour appliquer tout ça qui est déjà prévu dans un encadrement ou un autre en ce moment.

M. Drainville : Oui. Donc, vous êtes d'accord avec le visage découvert, vous êtes d'accord avec le fait que les congés religieux doivent être mieux encadrés, mais vous demandez quand même le retrait du projet de loi. Il y a des choses quand même importantes dans le projet de loi avec laquelle vous souscrivez, là, même s'il faut un peu insister pour obtenir cette... cette adhésion.

Mme Hubert (Mélanie) : On est d'accord.

M. Drainville : Ça, je trouve ça... je trouve ça... Honnêtement, il me semble que la FAE avait l'occasion de venir devant cette commission puis dire : Là-dessus, là-dessus, là- dessus et là-dessus, là, on est d'accord avec le projet de loi. Il me semble qu'il y aurait... il y avait cette ouverture-là, cette possibilité.

Laissez-moi maintenant vous poser une autre question, parce qu'il y a beaucoup de gens qui se la posent. Est-ce que la FAE va finalement renoncer à contester la Loi sur la laïcité de l'État devant les tribunaux?

Mme Hubert (Mélanie) : M. Drainville, on a rendu des comptes à nos membres. Nous avons entrepris des démarches, et l'utilisation de la clause dérogatoire...

Mme Hubert (Mélanie) : ...pour s'attaquer tous azimuts aux droits des gens, pour nous, on verra, en Cour suprême, ce qu'ils auront à dire, puis il n'y aura... il n'y aura pas d'autre réponse à ce sujet là, par déférence pour le tribunal, qui va nous entendre.

M. Drainville : Donc, vous maintenez votre contestation de la loi n° 21?

Mme Hubert (Mélanie) : Oui, tout à fait.

M. Drainville : Est-ce que vous avez un mandat de vos membres là-dessus?

Mme Hubert (Mélanie) : Je pense qu'on est en commission parlementaire pour discuter du projet de loi n° 94. Puis j'aimerais ça qu'on reste sur le sujet M. Drainville.

M. Drainville : Bien, le projet de loi n° 94 a pour objet principal la laïcité de l'État. Vous contestez la laïcité de l'État.

Mme Hubert (Mélanie) : C'est faux, c'est faux.

M. Drainville : Je vous pose la question : Avec quel mandat... avec quel... quel mandat avez-vous obtenu de vos membres pour contester la laïcité de l'État devant les tribunaux?

Mme Hubert (Mélanie) : Il est faux de dire que la FAE s'oppose à la laïcité de l'État et de ses institutions. Nous contestons devant les tribunaux la discrimination à l'embauche, la discrimination en emploi, et nous avons contesté l'opération de dénombrement qui avait lieu sur le dos des profs qui portaient des signes religieux à l'automne qui a précédé l'adoption du projet de loi. Nous ne nous sommes jamais opposés à l'ensemble du projet de loi n° 21, et encore moins à la laïcité de l'État, que nous soutenons.

M. Drainville : Quand vous parlez de discrimination, vous parlez de quoi, là? Les signes religieux?

Mme Hubert (Mélanie) : On parle de la discrimination à l'embauche et on parle de la discrimination à l'emploi pour les personnes qui portent des signes religieux.

M. Drainville : Vous parlez... vous parlez, donc, de l'interdiction de porter des signes religieux?

Mme Hubert (Mélanie) : Absolument. C'est ce critère-là qui a été contesté en cour, pas l'ensemble de la loi.

M. Drainville : O.K. Moi, les dernières documents... les derniers documents que j'ai de la FAE, là, concernant la laïcité, là, et concernant la consultation des membres de la FAE... c'est un document, ici, conseil fédératif, daté du 13, 14 et 15 mars 2013, et c'est écrit qu'il y a eu une large consultation au printemps 2011, auprès de vos membres. Près de 2 000 enseignants et enseignantes ont participé à cette large consultation. Et le résultat de la consultation, c'est que le congrès se prononce pour l'interdiction, aux représentants et représentantes de l'État, de porter des vêtements ou accessoires affichant une appartenance religieuse. 77,75 % des membres sont contre les démonstrations d'appartenance religieuse.

Donc, vos membres, la dernière fois que vous les avez consultés, ils étaient favorables à l'interdiction de porter des signes religieux, et là vous nous dites que vous contestez, au nom de vos membres, l'interdiction de porter des signes religieux. De là ma question : À partir de quel mandat vous pouvez contester la position qui est contraire à celle que vos membres vous ont donnée la dernière fois que vous les avez consultés?

Mme Hubert (Mélanie) : Nous avons consulté des membres, nous avons eu un mandat d'un congrès. Et la joie du syndicalisme, c'est les débats qui suivent dans nos instances, et, à force de débattre entre nous, les pensées évoluent. Et quand les gens ont saisi que ça pouvait vouloir dire le congédiement et la fin d'emploi de personnes, les débats ont mené à une décision, certes, serrée, parce que c'est un sujet qui divise, chez nous comme ailleurs dans la société. Mais les membres, en congrès, ont dit : Nous défendrons les droits acquis des gens qui portent les signes religieux, et c'est ce que nous faisons depuis 2013. Et on a eu des échanges répétés avec nos instances depuis ce temps, jusqu'en janvier, cette année, puis on a...

M. Drainville : O.K., mais vous reconnaissez, Mme Hubert... la position que vous avez prise contredit la position que les membres vous ont donnée dans la consultation.

Mme Hubert (Mélanie) : Nous nous sommes gouvernés avec la position de notre congrès, qui n'a pas été remise en question depuis le congrès de 2013, qui a eu lieu peu après la consultation, pour les raisons que je vous dis. On débat, on s'interinfluence et on ne reste pas campés sur des positions. On se donne une chance de réfléchir ensemble. C'est ça qu'on a fait en congrès.

M. Drainville : D'accord, mais vous reconnaîtrez avec moi que la position du congrès n'est pas celle des membres que vous avez consultés. Elle est la... elle est le contraire de la position qui vous a été donnée lors de la consultation. Je trouve ça étonnant.

Mme Hubert (Mélanie) : Le congrès...

M. Drainville : Puis non seulement vous avez changé de position par rapport à ce que les membres vous ont dit, mais vous prenez les cotisations de vos membres et vous allez contester la laïcité de l'État devant les tribunaux.

La Présidente (Mme Poulet) : Monsieur le... M. le ministre, s'il vous plaît, on s'en tient à la... au sujet, alors...

Mme Hubert (Mélanie) : Merci, Mme la Présidente.

M. Drainville : Bien, on s'en tient au sujet. Je m'excuse, là, la...

La Présidente (Mme Poulet) : Et je vais vous demander maintenant de passer par la présidence pour vos...

M. Drainville : Oui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Ça allait bien, mais là on va passer... vous allez vous adresser à la présidence, et, par la suite, je vais vous céder la parole.

M. Drainville : Je fais ça.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Alors...

M. Drainville : Alors, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, M. le ministre.

• (12 h 40) •

M. Drainville : Merci. Maintenant, sur la question... Alors donc, là-dessus, je pense avoir été clair, et vous ne renoncerez pas, donc, à la contestation. Vous demandez le retrait du projet de loi, on a compris ça. Maintenant, quand vous parlez de... quand vous imputez l'échec de Bedford à la mauvaise...

M. Drainville : ...des gestionnaires. Moi, je veux quand même vous rappeler, là...

La Présidente (Mme Poulet) : M. le ministre, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît, et, après ça...

M. Drainville : Bien oui, Mme la Présidente, je veux quand même vous rappeler... la page 51 du rapport sur Bedford, le paragraphe 198, je cite : «Notons également que les témoignages rapportent un parti pris en faveur du délégué syndical par les intervenants au syndicat. Cette impression s'appuie aussi en partie par l'appui manifesté par Mme Bovet-St-Pierre, la présidente de l'alliance, dans les reportages radiophoniques. De nombreuses lettres signées par de nombreux enseignants ont été transmises à l'alliance afin que des interventions soient effectuées auprès du délégué syndical. Ces lettres n'ont pas engendré des faits tangibles. Au contraire, selon les témoignages, un intervenant de l'alliance aurait plutôt conseillé à au moins un enseignant plaignant de changer d'école. L'absence d'intervention aurait été justifiée par le fait que l'alliance n'intervient pas pour les situations entre ses membres. Elle a demandé aux enseignants plaignant de plutôt s'arranger avec le délégué syndical à qui l'alliance transmettait toutes les informations. Ces informations... ces interventions, dis-je, ont alimenté les problématiques de climat.»

Je vous rappelle que le délégué syndical faisait partie du clan dominant. Donc, les gens se plaignaient, vos membres se plaignaient à l'alliance et l'alliance les retournait au délégué syndical qui faisait partie du clan dominant, et donc il faisait partie du problème. Est-ce qu'avec le recul, vous reconnaissez que les agissements de l'alliance...

La Présidente (Mme Poulet) : M. le ministre, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît...

M. Drainville : Est-ce que... Est-ce que... Mme la Présidente, je m'adresse à vous, je pose la question. Est-ce que vous reconnaissez...

M. Zanetti : Non, non, excusez, mais, tu sais, c'est parce que vous êtes en train de ne pas s'adresser à elle. Est-ce que, Mme la Présidente... est-ce qu'ils peuvent dire que...

M. Drainville : Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse, je m'excuse. Alors, silence, s'il vous plaît, dans la salle. J'ai demandé à ce que les interpellations se fassent directement par la... via la présidence. Et ce que je demande...

M. Drainville : Mme la Présidente, est-ce que Mme Hubert...

La Présidente (Mme Poulet) : M. de Jean-Lesage, désolé, vous n'avez pas le droit de parole. M. le ministre.

M. Drainville : Mme la Présidente, est-ce que Mme Hubert reconnaît que l'attitude et les comportements de l'alliance, qui est un syndicat membre de la FAE, ont contribué au problème de Bedford?

La Présidente (Mme Poulet) : Mme Hubert.

Mme Hubert (Mélanie) : Mme la Présidente, d'abord, je ne suis pas l'alliance des profs et la FAE n'a pas d'interaction avec les centres de services scolaires. Ceci étant dit, l'alliance des profs n'a pas eu l'occasion de témoigner dans le cadre de l'enquête de Bedford pour expliquer ses faits et gestes. Donc, il y a un moment où on veut... je veux bien qu'on accuse les gens, mais d'abord, le syndicat n'a pas eu l'occasion de s'expliquer, d'une part.

D'autre part, les gestes étaient condamnables. Si l'alliance avait été au courant de l'ensemble de l'oeuvre... et, à plusieurs reprises, l'alliance a demandé au Centre de services de Montréal de lui communiquer des informations, ce qui est très difficile en ce moment dans les relations entre le centre de services et le syndicat. Et M. le ministre est au courant, Mme la Présidente, puisqu'on l'a rencontré cet automne, et la présidente elle-même a demandé au ministre d'intervenir pour lui permettre d'avoir de l'accès à de l'information, ce qui nous a été refusé jusqu'à maintenant. On a est intervenu auprès du cabinet, on est intervenu auprès de la sous-ministre et, à tout moment, on a appris les événements par les médias au moment où c'était rendu public.

Alors, on veut bien collaborer, on veut bien pouvoir participer à la recherche de solutions, mais, pour ça, il faut nous considérer comme un interlocuteur valable dans le débat, et ce n'est pas ce qui s'est passé en ce moment. Et rappelons quand même les conclusions à Bedford, il y a des gestionnaires qui, pendant des années, ont laissé pourrir un problème, et ce n'est pas le rôle du syndicat de mettre au pas les profs ou les autres employés, c'est le rôle...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, c'est tout le temps que nous avons pour la banquette gouvernementale. Alors, on poursuit les discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour...

La Présidente (Mme Poulet) : Et je vais vous demander aussi de passer via la présidence, s'il vous plaît. Merci.

Mme Cadet : O.K., d'accord. Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue, Mme la Présidente, Mme Hubert, Mme Tardif, Mme Lamarche et M. Cloutier. Donc, Mme la Présidente, vous nous avez entendus poser cette question plusieurs fois, donc, aux autres groupes. Je pense qu'ils m'ont entendu précédemment. Donc, d'entrée de jeu, donc, j'aimerais savoir, donc, si le groupe considère que le projet de loi qui a été déposé, les dispositions du projet loi n° 94, telles que nous les connaissons aujourd'hui, nous permettraient d'empêcher un autre Bedford de se produire.

La Présidente (Mme Poulet) : Mme Hubert.

Mme Hubert (Mélanie) : De notre point de vue, non, parce que les encadrements existent déjà. Notre mémoire fait état de tout ce qui existe déjà au niveau des centres de services, au niveau du ministère, au niveau des directions. Le problème, c'est l'application des encadrements existants. Et pour nous, c'est pour ça qu'on dit : Laissons tomber le projet de loi et attaquons-nous de manière urgente à comprendre pourquoi on a de la difficulté à appliquer...

Mme Hubert (Mélanie) : ...ces mesures-là et appliquons-les, parce qu'on n'en veut pas, d'autre Bedford. Ça, on est tous d'accord, là-dessus.

Mme Cadet : Merci. Hier, on a entendu, Mme la Présidente, donc, des groupes nous dire donc qu'effectivement, donc, il y avait un certain enjeu d'application. C'est ce que la FAE, donc, vient de réitérer, il mentionne également dans son mémoire.

Hier, on nous parlait de l'utilisation de la LIP comme un instrument de travail, là, plutôt qu'une loi-cadre. J'aimerais savoir si c'est un peu leur interprétation. Et aussi, en fait, quels mécanismes de la loi, donc, seraient les plus appropriés, donc, à mettre en œuvre, considérant le fait que, selon le groupe, les dispositions, les encadrements légaux déjà en vigueur, donc, nous permettraient de répondre à la situation, là?

La Présidente (Mme Poulet) : Mme Hubert.

Mme Hubert (Mélanie) : On n'est pas sûrs d'avoir compris la question. Si vous voulez, vous pouvez reformuler?

Mme Cadet : Oui. Bien sûr. En fait... Bien, en fait, quels mécanismes, là, de... quels mécanismes existent déjà dans la loi, si on veut, là, qui nous permettraient de régler la situation?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, dans notre mémoire, il y a plusieurs éléments, là, qu'on peut vous nommer. Par exemple, si des enseignants et enseignantes manifestent des difficultés dans la classe, que ce soit au niveau de l'accès aux services, les planifications inadéquates, tout ça, le rôle de la direction, c'est déjà d'encadrer les enseignantes et enseignants. Et j'ai été présidente d'un syndicat local longtemps, puis j'ai été là 12 ans, dans le syndicat. Quand les membres appelaient pour dire : Est-ce que la direction a le droit de me demander ma planif? La réponse était : Je suis désolée, mais oui, et, si la direction voit des lacunes, elle est en droit de te demander, elle est en droit d'aller visiter dans ta classe. Et ce n'est pas acceptable que ça existe.

Les processus disciplinaires existent aussi. Donc, quand les gens ne se conforment pas aux attentes, qu'on les a rencontrés, qu'on leur a expliqué ce qui ne fonctionne pas, il y a un processus disciplinaire. Et il y a un principe, d'habitude, de gradation des mesures qui peuvent aller jusqu'au congédiement. Si c'est grave, on peut même sauter l'étape de gradation et aller directement à des mesures qui sont plus musclées. Et il y a aussi l'article 26 qui a été renforcé récemment, où on peut dénoncer tout acte dérogatoire à la profession, on peut suspendre les permis, les révoquer, et ainsi de suite.

Donc, pour nous, ces mécanismes-là, comment ça se fait que, pendant huit ans, dans une école, on n'a pas activé ces mécanismes-là? C'est ça, la question qu'il faut se poser, et c'est à ça qu'il faut s'attaquer. On pourra écrire les meilleurs projets de loi, si ça dort sur des tablettes, et qu'on n'arrive pas à les mettre en application, le milieu scolaire ne sera pas soutenu adéquatement.

Mme Cadet : Merci. Ça répond exactement à la question que j'ai posée.

Le groupe précédent nous parlait de faire en sorte que les membres du personnel scolaire puissent déposer une plainte au Protecteur national de l'élève. Est-ce que vous vous êtes penché sur cette recommandation-là?

Mme Hubert (Mélanie) : Honnêtement, on ne s'est pas penché sur la question. Nous, ce qui nous préoccupe dans ça, comme dans nos codes d'éthique, comme dans d'autres dispositions, c'est cette idée de délation de collègues. Ça nous inquiète sur le climat que ça pourrait créer dans les écoles. On a une grande préoccupation à ce niveau-là. Ceci étant dit, je le répète, l'article 26 de la LIP permet déjà de signaler des enseignantes ou des enseignants qui commettent des actes dérogatoires. Et, encore une fois, je nous mettrais en garde par rapport au dédoublement de structures. S'il existe une voix pour dénoncer cette situation-là, peut-être qu'en créer d'autres amènerait une confusion et plusieurs portes ouvertes pour résoudre les mêmes problèmes. Et, ça, ça peut être compliqué. On le vit actuellement. Le Protecteur national mène des enquêtes par les protecteurs régionaux, mais il y a des processus avec les policiers, parfois, ou la protection de la jeunesse, en parallèle de mesures disciplinaires. Tout ça devient extrêmement complexe à gérer.

Mme Cadet : Merci. Planification. Donc, on a parlé, donc, de lourdeur. Puis aussi une autre... en fait, une autre question que je me posais. Je me dis, bon, c'est une chose, donc, il y a... il y a cet aspect-là au niveau de la lourdeur administrative que ça amène, mais aussi je me dis la personne qui, sciemment, souhaiterait ne pas respecter le programme éducatif auquel il est assujetti, est-ce que, selon vous, il va véritablement mettre dans sa planification annuelle ces éléments-là? Est-ce que vous pensez que c'est très utile, là, cet élément-là qui se retrouve dans le projet de loi?

• (12 h 50) •

Mme Tardif (Annie-Christine) : Bien, effectivement, si je compte ne pas enseigner une notion, que ce soit en sciences ou éducation à la sexualité, qui semblent être ce qui était le plus problématique, je n'inscrirai pas dans ma planification que je ne l'enseignerai pas. Alors, une planification, ça demeure un document. La direction peut mettre beaucoup de temps à vérifier si le document correspond aux encadrements existants, mais ça ne demeure que des documents. Pour nous, la direction, elle doit être sur le terrain, elle doit être présente, elle doit être à l'écoute, elle doit être à l'affût et voir s'il y a des situations problématiques. Et c'est là qu'elle doit mettre son temps pour accompagner et régler les situations problématiques. Ce n'est pas en vérifiant si un...

Mme Tardif (Annie-Christine) : ...papier correspond au programme.

Mme Cadet : Merci. Je vais laisser mon collègue de l'Acadie compléter notre temps.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. M. le député de l'Acadie, la parole est à vous.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre présence en commission et votre mémoire. Vous avez souligné, vous, en répondant à une question, que la situation, elle est comme Bedford, elle avait duré pendant des années, il ne s'est rien passé. Le groupe qui vous a... qui vous a précédé, la FSE, parlait de mieux protéger des lanceurs d'alerte. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là? Est-ce que vous pensez que c'est un élément qui pourrait permettre à des gens de divulguer ce qui se passe pour permettre, évidemment, une intervention plus rapide?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, il faut d'abord se rappeler, sous un autre régime, avec le ministre de l'Éducation Roberge de l'époque, le ministre Roberge, à l'époque, nous disait qu'il fallait les protéger et peut-être même enchâsser ça dans les conventions collectives, et on a poussé dans ce sens-là. Et on a vu apparaître l'effet inverse en ce moment. Bien, on est plutôt dans l'idée de recadrer les profs dans leur devoir de loyauté. On vient de signer ou... en tout cas, ils viennent de s'adopter dans les centres de services, des codes d'éthique qui vont plutôt dans le sens de faire taire les gens et de porter atteinte à leur liberté d'expression. Mais on voit... on a vu un changement au fil des dernières années, parce que ce n'était pas ce que le prédécesseur du ministre actuel disait quand il parlait des lanceurs d'alerte. Mais nous, on serait favorables à la libération de la parole parce que, malheureusement, les centres de services, et je le répète, ont de la difficulté à appliquer les encadrements et à régler les situations problématiques.

M. Morin : Et, d'après vous, quelle serait la meilleure façon de protéger ces lanceurs d'alerte?

Mme Hubert (Mélanie) : Bien, d'abord, peut-être en retirant les codes d'éthique et autres encadrements qui font en sorte qu'on limite leur droit de parole et, ensuite, enchâsser ça dans les conventions collectives serait une bonne façon d'encadrer ce qui est permis et pas permis notamment, par la négociation. C'est ça la clé, la négociation.

M. Morin : Oui, je vous entends bien. Je vous remercie. Dans votre mémoire, vous soulignez également, je suis à la page 19, qu'il semble y avoir des enjeux, des contradictions ou, en fait, des éléments qui ne sont pas clairs entre la possibilité, par exemple, d'enseigner une langue autre que le français et le projet de loi n° 94, évidemment, dans des écoles où on enseigne d'autres langues...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Je m'excuse de vous interrompre.

M. Morin : ...Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) :  Alors, le temps... votre temps est écoulé. On va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais saluer nos invités puis souligner et féliciter leur sang-froid vis-à-vis, je trouve, une attitude du ministre qui est peu accueillante. C'est poli.

J'aimerais savoir. Quand on lit le rapport Bedford, on réalise qu'il y a eu un grand roulement parmi les directions, qu'il y a un grand roulement même parmi le personnel qui n'était pas issu du clan majoritaire. Très clairement, ça a eu une influence importante sur l'absence de suivi de tout ça, sur l'absence d'évaluation, sur... à chaque fois, il fallait que quelqu'un reprenne le dossier du départ, les informations ne se transmettaient pas. Qu'est-ce que... Ça, cette situation-là, le projet de loi risque de l'empirer parce qu'on va augmenter les contraintes puis ne pas augmenter les ressources qui permettraient aux administrations de faire des suivis puis empêcher les situations comme à Bedford. Qu'est-ce que vous pensez qui pourrait être fait pour soulager vraiment les écoles et être capable de leur donner les moyens d'évaluer de façon plus serrée l'enseignement qui s'y donne?

Mme Hubert (Mélanie) : Pour nous, c'est le rôle des directions, d'abord. Donc, ça serait de regarder avec les directions ce qui leur nuit, de quoi elles ont besoin en ce moment pour mener à terme le travail. Nous faisons l'hypothèse qu'il y a des enjeux parfois de connaissance parce qu'il y a beaucoup de jeunes directions, il y a de la désertion, des problèmes de recrutement pour eux aussi. Donc, d'abord de faire en sorte de s'assurer que tout le monde connaît les encadrements qui peuvent... les leviers dont ils disposent, parce qu'il y en a beaucoup dans les différents lois et règlements qui sont... qui sont à notre disposition, puis peut-être des ressources, parce que, quand les directions changent, s'il n'y a personne de désigné dans les centres de services pour pouvoir s'assurer de l'accompagnement de la nouvelle direction, s'assurer que les informations, qu'est-ce qu'on met en place dans les transitions... On fait l'hypothèse que ça prend du temps et ça prend des ressources, donc. Mais, pour nous, quand on dit de mettre en place un plan d'action ministériel, c'est un peu l'esprit de dire : Penchons-nous sur comment on peut faire ces choses-là et appliquons-les, n'ajoutons pas de nouveaux encadrements. C'est... La clé serait là, d'après nous. Des ressources, ça serait probablement une bonne façon de faire.

M. Zanetti : Il ne doit pas me reste bien, bien de temps.

La Présidente (Mme Poulet) : 20 secondes...

M. Zanetti : ...bon, bien, je vous remercie.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit la discussion avec le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je suis vraiment opposé à votre position sur le projet de loi. Je suis même mets mal à l'aise que vous soyez en poursuite face au gouvernement du Québec. J'ai voté pour la loi n° 21. Ceci étant dit, vous avez des instances et nous avons des instances. Il ne m'appartient pas de questionner votre prise de décision, ainsi je le ne le ferais pas.

Vous avez parlé tout à l'heure des directions. Je présume qu'on parle des directions d'école, voire même des directions de centres de services scolaires. Pouvez-vous préciser en quoi leur rôle pourrait être précisé ou en quoi ils pourraient faire appliquer les règles? Parce que le ministre a quand même des pouvoirs importants. Dans le cas du centre de services scolaire de Montréal, la direction relève du ministre. Le ministre peut même les nommer maintenant. Et je retiens que, dans le cas qui nous occupe, Bedford, qui fait en sorte qu'on est ici, le ministre a maintenu sa confiance à l'égard de la direction générale du centre de services scolaires de Montréal. Alors, pouvez-vous préciser ce que vous entendez quant aux responsabilités des centres de services scolaires et voire même des directions générales qui sont à partir de maintenant nommés par le ministre?

Mme Hubert (Mélanie) : C'est une des choses qu'on dénonçait dans un projet de loi précédent d'ailleurs, cette concentration-là des pouvoirs vers le ministre, mais pour nous, c'est à tous les niveaux quand on parle de la direction. Quand la direction d'école est prise avec une difficulté puis qu'elle n'arrive pas à régler, elle se tourne vers le centre de services scolaire, vers les ressources humaines, vers les ressources éducatives. Elle a besoin d'avoir l'appui des gestionnaires au niveau du centre de services scolaire, qu'on puisse déployer des ressources humaines, financières, peu importe. Et malheureusement, souvent, les ressources ne sont pas disponibles. Puis on connaît le contexte actuel, budgétaire notamment, si on veut monter des formations où on a besoin de plus de monde, ça se peut qu'on nous dise : on n'a pas les ressources. Donc, pour nous, ça prend une volonté politique à tous les paliers du gouvernement pour que la direction, dans son école qui est mal prise, quand elle se tourne vers le centre de services, il y ait des gestionnaires qui sont en mesure de mettre des choses en place et il y a un directeur général qui soit en mesure d'appuyer tout ça, quitte à se battre avec le ministre après pour faire valoir les besoins.

M. Bérubé : Qu'il le nomme. Est-il possible que, dans certains cas, ça soit moins de trouble pour une direction de regarder à côté que d'affronter le problème?

Mme Hubert (Mélanie) : Malheureusement, on fait l'hypothèse que oui, faute de temps, faute de ressources, faute de connaissance. C'est possible. Et c'est pour ça que nous on dit : attaquons-nous à l'application des choses, ne créons pas des nouveaux encadrements. On a de la difficulté à faire appliquer tout ce qui existe déjà.

M. Bérubé : …question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Merci beaucoup. Alors, je vous remercie pour votre participation aux travaux.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 05)

La Présidente (Mme Poulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.

Alors, cet après-midi, nous entendrons les personnes et les organismes suivants : Association québécoise des cadres scolaires, Association québécoise du personnel de direction d'école, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et maître Louis-Philippe Lampron.

Alors, je vous souhaite donc la bienvenue à vous quatre. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, on procédera à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

M. Parent (Jean-François) : Très bien. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est Jean-François...

M. Parent (Jean-François) : ...Jean-François Parent, je suis P.D.G. de l'Association québécoise des cadres scolaires. Je suis accompagné de Mme Mélanie Boissel, directrice adjointe du Service des ressources humaines au centre de services scolaire de la Capitale, Mme Karine Labelle, directrice adjointe au service des ressources éducatives au CSS de Marie-Victorin, et Me Josianne Landry, directrice adjointe et secrétaire générale adjointe au service du Secrétariat général et des communications au CSS des Mille-Îles. Précisons que l'Association québécoise des cadres scolaires représente plus de 3 400 au sein des 72 centres de services scolaires et commissions scolaires du Québec.

En introduction, l'AQCS salue les intentions du projet de loi n° 94, soit de renforcer la laïcité dans le réseau d'éducation tout en assurant des milieux sains et sécuritaires aux élèves. Nous sommes également favorables à l'établissement d'un système scolaire public fondé sur des valeurs démocratiques et québécoises.

Pour des fins d'application des différents articles du projet de loi, il serait opportun de clarifier la source des valeurs sur lesquelles repose ce projet de loi. Nous souhaiterions savoir s'il fait référence aux sept valeurs nommées dans la Déclaration sur les valeurs démocratiques et les valeurs québécoises exprimées par la Charte, ou encore aux valeurs regroupées sous cinq clés dans le Guide pratique produit par le ministère de l'Immigration, de la francisation et de l'intégration, ou encore s'il fait référence aux situations énumérées au nouvel article 18.1 s'adressant à l'élève qui nous semble moins être dans le sens de valeur ici. Des précisions seraient donc à propos pour les nombreuses personnes qui auront à appliquer, dis-je, bien, ce projet de loi et à faire vivre les valeurs démocratiques et québécoises aux élèves dans les établissements.

Nous recommandons également de clarifier le libellé de l'article 258.0.3 pour éviter toute variante dans les interprétations juridiques des directions d'établissement au regard de considérations religieuses et des valeurs démocratiques et québécoises.

L'AQCS est en faveur des articles qui rendent obligatoire le visage découvert pour les élèves et toute personne se trouvant dans les locaux des établissements scolaires. Ces dispositions préviendront des enjeux de sécurité et d'identification qui pourraient se poser dans les milieux. Il serait pertinent de prévoir, dans la loi... excusez-moi, dans la Loi sur la laïcité, que la Loi sur l'instruction publique, dis-je bien, que le parent est considéré comme un usager au sens de la Loi sur la laïcité qui se présente à l'école pour le parent qui est interrogé en visioconférence, ce parent devrait donc le faire à visage découvert. Par ailleurs, nous remarquons qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect du visage découvert. La seule possibilité de réprimande serait liée au code de vie d'un établissement. Dans ce contexte, nous suggérons d'approfondir certaines pistes.

Nos remarques sont également analogues en ce qui a trait à l'enseignement à la maison, afin que l'enfant et le parent respectent l'obligation du visage découvert s'ils reçoivent des services d'un CSS aussi se trouvent dans les locaux d'un CSS.

En complément, notre association constate que lors de l'élaboration des contrats de location d'espaces, les CSS devront ajouter une clause spécifiant que toute personne se trouvant dans ces lieux devant avoir le visage à découvert. Considérant que les ententes régissant le partage des infrastructures scolaires ne sont pas toujours établies par contrat de location, notamment en cas de prêt gratuit, l'AQCS souhaiterait que soit précisé si les municipalités sont concernées par cet article.

Au sujet de l'interdiction du port de signes religieux par le personnel des CSS, l'AQCS estime qu'il sera complexe de gérer les situations de droits acquis du personnel. La date de présentation du projet de loi n° 94 et la date de référence prévue dans la Loi sur la laïcité de l'État entraîneront de multiples régimes d'application par les directions et les services des ressources humaines, des CSS. Dans un souci de simplification, nous suggérons que la notion de droits acquis soit conservée par l'ensemble du personnel en fonction de la date de présentation du projet de loi, nonobstant les changements professionnels qui pourraient survenir pour ces employés. Enfin, nous recommandons qu'il soit précisé, à l'article 258.0.4, si les bénévoles sont visés par les alinéas 3° et 4° de ce nouvel article.

• (15 h 10) •

Considérant l'intention manifestée dans le projet de loi de resserrer la gestion des accommodements pour motifs religieux en milieu scolaire, le nouvel article 706 est nécessaire, selon nous. Toutefois, nous sommes d'avis que le principal enjeu identifié concerne des situations qui ne relèvent pas d'accommodements religieux autorisés. En effet, les élèves qui s'absentent pour des fêtes religieuses ne demandent pas la permission. Ce sont leurs parents qui motivent l'absence. Un accommodement pourrait prendre la forme d'une reprise à un examen à la suite d'une absence motivée. Nous croyons qu'un tel accommodement est applicable lors de toute absence à l'école d'un élève.

Langue française, l'AQCS est favorable aux dispositions sur la langue française prévue au projet de loi. Nous suggérons même de ne faire planer aucun doute, toute personne effectuant une prestation de service pour un CSS en présence ou non d'élèves est dans l'obligation de communiquer en français.

À présent, abordons la question de la planification pédagogique et de la supervision professionnelle des enseignants. Bien que ces nouvelles dispositions constituent un levier pour rehausser la qualité des services éducatifs dans certains milieux...

M. Parent (Jean-François) : ...nous sommes préoccupés par les ajouts aux responsabilités déjà importantes des directions d'établissement et des services éducatifs. Nous proposons que la planification pédagogique soit exigée par niveau et par département ou secteur afin d'assurer une meilleure équité de services éducatifs offerts aux élèves. Notre association voit d'un bon oeil l'intention du ministre d'élaborer un guide de bonnes pratiques. Nous pensons que ce guide devrait d'abord s'adresser aux enseignants et nous vous proposons d'y être associés.

L'évocation de l'évaluation des pratiques des enseignants pave la voie à une réflexion sur la création d'un ordre professionnel. Selon l'AQCS, la mise en place de cet organisme dégagerait le ministre et des CSS de lourdes responsabilités qui leur incomberait en vertu du projet de loi. Nous remarquons que plusieurs des dernières modifications à la Loi sur l'instruction publique s'apparentent à des pratiques relevant d'un ordre professionnel, soient les 30 heures de formation par deux ans, la vérification de la bonne conduite et le respect d'un code d'éthique et de déontologie. Bien que le Protecteur national de l'élève joue un certain rôle de protection en accueillant les plaintes et en les faisant cheminer, ce dernier ne se prononce pas sur les pratiques ou la compétence des enseignants. Notre association recommande donc d'évaluer la possibilité de la mise en place d'un ordre professionnel des enseignants.

La sous-section du projet de loi qui prévoit la mise sur pied d'un comité sur la qualité des services éducatifs dans chaque CSS a particulièrement retenu notre attention. Nous y voyons des enjeux d'efficience parce que des services éducatifs et des services des ressources humaines exercent déjà un rôle-conseil et une vigie en matière de qualité des services. Le comité d'engagement pour la réussite éducative de chaque centre de services scolaire est mandaté pour analyser et promouvoir les pratiques éducatives pour la réussite des élèves. L'AQCS est donc moins à l'aise avec l'instauration d'un comité sur la qualité des services éducatifs parce qu'il engendrerait non seulement bureaucratisation, mais également une confusion des rôles. Nous recommandons donc de tirer la nouvelle... de retirer, dis-je bien, la nouvelle sous-section 7.1 du projet de loi.

En ce qui a trait à la création d'un code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des conseils d'établissement, nous suggérons qu'un même code soit prescrit à l'ensemble des membres des conseils d'établissement du Québec. Il serait important d'y indiquer que les membres des conseils d'établissement doivent exercer leurs fonctions à visage découvert et sans signe religieux. Ce nouvel outil permettra de donner des leviers d'intervention lors de situations particulières. En ce qui a trait à la gestion des dénonciations, les processus prévus devraient être de nature administrative et relever des centres de services scolaires sans nécessiter de suivi ministériel. Cela permettra d'éviter des délais et une bureaucratie supplémentaires.

Par ailleurs, au sujet des modifications proposées au Règlement sur les normes d'éthique et de déontologie applicables aux membres du conseil d'administration d'un CSS francophone, nous tenons à préciser que le mécanisme en place avec le comité d'enquête à l'éthique formé d'un membre externe est efficace. Nous considérons qu'ajouter une étape ministérielle alourdirait le processus.

De manière à assurer la subsidiarité, nous recommandons de laisser le mécanisme actuel dans le champ de compétence des CSS et de retirer l'obligation de transmettre un avis au ministre au statut de la recevabilité.

En conclusion, l'AQCS est globalement favorable au projet de loi n° 94 qui guidera les intervenants du réseau de l'éducation, notamment les gestionnaires, pour faire respecter les valeurs démocratiques et québécoises dans les milieux scolaires. Nos recommandations visent une application harmonisée des dispositions du projet de loi et à simplifier les processus, particulièrement en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines. Notre association offre sa pleine collaboration au gouvernement afin d'aborder plus en détail les recommandations de ce mémoire.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à la période d'échange avec le ministre. Alors, la parole est à vous.

M. Drainville : Merci, Mme la Présidente. Bien, merci pour votre participation et pour le travail que vous faites de façon générale au sein de nos centres de services scolaires. C'est très souvent un travail de l'ombre, un travail dans l'ombre. Les gens ne savent pas ce qu'ils vous doivent. Et donc ils vous doivent beaucoup, à vous les cadres. Et donc je veux vraiment souligner le travail que vous faites. J'ai pu, par... Je donne un exemple pour les gens qui nous écoutent, là, quand on parle, par exemple, d'une affectation des enseignants au 8 août, comme on l'a fait lors de la dernière rentrée scolaire, puis ça a fait une immense différence, là, ça a permis d'embaucher plus rapidement des milliers d'enseignants supplémentaires. Et donc ça a permis de donner aux élèves une rentrée scolaire, à beaucoup d'élèves, une rentrée scolaire beaucoup plus harmonieuse, c'est parce qu'il y avait des cadres qui ont travaillé très fort pour affecter les enseignants, pour qu'à la fin août, au moment de la rentrée scolaire, il y ait des enseignants dans les classes et puis...

M. Drainville : ...quoi, c'était 97 % des postes qui étaient comblés à ce moment-là. Et je sais le travail que les cadres ont dû accomplir pour respecter cette cible du 8 août. Alors, je parle des cadres des ressources humaines, mais on pourrait parler des cadres des ressources matérielles, qui travaillent sur les projets d'école, et tout ça. Donc, les gens doivent savoir à quel point vous faites un travail essentiel, et je vous en remercie.

Pour ce qui est de votre position, quand vous parlez... Je vous ai bien compris, vous souhaitez qu'il y ait des sanctions lorsqu'il y a non-respect de l'obligation du visage à découvert? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Parent (Jean-François) : Effectivement. En fait, il y a deux éléments, il y a le visage à découvert lorsque l'élève fréquente l'école puis il y a le visage à découvert lorsqu'il y a l'enseignement à domicile. Lorsque l'élève fréquente l'école, c'est sûr qu'il y a le code de vie, mais, souvent, en ce qui a trait au visage, ce sont les parents qui sont, je vous dirais, derrière ça, en toute honnêteté.

M. Drainville : Lorsque l'enfant a le visage couvert, dites-vous, c'est les parents qui sont derrière ça. Oui.

M. Parent (Jean-François) : Oui, c'est souvent ça. Et de sorte que le...

Des voix : ...

M. Drainville : Continuez, continuez...

M. Parent (Jean-François) : C'est beau, je vous en prie.

M. Drainville : ...je suis capable de faire deux choses en même temps.

M. Parent (Jean-François) : Ça va, il n'y a pas de problème. C'est que le code de vie, dans le fond, il est opposable à l'élève, il n'est pas opposable aux parents. Et, dans certaines situations, il faudrait peut-être réfléchir à comment je vais aller un petit peu loin, là, ici, mais comment l'école pourrait, disons, peut-être retenir certaines communications, ou encore ne pas transmettre un bulletin, ou encore limiter les communications avec les parents. Donc, cet aspect-là, pour nous, a quand même une certaine importance, parce qu'il va falloir appliquer ça, éventuellement, et donc ça prend, selon nous, des sanctions.

M. Drainville : Mais, dans ce cas-ci, si je vous comprends bien, ce seraient des sanctions à l'égard des parents, c'est ça?

M. Parent (Jean-François) : Oui. Effectivement, une sanction pour l'élève, oui, dans certains cas, mais, dans certains cas, dans d'autres cas, pour les parents.

M. Drainville : Donnez-moi des exemples de sanctions qui pourraient s'appliquer aux parents.

M. Parent (Jean-François) : Bien, on pense plus aux questions qui ont trait, par exemple, à la remise des bulletins, par exemple, la communication avec certains parents. Donc, c'est ce qui nous vient à l'esprit. Maintenant, si on décidait d'aller là...

M. Drainville : Vous voulez dire qu'une sanction, ça pourrait être, par exemple, obliger un parent à venir à l'école pour chercher, mettons, le bulletin de l'élève, et, à ce moment-là, par le fait même, on lui imposerait une rencontre, une discussion avec la direction de l'école, par exemple?

M. Parent (Jean-François) : Ça pourrait être ça. On...

Mme Labelle (Karine) : Si je peux me permettre...

M. Parent (Jean-François) : Je vous en prie.

Mme Labelle (Karine) : Parce que, si on appliquait le code de vie, il faut savoir que c'est l'élève qu'on priverait probablement de services éducatifs en le suspendant de ses cours. Alors, on juge que ce n'est pas cette sanction-là qui serait la plus à même d'opérationnaliser l'application de cet élément-là.

M. Drainville : Mais vous comprenez, en même temps, la difficulté d'imposer des sanctions aux parents, c'est...

Mme Landry (Josiane) :Oui, tout à fait. Par contre, je pense que c'est important de se dire qu'à partir du moment où on inscrit ça dans une loi, il faut se donner les moyens de le faire appliquer. Si on souhaite faire appliquer quelque chose, il faut tenir compte du besoin et de la nécessité de l'élève d'avoir des services éducatifs. Donc, comment est-ce qu'on peut avoir une gradation des sanctions qui visent l'élève mais également le parent qui ne respecterait pas cette situation-là? Parce qu'on ne veut pas, ultimement, que cet élève-là soit retiré de l'école et ne reçoive pas les services éducatifs. Au contraire, on souhaite que l'élève demeure à l'école, puisse être inclus et ainsi bénéficier des valeurs québécoises et démocratiques.

Donc, il faut penser à des moyens alternatifs de faire respecter cette obligation-là en trouvant des moyens pour que le parent et l'enfant adhèrent, ultimement, à ce qu'on souhaite, et non pas de s'assurer d'avoir quelque chose qui est inscrit dans la loi, qu'on n'a pas les moyens de faire respecter.

• (15 h 20) •

M. Drainville : O.K., bien, continuons un peu là-dessus, là, parce que je... tu sais, je suis très conscient de l'aspect délicat de cet enjeu, mais, en même temps, je suis prêt à l'aborder publiquement, y compris devant les caméras, parce que, comme je l'ai dit hier, je pense... j'ai rappelé assez tôt dans mon mandat de ministre le rôle des parents comme premiers éducateurs des enfants, en disant que l'éducation commençait à la maison et que l'éducation des enfants, c'était un travail d'équipe entre l'école et les parents, mais les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Et puis, hier, d'ailleurs, on parlait de... quelqu'un a fait référence à la publicité qui est diffusée présentement, où on voit des... un...

M. Drainville : ...un papa et une maman qui discutent et l'enfant qui écoute ce que les parents disent de l'enseignant, et puis le message, c'est : Ils amènent à l'école ce qu'ils entendent à la maison, là, je paraphrase, puis c'est une publicité, moi, dont je suis très fier. Puis les réactions qu'on a eues étaient très positives. Et donc je suis très ouvert, moi, à discuter du rôle des parents, y compris de ceux qui, malheureusement, auraient une influence négative sur les... sur leurs propres enfants et qui par... peu importe la raison, par leurs gestes ou leurs non-gestes, contribueraient peut-être à priver l'élève de son droit à l'éducation. Bon. C'est de ça dont vous parlez. Mais explorons, quand même, là.

Par exemple, le code de vie. Bon. Si vous avez vu le projet de loi, le projet de loi prévoit que les règles de conduite doivent prévoir les attitudes et comportements des élèves, notamment des comportements dénués de toute forme de violence, d'intimidation, des comportements qui seraient, par exemple, motivés par le racisme, l'orientation sexuelle, et tout ça, tout ça, c'est interdit. Ils vont devoir respecter l'égalité entre les hommes et les femmes, l'utilisation des médias sociaux. Est nommé... Le code vestimentaire est nommé, les sanctions disciplinaires sont nommées, mais aussi les règles de conduite qui pourraient prévoir le rôle des parents dans la mise en œuvre, donc, de ces... de ce code de vie, dans le fond.

Puis je dois vous dire, je suis en réflexion là-dessus, nous sommes en réflexion là-dessus, donc vous contribuez à notre réflexion, mais, quand on pose la question : Comment on pourrait sanctionner un comportement parental qui serait inacceptable?, ça devient assez compliqué. C'est pour ça que je trouve votre idée d'obliger, par exemple, une rencontre avec les parents... peut-être, peut-être. En même temps, peut-être que je suis mal fait, mais, moi, quand l'école m'appelait pour me dire : On aimerait ça vous rencontrer à propos de votre enfant, on en a trois, Martine et moi, je... enfin, je considérais que ça faisait partie de mon... ma responsabilité de parent que de... envoye à l'école, tu sais, puis va voir ce qui se passe, parce que visiblement il y a un problème. Ça fait que, pour moi, ce n'est pas une grosse sanction que de me faire dire : Vous devriez venir à l'école, et on a des choses à vous dire concernant votre enfant. Ça fait que je...

Mme Labelle (Karine) : Bien, la sanction, c'est de retenir le bulletin, qui est l'outil de communication administratif, c'est de le retenir jusqu'à ce qu'on puisse avoir cette conversation-là.

M. Drainville : O.K.

Mme Labelle (Karine) : Parce que, sinon, le bulletin, il est accessible via les portails, là.

M. Drainville : Mais un parent qui ne s'intéresse pas au comportement de son enfant ou qu'il s'en balance après, mettons, des appels répétés de la direction... d'abord, ça commence par la secrétaire, par la suite ou en même temps, l'enseignante, à un moment donné, peut signifier par courriel ou autrement : Il y a des enjeux avec votre enfant, la direction d'école éventuellement, puis, à chaque fois, le parent s'en fout, je ne sais pas jusqu'à quel point le fait de retenir le bulletin va le convaincre de...

Mme Labelle (Karine) : Ça va finir par entraver la suite du parcours scolaire, parce que le bulletin est nécessaire pour l'inscription, par exemple, au cégep, l'inscription... Il y a différents impacts, là.

Mme Landry (Josiane) :Je compléterais en disant que peut-être que ce n'est pas le seul et l'unique moyen ou peut-être pas le bon moyen. Nous, aujourd'hui, on souhaite réfléchir, on souhaitait déposer cette réflexion-là avec vous parce qu'ultimement on ne souhaite pas que des enfants soient suspendus ou révoqués de l'école parce qu'ils ne respectent pas cette obligation-là dû à une pression de leurs parents. Donc, il faut trouver des moyens. Et justement, vous l'avez nommé dans l'article 76, quels sont les moyens que nous allons prévoir pour obliger les parents à jouer leur rôle? Parce que vous le nommez, c'est le rôle du parent de se soucier de ce qui se passe à l'école, mais comment allons-nous obliger les parents qui sont récalcitrants à jouer le rôle qui leur est dévolu dans la loi sur l'instruction publique, mais également dans le Code civil, donc d'exercer leur autorité parentale dans le sens qu'on le souhaite? C'est ça, la question, ultimement, aujourd'hui. Parce que, si on écrit ça dans la loi et qu'on n'a pas de moyen d'action...

M. Drainville : Non, je comprends. Est-ce que vous avez d'autres suggestions sur comment on pourrait inciter appelons ça fortement les parents à collaborer?

M. Parent (Jean-François) : On est prêts à réfléchir, M. le ministre, puis à vous fournir quelques exemples si c'est quelque chose qui vous préoccupe.

M. Drainville : O.K. O.K. Bien oui, ça me préoccupe.

M. Parent (Jean-François) : Alors, on pourrait s'engager à...

M. Drainville : C'est certain que ça me préoccupe, parce que vous avez raison de dire que, dans certains cas, ce n'est pas le choix de l'enfant, c'est le choix du parent, et le parent impose ce choix à l'enfant. Puis vous avez raison de dire qu'à un moment donné c'est l'enfant...

M. Drainville : ...qui va subir les conséquences, qui va payer le prix de ça. Mais, en même temps, pour y avoir longuement réfléchi, est-ce qu'on accepte dans une école du Québec que des élèves soient voilées pendant toute la journée, qu'on ne puisse même pas les identifier, ou qu'un enseignant dise : Écoute, j'en ai une couple dans ma classe puis je ne sais pas laquelle est laquelle, parce qu'ils ne parlent pas et ils ne s'adressent pas à moi parce que je suis un homme? Bien, pour moi, c'est absolument inacceptable, là. Alors, oui, j'aimerais, si vous avez d'autres suggestions.

Je vais vous dire franchement, une des idées avec laquelle nous avons jonglé, puis ça fait encore partie des réflexions, c'est... le code de vie prévoit un certain nombre de règles. Est-ce qu'on pourrait, par exemple, demander aux parents de souscrire au code de vie, de s'engager à collaborer avec l'école pour respecter le code de vie de l'élève, tu sais, une forme d'engagement moral, mais écrit?

M. Parent (Jean-François) : Mais ils le font déjà fait.

Une voix : C'est fait dans bien des cas.

M. Parent (Jean-François) : Ils le font déjà.

M. Drainville : Alors, ça pourrait être généralisé. Parce que, ça, c'est une autre chose que vous demandez. N'est-ce pas? Vous souhaiteriez que le code de vie... si je ne me trompe pas, le code de vie soit une sorte de code de vie national, n'est-ce pas, un code de vie modèle. Exact?

M. Parent (Jean-François) : Non. C'est-à-dire que faisons attention ici. Nous c'est pour les règles du conseil d'établissement. Au niveau du code de vie, ça, on ne s'est pas prononcé là-dessus.

M. Drainville : O.K. C'est le code de vie... pas le «code de vie», le code d'éthique des membres des conseils d'établissement.

M. Parent (Jean-François) : Des membres du conseil d'établissement. Oui.

M. Drainville : D'accord. Vous souhaiteriez un code... un code d'éthique, pour les conseils d'établissement, qui soit un code de modèle.

M. Parent (Jean-François) : Oui. Uniforme.

M. Drainville : Uniforme?

M. Parent (Jean-François) : Au Québec. Oui.

M. Drainville : Et adaptable au niveau local ou pas?

M. Parent (Jean-François) : Ce n'est pas un enjeu dont on a discuté. Il pourrait peut-être y avoir des adaptations. Mais je dirais qu'il nous apparaît nécessaire qu'il y ait un tronc commun.

M. Drainville : Je pense que mon collègue de Côte-du-Sud aimerait se... participer à cette discussion, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Bien sûr. Alors, vous avez la parole.

M. Rivest : Merci à vous. Vous savez, les grandes questions, c'est de savoir jusqu'où on peut aller. Et, parfois, je me rends compte que plusieurs de vos recommandations va encore plus loin que ce qu'on propose. Puis, souvent, c'est attaché à l'application et de peut-être trouver des troncs communs pour faciliter l'application de certains... certains éléments qu'on propose. Vous avez mentionné, dans votre introduction, la partie des droits acquis. Pouvez-vous nous dire de quelle façon justement on pourrait, avec les droits acquis... vous disiez qu'il peut y avoir plusieurs régimes ou plusieurs adaptations possibles, donc comment qu'on pourrait se faciliter le travail, faciliter le travail de vos membres à l'intérieur de ces droits acquis là? Quelle était votre proposition?

M. Parent (Jean-François) : Bien, pour nous, les droits acquis, c'est qu'à partir du moment où le projet de loi, disons, est sanctionné, il devrait n'y avoir qu'un seul et unique régime pour ceux qui ne sont pas visés par la date du 27 mars... 27 mars 2019, il devrait n'y avoir qu'un seul régime pour l'ensemble des employés d'un centre de services scolaire, donc...

M. Rivest : Vous pensez que ce serait applicable d'une bonne façon par vos membres puis par vos équipes?

M. Parent (Jean-François) : Plus facilement. Parce qu'à partir du moment où c'est uniforme, on n'a pas à se poser la question si un employé occupe une partie de tâche de telle chose ou de telle autre, un préposé aux élèves handicapés ou encore un TES qui cumule des tâches. Alors, ce ne serait pas une question sur le plan de la prédominance, pour nous, uniquement une question de date. Et c'est beaucoup plus facile à appliquer pour l'ensemble des membres du personnel, clairement.

M. Rivest : Puis vous avez d'autres éléments justement de se dire jusqu'où on va dans cette application-là. Vous avez, je crois, 72 centres de service scolaires

M. Parent (Jean-François) : Oui, c'est ça, effectivement, oui.

M. Rivest : Et un certain nombre, anglophones?

M. Parent (Jean-François) : Oui, c'est ça. Là, je... C'est ça, effectivement. Il y a... Je ne sais pas avec exactitude, mais c'est une soixantaine de centres de services scolaires puis une dizaine de commissions scolaires, effectivement.

• (15 h 30) •

M. Rivest : Une dizaine environ. Puis, dans... un peu dans le même ordre d'idée, l'application de la langue française à l'ensemble... puis, tu sais, vous alliez même aussi plus loin dans presque l'ensemble des activités finalement qui sont... qui sont offertes, là, dans les écoles, cette application-là, comment vous la voyez particulièrement au niveau des centres de services anglophones, par exemple?

M. Parent (Jean-François) : Bien, pour nous, à partir du moment où un employé est en prestation de service dans un centre de services scolaire, qu'il soit en contact avec l'élève ou non, il doit s'exprimer en français. Donc, pour nous, c'est clair qu'à partir du moment où tu as une prestation de service à faire dans un établissement, que ce soit en présence élève ou non, tu dois t'exprimer en français.

M. Rivest : Jusqu'où on va à l'intérieur des activités parascolaires ou des autres éléments?

M. Parent (Jean-François) : Bon. Il peut y avoir pour des cas peut-être certaines nuances, pour les élèves qui sont en francisation, les nouveaux arrivants, pour des consignes de sécurité. Ça, ça nous apparaît très correct. Et il y a l'aspect également des enseignants qui enseignent une autre langue aussi. Alors là, c'est clair que, quand tu apprends une autre langue, bien, ça se passe autrement qu'en...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Parent (Jean-François) : ...en français.

M. Rivest : Assurément. Peut-être petite question courte. La partie que vous évoquez, le visage découvert pourrait ou devrait s'appliquer pour les conseils d'établissement. C'est quoi, votre suggestion à ce propos-là?

M. Parent (Jean-François) : C'est qu'à partir du moment où le symbole de l'école...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. Vous ne pouvez pas répondre à la question du député, parce qu'on va transférer... on va poursuivre les discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci d'être avec nous. Je ne sais pas si vous vouliez compléter rapidement votre réponse, vous étiez sur une lancée.

M. Parent (Jean-François) : C'est bien. Je vous remercie. C'est que l'école, c'est considéré comme un lieu où doit s'exprimer les valeurs de laïcité, bien, ça doit être du début jusqu'à la fin.

Mme Cadet : Parfait.Merci beaucoup. Donc, de nouveau, enchantée. Merci beaucoup d'être avec nous. Moi, je vais me concentrer peut-être sur le volet 2 de votre mémoire puis, par la suite, mon collègue député de l'Acadie aura également l'occasion de vous poser quelques questions sur le premier ou le second volet.

Dans votre mémoire puis aussi dans votre présentation initiale, vous vous êtes penché sur la question de la création d'un comité sur la qualité des services éducatifs. Vous nous dites que l'AQCS estime que «l'instauration d'un comité sur la qualité des services éducatifs engendrerait non seulement une lourdeur administrative, mais également une confusion des rôles», et donc vous proposez le retrait de cette section du projet de loi. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus. On n'a pas eu l'occasion de vous entendre élaborer sur ce point dans votre échange avec la partie gouvernementale.

M. Parent (Jean-François) : Oui, très bien. Alors, du côté de ce comité, ce que nous estimons, c'est qu'il y a déjà en place des services éducatifs, des cadres des services éducatifs, des cadres des ressources humaines et des cadres du secrétariat général qui exercent un rôle conseil auprès des directions d'établissement. Donc ça, pour nous, déjà là, auprès des directions d'établissement, ça nous semble suffisant. Il y a également le Comité pour l'engagement sur la réussite éducative qui est présent et celui-là aussi, sur le plan de la qualité des services éducatifs, joue un certain rôle. Donc, on voyait moins la présence de ce comité-là dans le projet de loi.

Mme Cadet : Vous le voyez comme un dédoublement, c'est ce que je comprends.

M. Parent (Jean-François) : C'est juste.

Mme Cadet : O.K. Parfait. Volet 4, code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des conseils d'établissement, vous vous dites en faveur de la création d'un code d'éthique et de déontologie, applicable, donc, aux membres des conseils d'établissement. Hier, je ne sais pas si vous avez suivi un peu, donc, les échanges que nous avions avec certaines associations de comités de parents. Donc, la question, donc, du devoir de loyauté qui pourrait faire partie d'un tel code d'éthique a été soulevée, donc, il y a eu certaines préoccupations. J'aimerais peut-être vous entendre si vous avez une opinion sur ce volet-là, de ce qui devrait composer un code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des CE.

M. Parent (Jean-François) : Bien, sur l'aspect de la loyauté, on ne s'est pas penché sur cette question-là, pas plus qu'on ne s'est penché sur un tronc commun de ce que pourrait être un code d'éthique. On n'est pas allé dans ce niveau de détail là. C'est éventuellement... C'était une question qui nous était soumise, ça nous fera plaisir de regarder cet aspect-là des choses. D'ailleurs, nous soulevons dans notre mémoire que nous sommes prêts à y contribuer.

Mme Cadet : O.K. Vous dites, donc, il faudrait...Le seul point sur lequel vous élaborez, c'est de s'assurer que, dans sa forme, qu'il y ait un seul code d'éthique et de déontologie applicable aux membres des CE à travers la province, donc,qu'il y ait une certaine uniformité. C'est ça, donc...

M. Parent (Jean-François) : C'est juste.

Mme Cadet : ...c'est l'objectif ici. Et vous dites : «Par souci de cohérence, préciser au code d'éthique et de déontologie que tout membre d'un conseil d'établissement devrait exercer ses fonctions à visage découvert — bien sûr, mais aussi — sans signes religieux.»

M. Parent (Jean-François) : Oui, c'est ça.

Mme Cadet : O.K. Pourquoi, en fait, quand vous dites «par souci de cohérence»... Ici, ils ne sont pas nécessairement en contact avec les jeunes. Je sais que, dans votre premier volet, vous demandez certaines précisions, à cet égard, justement pour les membres du personnel, par exemple, des centres de services scolaires qui, eux, ne sont pas en contact avec les jeunes.

M. Parent (Jean-François) : Bien,écoutez, c'est une question de cohérence avec l'ensemble du projet de loi. Il nous semble ici clair qu'à partir du moment où l'école est un lieu de laïcité, que tout doit s'ensuivre. Donc, pour nous, ça doit être...

Mme Cadet : Incluant pour les parents bénévoles.

M. Parent (Jean-François) : Bien, pour les parents bénévoles, pour eux, c'est une question qu'on soumet. On veut savoir si, effectivement, cet aspect-là s'applique pour eux. On est porté à penser que oui, mais on soumet la question.

Mme Cadet : O.K.Donc, vous reliez ça, donc... de législateurs afin de nous assurer que cette question-là soit clarifiée par la suite...

M. Parent (Jean-François) : Oui.

Mme Cadet : ...mais vous n'avez pas nécessairement un préjugé favorable ou défavorable de ce côté-là. Vous émettez le questionnement.

M. Parent (Jean-François) : Nous posons la question, effectivement.  

Mme Cadet : O.K. Donc, c'est une question de clarification...

M. Parent (Jean-François) : C'est ça, effectivement.

Mme Cadet : ...mais vous n'avez pas nécessairement de position là-dessus. Merci. C'est assez clair. Ensuite...

Mme Cadet : ...peut-être revenir sur le premier volet. Donc, ici, je pense que vous demandez, donc, surtout certaines clarifications... je vais m'assurer de ne pas oublier une des questions que j'avais... voilà, Conduite du personnel et considérations religieuses. Vous dites aussi, donc, à la page 5 : «Notre association estime que la formulation de l'article — ici, on parle de l'article 258.0.3 — pourrait laisser place à différentes interprétations juridiques par les directions d'établissement. Pensons à un employé qui évoque en classe un exemple tiré de son vécu, soit sa participation à la chorale de l'église.» Je voulais... Ça m'avait un peu frappée parce que je n'étais pas certaine, donc, de bien comprendre, encore une fois, où est-ce que vous vous situiez ici, là, si c'était juste une clarification ou si vous vous disiez... bien, dans la reformulation, que vous, vous proposez que cet exemple-là ne serait pas un exemple de considération religieuse, là.

M. Parent (Jean-François) : En fait, c'est l'appellation ou l'expression «considérations religieuses» qui nous embête un peu. On trouve que ce devrait être une question de laïcité de A jusqu'à Z. Parce que qu'est-ce qui est une considération religieuse, comment ce sera appliqué dans les différents milieux? C'est ça qui nous embête. Tu sais, c'est pour ça qu'on repropose une... on propose une reformulation de l'article 258.0.3. Je ne sais pas si vous souhaitez ajouter.

Mme Landry (Josiane) :Oui. En fait, c'est dans un désir de cohérence avec l'ensemble du projet de loi, pour référer toujours au même concept afin d'en faciliter l'interprétation et l'application. C'est uniquement l'objectif de la reformulation dans ce cas-ci.

Mme Cadet : Je comprends. Merci beaucoup. Je vais laisser un peu plus de temps à mon collègue de l'Acadie pour poser des questions. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. Alors, allez-y, M. le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre mémoire, merci d'être là avec nous cet après-midi. Moi, j'avais quelques questions pour vous. À la page 14 de votre mémoire, en lien avec le volet 2.1, ordre professionnel, je comprends que vous y seriez favorable. Est-ce que... Bien, en fait, vous, vous êtes une association de cadres. Bon, est-ce que c'est une chose que vous avez... un sujet que vous avez abordé avec les enseignants, les avez-vous consultés, vous en avez parlé entre vous? Vous êtes rendu à quel stade dans vos démarches ou dans votre réflexion à ce sujet-là?

M. Parent (Jean-François) : Non, ce n'est pas une question, je vous dirais, d'avoir consulté les enseignants. C'est un constat que, depuis quelques années, avec les derniers projets de loi 40, 47, 23, celui-ci, 94... puis il y a également des dispositions dans la Loi sur l'instruction publique, où on constate dans un contexte de bureaucratisation, de gel de personnel que le ministre, le ministère et les centres de services scolaires, dans une certaine mesure, se substituent à un ordre professionnel. Et donc le moment est peut-être venu pour réfléchir à une autorégulation par les enseignants eux-mêmes, dans leur propre pratique professionnelle, puisqu'ils ont tout de même des actes réservés. On observe ça chez les psychoéducateurs, chez les psychologues, chez les ergothérapeutes. Du côté des cadres, on a les avocats, les CPA, les ingénieurs, les architectes. Donc, on se dit : Ici, nous, comme cadres administratifs, on applique certaines dispositions, plusieurs dispositions, et le ministère également, qu'un ordre professionnel pourrait faire. C'est dans un contexte ou un angle de...

M. Morin : Je vous remercie.

M. Parent (Jean-François) : ...je vous dirais, de... il me semble, de chercher à débureaucratiser un tout petit peu nos fonctions.

M. Morin : Merci.

M. Parent (Jean-François) : Je vous en prie.

Mme Labelle (Karine) : ...

M. Morin : Oui, bien sûr.

Mme Labelle (Karine) : Parmi les membres de l'association, nous sommes quand même plusieurs à être d'anciens enseignants, détenir un brevet et être associés au service éducatif. Donc, sans avoir consulté formellement les enseignants, nous sommes tout de même conscients de ce que cela implique et nous sommes en faveur.

M. Morin : D'accord. Et est-ce que vous en feriez une condition d'emploi pour... très bien. Et, à ce moment-là, est-ce que ce serait le centre de services scolaire, ou le ministère, ou l'enseignant qui paierait sa cotisation professionnelle? Parce que souvent, si on parle... Bien, je vais vous donner l'exemple des avocats. Quand un avocat travaille pour un ministère ou un organisme, ça fait partie de ses conditions d'emploi, c'est le ministère qui paie les cotisations au Barreau. Donc, est-ce que c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi?

• (15 h 40) •

M. Parent (Jean-François) : Ça viendrait dans la deuxième étape, cette réflexion-là.

M. Morin : O.K. Bien. Avez-vous eu des échanges avec l'Office des professions à ce...

M. Parent (Jean-François) : Non, on en est à l'étape de l'idée, à l'étape de dire : Est-ce qu'on pourrait penser à ça tout doucement, étant donné ce que nous observons au cours des dernières années?

M. Morin : Je vous remercie. Dans votre mémoire, vous parlez aussi de l'évaluation. Vous voulez participer à l'élaboration des critères d'évaluation des enseignants. Si cette évaluation est mise en place, est-ce que vous avez le personnel, le temps pour être capable de faire des évaluations puis est-ce que vous suggérez que ce soient des évaluations annuelles ou biannuelles?

M. Parent (Jean-François) : Je vais laisser ma collègue Karine...

M. Parent (Jean-François) : ...mais toutefois je dois vous dire que nous sommes à l'aise pour l'évaluation. Et sur le plan de la pratique, je pense qu'il faut laisser la place au jugement professionnel des directions d'établissements et des gens qui les accompagneront au niveau des services éducatifs et des ressources humaines. Il y en a certains cas où il y a des enseignants pour lesquels l'évaluation va être relativement rapide. Ce sont des chevronnés, des gens, donc, de grand calibre. Ça va aller. Mais pour les non légalement qualifiés ou les jeunes enseignants, là, je pense que l'évaluation devra se faire avec un petit peu plus de suivi régulier.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on poursuit les discussions avec le député de Jean Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence, votre contribution. J'ai peu de temps, mais moi, ce qui m'intéresse, c'est l'application, là. Vous avez un peu mentionné que ça va être difficile d'appliquer l'interdiction de visage découvert pour les enfants, les élèves, sans les sortir du système d'éducation. Vous évoquez la pogne de, tu sais, faire venir le parent de la maison pour une discussion en échange de ne pas transmettre tout de suite l'information sur le bulletin. En tout respect, j'ai l'impression que c'est une toute petite, minuscule poigne. Je n'appellerais pas ça un rapport de force où, contraint, quelqu'un pourrait très bien dire : Moi, je n'y vais pas et continue à aller à l'école. On va voir ce qu'il se passe. En fin de l'année, il ne connaît pas ses notes. Le parent ne sait pas. Et ça va vous... C'est vous, c'est vous qui allez être pogné avec cette affaire-là, tu sais. Ça fait que comment... C'est quoi l'intervention? Puis l'autre affaire aussi, c'est qu'on part, tu sais, du préjugé, à moins que ce soit établi. Puis corrigez-moi, mais on part du préjugé que c'est le parent qui force l'élève, là, à mettre, mettons, le niqab, là. Ce n'est pas... Est-ce que, ça, ça a été démontré? Parce que, tu sais, vous, vous en parlez comme c'est ça qui se passe le plus souvent, mettons. Mais à ma connaissance, personne d'entre vous ne travaille dans un centre scolaire dans lequel il y a eu des cas, à moins que je me trompe. Ça fait que comment est-ce qu'on sait ça, mettons? Puis comment est ce qu'on peut réfléchir à l'application de cette affaire-là pour de vrai?

M. Parent (Jean-François) : Alors, je vais laisser ma collègue Mme Landry répondre à cette question.

Mme Landry (Josiane) : Donc, effectivement, on travaille à proximité de l'île de Montréal. Donc, il y a quand même de nos collègues qui ont vécu ce genre de situation là. Il faut penser que c'est une proportion. Ce n'est pas... On n'a pas à dire que c'est l'ensemble de la majorité, que c'est les parents qui l'obligent, mais il y a une proportion, que c'est les parents qui vont avoir ce pouvoir-là sur leurs enfants. Donc, comment on va traiter cette proportion-là? C'est ça la discussion qu'on a aujourd'hui. Et ça, c'est démontré qu'il y a une proportion, pour les quelques aspects qui ont été démontrés, que c'est de cette façon-là. Donc, la question est comment allons-nous traiter? Et, oui, la pogne, comme vous dites, elle est faible actuellement. Est-ce qu'il y a lieu de réfléchir à d'autres moyens pour essayer d'avoir la collaboration et la coopération des parents dans ces volets-là et des élèves? Parce que les élèves, on a un pouvoir sur eux. Ils sont dans nos établissements, on a accès, mais avec les parents, on n'a pas de pouvoir comme centre de services scolaire sur les parents. Donc comment est ce qu'on va travailler avec eux? Comment la loi peut nous aider à travailler avec les parents pour résoudre ces situations-là afin d'éviter que les élèves soient sortis du système? Parce que ce n'est en aucun cas ce qu'on souhaite.

M. Parent (Jean-François) : Il faut comprendre qu'on a, on a quand même, dans la très, très, très grande majorité des parents du Québec, une excellente collaboration. Il ne faut pas avoir cette impression que là, ici, on peut avoir quelques cas d'exception. C'est de dire, maintenant, qu'est-ce que... Comment on peut travailler ensemble pour trouver la meilleure façon possible, ici, dans les cas de sanctions? Mais il ne faudrait pas que les gens qui sont à l'écoute présentement pensent que... La collaboration avec les parents, elle est excellente. Mais on peut avoir quelques cas d'exception plus complexes.

M. Zanetti : De toute façon, il y a quatre cas documentés au Québec d'élèves qui ont le niqab. Ça fait que, de toute façon, déjà, on parle d'une goutte dans l'océan, là.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre les discussions avec le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Très bon travail. Vous avez répondu clairement à mes préoccupations. Je vous offre, comme je le fais parfois, d'aborder un enjeu qui n'a pas été traité, que vous aimeriez partager avec les membres de la commission. Alors, je ne sais pas, s'il y a quelque chose qui vous vient spontanément en tête, ce n'est pas moi qui ai le plus de temps, mais j'ai beaucoup d'écoute, mes collègues aussi.

M. Parent (Jean-François) : Bien, je vous dirais qu'au niveau des accommodements, par exemple, il y a dans l'article 706 un certain nombre d'exceptions. Mais par contre, le principal, au fond, enjeu qui concerne les situations qui ne relèvent pas d'accommodements sont ceux où les élèves s'absentent pour des fêtes religieuses et où les parents justifient simplement en disant : L'enfant est malade. Et par la suite, nous, si c'est une journée d'examens ou autre, bien, on doit accommoder. Donc, il y a cet aspect-là qui demeurera toujours. Nous, évidemment, notre action...

M. Parent (Jean-François) : ...gestes seront toujours posés en fonction de la justification que donnera le parent à l'égard de l'absence de son enfant. Donc, ça, c'est une chose.

Et un autre message que je voudrais vous livrer, en terminant, c'est... M. le ministre l'a souligné en introduction, en disant : Vous êtes des gens de l'ombre. Bien, les gens de l'ombre ou les figures de l'ombre sont prêts à travailler très étroitement pour vous aider à trouver des solutions pour dénouer certaines, peut-être, impasses sur la réflexion ou la façon dont la loi sera écrite définitivement. Alors, on est prêts à contribuer très étroitement, au cours des prochaines semaines, si vous avez besoin de notre aise... de notre aide, dis-je bien, pour certains cas de figure, par exemple, ou valider certaines informations. On sera présents pour vous.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Merci à vous quatre pour votre contribution à nos travaux.

Alors, la commission suspend ses travaux quelques instants, le temps que le prochain groupe s'installe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 51)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Je souhaite donc la bienvenue à l'Association québécoise du personnel de direction d'écoles...

La Présidente (Mme Poulet) : ...alors, vous avez 10 minutes pour votre exposé et, par la suite, nous allons procéder à une période d'échange. Alors, on vous écoute.

M. Ouellet (Carl) : Merci. Bonjour, je suis Carl Ouellet, président de l'Association québécoise du personnel de direction des écoles, qui représente plus de 820 membres, directions, directions adjointes, gestionnaires administratifs des établissements scolaires, des niveaux primaire, secondaire, de la formation professionnelle et de l'éducation aux adultes. Je suis accompagné d'André Bernier, vice-président de l'AQPDE et directeur aux écoles du Bourg-Royal et du Châtelet, au Centre des services scolaires des Premières seigneuries, ainsi que d'Éric Chevalier, directeur à l'école secondaire Antoine-Brossard du Centre de services Marie-Victorin.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui, dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 94. Compte tenu de la complexité de ce projet de loi, notre association a choisi de concentrer son analyse sur ses répercussions concrètes pour les gestionnaires scolaires. Pour éclairer cette démarche, nous avons consulté nos membres à travers un sondage interne auquel près de 200 directions, directions adjointes et gestionnaires administratifs ont répondu. Ce que nous vous livrons aujourd'hui, c'est le terrain. Ce sont les réalités quotidiennes des personnes responsables de faire vivre les orientations gouvernementales dans nos écoles et nos centres.

D'entrée de jeu, nos membres réitèrent avec force leur engagement envers la laïcité des institutions publiques. L'école québécoise doit être et demeurer un espace neutre, un lieu d'apprentissage, de socialisation où l'on transmet les valeurs démocratiques et québécoises, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes. Le personnel scolaire a la responsabilité d'incarner ces valeurs en tout temps et cela implique notamment un environnement libre de toute manifestation religieuse directe ou indirecte pour les élèves.

Voici donc quelques résultats marquants de notre sondage. 80 % des directions estiment que le personnel scolaire ne devrait pas porter de signes religieux dans les établissements scolaires. 70 % appuient également cette interdiction pour les prestataires de services aux élèves. En revanche, seulement 39 % sont favorables au principe du droit acquis. À nos yeux, cela sera davantage de gestion pour nous, gestionnaires, et nous pensons que ça pourrait créer des tensions importantes au sein de nos milieux. 96 % soutiennent l'obligation du visage à découvert dans les établissements, essentiellement pour des raisons de sécurité et de communication. Toutefois, 75 % redoutent une application difficile de cette mesure pendant l'enseignement à domicile. Enfin, 64 % disent avoir autorisé des absences du personnel liées à des accommodements religieux.

Ces chiffres illustrent bien une chose, il existe une adhésion de fond au projet de loi, mais aussi des zones grises qui nécessitent d'être encadrées plus clairement. Être directeur ou directrice d'école, c'est porter une mission hautement humaine et pédagogique. C'est vouloir faire réussir les élèves, mais aussi mobiliser les équipes, bâtir une communauté éducative, souvent dans des conditions complexes. Mais soyons francs, au fil des années, nos responsabilités se sont alourdies. Formulaires ministériels, campagnes de vaccination, organisation de repas, accueil des nouveaux arrivants, suivis du brossage de dents, soutien à la préparation des camps de jour, gestion d'enseignement sans brevet, et, maintenant, l'application des dispositions du p.l. n° 94, tout cela sans ressources ou soutien supplémentaire. Nous ne remettons pas en question les objectifs du projet de loi, mais sa mise en œuvre sans soutien adapté pourrait nuire à la mobilisation des équipes et miner les effets attendus. Pour nous, plusieurs éléments du projet de loi doivent être précisés pour en garantir une application équitable et cohérente.

Dans le cadre de cette allocution, nous en présenterons six.

Premièrement, la liberté de conscience et de religion. Que signifient concrètement ces notions dans un contexte scolaire? Et surtout, que faire lorsqu'un parent refuse de se conformer à l'obligation du visage à découvert lors de l'enseignement à domicile? Qui est sanctionné? L'enfant?

2. Les accommodements religieux. Dans des cas congrès... des cas concrets, pardon, nous ont été apportés... il nous a été rapporté qu'un élève demandant de ne pas s'asseoir à côté d'un garçon ou un enseignant sollicitant un horaire modifié pour prier le vendredi...

M. Ouellet (Carl) : ...où se situe la limite du raisonnable.? Nous réclamons un cadre clair et uniforme.

Trois. L'usage du français à l'école. Nous sommes favorables à ce que tout se passe en français entre les élèves et le personnel, mais en ce qui concerne les communications avec les parents, qui assumerait la responsabilité du service de traduction, les écoles ou les familles?

Quatre. Les droits acquis et les signes religieux. Permettre à certains employés de porter des signes religieux alors que d'autres en sont interdits, c'est introduire une inégalité dans nos équipes, c'est créer deux catégories de personnel. Et ça, pour nous, c'est préoccupant. Comment peut-on justifier que certaines personnes conservent ce droit tandis que d'autres en sont privées? Sommes-nous en train de scinder, dans une même école, deux entités distinctes ou, pire encore, instaurer une division entre les individus au sein de nos établissements, ceux bénéficiaires des droits acquis et ceux qui en sont privés?

Cinq. Suivi pédagogique, planification et évaluation. Nos membres appuient les mesures de planification annuelle et d'évaluation des enseignants, mais encore faut-il que cela soit réaliste. Nous recommandons des gabarits clairs, un accompagnement structuré et une rotation biennale des évaluations, sauf pour les enseignants à statut précaire, les non-titulaires de brevet ou ceux en difficulté identifiés par les directions. Autrement, nous risquons d'alourdir encore la charge des directions et de perdre le sens pédagogique de ces démarches.

Six. Le code de déontologie et la constitution du Comité sur la qualité des services éducatifs. Pour le code de déontologie, nous souhaitons que le ministre établisse un code de déontologie unique pour les conseils d'établissement afin d'uniformiser les pratiques à l'échelle du Québec, mais la gestion des sanctions devrait demeurer entre les mains des centres de services scolaires. Quant aux comités sur la... sur la qualité des services éducatifs, ils sont les bienvenus, mais à condition qu'ils s'appuient sur des... les bonnes pratiques déjà en place.

En résumé, les membres de l'AQPDE saluent que le caractère laïc de l'école soit réaffirmé dans ce projet de loi, ainsi que la reconnaissance du rôle de leader pédagogique des écoles. Toutefois, certaines clarifications sont nécessaires afin d'en assurer une mise en œuvre efficace. Préciser les définitions de la liberté de conscience et la liberté de religion, revoir l'article sur les droits acquis afin d'assurer une application cohérente et équitable, mieux encadrer le processus de remise, de planification et d'évaluation annuelle des enseignants, confier au ministre la responsabilité d'établir un code d'éthique garantissant ainsi une uniformité des normes à l'échelle provinciale.

Mme la Présidente, mesdames, messieurs, merci pour votre écoute attentive. Nous savons... nous avons confiance que vos travaux sauront prendre en compte les réalités du terrain et les préoccupations légitimes de nos membres. Maintenant, nous sommes prêts à échanger avec vous sur le sujet.

La Présidente (Mme Poulet) : Effectivement, on va procéder à la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Merci pour votre approche très concrète, très concrète et très constructive. J'aime bien, moi. Vous avez fait un sondage, vous êtes allé voir le terrain. Vous nous revenez avec les résultats. J'apprécie cette façon de faire valoir votre position.

Et, M. Ouellet en passant, j'aurais dû d'ailleurs prendre un moment pour le dire à M. Prévost également tout à l'heure, mais si je ne m'abuse, c'est peut-être la dernière fois qu'on se rencontre, n'est-ce pas?

M. Ouellet (Carl) : Oui.

• (16 heures) •

M. Drainville : Bien, je veux vous remercier pour votre service public, parce que c'est du service public ce que vous faites depuis nombre d'années. Et j'ai beaucoup apprécié nos échanges. D'ailleurs, je retrouve dans cette approche dont je viens de parler beaucoup de vous et de votre approche, une approche constructive, pragmatique, qui ne vise pas qu'à critiquer puis mettre l'aspect négatif de l'avant, vous avez toujours cherché une sorte d'équilibre dans votre approche, parce qu'il y a beaucoup de beau et de positif dans notre système scolaire, et on oublie trop souvent de le dire, et vous avez été quelqu'un, je pense, qui a incarné cette approche équilibrée.

Et j'aurais pu dire de très bonnes choses de M. Prévost également. Je m'excuse de ne pas avoir pris le temps de le faire. J'espère qu'on lui fera le message.

M. Ouellet (Carl) : Merci beaucoup.

M. Drainville : Alors, je reprends quand même certaines de vos observations, constatations. D'abord, les absences liées aux accommodements religieux...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Drainville : ...dans votre sondage, 64 % des gestionnaires déclarent avoir autorisé des absences liées à des accommodements religieux pour des membres de leur personnel. Comment gèrent-ils ces absences pour congés religieux?

M. Chevalier (Éric) : Si je peux me permettre, les services des ressources humaines nous encadrent là-dessus. Donc, pour des fêtes religieuses en lien avec le ramadan, c'est des cas de force majeure, donc ça donne à ces personnes-là des congés supplémentaires, ce qui crée une tension entre les membres du personnel, qui eux... les gens qui ne sont pas... puis on va parler, par exemple, pour la fin du ramadan, les gens qui sont de confession musulmane, pour la fête de la fin du ramadan, la fête de... bien, il y a des gens qui s'absentent, et c'est un cas de force majeure. C'est rémunéré dans la banque force majeure, qui existe en surplus des congés maladie.

M. Drainville : Mais qui détermine que c'est un cas de force majeure? Vous êtes bien M. Chevalier, c'est ça?

M. Chevalier (Éric) : Oui. C'est les ressources humaines. L'employé nous dit : Moi, je vais m'absenter, je vais aller à une fête religieuse, et puis nous, on a l'obligation de mettre un cas de force majeure. Ce n'est pas une absence sans solde.

M. Drainville : Mais une obligation... qui décide que c'est une obligation? Qui décide que c'est...

M. Chevalier (Éric) : Bien, c'est l'employé qui nous dit : C'est la fête de... puis le service des ressources humaines donne une consigne aux gestionnaires de l'établissement : C'est la fête du ramadan, la personne s'absente pour cette raison-là, c'est... Vous déclarez un cas de force majeure.

M. Drainville : Mais est-ce qu'il n'y a pas un nombre de congés limité pour force majeure dans la convention collective?

M. Chevalier (Éric) : Les cas de force majeure peuvent se transférer ensuite en journées de maladie lorsqu'on n'en a pas, oui, mais ça reste une journée de plus que d'autres personnes n'ont pas. Mais un cas de force majeure, ça peut être un accident de voiture aussi, par exemple. C'est le même principe, c'est dans la convention collective, et il y a les... congés pour affaires personnelles, maintenant, dans la nouvelle convention.

M. Bernier (André) : Si vous me le permettez, dans le fond, la convention collective, si je me souviens bien, dit que, pour force majeure, c'est toute situation où il y a... entre le syndicat et le centre de services peut être considérée comme une force majeure. Donc, si, dans une situation telle que décrite par M. Chevalier, il y a une entente entre les deux parties, ça peut être considéré comme une force majeure, mais avec un maximum de trois annuellement.

M. Drainville : O.K. Dans la convention collective de votre centre de services, c'est trois, mais dans certaines autres conventions collectives, ça peut être plus que trois, non? Ou est-ce que c'est trois partout?

M. Bernier (André) : Je ne pourrais pas m'avancer.

M. Drainville : Je ne suis pas... moi, je ne suis pas certain que c'est trois partout, mais chose certaine, ce que je comprends, c'est que dans certains cas, en tout cas, nous dit M. Chevalier, une fois que les trois... mettons, les trois congés de force majeure sont épuisés, après ça, ils peuvent aller puiser dans d'autres enveloppes de congés, par exemple... congés de maladie, avez-vous dit. On s'entend qu'un congé religieux puis un congé de maladie, ce n'est pas la même chose, là.

M. Chevalier (Éric) : Je suis pas mal d'accord avec vous.

M. Bernier (André) : Je me permettrais que... encore, dans la banque de congés, un congé pour affaires personnelles est pris dans la banque de maladie. C'est la même banque, en tant que telle, là, de six jours pour les employés, au niveau enseignant, et qu'on doit donner notre O.K., mais une fois que ça, c'est fait, qu'on a dit : D'accord, vous pouvez prendre congé pour affaires personnelles, l'employé n'est pas obligé de nous dire que c'est pour une fête religieuse, c'est... il prend un congé pour affaires personnelles, il peut aller faire du ski s'il veut.

M. Drainville : Donc, vous devez donner votre O.K., mais il n'est pas obligé de vous dire quelle affaire... de quelle affaire personnelle il s'agit, c'est ça?

M. Bernier (André) : Exactement.

M. Drainville : O.K., mais en quoi est-ce que ça crée une iniquité? Parce que tout le monde a trois congés de force majeure puis, mettons, six congés pour affaires personnelles, mettons. O.K., on jase, là. En quoi est-ce que ça crée une iniquité? Parce qu'une personne pourrait dire : Bien, moi, j'ai pris mes trois congés pour force majeure, ce n'était pas pour des raisons religieuses, mais c'était pour d'autres raisons, puis, au bout de trois, je n'en ai plus. J'ai pris mes six pour affaires personnelles, puis, après six, je n'en avais plus, et donc, en bout de ligne, c'était trois plus six, j'en ai eu neuf, l'autre en a eu trois... mon collègue en a eu trois plus six. Dans ces neuf-là, il y en avait que c'était pour des raisons religieuses, mais, en bout de ligne, on a chacun a eu un neuf. Alors, en quoi est-ce que ça devient inéquitable, M. Chevalier?

M. Chevalier (Éric) : Quand on prend congé de force majeure, il faut dire pourquoi on le prend. Je ne peux pas dire : Je prends un congé de force majeure. On doit le mentionner, en tout cas, à la direction, le motif. Donc, quand c'est un accident de voiture, c'est un congé de force majeure, quand c'est une fête religieuse, c'est un congé de force majeure, c'est l'encadrement qu'on met en place.

M. Drainville : Donc, ce que vous dites, c'est qu'il y a des années où tu ne les prends pas, tes trois congés de force majeure.

M. Chevalier (Éric) : Exactement.

M. Drainville : Tu n'as pas eu d'accident de voiture où tu n'as pas eu d'enfant malade, ou je ne sais trop, parce que j'imagine qu'un enfant malade c'est un congé de force majeur, ça?

M. Chevalier (Éric) : On peut.

M. Drainville : On peut. Ça fait que, dans d'autres mots, le fait d'utiliser la banque de congés pour force majeure à des fins religieuses, ça peut faire en sorte que tu vas prendre plus souvent la totalité de tes trois congés que quelqu'un qui ne prétexte pas des raisons religieuses, c'est bien ça?

Une voix : Oui.

M. Drainville : O.K. Donc, vous devez vous réjouir du fait que, dans le projet de loi, on dit : Plus de congés religieux dès que ça met en cause la...

M. Drainville : ...comment... la qualité de l'éducation? C'est quoi l'expression qu'on a utilisée? C'était la... n'a pas le droit de donner plus de congés. Excusez-moi. Je veux être cité correctement. Alors, c'est ça : «Services éducatifs, s'assurer que ne sont compromis ni les services éducatifs ni les services de garde.» Donc, on s'entend que, dans un... par exemple, dans un contexte de pénurie, de donner des congés religieux, ça peut éventuellement compromettre la qualité des services éducatifs. Ça, c'était le 17, ça? O.K.

Une voix : ...

M. Drainville : 16. Alors, pour les gens qui nous écoutent, qui suivent nos débats assidûment, il s'agit de l'article 16 du projet de loi. Très bien. Alors, ça va... ça devrait vous faciliter la vie, ça. Le fait qu'on dise : Là, là, les congés religieux, là, c'est... essentiellement, c'est terminé, ça ne peut plus se justifier dès que ça met en cause la qualité des services éducatifs. Ça, ça devrait vous aider dans la gestion que vous faites des écoles.

M. Bernier (André) : J'aime l'utilisation du conditionnel : ça devrait nous aider. Par contre, si on est dans l'acceptation d'une affaire... congé pour affaire personnelle qu'on aurait octroyé, où qu'on dit : Non, on ne l'octroie pas, et que la personne déclare une maladie le matin même, on se retrouve dans une gestion qui va devenir probablement une gestion disciplinaire, parce qu'on n'a pas autorisé le congé, ça se revire en congé de maladie. Donc, dans l'applicabilité, il va y avoir des enjeux. Puis on va avoir besoin de balises très claires en lien avec ça pour, si on refuse, c'est quoi, qu'est-ce qui se passe par la suite, là, si la personne revire ça dans un autre type de congé pour pouvoir bénéficier de son congé.

M. Drainville : Oui. Mais, à tout le moins, pour ce qui est des congés de force majeure, là, vous avez une poignée, là.

M. Bernier (André) : Oui. Tout à fait.

M. Drainville : Tu ne peux plus dire : C'est telle ou telle fête religieuse, je le prends dans ma banque de congés de force majeure. Là, vous allez pouvoir dire : Non, ce n'est pas possible.

M. Bernier (André) : Oui. On est d'accord.

M. Drainville : Mais il pourrait dire : Bien, je vais la prendre dans ma banque de congés pour affaires personnelles.

M. Bernier (André) : J'ai le loisir de dire oui ou non à ce niveau-là.

M. Drainville : Et, s'il vous dit : c'est pour une raison religieuse, avec le projet de loi, vous allez... vous allez dire non?

M. Bernier (André) : Bien oui. C'est... Ce n'est pas permis, là, de... avec le projet de loi.

M. Drainville : Puis, ce que vous dites, c'est que, dans un contexte comme celui-là, il pourrait vous donner une autre raison.

M. Bernier (André) : Tout à fait.

M. Drainville : Et, s'il vous dit que c'est : Je suis malade... Je suis malade, est-ce que... est-ce que vous avez le droit de demander la preuve?

Une voix : ...

M. Drainville : Pardon?

M. Chevalier (Éric) : Pour les congés de moins de trois jours, on n'a plus le droit.

M. Drainville : Parce que ça fait partie des mesures pour diminuer...

Une voix : Exact.

M. Drainville : Dans les autres... Sur les autres sujets où vous vous prononcez, bon, vous souhaitez un gabarit clair pour ce qui est de l'évaluation et de la planification. Alors, comme vous le savez, dans le projet de loi, on prévoit un guide, n'est-ce pas? Il y a eu des interventions ici qui émettaient des doutes sur le bien-fondé du guide, sur le risque que ça devienne peut-être un peu trop bureaucratique, que ça vienne compromettre l'autonomie personnelle... l'autonomie des... professionnelle, dis-je, des enseignants, etc. Vous, visiblement, ce n'est pas un enjeu. Ce que vous souhaitez, c'est que le gabarit soit clair, là.

• (16 h 10) •

M. Ouellet (Carl) : Oui, on veut un gabarit clair, on veut des orientations claires. Où c'est un enjeu, c'est vraiment une question de temps pour évaluer. Là, on parle bien de l'évaluation des enseignants, l'évaluation annuelle des enseignants?

M. Drainville : Exact. Exact.

M. Ouellet (Carl) : Où on a des réticences, c'est dire : bien, annuellement parlant, si j'ai 25 ou 30 enseignants à évaluer, ça va demander beaucoup de temps. J'aimerais savoir, moi, un peu plus concrètement, qu'est-ce que vous vous attendez. Est-ce qu'on va faire de l'observation en classe? Est-ce qu'on va faire... Il y a deux rencontres officielles par année? Est-ce qu'il y a une rétroaction à la fin de l'année? Comment c'est géré? C'est vraiment le temps que ça prend. On n'est pas contre. On est pour. Ce qu'on dit, c'est que, si c'est fait biannuellement, donc aux deux ans, pour la plupart des enseignants, on est capables de le faire. Mais on regarde quand même, là, annuellement parlant, les enseignants précaires, les enseignants qui n'ont pas de brevet, les enseignants en difficulté, ça, on tient à ce que ce soit fait à chaque année. Mais, encore une fois, c'est une gestion de temps, là. Ça va demander beaucoup de temps.

M. Drainville : Mais on nous dit, M. Ouellet, que, de façon générale, ça se fait, les évaluations, puis c'est... c'est inégal, je dis bien «inégal», d'une école à l'autre, mais de façon générale, ça se fait.

M. Drainville : ...que c'est exact de dire ça, que, de façon générale, les directions d'école font l'évaluation des enseignants?

M. Ouellet (Carl) : Bien, c'est de la supervision pédagogique qu'on appelle, c'est la supervision d'enseignants. On est obligés d'évaluer les enseignants qui arrivent en fonction. Donc, après leur probation, il y a une évaluation formelle, mais après ça, c'est de la supervision. Je vous dirais que, dans les écoles où moi, j'ai exercé, c'est un devoir de rencontrer chaque enseignant une fois minimalement par année. J'ai un délégué à mes directions adjointes aussi, une fois ou deux fois par année. En général, je vous dis que... je vous dirais que ça se fait, là, partout, là.

M. Drainville : Mais c'est ce que le projet de loi prévoit. Le projet de loi prévoit une évaluation annuelle. Donc, vous me dites : En tout cas, dans mon cas, à moi, Carl Ouellet, je le faisais, ça se faisait, quitte à le déléguer à votre DA.

M. Ouellet (Carl) : En supervision... En supervision, ça se faisait par l'équipe de direction, effectivement, au moins une fois par année. Donc, une supervision pédagogique proprement dite, on le faisait, ça, dans les... dans nos écoles à nous autres.

M. Drainville : Puis qu'est-ce que vous évaluiez à ce moment-là?

M. Ouellet (Carl) : On évaluait, bien, la pertinence... la planification, la planification de l'enseignant...

M. Drainville : Le respect de la planification?

M. Ouellet (Carl) : ...le respect de la planification de l'enseignant, le programme enseigné, la gestion de classe en lien avec les 12 compétences de l'enseignant, on touchait à la... au projet éducatif aussi, parce qu'on sait qu'on a... on travaille ensemble à l'école avec l'équipe-école pour notre projet éducatif. Donc, on avait des formulaires, des gabarits déjà, là, qui nous soutenaient avec le centre de services et on convenait ensemble, là, d'un modèle. Mais, en tout cas, chez nous, dans nos écoles, c'est comme ça que ça se passait. Je ne sais pas si ça se fait partout comme ça, mais chez nous c'est comme ça que ça se passait.

M. Chevalier (Éric) : Si je peux me permettre...

M. Drainville : Oui, M. Chevalier.

M. Chevalier (Éric) : Qu'est-ce qui arrive quand l'évaluation n'est pas positive, on ne le voit pas dans le projet de loi. Si l'évaluation demande à l'enseignant de modifier des choses, qu'est-ce que... Si l'évaluation n'est pas bonne, c'est quoi les impacts pour l'enseignant, c'est quoi les impacts pour la direction? Il faudrait que le projet de loi le spécifie. De dire qu'on évalue quelqu'un, c'est une chose. Qu'est-ce qui arrive lorsque l'évaluation est moins adaptée, lorsque l'enseignant est plus en difficulté? Qu'est-ce que ça impliquerait? Quel serait le suivi qui serait demandé? Je ne pense pas qu'on a l'intention d'aller en disciplinaire pour ça, mais...

M. Drainville : Mais les conventions collectives ne prévoient-ils pas, par exemple, une clarification des attentes dans ces cas-là? Si l'évaluation n'est pas à la hauteur de ce qui est attendu, est-ce qu'il n'y a pas un processus de clarification des attentes, où on dit, avec l'enseignant : Écoute, ça, ça ne va pas, il faut travailler là-dessus, tu pourrais suivre une formation là-dessus, puis ça pourrait faire partie du 30 heures aux deux ans que tu dois suivre?

M. Chevalier (Éric) : C'est ce qu'on fait en ce moment.

M. Drainville : C'est ça.

M. Chevalier (Éric) : Ça fait que, si vous ne demandez rien de plus que ça, bien, il n'y a pas... il n'y a pas... ça ne sera pas une problématique, mais ce n'était pas spécifié dans le projet de loi, quels étaient les impacts dans l'éventualité...

M. Drainville : Bien, ça pourrait... ça pourrait être spécifié dans le guide.

M. Chevalier (Éric) : Oui, tout à fait.

M. Drainville : Ça pourrait être spécifié dans le guide. Mais est-ce que j'ai raison? Quand il y a une évaluation négative, la... le principal moyen d'y réagir, c'est par la clarification des attentes ou est-ce qu'il y a d'autres voies? Par exemple, vous parliez de supervision pédagogique tout à l'heure, Carl. Est-ce que... Est-ce que... M. Ouellet, pardon. Est-ce que c'est... Est-ce que... C'est l'un ou l'autre ou... Comment... Parce que, des fois, ce n'est pas trop clair la différence entre clarification des attentes puis supervision pédagogique. Je ne sais pas si vous pouvez préciser ça.

M. Bernier (André) : Je vais me permettre de clarifier. Dans le fond, c'est beaucoup au niveau du langage, là, propre au milieu de l'éducation. Quand on parle d'évaluation, ça s'applique uniquement aux... «aux enfants», non, pas du tout, aux enseignants qui sont en début de carrière, donc en attente d'une probation. Selon les centres de services, les critères, là, diffèrent, mais c'est en début de carrière qu'on est en évaluation.

M. Drainville :  ...en attente de poste, en attente de...

M. Bernier (André) : Exactement. Exactement.

M. Drainville : Oui, voilà.

M. Bernier (André) : On est en évaluation dans cette portion-là. Par la suite, on tombe en supervision. Donc, une supervision n'entraîne pas de mesures administratives. On est en pratiques collaboratives, on est en soutien avec l'enseignant pour voir comment ça se passe dans sa classe, son groupe, ces choses-là, si... Il y a une différence, là. Par contre, on peut arriver, en cours de processus, une fois qu'un enseignant est permanent, de dire : O.K., on a un cas avec un enseignant où ça se déroule mal, où on va tomber en attentes signifiées, où on va procéder plus loin en mesures, peut-être disciplinaires, avec les ressources humaines, jusqu'à une possibilité, là, de renvoi.

M. Drainville : ...dans une logique d'alerte... avertissement, réprimande puis...

Une voix : Attentes signifiées.

M. Drainville :  Oui, voilà. Tout ça, ça s'inscrit dans le processus de clarification des attentes ou d'attentes signifiées, je pense qu'on parle de la même chose, là.

M. Bernier (André) : Oui, tout à fait. Processus, là, que, s'il n'y a pas de chose qui se règle, on devient un processus disciplinaire.

M. Drainville : Donc, l'attente signifiée ou clarification des attentes, ça s'inscrit dans un processus disciplinaire. La supervision pédagogique, c'est quelque chose de régulier...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup pour ces échanges. On va poursuivre les discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous cet après-midi...

Mme Cadet : ...la première question que j'ai concerne, donc, les défis que l'on connaît au niveau du recrutement des... du personnel, donc, au sein, donc, des directions d'établissement. On a entendu vos homologues, hier, donc, nous parler, donc, du grand défi de recrutement, et notamment en raison, donc, de l'alourdissement de la tâche. Je pense, si je vous ai bien entendus, que, dans votre présentation de 10 minutes, donc, vous nous parliez un peu, donc, de la question de l'alourdissement de la tâche, ou peut-être que... Bon, je me suis noté, donc, cet élément-ci. Donc, j'aimerais vous entendre sur comment... Vous, vous dites que ce qui est présenté, de la manière dont c'est présenté dans le projet de loi n° 94... Donc, quelles répercussions ça pourrait avoir au niveau du recrutement des membres, donc, du personnel de direction?

M. Bernier (André) : En termes d'enjeu, c'est le fait de... Actuellement, on a beaucoup de personnes qui sont dans nos milieux qui portent des... soit le voile ou des signes religieux, qui, s'il n'y a pas de... excusez, le terme... de droits acquis, risquent de nous quitter, très fortement, donc vont amplifier l'impact de la pénurie. Donc, il y a ce gros enjeu-là qu'il faut avoir en tête s'il n'y a pas de droits acquis. Parce qu'à l'opposé, si le droit acquis demeure, on va avoir possiblement de la difficulté à attirer des gens parce qu'il y a... ils vont vouloir porter les signes religieux, et ne pourront pas.

Et à l'intérieur de l'école, de la même école, on pourrait avoir deux niveaux d'école, deux catégories de personnel, et de la difficulté à gérer cet aspect-là, de savoir, comme direction, quand on arrive dans un nouveau milieu, est-ce que cette personne-là, elle a un droit acquis ou pas... On ne le sait pas, on ne les connaît pas, ils... ne se promènent pas avec des brassards pour nous dire, là, s'ils ont un droit ou pas, là. Donc, il y a tout cet enjeu-là, là, de connaître, de voir le fonctionnement sur le terrain, jour après jour, avec les gens qui sont déjà dans un milieu quand on arrive, là, qui est compliqué aussi.

Mme Cadet : O.K., merci. Là, je pense que vous avez répondu, peut-être, au deuxième volet de ma question, qui était peut-être en filigrane, là, sur les difficultés, donc, de recrutement, effectivement, donc de pénurie de main-d'œuvre au niveau du personnel, bon, enseignant, mais surtout, en ce qui couvre, donc, le projet de loi n° 94, donc, des membres, donc, du personnel de soutien et professionnel.

Ma question initiale, donc, portait surtout sur l'alourdissement de la tâche au niveau des directions et gestionnaires administratifs des écoles et des centres, parce qu'on sait qu'il y a des propositions qui concernent la planification pédagogique, l'évaluation des enseignants. Je comprends que vous avez fait, donc, le sondage auprès de vos membres, et qu'ils sont favorables à ces... à ces dispositions-ci. Et je me demandais, donc, comment, donc, ces tâches supplémentaires, donc, pourraient contribuer à un alourdissement de la tâche des directions, et donc miner, donc, le recrutement au niveau, donc, des directions, alors que le personnel enseignant se dit : Oui, peut-être que... je n'irai peut-être pas là, parce que c'est déjà une tâche qui est très, très lourde, à la base.

M. Chevalier (Éric) : C'est dur de chiffrer en temps combien de temps ça va prendre de plus, les éléments du projet de loi. Quand on parle... Il y a une différence entre une supervision puis une évaluation. Lorsqu'on parlait avec M. Drainville... Une évaluation va demander peut-être plus de rencontres qu'une supervision. La gestion des signes religieux, la gestion, la fin de semaine, de l'école, parce que, dans les petites écoles, dans les petits milieux, les directions qui... C'est tous des ajouts dans une tâche qui est déjà bien remplie.

Prenez une école comme la mienne. L'année dernière, j'ai eu 250 personnes qui ont eu des postes d'enseignants. Là-dessus, 26 % étaient des enseignants non détenteurs de brevet. 26 %, ça veut dire que j'avais 60 quelques personnes qui demandent des rencontres à tous les mois. C'est quoi, une rencontre de parents, quand c'est la première fois que tu es un enseignant? C'est quoi, faire un bulletin? C'est quoi, participer à une rencontre matières? C'est quoi, faire une planification annuelle? C'est tous du temps supplémentaire, du temps qu'on n'avait pas il y a 10, 15 ans, parce qu'il y a 10, 15 ans j'en avais... Il y a 10, 15 ans, au mois de septembre, il y avait des gens sur les listes qui attendaient puis qui me disaient : T'as-tu une job pour moi? Maintenant, au mois de juillet, ces gens-là, ils ont déjà une job pour l'année d'après. Ça fait que c'est cet alourdissement-là qui demande de plus en plus de temps aux directions et aux directions adjointes.

Et là on se questionne sur l'ajout dans le projet de loi, qui vient encore ajouter des tâches supplémentaires à des tâches qui, des fois, n'étaient pas dans l'école. On l'a dit dans notre... dans notre mot d'ouverture, on gère le brossage de dents, la vaccination, plein de choses comme ça, qu'on demande aux directions et aux gestionnaires de gérer ça, en surplus. Mais le but premier, c'est la réussite des élèves.

• (16 h 20) •

Mme Cadet : Oui. Oui, tout à fait, ça me semble très lourd.

M. Chevalier (Éric) : Oui, c'est important de fonctionner avec la santé, mais il y a beaucoup de travail qu'on a à faire en dehors de ça et ça, ça vient en ajouter un petit peu. Par contre, je dois le dire, on est d'accord avec la très grande majorité de ce qui est là.

Mme Cadet : Oui, c'est ce que j'ai lu.

M. Chevalier (Éric) : La laïcité de l'État, pour nous, c'est essentiel.

Mme Cadet : Oui, c'est ça, en termes de principes, mais... C'est ça. Quand même, ce que... vous venez de nous donner...

Mme Cadet : ...comme exemple, là, ça me semble effectivement très louche. Puis, dans votre mot ouverture, là, vous parliez du défi, donc de réaliser le tout sans ressources ou soutien supplémentaires. Donc, vous parlez ici de ressources financières, j'imagine, ou de ressources humaines...

Une voix : Ressources humaines.

Mme Cadet : ...ressources humaines surtout. O.K. Donc, de ressources humaines. Donc, c'est de s'assurer que le ministre, donc, puisse vous offrir ce type de ressources là.

M. Ouellet (Carl) : Du soutien, on en demande aussi. On parle de soutien administratif aussi en termes de ressources humaines aussi, des tâches qu'on ne faisait pas il y a quelques années. Éric en a parlé. M. Chevalier en a parlé. Maintenant, ça se retrouve sur le bureau de la direction. Donc, il y a beaucoup de tâches administratives, mais on est des pédagogues, on est des diplômés d'enseignement, on a nos brevets, on est des enseignants, on a des gens qui ont à cœur la réussite de leurs élèves, on est rendus tellement surchargés par des tâches administratives qu'on a moins de temps pour faire ce travail là de leader pédagogique, et c'est ce qu'on demande. Ça vient... Encore une fois, quand on a fait notre sondage, ce que les gens nous disaient : on est pour, mais on va prendre le temps où pour faire tout ça? Comment ça... On va-tu avoir de l'aide pour le faire? Oui, on veut embarquer là-dedans, mais comment on va remplir tous ces mandats-là?

Mme Cadet : Deux constats qu'on a entendus plus tôt aujourd'hui. D'une part, certains intervenants nous ont parlé d'un certain roulement au niveau des directions d'école, donc, qui empêcherait peut-être, donc, certaines directions nouvellement arrivées, donc, de bien évaluer le... bon, l'enseignant, donc, en cours de route. Et l'autre élément qui nous a été aussi rapporté, là, c'est que l'évaluation a été évaluée, donc, une à trois heures par année. Est-ce que vous souscrivez à ces deux assertions-là?

M. Chevalier (Éric) : Moi, si je veux faire une vraie évaluation, je vais rencontrer l'enseignant en début d'année, en milieu d'année, en fin d'année, je vais aller le voir enseigner minimum deux fois.

Mme Cadet : O.K.

M. Chevalier (Éric) : Ça fait que ça, on parle de minimum cinq à six heures de rencontre par l'enseignant.

Mme Cadet : O.K. Donc, vous corroborez, donc, un peu ce qu'on a entendu. Donc, minimalement, donc, vraiment, début d'année, milieu d'année, fin d'année. Donc, c'est ça, une véritable évaluation des enseignants.

M. Chevalier (Éric) : Bien, si on veut faire une vraie évaluation. Puis, je dois être honnête, je ne peux pas faire ça à Paul parce que je pense qu'il n'est pas bon, mais à Jean, lui, je le trouve bon : Ah, bien, toi, c'est correct, vas-y.

Mme Cadet : Une tape dans le dos.

M. Chevalier (Éric) : Non, non, si je veux faire mon travail de façon normale, il faut que je le fasse pour tout le monde.

Mme Cadet : C'est une question d'équité aussi.

M. Chevalier (Éric) : C'est une question d'équité.

Mme Cadet : O.K. Je comprends.

M. Ouellet (Carl) : Puis pour la pénurie, effectivement, ça touche les directions autant que le personnel. On est... nous aussi, on est en... à l'heure actuelle, il y a encore des chaises qui ne sont pas occupées par une direction, c'est des retraités qui sont là, les gens qui reviennent dans nos écoles, heureusement, pour nous donner un coup de main, mais on vit... on est frappé de plein fouet, comme les autres... les autres personnels.

Mme Cadet : O.K. Merci. Puis, sinon, au niveau du défi de recrutement du personnel, donc, vous l'aviez évoqué un peu plus tôt, donc, vous disiez, donc, ce qui est présenté, donc, il y a un certain risque au niveau, donc, du recrutement, donc, supplémentaire, demande de personnel qui ne viendrait pas, donc, dans le milieu en se disant : Bien, on souhaite, donc, préserver, donc, le port, donc, de certains signes religieux et donc on bifurquera, donc, vers d'autres réseaux.

M. Ouellet (Carl) : On s'attend à ça. Oui.

Mme Cadet : O.K. Donc, vous vous attendez à ça. Je vais peut-être laisser alors mon collègue poursuivre. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. Alors, allez-y. Il vous reste 4 min 14 s.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre mémoire. Merci pour vos statistiques. Je sais que vous faites un travail qui est difficile. Est-ce que vous avez aussi des statistiques sur la santé de vos cadres en général? Est-ce que vous souffrez d'épuisement? Est-ce qu'il y a des gens qui...

M. Ouellet (Carl) : On a deux... On a eu deux recherches qui ont été faites avec le GRIDE, un groupe de recherches universitaires des universités québécoises associées aux trois... aux trois fédérations, direction, direction. Ça fait deux données qu'on prend chez les membres, chez les directions au Québec. Et dernièrement il y a eu l'institut aussi, l'INSPQ, qui a fait une... pour tout le personnel scolaire. Et on voit aussi que la santé mentale des directions est mise à mal. Je vous dirais que, dans les dernières... pour le GRIDE, le dernier sondage du GRIDE, on remarque que les gens travaillent tout près de 53 heures, 53 à 55 heures par semaine. Il y a une hausse de prise de médicaments pour la santé, pour la santé mentale, de sommeil, difficultés de sommeil, difficultés à la maison, conciliation famille... famille-maison... famille-travail, pardon, mais... C'est ça. On est comme les autres personnels du réseau scolaire, un petit peu... même un petit peu plus élevé en termes de détresse psychologique. Présentement, on travaille là-dessus avec les chercheurs, on est à regarder des solutions, on supporte nos membres comme association aussi, mais effectivement, là, on a... on est dans le... je vous dirais, on est dans le même bain que notre personnel là-dessus aussi, là.

M. Morin : Et est-ce que vous avez du soutien de la part du ministère ou des centres de services scolaires pour aider les cadres quand ils vivent des situations de détresse?

M. Ouellet (Carl) : Oui, je vous dirais qu'on a du soutien de nos employeurs avec les centres de services scolaires...

M. Ouellet (Carl) : ...les associations, nous aussi, les associations de cadres et de directions, là, on fait... on essaie de soutenir nos membres, là. Les ressources sont là, je vous dirais, là, les ressources sont là, mais c'est difficile, là, pour certains de nos membres.

M. Morin : J'imagine que, comme le soulignait ma collègue, ça ne doit pas faciliter le recrutement au niveau de votre association puis au niveau des cadres dans les écoles.

M. Ouellet (Carl) : Les tâches ont beaucoup augmenté. C'est sûr que, pour nous, le bassin de recrutement pour... direction, ce sont les enseignants, mais les enseignants nous regardent aller et voient qu'on travaille très fort, c'est... on n'est pas très attirant, je vais le dire comme ça, là, comme profession, présentement.

M. Morin : Je vous comprends, avec la situation que vous décrivez. Dans le projet de loi, on parle aussi d'une évaluation, vous en avez parlé. Évidemment, je suis d'accord avec vous, quand vous faites une évaluation, elle doit être évidemment faite de la même façon pour tout le monde, vous l'adaptez à l'enseignant, mais comme vous avez dit, vous ne pouvez pas dire : a, je trouve qu'il est bon, je n'en fais pas, puis b, je vais en faire une. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Ça, c'est clair. Vous avez décrit le temps que ça prenait, avez-vous les ressources pour faire ça?

M. Chevalier (Éric) : Bien, si on fait ça, ça va prendre... on va mettre moins de temps ailleurs. C'est sûr que ça a un impact, évaluer un enseignant sur la réussite des élèves, c'est important, mais quand il faut que j'organise, quand il faut que je remplisse des collectes d'info, quand il faut que j'organise une campagne de vaccination, quand il faut que je gère le bâtiment, le déneigeur qui a brisé trois, quatre affaires, bien, c'est sûr que ça demande du temps aussi que je dois faire à l'extérieur de mon temps de travail.

M. Morin : Et, dans le cadre d'une évaluation, j'imagine que vous pouvez offrir... S'il y a des manques qui sont évalués, observés, avez vous des moyens, offrir de la formation, offrir... Est-ce que vous avez des budgets pour ça, pour les enseignants?

M. Chevalier (Éric) : Oui, oui, on a un budget de perfectionnement qui vient annuellement, c'est conventionné. On est capable d'avoir des conseillers pédagogiques qui viennent aider. Dans l'éventualité où un prof désire avoir une formation, ce n'est jamais un problème.

M. Morin : Très bien, c'est bon. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Merci beaucoup. Alors, on poursuit les discussions avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Par rapport à l'interdiction du visage découvert pour les élèves, le groupe précédent a mentionné l'enjeu des sanctions. Eux disaient : On ne souhaite pas que l'élève soit sorti de l'école en cas de non-respect de la consigne. On sait que les sanctions touchent les parents. C'est ce qu'ils disaient. Vous, qu'est-ce que vous en pensez? Quel genre... Qui devrait viser les sanctions? Et quel genre de sanctions seraient pour vous, disons, applicables puis, en même temps, optimales, là, du point de vue des...

M. Chevalier (Éric) : Ça fait 15 ans que je suis directeur d'école. En 15 ans, il y a eu un cas d'une cape et c'est cette année. Ça fait que c'est quoi, les sanctions à donner? Je n'ai pas d'idée pour le moment là-dessus parce que c'est quelque chose qui est tellement exceptionnel que... ce sont des exceptions puis des exceptions ne peuvent pas se gérer de cette façon-là, à mon avis. Donc, c'est difficile pour nous de vous dire quelles devraient être les sanctions. Je pense que c'est plus aux législateurs de nous dire : Dans le cas où ça arrive, appliquez tels éléments, tu sais, vous êtes capable de nous proposer qu'est-ce qu'on a le droit de faire aussi. Je ne pense pas que de priver un jeune de l'école, c'est une bonne chose, jamais. Mais s'il y a des règles à respecter puis qu'on nous dit : Bien, cet enfant là, s'ils ne veulent pas respecter les règles, faites... retournez-le à la maison, on le fera.

• (16 h 30) •

M. Zanetti : Parce que j'imagine que c'est à quelque part vous qui êtes les mieux placés pour évaluer qu'est-ce qui se fait puis qu'est-ce qui ne se fait pas, qu'est-ce qui est une sanction applicable, qu'est-ce qui est une sanction pas applicable. Par rapport à quelle sanction, on peut se défiler à l'infini, par rapport à laquelle... Puis c'est... moi, j'ai l'impression que vous le savez peut-être mieux que le ministre puis que, là... puis je n'ai pas l'impression non plus que... en tout cas, dans l'état actuel des choses, il n'y a pas de sanctions prévues. Ça fait que, là, c'est une patate chaude qui va être... qui va tomber entre vos mains. Moi, c'est une crainte que j'ai, là.

M. Ouellet (Carl) : Oui, mais comme on vous dit, comme M. Chevallier dit, c'est vraiment des cas d'exception, on n'en vit pas tant que ça. On a posé la question aussi, là, lors de notre sondage et ce n'est pas ressorti chez nos membres. Les gens disaient que c'était vraiment marginal et on le gère à la pièce. C'est certain que s'il y avait des orientations, on les suivrait, là, mais, pour l'instant, pour nous, là, on n'en a pas fait... on n'a pas fait beaucoup de travaux, on n'a pas avancé de travaux là-dessus.

M. Zanetti : Parfait. Puis, selon vous, là, mettons, si j'ai encore un petit peu de temps... J'ai-tu au moins une minute?

La Présidente (Mme Poulet) : 1 min 45 s.

M. Zanetti : Le rapport Bedford, quand ils parlaient de l'évaluation des professeurs, eux autres semblaient conclure que, dans ce cas-là précis...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Zanetti :... c'est comme s'il y avait... il n'y avait pas eu de prise pour la direction pour obliger une évaluation qui se faisait dans un temps raisonnable puis qui pouvait fonctionner. Donc, là, la réaction du ministre c'est de dire : Une évaluation annuelle pour tout le monde. Vous mentionnez bien que c'est, avec les ressources qui sont à votre disposition, difficile à réaliser, là. 100 000 profs, cinq heures, d'évaluation par année, ça ne se peut comme pas. Et est-ce qu'en ce moment vous avez déjà les prises pour évaluer des professeurs dont vous pensez qu'ils posent problème, ou est-ce qu'il faut une solution législative de plus que les moyens à votre disposition?

M. Chevalier (Éric) : On a les prises pour faire le travail. Je n'étais pas à l'école Bedford. Ça fait que c'est dur pour moi de commenter ce que la direction aurait dû faire, ou qu'est ce qu'elle a fait, ou qu'est ce qu'elle n'a pas fait. Moi, dans les milieux dans lesquels j'étais, si j'ai des interventions à faire, je le fais avec les encadrements qui sont prévus dans les conventions, avec l'aide des ressources humaines dans la majorité des cas, parce que c'est des cas complexes. Mais je ne crois pas qu'on ait besoin de leviers supplémentaires pour faire des encadrements pour des enseignants qui ne font pas le travail, qu'ils sont supposés faire. Le projet loi vient amener d'autres éléments qu'on va devoir respecter, simplement. Puis on a les leviers qui existent déjà dans les conventions. C'est déjà écrit partout, les mesures disciplinaires sont claires.

M. Zanetti : Génial! Merci. Ça fait le tour pour moi. Merci.

M. Chevalier (Éric) : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci à vous trois de votre participation. Alors, on va suspendre les travaux temporairement, le temps que le prochain groupe s'installe.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 40)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Nous accueillons la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en mode hybride. Alors, je vous rappelle que vous avez un 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va procéder à une période d'échange. Alors, la parole est à vous.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, Mme la Présidente, merci de l'invitation. Je suis accompagné de mes collègues Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte, Geneviève St-Laurent, conseillère juridique, et Jean-Sébastien Imbeault, chercheur à la commission.

Le projet de loi devant nous interpelle notre commission à bien des égards. D'abord, évidemment, parce qu'il concerne le droit des enfants en milieu scolaire ainsi que les droits des membres du personnel de l'école. Nous l'avons analysé en lien avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, comme le veut notre mandat. Je vais donc vous présenter les grandes lignes de notre mémoire que je vous invite à lire pour prendre connaissance de nos neuf recommandations. Notez que le mémoire a été produit dans des courts délais, donc nous n'avons pu analyser l'ensemble des éléments du projet de loi, dont les nouvelles mesures sur la langue. Nous allons insister dans cette présentation sur certains points qui nous apparaissent comme les plus importants de la perspective de la commission.

Il faut rappeler qu'au cours des dernières années, la commission s'est prononcée à de multiples reprises en faveur de l'affirmation d'une laïcité dans une loi...

M. Tessier (Philippe-André) : ...qui soit arrimée aux droits et libertés contenus dans la charte. Une telle laïcité constitue une composante centrale d'une société démocratique et diversifiée devant favoriser une cohabitation harmonieuse, fondée notamment sur un partage des valeurs démocratiques et de la langue publique commune qu'est le français.

La commission soutient plusieurs des objectifs du projet de loi n° 94 qui peuvent être compatibles avec le cadre de la charte et avec les droits de l'enfant dans la mesure où les moyens choisis sont adaptés aux enjeux réels. La charte offre d'ailleurs des outils incontournables pour assurer le bien-être et la sécurité des élèves. De même, la garantie du caractère laïque des institutions d'enseignement public nécessite le respect du droit à l'égalité, de la liberté de conscience et de religion, qui sont deux des principes de la laïcité.

Le projet de loi n° 94 pose cependant problème pour plusieurs raisons, et, si je devais résumer notre analyse en une phrase, je dirais que certains des moyens choisis pour atteindre les objectifs du projet apparaissent disproportionnés ou inadéquatement formulés pour répondre aux problèmes concrets importants auxquels le projet de loi entend répondre. Je cède la parole à ma collègue.

Mme Pierre (Myrlande) : Merci. Alors, nous avons pris connaissance des enjeux soulevés dans certaines écoles au Québec et nous avons analysé avec attention les rapports produits dans le contexte. D'emblée, nous déplorons le climat toxique au sein de l'école Bedford qui a perduré pendant plus de sept ans, et ce, au détriment du développement du bien-être et des droits des élèves. Nous avons également pris connaissance du rapport portant sur 17 écoles et des possibles enjeux affectant notamment les enfants.

Nous croyons cependant qu'un portrait plus complet aurait permis d'apporter des propositions mieux ciblées à la fois par rapport aux enjeux réels qui se posent et par rapport au cadre des droits et libertés de la personne à respecter. Alors, en se basant largement sur le rapport portant sur un échantillon restreint de 17 écoles et en généralisant les constats à l'ensemble des écoles du Québec, le législateur a plutôt opté d'introduire dans la loi des interdictions le type de ce qu'on appelle mur à mur. Alors, ces interdictions entraîneront des conséquences sur l'exercice des droits et libertés de la personne, notamment pour les élèves. Pourtant, les enjeux identifiés à l'école Bedford et dans les 17 autres écoles pourraient être résolus avec le cadre légal existant. Certaines bonifications à ce cadre relatives à l'ajout d'un code d'éthique et de déontologie ou un meilleur encadrement des pratiques pédagogiques, par exemple, sont néanmoins à souligner.

Le projet de loi réduit la portée des droits des enfants et du personnel dans la pratique religieuse minoritaire implique, par exemple, un ou deux congés à l'extérieur du calendrier civil. De plus, le projet de loi crée de nouvelles barrières discriminatoires à l'emploi, que ce soit à l'embauche ou à la promotion, en interdisant le port des signes religieux pour l'ensemble du personnel de l'école. Pourtant, des pistes de solutions plus proportionnées auraient pu être mises de l'avant, par exemple en accentuant la responsabilisation des décideurs du milieu scolaire.

Ces enjeux soulevés dans les rapports exposent probablement davantage des besoins en matière de compréhension et d'application de l'accommodement raisonnable et de la Loi sur la laïcité de l'État, de là la nécessité d'offrir des formations, un accompagnement auprès de la direction et du personnel des écoles. Ces solutions permettraient de mieux répondre à la singularité des questions qui se posent dans les milieux.

La commission se désole du recours large, sans nuance et sans justification, à la disposition de dérogations de la charte, alors, particulièrement dans la mesure où le projet de loi poursuit des objectifs qui sont compatibles avec celle-ci. On ne devrait avoir recours à la clause dérogatoire que lorsqu'il est strictement nécessaire de le faire et pour protéger davantage les droits des personnes.

À cet effet, la commission s'étonne tout particulièrement que le projet de loi propose de déroger au droit à l'égalité, alors même que plusieurs de ses dispositions visent justement à protéger l'égalité entre les femmes et les hommes et à lutter contre l'intimidation fondée par exemple sur le racisme ou l'homophobie.

Il est également surprenant que les dispositions ou des dispositions du projet de loi, relatives entre autres à l'encadrement des interventions pédagogiques, à la mission de l'école et aux pouvoirs des directeurs fassent l'objet d'une dérogation, alors que rien dans ces dispositions ne semble porter atteinte aux droits et libertés.

Une meilleure prise en compte de la Charte, tant dans la...

Mme Pierre (Myrlande) : ...la rédaction du projet de loi que dans sa mise en œuvre permettrait d'atteindre ces objectifs de manière plus concluante. Compte tenu de ces constats, la commission exhorte le gouvernement de ne pas introduire de dérogation à la charte dans le cadre du projet de loi. Et si le législateur entend malgré tout déroger à certaines dispositions de celle-ci, la commission recommande de mieux cibler les articles du projet de loi qu'il souhaite soustraire à l'application de la charte et de préciser à quels droits ou libertés on souhaite spécifiquement déroger.

M. Tessier (Philippe-André) : Il faut rappeler que la laïcité est une caractéristique essentielle de l'État, qui s'incarne d'abord dans les structures institutionnelles, dans les normes et les pratiques. L'école québécoise n'a pas pour objectif de nier les différences religieuses des élèves, leurs croyances, leur incroyance ou leur indifférence totale à la religion, mais d'accueillir ce fait dans les limites du raisonnable à l'intérieur de l'école et de s'assurer que les intérêts primordiaux des enfants soient garantis. De plus, il serait faux de prétendre que le sexisme, l'homophobie ou la transphobie, pour ne prendre que ces exemples, sont le seul fait de croyances religieuses. Ces phénomènes, tout comme l'opposition au programme d'éducation à la sexualité, existent en dehors de croyances religieuses, par exemple, dans un courant masculiniste de plus en plus affirmé au Québec.

Le projet de loi prévoit l'interdiction de toute conduite motivée par des considérations religieuses, un ajout qui paraît mal adapté. En effet, cette interdiction semble traduire certaines incompréhensions à l'endroit des croyances religieuses, qui seraient    donc forcément contraires au bien commun et dont il faudrait se méfier. D'autre part, elles pourraient détourner l'attention de comportements qui, sans être motivés par des convictions religieuses, seraient nuisibles aux élèves ou au personnel, comme le révèle le conflit d'ordre idéologique ayant sévi à l'école Bedford. La Commission recommande donc de remplacer «est exempte de considérations religieuses» par des expressions exigeant que la conduite soit neutre et précisant que la personne doit agir de manière à favoriser le développement de tous. J'ajouterais sans discrimination afin de mieux répondre aux enjeux identifiés. Rappelons que la liberté de religion ne doit pas être appréhendée comme un absolu. La possibilité des individus d'agir selon leurs croyances a été restreinte par le passé à de multiples reprises en fonction de diverses considérations. Par exemple, la liberté de... le meilleur intérêt de l'enfant, pardon, a contrebalancé la liberté de religion des parents dans le cas d'un refus de transfusion sanguine, ou la sécurité des élèves a été restreinte... est venue restreindre, pardon, les conditions de port de signes religieux par un jeune sikh, la prise d'une photographie sur un permis de conduire a également été autorisée malgré les allégations relatives à la liberté de religion.

Donc, les interdictions qui sont mises en avant dans le projet de loi risquent d'être perçues comme une forme de durcissement qui pourrait renforcer malheureusement la polarisation trop présente dans notre société, une société de diversifiée, comme est le Québec. Il y a des demandes relatives à la liberté de religion qui peuvent être plus difficiles à traiter et qui peuvent, pour cette raison, est plus susceptibles de susciter la controverse, on le reconnaît. Le milieu scolaire peut rencontrer des difficultés dans la mise en place de mesures respectueuses à la fois de la neutralité des institutions et du respect de la diversité religieuse. C'est impossible de nier ce fait. Mais la voie de la solution unique, l'approche mur à mur qui peut être tentante, ne règle pas les défis quotidiens du vivre ensemble au sein du milieu de vie que constitue l'école québécoise. Pour faire face à ces défis, il nous semble que la sensibilisation, l'accompagnement des acteurs scolaires, l'éducation aux droits, des mécanismes d'accommodements raisonnables et de contraintes excessives sont essentiels. Et c'est ce qu'on invite le législateur à aborder dans ses travaux. Merci.

• (16 h 50) •

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Merci pour votre présentation. Je salue les gens qui sont avec nous à distance. N'hésitez pas à intervenir si vous le jugez nécessaire. Bon, je note dans vos propos, Mme Pierre, je note que, bon, vous... vous nous reprochez très respectueusement de faire du mur-à-mur. Mais moi, je vais vous dire, quand je regarde Bedford, quand je regarde le rapport sur les 17 écoles, quand je regarde le plan d'action également qui nous a été soumis par les accompagnateurs à Bedford, quand je regarde également d'autres reportages qui ont illustré un certain nombre de problématiques en lien avec des manquements à la laïcité, quand on additionne tous ces cas, moi, je... En tout cas, moi et notre gouvernement, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait resserrer le cadre, qu'il fallait préciser le cadre et qu'il fallait resserrer le cadre. Et j'attire votre attention, en particulier sur le paragraphe 49 du rapport sur les 17 écoles, paragraphe 49, donc page 15. Je vais vous lire le...

M. Drainville : ...au passage, il ressort des témoignages entendus que l'arrivée de la directive ministérielle, la directive ministérielle sur les activités religieuses dans les écoles, a beaucoup facilité les choses dans le réseau. Bien que la Loi sur la laïcité de l'État affirme le caractère laïc de l'État et des centres des services scolaires, depuis 2019, de nombreux établissements d'enseignement avaient traité les demandes de locaux de prière comme des demandes d'accommodement pouvant être acceptées. La directive ministérielle est venue mettre fin à l'ambiguïté qui existait entre la primauté de la laïcité de l'État et les accommodements raisonnables dans les écoles publiques du Québec.» Et moi, ce passage-là, je l'ai trouvé très intéressant parce que ce qu'il démontrait, c'est que, parfois, il faut des règles claires pour donner aux gestionnaires la bonne information et la clarté voulue pour qu'ils agissent dans le cadre de leurs fonctions. Donc, je comprends que vous dites : Bien, écoutez, les gestionnaires ont déjà la latitude voulue pour agir pour... Vous parliez tout à l'heure de responsabilisation des décideurs, hein, dans le milieu scolaire, c'est-à-dire l'expression ou les mots que vous avez utilisés «responsabilisation». Moi, je suis d'accord avec vous, il faut responsabiliser les gestionnaires, et ce sont eux et elles qui vont devoir mettre en œuvre le projet de loi à l'intérieur de leurs responsabilités bien entendu, que ce soient les directions de centres de services ou encore les directions d'école. Mais je pense que parfois il est nécessaire de préciser les règles du jeu, et c'est ce que fait le projet de loi et j'en ai... j'en donne... je m'inspire de ça, de cette conclusion-là que je viens de vous citer par rapport à la directive sur les lieux de prière et les activités religieuses.

Par ailleurs, j'aimerais vous entendre sur la question du visage découvert. Est-ce qu'à votre avis d'exiger que, dans une école au Québec, un élève ou un élève se présente à visage découvert, est-ce qu'à votre avis c'est une violation de ses droits individuels?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Bien, peut-être pour répondre à la première partie de votre question, M. le ministre.

M. Drainville : Oui.

M. Tessier (Philippe-André) : Pour ce qui est des interdictions mur à mur, j'attire l'attention de la commission parlementaire à la page 40 de notre mémoire. Pour ce qui est des locaux de prière, la Commission souligne qu'effectivement une directive a été adoptée, puis ce qu'on préconise ici, c'est peut-être d'avoir une approche qui émanerait d'un type de directive d'une approche réglementaire, mais qui viendrait créer des balises et des conditions.

Par exemple, il est possible, il est raisonnable de penser que dans le haut niveau du cycle primaire ou du premier cycle du secondaire, des restrictions beaucoup plus importantes pourraient être apportées versus le deuxième cycle du primaire, encore là, en fonction de l'âge, de la nécessité de supervision, de la disponibilité de locaux. Il y a toutes sortes d'éléments qu'une directive ou qu'un règlement ministériel peut contenir qui vont venir encadrer, baliser et limiter, dans des limites raisonnables, dans une société libre et démocratique, laïque, avec une langue commune qu'est le français, qu'est le Québec, tel que notre Charte québécoise dûment amendée par cette même Assemblée nationale en 2019 et en 2022 par p. l. 21 et par p. l. 96. Donc, ces éléments-là, pour nous, donnent l'espace au législateur, à l'Exécutif, de pouvoir venir placer des balises et que ces balises-là soient raisonnables, je le répète, dans une société libre et démocratique comme le Québec.

Pour la deuxième partie de votre question, si vous me le permettez, pour ce qui est de la question de l'interdiction, c'est un peu la même approche. Ce qu'on dit, c'est qu'encore une fois le législateur est libre de venir poser des balises quant au port de signes, par exemple, le visage découvert, et ça, c'est également développé à notre mémoire.

La question ici est de l'utilisation de la clause dérogatoire, parce que nous, ce qu'on dit, c'est que le législateur, et c'est ce qui est indiqué dans les commentaires qui ont été déposés lors du dépôt du projet de loi des communiqués de presse, il y a des motifs, il y a des raisons. Donc, la question d'identification de la sécurité, de l'apprentissage, tous ces éléments-là, c'est des éléments factuels qui peuvent être... faire l'objet d'un débat judiciaire et qui permet, à ce moment-là, d'apprécier et d'appréhender si ces limites- là sont raisonnables, encore une fois, dans une société libre et démocratique. Donc, nous, évidemment, la question, ce n'est pas pour ou contre le visage découvert. Ce qu'on dit, c'est que cette question-là, on ne voit pas la nécessité de déroger. On pense que cette question-là mérite d'être débattue, mérite d'être tranchée et des des limites pourraient être apportées à ces éléments-là compte, tenu encore une fois de leur...

M. Tessier (Philippe-André) : ...des enfants du cycle de toutes sortes d'autres considérations qui pourraient être mises de l'avant, mises en preuves et testées devant les tribunaux. Ça va faire en sorte que le cadre qui est par la suite mis en place va être beaucoup plus robuste, va être beaucoup plus accepté, parce qu'à ce moment-là il y a eu ce dialogue-là, entre le législatif, le judiciaire et l'exécutif. Et donc ça va faciliter la vie... comme le ministre, Mme la Présidente, l'interpelle, pour faciliter la vie des administrations publiques, qui, elles, après ça, ont à appliquer ces règles-là. Donc, nous, c'est un peu ce qu'on vous recommande à la fois pour les locaux de prière et pour le visage découvert. Si vous... J'attire votre attention à votre mémoire.

Puis ma collègue voulait ajouter un élément.

Mme Pierre (Myrlande) : Et, l'autre élément aussi que l'on pense incontournable dans le cadre de cet exercice, c'est de revenir et de se rattacher à la logique même, et des principes et objectifs de l'accommodement raisonnable. Parce qu'en fait, l'accommodement raisonnable, c'est toujours jusqu'à contrainte excessive. Alors, je pense que, comme mon collègue vient de le mentionner, nous avons les éléments, nous avons un cadre qui nous permettent justement, sans déroger par exemple aux droits... aux droits d'autrui... parce que l'accommodement raisonnable, justement, permet, lorsqu'il est... lorsque cette notion, elle est bien comprise et bien appliquée... parce que c'est une chose de comprendre les principes qui sous-tendent l'accommodement raisonnable, et c'est une autre chose que de l'appliquer, et...

M. Drainville : Mme Pierre, si vous me permettez, comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais quand même vous interrompre, là. Donc, si je vous comprends bien, puis si je comprends bien les propos de votre président, la question du visage à découvert, pour vous, ce n'est pas une question de principe. Ça pourrait faire l'objet éventuellement d'un accommodement. C'est là que nos chemins se séparent. Parce que moi, j'en fais une question de principe. Moi, je pense que, dans une école québécoise, qu'elle soit publique ou privée, qu'elle soit subventionnée ou pas, tous les élèves en tout temps doivent avoir le visage découvert. Pour des raisons de communication, pour des raisons d'identité, pour des raisons de sécurité...

Une voix : Tout à fait. Mais, ça, on a très bien compris ça, M. le ministre.

M. Drainville : ...pour des raisons pédagogiques, à mon avis, il n'y a aucun compromis à faire sur cette question-là. On ne peut pas accepter au Québec, dans une école, le voile intégral, point à la ligne, que ce soit pour un membre du personnel ou que ce soit pour un élève.

M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait. Et donc nous, et j'attire votre attention, pages 27 et 28 de notre mémoire qui développent cette question-là, les éléments que vous venez de mentionner, on les reprend textuellement dans notre mémoire. Ce sont des explications, des justifications que le gouvernement, à travers les avocats du Procureur général du Québec, vont pouvoir plaider devant un tribunal, et va pouvoir dire : Oui ou non, cette limite-là, que le législateur vote... Le législateur va voter une limite. Vous allez dire : Cette limite-là... Puis j'ai... on a bien compris l'intention gouvernementale. On ne la remet pas en question. On dit : Visage couvert, c'est terminé. Ça, on a compris ça. On dit : Soumettez-la au test des tribunaux.

M. Drainville : Mais, M. Tessier, que l'on veuille introduire dans le projet de loi la clause de souveraineté parlementaire, ça s'explique. Et ça s'explique essentiellement pour une seule et unique raison, ça vise à protéger le projet de loi. Ça vise à assurer la protection du projet de loi et des principes sur lesquels il s'appuie.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est ça. Tout à fait. Mais je...

M. Drainville : Mais là, je pense que c'est là qu'on a aussi un désaccord. Je pense que le mot n'est pas trop fort.

• (17 heures) •

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, peut-être qu'il y a une nuance que je vais vous faire. Parce qu'il faut faire attention aussi, vous le savez, le Québec est régi par deux chartes.

M. Drainville : Oui.

M. Tessier (Philippe-André) : Là, ici, évidemment, mon propos vise la Charte québécoise. La Commission des droits et libertés de la personne du Québec, hein, la commission, nous, la Charte, on est fiduciaires de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Et, ici, l'Assemblée nationale est le constituant. Donc, la clause de souveraineté parlementaire, elle a sens par rapport à la Charte canadienne. Parce que l'Assemblée nationale n'est pas le constituant, elle n'a pas la capacité ou le pouvoir de la modifier. L'Assemblée nationale, lorsqu'on parle la Charte québécoise, l'Assemblée nationale... puis d'ailleurs l'Assemblée nationale l'a fait en 2019 sur p.l. 21, introduit la laïcité, l'a fait en 2022 sur p.l. 96 sur le français, donc l'Assemblée nationale, comme constituant à exercer ses prérogatives, vient juste de le faire d'ailleurs en commission parlementaire sur p.l. 84, on vient encore de modifier la charte... des articles de la charte. Donc, ici, ce qu'on vous plaide ou ce qu'on vous explique, c'est des propos qui visent la Charte québécoise. Donc, on ne parle pas d'une dérogation à la canadienne ici. Je veux juste qu'on se comprenne bien. On parle d'une dérogation à la québécoise.

M. Drainville : D'accord. Sur les congés religieux, si je vous ai bien compris, Mme la vice-présidente, puis là, corrigez-moi si je me trompe, là, ça se peut que j'aie mal compris, là, ça arrive, ça, là, mais vous avez parlé d'un ou deux congés religieux, hein? Je pense que vous avez dit ça, un ou deux, là. Je pense que je vous ai entendu dire ça. Donc, expliquez votre pensée...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Drainville : ...s'il vous plaît ou élaborez ça. Si je vous comprends bien, pour la commission, de donner un congé supplémentaire à quelqu'un, un congé payé supplémentaire pour des raisons religieuses, un ou deux congés de plus, ce serait quelque chose d'acceptable? Est-ce que j'ai bien compris? Sinon, expliquez-moi.

Mme Pierre (Myrlande) : Oui. Bien, en fait, c'est plus... on appelle à un aménagement. Il y a déjà des congés qui sont prévus, qui sont prévus dans les conventions collectives. Et est-ce qu'on peut penser à une certaine souplesse pour un aménagement de ces congés-là? Et c'est toujours... Je reviens sur la logique, hein, et les principes qui sous-tendent l'accommodement raisonnable, c'est toujours sur la question de la contrainte excessive, mais aussi de ne pas déroger aux droits, aux droits des autres.

M. Drainville : Est-ce que vous parlez des élèves ici ou vous parlez du personnel quand vous parlez d'accommodements?

Mme Pierre (Myrlande) : Bien, ça peut s'appliquer aux deux, ça peut s'appliquer aux deux catégories.

M. Drainville : Au deux? O.K., mais...

M. Tessier (Philippe-André) : Le droit à l'accommodement, il s'applique pour toutes les personnes sur le territoire du Québec, qu'on soit un enfant ou un adulte, là.

M. Drainville : Je comprends, mais, dans mon esprit, quand vous parliez de congés, pour moi, c'était pour les employés, c'était pour le personnel. Mais là...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, les enfants, ils manquent de l'école des fois parce qu'ils vont chez le dentiste, ils sont malades. Il y a toutes sortes de raisons qu'on accommode, les enfants, entre guillemets, parce que, bon, théoriquement, c'est le droit au handicap, la personne est malade. Je ne veux pas rentrer dans technicalités là, mais, je veux dire, la logique est toujours là, c'est toujours... On donne une souplesse, puis c'est tout, là.

M. Drainville : Oui, je comprends. Mais quand on lit dans le rapport sur les 17 écoles, là, quand on lit à la page 20, paragraphe 62 : «Un employé pratiquant une religion peut donc se voir accorder plus de congés rémunérés qu'un employé ne pratiquant aucune religion». Est-ce que vous trouvez ça normal?

M. Tessier (Philippe-André) : Mais ça, ce n'est pas en raison...

M. Drainville : Est-ce que vous trouvez ça juste?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, Mme la Présidente, ça, n'est pas en raison de la charte québécoise ou de l'accommodement raisonnable, c'est en raison des prescriptions d'une convention collective applicable à l'employé en question. Nous, on n'est pas responsable des conventions collectives, on est responsable de la charte.

M. Drainville : Non, pas tout à fait, pas tout à fait. Ce qui est dit dans le...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, les congés payés, avec égard, les congés payés sont payés parce qu'il y a une convention collective qui reconnaît qu'elle est payée ou pas payée.

M. Drainville : Oui, mais dans...

M. Tessier (Philippe-André) : Si on a un congé personnel, par exemple, on a cinq jours de congés personnels payés, bien, c'est prévu dans une convention collective.

M. Drainville : Non. Dans le rapport sur les 17, c'est très clair, ils s'appuient sur des décisions des tribunaux pour donner ces accommodements religieux.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, là, l'idée encore une fois, c'est jusqu'à la contrainte excessive, c'est : Il ne faut pas ici que ça vienne perturber le fonctionnement normal, il ne faut pas que ça soit... donne des... La logique de l'accommodement, ce n'est pas de donner un avantage indu à personne, c'est de rééquilibrer. Puis je sais que l'égalité réelle, c'est un peu... ça peut mettre des fois un peu au défi, parce que l'égalité formelle, donc tout le monde pareil partout, bien, la limite de ça, bien, c'est, par exemple, la personne en situation de handicap, bien, c'est bien le fun, l'égalité réelle... l'égalité formelle, pardon, mais si elle n'a pas accès à la bâtisse, elle n'a pas accès à la bâtisse. Il faut adapter l'égalité, donc on est passé de l'égalité formelle à l'égalité réelle. La mise en œuvre de l'accommodement, c'est juste ça, c'est des aménagements au cas par cas. Puis là, après ça...

M. Drainville : Mais ça ne doit pas... ça ne doit pas, excusez-moi de vous interrompre encore une fois, on n'a pas beaucoup de temps...

M. Tessier (Philippe-André) : Non, non, c'est correct.

M. Drainville : Mais ça ne doit pas créer d'iniquités, hein? Je pense que c'est... vous avez...

M. Tessier (Philippe-André) : Ce n'est pas l'objectif. Puis, encore une fois, si le législateur veut venir régir ces éléments-là, dans le cadre de la charte, bien, peut être peut-il tu le faire par directives, par règlements, prévoir des règles ou des consignes, mais toujours dans un cadre où on donne une certaine flexibilité, on donne une souplesse. C'est un peu ça, le concept de l'accommodement, c'est donner un peu de souplesse aux gens pour permettre d'accommoder le monde. Dans la vie de tous les jours, il se passe des choses.

M. Drainville : Mais ça ne devrait pas créer d'iniquités entre les employés et ça ne devrait pas mettre à mal le fonctionnement de l'institution.

Mme Pierre (Myrlande) : Mais vous avez tout à fait raison en disant ça, ça ne devrait pas porter atteinte aux droits, aux droits d'autrui. Donc c'est toujours dans une perspective d'égalité. Alors, toujours jusqu'à contraintes excessives, est-ce qu'on peut trouver des aménagements pour donner une certaine souplesse dans l'applicabilité de l'accommodement raisonnable? Et d'ailleurs, à la commission, nous recevons des demandes, justement, soit des écoles ou de différents milieux, pour mieux comprendre l'accommodement raisonnable, mais aussi dans son applicabilité. C'est ça. Et c'est là, le défi, je pense, pour nos écoles, comme pour les autres institutions.

M. Drainville : Mais on en revient au point premier, il y a les règles qui pourraient s'appliquer ou peut-être devraient s'appliquer, mais qui, malheureusement, dans le quotidien, ne s'appliquent pas, de là la justification pour légiférer, pour venir clarifier.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, avec... mais encore une fois, ça, là-dessus, il y a eu le rapport Fleury de 2007. Ça fait 20 ans au Québec qu'on a appelé à avoir... puis ça, dans le rapport Fleury, donc, il y avait une vaste consultation de toutes les écoles au Québec. On est arrivé, on a dit : Ça prend un guide pour outiller les directions d'école, pour les aider à appliquer ça de façon cohérente et uniforme...

M. Tessier (Philippe-André) : ...ce guide-là, nous, on le dit dans notre mémoire, on n'a pas connaissance qu'il ait été déployé. On a fait, en 2019, le projet...

La Présidente (Mme Poulet) : ...on va poursuivre la discussion avec la députée de Bourassa-Sauvé

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Tessier. Bonjour, Mme Pierre. Également, je reconnais à l'écran Mme St-Laurent... Me St-Laurent et M. Imbeault. Et je pense que vous aviez aussi l'intention d'intervenir. Donc, n'hésitez pas à prendre la parole au niveau des questionnements que j'aurai. Donc, notre temps est limité. Donc, je me lance. Donc, j'ai également, donc, noté, le ministre vous a questionné là-dessus. J'ai également noté dans votre allocution principale, M. Tessier et Mme Pierre, que vous indiquez que la... que plusieurs, donc, des défis pourraient être résolus avec le cadre législatif actuel. J'ai également noté le fait que... le fait que le ministre a pointé, là, donc, qu'il faudrait, donc, accentuer la responsabilité... la responsabilisation, pardon, des décideurs, des décideurs du milieu scolaire. Donc, j'aimerais peut-être vous entendre, donc, élaborer, donc, sur ce point-là. Donc, il y a... Je veux m'assurer, là, que j'ai bien compris, parce que si je vous entends bien, en fait, je me dis que votre interprétation, c'est que le projet de loi actuel, dans sa mouture, n'était pas nécessaire. C'est bien ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Merci. Mme la... Oui.

Mme Pierre (Myrlande) : Bien, en fait, ce qu'on dit vraiment, ce sur quoi on met l'accent, c'est que ce qui est proposé pour répondre aux constats en termes de mesures, c'est disproportionné. Donc, c'est... c'est... En fait, est-ce que... Le cadre du projet de loi, oui, a sa pertinence. Toutefois, la commission insiste sur le fait que les mesures sont disproportionnées par rapport au constat fait sur le terrain. Et on le rappelle encore, le droit à l'égalité et d'appliquer le cadre légal, mais aussi que la Charte des droits et libertés soit au cœur des mesures qui sont présentées aussi dans le cadre du projet de loi n° 94 et de toujours se rattacher au principe même de l'accommodement raisonnable. Et là, je pense qu'on a des éléments qui nous permettent, comme société, de s'assurer que le vivre-ensemble, parce que c'est de ça dont il s'agit, c'est du vivre-ensemble et c'est de toute la question de l'inclusion. Et je pense que ce sont des valeurs que le Québec a portées pendant des années, des décennies. Alors, c'est un peu cette contribution que la commission souhaite amener parce qu'il y a des repères, il y a des valeurs et nous avons une charte des droits et libertés au Québec. Donc, cette charte-là, qui a une valeur quasi constitutionnelle, doit être au cœur de nos décisions.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. M. Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, c'est ça. Avec votre permission, simplement pour compléter. Tout à l'heure, ce que je parlais, c'est qu'aussi au Québec on s'est doté un cadre qui vient régir la laïcité dans deux lois importantes la loi sur la neutralité de 2017 qui... et donc la Loi sur la laïcité de 2019. Donc, dans la loi sur la neutralité, il faut comprendre qu'il y a un cadre pour l'accommodement raisonnable religieux. Donc, le législateur est venu baliser. Et donc, nous, ce qu'on... Encore une fois, ce qu'on dit, c'est qu'il est possible pour le législateur de vouloir agir sur les questions de laïcité. Il est possible de vouloir agir sur des problématiques. Et donc il l'a fait en 2017, il l'a fait en 2019. Et donc il faut mettre maintenant en œuvre ces cadres-là. C'est bien de les avoir, il faut les appliquer. Et les cas rapportés à Bedford, et dans les 17 écoles, et les autres cas qui ont été médiatisés, ce sont beaucoup plus des cas d'application que des cas de «il manque un cadre». Puis, même s'il faut un cadre, comme on dit dans notre mémoire, pas de problème, mettons des directives, mettons un règlement. On peut prévoir des éléments comme ça, mais toujours dans le respect des droits garantis à la Charte des droits et libertés de la personne.

Mme Cadet : Merci. Je ne sais pas si Mme St-Laurent voulait compléter.

• (17 h 10) •

Mme St-Laurent (Geneviève) : Non, non, c'était plus par rapport aux accommodements religieux, de rappeler effectivement que le l'accommodement n'existe que quand il y a une situation de discrimination. Et donc il va jusqu'à la contrainte excessive, et ça reste un principe. Et je pense qu'on le détaille bien dans le mémoire. On donne plusieurs éléments qui pourraient constituer des balises justement pour guider les décisions des décideurs. Vous parliez de responsabiliser les décideurs, mais c'est aussi de les équiper avec la formation adaptée, avec les outils nécessaires pour justement que ces problèmes d'application auxquels faisait référence Me Tessier soient... soient atténués. Il manque peut-être d'équipements, justement, pour atténuer ce cadre. Puis comme on dit depuis 20 ans, ce guide sur les accommodements raisonnables, qui avait été recommandé par la commission Fleury, est attendu par le milieu. Et puis la commission offre aussi des services d'accompagnement à d'accommodement. Donc, c'est aussi des choses à prendre en compte.

Mme Cadet : Merci beaucoup, c'est très clair. Puis d'ailleurs, je m'en allais là-dessus parce que je vous ai entendu, donc, Mme Pierre, donc, nous parler dès le départ du besoin de formation...

Mme Cadet : ...d'accompagnement des directions d'école, donc en complémentarité avec ce que vous nous disiez au niveau de la responsabilisation des décideurs. Donc, il y a d'abord, donc, l'enjeu d'applicabilité, que vous venez d'évoquer, M. Tessier, mais également, donc, un enjeu... un défi d'accompagnement de ces décideurs pour permettre d'amplement jouer leur rôle.

Mme Pierre (Myrlande) : Tout à fait. D'accompagnement, de formation également. Et le besoin, il est exprimé, hein, par le milieu scolaire, donc les décideurs.

Mme Cadet : Oui. Et vous n'êtes pas les premiers à le mentionner, effectivement, oui, oui.

Mme Pierre (Myrlande) : Non, tout à fait. Nous avons quand même des échanges avec des décideurs et qui disent que, écoutez, lorsqu'une situation donnée survient, bien, on est comme un peu pris seul à trouver des solutions, alors que ce besoin d'accompagnement, de mieux comprendre l'applicabilité de ces principes, bien, il est exprimé, là, par différents milieux et les décideurs dans le milieu scolaire.

Mme Cadet : Merci. Dans un deuxième temps, je veux revenir sur les éléments de votre mémoire qui portent sur la question des accommodements, notamment, donc, celles pour les congés... les congés religieux, celles sur les restrictions, donc, alimentaires et, bon, ensuite, bon, il y a... de l'école à des fins de pratique religieuse comme la prière. Mais, de façon plus générale, là, au niveau de la conceptualisation des accommodements, selon ce que vous nous présentez, je veux m'assurer d'avoir bien saisi l'échange que vous aviez avec le ministre précédemment, parce que, si je vous entends bien, votre... ce que vous souhaiteriez voir dans le projet de loi, le cas échéant, donc, c'est beaucoup plus une question, donc, de neutralité, donc, face aux différents accommodements possibles. Si je me penche sur la question des congés, donc, précisément, M. Tessier, donc, vous disiez, donc, de façon générale, donc, on accommode, là... ce n'est pas le terme qu'on utilise, mais qu'on accommode les élèves, donc, pour différentes absences sans que celles-ci soient motivées, et donc, si nous souhaitions être véritablement neutres, donc, il faudrait que cette... que ce... cette non-précision, donc, des congés religieux, donc, se retrouve au cœur du projet de loi. Je vais vous laisser élaborer, si vous avez bien saisi ma question.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, peut-être aussi pour préciser qu'on peut faire une loi, mais les congés religieux ne disparaîtront pas, là. Il faut appeler un chat un chat. Des congés religieux, il y en a, et il y aura toujours une Pâque orthodoxe, une Pâque juive, il va y avoir une fête. Donc, ces congés-là, ils existent dans la vie. Dans une société diversifiée comme le Québec, ils sont là. Maintenant, c'est comment on s'adapte, comment on prend position par rapport à l'existence de ces faits-là. Bien, c'est sûr qu'il y a des congés pour lesquels c'est un peu plus simple parce qu'ils s'adonnent à arriver en même temps que le calendrier civil, puis je dis bien «calendrier civil». On s'entend qu'on n'est plus dans un calendrier de type religieux au Québec. Cela dit, les dates fonctionnent quand même bien pour le calendrier catholique. Les chrétiens orthodoxes, cette année, ça tombait bien, la Pâque juive... la Pâque orthodoxe était même temps que... Bien, il y a le nouvel an orthodoxe aussi. Donc, ce n'est pas juste aussi une question de catégoriser une religion en particulier. L'idée... Puis, je pense, j'ai entendu la communauté juive qui est venue en commission parlementaire puis qui a... qui a aussi dit : Écoutez, nous aussi, on a des... Alors, ces fêtes-là vont continuer à exister, donc elles vont continuer à se placer.

Donc là, ce qui va arriver, c'est qu'on va avoir des situations d'absentéisme, très élevé dans des endroits, parce que les gens vont s'absenter quand même. Et là comment on va réagir comme État, comme administration par rapport à ces absences-là? Et c'est un petit peu ça, la problématique que nous pose une interdiction du type mur-à-mur, là, puis je n'apprécie pas nécessairement l'expression, mais c'est un peu la façon la plus imagée qu'on peut le traduire. C'est que ça fait état que là, bien, peut-être, dans une classe, ça ne s'appliquera pas, mais peut-être qu'il y en a d'autres, ça va s'appliquer. Il y a peut-être une... Il y a peut-être des solutions qui sont mises en place, il y a peut-être des équipes-écoles qui décident de placer... parce qu'ils ont le choix, par exemple, certaines pédagogiques, ils peuvent les déplacer. Peut-être que, dans certaines écoles, ils décident... Bien, on la place là parce que c'est plus simple comme ça pour tout le monde. Il y a toutes sortes de choses qui se font. Vont-elles être encore possibles, ces solutions-là, très pratico-pratiques, qui ne changent rien à personne ou qui n'enlèvent rien à personne? C'est une pédago, c'est une pédago. Qu'elle soit le 24 janvier ou le 24 février, ça change quoi à qui? Mais peut-être que ça a un gros impact dans cette école-là.

Mme Cadet : Je vais laisser mon collègue de l'Acadie compléter.

M. Morin : Parfait. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Poulet) : Trois minutes 30.

M. Morin : Trois minutes?Très bien. Alors, je vais y aller rapidement. Merci beaucoup d'être avec nous et puis merci d'être là en virtuel.

Moi, j'ai... Il y a certains éléments que je voulais discuter avec vous, et c'est en référence à la page 22 de votre mémoire, en ce qui a trait à la clause de dérogation. Je comprends que, dans le projet de loi, et c'est une expression qui a été utilisée, le gouvernement fait du mur-à-mur, ne fait pas du sur-mesure. Et je comprends que notre charte québécoise tire, évidemment, essentiellement son essence de documents internationaux, comme le Pacte international relativement aux droits civils et politiques, d'ailleurs vous en faites la référence, et que, dans ces cas-là, évidemment, la dérogation doit être faite dans des circonstances exceptionnelles. Ici, en utilisant la clause de dérogation mur à mur, est-ce que j'ai raison de croire que les...

M. Morin : ...1 à 38 de la charte ne s'appliqueront plus ou ne pourront pas être utilisés pour faire valoir un droit.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est effectivement notre compréhension. C'est une application. Puis c'est un peu ça qu'on indique au législateur, c'est que ce qui serait intéressant ici, c'est qu'encore une fois si on veut déroger à certains éléments, peut-être pourrions-nous aller de façon plus précise. Par exemple, pour mieux assurer l'égalité dans le milieu scolaire, présentement, on déroge à l'égalité, au droit à l'égalité qui est prévu à la charte. Nous, on trouve ça un petit peu particulier.

M. Morin : Alors là, vous me devancez, ça devait être la prochaine intervention que j'allais faire.

M. Tessier (Philippe-André) : Pardon.

M. Morin : Donc, le projet de loi, finalement, vient déroger à des principes qui sont dans la charte puis qui permettent de respecter notamment la laïcité.

M. Tessier (Philippe-André) : ...c'est le droit de vivre en français, il a été ajouté en 2022 par p.l. n° 96. On y déroge.

M. Morin : Exact. On y déroge. Donc, on va déroger à... Le législateur...

M. Tessier (Philippe-André) : On déroge au droit de vivre en français pour assurer le vivre en français dans l'école publique québécoise.

M. Morin : C'est ça. Donc, sciemment, le législateur québécois va déroger au droit de vivre en français pour adopter une loi qui va faire en sorte qu'on peut vivre en français.

M. Tessier (Philippe-André) : Puis nous, ce qui nous a interrogés par rapport à ça, je vous le dis, là, c'est aussi le fait que le législateur déroge au propre cadre qui vient d'être adopté en 2019 puis en 2022, p.l. n° 21, p.l. n° 96. Puis, dans ces lois-là, il y a des dérogations. Mais là on vient déroger à la dérogation, ça fait que, même pour nous, je vous avoue bien honnêtement, c'est pour ça que nous, il faut même... même pour nous, il faut qu'on... on n'a pas encore fini d'y réfléchir qu'est ce que ça veut dire exactement?

M. Morin : Je comprends également qu'on dérogerait à des articles comme, par exemple, le droit au secret professionnel qui n'est pas tout à fait en lien avec ce dont on parle, mais...

M. Tessier (Philippe-André) : On déroge à tous les droits.

M. Morin : On va déroger à tous les droits. Ça inclut le droit pour un citoyen de déposer...

M. Tessier (Philippe-André) : De se porter candidat aux élections.

M. Morin : Oui. De déposer une pétition à l'Assemblée nationale avec un député. On va déroger à ça. O.K. Parfait.

Donc, je vous remercie, ça m'aide dans la compréhension de l'impact de la dérogation. Maintenant, vous me dites... Oui, allez-y.

M. Tessier (Philippe-André) : ...nous, on ne nie pas la capacité pour le législateur de déroger à la charte, c'est un droit expressément prévu. Nous, ce qu'on dit, c'est s'il y a dérogation, pouvez vous, s'il vous plaît, cibler quel article est visé, pour quelle finalité et quelles fins? Parce que, comme on dit, il y a plein de choses dans le projet de loi, il n'y a aucune nécessité de déroger. Puis ce n'est pas nécessaire. Mais ça envoie un message aussi que la charte, qui est notre loi quasi fondamentale, hein, notre quasi-constitution au Québec, c'est comme si ça devenait une loi ordinaire. Je ne pense pas que c'est un message que le législateur devrait envoyer aux Québécois.

M. Morin : Pis ce n'est pas la façon dont la Charte québécoise a été non plus caractérisée, définie par des tribunaux. Puis, comprenez-moi bien, je ne dis pas que le Parlement ne peut pas utiliser la clause de souveraineté parlementaire, mais j'essayais de voir avec vous quels vont être les impacts de cette clause dérogatoire, compte tenu de l'objectif qui est poursuivi par ailleurs par le législateur dans ce projet de loi. Donc, ça, ça m'éclaire. Avec le projet de loi, pensez vous que ça éviterait un autre...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Alors, on va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous. Je vais poser une question qui est assez difficile puis qui ressemble à la question que le ministre a posée. Il y a un groupe qui est venu ici en commission, PDF-Québec, puis ils nous ont dit que les élèves qui portent le niqab subissent de la maltraitance. Bon. D'une part, donc, je fais mes questions en rafale, qu'en pensez-vous? Est-ce que leurs droits sont niés? Là, évidemment, on parle de quatre cas, là. Et, si oui, comment intervenir sans faire reculer leur droit à l'éducation?

• (17 h 20) •

M. Tessier (Philippe-André) : Écoutez, là, encore une fois, nous... la commission l'a dit dès les années 90, cette question là s'est posée sur les signes religieux à l'école, elle avait dit : C'est sûr et certain que si ce qu'il y a en preuve, c'est une coercition quelconque, on arrête ça là. Si ce qui est en preuve, c'est qu'il y a des droits qui sont bafoués, bien, on arrête ça là.

Et la question du visage découvert, on le constate, on le dit dans notre mémoire, on reconnaît son caractère extrêmement sensible, on reconnaît aussi le fait qu'ici on parle d'un milieu particulier, on parle... on parle de mineurs dans un milieu éducatif. Donc, il y a des explications, des justifications tout à fait raisonnables dans une société démocratique que le législateur peut mettre de l'avant pour pouvoir savoir si cette limite là, il est raisonnable, peut-être l'est-elle. Je ne suis pas juge. Nous sommes la commission des droits. Ultimement, il y aura un... il y a un arbitre. Donc, quand on lit Locke et Montesquieu, donc c'est un peu ça l'idée de la séparation des pouvoirs, là. On se retrouve dans une dynamique où est-ce que là on pose la question, et il y a peut-être des limites qui sont tout à fait raisonnables, le visage découvert en est peut-être un pour les enfants d'âge scolaire. Et, à ce moment-là, bien, très bien, la question est tranchée, la question est réglée. Mais là ce n'est pour ça qu'on fait, on dérange, donc on n'aura pas la réponse. Donc, ce qui va arriver, c'est qu'on va avoir deux camps, un camp qui dit : on est pro laïcité, d'autres, hein, puis ils vont dire :  on a raison, on a tort. On ne tranchera pas la question, on va perpétuer ce débat-là dans l'espace public ad infinitum.

M. Zanetti : J'ai... dans le fond, je raffinerais ma question, là : Pensez-vous qu'il est possible, sans aller devant les tribunaux...

M. Zanetti : ...de déterminer à l'avance si l'élève qui porte un niqab subit de la maltraitance ou pas. Parce que ça semble être une prémisse du législateur dans ce cas-ci.

M. Tessier (Philippe-André) : Encore une fois, moi, si j'étais procureur pour le Procureur général du Québec, je ferais toute la preuve possible et nécessaire pour justifier la loi. Ça inclurait potentiellement ce genre de preuve là, si j'en ai.

Mme Pierre (Myrlande) : Parce que, la question, elle est tellement hypothétique que c'est très difficile, là, de proposer... même du point de vue de la commission, de proposer des éléments de réponse. C'est... C'est très hypothétique.

M. Zanetti : Je comprends. Merci. C'est... C'est tout. C'est bon pour moi.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Merci à vous quatre de votre participation.

Alors, on suspend les travaux temporairement, le temps que le prochain groupe s'installe.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

(Reprise à 17 h 27)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on reprend nos travaux. Je souhaite la bienvenue à Me Louis-Philippe Lampron. Alors, je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va procéder à la période d'échange. Alors, on vous écoute.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. le ministre, Messieurs et mesdames les députés. C'est un plaisir d'être ici. Merci de m'entendre.

Je commencerais la présentation, peut-être, par un clin d'œil soulignant à quel point ça fait longtemps qu'on parle de laïcité, d'accommodement religieux, de séparation du religieux et de l'État au Québec. En 2010, donc, je présentais un mémoire à l'Assemblée nationale sur un autre projet de loi n° 94, portait, celui-là... déposé par un gouvernement du Parti libéral du Québec, portait sur l'encadrement des demandes d'accommodement. Et, fait amusant, en 2010, c'était le printemps Halak. Donc, les Canadiens jouaient aussi contre Washington. Alors, je pense que c'est un signe que ça va bien se passer pour le Canadien, manifestement, cette répétition-là, là. L'oracle est... va du bon côté.

Je m'excuse également d'avoir déposé tardivement un mémoire très, très touffu. L'horaire était très, très chargé. L'Agenda donc, ne m'a pas permis de terminer avant très, très tard hier soir. Je n'ai pas eu le temps de procéder à une relecture également, alors je suis désolé pour les coquilles, etc.

La démarche que j'ai suivie en lien avec la présentation que je viens vous faire aujourd'hui, donc l'analyse que j'ai faite du projet de loi n° 94, essentiellement, moi, je suis parti du projet de loi n° 94 tel qu'il est annoncé, en fait, et tel qu'il est présenté par le gouvernement, la raison d'être du projet de loi n° 94, tel qu'en témoigne son titre. Alors, ça a été mon angle initial d'analyse, et, bien sûr, en fonction du besoin d'intervention législative, hein? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on a besoin du projet de loi n° 94.

Et donc, dans mon mémoire, dans mon introduction, je pose le contexte. Évidemment, on pourra en débattre ou en discuter lors des échanges. Mais il me semble clair que la raison pour laquelle le gouvernement dépose le projet de loi n° 94, c'est en réaction à une controverse, à une crise, en fait, qui a été révélée dans les médias, la crise qui a eu lieu à l'école Bedford, la situation inacceptable qui a perduré pendant plus de sept ans.

Et donc, dans cette crise-là, là, on est en 2023, quand on en a entendu parler au sein de la population pour la première fois, de cette crise-là. Et là, je fais référence à un résumé, là, qui est tiré du rapport d'enquête commandé par le ministère de l'Éducation. Il a notamment été question de «graves lacunes au niveau pédagogique chez plusieurs enseignants, de suivis pédagogiques qui n'ont pas été dispensés à des élèves dans le besoin, et d'enseignants qui ne laissent pas entrer les services professionnels dans la classe. Certains enseignants nieraient les difficultés d'apprentissage des élèves en qualifiant plutôt le tout de paresse ou de caprice.» Et le rapport décrit des tensions interculturelles importantes, la présence de clans, dont notamment un clan dominant composé d'un noyau dur qui tenterait de contrôler l'école.

Donc, rapidement après que soit révélée la crise et donc le contexte général qui entoure la crise à l'école Bedford, le débat dans l'espace public va tourner rapidement vers des enjeux d'entrisme religieux, des enjeux donc d'insuffisance alléguée du cadre applicable au Québec en matière de laïcité de l'État, notamment de laïcité à l'intérieur de l'école. On parle même de ce qui se passe à l'école... On décrit ce qui se passe à l'école Bedford comme étant la pointe de l'iceberg de ce qui se passerait dans d'autres écoles en ce qui concerne les manquements à la laïcité à la québécoise.

• (17 h 30) •

Et donc on est confrontés, à tout le moins c'est comme ça qu'on le présente, à un véritable problème qui va justifier qu'on renforce le cadre applicable en matière de laïcité à l'école. Alors, de manière conséquente, et c'était très sage de le faire, là, le ministère de l'Éducation va commander deux enquêtes, une qui porte spécifiquement sur l'école Bedford, ce qui s'est passé, comment on a pu en arriver là, et la deuxième sur des manquements allégués à la laïcité de l'État qui auraient eu lieu dans 17 écoles du Québec.

Alors, je me suis, bien sûr, j'allais dire tapé, mais ce n'est pas très Assemblée nationale, mais j'ai lu les rapports avec beaucoup d'intérêt, donc, qui ont été rendus. Et ce qu'on constate, c'est qu'en ce qui concerne Bedford, c'était davantage une situation de relations de travail. Et, en ce qui concerne les constats, donc, du rapport d'enquête, là, en ce qui concerne les manquements allégués à la laïcité de l'État, et là je fais référence notamment, là, aux conclusions à la page quatre de...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...mon mémoire, on parle de manquements anecdotiques en quantité, à tout le moins, là, au cadre actuellement applicable en matière de laïcité de l'État. Alors, c'est donc en ce... en réponse à ce contexte qu'on dépose le projet de loi 94 qui vise, hein, c'est son titre et c'est dans la note explicative, là, qui vise principalement à renforcer la laïcité à l'école.

 Alors, considérant l'angle d'analyse et la raison pour laquelle on a fait appel à mon expertise, là, à mon expertise en matière de protection des droits et libertés de la personne et de laïcité de l'État, évidemment, je me suis attardé à au projet de loi et aux portions qui peuvent être associées spécifiquement au renforcement de la laïcité de l'État. Et donc la première partie de mon mémoire, je fais un rappel de ce... du cadre applicable actuellement, là, depuis 2019, et même avant 2019, en ce qui concerne la séparation du religieux et de l'État. Qu'est-ce qu'a fait la loi sur la laïcité de l'État? Qu'est-ce que ça a changé et, maintenant, où est-ce qu'on en est avec l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État et qu'est ce qu'on viendrait changer avec les propositions qui se trouvent en ce qui concerne la laïcité de l'État dans le projet de loi 94.

Dans la deuxième partie, je m'intéresse plus spécifiquement aux nombreuses propositions de modification qu'on retrouve dans le projet de loi 94. Alors, ce qui est important pour moi, là, dans les cours d'appel évidemment, sinon je vous renvoie à 'est je vous renvoie à ce que j'écris dans le rapport, mais c'est important de préciser que la laïcité de l'État et le régime de séparation du religieux et de l'État, régime supralégislatif de séparation du religieux et de l'État, il n'a pas été établi par l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État en 2019. Avant 2019, depuis, aussi loin qu'un arrêt de la Cour suprême en 1985, là, il est clairement établi qu'au Québec, comme dans le reste du Canada, il y a un principe constitutionnel qui impose un devoir de réserve aux agents de l'État en matière d'expression de leurs convictions religieuses, qui impose le principe de la neutralité religieuse de l'État et qui interdit donc des actes de prosélytisme pour les agents de l'État lorsqu'ils sont dans le cadre de leurs fonctions. Évidemment, ces principes-là ne font pas partie de nos lois. Ce n'est pas dans la tradition civiliste notamment, là, on a... C'est vraiment l'analyse de la jurisprudence qui prévoit ce cadre-là. Mais ce cadre-là, il était clairement préexistant avant l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État en 2019.

Donc, le cœur de la différence, en fait qu'est-ce qui a changé concrètement pour les agents de l'État qui sont visés par la Loi sur la laïcité de l'État? La Loi sur la laïcité de l'État, puis entendons-nous bien, hein, la codification de principes jurisprudentiels, ça peut avoir des vertus très importantes, notamment en ce qui concerne la clarification de ces principes-là. Hein, ce n'est pas tout le monde qui a envie, et je réutilise l'expression se taper, là, mais des arrêts de la Cour suprême parce que c'est très long et c'est très fastidieux .alors d'être capable de condenser ces principes-là puis d'en faire une loi en disant voici ce que ça implique la laïcité de l'État, c'est quelque chose qu'on peut porter au crédit de la loi sur la laïcité de l'État. Mais si on abrogeait, demain matin, la Loi sur la laïcité de l'État, ce qu'il est important de garder en tête, c'est que l'essentiel de ces principes continuerait à s'appliquer en droit québécois et canadien.

Ce qui a changé en fait, suite à l'adoption de la loi de signes religieux, essentiellement, là, l'interdiction qui concerne tous les agents de l'État, les agents et les agents de l'État. En ce qui concerne la capacité de porter des signes religieux qui voilent le visage. Une manière sibylline de parler du niqab et de la burqa et une interdiction de tout signe religieux visible qui est applicable uniquement pour certaines catégories des agents de l'État et, en ce qui nous concerne, pour le projet de loi 94, le choix qui a été fait en 2019 par le législateur, ça a été de faire entrer les enseignants et les enseignantes à l'intérieur de cette catégorie-là, en se fondant sur l'argument de l'autorité. En fait, ce sont des agents de l'État qui sont en situation d'autorité par rapport aux enfants, et c'était la raison principale qui justifiait pourquoi on avait élargi le fameux compromis Bouchard-Taylor d'une telle manière qu'à interdire le port de signes religieux aux enseignants et aux enseignantes, en plus des autres agents de l'État, là, qui ne peuvent plus porter de signes religieux sur le lieu de travail.

Alors, une fois ces principes rappelés, là, dans mon mémoire, je m'intéresse maintenant aux propositions de modifications qui ont été mises de l'avant dans le projet de loi 94. Et ce qui frappe d'emblée, ce qui étonne en fait, c'est qu'il semble que, pour un projet de loi qui vise principalement à renforcer la laïcité de l'État, j'ai trouvé qu'il y avait un nombre important de modifications qui visaient à renforcer les pouvoirs du ministère de l'Éducation et du ministre de l'Éducation et qui permettaient même une certaine forme d'ingérence à l'intérieur de ce qui se passe dans les salles de classe, ce qui dépasse largement la question, bien sûr, de la laïcité de l'État. Ça, c'est le premier constat que je mets de l'avant dans mon mémoire.

Maintenant, en ce qui concerne spécifiquement la laïcité de l'État, il y a plusieurs constats que je fais, notamment sur le fait qu'il y a peut être, dans certaines circonstances, et là je vais passer à la conclusion, là, pour résumer les principales conclusions que recommandations que je fais suite à mon mémoire. Mais il y a beaucoup, beaucoup de choses. C'est un projet de loi, et il faut se lever de bonne heure pour être capable de le suivre, parce qu'il faut regarder la loi sur l'instruction publique et regarder le...

M. Lampron (Louis-Philippe) :...le projet de loi n° 94 pour bien comprendre l'avant, après, avec toutes les propositions, et elles se multiplient, là, qui sont mises de l'avant avec le projet de loi n° 94.

Alors, d'une part, il nous semble... il me semble que le titre de la loi est trompeur en ce sens que ce n'est pas un projet de loi qui vise principalement à renforcer la laïcité de l'État.

Évidemment, il y a des commentaires qui sont faits sur la dérogation, encore une fois, mur à mur. Là-dessus, je joins ma parole à celle qui a été portée par la Commission des droits de la personne. On se trouve carrément à déroger à un régime qui déroge déjà aux droits et libertés... à tous les droits et libertés de la personne qui sont intégrés dans la Charte québécoise et dans la Charte canadienne, tout le moins dans la mesure où il est possible de déroger aux droits protégés par la Charte canadienne, les articles deux et 7 à 15.

En ce qui concerne donc l'élargissement des deux interdictions, donc, qui ont été mises de l'avant et qui sont venues changer le cadre applicable en matière de laïcité de l'État, il est tout de même étonnant, voire troublant que, quand on regarde les constats qui sont faits du rapport d'enquête sur l'affaire Bedford et du rapport d'enquête... Oui?

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse, M.... Me Lampron. Le temps est écoulé déjà.

M. Lampron (Louis-Philippe) :C'est... Mais c'est...

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. Ça va vite.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je parle trop. Oui. C'est ma blague sur le printemps Halak, en fait, j'ai mangé du temps avec ça.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, voilà. On va poursuivre. On va enchaîner avec les discussions. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Très bien. Merci beaucoup, Professeur Lampron. Bien, je souhaite que votre prédiction se réalise en ce qui a trait aux Canadiens. Peut-être que c'est le destin. On verra bien.

Je... Alors, écoutez, je... vous l'avez vous-même souligné, là, puis ce n'est pas un reproche que je vous fais, le mémoire nous est parvenu aujourd'hui et puis je n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance comme j'aurais voulu le faire.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je peux continuer mon exposé si vous voulez.

M. Drainville : Oui, je sais, je sais. Mais j'ai quand même pris connaissance de vos propos. Dans la foulée du dépôt de la loi 21 sur la laïcité de l'État, vous avez fait référence, dans une prise de position, aux groupes religieux minoritaires qui croient sincèrement devoir porter certains signes religieux pour se conformer à leur foi.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui.

M. Drainville : Vous reconnaissez avoir tenu ces propos?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui.

M. Drainville : J'ai le goût qu'on discute, vous et moi, là. C'est la fin de la journée, puis des fois, ça se prête davantage à des discussions à caractère philosophique. La croyance sincère, c'est un concept sur lequel s'est appuyé... sur lequel se sont appuyés les tribunaux pour conférer à la liberté de religion, je dirais, le statut d'un super droit. Et je... la question que j'avais le goût de vous poser, c'est : Est-ce que cette croyance sincère, reconnue par les tribunaux, en particulier par la Cour suprême, est-ce qu'elle doit faire foi de tout, sans jeu de mots? Est-ce qu'il n'est pas raisonnable et légitime que le législateur, par exemple, dise non à certaines pratiques religieuses, même si elles s'appuient sur la croyance sincère? Par exemple, de dire : Nous, comme Québécois, nous refusons le voile intégral dans les salles de classe, la personne qui porte le niqab ou la burqa le fait peut-être par croyance sincère, mais nous refusons de franchir cette ligne-là, c'est un... c'est un principe trop important, et, même s'il y a un croyant sincère, il y a aussi croyance sincère de la part de la société québécoise que nous n'accepterons pas ce vêtement qui emprisonne la femme, qui vise à la faire disparaître de l'espace public, qui brime sa dignité, qui brime le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, donc oui, il y a peut-être certainement, dans certains cas, croyance sincère, mais il y a aussi la conviction sincère et le principe très sincère auquel nous adhérons comme société et nous n'accepterons pas ce type de symbole religieux. Est-ce que c'est légitime, ça, pour vous comme argument?

• (17 h 40) •

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, c'est certain que là, vous posez une question qui est très spécifique par rapport à votre projet de loi. Puis ça me permet peut-être de rebondir sur le fait que, moi, ce qui m'a étonné dans votre projet de loi, c'est que, quand on regarde les rapports sur... d'enquête sur ce qui s'est passé à Bedford et quand on regarde le rapport d'enquête qui a été commandé quant aux manquements allégués à la Loi sur la laïcité de l'État dans 17 écoles...

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...du Québec. La réponse dans le projet de loi n° 94 est complètement décalée par rapport à ce qui a été constaté, en fait. Alors, évidemment, il y a des portions qui concernent le visage découvert, puis je fais plusieurs précisions en ce qui concerne l'idée de la laïcité de l'État. Ça donne une légitimité très, très grande en fait, à l'État pour être capable de limiter l'expression des convictions religieuses, quelles qu'elles soient, par ailleurs, des agents de l'État quand ils sont sur leur lieu de travail. Là où ça devient plus étranger au concept de laïcité de l'État, c'est quand on veut se fonder sur la laïcité de l'État, qui est l'opérationnalisation de la séparation du religieux et de l'État en fait, et qu'on demande à des citoyens et des citoyennes de se limiter au nom de la laïcité de l'État dans l'expression de leurs convictions religieuses dans l'espace public. Là, il y a un amalgame, en fait, qui est fait dans le projet de loi n° 94, en ce qui concerne spécifiquement la question du niqab. Et donc ça pose des questions importantes, notamment sur qu'est-ce qu'on fait avec l'élève ou les quatre élèves qui ont été constatés portant un niqab sur l'école publique en lien avec le souhait qu'on a. On ne peut pas les abandonner, ces personnes-là. Alors, si on veut les aider, qu'est ce qu'on fait? Est-ce que c'est une interdiction avec sanction qui vient avec une impossibilité qu'elles fréquentent l'école? Tous ces enjeux-là ne me paraissent pas suffisamment documentés pour qu'on en vienne à une conclusion claire sur cet enjeu très problématique là. Ça, c'est la première chose.

M. Drainville : Qu'est-ce qui n'est pas suffisamment documenté, là, à votre... à vos yeux?

M. Lampron (Louis-Philippe) : Bien, c'est-à-dire qu'à partir du moment où cette personne-là, qui est une mineure en l'espèce, porte un signe religieux comme celui-là, puis j'y reviens dans mon mémoire, le niqab et la burqa, ce n'est pas un signe religieux comme les autres, ce n'est pas un signe religieux qui n'entre pas en tension directe, voire en choc avec la conception de l'égalité entre les femmes et les hommes, en fait. Alors, c'est un... c'est un signe religieux comme les autres. Maintenant, qu'est ce qu'on fait?

M. Drainville : ...conflit avec l'égalité, vous dites.

M. Lampron (Louis-Philippe) : Tout à fait. Le niqab et la burqa, ce n'est pas un signe comme les autres dans ce sens-là, et je l'ai déjà dit, et je le remaintiens dans mon... Maintenant, la question, c'est... Il y en a beaucoup, en fait. Pourquoi un projet de loi qui cible cette situation-là, ce signe-là en particulier, qui renforce le cadre qui est déjà applicable et qui permet de traiter des situations comme celles-là au cas par cas, dans un contexte où, encore une fois, les rapports d'enquête sur Bedford et les manquements allégués à la Loi sur la laïcité de l'État dans 17 écoles ne nous mènent pas à une situation d'urgence, de crise ou encore de... Moi, je ne le vois pas, là, le besoin que je vous entends dire sur les tribunes, selon lequel il y a une insuffisance du cadre applicable en matière de laïcité de l'État d'une part. Et d'autre part, s'il y a un problème associé à l'école Bedford, bien, pourquoi ne pas s'attaquer à la question du prosélytisme qui, là, va être absolument transversal et qui va concerner toutes les religions? C'est quand on se focalise uniquement sur le port de signes religieux, puis là on parle du niqab, mais il y en a bien d'autres qui sont en cause dans le projet de loi n° 94, on laisse de côté une forme de radicalité religieuse, chrétienne en fait, qui n'a pas... et qui ne vient pas avec le port de signes religieux. Alors, l'interdiction du prosélytisme bien cadré, pas cadré dans la manière que vous l'amenez dans le projet de loi n° 94, ça aurait pour vocation, par exemple, d'assurer que l'État va pouvoir identifier et gérer plus facilement des situations où, pour des motifs, qu'ils soient philosophiques, politiques ou religieux, un enseignant ou une enseignante refuse de donner une portion du cursus minimal obligatoire.

Là, le problème, c'est qu'il y avait une situation qui était très controversée en raison. C'était inacceptable, ce que moi, j'ai entendu et que j'ai lu dans le rapport, le fait que ça avait duré sept ans à l'école Bedford. Mais la réponse gouvernementale m'apparaît complètement décalée par rapport à ce qui était nécessaire en matière de laïcité. Mais c'est que le problème, c'est que, sur une loi qui vise officiellement à renforcer la laïcité de l'État, on se trouve à multiplier les pouvoirs qui donnent au ministère de l'Éducation et au ministre de l'Éducation la capacité d'agir sur le cursus, et pas uniquement en matière de laïcité, sur le cursus général applicable et donné dans les écoles.

M. Drainville : Oui, mais vous comprenez que, si un enseignant refuse d'enseigner la science...

M. Lampron (Louis-Philippe) : Oui.

M. Drainville : ...parce qu'il ne croit pas à la science en raison de ses convictions religieuses...

M. Lampron (Louis-Philippe) : C'est réglé, il ne peut pas faire ça.

M. Drainville : ...c'est un lien. Le lien est assez évident avec la laïcité, là.

M. Lampron (Louis-Philippe) : Bien, il est évident avec la laïcité telle qu'elle est applicable aujourd'hui, mais pas avec les mesures que vous renforcez dans votre projet de loi. C'est-à-dire que dans l'état actuel des choses, et je vous réfère aux arrêts Commission scolaire des Chênes et Loyola, là, le devoir de réserve en matière d'expression des convictions religieuses avant la Loi sur la laïcité, tel que ça a été codifié dans la Loi sur la laïcité de l'État, ça permet au gestionnaire d'agir pour sanctionner un enseignant qui, par exemple, essaierait de convertir ses élèves dans le cadre de son emploi, ou encore qui refuserait de donner des portions du cursus minimal des professeurs.

M. Drainville : Oui, mais Pr Lampron, là, on n'est pas seulement dans un débat théorique, là, sur ce que permet le droit, là. Tout à l'heure, je ne sais pas si vous étiez là, là, mais je donnais l'exemple d'un extrait du rapport sur les 17 écoles, qui affirmait que le fait d'avoir émis une directive sur l'interdiction des lieux de prière et des activités religieuses dans les écoles...

M. Drainville : ...ça avait donné aux gestionnaires les outils très concrets qui leur ont permis d'intervenir. Alors, vous pouvez citer abondamment les différents jugements, à un moment donné, les gestionnaires, eux, ils travaillent dans le réel, avec des vrais élèves, dans des vraies écoles...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Tout à fait.

M. Drainville : ...et ils n'ont pas nécessairement les outils juridiques, ou la connaissance de la jurisprudence, ou encore la confiance que devrait peut-être leur procurer cette jurisprudence. Et là il faut que le législateur fasse son travail et donne des règles claires. C'est ce que j'ai fait avec la directive sur les activités religieuses, les lieux de prière. Et, oui, le rapport sur les 17 est très clair, il y a des gestionnaires qui hésitaient à intervenir puis qui ont décidé de le faire parce que là, à leurs yeux, la règle était claire.

Je pense que le projet de loi va faire office de clarté, il va permettre, justement, une meilleure application, dans certains cas, de règles existantes, en vertu de jugements existants. Vous avez raison là-dessus. Mais moi, je ne suis pas juriste, je ne suis pas constitutionnaliste, je n'enseigne pas le droit dans une université. Moi, je suis législateur, ministre de l'Éducation, et je veux que les règles soient appliquées, et, parfois, oui, il faut légiférer, au nom de la clarté.

M. Lampron (Louis-Philippe) :C'est très bien. Moi, je trouve ça louable et je suis complètement d'accord avec vous là-dessus. Ça a vraiment des vertus, en fait, que de ramasser des principes et de les faire loi, en fait.

M. Drainville : Oui, absolument.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Très, très bien. Le problème, en fait, c'est que, dans le projet de loi n° 94, moi, je vois deux choses qui sont en... incompatibles avec l'énoncé que vous venez de faire. Un, si l'objectif, c'est d'outiller... de mieux outiller les gestionnaires pour faire face à un Bedford 2.0, en quoi ça a rapport avec l'interdiction de plus de signes religieux, en fait? Là, on ne parle pas du niqab et de la burqa. On parle du fait que vous venez d'accroître la catégorie de membres du réseau de l'éducation qui ne pourront plus porter des signes religieux. Puis ça, c'est mon premier élément : En quoi ça répond à la situation de Bedford?

Une deuxième problématique, là où il y a vraiment une piste intéressante, sur la codification du principe visant à... qu'est-ce que c'est qu'un professeur peut faire ou ne peut pas faire. Vous parliez, par exemple : Est-ce qu'un professeur qui ne croit pas à la science peut dire : Moi, je ne donne pas la science dans mes salles de classe? Pour moi, c'est très, très clair dans la jurisprudence. Et vous faites un effort, là. Je vous réfère aux articles 258.03 et 479.2, que vous voulez faire entrer dans la Loi sur l'instruction publique. C'est intéressant, mais, malheureusement, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions, je ne sais pas si c'est laïque de dire ça. Mais, grosso modo, ces articles là, tels qu'ils sont libellés, ils vont mener à quelque chose qui va desservir l'objectif.

Je fais la lecture de 479.2, qui est proposé à l'article 39 du projet de loi n° 94 : «Il est interdit d'influencer ou de tenter d'influencer, en étant motivé par une conviction ou une croyance religieuse, l'exercice d'un pouvoir ou d'une fonction ou l'accomplissement d'un devoir ou d'une obligation prévu par la loi.» Bon, là, c'est parce que ça, on fait complètement abstraction du fait que les convictions politiques, morales, philosophiques, ça se construit en couches, en fait, et que c'est très, très difficile, à un certain moment, de dépatouiller tout ça, en fait, et de dire : Ça, c'est une partie de mes convictions religieuses, les autres, non, c'est plus... c'est ma... mes convictions personnelles.

Alors, le principe du prosélytisme est beaucoup plus opérationnalisable que les choix que vous avez faits à ces dispositions-là, qui m'apparaissent problématiques, et même, pouvoir mener à des applications discriminatoires, étant entendu que, si une personne vient... est d'origine maghrébine, il est tout à fait possible qu'on l'assimile à une musulmane, et que, donc, cette personne-là, quand elle va prendre des prises de position, là, on va peut être se demander plus facilement si ce n'est pas motivé par ses convictions religieuses, alors qu'une personne qui s'appelle Tanguay, Bérubé ou Drainville on va... bien, c'est ça, il est comme ça, il est carré.

• (17 h 50) •

M. Drainville : Quand vous dites : L'objectif de 94, c'est d'éviter un Bedford 2.0, vous avez raison, en partie. Mais soyons prudents ici, ou soyons davantage précis. L'objectif du projet de loi n° 94, ce n'est pas simplement de prévenir un Bedford 2.0, c'est aussi de répondre au rapport sur les 17, qui documentait, de façon très précise, qu'il y a présentement, dans le réseau scolaire, des manquements concrets, évidents, répétés, dans certains cas, de manquements à la laïcité. Et donc le projet de loi n° 94 nous donne également l'occasion de venir corriger ces manquements. Donc, ce n'est pas simplement un Bedford 2.0 qu'on veut éviter là. On veut, effectivement, s'assurer que la laïcité soit bel et bien respectée dans le réseau scolaire, et c'est pour ça qu'on apporte un certain nombre de modifications, d'ajouts, de précisions, etc.

Il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais je veux revenir à la croyance sincère. Il a été documenté, notamment dans le rapport sur les 17, que des personnes qui portaient un signe religieux ont accepté de le retirer pendant les heures de travail, et ça, pour moi, c'est très important, parce que je ne doute...

M. Drainville : ...pas de la croyance sincère de ces personnes qui portaient un signe religieux. Je ne doute pas de leur croyance sincère. Ça leur appartient. C'est un droit fondamental. Mais elles ont accepté l'obligation ou la responsabilité qui vient avec leurs fonctions, responsabilités prévues par la loi, obligation prévue par la loi de retirer donc leurs signes religieux pendant les heures de travail. Et donc, moi, ce que ça me dit, c'est que la croyance sincère, ce n'est pas un absolu. Il y a des personnes qui ont des croyances sincères et qui acceptent que pendant un certain nombre d'heures de leur journée, retirer le signe religieux est quelque chose pas juste de... pas juste légal, mais qui est compatible avec leur foi.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, c'est certain...

M. Drainville : ...avec leur foi, avec leur croyance sincère.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, je comprends.

M. Drainville : Et, ça, je pense qu'on l'oublie trop souvent.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je comprends sur l'effet de l'adoption de l'interdiction de port de signes religieux. Mais c'est certain qu'à partir du moment où vous les confrontez au choix de garder leur emploi ou d'enlever leurs signes religieux, le choix, il... ça penche un petit peu plus en faveur du retrait du signe religieux.

Et, la grande question, c'est : Est-ce que... Parce que la question posée est très, très bonne : Est-ce que... Est-ce qu'il est raisonnable et légitime... Est-ce que.... Est-ce que parce que moi, je crois sincèrement devoir porter des signes religieux, l'État ne peut jamais m'interdire d'en porter? La réponse, c'est non. Il y a des situations, il y a peut-être même des corps d'emploi, de métier... Moi-même, je faisais partie de celles et ceux qui croyaient que, dans l'état actuel de la jurisprudence, le compromis Bouchard-Taylor, qui a été désavoué par Charles Taylor, mais peu importe, le compromis Bouchard-Taylor avait des chances de passer le test de la justification de l'atteinte à la liberté de conscience et de religion si vous n'aviez pas dérogé mur à mur aux chartes québécoise et canadienne pour qu'on soit capables...

M. Drainville : Êtes-vous toujours... Êtes-vous toujours de cet avis? Est-ce que vous...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, moi, je n'ai aucun... moi, je crois qu'il y a...

M. Drainville : Vous appuyez toujours le, entre guillemets, compromis Bouchard-Taylor?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Moi, je... Bien, encore une fois, le... Comment dire? Il y a eu... Il y a des conséquences à l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État et qui a été accompagnée d'une dérogation mur à mur aux dispositions qui protègent le droit à l'égalité, notamment, dans un contexte où il y a quand même l'impact majoritaire. L'impact le plus important qui découle de l'interdiction de port de signes religieux visibles, il est vécu par les groupes religieux minoritaires. On a beau dire, là, revenir à l'exemple qui avait été donné par la commission Stasi à l'époque, là, en France en disant d'interdire le port de signes religieux, ce n'est pas discriminatoire parce que ça vise toutes les religions, ça concerne autant le voile musulman que les kippas juives, que les chrétiens qui portent de grandes croix. Il faut les voir, ils sont où, les chrétiens qui portent de grandes croix? Alors, il y a vraiment un effet qui désavantage. Il y a des groupes qui croient sincèrement devoir porter des signes religieux. Eux sont impactés, pour parler comme Michel Bergeron, par cette interdiction-là, alors que la majorité de la population québécoise, elle n'a aucun effort à faire pour respecter cette interdiction-là. Alors, il y a une atteinte prima facie au droit de ces groupes religieux minoritaires qui découle de l'interdiction de port de signes religieux. Maintenant, est-ce qu'elle pourrait se justifier dans une société libre et démocratique? C'est tout le débat dont on a été privé, parce que le débat devant la Cour suprême qui va se faire, il va porter sur la légitimité du recours à la disposition de dérogation, que certains, certaines, maintenant...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre. On a dépassé le temps.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Désolé.

La Présidente (Mme Poulet) : Oui. C'est moi qui est désolée de vous interrompre.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui. Je m'emballais.

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit la discussion avec le député de l'Acadie.

M. Morin : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Professeur Lampron. Merci, merci d'être avec nous. Merci aussi pour le mémoire que vous avez produit.

Dans les quelques minutes, parce que vous étiez sur une lancée, puis là, woups! On vous a coupé, là, c'est qu'on est pris avec le temps, n'est-ce pas, et Mme la Présidente fait bien ça, elle gère le temps, mais je vous permettrais de terminer sur le temps que j'ai, parce que là, vous étiez parti avec quelque chose qui était vraiment intéressant.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Oui. Bien, la question, en fait, c'est que là, maintenant, on est en train de rebaptiser ou d'essayer de rebaptiser la disposition de dérogation «clause de souveraineté parlementaire. Puis, pour moi, on tombe dans la catégorie de ce que j'appelle, et je vais parler avec un anglicisme, je suis désolé, du «rebranding», en fait. C'est-à-dire qu'il faut appeler un chat un chat. Quand on déroge aux droits fondamentaux, la conséquence nette, peu importe la raison pour laquelle on le fait, c'est qu'on empêche les justiciables de contester la disposition législative en se fondant sur les droits et libertés protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise. Alors, on a beau dire qu'on le fait pour protéger la souveraineté parlementaire, l'effet net du recours à la disposition de dérogation, ça demeure de déroger aux droits et libertés de la personne. Bon.

Alors, le débat qui se fait actuellement et la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État en raison de ce choix-là qui a été fait et qui est maintenu, puis là-dessus, le gouvernement a le mérite de la cohérence, on peut le dire comme ça, en accompagnant le projet de loi n° 94 pour tout ce qui concerne la laïcité de l'État, d'une redérogation, c'est justement que ça, ça nous prive de l'avis d'un tiers indépendant, puis ça prive surtout...

M. Lampron (Louis-Philippe) :...le gouvernement de l'opportunité de faire valoir ses arguments pour justifier la raisonnabilité d'une portion des interdictions qui sont rajoutées par la Loi sur la laïcité de l'État. Parce qu'il peut y avoir de très, très bons motifs, on l'a vu, et ça avait structuré, d'ailleurs, le compromis Bouchard-Taylor. Maintenant, on peut être en accord et en désaccord, mais ce n'est pas au gouvernement d'être juge et partie et de dire à la population : Fiez-vous sur nous, c'est raisonnable, en fait, et c'est un bel équilibre entre les droits de la majorité et les droits de groupes minoritaires. L'effectivité des droits et libertés de la personne, de la Charte québécoise comme de la Charte canadienne, ça passe, de manière incontournable, par l'existence d'un tiers indépendant, qui est capable de porter un jugement sur l'action du législateur, parce que c'est le législateur qui doit respecter les droits et libertés de la personne.

Alors, après ça, on peut bien en débattre jusqu'à demain matin de la légitimité de l'arbitre canadien, qui a été mis en place, depuis 1982, pour déterminer la portée des droits et libertés de la personne, mais on se dessert collectivement si on va dans le sens de déroger au nom des droits de la majorité. C'est antinomique avec la raison d'être des textes sur les droits fondamentaux, qui est de protéger les groupes minoritaires des abus potentiels de groupes majoritaires.

M. Morin : Je vous remercie. J'ai lu... J'ai lu votre mémoire avec attention. Le projet de loi n° 94, d'après vous, il éviterait un Bedford 2.0?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, écoutez, je... Là, encore une fois, la grande question, c'est... Et je reviens aux deux parties du projet de loi n° 94. Il y a les portions qui concernent la laïcité de l'État. Pour moi, il y a des... La seule portion de ces dispositions-là qui pourrait, par le truchement de la codification des principes concernant le devoir de réserve et le prosélytisme, là, aider les gestionnaires à éviter un Bedford 2.0, si tant est que ça a été nourri par des convictions religieuses, là, une portion de cette crise-là... parce que ce n'est pas clair, ce qui ressort du rapport Bedford, quant aux motivations, là, des membres de ce clan-là, là, qui étaient problématiques, c'est que c'est libellé d'une telle manière qui a mené à une pente glissante, qui va nous desservir, à terme. Alors, moi, j'en suis, c'est pour ça que je fais des recommandations, si tant est qu'on reformule ces dispositions-là pour mettre l'accent sur l'interdiction du prosélytisme, en fait, là, qui réfère, nécessairement, à une tentative de conversion à une religion, ou encore, à un refus de faire une partie de son travail sur la base de convictions religieuses. Ça, c'est des critères qui sont objectifs puis qui peuvent permettre à des gestionnaires de dire : Ça, non, toi, professeur de sciences, tu enseignes le cursus minimal obligatoire, peu importe tes convictions religieuses, ça fait partie de ta job. Ça, c'est quelque chose qui est tout à fait compatible avec le principe de laïcité de l'État. Alors, dans ce contexte-là, bien, je trouve que le projet de loi n° 94, si on reformule ces dispositions-là, ça pourrait, effectivement, être utile, par le truchement de la codification.

Maintenant, je remets en doute, au vu de ce qui s'est passé à Bedford, là, le fait qu'on élargisse subitement le port... les catégories de membres du réseau de l'éducation qui ne pourront plus porter de signes religieux sur le lieu de l'école. Puis il y a même une contradiction avec l'argument qui avait été mis de l'avant par le gouvernement pour justifier l'élargissement du compromis Bouchard-Taylor aux enseignants et aux enseignantes, c'est-à-dire le fait que les enseignants et enseignants sont en situation d'autorité par rapport aux enfants. Bon, ça, c'est la première partie.

La deuxième partie... Mais là, encore une fois, c'est à savoir si les gestionnaires avaient en main tous les outils pour intervenir, puis que c'est leur inaction qui a créé la crise de Bedford. Moi, je ne suis pas un grand spécialiste du droit du travail, mais c'est ma mineure, en fait, puis il me semble que les gestionnaires... et les règles applicables en matière de relations de travail... avaient tout en main pour être capables d'agir au jour un de la crise, en fait, et à s'assurer que les enseignants qui agissaient de manière toxique, qui refusaient des portions du travail qu'ils devaient faire, bien devaient être sanctionnés, rappelés à l'ordre, etc. Maintenant, le gouvernement, manifestement, croit le contraire.

• (18 heures) •

Mais là on se trouve vraiment à faire des propositions qui permettent au gouvernement, au sens très large, pas juste au ministre de l'Éducation puis au ministère de l'Éducation, là, de se mettre les deux mains dans les cursus qui vont être donnés dans les écoles, puis moi, je vois là une problématique, parce que ça s'inscrit dans une tendance lourde à la centralisation des pouvoirs exécutifs puis à la capacité d'intervention, on va le dire, là, du ministère de l'Éducation et de... du gouvernement comme tel à l'intérieur de ce qui se passe dans les écoles. Puis moi, ça, ça m'apparaît problématique, en fait, parce que l'exécutif...

J'entendais le président de la Commission des droits de la personne, tout à l'heure, faire référence à Montesquieu puis à Locke. La séparation des pouvoirs, surtout quand on parle d'enjeux aussi importants que les valeurs québécoises et les valeurs démocratiques, ça ne peut pas être le gouvernement qui les définit d'une politique à l'autre, en fait, parce que le... c'est des enjeux qui sont trop importants pour que ce soit mis dans les mains de l'exécutif gouvernemental. Il faut absolument que ce soit l'Assemblée nationale qui se prononce, puis qu'on passe le processus législatif puis qu'on ait l'occasion de... d'entendre toutes celles et ceux qui sont concernés et visés par ces fameuses valeurs québécoises, pour qu'elles soient véritablement consensuelles.

Et c'est la même chose sur le respect de l'expertise de...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Lampron (Louis-Philippe) :...et ceux qui font vivre l'école au quotidien puis voir qu'ils la tiennent à bout de bras, en fait, parce que j'y fais fait référence indirectement. Mais le système de l'éducation, on va le dire, est carrément en crise en fait. Et le fait de rajouter des mesures de contrôle, je ne vois pas dans quelle mesure ça va nous aider à sortir de ce bourbier-là en rendant la profession plus attractive.

M. Morin : Je vous remercie. J'ai une autre une autre question pour vous. Ma compréhension du projet de loi s'attarde beaucoup sur le port de signes religieux, mais pas comme tel sur le prosélytisme. Et corrigez-moi si je fais erreur, mais ma compréhension de ce qui s'est passé, notamment à Bedford, par certains enseignants, c'est qu'ils ne portaient pas des signes religieux, mais, par exemple, ils essayaient de convertir les gens à leur foi et...

M. Lampron (Louis-Philippe) : Tout à fait. Bien, en tout cas...

M. Morin : ...en fait, c'est ce que j'ai compris. Ce n'est peut-être pas ça, mais, moi, c'est ma compréhension. Et...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Quand on parle, par exemple... Je m'excuse de vous interrompre. Mais on a fait référence beaucoup aux problèmes d'entrisme religieux, un problème auquel il faudrait qu'on s'attaque, bien, pour faire face à l'entrisme religieux, il faut outiller les gestionnaires pour s'assurer que, si les acteurs et actrices du réseau de l'éducation sont motivés par un agenda religieux, quel qu'il soit musulman, chrétien, juif, on soit capable de dire non, en fait.  

M. Morin : Et, dans le projet de loi n° 94, le législateur aurait l'opportunité de régler ça...

M. Lampron (Louis-Philippe) : Tout à fait, tout à fait.

M. Morin : ...mais il ne le fait pas présentement.  

M. Lampron (Louis-Philippe) :Mais il ne le fait pas bien, le problème, en fait. Et là je vous réfère...

M. Morin : O.K.Alors, commentpourrait-il le faire mieux?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je vous réfère donc à la portion, tant qu'à l'avoir écrit, je vous réfère à la portion de mon mémoire...

M. Morin : Êtes-vous à la page...

M. Lampron (Louis-Philippe) : ...2.1.

M. Morin : Êtes-vous à la page 18?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je suis à la page... Oui, page 18...

M. Morin : Page 18.

M. Lampron (Louis-Philippe) :...2.1, d, dans mes recommandations, en fait... bien, c'est-à-dire que, oui, il y a un problème, en fait, avec la manière qu'on a de libeller. Puis j'ai lu tout à l'heure une portion de 479.2, je vais vous lire 258.03 : «Le centre de services scolaire s'assure que la conduite des membres de son personnel et de toute personne appelée à dispenser des services, pour le compte de celui-ci, est exempte de considération religieuse.» Qu'est-ce que ça veut dire? Et là on est complètement éloigné de l'idée de prosélytisme. Qu'est-ce qu'une considération religieuse, exempte de considération religieuse? C'est absolument inopérationnalisable. Encore une fois, on sent l'intention, l'intention, c'est vraiment d'avoir les pouvoirs puis de permettre au gestionnaire d'éviter Bedford 2.0. Dans ce contexte-là, les dispositions sont mal formulées.

M. Morin : Et, à ce moment-là, quelle serait l'expression ou les mots qui devraient être utilisés pour éviter justement qu'il y ait du prosélytisme et qu'on s'assure effectivement que l'école est laïque? Voilà.

M. Lampron (Louis-Philippe) :Je lis l'avant-dernier paragraphe du... l'avant-dernier paragraphe de la page 19 de mon mémoire : En ce sens, si tant est que l'objectif poursuivi soit effectivement de codifier la portée du devoir de réserve des membres du personnel du réseau de l'éducation en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes et du contenu obligatoire des cours, il serait largement préférable de s'en tenir au concept d'interdiction des actes de prosélytisme et de devoir de réserve en ce qui concerne l'expression de ses convictions religieuses sur le lieu de travail.»

M. Morin : Donc, si je vous comprends bien, plutôt que de parler d'exemption de considération religieuse, ce qui est le libellé retenu par le législateur dans son projet de loi, il serait préférable de parler en fait, bon, d'interdiction des actes de prosélytisme et du devoir de réserve...

M. Lampron (Louis-Philippe) :C'est que là on est dans du...

M. Morin : ...on est au cœur.

M. Lampron (Louis-Philippe) :...on est dans du tangible surtout,  parce que là, si on essaie de faire du neuf avec du vieux, le problème, c'est qu'en droit les nouveaux concepts, ça permet des interprétations. Et, moi, je vois, là, toutes les lumières rouges s'allument quand je regarde le libellé des dispositions qui sont proposées, notamment pour la possibilité d'application discriminatoire de ces considérations-là, qui sont beaucoup trop individualisées et individualisables, d'une part, et, d'autre part, qui ne tiennent pas compte du fait qu'il y a des convictions personnelles. Bien, je veux dire, moi, j'ai été élevé, j'ai été baptisé, je ne suis plus du tout croyant, mais, je veux dire, je suis... Une partie de mes valeurs, ça doit avoir un lien avec... et être cohérent avec les valeurs chrétiennes, en fait, essentiellement.

Alors, comment faire pour départager ce qui relève du personnel, du construit et de ce qui relève de mon éducation dans mon... dans ma lointaine enfance religieuse? Je veux dire, c'est absolument impossible de départager ça, puis ça peut mener à des applications discriminatoires en fonction du fait que la personne, je le disais tout à l'heure, elle provient et elle provient, par exemple, d'une région... elle provient du Maghreb, par exemple. Et là on fait des amalgames beaucoup, c'est largement documenté, puis là on risque de lui poser des questions ou encore de la remettre en question beaucoup plus avec ces critères-là, que si on y va avec des critères qui réfèrent à des religions collectives, en disant — l'exemple qui était donné par le ministre, par exemple : Moi, je refuse d'enseigner la science, parce que je mets ma conviction... mes convictions religieuses font en sorte que je n'y adhère pas. Je suis créationniste, par exemple. Mais ça, c'est non, ça, c'est hors jeu...

M. Lampron (Louis-Philippe) :...et c'est facile, en fait, d'y faire référence avec l'interdiction du prosélytisme, en fait.

M. Morin : Du prosélytisme, et non pas... vous pouvez ne pas porter de signe religieux et...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Les signes religieux, on est ailleurs, en fait.

M. Morin : On est ailleurs. Très bien. Je vous remercie. Dans le projet de loi, on utilise... le gouvernement veut aussi utiliser la clause de dérogation à nouveau. Vous avez mentionné, effectivement, il y a une cohérence avec ce qui a été fait dans le passé, mais on veut utiliser la clause de mur-à-mur, donc pas de sur mesure. Quels sont les... En fait, ça va faire en sorte que les gens ne pourront pas utiliser les articles 1 à 38 de la charte québécoise. Donc, ça voudrait dire que, si jamais il y avait une contestation, par exemple... Le gouvernement ne cible en rien certains droits qui pourraient être exclus, et, comme je l'ai mentionné précédemment, ça pourrait... en fait, ça inclut même... ça exclut, en fait, de l'article 9.1, la charte, qui parle de l'égalité hommes-femmes, de la laïcité de l'État, de...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. C'est tout le temps que nous avons. Alors, on poursuit la discussion avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Il y a quelque chose, dans le projet de loi, bon... il y a une volonté de clarifier des encadrements pour la pratique, là, des gens qui sont des directeurs d'école, ou, etc. Puis vous reconnaissez vous aussi que c'est pertinent de...

Des voix : ...

M. Zanetti : Excusez-moi, c'est un petit peu difficile de se concentrer, juste... C'est, bon... Vous dites aussi : C'est pertinent, oui, qu'il y ait une clarification, hein, parce qu'évidemment les directeurs d'école, directrices d'école, les gens des centres de services scolaires ne connaissent pas toute la jurisprudence. Il n'y a probablement pas un document, ou peut-être, là, qui dit... qui fait un résumé de ça. Est-ce que ça pourrait intéressant de prendre la jurisprudence sur les accommodements raisonnables, par exemple, puis de le rentrer, de le centraliser, ou dans un règlement, ou dans une loi? Ou est-ce que... Ça a-tu du bon sens, cette idée-là?

M. Lampron (Louis-Philippe) :Bien, ça peut tout à fait... Là, l'enjeu, c'est en matière de laïcité de l'État, de faire des précisions, en fait, des critères, puis c'est ce que fait la Cour suprême dans ses arrêts, en fait, elle donne des balises qui peuvent être prises en considération pour dire : Ici, ce sera d'imposer une contrainte excessive, en fait, que de le demander à l'école.

Et c'est toujours dépendant du contexte, en fait. Le fait, par exemple, qu'il y ait un nombre effarant de demandes de congés religieux au sein d'employés, qui feraient en sorte de menacer la capacité de l'institution à offrir les services, ça pourrait être suffisant pour que le gestionnaire dise : Bien, écoutez, s'il n'y avait pas ce risque-là, je pourrais bien vous accommoder dans votre demande de congé religieux. Là, je ne peux pas parce que l'institution ne sera pas capable de livrer les services, et donc je refuse parce que contrainte excessive. Alors, c'est ça qui doit être mis de l'avant, en fait.

Et, malheureusement, dans le projet de loi no 94, notamment, il y a des dispositions où on vient carrément interdire toute forme d'accommodement religieux, alors que, par ailleurs, il est possible de demander des accommodements pour d'autres motifs. Ce deux poids, deux mesures là, il est littéralement incompatible avec la protection du droit à l'égalité. Que je fasse référence, par exemple, avec la question de la restauration et de l'hébergement, alors, il n'est pas possible de demander des menus sur la base de convictions religieuses, mais j'imagine qu'il va demeurer possible de demander des menus santé, des menus végétariens ou des... Et donc ça crée des situations qui sont très, très, très problématiques, en fait, et qui, pour moi, ne sont permises que parce qu'on déroge à la Charte québécoise des droits et libertés. Et là c'est la fameuse dérogation à la dérogation à laquelle faisait référence le président Tessier, de la Commission des droits de la personne.

C'est malheureux, en fait, parce que, dans les faits, il pourrait tout à fait y avoir des... Si l'objectif, c'est vraiment de renforcer la capacité des gestionnaires à dire non lorsqu'ils peuvent le dire, en fait, parce qu'on refuse le prosélytisme religieux ou parce que la capacité de l'institution est atteinte, en fait, bien, une directive de la nature de celle que vous évoquiez pourrait être absolument utile, et pas besoin d'aller vers des interdictions mur à mur d'accommodements pour des motifs puis d'accepter les autres, en fait.

• (18 h 10) •

M. Zanetti : ...directive ministérielle ou un règlement...

M. Lampron (Louis-Philippe) :Tout à fait.

M. Zanetti : ...mais en même temps... Je comprends. Puis, sinon, bien, pour moi, ça fait le tour, en fait... Bien non, en fait, j'ai une dernière question. J'ai-tu une minute?

La Présidente (Mme Poulet) : Il reste 56 secondes

M. Zanetti : O.K. Quelle serait votre définition de la laïcité, en 50 secondes?

M. Lampron (Louis-Philippe) :En 50 secondes, bon. Heureusement, je l'ai bien écrit. La laïcité, en fait, c'est vraiment une opérationnalisation de la séparation du religieux et de l'État. Et c'est donc ce qui va permettre les conditions du vivre-ensemble, au sens où ça doit respecter les convictions des uns et des autres et permettre une coexistence pacifique, en fait. Et donc ça doit tenir compte de la réalité culturelle, notamment, d'une société. Et ça explique pourquoi, notamment, je croyais que, dans la réalité québécoise, le compromis Bouchard-Taylor, qui ne comprenait pas les enseignants et les enseignantes, ça aurait pu passer le test de la Charte canadienne des droits et libertés.

M. Zanetti : Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. Alors, merci...

La Présidente (Mme Poulet) : ...beaucoup de votre contribution à nos travaux.

Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'au jeudi 24 avril 2025, après les avis touchant les travaux des commissions.

(Fin de la séance à 18 h 11)


 
 

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