Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
43e législature, 1re session
(29 novembre 2022 au 10 septembre 2025)
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Le
jeudi 24 avril 2025
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Vol. 47 N° 64
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l’éducation et modifiant diverses dispositions législatives
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante-quatre minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Bonjour
à tous et à toutes. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la culture et de l'éducation ouverte. La commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau
de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par M. Morin
(Acadie) et Mme Gentilcore (Terrebonne); par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la secrétaire. Donc, ce matin, nous entendrons les personnes et les
organismes suivants : la Centrale des syndicats du Québec et l'Association
montréalaise des directions d'établissement scolaire. Comme la séance a
commencé vers... il est présentement 11 h 44, est-ce qu'il y a
consentement pour poursuivre au-delà des travaux vers 12 h 55?
Consentement?
Des voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
je... je souhaite, pardon, la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec, donc,
représentée par M. Éric Gingras, président; M. Éric Pronovost, président de la
Fédération du personnel de soutien scolaire; M. Jacques Landry, président de la
Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation du Québec;
ainsi que Mme Marie-Sophie Villeneuve, conseillère.
Donc, bienvenue à cette commission. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de
votre exposé, et ensuite on procèdera la période d'échange avec les membres de
la commission.
M. Gingras (Éric) : Bien, merci
beaucoup. Donc, vous l'avez dit, en compagnie de mes collègues de deux
fédérations de la CSQ, je vous rappelle que la CSQ, une organisation
représentant plus de 225 000 membres, notamment plus de 115 000,
notamment dans le réseau de l'éducation. Et donc simplement un rappel, hein, nos
engagements à la CSQ sont clairs, en faveur de la qualité des services
éducatifs, réussite éducative des élèves. C'est au cœur de l'ADN de la CSQ, et
nous sommes pour la laïcité, la neutralité religieuse de l'État, la légalité...
l'égalité, pardon, femmes hommes, et ça, depuis des décennies. On vous rappelle
que le réseau de l'éducation, hein, c'est un réseau qui est porté à bout de
bras pour des services de qualité, de façon quotidienne, et c'est une grande
fierté pour le Québec. Bien sûr, c'est comme ça qu'oeuvrent l'ensemble des
membres qu'on représente. Et fait à noter, là, on appuie entièrement les
objectifs poursuivis par le gouvernement avec ce projet de loi et on réitère
notre... notre entière collaboration en fonction de ça.
Et on rappelle, par contre, qu'aujourd'hui
on est bien ici de façon pragmatique, notamment pour deux choses, pour
notamment demander une pause de certaines mesures afin d'analyser les
répercussions et les effets négatifs potentiels et, tout ça, dans la mesure
justement que les travailleuses et travailleurs vont être en mesure d'être
consultés sur ces mesures-là et que ça sera vraiment pour atteindre les
objectifs qui sont fixés. Je vais laisser mes collègues continuer.
M. Pronovost (Éric) : Bonjour,
mon nom, Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien
scolaire, représentant 43 000 membres uniquement du personnel de soutien
scolaire dans tout près de 25 centres de services scolaires. On veut vous
parler de deux sujets aujourd'hui qui nous touchent plus particulièrement,
entre autres, l'impact du projet de loi sur la pénurie et...
M. Pronovost (Éric) : ...et
aussi la conduite exempte de considérations religieuses.
Vous savez, dans un premier temps,
l'impact du projet de loi sur la pénurie, bien, nous sommes en accord avec les
objectifs du projet de loi. On veut que nos jeunes et nos membres puissent être
à l'école sans subir de pression religieuse, bien entendu. Il y a une pénurie
particulièrement importante de personnel de soutien scolaire, on le sait,
surtout pour celui qui œuvre en service direct à l'élève, entre autres au
niveau du manque de services pour les élèves en difficulté, l'incapacité aussi
à respecter les ratios dans les services de garde. On ne vous cachera pas notre
inquiétude sur l'impact qu'aura ce projet de loi sur l'augmentation globale
probable de la pénurie. Donc, nous demandons le moratoire, clairement, sur
l'interdiction des signes religieux.
Subsidiairement, si vous n'allez pas de
l'avant avec le moratoire, nous souhaitons vous proposer des solutions. Vous
avez voulu protéger les droits acquis du personnel scolaire. L'intention du
législateur est claire à ce sujet. Tel que rédigé, des gens qui occupent un
poste de remplacement, qui changent de poste, qui appliquent pour une promotion
ou qui subissent une mise à pied l'été perdront ce droit acquis. Nous sommes
convaincus que l'intention du législateur n'est pas de priver le réseau de
l'éducation de l'expertise de ceux qui y travaillent actuellement. Il faut
trouver un équilibre entre l'atteinte de la laïcité et le respect des droits et
libertés fondamentaux des gens.
Quelques chiffres pour appuyer un peu au
niveau de la précarité. Vous savez, trois techniciens, techniciennes en
éducation spécialisée sur cinq ne sont pas avec un statut de salarié régulier à
temps plein et trois éducatrices, éducateurs en milieu scolaire ou préposés aux
élèves handicapés sur quatre ne sont pas avec un statut non plus, de salarié
régulier à temps plein.
Dans un deuxième temps, la conduite
exempte de considérations religieuses, on s'inquiète sur le fait que nos
membres pourront se faire imposer une sanction disciplinaire parce qu'ils ont
souhaité respecter les convictions des élèves ou de leurs collègues. Exemple,
adapter le menu de la cafétéria en n'offrant pas de porc ou en offrant des
choix alternatifs, est-ce que les cuisinières et les cuisiniers seront sujettes
à une mesure disciplinaire s'ils offrent un menu différent? On souhaite, tout
comme vous, la laïcité dans nos écoles, mais ce doit être facilement applicable
au quotidien.
Vous avez fait beaucoup en peu de temps
pour mettre en place des mesures pour assurer le respect, prévenir la haine, la
violence et l'intimidation, sincèrement, et on vous en remercie, mais il faut
être conscient que toutes ces mesures-là n'ont pas eu le temps entièrement
d'atterrir et d'être déployées dans les milieux. Il faut considérer l'ensemble
de vos mesures et non de la voir chacune d'elles en silo. Vous constaterez
alors que vous avez déjà probablement tout en main pour arriver à vos
objectifs.
Mais, si vous souhaitez tout de même
poursuivre, nous vous suggérons de modifier la cause des droits acquis afin de
ne pas aggraver la pénurie de personnel de soutien scolaire et de faire en
sorte que le personnel scolaire ne se voit pas imposer de sanctions pour avoir
respecté les droits et libertés des gens qui entourent l'école. Merci.
• (11 h 50) •
M. Landry (Jacques) : Bonjour,
à titre de président de la FPE, je représente 13 000 membres
professionnels de l'éducation répartis dans 69 des 72 centres de services
scolaires et commissions scolaires, autant dans les milieux francophones,
anglophones que dans le Nord sur les commissions scolaires crie et Kativik.
Nos principales préoccupations, d'abord,
elles concernent l'article 301.1 qui stipule que l'on doit uniquement
utiliser le français. Il précise que cela s'applique pour les fins d'emploi
autant à l'oral qu'à l'écrit. Il est également spécifié que l'article ne
s'applique pas lorsque la santé ou la sécurité publique l'exige ou s'il s'agit
d'une langue autochtone. À la lecture du projet de loi, il n'est pas clair pour
nous que ce soit suffisant comme garantie, particulièrement pour les élèves
HDAA.
Pour nous, il y a des inquiétudes. Est-ce
que des exceptions s'appliqueront pour les élèves à besoins particuliers,
spécialement pour ceux qui sont issus de l'immigration? Qu'en sera-t-il d'un
enfant autiste ou d'un autre présentant une déficience intellectuelle pour des
fins d'évaluation et d'intervention? Par exemple, une orthophoniste qui doit
pouvoir entrer en contact avec l'élève pour évaluer son trouble du langage, il
se peut que la seule langue commune au début soit l'anglais ou que, même, on
ait recours à un interprète.
On souhaite une exemption pour tous les
actes de nature professionnelle, dans le respect de l'autonomie, qui est déjà
encadrée par différents ordres liés aux professions des professionnels. Ils
peuvent juger nécessaire d'utiliser une autre langue dans le cadre de leurs
fonctions. Nous n'apprendrons rien à personne en spécifiant que plus on agit
tôt au moment de l'intervention, plus on a des chances que l'intervention soit
appropriée. Il faut que le professionnel ait donc l'autonomie nécessaire pour
décider quelles seront les mesures appropriées. Et je rappelle qu'en plus,
souvent, les élèves qui ont des difficultés de cet ordre ont des comorbidités
puis que ça complique vraiment l'évaluation...
M. Landry (Jacques) : …et tout
ça. Puis on pense qu'il faut qu'il y ait la marge de manœuvre pour pouvoir
juger chaque professionnel. Donc, on pense que, dans ce cas-là, ce type
d'accommodement serait tout à fait raisonnable et indiqué.
Un autre aspect sur lequel on désire
attirer votre attention, c'est des ententes locales qui ont été signées et
négociées au fil des ans. Au fil du temps, les employeurs ont convenu
d'ententes sur un certain nombre de jours chômés payés. Ces ententes n'ont
jamais causé de préjudice et ne sont pas associées à rien de particulier, c'est
des ententes pour tout le monde. Donc les jours… c'est ça, sont libres. Puis,
dans un contexte, comme l'indique le tableau de bord de l'éducation, où il y a
déjà une multitude de postes vacants, 12 % en psychoéducation, 15 %
en psychologie, 14 % d'orthophonie, on pense que l'attraction et la
rétention sont des enjeux prioritaires. Conserver nos employés devient…
primordial. Les priver de droits acquis serait un bien mauvais message à leur
envoyer. Merci de votre attention.
M. Gingras (Éric) : Et
finalement, en conclusion, la CSQ aussi aimerait amener quelque quelques autres
éléments, notamment, faisons écho aussi à nos collègues de la FSE, une de nos
fédérations qui était hier en commission parlementaire, et nous réitérons
l'idée de retirer les articles cinq, six, sept, 15, 27 et 37, le temps de
réfléchir ensemble, de trouver des solutions. On est davantage de l'ordre de
relations de travail. On est davantage de l'ordre d'éléments qui touchent
davantage les milieux que d'aspects de laïcité.
On sait que ce n'est pas la volonté du
ministre, là, de jouer avec la dévalorisation, mais c'est un peu ce que ça
fait, c'est-à-dire qu'on prend ce qui se passe dans certains milieux et dans un
milieu en particulier. On le répand pour l'ensemble du Québec. Et donc ça, ça
fait qu'on cherche à généraliser un cas exceptionnel avec un projet de loi de
cet ordre-là. Donc, bien sûr, nous demandons de retirer les articles que j'ai
nommés.
Autre élément important. Vous savez, dans
le projet de loi, on parle de valeurs québécoises, de conduites exemptes de
considérations religieuses. Des termes qui sont extrêmement… qui portent
extrêmement à l'interprétation. Et dans ce sens-là, on pense que le droit ne
définit pas bien ces enjeux-là et on pense qu'on devrait revoir ça. Dans un
premier temps, retirer la formule de conduite exempte de considérations
religieuses, le temps de réfléchir à ça et deuxièmement, d'amender celui du
respect des valeurs démocratiques et de valeurs québécoises dont l'égalité
entre hommes et femmes et de la laïcité de l'État pour le remplacer par le respect
de valeurs démocratiques, de droits de libertés tels que garantis par la Charte
des droits et libertés de la personne, dont l'égalité entre hommes et femmes et
la laïcité de l'État.
Et on termine en vous rappelant à la CSQ
que pour parler de tout ça et de tous ces autres enjeux là, il n'y a rien de
mieux qu'une grande réflexion en éducation, qu'on n'a pas faite maintenant
depuis des décennies, on se demande encore pourquoi on ne ferait pas ça. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment pour votre exposé. Nous allons débuter cette période
d'échange. Donc, M. le ministre, je vous cède la parole pour une période de
10 minutes 45.
M. Drainville : Donc, j'ai
jusqu'à quelle heure, vous dites? Midi…
La Présidente (Mme Dionne) :
Vous avez 10 minutes, 45, donc…
M. Drainville :
12 h 06, à peu près, 12 h 05 O.K., excellent. Merci. Merci
beaucoup pour votre présence et votre participation. Allons-y avec des éléments
très concrets, d'abord, là, l'interdiction du visage couvert, l'interdiction du
voile intégral, là, dans les classes pour tous les élèves. Est-ce que vous êtes
pour ça?
Une voix : Oui.
M. Drainville : Pas de congé
religieux supplémentaire parce que tu déclares avoir une religion. En d'autres
mots, un employé qui pratique une religion et qui a droit présentement à plus
de congés payés qu'une personne qui ne déclare pratiquer aucune religion. On
veut mettre fin à cette iniquité. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Gingras (Éric) : Bien, je
vais laisser mon collègue répondre en partie, à votre question pure et simple,
la réponse, c'est que nous sommes d'accord avec le fait qu'il n'y ait pas plus
à un qu'à l'autre. Mais la réalité des milieux, dans beaucoup de nos milieux,
amène aussi une autre réalité. Je te laisse.
M. Landry (Jacques) : Bien,
ce qu'on a actuellement, c'est des ententes locales qui spécifient un nombre de
journées, dans ces ententes-là, il y a des journées flottantes. Donc, peu
importe ta religion, au bout de la ligne, tout le monde a le même nombre de
journées. Nous, on souhaiterait que ce type d'entente là puisse continuer à
vivre. Puis ça n'avantage pas une personne par rapport à une autre. On parle de
journées flottantes à ce moment-là.
M. Gingras (Éric) : Tout le
monde les a et tu peux la prendre pour des raisons religieuses comme tu peux la
prendre pour d'autres raisons.
M. Drainville : Puis on parle
de combien de congés flottants en général? Parce que vous parlez bien
d'ententes locales, là? Ça fait qu'on parle de quoi, trois, quatre congés?
M. Landry (Jacques) : Trois,
habituellement…
M. Drainville : ...et ce que
vous décrivez, c'est-à-dire des personnes qui vont choisir de prendre un, ou
deux, ou trois congés flottants pour des raisons religieuses, si telle est leur
volonté, c'est un phénomène ou une pratique que vous observez dans tous les
centres de services scolaires ou est ce qu'il y a des façons différentes de
gérer ça?
M. Landry (Jacques) : Chaque
centre de services scolaire a ses propres ententes. Donc, ce n'est pas uniforme
partout, mais, dans des milieux, ça existe, c'est trois jours, puis les gens
les prennent au moment où ça leur convient.
M. Drainville : Donc, dans
certains milieux, ça fonctionne comme ça, mais pas nécessairement dans tous les
milieux.
M. Landry (Jacques) :
Exactement.
M. Drainville : Et vous
seriez d'accord pour que ça fonctionne comme ça dans tous les milieux.
M. Landry (Jacques) : En
fait, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a des ententes qui ont déjà été
négociées dans ces milieux-là. Pourquoi on ne pourrait pas laisser les ententes
qui ont cours depuis des années avoir cours toujours, tout simplement?
M. Drainville : Oui, je sais,
mais dans les milieux où ça ne fonctionne pas comme ça et donc dans des milieux
où on donne très généreusement des congés rémunérés pour les personnes qui ont
une religion et qui souhaitent partir en congés religieux rémunérés, là où ça
se fait, vous êtes d'accord pour que ça s'arrête?
M. Landry (Jacques) : Bien,
nous, ce qu'on dit, c'est que, peu importe que tu sois dans une religion ou que
tu n'es pas dans une religion, tu as le même nombre de journées.
M. Drainville : O.K. Correct.
Sur le recours à la clause de souveraineté parlementaire. Est-ce que le recours
à la clause de souveraineté parlementaire ou clause dérogatoire est ce qu'elle
est légitime, selon vous, M. Gingras?
M. Gingras (Éric) : Comme
vous l'avez mentionné lors du projet de loi n° 21, on pense que ça peut amener
certains questionnements. Donc, on soumet l'idée qu'elle est utilisée
abondamment. Et ça, ça peut être questionnant. Alors, on vous donne le même
message aujourd'hui.
M. Drainville : Abondamment
ou trop abondamment?
M. Gingras (Éric) : Bien là,
je vais vous laisser définir, M. le ministre, trop abondamment, un peu trop
abondamment. On trouve que... On vient souvent en commission parlementaire, je
dois vous avouer, et ces temps-ci encore plus que d'autres fois, c'est correct.
M. Drainville : ...
M. Gingras (Éric) : Oui, c'est
toujours plaisant. Ceci étant, on fait juste dire qu'il y a quand même un enjeu
là. Maintenant, comme on l'a fait pour p.l. n° 21, la souveraineté
parlementaire, on la respecte, mais on doit quand même mentionner que ça,
utilisé un peu trop, bien, peut amener certaines questions que nous nous
posons.
M. Drainville : Je pense que
ça ne donne rien de trop vous questionner là-dessus, vous allez me donner la
même réponse.
M. Gingras (Éric) : Fort
probablement.
M. Drainville : J'ai
l'impression que c'est une réponse que vous avez pratiquée déjà, ça fait que...
M. Gingras (Éric) : Je
pratique toujours mes réponses, M. le ministre.
M. Drainville : C'est inutile
d'insister. Là, je veux vraiment qu'on parle de signes religieux. Est-ce que
vous êtes d'accord pour dire qu'un signe religieux envoie un message religieux.
• (12 heures) •
M. Gingras (Éric) : Écoutez,
le message, nous, on vous l'a mentionné dès le départ, on a un message
pragmatique O.K.? Alors, oui, on est d'accord avec la laïcité de l'État, oui,
on est d'accord. On était d'accord avec le consensus Bouchard-Taylor qui a été
agrandi au fur et à mesure, touchant les enseignantes, les enseignants, etc.
Puis là, oui, c'est vrai, mais, en même temps, il existe une clause grand-père,
donc ces signes religieux là sont encore présents.
Nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui, de
façon très pragmatique, c'est : avez-vous réfléchi aux effets d'étendre...
M. Drainville :
L'interdiction.
M. Gingras (Éric) : ...l'interdiction.
Merci. L'interdiction des signes religieux dans le réseau, notamment, comme mon
collègue l'a présentée. Et elle est là la question. Parce que, vous savez,
quand on questionne le personnel dans les milieux, ils sont d'accord avec la
laïcité, ils vont vous répondre ça, mais la deuxième... ou probablement leur
première question, c'est : Oui, mais ça va être quoi l'effet pour nous
dans le milieu? Et je comprends les valeurs et je comprends tout ça, mais les
aspects qu'amenait mon collègue, notamment du personnel de soutien, bien, c'est
ça que les gens se questionnent quand ils sont précaires, etc. Puis ça,
là-dessus, je peux te laisser continuer.
M. Pronovost (Éric) : Oui, M.
le ministre, tout à l'heure, quand je disais dans mon explication que, dans le
fond, ça risque de porter atteinte aux services qui sont rendus aux élèves puis
aux parents, bien, tu sais, donner le choix entre avoir des gens qui portent un
signe religieux et qui sont qualifiés, ou encore ne portent pas de signes
religieux mais qui ne sont pas qualifiés, comprenez-vous que ça cause une
certaine incertitude puis une pression sur le réseau? Vous pensez quoi? C'est
quoi qui est le mieux pour les élèves? Quel est le plus grand risque pour les
élèves, bien entendu. Vous savez, la liberté de croyance, souvent, on peut...
on ne peut l'imposer à personne, on ne peut pas l'imposer à personne, mais
est-ce qu'une personne sera pénalisée car elle croit à quelque chose de
différent? Et c'est là que ça crée une lourdeur clairement à l'intérieur de la
structure. Et vous savez...
12 h (version non révisée)
M. Pronovost (Éric) : ...donne
un exemple, le technicien en éducation spécialisée qui devra aller chez les
gens... parce que, parfois, on a des intervenants qui doivent se rendre à la
maison, et là on...
M. Drainville : ...
M. Pronovost (Éric) : Oui, c'est
ça, exactement, l'enseignement, mais ça peut être aussi un technicien en
éducation spécialisée qui peut se rendre pour aller porter certaines choses, on
le voit régulièrement, et là, si on est devant une mère qui a un voile ou là on
va lui demander de l'enlever, donc vous comprendrez qu'on vient plus loin avec
ça, on est dans l'intrusion un peu. Et ça aussi ça crée une certaine pression
sur les gens qui vont intervenir dans les milieux.
M. Drainville : M. Pronovost,
si c'est un voile intégral, oui, la personne devra le retirer, mais le voile, le
hidjab, par exemple, là, non? Je veux juste préciser ça, là. Je ne veux pas que
les gens pensent que, si jamais une professionnelle ou une TES se rend dans une
résidence où il y a de l'enseignement à la maison, oui, l'obligation de retirer
le voile intégral est prévue dans la loi, mais pas... dès qu'elle a le visage à
découvert, ce sera légal, O.K.
M. Pronovost (Éric) : Mais,
ce que je voulais dire, c'est que ça crée une pression, M. le ministre, quand
même, sur ceux qui vont aller intervenir quand même à l'intérieur de la maison
des gens.
M. Drainville : Je comprends.
Je comprends, M. Pronovost, mais comme vous le savez bien, là, un projet
de loi, c'est un équilibre. Moi, je vais vous dire, je vous sens hésitant à
répondre à ma question, alors je vais... moi, je vais vous donner ma réponse.
Un signe religieux envoie un message religieux, c'est clair. Et donc si tu es
pour la laïcité, il me semble qu'il faut que cette laïcité soit visible, et
donc il faut qu'elle se traduise par un code vestimentaire. Et donc c'est pour
ça que nous on décide d'étendre l'interdiction des signes religieux à l'ensemble
du personnel scolaire.
Parce que, oui, comme le dit le rapport
Bedford ou le rapport sur les 17, dis-je bien, il y a un enjeu de cohérence
présentement, c'est-à-dire qu'il y a des enfants qui développent un lien de
confiance avec des personnes qui ne sont pas nécessairement des enseignants.
Vous êtes très bien placés pour en parler, M. Pronovost. J'ai moi-même
vécu une situation très proche de moi, là, pour ne pas parler de mon fils, là,
qui a développé un lien de confiance très, très fort et très, très grand avec
les éducatrices du service de garde. Et, de tout son parcours au primaire, c'est
cette personne-là qui a sans doute eu le rapport le plus fort avec mon fils et
je pense que c'est le cas de beaucoup d'enfants. Il y en a d'autres, ça va être
une TES, il y en a d'autres, ça va être un ou une professionnel, je m'adresse à
vous, M. Landry.
Et donc le rapport sur les 17, ce qui le
dit, c'est que si l'argument, c'est le rapport d'autorité, le rapport de
confiance entre l'adulte et l'enfant, bien, on ne peut pas dire que ce rapport
d'autorité, ce rapport de confiance se limite au rapport qu'on a avec un
enseignant ou une enseignante. Le rapport d'autorité, on peut l'avoir avec d'autres
adultes au sein de l'école et c'est pour ça qu'on élargit l'interdiction en
matière de signes religieux. C'est pour des raisons de cohérence notamment,
comme nous le recommandait le rapport sur les 17.
Maintenant, quand vous parlez de pénurie.
Expliquez-moi, là, on donne un droit acquis, alors, en quoi est-ce que le
projet de loi pourrait contribuer, selon vous, à exacerber le problème de
pénurie? Expliquez-moi la logique, là.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste 10 secondes.
M. Pronovost (Éric) : Bien,
en 10 secondes, je vais vous dire, la pénurie est déjà très omniprésente.
Les nouvelles personnes qui vont vouloir venir travailler à l'intérieur des
centres de services scolaires...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je suis désolée, c'est malheureusement tout le temps qu'on avait. Je
cède la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé, porte-parole de l'opposition
officielle, pour huit minutes.
Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour. Bonjour, messieurs. Bonjour, Mme Villeneuve, merci
beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Vous l'avez dit, donc, d'ailleurs, j'aimerais
vous remercier, donc, pour le travail que vous faites, parce que c'est un
système, vous disiez, qui était porté à bout de bras, puis j'aurais voulu
ajouter : à bout de bras par des femmes surtout, et vous nous arriver
aujourd'hui avec une approche pragmatique et surtout, donc, basée sur l'impact,
donc, du projet de loi sur la pénurie.
Le premier... voyons, le premier ministre,
le ministre de l'Éducation est en train de vous questionner là-dessus, c'était
d'ailleurs la première question que moi, j'avais pour vous, à savoir, donc,
vous, quand vous regardez ce projet de loi là, est-ce qu'il est déposé
notamment... bien, en fait, particulièrement en ce qui a trait, donc, au
recrutement du personnel de soutien scolaire, du personnel professionnel? Vous
avez parlé un peu plus tôt du respect des ratios dans les services de garde,
que c'est une préoccupation pour vous. Est-ce que vous, vous êtes...
Mme Cadet : ...votre analyse
s'est penchée sur qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour votre réseau de
vous priver de femmes potentielles qui viendraient ajouter leur expertise à
votre réseau.
M. Pronovost (Éric) :
D'entrée de jeu, dans mon explication, tout à l'heure, dans ma prémisse, je
disais qu'il y avait énormément... il manquait énormément de gens déjà dans le
réseau. Et si, en plus — je vais compléter ma réponse — si,
en plus, on arrive avec cette lourdeur-là et on vient ajouter une prérogative
qui va empêcher clairement des gens de peut-être appliquer et travailler dans
les centres de services scolaires. Et là c'est le service direct à l'élève,
c'est le service direct aux enfants qui en ont besoin, qui peut être diminué.
Déjà que nous sommes en pénurie, mais une pénurie qui est causée aussi par la
précarité d'emploi. Donc, 75 % des membres qu'on représente sont encore
précaires. Donc vous comprendrez qu'à partir de ce moment-là, la solution peut
se trouver à l'intérieur des rangs, mais on ne le fait pas.
Autre chose que je voulais vous dire,
c'est que l'accès à la promotion aussi, hein, à l'intérieur, à l'intérieur du
réseau, on va faire quoi? Quand quelqu'un va arriver puis il va vouloir avoir
une promotion, est-ce qu'on va recommencer? Est-ce qu'il devra enlever ses
signes religieux parce qu'ils les possédaient avant? Il n'y a rien de clair
là-dessus. Il faut absolument qu'on travaille en collaboration avec le
ministère là-dessus, parce qu'entre ce qui se passe sur le terrain et ce qu'on
décide, parfois, il y a un écart. Et c'est là que c'est important de venir
chercher, là, ces spécificités-là qui sont importantes, qui sont importantes
pour les gens et qui sont valorisantes aussi pour les gens qui y travaillent.
Mme Cadet : Merci. Oui.
M. Gingras (Éric) : J'aimerais
juste ajouter deux choses pour compléter ce que mon collègue disait... rappelle
que c'est un moratoire qu'on demande. Parce qu'à votre question qui
disait : Est-ce qu'on a réfléchi, est-ce qu'on a... Mais, nous, on pense
que c'est au ministre de nous dire quels seront les effets réels dans les
milieux. Et on ne peut pas comparer notamment la clause grand-père, pour les
enseignantes, les enseignants, où il y a, même s'il y a des roulements, même
s'il y a des départs, il y a beaucoup moins de roulement que dans le personnel
de soutien de mon collègue, et donc ça va augmenter, justement, cette
pénurie-là. Mais ce qu'on demande au ministre, c'est, prenons le temps de
regarder quels seront les effets, et là ce n'est pas ce qu'on fait.
• (12 h 10) •
Mme Cadet : Oui,
effectivement, et, nous, comme élus, on n'a pas reçu d'analyse d'impact
réglementaire, donc, on n'a pas la réponse à cette question-là. Puis ce que
vous venez de dire, bien, moi, ça m'amène à ma prochaine question, la prochaine
que j'avais pour vous, qui était justement, donc, de m'expliquer, de nous
expliquer, comme parlementaires, comment est-ce que ça fonctionne. Parce que,
vous l'avez dit, donc, pour les enseignants, il y a une relative stabilité dans
le corps d'emploi, mais au niveau, donc, du personnel de soutien, il peut y
avoir, donc, des aménagements. Je comprends qu'au même au sein du même centre
de services scolaire, donc, parfois, le personnel va pouvoir se promener, qu'il
va y avoir des ajustements à la tâche. Là, on a une clause grand-père qui est
assignée à... Certains de vos prédécesseurs ont dit assignée au poste et pas la
personne, donc, je vais réutiliser le même terme, en tout cas, je le trouve
clair. Donc, vous, là, comment la rédaction de cette clause grand-père là,
comment est-ce qu'elle pose des défis à votre réseau, considérant la réalité
des mouvements de personnel?
M. Gingras (Éric) : Bien,
c'est sûr que mon collègue va avoir... a été très éloquent dans ses exemples
puis il pourra toujours revenir avec ça. Mais lorsqu'on a des mises à pied
cycliques, lorsque les gens sont appelés à quitter, pas nécessairement par
choix, mais à cause de cette pénurie-là, bien, comment... C'est quoi, la clause
grand-père quand tu as une mise à pied cyclique? Je vais te laisser continuer avec
d'autres exemples, Éric.
M. Pronovost (Éric) :
D'autres exemples, j'ai des statistiques quand même qui sont éloquentes. Quand
on parle qu'en individu, là, dans le réseau, présentement, des techniciens, techniciennes
en éducation spécialisée, on a 29 600 individus, mais on a l'équivalent de
11 300 personnes équivalents temps plein. Donc, j'ai un problème, j'ai un
problème parce que ça ne balance pas. Même chose pour les éducatrices en milieu
scolaire, j'ai 38 000, 39 000 personnes en individuel, mais j'ai
10 011 éducateurs, éducatrices équivalents temps plein. Donc là, ce que ça
fait sur le réseau, c'est que ça met énormément de pression. Et les gens, là,
quand il y a de la précarité, bien, on l'associe directement à la pénurie de
main-d'oeuvre, parce que les gens... Tout coûte plus cher. Les gens décident
d'aller ailleurs, décident d'aller travailler pour un autre emploi, mieux
rémunéré, plus d'heures.
Donc, le choix n'est pas difficile à
faire, mais on est en train malheureusement de nous éviter d'offrir des
services encore meilleurs que ce qu'on offre présentement, avec du temps de
qualité pour pouvoir réaliser nos interventions.
Mme Cadet : Oui, puis,
j'imagine, parfois, il y a du cumul de postes aussi. Donc, une telle
disposition dans le projet loi, ça rendrait ça beaucoup plus difficile pour
vous à opérationnaliser sur le terrain concernant le cumul de postes.
M. Pronovost (Éric) : Beaucoup
plus difficile. Puis, vous savez, entre...
M. Pronovost (Éric) : ...ceux
qui peuvent porter des signes... tu sais, garder leurs vêtements versus
d'autres, les nouveaux arrivés, comment on va gérer ça sur le terrain? Comment
on va travailler aussi là-dessus? Ça va être très compliqué dans le réseau, et
c'est pour ça que nous, bien, comme mon collègue M. Gingras l'a dit, c'est un
moratoire qu'on veut pour pouvoir en discuter, pouvoir jaser, ne pas rien
prendre de décisions trop rapides et qu'on n'ait pas le temps de travailler
adéquatement puis qu'on... et de le mettre en place. Ça, c'est ça qui est
important.
Mme Cadet : Sur la question
des congés, je vous ai entendu tantôt, vous nous disiez essentiellement :
En ce moment, avec les ententes locales, donc, il y a des journées flottantes
qui sont négociées. Donc, oui, c'est négocié par centre de services scolaires,
là, par définition, c'est local. Mais, de façon générale, l'équité qui est
visée, parce que, comme vous, on est en accord avec les objectifs... mais, au
niveau du moyen qui est apporté par le ministre, ce que vous dites, c'est d'arrêter...
Il y a déjà cette équité-là qui existe sur le terrain.
M. Landry (Jacques) : Oui,
c'est ce qu'on vient dire, là, c'est... Puis c'est de milieu en milieu. Puis,
des milieux où c'est... où ça a lieu, ça fait déjà plusieurs années que ça
fonctionne comme ça puis ça a toujours fonctionné comme ça. Puis il n'y a pas
de... il n'y a pas de problème, là. Ça va de soi, là.
M. Gingras (Éric) : Et, à
l'image... et peut-être à l'image de l'ensemble du projet de loi, les endroits
où c'est le cas, où il y a une iniquité, c'est peu nombreux. Là, ce qu'on fait
avec ça, c'est qu'on ratisse encore une fois à la grandeur du Québec, donc on
enlève les endroits où ça va bien, où il n'y a pas de problème et...
Mme Cadet : Alors, justement,
là-dessus, parce que j'ai très peu de temps, le projet de loi a été déposé en
raison du cas Bedford. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi empêcherait
un autre Bedford de se produire?
M. Gingras (Éric) : Ce projet
de loi là aide à la laïcité, amène des éléments intéressants, mais rien en lien
avec Bedford qui aurait pu être réglé, qui devait être réglé en relation de
travail ou avec les différents mécanismes qui existaient déjà.
Mme Cadet : Oui. Il me reste
encore un petit peu de temps. Je reviens donc sur les autres aspects qui ne
concernent pas la laïcité, parce qu'en fait vous, vous demandez le retrait de
ces dispositions-là. Donc, tout ce qui concerne donc l'évaluation des
enseignants, la planification, donc, vous, vous vous dites : En fait,
c'est... C'est parce que c'est déjà le cas sur le terrain ou parce que ça amène
des dédoublements, un alourdissement?
M. Gingras (Éric) : Mes
collègues de la FSE, la vice-présidente, le président, hier, ont été très
éloquents, ont très bien placés ça...
La Présidente (Mme Dionne) : Je
suis désolée, c'est tout le temps qu'on...
M. Gingras (Éric) : Ça existe
déjà.
La Présidente (Mme Dionne) : Désolée,
je dois intervenir. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Matane-Matapédia pour une période de deux minutes 40 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. On assiste dans notre société à
un retour du religieux. Au plan personnel, ça appartient à la spiritualité de
chacun, mais il y a la sphère publique. Puis on a une responsabilité comme élu
de s'assurer de la laïcité, de son application des grands principes.
Évidemment, il y a des gestes qu'on peut faire. Par exemple, sur les lieux de
prière, on n'a pas eu besoin de légiférer, le ministre a envoyé un avis à tout
le monde puis ça a été suivi. Par exemple, vous indiquez qu'on pourrait mieux
appliquer ce qui existe comme règle présentement puis on n'aurait peut-être pas
besoin de légiférer pour atteindre les objectifs du suivi de Bedforf. Parce que,
si on se concentre uniquement là-dessus, comment faire en sorte que ça ne se
reproduise pas?
Je vais poser une question plus générale.
Moi, ce retour du religieux, notamment dans la sphère publique, il m'inquiète.
Ma question. Est-ce que vous le constatez et qu'est-ce que vous êtes prêt à
faire de plus pour garantir la laïcité? Est-ce que quelque chose que votre
syndicat est prêt à faire de plus pour contribuer avec nous, les
parlementaires, à ce qu'on préserve la liberté de conscience et la laïcité de l'école?
M. Gingras (Éric) : Demander
un moratoire.
M. Bérubé : Sur?
M. Gingras (Éric) : Sur le
port des signes religieux, c'est ce qu'on fait, O.K., à... pour dire ce sera
quoi, l'impact. Parce qu'on comprend ce qu'on tente de faire. On est d'accord
avec les objectifs. Par contre, bien que vous vous questionniez sur la montée
du religieux, la présence du religieux, nous, on se questionne sur nos
problèmes dans notre réseau, sans quoi, je suis certain, vous questionnez
aussi. Et, lorsqu'on pense que ce qui est sur la table, présentement, pour la
laïcité, va avoir des impacts négatifs dans un réseau qui n'a pas besoin
d'impacts négatifs.
M. Bérubé : Je suis très
sensible à ça. Par exemple, la question de l'évaluation, je trouve que c'est trop,
ce qu'on demande. On n'a pas besoin d'ajouter ça. Ça, je suis sensible à ça.
Mais, de façon générale, comme vous prenez position sur toutes sortes d'enjeux,
est-ce que vous êtes prêts à faire quelque chose de plus de votre propre
initiative pour réaffirmer la laïcité et que vous comprenez le... je dirais la
bataille qu'on mène, soit les parlementaires qui veulent s'assurer de ça? C'est
le cas du ministre puis et c'est mon cas aussi.
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes, M. Gingras.
M. Gingras (Éric) : Écoutez,
je dois vous... je dois vous dire que j'ai peine à comprendre qu'est-ce qu'on
peut faire de plus que se présenter ici, à être d'accord avec les... se
présenter ici, être d'accord avec les objectifs, dire que c'est louable, c'est intéressant,
mais il faut quand même, certains, se questionner sur les impacts d'autres
choses qui ne sont pas de l'ordre du religieux.
M. Bérubé : Mais, si ce
n'était pas du projet de loi, il y a-tu d'autres...
M. Bérubé : …chose que vous étiez
prêt à faire?
M. Gingras (Éric) : Bien,
c'est quand même… c'est quand même beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) :
Malheureusement… Merci. C'est malheureusement tout le temps qu'on avait pour
ces échanges. Merci infiniment pour votre contribution à ces travaux.
Pour ma part, je suspends quelques
instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
(Reprise à 12 h 20)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons notre
prochain groupe, soit l'Association montréalaise des directions
d'établissements scolaires. Donc, avec Mme Kathleen Legault, Mme Christine
Villiard, Julie Dessureault, et M. Sébastien Cléroux. Donc, bienvenue cette
commission. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps de 10 minutes
pour nous faire part de votre exposé et ensuite nous procéderons à une période
d'échange avec les membres de la commission.
Mme Legault (Kathleen) : Mme
la Présidente, Mmes et MM. les parlementaires, je me présente, Kathleen
Legault, présidente de l'AMDES, l'Association montréalaise des directions
d'établissements scolaires, qui représente 90 % du personnel de direction
des écoles et des centres de formation qui desservent 230 000 élèves
jeunes et adultes à Montréal. Et je suis accompagnée de trois directions
actuellement en poste.
Alors, dans un contexte de gestion déjà
très exigeant, les directions assistent à la multiplication des demandes d'accommodement
pour motifs religieux. Malgré les défis, elles fondent leur décision sur le
bien-être des élèves, la recherche d'un climat sain et sécuritaire et une
volonté de favoriser le vivre-ensemble. Des situations récentes, largement
médiatisées, ont révélé une non-application de la loi sur la laïcité de l'État
et, dans certaines écoles, des enjeux quant à la qualité des services éducatifs
offerts aux élèves. Le rapport d'enquête sur les 17 écoles a notamment
confirmé que les demandes d'accommodement pour motif religieux étaient gérées
différemment d'un centre de services scolaire à l'autre ou d'un établissement à
l'autre. Ces événements préoccupants confirment l'urgence de mettre en place
des mesures visant à protéger les milieux, mieux encadrer certains comportements
et corriger les situations problématiques, ce que les lois actuelles n'ont pas
permis de faire, notamment…
Mme Legault (Kathleen) : ...du
personnel enseignant. Au fil des décennies, l'école montréalaise a accueilli
plus d'immigrants que partout ailleurs au Québec. Elle a développé une
expertise pour assurer la réussite des élèves de diverses cultures s'exprimant
à leur entrée à l'école dans d'autres langues que le français.
C'est fort de cette expérience que nous
avons analysé les dispositions du projet de loi n° 94 sur trois... sous
trois aspects : la qualité des services éducatifs, la gestion des
établissements et la gouvernance des instances locales. Nous nous sommes posé
la question : Est-ce que les mesures proposées sont suffisamment structurantes
et efficaces pour éviter des dérives comme celle de l'école Bedford ou d'autres
établissements enquêtés? Nous aurions aimé répondre oui, mais malheureusement
nous n'en sommes pas certains. Car si ces mesures prévues au projet de loi n° 94
peuvent avoir certains mérites, il est clair pour nous que les dérives
auxquelles nous avons assisté sont dues essentiellement au fait que les
directions ne disposent pas des outils disciplinaires que possèdent tous les
autres patrons pour régler les problèmes de personnel récalcitrant. Ce sont ces
outils que nous réclamons pour faire la différence, notamment au niveau de la
qualité des services éducatifs, une responsabilité qui nous incombe. Donc,
notre message est clair : donnez-nous les moyens d'agir.
Bien qu'il soit déjà possible d'obtenir
les planifications pédagogiques des enseignants, cet ajout à la Loi sur
l'instruction publique confirme notre légitimité à en faire la demande, ce qui
est bien. Mais pour qu'on puisse assurer qu'elles soient réellement mises en
œuvre, il faut avoir le droit... ajouter le droit pour les directions de se
présenter en tout temps en classe pour observer la réalisation de ces
obligations.
Quant à l'évaluation annuelle des
enseignants, c'est une mesure mur à mur très... très lourde d'application pour
corriger des situations ponctuelles. Nous recommandons plutôt des rencontres
professionnelles annuelles pour discuter d'enjeux pédagogiques, de
planification, d'encadrement des élèves, de besoins de formation, etc.
Cependant, les directions devraient pouvoir déclencher plus facilement un
processus d'évaluation formelle du personnel, expérimenté ou non, permanent ou
non, pour lequel les rencontres professionnelles ou les mesures de soutien
n'ont pas suffi à démontrer les compétences requises. Bien que ces cas soient
rares, nous devons pouvoir agir plus vite lorsqu'ils surviennent. Concrètement,
nous devons concentrer nos énergies là où il y a des problématiques et/ou si
nous avons des doutes sur la compétence de l'enseignant. De plus, il faut
officialiser la possibilité pour la direction d'imposer des formations. Nous
sommes en accord... Non, non...
Portons maintenant un regard sur la
gestion des établissements scolaires. Nous accueillons favorablement le
renforcement des valeurs démocratiques et québécoises, la reconnaissance de
l'égalité entre les personnes et l'obligation du visage découvert. Bien que
nous sommes conscients que le port de signes religieux n'est pas la source des
problèmes répertoriés dans les écoles et que l'élargissement de cette
interdiction à tous les membres du personnel ne garantit pas la neutralité
religieuse des établissements, nous sommes majoritairement en accord avec cette
mesure. Cependant, nous craignons qu'elle aggrave la pénurie de personnel,
particulièrement celle du personnel de soutien, qui représente près de
40 % du personnel de nos établissements. Le fait que cette interdiction
s'applique aussi aux autres intervenants dans l'école — contractuels,
animateurs, parents bénévoles — suscite aussi des inquiétudes. Nous
pouvons cependant espérer que l'élargissement de l'interdiction à d'autres
corps d'emploi contribue, du moins à moyen terme, à renforcer l'image de
neutralité religieuse de nos établissements.
Pour ce qui est des éléments pour lesquels
aucun accommodement, dérogation ou adaptation ne peut être accordé pour motif
religieux, nous demandons des clarifications concernant les aliments offerts
dans les établissements, par exemple au Club des petits déjeuners, repas
offerts au personnel, etc.
Par ailleurs, nous sommes tout à fait
d'accord à reconnaître une place de choix du français dans nos écoles. C'est
essentiel. Cependant, soucieux du bien être des jeunes récemment arrivés au
Québec, nous demandons qu'il soit possible pour les intervenants d'utiliser
occasionnellement une autre langue dans les deux premières années à l'école des
clientèles immigrantes dans le but de favoriser la réussite des élèves.
Pour ce qui est de la gouvernance dans les
conseils d'établissement, nous accueillons favorablement l'ajout du...
Mme Legault (Kathleen) :
…d'éthique et de déontologie qui pourrait être élaboré par le ministère de
l'Éducation, alors que les manquements à ce code, sauf s'ils sont graves,
devraient être gérés par le centre de services scolaire.
Pour conclure, au quotidien, les
directions se retrouvent seuls en autorité dans l'établissement à gérer des
situations de plus en plus complexes, à faire face à des parents parfois
vindicatifs ainsi qu'à des membres du personnel qui font parfois front commun.
Dans ce contexte, même des directives claires peuvent constituer des défis
d'application. Qu'adviendra-t-il si nous ne réussissons pas à recruter de
nouveaux personnels qui accepteront… accepteront de ne pas porter de signes
religieux dans les services de garde, pour le service de dîner, comme
éducateurs spécialisés, orthophonistes, conseillers pédagogiques? Comment
allons-nous gérer ces mères qui se présenteront avec le visage couvert pour
rencontrer des intervenants de l'école alors que nous devons leur interdire
l'entrée? Quel impact cela aura-t-il sur l'indispensable lien de confiance
entre la famille et l'école? Parviendrons-nous à recruter des parents bénévoles
pour la bibliothèque scolaire ou les sorties éducatives?
Les directions devront être mieux
soutenues par les centres de services scolaires en termes de services-conseils
et d'outils pour gérer les demandes d'accompagnement… d'accommodement,
excusez-moi, d'exemption et les droits acquis pour le personnel permanent et
temporaire. Plus les consignes seront claires, plus nos actions seront
équitables et uniformes d'une école à l'autre et moins nous serons sous
pression. Car il ne faut pas minimiser le fait que dans la grande région de
Montréal, certains groupes religieux se structurent souvent autour de lieux de
culte ou de centres communautaires pour faire la promotion d'autres valeurs que
les valeurs québécoises et tenter d'influencer certaines instances de
gouvernance.
En terminant, nous tenons à vous remercier
pour cette invitation à participer aux travaux de la commission et nous vous
assurons de notre collaboration pour la suite.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, Mme Legault pour cette intervention. Donc, nous allons débuter
la période d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole pour une période
de 11 minutes 30.
• (12 h 30) •
M. Drainville : Très bien,
très bien. Merci. Merci, Mme Legault et les trois directeurs, directrices qui
vous accompagnent. Merci beaucoup de votre participation. Bien, c'est un
mémoire très intéressant. Je le trouve très nuancé. Je constate que vous
maintenez votre prédisposition positive, favorable au projet de loi sur nombre
d'enjeux, comme vous l'avez fait dès le départ, dès le dépôt, Mme Legault, vous
avez manifesté, je dirais, une ouverture très positive, pour ne pas dire un
appui au projet de loi, un appui avec des nuances comme il se doit.
Sur la… Sur la question des congés
religieux, là, j'ai vraiment des signaux très, très différents d'un intervenant
à l'autre. Dans certains cas, comme c'était le cas du groupe précédent, on m'a
dit : Écoutez, ça se fait déjà, c'est les congés flottants. D'autres me
disent : c'est les congés pour force majeure qui sont utilisés, d'autres
me disent : c'est des congés personnels qui sont utilisés. Bon, pendant ce
temps, aux centres de services scolaires de Montréal, il y a eu
3 600 congés religieux en deux ans et demi. Ça, ce sont les chiffres
mêmes du Centre de services scolaire de Montréal, là. Ça fait que visiblement,
en tout cas, au Centre de services scolaire de Montréal, il se donne beaucoup
de congés religieux, donc à des personnes qui se réclament d'une religion. Et
évidemment, ça crée un sentiment d'iniquité auprès de certains collègues qui
n'ont pas de religion et donc qui n'ont pas droit à ces congés supplémentaires
payés.
Dites-moi Mme Legault, ou sinon, les
personnes qui vous accompagnent, comment vous les gérez, vous, les demandes de
congé religieux actuellement et comment est-ce que le projet de loi va vous
aider à mieux les gérer à l'avenir pour assurer plus d'équité entre les membres
de l'équipe-école?
Mme Legault (Kathleen) : Bien,
d'abord, on est d'accord avec l'idée qu'on ne devrait pas avoir plus de congés
payés, donc, ça...
M. Legault : Parce qu'on a une
religion. Oui, c'est ça?
Mme Legault (Kathleen) : Oui.
Et effectivement, c'est géré différemment d'un centre de services scolaire à
l'autre, même sur l'île de Montréal et comment… comment on peut accepter que ce
soit géré différemment? Alors, si les ententes locales présentes permettent que
ce soit équitable, bon, ça peut toujours… ça peut toujours se gérer comme ça.
Mais effectivement, le fait qu'ils soient payés systématiquement et qu'ils
s'ajoutent aux centres de services scolaires de Montréal contribue sans doute à
ce qu'on en reçoive un nombre élevé. Puis je vais laisser Julie poursuivre sur
comment on les attribue dans les établissements…
12 h 30 (version non révisée)
Mme Dessureault (Julie) : ...donc
directrice du Centre services scolaires de Montréal dans le Petit Maghreb. Je
fais partie des statistiques, j'en reçois énormément. Nous... Effectivement, ça
crée de la frustration chez les membres du personnel qui n'ont pas accès à ces
congés-là, je vous le confirme. Ce qu'on regarde, peut-être que le fait que ce
soit dans les journées de nature personnelle, ça va faire en sorte que je vais
en avoir moins. Le fait qu'on ne soit pas capable d'identifier clairement, une
semaine à l'avance, ça va tomber sur quel jour? Je vous avoue que la femme de
sciences en moi a beaucoup de difficulté à comprendre ça. Comment ça se fait qu'une
semaine à l'avance on n'est pas capable de savoir elle va être où la Lune, là?
Ce n'est pas les mêmes paramètres, tout dépendant des personnes.
Donc, on regarde combien nous recevons de
demandes, le fait que ce soit un congé de nature religieux. Ça fait qu'ils
peuvent nous le demander... doivent nous le demander une semaine à l'avance. Un
congé de nature personnelle, c'est beaucoup plus serré comme délai. Une semaine
à l'avance. Mais là, on regarde. Est-ce que je suis en mesure, moi, d'offrir le
service? Est-ce que je suis en bris de services? Si on est en bris de service,
bien là, à un moment donné, on regarde combien est-ce qu'on est capable d'en
allouer. Parce qu'on est en pénurie de suppléants, là, combien est-ce que je
suis capable de me permettre des personnes en congé ou des secrétaires? Moi,
toutes les secrétaires partent cette journée-là. Et si je ne suis pas en mesure
de l'autoriser à tout le monde, on fait une pige au sort et l'année suivante,
bien, ils ne seront pas les... à prioriser. Ceux qui auront eu leur congé ne
seront pas priorisés dans la pige au sort. Est-ce que c'est clair comme
réponse?
M. Drainville : Bien, c'est-à-dire
que ça me donne des éléments d'information, mais j'essaie juste de comprendre.
Vous dites : Pour ce qui est des congés religieux, il faut qu'ils nous le
demandent une semaine à l'avance.
Mme Dessureault (Julie) :
Oui.
M. Drainville : Bon. Alors, est-ce
qu'ils le font? Est-ce qu'ils vous le demandent une semaine à l'avance ou pas?
Mme Dessureault (Julie) : Certains.
Il y en a d'autres qu'il faut que je leur rappelle parce qu'il faut que j'arrive
à me faire une tête. Donc, quand ça arrive quatre jours à l'avance, mais je
peux leur dire : Écoutez, je ne suis pas en mesure de vous accommoder.
M. Drainville : Il arrive
quoi pendant ce temps-là?
Mme Dessureault (Julie) : Certains
vont le prendre en journée de maladie, certains vont rentrer.
M. Drainville : Puis certains
vont rentrer au travail, dites-vous?
Mme Dessureault (Julie) : Oui.
M. Drainville : Puis ceux qui
vous parlent de congé religieux, qui vous demandent carrément un congé
religieux, est-ce qu'ils le nomment comme ça? Ils disent : C'est pour ma
religion.
Mme Dessureault (Julie) : Oui,
oui.
M. Drainville : Puis vous
vous... Si c'est une semaine d'avance, vous devez l'accorder?
Mme Dessureault (Julie) : Dans
la mesure du possible.
M. Drainville : Puis ça, qu'est-ce
qui vous oblige à le donner dans la mesure du possible?
Mme Legault (Kathleen) : Nos encadrements.
Alors, nous, on a...
M. Drainville : Les règles du
centre de services, Mme?
Mme Legault (Kathleen) : Oui,
oui, on a un encadrement. Donc, c'est-à-dire qu'il y a des principes à
regarder. Il faut s'assurer, là, qu'on ne mette pas en péril la qualité des
services éducatifs, qu'on est capable de remplacer les gens. Puis Julie parlait
d'une pige au sort, dans d'autres milieux, c'est l'alternance et on... peut-être
que, dans mon école, je peux en accorder cinq, peut-être que, dans l'autre
école à côté, ils peuvent en accorder 20. Puis... puis aussi où avec les gens
du service de garde, souvent, ce que les gens m'ont demandé, c'est de modifier
leurs heures de travail, donc ils vont échanger. Donc des fois, on peut
accommoder aussi des modifications dans leur horaire de temps.
M. Drainville : Donc, Mme
Dessureault, quand je vous dis, moi... quand on vous dit, dans le projet de loi :
Dorénavant, vous allez pouvoir refuser les congés religieux qui mettent à
risque la qualité des services éducatifs. Ça vous donne un outil pour dire :
Dorénavant, quand tu vas me demander un congé religieux, que ce soit cinq jours
avant ou trois jours avant ou sept jours avant, ça va être non.
Mme Dessureault (Julie) : Ça
va me donner un levier, effectivement. Toutefois, un congé de nature personnelle,
la personne peut me le demander 24 ou 48 heures avant. Donc, à partir...
il faudrait garder un délai raisonnable pour demander un congé religieux qui
serait pris dans la banque de congés de nature personnelle. Comprenez-vous la
nuance?
M. Drainville : Oui, les
congés personnels, il y en a combien dans la banque?
Mme Dessureault (Julie) : Deux.
M. Drainville : Il y en a
deux. Puis est-ce qu'ils sont obligés de le justifier? Est-ce que, quand ils
vous le demandent, est-ce qu'ils doivent.
Mme Dessureault (Julie) : Non.
M. Drainville : Non. Donc,
ils pourraient décider de le prendre dans leur banque de congés personnels sans
vous dire que c'est pour des raisons religieuses.
Mme Dessureault (Julie) : Effectivement.
M. Drainville : Sauf qu'ils
ne pourront pas en prendre plus que deux.
Mme Dessureault (Julie) : Deux,
et ils ne pourront pas en prendre plus que deux, et ça fait partie de leurs six
journées de maladie. Les congés de nature personnelle sont dans leur banque de
congés de maladie.
M. Drainville : O.K.
Mme Dessureault (Julie) : Donc,
dans la banque de congés de maladie, l'employé — mais ce que je te
parle, ça, c'est surtout, oui, l'employé — a deux occasions de me
dire je serai absent vendredi prochain. Il n'est pas en train de me dire je
vais être malade vendredi prochain. Bien a. Avant que ça apparaisse, c'était
ça.
M. Drainville : Donc, sans
donner la raison...
M. Drainville : ...ily
en a deux, c'est des congés personnels, les quatre autres qui font partie de la
banque de congés de maladie.
Mme Dessureault (Julie) : C'est
des journées de maladie, des journées de responsabilité familiale.
M. Drainville : Et là, est-ce
qu'ils sont obligés de justifier que c'est... qu'ils étaient vraiment malades,
ou comment vous gérez ça, les...
Mme Dessureault (Julie) : Ils
nous disent s'ils ont été malades ou s'ils étaient en responsabilité familiale.
Évidemment, on ne peut pas exiger de preuves. Avant, quand on avait trois jours
consécutifs que l'enseignant était absent puis qu'on avait des doutes, on
pouvait demander un billet médical. Là, c'est beaucoup plus long avant qu'on
puisse exiger un billet médical, il faut qu'on ait des doutes sérieux.
M. Drainville : Donc, pour
les quatre autres congés qui appartiennent à la banque de congés de maladie.
Dans le fond, ce que vous me dites, c'est que vous faites confiance.
Mme Dessureault (Julie) :
Oui.
M. Drainville : Dans la
majorité des cas, là, vous allez dire : Bien là, tu me dis que tu as été
malade, je te crois sur parole.
Mme Dessureault (Julie) : On
n'a pas bien, bien, le choix, là, parce qu'on a eu une consigne ministérielle
de ne pas exiger de billet médical pour ne pas embourber le réseau de la santé.
M. Drainville : D'accord. Sur
le droit pour les directions de se présenter, en tout temps, en classe pour
observer la réalisation des planifications, Mme Legault, moi, je pense que vous
avez déjà ce droit en fonction du droit de gérance.
Mme Legault (Kathleen) : En
fait, vous savez, on peut déjà demander les planifications pédagogiques, on va
le mettre dans la loi. On peut déjà faire des rencontres professionnelles, on
va le mettre dans la loi, et ça donne une force quand c'est dans la loi. Alors,
c'est vrai qu'on peut, mais ce n'est pas toujours si simple quand...
Sincèrement ou concrètement, si c'était dans la loi, ça renforcerait notre
droit à le faire.
M. Drainville : Mais
expliquez-moi, qu'est-ce qui arrive? Mettons qu'une directrice veut aller
vérifier dans la classe que la planification stratégique... planification pluriannuelle,
dis-je bien, qui vous a été donnée au début de l'année, qu'elle est bel et bien
respectée dans l'enseignement. Bon. Vous arrivez à la porte de la classe, vous
cognez puis vous ouvrez la porte, il va arriver quoi, l'enseignante va vous
dire : Tu n'as pas le droit d'être dans ma classe?
Mme Legault (Kathleen) : Bien,
en fait, ça pourrait être variable, évidemment, on parle dans le cas
d'enseignants problématiques. On avait vu des gens qui avaient placardé leurs
portes, qui arrêteraient d'enseigner quand on entre dans la classe. Il y a
toutes sortes de manifestations d'opposition qu'on pourrait voir, alors que le
fait que de nous l'octroyer officiellement, légalement, ça donnerait juste de
la légitimité et ça faciliterait notre travail.
• (12 h 40) •
M. Drainville : Et si on le
mettait dans le guide ministériel? Parce que vous savez que le projet de loi
prévoit un guide en matière d'évaluation et de planification, on pourrait le
mettre dans ce guide-là. Vous, je comprends que vous préféreriez que ce soit
dans la loi, mais si on le mettait dans le guide ministériel, ce serait déjà
une poignée de plus quand même, non?
Mme Legault (Kathleen) : Le
guide est à l'intention des directions ou est à l'intention des enseignants?
M. Drainville : Le guide, il
est à l'intention de tout le monde.
Mme Legault (Kathleen) : O.K.
Il est à l'intention de tout le monde.
M. Drainville : Bien oui...
Mme Legault (Kathleen) : Ça
pourrait...
M. Drainville : ...on va
l'envoyer au réseau. Il va viser à la fois les responsabilités des directions
d'école puis il va viser aussi les responsabilités des... du corps enseignant.
Mme Legault (Kathleen) : Mais
ça pourrait être une solution, ce qui serait déjà un pas dans la bonne
direction. Nous, tout ce qui confirme nos droits de gérance et qui leur donne
de la solidité, on est d'accord avec ça.
M. Drainville : Voyez-vous,
ce qui est écrit ici, c'est que «le ministre élabore à l'intention des
directeurs d'établissement un guide proposant des bonnes pratiques en matière
de planification pédagogique et d'évaluation des contributions des enseignants
au projet éducatif.» Donc, déjà, la loi vous donne cette possibilité-là. Vous
proposez, si je vous comprends bien, peut-être qu'il faudrait élargir le guide
également aux enseignants.
Mme Legault (Kathleen) : Ce
n'est pas nécessairement ça qu'on proposait, mais...
M. Drainville : Ça pourrait.
Mme Legault (Kathleen) : ...vous
comprenez que ce n'est pas la même chose puisque...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a pour cet échange. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé, porte-parole de
l'opposition officielle, pour une période de 8 minutes...
8 min 37 s, pardon.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Bonjour également à vous, M. Cléroux. Merci
d'être avec nous aujourd'hui et merci pour la transmission de votre mémoire.
Je vais peut-être aller, donc, sur la même
thématique que... le même sujet que vous avez discuté avec le ministre sur la
question, donc, de la banque de congés, parce que je n'ai pas nécessairement,
donc, tout à fait, donc, saisi l'ensemble des nuances que vous... apporter.
Donc, le groupe précédent... Il y a beaucoup de groupes, en fait, qui sont
venus précédemment, donc, nous ont parlé, donc, de la question, donc, des ententes
locales. Donc, on comprend bien que, par centre de services scolaires, que les
ententes sont négociées différemment au niveau de la banque de congés, mais que
c'est effectivement, donc, ce cadre-là, et, Mme Legault, vous l'avez bien
exposé, effectivement, donc, un certain cadre, là, au niveau de la capacité de
pouvoir octroyer certains... certains aménagements. Mais, de façon générale,
par centre de services scolaires, donc, il va y avoir...
Mme Cadet : ...leviers qui
sont donnés. Là, ce que vous nous dites, c'est que dans votre centre de
services scolaire, donc Mme Dessureault, donc vous, selon vous, donc,
l'entente qui a été négociée n'est pas satisfaisante pour permettre d'encadrer
avec équité l'octroi des congés, c'est ça?
Mme Dessureault (Julie) : Présentement,
dans mon centre de services scolaire, quelqu'un qui prend un congé religieux,
c'est une journée de plus de congés qu'il a. Donc, si quelqu'un ne me fait pas
part qu'il fait partie d'une religion, il n'a pas ces congés-là. Donc, ces
gens-là ont deux congés de plus dans l'année. Et, effectivement, ce sont des
frustrations qui sont nommées par les membres du personnel de l'école.
Mme Cadet : O.K., merci. Donc
là, je comprends bien. Maintenant, le groupe précédent est venu nous dire...
Donc, évidemment, donc, eux, ils nous parlaient, donc, de journées flottantes,
donc, dans leur réalité à eux, mais ils sont essentiellement venus nous dire
qu'ils préféraient que les partis puissent préserver l'autonomie, donc, de
négocier entre elles certaines ententes qui soient le plus équitable possible.
Ce qu'on entend, c'est que, dans certains
milieux, que c'est tout à fait équitable. Certains nous ont parlé effectivement
de force majeure, d'autres de journées flottantes, donc on nous a dit que ça
fait partie intégrante d'une banque en tant que telle. J'ai cru voir l'entente
liée au Centre de services scolaire de la Pointe de l'île, par exemple, où on
comprend qu'il y a effectivement des congés religieux, mais qui sont à
l'intérieur d'une certaine banque, mais chez vous, ça a été négocié
différemment. Et est-ce que vous croyez que, dans le fond, ce serait mieux
qu'il y ait une balise qui vienne d'en haut, qui soit uniformisatrice ou que
les centres de services scolaires et les autres partis puissent préserver
l'autonomie de se négocier des ententes au niveau de la banque de congés de
façon générale, incluant ou pas une banque de congés religieux? Ce serait à...
des partis de décider de se l'octroyer.
Mme Dessureault (Julie) : C'est
sûr que moi, je suis dans une réalité qui est très montréalaise. C'est un enjeu
à Montréal. C'est un enjeu dans mon quartier de Montréal. C'est délicat de me
prononcer pour la Gaspésie, par exemple. Donc, M. Drainville a nommé des
statistiques qui sont très parlantes par rapport à ces demandes de congé là,
qui nous amènent des fois à être sur le point d'être en bris de service, là,
que je n'ai pas suffisamment d'adultes pour avoir un adulte dans la classe.
Mais là, est-ce que ça vaut la peine de l'étendre à l'ensemble du Québec? Je
trouve que je ne suis pas la meilleure personne pour nommer ça, là, ça va
au-delà de mon champ d'expertise. Est-ce que c'est un enjeu chez nous? Oui.
Mme Cadet : Je comprends.
Merci. Là, vous venez de parler de bris de service. Le groupe précédent, donc,
nous parlait de leur approche qu'eux nommaient de pragmatique. Certains autres
groupes aussi dans le milieu de l'éducation nous ont évoqué, donc, certaines
craintes au niveau de potentiels bris de service en raison de l'adoption des
mesures, des dispositions qui concernent le port de signes religieux. Je crois
vous avoir aussi entendu en début d'allocution, donc, nous dire que vous êtes
en faveur sur le principe, mais que, sur l'application, que ça pourrait
occasionner certains défis au niveau du recrutement. J'aimerais vous laisser
élaborer sur ce point-là.
Mme Legault (Kathleen) : Oui.
Effectivement. Est-ce que tu veux nous parler de comment ça peut affecter,
exemple, un service de garde dans une école primaire?
M. Cléroux (Sébastien) : Je
suis à Saint-Léonard, donc voisin de Mme Julie, à la pointe de l'île. Chez
nous, j'ai un petit service de garde. J'ai 14 éducatrices, toutes de
religion musulmane...
Une voix : ...
M. Cléroux (Sébastien) : ...de
confession, merci, 12 sur 14 portant le voile. Alors, à moyen terme, quel effet
ça va avoir sur ma capacité à offrir un service de garde, moi ça m'inquiète. On
est d'accord avec le principe. Tantôt, on discutait du message que ça peut
envoyer, le port du voile, parce que c'est de ça majoritairement dont on parle.
On est tout à fait d'accord avec ça, mais, au niveau pratique, là, si l'année
prochaine ces gens-là ne peuvent pas travailler, moi, je n'ai pas de service de
garde puis j'ai des enfants qui n'auront pas leur personne... des enfants qui
n'auront pas leur personne de référence avec eux, là.
Mme Cadet : Oui, et
certaines... Et là on sait qu'il y a aussi certaines éducatrices en service de
garde aujourd'hui sont aussi aide à la classe. Donc, on sait que la rédaction
de la clause grand-père qui se trouve dans le projet de loi, et j'ai employé
des termes utilisés précédemment, donc attitrée au poste et pas nécessairement
la personne, vous, comment est-ce que ça complexifie votre tâche, que la clause
de droits acquis qui se retrouve au projet de loi soit aussi circonscrite?
M. Cléroux (Sébastien) : Au
niveau de l'aide à la classe?
Mme Cadet : Bien là, je
donnais l'exemple de l'aide à la classe, c'est-à-dire que... puisque vous
parliez des éducatrices en service de garde, donc on sait qu'elles peuvent
avoir, donc, certaines autres tâches, mais ce que je comprends du milieu, c'est
que les membres du personnel de soutien, contrairement aux enseignantes, ont un
peu plus, donc, de mobilité, donc, dans leurs tâches. Et là je donne cet
exemple qui est très prévalent.
M. Cléroux (Sébastien) : Bien,
effectivement, contrairement aux enseignants où la clause est assez facile à
gérer parce qu'une fois que je travaille, bien, je reste pas mal enseignant, à
moins que je change de centre de services où là ça ne s'applique plus ou que je
veuille donner direction où ma clause grand-père ne s'applique plus...
M. Cléroux (Sébastien) : …au
niveau des services de garde, on a un peu plus de… de mobilité. J'ai plusieurs
éducatrices qui font leurs cours pour devenir TES, par exemple, techniciennes
en éducation spécialisée ou secrétaire. Bien là, c'est sûr qu'on… ça l'a été
nommé auparavant, là, ça empêche les personnes, là, de…
Mme Cadet : Ça limiterait leur
promotion, oui.
M. Cléroux (Sébastien) :
…d'accéder… d'accéder à un autre poste, là, qui pourrait les intéresser,
effectivement.
Mme Cadet : Donc, ça
limiterait leur promotion et vous, ça complexifierait votre tâche au niveau du
recrutement et au niveau de…
M. Cléroux (Sébastien) : De
façon évidente.
Mme Cadet : O.K. Merci
beaucoup. Je laisse mon collègue de l'Acadie compléter notre temps.
M. Morin : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Alors, Bonjour. Merci d'être là avec nous. Moi, j'aurais une
question un peu plus spécifique sur une des dispositions du projet de loi. Je
ne me souviens pas de l'avoir vue dans votre mémoire, mais peut-être y
avez-vous réfléchi, parce que vous représentez évidemment des directions, donc
vous allez devoir appliquer, n'est-ce pas, les différentes… mécanismes,
procédures qui vont venir avec le projet de loi.
À l'article 32 du projet de loi, il
va y avoir une modification apportée avec un nouvel article qui va dire
spécifiquement : «Le centre de services scolaire s'assure que la conduite
des membres de son personnel et de toute personne appelée à dispenser des
services pour le compte de celui-ci, donc, c'est à peu près tout le monde, ou,
dans le cadre de la réalisation d'un projet pédagogique particulier, est
exempte de considérations religieuses.»
En tout cas, ce n'était pas très clair
pour moi, ce qu'on entend ou ce que le législateur veut dire par considérations
religieuses. Est-ce que vous avez eu la chance d'y réfléchir? Si vous aviez à
appliquer ça, comment vous le feriez? Et ça correspond à quoi pour vous des
considérations religieuses?
Mme Legault (Kathleen) : En
fait, on n'a pas réfléchi à cet aspect-là spécifiquement. Donc, je ne
m'aventurerai pas à vous donner une réponse actuellement.
M. Morin : Il y a d'autres
experts qui nous ont dit qu'au fond, ce que le projet de loi pourrait vouloir
corriger, ce sont des actes de prosélytisme. Quand j'ai lu votre votre mémoire,
le p.l. 94 réussirait-il à empêcher d'autres Bedford? J'ai cru comprendre…
La Présidente (Mme Dionne) :
Il vous reste 30 secondes, M. le député.
M. Morin : Bon, alors, si on
parlait de prosélytisme, est-ce que ce serait plus précis que des
considérations religieuses?
Mme Legault (Kathleen) :
Peut-être que oui. Mais nous, on est toujours d'avis que Bedford, c'est d'abord
une question d'encadrement des enseignants. Puis c'est pour ça qu'on réclame
plus de moyens. C'est certain que les dérives religieuses, on aurait pu les
cadrer beaucoup mieux si on avait eu plus de pouvoir pour intervenir, encadrer,
évaluer, comme on le dit dans notre mémoire.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup.
M. Morin : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Matane-Matapédia pour une
période de deux minutes 50.
• (12 h 50) •
M.
Bérubé
:
Merci. Bienvenue. Vous savez que j'ai eu le plaisir d'enseigner sur votre
territoire à l'école Georges-Vanier de Villeray, plusieurs années de ça, une
des belles expériences de ma vie et j'en conserve vraiment, là, des très bons
souvenirs. Écoutez, on a accueilli les… Le Syndicat des enseignants,
enseignantes de Montréal, la FAE, qui est très présent à Montréal. Puis on leur
a posé la question, une ministre aussi, sur les responsabilités. Puis je
partage beaucoup des conclusions du ministre. Ils nous ont référé aux
directions. Ils ont parlé de vous. Alors, je ne sais pas si vous avez écouté
cette intervention-là. Ils ont dit : Il faut que ce soit les directions.
Vous êtes là. Qu'est-ce que vous leur répondez quand ils indiquent qu'ils font
leur travail, mais que c'est les directions qui devraient être davantage responsabilisées
pour ce qui s'est passé ou qui pourrait se passer dans l'avenir, dans des cas
où il y a de l'entrisme, par exemple, parce que nous, on dit ce mot-là.
Mme Legault (Kathleen) : Bien,
c'est sûr qu'on est responsable de la sécurité dans nos établissements. On est
responsable de la qualité des services éducatifs, donc on a clairement des
gestes à poser. Et jusqu'à un certain point, ils n'ont pas tort. Puis les
outils, parce que je sais qu'ils le disent, les outils dont on dispose, ils
sont suffisants et efficaces pour une grande majorité de cas.
M.
Bérubé
:
Qu'est-ce qui manque?
Mme Legault (Kathleen) : Mais
comme on l'a dit dans notre mémoire, il faut… Parce que vous savez, ça… de la
façon que ça fonctionne, c'est qu'un enseignant arrive en poste, il est évalué
dans les deux premières années, puis il n'y a plus jamais d'évaluation
formelle, là, quand même qu'il travaillerait encore 30 ans, à moins, là,
de commettre une faute grave ou qu'on ait des… donc, ça, ça doit changer. Je
veux dire, dans l'évolution de la carrière, il y a des nouveaux programmes, il
y a des nouvelles matières, les connaissances sur l'apprentissage évoluent. Il
faut que la formation continue porte fruit. Et actuellement, on n'a pas de
levier d'évaluation. Et ce qu'on a vu dans le projet de loi, c'est... c'est
quelque chose qui se rapproche davantage à ce que nous, on appelle rencontre…
rencontre professionnelle, on rencontre le prof, on discute de ses enjeux, on…
tu sais, ça, c'est correct, on fait ça, mais, je veux dire, si le prof, là, il
n'est pas compétent, que c'est qu'on fait? C'est tellement compliqué.
M.
Bérubé
: Dans
le cas d'un enseignant qui décide qu'une fillette ne peut pas faire son soccer…
M. Bérubé : ...ou que des
jeunes ne peuvent pas faire de la... Il me semble que ça s'évite dans une
école. Ce n'est pas trop long.
Mme Legault (Kathleen) : Ça
s'évite dans une école puis clairement le projet de loi va nous donner des
leviers pour intervenir. Ça, c'est un fait. Et si on a plus de leviers, mais on
peut intervenir plus rapidement. Ça fait que, jusqu'à un certain point, ce
qu'il y a dans ce projet de loi là nous protège en partie de ce qu'on a vu dans
certaines écoles. Mais nous, on dit : Si on veut vraiment agir, quand les
gens n'enseignent pas tout le programme, parce que c'est ça aussi qu'on a vu...
Vous savez l'intervention...
La Présidente (Mme Dionne) : En
cinq secondes.
Mme Legault (Kathleen) : ...l'intervention
en classe, il faut aller en classe pour la voir.
M. Bérubé : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour votre contribution à ces travaux.
Alors, compte tenu de l'heure, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Merci à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 08)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bon après-midi à tous! La Commission de la culture et de l'éducation reprend
ses travaux.
Donc, nous, pour les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 94, la
Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et
modifier diverses dispositions législatives.
Donc, cet après-midi, nous entendrons les
personnes et organismes suivants, donc l'Association des commissions scolaires
anglophones du Québec, Mme Julie Larochelle-Audet, Corina Borri-Anadon, Sivane
Hirsch, Josée Charette et Hana Zayani, ainsi que le Protecteur national de
l'élève.
Donc, nous poursuivons avec nos prochains
invités. Donc, bonjour à tous et merci d'être à la commission. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé et ensuite
nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission.
M. Ortona (Joe) : Merci
beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés
et membres de la commission, thank you for inviting us to present today on
Bill 94, an Act to establish guidelines gouverning accomodations requests
within the administration and certain institutions.
I'm Joe Ortona, president
of the Québec English School Board Association
and I'm joined today by QESBA vice
president Christopher Craig, executive director Dace Meloche and Kim Hamilton,
director of Communications.
L'Association des
commissions scolaires anglophones du Québec exprime une profonde déception
ainsi qu'une vive préoccupation à l'égard du projet de loi n° 94. Ce
dernier propose d'étendre plusieurs dispositions relatives à la laïcité,
initialement introduite par la loi n° 21, encore plus largement au sein du
réseau de l'éducation. Il s'agit d'une mesure disproportionnée qui constitue
une réaction excessive à des situations isolées.
Ce qui s'est produit à l'école Bedford est
à la fois intolérable et injustifiable. Il demeure cependant un cas particulier
et, à ce titre, ne saurait justifier l'imposition généralisée de nouvelles
interdictions et obligations dans l'ensemble des établissements scolaires de la
province, a fortiori lorsqu'il est accompagné du recours à l'école à la clause dérogatoire.
Une telle approche repose sur une lecture exagérément alarmiste de faits
marginaux présentés comme s'ils révélaient une problématique systémique.
Sur le fond, ce projet de loi n° 94
méconnaît la réalité particulière des commissions scolaires anglophones qui se
distinguent par leur caractère institutionnel et leur modèle de gouvernance. En
plus de porter atteinte aux libertés fondamentales, notamment la liberté de
religion et le droit à l'égalité, il enfreint les droits à la gestion et au
contrôle communautaire expressément garantis à l'article 23 de la Charte
canadienne des droits et libertés.
• (14 h 10) •
M. Craig (Christopher) : Notre
mémoire expose les observations de l'ACSAQ quant à l'approche générale et aux
fondements du projet de loi n° 94. Il présente ensuite une analyse
structurée autour de quatre grands axes le caractère : le caractère
distinctif de la gouvernance de commissions scolaires anglophones, l'élargissement
des dispositions relatives à la laïcité, les mesures portant sur la gestion du
personnel enseignant, la création d'un comité de la qualité des services
éducatifs.
Le projet de loi n° 94 s'appuie
essentiellement sur deux documents : le rapport d'enquête sur l'administration,
l'organisation et le fonctionnement du Centre de services scolaires de Montréal
et de l'école Bedford, ainsi que le rapport de vérification des mesures prévues
par la Loi sur la laïcité de l'État. Toutefois, une analyse rigoureuse de leur
contenu révèle des constats fragmentaires et ponctuels. Loin de constituer une
base factuelle suffisante pour légitimer l'adoption de nouvelles mesures
législatives contraignantes à l'échelle de l'ensemble du réseau scolaire, rien
dans les conclusions de ces rapports ne permet de conclure à l'existence...
M. Craig (Christopher) : ...d'un
problème systémique qui exigerait une intervention législative de cette
ampleur.
M. Ortona (Joe) : En
introduisant une législation d'une telle ampleur à partir d'un incident isolé,
le gouvernement fait preuve d'une généralisation indue. Une intervention
administrative ciblée, qu'il s'agisse d'une enquête locale, d'un rappel à
l'ordre ou d'un encadrement professionnel approprié, aurait été suffisante pour
répondre efficacement à la situation survenue à l'école Bedford.
Or, le projet de loi n° 94 adopte une
approche uniforme et généralisée, imposant de nouvelles obligations à
l'ensemble des enseignants du Québec, sans lien proportionnel avec l'incident
qui en est à l'origine. Une telle réponse structurelle, centralisatrice et
rigide apparaît manifestement disproportionnée.
Au-delà des considérations pédagogiques,
ce projet s'appuie sur une interprétation contestable du principe de laïcité pour
justifier une centralisation accrue des pouvoirs décisionnels en matière
éducative. Il contribue ainsi à la création d'un problème artificiel, utilisé
pour légitimer une logique de contrôle normatif rigide et uniforme.
Cette approche compromet l'équilibre
essentiel entre les devoirs professionnels des enseignants, les droits
fondamentaux individuels et les responsabilités institutionnelles des
commissions scolaires. Elle réduit l'autonomie professionnelle et affaiblit les
mécanismes locaux de gouvernance éducative.
Par ailleurs, plusieurs dispositions du
projet de loi entraînent des répercussions directes sur les conditions de
travail du personnel enseignant et de soutien. Or, ces aspects relèvent
traditionnellement du champ de la négociation collective entre les commissions
scolaires et les syndicats. En ce sens, les modifications proposées
s'apparentent davantage à une tentative de redéfinir unilatéralement des
ententes conventionnelles qu'à une réforme cohérente et concertée du système
éducatif québécois.
M. Craig (Christopher) : La
méthode législative retenue dans le projet de loi n° 94 soulève de
sérieuses préoccupations. Elle reflète une volonté de centralisation de pouvoir
au détriment de l'autonomie professionnelle du personnel enseignant et de la
capacité des établissements scolaires à traiter les situations particulières de
manière contextuelle et appropriée. En cherchant à encadrer de manière rigide
l'ensemble du réseau pour répondre à un incident isolé, le législateur affaiblit
inutilement des structures déjà munies des outils nécessaires à une
intervention adéquate.
Il est donc fondamental de questionner la
légitimité de cette réponse législative. Une politique publique rigoureuse doit
s'appuyer sur les faits documentés, les données probantes et une volonté claire
d'amélioration du système. Elle ne saurait reposer sur la gestion politisée de
ces anecdotes, au risque d'éroder la confiance dans les institutions et dans
ceux qui y travaillent au quotidien.
M. Ortona (Joe) : À la suite
de l'arrêt de la Cour d'appel du Québec sur le projet de loi n° 40, lequel
a conclu à l'inconstitutionnalité de la majorité de ses dispositions, les
commissions scolaires anglophones ont été confirmées dans leur statut et leur
légitimité juridiques.
Pourtant, le projet de loi n° 94
évite délibérément de mentionner les commissions scolaires, optant plutôt pour
une terminologie inspirée du modèle des centres de services scolaires instauré
par la loi 40. Ce choix n'est pas anodin. Il traduit une volonté implicite
d'imposer à l'ensemble du réseau une structure administrative centralisée,
subordonnée aux directives ministérielles, au mépris du rôle démocratique et
éducatif que remplissent les commissions scolaires anglophones.
La cour précise également, et je
cite : «Une mesure législative qui peut être appropriée pour la majorité
linguistique ne justifie pas automatiquement une atteinte au droit garanti par
l'article 23 de la Charte.»
En tentant de contourner cette réalité
juridique, le projet de loi n° 94 soulève des questions constitutionnelles
essentielles et met en péril l'équilibre fragile entre l'autorité ministérielle
et les droits des minorités linguistiques au Québec.
M. Craig (Christopher) : Concrètement,
le projet de loi étend l'interdiction du port des signes religieux à l'ensemble
du personnel scolaire, aux parents bénévoles et aux sous-traitants. Il exige
également que les élèves, les personnels et les contractuels aient le visage
découvert, interdit l'utilisation des locaux...
M. Craig (Christopher) : ...des
locaux scolaires pour toute pratique religieuse et restreint sévèrement les
accommodations religieuses pour les personnels et des élèves. De plus, il
impose que les méthodes d'enseignement et d'évaluation soient conformes à la
laïcité de l'État et interdit aux membres des conseils, commissaires et autres
personnels d'adopter les conduites motivées par les considérations religieuses.
Par ces mesures, le projet de loi impose une vision coercitive et exclusive de
la laïcité dans les écoles, ce qui va à l'encontre des principes fondamentaux
protégés par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Cette
approche, qui cherche à imposer une vision rigide de la laïcité, est non
seulement erronée, mais également dangereuse.
M. Ortona (Joe) : L'école
publique doit rester un lieu de réflexion, d'analyse et d'ouverture sur le
monde et non se transformer en un espace stérile où certains sujets deviennent
tabous par crainte d'enfreindre des règles excessivement rigides. Toute
politique éducative visant à former des citoyens pleinement engagés dans une
société pluraliste doit s'appuyer sur une compréhension nuancée de la laïcité,
respectueuse des droits fondamentaux et de la mission éducative.
Les commissions scolaires anglophones
contestent actuellement la loi 21 devant la Cour suprême du Canada,
notamment sur la base de l'article 23 de la Charte canadienne des droits
et libertés. Or, le projet de loi n° 94, en cherchant à élargir la portée
des dispositions de la loi 21, porte également atteinte à cet article
fondamental en empiétant directement sur la capacité des commissions scolaires
de la langue anglaise à exercer leur autonomie en matière de langue, de culture
et de diversité religieuse. Le projet de loi...
La Présidente (Mme Dionne) : ...c'est
malheureusement tout le temps qu'on a pour votre exposé. Si vous me permettez,
on va passer à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je
cède la parole à M. le ministre pour une période de 15 minutes.
M. Drainville : Quinze
minutes? Ah! Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre
présentation. «Good afternoon.»
Une voix : Bonjour.
M. Drainville : On va y aller
avec des questions en rafale, là. D'abord... Bien, je vais m'adresser à vous,
M. Ortona, puis, si vous souhaitez déléguer la réponse à quelqu'un d'autre,
n'hésitez surtout pas. Est-ce que vous êtes d'accord, M. Ortona, avec
l'interdiction du visage couvert, donc l'interdiction du voile intégral, chez les
élèves et chez le personnel scolaire, partout, tout le temps?
• (14 h 20) •
M. Ortona (Joe) : M. le
ministre, en tout respect, nous sommes d'avis que vous essayez, en posant la
question et en tentant de légiférer dans cette matière, à attaquer un problème
qui n'existe pas. En fait, il n'y a aucun enseignant qui a un visage couvert
présentement ou il n'y en a jamais eu, aucun personnel scolaire non plus, et il
n'y a pas d'étudiants, il n'y a jamais eu de plaintes à cet effet-là. Donc, je
ne vois pas pourquoi on tente de légiférer ce problème inexistant, en toute
honnêteté.
M. Drainville : O.K., mais
vous avez lu le rapport sur les 17 écoles, n'est-ce pas?
M. Ortona (Joe) : ...
M. Drainville : Donc, vous
êtes au courant qu'il y a des cas d'étudiantes qui portent le voile intégral ou
qui se fabriquent un voile intégral. On parle d'une dizaine de cas au total.
Donc, c'est bel et bien une réalité. Et moi, je vous demande de vous
positionner sur le principe. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'une élève ou
qu'un élève qui se présente dans une école québécoise le fasse à visage
découvert en tout temps? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe? C'est
une question simple, ça.
M. Ortona (Joe) : M. le
ministre, en toute honnêteté, encore une fois... Nous, nous sommes d'avis
qu'une interdiction générale, elle porte atteinte à la liberté de religion et à
l'égalité des droits qui sont protégés par la Charte canadienne. Ça prendrait,
si on veut légiférer dans ces matières-là, une justification très étroite.
Nous, dans nos écoles anglophones, on a déjà une neutralité institutionnelle et
on est capables de faire ça tout en respectant le droit individuel des élèves
et du personnel.
M. Drainville : Mais, M.
Ortona, M. Ortona, là, oui, je comprends qu'on a une... on a une conception
différente de la laïcité, là, j'accepte ça, là, mais, sur un... sur le port
du...
M. Drainville : ...de la
burqa dans une école québécoise, qu'elle soit francophone ou anglophone ou peu
importe, que vous ne puissiez pas prendre une position claire sur une question
aussi fondamentale que d'interdire un vêtement qui vise à cacher la femme, qui
porte atteinte à la dignité de la femme, qui porte atteinte à l'égalité
hommes-femmes, qui nous ramène à des siècles en arrière. On parle de symboles
religieux, là, qui sont issus, dans le cas de la burqa, du régime afghan et,
dans le cas du niqab, on parle du régime saoudien, là. Il me semble que le
minimum du minimum, ce serait que les représentants des commissions scolaires
anglophones disent : Là, là-dessus, on est d'accord. On tire une ligne
rouge. C'est une question de principe. Il n'est pas question qu'au Québec il y
ait des élèves qui soient, dans les classes, avec un voile intégral, tellement
que les enseignants ne puissent même pas faire la distinction entre l'élève A
et l'élève B, comme ça a été rapporté dans le rapport sur les 17. Il me semble
que, M. Ortona, là-dessus, là, vous pourriez prendre une position responsable,
je dirais.
M. Ortona (Joe) : Alors, M.
le M. le ministre, il n'y a pas de question là-dedans, mais je vais tenter d'y
répondre pareil.
M. Drainville : Non, non,
mais, M. Ortona, c'est le minimum du minimum, ça là, c'est une question de
principe. Visage à découvert dans les classes, tout le temps, yes or no?
M. Ortona (Joe) : Alors, M.
le ministre, évidemment, tout... On peut imposer des règles pour des raisons de
sécurité, mais les règles doivent viser une fonction objective sécurité,
identification et évaluation, et non le symbole religieux lui-même.
M. Drainville : OK Est-ce que
vous êtes d'accord pour interdire les congés religieux accordés pour la seule
et unique raison que vous déclarez avoir une religion, ce qui crée, bien
entendu, une iniquité avec ceux et celles qui déclarent ne pas adhérer à une
religion? Vous êtes au courant, par exemple, qu'au centre de services scolaire
de Montréal, il y a 2 600 congés religieux qui ont été accordés en deux
ans et demi. Et on avait, ce matin, des témoignages très éloquents à l'effet
qu'il s'agit, au centre de services scolaire de Montréal, de demander un congé
religieux pour qu'il soit accordé. C'est ce que prévoit l'encadrement actuel.
Est-ce que c'est la même chose du côté, par exemple, du English School Board?
Est-ce que c'est comme ça que vous fonctionnez, vous, quand quelqu'un demande
un congé religieux, vous l'accordez automatiquement?
M. Ortona (Joe) : Bon, alors
il y a déjà des congés qui sont prévus dans la plupart de nos conventions
collectives et également des mesures pour répondre à ce besoin sacré
d'iniquité. L'égalité, pour nous, l'égalité réelle signifie traiter des
situations différentes de façon différenciée lorsque c'est raisonnable. Nous
l'avons déjà dans nos conventions... conventions collectives, des congés pour
des motifs religieux et sans créer d'iniquité, pour s'assurer que tous les
employés, par exemple, travaillent le même nombre de jours par année.
M. Drainville : O.K., donc,
est-ce qu'il y a une limite au nombre de congés religieux que quelqu'un peut
prendre?
M. Ortona (Joe) : Si vous
cherchez un chiffre précis, M. le ministre, alors tout doit dépendre sur ce qui
est raisonnable et, selon la religion et selon les circonstances, il faut
toujours motiver, là, une demande de cette façon.
M. Meloche (David) : M.
Drainville, si jamais je peux rajouter. Comme vous avez entendu, avec d'autres
présentations, il y a deux jours personnels qui peuvent être utilisés, ça,
c'est avec l'entente nationale. Et dans nos ententes locales qui ont été
convenues, c'est jusqu'à trois jours pour la plupart de nos commissions
scolaires anglophones. Donc, ça, c'est dans les forces majeures. Donc, c'est à
l'intérieur du cadre de la banque de journées. Donc, ce ne sont pas des
journées additionnelles que les autres membres du personnel n'ont pas accès,
simplement qu'il y a les motifs religieux, c'est parmi les motifs possibles.
M. Drainville : De force
majeure ou de congés personnels, dites-vous.
M. Meloche (David) : Il y a
les congés personnels qui sont dans l'entente nationale.
M. Drainville : Quatre, vous
dites, pardonnez-moi, quatre...
M. Meloche (David) : Deux.
M. Drainville : ...deux, O.K.,
deux.
M. Meloche (David) : Et, par
la suite...
M. Meloche (David) : ...ça,
ça peut être utilisé pour n'importe quelle fonction, puis ça, c'est dans les
congés de maladie, donc, il y en a six. Donc, l'autre, c'est des ententes
locales pour des congés dans une banque de congés, puis, à l'intérieur de ça,
pour les forces majeures, on peut avoir jusqu'à trois, tout dépendant la
demande. La demande aussi, dans plusieurs de nos commissions scolaires, doit se
faire la semaine avant le début de l'école pour qu'ils puissent y avoir une
planification en raison de la pénurie. C'est sage d'avoir des moyens préventifs
ou des moyens de tout préparer à l'avance. Et encore, si c'est dérangeant pour
l'éducation ou le service de garde, ça ne serait pas permis.
M. Drainville : O.K., O.K.
Donc, il n'y a aucun... aucun congé de plus pour motif religieux, aucun?
M. Meloche (David) : Ils sont
inclus dans les congés qui sont prévus à l'entente.
M. Drainville : O.K.
D'accord. L'autre question que je voulais vous poser : Est-ce que vous
êtes d'accord avec moi que porter un signe religieux, c'est envoyer un message
religieux?
M. Ortona (Joe) : Non, pas du
tout. C'est une décision personnelle, un choix personnel. Pour nous, nos
enseignants sont évalués sur leurs compétences et leur impartialité et non sur
leur tenue. Imposer le retrait d'un symbole religieux viserait la croyance
personnelle, non la fonction publique. Et, pour nous, cela va au-delà de la
neutralité professionnelle et s'exposerait à une contestation
constitutionnelle. Et, dans le fond, vous l'admettez vous-même puisque vous
utilisez et vous invoquez la clause dérogatoire pour ces genres d'articles là
dans la loi.
M. Drainville : O.K., mais,
M. Ortona, quand vous portez un signe religieux, pour les gens autour de vous,
vous affichez votre croyance religieuse. Les gens qui voient le signe que vous
portez, ils y voient un message religieux.
• (14 h 30) •
M. Ortona (Joe) : O.K. Et, M.
le ministre, je répondrais que ce serait la même chose pour un enseignant qui a
un tatoo d'une croix sur son bras. Est-ce qu'on lui interdirait de porter des
tee-shirts? Je veux dire, tout ce que ça donne comme message, c'est que vous
faites un choix personnel et un... C'est un choix. La religion, c'est une
décision, c'est un choix intime de porter ou d'avoir une certaine tenue. Ça ne
fait pas de la classe une institution religieuse. Ça ne fait pas de l'école une
institution religieuse. Ça ne fait pas du gouvernement une institution
religieuse. Et je pense que même les enfants sont capables de faire cette
distinction-là, d'autant plus qu'ils ne connaissent probablement pas qu'une
certaine tenue est une tenue religieuse ou pas.
M. Drainville : Oui. Bien,
ça, M. Ortona, on pourrait en discuter, là. Ça suscite très certainement, des
questionnements, là... ça peut très certainement susciter des questionnements
chez certains enfants, là, mais je... Je veux quand même souligner le fait
qu'il est normal, quand on décide de travailler dans une école par exemple,
d'avoir des droits, bien entendu, mais d'avoir des responsabilités qui viennent
avec les droits. Je n'entends jamais dans vos discours... en tout cas, sur la
laïcité, je n'entends jamais parler des devoirs qui doivent accompagner les
droits, des obligations qui doivent accompagner les droits. Quand on dit :
Pendant les heures de travail, tu ne peux afficher tes convictions religieuses,
ça devient, oui, une responsabilité, ça devient un devoir qui est rattaché à la
tâche.
Et je souligne, soit dit en passant, M.
Ortega, et on a maintenant plusieurs cas documentés, là, des personnes qui
portaient un signe religieux, qui n'avaient pas le droit de le faire à qui on a
demandé de le retirer et qui l'ont retiré pour se conformer à la loi. Donc, ils
ont accepté de retirer leur signe religieux pendant les heures de travail.
Alors, de constamment laisser entendre que de demander à quelqu'un de retirer
son signe, c'est une demande qui est déraisonnable et qui va même entraîner,
dans certains cas, je l'entends souvent, le... ça équivaut à une sorte de fin
d'emploi, bien, c'est faux. C'est tout à fait faux. Il y a des personnes qui
acceptent...
14 h 30 (version non révisée)
M. Drainville : …de respecter
la loi, la loi 21 dans ce cas-ci, et on a plusieurs exemples maintenant.
Ça, il me semble que vous devez en prendre compte, ça doit un petit peu vous
faire réfléchir quand même, non? M. Ortona, parlons-nous franchement, en tout
respect, en tout respect, M. Ortona.
M. Ortona (Joe) : Oui, M. le
ministre. Si vous me posez la question, j'apprécierais bien avoir l'opportunité
de répondre. Merci. Alors, M. le ministre, si vous... si vous dites que ces
gens-là enlèvent leur signe religieux par choix, bien, c'est imposé par la loi.
La non-conformité à la loi mène à une démission ou un congédiement. Donc, on ne
peut pas vraiment dire que c'est vraiment par choix, c'est par obligation et
pour éviter les conséquences qui viennent avec. Donc, nous, on maintient qu'évidemment
un droit, c'est un droit, c'est important. Bien sûr qu'on a des obligations. Le
personnel enseignant a des obligations envers les enfants de les instruire et
de faire un enseignement, d'offrir un enseignement de qualité. Et c'est de là
où on juge, nous, notre personnel scolaire, et non pas sur leur tenue.
M. Drainville : O.K. Bien, en
tout cas, je suis... Je suis content de vous entendre dire que la religion est
un choix. Là, là-dessus, je pense qu'on peut dire qu'on avance quand même un
petit peu, là. En terminant, parce qu'il nous reste très peu de temps, est-ce
que vous reconnaissez la légitimité de la clause de souveraineté parlementaire,
appelée autrement la clause dérogatoire? Est-ce que vous reconnaissez qu'elle a
une existence légitime?
M. Ortona (Joe) : Elle est
dans la… dans la Constitution, elle est tout à fait légitime. Mais ça ne veut
pas dire que nous serons d'accord à n'importe quelle fois qu'elle est invoquée ou
dans n'importe quelle circonstance où elle se trouve dans une loi, on a le
droit de ne pas être d'accord. D'autant plus, j'aimerais ça vous rappeler que
la clause dérogatoire ne peut pas venir enfreindre contre l'article 23 de
la charte. Donc, les commissions scolaires anglophones sont protégées par cela.
M. Drainville : Vous avez
raison. Vous avez raison. En terminant, je pense qu'il me reste 20 secondes.
Est-ce qu'il y a quelque chose de bon dans ce projet de loi ou tout est à jeter
à la poubelle? Il n'y a rien de positif là-dedans, M. Ortona, rien pantoute?
M. Ortona (Joe) : M. le
ministre, en tout respect, il y a… on pourrait en parler longtemps sur tout ce
qu'il y a de problématique dans cette loi-là. D'autant plus que la loi 21,
présentement, ou très bientôt, là, va se trouver devant la Cour suprême du
Canada et qui va se prononcer sur sa constitutionnalité.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. C'est malheureusement tout… Merci, M. Ortona, c'est
malheureusement tout le temps qu'on a pour cet échange. Est-ce qu'il y a
consentement pour permettre au député d'Hochelaga-Maisonneuve de remplacer le
député de Jean-Lesage? Consentement. Alors, bienvenue, M. le député. Alors, je
cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé pour une période
de 11 minutes 30.
Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Ortona, bonjour, M. Meloche, également enchanté, M.
Craig et Mme Hamilton. Merci beaucoup pour la transmission de votre mémoire. Je
vais peut-être prendre la balle au bond sur la dernière question que le
ministre vient de vous poser, mais de façon différente. Parce qu'évidemment, ce
que j'entends de ce que vous nous avez exposé puis ce que je lis aussi de votre
mémoire, c'est que plusieurs, donc, des éléments qui se retrouvent, vous êtes
soit en désaccord avec eux sur le plan fondamental, ou vous êtes en désaccord
avec eux, donc sur le plan de… Sur l'aspect plus pragmatique et de l'application,
ou des éléments de redondance ou de certains aspects qui ne devraient pas s'appliquer
aux centres… aux commissions scolaires anglophones en vertu de l'article 23
de la charte. Donc, est-ce que selon vous, quand vous lisez le projet loi 94…
est-ce que vous dit que… Est-ce que vous dites que c'est un projet de loi qui
est utile? Je veux dire, Est-ce qu'il vient… Est-ce que c'était utile de
déposer ce projet de loi là? Est-ce qu'il résout une problématique en tant que
telle?
M. Ortona (Joe) : Réponse
très courte, non, ne résout aucun problème et n'a aucune utilité. Alors,
comment est-ce que je pourrais dire ça? Je l'ai dit dans notre mémoire, là,
mais vous… écrit et verbalement plutôt, ça vise un problème qui n'existe pas.
On a trouvé des cas isolés, problématiques. Oui, on l'avoue. Mais utiliser une
loi avec la clause dérogatoire de cette… de cette façon-là est exagéré et ne va
pas résoudre aucun problème. Donc, il n'y a aucune preuve…
M. Ortona (Joe) : ...que ces
mesures-là seraient efficaces pour éviter des cas comme Bedford, par exemple.
Mme Cadet : Exactement.En
fait, c'était ma... c'était ma prochaine question, parce que là vous parliez de
façon générale dans le réseau, mais vous dites aussi : Même pour les cas
isolés... parce qu'effectivement, donc, l'ensemble du Québec a été choqué par
le cas Bedford, vous dites : Bien, ce projet de loi là, il n'empêcherait
pas d'autres Bedford de se produire. Je vous laisse la parole, mais je vois que
M. Meloche aussi veut intervenir.
M. Ortona (Joe) : Oui,
absolument, vous avez raison. Et j'aimerais également mentionner qu'il n'y a
aucune école anglophone qui a été visée par l'enquête des 17 écoles, là,
comme... pour enquêter la situation dans Bedford, et c'est important de le
noter parce que nous, on a un système de gouvernance qui est différent. Alors,
si on voulait vraiment attaquer ce qui se passait dans Bedford et éviter que
des cas semblables se produisent, et, même si ça se produit, d'avoir des
mesures en place afin d'être capables d'attaquer le problème pour ne pas que ça
perdure pendant cinq, six, sept ans, il faudrait peut-être revoir la loi 40 qui
a été adoptée, parce que ces écoles francophones là sont toutes sous la
direction maintenant du ministère de l'Éducation, pratiquement directement.
Donc, c'est un échec total de la loi 40 de voir ce qui s'est passé dans les
écoles. Et nous, on n'a absolument aucun problème de cette nature-là dans
aucune de nos écoles à travers le Québec.
Mme Cadet : Loi adoptée sous
bâillon, on se rappelle. M. Meloche, je pense, vous vouliez dire quelque chose.
M. Meloche (David) : Oui.
C'est gentil. Je voulais tout simplement ajouter que ce qui est... ce qui est
un peu confus dans ce projet de loi, c'est qu'on mêle la laïcité et la
pédagogie toutes ensemble. Donc, c'est différent... difficile de faire la
différenciation quand on parle d'une chose ou de l'autre chose. On semble
vouloir tout mélanger ensemble. Je crois que l'analyse ciblée de chacun de ces
principes-là, de leur... une réflexion séparée est méritée pour les deux aspects.
Donc, à titre de réponse au ministre Drainville, c'est que c'est un projet de
loi confondu.
• (14 h 40) •
Mme Cadet : Tout à fait.
C'est un peu dans cet esprit-là, tant sur le plan de la laïcité que sur le plan
de la qualité des services pédagogiques, que vous nous dites : Le projet
de loi n° 94, une réponse démesurée à un faux problème.
Je vais vous amener... Vous venez
d'évoquer, M. Ortona, la loi 40. Je vous lis, donc, à la page sept : «À la
suite de l'arrêt de la Cour d'appel du Québec sur la loi 40, lequel a conclu à
l'inconstitutionnalité de plusieurs de ses dispositions, les commissions
scolaires anglophones ont été confirmées dans leur statut et leur légitimité
juridique.» Donc, vous en avez parlé quand même en long et en large. Mais, même
de façon générale, si vous nous avez écoutés hier ou avant-hier, plusieurs des
intervenants sont venus déplorer la centralisation de certains mécanismes qui
se retrouvent au projet de loi n° 94, nous dire de faire très attention à
plusieurs pouvoirs qui se retrouveraient directement dans les mains du
ministre.
Au-delà, donc, de vos droits, là,
constitutionnels de gestion de vos institutions anglophones, est-ce que vous
êtes d'accord avec ce constat-là plus large de la loi 40 qu'ont émis certains
de vos confrères et consœurs?
M. Ortona (Joe) : Absolument.
Et on a vu cette tendance pas seulement dans la loi 40 mais depuis la loi 40,
la loi 23, maintenant le projet de loi n° 94, un mouvement, dans les dernières
années, d'avoir plus de pouvoirs centralisés. Les centres de services scolaires
n'ont pratiquement plus aucun pouvoir. Tout le pouvoir est administratif par
les directeurs généraux, qui sont maintenant nommés par le gouvernement du
Québec. Alors, c'est la tendance qu'on voit depuis des années. Et bien sûr que
c'est problématique parce qu'un pouvoir centralisé, ça veut dire que les
besoins locaux sont de plus en plus écartés, mis de côté ou ignorés par un
pouvoir bureaucratique centralisé à Québec, qui ne connaît pas les besoins
locaux de Montréal, des régions et de toutes les localités. C'est... C'est un
problème récurrent parce que les vrais problèmes viennent à être ignorés.
Mme Cadet : Merci. Sur le
port des signes religieux, vous avez émis, dans votre échange avec le ministre,
votre position ferme de principe, mais aussi aux pages 13 et 14. Vous nous
dites : «Elle risque, cette opposition-là... Cette interdiction risque non
seulement de dissuader les bénévoles parents et communautaires, mais aussi
d'exacerber la pénurie de main-d'œuvre qui affecte gravement tous les secteurs
de l'éducation.»
J'aimerais vous entendre, donc, sur les
aspects plus pratiques, là, des impacts d'une telle disposition dans votre
milieu ou dans le milieu scolaire de façon plus...
M. Ortona (Joe) : ...regardez,
on a un modèle... et je vais me prononcer sur le réseau anglophone parce que
c'est le réseau que je connais très bien, mais on a un excellent système qui
fonctionne très bien. Il y a une raison pourquoi on a le taux diplomation qu'on
a, le taux de succès qu'on a, le taux d'alphabétisation qu'on a, le taux bas de
décrochage scolaire, c'est à cause du système qu'on a en place. Nos écoles ne
sont pas juste des lieux d'instruction, ce sont des centres communautaires où
tout le monde travaille ensemble pour le bien-être des étudiants. Et ça, c'est
les enseignants et enseignantes, les directeurs et directrices d'écoles, le
personnel scolaire, mais les parents, les bénévoles.
Maintenant, si on va limiter ou interdire
à ces acteurs-là, qui sont cruciaux, de pouvoir continuer à participer à cause
du port d'un signe religieux, bien, ça va avoir un impact, ça va avoir un
impact grave. Nous, nos bénévoles sont très importants dans notre système. On
n'a jamais, dans notre histoire, eu des problèmes à trouver des bénévoles, que
ce soit pour toutes sortes d'activités, là, scolaires ou après l'école. Si on
est limité par ça, ça va avoir un impact, c'est sûr et certain, pas demain,
mais à moyen terme, à long terme, dans cinq ans, ça va se voir.
Mme Cadet : Oui, vous allez
le voir. Dernière question avant que je passe la parole à mon collègue de
l'Acadie. Le jour de congé pour motif religieux pour le personnel enseignant,
donc je vous ai entendu dans l'échange avec le ministre, vous nous dites dans
votre mémoire, à la page 14 : ils sont déjà encadrés par les
pratiques de gestion en vigueur ainsi que par les conventions collectives
locales négociées. Vous m'avez entendu avec le groupe précédent. Donc, je leur
demandais, donc, il semble que dans la... pour le groupe qui vous a précédé,
donc il y a peut-être une insatisfaction au niveau de l'entente qui était
négociée ici. Je vous repose la question que je leur ai posée. Est-ce que vous,
vous pensez qu'il devrait y avoir, donc, une autonomie de gestion ici, là, que les
ententes, donc, puissent continuer d'être négociées localement à cet égard
plutôt que d'avoir une directive qui vient directement du ministre qui soit mur
à mur?
M. Ortona (Joe) : Oui, parce
que les ententes locales, là, vont tenir compte des besoins du personnel, ça va
être plus facile à négocier et ça tient compte des besoins des commissions
scolaires, du personnel, des syndicats et de tout le monde. Et, jusqu'à
maintenant...
Mme Cadet : Et, dans vos
commissions scolaires, donc, il n'y a pas d'enjeu d'équité, là, à ce que je
comprends, au niveau des ententes locales négociées?
M. Ortona (Joe) : Pas du
tout, tout le monde est satisfait. Évidemment, quand on décide de signer une
convention collective, ça veut dire que toutes les parties prenantes sont
satisfaites et d'accord. Et, si jamais il y a des enjeux où on pensait que ça
allait fonctionner puis ça ne fonctionne pas très bien, ce serait quelque chose
à renégocier. Mais de l'avoir imposé par le ministère, encore là, je le répète,
comme je l'ai répété à maintes reprises, ça ne tient pas compte des besoins
locaux et ça, ça va continuer à causer un problème, d'autant plus que ça va
causer un problème parce que ça empiète sur nos droits de gérance et de
contrôle comme commission scolaire anglophone.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Je laisse la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. M. le député, à vous la parole.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, M. Ortona, et bonjour à vos collègues. Merci
pour votre mémoire. J'aimerais attirer votre attention à la page 16 de
votre mémoire, parce que vous soulevez un point intéressant que plusieurs
autres groupes et experts ont mentionné dans le projet de loi. C'est à l'article 32,
à l'article 258.0.3. Le gouvernement veut interdire certaines conduites et
on réfère à la réalisation d'un projet pédagogique particulier, exempt de
considérations religieuses. Vous soulevez que cette expression-là, elle est
floue, difficilement applicable. Vous parlez plutôt d'interdire le
prosélytisme, ce que d'autres ont recommandé. Mais j'aimerais vous entendre
là-dessus. Si jamais ça ne change pas, quels seraient les enjeux que vous
auriez en utilisant ou en essayant d'exempter des considérations religieuses?
Ça correspondrait à quoi?
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes.
M. Ortona (Joe) : Bon, merci.
Merci pour la question. Un peu difficile à répondre parce qu'on ne comprend pas
le... On a beaucoup de difficulté à comprendre le terme «exempt de
considération religieuse». Et je vais répéter ce que j'ai essayé d'expliquer au
ministre, on a très certainement une définition de laïcité qui diffère de celle
du gouvernement. Alors, pour nous, la laïcité, ça veut dire que l'institution
comme telle...
M. Ortona (Joe) : ...est
neutre et c'est qui est important.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. C'est malheureusement tout le temps quand on a. Je dois céder la
parole. Merci, M. le député. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve pour 3 min 50
s.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Je remplace in extremis mon collègue de
Jean-Lesage qui doit s'occuper de sa petite malade. Je donc maîtrise de manière
très sommaire le projet de loi. J'ai par contre entendu l'essentiel de votre
échange avec le ministre. Il a été question de la... de Bedford. J'aimerais
ça... Vous, quelle leçon retenez-vous de Bedford et qu'est-ce qui fait en sorte
que ce n'est pas arrivé dans le réseau scolaire anglophone, Bedford? Est-ce
qu'il y a des raisons particulières que ce n'est pas arrivé chez vous?
M. Ortona (Joe) : Oui, une
qui est évidente, le fait qu'on a été exempté par une injonction de
l'application de la loi n° 40, le fait qu'on a été en mesure de garder notre
statut de commissions scolaires avec un pouvoir de gérance et de contrôle sur
nos écoles.
En fait, une des plaintes qu'on a entendue
par rapport à l'école Bedford, c'est que ceux qui voulaient se plaindre ne
savaient pas où aller. Alors, il n'y avait pas cette... il n'y avait pas d'élus
dans leur système à qui se tourner la parole pour faire une plainte, des élus
qui sont imputables à la population. Nous, comme commission scolaire,
évidemment, si les parents ont des plaintes, ils savent à qui aller voir. Ils
vont voir leurs élus. Et leur élu, c'est le commissaire qui siège sur le
conseil. Ça n'existe plus dans les centres de services scolaires. Les gens qui
siègent sur le conseil d'administration ne sont pas imputables au public du
tout. Le directeur général répond au ministère de l'Éducation ou au ministère
de l'Éducation. Il est nommé maintenant par le gouvernement sur recommandation
du ministre. Donc, il n'y a pas cette responsabilisation-là dans le réseau
francophone qui existe toujours dans le réseau anglophone.
Je ne dis pas qu'un cas comme Bedford ne
pourra jamais arriver, mais certainement, si jamais c'était pour arriver dans
le réseau anglophone, ça aurait été attaqué dès le début et jamais arrivé au
point où c'est arrivé, où ça a perduré pendant sept ans, ça, je peux vous
dire : définitivement impossible que ça arrive dans une école publique
anglophone au Québec.
• (14 h 50) •
M. Leduc : Si je traduis vos
propos, c'est la centralisation, la hiérarchisation du réseau scolaire
francophone via le p.l. n° 40 qui a mené à la possibilité que quelque
chose s'étale, là, sur une aussi longue période. C'est votre hypothèse que si
on n'avait pas aboli les élections scolaires et les commissions scolaires, peut
être que ça n'aurait soit pas arrivé ou, en tout cas, certainement sur une
moins longue si j'ai bien compris.
M. Ortona (Joe) : Absolument,
ça aurait été un problème... même si ça arrivait, un problème qui aurait été
attaqué au tout début et non pas après sept ans. Parce que quand est-ce qu'on a
attaqué ce problème-là? Quand c'est rendu au niveau du ministre, mais arrivé au
niveau du ministre, c'est beaucoup trop tard puis c'est une période qui est
beaucoup trop longue. Les gens doivent avoir... surtout parents dans le réseau
francophone, doivent avoir quelqu'un à qui faire une plainte pour leur faire
part des choses qui se passent dans les écoles, dans une classe, par exemple,
qui n'est pas correcte, une personne qui est responsable,, par la suite d'être
capable de dire : voici un problème puis il faut l'attaquer, voici... pour
ne pas que ça se répète, etc. Quelque chose qui n'existe plus dans le réseau
francophone, on le voit. C'est triste, mais un cas de... qui s'est passé à
l'école Bedford, là...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a pour ces
échanges. Merci infiniment pour votre contribution à ces travaux.
Pour ma part, je suspends quelques
instants pour accueillir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 14 h 52)
(Reprise à 14 h 55)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons notre
prochain groupe. Donc, de la gauche vers la droite, nous avons Mme Hirsch, Mme
Larochelle-Audet, Mme Borri-Anadon, Mme Zayani et Mme Charette. Donc, bienvenue
à cette commission. Donc, je vous rappelle que vous aviez 10 minutes pour
nous faire part de votre exposé, et ensuite on va procéder à la période
d'échange avec les membres de la commission.
Mme Charette (Josée) : Merci.
Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la Commission de la culture et de
l'éducation, nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui pour cette
audition sur le projet de loi n° 94. Je me présente, Josée Charette, professeure
en éducation à l'Université du Québec à Montréal. Je suis accompagnée de Hana
Zayani, doctorante en éducation à l'Université de Montréal; Julie
Larochelle-Audet, professeure en éducation, Université de Montréal; Corina
Borri-Anadon, professeure en éducation à l'Université du Québec à
Trois-Rivières; et de Siviane Hirsch, professeure en éducation à l'Université
Laval. Nous sommes membres de l'équipe de recherche Idées Inclusion Diversité
ethnoculturelle en éducation, financée par le Fonds de recherche du Québec
société et culture.
Aujourd'hui, par notre intervention, nous
souhaitons contribuer au débat démocratique et à l'amélioration du projet de
loi en nous appuyant sur des données de recherche produites au Québec au cours
des 35 dernières années, ainsi que de nos expériences de formation et
d'accompagnement des milieux scolaires québécois.
Dans le cadre de notre intervention, nous
nous centrerons sur les articles du projet de loi relatifs à nos expertises de
recherche, soit la diversité linguistique et la diversité religieuse, comment
elle se vit à l'école et comment elle s'articule aux piliers éducatifs de
l'école québécoise, soit l'égalité des chances; le droit à l'éducation; les
missions de l'école, soit instruire, socialiser et qualifier; la réussite
éducative dans toutes ses dimensions, sans oublier la mobilisation et la
valorisation de la communauté éducative.
Nous sommes ici aujourd'hui pour mettre en
lumière les risques concrets de ce projet de loi sur notre système éducatif,
mais au premier plan sur les élèves. Pour vous partager nos préoccupations en
lien avec différents articles du projet de loi et pour présenter des
recommandations en lien avec les enjeux que nous avons repérés, tout ça en nous
appuyant sur la recherche.
Je laisse la parole à Hana Zayani, qui
tient à être parmi nous aujourd'hui, car elle a mené des travaux pertinents au
regard du projet de...
Mme Charette (Josée) : ...du
projet de loi à l'étude. Elle va présenter les principales parties de notre
mémoire.
Mme Zayani (Hana) : Je me
présente, Hana Zayani, je suis étudiante de doctorat en sciences de l'éducation
à l'Université de Montréal. J'ai réalisé mon mémoire de maîtrise dans cette
même université et j'y suis auxiliaire de recherche et d'enseignement. Mon
parcours se déroule jusqu'à présent dans la rigueur, l'excellence et
l'engagement. Mais je ne suis pas ici pour parler de moi, malgré que ce projet
de loi me touche directement, je suis ici pas contre les principes de la
laïcité, mais contre la manière dont ils s'appliquent.
Notre intervention s'appuie notamment sur
divers travaux autour de quatre points. Premièrement, des changements
législatifs d'envergure tels que ceux proposés dans le projet de loi n° 94
ne reposent sur aucun appui empirique et scientifique. Les rapports ayant
motivé ce projet documentent un seul manquement dans 17 écoles. Rien,
scientifiquement, ne justifie d'affaiblir ainsi les piliers de notre système
éducatif en modifiant la Loi sur l'instruction publique sans vaste consultation
publique.
Deuxièmement, le projet de loi compromet
gravement la mission de socialisation de l'école québécoise. Il réduit l'école
à un espace d'imposition de normes au lieu d'en faire un lieu d'apprentissage
du vivre ensemble. Dans une société pluraliste et démocratique, grand nombre
souhaitait les états généraux de l'éducation et... encore la commission Parent.
Au lieu de développer l'esprit critique, il enferme l'élève dans un devoir de
conformité.
Troisièmement, en ce qui concerne les
questions sur la laïcité, nous voulons commencer par un constat. L'école
publique québécoise est déjà laïque. Résultant des choix de la société
québécoise, elle n'est soumise à aucun pouvoir religieux. L'école instruit les
élèves sur la laïcité de l'État québécois dans différentes disciplines
scolaires. En somme, l'école québécoise éduque ses élèves à la laïcité par sa
structure et sa gestion, mais aussi par ses contenus, et c'est son rôle. On est
d'accord là-dessus, en fait. Comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est pour cette
raison que nous ne contestons pas les principes de la laïcité nommés dans le
projet de loi n° 94, mais plutôt leur mise en œuvre.
En effet, la place prépondérante accordée
à la religion dans le processus pose problème. Ce que nous questionnons surtout,
c'est l'attention démesurée accordée à la religion comme seul motif interdit
pour dire des pratiques autrement permises, le visage couvert pour des raisons
médicales ou les accommodements raisonnables pour d'autres motifs que
religieux, la focalisation sur la religion comme seul problème, qui cache par
le fait même d'autres problèmes bien réels, tel que l'image de l'arbre qui
cache la forêt.
• (15 heures) •
Par ailleurs, la recherche sur la
loi 21 montre bien les enjeux que ces lois peuvent produire à l'école. Le
projet alimente un climat de suspicion, de discrimination. Il nourrit les
préjugés envers les personnes issues de minorités religieuses, particulièrement
les femmes musulmanes déjà marginalisées dans le milieu scolaire. Les
recherches montrent que cela affecte la réussite éducative, le bien-être
psychologique et l'engagement scolaire des élèves concernés. Cela met en péril
l'égalité des chances et renforce les fractures sociales.
Quatrièmement, en ce qui concerne
l'imposition de l'usage exclusif du français, qui a été peu abordé dans le
cadre des consultations et sur laquelle nous souhaitons revenir aujourd'hui,
d'abord, nous reconnaissons l'importance de la promotion et la valorisation de
la langue française à l'école québécoise de même que les efforts menés depuis
l'adoption de la loi 101 il y a maintenant 50 ans.
Par ailleurs, plusieurs études au Québec,
au Canada et à l'international, depuis plusieurs années, ont mené à des
consensus clairs. Premièrement, les langues se développent en interdépendance
et non en concurrence. Deuxièmement, le recours à d'autres langues que le
français soutient les apprentissages. Troisièmement, il n'est pas souhaitable
d'emprunter des approches coercitives, cela impacte le sentiment d'appartenance
envers l'école et la société ainsi que la motivation à apprendre le français.
Quatrièmement, le rôle de l'école est d'ouvrir à la diversité linguistique afin
d'apprendre à vivre ensemble et de combattre les préjugés et les risques
potentiels de discrimination linguistique.
En synthèse, l'interdiction d'utiliser
d'autres langues que le français dans les écoles prive les élèves d'appuis
pédagogiques essentiels et mine leur développement cognitif, affectif et
identitaire et, par le fait même, leur réussite éducative. La recherche est
claire, valoriser les ressources linguistiques des élèves soutient au
contraire, l'apprentissage du français renforce leur sentiment d'appartenance
envers l'école et la société.
En somme, ce projet ne... pas d'école
québécoise et l'affaiblit. Il ne repose pas sur les balises et pratiques en
place et même va parfois en contradiction avec celles-ci et s'éloigne des
fondements sur lesquels notre école a été bâtie : l'égalité des chances,
le droit à l'éducation pour toutes et tous et la reconnaissance du pluralisme.
Mme Charette (Josée) : En
lien avec ces constats et préoccupations, nous recommandons, en plus des
propositions de révision qui sont détaillées dans notre mémoire, le retrait de
certains articles, de un, parce que des balises existent déjà et que le projet
de loi n° 94 entre en contradiction avec celles-ci, soit les articles
portant sur les exigences excessives sur le visage découvert, de deux, parce
qu'ils compromettent des piliers de l'école, soit les articles concernant le
refus systématique des accommodements raisonnables pour motifs religieux...
15 h (version non révisée)
Mme Charette (Josée) : ...l'interdiction
du port de signes religieux ainsi que l'usage exclusif du français. Pour ces
deux derniers articles plus particulièrement, nous demandons leur retrait afin
d'assurer la mise en œuvre du programme de formation de l'école québécoise,
dont l'enseignement de l'anglais comme langue seconde et de l'espagnol comme
langue tierce, des programmes d'immersion et le soutien en langue maternelle, d'assurer
une présence de la diversité religieuse et linguistique au sein même de l'école
québécoise, et ainsi soutenir la mission de socialisation, et permettre la
mobilisation de la communauté éducative, de s'assurer que les pratiques et les
actions des partenaires externes à l'école soient valorisées et qu'elles
puissent continuer d'être mises en œuvre en vue de soutenir les missions de l'école,
dont celles de socialisation, d'éviter de nourrir les préjugés et la
discrimination à l'égard des personnes croyantes et plurilingues, d'éviter de
compromettre la réussite éducative de tous les élèves, d'éviter la mise en
place d'approches coercitives qui affectent négativement la motivation, la
participation des élèves et l'apprentissage du français, tout en engendrant des
attitudes négatives par rapport à la diversité linguistique et religieuse.
Plus généralement, nous recommandons :
que le projet de loi s'appuie sur l'état des connaissances scientifiques
actuelles, reposant sur des travaux diversifiés et des études empiriques menées
en milieu scolaire québécois; que des vastes consultations publiques et
citoyennes de l'ordre des États généraux sur l'éducation soient menées avant d'apporter
des changements législatifs modifiant les missions de l'école québécoise ou l'ajout
d'objet dans la Loi sur l'instruction publique; que les piliers de l'école
québécoise, notamment l'égalité des chances et le droit à l'éducation,
demeurent au premier plan de la Loi sur l'instruction publique; que le projet
de loi repose sur une approche complexe de la mission de socialisation de l'école
qui met de l'avant la participation citoyenne dans une société pluraliste; que
le projet de loi prévoit que le ministère de l'Éducation garantisse une
formation initiale et continue suffisante pour assurer un agir éthique et
compétent dans une société pluraliste; que soient au centre des préoccupations
des décideurs et des instances, qui étudieront et mettront en œuvre le projet
de loi, le risque d'amplifier la discrimination et de compromettre des droits
fondamentaux inscrits aux chartes des droits et libertés.
Nous rappelons que, par notre mémoire, nos
expertises de recherche et notre intervention de cet après-midi, nous
souhaitons contribuer au débat démocratique et nous espérons vivement
contribuer à l'amélioration du projet de loi. Nous vous remercions pour votre
écoute et nous sommes prêtes pour les questions.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup, mesdames. Nous allons procéder à la période d'échange. M. le
ministre, la parole est à vous pour une période de 15 minutes.
M. Drainville : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation et votre participation. Alors, écoutez,
vous dites... Vous affirmez beaucoup, beaucoup de choses dans votre mémoire.
Donc on va nécessairement devoir se concentrer sur quelques aspects, sur l'affirmation
à l'effet qu'il manque de données valides et valables pour soutenir les
propositions qui sont contenues dans le projet de loi. Alors, je vous rappelle
que le projet de loi s'appuie sur le rapport de l'école Bedford. Il s'appuie
également sur un rapport concernant les manquements à la laïcité dans 17 écoles.
Il s'appuie également sur des reportages qui ont documenté des manquements
graves à la laïcité dans plusieurs écoles du Québec, notamment l'école Lavoie
et l'école Saint-Maxime. Il s'appuie aussi sur le plan d'action des
accompagnateurs à Bedford, qui prévoit notamment de préserver l'école de toute
manifestation du fait religieux, prévoir que dans la LIP, la Loi sur l'instruction
publique, un article interdisant toute manifestation ou activité d'ordre
religieux dans l'école, pendant ou après les heures de classe. Et donc, les
faits empiriques sur lesquels s'appuie le projet de loi sont nombreux. Et la
question que j'ai le goût de vous poser, c'est : Compte tenu de cette
multiplicité d'exemples d'écoles où il y a eu manquements, si vous continuez d'affirmer
qu'il y a un manque de données valides et valables, dites-moi à partir de
combien d'écoles est ce qu'il y a suffisamment, à votre avis, de données ou d'exemples
pour justifier un projet de loi comme celui-là? Est-ce que c'est à partir de 50 écoles,
100 écoles, 200 écoles? À partir de quand est ce qu'il y aurait assez
de données pour vous, là?
Mme Larochelle-Audet (Julie) :
Oui. Merci pour votre question. M. Drainville. Donc, on s'est intéressé,
on a lu avec attention, là, l'ensemble des rapports qui sont sortis depuis l'automne,
puis les rapports qui ont été rendus publics aussi, qui avaient été produits en
amont. Le rapport d'enquête sur l'école Bedford était de type administratif,
puis les problèmes à la base qui ont été documentés n'étaient pas en lien avec
la laïcité. Ensuite, le rapport de vérification sur les 17 écoles, il y a
un manquement vraiment à la Loi sur la laïcité qui est bien...
Mme Larochelle-Audet (Julie) : ...ensuite,
on parle de plusieurs autres enjeux qui ont été soulevés par les vérificateurs.
On a fait une demande d'accès à l'information pour avoir...
M. Drainville : ...ce que
vous affirmez est factuellement inexact, là. Dans le rapport sur les 17, il est
question de prière sur les lieux de travail...
Mme Larochelle-Audet (Julie) : Oui,
je parle de manquement à la Loi sur la laïcité, quel était le mandat des
vérificateurs.
M. Drainville : Bien, c'est
des manquements à la laïcité, ça, madame, là, la...
Une voix : Ça, c'est dans
votre nouvelle vision.
M. Drainville : Les locaux
qui servent à des fins religieuses...
Mme Larochelle-Audet (Julie) : C'est
nommé comme étant des enjeux dans...
La Présidente (Mme Dionne) : Par
respect pour les gens qui nous écoutent, juste un à la fois, s'il vous plaît.
Mme Larochelle-Audet (Julie) : Est-ce
que je peux poursuivre?
M. Drainville : Je vais vous
laisser faire vos affirmations, mais je vous dis d'emblée qu'elles sont
factuellement inexactes.
Mme Larochelle-Audet (Julie) : Merci.
Donc, nous avons fait une demande d'accès à l'information pour avoir accès,
justement, aux données exactes parce que vous parlez souvent de 17 écoles,
donc il y a effectivement des vérifications qui ont été menées dans
17 écoles. Donc, on voulait savoir exactement dans combien d'écoles et
combien de cas avaient été documentés pour... bon, que ce soient les locaux de
prière, que ce soient les différents enjeux qui sont soulevés dans le rapport,
en lien avec le port de signes religieux et tous les enjeux qui sont ou non des
manquements à la Loi sur la laïcité de l'État. Et donc, nous avons reçu une
réponse à cet effet là comme quoi il n'y avait aucun document qui présentait
les données factuelles à cet endroit-là. Donc, j'aimerais beaucoup avoir des
données factuelles pour pouvoir appuyer aussi ce problème-là.
Donc, on entend qu'il y a des cas, mais on
a peu de données factuelles. Donc, en tant que chercheuses en... que
chercheuses en sciences de l'éducation, c'est quelque chose qui nous préoccupe,
donc d'avoir des données.
Également, il n'y avait rien dans ce
rapport-là qui concernait spécifiquement la question de la langue. Et ça, c'est
aussi un enjeu sur lequel on aimerait beaucoup pouvoir échanger avec vous
aujourd'hui.
Mme Borri-Anadon (Corina) : En
fait, il y a beaucoup de choses dans le projet de loi qui ne sont pas appuyées
scientifiquement. Donc, la langue, ça en est un exemple. Des rapports
administratifs, des exemples empiriques, ce ne sont pas des résultats de
recherche. Donc, nous, ici, on veut se centrer sur les résultats de recherche,
sur l'état des connaissances pour pouvoir éclairer, dans le fond, les
propositions du projet de loi. Et je vous invite à nous poser des questions sur
les... sur l'article 36, qui modifie, là... qui inscrit les
articles 301.1 et 301.2 sur l'usage exclusif du français, parce que ça
nous préoccupe vivement. Pas seulement ça, mais entre autres.
• (15 h 10) •
M. Drainville : Alors, moi,
je vais vous dire, le projet de loi, il s'appuie sur des données empiriques, de
multiples sources, dans de multiples cas, dans de multiples écoles. Et je vous
écoute parler, puis je me pose la question : Mais à partir de quand
faudrait-il agir, selon ces chercheuses? Pendant combien de cas et combien de
manquements doivent se manifester, doivent être constatées avant qu'un
législateur responsable agisse?
Et, par ailleurs, vous évacuez, de toute
la réflexion que vous nous soumettez, tout l'aspect préventif, là, le fait
qu'il ne faut pas attendre qu'un problème s'enracine, qu'un problème fasse
tache d'huile, que le phénomène observé, que le manquement observé, que la
faute observée prenne de plus en plus d'ampleur avant qu'un homme ou une femme
politique responsable décide d'agir, si ce n'est qu'en mode prévention.
Je trouve déplorable, et je le dis en tout
respect pour votre... vos opinions, que je respecte, mais je trouve déplorable
que vous ne trouviez rien de positif dans un projet de loi comme celui-là. Pour
moi, c'est inconcevable qu'il n'y ait pas de votre part une reconnaissance, par
exemple, que sur la question du voile intégral, c'est une ligne à ne pas
franchir dans une société démocratique comme la nôtre, ce n'est pas acceptable
que nous ayons des élèves qui portent un niqab ou une burqa, qui sont des
symboles anti-femmes, qui portent atteinte à la dignité de la femme, qui
portent atteinte à l'égalité hommes-femmes. Comment il se fait que vous ne
trouviez rien là-dedans qui vous amène à dire : Bien, là-dessus... on a
des désaccords sur plein de choses, mais, là-dessus, on est d'accord avec vous,
M. le ministre, sur le fait que des personnes qui ont plus de congés payés
parce qu'ils déclarent être religieux? Comment ça se fait que vous n'avez rien
à dire là-dessus? Comment ça se fait que vous ne vous positionnez pas
là-dessus, avec tous les... tout le sentiment d'iniquité que cela peut créer au
sein du personnel scolaire? Le fait que l'école puisse servir dans certains cas
de lieu de prière, est-ce que vous êtes d'accord avec ça, vous, qu'une école
puisse servir de lieu de prière, une école publique au Québec puisse servir de
lieu de prière? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça.
Mme Larochelle-Audet (Julie) : M.
le ministre, donc merci pour votre question...
Mme Larochelle-Audet (Julie) :
…avant d'aborder cet enjeu-là, je voudrais quand même revenir sur un aspect.
Vous avez abordé la question de la prévention, l'importance d'agir face… en
prévention de problématique, bon. Je pense que, quand même, il y a plusieurs
problèmes de l'école québécoise qui, eux, sont très bien documentés. Et juste
après nous, nous recevons d'ailleurs le protecteur de l'élève qu'il va pouvoir
aussi faire part de ses préoccupations. Donc, je crois qu'actuellement l'école
québécoise a des problèmes réels, de multiples problèmes, pénurie, bris de
services, violence, intimidation, vétusté des bâtiments, manque d'écoles,
comportements inadéquats du personnel, manque de formation, absence de
collaboration. Tout ça a été bien documenté par de multiples rapports dont vous
pouvez voir copie dans notre mémoire. Et je crois…
M. Drainville : On s'occupe
de tout ça, soit dit en passant, on s'occupe de tout ça et de la laïcité.
Mme Larochelle-Audet (Julie) :
Je ne commenterai pas l'actualité, mais oui, d'accord. Donc, maintenant je vais
céder la parole à ma collègue pour la suite.
Mme Hirsch (Sivane) : Oui,
merci. Moi, je vais revenir sur plusieurs éléments. Premièrement, de manière
générale, notre approche quand on est en recherche et en formation, c'est que
la meilleure façon de prévenir pour que le système scolaire fonctionne
correctement, c'est de bien former son personnel, former les enseignants,
former les… et enseignantes, former les directions d'école. Plusieurs problèmes
qui sont identifiés dans ce projet de loi me semblent être liés avant tout…
liés à des… à une incapacité peut-être de bien agir sur le terrain. Ce qui peut
nous faire réfléchir sur comment mieux améliorer la formation initiale et
continue à cet égard.
M. Drainville : …
Mme Hirsch (Sivane) :
Précisément, précisément sur la question des signes religieux, que vous avez
demandée, sur le visage découvert, bien, en fait, c'est déjà dans la
loi 21, c'est l'interdiction d'interaction avec visage découvert et déjà…
pardon, avec visage couvert, est déjà mentionnée dans la loi 21. Donc,
c'est l'article… c'est un article dans la loi 21, donc il suffit quelque
part, hein, il suffit… Ce n'est pas facile de… C'est facile à dire, et
peut-être ça nécessite beaucoup d'efforts, mais il suffit de bien former nos
enseignants, enseignantes, notre personnel scolaire, pour qu'ils soient
capables d'agir lorsqu'ils voient le problème. De la même manière, quand on
parle de différents types d'accommodements raisonnables, elles doivent… ces
accommodements doivent rester raisonnables. Quand on entend qu'il y a un
problème avec l'application d'accommodements et qu'ils deviennent
déraisonnables, c'est peut-être un problème de la façon qu'on a appliqué la loi
qui existe déjà.
Je voudrais attirer aussi votre attention
sur la question qui a été mentionnée à plusieurs reprises ici par des
propositions, l'interdiction de prosélytisme, c'est déjà dans la loi, c'est
prévu dans la loi de 2017 de la neutralité religieuse. On dit : Les
enseignants, enseignantes, les personnes qui travaillent avec les élèves ne
devraient jamais influencer les élèves par leurs convictions. C'est déjà prévu
dans la loi. Et ce que ça nous dit encore une fois que c'est ce qui manque,
c'est une bonne la formation dans nos… dans nos universités, on a… on a un
cours, hein, dans toutes les universités, on a un cours qui s'intéresse
particulièrement à la posture professionnelle, à l'éthique professionnelle, à
la fois des enseignants et des enseignantes, à la fois des directions
scolaires. Et c'est dans ces cours-là qu'on… on apprend à bien gérer. Si ces
cours-là ne sont pas suffisants, bien, ça nous dit qu'il faut ajouter à la
formation, qu'il faut ajouter à une formation continue qui répond à ces besoins
plutôt que de réduire la formation à ce qu'on voit en ce moment arriver avec
les nouvelles… les nouvelles formules de formation initiale.
M. Drainville : Est-ce qu'à
votre avis le port d'un signe religieux transmet un message religieux?
Mme Hirsch (Sivane) : Moi, je
vous dirais certainement, mais peut-être que je laisserais Hana répondre à
cette question.
M. Drainville : Mais vous,
répondez Oui à la question?
Mme Hirsch (Sivane) :
Évidemment, mais c'est un signe religieux. Un signe religieux, 'est la personne
qui porte, c'est un… ça représente quelque chose pour cette personne-là. Ça
peut aussi dire un message pour vous. Moi, le fait que je ne porte pas un signe
religieux, ça vous dit quelque chose, le fait qu'on s'habille d'une certaine
façon ici quand on vient au Parlement, ça vous dit quelque chose. On ne vient
pas ici comme on vient ailleurs. Donc, on fait… tout ce qu'on fait, ça porte un
message aux autres, mais d'abord avant tout pour nous, mais je laisserais Hana
répondre à cette question, si vous voulez bien.
M. Drainville : On s'entend
là-dessus. Oui.
Mme Zayani (Hana) : Donc,
porter un signe religieux ne signifie pas influencer les élèves ou manquer de
neutralité. Ce n'est pas le port du voile, en fait, qui détermine cela. D'ailleurs,
comme ce qu'on a vu dans le cas de Bedford, où il n'y a pas des profs qui
portent des signes religieux là. Donc, ils ont transmis… ils ont pu transmettre
des idées de problématiques. Donc, l'important, c'est vraiment la formation et
c'est pour ça qu'on revient là-dessus, la formation initiale et continue. Par
exemple, moi, je peux même à travers mon nom arabe, vous pouvez savoir que je
suis arabe, que je suis musulmane avec moi, la… le style vestimentaire, avec
tout. Donc, est-ce qu'on va interdire des noms arabes? Est-ce qu'on va
interdire… Donc, non. Donc, il y a des limites, je pense, pour ça. Là, le port
des signes religieux, ça fait partie…
Mme Zayani (Hana) : ...de
l'identité de la personne, ça ne transmet aucun message, alors que c'est censé
transmettre des messages.
Mme Hirsch (Sivane) : Si
je peux juste compléter, donc, cette réponse. Bien, pas compléter, mais ajouter
de mon point de vue, finalement, parce que ce que je viens de dire sur la
formation, c'est exactement cela. Dans le cadre de l'école Bedford, par
exemple, les personnes qui ont mal agi n'étaient pas des personnes avec un
signe religieux, puis pourtant leurs actions étaient problématiques d'un point
de vue de leur action, de leur pratique professionnelle, de leur posture professionnelle.
Et ce sont des choses que l'on doit pouvoir gérer, oui, après, dans les écoles,
mais d'abord former les personnes qui vont travailler avec nos élèves. D'où
l'importance d'avoir des personnes formées plutôt que des personnes qui sont
habillées d'une façon ou d'une autre. Une personne bien formée ne va pas agir
en prosélytisme, même si elle porte un certain habit, alors qu'une personne qui
est mal formée ou qui n'est pas formée risque de faire de la... de faire ce
prosélytisme sans aucun signe religieux. On peut... On a des exemples.
D'ailleurs, vous aimez ça, des exemples concrets. Bien, moi, j'avais des
étudiants qui n'étaient pas du tout avec des signes religieux, donc des
personnes chrétiennes qui étaient dans des cours de didactique des sciences,
donc d'apprendre à enseigner les sciences, qui étaient avec mon cours, et qui
ont dit : Nous, on n'est pas à l'aise à enseigner la théorie de
l'évolution parce qu'on est créationnistes. Ça ne se voyait pas sur le visage.
Moi, je dois travailler avec des personnes comme ça pour mieux les former. Mais
ce n'est pas parce que c'est inscrit sur leur visage ou leur sur leurs habits.
M. Drainville : Merci.
Il ne me reste qu'une minute. Je vais juste vous dire. Dans votre mémoire, vous
parlez de l'école pluraliste, de l'école qui doit être un agent de cohésion,
qui doit favoriser le sentiment d'appartenance, le vivre-ensemble. Moi, je vais
vous dire une chose, le voile intégral, le niqab, la burqa, c'est un exemple
parfait de rejet du vivre-ensemble. C'est le symbole religieux de vouloir se
mettre à l'écart, de ne pas vouloir s'intégrer au groupe, de socialiser avec le
groupe, de communiquer avec l'enseignant ou avec les personnes autour de soi.
Mme Zayani (Hana) :
Donc, je vous dirais, M. le ministre, c'est le rôle de notre école publique de
travailler avec...
M. Drainville : Alors,
si vous favorisez la cohésion et le...
La Présidente (Mme Dionne) :
...à la fois, s'il vous plaît.
M. Drainville : Si vous
favorisez la cohésion et le vivre-ensemble, vous devriez minimalement prendre
position contre le voile intégral dans les classes du Québec.
• (15 h 20) •
Mme Hirsch (Sivane) :
Mais ce n'est pas une question... Comme disait le monsieur des commissions
scolaires anglophones, ce n'est pas une question qui s'est posée pour l'instant
ni documentée. Par contre, ce qu'on a pu voir, c'est que si on arrive à avoir
le plus de gens à accueillir, le plus de gens dans nos écoles publiques, bien,
on peut favoriser...
M. Drainville : Il y a une
dizaine de cas, madame, une dizaine de cas dans une école, c'est documenté, une
dizaine de cas. Combien de cas, on en revient à la question première,
combien...
Mme Hirsch (Sivane) : Une
dizaine de cas...
M. Drainville : Combien
de cas, madame, ça prend avant qu'on s'en occupe? Ça prend combien de
personnes?
Mme Hirsch (Sivane) :
Bien, moi, je crois… Moi, je crois à la formation, à l'éducation, à la
pédagogie. Bien, je vais les accueillir, pour les former.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci. C'est tout le temps qu'on a pour cet échange. Donc, je cède maintenant
la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé pour 11 minutes.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames, Mmes les professeures, Mme la doctorante. Ravie
de vous accueillir ici. Merci pour votre mémoire extrêmement étoffé. Je vais,
moi aussi, donc, commencer, donc, sur l'aspect qui concerne les appuis
empiriques et scientifiques, parce que c'est le premier fait saillant que l'on
peut retrouver dans votre mémoire. À cette question, donc, le ministre, donc,
vous a répondu un peu plus tôt que selon mémoire... En fait, le dépôt du projet
loi no° 94 s'appuyait sur le rapport de l'école Bedford, le rapport sur
cette école de façon prédominante. Maintenant, donc, il vous pose la question
sur combien de cas. Moi, j'en avais une différente. En fait, ce n'est pas tant
de combien de cas, c'est surtout comment est-ce qu'on s'y attaque. Et est-ce
que, selon vous, la manière dont le ministre tente de s'attaquer à ce qui s'est
retrouvé dans le rapport de l'école Bedford, à ce qui s'est retrouvé dans le
rapport sur les 17 écoles, est ce qu'il s'y prend d'une manière qui répond
aux problématiques qui ont été énoncées dans ces rapports?
Mme Borri-Anadon (Corina) :
En fait, le projet de loi à notre lecture, merci pour cette question, il est...
il est basé sur une approche coercitive, une approche coercitive à la fois sur
la question religieuse, mais aussi sur la question linguistique. Donc, le
projet de loi impose des conduites aux élèves, interdit l'usage des langues,
interdit le port des signes religieux, veut limiter les accommodements pour
motifs religieux. Donc, il y a beaucoup de contraintes. On a appelé ça la
socialisation sous contrainte dans notre mémoire pour parler, justement, de
comment est ce que l'école approche, avec ce projet de loi, sa mission de
socialisation. Et ce qu'on propose, et ce que la recherche... Ce n'est pas nous
qui le proposons comme ça, parce qu'on c'est notre avis, on a vraiment
documenté ça à partir de nos travaux, c'est que l'école doit être un lieu
bienveillant, ouvert, où on apprend à socialiser, justement, et à créer cette
société pluraliste, donc, d'ouverture à l'autre. Pour pouvoir remplir cette
mission-là, les élèves doivent être exposés à cette diversité et encouragés à
s'en approcher, à interagir avec elle, à débattre aussi...
Mme Borri-Anadon (Corina) : ...des
enjeux qu'elle suscite, et c'est à l'intérieur de l'école. Là-dessus, on est
d'accord, par exemple, avec M. Baillargeon qui est venu ici vous en parler, du
développement de la pensée critique. Donc, la présence de la diversité à
l'école dans une approche vraiment ouverte de socialisation, pour nous, c'est
le terreau qui nous permet, justement, à l'école, de remplir ses missions, ses
missions d'instruire, de socialiser et de qualifier.
Et c'est vrai, le ministre met beaucoup
d'accent sur la question religieuse, mais le projet de loi dépasse beaucoup ces
éléments-là, dont de burqa, niqab, etc., de port des signes religieux. Il y a beaucoup
d'autres articles et qui ont été... peu discutés ici, en commission
parlementaire. Et je prendrais la balle au bond pour parler justement de
l'article 36 qui exige, dans le fond, l'usage exclusif du français en tout
temps et à tout le personnel quand il est en communication entre eux ou avec
les élèves. Et, alors là, pour nous, ça, ça pose... mais de grandes, grandes
préoccupations.
D'abord, qu'est-ce qui arrive avec les
disciplines scolaires prévues au programme? Je parle d'anglais, langue seconde,
je parle d'espagnol, langue tierce, je parle du soutien en langue maternelle.
Je veux dire, est-ce qu'on va arrêter de faire de l'immersion en anglais en
sixième année au Québec? Qu'est-ce qui arrive avec ça? C'est vraiment une
question qu'on a. Il n'y a aucune exemption présentement à l'article 36.
Donc, notre interprétation est qu'il n'y aura rien de ça qui va se passer.
Mais, plus largement que ça, je voudrais
vraiment revenir sur le fait que les langues s'apprennent en interdépendance et
que, pour apprendre une langue, on a besoin de nos connaissances antérieures
dans les autres langues pour pouvoir approcher cette nouvelle langue là. Donc,
on a besoin de... On apprend par transfert linguistique de nos connaissances
antérieures vers la nouvelle langue, donc ouvrir... Parfois, ça a l'air évident
de... on se dit : Bon, bien, on va faire tout en français, ça va favoriser
le français, mais la recherche apporte des nuances importantes. En fait, c'est
un peu plus nuancé, la réalité. C'est-à-dire que, oui, on veut que l'école se
déroule en français, mais, en convoquant les autres langues parlées par les
élèves, on soutien justement à l'apprentissage du français, on permet aux
élèves de faire des transferts linguistiques, on leur permet d'approcher le
vocabulaire, la structure de phrases françaises en pouvant comparer avec ce
qu'ils connaissent déjà.
Mme Larochelle-Audet (Julie) : Est-ce
que je peux me permettre de compléter? Souvent, à nos étudiants, étudiantes on
dit : Si, demain matin, j'efface toutes les langues que vous connaissez de
votre cerveau actuellement, vous commencez à zéro, et, tout de suite, je vous
demande d'apprendre le portugais, vous allez vous appuyer sur quoi? Alors,
c'est ça, on vous dit : Partez des langues que vous connaissez déjà et
faites des liens pour comprendre cette nouvelle langue là que vous appréhendez,
que vous ne connaissiez pas, voir comment les structurer de façon grammaticale,
avoir un regard métacognitif sur cette nouvelle langue là. Donc, pour nous, ça
ne fait pas de sens avec des données de recherche, qui sont là depuis des
années, de chercheurs, chercheuses qui ont travaillé là-dessus depuis plusieurs
décennies.
Mme Borri-Anadon (Corina) : Et
qui sont d'ailleurs présentes dans le PFEQ. Donc, on peut regarder, par exemple,
le PFEQ de 2006 d'anglais de premier cycle secondaire. On va dire, on invite
les élèves à faire des liens entre l'anglais et le français, pour justement
favoriser à la fois l'apprentissage de l'anglais, mais aussi, en retour,
l'apprentissage du français. Donc, ce qu'on dit aujourd'hui ici, là, c'est pour
favoriser l'apprentissage du français. Et c'est bénéfique pour tous les élèves.
M. Drainville : ...
La Présidente (Mme Dionne) : ...sur
le temps de... avec consentement. Il n'y a pas de... J'ai besoin du
consentement, M. le ministre.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
d'accord. Alors, on va vous rajouter une minute.
M. Drainville : ...s'il faut
rajouter deux. Je veux juste préciser. L'obligation de parler en français, ça
ne s'applique qu'au personnel, ça ne s'applique pas aux élèves. C'est important
de le dire parce que je les ai... Visiblement, nos invitées pensent que ça
s'applique dans les communications entre le personnel et les élèves. Ça ne s'applique
pas aux communications entre le personnel et les élèves. Seulement, c'est le
personnel entre eux, seulement entre personnel.
Mme Borri-Anadon (Corina) : ...Alors :
«Un membre du personnel d'un centre de services scolaire francophone doit
utiliser exclusivement le français, en outre de ses obligations prévues par la
Charte de la langue française, lorsque les conditions suivantes sont
réunies :
«1° il est présent sur les lieux, tel un
local ou un immeuble, mis à la disposition d'une école ou d'un centre pour les
fins de son emploi;
«2° il communique oralement ou par écrit
avec un élève ou un autre membre du personnel»
Et après on a les exclusions de l'article.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Alors, oui, poursuivez, Mme la députée.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour ces explications. Puis, effectivement,
nous avions la même lecture, donc, de l'article 36, là, nous l'avions sous
les yeux. J'en reviens donc à différents éléments. Merci pour tout ce que vous
nous avez apporté. Puis mon collègue aura plusieurs questions pour vous, donc
ce sera ma dernière, malheureusement. Donc, avec tout ça, donc, est-ce que
les...
Mme Cadet : ...mission qui se
retrouve dans le projet de loi. Donc, ma première question vous
demandait : Est-ce qu'elle répond donc à une véritable problématique? Mais
la deuxième, c'est surtout demander : Est-ce que le projet de loi qui est
déposé, est-ce qu'il est utile pour améliorer le système scolaire québécois?
Parce que vous nous dites : La question du prosélytisme, par exemple, se
retrouve déjà dans la Loi sur la neutralité religieuse de 2017, à plusieurs des
éléments. Donc, les encadrements qui sont présents dans la Loi sur
l'instruction publique auraient a déjà permis de répondre à des situations
comme celle de Bedford. Est-ce que le projet loi qui est déposé est utile?
Allez-y.
Mme Larochelle-Audet (Julie) : Oui,
merci pour la question. Bien, tout à fait. En fait, il y a plusieurs mesures
qui sont déjà présentes dans la Loi sur l'instruction publique, puis aussi il
faut rappeler qu'à la base, Bedford, un élément important du problème, ça
relève des relations de travail, et donc c'est des choses qui sont déjà
balisées par les conventions collectives, donc il y a déjà des dispositions qui
existent.
Également, mais comme l'a dit ma collègue
tout à l'heure, donc plusieurs dispositifs précisément en lien, si on veut
parler de laïcité, en lien avec la laïcité, qui sont déjà prévus dans la Loi
sur la laïcité de l'État et dans la loi sur la neutralité, et notamment les
lignes directrices en matière d'accommodements raisonnables, qui ont été émises
à la suite de cette loi-là de 2017, qui sont très claires à l'égard notamment
des... des contraintes excessives pour les accommodements raisonnables.
Mme Hirsch (Sivane) : Puis si
je peux donc compléter ça, donc, effectivement beaucoup les... Nous, on a
documenté déjà des réponses dans d'autres lois, mais aussi dans les balises
du... en fait du ministère finalement. Donc, dans le PCQ, ça a été dit sur la
langue. C'est vrai aussi pour la posture enseignante dans... dans les
programmes, et notamment le nouveau programme culture et citoyenneté
québécoise, on explique très, très bien comment l'enseignant ou enseignante
doivent être devant la classe et ne pas influencer les élèves pour encourager
justement la pensée critique. Dans les références... le référentiel des
compétences qui est la base de formation initiale de tout enseignant au Québec,
on explique très, très bien comment éviter les enjeux qui sont ici, et ils sont
tenus à ces règles-là. Nous, on doit les former. Ils doivent être formés dans
une formation continue qui a été imposée. Mais les directions doivent justement
après faire les suivis et évaluer ces compétences-là. Donc, en fait, tout est
déjà prévu de diverses manières.
J'ai entendu hier M. Lampron qui
disait : Ce n'est pas mauvais de ramasser les choses pour les clarifier
ensemble, etc. sauf qu'ici, ce qui m'inquiète, c'est qu'on a ramassé les choses
qu'on a déjà dites et on n'a pas répondu au problème initial qui est la
formation, comment on va améliorer la formation, comment on va insister sur les
choses importantes de la formation, alors qu'en ce moment, en fait, on réduit
la formation initiale. On dit : Ah, on peut faire d'une formation initiale
plus courte, avec moins des enjeux difficiles, parce qu'en fait tout le monde
va devenir... va pouvoir devenir enseignant sans avoir cette formation initiale
si importante qui va, elle, prévenir ces genres de situations parce que tout
est déjà prévu.
Même pour les accommodements raisonnables,
on en a parlé hier, je ne me souviens plus qui en a parlé, elle a dit :
J'aimerais bien savoir qu'est ce qui est arrivé avec les recommandations du
rapport Fleury. Il y a une formation. Moi-même j'ai donné cette formation avec
le ministère de l'Éducation. Donc, ça existe, ces choses-là.
• (15 h 30) •
Mme Borri-Anadon (Corina) : Je
voulais revenir sur un aspect de prévention qui me semble vraiment important,
puis, tout à l'heure, j'ai oublié de parler de l'effet de l'article 36 sur
l'évaluation des élèves. On a eu l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du
Québec qui ont fait un mémoire justement dans le cadre de ces consultations. Il
y a aussi une lettre qu'on a rédigée ici avec les collègues et qui a circulé,
qui a eu 400 signatures, dont beaucoup de gens des milieux scolaires, des
orthopédagogues, des orthophonistes, des psychologues, des enseignants qui ont
voulu signer notre lettre pour voir justement les risques de l'article 36
sur les élèves et leur... leur manque de possibilités de manifester tout leur
potentiel d'apprentissage dans le cadre des évaluations quand on ne peut pas
recourir à d'autres langues que le français. Donc, on est très préoccupés du
fait que ça pourrait par exemple amener à une identification des élèves, par
exemple vers l'adaptation scolaire. Ça pourrait orienter ces élèves-là des
classes spécialisées, des problèmes qui sont déjà documentés aussi dans la
recherche au Québec et auxquels on devrait s'attarder pour une question
d'équité puis de justice.
Mme Cadet : Merci. Je laisse
la parole à mon collègue de l'Acadie.
M. Morin : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Merci. Ma première question va être très, très directe. Donc, ce
projet de loi là, est-ce qu'il empêcherait un Bedford 2.0?
Mme Hirsch (Sivane) : Non,
pas à notre compréhension.
M. Morin : Merci. Mais là, on
est pris avec. Donc, il va continuer à travailler, n'est-ce pas?
Une voix : Oui.
M. Morin : Vous avez parlé
parce que vous êtes des chercheures, donc vous utilisez la méthode scientifique
pour faire avancer évidemment vos recherches. Vous avez parlé que vous avez
essayé d'obtenir des données. Pouvez-vous en dire un peu plus, les démarches
que vous avez faites puis surtout les réponses que vous avez obtenues? Parce
que je me dis, si le législateur veut faire quelque chose d'aussi important
dans le domaine de l'éducation...
15 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...il devrait au
moins être capable de se baser sur des données et sur une démarche scientifique,
ça m'apparaît être important. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus? Parfait. Je
vous écoute.
Mme Charette (Josée) : Je
peux peut-être commencer.
M. Morin : Bien sûr.
Mme Charette (Josée) : Donc,
on a fait une première demande d'accès à l'information — je n'ai pas
la date sous les yeux, je m'en excuse — il y a une vingtaine de jours
à peu près, donc on nous est revenu en nous disant qu'il fallait 10 jours
supplémentaires, que c'était prévu à la loi, et tout ça. Donc, on a attendu
vaillamment. Et puis finalement la réponse devait venir autour du 16 ou 17...
merci, avril, et on a eu finalement un retour hier donc de cette demande d'accès
à l'information. Et puis...
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Charette (Josée) : J'arrête,
mais...
La Présidente (Mme Dionne) :
Non, allez-y.
Mme Charette (Josée) : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : 20 secondes.
Mme Charette (Josée) : C'est
quand même moi. Et donc, en fait, on nous a répondu, donc qu'«à la suite de
recherches effectuées dans le cadre du traitement de votre demande, nous vous
informons que nous avons... nous n'avons pas repéré aucun document présentant
les données telles que demandé. Cependant, un document qui constitue une annexe
au rapport contient des renseignements qui ne peuvent pas vous être
communiqués, car leur divulgation serait susceptible de révéler une source
confidentielle». Juste vous dire qu'elles étaient nos questions. Nos questions
étaient...
La Présidente (Mme Dionne) : C'est
malheureusement tout le temps qu'on a pour cet échange. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve
pour 3 min 50 s.
M. Leduc : Vous étiez bien
parti, continuez donc.
Mme Charette (Josée) : Merci.
Alors, quelles étaient nos questions? Sur les 17 établissements scolaires,
dans combien d'écoles des manquements ont été identifiés selon la Loi sur la
laïcité et sur la neutralité? Et, dans chacune des écoles, combien de
manquements ont été identifiés? Aussi, combien d'écoles sont concernées par
chacun des enjeux mentionnés dans les pages 8 à 25 du rapport Services à
visage découvert, interdiction de porter un signe religieux, affirmation sur la
laïcité de l'État et plus particulièrement les accommodements? Aussi, nous
désirons savoir combien d'établissements scolaires sont concernés par les
autres enjeux d'intérêt, plus précisément l'utilisation du français. Et donc, on
nous a répondu ce que je viens tout juste de vous lire, donc que ce n'était pas
possible de donner des informations. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Morin : Merci.
M. Leduc : Bien, j'imagine
que oui. Sur le temps qu'il nous reste, vous avez dit en ouverture que vous
auriez eu envie qu'on parle du français. Bien, parlons-en. Qu'est-ce que vous
voulez nous dire sur le français?
Mme Borri-Anadon (Corina) : Oui.
Bien, merci. Merci de nous donner la parole. En fait, on veut vraiment
réaffirmer ici que la... nos travaux de recherche s'intéressent à la place du
français au Québec et comment faire en sorte que l'école francophone, québécoise
francophone, reste québécoise et francophone. Donc, on est d'accord sur le fait
que le français, c'est important pour le réseau de l'éducation. D'ailleurs,
depuis la loi 101, l'école francophone joue ce rôle-là, hein, d'intégration
des élèves issus de l'immigration en son sein. Et elle le fait somme toute très,
très bien quand on regarde les taux de réussite éducative de ces élèves-là au
sein du système éducatif.
Maintenant, on se... on est vraiment
préoccupés par cet article sur le français et l'amalgame qui est fait entre
laïcité et immigration dans ce projet de loi, on dit, bon, c'est une loi qui
vise notamment la laïcité et autres dispositions, mais on retrouve à l'intérieur
de ça plusieurs dispositions de différents ordres, et on a très peur, en fait,
de l'amalgame qui est fait, que nous, on essaie de défaire dans nos recherches,
hein, pour montrer vraiment le spécifique de : un immigrant qui peut être
allophone comme on l'appelle, mais aussi, souvent, les immigrants sont
allophones et ont aussi le français dans leur répertoire linguistique. Donc, on
voulait aussi rappeler ici qu'on peut être immigrant, allophone et aussi
francophone, parce qu'on peut être un francophone et être plurilingue. Et on
avait dit ici qu'on l'était, on l'est toutes, on est toutes francophones et
plurilingues, mais pas toutes considérées comme francophones dans les
statistiques ministérielles.
Mme Charette (Josée) : Je me
permets d'ajouter aussi qu'on a l'impression qu'on oublie malheureusement
souvent que les personnes qui n'ont pas le français nécessairement dans leur
langue familiale, mais qui l'apprennent, par exemple les élèves à l'école, on
oublie de mentionner qu'ils participent à la vitalité du français. On a l'impression
qu'on va un peu démoniser parfois un peu, là, les immigrants n'aident pas au
français, etc. Alors que, souvent, le Québec sélectionne à 60 % son
immigration et notamment sur des critères de connaissance du français. Donc, souvent,
c'est des gens qui ont déjà le français un peu à la base, mais qui vont le
développer davantage. Donc, ce sont des personnes qui viennent parfois parce qu'ils
ont un amour pour la langue française, et qui développent aussi le français à l'école,
et ce sont des jeunes souvent dans les écoles. Nos élèves, les élèves, pour
nous, c'est la préoccupation centrale aussi dans nos recherches pour la plupart
d'entre nous, là. On veut leur réussite éducative, on veut soutenir leur bien-être
à l'école. Le fait de leur permettre de parler d'autres langues, parfois, par
des mots, leur permet de se sentir bien, leur permet de se sentir légitimés
également.
Puis je vais peut-être ajouter un petit
élément. Nos travaux de recherche, parmi certains travaux de recherche dans
lesquels on travaille, on parle des protocoles d'accueil où on accueille les
élèves à l'école. Vous n'êtes sûrement pas sans savoir que la relation
significative qu'on crée avec un enfant va avoir beaucoup d'impact pour la
suite, s'il se sent bien, s'il se sent accueilli. Et, très souvent, on va
entendre des membres du personnel les accueillir avec un bonjour qu'ils ont
pris le temps d'aller voir comment dire dans leur langue, et ça fait toute la
différence pour l'enfant et pour les parents aussi.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste 10 secondes.
Mme Hirsch (Sivane) : Bien, merci
beaucoup de nous avoir écoutés.
La Présidente (Mme Dionne) :
Alors, merci beaucoup pour votre contribution...
La Présidente (Mme Dionne) : ...pour
ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir le prochain
groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 38)
(Reprise à 15 h 40)
La Présidente (Mme Dionne) :
La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons notre
dernier groupe de la journée, le Protecteur national de l'élève. Donc, bienvenu
à Me Jean-François Bernier, Protecteur national de l'élève, et
Me Simon Dupuis, conseiller juridique. Alors, bonjour et bienvenue à cette
commission.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour nous faire part de votre exposé et, suite à cela, on
procédera à une période d'échange avec les membres de la commission.
M. Bernier (Jean-François) : Merci,
Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la
Commission de la culture et de l'éducation, merci de nous permettre d'exposer
brièvement nos réflexions sur le projet de loi n° 94.
Je suis Jean-François Bernier, Protecteur national de l'élève et
Me Dupuis, comme vous l'avez bien présenté, est conseiller juridique au
sein de notre institution.
D'entrée de jeu, il importe de rappeler
que la mission du Protecteur national de l'élève, et c'est important que je
mentionne dès à présent pour le reste de mon allocution, est de veiller au
respect des droits des élèves fréquentant les établissements d'enseignement
publics et privés et les enfants recevant l'enseignement à la maison, de même
que tous leurs parents, au regard des services qui leur sont rendus par les
organismes scolaires.
En lien avec cette mission, le Protecteur
national de l'élève accueille de manière positive le projet de loi n° 94. Nous souhaitons plus que tout que nos écoles soient
des milieux d'apprentissage sains, sécuritaires et propices au développement des
élèves. Les événements constatés à l'école Bedford et dans 17 autres
écoles, bien qu'elles puissent être qualifiées de situations exceptionnelles,
n'en demeurent pas moins hautement troublants. Ils ont notamment mis en
évidence les impacts négatifs que des préceptes religieux peuvent avoir sur
l'accès de certains élèves à une éducation de qualité. La laïcité de nos
institutions est une question sociétale avant toute chose et le législateur est
tout à fait légitimé d'y faire écho. Le protecteur national... donc nous allons
axer nos propos dans les prochains instants sur d'autres dispositions
législatives de façon prioritaire, parce que le Protecteur national de l'élève,
en sa qualité d'ombudsman de l'éducation, exerce des fonctions d'une toute
autre nature que celle du législateur, bien évidemment. Ainsi, il doit
impérativement préserver son impartialité et sa neutralité essentielle à sa
crédibilité et à la confiance que...
M. Bernier (Jean-François) :
…les citoyens, incluant les élèves, les parents et les organismes scolaires,
doivent pouvoir lui accorder non seulement dans le cadre du traitement des
plaintes et des signalements qui lui sont soumis, mais également dans le cadre
de son intervention relative au présent projet de loi. Donc, le fil conducteur
des propos inscrits à notre mémoire et des bonifications que nous y proposons
est celui du bien-être des élèves, du respect de leurs droits à une éducation
de qualité et de la mise en place des conditions favorables à leur plein
épanouissement en vue de leur réussite éducative.
L'exercice de notre mission amène les
protectrices et protecteurs régionaux de l'élève à recueillir chaque jour des
renseignements et des témoignages provenant des quatre coins du Québec, en lien
avec une grande diversité de situations souvent très complexes. Cela nous
permet d'obtenir un portrait que nous estimons représentatif de la réalité
scolaire et de ce qui peut être bénéfique pour les élèves. Cela nous permet,
entre autres, de constater, comme l'ont également mis en lumière les enquêtes
menées par le ministère de l'Éducation, que les encadrements existants peinent
parfois à être appliqués, voire respectés, au détriment du bien-être des
élèves.
Au-delà de toute initiative de
renforcement des lois et autres encadrements normatifs, et comme plusieurs
autres intervenants vous l'ont mentionné dans le cadre de la présente
consultation, il importe, à notre avis, de mieux outiller les équipes-écoles et
de soutenir de manière plus efficace les directions pour qu'elles fassent preuve
de l'indispensable courage décisionnel inhérent à leur fonction. Plusieurs
éléments abordés dans notre mémoire réfèrent à ces conditions essentielles pour
la mise en œuvre des modifications proposées à la LIP et à la LEP, mais aussi
pour l'application des encadrements déjà en vigueur. La responsabilité
d'outiller, incluant la formation dont le précédent groupe vous a fait part, du
personnel ne suffit cependant pas. Il faut soutenir et accompagner les
directions d'école, et cette responsabilité incombe à nos yeux principalement
aux centres des services scolaires et à leurs dirigeants au premier chef.
Abordons maintenant quelques-unes des
12 recommandations de notre mémoire. Premier élément à vous signaler, la
pertinence d'inscrire l'intérêt de l'enfant dans la liste des valeurs
démocratiques et des valeurs québécoises proposée au premier article du projet
de loi. Cet ajout serait en cohérence avec l'importance accordée à la
protection de l'intérêt de l'enfant dans plusieurs autres lois québécoises, tout
en confirmant sa place centrale dans les valeurs de notre société et dans notre
système d'éducation. Toujours dans cette idée de la protection de l'intérêt de
l'élève, nous recommandons l'affirmation dans la Loi sur l'instruction publique
que les droits de l'enseignant ne sauraient être interprétés de manière à
priver un élève d'un service auquel il a droit, ni d'en restreindre l'accès,
comme cela a pu être constaté à l'école Bedford.
Plusieurs intervenants ont abordé dans
cette commission l'ajout d'une obligation pour les enseignants de soumettre une
planification pédagogique à la directrice ou au directeur d'établissement qui,
de son côté, devrait s'assurer de leur conformité avec plusieurs encadrements.
Une telle mesure devrait, à nos yeux, en principe, favoriser la qualité de
l'enseignement et des services éducatifs. Surtout, elle devrait accroître les
chances que tous les contenus obligatoires soient enseignés aux élèves, ce qui
est primordial à nos yeux. Cependant, et comme d'autres l'ont souligné également
avant nous, cela alourdira inévitablement la charge de travail des enseignants
des directions d'école. À cet égard, le guide de bonnes pratiques annoncées par
le projet de loi pourra possiblement atténuer cet impact non négligeable,
surtout s'il était là-bas élaboré en collaboration avec les personnes
concernées.
S'ajoute à cette nouvelle responsabilité
la formalisation d'un processus d'évaluation annuel du personnel enseignant.
Bien qu'il s'agisse là d'une bonne pratique pour toute organisation, encore
plus compte tenu de l'importance de la fonction d'enseignant dans notre
société, cela viendra s'ajouter aux autres tâches confiées aux directions
d'école. Ceci m'amène à réitérer mon propos introductif sur l'importance
d'outiller et d'accompagner les directions d'établissement dans leurs nouvelles
obligations.
Comme nous l'avons mentionné d'ailleurs
dans notre premier rapport annuel d'activité, il arrive malheureusement que les
directions soient débordées et parfois même démunies par l'accumulation de
différentes charges et qu'elles ne soient pas suffisamment soutenues lors de
situations plus complexes ou sensibles. À ces enjeux associés à la charge de
travail s'ajoute la gestion des relations parents-écoles qui peuvent rapidement
devenir difficiles lorsque survient un désaccord et que les émotions sont à
fleur de peau. Au-delà de l'importance que j'accorde à la communication et au
respect de tous, il est essentiel de préserver cette collaboration avec
l'équipe-école dans l'intérêt premier de l'enfant.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée
cet après-midi pour rappeler aux parents leur partie du devoir, celle de
demeurer courtois et de garder ouverts les canaux de communication avec
l'équipe-école. On parle ici d'une minorité de parents, je tiens à le préciser.
Notre expérience des deux dernières années nous démontre déjà à quel point la
communication est la clé et que l'absence de cette communication fluide entre
les parents et l'école est souvent la source des différends qui remontent
jusqu'à nous.
À ce sujet, nous émettons deux
recommandations. D'une part, la mise en œuvre des règles de conduite doit
impliquer les parents et d'autre part, les parents doivent adopter une conduite
empreinte de civisme et exempte de toute forme d'actes d'intimidation, de
violence ou de harcèlement dans leurs interactions avec le personnel scolaire.
En lien avec la création de comités sur la qualité des services éducatifs dans
chaque centre de services scolaire et avec en tête la mise en valeur des
expertises au bénéfice premier de l'élève, mais également au profit d'une
gestion plus efficace, le Protecteur national de l'élève propose que les
recommandations des responsables du traitement des plaintes des organismes
scolaires, la deuxième étape de la procédure régie par notre…
M. Bernier (Jean-François) : ...notre
loi ainsi que les recommandations des protectrices et protecteurs régionaux de
l'élève puissent concrètement profiter aux travaux de ces comités. Nous
proposons de plus la concertation formelle et le partage de bonnes pratiques en
matière de qualité des services éducatifs entre ces comités.
J'ai manifesté ma volonté, en ouverture de
mon allocution, de ne pas prendre position sur les enjeux de laïcité et de la
place de la religion dans certaines de nos écoles au nom de la posture neutre
et impartiale qui doit être celle d'un ombudsman.
Il n'en demeure pas moins que nous avons
tout de même souhaité contribuer à la réflexion de la commission en partageant
certaines réflexions dans notre mémoire sur différents éléments proposés par le
projet de loi, les services à visage découvert, l'élargissement de
l'interdiction du port des signes religieux, les demandes d'exemption de
certains contenus pédagogiques, l'offre alimentaire et l'utilisation exclusive
du français.
Je rappelle que les commentaires à cet
égard dans notre mémoire reposent toujours sur notre mission première, celle de
veiller au respect des droits des élèves et de leurs parents à l'égard des
services scolaires. Le protecteur national de l'élève sera vraisemblablement
interpelé sur plusieurs éléments du projet de loi qui seront à terme retenus
par le législateur. Le protecteur national et les protectrices et protecteurs
régionaux de l'élève agiront alors en vertu des encadrements légaux, réglementaires
et normatifs en vigueur au moment où ils auront à traiter les plaintes et les
signalements qui leur seront soumis, et ce, toujours avec la même rigueur, et
la même indépendance, et la même impartialité dont ils font preuve depuis
bientôt deux ans.
En conclusion, l'école est au cœur du
vivre-ensemble de notre société de plus en plus diversifiée. Elle doit demeurer
un lieu privilégié pour le développement stimulant, sain et sécuritaire de nos
enfants, mais elle doit aussi être un lieu d'accueil, d'intégration, de respect
et de socialisation. Grand défi, grand programme, mais fondamental.
N'oublions pas par ailleurs que...
l'enfant, pardon, a en quelque sorte deux vies, celle dans sa famille et celle
à l'école, avec des valeurs qui peuvent différer. Dans ce contexte, un dialogue
en continu est impératif, en certaines circonstances, entre les parents, les
élèves et l'école. Soyez assurés que mon équipe et moi ne ménagerons aucun
effort pour protéger les droits de tous les élèves québécois ainsi que de leurs
parents, sans cesse animés que nous sommes par les valeurs fondamentales au
coeur de notre mission que sont la bienveillance, l'équité et la rigueur.
En terminant, je... je remercie, pardon,
les membres de la Commission de la culture et de l'éducation pour l'intérêt
qu'ils accorderont à notre mémoire et aux recommandations qu'il contient, et
nous nous rendrons disponibles, évidemment, au besoin, pour la suite de vos
travaux. Merci.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. Bernier. Donc, ceci débute la période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, M. le ministre, la parole est à vous pour 16 minutes.
M. Drainville : Merci, Mme la
Présidente Merci à vous deux, et en particulier à vous, M. le protecteur. Vous
avez raison de soulever la question du rôle des parents. Je me réjouis que vous
en ayez fait un des thèmes centraux de votre intervention. Je l'ai déjà dit
plus tôt lors de ces consultations, les parents sont les premiers éducateurs
des enfants, l'Éducation commence à la maison. Je pense qu'il faut constamment
rappeler cette vérité. Puis ce n'est pas évident d'être parent. Je suis parent,
je sais, les défis que cela pose, mais je pense qu'il est important quand même
de rappeler que nous sommes, comme parents, les premiers éducateurs de nos
enfants.
Et d'ailleurs, surtout sur cette
question-là des parents, vous exprimez donc des préoccupations à l'égard des
comportements de parents qui seraient irrespectueux ou discourtois, parfois
même harcelants ou agressifs à l'égard du personnel scolaire, et là ça vous
amène à recommander une obligation qui viserait les parents, là, qui les
obligeraient à adopter une conduite empreinte de civisme et exempte de toute
forme d'intimidation, de violence ou de harcèlement. Quels seraient les leviers
possibles, selon vous, pour faire respecter cette obligation que les parents
aient un comportement empreint de civisme, empreint de respect?
M. Bernier (Jean-François) : Je
tiens à réitérer ce que j'ai dit rapidement dans l'allocution. On parle ici
d'une minorité, hein? C'est vraiment l'exception et non pas la règle. Je tiens
à le préciser, là...
M. Drainville : Mais, je vais
vous dire, c'est une minorité, M. le Protecteur, si vous me permettez... Parce
que j'ai eu cette discussion-là la semaine passée avec une directrice d'école
ou une enseignante, mais qui avait de longues années d'expérience et qui m'a
dit : C'est une minorité, et il y a toujours eu une minorité, me
disait-elle, mais la minorité d'aujourd'hui est beaucoup plus intense que la
minorité d'il y a 20 ans. Donc, ça reste une minorité, mais les
comportements sont...
M. Drainville : ...beaucoup
plus agressif qu'auparavant. Je referme la parenthèse.
M. Bernier (Jean-François) : Je
vais m'en remettre à la lecture de sa longue expérience. Ça ne fait pas deux
ans qu'on est en fonction. Donc, oui, nous aussi, on est quand même témoins de
certaines situations, à notre niveau bien sûr, mais je réitère que, même à
notre niveau, c'est aussi la minorité, mai, bon, de vous entends bien.
Sur les leviers, en fait, ça revient
beaucoup à un propos qui est dans l'allocution et dans le mémoire, c'est
outiller, accompagner. Dans ce cas-ci, s'il y a une disposition clairement dans
la loi qui vient établir ce principe, cette attente à l'égard des parents, déjà
ça légitime l'école, la direction de l'école, les intervenants scolaires à
s'appuyer sur quelque chose qui est quand même dans une loi. Après ça, les
moyens, je ne suis pas un adepte des sanctions par nature et, comme ombudsmen,
on est là pour contribuer à améliorer les choses, trouver des solutions et non
pas punir. Alors, je ne vois pas de sanction associée à cet énoncé d'un
principe.
M. Drainville : ...une espèce
de déclaration de principe...
M. Bernier (Jean-François) :
Exact, exact.
M. Drainville : ...vous dites
que c'est déjà une avancée que de le dire.
M. Bernier (Jean-François) :
Bien, ça permet aux intervenants de s'appuyer sur une disposition puis
dire : Écoutez, c'est un principe dans la LIP, là.
M. Drainville : Très bon
point, puis c'est la raison pour laquelle nous l'avons finalement ajouté au
projet de loi. Maintenant, la disposition actuelle dit : Les règles de
conduite peuvent, peuvent prévoir le rôle des parents dans leur mise en œuvre,
là on parle du code de vie ici. Vous, vous suggérez de changer «peuvent» par
«doivent».
M. Bernier (Jean-François) :
Exact. On fait le pari que le fait d'impliquer plus concrètement les parents
dans ce processus-là va favoriser une adhésion encore plus grande au principe
qu'il y aura dans ces documents.
M. Drainville : O.K. Bon,
vous êtes une nouvelle institution, vous l'avez-vous-même souligné, à l'égard
de laquelle d'ailleurs il y avait de grandes attentes, il y a toujours de
grandes attentes. Je me réjouis, je vous dirais, quand même, de votre
prédisposition favorable au projet de loi. Si je vous demandais de faire la
synthèse des trois principales raisons pour lesquelles vous considérez que ce
projet de loi est une avancée positive, spontanément, les trois choses qui sont
les plus importantes pour vous.
M. Bernier (Jean-François) :
Non, je n'en ai peut-être pas trois qui vont venir spontanément, mais je pense
que... Et c'est pour ça qu'on a axé... j'ai souhaité axer l'allocution sur les
autres dispositions législatives, qui est dans le titre de la loi, du projet de
loi, parce que c'est ce qui nous rapproche le plus de notre quotidien. Donc,
nous, notre intérêt, c'est qu'il y a des avancées, des dispositions, des
modalités qui permettent à l'élève de pouvoir cheminer dans un cursus, dans un
parcours qui va l'amener à être le meilleur citoyen possible demain matin.
Alors, tout ce qui gravite autour de ces dispositions-là. Oui, l'autonomie professionnelle
versus l'évaluation des professeurs, c'est toutes des choses qui peuvent
potentiellement améliorer les services rendus aux élèves, les services
éducatifs, les services scolaires, en général, rendus aux élèves. Former, oui,
ces gens-là qui sont dans les équipes-écoles, c'est une chose, je l'ai dit
tantôt, les outiller, c'est encore plus important.
Alors, moi, ce qui m'importerait, c'est
que vous reteniez de ma présence ici aujourd'hui, M. le ministre et messieurs
dames, les parlementaires, messieurs dames, les parlementaires, c'est cette
importance-là de donner — puis je ne suis pas seul qui le dis, là, j'ai
entendu d'autres intervenants venir vous le dire — aider ces gens-là
sur le terrain à être capables de faire leur travail. Le courage décisionnel,
c'est un autre élément qu'on n'a pas entendu beaucoup, mais il est fondamental.
M. Drainville : Ça, ça m'a,
effectivement, accroché l'oreille quand vous l'avez dit. D'ailleurs, je l'ai
cherché dans votre mémoire, je ne l'ai pas trouvé. Serait-ce possible que ce ne
soit que dans votre allocution orale...
M. Bernier (Jean-François) :
C'est possible, c'est possible.
M. Drainville : ...laquelle
vous pourrez nous faire suivre.
M. Bernier (Jean-François) :
Bien sûr, avec plaisir.
M. Drainville : Parce que
courage décisionnel, c'est une très belle expression à laquelle je souscris
complètement. Et je l'ai dit, lorsque j'ai déposé le projet de loi, il va
falloir qu'on ait du courage collectivement, si on veut redresser la barre, sur
plusieurs des enjeux qui nous ont menés à déposer le projet de loi. On donne,
dans ce projet de loi, des outils, des leviers aux décideurs, aux gestionnaires
pour faire preuve de courage décisionnel, justement, on leur... J'ai donné cet
exemple-là déjà, je pense, c'est hier, dans le rapport sur les 17 écoles, il
est écrit par les vérificateurs, enquêteurs que «le fait d'avoir émis une
directive qui dit très clairement, l'école n'est pas un lieu de prière, les
activités religieuses ne sont pas permises, ça a donné du courage — ce
n'est pas tout à fait comme...
M. Drainville : ...le disent,
là, mais le fait d'avoir clarifié cette orientation-là a fait en sorte que des
gestionnaires d'école et de centre de services ont dit : O.K., là, c'est
clair, là, l'école ne peut pas... On ne peut pas accepter des activités
religieuses à l'école. Et donc ça a amené un certain nombre de responsables
scolaires à agir parce qu'il y avait eu clarification des règles. Le projet de
loi, il sert beaucoup à ça, il sert à clarifier un certain nombre de choses, à
renforcer, bon. Mais, moi, j'ai espoir que le projet de loi va justement avoir,
pour conséquence, de générer du courage décisionnel, de produire du courage
décisionnel. Mais, ultimement, puis c'est là que je vous rejoins, tu as beau
donner tous les leviers au monde, tous les outils, toutes les dispositions
légales, à un moment donné, il faut que, sur le terrain, les personnes qui sont
responsables d'appliquer les règles les appliquent, et ça a manqué, ça, à
Bedford, très clairement, ça a manqué, ça, à Bedford, à plusieurs niveaux.
M. Bernier (Jean-François) :
O.K., bien, merci de préciser. Le dernier élément de votre phrase est important
pour moi, parce que, personnellement, quand j'ai lu les deux rapports, c'est
ces mots-là, c'est les mots «courage décisionnel» qui sont... qui étaient en
filigrane de mes réactions, je vous dirais, préliminaires sur... après ma
lecture. Je tiens juste à vous préciser qu'à la page 4 de notre mémoire,
le mot «courage» apparaît. Mais je vais vous envoyer l'allocution quand même,
ça me fait grand plaisir de le faire.
M. Drainville : Mais oui,
oui, là, mais «courage décisionnel»?
M. Bernier (Jean-François) :
Non, c'est «courage» tout court, mais ça réfère au même genre de situation que
le mot «courage décisionnel».
M. Drainville : D'accord, d'accord.
M. Bernier (Jean-François) :
Mais oui, oui, vous avez raison, «courage décisionnel» n'y était pas.
M. Drainville : Très bien. Et
donc... Non, mais élaborez là-dessus, quand vous dites : J'ai lu les deux
rapports, puis ce qui m'est venu à l'esprit ce sont ces mots «courage
décisionnel», vous trouvez...
M. Bernier (Jean-François) :
Quand les rapports ont été rendus publics, et qu'on les lit, et qu'on se met
dans ce contexte-là, et , en parallèle, on était à terminer nos rapports...
notre premier rapport annuel d'activité et que j'étais en train de mettre en
place tous les constats qu'on avait pu faire dans l'année dans les différentes
régions, et que j'ai écrit, dans mon mot éditorial du rapport annuel
d'activité, qu'un des premiers constats... J'ai été très prudent dans les
constats après une année. Mais le... un des constats que je me suis permis de
faire, c'est de dire : Ce qu'on voit, c'est à quel point les directions
d'école sont souvent démunies face à des situations complexes. Ils ne savent
pas comment gérer, ils sont laissés parfois à eux-mêmes. Alors, il y a une
instance au-dessus, je parle du public ici, dans le privé, c'est plus
concentré. Ils ont besoin d'aide, justement, ils sont venus vous le dire en
commission parlementaire. Ils ont besoin d'aide aussi, ces gens-là. Oui, la
formation, c'est une chose, mais si tu n'as pas la légitimité de faire des
choses et de courage ultérieurement de le faire, vous pouvez bien le former si
vous voulez, là, mais...
• (16 heures) •
M. Drainville : Permettez-moi
de m'interposer ici, en vous disant que c'est l'une des raisons qui nous a
amenés à proposer la création du comité sur la qualité des services éducatifs,
auquel les directions d'école vont pouvoir faire appel.
M. Bernier (Jean-François) : C'est
pour ça qu'on souhaite renforcer ce rôle-là dans une des recommandations du
mémoire, en disant que ces gens-là partagent le fruit de leurs travaux, le
fruit de leurs réflexions. On fait ça, nous, entre les protecteurs régionaux.
On est parti de la même prémisse, la même logique de concertation entre experts
ou entre différentes personnes qui ont différents profils, un peu en
s'inspirant de ce qui peut se faire dans le réseau de la santé, là, où on tire
des enseignements de recommandations faites par soit le Protecteur du citoyen
ou par des commissaires aux plaintes à la qualité des services pour alimenter,
venir améliorer le service sur le terrain.
M. Drainville : Mme la
Présidente, la députée de Hull souhaite intervenir.
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui, allez-y, Mme la députée. Il vous reste quatre minutes.
Mme Tremblay : Ah! quatre
minutes.Alors, bonjour. Moi je vais vous ramener sur la planification
pédagogique, parce que vous l'avez abordée comme un élément qui est quand même
important, parce que bon, j'imagine... Est-ce que vous avez eu à intervenir
dans des situations où cet enjeu-là était au cœur de la plainte qui vous a été
formulée?
M. Bernier (Jean-François) :
Dans les 1 000 quelques plaintes qu'on a pu recevoir la première année, je
vous dirais qu'autour de 10 à 15 % — je l'ai noté ici, là — qui
tournent autour de l'enjeu de la qualité des services pédagogiques au sens
large du terme. Mais les plaintes ne rentrent pas sous ce vocable-là. Ce n'est
pas : Je fais une plainte contre la qualité de la planification
pédagogique, on va se plaindre de cas spécifiques par rapport à notre enfant,
évidemment. Mais c'est un terme très large, mais oui, on a eu des plaintes qui
gravitent autour de ce qu'on appelle...
16 h (version non révisée)
M. Bernier (Jean-François) : ...l'encadrement
pédagogique ou la qualité du service pédagogique, dans le respect, évidemment,
des dispositions de la LIP sur l'autonomie professionnelle, là, bien
évidemment.
Mme Tremblay : Mais vous êtes
en accord que de fournir cette planification-là va être aidant au niveau,
justement, des services éducatifs, c'est un... c'est un plus qu'on vient
ajouter.
M. Bernier (Jean-François) : Je
pense que ça peut aider aussi à s'assurer que le programme qu'on veut partager
avec les élèves soit cohérent partout au Québec. Par ailleurs, je réitère, et
je l'ai écrit dans le mémoire aussi, et je ne suis pas le seul à vous le dire,
là, et à vous l'avoir dit dans les derniers jours, il y a une charge, là, il y
a une charge de travail associé à ça, autant pour... autant pour les
enseignants que pour les directions d'école, qui devront aussi valider ces
éléments... ces documents-là. Et là je ne parle pas de l'évaluation annuelle,
là, qui est proposée, non plus, dans le projet de loi, qui est une charge de
travail importante, là. J'ai trouvé que les... certains intervenants étaient
sobres et conservateurs dans le nombre d'enseignants qu'ils auront à évaluer,
là. Dans une polyvalente, il y a pas mal de monde qui enseigne.
Mme Tremblay : J'aimerais ça
vous entendre, parce qu'ici vous écrivez, là, bien : «...en principe,
favoriser la qualité...», vous le dites. Puis, à la fin de ce paragraphe-là,
toujours à la page huit : «...la planification pédagogique approuvée par
la direction d'établissement à la liste des documents qui doivent être transmis
aux parents en début d'année scolaire.» Donc, vous, c'est une suggestion, là,
que vous venez faire ici, que ça s'ajoute à ce qui est transmis aux parents?
M. Bernier (Jean-François) :
Oui, effectivement. On n'en fait...
Mme Tremblay : Qu'est-ce qui vous
amène à...
M. Bernier (Jean-François) : On
n'en fait pas une recommandation...
Mme Tremblay : Oui,
effectivement, mais...
M. Bernier (Jean-François) : ...on
partage cette réflexion qu'effectivement on pourrait modifier le régime
pédagogique pour en faire un document transmis aux parents et aux élèves en
début d'année...
Mme Tremblay : Donc...
M. Bernier (Jean-François) :
...parce que... parce que ça fait partie d'une information que je juge, pour un
parent et un élève, le cas échéant, utile à connaître.
Mme Tremblay : Et ce pourquoi
vous en venez à cette réflexion-là, est-ce que c'est parce qu'à travers les 10 %
à 15 % de dossiers que vous avez analysés vous pensez que le fait que le
parent ait reçu cette planification-là aurait pu changer certaines choses?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
je pense que oui. Peut-être pas des chiffres astronomiques, mais assurément une
meilleure information, une meilleure communication de renseignements au parent
qui va prendre le temps de le lire, va être en mesure de dire : Bien, ah!
j'avais une situation, je m'apprêtais à faire une plainte, mais je me rends
compte : Ah! non, finalement, le... ça suit les préceptes et ce qu'on a
retrouvé dans la planification pédagogique. Donc, ça va peut-être, en fait,
limiter des plaintes qui vont arriver, au premier niveau, à l'école, deuxième
niveau, au responsable des plaintes, et ultimement, au troisième niveau, chez
nous.
Mme Tremblay : Effectivement.
Est-ce qu'il me reste encore...
La Présidente (Mme Dionne) :
...reste une minute, Mme la députée.
Mme Tremblay : Il me reste une
minute. Bien, j'aimerais ça vous entendre, après, un petit peu plus loin... attendez
un petit peu, là, je vais prendre ma minute à chercher, ça va... Excusez-moi,
je... planification... Bien... je vais juste revenir de bord, je ne le vois pas
spécifiquement, mais, sur l'évaluation du personnel enseignant, j'avais une
question précise, je ne la vois pas, mais, au niveau... j'aimerais ça vous
entendre sur : vous aussi, ça, est-ce que... Je sais que vous avez parlé d'alourdissement,
mais, au-delà de l'alourdissement, est-ce que c'est un... c'est aussi un plus d'avoir
plus de rigueur, justement, avoir une meilleure communication entre... bien, tu
sais, de... cette... d'amener ça, là, finalement, pour s'assurer que ça se
fasse bien puis dans le but d'améliorer nos services éducatifs?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
je pense que je n'ai pas... je n'ai pas un bagage d'études scientifiques sur la
question, mais c'est clair que d'évaluer la performance ou d'évaluer son
personnel, peu importe dans... l'organisation dans laquelle tu travailles, c'est
une très bonne pratique, c'est même essentiel. J'en fais même une attente
spécifique à mes gestionnaires : Je veux que vous évaluiez votre... vos...
votre personnel une fois par année...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci...
M. Bernier (Jean-François) : ...et
que vous leur disiez des attentes... donniez des attentes.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a pour cet échange. Donc, Mme la... M.
le député de l'Acadie, pardon, la parole est à vous pour 12 minutes.
M. Morin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, Me Bernier, Me Dupuis, bon après-midi. Merci d'être là avec
nous et merci pour votre mémoire.
Je regardais dans votre rapport de gestion,
et c'est là qu'on retrouve... vous avez un tableau avec les plaintes qui sont
reçues, il y a différentes catégories... plaintes et signalements, en fait. Il
y en a... Il y a des catégories que vous avez identifiées, celles relatives aux
services scolaires, aux actes de violence, d'intimidation, aux actes de
violence à caractère sexuel, et il y a les signalements.
Dans les plaintes ou signalements que vous
avez reçus, est-ce qu'il y en a qui portaient... ou qui étaient en lien avec
des manquements à la laïcité, la place de la religion à l'école, des gens qui
voulaient exercer ou prier dans des locaux scolaires? Est-ce que vous avez vu
ça dans la dernière... bien, en fait, dans la dernière année, à peu près, là, j'imagine,
parce que vous êtes quand même... la création de votre organisme est relativement
récente, là.
M. Bernier (Jean-François) : Juste
préciser une distinction entre la plainte et le signalement. Donc, une plainte,
je peux... on peut en recevoir à l'égard des services scolaires. Les
signalements sont exclusivement pour les violences à caractère sexuel. Donc, je
n'ai pas de...
M. Bernier (Jean-François) : ...de
signalements sur les questions que vous mentionnez ou sur toute autre question
liées aux services scolaires. C'est... ça prend une plainte. Donc, le
plaignant, c'est l'élève ou ses parents touchés, concernés par l'enjeu. Le
signalement, c'est toute autre personne qui peut manifester une situation
qu'elle a vue, qu'elle a... dont elle a entendu parler, etc. Bon, pour revenir
à votre propos, on ne qualifie pas dans notre système de traitement de plainte
des motifs spécifiques associés à des enjeux de religion, de... et/ou de
non-respect d'une laïcité. Alors, on va.... mais on a reçu des plaintes
auxquelles moi, je peux référer, là, intuitivement et de mémoire, c'est par
rapport à un autre élément qui est dans le projet de loi et qu'on aborde dans
notre mémoire qui est le refus de suivre le cursus, là, le... le terme exact,
là...
Une voix : ...
M. Bernier (Jean-François) : Les
demandes d'exemption, merci. Donc, ça, on en a eu quelques-unes, pas des
tonnes. De mémoire, on n'a pas eu de plainte formelle sur des enjeux d'un
parent qui pourrait dire qu'il faut... qui aurait pu dire, par exemple...
N'oubliez pas qu'on... potentiellement, avec ce projet de loi là qui pourra
devenir une loi, on va recevoir des plaintes, là. On va recevoir des plaintes
de parents insatisfaits, par exemple, qu'un membre du personnel ait un signe
religieux. Il va aussi peut-être avoir des gens qui vont se plaindre qu'un
autre élève a son visage masqué. On va recevoir des plaintes de parents à qui
on interdit à l'enfant de venir à l'école avec son voile. Bref, ça va... ça va
venir de tous les côtés, là. Alors, c'est pour ça que, tantôt, j'ai dit que je
ne me mêle pas... je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé ou pas de
dispositions qui sont proposées là-dessus parce que je vais avoir, recevoir des
plaintes qui vont dire oui et non sur la... qui vont s'opposer ou être en
faveur des différentes dispositions.
M. Morin : Mais est-ce que je
dois comprendre de votre réponse que, présentement, vous n'en avez pas reçue?
M. Bernier (Jean-François) : Je
ne peux pas vous répondre affirmativement. Il faudrait que je fasse... Comme je
vous dis, c'était difficile pour moi d'aller dans notre système parce qu'on
n'identifie pas les motifs de plainte sous ce vocable-là de motif d'enjeu de la
laïcité. Un jour, on aura peut-être le besoin de le faire, mais, pour
l'instant, on n'a pas eu à... on n'a pas... Donc, c'est difficile à identifier,
ou à cerner, ou à isoler dans notre... Les exemples que j'ai pu vous donner,
c'est celui que je vous ai donné, là, sur le refus de suivre un cours ou une
partie de cours à cause du programme ou des contenus, que ce soit pour une
raison religieuse ou de valeurs personnelles, hein? Parce que ça peut être
aussi : Moi, je ne veux pas qu'on parle d'homosexualité dans les cours,
donc je n'envoie pas mon enfant suivre ce bout de cours là. Ça peut être ça
aussi. Ce n'est pas rien que relié à la religion.
• (16 h 10) •
M. Morin : Oui, je comprends.
Maintenant, vous avez dit aussi qu'avec ce projet de loi là vous, vous craignez
avoir plus de plaintes.
M. Bernier (Jean-François) : Je
n'ai pas mentionné la crainte. Je ne crains rien. On est... On a été créé pour
justement assurer et veiller au respect des droits des élèves et de leurs
parents à l'égard des services scolaires. Alors, on va continuer à le faire à
la lumière des dispositions légales qui vont exister et desquelles les gens
pourront se plaindre parce qu'ils ont le droit de se plaindre de ces
dispositions-là, le cas échéant.
M. Morin : D'accord, mais
vous n'avez pas fait d'analyse à savoir s'il allait y avoir une augmentation ou
pas, là.
M. Bernier (Jean-François) : Non,
on n'est pas à cette étape-là encore.
M. Morin : Là, vous ne le
savez pas. O.K.
M. Bernier (Jean-François) : Mais
on peut présumer qu'il va y en avoir. Maintenant, le niveau, c'est un petit peu
difficile de se projeter à ce moment-ci.
M. Morin : Projeter. O.K.,
parfait. Dans l'article 36 du projet de loi qui traite particulièrement du
français, on indique qu'«un membre du personnel d'un centre de services
scolaire francophone doit utiliser exclusivement le français, en outre de ses
obligations prévues par la Charte de la langue française, lorsque les
conditions... sont réunies». Donc, il y en a deux : il est présent sur les
lieux, local immeuble, à la disposition d'une école ou un centre, puis on
dit : il communique oralement ou par écrit avec un élève ou avec un autre
membre du personnel. Si jamais, éventuellement, avec cet article en vigueur...
si quelqu'un ne respectait pas ça, je présume qu'il pourrait se plaindre chez
vous.
M. Dupuis (Simon) : À partir
du moment où les dispositions sont ajoutées à la Loi sur l'instruction
publique, bien, le parent et l'élève ont le droit de recevoir un service
conforme aux dispositions de la Loi sur l'instruction publique et pourraient se
plaindre du fait que ces dispositions-là ne sont pas respectées, et la plainte
pourrait suivre les niveaux prévus à notre procédure, donc se plaindre à
l'école d'abord, puis au responsable du traitement des plaintes pour ce qui est
des centres de services scolaires, puis chez nous par la suite.
M. Morin : D'accord. Et, à ce
moment-là, vous faites enquête et vous émettez des recommandations. C'est ma
compréhension de votre mandat. Donc, vous n'interdisez pas, vous ne sanctionnez
pas...
M. Bernier (Jean-François) :
...un ombudsman, par définition, fait des recommandations.
M. Morin : Ça
recommande.
M. Bernier (Jean-François) :
Comme vous avez pu peut-être le voir dans le rapport annuel d'activité, après
une première année, 92 % des recommandations acceptées, ce qui est
encourageant pour les prochaines années.
M. Morin : D'accord.
Donc, vous avez quand même un bon taux de succès quant...
M. Bernier (Jean-François) :
Tant que ça... Tant que ça tourne autour de ces eaux-là, ça va être positif.
M. Morin : ...quant à la
réception de vos recommandations. Je vous remercie.
M. Bernier (Jean-François) :
Oui, on est exigeant.
M. Morin : Il y a des...
Il y a des enseignants qui nous ont dit précédemment, et je ne sais pas si vous
les avez écouté...
M. Bernier (Jean-François) :
J'ai essayé de suivre le plus possible les... vos échanges.
M. Morin : ...ils
aimeraient pouvoir porter plainte ou effectuer un signalement chez vous. Ma
compréhension, c'est que, présentement, ils ne le peuvent pas. Est-ce que je me
trompe?
M. Bernier (Jean-François) :
Vous avez la bonne compréhension.
M. Morin : Très bien.
M. Bernier (Jean-François) :
Seulement... Seulement, ils peuvent faire un signalement en matière de
violences sexuelles. C'est le seul... C'est la seule situation où un signalement
de toute autre personne que la victime ou la personne concernée par la
situation peut se manifester, effectivement.
M. Morin : Mais ils ne
peuvent pas porter plainte.
M. Bernier (Jean-François) :
Non. Non, ils doivent... Ils doivent... En fait, s'ils sont... Si on leur
rapporte quelque chose, l'élève ou les parents leur rapportent une situation.
Ils doivent simplement, à ce moment-ci, à ce stade-ci, informer les parents du
recours puis dire : Bien, c'est à toi à faire la démarche. Moi, je ne peux
pas la faire. Le cas de Mme Chantal est un exemple patent, ou Bedford est
un bel exemple patent que, peut-être, dans une situation où on sent qu'on
est... qu'il n'y a rien qui bouge, puis on s'est manifesté, puis que ça n'a pas
bougé, bien que peut-être, effectivement, on aurait pu avoir cette option-là,
qu'on n'a pas, nécessairement, là, de signaler, disons, une situation. Voilà.
M. Morin : Alors là,
vous, vous m'avez un peu devancé, c'est très bien comme ça. Donc, si les
enseignants pouvaient porter plainte chez vous, est-ce que vous pensez que ça
aurait pu avoir une différence quant au résultat de ce qui est vécu à Bedford?
M. Bernier (Jean-François) :
Aïe, aïe, aïe! Si on est dans l'hypothèse pure, mais avec les propos que j'ai
partagés avec M. le ministre tout à l'heure sur le courage décisionnel qui a
peut-être parfois fait défaut dans ces rapports-là qu'on a pu lire, je me dis
qu'on aurait peut-être pu compenser sachant, si le signalant sait qu'on est une
instance complètement indépendante, ce qui est le cas, des organismes
scolaires, nos protecteurs régionaux sont complètement détachés, ils ont la
marge de manœuvre totale pour aller au fond des choses, bien, peut-être
qu'effectivement c'est une voie supplémentaire qui aurait pu être utilisée dans
ce contexte-là. Mais je ne peux pas présumer des résultats que ça aurait
donnés.
M. Morin : Non, non. Je
comprends, mais ça aurait pu aider.
M. Bernier (Jean-François) :
Oui, possiblement.
M. Morin : D'accord. Je
vous remercie. Je reviens maintenant à votre... à votre mémoire, à la
page 14, votre recommandation numéro 10. Vous suggérez de revoir la
rédaction de l'article 31 afin d'y inclure le concept d'égalité entre les
femmes et les hommes. Quand on lit l'article 31, on parle de l'égalité de
tous les citoyens et citoyennes. Donc, je comprends que, pour vous, ce n'est
pas aussi précis que l'égalité homme-femme. Et quelle est la distinction que
vous voyez entre les deux?
M. Bernier (Jean-François) :
Bien, avec votre permission, je laisserais la parole à Me Dupuis.
M. Morin : Oui, oui. Bien
sûr, absolument.
M. Dupuis (Simon) : Bien,
en fait, c'est tout simplement la distinction entre, bon, femme et homme, ça
inclut tout le monde, pas seulement citoyens et citoyennes, mais également des
élèves qui n'auraient pas le statut de citoyennes et citoyens. On comprend que
la référence à la citoyenne, citoyen vient de la Loi sur la laïcité et les
quatre principes sur lesquels la laïcité repose. Mais comme on était dans les,
si je me rappelle bien, dans les codes d'éthique applicables aux membres du
personnel et que même la forme prescrite de ce code d'éthique fait référence à
l'égalité de tous, égalité entre les femmes et les hommes, on aurait cru
intéressant de s'assurer que cette égalité-là est prévue également à l'article,
et non seulement celle entre les citoyennes et citoyens, donc, dans un souci
d'inclusion.
M. Morin : ...qu'en fait
votre recommandation, ce serait plus inclusif que de référer uniquement, bon, aux
gens qui ont la citoyenneté, finalement, au sens strict du terme. Très bien.
Merci.
À l'article 32 de la loi, qui va
venir, en fait, modifier ou ajouter 258.0.3, on veut s'assurer que toute
personne va dispenser des services particuliers exempts de toute considération
religieuse. D'autres groupes nous ont suggéré que ce n'était pas très précis,
qu'on devrait peut-être plus parler d'interdiction du prosélytisme. Est-ce que
c'est quelque chose à laquelle vous avez réfléchi? Non? O.K. Parfait.
M. Bernier (Jean-François) :
On ne l'a pas abordé dans notre mémoire. On ne l'a pas abordé.
M. Morin : Non. Non.
Bien, c'est ça, vous ne l'avez pas...
M. Bernier (Jean-François) :
Dans nos réflexions. On n'a pas... On n'est pas... Abordé cet élément-là.
M. Morin : Et autre
chose dans votre mémoire que je ne crois pas que vous l'ayez...
M. Morin : ...abordé, parce
que ça ne devait pas être dans vos recommandations, c'est l'utilisation de la
clause de dérogation. Est-ce que vous avez réfléchi à la question? Est-ce que
vous avez quelque chose à nous dire là-dessus?
La Présidente (Mme Dionne) : En
30 secondes, limite.
M. Bernier (Jean-François) :
Oui, ça va être dans 30 secondes. Ça ne sera pas très long comme réponse.
Toujours à cause des principes que j'ai mentionnés plus tôt de la neutralité,
l'objectivité et impartialité qu'on doit avoir, c'est un... et du fait qu'on
n'est pas des spécialistes en droit constitutionnel et que c'est un choix, à la
fin de la journée, du législateur, on ne veut pas se positionner sur cet... sur
cet enjeu et cette question.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Je cède maintenant la parole à M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve pour 4
minutes.
M. Leduc : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous deux. Il y a un aspect qu'on n'a pas beaucoup parlé,
puis que je trouve original. En fait, dans votre mémoire, à la page 17, c'est
la question de l'alimentation. Donc, vous dites, là, l'histoire
d'accommodements de motifs religieux, ça pourrait poser un défi inutile en
quelque sorte, là — je ne suis pas sûr que vous êtes inutile, là,
mais c'est mes mots — en lien avec les alimentations, l'alimentation
qu'on peut servir dans une école. Voulez-vous développer un peu là-dessus?
M. Bernier (Jean-François) : Mais
on ne voit pas l'enjeu majeur rattaché à cette question-là, parce que si on
commence à devoir gérer ça pour des motifs religieux, on va devoir le faire
pour des questions de végétalisme ou de végétarisme et d'autres... et tout
autre motif, allergies et autres, puis ce qu'on entend, ce qu'on constate, cependant
on n'a pas de plaintes vraiment là-dessus, ça fait que nous, on se colle sur
nos plaintes, c'est notre spécialité, notre expertise est là, on n'a pas rien
qui émerge de ça depuis notre entrée en scène, et qu'il y a tellement de
situations possibles qui peuvent avoir un impact là-dessus. On souligne dans le
mémoire que c'est aussi des événements en début d'année scolaire où on fait des
fêtes ou des événements qui font en sorte de souligner cette diversité-là qui
peut exister aussi dans l'alimentation. Bref, je... c'est ça, on est... on a
juste proposé de dire : On propose en fait de laisser ça géré au niveau
des écoles, on ne voit pas d'enjeu majeur, personnellement, sur cette question-là.
• (16 h 20) •
M. Leduc : Quelle serait la
nature d'une plainte, admettons que vous en recevriez une à cet égard-là?
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
tu pourrais avoir, selon les... selon la situation et selon les dispositions
législatives qui pourraient être en vigueur à ce moment-là, ça pourrait être
une plainte d'un élève ou d'un parent qui dit : Bien, à l'école, on sert
des... du poulet halal. Parce que je sais qu'ils l'ont acheté au Costco puis
qu'il était en spécial cette semaine-là, le poulet halal. Non mais c'est ça
aussi qui arrive là...
M. Leduc : Oui, oui.
M. Bernier (Jean-François) :
...les écoles, ils vont acheter leurs produits puis si cette semaine-là,
c'était lui qui était en spécial, ça se peut qu'ils aient acheté ça.
M. Leduc : Le fameux débat,
là, sur le soi-disant étiquetage halal, ça pourrait être quelqu'un qui part
là-dessus, puis là vous...
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
ça pourrait nous amener là, là. Après ça, je ne peux pas vous dire est-ce
qu'elle serait recevable, comment on la traiterait, quelles conclusions... à
quelles conclusions on en viendrait, les dispositions législatives n'existent
pas à ce stade-ci, là.
M. Leduc : Oui, oui. O.K.
Parfait. Donc, vous, vous dites : On se crée des problèmes un peu inutiles
avec ça.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
je trouve qu'il y a... que, dans le projet de loi, il y a d'autres enjeux qui
m'apparaissent, en tout cas, très importants...
M. Leduc : Puis il y a
d'autres problèmes, d'autres problèmes... Exact.
M. Bernier (Jean-François) :
...et le ministre a mis l'exergue sur ces éléments-là, assurément.
M. Leduc : Dans le temps
qu'il me reste...
La Présidente (Mme Dionne) :
Une minute.
M. Leduc : Une minute. Vous
parlez à la page 18 des services de garde, vous êtes inquiets de bris de
services, pénurie de main-d'œuvre aussi, vous évoquez, si jamais on applique le
projet de loi.
M. Bernier (Jean-François) : Bien,
je ne suis pas le premier qui viendrait vous dire ou vous écrire ce genre de
situation pense que vous l'avez amplement entendu, que c'est un des enjeux
principaux que les organismes scolaires sont venus vous présenter, de
dire : Bien... Et si on va jusque-là, ça va possiblement et potentiellement
avoir ça comme impact, une pénurie de main-d'oeuvre dans certains milieux, dans
certains secteurs, évidemment. Alors, c'est ça, on fait juste de le mentionner
également, même... avant même d'avoir entendu tous les gens, là. C'est un état
de fait potentiel qu'effectivement ça peut avoir cet impact-là.
M. Leduc : ...on s'en va...
on va générer un problème ou voir accentuer un problème dans ce cas-là parce
que la pénurie de main-d'œuvre est déjà là, on s'entend.
M. Bernier (Jean-François) :
Alors, il faut...
M. Leduc : Elle va
s'accentuer.
M. Bernier (Jean-François) :
...il faudrait juste... Tu sais; il faudrait juste s'assurer d'avoir tous les
considérants et pour prévenir peut-être cet impact-là qu'il pourrait y avoir,
ça n'empêche pas, si le législateur décide d'aller de l'avant, d'aller de
l'avant, d'aller de l'avant. Il faudrait juste peut-être prévoir le coût puis
les impacts potentiels que ça pourrait avoir sur le terrain. De combien de
personnes on parle? Ah, là, là. On n'a pas cette information-là.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
M. Bernier (Jean-François) : Avec
plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Donc, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des
mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des
auditions publiques. Alors, sur ce, je vous remercie infiniment à tous pour
votre contribution à ces travaux. Pour ma part, et compte tenu de l'heure, la
commission ayant accompli son mandat dans ses travaux mardi 29 avril à
9 h 45 où elle entreprendra un autre mandat. Merci à tous.
(Fin de la séance à 16 h 22)