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(Onze heures cinquante-huit minutes)
Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mes chers collègues, constatant le quorum à cette
commission, je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat
que nous a confié l'Assemblée nationale. Il s'agit de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de
certains enfants. Je demande au secrétaire d'annoncer les membres de la
commission et les remplacements, s'il y a lieu.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les membres de
la commission pour cette séance sont: Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme
Bleau (Groulx), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M.
Charbonneau (Verchères), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Gardner
(Arthabaska), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Hains (Saint-Henri), M. Hamel
(Sherbrooke) qui est remplacé par M. Laporte (Sainte-Marie), M. Jolivet
(Laviolette), M. Khelfa (Richelieu), M. Parent (Sauvé), M.
Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Ryan (Argenteuil) et Mme
Vermette (Marie-Victorin).
M. Gendron: M. le Président, je voudrais vous indiquer
que, pour la séance de cet avant-midi, Mme Vermette sera
remplacée par M. Pierre Marc Johnson, chef de l'Opposition. Je voudrais
quand même demander à la commission si elle est d'accord - puisque
M. Johnson, compte tenu d'activités qu'il a cet après-midi, ne
pourra pas être des nôtres - pour que Mme Vermette puisse retrouver
et son droit de participation et son droit de parole pour la séance de
cet après-midi.
Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, M. le
député d'Abitibi-Ouest, vous proposez que Mme Vermette soit
remplacée par le député d'Anjou, M. Pierre Marc Johnson,
ce matin et vous demandez s'il y a consentement de la commission pour que Mme
Vermette redevienne membre de la commission à compter de 15 heures cet
après-midi.
M. Gendron: C'est exact.
Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement? M. le
ministre de l'Éducation?
M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté la
proposition et je pense que celui qui l'a faite se rend compte qu'elle n'est
pas en conformité avec notre règlement.
M. Gendron: Exact.
M. Ryan: D'après notre règlement, un membre de la
commission qui se fait remplacer doit être remplacé pour toute la
journée. Ai-je bien compris que c'est seulement pour la séance de
ce matin qu'on veut le remplacement de la députée de...
Une voix: Marie-Victorin.
M. Gendron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Juste une minute. Selon notre
règlement, au début de la commission, soit actuellement, la liste
des membres est annoncée ainsi que la liste des remplacements. Tous ceux
qui remplacent au moment où la commission commence sont membres pour
toute la journée. Évidemment, s'il y a consentement des deux
côtés de cette commission, on pourra y déroger, mais s'il
n'y a pas de consentement, selon la proposition faite, Mme Vermette sera
remplacée par M. Pierre Marc Johnson pour la journée. Mais s'il y
a consentement on pourra y déroger.
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: M. le Président, je veux ajouter à la
suite de la question posée par le ministre de l'Éducation que, si
j'ai pris la peine de suggérer cette substitution pour la partie de la
séance de cet avant-midi et si j'ai réclamé le
consentement unanime, c'est que j'étais conscient que la demande que je
vous faisais n'était pas conforme aux dispositions de notre
règlement. C'est pourquoi j'ai ajouté: S'il y a un consentement
unanime. Je veux rappeler aux membres de cette commission ainsi qu'au
président que c'est parce que nous tenons à ce que nous abordions
le début de ces discussions en présence du chef de l'Opposition
mais, compte tenu d'activités spécifiques qu'il a cet
après-midi, c'est uniquement pour la séance de cet
après-midi que je réclame la collaboration de l'Opposition pour
que Mme Cécile Vermette, membre de cette commission, règle
générale, retrouve son droit de participation et son droit de
parole. Je reconnais que, pour les séances
ultérieures, normalement, lorqu'on aura à présenter
des substitutions, elles vaudront pour l'ensemble des séances de cette
commission, entendant par ià qu'une séance dure la journée
d'une commission parlementaire.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: ...par déférence pour le chef de
l'Opposition et en notant les précisions qui ont été
ajoutées par le député d'Abitibi-Ouest, il nous fera
plaisir d'accepter la motion.
Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, mes
chers collègues, il y a consentement. M. Pierre Marc Johnson
siégera à cette commission jusqu'à 13 heures et, à
compter de 15 heures, Mme Vermette sera membre de la commission et M. Johnson
ne sera pas membre de la commission à ce moment-là.
Il y aura la déclaration d'ouverture, selon la tradition, du
ministre de l'Éducation et, d'après ce que m'a fait voir
l'Opposition au début de cette assemblée, M. Pierre Marc Johnson
prendra la parole pour la déclaration d'ouverture de l'Opposition.
M. le ministre de l'Éducation.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je veux présenter de
manière plutôt brève l'essentiel des raisons qui justifient
ce projet de loi et, ensuite, les éléments majeurs qui en
fournissent le contenu. Sur les raisons qui justifient la présentation
du projet de loi, le gouvernement s'est longuement expliqué pendant le
débat de deuxième lecture. Il s'agit de mettre fin d'une
manière efficace, d'une manière complète et d'une
manière la plus humaine possible, à une situation
d'illégalité qui dure depuis au-delà de neuf ans.
La dernière pensée du gouvernement serait de laisser se
créer l'impression que l'on voudrait, d'une manière ou d'une
autre, récompenser l'illégalité. Nous voulons au contraire
- je le dis avec toute la fermeté dont je suis capable - mettre fin
à une situation d'illégalité que le gouvernement
précédent a laissé se perpétuer pendant neuf ans.
Si la situation n'avait pas duré aussi longtemps, si elle n'avait pas
pourri de la manière que nous connaissons, il aurait été
passible d'y apporter d'autres solutions.
II y a trois ans, au temps où j'étais critique de
l'Opposition en matière d'éducation, j'avais moi-même fait
un examen exhaustif du problème et j'en étais venu à
formuler un certain nombre de recommandations, dont la très grande
majorité aurait pu s'appliquer par des voies administratives. J'avais
recommandé certaines modifications législatives, mais elles
visaient plus l'avenir que la situation qui existait alors. Le gouvernement n'a
rien fait. Il y a eu apparence de gestes ou d'approches, à certains
moments, qui n'ont donné pratiquement aucun résultat. La preuve
en est la situation que nous avons retrouvée au moment où nous
avons assumé les responsabilités du pouvoir. Le problème
était toujours là.
Nous avons étudié toutes les solutions possibles.
Moi-même, après avoir été invité à
assumer la charge de ministre de l'Éducation, je pensais encore qu'il
serait possible de procéder à une solution par cas ou par
catégorie. Au point où la chose était rendue, cela aurait
demandé tout un ensemble de procédures, de vérifications,
d'enquêtes qui auraient prolongé indéfiniment le
problème.
J'ai dû me rendre à l'évidence que, si nous voulions
vraiment nettoyer cette situation et repartir à neuf pour le mois de
septembre 1986, il fallait agir d'une manière plus radicale, d'une
manière plus complète. Il fallait surtout éviter de
créer la possibilité que ne demeurent encore des résidus.
Si on avait procédé par distinction, pris les enfants de telle
catégorie, de telle autre catégorie, on aurait pu faire deux,
trois, quatre, huit, dix catégories différentes. C'est sûr
qu'il y a des problèmes qui ne sont pas de même nature.
Si on avait commencé à procéder ainsi, il y aurait
eu le risque... Il ne faut pas oublier, et je voudrais que l'Opposition essaie
de le comprendre, la dimension psychologique, sociale et culturelle qui est au
coeur de ce problème. Ce sont des gens qui ont subi des traumatismes
profonds. D'abord du fait de l'immigration. Avant cela, je dirais du fait des
conditions politiques, sociales, économiques qu'ils ont connues dans
leur pays respectif. Et, depuis qu'ils sont arrivés au Québec, du
fait des luttes que nous avons vécues entre nous.
Pour nous, quand nous discutons de langue avec le Parti
québécois, du côté du Parti libéral, en
général, cela ne nous empêche pas de dormir. Même si
les propos s'échauffent parfois, nous entrons chez nous le soir et nous
nous disons: Demain, ils raisonneront d'une manière plus froide, et vous
vous dites sans doute la même chose du côté du Parti
québécois à notre endroit. Peut-être que parfois
vous trouvez que nous sommes enclins à un libéralisme qui vous
inquiète quelque peu. Je pense qu'en entrant chez vous vous vous dites,
au fond, malgré tout, ce que nous disons: Ces gens sont des
Québécois aussi bons que nous, aussi consciencieux, aussi
attachés au fait français,
on va peut-être se retrouver quelque part. Si vous n'avez pas
cette disposition, il y a quelque chose qui fait défaut.
Quand j'entre chez moi, quand je vous écoute, j'essaie toujours
de trouver le point qui pourrait modifier mon opinion. Je pense que vous aurez
remarqué que dans le débat j'essaie toujours de m'adresser aux
arguments véritables que vous avez soulevés, pas de faire de la
démagogie ou de tourner autour. Je me fais toujours un devoir, quand
j'écoute un d'entre vous, d'essayer de saisir l'essentiel, d'essayer
d'apporter une réponse qui va être meilleure à mon point de
vue; si votre point de vue est meilleur, d'essayer de l'intégrer au mien
de manière que tous ensemble nous ayons un point de vue enrichi.
Nous, nous pouvons faire des exercices entre nous qui ne nous
empêchent pas de fonctionner normalement. Ceux qui arrivent au
Québec avec des souvenirs politiques, sociaux et culturels très
différents ne réagissent pas de la même manière.
Quand j'étais jeune marié, j'ai demeuré à
Montréal-Nord où règne depuis longtemps, comme vous le
savez, un maire solidement implanté qui appartient à la
même famille que moi. Mon propriétaire était une famille
d'immigrants. C'était un duplex et j'étais au deuxième
étage. Est arrivé le jour des élections. Ils
étaient au Canada depuis un certain nombre d'années. Mon
épouse et moi sommes allés les voir et on leur a dit: Vous allez
venir voter, on peut vous amener en voiture, c'est peut-être la
première fois que vous votez au Québec. Ils ont dit: On ne veut
rien avoir à faire avec les élections. C'est mauvais, ces choses.
Il y en a eu trop de cela chez nous. On ne veut pas toucher à cela.
Ils avaient une peur bleue seulement du phénomène des
élections. On les invitait à aller à une assemblée
civique, ils ne voulaient pas entendre parler de cela. Pour eux, c'était
synonyme de révolution ou de trouble. Ils avaient peur que leur nom soit
pris par des gens. Il faut se rendre compte quand on l'a vécu, si on a
vécu dans des quartiers où il y a beaucoup de ces gens, que c'est
énorme.
Il y a un autre facteur que je veux porter à votre attention -
cela ferait sourire si on trouvait cela dans le rapport Rondeau ou dans un
autre document aussi objectif -les liens familiaux. Je vous ai trouvés
un petit peu insensibles sur cet aspect et cela m'a fait de la peine. Quand la
loi 101 est arrivée, j'ai mentionné un aspect de
rétroactivité que vous avez nié, mais dont vous n'avez
point prouvé qu'il n'existait pas. Si vous me le prouvez, je serai
prêt à nuancer mes affirmations.
Ce dont je me souviens... Je ne m'en souvenais pas, à vrai dire;
je l'ai retrouvé en lisant les articles qui sont parus dans les journaux
è l'époque. Quand la loi 101 a été mise en
application au mois de septembre 1977, elle avait été
adoptée la semaine précédente. Pendant tout le printemps
précédent, les parents avaient fait l'inscription de leurs
enfants dans les écoles et ils avaient fait cette inscription sous
l'autorité de la loi 22 qui existait à l'époque. Il
s'était déjà créé un certain résidu
qui était plus ou moins trouble au point de vue de la
légalité. De toute manière, ils avaient fait leur
inscription.
D'abord, il y avait un nouveau gouvernement qui était
entré en fonction l'année précédente, quelques mois
avant, pas même un an avant, et ils ont vu arriver cette loi.
Rappelez-vous que c'était dans le contexte de l'indépendance.
Vous étiez sûrs, à ce moment-là, que
l'indépendance se ferait, ce n'était qu'une question de mois ou
d'années. Le référendum s'en venait et vous aviez des
sondages qui vous favorisaient énormément. Imaginez-vous le
climat qui était créé à ce moment-là. Ces
gens étaient venus au Canada et en Amérique du Nord; ils avaient
des parents en Ontario, dans le New Jersey, au Manitoba et eux voulaient faire
partie d'un pays qui s'appelle le Canada. Ils avaient atterri au Québec
parce qu'il y avait des possibilités qui s'étaient
présentées là, mais ils n'étaient pas venus
après avoir fait un cours d'histoire du Québec par le chanoine
Lionel Groulx. Ils avaient entendu parler de cela...
Allez dans les ambassades, en Italie, ou dans les bureaux de recrutement
d'immigrants dans les pays d'Europe: nos chicanes particulières, nos
caractéristiques de ceci ou de cela, malheureusement, ils ne les
connaissent pas beaucoup. Ils disent: Canada, je voudrais aller au Canada.
Après, toutes sortes de facteurs se présentent, et ils disent: On
va aller au Québec. Ils étaient pris dans un contexte
extrêmement pénible, ils se sont dit: Nous voulons que nos enfants
apprennent l'anglais, ils vont en avoir besoin pour fonctionner en
Amérique du Nord. À ce moment-là, pas plus qu'aujourd'hui
d'ailleurs, nous n'étions pas en mesure de leur offrir la garantie que
dans nos écoles françaises ils pourraient vraiment apprendre
l'anglais de manière convenable. La meilleure preuve que je puisse
évoquer est que nos propres enfants dans les écoles
françaises n'apprennent pas l'anglais de la manière dont les
parents le souhaiteraient; c'est un des motifs de récrimination les plus
répandus chez les parents.
La loi 101 arrive. Il y avait ce premier élément de
rétroactivité, ils avaient déjà fait leur
inscription de manière légale et on leur a dit: Les règles
du jeu ont changé, ce n'est pas comme cela que cela fonctionne, vous
allez tout recommencer. Ils ont dit: On ne recommencera pas, on l'a fait comme
cela et on reste comme cela. Blâmons-les ensemble a posteriori. Moi, je
suis prêt à le faire d'un point de vue objectif. Je pense
qu'ils ont agi d'une manière qui n'est pas admissible parce que
contraire à la toute dernière version de la loi. Très
bien.
Un autre point. Il y avait des familles. Vous aviez un couple italien,
par exemple, portugais ou autre. Il avait envoyé ses enfants à
l'école de manière qu'ils aient le droit de continuer à
aller à l'école anglaise. Il y avait le frère et la soeur
qui n'y avaient pas droit, eux. On créait des régimes
différents à l'intérieur d'une même famille, non pas
pour les enfants, mais pour ceux qui allaient se marier et, ensuite, allaient
être appelés à envoyer leurs enfants à
l'école. Ils pensaient à cela, les Italiens en particulier -je
devrais dire: les membres de la communauté italienne. Les Italiens, ce
n'est pas correct de dire cela, ce sont des Québécois comme nous.
Parler des Italiens, c'est tout de suite faire une faute de langage que je
retire, en tout cas, en ce qui me touche. Pour les membres de la
communauté italienne, c'est la vie familiale. Vous savez comment ils
vivent, ils ont un attachement aux valeurs familiales que nous, les
francophones, devrions leur envier parce que c'est le secret de la force qu'ils
ont acquise au cours des quinze dernières années. Pendant que
nous jetions trop souvent au panier les valeurs familiales, eux les ont
cultivées et gardées. Il arrive qu'au point de vue
démographique, cela leur a donné une force que nous avons vu
décliner continuellement de notre côté. Je ne porte pas de
jugement, je constate un fait. Eux se disaient: Toi, Albino, tu vas avoir tel
régime et pour toi, Regina, ce sera différent; pour toi, Alberto,
ce sera une autre affaire et, toi, Giovanni... Le point de vue des membres de
la communauté italienne était celui-ci: Nous sommes tous des
Québécois, des Canadiens, et il n'y aura pas un régime
pour un frère, un autre pour l'autre. (12 h 15)
Il y avait tout cela, avec une émotivité très
forte. Et rappelez-vous que vous ne pouvez pas faire trop de griefs au Parti
libéral sur ces questions. La loi 22 n'était pas parfaite, nous
en convenons nous-mêmes, les deux clés qui avaient
été imaginées dans la loi 22, la clé des tests
linguistiques et la clé du contingentement, ce n'était pas, pour
reprendre une expression d'un ancien premier ministre de votre parti, la
trouvaille du siècle. Nous avons payé le prix. À
l'élection de 1976, si le Parti libéral a été
défait, c'est en grande partie... Il y avait d'autres facteurs; je pense
que cela n'a pas joué fort dans Laviolette, le facteur dont je parle,
mais dans les comtés où vous avez une proportion le moindrement
significative de citoyens de langue anglaise ou de communautés ethniques
ceux-ci se sont revirés contre le Parti libéral. Ils ont
voté pour l'Union Nationale, vous vous en souvenez très bien;
quelques-uns pour le
Parti québécois, mais un nombre très impressionnant
pour l'Union Nationale et cela a fait perdre au Parti libéral - j'avais
fait des calculs dans le temps - au moins une bonne vingtaine, entre 25 et 30
sièges. Alors, on a payé le prix. Par conséquent, on ne
peut pas être accusé d'indifférence en face de ce
problème-là, ou de négligence. On a couru des risques
politiques énormes qui nous ont coûté cher. On a appris
avec les années. Je pense qu'on apprend d'un côté comme de
l'autre. Vous avez pris des risques avec la loi 101, aussi. Celui dont les
conséquences sont encore devant nous en était un, mais je pense
qu'on a agi de bonne foi de part et d'autre. On ne peut pas, en tout cas,
supporter qu'on s'accuse mutuellement de ceci ou de cela.
Je reviens à ces membres des communautés immigrantes qui
sont au coeur du drame. Il faut comprendre le contexte psychologique, social,
culturel et politique dans lequel ces gestes-là ont été
posés. Je pense qu'une fois qu'on a essayé de comprendre, qu'on
s'est mis dans cette démarche-là, la dernière chose qu'on
est tenté de faire, c'est de juger ou d'exclure. On se dit: Quoi faire
avec ce qui reste du problème? Cela a été notre approche.
Je vous le dis en toute sincérité, c'est notre approche profonde.
S'il y avait eu une solution intermédiaire applicable qui nous aurait
permis de disposer du problème rapidement, nous en aurions
été extrêmement heureux. Vous avez cherché de votre
côté; j'ai écouté vos discours pendant le
débat de deuxième lecture et je n'ai entendu aucune suggestion
qui aurait été vraiment pratique, vraiment applicable, et je ne
vous en veux pas, on n'en a pas trouvé, nous non plus, de notre
côté. On a cherché et on n'a pas été capable
d'en trouver. On est arrivé à cette solution.
D'un point de vue, comme le disait le député
d'Abitibi-Ouest, c'est vrai qu'on aurait pu y penser avant. Parfois, les
solutions simples sont celles qui ne sont pas applicables dans
l'immédiat parce qu'elles apparaissent trop grosses, elles apparaissent
trop énormes à un certain point de vue. Cela demande un certain
recul et, à un moment donné, il y a un geste audacieux. On se
dit: On a fait le tour de tout; on veut régler ce
problème-là, on va agir. Je vous le dis en toute
simplicité, c'est notre approche. Nous ne voulions pas qu'il reste de
l'intervention que nous allions faire quelque résidu que ce soit. Nous
voulions que les enfants... J'entendais le député de Mont-Royal,
hier, qui disait: On veut faire oeuvre de justice. Moi-même, cela m'a
fait hésiter un peu. Je le lui ai demandé, parce qu'il m'en avait
parlé avant de faire son intervention, et il m'a dit: M. Ryan,
pensez-vous que je puisse employer ce mot-là sans déformer les
intentions que vous avez? J'ai réfléchi et je
lui ai dit oui. Cela va sembler paradoxal, je le sais que cela va
étonner nos amis du côté de l'Opposition, mais je pensais
aux enfants. 3e me disais: Eux autres, quelles que soient les fautes de leurs
pères, quelles que soient les fautes de certains dont on a parlé
- et il en sera peut-être question au cours des travaux de la commission
- eux autres, ils ont droit à des conditions égales. Ils ont le
droit d'être traités de manière rigoureusement
égale, comme tous les autres enfants du Québec. Là-dessus,
on ne peut pas lésiner. On réglera le cas des aïeux en
d'autres circonstances. On aura bien des occasions de redresser des choses, je
pense bien, mais dans le cas des enfants on ne peut pas lésiner.
Or, il arrivait - c'est une situation que reconnaît
également l'Opposition - que ces enfants-là n'étaient
même pas sur les listes publiques d'inscription scolaire. Ils n'avaient
droit à aucune subvention pour leur instruction. Ils n'avaient
accès à un aucun diplôme. On a dit dans le débat: Ce
n'est pas grave, ça, les diplômes; ce n'est pas grave; pour aller
au cégep, ce n'est pas tellement grave parce qu'un diplôme de
secondaire, ce n'est pas un facteur absolument essentiel et exclusif
d'admission au cégep. Là-dessus, il y a beaucoup de vrai, mais
tous les enfants qui passent par l'école secondaire ne vont pas au
cégep. Savez-vous quelle est la proportion des enfants qui passent au
secondaire et qui vont au cégep?C'est 50 %. Et combien de
ceux qui s'inscrivent au cégep vont se rendre au bout de leurs
études? Pas plus de 60 % ou 65 %.
Ces enfants deviendront des adultes. Il y en a qui le sont devenus,
déjà. Ils s'en vont sur le marché du travail. Ils veulent
devenir pompiers ou policiers, par exemple, dans leur municipalité. On
exige un diplôme d'études secondaires en bonne et due forme. Je le
sais parce que des citoyens de mon comté sont venus me voir à
plusieurs reprises pour me demander comment ils pourraient avoir un tel
certificat. Ils n'avaient pas eu l'occasion... Ils s'étaient rendus en
neuvième, dixième, onzième année. Comment peut-on
avoir un tel certificat?C'est très compliqué parce
qu'il faut les inscrire dans les écoles et il faut les faire passer par
les fourches caudines de la reconnaissance des acquis expérientiels ou
scolaires ou par des études additionnelles. Ces enfants dont nous
parlons, s'ils ont fait des études régulières, s'ils ont
suivi le cours qui est prescrit et approuvé par le ministre de
l'Éducation, ne sont pas dans la même situation.
Pour toutes ces raisons, l'objectif d'égalité des chances
pour ces enfants, à plus forte raison ceux qui sont encore dans les
écoles, nous avons dit que nous allions nettoyer l'ardoise, comme j'ai
eu l'occasion de le dire à quelques reprises, et faire en sorte qu'ils
puissent emprunter la voie centrale, rentrer dans le "mainstream", comme on
dit, rentrer dans la voie centrale par laquelle passent tous les citoyens au
Québec.
Nous allons voir ensemble, pour l'avenir, à créer une
situation où de tels problèmes n'existeront plus. Nous
introduisons dans la loi des sanctions beaucoup plus sévères pour
l'avenir. Si jamais j'allais constater que ces sanctions ne sont point
suffisantes - j'espère qu'il ne sera jamais nécessaire d'y
recourir - il faudrait les rendre plus sévères encore. Je pense
qu'il faut que tout le monde sache que le gouvernement est résolu
à ce que la loi 101, dans son chapitre sur la langue d'enseignement,
s'applique de manière fidèle et intégrale.
Je ne voudrais pas, enfin, que nous fassions aujourd'hui, neuf ans
après, des procès qui auraient dû être faits pendant
ces neuf années. On veut faire le procès de la CECM, on veut
faire le procès de la commission scolaire Jérome-Le Royer. Nous
n'embarquerons pas dans ces exercices parce que ces commissions scolaires ont
été en rapport avec le gouvernement pendant toutes ces
années et le gouvernement disposait, vous le savez très bien, de
tous les moyens nécessaires pour les empêcher de prolonger ces
situations si elles avaient dépendu de la volonté de ces
commissions scolaires.
C'est une situation exceptionnelle où la dimension politique
était très importante. Et je pense que vouloir engager la
recherche dans cette voie n'aboutirait à rien. De toute manière,
nous n'embarquerons pas là-dedans. Je vous le dis franchement, je pense
que c'est une voie sans issue, une voie qui va chercher à trouver des
faux coupables, à trouver des prétextes pour essayer d'excuser
l'inaction passée. Je suis prêt à ne plus parler du
passé. Il n'y a rien que je demanderais de mieux et je n'ennuierai pas
l'ancien gouvernement si on passe à l'action pour l'avenir. J'endurerai,
après cela, qu'on soit extrêmement sévère à
l'endroit du gouvernement actuel s'il allait s'éloigner non seulement de
l'esprit, mais de la lettre de la loi 101.
Mais il y avait ce que j'appellerais, dans un langage typiquement
québécois, ce motton que nous avons tous dans la gorge. Il faut
le faire passer en faisant en sorte que les os fassent le moins de
déchirures possible. C'est l'opération que nous proposons. Nous
aurons l'occasion d'en discuter en détail à mesure que nous
avancerons.
Je répète - dernier thème - qu'en procédant
par cette voie, l'Assemblée nationale use avec dignité et
noblesse de sa prérogative souveraine qui consiste à recourir
à une intervention législative pour nettoyer une situation ou
résoudre un problème auquel aucune autre solution n'a pu
être apportée
jusque-là. Il arrive qu'un Parlement soit appelé à
agir ainsi partout, sur toutes les latitudes. Mais on doit le faire le moins
souvent possible. On doit le faire pour des motifs exceptionnels graves, je
dirais même uniques. Il semble que cette situation-ci nous offre un bon
exemple et que les dividendes qui en résulteront sur le plan de la
"convivance" sociale et politique, sur le plan de l'amitié civique, sur
le plan de la collaboration pour une meilleure observance des lois, soient
infiniment supérieurs aux conséquences qui résulteraient
d'un pourrissement prolongé de cette situation.
Dans cet esprit, j'espère que nous pourrons procéder avec
célérité, diligence et pertinence a l'étude des
articles du projet de loi comme nous y enjoint notre règlement.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. M. le
chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Je remercie le ministre de l'Éducation
de son exposé. Je vais essayer de prendre à peu près le
même temps que lui, peut-être un peu moins.
Je ne peux pas ne pas relever un certain nombre de choses dans ce que
nous dit le ministre de l'Éducation, notamment dans cette espèce
de survol historique qu'il fait de ce que signifie être arrivé au
Québec d'un autre coin du monde et s'y être établi. Je
reconnais avec lui deux choses qui me sont toujours apparues comme assez
manifestes et évidentes chez la plupart des gens qui sont devenus
Québécois parce qu'ils ont fait le choix de faire leur vie ici.
Je reconnais sûrement deux choses d'emblée: en
général ils se sont installés ici, alors qu'ils venaient
en Amérique du Nord, et ils se sont installés ici dans certains
cas, alors qu'ils venaient dans leur esprit au Canada. Dans leur esprit, encore
une fois, l'Amérique du Nord et le Canada, c'était un lieu
où le succès était peut-être un peu plus garanti si
l'on s'exprimait en langue anglaise. Tout cela tombait un peu sous le sens,
surtout quand on pense è ce que "B and B" nous disait, la commission
Laurendeau-Dunton, dans les années soixante, démontrant que le
rang économique des parlants français au Québec
était le dernier sur le plan du revenu moyen individuel de tous les
groupes linguistiques, sauf les gens d'origine portugaise. Les
Québécois francophones venaient au... je ne me souviens pas si
c'était au quatorzième ou au dix-septième rang, sur quinze
ou dix-huit.. On retrouvait dans cette étude Laurendeau-Dunton
qu'évidemment le groupe anglophone, lui, sur le plan du revenu moyen per
capita, était le plus privilégié. Ensuite venaient, je
crois, le groupe d'origine allemande et un certain nombre de groupes d'origine
germanique. Ensuite venaient les groupes, si je me souviens bien, qui ont une
appartenance à ce qu'on appelle l'aire latine de façon
générale, parmi lesquels se retrouvaient les francophones
à l'avant-dernier rang.
On peut comprendre que, pour une bonne partie de l'immigration au
Québec, dans les années soixante, il y avait ce sentiment, cette
impression, je dirais presque ce déterminisme socio-économique
qui amenait les gens à considérer que c'est en langue anglaise
qu'il fallait faire éduquer ses enfants. Cependant, je le ferai
remarquer au député, il y a une exception absolument remarquable
à cela. Des études démographiques ont
démontré que l'immense majorité des italophones jusqu'au
milieu des années cinquante s'était intégrée
à la communauté française même à
Montréal.
Cela s'explique par un facteur historique relativement simple, le
facteur de la religion, la plupart des italophones étant d'origine
catholique, les Québécois francophones étant
également de religion catholique, de la même façon
d'ailleurs qu'une bonne partie des Irlandais hors Montréal se sont
assimilés ou intégrés à la communauté
francophone pour exactement les mêmes raisons.
Cette réalité se traduisait dans un système
scolaire qui faisait qu'il y avait le système anglo-protestant et
l'autre franco-catholique, même s'il existait un régime
anglo-catholique, mais qui était finalement relativement secondaire. Il
s'est développé soudainement à la fin des années
cinquante, en termes de nombre, en termes de nombre d'écoles, en termes
de ressources que les commissions scolaires, dont la CECM, y ont mis, et au
début des années soixante, dans la mesure où on
était confronté à cette réalité qu'il n'y
avait pas grand avenir sur le plan économique à être
francophone. (12 h 30)
Quand tout cela s'étalait devant les citoyens au début des
années soixante, au moment des études de Laurendeau et Dunton, il
y avait là un réflexe presque normal pour un nouvel arrivant au
Québec de se dire: S'il y a l'école anglaise catholique - dans la
mesure où la dimension de la religion comptait - je serais bien fou de
ne pas envoyer mon enfant à l'école catholique anglaise parce
qu'il a peut-être la chance de faire un peu plus d'argent dans la vie,
s'il fait cela, et d'avoir du succès, dans le fond. C'est ainsi que
c'était présenté.
Tout cela était dans un contexte où la notion de libre
choix existait. C'est cette notion même du libre choix qui a
été remise en cause au milieu des années soixante et qui a
donné lieu, on s'en souvient, à ces difficultés qu'on a
connues: Saint-Léonard, les tensions sociales. D'autant plus que tout
cela était véhiculé à travers des structures
politiques agissantes. C'est l'époque du RIN,
c'est l'époque du RN, alors que ces partis n'existaient pas dans
les années cinquante. Il y avait une visibilité
considérable et une préoccupation considérable dans
l'affirmation nationale du Québec au début des années
soixante autour de tout cela.
Que de nouveaux arrivants, également, aient tendance à ne
pas vouloir s'impliquer dans ce qu'ils perçoivent comme étant des
querelles politiques, cela non plus ne m'étonne pas. Je considère
que c'est un réflexe que j'aurais sans doute. Si, pour une raison ou
pour une autre, dans une situation que je n'ai pas à anticiper, je
devais quitter le Québec avec ma famille dans un contexte d'oppression
militaire, de dictature ou de pauvreté abjecte dans laquelle on me
maintiendrait, pour aller m'établir en Bavière, je présume
que les problèmes de la Bavière à l'égard de
l'État allemand de l'Ouest, ce ne serait sûrement pas la
première chose dont je m'occuperais. Bien qu'ayant le tempérament
que j'ai, cela ne prendrait sûrement pas beaucoup de temps.
Cependant, entre cela et considérer que ces enjeux majeurs de
toute une collectivité ne doivent pas être le lot, la
préoccupation de l'ensemble des citoyens, il y a une marge. Je ne crois
pas que les gens de souche européenne ou d'ailleurs qui se sont
installés ici, ou qui continuent de s'y installer, qui seront de plus en
plus nombreux - je le souhaite - constitueront une espèce de classe
privilégiée dans la société dont le
privilège serait d'être apolitique. Après tout, on vit en
démocratie, dans un État libre. On a l'extraordinaire avantage,
ici, de ne pas être sur un des continents rongés par la famine ou
la dictature douce ou violente. On vit dans un des coins de la terre où
la démocratie et la liberté sont les pierres d'assise de la vie
en société.
Je crois que cela est vrai pour tous ceux qui choisissent de venir faire
leur vie au Québec. À preuve que ces nouveaux arrivants ne sont
pas si détachés des questions politiques, si je prends une bonne
partie de la communauté italienne, historiquement, elle
représente un contingent très important chez les libéraux,
dont d'ailleurs le ministre et certains de ses collègues ont fait
largement état lors du discours sur l'adoption du principe. Il y a une
très grande implication d'une bonne partie de la communauté
italienne au Québec dans la politique du Parti libéral. Il y en a
un peu au Parti québécois, pas assez è mon goût,
mais on va y travailler très fort au cours des années qui
viennent.
Je ne suis pas prêt à conclure que, pour une bonne partie
de celles et ceux qui ont vraiment choisi de ne pas respecter la loi, cela
s'est fait dans un climat où les personnes étaient
extrêmement vulnérables et inquiètes des questions
politiques, absolument pas. Qu'il y en ait eu dans le lot, fort possiblement,
mais, de façon générale, mes amis italiens du nord d'Anjou
et les gens que je connais de Saint-Léonard, qui est tout près de
mon comté et que connaît bien notre
député-président, aiment la politique. Ils s'en
mêlent. Ils sont vice-président de la commission scolaire
Jérôme-Le Royer quand ce n'est pas président ou
présidente; ils sont au conseil municipal de Saint-Léonard; il y
a un conseiller municipal du nord d'Anjou qui siège au conseil municipal
d'Anjou et je suis sûr qu'il y en a quelques-uns à la ville de
Montréal. Je n'en connais pas personnellement, mais je sais qu'il y a
quelques conseillers de Viau... Oui, même maire de Saint-Léonard,
dans bien des cas.
Cet argument du ministre que je veux bien comprendre comme étant
un peu le coeur de son argumentation sur la dimension... Comment disait-il
cela? Nous voulons mettre fin au problème d'une façon
complète, efficace et humaine. C'est l'argument de l'humanité. Je
le prends, mais je me permets de faire un certain nombre de réserves,
comme je fais une réserve très sérieuse sur la
façon qu'il a de nous présenter les 1500 cas à partir
d'une simple phrase qui était: Vous avez brisé les règles
du jeu en 1977. Il y a des gens qui avaient déjà inscrit leurs
enfants avant l'adoption du projet de loi. Dans le fond, je regrette, vous
n'auriez pas dû faire cela. Â la rigueur, je serais prêt
à considérer que le débat à cette époque, si
passionné fût-il, avait peut-être quelque chose qui ne
tenait pas compte de ces 144 personnes. Les chiffres du rapport Rondeau, c'est
144, à moins que le ministre n'ait d'autres chiffres à nous
donner; j'espère que cela va être intéressant.
Je remarque aussi que la loi telle qu'adoptée disait bien ceci:
Les enfants dont le père ou la mère a reçu un enseignement
primaire en anglais au Québec, pourvu que cet enseignement constitue la
majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Québec, peuvent
donc aller à l'école anglaise. Le paragraphe b de l'article 73
disait: "les enfants dont le père ou la mère est, le 26
août 1977, domicilié au Québec et a reçu, hors du
Québec, un enseignement primaire en anglais pourvu que cet enseignement
constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu hors du
Québec." Finalement: "Les enfants qui, lors de leur dernière
année de scolarité au Québec, avant le 26 août 1977,
recevaient légalement l'enseignement en anglais dans une classe
maternelle publique ou à l'école primaire au secondaire." Enfin,
il y a les frères et soeurs cadets des enfants visés au dernier
paragraphe que je viens de lire.
Je trouve que le ministre en met peut-être un peu plus sur la
tartine qu'il ne le devrait parce que, dans le fond, cela limite passablement
celles et ceux qui pouvaient considérer que c'était abusif ou
injuste que
de passer une loi alors que les gens s'étaient inscrits.
Deuxièmement, je constate qu'en 1977-1978 - la loi est passée;
c'est fait - il y en a 128; en 1978-1979, encore 128; en 1979-1980, encore 128;
en 1980-1981 -regardez-donc, cela augmente - 141; en 1981-1982, 72, et, ainsi
de suite, 66, 71, 54, 58 et, finalement, on a un truc qui s'appelle "autres
réponses", 20. Les gens s'inscrivaient comme cela, je ne sais pas,
à l'école Sainte-Rita d'Amos, par exemple, à la CECM ou
à une autre que connaît bien le député de Viau, qui
a été directeur, je crois, de cette école. Je pense qu'il
faut peut-être remettre les choses en perspective. Je ne voudrais quand
même pas qu'on passe pour des ogres ici. Je ne voudrais quand même
pas que, par anticipation, on passe du monde au martyrologue. Je suis sensible
à ces réalités, je suis sensible à ce qu'ont
vécu et à ce que vivent de façon générale
les communautés culturelles ici, ceux de la première
génération qui sont des gens, c'est vrai, plus fragiles dans le
tissu social qu'on a, parce qu'ils viennent de se déraciner de leur pays
et qu'ils n'ont pas le goût d'avoir de trouble de façon
générale. Mais il faut bien comprendre qu'au Québec, cela
n'a pas commencé hier.
Une deuxième constatation à l'égard de ce projet,
au-delà de la dimension historique qu'a évoquée le
ministre, ce projet, c'est clair, c'est une amnistie. Bon! Nettoyer l'ardoise
avec une éponge et de l'eau au lieu d'une efface ordinaire, c'est clair.
Cela va être propre, propre, propre! Cela va être une ardoise
nette, nette, nette. On va faire comme s'il n'y avait jamais rien eu avant,
jamais de craie là-dessus.
C'est donc en ce sens; même si le ministre ne veut pas être
interprété comme sanctionnant l'illégalité, c'est
de fait une sanction ou une absence de sanction de l'illégalité.
C'est clair. Il n'y a pas de demi-mesure là-dedans. Le ministre peut
dire: C'est le choix qu'on fait. Très bien, c'est son droit, mais qu'il
ne vienne pas me dire que c'est la reconnaissance que
l'illégalité ne paie pas. C'est clair; c'est ce que fait le
projet de loi. Il faut appeler un chat un chat. On trouve que, de ce
côté, ce n'est pas nécessairement très bon pour
l'État, pour l'idée même de ce qu'est une
société démocratique comme la nôtre.
La troisième remarque, je dirais d'emblée que cette loi,
évidemment, a quelque chose d'une solution relativement facile. Nous
aussi, nous aurions pu adopter un projet de loi comme cela. Ce n'est pas
forçantl C'est évident que c'est facile. On va faire comme si
rien n'était arrivé ou... Pas ou à peu près,
même pas à peu près. Le ministre nous reproche de ne pas
avoir réglé le problème en neuf ans. Je vais vous dire: On
ne voulait pas le régler comme cela. Il a choisi de le régler,
mais comme cela. Il a choisi la solution que je dirais être de
facilité sur le plan de la réconciliation à la fois du
sens des lois, de leur respect par les citoyens et des objectifs de la loi
101.
Cela ne m'étonne pas beaucoup, parce que j'ai entendu un certain
nombre de discours de nos collègues d'en face, surtout ceux d'hier, et
j'avais l'impression qu'on était transposé en 1977. J'ai entendu
des députés du gouvernement argumenter comme si c'était le
Parti québécois qui avait déposé le projet de loi
101. J'ai l'impression que c'était le "Bill 101 revisited", si vous me
passez l'expression. J'ai senti des expressions très dures, comme: Vous
avez brisé un pacte social qui existait. Minutel Le pacte social a
changé en 1977. Le pacte social que je vois brisé, en ce moment,
si quelqu'un en brise un, ce n'est pas nous; c'est vous, non seulement par
cette loi, mais par un ensemble d'absence de mesures et d'application de la loi
101.
Mais il y a des gens, hier, qui remettaient vraiment en cause dans leurs
discours la loi 101 comme cela. On va l'effacer. Ils n'ont jamais
été au pouvoir, les péquistes. C'est ce que je sentais. Il
faut peut-être également se le dire, qu'il y a des gens qui n'ont
jamais digéré la loi 101. Je suis par ailleurs très
heureux d'entendre le ministre dire - il l'a répété ce
matin - qu'il considère que les principes de la loi 101 ne devraient pas
connaître de recul.
Je ne sais pas s'il parle des dispositions qui vont au-delà de
son domaine à lui dans l'éducation. J'espère que oui.
J'espère qu'il parle au nom du gouvernement pour toute la loi 101. Ah
non! Il me fait signe que non.
M. Ryan: Mon devoir, c'est de parler pour la langue
d'enseignement.
M. Johnson (Anjou): Très bien.
M. Ryan: Le reste, en temps utile.
M. Johnson (Anjou): Mais j'aimerais tellement l'entendre dire
cela sur l'ensemble de la loi 101!
M. Ryan: En temps utile.
M. Johnson (Anjou): Au-delà de cette loi qui touche la
régularisation du statut des enfants qui ont fréquenté
illégalement l'école anglaise, j'aimerais tellement l'entendre
nous dire: C'est la seule chose et vous ne toucherez pas à la loi 101,
comme vous incitent à ne pas toucher à la loi 101 un certain
nombre de personnes en ce moment, dont nous.
Une autre chose, c'est que cette loi urgente... Urgente, une minutel
D'abord, cela fait neuf ans que ça dure. Je comprends qu'on peut nous en
faire le reproche, mais je reviendrai là-dessus dans quelques
minutes.
Elle est urgente parce que peut-être que le député
de Viau a pris des engagements dans le comté de Viau. II me semble avoir
lu quelque chose dans un hebdomadaire local de l'est de Montréal
où le député, pendant l'élection, s'engageait
à régler ce problème des enfants illégaux. (12 h
45)
II a pu siéger au comité qui recommandait au ministre de
régler le problème. Il est bien chanceux. C'est vrai pour
quelques-uns de ses collègues aussi. J'ai fait recenser quelques
déclarations et annonces du Parti libéral. Oui, il y a urgence de
remplir une promesse. Je dois vous avouer que je respecte la notion de remplir
ses engagements. J'aimerais tellement...
Ah! il ne me reste que deux minutes? J'avais l'impression que j'avais
une demi-heure. Je n'ai pas une demi-heure? Ah! Seigneur! Est-ce que le
ministre me donnerait son consentement pour que je prolonge de quelques
minutes?
M. Ryan: Volontiers.
Le Président (M. Bissonnet): II y a consentement.
M. Johnson (Anjou): Merci. J'aimerais bien voir des ministres
partout dans ce gouvernement respecter avec autant de précipitation tous
les engagements qu'ils ont pris. Ici, c'est l'engagement du
député de Viau et de quelques autres qui est
réalisé, et rapidement. Évidemment, avec le consentement
du ministre. Je ne pense pas qu'il se fasse tordre le bras pour le faire.
D'ailleurs, ce n'est pas un homme qui se laisse tordre le bras facilement -
j'ai bien dit facilement. Cela doit lui arriver de se le faire tordre un peu
quand même.
L'autre chose que je constate dans ce projet de loi, c'est qu'on ne se
contente pas, évidemment, de régler le problème des
enfants illégaux, mais on transmet aux générations qui
viennent les mêmes droits. Cela n'est pas indifférent sur le plan
des nombres. Il me semble que toute l'argumentation du ministre sur la
fragilité du nouvel arrivant ne vaut plus. On va être rendu
à la troisième génération tout à l'heure. Je
ne peux pas croire que le citoyen qui est ici depuis trois
générations a ces fragilités que nous exposait le
ministre.
L'autre dimension de ce projet de loi, c'est ce dont il ne parle pas:
l'illégalité organisée, systématique par une ou
deux commissions scolaires, des directeurs d'école, des professionnels,
des juristes dans certains cas, des gens qui ont organisé un
système de défi a une loi de l'Assemblée nationale, pas au
nom des 144 qui se considéraient comme n'étant pas
adéquatement traités en 1977. Ce système existait encore
alors que M. Rondeau se rendait, à titre de délégué
du ministre, enquêter chez son ancien employeur, la CECM. Il existait
encore en 1984-1985. Il y a des "pas de réponse", par exemple. M.
Rondeau est allé enquêter. Évidemment, c'est une situation
qu'il connaissait, qu'il ne pouvait pas ne pas connaître, étant
donné les fonctions qu'il avait. Je pense aussi que le
député de Viau connaissait bien la situation, étant
donné qu'il était directeur d'école à la CECM. Je
ne sais pas en quelle année il était directeur d'école,
cependant. J'ai oublié de lui poser la question. J'aimerais entendre un
ancien directeur d'école de la CECM nous expliquer que, lui, il a
participé - un directeur d'école, c'est quelqu'un qui a une
responsabilité dans la société - à l'inscription
illégale d'un certain nombre d'enfants dans l'école qu'il
dirigeait.
Puis il y a des enseignants et des syndicats. Cela porte un nom
très simple - il ne s'agit pas de voir le parlement en flammes et des
émeutes à la porte - cela s'appelle de la
désobéissance civile. Lorsqu'on ne réagit pas, lorsque
cela se présente dans un contexte aussi civilisé - il n'y a
personne de mort, il n'y a pas eu d'émeutes dans les rues avec cela, il
n'y a personne en prison ni d'inspecteurs avec des brassards, comme dans les
caricatures du New York Times, qui sont allés battre la tête de
ceux qui parlaient anglais. Voyons donc! Non, tout cela s'est fait de
façon un peu feutrée, discrète. Il y a des complices pour
ne pas respecter la loi. Pas en 1977, mais de 1977 à 1985. Lorsqu'on
voit une désobéissance civile comme celle-là, je me dis
que si on ne réagit pas devant cela, si on ne la dénonce pas,
c'est là qu'on prépare le ferment du non-respect des lois dans
une société. Quand on reconnaît ce type de
complicité, la dénoncer, ce n'est pas avoir une vision
autoritaire des choses, c'est, au contraire, vouloir défendre les
valeurs de liberté et de démocratie dans lesquelles on vit et qui
rendent notre système comme il est.
De ce côté, M. le Président - il me reste à
peine pour deux minutes, je veux vous rassurer - le projet est drôlement
silencieux. II ne comporte aucune garantie pour l'avenir. Je reconnais l'effort
que fait le ministre quand il dit que quelqu'un serait sanctionnable de
suspension de son emploi jusqu'à six mois s'il devait y participer, etc.
Pour l'avenir, voilà un élément. Nulle part je n'ai vu la
CECM - que le député de Sauvé connaît bien
étant donné qu'il en a été président
à une certaine époque, à l'époque où ces
choses existaient - faire comparaître un directeur d'école pour
dire: Monsieur ou madame, vous agissez contre les lois du Québec et
comme employeur, en vertu de mon droit de gérance, je vous sanctionne.
Dans une démocratie, c'est comme cela que cela devrait se faire. Non,
cela n'a jamais été fait, chut, silence autour de cela. Il
faut
le dénoncer et cela n'a pas suffisamment été
dénoncé. J'espère l'avoir fait assez clairement
aujourd'hui.
Une dernière remarque, avant que nous n'entamions le reste de nos
procédures, qui touche ce qui a été fait dans le
passé. C'est vrai qu'on ne l'a pas réglé, je ne nie pas
cela. Dieu sait qu'on a essayé, par exemple. Ce qu'on avait devant nous,
c'était cela: la CECM, quelques directeurs d'école, une bonne
campagne de presse, une bonne entrée dans le Parti libéral, ce
n'est pas négligeable. C'est une force politique, le Parti
libérai, au Québec. Je ne nie pas cela. Il ne serait pas au
gouvernement s'il n'était pas là. Disons qu'ils ne sont pas
toujours aussi forts et qu'on va s'en occuper aux prochaines élections.
C'est notre contrat à nous. Ils sont là.
Tout cela mis ensemble - je vais faire la correction - cela rendait la
vie difficile à un gouvernement. Il aurait pu prendre une injonction,
aller en Cour d'appel, aller devant les tribunaux. Et Dieu sait que le monde
scolaire ne se gêne pas pour traîner l'État
québécois devant les tribunaux! C'est bien connu, les commissions
scolaires sont nées avant 1867, donc, c'est plus important que le
gouvernement dans la tête d'un certain nombre de personnes et avec des
taux de participation de 21 % des citoyens.
Je ne mets pas en doute ce que représentent les commissions
scolaires dans la société dans laquelle je vis, mais je dis
qu'une loi du Parlement, par exemple, quand i1 y a un vote démocratique
de gens avec un taux de participation de 85 % des citoyens du Québec,
cela vaut sûrement la parole d'un commissaire scolaire élu dans
une commission scolaire ou il y a un taux de participation de 12 %, 15 % et 21
%. Je pense qu'on peut se le dire, en matière de
légitimité.
Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M.
le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): C'est cela qui est en cause, disons-le
clairement. Ce qui est en cause, c'est le refus d'une partie des institutions
démocratiques ou juridiquement reconnues dans notre
société de collaborer avec l'État québécois
pour qu'une loi soit appliquée. C'est aussi simple que cela. On
s'était fait sa conception de ce qu'était l'humanité et de
la façon "de traiter" -entre guillemets - les minorités. Je me
permets de dire qu'il y avait là une légitimité, quant
à moi, doutable et douteuse, tout au moins quand on la compare à
un vote du Parlement québécois et, quant à moi, quand on
la compare à une constitution rédigée par onze premiers
ministres à l'exclusion de celui du Québec.
Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M.
le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Je conclus donc en disant que, oui, nous
avons fait nos efforts, M. le Président. Nous avons nommé Me
François Aquin - je le répète - un grand juriste, un homme
respecté, un homme qui a plaidé à de nombreuses reprises
devant les plus hautes instances de nos tribunaux, y compris la Cour
suprême du Canada, un défenseur des droits et libertés, un
homme d'une grande sagesse et qui est intervenu dans ce dossier en 1981. Je
conclus là-dessus...
Le Président (M. Bissonnet): M. le chef de
l'Opposition...
M. Ryan: Une question de règlement, M. le
Président. Si le chef de l'Opposition veut être de bonne foi et
conclure et ne pas nous entraîner en des voies latérales, je pense
qu'on apprécierait plus le geste de courtoisie qu'on a eu à son
endroit.
Le Président (M. Bissonnet): Sur la question de
règlement...
M. Johnson (Anjou): Je vais conclure, M. le
Président...
Le Président (M. Bissonnet): ...il y a eu un consentement
pour que vous puissiez poursuivre quelque temps. Alors, je vous demanderais de
conclure.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais j'avais l'impression que
j'avais jusqu'à 12 h 55. On y arrive.
M. Ryan: Vous le dépassez.
M. Johnson (Anjou): Je comprends que le ministre n'aime pas
tellement ce que je dis, mais...
M. Ryan: C'est parce qu'il y a des faits à redresser.
Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le chef de l'Opposition, en conclusion.
M. Johnson (Anjou): Je veux redresser un dernier fait, M. le
Président, en concluant là-dessus. Dire que le gouvernement n'a
rien fait dans le passé pour le régler, non, c'est faux. Il a
tenté de le faire et il a été aux prises, à compter
de l'automne 1981, en dépit du fait qu'il était en début
de mandat, avec une conjonction inspirée largement par ce qui
était une désobéissance civile organisée par des
éléments très responsables de la société et
un jugement de la Cour suprême du Canada qui affaiblissait le
Québec au moment du rapatriement. Il a été dans une
situation où c'était impossible pour lui de régler le
problème. Je trouve un peu
regrettable qu'on ait ressassé cette question, surtout en
laissant entendre que les inspecteurs entraient par le soupirail et par le
vasistas.
Je conclus donc, M. le Président, en disant que le ministre ne
s'étonnera pas de voir que nous lui poserons de nombreuses questions sur
son projet de loi au cours des journées qui viennent. Merci.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais avoir le consentement des membres
de l'Opposition pour faire seulement deux rectifications de faits qui vont nous
aider è voir plus clair dans le problème?
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Bissonnet): Comme il y a consentement et
qu'il est 12 h 54, nous allons suspendre l'assemblée jusqu'à 15
heures et je vous céderai la parole pour rectifier certains faits,
compte tenu du consentement.
M. Johnson (Anjou): On ne pourrait pas le faire maintenant?
Le Président (M. Bissonnet):
Maintenant?
M. Johnson (Anjou): Oui, pendant que je suis là.
Le Président (M. Bissonnet): Vu qu'il y a consentement, M.
le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: Premier point, à propos de chiffres, quand nous
parlons du nombre des étudiants illégaux, le chef de
l'Opposition, s'inspirant sans doute de ce qui est à la page 14 du
rapport Rondeau, a parlé de 144 étudiants illégaux au
début de cette situation et ensuite du nombre qui serait venu s'ajouter
à chaque année suivante. Il faut bien considérer que les
chiffres qui sont ici traitent uniquement de ceux qui sont encore dans les
écoles de manière illégale aujoud'hui.
Cela ne rend pas compte de toute la réalité qui s'est
produite, parce qu'en septembre 1977, ce n'était pas 144. C'était
au moins 1500 à 2000. L'année suivante, on était rendu
entre 2500 et 3000, Mais c'est parce que les autres sont passés dans le
système et ne sont plus là aujourd'hui. Alors, ce qu'on a ici ne
doit pas servir de chiffres pour fonder son jugement, parce que ce serait un
tout autre problème.
Je vous assure que cela avait été seulement ces
chiffres...
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Éducation,
vous avez la parole.
M. Ryan: Merci. Je pense que si nous voulons que les faits soient
notre guide commun il faut au moins rectifier cela. Deuxièmement, en ce
qui touche le Parti libéral - il y a eu une allusion au
député de Viau comme si nous essayions de satisfaire un
engagement électoral pris par le député de Viau - je
voudrais simplement rappeler que dans les 22 engagements électoraux du
Parti libéral du Québec, dont au-delà de la moitié
sont déjà réalisés, l'un de ces engagements
était formulé ainsi: Une solution humaine sera apportée au
problème des centaines d'élèves illégalement
inscrits dans les écoles anglaises de la région de
Montréal. Cet engagement fut proclamé partout à l'occasion
de la campagne électorale et annoncé avec toute la
publicité disponible.
Par conséquent, le député de Viau a sans doute eu
de l'influence dans la préparation de cet engagement, comme beaucoup
d'autres, y compris votre serviteur, mais il nous liait tous et il nous lie
comme gouvernement.
Le Président (M. Bissonnet): Conformément à
la tradition, les déclarations d'ouverture sont terminées. Je
céderai la parole au député de Laviolette à 15
heures et je suspens les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 11)
Le Président (M. Bissonnet): Je déclare la
commission de l'éducation ouverte pour la poursuite des travaux sur
l'étude du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à
l'enseignement en anglais de certains enfants. Je cède la parole au
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président.
M. Cusano: Est-ce qu'il y aurait consentement pour que je puisse
participer à la commission?
Le Président (M.
Bissonnet): Y a-t-il consentement pour
que le député de Viau puisse s'adresser à la commission,
compte tenu qu'il n'est pas membre? Y a-t-il consentement?
M. Cusano: J'aimerais simplement
demander le consentement de l'autre côté de cette Chambre
pour que cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, je puisse
remplacer le député de Richelieu, M. Khelfa.
Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement?
M. Jolivet: Consentement.
Le Président (M. Bissonnet): Consentement. M. le
secrétaire, si vous voulez bien prendre note que le député
de Viau remplace le député de Richelieu. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, il y avait consentement pour
que M. le député puisse faire, s'il le désire, les
remarques qu'il aurait à faire à ce moment-ci, comme je vais
avoir à le faire. Je pense qu'il avait peut-être cette intention
car il ne viendrait pas ici seulement pour nous écouter n'est-ce
pas?
Le Président (M. Bissonnet): Juste un instant, M. le
député.
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, auriez-vous
quelque chose à ajouter?
M. Ryan: Je voudrais également proposer que le
député de Sainte-Marie remplace le député de
Sherbrooke. Cela a été établi dès ce matin?
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sainte-Marie est inscrit. Je m'excuse, M. le député de
Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: J'ai écouté avec beaucoup d'attention
M. le ministre ce matin et c'est à partir de cela que je vais faire
quelques remarques qui, je pense, sont intéressantes dans le contexte du
projet de lot qui est devant nous. Le ministre a fait mention des traumatismes
subis par les gens qui doivent quitter leur pays pour différentes
raisons. Ils subissent un changement qui fait qu'en devenant immigrants ils
doivent s'adapter a un mode de vie différent, parfois par choix, parfois
par obligation. Je ne veux d'aucune façon dire que ce n'est pas la
réalité car je pense qu'il est vrai que ces personnes doivent
s'acclimater rapidement à de nouvelles façons de voir les choses,
à de nouvelles orientations.
Il reste que ce n'est pas parce que ces gens ont subi, a la suite d'une
décision qui leur est personnelle, un choix qui leur est personnel, une
forme de traumatisme qu'on doit leur permettre d'agir de façon
illégale. Toute personne qui immigre au Québec, au Canada, peu
importe où, dans n'importe quel pays du monde, doit s'acclimater
à la réalité du milieu.
M. le ministre a fait mention que, dans sa jeunesse ou au temps qu'il
était, comme il disait, jeune marié, des personnes proches de lui
avaient démontré qu'elles étaient réticentes
à agir dans certaines activités dites politiques à
l'époque et cela, pour toutes sortes de raisons. Moi aussi, j'ai une
anecdote personnelle à raconter. Des gens qui vivaient dans mon milieu,
à Grand-Mère, qui demeuraient en face de chez moi, étaient
d'origine allemande. Le mari travaillait à la compagnie Consolidated,
à Grand-Mère. Il parlait le français, l'allemand et
l'anglais, mais l'épouse ne parlait, en réalité, que
l'allemand. Elle avait eu elle-même certaines difficultés à
s'acclimater. On connaît le caractère des Allemands; ils vivent
parfois, dans certains cas, une forme personnelle de vie et ils ne
s'acclimatent pas nécessairement, s'ils ne le désirent pas, avec
les gens autour d'eux. Ce sont des choix qui leur appartiennent. (15 h 15)
Je me souviendrai toujours de l'anecdote concernant un de mes enfants
qui, aujourd'hui, à presque 17 ans. On était des voisins
essayant, comme disait M. le ministre, d'être très recevants,
très accueillants vis-a-vis de ces gens, d'aller jaser, d'aller leur
parler et, en même temps, d'aller leur rendre certains services. Mon fils
avait quatre ans à l'époque. Ce qui nous avait toujours surpris,
c'est comment il se faisait qu'il traversait la rue, allait voir la personne
qui était une Allemande et ne parlait que l'allemand et qu'il revenait
toujours avec des bonbons ou des petits jouets. On lui a parlé. On lui a
dit: Écoute, la dame ne parle que l'allemand; toi, tu ne parles que le
français; comment es-tu capable de comprendre et pourquoi arrives-tu
avec des choses semblables de chez la personne qui te parle? La réponse
a été la réponse d'un enfant. Il a dit a ma femme et
à moi: Elle, elle parle allemand, mais moi je parle Jean-Luc. C'est son
nom, Jean-Luc.
Pourquoi je dis cela? C'est parce que effectivement, comme dit M. le
ministre, il y a une certaine forme d'accueil qui peut se faire, pas
nécessairement par un échange de paroles, mais par des gestes,
par des façons de voir les choses, ce qui fait que la relation entre un
adulte et un enfant de quatre ans donnait des résultats, finalement.
Mais cela signifie aussi, en même temps, M. le ministre, que le peuple
québécois, c'est un peuple qui est accueillant. J'ai de la
difficulté à comprendre, dans le contexte qu'on a connu au
Québec depuis de nombreuses années, à voir des gens
presque accuser, sans le dire comme tel mais dans la
façon dont ils présentent le dossier, accuser les
Québécois de ne pas être accueillants. Je pense que le
contexte dans lequel on est placé a indiqué que la
minorité anglaise au Québec, les gens qui viennent dans le
contexte québécois savent très bien qu'on est des gens
très accueillants.
Un autre exemple que j'ai donné à l'Assemblée
nationale et que j'aimerais répéter ici, c'est celui de mon
frère qui est, depuis nombre d'années, dans des secteurs
anglophones du Canada. Par son travail, il a été obligé
d'aller en Ontario, du côté de Toronto. Il a été
à Timmins qui, soit dit en passant, est plus francophone. Il est
allé aussi en Nouvelle-Écosse, à Halifax. De par les
obligations et la façon dont le Canada anglais regarde les choses, parce
qu'il n'y avait pas un nombre suffisant de francophones dans le milieu, il a
malheureusement été obligé d'envoyer ses enfants à
l'école anglaise et aujourd'hui, pour m'amuser un peu avec mon
frère, je l'appelle "la branche anglaise des Jolivet".
Pourquoi, nous, au Québec, avec une loi qui a été
présentée à partir de 1977, compte tenu des propositions
que nous avions à faire au point de vue linguistique, avons-nous
été si accueillants envers nos minorités et n'avons-nous
pas la réciprocité au niveau du reste du Canada? Dans ce
contexte, j'aimerais faire remarquer à M. le ministre que la loi qui est
devant nous est une loi qui, malheureusement, amène à ceux qui
ont suivi la loi, à ceux qui ont été respectueux des
désirs des Québécois et qui à la suite de la loi
101 ont respecté cette loi... Je pense que la loi, telle qu'elle est
là, donne cette impression qui perdure et qui est celle d'une prime
è l'illégalité.
Quand on la lit comme telle, on a l'impression que des gens qui n'ont
pas respecté la loi pour différentes raisons, dont celles que le
ministre mentionnait ce matin, des traumatismes de quelque niveau que ce soit,
ont décidé de ne pas suivre la loi. Et, aujourd'hui, on les
récompenserait de l'avoir fait. Je pense qu'il est bien important de
camper l'ensemble du sujet. On n'en veut pas nécessairement - je pense
que M. le ministre est bien conscient de cela - aux enfants qui ont eu à
suivre les ordres de leurs parents dans certains cas. Ceux-ci ont eu la
connivence d'un système organisé par des commissions scolaires,
par des cadres scolaires, par des directions d'école, par des
enseignants qui, dans certains cas, ne connaissaient même pas la personne
mais savaient qu'il y avait dans la classe un enfant de plus ou de moins et ils
pouvaient se douter fortement que c'était une personne qui était
inscrite illégalement.
M. le ministre dit: Ces gens, vous les considérez comme
des "nonpersons". Je pense que ce n'est pas vrai. M. le ministre nous dit que
ces gens n'ont pas de diplôme, qu'ils ne peuvent pas acquérir de
diplôme de niveau secondaire. Je ne voudrais pas leur dévoiler des
trucs pour l'obtenir, d'une certaine façon. J'en connais. Je pense qu'il
y a des directions d'écoles anglophones qui les connaissent. Je suis
sûr qu'il y a des directions de commissions scolaires qui les connaissent
et qui savent que des personnes, sans avoir en main, à la fin d'un
secondaire, un diplôme d'études secondaires peuvent l'obtenir. Je
viens du milieu de l'enseignement, et M. te député d'Arthabaska
le sait très bien, j'en suis sûr, que pour une personne de niveau
secondaire qui, après l'avoir quitté, veut y revenir, il y a
possibilité d'aller chercher un diplôme d'études
secondaires par des tests d'aptitudes, des tests d'équivalence. En
conséquence, il obtient le même diplôme. J'ai eu l'occasion
de le proposer à des gens qui étaient des policiers, chez moi, et
qui pour aller à l'Institut de police avaient besoin d'un diplôme
d'études secondaires et qui ne l'avaient pas; au lieu de leur faire
passer l'ensemble des tests au niveau des études de 9e année, de
10e année, de 11e année, comme on les appelait autrefois, d'un
secondaire II, d'un secondaire III, d'un secondaire IV, d'un secondaire V, on
leur fait passer des tests d'équivalence, comme on les appelle. Cela
leur permet d'aller chercher leur diplôme d'études secondaires
sans avoir, en aucune façon, suivi l'ensemble des cours prévus
par le système scolaire actuel.
On va me dire: Oui, mais ces gens doivent avoir quitté le milieu
scolaire pour ce faire. Si le ministre, en suivant son raisonnement, dit que
ces personnes ne sont inscrites sur aucune liste, à ce moment, c'est
encore plus facile pour eux d'obtenir leur diplôme par les tests
d'aptitudes, les tests d'équivalence. Le diplôme est pareil,
semblable, sans un iota de différence avec le diplôme de celui qui
a suivi ces années jusqu'au secondaire V et celui qui ne les a pas
suivies. Cela existe. J'ai eu l'occasion de le proposer à des gens. Je
le propose encore quelquefois et, pas plus tard que le mois passé
à La Tuque, à quelqu'un qui me demandait comment il pouvait
obtenir son diplôme de secondaire V, - parce que la compagnie CIP
à La Tuque lui demandait son diplôme de secondaire V - j'ai dit:
Va voir telle personne à la commission scolaire, à
l'éducation des adultes, et tu vas avoir ton diplôme si tu es
capable de réussir les examens.
Voyons donc! Ils ne viendront pas me faire croire qu'une personne ne
peut pas avoir son diplôme d'études secondaires suivies en
anglais, en plus, dans les mêmes circonstances, dans les mêmes
conditions. J'aimerais rappeler à M. le ministre, avant qu'il
dépose son projet de loi, des éditoriaux, des analyses qui ont
été faits par des gens. M. le ministre cite les siens; moi, je
suis
prêt à en citer d'autres qui ont autant de valeur que ceux
que le ministre à l'époque, comme éditorialiste au Devoir,
aurait pu écrire. Ces éditoriaux et ces analyses sont des textes
qui ont été écrits et qui indiquent qu'effectivement le
ministre, dans ses propositions pour régler une fois pour toutes le
problème des élèves qui fréquentent
illégalement l'école anglaise, risquait d'entraîner son
parti politique dans un traquenard. On disait que le premier obstacle que
pouvait avoir le ministre est le choix de la méthode pour
résoudre le problème ou l'engagement électoral que ces
gens avaient pris, la dette électorale qu'ils avaient à remplir,
peu importe comment. Le ministre semble dire: Non, non, cela n'est pas une
dette électorale. Je pense que, si on a pris un engagement et qu'on en a
fait un choix politique, c'est un engagement. Quand on arrive au pouvoir
grâce à ces engagements, c'est aussi une sorte de dette
électorale. Je ne veux pas faire mention de caisse électorale, je
parle de dette électorale.
De quelle façon devait procéder le ministre? Est-ce qu'il
devait procéder cas par cas ou par voie législative? Je vais
essayer de rappeler à cette commission la vision qu'avait le ministre de
l'Éducation alors qu'il était critique de l'Opposition en
matière d'éducation. D'après les renseignements, les
documents et ce qu'on en sait, on croyait comprendre que le ministre actuel,
cela ne fait aucun doute, privilégiait la première
méthode, c'est-à-dire le cas par cas dans le contexte de 1983,
tel qu'il se présentait. Quand on entre de façon plus
précise dans le dossier des étudiants illégaux, il
écrivait à ce moment, en termes de constatations, que la
très grande majorité des élèves admis
illégalement ne semblaient pas devoir être classés comme
des cas clairs et nets de violation pure et simple de la loi. II semble donc,
au contraire, que la très grande majorité des cas ait pris
naissance dans des zones grises, ce que le législateur et ensuite les
représentants du ministre auraient abordé avec plus ou moins de
bonheur, quand ils ne l'auraient tout simplement pas ignoré. C'est ce
que disait le ministre de l'Éducation dans son écrit de 1983.
Si on part de cette hypothèse de zones grises, de cas par cas, on
arrive è une vision des choses qui comporte un avantage très
grand, un avantage certain: la solution pourrait être d'ordre
administratif et non pas législatif. Il y a peut-être, disait le
ministre, bon nombre de cas qui peuvent se régler sans que vous touchiez
à la loi, seulement par une interprétation plus souple de
certains points qui ont été appliqués au cours des
dernières années avec une rigidité - disait-il -
étroite. Les libéraux - toujours d'après ce qu'il disait -
feraient donc l'économie d'un débat qu'ils ne souhaitent d'aucune
manière à l'Assemblée nationale.
Donc, c'était la formule administrative qu'il y avait pour
éviter le débat qu'on est en train de faire aujourd'hui. Il
fallait, à ce moment, ne pas compter sur l'engagement qu'avaient pris
des députés dans la région de Montréal en
particulier, dans des secteurs où il y avait des gens qui les
forçaient à prendre des décisions. Ils ont dit: Voici
notre programme électoral, on va vous le régler, le
problème. À côté de cela, le ministre se sent
maintenant pris et est obligé de demander à un comité,
à partir d'une hypothèse de travail qu'il met sur la table, de
lui donner au moins les éléments pour avoir une position qui,
à ce moment, pourrait paraître au moins de plus en plus
plausible.
Donc, il y a deux hypothèses législatives.
L'Assemblée nationale pourrait adopter une loi d'exception ou une loi
générale. Là, je fais toujours allusion à l'analyse
de Jean-Pierre Proulx en date du 29 janvier où il dit: La
première stipulerait, par exemple, que tous les "illégaux"
seront, nonobstant la loi et les règlements en vigueur,
dorénavant admis aux examens du ministère de l'Éducation
du Québec. Il disait que cette solution aurait l'immense avantage
d'être facile à administrer. Regardez bien ce qu'il disait: II
suffirait justement d'avoir fréquenté illégalement
l'école anglaise. Bon! C'est ce qu'il avait comme proposition, et bon
nombre de directeurs anglo-catholiques -je regarde mon ami de Viau - pourraient
facilement en fournir la preuve. En fait, l'Assemblée nationale
pourrait... Même là, on n'a même pas à
légiférer parce qu'eux pouvaient les donner, les cas et les noms.
Là, le ministre pourrait utiliser tous les pouvoirs que lui
reconnaissent les règlements qui concernent le régime
pédagogique de niveau secondaire. C'est une possibilité.
Or, ce n'est pas tout à fait ce qu'a fait le ministre. Il a agi
à partir d'une loi d'exception. Cette loi est plus difficile à
expliquer de façon morale et de façon politique. On
récompense, si on le remarque bien, tous ceux qui ont agi de
façon illégale. Comment, à ce moment, pouvoir
espérer que des personnes agissent en vertu des lois que ce Parlement
vote? Cela veut dire quoi, dans le fond? Cela veut dire, après ce qu'on
a vécu et quand on regarde les points soulevés au moment de
certains jugements et de certaines décisions... Le ministre faisait
mention de ceci: Attention, en 1977, il y avait plus de personnes! Mais, mon
Dieu Seigneur, tant mieux! S'il y avait beaucoup plus de personnes qu'au moment
de la pointe qui a surgi après la décision du juge, tant mieux!
Cela veut dire qu'il y a beaucoup de personnes qui se sont
légalisées. Après le rapport de M. Aquin, il y a des
personnes qui ont accepté d'entrer dans les rangs et il y en a d'autres
qui ont décidé de ne pas entrer dans les rangs pour les raisons
qui les
concernaient et pour lesquelles elles avaient pris certaines
décisions. (15 h 30)
Donc, comment, à long terme, espérer avoir le respect de
quelque loi que ce soit votée dans ce Québec par ce Parlement?
Comment justifier une amnistie auprès de tous ces parents qui, eux, ont
souvent et douloureusement accepté de respecter la loi, disait M.
Proulx? En fait, si vous dites à des gens: Vous n'avez rien perdu, vous
avez respecté la loi, tant mieux! Quant aux autres, vous ne l'avez pas
respectée, on va vous donner un cadeau, on va vous amnistier. C'est
cela, dans le fond, peu importe comment le ministre l'explique en disant qu'il
va effacer l'ardoise et qu'il va recommencer. Tout ce qu'on demandait,
c'était: Y aurait-il eu moyen de laisser quelques traits de crayon ou
d'impression au bout de la course qui nous donnent la possibilité d'agir
d'une autre façon?
Donc, la difficulté d'une loi d'exception, c'est que le ministre,
d'une certaine façon, oblige à faire un débat un peu plus
vaste - c'est pour cela qu'on le fait dans ce sens-là - un débat
qui va rappeler le débat de la loi 22 et de la loi 101. Peu importe
comment le ministre peut l'accepter ou pas, il reste quand même que
c'étaient les difficultés dans lesquelles se plaçait le
ministre et pour lesquelles nous sommes en train de dire, comme le disait Mme
Lysiane Gagnon, que l'amnistie telle que présentée,
peut-être pour des raisons humanitaires, si leur statut semi-clandestin
les empêchait d'obtenir leur diplôme et brisait leur chance
d'avenir... Mais ce n'est pas le cas, les autorités du réseau
anglo-catholique, complices actifs dans ces inscriptions illégales,
remettent a ces élèves des diplômes
légèrement différents d'un document réglementaire,
mais la différence n'est pas perceptible aux yeux du profane et
j'expliquais tout à l'heure comment. "Leur statut imprécis,
disait Mme Gagnon, n'empêche nullement les "illégaux" de
poursuivre leurs études, les cégeps et les universités
anglophones reconnaissant leur pseudo-diplôme de fin d'études
secondaires. Au bout de cette longue chaîne de complicité,
l'élève illégal se retrouve muni d'un diplôme
collégial ou universitaire en bonne et due forme. Donc, qu'est-ce que ce
pathos, disait-elle...
Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M.
le député.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. "Qu'est-ce que ce pathos
autour du stigmate dont ces enfants seraient victimes et au sujet duquel il
faudrait agir de toute urgence pour l'effacer par une amnistie transmissible
à leurs propres enfants, y compris leurs frères et soeurs?" Je
pense que le ministre a choisi la solution facile que nous, nous aurions pu
choisir, que nous n'avons pas voulu choisir parce que nous jugions que nous ne
devions pas donner une prime à l'illégalité.
J'aurai l'occasion d'y revenir en d'autres occasions. Je laisserai
à d'autres le soin d'apporter leurs remarques préliminaires.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Ce matin, le
ministre a parlé du contexte réel où nous nous trouvions
en 1977, lors de l'adoption de la loi 101. À cette époque,
j'étais présidente du PSBGM. Nous avions à peu près
50 000 élèves dans nos écoles. Afin d'apprécier le
traumatisme, je pourrais même dire le chaos créé par la loi
101, il faut comprendre que la clientèle du PSBGM était
extrêmement variée sur le plan culturel, sur le plan de la langue
d'origine ainsi que sur le plan religieux.
À cette époque, 85 % de nos écoles étaient
des écoles anglaises et 15 % étaient des écoles
françaises. Une analyse de notre population à cette
époque, en 1977, a démontré qu'un tiers de nos
élèves étaient originaires du Québec; un tiers
provenaient du reste du Canada et un tiers provenaient d'ailleurs, des
États-Unis, de l'Australie, de l'Angleterre, de la Grèce, de
l'Allemagne, de la Chine, etc. En 1977, nous avions constaté que dix ans
plus tard il n'y aurait plus qu'un tiers des enfants admissibles à
l'école anglaise en vertu de la loi 101. Les autres seraient dans les
écoles françaises. Nous étions donc en face d'une
évolution forcée qui aurait un énorme impact sur notre
corps professoral, nos administrateurs et, surtout, sur nos parents.
De plus, nous étions pris, en septembre 1977, avec à peu
près 5000 enfants qui entraient dans notre système pour la
première fois, à tous les niveaux du système, je parle des
niveaux élémentaire et secondaire. Pourquoi à tous les
niveaux? Parce que la clientèle de la population du PSBGM est
évidemment très mobile. Donc, la plupart de ces 5000
élèves, de cette nouvelle population entrait pour la
première fois et était d'origine hors du Québec. Cela veut
dire que nous avions 3000 élèves dont l'admissibilité
n'était pas immédiatement claire.
Ce qui s'est ajouté au problème, c'était que ce
n'était pas la responsabilité de la commission scolaire de
prendre des décisions sur l'admissibilité ou la
non-admissibilité de chaque enfant. C'est un fait dont le gouvernement
actuel ne semble pas être conscient. C'était a la commission
scolaire d'aider les parents à ramasser les renseigne-
ments et les preuves nécessaires et de soumettre tous ces
dossiers au bureau d'admissibilité. C'est évident que ce bureau
était surchargé dès l'adoption de la loi; il aurait fallu
des mois et, dans plusieurs cas, des années pour clarifier le statut des
enfants. Entre-temps, c'était la commission scolaire qui avait la
responsabilité de les éduquer. Nous ne pouvions les laisser dans
les rues en attendant cette clarification.
Comme il n'y avait pas assez d'écoles françaises en place,
en septembre 1977, nous avons accueilli la plupart des élèves de
façon temporaire dans les classes anglaises en attendant les
clarifications nécessaires. Nous avons discuté avec le
gouvernement à plusieurs reprises afin de ne pas appliquer la loi 101,
de la retarder d'une année afin de nous donner le temps
nécessaire pour préparer les parents, pour préparer les
classes françaises, pour embaucher des enseignants français et,
ce qui est le plus important, pour permettre aux parents de suivre le processus
établi par la loi pour déterminer leur admissibilité, y
compris le processus d'appel qui était leur droit.
Le gouvernement a dit: "Too bad", il n'y aura pas de délai
malgré les difficultés presque insurmontables auxquelles nous
faisions face. En hiver 1978, nous avons intenté une action afin
d'assurer des subventions pour tous les enfants inscrits dans notre
système. Le noeud de notre argumentation était que le
gouvernement n'avait pas le droit de retirer les subventions à une
commission scolaire après qu'elles soient engagées par le Conseil
du trésor. Les subventions étaient engagées par le
gouvernement six mois avant l'adoption de la loi 101. C'était un
engagement fait sur la seule base du nombre d'enfants inscrits le 30 septembre
1977.
Nous avons perdu notre cas. Néanmoins, je maintiens à ce
jour que cette décision a créé un précédent
dangereux, parce qu'il semble que le gouvernement puisse, pour n'importe quel
motif, retirer des subventions d'une commission scolaire même si la loi
oblige que les subventions soient basées sur le nombre d'enfants
inscrits.
M. le Président, à la suite de cette défaite, nous
avons rencontré les parents pour leur expliquer que nous avions
l'intention d'appliquer la loi strictement en septembre 1978. Je me souviens en
particulier d'une soirée à l'école Barclay, dans le
quartier de Park Extension. Le petit gymnase était - je ne sais pas
comment dire cela en français - "packed to rafters".
Une voix: Rempli au coton.
Mme Dougherty: Rempli au coton. D'accord. "Paqueté". Je
n'oublierai jamais l'atmosphère de peur et d'hostilité dans les
yeux des parents qui avaient de la misère à comprendre mon
anglais. Pour eux, ce n'était pas la faute du gouvernement si leurs
enfants ne pouvaient plus avoir une éducation en anglais. C'était
clairement ma faute, la faute de la commission scolaire qui les avait trahis,
qui les avait abandonnés. Elle avait abandonné leur espoir
d'avoir ici au Canada une éducation bilingue.
Tout le contexte que M. Ryan a décrit ce matin était une
réalité terrible pour moi, è cette soirée, je vous
l'assure. Nous avons même alerté la police pour me
protéger. Je pourrais vous dire que pour quelqu'un comme moi, qui a
toujours pensé et pense encore que les voeux des parents en
matière d'éducation sont primordiaux, c'était le pire jour
de ma vie. On a appliqué la loi 101 en 1978, on a adapté notre
système, on a créé des écoles françaises
dont nous étions très fiers. Nous avons embauché des
milliers de jeunes enseignants qui ont fait et font encore un travail
extraordinaire pour des enfants qui viennent de partout dans le monde, souvent
sans savoir un mot de français ni d'anglais. En septembre 1978, nous
étions en face de plusieurs parents qui étaient encore
réticents. Je me souviens qu'en plusieurs occasions, quand les parents
sont arrivés à l'école anglaise, ils ont insisté
pour faire entrer leurs enfants dans les salles de classe. Le directeur de
l'école avait de la difficulté à décider quoi
faire. Le directeur général de la commission scolaire a
appelé le gouvernement. Nous avons suggéré que le
gouvernement devrait prendre ses responsabilités. Il y a un
fonctionnaire qui nous a conseillé d'appeler la police. Nous avons
refusé de le faire parce que, selon nous, c'était la
responsabilité du gouvernement d'appliquer la loi. Le gouvernement n'a
rien fait.
M. le Président, les années 1977 et 1978 ont
été turbulentes dans les commissions scolaires à
Montréal. Je suis convaincue que si le gouvernement avait
été plus sensible à l'ampleur du problème, à
la nature des craintes des immigrants, si le gouvernement avait agi avec plus
de bon sens, plus de réalisme et plus de prudence, nous ne serions pas
en face de la loi 58 aujourd'hui.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Chicoutimi. (15 h 45)
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Plutôt que de
faire une intervention qui risquerait beaucoup de reprendre ce que j'ai dit en
Chambre, je me demandais s'il serait possible d'utiliser mon temps pour avoir
certaines précisions quant au contenu du rapport Nadeau, sans que cela
prenne sur mon temps, évidemment, si les réponses du ministre
sont trop longues.
C'est qu'il me semble que, avant de commencer à envisager un
examen un peu
sérieux de ce rapport, il nous manque des données.
C'était ce que je vous suggérais. Si ce n'est pas possible, bien,
je ferai mon bout puis...
Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien...
Alors, je vais vous permettre, Mme la députée de Chicoutimi, de
faire des déclarations d'ouverture. Je crois bien qu'il y aurait
consentement à ce que le ministre, si vous avez des interrogations
à lui soumettre à l'intérieur de votre déclaration
d'ouverture, à la suite de vos interventions, puisse intervenir.
Mme Blackburn: D'accord. Et mes 20 minutes vont-elles être
comptées avec le temps de parole du ministre ou indépendamment?
Je prends un peu des précautions parce que, parfois, les réponses
sont un peu longues.
Le Président (M. Bissonnet): Cela devrait être
évidemment... Peut-être, le ministre peut-il prendre des notes et,
à la suite de votre intervention, avec le consentement, pourrons-nous
lui permettre de répondre en bloc à vos interventions?
Mme Blackburn: D'accord. Cela va bien.
M. Ryan: M. le Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Ryan: Je préférerais écouter toutes les
déclarations d'ouverture des députés et répondre
ensuite. Si la députée de Chicoutimi a des questions à
formuler au cours de son intervention, elle peut très bien les formuler.
Lorsque mon tour viendra à la fin, je répondrai volontiers aux
questions qu'elle aura posées.
M. Gendron: M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, un commentaire. Je pense qu'effectivement il est
préférable de terminer les déclarations d'ouverture. Le
ministre de l'Éducation, si jamais on réussit à le
sensibiliser à quelques points de notre argumentation, bien, j'aimerais
cela que, s'il décèle certaines questions dans les propos que
nous tiendrons et s'il prétend qu'il y a des réponses à
leur fournir, que ce soit libre à lui, après que l'ensemble des
parlementaires de l'Opposition auront eu l'occasion de s'exprimer. Cela serait
sûrement plus valable pour la conduite de nos travaux, ici, en commission
qu'il le fasse à la toute fin.
Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien votre
intervention, M. le député d'Abitibi-Ouest, il y aurait
consentement de cette Chambre que le ministre de l'Éducation, à
la suite de toutes les déclarations d'ouverture, puisse
répondre.
M. Jolivet: Incluant les questions des gens du pouvoir.
M. Ryan: Cela serait même en conformité avec la
tradition solidement établie des commissions
M. Jolivet: D'accord.
Le Président (M. Bissonnet): Alors, je note à ce
moment-ci, à 15 h 50, qu'il y a un consentement pour que le ministre
réponde à la suite des déclarations d'ouverture. Mme la
députée de Chicoutimi, vous avez la parole maintenant.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. On vient
d'entendre la députée de Jacques-Cartier nous dire un certain
nombre de choses. Elle nous dit, par exemple, et cela m'étonne: Les
voeux des parents devraient être primordiaux. Je me suis demandé
ce que je devais entendre là-dedans. Si les voeux des parents deviennent
primordiaux, est-ce qu'on doit comprendre, tantôt, que ce sera le libre
choix? Est-ce à dire que le voeu et les souhaits des parents primeraient
sur la loi ou sur une législation?
Je me suis questionnée à l'entendre. De la même
façon, elle dit: On est allé en appel devant la décision
du ministère de retirer des subventions et on a perdu. Il est
inacceptable de retirer des subventions pour n'importe quelle raison. J'ai
vraiment repris les propos de Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Il me semble que ce discours a quelque chose d'inquiétant. Non
seulement, il nous dit qu'on ne regrette pas de s'être placé dans
l'illégalité mais qu'on est en train de justifier ce fait. Je
trouve cela préoccupant. Ce n'est pas dit par quelqu'un qui ignore
complètement le système. C'est quelqu'un qui a
présidé une commission scolaire. C'est quelqu'un qui est avec
nous en train d'examiner cette loi.
Le ministre de l'Éducation nous disait tantôt, pour
différentes raisons qu'il a expliquées de façon
éloquente, je pense: On ne peut pas vraiment accuser les parents d'avoir
comme cela, délibérément et sans raison valable, fait le
choix de la désobéissance. Cependant, si on peut avoir une
certaine compréhension, je dirais, à l'endroit des parents, on ne
peut pas passer sous silence la désobéissance, le silence
complice des autres acteurs.
La députée de Jacques-Cartier nous dit: Quand la loi 101 a
été adoptée, c'est 5000 élèves nouveaux
qu'on recevait à la commission scolaire; on ne nous a pas donné
les délais pour nous permettre d'examiner ces dossiers et de voir s'ils
étaient admissibles ou non et c'est ce qui fait qu'on connaît le
phénomène actuel. S'ils n'ont pas eu le délai
nécessaire a la première année, la même raison ne se
justifie plus la deuxième, la troisième, la quatrième, la
cinquième jusqu'à la neuvième année. Je me pose des
questions parce que ce n'est pas le fait ou le phénomène d'une
année. Cela s'est perpétué dans le temps.
Le ministre nous a dit et plusieurs nous ont répété
en Chambre que ce gouvernement responsable de la situation de
désobéissance a laissé pourrir la situation pendant neuf
ans. J'aurais le goût d'essayer de voir cela d'un autre
côté. Cela veut dire que, pendant neuf ans, il y a des gens qui
délibérément, de façon consciente, ne se sont pas
contentés de laisser terminer les enfants inscrits, mais ils ont
continué à en inscrire. Donc, je dis qu'il y a des gens qui
pendant neuf ans ont délibérément défié la
loi, ont désobéi de façon consciente à la loi.
Quand on dit que le gouvernement n'a pas fait preuve d'ouverture, c'est oublier
la décision qui a été prise à la suite du rapport
Aquin. Dire, parce que ce milieu n'a pas pris la perche qu'on tendait, qu'il
n'y a pas eu d'ouverture, ce n'est pas vrai. Il y avait une ouverture et qui
allait loin, et qui disait: Même ceux qui se sont mis dans
l'illégalité ne seront pas poursuivis. C'était
déjà une forme d'amnistie. Pourtant, cela n'a pas suffi.
Le ministre nous dit: II faut faire preuve d'ouverture.
Généralement, j'ai plus tendance à être plus ouverte
que plus fermée ou plus mesquine ou plus restrictive. J'aime les
décisions qui laissent place à l'initiative, même si je
suis froide et implacable. Vous savez, les gens dont on parle - le rapport
Rondeau là-dessus est très sincère, très franc et
très clair - n'ont même pas... C'est en page 15 que vous retrouvez
cela: Certificat d'admissibilité. Il y en a 462 qui l'ont demandé
et il y en a 510 qui ne l'ont même pas demandé. Ils ne se sont
même pas demandé, si par hasard ils y allaient, s'ils pouvaient
peut-être franchir, et s'ils ne l'avaient pas, s'ils ne pouvaient pas
aller en commission d'appel. Non. Ils avaient à l'intérieur des
écoles une complicité qui leur permettait de rester et de
perdurer dans le système.
Je dirais que cette complicité, je le rappelle, logeait haut et
c'est éclairant de lire à la page 26 du rapport Rondeau, au
moment où on commente la situation dite légaliste - on fait
référence là à l'article 23 de la charte canadienne
- Les citoyens canadiens dont au moins un enfant a reçu ou
reçoit, au moment de l'application de la charte, l'enseignement en
français ou en anglais peuvent faire instruire tous leurs enfants dans
la même langue. Pour ces avocats, les textes ne précisent pas s'il
s'agit d'un enseignement reçu légalement ou illégalement.
Les avocats ajoutent cependant - que l'une des versions antérieures du
texte de la charte comportait - il faut bien comprendre - l'expression
"légalement", mais qu'elle a disparu intentionnellement de la version
définitive.
Donc, quelque part, quelqu'un qui était en train de
rédiger la charte canadienne autorisait déjà d'avance la
désobéissance au Québec. Cela a de quoi inquiéter.
Prenez le rapport, page 26, je n'invente pas. D'ailleurs - on conclut en
disant, il cite même les personnes qu'il rapporte. Il cite même le
témoignage de l'un des ministres fédéraux d'alors qui
aurait confirmé cette interprétation. Bravo! Donc, la
complicité non seulement était dans les écoles, dans les
commissions scolaires, mais elle logeait où? Cela doit nous
préoccuper comme Québécois. Faire preuve d'ouverture quand
on n'a même pas tenté d'obtenir un certificat
d'admissibilité, quand seulement 237 sont allés devant la
Commission d'appel et on parle toujours d'un nombre de 1013...
On a beaucoup fait état de cette nécessité d'avoir
un diplôme. Je le rappelle, un diplôme, c'est juste bon à
être encadré. Vous ne vous présentez à peu
près jamais à une entrevue sans avoir un relevé de notes.
Sur quoi est-ce que vous engagez? Sur quoi admettez-vous un étudiant au
cégep? Sur son relevé de notes. N'envoyez pas juste son
diplôme d'études collégiales, sans relevé de notes,
ils vont dire: Renvoyez-moi votre relevé de notes. C'est
là-dessus qu'on le classe. Comment le reçoit-on à
l'université? Sur son relevé de notes. Comment reçoit-on
un jeune professionnel dans un bureau au moment où on est en train de
passer une entrevue? On est bien content d'avoir son relevé de notes. Il
y a une photocopie du diplôme, mais généralement on voit
qu'il y a un certain nombre de crédits dans certains programmes.
Autrement, comment expliquer...
Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Mme la députée peut continuer.
Mme Blackburn: Comment expliquer, si ce diplôme est
indispensable, qu'on retrouve depuis 1981 des élèves dans les
cégeps? Comment se sont-ils rendus à l'université si ce
diplôme est indispensable? Je voudrais souligner que ce n'est pas tout le
monde qui a choisi de désobéir, ce ne sont pas non plus toutes
les commissions scolaires comme ce ne sont pas non plus tous les cégeps.
Entre 1981 et 1984, il y a un cégep anglophone de la région de
Montréal qui refusait les étudiants illégaux. Il les
acceptait quand ils
avaient 19 ans comme on accepte n'importe quel adulte. Il les acceptait,
comme on accepte un adulte, dès qu'ils avaient le statut d'adulte. Cette
personne, ce directeur général n'acceptait pas les
"illégaux". Il disait: Le Québec s'est donné une loi.
Comment ont évolué les clientèles depuis 1977? Le
ministre nous a dit tantôt... Je ne suis pas certaine des chiffres qu'il
a avancés, c'est entre 4000 et 5000, le nombre d'élèves ou
d'enfants qui, illégalement, se sont inscrits dans les écoles
anglaises en 1977. Si c'est 4000 ou 5000, on est en droit de penser, comme il
nous en reste 1500, qu'il y en a au moins, au minimum, parce qu'il s'en est
ajouté tous les ans, 5000 qui sont sortis. Est-ce à dire qu'on
trouverait aujourd'hui 5000 individus qui, parce qu'ils n'ont pas d'attestation
d'études secondaires et tantôt collégiales, sont incapables
de se trouver du travail et où sont-elles, ces personnes? C'est cela que
ça veut dire. Ce sont les chiffres que le ministre nous a avancés
tantôt.
À présent, il faudrait peut-être
rétroactivement les reconnaître. Tantôt, ces gens-là
qui ne sont plus inscrits dans les écoles, qui ont terminé leurs
études, qui sont sortis de l'université, est-ce qu'on va aussi
les amnistier, est-ce qu'on va aussi donner les mêmes droits à
leurs enfants, à leurs frères, à leurs soeurs, à
leurs descendants? Je pense que la question se pose. Ceux qui ont obéi
à la loi, ceux qui ont pensé qu'un peuple avait le droit
d'établir des règles pour protéger la loi de la
majorité, ceux qui ont obéi à la loi ne viendront-ils pas
comme un cas que citait le ministre, ne devront-ils pas aussi réclamer
au moins les mêmes droits que ceux qui ont désobéi? Cela
serait légitime; autrement, on a à leur endroit, je le rappelle,
une attitude extrêmement méprisante. (16 heures)
Les écoles qui ont admis ces enfants... Je voudrais dire que,
peut-être, au moment de la première année, il se posait des
problèmes. On peut penser qu'à ce moment-là cela posait
seulement au plan de la logistique un certain nombre de difficultés.
Mais que ces enfants puissent sortir - et on sait que c'est par milliers - -
des écoles anglaises, quand on sait que depuis neuf ans la situation
dure, cela veut dire que des éducateurs ont enseigné la
désobéissance et que ces enfants sont capables de dire
aujourd'hui que la désobéissance est payante. Comment voulez-vous
que l'enfant comprenne autre chose que cela? Il a résisté, il
s'agissait de résister assez longtemps. Outre la question que je posais
tantôt par rapport aux jeunes qui sont déjà sortis de ces
réseaux et aux droits qu'ils pourraient tantôt nous
réclamer au même titre que ceux qui y sont encore, est-ce qu'on
pourrait savoir du ministre - dans le rapport, on nous dit: On est en train de
prendre une loi qui va décider de cas d'enfants illégaux dont on
a un aperçu, me semble-t-il, plus approximatif qu'exact, puisque
seulement trois commissions scolaires ont accepté de collaborer -
combien y a-t-il de commissions scolaires d'impliquées? Est-ce qu'on
sait exactement combien il y a de cas aujourd'hui d'élèves
illégaux? Combien de ces "illégaux" n'ont pas la
citoyenneté canadienne? Ici on parle d'environ 10 %.
Le ministre nous a dit tantôt - et je pense bien que nous tous,
ici, on le reconnaît que dans les milieux latins et plus
particulièrement dans la communauté italienne les liens familiaux
sont très serrés; c'est important, la famille. Peut-il nous dire
si ces liens familiaux vont arrêter de jouer parce qu'on vient d'adopter
le projet de loi 58? Le nouvel arrivant ne voudra-t-il pas aussi envoyer son
enfant dans la même école que son petit cousin? Je dis: Le
ministre -c'est probablement ce que je déplore le plus - avait une
crédibilité auprès de ces milieux très certainement
largement supérieure à celle qu'avait son
prédécesseur. En raison de ce fait il aurait pu probablement
amener une solution - je dirais - beaucoup plus équitable pour
l'ensemble de la communauté, y compris ceux qui ont respecté la
loi. Il aurait pu -et cela aurait été mieux admis - être un
peu plus sévère ou rigoureux. Il aurait pu avoir un peu plus
d'exigences et on l'aurait admis parce qu'il était bien accepté
dans ce milieu.
Quand on regarde le rapport Rondeau -c'est cela qui s'explique mal - on
voit un certain nombre d'hypothèses qui ont été
examinées. L'hypothèse qui a été retenue, c'est
celle qui présente le plus grand nombre d'inconvénients. Le
ministre nous dira quasiment, comme je l'ai entendu dire tantôt: C'est
courageux. Mais là il a modifié son expression il dit: C'est
audacieux. Je me demande si c'était une audace nécessaire. Est-ce
que c'était une solution courageuse? Là, je pense bien que le
ministre va être d'accord pour dire que c'était plutôt une
solution de facilité. Facilité, car il n'y a pas de
résistance: on les récompense. Quand un chef d'État
amnistie - parlons, par exemple, des prisonniers politiques - ce n'est pas un
acte de courage. À la limite, c'est un acte humanitaire, mais
généralement c'est un acte d'opportunisme. Il cède
à des pressions, à une opinion publique, il cède à
un électorat, à des pressions qui lui viennent de son pays, de
son milieu ou des sociétés internationales.
Une voix: ...
Mme Blackburn: Oui. Le ministre a choisi une solution de
facilité qui était à la portée de n'importe quel
gouvernement.
Récompenser la désobéissance, accorder une prime,
parce qu'on ne fait pas qu'amnistier les enfants. Ici, on a attiré
notre attention exclusivement sur les enfants. C'était de bonne
guerre, je le reconnais. On a fait bien attention d'attirer notre attention sur
tous les autres. Probablement que c'est normal, puisque la décision de
M. Laurin allait dans ce sens-là. C'est normal aussi qu'on les amnistie,
mais on n'a pas beaucoup attiré notre attention sur ce fait qu'on
amnistiait aussi tous les complices de cette désobéissance.
Les inquiétudes que j'ai sont que les enfants qu'on est en train
de reconnaître comme étant admissibles è l'école
anglaise ne l'auraient même pas été en vertu de l'article
23 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est cela, ce n'est
pas autre chose dont on parle aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les mêmes
circonstances, en vertu de l'article 23 de la charte canadienne, un enfant dans
la même situation en Ontario n'aurait pas accès à
l'école française. Il n'irait pas à l'école de son
choix, il entrerait à l'école de la majorité. Ces enfants
ne seraient même pas admissibles en vertu de l'article 23 de la charte
canadienne. C'est ce qui est préoccupant. On le sait, le paysage
politique change. Alliance Québec, qui réclamait la clause
Canada, va un peu plus loin à présent et réclame la clause
universelle. Ce dont il est question ici, les enfants qu'on est en train
d'amnistier, ce n'est plus la clause universelle, c'est le libre choix. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.
M. Ryan: Je voudrais poser une question à la
députée de Chicoutimi. Est-ce qu'elle consentirait que je lui
pose une question?
Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que Mme la
députée consent que le ministre lui pose une question à la
suite de son intervention?
M. Ryan: En vertu de l'article 213.
Le Président (M. Bissonnet): Si Mme la
députée le permet. Est-ce que vous le permettez? M. le ministre,
vous avez la permission de poser une question à Mme la
députée de Chicoutimi.
M. Ryan: Mme la députée a cité avec beaucoup
d'éloges le rapport Aquin. Pourrait-elle nous dire quelles mesures le
rapport Aquin recommandait de prendre contre les commissaires qu'elle
dénonce, contre les cadres scolaires et contre les parents?
Mme Blackburn: Je l'ai dit tout è l'heure, c'était
la même solution que vous avez prise, c'était l'amnistie.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sauvé.
Mme Blackburn: Je l'ai rappelé quand j'ai dit que
lorsqu'on accusait ce gouvernement de manquer d'ouverture, c'est
précisément l'exemple que je donnais. Non seulement il mettait 3
600 000 $ pour offrir des services d'insertion dans les écoles
françaises, mais en plus il assurait les personnes qu'elles ne seraient
pas poursuivies. Et on nous accuse d'avoir manqué totalement
d'ouverture.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Sauvé.
M. Marcel Parent
M. Parent (Sauvé): M. le Président, je vais
tâcher de ne pas m'éterniser et de donner enfin la vision que j'ai
de cette loi 58. D'abord, si j'interviens sur la loi 58, tout le monde le sait,
je suis député du comté de Sauvé. Le comté
de Sauvé, dans le territoire de Montréal, est un comté qui
compte 18 % de personnes d'origine culturelle autre que française. Cela
représente un échantillonnage assez intéressant des
Néo-Canadiens avec lesquels nous vivons au Québec. J'ai bien
l'impression aussi que les enfants que l'on dit "illégaux" ou les
"illégaux", comme on les appelle, il y en a certainement eu dans mon
comté et il y en a probablement encore.
Nous devrions tous, d'un commun accord, en oubliant les divergences
idéologiques qui séparent les deux partis politiques qui forment
l'Assemblée nationale, oublier nos divergences et essayer de penser,
dans un effort commun - là, vous allez me dire que je
répète ce qui se dit ici depuis deux jours - au côté
humain que représente cette possibilité de régler un
problème qui perdure, cette possibilité que la loi 58 nous
offre.
Je l'ai dit hier et je le répète: Tout le monde n'est
peut-être pas d'accord avec moi. Même les gens de mon parti ne sont
peut-être pas d'accord avec moi, mais je suis convaincu que la loi 58, ce
n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux. Il n'y a pas de vraie solution
à ce problème. Quelqu'un parlait du problème et disait: On
est pris avec. Vous avez été pris avec parce que vous ne l'avez
pas réglé. Vous n'aviez pas les moyens de le régler. Il
fallait que quelqu'un, à un certain moment, décide de poser un
geste politique, un geste courageux pour essayer de régler une fois pour
toutes, avec le moins de dégâts possible, la situation difficile
dans laquelle vivaient des enfants.
Vous allez me dire: Vous parlez toujours des enfants, mais vous ne
parlez pas des parents. Tout à l'heure, la députée de
Chicoutimi disait: Quelle garantie a-t-on aujourd'hui, en 1986, que des
parents, que des directions d'école, que des commissaires
d'écoles, que des enseignants qui ont été complices - je
le dis - d'une façon ou d'une autre, ne récidiveront pas? Je suis
peut-être naïf - cela ne fait pas longtemps que je suis en
politique, cela ne fait que deux ans -mais je dis qu'on doit donner la chance
au coureur. La situation en 1986, c'est que le climat émotif que l'on
vivait en 1977, en 1978, en 1976, au moment de la loi 101, est passé; la
langue française n'est plus en danger au Québec grâce
à la loi 101, et je vous en remercie. Je le reconnais. La situation
n'est plus la même.
Ce matin, le chef de l'Opposition disait: C'est grave, vous attaquez la
loi qui protège la langue française. Non, la loi 58 n'attaque pas
la loi 101; au contraire, la loi 58 tâche d'aider le gouvernement du
Québec à appliquer, d'une façon correcte et sans
accrochage, sans lancer, cette loi 101. On est pris avec le motton. Quelqu'un
disait que c'était un motton, cette chose-là qu'on avait. Bien,
nous voulons l'enlever de la loi 101 pour qu'on puisse l'appliquer une fois
pour toutes dans toute sa plénitude et dans toute sa grandeur.
L'accrochage à la loi 101 n'est pas la loi 58, c'est le groupe de
1500 élèves qu'on appelle "illégaux". Si on règle
ce problème, il n'y a plus de problèmes relatifs à la
langue d'enseignement en ce qui concerne la loi 101. Il y a des choses qu'on ne
peut pas laisser passer. Hier, tout de suite après mon intervention, la
députée de Chicoutimi s'est empressée de parler des
complices et elle a laissé planer les mots "commissaires
d'écoles", et cela m'a touché. On en parle comme cela. Elle
disait: Cela ne touche pas toutes les commissions scolaires, mais quelques
commissions scolaires. Bien, c'est vrai, parce que, que voulez-vous que je vous
dise, les gens d'origine culturelle autre que francophone vivent surtout dans
la région de Montréal où il y a des commissions scolaires
qui ne les ont pas accueillis. Ces gens sont entrés dans ces commissions
scolaires.
Quand la députée de Chicoutimi parle de la
complicité des commissaires d'écoles, est-ce qu'elle est
consciente qu'à la CECM de Montréal il y a 12 000
employés, le budget est de 435 000 000 $, presque un demi-milliard? Le
nombre des équipements est plus gros que ce que représente le
gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un gouvernement
cette chose, j'en ai été président, c'est gigantesque! Les
commissaires d'écoles, les membres du comité exécutif sont
là à temps partiel. La loi ne leur permet pas, à cause des
émoluments rattachés à leurs fonctions, de faire
pleinement leur travail. C'est enregistré, j'en suis convaincu; je
l'espère, en tout cas.
Il aurait peut-être fallu, à un certain moment, que la CECM
soit traitée différemment des autres commissions scolaires. On ne
traite pas la communauté urbaine comme on traite les
municipalités régionales de comté. On ne traite pas la
ville de Montréal par la Loi sur les cités et villes, mais bien
par la charte de la ville de Montréal. Je pense qu'une grosse
institution comme la CECM n'avait tout simplement pas les moyens techniques,
j'entends l'autorité politique, n'avait pas les moyens techniques pour
appliquer pleinement les articles de la 101 qui régissaient la langue
d'enseignement. (16 h 15)
Je vous dis franchement que je suis allé dans cette commission
scolaire et on a fait des efforts afin d'identifier les "illégaux". Je
ne dis pas qu'on a remué ciel et terre, mais on a fait des efforts car
on savait que le problème existait, on savait qu'il y avait des
"illégaux". On savait à peu près le nombre que cela
pouvait représenter, on avait une bonne idée où ils
pouvaient être, mais on ne pouvait pas les identifier. Il y a des gens
ici qui pourraient en témoigner. On n'avait pas les outils pour les
déceler. Quand quelqu'un dit que les commissaires d'écoles des
grandes commissions scolaires de la région métropolitaine ont
été complices, je trouve le mot fort; ils n'avaient tout
simplement pas les moyens d'appliquer la loi.
On dit que cette loi est injuste envers les gens qui, eux, ont
observé les préceptes demandés. Je me dis une chose:
Lorsque je respecte la loi, lorsque je fais pleinement mon devoir de citoyen,
lorsque je me sens un citoyen respectueux de l'ordre, un citoyen qui vit
à l'intérieur des paramètres institutionnels de la loi ou
des règlements, il me semble que j'en reçois la satisfaction d'un
homme qui vit selon l'ordre. C'est déjà une satisfaction
d'être quelqu'un qui accepte de vivre à l'intérieur d'un
système qu'il a accepté.
Les gens qui n'ont pas vécu de cette façon, les gens qui
sont devenus marginaux à un certain moment, à cause de
circonstances dont je n'étais pas responsable, n'ont pas vécu
selon les lois du moment. Est-ce si grave que cela d'oublier le
côté marginal de ces gens? Ils sont 1500. Est-ce que ces 1500
mettent en danger la qualité de la langue française au
Québec? Nous sommes 5 000 000 de francophones au Québec, à
peu près. Est-ce que ces 1500 enfants, ces 3000 parents mettent
réellement en danger la qualité de la langue française? Je
ne les approuve pas, je ne leur donne pas l'absolution sans condition, mais je
me dis: Est-ce que cela ne vaut pas la peine de faire un effort pour
régler une fois pour toutes un problème avec lequel vous avez
vécu et que nous ne voulons plus vivre?
Tout cela pour dire que j'ai l'impression qu'on va travailler longtemps
alentour de
cette table, on va peut-être échanger, mais il va arriver
un certain moment où il va se prendre une décision, où le
jeu de la majorité - cela existe en système démocratique
et en système parlementaire -va jouer son rôle et nous allons, je
le crois, adopter la loi 58. Nous allons adopter la loi 58 et nous allons
reconnaître ces jeunes, nous allons reconnaître ces parents, qui
sont aussi marginaux et qui se sentent un peu mal à l'aise, nous allons
les reconnaître comme des citoyens à part entière, des
citoyens comme tout le monde. On aura voté ce qu'on appelle l'amnistie;
si ce n'est pas l'amnistie des enfants, ce sera l'amnistie des parents. J'ose
souhaiter qu'après cela on oubliera et que tous les
Québécoises et tous les Québécois qui veulent bien
vivre dans cette société distincte qu'est le Québec, qui
veulent vivre heureux, auront le sentiment d'avoir posé un geste
controversé, mais d'avoir posé un geste pour le plus grand bien,
l'harmonie et la sérénité de ces personnes qui vivent ici,
dans ce coin de pays qui s'appelle le Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Je pense qu'on ne peut pas être membre de la
commission de l'éducation et traiter d'un problème aussi majeur,
aussi important - je pense que cela a été noté par tout le
monde puisque c'est un problème qui dure depuis assez longtemps - sans
penser qu'il est important et même nécessaire d'intervenir. Je
n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est sûrement pas parce que, dans
mon comté, je suis particulièrement touché par ces
questions-là, dans le comté d'Abitibi-Ouest, mais c'est parce
que, comme citoyen québécois, francophone, dans une
société à majorité francophone, je pense que toute
question qui a des incidences concrètes, directes sur la langue
mérite que nous y accordions quelques heures, surtout quand il s'agit
d'un problème dont j'ai effectivement entendu parler dans le cadre de
mes responsabilités comme ministre de l'Éducation pour une
certaine période.
On a dit que le problème était aigu, qu'il durait depuis
longtemps. J'ai été attentif aux propos du ministre de
l'Éducation lorsqu'il a souligné - je le cite au texte - qu'on a
eu l'apparence de gestes qui ont été posés par l'ancien
gouvernement pour tenter de régler le problème. C'est une nuance
fine, mais quand on a entendu le discours de la plupart des parlementaires
ministériels on n'avait même pas droit à cette nuance fine.
D'après eux, on n'avait posé aucun geste, on n'avait rien fait
pour essayer de régler le problème.
J'ai eu l'occasion, lors du débat en deuxième lecture, de
dire que régler un problème en disant: Voilà, on efface
l'ardoise; on donne la bénédiction à tout le monde, cela
ne prend pas nécessairement des analyses éternelles et des
circonvolutions autour du problème pendant des années, des mois
et des semaines, pour arriver à cette conclusion. C'est la conclusion la
plus facile, la plus inqualifiable, dans les circonstances parce que je veux
bien être sensible à des appels, comme le député de
Sauvé veut bien nous en faire, de poser des gestes courageux,
humanitaires, exceptionnels, extraordinaires, mais, là, ce n'est pas un
geste humanitaire, exceptionnel et extraordinaire qu'on nous demande de poser.
C'est de dire à un groupe de jeunes qui n'ont rien à faire
là-dedans -je le reconnais - mais qui ont des parents: Au Québec,
ce n'est pas grave, une loi du Parlement, si on pense que vous avez des motifs
historiques de la contourner, la défier. À un moment
donné, arriverait une équipe, peu importent les motifs, et on
sanctionnerait le tout en disant: Voilà, amnistie totale,
générale, sans aucune nuance. Il me semble que ce n'est pas ainsi
qu'on doit effectivement prendre des décisions d'ordre
législatif.
Des décisions d'ordre administratif qui auraient une telle
conséquence, je serais prêt à regarder cela. Je l'ai dit au
ministre de l'Éducation, et cela a été regardé. Je
suis toujours convaincu que l'équipe actuelle serait en mesure
d'envisager un règlement de cette situation sur une base administrative
plutôt que législative pour des raisons bien factuelles. Qu'est-ce
que vous voulez? Est-ce que le problème a la même envergure qu'il
y a quelques années? Réponse: Non. C'est clair, ce sont des
chiffres, ce sont des statistiques. Nous ne sommes pas, avec ce
problème-là, dans une période de pointe. Je ne dis pas
qu'il n'existe plus. Je dis que la période la plus importante où
il y avait le plus grand nombre de jeunes qui, sans y avoir droit en vertu des
lois qui sont nôtres, adhéraient à une formation scolaire
en anglais plutôt qu'en français, c'était il y a quelques
années. On le voit dans le rapport, c'est clair comme de l'eau de roche.
C'est un problème qui était plus en "phasing out", si vous me
permettez l'expression, qu'en "phasing in". Il ne commençait pas. Donc,
il n'a pas la même acuité. Il n'a pas la même envergure.
À ma connaissance, quand un problème n'a pas exactement la
même envergure, la même acuité, il ne faut pas que la
solution soit disproportionnée. Il ne faut pas que la solution soit
exagérée.
Le ministre de l'Éducation, en deuxième lecture, nous a
fait un long historique de cette problématique et il avait raison dans
son historique. Il a raison parce qu'il a touché à peu
près l'ensemble des points, sauf que tout le monde va convenir que,
quand un
parlementaire ou un intéressé par une question fait un
historique, il met l'insistance sur les éléments qui vont dans le
sens de la solution qu'il préconise. II met l'emphase sur les
éléments vers lesquels il veut que la solution s'oriente.
Je voudrais, parce que je pense que c'est important et il n'y en a pas
beaucoup qui l'ont fait, me permettre un petit historique des
événements qui vont peut-être permettre aux parlementaires
de constater que, oui, ce problème nous a préoccupés, oui,
ce problème, comme ministre de l'Éducation et comme gouvernement,
nous a préoccupés, pour essayer de tenter de trouver des
solutions administratives qui n'avaient pas ce geste odieux de renoncer
à la valeur et à la force d'un Parlement qui doit adopter des
lois pour qu'elles soient respectées et non pas pour que les lois soient
défiées et pour que, quelques années après, on
dise: On va passer l'éponge, on va effacer l'ardoise, comme se
plaît à dire le ministre de l'Éducation.
Il faut se rappeler, que c'est à la suite de la promulgation de
la Charte de la langue française que des organismes dont, en
particulier, la Provincial Association of Catholic Teachers, qu'on appelle
PACT, ont non seulement - écoutez bien cela - invité les parents
à défier la loi - je ne parle pas des jeunes, je parle des
parents - mais ont même mis en place - ce n'était pas assez pour
eux d'inviter des parents à défier la loi des mécanismes
qui permettaient de dispenser illégalement l'enseignement en anglais
à des enfants qui n'y avaient pas droit.
Des enseignants, des principaux d'école auraient offert leur
concours à cette initiative. On est au courant de cela. On a
estimé d'abord à environ 2000 le nombre d'enfants qui auraient
ainsi bénéficié de cet enseignement illégal. En
janvier 1981, le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en
anglais a communiqué avec les parents des enfants déclarés
non admissibles mais inscrits dans aucune école du Québec
à ce moment. Dans sa lettre, le Bureau d'admissibilité à
l'enseignement en anglais invitait les parents à faire connaître
au ministère de l'Éducation quelle école
fréquentaient les enfants concernés tout en les mettant en garde
contre les conséquences fâcheuses que la fréquentation
illégale d'une classe anglaise pouvaient avoir pour leur enfant.
En septembre 1981, Me François Aquin recevait du ministre de
l'Éducation le mandat de faire la lumière sur ce problème.
On ne s'est jamais occupé de cela. On n'a jamais regardé cela. Ce
problème ne nous intéressait pas. On a été des
irresponsables. J'ai entendu cela. Vous n'avez rien fait pour régler ce
problème pendant neuf ans. Vous avez laissé pourrir une
situation. C'est drôle, pour des gens qui laissent pourrir une situation,
que le ministre engage Me François Aquin avec le mandat de faire la
lumière sur ce problème et de proposer des mesures pour redresser
la situation.
Son rapport fut déposé en novembre de la même
année. Écoutez bien cela, à la suite du rapport, le
ministère a prévu un budget de 3 500 000 $, des chiffres
prouvés. On dégage 3 500 000 $ dans le but d'en appliquer les
mesures, même si celles-ci n'ont pas suscité
l'intérêt escompté, parce que ce sont toujours des mesures
administratives. Nous pensions que, légalement, cela ne se pouvait pas
qu'un Parlement, par loi, dise: Bien, nous avons déjà
adopté une loi et vous ne l'avez pas respectée. Ce n'est pas
grave. On va en faire une autre et on va dire: Bénédiction pour
tout le monde, puis allez, croissez et multipliez-vous.
Nous n'étions pas d'accord là-dessus. On a dit: On va
regarder les possibilités administratives de régler l'affaire.
300 000 $ du montant de 3 500 000 $ du budget ont vraiment été
dépensés. Écoutez bien ce qui arrive. Une partie de ce
montant a servi à appliquer lesdites mesures à quelque 200
élèves clandestins qui avaient intégré le secteur
français à peine quelques mois avant le dépôt du
rapport Aquin. On n'a rien fait, mais on en a réglé au moins 250.
La liste n'est pas grosse. Je m'en fous.
Au niveau du principe, pour quelqu'un qui n'a rien fait, on n'aurait pas
eu ces conséquences si on n'avait rien fait, comme vous l'avez dit, et
si on avait laissé pourrir la situation. Puis, le ministre de
l'Éducation opinait du bonnet à l'envers quand mon
collègue citait cet exemple en disant: Non, non, ce n'est pas vrai.
Opiner du bonnet à l'envers, c'est dans le sens contraire. Il disait
non. Il disait que ce n'était pas vrai qu'on en avait
réglé un certain nombre quand mon collègue a donné
cet exemple. Alors, je vous dis que 250 élèves clandestins ont
intégré le secteur français à la suite du rapport
Aquin.
D'autre part, toutes les réactions officielles qui ont suivi le
dépôt de ce rapport, tant la requête présentée
au ministre par la commission éducative et culturelle du congrès
national des Italo-Canadiens, région de Québec que celle des
représentants de la Provincial Association of Catholic Teachers et
Alliance Québec, demandaient le pardon global et total pour les
élèves clandestins en leur permettant de terminer leurs
études primaires et secondaires en anglais.
Plus récemment, à l'occasion de la commission
parlementaire sur la Charte de la langue française tenue à
l'automne 1983, plusieurs groupes ont réitéré cette
demande. Les amendements apportés à la loi 101 par la loi 57 en
décembre 1983 ont permis de régler le cas de quelques-uns des
élèves
illégaux, mais ont laissé la grande majorité
d'entre eux déçus. Enfin, le jugement de la Cour suprême
confirmant le jugement du juge Deschênes quant è la
préséance de la Charte canadienne des droits et libertés
sur le chapitre 8 de la Charte de la langue française, la
décision du gouvernement québécois de respecter la
décision de la Cour suprême permit de résoudre quelques
autres dizaines de cas. C'est toujours quelqu'un qui a été membre
d'un gouvernement qui n'a rien fait qui vous raconte qu'à tout bout de
champ on en a réglé en cours de route. (16 h 30)
Des déclarations de la PACT nous permettent d'estimer qu'il y
avait environ 1200 élèves illégaux clandestins en
septembre 1984. Ah! Remarquez bien que c'est le même organisme qui
prétendait qu'il y en avait de 1500 à 1600 quelques années
au préalable, en 1984. Pas moi, pas François Gendron membre du
gouvernement, pas le gouvernement du Parti québécois. La PACT
prétendait en 1984 qu'il y en avait 1200. Supposons, faisons
l'hypothèse que c'est exact qu'il y en avait 1200. Moi, je ne sais pas
tellement compter, mais s'il y en avait 1500 et qu'il en reste 1200, cela veut
dire qu'il y a eu 300 cas de réglés. Remarquez, on n'a rien fait
là-dessus. Nous autres, on a laissé pourrir le problème.
Cela ne nous intéressait pas de régler quoi que ce soit. Mais on
en a réglé 300.
Plusieurs demandes, par la suite, de pardon global furent
présentées au ministre de l'Éducation, dont la
dernière par les dirigeants de la Commission des écoles
catholiques de Montréal, la CECM, lors d'une rencontre avec M. le
ministre Bérubé en 1984. Le ministre rejeta la demande de pardon
global parce que c'était cela, la demande de la CECM, l'amnistie. Nous,
on a dit non. Voici ce qu'on a mis sur la table pour quelqu'un qui n'a jamais
rien fait là-dedans et qui n'a jamais essayé de régler le
problème. Premier volet de la solution: le ministre de
l'Éducation remettrait aux élèves illégaux
clandestins ayant terminé leurs études secondaires
illégalement une reconnaissance d'équivalence d'études
secondaires s'ils réussissaient les tests d'équivalence
prévus à cette fin.
Cette procédure permettait la réinsertion scolaire sans
reconnaissance d'un système linguistique et, donc, sans droits acquis
pour les frères et soeurs. Là, je veux juste faire une
parenthèse sur le diplôme. D'après le ministre de
l'Éducation, dans son exposé de ce matin, on aurait dit que le
diplôme, cela n'a rien à voir, qu'on n'a pas besoin de cela dans
la vie et que ce n'est-pas grave de ne pas en avoir. Moi, je n'ai jamais
entendu, et j'étais attentif aux propos de ma collègue... Ce
n'est pas ce qu'on a dit. On a dit: C'est se leurrer que de penser que moi, si
je veux être pompier à la ville de Montréal et que cela
prend un diplôme de secondaire V, si je suis un "illégal" et qu'on
ne me donne pas l'amnistie, je suis barré pour la vie. C'est
là-dessus qu'on a dit -excusez l'expression - que c'est faux, que c'est
de la foutaise. J'allais dire autre chose.
C'est de la foutaise parce qu'en 1985-1986, à peu près
n'importe qui peut facilement obtenir un diplôme d'équivalence des
commissions scolaires par le service d'éducation des adultes.
Écoutez, je pourrais donner l'exemple de mon frère. Il n'a jamais
fait de secondaire IV ni de secondaire V pour toutes sortes de raisons que ce
n'est pas le moment d'exposer ici, mais quelques années après,
pour les raisons mentionnées par le ministre de l'Éducation,
postulant un emploi où on requérait le dépôt dans sa
demande d'un diplôme d'études secondaires V, compte tenu qu'il
avait quand même continué à s'intéresser à
différentes choses au niveau des lectures et de ses connaissances
personnelles, il a passé des tests d'équivalence et il a obtenu
un diplôme de secondaire V. Là, il a dans ses dossiers un
diplôme de secondaire V qui lui permet de postuler pour être
pompier pour la ville de Montréal, si cela prend cela, ou autre chose.
Écoutez, c'est sûr qu'on a à peu près uniquement le
centième des connaissances du ministre de l'Éducation, mais on
n'est pas venu au monde hier. On a des informations. Ce que je raconte, ce
n'est pas de la théorie. Ce sont des faits.
Nous faire tout un discours, tout un plat pour essayer de nous faire
croire que ces enfants, on les confine à tout jamais dans une
espèce de canne hermétique qui ne leur permettra d'avoir
accès à aucun emploi ou plan de carrière à
l'avenir, c'est fausser les faits. Je continue mon historique.
Deuxième volet. On a dit: Le ministre de l'Éducation
permettrait à la CECM de mettre sur pied des écoles
françaises avec un régime particulier d'accueil en faisant en
sorte que l'intégration linguistique des élèves soit
étalée sur plusieurs années. Je pense que c'était
une solution qui avait de l'allure, le fait d'essayer d'étaler dans les
classes d'accueil une espèce de sanction de retour aux études
françaises pour permettre à ces jeunes d'avoir un statut
régulier. Ce deuxième volet est également légal.
C'est ce qu'il y a de pire. Ce deuxième volet dont je parle est
légal en vertu de l'article 15 - que le ministre de l'Éducation
connaît sans doute du règlement concernant le régime
pédagogique du primaire et de l'éducation préscolaire et
de l'article 16 du règlement concernant le régime
pédagogique du secondaire qui prévoit - on va lire l'article -que
pour les élèves, écoutez bien cela, non admissibles
à une classe d'accueil qui sont inscrits à l'enseignement en
français pour une première fois et qui de l'avis de leurs parents
ne possèdent pas une connaissance usuelle du français, des
mesures particulières
de soutien linguistique en . français sont organisées
selon les modalités déterminées par le ministre. C'est
dans les règlements 15 et 16. C'est dans les écoles où
toutes les activités, tant de nature pédagogique
qu'administrative, se déroulent en français.
Les articles 79 et 51 de ces mêmes règlements accordent un
pouvoir de dérogation lorsque l'application de l'un ou de plusieurs
articles peut causer préjudice à un enfant.
Il est donc possible au ministre de l'Éducation, s'il le voulait
bien, s'il n'y avait pas une quelconque dette à payer, s'il n'y avait
pas ce que j'appelle une solution facile que tout le monde a vue, tout le monde
a vu cela, l'amnistie... Nous, ce n'est pas parce qu'on ne s'est pas
occupé du problème, on était contre l'amnistie, c'est
clair. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu régler le problème,
mais cette solution qu'on nous présente aujourd'hui, on l'a
regardée sous toutes ses facettes et, pour nous, cela ne paraissait pas
une solution défendable. Ce n'est pas qu'on ne l'a pas identifiée
et qu'on n'a pas été assez "wise" ou brillant pour la trouver.
Nous aussi on avait trouvé l'amnistie, cela nous a été
demandé par tout le monde. Mais on a dit: Cela n'a pas d'allure. Donc,
il est possible au ministre de l'Éducation, s'il le veut bien, de
permettre à une commission scolaire de mettre sur pied une ou plusieurs
écoles françaises qui auraient comme mandat de régler le
cas de ces élèves clandestins.
Écoutez bien la conclusion de mon historique. Ce que je lis,
c'est un document du directeur du Bureau d'admissibilité à
l'enseignement en anglais de la direction régionale de Montréal.
Regardez la conclusion: Précisons, en conclusion, que cette
contreproposition que je viens d'énoncer rapidement faite verbalement
à la Commission des écoles catholiques de Montréal est
demeurée lettre morte. M. le député de Sauvé, elle
est demeurée lettre morte, cette solution préconisée
à la CECM.
M. Parent (Sauvé): ...en quelle année?
M. Gendron: Cela ne sera pas long, je vais juste finir mon
intervention.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le
député de Sauvé, la parole est au député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, j'aurai l'occasion d'y répondre. 1985.
Cela vous a intéressé, la CECM.
Le Président (M. Bissonnet}: S'il vous plaît,
messieurs, il n'y a pas de débat.
M. Gendron: La conclusion, c'est que cette lettre est
demeurée lettre morte puisque - c'est ça qui est important - M.
le ministre de l'Éducation, l'objectif premier du secteur anglophone de
la CECM, c'est d'abord de pouvoir augmenter le nombre d'élèves
fréquentant son secteur et pas nécessairement de résoudre
le problème des enfants dits "illégaux". Cela, c'est la dure et
froide réalité de nos collaborateurs éducatifs. C'est pour
cela que j'ai dit au ministre de l'Éducation que, compte tenu des
adhésions normales des individus, de certaines communautés qui
adhèrent davantage à la philosophie du Parti libéral -
c'est leur affaire, c'est leur droit le plus strict, je n'ai pas è
contester cela - cela donne de la crédibilité au ministre actuel,
au gouvernement actuel s'il se donnait la peine de regarder, de tenter une
solution à caractère administratif plutôt que
légaliste, surtout une législation odieuse comme cela n'est pas
possible par une loi demandée au même Parlement qui a
adopté une loi pour dire: Tu vas en faire une autre pour dire que
l'autre loi qu'on a déviée, qu'on a contournée, ce n'est
pas grave, ce n'était pas la bonne. La preuve, on vous donne
l'amnistie.
M. le Président, c'est pourquoi nous avons laissé voir
pendant de longues minutes en deuxième lecture qu'on ne pouvait pas du
revers de la main, même si on est sympathique à des appels pour
poser un geste courageux, humanitaire parce que ces pauvres jeunes, ce n'est
pas leur faute et vous avez raison... Nous, on pense que cela ne serait pas un
geste courageux, humanitaire d'abdiquer nos responsabilités de
parlementaires. Cela n'a pas de bon sens. Le ministre de l'Éducation lit
à peu près tous les papiers qui lui arrivent. Je vous l'ai dit,
c'est un bénédictin avant d'être un politicien. Dans ce
sens-là, il en a eu des hypothèses de règlement, mais il
ne veut pas les regarder. Il l'a dit dans un article que j'ai cité en
deuxième lecture, il a trouvé la solution. Il n'a pas
trouvé une solution, il a trouvé la solution. Je ne
répéterai pas certaines choses que j'ai dites en deuxième
lecture, ce serait trop long puisqu'il ne me reste que deux minutes.
Le Président (M. Bissonnet): II vous reste encore une
minute.
M. Gendron: Une minute. Je vous dis, M. le Président, que
la CEQ, l'Alliance des professeurs de Montréal ont fait des suggestions.
Ce n'est pas le ciel sur terre. Je ne dis pas que ces solutions doivent
"être prises intégralement, mais au moins, M. le Président
- je conclus là-dessus - elles ont le mérite de respecter la
société québécoise, elles ont le mérite
d'offrir un règlement humain et pragmatique et elles ont le
mérite également d'au moins avoir un parti pris en faveur de la
francisation du Québec. Nous, c'est un objectif qu'on poursuit et qu'on
va
continuer à poursuivre. Merci.
Le Président (M. Bissonnet: M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Est-ce que le député d'Abitibi-Ouest
accepterait que je lui posasse une question?
Le Président (M. Bissonnet): M. le député
d'Abitibi-Ouest, est-ce que vous acceptez que le ministre vous pose une
question?
M. Gendron: Pourquoi pas?
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, je tiens
à vous informer que la question doit être brève et que la
réponse doit être brève également. M. le
ministre.
M. Ryan: II y a deux catégories d'élèves
illégaux. Il y a les clandestins et ceux qui étaient
déclarés au ministère de l'Éducation par les
commissions scolaires protestantes. Le gouvernement du temps, le
député d'Abitibi-Ouest en faisait partie, était au courant
du nombre d'élèves illégaux dans les commissions scolaires
protestantes et même de leurs noms. Qu'est-ce qu'il a fait pour mettre
fin à ce problème? II n'avait pas les mêmes
difficultés que du côté anglo-catholique. Qu'est-ce qu'il a
fait? Pourriez-vous nous dire les mesures que vous avez prises pour mettre fin
au problème de ce côté?
M. Gendron: Oui, mais très rapidement. Les mesures qu'on a
prises, je les ai exposées, je pense...
M. Ryan; Je sais que cela va être bref.
M. Gendron: Oui, cela va être bref. Les mesures qu'on a
prises, M. le ministre de l'Éducation, ce sont celles que j'ai
exposées dans l'historique. On a rencontré ces intervenants
à quelques reprises et on s'est dit: Si on n'offre pas une solution qui
va régler - là vous avez dit que pour une certaine
catégorie c'était plus facile et vous avez raison - globalement
mais administrativement...
M. Ryan: ...
M. Gendron: ...avec la collaboration tout autant de la CECM que
du secteur anglophone de la Protestant School Board of Greater Montreal
(PSBGM)... On avait une approche uniquement avec le bout le plus facile... Vous
avez raison, il y avait un groupe où cela aurait été plus
facile: on aurait pu imposer par des mécanismes de règles
budgétaires des contraintes plus fortes qui auraient permis de resserrer
l'échappatoire. Mais on s'est dit, et je termine: Si on ne peut pas
avoir la collaboration de l'ensemble des intervenants en autorité dans
ce problème, une année ou deux après qu'on aura
fermé un peu la valve, elle va se rouvrir. On ne voulait pas, deux ans
après, avoir le même problème dans la figure. C'est ce
qu'on a fait.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
les membres de cette commission de m'avoir permis de remplacer le
député de Richelieu à titre d'exception. Les quelques
remarques que je vais faire cet après-midi peuvent être
divisées en deux catégories. Les premières remarques
toucheraient à certains propos qui ont été tenus par le
chef de l'Opposition ce matin. Les commentaires que je ferai ne sont pas
basés sur des études universitaires mais plutôt sur des
études et des constatations de l'université de la rue, dont le
quartier de Saint-Michel que le député de Verchères
connaît très bien. Je vais tenter d'expliquer certaines choses
afin qu'on puisse dans un sens essayer de comprendre réellement ce qui
s'est produit avec cette question des "illégaux".
Pour revenir aux propos du député d'Anjou et à son
exposé sur les Italiens qui sont arrivés ici au pays et sur leur
choix dans le domaine linguistique, je suis complètement d'accord avec
lui lorsqu'il dit que les Italiens qui sont arrivés ici au pays avant
1950 ont été majoritairement accueillis et ont choisi
eux-mêmes d'aller à l'école française.
Il s'est produit quelque chose vers les années cinquante que
peut-être les membres de cette commission ne connaissent pas. À la
CECM, à Montréal, il y avait un problème de places dans
les écoles françaises. Il y en a qui prétendent que ces
Italiens ont été refusés pour d'autres raisons que je ne
veux pas mentionner. Je crois que les Québécois sont des
personnes très respectueuses. Je crois que la raison pour laquelle ces
gens ont été refusés...
Je vais citer mon propre cas, M. le député de
Verchères. Je suis arrivé ici au pays en 1952. Mes parents
avaient une petite demeure sur la le Avenue à Saint-Michel, tout
près de l'école Saint-Mathieu qui est située au coin de la
2e Avenue et de Jean-Talon. Quand je suis arrivé au pays, je ne parlais
ni le français ni l'anglais. Je me rappelle que mon père et moi,
deux jours après mon arrivée, le 14 octobre 1952, on est
allé à l'école du coin, l'école Saint-Mathieu. Il y
a eu un dialogue entre lui et le directeur de l'école. Je présume
que
c'était le directeur de l'école. Vous savez, un petit
enfant, quand il arrive quelque part, il ne connaît pas tous les titres.
Quelques minutes plus tard, mon père me dit en italien: II n'y a pas de
place ici pour toi. Comme je vous le dis, je ne veux pas invoquer les raisons,
mais je veux seulement dire que j'aime mieux prétendre que la raison
pour laquelle on m'a dit non à ce moment-là, c'est qu'il n'y
avait pas vraiment de place physique dans cette école. (16 h 45)
De là, on s'est rendu à l'école
Saint-Philippe-Benizi et à l'école
Notre-Dame-de-la-Défense, et ce qui m'a étonné un peu dans
ces écoles Saint-Philippe-Benizi et Notre-Dame-de-la-Défense,
c'est le fait qu'il y avait des enfants dans les corridors et dans la salle qui
recevaient un enseignement. Il semblait y avoir beaucoup d'élèves
dans une bâtisse de cette grandeur. À la suite de mes
études élémentaires à l'école
Saint-Philippe-Benizi, je me souviens très bien d'avoir fait une demande
pour fréquenter l'école Philippe-Aubert-de-Gaspé,
près de Jean-Talon encore et Saint-Laurent. Je ne veux pas non plus
évoquer les raisons pour lesquelles on m'a refusé, mais je n'ai
pas pu fréquenter l'école Philippe-Aubert-de-Gaspé. C'est
là que je me suis ramassé à l'école Cardinal Newman
et ensuite le St. Joseph's Teachers College et j'ai commencé à
enseigner par la suite. J'ai obtenu un baccalauréat ès arts de
Loyola, qui est maintenant Concordia, ceci à temps partiel, et, à
la suite du baccalauréat ès arts, j'ai eu un baccalauréat
en éducation de l'Université de Montréal. Ensuite, encore
à temps partiel, j'ai entrepris des études de maîtrise en
administration à l'Université de New York, qui était la
seule université qui donnait une maîtrise en administration,
"Master in Science and Education Specialization and Supervision of
Instruction", qui n'existait aucunement ici au Québec.
On pourrait dire que le député de Viau est allé
à l'Université de New York parce qu'il avait l'intention de s'en
aller aux Etats-Unis; ce n'était pas le cas, parce que le
député d'Anjou prétend que la majorité des
italophones se sont intégrés à l'école anglaise,
parce qu'ils voyaient nos voisins du Sud, les Américains. Je peux vous
dire que je n'ai pas d'étude concrète sur cela, ce sont des
constatations personnelles.
En ce qui regarde 1977, ce n'est pas une cachette, j'ai
été directeur, à partir de 1971, d'une école
anglophone de la CECM et, même si c'est une question d'immunité
parlementaire ici: Oui, j'avais des "illégaux" dans mon école. Je
tes avais, mais j'aimerais préciser quelque chose. Si on se le rappelle,
pour ceux qui sont familiers avec l'éducation, l'inscription se fait au
printemps et non à l'automne, et nous avions à ce
moment-là déjà admis à l'école des enfants
qui satisfaisaient aux critères des lois qui existaient au printemps, et
le député de Gouin, mon voisin, l'a constaté l'autre jour
dans son discours.
Alors, on avait d'un côté des gens qui avaient
été admis et, de l'autre côté, la loi qui disait:
Vous n'avez plus le droit. Je demande à n'importe qui autour de cette
table ce qu'il aurait fait dans une situation semblable. Des directeurs
d'école ont dit: On les a admis, on les garde, et le ministre du temps
qui était responsable de la loi 101, le Dr Laurin, était
très au courant.
Alors, c'est le petit nombre que l'on mentionnait tout à l'heure
des années 1977-1978. Qui étaient les autres élèves
illégaux dans les écoles? Vous savez fort bien que la loi permet
- dans le temps, elle le permettait et elle le permet encore - à ceux
qui ont reçu leur éducation en dehors du Québec en anglais
et qui sont arrivés ici avant 1977 d'être à l'école
anglaise. Il faut avoir vécu l'expérience pour voir quelle a
été la difficulté de certaines de ces gens pour obtenir un
certificat d'un pays qu'ils ont laissé depuis longtemps qui
démontrait qu'ils avaient fait des études à l'école
anglaise dans ce pays. Ils étaient admissibles. Je peux parler au nom de
tous les directeurs d'écoles anglaises que je connais à
Montréal et je dis que, dans l'esprit de tous ces gens, ils ont
accepté des enfants en anticipation de documents qui devaient arriver
pour ne pas faire rater l'année scolaire ou une partie de l'année
à ces enfants.
Il s'ajoute un autre élément, celui de la confusion qui a
été causée par la commission d'appel en ce qui concerne
son interprétation de la majorité. Vous savez, la loi 101, on
disait que c'était la fréquentation totale de l'école
anglaise. Alors, il se révélait des situations où un
parent avait fréquenté l'école anglaise pendant un mois
parce qu'il était arrivé ici à un certain moment de
l'année, au mois de mai... II a commencé à l'école
élémentaire - c'était la septième année de
l'époque - il a fait un mois en septième année, puis il a
abandonné ses études et est allé travailler, ainsi de
suite... Dans ce cas comme dans certains autres cas, la commission d'appel a
dit: Oui, selon la loi, cette personne a fait la totalité de ses
études au Québec.
Il y avait d'autres personnes qui étaient arrivées ici
à l'âge de 6 ou 7 ans, qui ont fréquenté une
école anglaise pendant cinq ans et, pourtant, ils ne se trouvaient pas
dans la même situation. C'est que, parmi ceux-là, il y en avait eu
quelques-uns qui, pendant une année, avaient fréquenté
l'école Saint-Philippe-Benezi. Justement l'école
Saint-Philippe-Benezi. C'était la confusion totale au début de
l'application de la loi.
C'est un peu la situation. Si vous regardez les chiffres, c'est vrai
qu'on peut
faire dire toutes sortes de choses à des chiffres selon la
façon dont on les regarde, mais je vous soumets une expérience
vécue. Ce sont les personnes dites illégales. Dans le cas de la
grande majorité de ces personnes illégales, les directeurs
d'école étaient convaincus qu'à la suite d'un appel devant
la commission, ces enfants auraient été admis à
l'école anglaise. C'est la grande majorité. Je ne dis pas qu'il
n'y en a pas qui se soient faufilés dans le système.
Il y a aussi les cas humanitaires. Je pourrais en citer plusieurs, mais
je vais n'en citer qu'un. C'est le cas d'une jeune fille de 14 ans qui
était déménagée, à la suite du divorce de
ses parents, ici, à Montréal. Cette dame, une anglophone de
l'Ontario, s'était conformée à la loi 101 et a
envoyé son enfant à l'école française. À la
suite d'une difficulté d'adaptation, l'enfant a décidé de
ne plus fréquenter l'école et de demeurer à la maison.
Malheureusement, l'homme qui s'était, comme on dit chez nous, à
Saint-Michel, "accoté" avec sa mère l'a violée un jour. Il
l'a violée, elle. Tous les responsables dans ce cas ont
suggéré qu'il fallait sortir cette enfant de la maison,
c'est-à-dire de s'assurer que, le jour, elle se trouve dans une
école. À cause de cette situation, on suggérait de
l'envoyer à l'école anglaise. Il y a même eu des appels
faits à des membres de la commission d'appel. Un des membres s'est rendu
lui-même sur les lieux et il était tout à fait d'accord
pour que cette personne fréquente l'école anglaise.
C'était une raison humanitaire. Mais la commission d'appel ne pouvait
pas se prononcer pour des raisons humanitaires. C'est cela, des
"illégaux". Je demanderais à la députée de
Chicoutimi si, en tant que directrice d'une telle école, elle aurait
accepté cette enfant dans son école. C'est cela, la question des
"illégaux". C'est pour cela qu'on invoque une question humanitaire.
On peut les accuser d'avoir été complices mais, en ce qui
me concerne, le gouvernement est aussi complice. Le gouvernement du temps a
été autant dans l'illégalité en faisant durer le
problème comme il l'a fait durer. On se pète les bretelles en
parlant du rapport Aquin; le rapport Aquin a été fait en 1981, si
je me rappelle bien, cela faisait déjà quatre ans que la
situation était connue. Pour des gens qui disent vouloir réagir
vite aux situations, quatre ans, ce n'est pas si vite.
C'est un peu le portrait de la situation que je voulais tracer ici.
C'est le problème, le vrai problème. Le gouvernement, pour sa
part, est aussi coupable que tous ceux que l'on veut impliquer. Les enfants
eux-mêmes, je le dis, je le prétends, n'ont rien fait de mal.
C'est vrai que c'est un problème qui est grave, qui est complexe, mais
il n'y a pas de solution facile à accepter. Il n'y a pas une solution
qui est la meilleure solution.
On ne met aucunement en doute la loi 101.
Puisqu'on a parlé, de l'autre côté de la Chambre, de
complicité, on a pris des mesures, qui n'existaient pas dans la loi 101
- c'est peut-être ce qui manquait à la loi 101 afin de l'appliquer
dans le temps - c'est la question des sanctions. Je vais aller un peu plus loin
sur la question des sanctions et encore sur un fait personnel. Je peux vous
dire, en tant que directeur de l'école Amos, qu'en aucun moment je n'ai
reçu quoi que ce soit - une lettre ou quelque chose - me demandant de
sortir ces enfants de l'école. Lorsqu'on parle de mesures
administratives, je peux vous dire que j'ai déjà
été réprimandé comme directeur d'école; on a
même été aussi loin que vouloir me suspendre parce que
j'avais refusé de fournir une liste d'élèves légaux
qui étaient transportés à mon école.
Qu'on ne me dise pas de l'autre côté qu'il n'y a pas de
moyen de résoudre le problème. Si on peut, administrativement,
parce qu'un directeur d'école ne fournit pas un document à la
commission scolaire qui, par la suite, doit être remis ici, à
Québec, au ministère de l'Éducation en ce qui concerne les
enfants transportés... Qu'on ne me dise pas qu'on n'aurait pas pu faire
la même chose du côté administratif en réprimandant
ces directeurs d'école, en allant jusqu'à la suspension tel que
prévu dans l'entente collective.
On dit que vous n'avez rien fait. Vous aviez les moyens de le faire et
vous ne l'avez pas fait. Je trouve que la solution présentée
règle le problème et met fin, d'une façon légale,
au problème de la question spécifique des sanctions, même
si on a la garantie, cette garantie voulant qu'il n'y ait plus d'intention de
la part de la direction des écoles de continuer en ce sens, elle se voit
puisque depuis 1981-1982 ils ont refusé d'accepter un enfant autre qu'un
frère ou une soeur. Comme je l'ai dit en Chambre, je pense que le
ministre a eu du courage car il n'est pas facile de parler de question
linguistique. Mais quelque 1500 élèves, cela va changer quoi, M.
le Président? Merci.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Je voudrais commencer mon intervention un peu de
la même façon que le député de Viau, en partant du
quartier de la ville de Saint-Michel où, moi aussi, j'ai vécu une
bonne partie de mon adolescence, en fait, toute mon adolescence, et où
mon père travaille encore, d'ailleurs. Mon père était et
est toujours concierge d'une école - Marie-Rivier - que le
député de Viau connaît très bien et qui
était, il y a plusieurs années, l'endroit où
se célébraient les messes de la communauté
catholique italienne Notre-Dame-de-Pompéi avant que l'église soit
construite. À cette école, jusqu'à il y a quelques
années, il y avait un logement pour le concierge et nous, la famille,
habitions ce logement. (17 heures)
Souvent, on allait à la messe dans la salle de l'école
plutôt que d'aller à la messe à l'extérieur quand il
pleuvait. À certains moments, je me rappelle très bien que mon
père et ma mère, voyant des Italiens rire pendant le sermon,
m'avaient expliqué après que le curé venait de dire en
chaire: Vous savez, les Canadiens français, c'est du "ben" bon monde:
les femmes sont bonnes à marier, font bien l'amour, mais, pour les
affaires et pour le reste, c'est en anglais que cela se passe. Cela faisait
rire bien du monde dans la communauté italienne, mais c'était
l'élite qui parlait.
Si on a parlé de l'importance de la famille, entre autres dans la
communauté italienne, il faudrait peut-être aussi parler de
l'importance de l'église dans la communauté italienne et du
rôle que plusieurs pasteurs de la communauté italienne ont
joué dans la façon dont la communauté italienne a toujours
considéré, depuis un certain nombre d'années, son
intérêt plus vis-à-vis de la communauté anglophone
et de la langue anglaise que de faire ce que leurs prédécesseurs
avaient fait au début du siècle, c'est-à-dire de
s'intégrer aux Canadiens français, les Québécois
francophones. C'était cela un petit peu, M. le Président, le
contexte d'il y a quelques années. Si le député de Viau a
vécu une expérience qui lui laisse des doutes, je peux vous dire
que, moi aussi, j'ai vécu des expériences qui me laissent des
doutes quant à la façon dont les choses se
déroulaient.
M. Cusano: ...expérience dans la même
école.
M. Charbonneau: Dans la même église. C'était
probablement un des mêmes sermons.
M. Cusano: Peut-être, oui.
M. Charbonneau: Je remercie le député de Viau de
confirmer, M. le Président, ce que je viens de dire.
M. Cusano: Mais on ne fait pas nécessairement la
même chose.
M. Charbonneau: Mais je pense qu'on s'entend au moins sur le
sermon.
M. Jolivet: Chacun fait ses sermons.
M. Charbonneau: C'est cela. M. le Président, dans le fond,
il y a un certain nombre de questions qui reviennent continuellement dans ce
débat et dans cette discussion, en particulier le fait qu'il y ait des
victimes et qu'il y ait une urgence à régler un problème.
Je ne pensais pas ce matin entendre une réponse aussi éclatante
pour appuyer notre thèse que celle du ministre de l'Éducation
lui-même qui nous a expliqué qu'une majorité des gens qui
ont été ou sont "illégaux" ont maintenant quitté le
réseau scolaire québécois. Ils sont sortis. Ils ont
été "illégaux" ou le sont encore parce qu'ils n'ont pas eu
de diplôme, mais ils sont dans la vie active, ils vivent probablement les
mêmes problèmes que les autres citoyens qui ont eu des
diplômes, c'est-à-dire que certains travaillent, certains ne
travaillent pas.
Tantôt, on nous a parlé de chiffres intéressants qui
montrent, finalement, que, non seulement il n'y a pas d'urgence actuellement,
mais qu'il n'y a pas vraiment de victimes non plus et qu'on a fait beaucoup de
pathos sur l'humanité des cas. Je crois que, quand on parle des
problèmes humains, on ne peut jamais trancher au scalpel et au couteau,
et encore moins à la grosse hache. On trouve toujours des situations
particulières où il faut, à un moment donné, tenir
compte de différents facteurs pour se prononcer. Dans l'ensemble, la
majorité des personnes qui se sont retrouvées dans des situations
d'illégalité ne sont pas des victimes. Ce sont des enfants de
gens qui ont fait un choix délibéré, clair.
Le ministre nous a indiqué ce matin que, finalement, les pauvres
immigrants, c'étaient des gens qui ne comprenaient pas trop la
réalité québécoise et canadienne, et qu'il ne faut
pas trop leur en vouloir. Je pense qu'une bonne partie de ces gens-là
savaient très bien ce qu'ils faisaient, connaissaient suffisamment la
réalité québécoise et canadienne, avaient
vécu, avec assez d'acuité et d'émotion,
Saint-Léonard, la loi 63, les batailles dans les rues que, mot, j'ai
vécues comme étudiant. Des coups de bâton, j'en ai
mangés pendant les manifestations. Ces gens-là ne pouvaient pas
ignorer, en 1977, la réalité québécoise et
canadienne; ce n'est pas vrai. Il y avait trop d'événements qui
s'étaient déroulés au Québec pour que ces
gens-là ignorent ce qui se vivait ici. Les revendications des
Québécois francophones, des Canadiens français pour
être clair, ils ne pouvaient pas ignorer cela. Je ne crois pas qu'on
puisse invoquer aujourd'hui cette ignorance pour justifier le comportement de
gens qui ont choisi délibérément de s'en aller vers la
langue anglaise.
Je crois, M, le Président, que c'est là un des
problèmes majeurs. C'est qu'on nous présente un projet de loi en
disant: Écoutez, il y a des victimes, ce sont des enfants. Bien
sûr que cela va soulever la passion et l'émotivité, mais
quand on fouille on se rend
compte que les victimes véritables, il n'y en a pas tellement et
que les gens, dans le fond, les quelques milliers - ils sont plus nombreux
maintenant, ceux qui ont quitté, que ceux qui restent encore - ne
semblent pas avoir de problèmes particuliers pour faire leur vie.
Mais ce qu'on a décidé, c'est qu'il fallait trouver une
justification. Donc, on a parlé de victimes et on en parle beaucoup. Et
on a décidé d'amnistier les gens sans condition, des
"illégaux", les jeunes, des enfants, des élèves et aussi
leurs parents et surtout les gens qui, dans le système scolaire, ont
été complices, les élites de certaines communautés
culturelles, ethniques aussi, qui ont participé à ce
système qui était un système bien organisé.
L'omerta, le député de Viau connaît cela un petit peu, cela
ne s'applique pas juste à la mafia, cette notion de la loi du silence
qui faisait que tout le monde savait ce qui se passait mais que personne ne
disait rien, personne ne dénonçait. Tout le monde faisait comme
s'il n'y avait rien, personne ne dénonçait.
Tout le monde faisait comme s'il n'y avait rien. Les directeurs
d'école, comme le député de Viau, se comportaient comme
s'il n'y avait rien qui se passait. Ils savaient très bien ce qui se
passait mais quand il fallait expliquer ce qui se passait ils n'étaient
pas au courant, ils ne savaient pas qui étaient les élèves
illégaux. Comme le député de Sauvé,
président de la CECM, qui nous disait tantôt: On savait qu'il y en
avait mais on ne savait pas où ils étaient, qui ils
étaient.
C'est drôle finalement comme, quand c'était le temps
d'appliquer la loi, on trouvait des raisons pour ne pas l'appliquer. On
trouvait finalement beaucoup d'avantages à organiser une
complicité et à se complaire dans cette mentalité de loi
du silence.
Et on a fait cela pendant des années et des années.
Aujourd'hui, on nous dit: Écoutez, vous avez adopté la loi 101,
vous avez laissé aller pendant un certain nombre d'années le
système en ne pourchassant pas les "illégaux", maintenant il n'y
a plus de problème, vous savez. La langue française est en
sécurité. Alors, pourquoi ne pas régler le problème
de façon définitive? Le problème, M. le Président,
c'est que la langue française n'est pas en sécurité plus
que cela.
Il y a à peine quelques jours - c'est intéressant que ce
soit venu il y a à peine quelques jours et heureusement que c'est venu
il y a à peine quelques jours et pas dans un mois ou deux alors que ce
débat aurait été probablement terminé - il y a le
professeur Charles Castonguay du département de mathématiques de
l'Université d'Ottawa qui a publié au cours des dernières
années de nombreuses études sur la question linguistique et les
questions démographiques qui a établi très clairement que,
contrairement à ce qu'on pense encore actuellement et à ce que le
député de Sauvé a véhiculé tantôt dans
son intervention, la langue française est encore menacée au
Québec et que c'est l'anglais, malgré la loi 101, qui continue
d'avoir une force d'attraction plus grande que le français et, en
particulier, chez les nouveaux arrivants, chez les immigrants, chez les gens,
justement, où on retrouve la majorité, sinon la totalité,
des élèves illégaux dont on parle aujourd'hui et depuis
quelques jours.
En fait, l'étude du professeur Castonguay indique qu'on
s'aperçoit que les groupes ethniques optent pour l'anglais dans une
proportion trois fois plus grande que pour le français. Et c'est selon
les dernières statistiques qui ont été analysées
par le professeur Castonguay.
Je vois le député de Viau qui a l'air surpris. J'imagine
qu'il y a beaucoup de gens aussi qui ont été surpris en lisant
cela dans le Soleil au cours des derniers jours et qui se sont dit, comme nous
de ce côté-ci: Qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on doit faire
face à un gouvernement dont certains des membres ont participé
à ce système d'illégalité, qui, par ses discours,
par son comportement quand il était dans l'Opposition, a
encouragé dans les faits ce système et a entretenu l'espoir chez
les gens qu'un jour le problème se réglerait?
D'ailleurs, quand on regarde les statistiques que ma collègue me
montrait tantôt, on voit la courbe. Jusqu'aux élections de 1981
où les gens ont pensé que l'élection du Parti
québécois était un accident de parcours, on a vu à
chaque année augmenter le nombre d'élèves illégaux.
II y a eu un sommet en 1977, 144; après, cela a été 128,
128, 128, 141 même l'année préélectorale et
électorale de 1981 et le référendum cette
année-là. Après, c'est tombé, 72, 66, 71, 54, 58.
Les gens se sont rendu compte, tout à coup, que la loi 101 était
là pour rester et qu'il fallait vivre avec.
Mais maintenant qu'on se rend compte que la loi 101 était
là pour rester, mais qu'elle n'a pas eu après moins de dix ans
encore tout l'impact, tout l'aspect positif qu'on voulait qu'elle ait et
qu'elle doit avoir, avec la loi qu'on discute actuellement,
présentée par un gouvernement qui a encouragé
l'illégalité par ses interventions, par ses discours et qui a
entretenu l'espoir, on se retrouve avec une situation où on doit tenir
compte également du contexte global dans lequel on a è discuter
de ce projet de loi. Ce contexte, c'est, d'une part, cette étude qui
vient de paraître et, d'autre part, le comportement d'un nouveau
gouvernement qui donne des messages aux immigrants et aux communautés
ethniques et culturelles du Québec. Et le message c'est, entre autres,
celui de la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration: Vous savez, nous autres, on pense qu'il
y a les francophones, les anglophones et on pense déjà que la
majorité ethnique qui vote libéral, ce sont des anglophones et,
en conséquence, on s'adresse à eux en anglais. C'est ça
que la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration fait. II
n'y a pas eu un membre du gouvernement qui a dénoncé cela. Pas
un. Pas plus le ministre de l'Éducation, que le député de
Viau, ou que le député de Sauvé.
On trouve cela normal de donner aux communautés ethniques et
culturelles le message que le gouvernement du Québec considère
qu'elles sont en fait des parties de la communauté anglophone en
devenir, si elles ne font pas déjà partie de la communauté
anglophone. En plus de cela, on a le ministre de l'Éducation qui, dans
un débat récent sur la question linguistique, nous a
indiqué que, lui, l'intégration il ne croyait pas trop à
cela. Il préférait la mosaïque. Quand on donne cela comme
opinion lorsqu'on est membre d'un gouvernement, qu'on est ministre de
l'Éducation, et qu'on nous présente la loi qu'on nous
présente actuellement, qu'est-ce qu'on donne comme opinion aux gens?
Est-ce qu'on leur donne l'opinion que le Québec est une terre
française et que cela se passe en français, que les nouveaux
arrivants, la communauté à laquelle ils doivent
s'intégrer, c'est la communauté française dans une
approche de normalité comme cela se fait partout dans le monde. Est-ce
que vous pensez que c'est cela qu'ils reçoivent actuellement comme
message, les immigrants et les membres des communautés ethniques,
lorsqu'ils entendent le ministre de l'Éducation et les membres du
gouvernement leur dire: Écoutez, nous, on ne croit pas aux vertus de
l'intégration?
On leur laisse croire finalement que, quand ils viennent au
Québec, ils peuvent rester pendant dix générations des
Italiens, des Grecs, des Portugais et des Chinois et que, dans dix
générations, on se retrouvera au Québec... II n'y aura pas
de problème: Vous aurez conservé votre langue d'origine, vos
traditions, vos cultures et il y aura au Québec une espèce de
Nations Unies où on aura une multitude de communautés
accolées les unes aux autres. Ce n'est pas cela.
Ce qu'on a voulu et ce qu'on veut toujours, c'est la normalité.
C'est que les immigrants fassent ce que les ancêtres du
député d'Argenteuil et du député d'Anjou ont fait,
ceux de la députée de Chicoutimi: une Blackburn, un Ryan, un
Johnson et d'autres. On pourrait en nommer une multitude. Non, Charbonneau cela
vient de Larochelle. Je m'excuse pour l'exemple, mais cela vient de Larochelle.
Ce n'est pas Italien non plus. Ce qu'on voulait, c'est que finalement, de
quelque origine qu'ils viennent, ils choisissent de s'intégrer à
la communauté francophone et qu'ils deviennent dans les faits membres de
ce peuple francophone qui a pris racine ici.
(17 h 15)
Quand on parle des Canadiens français ou du peuple francophone
d'ici, on ne parle pas uniquement des gens d'origine française comme
moi, par exemple, on parle de tous ceux qui sont des francophones à part
entière, qui ont choisi de l'être. C'est cela, le peuple
francophone du Québec, et c'est à ce peuple qu'on veut que les
nouveaux immigrants adhèrent. On leur dit comme message que c'est ici,
au Québec, la patrie de ce peuple, le foyer national de ce peuple, le
seul endroit au monde que ce peuple contrôle. On veut que vous compreniez
que si vous venez chez nous, dans notre maison, dans notre patrie, notre foyer
national, vous allez vous intégrer et respecter les lois de notre
peuple, de notre société. Si cela ne fait pas votre affaire,
allez ailleurs. C'est ça qu'on doit comprendre.
Si un Australien vient ici et pense qu'il peut envoyer ses enfants
à l'école anglaise, qu'il aille en Ontario. Mais si un Australien
a choisi de venir au Québec et qu'il a décidé de faire
comme les ancêtres du député d'Argenteuil; très
bien, votre place est ici, il n'y a pas de problème. Il faut que vous
sachiez que le Québec est un territoire français, le seul en
Amérique du Nord. Si les Italiens de Montréal n'ont pas encore
compris cela, en tout cas un certain nombre, malheureusement, il va
peut-être falloir à un moment donné que les choses soient
claires. On ne veut pas au Québec d'une petite Italie qui demeure une
Italie.
J'ai eu un enseignant, il y a quelques années, qui était
d'origine italienne. Quand il est venu au Québec, ses ancêtres
avaient choisi progressivement de devenir autre chose que des Italiens. Il
continuait d'être un Italien d'origine, comme moi un Français
d'origine, mais il n'y avait plus grand-chose d'italien en lui, pas plus qu'il
y a grand-chose de français en moi, aujourd'hui. Lui et moi, on
était des Québécois de langue française, lui
d'origine italienne, moi d'origine française. Lui et moi, on avait des
ancêtres qui avaient choisi de s'intégrer au peuple qui
était ici avant qu'ils arrivent. C'est cela la réalité
qu'on veut qui soit comprise. C'est dans ce contexte, M. le Président,
que se présente ce projet de loi. Actuellement, on a un gouvernement qui
ne donne pas cela comme message, un gouvernement dont une bonne partie des
membres n'ont jamais accepté de dire les choses clairement, une bonne
partie de ses membres croient encore au libre choix.
J'avais interpellé, pendant mon discours en deuxième
lecture, la députée de Jacques-Cartier pour lui dire que
j'étais convaincu qu'elle pensait encore que la meilleure chose pour
elle et pour beaucoup de gens dans sa
communauté anglophone, ce serait le libre choix. Elle a
honnêtement confirmé aujourd'hui que c'était cela encore
pour elle le meilleur choix. Le problème, c'est qu'on entretient encore
des illusions par des attitudes comme celles du gouvernement actuellement.
Le projet de loi qui est devant nous, c'est un projet de loi qui
continue de donner un message équivoque aux communautés
ethniques. II continue de leur dire que, finalement, le gouvernement du
Québec, la société québécoise, son
identité, elle n'y tient pas à tout prix, qu'elle n'a pas la
volonté de préserver le français à tout prix,
qu'elle est prête à faire toutes sortes d'accommodements et que,
finalement, si vous choisissez l'anglais, on va finir par s'en accommoder. Non
seulement on va s'en accommoder, mais on va accommoder également vos
descendants et on va vous permettre - c'est un autre élément - de
vous comporter comme si au Québec vous aviez choisi de vivre en Ontario.
On donne comme message aux gens que l'affichage, ce n'est plus important, que
la langue de travail, ce n'est pas important.
Il y avait un autre article dans le Soleil, il y a quatre jours, qui
indiquait que dans les usines maintenant, la francisation marque le pas.
À cause de quoi, disait-on dans l'article? À cause du message
équivoque que le gouvernement donne depuis le 2 décembre et de sa
façon - je conclus, M. le Président - de se comporter qui fait en
sorte que les immigrants et les membres des communautés ethniques, au
Québec pensent qu'au Québec, c'est bilingue et que le
Québec, c'est le Canada bilingue. Ce n'est pas cela le Québec. On
peut être fédéraliste ou indépendantiste, mais il y
a une chose que je sais par exemple, c'est que la majorité et la
très grande majorité des Québécois francophones,
des Canadiens français, de quelque origine qu'ils soient, pensent qu'au
Québec, c'est en français qu'il faut que cela se passe. Ces gens,
qu'ils aient voté oui ou non au référendum, pensent comme
l'Opposition actuellement. C'est ce qu'ils disent.
Ils pensent qu'au Québec cela doit se faire en français et
ils pensent que leur gouvernement doit faire en sorte qu'au Québec cela
se fasse en français et que les messages soient clairs. C'est cela
qu'ils attendent. C'est dans ce contexte que non seulement le projet de loi
qu'on étudie aujourd'hui ne présente pas d'urgence ni de
caractère pathétique comme on veut bien le faire croire, mais
qu'en même temps il est dangereux parce qu'il continue d'accentuer les
impressions négatives è l'égard de l'importance qu'on
accorde à la langue française au Québec auprès des
gens qui devraient comprendre clairement le message.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député
d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président.
M. Ryan: Une question de règlement. Je vois que vous
donnez la parole au député d'Arthabaska, mais j'ai l'impression
qu'il a paqueté la salle avec des gens de son comté. Est-ce qu'on
pourrait au moins leur souhaiter la bienvenue, vu que ce sont nos seuls
auditeurs avec les fonctionnaires cet après-midi?
Une voix: Incluant son épouse. M. Ryan: Incluant
Mme Gardner.
Le Président (M. Bissonnet): Les gens de la commission de
l'éducation souhaitent à tous les gens du comté
d'Arthabaska la bienvenue la plus cordiale. Je cède immédiatement
la parole au député du comté d'Arthabaska.
M. Laurier Gardner
M. Gardner: Merci, M. le Président. Je dois dire au
ministre de l'Éducation que c'est assez exceptionnel que ce soit ainsi.
C'est une coïncidence heureuse, j'en suis très content. On ne
croyait pas siéger cet après-midi, vu la réunion du Parti
québécois en fin de semaine. Je pensais faire un bon souper
tranquille avec les bons amis de mon comté.
Permettez, M. le Président, qu'un descendant irlandais vous
parle, même si je ne suis pas de Montréal. Je dois vous dire au
départ que mon arrière-grand-père a dû abdiquer sa
langue et sa religion protestante pour marier une petite
Québécoise. Je suis bien heureux et même aujourd'hui, si je
ne fais pas partie du Parti québécois, je suis un
Québécois aussi pur laine que vous.
M. le Président, il n'y a pas d'élèves
illégaux dans mon comté. J'en suis très heureux et je
serai très heureux que dans quelque temps il n'y en ait plus du tout
dans le Québec. Je ne suis pas malin et je ne voudrais surtout pas
être malin avec nos amis d'en face. J'ai entendu le député
d'Abitibi-Ouest tout à l'heure dire que lorsqu'il avait
été ministre de l'Éducation il avait été
très préoccupé et qu'il avait tenté de
régler le problème. Vous savez, dans la Beauce on a les "jarrets
noirs" mais je pense que dans le Parti québécois d'aujourd'hui on
a les "j'aurais donc dû". J'aurais donc dû faire ceci, j'aurais
donc dû faire cela. Maintenant ils ne sont plus au pouvoir, ils ne
peuvent plus le faire. J'espère qu'ils vont nous le laisser faire mais
je ne suis pas malin, je ne le dis pas, M. le Président. Je ne suis pas
malin non plus mais tout à l'heure, lorsque j'entendais le
député de Verchères dire que dans le gouvernement
actuel on aurait peut-être des gens qui auraient fait des
illégalités ou peut-être essayé de les provoquer,
j'aimerais dire au député de Verchères que lorsqu'on
reçoit des coups de bâton sur la tête on a peut-être
fait des illégalités soi-même. Je ne suis pas malin, je ne
le dirai pas. On nous plaint, an nous dit qu'on veut donner la
bénédiction à quelque 1500 "illégaux" actuellement.
C'est très malheureux, c'est très décevant, c'est vraiment
pathétique de donner la bénédiction a 1500 personnes, mais
les députés d'en face ont complètement oublié qu'il
y a quelques années ils ont fait adopter une loi, ici même en
cette Chambre, pour condamner à l'enfer quelque 80 000 enseignants au
Québec. Vous vous souvenez de cela, M. le député?
Condamnés à l'enfer, oui, en leur coupant 20 % de leur salaire.
J'étais un de ceux-là, mais je ne suis pas malin, je ne le dirai
pas. Je vais donc parler avec le plus d'objectivité possible, avec une
tête bien froide.
Le Président (M. Bissonnet): En tant qu'ancien
vice-président vous deviez respecter l'ordre, M. le député
d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Je vais donc parler
d'une façon très froide de ce problème qui, en
réalité, ne me touche pas. Je n'ai que 1 % d'anglophones dans mon
comté, mais je suis préoccupé, en tant que membre de la
commission de l'éducation, par tout ce qui concerne les problèmes
d'éducation au Québec.
M. le ministre de l'Éducation a parlé d'un geste humain de
solidarité. Je suis surpris que de l'autre côté de cette
Chambre on n'aime pas de tels gestes. Je suis surpris que l'on dise de cette
loi qu'elle encourage la désobéissance civile et le non-respect
des lois - je cite la Presse de Montréal du 4 juin dernier.
Je dois vous dire que dans le Parti libéral on a
déjà dit de telles choses lorsque vous avez accordé
l'amnistie à ceux qui avaient soi-disant désobéi à
la loi dans les négociations des secteurs public et parapublic, quelques
mois avant votre prise du pouvoir en 1976. Je ne sais pas si vous vous en
souvenez? On vous avait dit: Si vous enlevez toutes les amendes à ces
"mosus" de professeurs, cela va amener une désobéissance civile
et, pourtant, depuis ce temps, y a-t-il eu chez les enseignants plus de
désobéissance civile? Je ne le crois pas. Je suis surpris aussi
de voir que, dès que l'on adopte une loi qui ne contient pas d'amende,
on crie - il me dérange - haro sur le ministre qui a
présenté une telle loi. Connaissant davantage, depuis quelques
mois surtout, notre ministre de l'Éducation, je suis persuadé que
le député d'Argenteuil et ministre de l'Éducation veut
sincèrement régler ce problème une fois pour toutes. Ce
n'est pas nouveau, il voulait le régler même avant d'être au
pouvoir.
Quand j'ai préparé ce petit passage -en passant, je ne
savais pas que ma parenté serait là - j'ai fouillé dans le
Petit Larousse. À mon bureau, on n'a pas le Petit Robert, on a le Petit
Larousse de 1983 et on parle d'amnistie. Je voulais vérifier ce que
c'était vraiment qu'une amnistie et le Petit Larousse dit ceci:
L'amnistie, c'est un acte de pouvoir législatif qui efface un fait
punissable, arrête les poursuites, anéantit les condamnations.
Tandis que la grâce supprime l'exécution de la peine, mais laisse
subsister les effets de la condamnation, l'amnistie anéantit la punition
et le fait qui en est la cause. C'est pourquoi le terme amnistie, je ne l'aime
pas trop. Pour ce qui est des "illégaux", c'est sûr qu'on accepte
ce terme puisqu'on l'a même mis dans le titre de notre loi.
Certains enfants ont été amenés à être
illégaux, c'est-à-dire que certains enfants ont été
amenés à une situation où ils sont contraires à la
loi, cette loi 101, mais y a-t-il vraiment amnistie à donner? J'en doute
toujours. Les enfants se sont-ils, en pleine connaissance de cause, mis en
situation de fait punissable? J'ai vu tout à l'heure que certains
députés ont fréquenté les églises dans leur
enfance; ils doivent savoir que, lorsqu'il y a vraiment un acte punissable, il
faut qu'il y ait pleine connaissance de cause. Vous vous en souvenez
certainement. Est-ce que ces jeunes enfants qui ont fréquenté
l'école anglaise avaient pleine connaissance de cause? Je discutais avec
mon collègue, le député de Viau, qui disait tout à
l'heure qu'il a été un jour obligé de ne pas se
présenter dans une école; il ne parlait pas français, il
ne savait même pas ce qui se passait. Son père lui a dit en
italien d'aller ailleurs. Comment le député de Viau - je le
prends à partie - a-t-il pu sciemment se mettre en conflit avec une loi?
Comment a-t-il pu faire cela? II ne connaissait même pas les lois du
Québec. J'accepterais mieux que la définition soit celle-ci: un
acte du pouvoir législatif qui efface un fait punissable - en enlevant -
arrête les poursuites et anéantit les condamnations. Voilà
pour le dictionnaire. Acceptons plutôt le nom de projet de loi 58, Loi
sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains
enfants, et vous vous imaginerez que, si les journalistes avaient
utilisé cette expression, cela n'aurait jamais fait fureur dans les
journaux: admissibilité à l'enseignement en anglais de certains
enfants. Bien sûr, illégaux, enfants illégaux, amnistie,
cela fait plaisir aux journalistes.
Je veux maintenant insister sur le côté humain de la chose.
M. le Président, aimeriez-vous personnellement - vous n'êtes pas
obligé de répondre - être le père d'un
"illégal"? Ou, tout au moins, aimeriez-vous être un enfant qu'on
dit "illégal"? (17 h 30)
Une voix: ...
M. Gardner: Je n'ai rien entendu, M. le Président.
Aimeriez-vous être étiqueté "illégal" le reste de
vos jours? Aimeriez-vous avoir de la parenté "illégale" ou
aimeriez-vous légiférer pour que ces termes n'aient plus droit de
cité au Québec, plus précisément dans
l'agglomération montréalaise?
M. Jolivet: ...
M. Gardner: L'agglomération montréalaise, M. le
député de Laviolette. Mettez-vous è la place du
père qui a un enfant soi-disant "illégal", qui l'a fait
peut-être volontairement, on ne peut pas présumer. Mettez-vous
à la place de celui ou celle qui a dû subir cette
illégalité et qui est encore dans le système ou qui est
sorti avec le peu de possibilités que cela a donné. Je lisais,
dans la Presse du mercredi 4 juin, ce que le chef de l'Opposition disait de
cette loi. Cela m'a un peu déçu de voir que le
député d'Anjou attaquait les administrateurs scolaires. Pour
avoir vécu dans le système de l'éducation pendant 19 ans,
je pense que les administrateurs scolaires font leur possible avec les lois
qu'on leur donne, ici à Québec. Ils font vraiment leur possible
et ils sont parfois embourbés dans toutes ces lois. Il faudrait tout de
même pardonner certaines erreurs de certains commissaires
d'écoles.
Je suis aussi déçu du négativisme du
député d'Anjou, le chef de l'Opposition. C'est à croire,
si on lit ce qu'il dit, qu'il n'y a que lui qui a raison, qu'il n'y a que lui
qui possède la vérité ici au Québec. Et pourtant,
le 2 décembre dernier, la population a rejeté cette
vérité. Le chef de l'Opposition disait: Se fermer les yeux sur
neuf ans de collusion, c'est se mettre la tête dans le sable. Je me
demande qui se met la tête dans le sable, qui s'est mis la tête
dans le sable, qui a joué à l'autruche pendant neuf ans, si ce
n'est pas l'ex-gouvernement que la population a rejeté le 2
décembre dernier.
M. le Président, 1500 enfants, près de 3000 parents,
attendent quelque chose de concret du gouvernement actuel, de notre ministre de
l'Éducation. Nous sommes reconnus comme étant une terre
d'accueil, pour la paix sociale. Nous avons la réputation d'être
des gens hospitaliers. Les Américains, d'ailleurs, viendront beaucoup
plus ici cet été qu'en Europe; vous le savez fort bien. La baisse
de natalité que nous avons étudiée à la commission
de la culture - vous n'étiez pas là, malheureusement - va nous
forcer à accueillir un plus grand nombre de familles de
l'extérieur du Québec.
Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le
député de Verchères, vous avez eu la parole tantôt.
M. le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Je suis prêt à les accueillir. Ils
apprendront le français si c'est possible...
Des voix: Ah! Ah!
M. Gardner: ...mais personnellement, j'aimerais mieux - on me
provoque, M. le Président, vous m'excuserez - que tout le monde apprenne
le français, je ne peux pas le nier, mais il y certaines choses dont il
faudra reparler. On s'en reparlera tout à l'heure. Acceptons donc ces
gens de l'extérieur. Lorsque j'ai composé ce texte -je termine
là-dessus - j'avais écrit "acceptons donc unanimement cette loi
58". Je pense que je peux dire que je dois changer mon texte: Acceptons donc
cette loi 58, et j'espère que, dans quelques jours, nous dirons
"adopté", même si certains de l'autre côté ajouteront
"sur division". Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec attention les propos de notre collègue d'en
face qui vous posait une question qui m'a laissée un peu songeuse en
tant qu'éducatrice. En fait, la question qu'il posait au ministre de
l'Éducation était de savoir s'il ne serait pas gêné
d'être considéré comme un parent "illégal". Ce qui
m'est venu tout de suite à l'idée, c'est: Mon doux, en tant que
parent et comme éducatrice, jamais je ne me serais mise dans une
situation pour me faire poser une telle question parce que le premier devoir
d'un éducateur est d'apprendre à ses enfants à respecter
les lois et à devenir de bons citoyens.
Le meilleur exemple que l'on puisse donner en tant que parent, ce sont
les faits et gestes. Quand on choisit consciemment et librement de faire de nos
enfants des "illégaux", je ne crois pas qu'il soit du devoir d'un
gouvernement de donner une bénédiction aussi facilement que vous
le prétendez. Cette fois-ci, le gouvernement a trouvé la solution
la plus facile pour, une fois pour toutes, ne plus entendre parler de la
problématique des "illégaux". Trop souvent, hélas, on
cherche à minimiser les faits et gestes des gens qui n'ont jamais voulu
s'intégrer è la culture et à la nation
québécoise. Depuis le début des discussions ici, à
l'Assemblée, on a mentionné à quel point le Québec,
à quel point les gens du Québec sont des gens à l'accueil
facile, des gens à l'esprit d'ouverture et combien sont chaleureux les
rapports que l'on peut développer auprès de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
Dans un tel contexte, je m'interroge encore à savoir pourquoi
demeurent-iis toujours des "illégaux" qui ne veulent pas
s'intégrer à notre culture et à notre devenir? Au
contraire, nous devrions probablement les encourager à emboîter le
pas et à découvrir les richesses qui font que nous sommes aussi
accueillants. J'aurais aimé qu'on ne nous oblige pas à
sanctionner, à cautionner l'illégalité et surtout des
gestes de gens conscients de ce qu'ils faisaient. Qui a fait des
"illégaux"? Est-ce notre gouvernement ou ces parents qui ont choisi
librement, sciemment que leurs enfants poursuivent leurs études dans des
écoles anglaises sachant très bien les conséquences qu'ils
encourraient pour eux ainsi que pour leurs enfants?
Ils savaient très bien ce qu'il en coûterait au terme des
études de leurs enfants pour justement continuer un peu plus loin leurs
études. Cet après-midi, on a voulu nous démontrer d'une
façon dramatique de l'autre côté à quel point ces
gens méritaient notre pardon, notre compréhension la plus totale.
Vous demandez beaucoup à des gens qui, eux, sont respectueux des lois,
des gens qui auraient pu écrire ces mêmes lois. C'est à eux
que je pense. Nous devons nous faire respecter en tant que législateurs
et c'est important que les gens apprennent à nous respecter afin qu'ils
sachent très bien qu'une fois dit, une fois fait, nous devons continuer
dans le même sens qu'ont été posés nos gestes afin
que la population ait le respect de ces lois.
Qui a fait de ces enfants des "illégaux"? On a tendance à
dire: Oui, encore une fois, c'est ce gouvernement. Moi, j'aurais tendance
à demander: Qui a fait de ces enfants des "illégaux" si ce n'est
pas la complicité condescendante de certaines directions d'école
et de certaines commissions scolaires? II serait trop facile de dire que c'est
la faute de ce gouvernement, qui, d'aucune façon, n'a pris des mesures
pour justement pallier la problématique. Je pense que des gestes ont
été posés pour aider ces gens è pouvoir
s'intégrer à notre culture.
Au fil des ans, il y en a qui se sont intégrés et qui ont
compris qu'il était préférable, pour eux et pour leurs
descendants, de se rallier et de s'intégrer au système scolaire
francophone. Pourquoi tant de gens, pourquoi tant de familles ont-elles compris
le message qu'on leur lançait alors que 1500 autres ont
été incapables de s'y inscrire et d'y souscrire? Je me pose une
sérieuse question: Est-ce que ces 1500 ne seraient pas les plus
réfractaires à l'intégration à la culture
québécoise? Il faudrait peut-être se poser les bonnes
questions et arrêter de toujours trouver des solutions les plus faciles
et les réponses les plus faciles.
Tantôt, j'écoutais le député de Sauvé
qui disait que ce n'était pas plus important que ça s'ils avaient
été "illégaux" parce que, de toute façon, ce sont
des gens qui... De toute façon, ce qui est important, c'est qu'on en
fasse des citoyens à part entière. Comment peut-on devenir des
citoyens à part entière si ce n'est pas en respectant les lois de
la société dans laquelle nous vivons? Je pense que le premier pas
à faire lorsqu'on veut vraiment devenir de bons citoyens et des citoyens
è part entière, c'est dans le respect des lois. Cela
démontre, que nous pouvons accepter son gouvernement et les gens qui le
représentent. Quand on me demande d'aller dans le sens de ce projet de
loi et d'accepter d'amnistier si facilement ces gens, je ne peux le faire non
pas pour une cause humanitaire, mais parce que c'est l'illégalité
que l'on sanctionne. Je pense que sanctionner l'illégalité, quels
que soient les gestes qui ont été posés
antérieurement, c'est un précédent dangereux pour nos
institutions.
Reconnaître ces "illégaux", c'est aussi un manque de
respect pour tous ceux qui se sont intégrés, qui ont compris et
qui sont respectueux des lois. Je trouve dommage qu'on ne puisse
reconnaître aussi tous les autres qui se sont si facilement
intégrés à notre culture et qu'eux aussi ont voulu
justement donner à leurs enfants la chance de s'intégrer et de
faire de leurs enfants des citoyens entiers dans la collectivité
québécoise. La collectivité québécoise,
c'est sa langue, mais c'est aussi sa culture et c'est tous ces petits faits et
gestes d'une société qui font qu'en fin de compte nous avons nos
spécificités et nos particularités.
Je crois que, lorsqu'on arrive dans un pays, nous ne pouvons que nous
préoccuper de la culture de ce peuple qui nous accueille si
chaleureusement comme le font les Québécois. Je pense que c'est
un signe de respect envers l'ensemble de la nation québécoise que
de respecter ses lois et de vouloir intégrer ses enfants à sa
culture et aussi è sa langue. Ces familles qui demandent l'amnistie au
nom de leurs enfants, ces familles qui considèrent que leurs enfants ont
été victimes d'un traumatisme grave, je leur dis: Et nous, en
tant que peuple, et nous en tant que nation, ne subissons-nous pas un
traumatisme, nous aussi, aussi grave, aussi profond?
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Viau, à l'ordre, s'il vous plaît! Madame, vous pouvez
continuer.
Mme Vermette: Je m'aperçois que les gens de l'autre
côté ont des visions à court terme. Ils ne savent pas ce
que cela veut dire le long terme parce que, justement, au-delà de nos
gestes, il y a toujours les effets. Les effets, c'est toujours à
retardement. Ce
n'est pas l'immédiat qui est impartant mais ce que nous aurons
à vivre demain, après-demain et les jours suivants.
Quel avenir offrons-nous à nos enfants si, constamment, on remet
en question, dès que nous voulons nous affirmer, ces notions qui font
notre fierté? Ce qui fait la fierté de notre peuple, c'est sa
langue, les outils que nous nous sommes donnés pour que de plus en plus
nous soyons fiers de pouvoir affirmer très haut notre différence
et d'être ce que nous sommes, en fait des francophones, des
Québécois.
Même si on sourit de l'autre côté, vous savez, cela a
l'air d'un fait anodin de dire que c'est si facile qu'on passe l'éponge
pour ces 1500 personnes. Mais ce sont 1500 personnes, frères, soeurs,
descendants et, comme on connaît actuellement les problèmes de
démographie que nous vivons au Québec, je pense qu'il faut
être vigilant si nous voulons que nous, que mes enfants et mes
descendants parlent ma langue, qui fait ma fierté et qui fera leur
fierté aussi.
Tantôt, j'écoutais le député de l'autre
côté qui disait que les Américains viennent nous visiter.
Finalement, de plus en plus les gens viennent nous voir. Il faut se poser les
questions à savoir pourquoi les Américains viennent chez nous.
Les Américains viennent chez nous plutôt que d'aller en Europe.
Oui, il y a un aspect financier mais il y a l'autre aspect. C'est à
cause de notre différence, de notre spécificité. C'est
à cause de notre langue et de notre culture. Je lui ferai remarquer
qu'ils se font vraiment une joie de pouvoir communiquer avec nous en
français.
Je remarque que souvent dans les bulletins de nouvelles ou à des
panels il y a beaucoup d'Américains qui savent très bien parler
le français, peut-être plus facilement que certains ici, certains
anglophones que nous connaissons si bien ici.
Ce serait peut-être aussi un avertissement adressé à
certaines personnes à qui c'est demander beaucoup trop que de s'exprimer
dans notre langue, selon qui c'est vraiment causer un traumatisme à
leurs enfants que de parler notre langue, à tel point qu'on va demander
que pour 1500 nous fassions une loi. Â mon avis, je trouve le nombre
minime pour faire une loi. C'est très peu, 1500 personnes, par rapport
à une nation. Ce sont 1500 personnes à qui on demande une
bénédiction pour les absoudre d'avoir vraiment voulu vivre
l'illégalité d'une façon vraiment
délibérée.
Je crois que nous, en tant que gouvernement, nous avons compris qu'il
était beaucoup plus humain d'essayer de faire ' comprendre justement
à certains groupes qu'il était préférable pour eux
et leurs descendants de respecter et d'être respectueux de nos lois et de
respecter et d'être respectueux de ce qui fait notre collectivité,
ce qui est notre langue, notre culture. Je crois que toucher aussi
impunément à la loi 101, c'est faire revivre des débats
qui depuis longtemps étaient remis aux oubliettes. On ne pensait plus
è ces grands débats parce que justement nous croyions que nous
pouvions être respectés dans ce que nous étions. Je peux
vous faire remarquer que j'étais convaincue que la paix sociale
était acquise. J'étais convaincue de pouvoir être
respectée. Mais je suis obligée de constater présentement
que de plus en plus, et plus on va dans le temps, j'ai de la difficulté
maintenant, moi qui demeure dans une ville pratiquement anglophone, comme
francophone, à me faire respecter.
Je suis obligée, moi, comme mère francophone de dire
à mes enfants: Écoutez, la bagarre, cela ne donne rien. J'ai
vécu, ces dernières semaines, ce dernier mois des batailies de
ruelles qui, je le pensais, faisaient partie de notre folklore. Je m'interroge
beaucoup quant è l'avenir et à tous les débats que l'on
veut faire revivre pour absoudre illégalement 1500 enfants.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Groulx.
Mme Madeleine Bleau
Mme Bleau: Quand l'Opposition nous accuse de vouloir mettre de
côté la loi 101, je peux vous assurer que c'est une accusation
tout à fait contraire à la vérité. Je connais bien
le respect que M. le ministre porte à notre Charte de la langue
française et je peux vous assurer que mon nationalisme m'y porte aussi.
Dans la loi 58, je vois surtout un acte de justice envers des enfants qui ne
sont que des victimes dans ce problème des "illégaux".
L'Opposition nous parle des parents, des commissaires, des directeurs
d'école. Dans tout ceci, ce ne sont pas ces gens qui auront à
subir les conséquences lorsque arrivera le moment d'aller sur le
marché du travail. Beaucoup de parents de ces jeunes ne seront
peut-être même plus de ce monde pour conseiller et aider leurs
enfants à cette étape importante de leur vie.
Quand M. le député de Laviolette nous dit qu'il aurait
été peut-être préférable de régler ce
problème cas par cas, pourquoi l'ancien gouvernement ne l'a-t-il pas
fait? II a eu huit ans pour le faire après le mois d'août 1977.
Quand on nous dit aussi que la loi 58 punit les gens qui ont suivi la loi 101,
je ne vois pas comment, puisque ces enfants sont maintenant bilingues, les
enfants de ceux qui ont suivi la loi sont bilingues. Je suis certaine que pour
eux, c'est une grande richesse dans notre province.
Quant à la déclaration de Mme la députée de
Chicoutimi au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés, je
puis lui dire que j'ai un exemple qui vient d'arriver dans mon comté la
semaine dernière. Une
famille dont la mère est anglophone, qui a fait ses études
en anglais, déménage dans quelques semaines dans la province
d'Ontario. Elle voulait quand même l'école française pour
ses enfants, un commence cette année et l'autre, l'année
prochaine. Elle a été acceptée à l'école
française.
M. le député de Verchères nous a dit que les
communautés culturelles qui vivent au Québec devraient être
complètement intégrées. Je ne suis pas tout à fait
d'accord. Dans mon comté, il y a au moins 2500 Portugais. Je suis
très fière, ma fille est même mariée avec un
Portugais de Sainte-Thérèse. Les enfants vont à
l'école française. Ils sont de bons citoyens, je peux vous
l'assurer, mais malgré tout cela ils ont gardé leurs coutumes,
ils ont gardé leurs valeurs culturelles, ils ont leur propre messe en
portugais le dimanche. Ils ont un club qui leur appartient où ils font
des veillées à l'occasion, où leurs danses sont mises de
l'avant. Moi, j'ai assisté à beaucoup de leurs fêtes,
autant pour ma fille qui est mariée à un Portugais que pour
moi-même en période électorale et depuis les
élections. À chaque fois, je leur parle en français
d'abord et j'ai appris quelques mots de portugais. Je peux vous dire qu'ils
sont drôlement contents quand je m'adresse à eux en portugais
parce que, dans leurs familles, même si les enfants aujourd'hui sont
parfaitement français et de langue française, mon gendre n'a
même pas d'accent... Par contre, chez lui avec sa mère, ses
parents, ses frères et soeurs qui ont eu leur éducation au
Portugal - lui, il est né ici - il parle toujours en portugais. Je pense
qu'ils sont fiers de le faire à part cela.
M. Ryan: Ce n'est pas normal...
Mme Bleau: Ce n'est pas normal? Bien oui, c'est normal. Pour
toutes ces raisons, je suis et je serai malgré toutes vos objections,
messieurs et mesdames de l'Opposition, en faveur de la loi 58.
Le Président (M. Bissonnet): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Est-ce que Mme la députée
consentirait, comme l'a fait la députée de Chicoutimi, à
une question...
Mme Bleau: Avec plaisir.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Groulx vous permet de lui poser une question. Que cette question soit
brève et la réponse également.
M. Charbonneau: Cela va être bref, M. le Président.
Je suis content que la députée ait pris cet exemple parce que
c'est un très bon exemple. Est-ce que la députée ne
reconnaît pas que dans les faits, ce qui est en train de se produire,
c'est que la famille de sa fille, de son gendre... Vos petits-enfants, quand
vous serez grand-maman -vous l'êtes - et vos
arrières-arrières-petits-enfants progressivement vont devenir des
Québécois francophones ou des Canadiens français d'origine
portugaise, comme le député d'Argenteuil est un Canadien
français ou un Québécois francophone d'origine irlandaise,
et comme vous et moi nous sommes des Canadiens français d'origine
française. Est-ce que vous comprenez?
Mme Bleau: Oui, sur cela je suis bien d'accord. Je peux vous
dire, M. le député, que malgré tout cela - et je pense
à mon gendre qui est né ici et qui a fait toutes ses
études en français, etc. - il lui fait plaisir de parler en
portugais à la maison. Je dois vous dire que ces familles pour la
plupart à tous les deux ans retournent au Portugal. Ces gens sentent
encore une attache à leur terre natale. Je pense que c'est important
pour eux qu'on leur laisse...
M. Charbonneau: C'est normal, c'est la première
génération.
Le Président (M. Bissonnet): ...question. Si vous voulez
compléter.
Mme Bleau: C'est quand même la deuxième
génération, M. le député. Les neveux et les
nièces de mon gendre parlent portugais et vont au Portugal, et je pense
que cela va rester.
Le Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, Mme la
députée. Il est actuellement 17 h 55. Évidemment, il y a
eu consentement ici que M. le ministre de l'Éducation, à la suite
des déclarations d'ouverture, donne une réponse aux questions qui
ont été posées, soit par le côté
ministériel ou par le côté de l'Opposition. Il sera reconnu
à la prochaine séance de la commission. J'ajourne les travaux
sine die.
M. Ryan: C'est une longue réponse.
Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre je ne peux pas
répondre, je ne fais que présider les débats ici.
(Fin de la séance à 17 h 56)