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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 6 juin 1986 - Vol. 29 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 58 - Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-huit minutes)

Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mes chers collègues, constatant le quorum à cette commission, je déclare la séance ouverte et je rappelle le mandat que nous a confié l'Assemblée nationale. Il s'agit de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants. Je demande au secrétaire d'annoncer les membres de la commission et les remplacements, s'il y a lieu.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Les membres de la commission pour cette séance sont: Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Bleau (Groulx), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Charbonneau (Verchères), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Gardner (Arthabaska), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Hains (Saint-Henri), M. Hamel (Sherbrooke) qui est remplacé par M. Laporte (Sainte-Marie), M. Jolivet (Laviolette), M. Khelfa (Richelieu), M. Parent (Sauvé), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Ryan (Argenteuil) et Mme Vermette (Marie-Victorin).

M. Gendron: M. le Président, je voudrais vous indiquer que, pour la séance de cet avant-midi, Mme Vermette sera remplacée par M. Pierre Marc Johnson, chef de l'Opposition. Je voudrais quand même demander à la commission si elle est d'accord - puisque M. Johnson, compte tenu d'activités qu'il a cet après-midi, ne pourra pas être des nôtres - pour que Mme Vermette puisse retrouver et son droit de participation et son droit de parole pour la séance de cet après-midi.

Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous proposez que Mme Vermette soit remplacée par le député d'Anjou, M. Pierre Marc Johnson, ce matin et vous demandez s'il y a consentement de la commission pour que Mme Vermette redevienne membre de la commission à compter de 15 heures cet après-midi.

M. Gendron: C'est exact.

Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement? M. le ministre de l'Éducation?

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté la proposition et je pense que celui qui l'a faite se rend compte qu'elle n'est pas en conformité avec notre règlement.

M. Gendron: Exact.

M. Ryan: D'après notre règlement, un membre de la commission qui se fait remplacer doit être remplacé pour toute la journée. Ai-je bien compris que c'est seulement pour la séance de ce matin qu'on veut le remplacement de la députée de...

Une voix: Marie-Victorin.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Juste une minute. Selon notre règlement, au début de la commission, soit actuellement, la liste des membres est annoncée ainsi que la liste des remplacements. Tous ceux qui remplacent au moment où la commission commence sont membres pour toute la journée. Évidemment, s'il y a consentement des deux côtés de cette commission, on pourra y déroger, mais s'il n'y a pas de consentement, selon la proposition faite, Mme Vermette sera remplacée par M. Pierre Marc Johnson pour la journée. Mais s'il y a consentement on pourra y déroger.

M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. le Président, je veux ajouter à la suite de la question posée par le ministre de l'Éducation que, si j'ai pris la peine de suggérer cette substitution pour la partie de la séance de cet avant-midi et si j'ai réclamé le consentement unanime, c'est que j'étais conscient que la demande que je vous faisais n'était pas conforme aux dispositions de notre règlement. C'est pourquoi j'ai ajouté: S'il y a un consentement unanime. Je veux rappeler aux membres de cette commission ainsi qu'au président que c'est parce que nous tenons à ce que nous abordions le début de ces discussions en présence du chef de l'Opposition mais, compte tenu d'activités spécifiques qu'il a cet après-midi, c'est uniquement pour la séance de cet après-midi que je réclame la collaboration de l'Opposition pour que Mme Cécile Vermette, membre de cette commission, règle générale, retrouve son droit de participation et son droit de parole. Je reconnais que, pour les séances

ultérieures, normalement, lorqu'on aura à présenter des substitutions, elles vaudront pour l'ensemble des séances de cette commission, entendant par ià qu'une séance dure la journée d'une commission parlementaire.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: ...par déférence pour le chef de l'Opposition et en notant les précisions qui ont été ajoutées par le député d'Abitibi-Ouest, il nous fera plaisir d'accepter la motion.

Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, mes chers collègues, il y a consentement. M. Pierre Marc Johnson siégera à cette commission jusqu'à 13 heures et, à compter de 15 heures, Mme Vermette sera membre de la commission et M. Johnson ne sera pas membre de la commission à ce moment-là.

Il y aura la déclaration d'ouverture, selon la tradition, du ministre de l'Éducation et, d'après ce que m'a fait voir l'Opposition au début de cette assemblée, M. Pierre Marc Johnson prendra la parole pour la déclaration d'ouverture de l'Opposition.

M. le ministre de l'Éducation.

Remarques préliminaires M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je veux présenter de manière plutôt brève l'essentiel des raisons qui justifient ce projet de loi et, ensuite, les éléments majeurs qui en fournissent le contenu. Sur les raisons qui justifient la présentation du projet de loi, le gouvernement s'est longuement expliqué pendant le débat de deuxième lecture. Il s'agit de mettre fin d'une manière efficace, d'une manière complète et d'une manière la plus humaine possible, à une situation d'illégalité qui dure depuis au-delà de neuf ans.

La dernière pensée du gouvernement serait de laisser se créer l'impression que l'on voudrait, d'une manière ou d'une autre, récompenser l'illégalité. Nous voulons au contraire - je le dis avec toute la fermeté dont je suis capable - mettre fin à une situation d'illégalité que le gouvernement précédent a laissé se perpétuer pendant neuf ans. Si la situation n'avait pas duré aussi longtemps, si elle n'avait pas pourri de la manière que nous connaissons, il aurait été passible d'y apporter d'autres solutions.

II y a trois ans, au temps où j'étais critique de l'Opposition en matière d'éducation, j'avais moi-même fait un examen exhaustif du problème et j'en étais venu à formuler un certain nombre de recommandations, dont la très grande majorité aurait pu s'appliquer par des voies administratives. J'avais recommandé certaines modifications législatives, mais elles visaient plus l'avenir que la situation qui existait alors. Le gouvernement n'a rien fait. Il y a eu apparence de gestes ou d'approches, à certains moments, qui n'ont donné pratiquement aucun résultat. La preuve en est la situation que nous avons retrouvée au moment où nous avons assumé les responsabilités du pouvoir. Le problème était toujours là.

Nous avons étudié toutes les solutions possibles. Moi-même, après avoir été invité à assumer la charge de ministre de l'Éducation, je pensais encore qu'il serait possible de procéder à une solution par cas ou par catégorie. Au point où la chose était rendue, cela aurait demandé tout un ensemble de procédures, de vérifications, d'enquêtes qui auraient prolongé indéfiniment le problème.

J'ai dû me rendre à l'évidence que, si nous voulions vraiment nettoyer cette situation et repartir à neuf pour le mois de septembre 1986, il fallait agir d'une manière plus radicale, d'une manière plus complète. Il fallait surtout éviter de créer la possibilité que ne demeurent encore des résidus. Si on avait procédé par distinction, pris les enfants de telle catégorie, de telle autre catégorie, on aurait pu faire deux, trois, quatre, huit, dix catégories différentes. C'est sûr qu'il y a des problèmes qui ne sont pas de même nature.

Si on avait commencé à procéder ainsi, il y aurait eu le risque... Il ne faut pas oublier, et je voudrais que l'Opposition essaie de le comprendre, la dimension psychologique, sociale et culturelle qui est au coeur de ce problème. Ce sont des gens qui ont subi des traumatismes profonds. D'abord du fait de l'immigration. Avant cela, je dirais du fait des conditions politiques, sociales, économiques qu'ils ont connues dans leur pays respectif. Et, depuis qu'ils sont arrivés au Québec, du fait des luttes que nous avons vécues entre nous.

Pour nous, quand nous discutons de langue avec le Parti québécois, du côté du Parti libéral, en général, cela ne nous empêche pas de dormir. Même si les propos s'échauffent parfois, nous entrons chez nous le soir et nous nous disons: Demain, ils raisonneront d'une manière plus froide, et vous vous dites sans doute la même chose du côté du Parti québécois à notre endroit. Peut-être que parfois vous trouvez que nous sommes enclins à un libéralisme qui vous inquiète quelque peu. Je pense qu'en entrant chez vous vous vous dites, au fond, malgré tout, ce que nous disons: Ces gens sont des Québécois aussi bons que nous, aussi consciencieux, aussi attachés au fait français,

on va peut-être se retrouver quelque part. Si vous n'avez pas cette disposition, il y a quelque chose qui fait défaut.

Quand j'entre chez moi, quand je vous écoute, j'essaie toujours de trouver le point qui pourrait modifier mon opinion. Je pense que vous aurez remarqué que dans le débat j'essaie toujours de m'adresser aux arguments véritables que vous avez soulevés, pas de faire de la démagogie ou de tourner autour. Je me fais toujours un devoir, quand j'écoute un d'entre vous, d'essayer de saisir l'essentiel, d'essayer d'apporter une réponse qui va être meilleure à mon point de vue; si votre point de vue est meilleur, d'essayer de l'intégrer au mien de manière que tous ensemble nous ayons un point de vue enrichi.

Nous, nous pouvons faire des exercices entre nous qui ne nous empêchent pas de fonctionner normalement. Ceux qui arrivent au Québec avec des souvenirs politiques, sociaux et culturels très différents ne réagissent pas de la même manière. Quand j'étais jeune marié, j'ai demeuré à Montréal-Nord où règne depuis longtemps, comme vous le savez, un maire solidement implanté qui appartient à la même famille que moi. Mon propriétaire était une famille d'immigrants. C'était un duplex et j'étais au deuxième étage. Est arrivé le jour des élections. Ils étaient au Canada depuis un certain nombre d'années. Mon épouse et moi sommes allés les voir et on leur a dit: Vous allez venir voter, on peut vous amener en voiture, c'est peut-être la première fois que vous votez au Québec. Ils ont dit: On ne veut rien avoir à faire avec les élections. C'est mauvais, ces choses. Il y en a eu trop de cela chez nous. On ne veut pas toucher à cela.

Ils avaient une peur bleue seulement du phénomène des élections. On les invitait à aller à une assemblée civique, ils ne voulaient pas entendre parler de cela. Pour eux, c'était synonyme de révolution ou de trouble. Ils avaient peur que leur nom soit pris par des gens. Il faut se rendre compte quand on l'a vécu, si on a vécu dans des quartiers où il y a beaucoup de ces gens, que c'est énorme.

Il y a un autre facteur que je veux porter à votre attention - cela ferait sourire si on trouvait cela dans le rapport Rondeau ou dans un autre document aussi objectif -les liens familiaux. Je vous ai trouvés un petit peu insensibles sur cet aspect et cela m'a fait de la peine. Quand la loi 101 est arrivée, j'ai mentionné un aspect de rétroactivité que vous avez nié, mais dont vous n'avez point prouvé qu'il n'existait pas. Si vous me le prouvez, je serai prêt à nuancer mes affirmations.

Ce dont je me souviens... Je ne m'en souvenais pas, à vrai dire; je l'ai retrouvé en lisant les articles qui sont parus dans les journaux è l'époque. Quand la loi 101 a été mise en application au mois de septembre 1977, elle avait été adoptée la semaine précédente. Pendant tout le printemps précédent, les parents avaient fait l'inscription de leurs enfants dans les écoles et ils avaient fait cette inscription sous l'autorité de la loi 22 qui existait à l'époque. Il s'était déjà créé un certain résidu qui était plus ou moins trouble au point de vue de la légalité. De toute manière, ils avaient fait leur inscription.

D'abord, il y avait un nouveau gouvernement qui était entré en fonction l'année précédente, quelques mois avant, pas même un an avant, et ils ont vu arriver cette loi. Rappelez-vous que c'était dans le contexte de l'indépendance. Vous étiez sûrs, à ce moment-là, que l'indépendance se ferait, ce n'était qu'une question de mois ou d'années. Le référendum s'en venait et vous aviez des sondages qui vous favorisaient énormément. Imaginez-vous le climat qui était créé à ce moment-là. Ces gens étaient venus au Canada et en Amérique du Nord; ils avaient des parents en Ontario, dans le New Jersey, au Manitoba et eux voulaient faire partie d'un pays qui s'appelle le Canada. Ils avaient atterri au Québec parce qu'il y avait des possibilités qui s'étaient présentées là, mais ils n'étaient pas venus après avoir fait un cours d'histoire du Québec par le chanoine Lionel Groulx. Ils avaient entendu parler de cela...

Allez dans les ambassades, en Italie, ou dans les bureaux de recrutement d'immigrants dans les pays d'Europe: nos chicanes particulières, nos caractéristiques de ceci ou de cela, malheureusement, ils ne les connaissent pas beaucoup. Ils disent: Canada, je voudrais aller au Canada. Après, toutes sortes de facteurs se présentent, et ils disent: On va aller au Québec. Ils étaient pris dans un contexte extrêmement pénible, ils se sont dit: Nous voulons que nos enfants apprennent l'anglais, ils vont en avoir besoin pour fonctionner en Amérique du Nord. À ce moment-là, pas plus qu'aujourd'hui d'ailleurs, nous n'étions pas en mesure de leur offrir la garantie que dans nos écoles françaises ils pourraient vraiment apprendre l'anglais de manière convenable. La meilleure preuve que je puisse évoquer est que nos propres enfants dans les écoles françaises n'apprennent pas l'anglais de la manière dont les parents le souhaiteraient; c'est un des motifs de récrimination les plus répandus chez les parents.

La loi 101 arrive. Il y avait ce premier élément de rétroactivité, ils avaient déjà fait leur inscription de manière légale et on leur a dit: Les règles du jeu ont changé, ce n'est pas comme cela que cela fonctionne, vous allez tout recommencer. Ils ont dit: On ne recommencera pas, on l'a fait comme cela et on reste comme cela. Blâmons-les ensemble a posteriori. Moi, je suis prêt à le faire d'un point de vue objectif. Je pense

qu'ils ont agi d'une manière qui n'est pas admissible parce que contraire à la toute dernière version de la loi. Très bien.

Un autre point. Il y avait des familles. Vous aviez un couple italien, par exemple, portugais ou autre. Il avait envoyé ses enfants à l'école de manière qu'ils aient le droit de continuer à aller à l'école anglaise. Il y avait le frère et la soeur qui n'y avaient pas droit, eux. On créait des régimes différents à l'intérieur d'une même famille, non pas pour les enfants, mais pour ceux qui allaient se marier et, ensuite, allaient être appelés à envoyer leurs enfants à l'école. Ils pensaient à cela, les Italiens en particulier -je devrais dire: les membres de la communauté italienne. Les Italiens, ce n'est pas correct de dire cela, ce sont des Québécois comme nous. Parler des Italiens, c'est tout de suite faire une faute de langage que je retire, en tout cas, en ce qui me touche. Pour les membres de la communauté italienne, c'est la vie familiale. Vous savez comment ils vivent, ils ont un attachement aux valeurs familiales que nous, les francophones, devrions leur envier parce que c'est le secret de la force qu'ils ont acquise au cours des quinze dernières années. Pendant que nous jetions trop souvent au panier les valeurs familiales, eux les ont cultivées et gardées. Il arrive qu'au point de vue démographique, cela leur a donné une force que nous avons vu décliner continuellement de notre côté. Je ne porte pas de jugement, je constate un fait. Eux se disaient: Toi, Albino, tu vas avoir tel régime et pour toi, Regina, ce sera différent; pour toi, Alberto, ce sera une autre affaire et, toi, Giovanni... Le point de vue des membres de la communauté italienne était celui-ci: Nous sommes tous des Québécois, des Canadiens, et il n'y aura pas un régime pour un frère, un autre pour l'autre. (12 h 15)

Il y avait tout cela, avec une émotivité très forte. Et rappelez-vous que vous ne pouvez pas faire trop de griefs au Parti libéral sur ces questions. La loi 22 n'était pas parfaite, nous en convenons nous-mêmes, les deux clés qui avaient été imaginées dans la loi 22, la clé des tests linguistiques et la clé du contingentement, ce n'était pas, pour reprendre une expression d'un ancien premier ministre de votre parti, la trouvaille du siècle. Nous avons payé le prix. À l'élection de 1976, si le Parti libéral a été défait, c'est en grande partie... Il y avait d'autres facteurs; je pense que cela n'a pas joué fort dans Laviolette, le facteur dont je parle, mais dans les comtés où vous avez une proportion le moindrement significative de citoyens de langue anglaise ou de communautés ethniques ceux-ci se sont revirés contre le Parti libéral. Ils ont voté pour l'Union Nationale, vous vous en souvenez très bien; quelques-uns pour le

Parti québécois, mais un nombre très impressionnant pour l'Union Nationale et cela a fait perdre au Parti libéral - j'avais fait des calculs dans le temps - au moins une bonne vingtaine, entre 25 et 30 sièges. Alors, on a payé le prix. Par conséquent, on ne peut pas être accusé d'indifférence en face de ce problème-là, ou de négligence. On a couru des risques politiques énormes qui nous ont coûté cher. On a appris avec les années. Je pense qu'on apprend d'un côté comme de l'autre. Vous avez pris des risques avec la loi 101, aussi. Celui dont les conséquences sont encore devant nous en était un, mais je pense qu'on a agi de bonne foi de part et d'autre. On ne peut pas, en tout cas, supporter qu'on s'accuse mutuellement de ceci ou de cela.

Je reviens à ces membres des communautés immigrantes qui sont au coeur du drame. Il faut comprendre le contexte psychologique, social, culturel et politique dans lequel ces gestes-là ont été posés. Je pense qu'une fois qu'on a essayé de comprendre, qu'on s'est mis dans cette démarche-là, la dernière chose qu'on est tenté de faire, c'est de juger ou d'exclure. On se dit: Quoi faire avec ce qui reste du problème? Cela a été notre approche. Je vous le dis en toute sincérité, c'est notre approche profonde. S'il y avait eu une solution intermédiaire applicable qui nous aurait permis de disposer du problème rapidement, nous en aurions été extrêmement heureux. Vous avez cherché de votre côté; j'ai écouté vos discours pendant le débat de deuxième lecture et je n'ai entendu aucune suggestion qui aurait été vraiment pratique, vraiment applicable, et je ne vous en veux pas, on n'en a pas trouvé, nous non plus, de notre côté. On a cherché et on n'a pas été capable d'en trouver. On est arrivé à cette solution.

D'un point de vue, comme le disait le député d'Abitibi-Ouest, c'est vrai qu'on aurait pu y penser avant. Parfois, les solutions simples sont celles qui ne sont pas applicables dans l'immédiat parce qu'elles apparaissent trop grosses, elles apparaissent trop énormes à un certain point de vue. Cela demande un certain recul et, à un moment donné, il y a un geste audacieux. On se dit: On a fait le tour de tout; on veut régler ce problème-là, on va agir. Je vous le dis en toute simplicité, c'est notre approche. Nous ne voulions pas qu'il reste de l'intervention que nous allions faire quelque résidu que ce soit. Nous voulions que les enfants... J'entendais le député de Mont-Royal, hier, qui disait: On veut faire oeuvre de justice. Moi-même, cela m'a fait hésiter un peu. Je le lui ai demandé, parce qu'il m'en avait parlé avant de faire son intervention, et il m'a dit: M. Ryan, pensez-vous que je puisse employer ce mot-là sans déformer les intentions que vous avez? J'ai réfléchi et je

lui ai dit oui. Cela va sembler paradoxal, je le sais que cela va étonner nos amis du côté de l'Opposition, mais je pensais aux enfants. 3e me disais: Eux autres, quelles que soient les fautes de leurs pères, quelles que soient les fautes de certains dont on a parlé - et il en sera peut-être question au cours des travaux de la commission - eux autres, ils ont droit à des conditions égales. Ils ont le droit d'être traités de manière rigoureusement égale, comme tous les autres enfants du Québec. Là-dessus, on ne peut pas lésiner. On réglera le cas des aïeux en d'autres circonstances. On aura bien des occasions de redresser des choses, je pense bien, mais dans le cas des enfants on ne peut pas lésiner.

Or, il arrivait - c'est une situation que reconnaît également l'Opposition - que ces enfants-là n'étaient même pas sur les listes publiques d'inscription scolaire. Ils n'avaient droit à aucune subvention pour leur instruction. Ils n'avaient accès à un aucun diplôme. On a dit dans le débat: Ce n'est pas grave, ça, les diplômes; ce n'est pas grave; pour aller au cégep, ce n'est pas tellement grave parce qu'un diplôme de secondaire, ce n'est pas un facteur absolument essentiel et exclusif d'admission au cégep. Là-dessus, il y a beaucoup de vrai, mais tous les enfants qui passent par l'école secondaire ne vont pas au cégep. Savez-vous quelle est la proportion des enfants qui passent au secondaire et qui vont au cégep?C'est 50 %. Et combien de ceux qui s'inscrivent au cégep vont se rendre au bout de leurs études? Pas plus de 60 % ou 65 %.

Ces enfants deviendront des adultes. Il y en a qui le sont devenus, déjà. Ils s'en vont sur le marché du travail. Ils veulent devenir pompiers ou policiers, par exemple, dans leur municipalité. On exige un diplôme d'études secondaires en bonne et due forme. Je le sais parce que des citoyens de mon comté sont venus me voir à plusieurs reprises pour me demander comment ils pourraient avoir un tel certificat. Ils n'avaient pas eu l'occasion... Ils s'étaient rendus en neuvième, dixième, onzième année. Comment peut-on avoir un tel certificat?C'est très compliqué parce qu'il faut les inscrire dans les écoles et il faut les faire passer par les fourches caudines de la reconnaissance des acquis expérientiels ou scolaires ou par des études additionnelles. Ces enfants dont nous parlons, s'ils ont fait des études régulières, s'ils ont suivi le cours qui est prescrit et approuvé par le ministre de l'Éducation, ne sont pas dans la même situation.

Pour toutes ces raisons, l'objectif d'égalité des chances pour ces enfants, à plus forte raison ceux qui sont encore dans les écoles, nous avons dit que nous allions nettoyer l'ardoise, comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, et faire en sorte qu'ils puissent emprunter la voie centrale, rentrer dans le "mainstream", comme on dit, rentrer dans la voie centrale par laquelle passent tous les citoyens au Québec.

Nous allons voir ensemble, pour l'avenir, à créer une situation où de tels problèmes n'existeront plus. Nous introduisons dans la loi des sanctions beaucoup plus sévères pour l'avenir. Si jamais j'allais constater que ces sanctions ne sont point suffisantes - j'espère qu'il ne sera jamais nécessaire d'y recourir - il faudrait les rendre plus sévères encore. Je pense qu'il faut que tout le monde sache que le gouvernement est résolu à ce que la loi 101, dans son chapitre sur la langue d'enseignement, s'applique de manière fidèle et intégrale.

Je ne voudrais pas, enfin, que nous fassions aujourd'hui, neuf ans après, des procès qui auraient dû être faits pendant ces neuf années. On veut faire le procès de la CECM, on veut faire le procès de la commission scolaire Jérome-Le Royer. Nous n'embarquerons pas dans ces exercices parce que ces commissions scolaires ont été en rapport avec le gouvernement pendant toutes ces années et le gouvernement disposait, vous le savez très bien, de tous les moyens nécessaires pour les empêcher de prolonger ces situations si elles avaient dépendu de la volonté de ces commissions scolaires.

C'est une situation exceptionnelle où la dimension politique était très importante. Et je pense que vouloir engager la recherche dans cette voie n'aboutirait à rien. De toute manière, nous n'embarquerons pas là-dedans. Je vous le dis franchement, je pense que c'est une voie sans issue, une voie qui va chercher à trouver des faux coupables, à trouver des prétextes pour essayer d'excuser l'inaction passée. Je suis prêt à ne plus parler du passé. Il n'y a rien que je demanderais de mieux et je n'ennuierai pas l'ancien gouvernement si on passe à l'action pour l'avenir. J'endurerai, après cela, qu'on soit extrêmement sévère à l'endroit du gouvernement actuel s'il allait s'éloigner non seulement de l'esprit, mais de la lettre de la loi 101.

Mais il y avait ce que j'appellerais, dans un langage typiquement québécois, ce motton que nous avons tous dans la gorge. Il faut le faire passer en faisant en sorte que les os fassent le moins de déchirures possible. C'est l'opération que nous proposons. Nous aurons l'occasion d'en discuter en détail à mesure que nous avancerons.

Je répète - dernier thème - qu'en procédant par cette voie, l'Assemblée nationale use avec dignité et noblesse de sa prérogative souveraine qui consiste à recourir à une intervention législative pour nettoyer une situation ou résoudre un problème auquel aucune autre solution n'a pu être apportée

jusque-là. Il arrive qu'un Parlement soit appelé à agir ainsi partout, sur toutes les latitudes. Mais on doit le faire le moins souvent possible. On doit le faire pour des motifs exceptionnels graves, je dirais même uniques. Il semble que cette situation-ci nous offre un bon exemple et que les dividendes qui en résulteront sur le plan de la "convivance" sociale et politique, sur le plan de l'amitié civique, sur le plan de la collaboration pour une meilleure observance des lois, soient infiniment supérieurs aux conséquences qui résulteraient d'un pourrissement prolongé de cette situation.

Dans cet esprit, j'espère que nous pourrons procéder avec célérité, diligence et pertinence a l'étude des articles du projet de loi comme nous y enjoint notre règlement.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Je remercie le ministre de l'Éducation de son exposé. Je vais essayer de prendre à peu près le même temps que lui, peut-être un peu moins.

Je ne peux pas ne pas relever un certain nombre de choses dans ce que nous dit le ministre de l'Éducation, notamment dans cette espèce de survol historique qu'il fait de ce que signifie être arrivé au Québec d'un autre coin du monde et s'y être établi. Je reconnais avec lui deux choses qui me sont toujours apparues comme assez manifestes et évidentes chez la plupart des gens qui sont devenus Québécois parce qu'ils ont fait le choix de faire leur vie ici. Je reconnais sûrement deux choses d'emblée: en général ils se sont installés ici, alors qu'ils venaient en Amérique du Nord, et ils se sont installés ici dans certains cas, alors qu'ils venaient dans leur esprit au Canada. Dans leur esprit, encore une fois, l'Amérique du Nord et le Canada, c'était un lieu où le succès était peut-être un peu plus garanti si l'on s'exprimait en langue anglaise. Tout cela tombait un peu sous le sens, surtout quand on pense è ce que "B and B" nous disait, la commission Laurendeau-Dunton, dans les années soixante, démontrant que le rang économique des parlants français au Québec était le dernier sur le plan du revenu moyen individuel de tous les groupes linguistiques, sauf les gens d'origine portugaise. Les Québécois francophones venaient au... je ne me souviens pas si c'était au quatorzième ou au dix-septième rang, sur quinze ou dix-huit.. On retrouvait dans cette étude Laurendeau-Dunton qu'évidemment le groupe anglophone, lui, sur le plan du revenu moyen per capita, était le plus privilégié. Ensuite venaient, je crois, le groupe d'origine allemande et un certain nombre de groupes d'origine germanique. Ensuite venaient les groupes, si je me souviens bien, qui ont une appartenance à ce qu'on appelle l'aire latine de façon générale, parmi lesquels se retrouvaient les francophones à l'avant-dernier rang.

On peut comprendre que, pour une bonne partie de l'immigration au Québec, dans les années soixante, il y avait ce sentiment, cette impression, je dirais presque ce déterminisme socio-économique qui amenait les gens à considérer que c'est en langue anglaise qu'il fallait faire éduquer ses enfants. Cependant, je le ferai remarquer au député, il y a une exception absolument remarquable à cela. Des études démographiques ont démontré que l'immense majorité des italophones jusqu'au milieu des années cinquante s'était intégrée à la communauté française même à Montréal.

Cela s'explique par un facteur historique relativement simple, le facteur de la religion, la plupart des italophones étant d'origine catholique, les Québécois francophones étant également de religion catholique, de la même façon d'ailleurs qu'une bonne partie des Irlandais hors Montréal se sont assimilés ou intégrés à la communauté francophone pour exactement les mêmes raisons.

Cette réalité se traduisait dans un système scolaire qui faisait qu'il y avait le système anglo-protestant et l'autre franco-catholique, même s'il existait un régime anglo-catholique, mais qui était finalement relativement secondaire. Il s'est développé soudainement à la fin des années cinquante, en termes de nombre, en termes de nombre d'écoles, en termes de ressources que les commissions scolaires, dont la CECM, y ont mis, et au début des années soixante, dans la mesure où on était confronté à cette réalité qu'il n'y avait pas grand avenir sur le plan économique à être francophone. (12 h 30)

Quand tout cela s'étalait devant les citoyens au début des années soixante, au moment des études de Laurendeau et Dunton, il y avait là un réflexe presque normal pour un nouvel arrivant au Québec de se dire: S'il y a l'école anglaise catholique - dans la mesure où la dimension de la religion comptait - je serais bien fou de ne pas envoyer mon enfant à l'école catholique anglaise parce qu'il a peut-être la chance de faire un peu plus d'argent dans la vie, s'il fait cela, et d'avoir du succès, dans le fond. C'est ainsi que c'était présenté.

Tout cela était dans un contexte où la notion de libre choix existait. C'est cette notion même du libre choix qui a été remise en cause au milieu des années soixante et qui a donné lieu, on s'en souvient, à ces difficultés qu'on a connues: Saint-Léonard, les tensions sociales. D'autant plus que tout cela était véhiculé à travers des structures politiques agissantes. C'est l'époque du RIN,

c'est l'époque du RN, alors que ces partis n'existaient pas dans les années cinquante. Il y avait une visibilité considérable et une préoccupation considérable dans l'affirmation nationale du Québec au début des années soixante autour de tout cela.

Que de nouveaux arrivants, également, aient tendance à ne pas vouloir s'impliquer dans ce qu'ils perçoivent comme étant des querelles politiques, cela non plus ne m'étonne pas. Je considère que c'est un réflexe que j'aurais sans doute. Si, pour une raison ou pour une autre, dans une situation que je n'ai pas à anticiper, je devais quitter le Québec avec ma famille dans un contexte d'oppression militaire, de dictature ou de pauvreté abjecte dans laquelle on me maintiendrait, pour aller m'établir en Bavière, je présume que les problèmes de la Bavière à l'égard de l'État allemand de l'Ouest, ce ne serait sûrement pas la première chose dont je m'occuperais. Bien qu'ayant le tempérament que j'ai, cela ne prendrait sûrement pas beaucoup de temps.

Cependant, entre cela et considérer que ces enjeux majeurs de toute une collectivité ne doivent pas être le lot, la préoccupation de l'ensemble des citoyens, il y a une marge. Je ne crois pas que les gens de souche européenne ou d'ailleurs qui se sont installés ici, ou qui continuent de s'y installer, qui seront de plus en plus nombreux - je le souhaite - constitueront une espèce de classe privilégiée dans la société dont le privilège serait d'être apolitique. Après tout, on vit en démocratie, dans un État libre. On a l'extraordinaire avantage, ici, de ne pas être sur un des continents rongés par la famine ou la dictature douce ou violente. On vit dans un des coins de la terre où la démocratie et la liberté sont les pierres d'assise de la vie en société.

Je crois que cela est vrai pour tous ceux qui choisissent de venir faire leur vie au Québec. À preuve que ces nouveaux arrivants ne sont pas si détachés des questions politiques, si je prends une bonne partie de la communauté italienne, historiquement, elle représente un contingent très important chez les libéraux, dont d'ailleurs le ministre et certains de ses collègues ont fait largement état lors du discours sur l'adoption du principe. Il y a une très grande implication d'une bonne partie de la communauté italienne au Québec dans la politique du Parti libéral. Il y en a un peu au Parti québécois, pas assez è mon goût, mais on va y travailler très fort au cours des années qui viennent.

Je ne suis pas prêt à conclure que, pour une bonne partie de celles et ceux qui ont vraiment choisi de ne pas respecter la loi, cela s'est fait dans un climat où les personnes étaient extrêmement vulnérables et inquiètes des questions politiques, absolument pas. Qu'il y en ait eu dans le lot, fort possiblement, mais, de façon générale, mes amis italiens du nord d'Anjou et les gens que je connais de Saint-Léonard, qui est tout près de mon comté et que connaît bien notre député-président, aiment la politique. Ils s'en mêlent. Ils sont vice-président de la commission scolaire Jérôme-Le Royer quand ce n'est pas président ou présidente; ils sont au conseil municipal de Saint-Léonard; il y a un conseiller municipal du nord d'Anjou qui siège au conseil municipal d'Anjou et je suis sûr qu'il y en a quelques-uns à la ville de Montréal. Je n'en connais pas personnellement, mais je sais qu'il y a quelques conseillers de Viau... Oui, même maire de Saint-Léonard, dans bien des cas.

Cet argument du ministre que je veux bien comprendre comme étant un peu le coeur de son argumentation sur la dimension... Comment disait-il cela? Nous voulons mettre fin au problème d'une façon complète, efficace et humaine. C'est l'argument de l'humanité. Je le prends, mais je me permets de faire un certain nombre de réserves, comme je fais une réserve très sérieuse sur la façon qu'il a de nous présenter les 1500 cas à partir d'une simple phrase qui était: Vous avez brisé les règles du jeu en 1977. Il y a des gens qui avaient déjà inscrit leurs enfants avant l'adoption du projet de loi. Dans le fond, je regrette, vous n'auriez pas dû faire cela. Â la rigueur, je serais prêt à considérer que le débat à cette époque, si passionné fût-il, avait peut-être quelque chose qui ne tenait pas compte de ces 144 personnes. Les chiffres du rapport Rondeau, c'est 144, à moins que le ministre n'ait d'autres chiffres à nous donner; j'espère que cela va être intéressant.

Je remarque aussi que la loi telle qu'adoptée disait bien ceci: Les enfants dont le père ou la mère a reçu un enseignement primaire en anglais au Québec, pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu au Québec, peuvent donc aller à l'école anglaise. Le paragraphe b de l'article 73 disait: "les enfants dont le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, un enseignement primaire en anglais pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu hors du Québec." Finalement: "Les enfants qui, lors de leur dernière année de scolarité au Québec, avant le 26 août 1977, recevaient légalement l'enseignement en anglais dans une classe maternelle publique ou à l'école primaire au secondaire." Enfin, il y a les frères et soeurs cadets des enfants visés au dernier paragraphe que je viens de lire.

Je trouve que le ministre en met peut-être un peu plus sur la tartine qu'il ne le devrait parce que, dans le fond, cela limite passablement celles et ceux qui pouvaient considérer que c'était abusif ou injuste que

de passer une loi alors que les gens s'étaient inscrits. Deuxièmement, je constate qu'en 1977-1978 - la loi est passée; c'est fait - il y en a 128; en 1978-1979, encore 128; en 1979-1980, encore 128; en 1980-1981 -regardez-donc, cela augmente - 141; en 1981-1982, 72, et, ainsi de suite, 66, 71, 54, 58 et, finalement, on a un truc qui s'appelle "autres réponses", 20. Les gens s'inscrivaient comme cela, je ne sais pas, à l'école Sainte-Rita d'Amos, par exemple, à la CECM ou à une autre que connaît bien le député de Viau, qui a été directeur, je crois, de cette école. Je pense qu'il faut peut-être remettre les choses en perspective. Je ne voudrais quand même pas qu'on passe pour des ogres ici. Je ne voudrais quand même pas que, par anticipation, on passe du monde au martyrologue. Je suis sensible à ces réalités, je suis sensible à ce qu'ont vécu et à ce que vivent de façon générale les communautés culturelles ici, ceux de la première génération qui sont des gens, c'est vrai, plus fragiles dans le tissu social qu'on a, parce qu'ils viennent de se déraciner de leur pays et qu'ils n'ont pas le goût d'avoir de trouble de façon générale. Mais il faut bien comprendre qu'au Québec, cela n'a pas commencé hier.

Une deuxième constatation à l'égard de ce projet, au-delà de la dimension historique qu'a évoquée le ministre, ce projet, c'est clair, c'est une amnistie. Bon! Nettoyer l'ardoise avec une éponge et de l'eau au lieu d'une efface ordinaire, c'est clair. Cela va être propre, propre, propre! Cela va être une ardoise nette, nette, nette. On va faire comme s'il n'y avait jamais rien eu avant, jamais de craie là-dessus.

C'est donc en ce sens; même si le ministre ne veut pas être interprété comme sanctionnant l'illégalité, c'est de fait une sanction ou une absence de sanction de l'illégalité. C'est clair. Il n'y a pas de demi-mesure là-dedans. Le ministre peut dire: C'est le choix qu'on fait. Très bien, c'est son droit, mais qu'il ne vienne pas me dire que c'est la reconnaissance que l'illégalité ne paie pas. C'est clair; c'est ce que fait le projet de loi. Il faut appeler un chat un chat. On trouve que, de ce côté, ce n'est pas nécessairement très bon pour l'État, pour l'idée même de ce qu'est une société démocratique comme la nôtre.

La troisième remarque, je dirais d'emblée que cette loi, évidemment, a quelque chose d'une solution relativement facile. Nous aussi, nous aurions pu adopter un projet de loi comme cela. Ce n'est pas forçantl C'est évident que c'est facile. On va faire comme si rien n'était arrivé ou... Pas ou à peu près, même pas à peu près. Le ministre nous reproche de ne pas avoir réglé le problème en neuf ans. Je vais vous dire: On ne voulait pas le régler comme cela. Il a choisi de le régler, mais comme cela. Il a choisi la solution que je dirais être de facilité sur le plan de la réconciliation à la fois du sens des lois, de leur respect par les citoyens et des objectifs de la loi 101.

Cela ne m'étonne pas beaucoup, parce que j'ai entendu un certain nombre de discours de nos collègues d'en face, surtout ceux d'hier, et j'avais l'impression qu'on était transposé en 1977. J'ai entendu des députés du gouvernement argumenter comme si c'était le Parti québécois qui avait déposé le projet de loi 101. J'ai l'impression que c'était le "Bill 101 revisited", si vous me passez l'expression. J'ai senti des expressions très dures, comme: Vous avez brisé un pacte social qui existait. Minutel Le pacte social a changé en 1977. Le pacte social que je vois brisé, en ce moment, si quelqu'un en brise un, ce n'est pas nous; c'est vous, non seulement par cette loi, mais par un ensemble d'absence de mesures et d'application de la loi 101.

Mais il y a des gens, hier, qui remettaient vraiment en cause dans leurs discours la loi 101 comme cela. On va l'effacer. Ils n'ont jamais été au pouvoir, les péquistes. C'est ce que je sentais. Il faut peut-être également se le dire, qu'il y a des gens qui n'ont jamais digéré la loi 101. Je suis par ailleurs très heureux d'entendre le ministre dire - il l'a répété ce matin - qu'il considère que les principes de la loi 101 ne devraient pas connaître de recul.

Je ne sais pas s'il parle des dispositions qui vont au-delà de son domaine à lui dans l'éducation. J'espère que oui. J'espère qu'il parle au nom du gouvernement pour toute la loi 101. Ah non! Il me fait signe que non.

M. Ryan: Mon devoir, c'est de parler pour la langue d'enseignement.

M. Johnson (Anjou): Très bien.

M. Ryan: Le reste, en temps utile.

M. Johnson (Anjou): Mais j'aimerais tellement l'entendre dire cela sur l'ensemble de la loi 101!

M. Ryan: En temps utile.

M. Johnson (Anjou): Au-delà de cette loi qui touche la régularisation du statut des enfants qui ont fréquenté illégalement l'école anglaise, j'aimerais tellement l'entendre nous dire: C'est la seule chose et vous ne toucherez pas à la loi 101, comme vous incitent à ne pas toucher à la loi 101 un certain nombre de personnes en ce moment, dont nous.

Une autre chose, c'est que cette loi urgente... Urgente, une minutel D'abord, cela fait neuf ans que ça dure. Je comprends qu'on peut nous en faire le reproche, mais je reviendrai là-dessus dans quelques minutes.

Elle est urgente parce que peut-être que le député de Viau a pris des engagements dans le comté de Viau. II me semble avoir lu quelque chose dans un hebdomadaire local de l'est de Montréal où le député, pendant l'élection, s'engageait à régler ce problème des enfants illégaux. (12 h 45)

II a pu siéger au comité qui recommandait au ministre de régler le problème. Il est bien chanceux. C'est vrai pour quelques-uns de ses collègues aussi. J'ai fait recenser quelques déclarations et annonces du Parti libéral. Oui, il y a urgence de remplir une promesse. Je dois vous avouer que je respecte la notion de remplir ses engagements. J'aimerais tellement...

Ah! il ne me reste que deux minutes? J'avais l'impression que j'avais une demi-heure. Je n'ai pas une demi-heure? Ah! Seigneur! Est-ce que le ministre me donnerait son consentement pour que je prolonge de quelques minutes?

M. Ryan: Volontiers.

Le Président (M. Bissonnet): II y a consentement.

M. Johnson (Anjou): Merci. J'aimerais bien voir des ministres partout dans ce gouvernement respecter avec autant de précipitation tous les engagements qu'ils ont pris. Ici, c'est l'engagement du député de Viau et de quelques autres qui est réalisé, et rapidement. Évidemment, avec le consentement du ministre. Je ne pense pas qu'il se fasse tordre le bras pour le faire. D'ailleurs, ce n'est pas un homme qui se laisse tordre le bras facilement - j'ai bien dit facilement. Cela doit lui arriver de se le faire tordre un peu quand même.

L'autre chose que je constate dans ce projet de loi, c'est qu'on ne se contente pas, évidemment, de régler le problème des enfants illégaux, mais on transmet aux générations qui viennent les mêmes droits. Cela n'est pas indifférent sur le plan des nombres. Il me semble que toute l'argumentation du ministre sur la fragilité du nouvel arrivant ne vaut plus. On va être rendu à la troisième génération tout à l'heure. Je ne peux pas croire que le citoyen qui est ici depuis trois générations a ces fragilités que nous exposait le ministre.

L'autre dimension de ce projet de loi, c'est ce dont il ne parle pas: l'illégalité organisée, systématique par une ou deux commissions scolaires, des directeurs d'école, des professionnels, des juristes dans certains cas, des gens qui ont organisé un système de défi a une loi de l'Assemblée nationale, pas au nom des 144 qui se considéraient comme n'étant pas adéquatement traités en 1977. Ce système existait encore alors que M. Rondeau se rendait, à titre de délégué du ministre, enquêter chez son ancien employeur, la CECM. Il existait encore en 1984-1985. Il y a des "pas de réponse", par exemple. M. Rondeau est allé enquêter. Évidemment, c'est une situation qu'il connaissait, qu'il ne pouvait pas ne pas connaître, étant donné les fonctions qu'il avait. Je pense aussi que le député de Viau connaissait bien la situation, étant donné qu'il était directeur d'école à la CECM. Je ne sais pas en quelle année il était directeur d'école, cependant. J'ai oublié de lui poser la question. J'aimerais entendre un ancien directeur d'école de la CECM nous expliquer que, lui, il a participé - un directeur d'école, c'est quelqu'un qui a une responsabilité dans la société - à l'inscription illégale d'un certain nombre d'enfants dans l'école qu'il dirigeait.

Puis il y a des enseignants et des syndicats. Cela porte un nom très simple - il ne s'agit pas de voir le parlement en flammes et des émeutes à la porte - cela s'appelle de la désobéissance civile. Lorsqu'on ne réagit pas, lorsque cela se présente dans un contexte aussi civilisé - il n'y a personne de mort, il n'y a pas eu d'émeutes dans les rues avec cela, il n'y a personne en prison ni d'inspecteurs avec des brassards, comme dans les caricatures du New York Times, qui sont allés battre la tête de ceux qui parlaient anglais. Voyons donc! Non, tout cela s'est fait de façon un peu feutrée, discrète. Il y a des complices pour ne pas respecter la loi. Pas en 1977, mais de 1977 à 1985. Lorsqu'on voit une désobéissance civile comme celle-là, je me dis que si on ne réagit pas devant cela, si on ne la dénonce pas, c'est là qu'on prépare le ferment du non-respect des lois dans une société. Quand on reconnaît ce type de complicité, la dénoncer, ce n'est pas avoir une vision autoritaire des choses, c'est, au contraire, vouloir défendre les valeurs de liberté et de démocratie dans lesquelles on vit et qui rendent notre système comme il est.

De ce côté, M. le Président - il me reste à peine pour deux minutes, je veux vous rassurer - le projet est drôlement silencieux. II ne comporte aucune garantie pour l'avenir. Je reconnais l'effort que fait le ministre quand il dit que quelqu'un serait sanctionnable de suspension de son emploi jusqu'à six mois s'il devait y participer, etc. Pour l'avenir, voilà un élément. Nulle part je n'ai vu la CECM - que le député de Sauvé connaît bien étant donné qu'il en a été président à une certaine époque, à l'époque où ces choses existaient - faire comparaître un directeur d'école pour dire: Monsieur ou madame, vous agissez contre les lois du Québec et comme employeur, en vertu de mon droit de gérance, je vous sanctionne. Dans une démocratie, c'est comme cela que cela devrait se faire. Non, cela n'a jamais été fait, chut, silence autour de cela. Il faut

le dénoncer et cela n'a pas suffisamment été dénoncé. J'espère l'avoir fait assez clairement aujourd'hui.

Une dernière remarque, avant que nous n'entamions le reste de nos procédures, qui touche ce qui a été fait dans le passé. C'est vrai qu'on ne l'a pas réglé, je ne nie pas cela. Dieu sait qu'on a essayé, par exemple. Ce qu'on avait devant nous, c'était cela: la CECM, quelques directeurs d'école, une bonne campagne de presse, une bonne entrée dans le Parti libéral, ce n'est pas négligeable. C'est une force politique, le Parti libérai, au Québec. Je ne nie pas cela. Il ne serait pas au gouvernement s'il n'était pas là. Disons qu'ils ne sont pas toujours aussi forts et qu'on va s'en occuper aux prochaines élections. C'est notre contrat à nous. Ils sont là.

Tout cela mis ensemble - je vais faire la correction - cela rendait la vie difficile à un gouvernement. Il aurait pu prendre une injonction, aller en Cour d'appel, aller devant les tribunaux. Et Dieu sait que le monde scolaire ne se gêne pas pour traîner l'État québécois devant les tribunaux! C'est bien connu, les commissions scolaires sont nées avant 1867, donc, c'est plus important que le gouvernement dans la tête d'un certain nombre de personnes et avec des taux de participation de 21 % des citoyens.

Je ne mets pas en doute ce que représentent les commissions scolaires dans la société dans laquelle je vis, mais je dis qu'une loi du Parlement, par exemple, quand i1 y a un vote démocratique de gens avec un taux de participation de 85 % des citoyens du Québec, cela vaut sûrement la parole d'un commissaire scolaire élu dans une commission scolaire ou il y a un taux de participation de 12 %, 15 % et 21 %. Je pense qu'on peut se le dire, en matière de légitimité.

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): C'est cela qui est en cause, disons-le clairement. Ce qui est en cause, c'est le refus d'une partie des institutions démocratiques ou juridiquement reconnues dans notre société de collaborer avec l'État québécois pour qu'une loi soit appliquée. C'est aussi simple que cela. On s'était fait sa conception de ce qu'était l'humanité et de la façon "de traiter" -entre guillemets - les minorités. Je me permets de dire qu'il y avait là une légitimité, quant à moi, doutable et douteuse, tout au moins quand on la compare à un vote du Parlement québécois et, quant à moi, quand on la compare à une constitution rédigée par onze premiers ministres à l'exclusion de celui du Québec.

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Anjou): Je conclus donc en disant que, oui, nous avons fait nos efforts, M. le Président. Nous avons nommé Me François Aquin - je le répète - un grand juriste, un homme respecté, un homme qui a plaidé à de nombreuses reprises devant les plus hautes instances de nos tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, un défenseur des droits et libertés, un homme d'une grande sagesse et qui est intervenu dans ce dossier en 1981. Je conclus là-dessus...

Le Président (M. Bissonnet): M. le chef de l'Opposition...

M. Ryan: Une question de règlement, M. le Président. Si le chef de l'Opposition veut être de bonne foi et conclure et ne pas nous entraîner en des voies latérales, je pense qu'on apprécierait plus le geste de courtoisie qu'on a eu à son endroit.

Le Président (M. Bissonnet): Sur la question de règlement...

M. Johnson (Anjou): Je vais conclure, M. le Président...

Le Président (M. Bissonnet): ...il y a eu un consentement pour que vous puissiez poursuivre quelque temps. Alors, je vous demanderais de conclure.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais j'avais l'impression que j'avais jusqu'à 12 h 55. On y arrive.

M. Ryan: Vous le dépassez.

M. Johnson (Anjou): Je comprends que le ministre n'aime pas tellement ce que je dis, mais...

M. Ryan: C'est parce qu'il y a des faits à redresser.

Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition, en conclusion.

M. Johnson (Anjou): Je veux redresser un dernier fait, M. le Président, en concluant là-dessus. Dire que le gouvernement n'a rien fait dans le passé pour le régler, non, c'est faux. Il a tenté de le faire et il a été aux prises, à compter de l'automne 1981, en dépit du fait qu'il était en début de mandat, avec une conjonction inspirée largement par ce qui était une désobéissance civile organisée par des éléments très responsables de la société et un jugement de la Cour suprême du Canada qui affaiblissait le Québec au moment du rapatriement. Il a été dans une situation où c'était impossible pour lui de régler le problème. Je trouve un peu

regrettable qu'on ait ressassé cette question, surtout en laissant entendre que les inspecteurs entraient par le soupirail et par le vasistas.

Je conclus donc, M. le Président, en disant que le ministre ne s'étonnera pas de voir que nous lui poserons de nombreuses questions sur son projet de loi au cours des journées qui viennent. Merci.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais avoir le consentement des membres de l'Opposition pour faire seulement deux rectifications de faits qui vont nous aider è voir plus clair dans le problème?

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Bissonnet): Comme il y a consentement et qu'il est 12 h 54, nous allons suspendre l'assemblée jusqu'à 15 heures et je vous céderai la parole pour rectifier certains faits, compte tenu du consentement.

M. Johnson (Anjou): On ne pourrait pas le faire maintenant?

Le Président (M. Bissonnet):

Maintenant?

M. Johnson (Anjou): Oui, pendant que je suis là.

Le Président (M. Bissonnet): Vu qu'il y a consentement, M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Premier point, à propos de chiffres, quand nous parlons du nombre des étudiants illégaux, le chef de l'Opposition, s'inspirant sans doute de ce qui est à la page 14 du rapport Rondeau, a parlé de 144 étudiants illégaux au début de cette situation et ensuite du nombre qui serait venu s'ajouter à chaque année suivante. Il faut bien considérer que les chiffres qui sont ici traitent uniquement de ceux qui sont encore dans les écoles de manière illégale aujoud'hui.

Cela ne rend pas compte de toute la réalité qui s'est produite, parce qu'en septembre 1977, ce n'était pas 144. C'était au moins 1500 à 2000. L'année suivante, on était rendu entre 2500 et 3000, Mais c'est parce que les autres sont passés dans le système et ne sont plus là aujourd'hui. Alors, ce qu'on a ici ne doit pas servir de chiffres pour fonder son jugement, parce que ce serait un tout autre problème.

Je vous assure que cela avait été seulement ces chiffres...

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verchères, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Éducation, vous avez la parole.

M. Ryan: Merci. Je pense que si nous voulons que les faits soient notre guide commun il faut au moins rectifier cela. Deuxièmement, en ce qui touche le Parti libéral - il y a eu une allusion au député de Viau comme si nous essayions de satisfaire un engagement électoral pris par le député de Viau - je voudrais simplement rappeler que dans les 22 engagements électoraux du Parti libéral du Québec, dont au-delà de la moitié sont déjà réalisés, l'un de ces engagements était formulé ainsi: Une solution humaine sera apportée au problème des centaines d'élèves illégalement inscrits dans les écoles anglaises de la région de Montréal. Cet engagement fut proclamé partout à l'occasion de la campagne électorale et annoncé avec toute la publicité disponible.

Par conséquent, le député de Viau a sans doute eu de l'influence dans la préparation de cet engagement, comme beaucoup d'autres, y compris votre serviteur, mais il nous liait tous et il nous lie comme gouvernement.

Le Président (M. Bissonnet): Conformément à la tradition, les déclarations d'ouverture sont terminées. Je céderai la parole au député de Laviolette à 15 heures et je suspens les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Bissonnet): Je déclare la commission de l'éducation ouverte pour la poursuite des travaux sur l'étude du projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants. Je cède la parole au député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

M. Cusano: Est-ce qu'il y aurait consentement pour que je puisse participer à la commission?

Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement pour que le député de Viau puisse s'adresser à la commission, compte tenu qu'il n'est pas membre? Y a-t-il consentement?

M. Cusano: J'aimerais simplement

demander le consentement de l'autre côté de cette Chambre pour que cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, je puisse remplacer le député de Richelieu, M. Khelfa.

Le Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement?

M. Jolivet: Consentement.

Le Président (M. Bissonnet): Consentement. M. le secrétaire, si vous voulez bien prendre note que le député de Viau remplace le député de Richelieu. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, il y avait consentement pour que M. le député puisse faire, s'il le désire, les remarques qu'il aurait à faire à ce moment-ci, comme je vais avoir à le faire. Je pense qu'il avait peut-être cette intention car il ne viendrait pas ici seulement pour nous écouter n'est-ce pas?

Le Président (M. Bissonnet): Juste un instant, M. le député.

M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Ryan: Je voudrais également proposer que le député de Sainte-Marie remplace le député de Sherbrooke. Cela a été établi dès ce matin?

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Sainte-Marie est inscrit. Je m'excuse, M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le ministre ce matin et c'est à partir de cela que je vais faire quelques remarques qui, je pense, sont intéressantes dans le contexte du projet de lot qui est devant nous. Le ministre a fait mention des traumatismes subis par les gens qui doivent quitter leur pays pour différentes raisons. Ils subissent un changement qui fait qu'en devenant immigrants ils doivent s'adapter a un mode de vie différent, parfois par choix, parfois par obligation. Je ne veux d'aucune façon dire que ce n'est pas la réalité car je pense qu'il est vrai que ces personnes doivent s'acclimater rapidement à de nouvelles façons de voir les choses, à de nouvelles orientations.

Il reste que ce n'est pas parce que ces gens ont subi, a la suite d'une décision qui leur est personnelle, un choix qui leur est personnel, une forme de traumatisme qu'on doit leur permettre d'agir de façon illégale. Toute personne qui immigre au Québec, au Canada, peu importe où, dans n'importe quel pays du monde, doit s'acclimater à la réalité du milieu.

M. le ministre a fait mention que, dans sa jeunesse ou au temps qu'il était, comme il disait, jeune marié, des personnes proches de lui avaient démontré qu'elles étaient réticentes à agir dans certaines activités dites politiques à l'époque et cela, pour toutes sortes de raisons. Moi aussi, j'ai une anecdote personnelle à raconter. Des gens qui vivaient dans mon milieu, à Grand-Mère, qui demeuraient en face de chez moi, étaient d'origine allemande. Le mari travaillait à la compagnie Consolidated, à Grand-Mère. Il parlait le français, l'allemand et l'anglais, mais l'épouse ne parlait, en réalité, que l'allemand. Elle avait eu elle-même certaines difficultés à s'acclimater. On connaît le caractère des Allemands; ils vivent parfois, dans certains cas, une forme personnelle de vie et ils ne s'acclimatent pas nécessairement, s'ils ne le désirent pas, avec les gens autour d'eux. Ce sont des choix qui leur appartiennent. (15 h 15)

Je me souviendrai toujours de l'anecdote concernant un de mes enfants qui, aujourd'hui, à presque 17 ans. On était des voisins essayant, comme disait M. le ministre, d'être très recevants, très accueillants vis-a-vis de ces gens, d'aller jaser, d'aller leur parler et, en même temps, d'aller leur rendre certains services. Mon fils avait quatre ans à l'époque. Ce qui nous avait toujours surpris, c'est comment il se faisait qu'il traversait la rue, allait voir la personne qui était une Allemande et ne parlait que l'allemand et qu'il revenait toujours avec des bonbons ou des petits jouets. On lui a parlé. On lui a dit: Écoute, la dame ne parle que l'allemand; toi, tu ne parles que le français; comment es-tu capable de comprendre et pourquoi arrives-tu avec des choses semblables de chez la personne qui te parle? La réponse a été la réponse d'un enfant. Il a dit a ma femme et à moi: Elle, elle parle allemand, mais moi je parle Jean-Luc. C'est son nom, Jean-Luc.

Pourquoi je dis cela? C'est parce que effectivement, comme dit M. le ministre, il y a une certaine forme d'accueil qui peut se faire, pas nécessairement par un échange de paroles, mais par des gestes, par des façons de voir les choses, ce qui fait que la relation entre un adulte et un enfant de quatre ans donnait des résultats, finalement. Mais cela signifie aussi, en même temps, M. le ministre, que le peuple québécois, c'est un peuple qui est accueillant. J'ai de la difficulté à comprendre, dans le contexte qu'on a connu au Québec depuis de nombreuses années, à voir des gens presque accuser, sans le dire comme tel mais dans la

façon dont ils présentent le dossier, accuser les Québécois de ne pas être accueillants. Je pense que le contexte dans lequel on est placé a indiqué que la minorité anglaise au Québec, les gens qui viennent dans le contexte québécois savent très bien qu'on est des gens très accueillants.

Un autre exemple que j'ai donné à l'Assemblée nationale et que j'aimerais répéter ici, c'est celui de mon frère qui est, depuis nombre d'années, dans des secteurs anglophones du Canada. Par son travail, il a été obligé d'aller en Ontario, du côté de Toronto. Il a été à Timmins qui, soit dit en passant, est plus francophone. Il est allé aussi en Nouvelle-Écosse, à Halifax. De par les obligations et la façon dont le Canada anglais regarde les choses, parce qu'il n'y avait pas un nombre suffisant de francophones dans le milieu, il a malheureusement été obligé d'envoyer ses enfants à l'école anglaise et aujourd'hui, pour m'amuser un peu avec mon frère, je l'appelle "la branche anglaise des Jolivet".

Pourquoi, nous, au Québec, avec une loi qui a été présentée à partir de 1977, compte tenu des propositions que nous avions à faire au point de vue linguistique, avons-nous été si accueillants envers nos minorités et n'avons-nous pas la réciprocité au niveau du reste du Canada? Dans ce contexte, j'aimerais faire remarquer à M. le ministre que la loi qui est devant nous est une loi qui, malheureusement, amène à ceux qui ont suivi la loi, à ceux qui ont été respectueux des désirs des Québécois et qui à la suite de la loi 101 ont respecté cette loi... Je pense que la loi, telle qu'elle est là, donne cette impression qui perdure et qui est celle d'une prime è l'illégalité.

Quand on la lit comme telle, on a l'impression que des gens qui n'ont pas respecté la loi pour différentes raisons, dont celles que le ministre mentionnait ce matin, des traumatismes de quelque niveau que ce soit, ont décidé de ne pas suivre la loi. Et, aujourd'hui, on les récompenserait de l'avoir fait. Je pense qu'il est bien important de camper l'ensemble du sujet. On n'en veut pas nécessairement - je pense que M. le ministre est bien conscient de cela - aux enfants qui ont eu à suivre les ordres de leurs parents dans certains cas. Ceux-ci ont eu la connivence d'un système organisé par des commissions scolaires, par des cadres scolaires, par des directions d'école, par des enseignants qui, dans certains cas, ne connaissaient même pas la personne mais savaient qu'il y avait dans la classe un enfant de plus ou de moins et ils pouvaient se douter fortement que c'était une personne qui était inscrite illégalement.

M. le ministre dit: Ces gens, vous les considérez comme des "nonpersons". Je pense que ce n'est pas vrai. M. le ministre nous dit que ces gens n'ont pas de diplôme, qu'ils ne peuvent pas acquérir de diplôme de niveau secondaire. Je ne voudrais pas leur dévoiler des trucs pour l'obtenir, d'une certaine façon. J'en connais. Je pense qu'il y a des directions d'écoles anglophones qui les connaissent. Je suis sûr qu'il y a des directions de commissions scolaires qui les connaissent et qui savent que des personnes, sans avoir en main, à la fin d'un secondaire, un diplôme d'études secondaires peuvent l'obtenir. Je viens du milieu de l'enseignement, et M. te député d'Arthabaska le sait très bien, j'en suis sûr, que pour une personne de niveau secondaire qui, après l'avoir quitté, veut y revenir, il y a possibilité d'aller chercher un diplôme d'études secondaires par des tests d'aptitudes, des tests d'équivalence. En conséquence, il obtient le même diplôme. J'ai eu l'occasion de le proposer à des gens qui étaient des policiers, chez moi, et qui pour aller à l'Institut de police avaient besoin d'un diplôme d'études secondaires et qui ne l'avaient pas; au lieu de leur faire passer l'ensemble des tests au niveau des études de 9e année, de 10e année, de 11e année, comme on les appelait autrefois, d'un secondaire II, d'un secondaire III, d'un secondaire IV, d'un secondaire V, on leur fait passer des tests d'équivalence, comme on les appelle. Cela leur permet d'aller chercher leur diplôme d'études secondaires sans avoir, en aucune façon, suivi l'ensemble des cours prévus par le système scolaire actuel.

On va me dire: Oui, mais ces gens doivent avoir quitté le milieu scolaire pour ce faire. Si le ministre, en suivant son raisonnement, dit que ces personnes ne sont inscrites sur aucune liste, à ce moment, c'est encore plus facile pour eux d'obtenir leur diplôme par les tests d'aptitudes, les tests d'équivalence. Le diplôme est pareil, semblable, sans un iota de différence avec le diplôme de celui qui a suivi ces années jusqu'au secondaire V et celui qui ne les a pas suivies. Cela existe. J'ai eu l'occasion de le proposer à des gens. Je le propose encore quelquefois et, pas plus tard que le mois passé à La Tuque, à quelqu'un qui me demandait comment il pouvait obtenir son diplôme de secondaire V, - parce que la compagnie CIP à La Tuque lui demandait son diplôme de secondaire V - j'ai dit: Va voir telle personne à la commission scolaire, à l'éducation des adultes, et tu vas avoir ton diplôme si tu es capable de réussir les examens.

Voyons donc! Ils ne viendront pas me faire croire qu'une personne ne peut pas avoir son diplôme d'études secondaires suivies en anglais, en plus, dans les mêmes circonstances, dans les mêmes conditions. J'aimerais rappeler à M. le ministre, avant qu'il dépose son projet de loi, des éditoriaux, des analyses qui ont été faits par des gens. M. le ministre cite les siens; moi, je suis

prêt à en citer d'autres qui ont autant de valeur que ceux que le ministre à l'époque, comme éditorialiste au Devoir, aurait pu écrire. Ces éditoriaux et ces analyses sont des textes qui ont été écrits et qui indiquent qu'effectivement le ministre, dans ses propositions pour régler une fois pour toutes le problème des élèves qui fréquentent illégalement l'école anglaise, risquait d'entraîner son parti politique dans un traquenard. On disait que le premier obstacle que pouvait avoir le ministre est le choix de la méthode pour résoudre le problème ou l'engagement électoral que ces gens avaient pris, la dette électorale qu'ils avaient à remplir, peu importe comment. Le ministre semble dire: Non, non, cela n'est pas une dette électorale. Je pense que, si on a pris un engagement et qu'on en a fait un choix politique, c'est un engagement. Quand on arrive au pouvoir grâce à ces engagements, c'est aussi une sorte de dette électorale. Je ne veux pas faire mention de caisse électorale, je parle de dette électorale.

De quelle façon devait procéder le ministre? Est-ce qu'il devait procéder cas par cas ou par voie législative? Je vais essayer de rappeler à cette commission la vision qu'avait le ministre de l'Éducation alors qu'il était critique de l'Opposition en matière d'éducation. D'après les renseignements, les documents et ce qu'on en sait, on croyait comprendre que le ministre actuel, cela ne fait aucun doute, privilégiait la première méthode, c'est-à-dire le cas par cas dans le contexte de 1983, tel qu'il se présentait. Quand on entre de façon plus précise dans le dossier des étudiants illégaux, il écrivait à ce moment, en termes de constatations, que la très grande majorité des élèves admis illégalement ne semblaient pas devoir être classés comme des cas clairs et nets de violation pure et simple de la loi. II semble donc, au contraire, que la très grande majorité des cas ait pris naissance dans des zones grises, ce que le législateur et ensuite les représentants du ministre auraient abordé avec plus ou moins de bonheur, quand ils ne l'auraient tout simplement pas ignoré. C'est ce que disait le ministre de l'Éducation dans son écrit de 1983.

Si on part de cette hypothèse de zones grises, de cas par cas, on arrive è une vision des choses qui comporte un avantage très grand, un avantage certain: la solution pourrait être d'ordre administratif et non pas législatif. Il y a peut-être, disait le ministre, bon nombre de cas qui peuvent se régler sans que vous touchiez à la loi, seulement par une interprétation plus souple de certains points qui ont été appliqués au cours des dernières années avec une rigidité - disait-il - étroite. Les libéraux - toujours d'après ce qu'il disait - feraient donc l'économie d'un débat qu'ils ne souhaitent d'aucune manière à l'Assemblée nationale.

Donc, c'était la formule administrative qu'il y avait pour éviter le débat qu'on est en train de faire aujourd'hui. Il fallait, à ce moment, ne pas compter sur l'engagement qu'avaient pris des députés dans la région de Montréal en particulier, dans des secteurs où il y avait des gens qui les forçaient à prendre des décisions. Ils ont dit: Voici notre programme électoral, on va vous le régler, le problème. À côté de cela, le ministre se sent maintenant pris et est obligé de demander à un comité, à partir d'une hypothèse de travail qu'il met sur la table, de lui donner au moins les éléments pour avoir une position qui, à ce moment, pourrait paraître au moins de plus en plus plausible.

Donc, il y a deux hypothèses législatives. L'Assemblée nationale pourrait adopter une loi d'exception ou une loi générale. Là, je fais toujours allusion à l'analyse de Jean-Pierre Proulx en date du 29 janvier où il dit: La première stipulerait, par exemple, que tous les "illégaux" seront, nonobstant la loi et les règlements en vigueur, dorénavant admis aux examens du ministère de l'Éducation du Québec. Il disait que cette solution aurait l'immense avantage d'être facile à administrer. Regardez bien ce qu'il disait: II suffirait justement d'avoir fréquenté illégalement l'école anglaise. Bon! C'est ce qu'il avait comme proposition, et bon nombre de directeurs anglo-catholiques -je regarde mon ami de Viau - pourraient facilement en fournir la preuve. En fait, l'Assemblée nationale pourrait... Même là, on n'a même pas à légiférer parce qu'eux pouvaient les donner, les cas et les noms. Là, le ministre pourrait utiliser tous les pouvoirs que lui reconnaissent les règlements qui concernent le régime pédagogique de niveau secondaire. C'est une possibilité.

Or, ce n'est pas tout à fait ce qu'a fait le ministre. Il a agi à partir d'une loi d'exception. Cette loi est plus difficile à expliquer de façon morale et de façon politique. On récompense, si on le remarque bien, tous ceux qui ont agi de façon illégale. Comment, à ce moment, pouvoir espérer que des personnes agissent en vertu des lois que ce Parlement vote? Cela veut dire quoi, dans le fond? Cela veut dire, après ce qu'on a vécu et quand on regarde les points soulevés au moment de certains jugements et de certaines décisions... Le ministre faisait mention de ceci: Attention, en 1977, il y avait plus de personnes! Mais, mon Dieu Seigneur, tant mieux! S'il y avait beaucoup plus de personnes qu'au moment de la pointe qui a surgi après la décision du juge, tant mieux! Cela veut dire qu'il y a beaucoup de personnes qui se sont légalisées. Après le rapport de M. Aquin, il y a des personnes qui ont accepté d'entrer dans les rangs et il y en a d'autres qui ont décidé de ne pas entrer dans les rangs pour les raisons qui les

concernaient et pour lesquelles elles avaient pris certaines décisions. (15 h 30)

Donc, comment, à long terme, espérer avoir le respect de quelque loi que ce soit votée dans ce Québec par ce Parlement? Comment justifier une amnistie auprès de tous ces parents qui, eux, ont souvent et douloureusement accepté de respecter la loi, disait M. Proulx? En fait, si vous dites à des gens: Vous n'avez rien perdu, vous avez respecté la loi, tant mieux! Quant aux autres, vous ne l'avez pas respectée, on va vous donner un cadeau, on va vous amnistier. C'est cela, dans le fond, peu importe comment le ministre l'explique en disant qu'il va effacer l'ardoise et qu'il va recommencer. Tout ce qu'on demandait, c'était: Y aurait-il eu moyen de laisser quelques traits de crayon ou d'impression au bout de la course qui nous donnent la possibilité d'agir d'une autre façon?

Donc, la difficulté d'une loi d'exception, c'est que le ministre, d'une certaine façon, oblige à faire un débat un peu plus vaste - c'est pour cela qu'on le fait dans ce sens-là - un débat qui va rappeler le débat de la loi 22 et de la loi 101. Peu importe comment le ministre peut l'accepter ou pas, il reste quand même que c'étaient les difficultés dans lesquelles se plaçait le ministre et pour lesquelles nous sommes en train de dire, comme le disait Mme Lysiane Gagnon, que l'amnistie telle que présentée, peut-être pour des raisons humanitaires, si leur statut semi-clandestin les empêchait d'obtenir leur diplôme et brisait leur chance d'avenir... Mais ce n'est pas le cas, les autorités du réseau anglo-catholique, complices actifs dans ces inscriptions illégales, remettent a ces élèves des diplômes légèrement différents d'un document réglementaire, mais la différence n'est pas perceptible aux yeux du profane et j'expliquais tout à l'heure comment. "Leur statut imprécis, disait Mme Gagnon, n'empêche nullement les "illégaux" de poursuivre leurs études, les cégeps et les universités anglophones reconnaissant leur pseudo-diplôme de fin d'études secondaires. Au bout de cette longue chaîne de complicité, l'élève illégal se retrouve muni d'un diplôme collégial ou universitaire en bonne et due forme. Donc, qu'est-ce que ce pathos, disait-elle...

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le député.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. "Qu'est-ce que ce pathos autour du stigmate dont ces enfants seraient victimes et au sujet duquel il faudrait agir de toute urgence pour l'effacer par une amnistie transmissible à leurs propres enfants, y compris leurs frères et soeurs?" Je pense que le ministre a choisi la solution facile que nous, nous aurions pu choisir, que nous n'avons pas voulu choisir parce que nous jugions que nous ne devions pas donner une prime à l'illégalité.

J'aurai l'occasion d'y revenir en d'autres occasions. Je laisserai à d'autres le soin d'apporter leurs remarques préliminaires.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Ce matin, le ministre a parlé du contexte réel où nous nous trouvions en 1977, lors de l'adoption de la loi 101. À cette époque, j'étais présidente du PSBGM. Nous avions à peu près 50 000 élèves dans nos écoles. Afin d'apprécier le traumatisme, je pourrais même dire le chaos créé par la loi 101, il faut comprendre que la clientèle du PSBGM était extrêmement variée sur le plan culturel, sur le plan de la langue d'origine ainsi que sur le plan religieux.

À cette époque, 85 % de nos écoles étaient des écoles anglaises et 15 % étaient des écoles françaises. Une analyse de notre population à cette époque, en 1977, a démontré qu'un tiers de nos élèves étaient originaires du Québec; un tiers provenaient du reste du Canada et un tiers provenaient d'ailleurs, des États-Unis, de l'Australie, de l'Angleterre, de la Grèce, de l'Allemagne, de la Chine, etc. En 1977, nous avions constaté que dix ans plus tard il n'y aurait plus qu'un tiers des enfants admissibles à l'école anglaise en vertu de la loi 101. Les autres seraient dans les écoles françaises. Nous étions donc en face d'une évolution forcée qui aurait un énorme impact sur notre corps professoral, nos administrateurs et, surtout, sur nos parents.

De plus, nous étions pris, en septembre 1977, avec à peu près 5000 enfants qui entraient dans notre système pour la première fois, à tous les niveaux du système, je parle des niveaux élémentaire et secondaire. Pourquoi à tous les niveaux? Parce que la clientèle de la population du PSBGM est évidemment très mobile. Donc, la plupart de ces 5000 élèves, de cette nouvelle population entrait pour la première fois et était d'origine hors du Québec. Cela veut dire que nous avions 3000 élèves dont l'admissibilité n'était pas immédiatement claire.

Ce qui s'est ajouté au problème, c'était que ce n'était pas la responsabilité de la commission scolaire de prendre des décisions sur l'admissibilité ou la non-admissibilité de chaque enfant. C'est un fait dont le gouvernement actuel ne semble pas être conscient. C'était a la commission scolaire d'aider les parents à ramasser les renseigne-

ments et les preuves nécessaires et de soumettre tous ces dossiers au bureau d'admissibilité. C'est évident que ce bureau était surchargé dès l'adoption de la loi; il aurait fallu des mois et, dans plusieurs cas, des années pour clarifier le statut des enfants. Entre-temps, c'était la commission scolaire qui avait la responsabilité de les éduquer. Nous ne pouvions les laisser dans les rues en attendant cette clarification.

Comme il n'y avait pas assez d'écoles françaises en place, en septembre 1977, nous avons accueilli la plupart des élèves de façon temporaire dans les classes anglaises en attendant les clarifications nécessaires. Nous avons discuté avec le gouvernement à plusieurs reprises afin de ne pas appliquer la loi 101, de la retarder d'une année afin de nous donner le temps nécessaire pour préparer les parents, pour préparer les classes françaises, pour embaucher des enseignants français et, ce qui est le plus important, pour permettre aux parents de suivre le processus établi par la loi pour déterminer leur admissibilité, y compris le processus d'appel qui était leur droit.

Le gouvernement a dit: "Too bad", il n'y aura pas de délai malgré les difficultés presque insurmontables auxquelles nous faisions face. En hiver 1978, nous avons intenté une action afin d'assurer des subventions pour tous les enfants inscrits dans notre système. Le noeud de notre argumentation était que le gouvernement n'avait pas le droit de retirer les subventions à une commission scolaire après qu'elles soient engagées par le Conseil du trésor. Les subventions étaient engagées par le gouvernement six mois avant l'adoption de la loi 101. C'était un engagement fait sur la seule base du nombre d'enfants inscrits le 30 septembre 1977.

Nous avons perdu notre cas. Néanmoins, je maintiens à ce jour que cette décision a créé un précédent dangereux, parce qu'il semble que le gouvernement puisse, pour n'importe quel motif, retirer des subventions d'une commission scolaire même si la loi oblige que les subventions soient basées sur le nombre d'enfants inscrits.

M. le Président, à la suite de cette défaite, nous avons rencontré les parents pour leur expliquer que nous avions l'intention d'appliquer la loi strictement en septembre 1978. Je me souviens en particulier d'une soirée à l'école Barclay, dans le quartier de Park Extension. Le petit gymnase était - je ne sais pas comment dire cela en français - "packed to rafters".

Une voix: Rempli au coton.

Mme Dougherty: Rempli au coton. D'accord. "Paqueté". Je n'oublierai jamais l'atmosphère de peur et d'hostilité dans les yeux des parents qui avaient de la misère à comprendre mon anglais. Pour eux, ce n'était pas la faute du gouvernement si leurs enfants ne pouvaient plus avoir une éducation en anglais. C'était clairement ma faute, la faute de la commission scolaire qui les avait trahis, qui les avait abandonnés. Elle avait abandonné leur espoir d'avoir ici au Canada une éducation bilingue.

Tout le contexte que M. Ryan a décrit ce matin était une réalité terrible pour moi, è cette soirée, je vous l'assure. Nous avons même alerté la police pour me protéger. Je pourrais vous dire que pour quelqu'un comme moi, qui a toujours pensé et pense encore que les voeux des parents en matière d'éducation sont primordiaux, c'était le pire jour de ma vie. On a appliqué la loi 101 en 1978, on a adapté notre système, on a créé des écoles françaises dont nous étions très fiers. Nous avons embauché des milliers de jeunes enseignants qui ont fait et font encore un travail extraordinaire pour des enfants qui viennent de partout dans le monde, souvent sans savoir un mot de français ni d'anglais. En septembre 1978, nous étions en face de plusieurs parents qui étaient encore réticents. Je me souviens qu'en plusieurs occasions, quand les parents sont arrivés à l'école anglaise, ils ont insisté pour faire entrer leurs enfants dans les salles de classe. Le directeur de l'école avait de la difficulté à décider quoi faire. Le directeur général de la commission scolaire a appelé le gouvernement. Nous avons suggéré que le gouvernement devrait prendre ses responsabilités. Il y a un fonctionnaire qui nous a conseillé d'appeler la police. Nous avons refusé de le faire parce que, selon nous, c'était la responsabilité du gouvernement d'appliquer la loi. Le gouvernement n'a rien fait.

M. le Président, les années 1977 et 1978 ont été turbulentes dans les commissions scolaires à Montréal. Je suis convaincue que si le gouvernement avait été plus sensible à l'ampleur du problème, à la nature des craintes des immigrants, si le gouvernement avait agi avec plus de bon sens, plus de réalisme et plus de prudence, nous ne serions pas en face de la loi 58 aujourd'hui.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Chicoutimi. (15 h 45)

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Plutôt que de faire une intervention qui risquerait beaucoup de reprendre ce que j'ai dit en Chambre, je me demandais s'il serait possible d'utiliser mon temps pour avoir certaines précisions quant au contenu du rapport Nadeau, sans que cela prenne sur mon temps, évidemment, si les réponses du ministre sont trop longues.

C'est qu'il me semble que, avant de commencer à envisager un examen un peu

sérieux de ce rapport, il nous manque des données. C'était ce que je vous suggérais. Si ce n'est pas possible, bien, je ferai mon bout puis...

Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien... Alors, je vais vous permettre, Mme la députée de Chicoutimi, de faire des déclarations d'ouverture. Je crois bien qu'il y aurait consentement à ce que le ministre, si vous avez des interrogations à lui soumettre à l'intérieur de votre déclaration d'ouverture, à la suite de vos interventions, puisse intervenir.

Mme Blackburn: D'accord. Et mes 20 minutes vont-elles être comptées avec le temps de parole du ministre ou indépendamment? Je prends un peu des précautions parce que, parfois, les réponses sont un peu longues.

Le Président (M. Bissonnet): Cela devrait être évidemment... Peut-être, le ministre peut-il prendre des notes et, à la suite de votre intervention, avec le consentement, pourrons-nous lui permettre de répondre en bloc à vos interventions?

Mme Blackburn: D'accord. Cela va bien.

M. Ryan: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.

M. Ryan: Je préférerais écouter toutes les déclarations d'ouverture des députés et répondre ensuite. Si la députée de Chicoutimi a des questions à formuler au cours de son intervention, elle peut très bien les formuler. Lorsque mon tour viendra à la fin, je répondrai volontiers aux questions qu'elle aura posées.

M. Gendron: M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, un commentaire. Je pense qu'effectivement il est préférable de terminer les déclarations d'ouverture. Le ministre de l'Éducation, si jamais on réussit à le sensibiliser à quelques points de notre argumentation, bien, j'aimerais cela que, s'il décèle certaines questions dans les propos que nous tiendrons et s'il prétend qu'il y a des réponses à leur fournir, que ce soit libre à lui, après que l'ensemble des parlementaires de l'Opposition auront eu l'occasion de s'exprimer. Cela serait sûrement plus valable pour la conduite de nos travaux, ici, en commission qu'il le fasse à la toute fin.

Le Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien votre intervention, M. le député d'Abitibi-Ouest, il y aurait consentement de cette Chambre que le ministre de l'Éducation, à la suite de toutes les déclarations d'ouverture, puisse répondre.

M. Jolivet: Incluant les questions des gens du pouvoir.

M. Ryan: Cela serait même en conformité avec la tradition solidement établie des commissions

M. Jolivet: D'accord.

Le Président (M. Bissonnet): Alors, je note à ce moment-ci, à 15 h 50, qu'il y a un consentement pour que le ministre réponde à la suite des déclarations d'ouverture. Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole maintenant.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. On vient d'entendre la députée de Jacques-Cartier nous dire un certain nombre de choses. Elle nous dit, par exemple, et cela m'étonne: Les voeux des parents devraient être primordiaux. Je me suis demandé ce que je devais entendre là-dedans. Si les voeux des parents deviennent primordiaux, est-ce qu'on doit comprendre, tantôt, que ce sera le libre choix? Est-ce à dire que le voeu et les souhaits des parents primeraient sur la loi ou sur une législation?

Je me suis questionnée à l'entendre. De la même façon, elle dit: On est allé en appel devant la décision du ministère de retirer des subventions et on a perdu. Il est inacceptable de retirer des subventions pour n'importe quelle raison. J'ai vraiment repris les propos de Mme la députée de Jacques-Cartier.

Il me semble que ce discours a quelque chose d'inquiétant. Non seulement, il nous dit qu'on ne regrette pas de s'être placé dans l'illégalité mais qu'on est en train de justifier ce fait. Je trouve cela préoccupant. Ce n'est pas dit par quelqu'un qui ignore complètement le système. C'est quelqu'un qui a présidé une commission scolaire. C'est quelqu'un qui est avec nous en train d'examiner cette loi.

Le ministre de l'Éducation nous disait tantôt, pour différentes raisons qu'il a expliquées de façon éloquente, je pense: On ne peut pas vraiment accuser les parents d'avoir comme cela, délibérément et sans raison valable, fait le choix de la désobéissance. Cependant, si on peut avoir une certaine compréhension, je dirais, à l'endroit des parents, on ne peut pas passer sous silence la désobéissance, le silence complice des autres acteurs.

La députée de Jacques-Cartier nous dit: Quand la loi 101 a été adoptée, c'est 5000 élèves nouveaux qu'on recevait à la commission scolaire; on ne nous a pas donné les délais pour nous permettre d'examiner ces dossiers et de voir s'ils étaient admissibles ou non et c'est ce qui fait qu'on connaît le phénomène actuel. S'ils n'ont pas eu le délai nécessaire a la première année, la même raison ne se justifie plus la deuxième, la troisième, la quatrième, la cinquième jusqu'à la neuvième année. Je me pose des questions parce que ce n'est pas le fait ou le phénomène d'une année. Cela s'est perpétué dans le temps.

Le ministre nous a dit et plusieurs nous ont répété en Chambre que ce gouvernement responsable de la situation de désobéissance a laissé pourrir la situation pendant neuf ans. J'aurais le goût d'essayer de voir cela d'un autre côté. Cela veut dire que, pendant neuf ans, il y a des gens qui délibérément, de façon consciente, ne se sont pas contentés de laisser terminer les enfants inscrits, mais ils ont continué à en inscrire. Donc, je dis qu'il y a des gens qui pendant neuf ans ont délibérément défié la loi, ont désobéi de façon consciente à la loi. Quand on dit que le gouvernement n'a pas fait preuve d'ouverture, c'est oublier la décision qui a été prise à la suite du rapport Aquin. Dire, parce que ce milieu n'a pas pris la perche qu'on tendait, qu'il n'y a pas eu d'ouverture, ce n'est pas vrai. Il y avait une ouverture et qui allait loin, et qui disait: Même ceux qui se sont mis dans l'illégalité ne seront pas poursuivis. C'était déjà une forme d'amnistie. Pourtant, cela n'a pas suffi.

Le ministre nous dit: II faut faire preuve d'ouverture. Généralement, j'ai plus tendance à être plus ouverte que plus fermée ou plus mesquine ou plus restrictive. J'aime les décisions qui laissent place à l'initiative, même si je suis froide et implacable. Vous savez, les gens dont on parle - le rapport Rondeau là-dessus est très sincère, très franc et très clair - n'ont même pas... C'est en page 15 que vous retrouvez cela: Certificat d'admissibilité. Il y en a 462 qui l'ont demandé et il y en a 510 qui ne l'ont même pas demandé. Ils ne se sont même pas demandé, si par hasard ils y allaient, s'ils pouvaient peut-être franchir, et s'ils ne l'avaient pas, s'ils ne pouvaient pas aller en commission d'appel. Non. Ils avaient à l'intérieur des écoles une complicité qui leur permettait de rester et de perdurer dans le système.

Je dirais que cette complicité, je le rappelle, logeait haut et c'est éclairant de lire à la page 26 du rapport Rondeau, au moment où on commente la situation dite légaliste - on fait référence là à l'article 23 de la charte canadienne - Les citoyens canadiens dont au moins un enfant a reçu ou reçoit, au moment de l'application de la charte, l'enseignement en français ou en anglais peuvent faire instruire tous leurs enfants dans la même langue. Pour ces avocats, les textes ne précisent pas s'il s'agit d'un enseignement reçu légalement ou illégalement. Les avocats ajoutent cependant - que l'une des versions antérieures du texte de la charte comportait - il faut bien comprendre - l'expression "légalement", mais qu'elle a disparu intentionnellement de la version définitive.

Donc, quelque part, quelqu'un qui était en train de rédiger la charte canadienne autorisait déjà d'avance la désobéissance au Québec. Cela a de quoi inquiéter. Prenez le rapport, page 26, je n'invente pas. D'ailleurs - on conclut en disant, il cite même les personnes qu'il rapporte. Il cite même le témoignage de l'un des ministres fédéraux d'alors qui aurait confirmé cette interprétation. Bravo! Donc, la complicité non seulement était dans les écoles, dans les commissions scolaires, mais elle logeait où? Cela doit nous préoccuper comme Québécois. Faire preuve d'ouverture quand on n'a même pas tenté d'obtenir un certificat d'admissibilité, quand seulement 237 sont allés devant la Commission d'appel et on parle toujours d'un nombre de 1013...

On a beaucoup fait état de cette nécessité d'avoir un diplôme. Je le rappelle, un diplôme, c'est juste bon à être encadré. Vous ne vous présentez à peu près jamais à une entrevue sans avoir un relevé de notes. Sur quoi est-ce que vous engagez? Sur quoi admettez-vous un étudiant au cégep? Sur son relevé de notes. N'envoyez pas juste son diplôme d'études collégiales, sans relevé de notes, ils vont dire: Renvoyez-moi votre relevé de notes. C'est là-dessus qu'on le classe. Comment le reçoit-on à l'université? Sur son relevé de notes. Comment reçoit-on un jeune professionnel dans un bureau au moment où on est en train de passer une entrevue? On est bien content d'avoir son relevé de notes. Il y a une photocopie du diplôme, mais généralement on voit qu'il y a un certain nombre de crédits dans certains programmes. Autrement, comment expliquer...

Le Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée peut continuer.

Mme Blackburn: Comment expliquer, si ce diplôme est indispensable, qu'on retrouve depuis 1981 des élèves dans les cégeps? Comment se sont-ils rendus à l'université si ce diplôme est indispensable? Je voudrais souligner que ce n'est pas tout le monde qui a choisi de désobéir, ce ne sont pas non plus toutes les commissions scolaires comme ce ne sont pas non plus tous les cégeps. Entre 1981 et 1984, il y a un cégep anglophone de la région de Montréal qui refusait les étudiants illégaux. Il les acceptait quand ils

avaient 19 ans comme on accepte n'importe quel adulte. Il les acceptait, comme on accepte un adulte, dès qu'ils avaient le statut d'adulte. Cette personne, ce directeur général n'acceptait pas les "illégaux". Il disait: Le Québec s'est donné une loi.

Comment ont évolué les clientèles depuis 1977? Le ministre nous a dit tantôt... Je ne suis pas certaine des chiffres qu'il a avancés, c'est entre 4000 et 5000, le nombre d'élèves ou d'enfants qui, illégalement, se sont inscrits dans les écoles anglaises en 1977. Si c'est 4000 ou 5000, on est en droit de penser, comme il nous en reste 1500, qu'il y en a au moins, au minimum, parce qu'il s'en est ajouté tous les ans, 5000 qui sont sortis. Est-ce à dire qu'on trouverait aujourd'hui 5000 individus qui, parce qu'ils n'ont pas d'attestation d'études secondaires et tantôt collégiales, sont incapables de se trouver du travail et où sont-elles, ces personnes? C'est cela que ça veut dire. Ce sont les chiffres que le ministre nous a avancés tantôt.

À présent, il faudrait peut-être rétroactivement les reconnaître. Tantôt, ces gens-là qui ne sont plus inscrits dans les écoles, qui ont terminé leurs études, qui sont sortis de l'université, est-ce qu'on va aussi les amnistier, est-ce qu'on va aussi donner les mêmes droits à leurs enfants, à leurs frères, à leurs soeurs, à leurs descendants? Je pense que la question se pose. Ceux qui ont obéi à la loi, ceux qui ont pensé qu'un peuple avait le droit d'établir des règles pour protéger la loi de la majorité, ceux qui ont obéi à la loi ne viendront-ils pas comme un cas que citait le ministre, ne devront-ils pas aussi réclamer au moins les mêmes droits que ceux qui ont désobéi? Cela serait légitime; autrement, on a à leur endroit, je le rappelle, une attitude extrêmement méprisante. (16 heures)

Les écoles qui ont admis ces enfants... Je voudrais dire que, peut-être, au moment de la première année, il se posait des problèmes. On peut penser qu'à ce moment-là cela posait seulement au plan de la logistique un certain nombre de difficultés. Mais que ces enfants puissent sortir - et on sait que c'est par milliers - - des écoles anglaises, quand on sait que depuis neuf ans la situation dure, cela veut dire que des éducateurs ont enseigné la désobéissance et que ces enfants sont capables de dire aujourd'hui que la désobéissance est payante. Comment voulez-vous que l'enfant comprenne autre chose que cela? Il a résisté, il s'agissait de résister assez longtemps. Outre la question que je posais tantôt par rapport aux jeunes qui sont déjà sortis de ces réseaux et aux droits qu'ils pourraient tantôt nous réclamer au même titre que ceux qui y sont encore, est-ce qu'on pourrait savoir du ministre - dans le rapport, on nous dit: On est en train de prendre une loi qui va décider de cas d'enfants illégaux dont on a un aperçu, me semble-t-il, plus approximatif qu'exact, puisque seulement trois commissions scolaires ont accepté de collaborer - combien y a-t-il de commissions scolaires d'impliquées? Est-ce qu'on sait exactement combien il y a de cas aujourd'hui d'élèves illégaux? Combien de ces "illégaux" n'ont pas la citoyenneté canadienne? Ici on parle d'environ 10 %.

Le ministre nous a dit tantôt - et je pense bien que nous tous, ici, on le reconnaît que dans les milieux latins et plus particulièrement dans la communauté italienne les liens familiaux sont très serrés; c'est important, la famille. Peut-il nous dire si ces liens familiaux vont arrêter de jouer parce qu'on vient d'adopter le projet de loi 58? Le nouvel arrivant ne voudra-t-il pas aussi envoyer son enfant dans la même école que son petit cousin? Je dis: Le ministre -c'est probablement ce que je déplore le plus - avait une crédibilité auprès de ces milieux très certainement largement supérieure à celle qu'avait son prédécesseur. En raison de ce fait il aurait pu probablement amener une solution - je dirais - beaucoup plus équitable pour l'ensemble de la communauté, y compris ceux qui ont respecté la loi. Il aurait pu -et cela aurait été mieux admis - être un peu plus sévère ou rigoureux. Il aurait pu avoir un peu plus d'exigences et on l'aurait admis parce qu'il était bien accepté dans ce milieu.

Quand on regarde le rapport Rondeau -c'est cela qui s'explique mal - on voit un certain nombre d'hypothèses qui ont été examinées. L'hypothèse qui a été retenue, c'est celle qui présente le plus grand nombre d'inconvénients. Le ministre nous dira quasiment, comme je l'ai entendu dire tantôt: C'est courageux. Mais là il a modifié son expression il dit: C'est audacieux. Je me demande si c'était une audace nécessaire. Est-ce que c'était une solution courageuse? Là, je pense bien que le ministre va être d'accord pour dire que c'était plutôt une solution de facilité. Facilité, car il n'y a pas de résistance: on les récompense. Quand un chef d'État amnistie - parlons, par exemple, des prisonniers politiques - ce n'est pas un acte de courage. À la limite, c'est un acte humanitaire, mais généralement c'est un acte d'opportunisme. Il cède à des pressions, à une opinion publique, il cède à un électorat, à des pressions qui lui viennent de son pays, de son milieu ou des sociétés internationales.

Une voix: ...

Mme Blackburn: Oui. Le ministre a choisi une solution de facilité qui était à la portée de n'importe quel gouvernement.

Récompenser la désobéissance, accorder une prime, parce qu'on ne fait pas qu'amnistier les enfants. Ici, on a attiré

notre attention exclusivement sur les enfants. C'était de bonne guerre, je le reconnais. On a fait bien attention d'attirer notre attention sur tous les autres. Probablement que c'est normal, puisque la décision de M. Laurin allait dans ce sens-là. C'est normal aussi qu'on les amnistie, mais on n'a pas beaucoup attiré notre attention sur ce fait qu'on amnistiait aussi tous les complices de cette désobéissance.

Les inquiétudes que j'ai sont que les enfants qu'on est en train de reconnaître comme étant admissibles è l'école anglaise ne l'auraient même pas été en vertu de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est cela, ce n'est pas autre chose dont on parle aujourd'hui. Aujourd'hui, dans les mêmes circonstances, en vertu de l'article 23 de la charte canadienne, un enfant dans la même situation en Ontario n'aurait pas accès à l'école française. Il n'irait pas à l'école de son choix, il entrerait à l'école de la majorité. Ces enfants ne seraient même pas admissibles en vertu de l'article 23 de la charte canadienne. C'est ce qui est préoccupant. On le sait, le paysage politique change. Alliance Québec, qui réclamait la clause Canada, va un peu plus loin à présent et réclame la clause universelle. Ce dont il est question ici, les enfants qu'on est en train d'amnistier, ce n'est plus la clause universelle, c'est le libre choix. Je vous remercie.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre.

M. Ryan: Je voudrais poser une question à la députée de Chicoutimi. Est-ce qu'elle consentirait que je lui pose une question?

Le Président (M. Bissonnet): Est-ce que Mme la députée consent que le ministre lui pose une question à la suite de son intervention?

M. Ryan: En vertu de l'article 213.

Le Président (M. Bissonnet): Si Mme la députée le permet. Est-ce que vous le permettez? M. le ministre, vous avez la permission de poser une question à Mme la députée de Chicoutimi.

M. Ryan: Mme la députée a cité avec beaucoup d'éloges le rapport Aquin. Pourrait-elle nous dire quelles mesures le rapport Aquin recommandait de prendre contre les commissaires qu'elle dénonce, contre les cadres scolaires et contre les parents?

Mme Blackburn: Je l'ai dit tout è l'heure, c'était la même solution que vous avez prise, c'était l'amnistie.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Sauvé.

Mme Blackburn: Je l'ai rappelé quand j'ai dit que lorsqu'on accusait ce gouvernement de manquer d'ouverture, c'est précisément l'exemple que je donnais. Non seulement il mettait 3 600 000 $ pour offrir des services d'insertion dans les écoles françaises, mais en plus il assurait les personnes qu'elles ne seraient pas poursuivies. Et on nous accuse d'avoir manqué totalement d'ouverture.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Sauvé.

M. Marcel Parent

M. Parent (Sauvé): M. le Président, je vais tâcher de ne pas m'éterniser et de donner enfin la vision que j'ai de cette loi 58. D'abord, si j'interviens sur la loi 58, tout le monde le sait, je suis député du comté de Sauvé. Le comté de Sauvé, dans le territoire de Montréal, est un comté qui compte 18 % de personnes d'origine culturelle autre que française. Cela représente un échantillonnage assez intéressant des Néo-Canadiens avec lesquels nous vivons au Québec. J'ai bien l'impression aussi que les enfants que l'on dit "illégaux" ou les "illégaux", comme on les appelle, il y en a certainement eu dans mon comté et il y en a probablement encore.

Nous devrions tous, d'un commun accord, en oubliant les divergences idéologiques qui séparent les deux partis politiques qui forment l'Assemblée nationale, oublier nos divergences et essayer de penser, dans un effort commun - là, vous allez me dire que je répète ce qui se dit ici depuis deux jours - au côté humain que représente cette possibilité de régler un problème qui perdure, cette possibilité que la loi 58 nous offre.

Je l'ai dit hier et je le répète: Tout le monde n'est peut-être pas d'accord avec moi. Même les gens de mon parti ne sont peut-être pas d'accord avec moi, mais je suis convaincu que la loi 58, ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux. Il n'y a pas de vraie solution à ce problème. Quelqu'un parlait du problème et disait: On est pris avec. Vous avez été pris avec parce que vous ne l'avez pas réglé. Vous n'aviez pas les moyens de le régler. Il fallait que quelqu'un, à un certain moment, décide de poser un geste politique, un geste courageux pour essayer de régler une fois pour toutes, avec le moins de dégâts possible, la situation difficile dans laquelle vivaient des enfants.

Vous allez me dire: Vous parlez toujours des enfants, mais vous ne parlez pas des parents. Tout à l'heure, la députée de

Chicoutimi disait: Quelle garantie a-t-on aujourd'hui, en 1986, que des parents, que des directions d'école, que des commissaires d'écoles, que des enseignants qui ont été complices - je le dis - d'une façon ou d'une autre, ne récidiveront pas? Je suis peut-être naïf - cela ne fait pas longtemps que je suis en politique, cela ne fait que deux ans -mais je dis qu'on doit donner la chance au coureur. La situation en 1986, c'est que le climat émotif que l'on vivait en 1977, en 1978, en 1976, au moment de la loi 101, est passé; la langue française n'est plus en danger au Québec grâce à la loi 101, et je vous en remercie. Je le reconnais. La situation n'est plus la même.

Ce matin, le chef de l'Opposition disait: C'est grave, vous attaquez la loi qui protège la langue française. Non, la loi 58 n'attaque pas la loi 101; au contraire, la loi 58 tâche d'aider le gouvernement du Québec à appliquer, d'une façon correcte et sans accrochage, sans lancer, cette loi 101. On est pris avec le motton. Quelqu'un disait que c'était un motton, cette chose-là qu'on avait. Bien, nous voulons l'enlever de la loi 101 pour qu'on puisse l'appliquer une fois pour toutes dans toute sa plénitude et dans toute sa grandeur.

L'accrochage à la loi 101 n'est pas la loi 58, c'est le groupe de 1500 élèves qu'on appelle "illégaux". Si on règle ce problème, il n'y a plus de problèmes relatifs à la langue d'enseignement en ce qui concerne la loi 101. Il y a des choses qu'on ne peut pas laisser passer. Hier, tout de suite après mon intervention, la députée de Chicoutimi s'est empressée de parler des complices et elle a laissé planer les mots "commissaires d'écoles", et cela m'a touché. On en parle comme cela. Elle disait: Cela ne touche pas toutes les commissions scolaires, mais quelques commissions scolaires. Bien, c'est vrai, parce que, que voulez-vous que je vous dise, les gens d'origine culturelle autre que francophone vivent surtout dans la région de Montréal où il y a des commissions scolaires qui ne les ont pas accueillis. Ces gens sont entrés dans ces commissions scolaires.

Quand la députée de Chicoutimi parle de la complicité des commissaires d'écoles, est-ce qu'elle est consciente qu'à la CECM de Montréal il y a 12 000 employés, le budget est de 435 000 000 $, presque un demi-milliard? Le nombre des équipements est plus gros que ce que représente le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est un gouvernement cette chose, j'en ai été président, c'est gigantesque! Les commissaires d'écoles, les membres du comité exécutif sont là à temps partiel. La loi ne leur permet pas, à cause des émoluments rattachés à leurs fonctions, de faire pleinement leur travail. C'est enregistré, j'en suis convaincu; je l'espère, en tout cas.

Il aurait peut-être fallu, à un certain moment, que la CECM soit traitée différemment des autres commissions scolaires. On ne traite pas la communauté urbaine comme on traite les municipalités régionales de comté. On ne traite pas la ville de Montréal par la Loi sur les cités et villes, mais bien par la charte de la ville de Montréal. Je pense qu'une grosse institution comme la CECM n'avait tout simplement pas les moyens techniques, j'entends l'autorité politique, n'avait pas les moyens techniques pour appliquer pleinement les articles de la 101 qui régissaient la langue d'enseignement. (16 h 15)

Je vous dis franchement que je suis allé dans cette commission scolaire et on a fait des efforts afin d'identifier les "illégaux". Je ne dis pas qu'on a remué ciel et terre, mais on a fait des efforts car on savait que le problème existait, on savait qu'il y avait des "illégaux". On savait à peu près le nombre que cela pouvait représenter, on avait une bonne idée où ils pouvaient être, mais on ne pouvait pas les identifier. Il y a des gens ici qui pourraient en témoigner. On n'avait pas les outils pour les déceler. Quand quelqu'un dit que les commissaires d'écoles des grandes commissions scolaires de la région métropolitaine ont été complices, je trouve le mot fort; ils n'avaient tout simplement pas les moyens d'appliquer la loi.

On dit que cette loi est injuste envers les gens qui, eux, ont observé les préceptes demandés. Je me dis une chose: Lorsque je respecte la loi, lorsque je fais pleinement mon devoir de citoyen, lorsque je me sens un citoyen respectueux de l'ordre, un citoyen qui vit à l'intérieur des paramètres institutionnels de la loi ou des règlements, il me semble que j'en reçois la satisfaction d'un homme qui vit selon l'ordre. C'est déjà une satisfaction d'être quelqu'un qui accepte de vivre à l'intérieur d'un système qu'il a accepté.

Les gens qui n'ont pas vécu de cette façon, les gens qui sont devenus marginaux à un certain moment, à cause de circonstances dont je n'étais pas responsable, n'ont pas vécu selon les lois du moment. Est-ce si grave que cela d'oublier le côté marginal de ces gens? Ils sont 1500. Est-ce que ces 1500 mettent en danger la qualité de la langue française au Québec? Nous sommes 5 000 000 de francophones au Québec, à peu près. Est-ce que ces 1500 enfants, ces 3000 parents mettent réellement en danger la qualité de la langue française? Je ne les approuve pas, je ne leur donne pas l'absolution sans condition, mais je me dis: Est-ce que cela ne vaut pas la peine de faire un effort pour régler une fois pour toutes un problème avec lequel vous avez vécu et que nous ne voulons plus vivre?

Tout cela pour dire que j'ai l'impression qu'on va travailler longtemps alentour de

cette table, on va peut-être échanger, mais il va arriver un certain moment où il va se prendre une décision, où le jeu de la majorité - cela existe en système démocratique et en système parlementaire -va jouer son rôle et nous allons, je le crois, adopter la loi 58. Nous allons adopter la loi 58 et nous allons reconnaître ces jeunes, nous allons reconnaître ces parents, qui sont aussi marginaux et qui se sentent un peu mal à l'aise, nous allons les reconnaître comme des citoyens à part entière, des citoyens comme tout le monde. On aura voté ce qu'on appelle l'amnistie; si ce n'est pas l'amnistie des enfants, ce sera l'amnistie des parents. J'ose souhaiter qu'après cela on oubliera et que tous les Québécoises et tous les Québécois qui veulent bien vivre dans cette société distincte qu'est le Québec, qui veulent vivre heureux, auront le sentiment d'avoir posé un geste controversé, mais d'avoir posé un geste pour le plus grand bien, l'harmonie et la sérénité de ces personnes qui vivent ici, dans ce coin de pays qui s'appelle le Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Je pense qu'on ne peut pas être membre de la commission de l'éducation et traiter d'un problème aussi majeur, aussi important - je pense que cela a été noté par tout le monde puisque c'est un problème qui dure depuis assez longtemps - sans penser qu'il est important et même nécessaire d'intervenir. Je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est sûrement pas parce que, dans mon comté, je suis particulièrement touché par ces questions-là, dans le comté d'Abitibi-Ouest, mais c'est parce que, comme citoyen québécois, francophone, dans une société à majorité francophone, je pense que toute question qui a des incidences concrètes, directes sur la langue mérite que nous y accordions quelques heures, surtout quand il s'agit d'un problème dont j'ai effectivement entendu parler dans le cadre de mes responsabilités comme ministre de l'Éducation pour une certaine période.

On a dit que le problème était aigu, qu'il durait depuis longtemps. J'ai été attentif aux propos du ministre de l'Éducation lorsqu'il a souligné - je le cite au texte - qu'on a eu l'apparence de gestes qui ont été posés par l'ancien gouvernement pour tenter de régler le problème. C'est une nuance fine, mais quand on a entendu le discours de la plupart des parlementaires ministériels on n'avait même pas droit à cette nuance fine. D'après eux, on n'avait posé aucun geste, on n'avait rien fait pour essayer de régler le problème.

J'ai eu l'occasion, lors du débat en deuxième lecture, de dire que régler un problème en disant: Voilà, on efface l'ardoise; on donne la bénédiction à tout le monde, cela ne prend pas nécessairement des analyses éternelles et des circonvolutions autour du problème pendant des années, des mois et des semaines, pour arriver à cette conclusion. C'est la conclusion la plus facile, la plus inqualifiable, dans les circonstances parce que je veux bien être sensible à des appels, comme le député de Sauvé veut bien nous en faire, de poser des gestes courageux, humanitaires, exceptionnels, extraordinaires, mais, là, ce n'est pas un geste humanitaire, exceptionnel et extraordinaire qu'on nous demande de poser. C'est de dire à un groupe de jeunes qui n'ont rien à faire là-dedans -je le reconnais - mais qui ont des parents: Au Québec, ce n'est pas grave, une loi du Parlement, si on pense que vous avez des motifs historiques de la contourner, la défier. À un moment donné, arriverait une équipe, peu importent les motifs, et on sanctionnerait le tout en disant: Voilà, amnistie totale, générale, sans aucune nuance. Il me semble que ce n'est pas ainsi qu'on doit effectivement prendre des décisions d'ordre législatif.

Des décisions d'ordre administratif qui auraient une telle conséquence, je serais prêt à regarder cela. Je l'ai dit au ministre de l'Éducation, et cela a été regardé. Je suis toujours convaincu que l'équipe actuelle serait en mesure d'envisager un règlement de cette situation sur une base administrative plutôt que législative pour des raisons bien factuelles. Qu'est-ce que vous voulez? Est-ce que le problème a la même envergure qu'il y a quelques années? Réponse: Non. C'est clair, ce sont des chiffres, ce sont des statistiques. Nous ne sommes pas, avec ce problème-là, dans une période de pointe. Je ne dis pas qu'il n'existe plus. Je dis que la période la plus importante où il y avait le plus grand nombre de jeunes qui, sans y avoir droit en vertu des lois qui sont nôtres, adhéraient à une formation scolaire en anglais plutôt qu'en français, c'était il y a quelques années. On le voit dans le rapport, c'est clair comme de l'eau de roche. C'est un problème qui était plus en "phasing out", si vous me permettez l'expression, qu'en "phasing in". Il ne commençait pas. Donc, il n'a pas la même acuité. Il n'a pas la même envergure. À ma connaissance, quand un problème n'a pas exactement la même envergure, la même acuité, il ne faut pas que la solution soit disproportionnée. Il ne faut pas que la solution soit exagérée.

Le ministre de l'Éducation, en deuxième lecture, nous a fait un long historique de cette problématique et il avait raison dans son historique. Il a raison parce qu'il a touché à peu près l'ensemble des points, sauf que tout le monde va convenir que, quand un

parlementaire ou un intéressé par une question fait un historique, il met l'insistance sur les éléments qui vont dans le sens de la solution qu'il préconise. II met l'emphase sur les éléments vers lesquels il veut que la solution s'oriente.

Je voudrais, parce que je pense que c'est important et il n'y en a pas beaucoup qui l'ont fait, me permettre un petit historique des événements qui vont peut-être permettre aux parlementaires de constater que, oui, ce problème nous a préoccupés, oui, ce problème, comme ministre de l'Éducation et comme gouvernement, nous a préoccupés, pour essayer de tenter de trouver des solutions administratives qui n'avaient pas ce geste odieux de renoncer à la valeur et à la force d'un Parlement qui doit adopter des lois pour qu'elles soient respectées et non pas pour que les lois soient défiées et pour que, quelques années après, on dise: On va passer l'éponge, on va effacer l'ardoise, comme se plaît à dire le ministre de l'Éducation.

Il faut se rappeler, que c'est à la suite de la promulgation de la Charte de la langue française que des organismes dont, en particulier, la Provincial Association of Catholic Teachers, qu'on appelle PACT, ont non seulement - écoutez bien cela - invité les parents à défier la loi - je ne parle pas des jeunes, je parle des parents - mais ont même mis en place - ce n'était pas assez pour eux d'inviter des parents à défier la loi des mécanismes qui permettaient de dispenser illégalement l'enseignement en anglais à des enfants qui n'y avaient pas droit.

Des enseignants, des principaux d'école auraient offert leur concours à cette initiative. On est au courant de cela. On a estimé d'abord à environ 2000 le nombre d'enfants qui auraient ainsi bénéficié de cet enseignement illégal. En janvier 1981, le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais a communiqué avec les parents des enfants déclarés non admissibles mais inscrits dans aucune école du Québec à ce moment. Dans sa lettre, le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais invitait les parents à faire connaître au ministère de l'Éducation quelle école fréquentaient les enfants concernés tout en les mettant en garde contre les conséquences fâcheuses que la fréquentation illégale d'une classe anglaise pouvaient avoir pour leur enfant.

En septembre 1981, Me François Aquin recevait du ministre de l'Éducation le mandat de faire la lumière sur ce problème. On ne s'est jamais occupé de cela. On n'a jamais regardé cela. Ce problème ne nous intéressait pas. On a été des irresponsables. J'ai entendu cela. Vous n'avez rien fait pour régler ce problème pendant neuf ans. Vous avez laissé pourrir une situation. C'est drôle, pour des gens qui laissent pourrir une situation, que le ministre engage Me François Aquin avec le mandat de faire la lumière sur ce problème et de proposer des mesures pour redresser la situation.

Son rapport fut déposé en novembre de la même année. Écoutez bien cela, à la suite du rapport, le ministère a prévu un budget de 3 500 000 $, des chiffres prouvés. On dégage 3 500 000 $ dans le but d'en appliquer les mesures, même si celles-ci n'ont pas suscité l'intérêt escompté, parce que ce sont toujours des mesures administratives. Nous pensions que, légalement, cela ne se pouvait pas qu'un Parlement, par loi, dise: Bien, nous avons déjà adopté une loi et vous ne l'avez pas respectée. Ce n'est pas grave. On va en faire une autre et on va dire: Bénédiction pour tout le monde, puis allez, croissez et multipliez-vous.

Nous n'étions pas d'accord là-dessus. On a dit: On va regarder les possibilités administratives de régler l'affaire. 300 000 $ du montant de 3 500 000 $ du budget ont vraiment été dépensés. Écoutez bien ce qui arrive. Une partie de ce montant a servi à appliquer lesdites mesures à quelque 200 élèves clandestins qui avaient intégré le secteur français à peine quelques mois avant le dépôt du rapport Aquin. On n'a rien fait, mais on en a réglé au moins 250. La liste n'est pas grosse. Je m'en fous.

Au niveau du principe, pour quelqu'un qui n'a rien fait, on n'aurait pas eu ces conséquences si on n'avait rien fait, comme vous l'avez dit, et si on avait laissé pourrir la situation. Puis, le ministre de l'Éducation opinait du bonnet à l'envers quand mon collègue citait cet exemple en disant: Non, non, ce n'est pas vrai. Opiner du bonnet à l'envers, c'est dans le sens contraire. Il disait non. Il disait que ce n'était pas vrai qu'on en avait réglé un certain nombre quand mon collègue a donné cet exemple. Alors, je vous dis que 250 élèves clandestins ont intégré le secteur français à la suite du rapport Aquin.

D'autre part, toutes les réactions officielles qui ont suivi le dépôt de ce rapport, tant la requête présentée au ministre par la commission éducative et culturelle du congrès national des Italo-Canadiens, région de Québec que celle des représentants de la Provincial Association of Catholic Teachers et Alliance Québec, demandaient le pardon global et total pour les élèves clandestins en leur permettant de terminer leurs études primaires et secondaires en anglais.

Plus récemment, à l'occasion de la commission parlementaire sur la Charte de la langue française tenue à l'automne 1983, plusieurs groupes ont réitéré cette demande. Les amendements apportés à la loi 101 par la loi 57 en décembre 1983 ont permis de régler le cas de quelques-uns des élèves

illégaux, mais ont laissé la grande majorité d'entre eux déçus. Enfin, le jugement de la Cour suprême confirmant le jugement du juge Deschênes quant è la préséance de la Charte canadienne des droits et libertés sur le chapitre 8 de la Charte de la langue française, la décision du gouvernement québécois de respecter la décision de la Cour suprême permit de résoudre quelques autres dizaines de cas. C'est toujours quelqu'un qui a été membre d'un gouvernement qui n'a rien fait qui vous raconte qu'à tout bout de champ on en a réglé en cours de route. (16 h 30)

Des déclarations de la PACT nous permettent d'estimer qu'il y avait environ 1200 élèves illégaux clandestins en septembre 1984. Ah! Remarquez bien que c'est le même organisme qui prétendait qu'il y en avait de 1500 à 1600 quelques années au préalable, en 1984. Pas moi, pas François Gendron membre du gouvernement, pas le gouvernement du Parti québécois. La PACT prétendait en 1984 qu'il y en avait 1200. Supposons, faisons l'hypothèse que c'est exact qu'il y en avait 1200. Moi, je ne sais pas tellement compter, mais s'il y en avait 1500 et qu'il en reste 1200, cela veut dire qu'il y a eu 300 cas de réglés. Remarquez, on n'a rien fait là-dessus. Nous autres, on a laissé pourrir le problème. Cela ne nous intéressait pas de régler quoi que ce soit. Mais on en a réglé 300.

Plusieurs demandes, par la suite, de pardon global furent présentées au ministre de l'Éducation, dont la dernière par les dirigeants de la Commission des écoles catholiques de Montréal, la CECM, lors d'une rencontre avec M. le ministre Bérubé en 1984. Le ministre rejeta la demande de pardon global parce que c'était cela, la demande de la CECM, l'amnistie. Nous, on a dit non. Voici ce qu'on a mis sur la table pour quelqu'un qui n'a jamais rien fait là-dedans et qui n'a jamais essayé de régler le problème. Premier volet de la solution: le ministre de l'Éducation remettrait aux élèves illégaux clandestins ayant terminé leurs études secondaires illégalement une reconnaissance d'équivalence d'études secondaires s'ils réussissaient les tests d'équivalence prévus à cette fin.

Cette procédure permettait la réinsertion scolaire sans reconnaissance d'un système linguistique et, donc, sans droits acquis pour les frères et soeurs. Là, je veux juste faire une parenthèse sur le diplôme. D'après le ministre de l'Éducation, dans son exposé de ce matin, on aurait dit que le diplôme, cela n'a rien à voir, qu'on n'a pas besoin de cela dans la vie et que ce n'est-pas grave de ne pas en avoir. Moi, je n'ai jamais entendu, et j'étais attentif aux propos de ma collègue... Ce n'est pas ce qu'on a dit. On a dit: C'est se leurrer que de penser que moi, si je veux être pompier à la ville de Montréal et que cela prend un diplôme de secondaire V, si je suis un "illégal" et qu'on ne me donne pas l'amnistie, je suis barré pour la vie. C'est là-dessus qu'on a dit -excusez l'expression - que c'est faux, que c'est de la foutaise. J'allais dire autre chose.

C'est de la foutaise parce qu'en 1985-1986, à peu près n'importe qui peut facilement obtenir un diplôme d'équivalence des commissions scolaires par le service d'éducation des adultes. Écoutez, je pourrais donner l'exemple de mon frère. Il n'a jamais fait de secondaire IV ni de secondaire V pour toutes sortes de raisons que ce n'est pas le moment d'exposer ici, mais quelques années après, pour les raisons mentionnées par le ministre de l'Éducation, postulant un emploi où on requérait le dépôt dans sa demande d'un diplôme d'études secondaires V, compte tenu qu'il avait quand même continué à s'intéresser à différentes choses au niveau des lectures et de ses connaissances personnelles, il a passé des tests d'équivalence et il a obtenu un diplôme de secondaire V. Là, il a dans ses dossiers un diplôme de secondaire V qui lui permet de postuler pour être pompier pour la ville de Montréal, si cela prend cela, ou autre chose. Écoutez, c'est sûr qu'on a à peu près uniquement le centième des connaissances du ministre de l'Éducation, mais on n'est pas venu au monde hier. On a des informations. Ce que je raconte, ce n'est pas de la théorie. Ce sont des faits.

Nous faire tout un discours, tout un plat pour essayer de nous faire croire que ces enfants, on les confine à tout jamais dans une espèce de canne hermétique qui ne leur permettra d'avoir accès à aucun emploi ou plan de carrière à l'avenir, c'est fausser les faits. Je continue mon historique.

Deuxième volet. On a dit: Le ministre de l'Éducation permettrait à la CECM de mettre sur pied des écoles françaises avec un régime particulier d'accueil en faisant en sorte que l'intégration linguistique des élèves soit étalée sur plusieurs années. Je pense que c'était une solution qui avait de l'allure, le fait d'essayer d'étaler dans les classes d'accueil une espèce de sanction de retour aux études françaises pour permettre à ces jeunes d'avoir un statut régulier. Ce deuxième volet est également légal. C'est ce qu'il y a de pire. Ce deuxième volet dont je parle est légal en vertu de l'article 15 - que le ministre de l'Éducation connaît sans doute du règlement concernant le régime pédagogique du primaire et de l'éducation préscolaire et de l'article 16 du règlement concernant le régime pédagogique du secondaire qui prévoit - on va lire l'article -que pour les élèves, écoutez bien cela, non admissibles à une classe d'accueil qui sont inscrits à l'enseignement en français pour une première fois et qui de l'avis de leurs parents ne possèdent pas une connaissance usuelle du français, des mesures particulières

de soutien linguistique en . français sont organisées selon les modalités déterminées par le ministre. C'est dans les règlements 15 et 16. C'est dans les écoles où toutes les activités, tant de nature pédagogique qu'administrative, se déroulent en français.

Les articles 79 et 51 de ces mêmes règlements accordent un pouvoir de dérogation lorsque l'application de l'un ou de plusieurs articles peut causer préjudice à un enfant.

Il est donc possible au ministre de l'Éducation, s'il le voulait bien, s'il n'y avait pas une quelconque dette à payer, s'il n'y avait pas ce que j'appelle une solution facile que tout le monde a vue, tout le monde a vu cela, l'amnistie... Nous, ce n'est pas parce qu'on ne s'est pas occupé du problème, on était contre l'amnistie, c'est clair. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas voulu régler le problème, mais cette solution qu'on nous présente aujourd'hui, on l'a regardée sous toutes ses facettes et, pour nous, cela ne paraissait pas une solution défendable. Ce n'est pas qu'on ne l'a pas identifiée et qu'on n'a pas été assez "wise" ou brillant pour la trouver. Nous aussi on avait trouvé l'amnistie, cela nous a été demandé par tout le monde. Mais on a dit: Cela n'a pas d'allure. Donc, il est possible au ministre de l'Éducation, s'il le veut bien, de permettre à une commission scolaire de mettre sur pied une ou plusieurs écoles françaises qui auraient comme mandat de régler le cas de ces élèves clandestins.

Écoutez bien la conclusion de mon historique. Ce que je lis, c'est un document du directeur du Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais de la direction régionale de Montréal. Regardez la conclusion: Précisons, en conclusion, que cette contreproposition que je viens d'énoncer rapidement faite verbalement à la Commission des écoles catholiques de Montréal est demeurée lettre morte. M. le député de Sauvé, elle est demeurée lettre morte, cette solution préconisée à la CECM.

M. Parent (Sauvé): ...en quelle année?

M. Gendron: Cela ne sera pas long, je vais juste finir mon intervention.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député de Sauvé, la parole est au député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, j'aurai l'occasion d'y répondre. 1985. Cela vous a intéressé, la CECM.

Le Président (M. Bissonnet}: S'il vous plaît, messieurs, il n'y a pas de débat.

M. Gendron: La conclusion, c'est que cette lettre est demeurée lettre morte puisque - c'est ça qui est important - M. le ministre de l'Éducation, l'objectif premier du secteur anglophone de la CECM, c'est d'abord de pouvoir augmenter le nombre d'élèves fréquentant son secteur et pas nécessairement de résoudre le problème des enfants dits "illégaux". Cela, c'est la dure et froide réalité de nos collaborateurs éducatifs. C'est pour cela que j'ai dit au ministre de l'Éducation que, compte tenu des adhésions normales des individus, de certaines communautés qui adhèrent davantage à la philosophie du Parti libéral - c'est leur affaire, c'est leur droit le plus strict, je n'ai pas è contester cela - cela donne de la crédibilité au ministre actuel, au gouvernement actuel s'il se donnait la peine de regarder, de tenter une solution à caractère administratif plutôt que légaliste, surtout une législation odieuse comme cela n'est pas possible par une loi demandée au même Parlement qui a adopté une loi pour dire: Tu vas en faire une autre pour dire que l'autre loi qu'on a déviée, qu'on a contournée, ce n'est pas grave, ce n'était pas la bonne. La preuve, on vous donne l'amnistie.

M. le Président, c'est pourquoi nous avons laissé voir pendant de longues minutes en deuxième lecture qu'on ne pouvait pas du revers de la main, même si on est sympathique à des appels pour poser un geste courageux, humanitaire parce que ces pauvres jeunes, ce n'est pas leur faute et vous avez raison... Nous, on pense que cela ne serait pas un geste courageux, humanitaire d'abdiquer nos responsabilités de parlementaires. Cela n'a pas de bon sens. Le ministre de l'Éducation lit à peu près tous les papiers qui lui arrivent. Je vous l'ai dit, c'est un bénédictin avant d'être un politicien. Dans ce sens-là, il en a eu des hypothèses de règlement, mais il ne veut pas les regarder. Il l'a dit dans un article que j'ai cité en deuxième lecture, il a trouvé la solution. Il n'a pas trouvé une solution, il a trouvé la solution. Je ne répéterai pas certaines choses que j'ai dites en deuxième lecture, ce serait trop long puisqu'il ne me reste que deux minutes.

Le Président (M. Bissonnet): II vous reste encore une minute.

M. Gendron: Une minute. Je vous dis, M. le Président, que la CEQ, l'Alliance des professeurs de Montréal ont fait des suggestions. Ce n'est pas le ciel sur terre. Je ne dis pas que ces solutions doivent "être prises intégralement, mais au moins, M. le Président - je conclus là-dessus - elles ont le mérite de respecter la société québécoise, elles ont le mérite d'offrir un règlement humain et pragmatique et elles ont le mérite également d'au moins avoir un parti pris en faveur de la francisation du Québec. Nous, c'est un objectif qu'on poursuit et qu'on va

continuer à poursuivre. Merci.

Le Président (M. Bissonnet: M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Est-ce que le député d'Abitibi-Ouest accepterait que je lui posasse une question?

Le Président (M. Bissonnet): M. le député d'Abitibi-Ouest, est-ce que vous acceptez que le ministre vous pose une question?

M. Gendron: Pourquoi pas?

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre, je tiens à vous informer que la question doit être brève et que la réponse doit être brève également. M. le ministre.

M. Ryan: II y a deux catégories d'élèves illégaux. Il y a les clandestins et ceux qui étaient déclarés au ministère de l'Éducation par les commissions scolaires protestantes. Le gouvernement du temps, le député d'Abitibi-Ouest en faisait partie, était au courant du nombre d'élèves illégaux dans les commissions scolaires protestantes et même de leurs noms. Qu'est-ce qu'il a fait pour mettre fin à ce problème? II n'avait pas les mêmes difficultés que du côté anglo-catholique. Qu'est-ce qu'il a fait? Pourriez-vous nous dire les mesures que vous avez prises pour mettre fin au problème de ce côté?

M. Gendron: Oui, mais très rapidement. Les mesures qu'on a prises, je les ai exposées, je pense...

M. Ryan; Je sais que cela va être bref.

M. Gendron: Oui, cela va être bref. Les mesures qu'on a prises, M. le ministre de l'Éducation, ce sont celles que j'ai exposées dans l'historique. On a rencontré ces intervenants à quelques reprises et on s'est dit: Si on n'offre pas une solution qui va régler - là vous avez dit que pour une certaine catégorie c'était plus facile et vous avez raison - globalement mais administrativement...

M. Ryan: ...

M. Gendron: ...avec la collaboration tout autant de la CECM que du secteur anglophone de la Protestant School Board of Greater Montreal (PSBGM)... On avait une approche uniquement avec le bout le plus facile... Vous avez raison, il y avait un groupe où cela aurait été plus facile: on aurait pu imposer par des mécanismes de règles budgétaires des contraintes plus fortes qui auraient permis de resserrer l'échappatoire. Mais on s'est dit, et je termine: Si on ne peut pas avoir la collaboration de l'ensemble des intervenants en autorité dans ce problème, une année ou deux après qu'on aura fermé un peu la valve, elle va se rouvrir. On ne voulait pas, deux ans après, avoir le même problème dans la figure. C'est ce qu'on a fait.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les membres de cette commission de m'avoir permis de remplacer le député de Richelieu à titre d'exception. Les quelques remarques que je vais faire cet après-midi peuvent être divisées en deux catégories. Les premières remarques toucheraient à certains propos qui ont été tenus par le chef de l'Opposition ce matin. Les commentaires que je ferai ne sont pas basés sur des études universitaires mais plutôt sur des études et des constatations de l'université de la rue, dont le quartier de Saint-Michel que le député de Verchères connaît très bien. Je vais tenter d'expliquer certaines choses afin qu'on puisse dans un sens essayer de comprendre réellement ce qui s'est produit avec cette question des "illégaux".

Pour revenir aux propos du député d'Anjou et à son exposé sur les Italiens qui sont arrivés ici au pays et sur leur choix dans le domaine linguistique, je suis complètement d'accord avec lui lorsqu'il dit que les Italiens qui sont arrivés ici au pays avant 1950 ont été majoritairement accueillis et ont choisi eux-mêmes d'aller à l'école française.

Il s'est produit quelque chose vers les années cinquante que peut-être les membres de cette commission ne connaissent pas. À la CECM, à Montréal, il y avait un problème de places dans les écoles françaises. Il y en a qui prétendent que ces Italiens ont été refusés pour d'autres raisons que je ne veux pas mentionner. Je crois que les Québécois sont des personnes très respectueuses. Je crois que la raison pour laquelle ces gens ont été refusés...

Je vais citer mon propre cas, M. le député de Verchères. Je suis arrivé ici au pays en 1952. Mes parents avaient une petite demeure sur la le Avenue à Saint-Michel, tout près de l'école Saint-Mathieu qui est située au coin de la 2e Avenue et de Jean-Talon. Quand je suis arrivé au pays, je ne parlais ni le français ni l'anglais. Je me rappelle que mon père et moi, deux jours après mon arrivée, le 14 octobre 1952, on est allé à l'école du coin, l'école Saint-Mathieu. Il y a eu un dialogue entre lui et le directeur de l'école. Je présume que

c'était le directeur de l'école. Vous savez, un petit enfant, quand il arrive quelque part, il ne connaît pas tous les titres. Quelques minutes plus tard, mon père me dit en italien: II n'y a pas de place ici pour toi. Comme je vous le dis, je ne veux pas invoquer les raisons, mais je veux seulement dire que j'aime mieux prétendre que la raison pour laquelle on m'a dit non à ce moment-là, c'est qu'il n'y avait pas vraiment de place physique dans cette école. (16 h 45)

De là, on s'est rendu à l'école Saint-Philippe-Benizi et à l'école Notre-Dame-de-la-Défense, et ce qui m'a étonné un peu dans ces écoles Saint-Philippe-Benizi et Notre-Dame-de-la-Défense, c'est le fait qu'il y avait des enfants dans les corridors et dans la salle qui recevaient un enseignement. Il semblait y avoir beaucoup d'élèves dans une bâtisse de cette grandeur. À la suite de mes études élémentaires à l'école Saint-Philippe-Benizi, je me souviens très bien d'avoir fait une demande pour fréquenter l'école Philippe-Aubert-de-Gaspé, près de Jean-Talon encore et Saint-Laurent. Je ne veux pas non plus évoquer les raisons pour lesquelles on m'a refusé, mais je n'ai pas pu fréquenter l'école Philippe-Aubert-de-Gaspé. C'est là que je me suis ramassé à l'école Cardinal Newman et ensuite le St. Joseph's Teachers College et j'ai commencé à enseigner par la suite. J'ai obtenu un baccalauréat ès arts de Loyola, qui est maintenant Concordia, ceci à temps partiel, et, à la suite du baccalauréat ès arts, j'ai eu un baccalauréat en éducation de l'Université de Montréal. Ensuite, encore à temps partiel, j'ai entrepris des études de maîtrise en administration à l'Université de New York, qui était la seule université qui donnait une maîtrise en administration, "Master in Science and Education Specialization and Supervision of Instruction", qui n'existait aucunement ici au Québec.

On pourrait dire que le député de Viau est allé à l'Université de New York parce qu'il avait l'intention de s'en aller aux Etats-Unis; ce n'était pas le cas, parce que le député d'Anjou prétend que la majorité des italophones se sont intégrés à l'école anglaise, parce qu'ils voyaient nos voisins du Sud, les Américains. Je peux vous dire que je n'ai pas d'étude concrète sur cela, ce sont des constatations personnelles.

En ce qui regarde 1977, ce n'est pas une cachette, j'ai été directeur, à partir de 1971, d'une école anglophone de la CECM et, même si c'est une question d'immunité parlementaire ici: Oui, j'avais des "illégaux" dans mon école. Je tes avais, mais j'aimerais préciser quelque chose. Si on se le rappelle, pour ceux qui sont familiers avec l'éducation, l'inscription se fait au printemps et non à l'automne, et nous avions à ce moment-là déjà admis à l'école des enfants qui satisfaisaient aux critères des lois qui existaient au printemps, et le député de Gouin, mon voisin, l'a constaté l'autre jour dans son discours.

Alors, on avait d'un côté des gens qui avaient été admis et, de l'autre côté, la loi qui disait: Vous n'avez plus le droit. Je demande à n'importe qui autour de cette table ce qu'il aurait fait dans une situation semblable. Des directeurs d'école ont dit: On les a admis, on les garde, et le ministre du temps qui était responsable de la loi 101, le Dr Laurin, était très au courant.

Alors, c'est le petit nombre que l'on mentionnait tout à l'heure des années 1977-1978. Qui étaient les autres élèves illégaux dans les écoles? Vous savez fort bien que la loi permet - dans le temps, elle le permettait et elle le permet encore - à ceux qui ont reçu leur éducation en dehors du Québec en anglais et qui sont arrivés ici avant 1977 d'être à l'école anglaise. Il faut avoir vécu l'expérience pour voir quelle a été la difficulté de certaines de ces gens pour obtenir un certificat d'un pays qu'ils ont laissé depuis longtemps qui démontrait qu'ils avaient fait des études à l'école anglaise dans ce pays. Ils étaient admissibles. Je peux parler au nom de tous les directeurs d'écoles anglaises que je connais à Montréal et je dis que, dans l'esprit de tous ces gens, ils ont accepté des enfants en anticipation de documents qui devaient arriver pour ne pas faire rater l'année scolaire ou une partie de l'année à ces enfants.

Il s'ajoute un autre élément, celui de la confusion qui a été causée par la commission d'appel en ce qui concerne son interprétation de la majorité. Vous savez, la loi 101, on disait que c'était la fréquentation totale de l'école anglaise. Alors, il se révélait des situations où un parent avait fréquenté l'école anglaise pendant un mois parce qu'il était arrivé ici à un certain moment de l'année, au mois de mai... II a commencé à l'école élémentaire - c'était la septième année de l'époque - il a fait un mois en septième année, puis il a abandonné ses études et est allé travailler, ainsi de suite... Dans ce cas comme dans certains autres cas, la commission d'appel a dit: Oui, selon la loi, cette personne a fait la totalité de ses études au Québec.

Il y avait d'autres personnes qui étaient arrivées ici à l'âge de 6 ou 7 ans, qui ont fréquenté une école anglaise pendant cinq ans et, pourtant, ils ne se trouvaient pas dans la même situation. C'est que, parmi ceux-là, il y en avait eu quelques-uns qui, pendant une année, avaient fréquenté l'école Saint-Philippe-Benezi. Justement l'école Saint-Philippe-Benezi. C'était la confusion totale au début de l'application de la loi.

C'est un peu la situation. Si vous regardez les chiffres, c'est vrai qu'on peut

faire dire toutes sortes de choses à des chiffres selon la façon dont on les regarde, mais je vous soumets une expérience vécue. Ce sont les personnes dites illégales. Dans le cas de la grande majorité de ces personnes illégales, les directeurs d'école étaient convaincus qu'à la suite d'un appel devant la commission, ces enfants auraient été admis à l'école anglaise. C'est la grande majorité. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas qui se soient faufilés dans le système.

Il y a aussi les cas humanitaires. Je pourrais en citer plusieurs, mais je vais n'en citer qu'un. C'est le cas d'une jeune fille de 14 ans qui était déménagée, à la suite du divorce de ses parents, ici, à Montréal. Cette dame, une anglophone de l'Ontario, s'était conformée à la loi 101 et a envoyé son enfant à l'école française. À la suite d'une difficulté d'adaptation, l'enfant a décidé de ne plus fréquenter l'école et de demeurer à la maison. Malheureusement, l'homme qui s'était, comme on dit chez nous, à Saint-Michel, "accoté" avec sa mère l'a violée un jour. Il l'a violée, elle. Tous les responsables dans ce cas ont suggéré qu'il fallait sortir cette enfant de la maison, c'est-à-dire de s'assurer que, le jour, elle se trouve dans une école. À cause de cette situation, on suggérait de l'envoyer à l'école anglaise. Il y a même eu des appels faits à des membres de la commission d'appel. Un des membres s'est rendu lui-même sur les lieux et il était tout à fait d'accord pour que cette personne fréquente l'école anglaise. C'était une raison humanitaire. Mais la commission d'appel ne pouvait pas se prononcer pour des raisons humanitaires. C'est cela, des "illégaux". Je demanderais à la députée de Chicoutimi si, en tant que directrice d'une telle école, elle aurait accepté cette enfant dans son école. C'est cela, la question des "illégaux". C'est pour cela qu'on invoque une question humanitaire.

On peut les accuser d'avoir été complices mais, en ce qui me concerne, le gouvernement est aussi complice. Le gouvernement du temps a été autant dans l'illégalité en faisant durer le problème comme il l'a fait durer. On se pète les bretelles en parlant du rapport Aquin; le rapport Aquin a été fait en 1981, si je me rappelle bien, cela faisait déjà quatre ans que la situation était connue. Pour des gens qui disent vouloir réagir vite aux situations, quatre ans, ce n'est pas si vite.

C'est un peu le portrait de la situation que je voulais tracer ici. C'est le problème, le vrai problème. Le gouvernement, pour sa part, est aussi coupable que tous ceux que l'on veut impliquer. Les enfants eux-mêmes, je le dis, je le prétends, n'ont rien fait de mal. C'est vrai que c'est un problème qui est grave, qui est complexe, mais il n'y a pas de solution facile à accepter. Il n'y a pas une solution qui est la meilleure solution.

On ne met aucunement en doute la loi 101.

Puisqu'on a parlé, de l'autre côté de la Chambre, de complicité, on a pris des mesures, qui n'existaient pas dans la loi 101 - c'est peut-être ce qui manquait à la loi 101 afin de l'appliquer dans le temps - c'est la question des sanctions. Je vais aller un peu plus loin sur la question des sanctions et encore sur un fait personnel. Je peux vous dire, en tant que directeur de l'école Amos, qu'en aucun moment je n'ai reçu quoi que ce soit - une lettre ou quelque chose - me demandant de sortir ces enfants de l'école. Lorsqu'on parle de mesures administratives, je peux vous dire que j'ai déjà été réprimandé comme directeur d'école; on a même été aussi loin que vouloir me suspendre parce que j'avais refusé de fournir une liste d'élèves légaux qui étaient transportés à mon école.

Qu'on ne me dise pas de l'autre côté qu'il n'y a pas de moyen de résoudre le problème. Si on peut, administrativement, parce qu'un directeur d'école ne fournit pas un document à la commission scolaire qui, par la suite, doit être remis ici, à Québec, au ministère de l'Éducation en ce qui concerne les enfants transportés... Qu'on ne me dise pas qu'on n'aurait pas pu faire la même chose du côté administratif en réprimandant ces directeurs d'école, en allant jusqu'à la suspension tel que prévu dans l'entente collective.

On dit que vous n'avez rien fait. Vous aviez les moyens de le faire et vous ne l'avez pas fait. Je trouve que la solution présentée règle le problème et met fin, d'une façon légale, au problème de la question spécifique des sanctions, même si on a la garantie, cette garantie voulant qu'il n'y ait plus d'intention de la part de la direction des écoles de continuer en ce sens, elle se voit puisque depuis 1981-1982 ils ont refusé d'accepter un enfant autre qu'un frère ou une soeur. Comme je l'ai dit en Chambre, je pense que le ministre a eu du courage car il n'est pas facile de parler de question linguistique. Mais quelque 1500 élèves, cela va changer quoi, M. le Président? Merci.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Je voudrais commencer mon intervention un peu de la même façon que le député de Viau, en partant du quartier de la ville de Saint-Michel où, moi aussi, j'ai vécu une bonne partie de mon adolescence, en fait, toute mon adolescence, et où mon père travaille encore, d'ailleurs. Mon père était et est toujours concierge d'une école - Marie-Rivier - que le député de Viau connaît très bien et qui était, il y a plusieurs années, l'endroit où

se célébraient les messes de la communauté catholique italienne Notre-Dame-de-Pompéi avant que l'église soit construite. À cette école, jusqu'à il y a quelques années, il y avait un logement pour le concierge et nous, la famille, habitions ce logement. (17 heures)

Souvent, on allait à la messe dans la salle de l'école plutôt que d'aller à la messe à l'extérieur quand il pleuvait. À certains moments, je me rappelle très bien que mon père et ma mère, voyant des Italiens rire pendant le sermon, m'avaient expliqué après que le curé venait de dire en chaire: Vous savez, les Canadiens français, c'est du "ben" bon monde: les femmes sont bonnes à marier, font bien l'amour, mais, pour les affaires et pour le reste, c'est en anglais que cela se passe. Cela faisait rire bien du monde dans la communauté italienne, mais c'était l'élite qui parlait.

Si on a parlé de l'importance de la famille, entre autres dans la communauté italienne, il faudrait peut-être aussi parler de l'importance de l'église dans la communauté italienne et du rôle que plusieurs pasteurs de la communauté italienne ont joué dans la façon dont la communauté italienne a toujours considéré, depuis un certain nombre d'années, son intérêt plus vis-à-vis de la communauté anglophone et de la langue anglaise que de faire ce que leurs prédécesseurs avaient fait au début du siècle, c'est-à-dire de s'intégrer aux Canadiens français, les Québécois francophones. C'était cela un petit peu, M. le Président, le contexte d'il y a quelques années. Si le député de Viau a vécu une expérience qui lui laisse des doutes, je peux vous dire que, moi aussi, j'ai vécu des expériences qui me laissent des doutes quant à la façon dont les choses se déroulaient.

M. Cusano: ...expérience dans la même école.

M. Charbonneau: Dans la même église. C'était probablement un des mêmes sermons.

M. Cusano: Peut-être, oui.

M. Charbonneau: Je remercie le député de Viau de confirmer, M. le Président, ce que je viens de dire.

M. Cusano: Mais on ne fait pas nécessairement la même chose.

M. Charbonneau: Mais je pense qu'on s'entend au moins sur le sermon.

M. Jolivet: Chacun fait ses sermons.

M. Charbonneau: C'est cela. M. le Président, dans le fond, il y a un certain nombre de questions qui reviennent continuellement dans ce débat et dans cette discussion, en particulier le fait qu'il y ait des victimes et qu'il y ait une urgence à régler un problème. Je ne pensais pas ce matin entendre une réponse aussi éclatante pour appuyer notre thèse que celle du ministre de l'Éducation lui-même qui nous a expliqué qu'une majorité des gens qui ont été ou sont "illégaux" ont maintenant quitté le réseau scolaire québécois. Ils sont sortis. Ils ont été "illégaux" ou le sont encore parce qu'ils n'ont pas eu de diplôme, mais ils sont dans la vie active, ils vivent probablement les mêmes problèmes que les autres citoyens qui ont eu des diplômes, c'est-à-dire que certains travaillent, certains ne travaillent pas.

Tantôt, on nous a parlé de chiffres intéressants qui montrent, finalement, que, non seulement il n'y a pas d'urgence actuellement, mais qu'il n'y a pas vraiment de victimes non plus et qu'on a fait beaucoup de pathos sur l'humanité des cas. Je crois que, quand on parle des problèmes humains, on ne peut jamais trancher au scalpel et au couteau, et encore moins à la grosse hache. On trouve toujours des situations particulières où il faut, à un moment donné, tenir compte de différents facteurs pour se prononcer. Dans l'ensemble, la majorité des personnes qui se sont retrouvées dans des situations d'illégalité ne sont pas des victimes. Ce sont des enfants de gens qui ont fait un choix délibéré, clair.

Le ministre nous a indiqué ce matin que, finalement, les pauvres immigrants, c'étaient des gens qui ne comprenaient pas trop la réalité québécoise et canadienne, et qu'il ne faut pas trop leur en vouloir. Je pense qu'une bonne partie de ces gens-là savaient très bien ce qu'ils faisaient, connaissaient suffisamment la réalité québécoise et canadienne, avaient vécu, avec assez d'acuité et d'émotion, Saint-Léonard, la loi 63, les batailles dans les rues que, mot, j'ai vécues comme étudiant. Des coups de bâton, j'en ai mangés pendant les manifestations. Ces gens-là ne pouvaient pas ignorer, en 1977, la réalité québécoise et canadienne; ce n'est pas vrai. Il y avait trop d'événements qui s'étaient déroulés au Québec pour que ces gens-là ignorent ce qui se vivait ici. Les revendications des Québécois francophones, des Canadiens français pour être clair, ils ne pouvaient pas ignorer cela. Je ne crois pas qu'on puisse invoquer aujourd'hui cette ignorance pour justifier le comportement de gens qui ont choisi délibérément de s'en aller vers la langue anglaise.

Je crois, M, le Président, que c'est là un des problèmes majeurs. C'est qu'on nous présente un projet de loi en disant: Écoutez, il y a des victimes, ce sont des enfants. Bien sûr que cela va soulever la passion et l'émotivité, mais quand on fouille on se rend

compte que les victimes véritables, il n'y en a pas tellement et que les gens, dans le fond, les quelques milliers - ils sont plus nombreux maintenant, ceux qui ont quitté, que ceux qui restent encore - ne semblent pas avoir de problèmes particuliers pour faire leur vie.

Mais ce qu'on a décidé, c'est qu'il fallait trouver une justification. Donc, on a parlé de victimes et on en parle beaucoup. Et on a décidé d'amnistier les gens sans condition, des "illégaux", les jeunes, des enfants, des élèves et aussi leurs parents et surtout les gens qui, dans le système scolaire, ont été complices, les élites de certaines communautés culturelles, ethniques aussi, qui ont participé à ce système qui était un système bien organisé. L'omerta, le député de Viau connaît cela un petit peu, cela ne s'applique pas juste à la mafia, cette notion de la loi du silence qui faisait que tout le monde savait ce qui se passait mais que personne ne disait rien, personne ne dénonçait. Tout le monde faisait comme s'il n'y avait rien, personne ne dénonçait.

Tout le monde faisait comme s'il n'y avait rien. Les directeurs d'école, comme le député de Viau, se comportaient comme s'il n'y avait rien qui se passait. Ils savaient très bien ce qui se passait mais quand il fallait expliquer ce qui se passait ils n'étaient pas au courant, ils ne savaient pas qui étaient les élèves illégaux. Comme le député de Sauvé, président de la CECM, qui nous disait tantôt: On savait qu'il y en avait mais on ne savait pas où ils étaient, qui ils étaient.

C'est drôle finalement comme, quand c'était le temps d'appliquer la loi, on trouvait des raisons pour ne pas l'appliquer. On trouvait finalement beaucoup d'avantages à organiser une complicité et à se complaire dans cette mentalité de loi du silence.

Et on a fait cela pendant des années et des années. Aujourd'hui, on nous dit: Écoutez, vous avez adopté la loi 101, vous avez laissé aller pendant un certain nombre d'années le système en ne pourchassant pas les "illégaux", maintenant il n'y a plus de problème, vous savez. La langue française est en sécurité. Alors, pourquoi ne pas régler le problème de façon définitive? Le problème, M. le Président, c'est que la langue française n'est pas en sécurité plus que cela.

Il y a à peine quelques jours - c'est intéressant que ce soit venu il y a à peine quelques jours et heureusement que c'est venu il y a à peine quelques jours et pas dans un mois ou deux alors que ce débat aurait été probablement terminé - il y a le professeur Charles Castonguay du département de mathématiques de l'Université d'Ottawa qui a publié au cours des dernières années de nombreuses études sur la question linguistique et les questions démographiques qui a établi très clairement que, contrairement à ce qu'on pense encore actuellement et à ce que le député de Sauvé a véhiculé tantôt dans son intervention, la langue française est encore menacée au Québec et que c'est l'anglais, malgré la loi 101, qui continue d'avoir une force d'attraction plus grande que le français et, en particulier, chez les nouveaux arrivants, chez les immigrants, chez les gens, justement, où on retrouve la majorité, sinon la totalité, des élèves illégaux dont on parle aujourd'hui et depuis quelques jours.

En fait, l'étude du professeur Castonguay indique qu'on s'aperçoit que les groupes ethniques optent pour l'anglais dans une proportion trois fois plus grande que pour le français. Et c'est selon les dernières statistiques qui ont été analysées par le professeur Castonguay.

Je vois le député de Viau qui a l'air surpris. J'imagine qu'il y a beaucoup de gens aussi qui ont été surpris en lisant cela dans le Soleil au cours des derniers jours et qui se sont dit, comme nous de ce côté-ci: Qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on doit faire face à un gouvernement dont certains des membres ont participé à ce système d'illégalité, qui, par ses discours, par son comportement quand il était dans l'Opposition, a encouragé dans les faits ce système et a entretenu l'espoir chez les gens qu'un jour le problème se réglerait?

D'ailleurs, quand on regarde les statistiques que ma collègue me montrait tantôt, on voit la courbe. Jusqu'aux élections de 1981 où les gens ont pensé que l'élection du Parti québécois était un accident de parcours, on a vu à chaque année augmenter le nombre d'élèves illégaux. II y a eu un sommet en 1977, 144; après, cela a été 128, 128, 128, 141 même l'année préélectorale et électorale de 1981 et le référendum cette année-là. Après, c'est tombé, 72, 66, 71, 54, 58. Les gens se sont rendu compte, tout à coup, que la loi 101 était là pour rester et qu'il fallait vivre avec.

Mais maintenant qu'on se rend compte que la loi 101 était là pour rester, mais qu'elle n'a pas eu après moins de dix ans encore tout l'impact, tout l'aspect positif qu'on voulait qu'elle ait et qu'elle doit avoir, avec la loi qu'on discute actuellement, présentée par un gouvernement qui a encouragé l'illégalité par ses interventions, par ses discours et qui a entretenu l'espoir, on se retrouve avec une situation où on doit tenir compte également du contexte global dans lequel on a è discuter de ce projet de loi. Ce contexte, c'est, d'une part, cette étude qui vient de paraître et, d'autre part, le comportement d'un nouveau gouvernement qui donne des messages aux immigrants et aux communautés ethniques et culturelles du Québec. Et le message c'est, entre autres, celui de la ministre des Communautés

culturelles et de l'Immigration: Vous savez, nous autres, on pense qu'il y a les francophones, les anglophones et on pense déjà que la majorité ethnique qui vote libéral, ce sont des anglophones et, en conséquence, on s'adresse à eux en anglais. C'est ça que la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration fait. II n'y a pas eu un membre du gouvernement qui a dénoncé cela. Pas un. Pas plus le ministre de l'Éducation, que le député de Viau, ou que le député de Sauvé.

On trouve cela normal de donner aux communautés ethniques et culturelles le message que le gouvernement du Québec considère qu'elles sont en fait des parties de la communauté anglophone en devenir, si elles ne font pas déjà partie de la communauté anglophone. En plus de cela, on a le ministre de l'Éducation qui, dans un débat récent sur la question linguistique, nous a indiqué que, lui, l'intégration il ne croyait pas trop à cela. Il préférait la mosaïque. Quand on donne cela comme opinion lorsqu'on est membre d'un gouvernement, qu'on est ministre de l'Éducation, et qu'on nous présente la loi qu'on nous présente actuellement, qu'est-ce qu'on donne comme opinion aux gens? Est-ce qu'on leur donne l'opinion que le Québec est une terre française et que cela se passe en français, que les nouveaux arrivants, la communauté à laquelle ils doivent s'intégrer, c'est la communauté française dans une approche de normalité comme cela se fait partout dans le monde. Est-ce que vous pensez que c'est cela qu'ils reçoivent actuellement comme message, les immigrants et les membres des communautés ethniques, lorsqu'ils entendent le ministre de l'Éducation et les membres du gouvernement leur dire: Écoutez, nous, on ne croit pas aux vertus de l'intégration?

On leur laisse croire finalement que, quand ils viennent au Québec, ils peuvent rester pendant dix générations des Italiens, des Grecs, des Portugais et des Chinois et que, dans dix générations, on se retrouvera au Québec... II n'y aura pas de problème: Vous aurez conservé votre langue d'origine, vos traditions, vos cultures et il y aura au Québec une espèce de Nations Unies où on aura une multitude de communautés accolées les unes aux autres. Ce n'est pas cela.

Ce qu'on a voulu et ce qu'on veut toujours, c'est la normalité. C'est que les immigrants fassent ce que les ancêtres du député d'Argenteuil et du député d'Anjou ont fait, ceux de la députée de Chicoutimi: une Blackburn, un Ryan, un Johnson et d'autres. On pourrait en nommer une multitude. Non, Charbonneau cela vient de Larochelle. Je m'excuse pour l'exemple, mais cela vient de Larochelle. Ce n'est pas Italien non plus. Ce qu'on voulait, c'est que finalement, de quelque origine qu'ils viennent, ils choisissent de s'intégrer à la communauté francophone et qu'ils deviennent dans les faits membres de ce peuple francophone qui a pris racine ici.

(17 h 15)

Quand on parle des Canadiens français ou du peuple francophone d'ici, on ne parle pas uniquement des gens d'origine française comme moi, par exemple, on parle de tous ceux qui sont des francophones à part entière, qui ont choisi de l'être. C'est cela, le peuple francophone du Québec, et c'est à ce peuple qu'on veut que les nouveaux immigrants adhèrent. On leur dit comme message que c'est ici, au Québec, la patrie de ce peuple, le foyer national de ce peuple, le seul endroit au monde que ce peuple contrôle. On veut que vous compreniez que si vous venez chez nous, dans notre maison, dans notre patrie, notre foyer national, vous allez vous intégrer et respecter les lois de notre peuple, de notre société. Si cela ne fait pas votre affaire, allez ailleurs. C'est ça qu'on doit comprendre.

Si un Australien vient ici et pense qu'il peut envoyer ses enfants à l'école anglaise, qu'il aille en Ontario. Mais si un Australien a choisi de venir au Québec et qu'il a décidé de faire comme les ancêtres du député d'Argenteuil; très bien, votre place est ici, il n'y a pas de problème. Il faut que vous sachiez que le Québec est un territoire français, le seul en Amérique du Nord. Si les Italiens de Montréal n'ont pas encore compris cela, en tout cas un certain nombre, malheureusement, il va peut-être falloir à un moment donné que les choses soient claires. On ne veut pas au Québec d'une petite Italie qui demeure une Italie.

J'ai eu un enseignant, il y a quelques années, qui était d'origine italienne. Quand il est venu au Québec, ses ancêtres avaient choisi progressivement de devenir autre chose que des Italiens. Il continuait d'être un Italien d'origine, comme moi un Français d'origine, mais il n'y avait plus grand-chose d'italien en lui, pas plus qu'il y a grand-chose de français en moi, aujourd'hui. Lui et moi, on était des Québécois de langue française, lui d'origine italienne, moi d'origine française. Lui et moi, on avait des ancêtres qui avaient choisi de s'intégrer au peuple qui était ici avant qu'ils arrivent. C'est cela la réalité qu'on veut qui soit comprise. C'est dans ce contexte, M. le Président, que se présente ce projet de loi. Actuellement, on a un gouvernement qui ne donne pas cela comme message, un gouvernement dont une bonne partie des membres n'ont jamais accepté de dire les choses clairement, une bonne partie de ses membres croient encore au libre choix.

J'avais interpellé, pendant mon discours en deuxième lecture, la députée de Jacques-Cartier pour lui dire que j'étais convaincu qu'elle pensait encore que la meilleure chose pour elle et pour beaucoup de gens dans sa

communauté anglophone, ce serait le libre choix. Elle a honnêtement confirmé aujourd'hui que c'était cela encore pour elle le meilleur choix. Le problème, c'est qu'on entretient encore des illusions par des attitudes comme celles du gouvernement actuellement.

Le projet de loi qui est devant nous, c'est un projet de loi qui continue de donner un message équivoque aux communautés ethniques. II continue de leur dire que, finalement, le gouvernement du Québec, la société québécoise, son identité, elle n'y tient pas à tout prix, qu'elle n'a pas la volonté de préserver le français à tout prix, qu'elle est prête à faire toutes sortes d'accommodements et que, finalement, si vous choisissez l'anglais, on va finir par s'en accommoder. Non seulement on va s'en accommoder, mais on va accommoder également vos descendants et on va vous permettre - c'est un autre élément - de vous comporter comme si au Québec vous aviez choisi de vivre en Ontario. On donne comme message aux gens que l'affichage, ce n'est plus important, que la langue de travail, ce n'est pas important.

Il y avait un autre article dans le Soleil, il y a quatre jours, qui indiquait que dans les usines maintenant, la francisation marque le pas. À cause de quoi, disait-on dans l'article? À cause du message équivoque que le gouvernement donne depuis le 2 décembre et de sa façon - je conclus, M. le Président - de se comporter qui fait en sorte que les immigrants et les membres des communautés ethniques, au Québec pensent qu'au Québec, c'est bilingue et que le Québec, c'est le Canada bilingue. Ce n'est pas cela le Québec. On peut être fédéraliste ou indépendantiste, mais il y a une chose que je sais par exemple, c'est que la majorité et la très grande majorité des Québécois francophones, des Canadiens français, de quelque origine qu'ils soient, pensent qu'au Québec, c'est en français qu'il faut que cela se passe. Ces gens, qu'ils aient voté oui ou non au référendum, pensent comme l'Opposition actuellement. C'est ce qu'ils disent.

Ils pensent qu'au Québec cela doit se faire en français et ils pensent que leur gouvernement doit faire en sorte qu'au Québec cela se fasse en français et que les messages soient clairs. C'est cela qu'ils attendent. C'est dans ce contexte que non seulement le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui ne présente pas d'urgence ni de caractère pathétique comme on veut bien le faire croire, mais qu'en même temps il est dangereux parce qu'il continue d'accentuer les impressions négatives è l'égard de l'importance qu'on accorde à la langue française au Québec auprès des gens qui devraient comprendre clairement le message.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci, M. le Président.

M. Ryan: Une question de règlement. Je vois que vous donnez la parole au député d'Arthabaska, mais j'ai l'impression qu'il a paqueté la salle avec des gens de son comté. Est-ce qu'on pourrait au moins leur souhaiter la bienvenue, vu que ce sont nos seuls auditeurs avec les fonctionnaires cet après-midi?

Une voix: Incluant son épouse. M. Ryan: Incluant Mme Gardner.

Le Président (M. Bissonnet): Les gens de la commission de l'éducation souhaitent à tous les gens du comté d'Arthabaska la bienvenue la plus cordiale. Je cède immédiatement la parole au député du comté d'Arthabaska.

M. Laurier Gardner

M. Gardner: Merci, M. le Président. Je dois dire au ministre de l'Éducation que c'est assez exceptionnel que ce soit ainsi. C'est une coïncidence heureuse, j'en suis très content. On ne croyait pas siéger cet après-midi, vu la réunion du Parti québécois en fin de semaine. Je pensais faire un bon souper tranquille avec les bons amis de mon comté.

Permettez, M. le Président, qu'un descendant irlandais vous parle, même si je ne suis pas de Montréal. Je dois vous dire au départ que mon arrière-grand-père a dû abdiquer sa langue et sa religion protestante pour marier une petite Québécoise. Je suis bien heureux et même aujourd'hui, si je ne fais pas partie du Parti québécois, je suis un Québécois aussi pur laine que vous.

M. le Président, il n'y a pas d'élèves illégaux dans mon comté. J'en suis très heureux et je serai très heureux que dans quelque temps il n'y en ait plus du tout dans le Québec. Je ne suis pas malin et je ne voudrais surtout pas être malin avec nos amis d'en face. J'ai entendu le député d'Abitibi-Ouest tout à l'heure dire que lorsqu'il avait été ministre de l'Éducation il avait été très préoccupé et qu'il avait tenté de régler le problème. Vous savez, dans la Beauce on a les "jarrets noirs" mais je pense que dans le Parti québécois d'aujourd'hui on a les "j'aurais donc dû". J'aurais donc dû faire ceci, j'aurais donc dû faire cela. Maintenant ils ne sont plus au pouvoir, ils ne peuvent plus le faire. J'espère qu'ils vont nous le laisser faire mais je ne suis pas malin, je ne le dis pas, M. le Président. Je ne suis pas malin non plus mais tout à l'heure, lorsque j'entendais le député de Verchères dire que dans le gouvernement

actuel on aurait peut-être des gens qui auraient fait des illégalités ou peut-être essayé de les provoquer, j'aimerais dire au député de Verchères que lorsqu'on reçoit des coups de bâton sur la tête on a peut-être fait des illégalités soi-même. Je ne suis pas malin, je ne le dirai pas. On nous plaint, an nous dit qu'on veut donner la bénédiction à quelque 1500 "illégaux" actuellement. C'est très malheureux, c'est très décevant, c'est vraiment pathétique de donner la bénédiction a 1500 personnes, mais les députés d'en face ont complètement oublié qu'il y a quelques années ils ont fait adopter une loi, ici même en cette Chambre, pour condamner à l'enfer quelque 80 000 enseignants au Québec. Vous vous souvenez de cela, M. le député? Condamnés à l'enfer, oui, en leur coupant 20 % de leur salaire. J'étais un de ceux-là, mais je ne suis pas malin, je ne le dirai pas. Je vais donc parler avec le plus d'objectivité possible, avec une tête bien froide.

Le Président (M. Bissonnet): En tant qu'ancien vice-président vous deviez respecter l'ordre, M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci, M. le Président. Je vais donc parler d'une façon très froide de ce problème qui, en réalité, ne me touche pas. Je n'ai que 1 % d'anglophones dans mon comté, mais je suis préoccupé, en tant que membre de la commission de l'éducation, par tout ce qui concerne les problèmes d'éducation au Québec.

M. le ministre de l'Éducation a parlé d'un geste humain de solidarité. Je suis surpris que de l'autre côté de cette Chambre on n'aime pas de tels gestes. Je suis surpris que l'on dise de cette loi qu'elle encourage la désobéissance civile et le non-respect des lois - je cite la Presse de Montréal du 4 juin dernier.

Je dois vous dire que dans le Parti libéral on a déjà dit de telles choses lorsque vous avez accordé l'amnistie à ceux qui avaient soi-disant désobéi à la loi dans les négociations des secteurs public et parapublic, quelques mois avant votre prise du pouvoir en 1976. Je ne sais pas si vous vous en souvenez? On vous avait dit: Si vous enlevez toutes les amendes à ces "mosus" de professeurs, cela va amener une désobéissance civile et, pourtant, depuis ce temps, y a-t-il eu chez les enseignants plus de désobéissance civile? Je ne le crois pas. Je suis surpris aussi de voir que, dès que l'on adopte une loi qui ne contient pas d'amende, on crie - il me dérange - haro sur le ministre qui a présenté une telle loi. Connaissant davantage, depuis quelques mois surtout, notre ministre de l'Éducation, je suis persuadé que le député d'Argenteuil et ministre de l'Éducation veut sincèrement régler ce problème une fois pour toutes. Ce n'est pas nouveau, il voulait le régler même avant d'être au pouvoir.

Quand j'ai préparé ce petit passage -en passant, je ne savais pas que ma parenté serait là - j'ai fouillé dans le Petit Larousse. À mon bureau, on n'a pas le Petit Robert, on a le Petit Larousse de 1983 et on parle d'amnistie. Je voulais vérifier ce que c'était vraiment qu'une amnistie et le Petit Larousse dit ceci: L'amnistie, c'est un acte de pouvoir législatif qui efface un fait punissable, arrête les poursuites, anéantit les condamnations. Tandis que la grâce supprime l'exécution de la peine, mais laisse subsister les effets de la condamnation, l'amnistie anéantit la punition et le fait qui en est la cause. C'est pourquoi le terme amnistie, je ne l'aime pas trop. Pour ce qui est des "illégaux", c'est sûr qu'on accepte ce terme puisqu'on l'a même mis dans le titre de notre loi.

Certains enfants ont été amenés à être illégaux, c'est-à-dire que certains enfants ont été amenés à une situation où ils sont contraires à la loi, cette loi 101, mais y a-t-il vraiment amnistie à donner? J'en doute toujours. Les enfants se sont-ils, en pleine connaissance de cause, mis en situation de fait punissable? J'ai vu tout à l'heure que certains députés ont fréquenté les églises dans leur enfance; ils doivent savoir que, lorsqu'il y a vraiment un acte punissable, il faut qu'il y ait pleine connaissance de cause. Vous vous en souvenez certainement. Est-ce que ces jeunes enfants qui ont fréquenté l'école anglaise avaient pleine connaissance de cause? Je discutais avec mon collègue, le député de Viau, qui disait tout à l'heure qu'il a été un jour obligé de ne pas se présenter dans une école; il ne parlait pas français, il ne savait même pas ce qui se passait. Son père lui a dit en italien d'aller ailleurs. Comment le député de Viau - je le prends à partie - a-t-il pu sciemment se mettre en conflit avec une loi? Comment a-t-il pu faire cela? II ne connaissait même pas les lois du Québec. J'accepterais mieux que la définition soit celle-ci: un acte du pouvoir législatif qui efface un fait punissable - en enlevant - arrête les poursuites et anéantit les condamnations. Voilà pour le dictionnaire. Acceptons plutôt le nom de projet de loi 58, Loi sur l'admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants, et vous vous imaginerez que, si les journalistes avaient utilisé cette expression, cela n'aurait jamais fait fureur dans les journaux: admissibilité à l'enseignement en anglais de certains enfants. Bien sûr, illégaux, enfants illégaux, amnistie, cela fait plaisir aux journalistes.

Je veux maintenant insister sur le côté humain de la chose. M. le Président, aimeriez-vous personnellement - vous n'êtes pas obligé de répondre - être le père d'un "illégal"? Ou, tout au moins, aimeriez-vous être un enfant qu'on dit "illégal"? (17 h 30)

Une voix: ...

M. Gardner: Je n'ai rien entendu, M. le Président. Aimeriez-vous être étiqueté "illégal" le reste de vos jours? Aimeriez-vous avoir de la parenté "illégale" ou aimeriez-vous légiférer pour que ces termes n'aient plus droit de cité au Québec, plus précisément dans l'agglomération montréalaise?

M. Jolivet: ...

M. Gardner: L'agglomération montréalaise, M. le député de Laviolette. Mettez-vous è la place du père qui a un enfant soi-disant "illégal", qui l'a fait peut-être volontairement, on ne peut pas présumer. Mettez-vous à la place de celui ou celle qui a dû subir cette illégalité et qui est encore dans le système ou qui est sorti avec le peu de possibilités que cela a donné. Je lisais, dans la Presse du mercredi 4 juin, ce que le chef de l'Opposition disait de cette loi. Cela m'a un peu déçu de voir que le député d'Anjou attaquait les administrateurs scolaires. Pour avoir vécu dans le système de l'éducation pendant 19 ans, je pense que les administrateurs scolaires font leur possible avec les lois qu'on leur donne, ici à Québec. Ils font vraiment leur possible et ils sont parfois embourbés dans toutes ces lois. Il faudrait tout de même pardonner certaines erreurs de certains commissaires d'écoles.

Je suis aussi déçu du négativisme du député d'Anjou, le chef de l'Opposition. C'est à croire, si on lit ce qu'il dit, qu'il n'y a que lui qui a raison, qu'il n'y a que lui qui possède la vérité ici au Québec. Et pourtant, le 2 décembre dernier, la population a rejeté cette vérité. Le chef de l'Opposition disait: Se fermer les yeux sur neuf ans de collusion, c'est se mettre la tête dans le sable. Je me demande qui se met la tête dans le sable, qui s'est mis la tête dans le sable, qui a joué à l'autruche pendant neuf ans, si ce n'est pas l'ex-gouvernement que la population a rejeté le 2 décembre dernier.

M. le Président, 1500 enfants, près de 3000 parents, attendent quelque chose de concret du gouvernement actuel, de notre ministre de l'Éducation. Nous sommes reconnus comme étant une terre d'accueil, pour la paix sociale. Nous avons la réputation d'être des gens hospitaliers. Les Américains, d'ailleurs, viendront beaucoup plus ici cet été qu'en Europe; vous le savez fort bien. La baisse de natalité que nous avons étudiée à la commission de la culture - vous n'étiez pas là, malheureusement - va nous forcer à accueillir un plus grand nombre de familles de l'extérieur du Québec.

Le Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député de Verchères, vous avez eu la parole tantôt. M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Je suis prêt à les accueillir. Ils apprendront le français si c'est possible...

Des voix: Ah! Ah!

M. Gardner: ...mais personnellement, j'aimerais mieux - on me provoque, M. le Président, vous m'excuserez - que tout le monde apprenne le français, je ne peux pas le nier, mais il y certaines choses dont il faudra reparler. On s'en reparlera tout à l'heure. Acceptons donc ces gens de l'extérieur. Lorsque j'ai composé ce texte -je termine là-dessus - j'avais écrit "acceptons donc unanimement cette loi 58". Je pense que je peux dire que je dois changer mon texte: Acceptons donc cette loi 58, et j'espère que, dans quelques jours, nous dirons "adopté", même si certains de l'autre côté ajouteront "sur division". Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention les propos de notre collègue d'en face qui vous posait une question qui m'a laissée un peu songeuse en tant qu'éducatrice. En fait, la question qu'il posait au ministre de l'Éducation était de savoir s'il ne serait pas gêné d'être considéré comme un parent "illégal". Ce qui m'est venu tout de suite à l'idée, c'est: Mon doux, en tant que parent et comme éducatrice, jamais je ne me serais mise dans une situation pour me faire poser une telle question parce que le premier devoir d'un éducateur est d'apprendre à ses enfants à respecter les lois et à devenir de bons citoyens.

Le meilleur exemple que l'on puisse donner en tant que parent, ce sont les faits et gestes. Quand on choisit consciemment et librement de faire de nos enfants des "illégaux", je ne crois pas qu'il soit du devoir d'un gouvernement de donner une bénédiction aussi facilement que vous le prétendez. Cette fois-ci, le gouvernement a trouvé la solution la plus facile pour, une fois pour toutes, ne plus entendre parler de la problématique des "illégaux". Trop souvent, hélas, on cherche à minimiser les faits et gestes des gens qui n'ont jamais voulu s'intégrer è la culture et à la nation québécoise. Depuis le début des discussions ici, à l'Assemblée, on a mentionné à quel point le Québec, à quel point les gens du Québec sont des gens à l'accueil facile, des gens à l'esprit d'ouverture et combien sont chaleureux les rapports que l'on peut développer auprès de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Dans un tel contexte, je m'interroge encore à savoir pourquoi demeurent-iis toujours des "illégaux" qui ne veulent pas s'intégrer à notre culture et à notre devenir? Au contraire, nous devrions probablement les encourager à emboîter le pas et à découvrir les richesses qui font que nous sommes aussi accueillants. J'aurais aimé qu'on ne nous oblige pas à sanctionner, à cautionner l'illégalité et surtout des gestes de gens conscients de ce qu'ils faisaient. Qui a fait des "illégaux"? Est-ce notre gouvernement ou ces parents qui ont choisi librement, sciemment que leurs enfants poursuivent leurs études dans des écoles anglaises sachant très bien les conséquences qu'ils encourraient pour eux ainsi que pour leurs enfants?

Ils savaient très bien ce qu'il en coûterait au terme des études de leurs enfants pour justement continuer un peu plus loin leurs études. Cet après-midi, on a voulu nous démontrer d'une façon dramatique de l'autre côté à quel point ces gens méritaient notre pardon, notre compréhension la plus totale. Vous demandez beaucoup à des gens qui, eux, sont respectueux des lois, des gens qui auraient pu écrire ces mêmes lois. C'est à eux que je pense. Nous devons nous faire respecter en tant que législateurs et c'est important que les gens apprennent à nous respecter afin qu'ils sachent très bien qu'une fois dit, une fois fait, nous devons continuer dans le même sens qu'ont été posés nos gestes afin que la population ait le respect de ces lois.

Qui a fait de ces enfants des "illégaux"? On a tendance à dire: Oui, encore une fois, c'est ce gouvernement. Moi, j'aurais tendance à demander: Qui a fait de ces enfants des "illégaux" si ce n'est pas la complicité condescendante de certaines directions d'école et de certaines commissions scolaires? II serait trop facile de dire que c'est la faute de ce gouvernement, qui, d'aucune façon, n'a pris des mesures pour justement pallier la problématique. Je pense que des gestes ont été posés pour aider ces gens è pouvoir s'intégrer à notre culture.

Au fil des ans, il y en a qui se sont intégrés et qui ont compris qu'il était préférable, pour eux et pour leurs descendants, de se rallier et de s'intégrer au système scolaire francophone. Pourquoi tant de gens, pourquoi tant de familles ont-elles compris le message qu'on leur lançait alors que 1500 autres ont été incapables de s'y inscrire et d'y souscrire? Je me pose une sérieuse question: Est-ce que ces 1500 ne seraient pas les plus réfractaires à l'intégration à la culture québécoise? Il faudrait peut-être se poser les bonnes questions et arrêter de toujours trouver des solutions les plus faciles et les réponses les plus faciles.

Tantôt, j'écoutais le député de Sauvé qui disait que ce n'était pas plus important que ça s'ils avaient été "illégaux" parce que, de toute façon, ce sont des gens qui... De toute façon, ce qui est important, c'est qu'on en fasse des citoyens à part entière. Comment peut-on devenir des citoyens à part entière si ce n'est pas en respectant les lois de la société dans laquelle nous vivons? Je pense que le premier pas à faire lorsqu'on veut vraiment devenir de bons citoyens et des citoyens è part entière, c'est dans le respect des lois. Cela démontre, que nous pouvons accepter son gouvernement et les gens qui le représentent. Quand on me demande d'aller dans le sens de ce projet de loi et d'accepter d'amnistier si facilement ces gens, je ne peux le faire non pas pour une cause humanitaire, mais parce que c'est l'illégalité que l'on sanctionne. Je pense que sanctionner l'illégalité, quels que soient les gestes qui ont été posés antérieurement, c'est un précédent dangereux pour nos institutions.

Reconnaître ces "illégaux", c'est aussi un manque de respect pour tous ceux qui se sont intégrés, qui ont compris et qui sont respectueux des lois. Je trouve dommage qu'on ne puisse reconnaître aussi tous les autres qui se sont si facilement intégrés à notre culture et qu'eux aussi ont voulu justement donner à leurs enfants la chance de s'intégrer et de faire de leurs enfants des citoyens entiers dans la collectivité québécoise. La collectivité québécoise, c'est sa langue, mais c'est aussi sa culture et c'est tous ces petits faits et gestes d'une société qui font qu'en fin de compte nous avons nos spécificités et nos particularités.

Je crois que, lorsqu'on arrive dans un pays, nous ne pouvons que nous préoccuper de la culture de ce peuple qui nous accueille si chaleureusement comme le font les Québécois. Je pense que c'est un signe de respect envers l'ensemble de la nation québécoise que de respecter ses lois et de vouloir intégrer ses enfants à sa culture et aussi è sa langue. Ces familles qui demandent l'amnistie au nom de leurs enfants, ces familles qui considèrent que leurs enfants ont été victimes d'un traumatisme grave, je leur dis: Et nous, en tant que peuple, et nous en tant que nation, ne subissons-nous pas un traumatisme, nous aussi, aussi grave, aussi profond?

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Viau, à l'ordre, s'il vous plaît! Madame, vous pouvez continuer.

Mme Vermette: Je m'aperçois que les gens de l'autre côté ont des visions à court terme. Ils ne savent pas ce que cela veut dire le long terme parce que, justement, au-delà de nos gestes, il y a toujours les effets. Les effets, c'est toujours à retardement. Ce

n'est pas l'immédiat qui est impartant mais ce que nous aurons à vivre demain, après-demain et les jours suivants.

Quel avenir offrons-nous à nos enfants si, constamment, on remet en question, dès que nous voulons nous affirmer, ces notions qui font notre fierté? Ce qui fait la fierté de notre peuple, c'est sa langue, les outils que nous nous sommes donnés pour que de plus en plus nous soyons fiers de pouvoir affirmer très haut notre différence et d'être ce que nous sommes, en fait des francophones, des Québécois.

Même si on sourit de l'autre côté, vous savez, cela a l'air d'un fait anodin de dire que c'est si facile qu'on passe l'éponge pour ces 1500 personnes. Mais ce sont 1500 personnes, frères, soeurs, descendants et, comme on connaît actuellement les problèmes de démographie que nous vivons au Québec, je pense qu'il faut être vigilant si nous voulons que nous, que mes enfants et mes descendants parlent ma langue, qui fait ma fierté et qui fera leur fierté aussi.

Tantôt, j'écoutais le député de l'autre côté qui disait que les Américains viennent nous visiter. Finalement, de plus en plus les gens viennent nous voir. Il faut se poser les questions à savoir pourquoi les Américains viennent chez nous. Les Américains viennent chez nous plutôt que d'aller en Europe. Oui, il y a un aspect financier mais il y a l'autre aspect. C'est à cause de notre différence, de notre spécificité. C'est à cause de notre langue et de notre culture. Je lui ferai remarquer qu'ils se font vraiment une joie de pouvoir communiquer avec nous en français.

Je remarque que souvent dans les bulletins de nouvelles ou à des panels il y a beaucoup d'Américains qui savent très bien parler le français, peut-être plus facilement que certains ici, certains anglophones que nous connaissons si bien ici.

Ce serait peut-être aussi un avertissement adressé à certaines personnes à qui c'est demander beaucoup trop que de s'exprimer dans notre langue, selon qui c'est vraiment causer un traumatisme à leurs enfants que de parler notre langue, à tel point qu'on va demander que pour 1500 nous fassions une loi. Â mon avis, je trouve le nombre minime pour faire une loi. C'est très peu, 1500 personnes, par rapport à une nation. Ce sont 1500 personnes à qui on demande une bénédiction pour les absoudre d'avoir vraiment voulu vivre l'illégalité d'une façon vraiment délibérée.

Je crois que nous, en tant que gouvernement, nous avons compris qu'il était beaucoup plus humain d'essayer de faire ' comprendre justement à certains groupes qu'il était préférable pour eux et leurs descendants de respecter et d'être respectueux de nos lois et de respecter et d'être respectueux de ce qui fait notre collectivité, ce qui est notre langue, notre culture. Je crois que toucher aussi impunément à la loi 101, c'est faire revivre des débats qui depuis longtemps étaient remis aux oubliettes. On ne pensait plus è ces grands débats parce que justement nous croyions que nous pouvions être respectés dans ce que nous étions. Je peux vous faire remarquer que j'étais convaincue que la paix sociale était acquise. J'étais convaincue de pouvoir être respectée. Mais je suis obligée de constater présentement que de plus en plus, et plus on va dans le temps, j'ai de la difficulté maintenant, moi qui demeure dans une ville pratiquement anglophone, comme francophone, à me faire respecter.

Je suis obligée, moi, comme mère francophone de dire à mes enfants: Écoutez, la bagarre, cela ne donne rien. J'ai vécu, ces dernières semaines, ce dernier mois des batailies de ruelles qui, je le pensais, faisaient partie de notre folklore. Je m'interroge beaucoup quant è l'avenir et à tous les débats que l'on veut faire revivre pour absoudre illégalement 1500 enfants.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Groulx.

Mme Madeleine Bleau

Mme Bleau: Quand l'Opposition nous accuse de vouloir mettre de côté la loi 101, je peux vous assurer que c'est une accusation tout à fait contraire à la vérité. Je connais bien le respect que M. le ministre porte à notre Charte de la langue française et je peux vous assurer que mon nationalisme m'y porte aussi. Dans la loi 58, je vois surtout un acte de justice envers des enfants qui ne sont que des victimes dans ce problème des "illégaux". L'Opposition nous parle des parents, des commissaires, des directeurs d'école. Dans tout ceci, ce ne sont pas ces gens qui auront à subir les conséquences lorsque arrivera le moment d'aller sur le marché du travail. Beaucoup de parents de ces jeunes ne seront peut-être même plus de ce monde pour conseiller et aider leurs enfants à cette étape importante de leur vie.

Quand M. le député de Laviolette nous dit qu'il aurait été peut-être préférable de régler ce problème cas par cas, pourquoi l'ancien gouvernement ne l'a-t-il pas fait? II a eu huit ans pour le faire après le mois d'août 1977. Quand on nous dit aussi que la loi 58 punit les gens qui ont suivi la loi 101, je ne vois pas comment, puisque ces enfants sont maintenant bilingues, les enfants de ceux qui ont suivi la loi sont bilingues. Je suis certaine que pour eux, c'est une grande richesse dans notre province.

Quant à la déclaration de Mme la députée de Chicoutimi au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés, je puis lui dire que j'ai un exemple qui vient d'arriver dans mon comté la semaine dernière. Une

famille dont la mère est anglophone, qui a fait ses études en anglais, déménage dans quelques semaines dans la province d'Ontario. Elle voulait quand même l'école française pour ses enfants, un commence cette année et l'autre, l'année prochaine. Elle a été acceptée à l'école française.

M. le député de Verchères nous a dit que les communautés culturelles qui vivent au Québec devraient être complètement intégrées. Je ne suis pas tout à fait d'accord. Dans mon comté, il y a au moins 2500 Portugais. Je suis très fière, ma fille est même mariée avec un Portugais de Sainte-Thérèse. Les enfants vont à l'école française. Ils sont de bons citoyens, je peux vous l'assurer, mais malgré tout cela ils ont gardé leurs coutumes, ils ont gardé leurs valeurs culturelles, ils ont leur propre messe en portugais le dimanche. Ils ont un club qui leur appartient où ils font des veillées à l'occasion, où leurs danses sont mises de l'avant. Moi, j'ai assisté à beaucoup de leurs fêtes, autant pour ma fille qui est mariée à un Portugais que pour moi-même en période électorale et depuis les élections. À chaque fois, je leur parle en français d'abord et j'ai appris quelques mots de portugais. Je peux vous dire qu'ils sont drôlement contents quand je m'adresse à eux en portugais parce que, dans leurs familles, même si les enfants aujourd'hui sont parfaitement français et de langue française, mon gendre n'a même pas d'accent... Par contre, chez lui avec sa mère, ses parents, ses frères et soeurs qui ont eu leur éducation au Portugal - lui, il est né ici - il parle toujours en portugais. Je pense qu'ils sont fiers de le faire à part cela.

M. Ryan: Ce n'est pas normal...

Mme Bleau: Ce n'est pas normal? Bien oui, c'est normal. Pour toutes ces raisons, je suis et je serai malgré toutes vos objections, messieurs et mesdames de l'Opposition, en faveur de la loi 58.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Est-ce que Mme la députée consentirait, comme l'a fait la députée de Chicoutimi, à une question...

Mme Bleau: Avec plaisir.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Groulx vous permet de lui poser une question. Que cette question soit brève et la réponse également.

M. Charbonneau: Cela va être bref, M. le Président. Je suis content que la députée ait pris cet exemple parce que c'est un très bon exemple. Est-ce que la députée ne reconnaît pas que dans les faits, ce qui est en train de se produire, c'est que la famille de sa fille, de son gendre... Vos petits-enfants, quand vous serez grand-maman -vous l'êtes - et vos arrières-arrières-petits-enfants progressivement vont devenir des Québécois francophones ou des Canadiens français d'origine portugaise, comme le député d'Argenteuil est un Canadien français ou un Québécois francophone d'origine irlandaise, et comme vous et moi nous sommes des Canadiens français d'origine française. Est-ce que vous comprenez?

Mme Bleau: Oui, sur cela je suis bien d'accord. Je peux vous dire, M. le député, que malgré tout cela - et je pense à mon gendre qui est né ici et qui a fait toutes ses études en français, etc. - il lui fait plaisir de parler en portugais à la maison. Je dois vous dire que ces familles pour la plupart à tous les deux ans retournent au Portugal. Ces gens sentent encore une attache à leur terre natale. Je pense que c'est important pour eux qu'on leur laisse...

M. Charbonneau: C'est normal, c'est la première génération.

Le Président (M. Bissonnet): ...question. Si vous voulez compléter.

Mme Bleau: C'est quand même la deuxième génération, M. le député. Les neveux et les nièces de mon gendre parlent portugais et vont au Portugal, et je pense que cela va rester.

Le Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, Mme la députée. Il est actuellement 17 h 55. Évidemment, il y a eu consentement ici que M. le ministre de l'Éducation, à la suite des déclarations d'ouverture, donne une réponse aux questions qui ont été posées, soit par le côté ministériel ou par le côté de l'Opposition. Il sera reconnu à la prochaine séance de la commission. J'ajourne les travaux sine die.

M. Ryan: C'est une longue réponse.

Le Président (M. Bissonnet): M. le ministre je ne peux pas répondre, je ne fais que présider les débats ici.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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