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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux.
Ce matin, nous accueillons l'Université de Montréal. Avant le
début des travaux, pourriez-vous nous dire, M. le secrétaire,
s'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Pelchat
(Vachon) remplace M. Hamel (Sherbrooke).
Le Président (M. Parent, Sauvé):Bonjour, Mme
Pelchat.
Est-ce qu'il y a d'autres remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): II n'y a pas
d'autres remplacements.
Je dois vous rappeler que nous continuons ces audiences publiques dans
le cadre du mandat qui a été confié par l'Assemblée
nationale à la commission de l'éducation de tenir une
consultation générale dans le but d'étudier les
orientations et le cadre de financement du réseau universitaire
québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années
ultérieures.
Aujourd'hui, la commission entendra à tour de rôle
l'Université de Montréal, l'Assemblée des doyens de
l'Université de Montréal et le Syndicat général des
professeurs de l'Université de Montréal; en après-midi, la
Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal, ainsi que l'Association des
diplômés de l'Université de Montréal.
M. Cloutier, recteur de l'Université de Montréal, nous
vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir accepté
l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir nous
présenter un mémoire, nous expliquer les problèmes avec
lesquels vous vivez et les côtés positifs autant que les
côtés négatifs qui font l'objet de la vie sur le campus
universitaire montréalais.
C'est rare que les gens de la montagne viennent sur la colline. Nous
vous souhaitons la bienvenue sur la colline parlementaire et vous invitons, M.
le recteur, à nous présenter les gens qui vous accompagnent.
Université de Montréal
M. Cloutier (Gilles): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire, permettez-moi, d'abord,
de vous exprimer tous nos remerciements de l'occasion qui nous est fournie de
discuter avec vous du contenu du mémoire de l'Université de
Montréal à cette commission parlementaire.
Comme vous le suggérez, M. le Président, je vous
présenterai l'équipe de mes collaborateurs qui m'accompagnent
à la table. À ma gauche immédiate, le Dr René
Simard, qui est vice-recteur aux études. Le Dr René Simard a
été, tour à tour, président du Fonds de la
recherche en santé du Québec, président du Conseil de la
recherche médicale du Canada et il est encore directeur de l'Institut du
cancer de Montréal. À la gauche de M. Simard, M. Louis-Marie
Tremblay, vice-recteur aux affaires professorales. M. Tremblay est un
spécialiste des relations industrielles. Il a été,
d'ailleurs, directeur du Département de relations industrielles à
l'université et également, pour un temps, doyen de la
Faculté des arts et des sciences.
À ma droite, M. René Levesque, vice-recteur à la
planification et à la recherche. M. Levesque a été,
jusqu'à récemment, vice-président du Conseil de recherches
en sciences naturelles et en génie du Canada. Il a également
été directeur du laboratoire de physique nucléaire de
l'Université de Montréal et doyen de la Faculté des arts.
À la droite de M. Levesque, il y a M. Jacques Lussier, vice-recteur
à l'administration. M. Lussier, qui est un professionnel des relations
industrielles, a débuté sa carrière tôt à
l'Université de Montréal où il a gravi les échelons
sur le plan administratif. Il a été, avant d'être recteur
administratif dans l'administration, directeur des services de
l'Université de Montréal.
Pour ma part, je suis recteur de l'Université de Montréal
depuis juin 1985. Comme vous le savez peut-être, j'ai été
auparavant vice-président exécutif à Hydro-Québec
et j'avais été président du Conseil des recherches de
l'Alberta.
Voilà, M. le Président, l'équipe de la direction de
l'Université de Montréal, qui m'accompagne ce matin.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
recteur, pour la présentation que vous nous avez faite de vos
collègues. Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à tous les
gens qui vous accompagnent.
Je dois vous rappeler que la commission a prévu environ une heure
et demie pour vous entendre. Je dois vous dire que, chaque fois qu'on a entendu
les représentants d'université, jusqu'à maintenant, on a
toujours dépassé un peu le temps. Mais nous tâchons de
travailler dans un cadre assez rigide de façon à pouvoir rendre
justice à tout le monde et que tout le monde puisse être entendu
dans la journée.
Vous m'informez que vous avez une projection audiovisuelle d'environ dix
ou douze minutes, m'a-t-on dit, ou quinze minutes?
M. Cloutier: Je crois que c'est un peu plus de quinze minutes,
autour de quinze minutes.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Quinze minutes.
Vous avez apporté avec vous ce que représente
l'université, en tout cas un bel exemple, une maquette pour illustrer
tout le complexe de l'Université de Montréal.
On va consacrer une partie du temps à ceia et, dès que
cela sera terminé, le reste du temps sera consacré à des
échanges de propos avec les membres de la commission. La période
qui restera sera séparée en parts égales entre les membres
des deux formations politiques.
Je veux que vous soyez bien à votre aise concernant les questions
qui vont vous être posées. Si vous croyez qu'un de vos
collègues peut répondre aussi, vous pouvez l'inviter à le
faire. L'un peut compléter la réponse de l'autre. D'une
façon ou d'une autre, ce que nous recherchons, c'est d'aller chercher le
plus de renseignements possible pour nous aider à améliorer la
condition, les orientations et le financement du réseau
universitaire.
M. le recteur, à partir de maintenant, je vous donne la parole et
nous vous écoutons.
M. Cloutier: Comme vous l'avez indiqué, nous avons
organisé notre présentation en trois parties.
Premièrement, une présentation de la maquette de
l'Université de Montréal. Deuxièmement, un document
audiovisuel qui met en valeur les faits saillants de notre mémoire. Je
voudrais terminer par quelques mots qui portent sur les conclusions et les
recommandations de notre mémoire.
Pour ce qui est de la maquette, je voudrais situer cette
présentation de la maquette dans le contexte de la commission
parlementaire. Au moment où je suis arrivé comme recteur, il y a
un an, une des priorités que je m'étais données comme
recteur de l'Université de Montréal, c'était de mieux
faire connaître l'Université de Montréal dans le milieu.
J'ai pensé, comme l'Université de Montréal n'est pas aussi
connue qu'on le voudrait en dehors de la région de Montréal, et
même dans la région de Montréal, que la commission
parlementaire serait intéressée à connaître un peu
mieux la situation physique de l'Université de Montréal. C'est
pourquoi nous avons apporté la maquette de l'Université de
Montréal, une maquette qui date de 20 ans et qui a été
mise à jour au cours des années pour des raisons de planification
du campus de l'université.
Si vous le permettez, j'inviterais le Dr René Sirnard à
vous faire une brève présentation.
M. Simard (René): Merci, M. le recteur, II existe trois
grandes caractéristiques physiques de l'Université de
Montréal. La première est certainement la pavillon principal.
C'est un pavillon construit au cours des années trente par l'architecte
Ernest Cormier, une de nos grandes figures en architecture. Comme tous les
édifices de M. Cormier, le pavillon principal a été
construit dans le style Art déco.
Deuxième caractéristique dont vous pouvez vous rendre
compte ici, l'université et tout le campus sont construits sur la
montagne, avec les avantages et les inconvénients que cela
représente. Les avantages, c'est que cela donne une vue imprenable sur
la ville et que la tour fait partie du paysage de la ville de Montréal.
Les inconvénients, c'est que l'université est construite sur du
roc; par conséquent, il est impensable d'avoir des corridors souterrains
pour relier les différents pavillons comme la chose existe dans la
majorité des campus nord-américains. Cela présente des
difficultés, par exemple, de dispersion des bibliothèques
puisqu'il n'y a pas moyen de communiquer d'un bout à l'autre du campus
par voie souterraine.
Troisième caractéristique, c'est la dispersion du campus.
Le campus est situé sur la montagne, mais de façon
linéaire, par conséquent, la distance est grande entre ses deux
extrémités. Pour vous donner un exemple, le métro est en
construction actuellement, ce qui rendra l'université beaucoup plus
accessible aux étudiants. On aura besoin de trois stations de
métro pour desservir tout le campus de l'Université de
Montréal.
Si je commence la description de la maquette, d'ouest en est, donc du
village de Côte-des-Neiges à la ville d'Outremont, on a sur la rue
Decelles, à l'ouest, l'École des hautes études
commerciales, la Faculté de droit et le pavillon des arts et des
sciences, le pavillon Lionel-Groulx qui abrite le côté
sciences humaines de la Faculté des arts et des sciences. En
plein milieu de ce complexe, on trouve un pavillon de services qui abrite
salles de cours, bibliothèque, cafétéria et librairie.
Toujours en se déplaçant vers l'est, on a ici un ensemble
de constructions qui sont projetées. En réalité, il y a
une construction qui est en cours actuellement, c'est la bibliothèque
Samuel-Bronfman qui est entièrement financée par la campagne des
années quatre-vingt et qui regroupera une certaine partie des
bibliothèques reliées au droit et aux sciences humaines.
Dans le campus principal, vous avez un ensemble de facultés qui
comportent une charge énorme de sciences de laboratoire et le pavillon a
été réaménagé au cours des années
pour rendre toutes ces disciplines de laboratoire possibles. Ainsi, il regroupe
maintenant la Faculté de médecine, la Faculté de
médecine dentaire, la Faculté de pharmacie, le Département
de physique, le Département de chimie, la bibliothèque centrale
et une partie de la direction de l'université, ainsi que le
Département de mathématiques.
Un peu plus loin, plus è l'est, vous avez en haut sur la
montagne, l'École polytechnique qui jouxte tout à fait le
pavillon central et, un peu plus bas, un pavillon de l'administration qui
contient essentiellement le bureau du registraire, là où vont
s'enregistrer les étudiants qui veulent venir à
l'Université de Montréal.
Au centre du campus, vous avez les résidences et le centre
communautaire. Plus à l'est, vous avez le stade d'hiver. Il y a une
patinoire avec piste athlétique derrière, ainsi que le CEPSUM, le
Centre d'éducation physique et des sports de l'Université de
Montréal, qui loge également le Département
d'éducation physique.
En haut sur la montagne, vous avez l'ancienne École
Vincent-D'Indy, devenue la Faculté de musique qui est d'accès
assez difficile. La pente ici est très accentuée. Un peu plus
bas, vous avez le pavillon Marie-Victorin qui abrite le Département des
sciences biologiques, le Département de psychologie, la Faculté
des sciences de l'éducation, etc.
Si on remonte le long du boulevard Édouard-Montpetit, on retrouve
un certain nombre de conciergeries que loue ou que possède
l'Université de Montréal et qui logent successivement les
services aux étudiants, le Département de philosophie, la
Faculté de théologie, l'Institut des hautes études
médiévales, le Service du personnel et la Direction des
bibliothèques.
Un peu, maintenant, en dehors du campus, sur la rue Darlington, vous
avez un autre pavillon qui regroupe la Faculté des sciences de
l'aménagement et le Département de mathématiques. Vous
avez égale- ment le pavillon Marguerite-d'Youville qui est l'ancienne
École de santé publique et qui regroupe la Faculté des
sciences infirmières, le Département d'administration de la
santé, le Département de médecine sociale et
préventive, le Département de nutrition, l'École
d'audiologie et d'orthophonie et l'École de réadaptation. Plus
loin, sur le Chemin-de-la-Reine-Marie, on a la Faculté
d'éducation permanente et l'École d'optométrie.
Sur Côte-des-Neiges - cela n'apparaît pas ici sur la
maquette, il aurait fallu une maquette beaucoup plus grande que celle-là
-on retrouve la Direction des immeubles, les services pédagogiques,
ainsi que différents centres de recherche. Ceci pour le campus
immédiat de l'université.
Il y a aussi, dispersés sur l'île de Montréal,
quinze hôpitaux affiliés, dispersés sur l'ensemble du
Montréal métropolitain, et deux instituts de recherche, soit
l'Institut de recherche clinique et l'Institut du cancer de Montréal. En
dehors du campus, mais à une distance plus grande, on retrouve la
station de biologie de Saint-Hippolyte, dans les Laurentides, qui permet aux
étudiants en sciences biologiques de faire des travaux sur le terrain.
À Saint-Hyacinthe, vous avez la Faculté de médecine
vétérinaire, qui a fêté son centenaire en fin de
semaine dernière, et au mont Mégantic vous avez l'Observatoire
astronomique du mont Mégantic qui permet aux étudiants en
astronomie d'aller faire des travaux reliés à l'astronomie. Sur
le boulevard Pie IX, dans l'est de la ville, j'avais oublié le Jardin
botanique qui est aussi affilié à l'Université de
Montréal. Voilà pour la description brève du campus de
l'Université de Montréal.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Dr
Simard.
M. Cloutier: Avec votre permission, M. le Président, je
demanderais aux techniciens de mettre en marche la présentation des
documents audiovisuels.
Présentation de documents audiovisuels
La double fonction d'enseignement et de recherche qui représente
la raison d'être de l'Université de Montréal nous fait
pousser aujourd'hui un cri d'alarme. Quels tableaux construire, quelles courbes
tracer pour faire sentir l'urgence de la situation? Quelles statistiques
invoquer, quels arguments avancer devant la nécessité pressante
d'un rattrapage et d'une relance de l'université?
L'Université de Montréal saisit donc l'occasion qui lui
est offerte ici pour expliquer au grand jour la grave situation
financière dans laquelle elle se trouve. Nous sommes devant un
déficit structurel de l'ordre de 14 000 000 $ par an qui se solde
par un déficit accumulé de près de 30 000 000
$.
De par l'application de la formule historique de financement,
l'Université de Montréal est devenue victime de sa vocation
particulière.
Pourtant, elle demeure l'université québécoise et
canadienne la plus engagée dans le domaine de la santé, dans le
développement des études supérieures et l'une des
premières en matière de recherche subventionnée,
Pourtant, sa Faculté francophone de médecine
vétérinaire à Saint-Hyacinthe est unique en
Amérique du Nord.
Pourtant, elle est la seule université du continent à
opérer une école française de design industriel dans sa
Faculté d'aménagement.
Ses débuts remontent à 1878. Elle reçoit sa
première charte en 1920. Elle compte actuellement 13 facultés,
deux écoles affiliées et une cinquantaine d'organismes de
recherche. Lui sont attachés 15 hôpitaux universitaires, deux
instituts de recherche, l'Observatoire du Lac-Mégantic, le Jardin
botanique et la station biologique de Saint-Hippolyte dans les Laurentides.
Avec les quelque 50 000 personnes qui fréquentent le campus
chaque jour, l'Université de Montréal pourrait compter parmi les
dix villes les plus importantes au Québec. Ces 50 000 personnes, ce sont
près de 43 000 étudiants, plus de 4000 enseignants et près
de 3000 employés non enseignants. Ces 7000 employés
représentent une masse salariale de 200 000 000 $.
Ajoutons à ces employés la population étudiante et
l'on comprend aisément que le village de Côte-des-Neiges soit si
florissant. Les retombées économiques sur tous les types de
commerce, restaurants, boutiques, épiceries, sans oublier le logement,
sont énormes.
Les retombées économiques ne se limitent pas au campus.
À Saint-Hyacinthe, la Faculté de médecine
vétérinaire est le plus important employeur local. Deux types de
population: les étudiants de jour et les étudiants de soir
inscrits à l'éducation permanente.
Malgré ce qu'elle génère, l'université
coûte cher. Ses douze kilomètres de route et ses dix
kilomètres de trottoirs impliquent chaque année 300 000 $ de
frais de déneigement. Propriétaire de 144 hectares et locataire
de plus de 1500 hectares, ses frais d'entretien paysager
s'élèvent à 525 000 $.
L'université occupe 66 immeubles dont 55 sont sa
propriété. Superficie totale: près de 500 000
mètres carrés, soit une fois et demie celle de la Place
Ville-Marie. On y retrouve 33 kilomètres de corridors et 30 000 vitres
à laver.
L'ensemble de la gestion des immeubles nécessite des
déboursés de 25 000 000 $, 3 000 000 $ vont à l'entretien
ménager, 3 700 000 $ en dépenses d'énergie et 3 000 000 $
en communications par courrier et téléphone.
Dans le domaine de la santé, l'Université de
Montréal demeure la seule université au Canada à offrir
toute la gamme des enseignements. Elle est donc la plus importante et la plus
complète dans ce secteur.
Il s'agit la du secteur le plus coûteux de l'enseignement
universitaire. Cependant, la formule de financement n'en tient aucunement
compte.
Les études supérieures forment un secteur non moins
coûteux. À ce niveau, l'Université de Montréal
accueille le tiers des étudiants inscrits au Québec; cependant
aucune forme de pondération n'est apportée au financement de
cette clientèle.
Ses activités de recherche sont plus importantes que celles de la
majorité des universités canadiennes et
québécoises, sans qu'il y ait une compensation financière
adéquate.
L'enseignement supérieur occupe une place essentielle dans la
société.
L'institution universitaire est un investissement. Aujourd'hui, dans un
monde dominé par l'informatique et la technologie, l'université
est seule à détenir la compétence et la
responsabilité de former la main-d'oeuvre hautement
spécialisée qui est devenue la première ressource de notre
société. Elle est aussi la condition sine qua non de notre
développement et de notre capacité d'affronter la concurrence sur
les marchés nationaux et internationaux.
L'université représente, de plus, un réservoir de
connaissances et de talents où viennent puiser petites et grandes
entreprises pour renouveler et perfectionner leur personnel, pour
développer et maîtriser les nouvelles technologies afin de
comprendre et exploiter leur potentiel.
La relance de l'institution universitaire représente un
investissement prioritaire pour le gouvernement. Il n'a d'autre choix que de le
confirmer s'il veut assurer au Québec un statut de société
développée et compétitive.
Le profil institutionnel de l'Université de Montréal est
très particulier,
Elle possède les traits distinctifs et répond aux
engagements particuliers d'une multi-université impliquée dans
l'enseignement et la recherche à tous les niveaux et dans tous les
principaux secteurs de formation universitaire.
Dans le domaine de la santé, en 1984, l'Université de
Montréal reçoit 51 % des étudiants universitaires des
secteurs dits médicaux inscrits dans les universités
québécoises.
Si l'on englobe l'ensemble des sciences de la santé,
l'Université de Montréal
forme 48,7 % des étudiants inscrits dans les universités
québécoises.
Chez la population étudiante de niveau universitaire au
Québec, les étudiants inscrits en santé
représentent en moyenne 9,5 % alors qu'ils comptent pour 26 % de la
population étudiante de l'Université de Montréal.
Au niveau des études supérieures, 45 % des
étudiants inscrits à des programmes de doctorat au Québec,
pour l'année 1984, se retrouvent à l'Université de
Montréal. C'est elle qui reçoit en chiffres absolus le plus grand
nombre d'étudiants aux études supérieures de toutes les
universités canadiennes. Elle produit 47 % des diplômes
d'études supérieures obtenus dans les universités
francophones au pays. De plus, ses étudiants comptent pour 20 % des
inscriptions à Montréal, comparativement à la moyenne de
14 % pour l'ensemble des universités du Québec.
Dans le domaine de la recherche, l'Université de Montréal
se situe au cinquième rang des multi-universités canadiennes. Au
cours des cinq dernières années, ses subventions en recherche ont
totalisé 317 000 000 $, qui représente un accroissement de 70 %.
Toutefois, il semble que ses particularités, ses points forts et ses
traditions propres doivent constituer en même temps la faiblesse de
l'Université de Montréal. À preuve, ce sous-financement
chronique dans lequel on la maintient.
La crise financière actuelle nous place devant la
nécessité de redéfinir les bases budgétaires.
Depuis 1981, le jeu des compressions et des prélèvements a
signifié pour l'Université de Montréal des coupures de
subventions de près de 40 000 000 $.
Cela a amené des coupures dans le nombre de postes du personnel
régulier, malgré l'augmentation de la clientèle. Chez le
personnel enseignant, on a dû abolir 104 postes de professeurs de
carrière, soit 7,6 % des effectifs. Par conséquent, la charge
d'enseignement s'est considérablement alourdie. Le ratio
crédits-étudiant a fait un bond de 24 % en cinq ans. De tels
écarts pourraient mettre sérieusement en danger la qualité
de l'enseignement. Chez le personnel non enseignant, ce sont 404 postes qui ont
été perdus, soit 15,3 % des effectifs.
(10 h 30)
La formule historique de financement des universités et, surtout,
les nombreuses modifications qu'on lui a fait subir d'année en
année sont en grande partie responsables de la situation précaire
dans laquelle se trouve l'Université de Montréal aujourd'hui.
D'abord, elle fixe les bases budgétaires à partir des
dépenses observées dans chaque université en 1969-1970,
point de départ arbitraire qui rend irrecevable toute dépense
ultérieure admissible.
Ensuite, elle privilégie les accroissements de clientèles
étudiantes en puisant dans les bases les sommes nécessaires. On
comprendra que l'Université de Montréal puisse être
doublement pénalisée par une telle mesure. D'une part, on
prélève dans sa base les sommes nécessaires pour financer
la croissance étudiante des autres universités. D'autre part, les
perspectives de rattrapage financier par la croissance étudiante sont
faibles pour elle dans le secteur santé, largement contingenté,
et dans celui des études supérieures où la capacité
d'accueil est presque atteinte.
Troisièmement, cette formule identifie, à partir de
1982-1983, des secteurs prioritaires avec des taux de financement
différents. Notons ici que ces taux privilégiés ne
s'appliquent qu'aux étudiants additionnels. Encore là,
l'Université de Montréal, à cause de son profil propre,
est largement défavorisée, puisqu'elle ne compte que 24 % de sa
clientèle étudiante dans les secteurs prioritaires. Même si
on lui ajoutait la clientèle des HEC et de Polytechnique, elle
arriverait en dernière place des universités
québécoises avec 43,5 %.
Quatrièmement, à partir de 1983-1984, la formule introduit
des taux différentiels selon les cycles d'études. La mesure est
équitable, puisque les études supérieures sont plus
coûteuses. Malheureusement, elle ne porte que sur les étudiants
additionnels, sans correction des bases. Pour l'Université de
Montréal, les perspectives de croissance dans ce secteur où elle
est bien développée sont limitées par des problèmes
d'équipements coûteux, d'espaces de laboratoires et de fonds de
recherche disponibles.
Enfin, la formule de financement ne tient aucunement compte du secteur
recherche et, surtout, des coûts indirects qu'il occasionne. Plus une
université attire de fonds de recherche importants, ce que tout le monde
souhaite et ce que réussit l'Université de Montréal, plus
elle grève son budget et hypothèque sa situation
financière.
Le profil propre de l'Université de Montréal et la formule
de financement qui la défavorise ont des conséquences lourdes
à assumer,
Dans un contexte de financement équitable, la portion des
dépenses admissibles de base nette devrait être égale
à la portion des étudiants équivalents temps complet
pondérée de l'ensemble des universités. Tout écart
négatif entre la subvention reçue et le fardeau étudiant
représente, en fait, un état de sous-financement.
Voyons le cas de l'Université de Montréal. Alors que sa
portion des dépenses admissibles diminue, son fardeau étudiant
augmente. D'après une étude du ministère, cet écart
négatif se chiffrait à 5 400 000 $ en 1981-1982. C'est sur cette
base et en
utilisant les mêmes données que nous chiffrons à 14
000 000 $ le déficit structurel de l'Université de
Montréal pour l'année 1984-1985, si bien que, malgré un
coût unitaire pondéré inférieur de 17 % à
l'ensemble des universités québécoises en 1984-1985,
l'Université de Montréal se retrouve devant un déficit
accumulé de 30 000 000 $.
Voilà les retombées néfastes de la formule
historique de financement sur notre budget. Pourtant, l'université avait
déjà procédé à des coupures de l'ordre de 30
000 000 $ dans son budget de fonctionnement. On ose à peine imaginer
l'état de ses finances sans ces mesures. C'est maintenant la survie de
l'institution qui est en jeu.
Au cours des années, l'Université de Montréal s'est
taillé une place de choix parmi les grandes multi-universités en
Amérique du Nord.
À l'heure actuelle, elle se trouve plongée dans une crise
financière dont on ne saurait la tenir responsable. Elle traverse une
crise morale dont les signes inquiétants se manifestent chaque jour.
Dans les laboratoires, les installations tombent en désuétude.
Les équipements ont vieilli au point d'être inutilisables, et
l'accès à une nouvelle génération d'appareils plus
performants nous est interdit.
Pourtant, toutes les études prouvent que les crédits
consacrés à l'enseignement rapportent beaucoup plus que les
investissements dans tous les autres secteurs de l'économie.
Il faut donc agir maintenant, c'est un devoir social!
Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie,
M. le recteur, de cette présentation audiovisuelle, qui, j'en suis
certain, a aidé les membres de cette commission parlementaire, ainsi que
les gens qui regardent le déroulement de la commission à mieux
connaître cette institution qu'est l'Université de
Montréal. Maintenant, nous vous écoutons.
M. Cloutier: Pour terminer, M. le Président, j'aimerais
dire que c'est dans ce contexte de crise financière dont elle ne
s'estime pas responsable et de crise morale que traversent ses professeurs, ses
étudiants et son personnel que l'Université de Montréal
propose à la commission deux séries de recommandations.
D'ailleurs, plusieurs de ces recommandations s'inscrivent directement dans la
lignée des propositions faites par le ministre à l'ouverture de
la commission parlementaire.
Les quatre premières recommandations portent essentiellement sur
l'enveloppe consentie au financement de l'enseignement supérieur et sur
les modalités de ce finance- ment. L'Université de
Montréal fait siennes les recommandations du Conseil des
universités d'augmenter de façon significative l'enveloppe
consentie au financement de l'enseignement supérieur.
Elle recommande fortement que le cadre général de
financement soit modifié de telle sorte qu'il puisse tenir compte du
profil de chaque institution. Une telle modification de la formule de
financement des universités pourrait s'inspirer, entre autres, d'un
document du ministère qui est intitulé "Étude comparative
des bases de financement des universités du Québec", qui avait
été produit par le ministère en mai 1984. II est urgent
que l'on mette fin au régime de prélèvements et de
ponctions, en particulier pour fins de financement de clientèles
additionnelles.
Enfin, l'Université de Montréal demande au gouvernement de
reconnaître, dans la même foulée, que le déficit
accumulé de l'Université de Montréal n'est pas imputable
à une mauvaise gestion, mais résulte plutôt du cadre
général de financement qui prévaut depuis plus de cinq ans
et des caractéristiques particulières de l'université.
Consciente de la volonté politique du gouvernement de diminuer
ses propres dépenses, l'Université de Montréal propose, en
plus des recommandations précédentes, une série de mesures
qui pourraient contribuer à améliorer la situation
précaire des universités québécoises. Ainsi, nous
croyons qu'il faut encourager les universités à diversifier leur
base de financement. Pour ce faire, il y aurait avantage à modifier la
méthode de financement quant au principe d'équilibre qui veut que
toute somme supplémentaire que l'université va chercher
au-delà d'un certain seuil soit déductible de sa base.
Nous suggérons aussi que le gouvernement établisse des
incitatifs fiscaux qui pourraient encourager les entreprises et le public en
général à contribuer au financement des
universités.
Nous croyons également que les universités devraient
s'engager à instaurer une meilleure concertation entre elles et que le
gouvernement devrait consentir des incitatifs financiers pour favoriser de
telles initiatives. Sur ce plan, l'Université de Montréal
s'engage à contribuer à l'instauration d'un tel climat de
concertation entre les universités et particulièrement entre les
universités de la région métropolitaine de
Montréal.
Enfin, nous estimons que les universités devraient tenter de
développer des liens plus étroits avec les entreprises non
seulement pour améliorer leur place sur le marché des contrats de
recherche et de services, mais aussi et surtout pour fournir à celles-ci
un moyen de faire valoir leur point de vue sur le contenu des formations
offertes par l'université.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, au nom de
l'Université de Montréal, je vous remercie de l'attention que
vous avez bien voulu porter à notre présentation et je suis
à votre disposition, avec mes collègues, pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le recteur. Je vous félicite aussi pour la qualité de votre
présentation. On dit souvent qu'une image vaut mille mots. Alors, vous
avez économisé beaucoup de papier.
Je voudrais aussi vous présenter les principaux porte-parole de
cette commission parlementaire qui sont le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science, le député
d'Argenteuil, pour le parti ministériel, et la députée de
Chicoutimi, responsable de ce dossier, pour le parti de l'Opposition.
Je donne maintenant la parole au ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait
plaisir de souhaiter la bienvenue, au nom de l'équipe
ministérielle, à M. Cloutier et à l'équipe de
l'Université de Montréal qui l'accompagne, autant à la
table des témoins que sur les sièges en arrière. Nous
sommes très heureux de vous retrouver ici. Vous êtes chez vous
à l'Assemblée nationale, même si cela n'a peut-être
pas toujours paru dans les résultats de la formule de financement au
cours des dernières années.
Je crois que vous avez très clairement fait ressortir dans votre
présentation les caractéristiques de l'Université de
Montréal, en particulier cette partie très importante de sa
clientèle qui est orientée vers les disciplines de la
santé, lesquelles, comme vous l'avez justement signalé, sont
parmi les plus coûteuses.
Vous avez fait ressortir également l'importance qu'occupent
à l'Université de Montréal les études de 2e et 3e
cycles. C'est sûrement, par une bonne marge, la plus avancée des
universités du Québec, à cet égard. Elle occupe une
place enviable même à l'échelle de tout le pays au niveau
des inscriptions. Au niveau de la diplomation, j'ai été
étonné de constater un grand décalage entre
l'Université de Toronto et l'Université de Montréal. Je
crois que la diplomation est presque de deux contre un à
l'Université de Toronto, alors que, pour le nombre des inscriptions,
nous avons un léger avantage sur l'Université de Toronto. Il y
aura peut-être lieu que vous nous fournissiez des éclaircissements
sur ce paradoxe.
Quoi qu'il en soit, je pense que nous avons intérêt
à souligner cette part très importante que les études de
2e et 3e cycles occupent dans la programmation générale de
l'Université de Montréal. Une conséquence logique de cette
caractéristique, c'est, évidemment, l'importance qu'occupent les
travaux de recherche à l'Université de Montréal. C'est
sûr que plus le 2e et le 3e cycles sont développés, plus il
y a de la place pour le développement des travaux de recherche
également et vice versa. Je souligne ces points pour ajouter qu'ils
constituent un actif très important pour toute la communauté
québécoise et même pour la communauté canadienne et
que nous avons intérêt à en être très
conscients et aussi à être conscients des difficultés qui
peuvent gêner le développement de l'institution. Ce que
l'Université de Montréal perd, je pense que c'est tout le
Québec, en un sens très réel, qui le perd à la
longue, même si ces pertes sont imperceptibles à l'oeil nu.
Je peux vous assurer, M. le recteur, que nous avons bien noté les
points majeurs que vous avez soulignés dans votre présentation et
que nous travaillons à trouver des solutions aux problèmes
mentionnés. Le niveau de financement général de nos
universités, en particulier de la vôtre, est une question majeure
qui interpelle la commission. Nous aurons des propositions à faire au
gouvernement d'ici à la fin de la présente année sur cette
question.
La formule de financement, je pense que nous sommes d'accord pour
considérer qu'elle a besoin d'être
réaménagée. Les critères que vous énoncez de
ce point de vue sont assez proches de ceux que j'avais énoncés
moi-même au tout début des travaux de la commission. Je pense
qu'il y aura un consensus assez large sur l'essentiel. Quand on arrive aux
dernières modalités, comme vous le savez, il y a toujours des
débats qui s'élèvent. Mais il faudra les trancher assez
rapidement. On ne perdra pas de temps, comme on l'a fait depuis une dizaine
d'années, à faire du virgulisme dans ces choses.
Vous avez parlé de la diversification nécessaire des
sources de financement. C'est évident que plus nos institutions
universitaires dépendent exclusivement de subventions gouvernementales,
plus cela peut devenir dangereux à la longue pour l'équilibre
même de notre système universitaire. Il faut trouver des
éléments de diversification. Vous en avez mentionné deux,
de manière particulière: les revenus au titre de la recherche,
les revenus sous forme de dans des entreprises. Il y en a une dont vous n'avez
point parlé et sur laquelle je vous interrogerai tantôt. C'est,
évidemment, la contribution des étudiants eux-mêmes. Est-ce
qu'il y a lieu de l'augmenter, d'après vous, ou si vous trouvez qu'elle
est satisfaisante au niveau où elle se trouve actuellement, etc.?
En tout cas, je veux vous assurer que ces points, de même que la
situation déficitaire de certaines universités ne peuvent pas
être des sujets d'indifférence pour le gouvernement. À
l'occasion de l'examen général que nous faisons, nous allons les
étudier très attentivement. Je ne voudrais pas prendre davantage
de temps sous forme de commentaires. J'aurais un certain nombre de questions
à vous adresser - je vais le faire immédiatement - pour
l'utilité commune de nos collègues de la commission et de nos
concitoyens. Vous dites que la formule de financement avec tous les changements
qu'on y a apportés au cours des années a joué contre
l'Université de Montréal et contribué à lui donner
une situation de sous-financement qui a été en s'aggravant. (10 h
45)
II y a un chiffre qui m'a frappé en particulier dans ce que vous
avez dit. J'aimerais que vous le reliez peut-être à la question
que je vous pose. Vous dites que le coût de formation
pondéré par étudiant est à l'Université de
Montréal de 17 % inférieur à la moyenne
québécoise. C'est énorme. Je pense que cela demande
à être étayé. Vous avez un tableau très
intéressant à la page 34 de votre mémoire. Il
n'était pas dans votre vidéo, celui-là. Cela aurait
été bon qu'il y fût.
Vous faites la comparaison entre le pourcentage de la population
étudiante qu'on trouve à l'Université de Montréal
et le pourcentage de la population étudiante totale au Québec,
ensuite, le pourcentage des ressources, des dépenses admissibles de base
qui sont autorisées. On voit qu'au point de vue du pourcentage des
étudiants l'Université de Montréal est au premier rang et
qu'au point de vue du pourcentage des dépenses admissibles nettes elle
est au dernier rang pour l'année 1984-1985, la dernière pour
laquelle on dispose de données. J'aimerais que vous nous expliquiez
cette situation, que vous nous disiez bien clairement en quoi la formule de
financement a été responsable de cette situation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le recteur.
M. Cloutier: Si vous me permettez juste une question, vous
référez à un tableau, M. le ministre, qui serait...
Le Président (M. Parent, Sauvé): De votre
mémoire.
M. Cloutier: D'accord. Cela va.
M. Ryan: Si je suis le seul à avoir le pas, M. le
Président, je vais changer vite.
M. Cloutier: Cela va. Je suis avec vous, M. le ministre.
M. Ryan: Très bien.
M. Cloutier: Pour ce qui est de la formule de financement et des
problèmes que cela a causés à l'université, je ne
vois pas comment... On pourrait peut-être répondre d'abord
à la question précise quant aux coûts de formation
pondérés, M. le ministre, que vous avez posée. Est-ce que
M. Simard, pourrait répondre à cette partie de la question?
M. Simard: Parlons, d'abord, de la formule de financement, M. le
ministre, pour répondre à votre question. En 1982-1983, le
ministère a adopté une politique de financement sectoriel. Il a
divisé les clientèles étudiantes en 11 secteurs pour
lesquels il a appliqué des taux de financement différents, mais
ceci ne s'applique chaque fois qu'au financement de clientèles
additionnelles. Ainsi, par exemple, l'Université de Montréal
étant fortement présente dans le secteur santé qui est
fortement contingenté où, donc, on ne peut pas admettre plus d'un
certain nombre d'étudiants en première année, il n'y a pas
de possibilité de profiter de ce financement additionnel, de ce
financement sectoriel, puisqu'il n'y a pas possibilité d'augmenter les
clientèles, le secteur étant contingenté par la
volonté du gouvernement. Par conséquent, dans ce secteur,
l'Université de Montréal qui investit 25 % à peu
près de ses ressources ne peut pas faire d'augmentation de
clientèles additionnelles.
La même chose s'applique pour la différenciation selon les
cycles d'études. Le ministère a reconnu dans une étude, en
1984, que les étudiants des 2e et 3e cycles coûtaient plus cher en
général que les étudiants de 1er cycle. II a donc
introduit dans la formule de financement une possibilité d'avoir un
financement additionnel pour les étudiants des 2e et 3e cycles. Mais il
n'a pas fait de correction pour les bases, c'est-à-dire que les
étudiants qui étaient déjà dans le système
n'ont pas été reconnus aux fins de financement prioritaire. Ce
financement pour les étudiants des 2e et 3e cycles ne s'est
appliqué qu'à la croissance de la clientèle
étudiante.
Comme vous l'avez vu dans le tableau, l'Université de
Montréal est déjà très développée au
niveau des études des 2e et 3e cycles et il n'est pas possible - je peux
parler pour mon propre laboratoire ou pour de nombreux instituts de recherche
d'ajouter des étudiants des 2e et 3e cycles additionnels parce qu'il n'y
a plus de place et il n'y a plus suffisamment d'équipement pour en faire
davantage. Par conséquent, l'Université de Montréal,
encore une fois, n'a pas pu profiter de ce financement prioritaire pour
l'augmentation des clientèles au niveau des 2e et 3e cycles. Ce sont les
deux principaux secteurs qui ont fait que
l'Université de Montréal a été
défavorisée par la formule de financement. Je pense que c'est
cela.
Dans le tableau de la page 34, on a simplement repris une étude
du ministère faite en 1984, étude que le recteur mentionnait tout
à l'heure, où on a comparé la portion que reçoit
l'Université de Montréal en termes de subvention au nombre
d'étudiants équivalents temps complet pondérés
selon les cycles d'études et selon les secteurs prioritaires.
D'après le ministère lui-même, tout écart
négatif et toute différence est un sous-financement. C'est
l'explication de la page 34. En 1981-1982, l'étude du ministère
montrait un manque à gagner de 5 400 000 $ et, en utilisant les
mêmes données et les mêmes bases, on parle d'une
possibilité de déficit de 14 000 000 $ en 1984-1985. Je ne sais
pas si cela répond à votre question, M. le ministre.
M. Ryan: Cela répond à ma question, M. Simard. Je
suis bien content que vous ayez précisé ces points. Un autre
problème qui découle probablement de cette situation de
sous-financement observée au cours des dernières années,
c'est un point relatif à la charge d'enseignement des professeurs.
À la page 26 de votre mémoire, vous parlez du ratio
crédits-étudiant par professeur. Pour bien se comprendre, c'est
le nombre de crédits obtenus par un étudiant en comparaison du
nombre de professeurs. Par exemple, si vous avez tant d'étudiants, ils
obtiennent une moyenne de tant de crédits par professeur que vous avez
à l'université. Vous dites que le ratio est passé de 499
en 1980-1981 à 621 en 1984-1985, soit une hausse de 24,4 % qui est
considérable. Vous ajoutez au paragraphe suivant: "Une étude
confidentielle faîte en 1982-1983 par un organisme responsable
révèle que l'Université de Montréal arrive bonne
première devant les autres universités du Québec eu
égard à ce ratio crédits-étudiant par professeur."
J'aimerais vous demander des précisions sur cette étude, sur les
choses qu'elle révélait. Si vous pouviez nous indiquer qui a fait
cette étude sans la rendre publique nécessairement et nous
révéler l'ordre de grandeur qu'elle mentionnait cela nous
éclairerait beaucoup. Là, vous nous faites une affirmation
générale qui est de nature à me laisser sceptique
étant donné mes habitudes de vérification.
M. Cloutier: M. le ministre, je demanderais à M. Tremblay,
qui est responsable de ce secteur, de répondre à la question.
M. Tremblay (Louis-Marie): Oui, M. le Président. Il s'agit
d'une étude qui a été faite à la Conférence
des recteurs. Celle-ci était dans le cadre d'un objectif - c'est ce
qu'on voulait - poursuivi conjointement par le ministère de
l'Éducation et la Conférence des recteurs pour essayer de
clarifier un peu ce qu'est la charge de travail des professeurs. Ce n'est pas
d'aujourd'hui qu'il y a des gens qui font des affirmations simplistes sur la
charge de travail des professeurs. Donc, il y avait eu un effort de fait au
niveau de la Conférence des recteurs en concertation avec les
universités pour essayer de quantifier le mieux possible, au moins,
certains aspects de la charge professorale. Cette étude devait se faire
dans le cadre d'une relation conjointe avec le ministère. Ceci,
malheureusement, ne s'est pas complété et c'est resté en
suspens. Il serait peut-être souhaitable que cette étude soit
reprise.
Chaque université a fait le même genre de cheminement que
l'Université de Montréal pour calculer ses
crédits-étudiant par professeur. Or, le
crédit-étudiant par professeur, c'est une mesure qui est assez
simple à calculer, parce que vous prenez le nombre d'étudiants
que vous avez dans un cours, vous prenez le nombre de crédits
attribués à ce cours. S'il s'agit d'un cours de trois
crédits et que vous avez 20 étudiants, le professeur
génère donc 60 crédits-étudiant pour ce cours. Il y
a des pondérations, selon les cycles supérieurs, qui s'inspirent
des modèles qui sont suivis aussi par le ministère.
Il s'est produit que cela n'a pas abouti. Je ne voudrais pas donner de
raisons particulières. Je sais, cependant, que les hauts fonctionnaires
du ministère ont demandé à chaque institution de lui
fournir le document qu'elles avaient préparé pour
elles-mêmes, document qui a été remis à la CREPUQ.
Toutes ces informations sont déjà dans les mains du
ministère. Il s'agirait, dans les circonstances, tout simplement de
ranimer ce groupe de travail pour qu'il puisse poursuivre son travail.
Nous dévoilons, en fait, de façon officieuse des
données qui ne sont pas officielles, mais c'est dans le but de
défendre notre dossier. Ici, on fait état que cela a
progressé de 24 % de 1981 à 1984-1985. Si je remonte à
deux ans plus tôt, en 1978-1979, c'est de 30 % que notre
productivité dans l'enseignement a progressé, en termes de
crédits-PE et, en même temps, nos professeurs ont
été aussi plus productifs au niveau des études
supérieures et de la recherche.
M. Ryan: Je voudrais maintenant passer aux sources de
financement. Vous dites, à la page 42 de votre mémoire: "II y
aurait avantage à modifier la méthode de financement quant au
principe d'équilibre qui veut que tout argent supplémentaire que
l'université va chercher au-delà d'un certain seuil soit
déductible de sa base." Actuelle-
ment, si une université reçoit un don ou va chercher une
contribution d'une entreprise, ce n'est pas déductible pour fins de
subventions. Ce qui est déductible, ce sont les hausses que les
universités décréteraient unilatéralement en
matière de frais de scolarité ou de frais d'inscription, mais
pour le reste il y a quand même une latitude assez grande qui est
laissée aux universités. J'accepte, par conséquent, le
principe qui est implicite dans cette recommandation que vous faites dans votre
mémoire. Du côté du gouvernement, il n'y a pas du tout
d'intention de relier ceci è l'établissement du plancher des
subventions.
Dans les sources possibles de revenus additionnels, il y a,
évidemment, les frais de scolarité étudiants. Vous n'en
parlez point dans votre mémoire et je pense que vous avez laissé
entendre tantôt que vous auriez peut-être des choses à dire
là-dessus. J'aimerais vous entendre, M. le recteur, sur cette question,
à savoir si l'université a une position là-dessus, si elle
a bien examiné ce problème et si elle a des recommandations
à faire à la commission.
M. Tremblay (Louis-Marie): M. le ministre, c'est une question
qu'on n'a pas soulevée directement dans notre mémoire, on l'a
soulevée indirectement, entre autres, par la recommandation à
laquelle vous faites état au bas de la page 42. En fait, pour nous, la
décision concernant les changements dans les frais de scolarité
relève d'une question beaucoup plus large qui est celle du niveau
d'engagement que le gouvernement veut ou désire prendre vis-à-vis
du financement des universités. Il est bien sûr que, pour le
recteur qui a la responsabilité de la gestion de l'université,
dans une situation où on se trouve en déficit sur le plan
financier, toute source additionnelle de financement va aider
l'université. Sur ce plan, il n'y a aucun doute que c'est très
attrayant pour la direction de l'université de dire: Oui, une hausse des
frais de scolarité nous aiderait à bien faire avancer
l'université, avec des ressources qui nous sont absolument
nécessaires pour progresser. Ainsi, la réaction naturelle, c'est:
Oui, nous serions heureux d'avoir des ressources additionnelles pour la marche
de l'université et, en ce sens, si -là, je pense que c'est une
décision du gouvernement - l'une des façons les plus raisonnables
au Québec d'ajouter aux fonds que les universités ont à
leur disposition pour gérer, c'est de rajuster les frais de
scolarité à un niveau qui, comme j'ai pu le comprendre par les
recommandations du Conseil des universités, se rapprocherait, par
exemple, de celui de l'Ontario, cela ne m'apparaît pas anormal. Si la
question est: Est-ce que, de notre point de vue, une hausse faisant passer le
niveau de 5 % à 7 % du coût de financement des universités
jusqu'à 15 %f nous apparaît raisonnable, 15 %
(n'apparaissent un chiffre tout à fait raisonnable, certainement, dans
le contexte nord-américain. Dans ce sens, je dis oui, cela me
paraît raisonnable. (11 heures)
Ce que je dis en même temps, c'est que cela fait partie d'une
décision qui est beaucoup plus globale, celle de savoir à quel
niveau le 'gouvernement veut bien supporter les universités. Parce que,
même à ce moment, il y aura 85 %, en supposant que 15 % des
revenus viennent des frais de scolarité. Il reste que la part la plus
importante du soutien des universités devra encore venir du
gouvernement. Je ne sais pas si cela aide à clarifier notre position, M.
le ministre. J'essaie de le mettre le plus simplement possible.
M. Ryan: Très bien, je comprends. Il me resterait une
dernière question à vous adresser, cela porte sur le
déficit. Tout d'abord, une question de fait. Je crois comprendre
qu'à la fin de l'année 1985-1986, d'après ce que j'ai
entendu tantôt, le déficit accumulé sera autour de 30 000
000 $. Est-ce que...
M. Cloutier: Je peux peut-être demander à M.
Lussïer de vous donner le chiffre exact.
M. Lussier (Jacques): Lorsque nous avons, M. le ministre,
préparé le document, nous nous orientions vers un déficit
de 30 000 000 $. En 1985-1986, les états financiers démontrent
que le déficit est de 26 700 000 $. Des mesures particulières ont
été prises dans l'exercice courant pour réduire de 3 000
000 $ les dépenses par une mesure vraiment exceptionnelle, soit le gel
des indexations dans le cas du corps professoral régulier, des cadres et
des professionnels. N'était-ce de cette mesure exceptionnelle de 3 000
000 $, on additionne bien sûr les 26 700 000 $ aux 3 000 000 $ et on
arrive à 30 000 000 $.
M. Ryan: Pour l'année 1986-1987, votre budget
prévoit-il un déficit?
M. Lussier: II prévoit environ l'équilibre
puisqu'il s'agit de 611 000 $ sur un budget de l'ordre de grandeur de 225 000
000 $.
M. Ryan: Je vais juste faire un bref commentaire sur cette
question. Évidemment, nous ne pouvons pas donner de réponse
à la question que vous nous adressez ce matin. Vous demandez que le
déficit soit examiné de façon particulière.
Je crois pouvoir dire, cependant, qu'il serait étonnant que le
gouvernement adopte une attitude globale d'indifférence. Je pense qu'il
va falloir examiner chaque situation
particulière en tenant compte de tous les facteurs qui ont pu
intervenir, et on verra à faire des recommandations au cours des
prochaines semaines en tenant compte de cela.
C'est sûr qu'il y a une partie des déficits qui a
été causée par les politiques dont vous avez parlé
dans votre mémoire. Cela me semble assez clair. Il y a peut-être
une autre partie qui a été causée par des décisions
qui auraient pu être prises autrement également. Il y a des
institutions qui lançaient des nouveaux programmes pendant cette
période, c'est un peu fort. Quand on s'en va vers un déficit,
d'habitude, on ne se lance pas dans l'innovation, on fait attention, à
moins d'avoir des sommes à investir. C'est un point.
On va regarder tout cela de manière attentive et objective, et je
m'engage à présenter des recommandations qui découleront
d'un examen objectif de chaque cas présenté.
Je voudrais juste terminer par une question de fait. Vous avez fait une
campagne de souscription il y a environ trois ans, si mes souvenirs sont bons.
Est-ce qu'il y a déjà trois ou quatre ans?
M. Lussier: C'était la campagne des années
quatre-vingt. Donc, le début date de six ans.
M. Ryan: Six ans. Et la fin?
M. Lussier: II n'y a jamais de fin quand on veut vraiment
atteindre l'objectif. Il y a encore des engagements qui sont en cours. La
campagne proprement dite est terminée. Nous avons des souscriptions pour
l'objectif qui était visé, soit 24 000 000 $, et il y a encore
à rentrer un ordre de grandeur de 6 000 000 $ à 7 000 000 $.
M. Ryan: Maintenant, le produit de cette campagne a-t-il
été réservé exclusivement à des fins
d'immobilisation ou s'il a été employé à des fins
de dépenses courantes aussi?
M. Lussier: II y avait des objectifs très particuliers et
très précis prévus dont environ la moitié à
des fins d'immobilisations et le reste à des fins particulières
dont des chaires d'enseignement, des bourses aux étudiants, les presses
de l'université, etc., et les fonds de recherche bien sûr.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Lussier.
Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le recteur,
messieurs, nous sommes, soyez assurés, à la fois honorés
et très heureux de vous retrouver ici. L'Université de
Montréal et l'Université Laval constituent les deux grandes
universités francophones au Québec et en Amérique du Nord.
Comme vous l'avez rappelé - ce qu'on savait déjà - vous
excellez dans plusieurs domaines. Le développement économique et
social au Québec vous doit beaucoup. Que ce soit dans les secteurs de
pointe en informatique, en technologie, à la direction de nos
établissements de santé, d'éducation, des services
sociaux, c'est chez vous qu'on est allé chercher ces ressources
humaines. Dans ce sens, vous avez contribué de façon importante,
par votre capacité de former des ressources humaines, au
développement économique et social du Québec.
On sait que, dans certains secteurs, en particulier en éducation
- il faut le reconnaître on a fait des progrès
considérables. La grande réforme en éducation, aux
alentours des années 1967, 1968, 1970, aurait été
impensable si on n'avait pas eu les ressources humaines que vous aviez d'abord
formées. Par ailleurs, votre collaboration à l'étranger -
je le disais, hier, pour l'École polytechynique, mais cela vaut
également pour vous - fait de vous des ambassadeurs inestimables, des
porte-parole extrêmement crédibles du fait français en
Amérique du Nord et du Québec de façon
générale. En ce sens, on vous doit beaucoup.
À cette commission parlementaire, je dirais qu'il se
dégage deux grands constats. Je pense que, de façon
générale, on reconnaît qu'il y a un sous-financement des
universités. On doit vous dire - je pense bien que vous le savez
déjà - que chacune des universités va expliquer les
raisons qui expliqueraient chez elles un sous-financement. Il me paraît
difficile qu'on fasse ici un exercice pour vraiment évaluer chacune des
universités, pour dire oui, il y en a une qui est sous-financée,
il y en a une autre qui est peut-être sous-financée mais moins
qu'il n'y paraît, ainsi de suite. Je pense que cet exercice devrait
plutôt être fait à l'extérieur de la commission.
Le second constat - cela fait l'unanimité parmi tous les
intervenants -c'est que l'éducation doit redevenir une priorité.
Partout, on reconnaît, et je pense que vous nous le rappelez de
façon fort judicieuse dans votre texte, le rôle capital du savoir
dans le développement économique et social. Vous nous dites
également -j'espère que cela va retenir l'attention des bailleurs
de fonds - que c'est encore l'investissement le plus rentable, 10 %. Je ne
détesterais pas avoir cette étude. À un moment
donné, cela sert à appuyer notre discours.
Par ailleurs, une fois qu'on a fait ces deux constatations qu'il y avait
probablement, si on fait des comparaisons avec l'Ontario, un sous-financement
des universités et qu'il y avait nécessité d'investir
en
éducation, on doit tirer les conclusions qui vont en
conséquence, c'est-à-dire qu'on doit accroître
l'accès à l'enseignement supérieur, on doit augmenter la
qualité et assurer le développement de la recherche des 2e et 3e
cycles. Donc, si on veut être tout à fait logique, toutes les
mesures qui viennent mettre un frein, soit à l'accès, soit au
développement des universités, devraient être
abordées avec infiniment de prudence.
On dit également qu'il faut trouver de meilleures sources de
financement et, par ailleurs, qu'on doit s'attendre également des
universités qu'elles gèrent avec plus de rigueur. Cette
commission parlementaire m'a rappelé une assemblée
générale de l'OCDE à laquelle j'ai assisté en 1982,
en 1983 ou en 1984, qui portait précisément sur le financement
des universités. Tous les intervenants faisaient sensiblement la
même constatation, à savoir qu'en période de rareté
des ressources, les bailleurs de fonds se faisaient plus exigeants sur
l'utilisation qui était faite des ressources. Les exigences qu'on a de
plus en plus à l'endroit des universités, vous remarquerez qu'on
les a également à l'endroit des professeurs. On les questionne:
Est-ce vrai que la charge d'enseignement est suffisante? Est-ce que c'est vrai
qu'on pourrait l'augmenter? Donc, ce n'est pas exclusivement parce que,
à un moment donné, l'État, la population ou les bailleurs
de fonds veulent entrer dans l'université que ces questions se posent.
Elles se posent souvent, ce qui n'est pas malsain, parce qu'on est en
période de décroissance.
Que le déficit soit dû à une mauvaise gestion, vous
dites que la preuve en incombe à ceux qui le dénoncent.
Là-dessus, je me dis qu'en période où les ressources
financières ont été réduites de façon assez
draconienne, qu'on puisse justifier cela encore par une mauvaise gestion,
effectivement, c'est plus difficile que cela l'aurait peut-être
été il y a sept ou huit ans.
L'essentiel de mes questions ne portera pas nécessairement sur le
financement. Je voudrais toucher un peu les sources de financement et je
voudrais vous dire tout de suite que les échanges qu'on a eus ici par
rapport aux règles d'allocation des ressources qui devaient tenir compte
des programmes, je suis encore étonnée que cela n'ait pas
été appliqué, parce que je vous dis que dans les
collèges du Québec cela a été appliqué
depuis 1976-1977, je pense. Pour eux, le problème était double.
Si on ne reconnaissait pas dans les règles d'allocation des ressources
le poids de ce qu'on appelle des programmes lourds par rapport aux programmes
qui exigeaient moins d'investissements, évidemment on les
pénalisait on était en train de les créer et, par
ailleurs, cela avait le double inconvénient également que
l'allocation des professeurs se faisait en fonction d'une règle uniforme
alors que vous aviez des collèges qui dispensaient de l'enseignement
professionnel dans 70 % des cas, par exemple. Ils étaient
désavantagés. Cette correction a été faite dans les
collèges, je pense, en 1976-1977. Cela m'apparaît assez logique.
C'est pour cela que je m'étonne encore que ce ne soit pas apparu dans
vos règles d'allocation des ressources.
Je reviens aux deux grands constats généraux:
l'éducation doit demeurer une priorité et l'accès devrait
donc être favorisé. On a souvent parlé ici - cela a
été moins le cas de l'Université de Montréal parce
que je dirais que les étudiants font probablement des demandes
d'admission en plus grand nombre chez vous que dans les universités plus
jeunes - de course aux clientèles. Ce qui m'étonnait dans ces
discours-là c'est qu'en même temps qu'on disait: II faut avoir
plus de clientèles parce que c'est là-dessus qu'est basé
notre financement, on n'a pas semblé avoir mis en place des mesures pour
comprendre le phénomène des échecs et des abandons.
Même si on avait pu retenir 5 % ou 10 % de ceux qui quittaient, ces
étudiants constituaient une clientèle plus stable et, vous me
passerez le terme, plus payante. On sait comment paient les clientèles
additionnelles. C'était une réaction.
Pour évaluer l'efficacité ou la performance d'une
université, vous procédez un peu par différents
indicateurs qui sont la recherche et les relations avec l'entreprise mais
également par le biais du crédit-professeur. Ce sont probablement
des données intégrées. Cela comprend le temps partiel, le
temps complet. Est-ce que cela comprend les professeurs à temps partiel,
les professeurs réguliers? Est-ce que ce sont des données
confondues?
M. Tremblay (Louis-Marie): Nous avons des données qui sont
confondues et des données strictement reliées au personnel
enseignant régulier. Celles dont nous avons fait état aujourd'hui
sont reliées au personnel enseignant régulier.
Mme Blackburn: Le phénomène des abandons, est-ce
que vous avez essayé de comprendre? Pourriez-vous nous parler du taux de
diplomation des professeurs et du taux de diplomation des
clientèles?
M. Cloutier: M. Simard pourrait peut-être répondre
è cette question. Je crois que cela vient rejoindre une question que M.
le ministre avait soulevée au début de son intervention. On
pourrait essayer de répondre à cette question-là
maintenant. (11 h 15)
M. Simard: Je pense que c'est une question importante qui est
soulevée dans le tableau 14 du rapport du Conseil des universités
où on mentionne le taux d'échec
en général au nivau des baccalauréats. Je ne
connais pas les taux de diplomation de l'Université de Toronto que
citait le ministre mais je peux vous donner les taux de diplomation à
l'Université de Montréal. Le taux de diplomation à
l'Université de Montréal est de 77 %, ce qui veut dire que 23 %
des étudiants ne terminent pas leurs études dans les
délais prévus ou abandonnent leurs études. Ceci est
global. Dans les domaines contingentés, où la clientèle se
presse à la porte et où l'Université de Montréal
est particulièrement présente, donc où il y a toute une
série de mesures de sélection des étudiants, le taux de
diplomation oscille entre 85 % et 100 %, c'est-à-dire que 15 % à
0 % des étudiants ne terminent pas leurs études dans les
délais prévus ou abandonnent. Cela vous donne une idée du
taux de diplomation à l'Université de Montréal.
Mme Blackburn: Les taux de diplomation que vous nous donnez, cela
comprend aussi les étudiants inscrits, les abandons donc.
M. Simard: Cela comprend tout cela.
Mme Blackburn: D'accord. Je trouve que c'est une performance
assez... Concernant les programmes, vous avez la Faculté
d'éducation permamente et vous avez développé de nombreux
programmes. J'ai rappelé ici à quelques occasions qu'au cours des
présents débats, il y a de grands absents que j'appelle les
étudiants adultes et que vous appelez le temps partiel. Je sais que
l'Université de Montréal a fait, en tout cas a
développé sa faculté précisément pour
répondre à des besoins particuliers, les besoins des adultes.
J'ai deux questions là-dessus. Les frais de scolarité
pourraient-ils avoir des effets sur l'accès des adultes à
l'université? La seconde question a trait à la composition de la
clientèle adulte chez vous, hommes et femmes. La sociologie, j'imagine
que vous ne l'avez pas.
M. Simard: Écoutez! Je ne connais pas les chiffres exacts
de la composition de la clientèle adulte. Je sais qu'il y a une
majorité de femmes. Et je pense que le doyen de la Faculté
d'éducation permanente, lorsqu'il siégera à cette table,
pourra vous donner des réponses beaucoup plus précises à
ce sujet, mais il y a une majorité de femmes. Cette clientèle
à l'Université de Montréal ne comporte que très peu
d'étudiants jeunes. Elle ne comporte que des étudiants adultes.
On dit souvent que le temps partiel, à l'éducation permanente, on
retrouve des étudiants qui font une première formation
universitaire. Ce n'est pas le cas à l'Université de
Montréal. Je pense que votre première question était, Mme
Blackburn...
Mme Blackburn: Sur la composition. M. Simard: Les frais de
scolarité. Mme Blackburn: Les frais de scolarité.
M. Simard: Nous croyons que les frais de scolarité des
étudiants adultes devraient être les mêmes que ceux des
étudiants jeunes. On dit souvent: Les étudiants adultes
travaillent; donc, ils pourraient payer davantage. Oui, mais les
étudiants adultes paient aussi des impôts et ils devraient avoir
la même accessibilité à la formation universitaire, parce
que c'est souvent des gens qui n'ont pas eu, pour toutes sortes de raisons,
leur première chance et on pense qu'ils devraient payer le même
niveau de frais de scolarité que les étudiants jeunes.
Mme Blackburn: Vous nous dites que c'est majoritairement
composé de femmes qui n'ont pas nécessairement de diplôme
universitaire, mais ma question, c'était: Est-ce qu'une hausse des frais
de scolarité pourrait avoir des effets sur l'accessibilité aux
études? Je partage votre avis, à savoir que les adultes paient
déjà par leurs impôts. Ils paient déjà par
leur temps de loisir, ce qui n'est pas négligeable. Ils contribuent
également à l'enrichissement, j'allais dire, collectif. Ensuite,
cette clientèle est majoritairement composée de femmes et on sait
que si elles sont sur le marché du travail, elles sont moins bien
payées, et plusieurs sont des femmes au foyer.
M. Simard: C'est une question, évidemment, à
laquelle il est très difficile de répondre.
M. Cloutier: Sur cette question, Mme la députée, je
pense qu'il faut également penser... C'est une question, comme le dit M.
Simard, à laquelle il est difficile de répondre. Je pense qu'il
faut être très franc. Il reste que, souvent, une bonne partie des
personnes adultes sont des gens qui ont des emplois et les employeurs
contribuent de plus en plus à encourager leurs employés à
suivre leurs études. Je crois qu'une partie peut-être
appréciable des gens qui viennent à l'université
pourraient voir leur employeur participer à leurs frais de
scolarité de sorte que cela ne devrait pas avoir un effet trop
grand.
Mme Blackburn: Une question sur une des propositions du rapport
Gobeil à savoir d'augmenter de 50 % la tâche des professeurs. Vous
en avez un peu parlé et je sais que M. Tremblay, en particulier, a dit
qu'il y a là-dessus des rumeurs, des préjugés qui
circulent qui sont plus de l'ordre des préjugés que de la
connaissance, ce avec quoi je vous dirais que je suis assez d'accord
par rapport à certaines recommandations contenues
particulièrement dans un rapport dit de sages. Par ailleurs, il y a
quand même une étude Lacroix, je pense, qui faisait état
d'un niveau de recherche très variable, par département, par
discipline, par faculté, par professeur, évidemment.
M. Cloutier: Excusez-moi. Le rapport auquel vous faites
référence, Mme la députée, je crois que c'est le
rapport Lacroix qui portait sur une évaluation de la recherche à
l'Université de Montréal et de l'enseignement aux 2e et 3e cycles
par rapport aux autres universités québécoises et aux
universités canadiennes. Sur ce rapport, M. Levesque, le vice-recteur
à la recherche et à la planification pourrait peut-être
répondre plus précisément à cette question, quitte
à ce que M. Tremblay puisse enchaîner.
Mme Blackburn: Peut-être en même temps me dire s'il
est pensable ou envisageable ou réaliste d'envisager une augmentation de
50 % de la tâche?
M. Cloutier: On peut peut-être parler du rapport Lacroix,
îe situer dans le contexte, et après cela peut-être que M.
Tremblay pourra répondre à la question plus
générale sur la charge des professeurs.
M. Levesque (René J.-A.): Oui. L'étude faite par le
comité présidé par le professeur Lacroix avait pour but de
situer la recherche à l'Université de Montréal dans
chacune de ses unités par rapport à d'autres unités
canadiennes de même nature, par exemple, physique par rapport à
physique, chimie par rapport à chimie et ainsi de suite dans un certain
nombre d'universités canadiennes que nous appelons les
multi-universités. Nous en avions choisi onze qui semblaient être
celles qui ressemblaient le plus à l'Université de
Montréal. Ce rapport, bien sûr, comme vous le dites, nous situait
assez bien. Il y avait une variance, naturellement, d'un département
à l'autre. Certains départements étaient les premiers.
D'autres étaient au centre. D'autres étaient vers la fin. Ceci
nous permettait de voir un peu comment nos professeurs performaient en
recherche et ceci était basé sur des indicateurs quand même
assez objectifs.
Il est vrai que dans le rapport, il y a eu une distribution parce que le
professeur Lacroix, le comité s'est posé la question à
savoir: Qui fait quoi à l'Université de Montréal? Est-ce
que tous les professeurs sont très actifs en recherche? Est-ce qu'il y
en a qui vont chercher beaucoup plus de subventions et d'autres qui vont en
chercher moins? Le rapport donnait justement... il disait entre autres que 40 %
des professeurs vont chercher 70 % des subventions, ce qui est parfaitement
normal. Ceci ne veut pas dire que les autres professeurs ne faisaient rien. Il
y a une distribution dans l'obtention des subventions des organismes
subventionnaires, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, et cette
distribution est telle qu'un certain nombre vont chercher plus que d'autres, ce
qui est normal. Cela nous donnait une information qui nous était utile,
non seulement sur la quantité de travail faite par les professeurs au
niveau de la recherche, mais aussi sur la façon dont cette
quantité de travail était distribuée dans le corps
professoral.
Ces données ont été mal interprétées
par la Presse, en particulier, parce qu'on a voulu faire dire à ceci que
40 % faisaient 70 % du travail et que les autres ne faisaient rien. Ce qui est
complètement faux-Ce n'était pas du tout l'objectif et ce
n'était pas du tout le résultat de l'étude. Avant que M.
Tremblay prenne la parole, je pourrais dire qu'augmenter la charge du corps
professoral à l'Université de Montréal présentement
aurait pour conséquence inévitable une diminution de la
quantité et de la qualité de la recherche dans notre
institution.
Mme Blackburn: II pourrait me parler en même temps de la
modulation de la tâche. J'allais dire qu'il y a trop de gens qui
là-dessus véhiculent l'impression qu'il n'y a pas de modulation
de la tâche. On connaît assez bien la situation. J'aimerais quand
même vous entendre un peu là-dessus parce que pour augmenter la
moyenne de 50 % à tout le monde, c'est beaucoup ce qu'on invoque, en
disant: II y en a qui pourraient faire de la recherche et avoir quatre cours.
Les autres qui n'en font pas du tout pourraient peut-être en avoir six ou
huit, en gros.
M. Tremblay (Louis-Marie): Le rapport Gobeil parle de monter de
six heures contact en six salles de cours à neuf heures contact. Je
serais tenté de demander qu'on l'applique parce que cela justifierait,
pour nous, un apport interne de ressources considérables. Parce que nos
professeurs ont 14 heures contact par semaine en moyenne en salle de cours. Ils
ont entre 19 et 20 heures par semaine de contacts avec les étudiants
lorsqu'on tient compte du "tutoring" qui est l'encadrement des étudiants
aux études supérieures, l'encadrement des étudiants de
maîtrise et de doctorat.
Pour revenir en arrière, un peu, je dois vous dire que nous
n'avons pas de méthode de comptabilisation dans nos conventions
collectives. Nous avons des conventions collectives qui ont voulu se
définir de façon professionnelle, sans plancher, sans plafond,
d'étudiants par groupe ou autrement, de maximum dans les charges de
travail des
professeurs. Parce que notre université est un monde qui est fort
complexe, les situations varient d'une unité à l'autre selon
leurs caractéristiques. C'est pour cela que nous avons inscrit,
dès notre première convention collective, le principe de la
modulation de la charge de travail. C'est un principe qui est vécu,
c'est un principe qui, aux yeux de la direction de l'université, n'est
peut-être pas vécu aussi bien qu'on le souhaiterait, mais je pense
que, quand des traditions sont en train de changer, elles le font
graduellement. C'est un principe qui s'applique de mieux en mieux.
Quand on regarde nos résultats d'ensemble, nos résultats
globaux et qu'on se compare, c'est ce qui nous amène à vous dire
qu'on est aussi productif, sinon plus productif, que les autres. La moyenne
d'étudiants par groupe au 1er cycle est de 38, point quelque chose,
presque 39, à l'université. Pour les étudiants par groupe
dans des cours de maîtrise ou de doctorat, c'est 11,5. Cela veut dire
qu'il y a des cours où il y a de très grands nombres
d'étudiants dans un programme d'études de doctorat ou de
maîtrise, des séminaires.
Quand on se dit qu'on commence à s'inquiéter pour vrai de
la baisse de notre qualité de l'enseignement, on le mesure dans des
choses comme cela. Parce que notre rapport professeur-étudiants est de
1-19, en tenant compte que nous avons des secteurs cliniques, des secteurs
comme la médecine, la musique ou l'enseignement de l'instrument musical.
C'est un enseignement individualisé. Nous devons donc avoir des profils
qui tiennent compte de l'ensemble de ces situations.
Nous sommes d'accord qu'il y a moyen d'examiner le fonctionnement de
l'institution, de voir s'il y a des possibilités de rationaliser encore
davantage, mais comme disait M. Levesque, nous pensons qu'au niveau de la
productivité dans l'enseignement... Je parle uniquement de la fonction
enseignement. D'ailleurs, le rapport Gobeil ne touche qu'une partie de la
fonction enseignement, à peu près la moitié de la fonction
enseignement quand je regarde les descriptions dans mes conventions
collectives. Il néglige les quatre autres fonctions. C'est courir de
grands risques pour handicaper cette université qui était une
grande université et pour détruire, à brève
échéance, ce qu'on a bâti dans les années soixante
et soixante-dix.
Je désire porter à votre attention ce document qui
s'intitule. "Le rôle du professeur d'université", avis au
ministère de l'Éducation, octobre 1982, Conseil supérieur
de l'éducation du Québec. Je vous rappelle qu'aucun membre de
l'Université de Montréal n'a travaillé à ce
document. C'est un document que nous endossons. Nous pensons qu'il a fait une
réflexion sage sur ce qu'est le professeur d'université, sur ce
qu'on lui demande, sur sa tâche.
Dans le vécu, nous pensons que nos professeurs travaillent
même plus que ce que ce rapport a reconnu comme étant normal et
qu'ils produisent aussi plus qu'on devrait normalement s'attendre.
Mme Blackburn: Le temps passe et j'ai deux grandes questions, et
je vois que cela coule. Je pense que votre réponse à la
recommandation de M. Gobeil illustre que, quand on ne sait pas trop de quoi on
parle, on aurait avantage à se taire. Alors, la question voulait
peut-être vous permettre de nous éclairer davantage et faire taire
un certain nombre de préjugés à l'endroit de cette
question. Permettez-moi deux autres questions: une première qui va
porter sur les sources de financement et une seconde un peu sur la gestion. (11
h 30)
On a beaucoup parlé et on entendra encore beaucoup parler de
rigueur dans la gestion des universités, des activités. Hier, je
crois que cela nous est venu de l'École polytechnique, on nous a
donné les coûts d'administration compilés par
l'École polytechnique. Cela vient de "Statistiques des revenus et
dépenses des universités du Québec" et c'est publié
par le ministère de l'Éducation. C'était pour les
périodes allant de 1979 à 1982. Évidemment, je n'ai pas ce
qui nous permettrait d'avoir une lecture plus juste de la situation
d'aujourd'hui. Je voudrais savoir comment vous vous situez en comparaison aux
autres universités pour les coûts reliés à
l'administration. Il me semble que j'avais autre chose... On peut aller dans
cette direction et après on verra.
M. Cloutier: Mme la députée, on a quelques
données qui ont été compilées par notre personnel.
M. Lussier pourrait vous donner en gros où se situe l'Université
de Montréal sur cette question.
M. Lussier: M. le Président, les analyses que nous avons
ont été faites à partir des statistiques
financières des universités et des collèges, 1984-1985,
Statistique Canada. Ces chiffres sont relativement récents, ils datent
d'une année. À ce moment, on peut faire trois ou quatre
comparaisons. Les coûts d'administration de l'Université de
Montréal par rapport aux multi-universités sont de 7,9 %. Cela
est par rapport à l'ensemble des multi-universités mais qui n'ont
pas toutes des secteurs comme la médecine vétérinaire. La
comparaison du total des multi-universités est de l'ordre de 6,5 %.
Donc, c'est 7,9 % par rapport à 6,5 %, les frais d'administration par
rapport à l'ensemble des budgets. Si l'on compare avec le total du
Québec, toujours à partir des mêmes
statistiques, l'Université de Montréal, c'est 7,9 % et le
total des universités du Québec, c'est 9,2 %. Nous sommes en
deçà de la moyenne du Québec, Si l'on se compare - on aime
beaucoup le faire - avec les universités de l'Ontario, c'est 7,9 % pour
l'Université de Montréal, 7,5 % pour les universités de
l'Ontario. Si l'on prend le total du Canada, l'ensemble des grandes
universités, l'Université de Montréal c'est 7,9 %, les
autres 7,7 %. L'analyse a été faite parce que la question est
posée sur le nombre de personnes et cette analyse porte sur les masses
salariales. Elle ne tient pas compte des autres dépenses diverses mais,
comme on le sait, les dépenses diverses jouent relativement peu. On a
pensé que la question serait posée sur le nombre de personnes et
c'est pour cela qu'on compare dans cette analyse les masses salariales.
Mme Blackburn: Oui, M. le recteur.
M. Cloutier: Je voulais juste faire, si vous permettez, un
commentaire assez bref sur la question de la gestion. Je crois que c'est
important cette question; à tout le moins, je suis très sensible
à cette question parce qu'on l'a reliée peut-être un peu
trop, à mon point de vue, aux déficits de l'Université de
Montréal. Il faut réellement regarder cette question de
près si l'on veut donner une réponse qui, à mon avis, est
équitable. Depuis mon arrivée, je peux vous dire que j'ai fait
une tournée complète de l'université et de toutes les
unités. J'ai pris un an et j'ai mis beaucoup de temps à
connaître l'université. En particulier, j'ai fait la
tournée de tous les services de l'université. D'après mon
expérience professionnelle, qui s'étale sur plusieurs
années et dans plusieurs entreprises, je ne peux pas dire que j'ai
détecté quelque chose qui me dirait qu'à
l'Université de Montréal la gestion n'est pas aussi bonne que
dans toute autre entreprise à laquelle j'ai participé. Ceci
étant dît, je ne dis pas qu'il n'y a pas des améliorations
à apporter mais je peux vous assurer que j'ai décidé
récemment de mettre en marche une opération d'examen et
d'évaluation de l'ensemble des services de l'université, ce qui
devrait se faire dans les années qui viennent sur une base tout à
fait systématique.
Mme Blackburn: M. le recteur, on fait état
particulièrement de certains - je n'y reviendrai pas parce que j'ai une
autre question, mon temps est pour ainsi dire terminé - déficits
importants dans certains services auxiliaires en particulier qui, normalement
ailleurs... Je pense qu'hier les étudiants de Polytechnique nous
parlaient du service alimentaire avec lequel ils faisaient de l'argent et avec
lequel vous semblez en perdre. On pourra peut-être y revenir. Je voudrais
revenir brièvement sur les sources de financement parce que, à la
suite de la réponse que vous faisiez à une question du ministre
sur une hausse des frais de scolarité, vous dites: Si cela vous
apparaît l'une des façons les plus raisonnables de trouver les
nouvelles sources de revenu, je trouve cela un peu imprudent, parce qu'on n'a
aucune garantie que cela va rester dans l'enveloppe budgétaire; c'est
une première chose. Mais au-delà de cela, on invoque souvent le
fait que les étudiants retirent des avantages réels de leur
formation, donc, ils devraient contribuer davantage au coût de cette
formation. Depuis mardi, les organismes qu'on a entendus ont largement fait
état des avantages que retirait l'entreprise par la qualité de la
formation et du personnel que vous leur fournissiez, On doit reconnaître
qu'il y a là des avantages très importants.
Si vous avez écouté la radio ce matin, comme je le fais
pour savoir un peu ce qui se passe quand je n'ai pas trop le temps de lire,
vous avez entendu le rapport que nous présentait le NPD, le Nouveau
Parti Démocratique, à la suite d'une analyse qu'il a faite sur
les différentes entreprises et de l'impôt qu'elles payaient. C'est
de mémoire que je livre les chiffres - j'avais pris quelques notes et je
les ai oubliées - si ma mémoire est fidèle, au Canada -
mais je n'ai pas assez de données pour savoir comment on avait
décomposé par rapport à l'impôt mais c'est quand
même impressionnnant -74 000 entreprises ne patent pas d'impôt. De
ces entreprises, 640 font des revenus qui dépassent largement les
millions. Angus, c'est 54 000 000 $. On citait d'autres entreprises. On
estimait la perte ainsi subie à 14 000 000 000 $.
Pour revenir à des dimensions un peu plus modestes, on sait qu'en
France, par exemple, il y a un impôt d'éducation - ce n'est pas
tout à fait celui auquel je pense -qui est facturé sur les
revenus bruts des entreprises et qui doit être consacré à
la formation de leur personnel, sinon c'est retourné à
l'État, non pas nécessairement à l'État, mais
à des organismes de formation dans le milieu.
Pourrait-on envisager, plutôt que de taxer les jeunes, parce que
cette année, si effectivement on doublait les frais de scolarité,
qu'on ajoute à cela les frais afférents et la diminution des
bourses, ce sera de l'ordre - je ne pense pas me tromper - de 105 000 000 $
à 110 000 000 $ qu'on sera allé chercher dans les poches des
étudiants... Ma question est la suivante, Je sais que vous vous
êtes un peu engagé sur celle des frais de scolarité.
Pourrait-on envisager raisonnablement un impôt éducation dans les
entreprises, qui ne serait pas donné directement à
l'université? Parce que certaines universités seraient
privilégiées au détriment d'autres, il y aurait
également des
départements qui le seraient au détriment d'autres.
Pourrait-on envisager un impôt qui pourrait, par exemple, être
consacré particulièrement à la recherche et au
développement des 2e et 3e cycles?
M. Cloutier: C'est une question relativement nouvelle pour moi.
Je dois vous dire très sincèrement que le rapport dont vous
faites état, celui de ce matin à la radio, je ne l'ai
malheureusement pas entendu, alors je ne peux réellement pas faire de
commentaire. Certainement que je suis intéressé à voir
comment cela se situe. Là encore, je réponds comme j'ai
répondu à la question que le ministre me posait sur les frais de
scolarité. Il faut regarder cette occasion qui est peut-être une
autre façon de rationaliser le financement des universités. L'une
des questions qui nous touchent de très près, cela vient toucher
l'une des recommandations qu'on a faites à la fin de notre
mémoire, c'est celle où on propose que le gouvernement
considère la possibilité de mettre sur pied des incitatifs
à l'entreprise privée ou au public au financement des
universités.
Je pense que ce sont toutes des mesures qui pourraient être
utiles. C'est difficile. Pour moi, le problème vient de la
complexité d'appliquer ces mesures et comment ces mesures viennent en
conflit avec d'autres mesures que le gouvernement veut faire dans d'autres
secteurs. Disons, cela me paraît intéressant, mais je ne pourrais
réellement pas donner une opinion très précise à
savoir si c'est la meilleure façon d'aborder le problème.
Mme Blackburn: Je vous remercie. J'aurais des questions, mais
vraiment, on pourra peut-être continuer à discuter un peu à
l'heure du lunch. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. On parle des incitatifs. Votre
recommandation 7 à la fin de votre mémoire, vous avez
parlé d'une autre espèce d'incitatif pour favoriser la
concertation, la coopération interuniversitaire. Vous avez
suggéré que le gouvernement consente à des incitatifs
financiers pour favoriser de telles initiatives, mais vous ne les avez pas
nommés. Que suggérez-vous à cet égard?
M. Cloutier: Je pense que M. Simard, le vice-recteur, pourrait
très bien répondre à cette question à savoir ce
qu'on fait déjà et ce qu'il serait possible de faire. On parie
sur le plan académique.
M. Simard: II est sûr qu'il y a des avantages certains
à la concertation entre les universités, et c'est la raison pour
laquelle nous avons mis une recommandation très spécifique
indiquant la volonté de l'Université de Montréal de
s'employer à favoriser cette concertation entre les
universités.
Je peux citer différents exemples de l'existence d'une telle
concertation. Je vous cite en gros quelques programmes: le programme de
maîtrise en muséologie qui est conjoint avec l'Université
du Québec à Montréal; le programme de Ph. D. en
communication qui est conjoint avec l'Université du Québec
à Montréal et l'Université Concordia; le problème
de résidence en biochimie médicale qui implique
l'Université McGill, l'Université Laval, l'Université de
Sherbrooke et l'Université de Montréal.
Récemment, nous venons de conclure une entente avec
l'Université du Québec à Montréal sur
l'échange de cours et sur l'échange de professeurs au niveau des
2e et 3e cycles. Il y a un Ph. D. conjoint en virologie avec l'Institut
Armand-Frappier. Il y a un Ph. D. en administration avec l'Université
McGill également. Il y a une maîtrise et un Ph. D. en
théologie avec l'Université du Québec à Chicoutimi.
Je pourrais continuer, il y a d'autres projets en voie de
développement.
Maintenant, cette concertation, si elle est souhaitable et
présente des avantages certains, rencontre des obstacles. Les traditions
et les organisations administratives des universités sont
différentes. Il y a des distances géographiques. Il y a parfois
une barrière linguistique. Les régimes pédagogiques d'une
université à l'autre sont différents.
Ce que l'on voulait dire dans cette recommandation, c'est que la formule
de financement n'a pas encouragé les universités à se
concerter, mais les a placées, très souvent, en position de
concurrence quant à la recherche de clientèles additionnelles
pour corriger un mode de financement, un sous-financement. C'est la raison pour
laquelle on pense qu'on devrait se pencher peut-être un peu plus avant
pour essayer de trouver des incitatifs qui encourageraient cette concertation
dans les cas où elle s'avère moins coûteuse. Ce n'est pas
toujours le cas, parce qu'il y a des voyages impliqués, il y a des
lourdeurs administratives. C'est un peu plus complexe en fonction des obstacles
que j'ai mentionnés.
On pense qu'on devrait étudier ce point de vue un peu mieux.
Nous, on est prêt, pour la région de Montréal, à
s'employer à développer ce climat de concertation. Je pense que
nos collègues de l'Université
McGill, de l'Université Concordia et de l'Université du
Québec à Montréal sont tout à fait d'accord avec
ces exemples de concertation interuniversitaire. (11 h 45)
Mme Dougherty: Est-ce que vous envisagez que le gouvernement
ajoute une prime, ajoute quelque chose à part la formule
d'éliminer la tendance actuelle qui encourage la compétition,
est-ce que vous croyez que le gouvernement doit ajouter quelque chose au
financement d'une université qui s'organise pour faire un programme avec
une autre université? Est-ce qu'on doit ajouter quelque chose, une prime
d'incitation quelconque? J'aimerais que vous précisiez exactement ce que
vous prévoyez à cet égard. Je comprends l'idée, je
comprends le but de cet exercice, mais est-ce que vous avez examiné les
modalités précises qui pourraient encourager cette
concertation?
M. Sirnard: Je peux donner différents exemples. C'est
déjà une pratique qui est en cours dans les évaluations
que font successivement la CREPUQ et le Conseil des universités. Lorsque
plusieurs universités sont en compétition l'une avec l'autre sur
un certain nombre de programmes, le Conseil des universités peut
décider à un moment donné qu'il favorisera une
concertation de deux universités puisqu'elles possèdent des
ressources qui sont complémentaires plutôt qu'une autre qui est
seule et qui veut développer ce programme entièrement à
l'intérieur de ses cadres. Simplement le fait qu'il y ait une
recommandation qui porte sur une concertation interuniversitaire permettrait de
donner une certaine priorité à ce genre de concertation
plutôt que de mettre les universités en situation de concurrence.
Le gouvernement pourrait ajouter en plus un incitatif financier pour permettre
de faire face aux coûts additionnels lorsqu'il y en a - ce n'est pas
toujours îe cas - reliés à cette concertation. Par exemple,
avoir un programme de maîtrise et de doctorat conjoint avec
l'Université du Québec à Chicoutimi entraîne des
coûts additionnels et nous voudrions que ces coûts soient reconnus
à l'occasion. C'est beau de parler de concertation mais, dans les cas
où cela entraîne des coûts additionnels, il faudrait en
tenir compte. Déjà, dans le mode de sélection des
programmes entre eux, je crois que le Conseil des universités, dans ses
recommandations au ministère, favorise à un très bon
degré la concertation interuniversitaire.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Simard.
J'invite maintenant Mme la députée de Chicoutimi à
conclure au nom de sa formation politique.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Au nom de ma
formation politique, cela m'a fait plaisir de vous rencontrer. La
présentation que vous avez faite et les réponses que vous avez
apportées aux questions qui n'étaient pas toujours faciles, j'en
conviens... Mais on n'est pas là non plus pour parler juste des choses
qui n'auraient pas véritablement un sens. Votre contribution aura
été pour les membres de cette commission et de ma formation
politique en particulier fort éclairante sur la situation des
universités et, particulièrement, de la vôtre.
Il y a beaucoup de choses qu'on n'a pas soulignées et je pense en
particulier à ce qui fait souvent l'objet d'un préjugé
qu'on continue à alimenter à l'endroit des universités,
c'est comme s'il n'y avait pas de concertation. Quand on connaît un peu
la situation, on est obligé de reconnaître qu'il peut
peut-être y en avoir davantage, mais qu'il s'en fait beaucoup. Je
trouvais que cela était important d'insister et d'y revenir un peu pour
le rappeler et vous en féliciter.
Comme je le rappelais au début de mon intervention, si cela fait
l'unanimité, on doit continuer à investir en éducation et
en enseignement supérieur, parce que c'est la seule façon
d'assurer notre développement économique et social. Il va falloir
qu'on tire les conséquences de cette constatation et qu'on prenne les
décisions qui favorisent ce développement. Vous savez, on a - et
je ne vous apprendrai rien, sauf que j'ai l'intention de déposer un
petit relevé de la situation de la scolarisation au Québec, ici
à cette commission... Je me permets de vous en citer quelques chiffres.
Il est vrai qu'au premier cycle - on est assez proche de l'Ontario - le taux de
diplomation demeure beaucoup plus bas, particulièrement au premier
cycle, ce qui se reflète sur les 2e et 3e cycles.
Je cite quelques chiffres. Le taux d'accès à
l'université à temps complet des moins de 30 ans était, en
1981-1982, de 23 % chez les anglophones du Québec, comparativement
à 17 % chez les francophones et les allophones. Je voudrais vous dire
qu'on a quand même un avantage ici au Québec. On a un groupe de
francophones qui est très scolarisé, on dit parmi les plus
scolarisés en Amérique du Nord pour un groupe donné, ce
qui constitue un avantage indéniable pour le Québec. Mais il
faudrait hausser la scolarisation chez les francophones.
Si on exclut les étudiants à temps partiel, on obtient un
taux global de 20 % pour les allophones du Québec, 23 % pour les
francophones, 27 % pour les anglophones et 26,9 % pour l'Ontario. Si je
reprends l'Ontario et le Québec, vous constatez qu'il existe un
écart encore important. Je ne peux qu'insister auprès des grandes
universités qui reçoivent beaucoup d'étudiants sur la
nécessité de mettre en place, -si possible, des mesures
qui favorisent l'accès, qui permettent aux universités, aux
départements et aux facultés d'éviter un trop grand nombre
d'abandons. Si l'avenir du Québec repose là-dessus, il est vital
que nos actions aillent dans ce sens-là.
J'aurai le plaisir d'être dans vos murs la semaine prochaine. Si
je me rappelle mon agenda, c'est le 2 octobre. On aura sans doute l'occasion de
se voir à ce moment-là. Avant de terminer, j'ai retrouvé
les données de la radio ce matin au sujet de l'étude
réalisée par le NPD et je voudrais corriger quelque chose parce
que cela restera au Journal des débats. En fait, ce sont 79 000
sociétés qui n'ont pas payé d'impôt, 64 qui ont des
revenus de 25 000 000 $ et plus -on cite Argus et Power - et 14 000 000 000 $
de revenus non imposés, qui échappent à toute forme
d'imposition. Je voulais juste rappeler cela pour ne pas non plus laisser
partir les gens avec des informations qui auraient été
erronnées.
M. le recteur, messieurs, cela m'a fait plaisir. Je vous remercie
infiniment.
Le Président (M- Parent (Sauvé): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, je remercie M. le recteur et
l'équipe qui l'accompagne des explications qui nous ont
été fournies ce matin. Je pense que les explications seront
très utiles pour continuer notre périple. Je me dispense de tout
commentaire additionnel pour l'instant. Je pense qu'il faudra tirer de vraies
conclusions quand ce sera le temps. Nous allons poursuivre l'examen ce matin.
L'Assemblée des doyens attend. Nous allons continuer exactement sur le
même sujet. Je pense qu'un excursus trop long à ce moment-ci
serait hors de propos. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, madame et M. le recteur.
La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux
pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
(Reprise à 12 heures)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. le porte-parole des doyens de l'Université de Montréal,
si vous voulez bien prendre place, ainsi que messieurs et mesdames les
députés, s'il vous plaît!
La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux.
Elle a effectivement repris ses travaux depuis quelques secondes. Nous
accueillons ce matin le deuxième groupe, l'assemblée des doyens
de l'Université de Montréal.
Je vous rappelle que nous continuons à siéger dans le
cadre d'une consultation générale sur les orientations et le
cadre de financement du réseau universitaire québécois
pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.
Nous accueillons le porte-parole de l'assemblée des doyens de
l'Université de Montréal, M. Jacques Boucher, doyen de la
Faculté des études supérieures. M. Boucher, nous vous
souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir bien voulu répondre
à l'invitation de cette commission de venir nous aider à trouver
des solutions en ce qui concerne les orientations et le financement du
réseau universitaire québécois.
M. Boucher, la commission a une heure à consacrer à
l'assemblée des doyens. On m'informe qu'il y a eu une entente ou que
vous avez été avisé par notre secrétaire que votre
présentation durerait environ 15 minutes et qu'une période
d'échanges de 45 minutes aurait lieu entre les membres de la commission
et votre organisme. Nous ne devons pas nécessairement, mais il serait
souhaitable que nous terminions à 13 heures si on veut reprendre nos
travaux et respecter notre calendrier de travail.
Le temps sera réparti également entre les deux formations
politiques. Â 12 h 50, j'inviterai la porte-parole de l'Opposition en
matière d'éducation à conclure, ensuite le ministre, et
nous devrions tous quitter pour 13 heures.
M. Boucher, je vous invite à nous présenter les gens qui
vous accompagnent et à enchaîner ensuite avec votre
présentation.
Comité des doyens de l'Université de
Montréal
M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord dire un mot sur ce comité des doyens. Il s'agit d'un
comité informel qui se réunit une fois par mois. Compte tenu de
la gravité de la situation et du problème, nous avons
pensé ajouter nos mémoires les uns aux autres pour en faire un
tout. Ces mémoires ont été effectivement
préparés indépendamment de celui de la direction. Nous
endossons entièrement celui de la direction et, vous allez vous en
rendre compte, il conclut, finalement, à peu près au même
bilan, sauf que, dans notre cas, évidemment, nous prenons, chacun des
doyens dans son secteur, une vue un peu plus pointue de la situation.
Mes collègues, je vous les présente non pas
nécessairement dans l'ordre, parce qu'il n'y a pas d'ordre, sauf l'ordre
alphabétique. Ma collègue à ma gauche est la doyenne
de
la Faculté des sciences infirmières, Mme Marie-France
Thîbodeau; à l'extrême gauche, aucun rapport, M. Rivest, le
doyen de la Faculté des arts et des sciences; le doyen Gauthier, de la
Faculté de médecine; M, Léonard, le doyen de la
Faculté d'éducation permanente.
Les autres collègues sont derrière: le doyen Marsan, de la
Faculté d'aménagement; le doyen François Chevrette, de la
Faculté de droit; le doyen Vaillancourt, de la Faculté de
médecine dentaire; le doyen Roy, de la Faculté de médecine
vétérinaire; le doyen Pierre Rolland, de la Faculté de
musique; le doyen Jacques Gagné, de la Faculté de pharmacie; le
doyen Trahan, de la Faculté des sciences de l'éducation; de la
Faculté de théologie, le doyen Charron.
À cela, s'ajoutent deux écoles ou départements qui
ont un statut intermédiaire entre un département ordinaire et une
faculté. Il s'agit de l'École d'optométrie qui est
dirigée par M. Forthomme, qui est ici, et du Département
d'éducation physique, avec M. François Péronnet. Au
surplus, vous avez pu constater que le dernier mémoire regroupe les
douze départements, six départements de la Faculté des
arts et sciences et six départements de la Faculté de
médecine, dont le point commun, le point de rattachement est
d'être des disciplines de laboratoire et qui ont des problèmes
très particuliers d'équipement. Ils sont
représentés par Mme Mireille Mathieu, qui est directrice du
Département de psychologie.
Au début des années soixante, le Québec, et
particulièrement le Québec francophone, s'est donné un
certain nombre de priorités économiques, politiques et
culturelles. L'accessibilité du plus grand nombre possible de
Québécois et de Québécoises è l'enseignement
universitaire fut désignée comme un outil
privilégié pour sortir le Québec de son état de
sous-développement. Or, après 25 ans de cheminement et de
progrès, alors que la politique de financement du gouvernement continue
à insister et à mettre l'accent plus que jamais sur
l'accroissement des clientèles, je pense qu'il est important, à
la suite des remarques qui ont été faites d'ailleurs tout
à l'heure, de faire le point sur le sens qu'il faut donner au mot
accessibilité.
En ce qui touche l'accessibilité quantitative, le nombre
d'étudiants qui entrent dans le système et qui sont dans les
universités, le Québec a fait des progrès
considérables. L'Université de Montréal a joué et
continue à jouer a cet égard un rôle de premier plan. Nous
avions 7000 étudiants environ en 1960. Nous en avons plus de 45 000 ou
50 000 - tout dépend de la façon de calculer - en 1985. Dans le
même sens, la Faculté des études supérieures, qui
est ma faculté - vous permettez, je ne me suis pas
présenté - qui regroupe, qui chapeaute toutes les
activités de maîtrise et de doctorat, donc, 2e et 3e cycles dans
notre université, y compris également Polytechnique et HEC, notre
Faculté des études supérieures, dis-je, est la plus
importante école de gradués au Canada, légèrement
en avance sur Toronto avec 8301 étudiants, d'après le tableau
qu'on vous a soumis.
Quand, en 1986, on parle de la capacité des universités de
répondre aux besoins économiques, sociaux et culturels du
Québec de demain, on doit aussi et surtout parler d'accessibilité
non pas seulement quantitative, mais d'accessibilité aux techniques de
pointe, à la recherche fondamentale et appliquée, aux
études multidisciplinaires, aux diplômes de maîtrise et de
doctorat où le Québec, on le sait, accuse encore un certain
retard sinon un retard, certain. Or, dans ces domaines, comme l'a d'ailleurs
reconnu récemment le Conseil des universités, l'Université
de Montréal joue le rôle de loin le plus important parmi les
universités francophones au Québec et au Canada.
Je me permettrai de citer ces quelques lignes de l'avis du Conseil des
universités au ministre sur l'état et les besoins de la recherche
universitaire et de la formation de chercheurs au Québec, à la
lumière de la performance des universités dans les programmes
fédéraux, le 21 juin 1984. Â la page 46, commentant,
justement, les tableaux comparatifs de performance en face des organismes
fédéraux en matière de recherche où on aligne 26
universités canadiennes, on constate que le rang occupé par les
universités québécoises dans chacun des huit secteurs sur
26 universités, comparativement à l'ensemble du Canada, est un
peu plus... On voit bien l'importance de la production de McGill - ce qu'on
sait - mais combien aussi l'apport des universités francophones serait
modeste si ce n'était de la contribution fournie par l'Université
de Montréal!
On cite, à ce moment, le nombre de doctorats que nous produisons,
qui est quand même te plus révélateur, je pense, de ce que
les universités peuvent faire de mieux dans la mesure où cela
reflète la recherche et notre engagement aux études
supérieures. On dit bien que, parmi les universités canadiennes -
ce sont des données moyennes de 1978 à 1982 - l'Université
de Montréal arrive la cinquième au Canada, à cet
égard. Nous avions, à cette époque, en moyenne, 117
doctorats par année pendant cinq ans, de 1978 à 1982.
Or, dans le mémoire de la FES, particulièrement, on met
ces données à jour et, depuis ce temps - ce ne sont que des
données quantitatives, j'en conviens l'Université de
Montréal décerne à peu près autant de doctorats que
l'Université McGill, soit entre 140 et 150 par année.
Nous sommes allés plus loin et nous pouvons dire également
que, après Toronto, en ce qui touche la production de maîtrises et
de doctorats, l'Université de Montréal est la deuxième au
Canada. Elle est la première au Québec en termes de production
brute quantitative - ne parlons pas de qualité - en termes de
maîtrises et de doctorats avant l'Université McGiil,
Nous sommes ailés plus loin que simplement les chiffres bruts et
quantitatifs, le nombre de personnes diplômées, ce qui est
déjà pas si mal. On peut dire qu'après vingt-cinq ans
d'efforts de la part des professeurs et des chercheurs de l'Université
de Montréal notre université se situe dans le peloton de
tête des multi-universités canadiennes. Et à ce
moment-là, je ne parle pas seulement en termes quantitatifs, mais je
parle également en termes qualitatifs.
L'Université de Montréal est devenue la première
université francophone au Québec en termes de recherches et
d'études de maîtrise et de doctorat. L'Université de
Montréal se situait en 1982-1983, d'après le rapport auquel on a
fait allusion tout à l'heure... Je me permets d'ouvrir une toute petite
parenthèse: ce rapport mesurait l'implication des professeurs de
l'Université de Montréal par rapport aux 2e et 3e cycles et par
rapport à la recherche. Cela représente à peu près
7000 à 8000 étudiants à l'Université de
Montréal. Il y en a 40 000 derrière qui sont au 1er cycle et les
autres 60 % de professeurs "qui ne font rien", entre guillemets, s'occupent de
nos 40 000 étudiants. Je me permets de fermer la parenthèse, cela
va de soi.
Le bilan de 1982-1983 nous situait parmi les cinq plus importantes, avec
McGill, McMaster, Toronto et l'Université de Colombie britannique, en
termes de subventions de recherche auprès des organismes
subventionnaires fédéraux. La question que je veux poser, c'est:
Qu'est devenue l'Université de Montréal après six ans de
coupures? Et là, ce sont les témoignages des doyens qui sont ici
et dont je voudrais rendre compte le plus rapidement possible.
Or, c'est unanime, M. le Président, c'est un cri d'alarme que
vous lancent les doyens des treize facultés de l'Université de
Montréal. À moins que la situation financière ne soit
corrigée et rapidement, les acquis dont nous sommes
particulièrement fiers, pour nous-mêmes et pour le Québec,
sont gravement compromis. Le bilan des doyens est unanime: À des
degrés divers selon les facultés, nous sommes rendus à la
limite de ce qu'un système comme le nôtre peut absorber et, dans
plusieurs secteurs, la limite a été dépassée, les
effets des coupures sur la qualité sont malheureusement
déjà visibles.
Rapidement, pour rendre compte de ces quatorze mémoires, je vais
prendre quelques grands thèmes: le corps professoral, la charge
professorale, les conditions de travail, les bibliothèques,
l'équipement et puis le développement. Quelques mots,
évidemment, seulement, puisque j'ai quinze minutes en tout et pour
tout.
Ce sont les professeurs et les chercheurs qui ont fait l'institution et
qui l'ont portée là où elle est, et quand même assez
loin. Or, le bilan des doyens est unanime à cet égard: les
coupures de postes sont importantes; on les retrouve dans tous les secteurs,
dans toutes les facultés, dans tous les départements et les
conséquences sont très significatives.
On l'a dit dans le vidéo tout à l'heure: 104 postes
réguliers de professeurs, 7,6 % du corps professoral, ont
été supprimés. Â des degrés divers, toutes
les facultés ont été frappées. Quelques exemples,
à même les rapports des doyens: 7,5 postes et demi de moins en
droit sur une cinquantaine de professeurs, 8 postes en aménagement sur
une soixantaine de professeurs, 15 postes en médecine dentaire, 7,5
postes en musique, 12 à la Faculté des sciences de
l'éducation, et j'en passe pour ne pas alourdir le bilan.
Ce qui est encore plus grave que la perte nette de 104 postes, c'est
l'arrêt à peu près complet de tout recrutement de jeunes
collègues depuis environ cinq ans. Il suffit de prendre l'annuaire de
l'Université de Montréal pour se rendre compte qu'on est en face,
quand on a le corps professoral de chacune des facultés et
départements, d'une pyramide complètement inversée:
mathématiques: 1 professeur adjoint - le professeur adjoint, c'est celui
qui rentre dans la carrière pendant cinq ans avant d'être
agrégé - service social: 3; éducation physique: 3
professeurs adjoints; orthophonie-audtologie: 1; histoire: 1; études
médiévales: aucun. Je pourrais allonger la liste
indéfiniment.
Évidemment, c'est à ce moment-là l'âge moyen
qui augmente. Il est passé de 43 ans, en 1980, à 47 ans en 1986,
donc à peu près une année par année, ce qui veut
dire, évidemment, que le corps professoral ne se renouvelle plus. (12 h
15)
Et cela nous amène au problème crucial du vieillissement
du corps professoral. La plupart des doyens le déplorent et s'en
inquiètent. Dans quelques secteurs, les effets sont déjà
apparents et le mémoire du doyen de la Faculté de médecine
en fait largement état. La compétitivité de nos
collègues commence à diminuer dans certains secteurs, ceux
précisément qui avaient de l'avance, mais qui ont vieilli,
forcément, un peu plus vite que les autres. Dans la plupart des cas,
c'est pour demain qu'on s'inquiète.
Dans les domaines les plus concurrentiels, ceux qui sont les plus
proches du secteur privé, les salaires rendent le
recrutement de plus en plus difficile. C'est le cas en droit, c'est le
cas en informatique, c'est le cas en médecine dentaire et c'est le cas
en aménagement. En pharmacie, la différence de salaire atteint 40
%, c'est une différence négative par rapport à
l'entreprise privée. Plusieurs postes sont vacants et ne sont pas
remplis précisément parce que les salaires ne sont plus
concurrentiels. L'écart s'élargit dans la mesure où le
secteur privé s'agite, où nos salaires stagnent et où nos
conditions de travail également, loin de s'améliorer dans
certains cas, se dégradent de façon importante.
Qu'en est-il de la charge professorale? Là aussi, tous les doyens
sont unanimes et ils notent des augmentations plus ou moins importantes de
clientèles étudiantes et toujours avec des ressources
diminuées. Vous avez vu la courbe tout à l'heure qui nous a
été offerte, la courbe ascendante des clientèles et la
courbe descendante des ressources qui nous sont attribuées. La
Faculté de droit a le pire ratio professeur-étudiants parmi les
facultés de droit au Canada. À la Faculté des sciences
infirmières, son 1er cycle est passé de 262 étudiants
à 519, une augmentation de près de 100 %. En théologie,
les crédits-étudiant -on vous l'a expliqué tout à
l'heure - ont augmenté de 48 %. En pharmacie, on a la plus lourde charge
au Canada. En la comparant à l'Université Laval, elle est
augmentée de 81 %, par rapport à Toronto de 11 %, de l'UBC
(Colombie britannique) de 95 %. Un exemple qui est peut-être
extrême, l'optométrie. Nous avons la seule faculté ou
département d'optométrie francophone au Canada.
L'Université de Waterloo qui est l'autre interlocuteur a 235
étudiants, nous en avons 180, une cinquantaine de moins. Ils ont 25
à 28 professeurs, nous en avons 7. À la Faculté des
études supérieures - je l'ai dit tout à l'heure - nous
avons à peu près autant d'étudiants que
l'Université de Toronto. Ils ont 1000 professeurs de plus que nous. Les
chiffres que je compile ici, 4,5 étudiants aux études
supérieures - j'entends par études supérieures
maîtrise et doctorat - par professeur, à Toronto 2,8 et à
McGill, 3,2. Notre charge est presque deux fois supérieure à
celle de l'Université McGill. Le ministre a posé des questions
tout à l'heure sur le taux de diplomation. Je ne veux pas m'attarder sur
cette question. Je pourrai y répondre dans la période des
questions.
L'effet de ces surcharges sur le corps professoral est, comme en
témoignent plusieurs doyens, la diminution du temps disponible pour la
recherche. Plusieurs professeurs maintenant enseignent neuf heures et douze
heures par semaine, comme le voudrait un certain rapport. Le résultat,
c'est que ces professeurs cessent, à toutes fins utiles, de faire de la
recherche. Le temps disponible pour la recherche et les publications diminue
avec l'augmentation de la charge. L'alourdissement du 1er cycle par rapport aux
études supérieures se fait de plus en plus inquiétant. La
dégradation du milieu de travail, l'essoufflement et parfois certains
départs sont le prix qu'il faut payer. Deux mots, M. le
Président, sur nos bibliothèques. Nos budgets d'acquisition
depuis 1980 jusqu'à 1987 ont augmenté de 20 %. Cela fait une
moyenne de 3 % par année. C'est bien en deçà,
évidemment, de l'augmentation du coût de la vie moyenne depuis
1980 jusqu'à 1987. Or, pour des raisons qu'il serait trop long
d'expliquer, le coût de la littérature scientifique augmente
d'environ 10 % par année. Ajoutons à cela -rappelez-vous depuis
1980 - la diminution dramatique du dollar québécois. Je
m'excuse.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ne partez pas de
polémique!
M. Boucher: Parlons de l'autre... la diminution dramatique du
dollar canadien par rapport aux devises américaines et
européennes et on se rendra compte que, pour nos budgets de
bibliothèques, qui sont encore importants et qui se chiffrent
déjà aux alentours de 2 500 000 $ ce n'est pas rien. Nous
continuons à investir encore lourdement dans les bibliothèques.
Le résultat est que nos bibliothèques ne sont pas ce qu'elles
devraient être et, dans certains cas, les retards sont importants
à ce égard.
L'équipement. C'est peut-être là qu'on se rend
compte le plus rapidement de l'effet des coupures. Or, l'équipement est
essentiel pour la formation des étudiants. Il est également
essentiel pour les subventions de recherche. Un professeur qui n'a pas un bon
équipement est moins concurrentiel pour ces subventions, et,
évidemment, le résultat est ce qu'il doit être. Toutes les
facultés ou à peu près sont touchées:
médecine, FA5, médecine vétérinaire,
médecine dentaire, pharmacie et musique.
L'équipement informatique. Même les sciences humaines et
sociales sont touchées. C'est fini le temps où, pour être
philosophe ou sociologue, il suffisait d'un crayon et d'une rame de papier.
Nous avons tous besoin de cet équipement informatique. Je n'ose pas, M.
le Président, vous dire quel est l'état de
sous-développement de notre équipement informatique à cet
égard.
Plus grave - j'achève, encore quelques minutes - est le
développement à l'Université de Montréal. On nous a
reproché de faire du développement et il n'y en a presque plus.
Or, une entreprise comme la nôtre, si je peux m'exprimer ainsi, qui est
une entreprise de haute technologie, qui ne fait plus de développement
est condamnée très rapidement à la stagnation.
Pour conclure, en somme, M. le
Président, l'Université de Montréal a conscience
qu'elle a fait du très bon travail et qu'elle a livré la
marchandise avec les ressources humaines et physiques dont elle disposait. Elle
Ta fait à sa façon qui n'a pas toujours plu. On l'a
traitée dans certains milieux d'élististe alors que
c'était assez peu à la mode et assez mal porté.
L'Université de Montréal a tenu son bout parce qu'elle croyait
qu'en parlant de l'université il fallait surtout parler d'excellence et
que son choix était rentable à la longue.
Malgré six années de coupures et de sacrifices,
l'Université de Montréal se retrouve quand même avec un
déficit de 30 000 000 $, 26 700 000 $, si je me souviens bien. Si les
règles ne sont pas changées de toute urgence, ce déficit
ne peut qu'augmenter. Le déficit est structurel, il dépend de la
nature même de l'Université de Montréal et il dépend
de la formule actuelle de financement qui n'en tient absolument pas compte.
Dans l'ensemble, nous avons tenté de nous maintenir tout en
respectant les règles du jeu qu'on nous imposait. Il est évident
que cela ne peut plus durer. Non seulement nous ne pouvons pas nous
développer, et cela est essentiel pour l'université, mais si les
formules de financement restent ce qu'elles sont, si on ne fait rien pour ce
déficit de 30 000 000 $ qui nous pend encore au bout du nez après
cinq ou six années de coupures et à cause duquel nous ne voyons
pas le bout du tunnel, il nous faudra assister, malheureusement, à la
dégradation de ce que nous avons réussi à faire et dont,
je le répète, nous sommes très fiers.
M. le Président, je vous demanderais de diriger vos questions
à mes différents collègues. Il y a une chaise libre
ici.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Boucher.
Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: M. le Président. Je voudrais, tout d'abord,
souhaiter la bienvenue à M. Boucher et à la famille des doyens
qui l'accompagne. Nous avons beaucoup apprécié le geste que vous
avez fait en vous joignant aux autorités et aux autres corps de
l'Université de Montréal pour cette journée que la
commission parlementaire consacre à votre établissement.
Votre présence était tout à fait indiquée.
Vous nous avez communiqué avant la séance d'aujourd'hui une
documentation abondante sur les principales facultés et écoles de
l'université, qui nous a permis de constater de manière plus
directe, plus concrète, les conséquences des politiques de
sous-financement des dernières années. C'est très utile
pour l'examen que fait la commission.
Je voudrais faire deux petites remarques avant de continuer à
discuter sérieusement. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue
à votre collègue de droite, M. Jacques Léonard, avec qui
j'ai eu le plaisir naguère de siéger dans cette même salle,
alors qu'il occupait la chaise que j'occupe aujourd'hui. Moi, j'étais de
l'autre côté. Nous avions eu des séances extrêmement
intéressantes avec les autorités municipales de l'île de
Montréal à l'époque. J'ai conservé un très
bon souvenir de la conduite de M. Léonard comme ministre, je pense qu'il
avait donné un exemple impeccable de dignité et en même
temps de franchise. Je remarque, M. le Président, qu'il n'a pas pu avoir
d'influence sur son gouvernement quand il était à Québec,
mais il a une influence assez considérable apparemment à
l'Université de Montréal, cela se trahit même dans votre
langage. Nous le savions subtil.
Il y a une autre remarque que j'ai un peu moins moi prisée dans
celles que vous avez faites. Vous avez dit qu'aujourd'hui on ne peut même
pas être philosophe sans avoir un ordinateur. Je pensais qu'on pouvait
être encore un homme politique sans abuser de l'ordinateur. Une de mes
missions dans le gouvernement, comme élément plus conservateur,
comme vous le savez, c'est de lutter contre l'utilisation abusive de tous ces
instruments qu'on nous multiplie à des coûts faramineux. Je vais,
justement, donner une conférence de presse tantôt sur une partie
de l'héritage que nous avons reçu en matière
d'équipement pour l'administration du système d'aide
financière. Je ne voudrais pas qu'on pense que vous me visiez quand vous
avez dit cela. J'espère qu'à l'Université de
Montréal il y a encore plus de place pour la recherche et la
réflexion que pour les machines. J'en suis sûr, d'ailleurs.
Pour revenir au fond des choses, je pense qu'il n'y a pas lieu de
s'apitoyer interminablement sur des choses que nous avons dites à
maintes reprises jusqu'à maintenant, que nous avons vues dans votre
mémoire. Les mémoires qui le sous-tendent nous apportent des
précisions extrêmement utiles.
On ne peut pas, ce matin, faire un examen de chaque secteur. Je pense
qu'il y a un facteur qu'il faut mentionner. Les ressources attribuées
à la Faculté de droit ou à la Faculté des sciences
de l'aménagement ou à la Faculté de médecine, cela
dépend de décisions qui sont prises à l'intérieur
de l'université. Un budget général est accordé
à l'université par la voie des subventions de fonctionnement et,
ensuite, l'attribution des ressources est arrêtée par les
autorités de l'université.
Ce serait la première question que je voudrais vous adresser.
Quel genre de négociation se fait entre les différents
secteurs de l'université en vue de l'attribution des ressources
et est-ce que chaque faculté ou département a l'impression de
donner toute sa contribution à ce moment?
M. Boucher: Je dirais que chaque faculté ou chaque
département a l'impression de ne pas en avoir suffisamment. C'est le
bilan de chacun des mémoires. Je ne peux pas répondre pour les
autres doyens, je pense qu'il y a plusieurs paramètres. Il y a des
formules historiques chez nous aussi. Il y a des augmentations de
clientèles qui entrent en jeu. Il y a l'implication dans la recherche et
il y a également, ce n'est pas négligeable, le fait que certaines
facultés ou certains départements sont aux prises avec des
normes, des exigences d'accréditation nord-américaines. C'est une
pression supplémentaire sur l'administration de l'université.
Quant au reste, je demanderais à mes collègues,
peut-être au doyen de la Faculté des arts et des sciences, M.
Rivest, de nous dire un mot là-dessus.
M. Rivest (Roland): M. le Président, l'allocation des
ressources par l'université se fait après un long processus de
concertation, dans ma faculté, entre les départements et la
direction de la faculté, d'une part, et, d'autre part, entre le doyen de
la faculté et la direction de l'université. De sorte que les
facultés n'obtiennent peut-être pas tout ce qu'elles demandent,
mais elles ont l'occasion d'exprimer tous leurs besoins. L'université,
compte tenu de toutes ses obligations, fait son possible pour satisfaire, dans
la mesure de ses moyens, aux demandes qui lui sont adressées.
M. Ryan: Un sujet qui a soulevé beaucoup
d'intérêt chez les membres de la commission depuis le début
des audiences, c'est celui de la charge d'enseignement des professeurs.
Étant donné que vous avez une responsabilité directe
à cet égard, j'aimerais vous adresser une question. Je crois que
c'est dans le mémoire de la Faculté des sciences de
l'éducation qu'on indique que les professeurs qui font partie de cette
faculté donnent en moyenne 3,5 cours par année. Je ne sais pas si
cette moyenne peut être considérée comme
représentative. Est-ce que vous avez des données? II y a toutes
sortes de données dans les mémoires, mais, sur ce point
précis, est-ce que vous avez des données assez
détaillées qui pourraient nous éclairer davantage? (12 h
30)
M. Boucher: Avant de passer la parole au doyen de la
Faculté des sciences de l'éducation, je pense qu'il y a une mise
au point qui s'impose. Ce qui est comptabilisé traditionnellement
à l'université, non pas dans la convention collective, c'est le
nombre de cours qui sont effectivement donnés. Mais je serais
porté à dire que bon an mal an, dans l'ensemble de
l'université, on parle de quatre cours de trois crédits par
professeur; c'est la charge moyenne. Il y en a qui en donnent cinq, il y en a
qui en donnent six et, exceptionnellement, peut-être certains, moins,
mais c'est extrêmement rare. Sauf que cela n'est qu'une toute petite
partie de la charge d'un professeur. On a parlé de nos 8300
étudiants aux études supérieures. Chacun de ces
étudiants requiert des dizaines, sinon des centaines d'heures
d'encadrement par année, au laboratoire, en bibliothèque, dans
des séminaires, des rencontres particulières et cela n'est pas
comptabilisé. Les publications, la recherche, l'administration, etc. ne
sont pas comptabilisées.
Pour ce qui est des cours, je laisse la parole au doyen qui est mis en
cause par votre question, M. le ministre, M. Michel Trahan.
M. Trahan (Michel): Je ne sais pas à quel endroit vous
avez trouvé cela dans le mémoire de la faculté, mais la
moyenne à la faculté est d'à peu près quatre cours
par professeur, c'est-à-dire douze crédits de cours par
professeur. À cela, il faut ajouter une charge d'encadrement très
importante aux études supérieures, c'est-à-dire que les
étudiants de la MA et du Ph. D. de la Faculté des sciences de
l'éducation constituent un groupe moyen de sept ou huit étudiants
par professeur à diriger dans leurs travaux de recherche. Il y a des
professeurs qui dirigent plus d'étudiants, d'autres moins, mais la
moyenne est de sept ou huit étudiants qui font soit un mémoire de
maîtrise ou une thèse de doctorat. Alors, c'est une charge
d'encadrement très lourde.
M. Ryan: Juste pour mémoire, j'ai pris le chiffre que je
vous mentionnais à la page 2 de votre mémoire; il y a un tableau
intitulé "Évolution du personnel enseignant et de la charge" et,
pour l'année 1985-1986, on lit qu'il y avait 83 professeurs en fonction
qui ont donné en tout 291 cours. La moyenne donne 3,5 cours.
M. Trahan: Cela inclut les détachements pour des
responsabilités administratives, c'est-à-dire la direction
d'unité, la participation à la direction de la faculté,
ainsi de suite.
M. Ryan: Oui. Je ne sais pas s'il y en a qui ont des choses
à ajouter là-dessus parmi les doyens qui vous accompagnent, M.
Boucher. Je ne veux pas faire le tour, mais s'il y avait des points... Nous
savons, je vous préviens, qu'il y a d'autres travaux qui doivent
être accomplis par les professeurs. Nous le savons. Nous allons faire une
étude
plus précise, d'ailleurs, pour connaître ces
réalités de façon plus exacte. Mais, s'il y avait des
éléments qu'on voulait porter a notre attention, je
l'apprécierais vivement.
M. Boucher: Est-ce que je peux demander au doyen de la
Faculté de médecine vétérinaire de dire quelques
mots sur cette question?
M. Roy (Raymond): M. le ministre, étant donné la
charge particulière de nos professeurs, évidemment en plus des
cours magistraux et des travaux pratiques, nos professeurs ont à
maintenir un hôpital d'enseignement. Au Québec, il y a un seul
hôpital d'enseignement vétérinaire. Par conséquent,
notre corps professoral est responsable de faire en sorte que les animaux
présents soient en mesure d'être utilisés pour
l'enseignement pratique. Cela constitue pour nos professeurs une charge
nettement supplémentaire, une charge qui, à l'heure actuelle, est
très mal définie dans la convention collective et qui, en termes
d'heures, représente un immense travail de leur part. Ils doivent
être présents non seulement à la prestation des cours, mais
sur le plancher des cliniques et être disponibles auprès des
étudiants, à la fois des internes de quatrième
année et de tous les étudiants qui sont dans des cycles
supérieurs. Par conséquent, lorsqu'on regarde la charge des
professeurs et qu'on n'évalue pas également toutes les autres
implications de cette charge, notamment tout ce qui concerne le maintien des
services cliniques, on peut facilement être biaisé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci
Mme Thibodeau (Marie-France): M. le ministre, c'est une situation
semblable chez nous. On assume la supervision de la formation clinique dans
à peu près quatorze ou quinze centres hospitaliers de la
région de Montréal et dans à peu près tous les CLSC
-les centres locaux de services communautaires - de la région de
Montréal. Alors, les professeurs doivent y passer une certaine
période de temps calculée sur une base différente des
cours en salle de cours. La base de calcul est de 30 à 45 heures par
crédit. De sorte que si un professeur a quatre crédits de
supervision clinique, il faut considérer la quantité d'heures
qu'il a mises dans cette situation, après les travaux qu'il doit
corriger.
M. Ryan: Une autre question. On mentionnait dans un de vos
mémoires ou dans celui de l'université - je pense que nous sommes
d'accord avec les chiffres - que !e nombre des inscriptions en études de
2e et 3e cycles est plus élevé à l'Université de
Montréal que dans toute autre université canadienne, selon les
données de 1985, légèrement plus élevé
qu'à l'Université de Toronto, ces deux universités
étant dans une classe a part de ce point de vue là. Mais quand on
examine le taux de diplomation, le nombre des diplômes
décernés en 1984, on constate qu'à l'Université de
Toronto il y en a presque deux fois plus qu'à l'Université de
Montréal aux 2e et 3e cycles. Je voudrais vous demander s'il y a une
explication à cela.
J'ajoute une sous-question. On entend souvent dire que cela prend plus
de temps au niveau de la maîtrise dans les universités
francophones et que ce serait peut-être une source du fait qu'on... Je ne
sais pas si vous avez des explications à donner sur ce chiffre que j'ai
tiré de la documentation soumise à notre examen.
M. Boucher: M. le Président, ce chiffre a
été mis là de façon intentionnelle. Il est
évident qu'une université comme la nôtre, tout en ayant une
bonne longueur d'avance et en se situant dans le peloton de tête au
Québec - dans ce sens-là, on n'a pas à rougir de notre
position - par rapport à une université comme Toronto, a,
évidemment, un retard considérable à rattraper.
Comment peut-on analyser ce retard considérable? Il faut dire que
l'Université de Toronto, dans beaucoup de secteurs, a 50 ou 60 ans
d'avance sur nous. En 1960, l'Université de Montréal, en termes
de recherche et d'études supérieures, était très
très peu développée. À cette époque,
l'université pour les études supérieures, de
maîtrise et de doctorat, c'était l'Université McGill et non
pas l'Université de Montréal. Évidemment, quand on a 50
ans d'avance, quand on a quatre fois, si je me souviens bien, les subventions
de recherche qu'a l'Université de Montréal, quand on a 1000
professeurs de plus, le résultat en est qu'on se retrouve ici avec un
taux de diplomation plus faible. C'est un problème chronique au
Québec, on le sait.
Par ailleurs, le problème sur lequel vous mettez le doigt est
réel. Là aussi, c'est une question de croissance. Il faut bien se
rendre compte que, jusqu'à tout récemment, les études
terminales au Québec étaient, dans un premier temps, les
études de 1er cycle. Ensuite, on s'est mis à développer
des études de maîtrise. Et encore dans les mentalités la
maîtrise est, je ne dirais pas le diplôme terminal, mais il y a -
une tendance à surgonfler les études de maîtrise, c'est
évident. Comme doyen des études supérieures, je m'efforce
de faire diminuer cet écart et de faire passer, par exemple, les
étudiants qui sont de bons étudiants -comme dans le
système américain - directement de la maîtrise au doctorat,
sans faire d'abord une maîtrise de plusieurs centaines de pages et
ensuite encore cinq ans pour le
doctorat. Le problème sur lequel vous mettez le doigt, vous avez
tout à fait raison, est un des problèmes principaux.
Juste un tout petit élément: en Amérique du Nord,
les étudiants de maîtrise et surtout de doctorat,
s'achètent. Cela veut dire qu'il y a un marché. Cela veut dire
que le bon étudiant se présente, est sollicité par
Stanford, par Harvard, par Toronto, par McGill et par Montréal. Or, ces
doyens d'études graduées disposent de plusieurs millions de
dollars pour garantir à un étudiant 7000 $, 8000 $, 12 000 $ et
15 000 $. Il y a de la surenchère entre les universités et
l'Université de Montréal, de ce côté-là,
n'est tout simplement pas dans la course. Si nos étudiants viennent chez
nous, c'est parce qu'ils tiennent è ce milieu, qu'ils tiennent à
leurs professeurs qui ont des subventions de recherche. Mais le doyen de la
Faculté des études supérieures, en face de ces
supergéants que sont ces universités, ne peut pas les
concurrencer. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les études
traînent plus longtemps et qu'il y a un taux d'abandon. L'étudiant
ne vît pas de l'air du temps. Il a 25 ou 30 ans. L'étudiant aux
études supérieures - maîtrise et doctorat -est un adulte
qui a des responsabilités de famille. Les études durent
longtemps, quatre ans, cinq ans, six ans et, par conséquent, si
l'université ne peut pas mettre un minimum de revenu garanti, ce qui est
notre cas, évidemment les études traînent. Le taux de
diplomation, je me répète, est plus long.
M. Ryan: Je veux souligner un seul point, en terminant.
Malheureusement, mon temps est pratiquement épuisé. Vous avez,
dans les mémoires qui composaient votre présentation, de
nombreuses comparaisons avec des écoles ou facultés
correspondantes dans le reste du Canada. Je pense que ces comparaisons, quand
on examine la situation de chaque faculté, sont peut-être encore
plus importantes que celles qu'on peut faire entre nos institutions
québécoises. Comme on a un phénomène assez
généralisé de sous-financement, les comparaisons entre
nous peuvent être assez difficiles et parfois injustes aussi. Voici ce
qui m'a frappé dans les comparaisons que vous tracez. J'ai
regardé, par exemple, la situation de la Faculté de droit dont
nous savons tous qu'elle a connu des difficultés considérables en
matière de ressources ces dernières années. Je me souviens
de mon collègue de Saint-Laurent autrefois, M. Leduc, qui a
essayé, à plusieurs reprises, de soulever le problème en
commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale. Quand on
compare la situation de la Faculté de droit à celle des
facultés de droit dans d'autres universités canadiennes, on voit
un écart énorme. Pour la Faculté de médecine, on a
des données ici qui ne sauraient tromper, pour la Faculté de
pharmacie aussi; on peut les prendre une après l'autre. Je pense qu'il y
a vraiment un sujet de très sérieuses inquiétudes non
seulement pour le législateur, mais pour le gouvernement et l'ensemble
de nos concitoyens.
Je voudrais vous dire, en terminant cette partie de notre rencontre, que
j'ai été très attentif en particulier à cette
dimension comme, d'ailleurs, je l'ai toujours été étant
donné mes orientations politiques. Je pense que, si le Québec
veut tenir sa place dans l'ensemble canadien, il faut qu'au point de vue du
développement de ses institutions universitaires il ait une position
concurrentielle. Il ne peut pas se contenter de reculer comme on l'a fait dans
bien des domaines ces dernières années. Chose notée et
j'espère que nous pourrons agir là-dessus au cours des prochains
mois.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre.
Je reconnais maintenant la porte-parole officielle en matière
d'enseignement supérieur pour le parti de l'Opposition, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. MM. les doyens,
mesdames et messieurs, cela me fait plaisir de vous voir ici, sauf que je dois
vous dire que, quand j'ai vu le volume des renseignements que vous nous avez
fournis, je me suis dit qu'il aurait fallu passer au moins la journée
ensemble pour voir un peu plus clair par rapport aux données que vous
avez dans ce document. Elles sont, d'ailleurs, fort intéressantes et
elles nous amènent à constater qu'effectivement
l'Université de Montréal, c'est comme une de nos grandes villes,
par rapport à nos villes moyennes - parce que les villes au
Québec ne sont pas très populeuses - et que vous y retrouvez
plusieurs quartiers.
Je voudrais vous entendre sur une question qui m'intéresse en
particulier. C'est toute celle de l'évaluation. J'ai eu l'occasion de
voir quelques rapports d'évaluation de vos facultés. J'ai eu
l'occasion d'apprécier leur rigueur et les exigences que vous y mettiez.
Quand les recommandations se retrouvaient dans un rapport, on avait
l'impression - je ne suis jamais allée vérifier comment
c'était appliqué dans la réalité - que cela
devenait quelque chose de sérieux. J'aimerais que vous m'en parliez
brièvement, ainsi que de la fréquence de ce type
d'évaluation que vous faites de vos facultés.
M. Boucher: Mme la députée, les choses peuvent
varier de façon considérable selon qu'on est en face de
facultés ou départements qui sont accrédités et qui
subissent, comme la Faculté de médecine, depuis des
années, une accréditation et une évaluation:
médecine, médecine vétérinaire, médecine
dentaire, bibliothéconomie, ceux qui sont sur le marché
nord-américain et les autres. Le vice-rectorat aux études vient
de mettre sur pied un mécanisme d'évaluation qui se modèle
plus ou moins sur celui que l'Université McGill vient, elle aussi, de
mettre en place il y a quelques années. C'est une évaluation qui
commence par une auto-évaluation systématique, formelle qui est,
par la suite, revérifiée par une évaluation avec des
examinateurs externes. Donc, le système est en place quand on parle
d'évaluation des programmes et il s'agit d'une évaluation qui, en
principe, est systématique tous les cinq ans. C'est la première
chose, le premier élément de la réponse.
Le deuxième élément de la réponse, c'est que
même les universités, même les départements ou
facultés qui n'ont pas de mécanisme formel d'évaluation
par un organisme d'accréditation se soumettent elles-mêmes
périodiquement à des mécanismes d'auto-évaluation,
peut-être pas aussi flamboyants que ceux auxquels on est habitué
dans d'autres secteurs, mais qui ont quand même leur importance.
J'aimerais demander au doyen de la Faculté de médecine de nous
dire un mot du mécanisme d'évaluation dans une faculté
comme la sienne. (12 h 45)
M. Gauthier (Yvon): Oui, en effet, les facultés de
médecine, comme vous le savez très probablement, sont sujettes
à des évaluations périodiques par un organisme canadien,
mais avec participation américaine. Tous les quatre ans, cinq ans ou six
ans, selon la qualité des facultés, nous sommes visités
par une équipe de professeurs des autres universités, des autres
facultés. Ceci se fait justement sur la base d'une autoévaluation
et ensuite par la visite durant une semaine de ces visiteurs, professeurs des
autres facultés. Ceci est un mécanisme extrêmement
important. C'est clair que la qualité d'une faculté, étant
constamment vérifiée ainsi, doit se maintenir. Justement, cette
année, c'est une année de visite.
Par ailleurs, pour tout ce qui concerne les études
post-graduées, la Faculté de médecine est aussi l'objet
d'une évaluation par le Collège royal et la corporation de tous
ses programmes de formation postgraduée. En plus, nous avons mis en
place une évaluation interne pour, justement, nous préparer
constamment, si on peut dire, et essayer d'évaluer constamment ce qui se
passe dans un programme pour ne pas attendre la visite tous les quatre ou cinq
ans de ces évaluateurs externes.
M. Boucher: M. le Président, est-ce que je peux demander
à M. Vaillancourt, doyen de la Faculté de médecine
dentaire, qui est sujette à un système pareil, de dire un mot,
s'il vous plaît?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Si c'est dans le
cadre d'un complément d'information.
M. Boucher: S'il vous plaît, oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Avec plaisir.
M. Vaillancourt (Alain): Comme les facultés de
médecine, les facultés de médecine dentaire sont soumises
à des évaluations périodiques. Dans notre cas aussi, c'est
cinq ans. On a eu la visite du comité d'agrément de l'Association
dentaire canadienne il y a un an et demi. Ces comités peuvent donner un
plein agrément pendant cinq ans ou donner des agréments
conditionnels. Dans le cas de la Faculté de médecine dentaire de
Montréal, on a eu un agrément de deux ans seulement. Je ne vous
lirai pas les quelque 20 recommandations qu'ils ont faites. Je vais tout
simplement vous lire la première recommandation qu'ils ont faîte,
qui explique pourquoi nous avons eu un agrément de deux ans au lieu de
cinq. La recommandation se lit comme suit: "Qu'on reconnaisse que les
restrictions financières touchant le programme de médecine
dentaire du 1er cycle ont atteint un niveau critique qui limite et entrave ses
vertus pédagogiques et menace sont avenir."
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je vous remercie, monsieur. J'aurais dû
apporter des nuances à ma question. Je connais un peu les modes
d'évaluation qui ont cours dans les facultés
accréditées. Je parlais des autres facultés qui ne le sont
pas. J'ai eu connaissance d'évaluations qui se faisaient. Je ne sais pas
si c'est dans le cadre d'une planification, si cela se fait tous les cinq ans
pour les facultés qui ne sont pas accréditées. J'ai vu un
rapport qui faisait l'évaluation d'une faculté non
accréditée et c'était à ce rapport que je faisais
référence. Je me demandais s'il y a une pratique, s'il y a une
politique. Est-ce qu'on a établi la fréquence, les modes?
M. Boucher: La politique est très claire. Le
mécanisme est déjà en place. Il y a actuellement - je ne
voudrais pas dire de bêtise - il me semble, cinq unités qui sont
dans le processus d'auto-évaluation et d'évaluation. Il y en a
normalement entre cinq et dix par année, la fréquence
étant à peu près à tous les cinq ans. Le processus
est en place.
Mme Blackburn: Cette politique est en
place depuis?
M. Boucher: Officiellement, actuellement, elle commence à
être en place en 1986,
Mme Blackburn: Tout à l'heure, à une question que
j'adressais au recteur sur les clientèles adultes chez vous, le recteur
m'a invité à la poser au doyen de la Faculté
d'éducation permanente. Souvent, l'éducation aux adultes,
particulièrement, j'allais dire, aux femmes, dans les cours qui leur
sont offerts - ceux qu'elles fréquentent de préférence -
c'est beaucoup en sciences humaines, alors qu'on sait que les secteurs non
traditionnels exigent une formation en sciences, donc mathématiques,
chimie, ainsi de suite. Connaissez-vous la situation par rapport à votre
faculté, c'est-à-dire le nombre de cours qui sont suivis par vos
étudiants qui sont en sciences? C'est quoi le profil, finalement, des
cours qui sont offerts chez vous? Est-ce que c'est davantage en sciences, en
sciences humaines, en administration? Est-ce que vous avez essayé de
mettre en place des mesures incitatives à l'endroit des femmes, qui les
amèneraient à fréquenter des cours qui les
préparent à aller se chercher une formation dans un secteur qui
est plus prometteur?
M. Léonard (Jacques): Vous avez la liste de nos programmes
à la fin de notre mémoire. Si vous regardez, il y en a 32 dont le
tiers est réservé à des programmes professionnels, les
autres se trouvant dans d'autres secteurs. Je vous rappellerai simplement que
nous n'avons pas de cours d'administration comme tels puisque c'est
plutôt les HEC qui donnent ces cours ailleurs. À Polytechnique
aussi, il y a des cours du soir. Donc, sur le plan technique, c'est
réservé à un certain nombre de programmes assez
limités, je crois.
Il y a des cours, plusieurs programmes qui sont destinés
présentement aux infirmières, mais on ne peut pas appeler cela
des cours techniques, c'est plutôt dans les domaines de la
santé.
Nous avons beaucoup travaillé, au tout début de la
faculté, dans le domaine du perfectionnement des maîtres et
maintenant c'est plutôt la Faculté des sciences de
l'éducation qui a pris le relais. Quoi qu'il en soit, dans l'ensemble de
nos programmes, la population féminine est au-delà de 70 %, les
statistiques de l'an passé atteignant 75 %. Nous dispensons beaucoup
d'enseignement aux femmes chez nous.
Mme Blackburn: Dans ce cas-là, est-ce qu'on peut vous
poser la question que j'adressais tout à l'heure au recteur, quoiqu'il
est difficile probablement d'en faire la démonstration? Est-ce qu'il n'y
a pas danger qu'une hausse des frais de scolarité chez les
étudiants adultes ait des effets sur l'accès?
M. Léonard: De façon générale, je
dirais non, pas plus qu'ailleurs. Cela peut avoir un impact ailleurs aussi,
mais de façon générale je dirais non, dans la mesure
surtout où les gens qui viennent chez nous sont dans le milieu du
travail. Si ce sont des gens qui travaillent à la maison, cela peut
poser des difficultés, effectivement. Par ailleurs, depuis
l'année 1981, au moment où on a eu cette crise économique
que vous savez, le nombre de chômeurs qui ont pris des cours chez nous a
augmenté considérablement. Des statistiques, qui ne sont pas
encore officielles ou qu'on est en train de préparer,
démontreraient qu'entre 20 % et 25 % de notre clientèle
proviennent de gens en chômage. Dans ce contexte, une hausse des frais de
scolarité, évidemment, peut avoir un impact. Je ne suis pas
sûr qu'on puisse pallier cette difficulté par des modifications
à une politique de hausse des frais de scolarité. C'est
plutôt par des politiques d'incitation décidées au niveau
de politique de main-d'oeuvre qu'on pourrait régler cette question et
non pas par des modulations de frais de scolarité. Si on
commençait cela, ce serait très difficile de s'en sortir et
d'établir des mécanismes de contrôle qui seraient
forcément individuels, donc, très difficiles d'application.
Mme Blackburn: Ce qui serait plus facile serait - comme le
promettait le ministre de l'Éducation - de geler les frais de
scolarité.
Si vous me dites que votre clientèle est composée à
70 % de femmes, on connaît le profil économique et les conditions
économiques des femmes, elles ne doivent pas toutes, ou majoritairement,
venir du monde du travail et les cours ne doivent pas être payés
par l'employeur. Il ne doit même pas être facile de les
déduire de son revenu, puisqu'on n'en a pas, ce qui se fait du moment
où vous êtes sur le marché du travail. C'était le
sens de ma question. Je dois vous dire que j'ai des préoccupations par
rapport à cela parce que j'estime que ce sont des gens qui paient
déjà le réseau. À présent, cela va. J'ai
perdu ma question sur l'éducation des adultes.
Mme Thibodeau: Pourrais-je intervenir sur cette question? Nous
avons dans notre faculté un grand nombre...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame, vous
pouvez intervenir.
Mme Thîbodeau: Oui, je peux intervenir. Excusez-moi,
j'étais dans le feu de l'action. ...un grand nombre d'infirmières
- et d'infirmiers - qui sont en exercice ou qui
sont chez elles en attendant leur retour en exercice. J'ai fait une
petite enquête auprès d'elles - non scientifique - pour savoir, si
on est obligé d'augmenter les frais de scolarité, si cela va
diminuer leur venue à l'université. Au contraire, elles trouvent
que leurs besoins de formation sont tellement grands, tellement urgents,
tellement prioritaires dans leur vie de travail qu'elles sont prêtes
à payer le double pour avoir une place à l'université.
C'est cela qui est fondamental chez elles et chez eux. On a environ 1400
étudiants adultes.
Pour répondre à votre première question au point de
vue de la dimension sciences - on est en sciences appliquées - on a fait
des choses extraordinaires dans nos programmes pour pallier au manque de
formation scientifique que plusieurs de nos candidats avaient en arrivant. Je
voudrais dire que la Faculté des arts et des sciences de
l'Université de Montréal nous a aidés
énormément dans ce sens-là. Pour les frais de
scolarité, je pense qu'il n'y aurait pas de difficulté par
rapport aux étudiants dans notre faculté, et c'est probablement
le cas d'autres facultés similaires.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Si
vous voulez conclure, madame, au nom de votre formation politique.
Mme Blackburn: M. le Président, il m'a fait plaisir de
vous entendre et, comme je le disais tout à l'heure en introduction,
j'aurais préféré qu'on puisse le faire plus longuement.
Vous comprendrez l'intérêt que je leur manifeste pour toutes ces
questions qui touchent à la fois l'évaluation et la planification
parce que, tout comme on Je fait dans d'autres secteurs d'activités, il
semble qu'on devra avoir plus d'exigences à cet égard.
Cependant, je dois vous dire que les rapports que j'avais vus - j'en ai
vu deux -sont antérieurs à ce que... Vous me dites que la
politique est récente. Ce que j'ai vu, c'était en 1984, je pense,
en 1983-1984. C'était peut-être une situation particulière
et j'avais généralisé à l'époque.
Je voudrais revenir brièvement sur l'importance d'inviter les
femmes qui fréquentent l'éducation des adultes à aller
chercher une formation scientifique. Malheureusement, ce qu'on constate
à l'éducation des adultes - pourtant, c'est important qu'elles y
retournent - c'est qu'elles y vont souvent dans des secteurs bouchés ou
peu prometteurs d'avenir, pour utiliser un autre terme. À cet effet,
cela les sert personnellement, pour leur culture personnelle, mais je ne suis
pas certaine que cela joue le râle que cela pourrait vouloir jouer, si
tant est qu'elles veulent améliorer leurs conditions de vie.
Que madame me dise que !es femmes qui sont déjà à
l'emploi paieraient le double pour y aller, je croirais que, effectivement,
elles ont déjà cette sensibilité. Je pense davantage aux
femmes qui ont moins de revenu et qui sont à la maison. Je pense aux
adultes, de façon générale, qui sont dans cette situation.
On aurait probablement pu parler de toutes les facultés, mais le temps
nous manque. Je voudrais, au nom de ma formation politique, vous remercier.
Vous me permettrez de saluer, de façon particulière, M.
Léonard. Madame, messieurs, cela m'a fait plaisir de vous rencontrer. Je
vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup,
Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le
député d'Argenteuil, ministre de l'Enseignement supérieur
et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, juste un mot pour remercier nos
invités de leur excellente contribution à notre recherche,
contribution orale à l'occasion de cet échange de vues et surtout
documentaire par l'abondance des renseignements que contenaient les
mémoires particuliers constituant leur envoi. Il y a
énormément de renseignements. On aurait pu passer des heures sur
chaque faculté ou département. Cela aurait été
extrêmement instructif. Soyez assurés que la documentation qui
nous a été remise est entre bonnes mains. Elle sera l'objet d'un
examen attentif; elle l'a déjà été, tout a
été lu, vous pouvez en être sûrs, par plusieurs de
mes collègues.
Vous nous avez beaucoup aidés à mieux comprendre les
conséquences pour l'Université de Montréal des politiques
de sous-financement des dernières années. J'espère que,
ensemble, nous allons trouver des moyens pour mettre un frein à ces
politiques et ouvrir l'avenir d'une manière plus encourageante. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la doyenne,
mesdames les directrices, messieurs les doyens et les directeurs, la commission
parlementaire de l'éducation vous remercie beaucoup d'avoir
répondu à son appel et suspend ses travaux jusqu'à 15
heures alors qu'elle entendra le Syndicat général des professeurs
de l'Université de Montréal.
Une voix: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous
remercie.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 9)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
J'inviterais les représentants des groupes d'étudiants
à prendre place, à s'installer. Le ministre nous rejoindra d'ici
quelques minutes. Il a été retenu par des fonctions
ministérielles. Il est en route et sera ici au plus tard dans cinq
minutes.
D'abord, je veux vous informer que la commission parlementaire sur
l'éducation poursuit les travaux qu'elle a commencés ce matin. Le
thème d'aujourd'hui est consacré à l'Université de
Montréal. Nous avons entendu ce matin, en début de séance,
l'Université de Montréal, suivie de l'Assemblée des doyens
de l'Université de Montréal. Comme premier groupe, cet
après-midi, nous aurons le plaisir d'accueillir la
Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal. Immédiatemnt après, nous
enchaînerons avec le Syndicat général des professeurs de
l'Université de Montréal. Je veux remercier le syndicat d'avoir
accepté de retarder sa présentation pour aider la
fédération des étudiants qui, effectivement, devait passer
à 15 heures, mais, à cause des retards qu'a vécus la
commission depuis le début de ses travaux, nous avons été
dans l'obligation de lui demander de retarder sa présentation en
commission parlementaire.
Avant de commencer nos travaux, je voudrais vous rappeler le mandat
à l'intérieur duquel cette commission parlementaire siège.
La commission parlementaire sur l'éducation siège en vertu d'un
mandat qu'elle a reçu de l'Assemblée nationale le 19 juin
dernier, un mandat selon lequel on demandait à la commission permanente
de l'éducation de se transformer en commission parlementaire pour
entendre en audiences publiques et générales des organismes
reliés au monde de l'éducation dans le cadre de l'orientation et
du financement du réseau universitaire québécois pour les
années 1987-1988 et pour les années ultérieures.
Fédération des associations
étudiantes du campus de l'Université de Montréal
Nous commençons nos travaux cet après-midi avec, je le
répète, les représentants de la Fédération
des associations étudiantes du campus de l'Université de
Montréal et leur porte-parole est M. Luc Trépanier,
secrétaire général. M. Trépanier, je veux, au nom
de la commission parlementaire, vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues
et vous remercier aussi d'avoir accepté notre invitation de venir
réfléchir avec les membres de la commission parlementaire sur la
problématique du financement des universités au Québec
ainsi que sur leur orientation.
Je veux aussi féliciter les gens qui vous accompagnent. Je vois
que vous êtes bien entourés d'une délégation
d'étudiants de votre campus universitaire, j'imagine. Partir de
Montréal pour venir à Québec assister à une
commission parlementaire, cela demande un effort, un engagement, cela demande
de croire en une cause. Soyez certains que nous sommes très fiers de
voir que les jeunes étudiants ou que les étudiants moins jeunes
du campus de l'Université de Montréal ont entrepris la
démarche pour venir vous accompagner ici à la présentation
du mémoire de votre fédération.
M. Trépanier, si vous pouviez nous présenter les gens qui
vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre
mémoire. On m'informe que la présentation de votre
mémoire, à la suite de discussions que vous avez eues avec le
secrétaire, devrait durer environ de 15 à 18 minutes et qu'une
période de 40 à 45 minutes pourrait être consacrée
aux échanges avec les membres de la commission parlementaire.
Nous vous écoutons, M. Trépanier.
M. Trépanier (Luc): Je vous remercie, M. le
Président. M'accompagneront, durant la lecture de notre mémoire,
M. Stéphane Longval, qui est coordonnateur aux affaires externes de la
FAECUM, M. Sébastien Richard, qui est délégué
général aux services aux étudiants, également de la
FAECUM, et, durant la période des questions, M. Patrice Raymond nous
accompagnera.
Je pense qu'on s'est entendu auparavant sur le fait que notre
présentation prendrait de 20 à 25 minutes.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez-y! Ne vous
sentez pas limités pour cela.
M. Trépanier: D'accord. À la suite de la
déclaration du ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science de la semaine dernière, lorsque le Regroupement des associations
étudiantes est passé en commission et qu'il nous avait dit de
prendre nos petits calepins noirs et d'aller prendre des notes sur ce qui se
passait dans les universités, nous sommes heureux d'apprendre aux
membres de la commission que nous l'avons fait. Nous avons nos petits calepins
noirs avec nous aujourd'hui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez-y,
monsieur!
M. Trépanier: Tenant pour acquis que les membres de cette
commission ont lu notre mémoire, nous ne ferons ici qu'une
présentation des éléments principaux.
Le mode de financement des universités devra d'abord être
orienté vers l'affirmation des missions fondamentales de
l'université et encourager la planification du réseau. On le
sait, la formule historique de financement divise les universités. La
redéfinition de ce mode de financement devra permettre aux
universités de réaliser la concertation et la
planification nécessaires à leur développement.
Il faudra d'abord que la nouvelle formule soit claire et stable. Comment
opérer une véritable concertation des universités
incapables de planifier leur propre développement parce qu'elles ne
connaissent pas à l'avance le montant des budgets qui leur seront
alloués? En effet, les règles de financement du ministère
changent d'une année à l'autre.
Si le mode de financement doit être le reflet de ces
préoccupations, il faut de plus qu'il soit orienté vers
l'affirmation des missions fondamentales des universités, soit
l'enseignement et la recherche, et, à l'intérieur de celles-ci,
les services aux collectivités. L'université n'a pas à
développer des compétences dans tous les secteurs. Elle peut
très bien laisser la gestion de ses services auxiliaires à
l'entreprise privée, comme l'Université de Montréal l'a
fait avec ses services alimentaires, dont le déficit accumulé
était de près de 6 500 000 $, soit environ 20 % de celui de
l'ensemble de l'université.
Remarquons que l'université projetait des déficits dans un
secteur aussi facilement rentable que les services alimentaires. Remarquons
aussi que les déficits réalisés représentent
jusqu'au double des déficits projetés. Les universités
accumulent déficit sur déficit dans ces services et mobilisent
inutilement une quantité appréciable de ressources. La
répartition actuelle des budgets dans la presque totalité des
universités pénalise grandement les services aux
collectivités qui font pourtant partie du rôle de
l'université. En ces temps de compressions budgétaires, c'est le
secteur le plus menacé par les coupures. Pourtant, s'engager dans la
voie des services aux collectivités serait une excellente façon
pour les universités d'augmenter leur légitimité.
En mai 1984, l'université adoptait une politique de services aux
collectivités. Depuis ce temps, rien. Les services aux
collectivités permettent aux étudiants et aux professeurs de
confronter et d'échanger des connaissances scientifiques avec des
connaissances empiriques. Cela permet également à des groupes
sociaux de profiter de ressources de l'université auxquelles ils n'ont
pas traditionnellement accès. Sauf à l'UQAM où il existe
une structure d'accueil unique, les services aux collectivités sont
laissés à la seule initiative des unités d'enseignement et
de recherche, ce qui est loin d'être idéal. Nous croyons que les
universités devraient être encouragées à se doter de
structures d'accueil uniques dont le financement serait assuré à
partir des budgets des unités.
M. Richard (Sébastien): Si l'on veut favoriser une
concertation interuniversitaire plutôt qu'une inutile concurrence, si
l'on désire qu'une planification du réseau respecte l'objectif de
l'accomplissement des missions fondamentales des institutions, il faut d'abord
que l'on puisse établir les priorités d'un développement
concerté, que l'on en fixe les objectifs et que l'on en planifie la
réalisation. Parlant de planification, il y a eu une étude qui a
été faite et qui montre qu'il y a eu un manque assez
évident de planification en ce qui a trait au vieillissement du corps
professoral. Résultat, 12 000 000 $ que cela a coûté.
Nous reconnaissons que la concertation ne constitue pas une pratique
simple. Elle doit respecter une certaine autonomie des institutions et ne pas
annihiler tout à fait la concurrence à laquelle elle se livre.
Nous ne croyons pas que le gouvernement puisse coordonner adéquatement
cette concertation. Une commission intermédiaire entre le gouvernement
et les universités dont la composition refléterait l'ensemble de
la représentation de chacune apparaît plus pertinente et garantit
mieux la réussite de la concertation. Cependant, il n'est pas
nécessaire, à cet effet, de créer un nouvel organisme. On
pourrait très bien, à partir d'un réaménagement
structurel du Conseil des universités, lui faire jouer le rôle
d'un organisme de concertation. Par ailleurs, la définition d'objectifs
devient vaine sans mécanisme permettant d'évaluer leur
degré de réalisation. Il ne servira à rien d'instaurer un
nouveau mode de financement des universités et de se fixer des objectifs
si l'on ne se dote pas, en même temps, de moyens de mesurer les
résultats de ces changements dans chacune des universités et dans
l'ensemble du réseau.
En effet, la commission Angers, commission d'enquête sur les
universités, soulignait justement l'importance pour les
universités de se fixer des objectifs en 1978. Les idées que nous
mettons ici de l'avant ne sont pas nouvelles. Elles ont été
proposées bien avant que l'on tienne cette commission parlementaire.
Cependant, si elles n'ont jamais été appliquées, nous
croyons que c'est non pas faute de réalisme, mais à cause de
résistances provenant du gouvernement et des universités.
D'ailleurs, en réaction à la commission Angers, le Conseil des
universités publiait un avis qui, justement, devait faire en sorte que
les universités se fixent des objectifs. Depuis, rien.
Notre expérience de gestion . des services aux étudiants
nous a montré qu'il est possible de vaincre de telles
résistances. L'instauration d'une budgétisation par objectifs a
eu des effets très positifs sur la rationalisation et l'économie
des ressources. Au moment de notre arrivée aux SAE, en 1977, la
direction des services prévoyait pour les années à venir
une accumulation de déficits. Pourtant, des solutions
appropriées
ont permis de résorber les déficits, d'ouvrir les services
à la communauté environnant l'université sans augmenter
les cotisations -vous verrez la différence - et d'améliorer leur
productivité.
Nous ne croyons pas que les procédés que nous avons mis de
l'avant aux SAE constituent une solution universelle. Cependant, nous sommes
convaincus que le principe sur lequel ils sont basés, celui d'exiger des
unités qu'elles se définissent des objectifs et d'organiser leur
financement sur la base de ces objectifs, pourrait s'appliquer avantageusement
à une plus grande échelle. D'ailleurs, l'université avait
formé deux groupes de travail, GESER et GESA, sur la vocation
enseignement et recherche et sur les services administratifs qui en arrivaient
aux mêmes conclusions. Aujourd'hui ces rapports sont "tablettes".
M. Trépanier: En conséquence, nous recommandons:
Que le gouvernement reconnaisse la nécessité d'instaurer une
formule stable pour le financement des universités, afin que celles-ci
puissent effectuer une planification de leur développement.
M. Raymond (Patrice): Que le gouvernement instaure une politique
de financement des universités qui soit claire et transparente.
M. Richard (Sébastien): Que les universités
évaluent les possibilités d'appliquer dans les plus brefs
délais une politique de faire-faire, particulièrement dans le
secteur des services auxiliaires.
M. Trépanier: Que les universités se dotent de
mécanismes d'imputabilité, d'encadrement et de soutien au
personnel administratif et s'assurent de l'application efficace et
homogène des règles administratives.
M. Raymond: Que l'on incite les unités d'enseignement et
de recherche à se fixer des objectifs, et que l'on en tienne compte dans
la détermination du plan d'ensemble de l'université.
M. Richard (Sébastien): Que les universités qui
n'en ont pas se dotent d'un guichet d'accueil unique pour répondre aux
besoins des collectifs dans le cadre des services à la
collectivité.
M. Trépanier: Que ces guichets d'accueil soient
financés à même les budgets des unités
d'enseignement et de recherche.
M. Raymond: Dans la détermination des enveloppes
liées au développement des universités, que l'on tienne
compte des priorités et des objectifs définis en vue d'un
développement coordonné du réseau.
M. Richard (Sébastien): Afin d'assurer l'encadrement et
l'exécution de ces politiques de concertation, que soit formé un
organisme intermédiaire entre le gouvernement et les universités.
Que la composition de cet organisme soit le reflet de la représentation
des institutions et qu'il soit doté de pouvoirs décisionnels.
M. Trépanier: Afin d'assurer une planification souple et
adéquate du réseau, que soit adoptée une politique
permettant d'évaluer le degré de réalisation des objectifs
de la planfication.
M. Richard (Sébastien): Pour favoriser l'efficacité
et permettre l'évaluation de la planification, que les
universités uniformisent leurs procédés de
comptabilisation.
M. Raymond: Le deuxième objectif que devra poursuivre le
mode de financement des universités est de contribuer à
l'amélioration de la formation qu'elles dispensent. Qu'advient-il
aujourd'hui des bénéfices mirobolants que l'on est censé
retirer des études universitaires? Sous-emploi des compétences,
excédent de l'offre de main-d'oeuvre hautement qualifiée par
rapport à la demande, baisse des salaires des diplômés sont
des phénomènes courants. La fréquence du retour aux
études des diplômés, leur insatisfaction par rapport
à leur emploi et à la formation qu'ils ont reçue
révèlent des malaises sérieux.
La conjoncture économique n'est pas seule responsable de cette
pénible situation. L'université a aussi failli à sa
tâche. D'une part, la formation au 1er cycle demeure trop uniquement
théorique, trop cloisonnée aussi pour répondre aux besoins
du marché du travail. Si les universités ont perdu leur
légitimité, c'est en partie pour cette raison. Les employeurs
préfèrent de plus en plus l'expérience au diplôme,
même universitaire.
M. Trépanier: Allier la pratique à la
théorie constitue l'autre grand défi des universités. Les
universités disposent d'un excellent moyen pour ce faire. En effet, les
services aux collectivités sont pour les étudiants une excellente
occasion de mettre en pratique leurs connaissances. La FAECUM en 1983, le
Centre étudiant de services aux collectivités. Le CESC fait la
liaison entre les groupes, les étudiants et les professeurs prêts
à réaliser un projet. Les projets s'insèrent dans le cadre
d'un cours et sont crédités. Ils permettent aux étudiants
d'éprouver leurs connaissances et leurs compétences, et de
prendre contact avec une réalité extérieure à
l'université. La preuve, on peut remarquer la croissance importante
de demandes de projet au cours des trois dernières années
et surtout la croissance de l'intérêt des étudiants, qui
est en vert sur le graphique.
Les étudiants sont alors plus à même de juger, de
comprendre et de relativiser les enseignements universitaires. C'est cela
qu'exprime le slogan de notre CESC: Mettez du plomb dans votre bac... parce que
l'expérience a du poids.
M. Raymond: Parler de l'enseignement au 1er cycle, c'est parler
du professeur. Il est au centre de la question. Le cours est
intéressant? Cherchez le profl Les étudiants écoutent avec
intérêt, ils aiment leur cours, ils apprennent, ils comprennent?
C'est grâce au prof.
Pourtant, l'enseignement à l'université ne
bénéficie pas d'une réelle reconnaissance. Dans
l'échelle des tâches professorales, il arrive en dernier lieu
après la recherche et le rayonnement. La pédagogie est
dépréciée. On croit à tort qu'à
l'université la pédagogie devient soudainement inutile. Le jeune
professeur a pour seuls modèles ses anciens maîtres. On l'a
initié aux secrets de la recherche; on ne lui parle pas des rudiments de
la pédagogie.
L'université n'est pas la seule responsable de la qualité
douteuse des enseignements qu'elle dispense. Le mode de financement actuel ne
donne pas le choix aux universités. La seule possiblité pour
elles d'augmenter leur budget est d'accroître leurs clientèles.
Cette politique a eu des conséquences néfastes sur
l'enseignement. Les universités ont accueilli de plus en plus
d'étudiants dans les secteurs moins coûteux pour réussir
à financer les secteurs plus coûteux. Résultat: des classes
surpeuplées, des étudiants mal encadrés, des professeurs
démotivés. Là-dessus, l'Université de
Montréal a commandé une étude qui est assez connue, qu'on
appelle le rapport Lacroix, qui dit entre autres que 40 % des professeurs font
70 % de la recherche.
Nous croyons pour notre part qu'il est urgent de revaloriser
l'enseignement universitaire. On entend souvent qu'un bon chercheur serait bon
enseignant. En effet, nous croyons que tout bon chercheur peut devenir un
execellent pédadogue.
Une évaluation continue, statutaire et formative de
l'enseignement à laquelle participent les étudiants fait partie
des moyens que nous suggérons pour revaloriser l'enseignement. Si le
résultat de l'évaluation est versé au dossier du
professeur, il saura aussi que l'on accorde une attention égale à
toutes les facettes de son travail.
M. Richard (Sébastien): Dans la course au rattrapage dans
laquelle s'est engagée le Québec en 1960, il est un secteur
auquel il faudra consacrer encore beaucoup d'efforts: les 2e et 3e cycles
universitaires. Il importe donc d'instaurer un mode de financement des
universités qui permettra à celles-ci de se doter d'une
stratégie cohérente de développement des clientèles
des cycles supérieurs. Dans cette optique, il faudra tenir compte du
coût de la formation dans chacun des secteurs et de la priorité
à donner au développement de certains d'entre eux. Il faudra
être attentifs à ne pas répéter les erreurs de la
tentative de rattrapage au niveau du premier cycle. Il ne faut pas avoir comme
seul objectif de faire des économies d'échelle en accueillant
toujours plus d'étudiants aux cycles supérieurs.
Le développement des cycles supérieurs ne doit pas donner
lieu à une croissance anarchique ni à une course aux statistiques
avec l'Ontario comme il en a été pour le 1er cycle. Bien
sûr, le nombre de diplômes accordés est important mais leur
qualité l'est tout autant.
M. Trépanier: Amélioration de la formation,
ouverture des universités aux collectivités, revalorisation et
évaluation de l'enseignement, ces facteurs d'excellence affecteraient
positivement la légitimité des universités et auraient,
directement ou non, des effets sur leur financement et leur fonctionnement.
Les étudiants retireraient de leurs expériences dans le
milieu une vision plus pénétrante de leur discipline et de la
société. La polyvalence, l'adaptabilité, la
mobilité des diplômés forceraient la reconnaissance par les
employeurs de la qualité du diplôme universitaire. Des
mécanismes de concertation et de collaboration avec l'entreprise
accéléreraient ce phénomène. Il en
résulterait pour les entreprises un avantage réel à
collaborer avec les universités et peut-être à contribuer
davantage à leur financement. Quant à l'enseignement, nous
croyons qu'il importe d'en faire un autre de ces facteurs d'excellence dont les
universités sont fières. Il leur revient de s'assurer de la
qualité des diplômes qu'elles décernent.
En conséquence, nous recommandons: Que les universités
tiennent compte de l'importance d'une formation polyvalente dans la poursuite
de la réflexion amorcée sur la généralisation des
programmes de 1er cycle.
M. Richard (Sébastien): Que soit maintenu ou établi
dans chaque programme de 1er cycle des universités au moins un cours qui
permette aux étudiants d'effectuer un projet de services aux
collectivités, et que ce projet soit crédité.
M. Raymond: Que les universités repensent leur
système d'engagement et de promotion des professeurs de façon
à instaurer un meilleur équilibre entre leurs
deux missions: enseignement et recherche.
M. Trépanier: Que les universités qui ne l'ont pas
encore fait instaurent et mettent en opération une évaluation
continue, formative et statutaire de l'enseignement.
M. Richard (Sébastien): Que les universités mettent
toutes les ressources pertinentes à contribution pour développer
la recherche sur des méthodes pédagogiques efficaces pour
améliorer l'enseignement universitaire.
M. Raymond: Que soit créé dans chaque
université un fonds d'excellence à l'enseignement afin de
valoriser ce rôle chez les professeurs et dans la société.
Qu'à même ce fonds des bourses d'excellence soient
attribuées aux professeurs dont les compétences
pédagogiques auront été reconnues par le mécanisme
de l'évaluation de l'enseignement. Que ce fonds soit financé
à même le budget d'enseignement des universités.
M. Trépanier: Que le gouvernement instaure une
méthode de financement qui permettra aux universités de se doter
d'une stratégie cohérente de développement de ses
clientèles des 2e et 3e cycles.
M. Richard (Sébastien): Le troisième objectif que
devraient poursuivre les universités de façon à augmenter
leur légitimité et à bonifier leurs activités est
d'instaurer une certaine concertation avec les entreprises. (15 h 30)
Cela pourrait se faire d'abord dans le domaine de la recherche. II y a
trois types de recherche. La recherche fondamentale est le propre de
l'université. La recherche appliquée relève actuellement
de l'entreprise; l'université, la considérant trop mercantile, ne
s'y attarde guère. La recherche-développement est axée
davantage sur la technologie de pointe. Ici, l'université entre en
compétition avec les centres privés et gouvernementaux.
L'université favorise trop la recherche fondamentale et pas assez
les deux autres types de recherche. D'ailleurs, il n'y a que 1,4 % du PNB au
Canada qui est investi dans la recherche-développement, alors que dans
les pays industrialisés il y a de 2,4 % à 2,8 % du PNB. Il y a
donc là un retard qui devra être comblé.
Pour l'université, la concertation se traduit, entre autres, en
une diversification des sources de financement, en une légitimité
décuplée, en sujets de recherche multipliés, en
expériences de travail plus intéressantes, en rayonnement et en
capacité d'attraction des meilleurs cerveaux.
Pour la société, elle peut se traduire en une relance de
l'économie nationale ainsi qu'en une compétitivité accrue
au niveau mondial, ce qui est plus probant encore si on réussit à
développer de nouveaux créneaux de production, à
améliorer les exportations, etc.
M. Trépanier: La concertation entre l'université et
les entreprises n'aurait pas que des effets sur la recherche, mais aussi sur
l'aspect enseignement de l'activité universitaire. Les employeurs ont
perdu confiance envers les diplômes universitaires. Ils ont trop vu de
ces diplômés mal préparés au marché du
travail par un programme de formation trop éloigné de ses
réalités. M. Jacques Daoust, alors du groupe SNC, résume
bien cette tendance.
M. Raymond: Que les jeunes ne craignent pas d'interrompre leurs
études pour faire un saut sur le marché du travail. Notre
candidat idéal a terminé un DEC technique et a travaillé
quelques années avant de poursuivre ses études à
l'université. Cet ingénieur n'aura pas peur de se salir les
mains. Le pire candidat, immanquablement refusé, c'est le jeune brillant
qui enfile un DEC, un bac, une maîtrise et un doctorat. Celui-là,
qu'il reste à l'université dans la recherche.
M. Trépanier: II est essentiel de rétablir la
confiance des employeurs envers l'université, parce que le secteur
privé sera encore pendant des années le principal
débouché pour les diplômés universitaires, le
secteur public ayant atteint depuis longtemps, on le sait, son point de
saturation. Il faut donc instaurer des mécanismes de concertation
entreprises-universités qui permettront à ces dernières
d'adapter leurs programmes de façon à développer chez les
étudiants des qualités essentielles sur le marché du
travail, telles la polyvalence, la capacité d'adaptation et la
mobilité. Ce faisant, l'université améliorera la formation
qu'elle dispense et contribuera à rétablir sa
légitimité dans la société. Cependant, il faut
éviter d'orienter les universités exclusivement en fonction des
besoins des entreprises. C'est par la concertation avec les entreprises et par
les services aux collectivités que l'université réussira
à développer une interaction constante avec son milieu. À
ce moment, l'université se définira des objectifs qui seront
beaucoup plus en accord avec les réalités sociales.
En conséquence, nous recommandons: Que les organismes
subventionnaires de la recherche revoient le mode d'attribution des fonds
basé sur la réputation du chercheur afin d'établir des
politiques favorisant l'émergence de jeunes chercheurs.
M. Raymond: Que l'on garantisse aux
organismes subventionnaires de la recherche une enveloppe minimale
indexée annuellement sur une période de cinq ans, afin de leur
donner les moyens d'effectuer une planification.
M. Richard (Sébastien): Que les organismes
subventionnaires et les universités établissent des
mécanismes de reddition de comptes qui permettent d'effectuer une
véritable évaluation continue et d'assurer un suivi des projets
de recherche.
M. Trépanier: Que les universités et les
professeurs révisent leur convention de travail de façon à
permettre des échanges soutenus entre l'entreprise et
l'université en matière de recherche-développement, que ce
soit, par exemple, partage du temps de travail, échange de personnel,
dégrèvement de professeurs-chercheurs, etc.
M. Raymond: Que le gouvernement utilise davantage les ressources
des universités dans le domaine de la recherche plutôt que de
faire lui-même sa recherche via les organismes gouvernementaux.
M. Richard (Sébastien): Que le gouvernement
établisse des incitatifs fiscaux à l'intention des entreprises et
des particuliers qui investissent dans les universités.
M. Trépanier: Que les universités
réfléchissent à des mécanismes visant à
établir une concertation avec les entreprises en matière de
programmes.
M. Raymond: En guise de conclusion, maintenant, nous n'avons pas
voulu ici pénétrer plus avant dans l'univers complexe d'un mode
de financement. D'autres que nous peuvent beaucoup mieux en définir les
mécanismes. Cependant, le seul rétablissement mécanique de
la formule de financement actuel, même si le budget des
universités était augmenté, ne peut régler le
problème des universités, lequel dépasse de beaucoup les
considérations financières. Si l'État a pu si facilement
sabrer dans le budget des universités, et si en retour les
universités ont pu si difficilement défendre
l'intégrité de leurs enveloppes budgétaires, c'est qu'une
crise plus profonde se cachait derrière le marasme financier.
II appartient maintenant à la communauté universitaire et
au gouvernement de redéfinir le rôle et les objectifs des
universités, de réaffirmer la place qu'elles occupent dans le
développement de la société et d'instaurer des moyens qui
permettront de réaliser ces objectifs. Si on se dérobait à
cette réflexion, si le mode d'attribution des budgets des
universités était établi sans qu'en même temps soit
défini un plan de revalorisation ou de dynamisation des
universités, nous croyons que les problèmes actuels referaient
vite surface, même si le budget des universités était plus
volumineux. Ces problèmes seraient alors si complexes, si douloureux
qu'il serait encore plus difficile d'y apporter des solutions.
M. Richard (Sébastien): Diversifier les sources de
financement des universités et bonifier leur mode de financement sans se
pencher sur la crise de légitimité qu'elles vivent serait
commettre une grave erreur.
On s'étonnera que nous n'ayons pas abordé la question des
frais de scolarité. La FAECUM a déjà rendu publique sa
position là-dessus. Hausser les frais de scolarité ne
réglerait rien à la crise de légitimité des
universités. Ce ne serait que cautionner un statu quo qui
perpétuerait les problèmes actuels des universités.
Celles-ci doivent remettre en question leurs pratiques administratives, leur
rôle social et la qualité de leurs programmes. Il faut plus que de
l'argent pour réaliser cela. Il faut des incitatifs et surtout de la
bonne volonté.
Nous demeurons convaincus qu'une augmentation des frais de
scolarité décrétée aujourd'hui nuirait davantage
aux universités qu'elle ne les aiderait. Soulagées un moment par
une augmentation de leurs revenus, les universités négligeraient
de se pencher sur l'origine de leurs problèmes. Une hausse des frais de
scolarité aurait donc des effets néfastes sur les objectifs que
doivent poursuivre les universités.
Il est illusoire de croire que la hausse des frais de scolarité
amènerait les entreprises à contribuer davantage au
développement des universités si on ne met pas en place des
moyens pour qu'elles reconnaissent d'abord la valeur du diplôme
universitaire. Et nous croyons toujours qu'une hausse des frais de
scolarité mettrait l'accessibilité en danger dans un contexte
où les bénéfices que l'on retire d'études
universitaires ne sont plus si évidents et où la qualité
de la formation laisse à désirer.
M. Trépanier: Nous savons que les solutions que nous
avançons n'ont rien de nouveau. Ces réflexions, d'autres les ont
faites. Si les universités n'ont jusqu'ici pas pu et parfois pas voulu
se prévaloir des moyens qui leur étaient proposés, c'est
en partie parce que les conditions ne se prêtaient pas à un
véritable dialogue. Ce dialogue, il est maintenant essentiel de
l'entamer. Ces moyens, il est possible de les mettre en oeuvre par un mode de
financement qui les respecterait et les encouragerait.
Les suggestions incluses dans ce mémoire visent à contrer
le relâchement de la gestion dans les universités, à
planifier le développement du réseau, à améliorer
la formation et à affirmer le besoin d'une
concertation entre les universités et le milieu. La poursuite de
ces objectifs aura, croyons-nous, pour effet de redonner à
l'université la légitimité qu'elle a perdue. Que
l'université dispense une formation adéquate, qu'elle s'engage
véritablement dans les services aux collectivités, qu'elle
améliore sa collaboration avec l'entreprise et elle n'aura plus à
s'inquiéter de son rayonnement. La planification du réseau
maximisera les possibilités des universités et favorisera
l'exploitation de leur potentiel. L'approche que nous avons adoptée
indique à quel point nous croyons à ce potentiel des
universités.
En adaptant des mécanismes adéquats, nous croyons que nos
institutions pourront s'adapter aux exigences d'une société en
perpétuel mouvement et qu'elles seront en mesure, enfin, d'envisager
l'avenir d'un oeil beaucoup plus optimiste. Il suffit, en définitive,
d'une simple dose de bon sens.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît! À l'ordre!
Je vous félicite et je vous remercie pour la présentation
de votre mémoire. Concernant l'observance de nos règlements, je
dois vous informer qu'ici, comme à l'Assemblée nationale,
peut-être malheureusement - je n'ai pas à en juger - les
manifestations ne sont pas permises. Je veux bien être souple. Je
comprends que vous soyez fiers et que vous soyez heureux d'une telle
présentation. Je l'accepte, je le comprends, mais je ne pourrai pas
l'accepter une deuxième fois.
Je donne maintenant la parole au ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Nous avons tous écouté avec
intérêt la lecture que vous nous avez faite du
résumé de votre mémoire qui traite plusieurs aspects du
fonctionnement des universités, qui contient plusieurs critiques
méritant d'être entendues. Il nous présente
également des suggestions quant è des améliorations
possibles dans le fonctionnement des universités. Je pense qu'il y a une
bonne matière à examen dans tout cela. Vous pouvez être
assurés que nous ferons l'examen qui s'impose.
Je voudrais vous poser une première question. Vous dites -
là-dessus, j'ai un peu de misère à vous suivre: Ce n'est
pas une crise financière, c'est une crise de légitimité.
Cela m'inspire deux questions. Je vais commencer par la première. Si
c'est une crise de légitimité au point que vous le dites, comment
se fait-il qu'à la Faculté de droit, par exemple, il y a quatre
fois plus de demandes qu'on peut accueillir d'étudiants?Comment se fait-il que, dans la plupart des facultés - on nous l'a
dit ce matin - on est obligé de pratiquer le contingentement, parce que
la demande... Il me semble que la meilleure réponse de la
société aux services qu'offre une institution, c'est la demande
qui va se produire pour les services de cette institution. Dans le cas en
particulier de l'Université de Montréal, les renseignements que
nous avons obtenus par d'autres témoignages indiquent que la demande est
très forte, même qu'elle va bien au-delà de ce que
l'institution est capable d'offrir. Comment expliquez-vous cela?
M. Trépanier: Bien, M. le ministre...
M. Ryan: II me semble qu'il y a bien des institutions qui ne
trouveraient pas qu'elles sont en crise de légitimité s'il y
avait une demande plus forte que celle à laquelle elles peuvent
répondre. D'habitude, la crise de légitimité, cela vient
quand il n'y a plus de demande pour vos services.
M. Trépanier: M. le ministre, j'éviterais de relier
le surplus de demandes à la légitimité des
universités. S'il y a plus de demandes des jeunes pour aller
étudier à l'université, il faut bien situer cela dans le
contexte social qui fait en sorte qu'en ce moment le principal
débouché, sinon le seul débouché pour les jeunes,
enfin celui qu'il peuvent espérer, c'est quand même
l'université. C'est clair que les jeunes sont beaucoup plus
intéressés à aller étudier à
l'université, surtout qu'ils ont peut-être une chance d'avoir un
emploi, au bout.
Nous parlons de crise de légitimité, M. le ministre, parce
que, si l'on constate la difficulté à laquelle se heurtent les
universités qui doivent faire des campagnes de financement, par exemple,
si cela demande beaucoup d'efforts de les faire, si les entreprises ne viennent
pas investir directement dans les universités, comme cela, sans qu'on
leur demande et qu'on leur demande de façon répétitive,
c'est qu'il y a un problème. Si les employeurs donnent une formation de
deux ou trois années supplémentaires aux étudiants qu'ils
engagent après l'obtention de leur baccalauréat, à ce
moment-là, c'est parce que les employeurs ne reconnaissent pas tellement
ce qui se fait à l'université. Si les entreprises, au Canada, se
sont développé des mécanismes de recherche internes et
font leur propre recherche, c'est qu'elles ne font plus confiance aux
universités sur le plan de la recherche.
Donc, les universités semblent être un peu coupées
du monde. Elles sont dans une tour. La recherche qu'elles font est trop
fondamentale et pas suffisamment appliquée pour plaire aux entreprises.
La semaine dernière, dans le Devoir, il y avait un sondage fait par la
firme Angus de Toronto qui nous disait, justement, que la population
québécoise considérait les universités comme un peu
décrochées des vrais besoins et des réalités de la
société. Sur ces points, nous
considérons que, si les universités ont des
difficultés de financement par la suite et dans le moment, c'est bien
à cause d'une crise de légitimité,
M. Ryan: Je vous avoue que j'ai du mal à suivre le
raisonnement, mais je l'enregistre, en tout cas.
Maintenant, mettez-vous dans notre position. Vous dites: N'allez pas
donner plus de ressources parce que le problème va vous revenir dans
deux ou trois ans. Qu'est-ce que vous feriez pour l'année 1987-1988 si
vous étiez à la place du gouvernement? Il faut préparer un
budget. Les universités nous préviennent qu'elles ont besoin de
plus d'argent. On va mentionner, à titre d'exemple, le montant qui a
été évoqué par le Conseil des universités.
Vous êtes prêts à donner un mandat élargi au Conseil
des universités, on va en parler tantôt, il doit y avoir un peu de
bon sens dans ce qu'il dit. Il dit: II faudrait mettre une somme de 150 000 000
$ - je pense que c'est ce qu'il a dît - pas tout d'un coup, mais sur une
base de cinq ans cela équivaudrait à une injection annuelle de
fonds additionnels de 150 000 000 $. Disons que c'est 100 000 000 $ pour la
première année. Est-ce que vous suivriez l'avis du conseil ou si
vous lui diriez: On va recommencer tout cela, on va faire de la concertation,
vous allez réunir tout ce monde-là et, quand vous aurez fait
cela, vous nous reviendrez?
M. Trépanier: Bien. La question qu'on peut se poser, c'est
que, du court terme, on en fait depuis 1969. On renouvelle, on indexe
d'année en année plus ou moins les budgets des universités
et, finalement, depuis que des coupures sont apparues en 1979, il y a certains
problèmes qui commencent à transparaître dans les
universités. On voit des déficits récurrents qui se
produisent un peu partout, sauf que depuis 1979 on ne s'est pas demandé
pourquoi il y avait des déficits récurrents.
Il y a deux choses qui peuvent expliquer la récurrence de tels
déficits. Ou bien, effectivement, il y a un sous-financement chronique
des universités, ou bien, à ce moment-là, il y a certains
problèmes administratifs et de gestion dans les universités; cela
peut même être les deux en même temps.
La seule chose qu'on peut dire jusqu'à maintenant, c'est qu'on ne
peut pas parler de sous-financement chronique avant d'avoir
évalué réellement où va l'argent dans les
universités et ce que l'on fait avec. Actuellement, on n'a aucun moyen
d'évaluer l'output des universités. On connaît bien les
sommes d'argent que l'on y met, mais comment peut-on évaluer l'output?
Dans l'évaluation de la recherche, cela commence tout juste à se
faire. Dans l'évaluation de l'enseignement, il y a bien des endroits
où cela ne fonctionne pas du tout. On ne regarde pas non plus l'impact
socio-économique que l'université peut avoir dans son milieu. Ce
matin, à l'Université de Montréal, on disait que
l'université avait un impact dans la région, le quartier
Côte-des-Neiges, à Montréal, et la ville d'Outremont.
Également, je pense que les universités en régions ont un
impact socio-économique très grand.
Donc, c'est cela qu'il faut considérer. Pour pouvoir parler de
sous-financement, il faut être capable de mesurer ce qui se produit. Si
on dit que, avec les ressources qui sont investies, veux, veux pas, dans
l'évaluation, on n'arrive pas à produire autant que l'on
voudrait, à ce moment-là, on parlera de sous-financement. Mais,
tant qu'on n'a pas fait cet exercice, M. le ministre, on ne peut pas parler de
sous-financement, tout ce que l'on peut se dire, c'est qu'il y a des
problèmes. Il faut peut-être s'attaquer à voir quels sont
ces problèmes et quels sont nos objectifs si l'on veut les
résoudre et dans quel sens on doit tes résoudre. (15 h 45)
C'est pour cela que nous avons trouvé quelques failles dans la
gestion des universités. Nous ne voulons pas prendre l'Université
de Montréal, la mettre devant tout le monde et la descendre aux yeux des
autres universités. Ce n'est pas là le but de notre exercice. On
présente des exemples pour démontrer qu'il faut prendre le
problème des universités par le bon bout. Il ne faut pas
commencer à mettre la charrue devant les boeufs en disant qu'il faut
injecter des ressources et se poser des questions par la suite. Je pense qu'on
doit se poser les questions maintenant si on veut pouvoir planifier à
long terme parce que l'avenir de la société
québécoise passe d'abord par l'avenir des universités.
M. Ryan: Je vous dis que je trouve votre langage bien
général. J'essaie de suivre, encore une fois, et j'ai du mal. Je
vous le dis franchement: Je n'aime pas à jouer les flatteurs, cela ne
donnerait rien.
On nous a présenté ce matin des cas, l'un après
l'autre. On nous a parlé de la Faculté de droit. On nous dit:
Elle est financée à 60 % de ce que sont financées les
autres facultés de droit dans des universités comparables,
même dans les Maritimes, même dans les provinces de l'Atlantique,
à plus forte raison en Ontario. Est-ce que je vais dire au doyen qui
était ici ce matin: Allez faire un exercice de concertation et on
viendra voir après cela si on va couper encore vos 60 % ou si on va les
augmenter? Il me semble... Je ne sais pas, mais je pense qu'on doit se mettre
à l'heure d'aujourd'hui aussi. Il y a des études qui ont
été faites ailleurs également. En
Ontario, il y a une commmission d'étude qui a siégé
pendant deux ans, la commission Bovey. Vous avez probablement lu son rapport
avant de préparer le vôtre. On en est arrivé à des
conclusions très proches de celles qu'on nous a présentées
depuis deux semaines à la commission. Je suis enclin à penser
dans cette voie-là et je me dis: Cela ne se peut pas que tout ce
monde-là soit une bande d'imbéciles qui n'ont pas
étudié leur sujet avant de nous en parler. C'est pour cela que je
vous pose cette question-là. Je vais vous en poser une pire. Je pense
que vous allez admettre avec moi que la Faculté de droit, c'est
sous-financé. À la Faculté de médecine, les
chiffres qu'on nous a présentés, à moins qu'ils ne soient
faux, parlent un langage éloquent. Je suis obligé de vous
demander: Où allez-vous prendre cet argent dans le budget de
l'université pour le mettre là s'il y a de la mauvaise
gestion?C'est cela que je voudrais savoir.
M. Trépanier: Pour la première partie de votre
question, je pense que vous avez mal interprété mes paroles.
Lorsque je dis qu'il faut se fixer des objectifs et évaluer ce qui se
passe dans les universités pour pouvoir planifier, je pense, M. le
ministre, qu'on vise ce qui se passe réellement dans
l'université. Je vous demande, M. le ministre: Êtes-vous au
courant de ce qui se passe dans les universités? Êtes-vous au
courant comment, à la Faculté de droit, justement, que vous dites
sous-financée, on fonctionne dans cette faculté, comment les
professeurs sont évalués, comment les ressources sont
évaluées, connaissez-vous tout le fonctionnement de la
faculté pour pouvoir dire que cette unité est
sous-financée? Le savez-vous, M. le ministre?
M. Ryan: Vous savez, c'est à vous de venir nous renseigner
aujourd'hui. Je vous dis: On m'a dit ce matin...
M. Trépanier: M. le ministre, je m'excuse. Nous sommes des
étudiants et vous avez...
M. Ryan: M. le Président...
M. Trépanier: ...combien de fonctionnaires, M. le
ministre, à Québec...
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, monsieur...
M. Trépanier: ...qui ont à faire ce travail?
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît!
M. Ryan: M. le Président, on nous a affirmé ce
matin... Il y avait un document dans ceux qui nous ont été
présentés. Pour quelqu'un qui sait lire, le verdict, c'est le
sous-financement pour la Faculté de droit. Si vous me dites que ce n'est
pas vrai, je vous demande: Prouvez-le moi.
M. Richard (Sébastien): Comment pouvez-vous nous affirmer
que Ja faculté est sous-financée? Je ne veux pas remettre en
question la bonne foi du document, sauf qu'il me semble que pour affirmer qu'il
y a sous-financement il faut qu'on donne une analyse comptable et
chiffrée des éléments qui disent qu'effectivement c'est
sous-financé. Je viens d'un secteur de l'université où on
a fait cet exercice. Alors qu'on disait en 1979 que l'unité des services
aux étudiants, était sous-financée, on se rend compte
qu'aujourd'hui c'est le secteur qui est excédentaire à
l'université et on n'a pas augmenté les cotisations,
contrairement à ce qu'on nous demandait de faire. Il me semble que c'est
un exemple probant. Si vous voulez des chiffres, j'ai tous les sujets
budgétaires ici. Ils sont tous là. C'est 6 000 000 $ à
l'intérieur de l'université. Si vous voulez savoir à quoi
servent 100 000 $, je vais pouvoir vous le dire. Par contre, dans une
faculté, on ne pourra pas vous le dire, et l'université ne pourra
pas non plus vous ie dire.
M. Ryan: Si vous me dites que les dirigeants d'université
ou de collège sont probablement meilleurs pour administrer les
programmes d'études que des cafétérias, je suis prêt
à vous suivre. Je pense que c'est un raisonnement qui se tient bien.
Mais là on discute d'abord des grands services qui offrent des
programmes d'études universitaires à la population. On est en
face d'une preuve qui est assez impressionnante. Vous nous dites que c'est un
problème de rationalisation et de concertation. Je vous dis que j'ai du
mal à comprendre et je pense vous l'avoir dit assez clairement.
M. Richard (Sébastien): Cela me surprend toujours,
permettez-moi de vous le dire, parce que j'écoute encore ce que vous
nous dites et je ne vois toujours pas d'affirmation de chiffres qui me permette
de dire: Oui, c'est sous-financé pour telle ou telle raison. Je ne vois
pas ces raisons. Je ne les perçois toujours pas. Pour qu'on puisse me
dire que c'est effectivement sous-financé il va falloir qu'on arrive
avec une analyse chiffrée qui dit: En fonction de nos objectifs, en
fonction du personnel qu'on a, en fonction également des demandes qu'on
a de notre clientèle, voici les montants qu'il nous faut. Je n'ai
toujours pas vu cela. Ce n'est pas une simple question de gestion de
cafétéria et de concertation, c'est une question de gestion
responsable.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
D'autres interventions? Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M,
Trépanier, messieurs, cela me fait plaisir de vous saluer et de vous
souhaiter la bienvenue au nom demna formation politique.
Quelques remarques. Le ministre, me semble-t-il - probablement parce
qu'il a conservé certaines qualités ou certaines attitudes de
professeur, de se faire toujours très exigeant vis-à-vis des
étudiants - a tendance à leur demander de faire des
démonstrations très fines de ce qu'ils avancent alors qu'il ne
m'a pas semblé avoir les mêmes exigences à l'endroit
d'organismes qui sont venus présenter ici des mémoires en
appuyant les recommandations du rapport Gobeil qui, faut-il le dire, ne me
semble pas très étayé.
M. Jolivet: Effectivement, des sages.
Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous
plaît, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Ce sont des sages.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Laviolette... Mme la députée de
Chicoutimi, vous avez la parole. Je regrette, je m'excuse, le
député de Laviolette vous a coupé la parole.
Mme Blackburn: Ce n'est pas l'objet de l'échange de propos
et, si vous permettez, je ne commenterai pas longtemps votre mémoire. Je
préférerais vous laisser plus de temps pour répondre
à certaines questions.
Vous rappelez cependant dans votre mémoire - ce qui
m'apparaît élémentaire -qu'avant de s'interroger sur le
niveau nécessaire de financement encore faut-il qu'on ait clairement
affirmé des émissions. Cela nous permettra de déterminer
le niveau et ensuite on pourra parler de règles d'allocation. Ici, on
confond souvent l'ensemble et je trouve cela préoccupant.
Par ailleurs, vous avancez un certain nombre de choses. Je voudrais
revenir sur une qui, je dois dire, reflète - je pense bien - une
tendance générale chez les étudiants, mais me laisse
toujours un peu songeuse, pour ne pas dire inquiète: c'est cette
préoccupation que vous avez de vouloir coller la formation aux besoins
du marché du travail. Par ailleurs, là-dessus, votre
mémoire - je dirais - n'est pas... Vous dites que cela demande une
solide formation de base, ou fondamentale - je ne me rappelle plus l'expression
que vous utilisez, et je vais la retrouver - et ensuite, vous dîtes d'une
université qu'une formation branchée sur le milieu
réussira à obtenir plus de financement. On retrouve cela aux
pages 12, 13, 14, 19, 20 et 22. Il faut dire que j'ai regardé le
mémoire et j'ai essayé de voir ce que je pouvais en
dégager.
Je comprends votre préoccupation. Vous semblez faire un rapport
étroit entre la capacité de se trouver un emploi et la
qualité de la formation. Le chômage actuel n'est pas dû
à la faiblesse de la qualité de votre formation, mais au
chômage. Si on pouvait me démontrer demain matin qu'il y a 10 000
emplois au Québec qui ne trouvent pas preneur faute de
compétence, je comprendrais mieux votre préoccupation. Une
formation trop collée sur le marché du travail ne
deviendra-t-elle pas rapidement dépassée? Par ailleurs, lorsque
vous suggérez, comme moyen de mieux se coller au marché du
travail, de mieux comprendre sa dynamique, les centres étudiants de
services communautaires, je trouve ce projet extrêmement
intéressant.
Une première question: Ne craignez-vous pas, à tant
vouloir vous coller sur l'entreprise et sur le besoin du marché du
travail, de vous retrouver au sortir de l'université, pas plus de deux
ans plus tard, avec une formation qui serait quasiment dépassée,
surtout dans certaines technologies de pointe où, on le sait, cela
évolue très rapidement?
La seconde question: J'aimerais que vous me parliez de votre projet de
centres étudiants de services communautaires pour me dire dans combien
de programmes il est implanté chez vous, comment cela fonctionne et ce
qu'est votre plan de développement.
M. Trépanier: Je ne crois pas que la façon dont on
a présenté la formation universitaire soit que l'on branche tout
sur l'emploi. Ce que nous disons, en fait, c'est qu'une formation au 1er cycle
universitaire doit être une formation polyvalente de base qui permette
à l'étudiant de développer des qualités qui sont la
mobilité et la capacité d'adaptation, mais cela est aussi valable
sur le marché du travail qu'en des études de 2e et 3e cycles; en
fait, c'est valable en tout temps. Je pense qu'on a une société
qui change beaucoup, mais à ce moment-là ce sont des
qualités que même les employeurs recherchent. Les grandes
entreprises ont adopté de plus en plus le système où ils
nous font changer de place souvent, à tous les deux ans environ, dans
l'entreprise. Donc, il faut pouvoir être mobile, il faut pouvoir
s'adapter, il faut être polyvalent. C'est ce que nous demandons comme
formation à l'université.
Lorsqu'on dit que les problèmes d'emploi ne sont pas du tout
reliés à la formation universitaire, je crois qu'il faut faire
attention. Les universités ont quand même un rôle -
lorsqu'on parlait d'affirmation des missions - de développement, de
moteur dans la société. Je pense
qu'elles doivent arriver à développer de nouveaux
créneaux, de nouveaux secteurs où, finalement, il risque de
déboucher quelque chose dans la société, il risque d'y
avoir des retombées concrètes.
Lorsque le RAEU, la semaine dernière, vous disait qu'en sciences
humaines et sociales la formation semblait décrocher parce qu'on ne
parlait pas du tout de virage technologique, c'est un exemple. Il y a plein
d'emplois, je crois... Ce n'est pas un voeu pieux ou un souhait; c'est officiel
et il y a des gens qui ont écrit des livres là-dessus. On dit que
les gens des sciences humaines et sociales pourraient facilement appliquer leur
science à des problèmes du virage technologique qui se vivent
aujourd'hui. L'université a le rôle fondamental de
développer ces nouveaux secteurs, je crois, et, par conséquent,
de développer de nouveaux emplois. Je relie cela encore une fois
è la crise de légitimité. L'université a un
rôle important à jouer dans notre société, je pense
qu'il faut en être parfaitement conscient. Voilà un de ces
rôles. Elle doit jouer le rôle de moteur dans la
société, et non pas être dépendante et à la
remorque des entreprises.
Pour ce qui est - je ne me rappelle plus tellement - du Centre
étudiant de services aux collectivités...
Mme Blackburn: Je demandais si c'était bien accepté
dans les différents départements et dans combien de programmes on
se servait de ce projet pour nous assurer un...
M. Trépanier: Actuellement, c'est encore et toujours un
projet étudiant simplement. À chaque projet qu'un étudiant
doit faire, l'étudiant, son professeur et nous devons effectuer des
démarches pour l'aider à faire créditer son projet dans le
cadre d'un cours, dans le cadre de son programme. À ce moment-là,
cela rend toujours un peu plus difficile... Sauf que, comme on l'a
constaté tantôt sur les tableaux, l'intérêt des
étudiants monte de plus en plus. À ce moment-là, je pense
que nous - le CESC -faisons un effort important dans ce sens, effort que
l'université devrait récupérer. On est tout à fait
favorables à ce que l'université récupère ce
concept et l'applique.
En ce qui concerne les programmes où c'est appliqué, il y
a des projets qui se font dans la plupart des programmes, sauf peut-être
certaines disciplines. Elles sont quand même assez rares, mais il y a des
disciplines comme les mathématiques, par exemple, où les groupes
populaires ne sont pas vraiment sensibilisés à ce qu'ils peuvent
faire avec un mathématicien. Même dans des disciplines comme les
sciences, il y a des étudiants de Polytechnique qui ont
déjà fait un projet CESC. Il y a moyen de faire des projets en
chimie, en biochimie, etc. Je pense que cela tend à s'implanter
rapidement. Il y a même plusieurs professeurs de l'Université de
Montréal qui se préoccupent de l'importance à donner aux
services aux collectivités et ils y participent activement. C'est en
train de s'implanter graduellement. On y met notre bonne volonté. Il
suffit que tout le monde y mette sa bonne volonté et cela va finir par
donner quelque chose de très intéressant.
Mme Blackburn: J'ai peut-être une question sur le
financement. Comme le ministre vous le disait tout à l'heure, je pense
que la plupart des intervenants - pour ne pas dire la très grande
majorité - sont venus nous faire la démonstration que
l'université souffrait de sous-financement, en partant de données
comparatives particulièrement avec l'Ontario et en partant de la
situation qui était la leur il y a sept, huit ans environ. Ces deux
comparaisons leur permettaient de nous dire que les universités
étaient sous-financées.
Par ailleurs, vous dites - et je pense que cela se tient aussi - qu'il y
a peut-être des données qui vous manquent pour porter un tel
jugement. On pourrait peut-être même penser, si je suis votre
jugement, que celles de l'Ontario sont surfinancées aussi, étant
données qu'elles sont plus financées que les nôtres. Je
n'irais pas jusque-là. Je ne voudrais pas vous amener... On va essayer
de régler les problèmes des universités du Québec
sans déborder sur celles de l'Ontario.
Vous parlez de problèmes de gestion. Vous avez fait état
tout à l'heure de ceux des services auxiliaires où vous avez
réussi à effectuer un redressement remarquable, je pense bien,
des services aux étudiants. Dans l'hypothèse où il y
aurait effectivement un sous-financement, vous invitez les universités
à diversifier leurs sources de financement. Vous dites: Une des
façons de le faire, c'est davantage de donner un enseignement de
qualité, que les entreprises aient à nouveau confiance aux
universités, que les universités pourront ainsi obtenir de bons
contrats de recherche... Autrement dit: Donnez-leur en même temps des
incitatifs, des avantages fiscaux, qui vont les amener à investir dans
les universités. (16 heures)
À présent, j'ai deux inquiétudes et j'aimerais
avoir votre réaction. Une première: N'y a-t-il pas un danger
à trop coller nos universités aux entreprises et, surtout,
d'aller y chercher une part importante de financement? La seconde: En vertu de
quel principe faudrait-il, je dirais acheter la participation des industries et
des entreprises par des incitatifs fiscaux? Je vous rappelle un peu les
chiffres que je livrais ce matin. Vous étiez peut-être dans la
salle. Selon un rapport qui a été rendu public ce matin, il y a
79 000 entreprises au Canada qui ont des revenus qui totalisent
14 000 000 000 $ et pour lesquels elles n'ont payé aucun
impôt. Pourquoi faudrait-il encore, pour avoir leur collaboration,
instaurer des incitatifs fiscaux? Est-ce qu'on pourrait penser
éventuellement à une collaboration qui soit plus de l'ordre de
l'impôt qui n'est pas distribué directement à
l'université, mais qui est distribué par le biais du
ministère de l'Enseignement supérieur qui, lui, voit è le
distribuer de façon équitable et selon des priorités qu'on
se serait données?
M. Raymond: Mme la députée, je pense qu'en 1986, on
ne peut pas se permettre de dire que les universitaires vont à
l'université pour leur seul plaisir. Que l'université soit une
tour d'ivoire, dans le contexte actuel, je pense que c'est complètement
irresponsable. De là à accrocher l'université à la
remorque de la société, cela résulterait d'un autre
déséquilibre aussi. Je pense qu'il y a un juste équilibre
a obtenir. Améliorer notre formation, la rendre plus polyvalente, selon
moi, c'est essentiel. Mon collègue mentionnait que, lorsqu'on sort de
l'université, nous, les diplômés, et que l'entreprise, peu
importe l'organisme qui nous emploie, est obligée de nous former une
deuxième fois pendant deux ou trois ans, je pense que cela explique un
peu que les entreprises soient peu intéressées à
contribuer au financement des universités actuellement.
Améliorer, je pense que cela peut attirer ces financements.
Vous disiez qu'en Ontario, par exemple, la situation n'est pas
meilleure. J'en profite pour glisser un mot là-dessus. Oui, un certain
effort a été fait en Ontario pour rapprocher les
universités du milieu, un certain effort, oui, disons-le, un peu plus
grand que ce qui a été démontré ici. Cela fait dix
ans qu'on parle de rapprocher l'université du milieu. Regardez où
on en est. Par contre, on a parlé aussi de diversification des sources
de revenus. En Ontario, les frais de scolarité sont du double ou du
triple et la situation n'est pas meilleure dans les universités
ontariennes. Je me pose la question, à savoir si une mesure comme
celle-là peut réellement améliorer le sort des
universités. Je pense qu'un rapprochement avec le milieu une
amélioration de la formation sont des choses concrètes que le
milieu autant que ceux qui prennent la chance d'aller à
l'université veulent. Cela se traduit concrètement à moyen
ou à long terme en des impacts économiques et sociaux pour toute
la société.
Mme Blackburn: Oui, mais vous n'avez pas vraiment répondu
à ma question.
M. Trépanier: Je pourrais peut-être
préciser.
Mme Blackburn: Oui. Combien a-t-on de temps?
M. Trépanier: Je crois que vous avez compris qu'on
considérait que les universités étaient un peu
surfinancées alors qu'on considère plutôt qu'elles sont mal
financées. Pour nous, la formule historique financement depuis 1969,
justement, et qui varie d'année en année, soit par le financement
des clientèles nouvelles, les prélèvements qui sont faits
ici et là...
Mme Blackburn: Ce n'était pas cela, ma question.
M. Trépanier: ...empêche les universités de
planifier, empêche les universités de mettre en place, justement,
ce qui a été réfléchi depuis plusieurs
années. Donc, le gouvernement a tout avantage à changer cela.
Nous, on considère qu'il y a également un parfait
déséquilibre dans le financement actuel, c'est-à-dire que
l'État finance presque entièrement les universités. Il
faut quand même ne pas exagérer dans ce sens. Mais je pense que
cela peut seulement être profitable à toute la
société que les entreprises, les gens qui peuvent faire leur
part, puissent la faire.
Mme Blackburn: Selon une étude qui nous a
été présentée ici venant du Conseil de la science
et de la technologie, il est démontré qu'aux États-Unis et
en Ontario particulièrement, le financement qui vient de l'entreprise
est de l'ordre de 3,9 % et au Québec, de 3,3 %. Vous parliez d'autres
sources de financement. Le ministre en a une et ce sont les frais de
scolarité. Vous parliez de diversification tout à l'heure en
disant que c'est vrai que l'État en portait beaucoup. Il y a eu
là-dessus un sondage qui a été rendu public la semaine
dernière. On a essayé d'attirer l'attention sur les effets d'une
hausse des frais de scolarité, par exemple de les porter du simple au
double, sur l'accessibilité. Il semble que votre sondage le
démontre. Il y a également un sondage qui a été
fait dans une de nos provinces, je pense que c'est au Manitoba, qui
démontre que 76 % des Canadiens et 77 % des Québécois
seraient contre une hausse des frais de scolarité. À cela, le
ministre qui a toutes les réponses, nous dit: C'est bien sûr que,
si on vous demande une hausse de taxes, tout le monde sera contre, parce que ce
sont eux qui les consomment. Le sondage a été fait sur toute la
population et pas nécessairement la population qui fréquente
l'université, ce qui me semble nuancer un peu l'affirmation du ministre.
J'aimerais que vous me parliez un peu de ce sondage et des
résultats.
M- Longval (Stéphane): On peut tout de sui-
te remarquer au tableau les impacts d'un dégel des frais de
scolarité qui ont été mesurés par rapport à
notre sondage qui a été fait dans la population étudiante
universitaire du Québec. Je pense que ces données sont
intéressantes. Il nous dit tout d'abord qu'au moins 27 000
étudiants abandonneraient leurs études, 35 000 étudiants
à temps plein seraient forcés d'étudier à temps
partiel et, ce qui est encore aussi grave dans le contexte actuel, selon moi,
26 % des étudiants qui prévoient actuellement poursuivre leurs
études aux 2e et 3e cycles se contenteraient d'un baccalauréat.
Je pense que l'emphase est mise depuis un certain temps sur les études
supérieures aux 2e et 3e cycles. C'est là une répercussion
très importante.
Sur quoi se sont basés les étudiants pour répondre?
On peut voir que 76,6 % des étudiants n'ont aucune bourse, 71 % n'ont
aucun prêt et, ce qui est intéressant aussi, 59 % ne
reçoivent aucune aide familiale. Les autres données sont aussi
intéressantes. Je pense que les répercussions ne seraient pas
catastrophiques - je n'aime pas employer un mot trop fort - mais auraient un
impact très important sur l'accessibilité.
Ce qu'il faut mentionner aussi par rapport à une hausse des frais
de scolarité, je pense que cela est assez clair dans la réponse
de la population en général, des 77 %, c'est que selon nous cette
hausse des frais de scolarité n'apporterait aucune véritable
solution au problème présent. Ce que cela fera, selon nous, c'est
de cautionner le problème présent, c'est-à-dire que les
réformes qu'on demande aux universités, qui sont demandées
depuis dix ans bientôt, ce n'est pas en leur lançant des millions
par la tête qu'on va donner l'"incentive" à ces gens-là de
pouvoir établir de véritables réformes. Je pense que les
étudiants sont clairs là-dessus, on veut de véritables
réformes. Je pense que ce n'est pas une attitude corporatiste que de
dire qu'on est irresponsable par rapport à cela parce qu'on veut qu'il y
ait des changements. Au contraire! Il y a une promesse du Parti libéral
faite lors des dernières élections. J'aimerais que le
gouvernement se tienne debout et ait un peu de courage politique pour conserver
cette promesse-là. J'aimerais connaître les objectifs qui
sous-tendent la promesse. Selon moi, la situation d'il y a neuf mois n'a pas
changé dans les universités. Si on a promis le gel des frais de
scolarité, c'est bien parce qu'on savait que cela n'améliorerait
pas la situation des universités. En tout cas, j'espère que cette
promesse a été faite considérant ces objectifs.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Longval.
Je reconnais maintenant la députée de Groulx.
Mme Bleau: Merci, M. le Président. Vous proposez des
réformes profondes dans les universités. Ne croyez-vous pas que
certaines de ces réformes apporteraient de nouvelles dépenses,
justement» au gouvernement et aux universités?
M. Trépanier: Non. Ce qu'on demande, en fait, c'est que
les universités et le gouvernement apportent des réformes, soit
dans la formule de financement ou à l'intérieur de la
façon de gérer les budgets dans les universités pour
réaménager les sommes qui sont là et surtout pour
surveiller leur attribution. Cela ne coûte rien, il suffit de mettre en
place des mécanismes et s'assurer de voir où va l'argent. Je
pense qu'il y a suffisamment de ressources dans les universités dans le
moment pour surveiller cela, évaluer ce qu'on fait des ressources
investies à l'université et faire des recommandations, justement,
pour que cela fonctionne mieux et qu'on s'améliore constamment. Toutes
les ressources sont dans les universités, il suffit de les utiliser
à bon escient.
Mme Bleau: Tout ce système que vous voudriez qu'on mette
sur pied - les universités se plaignent de ne pas avoir les moyens de
continuer comme cela va dans le moment - ne croyez-vous pas que le temps que
cela prendra ne réglera rien ni pour les étudiants ni pour les
universités?
M. Trépanier: Premièrement, il y a deux ans, on
s'est retrouvé en commission parlementaire parce que la situation
était, une fois de plus, criante. Cette année, on s'y retrouve
encore, et, finalement, si on n'agit pas à un moment donné, si on
n'a pas le courage politique d'agir, dans deux ans on va revenir ici et on va
encore se parler du même problème. Je pense que là il faut
que les universités prennent justement le temps de faire des
réformes. II y a des organismes aussi qui ont le temps de les faire. Ces
organismes c'est le Conseil des universités, par exemple. Nous on
propose qu'il ait plus de pouvoir justement. Qu'il mette en place ces
réformes, qu'il étudie ces réformes et qu'il ait plus de
pouvoir pour les mettre en place. C'est cela qu'on recommande.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Trépanier. Je reconnais maintenant le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, pour une raison de temps on va aller tout de
suite aux considérations du mémoire et aux questions. Moi aussi
je vous félicite pour votre mémoire. Je pense qu'il est de
qualité. Vous l'avez présenté avec
énormément de détermination, probablement aussi en
relation avec votre vécu personnel. La question de la
légitimité m'a frappé. J'aime les choses claires.
Je ne l'aborderai pas nécessairement en termes de clientèle, en
termes de demande parce que je trouve que c'est trop facile, compte tenu qu'il
faudrait faire des analyses plus larges s'il y a tant d'étudiants que
cela qui demandent des cours universitaires. Il y a un contexte qui explique
cela. Il faudrait regarder d'autres dimensions, incluant les dimensions
sociales et les difficultés au niveau de l'emploi. Au-delà de la
question des clientèles, quand vous portez un jugement clairement
à savoir qu'il y a une crise de légitimité dans le milieu
universitaire, il n'y a rien de mieux que de nous dire qui sont les
contestataires de la crise de légitimité. Si ce ne sont pas les
étudiants et si ce ne sont pas les professeurs, c'est qui? Je voudrais
très précisément que vous identifiiez un peu mieux par qui
cela est contesté pour le moment, la situation des
universités?
M. Raymond: Je pense qu'il y avait une indication tantôt.
M. Ryan parlait des étudiants en droit qui avaient une grosse demande.
Je pense qu'il faut aussi s'interroger sur la sortie, la valeur du
diplôme. On a un tableau qui indique quelles sont les
considérations des étudiants quant aux études
universitaires. On voit que 42,5 % seulement des étudiants sont
confiants de trouver un emploi dans leur spécialité après
leurs études. Et 32,8 % se disent d'accord avec l'affirmation suivante:
Je ne sais pas trop où vont me mener mes études. Cela
témoigne d'une inquiétude profonde chez les jeunes. C'est
également le résultat aussi de nombreuses portes closes que les
jeunes ont trouvées sur le marché de l'emploi. Cela doit cesser.
On veut avoir une formation qui va nous permettre d'avoir des jobs, de
contribuer au progrès social et économique du Québec. On
veut que cela commence dès maintenant.
M. Gendron: D'accord. Là-dessus, par contre, je tiens
à vous dire que le fait que les étudiants soient inquiets face
à l'avenir, c'est un problème beaucoup plus large que ce que vous
avez appelé la légitimité des universités. Moi je
voulais juste, par exemple, pour continuer dans cette veine vous demander si
vous ne vouliez pas plutôt dire qu'à ce moment-ci il semble assez
évident que les règles de financement doivent être revues.
Bien sûr, probablement en termes d'ajout budgétaire, en termes de
critères qui tiennent davantage compte de la réalité du
vécu universitaire et en termes concrets parce qu'il y a plusieurs choix
qui ont été suggérés. L'Université de
Montréal, entre autres, nous a dit dans son mémoire: Nous on
voudrait que la formule de financement soit envisagée sur le profil de
chacune des institutions.
Moi, sans être un spécialiste de ces questions, je pense
qu'il y aurait plutôt lieu de regarder davantage les coûts
réels au niveau des programmes, des options et des facultés.
Plutôt que d'avoir un financement "across the board", si vous me
permettez ls'expression, il faudrait tenir compte des coûts réels
des divers programmes parce qu'il y a des facultés, il y a des
programmes académiques - sans embarquer dans toutes les nuances, mais
vous comprenez le langage que je tiens, j'en suis sûr - qui sont plus
dispendieux à offrir aux étudiants et on ne peut pas en imputer
le coût aux étudiants et à d'autres facteurs si on veut
conserver les critères d'accessibilité générale.
Entre les deux modèles, une révision du financement axée
sur le profil de chaque institution universitaire et une révision du
financement axée davantage sur les programmes, sur les options et sur
les facultés, quelle est votre préférence?
M. Raymond: Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas agencer
les deux. Si on est capable de déterminer les différences entre
les institutions et les différences entre les programmes, pourquoi n'y
aurait-il pas un mode de financement différencié qui tienne
compte de ces spécificités-là et qui tienne compte
également du développement spécifique qu'on veut accorder
à chacune des branches des universités et des programmes? C'est
un peu la formule utilisée en Ontario, qui est le "basic income unit".
C'est une formule utilisée depuis longtemps en Ontario. Cela a eu des
résultats positifs. Nous, on est encore à l'âge
archaïque du coût disciplinaire moyen et on a vu les
résultats que cela a donnés, notamment au niveau de
l'hypertrophie des sciences sociales, de la course aux clientèles que
cela a provoqué et également l'ouverture des certificats
où l'objectif fondamental c'était plutôt d'aller chercher
du "cash" que de former du monde. Cela a eu des effets très
néfastes et la responsabilité là-dessus incombe au
gouvernement. (16 h 15)
M. Gendron: Dans votre mémoire, il y a un jugement - on le
sent - il n'est peut-être pas clairement explicite partout, mais on sent
qu'il y a un jugement sur la qualité de la gestion universitaire. On
pourrait encore là pouvoir détailler davantage. Dans certains
cas, cela veut dire: manque d'instruments d'évaluation, avoir offert"
des services qui sont dispensés juste à côté.
Pour avoir jasé avec vous autres, entre autres, à
l'Université de Montréal, vous prétendez que toute
l'organisation est très bien offerte aux étudiants au niveau des
services de santé, c'est peut-être un domaine dans lequel
l'université n'avait pas tant à déployer de finances.
Alors, que tout à côté dans le bassin montréalais,
je suis convaincu
qu'il doit y avoir sûrement quelques possibilités pour les
étudiants universitaires de bénéficier des services de
santé au sens très large du terme. Mais, encore là,
j'aimerais avoir des proportions. Quand on porte un jugement, il faut essayer
d'établir vers quoi votre appréciation tend le plus, puisque il y
a un jugement sur la faiblesse, de la gestion. Et vous admettez
également, je pense, qu'il y a un problème de sous-financement
universitaire.
Si on avait à quantifier les deux, en termes d'ordre de grandeur,
est-ce que vous croyez que le problème est beaucoup plus grave au niveau
universitaire à cause de la faiblesse de gestion ou à cause du
financement? En termes de proportion, c'est 50-50, c'est 20-80, c'est 40-60?
J'aimerais que vous portiez un jugement sur une espèce de proportion
à établir entre, ce que vous appelez en filigrane constant dans
votre mémoire, une faiblesse de gestion générale dans le
monde universitaire et le sous-financement.
M. Raymond: Les deux questions sont très liées. Si
on ne sait pas où va l'argent, on a de la difficulté à
interpréter de quel ordre est le sous-financement. Cela dit, quand on
critique la gestion des universités, on ne dit pas qu'on va aller
chercher
I 000 000 $ là, 100 000 $ là, 100 000 $ là. Ce sont
des économies de bas de laine. Il faut savoir d'abord et avant tout
où va l'argent et pourquoi.
M. Ryan a dit clairement - c'était le 6 novembre -
j'espère qu'il ne nous dira pas aujourd'hui que c'est une erreur:
"Après avoir investi des ressources énormes dans
l'éducation depuis vingt ans, la population québécoise ne
dispose ni des données sûres, ni des instruments de mesure
efficaces qu'il faudrait pour évaluer la performance du système
québécois d'enseignement à tous les niveaux." M. Ryan a
cerné le problème à ce niveau. S'il dit que la solution,
c'est d'augmenter les frais de scolarité, il y a une contradiction
flagrante, mais s'il retire ses propos, s'il dit aujourd'hui que c'est vrai,
comme il le disait le 6 novembre, l'augmentation des frais de scolarité
apparaît, à mon avis, tout à fait incompatible.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Raymond.
J'invite le porte-parole officiel de l'Opposition à conclure au nom de
sa formation politique, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
II est certain que quand on voit la réalité de
l'enseignement universitaire par le biais des clientèles, comme je le
disais à des groupes qui se sont présentés ici, cela
revêt un intérêt particulier.
Tous, je le pense bien, probablement vous autres aussi, quand vous serez
ces dirigeants d'entreprise ou d'école, il vous arrivera de penser que
les étudiants sont fort exigeants ou encore qu'ils ne connaissent
peut-être pas leurs questions. J'espère que vous vous rappellerez
qu'ils sont indispensables à l'université, mais ils sont
également indispensables pour l'avenir du Québec.
Le ministre voudra peut-être m'accuser de courtiser les
étudiants, comme il l'a fait précédemment, mais je
préfère, n'en déplaise aux aînés, voir
l'avenir dans la jeunesse. Je trouve que cela demande beaucoup de courage pour
venir nous dire ce que vous pensez. On peut ne pas partager entièrement
votre analyse, je pense que c'est autre chose, mais je trouve que cela prend du
courage de venir nous dire franchement ce que vous pensez sur des questions qui
sont à la fois complexes, mais qui sont le lot quotidien avec lequel
vous êtes obligés de vivre.
Je voudrais vous remercier de la qualité de votre
présentation, de votre présence ici, de même que de la
qualité de votre mémoire. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais remercier les
dirigeants de la FAECUM d'être venus nous rencontrer, aujourd'hui. De
notre côté, nous faisons assez confiance à la jeunesse pour
lui parler franchement. Quand il y a des choses que nous ne comprenons pas,
nous le disons et si une rencontre ne suffit point, nous en tenons d'autres.
Par conséquent, il y a des points sur lesquels, de toute
évidence, des éclaircissements importants font défaut dans
des choses que j'ai entendues cet après-midi, je vous le dis en toute
simplicité, et je vous dis que je suis ouvert à continuer cette
discussion avec vous pour qu'on essaie de voir plus clair.
Je vous rappelle le problème auquel nous faisons face, le
problème de sous-financement des universités. Nous
étudions également le problème des orientations. Les
autres choses que vous avez dites sont loin de nous laisser
indifférents. Dans l'immédiat il y a un problème de
sous-financement qui nous est posé, nous autres. Vous n'avez pas pris
postion sur ce problème, c'est votre droit, je le respecte. Nous, je
pense que nous serons obligés de prendre position sur le
problème. Nous allons entendre les autres mémoires qui nous
seront présentés et les autres points de vue qu'on nous permettra
d'entendre et nous serons obligés de former notre opinion parce qu'on
nous le demande. C'est l'ensemble de nos concitoyens qui nous le demandent, ce
n'est pas inventé par
personne.
Vous avez fait allusion à notre programme. Cela
m'intéresse toujours. Vous avez parlé de l'article de notre
programme qui indique qu'il faudrait que nous ayons des systèmes
d'évaluation plus solides à tous les niveaux du système
d'enseignement. C'est absolument vrai. Nous avons déjà
commencé à tous les niveaux à appliquer des pressions de
différentes natures pour que l'on renforce les procédures
d'évaluation. Je crois que c'est une des conclusions qui se
dégageront des travaux de la commission: il faut dans nos
universités renforcer les procédures d'évaluation. Nous
avons commencé au niveau primaire et au niveau secondaire à faire
des additions à des choses qui existent déjà. Je ne
voudrais pas laisser sous-entendre, pour tout l'or du monde, que cette
préoccupation commence avec nous. Je crois qu'elle est là depuis
que le système d'enseignement existe, mais c'est évident qu'il y
a des renforcements à instaurer. Nous cherchons des suggestions de ce
côté. Ce ne sera pas imposé par le gouvernement. Il va
falloir que chacun prenne ses responsabilités à son niveau. Nous
n'entendons point introduire de sytème autoritaire dans toutes ces
questions et surtout au niveau universitaire. Nous voulons que cela se fasse
avec la participation et avec la concertation dont vous parliez d'ailleurs.
Maintenant, il y a une chose et je voudrais terminer sur cela. Pour
être de bon compte je pense bien, vous faites bien confiance au Conseil
des universités. Vous êtes prêts à lui confier un
mandat immense. Je ne vous suis pas dans cela, entre parenthèses. Je
pense que vous seriez prêts à lui confier même des
responsabilités qui doivent rester celles du ministre, du gouvernement
et de l'Assemblée nationale. Le Conseil des universités n'est pas
un corps élu. On ne peut pas lui transférer la
responsabilité de décider de l'utilisation des fonds publics. On
peut lui demander des avis, on peut lui demander des études, on peut lui
demander des collaborations, mais on ne peut pas lui transférer cette
responsabilité: c'est incompatible avec l'esprit de notre système
qu'on agisse comme cela. C'est pour cela que je ne voudrais pas que vous
entrevoyiez trop de possibilités de ce côté. Mais je suis
content que vous ayez pensé au Conseil des universités parce que
nous lui faisons confiance au point de prendre au sérieux les choses
qu'il a dites à maintes reprises depuis quelques années sur la
situation financière des universités.
C'est un des paradoxes qui m'étonnent dans votre
présentation, que vous soyez prêts à lui faire confiance
pour l'avenir et que vous n'accordiez aucune attention à ce qu'il a dit
depuis sept ou huit ans. Je comprends que ce ne sera pas tout à fait le
même conseil, il sera réformé, mais quand même!
Je crois que nous essayons de tenir compte de ce qu'il a fait. Nous
avons bien confiance en lui pour l'avenir également. Je l'ai dit ici
dès mon discours de présentation la semaine dernière. Sur
cela je pense qu'il y a des points de vue qu'on aura à vérifier
de plus près de part et d'autre. Peut-être que nous sommes plus
proches de nous comprendre que le texte ne le laisse entendre. Cette partie du
texte je l'ai étudiée avec énormément
d'intérêt. Je me suis dit: II y a peut-être quelque chose
dans cela qui est de nature à nous interpeller. Là je vous laisse
avec un désaccord en toute franchise. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, Mme la députée. M. Trépanier, M. Longval,
M. Raymond et M. Richard je vous remercie beaucoup. La commission permanente de
l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 24)
(Reprise à 16 h 28)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
J'invite les députés à prendre place. La commission
permanente de l'éducation va recommencer ses travaux incessamment.
J'invite aussi les représentants du Syndicat général des
professeurs de l'Université de Montréal à prendre place
à l'avant. Merci.
MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous
plaît! Si vous voulez libérer la table à l'avant pour que
nous puissions accueillir le syndicat général.
La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et
accueille le Syndicat général des professeurs de
l'Université de Montréal. Le syndicat est
représenté par son porte-parole, M. Paul Bratley, qui en est le
président. M. Bratley, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous
remercions beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la
commission permanente de l'éducation de venir nous rencontrer pour nous
aider à trouver des solutions en ce qui regarde l'orientation et le
financement du réseau universitaire québécois.
Nous vous entendons aujourd'hui dans un esprit de continuité,
puisque ce matin la commission parlementaire entendait l'Université de
Montréal, l'Assemblée des doyens et il y a quelques minutes la
Fédération des étudiants du campus de l'Université
de Montréal.
Monsieur, nous vous invitons à nous présenter les gens qui
vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire.
S'il vous plaît, fermez les portes!
SGPUM M. Bratley (Paul): M. le Président,
mesdames, messieurs, je suis très heureux d'être ici
aujourd'hui pour pouvoir présenter ce qui sera un peu le point de vue
d'un syndicat, mais ce qui sera beaucoup, je l'espère, le point de vue
des professeurs qui sont pris dans cette bataille pour un financement
adéquat des universités.
Nous sommes trois pour nous représenter aujourd'hui. À
droite, Mme Monique Michaud, professeur ô la Faculté de
médecine dentaire qui est actuellement et temporairement, comme nous
tous, trésorière de notre syndicat. À gauche, M.
Jean-Pierre Bourdouxhe, conseiller technique et qui constitue à lui seul
tout notre armement de recherche au syndicat général des
professeurs. Je m'appelle Paul Bratley, je suis professeur au
département d'informatique et de recherche opérationnelle de
l'Université de Montréal, et, temporairement, aussi
président du syndicat des professeurs.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie,
M. Bratley. Je vous rappelle que la commission a environ une heure à
consacrer à votre syndicat. La première partie consistera
à la présentation de votre mémoire, et, par la suite, on
pourra entreprendre l'échange de points de vue avec des membres de la
commission parlementaire. Si vous jugez à propos de poser des questions
ou de détailler certaines de vos réponses ou demander aux gens
qui vous accompagnent, soyez bien à votre aise.
M. Bratley: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je veux aussi vous
remercier d'avoir accepté de changer l'heure de présentation avec
la Fédération des associations étudiantes du campus de
l'Université de Montréal, cela a aidé tout le monde. Je
vous remercie.
M. Bratley: M. le Président, je vais faire un très
court résumé de notre mémoire qui est lui-même
très court, parce que vous avez entendu aujourd'hui et sûrement
à d'autres moments aussi, des pluies de chiffres de toutes sortes qui
démontrent le sous-financement chronique de toutes les
universités du Québec et le sous-financement particulier de
l'Université de Montréal.
Je dois commencer par dire que les membres de notre syndicat sont avant
tout professeurs à l'Université de Montréal, et
qu'aujourd'hui, pour une fois, le syndicat se trouve tout à fait
d'accord avec les dirigeants de l'université. On appuie tout à
fait ce que notre recteur a dit ce matin, on appuie tout à fait ce que
nos doyens ont dit ce matin. Je crois qu'ils ont fait la preuve
éloquente du problème de l'Université de Montréal,
des particularités de l'Université de Montréal. Je n'ai ni
envie ni besoin de répéter tout ce qu'ils vous ont dit ce matin.
On est d'accord avec eux à 100 %.
Nous sommes aussi membres de la FAPUQ, la Fédération des
associations de professeurs des universités du Québec, qui est
venue avec d'autres syndicats, d'autres associations, la semaine
dernière, je crois, vous présenter un mémoire au nom de
tous les professeurs des universités du Québec. Je dois dire que
nous avons eu l'occasion de voir ce mémoire et que nous souscrivons
aussi au mémoire présenté au nom des associations et des
syndicats de toutes les universités du Québec.
Je vais me contenter aujourd'hui de prendre seulement, j'espère,
cinq à dix minutes au maximum pour vous dire quelques mots sur le
climat, comment cela se sent actuellement d'être professeur à
l'Université de Montréal.
Notre problème, je pense, c'est que nous ne voyons pas le bout du
tunnel. Depuis plusieurs années déjà, nous avons
l'impression que les universités et, en particulier, le corps
professoral et les chercheurs subissent des coupures qui, depuis
déjà un bon bout de temps, ont fait très mal.
Il est peut-être bon parfois de faire la diète pour une
semaine ou un mois ou quelques mois. On perd un peu de poids et on se sent
mieux à la fin de tout cela. À l'Université de
Montréal, dans le corps professoral, actuellement, le sentiment est
près du désespoir. Nous avons subi la diète si longtemps
et appliquée de façon si féroce que nous commençons
à croire qu'on va en mourir.
Vous avez, dans votre pluie de chiffres, des chiffres sur les montants
accordés aux universités. Ce qui nous concerne plus
particulièrement, ce sont les chiffres sur le ratio
étudiants-professeur. II est remarquable qu'en 1975, il y avait
exactement le même nombre de professeurs à l'Université de
Montréal que maintenant, en 1966. Et pourtant, le nombre
d'étudiants inscrits dans notre institution a augmenté de
moitié. Nous avons un ratio étudiants-professeur qui est
passé de 17 à 25. C'est le genre de chiffres qui, probablement,
ne vous disent pas grand-chose. Un ratio étudiants-professeur de 25,
cela veut dire que dans mon département, par exemple, la classe moyenne
compte environ de 75 à 80 étudiants. Je ne peux plus remplir ma
tâche de professeur devant une classe de 80 élèves. Je n'en
ai pas peur, mais je ne peux pas remplir ma tâche. Si je donne deux cours
simultanément en supposant un certain chevauchement, cela fait une
clientèle de 120 personnes. Je ne peux plus remplir ma tâche de
professeur, faire de la recherche, participer, faire toutes sortes de choses,
à moins d'aller me cacher à la maison, de barrer la porte de mon
bureau et puis d'interdire l'accès des étudiants à leur
professeur. Cela me brise le coeur. Je suis
professeur depuis 20 ans et je suis obligé maintenant de mal
enseigner et je n'aime pas cela du tout.
Outre le nombre des étudiants, il y a la question des locaux et
des équipements. Je vous l'ai dit, j'oeuvre dans un département
de technologie de pointe. Notre équipement est nettement
inadéquat. Les étudiants, pendant très longtemps, ont
toléré le fait qu'il faille faire les travaux pratiques à
2 heures au à 3 heures du matin, parce que, durant la journée,
l'équipement n'est pas disponible, l'équipement n'est pas libre.
Les étudiants ont commencé à rouspéter le jour
où non seulement il fallait faire les travaux pratiques à 2
heures ou à 3 heures du matin, mais où encore il fallait faire la
queue pour avoir un terminal à 2 heures ou à 3 heures du matin.
Notre équipement est lamentablement inadéquat.
La même chose est vraie - cela a été dit ce matin -
pour les bibliothèques. La même chose est vraie pour toutes les
ressources qui sont nécessaires pour un bon enseignement. Pourtant, on
arrive quand même à faire des choses. De la recherche à
l'Université de Montréal, malgré tout, on arrive quand
même à en faire. On arrive quand même à être
productif, mais il y a une tension de plus en forte quand on ne peut pas tout
faire. On est toujours, tous les jours, à tout moment, devant le
dilemme: Qu'est-ce qu'on laisse tomber? Il n'est plus question de faire tout ce
qu'on nous demande de faire.
Le corps professoral est particulièrement frappé par de
mauvais salaires. C'est une chose importante pour tout le monde. On est
beaucoup frappé aussi par l'absence complète de renouvellement du
corps professoral. On parle du vieillissement du corps professoral et c'est
vrai qu'il y a vieillissement quand on regarde l'âge moyen des
professeurs et des chercheurs à l'université. Mais la cause de
cela, c'est qu'il n'y a plus de jeunes, qu'il n'y a pas de professeurs
adjoints, qu'il n'y a pas de relève, que le corps professoral ne se
renouvelle pas. Les quelques professeurs qu'on arrive à recruter sont
recrutés très souvent ces jours-ci avec des primes de salaire,
parce que l'échelle des salaires de l'université est si basse que
personne ne viendrait. Cela, bien sûr, contribue à une
atmosphère de tension, une atmosphère de dissension à
l'intérieur de l'université. Cela fait des classes de personnes
qui sont mal traitées.
II y a une classe très importante à l'Université de
Montréal, les jeunes chercheurs. Beaucoup d'entre eux ont
été engagés avec une demi-promesse ou au moins une
suggestion qu'ils allaient faire carrière à l'université
comme professeurs après. Avec le gel des postes, ces chercheurs
continuent à être chercheurs; ils ne deviennent jamais
professeurs; ils n'ont jamais de stabilité d'emploi; ils sont
exploités et c'est tout ce qu'il reste de la relève; à
part eux, il n'y a rien.
Pour résumer, c'est donc par le gel des postes et les coupures
dans le soutien à l'enseignement et à la recherche que nous
croyons, nous, professeurs et chercheurs, avoir porté le fardeau de ces
restrictions budgétaires qui ont été imposées. En
dépit de nos performances qui sont, nous le croyons, parmi les
meilleures des universités du Québec, parmi les meilleures des
universités du Canada, en dépit de tout cela, nous sommes mal
payés et on ne nous assure pas la relève qui est si essentielle
pour la formation d'un bon corps professoral.
Quand on est dans le désert, on voit des mirages. Nous sommes
dans le désert, nous, depuis longtemps. Je vous l'ai dit, on commence
à mourir de soif et de faim. Nous espérons que cette commission
parlementaire n'est pas seulement un mirage dans notre désert. (16 h
45)
Je voudrais terminer avec un petit mot que je vais citer de M. le
député d'Argenteuil qui m'a fait grand plaisir. Dans le
débat, aujourd'hui, il y a une chose qui m'a rendu très anxieux.
Je suis quand même professeur dans une université et non pas dans
une école de technologie. M. Ryan a dit l'année dernière,
à l'Université de Montréal: "Le développement
intellectuel et culturel dans toutes ses dimensions, y compris les dimensions
qui ne sont pas visiblement utilitaires, est indispensable au progrès de
la culture et de la civilisation. Ce serait atrophier à l'avance la
maturation de notre société québécoise de ne pas
reconnaître expressément la place vitale que doivent y occuper des
institutions universitaires libres et responsables."
J'entends par cela, et je m'en réjouis, que M. Ryan voit la
nécessité de maintenir en place une université où
toutes les disciplines ont leur place, où toutes les disciplines sont
importantes. Je suis un scientifique, je suis dans un département
technologique. Ce ne serait pas du tout une solution à mes
problèmes que de donner de l'argent uniquement à mes
collègues scientifiques et de laisser les autres collègues, les
gens de lettres, les gens de littérature, les gens de musique sans
participation à la relance qu'on espère de notre
université. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Bratley.
Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur
et de la Science, le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, nous approchons du terme d'une
journée qui a été
très remplie, qui nous a permis de prendre une bonne vue
d'ensemble de la situation présente de l'Université de
Montréal. J'en suis très heureux. Le mémoire que vous
venez de lire ajoute le témoignage des professeurs à ceux que
nous avons entendus jusqu'à maintenant. Je pense pouvoir constater, sans
déformer la réalité, que votre mémoire s'inscrit
dans la ligne de la plupart des témoignages que nous avons entendus
devant la commission, c'est-à-dire qu'il nous invite à
reconnaître une situation pénible qui s'est créée au
cours des dernières années dans le secteur universitaire. Je ne
sais pas si le groupe qui a témoigné avant vous est
déjà parti, je pense qu'il est déjà parti. Il ne
pourra pas apprendre la partie qui n'était pas dans son mémoire
évidemment, s'il n'est pas là pour l'entendre. Mais je crois que
les faits que vous apportez viennent s'ajouter à ceux qui nous ont
été communiqués à maintes reprises, à ceux
dont je n'ai cessé d'entendre parler depuis que je suis revenu dans le
secteur de l'éducation il y a quelques années, d'abord à
titre de porte-parole de l'Opposition en cette matière.
J'avais été étonné à l'époque.
Je ne pensais pas qu'on avait déjà commencé à
prendre un tel retard et je croyais, au début, qu'on exagérait.
Je savais qu'on était porté parfois à le faire dans les
milieux où vous évoluez, et je me disais: peut-être qu'il y
a de l'exagération. Je m'étais imposé d'aller visiter
plusieurs laboratoires. Je me souviens qu'un jour j'avais causé avec des
professeurs du département de chimie à l'Université de
Montréal, que je connaissais très peu. On m'avait mis le doigt
sur les problèmes, Â ce moment-là, on est bien
obligé de se rendre à l'évidence et de constater que des
choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Je pense que tous les
témoignages, ou à peu près, que nous avons entendus depuis
deux semaines vont dans la même direction et je tiens à vous
assurer que nous en prenons bonne note.
En ce qui me touche, je n'ai point changé d'opinion sur le fond
des choses depuis la communication que j'étais allé faire chez
vous à l'automne de 1985, que vous avez eu l'amabilité d'annexer
à votre mémoire, surtout pour m'en rappeler la teneur. Je ne me
fais point d'illusion.
Je pense qu'on peut considérer, autant du côté de
l'Opposition que de ce côté-ci, que l'orientation fondamentale est
la même. Je peux vous assurer que nombreux sont, au sein de la
députation ministérielle et du gouvernement, les élus qui
pensent de la même manière. Vous avez vu que les
députés du côté ministériel ont suivi depuis
le début des travaux avec beaucoup d'attention et de respect les propos
qui nous ont été communiqués. Nous allons continuer
ensemble de le faire jusqu'à la fin. Je crois qu'à ce point de
vue l'Opposition se comporte exactement de la même manière avec un
intérêt qui est indéniable, une dignité, je pense,
qu'on doit reconnaître aussi. De ce point de vue, il n'y a pas de danger.
On est capable de reconnaître cela loyalement. On va continuer de
cheminer ensemble. Je pense qu'en démocratie, les élus prennent
leurs décisions à la lumière des indications que l'opinion
leur apporte, à la lumière aussi, je l'espère, des
convictions profondes qu'ils ont et en bonne mesure à l'aide des
indications que leurs contacts avec leurs concitoyens leur apportent. Ils font
face - il faut le reconnaître à leur décharge - à
des conflits de priorités qui sont extrêmement
déchirants.
Quand il s'agit de décider si vous allez mettre un peu plus
d'argent du côté de l'aide sociale ou du côté de
l'enseignement universitaire, le choix n'est pas aussi facile qu'il peut
sembler à prime abord, pour nous qui sommes réunis ici. Nous
avons parlé des universités toute la journée. Je pense que
le choix est peut-être plus indiqué dans le sens de l'aide
à l'enseignement universitaire. Nous essayons de penser à
l'avenir. Nous nous disons que comme investissement pour notre
société, c'est très important. Pour ceux qui sont à
l'autre bout de la chaîne et qui ont besoin d'un soulagement
immédiat, dans une situation qui est synonyme souvent de misère,
je pense qu'on doit comprendre qu'eux aussi veulent que des ressources
publiques plus abondantes soient mises à leur disposition. C'est la
tâche des gouvernements. Je veux vous assurer d'une chose: Nous sommes
nombreux à travailler, nous allons continuer à travailler pour
trouver des améliorations à la situation qui nous confronte.
Maintenant, je voudrais vous poser une question. J'ai remarqué
que dans votre mémoire, il n'y avait pas de recommandations au sens
classique du terme comme on les trouve d'ordinaire à la fin d'un
mémoire. Ce n'est pas mauvais parce que cela nous invite à
engager le dialogue plus directement peut-être. Disons que nous
convenions qu'il faut un niveau de financement plus élevé pour
notre système universitaire, j'aimerais connaître quelles sont vos
propositions de ce côté? Où devons-nous trouver cet argent?
Je vais aller plus loin que cela. Dans l'hypothèse où le
gouvernement en viendrait à la conclusion qu'il ne peut pas augmenter
davantage le fardeau fiscal ou la dette. On n'a pas le choix. Il n'y a pas 25
moyens quand on est au gouvernement. II faut soit peser sur le bouton fiscal,
soit peser sur le bouton endettement ou la réduction de services. Ce
sont les trois moyens qui s'offrent à un gouvernement. À supposer
que le gouvernement, pour toutes sortes de raisons, conclurait qu'il ne peut
pas investir dans le secteur universitaire les sommes qu'a recommandées
le Conseil des universités, où
est-ce que vous pensez qu'il faudrait aller chercher ces sommes?
M. Bratley: Si j'avais une bonne réponse, je serais
à votre place, M. le ministre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Ryan: Dans le débat que nous avons, plusieurs de ceux
qui se sont présentés devant la commission ont
évoqué la possibilité d'une augmentation des revenus en
provenance des frais de scolarité, en s'appuyant surtout sur le fait que
le Québec, en ce domaine, a un rendement inférieur d'au moins la
moitié au rendement qu'on observe dans les autres provinces. Le rapport
varie de deux à trois contre un selon les provinces. Quelle est votre
position sur cette question?
M. Bratley: En tant que syndicat, nous n'avons pas de position.
Il est certain qu'une fraction des membres de notre syndicat est favorable
à une hausse des frais de scolarité. Il est également
certain qu'une fraction - je ne sais pas si elle est plus grande ou plus petite
- serait défavorable. Ce qui est certain, c'est que tous nos membres -
si jamais il y a une hausse des frais de scolarité - seraient favorables
à un mécanisme qui rendrait quand même l'université
accessible à tous ceux qui ont le talent pour bénéficier
d'une éducation universitaire.
M, Ryan: Merci. Juste une autre question, si vous me permettez.
Il a été beaucoup question, depuis le début des travaux de
la commission, de la charge de travail du professeur d'université. Pour
toutes sortes de raisons, l'opinion s'est créée dans plusieurs
milieux que les professeurs d'université ont une situation plutôt
confortable et qu'avec un effort de productivité accru, ils pourraient
peut-être contribuer à résoudre le problème
financier des universités.
J'ai laissé entendre devant la Fédération des
associations de professeurs d'université, qui est venue nous rencontrer,
que nous instituerions une étude sur ce sujet afin d'établir avec
clarté les éléments essentiels du dossier. Je voudrais
vous demander si, du côté de votre syndicat, vous serez
prêts à collaborer avec nous autres dans cette étude, si
nous recourons à votre concours?
M. Bratley: On serait tout à fait prêt à
collaborer d'autant plus qu'on est membre de la FAPUQ, donc qu'on est
prêt à appuyer ce qu'ils font. II est clair que les gens ne savent
pas ce qu'on fait à l'université. Ce fut notre erreur dans le
passé de n'avoir jamais assez expliqué notre point de vue, de
n'avoir jamais dit assez ce que fait un professeur d'université. Pour
rectifier cette situation malheureuse, il est tout à fait certain que
nous sommes prêts à aider votre ministère et la FAPUQ
à montrer au public ce que nous faisons.
Dans l'immédiat, je vous dirais une chose: Si jamais un membre de
votre commission, un membre de la fonction publique ou n'importe qui dit que
les professeurs d'université se la coulent douce, envoyez-le moi, qu'il
me suive une journée à l'Université de Montréal, et
je vais vous le retourner, au bout de cette journée, converti.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président. Si jamais on trouve un député qui veut tenter
l'expérience, on vous l'enverra. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, madame, messieurs, il me fait plaisir de vous avoir
là. On aura passé toute la journée avec
l'Université de Montréal. Je trouve que cela n'a rien de
désagréable, c'est au contraire fort intéressant. Je ne
ferai pas de long préambule, parce que beaucoup de choses sont dans
votre mémoire.
Quand le ministre dit: Je ne me fais pas d'illusion sur l'objectif que
vous visez en incluant mon texte dans votre mémoire, en l'annexant,
c'est pour me rappeler mes engagements. Je pense que c'est plus que cela, c'est
pour vous demander s'il est prêt à les respecter. C'est ce que
j'avais cru comprendre.
Par ailleurs, la toute dernière question a porté sur les
frais de scolarité. Je voudrais juste vous dire que si on fait un bref
calcul par rapport aux engagements qu'il semble vouloir à nouveau
prendre, mais dans une autre direction, la hausse des frais de
scolarité, si on les double, fait entrer dans les coffres de
l'État de 70 000 000 $ à 75 000 000 $. De ces sommes, on estime
que, pour garder juste à l'aide financière ce qu'il y a
actuellement, cela vous prend le tiers de ces ressources. Il y a une
bonification qui vient d'être faite à J'aide financière.
C'est donc au minimum, mettons 27 000 000 $ à 30 000 000 $ que cela
prendra exclusivement pour améliorer l'aide financière.
Cette année, il y a eu des compressions et des coupures de
l'ordre de 34 000 000 $ dans l'enveloppe. Cela veut dire que même en
doublant les frais de scolarité pour les étudiants dans les
universités et si tant est qu'ils retournent la totalité des
sommes dans les universités, cela va à peu près vous
mettre dans la situation qui était la vôtre en 1985-1986. C'est
probablement au recteur que j'aurais dû poser la question pour lui
demander: Cela voudrait dire quoi comme amélioration de vos
conditions si c'était à peu près cela votre niveau
d'enveloppe? Je pense que c'est important. (17 heures)
Je ne reviendrai pas sur toutes les questions touchant le financement et
les sources de financement. Les étudiants, tout à l'heure - parce
que j'imagine que cela aussi ça vous intéresse autant que la
qualité et le financement, certainement plus, alors, on va parler un peu
des étudiants - réclament une formation plus près du
marché du travail. Ils semblent inquiets, pas suffisamment bien
préparés. Ils ont d'eux-mêmes une opinion pas très
favorable. Si je comprends bien leurs propos tantôt, ils finissent par
penser qu'ils ne sont pas bien formés, que les employeurs estiment
qu'ils sont ma! formés et ils estiment anormal que les entreprises
soient obligées d'investir pour adapter la formation au marché,
à l'entreprise, ce qui m'étonne, mais quand mêmel Donc, ce
qu'ils nous ont présenté tantôt m'a paru à cet
égard assez négatif. Je le rappelle, les employeurs ne font pas
confiance en leur formation. Leur formation, selon eux, ne serait pas assez
près du marché du travail et ils pensent, par cette mesure,
être plus en état de trouver un emploi. Je voudrais que vous me
fassiez vos commentaires et vos réflexions sur cette inquiétude
que manifestent les étudiants.
M. Bratley: Madame, je devrais peut-être commencer par
dire, un peu pour taquiner M. le ministre, que son exposé était,
bien sûr, un peu exagéré, mais on trouve qu'il a
exposé aussi bien que nous aurions pu le faire la situation
catastrophique de l'université. Bien sûr, cela nous a
amusés, mais nous sommes quand même tout à fait d'accord
avec ce qu'il a dit.
En ce qui concerne l'engagement sur le marché du travail je
pourrais vous donner une réponse à plusieurs niveaux. Si vous me
permettez, je vais commencer par le niveau qui peut sembler
simultanément le plus arrogant et en même temps d'une certaine
façon le plus vrai. Ma tâche comme professeur d'université,
surtout dans une discipline technologique, ce n'est pas de former des gens qui
peuvent sortir de l'université et aller travailler dans une entreprise
le lendemain. Ma tâche, comme professeur dans une grande
université de recherche, c'est de former des gens qui, a la fin de leur
carrière universitaire, pourront fonder de nouvelles entreprises. Le
rôle primordial d'un professeur dans une université comme
l'Université de Montréal c'est de faire avancer la
société, non seulement de contribuer à la
société dans son état actuel. Les étudiants, je
pense, n'ont pas la perspective qu'on peut avoir après plusieurs
années dans le métier. Je crois que nous ne faisons pas si mal
notre tâche de trouver les gens qui pourront travailler demain. Je pense
qu'on peut dire qu'on fait très bien notre tâche de former les
gens qui vont transformer la société, qui vont inventer et
implanter de nouvelles technologies, qui vont être, eux, la prochaine
génération des propriétaires d'entreprises et non pas des
employés d'entreprises.
A un niveau beaucoup plus terre à terre, dans un
département comme le mien il n'est pas vrai qu'on fonctionne
isolés du monde du travail. Si j'avais été à
Montréal en fin de semaine... Nos diplômés, ceux de mon
département d'informatique, font une réunion cinq ans
après. Ils invitent les professeurs, nous rencontrons nos
diplômés et il y a une discussion sur l'adéquation entre
les études qu'ils ont suivies à l'Université de
Montréal et leur expérience sur le marché du travail.
C'est seulement un département, bien sûr. Tout le monde ne peut
parler que de son expérience. J'imagine que dans une faculté
professionnelle, le Dr Michaud, par exemple, pourrait dire la même
chose.
Mme Michaud (Monique): II est certain qu'au sortir de
l'université les étudiants ont acquis un certain bagage. Le
professeur d'université doit former des étudiants qui, en entrant
sur le marché du travail, devront innover à partir des
données élémentaires qu'on leur a données et on
leur aura fait une ouverture sur une perspective infinie. On les invite
à continuer à être innovateurs dans leur domaine et
à s'ouvrir à un système d'éducation continue. On ne
s'attend pas que le jour où ils sortiront de l'université ils
aient des connaissances stagnantes. Dans un domaine comme la santé, en
moins de deux ans ils seraient déjà déphasés. Donc
ils ont, en adoptant le domaine comme la médecine dentaire,
décidé d'être autonomes, habituellement de ne pas aller
travailler dans une entreprise, mais bien à leur compte, et ils ont la
responsabilité du maintien de la qualité de leurs connaissances
et ils sont les propres juges de cela. Ils n'ont pas un employeur pour,
systématiquement, les remettre à jour en arrivant ou
périodiquement. Donc, l'étudiant qui sort de l'université
est obligé de percevoir qu'il n'est qu'au point de départ quand
il reçoit son diplôme.
Mme Blackburn: Cela répond en partie à ma question,
en partie seulement, parce que je dois dire que je partage cette vision de la
formation initiale et de la formation dite plus fondamentale qui permet ensuite
de s'approprier de nouvelles connaissances. Ce n'était pas vraiment le
sens de ma question. Je me demandais si vous étiez sensibilisés
au fait que les jeunes qu'on a vus tout à l'heure semblent
préoccupés de cela, je ne vous dis pas qu'ils ont raison. Ils
sont préoccupés et
ils véhiculent là-dessus un préjugé qu'on
retrouve une peu trop malheureusement dans la société.
Sentez-vous cela dans vos cours? Êtes-vous assez ouverts à cela?
Avez-vous l'occasion d'en parler? Comment identifiez-vous les causes du
phénomène? Est-ce exclusivement en raison du chômage?
M. Bratley: II est certain que cela varie beaucoup avec les
disciplines. Je crois aussi que la réaction des étudiants varie
beaucoup avec les disciplines. On a entendu cet après-midi des
étudiants dire que la formation du premier cycle devait être
beaucoup plus polyvalente, beaucoup plus large et devait couvrir un spectre qui
leur offrira plus de chance de trouver un emploi en sortant de
l'université.
Dans mon département, vous entendiez un discours tout à
fait contraire. Le moindre effort qu'on fait pour convaincre un informaticien
qu'il a besoin de savoir autre chose que l'informatique, il va se retourner
contre nous et demander un diplôme ultra spécialisé parce
qu'il pense qu'avec un diplôme ultraspécialisé il trouvera
un emploi plus facilement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée, si vous voulez conclure au nom de votre formation
politique.
Mme Blackburn: J'aurais une dernière question et je
conclus tout de suite après.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ah bon! Cela
va.
Mme Blackburn: On a beaucoup abordé toute la question de
la diversification des sources de financement. Beaucoup de personnes qui se
sont présentées ici estiment que l'une des façons de le
faire, c'est de se coller davantage aux entreprises. Là-dessus, je pense
que les jeunes abondent tout à fait dans cette direction. On dit: Si on
amène un plus grand financement des entreprises, si on est plus
près des entreprises, on aura un plus grand financement. Cela ne semble
pas préoccuper beaucoup les tenants de cette solution.
Par ailleurs, il ne faudrait peut-être pas trop se
préoccuper parce que, si l'on regarde la part de financement
assurée par les entreprises dans les universités canadiennes et
américaines, cela demeure relativement modeste. Il y en a qui en ont
plus parce qu'elles sont plus dans des programmes qui viennent des entreprises,
mais il y en a d'autres... Finalement, l'un dans l'autre, c'est 3,3 % et pour
nous, c'est 3,9 %.
Par ailleurs, c'est un financement qui viendrait assez fortement des
universités. Est-ce que cela ne présenterait pas un danger pour
infléchir les orientations des universités, pour biaiser la
mission des universités qui en est une - il faut le savoir de critique
vis-à-vis du milieu de formation, de recherche, d'avancement des
connaissances? C'est que tout à coup on semble voir là-dedans une
solution rêvée alors que d'abord, on ne semble pas sûr qu'on
puisse l'avoir, puis, si elle se faisait effectivement,
présenterait-elle des dangers?
M. Bratley: Dans les départements que je connais, il y a
pas mal d'implication avec les entreprises, mais surtout au niveau de la
maîtrise et du doctorat. Il y a plusieurs problèmes si on veut se
lier ou se concerter avec les entreprises au niveau du premier cycle.
Un premier problème, c'est qu'au premier cycle, tout simplement,
les étudiants, très souvent, la plupart du temps, n'ont pas
encore la formation pour bénéficier d'un stage en entreprise.
L'université c'est un lieu de travail intellectuel. Il ne faut pas
oublier que le travail intellectuel c'est difficile, cela demande beaucoup de
concentration, cela demande beaucoup d'effort. Nous croyons que le premier
cycle actuel c'est à peine suffisant pour former des étudiants
qui ont pris le pli du travail intellectuel bien fait, qui ont la
maîtrise de soi pour bien juger leur projet, qui ont une vue assez large
de la discipline pour juger les priorités, les choses qui sont en train
de devenir désuètes et ainsi de suite.
Je crois que lâcher beaucoup d'étudiants de premier cycle
dans les entreprises, ce serait une excellente façon de s'en laver les
mains pour un trimestre ou deux, et j'avoue que cela nous soulagerait d'un
certain point de vue, mais pour la formation des étudiants, je ne pense
pas que ce serait une bonne chose.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Continuez,
je m'excuse.
M. Bratley: Je voulais dire qu'au niveau de la maîtrise et
du doctorat, c'est une autre question. Au niveau de la maîtrise et du
doctorat, nous, par exemple, on trouve beaucoup de sujets de recherche dans les
problèmes des entreprises. Bien sûr, étant universitaires,
on a tendance à abstraire les problèmes, à les traiter de
façon plus rigoureuse, de façon plus théorique, mais
l'inspiration de beaucoup de choses qu'on fait vient de l'industrie.
Je ne pense pas que ce soit une source de déviation. Je pense
plutôt qu'à ce niveau, quand les gens ont déjà une
certaine formation, c'est une source de bonnes idées pour les
problèmes importants et les problèmes actuels.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
Mme Blackburn: Je vais conclure, parce que le temps qui
m'était imparti est terminé. Je voudrais, au nom de ma formation
politique, de mon collègue de Laviolette, vous remercier pour votre
participation aux travaux de cette commission. Je disais tout à l'heure:
On a passé la journée avec l'Université de
Montréal, cela fait une journée fort intéressante.
J'espère, pour les professeurs, pour les étudiants, pour les
universités, qu'on pourra trouver à la fois cette
définition suffisamment emballante de ce que serait la mission et les
orientations des universités, en même temps que des sources de
financement qui nous permettent de réaliser ces objectifs sans porter
atteinte à l'accessibilité. Madame et messieurs, je vous
remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci madame. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: II me fait plaisir, M. le Président, de terminer
cette journée en adressant des remerciements à tous ceux qui sont
venus rencontrer la commission parlementaire, à commencer par les
autorités de l'université que nous avons rencontrés ce
matin, ensuite les doyens, les représentants des associations
étudiantes et présentement les représentants du syndicat
des professeurs.
On nous a présenté différents volets de la
réalité de l'Université de Montréal. Je pense que
tout cela forme un tout qui demeure une réalité impressionnante
dans le paysage de la vie de la région de Montréal et dans le
paysage québécois aussi.
Nous retenons surtout de la journée que nous avons passée
ensemble le rappel d'une situation difficile, qui a été
illustrée abondamment et qui nous interpelle en vue d'une action au
cours de la période qui s'annonce. Je pense que le message a
été clairement présenté, il a été
présenté avec une courtoisie absolument irréprochable par
tout le monde. Des désaccords qui peuvent survenir sur un point ou
l'autre, je pense que cela fait partie du débat civilisé qui doit
être caractéristique de la vie parlementaire. (17 h 15)
Je veux vous assurer qu'on va continuer de chercher des solutions et que
ce dialogue ouvert avec l'université est en lui-même un
élément de solution qui n'est point négligeable. Je pense
que l'université s'était un peu éloignée du
Parlement au cours des dernières années. On a fonctionné
au Québec avec une sorte de postulat non écrit voulant qu'il y
ait comme un mur de séparation. L'université était assez
éloignée du Parlement. Je vous en donne seulement un exemple. Les
hommes politiques, en général, n'ont pas la chance d'aller
beaucoup dans les universités. Ils sont invités de temps à
autre par les associations étudiantes, mais, à part cela, ils ne
sont pas invités beaucoup. Je pense qu'il faudrait leur donner la chance
de connaître davantage le milieu universitaire. Je pense que cela
aiderait beaucoup, ça aussi.
M. Jolivet: Dans les régions... ce n'est pas juste aux
étudiants. Dans les régions, on y va.
M. Ryan: C'est plus facile dans les régions, parce que
l'osmose se fait plus aisément entre les différents milieux, mais
dans les milieux métropolitains comme Québec et Montréal,
c'est plus difficile. Cela prend des efforts plus systématiques, plus
délibérés. Je pense que cela s'impose et c'est une
leçon, je pense, que l'université doit tirer de son
côté, Ses rapports avec la communauté doivent être
cultivés soigneusement pour que sa contribution originale au
progrès de l'ensemble soit mieux comprise, appréciée et
soutenue dans les phases difficiles comme celle que nous traversons.
Je vous invite à la compréhension à notre endroit
aussi. Je voudrais féliciter le syndicat, qui est notre dernier
interlocuteur aujourd'hui, de l'intérêt qu'il porte depuis
déjà longtemps aux problèmes plus larges du financement de
l'université...
Une voix: II y a un autre groupe.
M. Ryan: Je m'excuse pour le groupe qui va suivre. Très
bien.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je
commençais à avoir peur.
M. Ryan: Je mets fin à mes remarques. Je réserve la
suite pour tantôt. Je vous remercie, messieurs et mesdames les
professeurs. J'ai eu l'occasion de constater votre intérêt plus
large pour les problèmes généraux de l'université,
en particulier ses problèmes de financement, à l'occasion d'une
série que vous aviez organisée il y a déjà deux ou
trois ans à laquelle j'avais eu le plaisir de participer.
J'espère que vous maintiendrez cette dimension plus large. Je pense que
nous en avons besoin. L'université en a besoin aussi. Vous trouverez
toujours du côté du gouvernement une attitude prête au
dialogue et au débat, si nécessaire. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Au nom de la
commission parlementaire, M. Bratley, Mme Michaud, M. Bourdouxhe, nous vous
remercions beaucoup. Encore une fois, un merci tout à fait
spécial pour la collaboration que vous avez accordée à la
commission dans l'aménagement de son calendrier de travail
d'aujourd'hui.
La commission suspend ses travaux quelques minutes et nous
accueillerons, lorsque nous reprendrons nos travaux, l'Association des
diplômés de l'Université de Montréal.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 21)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
J'inviterais les représentants de l'Association des
diplômés de l'Université de Montréal à
prendre place à la tribune de nos invités,
La commission parlementaire sur l'éducation vient de reprendre
ses travaux et accueille l'Association des diplômés de
l'Université de Montréal. Leur porte-parole et président
est M. Pierre Grandmaison. M. Grandmaison, vous nous souhaitons la bienvenue
et, encore une fois, nous vous remercions d'avoir répondu à
l'invitation de la commission parlementaire de venir discuter et
réfléchir avec nous sur le problème de l'orientation et du
financement du réseau universitaire québécois. La
commission a prévu de vous entendre durant environ une heure. On
m'informe qu'une période d'environ 15 à 20 minutes a
été prévue pour l'exposé de votre mémoire.
Ensuite, nous procéderons à un échange de propos avec les
membres de la commission dans un cadre très formel, mais de la
façon la plus informelle possible. Sentez-vous bien à votre aise,
monsieur. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent.
Association des diplômés de
l'Université de Montréal
M. Grandmaison (Pierre): M. le Président, il me fait
plaisir de vous présenter les gens qui m'accompagnent ici, aujourd'hui.
D'abord, à l'extrême gauche, M. Louis Dalbec, diplômé
en traduction de 1973...
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Dalbec.
M. Grandmaison: ...vice-président de l'Association des
diplômés, président de l'entreprise L.B. Dalbec et
Associés; Mme Linda Pinchiaroli, diplômée en sciences
infirmières de 1981, conseillère administrative à la
direction des services professionnels de l'Hôpital Santa Cabrini...
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Madame.
M. Grandmaison: ...et membre du conseil d'administration de
l'Hôpital Santa Cabrini; à l'extrême droite, M. Rémi
Gauthier, diplômé en médecine vétérinaire de
1951, membre du conseil d'administration de l'Association des
diplômés, membre de l'Ordre des médecins
vétérinaires, président de l'Association canadienne des
médecins vétérinaires équins.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Gauthier.
M. Grandmaison: M. Michel Saint-Laurent, diplômé en
sciences politiques de 1978, secrétaire général de
l'Association des diplômés de l'Université de
Montréal.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Monsieur.
M. Grandmaison: Je suis personnellement un diplômé
de l'École polytechnique en 1973 et vice-président-directeur
général de l'entreprise Plastibéton ïnc. de
Montréal.
M. le Président, les diplômés de l'Université
de Montréal vous remercient d'avoir accepté de les entendre
devant cette commission. Avant de vous présenter notre mémoire,
permettez-moi de vous présenter l'Association des diplômés
de l'Université de Montréal, ses objectifs, ses activités
et les raisons qui motivent notre présence ici aujourd'hui.
L'association a été fondée te 14 juin 1934 et elle
regroupe tous les diplômés de l'Université de
Montréal, soit 110 000 membres. Ces diplômés sont
répartis au Québec, au Canada et dans le monde entier. Ses buts
et sa raison d'être sont les suivants. Par rapport aux
diplômés eux-mêmes, l'association vise à favoriser
les rencontres entre les diplômés et développer le
sentiment d'appartenance à l'Université de Montréal. Elle
vise à reconnaître et à promouvoir la présence des
diplômés de l'Université de Montréal dans toutes les
sphères de la société. Par rapport à
l'université elle-même, l'association vise à contribuer au
rayonnement de l'université et à participer, dans la mesure de
ses moyens, à l'évolution et au développement de
celle-ci.
L'association a son siège social à Montréal, et
nous organisons plusieurs activités de rassemblement durant
l'année. Nous avons aussi des activités de communication et nous
avons une revue "Les Diplômés", publiée quatre fois par
année et distribuée à plus de 80 000 exemplaires.
L'association est dirigée par un groupe de douze administrateurs
élus pour des mandats de deux ans. De ces douze administrateurs est
formé un comité de direction et l'association dispose d'un
secrétariat permanent dont M. Michel Saint-Laurent assume la
responsabilité.
De plus, l'association des diplômés
nomme deux de ses représentants au conseil de
l'université. Ceux-ci sont présentement M. Robert Savoie, un
diplômé de mathématiques 1968 qui est directeur du
développement organisationnel et des relations ouvrières pour la
compagnie Ciment Saint-Laurent, et M. Jean-Claude Villiard, un
diplômé de HEC 1966, vice-président de Lavalin
International.
M. le Président, pour tous ces gens qui m'accompagnent ici
aujourd'hui et pour tous les diplômés de l'Université de
Montréal, il ne fait aucun doute que le rôle dans la
société et le rayonnement de l'Université de
Montréal et de ses diplômés sont entièrement
reliés. L'Université de Montréal profite du succès
et de l'implication de ses diplômés dans la société
et de même la renommée et l'image d'excellence de
l'Université de Montréal bénéficient à tous
ses diplômés. Il ne fait aucun doute que les actions des uns
influencent la perception des autres dans la société
québécoise. L'association, dont les membres sont présents
dans toutes les sphères d'activité, que ce soit au Québec,
au Canada ou à l'étranger, ne peut donc rester
indifférente au développement et à l'évolution de
l'université. C'est dans ce cadre-là que les
diplômés ont décidé de présenter un
mémoire à cette commission parlementaire pour appuyer au
départ le mémoire présenté par l'Université
de Montréal et, si possible, suggérer des avenues de solutions au
problème du sous-financement de l'enseignement universitaire,
problème qui remet de plus en plus en cause la qualité de cet
enseignement universitaire au Québec.
M, le Président, nous sommes fiers qu'une vingtaine de
diplômés de l'Université de Montréal siègent
à l'Assemblée nationale. Le premier ministre, M. Robert Bourassa,
et plusieurs de ses ministres, tout comme le chef de l'Opposition, M. Pierre
Marc Johnson, et plusieurs de ses collègues du Parti
québécois sont des diplômés de l'Université
de Montréal. Enfin, quelques membres de cette commission parlementaire
sont aussi des diplômés de l'Université de Montréal
et c'est tout un honneur pour moi de pouvoir les représenter à
titre de président de l'association.
Le recteur de l'Université de Montréal, M. Gilles
Cloutier, nous a fait l'honneur de nous associer à la préparation
du mémoire de l'Université de Montréal. Il est donc
inutile pour nous de présenter à cette commission un long
document dont le contenu serait substantiellement identique à celui du
mémoire de l'université. Cependant, c'est pour nous un plaisir et
un devoir de nous déclarer entièrement d'accord avec le contenu
et les conclusions du mémoire de l'Université de
Montréal.
M. le Président, l'état de sous-financement chronique de
l'Université de Montréal inquiète profondément les
diplômés de l'université. Le maire Drapeau disait
récemment, après avoir annoncé sa décision de ne
pas solliciter un nouveau mandat à la mairie de Montréal, que "la
prospérité d'une grande ville comme Montréal, loin
d'être préjudiciable aux autres régions du Québec,
leur apportait de grands avantages économiques." De la même
façon, on pourrait dire que le succès et le niveau de
développement d'une grande université comme l'Université
de Montréal ne peuvent avoir que des effets bénéfiques
pour les autres universités du Québec. Les coupures et les
prélèvements subis par l'Université de Montréal
compromettent non seulement son avenir mais sa survie même. C'est le
Québec lui-même qui, après avoir beaucoup investi dans
l'Université de Montréal et lui avoir permis d'atteindre le rang
des premières universités du Canada, serait le plus grand perdant
si l'Université de Montréal devait cesser de rivaliser avec les
grandes universités des autres provinces, particulièrement avec
celles de l'Ontario.
Il n'y a pas au Québec de mot plus à la mode que celui
d'"excellence". À l'Université de Montréal, l'excellence
est plus qu'un mot et un idéal lointain. Elle a été
atteinte dans quelques secteurs, mais l'excellence est une
réalité fragile et constamment menacée. Le gouvernement du
Québec doit encourager l'excellence là où elle existe. Il
doit surtout savoir la reconnaître pour la préserver et pour la
maintenir. (17 h 30)
II ne suffit pas d'affirmer, ou de décider que chaque
université québécoise doit être un centre
d'excellence pour qu'il en soit ainsi. Or, dans quelques disciplines,
l'Université de Montréal est la seule université
francophone au Québec capable de rivaliser avec les grandes
universités des autres provinces. Le gouvernement ne rendrait pas
service au Québec si, au nom d'un souci égalitariste mal
placé, il voulait appauvrir davantage l'Université de
Montréal et la condamner à l'immobilisme en attendant que toutes
les autres universités du Québec, sans exception, la
rejoignent.
Même si le Québec consacre près de 1 000 000 000 $
au financement des universités, cette somme est trop faible en regard
des besoins et de l'accroissement du nombre d'étudiants. La crise
économique récente a obligé le gouvernement
québécois à réduire ses dépenses et son
déficit, mais les compressions budgétaires successives
imposées aux universités ont été très
sévères et ont compromis gravement leur situation
financière. En affaiblissant ainsi considérablement la
qualité de l'enseignement et de la recherche universitaires, on se
trouve à bloquer non seulement l'avenir des universités, mais
celui de la société québécoise elle-même.
Si le Québec veut accéder et se
maintenir au rang des sociétés développées
et capables d'affronter la concurrence nationale et internationale, il n'a
d'autre choix que d'investir davantage dans l'enseignement et dans la recherche
universitaires. Les fonds publics engagés dans les universités
doivent être considérés non comme des dépenses, mais
comme un investissement rentable pour la reprise et le développement
économique de notre société.
À cet égard, il faut cesser de considérer le
financement des universités comme un problème. Les
universités sont plutôt la première et la plus importante
solution à nos problèmes de société. Sans vouloir
remettre en cause le bien-fondé des programmes de bien-être
social, nous sommes convaincus que la formation universitaire constitue
à long terme une des solutions au chômage les moins
coûteuses et une des conditions essentielles au développement
économique et social. Le temps n'est plus où l'avenir
économique d'une société était fonction de
l'abondance des matières premières et des capitaux. Aujourd'hui,
dans un monde dominé par l'informatique et la technologie, une
main-d'oeuvre hautement spécialisée est la première
ressource d'une société. Elle est aussi la condition essentielle
de son développement et de sa capacité d'affronter la concurrence
sur les marchés nationaux et internationaux.
Nous entendons tous dire parfois que le Québec compte trop de
diplômés et que nos universités forment de plus en plus de
chômeurs. Les statistiques révèlent plutôt que le
taux de chômage est inversement proportionnel au niveau de
scolarité. Le chômage est très élevé dans la
main-d'oeuvre qui n'a qu'une formation primaire et très faible dans la
main-d'oeuvre ayant une formation universitaire. Le chômage risque
d'être un état presque permanent pour la grande majorité
des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas allés
au-delà de l'école primaire ou secondaire tandis qu'il sera un
état passager pour une faible partie de la main-d'oeuvre détenant
un diplôme universitaire. Les sociétés fortement
développées et dynamiques sont toujours, sans exception, des
sociétés fortement scolarisées.
Le Québec a, depuis 25 ans, investi des sommes
considérables dans son système universitaire et
réalisé un rattrapage qu'il faut qualifier de spectaculaire et
pour lequel il faut savoir rendre hommage aux différents gouvernements
qui se sont succédé au cours de cette période. Toutefois,
nous avons encore du retard non seulement sur les États-Unis et le
Japon, mais sur d'autres provinces et, en particulier, sur la province
d'Ontario avec laquelle nous aimons toujours nous comparer.
En même temps que nous demandons au gouvernement du Québec
de réduire ses dépenses et son déficit, nous l'invitons
à investir davantage dans l'enseignement et la recherche universitaires.
Pour accroître l'enveloppe des universités, nous croyons que le
moment est venu de déréglementer les frais de scolarité
dans les universités et de permettre à celles-ci d'augmenter
leurs frais de scolarité sans encourir de réduction de leurs
subventions de fonctionnement, contrairement à la règle
présentement en vigueur. À moins que le gouvernement ne
débloque des sommes importantes pour les universités,
l'augmentation des frais de scolarité devient un moyen
d'améliorer la qualité de l'enseignement et de la recherche
universitaires et d'assurer le progrès économique et social du
Québec.
Bien que la gratuité scolaire dans les universités soit
souhaitée et inscrite dans les programmes des principaux partis
politiques du Québec, nous croyons que te gouvernement doit maintenant
permettre aux universités de hausser les frais de scolarité. Bien
plus, il doit accorder aux universités la liberté de fixer ces
frais selon leurs besoins et le développement envisagé. Les frais
de scolarité pourraient être différents d'une
université à l'autre et même à l'intérieur
d'une même université. Ils seraient variables selon les
activités et devraient représenter entre 10 % et 15 % des
dépenses courantes moyennes d'un secteur d'activité.
Au Québec, les frais de scolarité couvrent un peu plus de
6 % des dépenses courantes des universités. Dans les
universités américaines privées, où les frais de
scolarité sont le plus élevés, on considère
généralement que les étudiants assument un tiers des
dépenses courantes, mais si on établit une moyenne dans
l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur
américains, les frais de scolarité couvrent environ 20 % des
dépenses courantes. Au Canada, la moyenne dans les autres provinces se
situe entre 10 % et 15 %.
Il ne serait pas réaliste d'exiger des universités
québécoises qu'elles perçoivent des frais de
scolarité de trois à quatre fois supérieurs à ce
qu'ils sont présentement. Les frais de scolarité pourraient
être fixés à un niveau comparable à celui des autres
provinces. La situation financière des universités serait
grandement améliorée et l'accessibilité à
l'université ne serait pas compromise pour autant.
Par ailleurs, les universités devraient bénéficier
entièrement de l'augmentation des frais de scolarité. Nous
trouverions socialement inacceptable que le gouvernement autorise les
universités à augmenter les frais de scolarité et leur
confisque ces revenus additionnels en réduisant leurs subventions d'un
montant égal. Au lieu de servir les universités, on se servirait
d'elles pour leur imposer de nouveaux prélèvements et on les
maintiendrait dans l'état de sous-financement actuel.
L'Université de Montréal est une université
profondément engagée dans l'enseignement et la recherche à
tous les niveaux et dans les principaux secteurs de la formation universitaire.
De plus, elle a le secteur de la santé le plus important de toutes les
universités canadiennes. Elle se trouve donc doublement
pénalisée, d'abord, par une formule de financement fondée
sur la croissance de la population étudiante, alors que les sciences de
la santé constituent le secteur le plus coûteux et où la
croissance, très limitée, ne ferait qu'ajouter au fardeau
financier de l'université, et ensuite par l'absence du financement
additionnel prévu pour les étudiants inscrits dans les secteurs
du virage technologique qui se trouvent dans les écoles
affiliées, l'École Polytechnique et l'École des Hautes
Études commerciales.
Comme si cela n'était pas suffisant, l'Université de
Montréal est peut-être la plus touchée par le gel des frais
de scolarité. En effet, les frais de scolarité n'ayant pas
été augmenté depuis bientôt vingt ans au
Québec et étant pratiquement uniformes dans l'ensemble des
universités québécoises, c'est l'université la plus
développée en recherche, en études supérieures et
dans les secteurs de la santé, c'est-à-dire l'Université
de Montréal, où le coût moyen par étudiant est plus
élevé que dans les autres universités, qui se trouve
davantage pénalisée par des frais de scolarité
gelés et uniformes. On le voit, la formule égalitaire de
financement des universités a pour effet d'ignorer les activités
spécifiques et les vocations particulières de l'Université
de Montréal.
M, le Président, si nous avions la conviction que le gouvernement
du Québec pouvait, sans décréter de nouveaux impôts
et sans accroître son déficit, ajouter au moins 150 000 000 $
à l'enveloppe des universités, nous ne soulèverions pas le
sujet de l'augmentation des frais de scolarité, mais ce n'est pas le
cas.
D'une part, l'importance des universités pour le
développement économique et social du Québec justifie
largement qu'on y investisse, de façon urgente et prioritaire, des fonds
additionnels considérables; d'autre part, il y a une volonté
partagée de limiter les dépenses publiques et de réduire
le déficit gouvernemental.
Dans ces conditions, il est normal et souhaitable que les
étudiants universitaires, qui proviennent majoritairement des familles a
revenu moyen et élevé, paient davantage pour un service dont ils
sont les premiers bénéficiaires.
J'aimerais ici citer le rapport Macdonald sur la commission royale sur
l'union économique qui traite des revenus pour les étudiants:
"Les personnes qui profitent le plus de notre régime d'enseignement
universitaire sont les groupes à revenu moyen et élevé,
aux dépens des groupes à bas revenu. Le régime
d'enseignement universitaire est un programme de dépenses publiques,
dans lequel les groupes relativement pauvres subventionnent les groupes
relativement riches."
En maintenant le gel et l'uniformité des frais de
scolarité dans les universités, les différents
gouvernements du Québec ont voulu favoriser et garantir l'accès
à l'université de tous les étudiants et de toutes les
étudiantes qui étaient capables d'entreprendre et de
réussir des études universitaires, indépendamment de leur
condition financière et sociale. Cette mesure a donné
d'excellents résultats et elle a notamment permis aux femmes d'avoir
enfin accès à l'université au même titre que les
hommes. En fait, à l'Université de Montréal, depuis de
nombreuses années déjà, le nombre de diplômes
obtenus par des femmes et par des hommes est sensiblement le même, sauf
peut-être aux 2e et 3e cycles.
L'accès à l'université ne saurait être
liée indéfiniment à la gratuité scolaire ou
à la quasi-gratuité, comme c'est le cas actuellement avec des
frais de scolarité très modiques, pour ne pas dire symboliques.
J'aimerais ici citer une étude de l'OCDE sur les politiques de
l'éducation supérieure dans les années 1980. Je cite: "II
n'est pas possible de justifier une politique de gratuité scolaire ou
d'enseignement fortement subventionné en invoquant simplement les
principes d'égalité ou d'égalité des chances. En
fait, une telle politique nécessite des transferts de fonds
considérables des simples contribuables aux groupes à revenus
plus élevés qui bénéficient ordinairement le plus
de l'enseignement supérieur."
Cependant, l'accessibilité pour tous à l'université
nous paraît devoir être conservée et nous proposons la mise
sur pied d'un programme élargi de bourses d'excellence pour les
étudiants.
Par ailleurs, ce régime de bourses d'études devraient
permettre à des étudiants moins fortunés, non seulement
d'avoir accès à l'université, mais encore d'y poursuivre
des études de maîtrise et de doctorat.
Considérant que le gouvernement du Québec n'a
peut-être pas les moyens de financer davantage les universités,
vouloir maintenir les frais de scolarité à leur niveau actuel
sous prétexte de maintenir l'égalité des chances et de
favoriser l'accès égal pour tous à l'université,
c'est un moyen de condamner toutes les universités à une
médiocrité généralisée et de
dévaloriser l'enseignement et la recherche universitaires.
Le temps est venu de mettre fin au sous-financement chronique des
universités et de leur donner les moyens de jouer leurs multiples
rôles au profit de la société. Nos universités ont
consacré une trop grande part de leurs énergies et de leurs
ressources à
"joindre les deux bouts". Il faut, maintenant leur donner la chance et
les moyens de se préoccuper de la qualité de leurs
activités d'enseignement et de recherche.
Nous espérons plus particulièrement qu'on donnera à
l'Université de Montréal la chance de se maintenir au niveau
d'excellence atteint dans certains secteurs et de l'atteindre dans certains
autres. Nous serions satisfaits que, dans l'ensemble, nos universités
rivalisent en qualité avec celles de l'Ontario. En fait, la
médiocrité coûte plus cher, à long terme, que la
qualité.
Non seulement faut-il mettre fin aux compressions et aux
prélèvements imposés aux universités durant les
dernières années, mais il est urgent que le gouvernement du
Québec prenne des mesures urgentes pour ajouter plusieurs millions de
dollars à l'enveloppe des universités.
Devant l'impossibilité d'accroître les impôts ou le
déficit de la province, une solution est d'augmenter les frais de
scolarité dans les universités, afin que ceux-ci
représentent environ de 10 % à 15 % des dépenses courantes
des universités, comme dans les autres provinces du Canada.
Par ailleurs, les universités devraient pouvoir augmenter leurs
frais de scolarité sans subir de réduction de leurs subventions
de fonctionnement. Toutefois, pour maintenir l'accessibilité à
l'université, l'augmentation des frais de scolarité doit
être compensée par un régime de prêts et bourses pour
les excellents candidats ne disposant pas de revenus suffisants. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
président, je devrais dire mon président; cela me fait plaisir.
Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: M. le Président, madame, messieurs, j'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt les
considérations que nous apporte votre mémoire. Je voudrais tout
d'abord vous féliciter de l'intérêt que vous portez
à votre aima mater qui le mérite bien. Cela doit être
toujours encourageant pour ceux qui oeuvrent encore à
l'université de savoir qu'ils peuvent compter sur l'appui des anciens
élèves de l'université. (17 h 45)
Aux États-Unis, c'est une pratique très répandue.
Je me rappelle, il y a deux ans, j'étais allé à
l'Université de Princeton. Ce jour-là un visiteur éminent
de Washington était venu, c'était M. George Shultz, un ancien de
Princeton, et on l'a invité pour faire un discours, mais il fallait
qu'il apporte aussi autre chose que le discours évidemment. II y avait
une campagne de financement en cours et cela contribuait à apporter de
l'eau au moulin. Aux États-Unis, les grands chefs d'entreprises, les
hommes politiques et les figures intellectuelles éminentes
n'hésitent jamais à s'identifier avec l'université
où ils ont reçu leur formation afin de lui venir en aide
après avoir reçu d'elle plus qu'ils ne lui rendront jamais.
C'est, par conséquent, un aspect qui méritait d'être
souligné à l'occasion de nos audiences. Je me réjouis,
parce que cela nous a été possible de le faire aujourd'hui.
Dans votre mémoire - j'en viens tout de suite à
l'essentiel, on a un problème de sous-financement qui est
déjà assez fortement étayé par tous les
témoignages entendus jusqu'à maintenant - vous dites: II y a
trois moyens de faire face à ce problème-là: augmenter les
taxes, augmenter le déficit du gouvernement et verser de l'argent au
gouvernement en l'empruntant au public et le troisième moyen, c'est
augmenter la contribution de ceux qui sont les premiers
bénéficiaires de la formation reçue à
l'université, c'est-à-dire les étudiants, jeunes ou
adultes.
Je suis enclin, et je l'ai déjà dit à quelques
reprises depuis le début des audiences de la commission, à
reconnaître que ce problème est bien posé dans les termes
où vous le posez. Je n'ai pas encore arrêté les conclusions
que je devrai prendre pour moi-même et proposer au gouvernement, mais une
chose que je dois dire, c'est qu'on a essayé la formule - cela fait huit
ou neuf ans qu'on joue avec cela - et les gouvernements qui ont agi
jusqu'à maintenant n'ont pas jugé devoir augmenter les
subventions, la preuve c'est que, en valeur réelle, les subventions ont
diminué.
Deuxièmement, ils ne sont pas beaucoup enclins à augmenter
les taxes générales non plus pour donner plus d'argent aux
universités. La tendance des gouvernements, c'est de réduire le
fardeau fiscal, en particulier au Québec où le fardeau fiscal est
proportionnellement pas mal plus lourd que dans l'ensemble du Canada. Le
fardeau fiscal québécois est supérieur d'environ 25 % au
fardeau fiscal moyen de nos concitoyens du reste du Canada. Par
conséquent, il n'y a pas beaucoup de marge pour l'augmentation de ce
fardeau.
Il y a une quatrième solution: réduire les services,
couper, réduire les services, supprimer peut-être des organes qui
évoluent à l'intérieur du grand tout universitaire. C'est
une question qui est examinée également. Dans certains documents
on a fait des propositions à cette fin qui semblent intéresser
particulièrement nos amis de l'Opposition...
Il y a une chose qu'il faut dire. À supposer qu'on suivrait votre
suggestion qui est, je pense, qu'on double les frais de scolarité, le
rendement brut d'une mesure comme celle-là - je demandais tantôt
à mes collaborateurs du ministère de l'Enseignement
supérieur de me fournir des chiffres - serait à peu
près de 85 000 000 $.
Il faudrait, comme vous le dites, s'assurer que l'aide financière
connaisse des ajustements visant à empêcher que des personnes qui
auraient le talent voulu soient privées de l'accès à
l'université. Il faudrait prévoir un certain montant pour cela.
Cela veut dire que même en doublant les frais de scolarité, si
vous souscrivez à l'avis du Conseil des universités voulant
qu'une somme minimum de 100 000 000 $ soit injectée dans le secteur et
qu'il n'y ait pas de compression ni de prélèvement, c'est une
proposition qui ne règle même pas tout le problème.
Je ne sais pas si vous avez fait des calculs de ce point de vue.
Présentement vous ouvrez la voie. Avez-vous fait des calculs, vous
demandant jusqu'à quel point cela permettrait de régler le
problème?
M. Grandmaison: Non, je ne peux pas dire qu'on a fait des calculs
permettant de dire si cela réglera 25 %, 50 % ou 100 % du
problème. Je pense que nous nous attaquons à une question qui est
très sensible pour plusieurs, mais qui est basée sur certains
éléments de logique et d'histoire, si on veut. Au Québec,
les frais de scolarité étant gelés depuis 1965-1966, il
faudrait presque les tripler maintenant pour que la contribution de
l'étudiant soit équivalente à ce qu'elle était en
1965-1966.
Vous avez parlé de doubler, de générer 85 000 000
$, cela ne réglerait peut-être pas le problème complet des
universités, mais cela pourrait être un pas dans la bonne
direction.
Nous avons présenté dans notre mémoire cette
approche des frais de scolarité, mais je veux quand même insister
sur le fait que nous avons bien indiqué que, à moins que le
gouvernement ne puisse débloquer des fonds, cela peut être une
solution. Donc, il y aurait peut-être lieu de combiner plusieurs
nouvelles sources de financement, peut-être augmenter les contributions
du gouvernement, peut-être augmenter la part des étudiants. Lors
de cette commission on a également discuté à plusieurs
occasions de la part des entreprises.
Je pense que cette commission parlementaire et vous, M. le ministre,
devrez prendre des décisions qui devront combiner chacune de ces
sources. Nous, nous sommes certainement d'accord pour que le gouvernement place
plus d'argent. Nous sommes certainement d'accord pour que les entreprises mette
plus d'argent, financent davantage les universités.
Par rapport aux frais de scolarité, ce qu'on voulait
énoncer, c'est qu'en tant que diplômés, en tant que gens
qui vivons dans le milieu des affaires, nous croyons qu'il ne serait pas
irréaliste et inacceptable que les frais de scolarité soient
augmentés.
Comme je le disais, si on voulait maintenir les frais de
scolarité au niveau de la contribution de 1965-1966, il faudrait au
moins les tripler. Nous n'allons certainement pas proposer cela. Nous proposons
qu'il y ait, s'il y a lieu, si le besoin est là - et je pense que le
besoin est là - augmentation, mais c'est certain que cette augmentation
devra être graduelle et devra quand même permettre aux gens une
accessibilité à l'université. À ce moment-la, on
parle souvent d'un programme de prêts et bourses adapté à
ce cadre-là.
M. Ryan: J'ai mentionné la possibilité d'un
doublement, pas parce que je faisais une proposition...
M. Grandmaison: Non.
M. Ryan: ...mais parce que, dans votre mémoire, vous
écriviez qu'il fallait rejoindre la moyenne canadienne.
M. Grandmaison: Oui.
M. Ryan: Si on parle de moyenne canadienne, cela va chercher au
moins deux fois plus.
M. Grandmaison: C'est cela.
M. Ryan: C'est seulement à titre d'hypothèse que je
mentionnais cela, vu que vous l'aviez évoqué dans votre
mémoire.
Parmi les autres sources de financement, vous avez parlé du
secteur privé. Je pense qu'on a déjà eu des
témoignages indiquant qu'il y a certaines possibilités de ce
côté-là, mais qui demeurent quand même plutôt
limitées. On va étudier cette possibilité, mais,
dès qu'on veut obtenir des dons, par exemple du secteur privé, il
faut envisager des mesures d'exemptions fiscales. Il faut mesurer ce que cela
représente en pertes pour le Trésor public et pour les fins
générales de l'État. Le gouvernement est plutôt
enclin à ne pas hypothéquer d'avance des revenus fiscaux,
à les garder pour les fins communes du gouvernement, quitte à les
distribuer au meilleur de sa connaissance. C'est pour cela que c'est une avenue
qui, peut-être avec le temps, révélera ses avantages mais
qui, dans l'immédiat, suscite autant d'interrogations que
d'intérêt. Quand même, on note ce point-là
également. Je pense que c'est intéresssant.
À part cela, est-ce qu'il y a autre chose que vous envisagez
comme source possible de revenus?
M. Grandmaison: J'aimerais parler des entreprises. Vous avez dit:
Je comprends très bien que les incitations fiscales sont des
choses qui peuvent tenter les gens. Mais j'aimerais parler de
l'entreprise. Mme Blackburn, à plusieurs occasions en commission
parlementaire, a indiqué que l'université fournissait aux
entreprises, à l'industrie, des diplômés et qu'à ce
moment-là les entreprises en bénéficiaient. Je pense que
c'est très vrai. Mais les universités bénéficient
aussi des entreprises, premièrement parce qu'elles font des
contributions financières, et deuxièmement parce qu'elles offrent
des emplois à leurs diplômés. C'est dans ce sens-là
qu'il faut aussi s'assurer qu'on maintient la qualité et l'excellence
à l'université. C'est de cette façon que nos
diplômés pourront se trouver un emploi dans les entreprises. Il
faut toujours se rappeler que les entreprises, certainement les entreprises de
haute technologie, sont très sélectives dans les endroits
où elles vont se localiser. Dans ce marché des entreprises de
haute technologie, il y a beaucoup de compétition. Si on veut attirer
ici au Québec des entreprises de haute technologie, qui justement vont
donner des emplois à nos diplômés, il faut s'assurer de
leur donner un produit de qualité. Comme je le disais, les entreprises
de haute technologie, actuellement, ont des concentrations aux
États-Unis, dans la région de Boston, en Californie. Si on veut,
au Québec, être capable d'obtenir ces concentrations, il faut que
les universités forment des diplômés qui remplissent les
exigences de ces entreprises. Je pense que c'est une contribution importante de
l'entreprise, qu'elle donne des emplois aux diplômés.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs,
il me fait plaisir de vous accueilllir à cette commission au nom de ma
formation politique. L'intérêt que vous manifestez à
l'endroit de votre université est tout à votre honneur. Votre
mémoire, ce qui me paraît important et que je n'ai pas vu beaucoup
dans d'autres mémoires, a bien illustré le rapport qu'il y avait
entre la scolarité et le chômage. Je trouve que c'est
extrêmement important et cela ne nous est pas venu souvent. Je dois dire
que je l'apprécie. Par ailleurs, vous allez me permettre - je ne ferai
pas de long préambule - d'entrer tout de suite dans le vif du sujet,
parce que, pour le reste, j'estime que tout ce que vous souhaitiez venir nous
dire, c'est qu'il faut hausser les frais de scolarité, parce que cela
vous paraît la seule mesure et la plus équitable.
Si vous permettez, je vais reprendre votre mémoire. J'ai de la
difficulté à arriver aux mêmes conclusions que vous sur la
base de ce que vous écrivez. En page 4, vous dites à
l'avant-dernier paragraphe, à la dernière phrase: "Les
sociétés fortement développées et dynamiques sont
toujours, sans exception, des sociétés fortement
scolarisées." En page 3, vous dites: "II n'a d'autre choix - toujours
l'avant-dernier paragraphe de la page 3 - que d'investir - en parlant de
l'État québécois - davantage dans l'enseignement et dans
la recherche universitaires. "Les fonds publics engagés dans les
universités doivent être considérés non comme des
dépenses, mais comme un investissement rentable pour la reprise et le
développement économique de notre société."
En page 8 - c'est toujours au même document que je me reporte,
vous dites, au dernier paragraphe, en parlant du gel des frais de
scolarité: "En maintenant le gel et l'uniformité des frais de
scolarité dans les universités, les différents
gouvernements du Québec ont voulu favoriser et garantir l'accès
à l'université de tous les étudiants et de toutes les
étudiantes qui étaient capables d'entreprendre et de
réussir des études universitaires, indépendamment de leur
condition financière." Vous dites: "Cette mesure a donné
d'excellents résultats et elle a notamment permis aux femmes d'avoir
enfin accès à l'université au même titre que les
hommes. En fait, à l'Université de Montréal, depuis de
nombreuses années, le nombre de diplômes obtenus par des femmes et
par des hommes est sensiblement le même..." J'ajouterais une nuance: ce
n'est pas dans les mêmes programmes, mais quand même.
Quand vous nous dites que cela a eu des effets sur la scolarité,
quand vous dites que les sociétés - vous avez raison, je le
partage - fortement développées et dynamiques ont toujours, sans
exception, des sociétés fortement scolarisées, j'ai de la
difficulté à vous suivre quand vous ajoutez tout de suite
à la page 10, après votre affirmation voulant que cela ait eu des
effets positifs sur la scolarisation, que "vouloir maintenir les frais de
scolarité à leur niveau actuel sous prétexte - c'est en
page 10 - de maintenir l'égalité des chances et de favoriser
l'accès égal pour tous à l'université, c'est le
plus sûr moyen de condamner toutes les universités à une
médiocrité généralisée et de
dévaloriser l'enseignement et la recherche universitaires". Je n'ai pas
compris si, par votre "égal", il s'agissait d'admettre n'importe qui,
même s'il n'avait pas les compétences et les qualités
intellectuelles.
J'ai de la difficulté à vous suivre là-dessus. Vous
avez des prémisses qui n'amèneraient pas la même
conclusion. (18 heures)
M. Grandmaison: J'aimerais quand même apporter quelques
éclaircissements sur ces points. Tout d'abord, quand on parle
d'accès égal pour tous à l'université, je pense
qu'il y a lieu de bien comprendre la
notion d'accessibilité. Si "accessibilité" veut dire que
toute personne ayant le talent et les aptitudes, quelle que soit sa situation
financière, peut poursuivre des études universitaires, je crois
que c'est la notion d'accessibilité qu'il faut couvrir. Si nous parlons
d'accessibilité en disant que c'est une accessibilité super
élargie où on ne tient pas compte - où on est plus mou -
de cette partie de talent et d'aptitudes, je pense qu'il faut faire attention
à la qualité des diplômes que nous distribuons.
L'Université de Montréal a soulevé ce point que les
recherches de clientèles pour financer l'université les
amènent souvent à une baisse de qualité, etc. Cet
élément est important.
Vous avez touché un point auquel je suis tout à fait
sensible. Vous avez mentionné que l'accessibilité a permis aux
femmes d'accéder à l'université. Je vaudrais voua dire que
je suis un père de famille et j'ai trois filles. Donc, c'est quelque
chose auquel je suis sensible moi aussi. Dans ce sens, il faut tout de
même regarder la question des aptitudes et du talent.
Mme Blackburn: Si vous dites "égal à n'importe
qui", je partagerais assez vite et assez rapidement votre avis, on pourrait
faire consensus. Par ailleurs, en conclusion vous dites au dernier paragraphe:
"Toutefois, pour maintenir l'accessibilité à l'université
-probablement que je vous lis de façon biaisée mais quand
même vous allez probablement me corriger si j'ai tort - l'augmentation
des frais de scolarité doit être compensée par un
régime de bourses d'excellence pour les excellents candidats ne
disposant pas de revenus suffisants." On pourrait continuer en disant que les
moins bons candidats qui ont des revenus suffisants peuvent y aller, mais que
s'ils n'ont pas de revenus suffisants, qu'à cela ne tienne on ne donne
des bourses qu'à ceux qui ont... Je ne pense pas étirer
l'interprétation, c'est textuel.
M. Grandmaison: Non, disons que vous en faites une bonne lecture.
On peut peut-être l'interpréter. Ce qu'on vise et qui n'est
peut-être pas exprimé autant qu'on l'aurait voulu dans le texte,
je m'en excuse, c'est que nous croyons qu'il est primordial que, si
l'augmentation des frais de scolarité devient une réalité,
les programmes de prêts et bourses soient élargis. Je crois que
c'est une conclusion ou une recommandation qui est proposée par tous les
groupes qui ont soulevé l'idée de l'augmentation des frais de
scolarité. Je ne voudrais pas qu'on interprète cela seulement en
disant que c'est seulement les étudiants super excellents qui pourraient
profiter de ces prêts et bourses.
Mme Blackburn: En page 6 - c'est pourquoi j'étais
arrivée avec cette conclusion - au dernier paragraphe, vous dites: "Par
ailleurs, les universités devraient bénéficier
entièrement de l'augmentation des frais de scolarité." Il n'est
pas question ici de bonifier l'aide financière. Vous revenez pour parler
des bourses d'excellence. C'est pourquoi je m'étais permis de faire
cette lecture. Est-ce que cela doit rester entièrement ou s'il doit y en
avoir une partie qui serait versée dans...
M. Grandmaison: M. le ministre m'a dit tantôt que si on
augmentait les frais de scolarité cela générerait 85 000
000 $. Il y a différentes façons de gérer ces 85 000 000
$. Ils pourraient être transmis entièrement aux
universités, à 100 %, pour justement aider à administrer
l'université. S'il y avait lieu, si le ministre, si les gens de la
commission parlementaire et si l'université considèrent qu'une
partie de ces montants pourraient être utilisés dans un programme
d'aide, de bourses d'excellence, il y a peut-être une alternative
à évaluer. Je laisserais tout de même la décision de
l'utilisation de ces fonds au ministre et aux différentes
universités. Ce que nous voulons bien mentionner lorsqu'on dit que ces
montants doivent demeurer à l'université, c'est que nous traitons
ici de la politique actuelle qui dit que les augmentations de revenus pour
l'université impliquent nécessairement une réduction de la
subvention. Je crois que c'est là qu'il faut concentrer ce commentaire
par rapport au fait que les montants doivent demeurer dans les
universités.
Mme Blackburn: Donc, l'argent pour bonifier l'aide
financière devrait être pris ailleurs.
M. Grandmaison: Je pense que l'idéal serait qu'elle soit
prise ailleurs parce que, encore là, si on se retrouve dans une
situation où M. le ministre nous disait qu'un montant de 85 000 000 $ ne
réglerait peut-être pas le problème... Si vous me dites que
sur les 85 000 000 $, on va en prendre une partie pour aider le programme de
prêts et bourses, c'est un choix et c'est un choix politique que des gens
auront à prendre» L'idéal, je peux vous le dire, c'est que
le gouvernement contribue davantage au financement, que le gouvernement
contribue davantage aux prêts et bourses, que les entreprises contribuent
davantage et, si besoin il y a, considérant qu'actuellement le
gouvernement du Québec est très soucieux de la fiscalité
et de son déficit, il y a peut-être une contribution des
étudiants eux-mêmes qui serait apportée par l'augmentation
de leurs frais de scolarité.
Mme Blackburn: Je vais revenir brièvement sur les
incitatifs fiscaux et le fardeau fiscal des Québécois. Le
ministre me dit
souvent que je suis dans l'erreur ou que j'ai une mauvaise connaissance,
mais je pense pouvoir lui dire que cela m'étonnerait que je me trompe
beaucoup là-dessus. L'écart n'est pas de 25 %, il serait beaucoup
plus proche de 11 %. On pourrait peut-être se revoir là-dessus. Il
pourra toujours m'apporter les données du ministre des Finances, sauf
que ce que je sais - les données apparaissaient dans le dernier budget
de M. Levesque -c'est que l'impôt des entreprises est de 2,6 % plus bas.
Ma mémoire est plus fidèle là-dessus.
À présent, vous parlez des avantages des entreprises. Vous
étiez probablement dans la salle quand j'ai fait état des
conclusions d'une étude qui a été réalisée
par le NPD: 14 000 000 000 $ de bénéfices nets qui ne sont pas
imposés. Cela devrait me faire pleurer de penser qu'on puisse aller
chercher un peu de sous là. Il me semble qu'il y a quelque chose qui...
Sans hésiter, on dit qu'on peut aller chercher 100 000 000 $
d'augmentation, dans une seule année, dans les poches des
étudiants. C'est plus de 100 000 000 $ à part cela. Il y a eu les
frais afférents, il y a les bourses et si on double, cela va être
plus de 100 000 000 $, c'est de l'ordre de 110 000 000 $. Il me semble qu'il y
a une question d'équité qui parle d'elle-même.
À présent, on va faire avec vous le petit calcul que j'ai
fait tantôt. En fait, si on double les frais de scolarité, c'est
un peu plus de 70 000 000 $ qu'on va aller chercher. Si on apporte les
bonifications à l'aide financière, c'est entre 25 000 000 $ et 30
000 000 $. Cela laisse donc dans les universités, au mieux, 35 000 000
$. Les compressions budgétaires de cette année sont allées
en chercher 34 000 000 $. Vous doublez les frais de scolarité et vous
avez exactement la situation que vous aviez en 1985-1986. Peut-être,
à ce moment-là, devra-t-on abonder dans le sens de votre
recommandation et les tripler.
M. Grandmaison: Disons que, mathématiquement, il reste
encore 15 000 000 $ qui vont certainement donner une certaine marge de
manoeuvre aux universités.
Mme Blackburn: 15 000 000 $?
M. Grandmaison: Vous m'avez dit 75 000 000 $ moins 25 000 000 $
sur les bonifications d'aide financière, il reste 50 000 000 $, et
ensuite de cela il y a...
Mme Blackburn: Puis il y a près de 5 000 000 $ qui
viennent...
M. Grandmaison: ...les compressions budgétaires de 35 000
000 $. Donc, il reste 15 000 000 $. Ces 15 000 000 $ pourraient peut-être
donner une certaine marge de manoeuvre, mais je pense que...
Le Président (M. Parent, Sauvé): On s'excuse,
monsieur. Messieurs les députés, à l'ordre s'il vous
plaît! Nous vous écoutons. Excusez-nous, monsieur, de vous avoir
interrompu.
M. Grandmaison: Donc, ce montant qui resterait permettrait
certainement une certaine marge de manoeuvre.
En ce qui a trait à l'équité, je dois avouer, Mme
Blackburn, que vous avez soulevé ce point en regard des 14 000 000 000
$, des montants qui ne sont pas... J'aimerais que vous alliez, si je peux me
permettre, un peu plus loin. Vous nous apportez ce point pour nous demander
premièrement: Est-ce que les compagnies ne sont pas suffisamment
taxées ou est-ce que vous voulez que les universités aillent
chercher une partie de ces 14 000 000 000 $?
Mme Blackburn: Ou est-ce qu'on peut penser à un
impôt éducation qui serait prélevé dans les
entreprises, un peu comme cela se fait en France pour la formation du
personnel.
M. Grandmaison: Je vais avouer que c'est une hypothèse qui
peut certainement être évaluée. C'est encore là une
question... M. le ministre a bien mentionné lors de la commission que
les questions fiscales n'étaient pas de son ressort mais bien du ressort
du ministre des Finances, mais que c'est aussi, encore là, un choix
politique, je crois, à savoir si on va aller avec l'impôt à
l'éducation, comme vous proposez ou si...
Mme Blackburn: Ou une taxe aux étudiants. Je vous dirais
que le ministre, hier, si vous me permettez, disait: Cela concerne des mesures
fiscales et je ne suis pas habilité à traiter de ces questions...
Dans la même phrase, il nous disait: Parlant d'incitatifs fiscaux pour
les entreprises, oui je pourrais éventuellement examiner cela et en
parler avec mon collègue le ministre des Finances. Dans un cas il ne
pouvait pas le faire, mais dans le cas suivant il le faisait. Des fois, cela
arrive.
Tout cela pour dire que je ne suis pas certaine que l'enjeu qui est en
cause aujourd'hui, alors qu'on ne sait pas si- cela n'aura pas pour effet
précisément de réduire l'accessibilité alors qu'on
a besoin de hausser la scolarité au Québec - et que tout le monde
le reconnaît - en quantité et en qualité, je me demande si
on doit d'emblée acheter une telle proposition.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame pour
votre intervention. Je m'excuse
madame.
Mme Blackburn: Cela va, merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci. J'aurais peut-être une boutade en
commençant. Vous dites à la page 1 de votre mémoire, en
introduction, que le recteur de l'Université de Montréal, M.
Gilles Cloutier vous a fait l'honneur de vous associer à la
préparation du mémoire de l'Université de Montréal.
Je suppose que la même proposition a été faite aux
étudiants et que peut-être ils l'ont refusée. D'une
façon ou d'une autre, je ne le sais pas. Je le présuppose au
départ. Je me posais simplement la question. Quand nous sommes
étudiants à l'intérieur de l'université, nous la
critiquons. Quand nous sommes diplômés à l'extérieur
de l'université, nous la félicitons. Cela me fait penser un peu
à quelqu'un qui, avant de mourir est un torrieu, comme on dirait, mais
qui, une fois mort, est le meilleur homme qui n'a jamais pu passer sur la
terre. Je l'ai bien dit, en termes de boutade.
Je vais vous référer aux années de diplomation. Je
regarde les gens autour de la table que vous représentez. Je reconnais
ici des gens qui sont députés de quelque côté de
l'Assemblée nationale - vous avez fait mention tout à l'heure -
qui ont été durant les années 1966, 1968, 1969 des gens
qui avaient demandé l'accessibilité aux études
postsecondaires et universitaires. Vous êtes probablement parmi ceux qui
en ont profité. Dans ce contexte, si je vous replaçais comme
étudiant, est-ce qu'aujourd'hui, en ce moment, vous auriez la même
pensée qu'une fois diplômé à l'extérieur de
l'université, c'est-à-dire d'aller chercher - vous avez
laissé sous-entendre qu'une partie même des montants pourrait
servir comme la part des étudiants pour combler un déficit
gouvernemental ou assainir, peu importe comment on emploiera le terme, les
finances publiques -est-ce que vous auriez la même réflexion
aujourd'hui, comme étudiant à l'Université Laval, dans la
bâtisse de l'Université de Montréal - c'est parce que moi
je suis diplômée de l'Université Laval, je m'excuse du
lapsus que j'ai fait - et diriez-vous à ce moment, comme
étudiant: je ne voudrais pas que mes frais de scolarité soient
augmentés si je n'ai pas des garanties équivalentes - et on ne me
les donne pas encore au moment où on se parle - et si en plus de cela on
n'a pas fait au moins - et je pense que la crise économique a
aidé à faire ce cheminement -la critique même de l'ensemble
de la gestion universitaire? N'auriez-vous pas le réflexe de celui qui
est à l'intérieur et qui critique et qui dit non, alors
qu'aujourd'hui, à l'extérieur, vous dites oui?
M. Grandmaison: Je pense que la question est très
pertinente. Si j'étais étudiant, je serais probablement moi aussi
un peu hésitant. Mais je pense que la décision qui a
été prise en 1965-1966 de geler les frais de scolarité...
Si les frais de scolarité, comme je vous le dis, avaient
été indexés, augmentés sur une base
régulière, on ne se retrouverait peut-être pas devant la
situation actuelle où on arrive avec des gens qui en ont profité
depuis 20 ans à un taux donné et d'autres gens qui disent:
Maintenant, ils veulent les augmenter. Moi quand j'étais à
l'université, je payais ça 500 $ par année. Cela fait
déjà seize, dix-sept, quinze ans. On paie encore 500 $. Je pense
qu'il n'y a pas beaucoup de choses qu'on paie encore 500 $. Je dois avouer que
si j'étais à l'université en tant qu'étudiant, je
serais moi aussi hésitant. (18 h 15)
Vous avez parlé de la gestion de l'université. Les
étudiants en ont parlé beaucoup. Ils ont commenté la
gestion de l'université. J'aimerais vous dire, en tant que gestionnaire,
que je pense que les gens des universités et principalement ceux de
l'Université de Montréal ont quand même réussi
à se serrer beaucoup la ceinture. Hier, M. Roland Doré, de
l'École polytechnique, vous a dit de façon très claire:
Les deux, trois premières années de coupures, c'était
peut-être logique. Cela nous a permis de faire cette réflexion,
cette rationalisation, mais, maintenant, on est étouffés. Je
pense que c'était dans ce sens. J'ai confiance aux gestionnaires qui
sont à l'Université de Montréal. Je pense qu'ils ont
réussi à vivre et à passer à travers ces coupures
de très bonne façon. C'est difficile de continuer et de dire
qu'on n'augmente plus les frais, et de remettre en question cette gestion.
Je pense que le ministère de l'Éducation, que ce soit sous
un gouvernement ou sous un autre, a mis en place, à partir de ces
réductions financières, des structures de vérification qui
leur ont démontré que, maintenant, on ne coupe plus dans le gras.
On en est rendu à attaquer la valeur de nos diplômes. La valeur de
mon diplôme, elle est impartante pour moi et elle est importante pour le
diplômé qui va venir et celui qui est venu avant moi. Je parlais
tantôt avec les étudiants qui ont présenté leur
mémoire. Je leur disais que c'est très important pour moi que la
valeur de leur diplôme soit reconnue parce que nous sommes de la
même famille de l'Université de Montréal. C'est
l'Université de Montréal elle-même qui profite de cela.
Donc, si on en est rendu à des restrictions budgétaires qui
affectent la qualité de l'enseignement, de la recherche, et qui
affectent la qualité d'un diplôme, nous, en tant que
diplômés, on a le devoir de s'élever contre cela.
M. Jolivet: Je viens du secteur de
l'enseignement primaire et secondaire, je suis enseignant de
carrière et syndicaliste par autre forme de profession, semble-t-il,
À l'époque, on était des petits chenapans. Je dois vous
dire qu'il y a eu effectivement, dans le secteur de l'enseignement primaire et
secondaire, ce dont vous faites mention, des mesures de correction. Les
commissions scolaires, dans les années soixante, avaient eu des
déficits énormes. Quand on s'est retrouvé avec un montant
de 485 000 000 $ à payer en 1975-1976, le gouvernement qui a suivi a
essayé de mettre des correctifs et, malgré ces correctifs, on
s'est retrouvé avec un autre trou de 500 000 000 $ - vous vous souvenez
- dans les années quatre-vingt. On a le même problème avec
les centres hospitaliers. On s'en va vers 100 000 000 $, au total,
d'accumulés.
Donc, la question est quand même pertinente de la part des
étudiants. Malgré tous les moyens qu'on s'était
donnés à l'époque dans les secteurs primaire et
secondaire, malgré tous les moyens qu'on s'est donnés dans le
secteur des centres hospitaliers, il y a quand même une autre partie
d'autonomie que possèdent les centres, de telle sorte qu'en fin de
compte, on se retrouve avec des problèmes qui sont continuellement sur
la sellette alors que normalement on aurait essayé de trouver des
solutions pour régler correctement le problème.
Or, la solution que vous préconisez et que d'autres semblent
préconiser, comme premier réflexe, c'est l'augmentation des frais
de scolarité et, comme deuxième réflexe, c'est celui qui
concerne d'autres formes d'aide, incluant les sommes d'argent que pourrait
investir le gouvernement. Si, en 1965-1966, on s'est fixé un objectif en
ce qui concerne l'accessibilité, il ne faudrait pas le perdre de vue.
L'impression qui peut ressortir, c'est que l'augmentation des frais de
scolarité pourrait amener une réduction de la possibilité
pour des jeunes d'accéder au niveau universitaire.
M. Grandmaison: Vous avez dit que notre réflexe premier
avait été vers les frais de scolarité. Je ne voudrais pas
que ce soit perçu comme cela. Nous aimerions que le gouvernement
contribue davantage. Nous aimerions que l'Université de Montréal
maintienne son statut d'excellence, qu'elle maintienne la qualité de son
enseignement, etc. J'aimerais que M. le ministre nous fasse un chèque
cet après-midi et donne à M. Lussier les sommes d'argent dont il
a besoin. On peut lui demander combien il veut. C'est cela qui serait
peut-être la solution.
Je pense qu'on doit partager cet idéal du gouvernement, de la
société. On est dans une situation où on est très
taxé, on a des déficits. En tant qu'hommes d'affaires, on est
dans des situations où on ne veut plus être taxés et
où on ne veut plus que le gouvernement ait des déficits. Si on
arrive à cela, peut-être que les gens que nous avons élus
à l'Assemblée nationale devraient faire ces choix politiques de
dire: On n'augmente pas les déficits, on n'augmente pas les taxes, une
façon, ce sont les frais de scolarité. Je vous dis tout de suite
que ce n'est pas notre réflexe premier d'augmentation des frais de
scolarité.
Concernant l'idée de maintenir les frais de scolarité
à un niveau bas et l'accessibilité, je ne voudrais pas revenir
sur certains mémoires qui vous ont été
présentés, mais je pense que, principalement, le Conseil des
universités a traité de ce sujet et a apporté des
études qui démontrent qu'il n'y a pas de relation automatique
entre augmentation de frais scolarité et accessibilité
réduite à l'université. Je pense que dans ce sens, vous
avez à consulter ces analyses. Il y aura lieu, si le gouvernement le
juge nécessaire, de faire d'autres analyses, mais ce n'est pas
automatique.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée de Chicoutimi, je vous invite à conclure au nom de
votre formation politique.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M, le
président, madame, je me sens quasiment le besoin de me faire pardonner
la sévérité de mes questions. J'ai observé le
ministre au cours de ces deux dernières semaines. Avec les
étudiants, il fait preuvre d'une rigueur que j'apprécie
d'ailleurs; il les oblige à faire la démonstration que ce qu'ils
avancent est fondé et qu'on comprend bien leur texte et les fondements
sur lesquels reposent leurs avancés. J'ai le goût de le faire avec
à peu près tous les groupes. Cela explique un peu la
démarche que j'ai entreprise avec vous.
Si vous permettez, cependant, il y a une chose sur laquelle je voudrais
revenir. Dans votre texte, vous citez, fort justement les propos d'un rapport
de l'OCDE et un autre rapport - dont je ne me rappelle plus la provenance de
toute façon - pour dire que les frais de scolarité relativement
bas étaient un mode de financement régressif parce qu'ils
faisaient payer par les moins bien nantis la scolarisation de ceux qui
l'étaient davantage.
La solution, à mon avis, ne repose pas dans un dégel des
frais de scolarité qui ne tienne pas compte de ces faits. Dégeler
les frais de scolarité, ce n'est pas essayer de corriger une situation,
ce n'est pas essayer de renverser cette tendance, c'est la consacrer. Dans ce
sens, cette démarche, il me semble, je l'ai dit à quelques
reprises, les universités ne m'ont pas semblé très
préoccupées de comprendre le phénomène qui fait
qu'au Québec, malgré, il faut l'admettre,
des conditions particulièrement favorables, des frais de
scolarité bas, un régime d'aide financière relativement
généreux, on n'ait pas réussi à renverser ou
à avoir un meilleur équilibre de réprésentation
socio-économique dans nos universités.
Une étude réalisée pour les étudiants chez
vous, je ne sais pas si tout le monde l'a en main, démontre que cela a
peu évolué. Il y a moins de 50 % des fils et filles de
professionnels, de cadres supérieurs, cadres moyens qui sont dans les
universités, contre 48 % ou 46 %... Ces 46 % sont encore dans les
programmes traditionnels, c'est-à-dire les sciences de
l'éducation, etc.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous pouvez
conclure madame.
Mme Blackburn: M. le Président, ce ne sera pas très
long. Ce qui me fait dire que les universités, je voudrais poursuivre,
ne m'ont pas fait la preuve, jusqu'à aujourd'hui, qu'elles avaient
été très préoccupées de mieux cerner ce
problème et peut-être de proposer des éléments de
solution.
Quand vous comparez l'Ontario et les États-Unis, j'en suis, sauf
que quand on essaie de comparer, c'est comme quand on essaie d'emprunter des
formules toutes faites ailleurs pour gérer nos écoles, nos
universités, les programmes scolaires: on a connu des revers importants
et coûteux. Quand on essaie comme cela de dire: Si cela se passe bien en
Ontario et aux États-Unis, cela devrait avoir le même
résultat chez nous. Ce n'est pas le même contexte. Je le rappelle,
on a une richesse collective de 25 % plus basse qu'en Ontario. On a un taux de
chômage plus élevé, une tradition de l'éducation
moins élevée. Il me semble que c'est dans ce contexte qu'il faut
se placer.
Par ailleurs, vous le savez plus que moi certainement, ce qui fait la
différence entre le bénéfice des entreprises qui
possèdent sensiblement les mêmes technologies, cela repose sur la
qualité des ressources humaines. Donc, elles en sont, à mon avis,
avec les détenteurs de la formation, les premières
bénéficiaires.
J'ai quand même toutes les opinions ici et la vôtre,
d'autant plus que vous avez appuyé le mémoire de votre
université, et je partage avec l'Université de Montréal
une grande partie de ses préoccupations. Vous les faites vôtres,
et en ce sens-là, j'apprécie beaucoup votre démarche. Je
voudrais vous remercier pour votre participation aux travaux de cette
commission, je le fais au nom de mon collègue et en mon nom
personnel.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: M. le Président, j'écoutais la
députée de Chicoutimi discourir comme je l'ai entendue le faire
depuis le début des audiences de la commission et j'ai bien hâte
de connaître les suggestions qu'elle aura à proposer pour faire
face au problème qui nous est présenté. J'en vois poindre
une, je ne sais pas si elle parle au nom de son parti ou en son nom personnel,
mais j'ai l'impression qu'elle se dirige vers un impôt sur les
compagnies. C'est la chose qu'on a entendue le plus souvent dans les propos
qu'elle a tenus. On va être intéressés de savoir si c'est
une position vers laquelle son parti s'oriente ou non, mais pour l'instant,
c'est à peu près tout ce qu'on a entendu.
Il ne faut pas que vous vous étonniez de cela parce qu'il faut
qu'il y ait un peu de débats entre nous aussi. C'est une commission
parlementaire, ce n'est pas seulement un club de "gentlemen" et d'amis. J'ai
bien hâte de voir comment la position du parti d'Opposition va se
définir sur cette question. Nous sommes très
intéressés à la connaître aussi.
Vous nous avez posé le problème de votre point de vue, M.
le président, avec clarté. Une chose qui est intéressante
dans le processus parlementaire, c'est qu'à mesure que nous cheminons,
cela a l'air confus par moment, cela a l'air lent, mais les enjeux se
précisent. Une chose que j'ai eu de la difficulté à
comprendre dans la politique au début, c'est que finalement, cela se
résume à un oui ou à un non, un blanc ou un noir,
péquiste ou libéral.
Une voix: Promesse pour promesse.
Mme Blackburn: Blanc ou noir. On peut penser qu'ils sont blancs
et nous, noirs.
M. Ryan: Cela se résume à une question très
simple et il n'y a aucune question qui est simple au fond. Nous savons tous que
les questions sont infiniment complexes. C'était ma joie quand
j'étais dans le journalisme d'analyser les questions sous tous les
aspects sans être obligé de trancher catégoriquement.
Cependant, au bout de la ligne, il faut que le gouvernement et l'Opposition
aussi finissent par s'aligner clairement et c'est vers cela qu'on est
dirigé tranquillement par le travail de la commission. Je ne voudrais
pas qu'on le perde de vue.
Il y a quatre pôles: taxes, endettement - cela devrait être
une voie qui intéresse nos amis car ils nous ont laissé un bon
héritage de ce côté-là...
M. Jolivet: Le voilà! La partie partisane, il fallait bien
que cela finisse! Ce n'est pas cela que vous aviez dit!
Mme Blackburn: C'est un classique.
M. Ryan: C'est ce que nous avons proclamé depuis cinq ans.
Nous avons averti nos concitoyens dès 1979-1980 du trou que vous alliez
nous laisser.
Il y a ensuite la diminution des dépenses. On essaie d'avoir des
indications des besoins ou des possibilités qu'il y aurait de ce
côté-là. Jusqu'à maintenant, quelques affirmations,
pas beaucoup de démonstrations. Au contraire, on nous dit qu'on a fait
des coupures qui... On va en trouver quelques-unes, nous autres, des sources de
réduction possible des dépenses. J'écoute tout cela et je
garde l'esprit ouvert là-dessus.
Il y a, quatrièmement, l'augmentation des autres sources de
revenu. Ce qu'on mentionne, ce sont les frais de scolarité, les
impôts. Cela ne nous donne pas énormément de choix, mais
c'est bon parce qu'il y a trois ou quatre enjeux principaux qui sont en train
de se dégager clairement de tout le travail. Au bout de la ligne, il va
falloir que le gouvernement fasse un choix. L'Opposition sera appelée
à faire le sien également. C'est comme cela que la
démocratie progresse. Je dois vous dire que, pour l'instant, nous
continuons à écouter les témoignages qui nous sont
présentés et nous allons le faire pendant encore deux ou trois
semaines. La première échéance qui nous attend est
l'exercice budgétaire 1987-1988 et nous aurons des nouvelles
sûrement à communiquer à la fois aux universités et
à nos amis de l'Opposition en temps utile.
Je termine en signalant que la journée a été
très fructueuse. Nous avons pu prendre connaissance de la
réalité de l'Université de Montréal sous de
nombreuses facettes. Je voudrais remercier tous ceux qui sont intervenus
pendant la journée et leur dire que leurs témoignages, même
lorsqu'ils n'allaient pas toujours dans le sens de nos attentes ou de nos
propres opinions, ont été très utiles pour nous aider
à faire le tour de cette partie du problème des
universités que représente l'Université de
Montréal.
Je signale, en terminant, que dans la famille de nos universités,
l'Université de Montréal occupe une place de choix. C'est la
première de nos universités francophones par l'importance
physique. À bien d'autres points de vue, c'est la première
également. Cela ne veut pas dire que les autres n'ont pas beaucoup
d'importance également, mais ce que nous ferons pour l'Université
de Montréal, je pense que tôt ou tard, nous allons le faire
également pour les autres universités, et je veux vous assurer de
mon intérêt très particulier et intense pour l'avenir de
cette université. Je vous remercie tous.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le ministre. Merci, M. le président, madame, messieurs.
La commission parlementaire sur l'éducation ajourne ses travaux
au mardi 30 septembre à 10 heures alors que nous accueillerons
l'Université du Québec à Trois-Rivières.
(Fin de la séance è 18 h 30)