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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 25 septembre 1986 - Vol. 29 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux. Ce matin, nous accueillons l'Université de Montréal. Avant le début des travaux, pourriez-vous nous dire, M. le secrétaire, s'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Pelchat (Vachon) remplace M. Hamel (Sherbrooke).

Le Président (M. Parent, Sauvé):Bonjour, Mme Pelchat.

Est-ce qu'il y a d'autres remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II n'y a pas d'autres remplacements.

Je dois vous rappeler que nous continuons ces audiences publiques dans le cadre du mandat qui a été confié par l'Assemblée nationale à la commission de l'éducation de tenir une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Aujourd'hui, la commission entendra à tour de rôle l'Université de Montréal, l'Assemblée des doyens de l'Université de Montréal et le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal; en après-midi, la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal, ainsi que l'Association des diplômés de l'Université de Montréal.

M. Cloutier, recteur de l'Université de Montréal, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir accepté l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir nous présenter un mémoire, nous expliquer les problèmes avec lesquels vous vivez et les côtés positifs autant que les côtés négatifs qui font l'objet de la vie sur le campus universitaire montréalais.

C'est rare que les gens de la montagne viennent sur la colline. Nous vous souhaitons la bienvenue sur la colline parlementaire et vous invitons, M. le recteur, à nous présenter les gens qui vous accompagnent. Université de Montréal

M. Cloutier (Gilles): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, permettez-moi, d'abord, de vous exprimer tous nos remerciements de l'occasion qui nous est fournie de discuter avec vous du contenu du mémoire de l'Université de Montréal à cette commission parlementaire.

Comme vous le suggérez, M. le Président, je vous présenterai l'équipe de mes collaborateurs qui m'accompagnent à la table. À ma gauche immédiate, le Dr René Simard, qui est vice-recteur aux études. Le Dr René Simard a été, tour à tour, président du Fonds de la recherche en santé du Québec, président du Conseil de la recherche médicale du Canada et il est encore directeur de l'Institut du cancer de Montréal. À la gauche de M. Simard, M. Louis-Marie Tremblay, vice-recteur aux affaires professorales. M. Tremblay est un spécialiste des relations industrielles. Il a été, d'ailleurs, directeur du Département de relations industrielles à l'université et également, pour un temps, doyen de la Faculté des arts et des sciences.

À ma droite, M. René Levesque, vice-recteur à la planification et à la recherche. M. Levesque a été, jusqu'à récemment, vice-président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Il a également été directeur du laboratoire de physique nucléaire de l'Université de Montréal et doyen de la Faculté des arts. À la droite de M. Levesque, il y a M. Jacques Lussier, vice-recteur à l'administration. M. Lussier, qui est un professionnel des relations industrielles, a débuté sa carrière tôt à l'Université de Montréal où il a gravi les échelons sur le plan administratif. Il a été, avant d'être recteur administratif dans l'administration, directeur des services de l'Université de Montréal.

Pour ma part, je suis recteur de l'Université de Montréal depuis juin 1985. Comme vous le savez peut-être, j'ai été auparavant vice-président exécutif à Hydro-Québec et j'avais été président du Conseil des recherches de l'Alberta.

Voilà, M. le Président, l'équipe de la direction de l'Université de Montréal, qui m'accompagne ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur, pour la présentation que vous nous avez faite de vos collègues. Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à tous les gens qui vous accompagnent.

Je dois vous rappeler que la commission a prévu environ une heure et demie pour vous entendre. Je dois vous dire que, chaque fois qu'on a entendu les représentants d'université, jusqu'à maintenant, on a toujours dépassé un peu le temps. Mais nous tâchons de travailler dans un cadre assez rigide de façon à pouvoir rendre justice à tout le monde et que tout le monde puisse être entendu dans la journée.

Vous m'informez que vous avez une projection audiovisuelle d'environ dix ou douze minutes, m'a-t-on dit, ou quinze minutes?

M. Cloutier: Je crois que c'est un peu plus de quinze minutes, autour de quinze minutes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Quinze minutes. Vous avez apporté avec vous ce que représente l'université, en tout cas un bel exemple, une maquette pour illustrer tout le complexe de l'Université de Montréal.

On va consacrer une partie du temps à ceia et, dès que cela sera terminé, le reste du temps sera consacré à des échanges de propos avec les membres de la commission. La période qui restera sera séparée en parts égales entre les membres des deux formations politiques.

Je veux que vous soyez bien à votre aise concernant les questions qui vont vous être posées. Si vous croyez qu'un de vos collègues peut répondre aussi, vous pouvez l'inviter à le faire. L'un peut compléter la réponse de l'autre. D'une façon ou d'une autre, ce que nous recherchons, c'est d'aller chercher le plus de renseignements possible pour nous aider à améliorer la condition, les orientations et le financement du réseau universitaire.

M. le recteur, à partir de maintenant, je vous donne la parole et nous vous écoutons.

M. Cloutier: Comme vous l'avez indiqué, nous avons organisé notre présentation en trois parties. Premièrement, une présentation de la maquette de l'Université de Montréal. Deuxièmement, un document audiovisuel qui met en valeur les faits saillants de notre mémoire. Je voudrais terminer par quelques mots qui portent sur les conclusions et les recommandations de notre mémoire.

Pour ce qui est de la maquette, je voudrais situer cette présentation de la maquette dans le contexte de la commission parlementaire. Au moment où je suis arrivé comme recteur, il y a un an, une des priorités que je m'étais données comme recteur de l'Université de Montréal, c'était de mieux faire connaître l'Université de Montréal dans le milieu. J'ai pensé, comme l'Université de Montréal n'est pas aussi connue qu'on le voudrait en dehors de la région de Montréal, et même dans la région de Montréal, que la commission parlementaire serait intéressée à connaître un peu mieux la situation physique de l'Université de Montréal. C'est pourquoi nous avons apporté la maquette de l'Université de Montréal, une maquette qui date de 20 ans et qui a été mise à jour au cours des années pour des raisons de planification du campus de l'université.

Si vous le permettez, j'inviterais le Dr René Sirnard à vous faire une brève présentation.

M. Simard (René): Merci, M. le recteur, II existe trois grandes caractéristiques physiques de l'Université de Montréal. La première est certainement la pavillon principal. C'est un pavillon construit au cours des années trente par l'architecte Ernest Cormier, une de nos grandes figures en architecture. Comme tous les édifices de M. Cormier, le pavillon principal a été construit dans le style Art déco.

Deuxième caractéristique dont vous pouvez vous rendre compte ici, l'université et tout le campus sont construits sur la montagne, avec les avantages et les inconvénients que cela représente. Les avantages, c'est que cela donne une vue imprenable sur la ville et que la tour fait partie du paysage de la ville de Montréal. Les inconvénients, c'est que l'université est construite sur du roc; par conséquent, il est impensable d'avoir des corridors souterrains pour relier les différents pavillons comme la chose existe dans la majorité des campus nord-américains. Cela présente des difficultés, par exemple, de dispersion des bibliothèques puisqu'il n'y a pas moyen de communiquer d'un bout à l'autre du campus par voie souterraine.

Troisième caractéristique, c'est la dispersion du campus. Le campus est situé sur la montagne, mais de façon linéaire, par conséquent, la distance est grande entre ses deux extrémités. Pour vous donner un exemple, le métro est en construction actuellement, ce qui rendra l'université beaucoup plus accessible aux étudiants. On aura besoin de trois stations de métro pour desservir tout le campus de l'Université de Montréal.

Si je commence la description de la maquette, d'ouest en est, donc du village de Côte-des-Neiges à la ville d'Outremont, on a sur la rue Decelles, à l'ouest, l'École des hautes études commerciales, la Faculté de droit et le pavillon des arts et des sciences, le pavillon Lionel-Groulx qui abrite le côté

sciences humaines de la Faculté des arts et des sciences. En plein milieu de ce complexe, on trouve un pavillon de services qui abrite salles de cours, bibliothèque, cafétéria et librairie.

Toujours en se déplaçant vers l'est, on a ici un ensemble de constructions qui sont projetées. En réalité, il y a une construction qui est en cours actuellement, c'est la bibliothèque Samuel-Bronfman qui est entièrement financée par la campagne des années quatre-vingt et qui regroupera une certaine partie des bibliothèques reliées au droit et aux sciences humaines.

Dans le campus principal, vous avez un ensemble de facultés qui comportent une charge énorme de sciences de laboratoire et le pavillon a été réaménagé au cours des années pour rendre toutes ces disciplines de laboratoire possibles. Ainsi, il regroupe maintenant la Faculté de médecine, la Faculté de médecine dentaire, la Faculté de pharmacie, le Département de physique, le Département de chimie, la bibliothèque centrale et une partie de la direction de l'université, ainsi que le Département de mathématiques.

Un peu plus loin, plus è l'est, vous avez en haut sur la montagne, l'École polytechnique qui jouxte tout à fait le pavillon central et, un peu plus bas, un pavillon de l'administration qui contient essentiellement le bureau du registraire, là où vont s'enregistrer les étudiants qui veulent venir à l'Université de Montréal.

Au centre du campus, vous avez les résidences et le centre communautaire. Plus à l'est, vous avez le stade d'hiver. Il y a une patinoire avec piste athlétique derrière, ainsi que le CEPSUM, le Centre d'éducation physique et des sports de l'Université de Montréal, qui loge également le Département d'éducation physique.

En haut sur la montagne, vous avez l'ancienne École Vincent-D'Indy, devenue la Faculté de musique qui est d'accès assez difficile. La pente ici est très accentuée. Un peu plus bas, vous avez le pavillon Marie-Victorin qui abrite le Département des sciences biologiques, le Département de psychologie, la Faculté des sciences de l'éducation, etc.

Si on remonte le long du boulevard Édouard-Montpetit, on retrouve un certain nombre de conciergeries que loue ou que possède l'Université de Montréal et qui logent successivement les services aux étudiants, le Département de philosophie, la Faculté de théologie, l'Institut des hautes études médiévales, le Service du personnel et la Direction des bibliothèques.

Un peu, maintenant, en dehors du campus, sur la rue Darlington, vous avez un autre pavillon qui regroupe la Faculté des sciences de l'aménagement et le Département de mathématiques. Vous avez égale- ment le pavillon Marguerite-d'Youville qui est l'ancienne École de santé publique et qui regroupe la Faculté des sciences infirmières, le Département d'administration de la santé, le Département de médecine sociale et préventive, le Département de nutrition, l'École d'audiologie et d'orthophonie et l'École de réadaptation. Plus loin, sur le Chemin-de-la-Reine-Marie, on a la Faculté d'éducation permanente et l'École d'optométrie.

Sur Côte-des-Neiges - cela n'apparaît pas ici sur la maquette, il aurait fallu une maquette beaucoup plus grande que celle-là -on retrouve la Direction des immeubles, les services pédagogiques, ainsi que différents centres de recherche. Ceci pour le campus immédiat de l'université.

Il y a aussi, dispersés sur l'île de Montréal, quinze hôpitaux affiliés, dispersés sur l'ensemble du Montréal métropolitain, et deux instituts de recherche, soit l'Institut de recherche clinique et l'Institut du cancer de Montréal. En dehors du campus, mais à une distance plus grande, on retrouve la station de biologie de Saint-Hippolyte, dans les Laurentides, qui permet aux étudiants en sciences biologiques de faire des travaux sur le terrain. À Saint-Hyacinthe, vous avez la Faculté de médecine vétérinaire, qui a fêté son centenaire en fin de semaine dernière, et au mont Mégantic vous avez l'Observatoire astronomique du mont Mégantic qui permet aux étudiants en astronomie d'aller faire des travaux reliés à l'astronomie. Sur le boulevard Pie IX, dans l'est de la ville, j'avais oublié le Jardin botanique qui est aussi affilié à l'Université de Montréal. Voilà pour la description brève du campus de l'Université de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Dr Simard.

M. Cloutier: Avec votre permission, M. le Président, je demanderais aux techniciens de mettre en marche la présentation des documents audiovisuels.

Présentation de documents audiovisuels

La double fonction d'enseignement et de recherche qui représente la raison d'être de l'Université de Montréal nous fait pousser aujourd'hui un cri d'alarme. Quels tableaux construire, quelles courbes tracer pour faire sentir l'urgence de la situation? Quelles statistiques invoquer, quels arguments avancer devant la nécessité pressante d'un rattrapage et d'une relance de l'université?

L'Université de Montréal saisit donc l'occasion qui lui est offerte ici pour expliquer au grand jour la grave situation financière dans laquelle elle se trouve. Nous sommes devant un déficit structurel de l'ordre de 14 000 000 $ par an qui se solde

par un déficit accumulé de près de 30 000 000 $.

De par l'application de la formule historique de financement, l'Université de Montréal est devenue victime de sa vocation particulière.

Pourtant, elle demeure l'université québécoise et canadienne la plus engagée dans le domaine de la santé, dans le développement des études supérieures et l'une des premières en matière de recherche subventionnée,

Pourtant, sa Faculté francophone de médecine vétérinaire à Saint-Hyacinthe est unique en Amérique du Nord.

Pourtant, elle est la seule université du continent à opérer une école française de design industriel dans sa Faculté d'aménagement.

Ses débuts remontent à 1878. Elle reçoit sa première charte en 1920. Elle compte actuellement 13 facultés, deux écoles affiliées et une cinquantaine d'organismes de recherche. Lui sont attachés 15 hôpitaux universitaires, deux instituts de recherche, l'Observatoire du Lac-Mégantic, le Jardin botanique et la station biologique de Saint-Hippolyte dans les Laurentides.

Avec les quelque 50 000 personnes qui fréquentent le campus chaque jour, l'Université de Montréal pourrait compter parmi les dix villes les plus importantes au Québec. Ces 50 000 personnes, ce sont près de 43 000 étudiants, plus de 4000 enseignants et près de 3000 employés non enseignants. Ces 7000 employés représentent une masse salariale de 200 000 000 $.

Ajoutons à ces employés la population étudiante et l'on comprend aisément que le village de Côte-des-Neiges soit si florissant. Les retombées économiques sur tous les types de commerce, restaurants, boutiques, épiceries, sans oublier le logement, sont énormes.

Les retombées économiques ne se limitent pas au campus. À Saint-Hyacinthe, la Faculté de médecine vétérinaire est le plus important employeur local. Deux types de population: les étudiants de jour et les étudiants de soir inscrits à l'éducation permanente.

Malgré ce qu'elle génère, l'université coûte cher. Ses douze kilomètres de route et ses dix kilomètres de trottoirs impliquent chaque année 300 000 $ de frais de déneigement. Propriétaire de 144 hectares et locataire de plus de 1500 hectares, ses frais d'entretien paysager s'élèvent à 525 000 $.

L'université occupe 66 immeubles dont 55 sont sa propriété. Superficie totale: près de 500 000 mètres carrés, soit une fois et demie celle de la Place Ville-Marie. On y retrouve 33 kilomètres de corridors et 30 000 vitres à laver.

L'ensemble de la gestion des immeubles nécessite des déboursés de 25 000 000 $, 3 000 000 $ vont à l'entretien ménager, 3 700 000 $ en dépenses d'énergie et 3 000 000 $ en communications par courrier et téléphone.

Dans le domaine de la santé, l'Université de Montréal demeure la seule université au Canada à offrir toute la gamme des enseignements. Elle est donc la plus importante et la plus complète dans ce secteur.

Il s'agit la du secteur le plus coûteux de l'enseignement universitaire. Cependant, la formule de financement n'en tient aucunement compte.

Les études supérieures forment un secteur non moins coûteux. À ce niveau, l'Université de Montréal accueille le tiers des étudiants inscrits au Québec; cependant aucune forme de pondération n'est apportée au financement de cette clientèle.

Ses activités de recherche sont plus importantes que celles de la majorité des universités canadiennes et québécoises, sans qu'il y ait une compensation financière adéquate.

L'enseignement supérieur occupe une place essentielle dans la société.

L'institution universitaire est un investissement. Aujourd'hui, dans un monde dominé par l'informatique et la technologie, l'université est seule à détenir la compétence et la responsabilité de former la main-d'oeuvre hautement spécialisée qui est devenue la première ressource de notre société. Elle est aussi la condition sine qua non de notre développement et de notre capacité d'affronter la concurrence sur les marchés nationaux et internationaux.

L'université représente, de plus, un réservoir de connaissances et de talents où viennent puiser petites et grandes entreprises pour renouveler et perfectionner leur personnel, pour développer et maîtriser les nouvelles technologies afin de comprendre et exploiter leur potentiel.

La relance de l'institution universitaire représente un investissement prioritaire pour le gouvernement. Il n'a d'autre choix que de le confirmer s'il veut assurer au Québec un statut de société développée et compétitive.

Le profil institutionnel de l'Université de Montréal est très particulier,

Elle possède les traits distinctifs et répond aux engagements particuliers d'une multi-université impliquée dans l'enseignement et la recherche à tous les niveaux et dans tous les principaux secteurs de formation universitaire.

Dans le domaine de la santé, en 1984, l'Université de Montréal reçoit 51 % des étudiants universitaires des secteurs dits médicaux inscrits dans les universités québécoises.

Si l'on englobe l'ensemble des sciences de la santé, l'Université de Montréal

forme 48,7 % des étudiants inscrits dans les universités québécoises.

Chez la population étudiante de niveau universitaire au Québec, les étudiants inscrits en santé représentent en moyenne 9,5 % alors qu'ils comptent pour 26 % de la population étudiante de l'Université de Montréal.

Au niveau des études supérieures, 45 % des étudiants inscrits à des programmes de doctorat au Québec, pour l'année 1984, se retrouvent à l'Université de Montréal. C'est elle qui reçoit en chiffres absolus le plus grand nombre d'étudiants aux études supérieures de toutes les universités canadiennes. Elle produit 47 % des diplômes d'études supérieures obtenus dans les universités francophones au pays. De plus, ses étudiants comptent pour 20 % des inscriptions à Montréal, comparativement à la moyenne de 14 % pour l'ensemble des universités du Québec.

Dans le domaine de la recherche, l'Université de Montréal se situe au cinquième rang des multi-universités canadiennes. Au cours des cinq dernières années, ses subventions en recherche ont totalisé 317 000 000 $, qui représente un accroissement de 70 %. Toutefois, il semble que ses particularités, ses points forts et ses traditions propres doivent constituer en même temps la faiblesse de l'Université de Montréal. À preuve, ce sous-financement chronique dans lequel on la maintient.

La crise financière actuelle nous place devant la nécessité de redéfinir les bases budgétaires.

Depuis 1981, le jeu des compressions et des prélèvements a signifié pour l'Université de Montréal des coupures de subventions de près de 40 000 000 $.

Cela a amené des coupures dans le nombre de postes du personnel régulier, malgré l'augmentation de la clientèle. Chez le personnel enseignant, on a dû abolir 104 postes de professeurs de carrière, soit 7,6 % des effectifs. Par conséquent, la charge d'enseignement s'est considérablement alourdie. Le ratio crédits-étudiant a fait un bond de 24 % en cinq ans. De tels écarts pourraient mettre sérieusement en danger la qualité de l'enseignement. Chez le personnel non enseignant, ce sont 404 postes qui ont été perdus, soit 15,3 % des effectifs.

(10 h 30)

La formule historique de financement des universités et, surtout, les nombreuses modifications qu'on lui a fait subir d'année en année sont en grande partie responsables de la situation précaire dans laquelle se trouve l'Université de Montréal aujourd'hui. D'abord, elle fixe les bases budgétaires à partir des dépenses observées dans chaque université en 1969-1970, point de départ arbitraire qui rend irrecevable toute dépense ultérieure admissible.

Ensuite, elle privilégie les accroissements de clientèles étudiantes en puisant dans les bases les sommes nécessaires. On comprendra que l'Université de Montréal puisse être doublement pénalisée par une telle mesure. D'une part, on prélève dans sa base les sommes nécessaires pour financer la croissance étudiante des autres universités. D'autre part, les perspectives de rattrapage financier par la croissance étudiante sont faibles pour elle dans le secteur santé, largement contingenté, et dans celui des études supérieures où la capacité d'accueil est presque atteinte.

Troisièmement, cette formule identifie, à partir de 1982-1983, des secteurs prioritaires avec des taux de financement différents. Notons ici que ces taux privilégiés ne s'appliquent qu'aux étudiants additionnels. Encore là, l'Université de Montréal, à cause de son profil propre, est largement défavorisée, puisqu'elle ne compte que 24 % de sa clientèle étudiante dans les secteurs prioritaires. Même si on lui ajoutait la clientèle des HEC et de Polytechnique, elle arriverait en dernière place des universités québécoises avec 43,5 %.

Quatrièmement, à partir de 1983-1984, la formule introduit des taux différentiels selon les cycles d'études. La mesure est équitable, puisque les études supérieures sont plus coûteuses. Malheureusement, elle ne porte que sur les étudiants additionnels, sans correction des bases. Pour l'Université de Montréal, les perspectives de croissance dans ce secteur où elle est bien développée sont limitées par des problèmes d'équipements coûteux, d'espaces de laboratoires et de fonds de recherche disponibles.

Enfin, la formule de financement ne tient aucunement compte du secteur recherche et, surtout, des coûts indirects qu'il occasionne. Plus une université attire de fonds de recherche importants, ce que tout le monde souhaite et ce que réussit l'Université de Montréal, plus elle grève son budget et hypothèque sa situation financière.

Le profil propre de l'Université de Montréal et la formule de financement qui la défavorise ont des conséquences lourdes à assumer,

Dans un contexte de financement équitable, la portion des dépenses admissibles de base nette devrait être égale à la portion des étudiants équivalents temps complet pondérée de l'ensemble des universités. Tout écart négatif entre la subvention reçue et le fardeau étudiant représente, en fait, un état de sous-financement.

Voyons le cas de l'Université de Montréal. Alors que sa portion des dépenses admissibles diminue, son fardeau étudiant augmente. D'après une étude du ministère, cet écart négatif se chiffrait à 5 400 000 $ en 1981-1982. C'est sur cette base et en

utilisant les mêmes données que nous chiffrons à 14 000 000 $ le déficit structurel de l'Université de Montréal pour l'année 1984-1985, si bien que, malgré un coût unitaire pondéré inférieur de 17 % à l'ensemble des universités québécoises en 1984-1985, l'Université de Montréal se retrouve devant un déficit accumulé de 30 000 000 $.

Voilà les retombées néfastes de la formule historique de financement sur notre budget. Pourtant, l'université avait déjà procédé à des coupures de l'ordre de 30 000 000 $ dans son budget de fonctionnement. On ose à peine imaginer l'état de ses finances sans ces mesures. C'est maintenant la survie de l'institution qui est en jeu.

Au cours des années, l'Université de Montréal s'est taillé une place de choix parmi les grandes multi-universités en Amérique du Nord.

À l'heure actuelle, elle se trouve plongée dans une crise financière dont on ne saurait la tenir responsable. Elle traverse une crise morale dont les signes inquiétants se manifestent chaque jour. Dans les laboratoires, les installations tombent en désuétude. Les équipements ont vieilli au point d'être inutilisables, et l'accès à une nouvelle génération d'appareils plus performants nous est interdit.

Pourtant, toutes les études prouvent que les crédits consacrés à l'enseignement rapportent beaucoup plus que les investissements dans tous les autres secteurs de l'économie.

Il faut donc agir maintenant, c'est un devoir social!

Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie, M. le recteur, de cette présentation audiovisuelle, qui, j'en suis certain, a aidé les membres de cette commission parlementaire, ainsi que les gens qui regardent le déroulement de la commission à mieux connaître cette institution qu'est l'Université de Montréal. Maintenant, nous vous écoutons.

M. Cloutier: Pour terminer, M. le Président, j'aimerais dire que c'est dans ce contexte de crise financière dont elle ne s'estime pas responsable et de crise morale que traversent ses professeurs, ses étudiants et son personnel que l'Université de Montréal propose à la commission deux séries de recommandations. D'ailleurs, plusieurs de ces recommandations s'inscrivent directement dans la lignée des propositions faites par le ministre à l'ouverture de la commission parlementaire.

Les quatre premières recommandations portent essentiellement sur l'enveloppe consentie au financement de l'enseignement supérieur et sur les modalités de ce finance- ment. L'Université de Montréal fait siennes les recommandations du Conseil des universités d'augmenter de façon significative l'enveloppe consentie au financement de l'enseignement supérieur.

Elle recommande fortement que le cadre général de financement soit modifié de telle sorte qu'il puisse tenir compte du profil de chaque institution. Une telle modification de la formule de financement des universités pourrait s'inspirer, entre autres, d'un document du ministère qui est intitulé "Étude comparative des bases de financement des universités du Québec", qui avait été produit par le ministère en mai 1984. II est urgent que l'on mette fin au régime de prélèvements et de ponctions, en particulier pour fins de financement de clientèles additionnelles.

Enfin, l'Université de Montréal demande au gouvernement de reconnaître, dans la même foulée, que le déficit accumulé de l'Université de Montréal n'est pas imputable à une mauvaise gestion, mais résulte plutôt du cadre général de financement qui prévaut depuis plus de cinq ans et des caractéristiques particulières de l'université.

Consciente de la volonté politique du gouvernement de diminuer ses propres dépenses, l'Université de Montréal propose, en plus des recommandations précédentes, une série de mesures qui pourraient contribuer à améliorer la situation précaire des universités québécoises. Ainsi, nous croyons qu'il faut encourager les universités à diversifier leur base de financement. Pour ce faire, il y aurait avantage à modifier la méthode de financement quant au principe d'équilibre qui veut que toute somme supplémentaire que l'université va chercher au-delà d'un certain seuil soit déductible de sa base.

Nous suggérons aussi que le gouvernement établisse des incitatifs fiscaux qui pourraient encourager les entreprises et le public en général à contribuer au financement des universités.

Nous croyons également que les universités devraient s'engager à instaurer une meilleure concertation entre elles et que le gouvernement devrait consentir des incitatifs financiers pour favoriser de telles initiatives. Sur ce plan, l'Université de Montréal s'engage à contribuer à l'instauration d'un tel climat de concertation entre les universités et particulièrement entre les universités de la région métropolitaine de Montréal.

Enfin, nous estimons que les universités devraient tenter de développer des liens plus étroits avec les entreprises non seulement pour améliorer leur place sur le marché des contrats de recherche et de services, mais aussi et surtout pour fournir à celles-ci un moyen de faire valoir leur point de vue sur le contenu des formations offertes par l'université.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, au nom de l'Université de Montréal, je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu porter à notre présentation et je suis à votre disposition, avec mes collègues, pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le recteur. Je vous félicite aussi pour la qualité de votre présentation. On dit souvent qu'une image vaut mille mots. Alors, vous avez économisé beaucoup de papier.

Je voudrais aussi vous présenter les principaux porte-parole de cette commission parlementaire qui sont le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, le député d'Argenteuil, pour le parti ministériel, et la députée de Chicoutimi, responsable de ce dossier, pour le parti de l'Opposition.

Je donne maintenant la parole au ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je vous remercie, M. le Président. Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue, au nom de l'équipe ministérielle, à M. Cloutier et à l'équipe de l'Université de Montréal qui l'accompagne, autant à la table des témoins que sur les sièges en arrière. Nous sommes très heureux de vous retrouver ici. Vous êtes chez vous à l'Assemblée nationale, même si cela n'a peut-être pas toujours paru dans les résultats de la formule de financement au cours des dernières années.

Je crois que vous avez très clairement fait ressortir dans votre présentation les caractéristiques de l'Université de Montréal, en particulier cette partie très importante de sa clientèle qui est orientée vers les disciplines de la santé, lesquelles, comme vous l'avez justement signalé, sont parmi les plus coûteuses.

Vous avez fait ressortir également l'importance qu'occupent à l'Université de Montréal les études de 2e et 3e cycles. C'est sûrement, par une bonne marge, la plus avancée des universités du Québec, à cet égard. Elle occupe une place enviable même à l'échelle de tout le pays au niveau des inscriptions. Au niveau de la diplomation, j'ai été étonné de constater un grand décalage entre l'Université de Toronto et l'Université de Montréal. Je crois que la diplomation est presque de deux contre un à l'Université de Toronto, alors que, pour le nombre des inscriptions, nous avons un léger avantage sur l'Université de Toronto. Il y aura peut-être lieu que vous nous fournissiez des éclaircissements sur ce paradoxe.

Quoi qu'il en soit, je pense que nous avons intérêt à souligner cette part très importante que les études de 2e et 3e cycles occupent dans la programmation générale de l'Université de Montréal. Une conséquence logique de cette caractéristique, c'est, évidemment, l'importance qu'occupent les travaux de recherche à l'Université de Montréal. C'est sûr que plus le 2e et le 3e cycles sont développés, plus il y a de la place pour le développement des travaux de recherche également et vice versa. Je souligne ces points pour ajouter qu'ils constituent un actif très important pour toute la communauté québécoise et même pour la communauté canadienne et que nous avons intérêt à en être très conscients et aussi à être conscients des difficultés qui peuvent gêner le développement de l'institution. Ce que l'Université de Montréal perd, je pense que c'est tout le Québec, en un sens très réel, qui le perd à la longue, même si ces pertes sont imperceptibles à l'oeil nu.

Je peux vous assurer, M. le recteur, que nous avons bien noté les points majeurs que vous avez soulignés dans votre présentation et que nous travaillons à trouver des solutions aux problèmes mentionnés. Le niveau de financement général de nos universités, en particulier de la vôtre, est une question majeure qui interpelle la commission. Nous aurons des propositions à faire au gouvernement d'ici à la fin de la présente année sur cette question.

La formule de financement, je pense que nous sommes d'accord pour considérer qu'elle a besoin d'être réaménagée. Les critères que vous énoncez de ce point de vue sont assez proches de ceux que j'avais énoncés moi-même au tout début des travaux de la commission. Je pense qu'il y aura un consensus assez large sur l'essentiel. Quand on arrive aux dernières modalités, comme vous le savez, il y a toujours des débats qui s'élèvent. Mais il faudra les trancher assez rapidement. On ne perdra pas de temps, comme on l'a fait depuis une dizaine d'années, à faire du virgulisme dans ces choses.

Vous avez parlé de la diversification nécessaire des sources de financement. C'est évident que plus nos institutions universitaires dépendent exclusivement de subventions gouvernementales, plus cela peut devenir dangereux à la longue pour l'équilibre même de notre système universitaire. Il faut trouver des éléments de diversification. Vous en avez mentionné deux, de manière particulière: les revenus au titre de la recherche, les revenus sous forme de dans des entreprises. Il y en a une dont vous n'avez point parlé et sur laquelle je vous interrogerai tantôt. C'est, évidemment, la contribution des étudiants eux-mêmes. Est-ce qu'il y a lieu de l'augmenter, d'après vous, ou si vous trouvez qu'elle est satisfaisante au niveau où elle se trouve actuellement, etc.?

En tout cas, je veux vous assurer que ces points, de même que la situation déficitaire de certaines universités ne peuvent pas être des sujets d'indifférence pour le gouvernement. À l'occasion de l'examen général que nous faisons, nous allons les étudier très attentivement. Je ne voudrais pas prendre davantage de temps sous forme de commentaires. J'aurais un certain nombre de questions à vous adresser - je vais le faire immédiatement - pour l'utilité commune de nos collègues de la commission et de nos concitoyens. Vous dites que la formule de financement avec tous les changements qu'on y a apportés au cours des années a joué contre l'Université de Montréal et contribué à lui donner une situation de sous-financement qui a été en s'aggravant. (10 h 45)

II y a un chiffre qui m'a frappé en particulier dans ce que vous avez dit. J'aimerais que vous le reliez peut-être à la question que je vous pose. Vous dites que le coût de formation pondéré par étudiant est à l'Université de Montréal de 17 % inférieur à la moyenne québécoise. C'est énorme. Je pense que cela demande à être étayé. Vous avez un tableau très intéressant à la page 34 de votre mémoire. Il n'était pas dans votre vidéo, celui-là. Cela aurait été bon qu'il y fût.

Vous faites la comparaison entre le pourcentage de la population étudiante qu'on trouve à l'Université de Montréal et le pourcentage de la population étudiante totale au Québec, ensuite, le pourcentage des ressources, des dépenses admissibles de base qui sont autorisées. On voit qu'au point de vue du pourcentage des étudiants l'Université de Montréal est au premier rang et qu'au point de vue du pourcentage des dépenses admissibles nettes elle est au dernier rang pour l'année 1984-1985, la dernière pour laquelle on dispose de données. J'aimerais que vous nous expliquiez cette situation, que vous nous disiez bien clairement en quoi la formule de financement a été responsable de cette situation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le recteur.

M. Cloutier: Si vous me permettez juste une question, vous référez à un tableau, M. le ministre, qui serait...

Le Président (M. Parent, Sauvé): De votre mémoire.

M. Cloutier: D'accord. Cela va.

M. Ryan: Si je suis le seul à avoir le pas, M. le Président, je vais changer vite.

M. Cloutier: Cela va. Je suis avec vous, M. le ministre.

M. Ryan: Très bien.

M. Cloutier: Pour ce qui est de la formule de financement et des problèmes que cela a causés à l'université, je ne vois pas comment... On pourrait peut-être répondre d'abord à la question précise quant aux coûts de formation pondérés, M. le ministre, que vous avez posée. Est-ce que M. Simard, pourrait répondre à cette partie de la question?

M. Simard: Parlons, d'abord, de la formule de financement, M. le ministre, pour répondre à votre question. En 1982-1983, le ministère a adopté une politique de financement sectoriel. Il a divisé les clientèles étudiantes en 11 secteurs pour lesquels il a appliqué des taux de financement différents, mais ceci ne s'applique chaque fois qu'au financement de clientèles additionnelles. Ainsi, par exemple, l'Université de Montréal étant fortement présente dans le secteur santé qui est fortement contingenté où, donc, on ne peut pas admettre plus d'un certain nombre d'étudiants en première année, il n'y a pas de possibilité de profiter de ce financement additionnel, de ce financement sectoriel, puisqu'il n'y a pas possibilité d'augmenter les clientèles, le secteur étant contingenté par la volonté du gouvernement. Par conséquent, dans ce secteur, l'Université de Montréal qui investit 25 % à peu près de ses ressources ne peut pas faire d'augmentation de clientèles additionnelles.

La même chose s'applique pour la différenciation selon les cycles d'études. Le ministère a reconnu dans une étude, en 1984, que les étudiants des 2e et 3e cycles coûtaient plus cher en général que les étudiants de 1er cycle. II a donc introduit dans la formule de financement une possibilité d'avoir un financement additionnel pour les étudiants des 2e et 3e cycles. Mais il n'a pas fait de correction pour les bases, c'est-à-dire que les étudiants qui étaient déjà dans le système n'ont pas été reconnus aux fins de financement prioritaire. Ce financement pour les étudiants des 2e et 3e cycles ne s'est appliqué qu'à la croissance de la clientèle étudiante.

Comme vous l'avez vu dans le tableau, l'Université de Montréal est déjà très développée au niveau des études des 2e et 3e cycles et il n'est pas possible - je peux parler pour mon propre laboratoire ou pour de nombreux instituts de recherche d'ajouter des étudiants des 2e et 3e cycles additionnels parce qu'il n'y a plus de place et il n'y a plus suffisamment d'équipement pour en faire davantage. Par conséquent, l'Université de Montréal, encore une fois, n'a pas pu profiter de ce financement prioritaire pour l'augmentation des clientèles au niveau des 2e et 3e cycles. Ce sont les deux principaux secteurs qui ont fait que

l'Université de Montréal a été défavorisée par la formule de financement. Je pense que c'est cela.

Dans le tableau de la page 34, on a simplement repris une étude du ministère faite en 1984, étude que le recteur mentionnait tout à l'heure, où on a comparé la portion que reçoit l'Université de Montréal en termes de subvention au nombre d'étudiants équivalents temps complet pondérés selon les cycles d'études et selon les secteurs prioritaires. D'après le ministère lui-même, tout écart négatif et toute différence est un sous-financement. C'est l'explication de la page 34. En 1981-1982, l'étude du ministère montrait un manque à gagner de 5 400 000 $ et, en utilisant les mêmes données et les mêmes bases, on parle d'une possibilité de déficit de 14 000 000 $ en 1984-1985. Je ne sais pas si cela répond à votre question, M. le ministre.

M. Ryan: Cela répond à ma question, M. Simard. Je suis bien content que vous ayez précisé ces points. Un autre problème qui découle probablement de cette situation de sous-financement observée au cours des dernières années, c'est un point relatif à la charge d'enseignement des professeurs. À la page 26 de votre mémoire, vous parlez du ratio crédits-étudiant par professeur. Pour bien se comprendre, c'est le nombre de crédits obtenus par un étudiant en comparaison du nombre de professeurs. Par exemple, si vous avez tant d'étudiants, ils obtiennent une moyenne de tant de crédits par professeur que vous avez à l'université. Vous dites que le ratio est passé de 499 en 1980-1981 à 621 en 1984-1985, soit une hausse de 24,4 % qui est considérable. Vous ajoutez au paragraphe suivant: "Une étude confidentielle faîte en 1982-1983 par un organisme responsable révèle que l'Université de Montréal arrive bonne première devant les autres universités du Québec eu égard à ce ratio crédits-étudiant par professeur." J'aimerais vous demander des précisions sur cette étude, sur les choses qu'elle révélait. Si vous pouviez nous indiquer qui a fait cette étude sans la rendre publique nécessairement et nous révéler l'ordre de grandeur qu'elle mentionnait cela nous éclairerait beaucoup. Là, vous nous faites une affirmation générale qui est de nature à me laisser sceptique étant donné mes habitudes de vérification.

M. Cloutier: M. le ministre, je demanderais à M. Tremblay, qui est responsable de ce secteur, de répondre à la question.

M. Tremblay (Louis-Marie): Oui, M. le Président. Il s'agit d'une étude qui a été faite à la Conférence des recteurs. Celle-ci était dans le cadre d'un objectif - c'est ce qu'on voulait - poursuivi conjointement par le ministère de l'Éducation et la Conférence des recteurs pour essayer de clarifier un peu ce qu'est la charge de travail des professeurs. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des gens qui font des affirmations simplistes sur la charge de travail des professeurs. Donc, il y avait eu un effort de fait au niveau de la Conférence des recteurs en concertation avec les universités pour essayer de quantifier le mieux possible, au moins, certains aspects de la charge professorale. Cette étude devait se faire dans le cadre d'une relation conjointe avec le ministère. Ceci, malheureusement, ne s'est pas complété et c'est resté en suspens. Il serait peut-être souhaitable que cette étude soit reprise.

Chaque université a fait le même genre de cheminement que l'Université de Montréal pour calculer ses crédits-étudiant par professeur. Or, le crédit-étudiant par professeur, c'est une mesure qui est assez simple à calculer, parce que vous prenez le nombre d'étudiants que vous avez dans un cours, vous prenez le nombre de crédits attribués à ce cours. S'il s'agit d'un cours de trois crédits et que vous avez 20 étudiants, le professeur génère donc 60 crédits-étudiant pour ce cours. Il y a des pondérations, selon les cycles supérieurs, qui s'inspirent des modèles qui sont suivis aussi par le ministère.

Il s'est produit que cela n'a pas abouti. Je ne voudrais pas donner de raisons particulières. Je sais, cependant, que les hauts fonctionnaires du ministère ont demandé à chaque institution de lui fournir le document qu'elles avaient préparé pour elles-mêmes, document qui a été remis à la CREPUQ. Toutes ces informations sont déjà dans les mains du ministère. Il s'agirait, dans les circonstances, tout simplement de ranimer ce groupe de travail pour qu'il puisse poursuivre son travail.

Nous dévoilons, en fait, de façon officieuse des données qui ne sont pas officielles, mais c'est dans le but de défendre notre dossier. Ici, on fait état que cela a progressé de 24 % de 1981 à 1984-1985. Si je remonte à deux ans plus tôt, en 1978-1979, c'est de 30 % que notre productivité dans l'enseignement a progressé, en termes de crédits-PE et, en même temps, nos professeurs ont été aussi plus productifs au niveau des études supérieures et de la recherche.

M. Ryan: Je voudrais maintenant passer aux sources de financement. Vous dites, à la page 42 de votre mémoire: "II y aurait avantage à modifier la méthode de financement quant au principe d'équilibre qui veut que tout argent supplémentaire que l'université va chercher au-delà d'un certain seuil soit déductible de sa base." Actuelle-

ment, si une université reçoit un don ou va chercher une contribution d'une entreprise, ce n'est pas déductible pour fins de subventions. Ce qui est déductible, ce sont les hausses que les universités décréteraient unilatéralement en matière de frais de scolarité ou de frais d'inscription, mais pour le reste il y a quand même une latitude assez grande qui est laissée aux universités. J'accepte, par conséquent, le principe qui est implicite dans cette recommandation que vous faites dans votre mémoire. Du côté du gouvernement, il n'y a pas du tout d'intention de relier ceci è l'établissement du plancher des subventions.

Dans les sources possibles de revenus additionnels, il y a, évidemment, les frais de scolarité étudiants. Vous n'en parlez point dans votre mémoire et je pense que vous avez laissé entendre tantôt que vous auriez peut-être des choses à dire là-dessus. J'aimerais vous entendre, M. le recteur, sur cette question, à savoir si l'université a une position là-dessus, si elle a bien examiné ce problème et si elle a des recommandations à faire à la commission.

M. Tremblay (Louis-Marie): M. le ministre, c'est une question qu'on n'a pas soulevée directement dans notre mémoire, on l'a soulevée indirectement, entre autres, par la recommandation à laquelle vous faites état au bas de la page 42. En fait, pour nous, la décision concernant les changements dans les frais de scolarité relève d'une question beaucoup plus large qui est celle du niveau d'engagement que le gouvernement veut ou désire prendre vis-à-vis du financement des universités. Il est bien sûr que, pour le recteur qui a la responsabilité de la gestion de l'université, dans une situation où on se trouve en déficit sur le plan financier, toute source additionnelle de financement va aider l'université. Sur ce plan, il n'y a aucun doute que c'est très attrayant pour la direction de l'université de dire: Oui, une hausse des frais de scolarité nous aiderait à bien faire avancer l'université, avec des ressources qui nous sont absolument nécessaires pour progresser. Ainsi, la réaction naturelle, c'est: Oui, nous serions heureux d'avoir des ressources additionnelles pour la marche de l'université et, en ce sens, si -là, je pense que c'est une décision du gouvernement - l'une des façons les plus raisonnables au Québec d'ajouter aux fonds que les universités ont à leur disposition pour gérer, c'est de rajuster les frais de scolarité à un niveau qui, comme j'ai pu le comprendre par les recommandations du Conseil des universités, se rapprocherait, par exemple, de celui de l'Ontario, cela ne m'apparaît pas anormal. Si la question est: Est-ce que, de notre point de vue, une hausse faisant passer le niveau de 5 % à 7 % du coût de financement des universités jusqu'à 15 %f nous apparaît raisonnable, 15 % (n'apparaissent un chiffre tout à fait raisonnable, certainement, dans le contexte nord-américain. Dans ce sens, je dis oui, cela me paraît raisonnable. (11 heures)

Ce que je dis en même temps, c'est que cela fait partie d'une décision qui est beaucoup plus globale, celle de savoir à quel niveau le 'gouvernement veut bien supporter les universités. Parce que, même à ce moment, il y aura 85 %, en supposant que 15 % des revenus viennent des frais de scolarité. Il reste que la part la plus importante du soutien des universités devra encore venir du gouvernement. Je ne sais pas si cela aide à clarifier notre position, M. le ministre. J'essaie de le mettre le plus simplement possible.

M. Ryan: Très bien, je comprends. Il me resterait une dernière question à vous adresser, cela porte sur le déficit. Tout d'abord, une question de fait. Je crois comprendre qu'à la fin de l'année 1985-1986, d'après ce que j'ai entendu tantôt, le déficit accumulé sera autour de 30 000 000 $. Est-ce que...

M. Cloutier: Je peux peut-être demander à M. Lussïer de vous donner le chiffre exact.

M. Lussier (Jacques): Lorsque nous avons, M. le ministre, préparé le document, nous nous orientions vers un déficit de 30 000 000 $. En 1985-1986, les états financiers démontrent que le déficit est de 26 700 000 $. Des mesures particulières ont été prises dans l'exercice courant pour réduire de 3 000 000 $ les dépenses par une mesure vraiment exceptionnelle, soit le gel des indexations dans le cas du corps professoral régulier, des cadres et des professionnels. N'était-ce de cette mesure exceptionnelle de 3 000 000 $, on additionne bien sûr les 26 700 000 $ aux 3 000 000 $ et on arrive à 30 000 000 $.

M. Ryan: Pour l'année 1986-1987, votre budget prévoit-il un déficit?

M. Lussier: II prévoit environ l'équilibre puisqu'il s'agit de 611 000 $ sur un budget de l'ordre de grandeur de 225 000 000 $.

M. Ryan: Je vais juste faire un bref commentaire sur cette question. Évidemment, nous ne pouvons pas donner de réponse à la question que vous nous adressez ce matin. Vous demandez que le déficit soit examiné de façon particulière.

Je crois pouvoir dire, cependant, qu'il serait étonnant que le gouvernement adopte une attitude globale d'indifférence. Je pense qu'il va falloir examiner chaque situation

particulière en tenant compte de tous les facteurs qui ont pu intervenir, et on verra à faire des recommandations au cours des prochaines semaines en tenant compte de cela.

C'est sûr qu'il y a une partie des déficits qui a été causée par les politiques dont vous avez parlé dans votre mémoire. Cela me semble assez clair. Il y a peut-être une autre partie qui a été causée par des décisions qui auraient pu être prises autrement également. Il y a des institutions qui lançaient des nouveaux programmes pendant cette période, c'est un peu fort. Quand on s'en va vers un déficit, d'habitude, on ne se lance pas dans l'innovation, on fait attention, à moins d'avoir des sommes à investir. C'est un point.

On va regarder tout cela de manière attentive et objective, et je m'engage à présenter des recommandations qui découleront d'un examen objectif de chaque cas présenté.

Je voudrais juste terminer par une question de fait. Vous avez fait une campagne de souscription il y a environ trois ans, si mes souvenirs sont bons. Est-ce qu'il y a déjà trois ou quatre ans?

M. Lussier: C'était la campagne des années quatre-vingt. Donc, le début date de six ans.

M. Ryan: Six ans. Et la fin?

M. Lussier: II n'y a jamais de fin quand on veut vraiment atteindre l'objectif. Il y a encore des engagements qui sont en cours. La campagne proprement dite est terminée. Nous avons des souscriptions pour l'objectif qui était visé, soit 24 000 000 $, et il y a encore à rentrer un ordre de grandeur de 6 000 000 $ à 7 000 000 $.

M. Ryan: Maintenant, le produit de cette campagne a-t-il été réservé exclusivement à des fins d'immobilisation ou s'il a été employé à des fins de dépenses courantes aussi?

M. Lussier: II y avait des objectifs très particuliers et très précis prévus dont environ la moitié à des fins d'immobilisations et le reste à des fins particulières dont des chaires d'enseignement, des bourses aux étudiants, les presses de l'université, etc., et les fonds de recherche bien sûr.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Lussier. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le recteur, messieurs, nous sommes, soyez assurés, à la fois honorés et très heureux de vous retrouver ici. L'Université de Montréal et l'Université Laval constituent les deux grandes universités francophones au Québec et en Amérique du Nord. Comme vous l'avez rappelé - ce qu'on savait déjà - vous excellez dans plusieurs domaines. Le développement économique et social au Québec vous doit beaucoup. Que ce soit dans les secteurs de pointe en informatique, en technologie, à la direction de nos établissements de santé, d'éducation, des services sociaux, c'est chez vous qu'on est allé chercher ces ressources humaines. Dans ce sens, vous avez contribué de façon importante, par votre capacité de former des ressources humaines, au développement économique et social du Québec.

On sait que, dans certains secteurs, en particulier en éducation - il faut le reconnaître on a fait des progrès considérables. La grande réforme en éducation, aux alentours des années 1967, 1968, 1970, aurait été impensable si on n'avait pas eu les ressources humaines que vous aviez d'abord formées. Par ailleurs, votre collaboration à l'étranger - je le disais, hier, pour l'École polytechynique, mais cela vaut également pour vous - fait de vous des ambassadeurs inestimables, des porte-parole extrêmement crédibles du fait français en Amérique du Nord et du Québec de façon générale. En ce sens, on vous doit beaucoup.

À cette commission parlementaire, je dirais qu'il se dégage deux grands constats. Je pense que, de façon générale, on reconnaît qu'il y a un sous-financement des universités. On doit vous dire - je pense bien que vous le savez déjà - que chacune des universités va expliquer les raisons qui expliqueraient chez elles un sous-financement. Il me paraît difficile qu'on fasse ici un exercice pour vraiment évaluer chacune des universités, pour dire oui, il y en a une qui est sous-financée, il y en a une autre qui est peut-être sous-financée mais moins qu'il n'y paraît, ainsi de suite. Je pense que cet exercice devrait plutôt être fait à l'extérieur de la commission.

Le second constat - cela fait l'unanimité parmi tous les intervenants -c'est que l'éducation doit redevenir une priorité. Partout, on reconnaît, et je pense que vous nous le rappelez de façon fort judicieuse dans votre texte, le rôle capital du savoir dans le développement économique et social. Vous nous dites également -j'espère que cela va retenir l'attention des bailleurs de fonds - que c'est encore l'investissement le plus rentable, 10 %. Je ne détesterais pas avoir cette étude. À un moment donné, cela sert à appuyer notre discours.

Par ailleurs, une fois qu'on a fait ces deux constatations qu'il y avait probablement, si on fait des comparaisons avec l'Ontario, un sous-financement des universités et qu'il y avait nécessité d'investir en

éducation, on doit tirer les conclusions qui vont en conséquence, c'est-à-dire qu'on doit accroître l'accès à l'enseignement supérieur, on doit augmenter la qualité et assurer le développement de la recherche des 2e et 3e cycles. Donc, si on veut être tout à fait logique, toutes les mesures qui viennent mettre un frein, soit à l'accès, soit au développement des universités, devraient être abordées avec infiniment de prudence.

On dit également qu'il faut trouver de meilleures sources de financement et, par ailleurs, qu'on doit s'attendre également des universités qu'elles gèrent avec plus de rigueur. Cette commission parlementaire m'a rappelé une assemblée générale de l'OCDE à laquelle j'ai assisté en 1982, en 1983 ou en 1984, qui portait précisément sur le financement des universités. Tous les intervenants faisaient sensiblement la même constatation, à savoir qu'en période de rareté des ressources, les bailleurs de fonds se faisaient plus exigeants sur l'utilisation qui était faite des ressources. Les exigences qu'on a de plus en plus à l'endroit des universités, vous remarquerez qu'on les a également à l'endroit des professeurs. On les questionne: Est-ce vrai que la charge d'enseignement est suffisante? Est-ce que c'est vrai qu'on pourrait l'augmenter? Donc, ce n'est pas exclusivement parce que, à un moment donné, l'État, la population ou les bailleurs de fonds veulent entrer dans l'université que ces questions se posent. Elles se posent souvent, ce qui n'est pas malsain, parce qu'on est en période de décroissance.

Que le déficit soit dû à une mauvaise gestion, vous dites que la preuve en incombe à ceux qui le dénoncent. Là-dessus, je me dis qu'en période où les ressources financières ont été réduites de façon assez draconienne, qu'on puisse justifier cela encore par une mauvaise gestion, effectivement, c'est plus difficile que cela l'aurait peut-être été il y a sept ou huit ans.

L'essentiel de mes questions ne portera pas nécessairement sur le financement. Je voudrais toucher un peu les sources de financement et je voudrais vous dire tout de suite que les échanges qu'on a eus ici par rapport aux règles d'allocation des ressources qui devaient tenir compte des programmes, je suis encore étonnée que cela n'ait pas été appliqué, parce que je vous dis que dans les collèges du Québec cela a été appliqué depuis 1976-1977, je pense. Pour eux, le problème était double. Si on ne reconnaissait pas dans les règles d'allocation des ressources le poids de ce qu'on appelle des programmes lourds par rapport aux programmes qui exigeaient moins d'investissements, évidemment on les pénalisait on était en train de les créer et, par ailleurs, cela avait le double inconvénient également que l'allocation des professeurs se faisait en fonction d'une règle uniforme alors que vous aviez des collèges qui dispensaient de l'enseignement professionnel dans 70 % des cas, par exemple. Ils étaient désavantagés. Cette correction a été faite dans les collèges, je pense, en 1976-1977. Cela m'apparaît assez logique. C'est pour cela que je m'étonne encore que ce ne soit pas apparu dans vos règles d'allocation des ressources.

Je reviens aux deux grands constats généraux: l'éducation doit demeurer une priorité et l'accès devrait donc être favorisé. On a souvent parlé ici - cela a été moins le cas de l'Université de Montréal parce que je dirais que les étudiants font probablement des demandes d'admission en plus grand nombre chez vous que dans les universités plus jeunes - de course aux clientèles. Ce qui m'étonnait dans ces discours-là c'est qu'en même temps qu'on disait: II faut avoir plus de clientèles parce que c'est là-dessus qu'est basé notre financement, on n'a pas semblé avoir mis en place des mesures pour comprendre le phénomène des échecs et des abandons. Même si on avait pu retenir 5 % ou 10 % de ceux qui quittaient, ces étudiants constituaient une clientèle plus stable et, vous me passerez le terme, plus payante. On sait comment paient les clientèles additionnelles. C'était une réaction.

Pour évaluer l'efficacité ou la performance d'une université, vous procédez un peu par différents indicateurs qui sont la recherche et les relations avec l'entreprise mais également par le biais du crédit-professeur. Ce sont probablement des données intégrées. Cela comprend le temps partiel, le temps complet. Est-ce que cela comprend les professeurs à temps partiel, les professeurs réguliers? Est-ce que ce sont des données confondues?

M. Tremblay (Louis-Marie): Nous avons des données qui sont confondues et des données strictement reliées au personnel enseignant régulier. Celles dont nous avons fait état aujourd'hui sont reliées au personnel enseignant régulier.

Mme Blackburn: Le phénomène des abandons, est-ce que vous avez essayé de comprendre? Pourriez-vous nous parler du taux de diplomation des professeurs et du taux de diplomation des clientèles?

M. Cloutier: M. Simard pourrait peut-être répondre è cette question. Je crois que cela vient rejoindre une question que M. le ministre avait soulevée au début de son intervention. On pourrait essayer de répondre à cette question-là maintenant. (11 h 15)

M. Simard: Je pense que c'est une question importante qui est soulevée dans le tableau 14 du rapport du Conseil des universités où on mentionne le taux d'échec

en général au nivau des baccalauréats. Je ne connais pas les taux de diplomation de l'Université de Toronto que citait le ministre mais je peux vous donner les taux de diplomation à l'Université de Montréal. Le taux de diplomation à l'Université de Montréal est de 77 %, ce qui veut dire que 23 % des étudiants ne terminent pas leurs études dans les délais prévus ou abandonnent leurs études. Ceci est global. Dans les domaines contingentés, où la clientèle se presse à la porte et où l'Université de Montréal est particulièrement présente, donc où il y a toute une série de mesures de sélection des étudiants, le taux de diplomation oscille entre 85 % et 100 %, c'est-à-dire que 15 % à 0 % des étudiants ne terminent pas leurs études dans les délais prévus ou abandonnent. Cela vous donne une idée du taux de diplomation à l'Université de Montréal.

Mme Blackburn: Les taux de diplomation que vous nous donnez, cela comprend aussi les étudiants inscrits, les abandons donc.

M. Simard: Cela comprend tout cela.

Mme Blackburn: D'accord. Je trouve que c'est une performance assez... Concernant les programmes, vous avez la Faculté d'éducation permamente et vous avez développé de nombreux programmes. J'ai rappelé ici à quelques occasions qu'au cours des présents débats, il y a de grands absents que j'appelle les étudiants adultes et que vous appelez le temps partiel. Je sais que l'Université de Montréal a fait, en tout cas a développé sa faculté précisément pour répondre à des besoins particuliers, les besoins des adultes. J'ai deux questions là-dessus. Les frais de scolarité pourraient-ils avoir des effets sur l'accès des adultes à l'université? La seconde question a trait à la composition de la clientèle adulte chez vous, hommes et femmes. La sociologie, j'imagine que vous ne l'avez pas.

M. Simard: Écoutez! Je ne connais pas les chiffres exacts de la composition de la clientèle adulte. Je sais qu'il y a une majorité de femmes. Et je pense que le doyen de la Faculté d'éducation permanente, lorsqu'il siégera à cette table, pourra vous donner des réponses beaucoup plus précises à ce sujet, mais il y a une majorité de femmes. Cette clientèle à l'Université de Montréal ne comporte que très peu d'étudiants jeunes. Elle ne comporte que des étudiants adultes. On dit souvent que le temps partiel, à l'éducation permanente, on retrouve des étudiants qui font une première formation universitaire. Ce n'est pas le cas à l'Université de Montréal. Je pense que votre première question était, Mme Blackburn...

Mme Blackburn: Sur la composition. M. Simard: Les frais de scolarité. Mme Blackburn: Les frais de scolarité.

M. Simard: Nous croyons que les frais de scolarité des étudiants adultes devraient être les mêmes que ceux des étudiants jeunes. On dit souvent: Les étudiants adultes travaillent; donc, ils pourraient payer davantage. Oui, mais les étudiants adultes paient aussi des impôts et ils devraient avoir la même accessibilité à la formation universitaire, parce que c'est souvent des gens qui n'ont pas eu, pour toutes sortes de raisons, leur première chance et on pense qu'ils devraient payer le même niveau de frais de scolarité que les étudiants jeunes.

Mme Blackburn: Vous nous dites que c'est majoritairement composé de femmes qui n'ont pas nécessairement de diplôme universitaire, mais ma question, c'était: Est-ce qu'une hausse des frais de scolarité pourrait avoir des effets sur l'accessibilité aux études? Je partage votre avis, à savoir que les adultes paient déjà par leurs impôts. Ils paient déjà par leur temps de loisir, ce qui n'est pas négligeable. Ils contribuent également à l'enrichissement, j'allais dire, collectif. Ensuite, cette clientèle est majoritairement composée de femmes et on sait que si elles sont sur le marché du travail, elles sont moins bien payées, et plusieurs sont des femmes au foyer.

M. Simard: C'est une question, évidemment, à laquelle il est très difficile de répondre.

M. Cloutier: Sur cette question, Mme la députée, je pense qu'il faut également penser... C'est une question, comme le dit M. Simard, à laquelle il est difficile de répondre. Je pense qu'il faut être très franc. Il reste que, souvent, une bonne partie des personnes adultes sont des gens qui ont des emplois et les employeurs contribuent de plus en plus à encourager leurs employés à suivre leurs études. Je crois qu'une partie peut-être appréciable des gens qui viennent à l'université pourraient voir leur employeur participer à leurs frais de scolarité de sorte que cela ne devrait pas avoir un effet trop grand.

Mme Blackburn: Une question sur une des propositions du rapport Gobeil à savoir d'augmenter de 50 % la tâche des professeurs. Vous en avez un peu parlé et je sais que M. Tremblay, en particulier, a dit qu'il y a là-dessus des rumeurs, des préjugés qui circulent qui sont plus de l'ordre des préjugés que de la connaissance, ce avec quoi je vous dirais que je suis assez d'accord

par rapport à certaines recommandations contenues particulièrement dans un rapport dit de sages. Par ailleurs, il y a quand même une étude Lacroix, je pense, qui faisait état d'un niveau de recherche très variable, par département, par discipline, par faculté, par professeur, évidemment.

M. Cloutier: Excusez-moi. Le rapport auquel vous faites référence, Mme la députée, je crois que c'est le rapport Lacroix qui portait sur une évaluation de la recherche à l'Université de Montréal et de l'enseignement aux 2e et 3e cycles par rapport aux autres universités québécoises et aux universités canadiennes. Sur ce rapport, M. Levesque, le vice-recteur à la recherche et à la planification pourrait peut-être répondre plus précisément à cette question, quitte à ce que M. Tremblay puisse enchaîner.

Mme Blackburn: Peut-être en même temps me dire s'il est pensable ou envisageable ou réaliste d'envisager une augmentation de 50 % de la tâche?

M. Cloutier: On peut peut-être parler du rapport Lacroix, îe situer dans le contexte, et après cela peut-être que M. Tremblay pourra répondre à la question plus générale sur la charge des professeurs.

M. Levesque (René J.-A.): Oui. L'étude faite par le comité présidé par le professeur Lacroix avait pour but de situer la recherche à l'Université de Montréal dans chacune de ses unités par rapport à d'autres unités canadiennes de même nature, par exemple, physique par rapport à physique, chimie par rapport à chimie et ainsi de suite dans un certain nombre d'universités canadiennes que nous appelons les multi-universités. Nous en avions choisi onze qui semblaient être celles qui ressemblaient le plus à l'Université de Montréal. Ce rapport, bien sûr, comme vous le dites, nous situait assez bien. Il y avait une variance, naturellement, d'un département à l'autre. Certains départements étaient les premiers. D'autres étaient au centre. D'autres étaient vers la fin. Ceci nous permettait de voir un peu comment nos professeurs performaient en recherche et ceci était basé sur des indicateurs quand même assez objectifs.

Il est vrai que dans le rapport, il y a eu une distribution parce que le professeur Lacroix, le comité s'est posé la question à savoir: Qui fait quoi à l'Université de Montréal? Est-ce que tous les professeurs sont très actifs en recherche? Est-ce qu'il y en a qui vont chercher beaucoup plus de subventions et d'autres qui vont en chercher moins? Le rapport donnait justement... il disait entre autres que 40 % des professeurs vont chercher 70 % des subventions, ce qui est parfaitement normal. Ceci ne veut pas dire que les autres professeurs ne faisaient rien. Il y a une distribution dans l'obtention des subventions des organismes subventionnaires, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, et cette distribution est telle qu'un certain nombre vont chercher plus que d'autres, ce qui est normal. Cela nous donnait une information qui nous était utile, non seulement sur la quantité de travail faite par les professeurs au niveau de la recherche, mais aussi sur la façon dont cette quantité de travail était distribuée dans le corps professoral.

Ces données ont été mal interprétées par la Presse, en particulier, parce qu'on a voulu faire dire à ceci que 40 % faisaient 70 % du travail et que les autres ne faisaient rien. Ce qui est complètement faux-Ce n'était pas du tout l'objectif et ce n'était pas du tout le résultat de l'étude. Avant que M. Tremblay prenne la parole, je pourrais dire qu'augmenter la charge du corps professoral à l'Université de Montréal présentement aurait pour conséquence inévitable une diminution de la quantité et de la qualité de la recherche dans notre institution.

Mme Blackburn: II pourrait me parler en même temps de la modulation de la tâche. J'allais dire qu'il y a trop de gens qui là-dessus véhiculent l'impression qu'il n'y a pas de modulation de la tâche. On connaît assez bien la situation. J'aimerais quand même vous entendre un peu là-dessus parce que pour augmenter la moyenne de 50 % à tout le monde, c'est beaucoup ce qu'on invoque, en disant: II y en a qui pourraient faire de la recherche et avoir quatre cours. Les autres qui n'en font pas du tout pourraient peut-être en avoir six ou huit, en gros.

M. Tremblay (Louis-Marie): Le rapport Gobeil parle de monter de six heures contact en six salles de cours à neuf heures contact. Je serais tenté de demander qu'on l'applique parce que cela justifierait, pour nous, un apport interne de ressources considérables. Parce que nos professeurs ont 14 heures contact par semaine en moyenne en salle de cours. Ils ont entre 19 et 20 heures par semaine de contacts avec les étudiants lorsqu'on tient compte du "tutoring" qui est l'encadrement des étudiants aux études supérieures, l'encadrement des étudiants de maîtrise et de doctorat.

Pour revenir en arrière, un peu, je dois vous dire que nous n'avons pas de méthode de comptabilisation dans nos conventions collectives. Nous avons des conventions collectives qui ont voulu se définir de façon professionnelle, sans plancher, sans plafond, d'étudiants par groupe ou autrement, de maximum dans les charges de travail des

professeurs. Parce que notre université est un monde qui est fort complexe, les situations varient d'une unité à l'autre selon leurs caractéristiques. C'est pour cela que nous avons inscrit, dès notre première convention collective, le principe de la modulation de la charge de travail. C'est un principe qui est vécu, c'est un principe qui, aux yeux de la direction de l'université, n'est peut-être pas vécu aussi bien qu'on le souhaiterait, mais je pense que, quand des traditions sont en train de changer, elles le font graduellement. C'est un principe qui s'applique de mieux en mieux.

Quand on regarde nos résultats d'ensemble, nos résultats globaux et qu'on se compare, c'est ce qui nous amène à vous dire qu'on est aussi productif, sinon plus productif, que les autres. La moyenne d'étudiants par groupe au 1er cycle est de 38, point quelque chose, presque 39, à l'université. Pour les étudiants par groupe dans des cours de maîtrise ou de doctorat, c'est 11,5. Cela veut dire qu'il y a des cours où il y a de très grands nombres d'étudiants dans un programme d'études de doctorat ou de maîtrise, des séminaires.

Quand on se dit qu'on commence à s'inquiéter pour vrai de la baisse de notre qualité de l'enseignement, on le mesure dans des choses comme cela. Parce que notre rapport professeur-étudiants est de 1-19, en tenant compte que nous avons des secteurs cliniques, des secteurs comme la médecine, la musique ou l'enseignement de l'instrument musical. C'est un enseignement individualisé. Nous devons donc avoir des profils qui tiennent compte de l'ensemble de ces situations.

Nous sommes d'accord qu'il y a moyen d'examiner le fonctionnement de l'institution, de voir s'il y a des possibilités de rationaliser encore davantage, mais comme disait M. Levesque, nous pensons qu'au niveau de la productivité dans l'enseignement... Je parle uniquement de la fonction enseignement. D'ailleurs, le rapport Gobeil ne touche qu'une partie de la fonction enseignement, à peu près la moitié de la fonction enseignement quand je regarde les descriptions dans mes conventions collectives. Il néglige les quatre autres fonctions. C'est courir de grands risques pour handicaper cette université qui était une grande université et pour détruire, à brève échéance, ce qu'on a bâti dans les années soixante et soixante-dix.

Je désire porter à votre attention ce document qui s'intitule. "Le rôle du professeur d'université", avis au ministère de l'Éducation, octobre 1982, Conseil supérieur de l'éducation du Québec. Je vous rappelle qu'aucun membre de l'Université de Montréal n'a travaillé à ce document. C'est un document que nous endossons. Nous pensons qu'il a fait une réflexion sage sur ce qu'est le professeur d'université, sur ce qu'on lui demande, sur sa tâche.

Dans le vécu, nous pensons que nos professeurs travaillent même plus que ce que ce rapport a reconnu comme étant normal et qu'ils produisent aussi plus qu'on devrait normalement s'attendre.

Mme Blackburn: Le temps passe et j'ai deux grandes questions, et je vois que cela coule. Je pense que votre réponse à la recommandation de M. Gobeil illustre que, quand on ne sait pas trop de quoi on parle, on aurait avantage à se taire. Alors, la question voulait peut-être vous permettre de nous éclairer davantage et faire taire un certain nombre de préjugés à l'endroit de cette question. Permettez-moi deux autres questions: une première qui va porter sur les sources de financement et une seconde un peu sur la gestion. (11 h 30)

On a beaucoup parlé et on entendra encore beaucoup parler de rigueur dans la gestion des universités, des activités. Hier, je crois que cela nous est venu de l'École polytechnique, on nous a donné les coûts d'administration compilés par l'École polytechnique. Cela vient de "Statistiques des revenus et dépenses des universités du Québec" et c'est publié par le ministère de l'Éducation. C'était pour les périodes allant de 1979 à 1982. Évidemment, je n'ai pas ce qui nous permettrait d'avoir une lecture plus juste de la situation d'aujourd'hui. Je voudrais savoir comment vous vous situez en comparaison aux autres universités pour les coûts reliés à l'administration. Il me semble que j'avais autre chose... On peut aller dans cette direction et après on verra.

M. Cloutier: Mme la députée, on a quelques données qui ont été compilées par notre personnel. M. Lussier pourrait vous donner en gros où se situe l'Université de Montréal sur cette question.

M. Lussier: M. le Président, les analyses que nous avons ont été faites à partir des statistiques financières des universités et des collèges, 1984-1985, Statistique Canada. Ces chiffres sont relativement récents, ils datent d'une année. À ce moment, on peut faire trois ou quatre comparaisons. Les coûts d'administration de l'Université de Montréal par rapport aux multi-universités sont de 7,9 %. Cela est par rapport à l'ensemble des multi-universités mais qui n'ont pas toutes des secteurs comme la médecine vétérinaire. La comparaison du total des multi-universités est de l'ordre de 6,5 %. Donc, c'est 7,9 % par rapport à 6,5 %, les frais d'administration par rapport à l'ensemble des budgets. Si l'on compare avec le total du Québec, toujours à partir des mêmes

statistiques, l'Université de Montréal, c'est 7,9 % et le total des universités du Québec, c'est 9,2 %. Nous sommes en deçà de la moyenne du Québec, Si l'on se compare - on aime beaucoup le faire - avec les universités de l'Ontario, c'est 7,9 % pour l'Université de Montréal, 7,5 % pour les universités de l'Ontario. Si l'on prend le total du Canada, l'ensemble des grandes universités, l'Université de Montréal c'est 7,9 %, les autres 7,7 %. L'analyse a été faite parce que la question est posée sur le nombre de personnes et cette analyse porte sur les masses salariales. Elle ne tient pas compte des autres dépenses diverses mais, comme on le sait, les dépenses diverses jouent relativement peu. On a pensé que la question serait posée sur le nombre de personnes et c'est pour cela qu'on compare dans cette analyse les masses salariales.

Mme Blackburn: Oui, M. le recteur.

M. Cloutier: Je voulais juste faire, si vous permettez, un commentaire assez bref sur la question de la gestion. Je crois que c'est important cette question; à tout le moins, je suis très sensible à cette question parce qu'on l'a reliée peut-être un peu trop, à mon point de vue, aux déficits de l'Université de Montréal. Il faut réellement regarder cette question de près si l'on veut donner une réponse qui, à mon avis, est équitable. Depuis mon arrivée, je peux vous dire que j'ai fait une tournée complète de l'université et de toutes les unités. J'ai pris un an et j'ai mis beaucoup de temps à connaître l'université. En particulier, j'ai fait la tournée de tous les services de l'université. D'après mon expérience professionnelle, qui s'étale sur plusieurs années et dans plusieurs entreprises, je ne peux pas dire que j'ai détecté quelque chose qui me dirait qu'à l'Université de Montréal la gestion n'est pas aussi bonne que dans toute autre entreprise à laquelle j'ai participé. Ceci étant dît, je ne dis pas qu'il n'y a pas des améliorations à apporter mais je peux vous assurer que j'ai décidé récemment de mettre en marche une opération d'examen et d'évaluation de l'ensemble des services de l'université, ce qui devrait se faire dans les années qui viennent sur une base tout à fait systématique.

Mme Blackburn: M. le recteur, on fait état particulièrement de certains - je n'y reviendrai pas parce que j'ai une autre question, mon temps est pour ainsi dire terminé - déficits importants dans certains services auxiliaires en particulier qui, normalement ailleurs... Je pense qu'hier les étudiants de Polytechnique nous parlaient du service alimentaire avec lequel ils faisaient de l'argent et avec lequel vous semblez en perdre. On pourra peut-être y revenir. Je voudrais revenir brièvement sur les sources de financement parce que, à la suite de la réponse que vous faisiez à une question du ministre sur une hausse des frais de scolarité, vous dites: Si cela vous apparaît l'une des façons les plus raisonnables de trouver les nouvelles sources de revenu, je trouve cela un peu imprudent, parce qu'on n'a aucune garantie que cela va rester dans l'enveloppe budgétaire; c'est une première chose. Mais au-delà de cela, on invoque souvent le fait que les étudiants retirent des avantages réels de leur formation, donc, ils devraient contribuer davantage au coût de cette formation. Depuis mardi, les organismes qu'on a entendus ont largement fait état des avantages que retirait l'entreprise par la qualité de la formation et du personnel que vous leur fournissiez, On doit reconnaître qu'il y a là des avantages très importants.

Si vous avez écouté la radio ce matin, comme je le fais pour savoir un peu ce qui se passe quand je n'ai pas trop le temps de lire, vous avez entendu le rapport que nous présentait le NPD, le Nouveau Parti Démocratique, à la suite d'une analyse qu'il a faite sur les différentes entreprises et de l'impôt qu'elles payaient. C'est de mémoire que je livre les chiffres - j'avais pris quelques notes et je les ai oubliées - si ma mémoire est fidèle, au Canada - mais je n'ai pas assez de données pour savoir comment on avait décomposé par rapport à l'impôt mais c'est quand même impressionnnant -74 000 entreprises ne patent pas d'impôt. De ces entreprises, 640 font des revenus qui dépassent largement les millions. Angus, c'est 54 000 000 $. On citait d'autres entreprises. On estimait la perte ainsi subie à 14 000 000 000 $.

Pour revenir à des dimensions un peu plus modestes, on sait qu'en France, par exemple, il y a un impôt d'éducation - ce n'est pas tout à fait celui auquel je pense -qui est facturé sur les revenus bruts des entreprises et qui doit être consacré à la formation de leur personnel, sinon c'est retourné à l'État, non pas nécessairement à l'État, mais à des organismes de formation dans le milieu.

Pourrait-on envisager, plutôt que de taxer les jeunes, parce que cette année, si effectivement on doublait les frais de scolarité, qu'on ajoute à cela les frais afférents et la diminution des bourses, ce sera de l'ordre - je ne pense pas me tromper - de 105 000 000 $ à 110 000 000 $ qu'on sera allé chercher dans les poches des étudiants... Ma question est la suivante, Je sais que vous vous êtes un peu engagé sur celle des frais de scolarité. Pourrait-on envisager raisonnablement un impôt éducation dans les entreprises, qui ne serait pas donné directement à l'université? Parce que certaines universités seraient privilégiées au détriment d'autres, il y aurait également des

départements qui le seraient au détriment d'autres. Pourrait-on envisager un impôt qui pourrait, par exemple, être consacré particulièrement à la recherche et au développement des 2e et 3e cycles?

M. Cloutier: C'est une question relativement nouvelle pour moi. Je dois vous dire très sincèrement que le rapport dont vous faites état, celui de ce matin à la radio, je ne l'ai malheureusement pas entendu, alors je ne peux réellement pas faire de commentaire. Certainement que je suis intéressé à voir comment cela se situe. Là encore, je réponds comme j'ai répondu à la question que le ministre me posait sur les frais de scolarité. Il faut regarder cette occasion qui est peut-être une autre façon de rationaliser le financement des universités. L'une des questions qui nous touchent de très près, cela vient toucher l'une des recommandations qu'on a faites à la fin de notre mémoire, c'est celle où on propose que le gouvernement considère la possibilité de mettre sur pied des incitatifs à l'entreprise privée ou au public au financement des universités.

Je pense que ce sont toutes des mesures qui pourraient être utiles. C'est difficile. Pour moi, le problème vient de la complexité d'appliquer ces mesures et comment ces mesures viennent en conflit avec d'autres mesures que le gouvernement veut faire dans d'autres secteurs. Disons, cela me paraît intéressant, mais je ne pourrais réellement pas donner une opinion très précise à savoir si c'est la meilleure façon d'aborder le problème.

Mme Blackburn: Je vous remercie. J'aurais des questions, mais vraiment, on pourra peut-être continuer à discuter un peu à l'heure du lunch. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. On parle des incitatifs. Votre recommandation 7 à la fin de votre mémoire, vous avez parlé d'une autre espèce d'incitatif pour favoriser la concertation, la coopération interuniversitaire. Vous avez suggéré que le gouvernement consente à des incitatifs financiers pour favoriser de telles initiatives, mais vous ne les avez pas nommés. Que suggérez-vous à cet égard?

M. Cloutier: Je pense que M. Simard, le vice-recteur, pourrait très bien répondre à cette question à savoir ce qu'on fait déjà et ce qu'il serait possible de faire. On parie sur le plan académique.

M. Simard: II est sûr qu'il y a des avantages certains à la concertation entre les universités, et c'est la raison pour laquelle nous avons mis une recommandation très spécifique indiquant la volonté de l'Université de Montréal de s'employer à favoriser cette concertation entre les universités.

Je peux citer différents exemples de l'existence d'une telle concertation. Je vous cite en gros quelques programmes: le programme de maîtrise en muséologie qui est conjoint avec l'Université du Québec à Montréal; le programme de Ph. D. en communication qui est conjoint avec l'Université du Québec à Montréal et l'Université Concordia; le problème de résidence en biochimie médicale qui implique l'Université McGill, l'Université Laval, l'Université de Sherbrooke et l'Université de Montréal.

Récemment, nous venons de conclure une entente avec l'Université du Québec à Montréal sur l'échange de cours et sur l'échange de professeurs au niveau des 2e et 3e cycles. Il y a un Ph. D. conjoint en virologie avec l'Institut Armand-Frappier. Il y a un Ph. D. en administration avec l'Université McGill également. Il y a une maîtrise et un Ph. D. en théologie avec l'Université du Québec à Chicoutimi. Je pourrais continuer, il y a d'autres projets en voie de développement.

Maintenant, cette concertation, si elle est souhaitable et présente des avantages certains, rencontre des obstacles. Les traditions et les organisations administratives des universités sont différentes. Il y a des distances géographiques. Il y a parfois une barrière linguistique. Les régimes pédagogiques d'une université à l'autre sont différents.

Ce que l'on voulait dire dans cette recommandation, c'est que la formule de financement n'a pas encouragé les universités à se concerter, mais les a placées, très souvent, en position de concurrence quant à la recherche de clientèles additionnelles pour corriger un mode de financement, un sous-financement. C'est la raison pour laquelle on pense qu'on devrait se pencher peut-être un peu plus avant pour essayer de trouver des incitatifs qui encourageraient cette concertation dans les cas où elle s'avère moins coûteuse. Ce n'est pas toujours le cas, parce qu'il y a des voyages impliqués, il y a des lourdeurs administratives. C'est un peu plus complexe en fonction des obstacles que j'ai mentionnés.

On pense qu'on devrait étudier ce point de vue un peu mieux. Nous, on est prêt, pour la région de Montréal, à s'employer à développer ce climat de concertation. Je pense que nos collègues de l'Université

McGill, de l'Université Concordia et de l'Université du Québec à Montréal sont tout à fait d'accord avec ces exemples de concertation interuniversitaire. (11 h 45)

Mme Dougherty: Est-ce que vous envisagez que le gouvernement ajoute une prime, ajoute quelque chose à part la formule d'éliminer la tendance actuelle qui encourage la compétition, est-ce que vous croyez que le gouvernement doit ajouter quelque chose au financement d'une université qui s'organise pour faire un programme avec une autre université? Est-ce qu'on doit ajouter quelque chose, une prime d'incitation quelconque? J'aimerais que vous précisiez exactement ce que vous prévoyez à cet égard. Je comprends l'idée, je comprends le but de cet exercice, mais est-ce que vous avez examiné les modalités précises qui pourraient encourager cette concertation?

M. Sirnard: Je peux donner différents exemples. C'est déjà une pratique qui est en cours dans les évaluations que font successivement la CREPUQ et le Conseil des universités. Lorsque plusieurs universités sont en compétition l'une avec l'autre sur un certain nombre de programmes, le Conseil des universités peut décider à un moment donné qu'il favorisera une concertation de deux universités puisqu'elles possèdent des ressources qui sont complémentaires plutôt qu'une autre qui est seule et qui veut développer ce programme entièrement à l'intérieur de ses cadres. Simplement le fait qu'il y ait une recommandation qui porte sur une concertation interuniversitaire permettrait de donner une certaine priorité à ce genre de concertation plutôt que de mettre les universités en situation de concurrence. Le gouvernement pourrait ajouter en plus un incitatif financier pour permettre de faire face aux coûts additionnels lorsqu'il y en a - ce n'est pas toujours îe cas - reliés à cette concertation. Par exemple, avoir un programme de maîtrise et de doctorat conjoint avec l'Université du Québec à Chicoutimi entraîne des coûts additionnels et nous voudrions que ces coûts soient reconnus à l'occasion. C'est beau de parler de concertation mais, dans les cas où cela entraîne des coûts additionnels, il faudrait en tenir compte. Déjà, dans le mode de sélection des programmes entre eux, je crois que le Conseil des universités, dans ses recommandations au ministère, favorise à un très bon degré la concertation interuniversitaire.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Simard. J'invite maintenant Mme la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, cela m'a fait plaisir de vous rencontrer. La présentation que vous avez faite et les réponses que vous avez apportées aux questions qui n'étaient pas toujours faciles, j'en conviens... Mais on n'est pas là non plus pour parler juste des choses qui n'auraient pas véritablement un sens. Votre contribution aura été pour les membres de cette commission et de ma formation politique en particulier fort éclairante sur la situation des universités et, particulièrement, de la vôtre.

Il y a beaucoup de choses qu'on n'a pas soulignées et je pense en particulier à ce qui fait souvent l'objet d'un préjugé qu'on continue à alimenter à l'endroit des universités, c'est comme s'il n'y avait pas de concertation. Quand on connaît un peu la situation, on est obligé de reconnaître qu'il peut peut-être y en avoir davantage, mais qu'il s'en fait beaucoup. Je trouvais que cela était important d'insister et d'y revenir un peu pour le rappeler et vous en féliciter.

Comme je le rappelais au début de mon intervention, si cela fait l'unanimité, on doit continuer à investir en éducation et en enseignement supérieur, parce que c'est la seule façon d'assurer notre développement économique et social. Il va falloir qu'on tire les conséquences de cette constatation et qu'on prenne les décisions qui favorisent ce développement. Vous savez, on a - et je ne vous apprendrai rien, sauf que j'ai l'intention de déposer un petit relevé de la situation de la scolarisation au Québec, ici à cette commission... Je me permets de vous en citer quelques chiffres. Il est vrai qu'au premier cycle - on est assez proche de l'Ontario - le taux de diplomation demeure beaucoup plus bas, particulièrement au premier cycle, ce qui se reflète sur les 2e et 3e cycles.

Je cite quelques chiffres. Le taux d'accès à l'université à temps complet des moins de 30 ans était, en 1981-1982, de 23 % chez les anglophones du Québec, comparativement à 17 % chez les francophones et les allophones. Je voudrais vous dire qu'on a quand même un avantage ici au Québec. On a un groupe de francophones qui est très scolarisé, on dit parmi les plus scolarisés en Amérique du Nord pour un groupe donné, ce qui constitue un avantage indéniable pour le Québec. Mais il faudrait hausser la scolarisation chez les francophones.

Si on exclut les étudiants à temps partiel, on obtient un taux global de 20 % pour les allophones du Québec, 23 % pour les francophones, 27 % pour les anglophones et 26,9 % pour l'Ontario. Si je reprends l'Ontario et le Québec, vous constatez qu'il existe un écart encore important. Je ne peux qu'insister auprès des grandes universités qui reçoivent beaucoup d'étudiants sur la

nécessité de mettre en place, -si possible, des mesures qui favorisent l'accès, qui permettent aux universités, aux départements et aux facultés d'éviter un trop grand nombre d'abandons. Si l'avenir du Québec repose là-dessus, il est vital que nos actions aillent dans ce sens-là.

J'aurai le plaisir d'être dans vos murs la semaine prochaine. Si je me rappelle mon agenda, c'est le 2 octobre. On aura sans doute l'occasion de se voir à ce moment-là. Avant de terminer, j'ai retrouvé les données de la radio ce matin au sujet de l'étude réalisée par le NPD et je voudrais corriger quelque chose parce que cela restera au Journal des débats. En fait, ce sont 79 000 sociétés qui n'ont pas payé d'impôt, 64 qui ont des revenus de 25 000 000 $ et plus -on cite Argus et Power - et 14 000 000 000 $ de revenus non imposés, qui échappent à toute forme d'imposition. Je voulais juste rappeler cela pour ne pas non plus laisser partir les gens avec des informations qui auraient été erronnées.

M. le recteur, messieurs, cela m'a fait plaisir. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M- Parent (Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je remercie M. le recteur et l'équipe qui l'accompagne des explications qui nous ont été fournies ce matin. Je pense que les explications seront très utiles pour continuer notre périple. Je me dispense de tout commentaire additionnel pour l'instant. Je pense qu'il faudra tirer de vraies conclusions quand ce sera le temps. Nous allons poursuivre l'examen ce matin. L'Assemblée des doyens attend. Nous allons continuer exactement sur le même sujet. Je pense qu'un excursus trop long à ce moment-ci serait hors de propos. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, madame et M. le recteur.

La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 12 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le porte-parole des doyens de l'Université de Montréal, si vous voulez bien prendre place, ainsi que messieurs et mesdames les députés, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux. Elle a effectivement repris ses travaux depuis quelques secondes. Nous accueillons ce matin le deuxième groupe, l'assemblée des doyens de l'Université de Montréal.

Je vous rappelle que nous continuons à siéger dans le cadre d'une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Nous accueillons le porte-parole de l'assemblée des doyens de l'Université de Montréal, M. Jacques Boucher, doyen de la Faculté des études supérieures. M. Boucher, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de cette commission de venir nous aider à trouver des solutions en ce qui concerne les orientations et le financement du réseau universitaire québécois.

M. Boucher, la commission a une heure à consacrer à l'assemblée des doyens. On m'informe qu'il y a eu une entente ou que vous avez été avisé par notre secrétaire que votre présentation durerait environ 15 minutes et qu'une période d'échanges de 45 minutes aurait lieu entre les membres de la commission et votre organisme. Nous ne devons pas nécessairement, mais il serait souhaitable que nous terminions à 13 heures si on veut reprendre nos travaux et respecter notre calendrier de travail.

Le temps sera réparti également entre les deux formations politiques. Â 12 h 50, j'inviterai la porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation à conclure, ensuite le ministre, et nous devrions tous quitter pour 13 heures.

M. Boucher, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner ensuite avec votre présentation.

Comité des doyens de l'Université de Montréal

M. Boucher (Jacques): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord dire un mot sur ce comité des doyens. Il s'agit d'un comité informel qui se réunit une fois par mois. Compte tenu de la gravité de la situation et du problème, nous avons pensé ajouter nos mémoires les uns aux autres pour en faire un tout. Ces mémoires ont été effectivement préparés indépendamment de celui de la direction. Nous endossons entièrement celui de la direction et, vous allez vous en rendre compte, il conclut, finalement, à peu près au même bilan, sauf que, dans notre cas, évidemment, nous prenons, chacun des doyens dans son secteur, une vue un peu plus pointue de la situation.

Mes collègues, je vous les présente non pas nécessairement dans l'ordre, parce qu'il n'y a pas d'ordre, sauf l'ordre alphabétique. Ma collègue à ma gauche est la doyenne de

la Faculté des sciences infirmières, Mme Marie-France Thîbodeau; à l'extrême gauche, aucun rapport, M. Rivest, le doyen de la Faculté des arts et des sciences; le doyen Gauthier, de la Faculté de médecine; M, Léonard, le doyen de la Faculté d'éducation permanente.

Les autres collègues sont derrière: le doyen Marsan, de la Faculté d'aménagement; le doyen François Chevrette, de la Faculté de droit; le doyen Vaillancourt, de la Faculté de médecine dentaire; le doyen Roy, de la Faculté de médecine vétérinaire; le doyen Pierre Rolland, de la Faculté de musique; le doyen Jacques Gagné, de la Faculté de pharmacie; le doyen Trahan, de la Faculté des sciences de l'éducation; de la Faculté de théologie, le doyen Charron.

À cela, s'ajoutent deux écoles ou départements qui ont un statut intermédiaire entre un département ordinaire et une faculté. Il s'agit de l'École d'optométrie qui est dirigée par M. Forthomme, qui est ici, et du Département d'éducation physique, avec M. François Péronnet. Au surplus, vous avez pu constater que le dernier mémoire regroupe les douze départements, six départements de la Faculté des arts et sciences et six départements de la Faculté de médecine, dont le point commun, le point de rattachement est d'être des disciplines de laboratoire et qui ont des problèmes très particuliers d'équipement. Ils sont représentés par Mme Mireille Mathieu, qui est directrice du Département de psychologie.

Au début des années soixante, le Québec, et particulièrement le Québec francophone, s'est donné un certain nombre de priorités économiques, politiques et culturelles. L'accessibilité du plus grand nombre possible de Québécois et de Québécoises è l'enseignement universitaire fut désignée comme un outil privilégié pour sortir le Québec de son état de sous-développement. Or, après 25 ans de cheminement et de progrès, alors que la politique de financement du gouvernement continue à insister et à mettre l'accent plus que jamais sur l'accroissement des clientèles, je pense qu'il est important, à la suite des remarques qui ont été faites d'ailleurs tout à l'heure, de faire le point sur le sens qu'il faut donner au mot accessibilité.

En ce qui touche l'accessibilité quantitative, le nombre d'étudiants qui entrent dans le système et qui sont dans les universités, le Québec a fait des progrès considérables. L'Université de Montréal a joué et continue à jouer a cet égard un rôle de premier plan. Nous avions 7000 étudiants environ en 1960. Nous en avons plus de 45 000 ou 50 000 - tout dépend de la façon de calculer - en 1985. Dans le même sens, la Faculté des études supérieures, qui est ma faculté - vous permettez, je ne me suis pas présenté - qui regroupe, qui chapeaute toutes les activités de maîtrise et de doctorat, donc, 2e et 3e cycles dans notre université, y compris également Polytechnique et HEC, notre Faculté des études supérieures, dis-je, est la plus importante école de gradués au Canada, légèrement en avance sur Toronto avec 8301 étudiants, d'après le tableau qu'on vous a soumis.

Quand, en 1986, on parle de la capacité des universités de répondre aux besoins économiques, sociaux et culturels du Québec de demain, on doit aussi et surtout parler d'accessibilité non pas seulement quantitative, mais d'accessibilité aux techniques de pointe, à la recherche fondamentale et appliquée, aux études multidisciplinaires, aux diplômes de maîtrise et de doctorat où le Québec, on le sait, accuse encore un certain retard sinon un retard, certain. Or, dans ces domaines, comme l'a d'ailleurs reconnu récemment le Conseil des universités, l'Université de Montréal joue le rôle de loin le plus important parmi les universités francophones au Québec et au Canada.

Je me permettrai de citer ces quelques lignes de l'avis du Conseil des universités au ministre sur l'état et les besoins de la recherche universitaire et de la formation de chercheurs au Québec, à la lumière de la performance des universités dans les programmes fédéraux, le 21 juin 1984. Â la page 46, commentant, justement, les tableaux comparatifs de performance en face des organismes fédéraux en matière de recherche où on aligne 26 universités canadiennes, on constate que le rang occupé par les universités québécoises dans chacun des huit secteurs sur 26 universités, comparativement à l'ensemble du Canada, est un peu plus... On voit bien l'importance de la production de McGill - ce qu'on sait - mais combien aussi l'apport des universités francophones serait modeste si ce n'était de la contribution fournie par l'Université de Montréal!

On cite, à ce moment, le nombre de doctorats que nous produisons, qui est quand même te plus révélateur, je pense, de ce que les universités peuvent faire de mieux dans la mesure où cela reflète la recherche et notre engagement aux études supérieures. On dit bien que, parmi les universités canadiennes - ce sont des données moyennes de 1978 à 1982 - l'Université de Montréal arrive la cinquième au Canada, à cet égard. Nous avions, à cette époque, en moyenne, 117 doctorats par année pendant cinq ans, de 1978 à 1982.

Or, dans le mémoire de la FES, particulièrement, on met ces données à jour et, depuis ce temps - ce ne sont que des données quantitatives, j'en conviens l'Université de Montréal décerne à peu près autant de doctorats que l'Université McGill, soit entre 140 et 150 par année.

Nous sommes allés plus loin et nous pouvons dire également que, après Toronto, en ce qui touche la production de maîtrises et de doctorats, l'Université de Montréal est la deuxième au Canada. Elle est la première au Québec en termes de production brute quantitative - ne parlons pas de qualité - en termes de maîtrises et de doctorats avant l'Université McGiil,

Nous sommes ailés plus loin que simplement les chiffres bruts et quantitatifs, le nombre de personnes diplômées, ce qui est déjà pas si mal. On peut dire qu'après vingt-cinq ans d'efforts de la part des professeurs et des chercheurs de l'Université de Montréal notre université se situe dans le peloton de tête des multi-universités canadiennes. Et à ce moment-là, je ne parle pas seulement en termes quantitatifs, mais je parle également en termes qualitatifs.

L'Université de Montréal est devenue la première université francophone au Québec en termes de recherches et d'études de maîtrise et de doctorat. L'Université de Montréal se situait en 1982-1983, d'après le rapport auquel on a fait allusion tout à l'heure... Je me permets d'ouvrir une toute petite parenthèse: ce rapport mesurait l'implication des professeurs de l'Université de Montréal par rapport aux 2e et 3e cycles et par rapport à la recherche. Cela représente à peu près 7000 à 8000 étudiants à l'Université de Montréal. Il y en a 40 000 derrière qui sont au 1er cycle et les autres 60 % de professeurs "qui ne font rien", entre guillemets, s'occupent de nos 40 000 étudiants. Je me permets de fermer la parenthèse, cela va de soi.

Le bilan de 1982-1983 nous situait parmi les cinq plus importantes, avec McGill, McMaster, Toronto et l'Université de Colombie britannique, en termes de subventions de recherche auprès des organismes subventionnaires fédéraux. La question que je veux poser, c'est: Qu'est devenue l'Université de Montréal après six ans de coupures? Et là, ce sont les témoignages des doyens qui sont ici et dont je voudrais rendre compte le plus rapidement possible.

Or, c'est unanime, M. le Président, c'est un cri d'alarme que vous lancent les doyens des treize facultés de l'Université de Montréal. À moins que la situation financière ne soit corrigée et rapidement, les acquis dont nous sommes particulièrement fiers, pour nous-mêmes et pour le Québec, sont gravement compromis. Le bilan des doyens est unanime: À des degrés divers selon les facultés, nous sommes rendus à la limite de ce qu'un système comme le nôtre peut absorber et, dans plusieurs secteurs, la limite a été dépassée, les effets des coupures sur la qualité sont malheureusement déjà visibles.

Rapidement, pour rendre compte de ces quatorze mémoires, je vais prendre quelques grands thèmes: le corps professoral, la charge professorale, les conditions de travail, les bibliothèques, l'équipement et puis le développement. Quelques mots, évidemment, seulement, puisque j'ai quinze minutes en tout et pour tout.

Ce sont les professeurs et les chercheurs qui ont fait l'institution et qui l'ont portée là où elle est, et quand même assez loin. Or, le bilan des doyens est unanime à cet égard: les coupures de postes sont importantes; on les retrouve dans tous les secteurs, dans toutes les facultés, dans tous les départements et les conséquences sont très significatives.

On l'a dit dans le vidéo tout à l'heure: 104 postes réguliers de professeurs, 7,6 % du corps professoral, ont été supprimés. Â des degrés divers, toutes les facultés ont été frappées. Quelques exemples, à même les rapports des doyens: 7,5 postes et demi de moins en droit sur une cinquantaine de professeurs, 8 postes en aménagement sur une soixantaine de professeurs, 15 postes en médecine dentaire, 7,5 postes en musique, 12 à la Faculté des sciences de l'éducation, et j'en passe pour ne pas alourdir le bilan.

Ce qui est encore plus grave que la perte nette de 104 postes, c'est l'arrêt à peu près complet de tout recrutement de jeunes collègues depuis environ cinq ans. Il suffit de prendre l'annuaire de l'Université de Montréal pour se rendre compte qu'on est en face, quand on a le corps professoral de chacune des facultés et départements, d'une pyramide complètement inversée: mathématiques: 1 professeur adjoint - le professeur adjoint, c'est celui qui rentre dans la carrière pendant cinq ans avant d'être agrégé - service social: 3; éducation physique: 3 professeurs adjoints; orthophonie-audtologie: 1; histoire: 1; études médiévales: aucun. Je pourrais allonger la liste indéfiniment.

Évidemment, c'est à ce moment-là l'âge moyen qui augmente. Il est passé de 43 ans, en 1980, à 47 ans en 1986, donc à peu près une année par année, ce qui veut dire, évidemment, que le corps professoral ne se renouvelle plus. (12 h 15)

Et cela nous amène au problème crucial du vieillissement du corps professoral. La plupart des doyens le déplorent et s'en inquiètent. Dans quelques secteurs, les effets sont déjà apparents et le mémoire du doyen de la Faculté de médecine en fait largement état. La compétitivité de nos collègues commence à diminuer dans certains secteurs, ceux précisément qui avaient de l'avance, mais qui ont vieilli, forcément, un peu plus vite que les autres. Dans la plupart des cas, c'est pour demain qu'on s'inquiète.

Dans les domaines les plus concurrentiels, ceux qui sont les plus proches du secteur privé, les salaires rendent le

recrutement de plus en plus difficile. C'est le cas en droit, c'est le cas en informatique, c'est le cas en médecine dentaire et c'est le cas en aménagement. En pharmacie, la différence de salaire atteint 40 %, c'est une différence négative par rapport à l'entreprise privée. Plusieurs postes sont vacants et ne sont pas remplis précisément parce que les salaires ne sont plus concurrentiels. L'écart s'élargit dans la mesure où le secteur privé s'agite, où nos salaires stagnent et où nos conditions de travail également, loin de s'améliorer dans certains cas, se dégradent de façon importante.

Qu'en est-il de la charge professorale? Là aussi, tous les doyens sont unanimes et ils notent des augmentations plus ou moins importantes de clientèles étudiantes et toujours avec des ressources diminuées. Vous avez vu la courbe tout à l'heure qui nous a été offerte, la courbe ascendante des clientèles et la courbe descendante des ressources qui nous sont attribuées. La Faculté de droit a le pire ratio professeur-étudiants parmi les facultés de droit au Canada. À la Faculté des sciences infirmières, son 1er cycle est passé de 262 étudiants à 519, une augmentation de près de 100 %. En théologie, les crédits-étudiant -on vous l'a expliqué tout à l'heure - ont augmenté de 48 %. En pharmacie, on a la plus lourde charge au Canada. En la comparant à l'Université Laval, elle est augmentée de 81 %, par rapport à Toronto de 11 %, de l'UBC (Colombie britannique) de 95 %. Un exemple qui est peut-être extrême, l'optométrie. Nous avons la seule faculté ou département d'optométrie francophone au Canada. L'Université de Waterloo qui est l'autre interlocuteur a 235 étudiants, nous en avons 180, une cinquantaine de moins. Ils ont 25 à 28 professeurs, nous en avons 7. À la Faculté des études supérieures - je l'ai dit tout à l'heure - nous avons à peu près autant d'étudiants que l'Université de Toronto. Ils ont 1000 professeurs de plus que nous. Les chiffres que je compile ici, 4,5 étudiants aux études supérieures - j'entends par études supérieures maîtrise et doctorat - par professeur, à Toronto 2,8 et à McGill, 3,2. Notre charge est presque deux fois supérieure à celle de l'Université McGill. Le ministre a posé des questions tout à l'heure sur le taux de diplomation. Je ne veux pas m'attarder sur cette question. Je pourrai y répondre dans la période des questions.

L'effet de ces surcharges sur le corps professoral est, comme en témoignent plusieurs doyens, la diminution du temps disponible pour la recherche. Plusieurs professeurs maintenant enseignent neuf heures et douze heures par semaine, comme le voudrait un certain rapport. Le résultat, c'est que ces professeurs cessent, à toutes fins utiles, de faire de la recherche. Le temps disponible pour la recherche et les publications diminue avec l'augmentation de la charge. L'alourdissement du 1er cycle par rapport aux études supérieures se fait de plus en plus inquiétant. La dégradation du milieu de travail, l'essoufflement et parfois certains départs sont le prix qu'il faut payer. Deux mots, M. le Président, sur nos bibliothèques. Nos budgets d'acquisition depuis 1980 jusqu'à 1987 ont augmenté de 20 %. Cela fait une moyenne de 3 % par année. C'est bien en deçà, évidemment, de l'augmentation du coût de la vie moyenne depuis 1980 jusqu'à 1987. Or, pour des raisons qu'il serait trop long d'expliquer, le coût de la littérature scientifique augmente d'environ 10 % par année. Ajoutons à cela -rappelez-vous depuis 1980 - la diminution dramatique du dollar québécois. Je m'excuse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ne partez pas de polémique!

M. Boucher: Parlons de l'autre... la diminution dramatique du dollar canadien par rapport aux devises américaines et européennes et on se rendra compte que, pour nos budgets de bibliothèques, qui sont encore importants et qui se chiffrent déjà aux alentours de 2 500 000 $ ce n'est pas rien. Nous continuons à investir encore lourdement dans les bibliothèques. Le résultat est que nos bibliothèques ne sont pas ce qu'elles devraient être et, dans certains cas, les retards sont importants à ce égard.

L'équipement. C'est peut-être là qu'on se rend compte le plus rapidement de l'effet des coupures. Or, l'équipement est essentiel pour la formation des étudiants. Il est également essentiel pour les subventions de recherche. Un professeur qui n'a pas un bon équipement est moins concurrentiel pour ces subventions, et, évidemment, le résultat est ce qu'il doit être. Toutes les facultés ou à peu près sont touchées: médecine, FA5, médecine vétérinaire, médecine dentaire, pharmacie et musique.

L'équipement informatique. Même les sciences humaines et sociales sont touchées. C'est fini le temps où, pour être philosophe ou sociologue, il suffisait d'un crayon et d'une rame de papier. Nous avons tous besoin de cet équipement informatique. Je n'ose pas, M. le Président, vous dire quel est l'état de sous-développement de notre équipement informatique à cet égard.

Plus grave - j'achève, encore quelques minutes - est le développement à l'Université de Montréal. On nous a reproché de faire du développement et il n'y en a presque plus. Or, une entreprise comme la nôtre, si je peux m'exprimer ainsi, qui est une entreprise de haute technologie, qui ne fait plus de développement est condamnée très rapidement à la stagnation.

Pour conclure, en somme, M. le

Président, l'Université de Montréal a conscience qu'elle a fait du très bon travail et qu'elle a livré la marchandise avec les ressources humaines et physiques dont elle disposait. Elle Ta fait à sa façon qui n'a pas toujours plu. On l'a traitée dans certains milieux d'élististe alors que c'était assez peu à la mode et assez mal porté. L'Université de Montréal a tenu son bout parce qu'elle croyait qu'en parlant de l'université il fallait surtout parler d'excellence et que son choix était rentable à la longue.

Malgré six années de coupures et de sacrifices, l'Université de Montréal se retrouve quand même avec un déficit de 30 000 000 $, 26 700 000 $, si je me souviens bien. Si les règles ne sont pas changées de toute urgence, ce déficit ne peut qu'augmenter. Le déficit est structurel, il dépend de la nature même de l'Université de Montréal et il dépend de la formule actuelle de financement qui n'en tient absolument pas compte.

Dans l'ensemble, nous avons tenté de nous maintenir tout en respectant les règles du jeu qu'on nous imposait. Il est évident que cela ne peut plus durer. Non seulement nous ne pouvons pas nous développer, et cela est essentiel pour l'université, mais si les formules de financement restent ce qu'elles sont, si on ne fait rien pour ce déficit de 30 000 000 $ qui nous pend encore au bout du nez après cinq ou six années de coupures et à cause duquel nous ne voyons pas le bout du tunnel, il nous faudra assister, malheureusement, à la dégradation de ce que nous avons réussi à faire et dont, je le répète, nous sommes très fiers.

M. le Président, je vous demanderais de diriger vos questions à mes différents collègues. Il y a une chaise libre ici.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Boucher. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue à M. Boucher et à la famille des doyens qui l'accompagne. Nous avons beaucoup apprécié le geste que vous avez fait en vous joignant aux autorités et aux autres corps de l'Université de Montréal pour cette journée que la commission parlementaire consacre à votre établissement.

Votre présence était tout à fait indiquée. Vous nous avez communiqué avant la séance d'aujourd'hui une documentation abondante sur les principales facultés et écoles de l'université, qui nous a permis de constater de manière plus directe, plus concrète, les conséquences des politiques de sous-financement des dernières années. C'est très utile pour l'examen que fait la commission.

Je voudrais faire deux petites remarques avant de continuer à discuter sérieusement. Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à votre collègue de droite, M. Jacques Léonard, avec qui j'ai eu le plaisir naguère de siéger dans cette même salle, alors qu'il occupait la chaise que j'occupe aujourd'hui. Moi, j'étais de l'autre côté. Nous avions eu des séances extrêmement intéressantes avec les autorités municipales de l'île de Montréal à l'époque. J'ai conservé un très bon souvenir de la conduite de M. Léonard comme ministre, je pense qu'il avait donné un exemple impeccable de dignité et en même temps de franchise. Je remarque, M. le Président, qu'il n'a pas pu avoir d'influence sur son gouvernement quand il était à Québec, mais il a une influence assez considérable apparemment à l'Université de Montréal, cela se trahit même dans votre langage. Nous le savions subtil.

Il y a une autre remarque que j'ai un peu moins moi prisée dans celles que vous avez faites. Vous avez dit qu'aujourd'hui on ne peut même pas être philosophe sans avoir un ordinateur. Je pensais qu'on pouvait être encore un homme politique sans abuser de l'ordinateur. Une de mes missions dans le gouvernement, comme élément plus conservateur, comme vous le savez, c'est de lutter contre l'utilisation abusive de tous ces instruments qu'on nous multiplie à des coûts faramineux. Je vais, justement, donner une conférence de presse tantôt sur une partie de l'héritage que nous avons reçu en matière d'équipement pour l'administration du système d'aide financière. Je ne voudrais pas qu'on pense que vous me visiez quand vous avez dit cela. J'espère qu'à l'Université de Montréal il y a encore plus de place pour la recherche et la réflexion que pour les machines. J'en suis sûr, d'ailleurs.

Pour revenir au fond des choses, je pense qu'il n'y a pas lieu de s'apitoyer interminablement sur des choses que nous avons dites à maintes reprises jusqu'à maintenant, que nous avons vues dans votre mémoire. Les mémoires qui le sous-tendent nous apportent des précisions extrêmement utiles.

On ne peut pas, ce matin, faire un examen de chaque secteur. Je pense qu'il y a un facteur qu'il faut mentionner. Les ressources attribuées à la Faculté de droit ou à la Faculté des sciences de l'aménagement ou à la Faculté de médecine, cela dépend de décisions qui sont prises à l'intérieur de l'université. Un budget général est accordé à l'université par la voie des subventions de fonctionnement et, ensuite, l'attribution des ressources est arrêtée par les autorités de l'université.

Ce serait la première question que je voudrais vous adresser. Quel genre de négociation se fait entre les différents

secteurs de l'université en vue de l'attribution des ressources et est-ce que chaque faculté ou département a l'impression de donner toute sa contribution à ce moment?

M. Boucher: Je dirais que chaque faculté ou chaque département a l'impression de ne pas en avoir suffisamment. C'est le bilan de chacun des mémoires. Je ne peux pas répondre pour les autres doyens, je pense qu'il y a plusieurs paramètres. Il y a des formules historiques chez nous aussi. Il y a des augmentations de clientèles qui entrent en jeu. Il y a l'implication dans la recherche et il y a également, ce n'est pas négligeable, le fait que certaines facultés ou certains départements sont aux prises avec des normes, des exigences d'accréditation nord-américaines. C'est une pression supplémentaire sur l'administration de l'université.

Quant au reste, je demanderais à mes collègues, peut-être au doyen de la Faculté des arts et des sciences, M. Rivest, de nous dire un mot là-dessus.

M. Rivest (Roland): M. le Président, l'allocation des ressources par l'université se fait après un long processus de concertation, dans ma faculté, entre les départements et la direction de la faculté, d'une part, et, d'autre part, entre le doyen de la faculté et la direction de l'université. De sorte que les facultés n'obtiennent peut-être pas tout ce qu'elles demandent, mais elles ont l'occasion d'exprimer tous leurs besoins. L'université, compte tenu de toutes ses obligations, fait son possible pour satisfaire, dans la mesure de ses moyens, aux demandes qui lui sont adressées.

M. Ryan: Un sujet qui a soulevé beaucoup d'intérêt chez les membres de la commission depuis le début des audiences, c'est celui de la charge d'enseignement des professeurs. Étant donné que vous avez une responsabilité directe à cet égard, j'aimerais vous adresser une question. Je crois que c'est dans le mémoire de la Faculté des sciences de l'éducation qu'on indique que les professeurs qui font partie de cette faculté donnent en moyenne 3,5 cours par année. Je ne sais pas si cette moyenne peut être considérée comme représentative. Est-ce que vous avez des données? II y a toutes sortes de données dans les mémoires, mais, sur ce point précis, est-ce que vous avez des données assez détaillées qui pourraient nous éclairer davantage? (12 h 30)

M. Boucher: Avant de passer la parole au doyen de la Faculté des sciences de l'éducation, je pense qu'il y a une mise au point qui s'impose. Ce qui est comptabilisé traditionnellement à l'université, non pas dans la convention collective, c'est le nombre de cours qui sont effectivement donnés. Mais je serais porté à dire que bon an mal an, dans l'ensemble de l'université, on parle de quatre cours de trois crédits par professeur; c'est la charge moyenne. Il y en a qui en donnent cinq, il y en a qui en donnent six et, exceptionnellement, peut-être certains, moins, mais c'est extrêmement rare. Sauf que cela n'est qu'une toute petite partie de la charge d'un professeur. On a parlé de nos 8300 étudiants aux études supérieures. Chacun de ces étudiants requiert des dizaines, sinon des centaines d'heures d'encadrement par année, au laboratoire, en bibliothèque, dans des séminaires, des rencontres particulières et cela n'est pas comptabilisé. Les publications, la recherche, l'administration, etc. ne sont pas comptabilisées.

Pour ce qui est des cours, je laisse la parole au doyen qui est mis en cause par votre question, M. le ministre, M. Michel Trahan.

M. Trahan (Michel): Je ne sais pas à quel endroit vous avez trouvé cela dans le mémoire de la faculté, mais la moyenne à la faculté est d'à peu près quatre cours par professeur, c'est-à-dire douze crédits de cours par professeur. À cela, il faut ajouter une charge d'encadrement très importante aux études supérieures, c'est-à-dire que les étudiants de la MA et du Ph. D. de la Faculté des sciences de l'éducation constituent un groupe moyen de sept ou huit étudiants par professeur à diriger dans leurs travaux de recherche. Il y a des professeurs qui dirigent plus d'étudiants, d'autres moins, mais la moyenne est de sept ou huit étudiants qui font soit un mémoire de maîtrise ou une thèse de doctorat. Alors, c'est une charge d'encadrement très lourde.

M. Ryan: Juste pour mémoire, j'ai pris le chiffre que je vous mentionnais à la page 2 de votre mémoire; il y a un tableau intitulé "Évolution du personnel enseignant et de la charge" et, pour l'année 1985-1986, on lit qu'il y avait 83 professeurs en fonction qui ont donné en tout 291 cours. La moyenne donne 3,5 cours.

M. Trahan: Cela inclut les détachements pour des responsabilités administratives, c'est-à-dire la direction d'unité, la participation à la direction de la faculté, ainsi de suite.

M. Ryan: Oui. Je ne sais pas s'il y en a qui ont des choses à ajouter là-dessus parmi les doyens qui vous accompagnent, M. Boucher. Je ne veux pas faire le tour, mais s'il y avait des points... Nous savons, je vous préviens, qu'il y a d'autres travaux qui doivent être accomplis par les professeurs. Nous le savons. Nous allons faire une étude

plus précise, d'ailleurs, pour connaître ces réalités de façon plus exacte. Mais, s'il y avait des éléments qu'on voulait porter a notre attention, je l'apprécierais vivement.

M. Boucher: Est-ce que je peux demander au doyen de la Faculté de médecine vétérinaire de dire quelques mots sur cette question?

M. Roy (Raymond): M. le ministre, étant donné la charge particulière de nos professeurs, évidemment en plus des cours magistraux et des travaux pratiques, nos professeurs ont à maintenir un hôpital d'enseignement. Au Québec, il y a un seul hôpital d'enseignement vétérinaire. Par conséquent, notre corps professoral est responsable de faire en sorte que les animaux présents soient en mesure d'être utilisés pour l'enseignement pratique. Cela constitue pour nos professeurs une charge nettement supplémentaire, une charge qui, à l'heure actuelle, est très mal définie dans la convention collective et qui, en termes d'heures, représente un immense travail de leur part. Ils doivent être présents non seulement à la prestation des cours, mais sur le plancher des cliniques et être disponibles auprès des étudiants, à la fois des internes de quatrième année et de tous les étudiants qui sont dans des cycles supérieurs. Par conséquent, lorsqu'on regarde la charge des professeurs et qu'on n'évalue pas également toutes les autres implications de cette charge, notamment tout ce qui concerne le maintien des services cliniques, on peut facilement être biaisé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci

Mme Thibodeau (Marie-France): M. le ministre, c'est une situation semblable chez nous. On assume la supervision de la formation clinique dans à peu près quatorze ou quinze centres hospitaliers de la région de Montréal et dans à peu près tous les CLSC -les centres locaux de services communautaires - de la région de Montréal. Alors, les professeurs doivent y passer une certaine période de temps calculée sur une base différente des cours en salle de cours. La base de calcul est de 30 à 45 heures par crédit. De sorte que si un professeur a quatre crédits de supervision clinique, il faut considérer la quantité d'heures qu'il a mises dans cette situation, après les travaux qu'il doit corriger.

M. Ryan: Une autre question. On mentionnait dans un de vos mémoires ou dans celui de l'université - je pense que nous sommes d'accord avec les chiffres - que !e nombre des inscriptions en études de 2e et 3e cycles est plus élevé à l'Université de Montréal que dans toute autre université canadienne, selon les données de 1985, légèrement plus élevé qu'à l'Université de Toronto, ces deux universités étant dans une classe a part de ce point de vue là. Mais quand on examine le taux de diplomation, le nombre des diplômes décernés en 1984, on constate qu'à l'Université de Toronto il y en a presque deux fois plus qu'à l'Université de Montréal aux 2e et 3e cycles. Je voudrais vous demander s'il y a une explication à cela.

J'ajoute une sous-question. On entend souvent dire que cela prend plus de temps au niveau de la maîtrise dans les universités francophones et que ce serait peut-être une source du fait qu'on... Je ne sais pas si vous avez des explications à donner sur ce chiffre que j'ai tiré de la documentation soumise à notre examen.

M. Boucher: M. le Président, ce chiffre a été mis là de façon intentionnelle. Il est évident qu'une université comme la nôtre, tout en ayant une bonne longueur d'avance et en se situant dans le peloton de tête au Québec - dans ce sens-là, on n'a pas à rougir de notre position - par rapport à une université comme Toronto, a, évidemment, un retard considérable à rattraper.

Comment peut-on analyser ce retard considérable? Il faut dire que l'Université de Toronto, dans beaucoup de secteurs, a 50 ou 60 ans d'avance sur nous. En 1960, l'Université de Montréal, en termes de recherche et d'études supérieures, était très très peu développée. À cette époque, l'université pour les études supérieures, de maîtrise et de doctorat, c'était l'Université McGill et non pas l'Université de Montréal. Évidemment, quand on a 50 ans d'avance, quand on a quatre fois, si je me souviens bien, les subventions de recherche qu'a l'Université de Montréal, quand on a 1000 professeurs de plus, le résultat en est qu'on se retrouve ici avec un taux de diplomation plus faible. C'est un problème chronique au Québec, on le sait.

Par ailleurs, le problème sur lequel vous mettez le doigt est réel. Là aussi, c'est une question de croissance. Il faut bien se rendre compte que, jusqu'à tout récemment, les études terminales au Québec étaient, dans un premier temps, les études de 1er cycle. Ensuite, on s'est mis à développer des études de maîtrise. Et encore dans les mentalités la maîtrise est, je ne dirais pas le diplôme terminal, mais il y a - une tendance à surgonfler les études de maîtrise, c'est évident. Comme doyen des études supérieures, je m'efforce de faire diminuer cet écart et de faire passer, par exemple, les étudiants qui sont de bons étudiants -comme dans le système américain - directement de la maîtrise au doctorat, sans faire d'abord une maîtrise de plusieurs centaines de pages et ensuite encore cinq ans pour le

doctorat. Le problème sur lequel vous mettez le doigt, vous avez tout à fait raison, est un des problèmes principaux.

Juste un tout petit élément: en Amérique du Nord, les étudiants de maîtrise et surtout de doctorat, s'achètent. Cela veut dire qu'il y a un marché. Cela veut dire que le bon étudiant se présente, est sollicité par Stanford, par Harvard, par Toronto, par McGill et par Montréal. Or, ces doyens d'études graduées disposent de plusieurs millions de dollars pour garantir à un étudiant 7000 $, 8000 $, 12 000 $ et 15 000 $. Il y a de la surenchère entre les universités et l'Université de Montréal, de ce côté-là, n'est tout simplement pas dans la course. Si nos étudiants viennent chez nous, c'est parce qu'ils tiennent è ce milieu, qu'ils tiennent à leurs professeurs qui ont des subventions de recherche. Mais le doyen de la Faculté des études supérieures, en face de ces supergéants que sont ces universités, ne peut pas les concurrencer. C'est aussi une des raisons pour lesquelles les études traînent plus longtemps et qu'il y a un taux d'abandon. L'étudiant ne vît pas de l'air du temps. Il a 25 ou 30 ans. L'étudiant aux études supérieures - maîtrise et doctorat -est un adulte qui a des responsabilités de famille. Les études durent longtemps, quatre ans, cinq ans, six ans et, par conséquent, si l'université ne peut pas mettre un minimum de revenu garanti, ce qui est notre cas, évidemment les études traînent. Le taux de diplomation, je me répète, est plus long.

M. Ryan: Je veux souligner un seul point, en terminant. Malheureusement, mon temps est pratiquement épuisé. Vous avez, dans les mémoires qui composaient votre présentation, de nombreuses comparaisons avec des écoles ou facultés correspondantes dans le reste du Canada. Je pense que ces comparaisons, quand on examine la situation de chaque faculté, sont peut-être encore plus importantes que celles qu'on peut faire entre nos institutions québécoises. Comme on a un phénomène assez généralisé de sous-financement, les comparaisons entre nous peuvent être assez difficiles et parfois injustes aussi. Voici ce qui m'a frappé dans les comparaisons que vous tracez. J'ai regardé, par exemple, la situation de la Faculté de droit dont nous savons tous qu'elle a connu des difficultés considérables en matière de ressources ces dernières années. Je me souviens de mon collègue de Saint-Laurent autrefois, M. Leduc, qui a essayé, à plusieurs reprises, de soulever le problème en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale. Quand on compare la situation de la Faculté de droit à celle des facultés de droit dans d'autres universités canadiennes, on voit un écart énorme. Pour la Faculté de médecine, on a des données ici qui ne sauraient tromper, pour la Faculté de pharmacie aussi; on peut les prendre une après l'autre. Je pense qu'il y a vraiment un sujet de très sérieuses inquiétudes non seulement pour le législateur, mais pour le gouvernement et l'ensemble de nos concitoyens.

Je voudrais vous dire, en terminant cette partie de notre rencontre, que j'ai été très attentif en particulier à cette dimension comme, d'ailleurs, je l'ai toujours été étant donné mes orientations politiques. Je pense que, si le Québec veut tenir sa place dans l'ensemble canadien, il faut qu'au point de vue du développement de ses institutions universitaires il ait une position concurrentielle. Il ne peut pas se contenter de reculer comme on l'a fait dans bien des domaines ces dernières années. Chose notée et j'espère que nous pourrons agir là-dessus au cours des prochains mois.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre.

Je reconnais maintenant la porte-parole officielle en matière d'enseignement supérieur pour le parti de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. MM. les doyens, mesdames et messieurs, cela me fait plaisir de vous voir ici, sauf que je dois vous dire que, quand j'ai vu le volume des renseignements que vous nous avez fournis, je me suis dit qu'il aurait fallu passer au moins la journée ensemble pour voir un peu plus clair par rapport aux données que vous avez dans ce document. Elles sont, d'ailleurs, fort intéressantes et elles nous amènent à constater qu'effectivement l'Université de Montréal, c'est comme une de nos grandes villes, par rapport à nos villes moyennes - parce que les villes au Québec ne sont pas très populeuses - et que vous y retrouvez plusieurs quartiers.

Je voudrais vous entendre sur une question qui m'intéresse en particulier. C'est toute celle de l'évaluation. J'ai eu l'occasion de voir quelques rapports d'évaluation de vos facultés. J'ai eu l'occasion d'apprécier leur rigueur et les exigences que vous y mettiez. Quand les recommandations se retrouvaient dans un rapport, on avait l'impression - je ne suis jamais allée vérifier comment c'était appliqué dans la réalité - que cela devenait quelque chose de sérieux. J'aimerais que vous m'en parliez brièvement, ainsi que de la fréquence de ce type d'évaluation que vous faites de vos facultés.

M. Boucher: Mme la députée, les choses peuvent varier de façon considérable selon qu'on est en face de facultés ou départements qui sont accrédités et qui subissent, comme la Faculté de médecine, depuis des années, une accréditation et une évaluation: médecine, médecine vétérinaire, médecine

dentaire, bibliothéconomie, ceux qui sont sur le marché nord-américain et les autres. Le vice-rectorat aux études vient de mettre sur pied un mécanisme d'évaluation qui se modèle plus ou moins sur celui que l'Université McGill vient, elle aussi, de mettre en place il y a quelques années. C'est une évaluation qui commence par une auto-évaluation systématique, formelle qui est, par la suite, revérifiée par une évaluation avec des examinateurs externes. Donc, le système est en place quand on parle d'évaluation des programmes et il s'agit d'une évaluation qui, en principe, est systématique tous les cinq ans. C'est la première chose, le premier élément de la réponse.

Le deuxième élément de la réponse, c'est que même les universités, même les départements ou facultés qui n'ont pas de mécanisme formel d'évaluation par un organisme d'accréditation se soumettent elles-mêmes périodiquement à des mécanismes d'auto-évaluation, peut-être pas aussi flamboyants que ceux auxquels on est habitué dans d'autres secteurs, mais qui ont quand même leur importance. J'aimerais demander au doyen de la Faculté de médecine de nous dire un mot du mécanisme d'évaluation dans une faculté comme la sienne. (12 h 45)

M. Gauthier (Yvon): Oui, en effet, les facultés de médecine, comme vous le savez très probablement, sont sujettes à des évaluations périodiques par un organisme canadien, mais avec participation américaine. Tous les quatre ans, cinq ans ou six ans, selon la qualité des facultés, nous sommes visités par une équipe de professeurs des autres universités, des autres facultés. Ceci se fait justement sur la base d'une autoévaluation et ensuite par la visite durant une semaine de ces visiteurs, professeurs des autres facultés. Ceci est un mécanisme extrêmement important. C'est clair que la qualité d'une faculté, étant constamment vérifiée ainsi, doit se maintenir. Justement, cette année, c'est une année de visite.

Par ailleurs, pour tout ce qui concerne les études post-graduées, la Faculté de médecine est aussi l'objet d'une évaluation par le Collège royal et la corporation de tous ses programmes de formation postgraduée. En plus, nous avons mis en place une évaluation interne pour, justement, nous préparer constamment, si on peut dire, et essayer d'évaluer constamment ce qui se passe dans un programme pour ne pas attendre la visite tous les quatre ou cinq ans de ces évaluateurs externes.

M. Boucher: M. le Président, est-ce que je peux demander à M. Vaillancourt, doyen de la Faculté de médecine dentaire, qui est sujette à un système pareil, de dire un mot, s'il vous plaît?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si c'est dans le cadre d'un complément d'information.

M. Boucher: S'il vous plaît, oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Avec plaisir.

M. Vaillancourt (Alain): Comme les facultés de médecine, les facultés de médecine dentaire sont soumises à des évaluations périodiques. Dans notre cas aussi, c'est cinq ans. On a eu la visite du comité d'agrément de l'Association dentaire canadienne il y a un an et demi. Ces comités peuvent donner un plein agrément pendant cinq ans ou donner des agréments conditionnels. Dans le cas de la Faculté de médecine dentaire de Montréal, on a eu un agrément de deux ans seulement. Je ne vous lirai pas les quelque 20 recommandations qu'ils ont faites. Je vais tout simplement vous lire la première recommandation qu'ils ont faîte, qui explique pourquoi nous avons eu un agrément de deux ans au lieu de cinq. La recommandation se lit comme suit: "Qu'on reconnaisse que les restrictions financières touchant le programme de médecine dentaire du 1er cycle ont atteint un niveau critique qui limite et entrave ses vertus pédagogiques et menace sont avenir."

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je vous remercie, monsieur. J'aurais dû apporter des nuances à ma question. Je connais un peu les modes d'évaluation qui ont cours dans les facultés accréditées. Je parlais des autres facultés qui ne le sont pas. J'ai eu connaissance d'évaluations qui se faisaient. Je ne sais pas si c'est dans le cadre d'une planification, si cela se fait tous les cinq ans pour les facultés qui ne sont pas accréditées. J'ai vu un rapport qui faisait l'évaluation d'une faculté non accréditée et c'était à ce rapport que je faisais référence. Je me demandais s'il y a une pratique, s'il y a une politique. Est-ce qu'on a établi la fréquence, les modes?

M. Boucher: La politique est très claire. Le mécanisme est déjà en place. Il y a actuellement - je ne voudrais pas dire de bêtise - il me semble, cinq unités qui sont dans le processus d'auto-évaluation et d'évaluation. Il y en a normalement entre cinq et dix par année, la fréquence étant à peu près à tous les cinq ans. Le processus est en place.

Mme Blackburn: Cette politique est en

place depuis?

M. Boucher: Officiellement, actuellement, elle commence à être en place en 1986,

Mme Blackburn: Tout à l'heure, à une question que j'adressais au recteur sur les clientèles adultes chez vous, le recteur m'a invité à la poser au doyen de la Faculté d'éducation permanente. Souvent, l'éducation aux adultes, particulièrement, j'allais dire, aux femmes, dans les cours qui leur sont offerts - ceux qu'elles fréquentent de préférence - c'est beaucoup en sciences humaines, alors qu'on sait que les secteurs non traditionnels exigent une formation en sciences, donc mathématiques, chimie, ainsi de suite. Connaissez-vous la situation par rapport à votre faculté, c'est-à-dire le nombre de cours qui sont suivis par vos étudiants qui sont en sciences? C'est quoi le profil, finalement, des cours qui sont offerts chez vous? Est-ce que c'est davantage en sciences, en sciences humaines, en administration? Est-ce que vous avez essayé de mettre en place des mesures incitatives à l'endroit des femmes, qui les amèneraient à fréquenter des cours qui les préparent à aller se chercher une formation dans un secteur qui est plus prometteur?

M. Léonard (Jacques): Vous avez la liste de nos programmes à la fin de notre mémoire. Si vous regardez, il y en a 32 dont le tiers est réservé à des programmes professionnels, les autres se trouvant dans d'autres secteurs. Je vous rappellerai simplement que nous n'avons pas de cours d'administration comme tels puisque c'est plutôt les HEC qui donnent ces cours ailleurs. À Polytechnique aussi, il y a des cours du soir. Donc, sur le plan technique, c'est réservé à un certain nombre de programmes assez limités, je crois.

Il y a des cours, plusieurs programmes qui sont destinés présentement aux infirmières, mais on ne peut pas appeler cela des cours techniques, c'est plutôt dans les domaines de la santé.

Nous avons beaucoup travaillé, au tout début de la faculté, dans le domaine du perfectionnement des maîtres et maintenant c'est plutôt la Faculté des sciences de l'éducation qui a pris le relais. Quoi qu'il en soit, dans l'ensemble de nos programmes, la population féminine est au-delà de 70 %, les statistiques de l'an passé atteignant 75 %. Nous dispensons beaucoup d'enseignement aux femmes chez nous.

Mme Blackburn: Dans ce cas-là, est-ce qu'on peut vous poser la question que j'adressais tout à l'heure au recteur, quoiqu'il est difficile probablement d'en faire la démonstration? Est-ce qu'il n'y a pas danger qu'une hausse des frais de scolarité chez les étudiants adultes ait des effets sur l'accès?

M. Léonard: De façon générale, je dirais non, pas plus qu'ailleurs. Cela peut avoir un impact ailleurs aussi, mais de façon générale je dirais non, dans la mesure surtout où les gens qui viennent chez nous sont dans le milieu du travail. Si ce sont des gens qui travaillent à la maison, cela peut poser des difficultés, effectivement. Par ailleurs, depuis l'année 1981, au moment où on a eu cette crise économique que vous savez, le nombre de chômeurs qui ont pris des cours chez nous a augmenté considérablement. Des statistiques, qui ne sont pas encore officielles ou qu'on est en train de préparer, démontreraient qu'entre 20 % et 25 % de notre clientèle proviennent de gens en chômage. Dans ce contexte, une hausse des frais de scolarité, évidemment, peut avoir un impact. Je ne suis pas sûr qu'on puisse pallier cette difficulté par des modifications à une politique de hausse des frais de scolarité. C'est plutôt par des politiques d'incitation décidées au niveau de politique de main-d'oeuvre qu'on pourrait régler cette question et non pas par des modulations de frais de scolarité. Si on commençait cela, ce serait très difficile de s'en sortir et d'établir des mécanismes de contrôle qui seraient forcément individuels, donc, très difficiles d'application.

Mme Blackburn: Ce qui serait plus facile serait - comme le promettait le ministre de l'Éducation - de geler les frais de scolarité.

Si vous me dites que votre clientèle est composée à 70 % de femmes, on connaît le profil économique et les conditions économiques des femmes, elles ne doivent pas toutes, ou majoritairement, venir du monde du travail et les cours ne doivent pas être payés par l'employeur. Il ne doit même pas être facile de les déduire de son revenu, puisqu'on n'en a pas, ce qui se fait du moment où vous êtes sur le marché du travail. C'était le sens de ma question. Je dois vous dire que j'ai des préoccupations par rapport à cela parce que j'estime que ce sont des gens qui paient déjà le réseau. À présent, cela va. J'ai perdu ma question sur l'éducation des adultes.

Mme Thibodeau: Pourrais-je intervenir sur cette question? Nous avons dans notre faculté un grand nombre...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame, vous pouvez intervenir.

Mme Thîbodeau: Oui, je peux intervenir. Excusez-moi, j'étais dans le feu de l'action. ...un grand nombre d'infirmières - et d'infirmiers - qui sont en exercice ou qui

sont chez elles en attendant leur retour en exercice. J'ai fait une petite enquête auprès d'elles - non scientifique - pour savoir, si on est obligé d'augmenter les frais de scolarité, si cela va diminuer leur venue à l'université. Au contraire, elles trouvent que leurs besoins de formation sont tellement grands, tellement urgents, tellement prioritaires dans leur vie de travail qu'elles sont prêtes à payer le double pour avoir une place à l'université. C'est cela qui est fondamental chez elles et chez eux. On a environ 1400 étudiants adultes.

Pour répondre à votre première question au point de vue de la dimension sciences - on est en sciences appliquées - on a fait des choses extraordinaires dans nos programmes pour pallier au manque de formation scientifique que plusieurs de nos candidats avaient en arrivant. Je voudrais dire que la Faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal nous a aidés énormément dans ce sens-là. Pour les frais de scolarité, je pense qu'il n'y aurait pas de difficulté par rapport aux étudiants dans notre faculté, et c'est probablement le cas d'autres facultés similaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Si vous voulez conclure, madame, au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: M. le Président, il m'a fait plaisir de vous entendre et, comme je le disais tout à l'heure en introduction, j'aurais préféré qu'on puisse le faire plus longuement. Vous comprendrez l'intérêt que je leur manifeste pour toutes ces questions qui touchent à la fois l'évaluation et la planification parce que, tout comme on Je fait dans d'autres secteurs d'activités, il semble qu'on devra avoir plus d'exigences à cet égard.

Cependant, je dois vous dire que les rapports que j'avais vus - j'en ai vu deux -sont antérieurs à ce que... Vous me dites que la politique est récente. Ce que j'ai vu, c'était en 1984, je pense, en 1983-1984. C'était peut-être une situation particulière et j'avais généralisé à l'époque.

Je voudrais revenir brièvement sur l'importance d'inviter les femmes qui fréquentent l'éducation des adultes à aller chercher une formation scientifique. Malheureusement, ce qu'on constate à l'éducation des adultes - pourtant, c'est important qu'elles y retournent - c'est qu'elles y vont souvent dans des secteurs bouchés ou peu prometteurs d'avenir, pour utiliser un autre terme. À cet effet, cela les sert personnellement, pour leur culture personnelle, mais je ne suis pas certaine que cela joue le râle que cela pourrait vouloir jouer, si tant est qu'elles veulent améliorer leurs conditions de vie.

Que madame me dise que !es femmes qui sont déjà à l'emploi paieraient le double pour y aller, je croirais que, effectivement, elles ont déjà cette sensibilité. Je pense davantage aux femmes qui ont moins de revenu et qui sont à la maison. Je pense aux adultes, de façon générale, qui sont dans cette situation. On aurait probablement pu parler de toutes les facultés, mais le temps nous manque. Je voudrais, au nom de ma formation politique, vous remercier. Vous me permettrez de saluer, de façon particulière, M. Léonard. Madame, messieurs, cela m'a fait plaisir de vous rencontrer. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le député d'Argenteuil, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, juste un mot pour remercier nos invités de leur excellente contribution à notre recherche, contribution orale à l'occasion de cet échange de vues et surtout documentaire par l'abondance des renseignements que contenaient les mémoires particuliers constituant leur envoi. Il y a énormément de renseignements. On aurait pu passer des heures sur chaque faculté ou département. Cela aurait été extrêmement instructif. Soyez assurés que la documentation qui nous a été remise est entre bonnes mains. Elle sera l'objet d'un examen attentif; elle l'a déjà été, tout a été lu, vous pouvez en être sûrs, par plusieurs de mes collègues.

Vous nous avez beaucoup aidés à mieux comprendre les conséquences pour l'Université de Montréal des politiques de sous-financement des dernières années. J'espère que, ensemble, nous allons trouver des moyens pour mettre un frein à ces politiques et ouvrir l'avenir d'une manière plus encourageante. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la doyenne, mesdames les directrices, messieurs les doyens et les directeurs, la commission parlementaire de l'éducation vous remercie beaucoup d'avoir répondu à son appel et suspend ses travaux jusqu'à 15 heures alors qu'elle entendra le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal.

Une voix: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais les représentants des groupes d'étudiants à prendre place, à s'installer. Le ministre nous rejoindra d'ici quelques minutes. Il a été retenu par des fonctions ministérielles. Il est en route et sera ici au plus tard dans cinq minutes.

D'abord, je veux vous informer que la commission parlementaire sur l'éducation poursuit les travaux qu'elle a commencés ce matin. Le thème d'aujourd'hui est consacré à l'Université de Montréal. Nous avons entendu ce matin, en début de séance, l'Université de Montréal, suivie de l'Assemblée des doyens de l'Université de Montréal. Comme premier groupe, cet après-midi, nous aurons le plaisir d'accueillir la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal. Immédiatemnt après, nous enchaînerons avec le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal. Je veux remercier le syndicat d'avoir accepté de retarder sa présentation pour aider la fédération des étudiants qui, effectivement, devait passer à 15 heures, mais, à cause des retards qu'a vécus la commission depuis le début de ses travaux, nous avons été dans l'obligation de lui demander de retarder sa présentation en commission parlementaire.

Avant de commencer nos travaux, je voudrais vous rappeler le mandat à l'intérieur duquel cette commission parlementaire siège. La commission parlementaire sur l'éducation siège en vertu d'un mandat qu'elle a reçu de l'Assemblée nationale le 19 juin dernier, un mandat selon lequel on demandait à la commission permanente de l'éducation de se transformer en commission parlementaire pour entendre en audiences publiques et générales des organismes reliés au monde de l'éducation dans le cadre de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois pour les années 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal

Nous commençons nos travaux cet après-midi avec, je le répète, les représentants de la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal et leur porte-parole est M. Luc Trépanier, secrétaire général. M. Trépanier, je veux, au nom de la commission parlementaire, vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues et vous remercier aussi d'avoir accepté notre invitation de venir réfléchir avec les membres de la commission parlementaire sur la problématique du financement des universités au Québec ainsi que sur leur orientation.

Je veux aussi féliciter les gens qui vous accompagnent. Je vois que vous êtes bien entourés d'une délégation d'étudiants de votre campus universitaire, j'imagine. Partir de Montréal pour venir à Québec assister à une commission parlementaire, cela demande un effort, un engagement, cela demande de croire en une cause. Soyez certains que nous sommes très fiers de voir que les jeunes étudiants ou que les étudiants moins jeunes du campus de l'Université de Montréal ont entrepris la démarche pour venir vous accompagner ici à la présentation du mémoire de votre fédération.

M. Trépanier, si vous pouviez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire. On m'informe que la présentation de votre mémoire, à la suite de discussions que vous avez eues avec le secrétaire, devrait durer environ de 15 à 18 minutes et qu'une période de 40 à 45 minutes pourrait être consacrée aux échanges avec les membres de la commission parlementaire.

Nous vous écoutons, M. Trépanier.

M. Trépanier (Luc): Je vous remercie, M. le Président. M'accompagneront, durant la lecture de notre mémoire, M. Stéphane Longval, qui est coordonnateur aux affaires externes de la FAECUM, M. Sébastien Richard, qui est délégué général aux services aux étudiants, également de la FAECUM, et, durant la période des questions, M. Patrice Raymond nous accompagnera.

Je pense qu'on s'est entendu auparavant sur le fait que notre présentation prendrait de 20 à 25 minutes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez-y! Ne vous sentez pas limités pour cela.

M. Trépanier: D'accord. À la suite de la déclaration du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science de la semaine dernière, lorsque le Regroupement des associations étudiantes est passé en commission et qu'il nous avait dit de prendre nos petits calepins noirs et d'aller prendre des notes sur ce qui se passait dans les universités, nous sommes heureux d'apprendre aux membres de la commission que nous l'avons fait. Nous avons nos petits calepins noirs avec nous aujourd'hui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez-y, monsieur!

M. Trépanier: Tenant pour acquis que les membres de cette commission ont lu notre mémoire, nous ne ferons ici qu'une présentation des éléments principaux.

Le mode de financement des universités devra d'abord être orienté vers l'affirmation des missions fondamentales de l'université et encourager la planification du réseau. On le sait, la formule historique de financement divise les universités. La redéfinition de ce mode de financement devra permettre aux

universités de réaliser la concertation et la planification nécessaires à leur développement.

Il faudra d'abord que la nouvelle formule soit claire et stable. Comment opérer une véritable concertation des universités incapables de planifier leur propre développement parce qu'elles ne connaissent pas à l'avance le montant des budgets qui leur seront alloués? En effet, les règles de financement du ministère changent d'une année à l'autre.

Si le mode de financement doit être le reflet de ces préoccupations, il faut de plus qu'il soit orienté vers l'affirmation des missions fondamentales des universités, soit l'enseignement et la recherche, et, à l'intérieur de celles-ci, les services aux collectivités. L'université n'a pas à développer des compétences dans tous les secteurs. Elle peut très bien laisser la gestion de ses services auxiliaires à l'entreprise privée, comme l'Université de Montréal l'a fait avec ses services alimentaires, dont le déficit accumulé était de près de 6 500 000 $, soit environ 20 % de celui de l'ensemble de l'université.

Remarquons que l'université projetait des déficits dans un secteur aussi facilement rentable que les services alimentaires. Remarquons aussi que les déficits réalisés représentent jusqu'au double des déficits projetés. Les universités accumulent déficit sur déficit dans ces services et mobilisent inutilement une quantité appréciable de ressources. La répartition actuelle des budgets dans la presque totalité des universités pénalise grandement les services aux collectivités qui font pourtant partie du rôle de l'université. En ces temps de compressions budgétaires, c'est le secteur le plus menacé par les coupures. Pourtant, s'engager dans la voie des services aux collectivités serait une excellente façon pour les universités d'augmenter leur légitimité.

En mai 1984, l'université adoptait une politique de services aux collectivités. Depuis ce temps, rien. Les services aux collectivités permettent aux étudiants et aux professeurs de confronter et d'échanger des connaissances scientifiques avec des connaissances empiriques. Cela permet également à des groupes sociaux de profiter de ressources de l'université auxquelles ils n'ont pas traditionnellement accès. Sauf à l'UQAM où il existe une structure d'accueil unique, les services aux collectivités sont laissés à la seule initiative des unités d'enseignement et de recherche, ce qui est loin d'être idéal. Nous croyons que les universités devraient être encouragées à se doter de structures d'accueil uniques dont le financement serait assuré à partir des budgets des unités.

M. Richard (Sébastien): Si l'on veut favoriser une concertation interuniversitaire plutôt qu'une inutile concurrence, si l'on désire qu'une planification du réseau respecte l'objectif de l'accomplissement des missions fondamentales des institutions, il faut d'abord que l'on puisse établir les priorités d'un développement concerté, que l'on en fixe les objectifs et que l'on en planifie la réalisation. Parlant de planification, il y a eu une étude qui a été faite et qui montre qu'il y a eu un manque assez évident de planification en ce qui a trait au vieillissement du corps professoral. Résultat, 12 000 000 $ que cela a coûté.

Nous reconnaissons que la concertation ne constitue pas une pratique simple. Elle doit respecter une certaine autonomie des institutions et ne pas annihiler tout à fait la concurrence à laquelle elle se livre. Nous ne croyons pas que le gouvernement puisse coordonner adéquatement cette concertation. Une commission intermédiaire entre le gouvernement et les universités dont la composition refléterait l'ensemble de la représentation de chacune apparaît plus pertinente et garantit mieux la réussite de la concertation. Cependant, il n'est pas nécessaire, à cet effet, de créer un nouvel organisme. On pourrait très bien, à partir d'un réaménagement structurel du Conseil des universités, lui faire jouer le rôle d'un organisme de concertation. Par ailleurs, la définition d'objectifs devient vaine sans mécanisme permettant d'évaluer leur degré de réalisation. Il ne servira à rien d'instaurer un nouveau mode de financement des universités et de se fixer des objectifs si l'on ne se dote pas, en même temps, de moyens de mesurer les résultats de ces changements dans chacune des universités et dans l'ensemble du réseau.

En effet, la commission Angers, commission d'enquête sur les universités, soulignait justement l'importance pour les universités de se fixer des objectifs en 1978. Les idées que nous mettons ici de l'avant ne sont pas nouvelles. Elles ont été proposées bien avant que l'on tienne cette commission parlementaire. Cependant, si elles n'ont jamais été appliquées, nous croyons que c'est non pas faute de réalisme, mais à cause de résistances provenant du gouvernement et des universités. D'ailleurs, en réaction à la commission Angers, le Conseil des universités publiait un avis qui, justement, devait faire en sorte que les universités se fixent des objectifs. Depuis, rien.

Notre expérience de gestion . des services aux étudiants nous a montré qu'il est possible de vaincre de telles résistances. L'instauration d'une budgétisation par objectifs a eu des effets très positifs sur la rationalisation et l'économie des ressources. Au moment de notre arrivée aux SAE, en 1977, la direction des services prévoyait pour les années à venir une accumulation de déficits. Pourtant, des solutions appropriées

ont permis de résorber les déficits, d'ouvrir les services à la communauté environnant l'université sans augmenter les cotisations -vous verrez la différence - et d'améliorer leur productivité.

Nous ne croyons pas que les procédés que nous avons mis de l'avant aux SAE constituent une solution universelle. Cependant, nous sommes convaincus que le principe sur lequel ils sont basés, celui d'exiger des unités qu'elles se définissent des objectifs et d'organiser leur financement sur la base de ces objectifs, pourrait s'appliquer avantageusement à une plus grande échelle. D'ailleurs, l'université avait formé deux groupes de travail, GESER et GESA, sur la vocation enseignement et recherche et sur les services administratifs qui en arrivaient aux mêmes conclusions. Aujourd'hui ces rapports sont "tablettes".

M. Trépanier: En conséquence, nous recommandons: Que le gouvernement reconnaisse la nécessité d'instaurer une formule stable pour le financement des universités, afin que celles-ci puissent effectuer une planification de leur développement.

M. Raymond (Patrice): Que le gouvernement instaure une politique de financement des universités qui soit claire et transparente.

M. Richard (Sébastien): Que les universités évaluent les possibilités d'appliquer dans les plus brefs délais une politique de faire-faire, particulièrement dans le secteur des services auxiliaires.

M. Trépanier: Que les universités se dotent de mécanismes d'imputabilité, d'encadrement et de soutien au personnel administratif et s'assurent de l'application efficace et homogène des règles administratives.

M. Raymond: Que l'on incite les unités d'enseignement et de recherche à se fixer des objectifs, et que l'on en tienne compte dans la détermination du plan d'ensemble de l'université.

M. Richard (Sébastien): Que les universités qui n'en ont pas se dotent d'un guichet d'accueil unique pour répondre aux besoins des collectifs dans le cadre des services à la collectivité.

M. Trépanier: Que ces guichets d'accueil soient financés à même les budgets des unités d'enseignement et de recherche.

M. Raymond: Dans la détermination des enveloppes liées au développement des universités, que l'on tienne compte des priorités et des objectifs définis en vue d'un développement coordonné du réseau.

M. Richard (Sébastien): Afin d'assurer l'encadrement et l'exécution de ces politiques de concertation, que soit formé un organisme intermédiaire entre le gouvernement et les universités. Que la composition de cet organisme soit le reflet de la représentation des institutions et qu'il soit doté de pouvoirs décisionnels.

M. Trépanier: Afin d'assurer une planification souple et adéquate du réseau, que soit adoptée une politique permettant d'évaluer le degré de réalisation des objectifs de la planfication.

M. Richard (Sébastien): Pour favoriser l'efficacité et permettre l'évaluation de la planification, que les universités uniformisent leurs procédés de comptabilisation.

M. Raymond: Le deuxième objectif que devra poursuivre le mode de financement des universités est de contribuer à l'amélioration de la formation qu'elles dispensent. Qu'advient-il aujourd'hui des bénéfices mirobolants que l'on est censé retirer des études universitaires? Sous-emploi des compétences, excédent de l'offre de main-d'oeuvre hautement qualifiée par rapport à la demande, baisse des salaires des diplômés sont des phénomènes courants. La fréquence du retour aux études des diplômés, leur insatisfaction par rapport à leur emploi et à la formation qu'ils ont reçue révèlent des malaises sérieux.

La conjoncture économique n'est pas seule responsable de cette pénible situation. L'université a aussi failli à sa tâche. D'une part, la formation au 1er cycle demeure trop uniquement théorique, trop cloisonnée aussi pour répondre aux besoins du marché du travail. Si les universités ont perdu leur légitimité, c'est en partie pour cette raison. Les employeurs préfèrent de plus en plus l'expérience au diplôme, même universitaire.

M. Trépanier: Allier la pratique à la théorie constitue l'autre grand défi des universités. Les universités disposent d'un excellent moyen pour ce faire. En effet, les services aux collectivités sont pour les étudiants une excellente occasion de mettre en pratique leurs connaissances. La FAECUM en 1983, le Centre étudiant de services aux collectivités. Le CESC fait la liaison entre les groupes, les étudiants et les professeurs prêts à réaliser un projet. Les projets s'insèrent dans le cadre d'un cours et sont crédités. Ils permettent aux étudiants d'éprouver leurs connaissances et leurs compétences, et de prendre contact avec une réalité extérieure à l'université. La preuve, on peut remarquer la croissance importante

de demandes de projet au cours des trois dernières années et surtout la croissance de l'intérêt des étudiants, qui est en vert sur le graphique.

Les étudiants sont alors plus à même de juger, de comprendre et de relativiser les enseignements universitaires. C'est cela qu'exprime le slogan de notre CESC: Mettez du plomb dans votre bac... parce que l'expérience a du poids.

M. Raymond: Parler de l'enseignement au 1er cycle, c'est parler du professeur. Il est au centre de la question. Le cours est intéressant? Cherchez le profl Les étudiants écoutent avec intérêt, ils aiment leur cours, ils apprennent, ils comprennent? C'est grâce au prof.

Pourtant, l'enseignement à l'université ne bénéficie pas d'une réelle reconnaissance. Dans l'échelle des tâches professorales, il arrive en dernier lieu après la recherche et le rayonnement. La pédagogie est dépréciée. On croit à tort qu'à l'université la pédagogie devient soudainement inutile. Le jeune professeur a pour seuls modèles ses anciens maîtres. On l'a initié aux secrets de la recherche; on ne lui parle pas des rudiments de la pédagogie.

L'université n'est pas la seule responsable de la qualité douteuse des enseignements qu'elle dispense. Le mode de financement actuel ne donne pas le choix aux universités. La seule possiblité pour elles d'augmenter leur budget est d'accroître leurs clientèles. Cette politique a eu des conséquences néfastes sur l'enseignement. Les universités ont accueilli de plus en plus d'étudiants dans les secteurs moins coûteux pour réussir à financer les secteurs plus coûteux. Résultat: des classes surpeuplées, des étudiants mal encadrés, des professeurs démotivés. Là-dessus, l'Université de Montréal a commandé une étude qui est assez connue, qu'on appelle le rapport Lacroix, qui dit entre autres que 40 % des professeurs font 70 % de la recherche.

Nous croyons pour notre part qu'il est urgent de revaloriser l'enseignement universitaire. On entend souvent qu'un bon chercheur serait bon enseignant. En effet, nous croyons que tout bon chercheur peut devenir un execellent pédadogue.

Une évaluation continue, statutaire et formative de l'enseignement à laquelle participent les étudiants fait partie des moyens que nous suggérons pour revaloriser l'enseignement. Si le résultat de l'évaluation est versé au dossier du professeur, il saura aussi que l'on accorde une attention égale à toutes les facettes de son travail.

M. Richard (Sébastien): Dans la course au rattrapage dans laquelle s'est engagée le Québec en 1960, il est un secteur auquel il faudra consacrer encore beaucoup d'efforts: les 2e et 3e cycles universitaires. Il importe donc d'instaurer un mode de financement des universités qui permettra à celles-ci de se doter d'une stratégie cohérente de développement des clientèles des cycles supérieurs. Dans cette optique, il faudra tenir compte du coût de la formation dans chacun des secteurs et de la priorité à donner au développement de certains d'entre eux. Il faudra être attentifs à ne pas répéter les erreurs de la tentative de rattrapage au niveau du premier cycle. Il ne faut pas avoir comme seul objectif de faire des économies d'échelle en accueillant toujours plus d'étudiants aux cycles supérieurs.

Le développement des cycles supérieurs ne doit pas donner lieu à une croissance anarchique ni à une course aux statistiques avec l'Ontario comme il en a été pour le 1er cycle. Bien sûr, le nombre de diplômes accordés est important mais leur qualité l'est tout autant.

M. Trépanier: Amélioration de la formation, ouverture des universités aux collectivités, revalorisation et évaluation de l'enseignement, ces facteurs d'excellence affecteraient positivement la légitimité des universités et auraient, directement ou non, des effets sur leur financement et leur fonctionnement.

Les étudiants retireraient de leurs expériences dans le milieu une vision plus pénétrante de leur discipline et de la société. La polyvalence, l'adaptabilité, la mobilité des diplômés forceraient la reconnaissance par les employeurs de la qualité du diplôme universitaire. Des mécanismes de concertation et de collaboration avec l'entreprise accéléreraient ce phénomène. Il en résulterait pour les entreprises un avantage réel à collaborer avec les universités et peut-être à contribuer davantage à leur financement. Quant à l'enseignement, nous croyons qu'il importe d'en faire un autre de ces facteurs d'excellence dont les universités sont fières. Il leur revient de s'assurer de la qualité des diplômes qu'elles décernent.

En conséquence, nous recommandons: Que les universités tiennent compte de l'importance d'une formation polyvalente dans la poursuite de la réflexion amorcée sur la généralisation des programmes de 1er cycle.

M. Richard (Sébastien): Que soit maintenu ou établi dans chaque programme de 1er cycle des universités au moins un cours qui permette aux étudiants d'effectuer un projet de services aux collectivités, et que ce projet soit crédité.

M. Raymond: Que les universités repensent leur système d'engagement et de promotion des professeurs de façon à instaurer un meilleur équilibre entre leurs

deux missions: enseignement et recherche.

M. Trépanier: Que les universités qui ne l'ont pas encore fait instaurent et mettent en opération une évaluation continue, formative et statutaire de l'enseignement.

M. Richard (Sébastien): Que les universités mettent toutes les ressources pertinentes à contribution pour développer la recherche sur des méthodes pédagogiques efficaces pour améliorer l'enseignement universitaire.

M. Raymond: Que soit créé dans chaque université un fonds d'excellence à l'enseignement afin de valoriser ce rôle chez les professeurs et dans la société. Qu'à même ce fonds des bourses d'excellence soient attribuées aux professeurs dont les compétences pédagogiques auront été reconnues par le mécanisme de l'évaluation de l'enseignement. Que ce fonds soit financé à même le budget d'enseignement des universités.

M. Trépanier: Que le gouvernement instaure une méthode de financement qui permettra aux universités de se doter d'une stratégie cohérente de développement de ses clientèles des 2e et 3e cycles.

M. Richard (Sébastien): Le troisième objectif que devraient poursuivre les universités de façon à augmenter leur légitimité et à bonifier leurs activités est d'instaurer une certaine concertation avec les entreprises. (15 h 30)

Cela pourrait se faire d'abord dans le domaine de la recherche. II y a trois types de recherche. La recherche fondamentale est le propre de l'université. La recherche appliquée relève actuellement de l'entreprise; l'université, la considérant trop mercantile, ne s'y attarde guère. La recherche-développement est axée davantage sur la technologie de pointe. Ici, l'université entre en compétition avec les centres privés et gouvernementaux.

L'université favorise trop la recherche fondamentale et pas assez les deux autres types de recherche. D'ailleurs, il n'y a que 1,4 % du PNB au Canada qui est investi dans la recherche-développement, alors que dans les pays industrialisés il y a de 2,4 % à 2,8 % du PNB. Il y a donc là un retard qui devra être comblé.

Pour l'université, la concertation se traduit, entre autres, en une diversification des sources de financement, en une légitimité décuplée, en sujets de recherche multipliés, en expériences de travail plus intéressantes, en rayonnement et en capacité d'attraction des meilleurs cerveaux.

Pour la société, elle peut se traduire en une relance de l'économie nationale ainsi qu'en une compétitivité accrue au niveau mondial, ce qui est plus probant encore si on réussit à développer de nouveaux créneaux de production, à améliorer les exportations, etc.

M. Trépanier: La concertation entre l'université et les entreprises n'aurait pas que des effets sur la recherche, mais aussi sur l'aspect enseignement de l'activité universitaire. Les employeurs ont perdu confiance envers les diplômes universitaires. Ils ont trop vu de ces diplômés mal préparés au marché du travail par un programme de formation trop éloigné de ses réalités. M. Jacques Daoust, alors du groupe SNC, résume bien cette tendance.

M. Raymond: Que les jeunes ne craignent pas d'interrompre leurs études pour faire un saut sur le marché du travail. Notre candidat idéal a terminé un DEC technique et a travaillé quelques années avant de poursuivre ses études à l'université. Cet ingénieur n'aura pas peur de se salir les mains. Le pire candidat, immanquablement refusé, c'est le jeune brillant qui enfile un DEC, un bac, une maîtrise et un doctorat. Celui-là, qu'il reste à l'université dans la recherche.

M. Trépanier: II est essentiel de rétablir la confiance des employeurs envers l'université, parce que le secteur privé sera encore pendant des années le principal débouché pour les diplômés universitaires, le secteur public ayant atteint depuis longtemps, on le sait, son point de saturation. Il faut donc instaurer des mécanismes de concertation entreprises-universités qui permettront à ces dernières d'adapter leurs programmes de façon à développer chez les étudiants des qualités essentielles sur le marché du travail, telles la polyvalence, la capacité d'adaptation et la mobilité. Ce faisant, l'université améliorera la formation qu'elle dispense et contribuera à rétablir sa légitimité dans la société. Cependant, il faut éviter d'orienter les universités exclusivement en fonction des besoins des entreprises. C'est par la concertation avec les entreprises et par les services aux collectivités que l'université réussira à développer une interaction constante avec son milieu. À ce moment, l'université se définira des objectifs qui seront beaucoup plus en accord avec les réalités sociales.

En conséquence, nous recommandons: Que les organismes subventionnaires de la recherche revoient le mode d'attribution des fonds basé sur la réputation du chercheur afin d'établir des politiques favorisant l'émergence de jeunes chercheurs.

M. Raymond: Que l'on garantisse aux

organismes subventionnaires de la recherche une enveloppe minimale indexée annuellement sur une période de cinq ans, afin de leur donner les moyens d'effectuer une planification.

M. Richard (Sébastien): Que les organismes subventionnaires et les universités établissent des mécanismes de reddition de comptes qui permettent d'effectuer une véritable évaluation continue et d'assurer un suivi des projets de recherche.

M. Trépanier: Que les universités et les professeurs révisent leur convention de travail de façon à permettre des échanges soutenus entre l'entreprise et l'université en matière de recherche-développement, que ce soit, par exemple, partage du temps de travail, échange de personnel, dégrèvement de professeurs-chercheurs, etc.

M. Raymond: Que le gouvernement utilise davantage les ressources des universités dans le domaine de la recherche plutôt que de faire lui-même sa recherche via les organismes gouvernementaux.

M. Richard (Sébastien): Que le gouvernement établisse des incitatifs fiscaux à l'intention des entreprises et des particuliers qui investissent dans les universités.

M. Trépanier: Que les universités réfléchissent à des mécanismes visant à établir une concertation avec les entreprises en matière de programmes.

M. Raymond: En guise de conclusion, maintenant, nous n'avons pas voulu ici pénétrer plus avant dans l'univers complexe d'un mode de financement. D'autres que nous peuvent beaucoup mieux en définir les mécanismes. Cependant, le seul rétablissement mécanique de la formule de financement actuel, même si le budget des universités était augmenté, ne peut régler le problème des universités, lequel dépasse de beaucoup les considérations financières. Si l'État a pu si facilement sabrer dans le budget des universités, et si en retour les universités ont pu si difficilement défendre l'intégrité de leurs enveloppes budgétaires, c'est qu'une crise plus profonde se cachait derrière le marasme financier.

II appartient maintenant à la communauté universitaire et au gouvernement de redéfinir le rôle et les objectifs des universités, de réaffirmer la place qu'elles occupent dans le développement de la société et d'instaurer des moyens qui permettront de réaliser ces objectifs. Si on se dérobait à cette réflexion, si le mode d'attribution des budgets des universités était établi sans qu'en même temps soit défini un plan de revalorisation ou de dynamisation des universités, nous croyons que les problèmes actuels referaient vite surface, même si le budget des universités était plus volumineux. Ces problèmes seraient alors si complexes, si douloureux qu'il serait encore plus difficile d'y apporter des solutions.

M. Richard (Sébastien): Diversifier les sources de financement des universités et bonifier leur mode de financement sans se pencher sur la crise de légitimité qu'elles vivent serait commettre une grave erreur.

On s'étonnera que nous n'ayons pas abordé la question des frais de scolarité. La FAECUM a déjà rendu publique sa position là-dessus. Hausser les frais de scolarité ne réglerait rien à la crise de légitimité des universités. Ce ne serait que cautionner un statu quo qui perpétuerait les problèmes actuels des universités. Celles-ci doivent remettre en question leurs pratiques administratives, leur rôle social et la qualité de leurs programmes. Il faut plus que de l'argent pour réaliser cela. Il faut des incitatifs et surtout de la bonne volonté.

Nous demeurons convaincus qu'une augmentation des frais de scolarité décrétée aujourd'hui nuirait davantage aux universités qu'elle ne les aiderait. Soulagées un moment par une augmentation de leurs revenus, les universités négligeraient de se pencher sur l'origine de leurs problèmes. Une hausse des frais de scolarité aurait donc des effets néfastes sur les objectifs que doivent poursuivre les universités.

Il est illusoire de croire que la hausse des frais de scolarité amènerait les entreprises à contribuer davantage au développement des universités si on ne met pas en place des moyens pour qu'elles reconnaissent d'abord la valeur du diplôme universitaire. Et nous croyons toujours qu'une hausse des frais de scolarité mettrait l'accessibilité en danger dans un contexte où les bénéfices que l'on retire d'études universitaires ne sont plus si évidents et où la qualité de la formation laisse à désirer.

M. Trépanier: Nous savons que les solutions que nous avançons n'ont rien de nouveau. Ces réflexions, d'autres les ont faites. Si les universités n'ont jusqu'ici pas pu et parfois pas voulu se prévaloir des moyens qui leur étaient proposés, c'est en partie parce que les conditions ne se prêtaient pas à un véritable dialogue. Ce dialogue, il est maintenant essentiel de l'entamer. Ces moyens, il est possible de les mettre en oeuvre par un mode de financement qui les respecterait et les encouragerait.

Les suggestions incluses dans ce mémoire visent à contrer le relâchement de la gestion dans les universités, à planifier le développement du réseau, à améliorer la formation et à affirmer le besoin d'une

concertation entre les universités et le milieu. La poursuite de ces objectifs aura, croyons-nous, pour effet de redonner à l'université la légitimité qu'elle a perdue. Que l'université dispense une formation adéquate, qu'elle s'engage véritablement dans les services aux collectivités, qu'elle améliore sa collaboration avec l'entreprise et elle n'aura plus à s'inquiéter de son rayonnement. La planification du réseau maximisera les possibilités des universités et favorisera l'exploitation de leur potentiel. L'approche que nous avons adoptée indique à quel point nous croyons à ce potentiel des universités.

En adaptant des mécanismes adéquats, nous croyons que nos institutions pourront s'adapter aux exigences d'une société en perpétuel mouvement et qu'elles seront en mesure, enfin, d'envisager l'avenir d'un oeil beaucoup plus optimiste. Il suffit, en définitive, d'une simple dose de bon sens.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! À l'ordre!

Je vous félicite et je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Concernant l'observance de nos règlements, je dois vous informer qu'ici, comme à l'Assemblée nationale, peut-être malheureusement - je n'ai pas à en juger - les manifestations ne sont pas permises. Je veux bien être souple. Je comprends que vous soyez fiers et que vous soyez heureux d'une telle présentation. Je l'accepte, je le comprends, mais je ne pourrai pas l'accepter une deuxième fois.

Je donne maintenant la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Nous avons tous écouté avec intérêt la lecture que vous nous avez faite du résumé de votre mémoire qui traite plusieurs aspects du fonctionnement des universités, qui contient plusieurs critiques méritant d'être entendues. Il nous présente également des suggestions quant è des améliorations possibles dans le fonctionnement des universités. Je pense qu'il y a une bonne matière à examen dans tout cela. Vous pouvez être assurés que nous ferons l'examen qui s'impose.

Je voudrais vous poser une première question. Vous dites - là-dessus, j'ai un peu de misère à vous suivre: Ce n'est pas une crise financière, c'est une crise de légitimité. Cela m'inspire deux questions. Je vais commencer par la première. Si c'est une crise de légitimité au point que vous le dites, comment se fait-il qu'à la Faculté de droit, par exemple, il y a quatre fois plus de demandes qu'on peut accueillir d'étudiants?Comment se fait-il que, dans la plupart des facultés - on nous l'a dit ce matin - on est obligé de pratiquer le contingentement, parce que la demande... Il me semble que la meilleure réponse de la société aux services qu'offre une institution, c'est la demande qui va se produire pour les services de cette institution. Dans le cas en particulier de l'Université de Montréal, les renseignements que nous avons obtenus par d'autres témoignages indiquent que la demande est très forte, même qu'elle va bien au-delà de ce que l'institution est capable d'offrir. Comment expliquez-vous cela?

M. Trépanier: Bien, M. le ministre...

M. Ryan: II me semble qu'il y a bien des institutions qui ne trouveraient pas qu'elles sont en crise de légitimité s'il y avait une demande plus forte que celle à laquelle elles peuvent répondre. D'habitude, la crise de légitimité, cela vient quand il n'y a plus de demande pour vos services.

M. Trépanier: M. le ministre, j'éviterais de relier le surplus de demandes à la légitimité des universités. S'il y a plus de demandes des jeunes pour aller étudier à l'université, il faut bien situer cela dans le contexte social qui fait en sorte qu'en ce moment le principal débouché, sinon le seul débouché pour les jeunes, enfin celui qu'il peuvent espérer, c'est quand même l'université. C'est clair que les jeunes sont beaucoup plus intéressés à aller étudier à l'université, surtout qu'ils ont peut-être une chance d'avoir un emploi, au bout.

Nous parlons de crise de légitimité, M. le ministre, parce que, si l'on constate la difficulté à laquelle se heurtent les universités qui doivent faire des campagnes de financement, par exemple, si cela demande beaucoup d'efforts de les faire, si les entreprises ne viennent pas investir directement dans les universités, comme cela, sans qu'on leur demande et qu'on leur demande de façon répétitive, c'est qu'il y a un problème. Si les employeurs donnent une formation de deux ou trois années supplémentaires aux étudiants qu'ils engagent après l'obtention de leur baccalauréat, à ce moment-là, c'est parce que les employeurs ne reconnaissent pas tellement ce qui se fait à l'université. Si les entreprises, au Canada, se sont développé des mécanismes de recherche internes et font leur propre recherche, c'est qu'elles ne font plus confiance aux universités sur le plan de la recherche.

Donc, les universités semblent être un peu coupées du monde. Elles sont dans une tour. La recherche qu'elles font est trop fondamentale et pas suffisamment appliquée pour plaire aux entreprises. La semaine dernière, dans le Devoir, il y avait un sondage fait par la firme Angus de Toronto qui nous disait, justement, que la population québécoise considérait les universités comme un peu décrochées des vrais besoins et des réalités de la société. Sur ces points, nous

considérons que, si les universités ont des difficultés de financement par la suite et dans le moment, c'est bien à cause d'une crise de légitimité,

M. Ryan: Je vous avoue que j'ai du mal à suivre le raisonnement, mais je l'enregistre, en tout cas.

Maintenant, mettez-vous dans notre position. Vous dites: N'allez pas donner plus de ressources parce que le problème va vous revenir dans deux ou trois ans. Qu'est-ce que vous feriez pour l'année 1987-1988 si vous étiez à la place du gouvernement? Il faut préparer un budget. Les universités nous préviennent qu'elles ont besoin de plus d'argent. On va mentionner, à titre d'exemple, le montant qui a été évoqué par le Conseil des universités. Vous êtes prêts à donner un mandat élargi au Conseil des universités, on va en parler tantôt, il doit y avoir un peu de bon sens dans ce qu'il dit. Il dit: II faudrait mettre une somme de 150 000 000 $ - je pense que c'est ce qu'il a dît - pas tout d'un coup, mais sur une base de cinq ans cela équivaudrait à une injection annuelle de fonds additionnels de 150 000 000 $. Disons que c'est 100 000 000 $ pour la première année. Est-ce que vous suivriez l'avis du conseil ou si vous lui diriez: On va recommencer tout cela, on va faire de la concertation, vous allez réunir tout ce monde-là et, quand vous aurez fait cela, vous nous reviendrez?

M. Trépanier: Bien. La question qu'on peut se poser, c'est que, du court terme, on en fait depuis 1969. On renouvelle, on indexe d'année en année plus ou moins les budgets des universités et, finalement, depuis que des coupures sont apparues en 1979, il y a certains problèmes qui commencent à transparaître dans les universités. On voit des déficits récurrents qui se produisent un peu partout, sauf que depuis 1979 on ne s'est pas demandé pourquoi il y avait des déficits récurrents.

Il y a deux choses qui peuvent expliquer la récurrence de tels déficits. Ou bien, effectivement, il y a un sous-financement chronique des universités, ou bien, à ce moment-là, il y a certains problèmes administratifs et de gestion dans les universités; cela peut même être les deux en même temps.

La seule chose qu'on peut dire jusqu'à maintenant, c'est qu'on ne peut pas parler de sous-financement chronique avant d'avoir évalué réellement où va l'argent dans les universités et ce que l'on fait avec. Actuellement, on n'a aucun moyen d'évaluer l'output des universités. On connaît bien les sommes d'argent que l'on y met, mais comment peut-on évaluer l'output? Dans l'évaluation de la recherche, cela commence tout juste à se faire. Dans l'évaluation de l'enseignement, il y a bien des endroits où cela ne fonctionne pas du tout. On ne regarde pas non plus l'impact socio-économique que l'université peut avoir dans son milieu. Ce matin, à l'Université de Montréal, on disait que l'université avait un impact dans la région, le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, et la ville d'Outremont. Également, je pense que les universités en régions ont un impact socio-économique très grand.

Donc, c'est cela qu'il faut considérer. Pour pouvoir parler de sous-financement, il faut être capable de mesurer ce qui se produit. Si on dit que, avec les ressources qui sont investies, veux, veux pas, dans l'évaluation, on n'arrive pas à produire autant que l'on voudrait, à ce moment-là, on parlera de sous-financement. Mais, tant qu'on n'a pas fait cet exercice, M. le ministre, on ne peut pas parler de sous-financement, tout ce que l'on peut se dire, c'est qu'il y a des problèmes. Il faut peut-être s'attaquer à voir quels sont ces problèmes et quels sont nos objectifs si l'on veut les résoudre et dans quel sens on doit tes résoudre. (15 h 45)

C'est pour cela que nous avons trouvé quelques failles dans la gestion des universités. Nous ne voulons pas prendre l'Université de Montréal, la mettre devant tout le monde et la descendre aux yeux des autres universités. Ce n'est pas là le but de notre exercice. On présente des exemples pour démontrer qu'il faut prendre le problème des universités par le bon bout. Il ne faut pas commencer à mettre la charrue devant les boeufs en disant qu'il faut injecter des ressources et se poser des questions par la suite. Je pense qu'on doit se poser les questions maintenant si on veut pouvoir planifier à long terme parce que l'avenir de la société québécoise passe d'abord par l'avenir des universités.

M. Ryan: Je vous dis que je trouve votre langage bien général. J'essaie de suivre, encore une fois, et j'ai du mal. Je vous le dis franchement: Je n'aime pas à jouer les flatteurs, cela ne donnerait rien.

On nous a présenté ce matin des cas, l'un après l'autre. On nous a parlé de la Faculté de droit. On nous dit: Elle est financée à 60 % de ce que sont financées les autres facultés de droit dans des universités comparables, même dans les Maritimes, même dans les provinces de l'Atlantique, à plus forte raison en Ontario. Est-ce que je vais dire au doyen qui était ici ce matin: Allez faire un exercice de concertation et on viendra voir après cela si on va couper encore vos 60 % ou si on va les augmenter? Il me semble... Je ne sais pas, mais je pense qu'on doit se mettre à l'heure d'aujourd'hui aussi. Il y a des études qui ont été faites ailleurs également. En

Ontario, il y a une commmission d'étude qui a siégé pendant deux ans, la commission Bovey. Vous avez probablement lu son rapport avant de préparer le vôtre. On en est arrivé à des conclusions très proches de celles qu'on nous a présentées depuis deux semaines à la commission. Je suis enclin à penser dans cette voie-là et je me dis: Cela ne se peut pas que tout ce monde-là soit une bande d'imbéciles qui n'ont pas étudié leur sujet avant de nous en parler. C'est pour cela que je vous pose cette question-là. Je vais vous en poser une pire. Je pense que vous allez admettre avec moi que la Faculté de droit, c'est sous-financé. À la Faculté de médecine, les chiffres qu'on nous a présentés, à moins qu'ils ne soient faux, parlent un langage éloquent. Je suis obligé de vous demander: Où allez-vous prendre cet argent dans le budget de l'université pour le mettre là s'il y a de la mauvaise gestion?C'est cela que je voudrais savoir.

M. Trépanier: Pour la première partie de votre question, je pense que vous avez mal interprété mes paroles. Lorsque je dis qu'il faut se fixer des objectifs et évaluer ce qui se passe dans les universités pour pouvoir planifier, je pense, M. le ministre, qu'on vise ce qui se passe réellement dans l'université. Je vous demande, M. le ministre: Êtes-vous au courant de ce qui se passe dans les universités? Êtes-vous au courant comment, à la Faculté de droit, justement, que vous dites sous-financée, on fonctionne dans cette faculté, comment les professeurs sont évalués, comment les ressources sont évaluées, connaissez-vous tout le fonctionnement de la faculté pour pouvoir dire que cette unité est sous-financée? Le savez-vous, M. le ministre?

M. Ryan: Vous savez, c'est à vous de venir nous renseigner aujourd'hui. Je vous dis: On m'a dit ce matin...

M. Trépanier: M. le ministre, je m'excuse. Nous sommes des étudiants et vous avez...

M. Ryan: M. le Président...

M. Trépanier: ...combien de fonctionnaires, M. le ministre, à Québec...

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, monsieur...

M. Trépanier: ...qui ont à faire ce travail?

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît!

M. Ryan: M. le Président, on nous a affirmé ce matin... Il y avait un document dans ceux qui nous ont été présentés. Pour quelqu'un qui sait lire, le verdict, c'est le sous-financement pour la Faculté de droit. Si vous me dites que ce n'est pas vrai, je vous demande: Prouvez-le moi.

M. Richard (Sébastien): Comment pouvez-vous nous affirmer que Ja faculté est sous-financée? Je ne veux pas remettre en question la bonne foi du document, sauf qu'il me semble que pour affirmer qu'il y a sous-financement il faut qu'on donne une analyse comptable et chiffrée des éléments qui disent qu'effectivement c'est sous-financé. Je viens d'un secteur de l'université où on a fait cet exercice. Alors qu'on disait en 1979 que l'unité des services aux étudiants, était sous-financée, on se rend compte qu'aujourd'hui c'est le secteur qui est excédentaire à l'université et on n'a pas augmenté les cotisations, contrairement à ce qu'on nous demandait de faire. Il me semble que c'est un exemple probant. Si vous voulez des chiffres, j'ai tous les sujets budgétaires ici. Ils sont tous là. C'est 6 000 000 $ à l'intérieur de l'université. Si vous voulez savoir à quoi servent 100 000 $, je vais pouvoir vous le dire. Par contre, dans une faculté, on ne pourra pas vous le dire, et l'université ne pourra pas non plus vous ie dire.

M. Ryan: Si vous me dites que les dirigeants d'université ou de collège sont probablement meilleurs pour administrer les programmes d'études que des cafétérias, je suis prêt à vous suivre. Je pense que c'est un raisonnement qui se tient bien. Mais là on discute d'abord des grands services qui offrent des programmes d'études universitaires à la population. On est en face d'une preuve qui est assez impressionnante. Vous nous dites que c'est un problème de rationalisation et de concertation. Je vous dis que j'ai du mal à comprendre et je pense vous l'avoir dit assez clairement.

M. Richard (Sébastien): Cela me surprend toujours, permettez-moi de vous le dire, parce que j'écoute encore ce que vous nous dites et je ne vois toujours pas d'affirmation de chiffres qui me permette de dire: Oui, c'est sous-financé pour telle ou telle raison. Je ne vois pas ces raisons. Je ne les perçois toujours pas. Pour qu'on puisse me dire que c'est effectivement sous-financé il va falloir qu'on arrive avec une analyse chiffrée qui dit: En fonction de nos objectifs, en fonction du personnel qu'on a, en fonction également des demandes qu'on a de notre clientèle, voici les montants qu'il nous faut. Je n'ai toujours pas vu cela. Ce n'est pas une simple question de gestion de cafétéria et de concertation, c'est une question de gestion responsable.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

D'autres interventions? Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M, Trépanier, messieurs, cela me fait plaisir de vous saluer et de vous souhaiter la bienvenue au nom demna formation politique.

Quelques remarques. Le ministre, me semble-t-il - probablement parce qu'il a conservé certaines qualités ou certaines attitudes de professeur, de se faire toujours très exigeant vis-à-vis des étudiants - a tendance à leur demander de faire des démonstrations très fines de ce qu'ils avancent alors qu'il ne m'a pas semblé avoir les mêmes exigences à l'endroit d'organismes qui sont venus présenter ici des mémoires en appuyant les recommandations du rapport Gobeil qui, faut-il le dire, ne me semble pas très étayé.

M. Jolivet: Effectivement, des sages.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Ce sont des sages.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette... Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole. Je regrette, je m'excuse, le député de Laviolette vous a coupé la parole.

Mme Blackburn: Ce n'est pas l'objet de l'échange de propos et, si vous permettez, je ne commenterai pas longtemps votre mémoire. Je préférerais vous laisser plus de temps pour répondre à certaines questions.

Vous rappelez cependant dans votre mémoire - ce qui m'apparaît élémentaire -qu'avant de s'interroger sur le niveau nécessaire de financement encore faut-il qu'on ait clairement affirmé des émissions. Cela nous permettra de déterminer le niveau et ensuite on pourra parler de règles d'allocation. Ici, on confond souvent l'ensemble et je trouve cela préoccupant.

Par ailleurs, vous avancez un certain nombre de choses. Je voudrais revenir sur une qui, je dois dire, reflète - je pense bien - une tendance générale chez les étudiants, mais me laisse toujours un peu songeuse, pour ne pas dire inquiète: c'est cette préoccupation que vous avez de vouloir coller la formation aux besoins du marché du travail. Par ailleurs, là-dessus, votre mémoire - je dirais - n'est pas... Vous dites que cela demande une solide formation de base, ou fondamentale - je ne me rappelle plus l'expression que vous utilisez, et je vais la retrouver - et ensuite, vous dîtes d'une université qu'une formation branchée sur le milieu réussira à obtenir plus de financement. On retrouve cela aux pages 12, 13, 14, 19, 20 et 22. Il faut dire que j'ai regardé le mémoire et j'ai essayé de voir ce que je pouvais en dégager.

Je comprends votre préoccupation. Vous semblez faire un rapport étroit entre la capacité de se trouver un emploi et la qualité de la formation. Le chômage actuel n'est pas dû à la faiblesse de la qualité de votre formation, mais au chômage. Si on pouvait me démontrer demain matin qu'il y a 10 000 emplois au Québec qui ne trouvent pas preneur faute de compétence, je comprendrais mieux votre préoccupation. Une formation trop collée sur le marché du travail ne deviendra-t-elle pas rapidement dépassée? Par ailleurs, lorsque vous suggérez, comme moyen de mieux se coller au marché du travail, de mieux comprendre sa dynamique, les centres étudiants de services communautaires, je trouve ce projet extrêmement intéressant.

Une première question: Ne craignez-vous pas, à tant vouloir vous coller sur l'entreprise et sur le besoin du marché du travail, de vous retrouver au sortir de l'université, pas plus de deux ans plus tard, avec une formation qui serait quasiment dépassée, surtout dans certaines technologies de pointe où, on le sait, cela évolue très rapidement?

La seconde question: J'aimerais que vous me parliez de votre projet de centres étudiants de services communautaires pour me dire dans combien de programmes il est implanté chez vous, comment cela fonctionne et ce qu'est votre plan de développement.

M. Trépanier: Je ne crois pas que la façon dont on a présenté la formation universitaire soit que l'on branche tout sur l'emploi. Ce que nous disons, en fait, c'est qu'une formation au 1er cycle universitaire doit être une formation polyvalente de base qui permette à l'étudiant de développer des qualités qui sont la mobilité et la capacité d'adaptation, mais cela est aussi valable sur le marché du travail qu'en des études de 2e et 3e cycles; en fait, c'est valable en tout temps. Je pense qu'on a une société qui change beaucoup, mais à ce moment-là ce sont des qualités que même les employeurs recherchent. Les grandes entreprises ont adopté de plus en plus le système où ils nous font changer de place souvent, à tous les deux ans environ, dans l'entreprise. Donc, il faut pouvoir être mobile, il faut pouvoir s'adapter, il faut être polyvalent. C'est ce que nous demandons comme formation à l'université.

Lorsqu'on dit que les problèmes d'emploi ne sont pas du tout reliés à la formation universitaire, je crois qu'il faut faire attention. Les universités ont quand même un rôle - lorsqu'on parlait d'affirmation des missions - de développement, de moteur dans la société. Je pense

qu'elles doivent arriver à développer de nouveaux créneaux, de nouveaux secteurs où, finalement, il risque de déboucher quelque chose dans la société, il risque d'y avoir des retombées concrètes.

Lorsque le RAEU, la semaine dernière, vous disait qu'en sciences humaines et sociales la formation semblait décrocher parce qu'on ne parlait pas du tout de virage technologique, c'est un exemple. Il y a plein d'emplois, je crois... Ce n'est pas un voeu pieux ou un souhait; c'est officiel et il y a des gens qui ont écrit des livres là-dessus. On dit que les gens des sciences humaines et sociales pourraient facilement appliquer leur science à des problèmes du virage technologique qui se vivent aujourd'hui. L'université a le rôle fondamental de développer ces nouveaux secteurs, je crois, et, par conséquent, de développer de nouveaux emplois. Je relie cela encore une fois è la crise de légitimité. L'université a un rôle important à jouer dans notre société, je pense qu'il faut en être parfaitement conscient. Voilà un de ces rôles. Elle doit jouer le rôle de moteur dans la société, et non pas être dépendante et à la remorque des entreprises.

Pour ce qui est - je ne me rappelle plus tellement - du Centre étudiant de services aux collectivités...

Mme Blackburn: Je demandais si c'était bien accepté dans les différents départements et dans combien de programmes on se servait de ce projet pour nous assurer un...

M. Trépanier: Actuellement, c'est encore et toujours un projet étudiant simplement. À chaque projet qu'un étudiant doit faire, l'étudiant, son professeur et nous devons effectuer des démarches pour l'aider à faire créditer son projet dans le cadre d'un cours, dans le cadre de son programme. À ce moment-là, cela rend toujours un peu plus difficile... Sauf que, comme on l'a constaté tantôt sur les tableaux, l'intérêt des étudiants monte de plus en plus. À ce moment-là, je pense que nous - le CESC -faisons un effort important dans ce sens, effort que l'université devrait récupérer. On est tout à fait favorables à ce que l'université récupère ce concept et l'applique.

En ce qui concerne les programmes où c'est appliqué, il y a des projets qui se font dans la plupart des programmes, sauf peut-être certaines disciplines. Elles sont quand même assez rares, mais il y a des disciplines comme les mathématiques, par exemple, où les groupes populaires ne sont pas vraiment sensibilisés à ce qu'ils peuvent faire avec un mathématicien. Même dans des disciplines comme les sciences, il y a des étudiants de Polytechnique qui ont déjà fait un projet CESC. Il y a moyen de faire des projets en chimie, en biochimie, etc. Je pense que cela tend à s'implanter rapidement. Il y a même plusieurs professeurs de l'Université de Montréal qui se préoccupent de l'importance à donner aux services aux collectivités et ils y participent activement. C'est en train de s'implanter graduellement. On y met notre bonne volonté. Il suffit que tout le monde y mette sa bonne volonté et cela va finir par donner quelque chose de très intéressant.

Mme Blackburn: J'ai peut-être une question sur le financement. Comme le ministre vous le disait tout à l'heure, je pense que la plupart des intervenants - pour ne pas dire la très grande majorité - sont venus nous faire la démonstration que l'université souffrait de sous-financement, en partant de données comparatives particulièrement avec l'Ontario et en partant de la situation qui était la leur il y a sept, huit ans environ. Ces deux comparaisons leur permettaient de nous dire que les universités étaient sous-financées.

Par ailleurs, vous dites - et je pense que cela se tient aussi - qu'il y a peut-être des données qui vous manquent pour porter un tel jugement. On pourrait peut-être même penser, si je suis votre jugement, que celles de l'Ontario sont surfinancées aussi, étant données qu'elles sont plus financées que les nôtres. Je n'irais pas jusque-là. Je ne voudrais pas vous amener... On va essayer de régler les problèmes des universités du Québec sans déborder sur celles de l'Ontario.

Vous parlez de problèmes de gestion. Vous avez fait état tout à l'heure de ceux des services auxiliaires où vous avez réussi à effectuer un redressement remarquable, je pense bien, des services aux étudiants. Dans l'hypothèse où il y aurait effectivement un sous-financement, vous invitez les universités à diversifier leurs sources de financement. Vous dites: Une des façons de le faire, c'est davantage de donner un enseignement de qualité, que les entreprises aient à nouveau confiance aux universités, que les universités pourront ainsi obtenir de bons contrats de recherche... Autrement dit: Donnez-leur en même temps des incitatifs, des avantages fiscaux, qui vont les amener à investir dans les universités. (16 heures)

À présent, j'ai deux inquiétudes et j'aimerais avoir votre réaction. Une première: N'y a-t-il pas un danger à trop coller nos universités aux entreprises et, surtout, d'aller y chercher une part importante de financement? La seconde: En vertu de quel principe faudrait-il, je dirais acheter la participation des industries et des entreprises par des incitatifs fiscaux? Je vous rappelle un peu les chiffres que je livrais ce matin. Vous étiez peut-être dans la salle. Selon un rapport qui a été rendu public ce matin, il y a 79 000 entreprises au Canada qui ont des revenus qui totalisent

14 000 000 000 $ et pour lesquels elles n'ont payé aucun impôt. Pourquoi faudrait-il encore, pour avoir leur collaboration, instaurer des incitatifs fiscaux? Est-ce qu'on pourrait penser éventuellement à une collaboration qui soit plus de l'ordre de l'impôt qui n'est pas distribué directement à l'université, mais qui est distribué par le biais du ministère de l'Enseignement supérieur qui, lui, voit è le distribuer de façon équitable et selon des priorités qu'on se serait données?

M. Raymond: Mme la députée, je pense qu'en 1986, on ne peut pas se permettre de dire que les universitaires vont à l'université pour leur seul plaisir. Que l'université soit une tour d'ivoire, dans le contexte actuel, je pense que c'est complètement irresponsable. De là à accrocher l'université à la remorque de la société, cela résulterait d'un autre déséquilibre aussi. Je pense qu'il y a un juste équilibre a obtenir. Améliorer notre formation, la rendre plus polyvalente, selon moi, c'est essentiel. Mon collègue mentionnait que, lorsqu'on sort de l'université, nous, les diplômés, et que l'entreprise, peu importe l'organisme qui nous emploie, est obligée de nous former une deuxième fois pendant deux ou trois ans, je pense que cela explique un peu que les entreprises soient peu intéressées à contribuer au financement des universités actuellement. Améliorer, je pense que cela peut attirer ces financements.

Vous disiez qu'en Ontario, par exemple, la situation n'est pas meilleure. J'en profite pour glisser un mot là-dessus. Oui, un certain effort a été fait en Ontario pour rapprocher les universités du milieu, un certain effort, oui, disons-le, un peu plus grand que ce qui a été démontré ici. Cela fait dix ans qu'on parle de rapprocher l'université du milieu. Regardez où on en est. Par contre, on a parlé aussi de diversification des sources de revenus. En Ontario, les frais de scolarité sont du double ou du triple et la situation n'est pas meilleure dans les universités ontariennes. Je me pose la question, à savoir si une mesure comme celle-là peut réellement améliorer le sort des universités. Je pense qu'un rapprochement avec le milieu une amélioration de la formation sont des choses concrètes que le milieu autant que ceux qui prennent la chance d'aller à l'université veulent. Cela se traduit concrètement à moyen ou à long terme en des impacts économiques et sociaux pour toute la société.

Mme Blackburn: Oui, mais vous n'avez pas vraiment répondu à ma question.

M. Trépanier: Je pourrais peut-être préciser.

Mme Blackburn: Oui. Combien a-t-on de temps?

M. Trépanier: Je crois que vous avez compris qu'on considérait que les universités étaient un peu surfinancées alors qu'on considère plutôt qu'elles sont mal financées. Pour nous, la formule historique financement depuis 1969, justement, et qui varie d'année en année, soit par le financement des clientèles nouvelles, les prélèvements qui sont faits ici et là...

Mme Blackburn: Ce n'était pas cela, ma question.

M. Trépanier: ...empêche les universités de planifier, empêche les universités de mettre en place, justement, ce qui a été réfléchi depuis plusieurs années. Donc, le gouvernement a tout avantage à changer cela. Nous, on considère qu'il y a également un parfait déséquilibre dans le financement actuel, c'est-à-dire que l'État finance presque entièrement les universités. Il faut quand même ne pas exagérer dans ce sens. Mais je pense que cela peut seulement être profitable à toute la société que les entreprises, les gens qui peuvent faire leur part, puissent la faire.

Mme Blackburn: Selon une étude qui nous a été présentée ici venant du Conseil de la science et de la technologie, il est démontré qu'aux États-Unis et en Ontario particulièrement, le financement qui vient de l'entreprise est de l'ordre de 3,9 % et au Québec, de 3,3 %. Vous parliez d'autres sources de financement. Le ministre en a une et ce sont les frais de scolarité. Vous parliez de diversification tout à l'heure en disant que c'est vrai que l'État en portait beaucoup. Il y a eu là-dessus un sondage qui a été rendu public la semaine dernière. On a essayé d'attirer l'attention sur les effets d'une hausse des frais de scolarité, par exemple de les porter du simple au double, sur l'accessibilité. Il semble que votre sondage le démontre. Il y a également un sondage qui a été fait dans une de nos provinces, je pense que c'est au Manitoba, qui démontre que 76 % des Canadiens et 77 % des Québécois seraient contre une hausse des frais de scolarité. À cela, le ministre qui a toutes les réponses, nous dit: C'est bien sûr que, si on vous demande une hausse de taxes, tout le monde sera contre, parce que ce sont eux qui les consomment. Le sondage a été fait sur toute la population et pas nécessairement la population qui fréquente l'université, ce qui me semble nuancer un peu l'affirmation du ministre. J'aimerais que vous me parliez un peu de ce sondage et des résultats.

M- Longval (Stéphane): On peut tout de sui-

te remarquer au tableau les impacts d'un dégel des frais de scolarité qui ont été mesurés par rapport à notre sondage qui a été fait dans la population étudiante universitaire du Québec. Je pense que ces données sont intéressantes. Il nous dit tout d'abord qu'au moins 27 000 étudiants abandonneraient leurs études, 35 000 étudiants à temps plein seraient forcés d'étudier à temps partiel et, ce qui est encore aussi grave dans le contexte actuel, selon moi, 26 % des étudiants qui prévoient actuellement poursuivre leurs études aux 2e et 3e cycles se contenteraient d'un baccalauréat. Je pense que l'emphase est mise depuis un certain temps sur les études supérieures aux 2e et 3e cycles. C'est là une répercussion très importante.

Sur quoi se sont basés les étudiants pour répondre? On peut voir que 76,6 % des étudiants n'ont aucune bourse, 71 % n'ont aucun prêt et, ce qui est intéressant aussi, 59 % ne reçoivent aucune aide familiale. Les autres données sont aussi intéressantes. Je pense que les répercussions ne seraient pas catastrophiques - je n'aime pas employer un mot trop fort - mais auraient un impact très important sur l'accessibilité.

Ce qu'il faut mentionner aussi par rapport à une hausse des frais de scolarité, je pense que cela est assez clair dans la réponse de la population en général, des 77 %, c'est que selon nous cette hausse des frais de scolarité n'apporterait aucune véritable solution au problème présent. Ce que cela fera, selon nous, c'est de cautionner le problème présent, c'est-à-dire que les réformes qu'on demande aux universités, qui sont demandées depuis dix ans bientôt, ce n'est pas en leur lançant des millions par la tête qu'on va donner l'"incentive" à ces gens-là de pouvoir établir de véritables réformes. Je pense que les étudiants sont clairs là-dessus, on veut de véritables réformes. Je pense que ce n'est pas une attitude corporatiste que de dire qu'on est irresponsable par rapport à cela parce qu'on veut qu'il y ait des changements. Au contraire! Il y a une promesse du Parti libéral faite lors des dernières élections. J'aimerais que le gouvernement se tienne debout et ait un peu de courage politique pour conserver cette promesse-là. J'aimerais connaître les objectifs qui sous-tendent la promesse. Selon moi, la situation d'il y a neuf mois n'a pas changé dans les universités. Si on a promis le gel des frais de scolarité, c'est bien parce qu'on savait que cela n'améliorerait pas la situation des universités. En tout cas, j'espère que cette promesse a été faite considérant ces objectifs.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Longval. Je reconnais maintenant la députée de Groulx.

Mme Bleau: Merci, M. le Président. Vous proposez des réformes profondes dans les universités. Ne croyez-vous pas que certaines de ces réformes apporteraient de nouvelles dépenses, justement» au gouvernement et aux universités?

M. Trépanier: Non. Ce qu'on demande, en fait, c'est que les universités et le gouvernement apportent des réformes, soit dans la formule de financement ou à l'intérieur de la façon de gérer les budgets dans les universités pour réaménager les sommes qui sont là et surtout pour surveiller leur attribution. Cela ne coûte rien, il suffit de mettre en place des mécanismes et s'assurer de voir où va l'argent. Je pense qu'il y a suffisamment de ressources dans les universités dans le moment pour surveiller cela, évaluer ce qu'on fait des ressources investies à l'université et faire des recommandations, justement, pour que cela fonctionne mieux et qu'on s'améliore constamment. Toutes les ressources sont dans les universités, il suffit de les utiliser à bon escient.

Mme Bleau: Tout ce système que vous voudriez qu'on mette sur pied - les universités se plaignent de ne pas avoir les moyens de continuer comme cela va dans le moment - ne croyez-vous pas que le temps que cela prendra ne réglera rien ni pour les étudiants ni pour les universités?

M. Trépanier: Premièrement, il y a deux ans, on s'est retrouvé en commission parlementaire parce que la situation était, une fois de plus, criante. Cette année, on s'y retrouve encore, et, finalement, si on n'agit pas à un moment donné, si on n'a pas le courage politique d'agir, dans deux ans on va revenir ici et on va encore se parler du même problème. Je pense que là il faut que les universités prennent justement le temps de faire des réformes. II y a des organismes aussi qui ont le temps de les faire. Ces organismes c'est le Conseil des universités, par exemple. Nous on propose qu'il ait plus de pouvoir justement. Qu'il mette en place ces réformes, qu'il étudie ces réformes et qu'il ait plus de pouvoir pour les mettre en place. C'est cela qu'on recommande.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Trépanier. Je reconnais maintenant le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, pour une raison de temps on va aller tout de suite aux considérations du mémoire et aux questions. Moi aussi je vous félicite pour votre mémoire. Je pense qu'il est de qualité. Vous l'avez présenté avec énormément de détermination, probablement aussi en relation avec votre vécu personnel. La question de la

légitimité m'a frappé. J'aime les choses claires. Je ne l'aborderai pas nécessairement en termes de clientèle, en termes de demande parce que je trouve que c'est trop facile, compte tenu qu'il faudrait faire des analyses plus larges s'il y a tant d'étudiants que cela qui demandent des cours universitaires. Il y a un contexte qui explique cela. Il faudrait regarder d'autres dimensions, incluant les dimensions sociales et les difficultés au niveau de l'emploi. Au-delà de la question des clientèles, quand vous portez un jugement clairement à savoir qu'il y a une crise de légitimité dans le milieu universitaire, il n'y a rien de mieux que de nous dire qui sont les contestataires de la crise de légitimité. Si ce ne sont pas les étudiants et si ce ne sont pas les professeurs, c'est qui? Je voudrais très précisément que vous identifiiez un peu mieux par qui cela est contesté pour le moment, la situation des universités?

M. Raymond: Je pense qu'il y avait une indication tantôt. M. Ryan parlait des étudiants en droit qui avaient une grosse demande. Je pense qu'il faut aussi s'interroger sur la sortie, la valeur du diplôme. On a un tableau qui indique quelles sont les considérations des étudiants quant aux études universitaires. On voit que 42,5 % seulement des étudiants sont confiants de trouver un emploi dans leur spécialité après leurs études. Et 32,8 % se disent d'accord avec l'affirmation suivante: Je ne sais pas trop où vont me mener mes études. Cela témoigne d'une inquiétude profonde chez les jeunes. C'est également le résultat aussi de nombreuses portes closes que les jeunes ont trouvées sur le marché de l'emploi. Cela doit cesser. On veut avoir une formation qui va nous permettre d'avoir des jobs, de contribuer au progrès social et économique du Québec. On veut que cela commence dès maintenant.

M. Gendron: D'accord. Là-dessus, par contre, je tiens à vous dire que le fait que les étudiants soient inquiets face à l'avenir, c'est un problème beaucoup plus large que ce que vous avez appelé la légitimité des universités. Moi je voulais juste, par exemple, pour continuer dans cette veine vous demander si vous ne vouliez pas plutôt dire qu'à ce moment-ci il semble assez évident que les règles de financement doivent être revues. Bien sûr, probablement en termes d'ajout budgétaire, en termes de critères qui tiennent davantage compte de la réalité du vécu universitaire et en termes concrets parce qu'il y a plusieurs choix qui ont été suggérés. L'Université de Montréal, entre autres, nous a dit dans son mémoire: Nous on voudrait que la formule de financement soit envisagée sur le profil de chacune des institutions.

Moi, sans être un spécialiste de ces questions, je pense qu'il y aurait plutôt lieu de regarder davantage les coûts réels au niveau des programmes, des options et des facultés. Plutôt que d'avoir un financement "across the board", si vous me permettez ls'expression, il faudrait tenir compte des coûts réels des divers programmes parce qu'il y a des facultés, il y a des programmes académiques - sans embarquer dans toutes les nuances, mais vous comprenez le langage que je tiens, j'en suis sûr - qui sont plus dispendieux à offrir aux étudiants et on ne peut pas en imputer le coût aux étudiants et à d'autres facteurs si on veut conserver les critères d'accessibilité générale. Entre les deux modèles, une révision du financement axée sur le profil de chaque institution universitaire et une révision du financement axée davantage sur les programmes, sur les options et sur les facultés, quelle est votre préférence?

M. Raymond: Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas agencer les deux. Si on est capable de déterminer les différences entre les institutions et les différences entre les programmes, pourquoi n'y aurait-il pas un mode de financement différencié qui tienne compte de ces spécificités-là et qui tienne compte également du développement spécifique qu'on veut accorder à chacune des branches des universités et des programmes? C'est un peu la formule utilisée en Ontario, qui est le "basic income unit". C'est une formule utilisée depuis longtemps en Ontario. Cela a eu des résultats positifs. Nous, on est encore à l'âge archaïque du coût disciplinaire moyen et on a vu les résultats que cela a donnés, notamment au niveau de l'hypertrophie des sciences sociales, de la course aux clientèles que cela a provoqué et également l'ouverture des certificats où l'objectif fondamental c'était plutôt d'aller chercher du "cash" que de former du monde. Cela a eu des effets très néfastes et la responsabilité là-dessus incombe au gouvernement. (16 h 15)

M. Gendron: Dans votre mémoire, il y a un jugement - on le sent - il n'est peut-être pas clairement explicite partout, mais on sent qu'il y a un jugement sur la qualité de la gestion universitaire. On pourrait encore là pouvoir détailler davantage. Dans certains cas, cela veut dire: manque d'instruments d'évaluation, avoir offert" des services qui sont dispensés juste à côté.

Pour avoir jasé avec vous autres, entre autres, à l'Université de Montréal, vous prétendez que toute l'organisation est très bien offerte aux étudiants au niveau des services de santé, c'est peut-être un domaine dans lequel l'université n'avait pas tant à déployer de finances. Alors, que tout à côté dans le bassin montréalais, je suis convaincu

qu'il doit y avoir sûrement quelques possibilités pour les étudiants universitaires de bénéficier des services de santé au sens très large du terme. Mais, encore là, j'aimerais avoir des proportions. Quand on porte un jugement, il faut essayer d'établir vers quoi votre appréciation tend le plus, puisque il y a un jugement sur la faiblesse, de la gestion. Et vous admettez également, je pense, qu'il y a un problème de sous-financement universitaire.

Si on avait à quantifier les deux, en termes d'ordre de grandeur, est-ce que vous croyez que le problème est beaucoup plus grave au niveau universitaire à cause de la faiblesse de gestion ou à cause du financement? En termes de proportion, c'est 50-50, c'est 20-80, c'est 40-60? J'aimerais que vous portiez un jugement sur une espèce de proportion à établir entre, ce que vous appelez en filigrane constant dans votre mémoire, une faiblesse de gestion générale dans le monde universitaire et le sous-financement.

M. Raymond: Les deux questions sont très liées. Si on ne sait pas où va l'argent, on a de la difficulté à interpréter de quel ordre est le sous-financement. Cela dit, quand on critique la gestion des universités, on ne dit pas qu'on va aller chercher

I 000 000 $ là, 100 000 $ là, 100 000 $ là. Ce sont des économies de bas de laine. Il faut savoir d'abord et avant tout où va l'argent et pourquoi.

M. Ryan a dit clairement - c'était le 6 novembre - j'espère qu'il ne nous dira pas aujourd'hui que c'est une erreur: "Après avoir investi des ressources énormes dans l'éducation depuis vingt ans, la population québécoise ne dispose ni des données sûres, ni des instruments de mesure efficaces qu'il faudrait pour évaluer la performance du système québécois d'enseignement à tous les niveaux." M. Ryan a cerné le problème à ce niveau. S'il dit que la solution, c'est d'augmenter les frais de scolarité, il y a une contradiction flagrante, mais s'il retire ses propos, s'il dit aujourd'hui que c'est vrai, comme il le disait le 6 novembre, l'augmentation des frais de scolarité apparaît, à mon avis, tout à fait incompatible.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Raymond. J'invite le porte-parole officiel de l'Opposition à conclure au nom de sa formation politique, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

II est certain que quand on voit la réalité de l'enseignement universitaire par le biais des clientèles, comme je le disais à des groupes qui se sont présentés ici, cela revêt un intérêt particulier.

Tous, je le pense bien, probablement vous autres aussi, quand vous serez ces dirigeants d'entreprise ou d'école, il vous arrivera de penser que les étudiants sont fort exigeants ou encore qu'ils ne connaissent peut-être pas leurs questions. J'espère que vous vous rappellerez qu'ils sont indispensables à l'université, mais ils sont également indispensables pour l'avenir du Québec.

Le ministre voudra peut-être m'accuser de courtiser les étudiants, comme il l'a fait précédemment, mais je préfère, n'en déplaise aux aînés, voir l'avenir dans la jeunesse. Je trouve que cela demande beaucoup de courage pour venir nous dire ce que vous pensez. On peut ne pas partager entièrement votre analyse, je pense que c'est autre chose, mais je trouve que cela prend du courage de venir nous dire franchement ce que vous pensez sur des questions qui sont à la fois complexes, mais qui sont le lot quotidien avec lequel vous êtes obligés de vivre.

Je voudrais vous remercier de la qualité de votre présentation, de votre présence ici, de même que de la qualité de votre mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais remercier les dirigeants de la FAECUM d'être venus nous rencontrer, aujourd'hui. De notre côté, nous faisons assez confiance à la jeunesse pour lui parler franchement. Quand il y a des choses que nous ne comprenons pas, nous le disons et si une rencontre ne suffit point, nous en tenons d'autres. Par conséquent, il y a des points sur lesquels, de toute évidence, des éclaircissements importants font défaut dans des choses que j'ai entendues cet après-midi, je vous le dis en toute simplicité, et je vous dis que je suis ouvert à continuer cette discussion avec vous pour qu'on essaie de voir plus clair.

Je vous rappelle le problème auquel nous faisons face, le problème de sous-financement des universités. Nous étudions également le problème des orientations. Les autres choses que vous avez dites sont loin de nous laisser indifférents. Dans l'immédiat il y a un problème de sous-financement qui nous est posé, nous autres. Vous n'avez pas pris postion sur ce problème, c'est votre droit, je le respecte. Nous, je pense que nous serons obligés de prendre position sur le problème. Nous allons entendre les autres mémoires qui nous seront présentés et les autres points de vue qu'on nous permettra d'entendre et nous serons obligés de former notre opinion parce qu'on nous le demande. C'est l'ensemble de nos concitoyens qui nous le demandent, ce n'est pas inventé par

personne.

Vous avez fait allusion à notre programme. Cela m'intéresse toujours. Vous avez parlé de l'article de notre programme qui indique qu'il faudrait que nous ayons des systèmes d'évaluation plus solides à tous les niveaux du système d'enseignement. C'est absolument vrai. Nous avons déjà commencé à tous les niveaux à appliquer des pressions de différentes natures pour que l'on renforce les procédures d'évaluation. Je crois que c'est une des conclusions qui se dégageront des travaux de la commission: il faut dans nos universités renforcer les procédures d'évaluation. Nous avons commencé au niveau primaire et au niveau secondaire à faire des additions à des choses qui existent déjà. Je ne voudrais pas laisser sous-entendre, pour tout l'or du monde, que cette préoccupation commence avec nous. Je crois qu'elle est là depuis que le système d'enseignement existe, mais c'est évident qu'il y a des renforcements à instaurer. Nous cherchons des suggestions de ce côté. Ce ne sera pas imposé par le gouvernement. Il va falloir que chacun prenne ses responsabilités à son niveau. Nous n'entendons point introduire de sytème autoritaire dans toutes ces questions et surtout au niveau universitaire. Nous voulons que cela se fasse avec la participation et avec la concertation dont vous parliez d'ailleurs.

Maintenant, il y a une chose et je voudrais terminer sur cela. Pour être de bon compte je pense bien, vous faites bien confiance au Conseil des universités. Vous êtes prêts à lui confier un mandat immense. Je ne vous suis pas dans cela, entre parenthèses. Je pense que vous seriez prêts à lui confier même des responsabilités qui doivent rester celles du ministre, du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Le Conseil des universités n'est pas un corps élu. On ne peut pas lui transférer la responsabilité de décider de l'utilisation des fonds publics. On peut lui demander des avis, on peut lui demander des études, on peut lui demander des collaborations, mais on ne peut pas lui transférer cette responsabilité: c'est incompatible avec l'esprit de notre système qu'on agisse comme cela. C'est pour cela que je ne voudrais pas que vous entrevoyiez trop de possibilités de ce côté. Mais je suis content que vous ayez pensé au Conseil des universités parce que nous lui faisons confiance au point de prendre au sérieux les choses qu'il a dites à maintes reprises depuis quelques années sur la situation financière des universités.

C'est un des paradoxes qui m'étonnent dans votre présentation, que vous soyez prêts à lui faire confiance pour l'avenir et que vous n'accordiez aucune attention à ce qu'il a dit depuis sept ou huit ans. Je comprends que ce ne sera pas tout à fait le même conseil, il sera réformé, mais quand même!

Je crois que nous essayons de tenir compte de ce qu'il a fait. Nous avons bien confiance en lui pour l'avenir également. Je l'ai dit ici dès mon discours de présentation la semaine dernière. Sur cela je pense qu'il y a des points de vue qu'on aura à vérifier de plus près de part et d'autre. Peut-être que nous sommes plus proches de nous comprendre que le texte ne le laisse entendre. Cette partie du texte je l'ai étudiée avec énormément d'intérêt. Je me suis dit: II y a peut-être quelque chose dans cela qui est de nature à nous interpeller. Là je vous laisse avec un désaccord en toute franchise. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, Mme la députée. M. Trépanier, M. Longval, M. Raymond et M. Richard je vous remercie beaucoup. La commission permanente de l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

(Reprise à 16 h 28)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les députés à prendre place. La commission permanente de l'éducation va recommencer ses travaux incessamment. J'invite aussi les représentants du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal à prendre place à l'avant. Merci.

MM. les députés, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît! Si vous voulez libérer la table à l'avant pour que nous puissions accueillir le syndicat général.

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille le Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal. Le syndicat est représenté par son porte-parole, M. Paul Bratley, qui en est le président. M. Bratley, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission permanente de l'éducation de venir nous rencontrer pour nous aider à trouver des solutions en ce qui regarde l'orientation et le financement du réseau universitaire québécois.

Nous vous entendons aujourd'hui dans un esprit de continuité, puisque ce matin la commission parlementaire entendait l'Université de Montréal, l'Assemblée des doyens et il y a quelques minutes la Fédération des étudiants du campus de l'Université de Montréal.

Monsieur, nous vous invitons à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire.

S'il vous plaît, fermez les portes!

SGPUM M. Bratley (Paul): M. le Président,

mesdames, messieurs, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour pouvoir présenter ce qui sera un peu le point de vue d'un syndicat, mais ce qui sera beaucoup, je l'espère, le point de vue des professeurs qui sont pris dans cette bataille pour un financement adéquat des universités.

Nous sommes trois pour nous représenter aujourd'hui. À droite, Mme Monique Michaud, professeur ô la Faculté de médecine dentaire qui est actuellement et temporairement, comme nous tous, trésorière de notre syndicat. À gauche, M. Jean-Pierre Bourdouxhe, conseiller technique et qui constitue à lui seul tout notre armement de recherche au syndicat général des professeurs. Je m'appelle Paul Bratley, je suis professeur au département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'Université de Montréal, et, temporairement, aussi président du syndicat des professeurs.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie, M. Bratley. Je vous rappelle que la commission a environ une heure à consacrer à votre syndicat. La première partie consistera à la présentation de votre mémoire, et, par la suite, on pourra entreprendre l'échange de points de vue avec des membres de la commission parlementaire. Si vous jugez à propos de poser des questions ou de détailler certaines de vos réponses ou demander aux gens qui vous accompagnent, soyez bien à votre aise.

M. Bratley: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je veux aussi vous remercier d'avoir accepté de changer l'heure de présentation avec la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal, cela a aidé tout le monde. Je vous remercie.

M. Bratley: M. le Président, je vais faire un très court résumé de notre mémoire qui est lui-même très court, parce que vous avez entendu aujourd'hui et sûrement à d'autres moments aussi, des pluies de chiffres de toutes sortes qui démontrent le sous-financement chronique de toutes les universités du Québec et le sous-financement particulier de l'Université de Montréal.

Je dois commencer par dire que les membres de notre syndicat sont avant tout professeurs à l'Université de Montréal, et qu'aujourd'hui, pour une fois, le syndicat se trouve tout à fait d'accord avec les dirigeants de l'université. On appuie tout à fait ce que notre recteur a dit ce matin, on appuie tout à fait ce que nos doyens ont dit ce matin. Je crois qu'ils ont fait la preuve éloquente du problème de l'Université de Montréal, des particularités de l'Université de Montréal. Je n'ai ni envie ni besoin de répéter tout ce qu'ils vous ont dit ce matin. On est d'accord avec eux à 100 %.

Nous sommes aussi membres de la FAPUQ, la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, qui est venue avec d'autres syndicats, d'autres associations, la semaine dernière, je crois, vous présenter un mémoire au nom de tous les professeurs des universités du Québec. Je dois dire que nous avons eu l'occasion de voir ce mémoire et que nous souscrivons aussi au mémoire présenté au nom des associations et des syndicats de toutes les universités du Québec.

Je vais me contenter aujourd'hui de prendre seulement, j'espère, cinq à dix minutes au maximum pour vous dire quelques mots sur le climat, comment cela se sent actuellement d'être professeur à l'Université de Montréal.

Notre problème, je pense, c'est que nous ne voyons pas le bout du tunnel. Depuis plusieurs années déjà, nous avons l'impression que les universités et, en particulier, le corps professoral et les chercheurs subissent des coupures qui, depuis déjà un bon bout de temps, ont fait très mal.

Il est peut-être bon parfois de faire la diète pour une semaine ou un mois ou quelques mois. On perd un peu de poids et on se sent mieux à la fin de tout cela. À l'Université de Montréal, dans le corps professoral, actuellement, le sentiment est près du désespoir. Nous avons subi la diète si longtemps et appliquée de façon si féroce que nous commençons à croire qu'on va en mourir.

Vous avez, dans votre pluie de chiffres, des chiffres sur les montants accordés aux universités. Ce qui nous concerne plus particulièrement, ce sont les chiffres sur le ratio étudiants-professeur. II est remarquable qu'en 1975, il y avait exactement le même nombre de professeurs à l'Université de Montréal que maintenant, en 1966. Et pourtant, le nombre d'étudiants inscrits dans notre institution a augmenté de moitié. Nous avons un ratio étudiants-professeur qui est passé de 17 à 25. C'est le genre de chiffres qui, probablement, ne vous disent pas grand-chose. Un ratio étudiants-professeur de 25, cela veut dire que dans mon département, par exemple, la classe moyenne compte environ de 75 à 80 étudiants. Je ne peux plus remplir ma tâche de professeur devant une classe de 80 élèves. Je n'en ai pas peur, mais je ne peux pas remplir ma tâche. Si je donne deux cours simultanément en supposant un certain chevauchement, cela fait une clientèle de 120 personnes. Je ne peux plus remplir ma tâche de professeur, faire de la recherche, participer, faire toutes sortes de choses, à moins d'aller me cacher à la maison, de barrer la porte de mon bureau et puis d'interdire l'accès des étudiants à leur professeur. Cela me brise le coeur. Je suis

professeur depuis 20 ans et je suis obligé maintenant de mal enseigner et je n'aime pas cela du tout.

Outre le nombre des étudiants, il y a la question des locaux et des équipements. Je vous l'ai dit, j'oeuvre dans un département de technologie de pointe. Notre équipement est nettement inadéquat. Les étudiants, pendant très longtemps, ont toléré le fait qu'il faille faire les travaux pratiques à 2 heures au à 3 heures du matin, parce que, durant la journée, l'équipement n'est pas disponible, l'équipement n'est pas libre. Les étudiants ont commencé à rouspéter le jour où non seulement il fallait faire les travaux pratiques à 2 heures ou à 3 heures du matin, mais où encore il fallait faire la queue pour avoir un terminal à 2 heures ou à 3 heures du matin. Notre équipement est lamentablement inadéquat.

La même chose est vraie - cela a été dit ce matin - pour les bibliothèques. La même chose est vraie pour toutes les ressources qui sont nécessaires pour un bon enseignement. Pourtant, on arrive quand même à faire des choses. De la recherche à l'Université de Montréal, malgré tout, on arrive quand même à en faire. On arrive quand même à être productif, mais il y a une tension de plus en forte quand on ne peut pas tout faire. On est toujours, tous les jours, à tout moment, devant le dilemme: Qu'est-ce qu'on laisse tomber? Il n'est plus question de faire tout ce qu'on nous demande de faire.

Le corps professoral est particulièrement frappé par de mauvais salaires. C'est une chose importante pour tout le monde. On est beaucoup frappé aussi par l'absence complète de renouvellement du corps professoral. On parle du vieillissement du corps professoral et c'est vrai qu'il y a vieillissement quand on regarde l'âge moyen des professeurs et des chercheurs à l'université. Mais la cause de cela, c'est qu'il n'y a plus de jeunes, qu'il n'y a pas de professeurs adjoints, qu'il n'y a pas de relève, que le corps professoral ne se renouvelle pas. Les quelques professeurs qu'on arrive à recruter sont recrutés très souvent ces jours-ci avec des primes de salaire, parce que l'échelle des salaires de l'université est si basse que personne ne viendrait. Cela, bien sûr, contribue à une atmosphère de tension, une atmosphère de dissension à l'intérieur de l'université. Cela fait des classes de personnes qui sont mal traitées.

II y a une classe très importante à l'Université de Montréal, les jeunes chercheurs. Beaucoup d'entre eux ont été engagés avec une demi-promesse ou au moins une suggestion qu'ils allaient faire carrière à l'université comme professeurs après. Avec le gel des postes, ces chercheurs continuent à être chercheurs; ils ne deviennent jamais professeurs; ils n'ont jamais de stabilité d'emploi; ils sont exploités et c'est tout ce qu'il reste de la relève; à part eux, il n'y a rien.

Pour résumer, c'est donc par le gel des postes et les coupures dans le soutien à l'enseignement et à la recherche que nous croyons, nous, professeurs et chercheurs, avoir porté le fardeau de ces restrictions budgétaires qui ont été imposées. En dépit de nos performances qui sont, nous le croyons, parmi les meilleures des universités du Québec, parmi les meilleures des universités du Canada, en dépit de tout cela, nous sommes mal payés et on ne nous assure pas la relève qui est si essentielle pour la formation d'un bon corps professoral.

Quand on est dans le désert, on voit des mirages. Nous sommes dans le désert, nous, depuis longtemps. Je vous l'ai dit, on commence à mourir de soif et de faim. Nous espérons que cette commission parlementaire n'est pas seulement un mirage dans notre désert. (16 h 45)

Je voudrais terminer avec un petit mot que je vais citer de M. le député d'Argenteuil qui m'a fait grand plaisir. Dans le débat, aujourd'hui, il y a une chose qui m'a rendu très anxieux. Je suis quand même professeur dans une université et non pas dans une école de technologie. M. Ryan a dit l'année dernière, à l'Université de Montréal: "Le développement intellectuel et culturel dans toutes ses dimensions, y compris les dimensions qui ne sont pas visiblement utilitaires, est indispensable au progrès de la culture et de la civilisation. Ce serait atrophier à l'avance la maturation de notre société québécoise de ne pas reconnaître expressément la place vitale que doivent y occuper des institutions universitaires libres et responsables."

J'entends par cela, et je m'en réjouis, que M. Ryan voit la nécessité de maintenir en place une université où toutes les disciplines ont leur place, où toutes les disciplines sont importantes. Je suis un scientifique, je suis dans un département technologique. Ce ne serait pas du tout une solution à mes problèmes que de donner de l'argent uniquement à mes collègues scientifiques et de laisser les autres collègues, les gens de lettres, les gens de littérature, les gens de musique sans participation à la relance qu'on espère de notre université. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bratley.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, nous approchons du terme d'une journée qui a été

très remplie, qui nous a permis de prendre une bonne vue d'ensemble de la situation présente de l'Université de Montréal. J'en suis très heureux. Le mémoire que vous venez de lire ajoute le témoignage des professeurs à ceux que nous avons entendus jusqu'à maintenant. Je pense pouvoir constater, sans déformer la réalité, que votre mémoire s'inscrit dans la ligne de la plupart des témoignages que nous avons entendus devant la commission, c'est-à-dire qu'il nous invite à reconnaître une situation pénible qui s'est créée au cours des dernières années dans le secteur universitaire. Je ne sais pas si le groupe qui a témoigné avant vous est déjà parti, je pense qu'il est déjà parti. Il ne pourra pas apprendre la partie qui n'était pas dans son mémoire évidemment, s'il n'est pas là pour l'entendre. Mais je crois que les faits que vous apportez viennent s'ajouter à ceux qui nous ont été communiqués à maintes reprises, à ceux dont je n'ai cessé d'entendre parler depuis que je suis revenu dans le secteur de l'éducation il y a quelques années, d'abord à titre de porte-parole de l'Opposition en cette matière.

J'avais été étonné à l'époque. Je ne pensais pas qu'on avait déjà commencé à prendre un tel retard et je croyais, au début, qu'on exagérait. Je savais qu'on était porté parfois à le faire dans les milieux où vous évoluez, et je me disais: peut-être qu'il y a de l'exagération. Je m'étais imposé d'aller visiter plusieurs laboratoires. Je me souviens qu'un jour j'avais causé avec des professeurs du département de chimie à l'Université de Montréal, que je connaissais très peu. On m'avait mis le doigt sur les problèmes, Â ce moment-là, on est bien obligé de se rendre à l'évidence et de constater que des choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Je pense que tous les témoignages, ou à peu près, que nous avons entendus depuis deux semaines vont dans la même direction et je tiens à vous assurer que nous en prenons bonne note.

En ce qui me touche, je n'ai point changé d'opinion sur le fond des choses depuis la communication que j'étais allé faire chez vous à l'automne de 1985, que vous avez eu l'amabilité d'annexer à votre mémoire, surtout pour m'en rappeler la teneur. Je ne me fais point d'illusion.

Je pense qu'on peut considérer, autant du côté de l'Opposition que de ce côté-ci, que l'orientation fondamentale est la même. Je peux vous assurer que nombreux sont, au sein de la députation ministérielle et du gouvernement, les élus qui pensent de la même manière. Vous avez vu que les députés du côté ministériel ont suivi depuis le début des travaux avec beaucoup d'attention et de respect les propos qui nous ont été communiqués. Nous allons continuer ensemble de le faire jusqu'à la fin. Je crois qu'à ce point de vue l'Opposition se comporte exactement de la même manière avec un intérêt qui est indéniable, une dignité, je pense, qu'on doit reconnaître aussi. De ce point de vue, il n'y a pas de danger. On est capable de reconnaître cela loyalement. On va continuer de cheminer ensemble. Je pense qu'en démocratie, les élus prennent leurs décisions à la lumière des indications que l'opinion leur apporte, à la lumière aussi, je l'espère, des convictions profondes qu'ils ont et en bonne mesure à l'aide des indications que leurs contacts avec leurs concitoyens leur apportent. Ils font face - il faut le reconnaître à leur décharge - à des conflits de priorités qui sont extrêmement déchirants.

Quand il s'agit de décider si vous allez mettre un peu plus d'argent du côté de l'aide sociale ou du côté de l'enseignement universitaire, le choix n'est pas aussi facile qu'il peut sembler à prime abord, pour nous qui sommes réunis ici. Nous avons parlé des universités toute la journée. Je pense que le choix est peut-être plus indiqué dans le sens de l'aide à l'enseignement universitaire. Nous essayons de penser à l'avenir. Nous nous disons que comme investissement pour notre société, c'est très important. Pour ceux qui sont à l'autre bout de la chaîne et qui ont besoin d'un soulagement immédiat, dans une situation qui est synonyme souvent de misère, je pense qu'on doit comprendre qu'eux aussi veulent que des ressources publiques plus abondantes soient mises à leur disposition. C'est la tâche des gouvernements. Je veux vous assurer d'une chose: Nous sommes nombreux à travailler, nous allons continuer à travailler pour trouver des améliorations à la situation qui nous confronte.

Maintenant, je voudrais vous poser une question. J'ai remarqué que dans votre mémoire, il n'y avait pas de recommandations au sens classique du terme comme on les trouve d'ordinaire à la fin d'un mémoire. Ce n'est pas mauvais parce que cela nous invite à engager le dialogue plus directement peut-être. Disons que nous convenions qu'il faut un niveau de financement plus élevé pour notre système universitaire, j'aimerais connaître quelles sont vos propositions de ce côté? Où devons-nous trouver cet argent? Je vais aller plus loin que cela. Dans l'hypothèse où le gouvernement en viendrait à la conclusion qu'il ne peut pas augmenter davantage le fardeau fiscal ou la dette. On n'a pas le choix. Il n'y a pas 25 moyens quand on est au gouvernement. II faut soit peser sur le bouton fiscal, soit peser sur le bouton endettement ou la réduction de services. Ce sont les trois moyens qui s'offrent à un gouvernement. À supposer que le gouvernement, pour toutes sortes de raisons, conclurait qu'il ne peut pas investir dans le secteur universitaire les sommes qu'a recommandées le Conseil des universités, où

est-ce que vous pensez qu'il faudrait aller chercher ces sommes?

M. Bratley: Si j'avais une bonne réponse, je serais à votre place, M. le ministre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Ryan: Dans le débat que nous avons, plusieurs de ceux qui se sont présentés devant la commission ont évoqué la possibilité d'une augmentation des revenus en provenance des frais de scolarité, en s'appuyant surtout sur le fait que le Québec, en ce domaine, a un rendement inférieur d'au moins la moitié au rendement qu'on observe dans les autres provinces. Le rapport varie de deux à trois contre un selon les provinces. Quelle est votre position sur cette question?

M. Bratley: En tant que syndicat, nous n'avons pas de position. Il est certain qu'une fraction des membres de notre syndicat est favorable à une hausse des frais de scolarité. Il est également certain qu'une fraction - je ne sais pas si elle est plus grande ou plus petite - serait défavorable. Ce qui est certain, c'est que tous nos membres - si jamais il y a une hausse des frais de scolarité - seraient favorables à un mécanisme qui rendrait quand même l'université accessible à tous ceux qui ont le talent pour bénéficier d'une éducation universitaire.

M, Ryan: Merci. Juste une autre question, si vous me permettez. Il a été beaucoup question, depuis le début des travaux de la commission, de la charge de travail du professeur d'université. Pour toutes sortes de raisons, l'opinion s'est créée dans plusieurs milieux que les professeurs d'université ont une situation plutôt confortable et qu'avec un effort de productivité accru, ils pourraient peut-être contribuer à résoudre le problème financier des universités.

J'ai laissé entendre devant la Fédération des associations de professeurs d'université, qui est venue nous rencontrer, que nous instituerions une étude sur ce sujet afin d'établir avec clarté les éléments essentiels du dossier. Je voudrais vous demander si, du côté de votre syndicat, vous serez prêts à collaborer avec nous autres dans cette étude, si nous recourons à votre concours?

M. Bratley: On serait tout à fait prêt à collaborer d'autant plus qu'on est membre de la FAPUQ, donc qu'on est prêt à appuyer ce qu'ils font. II est clair que les gens ne savent pas ce qu'on fait à l'université. Ce fut notre erreur dans le passé de n'avoir jamais assez expliqué notre point de vue, de n'avoir jamais dit assez ce que fait un professeur d'université. Pour rectifier cette situation malheureuse, il est tout à fait certain que nous sommes prêts à aider votre ministère et la FAPUQ à montrer au public ce que nous faisons.

Dans l'immédiat, je vous dirais une chose: Si jamais un membre de votre commission, un membre de la fonction publique ou n'importe qui dit que les professeurs d'université se la coulent douce, envoyez-le moi, qu'il me suive une journée à l'Université de Montréal, et je vais vous le retourner, au bout de cette journée, converti.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Si jamais on trouve un député qui veut tenter l'expérience, on vous l'enverra. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, madame, messieurs, il me fait plaisir de vous avoir là. On aura passé toute la journée avec l'Université de Montréal. Je trouve que cela n'a rien de désagréable, c'est au contraire fort intéressant. Je ne ferai pas de long préambule, parce que beaucoup de choses sont dans votre mémoire.

Quand le ministre dit: Je ne me fais pas d'illusion sur l'objectif que vous visez en incluant mon texte dans votre mémoire, en l'annexant, c'est pour me rappeler mes engagements. Je pense que c'est plus que cela, c'est pour vous demander s'il est prêt à les respecter. C'est ce que j'avais cru comprendre.

Par ailleurs, la toute dernière question a porté sur les frais de scolarité. Je voudrais juste vous dire que si on fait un bref calcul par rapport aux engagements qu'il semble vouloir à nouveau prendre, mais dans une autre direction, la hausse des frais de scolarité, si on les double, fait entrer dans les coffres de l'État de 70 000 000 $ à 75 000 000 $. De ces sommes, on estime que, pour garder juste à l'aide financière ce qu'il y a actuellement, cela vous prend le tiers de ces ressources. Il y a une bonification qui vient d'être faite à J'aide financière. C'est donc au minimum, mettons 27 000 000 $ à 30 000 000 $ que cela prendra exclusivement pour améliorer l'aide financière.

Cette année, il y a eu des compressions et des coupures de l'ordre de 34 000 000 $ dans l'enveloppe. Cela veut dire que même en doublant les frais de scolarité pour les étudiants dans les universités et si tant est qu'ils retournent la totalité des sommes dans les universités, cela va à peu près vous mettre dans la situation qui était la vôtre en 1985-1986. C'est probablement au recteur que j'aurais dû poser la question pour lui

demander: Cela voudrait dire quoi comme amélioration de vos conditions si c'était à peu près cela votre niveau d'enveloppe? Je pense que c'est important. (17 heures)

Je ne reviendrai pas sur toutes les questions touchant le financement et les sources de financement. Les étudiants, tout à l'heure - parce que j'imagine que cela aussi ça vous intéresse autant que la qualité et le financement, certainement plus, alors, on va parler un peu des étudiants - réclament une formation plus près du marché du travail. Ils semblent inquiets, pas suffisamment bien préparés. Ils ont d'eux-mêmes une opinion pas très favorable. Si je comprends bien leurs propos tantôt, ils finissent par penser qu'ils ne sont pas bien formés, que les employeurs estiment qu'ils sont ma! formés et ils estiment anormal que les entreprises soient obligées d'investir pour adapter la formation au marché, à l'entreprise, ce qui m'étonne, mais quand mêmel Donc, ce qu'ils nous ont présenté tantôt m'a paru à cet égard assez négatif. Je le rappelle, les employeurs ne font pas confiance en leur formation. Leur formation, selon eux, ne serait pas assez près du marché du travail et ils pensent, par cette mesure, être plus en état de trouver un emploi. Je voudrais que vous me fassiez vos commentaires et vos réflexions sur cette inquiétude que manifestent les étudiants.

M. Bratley: Madame, je devrais peut-être commencer par dire, un peu pour taquiner M. le ministre, que son exposé était, bien sûr, un peu exagéré, mais on trouve qu'il a exposé aussi bien que nous aurions pu le faire la situation catastrophique de l'université. Bien sûr, cela nous a amusés, mais nous sommes quand même tout à fait d'accord avec ce qu'il a dit.

En ce qui concerne l'engagement sur le marché du travail je pourrais vous donner une réponse à plusieurs niveaux. Si vous me permettez, je vais commencer par le niveau qui peut sembler simultanément le plus arrogant et en même temps d'une certaine façon le plus vrai. Ma tâche comme professeur d'université, surtout dans une discipline technologique, ce n'est pas de former des gens qui peuvent sortir de l'université et aller travailler dans une entreprise le lendemain. Ma tâche, comme professeur dans une grande université de recherche, c'est de former des gens qui, a la fin de leur carrière universitaire, pourront fonder de nouvelles entreprises. Le rôle primordial d'un professeur dans une université comme l'Université de Montréal c'est de faire avancer la société, non seulement de contribuer à la société dans son état actuel. Les étudiants, je pense, n'ont pas la perspective qu'on peut avoir après plusieurs années dans le métier. Je crois que nous ne faisons pas si mal notre tâche de trouver les gens qui pourront travailler demain. Je pense qu'on peut dire qu'on fait très bien notre tâche de former les gens qui vont transformer la société, qui vont inventer et implanter de nouvelles technologies, qui vont être, eux, la prochaine génération des propriétaires d'entreprises et non pas des employés d'entreprises.

A un niveau beaucoup plus terre à terre, dans un département comme le mien il n'est pas vrai qu'on fonctionne isolés du monde du travail. Si j'avais été à Montréal en fin de semaine... Nos diplômés, ceux de mon département d'informatique, font une réunion cinq ans après. Ils invitent les professeurs, nous rencontrons nos diplômés et il y a une discussion sur l'adéquation entre les études qu'ils ont suivies à l'Université de Montréal et leur expérience sur le marché du travail. C'est seulement un département, bien sûr. Tout le monde ne peut parler que de son expérience. J'imagine que dans une faculté professionnelle, le Dr Michaud, par exemple, pourrait dire la même chose.

Mme Michaud (Monique): II est certain qu'au sortir de l'université les étudiants ont acquis un certain bagage. Le professeur d'université doit former des étudiants qui, en entrant sur le marché du travail, devront innover à partir des données élémentaires qu'on leur a données et on leur aura fait une ouverture sur une perspective infinie. On les invite à continuer à être innovateurs dans leur domaine et à s'ouvrir à un système d'éducation continue. On ne s'attend pas que le jour où ils sortiront de l'université ils aient des connaissances stagnantes. Dans un domaine comme la santé, en moins de deux ans ils seraient déjà déphasés. Donc ils ont, en adoptant le domaine comme la médecine dentaire, décidé d'être autonomes, habituellement de ne pas aller travailler dans une entreprise, mais bien à leur compte, et ils ont la responsabilité du maintien de la qualité de leurs connaissances et ils sont les propres juges de cela. Ils n'ont pas un employeur pour, systématiquement, les remettre à jour en arrivant ou périodiquement. Donc, l'étudiant qui sort de l'université est obligé de percevoir qu'il n'est qu'au point de départ quand il reçoit son diplôme.

Mme Blackburn: Cela répond en partie à ma question, en partie seulement, parce que je dois dire que je partage cette vision de la formation initiale et de la formation dite plus fondamentale qui permet ensuite de s'approprier de nouvelles connaissances. Ce n'était pas vraiment le sens de ma question. Je me demandais si vous étiez sensibilisés au fait que les jeunes qu'on a vus tout à l'heure semblent préoccupés de cela, je ne vous dis pas qu'ils ont raison. Ils sont préoccupés et

ils véhiculent là-dessus un préjugé qu'on retrouve une peu trop malheureusement dans la société. Sentez-vous cela dans vos cours? Êtes-vous assez ouverts à cela? Avez-vous l'occasion d'en parler? Comment identifiez-vous les causes du phénomène? Est-ce exclusivement en raison du chômage?

M. Bratley: II est certain que cela varie beaucoup avec les disciplines. Je crois aussi que la réaction des étudiants varie beaucoup avec les disciplines. On a entendu cet après-midi des étudiants dire que la formation du premier cycle devait être beaucoup plus polyvalente, beaucoup plus large et devait couvrir un spectre qui leur offrira plus de chance de trouver un emploi en sortant de l'université.

Dans mon département, vous entendiez un discours tout à fait contraire. Le moindre effort qu'on fait pour convaincre un informaticien qu'il a besoin de savoir autre chose que l'informatique, il va se retourner contre nous et demander un diplôme ultra spécialisé parce qu'il pense qu'avec un diplôme ultraspécialisé il trouvera un emploi plus facilement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée, si vous voulez conclure au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: J'aurais une dernière question et je conclus tout de suite après.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ah bon! Cela va.

Mme Blackburn: On a beaucoup abordé toute la question de la diversification des sources de financement. Beaucoup de personnes qui se sont présentées ici estiment que l'une des façons de le faire, c'est de se coller davantage aux entreprises. Là-dessus, je pense que les jeunes abondent tout à fait dans cette direction. On dit: Si on amène un plus grand financement des entreprises, si on est plus près des entreprises, on aura un plus grand financement. Cela ne semble pas préoccuper beaucoup les tenants de cette solution.

Par ailleurs, il ne faudrait peut-être pas trop se préoccuper parce que, si l'on regarde la part de financement assurée par les entreprises dans les universités canadiennes et américaines, cela demeure relativement modeste. Il y en a qui en ont plus parce qu'elles sont plus dans des programmes qui viennent des entreprises, mais il y en a d'autres... Finalement, l'un dans l'autre, c'est 3,3 % et pour nous, c'est 3,9 %.

Par ailleurs, c'est un financement qui viendrait assez fortement des universités. Est-ce que cela ne présenterait pas un danger pour infléchir les orientations des universités, pour biaiser la mission des universités qui en est une - il faut le savoir de critique vis-à-vis du milieu de formation, de recherche, d'avancement des connaissances? C'est que tout à coup on semble voir là-dedans une solution rêvée alors que d'abord, on ne semble pas sûr qu'on puisse l'avoir, puis, si elle se faisait effectivement, présenterait-elle des dangers?

M. Bratley: Dans les départements que je connais, il y a pas mal d'implication avec les entreprises, mais surtout au niveau de la maîtrise et du doctorat. Il y a plusieurs problèmes si on veut se lier ou se concerter avec les entreprises au niveau du premier cycle.

Un premier problème, c'est qu'au premier cycle, tout simplement, les étudiants, très souvent, la plupart du temps, n'ont pas encore la formation pour bénéficier d'un stage en entreprise. L'université c'est un lieu de travail intellectuel. Il ne faut pas oublier que le travail intellectuel c'est difficile, cela demande beaucoup de concentration, cela demande beaucoup d'effort. Nous croyons que le premier cycle actuel c'est à peine suffisant pour former des étudiants qui ont pris le pli du travail intellectuel bien fait, qui ont la maîtrise de soi pour bien juger leur projet, qui ont une vue assez large de la discipline pour juger les priorités, les choses qui sont en train de devenir désuètes et ainsi de suite.

Je crois que lâcher beaucoup d'étudiants de premier cycle dans les entreprises, ce serait une excellente façon de s'en laver les mains pour un trimestre ou deux, et j'avoue que cela nous soulagerait d'un certain point de vue, mais pour la formation des étudiants, je ne pense pas que ce serait une bonne chose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Continuez, je m'excuse.

M. Bratley: Je voulais dire qu'au niveau de la maîtrise et du doctorat, c'est une autre question. Au niveau de la maîtrise et du doctorat, nous, par exemple, on trouve beaucoup de sujets de recherche dans les problèmes des entreprises. Bien sûr, étant universitaires, on a tendance à abstraire les problèmes, à les traiter de façon plus rigoureuse, de façon plus théorique, mais l'inspiration de beaucoup de choses qu'on fait vient de l'industrie.

Je ne pense pas que ce soit une source de déviation. Je pense plutôt qu'à ce niveau, quand les gens ont déjà une certaine formation, c'est une source de bonnes idées pour les problèmes importants et les problèmes actuels.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Blackburn: Je vais conclure, parce que le temps qui m'était imparti est terminé. Je voudrais, au nom de ma formation politique, de mon collègue de Laviolette, vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Je disais tout à l'heure: On a passé la journée avec l'Université de Montréal, cela fait une journée fort intéressante. J'espère, pour les professeurs, pour les étudiants, pour les universités, qu'on pourra trouver à la fois cette définition suffisamment emballante de ce que serait la mission et les orientations des universités, en même temps que des sources de financement qui nous permettent de réaliser ces objectifs sans porter atteinte à l'accessibilité. Madame et messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci madame. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: II me fait plaisir, M. le Président, de terminer cette journée en adressant des remerciements à tous ceux qui sont venus rencontrer la commission parlementaire, à commencer par les autorités de l'université que nous avons rencontrés ce matin, ensuite les doyens, les représentants des associations étudiantes et présentement les représentants du syndicat des professeurs.

On nous a présenté différents volets de la réalité de l'Université de Montréal. Je pense que tout cela forme un tout qui demeure une réalité impressionnante dans le paysage de la vie de la région de Montréal et dans le paysage québécois aussi.

Nous retenons surtout de la journée que nous avons passée ensemble le rappel d'une situation difficile, qui a été illustrée abondamment et qui nous interpelle en vue d'une action au cours de la période qui s'annonce. Je pense que le message a été clairement présenté, il a été présenté avec une courtoisie absolument irréprochable par tout le monde. Des désaccords qui peuvent survenir sur un point ou l'autre, je pense que cela fait partie du débat civilisé qui doit être caractéristique de la vie parlementaire. (17 h 15)

Je veux vous assurer qu'on va continuer de chercher des solutions et que ce dialogue ouvert avec l'université est en lui-même un élément de solution qui n'est point négligeable. Je pense que l'université s'était un peu éloignée du Parlement au cours des dernières années. On a fonctionné au Québec avec une sorte de postulat non écrit voulant qu'il y ait comme un mur de séparation. L'université était assez éloignée du Parlement. Je vous en donne seulement un exemple. Les hommes politiques, en général, n'ont pas la chance d'aller beaucoup dans les universités. Ils sont invités de temps à autre par les associations étudiantes, mais, à part cela, ils ne sont pas invités beaucoup. Je pense qu'il faudrait leur donner la chance de connaître davantage le milieu universitaire. Je pense que cela aiderait beaucoup, ça aussi.

M. Jolivet: Dans les régions... ce n'est pas juste aux étudiants. Dans les régions, on y va.

M. Ryan: C'est plus facile dans les régions, parce que l'osmose se fait plus aisément entre les différents milieux, mais dans les milieux métropolitains comme Québec et Montréal, c'est plus difficile. Cela prend des efforts plus systématiques, plus délibérés. Je pense que cela s'impose et c'est une leçon, je pense, que l'université doit tirer de son côté, Ses rapports avec la communauté doivent être cultivés soigneusement pour que sa contribution originale au progrès de l'ensemble soit mieux comprise, appréciée et soutenue dans les phases difficiles comme celle que nous traversons.

Je vous invite à la compréhension à notre endroit aussi. Je voudrais féliciter le syndicat, qui est notre dernier interlocuteur aujourd'hui, de l'intérêt qu'il porte depuis déjà longtemps aux problèmes plus larges du financement de l'université...

Une voix: II y a un autre groupe.

M. Ryan: Je m'excuse pour le groupe qui va suivre. Très bien.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je commençais à avoir peur.

M. Ryan: Je mets fin à mes remarques. Je réserve la suite pour tantôt. Je vous remercie, messieurs et mesdames les professeurs. J'ai eu l'occasion de constater votre intérêt plus large pour les problèmes généraux de l'université, en particulier ses problèmes de financement, à l'occasion d'une série que vous aviez organisée il y a déjà deux ou trois ans à laquelle j'avais eu le plaisir de participer. J'espère que vous maintiendrez cette dimension plus large. Je pense que nous en avons besoin. L'université en a besoin aussi. Vous trouverez toujours du côté du gouvernement une attitude prête au dialogue et au débat, si nécessaire. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Au nom de la commission parlementaire, M. Bratley, Mme Michaud, M. Bourdouxhe, nous vous remercions beaucoup. Encore une fois, un merci tout à fait spécial pour la collaboration que vous avez accordée à la commission dans l'aménagement de son calendrier de travail d'aujourd'hui.

La commission suspend ses travaux quelques minutes et nous accueillerons, lorsque nous reprendrons nos travaux, l'Association des diplômés de l'Université de Montréal.

(Suspension de la séance à 17 h 18)

(Reprise à 17 h 21)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais les représentants de l'Association des diplômés de l'Université de Montréal à prendre place à la tribune de nos invités,

La commission parlementaire sur l'éducation vient de reprendre ses travaux et accueille l'Association des diplômés de l'Université de Montréal. Leur porte-parole et président est M. Pierre Grandmaison. M. Grandmaison, vous nous souhaitons la bienvenue et, encore une fois, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de venir discuter et réfléchir avec nous sur le problème de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois. La commission a prévu de vous entendre durant environ une heure. On m'informe qu'une période d'environ 15 à 20 minutes a été prévue pour l'exposé de votre mémoire. Ensuite, nous procéderons à un échange de propos avec les membres de la commission dans un cadre très formel, mais de la façon la plus informelle possible. Sentez-vous bien à votre aise, monsieur. J'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.

Association des diplômés de l'Université de Montréal

M. Grandmaison (Pierre): M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter les gens qui m'accompagnent ici, aujourd'hui. D'abord, à l'extrême gauche, M. Louis Dalbec, diplômé en traduction de 1973...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Dalbec.

M. Grandmaison: ...vice-président de l'Association des diplômés, président de l'entreprise L.B. Dalbec et Associés; Mme Linda Pinchiaroli, diplômée en sciences infirmières de 1981, conseillère administrative à la direction des services professionnels de l'Hôpital Santa Cabrini...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

M. Grandmaison: ...et membre du conseil d'administration de l'Hôpital Santa Cabrini; à l'extrême droite, M. Rémi Gauthier, diplômé en médecine vétérinaire de 1951, membre du conseil d'administration de l'Association des diplômés, membre de l'Ordre des médecins vétérinaires, président de l'Association canadienne des médecins vétérinaires équins.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Gauthier.

M. Grandmaison: M. Michel Saint-Laurent, diplômé en sciences politiques de 1978, secrétaire général de l'Association des diplômés de l'Université de Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur.

M. Grandmaison: Je suis personnellement un diplômé de l'École polytechnique en 1973 et vice-président-directeur général de l'entreprise Plastibéton ïnc. de Montréal.

M. le Président, les diplômés de l'Université de Montréal vous remercient d'avoir accepté de les entendre devant cette commission. Avant de vous présenter notre mémoire, permettez-moi de vous présenter l'Association des diplômés de l'Université de Montréal, ses objectifs, ses activités et les raisons qui motivent notre présence ici aujourd'hui.

L'association a été fondée te 14 juin 1934 et elle regroupe tous les diplômés de l'Université de Montréal, soit 110 000 membres. Ces diplômés sont répartis au Québec, au Canada et dans le monde entier. Ses buts et sa raison d'être sont les suivants. Par rapport aux diplômés eux-mêmes, l'association vise à favoriser les rencontres entre les diplômés et développer le sentiment d'appartenance à l'Université de Montréal. Elle vise à reconnaître et à promouvoir la présence des diplômés de l'Université de Montréal dans toutes les sphères de la société. Par rapport à l'université elle-même, l'association vise à contribuer au rayonnement de l'université et à participer, dans la mesure de ses moyens, à l'évolution et au développement de celle-ci.

L'association a son siège social à Montréal, et nous organisons plusieurs activités de rassemblement durant l'année. Nous avons aussi des activités de communication et nous avons une revue "Les Diplômés", publiée quatre fois par année et distribuée à plus de 80 000 exemplaires.

L'association est dirigée par un groupe de douze administrateurs élus pour des mandats de deux ans. De ces douze administrateurs est formé un comité de direction et l'association dispose d'un secrétariat permanent dont M. Michel Saint-Laurent assume la responsabilité.

De plus, l'association des diplômés

nomme deux de ses représentants au conseil de l'université. Ceux-ci sont présentement M. Robert Savoie, un diplômé de mathématiques 1968 qui est directeur du développement organisationnel et des relations ouvrières pour la compagnie Ciment Saint-Laurent, et M. Jean-Claude Villiard, un diplômé de HEC 1966, vice-président de Lavalin International.

M. le Président, pour tous ces gens qui m'accompagnent ici aujourd'hui et pour tous les diplômés de l'Université de Montréal, il ne fait aucun doute que le rôle dans la société et le rayonnement de l'Université de Montréal et de ses diplômés sont entièrement reliés. L'Université de Montréal profite du succès et de l'implication de ses diplômés dans la société et de même la renommée et l'image d'excellence de l'Université de Montréal bénéficient à tous ses diplômés. Il ne fait aucun doute que les actions des uns influencent la perception des autres dans la société québécoise. L'association, dont les membres sont présents dans toutes les sphères d'activité, que ce soit au Québec, au Canada ou à l'étranger, ne peut donc rester indifférente au développement et à l'évolution de l'université. C'est dans ce cadre-là que les diplômés ont décidé de présenter un mémoire à cette commission parlementaire pour appuyer au départ le mémoire présenté par l'Université de Montréal et, si possible, suggérer des avenues de solutions au problème du sous-financement de l'enseignement universitaire, problème qui remet de plus en plus en cause la qualité de cet enseignement universitaire au Québec.

M, le Président, nous sommes fiers qu'une vingtaine de diplômés de l'Université de Montréal siègent à l'Assemblée nationale. Le premier ministre, M. Robert Bourassa, et plusieurs de ses ministres, tout comme le chef de l'Opposition, M. Pierre Marc Johnson, et plusieurs de ses collègues du Parti québécois sont des diplômés de l'Université de Montréal. Enfin, quelques membres de cette commission parlementaire sont aussi des diplômés de l'Université de Montréal et c'est tout un honneur pour moi de pouvoir les représenter à titre de président de l'association.

Le recteur de l'Université de Montréal, M. Gilles Cloutier, nous a fait l'honneur de nous associer à la préparation du mémoire de l'Université de Montréal. Il est donc inutile pour nous de présenter à cette commission un long document dont le contenu serait substantiellement identique à celui du mémoire de l'université. Cependant, c'est pour nous un plaisir et un devoir de nous déclarer entièrement d'accord avec le contenu et les conclusions du mémoire de l'Université de Montréal.

M. le Président, l'état de sous-financement chronique de l'Université de Montréal inquiète profondément les diplômés de l'université. Le maire Drapeau disait récemment, après avoir annoncé sa décision de ne pas solliciter un nouveau mandat à la mairie de Montréal, que "la prospérité d'une grande ville comme Montréal, loin d'être préjudiciable aux autres régions du Québec, leur apportait de grands avantages économiques." De la même façon, on pourrait dire que le succès et le niveau de développement d'une grande université comme l'Université de Montréal ne peuvent avoir que des effets bénéfiques pour les autres universités du Québec. Les coupures et les prélèvements subis par l'Université de Montréal compromettent non seulement son avenir mais sa survie même. C'est le Québec lui-même qui, après avoir beaucoup investi dans l'Université de Montréal et lui avoir permis d'atteindre le rang des premières universités du Canada, serait le plus grand perdant si l'Université de Montréal devait cesser de rivaliser avec les grandes universités des autres provinces, particulièrement avec celles de l'Ontario.

Il n'y a pas au Québec de mot plus à la mode que celui d'"excellence". À l'Université de Montréal, l'excellence est plus qu'un mot et un idéal lointain. Elle a été atteinte dans quelques secteurs, mais l'excellence est une réalité fragile et constamment menacée. Le gouvernement du Québec doit encourager l'excellence là où elle existe. Il doit surtout savoir la reconnaître pour la préserver et pour la maintenir. (17 h 30)

II ne suffit pas d'affirmer, ou de décider que chaque université québécoise doit être un centre d'excellence pour qu'il en soit ainsi. Or, dans quelques disciplines, l'Université de Montréal est la seule université francophone au Québec capable de rivaliser avec les grandes universités des autres provinces. Le gouvernement ne rendrait pas service au Québec si, au nom d'un souci égalitariste mal placé, il voulait appauvrir davantage l'Université de Montréal et la condamner à l'immobilisme en attendant que toutes les autres universités du Québec, sans exception, la rejoignent.

Même si le Québec consacre près de 1 000 000 000 $ au financement des universités, cette somme est trop faible en regard des besoins et de l'accroissement du nombre d'étudiants. La crise économique récente a obligé le gouvernement québécois à réduire ses dépenses et son déficit, mais les compressions budgétaires successives imposées aux universités ont été très sévères et ont compromis gravement leur situation financière. En affaiblissant ainsi considérablement la qualité de l'enseignement et de la recherche universitaires, on se trouve à bloquer non seulement l'avenir des universités, mais celui de la société québécoise elle-même.

Si le Québec veut accéder et se

maintenir au rang des sociétés développées et capables d'affronter la concurrence nationale et internationale, il n'a d'autre choix que d'investir davantage dans l'enseignement et dans la recherche universitaires. Les fonds publics engagés dans les universités doivent être considérés non comme des dépenses, mais comme un investissement rentable pour la reprise et le développement économique de notre société.

À cet égard, il faut cesser de considérer le financement des universités comme un problème. Les universités sont plutôt la première et la plus importante solution à nos problèmes de société. Sans vouloir remettre en cause le bien-fondé des programmes de bien-être social, nous sommes convaincus que la formation universitaire constitue à long terme une des solutions au chômage les moins coûteuses et une des conditions essentielles au développement économique et social. Le temps n'est plus où l'avenir économique d'une société était fonction de l'abondance des matières premières et des capitaux. Aujourd'hui, dans un monde dominé par l'informatique et la technologie, une main-d'oeuvre hautement spécialisée est la première ressource d'une société. Elle est aussi la condition essentielle de son développement et de sa capacité d'affronter la concurrence sur les marchés nationaux et internationaux.

Nous entendons tous dire parfois que le Québec compte trop de diplômés et que nos universités forment de plus en plus de chômeurs. Les statistiques révèlent plutôt que le taux de chômage est inversement proportionnel au niveau de scolarité. Le chômage est très élevé dans la main-d'oeuvre qui n'a qu'une formation primaire et très faible dans la main-d'oeuvre ayant une formation universitaire. Le chômage risque d'être un état presque permanent pour la grande majorité des travailleurs et des travailleuses qui ne sont pas allés au-delà de l'école primaire ou secondaire tandis qu'il sera un état passager pour une faible partie de la main-d'oeuvre détenant un diplôme universitaire. Les sociétés fortement développées et dynamiques sont toujours, sans exception, des sociétés fortement scolarisées.

Le Québec a, depuis 25 ans, investi des sommes considérables dans son système universitaire et réalisé un rattrapage qu'il faut qualifier de spectaculaire et pour lequel il faut savoir rendre hommage aux différents gouvernements qui se sont succédé au cours de cette période. Toutefois, nous avons encore du retard non seulement sur les États-Unis et le Japon, mais sur d'autres provinces et, en particulier, sur la province d'Ontario avec laquelle nous aimons toujours nous comparer.

En même temps que nous demandons au gouvernement du Québec de réduire ses dépenses et son déficit, nous l'invitons à investir davantage dans l'enseignement et la recherche universitaires. Pour accroître l'enveloppe des universités, nous croyons que le moment est venu de déréglementer les frais de scolarité dans les universités et de permettre à celles-ci d'augmenter leurs frais de scolarité sans encourir de réduction de leurs subventions de fonctionnement, contrairement à la règle présentement en vigueur. À moins que le gouvernement ne débloque des sommes importantes pour les universités, l'augmentation des frais de scolarité devient un moyen d'améliorer la qualité de l'enseignement et de la recherche universitaires et d'assurer le progrès économique et social du Québec.

Bien que la gratuité scolaire dans les universités soit souhaitée et inscrite dans les programmes des principaux partis politiques du Québec, nous croyons que te gouvernement doit maintenant permettre aux universités de hausser les frais de scolarité. Bien plus, il doit accorder aux universités la liberté de fixer ces frais selon leurs besoins et le développement envisagé. Les frais de scolarité pourraient être différents d'une université à l'autre et même à l'intérieur d'une même université. Ils seraient variables selon les activités et devraient représenter entre 10 % et 15 % des dépenses courantes moyennes d'un secteur d'activité.

Au Québec, les frais de scolarité couvrent un peu plus de 6 % des dépenses courantes des universités. Dans les universités américaines privées, où les frais de scolarité sont le plus élevés, on considère généralement que les étudiants assument un tiers des dépenses courantes, mais si on établit une moyenne dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur américains, les frais de scolarité couvrent environ 20 % des dépenses courantes. Au Canada, la moyenne dans les autres provinces se situe entre 10 % et 15 %.

Il ne serait pas réaliste d'exiger des universités québécoises qu'elles perçoivent des frais de scolarité de trois à quatre fois supérieurs à ce qu'ils sont présentement. Les frais de scolarité pourraient être fixés à un niveau comparable à celui des autres provinces. La situation financière des universités serait grandement améliorée et l'accessibilité à l'université ne serait pas compromise pour autant.

Par ailleurs, les universités devraient bénéficier entièrement de l'augmentation des frais de scolarité. Nous trouverions socialement inacceptable que le gouvernement autorise les universités à augmenter les frais de scolarité et leur confisque ces revenus additionnels en réduisant leurs subventions d'un montant égal. Au lieu de servir les universités, on se servirait d'elles pour leur imposer de nouveaux prélèvements et on les maintiendrait dans l'état de sous-financement actuel.

L'Université de Montréal est une université profondément engagée dans l'enseignement et la recherche à tous les niveaux et dans les principaux secteurs de la formation universitaire. De plus, elle a le secteur de la santé le plus important de toutes les universités canadiennes. Elle se trouve donc doublement pénalisée, d'abord, par une formule de financement fondée sur la croissance de la population étudiante, alors que les sciences de la santé constituent le secteur le plus coûteux et où la croissance, très limitée, ne ferait qu'ajouter au fardeau financier de l'université, et ensuite par l'absence du financement additionnel prévu pour les étudiants inscrits dans les secteurs du virage technologique qui se trouvent dans les écoles affiliées, l'École Polytechnique et l'École des Hautes Études commerciales.

Comme si cela n'était pas suffisant, l'Université de Montréal est peut-être la plus touchée par le gel des frais de scolarité. En effet, les frais de scolarité n'ayant pas été augmenté depuis bientôt vingt ans au Québec et étant pratiquement uniformes dans l'ensemble des universités québécoises, c'est l'université la plus développée en recherche, en études supérieures et dans les secteurs de la santé, c'est-à-dire l'Université de Montréal, où le coût moyen par étudiant est plus élevé que dans les autres universités, qui se trouve davantage pénalisée par des frais de scolarité gelés et uniformes. On le voit, la formule égalitaire de financement des universités a pour effet d'ignorer les activités spécifiques et les vocations particulières de l'Université de Montréal.

M, le Président, si nous avions la conviction que le gouvernement du Québec pouvait, sans décréter de nouveaux impôts et sans accroître son déficit, ajouter au moins 150 000 000 $ à l'enveloppe des universités, nous ne soulèverions pas le sujet de l'augmentation des frais de scolarité, mais ce n'est pas le cas.

D'une part, l'importance des universités pour le développement économique et social du Québec justifie largement qu'on y investisse, de façon urgente et prioritaire, des fonds additionnels considérables; d'autre part, il y a une volonté partagée de limiter les dépenses publiques et de réduire le déficit gouvernemental.

Dans ces conditions, il est normal et souhaitable que les étudiants universitaires, qui proviennent majoritairement des familles a revenu moyen et élevé, paient davantage pour un service dont ils sont les premiers bénéficiaires.

J'aimerais ici citer le rapport Macdonald sur la commission royale sur l'union économique qui traite des revenus pour les étudiants: "Les personnes qui profitent le plus de notre régime d'enseignement universitaire sont les groupes à revenu moyen et élevé, aux dépens des groupes à bas revenu. Le régime d'enseignement universitaire est un programme de dépenses publiques, dans lequel les groupes relativement pauvres subventionnent les groupes relativement riches."

En maintenant le gel et l'uniformité des frais de scolarité dans les universités, les différents gouvernements du Québec ont voulu favoriser et garantir l'accès à l'université de tous les étudiants et de toutes les étudiantes qui étaient capables d'entreprendre et de réussir des études universitaires, indépendamment de leur condition financière et sociale. Cette mesure a donné d'excellents résultats et elle a notamment permis aux femmes d'avoir enfin accès à l'université au même titre que les hommes. En fait, à l'Université de Montréal, depuis de nombreuses années déjà, le nombre de diplômes obtenus par des femmes et par des hommes est sensiblement le même, sauf peut-être aux 2e et 3e cycles.

L'accès à l'université ne saurait être liée indéfiniment à la gratuité scolaire ou à la quasi-gratuité, comme c'est le cas actuellement avec des frais de scolarité très modiques, pour ne pas dire symboliques. J'aimerais ici citer une étude de l'OCDE sur les politiques de l'éducation supérieure dans les années 1980. Je cite: "II n'est pas possible de justifier une politique de gratuité scolaire ou d'enseignement fortement subventionné en invoquant simplement les principes d'égalité ou d'égalité des chances. En fait, une telle politique nécessite des transferts de fonds considérables des simples contribuables aux groupes à revenus plus élevés qui bénéficient ordinairement le plus de l'enseignement supérieur."

Cependant, l'accessibilité pour tous à l'université nous paraît devoir être conservée et nous proposons la mise sur pied d'un programme élargi de bourses d'excellence pour les étudiants.

Par ailleurs, ce régime de bourses d'études devraient permettre à des étudiants moins fortunés, non seulement d'avoir accès à l'université, mais encore d'y poursuivre des études de maîtrise et de doctorat.

Considérant que le gouvernement du Québec n'a peut-être pas les moyens de financer davantage les universités, vouloir maintenir les frais de scolarité à leur niveau actuel sous prétexte de maintenir l'égalité des chances et de favoriser l'accès égal pour tous à l'université, c'est un moyen de condamner toutes les universités à une médiocrité généralisée et de dévaloriser l'enseignement et la recherche universitaires.

Le temps est venu de mettre fin au sous-financement chronique des universités et de leur donner les moyens de jouer leurs multiples rôles au profit de la société. Nos universités ont consacré une trop grande part de leurs énergies et de leurs ressources à

"joindre les deux bouts". Il faut, maintenant leur donner la chance et les moyens de se préoccuper de la qualité de leurs activités d'enseignement et de recherche.

Nous espérons plus particulièrement qu'on donnera à l'Université de Montréal la chance de se maintenir au niveau d'excellence atteint dans certains secteurs et de l'atteindre dans certains autres. Nous serions satisfaits que, dans l'ensemble, nos universités rivalisent en qualité avec celles de l'Ontario. En fait, la médiocrité coûte plus cher, à long terme, que la qualité.

Non seulement faut-il mettre fin aux compressions et aux prélèvements imposés aux universités durant les dernières années, mais il est urgent que le gouvernement du Québec prenne des mesures urgentes pour ajouter plusieurs millions de dollars à l'enveloppe des universités.

Devant l'impossibilité d'accroître les impôts ou le déficit de la province, une solution est d'augmenter les frais de scolarité dans les universités, afin que ceux-ci représentent environ de 10 % à 15 % des dépenses courantes des universités, comme dans les autres provinces du Canada.

Par ailleurs, les universités devraient pouvoir augmenter leurs frais de scolarité sans subir de réduction de leurs subventions de fonctionnement. Toutefois, pour maintenir l'accessibilité à l'université, l'augmentation des frais de scolarité doit être compensée par un régime de prêts et bourses pour les excellents candidats ne disposant pas de revenus suffisants. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président, je devrais dire mon président; cela me fait plaisir. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, madame, messieurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les considérations que nous apporte votre mémoire. Je voudrais tout d'abord vous féliciter de l'intérêt que vous portez à votre aima mater qui le mérite bien. Cela doit être toujours encourageant pour ceux qui oeuvrent encore à l'université de savoir qu'ils peuvent compter sur l'appui des anciens élèves de l'université. (17 h 45)

Aux États-Unis, c'est une pratique très répandue. Je me rappelle, il y a deux ans, j'étais allé à l'Université de Princeton. Ce jour-là un visiteur éminent de Washington était venu, c'était M. George Shultz, un ancien de Princeton, et on l'a invité pour faire un discours, mais il fallait qu'il apporte aussi autre chose que le discours évidemment. II y avait une campagne de financement en cours et cela contribuait à apporter de l'eau au moulin. Aux États-Unis, les grands chefs d'entreprises, les hommes politiques et les figures intellectuelles éminentes n'hésitent jamais à s'identifier avec l'université où ils ont reçu leur formation afin de lui venir en aide après avoir reçu d'elle plus qu'ils ne lui rendront jamais. C'est, par conséquent, un aspect qui méritait d'être souligné à l'occasion de nos audiences. Je me réjouis, parce que cela nous a été possible de le faire aujourd'hui.

Dans votre mémoire - j'en viens tout de suite à l'essentiel, on a un problème de sous-financement qui est déjà assez fortement étayé par tous les témoignages entendus jusqu'à maintenant - vous dites: II y a trois moyens de faire face à ce problème-là: augmenter les taxes, augmenter le déficit du gouvernement et verser de l'argent au gouvernement en l'empruntant au public et le troisième moyen, c'est augmenter la contribution de ceux qui sont les premiers bénéficiaires de la formation reçue à l'université, c'est-à-dire les étudiants, jeunes ou adultes.

Je suis enclin, et je l'ai déjà dit à quelques reprises depuis le début des audiences de la commission, à reconnaître que ce problème est bien posé dans les termes où vous le posez. Je n'ai pas encore arrêté les conclusions que je devrai prendre pour moi-même et proposer au gouvernement, mais une chose que je dois dire, c'est qu'on a essayé la formule - cela fait huit ou neuf ans qu'on joue avec cela - et les gouvernements qui ont agi jusqu'à maintenant n'ont pas jugé devoir augmenter les subventions, la preuve c'est que, en valeur réelle, les subventions ont diminué.

Deuxièmement, ils ne sont pas beaucoup enclins à augmenter les taxes générales non plus pour donner plus d'argent aux universités. La tendance des gouvernements, c'est de réduire le fardeau fiscal, en particulier au Québec où le fardeau fiscal est proportionnellement pas mal plus lourd que dans l'ensemble du Canada. Le fardeau fiscal québécois est supérieur d'environ 25 % au fardeau fiscal moyen de nos concitoyens du reste du Canada. Par conséquent, il n'y a pas beaucoup de marge pour l'augmentation de ce fardeau.

Il y a une quatrième solution: réduire les services, couper, réduire les services, supprimer peut-être des organes qui évoluent à l'intérieur du grand tout universitaire. C'est une question qui est examinée également. Dans certains documents on a fait des propositions à cette fin qui semblent intéresser particulièrement nos amis de l'Opposition...

Il y a une chose qu'il faut dire. À supposer qu'on suivrait votre suggestion qui est, je pense, qu'on double les frais de scolarité, le rendement brut d'une mesure comme celle-là - je demandais tantôt à mes collaborateurs du ministère de l'Enseignement

supérieur de me fournir des chiffres - serait à peu près de 85 000 000 $.

Il faudrait, comme vous le dites, s'assurer que l'aide financière connaisse des ajustements visant à empêcher que des personnes qui auraient le talent voulu soient privées de l'accès à l'université. Il faudrait prévoir un certain montant pour cela. Cela veut dire que même en doublant les frais de scolarité, si vous souscrivez à l'avis du Conseil des universités voulant qu'une somme minimum de 100 000 000 $ soit injectée dans le secteur et qu'il n'y ait pas de compression ni de prélèvement, c'est une proposition qui ne règle même pas tout le problème.

Je ne sais pas si vous avez fait des calculs de ce point de vue. Présentement vous ouvrez la voie. Avez-vous fait des calculs, vous demandant jusqu'à quel point cela permettrait de régler le problème?

M. Grandmaison: Non, je ne peux pas dire qu'on a fait des calculs permettant de dire si cela réglera 25 %, 50 % ou 100 % du problème. Je pense que nous nous attaquons à une question qui est très sensible pour plusieurs, mais qui est basée sur certains éléments de logique et d'histoire, si on veut. Au Québec, les frais de scolarité étant gelés depuis 1965-1966, il faudrait presque les tripler maintenant pour que la contribution de l'étudiant soit équivalente à ce qu'elle était en 1965-1966.

Vous avez parlé de doubler, de générer 85 000 000 $, cela ne réglerait peut-être pas le problème complet des universités, mais cela pourrait être un pas dans la bonne direction.

Nous avons présenté dans notre mémoire cette approche des frais de scolarité, mais je veux quand même insister sur le fait que nous avons bien indiqué que, à moins que le gouvernement ne puisse débloquer des fonds, cela peut être une solution. Donc, il y aurait peut-être lieu de combiner plusieurs nouvelles sources de financement, peut-être augmenter les contributions du gouvernement, peut-être augmenter la part des étudiants. Lors de cette commission on a également discuté à plusieurs occasions de la part des entreprises.

Je pense que cette commission parlementaire et vous, M. le ministre, devrez prendre des décisions qui devront combiner chacune de ces sources. Nous, nous sommes certainement d'accord pour que le gouvernement place plus d'argent. Nous sommes certainement d'accord pour que les entreprises mette plus d'argent, financent davantage les universités.

Par rapport aux frais de scolarité, ce qu'on voulait énoncer, c'est qu'en tant que diplômés, en tant que gens qui vivons dans le milieu des affaires, nous croyons qu'il ne serait pas irréaliste et inacceptable que les frais de scolarité soient augmentés.

Comme je le disais, si on voulait maintenir les frais de scolarité au niveau de la contribution de 1965-1966, il faudrait au moins les tripler. Nous n'allons certainement pas proposer cela. Nous proposons qu'il y ait, s'il y a lieu, si le besoin est là - et je pense que le besoin est là - augmentation, mais c'est certain que cette augmentation devra être graduelle et devra quand même permettre aux gens une accessibilité à l'université. À ce moment-la, on parle souvent d'un programme de prêts et bourses adapté à ce cadre-là.

M. Ryan: J'ai mentionné la possibilité d'un doublement, pas parce que je faisais une proposition...

M. Grandmaison: Non.

M. Ryan: ...mais parce que, dans votre mémoire, vous écriviez qu'il fallait rejoindre la moyenne canadienne.

M. Grandmaison: Oui.

M. Ryan: Si on parle de moyenne canadienne, cela va chercher au moins deux fois plus.

M. Grandmaison: C'est cela.

M. Ryan: C'est seulement à titre d'hypothèse que je mentionnais cela, vu que vous l'aviez évoqué dans votre mémoire.

Parmi les autres sources de financement, vous avez parlé du secteur privé. Je pense qu'on a déjà eu des témoignages indiquant qu'il y a certaines possibilités de ce côté-là, mais qui demeurent quand même plutôt limitées. On va étudier cette possibilité, mais, dès qu'on veut obtenir des dons, par exemple du secteur privé, il faut envisager des mesures d'exemptions fiscales. Il faut mesurer ce que cela représente en pertes pour le Trésor public et pour les fins générales de l'État. Le gouvernement est plutôt enclin à ne pas hypothéquer d'avance des revenus fiscaux, à les garder pour les fins communes du gouvernement, quitte à les distribuer au meilleur de sa connaissance. C'est pour cela que c'est une avenue qui, peut-être avec le temps, révélera ses avantages mais qui, dans l'immédiat, suscite autant d'interrogations que d'intérêt. Quand même, on note ce point-là également. Je pense que c'est intéresssant.

À part cela, est-ce qu'il y a autre chose que vous envisagez comme source possible de revenus?

M. Grandmaison: J'aimerais parler des entreprises. Vous avez dit: Je comprends très bien que les incitations fiscales sont des

choses qui peuvent tenter les gens. Mais j'aimerais parler de l'entreprise. Mme Blackburn, à plusieurs occasions en commission parlementaire, a indiqué que l'université fournissait aux entreprises, à l'industrie, des diplômés et qu'à ce moment-là les entreprises en bénéficiaient. Je pense que c'est très vrai. Mais les universités bénéficient aussi des entreprises, premièrement parce qu'elles font des contributions financières, et deuxièmement parce qu'elles offrent des emplois à leurs diplômés. C'est dans ce sens-là qu'il faut aussi s'assurer qu'on maintient la qualité et l'excellence à l'université. C'est de cette façon que nos diplômés pourront se trouver un emploi dans les entreprises. Il faut toujours se rappeler que les entreprises, certainement les entreprises de haute technologie, sont très sélectives dans les endroits où elles vont se localiser. Dans ce marché des entreprises de haute technologie, il y a beaucoup de compétition. Si on veut attirer ici au Québec des entreprises de haute technologie, qui justement vont donner des emplois à nos diplômés, il faut s'assurer de leur donner un produit de qualité. Comme je le disais, les entreprises de haute technologie, actuellement, ont des concentrations aux États-Unis, dans la région de Boston, en Californie. Si on veut, au Québec, être capable d'obtenir ces concentrations, il faut que les universités forment des diplômés qui remplissent les exigences de ces entreprises. Je pense que c'est une contribution importante de l'entreprise, qu'elle donne des emplois aux diplômés.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, il me fait plaisir de vous accueilllir à cette commission au nom de ma formation politique. L'intérêt que vous manifestez à l'endroit de votre université est tout à votre honneur. Votre mémoire, ce qui me paraît important et que je n'ai pas vu beaucoup dans d'autres mémoires, a bien illustré le rapport qu'il y avait entre la scolarité et le chômage. Je trouve que c'est extrêmement important et cela ne nous est pas venu souvent. Je dois dire que je l'apprécie. Par ailleurs, vous allez me permettre - je ne ferai pas de long préambule - d'entrer tout de suite dans le vif du sujet, parce que, pour le reste, j'estime que tout ce que vous souhaitiez venir nous dire, c'est qu'il faut hausser les frais de scolarité, parce que cela vous paraît la seule mesure et la plus équitable.

Si vous permettez, je vais reprendre votre mémoire. J'ai de la difficulté à arriver aux mêmes conclusions que vous sur la base de ce que vous écrivez. En page 4, vous dites à l'avant-dernier paragraphe, à la dernière phrase: "Les sociétés fortement développées et dynamiques sont toujours, sans exception, des sociétés fortement scolarisées." En page 3, vous dites: "II n'a d'autre choix - toujours l'avant-dernier paragraphe de la page 3 - que d'investir - en parlant de l'État québécois - davantage dans l'enseignement et dans la recherche universitaires. "Les fonds publics engagés dans les universités doivent être considérés non comme des dépenses, mais comme un investissement rentable pour la reprise et le développement économique de notre société."

En page 8 - c'est toujours au même document que je me reporte, vous dites, au dernier paragraphe, en parlant du gel des frais de scolarité: "En maintenant le gel et l'uniformité des frais de scolarité dans les universités, les différents gouvernements du Québec ont voulu favoriser et garantir l'accès à l'université de tous les étudiants et de toutes les étudiantes qui étaient capables d'entreprendre et de réussir des études universitaires, indépendamment de leur condition financière." Vous dites: "Cette mesure a donné d'excellents résultats et elle a notamment permis aux femmes d'avoir enfin accès à l'université au même titre que les hommes. En fait, à l'Université de Montréal, depuis de nombreuses années, le nombre de diplômes obtenus par des femmes et par des hommes est sensiblement le même..." J'ajouterais une nuance: ce n'est pas dans les mêmes programmes, mais quand même.

Quand vous nous dites que cela a eu des effets sur la scolarité, quand vous dites que les sociétés - vous avez raison, je le partage - fortement développées et dynamiques ont toujours, sans exception, des sociétés fortement scolarisées, j'ai de la difficulté à vous suivre quand vous ajoutez tout de suite à la page 10, après votre affirmation voulant que cela ait eu des effets positifs sur la scolarisation, que "vouloir maintenir les frais de scolarité à leur niveau actuel sous prétexte - c'est en page 10 - de maintenir l'égalité des chances et de favoriser l'accès égal pour tous à l'université, c'est le plus sûr moyen de condamner toutes les universités à une médiocrité généralisée et de dévaloriser l'enseignement et la recherche universitaires". Je n'ai pas compris si, par votre "égal", il s'agissait d'admettre n'importe qui, même s'il n'avait pas les compétences et les qualités intellectuelles.

J'ai de la difficulté à vous suivre là-dessus. Vous avez des prémisses qui n'amèneraient pas la même conclusion. (18 heures)

M. Grandmaison: J'aimerais quand même apporter quelques éclaircissements sur ces points. Tout d'abord, quand on parle d'accès égal pour tous à l'université, je pense qu'il y a lieu de bien comprendre la

notion d'accessibilité. Si "accessibilité" veut dire que toute personne ayant le talent et les aptitudes, quelle que soit sa situation financière, peut poursuivre des études universitaires, je crois que c'est la notion d'accessibilité qu'il faut couvrir. Si nous parlons d'accessibilité en disant que c'est une accessibilité super élargie où on ne tient pas compte - où on est plus mou - de cette partie de talent et d'aptitudes, je pense qu'il faut faire attention à la qualité des diplômes que nous distribuons. L'Université de Montréal a soulevé ce point que les recherches de clientèles pour financer l'université les amènent souvent à une baisse de qualité, etc. Cet élément est important.

Vous avez touché un point auquel je suis tout à fait sensible. Vous avez mentionné que l'accessibilité a permis aux femmes d'accéder à l'université. Je vaudrais voua dire que je suis un père de famille et j'ai trois filles. Donc, c'est quelque chose auquel je suis sensible moi aussi. Dans ce sens, il faut tout de même regarder la question des aptitudes et du talent.

Mme Blackburn: Si vous dites "égal à n'importe qui", je partagerais assez vite et assez rapidement votre avis, on pourrait faire consensus. Par ailleurs, en conclusion vous dites au dernier paragraphe: "Toutefois, pour maintenir l'accessibilité à l'université -probablement que je vous lis de façon biaisée mais quand même vous allez probablement me corriger si j'ai tort - l'augmentation des frais de scolarité doit être compensée par un régime de bourses d'excellence pour les excellents candidats ne disposant pas de revenus suffisants." On pourrait continuer en disant que les moins bons candidats qui ont des revenus suffisants peuvent y aller, mais que s'ils n'ont pas de revenus suffisants, qu'à cela ne tienne on ne donne des bourses qu'à ceux qui ont... Je ne pense pas étirer l'interprétation, c'est textuel.

M. Grandmaison: Non, disons que vous en faites une bonne lecture. On peut peut-être l'interpréter. Ce qu'on vise et qui n'est peut-être pas exprimé autant qu'on l'aurait voulu dans le texte, je m'en excuse, c'est que nous croyons qu'il est primordial que, si l'augmentation des frais de scolarité devient une réalité, les programmes de prêts et bourses soient élargis. Je crois que c'est une conclusion ou une recommandation qui est proposée par tous les groupes qui ont soulevé l'idée de l'augmentation des frais de scolarité. Je ne voudrais pas qu'on interprète cela seulement en disant que c'est seulement les étudiants super excellents qui pourraient profiter de ces prêts et bourses.

Mme Blackburn: En page 6 - c'est pourquoi j'étais arrivée avec cette conclusion - au dernier paragraphe, vous dites: "Par ailleurs, les universités devraient bénéficier entièrement de l'augmentation des frais de scolarité." Il n'est pas question ici de bonifier l'aide financière. Vous revenez pour parler des bourses d'excellence. C'est pourquoi je m'étais permis de faire cette lecture. Est-ce que cela doit rester entièrement ou s'il doit y en avoir une partie qui serait versée dans...

M. Grandmaison: M. le ministre m'a dit tantôt que si on augmentait les frais de scolarité cela générerait 85 000 000 $. Il y a différentes façons de gérer ces 85 000 000 $. Ils pourraient être transmis entièrement aux universités, à 100 %, pour justement aider à administrer l'université. S'il y avait lieu, si le ministre, si les gens de la commission parlementaire et si l'université considèrent qu'une partie de ces montants pourraient être utilisés dans un programme d'aide, de bourses d'excellence, il y a peut-être une alternative à évaluer. Je laisserais tout de même la décision de l'utilisation de ces fonds au ministre et aux différentes universités. Ce que nous voulons bien mentionner lorsqu'on dit que ces montants doivent demeurer à l'université, c'est que nous traitons ici de la politique actuelle qui dit que les augmentations de revenus pour l'université impliquent nécessairement une réduction de la subvention. Je crois que c'est là qu'il faut concentrer ce commentaire par rapport au fait que les montants doivent demeurer dans les universités.

Mme Blackburn: Donc, l'argent pour bonifier l'aide financière devrait être pris ailleurs.

M. Grandmaison: Je pense que l'idéal serait qu'elle soit prise ailleurs parce que, encore là, si on se retrouve dans une situation où M. le ministre nous disait qu'un montant de 85 000 000 $ ne réglerait peut-être pas le problème... Si vous me dites que sur les 85 000 000 $, on va en prendre une partie pour aider le programme de prêts et bourses, c'est un choix et c'est un choix politique que des gens auront à prendre» L'idéal, je peux vous le dire, c'est que le gouvernement contribue davantage au financement, que le gouvernement contribue davantage aux prêts et bourses, que les entreprises contribuent davantage et, si besoin il y a, considérant qu'actuellement le gouvernement du Québec est très soucieux de la fiscalité et de son déficit, il y a peut-être une contribution des étudiants eux-mêmes qui serait apportée par l'augmentation de leurs frais de scolarité.

Mme Blackburn: Je vais revenir brièvement sur les incitatifs fiscaux et le fardeau fiscal des Québécois. Le ministre me dit

souvent que je suis dans l'erreur ou que j'ai une mauvaise connaissance, mais je pense pouvoir lui dire que cela m'étonnerait que je me trompe beaucoup là-dessus. L'écart n'est pas de 25 %, il serait beaucoup plus proche de 11 %. On pourrait peut-être se revoir là-dessus. Il pourra toujours m'apporter les données du ministre des Finances, sauf que ce que je sais - les données apparaissaient dans le dernier budget de M. Levesque -c'est que l'impôt des entreprises est de 2,6 % plus bas. Ma mémoire est plus fidèle là-dessus.

À présent, vous parlez des avantages des entreprises. Vous étiez probablement dans la salle quand j'ai fait état des conclusions d'une étude qui a été réalisée par le NPD: 14 000 000 000 $ de bénéfices nets qui ne sont pas imposés. Cela devrait me faire pleurer de penser qu'on puisse aller chercher un peu de sous là. Il me semble qu'il y a quelque chose qui... Sans hésiter, on dit qu'on peut aller chercher 100 000 000 $ d'augmentation, dans une seule année, dans les poches des étudiants. C'est plus de 100 000 000 $ à part cela. Il y a eu les frais afférents, il y a les bourses et si on double, cela va être plus de 100 000 000 $, c'est de l'ordre de 110 000 000 $. Il me semble qu'il y a une question d'équité qui parle d'elle-même.

À présent, on va faire avec vous le petit calcul que j'ai fait tantôt. En fait, si on double les frais de scolarité, c'est un peu plus de 70 000 000 $ qu'on va aller chercher. Si on apporte les bonifications à l'aide financière, c'est entre 25 000 000 $ et 30 000 000 $. Cela laisse donc dans les universités, au mieux, 35 000 000 $. Les compressions budgétaires de cette année sont allées en chercher 34 000 000 $. Vous doublez les frais de scolarité et vous avez exactement la situation que vous aviez en 1985-1986. Peut-être, à ce moment-là, devra-t-on abonder dans le sens de votre recommandation et les tripler.

M. Grandmaison: Disons que, mathématiquement, il reste encore 15 000 000 $ qui vont certainement donner une certaine marge de manoeuvre aux universités.

Mme Blackburn: 15 000 000 $?

M. Grandmaison: Vous m'avez dit 75 000 000 $ moins 25 000 000 $ sur les bonifications d'aide financière, il reste 50 000 000 $, et ensuite de cela il y a...

Mme Blackburn: Puis il y a près de 5 000 000 $ qui viennent...

M. Grandmaison: ...les compressions budgétaires de 35 000 000 $. Donc, il reste 15 000 000 $. Ces 15 000 000 $ pourraient peut-être donner une certaine marge de manoeuvre, mais je pense que...

Le Président (M. Parent, Sauvé): On s'excuse, monsieur. Messieurs les députés, à l'ordre s'il vous plaît! Nous vous écoutons. Excusez-nous, monsieur, de vous avoir interrompu.

M. Grandmaison: Donc, ce montant qui resterait permettrait certainement une certaine marge de manoeuvre.

En ce qui a trait à l'équité, je dois avouer, Mme Blackburn, que vous avez soulevé ce point en regard des 14 000 000 000 $, des montants qui ne sont pas... J'aimerais que vous alliez, si je peux me permettre, un peu plus loin. Vous nous apportez ce point pour nous demander premièrement: Est-ce que les compagnies ne sont pas suffisamment taxées ou est-ce que vous voulez que les universités aillent chercher une partie de ces 14 000 000 000 $?

Mme Blackburn: Ou est-ce qu'on peut penser à un impôt éducation qui serait prélevé dans les entreprises, un peu comme cela se fait en France pour la formation du personnel.

M. Grandmaison: Je vais avouer que c'est une hypothèse qui peut certainement être évaluée. C'est encore là une question... M. le ministre a bien mentionné lors de la commission que les questions fiscales n'étaient pas de son ressort mais bien du ressort du ministre des Finances, mais que c'est aussi, encore là, un choix politique, je crois, à savoir si on va aller avec l'impôt à l'éducation, comme vous proposez ou si...

Mme Blackburn: Ou une taxe aux étudiants. Je vous dirais que le ministre, hier, si vous me permettez, disait: Cela concerne des mesures fiscales et je ne suis pas habilité à traiter de ces questions... Dans la même phrase, il nous disait: Parlant d'incitatifs fiscaux pour les entreprises, oui je pourrais éventuellement examiner cela et en parler avec mon collègue le ministre des Finances. Dans un cas il ne pouvait pas le faire, mais dans le cas suivant il le faisait. Des fois, cela arrive.

Tout cela pour dire que je ne suis pas certaine que l'enjeu qui est en cause aujourd'hui, alors qu'on ne sait pas si- cela n'aura pas pour effet précisément de réduire l'accessibilité alors qu'on a besoin de hausser la scolarité au Québec - et que tout le monde le reconnaît - en quantité et en qualité, je me demande si on doit d'emblée acheter une telle proposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame pour votre intervention. Je m'excuse

madame.

Mme Blackburn: Cela va, merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci. J'aurais peut-être une boutade en commençant. Vous dites à la page 1 de votre mémoire, en introduction, que le recteur de l'Université de Montréal, M. Gilles Cloutier vous a fait l'honneur de vous associer à la préparation du mémoire de l'Université de Montréal. Je suppose que la même proposition a été faite aux étudiants et que peut-être ils l'ont refusée. D'une façon ou d'une autre, je ne le sais pas. Je le présuppose au départ. Je me posais simplement la question. Quand nous sommes étudiants à l'intérieur de l'université, nous la critiquons. Quand nous sommes diplômés à l'extérieur de l'université, nous la félicitons. Cela me fait penser un peu à quelqu'un qui, avant de mourir est un torrieu, comme on dirait, mais qui, une fois mort, est le meilleur homme qui n'a jamais pu passer sur la terre. Je l'ai bien dit, en termes de boutade.

Je vais vous référer aux années de diplomation. Je regarde les gens autour de la table que vous représentez. Je reconnais ici des gens qui sont députés de quelque côté de l'Assemblée nationale - vous avez fait mention tout à l'heure - qui ont été durant les années 1966, 1968, 1969 des gens qui avaient demandé l'accessibilité aux études postsecondaires et universitaires. Vous êtes probablement parmi ceux qui en ont profité. Dans ce contexte, si je vous replaçais comme étudiant, est-ce qu'aujourd'hui, en ce moment, vous auriez la même pensée qu'une fois diplômé à l'extérieur de l'université, c'est-à-dire d'aller chercher - vous avez laissé sous-entendre qu'une partie même des montants pourrait servir comme la part des étudiants pour combler un déficit gouvernemental ou assainir, peu importe comment on emploiera le terme, les finances publiques -est-ce que vous auriez la même réflexion aujourd'hui, comme étudiant à l'Université Laval, dans la bâtisse de l'Université de Montréal - c'est parce que moi je suis diplômée de l'Université Laval, je m'excuse du lapsus que j'ai fait - et diriez-vous à ce moment, comme étudiant: je ne voudrais pas que mes frais de scolarité soient augmentés si je n'ai pas des garanties équivalentes - et on ne me les donne pas encore au moment où on se parle - et si en plus de cela on n'a pas fait au moins - et je pense que la crise économique a aidé à faire ce cheminement -la critique même de l'ensemble de la gestion universitaire? N'auriez-vous pas le réflexe de celui qui est à l'intérieur et qui critique et qui dit non, alors qu'aujourd'hui, à l'extérieur, vous dites oui?

M. Grandmaison: Je pense que la question est très pertinente. Si j'étais étudiant, je serais probablement moi aussi un peu hésitant. Mais je pense que la décision qui a été prise en 1965-1966 de geler les frais de scolarité... Si les frais de scolarité, comme je vous le dis, avaient été indexés, augmentés sur une base régulière, on ne se retrouverait peut-être pas devant la situation actuelle où on arrive avec des gens qui en ont profité depuis 20 ans à un taux donné et d'autres gens qui disent: Maintenant, ils veulent les augmenter. Moi quand j'étais à l'université, je payais ça 500 $ par année. Cela fait déjà seize, dix-sept, quinze ans. On paie encore 500 $. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de choses qu'on paie encore 500 $. Je dois avouer que si j'étais à l'université en tant qu'étudiant, je serais moi aussi hésitant. (18 h 15)

Vous avez parlé de la gestion de l'université. Les étudiants en ont parlé beaucoup. Ils ont commenté la gestion de l'université. J'aimerais vous dire, en tant que gestionnaire, que je pense que les gens des universités et principalement ceux de l'Université de Montréal ont quand même réussi à se serrer beaucoup la ceinture. Hier, M. Roland Doré, de l'École polytechnique, vous a dit de façon très claire: Les deux, trois premières années de coupures, c'était peut-être logique. Cela nous a permis de faire cette réflexion, cette rationalisation, mais, maintenant, on est étouffés. Je pense que c'était dans ce sens. J'ai confiance aux gestionnaires qui sont à l'Université de Montréal. Je pense qu'ils ont réussi à vivre et à passer à travers ces coupures de très bonne façon. C'est difficile de continuer et de dire qu'on n'augmente plus les frais, et de remettre en question cette gestion.

Je pense que le ministère de l'Éducation, que ce soit sous un gouvernement ou sous un autre, a mis en place, à partir de ces réductions financières, des structures de vérification qui leur ont démontré que, maintenant, on ne coupe plus dans le gras. On en est rendu à attaquer la valeur de nos diplômes. La valeur de mon diplôme, elle est impartante pour moi et elle est importante pour le diplômé qui va venir et celui qui est venu avant moi. Je parlais tantôt avec les étudiants qui ont présenté leur mémoire. Je leur disais que c'est très important pour moi que la valeur de leur diplôme soit reconnue parce que nous sommes de la même famille de l'Université de Montréal. C'est l'Université de Montréal elle-même qui profite de cela. Donc, si on en est rendu à des restrictions budgétaires qui affectent la qualité de l'enseignement, de la recherche, et qui affectent la qualité d'un diplôme, nous, en tant que diplômés, on a le devoir de s'élever contre cela.

M. Jolivet: Je viens du secteur de

l'enseignement primaire et secondaire, je suis enseignant de carrière et syndicaliste par autre forme de profession, semble-t-il, À l'époque, on était des petits chenapans. Je dois vous dire qu'il y a eu effectivement, dans le secteur de l'enseignement primaire et secondaire, ce dont vous faites mention, des mesures de correction. Les commissions scolaires, dans les années soixante, avaient eu des déficits énormes. Quand on s'est retrouvé avec un montant de 485 000 000 $ à payer en 1975-1976, le gouvernement qui a suivi a essayé de mettre des correctifs et, malgré ces correctifs, on s'est retrouvé avec un autre trou de 500 000 000 $ - vous vous souvenez - dans les années quatre-vingt. On a le même problème avec les centres hospitaliers. On s'en va vers 100 000 000 $, au total, d'accumulés.

Donc, la question est quand même pertinente de la part des étudiants. Malgré tous les moyens qu'on s'était donnés à l'époque dans les secteurs primaire et secondaire, malgré tous les moyens qu'on s'est donnés dans le secteur des centres hospitaliers, il y a quand même une autre partie d'autonomie que possèdent les centres, de telle sorte qu'en fin de compte, on se retrouve avec des problèmes qui sont continuellement sur la sellette alors que normalement on aurait essayé de trouver des solutions pour régler correctement le problème.

Or, la solution que vous préconisez et que d'autres semblent préconiser, comme premier réflexe, c'est l'augmentation des frais de scolarité et, comme deuxième réflexe, c'est celui qui concerne d'autres formes d'aide, incluant les sommes d'argent que pourrait investir le gouvernement. Si, en 1965-1966, on s'est fixé un objectif en ce qui concerne l'accessibilité, il ne faudrait pas le perdre de vue. L'impression qui peut ressortir, c'est que l'augmentation des frais de scolarité pourrait amener une réduction de la possibilité pour des jeunes d'accéder au niveau universitaire.

M. Grandmaison: Vous avez dit que notre réflexe premier avait été vers les frais de scolarité. Je ne voudrais pas que ce soit perçu comme cela. Nous aimerions que le gouvernement contribue davantage. Nous aimerions que l'Université de Montréal maintienne son statut d'excellence, qu'elle maintienne la qualité de son enseignement, etc. J'aimerais que M. le ministre nous fasse un chèque cet après-midi et donne à M. Lussier les sommes d'argent dont il a besoin. On peut lui demander combien il veut. C'est cela qui serait peut-être la solution.

Je pense qu'on doit partager cet idéal du gouvernement, de la société. On est dans une situation où on est très taxé, on a des déficits. En tant qu'hommes d'affaires, on est dans des situations où on ne veut plus être taxés et où on ne veut plus que le gouvernement ait des déficits. Si on arrive à cela, peut-être que les gens que nous avons élus à l'Assemblée nationale devraient faire ces choix politiques de dire: On n'augmente pas les déficits, on n'augmente pas les taxes, une façon, ce sont les frais de scolarité. Je vous dis tout de suite que ce n'est pas notre réflexe premier d'augmentation des frais de scolarité.

Concernant l'idée de maintenir les frais de scolarité à un niveau bas et l'accessibilité, je ne voudrais pas revenir sur certains mémoires qui vous ont été présentés, mais je pense que, principalement, le Conseil des universités a traité de ce sujet et a apporté des études qui démontrent qu'il n'y a pas de relation automatique entre augmentation de frais scolarité et accessibilité réduite à l'université. Je pense que dans ce sens, vous avez à consulter ces analyses. Il y aura lieu, si le gouvernement le juge nécessaire, de faire d'autres analyses, mais ce n'est pas automatique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, je vous invite à conclure au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M, le président, madame, je me sens quasiment le besoin de me faire pardonner la sévérité de mes questions. J'ai observé le ministre au cours de ces deux dernières semaines. Avec les étudiants, il fait preuvre d'une rigueur que j'apprécie d'ailleurs; il les oblige à faire la démonstration que ce qu'ils avancent est fondé et qu'on comprend bien leur texte et les fondements sur lesquels reposent leurs avancés. J'ai le goût de le faire avec à peu près tous les groupes. Cela explique un peu la démarche que j'ai entreprise avec vous.

Si vous permettez, cependant, il y a une chose sur laquelle je voudrais revenir. Dans votre texte, vous citez, fort justement les propos d'un rapport de l'OCDE et un autre rapport - dont je ne me rappelle plus la provenance de toute façon - pour dire que les frais de scolarité relativement bas étaient un mode de financement régressif parce qu'ils faisaient payer par les moins bien nantis la scolarisation de ceux qui l'étaient davantage.

La solution, à mon avis, ne repose pas dans un dégel des frais de scolarité qui ne tienne pas compte de ces faits. Dégeler les frais de scolarité, ce n'est pas essayer de corriger une situation, ce n'est pas essayer de renverser cette tendance, c'est la consacrer. Dans ce sens, cette démarche, il me semble, je l'ai dit à quelques reprises, les universités ne m'ont pas semblé très préoccupées de comprendre le phénomène qui fait qu'au Québec, malgré, il faut l'admettre,

des conditions particulièrement favorables, des frais de scolarité bas, un régime d'aide financière relativement généreux, on n'ait pas réussi à renverser ou à avoir un meilleur équilibre de réprésentation socio-économique dans nos universités.

Une étude réalisée pour les étudiants chez vous, je ne sais pas si tout le monde l'a en main, démontre que cela a peu évolué. Il y a moins de 50 % des fils et filles de professionnels, de cadres supérieurs, cadres moyens qui sont dans les universités, contre 48 % ou 46 %... Ces 46 % sont encore dans les programmes traditionnels, c'est-à-dire les sciences de l'éducation, etc.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous pouvez conclure madame.

Mme Blackburn: M. le Président, ce ne sera pas très long. Ce qui me fait dire que les universités, je voudrais poursuivre, ne m'ont pas fait la preuve, jusqu'à aujourd'hui, qu'elles avaient été très préoccupées de mieux cerner ce problème et peut-être de proposer des éléments de solution.

Quand vous comparez l'Ontario et les États-Unis, j'en suis, sauf que quand on essaie de comparer, c'est comme quand on essaie d'emprunter des formules toutes faites ailleurs pour gérer nos écoles, nos universités, les programmes scolaires: on a connu des revers importants et coûteux. Quand on essaie comme cela de dire: Si cela se passe bien en Ontario et aux États-Unis, cela devrait avoir le même résultat chez nous. Ce n'est pas le même contexte. Je le rappelle, on a une richesse collective de 25 % plus basse qu'en Ontario. On a un taux de chômage plus élevé, une tradition de l'éducation moins élevée. Il me semble que c'est dans ce contexte qu'il faut se placer.

Par ailleurs, vous le savez plus que moi certainement, ce qui fait la différence entre le bénéfice des entreprises qui possèdent sensiblement les mêmes technologies, cela repose sur la qualité des ressources humaines. Donc, elles en sont, à mon avis, avec les détenteurs de la formation, les premières bénéficiaires.

J'ai quand même toutes les opinions ici et la vôtre, d'autant plus que vous avez appuyé le mémoire de votre université, et je partage avec l'Université de Montréal une grande partie de ses préoccupations. Vous les faites vôtres, et en ce sens-là, j'apprécie beaucoup votre démarche. Je voudrais vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission, je le fais au nom de mon collègue et en mon nom personnel.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, j'écoutais la députée de Chicoutimi discourir comme je l'ai entendue le faire depuis le début des audiences de la commission et j'ai bien hâte de connaître les suggestions qu'elle aura à proposer pour faire face au problème qui nous est présenté. J'en vois poindre une, je ne sais pas si elle parle au nom de son parti ou en son nom personnel, mais j'ai l'impression qu'elle se dirige vers un impôt sur les compagnies. C'est la chose qu'on a entendue le plus souvent dans les propos qu'elle a tenus. On va être intéressés de savoir si c'est une position vers laquelle son parti s'oriente ou non, mais pour l'instant, c'est à peu près tout ce qu'on a entendu.

Il ne faut pas que vous vous étonniez de cela parce qu'il faut qu'il y ait un peu de débats entre nous aussi. C'est une commission parlementaire, ce n'est pas seulement un club de "gentlemen" et d'amis. J'ai bien hâte de voir comment la position du parti d'Opposition va se définir sur cette question. Nous sommes très intéressés à la connaître aussi.

Vous nous avez posé le problème de votre point de vue, M. le président, avec clarté. Une chose qui est intéressante dans le processus parlementaire, c'est qu'à mesure que nous cheminons, cela a l'air confus par moment, cela a l'air lent, mais les enjeux se précisent. Une chose que j'ai eu de la difficulté à comprendre dans la politique au début, c'est que finalement, cela se résume à un oui ou à un non, un blanc ou un noir, péquiste ou libéral.

Une voix: Promesse pour promesse.

Mme Blackburn: Blanc ou noir. On peut penser qu'ils sont blancs et nous, noirs.

M. Ryan: Cela se résume à une question très simple et il n'y a aucune question qui est simple au fond. Nous savons tous que les questions sont infiniment complexes. C'était ma joie quand j'étais dans le journalisme d'analyser les questions sous tous les aspects sans être obligé de trancher catégoriquement. Cependant, au bout de la ligne, il faut que le gouvernement et l'Opposition aussi finissent par s'aligner clairement et c'est vers cela qu'on est dirigé tranquillement par le travail de la commission. Je ne voudrais pas qu'on le perde de vue.

Il y a quatre pôles: taxes, endettement - cela devrait être une voie qui intéresse nos amis car ils nous ont laissé un bon héritage de ce côté-là...

M. Jolivet: Le voilà! La partie partisane, il fallait bien que cela finisse! Ce n'est pas cela que vous aviez dit!

Mme Blackburn: C'est un classique.

M. Ryan: C'est ce que nous avons proclamé depuis cinq ans. Nous avons averti nos concitoyens dès 1979-1980 du trou que vous alliez nous laisser.

Il y a ensuite la diminution des dépenses. On essaie d'avoir des indications des besoins ou des possibilités qu'il y aurait de ce côté-là. Jusqu'à maintenant, quelques affirmations, pas beaucoup de démonstrations. Au contraire, on nous dit qu'on a fait des coupures qui... On va en trouver quelques-unes, nous autres, des sources de réduction possible des dépenses. J'écoute tout cela et je garde l'esprit ouvert là-dessus.

Il y a, quatrièmement, l'augmentation des autres sources de revenu. Ce qu'on mentionne, ce sont les frais de scolarité, les impôts. Cela ne nous donne pas énormément de choix, mais c'est bon parce qu'il y a trois ou quatre enjeux principaux qui sont en train de se dégager clairement de tout le travail. Au bout de la ligne, il va falloir que le gouvernement fasse un choix. L'Opposition sera appelée à faire le sien également. C'est comme cela que la démocratie progresse. Je dois vous dire que, pour l'instant, nous continuons à écouter les témoignages qui nous sont présentés et nous allons le faire pendant encore deux ou trois semaines. La première échéance qui nous attend est l'exercice budgétaire 1987-1988 et nous aurons des nouvelles sûrement à communiquer à la fois aux universités et à nos amis de l'Opposition en temps utile.

Je termine en signalant que la journée a été très fructueuse. Nous avons pu prendre connaissance de la réalité de l'Université de Montréal sous de nombreuses facettes. Je voudrais remercier tous ceux qui sont intervenus pendant la journée et leur dire que leurs témoignages, même lorsqu'ils n'allaient pas toujours dans le sens de nos attentes ou de nos propres opinions, ont été très utiles pour nous aider à faire le tour de cette partie du problème des universités que représente l'Université de Montréal.

Je signale, en terminant, que dans la famille de nos universités, l'Université de Montréal occupe une place de choix. C'est la première de nos universités francophones par l'importance physique. À bien d'autres points de vue, c'est la première également. Cela ne veut pas dire que les autres n'ont pas beaucoup d'importance également, mais ce que nous ferons pour l'Université de Montréal, je pense que tôt ou tard, nous allons le faire également pour les autres universités, et je veux vous assurer de mon intérêt très particulier et intense pour l'avenir de cette université. Je vous remercie tous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le ministre. Merci, M. le président, madame, messieurs.

La commission parlementaire sur l'éducation ajourne ses travaux au mardi 30 septembre à 10 heures alors que nous accueillerons l'Université du Québec à Trois-Rivières.

(Fin de la séance è 18 h 30)

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