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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 30 septembre 1986 - Vol. 29 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les députés et nos invités à prendre place. La commission parlementaire sur l'éducation va commencer ses travaux incessamment.

Dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, savoir procéder à une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau québécois des universités pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures, ce matin, la commission parlementaire accueille l'Université du Québec à Trois-Rivières et le Conseil du patronat du Québec.

Au début de l'après-midi, nous continuerons nos travaux en accueillant l'Université du Québec à Montréal. Je tiens à informer les membres de cette commission que nous devions accueillir, immédiatement après l'Université du Québec à Montréal, les représentants du Conseil de l'industrie électronique du Québec lesquels, malheureusement, nous ont avisés qu'ils ne seraient pas en mesure de venir nous rencontrer.

Alors, j'accueille en votre nom le recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières, M. Jacques Parent, qui sera le porte-parole de ce groupe. M. Parent, d'abord, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de cette commission parlementaire de venir discuter avec nous de la problématique du financement et de l'orientation du réseau universitaire québécois. Je pense que cette réponse spontanée que vous avez donnée aux gens de la commission va nous aider à trouver réponse à toutes les interrogations que nous nous posons face à ces deux problèmes. M. Parent, la commission a environ deux heures peut-être plus, peut-être moins, tout dépendra de l'heure, mais je veux que vous vous sentiez bien à votre aise - on a au moins deux heures à vous consacrer, dis-je, a vous écouter et à dialoguer avec vous et avec les gens qui vous entourent. Cela va être une discussion franche, honnête, peut-être informelle même, pour autant qu'on respecte nos règles de procédure. Mais le seul but que nous recherchons, c'est d'aller chercher le plus de renseignements pertinents possible pour nous aider à atteindre l'objectif que s'est fixé cette commission.

M. Parent, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent, après quoi vous pourrez immédiatement enchaîner avec la présentation de votre mémoire. Si je me souviens bien, vous nous avez informés que vous prendriez environ une vingtaine de minutes pour nous le présenter. Le reste du temps sera réparti en parts égales entre les deux formations politiques, les gens qui vous accompagnent et vous-même pour la période d'échanges avec les membres de la commission.

Nous vous écoutons, M. Parent.

UQTR

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, avec votre aimable permission, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'ai fait une faute technique. Avant de débuter une commission parlementaire, je me dois de m'informer officiellement s'il y a des changements ou des remplacements sur la commission parlementaire, et je l'ai omis.

Le Secrétaire: M. le Président, M. Philibert (Trois-Rivières) remplace Mme Bleau (Groulx). Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Parent (Jacques R.): Je disais donc, M. le Président, qu'avec votre aimable permission, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent à cette table. D'abord, le représentant de la table de concertation enseignement supérieur-milieu, M. Gilles Beaudoin, qui est à la droite de M. le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, M. le maire de la ville de Trois-Rivières. Mes collaborateurs et mes collègues, cadres supérieurs: à mon extrême gauche, M. Jean Asselin, vice-recteur associé à l'enseignement et à la recherche, à ma gauche, M. Paul-André Quintin, vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, à ma droite M. André Brousseau, secrétaire général et, à mon extrême droite, M. Robert Beaudoin, vice-recteur à l'administration et aux finances.

Si vous me le permettez, M. le

Président, j'aimerais aussi souligner la présence de membres de la table de concertation enseignement supérieur-milieu qui sont à l'arrière. Il y a d'abord M. Gérard Kelly, M. Alain Lai lier et M. Lemire qui sont des directeurs généraux de collèges. M. Kelly est du collège de Shawinigan, M. Lallier du collège de Trois-Rivières et M. Lemire du collège de Drummondville. Ensuite, du monde syndical, M. Edouard Gagnon qui est avec nous ce matin. Pour le monde des affaires, M. Jean Marineau, M. Raynald Laquerre. Nous accompagnent également, du monde municipal, M. Dominique Grenier, maire de la ville de Shawinigan, M. Jean-Yves Dessureault, président du conseil d'administration de l'Université du Québec à Trois-Rivières, M. André Pleau, président de la Chambre de commerce de Trois-Rivières et M. Jean-Claude Beaumier, maire de la ville de Cap-de-la-Madeleine.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mesdames et messieurs, bienvenue.

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission parlementaire. Une société qui veut façonner son futur et miser sur son avenir doit investir dans ses établissements d'enseignement supérieur pour développer son capital humain et se donner les connaissances nécessaires à son développement.

C'est parce que nous croyons à cette affirmation que nous intervenons actuellement auprès de la commission de l'éducation et notre geste se situe dans la suite du mémoire que nous avons soumis à la commission permanente de l'éducation et de la main-d'oeuvre d'octobre 1984. Il constitue aussi un complément au mémoire présenté à l'actuelle commission par l'Université du Québec, mémoire avec lequel nous sommes évidemment d'accord.

Dans ce contexte, il n'y a pas lieu de reprendre ici l'ensemble des éléments contenus dans notre mémoire de 1964 et dans le mémoire de l'Université du Québec. Nous voulons plutôt, sur la base d'une illustration concrète de la vie de notre établissement, montrer comment l'Université du Québec à Trois-Rivières doit, si elle veut continuer à se développer et être en mesure de remplir de façon valable et satisfaisante ses obligations et ses responsabilités face aux besoins et aux attentes de la société, pouvoir compter sur des conditions de vie et de développement améliorées qui soutiennent adéquatement ses propres efforts.

L'université estime avoir, depuis sa fondation et malgré son jeune âge, contribué activement et de façon significative au développement scientifique, technologique, social, culturel et économique de la société et cela au niveau national et même au niveau international. Elle estime l'avoir fait tout en posant des gestes et en agissant de façon permanente pour s'inscrire de plain-pied dans le développement de la région Mauricie-Bois-Francs-Drummond, région dans laquelle elle est plus profondément enracinée et liée dans sa vie quotidienne. Elle estime l'avoir fait en se développant comme une université de taille moyenne répondant aux besoins réels des étudiantes et des étudiants qui la fréquentent, étudiants provenant aussi bien du Québec entier que de sa région plus immédiate.

En effet, après dix-sept années d'existence, l'Université du Québec à Trois-Rivières considère en toute modestie avoir atteint une certaine maturité de développement et devoir être reconnue comme un établissement universitaire à vocation générale ayant sa propre personnalité et pouvant en ce sens fournir des apports spécifiques au développement de la société. Encore faut-il, pour que ces actions portent fruit à court et à moyen terme, s'assurer que notre établissement puisse compter sur les ressources nécessaires à la réalisation de ces objectifs. Or, ce n'est plus le cas.

Déjà il y a deux ans, en novembre 1984, l'université avait informé la commission permanente de l'éducation des impacts prévus des compressions budgétaires annoncées pour 1985-1986 et expliqué comment elle était, pour sa part, entrée dans l'ère des compressions et des contraintes budgétaires au moment même où ses efforts de défrichage commençaient à porter fruit et auraient dû normalement lui permettre de prendre son plein élan.

Elle ajoutait aussi qu'elle ne voyait pas comment, après sept ans seulement d'existence, une jeune université pouvait subir des compressions budgétaires permanentes et répétées sans que soit remise en cause, ou à tout le moins mise en danger, la qualité même de ses interventions. Bien, M. le Président, nous en sommes là. Disons-le sans ambages, nous avons un déficit accumulé de 1 500 000 $ et nous continuons à faire, en 1986-1987, un déficit de fonctionnement de près de 200 000 $ après avoir coupé pour 800 000 $ dans des éléments souvent essentiels, réduisant même considérablement le nombre des activités d'enseignement prévues pour la population étudiante.

Cela ne peut plus continuer. La situation devient dramatique et l'avenir de l'université est de plus en plus compromis. Tel est donc l'objet de ce mémoire: montrer comment, jusqu'à ce jour, l'Université du Québec à Trois-Rivières a su réaliser sa mission d'établissement à vocation générale sous toutes ses dimensions, malgré le contexte exigeant des compressions budgétaires qui affectent les universités depuis de nombreuses années; montrer aussi quels efforts ont été faits en son sein et en

concertation avec d'autres partenaires pour planifier son développement, augmenter sa productivité et ses revenus et rationaliser ses dépenses; montrer enfin comment ses conditions actuelles de vie doivent nécessairement être améliorées, d'une façon ou d'une autre, si l'on veut qu'elle puisse remplir sa mission éducative et culturelle et assumer efficacement l'ensemble de ses responsabilités comme agent de formation, de développement et de changement social.

Pour bien faire comprendre ces diverses dimensions aux membres de la commission, il m'apparaît utile de commencer ici par un bref rappel du profil de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Installée en mars 1969 comme une université à vocation générale au sein du réseau de l'Université du Québec, l'Université du Québec à Trois-Rivières a depuis lors développé des programmes d'enseignement aux premier, deuxième et troisième cycles et s'est acquis la réputation d'une université de recherche active et dynamique dans les principaux champs du savoir.

Elle est comme institution, et par l'intermédiaire de ses activités et de son personnel, intimement impliquée dans le développement social, culturel et économique de son milieu. Elle maintient et développe de nombreuses ententes de coopération et de développement international en enseignement et en recherche.

Enfin, pour que ses enseignements soient le plus accessibles possible aux individus et aux groupes désireux de faire des études universitaires ou devant profiter de programmes de recyclage ou de perfectionnement, elle offre des activités d'enseignement à des moments et dans des lieux choisis en fonction des besoins de la population en général. C'est ainsi qu'elle offre en soirée des activités dans divers centres comme Drummondville, Victoriaville, Shawinigan, Sorel, Saint-Hyacinthe et Juliette.

D'un point de vue global, l'Université du Québec à Trois-Rivières regroupe, en 1985-1986, une communauté d'environ 11 000 étudiantes et étudiants, 310 professeurs et 400 autres personnes appartenant à divers types d'emploi. Elle a, jusqu'à ce jour, décerné plus de 17 500 diplômes et ses professeurs produisent annuellement des centaines de publications scientifiques reconnues. Ainsi, par exemple de 1982 à 1984, on peut dénombrer plus de 500 publications, 700 communications et une soixantaine de livres.

Les figures contenues dans le texte du mémoire qui est déjà en votre possession illustrent bien la situation de l'université dans une perspective historique. Vous y trouverez les éléments montrant la progression continue de la population étudiante par cycle d'étude, la stabilisation du corps professoral depuis 1978, stabilisation qui entraîne inévitablement un vieillissement de ce même corps professoral, une augmentation de la scolarité, de la diplômation du corps professoral, résultat entre autres d'une politique énergique de perfectionnement, un développement sélectif des programmes d'enseignement aux divers cyles d'étude et enfin, une nette croissance continue dans l'obtention de subventions, contrats et commandites de recherche de la part de ses professeurs, un sommet pour l'année 1986-1987 de l'ordre de 6 000 000 $.

L'ensemble de ces figures permet donc de constater d'un simple coup d'oeil le développement accéléré de notre établissement au cours de ces années. Il permet également de voir qu'à ce développement correspondent aussi une stabilisation et même une décroissance des ressources, comme nous le verrons de façon plus précise ultérieurement.

Sans entrer ici dans les détails, il faut rappeler que, dès sa fondation, l'Université du Québec à Trois-Rivières a dû se donner un modèle original de développement et faire des choix pour relever un double défi: d'une part, pouvoir se développer comme université à vocation générale sans nécessairement imiter le modèle urbain centralisé des universités établies et, d'autre part, répondre aux exigences de son insertion dans la trame de vie d'une région particulière.

Au plan de l'enseignement, au moment même où l'université établissait un large éventail de programmes de premier cycle pour assurer à la population l'accès aux études universitaires, elle se souciait déjà de créer des programmes d'études avancées pour assurer le caractère universitaire global de l'établissement et stimuler la recherche de ses professeurs et la formation de chercheurs.

Dans ce cheminement et dans ce processus, l'université a cependant toujours conservé le souci d'un développement sélectif de ses programmes qui tienne compte à la fois de l'évolution des disciplines, de l'existence de programmes comparables dans l'ensemble du réseau des universités québécoises, de sa capacité de donner des services de qualité, soutenus par des ressources compétentes et, évidemment, des besoins de la société québécoise et de la région Mauncie-Bois-Francs-Drummond.

Dans la perspective précisément d'assurer la qualité de ses interventions, l'Université du Québec à Trois-Rivières a par ailleurs été l'une des premières universités québécoises, sinon la première, à avoir un système complet, intégré, organisé, planifié d'évaluation de ses programmes, et ce système d'autocritique a accompagné intimement son cheminement depuis 1978.

Par sa situation, par sa vacation, par ses choix, l'Université du Québec à Trois-

Rivières a ainsi été amenée très tôt à formuler et à articuler son développement dans un cadre rigoureux de planification, soutenue d'ailleurs en cela par le réseau de l'Université du Québec.

En ce sens, elle s'est dotée de plans triennaux d'action depuis 1976. C'est dans son dernier plan, portant sur les années de 1985 à 1988, intitulé "Vers de nouveaux horizons. Miser sur la capacité créatrice de la communauté universitaire" que l'université affirme le plus clairement son intention de maintenir, en dépit des coupures budgétaires, son modèle et ses perspectives de développement, ce qui se traduit dans la formulation des cinq grands objectifs que l'université s'est donnés pour cette période.

Le premier objectif de l'université, c'est de consolider et de raffermir sa vocation générale, vocation qui se définit essentiellement par une intervention aux trois cycles d'études et en recherche. Au premier cycle, sans prétendre couvrir toutes les disciplines, l'université a développé un éventail de programmes qui permet un réel accès aux études universitaires dans la plupart des grands secteurs disciplinaires et les champs d'études.

Elle a aussi montré dernièrement dans un Avis relatif au rapport d'un comité d'étude du Conseil des universités sur la formation courte que ses interventions auprès de la population adulte répondaient à des besoins de niveau universitaire et qu'elle pouvait, de fait, rendre accessibles les études universitaires à ces mêmes adultes sans diminuer la qualité de ses interventions.

C'est cependant au niveau des études avancées et de la recherche que l'université fait surtout porter ses efforts de développement depuis quelques années, répondant en cela aux besoins des disciplines et aux attentes de la société québécoise. Elle se donne ainsi, dans différents domaines, un développement sélectif et orienté dans des secteurs originaux ou complémentaires aux autres établissements comme, par exemple, en pâtes et papiers, en biophysique, en économie et gestion des systèmes de petite et de moyenne dimensions, en électronique de puissance, en études québécoises, en gestion de projet, en sciences du loisir, en hygiène et sécurité industrielles, sur les insectes piqueurs, sur les habitats fauniques, sur la Mauricie, en contrôle de la motricité et sur bien d'autres encore.

En outre, et il serait trop long d'en faire ici la démonstration détaillée, l'unversité a beaucoup misé, dans sa planification et son développement, sur la concertation que lui permettait son appartenance au réseau de l'Université du Québec visant à animer la "communauté scientifique" de ses divers établissements et aussi sur son appartenance au réseau des universités du Québec permettant, bien sûr, diverses collaborations.

Fidèle à la vocation originelle de l'Université du Québec visant à soutenir le développement dans les régions, l'Université du Québec à Trois-Rivières s'est aussi donné comme deuxième objectif d'intensifier ses relations avec le milieu sur la base d'interventions originales et articulées au sein de sa région d'appartenance plus immédiate.

Ainsi, après avoir piloté le dossier du Bilan scientifique et technologique de la région 04 sous l'égide du Conseil de la science et de la technologie et après avoir été impliquée dans de nombreux projets de développement issus du Sommet économique de la région ou présentés à ce sommet, l'Université du Québec à Trois-Rivières a participé directement à la création d'une table de concertation enseignement supérieur-milieu où, avec les collèges d'enseignement général et professionnel de la région et ses partenaires socio-économiques du monde municipal, patronal, syndical et financier, elle contribue activement au développement de la région.

Elle a aussi signé avec les collèges une charte de collaboration qui contient les principes directeurs de cette collaboration des établissements d'enseignement postsecondaire, non seulement au développement social, culturel, scientifique et tehcnologique de la région, mais aussi à son développement économique.

Dans un troisième objectif, l'université manifeste son intention d'intensifier et de diversifier ses actions au niveau international, d'une part, pour garantir la qualité scientifique de ses interventions en enseignement et en recherche en les soumettant à la réalité de l'universel et, d'autre part, pour permettre à d'autres pays de profiter de son expertise et de ses connaissances. Des dizaines de protocoles de coopération avec de nombreuses universités de pays différents viennent témoigner de la pertinence de cet objectif. (10 h 30)

L'effervescence qui a conduit à la multiplication de ces projets et de ces ententes a une signification profonde dans la vie de l'université. Elle peut être interprétée comme le signe qu'ayant atteint une certaine maturité de développement, l'université peut maintenant s'ouvrir à des horizons plus universels auxquels la qualité de ses interventions lui permet d'accéder. Et cela elle le fait de façon très sélective, tout en visant un autofinancement de ces activités.

Enfin, dans un quatrième et dans un cinquième objectif, l'université manifeste à nouveau sa volonté de continuer à intégrer les diverses dimensions de sa vie universitaire et à augmenter ses ressources, tout en favorisant une utilisation optimale de celles dont elle peut encore disposer en

fonction de ses choix et de ses priorités.

Car, en effet, comment les projets de développement et même les projets de consolidation de l'université pourront-ils de fait se réaliser si non seulement le gouvernement ne lui fournit pas de ressources supplémentaires, mais s'il maintient et continue ses compressions, ne serait-ce qu'en ne lui fournissant pas une indexation complète de ses dépenses?

M. le Président, la situation est critique et l'avenir de notre institution est en danger, dans ce qui a peut-être fait sa force jusqu'à ce jour, savoir sa capacité d'adapter sa programmation d'enseignement et de recherche en fonction des besoins prioritaires de la société et son souci de planifier son développement dans des actions faisant continuellement appel à la capacité innovatrice des membres de la communauté universitaire.

Que s'est-il passé avec les ressources de l'établissement pendant ces années de développement qui, depuis 1978, correspondent aussi à des années de compressions ou de coupures? C'est ce que nous avons montré dans notre troisième chapitre que 'nous avons intitulé: "Faire plus avec moins: Jusqu'où peut-on aller?" En effet, ce développement accéléré dont nous avons parlé précédemment, avec quels moyens et quelles ressources a-t-il été rendu possible? Les ressources se sont péniblement maintenues en certains cas, ont fondu comme neige au soleil dans les autres cas, alors que les efforts de redressement ont été constants.

De façon plus précise, depuis 1978-1979, le ratio du nombre d'étudiants équivalent à temps complet par professeur a augmenté de façon significative passant de 16,6 en 1978-1979 à 20,8 en 1983-1984; ce qui était à ce moment plus élevé que la moyenne québécoise et la moyenne ontarienne. Aussi, depuis 1978, le montant consacré annuellement à l'acquisition de ressources documentaires a diminué ou est demeuré stable malgré l'augmentation du nombre de programmes d'études offerts, particulièrement aux études avancées, et malgré la croissance numérique de la population étudiante.

Ainsi, en 1985, les fonds consacrés par l'université à l'acquisition de ressources documentaires n'étaient guère plus élevés que sept ans auparavant. La situation est déplorable si on considère qu'avec un ratio de 42 documents par étudiant équivalent à temps complet, l'université est nettement en dessous de la moyenne des bibliothèques québécoises qui montrent un ratio de 120 documents par étudiant équivalent à temps complet.

L'enveloppe budgétaire consacrée aux dépenses d'investissement affectées au réaménagement, à la rénovation et à l'acquisition d'équipements n'a suivi ni l'augmentation du coût de la vie ni celle des populations étudiantes. De plus, l'université a dû consacrer jusqu'à 70 % de cette enveloppe pour soutenir des dimensions de son développement telle l'implantation de ses nouveaux programmes, négligeant par le fait même des investissements qui auraient dû être effectués pour l'entretien et la rénovation de ses immobilisations. L'université, durant cette même période de 1978 à 1986, a progressivement augmenté la part de ses revenus de fonctionnement provenant de sources autres que la subvention d'équilibre générale du gouvernement et les frais de scolarité. Si ces divers éléments illustrent bien la nature des compressions et la baisse dramatique des ressources qui ont accompagné le développement de l'université pendant les dernières années, ils témoignent en même temps d'une augmentation réelle de ce que l'on se plaît à appeler la productivité ou la "performance" de notre établissement.

Nous devons conclure, M. le Président, en rappelant, comme l'indique notre texte, notre profonde conviction que le monde universitaire doit pouvoir contribuer encore à défricher et ouvrir l'avenir de la société québécoise. Pour sa part, depuis le moment de sa fondation, l'Université du Québec à Trois-Rivières s'est développée comme un établissement à vocation générale et a atteint une certaine maturité. Elle est devenue une université ayant une âme, une personnalité, des traits caractéristiques qui l'identifient bien au sein du réseau des universités québécoises.

Dans le pénible contexte des coupures et des compressions des dernières années, elle a fait des efforts remarquables pour continuer à se développer malgré tout, malgré ce qui apparaît de plus en plus comme un acharnement à vouloir faire contribuer les universités de façon presque démesurée à la diminution des dépenses publiques. Elle a pris toutes les mesures imaginables pour diminuer ses propres dépenses. Elle a augmenté considérablement ses revenus de sources autres que gouvernementales et elle a favorisé la création d'une fondation pour contribuer à son développement.

L'université refuse maintenant d'être condamnée à dépérir et exige qu'on lui offre un avenir ouvert. En effet, l'Université du Québec à Trois-Rivières constate qu'elle ne peut plus continuer à assurer une présence active en région et rendre accessibles les études universitaires, comme elle l'a fait jusqu'à ce jour, si l'État ne procède pas à un véritable plan de rattrapage et de relance des activités universitaires par un financement public adéquat.

En conséquence, l'Université du Québec à Trois-Rivières réitère sa volonté de

continuer à se développer comme une véritable université à vocation générale et demande à cette fin que l'État lui fournisse un financement adéquat. Elle rappelle qu'elle s'est aussi vu confier, en plus de sa vocation générale, la responsabilité de rendre accessibles les études universitaires à la population du Coeur du Québec et que, dans le cadre de cette mission reconnue expressément par les autorités publiques, elle a décentralisé un certain nombre de ses activités. Elle constate maintenant qu'elle ne peut plus continuer à remplir la mission qu'on lui a confiée et répondre aux attentes et aux besoins de la population en l'absence des ressources nécessaires.

Elle demande qu'en plus de cesser toute coupure budgétaire, le gouvernement procède à un véritable plan de rattrapage et de réajustement des enveloppes budgétaires en augmentant d'abord l'enveloppe globale affectée aux universités et en mettant en oeuvre aussi le plan d'urgence défini par le Conseil des universités en novembre 1984. Elle formule à nouveau son accord sur l'idée que le développement des programmes d'enseignement et des activités de recherche doit avoir un caractère sélectif et est disposée à continuer ses efforts en ce sens, autant dans le cadre du réseau de l'Université du Québec qu'avec les autres universités, les organismes de coordination et de consultation et les autres institutions. Elle insiste toutefois sur le fait qu'une université ne peut se contenter d'être à la remorque des besoins fluctuants de la société, mais doit aussi garder une perspective et une prospective globales, ouvertes à toutes les dimensions de la culture.

Elle rappelle que plus que toute autre, une université qui est associée au développement social, culturel et économique d'une région est amenée à développer des activités particulières, qu'on a appelées services à la collectivité, ou à développer des modèles de concertation originaux qui exigent des ressources matérielles et humaines.

À la lumière de la réalité concrète de la situation de l'établissement que nous connaissons le mieux, le nôtre, bien sûr, elle lance à nouveau le cri d'alarme qu'elle a lancé en novembre 1984 quant au vieillissement et au non-renouvellement du corps professoral, à la dégradation de ses bâtiments, è la désuétude de ses équipements scientifiques et au sous-développement de sa bibliothèque.

Elle demande qu'on reconnaisse concrètement, par des gestes, le rôle primordial des universités dans le développement social, culturel et économique d'une société, de notre société qui doit évoluer en relevant le défi du futur.

Enfin, M. le Président, l'Université du Québec à Trois-Rivières et ses partenaires socio-économiques tiennent à exprimer leurs remerciements à la commission parlementaire de l'éducation pour l'occasion qu'elle leur a donnée de venir exposer leurs vues sur les questions qui préoccupent grandement tous ceux et celles qui s'intéressent à l'enseignement supérieur.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'inviterais M. le maire Gilles Beaudoin, représentant de la table de concertation, à présenter la position de la table de concertation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bienvenue, M. le maire. Nous vous écoutons.

M. Beaudoin (Gilles): M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission parlementaire, nous sommes venus ce matin appuyer l'Université du Québec à Trois-Rivières, notre université, dans ses démarches pour être entendue et écoutée par cette commission et surtout dans ses efforts et ses démarches en vue de pouvoir participer plus activement au développement de la région du Coeur du Québec.

Quand je dis "nous", il faut comprendre les membres de la table de concertation enseignement supérieur-milieu de la région, à savoir: des représentants du milieu municipal, des représentants des centrales et unités syndicales, des représentants des associations d'entreprises et du milieu financier et, enfin, des représentants des collèges d'enseignement général et professionnel de la région.

Vous savez qu'en 1960 est né, dans notre région, le Centre des études universitaires. Nous avons mis beaucoup d'espoir dans la création de ce qui allait rapidement devenir une université reconnue, participant activement au développement social, culturel et économique de la région. Nous y avons mis beaucoup d'espoir parce que nous savions que la présence d'une université à vocation générale, dédiée à la formation de nos jeunes et permettant que se fassent de la recherche et du développement en relation avec nos entreprises, permettant que se crée un milieu intellectuel dynamique, ne pouvait que contribuer à l'amélioration de la qualité de vie de tous nos concitoyens.

M. le Président, distingués membres de la commission, nous n'avons pas été déçus jusqu'à ce jour. Évidemment, l'insertion et l'enracinement d'une université dans un milieu, avec ce que cela suppose de changements dans les habitudes, d'arrivée d'idées nouvelles et d'expériences inédites, ne peut se faire que progressivement dans une dynamique de connaissance mutuelle, de collaboration et de concertation selon des modalités toujours à réinventer, dans une attitude de confiance réciproque.

Ce que je viens vous dire tout simplement ce matin, c'est que nous avons vécu

cette expérience depuis 1960 et que, surtout depuis quelques années,- nous avons l'impression qu'elle commence à donner plus que jamais des résultats visibles et tangibles, comme nous l'avons vécu dans les sommets économiques, comme nous le vivons au sein de cette table de concertation, comme nous le vivons dans la réalisation de projets particuliers où, en collaboration avec les collèges et divers autres partenaires du milieu, l'université s'implique dans la vie régionale.

Il faut occuper un poste de maire depuis seize ans dans une communauté pour venir ce matin vous dire l'importance pour notre communauté du rôle économique, social et culturel que joue l'université. Ce rôle est devenu absolument indispensable et on veut absolument qu'il demeure et qu'il s'améliore encore plus.

Ce que nous savons aussi, c'est que cette collaboration est maintenant menacée. Nous le savons par notre connaissance plus immédiate de l'université, qui a une attitude ouverte à notre égard. Nous le savons par les médias d'information. Nous le savons par nos conseils municipaux qui ont voté des résolutions sur le sujet ou par des groupes de citoyens qui ont fait circuler des pétitions. L'université, pour réduire ses dépenses, en est arrivée à réduire son nombre d'activités d'enseignement non seulement sur le campus, mais aussi à Drummondville, à La Tuque, à Victoriaville et dans d'autres sous-centres.

Notre population, qui ne faisait que commencer à avoir véritablement accès à la vie universitaire, voit tout à coup cette perspective se rétrécir. De plus en plus l'université, par suite de sa situation financière et de ses problèmes de ressources, doit limiter ses initiatives et son support à la vie régionale. Ce dont nous voulons témoigner ici ce matin, c'est de notre volonté et notre souhait profond de pouvoir continuer à compter sur notre université dans notre développement régional actuel et futur. Nous avons besoin d'elle. Elle nous dit souvent qu'elle a besoin de nous. Nous sommes fiers ce matin de venir témoigner du fait que nous l'appuyons et la soutenons. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le maire. Je vous remercie, M. le recteur. Avant de débuter, il serait peut-être bon de vous informer... Vous nous avez présenté tous vos gens. Peut-être, pour vous aider, devrions-nous identifier les membres de cette commission parlementaire. On l'a fait au tout début de la commission parlementaire. Il y a des gens qui m'ont dit: Enfin, on ne les connaît pas les membres avant qu'on vienne les voir. Je veux souligner que les membres de cette commission parlementaire sont tous des députés, en commençant à ma gauche par la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Madame. À ma droite, l'adjointe parlementaire du ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science, la députée de Jacques-Cartier. À ma gauche est le vice-président de cette commission le député de Laviolette. En ordre, siègent à cette commission également, le député de Richelieu, le député de Rimouski, le député de Limoilou, le député de Charlevoix, le député de Trois-Rivières - aujourd'hui, d'une façon exceptionnelle - le député d'Arthabaska, le député de Rousseau, le député de Sherbrooke, ainsi que le député d'Argenteuil qui siège ici aussi a titre de ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. Alors, je reconnais immédiatement le ministre. M. le ministre. (10 h 45)

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer très cordialement les dirigeants de l'Université du Québec à Trois-Rivières ainsi que les nombreuses personnalités qui les accompagnent ce matin. Je voudrais signaler que j'ai été très heureux de retrouver tantôt, à l'entrée, d'abord le maire de Trois-Rivières, M. Beaudoin, le maire de Cap-de-la-Madeleine, le maire de Shawinigan - dont je n'ai pas eu l'occasion de serrer la main - qu'il va me faire plaisir de retrouver parce que ce sont tous de vieilles connaissances, et beaucoup d'autres dirigeants d'organismes, chambres de commerce, syndicats, etc., qui ont voulu se joindre à vous ce matin. Il y a des gens du cégep également, que j'ai rencontrés tantôt. Je pense que la composition du groupe qui nous est venu de la Mauricie est à l'image de la collaboration qu'a décrite tantôt M. le maire de Trois-Rivières et c'est bon qu'elle soit illustrée par ce type de présence a notre travail.

Je voudrais souligner également la présence dans les rangs de l'équipe ministérielle du député de Trois-Rivières, M. Paul Philibert, dont l'intérêt pour l'éducation est très connu. Il a été président de sa commission scolaire pendant longtemps, également de la commission scolaire régionale, je crois. Il ne cesse de harceler le ministre au sujet des problèmes autant aux niveaux primaire et secondaire qu'aux niveaux collégial et universitaire, toujours dans l'esprit constructif que nous lui connaissons.

Vous nous avez signalé, au début et à la fin de vos remarques, ce qui était, je pense, le thème dominant de votre intervention de ce matin, M. le recteur, à savoir la situation financière très difficile à laquelle l'Université du Québec à Trois-Rivières s'est vue acculée par les politiques gouvernementales des dernières années et aussi, devrais-je ajouter, par une situation

économique générale qui a été celle de toute la population du Québec et de l'ensemble du gouvernement. Je pense que nous devons nous dire, en toute honnêteté, que ce qui s'est produit dans le secteur des universités a peut-être été plus intensif que dans d'autres secteurs de l'administration publique. Mais, cela a été une tendance générale de l'administration publique, ces dernières années, de comprimer les dépenses, de vérifier la rationalité de plusieurs programmes qui étaient en cours depuis longtemps. Cette révision a entraîné des conséquences qui, parfois, sont allées trop loin. Nous avons dénoncé souvent, quand nous étions dans l'Opposition, la tendance aux coupures aveugles, c'est-à-dire aux coupures horizontales qui frappent tout le monde sur un pied d'égalité, sans égard aux situations particulières qui peuvent exister dans tel ou tel secteur. Je pense que ces coupures ont fait beaucoup de mal ces dernières années et le plus tôt possible nous pourrons dépasser ce stade pour en venir à des méthodes plus rationnelles de discipline et de contrôle des dépenses, ce sera infiniment préférable pour tout ie monde.

Mais, j'ai enregistré l'insistance que vous avez mise sur cet aspect de la situation. Je pense que vous savez très bien que vous n'êtes pas les premiers à le faire devant la commission. C'est notre devoir d'écouter ces représentations et d'en tenir compte dans les conclusions que nous tirerons de l'examen général fait de la situation des universités.

Je voudrais signaler qu'il nous est particulièrement agréable, ce matin, de causer avec la direction de l'Université du Québec à Trois-Rivières parce que, dans la famille des universités québécoises, c'est une institution pour laquelle nous avons tous beaucoup de respect et d'admiration. C'est une institution qui s'est développée, je pense pouvoir dire, dans l'ordre, avec une certaine vision ordonnée des choses qu'elle devait envisager, des choses qui étaient possibles, également de celles qui ne l'étaient point. Je n'ai jamais senti, depuis que nous sommes obligés d'exercer des responsabilités du pouvoir, de pressions indues ou démagogiques de la part de votre université. Au contraire, nous avons trouvé chez elle un grand réalisme et une grande sobriété dans des projets et des plans d'action. Je pense que c'est une note qui s'impose aujourd'hui. Ceux qui ne veulent pas l'accepter, je pense qu'ils en seront quittes pour les difficultés qu'ils se créeront eux-mêmes. Je pense que cette note de sobriété et de pondération qu'on retrouve dans le dossier du comportement de l'Université du Québec à Trois-Rivières vaut d'être soulignée à ce moment-ci.

Je voudrais souligner une autre dimension avant de passer à quelques questions, c'est celle qu'a signalée M.

Beaudoin tantôt, cette collaboration intense qui s'est instituée entre l'Université du Québec à Trois-Rivières et le collège, ce qui est déjà en soi une chose très importante, mais également entre ces deux institutions et l'ensemble de la communauté. Je crois que nous serons très intéressés à entendre parler davantage de cette dimension du fonctionnement de l'université, c'est très important. Je me permets d'ajouter une brève note ici parce qu'on nous parle souvent de cela. Il est question dans votre mémoire à la fois de la mission générale et de la mission régionale de l'université. J'introduirais une légère sourdine ici. Je ne crois pas que ce soit la mission de l'université de s'embarquer dans tous les problèmes. Nous avons une spécialisation des tâches dans une société en vertu de laquelle il y a des organismes qui répondent à telle vocation et d'autres à telle vocation.

À lire certains mémoires en provenance des universités on peut avoir l'impression que c'est leur mission de s'occuper de tout. Je pense que ce n'est pas vrai. L'université comme telle a des missions bien définies. L'universitaire, lui, a la responsabilité de s'engager dans son milieu. Je trouve un peu facile que, parce qu'un universitaire a participé à tel projet, on dise: Bien cela, c'est l'université de ceci et l'université de cela. Il y a des distinctions élémentaires qui s'imposent à tout le monde. Je ne voudrais pas, en tout cas, avoir l'air de donner un placet général à toutes les prétentions voulant que l'université soit mêlée à toutes les solutions et à toutes les campagnes. Si on arrivait là, cela ne serait pas bon pour l'université elle-même. Que des universitaires individuels s'engagent et que des autorités des universités les y invitent, c'est très bien. Il n'y a pas de confusion sur cela. Je le souligne parce que c'est un terme qui est revenu souvent depuis le début des travaux de la commission. Je ne voudrais pas qu'on pense qu'on peut se lancer dans n'importe quelle direction, en ce qui me touche, moi, modestement, je ne veux pas parler pour d'autres non plus là-dessus.

Je vais en venir tout de suite à quelques questions. Si les réponses pouvaient être plutôt concises cela me permettrait d'en poser davantage. Je voudrais laisser quelques minutes à la fin de la période de temps qui nous est impartie à mon collègue de Trois-Rivières qui a sans doute des choses à vous dire ou à vous demander.

Vous avez parlé dans votre mémoire à la fois de la vocation générale et de la vocation spécialisée de votre université. C'est indispensable de souligner les deux volets. J'aimerais vous demander ceci, par exemple. Vous êtes dans une région où la population est limitée et où on ne peut pas envisager - comme vous le dites dans votre mémoire - des développements dans le sens

d'une multi-université au sens des grandes universités métropolitaines. Au point de vue des champs du savoir à tous les cycles, qu'est-ce qui peut distinguer une université comme la vôtre des grandes universités métropolitaines? Qu'est-ce qui va être sa caractéristique propre? Comment va-t-elle tracer son chemin?

M. Parent (Jacques R.): M. le ministre, est-ce que vous pouvez répéter la dernière partie de l'intervention? Malheureusement, j'ai...

M. Ryan: Je voulais demander ce qui peut distinguer une institution comme la vôtre des grandes universités métropolitaines que nous connaissons. Je crois bien que tout le monde convient que vous ne pouvez pas développer votre activité dans tous les champs au même titre que les grandes multi-universités qu'on a dans les grands centres métropolitains. Quelles vont être les caractéristiques propres d'une institution qui a à la fois une vocation générale et une vocation régionale comme la vôtre? En quoi votre université se distingue-t-elle, par exemple, de l'Université de Montréal ou de l'Université Laval?

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, je vais essayer d'être très bref, c'est quand même une question qui pourrait me permettre d'appliquer la théorie des gaz parfaits, c'est-à-dire d'occuper beaucoup d'espace. Cependant, je voudrais ici immédiatement souligner que le modèle de développement - je pense que M. le ministre fait allusion ici au modèle de développement privilégié par l'Université du Québec à Trois-Rivières - qui l'amenait bien sûr à tenir compte de l'existence d'universités comme l'Université Laval, l'Université de Montréal, l'Université McGill et l'Université de Sherbrooke... Je pense que la situation géographique appelait à cela. Je veux aussi souligner que c'est dès sa fondation que l'Université du Québec à Trois-Rivières a voulu exercer de façon entière son mandat et sa mission d'université à vocation générale. Juste une petite parenthèse, si vous le permettez: Vocation générale, dans notre esprit, c'est très clair. C'est une université présente et active aux trois cycles d'études: baccalauréat, maîtrise et doctorat, et aussi très dynamique en recherche. Il faut que cela soit bien clair. Ceci ne veut pas dire pour autant - comme le ministre l'a si bien mentionné - que nous ayons à couvrir ou que nous désirons couvrir l'ensemble des champs d'études, c'est-à-dire un développement complet au plan horizontal; donc, complet au plan vertical, mais pas nécesairement complet au plan horizontal.

Je voudrais ici rappeler le travail colossal effectué par le recteur et fondateur,

M. Gilles Boulet et son équipe de direction. Cette équipe a su proposer à la communauté universitaire de Trois-Rivières un modèle de développement bien précis et susceptible -c'est cela le sens de la question de M. le ministre - de permettre à l'Université du Québec à Trois-Rivières d'apporter ce que j'appelle une contribution significative au développement du réseau des universités québécoises et cela en tenant compte des questions géographiques auxquelles on a fait allusion.

Ce modèle de développement tient en quatre points: d'abord une université à vocation générale, comme je le mentionnais tout à l'heure, pour rendre accessibles les études universitaires dans le vaste territoire du centre du Québec; deuxième point: une université sensible aux besoins de développement de son milieu immédiat. À cet égard, M. le ministre, je me permettrais une petite parenthèse. Lorsque vous disiez tout à l'heure que les universités ne doivent pas vouloir tenter de répondre à tout de façon tous azimuts, vous savez la problématique des services à la population, nous faisons cela aussi de façon sélective et en fonction des attentes et besoins exprimés - vous avez profondément raison - et même avec une certaine distance critique, M. le ministre, et sans faire de suppléance. C'est à cela que vous faisiez allusion tout à l'heure. C'est de cette façon-là qu'on a voulu rendre des services à notre population.

Le troisième point: c'est une université - et là je reviens de façon précise à votre question - qui a su, selon nous, faire preuve d'innovation - elle était d'ailleurs condamnée à cela dû à ce que le ministre a souligné tout à l'heure - et de complémentarité par rapport aux autres universités et, en particulier, les universités qu'on a énumérées tout à l'heure.

M. le ministre, à cet égard, l'Université du Québec à Trois-Rivières l'a fait à tous les plans, au premier cycle, aux deuxième et troisième cycles et aussi en recherche. Cette université s'est toujours donnée comme toile de fond de son développement d'être complémentaire en termes de créneaux d'enseignement et de recherche par rapport à ce qui existe dans les universités. Prenons un exemple, même dans un domaine très classique, celui de la biophysique. Voilà un bel exemple. Nous avions et nous savions qu'on avait les ressources compétentes, actives en recherche et reconnues par les organismes pourvoyeurs de fonds. Nous savions cependant qu'il existait deux universités: l'Université de Sherbrooke, d'une part, qui était active en biophysique et l'Université de Montréal, d'autre part. Cependant, l'Université de Sherbrooke préconisait l'aspect méthodologique davantage centré sur une approche médicale alors que Montréal était davantage centré sur

l'approche physique. À Trois-Rivières, on a donc choisi l'approche biologique, moléculaire et cellulaire. Cela vient donc compléter le spectre qui existait dans ce secteur de la biophysique.

Finalement, M. le ministre, c'est une université qui se donne aussi progressivement - et cela est fort important et j'insiste -une personnalité. Voilà, c'est ce que je viens de mentionner en mettant beaucoup d'importance sur son développement qualitatif, sélectif, pondéré et mesuré, M. le ministre.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M, Parent, Sauvé): Merci.

M. Ryan: En matière de développement de programmes, vous dites qu'il y a bien des développements que vous aimeriez faire encore. Vous en avez mentionné un certain nombre surtout au niveau des deuxième et troisième cycles. Vous avez mentionné l'exemple de la biophysique. Vous aviez dans votre mémoire l'exemple des pâtes et papiers, économie et gestion des systèmes de petite et moyenne dimension, électronique de puissance, études québécoises, gestion de projets, sciences du loisir, hygiène et sécurité industrielle, etc. Je voudrais vous demander ceci: Étant donné les contraintes budgétaires dont vous avez parlé, y a-t-îl des projets qui vous apparaîtraient très importants pour votre université et que vous ne pouvez pas réaliser à cause de la situation financière dans laquelle vous vous trouvez? Surtout des projets de deuxième et troisième cycles, des projets de création de nouveaux programmes que vous seriez empêchés de réaliser à cause des contraintes financières?(11 heures)

M. Parent (Jacques R.): M. le ministre, le plan triennal de l'Université du Québec à Trots-Rivières pour 1985-1988 - je voudrais commencer par cette dimension - prévoit, comme vous l'avez mentionné, une certaine ouverture au deuxième cycle tout en consolidant ses activités existantes - je veux être extrêmement clair à cet égard - et prévoit mettre davantage l'accent sur un développement au 3e cycle, mais, encore ici, fait de façon sélective, en ce sens que les politiques d'enseignement de l'Université du Québec à Trois-Rivières prévoient à ce niveau d'études un développement en relation très étroite avec les axes de développement de l'université qui sont au nombre de cinq, M. le ministre.

Il est clair que nous avons actuellement certaines difficultés à réaliser ce que je pourrais appeler certaines propositions ou certains projets de mise sur pied de programmes à cause, entre autres, d'obstacles sur le plan financier qui sont indiqués dans notre mémoire. Il arrive que, dans certains créneaux, il y aurait nécessité d'améliorer de façon importante le support documentaire. Vous avez vu, dans le mémoire, jusqu'à quel point la situation de l'université est compliquée et difficile à cet égard.

C'est la même chose dans certains autres secteurs. Vous parliez tout à l'heure des pâtes et papiers, M. le ministre. Il est très clair que mettre sur pied un programme de doctorat en pâtes et papiers demanderait un support important au plan de l'infrastructure, c'est-à-dire au plan de l'équipement scientifique spécialisé.

À cet égard, juste un petit rappel, M. le ministre. Nous avons sur le métier déjà deux nouveaux programmes de baccalauréat dans des domaines qui, encore une fois, permettaient à l'université de s'identifier par rapport au réseau des universités québécoises. Je pense au baccalauréat en génie mécanique manufacturier et au baccalauréat en informatique, mais, encore là, avec une orientation toute particulière à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Nous devons actuellement faire j'allais presque dire - des "pirouettes" -entre guillemets - pour arriver à supporter la mise sur pied de ces nouveaux programmes, parce que nous n'avons pas reçu des subventions de démarrage qui sont déjà annoncées, à toutes fins utiles, depuis deux ans. Alors, vous voyez, M. le ministre, que ça nous crée des problèmes majeurs face à nos nouveaux projets.

M. Ryan: Merci. Je fais vérifier tout de suite où en sont ces deux projets et j'espère pouvoir vous en parler avant la fin de la rencontre.

M. Parent (Jacques R.): J'ai oublié celui de génie chimique papetier, M. le ministre. Voilà.

M. Ryan: Nous allons vérifier celui-là également; très bien. Vous dites, à la page 10 de votre mémoire, une chose qui m'a vivement intéressé. L'Université du Québec à Trois-Rivières serait "l'une des premières universités québécoises, sinon la première, à avoir un système complet, intégré, organisé, planifié d'évaluation de ses programmes et ce système d'autocritique a accompagné intimement son cheminement depuis 1978."

Pourriez-vous fournir des précisions sur ce système d'évaluation que vous pratiquez à l'Université du Québec à Trois-Rivières et peut-être aussi sur l'évaluation des professeurs, s'il y a lieu?

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, M. le ministre, je suis très heureux que vous me posiez cette question, parce que j'ai côtoyé intimement la mise sur

pied de ce projet d'évaluation de nos programmes d'enseignement à l'époque, particulièrement au début, bien sûr, des programmes d'enseignement de 1er cycle.

M. le ministre, je voudrais vous faire remarquer que déjà il y a eu un prolongement de cette problématique d'évaluation de nos programmes de 1er cycle à nos programmes de 2e et de 3e cycle.

Toute la problématique de l'évaluation concerne d'abord la question de l'évaluation des programmes, mais il y a aussi toute l'évaluation des enseignements qui sont en relation étroite avec cette problématique d'évaluation des programmes. II y a aussi toute la question de l'évaluation des activités de recherche.

J'aimerais que nous prenions deux minutes, M. le ministre, pour vous illustrer et vous faire réaliser à quel point les activités fondamentales de l'Université du Québec à Trois-Rivières sont effectivement l'objet d'évaluation. Il y a ensuite l'évaluation des professeurs. Il y a aussi l'évaluation des services à la collectivité. Parfois, on est porté à s'imaginer que ces choses ne sont pas évaluées. Au contraire, M. le ministre. Il s'agit de savoir à quel point les commanditaires - ceux qui investissent dans l'université pour la réalisation d'objets de recherche - sont exigeants. On peut aussi parler de la problématique internationale. Là, également, les organismes pourvoyeurs de fonds et qui endossent ces activités sont également extrêmement exigeants et fort sérieux. Donc, à tout prendre, toutes les activités, que ce soient les programmes, les enseignements, les professeurs, la recherche, les services à la collectivité et la dimension internationale sont évaluées.

M. le ministre, je dirai rapidement qu'en ce qui concerne l'évaluation de nos programmes tous nos programmes de 1er cycle, nos programmes longs, c'est-à-dire nos baccalauréats, ont été évalués depuis 1978. Ils ont donc fait l'objet d'une évaluation depuis 1978, ce qui a conduit à des résultats comme des modifications en profondeur à la fois des objectifs de formation et des objectifs des différentes activités du programme, donc des cours. Cela peut aller jusqu'à la fermeture de programmes, M. le ministre. D'ailleurs vous avez vu que notre mémoire est clair et précis à cet égardi Nous avons en 1982-1983, si ma mémoire est bonne, dû fermer une dizaine de programmes d'enseignement à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Voilà, M. le ministre, je vais au plus court, mais je tenais beaucoup à signaler toute l'importance de la problématique de l'évaluation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Ryan: Ma question portait surtout sur le comment. Je vais vous demander seulement une chose: Pourriez-vous nous adresser un document complémentaire nous disant comment cela se fait?

M. Parent (Jacques R.): Cela nous fera extrêmement plaisir, M. le ministre, parce que c'est une approche assez particulière, vous avez raison, qui fait appel à des indicateurs de performance. À cet égard, si vous le permettez, je demanderais à M. le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, qui est responsable...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, je ne pense pas... Vous avez accepté de fournir au ministre un document supplémentaire, si possible. Je demanderais au ministre de clarifier sa question peut-être.

M. Jolivet: Aux membres de la commission aussi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Aussi aux membres de la commission.

M. Ryan: Je n'ai aucune objection.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je tiens toujours pour acquis que vous l'envoyez aux membres de la commission.

M. Ryan: Oui. C'était bien postulé dans ma demande.

J'ai une dernière question. J'en aurais plusieurs autres, mais le temps est très limité. Il faudra que vous répondiez brièvement.

Vous dites à la fin de vos recommandations qu'il faut un véritable plan de rattrapage et de rajustement des enveloppes budgétaires que vous demandez, évidemment, au gouvernement, mais il y a une question dont vous ne traitez pas du tout dans cette section de votre mémoire, c'est comment cela va se faire. Où le gouvernement va-t-il trouver l'argent pour faire cela? Où l'argent doit-il être trouvé pour procurer aux universités le supplément de ressources dont vous assurez qu'elles ont grand besoin?

Vous avez avec vous un personnage politique, un maire vous accompagne: s'il veut donner ses commentaires là-dessus, cela va nous intéresser vivement également. Mais je veux d'abord connaître la position de l'université, s'il y en a une.

M. Parent (Jacques R.): M. le ministre, il faut commencer par dire que l'Université du Québec à Trois-Rivières a d'abord exercé ses responsabilités eu égard aux deux facettes, par rapport au financement des universités, qui la concernent de façon toute particulière. Son niveau de dépenses d'abord.

Je pense qu'à cet égard le mémoire est clair et, si vous voulez des exemples, M. le ministre, je peux vous en livrer beaucoup, car l'exercice a quand même été très sévère et pénible pour l'exercice 1986-1987 face à ce redressement de situation au plan de notre niveau de dépenses.

Deuxièmement, l'Université du Québec à Trois-Rivières a aussi fait beaucoup d'efforts en ce qui concerne les sources de revenus autres que la subvention d'équilibre ou la subvention gouvernementale et les frais de scolarité. Vous avez, d'ailleurs, pu constater que nous sommes passés, de 1978 à 1985, de 12 % par rapport à l'enveloppe globale à tout près de 20 % à cet égard; c'est un souci majeur de l'Université du Québec à Trots-Rivières de jouer sur les dimensions qui la concernent particulièrement.

M. le ministre, nous avons ici, dans le texte, dit clairement que ce qui est fondamental c'est d'agir sur l'enveloppe globale, qui est un troisième élément, si vous le permettez, de l'équation qui permet, en fait, de trouver l'ensemble des paramètres qui pourraient arriver à augmenter les subventions ou l'apport financier des universités. C'est sur cette facette et cette dimension que nous insistons pour que le gouvernement puisse agir de façon adéquate et d'une façon qui permettrait aux universités, à notre université d'être enmesure de rencontrer ses obligations.

Bien sûr, cela peut m'amener aussi à vous parler de la problématique des frais de scolarité. M. le ministre, à cet égard, la position de l'Université du Québec à Trois-Rivières est tout à fait dans l'ordre de ce que l'Université du Québec a présenté ici en commission parlementaire la semaine dernière ou il y a deux semaines, à savoir que, si le gouvernement décidait d'augmenter ses frais de scolarité, il faudrait d'abord s'assurer d'un redressement de la problématique des prêts et bourses et s'assurer aussi que cette augmentation d'argent puisse aller complètement aux universités pour soutenir l'accessibilité, d'une part, et aussi assurer la qualité des interventions des universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant la députée...

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, M. le maire, à la demande de M. le ministre, aimerait peut-être dire un mot.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je m'excuse, M. le maire. Je ne voulais pas vous priver de votre droit de parole, surtout pas ici. Allez!

M. Beaudoin (Gilles): Merci, M. le Président. Vous posez la question: Est-ce que l'université cherche des moyens de financer ses projets? La ville de Trois-Rivières, étant partenaire à 100 % de tout ce qui se fait à l'université et dans la ville, nous avions chez nous un édifice municipal et, avec l'université, nous en avons fait un complexe sportif communautaire moyennant un loyer de 60 000 $ par année que l'université versait à la ville. Un jour, selon les normes, ce avec quoi le maire n'est pas tout à fait d'accord... Les normes, je vous en reparlerai, M. le ministre, un bon jour. D'ailleurs, vous allez être à Trois-Rivières en fin de semaine; j'ai des choses à vous dire. De toute façon, au sujet du complexe sportif, lorsqu'on a vu que les normes ne permettaient plus de payer le loyer, le conseil de ville a tout simplement dit à l'université: Logez-vous gratuitement. On va oublier les 60 000 $ parce qu'on tient absolument à être partenaire de tout ce qui se passe, dans les succès et les difficultés. Ce n'est pas un geste qui commande des millions de dollars, mais, dans un budget comme le nôtre, 60 000 $, c'était déjà beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie. Le temps est à peu près écoulé; il reste à peu près cinq minutes au parti ministériel. Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'accueille la délégation de l'Université du Québec à Trois-Rivières. M. le recteur, M. le maire, je dois dire que cela me fait plaisir de voir autant de personnes et de personnalités qui vous accompagnent pour venir défendre le développement de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Vous savez, à défaut d'avoir pu convaincre cette commission d'aller entendre les mémoires en régions, vous nous prouvez que cela ne vous gêne pas de vous déplacer; vous êtes venus nous voir. De cela, je voudrais vous remercier.

J'apprécie particulièrement la présentation que vous avez faite. Je dirais, un peu comme le ministre, que vous avez fait preuve de tant de dynamisme et d'originalité dans le développement de votre université, dans l'approche des compressions que vous avez, comme toutes les universités, dû subir, qu'on aurait besoin de plus de temps pour pouvoir faire bénéficier cette commission de votre expérience.

Parmi les choses que j'ai retenues, il y a la charte de collaboration avec les cégeps que 'je trouve particulièrement intéressante. Il me semble qu'il faudrait en parler de manière que cela donne des idées à d'autres universités dans d'autres régions et, surtout, dans les grands centres. Vous avez parlé également d'intensifier et de diversifier vos actions au niveau international. J'aimerais

vous entendre là-dessus. Ce qui m'a impressionnée également, c'est le dynamisme dont vous avez fait preuve pour diversifier vos sources de revenus. Alors que, dans certaines universités, on planifie encore aujourd'hui des déficits avec les services auxiliaires, vous avez réussi à faire des revenus. Je trouve cela intéressant. Vous avez dû consentir des sacrifices impartants et je pense aux activités d'enseignement que vous avez dû abandonner.

Par ailleurs - et c'est là-dessus que j'aimerais ouvrir les questions - vous demandez au gouvernement qu'il reconnaisse dans la mission des universités une mission de services à la collectivité. Vous demandez à la page 21 de votre mémoire, dans vos recommandations, qu'on reconnaisse par des gestes concrets ce rôle primordial des universités dans le développement social et culturel. J'imagine que vous n'avez pas abordé cette question sans vous interroger sur ce que pourrait vouloir dire la reconnaissance financière d'une telle activité. Quel pourcentage de l'enveloppe cela pourrait-il représenter? (11 h 15)

Avant de vous entendre, j'écoutais le ministre tout à l'heure qui disait: Soyez prudents, on n'est pas d'accord avec les universités qui ouvrent des activités tous azimuts et qui se sentent responsables de tout ce qui se passe dans leur région. Ici, c'est important de le dire, je pense qu'il faut faire une distinction avec les activités des universités en régions où, je le rappelle, elles sont souvent les seules à détenir un certain niveau d'expertise. On ne trouvera pas cela dans les grandes métropoles, à Québec non plus. Il y a plusieurs lieux d'expertise. Les universités en régions sont souvent les seuls lieux d'expertise et elles ont, à cet égard et pour cette raison, des responsabilités qu'on ne reconnaîtrait pas nécessairement aux universités des métropoles. Je dis là-dessus - le ministre s'inquiète d'un abus dans ce sens-là - que je trouve beaucoup plus inquiétant le silence ou l'absence de certaines universités par rapport aux préoccupations plus sociales ou plus collectives.

M. le recteur, je reviens à la question. J'imagine que, quand on parlera d'allocation des ressources, il y aura un paramètre qui devrait tenir compte de la mission dite régionale. Est-ce que vous avez évalué le coût de cette mission dans une université comme la vôtre?

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, je pense que Mme la députée de Chicoutimi répond déjà à cela en partie en ce sens qu'il y a, bien sûr, deux possibilités de tenir compte de cette problématique des coûts des services à la collectivité ou de l'investissement, plutôt, qu'on pourrait faire dans les services à la collectivité. Il y a, d'abord, la formule de financement comme telle où un paramètre pourrait privilégier cette dimension du rôle des universités et particulièrement d'universités en régions. Il y a aussi d'autres hypothèses qui pourraient être envisagées en dehors de la formule de financement. À cet égard, j'aimerais, pour quantifier une certaine évaluation de cette dimension des services à la collectivité, demander à M. le vice-recteur à l'administration et aux finances de dire quelques mots dans un premier temps et, ensuite, à M. le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous écoutons.

M. Beaudoin (Robert): II est très difficile pour une université de quantifier le coût de ses services à la collectivité ou de son intervention dans le milieu. En fait, nous n'avons pas, pour être très précis, quantifié une activité en particulier, par exemple, l'impact ou le coût de l'intervention de l'université dans l'ensemble des dossiers qui nous ont été délégués par le sommet économique ou le coût de l'intervention de l'université dans la rédaction du bilan de l'activité scientifique et technologique de la région. Donc, dans notre mémoire, nous avons fait une liste, à l'annexe 2, d'une série d'interventions qui démontrent ce que veut dire présence active dans le milieu.

Parce que c'est un dossier important pour nous, nous avons développé ce dossier. Il y a un an ou un an et demi, nous avions fait une demande spécifique à un organisme, l'Office de planification et de développement du Québec, où on essayait de mesurer quel était le coût des interventions de l'université dans ses services à la collectivité. Le chiffre qu'on avançait à ce moment-là était entre 750 000 $ et 1 000 000 $, ce chiffre provenant de l'évaluation des heures-années-hommes de tous nos personnels qui interviennent dans divers dossiers de développement. Évidemment, cela est approximatif. La seule analyse précise que nous avions faite qui nous permettait peut-être d'extrapoler un peu et d'avancer ces chiffres-là, c'est dans l'intervention de l'université dans les fêtes du 350e de Trois-Rivières. Nous avions des chiffres précis, ce qui nous permettait de dire: Lorsqu'on cite de 750 000 $ à 1 000 000 $, nous sommes sûrement à l'intérieur d'une évaluation modérée.

II est bien clair que, si on nous ouvrait une porte pour pouvoir financer nos services à la collectivité, il nous ferait plaisir de détailler avec beaucoup de précisions le coût de ces interventions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Monsieur Quintin.

M. Quintin (Paul-André): J'aimerais simplement - peut-être que cela rejoint aussi l'intervention de M. le ministre de tout à l'heure - insister sur le fait que nos interventions dans ce que nous appelons services à la collectivité doivent nécessairement avoir une relation avec l'enseignement et la recherche que nous pratiquons de niveau universitaire. C'est un des critères premiers qui doivent toujours s'appliquer. Même si dans certaines situations temporaires on peut être appelés à jouer un rôle de suppléance, cela ne peut être que de façon très temporaire. Nous sommes très conscients de notre râle universitaire à ce niveau.

Cela étant dit, je pense que, lorsqu'on parle de vouloir quantifier certains types de services à la collectivité, nous pouvons donner un exemple très précis, celui de la table de concertation qui existe maintenant et pour laquelle depuis deux ans nous n'avons pas encore réussi à trouver une modalité de financement permanent. Des multiples projets sont issus de cette table et, chaque fois, nous devons reprendre le bâton du pèlerin et faire contribuer un peu tout le monde, ce que nous sommes prêts à faire, mais c'est un peu comme dans tout système de bénévolat: il faut, d'abord, un encadrement de base pour être capable d'aller chercher les bénévoles et les mettre ensemble. Alors, on a besoin de cette base pour faire fonctionner aussi notre table de concertation.

La table de concertation est un des moyens privilégiés qu'utilise l'université maintenant pour être présente dans le milieu. Il y en a d'autres. Il y a des départements qui ont beaucoup d'activités ou des laboratoires de recherche qui sont en relation directe avec les entreprises. Je pense surtout aux départements d'ingénierie, d'administration et d'économique. Il y a aussi beaucoup d'autres activités au niveau culturel. C'est l'ensemble de ces activités qui représente du temps-personne et qui, évidemment, s'ajoute et s'intègre aussi dans la tâche des professeurs comme un complément à ce qu'ils font déjà en enseignement-recherche ou en encadrement pédagogique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Madame.

Mme Blackburn: J'avais un peu abordé cette question tout à l'heure. Vous allez me parler un peu de votre programme de coopération internationale. Vous avez, dans vos objectifs, l'intention d'augmenter, d'accroître et d'intensifier ces activités. Voudriez-vous nous en parler brièvement? Quand on parle de relations internationales, j'estime que les universités sont parmi les ambassadeurs les plus importants et, je dirais, les plus efficaces. J'aimerais que vous nous en parliez un peu.

M. Quintin: Je voudrais simplement vous dire qu'encore hier, à notre conseil d'administration, nous avions l'occasion d'approuver à nouveau des projets en coopération internationale. Il faudrait rappeler deux choses: d'abord, que nous participons à certains types de projets internationaux lorsque cela correspond à une expertise particulière dont nous disposons. Par exemple, nous avons même une action structurante en pâtes et papiers pour l'utilisation des bois feuillus pour faire de la pâte; cela intéresse la Chine. On a des collaborations qui sont déjà instaurées et qui grandissent avec la Chine sur ce sujet. On a une expertise particulière sur les insectes piqueurs, qui nous permet d'aller intervenir au Burkina-Faso dans la lutte contre l'onchocercose. On a comme cela certains types de spécialité - je pense à l'administration scolaire, au niveau de la maîtrise - qui nous permettent d'avoir un programme de coopération avec les îles Seychelles, au niveau de l'administration scolaire, avec le ministère des Relations internationales et l'ACDI comme partenaires.

Dans tous ces cas et dans d'autres que je pourrais continuer à énumérer, au Gabon, au Mexique ou au Pérou, on a certains types d'interventions selon des modalités différentes. Il s'agit toujours d'utiliser au maximum le créneau de spécialités que nous avons et de faire cela en se souciant aussi du perfectionnement même des professeurs qui y trouvent un moyen d'approfondir leurs connaissances et leur propre expertise et un moyen aussi, qui n'est pas négligeable, dans certains cas, de nous soutenir au point de vue financier parce qu'il y a aussi quelque argent qu'on peut retirer, en frais administratifs, de certains types de contrats comme cela qui peuvent nous aider à consolider l'ensemble de la vacation de l'université.

Mme Blackburn: On a beaucoup fait état è cette commission des coûts relativement élevés de la formation en régions. Bien que vous ne soyez pas ce qu'on appellerait une région éloignée, il y a quand même certains problèmes reliés à l'enseignement que vous dispensez dans des sous-centres et qui doivent avoir des effets sur les coûts administratifs. Deux questions: une première sur le coût de la formation chez vous comparé au coût de la formation dans les grands centres, dans les grandes universités; deuxièmement, sur les coûts administratifs comparés aux autres dépenses et aux autres universités.

M. Parent (Jacques R.): Mme la

députée, M. le vice-recteur à l'administration et aux finances a des chiffres précis, à cet égard, à vous fournir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le vice-recteur.

M. Beaudoin (Robert): Bon, je pense qu'on peut répondre très rapidement à ce type de question. Nous avons estimé que tout cours qui se donne en périphérie, qui ne se donne pas sur le campus, entraîne un coût moyen par activité, seulement pour la prestation de l'activité - on pense, à ce moment-là, au coût moyen des déplacements - de 1100 $. Pour Trois-Rivières, la moyenne exacte est de 1100 $ par activité que l'on doit rajouter sur la facture d'une activité qui se donne en périphérie plutôt que sur le campus. Cela exclut le coût des infrastructures ou des secrétariats que nous devons maintenir dans plusieurs de ces périphéries. Donc, si on rajoutait un montant conservateur de 500 $ à 600 $, on arriverait à environ 1700 $ pour chaque activité additionnelle en périphérie, lorsque l'on sait qu'une activité sur le campus coûte 2600 $; donc, on est proche du double, finalement.

Vous avez eu raison de mentionner que nos périphéries ne sont pas tellement éloignées, mais c'est le cas quand même.

Mme Blackburn: Les coûts administratifs comparés, pas seulement sur l'enseignement à distance.

M. Parent (Jacques R.): M. le député de Laviolette parle de son dossier de La Tuque, alors j'imagine que M. le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche va sûrement avoir l'occasion d'y revenir, M. le Président.

Mme Blackburn: On pourrait lui en offrir l'occasion tout de suite. Allez donc.

M. Quintin: Vous avez parlé de problématique, elle m'intéresse dans la mesure où nous avons un objectif d'accessibilité, de rendre accessibles les études universitaires. De fait, la formule que nous avons utilisée jusqu'à maintenant, que nous avons mise sur pied dans les années soixante-dix, consiste à avoir des secrétariats à temps partiel selon d'autres modalités à l'intérieur de ce qu'on appelle des centres de cours, il s'agit de Victoriaville, Drummondville, Shawinigan, Saint-Hyacinthe, Sorel, Joliette et même Thetford, d'une façon plus limitée. Le député de Laviolette est sûrement inquiet que La Tuque ne soit pas là-dedans; cet endroit est hors centre. Il y a aussi un certain nombre d'endroits où on va donner des cours, mais là c'est vraiment à la pièce, nous n'avons pas d'engagement à long terme.

Cela dit, un des effets des compressions budgétaires, c'est que nous ne pouvons plus, maintenant, nous engager sur de longues périodes ou nous engager avec de nouvelles cohortes d'étudiants dans un certain nombre de ces centres, à moins qu'il y ait un changement assez important sur le plan budgétaire. Je voudrais rappeler, sur la dimension de fond d'enseignement, de qualité d'enseignement, que dans ces sous-centres nous avons fait des ententes avec les bibliothèques pour nous assurer - et là les collèges d'enseignement général et professionnel nous ont donné un bon coup de main, ainsi que les commissions scolaires -que la documentation nécessaire soit là pour les étudiants et pour assurer la qualité des interventions qu'on fait. Donc, on a des ententes de signées dans chacun de ces endroits avec les bibliothèques. L'université acquiert un certain nombre de livres, de documents, les dépose à la bibliothèque du collège et ils restent là après. C'est une des formules que nous avions trouvées pour assurer la qualité de nos enseignements en périphérie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Madame.

Mme Blackburn: Une dernière question parce que je voudrais laisser un peu de temps à mon collègue de Laviolette. Le président se fait généreux, je vais peut-être en abuser un peu.

Je voudrais revenir un peu sur des recommandations du rapport Gobeil. Voilà, je ne reviendrai pas sur la tâche d'enseignement parce qu'ici je pense qu'il a été largement démontré que la modulation de la tâche des professeurs existait effectivement et que ce n'était peut-être pas la meilleure formule que d'augmenter de 50 % ladite tâche d'enseignement pour renouveler le corps professoral dont on dit, dans la plupart des mémoires qui nous sont venus des universités, que le vieillissement constituait une menace certaine au dynamisme et à la qualité des activités d'enseignement et de recherche.

Je voudrais revenir sur la recommandation touchant l'abolition du siège social de l'UQ. Pour une université comme la vôtre, qui fait preuve à la fois de beaucoup de dynamisme, d'une certaine capacité d'autonomie, je pense bien, qui a su gérer ses activités avec beaucoup de rigueur et qui s'est donné une politique d'évaluation à laquelle je suis particulièrement intéressée, je voudrais voir comment vous réagissez à ceci: un siège social, c'est toujours utile pour l'Université du Québec à Trois-Rivières? (11 h 30)

M. Parent (Jacques R.): M. le Président, Mme la députée de Chicoutimi, la position de l'Université du Québec à Trois-Rivières, face à l'existence de la corporation

centrale, le siège social de l'Université du Québec, est très claire. Nous recevons des services de qualité. J'aimerais, à cet égard, insister sur trois dimensions: d'abord sur le dossier de la planification et de la coordination, ensuite sur la facette fort importante de l'animation de la communauté scientifique et aussi, bien sûr, sur les services en commun.

Les services en commun, c'est un ensemble de services que les établissements -j'insiste sur cette dimension, madame - sur une base volontaire, ont bien voulu se donner, en estimant qu'il en coûterait beaucoup plus cher de se les donner, ces mêmes services, de façon individuelle. Cela c'est la facette des services en commun.

En ce qui concerne la planification, voilà, je pense, l'un des plus beaux fleurons de l'Université du Québec, M. le Président. Nous en sommes - notre texte de mémoire à cet égard est très clair - à notre quatrième plan triennal, donc au quatrième plan triennal de l'ensemble de l'Université du Québec. Nous le soulignons d'ailleurs dans notre texte, à cet égard on a été très largement soutenus, entre autres, par la vice-présidence à la planification de l'Université du Québec.

J'aimerais aussi m'arrêter quelques instants sur la troisième dimension, celle de la communauté d'intérêt scientifique, pour dire que dans les premières années de l'existence de la corporation centrale - et c'était tout à fait naturel de fonctionner ainsi lorsqu'on met en place un système comme le réseau de l'Université du Québec -on a mis l'accent ou centré les préoccupations sur des dimensions à caractère davantage administratif. Je pense que la petite histoire de l'Université du Québec - nous en sommes à notre 18e année - témoigne bien de l'importance d'avoir, au début de l'institution ou de l'établissement, mis l'accent sur cette dimension. Mais avec le temps et avec l'arrivée de M. Boulet comme président de l'Université du Québec, on a senti bouger les orientations fondamentales de l'université non pas qu'on mettait en cause cette problématique financière, bien au contraire, nous avions un cadre bien défini qui a été largement utilisé et qui est toujours utilisé par l'ensemble des constituantes, mais la direction de l'Université du Québec a senti non seulement le besoin mais le fait qu'il y avait une richesse dans le réseau de l'Université du Québec, les constituantes, les unités composantes de ce grand réseau. C'est à ce moment qu'on a centré nos préoccupations sur l'animation de cette grande communauté d'intérêt scientifique que constitue le réseau de l'Université du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur. Monsieur, je vous inviterais à compléter la réponse.

M. Quintin: Pour compléter, je veux vous faire remarquer d'une façon très brève que, dans notre premier objectif institutionnel de raffermissement de la vocation générale, nous insistons sur le fait que cela doit se faire en concertation avec les autres universités. En concertation avec les autres universités, cela veut d'abord dire, pour nous, la grande communauté scientifique que représentent l'Université du Québec et le réseau. Nous vivons là. D'une façon très pratique, certains de nos développements aux études avancées se font maintenant et deviennent possibles parce que cette concertation existe. Je pense à la maîtrise en gestion de projets, que l'on partage, à une maîtrise en mathématiques, à un doctorat des sciences de l'éducation qui aussi pourrait commencer à fonctionner, cet hiver, lorsque M. le ministre aura eu le temps de le regarder aussi. Je l'ajoute à la liste, M. le ministre, doctorat en sciences de l'éducation, que nous partageons entre plusieurs constituantes enregistrées. Nous vivons plusieurs prolongements de programmes qui nous permettent de nous donner mutuellement un coup de main à l'intérieur du réseau avec l'Université du Québec à Montréal, l'INRS - énergie, l'Université du Québec à Chicoutimi ou l'Université du Québec à Rimouski. Je crois qu'il y a là des moyens de concertation que nous ne voulons pas, d'ailleurs, limiter à l'intérieur du réseau. Nous avons aussi des collaborations et même, pour une dernière action structurante, avec l'École polytechnique de l'Université de Montréal. Dans certains domaines de recherche, nous avons des concertations et des collaborations bien précises avec d'autres universités. Mais c'est d'abord au sein du réseau que nous vivons le mieux cette collaboration.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le vice-recteur. Toujours dans un souci d'efficacité et d'une recherche du plus de renseignements possible, je reconnaîtrai dans l'ordre le député de Trois-Rivières, le député de Laviolette, le député d'Arthabaska et la députée de Chicoutimi. Je vous invite à être concis dans vos questions et réponses de façon que nous puissions avoir le plus de renseignements possible. M. le député de Trois-Rivières.

M. Jolivet: Juste un instant, M. le Président. En donnant la parole au député de Trois-Rivières, je...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant! Pourquoi voulez-vous la parole, M. le député?

M. Jolivet: Seulement pour vous faire

une suggestion, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Une suggestion, ah! Je l'accepte volontiers.

M. Jolivet: Puisque la Mauricie, les Bois-Francs et Drummond font partie d'une région nord-sud par rapport au Saint-Laurent, je n'aurais pas d'objection à ce que le député de Trois-Rivières et le député d'Arthabaska prennent la parole l'un après l'autre pour permettre justement cette jonction importante de la région 04.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

J'apprécie votre générosité au nom des membres du côté ministériel, M. le député de Laviolette; je reconnais le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie le député de Laviolette de sa magnanimité et de cette vision de la réunion des deux rives du fleuve Saint-Laurent. Je ne sais pas si je devrais placer maintenant les jalons de la construction d'un nouveau pont sur le fleuve, mais probablement que notre croyance très profonde en une prise en main de l'ensemble de la région pour se développer, malgré qu'il n'y ait qu'un pont, et que l'unité de pensée vont faire en sorte qu'on va pouvoir progresser.

Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Université du Québec à Trois-Rivières et les féliciter de leur mémoire - ceci s'adresse surtout au groupe qui accompagne l'Université du Québec à Trois-Rivières - et dire à mes collègues de la commission jusqu'à quel point cette démonstration de solidarité des intervenants régionaux de ma région, de la région 04, traduit la réalité de l'adhésion de l'ensemble d'une région aux objectifs de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Cela traduit l'appréciation que l'ensemble des intervenants ont de l'intervention de l'Université du Québec à Trois-Rivières dans la région.

Dans votre mémoire, à la page 8, vous soulignez, M. le recteur, que l'université au niveau des études avancées et de la recherche fait porter ses efforts particulièrement sur la recherche et vous citez - c'est important - que vous vous inscrivez en complémentarité avec les autres établissements spécifiquement en pâtes et papiers, en biophysique, en économie, en gestion, etc. D'autre part, on retrouve dans le mémoire du Conseil des universités une recommandation, une affirmation, un souhait que la recherche doit se confiner à l'Université Laval, à l'Université de Montréal, à l'Université McGilI et à l'Université de Sherbrooke. Je me demande où vous vous situez par rapport à cette affirmation en ce qui a trait au Conseil des universités. Est-ce un questionnement de l'efficience de cette complémentarité de recherche que vous faites? Est-ce l'affirmation que la recherche trouve son sens seulement dans des murs métropolitains à grande densité de population? Est-ce une volonté de centraliser? Comment vous situez-vous vis-à-vis du Conseil des universités?

M. Parent (Jacques R.): Je voudrais d'abord souligner, M. le Président, que les chiffres qui sont produits dans le texte de notre mémoire face à la fonction recherche sont des plus éloquents et cela, bien sûr, compte tenu du nombre de professeurs et des conditions difficiles que vous connaissez face aux conditions de fonctionnement des universités, particulièrement dans le domaine de la recherche où la compétition est très vive.

Le tableau dans le mémoire témoigne de sommets atteints année après année. En 1986-1987, l'Université du Québec à Trois-Rivières, avec un corps professoral de 310 professeurs, va atteindre des subventions, des contrats et des commandites de recherche de l'ordre de 6 000 000 $, M. le député. Si l'on fait un per capita, ça veut dire que ce per capita se situe autour de 20 000 $, ce qui est très raisonnable et même, à certains égards et dans certains concours, la situation relative de l'Université du Québec à Trois-Rivières est bien reconnue.

Nous sommes fiers comme université d'avoir réussi, et cela en un nombre d'années relativement peu élevé, à créer en notre sein un milieu intellectuel, universitaire et scientifique dynamique, stimulant et reconnu. Nous sommes particulièrement heureux de cette situation parce que, comme vous l'avez souligné... Vous avez fait vous-même, M. le député, la relation entre les études avancées et la recherche. On pourrait également la faire entre les études de premier cycle, les études avancées et la recherche car il y a là des liens, des interrelations d'enrichissement féconds, nécessaires et fort utiles.

Votre question précise, M. le député, c'est de voir comment, après avoir atteint ce niveau de progression en recherche à l'Université du Québec à Trois-Rivières, on se situe par rapport à cette déclaration contenue dans le mémoire du Conseil des universités vis-à-vis de ce que l'on a qualifié les universités de recherche où sont reconnues l'Université de Montréal, l'Université Laval, l'Université McGill et l'Université de Sherbrooke.

M. le vice-président à l'enseignement et à la recherche de l'Université du Québec a été très clair à cet égard, ici, devant la commission parlementaire, en soulignant que, si les subventions de recherche dans le domaine médical et toute la problématique des dons, des legs, étaient retirées de ce tableau pour en arriver à ce que l'on a

utilisé comme paramètres pour la performance des universités en recherche, c'est-à-dire les subventions de recherche par rapport aux subventions générales de fonctionnement... Je peux vous dire, M. le Président et M. le député, que ceci étant fait pour l'année 1982-1983, d'une part, l'Université du Québec, dans son ensemble, aurait une image, par rapport aux chiffres qui seraient les chiffres conséquents, correspondants, beaucoup meilleure.

En ce qui concerne l'Université du Québec à Trois-Rivières de façon plus précise, elle se retrouverait à peu près au même niveau que les universités dites établies.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur. Cela répond à votre question, M. le député? Une question rapide?

M. Philibert: Est-ce qu'il reste encore du temps pour une question rapide?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Rapide et qui amène une réponse rapide.

M. Philibert: D'accord. En ce qui a trait au financement, vous parlez de 20 % de financement autonome. Je ne me souviens pas des montants exacts, mais le financement autonome, c'est quand même important. Est-ce que vous pourriez nous parler de cette source qu'est le financement autonome et comment se fait-il qu'avec la possibilité d'aller chercher du financement autonome par contrat avec des entreprises ou autrement, enfin, vous pourrez nous le décrire, comment se fait-il que vous êtes obligé de couper des activités dans la région actuellement, alors qu'on pourrait se dire que l'université pourrait aller chercher plus de financement autonome vis-à-vis des difficultés financières que la société québécoise retrouve?

M. Parent (Jacques R.): M. le vice-recteur à l'administration et aux finances.

M. Beaudoin (Robert): Dans notre mémoire à la figure XIII de la page 19 où on fait état, effectivement, de la proportion du budget de fonctionnement provenant des revenus d'autres sources, on énumère dans le bas de la figure le type de sources de financement, qui sont ces autres sources. On pense aux prélèvements de frais d'administration pour contrats et commandites.

Il faut dire que l'université prélève, de façon systématique, une charge d'un minimum de 15 % sur l'ensemble des contrats et commandites et ces montants sont versés dans le fonds général et distribués à l'ensemble des services lorsque nous n'avons pas trop de problèmes avec certains ministères, entre autres, qui trouvent le moyen de passer à côté de ces charges. (11 h 45)

II y a des réalisations de projets de développement international, également. Tout à l'heure, nous avons parlé d'un projet de développement international. Il faut insister sur ce fait: développement international dans nos projets, non seulement on recherche l'autofinancement, mais on recherche la profitabilité pour pouvoir réinvestir ces sommes d'argent à l'intérieur du système global de l'université.

Le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche faisait état d'un contrat que nous avons signé lundi soir ou approuvé au conseil d'administration. C'est un contrat de 1 000 000 $ sur lequel nous prenons 150 000 $ qui va contribuer à financer l'ensemble des autres services en dehors du développement international. On pense aussi à l'École internationale de français qui doit s'autofinancer et l'implantation du bureau de soutien financier, revenus de services auxiliaires aussi qui sont profitables. On exige l'autofinancement chez nous de plusieurs services. On a privatisé depuis le début la cafétéria, l'entretien ménager, la sécurité. Donc, ce sont ces ensembles de revenus qui font en sorte que nous pouvons parler de 19,9 %. Maintenant, malgré ces 19,9 %, nous sommes en situation déficitaire. Ce qui explique cette chose-là, c'est carrément le sous-financement de l'université qui était trop jeune pour subir des compressions à partir de 1978. Voilà!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, MM. les vice-recteurs. Je reconnais maintenant, pour une dernière intervention du côté ministériel, M. le député d'Arthabaska,

M. Gardner: Merci, M. le Président, de me permettre de montrer ici le mariage parfait entre le nord et le sud de la région 04, mariage quasi parfait, et cela a été prouvé lors de la dernière campagne électorale. Je dis quasi parfait parce qu'il nous en est resté un.

M. Jolivet: Le plus tannant.

M. Gardner: Le plus tannant, celui de Laviolette. Vous comprendrez que je suis très heureux de la participation de l'Université du Québec à Trois-Rivières dans ma région, la région de Victoriaville, la région d'Arthabaska, mais il y a quelque chose à la page 20 qui m'a un peu déçu en ce sens que l'on dit que, si on n'a pas un financement public adéquat, l'Université du Québec ne pourra plus continuer à assurer une présence active en régions. J'aimerais savoir, M. le recteur, combien il y a d'étudiants qui vous

coûtent environ 1700 $, c'est-à-dire ceux qui sont en périphérie, et j'aimerais aussi savoir si la proportion des chargés de cours est aussi importante en périphérie qu'à l'université même, au centre de Trois-Rivières. Est-ce par l'engagement de nouveaux chargés de cours que l'on va essayer de régler le sous-financement pour les régions?

M, Parent (Jacques R.): Devant la responsabilité, M. le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche.

M. Quintin: Oui, j'aimerais d'abord dire que, de façon très claire pour Vîctoriaville, il y a eu 34 activités en 1985-1986 qui réunissaient un total de 864 étudiants. Ceci dit, une des raisons pour lesquelles nous devons, je ne dirais pas diminuer l'ensemble de nos services en périphérie, parce que nous avons réduit un certain nombre d'activités, mais je peux vous dire que pour l'automne, en tout cas, on a le même nombre d'étudiants. On a dans la plupart des cas augmenté un peu le nombre d'étudiants-cours. Ce que l'on n'a pas réussi à faire, c'est, malgré les nombreuses demandes, d'ouvrir de nouvelles cohortes d'étudiants dans un certain nombre de lieux où il y a des groupes qui sont déjà prêts et qui attendent les services. Cela fait 17 ans que l'on prépare les gens à accéder à l'université et, au moment où on nous le demande, on n'est pas capable d'y répondre pour les raisons financières qui ont été expliquées tout à l'heure par le vice-recteur.

La deuxième dimension, vous avez parlé...?

M. Gardner: La proportion de chargés de cours en régions.

M. Quintin: Ah! les chargés de cours. Depuis le début de l'université, nous essayons,.. D'abord, nous avons intégré l'ensemble de ce que l'on appelle traditionnellement l'éducation permanente à nos cours réguliers. Nous n'avons qu'un seul groupe, qu'un seul type d'étudiant ou d'organisation. On n'a pas de services parallèles, de sorte que ce sont les départements qui participent à l'organisation des cours en périphérie. Ce sont les mêmes programmes et, même s'il y a des chargés de cours, ils sont aussi engagés par les départements et donc les syllabus sont aussi contrôlés par les départements. Il y a donc là une liaison qui se fait.

Évidemment, il y a plus de chargés de cours en périphérie que sur le campus. Même si des professeurs peuvent donner certaines activités en tâche normale, il reste que, spontanément, pour les raisons que l'on connaît, si on prend la peine d'offrir des cours en périphérie pour rendre les études accessibles, il y a aussi une question de chargés de cours qui peuvent être plus accessibles et, dans certains cas, nous prenons l'expertise sur place. Elle existe. Il y a des gens qui ont déjà un diplôme universitaire qui peuvent donner des cours, étant en relation donc avec le département chez nous. On règle nos problèmes d'hiver, parce qu'on a encore aussi l'hiver au Québec.

M. Gardner: Est-ce que vous évaluez vos chargés de cours autant que les professeurs réguliers?

M. Quintin: Nous avons depuis un an, comme tout le monde ou presque, une convention collective pour les chargés de cours. Il y a, à l'intérieur de cela, des mécanismes pour évaluer et qui procèdent selon un modèle analogue à cetui que nous avons pour les professeurs. Les professeurs permaments chez nous sont évalués tous les trois ans, deux ans pour les professeurs non permanents, pour l'acquisition de la permanence... À l'intérieur du système, nous avons l'évaluation des enseignements, parce que tous ces cours sont à l'intérieur de programmes gérés par un module. On peut donc évaluer aussi les enseignements en périphérie. Il y a sur place dans notre système d'organisation de la périphérie des comités d'étudiants qui sont chargés de faire la relation avec les besoins du milieu, de nous aider à identifier les besoins et qui sont là aussi pour aider à faire l'évaluation des enseignements selon les besoins.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le vice-recteur. Je reconnais maintenant le vice-président de cette commission parlementaire, le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion, si je peux faire un court historique, de connaître les débuts de l'Université du Québec à Troîs-Rivières par l'intermédiaire d'un de mes professeurs, M. Gilles Boulet, à l'époque où il mettait en place avec l'organisme régional le centre des études universitaires de la région. Je dois dire aussi que je l'ai connue de l'intérieur étant membre socio-économique au moment de l'implantation des modules d'enseignement primaire, secondaire - en fait, c'était préscolaire et élémentaire, à l'époque ayant eu aussi, comme représentant syndical, à discuter du programme de perfectionnement des maîtres, le PERMAFRA et, en dernier lieu, par la fondation du sous-centre de Shawinigan. J'ai connu l'université par l'intérieur tout comme je l'ai vue agir de l'extérieur.

J'aimerais vous poser quelques questions, le plus rapidement possible. D'abord, il y a eu un sommet économique. Le sommet économique n'est pas le départ

de l'université, mais un bon moyen d'aller plus loin. J'aimerais parler de ce que vous avez mentionné au cours de votre intervention, la collaboration des cégeps avec l'université, l'ayant vécue à l'intérieur, qu'on soit de Drummondville, de Victoriaville, de Trois-Rivières, de Shawinigan et aussi, on peut même aller jusqu'à Saint-Hyacinthe si on le désire. J'aimerais que vous me parliez rapidement de la charte de collaboration et, si besoin est, de documents intervenus entre l'université et les cégeps que vous pourrez faire parvenir aux membres de la commission.

M. Quintin: Vous l'avez bien dit, le sommet économique n'a été que l'occasion de raffermir certaines relations que nous avions déjà avec la plupart des collèges, compte tenu du système d'enseignement en périphérie, dont je vous parlais tout à l'heure. Cela dit, nous avons constaté par l'évolution de la situation qu'il y avait lieu de mieux utiliser, sur une base régionale, l'ensemble des ressources que nous avions en enseignement supérieur touchant la recherche, tout le domaine postsecondaire.

Pour mieux utiliser ces ressources et apprendre à nous parler - nous avons constaté d'abord que nous ne nous parlions pas assez souvent et assez longtemps sur des sujets qui nous intéressaient tous dans le développement de l'enseignement - nous avons donc décidé de nous rencontrer sur une base périodique pour discuter d'un certain nombre de dossiers dont nous avions toujours l'occasion de parler dans les corridors, à l'occasion de sommet économique ou d'autre rencontre. Ces dossiers sont de divers ordres. Je me contente de faire une petite nomenclature des dossiers d'ordre académique.

On parle souvent des zones grises entre collèges et universités, mais on n'a pas encore réussi à résoudre cela de façon satisfaisante, même sur une base régionale. Nous souhaitons pouvoir ouvrir des discussions là-dessus. Ce que nous faisons depuis deux ans de façon plus systématique, lorsque nous avons des dossiers qui doivent toucher l'enseignement collégial d'une façon ou d'une autre, c'est que nous consultons les gens des collèges, comme les gens des collèges commencent à le faire. Donc, programmes d'enseignement, d'une part. Développement de la recherche: les collèges ont maintenant accès à un volet du Fonds FCAR pour la recherche; ils n'ont pas la même habitude, la même expertise que les gens de l'université, ils ont des besoins propres. On est prêt à collaborer avec eux, soit pour renforcer nos propres projets de recherche en profitant de l'expertise qu'il y a dans les collèges et qui n'est pas utilisée pour la recherche, soit en aidant les collèges à avoir leurs propres projets en pouvant leur fournir aussi une expertise là-dessus. Il faut pour cela aller sur le terrain et parler aux gens, les rencontrer.

Nous avons constaté aussi, pour l'avoir vécu de façon directe, que des services pouvaient être mis en commun. Par exemple, tout ce qui a trait à la conception et à la fabrication assistée par ordinateurs. Actuellement, c'est le cégep de Trois-Rivères qui a payé un ordinateur qui est chez nous et nous avons une entente de services sur l'entretien et l'utilisation. Je viens d'énumérer un certain nombre de points. La charte ne dit que, sur une base de principe, ces quatre ou cinq points-là... ce serait utile, nécessaire et profitable qu'on se rencontre et qu'on se donne une confiance mutuelle pour travailler sur ces dossiers-là.

Nous nous sommes rencontrés de façon systématique, depuis un an et demi, presque une fois par mois. Nous avons identifié un certain nombre de dossiers. Certains vont plus vite que d'autres à cause de l'urgence de la situation mais nous souhaitons, à moyen et à long termes pouvoir aller beaucoup plus profondément là-dedans. Cela étant dit, cette collaboration assez immédiate avec les collèges nous permet aussi d'être plus utiles à l'ensemble de notre région au niveau de la table de concertation enseignement supérieur-milieu. Dans bien des cas... Je prends le dernier exemple: il y a un cours sur l'entrepreneurshtp qui est en train de se donner maintenant et qui se donnera dans la région en collaboration avec les médias de la région, des collèges et des universités. Cela n'est devenu possible que parce que nous collaborions tout le monde ensemble.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

NI. Jolivet: ...ma deuxième question. Je vais maintenant parler de la suite qui est le sommet économique qui a formé la table de concertation. D'abord, concertation avec le milieu; et je vais ajouter un deuxième volet, avec les industries aussi. Ce qui existait déjà, mais qui s'est accéléré parce que le milieu est socio-économique... De façon plus précise j'aimerais parler aussi du milieu industriel. J'aimerais connaître les projets qui ont pu sortir et qui sont en marche actuellement ou qui ont été accélérés dans certains cas à la suite du sommet économique et à la table de concertation.

M. Parent (Jacques R.): M. le député, je pourrais peut-être donner deux exemples très concrets et ensuite laisser la parole à mes collègues aussi pour compléter, étant donné que vous voulez avoir des exemples. Dans un premier temps, dans le domaine des pâtes et papiers, vous savez que notre centre de recherche travaille et privilégie une approche d'essences à croissance rapide. À

cet égard j'apprenais la semaine dernière qu'une entreprise mettra sur le marché une pâte chimico-mécanothermique qui est à base même de ce procédé ou cette façon de procéder.

Un autre secteur qui est encore une fois à l'intérieur de nos créneaux spécifiques, celui de l'électronique de puissance. Il y a une firme à Trois-Rivières qui s'appelle Captel, qui fait appel à notre secteur d'électronique de puissance pour effectuer la recherche et le développement de l'entreprise.

M. Quintin: Au niveau culturel on pourrait peut-être rappeler le dossier du Musée de la tradition et de l'évolution. Cela fera plaisir aussi à M. le maire qui nous accompagne et à tous les gens de la région. C'est un dossier qui a été discuté à la table de concertation, qui est passé par le sommet économique et sur lequel nous continuons à travailler ensemble. Il y a donc des dossiers d'ordre relations avec les industries, mais les industries culturelles existent aussi.

M. Jolivet: Une dernière question. On mentionne toujours que les cours en périphérie, La Tuque comme exemple typique, coûtent cher. Vous faisiez mention que donnés sur le campus le coût revient à 2600 $, alors que donnés à l'extérieur c'est 4300 $, une différence de 1700 $. À la suite de ce que vous avez dit tout à l'heure, M. Quintin, 34 activités dans le secteur Victoriaville, 864 étudiants, on peut dire qu'en moyenne c'est 25 étudiants. Si c'est 25 étudiants et que nous prenons la différence de 1700 $ pour la diviser par 25, on arrive au chiffre de 50 $ de plus par étudiant. Est-ce que mon calcul est bon? S'il n'est pas bon, dites-le-moi au plus vite.

M. Parent (Jacques R.): Pour illustrer la collégialité de notre administration, M. le député, le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche répondra à la dimension académique de votre question et M. le vice-recteur à l'administration et aux finances répondra à la partie à caractère financier et administratif.

M. Quintin: Je voudrais quand même faire une petite parenthèse sur les finances pour dire que les gens de Drummondville, dans une dernière pétition qu'ils m'ont envoyée, se sont offerts même pour payer les coûts de transport du chargé de cours si nous allions donner le cours là. Je leur annonce tout de suite que je vais refuser parce que je veux une solution globale qui permette à tout le monde de pouvoir avoir accès à ces études, et non seulement è ceux qui peuvent payer. Il faut trouver certains types de solutions. (12 heures)

Cela étant dit, ce n'est pas juste une question d'argent. Il faut dire que la dispensation des cours, si on veut conserver une certaine qualité, si on veut que le système global soit capable d'y répondre, il faut qu'on ait l'ensemble des ressources. Ce n'est pas juste le chargé de cours qui est important, aussi, c'est la documentation dans la bibliothèque; c'est l'encadrement qu'on peut donner aux étudiants pour qu'ils sachent mieux se diriger; c'est l'encadrement que le département doit donner au chargé de cours pour pouvoir s'assurer à la fois de son engagement et d'un chargé de cours de qualité et ensuite la supervision du travail qui va être fait.

Je voudrais juste rappeler qu'il y a cette dimension. Nous ne sommes pas des boîtes à cours. Nous sommes une université qui veut le demeurer. L'accessibilité ce n'est pas juste une question de donner des cours ou de multiplier notre nombre de cours. Cela étant dit, je me doute que votre système -l'université est un système de péréquation -j'ai de petits doutes sur vos calculs. Je vais laisser la parole à M. le vice-recteur.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le vice-recteur. Je le reconnais maintenant pour une dernière intervention. Je m'excuse, monsieur.

M. Beaudoin (Robert): Je vais rapidement...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, allez, allez.

M. Beaudoin (Robert): ...traiter de l'aspect calcul. Vous savez, la formule de financement c'est une formule qui est un peu plus complexe que le calcul que vous avez fait. Il faut tenir compte des étudiants équivalents temps complet, c'est-à-dire 25 n'équivaut pas tout à fait à 3 étudiants équivalents temps complet. Chaque étudiant équivalent à temps complet, selon son appartenance disciplinaire va recevoir une subvention sur chacune des disciplines n'ayant pas la même valeur parce que n'ayant pas le même coût. Il y a eu un pourcentage aussi qui fonctionne en discipline prioritaire et non prioritaire; c'est-à-dire en administration, c'est 70 % de la subvention, en sciences humaines, c'est 50 % de la subvention.

De toute façon, nous avons fait des calculs très précis sur les points morts en périphérie. Je peux vous assurer une chose: nous n'allons pas en périphérie pour des raisons économiques.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Jolivet: C'est pour remercier les gens de l'Université du Québec à Trois-Rivières et la table de concertation. Si j'ai posé cette question c'est parce qu'il y avait

un flou. Quand on écoute un peu et qu'on Ht les documents, si on n'a pas cette information, on a l'impression que mon calcul est bon. Je savais très bien qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas quelque part. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le vice-président. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Je voudrais juste reprendre la toute dernière phrase du vice-recteur aux finances, à l'administration, qui disait: Nous n'allons pas en région, en périphérie, pour des raisons économiques. C'est sous-estimer la valeur économique de la formation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît!

M. Beaudoin (Robert): Ma définition de l'économie était beaucoup trop...

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît! Je m'excuse, monsieur.

Mme Blackburn: M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi a la parole.

Mme Blackburn: Merci. Pour revenir brièvement sur la planification de l'Université du Québec à Trois-Rivières par rapport è ses activités d'avantages et services à la collectivité, je vais juste dire ici que ce qui ne m'a pas paru sortir suffisamment de ces échanges, c'est le rôle majeur de la table de concertation dans la sélection des activités ou dans les orientations. Je pense que c'est avec eux et de concert avec eux que vous estimez les activités les plus importantes dans lesquelles vous devriez intervenir et j'imagine qu'à ce moment c'est l'occasion aussi de faire une certaine sélection. Je dis en passant que cela n'existe pas partout. C'est un exemple de planification très rationnelle, de rigueur dans votre développement.

J'y reviens. Vous avez des activités d'évaluation, des pratiques d'évaluation qui sont assez exceptionnelles également et qui méritent ici d'être soulignées. Ce qu'il faut reconnaître ici, et cela n'a pas semblé suffisamment se dégager de nos débats, c'est que les constituantes de l'Université du Québec ont géré en période de décroissance et d'émergence, en même temps, de façon extrêmement serrée, ce qui nous donne un réseau pour lequel les déficits sont relativement bas, et que vous pourrez, avec une augmentation décente de revenus, résorber sans demander des ressources additionnelles.

Par ailleurs, quand on examine comment cela se passe, on a l'impression que cela a desservi les universités du Québec. Vous avez dû abandonner des activités d'enseignement. Vous êtes constamment menacés de voir vos activités diminuer pour des raisons de rationalisation. Je trouverais cela extrêmement regrettable. Je trouverais que pour la société québécoise, ce serait un recul important. Ce serait nier l'importance que jouent les universités en régions dans le développement économique.

Vous avez, je pense, assuré aux universités du Québec, particulièrement aux constituantes, un revenu qui leur permette de poursuivre et de développer des activités, d'assurer un meilleur enracinement dans le milieu. Ce n'est pas seulement une question d'équité à l'endroit d'universités qui ne se sont pas arrogées le droit de décider d'un niveau adéquat de financement par le gouvernement en gérant avec des déficits. Je trouve que c'est important de le reconnaître. Donc, c'est une question d'équité non seulement pour l'université, mais, de façon générale, pour la population du Québec. Il faut se rappeler les objectifs qui étaient poursuivis au moment où on a créé le réseau des universités du Québec. C'était une plus grande accessibilité pour les jeunes et pour les adultes. On vient de faire état des coûts relativement élevés et de la formation dans les sous-centres, mais c'était pour cette raison qu'on avait aussi créé le réseau des universités du Québec. Il faut lui donner les moyens de poursuivre ces objectifs d'accessibilité aux jeunes et aux adultes à l'intérieur et par des programmes de qualité et, le plus possible, dans une gamme de disciplines suffisamment importante pour que l'on puisse effectivement parler d'accessibilité.

Par ailleurs, cette université avait été créée pour assurer de meilleurs services aux collectivités qui se trouvaient privées d'expertises importantes qui sont directement reliées à la capacité de se développer aux plans social et économique. Je pense qu'il est important d'attirer l'attention des membres de cette commission sur le rôle vital que jouent les universités en régions. Elles le jouent également dans les grands centres et je pense que c'est reconnu de tous. La semaine dernière, on a eu l'occasion d'entendre les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, qui ont largement fait état de l'importance et du rôle que jouait l'Université Laval dans le développement de l'agglomération québécoise. Je pense que le même raisonnement, la même évaluation peut se faire dans toutes les régions où se trouvent des constituantes des universités du Québec.

Alors, j'espère, M. le recteur, madame et messieurs qui accompagnez la délégation, que le gouvernement prendra en compte ces

remarques, la performance remarquable des universités du Québec et saura ajuster le financement en tenant compte des efforts que vous avez déjà faits et des objectifs qu'on s'était donnés comme Québécois. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant, pour le mot de la fin, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, j'écoutais avec intérêt la députée de Chicoutimi résumer ses impressions. J'aurais aimé que les ministres de l'Éducation de 1976 a la fin de 1985 tiennent ce langage...

M. Jolivet: ...coupures...

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, s'il vous plaît, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: ...4 000 000 $ cette année...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette...

M. Jolivet: ...mais pas de message comme cela.

M. Ryan: On aurait...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député, s'il vous plaît, personne ne vous a interrompu pendant...

M. Jolivet: C'est vrai, vous avez raison.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...votre intervention.

M. Ryan: Si les ministres de l'Éducation...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: ...de 1976 à 1986 avaient tenu ce langage et agi en conséquence, je pense qu'on serait moins en situation de crise et d'alarme aujourd'hui. Mais j'ai noté tout ce qui s'est dit ce matin avec énormément d'intérêt. Je pense qu'il n'y a pas à ajouter sur les points qui ont été soulignés au cours de la discussion; ils étaient très bien signalés dans le mémoire, dans le résumé qu'en a fait M. le recteur et dans les réponses qui ont été apportées aux questions posées des deux côtés, de manière consciencieuse.

Je vais simplement signaler que nous sommes très attentifs à cette situation qui a été portée à notre attention et nous cherchons ensemble les solutions; nous allons continuer de chercher tant que nous n'en aurons point trouvé. Je vous remercie. De ce point de vue, je pense que votre contribution sera très utile dans la démarche que nous continuons de poursuivre cette semaine et la semaine prochaine.

J'avais promis tantôt de vous donner certains renseignements à propos de questions que vous avez posées. Je ne voudrais pas que vous partiez sans que je vous aie donné satisfaction. En ce qui touche le baccalauréat en informatique, une réponse affirmative a déjà été communiquée à votre établissement par des rencontres qui ont eu lieu au cours des dernières semaines, d'après ce que je comprends. Et, dans les règles budgétaires pour l'année 1986-1987, que nous sommes à mettre au point, il y aura des dispositions en conséquence, qui ne donneront pas nécessairement droit à toutes les demandes que vous présenteriez de ce côté, mais qui essaieront de comporter des dispositions administratives et financières convenables. Pour ce point, je pense qu'on peut considérer que cela va.

En ce qui touche au baccalauréat en génie mécanique manufacturier, ici encore une réponse positive a déjà été fournie. La preuve en est que, déjà, dans les règles budgétaires de 1985-1986, il y avait des dispositions à ce sujet. Je pense bien que cela va continuer en 1986-1987 et que nous verrons à tenir compte de ce programme-là aussi.

Vous avez parlé du programme de baccalauréat en génie chimique. Cela a soulevé des difficultés. Je pense que c'est une présentation plus large qui avait d'abord été faite et il a fallu restreindre. Cela a soulevé plus de difficultés, mais finalement, la décision est positive également. Dans les règles budgétaires de 1986-1987, il y aura des dispositions à cette fin.

En ce qui touche au doctorat en éducation, il y avait une demande en provenance de l'Université du Québec à Trois-Rivières et une autre en provenance de l'Université du Québec à Montréal, les deux demandes comportant des jonctions, si je comprends bien. Le Conseil des universités a examiné ces demandes et il s'est prononcé affirmativement dans un avis qui remonte au 17 avril dernier. Il nous reste à prendre des décisions en conséquence. Il y a des vérifications que nous continuons de faire de ce côté. Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse ce matin. Je crois que d'ici peu de temps il y aura une réponse également à cette question.

Je vous remercie très cordialement. Il y a plusieurs points que nous aurions aimer continuer à discuter avec vous parce que votre mémoire ouvrait la voie à des échanges substantiels sur des questions

centrales. Nous pourrons continuer de le faire comme vous avez commencé de le faire avec notre ministère et mon propre personnel ces derniers temps. Nous l'avons vivement apprécié et comptez sur notre collaboration. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. le recteur, encore une fois, au nom des membres de la commission, je vous remercie de la façon dont vous avez présenté votre mémoire. M. le maire, merci beaucoup. MM. les vice-recteurs et les accompagnateurs de M. le recteur, nous vous remercions encore une fois de votre collaboration.

La commission parlementaire sur l'éducation suspend ses travaux quelques minutes et nous aimerions entendre dès midi quinze le Conseil du patronat.

(Suspension de la séance à 12 h 13)

(Reprise à 12 h 16)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. S'il vous plaîtl

La commission permanente de l'éducation, dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, continue la consultation générale sur les orientations et le cadre du financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-198B et pour les années ultérieures.

La commission parlementaire accueille le Conseil du patronat et son porte-parole, M. Dufour. M. Dufour, bienvenue. Nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire. Celle-ci a une heure à consacrer au Conseil du patronat, c'est donc dire que le tout devrait être terminé vers 13 h 15. Je vous invite, M. Dufour, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à entamer votre présentation.

Dès la fin de votre présentation, la période de temps qui restera à la commission sera divisée d'une façon égale entre les deux formations politiques. M. Dufour, nous vous écoutons.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes collègues, en commençant à ma gauche, sont: M. Michel Magnan, analyste-rédacteur au Conseil du patronat; M. Alexandre Beaulieu, président d'Alexandre Beaulieu Inc., et M. Claude Pichette, président-directeur général de la Société d'entraide économique du Québec. À ma droite, M. Denis Beauregard, directeur de la recherche au Conseil du patronat, et M.

André Boutin, vice-président de Northern Telecom et représentant patronal au Conseil des Universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

M. Dufour (Ghislain): Je vous résume brièvement notre mémoire. 3e dis brièvement parce que le temps ne nous permettra pas d'aller dans l'ensemble des points que nous abordons.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne voudrais quand même pas précipiter au point que vous ayez la sensation de ne pas livrer votre message. Prenez le temps qu'il vous faut.

M. Dufour (Ghislain): Voilà. Le Conseil du patronat s'est toujours intéressé au développement de l'éducation, notamment à l'évolution de l'enseignement universitaire. C'est donc avec grand intérêt qu'il participe aux travaux de la commission permanente de l'éducation, portant sur le financement des universités. D'ailleurs, nous félicitons le gouvernement d'avoir mis sur pied cette commission permanente de l'éducation sur le financement des universités.

Dans son mémoire, le CPQ précise d'abord les points qui suscitent son intérêt à l'égard de ce dossier. Il dresse ensuite un rapide bilan du financement des universités en soulignant quelques-unes des causes qu'il croit à l'origine des problèmes généralement identifiés. Et il termine en soumettant un certain nombre de suggestions pour améliorer la situation financière des universités.

Compte tenu que la partie statistique a été beaucoup abordée devant votre commission, vous me permettrez de passer rapidement lorsque j'arriverai à cette partie de notre mémoire. Ce sont, de toute façon, des statistiques qui ne sont pas contestées. Tout le monde fait référence presque toujours aux mêmes sources, alors on pourra passer rapidement là-dessus.

L'intérêt du CPQ. Toutes les études sur le sujet l'ont démontré, l'amélioration du niveau de scolarité moyen de la population contribue largement au développement global de la collectivité. Qu'on examine la question sous l'angle social, économique ou culturel, la même constatation s'impose. Sans aucunement mettre en doute l'importance des autres facettes de la question, le CPQ, conformément aux priorités que lui dicte sa mission, s'intéressera particulièrement à l'aspect économique de l'éducation supérieure. Les chefs d'entreprise s'entendent pour reconnaître qu'une main-d'oeuvre bien formée contribue grandement à la capacité concurrentielle de leur entreprise et ce, à tous les niveaux de fonctionnement. C'est pourquoi un haut niveau de scolarisation va

généralement de pair avec une bonne performance économique d'ensemble et un niveau de vie élevé. C'est donc en prenant en compte l'impact de l'enseignement universitaire sur l'évolution de notre niveau de vie future qu'il faut discuter des ressources qu'il convient d'allouer à l'université.

Il ne faut pas perdre de vue, toutefois, non plus le fait qu'il n'existe pas nécessairement une adéquation entre la quantité de ressources investies et la qualité des résultats obtenus. C'est pourquoi il importe de ne pas limiter l'analyse strictement au niveau de générosité souhaitable qu'une collectivité devrait atteindre pour assurer un financement suffisant à ses universités. Il faut également s'intéresser à l'organisation du réseau et à sa gestion en fonction d'un rendement optimal des ressources investies, ce que nous ferons un peu plus tard dans notre mémoire.

Où en est le Québec? C'était notre approche statistique. Je le répète, je n'y toucherai pas parce qu'il n'y a pas tellement de désaccord en ce qui concerne le diagnostic, et je vous amène donc à la fin de la page 3.

Il y a un constat, par ailleurs: II a été largement démontré que les gouvernements, quels qu'ils soient - le Canada ou le Québec - ne disposent plus de marges de manoeuvre financières alors qu'ils doivent répondre à des besoins de plus en plus coûteux. En conséquence, même si les coupures budgétaires effectuées au cours des dernières années ont pu faire mal jusqu'à un certain point aux universités québécoises, cela aurait été irréaliste de s'attendre que les ressources distribuées par le gouvernement s'accroissent substantiellement dans un avenir rapproché. Il faut donc explorer d'autres solutions pour assurer à nos institutions universitaires un niveau de ressources suffisant pour qu'elles puissent non seulement jouer le rôle qu'on attend d'elles, mais aussi se développer.

Il n'est pas inutile de signaler d'ailleurs qu'il serait malsain que les institutions universitaires tirent la presque totalité de leurs ressources financières d'une seule et même source. Les responsabilités de l'État et des institutions universitaires sont très différentes. Ainsi, l'État a la responsabilité de fournir les ressources minimales nécessaires au maintien d'institutions universitaires de qualité. Les institutions, pour leur part, ont la responsabilité d'organiser et de dispenser l'enseignement, tout comme d'effectuer la recherche, avec toute la liberté nécessaire. Le fait de s'en remettre à un seul bailleur de fonds ne pourrait que mettre en danger l'économie des universités. Ayant dit ça, nous sommes bien conscients que le plus grand bailleur de fonds demeurera toujours le gouvernement.

La perception du monde des affaires.

Vues par le monde des affaires, l'organisation et parfois la gestion du réseau universitaire présentent des caractéristiques qu'il conviendrait d'examiner dans un cadre de rentabilisation maximale des ressources allouées.

Ce que nous exprimons, nous ne vous demandons pas de le partager. C'est ce que nous dit constamment le milieu des affaires. Ce que nous vous demanderons de partager, ce sont nos recommandations de tout à l'heure. Pour l'instant, ce sont beaucoup plus des perceptions, certaines pouvant prêter à des interrogations souvent nombreuses.

Premièrement, la coordination du réseau. Le réseau universitaire au Québec s'est développé dans un contexte d'abondance de ressources, alors que l'État pouvait se permettre d'accaparer une part croissante de la richesse collective sans trop provoquer de réactions négatives. Au contraire, une majorité de citoyens étaient favorables à la prise en main par l'État d'activités de plus en plus nombreuses et coûteuses et acceptaient donc, sans trop maugréer, de verser une part croissante de leurs revenus dans les coffres de l'État. De plus, l'éducation était considérée comme la plus importante des priorités, ce qui était justifié dans une province qui s'était laissé distancer par ses voisins. Enfin, les universités, jalouses de leur liberté, se sont souvent développées indépendamment les unes des autres en réussissant à déjouer les quelques tentatives de coordination.

Il n'en fallait pas davantage pour qu'on assiste au dédoublement coûteux de certains services dans un contexte où les règles du marché s'appliquent de façon bien imparfaite. Il apparaît aujourd'hui qu'une meilleure coordination et même une rationalisation des activités universitaires est souhaitable, particulièrement en régions, dans le but non seulement de réduire les coûts mais de permettre également aux universités d'offrir, en se spécialisant davantage, de meilleurs services aux clientèles. Quand on dît: Perception d'une rationalisation qui n'est peut-être pas satisfaisante, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Au contraire, actuellement, le réseau universitaire fait énormément d'efforts pour améliorer la rationalisation des activités universitaires, notamment avec le réseau de l'Université du Québec. On peut citer toute une série d'exemples. Je pense à l'Université du Québec à Trais-Rivières, qui vient de citer dans le domaine des sciences biophysiques un certain nombre d'exemples. On pourrait parler de l'Université du Québec à Chicoutimi et ses contacts avec l'UQAM, McGill et Laval. Ce phénomène de la rationalisation existe de plus en plus. Mais, quant à nous, nous devrions la pousser davantage.

Deuxième perception ou interrogation

au sujet d'un plan de développement. En poursuivant dans la même veine, ne serait-il pas souhaitable d'exiger de chaque université - ici on ne parle pas du réseau, on parle de chaque université - qu'elle établisse un plan de développement à moyen et même à long terme, plan qui déterminerait précisément les étapes et les avenues de développement envisagées? Ce n'est que lorsque de tels pians auront été établis que le réseau pourra se développer efficacement et que chaque université pourra rentabiliser au maximum les ressources.

La charge de travail. Toujours au niveau non pas des recommandations, mais des perceptions. Même s'il est vrai que toutes les facettes du travail du professeur d'université ne sont pas nécessairement connues de la population, il ne faudrait pas rejeter du revers de la main les critiques nombreuses dont sont l'objet les professeurs. Il y a tout lieu de croire que le corps professoral reflète assez bien l'ensemble de la société. En conséquence, plusieurs se passionnent pour leur travail, d'autres s'en désintéressent, alors que la grande majorité d'entre eux s'acquittent convenablement de leur tâche. Dans ce sens-là cela ressemble un peu au monde des affaires ou aux groupes des parlementaires. Toutefois, compte tenu particulièrement de l'importance de la masse salariale dans le budget des universités, il serait peut-être intéressant de tenter d'évaluer plus précisément le travail des professeurs d'université de façon que chacun consacre la majeure partie de ses efforts à ce qu'il peut faire le mieux.

M. le Président, je passe sur le thème qui s'appelle les sources de financement, parce qu'effectivement ce sont des interrogations du mandat de votre commission, alors cela serait peut-être faire double emploi, pour arriver au champ d'action de l'université. II est de notoriété publique qu'à l'époque où un accroissement de clientèle entraînait automatiquement un accroissement des ressources les universités se sont lancées dans une course effrénée pour tenter d'attirer chacune chez elle - et c'était bien de le faire - le plus grand nombre d'étudiants possible. Les changements apportés depuis quelques années au système de financement des universités, particulièrement en ce qui a trait au financement des nouveaux étudiants, ont contribué à freiner ce mouvement. Toutefois, la volonté d'élargir leur clientèle a amené certaines universités à offrir des services qui ont parfois peu à voir avec l'enseignement universitaire. Par exemple, l'université est-elle justifiée d'offrir des cours à certaines clientèles qui pourraient, à moindre coût pour la société, obtenir la même formation dans un cégep? On pourrait dire la même chose à l'École de technologie supérieure pour la formation des ingénieurs. Nous croyons qu'il y aurait lieu d'examiner sous cet angle l'opportunité de certains services offerts par les universités et qui génèrent des coûts parfois injustifiés.

Alors, M. le Président, ce ne sont là que quelques considérations, quelques questions qui nous viennent régulièrement lorsque l'on discute avec les milieux d'affaires de ce dossier important que vous regardez. Â la suite de ce diagnostic partiel, on l'admet, nous en arrivons à vous faire un certain nombre de propositions concrètes dans le cadre précis de votre thème qui est le financement des universités.

Première recommandation, majorer les frais de scolarité. Les frais de scolarité dans les universités québécoises sont les plus bas au Canada. On ne reprendra pas cet argument. Par ailleurs il a été démontré que l'investissement qu'un individu fait pour obtenir un diplôme universitaire compte parmi les plus rentables. Pourquoi la société continuerait-elle à assumer presque sans contribution du principal intéressé le coût de ses études universitaires? Le CPQ croit donc que les frais de scolarité doivent être haussés suffisamment pour représenter une part plus significative des coûts réels à un rythme cependant qui permette aux étudiants d'absorber progressivement l'augmentation des coûts. Là, avant que vous nous demandiez ce que cela veut dire, je dirai que nous ne proposons pas demain de doubler les frais de scolarité; nous pensons que l'on doit le faire par étapes et essayer de voir comment on pourrait réaliser ce double des coûts actuels sur une période acceptable pour à peu près tous les intervenants.

Nous assortissons notre propositions de trois considérants: Le premier, le CPQ privilégie une approche qui tiendrait compte, au moins en partie, de la dynamique du marché, comme cela se fait aux États-Unis. Cela paraît en effet plus que souhaitable que les universités ne soient pas tenues de percevoir des frais de scolarité dont le niveau serait fixé par le gouvernement. Chacune des institutions devrait avoir le loisir de fixer le niveau de ses frais de scolarité en fonction de la réputation de ses différents départements auprès des clientèles visées. La subvention gouvernementale devrait quant à elle être établie indépendamment des variations des frais de scolarité entre les universités. (12 h 30)

Une partie des revenus des universités deviendrait ainsi fonction du degré d'excellence des services qu'elle met sur le marché forçant, à la limite, les institutions les moins performantes à fermer certains départements. La réserve suivante est importante: Pour s'assurer que les frais de scolarité ne soient pas augmentés trop rapidement, le gouvernement pourrait établir des plafonds, les réviser périodiquement, les envelopper, en somme, de quantités de bons

paramètres. Une telle politique de plafonds s'imposerait d'ailleurs pour lancer ce nouveau mode de financement.

Un troisième considérant. Il est bien entendu - j'écoutais le recteur de l'Université du Québec à Trois-Rivières le dire tout à l'heure et nous aussi, nous le disons - que le gouvernement ne devrait en aucune façon réduire ses subventions sous prétexte que les universités auraient alors accès à d'autres sources de financement. Au contraire, l'augmentation des revenus ainsi obtenus devrait permettre à nos institutions universitaires d'assurer leur développement, de faire davantage de recherche, d'améliorer la qualité des services qu'elles offrent, etc.

Quatrièmement, parallèlement à l'augmentation des frais de scolarité, le système des prêts et bourses devrait être réaménagé pour apporter une aide accrue aux étudiants qui en ont besoin, quitte à récupérer une partie importante de cette aide lorsque le diplômé est en mesure de rendre à l'État une partie des sommes qui lui auront permis d'acquérir une formation rentable sur le marché du travail.

Deuxièmement, question très difficile, la charge des professeurs, ce que nous appelons "Réorganiser le travail des professeurs d'université". Le travail de professeur d'université revêt plusieurs facettes qui n'exigent pas toutes les mêmes aptitudes ni les mêmes intérêts. Par exemple, tous ne sont pas nécessairement intéressés à enseigner, à faire de la recherche et même à se transformer occasionnellement en gestionnaires. C'est pourquoi il semblerait tout à fait approprié de favoriser une spécialisation beaucoup plus poussée des professeurs. Pourquoi, par exemple, un individu qui n'a aucun intérêt pour l'enseignement, mais qui présente des qualités de bon chercheur et qui démontre un intérêt pour cette activité ne pourrait-il pas à la limite être libéré de toute tâche d'enseignement? La même approche pourrait être appliquée aux gestionnaires des différents départements dans les universités. En contrepartie, les professeurs dont la tâche se limite à l'enseignement verraient augmenter sensiblement le nombre de cours dont ils sont responsables, limitant par ce fait même et parfois considérablement le temps consacré par certains professeurs à des activités extérieures à l'enseignement universitaire.

Bien sûr, une telle approche doit faire l'objet d'une étude approfondie. Le travail de professeur d'université est complexe et il ne saurait être question de se livrer à des simplifications outrancières. Toutefois, même la complexité réelle de la question ne doit pas bloquer toute tentative pour évaluer la situation actuelle et adopter les meilleures solutions dans les circonstances.

Là-dessus, je dois vous dire qu'on est d'accord avec le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, M. Ryan, dans l'ouverture qu'il offrait aux gens de la fédération des professeurs d'université de discuter avec eux de ce dossier et, en somme, de vraiment lancer le débat qui, quant à nous, ne trouvera pas ses solutions nécessairement dans le cadre de votre commission, parce qu'il y a d'autres tables où on discute de ces problèmes. Ce n'est peut-être pas l'endroit où on trouvera des solutions, mais nous appuyons fermement la proposition de M. Ryan.

Une troisième proposition, c'est la fermeture des départements moins performants. Par "moins performants", on ne parle pas de qualité, on parle d'absence de coordination, de double emploi. On ne parle pas de qualité comme telle de ce qui est offert. Sans planification efficace et sans être soumis aux contraintes qu'impose le marché, le développement par conséquent incohérent du réseau universitaire québécois a entraîné - on l'a dit et d'autres avant nous l'ont constaté - la création de départements dans certaines universités dont l'existence demeure parfois difficile à justifier. Compte tenu des coûts importants produits par de telles situations, le CPQ croit que le gouvernement serait justifié de prendre les moyens nécessaires pour que ne soient maintenus que les départements qui offrent des services de qualité et dont l'existence est justifiée.

Je vous signale immédiatement que, si notre première recommandation d'avoir une plus grande libéralisation des frais de scolarité était retenue, cette troisième recommandation disparaîtrait ou à peu près, parce qu'on reviendrait un peu à la question de l'excellence dont on parlait dans notre premier volet.

Quatrièmement, abandon de certaines activités. Pour des raisons déjà invoquées, certaines universités ont eu tendance à envahir des champs d'activité qui, manifestement, ont peu à voir avec la mission de l'université. À titre d'exemple, certains cours dispensés par les facultés d'éducation permanente pourraient tout aussi bien et à des coûts probablement beaucoup plus avantageux être offerts au niveau collégial. Il y aurait lieu d'identifier les activités des universités qui ont peu à voir avec la mission de ces institutions pour ensuite libérer le réseau universitaire des obligations qui ne lui incombent pas. On peut ajouter ici au réseau des cégeps toute la formation possible de techniciens professionnels entre ce que forment les cégeps et nos différentes facultés d'ingénierie, comme l'École de technologie supérieure à Montréal du réseau de l'Université du Québec.

Cinquièmement, développer les fondations universitaires. Les universités francophones reçoivent très peu d'appui financier

de leurs étudiants diplômés. Pourtant, certaines institutions, surtout chez les anglophones et encore davantage chez les Américains, tirent une partie non négligeable de leurs ressources de dons qui proviennent d'anciens étudiants fiers d'avoir été formés à telle ou telle université ou d'entreprises privées qui contribuent parfois substantiellement à leur financement.

L'effort de diversification des sources de financement des universités québécoises doit porter notamment sur la mise en place de moyens pour susciter un intérêt réel chez ceux qui peuvent apporter leur contribution. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, M. le Président, l'incitation fiscale pourrait bien être un moyen approprié. On sait qu'il y en a déjà mais si on compare notre situation, par exemple, avec la situation américaine, on réalise qu'on tire vraiment de la patte.

Bien sûr, cette approche entraîne des coûts pour le gouvernement qui s'y engage. C'est peut-être une façon pour le gouvernement de donner des sommes additionnelles aux universités. Toutefois, il y a certains moyens de trouver le point d'équilibre qui permettrait d'encourager les contribuables qui le désirent à faire des dons à l'université de leur choix sans priver indûment le fisc de sommes essentielles au bon fonctionnement de l'État.

Le point no 6 est excessivement important, il s'agit du paiement des frais indirects de recherche. Je pense que tous les mémoires qui vous sont présentés par les universitaires le soulignent. Il est anormal que le système de financement des projets de recherche ait pour conséquence de pénaliser les institutions qui, conformément à la mission des universités, font beaucoup de recherche. Cette anomalie tient au fait que les organismes qui accordent généralement les subventions ne considèrent que les frais directs qu'impliquent les activités de recherche de l'université qui n'a alors d'autre choix que d'imputer à son budget de fonctionnement la totalité des frais indirects qui découlent des contrats de recherche. Selon nos données, cela peut varier, pour chaque dollar, de 0,50 $ à 1,17 $. 5ouvent on met plus en frais indirects qu'on peut mettre en frais directs.

La conclusion de notre exposé, M. le Président, à la suite de ces six suggestions, est importante au point où on la formule sous forme de recommandation, même si, dans le fond, il ne s'agit pas d'une recommandation comme telle; c'est la stabilisation des subventions. Les universités devraient donc être fortement incitées à diversifier leurs sources de financement puisque leurs coûts semblent augmenter plus rapidement que le gouvernement n'est en mesure de majorer ses subventions. Toutefois, les universités doivent être assurées que même si elles diversifient leurs sources de financement le gouvernement stabilisera son aide financière, tout au moins au niveau actuel, et l'accroîtra, si possible. Sinon, les efforts des universités pour améliorer leur situation financière seraient vains et le problème financier des universités pourrait bien devenir insoluble.

Je vous remercie. Mes collègues sont là pour recevoir vos commentaires et vos questions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. le président. J'invite maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science à prendre la parole.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier le Conseil du patronat de sa contribution à notre recherche. Je profite de l'occasion pour dire à M. Dufour que j'ai également beaucoup apprécié l'avis que m'adressait récemment le Conseil du patronat sur le projet de réorganisation de la formation professionnelle au niveau secondaire. Quand je vous ai écrit l'autre jour, je pense que je n'avais pas encore pris connaissance du mémoire. Je l'ai fait par la suite et, franchement, c'est une contribution qui nous a été très utile parce qu'elle était empreinte de sens pratique et, en même temps, très constructive. Je pense que la même remarque générale s'applique à votre intervention d'aujourd'hui. Je l'apprécie beaucoup parce qu'elle a l'avantage de ne pas verser dans les questions de technicité, de calculs infinitésimaux et de nous amener à des questions qui sont essentielles. On peut avoir des différences d'opinions sur un point ou l'autre mais je pense que la présentation est claire, sobre et, dans l'ensemble, éminemment constructive.

Je voudrais saluer la présence à vos côtés de M. Claude Pichette, l'ancien recteur de l'Université du Québec à Montréal dont tout le monde a apprécié le travail et que nous sommes heureux de retrouver à cette table, surtout étant donné le sujet dont il est question. Je salue également vos collègues qui vous accompagnent en leur disant qu'ils sont tout à fait les bienvenus parmi nous.

Vous avez résumé des avis que vous entendez souvent dans le monde des affaires à propos des universités. Savez-vous que j'aime mieux cela qu'un sondage avec des questions impersonnelles? Je pense que vous avez recueilli sur les lèvres de vos - j'allais dire coreligionnaires, mais ce n'est pas exactement cela - collègues du monde des affaires - parce que je sais bien que pour vous-même la philosophie qui vous anime n'est pas une religion, même sî, des fois, on a cette impression-là - des opinions qui correspondent en bonne partie à celles que

nous entendons nous autres mêmes.

Vous avez soulevé quatre points, en particulier. On s'inquiète parfois de l'extension qui est donnée au champ d'action d'intervention des universités. Je pense que c'est une question fort légitime à laquelle nous avons été appelés à nous arrêter sauvent jusqu'à maintenant. Nous aurons un certain nombre de dires à la fin de nos travaux à ce sujet.

Vous avez soulevé la question de la charge de travail des professeurs. Vous l'avez fait dans des termes qui rejoignent ceux qu'on a pu entendre à la commission. Je suis content de vous confirmer ce que vous évoquiez tantôt, à savoir que nous allons constituer un groupe de travail, ces jours-ci, qui va pousser plus loin l'examen de ce problème avec la collaboration des intéressés. Le président de la Fédération des associations de professeurs me confirmait, ces jours derniers, que sa fédération collaborera au travail que nous allons instituer de ce côté. Nous allons le faire avec la participation des autres éléments concernés également. Je pense qu'un éclairage doit être recherché sur ce sujet afin que, s'il y a des problèmes, on essaie de les régler et, s'il n'y a pas de problème, qu'on dissipe les légendes qui peuvent circuler. J'apprécie que vous ayez bien compris que ce n'est pas une question qu'on peut régler dans deux ou trois semaines. C'est une question à long terme qu'il faut aborder dans toutes ses composantes et à laquelle, je suis sûr, des solutions vraiment durables ne pourront être apportées que d'une manière progressive. Vos propos sur la coordination du réseau et la nécessité de planification de leur développement par les universités m'apparaissent fort justes également. Je peux vous assurer que nous cherchons dans la même voie.

J'en viens maintenant à quelques questions qu'il m'apparaît opportun de vous adresser. Tout d'abord, à propos des sources de revenu. J'ai mentionné, depuis le début de la commission, qu'il y a quatre boutons sur lesquels on peut peser pour essayer d'améliorer la situation. Il y a le bouton des taxes, il y a le bouton du déficit gouvernemental, il y a le bouton de la réduction des dépenses des universités, il y a le bouton de l'augmentation des revenus autres que les subventions gouvernementales. Vous en mentionnez deux: l'augmentation des frais de scolarité et l'augmentation des revenus en provenance du secteur privé. Je voudrais vous remercier d'avoir indiqué avec précision les boutons sur lesquels vous êtes disposés à peser. Je pense que c'est une question qu'on est fort justifié d'adresser à ceux qui viennent nous rencontrer. Quant à nous, nous serons appelés à préciser nos positions là-dessus. Mats vous avez bien signalé ici que vous voudriez que ces revenus en provenance des sources que vous avez indiquées viennent s'ajouter à ceux qui proviendraient de subventions gouvernementales et non pas remplacer ceux-là. Pourriez-vous donner des précisions quand vous dites: II ne faudrait pas que cela vienne diminuer le niveau des subventions qui viennent du gouvernement, par ailleurs? J'aimerais que vous nous apportiez des précisions là-dessus, si c'était possible.

M. Dufour (Ghislain): Je peux donner un premier mot, quitte à demander à M. Pichette de poursuivre. Vous avez parfaitement raison. Pour nous, il ne saurait être question d'additionner aux taxes actuelles. Il ne s'agît pas d'ajouter au déficit. On dit bien dans notre mémoire de réduire les dépenses gouvernementales, donc d'autres revenus. Par ailleurs, si les universités, soit par les frais de scolarité, soit par la hausse ou la baisse, selon le sens où on le prend, de la charge des professeurs, en tout cas, avec une réorientation qui est de réduire les coûts, si vous leur permettez, vous et le fédéral, de réduire leurs frais de recherche en payant davantage les frais indirects, cela va générer un certain revenu. On dit: Les universités sont déjà dans une situation difficile. Si vous baissez vos paiements de transfert aux universités, on n'a rien amélioré comme situation. Or, je pense que notre point de vue est aussi simple que cela. Cela permettrait aussi, peut-être, M. Ryan -je pense qu'on doit vous le dire, je l'ai oublié tout à l'heure - de faire face à certains des déficits que certaines universités sont en train de créer. Car il faut que vous trouviez le moyen de leur donner de l'argent pour combler ces déficits parce qu'on accepterait difficilement que vous combliez lesdits déficits: vous ne l'avez jamais fait, on ne voit pas pourquoi vous le feriez. Devant la commission Rochon, dans un tout autre secteur qu'est celui des hôpitaux, on a déjà dit: Cela a été une erreur, probablement, que de racheter les déficits des universités, année après année. Alors, face à ce problème - et les universités le vivent - il n'y a qu'une façon: c'est que vous ne réduisiez pas vos montants d'argent si elles réussissent à en faire un peu à la fin. (12 h 45)

M. Pichette (Claude): Écoutez, les universités vivent des compressions budgétaires depuis de nombreuses années. Si le gouvernement haussait ou permettait aux universités de hausser les frais de scolarité, il me semble qu'il va de soi qu'on ne pourrait pas, en contrepartie, enlever d'une main ce qu'on accorde de l'autre. C'est cela qu'on veut dire. On dit que, compte tenu du niveau relativement plus faible, actuellement, que les universités du Québec reçoivent au plan du financement - parce que je pense que tout le monde s'entend pour dire que la

position des universités québécoises s'est détériorée ces dernières années par rapport aux autres universités canadiennes - par conséquent, si le gouvernement autorisait un dégel des frais de scolarité, il ne faudrait pas que les universités perdent d'une main ce qu'elles reçoivent de l'autre.

M. Ryan: Est-ce que je peux comprendre clairement de votre intervention que vous favorisez un rehaussement du niveau de financement des universités?

M. Pichette: Oui.

M. Dufour (Ghislain): Carrément.

M. Ryan: Pardon?

M. Dufour (Ghislain): Carrément.

M. Ryan: Est-ce que vous pouvez préciser de quel ordre, ou si c'est une chose que vous laissez à des examens plus poussés de la part du gouvernement et des institutions concernées?

M. Dufour (Ghislain): Je ne peux pas le quantifier. Peut-être que M. Boutin, au Conseil des universités, peut le faire, compte tenu des données qu'il a. Sauf que nos contacts du milieu d'affaires avec le milieu universitaire nous font dire que c'est surtout dans la recherche, dans l'équipement, dans le recyclage, jusqu'à un certain point, des professeurs qu'il y a des problèmes très réels. Or, je me rappelle, par exemple, une lettre - il n'y a pas tellement longtemps -écrite par un professeur de l'UQAM, un professeur de chimie, qui établissait vraiment sa situation de recherche dans le Département de chimie de l'UQAM, en disant qu'il y avait des problèmes très réels où il fallait vraiment ajouter des ressources additionnelles. Pour l'ensemble du réseau universitaire, combien d'argent? Beaucoup.

M. Ryan: Est-ce que M. Boutin a quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Boutin (André): Vous avez déjà reçu, M. le ministre, les recommandations qui ont été faites par le comité de financement du Conseil des universités. J'en parle de mémoire, et si celle-ci est bonne, on faisait état d'un manque à gagner de l'ordre de 100 000 000 $ à 150 000 000 $ par année, ce qui veut dire de 10 % à 15 %, si je ne m'abuse, dans l'enveloppe opérationnelle normale, tout en soulignant une autre carence au niveau des équipements d'enseignement, des équipements didactiques, lesquels, à la meilleure estimation disponible, se situent autour des 50 000 000 $ à 70 000 000 $. Ce sont des choses qui sont déjà contenues - là, je cite les chiffres de mémoire - dans ce qui vous a été envoyé au ministère.

M. Ryan: II y a un problème qui s'ajoute à ceux dont vous parlez, c'est l'inéquité qui découle du système actuel de financement; il y a des redressements qui s'imposent dans cela. Il n'en est pas question dans votre mémoire, mais je comprends facilement qu'on ne puisse pas traiter de tout. On ne peut pas facilement enlever des sommes à des institutions qui toutes s'estiment sous-financées pour les redonner à d'autres. Si l'on veut établir un système plus équitable, il faudra qu'on ait un système différent, avec un niveau de financement plus élevé que celui d'aujourd'hui.

Juste un dernier point. Je ne voudrais pas vous retenir davantage parce que mes collègues ont aussi des questions à vous poser. Vous mentionnez quelque part qu'il faudrait ne pas hésiter à fermer certains départements non performants et abandonner certaines activités qui ne se situent pas dans le champ d'intervention normal de l'université. Vous avez dit tantôt que vous aimiez autant ne pas vous engager dans des exemples. Est-ce que vous pourriez nous donner certaines illustrations de ce que vous entendez par cela''

M. Dufour (Ghislain): En fait, j'ai tenu à préciser que l'expression qu'on utilisait, "non performant", ne se référait pas à la qualité des professeurs ou à la qualité de l'équipement. "Non performant" dans le sens que, si on a deux ou trois départements alors qu'on devrait en avoir un, il y a un manque d'efficacité. L'exemple le plus facile qu'on peut vous donner est probablement celui du développement des facultés d'éducation permanente. Je ne dis pas qu'on doit être contre les facultés d'éducation permanente, sauf qu'il s'est développé dans ces facultés toute une série de cours que vous connaissez aussi bien que moi, du très préliminaire, par exemple, enseignement de langue, l'anglais, entre autres, l'espagnol ou peu importe, simplement pour aller chercher la subvention que vous connaissez à cause du nouveau système de financement. Alors, pour nous, ce n'est pas performant, cela, et cela coûterait beaucoup moins cher d'envoyer cela dans les cégeps.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. le ministre. Je céderai maintenant la parole au porte-parole officiel de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Dufour, cela me fait plaisir de vous accueillir ici à cette commission, de même que les personnes qui vous accompagnent. Le mémoire que vous présentez a un caractère,

je dirais, particulièrement intéressant et important d'autant plus que les personnes qui vous accompagnent ont une connaissance assez réelle et concrète de l'enseignement supérieur. Je vous salue, M. Pichette et M. Boutin, qui est membre, si je ne m'abuse, du Conseil des universités.

Comme l'a fait remarquer tout à l'heure le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, votre mémoire est intéressant à divers titres. J'insisterai sur le fait qu'il n'est pas tombé dans le piège de vouloir se poser en spécialiste pour suggérer carrément des mesures - je pense particulièrement à la tâche des professeurs -alors que vous reconnaissez, comme plusieurs intervenants l'ont souligné ici, que c'est très complexe et qu'il y a possiblement d'autres tables pour discuter de ces questions.

Vous posez un diagnostic fort intéressant, mais, je dirais, qui est partagé par la plupart des intervenants qui sont venus ici en cette commission. Le premier, c'est l'importance de la scolarisation dans le développement économique et social. Je vous rappelle la page 2 de votre mémoire. Vous dites: "C'est pourquoi un haut niveau de scolarisation va généralement de pair avec une bonne performance économique d'ensemble et un niveau de vie élevé." Il faut rattacher cela à votre réflexion selon laquelle les entrepreneurs et les chefs d'entreprise s'entendent pour reconnaître qu'une main-d'oeuvre bien formée a des effets réels sur la marge de bénéfices.

Vous constatez également - cela m'apparaît important - et vous nous rappelez qu'un écart important demeure entre le niveau de diplômation au Québec et celui de l'Ontario. On se plaît tellement à se comparer qu'il faudrait peut-être aussi se rappeler ce que cela donne à l'occasion. Vous dites au début de la page 3: ...quant au nombre de diplômes décernés par 100 000 habitants, un écart de 1 % - ce qui est l'écart actuellement entre le Québec et l'Ontario - donne au Québec 50 000 diplômés de moins. Je trouve qu'il est important de le rappeler. Cela veut dire une capacité de se développer et de créer qui est en deçà de ce qu'on pourrait faire si on en avait un peu plus.

M. le Président, je voudrais déposer à cette commission - on en a souvent parlé -quelques chiffres sur l'état de la scolarisation des Québécois et des Québécoises. C'est un document qui nous rapppelle qu'évidemment, si on a un taux de diplômation qui est encore plus bas, le problème ne part pas nécessairement des universités, mais prend sa source beaucoup plus tôt. Il faut dire que quand on regarde les statistiques et qu'on a une performance intéressante, on la doit beaucoup à nos anglophones au Québec qui constituent un actif important; ils sont beaucoup plus scolarisés que les francophones. Si on pouvait, je le rappelle, prendre des mesures qui auraient comme effet de relever le niveau de scolarisation des francophones, on pourrait connaître une performance enviable à ce niveau-là. Si vous désirez avoir une copie de ces quelques chiffres, la commission pourrait vous les donner.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Votre document est déposé.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Et vous concluez dans votre diagnostic: II y a un sous-financement. Avant d'aborder toute la question du financement, dois-je lire dans votre mémoire qu'il y a nécessité de relever le niveau de scolarité au Québec?

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur.

Mme Blackburn: Pour les raisons que vous vous êtes situés - je pense que c'est bien - dans la perspective économique.

M. Dufour (Ghislain): Je ne sais pas quel document vous avez déposé, Mme Blackburn, mais actuellement le taux de fréquentation universitaire au Québec est de 31 personnes par 1000 de population; la moyenne canadienne est de 30. C'est surtout l'Ontario qui nous dame le pion avec 35, mais autrement on se situe assez bien. C'est pour le taux de participation.

Pour le taux de diplomation, évidemment, vous venez de le souligner, il y a un problème réel. Je sais qu'en fin de semaine Mme Bissonnette, dans un éditorial du Devoir, exprimait un certain nombre de raisons à la base de ça, tenant du fait qu'il y a eu beaucoup de choix de programmes courts chez les gens inscrits à l'université et qui comptent dans le nombre de personnes par 1000 de population, mais qui ne sont pas nécessairement allées chercher un diplôme ou qui ont lâché en cours de route. Elle mentionne même un chiffre de 50 %.

Pourquoi tout cela se passe-t-il? Parce qu'il y a un problème de financement des universités. Les gens peuvent facilement s'inscrire parce qu'on recherche un peu ce genre de clientèle. À votre question précise, je pense que oui. Cela rejoint notre préoccupation première.

Nous savons que, dans certains domaines qui sont carrément dans le virage technologique actuellement, on ne produit pas dans nos universités québécoises le nombre de diplômés dont on a besoin. Il y a certains centres de recherche, comme le centre de recherche Bell Northern, qui pourraient prendre tous les doctorats qui sont produits actuellement en certaines disciplines et on ne peut pas les produire.

Alors, il y a un taux de diplomation qui

devrait être accéléré, sous réserve - on dit: Sous réserve - que là, sans être d'aucune façon critique vis-à-vis de certaines sciences humaines, dont je suis, il y a peut-être lieu de faire les orientations et les projections de ce que l'on veut aussi comme diplomation.

Mme Blackburn: Alors, vous admettez qu'il faudrait hausser !e niveau de scolarité si on veut devenir performant.

M. Dufour (Ghislain): Nous faisons quand même, Mme Blackburn, une petite diversion en disant que c'est surtout dans les disciplines axées sur le virage technologique. C'est là qu'on est faible actuellement.

Mme Blackburn: Bien. Pour ce qui est du niveau de financement, vous nous disiez -c'est ce que tout le monde nous a dît - qu'il était insuffisant et ne permettait pas aux universités d'être performantes, bien qu'il n'y ait pas un rapport direct entre le financement et la qualité de ce qui s'y fait, vous l'avez rappelé.

Je pense qu'à cet égard vous avez raison. Par ailleurs, vous dites - et je trouve cela intéressant - en page 4: II n'est pas inutile de signaler qu'il serait malsain que les institutions universitaires tirent la presque totalité de leurs ressources financières d'une même source. S'en remettre à un seul bailleur de fonds ne pourrait que mettre en danger l'autonomie des universités.

Vous avancez un certain nombre de moyens pour des sources de financement, une diversification. Dans la première, vous envisagez une hausse des frais de scolarité. Ensuite, vous parlez des frais indirects de la recherche, d'incitation, de contribution des diplômés et d'incitatifs pour ceux qui auraient intérêt à apporter leur contribution, et particulièrement des incitatifs fiscaux.

À la suite de la recommandation du Conseil des universités, vous estimez que cela demanderait 150 000 000 $. Entre 100 000 000 $ et 150 000 000 $, c'est variable. On sait que doubler les frais de scolarité, au total, cela donnerait 80 000 000 $ ou 82 000 000 $. Vous indiquez que le gouvernement ne pourrait pas en donner davantage. Je voudrais revenir avec une remarque du ministre tout à l'heure a l'introduction. Tous ceux qui ont suivi les travaux de cette commission parlementaire ont constaté que c'était un peu beaucoup dans son habitude; il se sent obligé d'avoir quelques petites remarques partisanes. J'aurais juste le goût de lui dire, et de nous dire ensemble, qu'il aurait peut-être été intéressant, parce qu'il tenait un discours complètement dévastateur sur la situation financière des universités, qu'il maintienne à tout le moins le niveau de financement qui était celui de 1985-1986. Et une première source ce serait probablement, à mon avis, de réintroduire dans l'enveloppe des universités les 34 000 000 $ que l'on a prélevés au cours du présent exercice financier. (13 heures)

Cependant, j'aurais le goût d'une boutade. Vous avez fait un peu, par rapport à votre mémoire, ce que les étudiants ont fait. Ils ont regardé toutes les sources de financement pour eux-mêmes. Vous me semblez avoir fait à peu près la même chose. À moins que je ne comprenne pas bien, à la fin de la page 7, vous pariez des frais indirects de la recherche. Je vais y revenir. Au bas de la page 10, vous parlez de développer des fondations. Je n'ai pas lu là-dedans quelque chose qui avait un rapport de contribution de l'entreprise privée.

Pour en revenir au diagnostic de votre mémoire, d'une part, vous dites que la personne qui reçoit la formation en tire les principaux avantages et l'entreprise qui embauche la personne. Donc, on peut reconnaître ici qu'il y a à la fois l'individu et l'entreprise qui tirent les plus grands avantages d'une forte scolarisation. N'y aurait-il pas...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je m'excuse, Mme la députée de Chicoutimi. Ce n'est pas moi, mais ce sont nos règlements. Il nous faut le consentement pour dépasser 13 heures. Chaque formation politique a utilisé onze minutes exactement. Ai-je votre consentement, si vous voulez dépasser 13 heures, pour que tout soit terminé vers 13 h 20 au maximum? Est-ce qu'il y a consentement?

M. Ryan: M. le Président, vous devriez...

Mme Blackburn: Jusqu'à 13 h 30.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant! Non, pas jusqu'à 13 h 30,

M. Ryan: Je pense qu'on s'était...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, M. le ministre, si vous voulez bien. Avant la séance, j'ai rencontré M. Dufour. Je l'ai informé, et je l'ai dit publiquement aussi, que la commission avait une heure pour l'entendre. Je lui ai demandé s'il préférait que nous suspendions pour continuer dans l'après-midi, Cependant, des engagements pris ultérieurement l'empêchent de le faire et c'est très compréhensible. Je demande la collaboration de tout le monde. On avait dit qu'on accordait une heure. À 13 h 20, cela fera une heure cinq. Je pense que l'on partage également le temps pour terminer à 13 h 20 et c'est tout à fait normal.

M. le ministre, je vous écoute.

M. Ryan: Nous vous obéissons. M. Jolivet: On a eu peur.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi, je m'excuse de vous avoir interrompue.

Mme Blackburn: II y a le souffle qui...

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'ai brisé votre rythme. Je m'en excuse.

Mme Blackburn: Oui, en effet. Je disais que si on veut établir, en raison de l'équité, une responsabilité entre ceux qui devraient payer la formation, on sait qu'il y a l'État, d'une part, parce qu'il y a quand même une responsabilité de société et l'État le fait dans la proportion que l'on connaît, les deux autres qui en profitent le plus, ce sont les entreprises et l'individu.

On reconnaît généralement dans votre mémoire que la compétence des personnels contribue à la capacité concurrentielle des entreprises et à tous les niveaux d'activité.

Il y a les représentants de l'École polytechnique qui se demandaient si on ne devait pas envisager une source de financement, un peu comme on l'a fait en France, où 2 % du revenu des entreprises constituent un fonds qui doit être réservé à la formation du personnel dans les universités. Est-ce qu'on peut envisager une source de financement de cette nature?

M. Dufour (Ghislaîn): Tout à l'heure, on a dit qu'on ne pouvait pas être d'accord avec une hausse des taxes des entreprises ou une hausse des taxes des particuliers. On a dit aussi qu'on ne voulait pas augmenter le déficit. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Il faut alors trouver des gens qui vont payer.

Dans notre mémoire, je pense que rien ne permet de dire qu'on ne veut pas participer aussi comme entreprise. Toute la question de la recommandation no 5, Développer les fondations universitaires, il y a des grosses chances que cela vienne des entreprises. Vous aurez remarqué aussi au haut de la page 11, qu'on implique les contribuables, non seulement le gradué et non seulement l'entreprise, mais le contribuable aussi. C'est un effort collectif que de financer nos universités.

Je voudrais surtout vous signaler, Mme la députée, et je sais très bien que vous allez me comprendre pour avoir déjà eu à en discuter avec vous, que nous participons déjà beaucoup comme entreprise à l'effort de l'éducation au Québec, au plan collégial -vous vous en souvenez - et au plan universitaire aussi. On reçoit constamment des gens dans l'entreprise. On va à l'université. Mais surtout, et je termine là- dessus, car mes collègues en ajouteront sûrement, c'est nous qui payons les frais directs quand on fait faire de la recherche à l'université. C'est quelque chose qui est important et dont on ne parle pas.

On dit toujours qu'il faudrait que le gouvernement participe aux frais indirects, mais quand vous faites une entente avec Northern, l'Alcan ou Du Pont, on paie les frais indirects et, en plus, on va aller chercher les professeurs et on va les emmener chez Mitel, à Bromont, ou on va les emmener dans d'autres entreprises. C'est cela la collaboration industrie-université qui ne s'exprime pas en termes de dollars, mais qui s'exprime vraiment en termes de collaboration financière. Si tu veux ajouter.

M. Boutin: Oui, si vous me permettez. Vous avez mentionné, Mme la députée de Chicoutimi que, pour l'entreprise privée, toute diplomation, la qualité des diplômés c'est une question de profit. Cela l'est oui, mais c'est beaucoup plus que cela. Sans exagérer, il nous faut reconnaître que c'est une question de survie nationale. L'entreprise de haute technologie a besoin de matière grise. Or la matière grise, on va la chercher dans nos universités.

Vous avez fait état tantôt des taux de diplomation. Je veux profiter de l'occasion pour rappeler à votre mémoire le tableau 2, qui a été attaché au mémoire du Conseil des universités, où on fait précisément état du taux de diplomation tant au baccalauréat qu'au niveau de la maîtrise et du doctorat. On avait un gros retard au Québec. Au niveau du baccalauréat on est rendu à environ 90 % de l'Ontario, au taux de diplomation; mais quand on regarde aux deuxième et troisième cycles, on est encore à une carence de l'ordre de 50 %.

Par ailleurs, autant vous que le ministre en charge nous faites remarquer que le financement des universités présume des sommes d'argent neuf. Je crois que vous avez totalement raison. La liberté universitaire, le maintien de la liberté universitaire est au prix d'une diversification des sources de financement. Malheureusement, à l'heure actuelle, toutes nos universités sont à la traîne de l'État: quelque chose comme 85 % à 90 % de leur financement vient du ministre.

Ce qu'on essaie d'avancer dans notre mémoire - et je sais que nous ne sommes pas les seuls à le faire - c'est de suggérer des sources alternatives de financement qui vont des augmentations des frais de scolarité aux augmentations des frais de recherche, et qui vont chercher des sommes d'argent neuf tant dans les poches des contribuables à l'aide de la fiscalité que dans les secteurs de l'entreprise privée pour l'encouragement à la recherche - de l'argent neuf qui vient de là - et pour des subsides qui s'en vont direct-

ment aux universités. Des encouragements peuvent venir de la fiscalité aussi, mais c'est de l'argent neuf que cela prend.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. D'autres interventions?

Mme Blackburn: M. Dufour n'a pas répondu à ma question à savoir s'il serait favorable à l'impôt, à l'imposition telle qu'elle existe en France. Par rapport aux incitatifs fiscaux, vous avez certainement lu avec beaucoup d'intérêt le rapport touchant la fiscalité et les entreprises, qui a été déposé la semaine dernière, où on évalue à quelque 14 000 000 000 $ les revenus nets qui échappent à l'impôt à cause de mesures d'évasion fiscale. Je trouve toujours un peu surprenant l'attitude qu'on a de dire: II faut encore aller dans cette direction. Je trouve qu'à la différence des autres mémoires, vous reconnaissez que du moment où on parle d'incitatifs fiscaux, cela a des effets sur les revenus de l'impôt. Je trouve que cela va de soi.

Le temps passe et on...

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je peux répondre à votre question?

Mme Blackburn: Oui.

M. Dufour (Ghislain): Parce que là vous êtes passée de la France aux États-Unis en revenant chez nous, et votre question était très précise: Est-ce qu'on peut constituer un fonds de 2 %, 3 %? Je n'ai malheureusement pas lu le mémoire de Poly. Est-ce que c'est le congé formation, congé éducation?

Mme Blackburn: En France vous avez, ce qui s'appelle, que vous connaissez sûrement, une espèce d'impôt qui doit être consacré à la formation du personnel. S'il n'est pas consacré à cette formation dans l'entreprise avec la collaboration des universités, ils le retournent - pas l'équivalent du fonds consolidé - ils peuvent le retourner en impôt, mais peuvent également le donner, le distribuer à d'autres organismes de formation. Cependant, je trouve que ce n'est pas au niveau des modalités que je voudrais aller, c'est beaucoup trop complexe, c'est beaucoup plus à la question du principe.

M. Dufour (Ghislain): Sur le principe, nous avons une position, Mme Blackburn et je demande à M. Beauregard de vous l'exprimer.

M. Beauregard (Denis): En fait, l'expérience française n'est pas très concluante à ce sujet. La dernière fois que j'en ai discuté avec des Français, on s'est rendu compte que, vers la fin de la période déterminée, l'argent est souvent investi dans à peu près n'importe quoi pour ne pas retourner, justement, ces sommes-là sous forme d'un autre type d'impôt.

Donc, semble-t-il que ce n'est pas la bonne formule et nous, ce que nous privilégions - et nous l'avons déjà fait valoir dans d'autres mémoires, à d'autres occasions - c'est l'entreprise qui s'occupe souvent, et qui le fait de toute façon, de sa propre formation, de la formation de sa main-d'oeuvre, un peu comme M. Dufour le disait tantôt. L'entreprise doit fonctionner, n'a pas d'autre choix que d'investir souvent, dans les secteurs qui vont vite, beaucoup d'argent en formation. Ajouter à ces contraintes une contrainte qui s'appliquerait de façon générale, nous ne croyons pas que ce soit la bonne façon de procéder, et l'expérience française le démontre, d'ailleurs.

M. Dufour (Ghislain): Mme Blackburn, est-ce que c'est dans le mémoire de Poly?

Mme Blackburn: Oui, vous avez cela dans le mémoire de Poly, à la page 13, dans l'éventail qu'on fait de ce que pourraient être d'autres sources de financement.

M. Dufour (Ghislain): Nous allons le regarder attentivement.

Mme Blackburn: Écoutez, je peux vous le dire: "Si l'État n'est plus en mesure de financer l'accroissement des populations étudiantes, les règles de financement doivent être ajustées en conséquence." Non, écoutez, j'ai dit à la page 13, mais je vais être obligée de rechercher, je pense que c'est à la page 22. De toute façon, vous allez le retrouver, je l'ai revu ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela va?

Mme Blackburn: Je n'ai pas le bon mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Â la lecture de votre mémoire me venait spontanément à l'esprit le dicton: "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement". Je vous félicite de la qualité et de la concision de votre mémoire. Cela facilite notre travail et cela le rend même agréable.

Il y a un aspect là-dedans qui m'a intéressé concernant surtout le financement, votre cinquième recommandation où vous suggérez de développer les fondations universitaires. Comme j'ai été impliqué très étroitement dans ce secteur jusqu'au 2 décembre, je suis très heureux de cette

recommandation. Maintenant, ce n'était pas clair tout à fait, à savoir si vous vouliez aussi impliquer de façon très marquée l'entreprise privée autant que les anciens étudiants, mais je pense que vous avez répondu dans ce sens-là.

M. Dufour (Ghislain): Oui, je pense que c'est ce que je viens de dire à Mme Blackburn. Plus que cela même... au haut de la page 11, cela va directement rejoindre le contribuable. Alors, c'est l'entreprise, le gradué, le contribuable qui n'est même pas passé par l'université, mais qui, lui, déciderait que c'est une incitation fiscale qui lui plaît. Je vais simplement vous donner un chiffre parce que je sais que vous êtes préoccupé par ce dossier. Aux États-Unis, un don de 2 200 000 $ coûte à peine 100 000 $ à une entreprise, alors qu'au Canada, il coûte 800 000 $. Alors, on voit que les incitations fiscales sont totalement désordonnées.

M. Beaulieu?

M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, sur le plan d'intéresser les entreprises et les entrepreneurs, il y a quelque chose que je voudrais ajouter, c'est qu'il faudrait lever certaines hypothèques aussi. On en discute ici à pas feutrés, évidemment, on n'ose pas trop... Il y aura des rencontres pour régler certains problèmes, mais la perception de l'université par l'entreprise ne peut pas être qualifiée d'excellente, que ce soit la charge de professeur, que ce soit l'administration tout court et de bien d'autres choses dont on ne parlera pas ce matin.

C'est évident que, lorsque l'entreprise a confiance dans ses universités, cela engendre sûrement une contribution plus grande, même si elle est volontaire. Ce climat-là existe. Souventefois, l'université ne répond pas toujours à la demande. Je vais prendre un cas en particulier, juste pour illustrer mon exemple. À l'Institut de recherche en santé et sécurité du travail, alors qu'on a besoin de formation de chercheurs au niveau de la sécurité et de l'ingénierie, on ne réussit pas à faire lever les projets. On investit de l'argent pour faire notre propre formation, alors que cela nous paraîtrait être la responsabilité de l'université. (13 h 15)

J'ai ouvert cette parenthèse pour dire qu'il faudra aussi que le climat soit meilleur et que l'interprétation que fait l'entreprise du rôle de l'université soit un peu meilleure. Même si l'entreprise croit fermement que ces institutions de haut savoir doivent être privilégiés, comme le dit notre mémoire, la perception est importante.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, monsieur. Mme la députée de

Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je vais profiter de mes cinq minutes de conclusion pour poser quelques questions rapides, mais j'ai l'impression que cela va aller beaucoup plus au niveau des remarques.

Vous proposez une hausse des frais de scolarité et vous nous dites qu'on a aussi besoin de hausser la scolarisation. Est-ce qu'il faudrait maintenir cette voie s'il se révélait que cette hausse ait un impact sur l'accessibilité? Je voudrais comprendre votre recommandation touchant les frais de scolarité, en bas de la page 8, où vous dites: "Parallèlement à l'augmentation des frais de scolarité... devraient être réaménagés pour apporter une aide accrue aux étudiants qui en ont besoin, quitte à récupérer une partie importante de cette aide lorsque le diplômé est en mesure de rendre à l'État une partie des sommes qui lui auront permis d'acquérir une formation rentable..." C'est alambiqué un peu comme phrase, mats ce que je voulais comprendre c'est si, dans votre proposition, vous envisagez une hausse de l'aide financière du côté des bourses ou du côté des prêts.

M. Dufour (Ghislain): Des deux côtés. Actuellement, il y a les deux. Il s'agit d'une révision complète du système, je pense, madame.

Mme Blackburn: Mais vous pensez qu'on pourrait et qu'on devrait continuer à endetter les étudiants, les jeunes, les diplômés?

M. Dufour (Ghislain): Je le pense.

M. Pichette: Est-ce que je peux dire quelque chose là-dessus?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Pichette: Vous savez, il faut voir les choses dans leur juste mesure. Si on hausse les frais de scolarité, si on les double d'un coup, c'est sûr que c'est quelque chose de difficile à prendre. Mais, si on les hausse de 10 % à 15 % par année, pour un étudiant qui fait un programme complet qui lui coûterait, sans la hausse des frais de scolarité, 500 $ et qui paierait 550 $ après la hausse des frais, ou un peu plus, j'ai de la difficulté à comprendre qu'on va faire sortir du système beaucoup d'étudiants et d'étudiantes.

Ce ne sont pas 50 $, 75 $ ou 100 $ de plus par année qui feront sortir les étudiants du système. Je pense qu'il faut mesurer les choses et prendre la juste mesure des choses.

Mme Blackburn: D'accord, finalement vous nous dites que, si on doublait du jour

au lendemain, cela pourrait effectivement être...

M. Pichette: Oui, et on ne propose pas cela.

Mme Blackburn: D'accord, cela va bien.

M. Pichette: Justement, on dit qu'il ne faut surtout pas faire cela.

Mme Blackburn: Bien. Une dernière petite question. Vous parlez des régions et je me demandais jusqu'à quel point vous aviez, avant d'écrire ce texte, consulté vos membres qui sont issus des régions. Vous parlez de rationalisation, en page 5, particulièrement en régions. "Il apparaît aujourd'hui qu'une meilleure coordination..., particulièrement en régions...", alors qu'il vient de nous être démontré que, s'il s'était fait de la rationalisation, de la planification, de l'évaluation et de la fermeture de programmes, c'était précisément dans les régions. Je voudrais que vous m'expliquiez cela un peu.

M. Dufour (Ghislain): J'ai déjà commencé à répondre tout à l'heure, prévoyant votre question, en vous disant qu'il y avait déjà de la bonne rationalisation entre l'Université du Québec à Chicoutimi, l'Université Laval, l'Université McGill et l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il y en a de plus en plus, à Montréal même, entre les universités, car il ne faut pas oublier que Montréal est aussi une région. Il existait beaucoup de difficultés de coordination entre les universités. On donnait des doctorats dans presque toutes les universités. Mais, maintenant le doctorat en administration est uniforme pour quatre universités, si je me rappelle bien.

Alors, cela existe, mais il ne faut pas s'arrêter là. Il faut continuer. Ce qu'on entendait ce matin, par exemple, dans le domaine des sciences biophysiques à McGill, il faut le faire dans d'autres domaines. On peut les identifier. C'est cela que nous voulons dire dans la rationalisation en régions. Pourquoi en régions? C'est parce que ce n'est pas spécifique au réseau de l'Université du Québec. Vous avez ce problème de coordination entre les universités anglophones et francophones à Montréal actuellement.

Je pense qu'il ne faut pas cacher qu'il y a amélioration, mais il y a encore problème.

Mme Blackburn: Je voulais voir. Là vous nuancez le "en régions" - je vous remercie - pour l'étendre à toutes les régions du Québec tel que libellé. Je n'étais pas certaine.

M. Dufour (Ghislain): On le sait très bien, nous aussi, qu'à Victoriaville, les hommes d'affaires voudraient avoir une constituante de l'Université du Québec. On sait cela, on est en contact avec eux. Sauf qu'il n'est pas certain qu'on institue cela demain matin. Peut-être, si on rationalisait comme il faut, pourrait-on amener à Québec ou à Trois-Rivières, justement des activités qui se font ailleurs.

C'est un peu comme pour le cégep. Vous vous rappelez de la fameuse expérience où on formait des techniciens en mines à Gaspé et, à Rouyn-Noranda des techniciens en pêcherie. Je pense que c'est cela qu'il faut éviter quand on pense à un réseau cohérent d'éducation universitaire au Québec.

Mme Blackbum: Bien, M. le Président; vous me permettez, au nom de ma formation politique, de vous remercier, M. Dufour, messieurs, de votre participation aux travaux de cette commission. Vous l'avez fait, je pense, avec beaucoup de justesse sur plusieurs questions et avec les nuances qui s'imposaient. Par ailleurs, j'aurais souhaité pour ma part qu'on voie un volet qui aurait été un peu plus développé sur ce qu'aurait pu être la part de l'entreprise dans le financement des universités; on l'a longuement démontré. J'aurais souhaité qu'on puisse le faire de façon un peu plus fine parce que vous êtes vraiment les personnes avec lesquelles on aurait pu le faire.

M. Dufour (Ghislain): Voyez-vous, j'avais tout de suite oublié 16 000 000 $ que mon collègue, M. Beaulieu, vient de me rappeler.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît, monsieur. Merci.

Mme Blackbum: Messieurs, on aura sûrement l'occasion de revenir sur la question. Il n'en demeure pas moins que la décision finale appartient au ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science. Il nous a dit l'autre jour que les questions qui relevaient de la fiscalité n'étaient pas de son ressort, que, par ailleurs, lorsqu'il s'agissait d'incitatifs fiscaux cela pouvait être de son ressort. Peut-être qu'à la fin de la commission on saura à peu près sur quel ressort il entend peser ou sur quel bouton, comme il nous l'a dit tout à l'heure. Alors, messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le député d'Argenteuil et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais d'abord faire une petite mise au point. Mme la députée de Chicoutimi a déposé tantôt un

document intitulé: "Quelques chiffres sur l'état de la scolarisation des Québécois(es)." Je crois que vous avez décidé de l'annexer au compte rendu de la séance. Je voudrais vous demander, si vous l'annexez, que soit bien indiquée la provenance du document, que c'est un document déposé par la députée de Chicoutimi, sous sa responsabilité. Il y a des statistiques là qui sont sans doute exactes, mais peut-être incomplètes. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je suis identifié à ces statistiques sans que j'aie eu le temps de les vérifier ou de les faire vérifier par mes services.

Une voix: C'est encore incomplet, d'après vous?

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît. M. le ministre.

Mme Blackburn: Cela pourrait être incomplet.

M. Ryan: Je pense que c'est important car, comme il n'y avait pas de provenance sur le document, moi-même j'ai commencé à m'enquérir tantôt pour savoir si cela venait de chez nous. On m'a tout de suite assuré que non.

Je voudrais remercier le Conseil du patronat de sa collaboration. Je pense que nous avons eu une discussion fructueuse, constructive que nous apprécions beaucoup de ce côté-ci. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier spécialement M. Boutin qui vous accompagne, M. Dufour, pour la collaboration de première qualité qu'il apporte au travail du Conseil des universités. J'ai eu l'occasion de siéger avec...

Mme Blackburn: Vous voulez renouveler son mandat?

M. Ryan: Je crois que son mandat continue, mais s'il était question qu'il soit renouvelé à brève échéance, nous serions très honorés de pouvoir le faire. J'ai eu l'occasion de vérifier que M. Boutin prend une participation active et vigoureuse aux travaux du Conseil des universités et je le remercie beaucoup d'être venu avec la délégation du Conseil du patronat du Québec ce matin. Je retiens de votre intervention un terme dont j'aurais aimé parler dans les échanges que nous avons eus, mais le temps ne le permettait point, c'est le mot stabilité. Vous terminez votre mémoire en disant que peut-être le plus important de tous les objectifs, c'est de viser à procurer un financement plus stable aux universités du Québec. Je crois qu'elles sont en droit de s'attendre à un financement plus stable que celui qui leur a été imposé au cours des dernières années. J'espère que c'est un des éléments que la commission retiendra des échanges que nous avons eus ensemble, à savoir que nous devons non seulement trouver le niveau de financement qui convienne aux besoins réels des universités, trouver les sources de financement équilibrées, diversifiées, dont vous avez parlé, je pense avec justesse, mais surtout créer des conditions qui permettront d'assurer une stabilité plus grande dans le réseau. Il n'y a rien de plus dangereux pour la qualité de notre système universitaire que ce climat d'insécurité et d'instabilité qui le ronge depuis déjà plusieurs années. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Avant de conclure, une mise au point concernant le document ayant pour titre: "Quelques chiffres sur l'état de la scolarisation des Québécois(es)." Je fais remarquer aux intéressés que c'est de la responsabilité du président d'accepter ou de ne pas accepter un document. Lorsque Mme la députée de Chicoutimi a déposé le document tout à l'heure, j'en ai pris connaissance, j'ai regardé les sources et je l'ai déclaré déposé, mais en indiquant que la provenance était bien de la députée de Chicoutimi. Ce n'est pas un document quelconque, c'est un document qui est déposé par un membre de cette commission. Tout le monde n'est pas obligé de l'endosser, mais il devient une partie du procès-verbal de la commission parlementaire qui se déroule aujourd'hui.

Je vous rappelle aussi que nous allons suspendre la séance dans quelques minutes pour reprendre avec l'Université du Québec à Montréal, à 15 heures.

Je veux remercier nos invités ainsi que les membres de la commission de la collaboration qu'ils m'accordent dans la présidence de cette commission parlementaire. Je vous remercie et nous suspensons nos travaux.

(Suspension de la séance à 13 h 26)

(Reprise à 15 h 17)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'éducation reprend ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de procéder à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour les années 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Cet après-midi, la commission reprend ses travaux en accueillant les représentants de l'Université du Québec à Montréal. Alors, soyez les bienvenus parmi nous, messieurs. J'invite le porte-parole de l'Université du Québec à Montréal, M. Goyette, à nous

présenter les gens qui l'accompagnent. Université du Québec à Montréal

M. Goyette (Pierre): Merci, M. le Président. D'abord, je me présente, Pierre Goyette, président du conseil d'administration de l'Université du Québec à Montréal. Nous accompagnent aujourd'hui, à mon extrême droite, M. Marcel Belleau, directeur des services financiers à l'UQAM, et, à ma droite immédiate, Mme Florence Junca-Adenot, vice-rectrice aux finances et à l'administration à l'université. À mon extrême gauche, M. Louis Chapelain, directeur adjoint des services financiers à l'UQAM; M. Yvon Lussier, à sa droite, directeur du Bureau de recherche institutionnelle, et, finalement, M. Claude Corbo, recteur de l'UQAM.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le président, madame, messieurs, soyez les bienvenus. La commission a prévu vous entendre durant environ une heure et demie. Il est quinze heures quinze. À la suite de votre exposé, M. Goyette, le reste du temps sera réparti également entre les deux formations politiques. Après cela, le dialogue s'engagera entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres de la commission parlementaire.

On vous invite à nous livrer votre message d'une façon claire pour tâcher de faire ressortir toutes les questions susceptibles de surgir. Cela se fait dans un cadre très formel ici, dans le salon rouge. Par contre, on voudrait que ce soit une rencontre informelle à l'intérieur de nos règles de procédure de façon que nous puissions échanger nos vues très librement. Nous vous écoutons, monsieur.

M. Goyette: Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, on voudrait d'abord vous remercier d'avoir permis cette rencontre et d'avoir permis à l'Université du Québec à Montréal de faire une présentation à cette commission.

Nous vous avons transmis un mémoire dans les délais impartis; nous n'avions et nous n'avons pas l'intention de le lire. Ce mémoire est de nature particulièrement technique. Par ailleurs, Mme Junca-Adenot, M. Corbo et moi-même ferons chacun un court exposé qui fera ressortir les points saillants de ce mémoire, points sur lesquels nous voulons insister particulièrement. Nous avons aussi remis au secrétaire de la commission les notes que nous allons vous livrer tous les trois dans les minutes qui nous sont allouées.

C'est à titre de citoyen et, dans mon cas, d'homme d'affaires soucieux de l'avenir du Québec, que je profite de cette occasion pour vous communiquer quelques commentaires sur l'enseignement supérieur et témoigner de mes perceptions et des réalisations de notre université, l'Université du Québec à Montréal, des problèmes auxquels elle est confrontée et de l'impasse vers laquelle elle se dirige. Cette impasse durera si des mesures ne sont pas prises rapidement pour améliorer notre situation financière.

Dans un avenir qui n'est pas si lointain, il y a de fortes chances que la mesure de la richesse d'un pays se fasse particulièrement en termes de potentiel intellectuel. Les idées seront la richesse la plus précieuse de la fin du XXe et du XXIe siècle. Sera prospère la nation qui aura su les faire naître, les développer, les appliquer aux différents problèmes scientifiques et humains. Les fonds qui sont mis à la disposition des universités devraient être considérés comme un investissement et non comme une dépense, l'un des meilleurs investissements qu'un État puisse faire pour son avenir. Consciente de cela, l'industrie fait déjà sa part en multipliant les accords et les échanges université-industrie dans différents secteurs de recherche et de formation. Si tel ne devait pas être le cas, serons-nous prêts à justifier nos décisions devant les générations futures? Nous pouvons dès maintenant constater que le système universitaire, celui de l'UQAM en particulier, est affaibli dangereusement en termes de ressources, qu'il a besoin d'une transfusion rapidement et que toute saignée supplémentaire pourrait lui être fatale.

En ce qui concerne l'UQAM, je voudrais vous entretenir de quelques sujets qui m'ont frappé à titre de président du conseil d'administration à . travers les divers documents et décisions que nous avons à traiter au conseil. À lire les statistiques qui ont été présentées en annexe à notre mémoire, on pourrait être tenté de conclure à la superefficacité, au miracle de la gestion, au modèle à suivre, en ce qui nous concerne. Mais, attention! II est vrai que l'UQAM a démontré clairement qu'elle était performante, qu'elle avait accompli la mission de favoriser l'accessibilité aux études universitaires, qu'elle a une situation financière virtuellement équilibrée et qu'elle s'est même développée d'une façon extraordinaire dans les programmes d'études avancées et en recherche. Mais à quel prix tout ceci a-t-il pu être accompli? Ces performances ont pu être réalisées grâce à la collaboration de toute la communauté universitaire. Comme le disait le recteur qui a précédé M. Corbo et qui nous a précédés ici à cette tribune, M. Claude Pichette, nous avons, année après année, réussi à faire plus avec moins. Mais il y a des limites à l'élasticité et il y a lieu de s'interroger sur les signes importants d'essoufflement à

l'UQAM qui, s'ils ne sont pas pris en compte rapidement, risquent d'affecter son développement et sa capacité de continuer à offrir des programmes de qualité à ses diverses clientèles. Qu'il suffise de rappeler qu'en dollars de 1978-1979, donc en dollars constants, la subvention par étudiant équivalent à temps complet, qui était de 3600 $ cette année-là, est passée à 2750 $ l'année dernière, soit une réduction de près du quart. Durant cette période, le nombre d'étudiants à l'UQAM a doublé. Nous pouvons facilement constater l'appauvrissement lorsque, à ces chiffres, nous ajoutons que la subvention par étudiant équivalent à temps complet était, l'année dernière, de 4770 $ à l'UQAM, alors qu'elle était de 6942 $ dans les autres universités, plus de 2000 $ de différence, et de 5118 $ dans les cégeps.

L'UQAM a tenu le pari de la saine gestion et de la responsabilité de la bonne citoyenne. Ainsi, nous avons pu constater que des efforts sérieux sont faits année après année pour que les entreprises auxiliaires s'autofinancent à l'université, selon les principes émis par le ministère, et que la subvention de fonctionnement ne soit pas amputée pour financer ces services. La situation financière globale de l'université est virtuellement équilibrée, ainsi que celle des entreprises auxiliaires. Le 31 mai 1986, le déficit accumulé de l'UQAM était inférieur à 1 % du budget annuel. Donc, c'est ce qui nous permet de dire que l'Université du Québec à Montréal est virtuellement équilibrée dans ses finances.

Il ne faudrait pas conclure par un raisonnement trop simpliste que ceci a été réalisé grâce aux augmentations de clientèle et au financement additionnel que celle-ci a rapporté. Mme Junca-Adenot reviendra plus loin sur ce point.

En 1978-1979, notre dépense par étudiant équivalent temps complet était de 5049 $ alors qu'en 1985-1986, en dollars de 1979, en dollars constants, elle est de 3559 $, donc passée en dollars constants, les effets de l'inflation éliminés, de 5000 $ à 3500 $. C'est donc dire que l'UQAM a à la fois accepté le défi de l'accessibilité et de la responsabilité financière, ce qui est presque un tour de force, si vous me permettez de faire ce commentaire. Tout en doublant sa clientèle elle a dû réduire les services, fonctionner avec une proportion de près de 50 % de ses activités d'enseignement qui sont assumées par des chargés de cours, une moyenne d'étudiants par cours très élevée, un ratio de personnel de soutien de 1 par 23 étudiants, alors qu'il est de 1 par 14 dans les autres universités, etc.

Pour apporter un autre éclairage sur la gestion de l'UQAM, j'ajouterai qu'elle accueille 20 % de la clientèle universitaire du Québec alors que son déficit, le déficit de l'UQAM, par rapport à l'ensemble des déficits accumulés des universités, ne représente qu'environ 1,5 %. Ces données, sans l'ombre d'un doute, démontrent que les réclamations de l'UQAM pour corriger son sous-financement chronique et réajuster à la hausse sa base financière, donc, que cette démonstration doit être faite que ces ajustements sont particulièrement justes.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, je laisserai maintenant mes deux collègues parler des réalisations académiques de l'université, ce que M. Corbo fera, et expliquer en quoi l'UQAM est pauvre et comment cette pauvreté remet en question son développement. Merci.

M. Corbo (Claude): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, en vous remerciant de votre accueil aujourd'hui, je souhaite vous entretenir d'un certain nombre de réalisations de l'UQAM en matière d'enseignement, de recherche, de création et de service aux collectivités en regard des missions que le gouvernement, à l'origine, nous a attribuées et en fonction de la toile de fond qui a commencé à être dépeinte par le président Goyette et que ma collègue, la vice-rectrice, complétera.

En créant l'Université du Québec et en créant l'UQAM, le gouvernement nous assignait deux grands objectifs. Un premier objectif, c'est l'article 3 de la loi qui l'exprime: "L'université - je cite - a pour objet l'enseignement supérieur et la recherche;" incluant le perfectionnement et la formation des maîtres. Mais, dès la création de l'université, dès l'adoption de la loi par l'Assemblée nationale, il était clair que l'université avait également une mission d'accessibilité qui a été signalée très clairement en Chambre par le parrain de la loi d'alors. En bref et en clair, on a demandé à l'Université du Québec à Montréal d'être une université au sens complet du terme, se préoccupant d'enseignement supérieur et de recherche et d'être aussi une université préoccupée d'accessibilité. (15 h 30)

Avec modestie et fierté, si vous me permettez de vivre les deux sentiments en même temps, je veux vous dire que nous croyons avoir réalisé, malgré des débuts très difficiles et des moyens très frugaux, les mandats que le législateur nous a confiés.

Je m'arrête d'abord à la question de l'accessibilité et de la démocratisation. L'UQAM accueille, cette année, 37 000 étudiants; elle a plus que doublé ses effectifs étudiants depuis 1978-1979, parce qu'il existe une très forte demande de formation universitaire, notamment chez les adultes. Elle a développé une large gamme de programmes. Au 1er cycle, 55 baccalauréats et 61 certificats, mais 28 maîtrises et

bientôt 30 maîtrises, 5 certificats de 2e cycle et 8 doctorats qui seront bientôt 10 doctorats. Elle est active dans un certain nombre de secteurs disciplinaires: les arts, la formation des maîtres, les lettres, les sciences, les sciences de la gestion, les sciences humaines et nous nous proposons une présence modeste, mais résolue dans le domaine des sciences appliquées.

Je veux vous signaler que notre université se réjouit profondément d'avoir intégré les adultes à la programmation régulière par le biais des certificats, également par le biais des programmes de baccalauréat. Nos certificats, je le rappelle, comportent pour 85 % des cours qui sont les mêmes cours que ceux que l'on trouve dans les baccalauréats et ceux-ci peuvent conduire à un grade de bachelier, mais en fonction de règles d'appariement très rigoureuses et très exigeantes. En moins de 20 ans, l'UQAM compte plus de 45 000 diplômés, dont 32 000 bacheliers, 11 000 certificats et environ 2000 maîtrises et doctorats.

L'UQAM a élaboré, toujours au titre de l'accessibilité, une nouvelle mission dite mission de service aux collectivités, dont le Conseil des universités a reconnu la pertinence il y a un an et demi et qu'il a présentée au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science et aux universités comme devant désormais faire partie des tâches de l'université québécoise.

La formation qui est donnée par l'UQAM aux étudiants aux différents cycles se compare très avantageusement, à notre avis, à ce qui se fait ailleurs. Je n'en veux pour seul témoignage que les prix et les bourses de toute espèce, comme celle des étudiantes et des étudiants diplômés de l'UQAM et également, par exemple, les succès observés aux concours de certains ordres professionnels, notamment en sciences comptables. Je pense donc, M. le Président, pouvoir dire que l'UQAM a réussi, avec ses moyens et avec beaucoup de difficultés, à atteindre la mission ou l'objectif que lui assignait le gouvernement à sa création, c'est-à-dire d'assurer l'accessiblité.

Il me paraît très important aujourd'hui de vous dire que l'Université du Québec à Montréal s'est aussi beaucoup préoccupée de l'autre aspect de sa mission: être une université d'enseignement supérieur, être une université où se fait de la recherche. Il se fait de la recherche à l'UQAM depuis les débuts. Il se fait de l'enseignement de 2e cycle depuis les débuts, mais au cours des récentes années, au cours des années quatre-vingt, nous avons consacré un énorme effort de développement des activités de recherche. De 1980-1981 è 1985-1986, les fonds de recherche ont augmenté de 3 500 000 $ à 10 500 000 $. Les fonds de recherche ont doublé de 1983-1984 à 1985-1986 dans un contexte où le nombre de professeurs à l'UQAM n'a pas doublé et dans le contexte où les fonds des organismes subventionnaires n'ont certainement pas connu d'augmentations semblables.

En contrepartie de cet effort très important que les professeurs ont effectué pour aller chercher des fonds de recherche à l'extérieur, la proportion des fonds internes dans l'ensemble des fonds de recherche de l'UQAM a chuté de 24 % à 12 % en 1985-1986. Le taux de réussite des professeurs de l'UQAM dans les concours des organismes subventionnaires est souvent plus élevé que la moyenne nationale. C'est le cas en particulier au CRSH et c'est le cas en particulier au CRSNG. L'UQAM est suffisamment engagée en recherche pour que 2 des 17 organismes de service à la recherche du fonds FCAR lui soient confiés et pour qu'on lui ait confié deux actions structurantes et reconnu sa participation à deux autres.

Les contrats de recherche en 1985-1986, qui sont dirigés en particulier vers des organismes publics et privés, représentent 1 022 000 $, soit une augmentation de 47 % en un an. Le tiers des professeurs est financé à l'extérieur pour ses activités de recherche. Nous nous proposons bien de porter cette proportion à 50 %. 40 % des fonds externes de recherche vont au secteur des sciences naturelles qui, jusqu'à cet automne, n'avait pas de doctorat. Malgré tout, on réussit à aller chercher des fonds de recherche importants au secteur des sciences.

Il est clair que la proportion des fonds de recherche de l'UQAM par rapport à l'ensemble de son budget est différente de ce que l'on trouve dans d'autres universités plus anciennes, mieux nanties. Je veux faire allusion à la jeunesse de l'établissement, à l'absence de certains secteurs pour lesquels il existe, à l'extérieur de l'université, des fonds très considérables de recherche. Je pense à tout ce qui s'appelle médecine, sciences de la santé et génie, que nous n'avons pas à l'UQAM et qui nous prive d'avoir accès à des fonds de recherche. Je veux rappeler que la jeunesse de notre premier doctorat en sciences n'a pas aidé à l'obtention de fonds externes.

Ce qu'il est important d'observer quand on parle des fonds de recherche de l'UQAM, c'est la progression au cours des dernières années, progression que nous espérons soutenir même si on ne peut pas faire des augmentations, de 40 % d'une année à l'autre pendant plusieurs années.

Au cours des dernières années également, l'UQAM a rempli son mandat en termes d'études de 2e et 3e cycles. Nous avons été la première université à adopter et à implanter une politique globale et intégrée de soutien pédagogique, administratif, financier et matériel aux étudiants de 2e et 3e cycles.

Nous avons appliqué méthodiquement une recommandation du Conseil des universités et du FCAR visant à accréditer les professeurs oeuvrant dans les programmes de 2e et 3e cycles. Nous nous sommes méthodiquement associés à d'autres universités pour développer de nouveaux programmes de 2e et 3e cycles dans des créneaux peu ou pas exploités.

Au cours de la dernière année et demie environ, le Conseil des universités, qui est appelé à approuver des projets de nouveaux programmes et qui se montre de plus en plus exigeant à l'endroit des universités, a approuvé pas moins de cinq projets de doctorat de l'Université du Québec à Montréal et trois nouvelles maîtrises. C'est un signe de reconnaissance de la qualité, de la pertinence et de la valeur des activités d'enseignement et surtout de recherche qui se font à l'UQAM.

Au total, donc, M. le Président, en regardant derrière nous, nous avons l'impression qu'au niveau de l'accessibilité, de même qu'au niveau du développement des études supérieures et de la recherche nous avons répondu avec détermination aux objectifs que nous assignait le gouvernement.

À cette heure-ci, nous disons en particulier qu'avec une quarantaine de programmes de 2e et de 3e cycles et des fonds de recherche en croissance soutenue et régulière l'UQAM refuse toute volonté de la stratifier dans un rôle mineur qu'elle jugerait incompatible avec la notion même d'une université intégrale, ce qu'elle croit être devenue.

Vous me permettrez de conclure, M. le Président, en parlant un peu de notre avenir. Depuis longtemps, l'Université du Québec à Montréal, dans le cadre du réseau de l'Université du Québec, pratique la planification. Nous avons des plans triennaux. Le plan triennal actuel est inspiré par deux grandes convictions. D'une part, nous croyons que l'université est un élément extrêmement important du développement économique, social et culturel de la société et que c'est un investissement pour le Québec. Nous croyons également que nous n'avons pas à tout faire à l'UQAM. Nous nous sommes assignés, pour demain comme pour hier, le respect de l'équilibre budgétaire. Nous voulons, toutefois, poursuivre un développement intégral en concertation avec d'autres universités. Ce ne sont pas là des promesses. C'est la poursuite d'actions déjà entreprises.

Quand nous pensons à nos projets de développement - je vais vous les résumer rapidement - nous sommes toujours très sensibles à la notion d'accessibilité. C'est une valeur centrale pour l'Université du Québec à Montréal; ce n'est pas une course à la croissance, mais une volonté de répondre à des besoins socio-économiques et culturels du Québec. Pour nous, l'accessibilité est conditionnée par les ressources mises à notre disposition. Nous ne voulons pas admettre dans les programmes plus d'étudiants que ce que nous pouvons former avec la plus haute qualité possible. Nous souhaitons également qu'il soit clair dans l'esprit de tout le monde que, pour nous, l'accessibilité est indissociable du concept de qualité.

La qualité de la formation à tous les cycles est indissociable de la notion d'accessibilité et, à son tour, la recherche de la qualité suppose que les étudiants soient formés dans l'état le plus actuel des connaissances et des pratiques professionnelles. Cela n'est possible que dans une université où se pratique largement la recherche.

Donc, pour nous, accessibilité, qualité, développement de la recherche sont des choses qui vont de pair dans le développement d'une université. Il en résulte un certain nombres d'objectifs précis. Notre première préoccupation, c'est de renforcer méthodiquement la qualité des programmes d'études, y compris les programmes d'études de 1er cycle. Nous allons tenir un colloque sur cette question à la fin du mois d'octobre.

Nous voulons aussi renforcer - comme cela a été le cas au cours des dernières années - l'effort de recherche et de création dans la perspective d'impliquer un nombre croissant de professeurs dans des activités de recherche en association avec d'autres universités et avec des partenaires de l'entreprise et de l'industrie.

Nous voulons consolider les grands axes disciplinaires de l'université en étant soucieux d'assurer à notre université une présence minimale dans le domaine des sciences appliquées et du génie, préférablement en association avec une autre université et très certainement dans des créneaux qui ne sont pas actuellement desservis.

Nous sommes encore disposés - c'est une de nos préoccupations des prochaines années - è multiplier les efforts conjoints, la collaboration avec d'autres universités, avec les entreprises et avec tous les partenaires qui se présenteront à nous.

M. le Président, l'UQAM a démontré qu'elle pouvait concilier un développement dynamique et pertinent et le respect de l'équilibre budgétaire. Son passé, qui est bref, est garant, croyons-nous, d'un très bel avenir au profit de la société québécoise.

La réalisation de cet avenir repose, pour l'essentiel - nous en sommes conscients - sur nos propres efforts, sur les efforts des professeurs, des étudiants, des chargés de cours, des cadres, des employés. Cela repose également sur l'appui de notre fondation. Mais nous croyons que vous voudrez bien persuader le gouvernement d'y apporter sa

propre contribution. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Corbo, c'est Mme Adenot, j'imagine?

M. Goyette: Oui.

Mme Junca-Adenot (Florence): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission parlementaire, se développer rapidement, comme vous venez de l'entendre, en maintenant l'équilibre budgétaire au cours d'années de compressions, tient peut-être du miracle de gestion. Cependant, l'appauvrissement progressif qui en a résulté est un poids très lourd que supporte injustement la communauté de l'UQAM, poids d'autant plus injustifié que l'UQAM fait la preuve de son sous-financement depuis plusieurs années et se fait promettre régulièrement un réajustement de sa base financière.

Ce sont les thèmes de la justice et du sous-financement que je vais essayer brièvement de vous présenter. Depuis huit ans, l'UQAM réclame le réajustement de sa base financière que tout le monde s'entend à trouver insuffisante. Vous avez entendu mes collègues vous indiquer comment, en 17 ans, l'UQAM a réussi à relever un triple défi: se développer aux trois cycles d'études en recherche, répondre aux objectifs d'accroissement de la scolarisation des francophones, tout en se dotant de plans de développement systématiques. Malheureusement, ce défi, l'UQAM a eu à le relever dans une période où les fonds disponibles pour les universités décroissaient. Le financement au-dessous de leur coût réel des nouveaux étudiants a progressivement miné la base financière de l'UQAM. Nos mémoires de 1984 et 1986 en font une démonstration évidente et ils font des propositions réalistes que je reprendrai en conclusion, en particulier celles concernant le secteur des sciences administratives.

Faut-il rappeler que le ministère lui-même, comme le Conseil des universités, considère que l'UQAM continue d'être largement sous-financée et, dans son avis de décembre 1985, le Conseil des universités recommandait de revoir en priorité la base de financement de l'UQAM.

Rappelons quelques données générales. Vous avez vu, dans le mémoire de la CREPUQ, que les dernières mesures annoncées pour 1986-1987 produiront probablement un écart négatif de 30 % pour les universités québécoises par rapport à leurs collègues de l'Ontario. Que diriez-vous pour l'UQAM qui, elle, reçoit 30 % moins de ressources que la moyenne des universités québécoises? Notre président du conseil d'administration a mentionné le per capita de l'UQAM, des autres universités et celui des cégeps: l'UQAM, 4770 $, les autres universités, 6942 $, les cégeps, 5118 $, des chiffres qui parlent tout seuls. (15 h 45)

On peut estimer à 25 000 000 $ les sommes que l'UQAM devrait recevoir pour disposer des mêmes ressources que les autres universités. Aurions-nous dû choisir comme voie de nous faire justice nous-mêmes et d'accuser un déficit annuel de cet ordre? Quel est le prix pour l'UQAM de son sens de la responsabilité civique et de l'espoir qu'elle a mis dans les promesses de réajustement financier qui lui ont été faites? Ce prix est le suivant au chapitre du fonctionnement. Au cours des sept dernières années, l'UQAM a accueilli un tiers des clientèles additionnelles du Québec. Elle a doublé en taille pendant que sa subvention en dollars constants décroissait de 25 %. Force nous est de constater que le financement n'a pas suivi. Pour maintenir l'équilibre budgétaire, l'UQAM a dû couper et prendre des mesures qui rendent sa situation encore plus précaire maintenant qu'au début de la période. Une étude du ministère montrait qu'en 1984-1985 le ratio d'étudiants équivalent temps complet par professeur atteignait 26,4 à l'UQAM. La moyenne des autres universités? 21,8, alors que la limite reconnue par l'économiste américain Bowen est de 16.

En 1985-1986, 54 % de nos activités sont données par des chargés de cours. En plus de ce recours aux chargés de cours, l'UQAM a dû accroître de façon majeure la taille moyenne des groupes cours. Â l'UQAM, le nombre d'étudiants par employé est de 65 % supérieur aux autres universités. Le budget d'acquisition des bibliothèques est de 80 $ alors que, dans les autres universités, en 1983-1984, il était de 117 $. C'est d'autant plus inquiétant que les bibliothèques québécoises font figure de parent pauvre dans l'ensemble des universités canadiennes. Mais c'est également vrai pour les autres fonctions: audiovisuel, informatique, administration, terrains et bâtiments, dont les dépenses de fonctionnement par étudiant équivalent temps complet sont inférieures en 1985-1986 de 20 % à 34 % à celles des autres universités. Faut-il donc alors s'étonner que les files d'étudiants s'allongent devant les services, que les techniciens manquent dans les laboratoires, que l'on coupe les abonnements aux périodiques, qu'un professeur encadre jusqu'à 40 chargés de cours, que la frustration s'accroisse chez les employés qui, pour la majorité, ont bâti l'UQAM? Phénomène paralysant pour une jeune université décidée à se développer vigoureusement en recherche, études avancées et sciences appliquées.

Le prix est encore plus coûteux au chapitre des espaces et des budgets d'investissement. Comment passer sous silence un des effets les plus pernicieux de

l'appauvrissement de l'UQAM au chapitre de son budget de fonctionnement? Il s'agit de son sous-équipement en espaces. En 1985-1986, l'UQAM occupe 140 000 mètres carrés dont 58 000 loués un peu partout à Montréal. Pour l'UQAM - et c'est paradoxal - le sous-financement et le respect de l'équilibre budgétaire se traduisent par une faiblesse correspondante au niveau des espaces normalisés puisque les dépenses de fonctionnement déterminent en grande partie la quantité d'espaces autorisés. En clair, si nous faisions des déficits, nous aurions droit à plus d'espaces.

La pauvreté de l'UQAM et le maintien de l'équilibre budgétaire la conduisent à loger ses activités dans beaucoup moins d'espaces que les autres universités - le rapport peut être du simple au double - et à multiplier les déménagements. Au cours des trois dernières années, nous avons déménagé et réaménagé, pour faire face à notre croissance, l'équivalent de la phase I du campus, 52 000 mètres carrés nets. À titre d'exemple, cette année, au pavillon des sciences, nous détruisons le salon des étudiants qui est le dernier local utilisable pour construire un laboratoire. Après, serons-nous obligés de refuser les subventions de recherche obtenues par nos professeurs par manque d'espaces convertibles en laboratoire? À la bibliothèque des sciences de l'éducation - et vous me pardonnerez ces exemples - les responsables envoient les livres vieux de plus de trois ans dans des dépôts stockés dans des sous-sols, faute d'espace. Les étudiants mangent debout ou assis par terre, faute de places assises aux cafétérias. Les étudiants gradués disposent rarement d'espaces de travail.

Le comble de tout cela, par manque d'argent, le ministère nous autorise à louer de façon parcimonieuse des espaces et nous contraint à payer une part grandissante des loyers à même notre maigre budget de fonctionnement, ce qui n'est pas le cas des universités logées dans des espaces en propriété. En 1986-1987, cette année, nous évaluons à 2 800 000 $, soit 2 % de notre budget annuel, la somme que nous devons ainsi absorber. Pour finir, les enveloppes annuelles d'investissement qui permettent d'acheter les équipements et d'aménager sont liées à la quantité d'espaces autorisés. Donc, le retard de l'UQAM s'accroît aussi à ce titre, ce qui forme l'équation infernale: plus on a d'étudiants et de subventions de recherche, plus on est pauvre; plus on est pauvre et responsable, moins on a d'argent pour fonctionner; moins les dépenses de fonctionnement sont élevées, moins on a d'espaces loués et en propriété; moins on a d'espaces, moins on a d'argent pour acheter des équipements et, quand on loue, on devient encore plus pauvre pour faire fonctionner l'université. C'est cela que j'appelle l'équation infernale.

En conclusion, je ferai un bref rappel des recommandations et des demandes de l'UQAM. Vous les avez dans le mémoire de 1984 et dans celui de 1986. Nous recommandons et nous demandons de hausser le niveau global des ressources du réseau des universités québécoises, de relever le plus rapidement possible la base de financement de l'UQAM pour rejoindre la moyenne des universités québécoises en toute justice, de réviser la formule de partage de nos subventions. Dans notre mémoire de 1984, nous avons fait un certain nombre de recommandations que nous espérons cons-tructives. En particulier, nous recommandons - et nous rejoignons en cela les HEC dans leur mémoire - de redresser la norme de financement du secteur des sciences administratives qui, pour l'année 1981-1982, aurait dû être haussée de 1400 $ par ETC.

En ce qui concerne les loyers, le ministère devrait reconnaître que le coût des loyers au centre-ville de Montréal n'est pas le même qu'en province et ajuster sa norme en conséquence. Tout comme Concordia, nous considérons que les loyers devraient être remboursés au coût réel une fois les baux acceptés par le ministère.

En contrepartie de cela, l'UQAM s'engage et s'est engagée dans ses mémoires à: maintenir son équilibre budgétaire grâce è une gestion rigoureuse et imaginative de ses ressources si sa base financière est réajustée; poursuivre son effort de développement, particulièrement en matière d'études avancées, de recherche et de création; accroître par elle-même son financement en matière de recherche et de création; collaborer aux études sectorielles du Conseil des universités et aux travaux du ministère de l'Enseignement supérieur pour la mise en place de systèmes d'information tels 5IFU ou RECU, les devis pédagogiques et plans directeurs d'aménagement, systèmes qui, assurant l'uniformité des données, visent des objectifs certains de rationalité et d'équité.

M. le Président, tel est sommairement brossé le tableau d'une jeune université, coincée entre l'étranglement financier et l'étiolement de ses missions, qui réclame seulement ce qui lui revient en toute justice et qui ne voudrait pas avoir à regretter le pari de gestion responsable qu'elle a fait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Jolivet: Et de la Technologie.

M. Ryan: Oui, je vois que le député de Laviolette ne veut pas que je sois responsable de la technologie.

M. Jolivet: On le voudrait.

Mme Blackburn: On n'est vraiment pas responsable du départ de la Technologie.

M. Ryan: Merci. Je pense que vous conviendrez que ce n'est pas dans le sujet de la discussion d'aujourd'hui.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Comme ce n'est pas dans le sujet de la discussion d'aujourd'hui, M. le ministre, je vous invite à enchaîner.

M. Ryan: II me fait grandement plaisir, M. le Président, de dire aux représentants de l'Université du Québec à Montréal que j'ai écouté avec un vif intérêt les éléments qu'ils nous ont communiqués dans les trois textes dont ils viennent de nous donner lecture. Je voudrais féliciter de manière particulière M. Goyette qui, venant du milieu des affaires, consacre, à titre complètement bénévole, j'en suis sûr, une bonne partie de son temps et de son énergie à assurer, au point de vue de la gestion, le bon fonctionnement de l'Université du Québec à Montréal. Je pense que ses collègues apprécient sûrement sa présence à leurs côtés aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue également au recteur de l'Université du Québec à Montréal, M. Corbo, dont c'est, je pense, la première rencontre publique avec nous depuis sa nomination il y a quelques mois, ainsi qu'à Mme Adenot et aux autres collaborateurs qui sont ici avec le groupe de l'Université du Québec.

L'Université du Québec est un phénomène inusité dans le développement de notre famille universitaire. Lorsqu'elle a pris naissance à Montréal, ce fut dans un contexte très spécial. C'est une université qui se caractérisait par sa volonté de mettre l'accent sur l'accessibilité. On faisait beaucoup de comparaisons, à l'époque, avec un modèle qui existait du côté anglophone et qui s'appelait encore, je crois, quand l'UQAM a été fondée, l'Université Sir George Williams. On disait: II y a longtemps que, du côté anglophone, l'accès aux études universitaires est grandement facilité par une institution qui offre des régimes de reconnaissance des acquis et d'assouplissement des horaires pouvant convenir aux conditions particulières dans lesquelles vivent les adultes soucieux de parfaire leurs connaissances.

L'Université du Québec à Montréal a fait beaucoup pour mettre davantage la formation universitaire à la portée des citoyens ordinaires, des milliers de citoyens qui, à cause des mille et un défauts de notre système d'enseignement passé ou de notre système économico-social, n'ont pas pu connaître dès leur jeunesse le développement intellectuel et académique auquel ils aspiraient. Je pense que c'est un actif remarquable dont nous sommes tous redevables à l'Université du Québec à Montréal. Le développement de l'UQAM s'est fait, comme vous l'avez dit, M. le recteur, autour de six axes principaux: les arts, la formation des maîtres, les sciences de la gestion, les sciences humaines, les lettres et les sciences. Je constate qu'il y a des grands pans de la réalité qui ne sont pas embrassés par ces six lignes de force. Je pense qu'il était normal qu'il en fût ainsi parce que nous ne pouvons pas reproduire sur toute la ligne, dans toutes les universités ce qui se fait déjà dans l'une ou l'autre d'entre elles. Il y a un minimum de cohésion et d'économie qui s'impose dans le développement de nos universités. Je pense que ce sont là des points extrêmement importants qu'il convenait de souligner à l'occasion de la rencontre d'aujourd'hui et je le fais très volontiers.

Vous avez mentionné, également, que le financement de l'UQAM s'est fait à un niveau fortement inférieur à la moyenne des autres universités. Il y a des différences très importantes, évidemment. Je crois que nous sommes conscients de ces différences. Il y a eu quelques ajustements au cours des années passées, mais le problème qui se pose à nous, c'est qu'il est impossible de procéder à des ajustements en profondeur et durables tant qu'on n'aura pas réexaminé toute la base de financement des universités.

Je me souviens que l'ancien gouvernement avait mis au point un nouveau cadre de financement en 1984-1985. Ce cadre de financement prévoyait des ajustements importants pour l'UQAM, en particulier. Il a fait l'objet de contestations. Non, ce n'était pas pour l'UQAM. Je pense qu'il arrivait à la conclusion que l'UQAM n'était pas sous-financée, contrairement à ce qu'affirmait votre mémoire. Il concluait qu'il y avait d'autres universités qui l'étaient. De toute manière, vous l'avez contesté. Il a été contesté par d'autres institutions. Finalement, il n'y a rien qui a pu se faire et moi, je peux vous assurer que rien ne pourra se faire en fait de modification du mode de financement tant que nous n'aurons pas trouvé le moyen de hausser le niveau de financement parce qu'autrement ce serait prendre dans la caisse d'une université qui s'estime sous-financée pour le donner à une autre qui dit qu'elle l'est encore davantage.

Si on enlève à un pauvre pour le donner à un plus pauvre, on appauvrit toute la société. Je crois qu'il y a un réajustement de la base de financement et vous le dîtes dans votre mémoire. Sur ce point, je voudrais tantôt que vous nous le disiez bien explicitement pour qu'il n'y ait aucun doute là-dessus. Je pense que c'est la condition préalable de toute amélioration dans le sens que vous proposez.

Avant que nous allions plus loin, je vaudrais peut-être que vous expliquiez davantage une affirmation qu'on trouve à la page 23 de votre mémoire de base soumis à la commission. Là on est en face de quatre textes. Il y a le mémoire de base, le texte de M. Goyette, le texte de M. Corbo et le texte de Mme Junca-Adenot. On va essayer de partir du texte de base pour les fins de la discussion. Vous dites à propos des compressions: L'effet des compressions, "c'est un peu comme l'érosion qui fait lentement son oeuvre et qui ne se traduit pas par des effets immédiats. Le processus de dégradation de la fonction universitaire s'installe progressivement au Québec. Ses effets sont déjà visibles dans notre université, comme en témoigne la nature des difficultés que nous rencontrons." (16 heures)

J'aimerais peut-être que vous expliquiez davantage ce que vous voulez dire par ce processus d'érosion. Parce que le langage que vous nous tenez, vous le comprenez facilement, est paradoxal. D'un côté, vous nous dites: Notre histoire, c'est une histoire à succès, c'est un "success story" considérable; nous étions l'équivalent de 7295 étudiants à temps plein, 8871 à temps partiel il y a huit ans, en 1978-1979; aujourd'hui, ce total de 16 000, il est rendu à 35 000 et, en étudiants équivalence temps complet, vous êtes passés de 10 700 à 21 000. On regarde cela et on se dit: Les choses ont bien été, cela progresse. Si cela avait été ainsi dans mon journal, quand je dirigeais un journal, j'aurais été très fier. Cela montait moins vite que cela.

Alors, d'un côté, beaucoup de succès; de l'autre, vous nous dites qu'il y a un processus d'érosion. J'aimerais que vous nous expliquiez clairement comment cela se fait. Est-ce que ce ne serait pas attribuable, en partie, au fait que vous avez peut-être couru un peu trop après les étudiants?

M. Goyette: Mme Adenot va tenter de dénouer ce dilemme...

M. Ryan: Pardon?

M. Goyette: ...cette apparence de contradiction.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Adenot.

Mme Junca-Adenot: Je vais essayer. L'érosion, elle existe et elle est factuelle. Pour l'expliquer, il faut se reporter à la façon dont les universités sont financées. Il y a une base pour les dépenses de fonctionnement. Les bases actuelles n'ont jamais été normalisées. Il y a des règles annuelles de financement de fonctionnement qui financent les clientèles additionnelles notamment et qui sont modifiées annuellement pour tenir compte de l'indexation, des clientèles additionnelles, des nouveaux programmes et de certains projets comme le financement de la micro-informatique, des actions structurantes, etc.

Or, l'érosion, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que sous le joug, sous l'effet conjugué des compressions de budgets pas suffisants pour financer les clientèles additionnelles, les sommes d'argent qui se rajoutent chaque année pour faire face à la croissance des activités ne sont pas suffisantes pour payer le coût réel de ces activités, notamment des clientèles étudiantes. Je pense qu'une démonstration a été faite de façon excellente et on l'a reprise à l'UQAM; ce sont les HEC qui l'ont faite dans leur mémoire. Et comme nous aussi, nous avons connu de très fortes croissances, notamment dans le domaine des sciences de la gestion, il y a une démonstration assez systématique qui est faite et qui montre que, sous l'effet combiné pendant quatre ou cinq ans de compressions, de prélèvements et d'ajouts de ressources pour les clientèles additionnelles, cela fait qu'en net, au bout, on recevait entre 1100 $ et 1200 $ nets par année par étudiant équivalent temps complet. Qu'est-ce que cela permet de faire? Cela permet juste de faire face à des dépenses de chargés de cours, d'engagement de ces chargés de cours pour donner les cours et les dépenses afférentes et puis un peu de dépenses au niveau des employés de soutien requis. Alors, c'est le phénomène d'érosion. Cela se fait année après année, progressivement. C'est un peu aussi le sens de l'équation infernale dont je parlais dans ma présentation.

Maintenant, est-ce que ce n'est pas -parce que vous l'avez aussi évoqué - la course aux clientèles? Là, je laisserai peut-être le recteur en parler. Je pense que la démonstration financière fait que c'est le contraire: plus on a d'étudiants, plus on s'appauvrit.

M. Ryan: Généralement...

Mme Junca-Adenot: Sauf que l'université...

M. Ryan: Je vais adresser une sous-question à M. Goyette, je vois qu'il s'apprête à parler. Il sait très bien qu'à la banque qu'il dirige, si des nouveaux clients coûtent trop cher, il va se faire dire par ses administrateurs: Là, on est rendu à un point de saturation, c'est mieux d'arrêter parce que l'affaire va éclater.

M. Goyette: En fait, M. le ministre, un journal qui augmente son tirage augmente ses revenus de deux sources. Il augmente ses revenus au poste des abonnements et au

poste de la publicité, ce qui permet de demander plus cher la ligne agate pour un plus grand tirage. À l'université, nos étudiants additionnels, au cours des sept dernières années, nous ont rapporté, si je peux me permettre cette expression, en subvention un peu plus que 1000 $ par étudiant additionnel. C'est clair et net qu'on n'a pas fait d'argent avec ces étudiants additionnels qui sont entrés à l'université. On souffre de notre popularité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Corbo.

M. Corbo: Si vous le permettez, M. le Président, j'ai deux ou trois réflexions sur la course aux étudiants. D'une part, les étudiants ont voulu venir à l'UQAM. Nos enquêtes de relance auprès des diplômés indiquent que, pour les trois quarts d'entre eux, l'UQAM est l'université du premier choix. Deuxièmement, tout au long de l'histoire de l'UQAM et dès 1981 dans le secteur des sciences de la gestion où il y avait une croissance importante, nous avions établi des mécanismes soit de régulation de la croissance, soit de contingentement: 40 % de nos programmes sont contingentés. Troisièmement, on a donné à l'UQAM une mission d'accessibilité et nous avons essayé de recevoir les gens qui voulaient venir à l'université parce qu'il y avait une demande de formation. Je n'aime pas beaucoup la notion de course aux clientèles parce que les messages qui nous étaient envoyés, c'était qu'il y avait du monde à former au Québec et à Montréal et on a fait notre part pour cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre.

M. Ryan: J'aimerais que vous me donniez votre politique en matière d'admission d'étudiants aux études de certificat. L'Université du Québec à Montréal est connue en particulier pour la grande popularité de ses programmes de certificat. Ces programmes sont plus nombreux que tous les autres. Je voudrais d'abord savoir quelle est la proportion. Disons que vous avez en tout 35 000 personnes inscrites à des études à l'UQAM, combien y en a-t-il sur cela qui sont inscrites à des programmes de certificat?

Deuxièmement, je voudrais vous demander quelle est la réaction de l'UQAM devant les recommandations qu'a faites le Conseil des universités au sujet des programmes de formation courte? Je pense que chez vous les études de certificat, on peut les accumuler. Vous prenez un certificat, vous en prenez deux. Je pense que, lorsqu'il y a une accumulation successive de trois, là c'est considéré comme l'équivalent d'un baccalauréat. Le Conseil des universités a demandé que cela ne se fasse plus. Il a fait valoir qu'une formation de baccalauréat, c'était plus qu'une accumulation de certificats. J'aimerais connaître votre position sur toute cette question, qui est l'une de celles que l'on pose le plus souvent en relation avec le développement de l'UQAM.

M. Corbo: M. le Président, les certificats de l'UQAM sont des programmes de 1er cycle qui font l'objet d'une approbation par les instances de l'UQAM et par les instances de l'Université du Québec avec recours à des experts externes. Ce sont des programmes qui sont assujettis aux mêmes règlements que les baccalauréats et ce sont des programmes pour lesquels les conditions d'admission de base sont les mêmes que pour les baccalauréats. Pour être admis dans un baccalauréat, il faut avoir un DEC (diplôme d'études collégiales), avec ou sans concentration dépendant de la nature du programme, ou avoir 22 ans et une expérience professionnelle pertinente. Pour être admis dans un certificat, il faut avoir, dans plusieurs cas, un DEC et dans plusieurs cas un DEC avec une spécialisation au niveau du cycle d'études collégiales, des cours nommément identifiés, ou il faut avoir 22 ans. Donc, ce sont les mêmes conditions d'admission parce que ce ne sont pas des programmes de deuxième catégorie. Non seulement ce sont les mêmes conditions, d'admission mais je disais tantôt, M. le Président, que 85 % des cours, les morceaux qui composent les certificats font partie également de baccalauréats. Dans une salle de cours donnée, on va trouver côte à côte un étudiant qui est inscrit à un baccalauréat qui suit tel cours d'administration et un étudiant qui est inscrit à un certificat qui suit le même cours. Alors, il a le même bon ou mauvais professeur, il a le même bon ou mauvais chargé de cours. À cet égard, nous avons choisi d'intégrer la programmation de certificats.

Les certificats peuvent conduire au grade de bachelier selon des règles de cumul précises: ce n'est pas n'importe quel certificat qui conduit à n'importe quel grade. Il y a des combinaisons possibles qui conduisent à l'un ou l'autre des grades de bachelier. Nous faisons en sorte que l'étudiant qui veut sortir, avoir son propre chemin vers le grade de bachelier par cumul de certificats, fasse l'objet d'un examen particulier. Autrement il y a des combinaisons possibles, Dans certains secteurs, on a poussé cela extrêmement loin, en identifiant des cours obligatoires qui doivent être faits dans l'un ou l'autre des trois certificats. Je crois que le système qui conduit à un grade de bachelier par cumul de certificats n'est pas un système

anarchique, c'est un système pensé. Une remarque supplémentaire: dans les programmes de certificat, les étudiants sont assujettis à la même réglementation et à la même sanction graduée que dans les programmes de baccalauréat.

Vous avez fait allusion à la position du Conseil des universités sur les programmes courts. Le Conseil des universités a commandé dans un premier temps un rapport à un groupe de travail qui s'est montré extrêmement sévère à l'égard de la formation courte. Le Conseil des universités a procédé à un certain nombre de consultations. Les universités ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue et, finalement, le Conseil des universités a pris une position où il se distinguait, il se démarquait même vis-à-vis du rapport du groupe de travail. Certaines questions ont été soulevées par le Conseil des universités et nous avons dit, à l'UQAM, au Conseil des universités qu'on chercherait à parfaire des choses dans notre système de certificats. Premièrement, on allait s'interroger très soigneusement - et c'est en cours - sur la présence de jeunes étudiants à temps complet dans les certificats alors que nous pensons qu'ils devraient être dans des baccalauréats puisqu'ils sont capables d'étudier à temps complet. Nous allons nous interroger encore davantage sur le mécanisme d'obtention d'un grade de bachelier par cumul de certificats de façon que ce soit encore plus serré comme cheminement.

Je veux vous signaler, M. le Président, que, contrairement aux gens qui disent: Ahi un bac par cumul de certificats, c'est trois premières années ajoutées l'une par-dessus l'autre, nous avons constaté qu'environ 60 % de l'ensemble des cours qui figurent dans les certificats de l'UQAM sont des cours qui, au niveau des baccalauréats, se situent en deuxième, souvent en troisième année. Donc, ce n'est pas une formation de première année; ce ne sont pas trois premières années ajoutées l'une à l'autre.

La dernière remarque que je veux faire, M. le Président, sur les certificats, c'est que, oui, les certificats ont amené beaucoup d'adultes à l'université, mais, quand on est adulte, en situation de travail ou avec des responsabilités familiales, s'aligner pour obtenir un baccalauréat en trois ans de formation à temps complet ou en six, sept, huit ou neuf ans de formation à temps partiel, cela demande un courage héroïque. La formation par certificats a l'avantage de définir des programmes qui correspondent aux besoins de clientèles particulières, ces clientèles mêmes qui ne sont pas allées à l'université quand elles étaient d'âge à y aller et auxquelles on assure un rattrapage.

Donc, M. le Président, les programmes de certificats sont tout à fait défendables et j'en veux pour preuve la dernière position du Conseil des universités.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Corbo, de nous avoir expliqué la valeur des certificats de l'Université du Québec, mais ce que le ministre demandait, c'est le nombre d'inscrits à un programme de certificat. L'avez-vous?

M. Corbo: 50 % des étudiants à temps partiel sont dans des certificats.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Dans les certificats, merci. M. le ministre.

M. Ryan: Une autre question. Vous parlez de vos besoins en matière de développement. Vous dites que vous voulez ajouter des développements significatifs en génie appliqué. J'aimerais avoir des précisions là-dessus. Sur cette question-là, il y a un problème plus général que je voudrais vous poser. Chaque fois que nous rencontrons une université, elle nous laisse entendre qu'elle veut avoir une grande liberté pour se développer au 2e et au 3e cycle. Je suis porté à me demander jusqu'où on peut aller dans cette direction. On ne peut pas avoir des développements de 2e et de 3e cycle dans toutes les disciplines partout. La question que je vous poserais brutalement: Si nous avions les moyens au Québec, disons, d'avoir trois bons départements d'histoire, par exemple, est-ce mieux d'en avoir trois bons ou six, ou huit, ou dix médiocres? Comment va-t-on essayer de voir clair dans ces questions? Ce sont des questions dures auxquelles il va falloir qu'on vienne à mesure que nous avançons. J'aimerais que vous me disiez si on a réellement besoin d'une autre école de génie appliqué au Québec; on en a quatre présentement.

M. Corbo: M. le Président, sur les départements d'histoire, je vous dirai, à ma conviction, qu'il y aurait sûrement un des trois bons départements d'histoire qui serait à l'UQAM. Sur le développement des programmes de doctorat, l'Université du Québec...

M. Ryan: Je crois qu'on a plusieurs départements qui vivotent actuellement dans l'une ou l'autre université, dans des disciplines difficiles qui exigent une masse critique qu'on n'a point. Ce sont les étudiants qui paient la note.

M. Corbo: M. le Président, il y a actuellement en cours une opération d'évaluation sectorielle de tout ce qui se fait en sciences sociales; c'est la troisième du genre après le génie, les sciences de l'éducation, la formation des maîtres. L'Université du Québec à Montréal a

collaboré à ce jour à ce genre d'opération et s'est engagée à continuer à collaborer parce qu'on pense que c'est important.

Puis-je vous dire, M. le Président, qu'au mois de mai, puisque le ministre évoquait l'histoire, nous avons reçu à l'UQAM le comité qui fait l'étude sectorielle sur les sciences sociales, qui venait nous présenter les disciplines, qui voulait étudier la méthode de travail? Le département d'histoire de l'UQAM s'est battu pour être intégré à l'étude et le comité a refusé, mais cela est un autre problème. Nous sommes prêts à faire des études de ce genre. (16 h 15)

Deuxièmement, sur le génie, M. le Président, nous avons été très clairs et très précis en cette matière. Nous croyons qu'il y a des domaines du génie qui ne sont pas couverts actuellement par la gamme des programmes existants.

Nous sommes intéressés à l'Université du Québec à Montréal à occuper un petit créneau dans le domaine du génie, un créneau inoccupé - pas à refaire l'École polytechnique - et on essaie de le faire conjointement avec un autre établissement précisément pour minimiser les coûts et éviter de faire du dédoublement. Si ce n'est pas possible, ce ne sera pas possible, mais nous croyons qu'une université de la taille de l'UQAM doit avoir une présence minimale dans un domaine comme les sciences appliquées et comme le génie.

Troisièmement, M. le Président, l'UQAM ne prétend pas établir tous les doctorats. Nous avons fait un plan triennal et nous y avons identifié un certain nombre de projets de doctorat. Mais ce qui est important à noter, c'est que maintenant à chaque fois que l'on présente un doctorat au Conseil des universités, il exige que l'on précise le ou les créneaux dans lesquels les professeurs sont qualifiés pour agir.

Nous ne demandons pas d'avoir un doctorat en linguistique omnibus. Nous disons: En linguistique, on est bon dans tel ou tel domaine et c'est là qu'on veut donner le doctorat. Le Conseil des universités l'a accepté. Je souhaite, M. le Président, avec le même souci d'équilibre du système universitaire québécois qui inspire le ministre, qu'on fasse le tour des universités qui ont pu établir des programmes de doctorat, avant que l'avis du Conseil des universités ne soit requis, et qu'on voie si là aussi il ne convient pas de faire en sorte que telle université ne donne du doctorat en sciences politiques ou du doctorat en mathématiques que ce qu'elle est capable d'assumer avec son équipe de recherche.

En ce sens, on va permettre d'établir des doctorats là où on peut en établir et nous pensons qu'à l'UQAM, il y a deux ou trois places où on peut en établir - le Conseil des universités est d'accord avec nous - sans éparpiller les ressources, en faisant en sorte que chaque université se centre sur ce qu'elle est capable de faire.

En tout cas, nous, à I'UQAM, quand bien même on voudrait établir des doctorats tous azimuts, nous passons régulièrement au Conseil des universités et, rassurez-vous, les exigences sont hautes, les créneaux sont étroits et quand nous allons en chercher un au Conseil des universités, nous pensons que nous sommes tombés sur quelque chose où nous pouvons le faire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Corbo. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de la science, la députée de Chicoutimi. Madame.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le recteur, madame et messieurs. Cela me fait plaisir de vous accueillir ici et d'avoir reçu les informations touchant l'Université du Québec à Montréal. Je pense que ça nous permet d'avoir une vision un peu plus juste du sous-financement qui a été le vôtre au cours des dernières années.

Probablement que quand le ministre reprendra la parole, comme il le fait chaque fois, il dira que c'est aussi la faute du gouvernement précédent, un peu comme il l'a dit tout à l'heure, sauf qu'il s'est ajouté, par rapport à 1985-1986, une ponction de 34 0Q0 000 $.

Alors, avec la même ténacité qu'il met à me rappeler qu'on avait commencé les coupures, j'ai le goût de lui dire: Heureusement qu'on avait commencé avant. Qu'est-ce que ça aurait été si on ne l'avait pas fait avant que vous arriviez, alors que déjà malgré que nous ayons comprimé considérablement, il estimait que vous en aviez encore probablement 34 000 000 $ de trop.

J'ai eu beaucoup de plaisir à lire la documentation qui est volumineuse. Évidemment, l'ajout des quelques textes que vous nous apportez en enrichit l'information. Je pense bien qu'il faut reconnaître que l'UQAM a contribué beaucoup à la scolarisation des francophones de même qu'aux services à la collectivité.

C'est dans votre mémoire que vous rappelez que le Conseil des universités, dans un avis qu'il rendait récemment, encourageait et invitait les autres universités à en faire autant. Cela m'étonne un peu toujours quand on met les constituantes de l'Université du Québec sur la défensive lorsqu'il s'agît de planification, alors qu'on sait qu'il y a de nombreux programmes de doctorat qui ont été créés quasi sans autorisation et sans aucune évaluation.

Cela se passe toujours comme si on visait les dernières universités, les plus fragiles, celles qui ont moins de moyens pour

se défendre. Malheureusement, en même temps, elles se trouvent à être les moins financées. Ce sont elles qui ont fait les plus grands efforts de rationalisation. Je pense que c'est important de dire ça ici à la table de la commission pour que cela soit entendu.

Cela ne se veut pas un jugement négatif à l'endroit des autres universités, mais davantage contre une attitude qui semble vouloir faire porter la responsabilité du sous-financement ou d'une qualité moins grande de la formation toujours sur les universités de création plus récente qui s'adonnent être les universités du Québec.

Je dois dire que le sous-financement... Si on a plus de difficultés à obtenir un consensus dans les universités, il y en a au moins un qui a été fait dans toutes les universités - j'ai rencontré différents recteurs - c'est sur le niveau de financement de l'UQAM. Tout le monde reconnaît qu'il y a là sous-financement. Alors, là-dessus au moins, on a réussi à faire un consensus. Je dois dire que cela m'a étonnée, mais on reconnaît cela. Je ne sais pas s'ils vous le diront sur la place publique, mais dans une conversation privée, ils l'admettent.

Si vous le permettez, je vais passer aux questions, car cela va nous permettre d'avoir un éclairage additionnel à la fois sur vos objectifs et votre planification. À la page 2 de votre mémoire - et vous le reprenez un peu partout, à la conclusion de votre mémoire en particulier - vous dites que vous prenez un certain nombre d'engagements. Il faut dire que j'ai apprécié la lecture du mémoire, en particulier parce qu'on pouvait y lire les moyens que vous entendez mettre en place pour atteindre ces objectifs.

Quand même, je voudrais y revenir. Vous dites en parlant des objectifs - mais là, je ne le retrouve pas dans le même mémoire - on retrouve cela à la page 9, mais formulé autrement: "renforcer la qualité de nos programmes, notamment de premier cycle, en participant aux évaluations sectorielles au Conseil des universités". Vous nous avez parlé de la tenue prochaine d'un colloque. Est-ce que vous songez à des activités très concrètes pour relever le niveau de diplomation? Je voudrais savoir quel est l'état de la diplomation chez vous au premier cycle. Est-ce que vous avez pensé à des actions concrètes visant à hausser le niveau de diplomation? Pourriez-vous nous dire ce que le 50 % d'étudiants à temps partiel qui sont au certificat veut dire comparativement aux autres universités?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Corbo.

M. Corbo: M. le Président, nous avons réussi à mettre en place une politique concernant le soutien et l'encadrement des étudiants de deuxième et de troisième cycles qui sera expérimentée au cours des prochaines années. Je pense que là on a pris toute une panoplie de moyens pour que les étudiants de deuxième et de troisième cycles finissent leur programme plus rapidement et plus efficacement. De ce côté, le dossier est clair.

En ce qui concerne le premier cycle, nous allons tenir - et je vous y invite tous -un colloque à la fin d'octobre. C'est la première fois depuis plusieurs années que, à l'UQAM, et même dans le réseau UQ, on s'engage dans une réflexion sur le premier cycle. Aujourd'hui, je ne serais pas honnête de vous dire que nous avons les réponses à toutes les questions. Nous cherchons des réponses aux questions. C'est très difficile d'arriver à une position très précise dans l'immédiat, dans la mesure où nous avons des clientèles hétérogènes au premier cycle, des jeunes, des adultes, des gens en situation de travail, des gens qui ne travaillent pas, mais beaucoup en situation de travail, dans la mesure où les programmes n'ont pas les mêmes exigences et dans la mesure où les départements qui fournissent les ressources aux programmes ne sont pas également bien nantis.

Donc, c'est à travers un effort de réflexion collectif qu'on va essayer d'identifier des moyens. Nous avons tout de même posé certains gestes dans le passé. Nous avons mis au point un instrument méthodologique qui en est rendu à sa troisième édition et qui est un guide méthodologique pour les étudiants. Nous avons inscrit au budget de l'université cette année, de façon permanente, un budget modeste, un fonds de développement pédagogique qui amène les professeurs à soumettre des projets pour améliorer leur enseignement.

Ce sont autant de moyens... Encore une fois, je vous le dis, on commence une réflexion sur la question, car on se rend compte que, une fois qu'on a ouvert l'université à des clientèles diverses et nouvelles, il faut assurer à ces clientèles le meilleur soutien. Je ne pense pas qu'on puisse avoir des réponses universellement identiques dans tous les programmes.

Il y a des principes qu'on essaie de mettre de l'avant comme, par exemple, de dire aux départements: Vous savez, vos professeurs seniors, ceux qui ont la plus riche expérience de la discipline, vous devriez leur confier, même si ce n'est pas toujours très aisé, les enseignements aux étudiants qui débutent leur programme, de façon qu'ils soient très bien introduits à la discipline. On essaie de faire en sorte que les étudiants soient mieux conseillés quant à leur choix de cours. On procède à des évaluations régulières de nos programmes. Mais, c'est au cours des prochains mois qu'on va commencer à voir un peu plus clair là-

dedans.

Mme Blackburn: Quel est votre taux de diplomation au premier cycle? C'est un taux moyen évidemment.

M. Corbo: Le taux de diplomation dépend sans doute des catégories d'étudiants. Il y a une déperdition significative de l'ordre de 40 % à 50 % selon les programmes de baccalauréat ou de certificat. Mais je ne pense pas que ce soient des statistiques absolument uniques au Québec. Effectivement, il y alà une tâche d'encadrement à parfaire auprès des étudiants.

Mme Blackburn: D'accord. Ce que je dis... Vous me permettrez de faire une réflexion sur cette question. Il serait aussi intéressant de s'assurer d'avoir un taux de rétention plus élevé que de chercher de nouvelles clientèles quand on parle de diplomation, d'échecs ou d'abandons.

Toujours au sujet de vos objectifs, vous vous engagez à accroître votre financement en amplifiant la participation aux concours des organismes subventionnaires publics, en développant des modes nouveaux de collaboration avec l'entreprise et l'industrie. En raison de votre profil, je me demandais avec quelle société commerciale ou industrie l'UQAM a le plus de rapports et si vous deviez développer ces secteurs? C'est votre troisième engagement. Est-ce que vous avez identifié une action précise là-dessus?

M. Corbo: M. le Président, dans la composition des disciplines de l'Université du Québec à Montréal, nous avons comme position générale que toutes les disciplines doivent pouvoir participer à des activités de recherche conjointe ou de développement conjoint avec l'entreprise. Il est évident que, dans certains cas, c'est moins immédiatement facile. Mais du côté de l'informatique, du côté des sciences de la gestion, il y a des possibilités de collaboration. L'absence complète du domaine du génie nous prive justement de certaines possibilités de collaboration avec l'industrie. Il y a des domaines qui apparaissent relativement peu propices, mais on ne désespère pas. Il y a des domaines, comme par exemple la chimie, les sciences de la terre et la géologie où on a déjà des liens avec des entreprises ou des organismes gouvernementaux pour des fonds de recherche en particulier. Nous avons une politique institutionnelle qui encourage les professeurs qui le désirent à participer à des activités de recherche conjointe avec l'industrie. Nous sommes présents au Centre de recherche informatique de Montréal qui réunit les établissements universitaires et les grandes firmes d'informatique de la région montréalaise. Nous avons affecté à notre service de la recherche et de la création une personne dont la tâche exclusive est de prospecter des contrats avec l'industrie en faisant le lien entre le potentiel de recherche des professeurs et les besoins des entreprises. Mais, ce qu'il est très important de signaler, c'est qu'on ne devient pas du jour au lendemain un fournisseur de services de recherche d'une entreprise. Il faut bâtir la base de recherche dans l'université. Très souvent, les entreprises, avant de vouloir signer un contrat de recherche avec un professeur ou une équipe de professeurs de l'université, vont vérifier si ces derniers ont eu un financement externe d'organismes comme, par exemple, le CRSNG ou le Fonds FCAR. Je pense qu'il faut bâtir avec les ressources universitaires dont nous disposons, mais la volonté est là et l'intérêt des professeurs est croissant.

M. Goyette: Et les succès récents aussi semblent indiquer qu'on est dans la bonne voie. M. Corbo soulignait tout à l'heure le fait que les fonds obtenus de l'industrie et aussi pour fins de recherche par des organismes subventionnaires de recherche ont doublé en deux ans.

Mme Blackburn: M. le Président, parlant de collaboration avec l'entreprise, le vice-président exécutif du Conseil du patronat nous disait ce matin... C'est le président? Je croyais que c'était le vice-président exécutif. M. Dufour - tout le monde connaît M. Ghislain Dufour, on ne se trompera pas sur son titre - nous disait ce matin que les entreprises dans leurs contrats de recherche avec les universités payaient la totalité des frais indirects. J'ai entendu des positions qui étaient plus nuancées par rapport à cette pratique. Il y avait la recherche en commandite qui était généralement payée en totalité. Mais je voudrais savoir quelle est la pratique. Là, on parle beaucoup des organismes subventionnaires qui ne le font pas mais, par rapport aux entreprises, est-ce que, de façon générale, on peut dire quasiment dans tous les cas, on paie aussi les frais indirects? (16 h 30)

Mme Junca-Adenot: Dans la plupart des cas et selon le type de projet ou le type de contrat négocié, les coûts indirects sont payés par l'organisme qui commandite en tout ou en partie. Il faut se comprendre aussi sur la notion de coûts indirects. Il y a les coûts directs de recherche ou de contrat, c'est-à-dire les coûts nécessaires pour réaliser le contrat proprement dit, il y a les coûts indirects qui sont constitués de deux parties: une première partie qui concerne des coûts moins directement rattachés aux projets de recherche mais qui sont des frais généraux nécessaires pour réaliser le contrat, par exemple l'utilisation du temps d'un agent d'administration ou l'utilisation du temps des

services financiers; il y a d'autres types de coûts indirects qui sont les coûts d'infrastructure, l'utilisation des locaux, etc. De façon générale, on arrive à faire payer une partie des coûts indirects, c'est-à-dire les coûts de la première catégorie. À l'UQAM, on a une politique, M. Corbo en parlait tout à l'heure... on s'est doté, il y a deux ans, d'une politique des contrats et commandites incitatives pour amener les différents groupes à aller chercher ce type de contrats dans la mesure où c'est possible et où les disciplines dans lesquelles ils oeuvrent permettent d'aller chercher ce type de contrats. Ces coûts indirects sont, en grande partie, réutilisés à l'intérieur de l'université pour faire de l'incitation pour développer des subventions de recherche. Au fond, cela ne sera pas utilisé directement pour payer les coûts indirects, mais c'est réutilisé en grande partie à l'interne pour aider les professeurs à aller chercher d'autres subventions de recherche. Donc, on l'utilise comme facteur d'incitation, ce qu'on est capable d'aller facturer comme coûts indirects, pour aller chercher ensuite d'autres subventions de recherche plutôt que pour couvrir les coûts indirects directement rattachés aux contrats.

Mme Blackburn: Pour avoir une idée un peu plus juste de ce que cela peut représenter, selon les mémoires et les groupes qu'on a entendus, les coûts indirects de la recherche peuvent s'élever entre 35 % et 50 % du coût de la subvention. C'est ce qu'on entend généralement. Cela dépend évidemment de ce qu'on veut imputer aux activités de recherche, comme vous l'avez expliqué tout à l'heure.

Quand vous avez un contrat de cet ordre-là, que ce soit en contrat ou en commandite, quel pourcentage estimez-vous être porté aux coûts indirects de la recherche?

Mme Junca-Adenot: 35 %.

Mme Blackburn: Chez vous, c'est 35 %. Et c'est variable?

Mme Junca-Adenot: C'est variable selon le projet.

Mme Blackburn: D'accord. Vous dites que ce ne sont pas tous les contrats avec lesquels vous êtes capables d'avoir ces 35 %.

Mme Junca-Adenot: C'est cela.

Mme Blackburn: Donc, un examen un peu plus attentif nous permettrait de voir qu'on subventionne un peu les entreprises.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant!

Mme Blackburn: Vous pouvez toujours poursuivre et ensuite, on passera à une autre question. J'avais toujours cru comprendre que lorsqu'il s'agissait de contrats de recherche en contrat ou en commandite, la totalité des frais indirects, comme le disait M. Dufour ce matin, était incluse dans le contrat, alors que vous dites que ce n'est pas toujours la réalité. Est-ce que cela ne constitue pas une subvention indirecte à l'entreprise?

Mme Junca-Adenot: J'ai répondu de façon générale à votre question pour l'ensemble de ce qu'on appelle les contrats et commandites. Si on essaie de stratifier par groupes de commanditaires, si je peux m'exprimer ainsi, de façon générale, au niveau de l'entreprise on arrive à facturer à peu près ce que cela nous coûte en termes de coûts indirects. C'est plutôt au niveau des gouvernements qu'on a un peu plus de mal à facturer et faire payer les coûts indirects.

Mme Blackburn: Quand je parlais des entreprises, je faisais référence à la déclaration de M. Dufour de ce matin.

Vous avez longuement parlé de la situation particulièrement difficile vécue par l'université en raison d'inéquité dans l'allocation des ressources et compressions budgétaires. Cela me ramène à la question suivante. Les journaux ont fait état de tensions internes entre votre gros département, celui des sciences administratives, au sujet précisément du partage de l'allocation des ressources entre les différentes activités, et les différents départements. D'ailleurs, dans le texte que nous a donné tout à l'heure Mme Adenot, en page 9, vous recommandez entre autres de redresser la norme de financement du secteur des sciences administratives au niveau moyen des disciplines lettres et sciences humaines. La question que je me posais était la suivante: Comment sont établies les règles d'allocation entre les différents départements? Est-ce que vous avez prévu un certain nombre de moyens pour, j'allais dire, diminuer les tensions ou répondre davantage aux demandes de votre département de sciences administratives?

M. Goyette: Peut-être que Mme Adenot pourrait prendre la première partie et M. Corbo terminer sur la deuxième.

Mme Blackburn: Très bien.

Mme Junca-Adenot: Je vais laisser le recteur répondre plus spécifiquement aux questions concernant le département de sciences administratives. Je vais intervenir plutôt sur de l'information sur notre planification interne. Tout d'abord, quand on a peu d'argent à distribuer, qu'on a peu d'argent pour le développement, on est

obligé, si on ne fait pas de déficit, de vivre avec ce type de contrainte. Je l'ai expliqué tout à l'heure. J'ai pris un exemple illustrant la discipline administration. Cela peut s'appliquer aussi ailleurs, dans tous les secteurs qui étaient en développement au cours des dernières années.

Nous avons introduit à l'UQAM, depuis maintenant trois ans, un système de planification des ressources et activités, qui nous amène à établir des priorités annuelles conformément à nos plans triennaux, qui nous amène à demander aux différents groupes de préparer un budget en fonction des activités qui sont prévues et qui est un mixte entre un budget à base zéro qu'il était au départ et un budget par activité. Chaque année, lors du processus de préparation des budgets, nous passons à travers l'ensemble des activités de l'université pour retenir en priorité celles qui sont conformes aux priorités qu'on s'est données pour l'année.

Nous faisons la même opération pour toute décision qui a des incidences budgétaires, des incidences sur les ressources. Par exemple, un nouveau programme, une révision de programme qui a des incidences et qui déclenche ce qu'on appelle des coûts marginaux un peu importants est évalué, et nous n'ouvrons le programme donnant suite à l'implantation que si nous sommes capables de mettre un minimum de ressources. Mais tout cela c'est dans un environnement de contrainte où, quand on a 30 % de moins d'argent que les autres universités, les marges de manoeuvre sont pratiquement inexistantes.

Avant de passer la parole au recteur, je voudrais revenir aux commentaires que nous faisions en 1984 dans notre mémoire et qui explique peut-être, qui est peut-être un autre volet de réponse.

Dans nos commentaires sur les modifications peut-être à apporter à la formule de financement telle qu'elle a été proposée en 1984, l'un portait sur la façon dont la base de la formule était établie. Cette base était la suivante: L'année 1981 était prise comme une année photographiée où on évaluait les coûts moyens observés dans chacune des disciplines dans l'ensemble des universités. Cela servait de base à la fois pour établir la position relative des universités, celles qui étaient sous-financée ou surfinancée, mais aussi, ultérieurement, pour financer les clientèles additionnelles dans ces mêmes secteurs. Or, il y a eu une distorsion que l'on a notée en 1984 et qui est la même pour toutes les universités, En prenant l'année 1981 comme photographie, dans le cas des sciences de la gestion, c'était une année où les sciences de la gestion étaient en pleine explosion, en pleine croissance, les clientèles augmentaient beaucoup et les ressources humaines, notamment professorales, n'étaient pas encore entrées dans les universités. Si bien que le coût moyen se trouvait évidemment sous-évalué et cela s'est transporté dans le temps. C'est ce qui explique la recommandation que nous faisions dans le mémoire de 1984 et que nous reprenons dans le mémoire de 1986 et que vous allez sans doute retrouver dans les mémoires des autres universités probablement, qui ont dû le noter aussi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Bien madame. M. Corbo, vous voulez compléter?

M. Corbo: Le Département de sciences administratives de l'UQAM a posé publiquement un problème important qui fera l'objet de discussions à l'intérieur de l'université. Il me paraît toutefois utile de vous signaler que dans la Presse du 25 septembre dernier, donc, dans les jours où le Département de sciences administratives a rendu public un certain nombre de commentaires qu'il avait a formuler, on lit à la page B-8, un article qui s'intitule comme suit: "Les facultés d'administration réclament davantage d'argent". Alors, le mal est général. Et, de l'autre côté de la page, il y a une citation qu'on impute à M. Jacques L'Écuyer: "Mais elles ne doivent pas devenir des écoles autonomes". Alors, il y a un problème qui est posé par un département. Cela intéresse l'ensemble de la collectivité de l'UQAM. C'est un problème que nous allons regarder attentivement et rapidement dans l'avenir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, merci. J'invite maintenant la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Peut-être que je prendrai deux minutes de mon temps pour vous demander des corrections à la base des règles d'allocation des ressources de financement. Si on tient compte de cette recommandation touchant à un redressement par rapport au département des sciences administratives, dans l'ensemble, qu'est-ce qu'un redressement pourrait dire? Vous dites que c'est 25 000 000 $ qu'il manque dans l'enveloppe de l'UQAM annuellement, si on voulait seulement être financé au même niveau que les autres? Dans l'hypothèse où il y aurait un redressement, cela voudrait dire un ajout de combien dans l'enveloppe de i'UQAM?

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

Mme Junca-Adenot: Nous avons évalué grossièrement à 25 000 000 $ les ressources qui nous manquent à l'intérieur de l'université pour rejoindre la moyenne, en bas de la moyenne, des universités comparables

au Québec. 25 000 000 $, c'est justifiable avec des données plus quantitatives et c'est pour l'ensemble de l'UQAM.

Mme Blackburn: Au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier d'être venus nous présenter votre point de vue à cette commission. La qualité de votre mémoire et l'importance des remarques que vous nous avez faites devraient permettre, tout à l'heure, dans quelques mois, au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science de prendre des décisions plus éclairées quant à l'avenir des universités. Comme toutes les autres, vous avez insisté sur l'importance des universités et sur leur râle dans le développement économique et social du Québec.

J'aimerais ajouter que le rôle ou la mission particulière qui vous avait été donnée de hausser la scolarisation des francophones au Québec, je pense bien que malgré des conditions particulièrement difficiles, vous avez connu une performance fort intéressante. Il demeure quand même des questions qui sont préoccupantes, je pense, et qu'il faudra poser de façon très claire; c'est toute la question de la diplomation au premier cycle, des taux d'abandon, des taux d'échec et des conditions qui vous permettent d'assurer une bonne qualité dans la prestation de vos services. Quand je lis votre mémoire - j'ai trouvé cela quasiment effarant - vous dites que les activités d'enseignement sont assurées par des chargés de cours dans 54 % des cas. Cela peut aller, mais là où j'ai trouvé que c'était assez étonnant, pour ne pas dire inquiétant, c'est qu'un professeur encadrait jusqu'à 40 chargés de cours. Alors, de là à parler de l'encadrement des étudiants, puis d'un encadrement qui permet un peu de voir ou de prévoir certaines de leurs difficultés, il me semble qu'il y a quelque chose là qui devrait nous préoccuper.

Écoutez, je voudrais vous remercier à nouveau de votre participation et souhaiter que les conditions qui vous seront faites dans les prochaines années permettront à l'Université du Québec à Montréal de poursuivre la mission d'accessibilité de services à la collectivité. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, avant de conclure, je voudrais adresser une dernière question à la délégation de l'UQAM. Dans sa deuxième recommandation, à la page 46 du mémoire de l'université, l'UQAM estime que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science devrait hausser le niveau des subventions au réseau des universités québécoises afin d'arrêter la détérioration du système d'enseignement supérieur. Nous avons omis de vous demander jusqu'à maintenant: Où suggérez-vous que le gouvernement trouve cet argent?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, qui veut répondre, M. Goyette, de votre équipe? Le grand argentier?(16 h 45)

M. Goyette: Bien entendu, le gouvernement a ses propres problèmes d'allocation des ressources parmi tous les ministères qui demandent son aide. En réponse à la question du ministre, je voudrais souligner que le niveau d'imposition en ce qui concerne certaines catégories d'impôt est déjà passablement élevé par rapport aux provinces avec lesquelles nous sommes en concurrence, si l'on peut dire. Par conséquent, je crois que c'est peut-être plus du côté d'une réallocation des ressources que d'une augmentation du niveau fiscal, si je peux me permettre un commentaire personnel sur cette question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Goyette. J'invite le ministre à conclure.

M. Ryan: Sur la question des frais de scolarité vous n'avez pas dit un mot dans votre mémoire. Est-ce que c'est à dessein? Est-ce parce que vous n'avez pas d'opinion sur cela ou que vous ne voulez pas en exprimer ici?

M. Goyette: C'est à dessein que nous avons décidé de ne pas parler de cette question. Nous avons conclu que le gouvernement, qui avait imposé ce gel des frais de scolarité il y a déjà plus de 15 ans, 16 ou 17 ans en fait, a décidé à plusieurs reprises au cours de ces années de poursuivre dans cette politique de gel des frais de scolarité et que par conséquent il appartenait au gouvernement de traiter de cette question. C'est pourquoi nous avons décidé lors de la préparation du mémoire de l'Université du Québec à Montréal de ne pas en parler.

M. Ryan: Alors, il me reste à tirer des conclusions. J'aurais aimé que ce fut plus clair sur ce point. Nous avons d'autres témoignages, évidemment. Je voudrais vous remercier des renseignements que vous nous avez apportés sur le fonctionnement de l'UQAM, sur sa situation particulière et sa contribution au développement de l'enseignement universitaire au Québec. Il nous faudra d'abord, au gouvernement, trancher la question du niveau du financement des universités. Je crois que c'est la question qui se dégage comme, peut-être, la plus brûlante de toutes celles qui ont été posées devant cette commission parlementaire jusqu'à ce jour. En deuxième lieu, il faudra décider du

mode de partage des ressources mises à la disposition des universités par la collectivité. Je peux vous assurer que, lorsque cette deuxième démarche devra être faite, nous examinerons avec une attention particulière les problèmes que vous nous avez soumis en ce qui touche la part réservée à l'Université du Québec à Montréal. Je crois que vous avez étayé le problème d'une manière claire. Il y aura d'autres précisions qu'il faudra obtenir, évidemment, mais je peux vous assurer que nous avons bien noté cette dimension de la présentation que vous avez faite aujourd'hui. J'espère qu'ensemble nous allons pouvoir mettre au point des solutions. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. le président, M. le recteur et Mme la vice-rectrice. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes et nous reprendons nos auditions avec le Regroupement régional pour le développement des services universitaires sur la Côte-Nord.

(Suspension de la séance à 16 h 48)

(Reprise à 16 h 56)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission permanente de l'éducation a repris ses travaux. Nous accueillons le Regroupement régional pour le développement des services universitaires sur la Côte-Nord dont le porte-parole est le président, M. Claude Boisjoli. Bienvenue, M. Boisjoli. Il nous fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire et de vous remercier aussi d'avoir répondu à l'invitation des membres de la commission de venir nous aider dans notre recherche dans le cadre de l'étude qu'on nous a demandé de faire sur l'orientation et le financement du réseau universitaire québécois.

M. Boisjoli, la commission a prévu d'accorder une heure à votre organisation. C'est donc dire que nous suspendrons nos travaux vers 17 h 55.

La première partie sera consacrée à l'exposé de votre mémoire que les membres ont déjà lu. Si vous voulez le lire, vous pouvez le faire et si vous voulez en faire un résumé, libre à vous. Le reste du temps sera réparti également entre les deux formations politiques à l'occasion d'un dialogue qui s'établira entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres de la commission. On veut que vous vous sentiez bien à l'aise, c'est une rencontre sur laquelle nous comptons beaucoup et nous avons besoin de toute l'information possible.

M. Boisjoli, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation.

Regroupement régional pour le

développement des services universitaires sur la Côte-Nord

M. Boisjoli (Claude): Très bien, M. le Président. Vous avez à ma droite, Mme Ginette Tremblay qui est membre du conseil d'administration du regroupement; à ma gauche immédiate, M. Gaétan Gauthier et M. Nepveu qui sont aussi tous deux membres du conseil d'administration du regroupement.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Bienvenue.

M. Boisjoli: Je voudrais vous souligner au départ que nous allons lire le mémoire; il n'est pas tellement long et cela nous permet de faire un tour rapide de la situation. Je voudrais vous indiquer aussi au départ que nous sommes tous des gens qui travaillons bénévolement dans ce regroupement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Boisjoli: La Côte-Nord étant la seule région du Québec à ne pas être dotée d'une structure universitaire autonome, vous comprendrez facilement que sa population désire se faire entendre, particulièrement à l'occasion de cette commission parlementaire qui traite des orientations et du cadre de financement du réseau universitaire québécois pour les années à venir.

En effet, les citoyens de la région comprendraient fort mal que nos parlementaires prennent le temps d'écouter, d'étudier, d'analyser et de commenter des mémoires pour enfin formuler des recommandations sans qu'une voix, d'aussi loin qu'elle vienne du Québec, de la Côte-Nord puisse être, elle aussi, entendue, étudiée, commentée et retenue pour que les nord-côtiers puissent dire qu'ils sont considérés comme des citoyens du Québec à part entière.

Disons tout de suite que nous sommes conscients de ne pas répondre complètement aux grands objectifs de cette commission. Nous n'avons tout simplement pas les ressources spécialisées qui sont généralement nécessaires à la préparation d'un tel mémoire.

Qu'à cela ne tienne, tout Québécois que nous sommes, nous vous ferons part de nos besoins, le plus simplement et humblement du monde. Puissiez-vous recevoir nos propos dans le même esprit et y référer dans les grandes orientations qui se dégageront de ces travaux.

Quant à l'organisme que nous représentons, le Regroupement régional pour le développement des services universitaires sur la Côte-Nord, qu'il suffise de signaler pour le moment, que les appuis que nous recevons de partout en région nous

permettent de parler haut et fort au nom de la Côte-Nord à cette commission.

En tout cas, ces appuis nous habilitent à exiger de notre gouvernement que la Côte-Nord soit considérée au même titre que les autres régions du Québec et qu'au moment de parler des orientations et du financement du réseau universitaire québécois, il soit tout aussi opportun de réfléchir sur le fait qu'encore aujourd'hui notre région ne dispose pas d'une structure universitaire autonome, situation qui nécessitera des solutions à plus □u moins brève échéance.

Les informations qui suivront se présentent comme un rapide tour d'horizon des problèmes et besoins auxquels nous joindrons quelques hypothèses de solutions. (17 heures)

Au printemps 1985, sous l'impulsion de la Conférence administrative régionale, un comité provisoire d'administrateurs régionaux était formé. Son mandat principal: confirmer, chiffres et faits à l'appui, ce qu'individus et organismes déploraient depuis quelques années, soit la médiocrité des services universitaires offerts aux citoyens de la région, qui plus est, par des centres universitaires hors région.

Quelques mois plus tard, à l'été 1985, une étude établissant "La problématique globale des services universitaires dans la région Côte-Nord" confirmait que la population avait raison de décrier les services. Des exemplaires de cette étude vous ont d'ailleurs été transmis avec ce mémoire.

Cette étude fut l'élément déclencheur, à l'automne 1985, de la formation du regroupement, ses principaux objectifs étant de promouvoir, de coordonner et de concerter les actions des différents intervenants de la région, particulièrement en ce qui concerne le développement des différentes fonctions universitaires: l'enseignement, la recherche, les services à la collectivité et la promotion collective.

Enfin, vous nous permettrez d'insister encore sur le caractère véritablement régional de notre organisme, puisqu'il rallie à sa cause les individus et les organismes, d'où qu'ils originent de la Côte-Nord, qu'ils oeuvrent dans l'entreprise privée, parapubli-que ou publique.

La problématique des services universitaires sur la Côte-Nord en regard des caractéristiques régionales. Une population dispersée. Bien qu'environ 50 % de la population soit répartie entre les villes de Baie-Comeau, de Sept-Îles et de Port-Cartier, le reste est disséminé dans près d'une quarantaine de localités de moins de 5000 personnes. C'est une population jeune: près de 40 % de la population de la Côte-Nord a moins de 20 ans, comparativement à la moyenne nationale de 31 % et sept nord-côtiers sur dix ont moins de 35 ans.

Un taux de roulement élevé de sa main-d'oeuvre spécialisée. Les difficultés pour recruter du personnel qualifié sont notoires dans la région, notamment dans les domaines de la santé et des services publics.

Un niveau de formation universitaire peu élevé. Seulement 22,5 % des 25-45 ans ont atteint un niveau universitaire comparativement à la moyenne nationale qui atteint 40 %.

Une clientèle universitaire potentielle grandissante. Pour être convaincu de l'existence d'une clientèle universitaire réelle et potentielle, il suffit de rappeler la jeunesse de la population nord-côtière et de souligner l'accroissement marqué du nombre d'étudiants réguliers du collégial inscrits en deuxième année, secteur général, étudiants qui forment la clientèle potentielle de base d'une université. Dans notre région, ce sont autant de jeunes qui devront s'expatrier pour entreprendre des études universitaires. L'importance de la clientèle adulte dans les cégeps de Baie-Comeau et de Sept-îles était d'environ 1400 entre 1982 et 1984. Il y a un grand nombre d'adultes inscrits à des cours universitaires à temps partiel et ce, malgré une offre limitée de cours. Il y a également les demandes pour la mise sur pied d'un nouveau programme universitaire.

En regard des fonctions attribuées à l'université: la fonction enseignement. L'enseignement universitaire vise généralement deux types de clientèles: les étudiants issus des cégeps et les étudiants adultes issus de divers milieux. Or, dans la région de la Côte-Nord, l'enseignement universitaire se résume à la formation à temps partiel pour les adultes dispensée principalement par deux constituantes de l'Université du Québec qui se partagent le territoire. Cet enseignement s'inscrit dans une perspective d'éducation permanente.

En effet, il n'existe actuellement aucune facilité permettant aux jeunes et aux adultes de la région de s'inscrire à temps plein dans un programme universitaire sans s'expatrier. De même, aucune formation universitaire générale n'est accessible.

Quant à l'enseignement aux adultes, l'offre de cours ne répond pas à toutes les demandes. Des besoins sont insatisfaits du côté de la formation des maîtres et l'impossibilité pour les professionnels et cadres des diverses entreprises et organismes régionaux de se perfectionner dans la région constitue une barrière importante à l'amélioration de leurs connaissances. Un certain nombre d'entre eux, pour ne pas dire beaucoup d'entre eux, choisissent d'ailleurs de quitter la région pour accéder à des études plus avancées.

La fonction recherche. La recherche est considérée comme un des outils fondamentaux du développement d'une région. On dit que l'université joue un rôle majeur

dans le développement de la recherche et qu'elle constitue sa mission de base, avec l'enseignement. On dit aussi que l'université sise en région possède des atouts particuliers pour entreprendre l'étude de problèmes régionaux.

Or, notre région est celle où s'effectue le moins de recherche universitaire: moins de 1 % des budgets de recherche des constituantes de l'Université du Québec, Les organismes qui ont besoin de faire effectuer des recherches doivent généralement faire appel à des chercheurs de l'extérieur. Les retombées régionales de ces recherches sont généralement négligeables.

Les fonctions services à la collectivité et promotions collectives. En plus d'offrir certains services publics, l'université joue un rôle d'animation et de support à l'action. Elle devient également un pouvoir d'interrogation, d'examen, de jugement critique suscitant des débats et des échanges d'idées desquels peuvent émerger des suggestions nouvelles pour la région.

Le Conseil supérieur de l'éducation reconnaissait en 1981 l'importance incontestable d'une université pour le milieu, surtout dans les régions périphériques où elle est appelée à jouer un rôle de suppléance majeur.

Malgré l'implication de quelques universités dans la région, principalement l'Université du Québec à Chicoutimi et l'Université du Québec à Rimouski, les fonctions de services à la collectivité et de promotion collective sont inexistantes. On constate donc qu'une seule des fonctions dévolues aux universités revêt une "certaine" importance, soit l'enseignement.

Je passe immédiatement aux principales constatations et recommandations. Nous vous avons exposé rapidement la situation qui prévaut sur la Côte-Nord, situation que l'on peut caractériser d'unique au Québec. Vous retiendrez que des individus de cette région se sont regroupés en poursuivant l'objectif d'améliorer les services universitaires sur la Côte-Nord et que différentes actions ont été réalisées à ce jour.

C'est dans ce contexte que le Regroupement pour te développement des services universitaires sur la Côte-Nord formule les demandes suivantes: Considérant que la Côte-Nord est la seule région du Québec qui n'a pas de structure universitaire autonome; que la Côte-Nord a des besoins importants de formation qui restent insatisfaits; que les besoins de formation, de recherche et de support au développement régional sont méconnus des deux constituantes qui, pourtant, desservent leur partie de la région depuis environ dix ans; que, de l'aveu même des responsables de ces deux constituantes de l'Université du Québec, la Côte-Nord a peu d'espoir de voir s'accroître les services dispensés par celles- ci à court terme; que les universités québécoises sont aux prises avec des problèmes sérieux de financement auxquels n'échappent pas l'Université du Québec è Chicoutimi et l'Université du Québec è Rimouski, nous demandons à cette commission qu'elle reconnaisse la situation de sous-développement de la Côte-Nord en ce qui a trait à l'accessibilité des services universitaires; qu'elle reconnaisse que les citoyens de la Côte-Nord sont dans une situation d'inéquité par rapport aux autres citoyens du Québec et qu'elle déclare prioritaire la nécessité de compléter le réseau des services universitaires québécois de façon à desservir véritablement la population de la Côte-Nord.

Considérant que le développement des services universitaires repose sur l'expression de la volonté du milieu et la prise en charge régionale, ce qui s'est traduit dans notre région par la création du regroupement; que la formule à implanter dans la région Côte-Nord devra être originale, nouvelle et adaptée aux caractéristiques régionales; que les modalités de financement actuelles des services universitaires ne semblent pas suffisamment souples pour permettre l'émergence d'une telle formule; que le regroupement ne dispose pas de l'ensemble des ressources professionnelles et financières nécessaires è la conception et à l'implantation d'une structure universitaire adaptée à la Côte-Nord; que le développement des services universitaires dans la région Côte-Nord repose également sur une volonté politique, nous demandons è cette commission qu'elle reconnaisse la nécessité d'implanter un modèle particulier de services universitaires pour que les citoyens de la Côte-Nord aient accès à des services adéquats; qu'elle demande au gouvernement de s'associer au regroupement dans l'élaboration et l'implantation de ce modèle et qu'elle propose au gouvernement des mécanismes souples de financement permettant l'implantation du modèle qui sera retenu.

En conclusion, nous ne pouvons terminer ce mémoire sans vous rappeler la nécessité et l'urgence, pour la population nord-côtière, d'avoir accès à des services universitaires adéquats, d'autant que, dans les autres régions du Québec, nous observons des impacts majeurs parmi lesquels nous retenons: le relèvement du niveau moyen de scolarité et de connaissance de la population; un élément important de rétention de l'exode des "cerveaux"; le recrutement plus facile de professionnels et de cadres par les industries en place et par les divers organismes des secteurs publics et parapublics; l'organisation d'événements régionaux susceptibles de consolider une identité régionale et d'entraîner des retombées économiques plus importantes pour la région; la création

d'activités et de centres de recherche en relation avec la réalité régionale et susceptible de développer une économie plus diversifiée; le développement des secteurs d'activité dans lesquels la région possède des atouts; la création d'emplois et, finalement, l'impact positif sur la qualité et la quantité de l'ensemble des services offerts dans une région.

Nous estimons que la Côte-Nord est en droit, elle aussi, de s'attendre à profiter de ces retombées sociales et économiques. Conscients que les recommandations de la commission quant à l'orientation du système universitaire québécois risquent de toucher les grandes fonctions généralement attribuées à l'université, à savoir l'enseignement, la recherche et les services à la collectivité, nous soulignons à cette commission que la Côte-Nord n'a pas encore bénéficié des retombées de ces fonctions et qu'il nous apparaît important de les maintenir comme élément essentiel des services universitaires, sans quoi nous risquons de demeurer en situation de sous-développement par rapport aux autres régions du Québec. Que ces fonctions et leurs impacts deviennent visibles par le biais de services universitaires qui conviennent aux caractéristiques et aux besoins régionaux, voilà le défi de chacun d'entre nous. Notre organisme est prêt à y travailler. En sera-t-il de même pour notre gouvernement?

Le Président (M. Hamel): Merci, M. le Président, de nous avoir brièvement résumé votre mémoire. Cela nous permettra d'échanger des points de vue plus longuement avec vous. Je reconnais maintenant M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, il nous est agréable de saluer la présence parmi nous de la délégation qui nous est venue de la Côte-Nord du Québec sous la présidence de M. Claude Boisjoli. Je voudrais tout d'abord féliciter M. Boisjoli et les personnes qui l'accompagnent du sens social dont ils font montre en s'intéressant au développement des services universitaires sur la Côte-Nord, Souvent, on peut être tenté de tirer son épingle du jeu soi-même sur une base individuelle. Je pense que chacun de vous serait capable de le faire et n'en avait peut-être pas besoin. Je ne vous connais pas d'une manière détaillée mais que vous vous soyez regroupés pour chercher l'amélioration des conditions de vie collective dans votre région, en particulier en matière d'enseignement postsecondaire, vous méritez d'en être félicités. Je vous dis que cela m'inspire une vive admiration.

Vous avez bien signalé en conclusion de votre mémoire les conséquences bienfaisantes qu'engendre dans une région la présence d'un établissement universitaire. À la page 9, vous soulignez très bien parmi ces conséquences le relèvement du niveau moyen de scolarité dans la population, les meilleures conditions pour la rétention dans la région des personnes ayant reçu une formation plus poussée au point de vue académique, une facilité à recruter des professionnels et des cadres pour les industries en place et pour les grands besoins de la population en matière de services professionnels, une fonction d'animation intellectuelle et culturelle de la vie et d'activités communautaires sous les facettes multiformes qu'elle peut revêtir. Je pense qu'on pourrait continuer longtemps. Il faut tout de même mentionner l'impact économique également. Il est sûr que la présence d'une institution universitaire représente des emplois intéressants et des possibilités de développement, dans les secteurs de l'activité économique, qui ne sont pas négligeables.

Tout cela, vous le signalez très bien, est un ensemble de bienfaits dont la région que vous représentez auprès de nous est, à toutes fins utiles, privée.

Il y a un problème majeur qui se pose. C'est celui de l'éloignement physique et la dispersion de la population. Je pense que c'est une donnée de base qu'on ne peut pas ignorer. Il faut en tenir compte, il faut chercher à se demander comment on peut trouver des voies d'action. Des solutions complètes, je pense que c'est plutôt difficile à envisager à l'heure actuelle, mais il y a sûrement des avenues d'action qui peuvent être explorées. On va essayer de le faire avec vous. Une de mes collaboratrices, Mme Germain, est allée chez vous vous rencontrer pour discuter de ces choses il y a quelque temps. Je pense que nous aurons l'occasion de reprendre ces conversations qui sont entamées afin de chercher avec vous et les institutions concernées les possibilités d'amélioration. Il n'est pas question dans mon esprit, du moins dans l'état actuel de mes connaissances, de créer une nouvelle université sur la Côte-Nord. Je pense que vous ne l'avez pas demandé, d'ailleurs, vous avez été bien réalistes dans votre mémoire. Vous savez très bien que la création d'une université demande un regroupement de ressources intellectuelles, humaines et financières qui ne serait pas pensable dans l'état de dispersion, de faiblesse relative au point de vue numérique de la population dans votre région. Mais il faut se demander ce qui peut être fait dans la situation que je viens d'évoquer. Évidemment, il faut tout de suite se demander ce que peuvent faire les universités qui sont proches de votre région. Vous en avez mentionné deux dans votre mémoire: il y a l'Université du Québec à Chicoutimi et l'Université du Québec à Rimouski. Je pense que c'est très heureux que vous soyez passés avant ces deux

établissements parce que cela nous permettra de leur adresser des questions au sujet des problèmes que vous nous soumettez. Vous pouvez être sûrs que c'est une des questions qui leur seront adressées par nous: Qu'est-ce que vous faites à l'endroit de la population de la région que vous représentez? Et, surtout, qu'est-ce que vous pourriez faire pour améliorer les choses? (17 h 15)

Nous allons examiner cela avec attention. C'est un problème qui pourra donner lieu à des développements graduels et peut-être plus d'initiatives que celles qui existent actuellement. Il faudra délimiter clairement la responsabilité des établissements là-dedans aussi. Soyez assurés, en tout cas, que votre problème a été très bien présenté à la commission et que nous allons noter les difficultés dont vous nous avez fait part afin d'en tenir compte dans les recommandations qu'il y aura lieu de faire au gouvernement en temps utile.

J'ai bien aimé ce que vous avez dit à propos de l'absence, pour le bénéfice de votre population, de certaines fonctions que l'université met à la disposition des populations dans d'autres régions où elle est impliquée. Il y a les services d'enseignement et les services de recherche. Il y a aussi les services de participation à l'activité collective par l'intermédiaire des professeurs parfois, par l'engagement d'un département ou d'une section de l'université et des fois par l'université toute entière. C'est assez rare et plus difficilement concevable, à mon point de vue, mais de toute façon.

Il y a une chose que je voudrais vous demander. Dans ce que vous rêvez d'obtenir, est-il question d'enseignement régulier pouvant conduire à des diplômes de baccalauréat par exemple? Est-ce que vous pensez que vous avez chez vous la concentration d'effectifs étudiants potentiels et qu'on peut envisager la concentration minimale de ressources professorales qui permettraient des développements en matière d'enseignement régulier devant conduire à des diplômes réguliers, en particulier au baccalauréat, ou si vous envisagez plutôt un nombre plus grand de cours de formation d'adultes comme ceux que vous avez reçus jusqu'à maintenant?

M. Boisjoli: D'abord, je dirais qu'il est certain que nous visons la mise en place de l'enseignement régulier. Quand je dis "l'enseignement régulier", je pense à des choses relativement simples. Nous sommes en train d'examiner présentement quelles sont les décisions d'orientation qu'ont prises les finissants de nos deux cégeps dans la région et voir s'il y a un nombre suffisant de ces élèves qui pourraient permettre un regroupement pour donner une première année universitaire dans certaines disciplines, par exemple. Nous en sommes là dans nos réflexions. Nous n'avons pas encore envisagé des cycles complets d'enseignement régulier. Nous sommes d'accord avec vous pour dire que ceci est relié aussi à la quantité d'étudiants et à une certaine masse critique qui est nécessaire pour que ce soit viable en quantité et en qualité.

Il est certain aussi que nous visons une amélioration des services de perfectionnement aux adultes. Nous aimerions obtenir de ce côté-là plus de stabilité et une compréhension plus grande de nos réalités géographiques, de sorte que les groupes ne se fassent pas et ne se défassent pas au gré des cohortes, pour utiliser un langage avec lequel je ne suis pas tellement familier mais que j'ai entendu à l'occasion.

On est conscient qu'on est un peu victime du fait que notre réalité géographique et notre réalité de population font en sorte que les modèles habituels applicables dans les milieux où le bassin de population est élevé semblent assez rigides et, quand on les applique chez nous, ils produisent des effets de distorsion assez importants.

M. Gauthier (Gaétan): Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais juste ajouter quelques commentaires à ce que M. Boisjoli vient de dire. D'abord sur la dispersion de la population, je pense qu'il ne faut pas oublier que, malgré le fait qu'on ait une population restreinte, elle est concentrée dans deux pôles principaux, Baie-Comeau et Sept-Îles, région Sept-Îles-Port-Cartier. Environ 50 % de notre poulation est concentrée dans ces deux pôles. Si on pense à un développement au niveau du secteur régulier, on se rend compte aussi que ces deux pôles se caractérisent par des données économiques différentes: un pôle est concentré principalement sur les activités minières alors que l'autre l'est sur les activités forestières. Il est peut-être possible de développer des choses au niveau universitaire au secteur régulier tenant compte des caractéristiques de ces deux pôles et de clientèles extérieures qui pourraient aussi venir se greffer à la clientèle régionale si on développait des disciplines particulières à la région.

Le Président (M, Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: II y a une chose qui me vient à l'esprit en vous écoutant. Il me semble que, logiquement, ce qui devrait être envisagé, ce serait un prolongement des services offerts. Vous avez deux cégeps dans votre région: à Baie-Comeau et à Sept-îles. Eux autres, ajouter une année, ce ne serait pas la fin du monde. S'il y avait une meilleure intégration, une meilleure

collaboration avec le monde universitaire, peut-être qu'ajouter une année c'est un chose qui est envisageable. Créer une université là-bas, on n'y pense pas, personne. Plutôt que de faire venir tous les exportateurs de cours de Chicoutimi et de Rimouski, si vous aviez ces deux bases qui étaient mieux exploitées chez vous, peut-être qu'il y aurait des choses à sortir de là. Est-ce que c'est une possibilité que vous avez examinée? En a-t-il été question? Est-ce que ces deux cégeps participent à votre travail? Est-ce qu'ils sont représentés dans votre regroupement et est-ce qu'ils se font aller les méninges un peu pour créer des voies nouvelles?

M. Boisjoli: D'abord, les deux cégeps de la région sont représentés, sont membres du regroupement et travaillent avec nous à trouver des solutions. Deuxième élément de cette réponse à votre question, c'est que, comme vous le voyez dans notre mémoire, on désire s'associer au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et à d'autres établissements, s'ils sont intéressés, pour essayer de trouver quel pourrait être le modèle applicable dans notre région. Il est certain qu'on a pensé à la suggestion que vous mentionnez. C'est une des hypothèses qui pourraient être regardées, que les cégeps actuellement en place puissent commencer à dispenser des premières années universitaires dans certaines disciplines.

On a pensé aussi qu'il pourrait être possible qu'il y ait une espèce de direction régionale des services universitaires qui ait comme seule préoccupation de s'occuper des besoins de formation de la Côte-Nord, ce qui n'existe pas actuellement. On a pensé aussi, peut-être, dans la foulée, je dirais, de la popularité du Nord... Peut-être qu'il faut repenser les problèmes reliés à certaines universités ou à certaines constituantes dans la région périphérique et regrouper cela sous une nouvelle formule qui pourrait permettre une certaine souplesse et une capacité de desservir les régions avec des caractéristiques semblables aux nôtres. Enfin, il y a quelques hypothèses qui mériteraient d'être regardées. Nous sommes ouverts à toutes ces hypothèses. Ce que nous voulons, nous l'avons dit et nous le répétons, c'est une amélioration des services. Pas nécessairement une université ou du béton, pour employer le langage plus financier.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre.

M. Ryan: Est-ce que vous vous sentez plus proches, vous autres, de l'Université du Québec à Chicoutimi ou de l'Université du Québec à Rimouski? De laquelle des deux recevez-vous la meilleure collaboration?

M. Boisjoli: C'est difficile pour moi, au niveau du regroupement, parce que cela fait à peine huit mois qu'on existe. Toutes les fois qu'on a eu à communiquer avec ces deux universités, elles se sont montrées disponibles, ouvertes et collaboratrices. Quant à la quantité des services, on ne l'a pas regardé sous cet angle. Comme chacune des constituantes dessert une partie de la région, évidemment, il y a des façons différentes de faire: dans le secteur de Baie-Comeau, c'est l'UQAR et, à Sept-Îles, c'est l'UQAC.

M. Ryan: Avez-vous eu des réactions sur la nouvelle politique du gouvernement en matière d'accessibilité à l'enseignement post-secondaire pour les étudiants des régions éloignées?

M. Boisjoli: Vous faites allusion aux montants d'argent supplémentaires qui sont disponibles pour ces étudiants. Vous me demandez si nous avons des réactions. Ma première réaction a été de dire que c'est une amélioration. La deuxième, je me suis demandé si on ne pouvait pas avoir une politique dans ce sens qui tienne compte de la région d'origine de l'étudiant. Je ne le sais pas, un étudiant de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie qui a accès à l'Université du Québec à Rimouski, pourquoi bénéficierait-il d'avantages tout à fait identiques - je ne dis pas qu'il ne doit pas avoir d'avantages - à ceux de la Côte-Nord où il n'y a pas d'accès du tout dans la région? Je me suis posé cette question.

M. Nepveu (Raymond): Vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur.

M. Nepveu: Je pense aussi que ce type de solution que vous évoquez, M. le ministre, corrige évidemment une certaine forme d'injustice que les étudiants de niveau universitaire en régions éloignées peuvent ressentir à l'occasion parce qu'ils ont à défrayer des coûts pour se déplacer et se loger en milieu urbain, mais cela ne règle pas le problème de fond qui est de retenir chez nous nos cerveaux, si l'on veut, parce qu'il est extrêmement difficile - on le vit régulièrement - de réussir à non seulement retenir chez nous, comme on le disait dans notre mémoire, la main-d'oeuvre spécialisée, nos professionnels ou nos cadres, mais il est également très difficile de ramener chez nous nos jeunes qui nous quittent pour aller étudier à Québec, à Montréal ou à Sherbrooke. Une fois, évidemment - on connaît le phénomène - qu'ils ont goûté à la vie des grands centres urbains, il est extrêmement difficile après cela de les rapatrier chez nous de façon qu'ils viennent

faire profiter leur collectivité des bénéfices qu'ils ont reçus à même les fonds publics.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame et messieurs, il me fait plaisir de vous voir ici. On a peu entendu, finalement, de représentants particulièrement des régions plus éloignées, réellement éloignées, si je peux me permettre l'expression. Comme travailleurs bénévoles de cet organisme, vous avez toute mon admiration. Le dévouement et l'intérêt que vous manifestez à l'endroit du développement de votre région est tout à votre honneur. Je dois dire que la jeunesse du groupe que vous représentez illustre la jeunesse des gens de votre région également. Je pense que c'est cet aspect que je trouve le plus préoccupant, compte tenu de la jeunesse de votre population, que de manquer de services de formation que je qualifierais de quasi élémentaires. Parlant de jeunesse, je pense que vous êtes, à part les étudiants qu'on a rencontrés ici, les représentants les plus jeunes qu'on ait rencontrés. On a souvent vu des têtes grises, un peu comme la mienne et celle du ministre, mais peu de jeunes représentants.

Vous tracez un portrait relativement sombre de la situation des services universitaires sur la Côte-Nord. Le ministre, tout à l'heure, vous demandait si les services étaient meilleurs, selon qu'ils venaient de l'Université du Québec à Rimouski ou de l'Université du Québec a Chicoutimi. J'aurais davantage le goût de vous demander: Avec quelle université vous sentez-vous le plus d'affinités? Parce que c'est souvent au-delà de l'université elle-même, c'est beaucoup sa situation géographique. Cela a toujours été une question que je me suis posée par rapport à la Côte-Nord. Est-ce que la population a tendance à aller davantage en direction du Saguenay ou plutôt du Bas-Saint-Laurent? C'est plus une question d'affinité et, souvent, il faut respecter cela parce que c'est beaucoup dans cette direction que se développent les services. Je me demandais si vous y aviez réfléchi.

À présent, le problème que vous posez par rapport à la sous-scolarisation et à l'exode des cerveaux, c'est réel et cela pénalise lourdement une région. Là-dessus, je me demandais si vous aviez fait des études. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?Des jeunes issus de vos régions et qui, finalement, s'installent un peu partout dans la province.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un des deux, à votre goût.

Une voix: D'accord.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Choisissez qui va répondre, on n'a pas d'objection.

M. Boisjoli: D'accord. Quant à l'affinité avec les universités, je vous avoue que je n'ai pas répondu tantôt directement à cette question parce que je suis incapable d'y répondre. On n'a pas eu ce genre de discussion au niveau du regroupement; alors, il m'est difficile de le faire, à moins d'y aller d'une opinion tout à fait personnelle.

Cependant, dans les discussions que nous avons eues, si on allait vers une espèce de ministructure régionale, ou ce que j'ai appelé tantôt une direction régionale des services universitaires, nous n'avons aucune objection à être situés à l'intérieur du cadre de l'Université du Québec et pouvoir faire affaire avec diverses constituantes de l'Université du Québec.

Quant à être arrivé en retard, on voit peut-être certains avantages à conclure des ententes avec différentes constituantes et à ne pas être tributaire des problèmes qu'une constituante en région éloignée a déjà et qui se refléteraient automatiquement dans notre région. Si on pouvait faire affaire avec plusieurs, on y voit des avantages. C'est pour cela que, dès les premières démarches faites auprès de ces deux constituantes et de l'Université du Québec, nous avons demandé d'être traités comme une région et non pas comme étant deux parties de territoire desservies par deux constituantes différentes. Cela nous apparaissait fondamental aux gens de la côte que, si nous étions traités comme une région, nous avions des chances de pouvoir développer des choses régionalement mais, dès que nous serions divisés en territoires distincts, nous étions condamnés à être tributaires ou à demeurer dans notre situation actuelle. (17 h 30)

Quant à l'exode des cerveaux, c'est difficile pour moi de répondre à cette question parce qu'on n'a pas de données statistiques. Je vous dirais que tous les jeunes sortent de la Côte-Nord pour faire des études universitaires présentement. Je vous dirais aussi que c'est d'un sens commun ou d'une répétition permanente et continuelle; tous les directeurs de service ou d'établissement ou d'organisme public vous diront en régions qu'ils ont une mobilité de personnel très grande; très souvent, c'est relié au fait que les gens n'ont pas accès à du perfectionnement. S'ils aspirent à améliorer leurs conditions à moyen terme, il faut qu'ils continuent à pouvoir se perfectionner et, le cas échéant, ils choisissent facilement d'aller à l'extérieur.

M. Gauthier (Gaétan): Pour répondre à la deuxième question de façon un peu plus précise, l'accroissement marqué du nombre

d'étudiants au niveau régulier dans les cégeps, au cours des trois dernières années, nous amène à penser qu'il y a de plus en plus de jeunes qui terminent leurs études collégiales pour accéder à un niveau universitaire. Par exemple, à l'automne 1984, il y avait dans la région de la Côte-Nord 409 étudiants inscrits en deuxième année dans les collèges de la région, au secteur général. On retrouve, à l'automne 1984, 191 étudiants inscrits à temps complet qui provenaient de la région Côte-Nord, uniquement dans le réseau de l'Université du Québec. On peut peut-être supposer que 70 % à 75 % des finissants du secteur général au niveau collégial dans la région poursuivent leurs études universitaires à l'extérieur. Cela est sans compter les étudiants qui, peut-être parce qu'il n'y a pas d'université dans la région, s'inscrivent à des cégeps qui sont déjà situés à l'extérieur de la Côte-Nord. Par exemple, si je suis un jeune de la Câte-Nord qui veut poursuivre ses études universitaires, éventuellement, j'aurai peut-être tendance à choisir un cégep dans une région où il y a déjà une université.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Blackburn: La population étudiante inscrite dans les cégeps chez vous est de moitié moins élevée que celle des collèges de Rouyn-Noranda. Ma question est la suivante. Vous avez fait l'inventaire d'un certain nombre de services que vous choisiriez de même que d'une structure qui vous permettrait de vous les offrir. Vous n'avez pas parlé du tout du rôle que pourrait jouer et les services que pourrait rendre la Télé-université. Vous savez que dans plusieurs pays nordiques on a développé beaucoup les services - il n'y a pas que tes pays nordiques, je pense à l'Angleterre - par le biais de la télévision éducative qui est beaucoup plus mobile, qui offre beaucoup plus de possibilités et vous n'en parlez pas.

Mme Tremblay (Ginette): Je peux ajouter une chose à ce sujet. L'objectif principal visé par la Télé-université était d'atteindre justement des populations un peu plus éloignées. Il n'y a pas très longtemps, on s'est fait dire que finalement la clientèle qui adhérait à la Télé-université provenait davantage des grands centres. Dans la région de la Côte-Nord, il y en a un certain nombre qui sont abonnés à la Télé-université et qui utilisent ce système, mais cela ne répond pas aux besoins de formation générale dont on parle. Cela semble très marginal, même sur la Côte-Nord.

Mme Blackburn: Vous semblez nous dire que la Télé-université serait plus prisée dans les grands centres que chez vous. Est-ce que vous avez une explication? Cela devrait être comme à l'inverse, parce que les universités sont sur place. On nous a expliqué que ce n'était pas parce qu'elles étaient sur place que tout le monde voulait y aller. Cependant, lorsqu'on a eu ici la Télé-université, est-ce qu'il y a vraiment eu de telles tentatives de faire des percées chez vous? Est-ce que cela a une présence significative? Vous nous dites non, mais est-ce qu'il y a des raisons qui expliquent cela?

Mme Tremblay: II faudrait sans doute poser des questions aux gens dans les réseaux de l'Université du Québec pour avoir plus de renseignements. Je pense qu'il y a plus de gens dans les grands centres, la proportion est plus importante; mais je n'ai pas de raison précise pour expliquer cette indifférence à l'endroit de la Télé-université, je crois qu'il faudrait poser la question à d'autres gens aussi.

M. Gauthier (Gaétan): L'une des raisons déterminantes dans le cas de la Téléuniversité, c'est le fait que, étant donné qu'on n'a pas d'établissements universitaires dans notre région, les gens sont peut-être moins sensibilisés aux besoins universitaires. Si vous vivez dans la région de la Côte-Nord actuellement, vous entendez très peu parler de la Télé-université et des services qu'elle offre. Il faut pratiquement courir après les dépliants de cours de la Télé-université actuellement pour être informé. J'ajouterais aussi que la Télé-université ne répond pas aux problèmes qu'on veut régler dans le cas de la Côte-Nord parce que cela ne nous donne pas une présence universitaire dans la région et cela ne nous donne pas non plus une présence d'individus aptes à travailler et à développer la région au point de vue économique et social. Tout ce que la Télé-université peut nous donner dans la région, c'est de permettre à un certain nombre de personnes d'améliorer leur formation personnelle, mais la présence de cerveaux, comme on dît, reliée à la présence d'une université dans une région, Télé-université ne peut pas nous donner cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.

Mme Blackburn: Évidemment, cela ne répond pas à vos besoins particuliers qui sont bien exprimés et fort légitimes, je dois dire. Par ailleurs, je me dis que, si au moins il y avait ces services qui venaient compléter les services imparfaits, faut-il le dire, offerts par les deux autres constituantes de l'UQ, cela pourrait constituer un moyen de relever le niveau de scolarité en même temps que d'avoir des personnes un peu plus scolarisées. Je trouve étonnant qu'on n'ait pas essayé d'explorer un peu ces possibilités.

M. Boisjoli: Je pourrais ajouter seulement un commentaire là-dessus pour dire que dans toutes nos discussions il n'a jamais été question de la Télé-université. Enfin, je vous écoute et j'ai l'impression de comprendre que la Côte-Nord devrait être une région à clientèle prioritaire pour la Télé-université, mais c'est absent de nos discussions. Je veux dire que la présence n'est pas îà. Pourquoi? On ne le sait pas.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est assez révélateur parce que, moi aussi, comme la députée de Chicoutimi, j'étais convaincu que la Télé-université était faite spécialement pour vous, les régions isolées. Je vous remercie du renseignement, Si vous voulez conclure, madame, au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: Tout à l'heure, quand vous avez commencé à faire votre présentation, vous vous êtes excusés en disant que votre mémoire n'entrait peut-être pas tout à fait dans les objectifs de cette commission. Je voudrais vous rassurer tout de suite. On n'en a pas beaucoup parlé, mais le mandat de cette commission est de parler à la fois des orientations et du financement. Ce dont on entend le plus parler évidemment, c'est le financement; d'entendre parler des orientations, d'entendre parler d'accessibilité pour les régions éloignées, je pense que c'était tout à fait dans le mandat de cette commission.

Au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier de votre présence ici, d'avoir consacré de votre temps, de votre énergie pour venir bénévolement présenter ici votre point de vu sur les services d'enseignement universitaire dans votre région. Je m'interroge beaucoup sur ce qu'il serait possible de faire pour le moment avec la Télé-université, mais j'admets avec vous que ce n'est pas ce qui contribue de façon immédiate et directe à l'enrichissement et au développement d'une région. Pour le reste, évidemment, le ministre avance des hypothèses, peut-être celle de prolonger le collège d'une année; il faudrait voir ce que cela donnerait au Québec si l'expérience était reprise ailleurs.

Je ne peux que vous inviter à poursuivre. Comme vous savez et comme je sais que dans les régions on fait toujours preuve de beaucoup de ténacité, je veux vous inviter à être très tenaces et très persévérants. Peut-être qu'un jour on verra des services universitaires de qualité dans votre région. C'est ce que je vous souhaite. Au nom de ma formation politique, je vous remercie de votre présence ici.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, M. le ministre.

M. Ryan: M. Président, dans la présentation qu'on nous a faite tantôt, on ne nous a pas donné une liste complète de tous les services universitaires qui ont pu être offerts dans la région chez vous. Je m'aperçois en regardant les données qu'on m'a soumises qu'il n'y a pas eu seulement l'Université du Québec à Chicoutimi et l'Université du Québec à Rimouski qui sont allées chez vous, mais l'Université Laval est allée, l'Université de Montréal est allée également ces dernières années et l'Université McGill également.

Une voix: Sherbrooke.

M. Ryan: L'Université de Sherbrooke également au temps où M. Hamel oeuvrait dans cette institution. II y avait des visées de rayonnement, sans doute.

Je pense qu'il va falloir qu'on fasse un examen complet de tout ce qui s'est fait, qu'on ait le bilan des expériences faites par chaque établissement, qu'on cause avec les cégeps chez vous également pour voir comment ils envisagent leur vocation, puisqu'ils sont déjà implantés dans votre territoire. On va prendre tout ça en considération. Il y a sans doute des améliorations qui peuvent être envisagées. Je ne sais pas exactement de quelle nature elles sont.

Il y a deux choses à préciser: premièrement, la nature des besoins qui peuvent trouver une réponse par des initiatives prises sur le territoire chez vous, et deuxièmement la nature des intervenants ou des agents éducatifs qui pourront assurer ces réponses.

Vous nous posez un problème. Nous l'enregistrons, mais nous allons essayer de travailler sur les deux questions que j'ai essayé de résumer après avoir pris les conclusions que chaque établissement qui a déjà été impliqué - il y en a plus que je pensais, encore une fois - a pu tirer de ces expériences faites jusqu'à maintenant.

Cela a été très utile pour nous de vous rencontrer directement. J'avais eu un rapport immédiatement à la suite de la rencontre que Mme Céline Germain est allée tenir chez vous, avec vous, en mon nom et nous allons reprendre ces contacts. On va les pousser plus loin, et j'espère qu'à une prochaine commission parlementaire, nous pourrons enregistrer des progrès à la direction d'un service peut-être plus proche et mieux adapté dont les formes restent à déterminer.

Je vous remercie infiniment et, encore une fois, je vous félicite et vous remercie de l'intérêt que vous portez au développement de l'enseignement secondaire, postsecondaire et universitaire dans votre région. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le ministre. M. le Président, madame, monsieur, je vous remercie d'être venus rencontrer la commission parlementaire de l'éducation. Je veux aussi souligner l'effort que vous avez dû faire pour partir de la Côte-Nord et venir ici avec des moyens très précaires, comme vous l'avez souligné. Je vous remercie beaucoup.

Une petite remarque. Au début de votre intervention, vous nous avez dit: Nous sommes conscients que notre mémoire ou notre intervention n'entre pas nécessairement dans le cadre de la commission parlementaire. Au contraire, elle cadrait beaucoup. La commission parlementaire a pour objectif d'étudier le financement des universités. Mais il y a aussi l'orientation des universités. Je vous remercie de nous avoir informés de la problématique universitaire dans votre région. Je pense que cela a enrichi les membres de la commission.

Sur ce, M. le président, madame, monsieur, la commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 20 heures alors qu'elle accueillera l'Office des personnes handicapées du Québec.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir de tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Office des personnes handicapées du Québec

La commission parlementaire accueille actuellement l'Office des personnes handicapées du Québec. Au nom des membres de la commission, je veux saluer leur porte-parole, M. Paul Mercure, qui en est le vice-président. M. Mercure, nous vous saluons et nous vous remercions aussi d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation, pour venir nous aider dans notre recherche sur les orientations et le mode de financement du réseau universitaire québécois.

M. Mercure, la commission parlementaire va vous entendre durant environ une heure. On m'a dit que vous aviez un mémoire à nous présenter et que cela vous prendrait entre quinze et vingt minutes environ. Après votre présentation, un dialogue sera établi entre les membres de la commission et vous, ainsi que les gens qui vous accompagnent. La période restante sera répartie également entre les deux formations politiques.

M. Mercure, veuillez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation.

M. Mercure (Paul): Je voudrais vous présenter la délégation de l'QPHQ. Je suis Paul Mercure, vice-président du conseil d'administration. Je tiens à signaler que le fait que le vice-président dirige la délégation n'est pas du tout un signe de non-intérêt aux travaux de la commission, mais bien parce que Mme Robillard, comme vous le savez, a sollicité un autre poste. Le poste de président de l'Office des personnes handicapées est maintenant vacant pour une courte période, nous l'espérons. Les gens qui m'accompagnent sont M. Robert Capistran, directeur des services au milieu et, à mon extrême gauche, M. Normand Lucas, directeur du service de la recherche. Un autre membre du conseil d'administration m'accompagne également, M. Marius Jacques.

Je tiens, d'abord, à vous remercier et à remercier chacun des membres de la commission de nous avoir permis de nous exprimer devant cette commission.

Je voudrais d'abord rappeler le mandat de l'OPHQ et le situer par rapport au mandat de la commission parlementaire. L'adoption des orientations proposées par la politique d'ensemble "À part... égale", comme objectifs fondamentaux de l'action gouvernementale envers les personnes handicapées, constitue la preuve d'une volonté d'assurer à ces personnes leur place dans la société, au même titre que leurs concitoyennes et concitoyens.

L'Office des personnes handicapées du Québec a pour mandat de veiller à ce que cette intégration sociale se fasse dans les meilleures conditions passible et dans le meilleur intérêt des personnes handicapées.

En collaboration avec les associations de personnes handicapées ou de parents de personnes handicapées, il doit veiller à faire connaître les besoins des personnes de façon qu'on en tienne compte systématiquement lors de l'élaboration de lois, politiques, règlements, au même titre qu'on le fait pour la population en général.

Mandat de la commission parlementaire. Dans le cadre de son mandat qui est l'étude des orientations et du cadre de financement du réseau universitaire pour l'année 1987-1988, la commission aborde différentes questions qui sont des points d'intérêt pour l'OPHQ. Ces questions abordées par la commission sont: les modalités d'aide financière aux étudiants; les frais directs et indirects de la recherche; le financement de celle-ci à l'intérieur des universités et particulièrement les nouveaux modes de

collaboration entre l'université, les centres de recherche publics et privés, et l'entreprise publique et privée; la gestion des ressources humaines et matérielles des universités; les modes de concertation entre les établissements, particulièrement en ce qui a trait à la rationalisation des programmes offerts et à l'identification des champs d'enseignement et de recherche jugés prioritaires.

Ces questions sont des points d'intérêt pour l'OPHQ parce qu'elles touchent les éléments suivants de la problématique d'intégration sociale des personnes handicapées, soit les modes d'aide financière aux étudiants handicapés, le plan de développement de la recherche sur les personnes handicapées, la formation des intervenants dans le secteur de la prévention, du traitement des déficiences et de l'adaptation-réadaptation, la formation des intervenants offrant des services directs à la population handicapée, le plan d'embauche des universités.

L'OPHQ n'a pas produit de mémoire exhaustif sur ces questions à l'intention de la commission. Toutefois, il a déposé, à titre complémentaire, le mémoire traitant de l'implication du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et de ses partenaires dans l'intégration sociale des personnes handicapées. Ce mémoire a été envoyé avant aujourd'hui, c'est un mémoire qui est très récent et qui a été adopté lors de la dernière réunion du conseil d'administration de l'OPHQ.

Je traiterai ce soir brièvement, pendant les quelques minutes qui me sont allouées, des quatre sujets suivants: l'accessibilité, les programmes, la recherche et les plans d'embauche.

Accessibilité aux études universitaires pour les personnes handicapées. Dans un premier temps, le soutien financier. Pour l'instant, les personnes handicapées qui présentent des besoins particuliers liés à leurs déficiences et qui nécessitent une assistance financière pour y répondre doivent effectuer une demande de bourse pour personne gravement handicapée. Ce programme, qui se présente sous forme de bourses exclusivement, attribue une aide financière à l'étudiant qui peut attester, par un certificat médical, que la déficience dont il est atteint lui crée un handicap fonctionnel majeur apparaissant sur une liste préétablie et que cette déficience limite vraiment les possibilités du candidat quant à ses études et à son emploi futur. Il s'agit d'une citation des règles d'attribution des bourses aux étudiants gravement handicapés.

Ce programme répond pour l'instant à un besoin. Le nombre de demandes qui lui sont adressées l'atteste. L'OPHQ croît, cependant, qu'il y aurait possibilité d'apporter une meilleure réponse aux besoins des personnes handicapées, sans qu'il soit nécessaire d'en faire une mesure spécifique comme c'est le cas maintenant. Les personnes handicapées devraient être soumises aux mêmes critères d'attribution et aux mêmes programmes de prêts et bourses que l'ensemble de la population étudiante. Elles devraient donc, elles aussi, obtenir tout d'abord un prêt étudiant pour ensuite avoir droit à une bourse, s'il en a été déterminé ainsi. Cependant, parce qu'elles peuvent présenter des besoins particuliers dus à leurs déficiences ou à leurs limitations fonctionnelles, les personnes handicapées doivent pouvoir faire part de ces besoins et obtenir une aide financière pour y répondre. Il s'agit alors de donner à l'étudiant handicapé une chance égale de pouvoir poursuivre ses études.

Ces besoins particuliers ne devraient pas trouver réponse dans un programme particulier, mais devraient plutôt être traités comme une dimension supplémentaire à considérer dans l'analyse de la demande d'adhésion au régime des prêts et bourses régulier. L'identification de ces besoins et les moyens d'y répondre devraient être déterminés dans le cadre d'un plan d'intervention de l'étudiant. L'aide financière pourrait alors être accordée conséquemment à cette évaluation plutôt qu'en fonction d'une liste de déficiences majeures reconnues et d'équipements spécialisés autorisés comme c'est le cas présentement. Elle serait ainsi mieux adaptée à la situation réelle de chaque étudiant.

Les aides techniques. Au niveau universitaire, les besoins en aide technique pour compenser les limitations fonctionnelles de la personne handicapée sont en général bien connus. Certains ont même été reconnus au cours des expériences d'apprentissage antérieures. Par ailleurs, outre les appareils sophistiqués, il existe également des équipements simples, d'usage courant, qui peuvent être utilisés à profit pour faciliter le travail de l'étudiant handicapé; rétroprojecteur, photocopieur, magnétophone, machine à écrire, etc. Il s'agit de faire preuve d'un peu de créativité et surtout de bonne volonté pour constater qu'il n'est pas toujours coûteux ou compliqué d'aider l'étudiant handicapé. Il faut donc démystifier en partie les coûts associés à la prise en charge des étudiants handicapés. Il est primordial que les milieux universitaires reconnaissent leur responsabilité dans ce domaine et qu'ils mettent à la disposition des personnes handicapées les équipements spécialisés nécessaires pour compenser leur limitation fonctionnelle et leur permettre ainsi de poursuivre leur apprentissage en ayant en main les outils nécessaires.

L'accessibilité des lieux. L'accessibilité physique aux lieux de formation demeure encore un des principaux obstacles auxquels ont à faire face les personnes handicapées.

Rendre les lieux de formation accessibles, ce n'est pas seulement prévoir une rampe d'accès pour permettre l'entrée au bâtiment principal, mais c'est aussi s'assurer que les salles de cours, les salles de laboratoire, les salles de visionnement, l'auditorium, les lieux de stage sont également accessibles à toute personne handicapée, quelle que soit sa déficience. C'est donc aussi prévoir que les indications ou signalisations fournies sur le campus, dans les ascenseurs par exemple, sont accessibles aux personnes ayant des déficiences sensorielles.

Il importe donc que l'accessibilité des lieux ne soit pas une simple formalité à remplir, mais qu'elle devienne plutôt un moyen très concret d'éliminer un obstacle important pour les personnes handicapées et favoriser ainsi, d'une certaine façon, leur accès aux études.

Modifications aux programmes. L'intégration de la formation spécifique. Plusieurs des recommandations de "À part... égale" portent sur les mesures qui devraient être prises pour combler les besoins en matière de programmes de formation. Je citerai quelques recommandations de "À part... égale": nécessité d'intégrer et de développer la dimension de la santé communautaire, les connaissances relatives à la prévention et au dépistage, aux conséquences des traitements, et d'introduire ces dimensions dans la formation des personnels des domaines médicaux et paramédicaux, ainsi qu'auprès des corporations de professionnels.

En second lieu, nécessité d'élaborer et d'intéger dans des programmes de formation à la responsabilité professionnelle les règles d'éthique et les éléments nécessaires à l'information, au soutien, à l'orientation et à la référence de la personne ayant une déficience physique ou mentale, de façon à améliorer les systèmes de référence et à prévenir ainsi ou à intervenir au plus tôt sur les limitations fonctionnelles de la personne et sur son handicap.

En troisième lieu, nécessité de développer et d'implanter des programmes obligatoires de formation continue sur la problématique de l'adaptation et de la réadaptation des personnes handicapées.

En ce sens, il faudrait étudier la possibilité que ces programmes de formation prennent la forme d'un baccalauréat en adaptation-réadaptation qui servirait de tronc commun aux disciplines médicales et paramédicales. L'intérêt de cette proposition réside dans le fait que les différents intervenants qui ont à travailler dans ce domaine, incluant les spécialistes, pourraient avoir accès à une formation de base solide et commune assurant une meilleure qualité d'intervention et une plus grande cohérence. De plus, la rencontre dès la période de formation des professionnels des diverses disciplines qui auraient à travailler conjointe- ment dans le milieu favoriserait l'existence et le bon fonctionnement des équipes multidisciplinaires.

Sensibilisation des divers professionnels à la problématique. D'autre part, il est d'une grande importance de mettre sur pied d'autres programmes de cours visant la sensibilisation et l'information de divers intervenants, particulièrement ceux qui, par leurs fonctions, offrent des services directs à la population: enseignants, médecins, policiers, dentistes, etc., en vue d'améliorer leurs connaissances sur la problématique des personnes handicapées et particulièrement sur le processus d'apparition du handicap.

Je voudrais ici donner un exemple. Je suis père d'un garçon handicapé qui a maintenant 23 ans. Je vous dis que ce n'est pas trop facile d'obtenir des services dentaires, parce que les dentistes ont été formés pour la plupart dans une période où les personnes handicapées, les personnes déficientes intellectuelles étaient en institution où, malheureusement, on se souciait assez peu de la santé dentaire des personnes. Donc, les dentistes qui travaillent dans la population sont très peu habitués à avoir dans leur clientèle des personnes handicapées intellectuelles. Ils ont tendance à avoir recours immédiatement à l'anesthésie générale - c'est une pratique qui n'est pas recommandable - parce qu'ils n'ont pas l'habitude et ils ne connaissent pas la problématique. On pense que, s'ils étaient sensibilisés, de même que les policiers, les médecins et tout le monde qui a affaire aux services génériques, à l'existence dans la société des personnes handicapées, cela aiderait beaucoup.

L'OPHQ aimerait être associé ou consulté lors de la préparation de ces cours puisqu'il est important de s'assurer de l'esprit dans lequel ils seront construits. Il serait tout à fait à l'encontre de l'objectif visé que ces cours soient perçus comme étant une forme de marginalisation. Ils doivent donc être intégrés dans le cadre des programmes réguliers offerts sur un sujet donné. Cette façon de procéder est la plus conforme à l'esprit qui devrait guider toute mesure s'adressant aux personnes handicapées et elle devrait être privilégiée toutes les fois que cela est possible.

Régionalisation des services. La formation des spécialistes devrait leur permettre d'être outillés pour travailler dans le milieu naturel de vie des personnes et cela, dans toutes les régions du Québec. Cet aspect est identifié très souvent par les intervenants et les milieux, tels les centres de réadaptation, comme un frein important à la régionalisation des services, au retour et au maintien dans le milieu des personnes ayant des déficiences et des limitations fonctionnelles.

Approche individuelle. Il est important

que les programmes privilégient l'approche individuelle des besoins de la personne quel que soit le domaine d'intervention visé. Il s'agit de la meilleure façon, sinon la seule, pour que les interventions soient vraiment adaptées aux besoins de la personne. Cette approche individuelle qui peut se traduire par la préparation d'un plan d'intervention ou plan de service à la personne constitue, d'ailleurs, le fondement même de toute la politique d'ensemble "À part... égale".

Développement de la recherche. Par le mandat qui lui est conféré par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, l'OPHQ doit jouer un rôle majeur dans le développement de la recherche portant sur la connaissance des besoins spécifiques aux personnes handicapées. Il est donc de la responsabilité de l'office d'influencer en ce sens le milieu de la recherche en lui fournissant les orientations de base et les pistes à suivre pour améliorer les connaissances sur les personnes handicapées et les services qui lui sont nécessaires.

Afin de bien remplir ce rôle, l'office s'est donné comme première préoccupation la préparation d'un plan de développement de la recherche. Ce plan "vise à augmenter, dans le réseau de la recherche scientifique, le rôle de l'OPHQ et à assurer des mécanismes d'échange et de collaboration. II vise également à accroître le rôle de l'OPHQ dans l'orientation des priorités de recherche et à augmenter son expertise".

Il est essentiel que les universités comprennent la nécessité de tenir compte des besoins des personnes handicapées dans le développement de la recherche et qu'elles prennent les mesures nécessaires pour que ces besoins soient considérés. En ce sens, elles se doivent d'intégrer dans leur politique de recherche la préoccupation de la problématique des personnes handicapées dans le respect des orientations proposées par "À part... égale".

Le plan de développement de la recherche proposé par l'OPHQ devrait servir de guide pour orienter le développement de la recherche sur les personnes handicapées. Il identifie, entre autres, les secteurs à prioriser et donne des indications sur les pistes à suivre pour répondre aux besoins dans ce domaine.

Trois secteurs d'interventions et deux clientèles devraient être priorisés. II s'agit des domaines de prévention, adaptation-réadaptation, intégration sociale et des personnes ayant une déficience intellectuelle ou du psychisme.

Le dernier point, les universités comme employeurs. Il est un autre secteur où les universités ont un rôle prépondérant à jouer, c'est celui du marché du travail et de l'intégration professionnelle des personnes handicapées. En tant qu'employeurs, les universités ont des responsabilités vis-à-vis de cette problématique. La Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées détermine clairement l'obligation pour les entreprises de 50 employés et plus de préciser un plan d'embauche. Pour répondre à cette demande, le gouvernement du Québec a préparé un plan d'embauche qui s'applique à l'ensemble de ses ministères et organismes. Le plan d'embauche est une mesure incitative dont l'objectif est l'intégration en emploi des personnes handicapées. Il comporte six thèmes: le recrutement, la sélection, l'intégration en emploi, la réintégration en emploi du salarié devenu handicapé sans égard à la cause du handicap, le développement de l'emploi à l'intention des personnes handicapées et, enfin, le développement des capacités à exercer un emploi.

Les universités peuvent être un exemple en matière d'organisation de stages de formation pour les personnes handicapées à leur emploi et en matière d'embauche d'étudiants. Ainsi, le fait d'avoir des travailleurs et travailleuses handicapés è l'emploi des universités peut contribuer à présenter des modèles valorisants pour les étudiants et les étudiantes handicapés, de même que pour les personnes qui, plus tard, auront un rôle dynamique à jouer dans les entreprises. Cela peut leur faire voir que les personnes handicapées peuvent jouer un rôle utile en milieu de travail. Les universités devraient en tenir compte dans la réalisation du plan d'embauche puisqu'elles doivent refléter une société sans discrimination.

Je termine en soulignant l'importance d'une implication des universités en faveur du mouvement d'intégration sociale des personnes handicapées. Nous comptons beaucoup sur chacun des membres ici présents et sur les membres qui pourraient être absents de la commission pour que les travaux de la commission reflètent les préoccupations de l'Office des personnes handicapées du Québec et qu'ils s'inspirent des grands principes de la politique gouvernementale en matière d'intégration sociale des personnes handicapées "À part... égale". Merci, M, le Président, Nous allons répondre dans la mesure du possible aux questions qui peuvent se présenter.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, M. Mercure, d'être venu sensibiliser les membres de cette commission parlementaire à la problématique de la vie des handicapés à l'intérieur du réseau universitaire. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le vice-président, c'est un grand plaisir pour nous de vous rencontrer à l'occasion des travaux de la commission

parlementaire de l'éducation sur les orientations et le financement de nos universités. Le mémoire que vous nous apportez ce soir attire notre attention sur une dimension importante des problèmes de l'accessibilité à l'éducation et des problèmes de la participation des personnes handicapées à la vie communautaire, en particulier dans le secteur que nous abordons à l'occasion de nos travaux, c'est-à-dire celui des institutions universitaires. Il aurait manqué quelque chose à notre perspective si le point de vue que vous apportez n'avait pas été présenté par vous à la lumière de votre expérience et des travaux que vous faites sur les questions relatives aux difficultés et aux aspirations des personnes handicapées. (20 h 30)

Votre mémoire traite de différents volets du problème qui sont tous importants et qui sont complémentaires. Je pense qu'on sent que vous cherchez une approche intégrée sans laquelle toutes les mesures qu'on pourrait prendre pourraient être coûteuses, mais relativement inefficaces. Par conséquent, je voudrais vous assurer que nous allons étudier avec soin les recommandations que vous faites. Il y a toujours certaines limites d'ordre financier qu'il faut indiquer aussi. Nous ne pouvons pas faire tout ce qui est recommandé. Je crois que nous serons conditionnés par les restrictions financières dont nous devons tenir compte dans toute notre action et pas seulement à propos des personnes dont nous parlons actuellement, mais à propos de l'ensemble de l'action que nous devons faire. Vous nous rappelez nos responsabilités de ce côté et nous allons essayer d'être à la hauteur des attentes que vous formulez.

Je voudrais peut-être commencer par vous poser une question au sujet du problème de l'aide financière aux étudiants, surtout s'il s'agit de personnes handicapées. Si j'ai bien compris votre mémoire, vous dites: On a un programme particulier pour les personnes qui souffrent de graves difficultés qui créent des handicaps sérieux pour elles, mais vous aimeriez mieux que toutes les personnes handicapées soient d'abord admissibles au programme régulier et qu'en second lieu, s'il y a des problèmes spéciaux dérivant de leur situation propre, l'on ait un élément additionnel dans le programme pour tenir compte de cette difficulté. J'aimerais que vous nous expliquiez votre position, que vous nous disiez pourquoi vous préférez cette approche et en quoi elle pourrait être meilleure que la politique qui existe actuellement.

M. Mercure: Je voudrais mentionner au départ que toute la politique "À part... égale" est basée sur le fait que nous désirons créer une société sans discrimination, ni privilège. On pourrait dire qu'un programme spécial qui ne fait appel qu'aux bourses spécifiques aux personnes handicapées pourrait être appelé un privilège. Remarquez que les privilèges sont tellement peu présents pour les personnes handicapées que je ne voudrais pas trop insister là-dessus.

Le point principal, c'est qu'il s'agit encore une fois d'un canal particulier auquel les personnes doivent s'astreindre. Autrement dit, il y a une continuité, de toute façon, dans la population handicapée et non handicapée, et l'on pense que les personnes handicapées doivent être considérées d'abord, comme vous le disiez si bien, dans le cadre de la politique régulière, mais cette politique régulière doit tenir compte des besoins spécifiques qui concernent les personnes handicapées.

Disons que la politique actuelle prévoit un certain nombre de handicaps sérieux et prévoit aussi une certaine liste d'équipements spécialisés, alors que nous aimerions que l'approche soit un peu plus ouverte à de nouvelles situations et qu'elle s'adapte au fur et à mesure que les élèves de différentes catégories ont l'accès à l'université. C'est quand même quelque chose d'assez récent et il faut concevoir que de nouvelles clientèles de personnes handicapées iront à l'université. Si c'est dans le cadre d'un programme ouvert où l'on tient compte des besoins individuels, on pense que la politique va s'adapter plus facilement.

M. Ryan: II y a un autre point dans votre présentation qui m'a vivement intéressé, c'est le point qui traite des modifications souhaitables aux programmes de formation qui sont dispensés par les universités soit à l'intention de certaines personnes qui se destinent à des professions plus directement reliées à la santé, soit plus spécialement à des personnes handicapées. J'aimerais que vous précisiez un peu cela. À la lumière de votre expérience, quels sont les secteurs où il y a des besoins de formation plus accentués, par exemple, ceux sur lesquels on devrait davantage mettre l'accent auprès des universités?

M. Mercure: Je vais demander à un de mes collègues, Normand Lucas, de traiter de cette question.

M. Lucas (Normand): D'abord, il faudrait dire qu'il n'y a pas, comme tels, de programmes de formation qui soient vraiment orientés vers les besoins des personnes handicapées. C'est peut-être une des premières revendications que l'on voudrait voir s'accomplir, dans le sens qu'il serait important de mettre l'accent sur des dimensions comme l'adaptation et la réadaptation de la personne handicapée et de voir ces deux volets développés dans le cadre d'un programme de formation où, finalement, les finissants seraient mieux préparés à

répondre aux besoins des personnes.

En deuxième partie, on doit dire que l'on cherche aussi à définir un rôle complémentaire aux programmes qui sont déjà en place dans le sens où il est important de chercher à bien comprendre la problématique de la personne handicapée et d'être en mesure, dans le cadre des services existants, autant au niveau des corporations professionnelles actuelles que dans le cadre des programmes de formation actuels, de chercher à bien comprendre quels sont les besoins de la personne handicapée et, finalement, de définir des modalités de traitement ou de fonctionnement pour que, dans le cadre de l'action professionnelle qui serait exercée par le finissant de l'université, on puisse vraiment tenir compte des besoins.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, M, le vice-président.

M. Mercure: II y a donc, effectivement, deux dimensions: une dimension pour les spécialités qui sont éventuellement des intervenants dans la problématique des personnes handicapées et une autre dimension pour l'ensemble des professionnels qui rendent des services à la population en général.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, M. le vice-président, messieurs, cela nous fait plaisir de vous recevoir à cette commission.

Dans votre mémoire, vous présentez la situation de la personne handicapée comme étudiant dans des universités, parce que c'est ce qui nous concerne. Je sais que vous avez fait les mêmes représentations pour les autres niveaux d'enseignement. Je trouve cela particulièrement important, parce que je pense que tous savent que, parmi les mesures qui ont pour effet d'améliorer la qualité de vie des personnes handicapées, la scolarisation demeure une des plus utiles et des plus efficaces. Dans ce sens, les barrières physiques ou architecturales ou pédagogiques qui ont comme effet de nuire à cette intégration doivent être examinées avec beaucoup de soin.

Il faut reconnaître aussi, bien qu'on ne le dise pas souvent, que la personne handicapée qui est plus scolarisée devient, ou a plus de chance de devenir autonome. Cela demeure un investissement pour la personne comme pour la société. C'est pourquoi j'ai plaisir ici à vous recevoir, à vous entendre.

J'aimerais peut-être que vous m'apportiez quelques éclaircissements sur deux aspects de votre mémoire. Vous parlez de la formation et vous parlez de l'accès à une formation à distance pour les personnes qui ne peuvent se déplacer: "Les personnes handicapées qui ne peuvent se déplacer de chez elles à cause de limitations fonctionnelles trop importantes devraient pouvoir bénéficier elles aussi d'une possibilité de formation adaptée à leurs besoins.".

Vous soulignez le fait que les milieux collégial et universitaire n'aient pas suffisamment adapté leur programmation de cours à distance pour répondre aux besoins de cette clientèle. Est-ce que vous avez déjà fait des représentations devant la Téléuniversité?

M. Mercure: Est-ce que Robert, tu pourrais...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Capistran.

M. Capistran (Robert): Nous avons déjà rencontré à quelques reprises la Téléuniversité. Toutefois, le système n'est pas toujours approprié. Ce n'est pas n'importe qui qui peut suivre un cours à distance, qui peut, de chez lui, à partir de documents et de rencontres avec un animateur, faire lui-même le processus d'apprentissage. Très souvent, cela demande des explications supplémentaires. Si vous avez déjà essayé de faire l'expérience d'un cours par correspondance, c'est assez difficile à suivre. En plus, la Télé-université n'apporte pas nécessairement un diplôme universitaire qui permet d'exercer une profession. C'est une autre difficulté.

Mme Blackburn: Ce que vous demandez irait plus loin que ce qu'offre la Téléuniversité, si je comprends bien. À quoi faites-vous référence? En page 36, cela continue à la page 37, qu'est-ce que cela pourrait vouloir signifier, cet enseignement à distance. Est-ce que c'est l'enseignement individualisé? Si la Télé-université, si l'enseignement à distance n'est pas adéquat comme mode de formation, à quoi pensez-vous? C'est â la fin de la page 36, au début de la page 37.

M. Mercure: Normand, voudrais-tu apporter des précisions sur cette question?

M. Lucas: Je pense que la dernière phrase de la page 37 est assez révélatrice de ce point de vue, là où l'on parle de média substitut. De façon classique, on peut constater que les cours diffusés par la Télé-université ne sont pas traduits en langage gestuel, par exemple, pour les personnes sourdes. On pourrait développer un ensemble de programmes ou un ensemble de cours qui correspondrait bien aux besoins des personnes handicapées, particulièrement des personnes aveugles dont M. Jacques qui est ici ce soir

l'un des représentants.

On pourrait, par exemple, penser à offrir des notes de cours sous la forme braille. C'est une des possibilités. On pourrait encore sous-titrer de façon systématique les cours actuellement diffusés afin de permettre, par exemple, aux personnes sourdes de régler leur problème de communication. C'est le genre de communication auquel on pensait de façon plus spécifique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Blackburn: Je n'avais pas vraiment lu cela. Vous faisiez référence aux "personnes handicapées qui ne peuvent se déplacer de chez elles à cause de limitations fonctionnelles trop importantes".

M. Lucas: D'accord. Dans le cadre des personnes qui ont des limitations fonctionnelles importantes, il faut souvent savoir aussi que ces personnes ont besoin d'appareils spécialisés ou particuliers pour être en mesure de fonctionner dans un environnement normal. Ces appareils sont souvent très spécifiques et difficilement adaptables à des médias normaux comme celui de la Télé-université, par exemple. C'est aussi dans cet esprit qu'est faite la remarque.

M. Mercure: Nous avions aussi une mention à l'intention des personnes alitées qui sont quand même en mesure de faire des études universitaires, mais qui sont alitées, qui peuvent se déplacer uniquement en civière, et pour lesquelles des moyens d'accès autres que le déplacement seraient utiles.

Mme Blackburn: Bien. Une dernière question pour moi; ensuite, je laisserai à ma collègue de Marie-Victorin la possibilité de poursuivre.

Vous parlez de développement de la recherche et de détermination des champs de recherche prioritaires. Vous avez à ce sujet fait une longue réflexion. Avez-vous réussi à intéresser le monde universitaire à ces créneaux de recherche que vous estimez prioritaires?

M. Mercure: M. Lucas.

M. Lucas: II faut dire qu'actuellement la réflexion est en cours à l'office sur le développement des programmes de recherche. Les universités sont des partenaires très importants dans le cadre de ce développement, dans le sens que c'est souvent chez elles qu'on va chercher à identifier les programmes à caractère de recherche fondamentale pour ce qui est, par exemple, de l'intégration de la personne dans son milieu, du développement technologique et aussi des phénomènes d'adaptation et de réadaptation.

C'est dans cet esprit qu'on cherche à définir ce que pourraient être les objectifs, à les affiner et, ensuite, dans une seconde période, à rencontrer les différents intervenants et, soit dit en passant, les universités et les centres de recherche aussi, pour les associer et les intéresser à cette démarche.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Pour mieux situer notre débat ce soir, voudriez-vous nous préciser le mandat de l'office? Je sais que, dans votre mémoire, il n'y a pas beaucoup de chiffres qui démontrent les besoins, surtout au niveau secondaire. Mais pourriez-vous me préciser si vous êtes surtout préoccupés par les besoins des personnes handicapées physiquement ou est-ce que votre mandat est plus large? À l'intérieur de votre mémoire, votre mandat vise les personnes ayant des troubles d'apprentissage. Évidemment, elles ont des besoins similaires à ceux des personnes ayant un handicap physique. (20 h 45)

M. Mercure: Le rôle de l'OPHQ doit s'exercer autant pour les personnes qui ont des handicaps intellectuels ou du psychisme que pour les personnes qui ont une déficience physique ou encore une déficience sensorielle. Cependant, quand on parle de troubles d'apprentissage, il y a autre chose. Il y a des gens qui ont des troubles d'apprentissage par suite de difficultés temporaires et qui ne font pas nécessairement partie de notre clientèle. Les gens de notre clientèle sont des gens qui souffrent d'une déficience et qui ont des limitations fonctionnelles d'une durée assez permanente. Dans les clientèles scolaires, il y a des troubles d'apprentissage qui ne visent pas nécessairement notre clientèle. Je voulais faire cette précision. Dans les recommandations faites à cette commission, il est bien entendu que, lorsqu'on parle d'accès à l'université, la clientèle des personnes ayant une déficience intellectuelle n'est pas directement visée; elle est visée indirectement par les programmes. Comme on l'a mentionné tout à l'heure, on voudrait que les programmes reflètent les besoins de toutes les personnes handicapées. Quand il s'agit d'accessibilité, c'est bien le cas qu'on pense davantage aux personnes ayant des handicaps physiques ou sensoriels.

Mme Dougherty: Très bien. Votre mémoire fait état de nombreux problèmes que rencontrent les personnes handicapées

surtout sur le plan physique lorsqu'elles veulent poursuivre des études postsecondaires. Votre organisme a-t-il l'impression que les universités font trop peu pour faciliter l'accès de ces personnes à ces études? Si oui, y a-t-il un manque de fonds, un manque de volonté, de sensibilisation ou de concertation?

M. Mercure: D'abord, on est convaincu que les universités comme d'autres milieux ne font pas un effort suffisant pour rejoindre notre clientèle. Je dois dire que ce n'est pas nécessairement à cause de mauvaise volonté; directement, ce n'est pas toujours relié à un manque de fonds. II s'agit peut-être de mentalités qui font que les universités sont habituées à avoir des clientèles qui sont directement déjà présentes et habituellement des clientèles qui vont sur le marché du travail, alors que les personnes handicapées, jusqu'à maintenant, ont eu moins accès au marché du travail. Mais c'est une situation qui connaît une évolution rapide. C'est pour cela que dans notre mémoire - je n'en ai pas fait état ce soir - on touche la question des normes d'accès à l'université. On voudrait que ces normes d'accès puissent prendre en considération qu'un certain nombre de personnes handicapées n'ont pas eu la possibilité d'accès à cause d'un manque de stimulation précoce et d'un manque d'adaptation du réseau scolaire. Il y a des exemples très concrets de personnes qui ont des talents pour devenir des musiciens célèbres mais qui n'ont pas les prérequis pour entrer à l'université. Parmi les personnes handicapées, il y a de ces gens qui n'ont pas le bagage de connaissances académiques préalables. On voudrait que les universités pensent à ces gens-là aussi. Je pense que ce ne sont pas toujours les budgets, mais cela peut l'être dans certains cas. C'est pour cela qu'on s'adresse à cette commission. On vaudrait que les recommandations budgétaires tiennent compte de ces dimensions d'accessibilité, de prêts et bourses. On voudrait, par exemple, que les dépenses additionnelles des étudiants qui sont directement reliées au handicap puissent être ajoutées à l'aspect bourse. Si on prévoit que les personnes handicapées seront sur le marché du travail, on voudrait qu'elles soient, comme toutes les autres, considérées dans l'aspect prêt, ce qui n'est pas le cas maintenant. Ce sont des ajustements aux mentalités, ce sont des préoccupations à un développement nouveau de notre clientèle qu'on voudrait bien présents à l'esprit des administrateurs du réseau universitaire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Mercure. Y a-t-il d'autres interventions?

Mme Dougherty: Oui, une dernière question concernant l'adaptation nécessaire du programme postsecondaire. Est-ce que vous pourriez nous citer des exemples, des modèles, hors du Québec peut-être, où les programmes sont mieux adaptés aux besoins des handicapés?

M. Mercure: Personnellement, je ne suis pas directement préparé à répondre à cette question. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre peut citer des exemples. Ayant été président de l'Association canadienne en déficience intellectuelle pendant quelque temps, j'ai eu l'occasion de constater que plusieurs milieux - je ne parle pas particulièrement du milieu universitaire - sont beaucoup plus avancés en ce qui concerne l'adaptation domiciliaire. J'imagine que cette préoccupation peut être véritable pour les domiciles en milieu universitaire. Aujourd'hui, il y a des efforts considérables faits à Toronto pour adapter des domiciles à des personnes qui sont pratiquement incapables de bouger. J'ai visité personnellement des logements de personnes qui contribuent considérablement à notre vie associative et qui sont capables de contribuer à beaucoup de secteurs de notre société mais qui sont handicapées au point que seuls les doigts bougent un peu. Elles arrivent quand même à un degré d'autonomie important quand on adapte leur environnement. Je ne sais pas si d'autres personnes peuvent donner des exemples, particulièrement en milieu universitaire?

Le Président (M, Parent, Sauvé): M.

Lucas.

M. Lucas: À titre de renseignement, j'aimerais vous citer l'Université de Berkeley en Californie qui est un exemple hors pair d'un lieu de très haut savoir totalement accessible aux personnes handicapées qui, d'ailleurs, sont extrêmement actives dans leur milieu et revendicatrices pour ce qui est de la définition de leurs besoins et de l'adaptabilité de leur environnement à leurs besoins spécifiques.

Les étudiants sont répartis dans plusieurs facultés. On en rencontre un peu partout. C'est un milieu vraiment actif à ce point de vue-là. Ce que je peux vous raconter, c'est une expérience personnelle. À ma connaissance, il n'y a effectivement pas de relevé qui ait été fait de façon systématique sur l'environnement. Je pourrais au moins vous citer ce cas-là qui est tout à fait exceptionnel, je pense, du point de vue de la qualité de vie de la personne handicapée.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Lucas. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: M. le Président, ma question est beaucoup plus proche de nous.

Compte tenu des services d'accueil et de référence qui se donnent actuellement dans des établissements postsecondaires, pourriez-vous nous décrire un peu l'expérience? Serait-il possible que cette expérience soit reproduite dans le milieu universitaire?

M. Mercure: Les expériences d'accueil dans les collèges, par exemple?

Mme Vermette: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

D'abord, est-ce que vous en connaissez? Il y a eu un effort, réellement.

M. Mercure: On n'est pas arrivé à une connaissance directe de ces questions-là, sauf qu'on sait que des collèges sont, mieux équipés que d'autres.

M. Capistran: II existe deux collèges spécialisés pour certains types de déficience. Nécessairement, ils ont pu mettre en place des services d'accueil beaucoup mieux que des universités dispersées. Généralement, ces services d'accueil vont impliquer beaucoup d'autres étudiants. Ce seront des associations d'étudiants qui vont recevoir d'autres étudiants handicapés et qui vont les aider aussi durant leurs études. Il est peu probable que tout ce dont une personne handicapée peut avoir besoin dans un cours universitaire l'université puisse Je lui fournir entièrement. Généralement, il y a le soutien des autres compagnons et compagnes qui vont aider, par exemple, à la lecture de certains textes, à prendre des notes. À ce moment, i! est assez impartant qu'il y ait des étudiants qui aient un service d'entraide.

Cela existe dans certains cégeps, surtout dans des cégeps qui sont spécialisés pour recevoir les personnes handicapées.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez dire que jusqu'à maintenant, par l'expérience que vous avez connue au niveau des collèges, l'encadrement était beaucoup plus de l'encadrement humain que de l'encadrement matériel, que de l'accueil matériel.

M. Mercure: M. Marius Jacques voudrait peut-être compléter la réponse.

M. Jacques (Marius): Pour avoir passé par l'université, il y a trois ans maintenant, je peux vous dire qu'au début il y a une grosse démystification à faire parce qu'on n'est quand même pas beaucoup de personnes handicapées qui fréquentent les universités. Et moi, pour avoir passé par l'Université Laval, lorsqu'on réussit à faire comprendre et à la direction... D'abord, l'accueil; je pense que du côté de l'accueil on est très bien reçu dans les universités. On tente beaucoup de nous aider. Souvent, c'est qu'on ne sait pas trop comment faire. Même si ce sont des écoles de haut savoir, je pense que la réadaptation cela commence là où, justement, le savoir de certains finit.

Moi, mon expérience à l'université m'a permis, justement, d'apporter à l'université des commentaires. Entre autres, je me souviens que, quand j'allais à la bibliothèque, évidemment, je ne pouvais pas lire les livres comme les autres, mais, s'il y avait eu une télévisionneuse à la bibliothèque, j'aurais pu le faire. En m'adressant à l'Association des anciens de Laval, j'ai réussi à leur faire investir 10 000 $ pour équiper la bibliothèque d'une télévisionneuse, d'un magnétophone, etc. Je pense que, même avec les anciens, cela a été aussi pour eux une espèce de démystification. Il ne faudrait pas qu'on se fie uniquement sur le gouvernement pour faire cela ou sur les universités. Je pense aussi que ce sont les personnes handicapées elles-mêmes qui doivent faire ce travail. Cela fait partie de l'intégration sociale. Quand on parle de vouloir être intégré, moi, j'étais quand même vice-président de ma classe à l'université, je disais aux gens: Écoutez, il y a une affaire. Je pense que tout le monde ici on ne sait pas trop où on va quand on nomme un vice-président qui ne voit pas clair!

Je pense que les problèmes se posent surtout en ces termes. Je pense que ce n'est pas de la mauvaise foi ni de la mauvaise volonté. C'est l'habitude qu'on n'a pas parce que, vous savez, autrefois, on campait les personnes handicapées et, moins on faisait de bruit, mieux c'était. Les gens nous voient arriver à l'université et cela les surprend.

Je me permettrai de terminer avec une petite anecdote. Un soir je suivais un cours, je me souviendrai toujours du professeur qui était une dame qui vint me trouver à la pause-café en me disant: Coudon, comprenez-vous'' J'ai dit: J'entends et je comprends. Je n'ai pas trop de problèmes au cerveau. C'est avec les yeux que j'ai des problèmes. Je dis: Attendez les examens. Justement, quand est arrivé le jour des examens, j'ai été obligé, moi aussi, de faire composer l'université, dans le sens que je ne pouvais pas passer mes examens dans la même classe que les autres. Je me suis organisé pour que l'université envoie mes questionnaires au Centre Louis-Hébert et je me suis organisé aussi pour qu'on me consente une période de temps plus longue parce que je ne pouvais pas exécuter les mêmes travaux dans la même période de temps que les élèves dits normaux. Finalement, j'ai traversé toute ma période universitaire sans aucun problème. Je pense que les professeurs en ont appris autant que moi à travailler avec des personnes handicapées.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci,

M. Jacques, de votre témoignage. Madame. (21 heures)

Mme Vermette: J'aurais une dernière question à vous poser: Qu'en est-il, actuellement, de l'évaluation que vous faites de la situation des barrières architecturales dans le milieu universitaire? Est-ce que cela répond réellement aux besoins des personnes handicapées? Est-ce qu'on fait vraiment une évaluation? Vous êtes habitués de faire des plans de services. Est-ce qu'on fait vraiment des évaluations à partir de vos plans de services?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Mercure.

M. Mercure: On n'a pas fait une évaluation exhaustive des bâtisses universitaires. Cependant, on s'est fait dire aà plusieurs reprises que, dans bien des milieux, à l'université, les bâtisses elles-mêmes étaient accessibles, mais certains laboratoires ou certaines salles de cours ne l'étaient pas. Cela rend difficile l'accès à tous les programmes de l'université. Je ne sais pas si Robert veut ajouter quelque chose.

M. Capistran: II y a aussi tout le problème de la signalisation, principalement pour les gens qui ont une déficience visuelle, mais, le plan de services, c'est le plan d'une personne. Généralement, cela ne fait pas tellement référence à l'accessibilité des édifices publics. L'office ne fait pas de plan de services pour l'accessibilité des édifices publics; il devrait y avoir une loi et des règlements à ce sujet.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie. Une dernière intervention de la part de la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président et messieurs, au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier pour votre contribution aux travaux de cette commission. Bien qu'étant assez sensibilisée à votre situation, pour avoir eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, je dois dire qu'il n'est pas certain qu'on aurait pensé à cette clientèle particulière si vous n'étiez pas venus nous présenter vos demandes ou faire état des problèmes que posait, pour les personnes handicapées, la fréquentation des maisons d'enseignement.

Alors, votre contribution aux travaux de cette commission aura été pour nous fort utile et très enrichissante. Évidemment -sûrement que le ministre ne manquera pas de le rappeler - certaines mesures ou certaines recommandations contenues dans votre rapport exigent des investissements, sinon majeurs du moins assez importants dans certains cas. Je pense particulièrement aux barrières physiques dans certains établissements. On sait que c'est relativement eoûteux.

Par ailleurs, j'estime que les montants d'argent qu'on place ou qu'on investit dans l'accès à l'enseignement supérieur pour les personnes handicapées et en éducation de façon générale, c'est un investissement et non pas des dépenses. Alors, je vous remercie de votre participation; vous nous avez rendu un service qu'aucun autre organisme ne pouvait nous rendre, en l'occurrence.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant le député d'Argenteuil, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je me permettrai seulement, M. le Président, de rappeler à ma collègue, la députée de Chicoutimi, qu'un investissement se solde aussi par des dépenses. On a tendance à faire des distinctions faciles entre dépenses et investissement. Un investissement, c'est une dépense qu'on reporte sur une période plus longue, mais qui doit se solder, chaque année, par des déboursés concrets aussi. On ne peut pas, sur toute la ligne, toujours reporter les choses à plus tard. À un moment donné, on décide de les comptabiliser plus vite pour avoir une meilleure idée des obligations qu'on contracte aussi. Je conviens qu'il y a une distinction entre les deux.

J'étais aux états généraux sur l'éducation, en avril dernier. Je me souviens que le président de l'Association des enseignants protestants du Québec, qui est un de mes bons amis, avait eu un succès de foule avec cette distinction. Mme Blackburn s'en souvient probablement, c'est-à-dire Mme la députée de Chicoutimi. Je lui avais dit après: Je pense que ta distinction est brillante, mais elle ne nous avance pas beaucoup dans la solution du problème.

Ceci dit, je voudrais féliciter d'abord M. Plante de l'expérience qu'il a faite, qui est une leçon pour nous tous. Je le félicite bien cordialement. Est-ce que je pourrais vous demander dans quelle discipline vous avez étudié, M. Plante?

M. Jacques: Marius Jacques. M. Ryan: Pardon. M. Jacques.

M. Jacques: J'ai étudié en relations publiques et en administration.

M. Ryan: Magnifique! Je vous félicite. Je pense que vous nous avez dit des choses très intéressantes sur la manière dont les services et le contexte général de l'université peuvent être adaptés aux besoins des personnes handicapées sans que cela

entraîne nécessairement et automatiquement des déboursés pour les autorités publiques. Vous avez montré comment a l'Université Laval, par l'initiative des diplômés de l'université, si j'ai bien compris, vous aviez réussi à obtenir des améliorations très importantes en matière d'instruments dont vous aviez absolument besoin pour la lecture de textes, par exemple, et pour le travail que vous aviez à faire. C'est formidable et c'est une des voies que nos universités devront développer à l'avenir. Elles devront recourir davantage à des ressources qui ne sont pas nécessairement et surtout pas exclusivement celles du gouvernement. De ce point de vue, je pense que vous nous avez apporté un témoignage qui est bien simple, bien direct mais extrêmement intéressant pour nous qui avons la responsabilité de chercher des solutions au problème du financement des universités par la mobilisation de toutes les énergies et de toutes les ressources possibles. C'est une voie qui est modeste à court terme, mais qui, à long terme, peut s'avérer profitable. Je ne veux pas profiter de cela pour éliminer et essayer de faire oublier d'autres responsabilités qui incombent au législateur et au gouvernement. C'est une dimension que vous nous donnez l'occasion de signaler et je l'apprécie vivement.

En terminant, je voudrais vous dire tout le respect que nous inspire le travail que vous accomplissez à l'Office des personnes handicapées du Québec. C'est un travail considérable et nous sommes à pied d'oeuvre encore dans beaucoup d'aspects de ce travail. Je pense que nous devons cheminer ensemble. Ne vous gênez point si, dans le secteur de l'éducation à tous les niveaux, il y a des problèmes que vous jugiez devoir porter à notre attention; faites-le en toute liberté. Nous serons très heureux de vous entendre et de vous dire exactement ce qui peut être fait à court terme, à moyen terme et à long terme également. Merci beaucoup et meilleurs voeux de bon travail à l'Office des personnes handicapées du Québec et à toutes les personnes qui sont ici avec la délégation de l'Office des personnes handicapées du Québec ce soir.

Le Président (M- Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre. Merci beaucoup, messieurs, d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation.

Celle-ci va maintenant ajourner ses travaux à demain matin, 10 heures, alors qu'elle accueillera - on pourra dire que demain est une journée thématique - les gens de la région de Chicoutimi. Elle commencera à 10 heures avec l'Université du Québec à Chicoutimi et un Groupe d'organismes de la région 02. Dans l'après-midi, nous allons accueillir le Syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Chicoutimi suivi de l'Association générale des étudiants de l'Université du Québec à Chicoutimi. Alors, la commission ajourne ses travaux.

(Fin de la séance à 21 h 8)

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