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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 9 octobre 1986 - Vol. 29 N° 24

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux, toujours à l'intérieur du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale le 19 juin dernier de procéder à une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Ce matin, la commission accueille le Comité national des jeunes du Parti québécois dont la porte-parole est Mme Isabelle Courville. Bonjour, Mme Courville.

Mme Courville (Isabelle): Bonjour.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Au nom des membres de cette commission, je veux vous remercier d'avoir accepté notre invitation de venir dialoguer avec nous et de nous exposer votre pensée sur la problématique de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois.

Je dois aussi vous dire qu'en tant que politicien - même si je préside, je suis toujours un politicien - je suis très heureux de voir que des groupes de jeunes, de différents partis politiques, de différents groupements universitaires, de différents mouvements de travailleurs, se sont donné la peine de venir dialoguer et échanger avec nous de façon à nous aider à mieux trouver des solutions pour améliorer ce réseau universitaire québécois tant sous l'angle de son orientation que sous celui de son financement.

Mme Courville, la commission a prévu une heure d'échanges avec vous. Normalement, on aurait dû commencer à 10 heures. Il est présentement 10 h 5; c'est donc dire que nous irons jusqu'à 11 h 5 environ. Il y a eu entente avec notre secrétaire de façon qu'une période de 15 à 20 minutes soit réservée pour la présentation du mémoire, lequel, entre parenthèses, a été bien lu par les membres de la commission. Ensuite, le reste du temps sera réparti à parts égales entre les deux formations politiques, de telle sorte que, vers 10 h 55, il restera dix minutes. J'inviterai à ce moment-là te porte-parole de l'Opposition à conclure au nom de sa formation politique et je ferai de même au nom du porte-parole du parti ministériel.

Mme Courville, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent. Oui?

M. Jolivet: Juste un instant! II y a des remplacements.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. J'y verrai avant d'ouvrir le débat. Mme Courville, vous pourrez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner ensuite.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Rochefort (Gouin) remplace M. Charbonneau (Verchères).

M. Jolivet: Et nous demanderons la permission afin que le chef de l'Opposition puisse prendre la parole.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le porte-parole de l'Opposition, il me fait plaisir d'accueillir le chef de l'Opposition à cette commission parlementaire et de vous assurer qu'il aura certainement toute la latitude possible pour intervenir à l'intérieur de la période qui vous est réservée. M. le chef de l'Opposition, nous vous saluons. Mme Courville, nous vous écoutons.

Comité national des jeunes du Parti québécois

Mme Courville: Bonjour. Je vous présente, en premier lieu, Hélène Chartier, à ma gauche, qui est directrice de notre journal au sein du comité des jeunes et qui a préparé le mémoire que vous avez entre les mains et à ma droite, M. Stéphane Le Bouyennec, notre coordonnateur général.

M. le Président, M. le ministre, Mme la critique de l'Opposition, MM. et Mmes les députés, bonjour. Le Comité national des jeunes du Parti québécois est fier, aujourd'hui, de vous présenter son mémoire qu'il a préparé dans le cadre de cette commission. S'il est évident que les universités subissent une crise de financement, il est tout aussi évident qu'elles en subissent une de légitimité aussi importante. Les Québécois sont moins enclins à participer financièrement au développement de nos universités. Les jeunes hésitent à investir

dans une formation qui ne garantit pas l'emploi. Le gouvernement a du mal à justifier l'octroi de crédita supplémentaires dans le réseau universitaire en regard des autres préoccupations qui l'accaparent. Les entreprises remettent en question la formation des diplômés, la gestion des universités et, par conséquent, négligent depuis longtemps de participer financièrement au développement de nos universités.,

Une réforme des universités est donc nécessaire. Cette réforme nécessitera peut-être l'addition de fonds supplémentaires dans le réseau universitaire, mais, en premier lieu, il est essentiel de tenter de cerner les facteurs qui freinent l'évolution de notre réseau universitaire: le manque de concertation entre l'entreprise et l'université, la déficience de la gestion, le non-renouvellement du corps professoral et les conditions d'études des étudiants. Ces facteurs sont, en fait, à la fois les conséquences et les causes du financement inadéquat de nos universités.

Pour le Comité national des jeunes du Parti québécois, l'accessibilité aux études universitaires et la qualité de la formation ont été et doivent demeurer des priorités nationales. Il faut rappeler qu'au Québec un effort important de rattrapage a débuté dans les années soixante et qu'il doit se poursuivre. Aujourd'hui encore, 7 % de la population de plus de 15 ans possèdent un diplôme universitaire, tandis qu'en Ontario 9 % de la population en possèdent un.

Alors que plusieurs intervenants croient que l'augmentation des frais de scolarité constitue la solution unique et privilégié au problème du financement des universités, nous croyons plutôt qu'une telle hausse serait contraire aux objectifs de scolarisation que le Québec doit se donner. Nous sommes convaincus que l'abolition des frais de scolarité et leur remplacement par un impôt universitaire est le seul moyen de s'assurer une participation financière adéquate des diplômés.

La participation des usagers est essentielle, selon nous, pour assurer un financement adéquat de nos universités. De plus, il est juste et équitable que ceux qui profiteront d'une bonne formation permettent aux générations futures d'accéder au système universitaire également. Cependant, il faut convenir que le temps des études n'est pas celui de la prospérité et qu'il est illusoire d'espérer faire du peuple du Québec un peuple plus scolarisé si on adopte des mesures désincitatives.

Dans le mémoire que nous vous présentons, nous traçons les orientations d'une réforme que nous jugeons prioritaire. Une partie de nos recommandations s'attarde à augmenter l'efficacité des moyens que nous avons déjà. Comment faire mieux avec ce que l'on a? L'autre série de recommandations propose des solutions pour augmenter les revenus des universités, entre autres, par la diversification de nos sources de revenus. Bien que nous n'ayons guère la prétention de vouloir tout résoudre par une série de recommandations, nous croyons sincèrement qu'il est possible de contribuer à l'amélioration de notre système universitaire actuel et de faire en sorte que le plus grand nombre possible de jeunes puissent y accéder.

Mme Chartier (Hélène): Puisque nous constatons que la situation financière des universités est en crise, nous jugeons qu'il est prioritaire de s'attarder à la gestion des ressources. Ainsi, nous croyons qu'il est temps de prendre des mesures afin d'augmenter le rendement des universités tant au niveau quantitatif que qualitatif et ce, avec les moyens dont elles disposent. Ces mesures concernent la gestion des ressources financières, mais aussi le rendement du corps professoral et administratif, ainsi que l'adéquation des études au marché du travail.

Dans ces trois volets, nous avons libellé plusieurs recommandations dont nous aimerions vous entretenir. Le premier volet concerne l'assainissement de la gestion des ressources. Comme dans toute entreprise bien gérée, les états financiers doivent être mis à la disposition des actionnaires. Dans les universités, les actionnaires sont, en fait, la population qui finance celles-ci à 85 % par le biais d'impôts. Nous proposons donc qu'un accès à I'information concernant la gestion soit exigé et que les systèmes comptables soient standardisés afin que le gouvernement puisse en comparer les performances. Si une transparence de l'information doit exister, elle ne s'avère utile que si elle peut être comparée à d'autres sources d'information. Or, il est reconnu que les systèmes comptables divergent d'une université à l'autre.

Nous croyons donc qu'il est primordial d'instaurer des principes de gestion qui soient uniformes. Une fois cette démarche accomplie, l'établissement de critères de rendement devrait aussi être mis en place. Dans cette optique, nous proposons que des critères de rendement et de performance des administrateurs soient établis en vertu du principe de l'imputabilité. À l'aide de ces critères de rendement, le gouvernement devrait pouvoir agir lorsqu'une situation de mauvaise gestion est identifiée. En effet, on ne peut être exigeant dans certains domaines et permettre un certain laxisme dans d'autres. Nous proposons donc que, tout en préservant le principe de l'autonomie universitaire, le gouvernement intervienne lorsqu'une situation critique de mauvaise gestion le justifie.

Tout en nous dotant de mécanismes d'évaluation de la gestion, il est essentiel de procéder à une optimisation du réseau

universitaire. Conscients de l'importance des universités en régions, nous limiterions volontairement cette optimisation aux universités de l'île de Montréal. Par le fait même, nous proposons qu'une étude sérieuse visant l'optimisation du réseau soit entreprise par le gouvernement en collaboration avec la conférence des recteurs, la FAPUQ et les organisations étudiantes.

Enfin, nous croyons qu'il est essentiel de différencier les émissions prioritaires des services purement auxiliaires et de favoriser l'autofinancement de ces derniers. Nous proposons donc que les universités se départissent des responsabilités coûteuses qu'elles ont contractées dans les domaines des services auxiliaires au profit de compagnies privées ou, préférablement, d'organisations étudiantes.

Pour parler maintenant du deuxième volet concernant l'adéquation des études au marché du travail, nous croyons qu'il est nécessaire d'agir en ce sens afin de contrer la dévalorisation du diplôme universitaire sur le marché du travail. Cette mesure permettrait, dans un deuxième temps, de revaloriser les étudiants qui pourront se sentir utiles à travers leur formation. À l'heure actuelle, les CESC mis de l'avant par le RAEU permettent d'accomplir cette mission. Nous croyons cependant essentiel de faire plus.

Nous pensons que l'intégration de stages en milieu de travail dans les programmes permettrait une atteinte plus uniforme de cet objectif. Ainsi, l'université, en se rapprochant de la communauté, pourra enfin rendre à la population les services qu'elle lui doit. Nous proposons donc, pour permettre aux étudiants de mieux arrimer théorie et pratique tout au long de leur formation, de mettre sur pied des systèmes favorisant l'intégration de l'étudiant à son futur milieu de travail et ce à travers les programmes d'enseignement actuels.

Dans un dernier temps, nous croyons essentiel de permettre l'obtention d'un meilleur rendement du corps professoral par l'élaboration d'un système d'évaluation continue. Nous ne remettons nullement en doute la nécessité de la permanence des professeurs puisque nous sommes pour la liberté d'expression. Nous proposons, néanmoins, que l'évaluation formative du rendement des enseignants se fasse de manière continue tout au long de la carrière par les pairs, l'administration et les étudiants, et que cette évaluation soit jumelée à des critères de performance minimums connus et devant être respectés par les personnes concernées, même après l'obtention de la permanence.

De plus, il est proposé qu'un système d'attribution de contrats à terme puisse être institué dont les enveloppes salariales ne soient pas assujetties aux normes syndicales ou institutionnelles afin de permettre à nos facultés de relancer la recherche là où la situation l'exige. Finalement, pour pallier au problème crucial du vieillissement du corps professoral, nous proposons que la retraite automatique à 65 ans soit rétablie et qu'après cet âge les professeurs émérites se voient offrir des contrats de prolongation renouvelables tous les deux ans.

M. Le Bouyennec (Stéphane): Passons plus directement aux sources et aux mécanismes de financement. Pour le comité national, il est clair qu'investir dans l'université, c'est rentable. Cela est vrai autant pour l'étudiant que cela peut l'être pour le gouvernement. Les sommes injectées dans notre réseau doivent donc être considérées comme un investissement et non comme une dépense réelle. Finalement, selon des études qui ont été produites à l'Université de Montréal et que nous déposons, la rentabilité de l'investissement des sommes injectées dans le réseau universitaire peut se situer entre 10 % pour l'investissement public et 16 % pour l'investissement privé, c'est-à-dire ce que l'individu retire ou alors, dans le cas d'études un peu plus généreuses, ces taux sont de 13 % et 22 % respectivement. Je cite ici l'étude de Jean-Michel Cousineau et de François Vaillancourt, de l'École des relations industrielles de l'Université de Montréal: "L'investissement en formation universitaire. Les disparités régionales de revenus. Le développement régional". Une autre étude du même ordre, cette fois de Vaillancourt et Henriquez, "The Returns to University Schooling in Canada", donne les chiffres qui sont les plus désavantageux. S'il est établi par ces études que le niveau de scolarisation a un impact direct sur les revenus et, donc, sur le produit intérieur brut, il est évident pour nous que l'ensembte de la société québécoise et canadienne devra se rendre compte qu'il faut, à partir de maintenant, considérer les sommes investies dans les universités comme de véritables placements. Cette évidence, cependant, ne semble pas être acceptée par l'ensemble de l'entreprise privée, particulièrement au Québec. Elle assume, cette entreprise privée, que les impôts qu'elle paie sont suffisants pour que l'université puisse avoir sa juste part de ces sommes d'argent. Certains chiffres indiquent qu'au Québec les autres sources - c'est-à-dire d'autres sources que les frais de scolarité ou les subventions gouvernementales - donnent 51 000 000 $ au Québec et 118 000 000 $ à l'Ontario. Cela est tiré du cahier du MEQ pour la défense des crédits de 1984-1985.

D'autres chiffres, cependant, sont encore plus révélateurs à ce chapitre. Dans le document "Réflexions sur l'avenir de l'université au Québec", avec des chiffres

tirés de Statistique Canada, document qui avait été présenté par un groupe indépendant à la conférence des recteurs, certains tableaux indiquent les principales sources, en pourcentage, des dépenses courantes. Ces tableaux indiquent qu'au Québec, en 192Q, l'entreprise ou les autres sources investissaient 56 % des dépenses courantes des universités. Ce taux est tombé à 3 % en 1979. En Ontario, par contre, il est passé de 18 % en 1920 à 9 % en 1979. Notons qu'ici l'entreprise privée investit, en proportion, 18 fois moins qu'elle n'investissait en 1920, alors qu'en Ontario, ce n'est qu'un facteur de 2 %. L'on compare souvent ce que les étudiants québécois paient par rapport à ce que les étudiants ontariens paient, mais nous devrions aussi considérer, finalement, ce que les entreprises donnent en Ontario ou aux États-Unis et ce que les entreprises québécoises donnent au Québec.

En ce qui concerne les frais de scolarité, la part des étudiants au Québec est passée de 28 % à tout près 9 % en 1979, soit trois fois moins, alors qu'en Ontario elle passait de 22 % à 13 %, soit deux fois moins. C'est donc à peu près une relation qui semble être équivalente. Aux États-Unis, rappelions que ce qu'on appelle les autres sources ne financent pas simplement les universités privées. Elles les financent pour une proportion d'environ 24 %, alors qu'elles financent le réseau public d'universités américaines pour une proportion d'environ 22 %. L'entreprise privée, selon nous, peut donc faire plus au Québec. Évidemment, il y a plusieurs facteurs qui pourraient nous faire considérer qu'elle n'est pas en mesure de réaliser ces apports nouveaux, mais je pense que des efforts doivent être tentés à ce chapitre. Nous recommandons donc que, pour contribuer à augmenter la part des revenus externes à l'université, soient implantés de forts incitatifs fiscaux favorisant l'investissement des citoyens et des entreprises dans notre réseau universitaire.

Maintenant que nous avons vu le côté de la participation des entreprises, nous parlerons de la participation financière des usagers, ce que d'autres appelleraient Les étudiants. Nous avons déjà dit qu'il est essentiel de maintenir l'accessibilité. Nous pensons également que, par exemple, doubler les frais de scolarité n'est pas nécessairement une mesure très efficace si l'on veut réellement augmenter la quantité des sources de revenu de financement des universités québécoises. Si nous devons faire des ajustements en rapport avec les prêts et bourses, nous nous trouvons à prélever 2 $ environ pour en remettre 1 $ seulement aux universités. C'est un prélèvement qui se veut donc relativement inefficace, ce qui vient contrer notre proposition sur l'impôt universitaire. D'un autre côté, à ce jour, aucune preuve scientifique ne nous a démontré qu'une hausse importante des frais de scolarité ne nuirait pas à l'accessibilité. Selon nous, le seul début de preuve scientifique a été le sondage réalisé par la FAECUM qui indiquait qu'une bonne part des étudiants finirait soit par abandonner complètement leurs études ou se retrouver aux études à temps partiel si on devait doubler les frais de scolarité.

Je pense que le simple bon sens au niveau de la loi du marché nous indique que, lorsqu'on double le prix d'un produit, cela a un effet direct sur les ventes. Nous l'avons vu dans le cas, par exemple, de la Société des alcools. Il est donc très dangereux, selon nous, de penser à doubler directement les frais de scolarité sans démontrer, par ailleurs, que cela n'aura pas d'effet sur l'accessibilité. La recommandation 11 nous dit donc: Qu'il y ait abolition des frais de scolarité et remplacement par un impôt proportionnel au revenu qui soit fixé à 1,5 % pendant une période de dix ans après l'obtention du dernier diplôme universitaire consécutif.

Mais en regard de ces sources de financement, que l'on pense aux compagnies ou que l'on pense aux étudiants, il y a un autre aspect que nous devons regarder - je pense qu'il a peut-être été un peu négligé ces derniers temps dans les travaux de cette commission ou de ce que nous avons pu lire dans les journaux - à savoir les transferts fédéraux. D'ici à 1992, c'est plus de 2 000 000 000 $ que le Québec perdra au chapitre de la péréquation. Les trois conseils subventionnaires du fédéral fournissaient, en 1982-1983, 47,3 % de toute la recherche commanditée et subventionnée au Québec. En 1984-1985, les transferts fédéraux représentaient 646 000 000 $, soit 62,80 % du budget de l'enseignement universitaire. D'après le bill C-96, qui va certainement être adopté, les sommes investies dans l'université ne croissent plus au même taux que le produit national brut.

Nous croyons que cette attitude du gouvernement fédéral est extrêmement dangereuse et que, finalement, c'est un mauvais calcul. 5i nous tenons pour acquis qu'investir dans l'université a un impact direct sur le produit national brut, nous trouvons que, finalement, les investissements du gouvernement fédéral devraient croître au même rythme que le produit national brut. Si l'on regarde, par exemple, ce qui se dépense en recherche et développement au niveau canadien, seulement 1 % environ du produit national brut, alors que c'est plus de 2 % dans les autres sociétés industrielles, nous pouvons considérer que le gouvernement fédéral a donc des efforts à faire. Bien sûr, l'intention de diminuer le budget est une intention louable. Seulement, on peut se poser la question: Lorsque le gouvernement

fédéral est prêt à investir 2 OO0 OOO 000 $ pour sauver les banques de l'Ouest d'une faillite ou lorsque le gouvernement fédéral est prêt à investir jusqu'à 1 000 000 000 $ pour soutenir le dollar canadien, nous croyons, pour notre part, que c'est un mauvais calcul et qu'il faudrait peut-être quelques centaines de millions - en regard de ces chiffres, ce n'est peut-être pas exorbitant - pour relancer le système universitaire québécois et peut-être aussi penser à celui des autres provinces où, à plusieurs endroits quand même, il y a des lacunes.

Une fois que nous avons cette source de financement, il faut savoir comment distribuer ces sommes. Encore là, il appartient au gouvernement du Québec d'agir. D'ailleurs, si la population en général et les différents groupes croyaient que le gouvernement du Québec n'a pas sa place dans ce débat, il n'y aurait pas eu plus de 100 groupes qui auraient déposé des mémoires en commission parlementaire. Encore une fois, le gouvernement du Québec doit intervenir en modifiant directement le mécanisme de financement des universités.

Le financement des clientèles par coût disciplinaire moyen est donc à réévaluer. Nous proposons trois articles pour modifier les mécanismes de financement que nous connaissons actuellement. D'abord, que le mode de financement EETC soit réévalué en fonction d'un mode de financement qui tienne davantage compte des véritables coûts disciplinaires engendrés par la spécificité de certaines universités. Recommandation 8: Que le mode de financement dit "unités de revenu de base" soit étudié comme amélioration du mode de financement actuel et qu'on envisage un mode de financement permettant des bonifications pour les services relevant des missions jugées prioritaires. La troisième recommandation à ce chapitre: Que le financement des missions secondaires des universités - on entend ici les services auxiliaires - se fasse sur une base différenciée des missions premières et incite à l'autofinancement des services reliés à ces missions.

Dans tous ces domaines, dans nos propositions sur l'impôt universitaire, dans nos propositions sur ce que le gouvernement du Québec devrait faire au niveau du fédéral, nous proposons que, dans ses demandes, le gouvernement du Québec fasse preuve de fermeté à l'endroit de l'homologue fédéral quant à l'importance du maintien du niveau des transferts, mais aussi quant aux modifications des règles ne permettant pas le financement des frais indirects de recherche.

Le mode d'attribution du système fédéral crée de l'inéquité, de la disparité régionale et est relativement inefficace. Le gouvernement du Québec devra donc réagir vigoureusement aux nouvelles politiques du gouvernement fédéral.

Encore une fois, le gouvernement du Québec devra agir. Le gouvernement du Québec devra agir éventuellement pour l'implantation de l'impôt universitaire, le gouvernement du Québec devra agir pour modifier les mécanismes de financement de nos universités.

Mme Courville: Au terme de cette deuxième commission parlementaire sur le financement des universités, nous sommes convaincus, au Comité national des jeunes du Parti québécois, qu'il est temps de se fixer des objectifs et surtout d'agir. C'est pourquoi nous recommandons la nomination d'un ministre délégué à la réforme et au financement des universités.

Pour le comité des jeunes, la résolution de la crise universitaire nécessite que le gouvernement définisse des objectifs, sinon, la situation va continuer de se détériorer et nous régresserons dans nos objectifs de démocratisation et d'accessibilité des études universitaires.

Nous lançons un appel au gouvernement libéral: Est-il prêt, compte tenu des cris d'alarme des différents intervenants, à procéder avec diligence dans ce dossier comme il a pu le faire dans le cas de la privatisation, mais cette fois-ci de manière éclairée, en tenant compte des avis de l'ensemble des intervenants et avec des objectifs clairs et connus de tous?

Dans la mesure où nous avons affaire à la logique comptable du gouvernement, il ne devrait pas être trop difficile pour M. Robert Bourassa de trouver un ministre délégué non seulement pour assainir la gestion des universités, mais aussi pour passer le chapeau auprès des entreprises qui ne font pas nécessairement leur part au Québec.

Je vous remercie beaucoup. (10 h 30)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme Courville. Je vous rappelle nos règles de procédure qui ont été établies par les deux partis. II nous reste 35 minutes d'échanges de vues avec les députés. Je reconnaîtrai immédiatement le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science; en deuxième lieu, je reconnaîtrai le porte-parole officiel de l'Opposition, un représentant ministériel et j'inviterai le chef de l'Opposition à conclure.

M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer ce matin la délégation du Comité national des jeunes du Parti québécois et de trouver également parmi les députés qui siègent du côté de l'Opposition, le chef de l'Opposition, le député d'Anjou que nous saluons avec plaisir.

II nous fait d'autant plus plaisir de vous rencontrer ce matin que, dans la section du programme du Parti québécois qui traite de l'éducation, il est fort peu question des universités, comme vous le savez. Je pense que la contribution que vous nous apportez ce matin vient ajouter quelques chapitres ou paragraphes potentiels à cette partie du programme qui est, nous dit-on, en voie de révision.

Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les considérations que vous avez apportées ce matin. J'ai noté, entre autres, le souci de rationalisation qui est une dominante de votre mémoire. Vous constatez en bien des endroits que le souci de rationalisation n'a pas toujours été dominant dans les décisions de développement prises par nos universités au cours des dernières années. Vous faites un bon nombre de propositions afin de redresser la situation. Je pense que vous trouverez à cet égard un accueil sympathique autant du côté du gouvernement que du côté de l'Opposition.

Vous avez également des propositions concernant le problème du sous-financement des universités qui méritent d'être examinées avec attention. Je peux vous assurer que les propositions que vous faites à ce sujet seront l'objet d'un examen attentif. Je ne suis pas en mesure ce matin de vous donner des réponses à ces propositions que vous faites. Je vous poserai une couple de questions là-dessus tantôt. Je veux vous assurer que nous apprécions toutes les suggestions qui sont faites au gouvernement afin de trouver des manières plus stables, plus efficaces et plus rationnelles d'assurer le financement de nos institutions universitaires.

Parmi les questions que je voudrais vous adresser, il y en a deux auxquelles je vais me limiter étant donné que le temps dont nous disposons est fort restreint. Tout d'abord, vous dites à la page 24 de votre mémoire: "Une réforme majeure doit être entreprise en ce qui touche l'aménagement de notre réseau universitaire. Vous dites que c'est tellement important "qu'il est essentiel dans un premier temps de procéder à la révision de certaines pratiques établies avant d'admettre un sous-financement." Je pense qu'un exercice comme celui que vous proposez ne peut pas se faire en un an. Cela prendra au moins une couple d'années. Je crois que le processus de la rationalisation plus complète de notre système universitaire s'implantera graduellement.

En attendant, il y a un problème de sous-financement dont l'acuité et l'urgence nous ont été signalées par à peu près tous les intervenants qui sont venus devant la commission. Est-ce que je dois comprendre ce passage de votre mémoire comme signifiant ou devant signifier qu'on entreprendra un effort de rationalisation, on nommera un autre ministre qui devra se familiariser avec les problèmes, on mettra des commissions en marche, des comités etc. et on s'attaquera au problème du sous-financement seulement après cela? Ai-je mal compris ce passage de votre mémoire ou a-t-il dépassé votre pensée?

Mme Courville: Nous croyons qu'une réforme majeure doit être entreprise dans les universités. Le sous-financement des universités est souligné par plusieurs intervenants. D'ailleurs, des solutions plutôt simplistes suivent immédiatement après, comme l'augmentation des frais de scolarité.

Nous disons, en effet, que l'addition de fonds supplémentaires devra être évaluée dans un deuxième temps car dans un premier temps - une série de recommandations dans notre mémoire le démontre, d'ailleurs -plusieurs aspects de la gestion de l'université, entre autres, et de l'attribution des fonds, qu'ils viennent du fédéral, du gouvernement du Québec ou des entreprises, devraient être examinés avant tout simplement d'allouer des fonds aux universités.

En exagérant un peu, on peut dire que c'est comme mettre de l'argent dans une poche percée. Il faut commencer par la réparer. En effet, nous trouverions logique de procéder d'abord à une réparation de ces poches trouées pour qu'après l'argent qui entre entre et profite à tous de façon beaucoup plus voyante et bonne pour le Québec.

M. Ryan: En attendant, je vous donne un exemple. On nous a fait la preuve devant la commission qu'à la Faculté de droit de l'Université de Montréal le budget dont on dispose est à peu près 60 % de celui des facultés de droit dans les autres provinces. À la Faculté de médecine de la même université, on nous a affirmé que le nombre de professeurs permanents dont on dispose est à peu près la moitié de celui dont on dispose à l'Université de Toronto. Est-ce que nous devons dire à ces gens qu'on va attendre que les exercices de rationalisation du futur ministre soient au point pour s'attaquer à ce problème? Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples; j'en ai pris deux au hasard.

M. Le Bouyernnec: Sur cette question, ce qu'il est important de mentionner aussi, c'est le problème de légitimité dans lequel se trouvent les universités. 11 est clair que de telles réformes pourraient peut-être mettre une décennie avant d'être complètement efficaces.

Dans la mesure où il y a une volonté politique réelle du gouvernement du Québec d'introduire une réforme et de lancer cette réforme, nous croyons que les intervenants seraient plus prêts à ce moment à accepter d'injecter des fonds additionnels. Je pense

qu'éventuellement même cela comprend les étudiants. Dans leur position, il n'a jamais été exclus complètement, nécessairement, à tout jamais, qu'il ne puisse pas y avoir de participation additionnelle. Cependant, cela devra se faire une fois qu'on aura tenu compte de tous ces avis au niveau de la gestion. Là-dessus, je pense qu'il y a quand même une unanimité assez importante.

Les étudiants ont déjà participé souvent... Dans le cas, par exemple, du projet des micro-ordinateurs, ils ont accepté de participer indirectement au financement des universités. En général, on fait la vie dure aux étudiants à l'heure actuelle en disant qu'ils ne sont que corporatistes et qu'ils ne veulent pas faire leur part. Je pense que ce n'est pas le message que les étudiants ont tenté de passer. Ce qu'ils ont tenté de dire, c'est qu'il y a encore des efforts de rationalisation à faire. Et nous devons les faire, nous devons les lancer avant de commencer à penser à aller chercher de nouveaux montants d'argent à d'autres niveaux.

M. Ryan: Très bien, M. Le Bouyennec. Je crois vous reconnaître. Vous étiez un des pionniers du mouvement qui a favorisé l'acquisition d'ordinateurs par les étudiants avec la collaboration du gouvernement à l'époque. Je voudrais vous féliciter de cette initiative que vous avez prise, qui a permis de doter de nombreux étudiants d'appareils modernes de travail grâce à l'initiative que vous aviez mise au point.

Une autre question que je voudrais vous adresser. Vous avez un plan de financement. Vous dites: Abolissons les frais de scolarité -en quoi, vous êtes fidèles au programme du Parti québécois - et remplaçons-les par un impôt sur le revenu des futurs diplômés, un impôt sur le revenu qui serait de l'ordre de 1,5 %. Vous avez sans doute fait des calculs pour arriver à des propositions aussi précises. J'ai établi des calculs rapides. J'essaie de voir ce que rapporterait un impôt comme celui-là. Une première année, cela rapporterait autour de 8 000 000 $ et en progressant, année après année, au bout de dix ans, on arriverait à environ 80 000 000 $ ou 82 000 000 $, en supposant un revenu moyen de 20 000 $, comme vous l'établissez.

Actuellement, les frais de scolarité rapportent 80 000 000 $. Cela veut dire qu'on enlèverait cela. Pendant plusieurs années, on aurait beaucoup moins de revenus de cette source. Par conséquent, l'impôt rapporterait petit à petit des sommes qui iraient grandissant, mais quand même pas énormes, inférieures à ce qu'on aurait perdu. Où va-t-on prendre la différence?

Mme Courville: Nos calculs, évidemment on en a fait plusieurs, je vais vous en faire un petit résumé. En effet, la facture des frais de scolarité actuellement est de 77 000 000 $. Notre formule, cependant, s'adresse aux étudiants québécois seulement, c'est-à-dire que de ces 77 000 000 $ on doit retrancher 10 000 000 $ qui correspondent aux frais de scolarité payés par les étudiants étrangers, ceux qui font des diplômes de 1er cycle seulement, etc.

Selon nos calculs, cette facture est complètement récupérée à partir de la quatrième année, en plus du loyer de l'argent de 10 %, c'est-à-dire que notre formule ne coûte pas un sou au gouvernement et que, au bout de quatre ans, quand les anciens étudiants et donc les nouveaux diplômés commencent à payer, ils fourniront dans leurs dix années l'équivalent de ce qu'ils auraient payé au niveau des frais de scolarité payés actuellement.

De plus, cette formule a de nombreux avantages. Qu'on mentionne simplement ceux relatifs à leur condition financière quand ils sont encore aux études. Contrairement, par exemple, au régime des prêts et bourses où on paie, travail ou pas, six mois après l'obtention du diplôme, cette formule permet d'assurer que les gens paieront quand ils seront en mesure de le faire, c'est-à-dire en possession d'un revenu. Quand on paie de l'impôt, on a, évidemment, un bon salaire.

De plus, pour les étudiants gradués des 2e et 3e cycles, nous proposons de leur faire payer la même chose qu'au 1er cycle. En fait, ce qu'on veut dire par là, c'est que notre formule peut permettre au gouvernement d'avoir un levier pour inciter d'une façon particulière à atteindre les objectifs qu'il veut avoir. Par exemple, nous croyons qu'au Québec, actuellement, nous devrions avoir comme objectif de favoriser l'accessibilité aux 2e et 3e cycles. Avec une formule comme celle que nous proposons, nous avons un moyen parfait, c'est-à-dire que les étudiants paient la même chose avec une maîtrise ou un doctorat. De toute façon, c'est prouvé; ces personnes ne gagnent pas tellement plus cher que les autres, mais seulement leurs connaissances profitent à l'ensemble de la société.

Notre mesure permet donc au gouvernement d'avoir un levier pour jouer un peu avec la structure des diplômés, avec ces revenus, plutôt qu'imposer chaque année des montants à des étudiants qui de toute façon empruntent pour payer.

M. Ryan: Pendant les quatre ou cinq années qui vont venir, qu'est-ce qu'on fait?

M. Le Bouyennec: M. le ministre...

M. Ryan: C'est toute la durée du mandat du présent gouvernement, entre parenthèses.

M. Le Bouyennec: Oui. Les calculs sur le 1,5 % ont quand même été faits sur une base actualisée. Ce qu'il faut retirer de ce calcul, c'est que l'on maintient les frais de scolarité, d'une part, pour les étudiants étrangers et, d'autre part, pour les étudiants canadiens inscrits au certificat, inscrits aux cours du soir ou qui complètent une formation pendant qu'ils sont sur le marché du travail. Pour ces clientèles, les frais de scolarité sont maintenus. Selon nos calculs, avec 1,5 %, nous recouvrons même avec un taux d'actualisation de 10 % le manque à gagner pour le gouvernement dans les premières années d'application de ce programme.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Le Bouyennec. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi. Madame.

Mme Blackburn: Merci. Mme Courville et M. Le Bouyennec, il me fait plaisir de vous accueillir ici au nom de l'Opposition. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté de participer aux travaux de cette commission parlementaire. L'engagement des jeunes - j'ai déjà eu l'occasion de le dire et de vous le dire, je pense - est particulièrement important dans tous les domaines. Je dirais qu'il y a un moyen privilégié et c'est vraiment l'engagement politique. Quand les jeunes veulent que leurs revendications dépassent le niveau de la contestation, la meilleure façon c'est bien d'investir les structures politiques. Â cet égard, je pense que le travail que vous avez fait par le passé - et particulièrement ce qu'a réalisé M. Le Bouyennec avec les micro-ordinateurs - et ce que vous faites actuellement a de bonnes chances de se retrouver tantôt dans les politiques du gouvernement ou d'un gouvernement.

C'est pourquoi je pense que la participation des jeunes, quelle que soit l'idéologie et le parti, doit être encouragée. Lorsqu'on prend des engagements à leur endroit, ils doivent être également respectés, sinon c'est toute la démobilisation des jeunes et leur découragement. Le fait qu'on ne respecte pas ces engagements aurait aussi comme effet d'augmenter un peu leur cynisme à l'endroit de la politique et des pouvoirs publics. C'est pourquoi je trouve qu'on n'a pas le droit de prendre à l'endroit des jeunes des engagements qu'on n'entend pas respecter ou qu'on ne pense pas être en mesure de respecter.

On a entendu au cours des quatre dernières semaines de nombreux intervenants. Évidemment, un certain nombre d'avis convergent. Je dirais que, de façon générale, on reconnaît qu'il faut hausser la scolarité des Québécois, accroître l'accessibilité et revoir le niveau de financement. Il y a quelques différences, cependant. Je pense à un mémoire, celui des jeunes du Parti libéral, qui propose le contingentement; mais on pourra toujours leur poser la question quand ils viendront. Pour le reste, je dirais que de façon générale, cela converge vers ces grands objectifs généraux. Les mémoires font la quasi-unanimité. (10 h 45)

Je voudrais juste vous poser quelques questions. On a peu de temps, comme le faisait remarquer tout à l'heure le ministre. Vous parlez beaucoup d'optimisation. Vous proposez un certain nombre de moyens. Vous parlez d'évaluation, vous parlez de fusion des facultés. Qu'est-ce qui distingue votre approche - à un moment donné, on ira également par comparaison - de celle des jeunes du Parti libéral?

Mme Courville: Concernant l'optimisation du réseau, nous devons dire, premièrement, que cette optimisation doit être réalisée surtout à Montréal. Nous pensons que les universités régionales ont également un rôle impartant à jouer qui, au lieu d'être optimisé et rétréci, doit être élargi. Nous pensons, par exemple, à l'implication dans leur milieu, à la spécialisation de ces universités, mais je ne m'étendrai pas sur cela, c'est un tout autre débat.

L'optimisation, nous ne croyons pas que ce doit être fait au niveau des réseaux, nous ne pensons pas que cela doit procéder par des interventions massives de l'État. Cela doit plutôt être une espèce d'exercice presque comptable, c'est-à-dire diminuer les frais fixes, finalement, et gérer les facultés qui grossissent, qui prennent toutes les ressources du milieu sans les multiplier indéfiniment avec des professeurs peut-être moins qualifiés - cela peut exister - des étudiants moins motivés ou des choses comme cela.

On regroupe des facultés à Montréal pour les renforcer, tout simplement. Cela permet d'avoir dans l'ensemble du réseau une transparence internationale pour quelques facultés beaucoup plus fortes.

Mme Blackburn: Brièvement, vous n'avez rien par rapport au contingentement.

Mme Courville: Au sujet du contingentement, dans notre mémoire, en effet, nous ne le proposons pas parce que nous ne sommes pas tellement d'accord; nous sommes plutôt contre le contingentement. On est contre ce qui brime, finalement, la liberté de choix des individus. Nous préférons que cela obéisse à certaines règles du marché. Plutôt que de chercher à placer les

gens dans différentes disciplines, il faudrait peut-être chercher à adapter ces disciplines au marché du travail. Quand on dit: Telle discipline ne fonctionne plus, les étudiants ne se trouvent pas tellement d'emplois, la faute n'est pas totalement à ceux qui ont poursuivi des études ou qui sont à l'université. Je pense que ces disciplines doivent être modifiées pour s'adapter au marché du travail. Il faut donc faire un effort de rationalisation dans ces programmes.

Mme Blackburn: Vous proposez la nomination d'un ministre délégué au financement et à la réforme universitaire. On a vu la réaction du ministre là-dessus, quoiqu'il me semble qu'il avait déjà proposé une formule assez proche au moment où le gouvernement procédait à la division des deux ministères, celui de l'Enseignement supérieur et de la Science et celui de l'Education. Il me semble qu'il avait une formule se rapprochant un peu de celle que vous proposez. Pourriez-vous nous parler de cette formule et des avantages que vous y voyez?

M. Le Bouyennec: II est exact que nous avons tenté de faire une proposition qui pouvait paraître acceptable aux yeux du ministre, même si nous pensons qu'il est un peu regrettable, finalement, que la séparation qu'il y ait entre Éducation, Enseignement supérieure, Science et Technologie n'ait pas été maintenue par le gouvernement actuel dans le sens où, en ce moment, la Technologie tombe un peu entre deux chaises.

Cependant, le ministre a déjà indiqué, dans un discours lors de l'adoption de cette loi, qu'il préférait, finalement, prendre comme exemple la France et la Grande-Bretagne où il y avait un superministre, qui était éventuellement un ministre de l'Éducation, et des ministres d'État qui, moyennant une délégation du superministre, pouvaient agir et effectuer certains travaux, par exemple, au niveau de l'enseignement supérieur ou des cycles inférieurs. Il était question des ministres d'État du régime français et des secrétaires d'État du régime britannique.

Mme Blackburn: Je m'inquiète toujours du temps. Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne sais pas, je n'en suis pas le gardien, je ne fais que communiquer avec vous.

Mme Blackburn: Cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez- y.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous nous avez parlé du chômage étudiant et cela m'a frappée. Quand on parle des frais de scolarité, on a tendance, dans cette salle. à nous rappeler constamment les comparaisons entre l'Ontario et le Québec pour justifier qu'une hausse des frais de scolarité n'aurait pas nécessairement d'effet sur l'accessibilité. On sait qu'il y a des situations qui ne se comparent pas et, si on les compare, cela nous permet de voir les différences, particulièrement celle du chômage étudiant. Vous avez des données à l'appui, si je me souviens, dans votre mémoire. Pourriez-vous nous en parler un peu, de même que de la situation économique des étudiants?

Mme Chartier: La situation économique des étudiants est effectivement, durant la période d'études, très malsaine, finalement. Les étudiants ont très peu de fonds pour vivre, ils sont généralement en dessous du seuil de la pauvreté et doivent vivre avec plusieurs personnes dans des appartements partagés. C'est pourquoi nous proposons le principe de l'impôt étudiant payé par les diplômés, une fois qu'ils ont des revenus.

Pour ce qui est du chômage des diplômés - je crois que c'est à cet égard que vous posez la question - c'est effectivement une rumeur qui circule dans la population en général et qui fait en sorte que l'université perd une certaine crédibilité auprès de la population. En effet, les statistiques tes plus pertinentes à cet égard sont tirées d'une étude effectuée en 1982 par le ministère de l'Éducation qui indiquait que 19 % des hommes et 16,3 % des femmes retournaient aux études un an et demi après avoir terminé leur baccalauréat. Donc, on peut constater qu'ils sont probablement insatisfaits de la qualité du baccalauréat qu'ils ont obtenu. C'est pourquoi nous croyons qu'il y a une espèce de crise de crédibilité dans la population. C'est sur cela que nous nous appuyons.

Mme Courville: Autre source de... Mme Blackburn: Oui.

Mme Courville: Excusez-moi, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Je vous en prie.

Mme Courville: Autre source d'information: on a des chiffres qui nous sont parvenus d'une étude faite en juillet 1986 qui montre que le taux de chômage chez les diplômés universitaires est de 18 % au Québec. Ces chiffres en feraient trembler plusieurs s'ils étaient connus, c'est-à-dire que le taux de chômage des jeunes en général est déjà élevé, mais quand on a un diplôme universitaire et que presque un cinquième de

cette population chôme, c'est très inquiétant.

Mme Blackburn: Une dernière brève question. Plusieurs groupes d'étudiants qui sont venus remettent en cause la permanence des professeurs. Vous en parlez, mais vous proposez une hypothèse qui m'a semblé intéressante et différente. Pourriez-vous nous en parler un peu? Je retrouve cela à votre recommandation 13.

Mme Chartier: D'accord. Comme nous l'avons mentionné dans la présentation, nous sommes pour la permanence des professeurs car nous croyons qu'elle permet de protéger la liberté d'expression de ceux-ci. Mais nous constatons qu'il y a quand même un certain laxisme dans la tolérance d'un manque de performance de certains professeurs. Â cet effet, pour appuyer nos dires, nous connaissons une étude d'un étudiant de l'Université de Montréal, Denis Guindon, sous la direction d'un professeur, André Biais, concernant trois grandes facultés: sciences économiques, histoire et criminologie. Le nombre de publications sur une période de six ans dans ces trois départements pour les professeurs adjoints était de 10,8 recherches par année, alors que, pour les professeurs agrégés, il était de 5,8 et pour les professeurs titulaires, de 4,92. Il y a donc un problème. Nous croyons donc essentiel qu'une évaluation formative puisse être mise dans le dossier de chacun des professeurs tant au niveau de la pédagogie qu'au niveau de la recherche et que cette évaluation soit continue tout au long de leur carrière au sein du corps professoral.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme Chartier. Je reconnais pour une dernière courte intervention du côté ministériel le député de Limoilou. Il faudrait que cela soit assez bref. Merci.

M. Després: Deux petites questions, M. le Président, précisément sur la permanence des professeurs. On en parle et on sait que ce n'est pas toujours facile entre le milieu étudiant et le milieu universitaire de s'entendre sur l'évaluation des professeurs. Vous proposez que le gouvernement voie à cette évaluation. Je vaudrais savoir ce que le gouvernement devrait faire pour que l'évaluation des professeurs soit plus répandue. Comment le gouvernement devrait-il faire cela?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme

Chartier, Mme Courville ou M. Le Bouyennec.

M. Le Bouyennec: Sur l'évaluation des professeurs, je pense qu'il devrait y avoir des discussions avec les administrations universitaires et les professeurs pour qu'il puisse y avoir des incitatifs à l'excellence pour les professeurs et qu'il puisse y avoir application de certaines mesures lorsque les critères de rendement qui pourraient être fixés par l'ensemble de la communauté ne sont pas respectés. Dans l'étude que mentionnait Mme Chartier qui est une étude assez volumineuse et que nous pourrions déposer à la commission, on indique que, dans certains départements de l'Université de Montréal, par exemple, 68 % des professeurs ne produisaient aucune publication. Nous trouvons, par rapport à la position que la Commission jeunesse du Parti libéral a développée à ce sujet, qu'effectivement il y a un problème au niveau du rendement des professeurs, mais que remettre en question la permanence n'est certainement pas la bonne solution et que, finalement, cela ne réglerait pas nécessairement le problème.

M. Després: On sait que ta permanence, selon les conventions collectives, c'est, entre autres, le droit d'un professeur de demeurer à l'université jusqu'à sa retraite; cela définit la permanence. Vous, vous êtes pour une évaluation continue. Cela va servir à quoi de faire une évaluation continue des professeurs si on ne change pas la définition de la permanence? Si vous êtes pour une évaluation continue, quelle définition donnez-vous à la permanence des professeurs? Est-ce qu'elle reste la même? On fait une évaluation, mais que cela ne change rien.

M. Le Bouyennec: Non, ce n'est peut-être pas cela, le problème. Il y a certaines évaluations qui sont tout de même présentes dans les universités, mais il n'a pas de moyens de les appliquer à certains moments. À ce sujet, on peut dire que dans le cadre des évaluations, pour nous, la permanence, c'est que le professeur jouit d'une liberté d'expression à l'intérieur de l'université et, s'il rencontre certains critères de rendement qui pourraient être fixés en ce qui a trait à sa productivité, il est permanent et il demeure permanent. C'est cela, la permanence pour nous. La permanence pour nous n'est pas de rester inactif à l'intérieur de l'université. Dans la mesure où les critères de rendement ne sont pas rencontrés, pour la permanence, c'est oui et, pour la sécurité d'emploi, à ce point, c'est non.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député d'Anjou et chef de l'Opposition que j'invite à conclure au nom de sa formation politique.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez de remercier les représentants du Comité national des jeunes du Parti québécois d'avoir présenté un mémoire qui, dans sa facture et par la

qualité de la présentation qui a été faite par Mme Courville, Mme Chartier et M. Le Bouyennec, démontre combien ce groupe se refuse à une attitude démagogique devant des enjeux aussi importants que ceux de l'avenir de l'université et de la préservation d'une orientation qui nous apparaît fondamentale et qui est celle de l'accessibilité à la formation universitaire.

Ces jeunes nous font des remarques et deux suggestions, au-delà de l'ensemble de ce mémoire qui est fort bien fait, et je suis sûr que le ministre en prendra connaissance attentivement. Ils nous font essentiellement deux suggestions particulièrement novatrices. Une première qui touche un moyen de respecter le principe d'accessibilité dans un contexte de pénurie de ressources pour les universités. Ce moyen ne saurait être - nous dit ce comité et nous sommes évidemment d'accord avec cela - que le gouvernement non seulement nous dise qu'il s'est trompé en promettant le gel des frais de scolarité, mais qu'il trompe ceux dont il est allé chercher le vote à la dernière élection en augmentant les frais de scolarité. Ils nous disent qu'il faut concrètement assurer l'accessibilité par un système fiscal dans lequel l'équité est assurée en fonction des revenus éventuels des diplômés, dans lequel l'accessibilité aux études, compte tenu de la situation financière des étudiants, est assurée et qui permet également d'introduire des éléments incitatifs en termes de politique de développement universitaire au 2e et au 3e cycle, ce qui nous apparaît important. J'espère que le ministre en tiendra compte d'autant plus qu'il a 600 000 000 $ de marge de manoeuvre - à moins que cela aussi ne soit disparu avec les promesses libérales - et que les calculs actuariels fort bien faits, je crois, par ce comité nous démontrent que ce ne serait qu'une fraction de la marge de manoeuvre dont dispose le gouvernement ou dont il disait disposer.

Deuxièmement, je crois que ce comité fait une suggestion extrêmement intéressante. Je me réfère ici à un article du 25 janvier 1985, rapporté dans le journal Le Devoir, au moment de la scission des deux ministères et où à l'époque le critique en matière d'éducation, l'actuel ministre, disait qu'il préférait une formule où il y aurait un ministre de l'Éducation et l'équivalent de deux secrétaires d'État délégués, dans le système français, ou de deux ministres délégués, dans notre système, dont un à l'Enseignement supérieur et universitaire. Ce que propose ce Comité national des jeunes du Parti québécois, c'est précisément que l'actuel ministre de l'Éducation reconnaisse que l'ampleur de ce qu'il y a à faire à la réforme du financement des universités l'amène à considérer qu'il doit avoir un ministre délégué qui, au moins, l'épaule dans cette charge considérable qu'il a sur les bras. J'aurais aimé entendre le ministre nous dire qu'il trouvait cette suggestion excellente d'autant plus que je suis sûr qu'il ne manque pas de candidats ou de gens qui se voient comme des candidats à ce poste dans la députation libérale.

Je terminerai donc en remerciant le Comité national des jeunes du Parti québécois et en souhaitant que le ministre, dans une attitude qui ne serait pas partisane - et il est capable de ne pas l'être, à l'occasion - envisage...

M. Jolivet: C'est plus difficile.

M. Johnson (Anjou): ...de tenir compte de ces suggestions, à mon avis, remarquables et d'un mémoire fort bien fait pour lesquels je me permets de féliciter ces gens que je connais fort bien et qui sont une magnifique relève.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le chef de l'Opposition. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je voudrais dire au chef de l'Opposition que c'est parfois très difficile de ne pas être partisan quand il faut rétablir la vérité.

M. Rochefort: Vous parlez des frais de scolarité?

M. Ryan: Nous l'avons répété à maintes reprises depuis le début des travaux de la commission, il y a eu quand même neuf ans d'administration péquiste avant le gouvernement actuel. Il y a bien des choses qu'on vous entend dire maintenant et qu'on aurait aimé vous voir réaliser pendant que vous étiez au pouvoir. Vous n'avez pas pu le faire, non pas parce que vous étiez de mauvaise foi, mais parce que vous n'aviez pas toujours les moyens, il y avait tout un conflit de priorités - le chef de l'Opposition en est parfaitement conscient - quand on arrivait au sommet où doivent se prendre les décisions. L'éducation avait sa place qui, dans le secteur universitaire, n'a malheureusement pas été la meilleure sous le gouvernement précédent, ainsi qu'en attestent presque tous les témoignages que nous avons reçus.

Trève de ce genre de remarques. On a évoqué certaines suggestions qui avaient été faites au moment de la création fort arbitraire et fort improvisée de deux ministères par le gouvernement précédent. Nous avons fait des remarques à cette occasion et nous avons décidé de commencer avec un ministre. En temps utile, quand le premier ministre jugera qu'il y a lieu de faire des additions, il pourra les faire. Ces idées-là n'ont aucunement été mises de côté,

mais on voulait mettre un peu d'ordre dans le système. Nous avions insisté énormément sur le principe de l'unité de direction politique de tout le système d'enseignement. Je pense que tout le monde se rend compte que c'est en train de se faire. Si vous en voulez une preuve, cette commission-ci siège depuis déjà quatre semaines et tous ceux qui ont voulu y être entendus ont pu l'être; tandis que sous le gouvernement précédent, après avoir entendu quelques organismes, on a coupé arbitrairement le souffle à la commission en disant: Rentrez chez vous, nous savons tout, nous n'avons pas besoin... Quant à nous, nous écoutons jusqu'à la fin avec respect et nous allons continuer de le faire.

Je voudrais vous dire que nous avons entendu avec beaucoup d'intérêt les remarques que vous avez faites ce matin et les réponses que vous avez apportées aux questions qui vous ont été adressées. Nous continuerons le dialogue sur ces sujets qui n'ont été, malheureusement, qu'esquissés. Mais je voudrais vous dire que, de manière générale - ceux qui ont suivi les travaux de la commission à la télévision auront pu s'en rendre compte - le travail se fait dans un esprit de bonne conscience professionnelle remarquable des deux côtés. Je profite de l'occasion de la visite du chef de l'Opposition pour lui dire que nous apprécions beaucoup également la collaboration des députés de l'Opposition et j'espère qu'ils font de même pour la collaboration des députés ministériels. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Merci, Mme Courville, Mme Chartier et M. Le Bouyennec. La commission permanente de l'éducation vous dit merci de l'effort que vous avez fait pour venir nous rencontrer.

Nous suspendons nos travaux pour quelques minutes, alors que nous entendrons les Écoles d'administration dans les universités du Québec.

(Suspension de la séance à 11 h 3)

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux. Nous accueillons les Écoles d'administration dans les universités du Québec. Le porte-parole du groupement est M. Jean-Louis Malouin. M. Malouin, boujour et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire sur l'éducation de venir nous rencontrer.

M. Malouin, la commission a prévu de vous entendre durant environ une heure. Il est 11 h 5, c'est donc dire que le tout devrait être terminé vers 12 heures ou 12 h 5 afin que nous puissions entendre l'INRS immédiatement après vous.

M. Malouin, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation.

Écoles d'administration dans les universités du Québec

M. Malouin (Jean-Louis): Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier la commission de nous entendre et de nous permettre d'exprimer notre opinion sur les recommandations éventuelles de la commission concernant le financement universitaire.

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui sont ici présentes. Il y a, à mon extrême droite, M. Roger Héroux, directeur du Département d'administration et d'économique à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Héroux, bonjour.

M. Malouin: À sa gauche, M. André Courtemanche, directeur du Département des sciences économiques et administratives de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Courtemanche.

M. Courtemanche (André): Bonjour.

M. Malouin: À ma droite, M. Robert Poupart, directeur du Département des sciences administratives de l'Université du Québec à Montréal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Poupart, bonjour.

M. Poupart (Robert): Bonjour.

M. Malouin: À ma gauche, dans le sens physique plutôt que figuré, M. Paul Prévost, doyen de ta Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Prévost, considérez-vous le bienvenu.

M. Malouin: Vous avez sans doute remarqué que le mémoire que nous avons déposé ne contient ni introduction ni conclusion. La lacune est volontaire car nous voulions plutôt présenter verbalement le contexte des difficultés que rencontrent nos départements et facultés dans le cadre du financement universitaire actuel. Aussi, nous voulions que notre mémoire mette l'accent sur nos recommandations davantage que sur autre chose.

Deux raisons principales motivent notre

présence devant cette commission. Il y a d'abord notre sentiment de l'incapacité grandissante de nos facultés et départements à répondre aux besoins de notre milieu étant donné que le mode de financement actuel enlève toute marge de manoeuvre à nos universités et ne leur permet pas d'allouer à nos unités les ressources suffisantes pour que nous puissions remplir notre mission. Il y a également notre conviction que le développement économique du Québec passe par un accroissement des compétences en sciences de l'administration.

Les situations de nos départements et facultés respectifs ne sont pas identiques. Nous sommes ici pour vous faire part de nos inquiétudes et pour vous inciter à donner à nos universités la latitude nécessaire pour qu'elles puissent nous aider à accomplir notre mission pour le développement économique du Québec.

La formation en administration nous semble importante pour le Québec, premièrement, parce que nous croyons fermement que c'est l'entreprise qui crée la richesse et le développement économique et, deuxièmement, parce que nous croyons que ce sont les entrepreneurs et les administrateurs qui font que les entreprises sont rentables, prospères et efficaces dans l'utilisation de nos richesses tant humaines que matérielles. Plusieurs recherches démontrent que le succès des firmes dépend avant tout de la qualité de leurs administrations. Il est bien entendu qu'un administrateur peut être formé exclusivement par la pratique, une formation sur le tas. Mais c'est un processus long, peu efficace et j'imagine économiquement dangereux. Le processus est plus rapide, économiquement plus efficace et moins dangereux si ce même administrateur est formé par le système universitaire. Les facultés et départements d'administration sont des éléments essentiels dans ce processus de formation qui serait autrement beaucoup plus long et beaucoup plus périlleux.

Le Québec compte actuellement une très forte proportion de sa population active en chômage ou sur le bien-être social. Certains disent que près de 20 % de la population active du Québec est présentement sans travail. C'est une statistique effrayante. Elle est effrayante car c'est une statistique qui représente des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes: toute une population qui réclame sa place au soleil. Tous s'entendent pour dire que la solution à long terme aux problèmes de cette population nécessite des entreprises en bonne santé, une économie dynamique, des administrateurs compétents et bien formés et à qui on a donné les rudiments de la gestion et le goût de se lancer en affaires. Un des rôles des facultés et départements d'administration est de former de tels administrateurs et de tels entrepreneurs. Encore faut-il qu'on nous en donne les moyens. Aujourd'hui, nous venons vous dire que nos moyens sont maintenant insuffisants, que la qualité de la formation que nous donnons est en danger et que le problème risque de s'aggraver si rien n'est fait. Pourquoi nos moyens sont-il aujourd'hui insuffisants? La réponse à cette question comporte des éléments à la fois historiques et conjoncturels.

Le développement des sciences administratives au Québec a été lié à une conjoncture et à un historique économique particulièrement difficile. Les sciences administratives ont connu la plus forte croissance de leurs effectifs d'étudiants pendant la période d'austérité financière sans que les ressources humaines et matérielles ne soient ajustées en conséquence. Les écoles d'administration n'en ont pas moins continué à développer leurs programmes pour répondre aux demandes du milieu économique québécois. Des ajouts aux programmes de certificats d'études de 1er, de 2e ou de 3e cycle ont été apportés. Pour l'ensemble des départements et facultés des sciences administratives du Québec, la croissance des effectifs étudiants a été de 259 % de 1971 à 1983. Cependant, la proportion des sommes dévolues aux facultés et départements d'administration est loin d'égaler la proportion de leurs activités au sein de leurs universités respectives.

Le financement général des universités au Québec traverse depuis plusieurs années une période de crise, particulièrement accentuée depuis 1981. La croissance importante des clientèles étudiantes, liée à une réduction considérable des ressources, a fait en sorte que les subventions de fonctionnement par étudiant en dollars constants atteignaient en 1985 un niveau inférieur de 29 % à celui de 1978-1979, comparativement à une réduction de 17 % au niveau collégial et de seulement 4 % aux niveaux primaire et secondaire. Au cours de la même période, les dépenses de fonctionnement des universités ontariennes diminuaient de 13 % et celles des universités québécoises de 25 %.

À la lumière de toutes les études comparatives menées antérieurement, on observe que le Québec accuse encore un retard quant au taux de scolarisation universitaire de sa population par rapport à l'Ontario. Dans le domaine de l'administration, le Québec a proportionnellement moins d'étudiants au MBA et au Ph.D. que l'Ontario et notre province produit proportionnellement moins de diplômés de 1er cycle en administration que sa voisine. Les efforts collectifs de rattrapage du Québec en matière d'enseignement universitaire doivent donc se poursuivre. Toutefois, la politique d'accessibilité devrait s'assurer que les

clientèles additionnelles soient financées à leur coût réel, ce qui n'a pas été le cas pour les sciences administratives.

Compte tenu de la conjoncture économique qui a accompagné l'augmentation des clientèles étudiantes en sciences de l'administration, de la croissance prévisible de ces clientèles dans le futur et du retard que le Québec semble accuser sur l'Ontario, les départements et facultés des sciences administratives ici représentés demandent à la commission parlementaire de l'éducation qu'une étude sectorielle soit menée visant à éclairer les inéquités intersectorielles et les préjudices causés au développement du secteur de la gestion au sein des universités québécoises et qu'une opération de rattrapage au niveau des ressources humaines et matérielles soit entreprise.

En 1983, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, ou le ministère de l'Éducation créait onze secteurs disciplinaires de financement et suggérait de financer à 100 % les nouveaux étudiants des secteurs dits du virage technologique et à 75 % les autres. Depuis, certaines considérations politiques et budgétaires n'ont pas permis au ministre d'appliquer les nouvelles règles proposées et les clientèles additionnelles ont été financées bien en dessous de ce qui avait été suggéré. Par ailleurs, on peut se questionner sur le modèle proposé qui, tout en rattachant les sciences administratives au secteur du virage technologique, suggérait pour l'administration un financement par exemple de 33 % inférieur è celui des lettres.

L'analyse des plans de développement de l'Université du Québec, de Laval et de Sherbrooke suggère de gérer l'inégalité des croissances sectorielles par un redéploiement des ressources, entre autres vers les sciences administratives. Les difficultés d'ajustement des ressources que connaissent encore et toujours les départements et facultés des sciences administratives démontrent que la structure actuelle des universités ne permet pas aussi facilement un transfert des ressources d'une discipline à une autre, surtout en période de compressions budgétaires.

En conséquence, comme deuxième recommandation, nous suggérons que le secteur des sciences administratives soit considéré comme prioritaire dans l'attribution du financement aux universités, et que soient élaborées des politiques de fixation du coût moyen disciplinaire qui tiennent compte de l'évolution récente des clientèles en administration et des politiques qui soient assorties de mécanismes favorisant l'injection sélective de ressources de rattrapage afin que cet effort de rattrapage ne soit pas dilué dans la péréquation actuelle des universités. Ces mécanismes devraient être incitatifs, de façon à respecter le principe de non-ingérence gouvernementale dans la gestion interne des universités.

Les facultés et départements d'administration font un usage qui nous semble abusif des chargés de cours à cause d'une pénurie de professeurs permanents et font face à un manque de personnel de soutien et professionnel qui réduit encore plus le nombre de professeurs permanents disponibles pour l'enseignement. Nous voudrions expliquer certaines des causes et des conséquences de cette situation. La situation est différente dans chacune des universités mais je pense que l'image globale peut être la même. Le développement récent du secteur des sciences administratives fait en sorte qu'un très petit nombre de nouveaux détenteurs de doctorat en sciences administratives est produit à chaque année au Canada. Ainsi, pour une demande canadienne actuelle d'au moins 200 professeurs en sciences de l'administration, on observe une production annuelle canadienne de 25 Ph.D. dont cinq ou six seulement viennent du Québec. En fait, de 1975 à 1935, la faculté d'administration de l'Université Laval a produit 30 % de tous les Ph.D. en administration que les universités canadiennes produisaient durant cette période. Donc, nos efforts ont été importants mais, je pense, insuffisants.

Le problème réel se situe au niveau des mécanismes d'incitation propres à assurer la formation et l'engagement d'un corps professoral plus qualifié, mécanisme dont nous recommandons la mise sur pied ou l'amplification, et au niveau de l'injection sélective de postes de professeurs en sciences administratives pour corriger Je ratio professeurs-chargés de cours qui y est le plus faible.

Partout au Québec, l'enseignement de 1er cycle en sciences de l'administration fait appel à un nombre disproportionné de chargés de cours. Par exemple, 74 % des charges d'enseignement sont dispensées par des professeurs vacataires au Département des sciences administratives de l'Université du Québec à Montréal; 73,6 % le sont à la Faculté d'administration de Sherbrooke. Ces proportions alarmantes sont la conséquence directe du sous-financement universitaire.

Les départements et facultés des sciences administratives courent le risque de voir déqualifier leur enseignement. En effet, le recours systématique à des chargés de cours n'est pas une panacée au problème de ressources humaines. Les chargés de cours sont généralement moins qualifiés académiquement, ne sont pas disponibles pour encadrer les étudiants, d'où une surcharge très importante pour les professeurs réguliers. En fait, la présence de chargés de cours ne donne que l'illusion d'avoir des ressources professorales suffisantes. Â mesure

que l'on fait appel à des chargés de cours plutôt que d'engager un professeur régulier au sein d'une équipe disciplinaire, on contribue à diminuer les activités de recherche et on réduit le service offert à nos étudiants. Il est même probable que plusieurs finissants en 1er cycle en administration au Québec obtiennent leur baccalauréat sans avoir suivi un seul cours par un professeur régulier.

L'attribution du personnel professionnel et de soutien est, dans la majorité des universités, fortement influencée par le nombre de professeurs plutôt que par le nombre de charges d'enseignement. Cette politique implique que plusieurs professeurs en sciences administratives doivent être dégrevés de charges d'enseignement pour occuper des postes à caractère administratif ou de coordination. On en comprendra facilement la nécessité quand on pense que dans certains cas les professeurs ont à coordonner 30, 40 ou 50 chargés de cours donnant le même cours à des groupes de 50, 60 ou 70 étudiants.

Nous formulons donc une troisième recommandation afin que des mécanismes incitatifs soient mis en place pour que des ressources additionnelles de personnel professionnel et de soutien soient attribuées de façon sélective aux départements et facultés des sciences administratives par leurs universités respectives et que des mécanismes d'incitation soient mis en place pour favoriser la formation et l'embauche de professeurs détenteurs de doctorat en administration.

La démonstration de l'implication des secteurs des sciences de l'administration au milieu des affaires et à l'entreprise privée n'est plus à faire. Par ailleurs, la nécessité s'impose de recourir à des sources de financement externe pour le développement de la recherche et la diversification de l'enseignement en fonction des demandes du marché. De par leur structure actuelle, les départements et facultés d'administration ne disposent d'aucun contrôle sur les subventions externes administrées par les fondations institutionnelles.

Ceci nous amène à formuler une quatrième recommandation qui est facile à appliquer et dont les effets à long terme pourraient être importants. Il est recommandé que la commission crée pour les départements et facultés des sciences administratives une fondation conjointe qui permette aux entreprises de financer directement les secteurs de leur choix. Cette fondation, administrée par les doyens et directeurs de facultés et départements, permettra à ceux-ci de s'assurer que le développement des sciences administratives se fait en fonction des priorités propres à cette discipline.

Considérant que les frais de scolarité sont gelés au Québec depuis plus de quinze ans, qu'ils sont deux fois plus élevés en Ontario et dans les autres provinces canadiennes, les départements et facultés des sciences administratives ici représentés souscrivent au consensus général qui semble s'observer quant à la modification des frais de scolarité. Nous émettons toutefois deux réserves. Premièrement, que le principe d'accessibilité aux études universitaires ne soit pas compromis et que, par exemple, le programme de prêts et de bourses permette aux étudiants qui connaissent des difficultés financières de poursuivre leurs études. Deuxièmement, que des mécanismes soient mis en place afin que des revenus supplémentaires soient acheminés aux départements et facultés qui les génèrent afin que ces revenus puissent améliorer la qualité de la formation offerte à leurs étudiants.

La mission et le développement des universités et, surtout, des départements et des facultés d'administration se trouvent compromis par les iniquités structurelles soulevées dans le présent mémoire. Bien que des efforts considérables aient été effectués pour faire face à une croissance de clientèle financée à un moindre coût avec des ressources minimales en période d'austérité, nous sommes certains que la poursuite d'un tel mode de développement entraînera, à court terme, une déqualification de l'enseignement, une démobilisation des ressources en place et un affaiblissement de la qualité concurrentielle du Québec en matière de gestion. La situation des sciences administratives au Québec pourrait être améliorée par une révision globale des modes de financement et l'attribution des ressources au sein des universités. Toutefois, nous recommandons, en sixième lieu, advenant le cas où les rigidités et les lourdeurs administratives des universités retardent la révision de leur mode de redistribution des ressources, que soit alors envisagée sérieusement la création d'écoles de gestion autonome de façon à permettre le développement et la croissance des sciences administratives au Québec.

Au nom de mes collègues des autres départements et facultés des sciences de l'administration, je viens de vous faire part des recommandations que nous formulons à la commission dans le but de nous permettre de mieux aider au développement économique du Québec. Chacune de ces recommandations a été formulée afin de respecter le principe de la non-ingérence du gouvernement dans le processus d'allocation budgétaire interne aux universités. C'est pourquoi ces recommandations suggèrent des mécanismes incitatifs afin que les universités voient leurs intérêts à favoriser le développement des sciences de l'administration. Il nous est difficile de reprocher à nos universités respectives de ne pas avoir pu favoriser

davantage te développement de nos départements et de nos facultés.

Les contraintes financières auxquelles elles font face, la lenteur des ajustements en ressources humaines qui les confrontent et l'insécurité budgétaire qui a caractérisé les dernières années ont limité leurs marges de manoeuvre. Cependant, nous croyons que le développement des expertises en sciences de l'administration est primordial pour l'avenir du Québec et qu'en conséquence le gouvernement de la province devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que les départements et facultés d'administration se voient dotés des moyens requis pour accomplir leur mission. Mes collègues et moi-même sommes maintenant à votre disposition pour échanger avec vous sur le contenu de notre mémoire ou sur tout autre sujet que vous jugeriez approprié. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Maiouin. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. Malouin, messieurs tes membres de la délégation, il me fait grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue à notre commission parlementaire au nom des députés du groupe ministériel. Nous sommes heureux de vous rencontrer et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que le secteur que vous représentez est à certains égards le plus important dans tout le monde universitaire. Je regardais les statistiques que nous avons compilées en préparation des travaux de la commission et sur l'ensemble des inscriptions dans nos universités, celles qui sont faites dans les écoles de sciences de l'administration vont chercher 28 % du total. Cela aussi bien aux 2e et 3e cycles qu'au 1er cycle. Ce n'est pas négligeable. C'est vraiment un développement phénoménal quand on considère qu'il y a une vingtaine d'années nous accusions des retards considérables dans ce secteur. Je pense que nous avons fait un rattrapage spectaculaire.

Les travaux de la présente commission nous permettent de vous rendre hommage. C'est vous autres qui en êtes les responsables aujourd'hui. Vous occupez une place tellement importante dans nos établissements universitaires que je regretterais personnellement que l'on fût réduit tôt ou tard à se rabattre sur la dernière de vos propositions, celle qui tendrait à vous donner un statut plus ou moins séparé à l'intérieur de nos établissements universitaires. Je pense que l'ensemble de notre réseau en serait profondément affecté. Je pense que nos écoles de sciences administratives pourraient probablement s'en tirer fort bien. Pour l'équilibre de l'ensemble du réseau, je pense que ce serait une perspective qui pourrait comporter des aspects négatifs assez nombreux. Je suis content que vous l'ayez présentée seulement à l'état de dernier recours. Je n'ai pas l'esprit fermé à ce sujet, mais mon préjugé initial va plutôt dans le sens du maintien d'une certaine unité dans notre réseau. Encore une fois, je vous sais gré d'avoir présenté vos vues sur ce point particulier avec beaucoup de modération.

J'ai senti; cependant, dans ce que vous avez dit à ce sujet qu'il y a des problèmes. On est intéressé à les connaître avec vous. Je vais vous interroger brièvement là-dessus tantôt, mais avant je voudrais faire une couple de remarques additionnelles. Je crois que le travail qui s'accomplit dans nos facultés, écoles ou départements de sciences de l'administration nous permet de combler un retard historique qui nous a nui énormément au point de vue économique, nous permet d'envisager le renforcement progressif de nos entreprises. On le sent. Les entreprises qui se mettent à l'école des méthodes modernes de gestion sont beaucoup plus aptes à faire face au défi de la concurrence surtout dans le monde de perturbation extrêmement rapide où nos entreprises sont appelées à évoluer. (11 h 30)

Je pense aussi que vous avez beaucoup contribué au rapprochement de l'université, de l'enseignement universitaire et de la vie économique où il y avait une coupure qu'on déplorait dans un grande nombre de secteurs, laquelle existe encore dans bien des secteurs. Dans le secteur que vous représentez, je pense que ce divorce a été largement comblé par le fait que vous fonctionnez dans un climat de collaboration, même de symbiose dans certains cas, beaucoup plus prononcé avec le monde de l'entreprise.

Parmi les problèmes qui nous viennent à l'esprit - il y en a plusieurs, mais on a peu de temps - il y en a deux sur lesquels je voudrais vous interroger. Tout d'abord, je voudrais vous demander si vous avez signalé le sous-financement, en particulier, dans votre secteur. J'examinais les chiffres que nous utilisons pour établir le montant des subventions distribuées aux universités. C'est vrai que pour le secteur des sciences administratives on part de normes qui sont très basses, inférieures à celles qui prévalent pour le secteur des lettres, même si on sait que le secteur des lettres est défavorisé par rapport à d'autres aussi. Le secteur des sciences administratives est encore en deçà des secteurs du droit et des sciences humaines. La différence est assez notable pour qu'il y ait un problème véritable. Je concède avec vous, au départ, que c'est une des choses que nous devons examiner. Soyez assuré que dans l'établissement d'une nouvelle formule de financement, ce facteur fera l'objet d'une attention toute spéciale de

ma part.

Cela étant, je voudrais vous demander si vous avez l'impression, à l'intérieur des établissements universitaires où vous oeuvrez, que vous êtes traités équitablement dans le partage des ressources ou s'il y aurait un nouveau coefficient d'inégalité ou d'iniquité qui viendrait s'ajouter à celui qui dirige les règles budgétaires du gouvernement.

M. Héroux (Roger): Je pense que c'est assez difficile de répondre. Il y a un certain nombre de chiffres. Comme notre secteur, qui représente 28 % de la clientèle, est le secteur le plus important, c'est plus facile d'aller y chercher des ressources pour combler les déficits budgétaires. Je vous donnerai simplement quelques chiffres. Par exemple, sur un budget de 43 000 000 $ de l'Université du Québec à Trois-Rivières, il y a 24 631 000 $ qui font partie de la marge variable et qui sont donnés pour la gérance des départements. Si je prends le secteur des sciences administratives, notre budget de 1 996 000 $ représente environ 8 % du budget total de l'université. Si on regarde les activités assumées par le département, cela représente environ 27 % à 28 %.

Si je regarde en tant que directeur, il y a au département, presque 2 000 000 $ de budget opérationnel. Il y a toute la masse des salaires des professeurs sur laquelle on n'a aucun contrôle. Si, par exemple, dans une décision administrative, un professeur demande un congé sans solde et qu'on est obligé de le remplacer, on n'a pas cette masse budgétaire, elle retourne dans la masse d'ensemble. À toutes fins utiles, en 1985-1986, le directeur de département, pour gérer 14 000 activités étudiantes, a un pouvoir décisionnel d'environ 50 000 $. C'est très difficile de faire une saine gestion, M. le ministre, à l'intérieur de cela.

Je voudrais profiter de l'occasion pour attirer votre attention sur le fait que le problème exposé est le problème général des écoles d'administration au Québec. Je voudrais vous faire remarquer qu'en régions il est encore plus crucial. Quand vous sortez des grands centres comme Montréal et Québec, les spécialistes dans les sciences administratives ne sont pas aussi présents. Lorsque vous avez à gérer un certain nombre d'activités de cours avec un ratio aussi bas, à Trois-Rivières, que 25 % par des professeurs à temps complet, le recrutement de ressources doit sortir de nos régions. Si nous considérons avoir besoin de ressources spécialisées, nous irons les recruter à Montréal ou à Québec. Donc, cela amplifie cette dimension de la problématique de gérance de nos activités d'enseignement, d'abord, par la rareté des ressources et par la possibilité de recruter de nouvelles ressources à des coûts de beaucoup supérieurs.

M. Poupart: Je voudrais également répondre à cette question pour compléter l'intervention de mon collègue. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir constaté le problème de financement de base qu'on observe dans tous les départements et facultés d'administration. Je voudrais vous dire qu'effectivement il y a un problème de ressources, de financement à la base et je suis très content de vous entendre dire que vous entendez porter une attention particulière à ce problème.

Il y a une deuxième dimension du problème qu'il faudrait considérer, à mon sens, et une troisième. La deuxième dimension d'abord, c'est qu'il y a un retard accumulé qu'il faut combler. C'est le sens d'une de nos recommandations: le développement des sciences administratives s'est fait dans une situation économique difficile. II s'est fait au moment des compressions budgétaires, ce qui fait que l'ajout de ressources n'a pas pu suivre la courbe d'augmentation de la productivité et de la performance des écoles d'administration. Il y a donc une opération de rattrapage à faire qui va au-delà des questions de ressources de base.

La troisième dimension, pour ma part, je pense que nos universités ont fait la preuve qu'elles ne pouvaient pas - c'est là une question de structures - distribuer les ressources qu'elles possédaient dans leurs structures actuelles et en fonction de leurs mécanismes de décision actuels, qu'elles ne pouvaient pas affecter les ressources là où elles devaient aller, compte tenu du développement des secteurs et compte tenu des besoins économiques de la société québécoise. Je pense donc que, oui, il y a une question de ressources qu'il faut régler; oui, il y a une question de rattrapage à laquelle il faut s'attaquer qui est particulièrement criante dans le cas des ressources professorales, qui est criante aussi dans le cas des espaces, dans le cas des ressources professionnelles et des personnels de soutien. Mais il y a aussi une question de structures à laquelle il faut voir. Les mécanismes de décision actuels n'ont pas permis que les sommes d'argent aillent là où elles auraient dû aller.

Je voudrais revenir sur vos commentaires concernant la sixième recommandation de notre rapport. Je suis tout à fait d'accord avec votre position, M. le ministre. C'est la raison pour laquelle nous ne parlons pas d'écoles autonomes au sens où les écoles seraient exclues du système universitaire. Nous parlons, au contraire, d'écoles qui seraient affiliées au système universitaire. Mais ce que nous introduisons, c'est qu'étant donné que les structures actuelles des universités ont démontré que la péréquation intra-institutionnelle ne pouvait pas rendre justice

aux différents secteurs il faut, à défaut de pouvoir introduire des mécanismes de péréquation réalistes, faire en sorte que cette péréquation devienne systémique.

M. Ryan: M. Poupart, je ne veux pas chercher à mettre de la dissension dans les rangs de votre délégation, mais je comprends très bien...

M. Poupart: ...délégation.

M. Ryan: Étant donné le bruit qu'ont fait les problèmes des sciences administratives à l'UQAM ces derniers temps, je comprends très bien la position que vous énoncez mais je veux m'assurer que c'est une position qui est partagée par vos collègues.

M. Héroux: M. le ministre, à ce sujet, je peux vous dire que c'est une demande que nous faisons, dans notre constituante, depuis environ une dizaine d'années. Notre département a présenté un plan triennal 1983-1986 et déjà nous avons fait cette demande de révision des structures administratives à l'intérieur de notre constituante. Je pense que cette problématique est encore plus "majeure" dans le cadre de l'Université du Québec, parce qu'on a une double structure.

M. Courtemanche: Je vais parler pour une petite université dans une région. Vous savez, les universités en régions peuvent avoir la prétention d'offrir tous les programmes qui sont offerts dans les grandes universités - j'aurais dû dire plutôt certains administrateurs - mais, malheureusement, le ministère de l'Éducation ne partage peut-être pas cette idée. Donc, il ne finance pas tous les programmes. En conséquence, si les administrateurs en question ont la prétention de maintenir ces programmes, ils doivent puiser les fonds dans d'autres secteurs. C'est là que joue le phénomène de péréquation. Donc, on puise dans les fonds pour lancer d'autres programmes. En ce qui me concerne, je pense qu'il n'y a absolument rien de déshonorant dans le fait d'être une petite université et d'exceller dans certains secteurs. Mais, de là à souffrir de mégalomanie et de vouloir offrir toutes les disciplines, cela me semble difficile à accepter.

M. Ryan: Une dernière question. Oui?

M. Poupart: Je voudrais rajouter une précision, M. le ministre. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il y a certaines institutions qui ont fait plus de bruit que d'autres. Par ailleurs, je voudrais souligner que le problème du développement des sciences administratives n'est pas seulement un problème relié à l'UQAM; c'est un problème général. Mes collègues y ont fait écho. Je voudrais simplement vous donner un symptôme supplémentaire. Dans le plan triennal de développement de l'Université du Québec, lequel a été déposé à la dernière assemblée des gouverneurs, il n'y avait pas une ligne qui traitait du développement des sciences administratives dans le réseau de l'Université du Québec. Ce n'est pas seulement un problème de l'UQAM, c'est un problème québécois, c'est un problème national qu'il faudra résoudre.

M. Prévost (Paul): J'aimerais ajouter le point de vue de l'Université de Sherbrooke sur le point 6. Évidemment, je connais bien la problématique de mes collègues de l'Université du Québec, qui sont dans une structure plus centralisée. À l'Université de Sherbrooke, où on a une structure falcutaire, il y a déjà une certaine autonomie qui est attribuée aux différents champs disciplinaires. Alors, il est sûr que cela donne une certaine marge de manoeuvre à l'école de gestion. Mais il est évident que, comme ailleurs, nous vivons les mêmes types de problèmes que l'ensemble du réseau et, tel qu'exprimé dans le point 6, si, pour différentes raisons de résistance structurelle et d'inertie bureaucratique, il est impossible de nous attribuer les ressources de rattrapage dont on a besoin et d'assurer le développement des sciences administratives, nous gommes d'accord pour réviser les structures des universités telles que nous les connaissons de façon à créer des écoles de gestion. Alors, pour nous c'est une situation de dernier recours; on espère pouvoir faire des choses avant de se rendre à ce point. Cependant, nous sommes ouverts au développement des sciences de l'administration et disposés à offrir le meilleur des services à nos étudiants et à la société québécoise.

M. Malouin: M. le ministre, en réponse à votre question, je pense qu'il y a probablement une différence qu'on peut observer entre le réseau de l'Université du Québec et les autres universités en ce qui concerne le désir d'indépendance des diverses facultés ou des divers départements. C'est peut-être normal, étant donné que c'est une structure différente dans les deux cas. Pour ce qui est de l'Université Laval, je crois que la façon dont le mémoire a été présenté représente probablement la façon dont la faculté fonctionne. 11 y a certains avantages è être à l'intérieur d'une université - ce n'est pas seulement négatif - et il y a également certains désavantages. Il y a un paquet de services qu'on peut partager mais il y a également un paquet de revenus qu'on peut partager; c'est parfois davantage des coûts que des revenus. Je crois que la situation financière de la faculté à l'Université Laval est probablement due à des causes

historiques avant tout. Ou fait que la croissance est devenue extrêmement rapide à un moment donné et du fait que des professeurs n'existaient pas sur le marché, la faculté aété obligée d'engager plusieurs chargés de cours, et actuellement nous sommes débordés. C'est probablement la grande difficulté que nous rencontrons- II y a des efforts énormes qui ont été faits, je dois dire, par l'Université Laval, et par certaines autres universités également, pour faire en sorte que ce problème soit corrigé. Je dois les en remercier. Cependant, je crois, que ces efforts ont été insuffisants et la raison est simplement que les sommes d'argent dont ils disposent ne sont pas suffisantes pour le faire.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup. Je passerai maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi, porte-parole de l'Opposition.

Mme Blackburn: M. le Président, M. Malouin et messieurs de la délégation des départements et facultés des sciences administratives, au nom de l'Opposition cela me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Sous-estimer la part importante des sciences administratives dans le développement du Québec, cela ne se fait plus beaucoup. Les gens reconnaissent qu'effectivement la capacité de se développer est beaucoup reliée à la compétence des personnes qui gèrent et administrent à la fois nos entreprises publiques et privées. Ce qui m'a frappé dans la lecture de votre mémoire c'est qu'il y a des similitudes très grandes, quelles que soient les universités. C'est probablement ce qui a le plus retenu mon attention. Donc, c'est un problème relié aux sciences administratives.

À la limite vous souhaiteriez des écoles d'administration en vous disant que ce n'est pas vraiment possible. Par ailleurs, vous réclamez, il m'a semblé, une intervention de l'État. J'allais dire que généralement les administrateurs n'ont pas beaucoup tendance à privilégier ce genre d'intervention de l'État; ce serait plutôt le contraire. Je dirais que cela est un peu ce qui m'a étonnée dans votre mémoire. (11 h 45)

J'ai trois ou quatre questions et je vais y passer immédiatement. C'est beaucoup plus une question d'éclaircissement et d'information. À la page 5 de votre mémoire, vous recommandez - le ministre ne l'a pas relevé, je trouvais que la demande était intéressante - qu'il y ait une étude sectorielle. Comme on sait que le Conseil des universités fait des études sectorielles, on peut penser que c'est une demande qu'on pourrait assez facilement agréer, selon les priorités que te ministre pourrait se donner.

Je trouve que ce serait une façon de mieux cerner les problèmes des sciences administratives.

À la fin du même paragraphe, vous demandez en même temps qu'une opération de rattrapage au niveau des ressources humaines et matérielles soit entreprise. Comme vous êtes dans des départements de sciences administratives, avez-vous évalué ce qu'il vous manquerait pour faire ce rattrapage?

M. Malouin: Les chiffres qui ont été mentionnés tout à l'heure sont probablement révélateurs. On a dit que 28 % des étudiants étaient en administration et on prétend que c'est à peu près 5 % ou 10 % des budgets; cela peut vous donner une idée de l'ordre de grandeur que nous avons. La taille moyenne des groupes que nous avons dans nos facultés est généralement dans la partie supérieure de la taille des groupes dans les universités. Au 1er cycle, c'est 75 % de nos enseignements qui sont donnés par des chargés de cours. Cela représente beaucoup de professeurs nouveaux. Je dois dire que ces professeurs n'existent pas sur le marché actuellement, donc il va falloir les former, ce qui veut dire qu'il va falloir solidifier nos programmes de doctorat, nos programmes de maîtrise pour que, dans cinq ou dix ans, nous ayons les professeurs dont nous avons besoin. C'est un problème qui ne peut s'améliorer que très lentement et pour lequel les politiques doivent être continues et ne peuvent changer continuellement. Je ne sais pas si mes collègues ont certaines autres données là-dessus.

M. Poupart: Je voudrais préciser qu'effectivement nous avons présenté des demandes très claires de plans d'effectifs, de plans de développement du corps professoral et de plans de développement et d'expansion pour des espaces. Nous les avons présentées aux autorités concernées. Je ne voudrais pas ici commencer à débattre de chiffres, de mètres carrés, de nombre d'assistants et d'assistantes, etc. Je ne pense pas que ce soit le lieu. Je voudrais simplement préciser, Mme la députée de Chicoutimi, qu'il s'agit là de demandes qui permettraient aux écoles d'administration de s'ajuster à des standards qui sont non seulement des standards d'équité par rapport à la distribution interne des ressources des différentes universités de la province de Québec, mais qui devraient aussi leur permettre de s'ajuster à des standards internationaux, de qualité, de performance et d'intégrité.

Mme Blackburn: En page 7, et cela transparaît dans les différentes parties de votre mémoire, vous dites: "Les difficultés d'ajustement des ressources que connaissent encore et toujours les départements et

facultés des sciences administratives démontrent que la structure actuelle des universités ne permet pas aussi facilement un transfert des ressources d'une discipline à une autre surtout en période de compressions des dépenses." Vous revenez à des difficultés qui sont d'ordre structurel. Je pensais, comme le disait le ministre, au département qui a fait le plus de bruit à l'UQAM. Je demanderais à M. Poupart si on ne peut pas envisager de réussir à l'interne certaines modifications qui permettraient à la fois un meilleur partage des ressources et à la fois, aux départements et aux facultés, d'avoir des rapports plus étroits entre l'entreprise privée et le département.

M. Poupart: Je vaudrais répondre à votre question de deux façons. D'abord, s'il est possible de le faire à l'intérieur des universités - je pense que c'est ce que nous réclamons depuis dix ans - et, si la preuve doit être faite, elle doit l'être par ceux qui sont les responsables au premier chef des structures universitaires. Pour autant que nous sommes concernés, après l'avoir demandé pendant dix ans, après s'être battus à toutes les instances de l'Université du Québec à Montréal, on est obligé de constater que, apparemment, ce n'est pas possible. Ceux qui sont arrivés à cette conclusion, Mme la députée de Chicoutimi, ne sont pas des extrémistes, ne sont pas des gens pour lesquels il est facile de se présenter sur la place publique. C'est une assemblée départementale complète, une assemblée unanime de professeurs qui se sont posé la question; ce sont des gens posés, des scientifiques qui, après avoir essayé pendant dix ans, sont obligés de tirer les conclusions qui s'imposent.

Mme Blackburn: En page douze de votre mémoire, votre quatrième recommandation demande de vous donner des mécanismes qui permettent une relation plus étroite entre l'entreprise privée et les départements. Au dernier paragraphe, vous dites: "II est recommandé que la commission crée, pour les départements et facultés des sciences administratives, une fondation conjointe et distincte qui permette aux entreprises de financer directement le secteur de leur choix." À quelle commission pensez-vous?

M. Poupart: Je m'excuse, vous parlez de la...

Mme Blackburn: Voulez-vous dire à cette commission-ci? Vous dites: "II est recommandé que la commission crée, pour les départements..." Â quelle commission pensiez-vous?

M. Poupart: Nous pensons à cette commission-ci, Mme Blackburn. Il faut se rendre compte que les mécanismes de levée de fonds des universités sont à l'heure actuelle des mécanismes de levée de fonds centralisés. Il faut aussi se rendre compte que, particulièrement dans le cas de l'UQAM, la répartition de ces fonds relève du pouvoir discrétionnaire des administrateurs les plus élevés de l'université. En même temps qu'on est obligé de constater cette situation, nous sommes obligés de constater que, pendant que les sciences administratives servent de fer de lance à ces campagnes de financement, les facultés et départements de sciences administratives n'ont pas leur part du gâteau pour ce qui est des financements générés.

Donc, on est obligé de constater que, si nous voulons que ces fonds se répartissent également, ce sera le marché qui devra décider. Nous faisons l'hypothèse que le marché se segmente et nous faisons l'hypothèse que les gens qui veulent donner aux sciences administratives doivent pouvoir le faire et ceux qui veulent donner à d'autres secteurs doivent pouvoir le faire aussi. Non seulement doivent-ils pouvoir exprimer clairement leur volonté et leurs intentions, mais il faut aussi qu'à cette fin les départements de sciences administratives puissent bénéficier eux-mêmes des mécanismes qui leur permettront une sollicitation directe.

Mme Blackburn: Ce que je comprends dans votre intervention, c'est que la fondation est gérée par une structure probablement autonome, mais où l'université est aussi partie prenante, et la répartition des ressources ne se fait pas au prorata des étudiants ou selon la taille des départements. Par ailleurs, il n'y a rien qui vous empêche actuellement, comme département, de demander la collaboration d'entreprise, pour des projets de recherche, par exemple. Il me semble qu'il y a deux choses. Est-ce que je me trompe là-dedans? H y a la levée de fonds générale et ensuite les fonds de recherche, les contrats de recherche. Est-ce que je me trompe?

M. Poupart: II n'y a rien qui nous empêche de le faire, sauf que nous n'avons pas les ressources pour le faire, que nous n'avons pas les mécanismes pour le faire. Ce qu'on demande, c'est tout simplement qu'on nous donne les mécanismes pour nous permettre de le faire.

Mme Blackbum: Pour mon information, l'école des hautes études c'est une école affiliée qui a beaucoup plus d'autonomie. Quel est le pourcentage? Est-ce que l'école a une fondation?

M. Poupart: Oui, l'école des HEC a une

fondation. Elle a lancé cette année sa campagne de financement. Mes collègues de l'École des hautes études commerciales présenteront leur mémoire cet après-midi. J'imagine que vous pourrez leur poser des questions plus précises à cet effet.

Mme Blackburn; C'était juste parce que je voulais toucher à un autre volet. Compte tenu de la structure qui est la leur, est-ce qu'ils vont davantage chercher des contrats de recherche que vos départements?

M. Poupart: Tout à fait.

Mme Blackburn: Essentiellement, c'était... Il me reste encore...

Le Président (M. Parent, Sauvé): II est 11 h 55, libre à vous.

Mme Blackburn: Vous avez fait...

M. Poupart: Madame, s'il vous plaît, mon collègue, M. Courtemanche, voudrait aussi...

M. Courtemanche: Lorsqu'on pose la question à M. Poupart, de l'UQAM, j'aimerais apporter un éclaircissement. Je me demande si la situation qui prévaut à l'UQAM est si différente de celle qui prévaut dans les autres universités. À preuve, je vois, dans une université que vous connaissez très bien d'ailleurs, que la fondation vient de faire la répartition annuelle de ses fonds. Pour un département qui comprend environ 40 % de ta clientèle, les fonds distribués pour la recherche ont été de 3,3 %.

M. Poupart: Pour la recherche en sciences administratives.

M. Courtemanche: En sciences administratives.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Malouin.

M. Malouin: Je pense qu'il faut faire une différence, cependant, entre les fonds souscrits d'une façon générale par les entreprises aux fondations universitaires actuelles pour les levées de fonds ou campagnes de souscription et ceux qui sont des contrats de recherche où des sommes sont données pour des fins spécifiques et des fins universitaires généralement.

Autant aux HEC qu'à Laval, qu'à Sherbrooke ou dans les autres constituantes de l'Université du Québec, il y a des contrats de recherche accordés à des groupes d'individus ou à l'institution même. Évidemment, ces sommes passent, dans la majorité des cas, par les universités étant donné que les facultés ou les départements ne sont pas des entités juridiques. Donc, elles doivent contracter à l'extérieur mais par l'université. Cependant, il suffit que des professeurs soient relativement dynamiques pour réussir à convaincre une entreprise que ce qu'ils font est intéressant et agréable pour faire en sorte que ces sommes proviennent à leur faculté. Cela existe à Laval et ailleurs aussi je pense, sauf que la visibilité que cela peut avoir, je pense, pourrait... Nous disons qu'il y a moyen de faire en sorte que ces mécanismes soient beaucoup plus visibles et que les entreprises aient l'habitude de "contracter" - entre guillemets - avec les facultés et départements plutôt qu'avec les universités.

M. Héroux: Pour répondre à votre question, Mme la députée, je vous inviterais à consulter une étude qui a été faite par un groupe de professeurs d'administration de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui a évalué toute la problématique des professeurs des écoles d'administration au Québec et qui a été publiée dans le Canadian Journal of Higher Education, en 1986. Vous distinguiez tantôt dans votre demande de fonds... Ce sont les fonds pour les subventions de recherche et les fonds de fonctionnement. Un des gros problèmes des professeurs d'administration, en raison du faible ratio professeurs temps plein et professeurs chargés de cours, c'est qu'on doit supporter toute la charge de l'encadrement de l'ensemble de la masse. Comme notre ratio est beaucoup inférieur, il y a toute la problématique de disponibilité de temps pour pouvoir demander une plus grande part de gâteau des subventions de recherche. Cela a justement un effet concomitant, dans le sens inverse de notre possibilité de demander. En raison de l'importance de notre implication dans le milieu socio-économique auprès de la petite entreprise, cela crée une dynamique qui fait que le support ou l'aide à l'entreprise n'est pas toujours conciliable avec la demande de subventions de recherche dans les organismes de subventions traditionnelles. En fonction des méthodologies de recherche appliquée que l'on doit utiliser dans nos démarches de recherche, il n'y a pas le schème de pensée et d'évaluation des projets de recherche des sciences pures, autrement dit au niveau de la recherche fondamentale. Ce qui fait que dans les comités d'allocation de subventions on est très désavantagé dans ce secteur-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Mme la députée.

Mme Blackburn: Une dernière question et ensuite je conclurai. Vous endossez en partie une des recommandations du rapport Gobeil sur les frais de scolarité. Je me demandais quel est votre avis sur une autre

de ses recommandations, soit la tâche d'enseignement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Malouin.

M. Malouin: C'est une question qui est très importante, je pense, mais également extrêmement complexe. Je pense qu'il est mauvais, néfaste et probablement irréaliste de dire qu'un professeur enseigne fondamentalement deux cours par semestre, six heures de cours par semaine. C'est vrai, effectivement, que la plupart des professeurs enseignent six heures par semaine, tout comme c'est probablement vrai que les députés siègent en Chambre disons 20 heures par semaine, mais il y a certainement d'autres fonctions qui s'ajoutent à cela. Lorsqu'on regarde les professeurs des facultés d'administration dont le ratio professeur-étudiants est le plus élevé de tout l'ensemble du système universitaire et lorsqu'on regarde les tâches d'encadrement plus élevées que dans n'importe quel autre faculté ou département du système universitaire, il faut se rendre à l'évidence que si les professeurs des facultés d'administration réussissent à être aussi productifs que cela en enseignant, chapeau! je pense qu'ils font une "job" extraordinaire. Je ne peux pas parler pour mes autres collègues, doyens ou directeurs de département dans les autres facultés des campus; ils ont leurs situations et leurs problématiques différentes. Ce que je sais, c'est qu'en administration les professeurs sont, à toutes fins utiles, surchargés en moyenne. Les statistiques le démontrent sans beaucoup de difficulté.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez conclure, Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Héroux, M. Courtemanche, M. Poupart, M. Malouin et M. Prévost, je voudrais vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Cela nous a permis d'avoir une meilleure connaissance, je pense, des difficultés réelles qui se posent pour les sciences administratives dans les universités. Cependant, vous êtes les seuls départements ou facultés qui aient souhaité faire ici une présentation distincte. Je pense que c'était l'occasion de poser ce genre de questions. Pour cela, je vous remercie d'être venus ici à cette commission.

II me semble qu'elle est envisageable la recommandation que vous faites afin de faire une étude sectorielle. On sait que cela se fait dans d'autres domaines. Je pense qu'il serait intéressant, compte tenu des problèmes qui vous confrontent, qu'on puisse le faire dans les meilleurs délais. Merci, au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je dois me retirer immédiatement parce que j'ai un appel urgent que je ne peux pas éviter. Je voudrais vous remercier de votre présence parmi nous et vous signaler que je retiens surtout, comme ministre chargé de ce secteur de l'enseignement universitaire, deux thèmes qui sont revenus dans votre mémoire et dans notre discussion. D'abord, le thème du sous-financement du secteur des sciences administratives; je vous ai promis que nous l'étudierions sérieusement. Deuxièmement, les problèmes de structure auxquels vous avez fait écho dans votre présentation, je les retiens également; nous pourrons les examiner de manière plus approfondie au cours des mois à venir. Je vous remercie infiniment. Nous sommes très heureux de vous avoir rencontrés ce matin.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. Malouin, les gens qui vous accompagnent, merci beaucoup.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes. Nous entendrons plus tard l'înstitut national de la recherche scientifique.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le 19 juin dernier par l'Assemblée nationale, à savoir de tenir une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures. Ce matin, la commission accueille les représentants de l'INRS, l'Institut national de la recherche scientifique qui a son siège social ici sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

Le porte-parole de l'INRS est son directeur M. André Lemay. M. Lemay, bonjour et bienvenue. Je veux vous remercier d'avoir répondu à l'appel de la commission parlementaire de l'éducation de venir discuter avec nous pour aider les députés à trouver des solutions valables aux problèmes que vit le réseau universitaire québécois, tant à propos de son orientation qu'à celui de son cadre de financement.

INRS

Jusqu'à maintenant, nous avons accueilli une cinquantaine d'organismes venus nous

rencontrer. Votre témoignage est peut-être un peu particulier. J'ai été très surpris lorsque j'ai vu que l'INRS n'était pas un CNRS. Dans mon esprit l'INRS c'était un CNRS comme on a connu en Europe et qu'on connaît encore en France. Je ne sais pas si ce sont des erreurs ou des situations de parcours qui ont fait que l'on vous retrouve maintenant dans le giron ou dans le cadre de l'Université du Québec. C'est peut-être des éclaircissements à cela que la commission aimerait connaître.

C'est la première fois depuis le début des travaux que je me permets une intervention comme celle-là parce que d'habitude le temps de parole du président étant compté du côté ministériel, j'évitais de dire un mot et j'évitais d'intervenir. C'était très frustrant pour moi. Je pense que c'était quand même mon droit parce que c'est le droit du président d'aller chercher le plu3 d'informations possible. Je me sentais malheureux et j'ai dit aujourd'hui: L'INRS, vous allez me donner une chance d'être un homme heureux pour au moins dix minutes. C'est le genre d'interrogation que je me pose. Je veux aussi vous féliciter d'avoir amené avec vous un représentant des étudiants. Je pense qu'ils sont les premiers concernés par la qualité du réseau universitaire québécois et je veux vous en féliciter.

Le ministre de l'Éducation est actuellement à l'extérieur de la salle. Il va être avec nous d'une minute à l'autre. Je vais vous inviter, dans un premier temps, monsieur, à nous présenter les gens qui vous accompagnent et après cela à commencer votre exposé. On me dit que dès le début, vous allez nous présenter un document audiovisuel. Vous devenez le maître de jeu à ce sujet. Vous déciderez de quelle façon vous voulez procéder et nous nous ajusterons. Monsieur, nous vous écoutons.

M. Lemay (André): M. le Président, je vous remercie très sincèrement d'abord pour l'accueil chaleureux que vous nous faites à titre de représentants de l'Institut national de la recherche scientifique. Mesdames et messieurs membres de la commission, je tiens à vous remercier tous d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui car pour nous, pour l'INRS, ce rendez-vous est de toute première importance. Nous vous parlerons de recherche, en particulier de recherche thématique, de recherche orientée vers des besoins du Québec et j'espère que nous saurons vous faire part de nos préoccupations et de notre contribution que nous considérons comme très valable.

Les gens qui m'accompagnent aujourd'hui sont tous des membres du conseil d'administration de l'INRS. Il me fait donc plaisir de vous les présenter. M. Paul Major, qui est vice-président adjoint à Bell Canada et qui préside depuis déjà deux ans notre conseil d'administration de l'INRS.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur, bienvenue.

M. Lemay: M. Robert Dugal, le directeur de l'INRS-Santé. M. Bernard Bobée, professeur à l'INRS-Eau. M. Jacques Bissinger, étudiant à l'INRS-Télécommunications.

Le mémoire qui a été déposé par l'INRS a réellement reçu l'aval de toutes les parties de l'institution et comme vous le voyez, la représentation ici ce matin en fait état. Notre présentation se fera en trois temps. Premièrement, nous vous inviterons à regarder un court document audiovisuel d'environ dix minutes qui présentera l'institution et qui nous évitera ensuite de reparler de toutes ces choses. Dans un deuxième temps, je rappellerai très brièvement les éléments essentiels de notre mémoire pour tenter de faire ressortir nos particularités ainsi que le problème de financement qui menace sérieusement le devenir de l'institut. En un troisième temps, j'espère que nous pourrons vous présenter une solution.

Je vous inviterais, pour l'instant, à diriger votre attention vers les moniteurs situés derrière les membres de la commission pour visionner le court diaporama qui, nous l'espérons, vous permettra d'apprécier pleinement la dynamique particulière de l'INRS.

Présentation audiovisuelle — Créé en 1969, l'Institut national de la recherche scientifique, constituante de l'Université du Québec, a tôt fait d'affirmer son caractère particulier au sein des universités québécoises, car sa mission principale est la recherche fondamentale et appliquée dans des thèmes reliés aux priorités du Québec. L'institut forme également des chercheurs dans la plupart de ses centres de recherche soit par ses propres programmes de deuxième et de troisième cycles, soit en collaboration avec d'autres universités. Une administration située à Sainte-Foy voit à la coordination des activités et des orientations générales. Chaque centre, sous la responsabilité d'un directeur, peut ainsi consacrer toutes ses ressources au développement des recherches reliées à sa thématique.

Effectuons ensemble une visite éclair de ce réseau. À l'INRS-Eau, on s'emploie à la recherche dans quatre programmes, soit l'hydrologie, l'assainissement, la dynamique chimique et biologique du milieu aquatique et, pour finir, la gestion et l'aménagement de la ressource. Une des réalisations majeures du centre se situe sans contredit dans le domaine de l'analyse et de la

prévision des crues. C'est en effet une équipe scientifique de l'INRS-Eau qui a conçu et développé les modèles utilisés pour établir les dimensions des ouvrages de la baie James. Mentionnons également les travaux sur les pluies acides et sur la pollution des eaux souterraines.

Les chercheurs de l'INRS-Urbanisation se préoccupent de l'habitat humain selon trois types d'espace: régional, urbain et micro-urbain. Leurs projets de recherche englobent les aspects économiques, démographiques, politiques et sociaux. Le centre s'implique dans des recherches de toute nature sur des sujets variés comme, par exemple, les nouveaux espaces résidentiels, le fonctionnement des municipalités régionales de comté, le développement régional ou encore l'impact des nouvelles technologies sur les structures économiques du Québec.

L'INRS-Ênergie poursuit actuellement des recherches dans trois domaines. Les énergies nouvelles, l'interaction lazer-matière et la fusion par confinement magnétique. C'est dans ce dernier programme de recherche que le centre mène à bien l'une des plus grandes réalisations scientifiques que le Québec ait connues. En effet, en collaboration avec Hydro-Québec, l'Université de Montréal, Canatom Ltée et MPB Technologie, l'INRS-Énergie s'emploie à la construction et à la mise en service du tokamak de Varennes, un dispositif expérimental permettant d'effectuer des recherches en fusion thermonucléaire, source inépuisable d'énergie.

Les recherches en cours à l'INRS-Santé couvrent trois domaines majeurs: la pharmacologie, la toxicologie de l'environnement et la gérontologie biomédicale. Reconnue internationalement pour l'excellence de ses travaux de recherche réalisés dans le cadre du contrôle analytique du dopage aux Jeux olympiques de Montréal et aux Jeux d'hiver de Lake Placid, l'INRS-Santé assume, au niveau canadien, la fonction de Centre national de contrôle du dopage des athlètes. Par ailleurs, le centre organise chaque année un colloque international en gérontologie où l'on se penche notamment sur les problèmes reliés au vieillissement normal et pathologique.

L'INRS-Télécommunications s'est associée à la société Recherches Bell-Northem pour donner naissance à un modèle unique de collaboration université-industrie. Entourés des équipements les plus modernes, chercheurs et étudiants font oeuvre de pionniers en développant des programmes de recherche sur les réseaux de télécommunication, le traitement des signaux et les systèmes homme-machine. Parmi les résultats obtenus, mentionnons spécialement le synthétiseur de langue française baptisé LOQUAX. — Je suis l'ordinateur portatif nommé LOQUAX. Je peux lire à haute voix n'importe quel texte pourvu qu'il soit écrit dans la langue de Molière. — Les recherches menées par l'INRS-Géoressources portent sur l'évolution et la diagénèse des bassins sédimentaires ainsi que sur les minéralisations et les combustibles fossiles susceptibles d'y être découverts dans l'optique d'une exploitation éventuelle» À ce jour, les études effectuées dont certaines ont été financées par des organismes gouvernementaux ou des sociétés pétrolières et minières ont permis, entre autres, de mieux évaluer le potentiel économique du sous-sol québécois.

Avec l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent comme laboratoires naturels, les chercheurs de l'INRS-Océanologie s'intéressent à la description et à la compréhension du fonctionnement du milieu côtier en mettant l'accent sur les aspects physiques, biologiques et biochimiques ainsi qu'à l'halieutique et à l'aquiculture. On y travaille, entre autres, à la mise au point d'un procédé de production à grande échelle de phytoplancton fondé sur l'utilisation du principe de la dialyse. On se préoccupe aussi du développement d'un système de détection des déplacements sédimentaires par l'utilisation de traceurs radioactifs sans oublier la recherche de substances naturelles d'intérêt économique comme les antibiotiques d'origine planctonique.

Ce bref tour d'horizon démontre concrètement la capacité de l'institut à répondre aux besoins du milieu avec lequel il interagit. En fait, la collaboration constitue l'un des principaux facteurs de notre dynamisme. La composition multidisciplinaire de nos équipes de recherche donne lieu à une dynamique interne des plus efficaces. L'expertise scientifique de nos quelque 150 chercheurs dans des domaines variés nourrit l'interaction des idées et conduit à l'exploration de solutions plus globales des problèmes. Avec l'extérieur, notre volonté de collaborer se manifeste de plusieurs façons, notamment par la participation statutaire de nombreux collaborateurs à l'orientation de nos programmes par leur présence active au sein du conseil d'administration, de la commission scientifique et des comités de liaison de l'institut. C'est toutefois dans nos rapports avec les partenaires que notre ouverture à la collaboration prend sa pleine dimension. Nous suscitons des projets conjoints de recherche et même des ententes spécifiques avec des institutions d'enseignement supérieur, des ministères et des organismes paragouvernementaux ou, encore, avec des entreprises de toute taille réparties sur l'ensemble du territoire québécois.

La localisation géographique de chacun de nos centres témoigne effectivement de notre adaptation à des contextes scientifiques

particuliers et illustre une volonté manifeste de favoriser les recherches conjointes avec le milieu industriel, le secteur public et les universités. Cette collaboration s'affirme également à l'extérieur de nos frontières. Plusieurs organismes internationaux et nationaux font fréquemment appel à l'expérience et à la compétence des chercheurs de l'INRS.

Depuis plus de quinze ans, nous donnons la preuve de notre expertise scientifique. Notre structure et notre mode de fonctionnement s'avèrent des atouts précieux, car nous sommes en mesure de nous ajuster rapidement aux exigences des divers milieux et nous sommes déterminés à faire en sorte que l'Institut national de la recherche scientifique demeure un lieu privilégié pour la relève de nouveaux défis.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Lemay.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Cette présentation de l'INRS doit maintenant être précisée. Pour ce faire, je vais faire ressortir quelques éléments essentiels de notre mémoire sans m'attarder au mot à mot du texte. En ce qui concerne la question intéressante que le président de la commission nous a posée au début, je crois qu'au cours de la période de question nous aurons nécessairement l'occasion d'y revenir et de fournir nos vues à ce sujet.

J'aimerais vous présenter quelques-unes des caractéristiques de l'INRS. Je me réfère, à ce moment, au mémoire, à la page 4 environ, pour vous expliquer les différences qui existent entre notre institut et, en fait, des centres de recherche ou autres instituts qui se sont développés dans les universités. L'INRS, quant à lui, a reçu sa charte du gouvernement québécois et constitue une corporation distincte à l'intérieur du réseau de l'Université du Québec, avec des missions particulières fixées par cette même charte. Le livre, blanc sur la recherche, publié en 1980, a confirmé la place et le rôle de l'Institut national de la recherche scientifique dans le champ de la recherche au Québec. Première institution de recherche universitaire québécoise créée par le législateur avec des mandats spécifiques et explicites, l'INRS a de plus contribué à diversifier et enrichir l'organisation de la recherche au Québec, dès 1969, en jouant des rôles innovateurs, complémentaires et exemplaires dans les domaines prioritaires et thématiques qui sont les nôtres.

Je parle de rôles innovateurs: oui, l'institution a innové dans plusieurs domaines dans le monde universitaire et d'abord, par la planification de ses programmes de recherche. Dans chacun des centres de recherche de l'Institut national de la recherche scientifique, la programmation est préparée à partir d'un comité de liaison qui fait appel aux personnes qui éventuellement utiliseront les résultats de la recherche. Ce sont pour ainsi dire nos clients qui participent avec nous à l'élaboration des programmes. Mais la création d'un centre, quant à lui, fait appel évidemment à différents ministères de l'État qui en établissent la pertinence. La gestion de l'INRS est décentralisée. Nous sommes partout sur le territoire du Québec où géographiquement il est nécessaire d'avoir un institut de recherche et où se trouvent des collaborateurs. L'exécution de la recherche se fait d'une façon toute particulière et unique parce que, chez nous, les professeurs travaillent dans le cadre de l'exclusivité de services pour l'institution. Alors, ils sont à l'emploi de l'institution et lorsque nous faisons contrat ou autre chose, c'est l'institution qui gère les programmes. De plus, nous avons aussi innové par l'évaluation de nos programmes de recherche. Une commission scientifique composée de seize personnes jugées pour leur compétence a été établie. Elles sont toutes de l'extérieur de l'institution et revoient périodiquement chacun de nos programmes, chacun de nos centres et nous font des recommandations. Elles ont statutairement deux réunions par année. Je crois que ces innovations sont sûrement de nature à intéresser une commission car nous avons pris, dès le début, les choses très au sérieux pour nous donner une qualité scientifique qui rejoint les domaines de recherche internationaux.

Nous sommes également complémentaires parce que nous formons des chercheurs qui sont thématiques. Ce ne sont pas des chercheurs qui sont disciplinaires par nature. Quelqu'un qui obtient un doctorat à l'INRS n'a pas un doctorat soit en physique, en biologie ou en d'autre chose, mais c'est plutôt un doctorat en sciences de l'eau, en sciences de l'énergie ou des choses de la sorte. Nous sommes complémentaires; nous tentons de combler des besoins de main-d'oeuvre et des besoins spécifiques, que ce soit des gouvernements, de l'industrie ou autres. La nature thématique et interdisciplinaire de nos enseignements fait que nos gens, arrivés au terme de leur période avec nous, à leur graduation, ont des emplois évidemment facilement et immédiatement. De plus, nous accueillons des stagiaires, parce que nous n'avons pas des programmes dans tous les domaines et dans tous les thèmes où nous oeuvrons. Alors lorsque des programmes existent ailleurs, nous accueillons des stagiaires inscrits à d'autres universités qui viennent faire leur recherche chez nous. Je pense qu'il y a là des collaborations intéressantes. Je vous avoue que nos collaborations ne cessent pas là - M. Major pourra nous en parler lors de la période de questions, j'en suis sûr - mais

nous collaborons et nous voulons collaborer avec l'industrie en particulier. Nous collaborons avec un grand nombre de ministères et d'autres universités. Chacun des centres, je vous l'assure - c'est écrit dans le mémoire, je n'y reviens pas - chacun de nos centres doit avoir, pour sa survie même, des collaborations et des entrées de fonds extérieures. (12 h 30)

Le dernier point que je voudrais soulever avant de passer aux questions de financement, c'est la performance. Je crois que c'est un point très important. Nous avons préparé quelques cartons qui nous permettront de vous démontrer les réalisations de l'institution ces dernières années.

Ces documents ont déjà été déposés ce matin dans les annexes et vous y retrouvez les données des mêmes cartons à la fin, à partir de la page 11 de cette annexe qui est...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Lorsque vous dites que ces documents ont été déposés, parlez-vous du document qui a pour titre "Institut national de la recherche scientifique, annexe du mémoire de l'INRS" ou si c'est un autre document?

M. Lemay: Non, c'est bien celui-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Parce qu'on m'a dit que vous vouliez déposer un document.

M. Lemay: J'aimerais le déposer...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce celui-ci?

M. Lemay: Avec votre permission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On le reçoit comme document déposé.

M. Lemay: Je vous en remercie beaucoup, monsieur. Dans ce document, à la page 11, il y a la performance de l'institution et je me permets de vous indiquer quelques aspects de ce carton. Vous avez, en bleu, la subvention institutionnelle que l'institut reçoit chaque année. Vous l'avez pour 1980-1981 et pour 1985-1986. En rouge, ce sont les revenus extérieurs; en 1980-1981, c'était environ 26 % du budget de fonctionnement de l'institution. C'est passé à 44 % durant ces années. Cela représentait, à l'époque, 35 % de la subvention institutionnelle que nous recevions, c'est devenu maintenant tout près de 80 % de la subvention institutionnelle comme chiffres. Cela veut dire que les professeurs de l'INRS, à la suite de nos demandes pour équilibrer le budget et maintenir l'institution dans un équilibre financier • ce que nous avons réussi à faire jusqu'à ce jour - ont fait un effort extraordinaire et j'aimerais ici les en remercier publiquement parce que, d'aller chercher, pour 1985-1986, 9 000 000 $ de revenus extérieurs avec 75 professeurs, cela représente bien au-delà de 100 000 $ de subventions et contrats par professeur. Cela vous donne une idée de la performance qui a été la nôtre durant ces années.

Le deuxième carton que j'aimerais vous présenter nous amène à l'historique du financement. Évidemment, j'ignore la période de 1969 à 1979, mais en 1979 le financement des instituts de recherche où la recherche est d'abord l'objet et l'enseignement est un peu secondaire, était toujours fait sur une base de clientèle étudiante, une formule qui ne tenait pas compte réellement des besoins de la recherche. En 1979, un comité tripartite formé par le ministère de l'Éducation et regroupant des représentants du Conseil des universités et de l'Université du Québec recommandait quand même que cette formule-là soit continuée et que l'INRS reçoive une subvention de base comme les autres universités, laquelle pourrait être indexée et avec, pour le développement, selon la variation moyenne de la clientèle étudiante du réseau de l'Université du Québec... Ceci nous a quand même permis un certain développement et de survivre de façon très raisonnable.

Depuis 1983-1984, lorsque le ministère a commencé à compter sa formule de subvention sur les coûts disciplinaires, à ce moment-là l'INRS s'est retrouvé assis entre deux chaises, pour ainsi dire. Il n'y avait pas là de possibilité de développement. Donc, ce que nous avons vécu depuis, c'est notre subvention de base, à laquelle s'ajoute une variation moyenne pour nos clientèles étudiantes. Lorsqu'on a environ 150 étudiants, évidemment, cela ne nous donne pas d'argent suffisant pour quelque développement que ce soit. C'est la situation qui existe depuis ce temps-là. Cela nous pose réellement un problème parce que le développement est impossible. L'institution a réussi à survivre, mais à bien court terme les déficits commencent à apparaître.

Nous proposons une formule - la troisième ici sur le carton - qui est réellement basée sur le principe qu'on devrait accorder aux instituts de recherche des subventions additionnelles de développement basées sur l'accroissement des activités de recherche et les intégrer subséquemment aux dépenses de base considérées. C'est l'équivalent de ce qui se fait pour des universités à vocation générale qui ont du développement basé sur la croissance ou la décroissance des clientèles. Cela nous accorderait des sommes de développement qui paieraient pour les frais indirects parce

qu'à mesure qu'on a des subventions on s'appauvrit.

Nous considérons que dans le cadre de subventions qui constituent la majeure partie de nos revenus extérieurs, au-delà de 4 000 000 $, les frais indirects peuvent représenter, dans un institut, quelque chose qui s'apparente au facteur 1. Dans le cas de contrats gouvernementaux, le facteur de pondération que nous avons utilisé pour préparer une formule est 0,5. J'aimerais vous présenter maintenant ce que cela peut donner comme formule.

On a ici trois courbes qui vont des années 1982 à 1983 et les chiffres des formules de financement sont en millions. La courbe du bas est celle qui nous est appliquée depuis l'année 1983-1984. Celle du haut est celle qu'aurait donnée l'application de la recommandation du comité tripartite. Donc, si nous avions continué à recevoir un financement comme jusqu'en 1982-1983, nous aurions présentement une subvention institutionnelle de 13 000 000 $. Nous en retrouvons une de 11 000 000 $. C'est un manque à gagner de 2 000 000 $ annuellement, qui se répercute à chaque année, et s'accroît constamment.

La formule basée sur les revenus extérieurs - la courbe en bleu, c'est la courbe du milieu - apparaît comme très réaliste et applicable et celle-là n'est pas choisie au hasard. Elle est fondée sur des chiffres vérifiés par les vérificateurs externes et qui apparaissent au formulaire financier que chaque université doit remettre au ministère de l'Éducation à chaque année. Les chiffres sont vérifiés et ils apparaissent dans l'annexe que vous avez bien voulu nous permettre de déposer il y a quelque temps.

Je crois que ces formules sont intéressantes. Les caractéristiques que nous pouvons en dégager sont qu'elle tient compte de la mission particulière de recherche de l'institut; elle équivaut au mode de financement des universités à vocation générale; elle tient compte des frais indirects de la recherche; elle incite les chercheurs à recourir à d'autres sources de financement; elle respecte le mode de financement actuel des étudiants de maîtrise et de doctorat et elle s'appuie sur les données vérifiées des formulaires financiers.

Sans l'application d'une formule améliorée - disons que les facteurs de pondération peuvent être discutés, réétudiés -l'INRS et sa communauté scientifique ne pourront pas être en mesure de remplir la mission particulière qui leur a été confiée. C'est la raison pour laquelle nous vous formulons la recommandation suivante: Que le gouvernement manifeste davantage sa volonté de soutenir et de promouvoir la contribution de l'INRS au développement scientifique et technologique du Québec en lui accordant une compensation financière ainsi qu'un redressement de sa base de financement pour 1986-1987, pour tenir compte des pertes encourues par l'institut en raison de l'absence d'application d'une formule de transition depuis 1983-1984, et un financement adéquat dès 1986-1987 basé sur une formule qui prend en considération sa mission particulière de recherche thématique. Je vous remercie, M. le Président, c'est la fin de ma présentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le directeur. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. Lemay, il me fait bien plaisir de vous souhaiter la bienvenue ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent, à vos collaborateurs de l'INRS. Je dois vous avouer qu'à cause du programme d'activité très chargé que j'ai eu au cours des derniers mois, je n'ai malheureusement pas eu le temps d'aller visiter sur les lieux l'INRS, de même que les instituts spécialisés qui s'y rattachent. C'est un projet que je nourris. J'espère pouvoir y donner suite avant longtemps.

J'ai suivi les débats qui entouraient les difficultés de l'INRS, comme tout le monde. J'ai assisté, impuissant, à la décision qui a mis fin à l'existence de l'INRS-Éducation. J'ai vu des débats plus récents au sujet de l'avenir de l'institution elle-même.

Les questions que je vous adresse sont formulées sous toutes réserves, étant donné que je n'ai pas pu vérifier par moi-même. Nous n'avons pas eu le temps d'avoir de bonnes conversations sur ces choses, ce que nous ferons prochainement. Mes questions sont formulées avec un petit peu de naïveté à certains moments. Vous me corrigerez si mes questions évoquent des informations incomplètes ou erronnées. Soyez bien à l'aise pour le faire.

Des fois, quand on regarde tout cela, quand on regarde les différents domaines dans lesquels est engagée l'activité des chercheurs de l'INRS, le domaine de l'énergie, le domaine de l'eau, le domaine de la santé, Le domaine des télécommunications, le domaine de l'urbanisation et autres, la question qui vient à l'esprit est la suivante: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine dispersion de nos efforts de recherche au Québec qui devrait être corrigée? Je prends, par exemple, en matière d'urbanisation. Nous avons à l'UQAM à Montréal un département très important d'études en aménagement urbain. Nous avons, à l'Université de Montréal, une faculté d'aménagement dont on nous dit qu'elle est la plus importante du Canada. En plus, l'INRS-Urbanisation qui existe depuis de nombreuses années.

Je voudrais que vous m'indiquiez en quoi c'est tellement spécifique l'activité de

l'INRS-Urbanisation, pour prendre un exemple. On pourra prendre celui des communications. Je vais vous donner celui de la santé aussi, parce que cela me semble poser des questions spéciales. En quoi est-ce tellement spécifique que cela doive être maintenu distinctement, en dehors des universités ou de d'autres organismes existants?

En matière de santé, vous savez qu'on avait créé autour de la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, un institut de recherche sur les problèmes de santé et de sécurité au travail. Je voudrais que vous me disiez en quoi l'activité de vos chercheurs dans ces champs-là est tellement spécifique qu'il faille la garder dans une structure indépendante des autres.

M. Lemay: Je vai3 tenter d'y répondre, M. le ministre, si vous me le permettez, et pour l'INRS-Urbanisation et pour l'ensemble de l'INRS et demander au Dr Dugal, par la suite, de nous parler un peu plus précisément de l'INRS-Santé.

Ce qui fait la distinction entre l'INRS et les autres universités, ce qui peut apparaître à première vue comme une dispersion d'efforts, etc., à mon avis n'en est pas une. Car l'INRS vous offre une recherche thématique, multidisciplinaire, avec des gens qui vivent, non pas regroupés temporairement dans un même lieu, à partir de départements et de disciplines comme on retrouve dans des universités, mais avec des gens qui vivent regroupés en permanence ensemble, de façon multidisciplinaire, dans un centre de recherche, pour y étudier un thème. Ce n'est pas la biologie, comme je l'ai dit auparavant, ce n'est pas la physique ou la chimie qui compte, c'est le thème. Le chimiste doit donc travailler avec le biologiste, avec le physicien, avec l'économiste ou avec l'autre pour tenter réellement de dégager la connaissance générale que doit posséder un étudiant lorsqu'il y a programme d'enseignement ou combler un besoin identifié par l'utilisateur ou le partenaire.

La différence de l'INRS comme institut de recherche, c'est qu'on a réellement des modèles universitaires courants qui ont toujours eu l'appui du gouvernement - c'est très nécessaire - parce que dans l'université, on doit apprendre des disciplines et des choses comme cela. Mais je crois qu'il y a place ailleurs, à côté de cela mais toujours à l'intérieur même d'une université, parce que nous sommes universitaires et faisons partie de l'Université du Québec, il y a quand même place, dis-je, pour une recherche thématique orientée, appliquée beaucoup plus près de la réalité que celle qu'on doit retrouver nécesssairement dans un département ou autre. II y a place pour cela. (12 h 45)

Si je me reporte à la commission

Parent des années soixante, si on se reporte au rattrapage que nous voulions faire avec l'Ontario, par exemple, en recherche, il y a lieu de sortir un peu des sentiers battus, de faire des choses nouvelles un peu comme les Japonais ont pu faire pour se rattraper et prendre même les devants. Je vous avoue qu'un institut de recherche offre une multitude de possibilités de solutions qui sont, en général, encore peu exploitées.

Quant à l'INRS-Urbanisation particulièrement, justement ce centre collabore de très près avec l'OPDQ. Il a collaboré de très près et collabore toujours avec la Communauté urbaine de Montréal, Statistique Canada et le reste. En plus, en ce qui concerne les programmes de maîtrise et même de doctorat, celui que nous préparons, ces programmes sont faits conjointement soit avec l'UQAM, l'ÉNAP, soit avec l'Université de Montréal dans le cas d'étudiants stagiaires. II y a là une collaboration entre ces universités qui permet d'atteindre des travaux qui autrement seraient fort difficiles.

L'INRS-Urbanisation, dans le grand programme des nouveaux espaces résidentiels subventionné par le CRSH a quand même fait là un boulot extraordinaire sur le logement qui aurait été difficile à réaliser dans une université conventionnelle à cause de la formation d'équipes et du maintien nécessaire de ces équipes durant des périodes allant jusqu'à quatre ou cinq ans.

J'espère que cela peut répondre avant que je...

M. Ryan: II faudrait peut-être être bref parce qu'on a très peu de temps. Je vais être obligé de passer la parole à ma collègue de l'Opposition, sans avoir le temps d'aller à d'autres questions qui m'importent au plus haut point aussi.

M. Dugal (Robert): La question que vous posez, M. le ministre, exigerait un développement considérable. J'ajouterais simplement à ce que M. Lemay a dit d'une façon très générale, et qui s'applique à l'ensemble des centres de l'INRS, que l'INRS-Santé occupe quand même une place unique dans le réseau de recherche québécois où ont pu se réaliser avec une vitesse, une rapidité et une efficacité remarquables des projets de recherche et des projets d'envergure qu'il aurait été difficile, sinon impossible, de réaliser ailleurs.

Sans pour autant m'étendre, sans doute que certains d'entre vous ont vu dans les journaux, ce matin, que nous avons reçu une subvention très importante d'un organisme américain pour effectuer un certain nombre de recherches dans un domaine très particulier, un créneau très spécifique, qui nous est spécifique à un point qu'il n'est pas exploité par les autres universités

québécoises. Qu'il suffise de conclure sur le fait que le type d'activités qui est fait à l'INRS-Santé constitue un modèle qui n'est pas exploité ailleurs et qui est suffisamment original pour qu'on puisse le maintenir et le développer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que ce que le ministre aimerait avoir, c'est un exemple de spécificité. Pourquoi est-ce que l'INRS-Santé se doit d'exister? Pourquoi n'est-il pas pareil au cadre conventionnel de l'université dans le domaine de la santé?

M. Dugal: Encore là, votre question nécessiterait un développement que le temps, M. le ministre, ne me permet pas. Il est extrêmement difficile de répondre à votre question. Encore une fois, j'insiste sur la présence de certains créneaux et la présence d'équipes multidiscipliinaires qui ont des objectifs communs et qui participent, chacune d'entre elles, à la réalisation soit d'un projet ou d'un programme. Bien sûr, les mêmes choses peuvent se passer dans d'autres universités de façon fragmentaire. Mais chez nous, la situation est un objectif, si vous voulez, où toute la communauté se fixe et évolue.

M. Ryan: J'aurais une autre question M. le Président. Comme vous le savez, suivant le mode actuel de financement des universités, le calcul de la subvention de base est établi sur la base d'un coût moyen établi pour chaque étudiant. Cela varie suivant les cycles, suivant les disciplines également. On l'a vu ce matin en causant avec les représentants des écoles d'administration. En 1982-1983, il s'est produit un changement important. On a décidé de procéder avec les clientèles additionnelles. Cela a valu à l'Université du Québec un supplément de revenu assez substantiel. Vous autres, je ne crois pas que vous sembliez en avoir profité dans toute la mesure que vous auriez souhaitée. J'aimerais vous demander... Comme vous le savez, le ministère verse la subvention à l'Université du Québec et il appartient aux autorités de l'université de répartir ensuite les subventions ou les budgets particuliers entre les différentes constituantes, autant celles qui sont davantage dans l'enseignement que celles qui sont dans la recherche comme la vôtre. Est-ce que vous avez éprouvé des difficultés de ce côté? Est-ce que vous avez l'impression d'être traité équitablement? Est-ce que vous avez des sujets de frustration? Est-ce que vous seriez porté à dire que la structure actuelle vous donne justice?

M. Lemay: M. le ministre, vous touchez là à un grand sujet de frustration à l'INRS, c'est clair. Le changement de formule, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous plaçait entre deux chaises. Le ministère a cessé de s'intéresser à l'ancienne formule, nécessairement. L'Université du Québec, ayant la responsabilité par le biais de l'assemblée des gouverneurs de faire le partage, n'a pas réussi jusqu'à aujourd'hui, malgré certains efforts très concrets, qui ont été faits à trouver une solution à ce problème. Il y a des raisons qui expliquent cela» Les compressions dans les universités et tout le reste ont réellement amené chacune des institutions à regarder de très près son financement. En plus, la nouvelle formule qui, avec les clientèles, permet de faire quelque chose de comptable, les amène à dire: Moi, ma subvention, j'ai tant d'étudiants, c'est cela. Donc, je veux ma part. N'importe quel prélèvement ou péréquation qui serait fait à partir de cela pour les instituts de recherche devient très difficile à accepter lors d'un vote à l'assemblée des gouverneurs. Cela place le siège social dans une situation fort difficile. Ils ont quand même tenté d'obvier à cela en trouvant une solution, en nous permettant un certain dépassement pour l'année 1986-1987, mais ce n'est pas une solution. Je vous avoue que, subissant toutes les coupures, toutes les compressions, tous les prélèvements et ne recevant aucun développement, pour ainsi dire, significatif, l'institution est dans une situation où on se pose des questions sur son existence même à un moment donné.

M. Ryan: Je vous remercie, nous continuerons cette conversation dans un avenir prochain.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant la porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, M. le directeur général, messieurs, il me fait plaisir de vous voir à cette commission. Je pense que votre mémoire, tout comme l'ont souligné de nombreux intervenants, fait bien ressortir l'importance de la recherche au Québec et les rapports qu'il y a entre la capacité d'un peuple de se développer au plan économique et culturel et l'importance qu'il attache à la recherche.

Tout à l'heure, le ministre s'inquiétait des efforts qu'il trouve trop dispersés dans le domaine de la recherche. Si vous me permettez, M. le Président, j'aurais le goût de souligner les succès remarquables de l'INRS-Santé, particulièrement dans le domaine de3 tests antidoping. Tout à l'heure, le professeur Dugal a abordé cela, je dirais, un peu avec modestie. Le Devoir faisait état ce matin d'une entente qui vient d'être

signée entre le NCAA, un organisme américain qui régit l'ensemble des sports dans les collèges et les universités et l'INRS-Santé, de l'ordre de 600 000 $, comme nous le disait tout à l'heure le docteur Dugal, pour au moins trois ans. Il s'agit essentiellement de la mise au point d'un test de contrôle, de détection et de sensibilisation de l'usage de drogues chez les sportifs.

Je pense bien qu'on peut féliciter le docteur Dugal parce que c'est le succès de l'intérêt qu'il a manifesté pour cette question ■ depuis déjà douze ou treize ans. On sait qu'en 1976 il était responsable du programme antidoping, si je me souviens bien, aux Jeux olympiques.

Je pense qu'il est important de le souligner parce que c'est un succès important, mais également parce que cela illustre précisément que, dans un domaine pour lequel on n'avait pas de conditions particulières pour y exceller, au Québec on y excelle. Je pense bien que c'est reconnu internationalement, si je me rappelle d'autres articles à ce sujet. Nous devons ce succès à deux raisons: à l'intérêt d'une personne pour cette question et au soutien que la personne a pu recevoir à l'intérieur d'une structure qui s'appelle l'INRS-Santé... Je pense que cela illustre et que cela rejoint en partie ce que disait le ministre tout a l'heure: Comment, avec une structure qui est stable, avec des équipes qui travaillent plus sur des thèmes, on peut avoir des succès qu'il serait difficile d'atteindre dans des groupes de recherche rattachés aux universités.

J'ai lu avec attention votre mémoire. J'ai quelques questions et, comme le ministre l'a fait remarquer, on est toujours un peu aux prises avec le temps qui n'est pas indéfiniment élastique. Quelques brèves questions. Je ne me le rappelle pas bien, parce que je n'ai pas relu votre mémoire à l'instant, mais il me semble que je ne l'ai pas vu... J'aimerais connaître le taux de diplomation chez vous, parce que vous savez que c'est un problème au Québec. On a un nombre d'inscriptions au premier cycle aussi élevé qu'en Ontario sauf qu'on a un taux de diplomation moins élevé au premier cycle et moins élevé, évidemment, par voie de conséquence, aux deuxième et troisième cycles. Quel est le taux de diplomation et la durée des études chez vous?

M. Lemay: Vous comprendrez que, comme le nombre d'étudiants à l'INRS est quand même restreint - environ 150 en moyenne - nous n'avons que quelques programmes de formation. La durée des études va, pour la maîtrise, d'un à deux ans selon les centres et celle du doctorat est plus langue. Mais, je crois que M. Bissinger a des données qui pourraient être utiles à ce moment-ci. Le taux de diplomation, cela ne se calcule pas chez nous comme dans une université conventionnelle, parce qu'au deuxième cycle les étudiants entrent à n'importe quel moment de l'année ou presque et terminent à la fin de leur thèse. C'est assez difficile de vous donner un taux.

Mme Blackburn: C'est-à-dire la différence entre ceux qui entrent et ceux qui sortent avec un diplôme.

M. Bissinger (Jacques): C'est pratiquement 100 %.

Mme Blackburn: C'est 100 %. M. Bissinger: C'est cela.

Mme Blackburn: Sauf la durée des études qui est variable.

M. Bissinger: Exactement. C'est deux ans pour la maîtrise, trois ans pour le doctorat. Au cours des dix dernières années, je crois qu'il n'y a pas eu plus de deux cas où l'étudiant ne se serait pas rendu jusqu'à l'obtention du diplôme. De ce point de vue, c'est exceptionnel.

Mme Blackburn: D'accord. Ils terminent le doctorat. Ils ne font pas seulement les études.

M. Bissinger: Exactement.

M. Lemay: II y a une sélection à l'entrée qui est très appliquée.

Mme Blackburn: Qui est quasiment garante de succès.

M. Lemay: Oui.

Mme Blackburn: Bien. À la page 17 de votre mémoire, vous parlez d'association de certaines unités de recherche avec l'INRS. Vous avez déjà quelques instituts. À quoi pensez-vous en particulier?

M. Lemay: Pardon, madame? À quel endroit?

Mme Blackburn: À la page 17. M. Lemay: La page 17.

Mme Blackburn: "Enfin, et en troisième lieu, il existe, dans le réseau de recherche québécois, un certain nombre d'unités de recherche qui pourraient bénéficier d'un régime d'association avec l'INRS et dont les ressources liées à celles de l'INRS permettraient des réalisations importantes".

M. Lemay: Ce à quoi nous pensions à ce moment c'est à un grand nombre de nouveaux centres de recherche qui ont été

créés, en particulier par l'État québécois, ces dernières années et qui ont tous été créés à l'extérieur du réseau universitaire. Donc, cela devient beaucoup plus difficile d'y faire de la formation planifiée etc. Je crois qu'en les associant de plus près au milieu universitaire il y aurait des choses à gagner de ce côté en ajoutant la formation et peut-être en diminuant le nombre d'intervenants dans les domaines. Si vous permettez, j'aimerais que M. Major nous parle un peu d'une intervention, d'un partenariat que nous avons avec la société Recherches Bell-Northern Ltée qui, quant à elle, nous permet des succès intéressants.

M. Major (Paul): Oui, merci. Très brièvement, le type de partenariat qui existe entre l'INRS-Telécommunication et la société Recherches Bell-Northern, qui est une filiale du groupe Entreprises Bell Canada est unique en Amérique du Nord, je crois, et peut-être dans le monde. C'est une formule par laquelle les chercheurs de l'INRS-Télécommunication travaillent physiquement avec des groupes de chercheurs de Recherches Bell-Northern, c'est à l'île-des-Soeurs à Montréal. Cette proximité physique de gens fait en sorte que cela crée un climat d'interactions entre ces gens, cela augmente le champ des préoccupations respectives des deux groupes et c'est de nature à faire en sorte que la recherche fondamentale qui demeure finalement le rôle de l'université est une recherche orientée, sans que cela lui enlève son caractère fondamental et plus pertinente en ce qui nous concerne. Là, je peux parler de la société Bell Canada. En ce qui nous concerne, cela nous apparaît une expérience particulièrement intéressante, enrichissante et qui a produit un certain nombre de résultats sur lesquels il serait trop long de s'attarder, mais qui a quand même produit des résultats du point de vue pratique qui font preuve de la valeur de la formule. C'est une formule qui ne peut pas être répétée dans un même domaine à plusieurs exemplaires mais on peut s'en inspirer dans d'autres secteurs.

Mme Blackburn: Une dernière question. Merci, M. le Président. Bien que vous ne soyez pas directement concernés, je pense que cela a dû vous intéresser, j'aimerais avoir vos commentaires sur une des recommandations contenues dans le rapport Gobeil touchant la réorganisation, ce qu'il qualifie de réorganisation majeure des organismes oeuvrant dans le secteur de la recherche.

M. Lemay: À ce moment-ci, tout ce que nous pourrions dire, c'est que nous serions sûrement très intéressés à y participer, à examiner tout ça. M. le président nous a parlé d'un CNRS au début.

Je pense que c'est probablement la toute première idée qui était venue à M. Johnson, à l'époque, lorsqu'il a parlé de créer un INRS et tout le reste. Les choses ont évolué très rapidement durant quelques années. C'est devenu un INRS qui a réellement inquiété des chercheurs universitaires ou même gouvernementaux, à l'époque. Les choses sont entrées dans l'ordre à la suite de deux remises en question. Je crois que c'est maintenant terminé depuis le livre blanc de 1980.

Aujourd'hui, nous sommes heureux d'être universitaires, comme l'INRS, parce que nous avons pu apprécier la valeur de la formation que nous donnions aux étudiants. Il est important, particulièrement au Québec où il y a si peu de chercheurs, de garder cet aspect formation, tout en regroupant les recherches et les centres de recherche le plus près possible. »

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Vous allez conclure?

Mme Blackburn: Oui. Messieurs, au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. Tout comme les autres intervenants qui nous ont parlé du développement de la recherche et des deuxième et troisième cycles, les opinions que vous émettez ce matin nous paraissent à la fois utiles et pertinentes.

Comme je me suis souvent portée à la défense des universités en régions, je voudrais bien que vous sachiez que je porte le même intérêt. J'estime qu'il est aussi important, pour ne pas dire vital, qu'on investisse aussi dans la recherche et le développement des deuxième et troisième cycles.

Mais pour qu'on puisse le faire de façon efficace, il faut absolument augmenter la performance au premier cycle, parce que cela a des retombées, des répercussions immédiates, à la fois sur les capacités de recherche et sur la capacité de l'inscription et de diplomation aux deuxième et troisième cycles.

Je vous remercie infiniment de votre participation aux travaux de cette commission et je souhaite à vos organismes longue vie.

M. Lemay: Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, nous sommes frustrés comme tous les membres de ta commission, je pense bien - et ceux qui viennent nous voir - par les limites de temps à l'intérieur desquelles doivent se faire nos discussions. Nous avions entrepris un exercice

assez considérable, celui qui nous invitait à entendre tous les organismes intéressés à témoigner devant nous.

Nous avons tenu notre pari et nous allons le tenir jusqu'au bout. Mais une des conséquences de ce pari, c'est que nous ne pouvons pas disposer, avec chaque organismes, de deux ou trois heures qui seraient nécessaires. On a quand même pu aller au coeur des problèmes dans le peu de temps qui nous était imparti. Nous avons bien noté les difficultés particulières qui ont été portées à notre attention par vous-mêmes, M. Lemay et vos collègues, et nous allons poursuivre l'examen avec vous au cours des prochaines semaines.

Par conséquent, c'est plutôt une entrée en matière que nous avons faite aujourd'hui. Nous aurons l'occasion d'aller plus au fond du problème et nous trouverons le temps de le faire.

Je vous remercie bien d'être venus devant la commission et voudrais vous remercier également de l'apport précieux que les chercheurs de L'institut et vous-mêmes avez fourni au cours des dernières années à la prise de conscience du Québec quant à l'importance de la recherche pour son progrès tout court. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. Lemay. J'espère, M. Lemay, que vous et vos collègues n'avez pas l'impression d'être venus rencontrer une galerie de députés frustrés, parce que tous ont dit qu'ils étaient frustrés par le temps et par une foule de contingences.

On vous remercie beaucoup, M. Lemay, de votre visite. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi, alors que nous accueillerons l'Institut Armand-Frappier. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M, Parent, Sauvé); À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille l'Institut Armand-Frappier, dont le porte-parole est le Dr Aurèle Beaulnes qui en est le directeur.

Dr Beaulnes, bienvenue et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission permanente de l'éducation et de vous être présenté à cette commission parlementaire qui a pour but de rechercher des solutions à la problématique de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois.

M. Beaulnes, la commission parle- mentaire a prévu d'accorder une heure à l'Institut Armand-Frappier, ou à peu près, on n'est pas à la minute près, de façon à pouvoir échanger avec vous sur cette problématique qui nous intéresse tous. La procédure normale veut qu'on vous demande de nous présenter les gens qui vous accompagnent, de nous présenter votre mémoire ou la synthèse du mémoire et, après cela, j'inviterai les représentants du parti ministériel et de l'Opposition à échanger avec vous pour une période d'environ 50 minutes, après quoi nous demanderons aux deux partis de conclure au nom de leur formation politique.

M. Beaulnes, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire.

Institut Armand-Frappier

M. Beaulnes (Aurèle): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire, nous voulons d'abord remercier la commission d'avoir bien voulu nous inviter à présenter nos observations sur les problèmes reliés au financement et aux orientations du système universitaire.

Nous ne ferons pas lecture du mémoire que nous vous avons soumis. Dans un bref exposé d'environ dix minutes, dont nous vous avons remis le texte d'ailleurs, nous présenterons certains aspects complémentaires de notre analyse des besoins de notre institution.

En qualité de directeur de l'institut, permettez-moi de vous présenter les membres de la direction qui forment notre délégation. À ma gauche, M. Claude Vézina, directeur adjoint à l'enseignement et à la recherche; son collègue, M. René-Paul Fournier, le doyen des études avancées et de la recherche, et, à l'extrême gauche, M. Pierre Pagé, adjoint au directeur développement et planification; à ma droite, M. Fortin, le directeur administratif de l'institut, et, à sa droite, M. Marc Quévillon, qui représente le secteur de l'exploitation et qui est notamment directeur du contrôle de la qualité.

Je tiens à vous faire part, M. le Président, du vif regret du président de notre conseil d'administration, M. Guy Dufresne, vice-président de Consolidated-Bathurst, qui se faisait un devoir d'être avec nous aujourd'hui, mais, en raison du décès subit de son père, il n'a pu être des nôtres cet après-midi.

Je souligne également la présence d'autres cadres de l'institut, M. Bernard Myette, directeur des ressources humaines, et M. Normand 5mith, directeur des relations publiques et internationales.

L'Institut Armand-Frappier est un

établissement de haut savoir et de technologie avancée dont la mission originale le situe dans une catégorie très spéciale au Québec. Institution de recherche et de formation de 2e et 3e cycles exclusivement, il est spécialisé dans des sciences appliquées et des technologies dérivées des biosciences. Sa réputation repose sur 48 années de travaux de laboratoire et d'exploitation des résultats de la recherche.

Le mémoire que l'institut a déposé à cette commission parlementaire est une contribution de notre établissement qu'il faut situer dans le prolongement du mémoire présenté au nom du réseau par l'Université du Québec. C'est pourquoi notre mémoire, dans une perspective de complémentarité, aborde principalement la question du financement des instituts de recherche. Il ne se désintéresse pas pour autant des autres aspects de la problématique universitaire. Et il s'associe aux positions adoptées par le réseau de l'Université du Québec et notamment, ce matin même, par l'Institut national de la recherche scientifique.

Puisqu'en outre de la question du financement notre mémoire met surtout en lumière le mandat de recherche et d'exploitation de l'institut, j'aimerais, pour mieux informer les membres de cette commission, décrire d'une façon un peu plus spécifique nos activités proprement académiques dont les priorités répondent aux besoins urgents de formation et de recherche dans les biosciences et les biotechnologies. Certaines réalisations de l'institut sont plus visibles, voire, à l'occasion, spectaculaires. À titre d'exemple, mentionnons la mise en chantier récente d'un pavillon destiné à loger le Centre d'irradiation du Canada en action conjointe avec Énergie atomique du Canada Ltée, projet qui, d'ailleurs, s'insère dans le contexte général du mandat de l'institut puisque l'irradiation gamma a comme but d'attaquer les micro-organismes qui contaminent et détériorent les aliments et qui causent diverses maladies infectieuses, ce qui est la cible première de l'institut.

Je citerai aussi, comme réalisations peut-être plus visibles, le défi sans cesse renouvelé de la production annuelle de certains vaccins et, notamment, d'un vaccin très évasif, celui de l'influenza, à l'intention de la population canadienne, certains développements en partenariat avec BIOPRESERV Inc., avec une grande firme d'ingénieurs-conseils, la maison Lavalin, et la création toute récente d'une nouvelle entreprise d'exploitation, l'IAF BioChem international Inc. Une liste plus détaillée de nos réalisations récentes sur le plan de la recherche et de ses applications a été insérée dans notre mémoire.

Il importe d'emblée de rappeler que nos divers succès sont l'oeuvre de longs travaux d'équipe et qu'ils reposent sur des acquis précieux et sur la contribution dynamique et la collaboration constante de nos six centres de recherche et de tous leurs chercheurs, de même que des essentiels secteurs de l'exploitation et des services administratifs. C'est pourquoi il s'impose de toute urgence, pour conserver et faire fructifier les diverses possibilités de développement majeur de notre institution, de veiller à accorder aux chercheurs, aux centres et aux diverses unités scientifiques de l'institut le soutien financier sur lequel se fonde toute la chaîne de ses réalisations.

En guise de rappel des grandes lignes du mémoire de notre institution, on me permettra de me restreindre ici à la présentation de certains passages seulement de ce mémoire dont vous avez pu prendre connaissance avant cette séance. Créé en 1938, donc, il y a 48 ans, sous l'impulsion du Dr Frappier et de quelques hommes d'affaires, l'institut porta, de 1942 à 1972, le nom d'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'Université de Montréal. Adrninistrative-ment autonome, toutefois, l'institut obtenait alors ses revenus directement de l'État et, dans une majeure partie, de la vente de ses produits biologiques. En 1972, l'institut entre dans le réseau de la jeune Université du Québec et, en 1975, il prend le nom d'Institut Armand-Frappier, en l'honneur de son fondateur et directeur pendant 36 ans. (15 h 15)

Les lettres patentes refondues de 1972 traduisent bien le caractère hybride des objectifs et des orientations de l'institut qui s'est vu confier par le gouvernement quatre mandats interdépendants: premièrement, recherche orientée vers l'amélioration de la santé, le développement industriel et la mise en valeur des ressources naturelles; deuxièmement, formation de spécialistes au niveau des études supérieures; troisièmement, services aux gouvernements, aux hôpitaux et à l'industrie dans les domaines du diagnostic, de la médecine préventive, de la microbiologie appliquée et des sciences connexes et, quatrièmement, caractéristique très distinctive de notre institution, fabrication et vente de produits biologiques, vaccins, sérums, extraits, antigènes et divers autres produits utilisés en biologie et en médecine humaine et vétérinaire. Ajoutons que ces lettres patentes spécifient que tout revenu commercial, toute contribution, toute souscription ou toute subvention doit servir exclusivement aux fins de la recherche et de l'enseignement.

Le mémoire décrit ensuite les entités administratives particulières mises en place pour exploiter les résultats de la recherche et pour permettre de diversifier les sources de financement. Enfin, le mémoire rappelle les besoins spécifiques de l'institut en ce qui concerne le financement de ses installations, et j'y reviendrai très brièvement dans ma

conclusion. Nous pourrons apporter des précisions sur ces points en réponse à vos questions.

Un mot sur la contribution plus proprement académique ou universitaire de l'Institut Armand-Frappier puisque nous avons peu touché cela dans notre mémoire. Le domaine très spécialisé dans lequel oeuvre l'institut, comme le fait que son enseignement ne touche que les 2e et 3e cycles, ne permettent pas toujours au milieu extérieur de bien connaître son activité de type académique. C'est pourquoi nous croyons nécessaire de présenter certains chiffres regroupés selon divers indicateurs. Le premier de ces indicateurs est le corps professoral lui-même. Il est formé de 43 professeurs réguliers, parmi lesquels on compte 40 Ph.D., un pourcentage de docteurs très élevé. Il faut ajouter à ce nombre le groupe des professeurs associés qui sont accrédités pour enseigner et diriger les travaux de recherche; on en compte 25, tous Ph.D. Signalons que de nombreux scientifiques oeuvrant dans les autres secteurs de l'institut, tel celui de l'exploitation, sont aussi détenteurs d'un Ph.D. ou d'un diplôme professionnel équivalent.

Les étudiants présents à l'Institut Armand-Frappier se distinguent en deux catégories. Tout d'abord, les étudiants admis à nos propres programmes de maîtrise et de doctorat. II sont tous des étudiants à temps complet. Depuis l'ouverture des programmes en 1977, on compte un total de 110 étudiants qui ont séjourné ou séjournent encore à l'institut. La deuxième catégorie est formée d'étudiants admis dans une autre université et qui poursuivent, également à temps complet, tous leurs travaux de recherche sous la direction d'un professeur de l'institut. Depuis 1981, ces étudiants sont au nombre de 56.

Les diplômés issus de nos activités académiques se divisent également en deux catégories. Les diplômés de l'institut lui-même, dans ses programmes de maîtrise et de doctorat en virologie créés, je le répète, il y a huit ans seulement, sont au nombre de 36 à ce jour. Ils seront 44 en 1987. Mais d'autres étudiants en recherche à l'institut sont inscrits, et nous en sommes particulièrement fiers, à d'autres universités - McGîll, Montréal, UQAM, etc. - et ont également été diplômés en grand nombre. Depuis l'amorce des programmes d'enseignement supérieur de l'institut, 91 diplômés sont de l'Université de Montréal, 12 à McGill, 10 à l'UQAM; de l'Université de Paris, 2 diplômés. Au total, depuis l'amorce de nos programmes d'enseignement supérieur à l'institut, c'est donc 115 diplômés d'autres universités qui ont été entièrement formés à l'institut. C'est une contribution éloquente, je crois, à la collaboration interuniversitaire.

Plus particulièrement, depuis cinq ans, le total des diplômés inscrits à d'autres universités est de 17 maîtrises et 10 doctorats. On trouvera d'ailleurs en annexe le détail complet de ces diverses statistiques.

Les stagiaires de recherche, qui forment un autre groupe non négligeable en institut, stagiaires postdoctoraux, stagiaires doctoraux mais non inscrits à des programmes d'enseignement supérieur depuis six ans, sont au nombre de 59 annuellement»

Les projets de recherche. Quels sont les indices de productivité; la capacité de nos scientifiques à produire des fonds. Le corps professoral dont tes membres consacrent la totalité de leur temps en exclusivité à l'Institut Armand-Frappier comme à l'INRS, nous l'avons vu ce matin, est très actif en recherche. L'an dernier, 117 projets ont été financés par des organismes extérieurs recueillant ainsi un total de 3 700 000 $ de subventions et de contrats. En regard du nombre de professeurs actifs durant cette période, on établit donc à près de 100 000 $ la moyenne de subventions et contrats obtenus par professeur. Je crois qu'il s'agit là d'un indice de très bonne performance. En 1984-1985, la productivité scientifique de l'institut a été croissante et permet de dénombrer 106 publications et 150 communications. Au cours des quatre dernières années, on dénombre un total de 339 publications et 549 communications scientifiques à des congrès nationaux et internationaux.

Il faut aussi mentionner le rayonnement international des travaux de l'institut. Au cours des dernières années, les formes de collaboration scientifique se sont diversifiées et nous en sommes maintenant à exporter, non sans une fierté légitime, diverses technologies élaborées à l'institut. On trouvera en annexe quelques exemples marquants de ces coopérations internationales dans le cadre des 34 ententes signées depuis environ cinq ans dans quatorze pays, notamment du continent asiatique.

Résumons maintenant, M. le Président, notre position sur les besoins de financement. L'institut a respecté, au prix de sacrifices énormes, les principes d'équilibre budgétaire adoptés par l'assemblée des gouverneurs de l'Université du Québec. Il entend assurer avec rationalité la gestion de ses ressources afin de s'associer aux efforts de l'État québécois pour garantir la stabilité des finances publiques. Pour illustrer certains de nos besoins de financement, nous nous contenterons d'un seul énoncé, quelque peu caricatural, direz-vous, qui nous fait douloureusement mal. L'institut doit loger dans six roulottes installées à demeure sur le campus 46 personnes, ce qui représente 6 % des effectifs réguliers et 53 % des étudiants réguliers.

L'Institut Armand-Frappier, qui a

contribué à la promotion des études avancées de plusieurs autres universités sans recevoir aucune compensation financière de ces dernières, appuie l'avis du Conseil des universités qui, M. le ministre, vous recommande de hausser le niveau de financement de l'enseignement et de la recherche universitaire.

Pour lui-même, l'Institut Armand-Frappier résume sa position en rappelant son entier accord et son appui énergique à la recommandation énoncée dans le mémoire de l'Université du Québec, à savoir que pour assurer l'évolution normale des instituts de recherche il faut qu'une nouvelle formule soit développée et mise en vigueur le plus tôt possible. L'institut ajoute à ces propositions son appui aux analyses présentées par le Conseil de la science et de la technologie dans son mémoire à la commission parlementaire et qui dit que toute nouvelle formule de financement doit tenir compte des coûts réels, incluant évidemment la composante des coûts indirects de la recherche lors de la répartition des ressources.

Enfin, l'Institut Armand-Frappier demande au gouvernement du Québec d'exercer toutes les pressions requises pour que les organismes fédéraux de subvention de la recherche universitaire financent les frais indirects de la recherche dont ils acceptent les projets, à condition évidemment que des crédits additionnels soient approuvés par l'État, sinon nous tomberions dans une situation pas véritablement meilleure s'il fallait réduire l'ensemble des budgets dévolus au support des frais directs de la recherche.

En conclusion, M. le Président, l'Institut Armand-Frappier tient à affirmer que malgré les difficultés des finances publiques le gouvernement du Québec doit maintenir son soutien pour garder la recherche universitaire concurrentielle et pour lui conserver son rôle de leadership scientifique et économique dans la société contemporaine. À cet égard, l'institut entend poursuivre tous ses efforts pour maintenir son excellence académique et se donner les moyens appropriés à un développement planifié.

L'institut réitère le caractère essentiel de sa mission sociale en promotion de la santé et en exploitation des retombées de la recherche appliquée, particulièrement dans le domaine des vaccins. L'Institut Armand-Frappier souligne que sa longue expérience en biosciences appliquées peut permettre un apport efficace au développement économique de ce secteur et à l'émergence de nouvelles industries. À cet égard, d'ailleurs, M. le Président, l'institut a joué un rôle important au cours des quelques dernières années comme incubateur puisqu'il a fait émerger six entreprises dont cinq sociétés autonomes. C'est pourquoi l'institut demande instamment au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science un soutien financier adéquat dans un cadre de financement renouvelé. Au service de l'État québécois et de toute la société, l'institut est une ressource importante qui demeure sous-exploitée. Nous croyons qu'avec un correctif adéquat apporté à ses problèmes de capitalisation il -pourrait jouer un rôle décisif au triple plan de la formation, du service à la santé publique et du développement économique.

L'Institut Armand-Frappier attend du ministère les moyens nécessaires à la réalisation des missions qui lui ont été fixées dans sa charte adoptée par l'Assemblée nationale, mission d'enseignement au niveau avancé, mission de recherche orientée et mission de service public en promotion de la santé et de développement industriel. M. le Président, mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention et de votre compréhension.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le directeur. Il nous reste exactement 40 minutes de discussion entre les membres de cette commission. Le temps sera réparti également entre les deux formations politiques, soit quinze minutes d'un côté et quinze minutes de l'autre, et cinq minutes à chacun des partis pour conclure. Je reconnais immédiatement le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: C'est avec beaucoup de plaisir que du côté ministériel nous souhaitons la bienvenue au Dr Beaulnes et à l'équipe de l'Institut Armand-Frappier qui l'accompagne. L'Institut Armand-Frappier est depuis de très nombreuses années un des joyaux de la science québécoise. Nous connaissons tous le travail remarquable qu'a accompli pendant des années le Dr Frappier. Vous êtes aujourd'hui les continuateurs de son oeuvre et j'espère que l'institut continuera longtemps à fournir une contribution originale, autant au développement scientifique qu'à l'amélioration de la santé, non seulement au Québec, mais à l'échelle canadienne, voire internationale, comme vous l'avez souligné dans votre présentation.

Aujourd'hui est une journée lourde pour celui qui vous parle parce que c'est un deuxième aveu qu'il est obligé de faire. J'ai dû confesser ce matin à l'INRS l'Institut national de la recherche scientifique, que je n'avais pas encore pu trouver le temps d'aller visiter l'institut chez lui. La même observation s'applique à votre institut. Nous en avons parlé à plusieurs reprises et les projets que j'ai conçus à ce sujet n'ont pas pu se réaliser jusqu'à ce jour. J'espère que ce sera dans un avenir très prochain. Je vais vous dire que je suis avec beaucoup d'intérêt le travail de l'institut et que j'étudierai avec un intérêt particulier les problèmes reliés au financement des instituts de recherche et en

particulier l'Institut Armand-Frappier. Nous avons des ressources extrêmement importantes engagées chez vous. Je suis content de constater que vous nous avez posé des problèmes qui restent de dimension quand même fort raisonnable. Vous ne nous avez pas présenté des problèmes qui seraient de nature à nous décourager en partant et le genre d'ajustements que vous demandez est sûrement du genre qu'on doit étudier sérieusement. Je ne suis pas en mesure de prendre d'engagements aujourd'hui pour des raisons que vous comprendrez. Nous allons étudier avec beaucoup d'attention les chiffres que nous apportait votre mémoire et nous aurons l'occasion d'en discuter plus à fond dans un avenir prochain. (15 h 30)

Parmi les clarifications que j'aimerais peut-être vous demander, Dr Beaulnes, il y en aurait une en ce qui a trait à la structure de l'Institut Armand-Frappier qui est complexe, comme vous le dites vous-même à plusieurs endroits dans votre mémoire. C'est une institution qui chevauche à la fois sur la recherche et l'enseignement et sur l'activité économique à caractère rentable. C'est assez rare qu'on voit le mariage des deux comme on le trouve chez vous. Il y a des grands avantages dans un mariage comme celui-ci et il y a sans doute des problèmes également. Je ne suis pas au courant de manière assez détaillée pour émettre des opinions sur cela. Il y a une question que je voudrais vous poser. Je remarque, à la page 10 de votre mémoire, qu'il y a un organigramme où vous indiquez la structure du Groupe Frappier. Il y a d'un côté la fondation avec les trois organismes à but lucratif et de l'autre côté il y a l'Institut Armand-Frappier proprement dit avec ses divers centres de recherche. À la page 21, vous nous indiquez le budget total du Groupe Frappier. Le budget pour l'année 1985-1986 était de 28 000 000 $. Pourrais-je vous demander quelle est la part qui va au côté gauche du tableau, à la page 10, et la part qui va au côté droit?

M. Beaulnes: Alors, M. le ministre, vous aurez noté que l'expression "Groupe Frappier" est entre guillemets. II ne s'agit pas d'une structure corporative ou d'un consortium d'opérations. Il s'agit d'un regroupement d'entreprises et de programmes qui a l'Institut Armand-Frappier en son centre et autour duquel gravitent six sociétés qui ont elles-mêmes des relations diverses avec d'autres groupes. Dans le cas de la Fondation Armand-Frappier, à la gauche, il s'agit comme son nom l'indique d'un organisme philantropique qui recueille des fonds par des campagnes et qui contribue à verser, chaque année, entre 125 000 $ et 175 000 $ de contributions pour l'achat d'appareillage à des postes de "fellowship" en recherche et à quelques autres types de supports financiers. C'est donc une contribution qui n'est pas négligeable mais qui demeure minime. Voilà pour cette partie de la Fondation Armand-Frappier. Pour ce qui est de ce qui apparaît un peu plus bas, M. le ministre, il y a IAF Production qui a actuellement un budget de 6 000 000 $ de revenus qui, pour l'année passée, s'ajoute aux quelque 22 000 000 $ de l'Institut Armand-Frappier, ce qui forme un budget total de 28 000 000 $, tel que cela apparaît à la page 21. Inclus dans l'Institut Armand-Frappier l'année dernière, il y avait une autre des composantes corporatives qui apparaissent dans la partie de gauche à savoir l'IAF BioChem Inc., qui était l'an dernier pleinement intégrée dans l'institut et qui engendrait environ 600 000 $ de revenus. Depuis quelques semaines, cette entité corporative est créée et la composante d'exploitation a quitté l'institut et fera gonfler, si l'on veut, le budget total du Groupe Frappier.,

Quant à BIOPRESERV Inc., toujours dans le partie de gauche, M. le ministre, cette corporation a été créée il y a deux ans et amorce cette année ses travaux qui consistent essentiellement en des études de faisabilité sur les radiations gamma. Un premier contrat de 300 000 $ vient d'être obtenu de l'ACDI pour des travaux de faisabilité en Égypte, sur les radiations gamma. Donc, dans la partie de gauche, M. le ministre, dans les 28 000 000 $, l'IAF Production s'y retrouve pour environ 6 000 000 $.

Pour ce qui est de la partie de droite, c'est la totalité des activités de l'institut comme tel qui, évidemment, est l'une des fières constituantes de L'Université du Québec. On voit la division de ses unités opérationnelles de recherche, les centres de recherche proprement dits. On voit en dessous - j'avoue qu'un organigramme qui n'est que bidimensionnel est toujours un peu complexe, il devrait à la fois être structurel et fonctionnel - le Centre de fractionnement sanguin Armand-Frappier, qui est une autre composante du groupe même si elle a des distances assez importantes avec l'institut, parce que c'est une corporation totalement indépendante mais qui subventionne de la recherche à l'institut et qui construira son centre sur le campus de l'institut lui-même.

M. Ryan: Très bien. Merci. Je remarque que, dans l'ensemble des revenus de l'ordre de 28 000 000 $, comme vous venez de le rappeler, 4 000 000 $ viennent sous forme de subventions de recherche, de contrats ou de commandites. J'ai remarqué également, au chapitre de la production de diplômés, que le nombre des diplômés qui sortent de l'Institut Armand-Frappier n'est pas très élevé. J'aimerais que vous me donniez des précisions sur ces deux points. Je trouve que

pour un institut de recherche, a priori, la proportion des revenus qui viennent de contrats ou de subventions de recherche n'est pas très élevée par rapport à l'ensemble; la proportion qu'on nous a donnée ce matin pour l'INRS était plus forte que cela. J'aimerais que vous m'expliquiez ce rapport-là, de même que le nombre relativement faible des diplômés, à mes yeux de profane pour l'instant.

M. Beaulnes: Ce matin, M. le ministre, si je me souviens bien, dans sa préparation l'INRS a laissé entendre que les revenus moyens de subventions extra muros par scientifiques de l'INRS dépassaient les 100 000 $; on n'a pas donné un chiffre précis, je crois. Le nôtre, pour ce qui est de l'année dernière, le chiffre assez précis est de 95 000 $, ce qui est assez près, je pense. On peut dire que l'on se compare au moins à nos collègues de l'INRS à cet égard.

Pour ce qui est du nombre des diplômés, j'inviterais notre doyen des études avancées et de la recherche à commenter ces chiffres et à commenter aussi l'indice de productivité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le doyen.

M. Fournier (René-Paul): Une première chose qu'il faut signaler c'est que l'institut a obtenu ses premiers programmes de formation en 1977 ou 1978, si ma mémoire est bonne, c'est-à-dire un programme de maîtrise et un programme de doctorat en virologie.

Le deuxième type de programme que nous avons obtenu, c'est un programme de maîtrise en microbiologie appliquée dont l'autorisation d'implantation a été faite pour septembre 1985. Donc, cela veut dire qu'en termes de programmes de formation c'est passablement limité à l'Institut Armand-Frappier. Il faut dire que dans les programmes de maîtrise et de doctorat, avant de former un docteur, il faut qu'il s'écoule un peu de temps. Je pense que, malgré tout, en termes de temps moyen de diplomation, le score de l'institut par rapport à l'ensemble des universités québécoises est très bon. La petite quantité de diplômés qu'on peut constater dans nos programmes s'explique dans une large mesure par le peu de programmes que nous avons. À cet égard, je pense que l'Institut Armand-Frappier insiste beaucoup plus sur le plan de la recherche que de la formation. En d'autres termes, ses activités sont beaucoup plus importantes du côté de la recherche que du côté de la formation.

M. Ryan: Je pose juste une question, encore une fois, qui vient plutôt d'un regard profane. Le fait que vous ayez des activités à caractère lucratif greffées sur l'ensemble de la structure, est-ce que ce n'est pas de nature à infléchir la nature même de la recherche qui se fait à l'institut? Est-ce que ce n'est pas dangereux que la recherche soit infléchie dans un sens utilitaire et qu'elle perde peut-être de vue des objectifs fondamentaux à plus long terme qui doivent être au coeur de l'activité de recherche d'un institut universitaire?

M. Beaulnes: M. Vézina, le directeur adjoint, répondra à cette question, M. le ministre.

M. Vézina (Claude): M. le ministre, vous nous avez référé tantôt à l'organigramme qui se trouve en page 9 et vous y voyez six centres de recherche. C'est dans ces centres de recherche que se fait la recherche, bien sûr, mais aussi que se donnent les programmes d'enseignement. Dans l'exploitation, dans la division des produits biochimiques, jusqu'ici, il y a aussi des chercheurs qui font de la recherche industrielle, mais qui collaborent peu aux programmes d'enseignement de par la nature de leurs activités.

Il faut peut-être aussi se référer à la page 21, au budget, comme vous l'avez si bien fait plus tôt. Il faut répéter que la subvention du ministère de l'Éducation, qui nous vient de l'Université du Québec, est d'environ 10 000 000 $ et il y a environ 4 000 000 $ qui sont obtenus par les chercheurs eux-mêmes auprès des agents subventionnaires.

Quant aux autres sommes, elles viennent de la vente des produits. Les 10 000 000 $ ne sont pas du profit net. C'est un budget total qui comprend des dépenses aussi bien que des revenus. On ne peut pas dire qu'il y a 10 000 000 $ qui sont affectés à la recherche et à l'enseignement. En somme, il faut diviser le budget en deux, soit 14 000 000 $, si on veut faire des comparaisons qui sont correctes.

Vous demandez si les activités commerciales peuvent contaminer, pour utiliser un terme microbiologique, la recherche tout court et l'enseignement. Je ne le pense pas, M. le ministre. Parce que, comme j'y ai répondu dans la première phrase, les programmes d'enseignement se trouvent dans les centres de recherche et les centres de recherche comprennent des professeurs qui ont une liberté académique, ou une certaine liberté académique, comme tous les chercheurs des autres universités. Il y a des chercheurs qui sont orientés dans leur recherche dans le sens que leur recherche doit correspondre aux objectifs de l'institut, mais où il n'y a pas une attitude qu'on pourrait qualifier de médiocre parce qu'elle est près, physiquement, des activités commerciales de l'institut. On applique dans

les départements des universités traditionnelles et conventionnelles la même rigueur scientifique que celle qu'on applique dans les centres de recherche. Je pense que votre préoccupation n'est pas fondée.

M. Ryan: Vous admettez que c'est un cas rare. Vous dites vous-même que c'est, pour le moins, un prototype en avance sur son temps.

M. Vézina: II y a d'autres modèles ailleurs, peut-être pas au Canada et peut-être pas chez nous, au Québec, mais il en existe quand même ailleurs dans le monde. On a entendu parler, ce matin, de l'INRS où existe ce voisinage entre les chercheurs et les industries, et je ne pense pas que cela conduise à un manque de rigueur scientifique, au contraire. Je pense que la rigueur scientifique est le gage de l'excellence dans l'enseignement et dans la recherche, mais aussi dans la recherche industrielle et dans les relations qui guident les universités et l'industrie. Les industries qui ont du succès, je pense, comprennent que l'excellence de la recherche est une condition sine qua non au succès.

M. Ryan: Une autre question, si vous me permettez, à propos du lien entre l'Institut Armand-Frappier et l'Université du Québec. Je vous demande si vous vous sentez à l'aise à l'intérieur de ce lien, ce que vous apporte cette appartenance au réseau des Universités du Québec et ce que vous apportez vous-mêmes au réseau. Quelle est, en somme, la signification de ce lien, si on excepte le fait que c'est un canal qui permet d'obtenir un financement public? Évidemment, c'est à même le budget de l'Université du Québec que l'institut est financé en bonne partie. J'aimerais que vous me disiez ce que signifie ce lien pour vous. Si cela crée des problèmes, j'aimerais que vous nous en saisissiez aussi,

M. Beaulnes: Nous nous sentons bien à l'aise au sein de l'Université du Québec. L'institut existait avant l'Université du Québec - il a 48 ans d'existence - et, en 1972, il a été jugé opportun de l'y insérer. Même s'il portait auparavant le nom d'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'Université de Montréal, ce n'est pas juste, l'institut était un locataire à l'Université de Montréal mais sa gestion était totalement autonome. Depuis 1972, il a été jugé, autant au niveau politique qu'au niveau des administrateurs de nos universités, qu'une insertion formelle dans un cadre universitaire permettrait à cette institution de se développer davantage. Auparavant, l'institut n'avait pas de programme d'enseignement de 2e et 3e cycles, ce sont les programmes de l'Université de Montréal qui étaient empruntés, en quelque sorte.

Un premier avantage a été, comme vous l'avez dit vous-même, la possibilité d'avoir accès à un régime de diplomation et de certification d'études avec des programmes de chez nous, de l'Institut Armand-Frappier. C'est ce que nous avons fait. Nous n'en avons pas suffisamment, ils ne sont pas à la mesure des efforts que nous avons déployés, M. le ministre. Vous savez combien il est difficile de passer à travers le crible du Conseil des universités, du Comité des programmes et de votre propre ministère pour avoir les crédits nécessaires pour les développer. Nous aurions peut-être cinq programmes de Ph.D. si nos plans avaient pu se réaliser. (15 h 45)

Nous avons pu, au sein de l'Université du Québec, obtenir ce lien essentiel au plan de la diplomation. Nous avons pu, comme vous l'avez très bien dit, hériter d'une formule de financement qui, avant 1972, était, je ne dirais pas incohérente, mais imprévisible, directe, indirecte, etc. L'institut a quand même pu progresser fort bien pendant toute cette période, mais je dois dire qu'il éprouvait certaines difficultés qui se sont corrigées assez bien, il faut le reconnaître, pendant les premières années du séjour de l'Institut Armand-Frappier au sein de l'Université du Québec. Je ne reviendrai pas - cela a été fait ce matin par l'INRS -sur le problème de l'évolution de la formule qui nous a défavorisés, depuis trois ans surtout, de la même regrettable façon que l'INRS. Mais cela n'est pas la faute de l'Université du Québec, en quelque sorte. Au contraire, c'est une formule qui ne s'adapte pas suffisamment à la réalité de notre mission. C'est la raison pour laquelle notre plaidoyer se voudrait encore plus vibrant pour avoir une formule cohérente. Mais nous sommes heureux d'être au sein de cette université progressiste, omniprésente dont la mission régionale, sectorielle et panquébé-coise est pas mal unique.

En cela, M. le ministre, nous découvrons des ressemblances passablement fortes avec la mission de l'institut. L'institut a été créé en 1938 avec une mission sociale. L'Institut Armand-Frappier, en 1938, était en quelque sorte un précurseur de l'Université du Québec puisqu'il s'était développé un contrat social entre l'État et cette institution. C'est pour cela que nous sommes à l'aise: il y a une parenté intellectuelle, il y a des démarches professionnelles qui se ressemblent. Donc, nous sommes fiers de faire partie de ce réseau. Il faut le maintenir absolument, M. le ministre. Notre mission pourrait, à la rigueur, s'en dissocier. Certains disent que si l'IAF n'existait pas il faudrait le créer. Mais pourquoi modifier cette relation qui est déjà très importante au chapitre des relations établies avec

plusieurs autres constituantes? Il y a au moins six autres constituantes; c'est inutile de les énumérer ici, mais elles sont importantes. Elles pourraient être encore plus significatives si nous avions le léger supplément d'appui à notre infrastructure. Nous pourrions, en plus de penser à survivre nous-mêmes, à maintenir nos programmes et à éviter de trop en fermer, comme nous avons dû le faire depuis quelques années, déployer nos énergies autour de nous. Mais nous le faisons déjà beaucoup, dans la mesure des moyens qui sont mis a notre disposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Beaulnes. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le directeur, M. le président, messieurs, cela me fait plaisir de vous accueillir, au nom de ma formation politique, à cette commission parlementaire. Le ministre, en même temps qu'il reconnaît que vous êtes pour le Québec et pour le monde international un joyau en matière de recherche dans votre domaine, a semblé un peu nuancer cela par les inquiétudes que semblaient contenir ses questions. J'aimerais, parce que le temps nous presse toujours, venir plus rapidement à votre mémoire. Je pense que, comme l'a fait un peu avant vous l'INRS, vous faites état d'une formule de financement qui vous désavantage, parce que la formule prend comme base les étudiants alors que vous êtes un institut de recherche et qu'on ne peut pas établir une telle base de financement en ce qui vous concerne. Je pense que c'est assez clair dans votre mémoire. Par ailleurs, vous demandez au ministre et au gouvernement du Québec d'exercer toutes les pressions requises pour que les organismes subventionnaires fédéraux financent les frais indirects de la recherche dont ils acceptent les projets. Je vous dirais que, par rapport à toute la question des transferts de fonds fédéraux, des fonds de recherche canadiens, toutes les questions qui ont été posées au ministre étaient pour savoir s'il avait l'intention de réclamer un relèvement des transferts fédéraux plutôt qu'une diminution, que ces transferts fédéraux soient attribués de façon inconditionnelle, sans que cela ait comme effet d'orienter, soit la recherche, soit l'éducation, soit l'enseignement supérieur. On n'a pas encore eu de réponse du ministre là-dessus. Je dois dire en boutade que, comme ce gouvernement estimait être mieux placé que le précédent pour négocier, on devrait dans cette logique trouver des retombées financières réelles par rapport aux négociations avec le fédéral.

M. Jolivet: Bien oui. Même le ministre des Finances...

Mme Blackbum: Mais, pour le moment, on n'a pas encore vu grand-chose, non plus qu'on ne connaît l'intention du ministre là-dessus.

M. Ryan: ...

M. Jolivet: Ah non! C'est notre héritage.

Mme Blackburn: J'aimerais revenir rapidement. Une question d'éclaircissement d'abord. Vous dites dans votre mémoire - le premier - en page 22, en parlant des politiques: "D'autre part, elles ont pour politique de récupérer, le mot n'est pas trop fort, les fonds ainsi gagnés en diminuant d'autant la subvention." A quoi faites-vous allusion? Je pensais que les rentrées de fonds étaient diminuées d'autant lorsqu'il s'agissait des frais de scolarité. Mais là vous nous dites que, si vous obtenez des subventions additionnelles, on vous donne...

M. Fortin (Jean-Pierre): En fait, cela tient au discours qui nous a été servi à quelques reprises, à savoir que les revenus qui sont obtenus de différentes sources doivent autofinancer ce qu'il est convenu d'appeler, dans d'autres institutions universitaires, les entreprises auxiliaires alors que, dans le cas de l'institut, ce que l'on qualifie, pour les fins des formulaires financiers du ministère, d'entreprises auxiliaires s'avère plutôt être des activités complémentaires qui font partie fondamentalement de la mission de l'institut. En l'occurrence, ces revenus viennent aider à supporter les coûts de l'infrastructure. C'est à cet égard que cette affirmation est faite.

Mme Blackbum: Tout à l'heure vous nous disiez, en réponse à une question du ministre, que ce n'était pas faute de volonté de développement, mais parce que d'abord la procédure est complexe, les filtres et les obstacles nombreux et que, n'eût été que de votre volonté, vous auriez pu ouvrir cinq ou six autres programmes de doctorat. Est-ce que vous avez des projets d'expansion et de développement dans ce sens-là et quels sont-ils"?

M. Beaulnes: Nous avons quelques projets - déjà deux projets - mûris assez bien depuis quelques années. J'inviterais peut-être M. le doyen des études avancées et de la recherche à vous faire part de notre premier plan de développement de nouveaux programmes.

M. Fournier: Nous avons actuellement un projet sur lequel nous sommes à

travailler. C'est un programme de doctorat en microbiologie appliquée qui viendrait coiffer l'actuel programme de maîtrise en microbiologie appliquée qui a été implanté en septembre 1985, comme je le disais tantôt. Nous envisageons également, peut-être dans une perspective un petit peu plus à long terme, de voir comment on peut répondre à l'ensemble des besoins des chercheurs des différents centres de recherche en termes de formation. Il y a deux avenues possibles à cet égard. Ou bien nous développons un nouveau programme, et là nous rencontrons l'ensemble des embûches dont on parlait tantôt, ou bien nous tentons d'ajuster, à partir du programme de doctorat en virologie que nous avons, de voir comment on peut adapter ce programme de doctorat en virologie pour répondre notamment aux besoins de nos immunologistes qui actuellement offrent une contribution fort importante à la formation mais par le biais des programmes d'autres universités, notamment l'Université de Montréal et l'Université McGill. Ce sont, pour l'instant, les deux ouvertures que nous entrevoyons en termes de programmes de doctorat.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, à la page 29, vous dites qu'il serait intéressant d'instituer un programme de soutien au développement de la recherche appliquée dans des domaines ovateurs risqués. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quels seraient quelques-uns de ces domaines novateurs? Si on avait de tels programmes, étant donné l'actuelle division entre science et technologie, de quel ministère devraient relever ces programmes?

M. Beaulnes: Très bien. L'institut, eu égard à ses acquis, en fonction de la compétence développée sur les microorganismes et sur les cellules, est un outil privilégié pour accélérer le développement des biotechnologies et leurs diverses applications. Or, l'on sait très bien que, les biotechnologies appliquées, leurs applications dans la bio-industrie représentent autant de domaines novateurs qui s'insèrent en général fort mal dans le cadre du financement habituel des projets de recherche. Lorsqu'il s'agit de façon plus ponctuelle de programmes de recherche tels que sur le SIDA, par exempte, l'institut a été l'un des premiers au Canada à développer, il y a déjà cinq ans, un arsenal complet pour le dépistage de la maladie, pour le développement de meilleurs outils de diagnostic, etc -que faire? Nous sommes aux prises avec ce problème. Il n'y a pas de fonds facilement disponibles pour lancer un programme nécessaire, nécessairement novateur, pluridisciplinaire. Les agences de financement de la recherche fédérale sont eux-mêmes fortement plafonnés. Je pourrais vous dire qu'un programme à cet égard a été développé, a été annoncé il y a déjà six mois, et je viens d'apprendre hier qu'il faudra attendre six autres mois pour obtenir une réponse à l'égard d'une demande de trois quarts de millions que nous avons faite pour accélérer un programme très grand avant-gardiste axé sur le développement de certains produits.

C'est là un exemple d'éléments novateurs multidisciplinaires qui n'a pas, dans le réseau actuel de financement, des méthodes assez souples. C'est tantôt ponctuellement sur un programme urgent que l'institut pourrait, avec un certain nombre de moyens et d'effectifs à sa dispositions, faire des progrès encore plus significatifs. Dans d'autres cas, ce sont des disciplines ou des interdisciplines qui cadrent très mal dans les programmes réguliers de financement. Nous souhaiterions donc qu'il puisse y avoir un cadre de financement plus souple, plus rapide, pour profiter des occasions souvent uniques, dont des institutions comme la nôtre, l'INRS ou d'autres institutions de recherche universitaire ont absolument besoin et qu'ils n'ont pas aisément à leur disposition.

Mme Blackburn: Une dernière question. En page 31 de votre mémoire, vous recommandez d'accroître l'enveloppe consacrée aux équipements. Peut-être l'avez-vous dit et peut-être que cela se retrouve. Ce serait l'estimation de ces besoins. De quel ordre est-ce?

M. Beaulnes: Oui. Voilà là un élément, Mme Blackburn, de grande frustration. L'institut, en dépit de son budget relativement élevé de quelque 26 000 000 $ cette année, ne peut compter que sur quelque 700 000 $ pour le réaménagement de ses divers locaux, l'achat d'appareillage pour répondre tout simplement aux besoins du "turn-over" inévitable de l'appareillage scientifique. Nous sommes véritablement sous-subventionnés à cet égard.

Nous devrions avoir, au bas mot, de 2 000 000 $ à 2 500 000 $ à chaque année et nous avons été obligés, de toute façon, au moins à chaque année, de trouver entre 1 000 000 $ et 1 500 000 $ de toutes sortes de sources, en faisant des emprunts sur notre budget de fonctionnement, en étalant le paiement de certaines dépenses que nous jugions essentielles de faire. Pour l'instant, nous en sommes réduits - je m'excuse de l'expression - parfois simplement à sauver les meubles. Achat d'une génératrice d'urgence: 350 000 $ qui sont enlevés au développement de la recherche; construction d'un réseau plus efficace de canalisation entre nos divers bâtiments; réfection d'un toit qui coule. Lorsqu'on a répondu à ces besoins minimaux de nos 25

pavillons ou bâtiments à l'institut, la somme qui nous est allouée est vite éliminée.

Nous aurions besoin véritablement d'une formule... Nous pourrions démontrer aisément, je pense, Mme Blackburn, une formule adéquate. Mais la formule qui nous est imposée ne tient pas compte, disons qu'elle ne peut pas tenir compte d'une réalité très différente de l'institut. Avec des confinements biologiques, des coefficients d'utilisation imposés par les règles que nous impose le contrôleur fédéral ou les contrôleurs internationaux dans la production des vaccins, il y a tout un ensemble de réalités dont les normes du ministère, hélas, ne peuvent pas tenir compte, de sorte que le besoin est grand mais les sommes disponibles demeurent trop faibles.

Aimeriez-vous ajouter, Jean-Pierre, quelque chose à ce sujet?

M. Fortin (Jean-Pierre): Non.

Le Président (M. Thérien): J'inviterais donc la députée de Chicoutimi à tirer la conclusion pour son parti.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, M. le directeur général, au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. On l'a dit un peu plus tôt, vous faites la fierté des Québécois dans ce domaine de recherche. Vos résultats, je pense bien que vous nous en avez parlé mais ils dépassent aussi largement ce qu'on peut lire dans ce document et ce qu'on voit un peu entre les lignes.

Je ne pourrais que répéter qu'il est important qu'on continue à investir dans la recherche au Québec malgré que les conditions économiques aient été difficiles. II va falloir un jour qu'on se résigne et qu'on constate qu'il y a des priorités. Il me semble que, quand on parlera de recherche et développement, cela devrait être la priorité, sinon, au Québec, je le rappelle, on a peu de chance de se sortir de la crise économique ou de s'en sortir gagnant. Le ministre s'inquiète des effets que pourrait avoir une participation trop grande des subventions de recherche qui viendraient un peu gauchir la mission de votre centre de recherche ou encore la contaminer. Je trouve que, l'expression est assez juste. Je dois dire que comprenant un peu la structure, j'aurais l'impression que cela m'inquiète un peu moins chez vous que dans certaines grandes facultés, pour tout dire ce que je pense. Le recours massif, comme le recommandent beaucoup d'intervenants, à des commandites, des subventions de recherche pourrait avoir cet effet de biaiser la mission des universités et de l'orienter de façon trop fine dans certains secteurs d'activité.

Pour le moment et avec l'expérience du passé, je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose qui me semble très menaçant pour votre institut. Je souhaite qu'on trouve, dans les meilleurs délais, des conditions, des règles de financement qui tiennent mieux compte de la situation qu'est la vôtre et qu'on pourra vous revoir un de ces jours prospère. Merci.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Maintenant, pour le côté ministériel, le ministre et député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais rappeler, comme je l'ai fait à maintes reprises depuis le début des travaux de la commission, que poser des questions dures, c'est un exercice nécessaire dans un mandat comme celui qui a été confié à la commission. Il est bien facile de faire seulement des remarques lénifiantes. Je pense qu'à un moment donné,, il faut poser des questions comme on les voit. Je pense que les gens qui viennent nous rencontrer s'attendent à cela et sont capables de répondre comme l'ont fait très bien les représentants de l'Institut Armand-Frappier, cet après-midi.

Je rappelle que j'ai posé cette question tantôt en songeant - le Dr Beaulnes et ses collègues connaissent très bien ces choses encore bien mieux que nous - aux problèmes qui ont surgi dans plusieurs universités américaines avec la commercialisation de certaines découvertes scientifiques. À un moment donné, les chercheurs eux-mêmes sont emballés par les possibilités illimitées que peuvent présenter leurs découvertes. Ils sont induits à créer des entreprises à caractère commercial qui finissent par s'installer sur des campus, à jouir de tous les avantages qui sont inhérents à la nature d'un campus et, en même temps, à garder pour eux-mêmes dans toute la mesure du possible les avantages qui découlent de la commercialisation de leurs découvertes. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Ce n'est pas un phénomène dont on n'a pas lieu de s'inquiéter, parce qu'il a existé à bien des endroits. Le facteur, le "redeeming factor", comme on pourrait dire à propos de l'Institut Armand-Frappier, c'est que les profits de ces entreprises doivent statutairement être versés dans le groupe, y compris évidemment dans les activités de recherche, au premier chef. C'est un facteur très important. En tout cas, je le souligne devant vous clairement. Aussi longtemps que cette condition de base reste assurée, je pense qu'il y a lieu de regarder l'avenir avec confiance. Je le souligne à dessein parce que le problème est loin d'être imaginaire.

Pour le reste, j'ai dit tout ce que j'avais à dire, tantôt. Vous pouvez être assurés que c'est ce que je pense. Les points que vous avez soumis à notre attention, nous

allons les examiner avec toute la diligence et l'attention nécessaires. Veuillez être assurés que, dans le développement du dispositif scientifique québécois, l'Institut Armand-Frappier occupe une place de choix. Nous allons essayer de la préserver et de l'agrandir si possible. Merci.

M. Beaulnes: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Thérien): Merci, M. le ministre. C'est à mon tour de vous remercier, de remercier l'Institut Armand-Frappier, M. Beaulnes, qu'il nous fait toujours plaisir de revoir, et ses collaborateurs. Merci beaucoup de votre apport.

La commission recevra, après une courte suspension de quelques minutes, les Hautes études commerciales. On suspend les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Thérien): La commission parlementaire va reprendre ses auditions. Je demanderais à nos parlementaires de prendre place. La commission parlementaire de l'éducation accueille l'École des hautes études commerciales. Cela nous fait plaisir de recevoir le directeur de l'École des hautes études commerciales, M. Pierre Harvey. M. Harvey, nous vous laissons le soin de présenter aux parlementaires vos collaborateurs et, ensuite, nous vous tracerons un peu l'itinéraire de la prochaine heure.

HEC

M. Harvey (Pierre): Merci, M. le Président. Au nom de l'École des hautes études commerciales, je remercie les membres de votre commission d'avoir bien voulu nous entendre aujourd'hui. Je vous présente immédiatement les membres de la délégation de l'École des hautes études commerciales qui sont ici avec moi aujourd'hui: à mon extrême gauche, M. Gilles Gauthier, licencié en sciences commerciales de l'École des hautes études commerciales, et MA en économie de l'Université de Pennsylvanie. Il est directeur du centre d'étude en administration internationale à l'École des hautes études commerciales; M. Alain Rondeau, docteur en psychologie industrielle et directeur de la recherche à l'École des hautes études commerciales; M. Roger Charbonneau, MBA à Harvard, président de la corporation de l'École des hautes études commerciales et directeur de l'école de 1962 à 1975. M. Charbonneau est président du conseil d'administration de la

Banque Nationale de Paris et président du conseil de Gaz Métropolitain et d'un certain nombre d'autres conseils d'administration; à mon extrême droite, Mme Francine Harel-Giasson, licenciée en pédagogie, MBA et Ph.D., directrice des programmes à l'École des hautes études commerciales, et M. Adrien Lacombe, bachelier en sciences commerciales, CGA, directeur de l'administration et des finances et responsable des finances à l'École des hautes études commerciales depuis 1974. Nous avons aussi avec nous M. Jacques Villeneuve, diplômé en relations industrielles et directeur du centre de perfectionnement en administration à l'École des hautes étuudes commerciales. M. Villeneuve a été vice-président chez Johnson & Johnson, vice-président chez Marine Industrie, président de Volcano, président chez Forano et il a joint les rangs de l'École des hautes études commerciales en 1981. Il y a aussi M. Pierre Lesage, Ph.D., psychologie Michigan, directeur des programmes de certificats et M. Pierre Hugron, MBA, vice-président de l'Association des professeurs de l'École des hautes études commerciales.

Avant de commencer, M. le Président, à vous résumer notre mémoire, je voudrais vous signaler qu'à la lecture de notre mémoire vous avez pu trouver quelques coquilles. Nous avons essayé de respecter les délais et d'expédier notre mémoire à temps, ce qui nous a obligés à travailler en plein mois de juillet. Je dois confesser que le directeur de l'École des hautes études commerciales n'est pas toujours un bon lecteur d'épreuves.

Le Président (M. Thérien): Votre faute est pardonnée. II nous fait donc plaisir de vous accueillir, vous tous, et votre délégation quand même importante. On m'informait que vous allez prendre de 15 à 20 minutes environ, ce qui laisserait environ 40 minutes de questions partagées entre les deux partis. Sans perdre de temps, M. le directeur, on vous laisse la parole.

M. Harvey: Je crois, M. le Président, que nous avons distribué des copies de ce résumé; alors, je procède.

L'École des hautes études commerciales est une institution qui a une histoire. Une histoire qui est celle des efforts qu'a faits le Québec depuis le début du siècle pour se doter des leviers économiques dont il était presque complètement dépourvu. Les débuts de l'école sont contemporains du grand élan qui semble avoir soulevé le Québec et dont sont témoins alors les écrits d'Errol Bouchette, les grands débats sur le dilemme colonisation agricole-industrialisation, la fondation des caisses populaires et du Devoir, la fondation de la Chambre de commerce de Montréal comme contrepartie au Board of

Trade dans lequel nos marchands montréalais se sentaient mai à l'aise.

Malgré des débuts difficiles, l'école s'est peu à peu imposée au cours des premières décennies de son existence et ceci, en vivant en étroite symbiose avec le milieu québécois et en s'adaptant continuellement à ses besoins. Les toutes premières promotions de diplômés ne trouvèrent que difficilement à s'employer. Mais très tôt la création d'une corporation d'experts comptables par le gouvernement du Québec vint ouvrir un nouveau champ d'activité qui devait servir en quelque sorte de voie royale pour l'accès des francophones à la vie des affaires. L'école se spécialisa alors de plus en plus dans ce domaine, au point qu'avec la pression de la demande issue de la guerre et de l'extension de l'impôt sur, le revenu la quasi-totalité des diplômés se retrouvèrent pendant un certain nombre d'années en comptabilité publique, ce qui explique, au début des années cinquante, la création des grands bureaux francophones d'experts-comptables à Montréal, dont une proportion importante des associés seniors reste encore à l'heure actuelle des diplômés de l'école. Et quand, avec la Révolution tranquille, le Québec entreprit de se doter d'un fonctionnarisme moderne, les diplômés de l'école furent largement mis à contribution pour remplir les cadres nouvellement ouverts. Il en fut de même avec la création des premières sociétés d'État, ainsi qu'avec la constitution du corps professoral en gestion des nouveaux établissements universitaires qui furent créés au cours de ces années.

Pendant toute cette période, l'école avait cependant peu à peu diversifié ses programmes et avait largement débordé le champ de la comptabilité. Elle avait créé le baccalauréat en administration des affaires, doté lui-même de nombreuses concentrations: management, comptabilité publique, marketing, finance, gestion de la production, économie appliquée, etc. Elle avait mis sur pied un MBA et une maîtrise en sciences de la gestion, MSC. Elle avait participé, avec les autres universités montréalaises, au lancement d'un programme conjoint de doctorat en administration. Tous ces développements lui ont permis de contribuer largement avec les années à l'apparition au Québec de cette nouvelle classe d'entrepreneurs francophones dont on se plaît maintenant à souligner le dynamisme. Plusieurs articles publiés sur ce sujet à l'occasion du 75e anniversaire de l'école dont, en particulier, le cahier spécial de la revue "Commerce" du mois d'août 1985, ont abondamment illustré cette contribution de l'école au progrès économique du Québec. L'école pourrait donc dire à ses promoteurs du début de siècle: Mission accomplie!

L'école des HEC, c'est, bien sûr, d'abord, un ensemble d'activités d'enseigne- ment à travers la variété de ses programmes: près de 2000 étudiants en cours réguliers du jour et quelque 6000 dans les programmes pour adultes le soir. C'est aussi un ensemble d'une dizaine de centres et de groupes de recherche oeuvrant dans tous les domaines liés à la mission de l'école. C'est une activité de coopération internationale qui date maintenant de plus de quinze ans et qui concerne l'Algérie, la Chine, les pays des Caraïbes et plusieurs pays d'Afrique noire.

Permettez-moi de souligner à ce sujet que l'école des HEC se trouve au Canada au quatrième rang pour les subventions reçues de l'ACDI au titre des projets de coopération pour le développement. L'école des HEC se classe alors avant les Universités McGill, Laval, de Toronto, de Montréal et toutes les autres institutions canadiennes à l'exception de Guelph, Waterloo et de l'Université de la Saskatchewan.

L'école des HEC, c'est aussi un centre de perfectionnement, le CPHEC, qui continue une tradition inaugurée en 1912 et qui, en 1985-1986 a reçu dans ses séminaires et autres activités de formation 2150 cadres supérieurs et intermédiaires dont la moitié provenait d'entreprises employant au moins 500 personnes. Notons à cet égard que la clientèle du centre a presque exactement doublé depuis 1981-1982.

L'école des HEC, c'est donc beaucoup plus qu'une faculté. C'est une quasi-université ayant vocation d'établissement spécialisé. A côté des professeurs de management, de marketing, de finances ou des autres domaines plus spécialement liés à la gestion, l'école compte dans son corps enseignant: les économistes, les sociologues, les psychologues, les mathématiciens et à peu près tous les spécialistes dont le champ de connaissance alimente le domaine de l'administration, ce qui assure à ses étudiants et étudiantes un enseignement très étroitement intégré dans toutes ses dimensions.

Même si les activités de l'école se sont enrichies avec le temps de travaux de recherche importants et essentiels à la vie universitaire et à la qualité du contenu des cours, l'enseignement est toujours resté une de nos préoccupations majeures. Tous nos professeurs sont regroupés par service, selon leur spécialité, sous la direction d'un de leurs collègues qui joue le rôle de chef de service.

Dans la mesure où nous avons recours à des chargés de cours, ces derniers sont regroupés par cours, sous la responsabilité d'un professeur de carrière qui joue le rôle de coordonnateur et voit à ce que tous les groupes-cours sous sa juridiction reçoivent un enseignement comparable, disposent de matériel pédagogique semblable, soient soumis à des évaluations identiques et puissent acheminer leurs griefs et remarques à qui de droit.

Les associations étudiantes font circuler dans les salles de cours des questionnaires d'évaluation que les auditeurs remplissent, que l'école traite dans son service d'informatique et dont les résultats sont remis aux associations comme à la direction. Un peu plus tard dans la session, - l'école procède à une opération de même nature, soit une évaluation par les étudiants, dont les résultats, cette fois, sont versés au dossier du professeur pour fins de promotion, entre autres.

Dans les domaines qui sont les nôtres, nous devons recourir à de très nombreux ouvrages américains pour assurer notre enseignement, ce qui pose un problème culturel sur lequel je n'ai pas à insister, mais qui soulève aussi des difficultés pédagogiques du fait du manque d'adaptation de ce matériel aux conditions québécoises.

Depuis une dizaine d'années, une , cinquantaine de manuels spécialisés ont été produits à l'école et sont largement utilisés dans les autres établissements francophones. Vous avez ici sur la table la production des manuels à ce jour, en 1986. À titre d'exemple, vous avez dans cette pile, le dernier en date, "La gestion des opérations et de la production", des professeurs Nolet, Kélada et Diorio, qui est utilisé à l'Université d'Ottawa, à l'UQTR, à l'Université de Sherbrooke et par différentes associations professionnelles. Un manuel d'impôt et de planification fiscale en est à sa sixième édition et a déjà été tiré à 25 000 exemplaires. À l'heure actuelle, au moins huit nouveaux ouvrages sont en rédaction dans l'école pour édition prochaine.

Ces nombreuses contributions au développement de l'enseignement de la gestion sont facilitées par le caractère très fortement multidisciplinaire de l'école, caractère qui fait son originalité dans le réseau universitaire québécois. C'est là la source principale de sa force, mais c'est aussi l'origine des difficultés financières qui lui sont propres et que le Conseil des universités a fortement soulignées en faisant valoir que l'école "paraît très mal servie par les modes actuels de financement". Ceci m'amène à ce très grave problème des ressources financières.

Dans le réseau universitaire du Québec, sauf HEC, l'enseignement de la gestion se fait par l'intermédiaire de facultés qui, en général, ont surtout sous leur juridiction des professeurs dont les disciplines relèvent plus étroitement de la gestion. Ces facultés reçoivent alors des autres départements (sociologie, informatique, psychologie, etc.) les cours de service dont elles ont besoin. Quand on calcule les coûts disciplinaires, une large partie des coûts de l'enseignement se trouve alors imputée aux départements de rattachement des professeurs qui donnent ces cours de service. Si c'est le département ou la faculté qui sert de cadre de référence pour la discipline, le coût disciplinaire de l'enseignement de l'administration se trouve d'autant sous-estimé qu'une partie en est imputée à d'autres départements. L'université dans son ensemble n'y perd pas puisqu'il y a compensation d'un département ou d'une faculté à l'autre.

Mais HEC, avec son caractère fortement multidisciplinaire,: se trouve à imputer à l'enseignement de la gestion la totalité des coûts encourus. On peut donc affirmer que les résultats financiers à l'École des hautes études commerciales reflètent la vérité des coûts de l'enseignement de l'administration au Québec. Mais le mode de financement actuel fait que, dans le cas des HEC, ces coûts se trouvent à apparaître comme supérieurs à ce qu'ils semblent être dans une faculté d'administration de type classique, ce qui explique peut-être la rigueur des compressions que l'école a dû subir dans certains domaines et que nous avons essayé d'expliquer dans notre mémoire.

Par exemple, en 1981-1982, au moment où allait s'amorcer la série des compressions, la subvention par étudiant équivalent temps complet aux programmes de certificat était de 2040 $. En 1985-1986, elle n'est plus que de 1438 $, soit une chute de 30 %. Pourtant, les étudiantes et étudiants concernés font déjà leur part, du moins par rapport aux autres, puisqu'ils paient déjà à l'école des frais de scolarité qui sont de 50 % supérieurs à ce qui se paie ailleurs dans des programmes comparables, soit 750 $ par étudiant équivalent temps complet, somme qui, bien sûr, est ensuite déduite de la subvention. Cela laisse au gouvernement, du moins pour cette partie de la subvention et pour ce programme, un coût par étudiant équivalent temps complet de 688 $.

La spécialisation de l'école dans le domaine de la gestion lui a, bien sûr, permis de profiter de la politique des clientèles additionnelles dites prioritaires. Comme nous l'avons montré dans notre mémoire, l'effet cumulatif combiné des compressions et prélèvements, d'une part, et des subventions pour clientèles additionnelles, d'autre part, a laissé un gain net cumulé sur quatre ans de 2 543 000 $ pour un nombre cumulatif d'étudiants équivalent à temps complet additionnels de 2158, ce qui nous a donné net 1178 $ par étudiant reçu chez nous.

Reprenons alors le cas de cet étudiant équivalent à temps complet au certificat et regroupons certains éléments de ce qu'on pourrait appeler le prix de revient à l'unité. Les chargés de cours auxquels nous avons recours nous coûtent en moyenne 636 $ par étudiant équivalent à temps complet, l'encadrement fourni par les professeurs de carrière, 633 $; le coût de l'admission, du traitement des dossiers et des autres opétations est à peu près 397 $ par étudiant

équivalent à temps complet, ce qui fait 1666 $. Par rapport au gain net tiré du financement des clientèles additionnelles pour cette partie de la subvention; l'excédent des dépenses encourues sur le gain est de l'ordre de 488 $. II faut, bien sûr, tenir compte des bâtiments, de l'informatique, de l'audiovisuel, de la bibliothèque et du développement. On sait, par ailleurs, que le programme de certificat reste relativement peu coûteux par rapport au BAA et encore moins par rapport au MBA et à la maîtrise en sciences. Nous nous trouvons donc dans la situation paradoxale où, par suite de l'acceptation des clientèles additionnelles, nous avons l'impression d'avoir sensiblement détérioré notre situation financière.

Bien sûr, nous avons dû prendre les mesures pour tenir le coup. Nous avons, d'abord, pendant un temps, laissé nos groupes-cours se gonfler de façon démesurée. Au BAA-jour, par exemple, où se retrouvent les jeunes diplômés du cégep, 68% de nos groupes-cours comptaient plus de 50 étudiants en 1983. Nous avons cherché, à partir de 1983-1984, à réduire quelque peu la taille des groupes les plus nombreux. En 1985-1986, nous n'avions plus que 54 % de nos groupes-cours qui comptaient plus de 50 étudiants au BAA, ce qui reste considérable. Et, il y en avait encore une quarantaine qui comptaient 60 étudiants et plus, dont certains au-delà de 70. Même en troisième année où on devrait trouver des groupes restreints, un cours intitulé "Le gestionnaire et la pratique de la gestion" s'est donné avec 69 étudiants dans la salle. II s'agit pourtant d'un cours faisant appel à la méthode des cas, donc à une pédagogie active.

Pour tenir le coup, nous avons aussi reporté à plus tard des dépenses qui s'imposaient. Par exemple, la bibliothèque de l'école dont on dit partout que c'est l'une des meilleures en Amérique du Nord dans son domaine est la seule qui ne soit pas informatisée ou en voie de l'être dans le réseau québécois. Faute de ressources, nous remettons la démarche d'année en année. Nous avons deux ordinateurs centraux, un VAX consacré à la recherche et à l'enseignement, un HP consacré à la pédagogie et à l'administration, ou à la gestion pédagogique et administrative. Le HP aura bientôt dix ans et les systèmes avec lesquels il travaille ont été conçus il y a huit ou neuf ans. L'appareil est désuet et les systèmes sont surchargés. Pour le soulager, nous louons les services de l'Université du Québec pour toutes les opérations financières, mais c'est là une ressource qui risque de nous être bientôt fermée. II aurait fallu changer cet appareil il y a quatre ans et reconstruire les systèmes d'exploitation, mais cela aurait nécessité des dépenses que nous ne pouvions pas nous permettre. Faute de moyens, nous avons, là aussi, remis la démarche d'année en année, mais nous sommes actuellement presque le dos au mur.

Autre difficulté: à cause des clientèles additionnelles, nous avons surencombré nos espaces au point que le Service de protection contre les incendies de Montréal nous a enjoints de retirer un certain nombre de tables de travail des corridors en particulier, ce que nous avons fait, au détriment immédiat des étudiants qui protestent contre cette perte d'espace de travail. (16 h 30)

Je suspends ici la litanie pour dire que, malgré tout, grâce au dévouement de nos professeurs et de notre personnel, nous avons honorablement tenu le coup. Nos jeunes diplômés trouvent preneur. Il n'y en a à peu près pas parmi eux qui soient sans emploi. Ils gagnent des salaires raisonnables et croissants. C'est donc dire que nous avons réussi à donner une formation de qualité à un nombre croissant de jeunes. Mais ceci s'est fait en ayant recours pendant un temps au report à plus tard des dépenses qui auraient dû être faites au fil des années, qui se sont accumulées avec le temps et que nous ne pouvons plus reporter maintenant.

Comment sortir de l'impasse? Nous l'avons dit dans notre mémoire, nous sommes conscients que l'université coûte cher, mais elle donne à ceux qui y ont accès des possibilités de gains qui, escomptés sur toute une vie active, représentent un placement très avantageux. Il serait normal que ceux et celles qui profitent de cette formation en paient une part plus élevée que ce n'est actuellement le cas, à condition que le système des prêts et bourses soit adapté en conséquence et permette à tout jeune qui en a les capacités et qui le veut d'aller à l'université.

Sien sûr, les perspectives de gains, à court terme, ne sont pas les mêmes pour toutes les catégories de diplômés. II faudrait adapter les frais et les prêts et bourses en conséquence. La disponibilité des services dans les régions devrait aussi être assurée dans une mesure satisfaisante. À court terme, cependant, et en attendant que soit progressivement relevé le niveau de la contribution des usagers, le gouvernement devra accroître et non réduire son support. On ne peut indéfiniment demander aux institutions de chercher à se hisser au plus haut niveau et en même temps réduire continuellement - les ressources à leur disposition ou même refuser de les accroître en proportion au moins partielle des besoins.

Au-delà du niveau de financement, je ne peux éviter de répéter ce que plusieurs ont déjà dit au sujet de la stabilité des formules utilisées: On ne peut gérer efficacement si on ne connaît le niveau des ressources dont on disposera que quelques mois avant la fin de l'exercice. Deux ou

trois ans de stabilité à la fois devraient constituer le minimum d'horizon de planification financière qu'on devrait laisser aux gestionnaires.

Il serait souhaitable aussi que soient évitées les interruptions brusques de programmes en cours. Pensons au programme de trois ans de financement de la micro-informatique annoncé il y a deux ans. Nous avions pris du retard en micro-informatique, un retard aggravé par les clientèles additionnelles que nous avons acceptées. Quand le programme de subvention sur trois ans a été lancé, nous avons planifié nos achats en conséquence. Après un an, le programme était cependant suspendu. Nous restons sans ressources pour payer les achats effectués et avec des plans dont la réalisation est incomplète, mais que nous devons interrompre sans que le moment choisi pour ce faire ait une rationalité quelconque par rapport aux plans originaux.

Je voudrais enfin suggérer que le gouvernement trouve le moyen d'assurer le financement des frais indirects entraînés par l'obtention de fonds de recherche» Dans la situation où nous sommes, nous venons bien près d'implorer nos professeurs de ne plus obtenir de fonds: ils nous coûtent trop cher. Un exemple entre plusieurs: une équipe de l'école, spécialisée en recherche opérationnelle, reçoit une subvention de 1 400 000 $ au titre de l'Action structurante, programme considéré comme avantageux. Cette équipe comprend des professeurs de Polytechnique et de McGill, mais se trouve basée à l'école. Il leur faut disposer de locaux que nous n'avons pas et qu'il faudra louer dans le quartier. Ils auront besoin de mobilier, de téléphones, de lignes d'accès aux ordinateurs, etc. Comme nous manquons déjà de ressources pour faire face à nos engagements, toute subvention importante à la recherche qui ne comporte pas de provision pour frais indirects ne peut faire autrement que nous déséquilibrer davantage.

Il reste, pour terminer, à dire un mot de la formule de financement elle-même. La source du traitement défavorable dont l'école souffre et que le Conseil des universités a signalée se trouve dans le caractère historique de la formule. Nous avons reçu, pour 1985-1986, 17 000 000 $. Si, au lieu d'être établi sur la base historique, notre financement reposait sur le coût disciplinaire du secteur administration tel qu'utilisé pour les clientèles additionnelles, c'est à 22 000 000 $ que nous aurions droit. Et si, prenant en considération le fait que l'école n'est pas une faculté classique, mais une institution multidisciplinaire, on calculait la subvention selon le coût moyen par secteur sur la base de la classification Clarder appliquée aux cours donnés à l'école, c'est à 24 000 000 $ que s'établirait fa subvention.

Il n'y a pas à se surprendre alors si l'école n'a pu éviter les déficits de fonctionnement pendant quelques années qu'en reportant sans cesse les dépenses qui pouvaient l'être. À mesure que le report devient impossible, l'école s'enfonce d'autant plus dans les excédents de dépenses sur les revenus qu'elle accepte d'accroître ses clientèles, même si elle se trouve dans un secteur dit prioritaire. Je vous remecie. M. le Président.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. le directeur. Je passerai maintenant la parole au ministre et député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer MM. Charbonneau, Harvey et les autres personnes qui les accompagnent, autant à la table des témoins qu'en arrière. C'est un grand plaisir pour nous de rencontrer les représentants de l'une de nos meilleures institutions universitaires.

Nous avons eu l'occasion, il y a déjà plus d'un an, de célébrer le 75e anniversaire de fondation de l'école. À ce moment, le gouvernement était représenté par un autre que par celui qui parle, mais l'Opposition du temps était présente. J'avais pu constater l'état de très grande estime dans laquelle l'école est toujours tenue non seulement par ses diplômés, ses collaborateurs et ses élèves actuels, mais par les représentants de tous les secteurs de la société. Je partage cette estime. Je suis bien fier de pouvoir vous le dire aujourd'hui en toute simplicité parce que j'ai été témoin de la qualité du travail qui s'accomplit à l'École des hautes études depuis maintenant près d'une quarantaine d'années.

J'ai fréquenté une école autrefois qui avait l'avantage de louer des locaux dans l'ancien immeuble de l'École des hautes études commerciales. Nous fréquentions cette bibliothèque dont vous avez parlé tantôt, M. le directeur, dès ce temps. Et - je n'ose le rappeler - dès la fin des années quarante, c'était la meilleure bibliothèque universitaire de langue française à Montréal. Je suis content de savoir qu'elle l'est demeurée. Je sympathise avec vous quant aux améliorations que vous souhaiteriez apporter et pour lesquelles vous n'avez pas les ressources voulues tout de suite- Je pense que cette bibliothèque symbolisait la tradition d'excellence intellectuelle qui a été une des caractéristiques de l'École des hautes études commerciales. Ce n'était pas simplement une fabrique de comptables ou de spécialistes du commerce. C'était aussi un lieu où il s'est fait beaucoup de travail intellectuel et où il s'en fait encore beaucoup. C'est une des caractéristiques que je trouve les plus importantes de l'école.

Une autre caractéristique que je tiens à souligner, c'est le rayonnement social qu'elle

a eu depuis longtemps dans la communauté. C'est peut-être parce qu'elle est née en même temps que d'autres institutions qui nous sont également chères, le Devoir en particulier, mais je pense qu'elle a participé de cet esprit qui a caractérisé l'époque de sa naissance. J'ai remarqué, au cours des années, que l'esprit des Hautes Études débordait largement les cadres de l'école pour imprégner la communauté sans que, pour autant, l'école sorte de sa vocation. Je pense que cela est bien important.

On l'a souligné à l'occasion d'autres rencontres que la commission a pu avoir avec des institutions universitaires: le véritable rayonnement d'un établissement universitaire se fera dans la mesure où il reste fidèle à sa vocation, dans la mesure où il ne l'emprisonne pas à l'intérieur de ses murs. Je pense que de ce point de vue l'équilibre qu'a atteint au cours des années, et maintenu surtout, l'École des hautes études mérite d'être signalé à l'occasion d'une rencontre comme celle-ci.

Lorsque je passais il y a quelques années soit à l'intérieur, soit à l'extérieur de l'école quand j'étais dans un autre métier que celui-ci, j'étais loin de me douter qu'un jour on viendrait nous parler des problèmes financiers de l'École des hautes études commerciales parce que c'était censé être l'endroit où on apprenait comment faire de l'argent. C'est désolant d'être obligé d'enregistrer les faits que vous portez aujourd'hui à notre attention. J'en étais saisi maintenant depuis quelques années. Je pense qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur le tableau que vous avez présenté et solidement étayé.

Je ne comprends pas qu'il existe encore des organismes pour se demander s'il y a un problème. Franchement, après avoir pris connaissance de votre mémoire, on pourra peut-être fonder une école de supergestion un jour sur le sommet de la montagne qui nous apprendra des choses miraculeuses. Il me semble que, s'il y a un problème chez vous - et il est attesté par tellement de faits et d'affirmations - on devrait en convenir. Moi, j'en conviens, en tout cas. Je pense qu'il y a un problème de sous-financement. On en a parlé ce matin avec les représentants des écoles de sciences de l'administration. Je ne veux pas refaire tout le développement qui a pu être fait ce matin. C'est évident que les sciences de l'administration, dans la formule actuelle de financement, n'ont pas reçu le traitement auquel elles auraient normalement droit. Elles ont été situées dans un cadre qui engendre des conséquences du genre de celles que vous avez signalées dans votre mémoire.

Nous sommes à réviser la formule de financement. Moi, j'ai dit depuis le début qu'on ne peut pas parler trop de la formule de financement à ce moment-ci parce qu'il faut d'abord que nous réglions le problème du niveau de financement. Comme je le disais à quelqu'un l'autre jour, si vous avez un pain pour quatre, que vous le divisiez en dix, il n'y aura pas grand monde de satisfait parmi ce groupe. Je pense qu'on doit hausser le niveau de financement. Je ne sais pas comment nous allons le faire; nous allons l'étudier. Ensuite, on va parler d'une formule de distribution des subventions qui sera plus équitable. On avait essayé il y a deux ans, vous vous en souvenez comme moi, de faire une redistribution à l'intérieur d'un niveau de financement qui demeurait le même: ça a hurlé de toutes les universités qui allaient être affectées, qui allaient être obligées de donner une partie de ce qu'elles trouvaient déjà insuffisant à d'autres. Rien ne s'est fait à ce moment-là. C'est pour cela que nous avons, je pense, le problème du niveau de financement. Il y a également, tout de suite après, celui du partage des subventions d'une manière qui tienne davantage compte de la contribution de chaque discipline et des coûts réels surtout.

Cela étant dit, je voudrais vous adresser une couple de questions qui portent sur des aspects dont traite votre mémoire. J'ai été bien étonné quand j'ai appris il y a quelque temps combien la demande était forte. Je le savais, mais je ne pensais pas que cela l'était à ce point. Vous disiez que cette année, par exemple, pour 650 places, vous aviez reçu 2770 demandes d'admission.

M. Harvey: Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Il y en a qui nous ont parlé ce matin d'une crise de légitimité. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Cela va prendre un dictionnaire spécial pour comprendre ce que cela veut dire. Devant une demande comme celle-là, il me semble que - je m'excuse d'emprunter votre vocabulaire - le marché parle par lui-même. Dans un cas comme celui-là, il y a sûrement quelque chose qui n'entre pas dans ces catégories pessimistes.

Une voix: ...

M. Ryan: Mais pas dans le même sens du tout. Je m'excuse.

Le Président (M. Thérien): Je m'excuse, mais j'ai reconnu le ministre, il a le droit de parole. M. le ministre.

M. Ryan: Je signale ce fait. Je pense qu'il n'y a rien comme le jugement du marché en fin de compte pour apprécier une institution ou un service. Je pense que c'est très important. Celui-ci n'est pas créé artificiellement par des subventions. La preuve, c'est que les subventions sont à un niveau très inférieur de ce qu'elles devraient

être. Vous nous dite3 ailleurs que vous avez 11 000 personnes, je pense, qui sont inscrites à des cours aux HEC d'une manière ou d'une autre. II y en a à peu près 2000 qui sont à temps complet, si je comprends bien. Je vous amène sur la question des programmes de formation courte. Tous les autres, je présume, sont dans des programmes à temps partiel et dont plusieurs sont des programmes de formation courte. Il y en a à temps partiel, mais en vue de diplômes réguliers. Il y en a d'autres qui sont à temps partiel pour des diplômes, des certificats ou d'autres formes d'attestation.

J'aimerais que vous nous parliez de cela parce qu'il y a une légende qui circule voulant que les programmes courts, ça serve de vache à lait pour le reste. On se sert de cela pour aller chercher des subventions. Voulez-vous nous dire comment se situent les programmes courts dans le fonctionnement des HEC. Qu'est-ce que cela fait? Quels services rendent-ils? Troisièmement, combien cela coûte-t-il par rapport à ce que cela rapporte?

M. Harvey: Je pense que vous faites référence, M. le ministre, à un avis qui a circulé l'année dernière et qui venait du Conseil des universités et qui a donné lieu à ce genre de remarque. Nous avons, pour notre part, soumis dans un mémoire au Conseil des universités notre réaction à cette question de la formation courte et nous pourrons vous laisser quelques copies, de ce mémoire, tout à l'heure. C'est Mme Harel-Giasson, directrice des programmes aux HEC, qui a dirigé les travaux pour la préparation de ce mémoire. Je vais lui demander de répondre à cette question, si vous le permettez. (16 h 45)

Mme Harel-Giasson (Francine): À l'École des hautes études commerciales, les programmes de formation courte, à l'époque actuelle, contribuent au déficit et non pas à rétablir l'équilibre qui serait enfreint par d'autres programmes. Essentiellement, si nous faisons de la formation courte, c'est pour répondre à la mission de l'École des hautes études commerciales. Cette mission est de répondre à cette demande fantastique, en ce moment, au Québec, de cours de formation en gestion et elle se manifeste de façon plus particulière chez des adultes déjà dans le monde du travail qui veulent avoir cette deuxième chance. Alors, c'est vraiment pour répondre à cette mission parce que pour des raisons purement financières, l'École des hautes études commerciales n'a aucun avantage à faire de la formation courte en ce moment, même si elle prend des moyens comme la dispensation d'un grand nombre de cours par des chargés de cours encadrés par des professeurs de l'école pour tenter de régler ce problème de sous-financement des études de certificat à l'École des hautes études commerciales.

M. Harvey: Je voudrais ajouter, M. le ministre, comme je l'ai souligné tout à l'heure, que les étudiants qui viennent chez nous dans les programmes de certificats manifestent leur intérêt pour ce genre de programmes en payant déjà des frais de scolarité qui sont de 50 % plus élevés; ils paient 750 $ par étudiant équivalent à temps complet, soit 50 % de plus que ce qu'on -paie dans les autres institutions qui donnent le même type de programmes. Naturellement, comme vous le savez, cela ne nous ajoute rien puisque ces frais de scolarité sont soustraits de la subvention. Les calculs que nous avons faits récemment, en essayant de comprendre les sources de notre déficit, nous ont montré que la formation courte contribue fortement fort probablement à l'augmentation des excédents des dépenses sur les revenus, si bien que nous nous inscrivons radicalement en faux - ce que nous avons fait, d'ailleurs, devant le Conseil des universités, et nous vous remettrons des copies du mémoire -contre cette prétention qu'il s'agit de la vache à lait. Si c'est une vache à lait, elle est presque tarie et nous pourrions nous en libérer s'il n'y avait pas une telle demande que nous décidons de satisfaire.

M. Ryan: Très bien, merci. À la fin de votre mémoire, vous concluez, après avoir examiné sans doute toutes les autres possibilités, qu'il faut en venir à augmenter les frais de scolarité exigés des étudiants comme moyen d'équilibrer les finances des universités et, en particulier, celles de l'École des hautes études commerciales. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous en êtes venus à cette conclusion et par quel cheminement. Deuxièmement, de quelle manière verriez-vous que cette augmentation pourrait se faire? Est-ce que cela se ferait par étapes? De quel ordre pourrait-être l'augmentation? Et est-ce que vous pensez que ce serait de nature à avoir des conséquences négatives sur la fréquentation à l'École des hautes études commerciales?

M. Harvey: D'abord, notre cheminement, naturellement, j'ai l'impression que c'est un peu celui de tous ceux et celles qui se penchent sur les problèmes de finances publiques. L'éducation coûte cher, les services sociaux coûtent cher et les services hospitaliers coûtent cher. Si on n'avait pas ces trois problèmes, les finances publiques seraient très légères. Dans la mesure, naturellement, où on essaie, avec une certaine raison, au moins de bloquer la croissance des déficits publics, de réduire les déficits publics, il est évident que le secteur de l'enseignement est visé au premier chef: c'est un des trois grands secteurs dits

dépensiers. Nous avons fait l'hypothèse que les efforts qui sont faits pour réduire le poids des dépenses publiques étaient là pour rester et que nous ne pouvions pas demander au gouvernement d'augmenter nos propres ressources en accroissant, par exemple, trop lourdement la pression fiscale qui est déjà lourde. Alors, si nous regardons ce qu'il advient de nos diplômés - et c'est le cas pour la plupart des diplômés universitaires -ils acquièrent par leur formation universitaire une capacité de gain qui est considérable et pour laquelle ils n'auront comme responsabilité que la même responsabilité de tout autre citoyen, c'est-à-dire payer leurs impôts.

À l'École des hautes études commerciales, c'est un investissement qui, par rapport à d'autres, est relativement léger. Si on prend un coût de 5000 $ par étudiant, on peut facilement trouver d'autres facultés où on voudra multiplier cela par quatre et un peu plus. Cela veut dire que, sur quatre ans, la collectivité fait un investissement, sur certains étudiants, de 100 000 $. C'est énorme comme investissement. Ensuite, ces 100 000 $ vont donner des résultats, des rendements considérables pendant tout le reste de la vie. Il paraît normal, en équité, par rapport aux citoyens moyens qui paient des impôts - parce qu'on sait maintenant qu'étant donné la pression fiscale les services publics sont payés par ceux qui en profitent, c'est-à-dire par les gens à revenus moyens qui retirent les services moyens que ceux qui ont ainsi des perspective de gains supérieurs à la moyenne du fait d'un investissement public qui est financé par les revenus moyens des citoyens retournent aux citoyens moyens une partie de ces gains, c'est-à-dire qu'ils acceptent de payer des impôts supplémentaires. C'est une proposition qui se défend, si elle est techniquement faisable. Ou alors qu'ils fassent personnellement une partie de l'investissement. Nous ne voyons pas de moyen d'en sortir si nous voulons maintenir le niveau de nos services.

Nous avons d'autant plus raison de raisonner de cette manière que nos frais de scolarité au Québec sont considérablement inférieurs à ceux qu'on paie dans d'autres régions du Canada où les revenus sont même inférieurs à nos revenus moyens. Si bien que, à moins, naturellement, que le gouvernement ne se trouve une vocation peu probable d'augmentation de la pression fiscale, on ne voit pas comment on peut permettre aux universités de disposer des ressources pour assurer leur mission si les usagers n'en paient pas une plus grande partie. À l'École des hautes études commerciales, comme je !e disais tout à l'heure, le gros contingent de ceux qui fréquentent les cours de certificat acceptent déjà de payer 50 % de plus que ce que d'autres paient. Cela doit être possible pour d'autres aussi.

Deuxième point sur la façon de procéder. Il s'agît d'une situation de gel; on peut dégeler. Naturellement, provoquer à cause de l'habitude une augmentation trop violente des frais de scolarité, cela désorganiserait rapidement les budgets des étudiants qui sont habitués à autre chose et ils ont besoin d'avoir le temps de s'adapter, eux aussi. On devrait procéder avec un objectif de 50 % ou 60 %, comme on voudra, avec une période d'adaptation de deux, trois ou quatre ans, selon l'importance qu'on donnera à l'augmentation. Nous ne voyons pas d'autre porte de sortie, pour notre part, que ce réajustement au moins partiel et progressif pour nous permettre de survivre.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup. Je vais céder la parole à la porte-parole de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, M. le directeur général, madame, messieurs, il me fait plaisir de vous recevoir ici, à cette commission parlementaire. Je ne commenterai pas longuement votre mémoire puisque vous nous avez fait une bonne présentation. Cela nous a permis de faire assez bien le tour du dossier.

Il y a deux choses que je remarque. Le fait, notamment, de votre contribution à la publication d'ouvrages scientifiques en français. Je dois vous dire, au cas où vous ne le sauriez pas, qu'on avait un petit programme relativement modeste qui relevait du FCAR, qui voulait encourager l'édition scientifique en français et qui a été aboli. Dans le domaine qui vous concerne en particulier, je trouve que votre contribution est inestimable et fort estimée, d'ailleurs, de différentes écoles.

J'aimerais comprendre ce qui vous a amenés - je vais passer immédiatement aux questions - à hausser de 50 % les frais de scolarité pour les étudiants inscrits dans les certificats. C'est bien ce que j'ai compris? En page 7.

M. Harvey: Les frais de scolarité n'ont pas été haussés de 50 %. II faut se souvenir qu'il s'agit d'une formule historique. Quand la formule historique a été appliquée, nous essayions de financer l'institution le mieux possible et nos frais de scolarité étaient déjà à ce niveau. Ils ont été gelés à ce niveau au moment du gel des formules.

Mme Blackburn: À présent, vous nous dites, avec raison, - les chiffres le démontrent - que cela n'a pas d'effet sur l'accès puisque la demande est plus grande que ce que vous êtes appelés à satisfaire. Avez-vous des données sur l'origine de vos

étudiants à temps partiel? Est-ce qu'ils viennent majoritairement de l'entreprise? Alors, l'essentiel de leurs frais de scolarité sont déjà défrayés par l'entreprise qui les engage. Sont-ils en situation de perfectionnement ou de formation initiale? S'agit-il de jeunes ou d'aînés? S'agit-il d'hommes ou de femmes?

M. Harvey: Mme Harel-Giasson, s'il vous plaît.

Mme Harel-Giasson: D'accord. Il faut distinguer chez nous les situations de formation et de perfectionnement entre les programmes réguliers de formation, les programmes à crédits universitaires dispensés par l'école, et les programmes du centre de perfectionnement HEC qui, ceux-là, sont des programmes destinés aux cadres et qui entraînent des coûts bien différents.

Si nous parlons des programmes qui donnent des crédits universitaires à l'école, nous pouvons dire que nos étudiants du soir ont une provenance socio-économique passablement différente de celle de nos étudiants du jour. Par exemple, le pourcentage des étudiants à temps partiel dont les parents étaient eux-mêmes des administrateurs ou des commerçants, eh bien, chez nos étudiants du soir, c'est la moitié de ceux du jour. La différence est vraiment très marquée et on s'aperçoit que cette formule d'études, c'est à temps partiel, beaucoup plus que le prix des cours qui, chez nous, assure l'accès à une vaste partie de la population.

Le fait que les cours soient disponibles à des heures qui conviennent aux adultes et le fait que ces cours puissent permettre l'obtention d'un diplôme dans un horizon pas trop éloigné pour un adulte, c'est cela qui les rend accessibles et non pas leur coût puisque les programmes de certificats, par exemple, dont les frais sont plus élevés, sont ceux où les inscriptions sont les plus nombreuses. Il n'y a aucune corrélation entre le prix et le fait que le cours soit accessible ou pas. La corrélation existe entre la formule, c'est-à-dire temps partiel et cours dispensés à des heures qui conviennent à des adultes, ce qui évite cette longue période que j'appellerais de manque à gagner, qui est la période des études à temps plein et qui fait que les études à temp3 plein sont moins accessibles à toutes les couches de la population, ce que nous constatons bien dans nos statistiques à l'école.

Mme Blackburn: ... Peut-être que vous l'avez dit, remarquez, et que j'étais un peu distraite. Vos clientèles sont-elles déjà sur le marché du travail?

Mme Harel-Giasson: Les clientèles à temps partiel, tout à fait, mais oui.

Mme Blackburn: Alors, elles ont déjà un revenu.

Mme Harel-Giasson: Oui.

Mme Blackburn: Bien, mais la proportion des femmes et la proportion de ces personnes qui voient leurs frais de scolarité défrayés par l'entreprise, quelle est-elle? Je pense que c'est assez particulier dans ce domaine, c'est pourquoi il me semble qu'il faut être prudent sur les conclusions qu'on peut tirer en disant: Cela n'a pas d'effet sur l'accès.

Mme Harel-Giasson: La proportion des femmes est de 45 % dans les études à temps partiel et le pourcentage d'études payées par l'employeur, nous l'évaluons à environ 50 %. (17 heures)

Mme Blackburn; D'accord. La diversification des sources de financement. Vous défendez, au nom de l'équité, je croîs -c'est un peu ce que j'ai compris - une hausse des frais de scolarité en tenant pour acquis que cela n'aura pas d'effet sur l'accessibilité. Cela reste à démontrer, mais, de toute façon, je ne voudrais pas qu'on essaie d'en faire la démonstration ici aujourd'hui. Il y a longtemps que cela aurait été réussi, probablement, si on avait pu le faire, mais, comme pour le moment, on est incapable de faire l'inverse. Tout laisse penser que doubler les frais de scolarité pourrait avoir des effets pour quelques années. À un moment donné, cela se résorbe, mais les quelques années vous feraient prendre un peu de recul, alors qu'on a déjà du retard; cela pourrait être regrettable et cela pourrait avoir des effets sur la capacité du Québec à se développer.

Il y a quand même une chose dans votre mémoire, M. Harvey, sur laquelle je m'interroge. Vous dites que la scolarisation représente un placement très avantageux, mais vous dites également, un peu plus tôt dans votre mémoire, que cela représente un placement avantageux non seulement pour l'étudiant, mais également, de façon générale, pour les entreprises. 11 me semble avoir vu cela dans votre mémoire.

M. Harvey: Pour la société.

Mme Blackburn: Pour la société. Comme plusieurs intervenants qui sont venus ici, est-ce que vous reconnaissez que dans plusieurs entreprises la qualité des ressources humaines est généralement, au moment où on se parle, ce qui permet cet écart de bénéfices? La technologie est accessible partout et elle peut être sensiblement la même; ce qui distingue votre capacité d'être productifs et de connaître des bénéfices, c'est beaucoup relié à la compétence des

ressources humaines.

M. Harvey: Oui, madame. D'abord, en ce qui concerne la relation entre les frais de scolarité et l'accessibilité, je voudrais apporter une nuance qui est, d'ailleurs, dans le texte. Il est bien évident qu'en équité nous devons, comme société, voir à ce que les jeunes qui ont le goût et le talent de faire des études universitaires puissent les faire quelles que soient les ressources de ta famille. C'est là une dimension qui doit être surveillée, je pense, avec la plus grande attention.

Cela dit, par ailleurs, il est bien évident - les études économiques l'ont montré - que le niveau de scolarisation entraîne une augmentation importante de la capacité de gains. Troisièmement, la qualité des ressources humaines est une contribution de première importance au développement économique d'une société. Ce sont ces trois dimensions qu'il faut prendre en compte, encore une fois, compte tenu du fait qu'on doit surveiller attentivement la possibilité pour les jeunes à revenu modeste d'avoir accès à l'université. C'est le problème des prêts et bourses.

Compte tenu de cette dimension, les ressources humaines de qualité profitent aux entreprises, mais par leur intermédiaire elles profitent aussi au secteur parapublic et peut-être même à la députation. L'ensemble de la société en profite. II faut que la société prenne en charge une partie des coûts puisqu'elle aura des bénéfices. Mais l'individu reçoit aussi une part importante des bénéfices et il est normal, à ressources personnelles égales, qu'il en assume une part puisqu'il va en profiter. C'est cet ensemble d'éléments qu'il faut prendre en considération. Je suis assez d'accord avec la proposition du Conseil des universités qui disait qu'à même les revenus tirés d'une augmentation des frais de scolarité on devait se donner un système de prêts et bourses plus avantageux pour compenser et garder aux enfants des familles moins fortunées une accessibilité aussi facile qu'elle pouvait l'être avant l'augmentation des frais de scolarité.

Mme Blackburn: Premièrement, on n'a pas la garantie que cela va rester dans les enveloppes s'il y a une hausse des frais de scolarité. La seconde chose, c'est que la tendance, cette année, a été précisément d'accroître l'endettement des jeunes de 24 000 000 $. Si on doublait les frais de scolarité cette année et qu'on voulait ramener les étudiants et les universités à la situation qui était la leur en 1985-1986, je le rappelle, il faudrait retourner 24 000 000 $ dans les bourses aux étudiants, 34 000 000 $ dans les universités et il faudrait réinjecter, parce qu'on a doublé les frais de scolarité, pour maintenir le niveau actuel d'endette- ment des étudiants, environ le tier3 des 85 000 000 $ qu'on irait chercher. Cela nous ramènerait exactement à la situation - pas un cent de plus - qui était celle de 1985-1986.

Ce n'est pas là-dessus que cela portait et, du moment qu'on veut bonifier l'aide financière aux étudiants sans accroître l'endettement et sans revenir sur les 24 000 000 $ d'endettement additionnel de cette année, cela laisse aux universités peut-être 15 000 000 $ ou 16 000 000 $, ce qui n'est pas encore le Pérou.

Une voix: ...

Mme Blackburn: Oui, le président du Conseil du trésor aussi. C'est ce qu'il va s'apprêter à faire tantôt. Vous parlez beaucoup d'équité et, là-dessus, je serais prête à vous suivre pour un bon bout de chemin. Est-ce que ne serait pas plus équitable la formule proposée par les jeunes du Parti québécois qui dit que cela devrait être un impôt-éducation qu'on paierait une fois les études terminées et qui serait établi selon les revenus de la personne? La deuxième question: Est-ce qu'on ne pourrait pas penser à un impôt des entreprises? Elles sont avec la société - la société contribue largement; par les impôts qu'on paie, on contribue au financement universitaire - et les individus l'autre bénéficiaire important. Est-ce qu'on pourrait penser à un impôt-éducation dans les entreprises? Cela se fait dans quelques pays. On m'a dit que cela se faisait en Allemagne, mais je dois dire que je ne connais pas la formule. Il aurait fallu qu'on nous la soumette. Je sais que cela se fait en France, selon une formule que vous connaissez probablement. Sans partager la totalité de leur démarche ou les objectifs de leur formule, on pourrait peut-être penser à cela. D'autant plus, vous le savez certainement, que le fardeau fiscal des entreprises au Québec est plus bas que celui de l'Ontario; on s'y compare souvent. C'étaient deux questions: une première, l'impôt qu'on paierait après avoir terminé ses études alors qu'on entre sur le marché du travail et la seconde, un impôt dans les entreprises.

M. Harvey: Je vous avouerai que je trouve assez intéressante la formule de l'impôt après études, du moins en termes théoriques, parce que, dans la mesure où on augmenterait les frais de scolarité, la difficulté qu'on a, c'est que les capacités de gains des diplômés varient. Il est bien évident qu'un étudiant en médecine, qui coûte 100 000 $ pour quatre ans, a des perspectives de gains qui sont assez supérieures, surtout à court terme, à celles du docteur en philosophie médiévale. On n'est pas dans le même rayon au point de vue des perspectives de gains, ce qui fait

que la difficulté d'augmenter les frais de scolarité, c'est de moduler ces augmentations en tenant compte de la capacité de gains.

Cela m'amène à votre deuxième remarque. Peut-être faudrait-il passer par les prêts à ceux dont les perspectives de gains sont élevées, ce qui soulage le Trésor public, et un peu plus par les bourses pour garder quand même une capacité de l'université à former autre chose que des professionnels au sens étroit du terme, pour qu'elle ait une vocation de culture collective peut-être un peu plus par les bourses. On est obligé de jouer, de moduler sur ces deux tableaux. L'avantage de la formule de l'impôt après, c'est de moduler automatiquement, c'est bien certain. Cependant, là où je n'ai pas de réponse, c'est sur la possibilité pratique dans un système fiscal d'insérer ce genre de choses. C'est une histoire sur laquelle je ne peux pas m'avancer.

Mme Blackburn: II faudrait dire que la formule a aussi un autre intérêt: elle est automatiquement indexée. C'est-à-dire que, comme normalement les salaires augmentent, les revenus augmenteraient également.

Pour ce qui est des entreprises?

M. Harvey: Ah, je m'excuse. Les entreprises. Je me méfie un peu de la facilité avec laquelle on peut dire: Taxons les entreprises, comme si les entreprises étaient des parties non rattachées à l'ensemble du corps social. Il faut toujours se dire qu'au Québec nou3 sommes dans une situation de concurrence difficile. L'économie du Québec a quand même à souffrir un certain nombre de handicaps dans la concurrence régionale nord-américaine. Nous sommes un peu périphériques, nous avons des niveaux de vie comparables à ceux du reste des régions de l'Amérique du Nord, ou presque, et nous devons prendre garde, car la création d'emplois se fait - on peut aimer ou ne pas aimer - à condition que les entreprises réalisent des rendements à l'intérieur du Québec qui leur permettent de se comparer à ce qu'elles peuvent obtenir ailleurs.

Il faut bien prendre garde car taxer les entreprises, c'est aussi mettre en danger un certain nombre d'emplois éventuels. Il ne faut pas aller trop loin. Naturellement, on peut très bien là-dessus aussi faire une argumentation qui est un plaidoyer pour défendre des avantages non justifiés, mais il n'y a pas de formule magique en disant: Taxons les grosses entreprises.

Une dernière remarque sur le cas des entreprises. Une entreprise, ce n'est pas un individu qui mange littéralement son revenu avec une grosse maison, une voiture et en allant au restaurant. Une entreprise, c'est un être de raison en quelque sorte, cela ne mange pas ses profits, cela prend des profits et cela en fait autre chose, sauf la partie qui est distribuée aux actionnaires s'il s'agit d'une compagnie. Ces revenus qu'on enlève et qui passent par l'impôt, l'entreprise ne les a plus pour faire du développement. Si on bloque le développement de l'entreprise, on bloque le développement de l'ensemble de l'économie. Il n'y a pas de formule magique de ce côté-là. Il faut être extrêmement prudent et, si les entreprises au Québec sont moins taxées qu'en Ontario, nous en avons besoin. Il serait souhaitable qu'elles le soient encore moins parce que nous n'avons pas tous les atouts dans notre concurrence régionale.

Le Président (M. Thérien): J'inviterais maintenant la députée à conclure, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Une petite remarque à M. Harvey. Si on se fie au rapport du NPD sur les bénéfices non imposés dans les différentes entreprises canadiennes, cela aurait dû avoir comme conséquence de trouver un niveau d'investissement extrêmement intéressant.

M. Harvey: Je suis d'accord qu'il y a là un problème, celui des échappatoires fiscaux. Le deuxième problème, c'est que ces fonds dégagés ne sont pas nécessairement utilisés au Québec. Il y a un nombre d'autres dimensions qu'il faudrait tenir en considération.

Mme Blackburn: La façon de les investir, c'est peut-être de les imposer.

Avant de conclure, M. le Président, à quelques reprises le ministre de l'Éducation a douté des chiffres que j'avançais sur le fardeau fiscal des particuliers. Le fardeau fiscal des entreprises, j'ai réussi à lui démontrer que... J'avais raison là-dessus, il n'y est pas revenu. Sur le fardeau fiscal des particuliers, je voudrais le ramener au document de son gouvernement, Les finances publiques du Québec, 5 mars 1986. Je me permets de le lire pour convaincre le ministre. Deux paragraphes, si vous me le permettez, M. le Président: "On a vu dans son ensemble le fardeau fiscal au Québec apparaître désormais comme étant relativement concurrentiel, du moins par rapport à l'Ontario - on connaît leur propension aux comparaisons ontariennes - mais il est toutefois réparti inégalement puisqu'il est marginalement inférieur dans le cas des entreprises et sensiblement supérieur dans le cas des particuliers." C'est-à-dire des entreprises, moins 2,2 % et des particuliers, plus 7,2 %.

Je pourrais continuer à lire là-dessus. Le redressement...

Le Président (M. Thérien): Je vous

inviterais à conclure, vous rappelant votre propre horaire.

Mme Blackburn: Je trouvais que c'était important parce que le ministre a douté des chiffres que j'avançais là-dessus. Pour compléter son information, je l'enverrais à la page 36 de ce document qui détaille un peu plus le fardeau fiscal des particuliers au Québec.

Vous nous excuserez de cette mise au point, monsieur. Quand cela n'est pas fait à l'intérieur des travaux de la commission, pour un éventuel lecteur, quelqu'un qui aurait le goût de relire les débats de cette commission, on pourra voir que les chiffres que j'avançais étaient même au-dessus de la réalité parce que j'avais avancé quelque 10 % ou 11 % d'écart.

M. Harvey, M. Charbonneau, madame et messieurs, cela m'a fait plaisir au nom de l'Opposition de vous recevoir à cette commission et de vous remercier de votre participation à ses travaux. Bien que sur certaines questions, vous avez pu le constater, je ne partage pas toujours votre vision des choses, il n'en demeure pas moins que l'expression des opinions de tous est indispensable sinon on ne verrait pas où se trouve l'utilité d'une telle commission. À n'en pas douter, les avis, les propos, les commentaires qu'on a reçus depuis le début des travaux nous ont permis d'avoir une vision beaucoup plus juste des problèmes qui confrontent l'enseignement supérieur au Québec et également de certaines voies de solution. Pour votre contribution aux travaux de cette commission, je vous remercie.

Le Président (M. Thérien): Je céderai immédiatement la parole au ministre et député d'Argenteuil.

M. Ryan: Très bien. Nous réglerons nos querelles de chiffres en d'autres circonstances.

Je voudrais dire au président de la corporation des hautes études commerciales que le Parti québécois a perdu un bon président de sa commission politique quand M. Harvey a décidé de devenir directeur de l'École des hautes études commerciales. On sent l'absence d'un bon économiste dans les raisonnements que nous sert l'Opposition, depuis un certain temps. Je suis bien content que vous soyez venus nous faire une leçon des deux côtés de la Chambre. J'espère qu'elle a rapporté autant de fruits d'un côté que de l'autre. Je pense que le raisonnement était clair, la problématique était nette, la conclusion, logique, d'un point de vue rationnel.

Du point de vue de l'homme politique et du gouvernement, il y a toujours d'autres facteurs qui viennent s'ajouter à l'examen d'un dossier, comme le savent très bien ceux qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui. Je crois qu'on a eu une contribution très valable. J'ai beaucoup apprécié la qualité du mémoire qui nous a été soumis par l'École des hautes études commerciales. Je veux vous assurer, M. le président, M. le directeur et les autres membres de la délégation, que nous allons examiner avec attention et beaucoup de soin les représentations que vous nous avez faites. J'espère que nous pourrons mettre au point, dans un avenir pas trop éloigné, les solutions aux deux problèmes que j'ai mentionnés pendant un stade antérieur de la discussion, c'est-à-dire les solutions au problème du niveau de financement, les solutions au problème de la formule de partage des subventions gouvernementales entre les établissements universitaires.

Vous nous avez dit ce qui devait être dit par votre institution de ce point de vue. Je pense pouvoir vous assurer que cela a été bien noté des deux côtés. Merci.

Le Président (M. Thérien): C'est à mon tour de vous remercier, M. Harvey et tous les membres de l'École des hautes études commerciales de votre apport aux travaux de la commission. Merci beaucoup.

Nous allons suspendre quelques minutes pour recevoir ensuite l'Université Bishop's.

M. Harvey: M. le Président, nous avons apporté un certain nombre de copies de documents qui peuvent servir de ''complément à ce que nous avons discuté. Nous vous les remettrons pour distribution, si vous le voulez, aux membres de la commission.

Le Président (M, Thérien): Que vous ne déposez pas, mais que vous remettez aux parlementaires.

M. Harvey: C'est cela. Le Président (M. Thérien): Merci. (Suspension de la séance à 17 h 18)

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Thérien): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission parlementaire reprend ses travaux avec l'Université Bishop's que j'accueille avec fierté. J'invite M. Scott, qui est le principal, à nous présenter ses collaborateurs et ensuite, nous discuterons un peu du temps qui nous est alloué.

Université Bishop's

M. Scott (Hugh M.): Merci. Madame, messieurs, c'est un plaisir... Premièrement, j'aimerais simplement dire que nous apprécions beaucoup d'être ici. Je vous présente, à ma gauche, Karl Kuepper, doyen

de la faculté; à ma droite, Jean-Luc Grégoire, vice-principal à l'administration et à mon extrême droite, Mlle Patricia Herrbach, étudiante à Bishop's.

Le Président (M. Thérien): La commission avait prévu à peu près 1 h 30, mais après certains pourparlers, je pense que si cela se fait assez rapidement et si la période de discussion se fait aussi très rapidement, 1 heure ou 1 h 10 pourrait suffire, comme M. Scott me le disait. Je vous cède immédiatement la parole.

M. Scott: Merci. Premièrement, nous avons présenté notre mémoire et je pense que vous en avez tous une copie. De plus, j'ai demandé la permission de vous présenter quelques réflexions, quelques informations supplémentaires à la suite de vos délibérations et de certaines questions qui ont été souvent soulevées dans vos délibérations. Ce que je vous propose, c'est de vous présenter un peu le résumé de notre mémoire et ensuite, avec votre permission, mes collègues éclairciront certains aspects de notre mémoire et donneront certaines informations supplémentaires.

Dans notre mémoire, l'Université Bishop's exprime sa conviction que tout le réseau des universités du Québec est sous-financé. On souligne qu'il s'agit là du problème essentiel auquel on doit faire face et qu'il ne faudrait pas que la formule de distribution des ressources entre les universités devienne "divisive" et qu'elle serve d'échappatoire au problème essentiel du sous-financement. Bishop's prétend que la diversité dans le genre et la taille des universités du Québec est un avantage qu'il faut continuer à cultiver. Le mémoire reconnaît cependant que ce manque d'homogénéité pourra engendrer des problèmes lors de la préparation des nouvelles formules de financement.

On demande a la commission de porter une attention particulière aux caractéristiques uniques de chaque institution et d'en tenir compte. Bishop's pense que sa taille relativement petite et sa situation en milieu semi-rural sont des avantages qui doivent être préservés. On note cependant que ceci entraîne des problèmes particuliers dans des domaines comme ta charge d'enseignement, la disponibilité des chargés de cours et dans le renouvellement du corps professoral. Notre mémoire suggère aussi qu'on porte une attention particulière aux caractéristiques spéciales de ta population étudiante au premier cycle, aux caractéristiques spéciales de la recherche dans les différentes disciplines et aux avantages indirects ainsi qu'aux coûts indirects de la recherche lors de la préparation de toute modification aux formules de financement.

Enfin, notre mémoire montre l'impact dévastateur du sous-financement des cinq dernières années et la situation financière de l'université.

M. le Président, avec votre permission, j'ai l'intention maintenant de vous présenter le doyen de notre faculté, M. Kuepper, qui peut souligner certains aspects du mémoire, mais qui ont également un tien avec certaines inquiétudes soulevées par les membres de votre commission et aussi par certains autres interlocuteurs.

Le Président (M. Thérien): Allez-y.

M. Kuepper (Karl J.): Merci, M. le Président. Je voudrais souligner seulement trois champs d'intérêt de nos programmes et des services offerts à la collectivité. Le premier est la question d'accessibilité de notre institution et des services qu'elle rend à la région, le deuxième est le type de baccalauréat offert par l'université qui est d'une nature très générale et le troisième est un exemple d'une réponse qu'a donnée notre université à un problème qui n'est pas limité au Québec! la compétence de la langue d'enseignement, comme exemple seulement. Si vous voulez, je peux répondre à vos questions à cet égard, mais à ce moment c'est tout ce que je voudrais dire. Merci beaucoup.

M. Scott: Merci. Maintenant, je vous présente M. Jean-Luc Grégoire, vice-principal à l'administration qui peut soulever également certains aspects et surtout notre situation financière.

Le Président (M. Thérien): M. Grégoire.

M. Grégoire (Jean-Luc): M. le Président, nous nous inquiétons des effets que pourrait avoir à l'Université Bishop's l'application d'une formule de financement qui inclurait une trop grande pondération basée sur le niveau des subventions de recherche. Ceci ne veut pas dire qu'il ne se fait pas de recherche à Bishop's. Il se trouve cependant que notre éventail de disciplines n'inclut pas les domaines de recherche qui demandent de grandes infrastructures et des équipements importants. De plus, à cause de sa spécialisation dans l'enseignement au premier cycle, l'Université Bishop's ne peut pas faire appel aux étudiants des deuxième et troisième cycles pour aider aux projets de recherche. Dans les lettres, l'administration et les sciences sociales, c'est surtout le professeur qui fait le travail et ceci exige une grande disponibilité de sa part. L'Université Bishop's doit aussi fournir un appui important au secrétariat et aux équipements de traitement et d'impression des textes. Il faudrait donc songer à baser le volet de la recherche de la formule

davantage sur la masse salariale des enseignants que sur les subventions de recherche.

Ceci nous amène à commenter une autre suggestion de changement de la formule de financement, la pondération des étudiants selon le cycle. Mais si d'autres provinces du Canada utilisent ce critère, nous ne sommes pas convaincus que les différences de coûts soient aussi importantes que les propositions de pondération ne le laissaient croire. Nous pensons aussi que l'application de cette formule aurait des effets désastreux sur l'orientation des universités et réduirait encore plus le taux de diplomation aux deuxième et troisième cycles.

J'aimerais ici parler des implications financières découlant du rôle essentiel que joue l'université envers la collectivité dans notre région. On a déjà mentionné les apports culturels pour ce qui est des expositions d'art, du théâtre, des concerts etc. Tout cela est possible grâce a l'existence de notre théâtre du centenaire et des différentes personnes qui s'intéressent bénévolement à ces activités. Le théâtre du centenaire est mis à la disposition des groupes impliqués, et contrairement aux grandes villes où ces équipements sont souvent municipaux, il est très difficile de faire financer tous les excès de coûts par les différents ordres de gouvernement.

L'université juge que tes activités récréatives et sportives font intégralement partie importante de sa tradition "liberal arts". Grâce à la générosité du public lors de campagne de souscription, elle s'est donc dotée d'équipements récréatif et sportif québécois adéquats. Ces équipements ont aussi été planifiés pour servir la population locale. Ceci permet, entre autres, à la ville de Lennoxville d'économiser des sommes considérables puisqu'elle n'a pas à construire et entretenir d'arénas, de piscines intérieures et d'autres équipements semblables. Les résidents utilisent aussi nos espaces verts pour le soccer, le football et ainsi de suite. Nous rencontrons les mêmes difficultés pour le financement de ces équipements par les groupes subventionnaires.

Ces deux exemples montrent encore une fois le rôle très particulier d'une petite institution en milieu rural ou semi-rural et devrait, il nous semble, amener le ministère de l'Éducation à modifier la formule de financement pour compenser ces services essentiels que nous rendons à la collectivité.

Le mémoire montre l'évolution des revenus et dépenses au cours des cinq dernières années. Il est intéressant de noter qu'alors que la population étudiante a augmenté à l'Université Bishop's de 45 % durant ces cinq années, la subvention gouvernementale, en dollars constants, a diminué de plus de 8 %. Malgré une réduction très sérieuse de ses dépenses et des services offerts, l'université a encouru des déficits qui se chiffrent en moyenne à 300 000 $ par année durant cette période et se retrouve avec un déficit accumulé de près de 2 500 000 $ à la fin de 1985-1986. Ceci représente, en passant, de 3 % à 4 % de déficit annuel.

Chaque année, nous avions espéré que la croissance des populations étudiantes engendrerait suffisamment de subventions additionnelles pour nous permettre d'équilibrer notre budget de fonctionnement. Chaque fois, les coupures ont presque annulé l'effet de subventions reliées a la croissance de la population étudiante.

En 1986-1987, nous prévoyons encore une fois un déficit de l'ordre de 300 000 $ et notre situation nous rappelle de plus en plus l'expérience des gouvernements au cours des dernières années. Le déficit est comblé par des emprunts. Ceci ajoute au coût du service de la dette, ce qui a pour effet d'augmenter le déficit de l'année suivante etc. Il y a cependant une différence importante: les universités ne possèdent pas le pouvoir de taxation. Merci.

M. Scott: Enfin, M. le Président, on présente Mlle Patricia Herrbach, une étudiante à l'Université Bishop's choisie par les étudiants et non pas par le recteur ni par l'administration. On a pensé également soumettre les commentaires du ministre dans un document ici sur l'importance des études de baccalauréat; je pense que vous êtes déjà tous au courant de ces commentaires. Donc, Mlle Herrbach nous présente certaines de ces mêmes choses.

Le Président (M. Thérien): M. le ministre me demandait si nous avons ces commentaires?

M. Scott: Je parle du document qui est annoncé par la commission dans une chose du ministère. Cela parle de l'importance d'une étude de baccalauréat. Mme Herrbach va reprendre plusieurs de ces thèmes. Mme Herrbach.

Le Président (M. Thérien): Nous vous écoutons, madame.

Mme Herrbach (Patricia): Merci. M. le Président, monsieur le ministre, messieurs et mesdames de la commission parlementaire. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de venir vous parler de la part des étudiants de l'Université Bishop's. Bishop's, comme vous !e savez, est une petite université qui se concentre surtout dans un enseignement de type "liberal arts" au niveau du premier cycle.

La population étudiante, qui est de moins de 1250, est sans doute l'un des facteurs les plus attrayants de l'université.

Comme représentante des étudiantes, j'espère aujourd'hui vous communiquer ce qui rend Bishop's spécial non seulement pour moi, mais pour tous les étudiants de l'université.

J'aimerais commencer par mon expérience personnelle. Quand j'ai dû décider où faire mes études de baccalauréat, je ne savais pas comment m'y prendre. Tout d'abord, j'étais troublée et incertaine quant à ce qui était important pour moi concernant ma formation universitaire.

Après y avoir réfléchi, j'ai décidé qu'il avait trois priorités que je voulais satisfaire: premièrement, je voulais étudier dans une petite université; deuxièmement, je voulais vivre dans une ambiance sociale agréable et, troisièmement, je voulais recevoir une formation de qualité supérieure.

Ces trois priorités, pour moi, décrivent Bishop's. En parlant avec d'autres étudiants, j'ai trouvé que les raisons qui m'avaient fait choisir Bishop's n'étaient pas uniques, mais qu'elles étaient semblables aux leurs.

Le fait que Bishop's soit une petite université est un point très positif. Un étudiant se sent rassuré en entrant dans une classe où il n'y a que 40 ou 50 étudiants,et parfois aussi peu que 10 étudiants en contraste avec un amphithéâtre qui contient 400 ou 500 étudiants. À Bishop's, la proportion étudiants-professeur est de 15 à 1. Ceci donne l'occasion aux professeurs de connaître leurs étudiants par leur prénom et non par leur numéro. Que l'un de mes professeurs me demande où j'étais si je manque un cours, je sens que le professeur est intéressé à moi et cela me motive comme étudiante. Cette proportion si basse favorise une qualité d'enseignement très élevée que Bishop's peut fournir à cause de sa petite taille.

La vie en résidence est partie intégrante de la formation de l'étudiant. Les résidences universitaires à Bishop's sont mieux équipées si on compare avec celles des autres universités. Chaque étudiant a la possibilité de demeurer en résidence aussi longtemps qu'il le veut. Les expériences vécues par les étudiants à l'extérieur des cours sont dans un sens aussi importantes que ce qu'ils apprennent en classe.

Du fait même de la petite taille de Bishop's, l'étudiant entre en contact avec un grand nombre de personnes, de différentes origines ethniques, oeuvrant dans des disciplines différentes. Cela crée des liens très forts entre les étudiants des différentes facultés. Assez souvent, on voit un étudiant en histoire dîner à la cafétéria avec un étudiant en administration. Vous croyez peut-être qu'ils sont en train de parler de sport ou de leur dernier "party", eh bien non! Souvent, ils discutent chacun de leur discipline. Ces relations mutuelles en dehors des classes rehaussent la formation en arts libéraux dont Bishop's est si fière.

Bishop's offre aussi beaucoup d'autres activités dont les étudiants profitent. Bishop's s'est attaquée à la tâche de résoudre le problème des étudiants illettrés. On évalue les connaissances de chaque étudiant qui commence à Bishop's afin de déterminer s'il doit participer à des ateliers d'écriture en anglais avant de pouvoir terminer son baccalauréat.

L'université offre aussi des services de consultation ayant trait à des questions de nature personnelle aussi bien qu'académique. Ces consultations se font généralement d'une manière très amicale. Bishop's a un vaste choix de sports d'équipe intramuraux, c'est-à-dire des équipes formées selon l'affinité des étudiants sans égard à la faculté à laquelle ils appartiennent. Le taux de participation est parmi les plus hauts au Québec. Cela contribue également à maintenir des liens très forts entre étudiants. Le conseil étudiant est un réseau étendu qui permet à l'étudiant de s'impliquer, d'apprendre et de vivre plusieurs aspects de la vie universitaire.

Il y a une abondance d'avantages qui existent à Bishop's et chaque étudiant y est exposé. Ceux qui veulent s'impliquer n'ont aucune difficulté à le faire. Ceux qui ne s'impliquent pas ne restent pas longtemps à Bishop's. Toutes ces activités ne seraient pas possibles et seraient moins efficaces si le nombre d'étudiants inscrits montait au-dessus de 1250 et si on vivait d'autres restrictions budgétaires.

Les finissants de l'Université Bishop's, avec leur formation de type "liberal arts" qui les oblige à étudier en dehors de leur discipline, sont des personnes possédant une excellente formation générale. Les expériences acquises en dehors de ces classes contribuent pour une large part à faire de ces étudiants ce qu'on appelle en anglais des "well-rounded individual". Il serait malheureux que les caractéristiques qui rendent Bishop's si spéciale soient changées. Bishop's est ce qu'elle est à cause de sa taille, de ses étudiants, de ses professeurs et de son administration. Ensemble, on a bâti une institution de premier cycle unique au Québec dont nous sommes tous très fiers. Mes sentiments, autant que ceux de tous les étudiants, sont que Bishop's ne doit pas changer. Il est important que nous soyons perçus comme ayant besoin de considérations spéciales. Sans ces considérations, les étudiants qui voudront profiter de cet environnement unique n'auront pas l'occasion de le faire.

Au Québec, il y a plusieurs grandes universités qui peuvent répondre aux besoins des étudiants qui veulent faire des études plus spécialisées. II faut laisser Bishop's continuer sa mission qui est d'offrir aux étudiants un programme d'étude de type "liberal arts". Merci.

M. Scott: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup mademoiselle, félicitations. Je céderai immédiatement la parole au ministre et député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, la visite que nous fait aujourd'hui le recteur de l'Université Bishop's et les personnes qui l'accompagnent me rappelle d'agréables souvenirs. Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'aller à l'Université Bishop's et j'ai toujours retrouvé ce climat que nous a décrit l'étudiante qui a été déléguée par le groupe d'étudiants pour représenter le corps étudiant. C'est une atmosphère de travail détendue, une atmosphère d'application consciencieuse et de bonne camaraderie qui me paraît typique à un "liberal arts college", comme vous l'avez dit.

Je m'inquiétais auprès de certains établissements qui sont venus nous rencontrer de l'absence de disciplines humanistes dans leur programme d'études. Je suis bien content de constater qu'à Bishop's elles forment le coeur même du programme de formation que vous offrez à une clientèle qui n'est quand même pas négligeable, puisqu'elle dépasse le millier d'étudiants. Je pense qu'il y a de la place pour une institution comme la vôtre au Québec et j'espère qu'elle durera longtemps.

Je signale que vous nous avez fait valoir que la très grande partie du travail se situe au premier cycle et que vous ne trouvez pas que cela vous diminue. Vous ne trouvez pas que cela vous amoindrit non plus. Au contraire, vous vous employez à développer le travail à ce niveau, avec toutes les qualités d'excellence qui peuvent pratiquement se réaliser. Je pense que cela donne d'excellents résultats dont il y a lieu de vous féliciter et votre mémoire comprend beaucoup de choses intéressantes. (17 h 45)

J'ai remarqué également qu'un professeur peut faire de la recherche s'il est au premier cycle. Évidemment, il n'aura pas le grand déploiement de laboratoires presque industriels dont on a besoin pour certains types de recherche, mais en arts, en lettres et en "humanités", comme vous le dites, la recherche est de caractère très personnel. Cela doit faire partie, il me semble, du mode de vie du professeur d'université, y compris au premier cycle. Je vous remercie de l'avoir signalé, parce qu'il y a une certaine mode qui se développe depuis quelque temps selon laquelle on ne ferait de la recherche qu'aux deuxième et troisième cycles et selon laquelle, en retour, on pourrait faire seulement de l'enseignement au premier cycle, sans faire de recherche. C'est absolument antinomique par rapport à l'idée que, moi, je me fais, de l'université. Il me semble que tout professeur universitaire digne de ce nom doit faire de la recherche, fût-elle modeste. Il doit en faire, parce que autrement son enseignement devient vite mécanisé. Celui qui fait de la recherche y gagne beaucoup, aussi, à faire un peu d'enseignement et même souvent pas mal d'enseignement parce que cela lui permet de vérifier journellement la qualité du travail qu'il poursuit. Il n'y a pas de séparation entre les deux. À force d'idéaliser certains concepts, on finit par se couper de la réalité, mais je pense que ce que vous nous avez dit est une donnée très importante qui vaut non seulement pour Bishop's, mais pour les autres également.

Vous avez signalé aussi, il faut le noter en toute honnêteté, le problème de sous-financement qui est caractéristique de Bishop's. Les chiffres que vous donnez à la page 6 de votre mémoire ne sont point nouveaux pour nous. Déjà, dans l'étude faite par le ministère en 1984-1985 sur le niveau de financement des universités, on établissait - la base de cette étude reste discutable, mais c'était la meilleure qui eût été faite jusqu'alors - autour de 8 % le niveau de sous-financement de Bishop's par rapport à l'ensemble des universités. Si les intentions -je le dis en toute honnêteté pour l'ancien gouvernement - qui avaient été manifestées alors ne s'étaient pas heurtées à une série d'obstacles, il eût été possible de commencer des ajustements. Mais cela n'a pas été possible et la tâche reste à faire.

Sur la foi des renseignements dont nous disposons, je pense que l'affirmation qui est faite dans votre mémoire, étayée d'ailleurs par des chiffres, mérite d'être prise comme telle, sujette à vérification quant aux détails, mats quant au fond, je pense qu'on peut l'accepter comme base de discussion sans risquer de se tromper beaucoup. S'il y a iniquité dans le partage des ressources gouvernementales mises à la disposition de votre établissement en particulier, nous allons nous employer à la corriger. Il faudra d'abord que nous trouvions une solution au problème du niveau de financement des universités. Je l'ai souligné à maintes reprises. Comme vous le dites, même d'autres institutions qui reçoivent plus que vous ne sont pas nécessairement surfinancées pour autant. Cela veut dire que le degré de sous-financement qui existe chez vous n'en est que plus réel. Je vous mentionne ces points en toute simplicité. Je pense que la rencontre d'aujourd'hui nous permet de tenir entre nous une conversation franche. Je vous donne mes réactions comme elles me sont venues à la lecture de votre mémoire.

Je me permettrai de vous poser peut-être une ou deux questions. D'abord, sur cette concentration dans le premier cycle. D'après nos statistiques vous avez un ou deux programmes de deuxième cycle.

Pourriez-vous nous dire lesquels et pourriez-vous nous dire quels sont vos plans de ce point de vue-là en matière de premier, deuxième et troisième cycles? J'ai remarqué à un moment donné que vous dites: Nous n'avons pas de plan d'expansion. Nous pensons pouvoir faire un bon travail en restant à peu près au plateau où nous sommes actuellement. J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de vos projets d'avenir.

M. Scott: Merci, M. le ministre. Premièrement, le premier aspect de la question concernant nos programmes au niveau des deuxième et troisième cycles. Parlant du troisième cycle, la réponse est facile. On n'a aucune intention, aucun plan pour le troisième cycle. Quant au deuxième cycle, le doyen est à côté de moi et il est un peu plus à l'aise avec les programmes de deuxième cycle. Avant de lui passer la parole, je veux signaler surtout notre programme en éducation. Bishop's a eu un programme en éducation destiné aux écoles, même rurales, depuis longtemps. C'est un programme qui attire beaucoup l'attention des étudiants et également des commissions scolaires dans les régions éloignées, pas seulement les Cantons-de-l'Est, mais aussi les autres régions où on trouve des populations anglophones limitées. La Câte-Nord est un exemple parfait où on a tout un groupe de diplômés de ce programme de maîtrise en éducation, diplômés de Bishop's. Donc, cela veut dire que Bishop's a l'intention de garder ce programme qui est uniquement au niveau du deuxième cycle et qui est destiné spécifiquement à une sorte de région, dans un autre sens du terme. C'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement une région géographique, mais dans ce sens-là c'est une région linguistique. Je voudrais passer la parole au doyen Kuepper pour donner plus d'informations sur les autres programmes de deuxième cycle.

Le Président (M. Thérien): M. le doyen.

M. Kuepper: Merci. C'est aussi simple à répondre. Si nous avons des étudiants du deuxième cycle, c'est seulement au niveau du tutorat. Je crois qu'il y en a trois ou quatre dans le département d'anglais, peut-être un ou deux dans le département d'histoire, un dans le département de chimie et un autre dans le département de religion. C'est tout et c'est une charge additionnelle pour le professeur. Cela est défini dans notre convention collective, mais c'est aussi dans la tradition de l'université que cela complète, dans un certain sens, l'intérêt dans la recherche et l'acceptation de chaque étudiant de cette sorte et dépend du champ qu'il ou elle a choisi. Merci.

M. Ryan: Très bien. Une autre question, si vous me permettez. J'aimerais vous demander s'il y a d'autres sources de revenus à l'Université Bishop's que les deux sources principales que représentent les subventions gouvernementales et les frais de scolarité payés par les étudiants et s'il y a des possibilités de développement de ce côté?

M. Scott; II y a deux autres aspects de la question. Premièrement, il y a... excusez moi, le mot me manque pour "endowment"....

Une voix: Des fonds en fiducie.

M. Scott: ...des fonds en fiducie -merci - qui sont gelés. Par exemple, nos anciens démontraient une certaine générosité. Donc, il y a plus de 1 000 000 $ qui sont gelés uniquement pour les "scholarships". Donc, c'est une source de financement mais pas pour l'université. C'est pour les étudiants mais c'est quelque chose dont nous sommes très fiers et qui nous aide énormément parce qu'il y a plus d'une centaine de nos étudiants actuellement qui reçoivent une aide financière que je peux caractériser d'impressionnante. Cela veut dire que ce n'est pas 10 % mais cela approche 10 %. C'est là, mais intouchable dans un sens large pour les autres fins de l'université.

On en a eu un autre auparavant. M. Grégoire peut l'expliquer plus. Mais, avec nos déficits accumulés, cela n'existe plus. On en a eu, si on parle de la situation de l'Université Bishop's il y a cinq ans, mais ce n'est plus là.

Ensuite, c'est vrai qu'il y a la Fondation Bishop's, qui n'est pas de l'université, mais évidemment qui nous aide dans nos activités également. On a toujours profité, dans un bon sens du terme, de nos anciens qui se montrent très fiers de leur université. Nous avons une campagne de souscription annuelle. Pour être très francs, notre aspiration pour l'année actuelle c'est environ 100 000 $. Pour un groupe restreint d'anciens, je pense que c'est impressionnant et cela représente aussi un travail récent un peu plus développé qu'auparavant.

Donc, il y a toujours une possibilité. On pense actuellement à la possibilité d'une campagne de souscription majeure mais avant de se lancer dans cela, on veut en discuter avec le ministère même pour être sûr qu'on est dans les mêmes lignes de développement. C'est au niveau de la planification des discussions.

Le Président (M. Thérien): Je passerai maintenant immédiatement la parole à Mme la députée de Chicoutimi qui est porte-parole officielle de l'Opposition.

Mme Blackburn: Merci. M. le principal,

messieurs, madame, cela me fait plaisir de vous accueillir ici au nom de l'Opposition. Je dois dire que c'est probablement au Québec -il faudra que je corrige cette lacune dans ma formation - l'université que je connais la moins bien. Je connais davantage le collège Champlain qui est aussi à Lennoxville - un peu tout ce réseau - mais je n'ai pas le plaisir de connaître votre université. Cela m'a permis d'avoir une connaissance sans que ce soit une connaissance fine, un survol de vos activités que je trouve, par ailleurs, fort intéressantes. Je ne me permettrai pas d'être très longue parce que malheureusement -c'est souvent le ministre qui a des engagements - ce soir, c'est moi qui ai des engagements. Je ne pourrai pas vraiment être longue. Je vais passer immédiatement aux questions.

Je retiens des choses que je trouve fort intéressantes, en particulier, le souci que vous avez de vous assurer que vos finissants aient une solide connaissance de la langue. Je me dis que si ces choses étaient possibles un peu partout ailleurs, je pense qu'on devrait s'y mettre. Je sais qu'on le fait dans de plus en plus d'universités aux États-Unis et au Canada. J'ai deux questions. Une première qui touche votre déficit qui est, par rapport à votre budget, finalement relativement élevé. Est-ce que vous proposez - peut-être l'avez-vous dit dans votre mémoire, je ne pense pas l'avoir remarqué - un plan de résorption de ce déficit dans l'hypothèse où il y a redressement des règles d'allocation des ressources?

M. Scott: Je pense qu'il y a deux choses. Premièrement, je profite de l'occasion pour vous inviter à Bishop's. Vous êtes plus que bienvenue.

Mme Blackburn: J'irai sûrement.

M. Scott: II y a une deuxième chose. Nous avons récemment discuté avec nos étudiants de la possibilité d'offrir des matériaux qui peuvent nous aider un peu. Nos étudiants sont fort accueillants, ce n'est sûrement pas le mot, mais ils acceptent le concept. Évidemment, si on impose cela, cela peut nous aider un peu avec le déficit de l'année actuelle. Pour le reste, si on n'a pas un soulagement, il n'y a rien d'autre à faire sauf d'autres coupures. Comme on l'a démontré dans notre document, on s'inquiète des coupures déjà en place au sujet de la bibliothèque, par exemple, qui est une chose qu'une fois qu'on l'a manquée, on ne peut pas la remplacer. Mais on a de grands espoirs en votre commission. Donc, nous avons tendance à attendre un peu pour voir les résultats et ensuite prendre les mesures appropriées.

Mme Blackburn: Le Conseil des universités, dans un avis qu'il émettait - je crois que c'est dans l'avis de décembre 1985, en parlant du développement et de la situation de l'Université Bishop's - suggérait que les universités en région pourraient avoir sensiblement le même modèle. Je ne sais pas si vous êtes assez au fait des rapports qu'entretiennent les universités en région avec leur milieu et évidemment de l'étendue de leur population. Est-ce que vous pensez que c'est un modèle qu'on pourrait transposer en région?

M. Scott: Moi, je pense que oui. Nous pensons que nous sommes une université en région avec une sorte de nuance. Il faut dire que ce n'est pas uniquement les étudiants des régions qui doivent venir à notre université. Cela veut dire que notre base est en région, que nos planifications sont en région, mais nous pensons que cela aide également les étudiants en région et les étudiants d'autres régions pour connaître leur région. C'est une université régionale avec une sorte d'épanouissement plus large. Nous avons déjà fait allusion au contexte de services à la collectivité, mais aussi à une sorte de concurrence avec l'Université de Sherbrooke qui n'est pas si loin après tout, c'est environ à dix kilomètres de l'Université Bishop's. Un exemple, dans notre planification dans les "fine arts" et aussi dans la musique. On a l'intention de développer cela probablement plus que dans un autre contexte. Pour développer ce contexte dans la région, on pense que c'est un service à la région et on a déjà eu un résultat qui nous démontre que, par exemple, on a beaucoup plus d'étudiants francophones dans ces programmes-là comparativement à d'autres. Cela n'est pas surprenant parce que cela donne une bonne concurrence dans la région. (18 heures)

Le Président (M. Thérien): Tel que l'exige le règlement, je demanderais le consentement des deux côtés pour poursuivre jusqu'à 18 h 15. Est-ce que j'ai le consentement? Oui. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Votre définition de service aux collectivités, et je reprends un peu le texte qui a été présenté tout à l'heure par le doyen de la faculté, semble se résumer. Je prends vos textes. Vous dites à la page 2: "L'université juge que les activités récréatives et sportives font intégralement partie importante de la tradition de votre université grâce à la générosité du public. Ces équipements ont aussi été planifiés pour servir la population locale. Ceci permet entre autres à la ville de Lennoxville d'économiser des sommes considérables puisqu'elle n'a pas à construire et à entretenir d'aréna, de piscine intérieure ou d'autres équipements semblables." C'est

intéressant, mais à la fois je vous dis que cela ne serait pas possible dans les universités en régions, d'abord parce que les régions sont, dans un sens, beaucoup plus vastes que là où vous situez votre action chez vous. La population de la ville de Lennoxville est de...?

M.Scott: 4000. Mme Blackburn: 4000.

M. Scott: 7000 lorsque nos étudiants sont présents.

Mme Blackburn: D'accord. Généralement, ce qui se passe dans nos régions, que ce soit pour les collèges ou pour les universités, les équipements appartiennent à l'université ou au cégep, mais tous les frais inhérents à l'utilisation sont payés par la municipalité. Je pense aux amphithéâtres, aux piscines, aux plateaux sportifs, ainsi de suite. Cela en ferait sursauter plusieurs et cela ferait sûrement plusieurs jaloux chez les maires si on savait qu'ils ont gratuitement accès à des services dans votre municipalité, mais cela étonne également lorsque l'on connaît les difficultés que pose le financement des universités et l'importance de votre déficit. C'est un peu ma réaction là-dessus. Je dois vous dire que je suis étonnée.

M. Scott: Oui, bien...

Mme Blackburn: Le ministre vous demanderait si cela rentre dans les responsabilités d'une université d'offrir ce genre de service gratuitement à une population à la place de la municipalité? Pour poser les choses de façon un peu brutale.

M. Scott: Je peux passer la parole à M. Grégoire, parce qu'il est beaucoup plus au courant de nos relations avec la ville.

M. Grégoire: La situation est la suivante. Les équipements sont fournis gratuitement, mais à des taux vraiment compétitifs en régions. Par exemple, pour la location d'une aréna, pour vous donner un exemple, on exige 45 $ à 50 $ l'heure, le même montant exigé par les arénas qui appartiennent à la ville de Sherbrooke qui n'est pas tellement loin. Mais, à Sherbrooke, les arénas ne s'autofinancent pas. La ville de Sherbrooke est obligée, en plus de percevoir les 45 $ ou 50 $ l'heure, d'injecter beaucoup de fonds pour subventionner ces arénas. Chose qui ne se produit pas chez nous. Notre municipalité semble avoir de la difficulté à donner des sous à une institution d'enseignement pour des équipements qui ne leur appartiennent pas.

M. Scott: Je veux ajouter un mot. La région, cela veut dire un rayon d'au moins 40 milles autour, parce qu'il y a beaucoup de petites villes dans la région des Cantons de l'Est. Et aussi je veux signaler un peu plus l'Eastern Townships Research Centre. Dans ce sens-là, cela joue un rôle important pour tous les musées de toutes ces petites villes, comme Coaticook, Stanstead et jusqu'à Drummondville. Pour cet aspect, notre région, c'est vraiment le sud du fleuve jusqu'à la frontière américaine.

Mme Blackburn: Vous avez des propositions par rapport à la formule de financement. La plupart des universités qui sont venues ici nous ont indiqué un certain nombre de paramètres.

M. Scott: Madame, en gros, notre suggestion, c'est d'abord une certaine base minimale sous laquelle on ne peut pas passer. Cela veut dire qu'il y a un certain coût de base, qu'il faut être là et qu'ensuite on accepte dans nos documents plusieurs autres concepts comme, par exemple, les frais indirects de recherche, etc*, mais plus qu'autre chose on signale notre inquiétude vis-à-vis des formules que l'on considère peut-être trop simplistes. Par exemple, le deuxième cycle valant deux fois plus que le premier cycle. On n'a pas de suggestion précise à ce sujet, plutôt des inquiétudes et des interrogations soulevées dans la présentation de M. Grégoire, mais également dans le texte.

Mme Blackburn: Avez-vous des ententes, des collaborations ou des équipes de recherche en collaboration avec l'Université de Sherbrooke ?

M. Scott: Oui, nous en avons quelques-unes. Nous en avons une en biochimie et dans le domaine de la biologie avec l'Université de Sherbrooke. Il y en a certaines autres, mais ce sont les deux qui me viennent vite à l'esprit. On veut développer beaucoup plus, c'est sûr, c'est quelque chose à développer et on travaille sur cela, mais il y en a quelques-unes qui existent déjà.

Mme Blackburn: M. le Président, c'est tout.

Le Président (M. Thérien): J'invite Mme la députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Thérien): Parfait. Puis Mme la députée de Jacques-Cartier va poser des questions et conclure.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Monsieur, madame, messieurs, cela m'a fait plaisir de vous recevoir à cette commission et je vous remercie également d'avoir accepté de vous y présenter. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, il est important, étant donné le mandat qui a été confié à cette commission, que l'on entende la plus large gamme possible d'opinions et d'avis. Cela nous aura permis d'avoir une vision d'ensemble de la situation des universités dans toute la province.

Si vous me le permettez, je voudrais tout particulièrement remercier et féliciter l'étudiante, Mme Herrbach, qui a été désignée pour représenter les étudiants et étudiantes de son université. L'intérêt qu'elle manifeste à l'endroit de son université est tout à son honneur et quand on voit un tel intérêt, je ne doute pas de vos propos lorsque vous dites que vos ex-étudiants contribuent passablement à un fonds qui, si j'ai bien compris, était davantage destiné à des bourses pour les étudiants qu'à un fonds de développement.

Alors, cela m'a fait plaisir. Je vous remercie de votre contribution aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Thérien): Je pense que madame va accepter l'invitation d'aller visiter votre université. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier, adjointe parlementaire au ministre.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre commission. J'ai bien apprécié votre mémoire parce qu'il nous a mis en garde, je crois. Au moins, votre mémoire a soulevé plusieurs réalités de votre université, lesquelles soulèvent des questions très importantes, d'abord en ce qui concerne la signification et la pertinence des revenus générés de sources extérieures comme mesure des subventions méritées par une institution. Je suis très heureuse que vous ayez souligné cette question, parce qu'il y a une présomption qui est assez répandue que des revenus qui viennent de sources extérieures sont certainement une mesure de l'excellence et de la performance d'une université.

Il y a une chose dans votre mémoire qui me surprend un peu: À la page 6, vous avez démontré la réalité de votre sous-financement, mais pourquoi avez-vous comparé votre situation à celle de l'Université du Québec à Chicoutimi, à Rimouski ou à Trois-Rivières? Il me semble que, d'abord, votre population n'est pas dispersée comme la population de ces universités qui coûtent cher. Nous avons entendu leurs problèmes depuis plusieurs journées et le coût de dispersion est considérable. De plus, c'est vrai que vous avez une taille équivalente en termes de clientèle, mais vos activités éducatives ne sont pas équivalentes, je crois.

Ma question est celle-ci: Avez-vous estimé le coût réel d'une subvention adéquate par étudiant pour une université comme la vôtre qui s'occupe uniquement du premier cycle? Deuxième volet: Est-ce que ce coût estimé, est-ce que cela coûte plus cher ou moins cher par rapport à une grande université - je parle toujours du 1er cycle -comme McGill, par exemple, qui offre d'autres niveaux, les 2e et 3e cycles?

M. Scott: C'est une question fort importante, un peu complexe aussi, mais je comprends cela. Par exemple, le premier volet, une subvention adéquate, dans un sens, la réponse est facile. Adéquate pour éliminer nos déficits, cela veut dire: Quelle est la subvention idéale? C'est un peu difficile de le savoir parce que, si c'était plus grand, on pourrait engager plus de professeurs et payer un peu plus. Donc, peut-être...

Mme Dougherty: Vous avez une situation plus ou moins stable en termes de clientèle...

M. Scott: Non, dans le sens que notre clientèle a augmenté de 50 % depuis cinq ans. On a passé d'un temps plein équivalent à un temps plein complet. Donc, c'est plus ou moins stable dans le sens que l'on a augmenté de 400 étudiants. Pour une grande université, 400 étudiants, cela n'est pas beaucoup, mais quand on calcule en pourcentage et que l'on passe de 800 à 1200, c'est énorme.

La réponse la plus rapide serait de dire que l'on n'a pas évalué exactement ce que cela prend comme subvention par étudiant dans ces détails-là. Quant au deuxième aspect de votre question, je n'ai pas de problème à vous répondre que c'est plus dispendieux dans le sens que pour certains services - on est obligé d'offrir un exemple un peu ridicule, mais qui démontre... Si on veut jouer au hockey, il faut avoir une aréna de la même grandeur qu'à Montréal, à l'Université McGill. On ne peut pas jouer dans une aréna d'un vingtième de la grandeur. C'est la même chose pour la bibliothèque: si on veut avoir une gamme de livres, même si le livre est pris seulement deux fois par année, il faut quand même l'avoir. Donc, pour maintenir une bibliothèque juste suffisante, pas splendide, pas comme à Harvard, il faut un certain minimum et c'est plus dispendieux. C'est pour cela que l'on se compare à Chicoutimi, Rimouski, etc. C'est beaucoup plus dans ces aspects.

Le facteur dispersion, on a fait allusion dans le passé à son importance et Mlle Herrbach en a aussi parlé. Les résidences jouent un rôle important, mais elles ne sont pas gratuites. Pour une population d'origines

très dispersées, il faut maintenir ces résidences. Cela n'est pas un luxe, c'est l'essentiel. C'est dispendieux.

Mme Dougherty: Alors c'est plutôt l'infrastructure qui est l'équivalent?

M. Scott: C'est exact.

Mme Dougherty: Très bien. Alors, merci pour cette clarification.

Le Président (M. Thérien): Donc, pour conclure?

Mme Dougherty: J'aimerais avoir un mot sur les frais de scolarité.

Le Président (M. Thérien): Un mot sur les frais de scolarité.

Mme Dougherty: Vous n'avez pas mentionné la question des frais de scolarité. Êtes-vous pour ou contre? Juste un mot parce que le temps nous presse.

M. Scott: On en a parlé avec nos étudiants et ils sont prêts à faire leur part dans la question. C'est sûr qu'ils ne veulent pas qu'une augmentation des frais de scolarité ait un impact simplement sur le déficit national du Québec. Ils espèrent bien que chaque augmentation des frais de scolarité va améliorer leur formation, leur université. Ils acceptent que, premièrement, on doive éliminer le déficit qui est une hypothèque sur notre avenir, mais qu'ensuite, on améliore leur programme.

Mme Dougherty: Très bien. Alors, j'aimerais remercier les représentants de Bishop's University d'être venus aujourd'hui. J'aimerais d'abord vous féliciter pour votre excellent mémoire. Je crois que vous nous avez rendu un grand service en détruisant quelques mythes qui circulent dans le monde de l'éducation actuellement. Merci.

M. Scott: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Thérien): C'est à mon tour de vous remercier, M. Scott, surtout pour la facilité que l'on a eue pour s'entendre sur le partage du temps. M. le doyen, M. le vice-principal, madame, merci beaucoup. Soyez assurés que Mme la députée de Chicoutimi a accepté l'invitation d'aller vous visiter. Nous aussi, nous le ferons. Merci.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. Alors, elle accueillera l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 18)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M- Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation a effectivement repris ses travaux, qu'elle avait ajournés à 18 heures, pour accueillir l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec représentée par son secrétaire général, M. Jean-Pierre Paquet. Bonsoir, M. Paquet. Je veux vous remercier, au nom des membres de la commission parlementaire, d'avoir répondu à l'appel de cette commission de venir échanger vos points de vue sur la problématique de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois. Inutile de vous dire que la commission est heureuse d'accueillir des groupes de jeunes et des groupes d'étudiants puisque, enfin, l'université existe pour eux. S'il n'y avait pas d'étudiants, il n'y aurait pas d'université. Chaque fois que nous en avons recu ici, c'est avec plaisir que nous les avons entendus.

M. Paquet, la commission a prévu de consacrer une heure et demie à votre association. Vous prendrez le temps que vous jugerez à propos pour nous présenter votre mémoire ou nous faire un exposé et, à la fin, le reste du temps sera réparti d'une façon égale entre les deux formations politiques. M. Paquet, est-ce que vous êtes seul ou si des gens vous accompagnent?

M. Paquet (Jean-Pierre): II devait y avoir un autre membre de l'exécutif, mais il n'est pas encore arrivé. II a été retenu à Montréal. Il va peut-être arriver au cours de la commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II pourra se joindre à vous. Je vous demande cela pour la bonne raison que durant la discussion avec les députés, si vous jugez à propos que vos collègues répondent ou vous aident à répondre, sentez-vous bien à l'aise-Le but n'est pas de minuter les gens - par contre, on a un règlement à respecter - mais c'est de tâcher d'aller chercher le plus d'information possible. M. Paquet, la parole est à vous.

ANEQ

M. Paquet: Merci. Je pense que, comme introduction, on peut dire que la présente commission qui traite du financement des universités, d'après nous, comme c'est indiqué dans le mandat de cette commission, devrait parler également de l'orientation des universités, en plus du cadre de financement. Ce que l'on remarque toutefois, c'est qu'il semble que le cadre de financement comme tel ou tout ce qui est rattaché aux modalités de financement semble prendre le dessus sur le reste et, finalement, être davantage considéré.

Ce sur quoi l'on veut mettre davantage d'intérêt et insister, c'est sur les orientations et ramener sur la table des grands principes auxquels on croit fermement, des principes qui concernent l'accessibilité à l'éducation, l'orientation des programmes universitaires et la question de la qualité de l'éducation. On veut réaffirmer des principes parce que l'on pense qu'à l'heure actuelle le débat se fait, malheureusement, seulement en fonction des moyens consentis au réseau universitaire. Nous pensons qu'il faut ramener le débat sur la question des objectifs qu'on se donne et ne pas tout mettre derrière le paravent et faire les débats seulement sur les budgets ou les modalités financières.

Cela me semble très important parce que si on regarde les coupures qui ont été faites au cours des dernières années, on se rend compte que bien des coupures, dans le fond, ont été imposées non seulement pour réaliser des économies budgétaires, mais bien plus pour changer en profondeur l'orientation des universités. Quand on parle, par exemple, de toute l'introduction du financement réparti en fonction des secteurs d'étude, quand on pense à la fermeture ou à la réduction des subventions à certaines orientations ou à certains services dans les universités, tout cela se faisait en disant: On n'a plus de sous, c'est une question d'ordre financier alors que, dans le fond, ces coupures ont été faites à partir d'orientations très précises et d'objectifs pour transformer l'orientation des universités.

C'est la raison pour laquelle nous pensons aujourd'hui qu'il est important pour nous d'insister sur les objectifs et les besoins dans le développement des universités et de l'éducation.

Ce qui apparaît le plus important à nos yeux, c'est de traiter de la question de l'accessibilité à l'éducation universitaire. On pense que c'est là, à l'heure actuelle, l'enjeu prioritaire pour l'ensemble de la population que de défendre et de développer l'accessibilité à l'éducation. Il nous paraît que c'est à ce niveau qu'existent les plus grands risques à l'heure actuelle.

Au tout début, nous voudrions rapporter les propos que le ministre tenait, il y a deux semaines, le 30 septembre, lors d'une ligne ouverte à Radio-Canada qui portait, en pleine période de commission parlementaire, sur les frais de scolarité. Dans une période où siège une commission parlementaire, c'est un peu étonnant que le ministre participe à une ligne ouverte. Il ne s'est pas prononcé pour ou contre le dégel, mais il a donné de bonnes indications à cet sujet. On peut le citer, il disait: "Nous avons envoyé beaucoup de jeunes à l'université au cours des dernières années, alors que ce n'était pas rigoureusement nécessaire dans tous les cas." Évidemment, quand on parle de l'accessibilité à l'éducation, de petites phrases comme cela qui se glissent lors de lignes ouvertes ou ailleurs entrent parfois en contradiction avec ce qu'on peut retrouver officiellement dans les beaux documents. C'était intéressant et très important pour nous de le souligner. Nous aimerions qu'il précise ce qu'il entendait par "ce n'était pas rigoureusement nécessaire dans tous les cas".

On se rend compte qu'à l'heure actuelle, au Canada ou ailleurs, il y a un débat très important et central sur l'accessibilité à l'éducation. Quand on parle d'éducation, règle générale, c'est le thème de l'accesssibilité qui fait l'objet de nombreuses études, de nombreux débats. Pour nous, c'est significatif d'une évolution, donc d'un débat sur l'accessibilité. On sait qu'il y a de nombreux documents qui existent là-dessus, de nombreuses études qui ont été faites. Le gouvernement fédéral vient de publier des trucs et dans de nombreuses provinces. Et on trouve bien étonnant et même décevant qu'en considération de l'ensemble de cette masse de documents et de données qui existent... On est très déçu de voir que le débat à l'heure actuelle, enfin ce qui est perceptible du débat à cette commission parlementaire, ou à l'extérieur de la commission parlementaire, que le débat sur l'accessibilité à l'éducation soit très pauvre, très peu appuyé et semble escamoter beaucoup de données. Enfin, il ne nous semble pas très rigoureux.

On a l'impression qu'il y a une très grande facilité de faire simplement des comparaisons faciles avec d'autres provinces, d'autres endroits dans le monde, et de faire reposer des politiques sur de simples comparaisons, alors que ce n'est absolument pas aussi simple que cela. Quand on parle d'accessibilité à l'éducation, je pense que c'est un phénomène très complexe qui doit être analysé dans toute sa complexité. Je ne pense pas qu'on puisse tout simplement se rapporter à des arguments chocs pour élaborer des politiques. C'est malheureux parce que, évidemment, quand an regarde ce qui est rapporté publiquement, ce sont souvent des arguments chocs, des arguments simplistes, alors que, comme on le disait, c'est une question extrêmement complexe.

Dans le débat auquel on fait référence, on entend beaucoup dire actuellement qu'il y aurait trop de monde dans les universités, qu'il faudrait remettre la politique de la porte ouverte en question. On dit qu'il y a beaucoup de gens dans les universités qui n'auraient pas la maturité intellectuelle nécessaire, qu'il faut mettre un terme au recrutement de volontaires. Dans tout ce débat, il y a des visées élitistes évidentes, et cela, je pense que c'est très important de le faire ressortir, qu'il y a beaucoup d'interventions qui tendent à développer un élitisme très poussé relativement à l'accès à l'éducation. Sauf qu'évidemment, cela ne se

fait pas en termes très ouverts et très définis. Il y a plein de termes qui sont à la mode. On ne parle pas plus nécessairement d'élitisme; on parle beaucoup d'excellence, d'accessibilité qualitative, contrairement à l'accessibilité quantitative. Je pense qu'il y a des recteurs qui ne se gênent pas pour aller dans le sens de l'élistime et dire qu'il va falloir à l'avenir être beaucoup plus sélectif dans l'accès à l'éducation et envers les personnes qui vont pouvoir mettre les pieds dans les universités.

Quand on dit qu'il y a une tendance et des débats, des interventions qui veulent réduire l'accès à l'éducation, cela peut sembler contradictoire avec d'autres déclarations plus officielles qui clament bien haut qu'il faut ouvrir les portes parce que les ressources humaines sont le meilleur investissement à l'heure actuelle et que pour se développer toute société doit avoir des cerveaux, des personnes instruites. Sauf que la contradiction, dans le fond, est seulement apparente parce que lorsque des personnes parlent de développer l'accès parce que les ressources humaines sont importantes, souvent ce qui est rattaché à ces déclarations c'est qu'on parle d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée et on ramène la question de l'accès à l'éducation à des questions de besoins économiques essentiellement. Je pense que c'est extrêmement important de voir qu'actuellement l'accès à l'éducation est perçu par certains comme étant seulement une vision utilitariste. L'accès à l'éducation, oui, mais à la condition que les personnes qui obtiendront les diplômes, qui étudieront à l'université puissent mettre leurs connaissances à contribution dans le cadre d'un emploi bien défini, qui répond à certains besoins restreints de la société, besoins qui, on le sait, sont de plus en plus ramenés à ce qui s'appelle le virage technologique et le développement économique. Cela nous apparaît extrêmement dangereux. (20 h 15)

Quand on parle d'accès à l'éducation, c'est important de voir qu'on est très loin d'avoir atteint un niveau satisfaisant d'accès à l'éducation. Quand on parle de niveau satisfaisant, je pense qu'il serait trop facile de dire: On est rendu comme en Ontario, on se contente de cela.

Je ne sais pas quelle logique peut nous amener à nous contenter de simples comparaisons comme celle-là et de dire: Parce qu'on est rendu au niveau de l'Ontario c'est suffisant, c'est assez. On ne voit pas non plus quelle logique pourrait nous amener à dire que si on a atteint un seuil de 12, %, 13 %, 15 % ou 18 % on pourrait se déclarer satisfait. Je pense que cela doit être défini.

Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, si on prend les chiffres de cette année, il y a à peu près 220 000 personnes au Québec qui fréquentent le réseau universitaire, ce qui représente à peu près 3,5 % de la population québécoise.

Quand on se demande aussi où on en est rendu quant à l'accès à l'éducation - je pense que cela a été mentionné à plusieurs reprises à cette commission - il ne suffit pas de prendre le taux d'accessibilité général mais encore faut-il examiner les différents programmes, les différents niveaux d'études et les différents diplômes qui sont donnés parce qu'on se rend compte qu'au Québec, il y a effectivement beaucoup de gens qui sont à temps partiel dans les programmes de certificats. Il y a donc une lacune à différents autres niveaux qui sont ceux de la maîtrise et du doctorat ou encore dans certains secteurs d'études.

Quand on parle de l'accès à l'éducation, il faut se rendre compte aussi qu'il y a beaucoup de gens qui veulent entrer à l'université et qui n'en ont pas la possibilité soit en raison des contingentements... Les contingentements sont les principaux problèmes. Selon les données de la CREPUQ pour l'automne de l'année dernière, au niveau des demandes d'accès au baccalauréat dans les programmes contingentés, 41,7 % des demandes ont été refusées pour des raisons de contingentement. C'est extrêmement fort, extrêmement important et il y a beaucoup d'autres données dans notre mémoire qui exposent quels sont les taux d'accessibilité dans les différents programmes universitaires. On se rend compte qu'il y a beaucoup de gens qui font des demandes et qui ne peuvent pas avoir accès et que, malgré le fait que les universités à l'heure actuelle aient énormément de personnes qui débordent de tous bords de tous côtés, il y a beaucoup de personnes qui sont justement sur la liste d'attente et qui attendent à la porte.

Donc, il nous semble bien difficile à l'heure actuelle d'affirmer tout simplement qu'au Québec l'accès à l'éducation c'est quelque chose de fait, de réalisé et • sur lequel on n'a plus à intervenir. On pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire d'autant plus que quand on regarde quelles sont les différentes catégories de la population qui ont accès à l'université, il existe encore là un gros problème et une absence de démocratisation totale au niveau de l'accès à l'éducation.

Quand on pense, par exemple, à l'accès au niveau du sexe, on se rend compte que malgré un certain rattrapage, les femmes ont encore un retard important. Si elles ont effectué un rattrapage, c'est principalement parce qu'elles sont inscrites dans tes programmes à temps partiel au niveau des certificats. Quand on regarde du côté de la maîtrise et du doctorat, la proportion de femmes varie entre 30 % et 40 %.

Au sujet des étudiants et étudiantes étrangers, il y a là encore un problème important. Il y a une chute draconnienne,

d'année en année, du nombre d'étudiantes et d'étudiants provenant de l'étranger et on considère qu'il faut pallier cette situation et réviser absolument la politique de frais afférents, de frais discriminatoires à l'endroit des étudiants étrangers et que les politiques de ratio à l'heure actuelle, les politiques d'exemption ne suffisent pas du tout, puisque ces politiques sont établies, on le sait très bien - c'est un secret de polichinelle - en fonction de l'intérêt économique des différents pays étrangers pour le Québec.

Quand on parle du retour aux études, il semble encore là y avoir des problèmes, des lacunes. On pense que si on veut vraiment démocratiser l'accès à l'éducation, il faut non seulement faire en sorte que les personnes en provenance des collèges puissent avoir accès à l'éducation, mais également les personnes qui reviennent aux études. Je pense que c'est là un phénomène important au Québec, les inscriptions aux certificats. On estime que les certificats, justement, c'est un acquis. On pense que c'est un élément de démocratisation de l'accès à l'éducation parce qu'ils sont ouverts à une clientèle qui n'aurait pas nécessairement entrepris un baccalauréat à temps partiel et que les études se seraient ainsi échelonnées sur une période de cinq ou six années. On pense que le fait que ces programmes existent attire des personnes à l'université. Cela leur fait un pied dans la porte. Ils viennent vérifier si les études universitaires leur sont possibles, leur sont supportables, et on sait qu'une bonne proportion, environ 30 % dans certaines universités des personnes qui complètent un certificat, passent par la suite au niveau du baccalauréat. Et on peut facilement évaluer que, si le certificat n'avait pas existé, un bon nombre de ces personnes n'auraient jamais accédé au baccalauréat.

Toutefois, par rapport au certificat, je pense qu'on doit observer certains problèmes. Il est vrai que les universités ont souvent ouvert des certificats pour des questions d'ordre financier et ont lésiné énormément sur la qualité. Je pense que la solution à cela, ce n'est pas de restreindre les certificats, mais c'est bien de s'assurer qu'ils soient revalorisés, améliorés et que les budgets en conséquence soient accordés. Également, je pense qu'il est important qu'on ne puisse pas avoir des diplômes de baccalauréat par cumul de certificats, donc, que ces cumuls ne puissent pas se faire n'importe comment. Il faut s'assurer que les universités aient des règles très strictes afin qu'un baccalauréat par cumul de certificats ait la même valeur qu'un baccalauréat régulier. C'est important, et je pense qu'on observe à l'heure actuelle une transformation dans les universités qui essaient de resserrer leurs critères à ce sujet. C'est extrêmement important et intéressant.

Un point très important sur lequel on veut intervenir, c'est l'accès à l'éducation selon l'origine sociale, parce qu'on entend beaucoup parler par les temps qui courent que la transformation sociale des personnes à l'université ne se serait pas produite au cours des dernières années et que les différentes politiques gouvernementales soit sur l'aide financière, soit sur les frais de scolarité, que l'ensemble de ces politiques aurait été un échec, et qu'en conséquence il faudrait les abandonner puisqu'il n'y a pas de transformation de la composition sociale de la population universitaire.

On veut intervenir là-dessus de façon appuyée. D'abord pour dire que, d'après nous, les barrières d'ordre social et culturel qui existent en ce qui a trait à l'accès à l'éducation, eh bien! ce ne sont pas des barrières qui tombent du ciel, ce ne sont pas des barrières innées. Ce sont des choses sur lesquelles il est tout à fait possible d'intervenir. Je pense qu'il serait tout à fait malhonnête ou enfin insatisfaisant que quelque autorité que ce soit se dise impuissante face à ce problème, face à cette réalité. On pense qu'il est possible d'intervenir, et, pour cela, on peut donner des exemples de ce qui s'est fait dans le passé, par exemple, par rapport à d'autres barrières sociales et culturelles qui n'intervenaient pas sur l'accessibilité à l'éducation, mais sur d'autres phénomènes. Par exemple, quand on parle de l'entrepreneurship. On considère que la population québécoise n'a pas assez le sens de l'entreprise et de l'entrepreneurship. On a vu des programmes se mettre en branle, des campagnes de publicité, des montants d'argent incroyables pour inciter les gens à changer leur mentalité et à développer l'entrepreneurship. Cela, malgré le fait qu'environ neuf entreprises sur dix dans leurs premières années fassent faillite. On a voulu absolument développer une mentalité, un courant et on n'a pas lésiné sur les efforts. Par exemple, dans le passé, effectivement, on pensait qu'il fallait développer des cadres francophones. On a encore là mis en branle des mesures extrêmement importantes pour changer les mentalités en disant: On n'est pas né pour un petit pain après tout, on est capable de prendre nos affaires en main. Il y a eu des politiques qui ont été mises en place et on pense que de telles politiques sont possibles en ce qui concerne l'accès à l'éducation également.

Ce qu'il est important de relever aussi, en ce qui concerne l'accès à l'éducation selon l'origine sociale, c'est que ce n'est pas un phénomène simple. C'est extrêmement compliqué et il faut donc être très sérieux et faire une analyse en profondeur du phénomène. Il existe beaucoup d'études là-

dessus. On voudrait en nommer quelques-unes et rapporter les éléments d'analyse là-dessus. Par exemple, on sait que le phénomène d'accès au niveau universitaire, au niveau collégial est très lié à la structure scolaire. On sait qu'au Québec les programmes professionnels, tant au secondaire qu'au collégial, se sont énormément développés au cours des dernières années. Qu'on pense, par exemple, à l'adoption du règlement pédagogique au collégial qui est venu créer de nouveaux diplômes qui ne donnent pas accès à l'université. Qu'on pense qu'au secondaire il y a une tendance très claire à développer des études professionnelles qui ne donnent pas accès au collégial ou a l'université. On sait que c'est quelque chose de fondamental et de central dans la poursuite des études et, au Québec, il semble que les études professionnelles soient là une priorité.

On sait également que c'est particulièrement vrai pour les francophones comparativement aux anglophones en ce qui concerne les études professionnelles. On sait aussi que le milieu scolaire et l'organisation scolaire interviennent beaucoup sur ce qu'on considère devoir faire dans l'avenir. Il y a des études, je vais en citer une, pour dire que dans le fond, quand on dit que c'est compliqué, cela ne l'est peut-être pas tant que cela, mais il y a dos raisons qui quelquefois sont de nature psychologique ou sociale. Je vais vous donner une citation du groupe ASOPE qui est un groupe de recherche qui pendant plusieurs années s'est penché sur les aspirations scolaires et les orientations professionnelles des étudiants. On dit par exemple: "II n'est pas inutile de rappeler que le mécanisme principal derrière l'interruption et l'abandon des études est et demeure le fait d'avoir complété ce qu'on s'est fait dire apte à faire.

Pourquoi les gens quittent-ils l'école? D'abord et avant tout parce qu'ils ont fini de faire ce qu'on a voulu leur faire faire. C'est bête comme cela." Effectivement, quand on développe les idées, quand on développe la mentalité que "toi, tu fais un programme professionnel et puis cela va te suffire... Il semble que cela intervient beaucoup en ce qui a trait aux aspirations dans l'éducation. On ne fera pas l'ensemble du tour de la situation sociale et de l'accès selon l'origine sociale. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est possible d'intervenir sur cela et que le phénomène est compris, le phénomène est expliqué. Il existe de nombreuses études sur cela pour expliquer le problème de la sous-représentation de certaines classes sociales en ce qui concerne le système scolaire. D'après nous, il n'est pas permis du tout de feindre l'impuissance par rapport à cette situation et il est possible d'intervenir sur cela mais dans la mesure évidemment où l'on veut.

D'après nous, si l'on constate une démission des autorités politiques par rapport à l'accès à l'éducation et à l'origine sociale, on trouverait cela tout à fait scandaleux parce que justement il y a un problème à ce niveau et il faut le résoudre. Quand on dit que les politiques des dernières années ne sont pas intervenues sur l'origine sociale, ces données ne nous semblent pas très récentes. On n'a pas vu dernièrement de statistiques très récentes au cours des trois ou quatre dernières années qui font le point sur l'origine sociale de la population étudiante à l'heure actuelle. On serait très étonné que cette origine sociale ne soit pas transformée, parce que lorsqu'on constate que le taux de réussite au secondaire progresse et augmente, quand on constate que le taux de passage du secondaire au collégial augmente également, quand on constate que dans les dernières années, le nombre d'inscriptions dans les universités a monté en flèche d'une façon formidable, il serait étonnant, à la suite de toutes ces transformations, que ce ne soit pas intervenu sur la composition sociale de la population étudiants.

Ce qu'on se demande un peu, et on pose la question publiquement, c'est: Est-ce que dans le fond, le gros problème serait que cette composition sociale soit en train de se transformer et que cette transformation fasse paniquer des gens qui ne seraient pas d'accord pour que finalement la démocratisation de l'éducation soit en train de progresser et de se réaliser? Cette question, on la pose très sincèrement et très sérieusement. Si on veut s'attaquer aux barrières d'ordre social et culturel, une chose qui d'après nous est possible, on pense que d'abord et avant tout, il faut faire en sorte de ne pas élever d'autres barrières, entre autres des barrières économiques qui sont principalement constituées dans le débat actuel par les frais de scolarité. Évidemment, les frais de scolarité sont une composante parmi d'autres - cela est évident - quant à l'accès à l'éducation, mais si on élève des barrières économiques, il est bien évident qu'on va avoir beaucoup plus de difficultés par la suite à s'attaquer aux barrières d'ordre social et culturel parce que les deux sont liées. On voudrait faire le point là-dessus également.

Donc, sur les frais de scolarité, évidemment un élément central, publiquement à tout le moins, de cette présente commission, on doit d'abord souligner que c'est beaucoup plus qu'une promesse électorale parce que le ministre Ryan s'est engagé à l'Assemblée nationale à maintenir les frais de scolarité gelés. C'était dans le cadre de sa toute première intervention le 19 décembre 1985 à la suite d'une question d'une députée de l'Opposition. Il avait répondu à ce moment un oui bien clair à la question de savoir s'il s'engageait à

maintenir les frais de scolarité pour toute la durée de son mandat. Je crois que c'est important d'amener cela comme précision, que ce n'est pas seulement une promesse électorale, ce n'est pas seulement issu d'un congrès houleux où la majorité n'était pas très forte, etc., c'est un engagement qui a été pris par le ministre dans sa première déclaration à l'Assemblée nationale. (20 h 30)

Évidemment, on connaît la suite. De contradiction en contradiction, de nuance en nuance, de subtilité en subtilité, de déclaration du président du Conseil du trésor au ministre des Finances, au rapport Gobeil, les étapes se sont succédé les unes aux autres pour en venir graduellement à une position de plus en plus louvoyante, de plus en plus molle, pour finalement aboutir à dire que la décision finale va se prendre à la commission parlementaire. Évidemment, l'évolution de cette position a été très rapide, et, si j'étais à la place de ce ministre, je ne m'en vanterais pas trop.

Aussi, je pense qu'une des premières interventions extrêmement importantes que le ministre Ryan a faite dans ce dossier a été d'autoriser les universités à imposer des frais de matériel aux étudiants universitaires, frais qui, officiellement, dans les communiqués de presse, ne peuvent être supérieurs à un montant de 100 $, sauf que, quand on regarde les véritables politiques, on se rend compte que des pouvoirs d'exception sont accordés au ministre et que cela peut être de plus de 100 $. Cela a été un indice extrêmement clair de là où le ministre pense qu'il faut aller chercher l'argent pour régler supposément les problèmes de financement des universités; donc, un geste stratégique, juste avant une commission parlementaire, qui, d'après nous, est tout à fait mal venu.

Sur la question des frais de scolarité, encore là, on pense que le débat n'est pas très élevé à l'heure actuelle. Il ne s'appuie pas sur des considérations ou sur des éléments très sérieux. On considère que le débat manque un peu beaucoup de rigueur et que personne ne peut s'en montrer très fier.

Par exemple, ce qui ressort publiquement ou ce que les gens disent publiquement, c'est qu'il n'y aurait pas d'impact sur l'accessibilité à l'éducation. C'est ce qui ressort partout. Ce que nous tenons à rappeler et à ramener fortement - nous espérons que cela va être pris en considération - c'est que, depuis le début de cette commission parlementaire, personne, aucun groupe, aucun mémoire n'a été en mesure de démontrer qu'une augmentation des frais de scolarité n'aurait pas d'impact sur l'accessibilité à l'éducation. Cela doit être très clair. Même plus, tout le monde reconnaît qu'il y aurait un impact négatif sur l'accessibilité à l'éducation, sauf que tout le monde essaie d'atténuer cet impact en proposant de flous et possibles réaménagements au système des prêts et bourses, en n'étant pas très précis là-dessus. Encore là, ce sont des réaménagements, quand ils sont présentés, qui ne viendraient qu'atténuer l'impact négatif. Nous demandons que cela soit considéré et très clairement établi. Ce qui est très décevant et même choquant, c'est qu'effectivement, les partisans d'un dégel des frais de scolarité qui défilent à cette commission prennent publiquement une attitude convaincue et très rassurante concernant le maintien de l'accès à l'éducation mais, quand on va dans le détail, quand on regarde ce qui est écrit dans ces mémoires, quand on regarde quelles sont ces interventions, on se rend compte que c'est loin d'être aussi rassurant que ce qu'ils disent en résumé.

Par exemple, le Conseil des universités qui est le porte-étendard - on dirait même que c'est lui qui fait la job - du dégel des frais de scolarité, quand on regarde ce qui est écrit dans son mémoire, il y a des formules qui sont loin d'être catégoriques. On peu le citer: "II est loin d'être évident qu'une augmentation des frais de scolarité se traduit invariablement par une décroissance de la clientèle étudiante. Il n'y a pas de corrélation forte..." Encore, quand on parle d'une augmentation des prêts et bourses, quand on dit qu'un dégel des frais de scolarité serait susceptible de ne toucher qu'une proportion d'étudiants, c'est toujours en supposant des réaménagements aux prêts et bourses. Donc, ce sont des euphémismes qui sont utilisés, et cela démontre une incertitude certaine quant à des modifications à l'accès à l'éducation.

Aussi, les comparaisons; parlons-en, c'est toujours boiteux. Quand on nous sort des exemples: Aux États-Unis, c'est 5000 $, et cela donne ceci et cela donne cela, je pense que l'on oublie des grands bouts quand on ne spécifie pas, par exemple, que, dans certains États américains, quand tu paies 5000 $, souvent, c'est pour ta première année; ces 5000 $ te donnent droit à ta chambre, à ton micro-ordinateur, à ton matériel et si tu réussis ta première année ou ta première session, après cela, c'est gratuit. Quand on fait des comparaisons, parfois, on s'aperçoit que les gens tournent les coins un peu ronds et ne présentent pas l'ensemble des données. Aussi, faut-il le rappeler, des comparaisons, cela ne tient pas compte de la situation particulière du Québec, où le réseau d'éducation est là depuis quand même pas très longtemps, où les mentalités sont tout à fait différentes, où l'attitude que l'on a en tant que Québécoises et Québécois par rapport à l'éducation universitaire n'est pas aussi implantée qu'ailleurs, dans d'autres endroits, et des spécificités géographiques, par exemple, ou d'autre nature.

II nous apparaît évident à l'heure actuelle que les personnes qui veulent absolument justifier le dégel des frais de scolarité - c'est cela qu'elles ont décidé d'abord et avant tout - sont prêtes à n'importe quoi, sont prêtes à étudier n'importe quelle sorte d'argument, de pseudo argument ou n'importe quelle sorte de donnée. Nous traiterons cette question schématiquement. D'abord, parmi les études les plus connues, prenons celle de Clément Lemelin, celle qui est citée le plus souvent par le Conseil des universités. Mais dans le mémoire du Conseil des universités, on ne cite qu'un tout petit paragraphe d'un document qui contient plusieurs dizaines de pages. Évidemment, cette citation laisse entendre: Augmentez les frais de scolarité, faites un petit réaménagement et c'est réglé, il n'y aura pas de problème. Pourtant, M. Lemelin n'est pas aussi clair dans son étude.

Nous voulons également le citer. Il dit: "...des politiques universelles d'aide encore plus généreuses visant à réduire ou abolir les droits de scolarité ou à aider plus généreusement chacun des étudiants. Parce que la demande privée d'enseignement supérieure n'est pas parfaitement inélastique évidemment, ce sont des termes économétriques - de telles politiques - la gratuité scolaire et les prêts et bourses -pourraient accroître l'accessibilité aux universités. Parce que l'élasticité-prix a tendance à diminuer avec le revenu des parents, ces politiques amélioreraient aussi la représentation relative des milieux modestes."

Ce qu'il dit, c'est que malgré le fait que la gratuité scolaire et de bons prêts et bourses amélioreraient l'accessibilité à l'éducation et amélioraient la représentation des classes sociales défavorisées, il rejette ces mesures pour deux raisons. D'abord, il considère que les frais de scolarité ne représentent que 10 % du coût des études, et c'est ce qu'il appelle le manque à gagner. 11 considère qu'au moment où on fait ses études, le coût des études, c'est le fait qu'on n'a pas de salaire et qu'on perd possiblement 10 000 $ ou 12 -000 $ de salaire et que des frais de scolarité de 500 $, dans le fond, par rapport au coût des études qui serait de 25 000 $, cela ne représente rien. C'est son argument majeur pour dire qu'il faut rejeter la gratuité scolaire.

Son autre argument - je pense que là-dessus, il est en accord avec le gouvernement actuel - est le suivant: II y a un manque de ressources au niveau des budgets. Donc, pour lui, c'est un argument suffisant pour mettre de côté des politiques qui développeraient l'accessibilité à l'éducation.

Je pense qu'il est important de s'attarder sur la question du manque à gagner parce que c'est l'argument principal des personnes qui mettent de l'avant un dégel des frais de scolarité, l'argument principal au niveau soi-disant scientifique. On a fait une étude sur la question du manque à gagner et M. Lemelin - je n'ai pas besoin de le nommer - et les personnes qui se fient là-dessus pour dire que les frais de scolarité actuels ne représentent que 10 % du coût des études» Cela est vraiment remis en question. Quand on fait une lecture de l'ensemble des études économiques qui traitent la question de l'accès à l'éducation, on se rend compte que la notion d'élasticité-prix ou la question du manque à gagner, c'est la notion la plus controversée par l'ensemble des économistes. C'est la question qui fait le moins consensus pour des raisons bien simples: c'est conjoncturel et cela évolue très rapidement.

Les études de M. Lemelin datent de 1980, et en 1986, quand on n'est pas aux études, les chances d'avoir un salaire de 20 000 $ par année sont beaucoup moins grandes. Quand on n'étudie pas en 1986, on risque de devenir bénéficaire de l'aide sociale, de l'assurance-chômage, de se retrouver avec un travail à temps partiel au salaire minimum. Toute la question du manque à gagner est une chose qu'il faut relativiser en 1986 et qui n'a pas tout son poids. Enfin, c'est l'argument central amené par le Conseil des universités et d'après nous c'est un argument extrêmement faible, la question du manque à gagner. Nous pensons que cette commission doit en tenir compte sérieusement.

Quand on parle d'études, un consensus se fait sur la question de l'accessibilité à l'éducation: On dit que les étudiantes et étudiants issus de milieu socio-économique modeste sont plus sensibles aux variations de prix que les étudiants et étudiantes mieux nantis. Une variation de 1 $ des frais de scolarité a un impact plus considérable sur la fréquentation universitaire qu'une variation de 1 $ du manque à gagner. Il y a même des études qui disent qu'une variation de 1 $ des frais de scolarité a cinq fois plus d'impact qu'une variation de 1 $ du manque à gagner. Évidemment, c'est très technique, nous vous invitons à lire le mémoire en détail, mais nous pensons que ce doit être considéré et nous tenons à le souligner.

Le débat, à l'heure actuelle, c'est de dire qu'on constate que les personnes qui sont à l'université représentent de façon disproportionnée les classes sociales plus aisées. Nous disons que, constatant cela, il serait plus juste, socialement, de faire en sorte que ces gens-là paient, parce qu'ils sont d'origine sociale aisée. On constate que le système de financement universitaire est régressif, parce que les gens qui sont dans les universités ne sont pas ceux qui les financent par leurs impôts, parce qu'ils sont d'une origine sociale minoritaire et que le système universitaire est payé par l'impôt

des classes sociales défavorisées. Cela aussi, il faut le remettre en question et on tient à s'étendre là-dessus, parce que, quand on parle d'origine sociale on parle bien d'origine sociale, seulement, on parle de la "job" du père de l'étudiante ou de l'étudiant alors que, dans les universités, la moyenne d'âge est de 26 ou 27 ans. On dit: Toi, à l'université, tu es un privilégié et on suppose que tu es en mesure de financer tes études, parce que ton père - dans les études, on parle toujours du père, on ne parle jamais de la mère, même de nos jours - a tel type de "job". C'est complètement ridicule comme approche, c'est complètement insuffisant, c'est le moins qu'on puisse dire, de prétendre que les gens dans les universités sont capables de payer parce qu'ils sont d'origine sociale plus favorisée. Il y a des études qui ont été publiées par le ministère de l'Éducation dont celle de Dandurand-Fournier qui démontre très clairement qu'à l'université, quand on prend un étudiant ou une étudiante d'origine sociale aisée et l'autre d'origine sociale défavorisée, ces deux personnes ont les mêmes revenus, ont le même budget pour vivre comme étudiant ou étudiante, indépendamment de l'origine sociale. Quand tu es rendu à l'université, tu as le même budget. On peut se poser de sérieuses questions quand on nous parle de la question de l'origine sociale. Cela me semble un peu rapide.

Donc, il paraît que, lorsqu'on se propose d'augmenter les frais de scolarité, pour que le système d'éducation soit moins régressif, cela ne va pas du tout favoriser une participation plus large des classes sociales défavorisées. Au contraire, cela va renforcer la tendance. Pourquoi? Parce que encore là, les études qu'on cite dans le mémoire démontrent très clairement, comme on l'a dit tantôt, que les gens des classes sociales défavorisées sont plus sensibles aux frais de scolarité et que tout ce qui incite les étudiants et tes étudiantes à entrer à l'université, à essayer de bûcher et de passer par-dessus les barrières financières, c'est leur motivation, ce qu'on appelle la motivation aux études, le fait que dans ton milieu social, culturel, cela soit valorisé d'aller à l'université. On sait que, dans les milieux défavorisés, c'est moins valorisé parce qu'il y a moins de monde autour qui y va et que cela représente quelque chose de plus difficile à atteindre. On dit: Ce n'est pas vraiment pour moi, l'université. Donc, ceux qui vont persévérer et qui vont réussir à se rendre à la fin, ce sont les gens des classes sociales privilégiées.

C'est vraiment étonnant que, dans le débat actuel, on nous dise: c'est injuste, ces gens-là sont d'origine sociale favorisée, il faut qu'ils paient plus, alors que la mesure qui est proposée ne fera que renforcer cette tendance. On insiste là-dessus, parce que les déclarations qui ont été faites dans ce dossier, on ne peut les qualifier autrement que de malhonnêtes. Sur la question de l'origine sociale, quand on parie du lien avec les parents, pour donner rapidement des données supplémentaires, il y a une étude du Sureau de la statistique du Québec qui a été faite sur commande de la Direction générale d'aide financière aux étudiantes et étudiants, laquelle date de 1981. On vient d'en sortir une plus récente mais on ne voulait pas nous la donner. L'étude de 1981 démontre très clairement que le lien entre les parents et les enfants, dans le contexte des études, est inexistant sur le plan financier. Il y a environ 60 % des parents qui ne supportent d'aucune façon le coût des études de leurs enfants et cela, majoritairement, même pour les étudiants et étudiantes qui, selon le régime des prêts et bourses, sont considérés résidant chez leurs parents et dépendants de leurs parents. Il y a une majorité de ceux-là qui ne reçoivent pas d'argent de leurs parents. Cela doit être clairement établi quand on parle de la question de l'origine sociale et des soi-disant privilégiés dans le régime de l'éducation.

À propos d'une possibilité de réaménagement du régime d'aide financière, je pense que cette possibilité, on va le voir tout à l'heure, n'est pas très crédible, surtout après que des coupures aient été appliquées aux prêts et bourses. Ce n'est pas très sérieux, surtout quand on voit que, dans le fond, il y a des groupes qui ont pris des tournants très rapides. Prenons l'exemple, encore une fois, du Conseil des universités. Notre fameux conseil des universités, dans son ayis 85.4 en janvier 1986, a mis de l'avant pour la première fois la question d'un dégel des frais de scolarité. Il essayait de rassurer tout le monde en disant: il faudra augmenter les prêts et bourses; les prêts, mais surtout les bourses, qu'il disait à l'époque. (20 h 45)

Qu'est-ce qu'on peut lire dans le mémoire de notre fameux Conseil des universités? Virage total, il change son fusil d'épaule et maintenant il louange l'endettement étudiant en disant que plus les prêts sont élevés, mieux c'est parce que moins les gens étudient pour rien. C'est presque écrit mot à mot. Évidemment, on se rend compte qu'il y a un lien très étroit entre la question des frais de scolarité et celle d'une éventuelle réforme du régime des prêts et bourses présentement en cours à Québec. On se rend compte dans le fond que plus les frais de scolarité sont élevés, plus les gens sont dépendants du régime d'aide financière et en meilleure position se trouvent les autorités pour imposer des conditions à l'obtention de cette aide financière en disant: tu vas étudier dans tel secteur d'étude, à tel rythme et si tu es plus ou

moins bon, si tu as le malheur de couler des cours, on va te pénaliser en augmentant tes prêts, etc. Ce sont toutes des mesures mises de l'avant à l'heure actuelle par des groupes qui profitent de cette commission parlementaire, avec le point sur les prêts et bourses, pour venir suggérer au gouvernement de renforcer le caractère éiitiste ou plutôt d'inscrire un caractère éiitiste dans le système des prêts et bourses. Cela nous semble extrêmement dangereux.

On s'étend en longueur là-dessus, mais je pense que c'est important.

Le Président (M. Parent (Sauvé): Non, sentez-vous bien à l'aise. Je veux justement vous souligner que, étant donné que les membres de la commission parlementaire n'ont eu la chance d'avoir votre mémoire qu'hier, le plus d'explications que vous pouvez leur donner... Nous en sommes très peinés aussi, on aurait aimé l'avoir avant. Profitez-en, expliquez-nous tout cela, soyez bien à votre aise.

M. Paquet: C'est cela. De toute façon si on est un petit peu en retard...

Le Président (M. Parent (Sauvé): Je dois vous informer qu'à 21 h 35 nous mettrons fin à la commission.

M. Paquet: D'accord. Ce qu'il serait intéressant de soulever aussi, c'est qu'il y a beau y avoir de nombreuses études économiques comme on en a mentionné tantôt, aussi sérieuses soient-elles et avec le plus grand consensus qui puisse se faire autour de ces études-là, pour nous - et on va être très fermes là-dessus, personne ne pourra nous faire reculer d'un pouce sur cette question-là; personne, pas un ministre, pas un député, qui que ce soit, dans le fond - ce qui nous convainc fondamentalement d'être contre le dégel des frais de scolarité, c'est l'observation de la condition objective des étudiantes et des étudiants. Indépendamment des grandes études ou des comparaisons nébuleuses avec d'autres provinces, on sait formellement et fondamentalement que ce dégel, peu importe le type de réaménagement bidon que l'on fait ou non aux prêts et bourses, un dégel des frais de scolarité entraînerait l'abandon des études. Le témoignage qu'on veut faire à cette commission parlementaire est basé sur la connaissance de la situation objective de nos membres, des centaines d'étudiants qui, tout au long du débat sur la question des frais de scolarité, sont venus nous dire: Si ça augmente, je ne pourrai pas payer mes études parce que je n'ai pas droit aux prêts et bourses ou parce qu'on me considère dépendant de mes parents ou parce que je n'ai pas eu ma "job" cet été, etc.

Il y a de nombreuses raisons à cela et on tient à vous en faire part. Évidemment, on ne vous a pas amené des cas types, des gens qui viendraient vous le dire en personne, parler de leur vécu et de leur situation personnelle. On ne veut pas ramener le débat à un niveau individuel, sauf qu'on tient à ce que ce soit clair: on va être inébranlables là-dessus. Personne ne pourra nous faire changer d'idée sur le fait que des étudiants et des étudiantes vont devoir abandonner leurs études soit totalement ou pour une période temporaire. Ils devront étudier et travailler à temps partiel ou aller deux ans sur le marché du travail pour devenir indépendants de leurs parents et avoir des prêts et bourses, etc.

C'est fondamentalement aussi là-dessus que l'opposition étudiante au dégel des frais de scolarité s'appuie. Les personnes savent que ce sera une mesure injuste qui aura un impact négatif. Peut-être que de3 gens de la présente commission ou du gouvernement le savent aussi. Il y a sûrement des gens qui le savent, sauf qu'ils préfèrent dire: Ah non! il n'y aura pas d'impact. Il n'y aura pas de problème. Tout va bien aller, ne vous inquiétez pas avec ça. Il nous semble que c'est beaucoup trop facile de se montrer à ce point rassurant.

Parlons-en donc de la condition objective, de la condition économique des étudiantes et des étudiants. Reportons-nous aux études du gouvernement faites par le Bureau de la statistique sur la commande de la Direction générale de l'aide financière. Alors, regardons donc tout à coup en 1981 les revenus moyens des étudiantes et des étudiants. Pour ne donner qu'un chiffre - je ne vais pas tous les donner - les revenus moyens pour les emplois d'été et les emplois à temps partiel durant l'année, en 1981, quand on prenait l'ensemble des salaires reçus et qu'on le répartissait sur l'ensemble de la masse étudiante, donc, étaient de 1912 $. C'est riche, ce monde-là! Ce sont des privilégiés. Ils sont capables de payer, n'est-ce pas?

Cela n'est qu'un chiffre. Je n'ai pas posé la question pour savoir ce que sont les salaires des gens qui sont ici. On parlera d'équité plus tard. Peut-être que la question pourra venir sur la table. Parce que c'est en termes aussi crus que cela se pose.

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Je comprends qu'il y a des réparties, des allusions qui peuvent susciter des réactions, mais je vous fais remarquer que nous sommes ici en commission parlementaire. Une commission parlementaire, c'est le prolongement de l'Assemblée nationale et aucune manifestation de la part des gens qui viennent assister à nos débats ne peut être permise. Je l'accepte. Je vous comprends, mais je vous dis que, si jamais il y avait

récidive, je serais obligé de suspendre les auditions. M. Paquet, nous vous écoutons.

M. Paquet: On ira voir nos députés un peu plus tard faire ce genre de choses.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Ah! Vous, monsieur, à peu près tout vous est permis!

M. Paquet: Bon. On continue. Alors, la condition financière objective des étudiantes et des étudiants. Regardons donc comment a évolué le budget des prêts et bourses au cours des dernières années. Entre 1981-1982 et 1985-1986, le pourcentage de personnes, d'étudiantes et d'étudiants à temps plein a augmenté de 20 %. Pendant ce temps, le nombre d'étudiantes et d'étudiants sur l'aide financière a augmenté de 57 %. Cette augmentation n'est pas due au fait que les critères d'admissibilité se soient élargis à ce point. C'est dû principalement au fait que la population étudiante a subi une dégradation importante de ses conditions économiques et s'est trouvée admissible, comme par miracle, à ce fameux régime des prêts et bourses pour lequel il est effectivement très difficile d'être admissible.

C'est là un autre indice qu'on donne. Évidemment, ce n'est pas l'ensemble du tableau, mais ce sont des indices extrêmement importants pour voir qu'il y a des conditions financières difficiles.

Au bout de tout cela, il nous semble très évident que l'éducation, malgré ce qu'on peut entendre dans les discours à la mode de ce temps-là, ce n'est pas un vulgaire bien de consommation que seules les personnes qui ont de l'argent vont pouvoir s'acheter parce qu'on en a vu et on en voit encore, des études très sérieuses, qui comparent l'éducation universitaire à l'achat d'une bagnole en disant: Le gouvernement ne finance pas l'achat de ton auto, pourquoi te financerait-il l'obtention de tes études? Et on cite dans le mémoire des grands penseurs qui mettent cela de l'avant. C'est toute une philosophie qui est présente à l'heure actuelle, une ligne de pensée qui, effectivement, prétend que l'éducation universitaire, c'est un vulgaire bien de consommation et que pour y avoir droit il faut avoir les moyens de payer.

D'après nous, évidemment, la seule façon d'assurer une démocratisation véritable de l'accès à l'éducation, c'est d'abolir les barrières, qu'elles soient d'ordre socioculturel ou d'ordre financier et de mettre de l'avant des mesures qui vont permettre de démocratiser. D'ailleurs, j'aimerais bien tout à l'heure qu'on nous précise... Je pense que ce n'est pas suffisant que le gouvernement ou d'autres disent qu'il n'y aura pas d'impact sur l'accessibilité à l'éducation en dégelant les frais de scolarité. Ce n'est pas suffisant de dire qu'il n'y aura pas trop d'impact. Ce qu'il faut, c'est qu'on sache ce que le gouvernement met de l'avant pour développer l'accessibilité à l'éducation. Est-il d'accord avec le développement de l'accès à l'éducation? Est-il d'accord avec la démocratisation? Et si oui, qu'est-ce qu'il compte faire? On a beau dire: Cette mesure ne sera pas trop pire, vous allez voir, on va s'en tirer. Cela n'est pas suffisant.

Également, quand on parle de ne plus faire sa juste part, c'est un terme très à la mode. On dit qu'il faut que le monde fasse sa juste part dans la société, n'est-ce pas? Mais, je pense que tout le monde est prêt à faire sa juste part. Maintenant, il va falloir que cela se fasse par le biais d'une fiscalité juste. 3e pense que tout le monde est prêt à payer des impôts plus tard, à faire sa juste part par le biais d'une contribution fiscale aux dépenses gouvernementales, mais il faut bien se rendre compte que, quand on parle de frais de scolarité à l'heure actuelle, cela résulte et cela consiste uniquement en une sorte de ticket modérateur qui n'en a pas le terme, mais qui va en avoir l'effet.

Concernant les possibilités d'augmentation de frais de scolarité, on parle de différentes possibilités. Entre autres, faire en sorte que les frais soient proportionnels au coût des études par discipline ou encore permettre différents frais entre chacune des universités. Cela peut entraîner des disparités, des inégalités encore plus grandes que ce qui existe actuellement.

Sur la question des prêts et bourses et de l'aide financière aux étudiantes et aux étudiants, on tient, dès le départ, à préciser que d'après nous la présente commission parlementaire n'est d'aucune façon le cadre adéquat pour débattre cette question. D'après nous, le fait de parler de modalités d'aide financière, c'est absolument insuffisant parce que si on parle d'aide financière, il faut parler de réforme en profondeur et non pas de modalités. Il nous semble également évident que si ce point a été mis à l'ordre du jour, c'est uniquement pour maquiller les débats sur la question du dégel des frais de scolarité en permettant à des intervenants favorables au dégel des frais de scolarité d'ouvrir la porte pour qu'ils viennent suggérer de petits réaménagements pour se dire: II n'y aura pas de problème. Vous allez voir. Tout va bien aller.

D'après nous, il n'y a pas d'autre raison que cela qui a fait en sorte que ce point est à l'ordre du jour. Ce n'est pas un cadre adéquat pour la simple et bonne raison que les frais de scolarité, ça s'adresse également aux étudiants et aux étudiantes du niveau collégial et que, d'après nous, cela n'a absolument rien à voir avec les règles de financement des universités. On s'inscrit également en faux contre les personnes qui disent que le réaménagement de l'aide

financière suffirait à pallier les impacts négatifs d'un dégel.

On pense également que très rapidement, incessamment, même aujourd'hui, il faut que le ministre Ryan mette un terme au mystère qui entoure la réforme du régime des prêts et bourses qui se prépare actuellement. On sait qu'il y a des équipes qui ont été nommées là-dessus. Du travail se fait là-dessus. Cela se fait dans le plus grand secret. Il nous est tout a fait impossible de savoir quoi que ce soit sur ce qui se trame. Pour nous, il est extrêmement important d'être associés à cette réforme dans le cadre d'une véritable négociation qui porterait sur une modification, une réforme en profondeur du régime d'aide financière» Et on est tout à fait insatisfaits des réponses qu'on a à chaque semaine, à chaque fois qu'on communique au ministère avec des sous-ministres, des attachés politiques,, quoi que ce soit, et qu'on nous renvoie toujours la balle et qu'on se montre toujours muet comme une carpe sur la question de la réforme de l'aide financière qui se prépare à Québec à l'heure actuelle. Je ne sais pas si c'est une réforme du style aide sociale qu'on nous prépare, mais je sais que cela se fait à peu près dans le même cheminement, et dans le même style.

Malgré le fait qu'on considère que la présente commission ne soit pas le cadre pour débattre l'aide financière, on va quand même exposer ce qui, d'après nous, fait de ce régime d'aide financière un régime inadéquat et insatisfaisant. On va mentionner quelques éléments sans les mentionner tous. D'abord, indiquer que le régime actuel maintient de façon tout à fait artificielle un lien de dépendance entre l'étudiante ou l'étudiant et ses parents. On sait que, selon les règles actuelles du régime des prêts et bourses, pour être considéré autonome de ses parents, il faut être marié, avoir un enfant à charge, avoir été deux ans sur te marché du travail ou encore avoir déjà un bac. Si ce n'est pas cela, tu es dépendant de tes parents. Tu as 25 ans. Cela fait trois ans que tu es parti de chez vous. C'est ta dernière année de bac. Tu restes à 800 milles de chez tes parents. Tu es dépendant de tes parents et c'est eux qui doivent payer tes études, encore en 1986.

Un autre élément aussi du régime actuel d'aide financière, c'est qu'il ne tient compte d'aucune façon des revenus réels de l'étudiante ou de l'étudiant. On nous impute des revenus tout à fait fictifs. Quand on parle, par exemple, de la contribution des parents. Évidemment, comme on nous considère dépendant de nos parents, le régime actuel considère que les parents financent nos études, même si dans plus de 60 % des cas ce n'est pas le cas. Également, on prétend que toute la population étudiante travaille durant l'été au salaire minimum, pendant 36 heures par semaine durant à peu près quinze semaines et que le monde a des revenus tout ce temps, sans tenir compte du fait qu'il y a 40 % de chômage durant l'été; on nous impute ce qu'on appelle la contribution minimale et, évidemment, c'est tout à fait injuste, parce qu'on ne tient pas compte des revenus réels.

Un autre point. Le régime actuel maintient un lien de dépendance encore là tout à fait artificiel entre la conjointe et le conjoint et on sait que ce lien est principalement défavorable aux femmes parce que, encore de nos jours, malheureusement, ce sont les femmes qui se trouvent dans les conditions économiques les plus défavorables. Elles se retrouvent parfois dans la situation d'être obligées de quémander de l'argent pour aller aux études, parce que le régime considère qu'aussitôt qu'on est marié ou qu'on vit maritalement, l'autre paie tes études. (21 heures)

On sait que, de nos jours, les liens d'indépendance financière dans les couples ont progressé énormément. On sait aussi que le régime de l'aide financière accorde des montants tout à fait insuffisants tant en ce qui concerne les allocations de subsistance que du fait qu'on nous impute aussi des revenus fictifs. Le régime ne tient pas compte de différentes catégories d'étudiantes et d'étudiants comme les personnes à temps partiel, les décrocheurs, les décrocheuses au niveau secondaire, ou encore ne tient pas compte de situations spécifiques quant aux régions, par exemple» On va mentionner également les retards chroniques, les retards considérables qui n'en finissent plus malgré le fait qu'il y avait un projet d'informatiser le système. C'est tombé à l'eau, semble-t-il. On peut parler aussi du fait qu'il y a de plus en plus de coupures dans les services locaux d'aide financière et qu'il n'est plus possible d'avoir un service. On a un seul numéro de téléphone qui est toujours occupé à Québec. On peut considérer cela comme étant un petit détail comparé à tout le régime.

Cela portait principalement sur la question de l'accessibilité de l'éducation à l'aide financière. Je ne sais pas combien de temps il reste, je n'ai pas de montre avec moi pour le savoir.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Actuellement, pour la période d'échange de propos avec les membres de la commission, il vous reste exactement 35 minutes. Étant donné que nos règles, nos ententes disent qu'on laisse à chaque parti 5 minutes pour conclure, mettons qu'il vous reste 25 minutes pour discuter avec les deux partis politiques. C'est libre à vous, M. Paquet, si vous voulez continuer à faire votre exposé, sentez-vous très libre. On ne peut pas vous imposer de cadre, sauf la limite de temps qu'on doit

respecter.

M. Paquet: Je vais essayer d'être bref sur les autres parties, malgré le fait qu'elles soient tout aussi importantes. Comme on l'a dit, d'après nous le débat à l'heure actuelle porte financement,sauvent sur des questions d'ordre de de mécanisme de financement, alors que tout l'enjeu qui est sous-tendu, c'est véritablement l'orientation des programmes, l'orientation de la recherche et l'évolution du système d'éducation. À quelle fin, à quels besoins va répondre ce système d'éducation? Je vais vous donner un exemple. On parle du financement privé. On dit: on manque d'argent, on va susciter du financement privé pour que les entreprises puissent contribuer. Comme cela, superficiellement, cela peut sembler n'être qu'un débat purement d'ordre pécuniaire et de financement. Alors qu'est-ce que cela soulève comme débat? C'est le contrôle de l'éducation. Si on permet, sans aucune réglementation, à des entreprises d'investir directement dans des programmes, dans des recherches, dans des facultés, on accorde à l'argent un pouvoir absolument indu. On pense qu'il revient aux autorités publiques et également aux intervenantes et aux intervenants dans les universités de décider de l'orientation du développement des universités et de la recherche. On n'a pas à accorder aux finances privées aux intérêts privés, le pouvoir tout à fait indu de déterminer l'orientation du système universitaire. Donc il y a un énorme débat à faire sur l'orientation de l'éducation.

Pour résumer l'ensemble des autres éléments inclus dans notre mémoire, on va concentrer le reste de l'intervention à la question de l'orientation des universités. D'après nous, à l'heure actuelle, il y a de graves menaces qui planent, concernant principalement la question des différents programmes d'étude. Il nous semble qu'il y a une tendance beaucoup trop forte à mettre l'accent sur des programmes rattachés au virage technologique et au développement économique et qu'il y a un discours qui se développe de plus en plus et qui vise finalement à déqualifier les programmes d'étude des arts, des lettres, des sciences humaines, de l'éducation, etc. et à les dévaloriser. Au départ, on disait beaucoup: il y a des priorités urgentes au Québec, il y a des priorités. On a un retard dans le virage technologique. C'était un fait. Cela imposait une démarche, cela imposait des politiques de financement des universités pour assurer que des retards particuliers soient rattrappés. Sauf que le débat et le discours évoluent à l'heure actuelle, et ce ne sont plus les programmes prioritaires sur lesquels on met l'accent. On est en train d'identifier des programmes non prioritaires et le débat porte maintenant davantage sur les programmes qu'on voudrait fermer, ou les facultés qu'on voudrait fermer, non plus en fonction de priorités, mais en fonction de données extrêmement floues, qui ne sont pas du tout définies à savoir pourquoi ces programmes devraient être fermés. On parle à ce moment-là souvent d'efficacité, d'efficience et de besoins de l'emploi, etc. Il faut donc remarquer une évolution du discours qui est très dangereuse.

Pour nous, les programmes d'éducation ne doivent pas s'inscrire en fonction seulement de besoins à courte vue en ce qui concerne l'économie. On pense qu'il faut tenir compte de l'ensemble des besoins de la société et ce, à long terme. Donc, il faut mettre cela sur un même pied et faire place à l'ensemble des disciplines et à l'ensemble des programmes d'études. On espère donc, dans le sens de cette orientation, qu'il y aura abolition de la discrimination dans le financement des clientèles additionnelles dans les universités. Si l'on veut prioriser certains secteurs d'études, qu'on leur accorde un financement supplémentaire. Mais ce financement supplémentaire ne doit pas provenir d'un appauvrissement d'autres secteurs d'études. C'est trop simple, ce principe de l'enveloppe fermée: aller chercher de l'argent dans les secteurs d'études jugés non prioritaires pour renflouer les secteurs prioritaires. Ce n'est pas comme cela, d'après nous, qu'on doit supporter les priorités momentanées ou ponctuelles.

Alors, il y a d'autres débats également qui sont sur la table, entre autres la question de la rationalisation des programmes. On nous dit qu'il y a un manque de rationalisation et trop de dédoublements. D'après nous, il n'y a pas eu de démonstration évidente du fait qu'il existe des dédoublements. C'est sûr que selon le principe de l'économie d'échelle, ramener dans une même boîte tous les programmes, cela va assurer des économies budgétaires. Mais encore-là, il faut évaluer quel impact cela va avoir sur la qualité de l'éducation, sur le fait que les différentes disciplines vont se retrouver en vase clos sans pouvoir communiquer entre elles et avoir des interrelations. Cela est un danger qu'il faut éviter.

Il y a également la question de la concertation entre les établissements. D'après nous, pour qu'une concertation soit possible -et elle est souhaitable - entre les établissements, il faut mettre un terme au climat de concurrence qui existe à l'heure actuelle, lequel climat de concurrence existe parce que le financement est tellement insuffisant qu'il y a une course et une compétition très grandes entre les universités.

Sur la question de l'endettement des institutions universitaires, si on veut véritablement repartir sur un bon pied et avec un nouvel élan, le gouvernement doit

effacer les dettes qui existent présentement dans les universités, lesquelles dettes ne sont d'ailleurs pas dues à une mauvaise gestion mais bien à des coupures de l'ordre de 33 % dans le financement des universités. Quant à la question de la gestion des ressources humaines et matérielles, il nous apparaît que de plus en plus, quand on parle de gestion dans les universités, cela s'étend beaucoup à la relation entre l'étudiante et l'étudiant et l'université. Cela veut dire que la relation pédagogique ou académique entre l'étudiant et l'université semble de plus en plus s'atténuer pour faire place à une relation d'ordre pécuniaire. Dans certains mémoires qui ont été déposés à cette commission mais aussi dans un ordre plus large, c'est rendu qu'il y a des gens qui, dans une optique de gestion, considèrent que les étudiantes et les étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage, soit qu'ils doivent abandonner un cours ou qu'ils doivent échouer dans un cours... On ne se dit pas: Ce sont des personnes qui ont des difficultés, il faut donc leur assurer un meilleur encadrement et leur assurer qu'il faut qu'ils réussissent leurs études. Eh bien non, on définit ces étudiants qui abandonnent ou qui coulent des cours comme des personnes qui coûtent cher et, dans une optique de gestion purement et simplement, qu'il faut les éliminer. Je pense que vous avez tous remarqué que ce débat est très présent.

Il y a des groupes, des personnes et des intervenants qui mettent de l'avant, dans une foulée purement élitiste et sous le couvert d'une gestion et d'une rationalisation, qu'il faut mettre de côté les personnes qui ne seraient pas les meilleures parce qu'elles représentent des coûts supplémentaires en ce qui concerne le système universitaire. Cela nous fait nous poser de très sérieuses questions. C'est à se demander: C'est pour qui l'éducation? Est-ce pour les gens qui savent déjà tout? Est-ce pour les gens qui ont le plus de facilités, c'est-à-dire qui n'ont pas besoin de travailler à temps partiel, donc qui peuvent consacrer l'ensemble de leur temps aux études, qui n'ont pas de charges familiales, etc.? Si on veut ne conserver que les personnes qui sont les meilleures et ne pas se soucier des problèmes ou de la volonté d'étudier des autres personnes, c'est bien ce qu'on appelle en termes très simples de l'élitisme.

Donc, en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines et matérielles, il y a un autre point et je pense que nous allons conclure sur cela pour avoir quelques questions évidemment - qui ne pourront pas être très longues malheureusement - c'est la question des chargés de cours dans les universités. Il nous semble que cela doit être un point prioritaire. Il nous semble que l'on doive porter une attention extrêmement importante à la question des chargés de cours surtout dans le cadre où, à l'heure actuelle, il y a des négociations dans les universités entre les chargés de cours et les administrations universitaires. On considère que la question des chargés de cours, c'est un véritable scandale à l'heure actuelle. Ils donnent 50 % de l'enseignement, mais ils ont des conditions tout à fait déplorables, exécrables, tant sur le plan de leurs salaires, de leurs revenus que sur le plan de leurs conditions travail. Ils sont engagés à la dernière minute. Ils n'ont pas de possibilité de recyclage. Ils n'ont pas un seul mot à dire sur le développement des universités, etc. Évidemment, d'après nous, il faut donner à ces personnes des moyens pour qu'elles puissent mettre en valeur leur potentiel et les compétences qu'on leur reconnaît.

Dans cette présentation, on a escamoté beaucoup de points. Si on a voulu faire cela en longueur, en insistant sur des points et en en soulevant d'autres? c'est, comme on l'a dit au début et comme on l'a répété par la suite, que le débat central est finalement la question de l'évolution de l'éducation, des universités. Il s'agit de savoir quel type de réseau l'on veut, à quels besoins cela doit répondre. Il serait trop simple de s'en remettre à des questions de mécanismes, pour savoir combien d'argent on met ici, combien d'argent on met là, où est-ce qu'on va le chercher. Ce n'est pas suffisant. Il faut vraiment, d'abord et avant tout, déterminer nos objectifs, à savoir: À qui veut-on que l'éducation soit accessible? À quels besoins sociaux veut-on que cela réponde? C'est tout.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. Paquet, de votre intervention. On va maintenant commencer la période des questions ou la période d'échange de points de vue, devrais-je dire, avec les membres de cette commission. Je reconnais, immédiatement à ma droite, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer M. Paquet et les étudiants qui sont présents dans la salle ce soir. Le point de vue que vous présentez est un point de vue que nous sommes intéressés à entendre. Vous l'avez présenté un peu longuement parce que nous sommes au terme d'une semaine qui a été très lourde et chacun d'entre nous a d'autres obligations ce soir et demain. C'est pour cela que nous ne pouvons pas prolonger au-delà du temps qui avait été convenu.

Ceci dit, je peux vous dire qu'il y a bien des choses dans le mémoire que vous avez résumé qui ne suscitent pas de difficulté en ce qui nous touche. Par exemple, quand vous dites que l'éducation ne doit pas être considérée comme un simple

bien de consommation ordinaire, je pense que vous avez profondément raison et je vous assure que je suis de la même opinion que vous sur ce point. Quand vous dites que l'éducation doit avoir une attention prioritaire dans l'esprit des pouvoirs publics, nous sommes d'accord également.

Je voudrais vous signaler certains points qui me semblent être absents de votre examen et qui font partie du tableau. Il y a deux facteurs dont j'ai déploré l'absence dans votre examen. Tout d'abord, je trouve que vous glissez bien vite sur les pratiques qui sont en vigueur dans les sociétés qui nous environnent. Nous ne vivons pas dans un bocal, nous ne vivons pas dans un monde coupé des autres. Nous vivons à côté de sociétés, entourés de sociétés qui sont en concurrence avec nous et avec lesquelles nous devons nous mesurer quotidiennement. Ce qui se passe en Ontario ne saurait nous être indifférent, pas plus que ce qui se passe dans les provinces de l'Atlantique ou dans les États américains avoisinants. Quand vous rejetez les comparaisons que l'on institue de ce côté, je regrette de ne pas être d'accord avec vous. Je pense que nous devons continuellement nous comparer parce que nos produits doivent rencontrer les autres sur le terrain. On peut en faire abstraction si l'on veut. Aussi longtemps que l'on n'est pas obligé de produire, en fin de compte, des choses qui devront se mesurer avec celles des autres, c'est facile, mais dès que l'on doit se mesurer, je pense qu'on ne peut pas en faire abstraction.

Deuxièmement, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas de préoccupation pour l'état des finances publiques, dans votre mémoire. On ne l'a pas inventé, cela; il est là. On est confronté tous les jours, nous siégeons tous les jours ou toutes les semaines au cabinet. Nous avons des choix difficiles à faire. Là, il va falloir déterminer notre attitude en ce qui touche la négociation dans le secteur public. C'est 250 000 à 300 000 salariés qui sont concernés, avec leur famille respective. Chaque mouvement que l'on fait, si on augmente de 0,1 % ou de 0,2 % ici, cela représente des millions de dollars chaque fois. On est obligé de parler de politiques de logement, de politiques d'aide à l'agriculture, d'ajustement des allocations sociales pour les rendre plus conformes aux besoins d'aujourd'hui, de modernisation des hôpitaux dont les équipements et les installations matérielles laissent beaucoup à désirer, de modernisation de notre réseau routier qui a pris énormément de retard depuis quinze ans, surtout depuis neuf ans, de l'implantation ou du maintien d'entreprises. (21 h 15)

Quand on est pris avec le problème, cela peut sembler théorique de loin, mais, quand il faut prendre une décision chez General Motors à savoir si on doit s'impliquer ou non pour garder cette usine à Boisbriand et qu'on se fait dire que ça va coûter tant, on peut bien décider qu'on va faire cela tout seuls, mais on n'est pas capable. On a des voisins. Le député de Richelieu est ici et il pourrait vous raconter les véritables angoisses qu'il traverse depuis un certain temps à propos de l'avenir des chantiers maritimes de Sorel. Il y a les chantiers de Lauzon qu'on va aller chercher par la peau des dents parce qu'ils sont en train de s'écrouler, il y a les chantiers maritimes de la Vickers à Montréal. On pourrait continuer indéfiniment.

Tout cela, c'est le menu quotidien des membres du gouvernement, on ne l'a pas inventé. Pour faire face à cela, qu'est-ce qu'on a? On a une dette qui a été multipliée au moins par dix ou par douze depuis neuf ans, dont le fardeau vient chercher chaque année au moins 10 % ou 12 % de l'ensemble des revenus du gouvernement.

Là, on a le secteur des universités qui a pris de l'arrière. Il y a là un problème de sous-financement que je vous sais gré d'avoir reconnu. Je pense que nous sommes conscients, vous et moi, qu'il y a des problèmes de rationalisation qui se posent, qu'il y a des problèmes de gestion qu'on observe ici et là. Et vous refusez de faire de cela la cause de tous les maux. Vous dites: II y a un problème de sous-financement, et de ce côté-là je suis d'accord avec vous.

Il reste la question de savoir comment on va faire face à ce problème. Il y a des moyens qui se posent à nous et qui ne sont pas illimités, comme augmenter les taxes. On peut pousser l'endettement plus loin. On peut demander de réduire les dépenses, c'est ce qu'on fait depuis neuf ans, et tout le monde nous dit: N'allez pas plus loin, vous allez finir par tuer la victime. Que reste-t-il? L'entreprise privée? Vous dites vous-même qu'il faudrait réglementer cela. Même si on ne le réglementait pas, les possibilités à court terme sont très limitées. On avait un exemple, l'Université McGill, qui avait la plus longue tradition de ce côté-là: à peu près 5 % de ses revenus viennent de là. Par conséquent, on ne peut pas bâtir de château de cartes là-dessus.

Il reste les frais de scolarité. Vous dites: On ne veut pas considérer cela du tout. Nous, nous demandons aux gens de nous donner leur opinion là-dessus, tout simplement. J'aurais aimé qu'au moins vous nous félicitiez d'avoir maintenu le gel des frais de scolarité pour l'année 1986-1987; vous ne l'avez pas fait, c'est votre droit. C'est quand même une grande chose que nous avons faite. II y avait d'autres possibilités, et nous avons choisi cette voie parce que nous étions conscients de l'engagement pris par notre parti lors de la dernière élection. Dans toute la mesure où notre parti sera capable de

tenir, je puis vous assurer qu'il préférerait cela infiniment.

Je vais vous poser une question. Je vous donne les paramètres, les limites dans lesquelles nous évoluons. Si on est placé devant ces cinq moyens, qu'est-ce que vous feriez? Quel est votre remède pour faire face au problème du financement des universités, en tenant compte de tout le reste dont je vous ai parlé? J'aimerais bien avoir votre réaction là-dessus.

Le Président (M. Parent, Sauvé); M.

Paquet.

M. Paquet: Je pense que la question des finances publiques est peut-être escamotée dans le mémoire, mais pas à ce point, on en traite. Je pense, de toute façon, que c'est une question centrale. Effectivement, pour l'ensemble des questions d'ordre social, l'ensemble des groupes qui font des analyses et identifient les besoins de la société, la réponse miracle est toujours la même: On n'a pas d'argent. La question du déficit il faut en faire une analyse. D'où vient ce déficit? Je pense que des analyses circulent qui démontrent que le déficit ne provient pas d'une augmentation exagérée des dépenses liées aux services à la population, mais bel et bien des dépenses fiscales exagérées.

Les dépenses fiscales, ce sont des revenus qu'on a en moins en faisant des cadeaux ou en diminuant les taxes, les impôts. Je pense que l'ensemble des analyses concordent pour indiquer que l'origine du déficit provient d'abord et avant tout d'un dépérissement des sources de revenus et de certaines sources de revenus bien particulières. Je pense que c'est un débat qui est large, qui est profond, qui est détaillé aussi. Sans vouloir faire des comparaisons trop faciles ou prendre des exemples boiteux, récemment dans les médias, dans le débat qui se fait au gouvernement fédéral sur la réforme de la fiscalité, on a entendu parler d'entreprises qui, effectivement, avaient 25 000 000 $ de profits, de dizaines de compagnies au Canada qui avaient des profits de 25 000 000 $ et qui ne payaient pas un sou d'impôt. Comment est-ce possible aujourd'hui? Comment est-ce possible de voir cela et de ne pas en dire un mot et, de l'autre côté, pour des gens qui ont 1600 $ de revenus en moyenne par année de dire: Oui, cette hypothèse, on va la regarder? Comment est-ce possible? On est à la commission permanente de l'éducation, à ce que je sache. On n'est pas ici pour parler de tous les problèmes qui existent et de toutes les demandes qui vous sont faites. On est à la commission parlementaire de l'éducation et j'espère qu'on va parler d'éducation, sauf que je pense que vous auriez pu mentionner autre chose.

Je termine sur deux choses. On aimerait bien savoir si l'accessibilité à l'éducation est une priorité et qu'est-ce qui va être fait pour la développer. On ne rejette pas les comparaisons. Ce qu'on a dit, c'est que les comparaisons, ce n'était pas suffisant et que c'était fait trop à la légère et de façon incomplète. C'est ce qu'on a dit. Ce qu'on veut surtout savoir, finalement, c'est si l'accessibilité à l'éducation est une priorité, oui ou non. On le sait que le dégel des frais de scolarité aurait un impact.

M. Ryarn: M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Une dernière question à M. Paquet. Au Québec, les frais de scolarité par rapport à la moyenne canadienne sont de 100 % plus bas - la moyenne canadienne -même un peu plus que 100 %; c'est 100 % par rapport à l'Ontario et entre 100 % et 150 % par rapport au reste du pays. L'aide financière aux étudiants est de 70 % plus élevée que dans les autres provinces. Est-ce que vous êtes au courant de cela?

M. Paquet: Oui et on en est fier, parce que ce sont des gains.

M. Ryan: Si on vous dit: On a un problème. Est-ce qu'on va aller encore de ce côté-là, encore plus loin par rapport au reste du Canada? Est-ce que c'est cela, votre solution?

M. Paquet: Nous, on pense que, si on fait des comparaisons, ce n'est pas pour aller vers le moins bon, c'est pour aller dans le sens de l'amélioration et du progrès. Les comparaisons qu'on fait de ce temps-là au gouvernement, c'est toujours pour trouver des endroits où c'est pire qu'ici. Il faudrait s'aligner là-dessus en faisant des comparaisons avec des endroits où c'est meilleur qu'ici, qui nous donneraient un objectif d'amélioration. Pourquoi fait-on toujours des comparaisons avec là où c'est pire? Ce n'est pas un argument, cela.

M. Ryan: Vous pouvez m'en citer en Amérique du Nord qui seraient mieux qu'ici sur ces deux points?

M. Paquet: On le reconnaît, je pense, de façon très explicite, que les conditions financières, le régime des prêts et bourses et les frais de scolarité sont mieux qu'ailleurs. Mais ce n'est pas aussi simple de dire que, parce que c'est mieux ici, c'est correct. On l'a dit de façon très claire que c'est très difficile d'avoir accès au régime d'aide financière, que c'est la situation objective. C'est important d'insister là-dessus. On a

beau faire des comparaisons, on se dit que dans le fond, si c'est mieux ici, on ne devrait pas avoir de problèmes. Les gros Américains, c'est moins bon que nous; on ne doit pas être si pire. Mais ce n'est pas cela, la réalité. La réalité objective du monde, c'est que l'accès à l'éducation n'est pas quelque chose d'acquis et qu'il existe des problèmes financiers importants. Je pense que c'est important de le rappeler constamment. Si le seul argument que le gouvernement nous donne c'est qu'ailleurs c'est comme cela et qu'il faut faire pareil, je me demande ce que le gouvernement ou les ministres attendent pour déménager dans les autres provinces; ils seraient bien mieux ministres là-bas.

Des voix: Ha! Ha: Ha!

M. Ryan: Logomachie à part, sur les faits, vous convenez que ce que j'affirme est assez fondé. Merci.

M. Paquet: Oui...

M. Ryan: Merci. Merci. Merci.

M. Paquet: ...comme on le dit, on ne le cache pas, même qu'on le revendique.

M. Ryan: J'espère que vous le direz à vos collègues.

M. Paquet: On le dit à tout le monde, on le revendique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Paquet. Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de sciences, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Paquet. Je voudrais saluer les personnes qui vous accompagnent. On a rarement eu, depuis le début des travaux, une salle avec autant de jeunes et il nous fait plaisir de vous voir. Si vous me le permettez, je voudrais juste avoir... Je comprends un peu que le ministre veuille vous amener sur son terrain. En toute connaissance de cause, il a pris des engagements qu'il estime ne pas être vraiment autant en mesure de respecter qu'il l'aurait souhaité probablement, sauf que, je le répète, c'est en toute connaissance de cause, il connaissait le déficit et le gouvernement en place lui avait dit qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre. Ce sont des engagements qu'il a pris alors qu'il connaissait également les chiffres, qu'il était capable de faire les comparaisons avec l'Ontario, - je n'en doute pas - avec les autres provinces canadiennes et les États-

Unis. Mais ce n'est pas là que se pose la question aujourd'hui. C'est, je le répète, un engagement qu'il a pris et réitéré en toute connaissance de cause. Qu'on y revienne aujourd'hui, c'est autre chose. Mais, pour le moment, on est obligé de reconnaître - et je sais que cela a quelque chose de désagréable - que les plus touchés depuis le 2 décembre dernier ont vraiment été les plus défavorisés. On n'est pas capable d'oublier qu'il a endetté de 24 000 000 $ les jeunes du Québec et que le gouvernement a enlevé 31 000 000 $ juste en n'indexant pas les primes destinées aux bénéficiaires d'aide sociale. Ce sont des réalités. On ne peut pas oublier également qu'il a cru utile de baisser le fardeau fiscal des plus hauts salariés. Les jeunes n'ont pas tort là-dessus quand ils le disent. C'est désagréable de se le rappeler comme cela, mais ils n'ont pas complètement tort et on peut penser que certains cadeaux, s'ils n'avaient pas été faits, auraient peut-être permis de conserver un gel. Je pense que c'est fait, c'est une décision de ce gouvernement.

Je dois dire que, sur certaines questions, l'exposé de ce soir, quand vous aurez pris connaissance de l'étude qui nous a été déposée aujourd'hui et qui a été réalisée par le Bureau de la statistique du Québec à la demande de la DEGAFE... Je pense que vous y faisiez un peu état. On lit là-dedans, par exemple, que seulement la moitié des étudiants reconnus dépendants financièrement de leurs parents ont effectivement reçu une contribution financière de ces derniers. On lit à un autre endroit - et cela est plus préoccupant, cela devrait ici nous préoccuper - : À une question qui demandait d'indiquer si vos études postsecondaires ont été poursuivies de façon continue, dans 49,6 % des cas - c'est à la page 213 - c'est oui et, dans 50 % des cas, c'est non. L'interruption était d'une durée moyenne de 22 mois. Les raisons à savoir pourquoi ils avaient interrompu leurs études pendant un bout de temps, dans 20 % des cas, c'était pour des raisons financières. Ce sont des chiffres qui parlent. Ils sont récents et cela illustre que la condition financière des étudiants, effectivement, n'est pas des plus brillantes.

Je dois cependant reconnaître que la capacité d'un État de payer, à un moment donné, atteint des limites, à moins de voir si on est capable de faire souscrire d'autres couches de la population. Je pensais qu'on pouvait examiner du côté des entreprises un impôt. Les jeunes du Parti québécois proposent un impôt pour les études avec lequel vous êtes en désaccord. Je pense que c'est assez clair dans votre mémoire. Mais il n'en demeure pas moins que, quand le ministre vous dit qu'il faudrait se comparer, effectivement, pour connaître sa performance à un moment donné, il faut se comparer. Mais, une fois qu'on s'est

comparé, je pense qu'on a la responsabilité de faire des choix. Au Québec, c'est un choix de société que de se donner des mesures pour hausser la scolarisation des Québécois. Je pense qu'essentiellement il faut se le rappeler. Il faut se rappeler que la scolarisation demeure le moyen privilégié pour sortir de la présente crise économique. Je me diss Ne serait-ce que cela... Je pense qu'il va falloir être extrêmement prudent par rapport aux moyens qu'on va se donner pour redresser la situation financière des universités.

Par ailleurs, je dirais que je suis assez en accord avec certains de vos énoncés, en particulier, je dirais, les dangers d'une hausse de frais de scolarité sur l'accessibilité. Sur un financement direct des entreprises, les réserves que vous y mettez, je n'irais peut-être pas aussi loin, mais je pense qu'il faut être prudent. Vous êtes défavorables à une surspécialisation des universités également, je pense qu'il ne faudrait pas s'en aller dans cette direction. (21 h 30)

Par ailleurs, il y a d'autres questions sur lesquelles je ne serais pas vraiment d'accord. Sur le déficit, en particulier, vous dites que c'est dû aux politiques gouvernementales, que ces gens n'ont qu'à les éponger. Là-dessus, je divergerais d'opinion. Je me demande de quel droit une université a le droit de décider pour la société du niveau de son enveloppe. Je pense que la question se pose. Là-dessus, je ne serais pas d'accord avec vous qu'à un moment donné il faille effacer complètement l'ardoise, et dans tous les cas, et indistinctement.

Vous parlez de maintenir la permanence. Je dois dire que le ministre n'a pas réagi là-dessus. J'ai l'impression qu'il serait assez favorable à cela. Cependant, j'irais peut-être plus loin que vous n'y allez là-dessus. Vous parlez de dévaluation de l'enseignement en disant bien l'enseignement et non pas l'enseignant. Il m'apparaît évident que cette distinction, pour avoir longtemps examiné cette question, est plutôt sémantique que réelle. Je veux dire que, quand on évalue l'enseignement, on évalue aussi un peu beaucoup celui qui le donne. J'apprécie votre adresse là-dessus parce qu'on sait que les gens sont toujours chatouilleux.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous me dites, je pense essentiellement que la qualité de l'enseignement, la qualité des services offerts, où qu'ils se trouvent, pas seulement dans les universités, dans (es collèges, dans les écoles, mais dans les hôpitaux et à l'Assemblée nationale ici, cela passe par l'évaluation. Là-dessus, les jeunes qu'on a rencontrés cet après-midi étaient favorables à une mesure qui se rapproche de la vôtre, finalement: on reconnaît une certaine valeur à la permanence, mais on demande le perfectionnement.

J'avais deux questions. Une est beaucoup plus... Je sais que vous avez fait un travail très sérieux et que vous avez des données généralement fiables dans votre mémoire, mais vous me dites quelque chose là. Je me demandais si vous aviez les données parce que ce serait important si vous les aviez. En page 5 de votre mémoire, vous mentionnez une dégradation de la qualité et ses effets. Vous mentionnez de multiples éléments. À la toute fin, vous dites? "Les taux d'échec et d'abandon?" Je me demandais si vous avez des données comparatives de ce qu'étaient les taux d'échec en 1980 et ce qu'ils sont toujours en 1985, ou si c'est simplement sous forme de question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Êtes-vous en mesure de fournir une réponse?

M. Paquet; Oui. On n'a pas les données comparatives exactes d'une année à l'autre, sauf que je pense qu'il y a des groupes ici qui ont mentionné que le taux d'abandon a augmenté. Le taux d'échec également a augmenté tant dans les institutions collégiales que dans les établissements universitaires.

À quel taux, il est rendu, je pense que c'est une donnée qui évolue beaucoup en fonction des secteurs d'études, en fonction des universités également. Mais on a mentionné des chiffres ici à la présente commission, dans certains secteurs cela allait jusqu'à 50 %. Je pense que c'est extrêmement élevé, et cela devait être sans doute le pourcentage le plus élevé, pris dans un secteur d'études bien précis. Je pense que c'est le Conseil des universités qui a soulevé cette information. Ce qui est également soulevé, je pense, par le Conseil des universités lui aussi et par d'autres, c'est qu'il y a une progression au niveau du taux d'échec et d'abandon.

Mme Blackburn: Vous nous dites avec raison qu'il ne faut pas... à moins d'avoir déterminé ce qu'était un niveau souhaitable de scolarisation et d'accessibilité. Est-ce que vous avez réfléchi à ce que serait au Québec un niveau souhaitable de scolarisation, d'accessibilité aux études supérieures?

M. Paquet: Je pense que c'est difficile à l'heure actuelle de déterminer une logique, quelle qu'elle soit, mise à part celle des comparaisons, qui puisse dire à quel niveau on doit se considérer suffisamment instruite et instruit au Québec. Finalement, je pense que c'est une question d'identifier les besoins au niveau de la société, et ces besoins, pour les identifier, je pense qu'il faut le faire dans un esprit d'ouverture. A l'heure actuelle, la seule façon d'identifier les besoins de la

société en termes d'éducation universitaire, c'est par le biais des emplois, en regardant c'est quoi l'état du marché du travail et en disant: Les études qui ne correspondent pas aux besoins du marché du travail, eh bien, on va les dévaloriser, sinon les fermer.

D'après nous, c'est une erreur très grave, parce que l'évolution de la société, non pas dans une démarche évolutive, mais l'amélioration de nos conditions, une meilleure compréhension de la réalité, cela passe par l'acquisition de l'ensemble des connaissances dans l'ensemble des domaines d'études. Évidemment, on ne dit pas que tout le monde doit tout savoir. Ce n'est pas cela l'idée. Mais c'est pour bien remettre à sa place l'importance de l'ensemble des secteurs d'études et, donc, de combattre la tendance actuelle à la dévalorisation de tout ce qui n'est pas utilitariste, de tout ce qui n'est pas simplement lié à l'emploi ou au développement économique ou technologique. Je pense que cela est impartant surtout quand on regarde un exemple concret, ce qui s'est passé le printemps dernier et cet automne à l'Université de Sherbrooke, où il y a une volonté de l'administration de fermer des programmes bien particuliers. C'est évident que ces programmes ne sont pas en virage technologique.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Un député de l'Opposition, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'aurais quelques observations et une seule question compte tenu du temps. Je vais dire qu'on a peut-être deux choses en commun, vous et moi, c'est que mon prénom est Jean-Pierre et, même si je n'ai pas eu la chance de parler ici trop souvent - les gens vont peut-être éclater de rire, mais c'est la réalité de ce côté-ci - je suis volubile, moi aussi. Mais on peut être volubile et avoir des choses à dire. Il y a aussi une autre chose que j'aimerais dire comme membre de l'Opposition, comme personne qui essaie de faire un travail convenable, dans des conditions convenables. Le président l'a mentionné, et moi comme vice-président de la commission parlementaire, ayant à faire comme tous les gens ici, à lire les mémoires qui nous arrivent, je déplore, moi aussi, le fait que votre document ne nous est arrivé que très tardivement. Je vais vous dire que même j'aurais eu tendance, au départ, même si vous avez présenté l'ensemble du tableau, comme vous avez eu le droit de le faire ce soir... Il reste une chose, c'est que nous avons à faire, comme parlementaire, un travail dans les meilleures conditions possible pour qu'il soit un travail de qualité. Comme je suis un enseignant de carrière, un syndicaliste par surcroît et un député par obligation, peut-être pour certains, mais par choix sûrement...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Par choix des électeurs.

M. Jolivet: ...et par choix personnel, mais ensuite des électeurs, je dois vous dire que je regrette un peu ce fait. Je vous le dis d'avance et même j'aurais eu tendance - je vous le dis bien honnêtement, simplement pour nous permettre de faire un travail d'aussi bonne qualité que vous demandez à l'ensemble des élus à quelque niveau que ce soit - j'aurais eu tendance même à dire, dans le contexte où on l'a eu très tard, on aurait pu en prendre connaissance en le lisant et en disant: C'est bien dommage, mais on ne vous reçoit pas. Je vous le dis bien honnêtement, pour que dans le futur on n'ait pas cette obligation d'attendre à la dernière minute et de le recevoir la veille pour pouvoir au moins en faire une lecture attentive et convenable.

Une autre chose m'a un peu fait sursauter tout à l'heure. Je pense que les jeunes dans la salle ont même sursauté, mais d'une autre façon que la mienne, quand on a dit: Vous, membres de cette table, avec les salaires que vous avez, peut-être que vous ne vous posez pas cette question. À ce moment-là, je dois vous dire que vous généralisez des choses et je dois en parler comme je suis. Je suis un être humain comme vous, avec les mêmes obligations que tous et chacun, député à l'Assemblée nationale, comme les autres ici autour de la table, père de famille de six enfants dont l'un est à l'université, l'autre au cégep, les autres aux niveaux secondaire et primaire, et venir me dire que je ne suis pas capable de saisir des problèmes d'enfants qui vont aux études, je dois vous dire que, malheureusement, je ne suis pas d'accord avec vous. Ce n'est pas parce qu'on a des salaires qui, dans certains cas, peuvent paraître exagérés et, dans d'autres, convenables, qu'à partir de ce moment on doit généraliser. Quand je dis ces choses, c'est parce qu'on a tendance souvent à faire des généralités. Ces généralités ne s'appliquent pas à l'ensemble de la collectivité. Moi, je vais agir aussi à l'inverse en disant qu'effectivement il y a des jeunes qui, dans la société, à cause du niveau - peu importe comment on les appelle - de leur famille, ont plus de facilités que d'autres à accéder à des études universitaires. Je suis d'accord avec vous pour dire aussi, en même temps, qu'il y a d'autres personnes qui, elles, doivent aller à l'université, donc qu'on ne doit pas arrêter l'accessibilité à ces personnes, qu'on doit leur faciliter la tâche. Effectivement, je suis d'accord avec vous - on l'a dit comme membres de l'Opposition - qu'augmenter, sans aucune autre forme d'études plus

approfondies sur les causes et les effets, les frais de scolarité aura pour effet - Mme la députée de Chicoutimi qui est la critique de l'Opposition l'a bien dit - avec les études qui sont en main faites par le Bureau de la statistique, qu'il va y avoir des gens qui vont quitter les études pour X mois dans certains cas et définitivement pour d'autres. Là, je parle comme une personne dont le comté est très vaste. Et juste pour vous le situer, il est ie sixième plus grand au Québec, où des gens se trouvent dans la Haute-Mauricie, mais d'autres aussi dans la Basse-Mauricie et d'autres près de Trois-Rivières. Il y a effectivement le petit gars et la petite fille de La Tuque qui manquent parce qu'ils n'ont pas les prêts et bourses convenables, parce qu'on leur a augmenté des frais afférents et autres. Ces jeunes vont lâcher l'école alors qu'on avait réussi à les amener au niveau du cégep et au niveau universitaire. Et pour ces raisons ils devront quitter. Je suis d'accord avec vous. Je voudrais qu'on regarde l'ensemble du problème en disant qu'effectivement l'augmentation des frais de scolarité peut avoir comme effet l'abandon scolaire. Je dois dire aussi que le ministre a demandé à des étudiants qui n'ont pas tous la capacité de pouvoir aller vérifier en amenant un cas par-ci et un cas par-là -vous l'avez bien dit d'ailleurs tout à l'heure d'amener des exemples de mauvaise administration universitaire ou de difficultés que peuvent avoir des jeunes alors qu'en même temps des gens du Conseil du patronat, parce qu'on a parlé de légitimité... On a dit, à un moment donné, les jeunes viennent ici et nous disent: L'université n'a pas sa légitimité dans le milieu. Il y a des gens du Conseil du patronat qui sont venus nous le dire d'une autre façon. Le ministre a même ajouté cet après-midi... Parfois, on se fait un rappel de ce qui s'est passé une semaine ou deux avant. Ils ne l'ont peut-être pas dit de la même façon mais, effectivement, il y a des causes à effet dans cette partie de légitimité.

Oui, je vais conclure, M. le Président, en posant ma question, mais je ne pouvais pas m'empêcher de dire au moins ces choses après plusieurs semaines et plusieurs jours en commission parlementaire. Vous avez dit une phrase qui m'a encore fait sursauter. Vous avez dit: La commission parlementaire que nous avons ce soir et qui dure depuis un bout de temps n'est pas le bon forum. J'aimerais savoir de votre part où est le forum pour étudier les problèmes qui sont devant nous, justement, que ce soit, pour certains, le sous-financement, que ce soit, pour d'autres, l'accessibilité aux études universitaires, que ce soit, pour d'autres, non seulement l'accessibilité, mais la diplomation finale - parce que l'on peut accéder, mais ne pas arriver à terme - ou que ce soient toutes les autres difficultés dont tous et chacun des gens qui sont venus ici nous ont parlé, chacun à sa façon, avec sa façon de le voir et aussi les moyens que les gens ont de comprendre subjectivement un problème. J'aimerais savoir de votre part où est le vrai forum. Si une commission a été demandée, c'est qu'il y a un problème. L'on peut diverger d'opinion sur la façon dont le problème doit être réglé ou la façon dont il existe, mais il est là. Quel est, d'après vous, le meilleur forum pour régler le problème qui est devant nous?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paquet.

M. Paquet: Je pense que M. le député a fait un peu un manque d'attention, tout à l'heure, quand on parlait du forum en question. C'était sur une question précise, celle des prêts et bourses, et non sur l'ensemble de la question du financement des universités* Ce que l'on a dit, c'est que, d'après nous, il n'y avait pas de raison, dans le cadre d'une commission parlementaire sur le financement des universités, de venir en traiter à moitié, en parlant des modalités d'aide financière, alors que l'on sait très bien que cette question, si elle est à cette commission, c'est qu'elle ne se justifie que par une chose, c'est pour aider des interventions sur le plan d'un dégel des frais de scolarité et cela nous semblait très vicieux - le mot est là - comme manoeuvre. Donc, l'on considère que ce n'est pas dans le cadre du financement des universités que l'on va traiter des prêts et bourses pour le monde des cégeps.

Ensuite, sur la question des salaires qui vous a fait sursauter, je ne pense pas, quand j'ai fait cette intervention, qu'elle constituait une attaque au fait que des gens aient réussi à s'aménager des salaires convenables. Ce n'est pas cela que je disais. On se demandait comment il était possible pour des personnes, justement, avec six enfants, qui peuvent se rendre compte que cela coûte cher et qu'il faut un salaire décent pour vivre de nos jours, comment était-ce possible pour ces personnes de venir demander à des gens qui ont des revenus de quelques milliers de dollars par année: Êtes-vous prêts à faire votre part? Il me semble que c'est quasiment impossible de venir même leur poser la question: Êtes-vous prêts à faire votre part? On dit: Oui, on est prêt à faire notre part, mais par le biais d'une fiscalité, par le biais des impôts, une fois inscrits sur le marché du travail, comme tout le monde, avec une fiscalité qui doit être équitable. (21 h 45)

On parle de l'abandon des études et de l'accès à l'éducation. Je pense qu'il est important de dire qu'un dégel des frais de scolarité, avec les impacts qu'il aurait, ne serait pas simplement un accident ou quelque

chose d'involontaire. D'après nous, c'est quelque chose qui est pratiquement planifié, quelque chose qui est pratiquement souhaité. Quand on regarde le contenu de certains mémoires qui disent: on augmente les frais de scolarité, on change le régime des prêts et bourses pour en faire un système élitiste pour faire en sorte de canaliser les étudiantes et les étudiants dans certains secteurs d'études à des conditions encore plus précises, d'après nous, il y a là un scénario très clair. La façon de créer un système de prêts et bourses qui a une prise sur les gens, qui rend les gens dépendants, c'est d'augmenter les frais de scolarité. Augmenter les frais de scolarité c'est, si on les double, les faire passer de 6,6 %...

Avec une certaine forme de réaménagement de l'aide financière, on va chercher à peu près 40 000 000 $ alors qu'il y a eu un manque à gagner d'environ 300 000 000 $ à 400 000 000 $ au cours des dernières années. On a l'impression qu'on veut nous faire croire qu'augmenter les frais de scolarité sera une garantie d'augmenter de façon importante la qualité de l'éducation; c'est un peu faible. D'après nous, pour plusieurs intervenants dans le débat, il y a une volonté de se servir d'un dégel des frais de scolarité comme étant une mesure de sélection supplémentaire.

Tout cela pour dire qu'il est extrêmement difficile de faire une démonstration de ce qu'on amène parce que, comme an l'a dit tantôt, c'est une démonstration qui se fait sur la base de données qui doivent être étoffées, sur la base d'études nombreuses, sur la base d'évaluations et de comportements socioculturels, de comportements économiques et que, évidemment, ce ne sont pas des formules aussi choc, aussi simples et aussi facilement utilisables que de tout simplement se comparer à une autre province et d'entraîner des réflexes. Je pense que notre démonstration mérite d'être retenue même si ce n'est pas aussi simple que d'autres arguments facilement invoqués.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Paquet. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Paquet, je le répète, votre mémoire, bien qu'on ne soit pas nécessairement d'accord sur l'ensemble, je le trouve bien fait et bien documenté. Je pense qu'il faut le dire. Vous y avez certainement consacré plusieurs heures de recherche et cela me paraît un bon document. J'aurais aimé qu'on ait un peu plus de temps pour que vous puissiez préciser davantage des questions comme la révision d'une politique des frais de scolarité pour les étudiants étrangers. J'aurais aimé que vous me parliez un peu plus longuement des réflexions que vous avez pu faire sur comment briser les barrières sociales et culturelles qui briment l'accès aux études supérieures. Il y a une autre question sur la charge des professeurs; ce n'est pas clair. C'était proche de la modulation sans l'être, je n'étais pas certaine. Une chose que j'ai bien vue, c'est que l'engagement et l'évaluation devaient se faire sur l'enseignement. J'aurais aimé qu'on puisse en parler plus longuement. Peut-être aurons-nous l'occasion de le faire. Mais je voudrais, au nom de ma formation politique, vous remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Je le répète, la participation des étudiants aux réflexions touchant l'avenir des universités, c'est extrêmement important. Aujourd'hui, c'est vous qui utilisez ces services; demain, c'est vous qui aurez à les payer également. Je pense que c'est intéressant que vous soyez partie au débat. Le souci que vous avez de le faire et la qualité de votre présentation et on peut... Tout à l'heure, mon collègue de Laviolette l'a rappelé, votre mémoire là-dessus est très documenté, ce qu'on n'a pas vu dans tous les mémoires - je pense qu'il faut le reconnaître ici - qui venaient de groupes qui auraient été mieux outillés pour le faire. Pour l'effort que vous y avez consacré, le temps et la qualité, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je remercie également l'ANEQ d'être venue ce soir. Mais je ne peux m'empêcher de souligner que j'aurais aimé que certains chapitres soient mieux étayés qu'ils ne le sont. Vous avez parlé en particulier de l'aide financière aux étudiants. On n'a pas eu le temps d'en parler tout à l'heure. J'ai fait faire une estimation de ce que coûteraient les trois premières des quelque 20 propositions que vous avez faites à ce sujet. Les trois premières se chiffreraient à 1 500 000 000 $. Ce serait plus cher que cela nous coûte pour le financement de toutes les universités. On est bien sympathique... Quand on parle du statut d'autonomie ou d'indépendance de l'étudiant, en principe, je pense que nous sommes tous d'accord, mais le coût d'une mesure comme celle-là est énorme. Il faut se demander si on est capable ou non. Est-ce qu'on est capable de mettre dans l'aide financière plus d'argent qu'on n'en met dans le fonctionnement des universités? Cela fait partie des questions que je vous retourne comme base de conversations ultérieures. Nous n'avons pas peur des conversations, nous les prendrons sur le terrain des faits et des chiffres, mais j'insiste pour vous signaler que du côté du gouvernement nous aurons d'autant plus de respect pour les points de

vue qui nous sont présentés qu'ils seront étayés sur des données solides. On est en droit de les exiger de vous autres. Dès que vous vous produisez sur la place publique, nous sommes en droit d'exiger que chacune des propositions qui sont faites soit appuyée sur des travaux sérieux. Nous sommes tous passés par le stade où vous en êtes. Je me souviens que, dans notre temps déjà, cela fait longtemps, la formation était beaucoup moins bonne que maintenant. Quand on se présentait devant le gouvernement, on s'arrangeait pour avoir des données précises et faire des propositions chiffrées d'une manière convenable. De ce point de vue, sur le chapitre de l'aide financière, je dois vous dire que j'ai de gros points d'interrogation, mais je comprends les problèmes que vous évoquez. De ce point de vue, je sympathise profondément avec les gens qui vivent ces situations. Il faut comprendre également la situation du gouvernement et j'espère qu'on pourra trouver des mesures qui seront à la fois à notre portée et capables d'améliorer la situation des jeunes étudiants.

Cela dit, je regrette qu'on n'ait pas eu davantage de temps, étant donné l'ensemble des circonstances qui ont caractérisé la réunion. J'apprécie énormément la présentation distinguée, courtoise et généralement claire et ferme que vous avez faite. Cela fait partie du débat démocratique. J'espère que nous le continuerons. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre, merci, M. Paquet, merci encore pour le courage que vous avez eu de venir ici, devant une commission parlementaire, faire connaître votre opinion et celle des gens que vous représentez.

La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux et les reprendra le mardi 14 octobre alors qu'elle accueillera, à 10 heures, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec.

(Fin de la séance à 21 h 53)

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