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(Dix heures six minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux,
toujours à l'intérieur du mandat qui lui a été
confié par l'Assemblée nationale le 19 juin dernier de
procéder à une consultation générale sur les
orientations et le cadre de financement du réseau universitaire
québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années
ultérieures.
Ce matin, la commission accueille le Comité national des jeunes
du Parti québécois dont la porte-parole est Mme Isabelle
Courville. Bonjour, Mme Courville.
Mme Courville (Isabelle): Bonjour.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Au nom des membres
de cette commission, je veux vous remercier d'avoir accepté notre
invitation de venir dialoguer avec nous et de nous exposer votre pensée
sur la problématique de l'orientation et du financement du réseau
universitaire québécois.
Je dois aussi vous dire qu'en tant que politicien - même si je
préside, je suis toujours un politicien - je suis très heureux de
voir que des groupes de jeunes, de différents partis politiques, de
différents groupements universitaires, de différents mouvements
de travailleurs, se sont donné la peine de venir dialoguer et
échanger avec nous de façon à nous aider à mieux
trouver des solutions pour améliorer ce réseau universitaire
québécois tant sous l'angle de son orientation que sous celui de
son financement.
Mme Courville, la commission a prévu une heure d'échanges
avec vous. Normalement, on aurait dû commencer à 10 heures. Il est
présentement 10 h 5; c'est donc dire que nous irons jusqu'à 11 h
5 environ. Il y a eu entente avec notre secrétaire de façon
qu'une période de 15 à 20 minutes soit réservée
pour la présentation du mémoire, lequel, entre
parenthèses, a été bien lu par les membres de la
commission. Ensuite, le reste du temps sera réparti à parts
égales entre les deux formations politiques, de telle sorte que, vers 10
h 55, il restera dix minutes. J'inviterai à ce moment-là te
porte-parole de l'Opposition à conclure au nom de sa formation politique
et je ferai de même au nom du porte-parole du parti
ministériel.
Mme Courville, si vous voulez bien nous présenter les gens qui
vous accompagnent. Oui?
M. Jolivet: Juste un instant! II y a des remplacements.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.
J'y verrai avant d'ouvrir le débat. Mme Courville, vous pourrez nous
présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner ensuite.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Rochefort
(Gouin) remplace M. Charbonneau (Verchères).
M. Jolivet: Et nous demanderons la permission afin que le chef de
l'Opposition puisse prendre la parole.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le porte-parole
de l'Opposition, il me fait plaisir d'accueillir le chef de l'Opposition
à cette commission parlementaire et de vous assurer qu'il aura
certainement toute la latitude possible pour intervenir à
l'intérieur de la période qui vous est réservée. M.
le chef de l'Opposition, nous vous saluons. Mme Courville, nous vous
écoutons.
Comité national des jeunes du Parti
québécois
Mme Courville: Bonjour. Je vous présente, en premier lieu,
Hélène Chartier, à ma gauche, qui est directrice de notre
journal au sein du comité des jeunes et qui a préparé le
mémoire que vous avez entre les mains et à ma droite, M.
Stéphane Le Bouyennec, notre coordonnateur général.
M. le Président, M. le ministre, Mme la critique de l'Opposition,
MM. et Mmes les députés, bonjour. Le Comité national des
jeunes du Parti québécois est fier, aujourd'hui, de vous
présenter son mémoire qu'il a préparé dans le cadre
de cette commission. S'il est évident que les universités
subissent une crise de financement, il est tout aussi évident qu'elles
en subissent une de légitimité aussi importante. Les
Québécois sont moins enclins à participer
financièrement au développement de nos universités. Les
jeunes hésitent à investir
dans une formation qui ne garantit pas l'emploi. Le gouvernement a du
mal à justifier l'octroi de crédita supplémentaires dans
le réseau universitaire en regard des autres préoccupations qui
l'accaparent. Les entreprises remettent en question la formation des
diplômés, la gestion des universités et, par
conséquent, négligent depuis longtemps de participer
financièrement au développement de nos universités.,
Une réforme des universités est donc nécessaire.
Cette réforme nécessitera peut-être l'addition de fonds
supplémentaires dans le réseau universitaire, mais, en premier
lieu, il est essentiel de tenter de cerner les facteurs qui freinent
l'évolution de notre réseau universitaire: le manque de
concertation entre l'entreprise et l'université, la déficience de
la gestion, le non-renouvellement du corps professoral et les conditions
d'études des étudiants. Ces facteurs sont, en fait, à la
fois les conséquences et les causes du financement inadéquat de
nos universités.
Pour le Comité national des jeunes du Parti
québécois, l'accessibilité aux études
universitaires et la qualité de la formation ont été et
doivent demeurer des priorités nationales. Il faut rappeler qu'au
Québec un effort important de rattrapage a débuté dans les
années soixante et qu'il doit se poursuivre. Aujourd'hui encore, 7 % de
la population de plus de 15 ans possèdent un diplôme
universitaire, tandis qu'en Ontario 9 % de la population en possèdent
un.
Alors que plusieurs intervenants croient que l'augmentation des frais de
scolarité constitue la solution unique et privilégié au
problème du financement des universités, nous croyons
plutôt qu'une telle hausse serait contraire aux objectifs de
scolarisation que le Québec doit se donner. Nous sommes convaincus que
l'abolition des frais de scolarité et leur remplacement par un
impôt universitaire est le seul moyen de s'assurer une participation
financière adéquate des diplômés.
La participation des usagers est essentielle, selon nous, pour assurer
un financement adéquat de nos universités. De plus, il est juste
et équitable que ceux qui profiteront d'une bonne formation permettent
aux générations futures d'accéder au système
universitaire également. Cependant, il faut convenir que le temps des
études n'est pas celui de la prospérité et qu'il est
illusoire d'espérer faire du peuple du Québec un peuple plus
scolarisé si on adopte des mesures désincitatives.
Dans le mémoire que nous vous présentons, nous
traçons les orientations d'une réforme que nous jugeons
prioritaire. Une partie de nos recommandations s'attarde à augmenter
l'efficacité des moyens que nous avons déjà. Comment faire
mieux avec ce que l'on a? L'autre série de recommandations propose des
solutions pour augmenter les revenus des universités, entre autres, par
la diversification de nos sources de revenus. Bien que nous n'ayons
guère la prétention de vouloir tout résoudre par une
série de recommandations, nous croyons sincèrement qu'il est
possible de contribuer à l'amélioration de notre système
universitaire actuel et de faire en sorte que le plus grand nombre possible de
jeunes puissent y accéder.
Mme Chartier (Hélène): Puisque nous constatons que
la situation financière des universités est en crise, nous
jugeons qu'il est prioritaire de s'attarder à la gestion des ressources.
Ainsi, nous croyons qu'il est temps de prendre des mesures afin d'augmenter le
rendement des universités tant au niveau quantitatif que qualitatif et
ce, avec les moyens dont elles disposent. Ces mesures concernent la gestion des
ressources financières, mais aussi le rendement du corps professoral et
administratif, ainsi que l'adéquation des études au marché
du travail.
Dans ces trois volets, nous avons libellé plusieurs
recommandations dont nous aimerions vous entretenir. Le premier volet concerne
l'assainissement de la gestion des ressources. Comme dans toute entreprise bien
gérée, les états financiers doivent être mis
à la disposition des actionnaires. Dans les universités, les
actionnaires sont, en fait, la population qui finance celles-ci à 85 %
par le biais d'impôts. Nous proposons donc qu'un accès à
I'information concernant la gestion soit exigé et que les
systèmes comptables soient standardisés afin que le gouvernement
puisse en comparer les performances. Si une transparence de l'information doit
exister, elle ne s'avère utile que si elle peut être
comparée à d'autres sources d'information. Or, il est reconnu que
les systèmes comptables divergent d'une université à
l'autre.
Nous croyons donc qu'il est primordial d'instaurer des principes de
gestion qui soient uniformes. Une fois cette démarche accomplie,
l'établissement de critères de rendement devrait aussi être
mis en place. Dans cette optique, nous proposons que des critères de
rendement et de performance des administrateurs soient établis en vertu
du principe de l'imputabilité. À l'aide de ces critères de
rendement, le gouvernement devrait pouvoir agir lorsqu'une situation de
mauvaise gestion est identifiée. En effet, on ne peut être
exigeant dans certains domaines et permettre un certain laxisme dans d'autres.
Nous proposons donc que, tout en préservant le principe de l'autonomie
universitaire, le gouvernement intervienne lorsqu'une situation critique de
mauvaise gestion le justifie.
Tout en nous dotant de mécanismes d'évaluation de la
gestion, il est essentiel de procéder à une optimisation du
réseau
universitaire. Conscients de l'importance des universités en
régions, nous limiterions volontairement cette optimisation aux
universités de l'île de Montréal. Par le fait même,
nous proposons qu'une étude sérieuse visant l'optimisation du
réseau soit entreprise par le gouvernement en collaboration avec la
conférence des recteurs, la FAPUQ et les organisations
étudiantes.
Enfin, nous croyons qu'il est essentiel de différencier les
émissions prioritaires des services purement auxiliaires et de favoriser
l'autofinancement de ces derniers. Nous proposons donc que les
universités se départissent des responsabilités
coûteuses qu'elles ont contractées dans les domaines des services
auxiliaires au profit de compagnies privées ou,
préférablement, d'organisations étudiantes.
Pour parler maintenant du deuxième volet concernant
l'adéquation des études au marché du travail, nous croyons
qu'il est nécessaire d'agir en ce sens afin de contrer la
dévalorisation du diplôme universitaire sur le marché du
travail. Cette mesure permettrait, dans un deuxième temps, de
revaloriser les étudiants qui pourront se sentir utiles à travers
leur formation. À l'heure actuelle, les CESC mis de l'avant par le RAEU
permettent d'accomplir cette mission. Nous croyons cependant essentiel de faire
plus.
Nous pensons que l'intégration de stages en milieu de travail
dans les programmes permettrait une atteinte plus uniforme de cet objectif.
Ainsi, l'université, en se rapprochant de la communauté, pourra
enfin rendre à la population les services qu'elle lui doit. Nous
proposons donc, pour permettre aux étudiants de mieux arrimer
théorie et pratique tout au long de leur formation, de mettre sur pied
des systèmes favorisant l'intégration de l'étudiant
à son futur milieu de travail et ce à travers les programmes
d'enseignement actuels.
Dans un dernier temps, nous croyons essentiel de permettre l'obtention
d'un meilleur rendement du corps professoral par l'élaboration d'un
système d'évaluation continue. Nous ne remettons nullement en
doute la nécessité de la permanence des professeurs puisque nous
sommes pour la liberté d'expression. Nous proposons, néanmoins,
que l'évaluation formative du rendement des enseignants se fasse de
manière continue tout au long de la carrière par les pairs,
l'administration et les étudiants, et que cette évaluation soit
jumelée à des critères de performance minimums connus et
devant être respectés par les personnes concernées,
même après l'obtention de la permanence.
De plus, il est proposé qu'un système d'attribution de
contrats à terme puisse être institué dont les enveloppes
salariales ne soient pas assujetties aux normes syndicales ou institutionnelles
afin de permettre à nos facultés de relancer la recherche
là où la situation l'exige. Finalement, pour pallier au
problème crucial du vieillissement du corps professoral, nous proposons
que la retraite automatique à 65 ans soit rétablie et
qu'après cet âge les professeurs émérites se voient
offrir des contrats de prolongation renouvelables tous les deux ans.
M. Le Bouyennec (Stéphane): Passons plus directement aux
sources et aux mécanismes de financement. Pour le comité
national, il est clair qu'investir dans l'université, c'est rentable.
Cela est vrai autant pour l'étudiant que cela peut l'être pour le
gouvernement. Les sommes injectées dans notre réseau doivent donc
être considérées comme un investissement et non comme une
dépense réelle. Finalement, selon des études qui ont
été produites à l'Université de Montréal et
que nous déposons, la rentabilité de l'investissement des sommes
injectées dans le réseau universitaire peut se situer entre 10 %
pour l'investissement public et 16 % pour l'investissement privé,
c'est-à-dire ce que l'individu retire ou alors, dans le cas
d'études un peu plus généreuses, ces taux sont de 13 % et
22 % respectivement. Je cite ici l'étude de Jean-Michel Cousineau et de
François Vaillancourt, de l'École des relations industrielles de
l'Université de Montréal: "L'investissement en formation
universitaire. Les disparités régionales de revenus. Le
développement régional". Une autre étude du même
ordre, cette fois de Vaillancourt et Henriquez, "The Returns to University
Schooling in Canada", donne les chiffres qui sont les plus
désavantageux. S'il est établi par ces études que le
niveau de scolarisation a un impact direct sur les revenus et, donc, sur le
produit intérieur brut, il est évident pour nous que l'ensembte
de la société québécoise et canadienne devra se
rendre compte qu'il faut, à partir de maintenant, considérer les
sommes investies dans les universités comme de véritables
placements. Cette évidence, cependant, ne semble pas être
acceptée par l'ensemble de l'entreprise privée,
particulièrement au Québec. Elle assume, cette entreprise
privée, que les impôts qu'elle paie sont suffisants pour que
l'université puisse avoir sa juste part de ces sommes d'argent. Certains
chiffres indiquent qu'au Québec les autres sources - c'est-à-dire
d'autres sources que les frais de scolarité ou les subventions
gouvernementales - donnent 51 000 000 $ au Québec et 118 000 000 $
à l'Ontario. Cela est tiré du cahier du MEQ pour la
défense des crédits de 1984-1985.
D'autres chiffres, cependant, sont encore plus révélateurs
à ce chapitre. Dans le document "Réflexions sur l'avenir de
l'université au Québec", avec des chiffres
tirés de Statistique Canada, document qui avait été
présenté par un groupe indépendant à la
conférence des recteurs, certains tableaux indiquent les principales
sources, en pourcentage, des dépenses courantes. Ces tableaux indiquent
qu'au Québec, en 192Q, l'entreprise ou les autres sources investissaient
56 % des dépenses courantes des universités. Ce taux est
tombé à 3 % en 1979. En Ontario, par contre, il est passé
de 18 % en 1920 à 9 % en 1979. Notons qu'ici l'entreprise privée
investit, en proportion, 18 fois moins qu'elle n'investissait en 1920, alors
qu'en Ontario, ce n'est qu'un facteur de 2 %. L'on compare souvent ce que les
étudiants québécois paient par rapport à ce que les
étudiants ontariens paient, mais nous devrions aussi considérer,
finalement, ce que les entreprises donnent en Ontario ou aux États-Unis
et ce que les entreprises québécoises donnent au
Québec.
En ce qui concerne les frais de scolarité, la part des
étudiants au Québec est passée de 28 % à tout
près 9 % en 1979, soit trois fois moins, alors qu'en Ontario elle
passait de 22 % à 13 %, soit deux fois moins. C'est donc à peu
près une relation qui semble être équivalente. Aux
États-Unis, rappelions que ce qu'on appelle les autres sources ne
financent pas simplement les universités privées. Elles les
financent pour une proportion d'environ 24 %, alors qu'elles financent le
réseau public d'universités américaines pour une
proportion d'environ 22 %. L'entreprise privée, selon nous, peut donc
faire plus au Québec. Évidemment, il y a plusieurs facteurs qui
pourraient nous faire considérer qu'elle n'est pas en mesure de
réaliser ces apports nouveaux, mais je pense que des efforts doivent
être tentés à ce chapitre. Nous recommandons donc que, pour
contribuer à augmenter la part des revenus externes à
l'université, soient implantés de forts incitatifs fiscaux
favorisant l'investissement des citoyens et des entreprises dans notre
réseau universitaire.
Maintenant que nous avons vu le côté de la participation
des entreprises, nous parlerons de la participation financière des
usagers, ce que d'autres appelleraient Les étudiants. Nous avons
déjà dit qu'il est essentiel de maintenir l'accessibilité.
Nous pensons également que, par exemple, doubler les frais de
scolarité n'est pas nécessairement une mesure très
efficace si l'on veut réellement augmenter la quantité des
sources de revenu de financement des universités
québécoises. Si nous devons faire des ajustements en rapport avec
les prêts et bourses, nous nous trouvons à prélever 2 $
environ pour en remettre 1 $ seulement aux universités. C'est un
prélèvement qui se veut donc relativement inefficace, ce qui
vient contrer notre proposition sur l'impôt universitaire. D'un autre
côté, à ce jour, aucune preuve scientifique ne nous a
démontré qu'une hausse importante des frais de scolarité
ne nuirait pas à l'accessibilité. Selon nous, le seul
début de preuve scientifique a été le sondage
réalisé par la FAECUM qui indiquait qu'une bonne part des
étudiants finirait soit par abandonner complètement leurs
études ou se retrouver aux études à temps partiel si on
devait doubler les frais de scolarité.
Je pense que le simple bon sens au niveau de la loi du marché
nous indique que, lorsqu'on double le prix d'un produit, cela a un effet direct
sur les ventes. Nous l'avons vu dans le cas, par exemple, de la
Société des alcools. Il est donc très dangereux, selon
nous, de penser à doubler directement les frais de scolarité sans
démontrer, par ailleurs, que cela n'aura pas d'effet sur
l'accessibilité. La recommandation 11 nous dit donc: Qu'il y ait
abolition des frais de scolarité et remplacement par un impôt
proportionnel au revenu qui soit fixé à 1,5 % pendant une
période de dix ans après l'obtention du dernier diplôme
universitaire consécutif.
Mais en regard de ces sources de financement, que l'on pense aux
compagnies ou que l'on pense aux étudiants, il y a un autre aspect que
nous devons regarder - je pense qu'il a peut-être été un
peu négligé ces derniers temps dans les travaux de cette
commission ou de ce que nous avons pu lire dans les journaux - à savoir
les transferts fédéraux. D'ici à 1992, c'est plus de 2 000
000 000 $ que le Québec perdra au chapitre de la
péréquation. Les trois conseils subventionnaires du
fédéral fournissaient, en 1982-1983, 47,3 % de toute la recherche
commanditée et subventionnée au Québec. En 1984-1985, les
transferts fédéraux représentaient 646 000 000 $, soit
62,80 % du budget de l'enseignement universitaire. D'après le bill C-96,
qui va certainement être adopté, les sommes investies dans
l'université ne croissent plus au même taux que le produit
national brut.
Nous croyons que cette attitude du gouvernement fédéral
est extrêmement dangereuse et que, finalement, c'est un mauvais calcul.
5i nous tenons pour acquis qu'investir dans l'université a un impact
direct sur le produit national brut, nous trouvons que, finalement, les
investissements du gouvernement fédéral devraient croître
au même rythme que le produit national brut. Si l'on regarde, par
exemple, ce qui se dépense en recherche et développement au
niveau canadien, seulement 1 % environ du produit national brut, alors que
c'est plus de 2 % dans les autres sociétés industrielles, nous
pouvons considérer que le gouvernement fédéral a donc des
efforts à faire. Bien sûr, l'intention de diminuer le budget est
une intention louable. Seulement, on peut se poser la question: Lorsque le
gouvernement
fédéral est prêt à investir 2 OO0 OOO 000 $
pour sauver les banques de l'Ouest d'une faillite ou lorsque le gouvernement
fédéral est prêt à investir jusqu'à 1 000 000
000 $ pour soutenir le dollar canadien, nous croyons, pour notre part, que
c'est un mauvais calcul et qu'il faudrait peut-être quelques centaines de
millions - en regard de ces chiffres, ce n'est peut-être pas exorbitant -
pour relancer le système universitaire québécois et
peut-être aussi penser à celui des autres provinces où,
à plusieurs endroits quand même, il y a des lacunes.
Une fois que nous avons cette source de financement, il faut savoir
comment distribuer ces sommes. Encore là, il appartient au gouvernement
du Québec d'agir. D'ailleurs, si la population en général
et les différents groupes croyaient que le gouvernement du Québec
n'a pas sa place dans ce débat, il n'y aurait pas eu plus de 100 groupes
qui auraient déposé des mémoires en commission
parlementaire. Encore une fois, le gouvernement du Québec doit
intervenir en modifiant directement le mécanisme de financement des
universités.
Le financement des clientèles par coût disciplinaire moyen
est donc à réévaluer. Nous proposons trois articles pour
modifier les mécanismes de financement que nous connaissons
actuellement. D'abord, que le mode de financement EETC soit
réévalué en fonction d'un mode de financement qui tienne
davantage compte des véritables coûts disciplinaires
engendrés par la spécificité de certaines
universités. Recommandation 8: Que le mode de financement dit
"unités de revenu de base" soit étudié comme
amélioration du mode de financement actuel et qu'on envisage un mode de
financement permettant des bonifications pour les services relevant des
missions jugées prioritaires. La troisième recommandation
à ce chapitre: Que le financement des missions secondaires des
universités - on entend ici les services auxiliaires - se fasse sur une
base différenciée des missions premières et incite
à l'autofinancement des services reliés à ces
missions.
Dans tous ces domaines, dans nos propositions sur l'impôt
universitaire, dans nos propositions sur ce que le gouvernement du
Québec devrait faire au niveau du fédéral, nous proposons
que, dans ses demandes, le gouvernement du Québec fasse preuve de
fermeté à l'endroit de l'homologue fédéral quant
à l'importance du maintien du niveau des transferts, mais aussi quant
aux modifications des règles ne permettant pas le financement des frais
indirects de recherche.
Le mode d'attribution du système fédéral
crée de l'inéquité, de la disparité
régionale et est relativement inefficace. Le gouvernement du
Québec devra donc réagir vigoureusement aux nouvelles politiques
du gouvernement fédéral.
Encore une fois, le gouvernement du Québec devra agir. Le
gouvernement du Québec devra agir éventuellement pour
l'implantation de l'impôt universitaire, le gouvernement du Québec
devra agir pour modifier les mécanismes de financement de nos
universités.
Mme Courville: Au terme de cette deuxième commission
parlementaire sur le financement des universités, nous sommes
convaincus, au Comité national des jeunes du Parti
québécois, qu'il est temps de se fixer des objectifs et surtout
d'agir. C'est pourquoi nous recommandons la nomination d'un ministre
délégué à la réforme et au financement des
universités.
Pour le comité des jeunes, la résolution de la crise
universitaire nécessite que le gouvernement définisse des
objectifs, sinon, la situation va continuer de se détériorer et
nous régresserons dans nos objectifs de démocratisation et
d'accessibilité des études universitaires.
Nous lançons un appel au gouvernement libéral: Est-il
prêt, compte tenu des cris d'alarme des différents intervenants,
à procéder avec diligence dans ce dossier comme il a pu le faire
dans le cas de la privatisation, mais cette fois-ci de manière
éclairée, en tenant compte des avis de l'ensemble des
intervenants et avec des objectifs clairs et connus de tous?
Dans la mesure où nous avons affaire à la logique
comptable du gouvernement, il ne devrait pas être trop difficile pour M.
Robert Bourassa de trouver un ministre délégué non
seulement pour assainir la gestion des universités, mais aussi pour
passer le chapeau auprès des entreprises qui ne font pas
nécessairement leur part au Québec.
Je vous remercie beaucoup. (10 h 30)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup,
Mme Courville. Je vous rappelle nos règles de procédure qui ont
été établies par les deux partis. II nous reste 35 minutes
d'échanges de vues avec les députés. Je reconnaîtrai
immédiatement le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science; en deuxième lieu, je reconnaîtrai le porte-parole
officiel de l'Opposition, un représentant ministériel et
j'inviterai le chef de l'Opposition à conclure.
M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de rencontrer
ce matin la délégation du Comité national des jeunes du
Parti québécois et de trouver également parmi les
députés qui siègent du côté de l'Opposition,
le chef de l'Opposition, le député d'Anjou que nous saluons avec
plaisir.
II nous fait d'autant plus plaisir de vous rencontrer ce matin que, dans
la section du programme du Parti québécois qui traite de
l'éducation, il est fort peu question des universités, comme vous
le savez. Je pense que la contribution que vous nous apportez ce matin vient
ajouter quelques chapitres ou paragraphes potentiels à cette partie du
programme qui est, nous dit-on, en voie de révision.
Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les
considérations que vous avez apportées ce matin. J'ai
noté, entre autres, le souci de rationalisation qui est une dominante de
votre mémoire. Vous constatez en bien des endroits que le souci de
rationalisation n'a pas toujours été dominant dans les
décisions de développement prises par nos universités au
cours des dernières années. Vous faites un bon nombre de
propositions afin de redresser la situation. Je pense que vous trouverez
à cet égard un accueil sympathique autant du côté du
gouvernement que du côté de l'Opposition.
Vous avez également des propositions concernant le
problème du sous-financement des universités qui méritent
d'être examinées avec attention. Je peux vous assurer que les
propositions que vous faites à ce sujet seront l'objet d'un examen
attentif. Je ne suis pas en mesure ce matin de vous donner des réponses
à ces propositions que vous faites. Je vous poserai une couple de
questions là-dessus tantôt. Je veux vous assurer que nous
apprécions toutes les suggestions qui sont faites au gouvernement afin
de trouver des manières plus stables, plus efficaces et plus
rationnelles d'assurer le financement de nos institutions universitaires.
Parmi les questions que je voudrais vous adresser, il y en a deux
auxquelles je vais me limiter étant donné que le temps dont nous
disposons est fort restreint. Tout d'abord, vous dites à la page 24 de
votre mémoire: "Une réforme majeure doit être entreprise en
ce qui touche l'aménagement de notre réseau universitaire. Vous
dites que c'est tellement important "qu'il est essentiel dans un premier temps
de procéder à la révision de certaines pratiques
établies avant d'admettre un sous-financement." Je pense qu'un exercice
comme celui que vous proposez ne peut pas se faire en un an. Cela prendra au
moins une couple d'années. Je crois que le processus de la
rationalisation plus complète de notre système universitaire
s'implantera graduellement.
En attendant, il y a un problème de sous-financement dont
l'acuité et l'urgence nous ont été signalées par
à peu près tous les intervenants qui sont venus devant la
commission. Est-ce que je dois comprendre ce passage de votre mémoire
comme signifiant ou devant signifier qu'on entreprendra un effort de
rationalisation, on nommera un autre ministre qui devra se familiariser avec
les problèmes, on mettra des commissions en marche, des comités
etc. et on s'attaquera au problème du sous-financement seulement
après cela? Ai-je mal compris ce passage de votre mémoire ou
a-t-il dépassé votre pensée?
Mme Courville: Nous croyons qu'une réforme majeure doit
être entreprise dans les universités. Le sous-financement des
universités est souligné par plusieurs intervenants. D'ailleurs,
des solutions plutôt simplistes suivent immédiatement
après, comme l'augmentation des frais de scolarité.
Nous disons, en effet, que l'addition de fonds supplémentaires
devra être évaluée dans un deuxième temps car dans
un premier temps - une série de recommandations dans notre
mémoire le démontre, d'ailleurs -plusieurs aspects de la gestion
de l'université, entre autres, et de l'attribution des fonds, qu'ils
viennent du fédéral, du gouvernement du Québec ou des
entreprises, devraient être examinés avant tout simplement
d'allouer des fonds aux universités.
En exagérant un peu, on peut dire que c'est comme mettre de
l'argent dans une poche percée. Il faut commencer par la réparer.
En effet, nous trouverions logique de procéder d'abord à une
réparation de ces poches trouées pour qu'après l'argent
qui entre entre et profite à tous de façon beaucoup plus voyante
et bonne pour le Québec.
M. Ryan: En attendant, je vous donne un exemple. On nous a fait
la preuve devant la commission qu'à la Faculté de droit de
l'Université de Montréal le budget dont on dispose est à
peu près 60 % de celui des facultés de droit dans les autres
provinces. À la Faculté de médecine de la même
université, on nous a affirmé que le nombre de professeurs
permanents dont on dispose est à peu près la moitié de
celui dont on dispose à l'Université de Toronto. Est-ce que nous
devons dire à ces gens qu'on va attendre que les exercices de
rationalisation du futur ministre soient au point pour s'attaquer à ce
problème? Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples; j'en ai
pris deux au hasard.
M. Le Bouyernnec: Sur cette question, ce qu'il est important de
mentionner aussi, c'est le problème de légitimité dans
lequel se trouvent les universités. 11 est clair que de telles
réformes pourraient peut-être mettre une décennie avant
d'être complètement efficaces.
Dans la mesure où il y a une volonté politique
réelle du gouvernement du Québec d'introduire une réforme
et de lancer cette réforme, nous croyons que les intervenants seraient
plus prêts à ce moment à accepter d'injecter des fonds
additionnels. Je pense
qu'éventuellement même cela comprend les étudiants.
Dans leur position, il n'a jamais été exclus complètement,
nécessairement, à tout jamais, qu'il ne puisse pas y avoir de
participation additionnelle. Cependant, cela devra se faire une fois qu'on aura
tenu compte de tous ces avis au niveau de la gestion. Là-dessus, je
pense qu'il y a quand même une unanimité assez importante.
Les étudiants ont déjà participé souvent...
Dans le cas, par exemple, du projet des micro-ordinateurs, ils ont
accepté de participer indirectement au financement des
universités. En général, on fait la vie dure aux
étudiants à l'heure actuelle en disant qu'ils ne sont que
corporatistes et qu'ils ne veulent pas faire leur part. Je pense que ce n'est
pas le message que les étudiants ont tenté de passer. Ce qu'ils
ont tenté de dire, c'est qu'il y a encore des efforts de rationalisation
à faire. Et nous devons les faire, nous devons les lancer avant de
commencer à penser à aller chercher de nouveaux montants d'argent
à d'autres niveaux.
M. Ryan: Très bien, M. Le Bouyennec. Je crois vous
reconnaître. Vous étiez un des pionniers du mouvement qui a
favorisé l'acquisition d'ordinateurs par les étudiants avec la
collaboration du gouvernement à l'époque. Je voudrais vous
féliciter de cette initiative que vous avez prise, qui a permis de doter
de nombreux étudiants d'appareils modernes de travail grâce
à l'initiative que vous aviez mise au point.
Une autre question que je voudrais vous adresser. Vous avez un plan de
financement. Vous dites: Abolissons les frais de scolarité -en quoi,
vous êtes fidèles au programme du Parti québécois -
et remplaçons-les par un impôt sur le revenu des futurs
diplômés, un impôt sur le revenu qui serait de l'ordre de
1,5 %. Vous avez sans doute fait des calculs pour arriver à des
propositions aussi précises. J'ai établi des calculs rapides.
J'essaie de voir ce que rapporterait un impôt comme celui-là. Une
première année, cela rapporterait autour de 8 000 000 $ et en
progressant, année après année, au bout de dix ans, on
arriverait à environ 80 000 000 $ ou 82 000 000 $, en supposant un
revenu moyen de 20 000 $, comme vous l'établissez.
Actuellement, les frais de scolarité rapportent 80 000 000 $.
Cela veut dire qu'on enlèverait cela. Pendant plusieurs années,
on aurait beaucoup moins de revenus de cette source. Par conséquent,
l'impôt rapporterait petit à petit des sommes qui iraient
grandissant, mais quand même pas énormes, inférieures
à ce qu'on aurait perdu. Où va-t-on prendre la
différence?
Mme Courville: Nos calculs, évidemment on en a fait
plusieurs, je vais vous en faire un petit résumé. En effet, la
facture des frais de scolarité actuellement est de 77 000 000 $. Notre
formule, cependant, s'adresse aux étudiants québécois
seulement, c'est-à-dire que de ces 77 000 000 $ on doit retrancher 10
000 000 $ qui correspondent aux frais de scolarité payés par les
étudiants étrangers, ceux qui font des diplômes de 1er
cycle seulement, etc.
Selon nos calculs, cette facture est complètement
récupérée à partir de la quatrième
année, en plus du loyer de l'argent de 10 %, c'est-à-dire que
notre formule ne coûte pas un sou au gouvernement et que, au bout de
quatre ans, quand les anciens étudiants et donc les nouveaux
diplômés commencent à payer, ils fourniront dans leurs dix
années l'équivalent de ce qu'ils auraient payé au niveau
des frais de scolarité payés actuellement.
De plus, cette formule a de nombreux avantages. Qu'on mentionne
simplement ceux relatifs à leur condition financière quand ils
sont encore aux études. Contrairement, par exemple, au régime des
prêts et bourses où on paie, travail ou pas, six mois après
l'obtention du diplôme, cette formule permet d'assurer que les gens
paieront quand ils seront en mesure de le faire, c'est-à-dire en
possession d'un revenu. Quand on paie de l'impôt, on a,
évidemment, un bon salaire.
De plus, pour les étudiants gradués des 2e et 3e cycles,
nous proposons de leur faire payer la même chose qu'au 1er cycle. En
fait, ce qu'on veut dire par là, c'est que notre formule peut permettre
au gouvernement d'avoir un levier pour inciter d'une façon
particulière à atteindre les objectifs qu'il veut avoir. Par
exemple, nous croyons qu'au Québec, actuellement, nous devrions avoir
comme objectif de favoriser l'accessibilité aux 2e et 3e cycles. Avec
une formule comme celle que nous proposons, nous avons un moyen parfait,
c'est-à-dire que les étudiants paient la même chose avec
une maîtrise ou un doctorat. De toute façon, c'est prouvé;
ces personnes ne gagnent pas tellement plus cher que les autres, mais seulement
leurs connaissances profitent à l'ensemble de la
société.
Notre mesure permet donc au gouvernement d'avoir un levier pour jouer un
peu avec la structure des diplômés, avec ces revenus, plutôt
qu'imposer chaque année des montants à des étudiants qui
de toute façon empruntent pour payer.
M. Ryan: Pendant les quatre ou cinq années qui vont venir,
qu'est-ce qu'on fait?
M. Le Bouyennec: M. le ministre...
M. Ryan: C'est toute la durée du mandat du présent
gouvernement, entre parenthèses.
M. Le Bouyennec: Oui. Les calculs sur le 1,5 % ont quand
même été faits sur une base actualisée. Ce qu'il
faut retirer de ce calcul, c'est que l'on maintient les frais de
scolarité, d'une part, pour les étudiants étrangers et,
d'autre part, pour les étudiants canadiens inscrits au certificat,
inscrits aux cours du soir ou qui complètent une formation pendant
qu'ils sont sur le marché du travail. Pour ces clientèles, les
frais de scolarité sont maintenus. Selon nos calculs, avec 1,5 %, nous
recouvrons même avec un taux d'actualisation de 10 % le manque à
gagner pour le gouvernement dans les premières années
d'application de ce programme.
M. Ryan: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Le
Bouyennec. Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition
en matière d'éducation, Mme la députée de
Chicoutimi. Madame.
Mme Blackburn: Merci. Mme Courville et M. Le Bouyennec, il me
fait plaisir de vous accueillir ici au nom de l'Opposition. Je voudrais d'abord
vous remercier d'avoir accepté de participer aux travaux de cette
commission parlementaire. L'engagement des jeunes - j'ai déjà eu
l'occasion de le dire et de vous le dire, je pense - est
particulièrement important dans tous les domaines. Je dirais qu'il y a
un moyen privilégié et c'est vraiment l'engagement politique.
Quand les jeunes veulent que leurs revendications dépassent le niveau de
la contestation, la meilleure façon c'est bien d'investir les structures
politiques. Â cet égard, je pense que le travail que vous avez
fait par le passé - et particulièrement ce qu'a
réalisé M. Le Bouyennec avec les micro-ordinateurs - et ce que
vous faites actuellement a de bonnes chances de se retrouver tantôt dans
les politiques du gouvernement ou d'un gouvernement.
C'est pourquoi je pense que la participation des jeunes, quelle que soit
l'idéologie et le parti, doit être encouragée. Lorsqu'on
prend des engagements à leur endroit, ils doivent être
également respectés, sinon c'est toute la démobilisation
des jeunes et leur découragement. Le fait qu'on ne respecte pas ces
engagements aurait aussi comme effet d'augmenter un peu leur cynisme à
l'endroit de la politique et des pouvoirs publics. C'est pourquoi je trouve
qu'on n'a pas le droit de prendre à l'endroit des jeunes des engagements
qu'on n'entend pas respecter ou qu'on ne pense pas être en mesure de
respecter.
On a entendu au cours des quatre dernières semaines de nombreux
intervenants. Évidemment, un certain nombre d'avis convergent. Je dirais
que, de façon générale, on reconnaît qu'il faut
hausser la scolarité des Québécois, accroître
l'accessibilité et revoir le niveau de financement. Il y a quelques
différences, cependant. Je pense à un mémoire, celui des
jeunes du Parti libéral, qui propose le contingentement; mais on pourra
toujours leur poser la question quand ils viendront. Pour le reste, je dirais
que de façon générale, cela converge vers ces grands
objectifs généraux. Les mémoires font la
quasi-unanimité. (10 h 45)
Je voudrais juste vous poser quelques questions. On a peu de temps,
comme le faisait remarquer tout à l'heure le ministre. Vous parlez
beaucoup d'optimisation. Vous proposez un certain nombre de moyens. Vous parlez
d'évaluation, vous parlez de fusion des facultés. Qu'est-ce qui
distingue votre approche - à un moment donné, on ira
également par comparaison - de celle des jeunes du Parti
libéral?
Mme Courville: Concernant l'optimisation du réseau, nous
devons dire, premièrement, que cette optimisation doit être
réalisée surtout à Montréal. Nous pensons que les
universités régionales ont également un rôle
impartant à jouer qui, au lieu d'être optimisé et
rétréci, doit être élargi. Nous pensons, par
exemple, à l'implication dans leur milieu, à la
spécialisation de ces universités, mais je ne m'étendrai
pas sur cela, c'est un tout autre débat.
L'optimisation, nous ne croyons pas que ce doit être fait au
niveau des réseaux, nous ne pensons pas que cela doit procéder
par des interventions massives de l'État. Cela doit plutôt
être une espèce d'exercice presque comptable, c'est-à-dire
diminuer les frais fixes, finalement, et gérer les facultés qui
grossissent, qui prennent toutes les ressources du milieu sans les multiplier
indéfiniment avec des professeurs peut-être moins qualifiés
- cela peut exister - des étudiants moins motivés ou des choses
comme cela.
On regroupe des facultés à Montréal pour les
renforcer, tout simplement. Cela permet d'avoir dans l'ensemble du
réseau une transparence internationale pour quelques facultés
beaucoup plus fortes.
Mme Blackburn: Brièvement, vous n'avez rien par rapport au
contingentement.
Mme Courville: Au sujet du contingentement, dans notre
mémoire, en effet, nous ne le proposons pas parce que nous ne sommes pas
tellement d'accord; nous sommes plutôt contre le contingentement. On est
contre ce qui brime, finalement, la liberté de choix des individus. Nous
préférons que cela obéisse à certaines
règles du marché. Plutôt que de chercher à placer
les
gens dans différentes disciplines, il faudrait peut-être
chercher à adapter ces disciplines au marché du travail. Quand on
dit: Telle discipline ne fonctionne plus, les étudiants ne se trouvent
pas tellement d'emplois, la faute n'est pas totalement à ceux qui ont
poursuivi des études ou qui sont à l'université. Je pense
que ces disciplines doivent être modifiées pour s'adapter au
marché du travail. Il faut donc faire un effort de rationalisation dans
ces programmes.
Mme Blackburn: Vous proposez la nomination d'un ministre
délégué au financement et à la réforme
universitaire. On a vu la réaction du ministre là-dessus,
quoiqu'il me semble qu'il avait déjà proposé une formule
assez proche au moment où le gouvernement procédait à la
division des deux ministères, celui de l'Enseignement supérieur
et de la Science et celui de l'Education. Il me semble qu'il avait une formule
se rapprochant un peu de celle que vous proposez. Pourriez-vous nous parler de
cette formule et des avantages que vous y voyez?
M. Le Bouyennec: II est exact que nous avons tenté de
faire une proposition qui pouvait paraître acceptable aux yeux du
ministre, même si nous pensons qu'il est un peu regrettable, finalement,
que la séparation qu'il y ait entre Éducation, Enseignement
supérieure, Science et Technologie n'ait pas été maintenue
par le gouvernement actuel dans le sens où, en ce moment, la Technologie
tombe un peu entre deux chaises.
Cependant, le ministre a déjà indiqué, dans un
discours lors de l'adoption de cette loi, qu'il préférait,
finalement, prendre comme exemple la France et la Grande-Bretagne où il
y avait un superministre, qui était éventuellement un ministre de
l'Éducation, et des ministres d'État qui, moyennant une
délégation du superministre, pouvaient agir et effectuer certains
travaux, par exemple, au niveau de l'enseignement supérieur ou des
cycles inférieurs. Il était question des ministres d'État
du régime français et des secrétaires d'État du
régime britannique.
Mme Blackburn: Je m'inquiète toujours du temps. Il me
reste combien de temps?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je ne sais pas, je
n'en suis pas le gardien, je ne fais que communiquer avec vous.
Mme Blackburn: Cela va.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez- y.
Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous nous avez
parlé du chômage étudiant et cela m'a frappée. Quand
on parle des frais de scolarité, on a tendance, dans cette salle.
à nous rappeler constamment les comparaisons entre l'Ontario et le
Québec pour justifier qu'une hausse des frais de scolarité
n'aurait pas nécessairement d'effet sur l'accessibilité. On sait
qu'il y a des situations qui ne se comparent pas et, si on les compare, cela
nous permet de voir les différences, particulièrement celle du
chômage étudiant. Vous avez des données à l'appui,
si je me souviens, dans votre mémoire. Pourriez-vous nous en parler un
peu, de même que de la situation économique des
étudiants?
Mme Chartier: La situation économique des étudiants
est effectivement, durant la période d'études, très
malsaine, finalement. Les étudiants ont très peu de fonds pour
vivre, ils sont généralement en dessous du seuil de la
pauvreté et doivent vivre avec plusieurs personnes dans des appartements
partagés. C'est pourquoi nous proposons le principe de l'impôt
étudiant payé par les diplômés, une fois qu'ils ont
des revenus.
Pour ce qui est du chômage des diplômés - je crois
que c'est à cet égard que vous posez la question - c'est
effectivement une rumeur qui circule dans la population en
général et qui fait en sorte que l'université perd une
certaine crédibilité auprès de la population. En effet,
les statistiques tes plus pertinentes à cet égard sont
tirées d'une étude effectuée en 1982 par le
ministère de l'Éducation qui indiquait que 19 % des hommes et
16,3 % des femmes retournaient aux études un an et demi après
avoir terminé leur baccalauréat. Donc, on peut constater qu'ils
sont probablement insatisfaits de la qualité du baccalauréat
qu'ils ont obtenu. C'est pourquoi nous croyons qu'il y a une espèce de
crise de crédibilité dans la population. C'est sur cela que nous
nous appuyons.
Mme Courville: Autre source de... Mme Blackburn: Oui.
Mme Courville: Excusez-moi, Mme Blackburn.
Mme Blackburn: Je vous en prie.
Mme Courville: Autre source d'information: on a des chiffres qui
nous sont parvenus d'une étude faite en juillet 1986 qui montre que le
taux de chômage chez les diplômés universitaires est de 18 %
au Québec. Ces chiffres en feraient trembler plusieurs s'ils
étaient connus, c'est-à-dire que le taux de chômage des
jeunes en général est déjà élevé,
mais quand on a un diplôme universitaire et que presque un
cinquième de
cette population chôme, c'est très inquiétant.
Mme Blackburn: Une dernière brève question.
Plusieurs groupes d'étudiants qui sont venus remettent en cause la
permanence des professeurs. Vous en parlez, mais vous proposez une
hypothèse qui m'a semblé intéressante et
différente. Pourriez-vous nous en parler un peu? Je retrouve cela
à votre recommandation 13.
Mme Chartier: D'accord. Comme nous l'avons mentionné dans
la présentation, nous sommes pour la permanence des professeurs car nous
croyons qu'elle permet de protéger la liberté d'expression de
ceux-ci. Mais nous constatons qu'il y a quand même un certain laxisme
dans la tolérance d'un manque de performance de certains professeurs.
 cet effet, pour appuyer nos dires, nous connaissons une étude
d'un étudiant de l'Université de Montréal, Denis Guindon,
sous la direction d'un professeur, André Biais, concernant trois grandes
facultés: sciences économiques, histoire et criminologie. Le
nombre de publications sur une période de six ans dans ces trois
départements pour les professeurs adjoints était de 10,8
recherches par année, alors que, pour les professeurs
agrégés, il était de 5,8 et pour les professeurs
titulaires, de 4,92. Il y a donc un problème. Nous croyons donc
essentiel qu'une évaluation formative puisse être mise dans le
dossier de chacun des professeurs tant au niveau de la pédagogie qu'au
niveau de la recherche et que cette évaluation soit continue tout au
long de leur carrière au sein du corps professoral.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme
Chartier. Je reconnais pour une dernière courte intervention du
côté ministériel le député de Limoilou. Il
faudrait que cela soit assez bref. Merci.
M. Després: Deux petites questions, M. le
Président, précisément sur la permanence des professeurs.
On en parle et on sait que ce n'est pas toujours facile entre le milieu
étudiant et le milieu universitaire de s'entendre sur
l'évaluation des professeurs. Vous proposez que le gouvernement voie
à cette évaluation. Je vaudrais savoir ce que le gouvernement
devrait faire pour que l'évaluation des professeurs soit plus
répandue. Comment le gouvernement devrait-il faire cela?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme
Chartier, Mme Courville ou M. Le Bouyennec.
M. Le Bouyennec: Sur l'évaluation des professeurs, je
pense qu'il devrait y avoir des discussions avec les administrations
universitaires et les professeurs pour qu'il puisse y avoir des incitatifs
à l'excellence pour les professeurs et qu'il puisse y avoir application
de certaines mesures lorsque les critères de rendement qui pourraient
être fixés par l'ensemble de la communauté ne sont pas
respectés. Dans l'étude que mentionnait Mme Chartier qui est une
étude assez volumineuse et que nous pourrions déposer à la
commission, on indique que, dans certains départements de
l'Université de Montréal, par exemple, 68 % des professeurs ne
produisaient aucune publication. Nous trouvons, par rapport à la
position que la Commission jeunesse du Parti libéral a
développée à ce sujet, qu'effectivement il y a un
problème au niveau du rendement des professeurs, mais que remettre en
question la permanence n'est certainement pas la bonne solution et que,
finalement, cela ne réglerait pas nécessairement le
problème.
M. Després: On sait que ta permanence, selon les
conventions collectives, c'est, entre autres, le droit d'un professeur de
demeurer à l'université jusqu'à sa retraite; cela
définit la permanence. Vous, vous êtes pour une évaluation
continue. Cela va servir à quoi de faire une évaluation continue
des professeurs si on ne change pas la définition de la permanence? Si
vous êtes pour une évaluation continue, quelle définition
donnez-vous à la permanence des professeurs? Est-ce qu'elle reste la
même? On fait une évaluation, mais que cela ne change rien.
M. Le Bouyennec: Non, ce n'est peut-être pas cela, le
problème. Il y a certaines évaluations qui sont tout de
même présentes dans les universités, mais il n'a pas de
moyens de les appliquer à certains moments. À ce sujet, on peut
dire que dans le cadre des évaluations, pour nous, la permanence, c'est
que le professeur jouit d'une liberté d'expression à
l'intérieur de l'université et, s'il rencontre certains
critères de rendement qui pourraient être fixés en ce qui a
trait à sa productivité, il est permanent et il demeure
permanent. C'est cela, la permanence pour nous. La permanence pour nous n'est
pas de rester inactif à l'intérieur de l'université. Dans
la mesure où les critères de rendement ne sont pas
rencontrés, pour la permanence, c'est oui et, pour la
sécurité d'emploi, à ce point, c'est non.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup. Je
reconnais maintenant le député d'Anjou et chef de l'Opposition
que j'invite à conclure au nom de sa formation politique.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez de
remercier les représentants du Comité national des jeunes du
Parti québécois d'avoir présenté un mémoire
qui, dans sa facture et par la
qualité de la présentation qui a été faite
par Mme Courville, Mme Chartier et M. Le Bouyennec, démontre combien ce
groupe se refuse à une attitude démagogique devant des enjeux
aussi importants que ceux de l'avenir de l'université et de la
préservation d'une orientation qui nous apparaît fondamentale et
qui est celle de l'accessibilité à la formation
universitaire.
Ces jeunes nous font des remarques et deux suggestions, au-delà
de l'ensemble de ce mémoire qui est fort bien fait, et je suis sûr
que le ministre en prendra connaissance attentivement. Ils nous font
essentiellement deux suggestions particulièrement novatrices. Une
première qui touche un moyen de respecter le principe
d'accessibilité dans un contexte de pénurie de ressources pour
les universités. Ce moyen ne saurait être - nous dit ce
comité et nous sommes évidemment d'accord avec cela - que le
gouvernement non seulement nous dise qu'il s'est trompé en promettant le
gel des frais de scolarité, mais qu'il trompe ceux dont il est
allé chercher le vote à la dernière élection en
augmentant les frais de scolarité. Ils nous disent qu'il faut
concrètement assurer l'accessibilité par un système fiscal
dans lequel l'équité est assurée en fonction des revenus
éventuels des diplômés, dans lequel l'accessibilité
aux études, compte tenu de la situation financière des
étudiants, est assurée et qui permet également
d'introduire des éléments incitatifs en termes de politique de
développement universitaire au 2e et au 3e cycle, ce qui nous
apparaît important. J'espère que le ministre en tiendra compte
d'autant plus qu'il a 600 000 000 $ de marge de manoeuvre - à moins que
cela aussi ne soit disparu avec les promesses libérales - et que les
calculs actuariels fort bien faits, je crois, par ce comité nous
démontrent que ce ne serait qu'une fraction de la marge de manoeuvre
dont dispose le gouvernement ou dont il disait disposer.
Deuxièmement, je crois que ce comité fait une suggestion
extrêmement intéressante. Je me réfère ici à
un article du 25 janvier 1985, rapporté dans le journal Le Devoir, au
moment de la scission des deux ministères et où à
l'époque le critique en matière d'éducation, l'actuel
ministre, disait qu'il préférait une formule où il y
aurait un ministre de l'Éducation et l'équivalent de deux
secrétaires d'État délégués, dans le
système français, ou de deux ministres
délégués, dans notre système, dont un à
l'Enseignement supérieur et universitaire. Ce que propose ce
Comité national des jeunes du Parti québécois, c'est
précisément que l'actuel ministre de l'Éducation
reconnaisse que l'ampleur de ce qu'il y a à faire à la
réforme du financement des universités l'amène à
considérer qu'il doit avoir un ministre délégué
qui, au moins, l'épaule dans cette charge considérable qu'il a
sur les bras. J'aurais aimé entendre le ministre nous dire qu'il
trouvait cette suggestion excellente d'autant plus que je suis sûr qu'il
ne manque pas de candidats ou de gens qui se voient comme des candidats
à ce poste dans la députation libérale.
Je terminerai donc en remerciant le Comité national des jeunes du
Parti québécois et en souhaitant que le ministre, dans une
attitude qui ne serait pas partisane - et il est capable de ne pas
l'être, à l'occasion - envisage...
M. Jolivet: C'est plus difficile.
M. Johnson (Anjou): ...de tenir compte de ces suggestions,
à mon avis, remarquables et d'un mémoire fort bien fait pour
lesquels je me permets de féliciter ces gens que je connais fort bien et
qui sont une magnifique relève.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le chef
de l'Opposition. Je reconnais maintenant le ministre de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: Je voudrais dire au chef de l'Opposition que c'est
parfois très difficile de ne pas être partisan quand il faut
rétablir la vérité.
M. Rochefort: Vous parlez des frais de scolarité?
M. Ryan: Nous l'avons répété à
maintes reprises depuis le début des travaux de la commission, il y a eu
quand même neuf ans d'administration péquiste avant le
gouvernement actuel. Il y a bien des choses qu'on vous entend dire maintenant
et qu'on aurait aimé vous voir réaliser pendant que vous
étiez au pouvoir. Vous n'avez pas pu le faire, non pas parce que vous
étiez de mauvaise foi, mais parce que vous n'aviez pas toujours les
moyens, il y avait tout un conflit de priorités - le chef de
l'Opposition en est parfaitement conscient - quand on arrivait au sommet
où doivent se prendre les décisions. L'éducation avait sa
place qui, dans le secteur universitaire, n'a malheureusement pas
été la meilleure sous le gouvernement précédent,
ainsi qu'en attestent presque tous les témoignages que nous avons
reçus.
Trève de ce genre de remarques. On a évoqué
certaines suggestions qui avaient été faites au moment de la
création fort arbitraire et fort improvisée de deux
ministères par le gouvernement précédent. Nous avons fait
des remarques à cette occasion et nous avons décidé de
commencer avec un ministre. En temps utile, quand le premier ministre jugera
qu'il y a lieu de faire des additions, il pourra les faire. Ces
idées-là n'ont aucunement été mises de
côté,
mais on voulait mettre un peu d'ordre dans le système. Nous
avions insisté énormément sur le principe de
l'unité de direction politique de tout le système d'enseignement.
Je pense que tout le monde se rend compte que c'est en train de se faire. Si
vous en voulez une preuve, cette commission-ci siège depuis
déjà quatre semaines et tous ceux qui ont voulu y être
entendus ont pu l'être; tandis que sous le gouvernement
précédent, après avoir entendu quelques organismes, on a
coupé arbitrairement le souffle à la commission en disant:
Rentrez chez vous, nous savons tout, nous n'avons pas besoin... Quant à
nous, nous écoutons jusqu'à la fin avec respect et nous allons
continuer de le faire.
Je voudrais vous dire que nous avons entendu avec beaucoup
d'intérêt les remarques que vous avez faites ce matin et les
réponses que vous avez apportées aux questions qui vous ont
été adressées. Nous continuerons le dialogue sur ces
sujets qui n'ont été, malheureusement, qu'esquissés. Mais
je voudrais vous dire que, de manière générale - ceux qui
ont suivi les travaux de la commission à la télévision
auront pu s'en rendre compte - le travail se fait dans un esprit de bonne
conscience professionnelle remarquable des deux côtés. Je profite
de l'occasion de la visite du chef de l'Opposition pour lui dire que nous
apprécions beaucoup également la collaboration des
députés de l'Opposition et j'espère qu'ils font de
même pour la collaboration des députés ministériels.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre de l'Éducation. Merci, Mme Courville, Mme Chartier et M. Le
Bouyennec. La commission permanente de l'éducation vous dit merci de
l'effort que vous avez fait pour venir nous rencontrer.
Nous suspendons nos travaux pour quelques minutes, alors que nous
entendrons les Écoles d'administration dans les universités du
Québec.
(Suspension de la séance à 11 h 3)
(Reprise à 11 h 10)
Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission
parlementaire sur l'éducation reprend ses travaux. Nous accueillons les
Écoles d'administration dans les universités du Québec. Le
porte-parole du groupement est M. Jean-Louis Malouin. M. Malouin, boujour et
merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission
parlementaire sur l'éducation de venir nous rencontrer.
M. Malouin, la commission a prévu de vous entendre durant environ
une heure. Il est 11 h 5, c'est donc dire que le tout devrait être
terminé vers 12 heures ou 12 h 5 afin que nous puissions entendre l'INRS
immédiatement après vous.
M. Malouin, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous
accompagnent et enchaîner avec votre présentation.
Écoles d'administration dans les
universités du Québec
M. Malouin (Jean-Louis): Merci, M. le Président. Je
voudrais tout d'abord remercier la commission de nous entendre et de nous
permettre d'exprimer notre opinion sur les recommandations éventuelles
de la commission concernant le financement universitaire.
Permettez-moi de vous présenter les personnes qui sont ici
présentes. Il y a, à mon extrême droite, M. Roger
Héroux, directeur du Département d'administration et
d'économique à l'Université du Québec à
Trois-Rivières.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Héroux,
bonjour.
M. Malouin: À sa gauche, M. André Courtemanche,
directeur du Département des sciences économiques et
administratives de l'Université du Québec à
Chicoutimi.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Courtemanche.
M. Courtemanche (André): Bonjour.
M. Malouin: À ma droite, M. Robert Poupart, directeur du
Département des sciences administratives de l'Université du
Québec à Montréal.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Poupart, bonjour.
M. Poupart (Robert): Bonjour.
M. Malouin: À ma gauche, dans le sens physique
plutôt que figuré, M. Paul Prévost, doyen de ta
Faculté d'administration de l'Université de Sherbrooke.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Prévost,
considérez-vous le bienvenu.
M. Malouin: Vous avez sans doute remarqué que le
mémoire que nous avons déposé ne contient ni introduction
ni conclusion. La lacune est volontaire car nous voulions plutôt
présenter verbalement le contexte des difficultés que rencontrent
nos départements et facultés dans le cadre du financement
universitaire actuel. Aussi, nous voulions que notre mémoire mette
l'accent sur nos recommandations davantage que sur autre chose.
Deux raisons principales motivent notre
présence devant cette commission. Il y a d'abord notre sentiment
de l'incapacité grandissante de nos facultés et
départements à répondre aux besoins de notre milieu
étant donné que le mode de financement actuel enlève toute
marge de manoeuvre à nos universités et ne leur permet pas
d'allouer à nos unités les ressources suffisantes pour que nous
puissions remplir notre mission. Il y a également notre conviction que
le développement économique du Québec passe par un
accroissement des compétences en sciences de l'administration.
Les situations de nos départements et facultés respectifs
ne sont pas identiques. Nous sommes ici pour vous faire part de nos
inquiétudes et pour vous inciter à donner à nos
universités la latitude nécessaire pour qu'elles puissent nous
aider à accomplir notre mission pour le développement
économique du Québec.
La formation en administration nous semble importante pour le
Québec, premièrement, parce que nous croyons fermement que c'est
l'entreprise qui crée la richesse et le développement
économique et, deuxièmement, parce que nous croyons que ce sont
les entrepreneurs et les administrateurs qui font que les entreprises sont
rentables, prospères et efficaces dans l'utilisation de nos richesses
tant humaines que matérielles. Plusieurs recherches démontrent
que le succès des firmes dépend avant tout de la qualité
de leurs administrations. Il est bien entendu qu'un administrateur peut
être formé exclusivement par la pratique, une formation sur le
tas. Mais c'est un processus long, peu efficace et j'imagine
économiquement dangereux. Le processus est plus rapide,
économiquement plus efficace et moins dangereux si ce même
administrateur est formé par le système universitaire. Les
facultés et départements d'administration sont des
éléments essentiels dans ce processus de formation qui serait
autrement beaucoup plus long et beaucoup plus périlleux.
Le Québec compte actuellement une très forte proportion de
sa population active en chômage ou sur le bien-être social.
Certains disent que près de 20 % de la population active du
Québec est présentement sans travail. C'est une statistique
effrayante. Elle est effrayante car c'est une statistique qui représente
des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes: toute une population
qui réclame sa place au soleil. Tous s'entendent pour dire que la
solution à long terme aux problèmes de cette population
nécessite des entreprises en bonne santé, une économie
dynamique, des administrateurs compétents et bien formés et
à qui on a donné les rudiments de la gestion et le goût de
se lancer en affaires. Un des rôles des facultés et
départements d'administration est de former de tels administrateurs et
de tels entrepreneurs. Encore faut-il qu'on nous en donne les moyens.
Aujourd'hui, nous venons vous dire que nos moyens sont maintenant insuffisants,
que la qualité de la formation que nous donnons est en danger et que le
problème risque de s'aggraver si rien n'est fait. Pourquoi nos moyens
sont-il aujourd'hui insuffisants? La réponse à cette question
comporte des éléments à la fois historiques et
conjoncturels.
Le développement des sciences administratives au Québec a
été lié à une conjoncture et à un historique
économique particulièrement difficile. Les sciences
administratives ont connu la plus forte croissance de leurs effectifs
d'étudiants pendant la période d'austérité
financière sans que les ressources humaines et matérielles ne
soient ajustées en conséquence. Les écoles
d'administration n'en ont pas moins continué à développer
leurs programmes pour répondre aux demandes du milieu économique
québécois. Des ajouts aux programmes de certificats
d'études de 1er, de 2e ou de 3e cycle ont été
apportés. Pour l'ensemble des départements et facultés des
sciences administratives du Québec, la croissance des effectifs
étudiants a été de 259 % de 1971 à 1983. Cependant,
la proportion des sommes dévolues aux facultés et
départements d'administration est loin d'égaler la proportion de
leurs activités au sein de leurs universités respectives.
Le financement général des universités au
Québec traverse depuis plusieurs années une période de
crise, particulièrement accentuée depuis 1981. La croissance
importante des clientèles étudiantes, liée à une
réduction considérable des ressources, a fait en sorte que les
subventions de fonctionnement par étudiant en dollars constants
atteignaient en 1985 un niveau inférieur de 29 % à celui de
1978-1979, comparativement à une réduction de 17 % au niveau
collégial et de seulement 4 % aux niveaux primaire et secondaire. Au
cours de la même période, les dépenses de fonctionnement
des universités ontariennes diminuaient de 13 % et celles des
universités québécoises de 25 %.
À la lumière de toutes les études comparatives
menées antérieurement, on observe que le Québec accuse
encore un retard quant au taux de scolarisation universitaire de sa population
par rapport à l'Ontario. Dans le domaine de l'administration, le
Québec a proportionnellement moins d'étudiants au MBA et au Ph.D.
que l'Ontario et notre province produit proportionnellement moins de
diplômés de 1er cycle en administration que sa voisine. Les
efforts collectifs de rattrapage du Québec en matière
d'enseignement universitaire doivent donc se poursuivre. Toutefois, la
politique d'accessibilité devrait s'assurer que les
clientèles additionnelles soient financées à leur
coût réel, ce qui n'a pas été le cas pour les
sciences administratives.
Compte tenu de la conjoncture économique qui a accompagné
l'augmentation des clientèles étudiantes en sciences de
l'administration, de la croissance prévisible de ces clientèles
dans le futur et du retard que le Québec semble accuser sur l'Ontario,
les départements et facultés des sciences administratives ici
représentés demandent à la commission parlementaire de
l'éducation qu'une étude sectorielle soit menée visant
à éclairer les inéquités intersectorielles et les
préjudices causés au développement du secteur de la
gestion au sein des universités québécoises et qu'une
opération de rattrapage au niveau des ressources humaines et
matérielles soit entreprise.
En 1983, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie, ou le ministère de l'Éducation
créait onze secteurs disciplinaires de financement et suggérait
de financer à 100 % les nouveaux étudiants des secteurs dits du
virage technologique et à 75 % les autres. Depuis, certaines
considérations politiques et budgétaires n'ont pas permis au
ministre d'appliquer les nouvelles règles proposées et les
clientèles additionnelles ont été financées bien en
dessous de ce qui avait été suggéré. Par ailleurs,
on peut se questionner sur le modèle proposé qui, tout en
rattachant les sciences administratives au secteur du virage technologique,
suggérait pour l'administration un financement par exemple de 33 %
inférieur è celui des lettres.
L'analyse des plans de développement de l'Université du
Québec, de Laval et de Sherbrooke suggère de gérer
l'inégalité des croissances sectorielles par un
redéploiement des ressources, entre autres vers les sciences
administratives. Les difficultés d'ajustement des ressources que
connaissent encore et toujours les départements et facultés des
sciences administratives démontrent que la structure actuelle des
universités ne permet pas aussi facilement un transfert des ressources
d'une discipline à une autre, surtout en période de compressions
budgétaires.
En conséquence, comme deuxième recommandation, nous
suggérons que le secteur des sciences administratives soit
considéré comme prioritaire dans l'attribution du financement aux
universités, et que soient élaborées des politiques de
fixation du coût moyen disciplinaire qui tiennent compte de
l'évolution récente des clientèles en administration et
des politiques qui soient assorties de mécanismes favorisant l'injection
sélective de ressources de rattrapage afin que cet effort de rattrapage
ne soit pas dilué dans la péréquation actuelle des
universités. Ces mécanismes devraient être incitatifs, de
façon à respecter le principe de non-ingérence
gouvernementale dans la gestion interne des universités.
Les facultés et départements d'administration font un
usage qui nous semble abusif des chargés de cours à cause d'une
pénurie de professeurs permanents et font face à un manque de
personnel de soutien et professionnel qui réduit encore plus le nombre
de professeurs permanents disponibles pour l'enseignement. Nous voudrions
expliquer certaines des causes et des conséquences de cette situation.
La situation est différente dans chacune des universités mais je
pense que l'image globale peut être la même. Le
développement récent du secteur des sciences administratives fait
en sorte qu'un très petit nombre de nouveaux détenteurs de
doctorat en sciences administratives est produit à chaque année
au Canada. Ainsi, pour une demande canadienne actuelle d'au moins 200
professeurs en sciences de l'administration, on observe une production annuelle
canadienne de 25 Ph.D. dont cinq ou six seulement viennent du Québec. En
fait, de 1975 à 1935, la faculté d'administration de
l'Université Laval a produit 30 % de tous les Ph.D. en administration
que les universités canadiennes produisaient durant cette
période. Donc, nos efforts ont été importants mais, je
pense, insuffisants.
Le problème réel se situe au niveau des mécanismes
d'incitation propres à assurer la formation et l'engagement d'un corps
professoral plus qualifié, mécanisme dont nous recommandons la
mise sur pied ou l'amplification, et au niveau de l'injection sélective
de postes de professeurs en sciences administratives pour corriger Je ratio
professeurs-chargés de cours qui y est le plus faible.
Partout au Québec, l'enseignement de 1er cycle en sciences de
l'administration fait appel à un nombre disproportionné de
chargés de cours. Par exemple, 74 % des charges d'enseignement sont
dispensées par des professeurs vacataires au Département des
sciences administratives de l'Université du Québec à
Montréal; 73,6 % le sont à la Faculté d'administration de
Sherbrooke. Ces proportions alarmantes sont la conséquence directe du
sous-financement universitaire.
Les départements et facultés des sciences administratives
courent le risque de voir déqualifier leur enseignement. En effet, le
recours systématique à des chargés de cours n'est pas une
panacée au problème de ressources humaines. Les chargés de
cours sont généralement moins qualifiés
académiquement, ne sont pas disponibles pour encadrer les
étudiants, d'où une surcharge très importante pour les
professeurs réguliers. En fait, la présence de chargés de
cours ne donne que l'illusion d'avoir des ressources professorales suffisantes.
 mesure
que l'on fait appel à des chargés de cours plutôt
que d'engager un professeur régulier au sein d'une équipe
disciplinaire, on contribue à diminuer les activités de recherche
et on réduit le service offert à nos étudiants. Il est
même probable que plusieurs finissants en 1er cycle en administration au
Québec obtiennent leur baccalauréat sans avoir suivi un seul
cours par un professeur régulier.
L'attribution du personnel professionnel et de soutien est, dans la
majorité des universités, fortement influencée par le
nombre de professeurs plutôt que par le nombre de charges d'enseignement.
Cette politique implique que plusieurs professeurs en sciences administratives
doivent être dégrevés de charges d'enseignement pour
occuper des postes à caractère administratif ou de coordination.
On en comprendra facilement la nécessité quand on pense que dans
certains cas les professeurs ont à coordonner 30, 40 ou 50
chargés de cours donnant le même cours à des groupes de 50,
60 ou 70 étudiants.
Nous formulons donc une troisième recommandation afin que des
mécanismes incitatifs soient mis en place pour que des ressources
additionnelles de personnel professionnel et de soutien soient
attribuées de façon sélective aux départements et
facultés des sciences administratives par leurs universités
respectives et que des mécanismes d'incitation soient mis en place pour
favoriser la formation et l'embauche de professeurs détenteurs de
doctorat en administration.
La démonstration de l'implication des secteurs des sciences de
l'administration au milieu des affaires et à l'entreprise privée
n'est plus à faire. Par ailleurs, la nécessité s'impose de
recourir à des sources de financement externe pour le
développement de la recherche et la diversification de l'enseignement en
fonction des demandes du marché. De par leur structure actuelle, les
départements et facultés d'administration ne disposent d'aucun
contrôle sur les subventions externes administrées par les
fondations institutionnelles.
Ceci nous amène à formuler une quatrième
recommandation qui est facile à appliquer et dont les effets à
long terme pourraient être importants. Il est recommandé que la
commission crée pour les départements et facultés des
sciences administratives une fondation conjointe qui permette aux entreprises
de financer directement les secteurs de leur choix. Cette fondation,
administrée par les doyens et directeurs de facultés et
départements, permettra à ceux-ci de s'assurer que le
développement des sciences administratives se fait en fonction des
priorités propres à cette discipline.
Considérant que les frais de scolarité sont gelés
au Québec depuis plus de quinze ans, qu'ils sont deux fois plus
élevés en Ontario et dans les autres provinces canadiennes, les
départements et facultés des sciences administratives ici
représentés souscrivent au consensus général qui
semble s'observer quant à la modification des frais de scolarité.
Nous émettons toutefois deux réserves. Premièrement, que
le principe d'accessibilité aux études universitaires ne soit pas
compromis et que, par exemple, le programme de prêts et de bourses
permette aux étudiants qui connaissent des difficultés
financières de poursuivre leurs études. Deuxièmement, que
des mécanismes soient mis en place afin que des revenus
supplémentaires soient acheminés aux départements et
facultés qui les génèrent afin que ces revenus puissent
améliorer la qualité de la formation offerte à leurs
étudiants.
La mission et le développement des universités et,
surtout, des départements et des facultés d'administration se
trouvent compromis par les iniquités structurelles soulevées dans
le présent mémoire. Bien que des efforts considérables
aient été effectués pour faire face à une
croissance de clientèle financée à un moindre coût
avec des ressources minimales en période d'austérité, nous
sommes certains que la poursuite d'un tel mode de développement
entraînera, à court terme, une déqualification de
l'enseignement, une démobilisation des ressources en place et un
affaiblissement de la qualité concurrentielle du Québec en
matière de gestion. La situation des sciences administratives au
Québec pourrait être améliorée par une
révision globale des modes de financement et l'attribution des
ressources au sein des universités. Toutefois, nous recommandons, en
sixième lieu, advenant le cas où les rigidités et les
lourdeurs administratives des universités retardent la révision
de leur mode de redistribution des ressources, que soit alors envisagée
sérieusement la création d'écoles de gestion autonome de
façon à permettre le développement et la croissance des
sciences administratives au Québec.
Au nom de mes collègues des autres départements et
facultés des sciences de l'administration, je viens de vous faire part
des recommandations que nous formulons à la commission dans le but de
nous permettre de mieux aider au développement économique du
Québec. Chacune de ces recommandations a été
formulée afin de respecter le principe de la non-ingérence du
gouvernement dans le processus d'allocation budgétaire interne aux
universités. C'est pourquoi ces recommandations suggèrent des
mécanismes incitatifs afin que les universités voient leurs
intérêts à favoriser le développement des sciences
de l'administration. Il nous est difficile de reprocher à nos
universités respectives de ne pas avoir pu favoriser
davantage te développement de nos départements et de nos
facultés.
Les contraintes financières auxquelles elles font face, la
lenteur des ajustements en ressources humaines qui les confrontent et
l'insécurité budgétaire qui a caractérisé
les dernières années ont limité leurs marges de manoeuvre.
Cependant, nous croyons que le développement des expertises en sciences
de l'administration est primordial pour l'avenir du Québec et qu'en
conséquence le gouvernement de la province devrait prendre toutes les
mesures nécessaires pour que les départements et facultés
d'administration se voient dotés des moyens requis pour accomplir leur
mission. Mes collègues et moi-même sommes maintenant à
votre disposition pour échanger avec vous sur le contenu de notre
mémoire ou sur tout autre sujet que vous jugeriez approprié. Je
vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
Maiouin. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur
et de la Science.
M. Ryan: M. Malouin, messieurs tes membres de la
délégation, il me fait grand plaisir de vous souhaiter la
bienvenue à notre commission parlementaire au nom des
députés du groupe ministériel. Nous sommes heureux de vous
rencontrer et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que le secteur que
vous représentez est à certains égards le plus important
dans tout le monde universitaire. Je regardais les statistiques que nous avons
compilées en préparation des travaux de la commission et sur
l'ensemble des inscriptions dans nos universités, celles qui sont faites
dans les écoles de sciences de l'administration vont chercher 28 % du
total. Cela aussi bien aux 2e et 3e cycles qu'au 1er cycle. Ce n'est pas
négligeable. C'est vraiment un développement
phénoménal quand on considère qu'il y a une vingtaine
d'années nous accusions des retards considérables dans ce
secteur. Je pense que nous avons fait un rattrapage spectaculaire.
Les travaux de la présente commission nous permettent de vous
rendre hommage. C'est vous autres qui en êtes les responsables
aujourd'hui. Vous occupez une place tellement importante dans nos
établissements universitaires que je regretterais personnellement que
l'on fût réduit tôt ou tard à se rabattre sur la
dernière de vos propositions, celle qui tendrait à vous donner un
statut plus ou moins séparé à l'intérieur de nos
établissements universitaires. Je pense que l'ensemble de notre
réseau en serait profondément affecté. Je pense que nos
écoles de sciences administratives pourraient probablement s'en tirer
fort bien. Pour l'équilibre de l'ensemble du réseau, je pense que
ce serait une perspective qui pourrait comporter des aspects négatifs
assez nombreux. Je suis content que vous l'ayez présentée
seulement à l'état de dernier recours. Je n'ai pas l'esprit
fermé à ce sujet, mais mon préjugé initial va
plutôt dans le sens du maintien d'une certaine unité dans notre
réseau. Encore une fois, je vous sais gré d'avoir
présenté vos vues sur ce point particulier avec beaucoup de
modération.
J'ai senti; cependant, dans ce que vous avez dit à ce sujet qu'il
y a des problèmes. On est intéressé à les
connaître avec vous. Je vais vous interroger brièvement
là-dessus tantôt, mais avant je voudrais faire une couple de
remarques additionnelles. Je crois que le travail qui s'accomplit dans nos
facultés, écoles ou départements de sciences de
l'administration nous permet de combler un retard historique qui nous a nui
énormément au point de vue économique, nous permet
d'envisager le renforcement progressif de nos entreprises. On le sent. Les
entreprises qui se mettent à l'école des méthodes modernes
de gestion sont beaucoup plus aptes à faire face au défi de la
concurrence surtout dans le monde de perturbation extrêmement rapide
où nos entreprises sont appelées à évoluer. (11 h
30)
Je pense aussi que vous avez beaucoup contribué au rapprochement
de l'université, de l'enseignement universitaire et de la vie
économique où il y avait une coupure qu'on déplorait dans
un grande nombre de secteurs, laquelle existe encore dans bien des secteurs.
Dans le secteur que vous représentez, je pense que ce divorce a
été largement comblé par le fait que vous fonctionnez dans
un climat de collaboration, même de symbiose dans certains cas, beaucoup
plus prononcé avec le monde de l'entreprise.
Parmi les problèmes qui nous viennent à l'esprit - il y en
a plusieurs, mais on a peu de temps - il y en a deux sur lesquels je voudrais
vous interroger. Tout d'abord, je voudrais vous demander si vous avez
signalé le sous-financement, en particulier, dans votre secteur.
J'examinais les chiffres que nous utilisons pour établir le montant des
subventions distribuées aux universités. C'est vrai que pour le
secteur des sciences administratives on part de normes qui sont très
basses, inférieures à celles qui prévalent pour le secteur
des lettres, même si on sait que le secteur des lettres est
défavorisé par rapport à d'autres aussi. Le secteur des
sciences administratives est encore en deçà des secteurs du droit
et des sciences humaines. La différence est assez notable pour qu'il y
ait un problème véritable. Je concède avec vous, au
départ, que c'est une des choses que nous devons examiner. Soyez
assuré que dans l'établissement d'une nouvelle formule de
financement, ce facteur fera l'objet d'une attention toute spéciale
de
ma part.
Cela étant, je voudrais vous demander si vous avez l'impression,
à l'intérieur des établissements universitaires où
vous oeuvrez, que vous êtes traités équitablement dans le
partage des ressources ou s'il y aurait un nouveau coefficient
d'inégalité ou d'iniquité qui viendrait s'ajouter à
celui qui dirige les règles budgétaires du gouvernement.
M. Héroux (Roger): Je pense que c'est assez difficile de
répondre. Il y a un certain nombre de chiffres. Comme notre secteur, qui
représente 28 % de la clientèle, est le secteur le plus
important, c'est plus facile d'aller y chercher des ressources pour combler les
déficits budgétaires. Je vous donnerai simplement quelques
chiffres. Par exemple, sur un budget de 43 000 000 $ de l'Université du
Québec à Trois-Rivières, il y a 24 631 000 $ qui font
partie de la marge variable et qui sont donnés pour la gérance
des départements. Si je prends le secteur des sciences administratives,
notre budget de 1 996 000 $ représente environ 8 % du budget total de
l'université. Si on regarde les activités assumées par le
département, cela représente environ 27 % à 28 %.
Si je regarde en tant que directeur, il y a au département,
presque 2 000 000 $ de budget opérationnel. Il y a toute la masse des
salaires des professeurs sur laquelle on n'a aucun contrôle. Si, par
exemple, dans une décision administrative, un professeur demande un
congé sans solde et qu'on est obligé de le remplacer, on n'a pas
cette masse budgétaire, elle retourne dans la masse d'ensemble. À
toutes fins utiles, en 1985-1986, le directeur de département, pour
gérer 14 000 activités étudiantes, a un pouvoir
décisionnel d'environ 50 000 $. C'est très difficile de faire une
saine gestion, M. le ministre, à l'intérieur de cela.
Je voudrais profiter de l'occasion pour attirer votre attention sur le
fait que le problème exposé est le problème
général des écoles d'administration au Québec. Je
voudrais vous faire remarquer qu'en régions il est encore plus crucial.
Quand vous sortez des grands centres comme Montréal et Québec,
les spécialistes dans les sciences administratives ne sont pas aussi
présents. Lorsque vous avez à gérer un certain nombre
d'activités de cours avec un ratio aussi bas, à
Trois-Rivières, que 25 % par des professeurs à temps complet, le
recrutement de ressources doit sortir de nos régions. Si nous
considérons avoir besoin de ressources spécialisées, nous
irons les recruter à Montréal ou à Québec. Donc,
cela amplifie cette dimension de la problématique de gérance de
nos activités d'enseignement, d'abord, par la rareté des
ressources et par la possibilité de recruter de nouvelles ressources
à des coûts de beaucoup supérieurs.
M. Poupart: Je voudrais également répondre à
cette question pour compléter l'intervention de mon collègue. Je
voudrais d'abord vous remercier d'avoir constaté le problème de
financement de base qu'on observe dans tous les départements et
facultés d'administration. Je voudrais vous dire qu'effectivement il y a
un problème de ressources, de financement à la base et je suis
très content de vous entendre dire que vous entendez porter une
attention particulière à ce problème.
Il y a une deuxième dimension du problème qu'il faudrait
considérer, à mon sens, et une troisième. La
deuxième dimension d'abord, c'est qu'il y a un retard accumulé
qu'il faut combler. C'est le sens d'une de nos recommandations: le
développement des sciences administratives s'est fait dans une situation
économique difficile. II s'est fait au moment des compressions
budgétaires, ce qui fait que l'ajout de ressources n'a pas pu suivre la
courbe d'augmentation de la productivité et de la performance des
écoles d'administration. Il y a donc une opération de rattrapage
à faire qui va au-delà des questions de ressources de base.
La troisième dimension, pour ma part, je pense que nos
universités ont fait la preuve qu'elles ne pouvaient pas - c'est
là une question de structures - distribuer les ressources qu'elles
possédaient dans leurs structures actuelles et en fonction de leurs
mécanismes de décision actuels, qu'elles ne pouvaient pas
affecter les ressources là où elles devaient aller, compte tenu
du développement des secteurs et compte tenu des besoins
économiques de la société québécoise. Je
pense donc que, oui, il y a une question de ressources qu'il faut
régler; oui, il y a une question de rattrapage à laquelle il faut
s'attaquer qui est particulièrement criante dans le cas des ressources
professorales, qui est criante aussi dans le cas des espaces, dans le cas des
ressources professionnelles et des personnels de soutien. Mais il y a aussi une
question de structures à laquelle il faut voir. Les mécanismes de
décision actuels n'ont pas permis que les sommes d'argent aillent
là où elles auraient dû aller.
Je voudrais revenir sur vos commentaires concernant la sixième
recommandation de notre rapport. Je suis tout à fait d'accord avec votre
position, M. le ministre. C'est la raison pour laquelle nous ne parlons pas
d'écoles autonomes au sens où les écoles seraient exclues
du système universitaire. Nous parlons, au contraire, d'écoles
qui seraient affiliées au système universitaire. Mais ce que nous
introduisons, c'est qu'étant donné que les structures actuelles
des universités ont démontré que la
péréquation intra-institutionnelle ne pouvait pas rendre
justice
aux différents secteurs il faut, à défaut de
pouvoir introduire des mécanismes de péréquation
réalistes, faire en sorte que cette péréquation devienne
systémique.
M. Ryan: M. Poupart, je ne veux pas chercher à mettre de
la dissension dans les rangs de votre délégation, mais je
comprends très bien...
M. Poupart: ...délégation.
M. Ryan: Étant donné le bruit qu'ont fait les
problèmes des sciences administratives à l'UQAM ces derniers
temps, je comprends très bien la position que vous énoncez mais
je veux m'assurer que c'est une position qui est partagée par vos
collègues.
M. Héroux: M. le ministre, à ce sujet, je peux vous
dire que c'est une demande que nous faisons, dans notre constituante, depuis
environ une dizaine d'années. Notre département a
présenté un plan triennal 1983-1986 et déjà nous
avons fait cette demande de révision des structures administratives
à l'intérieur de notre constituante. Je pense que cette
problématique est encore plus "majeure" dans le cadre de
l'Université du Québec, parce qu'on a une double structure.
M. Courtemanche: Je vais parler pour une petite université
dans une région. Vous savez, les universités en régions
peuvent avoir la prétention d'offrir tous les programmes qui sont
offerts dans les grandes universités - j'aurais dû dire
plutôt certains administrateurs - mais, malheureusement, le
ministère de l'Éducation ne partage peut-être pas cette
idée. Donc, il ne finance pas tous les programmes. En
conséquence, si les administrateurs en question ont la prétention
de maintenir ces programmes, ils doivent puiser les fonds dans d'autres
secteurs. C'est là que joue le phénomène de
péréquation. Donc, on puise dans les fonds pour lancer d'autres
programmes. En ce qui me concerne, je pense qu'il n'y a absolument rien de
déshonorant dans le fait d'être une petite université et
d'exceller dans certains secteurs. Mais, de là à souffrir de
mégalomanie et de vouloir offrir toutes les disciplines, cela me semble
difficile à accepter.
M. Ryan: Une dernière question. Oui?
M. Poupart: Je voudrais rajouter une précision, M. le
ministre. Vous avez parfaitement raison de dire qu'il y a certaines
institutions qui ont fait plus de bruit que d'autres. Par ailleurs, je voudrais
souligner que le problème du développement des sciences
administratives n'est pas seulement un problème relié à
l'UQAM; c'est un problème général. Mes collègues y
ont fait écho. Je voudrais simplement vous donner un symptôme
supplémentaire. Dans le plan triennal de développement de
l'Université du Québec, lequel a été
déposé à la dernière assemblée des
gouverneurs, il n'y avait pas une ligne qui traitait du développement
des sciences administratives dans le réseau de l'Université du
Québec. Ce n'est pas seulement un problème de l'UQAM, c'est un
problème québécois, c'est un problème national
qu'il faudra résoudre.
M. Prévost (Paul): J'aimerais ajouter le point de vue de
l'Université de Sherbrooke sur le point 6. Évidemment, je connais
bien la problématique de mes collègues de l'Université du
Québec, qui sont dans une structure plus centralisée. À
l'Université de Sherbrooke, où on a une structure falcutaire, il
y a déjà une certaine autonomie qui est attribuée aux
différents champs disciplinaires. Alors, il est sûr que cela donne
une certaine marge de manoeuvre à l'école de gestion. Mais il est
évident que, comme ailleurs, nous vivons les mêmes types de
problèmes que l'ensemble du réseau et, tel qu'exprimé dans
le point 6, si, pour différentes raisons de résistance
structurelle et d'inertie bureaucratique, il est impossible de nous attribuer
les ressources de rattrapage dont on a besoin et d'assurer le
développement des sciences administratives, nous gommes d'accord pour
réviser les structures des universités telles que nous les
connaissons de façon à créer des écoles de gestion.
Alors, pour nous c'est une situation de dernier recours; on espère
pouvoir faire des choses avant de se rendre à ce point. Cependant, nous
sommes ouverts au développement des sciences de l'administration et
disposés à offrir le meilleur des services à nos
étudiants et à la société
québécoise.
M. Malouin: M. le ministre, en réponse à votre
question, je pense qu'il y a probablement une différence qu'on peut
observer entre le réseau de l'Université du Québec et les
autres universités en ce qui concerne le désir
d'indépendance des diverses facultés ou des divers
départements. C'est peut-être normal, étant donné
que c'est une structure différente dans les deux cas. Pour ce qui est de
l'Université Laval, je crois que la façon dont le mémoire
a été présenté représente probablement la
façon dont la faculté fonctionne. 11 y a certains avantages
è être à l'intérieur d'une université - ce
n'est pas seulement négatif - et il y a également certains
désavantages. Il y a un paquet de services qu'on peut partager mais il y
a également un paquet de revenus qu'on peut partager; c'est parfois
davantage des coûts que des revenus. Je crois que la situation
financière de la faculté à l'Université Laval est
probablement due à des causes
historiques avant tout. Ou fait que la croissance est devenue
extrêmement rapide à un moment donné et du fait que des
professeurs n'existaient pas sur le marché, la faculté aété obligée d'engager plusieurs chargés de
cours, et actuellement nous sommes débordés. C'est probablement
la grande difficulté que nous rencontrons- II y a des efforts
énormes qui ont été faits, je dois dire, par
l'Université Laval, et par certaines autres universités
également, pour faire en sorte que ce problème soit
corrigé. Je dois les en remercier. Cependant, je crois, que ces efforts
ont été insuffisants et la raison est simplement que les sommes
d'argent dont ils disposent ne sont pas suffisantes pour le faire.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup. Je
passerai maintenant la parole à Mme la députée de
Chicoutimi, porte-parole de l'Opposition.
Mme Blackburn: M. le Président, M. Malouin et messieurs de
la délégation des départements et facultés des
sciences administratives, au nom de l'Opposition cela me fait plaisir de vous
accueillir à cette commission. Sous-estimer la part importante des
sciences administratives dans le développement du Québec, cela ne
se fait plus beaucoup. Les gens reconnaissent qu'effectivement la
capacité de se développer est beaucoup reliée à la
compétence des personnes qui gèrent et administrent à la
fois nos entreprises publiques et privées. Ce qui m'a frappé dans
la lecture de votre mémoire c'est qu'il y a des similitudes très
grandes, quelles que soient les universités. C'est probablement ce qui a
le plus retenu mon attention. Donc, c'est un problème relié aux
sciences administratives.
À la limite vous souhaiteriez des écoles d'administration
en vous disant que ce n'est pas vraiment possible. Par ailleurs, vous
réclamez, il m'a semblé, une intervention de l'État.
J'allais dire que généralement les administrateurs n'ont pas
beaucoup tendance à privilégier ce genre d'intervention de
l'État; ce serait plutôt le contraire. Je dirais que cela est un
peu ce qui m'a étonnée dans votre mémoire. (11 h 45)
J'ai trois ou quatre questions et je vais y passer immédiatement.
C'est beaucoup plus une question d'éclaircissement et d'information.
À la page 5 de votre mémoire, vous recommandez - le ministre ne
l'a pas relevé, je trouvais que la demande était
intéressante - qu'il y ait une étude sectorielle. Comme on sait
que le Conseil des universités fait des études sectorielles, on
peut penser que c'est une demande qu'on pourrait assez facilement
agréer, selon les priorités que te ministre pourrait se
donner.
Je trouve que ce serait une façon de mieux cerner les
problèmes des sciences administratives.
À la fin du même paragraphe, vous demandez en même
temps qu'une opération de rattrapage au niveau des ressources humaines
et matérielles soit entreprise. Comme vous êtes dans des
départements de sciences administratives, avez-vous évalué
ce qu'il vous manquerait pour faire ce rattrapage?
M. Malouin: Les chiffres qui ont été
mentionnés tout à l'heure sont probablement
révélateurs. On a dit que 28 % des étudiants
étaient en administration et on prétend que c'est à peu
près 5 % ou 10 % des budgets; cela peut vous donner une idée de
l'ordre de grandeur que nous avons. La taille moyenne des groupes que nous
avons dans nos facultés est généralement dans la partie
supérieure de la taille des groupes dans les universités. Au 1er
cycle, c'est 75 % de nos enseignements qui sont donnés par des
chargés de cours. Cela représente beaucoup de professeurs
nouveaux. Je dois dire que ces professeurs n'existent pas sur le marché
actuellement, donc il va falloir les former, ce qui veut dire qu'il va falloir
solidifier nos programmes de doctorat, nos programmes de maîtrise pour
que, dans cinq ou dix ans, nous ayons les professeurs dont nous avons besoin.
C'est un problème qui ne peut s'améliorer que très
lentement et pour lequel les politiques doivent être continues et ne
peuvent changer continuellement. Je ne sais pas si mes collègues ont
certaines autres données là-dessus.
M. Poupart: Je voudrais préciser qu'effectivement nous
avons présenté des demandes très claires de plans
d'effectifs, de plans de développement du corps professoral et de plans
de développement et d'expansion pour des espaces. Nous les avons
présentées aux autorités concernées. Je ne voudrais
pas ici commencer à débattre de chiffres, de mètres
carrés, de nombre d'assistants et d'assistantes, etc. Je ne pense pas
que ce soit le lieu. Je voudrais simplement préciser, Mme la
députée de Chicoutimi, qu'il s'agit là de demandes qui
permettraient aux écoles d'administration de s'ajuster à des
standards qui sont non seulement des standards d'équité par
rapport à la distribution interne des ressources des différentes
universités de la province de Québec, mais qui devraient aussi
leur permettre de s'ajuster à des standards internationaux, de
qualité, de performance et d'intégrité.
Mme Blackburn: En page 7, et cela transparaît dans les
différentes parties de votre mémoire, vous dites: "Les
difficultés d'ajustement des ressources que connaissent encore et
toujours les départements et
facultés des sciences administratives démontrent que la
structure actuelle des universités ne permet pas aussi facilement un
transfert des ressources d'une discipline à une autre surtout en
période de compressions des dépenses." Vous revenez à des
difficultés qui sont d'ordre structurel. Je pensais, comme le disait le
ministre, au département qui a fait le plus de bruit à l'UQAM. Je
demanderais à M. Poupart si on ne peut pas envisager de réussir
à l'interne certaines modifications qui permettraient à la fois
un meilleur partage des ressources et à la fois, aux départements
et aux facultés, d'avoir des rapports plus étroits entre
l'entreprise privée et le département.
M. Poupart: Je vaudrais répondre à votre question
de deux façons. D'abord, s'il est possible de le faire à
l'intérieur des universités - je pense que c'est ce que nous
réclamons depuis dix ans - et, si la preuve doit être faite, elle
doit l'être par ceux qui sont les responsables au premier chef des
structures universitaires. Pour autant que nous sommes concernés,
après l'avoir demandé pendant dix ans, après s'être
battus à toutes les instances de l'Université du Québec
à Montréal, on est obligé de constater que, apparemment,
ce n'est pas possible. Ceux qui sont arrivés à cette conclusion,
Mme la députée de Chicoutimi, ne sont pas des extrémistes,
ne sont pas des gens pour lesquels il est facile de se présenter sur la
place publique. C'est une assemblée départementale
complète, une assemblée unanime de professeurs qui se sont
posé la question; ce sont des gens posés, des scientifiques qui,
après avoir essayé pendant dix ans, sont obligés de tirer
les conclusions qui s'imposent.
Mme Blackburn: En page douze de votre mémoire, votre
quatrième recommandation demande de vous donner des mécanismes
qui permettent une relation plus étroite entre l'entreprise
privée et les départements. Au dernier paragraphe, vous dites:
"II est recommandé que la commission crée, pour les
départements et facultés des sciences administratives, une
fondation conjointe et distincte qui permette aux entreprises de financer
directement le secteur de leur choix." À quelle commission
pensez-vous?
M. Poupart: Je m'excuse, vous parlez de la...
Mme Blackburn: Voulez-vous dire à cette commission-ci?
Vous dites: "II est recommandé que la commission crée, pour les
départements..." Â quelle commission pensiez-vous?
M. Poupart: Nous pensons à cette commission-ci, Mme
Blackburn. Il faut se rendre compte que les mécanismes de levée
de fonds des universités sont à l'heure actuelle des
mécanismes de levée de fonds centralisés. Il faut aussi se
rendre compte que, particulièrement dans le cas de l'UQAM, la
répartition de ces fonds relève du pouvoir discrétionnaire
des administrateurs les plus élevés de l'université. En
même temps qu'on est obligé de constater cette situation, nous
sommes obligés de constater que, pendant que les sciences
administratives servent de fer de lance à ces campagnes de financement,
les facultés et départements de sciences administratives n'ont
pas leur part du gâteau pour ce qui est des financements
générés.
Donc, on est obligé de constater que, si nous voulons que ces
fonds se répartissent également, ce sera le marché qui
devra décider. Nous faisons l'hypothèse que le marché se
segmente et nous faisons l'hypothèse que les gens qui veulent donner aux
sciences administratives doivent pouvoir le faire et ceux qui veulent donner
à d'autres secteurs doivent pouvoir le faire aussi. Non seulement
doivent-ils pouvoir exprimer clairement leur volonté et leurs
intentions, mais il faut aussi qu'à cette fin les départements de
sciences administratives puissent bénéficier eux-mêmes des
mécanismes qui leur permettront une sollicitation directe.
Mme Blackburn: Ce que je comprends dans votre intervention, c'est
que la fondation est gérée par une structure probablement
autonome, mais où l'université est aussi partie prenante, et la
répartition des ressources ne se fait pas au prorata des
étudiants ou selon la taille des départements. Par ailleurs, il
n'y a rien qui vous empêche actuellement, comme département, de
demander la collaboration d'entreprise, pour des projets de recherche, par
exemple. Il me semble qu'il y a deux choses. Est-ce que je me trompe
là-dedans? H y a la levée de fonds générale et
ensuite les fonds de recherche, les contrats de recherche. Est-ce que je me
trompe?
M. Poupart: II n'y a rien qui nous empêche de le faire,
sauf que nous n'avons pas les ressources pour le faire, que nous n'avons pas
les mécanismes pour le faire. Ce qu'on demande, c'est tout simplement
qu'on nous donne les mécanismes pour nous permettre de le faire.
Mme Blackbum: Pour mon information, l'école des hautes
études c'est une école affiliée qui a beaucoup plus
d'autonomie. Quel est le pourcentage? Est-ce que l'école a une
fondation?
M. Poupart: Oui, l'école des HEC a une
fondation. Elle a lancé cette année sa campagne de
financement. Mes collègues de l'École des hautes études
commerciales présenteront leur mémoire cet après-midi.
J'imagine que vous pourrez leur poser des questions plus précises
à cet effet.
Mme Blackburn; C'était juste parce que je voulais toucher
à un autre volet. Compte tenu de la structure qui est la leur, est-ce
qu'ils vont davantage chercher des contrats de recherche que vos
départements?
M. Poupart: Tout à fait.
Mme Blackburn: Essentiellement, c'était... Il me reste
encore...
Le Président (M. Parent, Sauvé): II est 11 h 55,
libre à vous.
Mme Blackburn: Vous avez fait...
M. Poupart: Madame, s'il vous plaît, mon collègue,
M. Courtemanche, voudrait aussi...
M. Courtemanche: Lorsqu'on pose la question à M. Poupart,
de l'UQAM, j'aimerais apporter un éclaircissement. Je me demande si la
situation qui prévaut à l'UQAM est si différente de celle
qui prévaut dans les autres universités. À preuve, je
vois, dans une université que vous connaissez très bien
d'ailleurs, que la fondation vient de faire la répartition annuelle de
ses fonds. Pour un département qui comprend environ 40 % de ta
clientèle, les fonds distribués pour la recherche ont
été de 3,3 %.
M. Poupart: Pour la recherche en sciences administratives.
M. Courtemanche: En sciences administratives.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Malouin.
M. Malouin: Je pense qu'il faut faire une différence,
cependant, entre les fonds souscrits d'une façon générale
par les entreprises aux fondations universitaires actuelles pour les
levées de fonds ou campagnes de souscription et ceux qui sont des
contrats de recherche où des sommes sont données pour des fins
spécifiques et des fins universitaires généralement.
Autant aux HEC qu'à Laval, qu'à Sherbrooke ou dans les
autres constituantes de l'Université du Québec, il y a des
contrats de recherche accordés à des groupes d'individus ou
à l'institution même. Évidemment, ces sommes passent, dans
la majorité des cas, par les universités étant
donné que les facultés ou les départements ne sont pas des
entités juridiques. Donc, elles doivent contracter à
l'extérieur mais par l'université. Cependant, il suffit que des
professeurs soient relativement dynamiques pour réussir à
convaincre une entreprise que ce qu'ils font est intéressant et
agréable pour faire en sorte que ces sommes proviennent à leur
faculté. Cela existe à Laval et ailleurs aussi je pense, sauf que
la visibilité que cela peut avoir, je pense, pourrait... Nous disons
qu'il y a moyen de faire en sorte que ces mécanismes soient beaucoup
plus visibles et que les entreprises aient l'habitude de "contracter" - entre
guillemets - avec les facultés et départements plutôt
qu'avec les universités.
M. Héroux: Pour répondre à votre question,
Mme la députée, je vous inviterais à consulter une
étude qui a été faite par un groupe de professeurs
d'administration de l'Université du Québec à
Trois-Rivières qui a évalué toute la problématique
des professeurs des écoles d'administration au Québec et qui a
été publiée dans le Canadian Journal of Higher Education,
en 1986. Vous distinguiez tantôt dans votre demande de fonds... Ce sont
les fonds pour les subventions de recherche et les fonds de fonctionnement. Un
des gros problèmes des professeurs d'administration, en raison du faible
ratio professeurs temps plein et professeurs chargés de cours, c'est
qu'on doit supporter toute la charge de l'encadrement de l'ensemble de la
masse. Comme notre ratio est beaucoup inférieur, il y a toute la
problématique de disponibilité de temps pour pouvoir demander une
plus grande part de gâteau des subventions de recherche. Cela a justement
un effet concomitant, dans le sens inverse de notre possibilité de
demander. En raison de l'importance de notre implication dans le milieu
socio-économique auprès de la petite entreprise, cela crée
une dynamique qui fait que le support ou l'aide à l'entreprise n'est pas
toujours conciliable avec la demande de subventions de recherche dans les
organismes de subventions traditionnelles. En fonction des méthodologies
de recherche appliquée que l'on doit utiliser dans nos démarches
de recherche, il n'y a pas le schème de pensée et
d'évaluation des projets de recherche des sciences pures, autrement dit
au niveau de la recherche fondamentale. Ce qui fait que dans les comités
d'allocation de subventions on est très désavantagé dans
ce secteur-là.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Mme la députée.
Mme Blackburn: Une dernière question et ensuite je
conclurai. Vous endossez en partie une des recommandations du rapport Gobeil
sur les frais de scolarité. Je me demandais quel est votre avis sur une
autre
de ses recommandations, soit la tâche d'enseignement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Malouin.
M. Malouin: C'est une question qui est très importante, je
pense, mais également extrêmement complexe. Je pense qu'il est
mauvais, néfaste et probablement irréaliste de dire qu'un
professeur enseigne fondamentalement deux cours par semestre, six heures de
cours par semaine. C'est vrai, effectivement, que la plupart des professeurs
enseignent six heures par semaine, tout comme c'est probablement vrai que les
députés siègent en Chambre disons 20 heures par semaine,
mais il y a certainement d'autres fonctions qui s'ajoutent à cela.
Lorsqu'on regarde les professeurs des facultés d'administration dont le
ratio professeur-étudiants est le plus élevé de tout
l'ensemble du système universitaire et lorsqu'on regarde les
tâches d'encadrement plus élevées que dans n'importe quel
autre faculté ou département du système universitaire, il
faut se rendre à l'évidence que si les professeurs des
facultés d'administration réussissent à être aussi
productifs que cela en enseignant, chapeau! je pense qu'ils font une "job"
extraordinaire. Je ne peux pas parler pour mes autres collègues, doyens
ou directeurs de département dans les autres facultés des campus;
ils ont leurs situations et leurs problématiques différentes. Ce
que je sais, c'est qu'en administration les professeurs sont, à toutes
fins utiles, surchargés en moyenne. Les statistiques le
démontrent sans beaucoup de difficulté.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Si vous voulez
conclure, Mme la députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Héroux,
M. Courtemanche, M. Poupart, M. Malouin et M. Prévost, je voudrais vous
remercier pour votre participation aux travaux de cette commission. Cela nous a
permis d'avoir une meilleure connaissance, je pense, des difficultés
réelles qui se posent pour les sciences administratives dans les
universités. Cependant, vous êtes les seuls départements ou
facultés qui aient souhaité faire ici une présentation
distincte. Je pense que c'était l'occasion de poser ce genre de
questions. Pour cela, je vous remercie d'être venus ici à cette
commission.
II me semble qu'elle est envisageable la recommandation que vous faites
afin de faire une étude sectorielle. On sait que cela se fait dans
d'autres domaines. Je pense qu'il serait intéressant, compte tenu des
problèmes qui vous confrontent, qu'on puisse le faire dans les meilleurs
délais. Merci, au nom de l'Opposition.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. M.
le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je dois me retirer
immédiatement parce que j'ai un appel urgent que je ne peux pas
éviter. Je voudrais vous remercier de votre présence parmi nous
et vous signaler que je retiens surtout, comme ministre chargé de ce
secteur de l'enseignement universitaire, deux thèmes qui sont revenus
dans votre mémoire et dans notre discussion. D'abord, le thème du
sous-financement du secteur des sciences administratives; je vous ai promis que
nous l'étudierions sérieusement. Deuxièmement, les
problèmes de structure auxquels vous avez fait écho dans votre
présentation, je les retiens également; nous pourrons les
examiner de manière plus approfondie au cours des mois à venir.
Je vous remercie infiniment. Nous sommes très heureux de vous avoir
rencontrés ce matin.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. M. Malouin, les gens qui vous accompagnent, merci beaucoup.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes. Nous entendrons
plus tard l'înstitut national de la recherche scientifique.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 10)
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission parlementaire de l'éducation poursuit ses travaux
toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le
19 juin dernier par l'Assemblée nationale, à savoir de tenir une
consultation générale sur les orientations et le cadre de
financement du réseau universitaire québécois pour
l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures. Ce
matin, la commission accueille les représentants de l'INRS, l'Institut
national de la recherche scientifique qui a son siège social ici sur le
territoire de la Communauté urbaine de Québec.
Le porte-parole de l'INRS est son directeur M. André Lemay. M.
Lemay, bonjour et bienvenue. Je veux vous remercier d'avoir répondu
à l'appel de la commission parlementaire de l'éducation de venir
discuter avec nous pour aider les députés à trouver des
solutions valables aux problèmes que vit le réseau universitaire
québécois, tant à propos de son orientation qu'à
celui de son cadre de financement.
INRS
Jusqu'à maintenant, nous avons accueilli une cinquantaine
d'organismes venus nous
rencontrer. Votre témoignage est peut-être un peu
particulier. J'ai été très surpris lorsque j'ai vu que
l'INRS n'était pas un CNRS. Dans mon esprit l'INRS c'était un
CNRS comme on a connu en Europe et qu'on connaît encore en France. Je ne
sais pas si ce sont des erreurs ou des situations de parcours qui ont fait que
l'on vous retrouve maintenant dans le giron ou dans le cadre de
l'Université du Québec. C'est peut-être des
éclaircissements à cela que la commission aimerait
connaître.
C'est la première fois depuis le début des travaux que je
me permets une intervention comme celle-là parce que d'habitude le temps
de parole du président étant compté du côté
ministériel, j'évitais de dire un mot et j'évitais
d'intervenir. C'était très frustrant pour moi. Je pense que
c'était quand même mon droit parce que c'est le droit du
président d'aller chercher le plu3 d'informations possible. Je me
sentais malheureux et j'ai dit aujourd'hui: L'INRS, vous allez me donner une
chance d'être un homme heureux pour au moins dix minutes. C'est le genre
d'interrogation que je me pose. Je veux aussi vous féliciter d'avoir
amené avec vous un représentant des étudiants. Je pense
qu'ils sont les premiers concernés par la qualité du
réseau universitaire québécois et je veux vous en
féliciter.
Le ministre de l'Éducation est actuellement à
l'extérieur de la salle. Il va être avec nous d'une minute
à l'autre. Je vais vous inviter, dans un premier temps, monsieur,
à nous présenter les gens qui vous accompagnent et après
cela à commencer votre exposé. On me dit que dès le
début, vous allez nous présenter un document audiovisuel. Vous
devenez le maître de jeu à ce sujet. Vous déciderez de
quelle façon vous voulez procéder et nous nous ajusterons.
Monsieur, nous vous écoutons.
M. Lemay (André): M. le Président, je vous remercie
très sincèrement d'abord pour l'accueil chaleureux que vous nous
faites à titre de représentants de l'Institut national de la
recherche scientifique. Mesdames et messieurs membres de la commission, je
tiens à vous remercier tous d'avoir accepté de nous entendre
aujourd'hui car pour nous, pour l'INRS, ce rendez-vous est de toute
première importance. Nous vous parlerons de recherche, en particulier de
recherche thématique, de recherche orientée vers des besoins du
Québec et j'espère que nous saurons vous faire part de nos
préoccupations et de notre contribution que nous considérons
comme très valable.
Les gens qui m'accompagnent aujourd'hui sont tous des membres du conseil
d'administration de l'INRS. Il me fait donc plaisir de vous les
présenter. M. Paul Major, qui est vice-président adjoint à
Bell Canada et qui préside depuis déjà deux ans notre
conseil d'administration de l'INRS.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Monsieur, bienvenue.
M. Lemay: M. Robert Dugal, le directeur de l'INRS-Santé.
M. Bernard Bobée, professeur à l'INRS-Eau. M. Jacques Bissinger,
étudiant à l'INRS-Télécommunications.
Le mémoire qui a été déposé par
l'INRS a réellement reçu l'aval de toutes les parties de
l'institution et comme vous le voyez, la représentation ici ce matin en
fait état. Notre présentation se fera en trois temps.
Premièrement, nous vous inviterons à regarder un court document
audiovisuel d'environ dix minutes qui présentera l'institution et qui
nous évitera ensuite de reparler de toutes ces choses. Dans un
deuxième temps, je rappellerai très brièvement les
éléments essentiels de notre mémoire pour tenter de faire
ressortir nos particularités ainsi que le problème de financement
qui menace sérieusement le devenir de l'institut. En un troisième
temps, j'espère que nous pourrons vous présenter une
solution.
Je vous inviterais, pour l'instant, à diriger votre attention
vers les moniteurs situés derrière les membres de la commission
pour visionner le court diaporama qui, nous l'espérons, vous permettra
d'apprécier pleinement la dynamique particulière de l'INRS.
Présentation audiovisuelle Créé en
1969, l'Institut national de la recherche scientifique, constituante de
l'Université du Québec, a tôt fait d'affirmer son
caractère particulier au sein des universités
québécoises, car sa mission principale est la recherche
fondamentale et appliquée dans des thèmes reliés aux
priorités du Québec. L'institut forme également des
chercheurs dans la plupart de ses centres de recherche soit par ses propres
programmes de deuxième et de troisième cycles, soit en
collaboration avec d'autres universités. Une administration
située à Sainte-Foy voit à la coordination des
activités et des orientations générales. Chaque centre,
sous la responsabilité d'un directeur, peut ainsi consacrer toutes ses
ressources au développement des recherches reliées à sa
thématique.
Effectuons ensemble une visite éclair de ce réseau.
À l'INRS-Eau, on s'emploie à la recherche dans quatre programmes,
soit l'hydrologie, l'assainissement, la dynamique chimique et biologique du
milieu aquatique et, pour finir, la gestion et l'aménagement de la
ressource. Une des réalisations majeures du centre se situe sans
contredit dans le domaine de l'analyse et de la
prévision des crues. C'est en effet une équipe
scientifique de l'INRS-Eau qui a conçu et développé les
modèles utilisés pour établir les dimensions des ouvrages
de la baie James. Mentionnons également les travaux sur les pluies
acides et sur la pollution des eaux souterraines.
Les chercheurs de l'INRS-Urbanisation se préoccupent de l'habitat
humain selon trois types d'espace: régional, urbain et micro-urbain.
Leurs projets de recherche englobent les aspects économiques,
démographiques, politiques et sociaux. Le centre s'implique dans des
recherches de toute nature sur des sujets variés comme, par exemple, les
nouveaux espaces résidentiels, le fonctionnement des
municipalités régionales de comté, le développement
régional ou encore l'impact des nouvelles technologies sur les
structures économiques du Québec.
L'INRS-Ênergie poursuit actuellement des recherches dans trois
domaines. Les énergies nouvelles, l'interaction lazer-matière et
la fusion par confinement magnétique. C'est dans ce dernier programme de
recherche que le centre mène à bien l'une des plus grandes
réalisations scientifiques que le Québec ait connues. En effet,
en collaboration avec Hydro-Québec, l'Université de
Montréal, Canatom Ltée et MPB Technologie, l'INRS-Énergie
s'emploie à la construction et à la mise en service du tokamak de
Varennes, un dispositif expérimental permettant d'effectuer des
recherches en fusion thermonucléaire, source inépuisable
d'énergie.
Les recherches en cours à l'INRS-Santé couvrent trois
domaines majeurs: la pharmacologie, la toxicologie de l'environnement et la
gérontologie biomédicale. Reconnue internationalement pour
l'excellence de ses travaux de recherche réalisés dans le cadre
du contrôle analytique du dopage aux Jeux olympiques de Montréal
et aux Jeux d'hiver de Lake Placid, l'INRS-Santé assume, au niveau
canadien, la fonction de Centre national de contrôle du dopage des
athlètes. Par ailleurs, le centre organise chaque année un
colloque international en gérontologie où l'on se penche
notamment sur les problèmes reliés au vieillissement normal et
pathologique.
L'INRS-Télécommunications s'est associée à
la société Recherches Bell-Northem pour donner naissance à
un modèle unique de collaboration université-industrie.
Entourés des équipements les plus modernes, chercheurs et
étudiants font oeuvre de pionniers en développant des programmes
de recherche sur les réseaux de télécommunication, le
traitement des signaux et les systèmes homme-machine. Parmi les
résultats obtenus, mentionnons spécialement le
synthétiseur de langue française baptisé LOQUAX. Je
suis l'ordinateur portatif nommé LOQUAX. Je peux lire à haute
voix n'importe quel texte pourvu qu'il soit écrit dans la langue de
Molière. Les recherches menées par
l'INRS-Géoressources portent sur l'évolution et la
diagénèse des bassins sédimentaires ainsi que sur les
minéralisations et les combustibles fossiles susceptibles d'y être
découverts dans l'optique d'une exploitation éventuelle»
À ce jour, les études effectuées dont certaines ont
été financées par des organismes gouvernementaux ou des
sociétés pétrolières et minières ont permis,
entre autres, de mieux évaluer le potentiel économique du
sous-sol québécois.
Avec l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent comme laboratoires
naturels, les chercheurs de l'INRS-Océanologie s'intéressent
à la description et à la compréhension du fonctionnement
du milieu côtier en mettant l'accent sur les aspects physiques,
biologiques et biochimiques ainsi qu'à l'halieutique et à
l'aquiculture. On y travaille, entre autres, à la mise au point d'un
procédé de production à grande échelle de
phytoplancton fondé sur l'utilisation du principe de la dialyse. On se
préoccupe aussi du développement d'un système de
détection des déplacements sédimentaires par l'utilisation
de traceurs radioactifs sans oublier la recherche de substances naturelles
d'intérêt économique comme les antibiotiques d'origine
planctonique.
Ce bref tour d'horizon démontre concrètement la
capacité de l'institut à répondre aux besoins du milieu
avec lequel il interagit. En fait, la collaboration constitue l'un des
principaux facteurs de notre dynamisme. La composition multidisciplinaire de
nos équipes de recherche donne lieu à une dynamique interne des
plus efficaces. L'expertise scientifique de nos quelque 150 chercheurs dans des
domaines variés nourrit l'interaction des idées et conduit
à l'exploration de solutions plus globales des problèmes. Avec
l'extérieur, notre volonté de collaborer se manifeste de
plusieurs façons, notamment par la participation statutaire de nombreux
collaborateurs à l'orientation de nos programmes par leur
présence active au sein du conseil d'administration, de la commission
scientifique et des comités de liaison de l'institut. C'est toutefois
dans nos rapports avec les partenaires que notre ouverture à la
collaboration prend sa pleine dimension. Nous suscitons des projets conjoints
de recherche et même des ententes spécifiques avec des
institutions d'enseignement supérieur, des ministères et des
organismes paragouvernementaux ou, encore, avec des entreprises de toute taille
réparties sur l'ensemble du territoire québécois.
La localisation géographique de chacun de nos centres
témoigne effectivement de notre adaptation à des contextes
scientifiques
particuliers et illustre une volonté manifeste de favoriser les
recherches conjointes avec le milieu industriel, le secteur public et les
universités. Cette collaboration s'affirme également à
l'extérieur de nos frontières. Plusieurs organismes
internationaux et nationaux font fréquemment appel à
l'expérience et à la compétence des chercheurs de
l'INRS.
Depuis plus de quinze ans, nous donnons la preuve de notre expertise
scientifique. Notre structure et notre mode de fonctionnement s'avèrent
des atouts précieux, car nous sommes en mesure de nous ajuster
rapidement aux exigences des divers milieux et nous sommes
déterminés à faire en sorte que l'Institut national de la
recherche scientifique demeure un lieu privilégié pour la
relève de nouveaux défis.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Lemay.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Cette
présentation de l'INRS doit maintenant être
précisée. Pour ce faire, je vais faire ressortir quelques
éléments essentiels de notre mémoire sans m'attarder au
mot à mot du texte. En ce qui concerne la question intéressante
que le président de la commission nous a posée au début,
je crois qu'au cours de la période de question nous aurons
nécessairement l'occasion d'y revenir et de fournir nos vues à ce
sujet.
J'aimerais vous présenter quelques-unes des
caractéristiques de l'INRS. Je me réfère, à ce
moment, au mémoire, à la page 4 environ, pour vous expliquer les
différences qui existent entre notre institut et, en fait, des centres
de recherche ou autres instituts qui se sont développés dans les
universités. L'INRS, quant à lui, a reçu sa charte du
gouvernement québécois et constitue une corporation distincte
à l'intérieur du réseau de l'Université du
Québec, avec des missions particulières fixées par cette
même charte. Le livre, blanc sur la recherche, publié en 1980, a
confirmé la place et le rôle de l'Institut national de la
recherche scientifique dans le champ de la recherche au Québec.
Première institution de recherche universitaire québécoise
créée par le législateur avec des mandats
spécifiques et explicites, l'INRS a de plus contribué à
diversifier et enrichir l'organisation de la recherche au Québec,
dès 1969, en jouant des rôles innovateurs, complémentaires
et exemplaires dans les domaines prioritaires et thématiques qui sont
les nôtres.
Je parle de rôles innovateurs: oui, l'institution a innové
dans plusieurs domaines dans le monde universitaire et d'abord, par la
planification de ses programmes de recherche. Dans chacun des centres de
recherche de l'Institut national de la recherche scientifique, la programmation
est préparée à partir d'un comité de liaison qui
fait appel aux personnes qui éventuellement utiliseront les
résultats de la recherche. Ce sont pour ainsi dire nos clients qui
participent avec nous à l'élaboration des programmes. Mais la
création d'un centre, quant à lui, fait appel évidemment
à différents ministères de l'État qui en
établissent la pertinence. La gestion de l'INRS est
décentralisée. Nous sommes partout sur le territoire du
Québec où géographiquement il est nécessaire
d'avoir un institut de recherche et où se trouvent des collaborateurs.
L'exécution de la recherche se fait d'une façon toute
particulière et unique parce que, chez nous, les professeurs travaillent
dans le cadre de l'exclusivité de services pour l'institution. Alors,
ils sont à l'emploi de l'institution et lorsque nous faisons contrat ou
autre chose, c'est l'institution qui gère les programmes. De plus, nous
avons aussi innové par l'évaluation de nos programmes de
recherche. Une commission scientifique composée de seize personnes
jugées pour leur compétence a été établie.
Elles sont toutes de l'extérieur de l'institution et revoient
périodiquement chacun de nos programmes, chacun de nos centres et nous
font des recommandations. Elles ont statutairement deux réunions par
année. Je crois que ces innovations sont sûrement de nature
à intéresser une commission car nous avons pris, dès le
début, les choses très au sérieux pour nous donner une
qualité scientifique qui rejoint les domaines de recherche
internationaux.
Nous sommes également complémentaires parce que nous
formons des chercheurs qui sont thématiques. Ce ne sont pas des
chercheurs qui sont disciplinaires par nature. Quelqu'un qui obtient un
doctorat à l'INRS n'a pas un doctorat soit en physique, en biologie ou
en d'autre chose, mais c'est plutôt un doctorat en sciences de l'eau, en
sciences de l'énergie ou des choses de la sorte. Nous sommes
complémentaires; nous tentons de combler des besoins de main-d'oeuvre et
des besoins spécifiques, que ce soit des gouvernements, de l'industrie
ou autres. La nature thématique et interdisciplinaire de nos
enseignements fait que nos gens, arrivés au terme de leur période
avec nous, à leur graduation, ont des emplois évidemment
facilement et immédiatement. De plus, nous accueillons des stagiaires,
parce que nous n'avons pas des programmes dans tous les domaines et dans tous
les thèmes où nous oeuvrons. Alors lorsque des programmes
existent ailleurs, nous accueillons des stagiaires inscrits à d'autres
universités qui viennent faire leur recherche chez nous. Je pense qu'il
y a là des collaborations intéressantes. Je vous avoue que nos
collaborations ne cessent pas là - M. Major pourra nous en parler lors
de la période de questions, j'en suis sûr - mais
nous collaborons et nous voulons collaborer avec l'industrie en
particulier. Nous collaborons avec un grand nombre de ministères et
d'autres universités. Chacun des centres, je vous l'assure - c'est
écrit dans le mémoire, je n'y reviens pas - chacun de nos centres
doit avoir, pour sa survie même, des collaborations et des entrées
de fonds extérieures. (12 h 30)
Le dernier point que je voudrais soulever avant de passer aux questions
de financement, c'est la performance. Je crois que c'est un point très
important. Nous avons préparé quelques cartons qui nous
permettront de vous démontrer les réalisations de l'institution
ces dernières années.
Ces documents ont déjà été
déposés ce matin dans les annexes et vous y retrouvez les
données des mêmes cartons à la fin, à partir de la
page 11 de cette annexe qui est...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Lorsque vous dites
que ces documents ont été déposés, parlez-vous du
document qui a pour titre "Institut national de la recherche scientifique,
annexe du mémoire de l'INRS" ou si c'est un autre document?
M. Lemay: Non, c'est bien celui-là.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Parce qu'on m'a
dit que vous vouliez déposer un document.
M. Lemay: J'aimerais le déposer...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce
celui-ci?
M. Lemay: Avec votre permission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On le
reçoit comme document déposé.
M. Lemay: Je vous en remercie beaucoup, monsieur. Dans ce
document, à la page 11, il y a la performance de l'institution et je me
permets de vous indiquer quelques aspects de ce carton. Vous avez, en bleu, la
subvention institutionnelle que l'institut reçoit chaque année.
Vous l'avez pour 1980-1981 et pour 1985-1986. En rouge, ce sont les revenus
extérieurs; en 1980-1981, c'était environ 26 % du budget de
fonctionnement de l'institution. C'est passé à 44 % durant ces
années. Cela représentait, à l'époque, 35 % de la
subvention institutionnelle que nous recevions, c'est devenu maintenant tout
près de 80 % de la subvention institutionnelle comme chiffres. Cela veut
dire que les professeurs de l'INRS, à la suite de nos demandes pour
équilibrer le budget et maintenir l'institution dans un équilibre
financier ce que nous avons réussi à faire jusqu'à
ce jour - ont fait un effort extraordinaire et j'aimerais ici les en remercier
publiquement parce que, d'aller chercher, pour 1985-1986, 9 000 000 $ de
revenus extérieurs avec 75 professeurs, cela représente bien
au-delà de 100 000 $ de subventions et contrats par professeur. Cela
vous donne une idée de la performance qui a été la
nôtre durant ces années.
Le deuxième carton que j'aimerais vous présenter nous
amène à l'historique du financement. Évidemment, j'ignore
la période de 1969 à 1979, mais en 1979 le financement des
instituts de recherche où la recherche est d'abord l'objet et
l'enseignement est un peu secondaire, était toujours fait sur une base
de clientèle étudiante, une formule qui ne tenait pas compte
réellement des besoins de la recherche. En 1979, un comité
tripartite formé par le ministère de l'Éducation et
regroupant des représentants du Conseil des universités et de
l'Université du Québec recommandait quand même que cette
formule-là soit continuée et que l'INRS reçoive une
subvention de base comme les autres universités, laquelle pourrait
être indexée et avec, pour le développement, selon la
variation moyenne de la clientèle étudiante du réseau de
l'Université du Québec... Ceci nous a quand même permis un
certain développement et de survivre de façon très
raisonnable.
Depuis 1983-1984, lorsque le ministère a commencé à
compter sa formule de subvention sur les coûts disciplinaires, à
ce moment-là l'INRS s'est retrouvé assis entre deux chaises, pour
ainsi dire. Il n'y avait pas là de possibilité de
développement. Donc, ce que nous avons vécu depuis, c'est notre
subvention de base, à laquelle s'ajoute une variation moyenne pour nos
clientèles étudiantes. Lorsqu'on a environ 150 étudiants,
évidemment, cela ne nous donne pas d'argent suffisant pour quelque
développement que ce soit. C'est la situation qui existe depuis ce
temps-là. Cela nous pose réellement un problème parce que
le développement est impossible. L'institution a réussi à
survivre, mais à bien court terme les déficits commencent
à apparaître.
Nous proposons une formule - la troisième ici sur le carton - qui
est réellement basée sur le principe qu'on devrait accorder aux
instituts de recherche des subventions additionnelles de développement
basées sur l'accroissement des activités de recherche et les
intégrer subséquemment aux dépenses de base
considérées. C'est l'équivalent de ce qui se fait pour des
universités à vocation générale qui ont du
développement basé sur la croissance ou la décroissance
des clientèles. Cela nous accorderait des sommes de développement
qui paieraient pour les frais indirects parce
qu'à mesure qu'on a des subventions on s'appauvrit.
Nous considérons que dans le cadre de subventions qui constituent
la majeure partie de nos revenus extérieurs, au-delà de 4 000 000
$, les frais indirects peuvent représenter, dans un institut, quelque
chose qui s'apparente au facteur 1. Dans le cas de contrats gouvernementaux, le
facteur de pondération que nous avons utilisé pour
préparer une formule est 0,5. J'aimerais vous présenter
maintenant ce que cela peut donner comme formule.
On a ici trois courbes qui vont des années 1982 à 1983 et
les chiffres des formules de financement sont en millions. La courbe du bas est
celle qui nous est appliquée depuis l'année 1983-1984. Celle du
haut est celle qu'aurait donnée l'application de la recommandation du
comité tripartite. Donc, si nous avions continué à
recevoir un financement comme jusqu'en 1982-1983, nous aurions
présentement une subvention institutionnelle de 13 000 000 $. Nous en
retrouvons une de 11 000 000 $. C'est un manque à gagner de 2 000 000 $
annuellement, qui se répercute à chaque année, et
s'accroît constamment.
La formule basée sur les revenus extérieurs - la courbe en
bleu, c'est la courbe du milieu - apparaît comme très
réaliste et applicable et celle-là n'est pas choisie au hasard.
Elle est fondée sur des chiffres vérifiés par les
vérificateurs externes et qui apparaissent au formulaire financier que
chaque université doit remettre au ministère de
l'Éducation à chaque année. Les chiffres sont
vérifiés et ils apparaissent dans l'annexe que vous avez bien
voulu nous permettre de déposer il y a quelque temps.
Je crois que ces formules sont intéressantes. Les
caractéristiques que nous pouvons en dégager sont qu'elle tient
compte de la mission particulière de recherche de l'institut; elle
équivaut au mode de financement des universités à vocation
générale; elle tient compte des frais indirects de la recherche;
elle incite les chercheurs à recourir à d'autres sources de
financement; elle respecte le mode de financement actuel des étudiants
de maîtrise et de doctorat et elle s'appuie sur les données
vérifiées des formulaires financiers.
Sans l'application d'une formule améliorée - disons que
les facteurs de pondération peuvent être discutés,
réétudiés -l'INRS et sa communauté scientifique ne
pourront pas être en mesure de remplir la mission particulière qui
leur a été confiée. C'est la raison pour laquelle nous
vous formulons la recommandation suivante: Que le gouvernement manifeste
davantage sa volonté de soutenir et de promouvoir la contribution de
l'INRS au développement scientifique et technologique du Québec
en lui accordant une compensation financière ainsi qu'un redressement de
sa base de financement pour 1986-1987, pour tenir compte des pertes encourues
par l'institut en raison de l'absence d'application d'une formule de transition
depuis 1983-1984, et un financement adéquat dès 1986-1987
basé sur une formule qui prend en considération sa mission
particulière de recherche thématique. Je vous remercie, M. le
Président, c'est la fin de ma présentation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
directeur. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. Lemay, il me fait bien plaisir de vous souhaiter la
bienvenue ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent, à vos
collaborateurs de l'INRS. Je dois vous avouer qu'à cause du programme
d'activité très chargé que j'ai eu au cours des derniers
mois, je n'ai malheureusement pas eu le temps d'aller visiter sur les lieux
l'INRS, de même que les instituts spécialisés qui s'y
rattachent. C'est un projet que je nourris. J'espère pouvoir y donner
suite avant longtemps.
J'ai suivi les débats qui entouraient les difficultés de
l'INRS, comme tout le monde. J'ai assisté, impuissant, à la
décision qui a mis fin à l'existence de l'INRS-Éducation.
J'ai vu des débats plus récents au sujet de l'avenir de
l'institution elle-même.
Les questions que je vous adresse sont formulées sous toutes
réserves, étant donné que je n'ai pas pu vérifier
par moi-même. Nous n'avons pas eu le temps d'avoir de bonnes
conversations sur ces choses, ce que nous ferons prochainement. Mes questions
sont formulées avec un petit peu de naïveté à
certains moments. Vous me corrigerez si mes questions évoquent des
informations incomplètes ou erronnées. Soyez bien à l'aise
pour le faire.
Des fois, quand on regarde tout cela, quand on regarde les
différents domaines dans lesquels est engagée l'activité
des chercheurs de l'INRS, le domaine de l'énergie, le domaine de l'eau,
le domaine de la santé, Le domaine des télécommunications,
le domaine de l'urbanisation et autres, la question qui vient à l'esprit
est la suivante: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine dispersion de nos efforts
de recherche au Québec qui devrait être corrigée? Je
prends, par exemple, en matière d'urbanisation. Nous avons à
l'UQAM à Montréal un département très important
d'études en aménagement urbain. Nous avons, à
l'Université de Montréal, une faculté d'aménagement
dont on nous dit qu'elle est la plus importante du Canada. En plus,
l'INRS-Urbanisation qui existe depuis de nombreuses années.
Je voudrais que vous m'indiquiez en quoi c'est tellement
spécifique l'activité de
l'INRS-Urbanisation, pour prendre un exemple. On pourra prendre celui
des communications. Je vais vous donner celui de la santé aussi, parce
que cela me semble poser des questions spéciales. En quoi est-ce
tellement spécifique que cela doive être maintenu distinctement,
en dehors des universités ou de d'autres organismes existants?
En matière de santé, vous savez qu'on avait
créé autour de la CSST, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, un institut de recherche sur les
problèmes de santé et de sécurité au travail. Je
voudrais que vous me disiez en quoi l'activité de vos chercheurs dans
ces champs-là est tellement spécifique qu'il faille la garder
dans une structure indépendante des autres.
M. Lemay: Je vai3 tenter d'y répondre, M. le ministre, si
vous me le permettez, et pour l'INRS-Urbanisation et pour l'ensemble de l'INRS
et demander au Dr Dugal, par la suite, de nous parler un peu plus
précisément de l'INRS-Santé.
Ce qui fait la distinction entre l'INRS et les autres
universités, ce qui peut apparaître à première vue
comme une dispersion d'efforts, etc., à mon avis n'en est pas une. Car
l'INRS vous offre une recherche thématique, multidisciplinaire, avec des
gens qui vivent, non pas regroupés temporairement dans un même
lieu, à partir de départements et de disciplines comme on
retrouve dans des universités, mais avec des gens qui vivent
regroupés en permanence ensemble, de façon multidisciplinaire,
dans un centre de recherche, pour y étudier un thème. Ce n'est
pas la biologie, comme je l'ai dit auparavant, ce n'est pas la physique ou la
chimie qui compte, c'est le thème. Le chimiste doit donc travailler avec
le biologiste, avec le physicien, avec l'économiste ou avec l'autre pour
tenter réellement de dégager la connaissance
générale que doit posséder un étudiant lorsqu'il y
a programme d'enseignement ou combler un besoin identifié par
l'utilisateur ou le partenaire.
La différence de l'INRS comme institut de recherche, c'est qu'on
a réellement des modèles universitaires courants qui ont toujours
eu l'appui du gouvernement - c'est très nécessaire - parce que
dans l'université, on doit apprendre des disciplines et des choses comme
cela. Mais je crois qu'il y a place ailleurs, à côté de
cela mais toujours à l'intérieur même d'une
université, parce que nous sommes universitaires et faisons partie de
l'Université du Québec, il y a quand même place, dis-je,
pour une recherche thématique orientée, appliquée beaucoup
plus près de la réalité que celle qu'on doit retrouver
nécesssairement dans un département ou autre. II y a place pour
cela. (12 h 45)
Si je me reporte à la commission
Parent des années soixante, si on se reporte au rattrapage que
nous voulions faire avec l'Ontario, par exemple, en recherche, il y a lieu de
sortir un peu des sentiers battus, de faire des choses nouvelles un peu comme
les Japonais ont pu faire pour se rattraper et prendre même les devants.
Je vous avoue qu'un institut de recherche offre une multitude de
possibilités de solutions qui sont, en général, encore peu
exploitées.
Quant à l'INRS-Urbanisation particulièrement, justement ce
centre collabore de très près avec l'OPDQ. Il a collaboré
de très près et collabore toujours avec la Communauté
urbaine de Montréal, Statistique Canada et le reste. En plus, en ce qui
concerne les programmes de maîtrise et même de doctorat, celui que
nous préparons, ces programmes sont faits conjointement soit avec
l'UQAM, l'ÉNAP, soit avec l'Université de Montréal dans le
cas d'étudiants stagiaires. II y a là une collaboration entre ces
universités qui permet d'atteindre des travaux qui autrement seraient
fort difficiles.
L'INRS-Urbanisation, dans le grand programme des nouveaux espaces
résidentiels subventionné par le CRSH a quand même fait
là un boulot extraordinaire sur le logement qui aurait été
difficile à réaliser dans une université conventionnelle
à cause de la formation d'équipes et du maintien
nécessaire de ces équipes durant des périodes allant
jusqu'à quatre ou cinq ans.
J'espère que cela peut répondre avant que je...
M. Ryan: II faudrait peut-être être bref parce qu'on
a très peu de temps. Je vais être obligé de passer la
parole à ma collègue de l'Opposition, sans avoir le temps d'aller
à d'autres questions qui m'importent au plus haut point aussi.
M. Dugal (Robert): La question que vous posez, M. le ministre,
exigerait un développement considérable. J'ajouterais simplement
à ce que M. Lemay a dit d'une façon très
générale, et qui s'applique à l'ensemble des centres de
l'INRS, que l'INRS-Santé occupe quand même une place unique dans
le réseau de recherche québécois où ont pu se
réaliser avec une vitesse, une rapidité et une efficacité
remarquables des projets de recherche et des projets d'envergure qu'il aurait
été difficile, sinon impossible, de réaliser ailleurs.
Sans pour autant m'étendre, sans doute que certains d'entre vous
ont vu dans les journaux, ce matin, que nous avons reçu une subvention
très importante d'un organisme américain pour effectuer un
certain nombre de recherches dans un domaine très particulier, un
créneau très spécifique, qui nous est spécifique
à un point qu'il n'est pas exploité par les autres
universités
québécoises. Qu'il suffise de conclure sur le fait que le
type d'activités qui est fait à l'INRS-Santé constitue un
modèle qui n'est pas exploité ailleurs et qui est suffisamment
original pour qu'on puisse le maintenir et le développer.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que ce
que le ministre aimerait avoir, c'est un exemple de spécificité.
Pourquoi est-ce que l'INRS-Santé se doit d'exister? Pourquoi n'est-il
pas pareil au cadre conventionnel de l'université dans le domaine de la
santé?
M. Dugal: Encore là, votre question nécessiterait
un développement que le temps, M. le ministre, ne me permet pas. Il est
extrêmement difficile de répondre à votre question. Encore
une fois, j'insiste sur la présence de certains créneaux et la
présence d'équipes multidiscipliinaires qui ont des objectifs
communs et qui participent, chacune d'entre elles, à la
réalisation soit d'un projet ou d'un programme. Bien sûr, les
mêmes choses peuvent se passer dans d'autres universités de
façon fragmentaire. Mais chez nous, la situation est un objectif, si
vous voulez, où toute la communauté se fixe et évolue.
M. Ryan: J'aurais une autre question M. le Président.
Comme vous le savez, suivant le mode actuel de financement des
universités, le calcul de la subvention de base est établi sur la
base d'un coût moyen établi pour chaque étudiant. Cela
varie suivant les cycles, suivant les disciplines également. On l'a vu
ce matin en causant avec les représentants des écoles
d'administration. En 1982-1983, il s'est produit un changement important. On a
décidé de procéder avec les clientèles
additionnelles. Cela a valu à l'Université du Québec un
supplément de revenu assez substantiel. Vous autres, je ne crois pas que
vous sembliez en avoir profité dans toute la mesure que vous auriez
souhaitée. J'aimerais vous demander... Comme vous le savez, le
ministère verse la subvention à l'Université du
Québec et il appartient aux autorités de l'université de
répartir ensuite les subventions ou les budgets particuliers entre les
différentes constituantes, autant celles qui sont davantage dans
l'enseignement que celles qui sont dans la recherche comme la vôtre.
Est-ce que vous avez éprouvé des difficultés de ce
côté? Est-ce que vous avez l'impression d'être traité
équitablement? Est-ce que vous avez des sujets de frustration? Est-ce
que vous seriez porté à dire que la structure actuelle vous donne
justice?
M. Lemay: M. le ministre, vous touchez là à un
grand sujet de frustration à l'INRS, c'est clair. Le changement de
formule, comme je l'ai dit dans mon exposé, nous plaçait entre
deux chaises. Le ministère a cessé de s'intéresser
à l'ancienne formule, nécessairement. L'Université du
Québec, ayant la responsabilité par le biais de
l'assemblée des gouverneurs de faire le partage, n'a pas réussi
jusqu'à aujourd'hui, malgré certains efforts très
concrets, qui ont été faits à trouver une solution
à ce problème. Il y a des raisons qui expliquent cela» Les
compressions dans les universités et tout le reste ont réellement
amené chacune des institutions à regarder de très
près son financement. En plus, la nouvelle formule qui, avec les
clientèles, permet de faire quelque chose de comptable, les amène
à dire: Moi, ma subvention, j'ai tant d'étudiants, c'est cela.
Donc, je veux ma part. N'importe quel prélèvement ou
péréquation qui serait fait à partir de cela pour les
instituts de recherche devient très difficile à accepter lors
d'un vote à l'assemblée des gouverneurs. Cela place le
siège social dans une situation fort difficile. Ils ont quand même
tenté d'obvier à cela en trouvant une solution, en nous
permettant un certain dépassement pour l'année 1986-1987, mais ce
n'est pas une solution. Je vous avoue que, subissant toutes les coupures,
toutes les compressions, tous les prélèvements et ne recevant
aucun développement, pour ainsi dire, significatif, l'institution est
dans une situation où on se pose des questions sur son existence
même à un moment donné.
M. Ryan: Je vous remercie, nous continuerons cette conversation
dans un avenir prochain.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais
maintenant la porte-parole de l'Opposition en matière
d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, M. le directeur général, messieurs, il me fait
plaisir de vous voir à cette commission. Je pense que votre
mémoire, tout comme l'ont souligné de nombreux intervenants, fait
bien ressortir l'importance de la recherche au Québec et les rapports
qu'il y a entre la capacité d'un peuple de se développer au plan
économique et culturel et l'importance qu'il attache à la
recherche.
Tout à l'heure, le ministre s'inquiétait des efforts qu'il
trouve trop dispersés dans le domaine de la recherche. Si vous me
permettez, M. le Président, j'aurais le goût de souligner les
succès remarquables de l'INRS-Santé, particulièrement dans
le domaine de3 tests antidoping. Tout à l'heure, le professeur Dugal a
abordé cela, je dirais, un peu avec modestie. Le Devoir faisait
état ce matin d'une entente qui vient d'être
signée entre le NCAA, un organisme américain qui
régit l'ensemble des sports dans les collèges et les
universités et l'INRS-Santé, de l'ordre de 600 000 $, comme nous
le disait tout à l'heure le docteur Dugal, pour au moins trois ans. Il
s'agit essentiellement de la mise au point d'un test de contrôle, de
détection et de sensibilisation de l'usage de drogues chez les
sportifs.
Je pense bien qu'on peut féliciter le docteur Dugal parce que
c'est le succès de l'intérêt qu'il a manifesté pour
cette question ■ depuis déjà douze ou treize ans. On sait
qu'en 1976 il était responsable du programme antidoping, si je me
souviens bien, aux Jeux olympiques.
Je pense qu'il est important de le souligner parce que c'est un
succès important, mais également parce que cela illustre
précisément que, dans un domaine pour lequel on n'avait pas de
conditions particulières pour y exceller, au Québec on y excelle.
Je pense bien que c'est reconnu internationalement, si je me rappelle d'autres
articles à ce sujet. Nous devons ce succès à deux raisons:
à l'intérêt d'une personne pour cette question et au
soutien que la personne a pu recevoir à l'intérieur d'une
structure qui s'appelle l'INRS-Santé... Je pense que cela illustre et
que cela rejoint en partie ce que disait le ministre tout a l'heure: Comment,
avec une structure qui est stable, avec des équipes qui travaillent plus
sur des thèmes, on peut avoir des succès qu'il serait difficile
d'atteindre dans des groupes de recherche rattachés aux
universités.
J'ai lu avec attention votre mémoire. J'ai quelques questions et,
comme le ministre l'a fait remarquer, on est toujours un peu aux prises avec le
temps qui n'est pas indéfiniment élastique. Quelques
brèves questions. Je ne me le rappelle pas bien, parce que je n'ai pas
relu votre mémoire à l'instant, mais il me semble que je ne l'ai
pas vu... J'aimerais connaître le taux de diplomation chez vous, parce
que vous savez que c'est un problème au Québec. On a un nombre
d'inscriptions au premier cycle aussi élevé qu'en Ontario sauf
qu'on a un taux de diplomation moins élevé au premier cycle et
moins élevé, évidemment, par voie de conséquence,
aux deuxième et troisième cycles. Quel est le taux de diplomation
et la durée des études chez vous?
M. Lemay: Vous comprendrez que, comme le nombre
d'étudiants à l'INRS est quand même restreint - environ 150
en moyenne - nous n'avons que quelques programmes de formation. La durée
des études va, pour la maîtrise, d'un à deux ans selon les
centres et celle du doctorat est plus langue. Mais, je crois que M. Bissinger a
des données qui pourraient être utiles à ce moment-ci. Le
taux de diplomation, cela ne se calcule pas chez nous comme dans une
université conventionnelle, parce qu'au deuxième cycle les
étudiants entrent à n'importe quel moment de l'année ou
presque et terminent à la fin de leur thèse. C'est assez
difficile de vous donner un taux.
Mme Blackburn: C'est-à-dire la différence entre
ceux qui entrent et ceux qui sortent avec un diplôme.
M. Bissinger (Jacques): C'est pratiquement 100 %.
Mme Blackburn: C'est 100 %. M. Bissinger: C'est cela.
Mme Blackburn: Sauf la durée des études qui est
variable.
M. Bissinger: Exactement. C'est deux ans pour la maîtrise,
trois ans pour le doctorat. Au cours des dix dernières années, je
crois qu'il n'y a pas eu plus de deux cas où l'étudiant ne se
serait pas rendu jusqu'à l'obtention du diplôme. De ce point de
vue, c'est exceptionnel.
Mme Blackburn: D'accord. Ils terminent le doctorat. Ils ne font
pas seulement les études.
M. Bissinger: Exactement.
M. Lemay: II y a une sélection à l'entrée
qui est très appliquée.
Mme Blackburn: Qui est quasiment garante de succès.
M. Lemay: Oui.
Mme Blackburn: Bien. À la page 17 de votre mémoire,
vous parlez d'association de certaines unités de recherche avec l'INRS.
Vous avez déjà quelques instituts. À quoi pensez-vous en
particulier?
M. Lemay: Pardon, madame? À quel endroit?
Mme Blackburn: À la page 17. M. Lemay: La page
17.
Mme Blackburn: "Enfin, et en troisième lieu, il existe,
dans le réseau de recherche québécois, un certain nombre
d'unités de recherche qui pourraient bénéficier d'un
régime d'association avec l'INRS et dont les ressources liées
à celles de l'INRS permettraient des réalisations
importantes".
M. Lemay: Ce à quoi nous pensions à ce moment c'est
à un grand nombre de nouveaux centres de recherche qui ont
été
créés, en particulier par l'État
québécois, ces dernières années et qui ont tous
été créés à l'extérieur du
réseau universitaire. Donc, cela devient beaucoup plus difficile d'y
faire de la formation planifiée etc. Je crois qu'en les associant de
plus près au milieu universitaire il y aurait des choses à gagner
de ce côté en ajoutant la formation et peut-être en
diminuant le nombre d'intervenants dans les domaines. Si vous permettez,
j'aimerais que M. Major nous parle un peu d'une intervention, d'un partenariat
que nous avons avec la société Recherches Bell-Northern
Ltée qui, quant à elle, nous permet des succès
intéressants.
M. Major (Paul): Oui, merci. Très brièvement, le
type de partenariat qui existe entre l'INRS-Telécommunication et la
société Recherches Bell-Northern, qui est une filiale du groupe
Entreprises Bell Canada est unique en Amérique du Nord, je crois, et
peut-être dans le monde. C'est une formule par laquelle les chercheurs de
l'INRS-Télécommunication travaillent physiquement avec des
groupes de chercheurs de Recherches Bell-Northern, c'est à
l'île-des-Soeurs à Montréal. Cette proximité
physique de gens fait en sorte que cela crée un climat d'interactions
entre ces gens, cela augmente le champ des préoccupations respectives
des deux groupes et c'est de nature à faire en sorte que la recherche
fondamentale qui demeure finalement le rôle de l'université est
une recherche orientée, sans que cela lui enlève son
caractère fondamental et plus pertinente en ce qui nous concerne.
Là, je peux parler de la société Bell Canada. En ce qui
nous concerne, cela nous apparaît une expérience
particulièrement intéressante, enrichissante et qui a produit un
certain nombre de résultats sur lesquels il serait trop long de
s'attarder, mais qui a quand même produit des résultats du point
de vue pratique qui font preuve de la valeur de la formule. C'est une formule
qui ne peut pas être répétée dans un même
domaine à plusieurs exemplaires mais on peut s'en inspirer dans d'autres
secteurs.
Mme Blackburn: Une dernière question. Merci, M. le
Président. Bien que vous ne soyez pas directement concernés, je
pense que cela a dû vous intéresser, j'aimerais avoir vos
commentaires sur une des recommandations contenues dans le rapport Gobeil
touchant la réorganisation, ce qu'il qualifie de réorganisation
majeure des organismes oeuvrant dans le secteur de la recherche.
M. Lemay: À ce moment-ci, tout ce que nous pourrions dire,
c'est que nous serions sûrement très intéressés
à y participer, à examiner tout ça. M. le président
nous a parlé d'un CNRS au début.
Je pense que c'est probablement la toute première idée qui
était venue à M. Johnson, à l'époque, lorsqu'il a
parlé de créer un INRS et tout le reste. Les choses ont
évolué très rapidement durant quelques années.
C'est devenu un INRS qui a réellement inquiété des
chercheurs universitaires ou même gouvernementaux, à
l'époque. Les choses sont entrées dans l'ordre à la suite
de deux remises en question. Je crois que c'est maintenant terminé
depuis le livre blanc de 1980.
Aujourd'hui, nous sommes heureux d'être universitaires, comme
l'INRS, parce que nous avons pu apprécier la valeur de la formation que
nous donnions aux étudiants. Il est important, particulièrement
au Québec où il y a si peu de chercheurs, de garder cet aspect
formation, tout en regroupant les recherches et les centres de recherche le
plus près possible. »
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur.
Vous allez conclure?
Mme Blackburn: Oui. Messieurs, au nom de ma formation politique,
je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette
commission. Tout comme les autres intervenants qui nous ont parlé du
développement de la recherche et des deuxième et troisième
cycles, les opinions que vous émettez ce matin nous paraissent à
la fois utiles et pertinentes.
Comme je me suis souvent portée à la défense des
universités en régions, je voudrais bien que vous sachiez que je
porte le même intérêt. J'estime qu'il est aussi important,
pour ne pas dire vital, qu'on investisse aussi dans la recherche et le
développement des deuxième et troisième cycles.
Mais pour qu'on puisse le faire de façon efficace, il faut
absolument augmenter la performance au premier cycle, parce que cela a des
retombées, des répercussions immédiates, à la fois
sur les capacités de recherche et sur la capacité de
l'inscription et de diplomation aux deuxième et troisième
cycles.
Je vous remercie infiniment de votre participation aux travaux de cette
commission et je souhaite à vos organismes longue vie.
M. Lemay: Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. le
ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.
M. Ryan: M. le Président, nous sommes frustrés
comme tous les membres de ta commission, je pense bien - et ceux qui viennent
nous voir - par les limites de temps à l'intérieur desquelles
doivent se faire nos discussions. Nous avions entrepris un exercice
assez considérable, celui qui nous invitait à entendre
tous les organismes intéressés à témoigner devant
nous.
Nous avons tenu notre pari et nous allons le tenir jusqu'au bout. Mais
une des conséquences de ce pari, c'est que nous ne pouvons pas disposer,
avec chaque organismes, de deux ou trois heures qui seraient
nécessaires. On a quand même pu aller au coeur des
problèmes dans le peu de temps qui nous était imparti. Nous avons
bien noté les difficultés particulières qui ont
été portées à notre attention par vous-mêmes,
M. Lemay et vos collègues, et nous allons poursuivre l'examen avec vous
au cours des prochaines semaines.
Par conséquent, c'est plutôt une entrée en
matière que nous avons faite aujourd'hui. Nous aurons l'occasion d'aller
plus au fond du problème et nous trouverons le temps de le faire.
Je vous remercie bien d'être venus devant la commission et
voudrais vous remercier également de l'apport précieux que les
chercheurs de L'institut et vous-mêmes avez fourni au cours des
dernières années à la prise de conscience du Québec
quant à l'importance de la recherche pour son progrès tout court.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, M. Lemay. J'espère, M. Lemay, que vous et vos
collègues n'avez pas l'impression d'être venus rencontrer une
galerie de députés frustrés, parce que tous ont dit qu'ils
étaient frustrés par le temps et par une foule de
contingences.
On vous remercie beaucoup, M. Lemay, de votre visite. La commission
parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15
heures, cet après-midi, alors que nous accueillerons l'Institut
Armand-Frappier. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M, Parent, Sauvé); À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission permanente de l'éducation reprend
ses travaux et accueille l'Institut Armand-Frappier, dont le porte-parole est
le Dr Aurèle Beaulnes qui en est le directeur.
Dr Beaulnes, bienvenue et merci beaucoup d'avoir répondu à
l'invitation de la commission permanente de l'éducation et de vous
être présenté à cette commission parlementaire qui a
pour but de rechercher des solutions à la problématique de
l'orientation et du financement du réseau universitaire
québécois.
M. Beaulnes, la commission parle- mentaire a prévu d'accorder une
heure à l'Institut Armand-Frappier, ou à peu près, on
n'est pas à la minute près, de façon à pouvoir
échanger avec vous sur cette problématique qui nous
intéresse tous. La procédure normale veut qu'on vous demande de
nous présenter les gens qui vous accompagnent, de nous présenter
votre mémoire ou la synthèse du mémoire et, après
cela, j'inviterai les représentants du parti ministériel et de
l'Opposition à échanger avec vous pour une période
d'environ 50 minutes, après quoi nous demanderons aux deux partis de
conclure au nom de leur formation politique.
M. Beaulnes, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous
accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre
mémoire.
Institut Armand-Frappier
M. Beaulnes (Aurèle): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire, nous
voulons d'abord remercier la commission d'avoir bien voulu nous inviter
à présenter nos observations sur les problèmes
reliés au financement et aux orientations du système
universitaire.
Nous ne ferons pas lecture du mémoire que nous vous avons soumis.
Dans un bref exposé d'environ dix minutes, dont nous vous avons remis le
texte d'ailleurs, nous présenterons certains aspects
complémentaires de notre analyse des besoins de notre institution.
En qualité de directeur de l'institut, permettez-moi de vous
présenter les membres de la direction qui forment notre
délégation. À ma gauche, M. Claude Vézina,
directeur adjoint à l'enseignement et à la recherche; son
collègue, M. René-Paul Fournier, le doyen des études
avancées et de la recherche, et, à l'extrême gauche, M.
Pierre Pagé, adjoint au directeur développement et planification;
à ma droite, M. Fortin, le directeur administratif de l'institut, et,
à sa droite, M. Marc Quévillon, qui représente le secteur
de l'exploitation et qui est notamment directeur du contrôle de la
qualité.
Je tiens à vous faire part, M. le Président, du vif regret
du président de notre conseil d'administration, M. Guy Dufresne,
vice-président de Consolidated-Bathurst, qui se faisait un devoir
d'être avec nous aujourd'hui, mais, en raison du décès
subit de son père, il n'a pu être des nôtres cet
après-midi.
Je souligne également la présence d'autres cadres de
l'institut, M. Bernard Myette, directeur des ressources humaines, et M. Normand
5mith, directeur des relations publiques et internationales.
L'Institut Armand-Frappier est un
établissement de haut savoir et de technologie avancée
dont la mission originale le situe dans une catégorie très
spéciale au Québec. Institution de recherche et de formation de
2e et 3e cycles exclusivement, il est spécialisé dans des
sciences appliquées et des technologies dérivées des
biosciences. Sa réputation repose sur 48 années de travaux de
laboratoire et d'exploitation des résultats de la recherche.
Le mémoire que l'institut a déposé à cette
commission parlementaire est une contribution de notre établissement
qu'il faut situer dans le prolongement du mémoire présenté
au nom du réseau par l'Université du Québec. C'est
pourquoi notre mémoire, dans une perspective de
complémentarité, aborde principalement la question du financement
des instituts de recherche. Il ne se désintéresse pas pour autant
des autres aspects de la problématique universitaire. Et il s'associe
aux positions adoptées par le réseau de l'Université du
Québec et notamment, ce matin même, par l'Institut national de la
recherche scientifique.
Puisqu'en outre de la question du financement notre mémoire met
surtout en lumière le mandat de recherche et d'exploitation de
l'institut, j'aimerais, pour mieux informer les membres de cette commission,
décrire d'une façon un peu plus spécifique nos
activités proprement académiques dont les priorités
répondent aux besoins urgents de formation et de recherche dans les
biosciences et les biotechnologies. Certaines réalisations de l'institut
sont plus visibles, voire, à l'occasion, spectaculaires. À titre
d'exemple, mentionnons la mise en chantier récente d'un pavillon
destiné à loger le Centre d'irradiation du Canada en action
conjointe avec Énergie atomique du Canada Ltée, projet qui,
d'ailleurs, s'insère dans le contexte général du mandat de
l'institut puisque l'irradiation gamma a comme but d'attaquer les
micro-organismes qui contaminent et détériorent les aliments et
qui causent diverses maladies infectieuses, ce qui est la cible première
de l'institut.
Je citerai aussi, comme réalisations peut-être plus
visibles, le défi sans cesse renouvelé de la production annuelle
de certains vaccins et, notamment, d'un vaccin très évasif, celui
de l'influenza, à l'intention de la population canadienne, certains
développements en partenariat avec BIOPRESERV Inc., avec une grande
firme d'ingénieurs-conseils, la maison Lavalin, et la création
toute récente d'une nouvelle entreprise d'exploitation, l'IAF BioChem
international Inc. Une liste plus détaillée de nos
réalisations récentes sur le plan de la recherche et de ses
applications a été insérée dans notre
mémoire.
Il importe d'emblée de rappeler que nos divers succès sont
l'oeuvre de longs travaux d'équipe et qu'ils reposent sur des acquis
précieux et sur la contribution dynamique et la collaboration constante
de nos six centres de recherche et de tous leurs chercheurs, de même que
des essentiels secteurs de l'exploitation et des services administratifs. C'est
pourquoi il s'impose de toute urgence, pour conserver et faire fructifier les
diverses possibilités de développement majeur de notre
institution, de veiller à accorder aux chercheurs, aux centres et aux
diverses unités scientifiques de l'institut le soutien financier sur
lequel se fonde toute la chaîne de ses réalisations.
En guise de rappel des grandes lignes du mémoire de notre
institution, on me permettra de me restreindre ici à la
présentation de certains passages seulement de ce mémoire dont
vous avez pu prendre connaissance avant cette séance. Créé
en 1938, donc, il y a 48 ans, sous l'impulsion du Dr Frappier et de quelques
hommes d'affaires, l'institut porta, de 1942 à 1972, le nom d'Institut
de microbiologie et d'hygiène de l'Université de Montréal.
Adrninistrative-ment autonome, toutefois, l'institut obtenait alors ses revenus
directement de l'État et, dans une majeure partie, de la vente de ses
produits biologiques. En 1972, l'institut entre dans le réseau de la
jeune Université du Québec et, en 1975, il prend le nom
d'Institut Armand-Frappier, en l'honneur de son fondateur et directeur pendant
36 ans. (15 h 15)
Les lettres patentes refondues de 1972 traduisent bien le
caractère hybride des objectifs et des orientations de l'institut qui
s'est vu confier par le gouvernement quatre mandats interdépendants:
premièrement, recherche orientée vers l'amélioration de la
santé, le développement industriel et la mise en valeur des
ressources naturelles; deuxièmement, formation de spécialistes au
niveau des études supérieures; troisièmement, services aux
gouvernements, aux hôpitaux et à l'industrie dans les domaines du
diagnostic, de la médecine préventive, de la microbiologie
appliquée et des sciences connexes et, quatrièmement,
caractéristique très distinctive de notre institution,
fabrication et vente de produits biologiques, vaccins, sérums, extraits,
antigènes et divers autres produits utilisés en biologie et en
médecine humaine et vétérinaire. Ajoutons que ces lettres
patentes spécifient que tout revenu commercial, toute contribution,
toute souscription ou toute subvention doit servir exclusivement aux fins de la
recherche et de l'enseignement.
Le mémoire décrit ensuite les entités
administratives particulières mises en place pour exploiter les
résultats de la recherche et pour permettre de diversifier les sources
de financement. Enfin, le mémoire rappelle les besoins
spécifiques de l'institut en ce qui concerne le financement de ses
installations, et j'y reviendrai très brièvement dans ma
conclusion. Nous pourrons apporter des précisions sur ces points
en réponse à vos questions.
Un mot sur la contribution plus proprement académique ou
universitaire de l'Institut Armand-Frappier puisque nous avons peu
touché cela dans notre mémoire. Le domaine très
spécialisé dans lequel oeuvre l'institut, comme le fait que son
enseignement ne touche que les 2e et 3e cycles, ne permettent pas toujours au
milieu extérieur de bien connaître son activité de type
académique. C'est pourquoi nous croyons nécessaire de
présenter certains chiffres regroupés selon divers indicateurs.
Le premier de ces indicateurs est le corps professoral lui-même. Il est
formé de 43 professeurs réguliers, parmi lesquels on compte 40
Ph.D., un pourcentage de docteurs très élevé. Il faut
ajouter à ce nombre le groupe des professeurs associés qui sont
accrédités pour enseigner et diriger les travaux de recherche; on
en compte 25, tous Ph.D. Signalons que de nombreux scientifiques oeuvrant dans
les autres secteurs de l'institut, tel celui de l'exploitation, sont aussi
détenteurs d'un Ph.D. ou d'un diplôme professionnel
équivalent.
Les étudiants présents à l'Institut Armand-Frappier
se distinguent en deux catégories. Tout d'abord, les étudiants
admis à nos propres programmes de maîtrise et de doctorat. II sont
tous des étudiants à temps complet. Depuis l'ouverture des
programmes en 1977, on compte un total de 110 étudiants qui ont
séjourné ou séjournent encore à l'institut. La
deuxième catégorie est formée d'étudiants admis
dans une autre université et qui poursuivent, également à
temps complet, tous leurs travaux de recherche sous la direction d'un
professeur de l'institut. Depuis 1981, ces étudiants sont au nombre de
56.
Les diplômés issus de nos activités
académiques se divisent également en deux catégories. Les
diplômés de l'institut lui-même, dans ses programmes de
maîtrise et de doctorat en virologie créés, je le
répète, il y a huit ans seulement, sont au nombre de 36 à
ce jour. Ils seront 44 en 1987. Mais d'autres étudiants en recherche
à l'institut sont inscrits, et nous en sommes particulièrement
fiers, à d'autres universités - McGîll, Montréal,
UQAM, etc. - et ont également été diplômés en
grand nombre. Depuis l'amorce des programmes d'enseignement supérieur de
l'institut, 91 diplômés sont de l'Université de
Montréal, 12 à McGill, 10 à l'UQAM; de l'Université
de Paris, 2 diplômés. Au total, depuis l'amorce de nos programmes
d'enseignement supérieur à l'institut, c'est donc 115
diplômés d'autres universités qui ont été
entièrement formés à l'institut. C'est une contribution
éloquente, je crois, à la collaboration interuniversitaire.
Plus particulièrement, depuis cinq ans, le total des
diplômés inscrits à d'autres universités est de 17
maîtrises et 10 doctorats. On trouvera d'ailleurs en annexe le
détail complet de ces diverses statistiques.
Les stagiaires de recherche, qui forment un autre groupe non
négligeable en institut, stagiaires postdoctoraux, stagiaires doctoraux
mais non inscrits à des programmes d'enseignement supérieur
depuis six ans, sont au nombre de 59 annuellement»
Les projets de recherche. Quels sont les indices de productivité;
la capacité de nos scientifiques à produire des fonds. Le corps
professoral dont tes membres consacrent la totalité de leur temps en
exclusivité à l'Institut Armand-Frappier comme à l'INRS,
nous l'avons vu ce matin, est très actif en recherche. L'an dernier, 117
projets ont été financés par des organismes
extérieurs recueillant ainsi un total de 3 700 000 $ de subventions et
de contrats. En regard du nombre de professeurs actifs durant cette
période, on établit donc à près de 100 000 $ la
moyenne de subventions et contrats obtenus par professeur. Je crois qu'il
s'agit là d'un indice de très bonne performance. En 1984-1985, la
productivité scientifique de l'institut a été croissante
et permet de dénombrer 106 publications et 150 communications. Au cours
des quatre dernières années, on dénombre un total de 339
publications et 549 communications scientifiques à des congrès
nationaux et internationaux.
Il faut aussi mentionner le rayonnement international des travaux de
l'institut. Au cours des dernières années, les formes de
collaboration scientifique se sont diversifiées et nous en sommes
maintenant à exporter, non sans une fierté légitime,
diverses technologies élaborées à l'institut. On trouvera
en annexe quelques exemples marquants de ces coopérations
internationales dans le cadre des 34 ententes signées depuis environ
cinq ans dans quatorze pays, notamment du continent asiatique.
Résumons maintenant, M. le Président, notre position sur
les besoins de financement. L'institut a respecté, au prix de sacrifices
énormes, les principes d'équilibre budgétaire
adoptés par l'assemblée des gouverneurs de l'Université du
Québec. Il entend assurer avec rationalité la gestion de ses
ressources afin de s'associer aux efforts de l'État
québécois pour garantir la stabilité des finances
publiques. Pour illustrer certains de nos besoins de financement, nous nous
contenterons d'un seul énoncé, quelque peu caricatural,
direz-vous, qui nous fait douloureusement mal. L'institut doit loger dans six
roulottes installées à demeure sur le campus 46 personnes, ce qui
représente 6 % des effectifs réguliers et 53 % des
étudiants réguliers.
L'Institut Armand-Frappier, qui a
contribué à la promotion des études avancées
de plusieurs autres universités sans recevoir aucune compensation
financière de ces dernières, appuie l'avis du Conseil des
universités qui, M. le ministre, vous recommande de hausser le niveau de
financement de l'enseignement et de la recherche universitaire.
Pour lui-même, l'Institut Armand-Frappier résume sa
position en rappelant son entier accord et son appui énergique à
la recommandation énoncée dans le mémoire de
l'Université du Québec, à savoir que pour assurer
l'évolution normale des instituts de recherche il faut qu'une nouvelle
formule soit développée et mise en vigueur le plus tôt
possible. L'institut ajoute à ces propositions son appui aux analyses
présentées par le Conseil de la science et de la technologie dans
son mémoire à la commission parlementaire et qui dit que toute
nouvelle formule de financement doit tenir compte des coûts réels,
incluant évidemment la composante des coûts indirects de la
recherche lors de la répartition des ressources.
Enfin, l'Institut Armand-Frappier demande au gouvernement du
Québec d'exercer toutes les pressions requises pour que les organismes
fédéraux de subvention de la recherche universitaire financent
les frais indirects de la recherche dont ils acceptent les projets, à
condition évidemment que des crédits additionnels soient
approuvés par l'État, sinon nous tomberions dans une situation
pas véritablement meilleure s'il fallait réduire l'ensemble des
budgets dévolus au support des frais directs de la recherche.
En conclusion, M. le Président, l'Institut Armand-Frappier tient
à affirmer que malgré les difficultés des finances
publiques le gouvernement du Québec doit maintenir son soutien pour
garder la recherche universitaire concurrentielle et pour lui conserver son
rôle de leadership scientifique et économique dans la
société contemporaine. À cet égard, l'institut
entend poursuivre tous ses efforts pour maintenir son excellence
académique et se donner les moyens appropriés à un
développement planifié.
L'institut réitère le caractère essentiel de sa
mission sociale en promotion de la santé et en exploitation des
retombées de la recherche appliquée, particulièrement dans
le domaine des vaccins. L'Institut Armand-Frappier souligne que sa longue
expérience en biosciences appliquées peut permettre un apport
efficace au développement économique de ce secteur et à
l'émergence de nouvelles industries. À cet égard,
d'ailleurs, M. le Président, l'institut a joué un rôle
important au cours des quelques dernières années comme incubateur
puisqu'il a fait émerger six entreprises dont cinq
sociétés autonomes. C'est pourquoi l'institut demande instamment
au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science un
soutien financier adéquat dans un cadre de financement renouvelé.
Au service de l'État québécois et de toute la
société, l'institut est une ressource importante qui demeure
sous-exploitée. Nous croyons qu'avec un correctif adéquat
apporté à ses problèmes de capitalisation il -pourrait
jouer un rôle décisif au triple plan de la formation, du service
à la santé publique et du développement
économique.
L'Institut Armand-Frappier attend du ministère les moyens
nécessaires à la réalisation des missions qui lui ont
été fixées dans sa charte adoptée par
l'Assemblée nationale, mission d'enseignement au niveau avancé,
mission de recherche orientée et mission de service public en promotion
de la santé et de développement industriel. M. le
Président, mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention et
de votre compréhension.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
directeur. Il nous reste exactement 40 minutes de discussion entre les membres
de cette commission. Le temps sera réparti également entre les
deux formations politiques, soit quinze minutes d'un côté et
quinze minutes de l'autre, et cinq minutes à chacun des partis pour
conclure. Je reconnais immédiatement le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
M. Ryan: C'est avec beaucoup de plaisir que du côté
ministériel nous souhaitons la bienvenue au Dr Beaulnes et à
l'équipe de l'Institut Armand-Frappier qui l'accompagne. L'Institut
Armand-Frappier est depuis de très nombreuses années un des
joyaux de la science québécoise. Nous connaissons tous le travail
remarquable qu'a accompli pendant des années le Dr Frappier. Vous
êtes aujourd'hui les continuateurs de son oeuvre et j'espère que
l'institut continuera longtemps à fournir une contribution originale,
autant au développement scientifique qu'à l'amélioration
de la santé, non seulement au Québec, mais à
l'échelle canadienne, voire internationale, comme vous l'avez
souligné dans votre présentation.
Aujourd'hui est une journée lourde pour celui qui vous parle
parce que c'est un deuxième aveu qu'il est obligé de faire. J'ai
dû confesser ce matin à l'INRS l'Institut national de la recherche
scientifique, que je n'avais pas encore pu trouver le temps d'aller visiter
l'institut chez lui. La même observation s'applique à votre
institut. Nous en avons parlé à plusieurs reprises et les projets
que j'ai conçus à ce sujet n'ont pas pu se réaliser
jusqu'à ce jour. J'espère que ce sera dans un avenir très
prochain. Je vais vous dire que je suis avec beaucoup d'intérêt le
travail de l'institut et que j'étudierai avec un intérêt
particulier les problèmes reliés au financement des instituts de
recherche et en
particulier l'Institut Armand-Frappier. Nous avons des ressources
extrêmement importantes engagées chez vous. Je suis content de
constater que vous nous avez posé des problèmes qui restent de
dimension quand même fort raisonnable. Vous ne nous avez pas
présenté des problèmes qui seraient de nature à
nous décourager en partant et le genre d'ajustements que vous demandez
est sûrement du genre qu'on doit étudier sérieusement. Je
ne suis pas en mesure de prendre d'engagements aujourd'hui pour des raisons que
vous comprendrez. Nous allons étudier avec beaucoup d'attention les
chiffres que nous apportait votre mémoire et nous aurons l'occasion d'en
discuter plus à fond dans un avenir prochain. (15 h 30)
Parmi les clarifications que j'aimerais peut-être vous demander,
Dr Beaulnes, il y en aurait une en ce qui a trait à la structure de
l'Institut Armand-Frappier qui est complexe, comme vous le dites
vous-même à plusieurs endroits dans votre mémoire. C'est
une institution qui chevauche à la fois sur la recherche et
l'enseignement et sur l'activité économique à
caractère rentable. C'est assez rare qu'on voit le mariage des deux
comme on le trouve chez vous. Il y a des grands avantages dans un mariage comme
celui-ci et il y a sans doute des problèmes également. Je ne suis
pas au courant de manière assez détaillée pour
émettre des opinions sur cela. Il y a une question que je voudrais vous
poser. Je remarque, à la page 10 de votre mémoire, qu'il y a un
organigramme où vous indiquez la structure du Groupe Frappier. Il y a
d'un côté la fondation avec les trois organismes à but
lucratif et de l'autre côté il y a l'Institut Armand-Frappier
proprement dit avec ses divers centres de recherche. À la page 21, vous
nous indiquez le budget total du Groupe Frappier. Le budget pour l'année
1985-1986 était de 28 000 000 $. Pourrais-je vous demander quelle est la
part qui va au côté gauche du tableau, à la page 10, et la
part qui va au côté droit?
M. Beaulnes: Alors, M. le ministre, vous aurez noté que
l'expression "Groupe Frappier" est entre guillemets. II ne s'agit pas d'une
structure corporative ou d'un consortium d'opérations. Il s'agit d'un
regroupement d'entreprises et de programmes qui a l'Institut Armand-Frappier en
son centre et autour duquel gravitent six sociétés qui ont
elles-mêmes des relations diverses avec d'autres groupes. Dans le cas de
la Fondation Armand-Frappier, à la gauche, il s'agit comme son nom
l'indique d'un organisme philantropique qui recueille des fonds par des
campagnes et qui contribue à verser, chaque année, entre 125 000
$ et 175 000 $ de contributions pour l'achat d'appareillage à des postes
de "fellowship" en recherche et à quelques autres types de supports
financiers. C'est donc une contribution qui n'est pas négligeable mais
qui demeure minime. Voilà pour cette partie de la Fondation
Armand-Frappier. Pour ce qui est de ce qui apparaît un peu plus bas, M.
le ministre, il y a IAF Production qui a actuellement un budget de 6 000 000 $
de revenus qui, pour l'année passée, s'ajoute aux quelque 22 000
000 $ de l'Institut Armand-Frappier, ce qui forme un budget total de 28 000 000
$, tel que cela apparaît à la page 21. Inclus dans l'Institut
Armand-Frappier l'année dernière, il y avait une autre des
composantes corporatives qui apparaissent dans la partie de gauche à
savoir l'IAF BioChem Inc., qui était l'an dernier pleinement
intégrée dans l'institut et qui engendrait environ 600 000 $ de
revenus. Depuis quelques semaines, cette entité corporative est
créée et la composante d'exploitation a quitté l'institut
et fera gonfler, si l'on veut, le budget total du Groupe Frappier.,
Quant à BIOPRESERV Inc., toujours dans le partie de gauche, M. le
ministre, cette corporation a été créée il y a deux
ans et amorce cette année ses travaux qui consistent essentiellement en
des études de faisabilité sur les radiations gamma. Un premier
contrat de 300 000 $ vient d'être obtenu de l'ACDI pour des travaux de
faisabilité en Égypte, sur les radiations gamma. Donc, dans la
partie de gauche, M. le ministre, dans les 28 000 000 $, l'IAF Production s'y
retrouve pour environ 6 000 000 $.
Pour ce qui est de la partie de droite, c'est la totalité des
activités de l'institut comme tel qui, évidemment, est l'une des
fières constituantes de L'Université du Québec. On voit la
division de ses unités opérationnelles de recherche, les centres
de recherche proprement dits. On voit en dessous - j'avoue qu'un organigramme
qui n'est que bidimensionnel est toujours un peu complexe, il devrait à
la fois être structurel et fonctionnel - le Centre de fractionnement
sanguin Armand-Frappier, qui est une autre composante du groupe même si
elle a des distances assez importantes avec l'institut, parce que c'est une
corporation totalement indépendante mais qui subventionne de la
recherche à l'institut et qui construira son centre sur le campus de
l'institut lui-même.
M. Ryan: Très bien. Merci. Je remarque que, dans
l'ensemble des revenus de l'ordre de 28 000 000 $, comme vous venez de le
rappeler, 4 000 000 $ viennent sous forme de subventions de recherche, de
contrats ou de commandites. J'ai remarqué également, au chapitre
de la production de diplômés, que le nombre des
diplômés qui sortent de l'Institut Armand-Frappier n'est pas
très élevé. J'aimerais que vous me donniez des
précisions sur ces deux points. Je trouve que
pour un institut de recherche, a priori, la proportion des revenus qui
viennent de contrats ou de subventions de recherche n'est pas très
élevée par rapport à l'ensemble; la proportion qu'on nous
a donnée ce matin pour l'INRS était plus forte que cela.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce rapport-là, de même que le
nombre relativement faible des diplômés, à mes yeux de
profane pour l'instant.
M. Beaulnes: Ce matin, M. le ministre, si je me souviens bien,
dans sa préparation l'INRS a laissé entendre que les revenus
moyens de subventions extra muros par scientifiques de l'INRS
dépassaient les 100 000 $; on n'a pas donné un chiffre
précis, je crois. Le nôtre, pour ce qui est de l'année
dernière, le chiffre assez précis est de 95 000 $, ce qui est
assez près, je pense. On peut dire que l'on se compare au moins à
nos collègues de l'INRS à cet égard.
Pour ce qui est du nombre des diplômés, j'inviterais notre
doyen des études avancées et de la recherche à commenter
ces chiffres et à commenter aussi l'indice de productivité.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le doyen.
M. Fournier (René-Paul): Une première chose qu'il
faut signaler c'est que l'institut a obtenu ses premiers programmes de
formation en 1977 ou 1978, si ma mémoire est bonne, c'est-à-dire
un programme de maîtrise et un programme de doctorat en virologie.
Le deuxième type de programme que nous avons obtenu, c'est un
programme de maîtrise en microbiologie appliquée dont
l'autorisation d'implantation a été faite pour septembre 1985.
Donc, cela veut dire qu'en termes de programmes de formation c'est passablement
limité à l'Institut Armand-Frappier. Il faut dire que dans les
programmes de maîtrise et de doctorat, avant de former un docteur, il
faut qu'il s'écoule un peu de temps. Je pense que, malgré tout,
en termes de temps moyen de diplomation, le score de l'institut par rapport
à l'ensemble des universités québécoises est
très bon. La petite quantité de diplômés qu'on peut
constater dans nos programmes s'explique dans une large mesure par le peu de
programmes que nous avons. À cet égard, je pense que l'Institut
Armand-Frappier insiste beaucoup plus sur le plan de la recherche que de la
formation. En d'autres termes, ses activités sont beaucoup plus
importantes du côté de la recherche que du côté de la
formation.
M. Ryan: Je pose juste une question, encore une fois, qui vient
plutôt d'un regard profane. Le fait que vous ayez des activités
à caractère lucratif greffées sur l'ensemble de la
structure, est-ce que ce n'est pas de nature à infléchir la
nature même de la recherche qui se fait à l'institut? Est-ce que
ce n'est pas dangereux que la recherche soit infléchie dans un sens
utilitaire et qu'elle perde peut-être de vue des objectifs fondamentaux
à plus long terme qui doivent être au coeur de l'activité
de recherche d'un institut universitaire?
M. Beaulnes: M. Vézina, le directeur adjoint,
répondra à cette question, M. le ministre.
M. Vézina (Claude): M. le ministre, vous nous avez
référé tantôt à l'organigramme qui se trouve
en page 9 et vous y voyez six centres de recherche. C'est dans ces centres de
recherche que se fait la recherche, bien sûr, mais aussi que se donnent
les programmes d'enseignement. Dans l'exploitation, dans la division des
produits biochimiques, jusqu'ici, il y a aussi des chercheurs qui font de la
recherche industrielle, mais qui collaborent peu aux programmes d'enseignement
de par la nature de leurs activités.
Il faut peut-être aussi se référer à la page
21, au budget, comme vous l'avez si bien fait plus tôt. Il faut
répéter que la subvention du ministère de
l'Éducation, qui nous vient de l'Université du Québec, est
d'environ 10 000 000 $ et il y a environ 4 000 000 $ qui sont obtenus par les
chercheurs eux-mêmes auprès des agents subventionnaires.
Quant aux autres sommes, elles viennent de la vente des produits. Les 10
000 000 $ ne sont pas du profit net. C'est un budget total qui comprend des
dépenses aussi bien que des revenus. On ne peut pas dire qu'il y a 10
000 000 $ qui sont affectés à la recherche et à
l'enseignement. En somme, il faut diviser le budget en deux, soit 14 000 000 $,
si on veut faire des comparaisons qui sont correctes.
Vous demandez si les activités commerciales peuvent contaminer,
pour utiliser un terme microbiologique, la recherche tout court et
l'enseignement. Je ne le pense pas, M. le ministre. Parce que, comme j'y ai
répondu dans la première phrase, les programmes d'enseignement se
trouvent dans les centres de recherche et les centres de recherche comprennent
des professeurs qui ont une liberté académique, ou une certaine
liberté académique, comme tous les chercheurs des autres
universités. Il y a des chercheurs qui sont orientés dans leur
recherche dans le sens que leur recherche doit correspondre aux objectifs de
l'institut, mais où il n'y a pas une attitude qu'on pourrait qualifier
de médiocre parce qu'elle est près, physiquement, des
activités commerciales de l'institut. On applique dans
les départements des universités traditionnelles et
conventionnelles la même rigueur scientifique que celle qu'on applique
dans les centres de recherche. Je pense que votre préoccupation n'est
pas fondée.
M. Ryan: Vous admettez que c'est un cas rare. Vous dites
vous-même que c'est, pour le moins, un prototype en avance sur son
temps.
M. Vézina: II y a d'autres modèles ailleurs,
peut-être pas au Canada et peut-être pas chez nous, au
Québec, mais il en existe quand même ailleurs dans le monde. On a
entendu parler, ce matin, de l'INRS où existe ce voisinage entre les
chercheurs et les industries, et je ne pense pas que cela conduise à un
manque de rigueur scientifique, au contraire. Je pense que la rigueur
scientifique est le gage de l'excellence dans l'enseignement et dans la
recherche, mais aussi dans la recherche industrielle et dans les relations qui
guident les universités et l'industrie. Les industries qui ont du
succès, je pense, comprennent que l'excellence de la recherche est une
condition sine qua non au succès.
M. Ryan: Une autre question, si vous me permettez, à
propos du lien entre l'Institut Armand-Frappier et l'Université du
Québec. Je vous demande si vous vous sentez à l'aise à
l'intérieur de ce lien, ce que vous apporte cette appartenance au
réseau des Universités du Québec et ce que vous apportez
vous-mêmes au réseau. Quelle est, en somme, la signification de ce
lien, si on excepte le fait que c'est un canal qui permet d'obtenir un
financement public? Évidemment, c'est à même le budget de
l'Université du Québec que l'institut est financé en bonne
partie. J'aimerais que vous me disiez ce que signifie ce lien pour vous. Si
cela crée des problèmes, j'aimerais que vous nous en saisissiez
aussi,
M. Beaulnes: Nous nous sentons bien à l'aise au sein de
l'Université du Québec. L'institut existait avant
l'Université du Québec - il a 48 ans d'existence - et, en 1972,
il a été jugé opportun de l'y insérer. Même
s'il portait auparavant le nom d'Institut de microbiologie et d'hygiène
de l'Université de Montréal, ce n'est pas juste, l'institut
était un locataire à l'Université de Montréal mais
sa gestion était totalement autonome. Depuis 1972, il a
été jugé, autant au niveau politique qu'au niveau des
administrateurs de nos universités, qu'une insertion formelle dans un
cadre universitaire permettrait à cette institution de se
développer davantage. Auparavant, l'institut n'avait pas de programme
d'enseignement de 2e et 3e cycles, ce sont les programmes de
l'Université de Montréal qui étaient empruntés, en
quelque sorte.
Un premier avantage a été, comme vous l'avez dit
vous-même, la possibilité d'avoir accès à un
régime de diplomation et de certification d'études avec des
programmes de chez nous, de l'Institut Armand-Frappier. C'est ce que nous avons
fait. Nous n'en avons pas suffisamment, ils ne sont pas à la mesure des
efforts que nous avons déployés, M. le ministre. Vous savez
combien il est difficile de passer à travers le crible du Conseil des
universités, du Comité des programmes et de votre propre
ministère pour avoir les crédits nécessaires pour les
développer. Nous aurions peut-être cinq programmes de Ph.D. si nos
plans avaient pu se réaliser. (15 h 45)
Nous avons pu, au sein de l'Université du Québec, obtenir
ce lien essentiel au plan de la diplomation. Nous avons pu, comme vous l'avez
très bien dit, hériter d'une formule de financement qui, avant
1972, était, je ne dirais pas incohérente, mais
imprévisible, directe, indirecte, etc. L'institut a quand même pu
progresser fort bien pendant toute cette période, mais je dois dire
qu'il éprouvait certaines difficultés qui se sont
corrigées assez bien, il faut le reconnaître, pendant les
premières années du séjour de l'Institut Armand-Frappier
au sein de l'Université du Québec. Je ne reviendrai pas - cela a
été fait ce matin par l'INRS -sur le problème de
l'évolution de la formule qui nous a défavorisés, depuis
trois ans surtout, de la même regrettable façon que l'INRS. Mais
cela n'est pas la faute de l'Université du Québec, en quelque
sorte. Au contraire, c'est une formule qui ne s'adapte pas suffisamment
à la réalité de notre mission. C'est la raison pour
laquelle notre plaidoyer se voudrait encore plus vibrant pour avoir une formule
cohérente. Mais nous sommes heureux d'être au sein de cette
université progressiste, omniprésente dont la mission
régionale, sectorielle et panquébé-coise est pas mal
unique.
En cela, M. le ministre, nous découvrons des ressemblances
passablement fortes avec la mission de l'institut. L'institut a
été créé en 1938 avec une mission sociale.
L'Institut Armand-Frappier, en 1938, était en quelque sorte un
précurseur de l'Université du Québec puisqu'il
s'était développé un contrat social entre l'État et
cette institution. C'est pour cela que nous sommes à l'aise: il y a une
parenté intellectuelle, il y a des démarches professionnelles qui
se ressemblent. Donc, nous sommes fiers de faire partie de ce réseau. Il
faut le maintenir absolument, M. le ministre. Notre mission pourrait, à
la rigueur, s'en dissocier. Certains disent que si l'IAF n'existait pas il
faudrait le créer. Mais pourquoi modifier cette relation qui est
déjà très importante au chapitre des relations
établies avec
plusieurs autres constituantes? Il y a au moins six autres
constituantes; c'est inutile de les énumérer ici, mais elles sont
importantes. Elles pourraient être encore plus significatives si nous
avions le léger supplément d'appui à notre infrastructure.
Nous pourrions, en plus de penser à survivre nous-mêmes, à
maintenir nos programmes et à éviter de trop en fermer, comme
nous avons dû le faire depuis quelques années, déployer nos
énergies autour de nous. Mais nous le faisons déjà
beaucoup, dans la mesure des moyens qui sont mis a notre disposition.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Beaulnes. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi,
porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement
supérieur et de science.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le directeur, M.
le président, messieurs, cela me fait plaisir de vous accueillir, au nom
de ma formation politique, à cette commission parlementaire. Le
ministre, en même temps qu'il reconnaît que vous êtes pour le
Québec et pour le monde international un joyau en matière de
recherche dans votre domaine, a semblé un peu nuancer cela par les
inquiétudes que semblaient contenir ses questions. J'aimerais, parce que
le temps nous presse toujours, venir plus rapidement à votre
mémoire. Je pense que, comme l'a fait un peu avant vous l'INRS, vous
faites état d'une formule de financement qui vous désavantage,
parce que la formule prend comme base les étudiants alors que vous
êtes un institut de recherche et qu'on ne peut pas établir une
telle base de financement en ce qui vous concerne. Je pense que c'est assez
clair dans votre mémoire. Par ailleurs, vous demandez au ministre et au
gouvernement du Québec d'exercer toutes les pressions requises pour que
les organismes subventionnaires fédéraux financent les frais
indirects de la recherche dont ils acceptent les projets. Je vous dirais que,
par rapport à toute la question des transferts de fonds
fédéraux, des fonds de recherche canadiens, toutes les questions
qui ont été posées au ministre étaient pour savoir
s'il avait l'intention de réclamer un relèvement des transferts
fédéraux plutôt qu'une diminution, que ces transferts
fédéraux soient attribués de façon
inconditionnelle, sans que cela ait comme effet d'orienter, soit la recherche,
soit l'éducation, soit l'enseignement supérieur. On n'a pas
encore eu de réponse du ministre là-dessus. Je dois dire en
boutade que, comme ce gouvernement estimait être mieux placé que
le précédent pour négocier, on devrait dans cette logique
trouver des retombées financières réelles par rapport aux
négociations avec le fédéral.
M. Jolivet: Bien oui. Même le ministre des Finances...
Mme Blackbum: Mais, pour le moment, on n'a pas encore vu
grand-chose, non plus qu'on ne connaît l'intention du ministre
là-dessus.
M. Ryan: ...
M. Jolivet: Ah non! C'est notre héritage.
Mme Blackburn: J'aimerais revenir rapidement. Une question
d'éclaircissement d'abord. Vous dites dans votre mémoire - le
premier - en page 22, en parlant des politiques: "D'autre part, elles ont pour
politique de récupérer, le mot n'est pas trop fort, les fonds
ainsi gagnés en diminuant d'autant la subvention." A quoi faites-vous
allusion? Je pensais que les rentrées de fonds étaient
diminuées d'autant lorsqu'il s'agissait des frais de scolarité.
Mais là vous nous dites que, si vous obtenez des subventions
additionnelles, on vous donne...
M. Fortin (Jean-Pierre): En fait, cela tient au discours qui nous
a été servi à quelques reprises, à savoir que les
revenus qui sont obtenus de différentes sources doivent autofinancer ce
qu'il est convenu d'appeler, dans d'autres institutions universitaires, les
entreprises auxiliaires alors que, dans le cas de l'institut, ce que l'on
qualifie, pour les fins des formulaires financiers du ministère,
d'entreprises auxiliaires s'avère plutôt être des
activités complémentaires qui font partie fondamentalement de la
mission de l'institut. En l'occurrence, ces revenus viennent aider à
supporter les coûts de l'infrastructure. C'est à cet égard
que cette affirmation est faite.
Mme Blackbum: Tout à l'heure vous nous disiez, en
réponse à une question du ministre, que ce n'était pas
faute de volonté de développement, mais parce que d'abord la
procédure est complexe, les filtres et les obstacles nombreux et que,
n'eût été que de votre volonté, vous auriez pu
ouvrir cinq ou six autres programmes de doctorat. Est-ce que vous avez des
projets d'expansion et de développement dans ce sens-là et quels
sont-ils"?
M. Beaulnes: Nous avons quelques projets - déjà
deux projets - mûris assez bien depuis quelques années.
J'inviterais peut-être M. le doyen des études avancées et
de la recherche à vous faire part de notre premier plan de
développement de nouveaux programmes.
M. Fournier: Nous avons actuellement un projet sur lequel nous
sommes à
travailler. C'est un programme de doctorat en microbiologie
appliquée qui viendrait coiffer l'actuel programme de maîtrise en
microbiologie appliquée qui a été implanté en
septembre 1985, comme je le disais tantôt. Nous envisageons
également, peut-être dans une perspective un petit peu plus
à long terme, de voir comment on peut répondre à
l'ensemble des besoins des chercheurs des différents centres de
recherche en termes de formation. Il y a deux avenues possibles à cet
égard. Ou bien nous développons un nouveau programme, et
là nous rencontrons l'ensemble des embûches dont on parlait
tantôt, ou bien nous tentons d'ajuster, à partir du programme de
doctorat en virologie que nous avons, de voir comment on peut adapter ce
programme de doctorat en virologie pour répondre notamment aux besoins
de nos immunologistes qui actuellement offrent une contribution fort importante
à la formation mais par le biais des programmes d'autres
universités, notamment l'Université de Montréal et
l'Université McGill. Ce sont, pour l'instant, les deux ouvertures que
nous entrevoyons en termes de programmes de doctorat.
Mme Blackburn: Dans votre mémoire, à la page 29,
vous dites qu'il serait intéressant d'instituer un programme de soutien
au développement de la recherche appliquée dans des domaines
ovateurs risqués. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quels seraient
quelques-uns de ces domaines novateurs? Si on avait de tels programmes,
étant donné l'actuelle division entre science et technologie, de
quel ministère devraient relever ces programmes?
M. Beaulnes: Très bien. L'institut, eu égard
à ses acquis, en fonction de la compétence
développée sur les microorganismes et sur les cellules, est un
outil privilégié pour accélérer le
développement des biotechnologies et leurs diverses applications. Or,
l'on sait très bien que, les biotechnologies appliquées, leurs
applications dans la bio-industrie représentent autant de domaines
novateurs qui s'insèrent en général fort mal dans le cadre
du financement habituel des projets de recherche. Lorsqu'il s'agit de
façon plus ponctuelle de programmes de recherche tels que sur le SIDA,
par exempte, l'institut a été l'un des premiers au Canada
à développer, il y a déjà cinq ans, un arsenal
complet pour le dépistage de la maladie, pour le développement de
meilleurs outils de diagnostic, etc -que faire? Nous sommes aux prises avec ce
problème. Il n'y a pas de fonds facilement disponibles pour lancer un
programme nécessaire, nécessairement novateur,
pluridisciplinaire. Les agences de financement de la recherche
fédérale sont eux-mêmes fortement plafonnés. Je
pourrais vous dire qu'un programme à cet égard a
été développé, a été annoncé
il y a déjà six mois, et je viens d'apprendre hier qu'il faudra
attendre six autres mois pour obtenir une réponse à
l'égard d'une demande de trois quarts de millions que nous avons faite
pour accélérer un programme très grand avant-gardiste
axé sur le développement de certains produits.
C'est là un exemple d'éléments novateurs
multidisciplinaires qui n'a pas, dans le réseau actuel de financement,
des méthodes assez souples. C'est tantôt ponctuellement sur un
programme urgent que l'institut pourrait, avec un certain nombre de moyens et
d'effectifs à sa dispositions, faire des progrès encore plus
significatifs. Dans d'autres cas, ce sont des disciplines ou des
interdisciplines qui cadrent très mal dans les programmes
réguliers de financement. Nous souhaiterions donc qu'il puisse y avoir
un cadre de financement plus souple, plus rapide, pour profiter des occasions
souvent uniques, dont des institutions comme la nôtre, l'INRS ou d'autres
institutions de recherche universitaire ont absolument besoin et qu'ils n'ont
pas aisément à leur disposition.
Mme Blackburn: Une dernière question. En page 31 de votre
mémoire, vous recommandez d'accroître l'enveloppe consacrée
aux équipements. Peut-être l'avez-vous dit et peut-être que
cela se retrouve. Ce serait l'estimation de ces besoins. De quel ordre
est-ce?
M. Beaulnes: Oui. Voilà là un
élément, Mme Blackburn, de grande frustration. L'institut, en
dépit de son budget relativement élevé de quelque 26 000
000 $ cette année, ne peut compter que sur quelque 700 000 $ pour le
réaménagement de ses divers locaux, l'achat d'appareillage pour
répondre tout simplement aux besoins du "turn-over" inévitable de
l'appareillage scientifique. Nous sommes véritablement
sous-subventionnés à cet égard.
Nous devrions avoir, au bas mot, de 2 000 000 $ à 2 500 000 $
à chaque année et nous avons été obligés, de
toute façon, au moins à chaque année, de trouver entre 1
000 000 $ et 1 500 000 $ de toutes sortes de sources, en faisant des emprunts
sur notre budget de fonctionnement, en étalant le paiement de certaines
dépenses que nous jugions essentielles de faire. Pour l'instant, nous en
sommes réduits - je m'excuse de l'expression - parfois simplement
à sauver les meubles. Achat d'une génératrice d'urgence:
350 000 $ qui sont enlevés au développement de la recherche;
construction d'un réseau plus efficace de canalisation entre nos divers
bâtiments; réfection d'un toit qui coule. Lorsqu'on a
répondu à ces besoins minimaux de nos 25
pavillons ou bâtiments à l'institut, la somme qui nous est
allouée est vite éliminée.
Nous aurions besoin véritablement d'une formule... Nous pourrions
démontrer aisément, je pense, Mme Blackburn, une formule
adéquate. Mais la formule qui nous est imposée ne tient pas
compte, disons qu'elle ne peut pas tenir compte d'une réalité
très différente de l'institut. Avec des confinements biologiques,
des coefficients d'utilisation imposés par les règles que nous
impose le contrôleur fédéral ou les contrôleurs
internationaux dans la production des vaccins, il y a tout un ensemble de
réalités dont les normes du ministère, hélas, ne
peuvent pas tenir compte, de sorte que le besoin est grand mais les sommes
disponibles demeurent trop faibles.
Aimeriez-vous ajouter, Jean-Pierre, quelque chose à ce sujet?
M. Fortin (Jean-Pierre): Non.
Le Président (M. Thérien): J'inviterais donc la
députée de Chicoutimi à tirer la conclusion pour son
parti.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, M. le directeur général, au nom de ma formation
politique, je voudrais vous remercier pour votre participation aux travaux de
cette commission. On l'a dit un peu plus tôt, vous faites la
fierté des Québécois dans ce domaine de recherche. Vos
résultats, je pense bien que vous nous en avez parlé mais ils
dépassent aussi largement ce qu'on peut lire dans ce document et ce
qu'on voit un peu entre les lignes.
Je ne pourrais que répéter qu'il est important qu'on
continue à investir dans la recherche au Québec malgré que
les conditions économiques aient été difficiles. II va
falloir un jour qu'on se résigne et qu'on constate qu'il y a des
priorités. Il me semble que, quand on parlera de recherche et
développement, cela devrait être la priorité, sinon, au
Québec, je le rappelle, on a peu de chance de se sortir de la crise
économique ou de s'en sortir gagnant. Le ministre s'inquiète des
effets que pourrait avoir une participation trop grande des subventions de
recherche qui viendraient un peu gauchir la mission de votre centre de
recherche ou encore la contaminer. Je trouve que, l'expression est assez juste.
Je dois dire que comprenant un peu la structure, j'aurais l'impression que cela
m'inquiète un peu moins chez vous que dans certaines grandes
facultés, pour tout dire ce que je pense. Le recours massif, comme le
recommandent beaucoup d'intervenants, à des commandites, des subventions
de recherche pourrait avoir cet effet de biaiser la mission des
universités et de l'orienter de façon trop fine dans certains
secteurs d'activité.
Pour le moment et avec l'expérience du passé, je n'ai pas
l'impression que c'est quelque chose qui me semble très menaçant
pour votre institut. Je souhaite qu'on trouve, dans les meilleurs
délais, des conditions, des règles de financement qui tiennent
mieux compte de la situation qu'est la vôtre et qu'on pourra vous revoir
un de ces jours prospère. Merci.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, Mme la
députée de Chicoutimi. Maintenant, pour le côté
ministériel, le ministre et député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais rappeler, comme je l'ai fait à
maintes reprises depuis le début des travaux de la commission, que poser
des questions dures, c'est un exercice nécessaire dans un mandat comme
celui qui a été confié à la commission. Il est bien
facile de faire seulement des remarques lénifiantes. Je pense
qu'à un moment donné,, il faut poser des questions comme on les
voit. Je pense que les gens qui viennent nous rencontrer s'attendent à
cela et sont capables de répondre comme l'ont fait très bien les
représentants de l'Institut Armand-Frappier, cet après-midi.
Je rappelle que j'ai posé cette question tantôt en songeant
- le Dr Beaulnes et ses collègues connaissent très bien ces
choses encore bien mieux que nous - aux problèmes qui ont surgi dans
plusieurs universités américaines avec la commercialisation de
certaines découvertes scientifiques. À un moment donné,
les chercheurs eux-mêmes sont emballés par les possibilités
illimitées que peuvent présenter leurs découvertes. Ils
sont induits à créer des entreprises à caractère
commercial qui finissent par s'installer sur des campus, à jouir de tous
les avantages qui sont inhérents à la nature d'un campus et, en
même temps, à garder pour eux-mêmes dans toute la mesure du
possible les avantages qui découlent de la commercialisation de leurs
découvertes. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Ce n'est
pas un phénomène dont on n'a pas lieu de s'inquiéter,
parce qu'il a existé à bien des endroits. Le facteur, le
"redeeming factor", comme on pourrait dire à propos de l'Institut
Armand-Frappier, c'est que les profits de ces entreprises doivent
statutairement être versés dans le groupe, y compris
évidemment dans les activités de recherche, au premier chef.
C'est un facteur très important. En tout cas, je le souligne devant vous
clairement. Aussi longtemps que cette condition de base reste assurée,
je pense qu'il y a lieu de regarder l'avenir avec confiance. Je le souligne
à dessein parce que le problème est loin d'être
imaginaire.
Pour le reste, j'ai dit tout ce que j'avais à dire, tantôt.
Vous pouvez être assurés que c'est ce que je pense. Les points que
vous avez soumis à notre attention, nous
allons les examiner avec toute la diligence et l'attention
nécessaires. Veuillez être assurés que, dans le
développement du dispositif scientifique québécois,
l'Institut Armand-Frappier occupe une place de choix. Nous allons essayer de la
préserver et de l'agrandir si possible. Merci.
M. Beaulnes: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Thérien): Merci, M. le ministre.
C'est à mon tour de vous remercier, de remercier l'Institut
Armand-Frappier, M. Beaulnes, qu'il nous fait toujours plaisir de revoir, et
ses collaborateurs. Merci beaucoup de votre apport.
La commission recevra, après une courte suspension de quelques
minutes, les Hautes études commerciales. On suspend les travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 5)
(Reprise à 16 h 8)
Le Président (M. Thérien): La commission
parlementaire va reprendre ses auditions. Je demanderais à nos
parlementaires de prendre place. La commission parlementaire de
l'éducation accueille l'École des hautes études
commerciales. Cela nous fait plaisir de recevoir le directeur de l'École
des hautes études commerciales, M. Pierre Harvey. M. Harvey, nous vous
laissons le soin de présenter aux parlementaires vos collaborateurs et,
ensuite, nous vous tracerons un peu l'itinéraire de la prochaine
heure.
HEC
M. Harvey (Pierre): Merci, M. le Président. Au nom de
l'École des hautes études commerciales, je remercie les membres
de votre commission d'avoir bien voulu nous entendre aujourd'hui. Je vous
présente immédiatement les membres de la délégation
de l'École des hautes études commerciales qui sont ici avec moi
aujourd'hui: à mon extrême gauche, M. Gilles Gauthier,
licencié en sciences commerciales de l'École des hautes
études commerciales, et MA en économie de l'Université de
Pennsylvanie. Il est directeur du centre d'étude en administration
internationale à l'École des hautes études commerciales;
M. Alain Rondeau, docteur en psychologie industrielle et directeur de la
recherche à l'École des hautes études commerciales; M.
Roger Charbonneau, MBA à Harvard, président de la corporation de
l'École des hautes études commerciales et directeur de
l'école de 1962 à 1975. M. Charbonneau est président du
conseil d'administration de la
Banque Nationale de Paris et président du conseil de Gaz
Métropolitain et d'un certain nombre d'autres conseils d'administration;
à mon extrême droite, Mme Francine Harel-Giasson, licenciée
en pédagogie, MBA et Ph.D., directrice des programmes à
l'École des hautes études commerciales, et M. Adrien Lacombe,
bachelier en sciences commerciales, CGA, directeur de l'administration et des
finances et responsable des finances à l'École des hautes
études commerciales depuis 1974. Nous avons aussi avec nous M. Jacques
Villeneuve, diplômé en relations industrielles et directeur du
centre de perfectionnement en administration à l'École des hautes
étuudes commerciales. M. Villeneuve a été
vice-président chez Johnson & Johnson, vice-président chez
Marine Industrie, président de Volcano, président chez Forano et
il a joint les rangs de l'École des hautes études commerciales en
1981. Il y a aussi M. Pierre Lesage, Ph.D., psychologie Michigan, directeur des
programmes de certificats et M. Pierre Hugron, MBA, vice-président de
l'Association des professeurs de l'École des hautes études
commerciales.
Avant de commencer, M. le Président, à vous résumer
notre mémoire, je voudrais vous signaler qu'à la lecture de notre
mémoire vous avez pu trouver quelques coquilles. Nous avons
essayé de respecter les délais et d'expédier notre
mémoire à temps, ce qui nous a obligés à travailler
en plein mois de juillet. Je dois confesser que le directeur de l'École
des hautes études commerciales n'est pas toujours un bon lecteur
d'épreuves.
Le Président (M. Thérien): Votre faute est
pardonnée. II nous fait donc plaisir de vous accueillir, vous tous, et
votre délégation quand même importante. On m'informait que
vous allez prendre de 15 à 20 minutes environ, ce qui laisserait environ
40 minutes de questions partagées entre les deux partis. Sans perdre de
temps, M. le directeur, on vous laisse la parole.
M. Harvey: Je crois, M. le Président, que nous avons
distribué des copies de ce résumé; alors, je
procède.
L'École des hautes études commerciales est une institution
qui a une histoire. Une histoire qui est celle des efforts qu'a faits le
Québec depuis le début du siècle pour se doter des leviers
économiques dont il était presque complètement
dépourvu. Les débuts de l'école sont contemporains du
grand élan qui semble avoir soulevé le Québec et dont sont
témoins alors les écrits d'Errol Bouchette, les grands
débats sur le dilemme colonisation agricole-industrialisation, la
fondation des caisses populaires et du Devoir, la fondation de la Chambre de
commerce de Montréal comme contrepartie au Board of
Trade dans lequel nos marchands montréalais se sentaient mai
à l'aise.
Malgré des débuts difficiles, l'école s'est peu
à peu imposée au cours des premières décennies de
son existence et ceci, en vivant en étroite symbiose avec le milieu
québécois et en s'adaptant continuellement à ses besoins.
Les toutes premières promotions de diplômés ne
trouvèrent que difficilement à s'employer. Mais très
tôt la création d'une corporation d'experts comptables par le
gouvernement du Québec vint ouvrir un nouveau champ d'activité
qui devait servir en quelque sorte de voie royale pour l'accès des
francophones à la vie des affaires. L'école se spécialisa
alors de plus en plus dans ce domaine, au point qu'avec la pression de la
demande issue de la guerre et de l'extension de l'impôt sur, le revenu la
quasi-totalité des diplômés se retrouvèrent pendant
un certain nombre d'années en comptabilité publique, ce qui
explique, au début des années cinquante, la création des
grands bureaux francophones d'experts-comptables à Montréal, dont
une proportion importante des associés seniors reste encore à
l'heure actuelle des diplômés de l'école. Et quand, avec la
Révolution tranquille, le Québec entreprit de se doter d'un
fonctionnarisme moderne, les diplômés de l'école furent
largement mis à contribution pour remplir les cadres nouvellement
ouverts. Il en fut de même avec la création des premières
sociétés d'État, ainsi qu'avec la constitution du corps
professoral en gestion des nouveaux établissements universitaires qui
furent créés au cours de ces années.
Pendant toute cette période, l'école avait cependant peu
à peu diversifié ses programmes et avait largement
débordé le champ de la comptabilité. Elle avait
créé le baccalauréat en administration des affaires,
doté lui-même de nombreuses concentrations: management,
comptabilité publique, marketing, finance, gestion de la production,
économie appliquée, etc. Elle avait mis sur pied un MBA et une
maîtrise en sciences de la gestion, MSC. Elle avait participé,
avec les autres universités montréalaises, au lancement d'un
programme conjoint de doctorat en administration. Tous ces
développements lui ont permis de contribuer largement avec les
années à l'apparition au Québec de cette nouvelle classe
d'entrepreneurs francophones dont on se plaît maintenant à
souligner le dynamisme. Plusieurs articles publiés sur ce sujet à
l'occasion du 75e anniversaire de l'école dont, en particulier, le
cahier spécial de la revue "Commerce" du mois d'août 1985, ont
abondamment illustré cette contribution de l'école au
progrès économique du Québec. L'école pourrait donc
dire à ses promoteurs du début de siècle: Mission
accomplie!
L'école des HEC, c'est, bien sûr, d'abord, un ensemble
d'activités d'enseigne- ment à travers la variété
de ses programmes: près de 2000 étudiants en cours
réguliers du jour et quelque 6000 dans les programmes pour adultes le
soir. C'est aussi un ensemble d'une dizaine de centres et de groupes de
recherche oeuvrant dans tous les domaines liés à la mission de
l'école. C'est une activité de coopération internationale
qui date maintenant de plus de quinze ans et qui concerne l'Algérie, la
Chine, les pays des Caraïbes et plusieurs pays d'Afrique noire.
Permettez-moi de souligner à ce sujet que l'école des HEC
se trouve au Canada au quatrième rang pour les subventions reçues
de l'ACDI au titre des projets de coopération pour le
développement. L'école des HEC se classe alors avant les
Universités McGill, Laval, de Toronto, de Montréal et toutes les
autres institutions canadiennes à l'exception de Guelph, Waterloo et de
l'Université de la Saskatchewan.
L'école des HEC, c'est aussi un centre de perfectionnement, le
CPHEC, qui continue une tradition inaugurée en 1912 et qui, en 1985-1986
a reçu dans ses séminaires et autres activités de
formation 2150 cadres supérieurs et intermédiaires dont la
moitié provenait d'entreprises employant au moins 500 personnes. Notons
à cet égard que la clientèle du centre a presque
exactement doublé depuis 1981-1982.
L'école des HEC, c'est donc beaucoup plus qu'une faculté.
C'est une quasi-université ayant vocation d'établissement
spécialisé. A côté des professeurs de management, de
marketing, de finances ou des autres domaines plus spécialement
liés à la gestion, l'école compte dans son corps
enseignant: les économistes, les sociologues, les psychologues, les
mathématiciens et à peu près tous les spécialistes
dont le champ de connaissance alimente le domaine de l'administration, ce qui
assure à ses étudiants et étudiantes un enseignement
très étroitement intégré dans toutes ses
dimensions.
Même si les activités de l'école se sont enrichies
avec le temps de travaux de recherche importants et essentiels à la vie
universitaire et à la qualité du contenu des cours,
l'enseignement est toujours resté une de nos préoccupations
majeures. Tous nos professeurs sont regroupés par service, selon leur
spécialité, sous la direction d'un de leurs collègues qui
joue le rôle de chef de service.
Dans la mesure où nous avons recours à des chargés
de cours, ces derniers sont regroupés par cours, sous la
responsabilité d'un professeur de carrière qui joue le rôle
de coordonnateur et voit à ce que tous les groupes-cours sous sa
juridiction reçoivent un enseignement comparable, disposent de
matériel pédagogique semblable, soient soumis à des
évaluations identiques et puissent acheminer leurs griefs et remarques
à qui de droit.
Les associations étudiantes font circuler dans les salles de
cours des questionnaires d'évaluation que les auditeurs remplissent, que
l'école traite dans son service d'informatique et dont les
résultats sont remis aux associations comme à la direction. Un
peu plus tard dans la session, - l'école procède à une
opération de même nature, soit une évaluation par les
étudiants, dont les résultats, cette fois, sont versés au
dossier du professeur pour fins de promotion, entre autres.
Dans les domaines qui sont les nôtres, nous devons recourir
à de très nombreux ouvrages américains pour assurer notre
enseignement, ce qui pose un problème culturel sur lequel je n'ai pas
à insister, mais qui soulève aussi des difficultés
pédagogiques du fait du manque d'adaptation de ce matériel aux
conditions québécoises.
Depuis une dizaine d'années, une , cinquantaine de manuels
spécialisés ont été produits à
l'école et sont largement utilisés dans les autres
établissements francophones. Vous avez ici sur la table la production
des manuels à ce jour, en 1986. À titre d'exemple, vous avez dans
cette pile, le dernier en date, "La gestion des opérations et de la
production", des professeurs Nolet, Kélada et Diorio, qui est
utilisé à l'Université d'Ottawa, à l'UQTR, à
l'Université de Sherbrooke et par différentes associations
professionnelles. Un manuel d'impôt et de planification fiscale en est
à sa sixième édition et a déjà
été tiré à 25 000 exemplaires. À l'heure
actuelle, au moins huit nouveaux ouvrages sont en rédaction dans
l'école pour édition prochaine.
Ces nombreuses contributions au développement de l'enseignement
de la gestion sont facilitées par le caractère très
fortement multidisciplinaire de l'école, caractère qui fait son
originalité dans le réseau universitaire québécois.
C'est là la source principale de sa force, mais c'est aussi l'origine
des difficultés financières qui lui sont propres et que le
Conseil des universités a fortement soulignées en faisant valoir
que l'école "paraît très mal servie par les modes actuels
de financement". Ceci m'amène à ce très grave
problème des ressources financières.
Dans le réseau universitaire du Québec, sauf HEC,
l'enseignement de la gestion se fait par l'intermédiaire de
facultés qui, en général, ont surtout sous leur
juridiction des professeurs dont les disciplines relèvent plus
étroitement de la gestion. Ces facultés reçoivent alors
des autres départements (sociologie, informatique, psychologie, etc.)
les cours de service dont elles ont besoin. Quand on calcule les coûts
disciplinaires, une large partie des coûts de l'enseignement se trouve
alors imputée aux départements de rattachement des professeurs
qui donnent ces cours de service. Si c'est le département ou la
faculté qui sert de cadre de référence pour la discipline,
le coût disciplinaire de l'enseignement de l'administration se trouve
d'autant sous-estimé qu'une partie en est imputée à
d'autres départements. L'université dans son ensemble n'y perd
pas puisqu'il y a compensation d'un département ou d'une faculté
à l'autre.
Mais HEC, avec son caractère fortement multidisciplinaire,: se
trouve à imputer à l'enseignement de la gestion la
totalité des coûts encourus. On peut donc affirmer que les
résultats financiers à l'École des hautes études
commerciales reflètent la vérité des coûts de
l'enseignement de l'administration au Québec. Mais le mode de
financement actuel fait que, dans le cas des HEC, ces coûts se trouvent
à apparaître comme supérieurs à ce qu'ils semblent
être dans une faculté d'administration de type classique, ce qui
explique peut-être la rigueur des compressions que l'école a
dû subir dans certains domaines et que nous avons essayé
d'expliquer dans notre mémoire.
Par exemple, en 1981-1982, au moment où allait s'amorcer la
série des compressions, la subvention par étudiant
équivalent temps complet aux programmes de certificat était de
2040 $. En 1985-1986, elle n'est plus que de 1438 $, soit une chute de 30 %.
Pourtant, les étudiantes et étudiants concernés font
déjà leur part, du moins par rapport aux autres, puisqu'ils
paient déjà à l'école des frais de scolarité
qui sont de 50 % supérieurs à ce qui se paie ailleurs dans des
programmes comparables, soit 750 $ par étudiant équivalent temps
complet, somme qui, bien sûr, est ensuite déduite de la
subvention. Cela laisse au gouvernement, du moins pour cette partie de la
subvention et pour ce programme, un coût par étudiant
équivalent temps complet de 688 $.
La spécialisation de l'école dans le domaine de la gestion
lui a, bien sûr, permis de profiter de la politique des clientèles
additionnelles dites prioritaires. Comme nous l'avons montré dans notre
mémoire, l'effet cumulatif combiné des compressions et
prélèvements, d'une part, et des subventions pour
clientèles additionnelles, d'autre part, a laissé un gain net
cumulé sur quatre ans de 2 543 000 $ pour un nombre cumulatif
d'étudiants équivalent à temps complet additionnels de
2158, ce qui nous a donné net 1178 $ par étudiant reçu
chez nous.
Reprenons alors le cas de cet étudiant équivalent à
temps complet au certificat et regroupons certains éléments de ce
qu'on pourrait appeler le prix de revient à l'unité. Les
chargés de cours auxquels nous avons recours nous coûtent en
moyenne 636 $ par étudiant équivalent à temps complet,
l'encadrement fourni par les professeurs de carrière, 633 $; le
coût de l'admission, du traitement des dossiers et des autres
opétations est à peu près 397 $ par étudiant
équivalent à temps complet, ce qui fait 1666 $. Par
rapport au gain net tiré du financement des clientèles
additionnelles pour cette partie de la subvention; l'excédent des
dépenses encourues sur le gain est de l'ordre de 488 $. II faut, bien
sûr, tenir compte des bâtiments, de l'informatique, de
l'audiovisuel, de la bibliothèque et du développement. On sait,
par ailleurs, que le programme de certificat reste relativement peu
coûteux par rapport au BAA et encore moins par rapport au MBA et à
la maîtrise en sciences. Nous nous trouvons donc dans la situation
paradoxale où, par suite de l'acceptation des clientèles
additionnelles, nous avons l'impression d'avoir sensiblement
détérioré notre situation financière.
Bien sûr, nous avons dû prendre les mesures pour tenir le
coup. Nous avons, d'abord, pendant un temps, laissé nos groupes-cours se
gonfler de façon démesurée. Au BAA-jour, par exemple,
où se retrouvent les jeunes diplômés du cégep, 68%
de nos groupes-cours comptaient plus de 50 étudiants en 1983. Nous avons
cherché, à partir de 1983-1984, à réduire quelque
peu la taille des groupes les plus nombreux. En 1985-1986, nous n'avions plus
que 54 % de nos groupes-cours qui comptaient plus de 50 étudiants au
BAA, ce qui reste considérable. Et, il y en avait encore une quarantaine
qui comptaient 60 étudiants et plus, dont certains au-delà de 70.
Même en troisième année où on devrait trouver des
groupes restreints, un cours intitulé "Le gestionnaire et la pratique de
la gestion" s'est donné avec 69 étudiants dans la salle. II
s'agit pourtant d'un cours faisant appel à la méthode des cas,
donc à une pédagogie active.
Pour tenir le coup, nous avons aussi reporté à plus tard
des dépenses qui s'imposaient. Par exemple, la bibliothèque de
l'école dont on dit partout que c'est l'une des meilleures en
Amérique du Nord dans son domaine est la seule qui ne soit pas
informatisée ou en voie de l'être dans le réseau
québécois. Faute de ressources, nous remettons la démarche
d'année en année. Nous avons deux ordinateurs centraux, un VAX
consacré à la recherche et à l'enseignement, un HP
consacré à la pédagogie et à l'administration, ou
à la gestion pédagogique et administrative. Le HP aura
bientôt dix ans et les systèmes avec lesquels il travaille ont
été conçus il y a huit ou neuf ans. L'appareil est
désuet et les systèmes sont surchargés. Pour le soulager,
nous louons les services de l'Université du Québec pour toutes
les opérations financières, mais c'est là une ressource
qui risque de nous être bientôt fermée. II aurait fallu
changer cet appareil il y a quatre ans et reconstruire les systèmes
d'exploitation, mais cela aurait nécessité des dépenses
que nous ne pouvions pas nous permettre. Faute de moyens, nous avons, là
aussi, remis la démarche d'année en année, mais nous
sommes actuellement presque le dos au mur.
Autre difficulté: à cause des clientèles
additionnelles, nous avons surencombré nos espaces au point que le
Service de protection contre les incendies de Montréal nous a enjoints
de retirer un certain nombre de tables de travail des corridors en particulier,
ce que nous avons fait, au détriment immédiat des
étudiants qui protestent contre cette perte d'espace de travail. (16 h
30)
Je suspends ici la litanie pour dire que, malgré tout,
grâce au dévouement de nos professeurs et de notre personnel, nous
avons honorablement tenu le coup. Nos jeunes diplômés trouvent
preneur. Il n'y en a à peu près pas parmi eux qui soient sans
emploi. Ils gagnent des salaires raisonnables et croissants. C'est donc dire
que nous avons réussi à donner une formation de qualité
à un nombre croissant de jeunes. Mais ceci s'est fait en ayant recours
pendant un temps au report à plus tard des dépenses qui auraient
dû être faites au fil des années, qui se sont
accumulées avec le temps et que nous ne pouvons plus reporter
maintenant.
Comment sortir de l'impasse? Nous l'avons dit dans notre mémoire,
nous sommes conscients que l'université coûte cher, mais elle
donne à ceux qui y ont accès des possibilités de gains
qui, escomptés sur toute une vie active, représentent un
placement très avantageux. Il serait normal que ceux et celles qui
profitent de cette formation en paient une part plus élevée que
ce n'est actuellement le cas, à condition que le système des
prêts et bourses soit adapté en conséquence et permette
à tout jeune qui en a les capacités et qui le veut d'aller
à l'université.
Sien sûr, les perspectives de gains, à court terme, ne sont
pas les mêmes pour toutes les catégories de diplômés.
II faudrait adapter les frais et les prêts et bourses en
conséquence. La disponibilité des services dans les
régions devrait aussi être assurée dans une mesure
satisfaisante. À court terme, cependant, et en attendant que soit
progressivement relevé le niveau de la contribution des usagers, le
gouvernement devra accroître et non réduire son support. On ne
peut indéfiniment demander aux institutions de chercher à se
hisser au plus haut niveau et en même temps réduire
continuellement - les ressources à leur disposition ou même
refuser de les accroître en proportion au moins partielle des
besoins.
Au-delà du niveau de financement, je ne peux éviter de
répéter ce que plusieurs ont déjà dit au sujet de
la stabilité des formules utilisées: On ne peut gérer
efficacement si on ne connaît le niveau des ressources dont on disposera
que quelques mois avant la fin de l'exercice. Deux ou
trois ans de stabilité à la fois devraient constituer le
minimum d'horizon de planification financière qu'on devrait laisser aux
gestionnaires.
Il serait souhaitable aussi que soient évitées les
interruptions brusques de programmes en cours. Pensons au programme de trois
ans de financement de la micro-informatique annoncé il y a deux ans.
Nous avions pris du retard en micro-informatique, un retard aggravé par
les clientèles additionnelles que nous avons acceptées. Quand le
programme de subvention sur trois ans a été lancé, nous
avons planifié nos achats en conséquence. Après un an, le
programme était cependant suspendu. Nous restons sans ressources pour
payer les achats effectués et avec des plans dont la réalisation
est incomplète, mais que nous devons interrompre sans que le moment
choisi pour ce faire ait une rationalité quelconque par rapport aux
plans originaux.
Je voudrais enfin suggérer que le gouvernement trouve le moyen
d'assurer le financement des frais indirects entraînés par
l'obtention de fonds de recherche» Dans la situation où nous
sommes, nous venons bien près d'implorer nos professeurs de ne plus
obtenir de fonds: ils nous coûtent trop cher. Un exemple entre plusieurs:
une équipe de l'école, spécialisée en recherche
opérationnelle, reçoit une subvention de 1 400 000 $ au titre de
l'Action structurante, programme considéré comme avantageux.
Cette équipe comprend des professeurs de Polytechnique et de McGill,
mais se trouve basée à l'école. Il leur faut disposer de
locaux que nous n'avons pas et qu'il faudra louer dans le quartier. Ils auront
besoin de mobilier, de téléphones, de lignes d'accès aux
ordinateurs, etc. Comme nous manquons déjà de ressources pour
faire face à nos engagements, toute subvention importante à la
recherche qui ne comporte pas de provision pour frais indirects ne peut faire
autrement que nous déséquilibrer davantage.
Il reste, pour terminer, à dire un mot de la formule de
financement elle-même. La source du traitement défavorable dont
l'école souffre et que le Conseil des universités a
signalée se trouve dans le caractère historique de la formule.
Nous avons reçu, pour 1985-1986, 17 000 000 $. Si, au lieu d'être
établi sur la base historique, notre financement reposait sur le
coût disciplinaire du secteur administration tel qu'utilisé pour
les clientèles additionnelles, c'est à 22 000 000 $ que nous
aurions droit. Et si, prenant en considération le fait que
l'école n'est pas une faculté classique, mais une institution
multidisciplinaire, on calculait la subvention selon le coût moyen par
secteur sur la base de la classification Clarder appliquée aux cours
donnés à l'école, c'est à 24 000 000 $ que
s'établirait fa subvention.
Il n'y a pas à se surprendre alors si l'école n'a pu
éviter les déficits de fonctionnement pendant quelques
années qu'en reportant sans cesse les dépenses qui pouvaient
l'être. À mesure que le report devient impossible, l'école
s'enfonce d'autant plus dans les excédents de dépenses sur les
revenus qu'elle accepte d'accroître ses clientèles, même si
elle se trouve dans un secteur dit prioritaire. Je vous remecie. M. le
Président.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup, M. le
directeur. Je passerai maintenant la parole au ministre et député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer MM.
Charbonneau, Harvey et les autres personnes qui les accompagnent, autant
à la table des témoins qu'en arrière. C'est un grand
plaisir pour nous de rencontrer les représentants de l'une de nos
meilleures institutions universitaires.
Nous avons eu l'occasion, il y a déjà plus d'un an, de
célébrer le 75e anniversaire de fondation de l'école.
À ce moment, le gouvernement était représenté par
un autre que par celui qui parle, mais l'Opposition du temps était
présente. J'avais pu constater l'état de très grande
estime dans laquelle l'école est toujours tenue non seulement par ses
diplômés, ses collaborateurs et ses élèves actuels,
mais par les représentants de tous les secteurs de la
société. Je partage cette estime. Je suis bien fier de pouvoir
vous le dire aujourd'hui en toute simplicité parce que j'ai
été témoin de la qualité du travail qui s'accomplit
à l'École des hautes études depuis maintenant près
d'une quarantaine d'années.
J'ai fréquenté une école autrefois qui avait
l'avantage de louer des locaux dans l'ancien immeuble de l'École des
hautes études commerciales. Nous fréquentions cette
bibliothèque dont vous avez parlé tantôt, M. le directeur,
dès ce temps. Et - je n'ose le rappeler - dès la fin des
années quarante, c'était la meilleure bibliothèque
universitaire de langue française à Montréal. Je suis
content de savoir qu'elle l'est demeurée. Je sympathise avec vous quant
aux améliorations que vous souhaiteriez apporter et pour lesquelles vous
n'avez pas les ressources voulues tout de suite- Je pense que cette
bibliothèque symbolisait la tradition d'excellence intellectuelle qui a
été une des caractéristiques de l'École des hautes
études commerciales. Ce n'était pas simplement une fabrique de
comptables ou de spécialistes du commerce. C'était aussi un lieu
où il s'est fait beaucoup de travail intellectuel et où il s'en
fait encore beaucoup. C'est une des caractéristiques que je trouve les
plus importantes de l'école.
Une autre caractéristique que je tiens à souligner, c'est
le rayonnement social qu'elle
a eu depuis longtemps dans la communauté. C'est peut-être
parce qu'elle est née en même temps que d'autres institutions qui
nous sont également chères, le Devoir en particulier, mais je
pense qu'elle a participé de cet esprit qui a caractérisé
l'époque de sa naissance. J'ai remarqué, au cours des
années, que l'esprit des Hautes Études débordait largement
les cadres de l'école pour imprégner la communauté sans
que, pour autant, l'école sorte de sa vocation. Je pense que cela est
bien important.
On l'a souligné à l'occasion d'autres rencontres que la
commission a pu avoir avec des institutions universitaires: le véritable
rayonnement d'un établissement universitaire se fera dans la mesure
où il reste fidèle à sa vocation, dans la mesure où
il ne l'emprisonne pas à l'intérieur de ses murs. Je pense que de
ce point de vue l'équilibre qu'a atteint au cours des années, et
maintenu surtout, l'École des hautes études mérite
d'être signalé à l'occasion d'une rencontre comme
celle-ci.
Lorsque je passais il y a quelques années soit à
l'intérieur, soit à l'extérieur de l'école quand
j'étais dans un autre métier que celui-ci, j'étais loin de
me douter qu'un jour on viendrait nous parler des problèmes financiers
de l'École des hautes études commerciales parce que
c'était censé être l'endroit où on apprenait comment
faire de l'argent. C'est désolant d'être obligé
d'enregistrer les faits que vous portez aujourd'hui à notre attention.
J'en étais saisi maintenant depuis quelques années. Je pense
qu'il n'y a pas lieu de s'attarder sur le tableau que vous avez
présenté et solidement étayé.
Je ne comprends pas qu'il existe encore des organismes pour se demander
s'il y a un problème. Franchement, après avoir pris connaissance
de votre mémoire, on pourra peut-être fonder une école de
supergestion un jour sur le sommet de la montagne qui nous apprendra des choses
miraculeuses. Il me semble que, s'il y a un problème chez vous - et il
est attesté par tellement de faits et d'affirmations - on devrait en
convenir. Moi, j'en conviens, en tout cas. Je pense qu'il y a un
problème de sous-financement. On en a parlé ce matin avec les
représentants des écoles de sciences de l'administration. Je ne
veux pas refaire tout le développement qui a pu être fait ce
matin. C'est évident que les sciences de l'administration, dans la
formule actuelle de financement, n'ont pas reçu le traitement auquel
elles auraient normalement droit. Elles ont été situées
dans un cadre qui engendre des conséquences du genre de celles que vous
avez signalées dans votre mémoire.
Nous sommes à réviser la formule de financement. Moi, j'ai
dit depuis le début qu'on ne peut pas parler trop de la formule de
financement à ce moment-ci parce qu'il faut d'abord que nous
réglions le problème du niveau de financement. Comme je le disais
à quelqu'un l'autre jour, si vous avez un pain pour quatre, que vous le
divisiez en dix, il n'y aura pas grand monde de satisfait parmi ce groupe. Je
pense qu'on doit hausser le niveau de financement. Je ne sais pas comment nous
allons le faire; nous allons l'étudier. Ensuite, on va parler d'une
formule de distribution des subventions qui sera plus équitable. On
avait essayé il y a deux ans, vous vous en souvenez comme moi, de faire
une redistribution à l'intérieur d'un niveau de financement qui
demeurait le même: ça a hurlé de toutes les
universités qui allaient être affectées, qui allaient
être obligées de donner une partie de ce qu'elles trouvaient
déjà insuffisant à d'autres. Rien ne s'est fait à
ce moment-là. C'est pour cela que nous avons, je pense, le
problème du niveau de financement. Il y a également, tout de
suite après, celui du partage des subventions d'une manière qui
tienne davantage compte de la contribution de chaque discipline et des
coûts réels surtout.
Cela étant dit, je voudrais vous adresser une couple de questions
qui portent sur des aspects dont traite votre mémoire. J'ai
été bien étonné quand j'ai appris il y a quelque
temps combien la demande était forte. Je le savais, mais je ne pensais
pas que cela l'était à ce point. Vous disiez que cette
année, par exemple, pour 650 places, vous aviez reçu 2770
demandes d'admission.
M. Harvey: Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Il y en a qui nous ont parlé ce matin d'une crise
de légitimité. Je ne sais pas ce que cela veut dire. Cela va
prendre un dictionnaire spécial pour comprendre ce que cela veut dire.
Devant une demande comme celle-là, il me semble que - je m'excuse
d'emprunter votre vocabulaire - le marché parle par lui-même. Dans
un cas comme celui-là, il y a sûrement quelque chose qui n'entre
pas dans ces catégories pessimistes.
Une voix: ...
M. Ryan: Mais pas dans le même sens du tout. Je
m'excuse.
Le Président (M. Thérien): Je m'excuse, mais j'ai
reconnu le ministre, il a le droit de parole. M. le ministre.
M. Ryan: Je signale ce fait. Je pense qu'il n'y a rien comme le
jugement du marché en fin de compte pour apprécier une
institution ou un service. Je pense que c'est très important. Celui-ci
n'est pas créé artificiellement par des subventions. La preuve,
c'est que les subventions sont à un niveau très inférieur
de ce qu'elles devraient
être. Vous nous dite3 ailleurs que vous avez 11 000 personnes, je
pense, qui sont inscrites à des cours aux HEC d'une manière ou
d'une autre. II y en a à peu près 2000 qui sont à temps
complet, si je comprends bien. Je vous amène sur la question des
programmes de formation courte. Tous les autres, je présume, sont dans
des programmes à temps partiel et dont plusieurs sont des programmes de
formation courte. Il y en a à temps partiel, mais en vue de
diplômes réguliers. Il y en a d'autres qui sont à temps
partiel pour des diplômes, des certificats ou d'autres formes
d'attestation.
J'aimerais que vous nous parliez de cela parce qu'il y a une
légende qui circule voulant que les programmes courts, ça serve
de vache à lait pour le reste. On se sert de cela pour aller chercher
des subventions. Voulez-vous nous dire comment se situent les programmes courts
dans le fonctionnement des HEC. Qu'est-ce que cela fait? Quels services
rendent-ils? Troisièmement, combien cela coûte-t-il par rapport
à ce que cela rapporte?
M. Harvey: Je pense que vous faites référence, M.
le ministre, à un avis qui a circulé l'année
dernière et qui venait du Conseil des universités et qui a
donné lieu à ce genre de remarque. Nous avons, pour notre part,
soumis dans un mémoire au Conseil des universités notre
réaction à cette question de la formation courte et nous pourrons
vous laisser quelques copies, de ce mémoire, tout à l'heure.
C'est Mme Harel-Giasson, directrice des programmes aux HEC, qui a dirigé
les travaux pour la préparation de ce mémoire. Je vais lui
demander de répondre à cette question, si vous le permettez. (16
h 45)
Mme Harel-Giasson (Francine): À l'École des hautes
études commerciales, les programmes de formation courte, à
l'époque actuelle, contribuent au déficit et non pas à
rétablir l'équilibre qui serait enfreint par d'autres programmes.
Essentiellement, si nous faisons de la formation courte, c'est pour
répondre à la mission de l'École des hautes études
commerciales. Cette mission est de répondre à cette demande
fantastique, en ce moment, au Québec, de cours de formation en gestion
et elle se manifeste de façon plus particulière chez des adultes
déjà dans le monde du travail qui veulent avoir cette
deuxième chance. Alors, c'est vraiment pour répondre à
cette mission parce que pour des raisons purement financières,
l'École des hautes études commerciales n'a aucun avantage
à faire de la formation courte en ce moment, même si elle prend
des moyens comme la dispensation d'un grand nombre de cours par des
chargés de cours encadrés par des professeurs de l'école
pour tenter de régler ce problème de sous-financement des
études de certificat à l'École des hautes études
commerciales.
M. Harvey: Je voudrais ajouter, M. le ministre, comme je l'ai
souligné tout à l'heure, que les étudiants qui viennent
chez nous dans les programmes de certificats manifestent leur
intérêt pour ce genre de programmes en payant déjà
des frais de scolarité qui sont de 50 % plus élevés; ils
paient 750 $ par étudiant équivalent à temps complet, soit
50 % de plus que ce qu'on -paie dans les autres institutions qui donnent le
même type de programmes. Naturellement, comme vous le savez, cela ne nous
ajoute rien puisque ces frais de scolarité sont soustraits de la
subvention. Les calculs que nous avons faits récemment, en essayant de
comprendre les sources de notre déficit, nous ont montré que la
formation courte contribue fortement fort probablement à l'augmentation
des excédents des dépenses sur les revenus, si bien que nous nous
inscrivons radicalement en faux - ce que nous avons fait, d'ailleurs, devant le
Conseil des universités, et nous vous remettrons des copies du
mémoire -contre cette prétention qu'il s'agit de la vache
à lait. Si c'est une vache à lait, elle est presque tarie et nous
pourrions nous en libérer s'il n'y avait pas une telle demande que nous
décidons de satisfaire.
M. Ryan: Très bien, merci. À la fin de votre
mémoire, vous concluez, après avoir examiné sans doute
toutes les autres possibilités, qu'il faut en venir à augmenter
les frais de scolarité exigés des étudiants comme moyen
d'équilibrer les finances des universités et, en particulier,
celles de l'École des hautes études commerciales. J'aimerais que
vous nous expliquiez comment vous en êtes venus à cette conclusion
et par quel cheminement. Deuxièmement, de quelle manière
verriez-vous que cette augmentation pourrait se faire? Est-ce que cela se
ferait par étapes? De quel ordre pourrait-être l'augmentation? Et
est-ce que vous pensez que ce serait de nature à avoir des
conséquences négatives sur la fréquentation à
l'École des hautes études commerciales?
M. Harvey: D'abord, notre cheminement, naturellement, j'ai
l'impression que c'est un peu celui de tous ceux et celles qui se penchent sur
les problèmes de finances publiques. L'éducation coûte
cher, les services sociaux coûtent cher et les services hospitaliers
coûtent cher. Si on n'avait pas ces trois problèmes, les finances
publiques seraient très légères. Dans la mesure,
naturellement, où on essaie, avec une certaine raison, au moins de
bloquer la croissance des déficits publics, de réduire les
déficits publics, il est évident que le secteur de l'enseignement
est visé au premier chef: c'est un des trois grands secteurs dits
dépensiers. Nous avons fait l'hypothèse que les efforts
qui sont faits pour réduire le poids des dépenses publiques
étaient là pour rester et que nous ne pouvions pas demander au
gouvernement d'augmenter nos propres ressources en accroissant, par exemple,
trop lourdement la pression fiscale qui est déjà lourde. Alors,
si nous regardons ce qu'il advient de nos diplômés - et c'est le
cas pour la plupart des diplômés universitaires -ils
acquièrent par leur formation universitaire une capacité de gain
qui est considérable et pour laquelle ils n'auront comme
responsabilité que la même responsabilité de tout autre
citoyen, c'est-à-dire payer leurs impôts.
À l'École des hautes études commerciales, c'est un
investissement qui, par rapport à d'autres, est relativement
léger. Si on prend un coût de 5000 $ par étudiant, on peut
facilement trouver d'autres facultés où on voudra multiplier cela
par quatre et un peu plus. Cela veut dire que, sur quatre ans, la
collectivité fait un investissement, sur certains étudiants, de
100 000 $. C'est énorme comme investissement. Ensuite, ces 100 000 $
vont donner des résultats, des rendements considérables pendant
tout le reste de la vie. Il paraît normal, en équité, par
rapport aux citoyens moyens qui paient des impôts - parce qu'on sait
maintenant qu'étant donné la pression fiscale les services
publics sont payés par ceux qui en profitent, c'est-à-dire par
les gens à revenus moyens qui retirent les services moyens que ceux qui
ont ainsi des perspective de gains supérieurs à la moyenne du
fait d'un investissement public qui est financé par les revenus moyens
des citoyens retournent aux citoyens moyens une partie de ces gains,
c'est-à-dire qu'ils acceptent de payer des impôts
supplémentaires. C'est une proposition qui se défend, si elle est
techniquement faisable. Ou alors qu'ils fassent personnellement une partie de
l'investissement. Nous ne voyons pas de moyen d'en sortir si nous voulons
maintenir le niveau de nos services.
Nous avons d'autant plus raison de raisonner de cette manière que
nos frais de scolarité au Québec sont considérablement
inférieurs à ceux qu'on paie dans d'autres régions du
Canada où les revenus sont même inférieurs à nos
revenus moyens. Si bien que, à moins, naturellement, que le gouvernement
ne se trouve une vocation peu probable d'augmentation de la pression fiscale,
on ne voit pas comment on peut permettre aux universités de disposer des
ressources pour assurer leur mission si les usagers n'en paient pas une plus
grande partie. À l'École des hautes études commerciales,
comme je !e disais tout à l'heure, le gros contingent de ceux qui
fréquentent les cours de certificat acceptent déjà de
payer 50 % de plus que ce que d'autres paient. Cela doit être possible
pour d'autres aussi.
Deuxième point sur la façon de procéder. Il
s'agît d'une situation de gel; on peut dégeler. Naturellement,
provoquer à cause de l'habitude une augmentation trop violente des frais
de scolarité, cela désorganiserait rapidement les budgets des
étudiants qui sont habitués à autre chose et ils ont
besoin d'avoir le temps de s'adapter, eux aussi. On devrait procéder
avec un objectif de 50 % ou 60 %, comme on voudra, avec une période
d'adaptation de deux, trois ou quatre ans, selon l'importance qu'on donnera
à l'augmentation. Nous ne voyons pas d'autre porte de sortie, pour notre
part, que ce réajustement au moins partiel et progressif pour nous
permettre de survivre.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup. Je vais
céder la parole à la porte-parole de l'Opposition, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
président, M. le directeur général, madame, messieurs, il
me fait plaisir de vous recevoir ici, à cette commission parlementaire.
Je ne commenterai pas longuement votre mémoire puisque vous nous avez
fait une bonne présentation. Cela nous a permis de faire assez bien le
tour du dossier.
Il y a deux choses que je remarque. Le fait, notamment, de votre
contribution à la publication d'ouvrages scientifiques en
français. Je dois vous dire, au cas où vous ne le sauriez pas,
qu'on avait un petit programme relativement modeste qui relevait du FCAR, qui
voulait encourager l'édition scientifique en français et qui a
été aboli. Dans le domaine qui vous concerne en particulier, je
trouve que votre contribution est inestimable et fort estimée,
d'ailleurs, de différentes écoles.
J'aimerais comprendre ce qui vous a amenés - je vais passer
immédiatement aux questions - à hausser de 50 % les frais de
scolarité pour les étudiants inscrits dans les certificats. C'est
bien ce que j'ai compris? En page 7.
M. Harvey: Les frais de scolarité n'ont pas
été haussés de 50 %. II faut se souvenir qu'il s'agit
d'une formule historique. Quand la formule historique a été
appliquée, nous essayions de financer l'institution le mieux possible et
nos frais de scolarité étaient déjà à ce
niveau. Ils ont été gelés à ce niveau au moment du
gel des formules.
Mme Blackburn: À présent, vous nous dites, avec
raison, - les chiffres le démontrent - que cela n'a pas d'effet sur
l'accès puisque la demande est plus grande que ce que vous êtes
appelés à satisfaire. Avez-vous des données sur l'origine
de vos
étudiants à temps partiel? Est-ce qu'ils viennent
majoritairement de l'entreprise? Alors, l'essentiel de leurs frais de
scolarité sont déjà défrayés par
l'entreprise qui les engage. Sont-ils en situation de perfectionnement ou de
formation initiale? S'agit-il de jeunes ou d'aînés? S'agit-il
d'hommes ou de femmes?
M. Harvey: Mme Harel-Giasson, s'il vous plaît.
Mme Harel-Giasson: D'accord. Il faut distinguer chez nous les
situations de formation et de perfectionnement entre les programmes
réguliers de formation, les programmes à crédits
universitaires dispensés par l'école, et les programmes du centre
de perfectionnement HEC qui, ceux-là, sont des programmes
destinés aux cadres et qui entraînent des coûts bien
différents.
Si nous parlons des programmes qui donnent des crédits
universitaires à l'école, nous pouvons dire que nos
étudiants du soir ont une provenance socio-économique
passablement différente de celle de nos étudiants du jour. Par
exemple, le pourcentage des étudiants à temps partiel dont les
parents étaient eux-mêmes des administrateurs ou des
commerçants, eh bien, chez nos étudiants du soir, c'est la
moitié de ceux du jour. La différence est vraiment très
marquée et on s'aperçoit que cette formule d'études, c'est
à temps partiel, beaucoup plus que le prix des cours qui, chez nous,
assure l'accès à une vaste partie de la population.
Le fait que les cours soient disponibles à des heures qui
conviennent aux adultes et le fait que ces cours puissent permettre l'obtention
d'un diplôme dans un horizon pas trop éloigné pour un
adulte, c'est cela qui les rend accessibles et non pas leur coût puisque
les programmes de certificats, par exemple, dont les frais sont plus
élevés, sont ceux où les inscriptions sont les plus
nombreuses. Il n'y a aucune corrélation entre le prix et le fait que le
cours soit accessible ou pas. La corrélation existe entre la formule,
c'est-à-dire temps partiel et cours dispensés à des heures
qui conviennent à des adultes, ce qui évite cette longue
période que j'appellerais de manque à gagner, qui est la
période des études à temps plein et qui fait que les
études à temp3 plein sont moins accessibles à toutes les
couches de la population, ce que nous constatons bien dans nos statistiques
à l'école.
Mme Blackburn: ... Peut-être que vous l'avez dit,
remarquez, et que j'étais un peu distraite. Vos clientèles
sont-elles déjà sur le marché du travail?
Mme Harel-Giasson: Les clientèles à temps partiel,
tout à fait, mais oui.
Mme Blackburn: Alors, elles ont déjà un revenu.
Mme Harel-Giasson: Oui.
Mme Blackburn: Bien, mais la proportion des femmes et la
proportion de ces personnes qui voient leurs frais de scolarité
défrayés par l'entreprise, quelle est-elle? Je pense que c'est
assez particulier dans ce domaine, c'est pourquoi il me semble qu'il faut
être prudent sur les conclusions qu'on peut tirer en disant: Cela n'a pas
d'effet sur l'accès.
Mme Harel-Giasson: La proportion des femmes est de 45 % dans les
études à temps partiel et le pourcentage d'études
payées par l'employeur, nous l'évaluons à environ 50 %.
(17 heures)
Mme Blackburn; D'accord. La diversification des sources de
financement. Vous défendez, au nom de l'équité, je
croîs -c'est un peu ce que j'ai compris - une hausse des frais de
scolarité en tenant pour acquis que cela n'aura pas d'effet sur
l'accessibilité. Cela reste à démontrer, mais, de toute
façon, je ne voudrais pas qu'on essaie d'en faire la
démonstration ici aujourd'hui. Il y a longtemps que cela aurait
été réussi, probablement, si on avait pu le faire, mais,
comme pour le moment, on est incapable de faire l'inverse. Tout laisse penser
que doubler les frais de scolarité pourrait avoir des effets pour
quelques années. À un moment donné, cela se
résorbe, mais les quelques années vous feraient prendre un peu de
recul, alors qu'on a déjà du retard; cela pourrait être
regrettable et cela pourrait avoir des effets sur la capacité du
Québec à se développer.
Il y a quand même une chose dans votre mémoire, M. Harvey,
sur laquelle je m'interroge. Vous dites que la scolarisation représente
un placement très avantageux, mais vous dites également, un peu
plus tôt dans votre mémoire, que cela représente un
placement avantageux non seulement pour l'étudiant, mais
également, de façon générale, pour les entreprises.
11 me semble avoir vu cela dans votre mémoire.
M. Harvey: Pour la société.
Mme Blackburn: Pour la société. Comme plusieurs
intervenants qui sont venus ici, est-ce que vous reconnaissez que dans
plusieurs entreprises la qualité des ressources humaines est
généralement, au moment où on se parle, ce qui permet cet
écart de bénéfices? La technologie est accessible partout
et elle peut être sensiblement la même; ce qui distingue votre
capacité d'être productifs et de connaître des
bénéfices, c'est beaucoup relié à la
compétence des
ressources humaines.
M. Harvey: Oui, madame. D'abord, en ce qui concerne la relation
entre les frais de scolarité et l'accessibilité, je voudrais
apporter une nuance qui est, d'ailleurs, dans le texte. Il est bien
évident qu'en équité nous devons, comme
société, voir à ce que les jeunes qui ont le goût et
le talent de faire des études universitaires puissent les faire quelles
que soient les ressources de ta famille. C'est là une dimension qui doit
être surveillée, je pense, avec la plus grande attention.
Cela dit, par ailleurs, il est bien évident - les études
économiques l'ont montré - que le niveau de scolarisation
entraîne une augmentation importante de la capacité de gains.
Troisièmement, la qualité des ressources humaines est une
contribution de première importance au développement
économique d'une société. Ce sont ces trois dimensions
qu'il faut prendre en compte, encore une fois, compte tenu du fait qu'on doit
surveiller attentivement la possibilité pour les jeunes à revenu
modeste d'avoir accès à l'université. C'est le
problème des prêts et bourses.
Compte tenu de cette dimension, les ressources humaines de
qualité profitent aux entreprises, mais par leur intermédiaire
elles profitent aussi au secteur parapublic et peut-être même
à la députation. L'ensemble de la société en
profite. II faut que la société prenne en charge une partie des
coûts puisqu'elle aura des bénéfices. Mais l'individu
reçoit aussi une part importante des bénéfices et il est
normal, à ressources personnelles égales, qu'il en assume une
part puisqu'il va en profiter. C'est cet ensemble d'éléments
qu'il faut prendre en considération. Je suis assez d'accord avec la
proposition du Conseil des universités qui disait qu'à même
les revenus tirés d'une augmentation des frais de scolarité on
devait se donner un système de prêts et bourses plus avantageux
pour compenser et garder aux enfants des familles moins fortunées une
accessibilité aussi facile qu'elle pouvait l'être avant
l'augmentation des frais de scolarité.
Mme Blackburn: Premièrement, on n'a pas la garantie que
cela va rester dans les enveloppes s'il y a une hausse des frais de
scolarité. La seconde chose, c'est que la tendance, cette année,
a été précisément d'accroître l'endettement
des jeunes de 24 000 000 $. Si on doublait les frais de scolarité cette
année et qu'on voulait ramener les étudiants et les
universités à la situation qui était la leur en 1985-1986,
je le rappelle, il faudrait retourner 24 000 000 $ dans les bourses aux
étudiants, 34 000 000 $ dans les universités et il faudrait
réinjecter, parce qu'on a doublé les frais de scolarité,
pour maintenir le niveau actuel d'endette- ment des étudiants, environ
le tier3 des 85 000 000 $ qu'on irait chercher. Cela nous ramènerait
exactement à la situation - pas un cent de plus - qui était celle
de 1985-1986.
Ce n'est pas là-dessus que cela portait et, du moment qu'on veut
bonifier l'aide financière aux étudiants sans accroître
l'endettement et sans revenir sur les 24 000 000 $ d'endettement additionnel de
cette année, cela laisse aux universités peut-être 15 000
000 $ ou 16 000 000 $, ce qui n'est pas encore le Pérou.
Une voix: ...
Mme Blackburn: Oui, le président du Conseil du
trésor aussi. C'est ce qu'il va s'apprêter à faire
tantôt. Vous parlez beaucoup d'équité et, là-dessus,
je serais prête à vous suivre pour un bon bout de chemin. Est-ce
que ne serait pas plus équitable la formule proposée par les
jeunes du Parti québécois qui dit que cela devrait être un
impôt-éducation qu'on paierait une fois les études
terminées et qui serait établi selon les revenus de la personne?
La deuxième question: Est-ce qu'on ne pourrait pas penser à un
impôt des entreprises? Elles sont avec la société - la
société contribue largement; par les impôts qu'on paie, on
contribue au financement universitaire - et les individus l'autre
bénéficiaire important. Est-ce qu'on pourrait penser à un
impôt-éducation dans les entreprises? Cela se fait dans quelques
pays. On m'a dit que cela se faisait en Allemagne, mais je dois dire que je ne
connais pas la formule. Il aurait fallu qu'on nous la soumette. Je sais que
cela se fait en France, selon une formule que vous connaissez probablement.
Sans partager la totalité de leur démarche ou les objectifs de
leur formule, on pourrait peut-être penser à cela. D'autant plus,
vous le savez certainement, que le fardeau fiscal des entreprises au
Québec est plus bas que celui de l'Ontario; on s'y compare souvent.
C'étaient deux questions: une première, l'impôt qu'on
paierait après avoir terminé ses études alors qu'on entre
sur le marché du travail et la seconde, un impôt dans les
entreprises.
M. Harvey: Je vous avouerai que je trouve assez
intéressante la formule de l'impôt après études, du
moins en termes théoriques, parce que, dans la mesure où on
augmenterait les frais de scolarité, la difficulté qu'on a, c'est
que les capacités de gains des diplômés varient. Il est
bien évident qu'un étudiant en médecine, qui coûte
100 000 $ pour quatre ans, a des perspectives de gains qui sont assez
supérieures, surtout à court terme, à celles du docteur en
philosophie médiévale. On n'est pas dans le même rayon au
point de vue des perspectives de gains, ce qui fait
que la difficulté d'augmenter les frais de scolarité,
c'est de moduler ces augmentations en tenant compte de la capacité de
gains.
Cela m'amène à votre deuxième remarque.
Peut-être faudrait-il passer par les prêts à ceux dont les
perspectives de gains sont élevées, ce qui soulage le
Trésor public, et un peu plus par les bourses pour garder quand
même une capacité de l'université à former autre
chose que des professionnels au sens étroit du terme, pour qu'elle ait
une vocation de culture collective peut-être un peu plus par les bourses.
On est obligé de jouer, de moduler sur ces deux tableaux. L'avantage de
la formule de l'impôt après, c'est de moduler automatiquement,
c'est bien certain. Cependant, là où je n'ai pas de
réponse, c'est sur la possibilité pratique dans un système
fiscal d'insérer ce genre de choses. C'est une histoire sur laquelle je
ne peux pas m'avancer.
Mme Blackburn: II faudrait dire que la formule a aussi un autre
intérêt: elle est automatiquement indexée.
C'est-à-dire que, comme normalement les salaires augmentent, les revenus
augmenteraient également.
Pour ce qui est des entreprises?
M. Harvey: Ah, je m'excuse. Les entreprises. Je me méfie
un peu de la facilité avec laquelle on peut dire: Taxons les
entreprises, comme si les entreprises étaient des parties non
rattachées à l'ensemble du corps social. Il faut toujours se dire
qu'au Québec nou3 sommes dans une situation de concurrence difficile.
L'économie du Québec a quand même à souffrir un
certain nombre de handicaps dans la concurrence régionale
nord-américaine. Nous sommes un peu périphériques, nous
avons des niveaux de vie comparables à ceux du reste des régions
de l'Amérique du Nord, ou presque, et nous devons prendre garde, car la
création d'emplois se fait - on peut aimer ou ne pas aimer - à
condition que les entreprises réalisent des rendements à
l'intérieur du Québec qui leur permettent de se comparer à
ce qu'elles peuvent obtenir ailleurs.
Il faut bien prendre garde car taxer les entreprises, c'est aussi mettre
en danger un certain nombre d'emplois éventuels. Il ne faut pas aller
trop loin. Naturellement, on peut très bien là-dessus aussi faire
une argumentation qui est un plaidoyer pour défendre des avantages non
justifiés, mais il n'y a pas de formule magique en disant: Taxons les
grosses entreprises.
Une dernière remarque sur le cas des entreprises. Une entreprise,
ce n'est pas un individu qui mange littéralement son revenu avec une
grosse maison, une voiture et en allant au restaurant. Une entreprise, c'est un
être de raison en quelque sorte, cela ne mange pas ses profits, cela
prend des profits et cela en fait autre chose, sauf la partie qui est
distribuée aux actionnaires s'il s'agit d'une compagnie. Ces revenus
qu'on enlève et qui passent par l'impôt, l'entreprise ne les a
plus pour faire du développement. Si on bloque le développement
de l'entreprise, on bloque le développement de l'ensemble de
l'économie. Il n'y a pas de formule magique de ce
côté-là. Il faut être extrêmement prudent et,
si les entreprises au Québec sont moins taxées qu'en Ontario,
nous en avons besoin. Il serait souhaitable qu'elles le soient encore moins
parce que nous n'avons pas tous les atouts dans notre concurrence
régionale.
Le Président (M. Thérien): J'inviterais maintenant
la députée à conclure, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Une petite remarque à M. Harvey. Si on se
fie au rapport du NPD sur les bénéfices non imposés dans
les différentes entreprises canadiennes, cela aurait dû avoir
comme conséquence de trouver un niveau d'investissement
extrêmement intéressant.
M. Harvey: Je suis d'accord qu'il y a là un
problème, celui des échappatoires fiscaux. Le deuxième
problème, c'est que ces fonds dégagés ne sont pas
nécessairement utilisés au Québec. Il y a un nombre
d'autres dimensions qu'il faudrait tenir en considération.
Mme Blackburn: La façon de les investir, c'est
peut-être de les imposer.
Avant de conclure, M. le Président, à quelques reprises le
ministre de l'Éducation a douté des chiffres que
j'avançais sur le fardeau fiscal des particuliers. Le fardeau fiscal des
entreprises, j'ai réussi à lui démontrer que... J'avais
raison là-dessus, il n'y est pas revenu. Sur le fardeau fiscal des
particuliers, je voudrais le ramener au document de son gouvernement, Les
finances publiques du Québec, 5 mars 1986. Je me permets de le lire pour
convaincre le ministre. Deux paragraphes, si vous me le permettez, M. le
Président: "On a vu dans son ensemble le fardeau fiscal au Québec
apparaître désormais comme étant relativement
concurrentiel, du moins par rapport à l'Ontario - on connaît leur
propension aux comparaisons ontariennes - mais il est toutefois réparti
inégalement puisqu'il est marginalement inférieur dans le cas des
entreprises et sensiblement supérieur dans le cas des particuliers."
C'est-à-dire des entreprises, moins 2,2 % et des particuliers, plus 7,2
%.
Je pourrais continuer à lire là-dessus. Le
redressement...
Le Président (M. Thérien): Je vous
inviterais à conclure, vous rappelant votre propre horaire.
Mme Blackburn: Je trouvais que c'était important parce que
le ministre a douté des chiffres que j'avançais là-dessus.
Pour compléter son information, je l'enverrais à la page 36 de ce
document qui détaille un peu plus le fardeau fiscal des particuliers au
Québec.
Vous nous excuserez de cette mise au point, monsieur. Quand cela n'est
pas fait à l'intérieur des travaux de la commission, pour un
éventuel lecteur, quelqu'un qui aurait le goût de relire les
débats de cette commission, on pourra voir que les chiffres que
j'avançais étaient même au-dessus de la
réalité parce que j'avais avancé quelque 10 % ou 11 %
d'écart.
M. Harvey, M. Charbonneau, madame et messieurs, cela m'a fait plaisir au
nom de l'Opposition de vous recevoir à cette commission et de vous
remercier de votre participation à ses travaux. Bien que sur certaines
questions, vous avez pu le constater, je ne partage pas toujours votre vision
des choses, il n'en demeure pas moins que l'expression des opinions de tous est
indispensable sinon on ne verrait pas où se trouve l'utilité
d'une telle commission. À n'en pas douter, les avis, les propos, les
commentaires qu'on a reçus depuis le début des travaux nous ont
permis d'avoir une vision beaucoup plus juste des problèmes qui
confrontent l'enseignement supérieur au Québec et
également de certaines voies de solution. Pour votre contribution aux
travaux de cette commission, je vous remercie.
Le Président (M. Thérien): Je céderai
immédiatement la parole au ministre et député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Très bien. Nous réglerons nos querelles de
chiffres en d'autres circonstances.
Je voudrais dire au président de la corporation des hautes
études commerciales que le Parti québécois a perdu un bon
président de sa commission politique quand M. Harvey a
décidé de devenir directeur de l'École des hautes
études commerciales. On sent l'absence d'un bon économiste dans
les raisonnements que nous sert l'Opposition, depuis un certain temps. Je suis
bien content que vous soyez venus nous faire une leçon des deux
côtés de la Chambre. J'espère qu'elle a rapporté
autant de fruits d'un côté que de l'autre. Je pense que le
raisonnement était clair, la problématique était nette, la
conclusion, logique, d'un point de vue rationnel.
Du point de vue de l'homme politique et du gouvernement, il y a toujours
d'autres facteurs qui viennent s'ajouter à l'examen d'un dossier, comme
le savent très bien ceux qui sont venus nous rencontrer aujourd'hui. Je
crois qu'on a eu une contribution très valable. J'ai beaucoup
apprécié la qualité du mémoire qui nous a
été soumis par l'École des hautes études
commerciales. Je veux vous assurer, M. le président, M. le directeur et
les autres membres de la délégation, que nous allons examiner
avec attention et beaucoup de soin les représentations que vous nous
avez faites. J'espère que nous pourrons mettre au point, dans un avenir
pas trop éloigné, les solutions aux deux problèmes que
j'ai mentionnés pendant un stade antérieur de la discussion,
c'est-à-dire les solutions au problème du niveau de financement,
les solutions au problème de la formule de partage des subventions
gouvernementales entre les établissements universitaires.
Vous nous avez dit ce qui devait être dit par votre institution de
ce point de vue. Je pense pouvoir vous assurer que cela a été
bien noté des deux côtés. Merci.
Le Président (M. Thérien): C'est à mon tour
de vous remercier, M. Harvey et tous les membres de l'École des hautes
études commerciales de votre apport aux travaux de la commission. Merci
beaucoup.
Nous allons suspendre quelques minutes pour recevoir ensuite
l'Université Bishop's.
M. Harvey: M. le Président, nous avons apporté un
certain nombre de copies de documents qui peuvent servir de ''complément
à ce que nous avons discuté. Nous vous les remettrons pour
distribution, si vous le voulez, aux membres de la commission.
Le Président (M, Thérien): Que vous ne
déposez pas, mais que vous remettez aux parlementaires.
M. Harvey: C'est cela. Le Président (M.
Thérien): Merci. (Suspension de la séance à 17 h
18)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Thérien): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission parlementaire reprend ses travaux avec
l'Université Bishop's que j'accueille avec fierté. J'invite M.
Scott, qui est le principal, à nous présenter ses collaborateurs
et ensuite, nous discuterons un peu du temps qui nous est alloué.
Université Bishop's
M. Scott (Hugh M.): Merci. Madame, messieurs, c'est un plaisir...
Premièrement, j'aimerais simplement dire que nous apprécions
beaucoup d'être ici. Je vous présente, à ma gauche, Karl
Kuepper, doyen
de la faculté; à ma droite, Jean-Luc Grégoire,
vice-principal à l'administration et à mon extrême droite,
Mlle Patricia Herrbach, étudiante à Bishop's.
Le Président (M. Thérien): La commission avait
prévu à peu près 1 h 30, mais après certains
pourparlers, je pense que si cela se fait assez rapidement et si la
période de discussion se fait aussi très rapidement, 1 heure ou 1
h 10 pourrait suffire, comme M. Scott me le disait. Je vous cède
immédiatement la parole.
M. Scott: Merci. Premièrement, nous avons
présenté notre mémoire et je pense que vous en avez tous
une copie. De plus, j'ai demandé la permission de vous présenter
quelques réflexions, quelques informations supplémentaires
à la suite de vos délibérations et de certaines questions
qui ont été souvent soulevées dans vos
délibérations. Ce que je vous propose, c'est de vous
présenter un peu le résumé de notre mémoire et
ensuite, avec votre permission, mes collègues éclairciront
certains aspects de notre mémoire et donneront certaines informations
supplémentaires.
Dans notre mémoire, l'Université Bishop's exprime sa
conviction que tout le réseau des universités du Québec
est sous-financé. On souligne qu'il s'agit là du problème
essentiel auquel on doit faire face et qu'il ne faudrait pas que la formule de
distribution des ressources entre les universités devienne "divisive" et
qu'elle serve d'échappatoire au problème essentiel du
sous-financement. Bishop's prétend que la diversité dans le genre
et la taille des universités du Québec est un avantage qu'il faut
continuer à cultiver. Le mémoire reconnaît cependant que ce
manque d'homogénéité pourra engendrer des problèmes
lors de la préparation des nouvelles formules de financement.
On demande a la commission de porter une attention particulière
aux caractéristiques uniques de chaque institution et d'en tenir compte.
Bishop's pense que sa taille relativement petite et sa situation en milieu
semi-rural sont des avantages qui doivent être préservés.
On note cependant que ceci entraîne des problèmes particuliers
dans des domaines comme ta charge d'enseignement, la disponibilité des
chargés de cours et dans le renouvellement du corps professoral. Notre
mémoire suggère aussi qu'on porte une attention
particulière aux caractéristiques spéciales de ta
population étudiante au premier cycle, aux caractéristiques
spéciales de la recherche dans les différentes disciplines et aux
avantages indirects ainsi qu'aux coûts indirects de la recherche lors de
la préparation de toute modification aux formules de financement.
Enfin, notre mémoire montre l'impact dévastateur du
sous-financement des cinq dernières années et la situation
financière de l'université.
M. le Président, avec votre permission, j'ai l'intention
maintenant de vous présenter le doyen de notre faculté, M.
Kuepper, qui peut souligner certains aspects du mémoire, mais qui ont
également un tien avec certaines inquiétudes soulevées par
les membres de votre commission et aussi par certains autres
interlocuteurs.
Le Président (M. Thérien): Allez-y.
M. Kuepper (Karl J.): Merci, M. le Président. Je voudrais
souligner seulement trois champs d'intérêt de nos programmes et
des services offerts à la collectivité. Le premier est la
question d'accessibilité de notre institution et des services qu'elle
rend à la région, le deuxième est le type de
baccalauréat offert par l'université qui est d'une nature
très générale et le troisième est un exemple d'une
réponse qu'a donnée notre université à un
problème qui n'est pas limité au Québec! la
compétence de la langue d'enseignement, comme exemple seulement. Si vous
voulez, je peux répondre à vos questions à cet
égard, mais à ce moment c'est tout ce que je voudrais dire. Merci
beaucoup.
M. Scott: Merci. Maintenant, je vous présente M. Jean-Luc
Grégoire, vice-principal à l'administration qui peut soulever
également certains aspects et surtout notre situation
financière.
Le Président (M. Thérien): M. Grégoire.
M. Grégoire (Jean-Luc): M. le Président, nous nous
inquiétons des effets que pourrait avoir à l'Université
Bishop's l'application d'une formule de financement qui inclurait une trop
grande pondération basée sur le niveau des subventions de
recherche. Ceci ne veut pas dire qu'il ne se fait pas de recherche à
Bishop's. Il se trouve cependant que notre éventail de disciplines
n'inclut pas les domaines de recherche qui demandent de grandes infrastructures
et des équipements importants. De plus, à cause de sa
spécialisation dans l'enseignement au premier cycle, l'Université
Bishop's ne peut pas faire appel aux étudiants des deuxième et
troisième cycles pour aider aux projets de recherche. Dans les lettres,
l'administration et les sciences sociales, c'est surtout le professeur qui fait
le travail et ceci exige une grande disponibilité de sa part.
L'Université Bishop's doit aussi fournir un appui important au
secrétariat et aux équipements de traitement et d'impression des
textes. Il faudrait donc songer à baser le volet de la recherche de la
formule
davantage sur la masse salariale des enseignants que sur les subventions
de recherche.
Ceci nous amène à commenter une autre suggestion de
changement de la formule de financement, la pondération des
étudiants selon le cycle. Mais si d'autres provinces du Canada utilisent
ce critère, nous ne sommes pas convaincus que les différences de
coûts soient aussi importantes que les propositions de pondération
ne le laissaient croire. Nous pensons aussi que l'application de cette formule
aurait des effets désastreux sur l'orientation des universités et
réduirait encore plus le taux de diplomation aux deuxième et
troisième cycles.
J'aimerais ici parler des implications financières
découlant du rôle essentiel que joue l'université envers la
collectivité dans notre région. On a déjà
mentionné les apports culturels pour ce qui est des expositions d'art,
du théâtre, des concerts etc. Tout cela est possible grâce a
l'existence de notre théâtre du centenaire et des
différentes personnes qui s'intéressent
bénévolement à ces activités. Le
théâtre du centenaire est mis à la disposition des groupes
impliqués, et contrairement aux grandes villes où ces
équipements sont souvent municipaux, il est très difficile de
faire financer tous les excès de coûts par les différents
ordres de gouvernement.
L'université juge que tes activités
récréatives et sportives font intégralement partie
importante de sa tradition "liberal arts". Grâce à la
générosité du public lors de campagne de souscription,
elle s'est donc dotée d'équipements récréatif et
sportif québécois adéquats. Ces équipements ont
aussi été planifiés pour servir la population locale. Ceci
permet, entre autres, à la ville de Lennoxville d'économiser des
sommes considérables puisqu'elle n'a pas à construire et
entretenir d'arénas, de piscines intérieures et d'autres
équipements semblables. Les résidents utilisent aussi nos espaces
verts pour le soccer, le football et ainsi de suite. Nous rencontrons les
mêmes difficultés pour le financement de ces équipements
par les groupes subventionnaires.
Ces deux exemples montrent encore une fois le rôle très
particulier d'une petite institution en milieu rural ou semi-rural et devrait,
il nous semble, amener le ministère de l'Éducation à
modifier la formule de financement pour compenser ces services essentiels que
nous rendons à la collectivité.
Le mémoire montre l'évolution des revenus et
dépenses au cours des cinq dernières années. Il est
intéressant de noter qu'alors que la population étudiante a
augmenté à l'Université Bishop's de 45 % durant ces cinq
années, la subvention gouvernementale, en dollars constants, a
diminué de plus de 8 %. Malgré une réduction très
sérieuse de ses dépenses et des services offerts,
l'université a encouru des déficits qui se chiffrent en moyenne
à 300 000 $ par année durant cette période et se retrouve
avec un déficit accumulé de près de 2 500 000 $ à
la fin de 1985-1986. Ceci représente, en passant, de 3 % à 4 % de
déficit annuel.
Chaque année, nous avions espéré que la croissance
des populations étudiantes engendrerait suffisamment de subventions
additionnelles pour nous permettre d'équilibrer notre budget de
fonctionnement. Chaque fois, les coupures ont presque annulé l'effet de
subventions reliées a la croissance de la population
étudiante.
En 1986-1987, nous prévoyons encore une fois un déficit de
l'ordre de 300 000 $ et notre situation nous rappelle de plus en plus
l'expérience des gouvernements au cours des dernières
années. Le déficit est comblé par des emprunts. Ceci
ajoute au coût du service de la dette, ce qui a pour effet d'augmenter le
déficit de l'année suivante etc. Il y a cependant une
différence importante: les universités ne possèdent pas le
pouvoir de taxation. Merci.
M. Scott: Enfin, M. le Président, on présente Mlle
Patricia Herrbach, une étudiante à l'Université Bishop's
choisie par les étudiants et non pas par le recteur ni par
l'administration. On a pensé également soumettre les commentaires
du ministre dans un document ici sur l'importance des études de
baccalauréat; je pense que vous êtes déjà tous au
courant de ces commentaires. Donc, Mlle Herrbach nous présente certaines
de ces mêmes choses.
Le Président (M. Thérien): M. le ministre me
demandait si nous avons ces commentaires?
M. Scott: Je parle du document qui est annoncé par la
commission dans une chose du ministère. Cela parle de l'importance d'une
étude de baccalauréat. Mme Herrbach va reprendre plusieurs de ces
thèmes. Mme Herrbach.
Le Président (M. Thérien): Nous vous
écoutons, madame.
Mme Herrbach (Patricia): Merci. M. le Président, monsieur
le ministre, messieurs et mesdames de la commission parlementaire. Aujourd'hui,
j'ai l'honneur de venir vous parler de la part des étudiants de
l'Université Bishop's. Bishop's, comme vous !e savez, est une petite
université qui se concentre surtout dans un enseignement de type
"liberal arts" au niveau du premier cycle.
La population étudiante, qui est de moins de 1250, est sans doute
l'un des facteurs les plus attrayants de l'université.
Comme représentante des étudiantes, j'espère
aujourd'hui vous communiquer ce qui rend Bishop's spécial non seulement
pour moi, mais pour tous les étudiants de l'université.
J'aimerais commencer par mon expérience personnelle. Quand j'ai
dû décider où faire mes études de
baccalauréat, je ne savais pas comment m'y prendre. Tout d'abord,
j'étais troublée et incertaine quant à ce qui était
important pour moi concernant ma formation universitaire.
Après y avoir réfléchi, j'ai décidé
qu'il avait trois priorités que je voulais satisfaire:
premièrement, je voulais étudier dans une petite
université; deuxièmement, je voulais vivre dans une ambiance
sociale agréable et, troisièmement, je voulais recevoir une
formation de qualité supérieure.
Ces trois priorités, pour moi, décrivent Bishop's. En
parlant avec d'autres étudiants, j'ai trouvé que les raisons qui
m'avaient fait choisir Bishop's n'étaient pas uniques, mais qu'elles
étaient semblables aux leurs.
Le fait que Bishop's soit une petite université est un point
très positif. Un étudiant se sent rassuré en entrant dans
une classe où il n'y a que 40 ou 50 étudiants,et parfois aussi
peu que 10 étudiants en contraste avec un amphithéâtre qui
contient 400 ou 500 étudiants. À Bishop's, la proportion
étudiants-professeur est de 15 à 1. Ceci donne l'occasion aux
professeurs de connaître leurs étudiants par leur prénom et
non par leur numéro. Que l'un de mes professeurs me demande où
j'étais si je manque un cours, je sens que le professeur est
intéressé à moi et cela me motive comme étudiante.
Cette proportion si basse favorise une qualité d'enseignement
très élevée que Bishop's peut fournir à cause de sa
petite taille.
La vie en résidence est partie intégrante de la formation
de l'étudiant. Les résidences universitaires à Bishop's
sont mieux équipées si on compare avec celles des autres
universités. Chaque étudiant a la possibilité de demeurer
en résidence aussi longtemps qu'il le veut. Les expériences
vécues par les étudiants à l'extérieur des cours
sont dans un sens aussi importantes que ce qu'ils apprennent en classe.
Du fait même de la petite taille de Bishop's, l'étudiant
entre en contact avec un grand nombre de personnes, de différentes
origines ethniques, oeuvrant dans des disciplines différentes. Cela
crée des liens très forts entre les étudiants des
différentes facultés. Assez souvent, on voit un étudiant
en histoire dîner à la cafétéria avec un
étudiant en administration. Vous croyez peut-être qu'ils sont en
train de parler de sport ou de leur dernier "party", eh bien non! Souvent, ils
discutent chacun de leur discipline. Ces relations mutuelles en dehors des
classes rehaussent la formation en arts libéraux dont Bishop's est si
fière.
Bishop's offre aussi beaucoup d'autres activités dont les
étudiants profitent. Bishop's s'est attaquée à la
tâche de résoudre le problème des étudiants
illettrés. On évalue les connaissances de chaque étudiant
qui commence à Bishop's afin de déterminer s'il doit participer
à des ateliers d'écriture en anglais avant de pouvoir terminer
son baccalauréat.
L'université offre aussi des services de consultation ayant trait
à des questions de nature personnelle aussi bien qu'académique.
Ces consultations se font généralement d'une manière
très amicale. Bishop's a un vaste choix de sports d'équipe
intramuraux, c'est-à-dire des équipes formées selon
l'affinité des étudiants sans égard à la
faculté à laquelle ils appartiennent. Le taux de participation
est parmi les plus hauts au Québec. Cela contribue également
à maintenir des liens très forts entre étudiants. Le
conseil étudiant est un réseau étendu qui permet à
l'étudiant de s'impliquer, d'apprendre et de vivre plusieurs aspects de
la vie universitaire.
Il y a une abondance d'avantages qui existent à Bishop's et
chaque étudiant y est exposé. Ceux qui veulent s'impliquer n'ont
aucune difficulté à le faire. Ceux qui ne s'impliquent pas ne
restent pas longtemps à Bishop's. Toutes ces activités ne
seraient pas possibles et seraient moins efficaces si le nombre
d'étudiants inscrits montait au-dessus de 1250 et si on vivait d'autres
restrictions budgétaires.
Les finissants de l'Université Bishop's, avec leur formation de
type "liberal arts" qui les oblige à étudier en dehors de leur
discipline, sont des personnes possédant une excellente formation
générale. Les expériences acquises en dehors de ces
classes contribuent pour une large part à faire de ces étudiants
ce qu'on appelle en anglais des "well-rounded individual". Il serait malheureux
que les caractéristiques qui rendent Bishop's si spéciale soient
changées. Bishop's est ce qu'elle est à cause de sa taille, de
ses étudiants, de ses professeurs et de son administration. Ensemble, on
a bâti une institution de premier cycle unique au Québec dont nous
sommes tous très fiers. Mes sentiments, autant que ceux de tous les
étudiants, sont que Bishop's ne doit pas changer. Il est important que
nous soyons perçus comme ayant besoin de considérations
spéciales. Sans ces considérations, les étudiants qui
voudront profiter de cet environnement unique n'auront pas l'occasion de le
faire.
Au Québec, il y a plusieurs grandes universités qui
peuvent répondre aux besoins des étudiants qui veulent faire des
études plus spécialisées. II faut laisser Bishop's
continuer sa mission qui est d'offrir aux étudiants un programme
d'étude de type "liberal arts". Merci.
M. Scott: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Thérien): Merci beaucoup
mademoiselle, félicitations. Je céderai immédiatement la
parole au ministre et député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, la visite que nous fait
aujourd'hui le recteur de l'Université Bishop's et les personnes qui
l'accompagnent me rappelle d'agréables souvenirs. Il m'est arrivé
à plusieurs reprises d'aller à l'Université Bishop's et
j'ai toujours retrouvé ce climat que nous a décrit
l'étudiante qui a été déléguée par le
groupe d'étudiants pour représenter le corps étudiant.
C'est une atmosphère de travail détendue, une atmosphère
d'application consciencieuse et de bonne camaraderie qui me paraît
typique à un "liberal arts college", comme vous l'avez dit.
Je m'inquiétais auprès de certains établissements
qui sont venus nous rencontrer de l'absence de disciplines humanistes dans leur
programme d'études. Je suis bien content de constater qu'à
Bishop's elles forment le coeur même du programme de formation que vous
offrez à une clientèle qui n'est quand même pas
négligeable, puisqu'elle dépasse le millier d'étudiants.
Je pense qu'il y a de la place pour une institution comme la vôtre au
Québec et j'espère qu'elle durera longtemps.
Je signale que vous nous avez fait valoir que la très grande
partie du travail se situe au premier cycle et que vous ne trouvez pas que cela
vous diminue. Vous ne trouvez pas que cela vous amoindrit non plus. Au
contraire, vous vous employez à développer le travail à ce
niveau, avec toutes les qualités d'excellence qui peuvent pratiquement
se réaliser. Je pense que cela donne d'excellents résultats dont
il y a lieu de vous féliciter et votre mémoire comprend beaucoup
de choses intéressantes. (17 h 45)
J'ai remarqué également qu'un professeur peut faire de la
recherche s'il est au premier cycle. Évidemment, il n'aura pas le grand
déploiement de laboratoires presque industriels dont on a besoin pour
certains types de recherche, mais en arts, en lettres et en "humanités",
comme vous le dites, la recherche est de caractère très
personnel. Cela doit faire partie, il me semble, du mode de vie du professeur
d'université, y compris au premier cycle. Je vous remercie de l'avoir
signalé, parce qu'il y a une certaine mode qui se développe
depuis quelque temps selon laquelle on ne ferait de la recherche qu'aux
deuxième et troisième cycles et selon laquelle, en retour, on
pourrait faire seulement de l'enseignement au premier cycle, sans faire de
recherche. C'est absolument antinomique par rapport à l'idée que,
moi, je me fais, de l'université. Il me semble que tout professeur
universitaire digne de ce nom doit faire de la recherche, fût-elle
modeste. Il doit en faire, parce que autrement son enseignement devient vite
mécanisé. Celui qui fait de la recherche y gagne beaucoup, aussi,
à faire un peu d'enseignement et même souvent pas mal
d'enseignement parce que cela lui permet de vérifier journellement la
qualité du travail qu'il poursuit. Il n'y a pas de séparation
entre les deux. À force d'idéaliser certains concepts, on finit
par se couper de la réalité, mais je pense que ce que vous nous
avez dit est une donnée très importante qui vaut non seulement
pour Bishop's, mais pour les autres également.
Vous avez signalé aussi, il faut le noter en toute
honnêteté, le problème de sous-financement qui est
caractéristique de Bishop's. Les chiffres que vous donnez à la
page 6 de votre mémoire ne sont point nouveaux pour nous.
Déjà, dans l'étude faite par le ministère en
1984-1985 sur le niveau de financement des universités, on
établissait - la base de cette étude reste discutable, mais
c'était la meilleure qui eût été faite jusqu'alors -
autour de 8 % le niveau de sous-financement de Bishop's par rapport à
l'ensemble des universités. Si les intentions -je le dis en toute
honnêteté pour l'ancien gouvernement - qui avaient
été manifestées alors ne s'étaient pas
heurtées à une série d'obstacles, il eût
été possible de commencer des ajustements. Mais cela n'a pas
été possible et la tâche reste à faire.
Sur la foi des renseignements dont nous disposons, je pense que
l'affirmation qui est faite dans votre mémoire, étayée
d'ailleurs par des chiffres, mérite d'être prise comme telle,
sujette à vérification quant aux détails, mats quant au
fond, je pense qu'on peut l'accepter comme base de discussion sans risquer de
se tromper beaucoup. S'il y a iniquité dans le partage des ressources
gouvernementales mises à la disposition de votre établissement en
particulier, nous allons nous employer à la corriger. Il faudra d'abord
que nous trouvions une solution au problème du niveau de financement des
universités. Je l'ai souligné à maintes reprises. Comme
vous le dites, même d'autres institutions qui reçoivent plus que
vous ne sont pas nécessairement surfinancées pour autant. Cela
veut dire que le degré de sous-financement qui existe chez vous n'en est
que plus réel. Je vous mentionne ces points en toute simplicité.
Je pense que la rencontre d'aujourd'hui nous permet de tenir entre nous une
conversation franche. Je vous donne mes réactions comme elles me sont
venues à la lecture de votre mémoire.
Je me permettrai de vous poser peut-être une ou deux questions.
D'abord, sur cette concentration dans le premier cycle. D'après nos
statistiques vous avez un ou deux programmes de deuxième cycle.
Pourriez-vous nous dire lesquels et pourriez-vous nous dire quels sont
vos plans de ce point de vue-là en matière de premier,
deuxième et troisième cycles? J'ai remarqué à un
moment donné que vous dites: Nous n'avons pas de plan d'expansion. Nous
pensons pouvoir faire un bon travail en restant à peu près au
plateau où nous sommes actuellement. J'aimerais que vous nous parliez un
petit peu de vos projets d'avenir.
M. Scott: Merci, M. le ministre. Premièrement, le premier
aspect de la question concernant nos programmes au niveau des deuxième
et troisième cycles. Parlant du troisième cycle, la
réponse est facile. On n'a aucune intention, aucun plan pour le
troisième cycle. Quant au deuxième cycle, le doyen est à
côté de moi et il est un peu plus à l'aise avec les
programmes de deuxième cycle. Avant de lui passer la parole, je veux
signaler surtout notre programme en éducation. Bishop's a eu un
programme en éducation destiné aux écoles, même
rurales, depuis longtemps. C'est un programme qui attire beaucoup l'attention
des étudiants et également des commissions scolaires dans les
régions éloignées, pas seulement les Cantons-de-l'Est,
mais aussi les autres régions où on trouve des populations
anglophones limitées. La Câte-Nord est un exemple parfait
où on a tout un groupe de diplômés de ce programme de
maîtrise en éducation, diplômés de Bishop's. Donc,
cela veut dire que Bishop's a l'intention de garder ce programme qui est
uniquement au niveau du deuxième cycle et qui est destiné
spécifiquement à une sorte de région, dans un autre sens
du terme. C'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement une
région géographique, mais dans ce sens-là c'est une
région linguistique. Je voudrais passer la parole au doyen Kuepper pour
donner plus d'informations sur les autres programmes de deuxième
cycle.
Le Président (M. Thérien): M. le doyen.
M. Kuepper: Merci. C'est aussi simple à répondre.
Si nous avons des étudiants du deuxième cycle, c'est seulement au
niveau du tutorat. Je crois qu'il y en a trois ou quatre dans le
département d'anglais, peut-être un ou deux dans le
département d'histoire, un dans le département de chimie et un
autre dans le département de religion. C'est tout et c'est une charge
additionnelle pour le professeur. Cela est défini dans notre convention
collective, mais c'est aussi dans la tradition de l'université que cela
complète, dans un certain sens, l'intérêt dans la recherche
et l'acceptation de chaque étudiant de cette sorte et dépend du
champ qu'il ou elle a choisi. Merci.
M. Ryan: Très bien. Une autre question, si vous me
permettez. J'aimerais vous demander s'il y a d'autres sources de revenus
à l'Université Bishop's que les deux sources principales que
représentent les subventions gouvernementales et les frais de
scolarité payés par les étudiants et s'il y a des
possibilités de développement de ce côté?
M. Scott; II y a deux autres aspects de la question.
Premièrement, il y a... excusez moi, le mot me manque pour
"endowment"....
Une voix: Des fonds en fiducie.
M. Scott: ...des fonds en fiducie -merci - qui sont gelés.
Par exemple, nos anciens démontraient une certaine
générosité. Donc, il y a plus de 1 000 000 $ qui sont
gelés uniquement pour les "scholarships". Donc, c'est une source de
financement mais pas pour l'université. C'est pour les étudiants
mais c'est quelque chose dont nous sommes très fiers et qui nous aide
énormément parce qu'il y a plus d'une centaine de nos
étudiants actuellement qui reçoivent une aide financière
que je peux caractériser d'impressionnante. Cela veut dire que ce n'est
pas 10 % mais cela approche 10 %. C'est là, mais intouchable dans un
sens large pour les autres fins de l'université.
On en a eu un autre auparavant. M. Grégoire peut l'expliquer
plus. Mais, avec nos déficits accumulés, cela n'existe plus. On
en a eu, si on parle de la situation de l'Université Bishop's il y a
cinq ans, mais ce n'est plus là.
Ensuite, c'est vrai qu'il y a la Fondation Bishop's, qui n'est pas de
l'université, mais évidemment qui nous aide dans nos
activités également. On a toujours profité, dans un bon
sens du terme, de nos anciens qui se montrent très fiers de leur
université. Nous avons une campagne de souscription annuelle. Pour
être très francs, notre aspiration pour l'année actuelle
c'est environ 100 000 $. Pour un groupe restreint d'anciens, je pense que c'est
impressionnant et cela représente aussi un travail récent un peu
plus développé qu'auparavant.
Donc, il y a toujours une possibilité. On pense actuellement
à la possibilité d'une campagne de souscription majeure mais
avant de se lancer dans cela, on veut en discuter avec le ministère
même pour être sûr qu'on est dans les mêmes lignes de
développement. C'est au niveau de la planification des discussions.
Le Président (M. Thérien): Je passerai maintenant
immédiatement la parole à Mme la députée de
Chicoutimi qui est porte-parole officielle de l'Opposition.
Mme Blackburn: Merci. M. le principal,
messieurs, madame, cela me fait plaisir de vous accueillir ici au nom de
l'Opposition. Je dois dire que c'est probablement au Québec -il faudra
que je corrige cette lacune dans ma formation - l'université que je
connais la moins bien. Je connais davantage le collège Champlain qui est
aussi à Lennoxville - un peu tout ce réseau - mais je n'ai pas le
plaisir de connaître votre université. Cela m'a permis d'avoir une
connaissance sans que ce soit une connaissance fine, un survol de vos
activités que je trouve, par ailleurs, fort intéressantes. Je ne
me permettrai pas d'être très longue parce que malheureusement
-c'est souvent le ministre qui a des engagements - ce soir, c'est moi qui ai
des engagements. Je ne pourrai pas vraiment être longue. Je vais passer
immédiatement aux questions.
Je retiens des choses que je trouve fort intéressantes, en
particulier, le souci que vous avez de vous assurer que vos finissants aient
une solide connaissance de la langue. Je me dis que si ces choses
étaient possibles un peu partout ailleurs, je pense qu'on devrait s'y
mettre. Je sais qu'on le fait dans de plus en plus d'universités aux
États-Unis et au Canada. J'ai deux questions. Une première qui
touche votre déficit qui est, par rapport à votre budget,
finalement relativement élevé. Est-ce que vous proposez -
peut-être l'avez-vous dit dans votre mémoire, je ne pense pas
l'avoir remarqué - un plan de résorption de ce déficit
dans l'hypothèse où il y a redressement des règles
d'allocation des ressources?
M. Scott: Je pense qu'il y a deux choses. Premièrement, je
profite de l'occasion pour vous inviter à Bishop's. Vous êtes plus
que bienvenue.
Mme Blackburn: J'irai sûrement.
M. Scott: II y a une deuxième chose. Nous avons
récemment discuté avec nos étudiants de la
possibilité d'offrir des matériaux qui peuvent nous aider un peu.
Nos étudiants sont fort accueillants, ce n'est sûrement pas le
mot, mais ils acceptent le concept. Évidemment, si on impose cela, cela
peut nous aider un peu avec le déficit de l'année actuelle. Pour
le reste, si on n'a pas un soulagement, il n'y a rien d'autre à faire
sauf d'autres coupures. Comme on l'a démontré dans notre
document, on s'inquiète des coupures déjà en place au
sujet de la bibliothèque, par exemple, qui est une chose qu'une fois
qu'on l'a manquée, on ne peut pas la remplacer. Mais on a de grands
espoirs en votre commission. Donc, nous avons tendance à attendre un peu
pour voir les résultats et ensuite prendre les mesures
appropriées.
Mme Blackburn: Le Conseil des universités, dans un avis
qu'il émettait - je crois que c'est dans l'avis de décembre 1985,
en parlant du développement et de la situation de l'Université
Bishop's - suggérait que les universités en région
pourraient avoir sensiblement le même modèle. Je ne sais pas si
vous êtes assez au fait des rapports qu'entretiennent les
universités en région avec leur milieu et évidemment de
l'étendue de leur population. Est-ce que vous pensez que c'est un
modèle qu'on pourrait transposer en région?
M. Scott: Moi, je pense que oui. Nous pensons que nous sommes une
université en région avec une sorte de nuance. Il faut dire que
ce n'est pas uniquement les étudiants des régions qui doivent
venir à notre université. Cela veut dire que notre base est en
région, que nos planifications sont en région, mais nous pensons
que cela aide également les étudiants en région et les
étudiants d'autres régions pour connaître leur
région. C'est une université régionale avec une sorte
d'épanouissement plus large. Nous avons déjà fait allusion
au contexte de services à la collectivité, mais aussi à
une sorte de concurrence avec l'Université de Sherbrooke qui n'est pas
si loin après tout, c'est environ à dix kilomètres de
l'Université Bishop's. Un exemple, dans notre planification dans les
"fine arts" et aussi dans la musique. On a l'intention de développer
cela probablement plus que dans un autre contexte. Pour développer ce
contexte dans la région, on pense que c'est un service à la
région et on a déjà eu un résultat qui nous
démontre que, par exemple, on a beaucoup plus d'étudiants
francophones dans ces programmes-là comparativement à d'autres.
Cela n'est pas surprenant parce que cela donne une bonne concurrence dans la
région. (18 heures)
Le Président (M. Thérien): Tel que l'exige le
règlement, je demanderais le consentement des deux côtés
pour poursuivre jusqu'à 18 h 15. Est-ce que j'ai le consentement? Oui.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci. Votre définition de service aux
collectivités, et je reprends un peu le texte qui a été
présenté tout à l'heure par le doyen de la faculté,
semble se résumer. Je prends vos textes. Vous dites à la page 2:
"L'université juge que les activités récréatives et
sportives font intégralement partie importante de la tradition de votre
université grâce à la générosité du
public. Ces équipements ont aussi été planifiés
pour servir la population locale. Ceci permet entre autres à la ville de
Lennoxville d'économiser des sommes considérables puisqu'elle n'a
pas à construire et à entretenir d'aréna, de piscine
intérieure ou d'autres équipements semblables." C'est
intéressant, mais à la fois je vous dis que cela ne serait
pas possible dans les universités en régions, d'abord parce que
les régions sont, dans un sens, beaucoup plus vastes que là
où vous situez votre action chez vous. La population de la ville de
Lennoxville est de...?
M.Scott: 4000. Mme Blackburn: 4000.
M. Scott: 7000 lorsque nos étudiants sont
présents.
Mme Blackburn: D'accord. Généralement, ce qui se
passe dans nos régions, que ce soit pour les collèges ou pour les
universités, les équipements appartiennent à
l'université ou au cégep, mais tous les frais inhérents
à l'utilisation sont payés par la municipalité. Je pense
aux amphithéâtres, aux piscines, aux plateaux sportifs, ainsi de
suite. Cela en ferait sursauter plusieurs et cela ferait sûrement
plusieurs jaloux chez les maires si on savait qu'ils ont gratuitement
accès à des services dans votre municipalité, mais cela
étonne également lorsque l'on connaît les
difficultés que pose le financement des universités et
l'importance de votre déficit. C'est un peu ma réaction
là-dessus. Je dois vous dire que je suis étonnée.
M. Scott: Oui, bien...
Mme Blackburn: Le ministre vous demanderait si cela rentre dans
les responsabilités d'une université d'offrir ce genre de service
gratuitement à une population à la place de la
municipalité? Pour poser les choses de façon un peu brutale.
M. Scott: Je peux passer la parole à M. Grégoire,
parce qu'il est beaucoup plus au courant de nos relations avec la ville.
M. Grégoire: La situation est la suivante. Les
équipements sont fournis gratuitement, mais à des taux vraiment
compétitifs en régions. Par exemple, pour la location d'une
aréna, pour vous donner un exemple, on exige 45 $ à 50 $ l'heure,
le même montant exigé par les arénas qui appartiennent
à la ville de Sherbrooke qui n'est pas tellement loin. Mais, à
Sherbrooke, les arénas ne s'autofinancent pas. La ville de Sherbrooke
est obligée, en plus de percevoir les 45 $ ou 50 $ l'heure, d'injecter
beaucoup de fonds pour subventionner ces arénas. Chose qui ne se produit
pas chez nous. Notre municipalité semble avoir de la difficulté
à donner des sous à une institution d'enseignement pour des
équipements qui ne leur appartiennent pas.
M. Scott: Je veux ajouter un mot. La région, cela veut
dire un rayon d'au moins 40 milles autour, parce qu'il y a beaucoup de petites
villes dans la région des Cantons de l'Est. Et aussi je veux signaler un
peu plus l'Eastern Townships Research Centre. Dans ce sens-là, cela joue
un rôle important pour tous les musées de toutes ces petites
villes, comme Coaticook, Stanstead et jusqu'à Drummondville. Pour cet
aspect, notre région, c'est vraiment le sud du fleuve jusqu'à la
frontière américaine.
Mme Blackburn: Vous avez des propositions par rapport à la
formule de financement. La plupart des universités qui sont venues ici
nous ont indiqué un certain nombre de paramètres.
M. Scott: Madame, en gros, notre suggestion, c'est d'abord une
certaine base minimale sous laquelle on ne peut pas passer. Cela veut dire
qu'il y a un certain coût de base, qu'il faut être là et
qu'ensuite on accepte dans nos documents plusieurs autres concepts comme, par
exemple, les frais indirects de recherche, etc*, mais plus qu'autre chose on
signale notre inquiétude vis-à-vis des formules que l'on
considère peut-être trop simplistes. Par exemple, le
deuxième cycle valant deux fois plus que le premier cycle. On n'a pas de
suggestion précise à ce sujet, plutôt des
inquiétudes et des interrogations soulevées dans la
présentation de M. Grégoire, mais également dans le
texte.
Mme Blackburn: Avez-vous des ententes, des collaborations ou des
équipes de recherche en collaboration avec l'Université de
Sherbrooke ?
M. Scott: Oui, nous en avons quelques-unes. Nous en avons une en
biochimie et dans le domaine de la biologie avec l'Université de
Sherbrooke. Il y en a certaines autres, mais ce sont les deux qui me viennent
vite à l'esprit. On veut développer beaucoup plus, c'est
sûr, c'est quelque chose à développer et on travaille sur
cela, mais il y en a quelques-unes qui existent déjà.
Mme Blackburn: M. le Président, c'est tout.
Le Président (M. Thérien): J'invite Mme la
députée de Chicoutimi à conclure au nom de sa formation
politique.
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Thérien): Parfait. Puis Mme la
députée de Jacques-Cartier va poser des questions et
conclure.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Monsieur, madame,
messieurs, cela m'a fait plaisir de vous recevoir à cette commission et
je vous remercie également d'avoir accepté de vous y
présenter. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques
reprises, il est important, étant donné le mandat qui a
été confié à cette commission, que l'on entende la
plus large gamme possible d'opinions et d'avis. Cela nous aura permis d'avoir
une vision d'ensemble de la situation des universités dans toute la
province.
Si vous me le permettez, je voudrais tout particulièrement
remercier et féliciter l'étudiante, Mme Herrbach, qui a
été désignée pour représenter les
étudiants et étudiantes de son université.
L'intérêt qu'elle manifeste à l'endroit de son
université est tout à son honneur et quand on voit un tel
intérêt, je ne doute pas de vos propos lorsque vous dites que vos
ex-étudiants contribuent passablement à un fonds qui, si j'ai
bien compris, était davantage destiné à des bourses pour
les étudiants qu'à un fonds de développement.
Alors, cela m'a fait plaisir. Je vous remercie de votre contribution aux
travaux de cette commission.
Le Président (M. Thérien): Je pense que madame va
accepter l'invitation d'aller visiter votre université. Je passe
maintenant la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier,
adjointe parlementaire au ministre.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue
à notre commission. J'ai bien apprécié votre
mémoire parce qu'il nous a mis en garde, je crois. Au moins, votre
mémoire a soulevé plusieurs réalités de votre
université, lesquelles soulèvent des questions très
importantes, d'abord en ce qui concerne la signification et la pertinence des
revenus générés de sources extérieures comme mesure
des subventions méritées par une institution. Je suis très
heureuse que vous ayez souligné cette question, parce qu'il y a une
présomption qui est assez répandue que des revenus qui viennent
de sources extérieures sont certainement une mesure de l'excellence et
de la performance d'une université.
Il y a une chose dans votre mémoire qui me surprend un peu:
À la page 6, vous avez démontré la réalité
de votre sous-financement, mais pourquoi avez-vous comparé votre
situation à celle de l'Université du Québec à
Chicoutimi, à Rimouski ou à Trois-Rivières? Il me semble
que, d'abord, votre population n'est pas dispersée comme la population
de ces universités qui coûtent cher. Nous avons entendu leurs
problèmes depuis plusieurs journées et le coût de
dispersion est considérable. De plus, c'est vrai que vous avez une
taille équivalente en termes de clientèle, mais vos
activités éducatives ne sont pas équivalentes, je
crois.
Ma question est celle-ci: Avez-vous estimé le coût
réel d'une subvention adéquate par étudiant pour une
université comme la vôtre qui s'occupe uniquement du premier
cycle? Deuxième volet: Est-ce que ce coût estimé, est-ce
que cela coûte plus cher ou moins cher par rapport à une grande
université - je parle toujours du 1er cycle -comme McGill, par exemple,
qui offre d'autres niveaux, les 2e et 3e cycles?
M. Scott: C'est une question fort importante, un peu complexe
aussi, mais je comprends cela. Par exemple, le premier volet, une subvention
adéquate, dans un sens, la réponse est facile. Adéquate
pour éliminer nos déficits, cela veut dire: Quelle est la
subvention idéale? C'est un peu difficile de le savoir parce que, si
c'était plus grand, on pourrait engager plus de professeurs et payer un
peu plus. Donc, peut-être...
Mme Dougherty: Vous avez une situation plus ou moins stable en
termes de clientèle...
M. Scott: Non, dans le sens que notre clientèle a
augmenté de 50 % depuis cinq ans. On a passé d'un temps plein
équivalent à un temps plein complet. Donc, c'est plus ou moins
stable dans le sens que l'on a augmenté de 400 étudiants. Pour
une grande université, 400 étudiants, cela n'est pas beaucoup,
mais quand on calcule en pourcentage et que l'on passe de 800 à 1200,
c'est énorme.
La réponse la plus rapide serait de dire que l'on n'a pas
évalué exactement ce que cela prend comme subvention par
étudiant dans ces détails-là. Quant au deuxième
aspect de votre question, je n'ai pas de problème à vous
répondre que c'est plus dispendieux dans le sens que pour certains
services - on est obligé d'offrir un exemple un peu ridicule, mais qui
démontre... Si on veut jouer au hockey, il faut avoir une aréna
de la même grandeur qu'à Montréal, à
l'Université McGill. On ne peut pas jouer dans une aréna d'un
vingtième de la grandeur. C'est la même chose pour la
bibliothèque: si on veut avoir une gamme de livres, même si le
livre est pris seulement deux fois par année, il faut quand même
l'avoir. Donc, pour maintenir une bibliothèque juste suffisante, pas
splendide, pas comme à Harvard, il faut un certain minimum et c'est plus
dispendieux. C'est pour cela que l'on se compare à Chicoutimi, Rimouski,
etc. C'est beaucoup plus dans ces aspects.
Le facteur dispersion, on a fait allusion dans le passé à
son importance et Mlle Herrbach en a aussi parlé. Les résidences
jouent un rôle important, mais elles ne sont pas gratuites. Pour une
population d'origines
très dispersées, il faut maintenir ces résidences.
Cela n'est pas un luxe, c'est l'essentiel. C'est dispendieux.
Mme Dougherty: Alors c'est plutôt l'infrastructure qui est
l'équivalent?
M. Scott: C'est exact.
Mme Dougherty: Très bien. Alors, merci pour cette
clarification.
Le Président (M. Thérien): Donc, pour conclure?
Mme Dougherty: J'aimerais avoir un mot sur les frais de
scolarité.
Le Président (M. Thérien): Un mot sur les frais de
scolarité.
Mme Dougherty: Vous n'avez pas mentionné la question des
frais de scolarité. Êtes-vous pour ou contre? Juste un mot parce
que le temps nous presse.
M. Scott: On en a parlé avec nos étudiants et ils
sont prêts à faire leur part dans la question. C'est sûr
qu'ils ne veulent pas qu'une augmentation des frais de scolarité ait un
impact simplement sur le déficit national du Québec. Ils
espèrent bien que chaque augmentation des frais de scolarité va
améliorer leur formation, leur université. Ils acceptent que,
premièrement, on doive éliminer le déficit qui est une
hypothèque sur notre avenir, mais qu'ensuite, on améliore leur
programme.
Mme Dougherty: Très bien. Alors, j'aimerais remercier les
représentants de Bishop's University d'être venus aujourd'hui.
J'aimerais d'abord vous féliciter pour votre excellent mémoire.
Je crois que vous nous avez rendu un grand service en détruisant
quelques mythes qui circulent dans le monde de l'éducation actuellement.
Merci.
M. Scott: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Thérien): C'est à mon tour
de vous remercier, M. Scott, surtout pour la facilité que l'on a eue
pour s'entendre sur le partage du temps. M. le doyen, M. le vice-principal,
madame, merci beaucoup. Soyez assurés que Mme la députée
de Chicoutimi a accepté l'invitation d'aller vous visiter. Nous aussi,
nous le ferons. Merci.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. Alors, elle
accueillera l'Association nationale des étudiants et étudiantes
du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 20 h 5)
Le Président (M- Parent, Sauvé): La commission
parlementaire de l'éducation a effectivement repris ses travaux, qu'elle
avait ajournés à 18 heures, pour accueillir l'Association
nationale des étudiants et étudiantes du Québec
représentée par son secrétaire général, M.
Jean-Pierre Paquet. Bonsoir, M. Paquet. Je veux vous remercier, au nom des
membres de la commission parlementaire, d'avoir répondu à l'appel
de cette commission de venir échanger vos points de vue sur la
problématique de l'orientation et du financement du réseau
universitaire québécois. Inutile de vous dire que la commission
est heureuse d'accueillir des groupes de jeunes et des groupes
d'étudiants puisque, enfin, l'université existe pour eux. S'il
n'y avait pas d'étudiants, il n'y aurait pas d'université. Chaque
fois que nous en avons recu ici, c'est avec plaisir que nous les avons
entendus.
M. Paquet, la commission a prévu de consacrer une heure et demie
à votre association. Vous prendrez le temps que vous jugerez à
propos pour nous présenter votre mémoire ou nous faire un
exposé et, à la fin, le reste du temps sera réparti d'une
façon égale entre les deux formations politiques. M. Paquet,
est-ce que vous êtes seul ou si des gens vous accompagnent?
M. Paquet (Jean-Pierre): II devait y avoir un autre membre de
l'exécutif, mais il n'est pas encore arrivé. II a
été retenu à Montréal. Il va peut-être
arriver au cours de la commission.
Le Président (M. Parent,
Sauvé): II pourra
se joindre à vous. Je vous demande cela pour la bonne raison que durant
la discussion avec les députés, si vous jugez à propos que
vos collègues répondent ou vous aident à répondre,
sentez-vous bien à l'aise-Le but n'est pas de minuter les gens - par
contre, on a un règlement à respecter - mais c'est de
tâcher d'aller chercher le plus d'information possible. M. Paquet, la
parole est à vous.
ANEQ
M. Paquet: Merci. Je pense que, comme introduction, on peut dire
que la présente commission qui traite du financement des
universités, d'après nous, comme c'est indiqué dans le
mandat de cette commission, devrait parler également de l'orientation
des universités, en plus du cadre de financement. Ce que l'on remarque
toutefois, c'est qu'il semble que le cadre de financement comme tel ou tout ce
qui est rattaché aux modalités de financement semble prendre le
dessus sur le reste et, finalement, être davantage
considéré.
Ce sur quoi l'on veut mettre davantage d'intérêt et
insister, c'est sur les orientations et ramener sur la table des grands
principes auxquels on croit fermement, des principes qui concernent
l'accessibilité à l'éducation, l'orientation des
programmes universitaires et la question de la qualité de
l'éducation. On veut réaffirmer des principes parce que l'on
pense qu'à l'heure actuelle le débat se fait, malheureusement,
seulement en fonction des moyens consentis au réseau universitaire. Nous
pensons qu'il faut ramener le débat sur la question des objectifs qu'on
se donne et ne pas tout mettre derrière le paravent et faire les
débats seulement sur les budgets ou les modalités
financières.
Cela me semble très important parce que si on regarde les
coupures qui ont été faites au cours des dernières
années, on se rend compte que bien des coupures, dans le fond, ont
été imposées non seulement pour réaliser des
économies budgétaires, mais bien plus pour changer en profondeur
l'orientation des universités. Quand on parle, par exemple, de toute
l'introduction du financement réparti en fonction des secteurs
d'étude, quand on pense à la fermeture ou à la
réduction des subventions à certaines orientations ou à
certains services dans les universités, tout cela se faisait en disant:
On n'a plus de sous, c'est une question d'ordre financier alors que, dans le
fond, ces coupures ont été faites à partir d'orientations
très précises et d'objectifs pour transformer l'orientation des
universités.
C'est la raison pour laquelle nous pensons aujourd'hui qu'il est
important pour nous d'insister sur les objectifs et les besoins dans le
développement des universités et de l'éducation.
Ce qui apparaît le plus important à nos yeux, c'est de
traiter de la question de l'accessibilité à l'éducation
universitaire. On pense que c'est là, à l'heure actuelle, l'enjeu
prioritaire pour l'ensemble de la population que de défendre et de
développer l'accessibilité à l'éducation. Il nous
paraît que c'est à ce niveau qu'existent les plus grands risques
à l'heure actuelle.
Au tout début, nous voudrions rapporter les propos que le
ministre tenait, il y a deux semaines, le 30 septembre, lors d'une ligne
ouverte à Radio-Canada qui portait, en pleine période de
commission parlementaire, sur les frais de scolarité. Dans une
période où siège une commission parlementaire, c'est un
peu étonnant que le ministre participe à une ligne ouverte. Il ne
s'est pas prononcé pour ou contre le dégel, mais il a
donné de bonnes indications à cet sujet. On peut le citer, il
disait: "Nous avons envoyé beaucoup de jeunes à
l'université au cours des dernières années, alors que ce
n'était pas rigoureusement nécessaire dans tous les cas."
Évidemment, quand on parle de l'accessibilité à
l'éducation, de petites phrases comme cela qui se glissent lors de
lignes ouvertes ou ailleurs entrent parfois en contradiction avec ce qu'on peut
retrouver officiellement dans les beaux documents. C'était
intéressant et très important pour nous de le souligner. Nous
aimerions qu'il précise ce qu'il entendait par "ce n'était pas
rigoureusement nécessaire dans tous les cas".
On se rend compte qu'à l'heure actuelle, au Canada ou ailleurs,
il y a un débat très important et central sur
l'accessibilité à l'éducation. Quand on parle
d'éducation, règle générale, c'est le thème
de l'accesssibilité qui fait l'objet de nombreuses études, de
nombreux débats. Pour nous, c'est significatif d'une évolution,
donc d'un débat sur l'accessibilité. On sait qu'il y a de
nombreux documents qui existent là-dessus, de nombreuses études
qui ont été faites. Le gouvernement fédéral vient
de publier des trucs et dans de nombreuses provinces. Et on trouve bien
étonnant et même décevant qu'en considération de
l'ensemble de cette masse de documents et de données qui existent... On
est très déçu de voir que le débat à l'heure
actuelle, enfin ce qui est perceptible du débat à cette
commission parlementaire, ou à l'extérieur de la commission
parlementaire, que le débat sur l'accessibilité à
l'éducation soit très pauvre, très peu appuyé et
semble escamoter beaucoup de données. Enfin, il ne nous semble pas
très rigoureux.
On a l'impression qu'il y a une très grande facilité de
faire simplement des comparaisons faciles avec d'autres provinces, d'autres
endroits dans le monde, et de faire reposer des politiques sur de simples
comparaisons, alors que ce n'est absolument pas aussi simple que cela. Quand on
parle d'accessibilité à l'éducation, je pense que c'est un
phénomène très complexe qui doit être analysé
dans toute sa complexité. Je ne pense pas qu'on puisse tout simplement
se rapporter à des arguments chocs pour élaborer des politiques.
C'est malheureux parce que, évidemment, quand an regarde ce qui est
rapporté publiquement, ce sont souvent des arguments chocs, des
arguments simplistes, alors que, comme on le disait, c'est une question
extrêmement complexe.
Dans le débat auquel on fait référence, on entend
beaucoup dire actuellement qu'il y aurait trop de monde dans les
universités, qu'il faudrait remettre la politique de la porte ouverte en
question. On dit qu'il y a beaucoup de gens dans les universités qui
n'auraient pas la maturité intellectuelle nécessaire, qu'il faut
mettre un terme au recrutement de volontaires. Dans tout ce débat, il y
a des visées élitistes évidentes, et cela, je pense que
c'est très important de le faire ressortir, qu'il y a beaucoup
d'interventions qui tendent à développer un élitisme
très poussé relativement à l'accès à
l'éducation. Sauf qu'évidemment, cela ne se
fait pas en termes très ouverts et très définis. Il
y a plein de termes qui sont à la mode. On ne parle pas plus
nécessairement d'élitisme; on parle beaucoup d'excellence,
d'accessibilité qualitative, contrairement à
l'accessibilité quantitative. Je pense qu'il y a des recteurs qui ne se
gênent pas pour aller dans le sens de l'élistime et dire qu'il va
falloir à l'avenir être beaucoup plus sélectif dans
l'accès à l'éducation et envers les personnes qui vont
pouvoir mettre les pieds dans les universités.
Quand on dit qu'il y a une tendance et des débats, des
interventions qui veulent réduire l'accès à
l'éducation, cela peut sembler contradictoire avec d'autres
déclarations plus officielles qui clament bien haut qu'il faut ouvrir
les portes parce que les ressources humaines sont le meilleur investissement
à l'heure actuelle et que pour se développer toute
société doit avoir des cerveaux, des personnes instruites. Sauf
que la contradiction, dans le fond, est seulement apparente parce que lorsque
des personnes parlent de développer l'accès parce que les
ressources humaines sont importantes, souvent ce qui est rattaché
à ces déclarations c'est qu'on parle d'une main-d'oeuvre
hautement qualifiée et on ramène la question de l'accès
à l'éducation à des questions de besoins
économiques essentiellement. Je pense que c'est extrêmement
important de voir qu'actuellement l'accès à l'éducation
est perçu par certains comme étant seulement une vision
utilitariste. L'accès à l'éducation, oui, mais à la
condition que les personnes qui obtiendront les diplômes, qui
étudieront à l'université puissent mettre leurs
connaissances à contribution dans le cadre d'un emploi bien
défini, qui répond à certains besoins restreints de la
société, besoins qui, on le sait, sont de plus en plus
ramenés à ce qui s'appelle le virage technologique et le
développement économique. Cela nous apparaît
extrêmement dangereux. (20 h 15)
Quand on parle d'accès à l'éducation, c'est
important de voir qu'on est très loin d'avoir atteint un niveau
satisfaisant d'accès à l'éducation. Quand on parle de
niveau satisfaisant, je pense qu'il serait trop facile de dire: On est rendu
comme en Ontario, on se contente de cela.
Je ne sais pas quelle logique peut nous amener à nous contenter
de simples comparaisons comme celle-là et de dire: Parce qu'on est rendu
au niveau de l'Ontario c'est suffisant, c'est assez. On ne voit pas non plus
quelle logique pourrait nous amener à dire que si on a atteint un seuil
de 12, %, 13 %, 15 % ou 18 % on pourrait se déclarer satisfait. Je pense
que cela doit être défini.
Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, si on prend les chiffres
de cette année, il y a à peu près 220 000 personnes au
Québec qui fréquentent le réseau universitaire, ce qui
représente à peu près 3,5 % de la population
québécoise.
Quand on se demande aussi où on en est rendu quant à
l'accès à l'éducation - je pense que cela a
été mentionné à plusieurs reprises à cette
commission - il ne suffit pas de prendre le taux d'accessibilité
général mais encore faut-il examiner les différents
programmes, les différents niveaux d'études et les
différents diplômes qui sont donnés parce qu'on se rend
compte qu'au Québec, il y a effectivement beaucoup de gens qui sont
à temps partiel dans les programmes de certificats. Il y a donc une
lacune à différents autres niveaux qui sont ceux de la
maîtrise et du doctorat ou encore dans certains secteurs
d'études.
Quand on parle de l'accès à l'éducation, il faut se
rendre compte aussi qu'il y a beaucoup de gens qui veulent entrer à
l'université et qui n'en ont pas la possibilité soit en raison
des contingentements... Les contingentements sont les principaux
problèmes. Selon les données de la CREPUQ pour l'automne de
l'année dernière, au niveau des demandes d'accès au
baccalauréat dans les programmes contingentés, 41,7 % des
demandes ont été refusées pour des raisons de
contingentement. C'est extrêmement fort, extrêmement important et
il y a beaucoup d'autres données dans notre mémoire qui exposent
quels sont les taux d'accessibilité dans les différents
programmes universitaires. On se rend compte qu'il y a beaucoup de gens qui
font des demandes et qui ne peuvent pas avoir accès et que,
malgré le fait que les universités à l'heure actuelle
aient énormément de personnes qui débordent de tous bords
de tous côtés, il y a beaucoup de personnes qui sont justement sur
la liste d'attente et qui attendent à la porte.
Donc, il nous semble bien difficile à l'heure actuelle d'affirmer
tout simplement qu'au Québec l'accès à l'éducation
c'est quelque chose de fait, de réalisé et sur lequel on
n'a plus à intervenir. On pense qu'il y a encore beaucoup de travail
à faire d'autant plus que quand on regarde quelles sont les
différentes catégories de la population qui ont accès
à l'université, il existe encore là un gros
problème et une absence de démocratisation totale au niveau de
l'accès à l'éducation.
Quand on pense, par exemple, à l'accès au niveau du sexe,
on se rend compte que malgré un certain rattrapage, les femmes ont
encore un retard important. Si elles ont effectué un rattrapage, c'est
principalement parce qu'elles sont inscrites dans tes programmes à temps
partiel au niveau des certificats. Quand on regarde du côté de la
maîtrise et du doctorat, la proportion de femmes varie entre 30 % et 40
%.
Au sujet des étudiants et étudiantes étrangers, il
y a là encore un problème important. Il y a une chute
draconnienne,
d'année en année, du nombre d'étudiantes et
d'étudiants provenant de l'étranger et on considère qu'il
faut pallier cette situation et réviser absolument la politique de frais
afférents, de frais discriminatoires à l'endroit des
étudiants étrangers et que les politiques de ratio à
l'heure actuelle, les politiques d'exemption ne suffisent pas du tout, puisque
ces politiques sont établies, on le sait très bien - c'est un
secret de polichinelle - en fonction de l'intérêt
économique des différents pays étrangers pour le
Québec.
Quand on parle du retour aux études, il semble encore là y
avoir des problèmes, des lacunes. On pense que si on veut vraiment
démocratiser l'accès à l'éducation, il faut non
seulement faire en sorte que les personnes en provenance des collèges
puissent avoir accès à l'éducation, mais également
les personnes qui reviennent aux études. Je pense que c'est là un
phénomène important au Québec, les inscriptions aux
certificats. On estime que les certificats, justement, c'est un acquis. On
pense que c'est un élément de démocratisation de
l'accès à l'éducation parce qu'ils sont ouverts à
une clientèle qui n'aurait pas nécessairement entrepris un
baccalauréat à temps partiel et que les études se seraient
ainsi échelonnées sur une période de cinq ou six
années. On pense que le fait que ces programmes existent attire des
personnes à l'université. Cela leur fait un pied dans la porte.
Ils viennent vérifier si les études universitaires leur sont
possibles, leur sont supportables, et on sait qu'une bonne proportion, environ
30 % dans certaines universités des personnes qui complètent un
certificat, passent par la suite au niveau du baccalauréat. Et on peut
facilement évaluer que, si le certificat n'avait pas existé, un
bon nombre de ces personnes n'auraient jamais accédé au
baccalauréat.
Toutefois, par rapport au certificat, je pense qu'on doit observer
certains problèmes. Il est vrai que les universités ont souvent
ouvert des certificats pour des questions d'ordre financier et ont
lésiné énormément sur la qualité. Je pense
que la solution à cela, ce n'est pas de restreindre les certificats,
mais c'est bien de s'assurer qu'ils soient revalorisés,
améliorés et que les budgets en conséquence soient
accordés. Également, je pense qu'il est important qu'on ne puisse
pas avoir des diplômes de baccalauréat par cumul de certificats,
donc, que ces cumuls ne puissent pas se faire n'importe comment. Il faut
s'assurer que les universités aient des règles très
strictes afin qu'un baccalauréat par cumul de certificats ait la
même valeur qu'un baccalauréat régulier. C'est important,
et je pense qu'on observe à l'heure actuelle une transformation dans les
universités qui essaient de resserrer leurs critères à ce
sujet. C'est extrêmement important et intéressant.
Un point très important sur lequel on veut intervenir, c'est
l'accès à l'éducation selon l'origine sociale, parce qu'on
entend beaucoup parler par les temps qui courent que la transformation sociale
des personnes à l'université ne se serait pas produite au cours
des dernières années et que les différentes politiques
gouvernementales soit sur l'aide financière, soit sur les frais de
scolarité, que l'ensemble de ces politiques aurait été un
échec, et qu'en conséquence il faudrait les abandonner puisqu'il
n'y a pas de transformation de la composition sociale de la population
universitaire.
On veut intervenir là-dessus de façon appuyée.
D'abord pour dire que, d'après nous, les barrières d'ordre social
et culturel qui existent en ce qui a trait à l'accès à
l'éducation, eh bien! ce ne sont pas des barrières qui tombent du
ciel, ce ne sont pas des barrières innées. Ce sont des choses sur
lesquelles il est tout à fait possible d'intervenir. Je pense qu'il
serait tout à fait malhonnête ou enfin insatisfaisant que quelque
autorité que ce soit se dise impuissante face à ce
problème, face à cette réalité. On pense qu'il est
possible d'intervenir, et, pour cela, on peut donner des exemples de ce qui
s'est fait dans le passé, par exemple, par rapport à d'autres
barrières sociales et culturelles qui n'intervenaient pas sur
l'accessibilité à l'éducation, mais sur d'autres
phénomènes. Par exemple, quand on parle de l'entrepreneurship. On
considère que la population québécoise n'a pas assez le
sens de l'entreprise et de l'entrepreneurship. On a vu des programmes se mettre
en branle, des campagnes de publicité, des montants d'argent incroyables
pour inciter les gens à changer leur mentalité et à
développer l'entrepreneurship. Cela, malgré le fait qu'environ
neuf entreprises sur dix dans leurs premières années fassent
faillite. On a voulu absolument développer une mentalité, un
courant et on n'a pas lésiné sur les efforts. Par exemple, dans
le passé, effectivement, on pensait qu'il fallait développer des
cadres francophones. On a encore là mis en branle des mesures
extrêmement importantes pour changer les mentalités en disant: On
n'est pas né pour un petit pain après tout, on est capable de
prendre nos affaires en main. Il y a eu des politiques qui ont
été mises en place et on pense que de telles politiques sont
possibles en ce qui concerne l'accès à l'éducation
également.
Ce qu'il est important de relever aussi, en ce qui concerne
l'accès à l'éducation selon l'origine sociale, c'est que
ce n'est pas un phénomène simple. C'est extrêmement
compliqué et il faut donc être très sérieux et faire
une analyse en profondeur du phénomène. Il existe beaucoup
d'études là-
dessus. On voudrait en nommer quelques-unes et rapporter les
éléments d'analyse là-dessus. Par exemple, on sait que le
phénomène d'accès au niveau universitaire, au niveau
collégial est très lié à la structure scolaire. On
sait qu'au Québec les programmes professionnels, tant au secondaire
qu'au collégial, se sont énormément
développés au cours des dernières années. Qu'on
pense, par exemple, à l'adoption du règlement pédagogique
au collégial qui est venu créer de nouveaux diplômes qui ne
donnent pas accès à l'université. Qu'on pense qu'au
secondaire il y a une tendance très claire à développer
des études professionnelles qui ne donnent pas accès au
collégial ou a l'université. On sait que c'est quelque chose de
fondamental et de central dans la poursuite des études et, au
Québec, il semble que les études professionnelles soient
là une priorité.
On sait également que c'est particulièrement vrai pour les
francophones comparativement aux anglophones en ce qui concerne les
études professionnelles. On sait aussi que le milieu scolaire et
l'organisation scolaire interviennent beaucoup sur ce qu'on considère
devoir faire dans l'avenir. Il y a des études, je vais en citer une,
pour dire que dans le fond, quand on dit que c'est compliqué, cela ne
l'est peut-être pas tant que cela, mais il y a dos raisons qui
quelquefois sont de nature psychologique ou sociale. Je vais vous donner une
citation du groupe ASOPE qui est un groupe de recherche qui pendant plusieurs
années s'est penché sur les aspirations scolaires et les
orientations professionnelles des étudiants. On dit par exemple: "II
n'est pas inutile de rappeler que le mécanisme principal derrière
l'interruption et l'abandon des études est et demeure le fait d'avoir
complété ce qu'on s'est fait dire apte à faire.
Pourquoi les gens quittent-ils l'école? D'abord et avant tout
parce qu'ils ont fini de faire ce qu'on a voulu leur faire faire. C'est
bête comme cela." Effectivement, quand on développe les
idées, quand on développe la mentalité que "toi, tu fais
un programme professionnel et puis cela va te suffire... Il semble que cela
intervient beaucoup en ce qui a trait aux aspirations dans l'éducation.
On ne fera pas l'ensemble du tour de la situation sociale et de l'accès
selon l'origine sociale. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il est possible
d'intervenir sur cela et que le phénomène est compris, le
phénomène est expliqué. Il existe de nombreuses
études sur cela pour expliquer le problème de la
sous-représentation de certaines classes sociales en ce qui concerne le
système scolaire. D'après nous, il n'est pas permis du tout de
feindre l'impuissance par rapport à cette situation et il est possible
d'intervenir sur cela mais dans la mesure évidemment où l'on
veut.
D'après nous, si l'on constate une démission des
autorités politiques par rapport à l'accès à
l'éducation et à l'origine sociale, on trouverait cela tout
à fait scandaleux parce que justement il y a un problème à
ce niveau et il faut le résoudre. Quand on dit que les politiques des
dernières années ne sont pas intervenues sur l'origine sociale,
ces données ne nous semblent pas très récentes. On n'a pas
vu dernièrement de statistiques très récentes au cours des
trois ou quatre dernières années qui font le point sur l'origine
sociale de la population étudiante à l'heure actuelle. On serait
très étonné que cette origine sociale ne soit pas
transformée, parce que lorsqu'on constate que le taux de réussite
au secondaire progresse et augmente, quand on constate que le taux de passage
du secondaire au collégial augmente également, quand on constate
que dans les dernières années, le nombre d'inscriptions dans les
universités a monté en flèche d'une façon
formidable, il serait étonnant, à la suite de toutes ces
transformations, que ce ne soit pas intervenu sur la composition sociale de la
population étudiants.
Ce qu'on se demande un peu, et on pose la question publiquement, c'est:
Est-ce que dans le fond, le gros problème serait que cette composition
sociale soit en train de se transformer et que cette transformation fasse
paniquer des gens qui ne seraient pas d'accord pour que finalement la
démocratisation de l'éducation soit en train de progresser et de
se réaliser? Cette question, on la pose très sincèrement
et très sérieusement. Si on veut s'attaquer aux barrières
d'ordre social et culturel, une chose qui d'après nous est possible, on
pense que d'abord et avant tout, il faut faire en sorte de ne pas élever
d'autres barrières, entre autres des barrières économiques
qui sont principalement constituées dans le débat actuel par les
frais de scolarité. Évidemment, les frais de scolarité
sont une composante parmi d'autres - cela est évident - quant à
l'accès à l'éducation, mais si on élève des
barrières économiques, il est bien évident qu'on va avoir
beaucoup plus de difficultés par la suite à s'attaquer aux
barrières d'ordre social et culturel parce que les deux sont
liées. On voudrait faire le point là-dessus également.
Donc, sur les frais de scolarité, évidemment un
élément central, publiquement à tout le moins, de cette
présente commission, on doit d'abord souligner que c'est beaucoup plus
qu'une promesse électorale parce que le ministre Ryan s'est
engagé à l'Assemblée nationale à maintenir les
frais de scolarité gelés. C'était dans le cadre de sa
toute première intervention le 19 décembre 1985 à la suite
d'une question d'une députée de l'Opposition. Il avait
répondu à ce moment un oui bien clair à la question de
savoir s'il s'engageait à
maintenir les frais de scolarité pour toute la durée de
son mandat. Je crois que c'est important d'amener cela comme précision,
que ce n'est pas seulement une promesse électorale, ce n'est pas
seulement issu d'un congrès houleux où la majorité
n'était pas très forte, etc., c'est un engagement qui a
été pris par le ministre dans sa première
déclaration à l'Assemblée nationale. (20 h 30)
Évidemment, on connaît la suite. De contradiction en
contradiction, de nuance en nuance, de subtilité en subtilité, de
déclaration du président du Conseil du trésor au ministre
des Finances, au rapport Gobeil, les étapes se sont
succédé les unes aux autres pour en venir graduellement à
une position de plus en plus louvoyante, de plus en plus molle, pour finalement
aboutir à dire que la décision finale va se prendre à la
commission parlementaire. Évidemment, l'évolution de cette
position a été très rapide, et, si j'étais à
la place de ce ministre, je ne m'en vanterais pas trop.
Aussi, je pense qu'une des premières interventions
extrêmement importantes que le ministre Ryan a faite dans ce dossier a
été d'autoriser les universités à imposer des frais
de matériel aux étudiants universitaires, frais qui,
officiellement, dans les communiqués de presse, ne peuvent être
supérieurs à un montant de 100 $, sauf que, quand on regarde les
véritables politiques, on se rend compte que des pouvoirs d'exception
sont accordés au ministre et que cela peut être de plus de 100 $.
Cela a été un indice extrêmement clair de là
où le ministre pense qu'il faut aller chercher l'argent pour
régler supposément les problèmes de financement des
universités; donc, un geste stratégique, juste avant une
commission parlementaire, qui, d'après nous, est tout à fait mal
venu.
Sur la question des frais de scolarité, encore là, on
pense que le débat n'est pas très élevé à
l'heure actuelle. Il ne s'appuie pas sur des considérations ou sur des
éléments très sérieux. On considère que le
débat manque un peu beaucoup de rigueur et que personne ne peut s'en
montrer très fier.
Par exemple, ce qui ressort publiquement ou ce que les gens disent
publiquement, c'est qu'il n'y aurait pas d'impact sur l'accessibilité
à l'éducation. C'est ce qui ressort partout. Ce que nous tenons
à rappeler et à ramener fortement - nous espérons que cela
va être pris en considération - c'est que, depuis le début
de cette commission parlementaire, personne, aucun groupe, aucun mémoire
n'a été en mesure de démontrer qu'une augmentation des
frais de scolarité n'aurait pas d'impact sur l'accessibilité
à l'éducation. Cela doit être très clair. Même
plus, tout le monde reconnaît qu'il y aurait un impact négatif sur
l'accessibilité à l'éducation, sauf que tout le monde
essaie d'atténuer cet impact en proposant de flous et possibles
réaménagements au système des prêts et bourses, en
n'étant pas très précis là-dessus. Encore
là, ce sont des réaménagements, quand ils sont
présentés, qui ne viendraient qu'atténuer l'impact
négatif. Nous demandons que cela soit considéré et
très clairement établi. Ce qui est très décevant et
même choquant, c'est qu'effectivement, les partisans d'un dégel
des frais de scolarité qui défilent à cette commission
prennent publiquement une attitude convaincue et très rassurante
concernant le maintien de l'accès à l'éducation mais,
quand on va dans le détail, quand on regarde ce qui est écrit
dans ces mémoires, quand on regarde quelles sont ces interventions, on
se rend compte que c'est loin d'être aussi rassurant que ce qu'ils disent
en résumé.
Par exemple, le Conseil des universités qui est le
porte-étendard - on dirait même que c'est lui qui fait la job - du
dégel des frais de scolarité, quand on regarde ce qui est
écrit dans son mémoire, il y a des formules qui sont loin
d'être catégoriques. On peu le citer: "II est loin d'être
évident qu'une augmentation des frais de scolarité se traduit
invariablement par une décroissance de la clientèle
étudiante. Il n'y a pas de corrélation forte..." Encore, quand on
parle d'une augmentation des prêts et bourses, quand on dit qu'un
dégel des frais de scolarité serait susceptible de ne toucher
qu'une proportion d'étudiants, c'est toujours en supposant des
réaménagements aux prêts et bourses. Donc, ce sont des
euphémismes qui sont utilisés, et cela démontre une
incertitude certaine quant à des modifications à l'accès
à l'éducation.
Aussi, les comparaisons; parlons-en, c'est toujours boiteux. Quand on
nous sort des exemples: Aux États-Unis, c'est 5000 $, et cela donne ceci
et cela donne cela, je pense que l'on oublie des grands bouts quand on ne
spécifie pas, par exemple, que, dans certains États
américains, quand tu paies 5000 $, souvent, c'est pour ta
première année; ces 5000 $ te donnent droit à ta chambre,
à ton micro-ordinateur, à ton matériel et si tu
réussis ta première année ou ta première session,
après cela, c'est gratuit. Quand on fait des comparaisons, parfois, on
s'aperçoit que les gens tournent les coins un peu ronds et ne
présentent pas l'ensemble des données. Aussi, faut-il le
rappeler, des comparaisons, cela ne tient pas compte de la situation
particulière du Québec, où le réseau
d'éducation est là depuis quand même pas très
longtemps, où les mentalités sont tout à fait
différentes, où l'attitude que l'on a en tant que
Québécoises et Québécois par rapport à
l'éducation universitaire n'est pas aussi implantée qu'ailleurs,
dans d'autres endroits, et des spécificités géographiques,
par exemple, ou d'autre nature.
II nous apparaît évident à l'heure actuelle que les
personnes qui veulent absolument justifier le dégel des frais de
scolarité - c'est cela qu'elles ont décidé d'abord et
avant tout - sont prêtes à n'importe quoi, sont prêtes
à étudier n'importe quelle sorte d'argument, de pseudo argument
ou n'importe quelle sorte de donnée. Nous traiterons cette question
schématiquement. D'abord, parmi les études les plus connues,
prenons celle de Clément Lemelin, celle qui est citée le plus
souvent par le Conseil des universités. Mais dans le mémoire du
Conseil des universités, on ne cite qu'un tout petit paragraphe d'un
document qui contient plusieurs dizaines de pages. Évidemment, cette
citation laisse entendre: Augmentez les frais de scolarité, faites un
petit réaménagement et c'est réglé, il n'y aura pas
de problème. Pourtant, M. Lemelin n'est pas aussi clair dans son
étude.
Nous voulons également le citer. Il dit: "...des politiques
universelles d'aide encore plus généreuses visant à
réduire ou abolir les droits de scolarité ou à aider plus
généreusement chacun des étudiants. Parce que la demande
privée d'enseignement supérieure n'est pas parfaitement
inélastique évidemment, ce sont des termes
économétriques - de telles politiques - la gratuité
scolaire et les prêts et bourses -pourraient accroître
l'accessibilité aux universités. Parce que
l'élasticité-prix a tendance à diminuer avec le revenu des
parents, ces politiques amélioreraient aussi la représentation
relative des milieux modestes."
Ce qu'il dit, c'est que malgré le fait que la gratuité
scolaire et de bons prêts et bourses amélioreraient
l'accessibilité à l'éducation et amélioraient la
représentation des classes sociales défavorisées, il
rejette ces mesures pour deux raisons. D'abord, il considère que les
frais de scolarité ne représentent que 10 % du coût des
études, et c'est ce qu'il appelle le manque à gagner. 11
considère qu'au moment où on fait ses études, le
coût des études, c'est le fait qu'on n'a pas de salaire et qu'on
perd possiblement 10 000 $ ou 12 -000 $ de salaire et que des frais de
scolarité de 500 $, dans le fond, par rapport au coût des
études qui serait de 25 000 $, cela ne représente rien. C'est son
argument majeur pour dire qu'il faut rejeter la gratuité scolaire.
Son autre argument - je pense que là-dessus, il est en accord
avec le gouvernement actuel - est le suivant: II y a un manque de ressources au
niveau des budgets. Donc, pour lui, c'est un argument suffisant pour mettre de
côté des politiques qui développeraient
l'accessibilité à l'éducation.
Je pense qu'il est important de s'attarder sur la question du manque
à gagner parce que c'est l'argument principal des personnes qui mettent
de l'avant un dégel des frais de scolarité, l'argument principal
au niveau soi-disant scientifique. On a fait une étude sur la question
du manque à gagner et M. Lemelin - je n'ai pas besoin de le nommer - et
les personnes qui se fient là-dessus pour dire que les frais de
scolarité actuels ne représentent que 10 % du coût des
études» Cela est vraiment remis en question. Quand on fait une
lecture de l'ensemble des études économiques qui traitent la
question de l'accès à l'éducation, on se rend compte que
la notion d'élasticité-prix ou la question du manque à
gagner, c'est la notion la plus controversée par l'ensemble des
économistes. C'est la question qui fait le moins consensus pour des
raisons bien simples: c'est conjoncturel et cela évolue très
rapidement.
Les études de M. Lemelin datent de 1980, et en 1986, quand on
n'est pas aux études, les chances d'avoir un salaire de 20 000 $ par
année sont beaucoup moins grandes. Quand on n'étudie pas en 1986,
on risque de devenir bénéficaire de l'aide sociale, de
l'assurance-chômage, de se retrouver avec un travail à temps
partiel au salaire minimum. Toute la question du manque à gagner est une
chose qu'il faut relativiser en 1986 et qui n'a pas tout son poids. Enfin,
c'est l'argument central amené par le Conseil des universités et
d'après nous c'est un argument extrêmement faible, la question du
manque à gagner. Nous pensons que cette commission doit en tenir compte
sérieusement.
Quand on parle d'études, un consensus se fait sur la question de
l'accessibilité à l'éducation: On dit que les
étudiantes et étudiants issus de milieu socio-économique
modeste sont plus sensibles aux variations de prix que les étudiants et
étudiantes mieux nantis. Une variation de 1 $ des frais de
scolarité a un impact plus considérable sur la
fréquentation universitaire qu'une variation de 1 $ du manque à
gagner. Il y a même des études qui disent qu'une variation de 1 $
des frais de scolarité a cinq fois plus d'impact qu'une variation de 1 $
du manque à gagner. Évidemment, c'est très technique, nous
vous invitons à lire le mémoire en détail, mais nous
pensons que ce doit être considéré et nous tenons à
le souligner.
Le débat, à l'heure actuelle, c'est de dire qu'on constate
que les personnes qui sont à l'université représentent de
façon disproportionnée les classes sociales plus aisées.
Nous disons que, constatant cela, il serait plus juste, socialement, de faire
en sorte que ces gens-là paient, parce qu'ils sont d'origine sociale
aisée. On constate que le système de financement universitaire
est régressif, parce que les gens qui sont dans les universités
ne sont pas ceux qui les financent par leurs impôts, parce qu'ils sont
d'une origine sociale minoritaire et que le système universitaire est
payé par l'impôt
des classes sociales défavorisées. Cela aussi, il faut le
remettre en question et on tient à s'étendre là-dessus,
parce que, quand on parle d'origine sociale on parle bien d'origine sociale,
seulement, on parle de la "job" du père de l'étudiante ou de
l'étudiant alors que, dans les universités, la moyenne
d'âge est de 26 ou 27 ans. On dit: Toi, à l'université, tu
es un privilégié et on suppose que tu es en mesure de financer
tes études, parce que ton père - dans les études, on parle
toujours du père, on ne parle jamais de la mère, même de
nos jours - a tel type de "job". C'est complètement ridicule comme
approche, c'est complètement insuffisant, c'est le moins qu'on puisse
dire, de prétendre que les gens dans les universités sont
capables de payer parce qu'ils sont d'origine sociale plus favorisée. Il
y a des études qui ont été publiées par le
ministère de l'Éducation dont celle de Dandurand-Fournier qui
démontre très clairement qu'à l'université, quand
on prend un étudiant ou une étudiante d'origine sociale
aisée et l'autre d'origine sociale défavorisée, ces deux
personnes ont les mêmes revenus, ont le même budget pour vivre
comme étudiant ou étudiante, indépendamment de l'origine
sociale. Quand tu es rendu à l'université, tu as le même
budget. On peut se poser de sérieuses questions quand on nous parle de
la question de l'origine sociale. Cela me semble un peu rapide.
Donc, il paraît que, lorsqu'on se propose d'augmenter les frais de
scolarité, pour que le système d'éducation soit moins
régressif, cela ne va pas du tout favoriser une participation plus large
des classes sociales défavorisées. Au contraire, cela va
renforcer la tendance. Pourquoi? Parce que encore là, les études
qu'on cite dans le mémoire démontrent très clairement,
comme on l'a dit tantôt, que les gens des classes sociales
défavorisées sont plus sensibles aux frais de scolarité et
que tout ce qui incite les étudiants et tes étudiantes à
entrer à l'université, à essayer de bûcher et de
passer par-dessus les barrières financières, c'est leur
motivation, ce qu'on appelle la motivation aux études, le fait que dans
ton milieu social, culturel, cela soit valorisé d'aller à
l'université. On sait que, dans les milieux défavorisés,
c'est moins valorisé parce qu'il y a moins de monde autour qui y va et
que cela représente quelque chose de plus difficile à atteindre.
On dit: Ce n'est pas vraiment pour moi, l'université. Donc, ceux qui
vont persévérer et qui vont réussir à se rendre
à la fin, ce sont les gens des classes sociales
privilégiées.
C'est vraiment étonnant que, dans le débat actuel, on nous
dise: c'est injuste, ces gens-là sont d'origine sociale
favorisée, il faut qu'ils paient plus, alors que la mesure qui est
proposée ne fera que renforcer cette tendance. On insiste
là-dessus, parce que les déclarations qui ont été
faites dans ce dossier, on ne peut les qualifier autrement que de
malhonnêtes. Sur la question de l'origine sociale, quand on parie du lien
avec les parents, pour donner rapidement des données
supplémentaires, il y a une étude du Sureau de la statistique du
Québec qui a été faite sur commande de la Direction
générale d'aide financière aux étudiantes et
étudiants, laquelle date de 1981. On vient d'en sortir une plus
récente mais on ne voulait pas nous la donner. L'étude de 1981
démontre très clairement que le lien entre les parents et les
enfants, dans le contexte des études, est inexistant sur le plan
financier. Il y a environ 60 % des parents qui ne supportent d'aucune
façon le coût des études de leurs enfants et cela,
majoritairement, même pour les étudiants et étudiantes qui,
selon le régime des prêts et bourses, sont
considérés résidant chez leurs parents et
dépendants de leurs parents. Il y a une majorité de
ceux-là qui ne reçoivent pas d'argent de leurs parents. Cela doit
être clairement établi quand on parle de la question de l'origine
sociale et des soi-disant privilégiés dans le régime de
l'éducation.
À propos d'une possibilité de réaménagement
du régime d'aide financière, je pense que cette
possibilité, on va le voir tout à l'heure, n'est pas très
crédible, surtout après que des coupures aient été
appliquées aux prêts et bourses. Ce n'est pas très
sérieux, surtout quand on voit que, dans le fond, il y a des groupes qui
ont pris des tournants très rapides. Prenons l'exemple, encore une fois,
du Conseil des universités. Notre fameux conseil des universités,
dans son ayis 85.4 en janvier 1986, a mis de l'avant pour la première
fois la question d'un dégel des frais de scolarité. Il essayait
de rassurer tout le monde en disant: il faudra augmenter les prêts et
bourses; les prêts, mais surtout les bourses, qu'il disait à
l'époque. (20 h 45)
Qu'est-ce qu'on peut lire dans le mémoire de notre fameux Conseil
des universités? Virage total, il change son fusil d'épaule et
maintenant il louange l'endettement étudiant en disant que plus les
prêts sont élevés, mieux c'est parce que moins les gens
étudient pour rien. C'est presque écrit mot à mot.
Évidemment, on se rend compte qu'il y a un lien très
étroit entre la question des frais de scolarité et celle d'une
éventuelle réforme du régime des prêts et bourses
présentement en cours à Québec. On se rend compte dans le
fond que plus les frais de scolarité sont élevés, plus les
gens sont dépendants du régime d'aide financière et en
meilleure position se trouvent les autorités pour imposer des conditions
à l'obtention de cette aide financière en disant: tu vas
étudier dans tel secteur d'étude, à tel rythme et si tu es
plus ou
moins bon, si tu as le malheur de couler des cours, on va te
pénaliser en augmentant tes prêts, etc. Ce sont toutes des mesures
mises de l'avant à l'heure actuelle par des groupes qui profitent de
cette commission parlementaire, avec le point sur les prêts et bourses,
pour venir suggérer au gouvernement de renforcer le caractère
éiitiste ou plutôt d'inscrire un caractère éiitiste
dans le système des prêts et bourses. Cela nous semble
extrêmement dangereux.
On s'étend en longueur là-dessus, mais je pense que c'est
important.
Le Président (M. Parent (Sauvé): Non, sentez-vous
bien à l'aise. Je veux justement vous souligner que, étant
donné que les membres de la commission parlementaire n'ont eu la chance
d'avoir votre mémoire qu'hier, le plus d'explications que vous pouvez
leur donner... Nous en sommes très peinés aussi, on aurait
aimé l'avoir avant. Profitez-en, expliquez-nous tout cela, soyez bien
à votre aise.
M. Paquet: C'est cela. De toute façon si on est un petit
peu en retard...
Le Président (M. Parent (Sauvé): Je dois vous
informer qu'à 21 h 35 nous mettrons fin à la commission.
M. Paquet: D'accord. Ce qu'il serait intéressant de
soulever aussi, c'est qu'il y a beau y avoir de nombreuses études
économiques comme on en a mentionné tantôt, aussi
sérieuses soient-elles et avec le plus grand consensus qui puisse se
faire autour de ces études-là, pour nous - et on va être
très fermes là-dessus, personne ne pourra nous faire reculer d'un
pouce sur cette question-là; personne, pas un ministre, pas un
député, qui que ce soit, dans le fond - ce qui nous convainc
fondamentalement d'être contre le dégel des frais de
scolarité, c'est l'observation de la condition objective des
étudiantes et des étudiants. Indépendamment des grandes
études ou des comparaisons nébuleuses avec d'autres provinces, on
sait formellement et fondamentalement que ce dégel, peu importe le type
de réaménagement bidon que l'on fait ou non aux prêts et
bourses, un dégel des frais de scolarité entraînerait
l'abandon des études. Le témoignage qu'on veut faire à
cette commission parlementaire est basé sur la connaissance de la
situation objective de nos membres, des centaines d'étudiants qui, tout
au long du débat sur la question des frais de scolarité, sont
venus nous dire: Si ça augmente, je ne pourrai pas payer mes
études parce que je n'ai pas droit aux prêts et bourses ou parce
qu'on me considère dépendant de mes parents ou parce que je n'ai
pas eu ma "job" cet été, etc.
Il y a de nombreuses raisons à cela et on tient à vous en
faire part. Évidemment, on ne vous a pas amené des cas types, des
gens qui viendraient vous le dire en personne, parler de leur vécu et de
leur situation personnelle. On ne veut pas ramener le débat à un
niveau individuel, sauf qu'on tient à ce que ce soit clair: on va
être inébranlables là-dessus. Personne ne pourra nous faire
changer d'idée sur le fait que des étudiants et des
étudiantes vont devoir abandonner leurs études soit totalement ou
pour une période temporaire. Ils devront étudier et travailler
à temps partiel ou aller deux ans sur le marché du travail pour
devenir indépendants de leurs parents et avoir des prêts et
bourses, etc.
C'est fondamentalement aussi là-dessus que l'opposition
étudiante au dégel des frais de scolarité s'appuie. Les
personnes savent que ce sera une mesure injuste qui aura un impact
négatif. Peut-être que de3 gens de la présente commission
ou du gouvernement le savent aussi. Il y a sûrement des gens qui le
savent, sauf qu'ils préfèrent dire: Ah non! il n'y aura pas
d'impact. Il n'y aura pas de problème. Tout va bien aller, ne vous
inquiétez pas avec ça. Il nous semble que c'est beaucoup trop
facile de se montrer à ce point rassurant.
Parlons-en donc de la condition objective, de la condition
économique des étudiantes et des étudiants. Reportons-nous
aux études du gouvernement faites par le Bureau de la statistique sur la
commande de la Direction générale de l'aide financière.
Alors, regardons donc tout à coup en 1981 les revenus moyens des
étudiantes et des étudiants. Pour ne donner qu'un chiffre - je ne
vais pas tous les donner - les revenus moyens pour les emplois
d'été et les emplois à temps partiel durant
l'année, en 1981, quand on prenait l'ensemble des salaires reçus
et qu'on le répartissait sur l'ensemble de la masse étudiante,
donc, étaient de 1912 $. C'est riche, ce monde-là! Ce sont des
privilégiés. Ils sont capables de payer, n'est-ce pas?
Cela n'est qu'un chiffre. Je n'ai pas posé la question pour
savoir ce que sont les salaires des gens qui sont ici. On parlera
d'équité plus tard. Peut-être que la question pourra venir
sur la table. Parce que c'est en termes aussi crus que cela se pose.
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît! À l'ordre! Je comprends qu'il y a des
réparties, des allusions qui peuvent susciter des réactions, mais
je vous fais remarquer que nous sommes ici en commission parlementaire. Une
commission parlementaire, c'est le prolongement de l'Assemblée nationale
et aucune manifestation de la part des gens qui viennent assister à nos
débats ne peut être permise. Je l'accepte. Je vous comprends, mais
je vous dis que, si jamais il y avait
récidive, je serais obligé de suspendre les auditions. M.
Paquet, nous vous écoutons.
M. Paquet: On ira voir nos députés un peu plus tard
faire ce genre de choses.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Ah! Vous,
monsieur, à peu près tout vous est permis!
M. Paquet: Bon. On continue. Alors, la condition
financière objective des étudiantes et des étudiants.
Regardons donc comment a évolué le budget des prêts et
bourses au cours des dernières années. Entre 1981-1982 et
1985-1986, le pourcentage de personnes, d'étudiantes et
d'étudiants à temps plein a augmenté de 20 %. Pendant ce
temps, le nombre d'étudiantes et d'étudiants sur l'aide
financière a augmenté de 57 %. Cette augmentation n'est pas due
au fait que les critères d'admissibilité se soient élargis
à ce point. C'est dû principalement au fait que la population
étudiante a subi une dégradation importante de ses conditions
économiques et s'est trouvée admissible, comme par miracle,
à ce fameux régime des prêts et bourses pour lequel il est
effectivement très difficile d'être admissible.
C'est là un autre indice qu'on donne. Évidemment, ce n'est
pas l'ensemble du tableau, mais ce sont des indices extrêmement
importants pour voir qu'il y a des conditions financières
difficiles.
Au bout de tout cela, il nous semble très évident que
l'éducation, malgré ce qu'on peut entendre dans les discours
à la mode de ce temps-là, ce n'est pas un vulgaire bien de
consommation que seules les personnes qui ont de l'argent vont pouvoir
s'acheter parce qu'on en a vu et on en voit encore, des études
très sérieuses, qui comparent l'éducation universitaire
à l'achat d'une bagnole en disant: Le gouvernement ne finance pas
l'achat de ton auto, pourquoi te financerait-il l'obtention de tes
études? Et on cite dans le mémoire des grands penseurs qui
mettent cela de l'avant. C'est toute une philosophie qui est présente
à l'heure actuelle, une ligne de pensée qui, effectivement,
prétend que l'éducation universitaire, c'est un vulgaire bien de
consommation et que pour y avoir droit il faut avoir les moyens de payer.
D'après nous, évidemment, la seule façon d'assurer
une démocratisation véritable de l'accès à
l'éducation, c'est d'abolir les barrières, qu'elles soient
d'ordre socioculturel ou d'ordre financier et de mettre de l'avant des mesures
qui vont permettre de démocratiser. D'ailleurs, j'aimerais bien tout
à l'heure qu'on nous précise... Je pense que ce n'est pas
suffisant que le gouvernement ou d'autres disent qu'il n'y aura pas d'impact
sur l'accessibilité à l'éducation en dégelant les
frais de scolarité. Ce n'est pas suffisant de dire qu'il n'y aura pas
trop d'impact. Ce qu'il faut, c'est qu'on sache ce que le gouvernement met de
l'avant pour développer l'accessibilité à
l'éducation. Est-il d'accord avec le développement de
l'accès à l'éducation? Est-il d'accord avec la
démocratisation? Et si oui, qu'est-ce qu'il compte faire? On a beau
dire: Cette mesure ne sera pas trop pire, vous allez voir, on va s'en tirer.
Cela n'est pas suffisant.
Également, quand on parle de ne plus faire sa juste part, c'est
un terme très à la mode. On dit qu'il faut que le monde fasse sa
juste part dans la société, n'est-ce pas? Mais, je pense que tout
le monde est prêt à faire sa juste part. Maintenant, il va falloir
que cela se fasse par le biais d'une fiscalité juste. 3e pense que tout
le monde est prêt à payer des impôts plus tard, à
faire sa juste part par le biais d'une contribution fiscale aux dépenses
gouvernementales, mais il faut bien se rendre compte que, quand on parle de
frais de scolarité à l'heure actuelle, cela résulte et
cela consiste uniquement en une sorte de ticket modérateur qui n'en a
pas le terme, mais qui va en avoir l'effet.
Concernant les possibilités d'augmentation de frais de
scolarité, on parle de différentes possibilités. Entre
autres, faire en sorte que les frais soient proportionnels au coût des
études par discipline ou encore permettre différents frais entre
chacune des universités. Cela peut entraîner des
disparités, des inégalités encore plus grandes que ce qui
existe actuellement.
Sur la question des prêts et bourses et de l'aide
financière aux étudiantes et aux étudiants, on tient,
dès le départ, à préciser que d'après nous
la présente commission parlementaire n'est d'aucune façon le
cadre adéquat pour débattre cette question. D'après nous,
le fait de parler de modalités d'aide financière, c'est
absolument insuffisant parce que si on parle d'aide financière, il faut
parler de réforme en profondeur et non pas de modalités. Il nous
semble également évident que si ce point a été mis
à l'ordre du jour, c'est uniquement pour maquiller les débats sur
la question du dégel des frais de scolarité en permettant
à des intervenants favorables au dégel des frais de
scolarité d'ouvrir la porte pour qu'ils viennent suggérer de
petits réaménagements pour se dire: II n'y aura pas de
problème. Vous allez voir. Tout va bien aller.
D'après nous, il n'y a pas d'autre raison que cela qui a fait en
sorte que ce point est à l'ordre du jour. Ce n'est pas un cadre
adéquat pour la simple et bonne raison que les frais de
scolarité, ça s'adresse également aux étudiants et
aux étudiantes du niveau collégial et que, d'après nous,
cela n'a absolument rien à voir avec les règles de financement
des universités. On s'inscrit également en faux contre les
personnes qui disent que le réaménagement de l'aide
financière suffirait à pallier les impacts négatifs
d'un dégel.
On pense également que très rapidement, incessamment,
même aujourd'hui, il faut que le ministre Ryan mette un terme au
mystère qui entoure la réforme du régime des prêts
et bourses qui se prépare actuellement. On sait qu'il y a des
équipes qui ont été nommées là-dessus. Du
travail se fait là-dessus. Cela se fait dans le plus grand secret. Il
nous est tout a fait impossible de savoir quoi que ce soit sur ce qui se trame.
Pour nous, il est extrêmement important d'être associés
à cette réforme dans le cadre d'une véritable
négociation qui porterait sur une modification, une réforme en
profondeur du régime d'aide financière» Et on est tout
à fait insatisfaits des réponses qu'on a à chaque semaine,
à chaque fois qu'on communique au ministère avec des
sous-ministres, des attachés politiques,, quoi que ce soit, et qu'on
nous renvoie toujours la balle et qu'on se montre toujours muet comme une carpe
sur la question de la réforme de l'aide financière qui se
prépare à Québec à l'heure actuelle. Je ne sais pas
si c'est une réforme du style aide sociale qu'on nous prépare,
mais je sais que cela se fait à peu près dans le même
cheminement, et dans le même style.
Malgré le fait qu'on considère que la présente
commission ne soit pas le cadre pour débattre l'aide financière,
on va quand même exposer ce qui, d'après nous, fait de ce
régime d'aide financière un régime inadéquat et
insatisfaisant. On va mentionner quelques éléments sans les
mentionner tous. D'abord, indiquer que le régime actuel maintient de
façon tout à fait artificielle un lien de dépendance entre
l'étudiante ou l'étudiant et ses parents. On sait que, selon les
règles actuelles du régime des prêts et bourses, pour
être considéré autonome de ses parents, il faut être
marié, avoir un enfant à charge, avoir été deux ans
sur te marché du travail ou encore avoir déjà un bac. Si
ce n'est pas cela, tu es dépendant de tes parents. Tu as 25 ans. Cela
fait trois ans que tu es parti de chez vous. C'est ta dernière
année de bac. Tu restes à 800 milles de chez tes parents. Tu es
dépendant de tes parents et c'est eux qui doivent payer tes
études, encore en 1986.
Un autre élément aussi du régime actuel d'aide
financière, c'est qu'il ne tient compte d'aucune façon des
revenus réels de l'étudiante ou de l'étudiant. On nous
impute des revenus tout à fait fictifs. Quand on parle, par exemple, de
la contribution des parents. Évidemment, comme on nous considère
dépendant de nos parents, le régime actuel considère que
les parents financent nos études, même si dans plus de 60 % des
cas ce n'est pas le cas. Également, on prétend que toute la
population étudiante travaille durant l'été au salaire
minimum, pendant 36 heures par semaine durant à peu près quinze
semaines et que le monde a des revenus tout ce temps, sans tenir compte du fait
qu'il y a 40 % de chômage durant l'été; on nous impute ce
qu'on appelle la contribution minimale et, évidemment, c'est tout
à fait injuste, parce qu'on ne tient pas compte des revenus
réels.
Un autre point. Le régime actuel maintient un lien de
dépendance encore là tout à fait artificiel entre la
conjointe et le conjoint et on sait que ce lien est principalement
défavorable aux femmes parce que, encore de nos jours, malheureusement,
ce sont les femmes qui se trouvent dans les conditions économiques les
plus défavorables. Elles se retrouvent parfois dans la situation
d'être obligées de quémander de l'argent pour aller aux
études, parce que le régime considère qu'aussitôt
qu'on est marié ou qu'on vit maritalement, l'autre paie tes
études. (21 heures)
On sait que, de nos jours, les liens d'indépendance
financière dans les couples ont progressé
énormément. On sait aussi que le régime de l'aide
financière accorde des montants tout à fait insuffisants tant en
ce qui concerne les allocations de subsistance que du fait qu'on nous impute
aussi des revenus fictifs. Le régime ne tient pas compte de
différentes catégories d'étudiantes et d'étudiants
comme les personnes à temps partiel, les décrocheurs, les
décrocheuses au niveau secondaire, ou encore ne tient pas compte de
situations spécifiques quant aux régions, par exemple» On
va mentionner également les retards chroniques, les retards
considérables qui n'en finissent plus malgré le fait qu'il y
avait un projet d'informatiser le système. C'est tombé à
l'eau, semble-t-il. On peut parler aussi du fait qu'il y a de plus en plus de
coupures dans les services locaux d'aide financière et qu'il n'est plus
possible d'avoir un service. On a un seul numéro de
téléphone qui est toujours occupé à Québec.
On peut considérer cela comme étant un petit détail
comparé à tout le régime.
Cela portait principalement sur la question de l'accessibilité de
l'éducation à l'aide financière. Je ne sais pas combien de
temps il reste, je n'ai pas de montre avec moi pour le savoir.
Le Président (M. Parent, Sauvé):
Actuellement, pour la période d'échange de propos avec les
membres de la commission, il vous reste exactement 35 minutes. Étant
donné que nos règles, nos ententes disent qu'on laisse à
chaque parti 5 minutes pour conclure, mettons qu'il vous reste 25 minutes pour
discuter avec les deux partis politiques. C'est libre à vous, M. Paquet,
si vous voulez continuer à faire votre exposé, sentez-vous
très libre. On ne peut pas vous imposer de cadre, sauf la limite de
temps qu'on doit
respecter.
M. Paquet: Je vais essayer d'être bref sur les autres
parties, malgré le fait qu'elles soient tout aussi importantes. Comme on
l'a dit, d'après nous le débat à l'heure actuelle porte
financement,sauvent sur des questions d'ordre de de mécanisme de
financement, alors que tout l'enjeu qui est sous-tendu, c'est
véritablement l'orientation des programmes, l'orientation de la
recherche et l'évolution du système d'éducation. À
quelle fin, à quels besoins va répondre ce système
d'éducation? Je vais vous donner un exemple. On parle du financement
privé. On dit: on manque d'argent, on va susciter du financement
privé pour que les entreprises puissent contribuer. Comme cela,
superficiellement, cela peut sembler n'être qu'un débat purement
d'ordre pécuniaire et de financement. Alors qu'est-ce que cela
soulève comme débat? C'est le contrôle de
l'éducation. Si on permet, sans aucune réglementation, à
des entreprises d'investir directement dans des programmes, dans des
recherches, dans des facultés, on accorde à l'argent un pouvoir
absolument indu. On pense qu'il revient aux autorités publiques et
également aux intervenantes et aux intervenants dans les
universités de décider de l'orientation du développement
des universités et de la recherche. On n'a pas à accorder aux
finances privées aux intérêts privés, le pouvoir
tout à fait indu de déterminer l'orientation du système
universitaire. Donc il y a un énorme débat à faire sur
l'orientation de l'éducation.
Pour résumer l'ensemble des autres éléments inclus
dans notre mémoire, on va concentrer le reste de l'intervention à
la question de l'orientation des universités. D'après nous,
à l'heure actuelle, il y a de graves menaces qui planent, concernant
principalement la question des différents programmes d'étude. Il
nous semble qu'il y a une tendance beaucoup trop forte à mettre l'accent
sur des programmes rattachés au virage technologique et au
développement économique et qu'il y a un discours qui se
développe de plus en plus et qui vise finalement à
déqualifier les programmes d'étude des arts, des lettres, des
sciences humaines, de l'éducation, etc. et à les
dévaloriser. Au départ, on disait beaucoup: il y a des
priorités urgentes au Québec, il y a des priorités. On a
un retard dans le virage technologique. C'était un fait. Cela imposait
une démarche, cela imposait des politiques de financement des
universités pour assurer que des retards particuliers soient
rattrappés. Sauf que le débat et le discours évoluent
à l'heure actuelle, et ce ne sont plus les programmes prioritaires sur
lesquels on met l'accent. On est en train d'identifier des programmes non
prioritaires et le débat porte maintenant davantage sur les programmes
qu'on voudrait fermer, ou les facultés qu'on voudrait fermer, non plus
en fonction de priorités, mais en fonction de données
extrêmement floues, qui ne sont pas du tout définies à
savoir pourquoi ces programmes devraient être fermés. On parle
à ce moment-là souvent d'efficacité, d'efficience et de
besoins de l'emploi, etc. Il faut donc remarquer une évolution du
discours qui est très dangereuse.
Pour nous, les programmes d'éducation ne doivent pas s'inscrire
en fonction seulement de besoins à courte vue en ce qui concerne
l'économie. On pense qu'il faut tenir compte de l'ensemble des besoins
de la société et ce, à long terme. Donc, il faut mettre
cela sur un même pied et faire place à l'ensemble des disciplines
et à l'ensemble des programmes d'études. On espère donc,
dans le sens de cette orientation, qu'il y aura abolition de la discrimination
dans le financement des clientèles additionnelles dans les
universités. Si l'on veut prioriser certains secteurs d'études,
qu'on leur accorde un financement supplémentaire. Mais ce financement
supplémentaire ne doit pas provenir d'un appauvrissement d'autres
secteurs d'études. C'est trop simple, ce principe de l'enveloppe
fermée: aller chercher de l'argent dans les secteurs d'études
jugés non prioritaires pour renflouer les secteurs prioritaires. Ce
n'est pas comme cela, d'après nous, qu'on doit supporter les
priorités momentanées ou ponctuelles.
Alors, il y a d'autres débats également qui sont sur la
table, entre autres la question de la rationalisation des programmes. On nous
dit qu'il y a un manque de rationalisation et trop de dédoublements.
D'après nous, il n'y a pas eu de démonstration évidente du
fait qu'il existe des dédoublements. C'est sûr que selon le
principe de l'économie d'échelle, ramener dans une même
boîte tous les programmes, cela va assurer des économies
budgétaires. Mais encore-là, il faut évaluer quel impact
cela va avoir sur la qualité de l'éducation, sur le fait que les
différentes disciplines vont se retrouver en vase clos sans pouvoir
communiquer entre elles et avoir des interrelations. Cela est un danger qu'il
faut éviter.
Il y a également la question de la concertation entre les
établissements. D'après nous, pour qu'une concertation soit
possible -et elle est souhaitable - entre les établissements, il faut
mettre un terme au climat de concurrence qui existe à l'heure actuelle,
lequel climat de concurrence existe parce que le financement est tellement
insuffisant qu'il y a une course et une compétition très grandes
entre les universités.
Sur la question de l'endettement des institutions universitaires, si on
veut véritablement repartir sur un bon pied et avec un nouvel
élan, le gouvernement doit
effacer les dettes qui existent présentement dans les
universités, lesquelles dettes ne sont d'ailleurs pas dues à une
mauvaise gestion mais bien à des coupures de l'ordre de 33 % dans le
financement des universités. Quant à la question de la gestion
des ressources humaines et matérielles, il nous apparaît que de
plus en plus, quand on parle de gestion dans les universités, cela
s'étend beaucoup à la relation entre l'étudiante et
l'étudiant et l'université. Cela veut dire que la relation
pédagogique ou académique entre l'étudiant et
l'université semble de plus en plus s'atténuer pour faire place
à une relation d'ordre pécuniaire. Dans certains mémoires
qui ont été déposés à cette commission mais
aussi dans un ordre plus large, c'est rendu qu'il y a des gens qui, dans une
optique de gestion, considèrent que les étudiantes et les
étudiants qui ont des difficultés d'apprentissage, soit qu'ils
doivent abandonner un cours ou qu'ils doivent échouer dans un cours...
On ne se dit pas: Ce sont des personnes qui ont des difficultés, il faut
donc leur assurer un meilleur encadrement et leur assurer qu'il faut qu'ils
réussissent leurs études. Eh bien non, on définit ces
étudiants qui abandonnent ou qui coulent des cours comme des personnes
qui coûtent cher et, dans une optique de gestion purement et simplement,
qu'il faut les éliminer. Je pense que vous avez tous remarqué que
ce débat est très présent.
Il y a des groupes, des personnes et des intervenants qui mettent de
l'avant, dans une foulée purement élitiste et sous le couvert
d'une gestion et d'une rationalisation, qu'il faut mettre de côté
les personnes qui ne seraient pas les meilleures parce qu'elles
représentent des coûts supplémentaires en ce qui concerne
le système universitaire. Cela nous fait nous poser de très
sérieuses questions. C'est à se demander: C'est pour qui
l'éducation? Est-ce pour les gens qui savent déjà tout?
Est-ce pour les gens qui ont le plus de facilités, c'est-à-dire
qui n'ont pas besoin de travailler à temps partiel, donc qui peuvent
consacrer l'ensemble de leur temps aux études, qui n'ont pas de charges
familiales, etc.? Si on veut ne conserver que les personnes qui sont les
meilleures et ne pas se soucier des problèmes ou de la volonté
d'étudier des autres personnes, c'est bien ce qu'on appelle en termes
très simples de l'élitisme.
Donc, en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines et
matérielles, il y a un autre point et je pense que nous allons conclure
sur cela pour avoir quelques questions évidemment - qui ne pourront pas
être très longues malheureusement - c'est la question des
chargés de cours dans les universités. Il nous semble que cela
doit être un point prioritaire. Il nous semble que l'on doive porter une
attention extrêmement importante à la question des chargés
de cours surtout dans le cadre où, à l'heure actuelle, il y a des
négociations dans les universités entre les chargés de
cours et les administrations universitaires. On considère que la
question des chargés de cours, c'est un véritable scandale
à l'heure actuelle. Ils donnent 50 % de l'enseignement, mais ils ont des
conditions tout à fait déplorables, exécrables, tant sur
le plan de leurs salaires, de leurs revenus que sur le plan de leurs conditions
travail. Ils sont engagés à la dernière minute. Ils n'ont
pas de possibilité de recyclage. Ils n'ont pas un seul mot à dire
sur le développement des universités, etc. Évidemment,
d'après nous, il faut donner à ces personnes des moyens pour
qu'elles puissent mettre en valeur leur potentiel et les compétences
qu'on leur reconnaît.
Dans cette présentation, on a escamoté beaucoup de points.
Si on a voulu faire cela en longueur, en insistant sur des points et en en
soulevant d'autres? c'est, comme on l'a dit au début et comme on l'a
répété par la suite, que le débat central est
finalement la question de l'évolution de l'éducation, des
universités. Il s'agit de savoir quel type de réseau l'on veut,
à quels besoins cela doit répondre. Il serait trop simple de s'en
remettre à des questions de mécanismes, pour savoir combien
d'argent on met ici, combien d'argent on met là, où est-ce qu'on
va le chercher. Ce n'est pas suffisant. Il faut vraiment, d'abord et avant
tout, déterminer nos objectifs, à savoir: À qui veut-on
que l'éducation soit accessible? À quels besoins sociaux veut-on
que cela réponde? C'est tout.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M.
Paquet, de votre intervention. On va maintenant commencer la période des
questions ou la période d'échange de points de vue, devrais-je
dire, avec les membres de cette commission. Je reconnais, immédiatement
à ma droite, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science. M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer M.
Paquet et les étudiants qui sont présents dans la salle ce soir.
Le point de vue que vous présentez est un point de vue que nous sommes
intéressés à entendre. Vous l'avez présenté
un peu longuement parce que nous sommes au terme d'une semaine qui a
été très lourde et chacun d'entre nous a d'autres
obligations ce soir et demain. C'est pour cela que nous ne pouvons pas
prolonger au-delà du temps qui avait été convenu.
Ceci dit, je peux vous dire qu'il y a bien des choses dans le
mémoire que vous avez résumé qui ne suscitent pas de
difficulté en ce qui nous touche. Par exemple, quand vous dites que
l'éducation ne doit pas être considérée comme un
simple
bien de consommation ordinaire, je pense que vous avez
profondément raison et je vous assure que je suis de la même
opinion que vous sur ce point. Quand vous dites que l'éducation doit
avoir une attention prioritaire dans l'esprit des pouvoirs publics, nous sommes
d'accord également.
Je voudrais vous signaler certains points qui me semblent être
absents de votre examen et qui font partie du tableau. Il y a deux facteurs
dont j'ai déploré l'absence dans votre examen. Tout d'abord, je
trouve que vous glissez bien vite sur les pratiques qui sont en vigueur dans
les sociétés qui nous environnent. Nous ne vivons pas dans un
bocal, nous ne vivons pas dans un monde coupé des autres. Nous vivons
à côté de sociétés, entourés de
sociétés qui sont en concurrence avec nous et avec lesquelles
nous devons nous mesurer quotidiennement. Ce qui se passe en Ontario ne saurait
nous être indifférent, pas plus que ce qui se passe dans les
provinces de l'Atlantique ou dans les États américains
avoisinants. Quand vous rejetez les comparaisons que l'on institue de ce
côté, je regrette de ne pas être d'accord avec vous. Je
pense que nous devons continuellement nous comparer parce que nos produits
doivent rencontrer les autres sur le terrain. On peut en faire abstraction si
l'on veut. Aussi longtemps que l'on n'est pas obligé de produire, en fin
de compte, des choses qui devront se mesurer avec celles des autres, c'est
facile, mais dès que l'on doit se mesurer, je pense qu'on ne peut pas en
faire abstraction.
Deuxièmement, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas de
préoccupation pour l'état des finances publiques, dans votre
mémoire. On ne l'a pas inventé, cela; il est là. On est
confronté tous les jours, nous siégeons tous les jours ou toutes
les semaines au cabinet. Nous avons des choix difficiles à faire.
Là, il va falloir déterminer notre attitude en ce qui touche la
négociation dans le secteur public. C'est 250 000 à 300 000
salariés qui sont concernés, avec leur famille respective. Chaque
mouvement que l'on fait, si on augmente de 0,1 % ou de 0,2 % ici, cela
représente des millions de dollars chaque fois. On est obligé de
parler de politiques de logement, de politiques d'aide à l'agriculture,
d'ajustement des allocations sociales pour les rendre plus conformes aux
besoins d'aujourd'hui, de modernisation des hôpitaux dont les
équipements et les installations matérielles laissent beaucoup
à désirer, de modernisation de notre réseau routier qui a
pris énormément de retard depuis quinze ans, surtout depuis neuf
ans, de l'implantation ou du maintien d'entreprises. (21 h 15)
Quand on est pris avec le problème, cela peut sembler
théorique de loin, mais, quand il faut prendre une décision chez
General Motors à savoir si on doit s'impliquer ou non pour garder cette
usine à Boisbriand et qu'on se fait dire que ça va coûter
tant, on peut bien décider qu'on va faire cela tout seuls, mais on n'est
pas capable. On a des voisins. Le député de Richelieu est ici et
il pourrait vous raconter les véritables angoisses qu'il traverse depuis
un certain temps à propos de l'avenir des chantiers maritimes de Sorel.
Il y a les chantiers de Lauzon qu'on va aller chercher par la peau des dents
parce qu'ils sont en train de s'écrouler, il y a les chantiers maritimes
de la Vickers à Montréal. On pourrait continuer
indéfiniment.
Tout cela, c'est le menu quotidien des membres du gouvernement, on ne
l'a pas inventé. Pour faire face à cela, qu'est-ce qu'on a? On a
une dette qui a été multipliée au moins par dix ou par
douze depuis neuf ans, dont le fardeau vient chercher chaque année au
moins 10 % ou 12 % de l'ensemble des revenus du gouvernement.
Là, on a le secteur des universités qui a pris de
l'arrière. Il y a là un problème de sous-financement que
je vous sais gré d'avoir reconnu. Je pense que nous sommes conscients,
vous et moi, qu'il y a des problèmes de rationalisation qui se posent,
qu'il y a des problèmes de gestion qu'on observe ici et là. Et
vous refusez de faire de cela la cause de tous les maux. Vous dites: II y a un
problème de sous-financement, et de ce côté-là je
suis d'accord avec vous.
Il reste la question de savoir comment on va faire face à ce
problème. Il y a des moyens qui se posent à nous et qui ne sont
pas illimités, comme augmenter les taxes. On peut pousser l'endettement
plus loin. On peut demander de réduire les dépenses, c'est ce
qu'on fait depuis neuf ans, et tout le monde nous dit: N'allez pas plus loin,
vous allez finir par tuer la victime. Que reste-t-il? L'entreprise
privée? Vous dites vous-même qu'il faudrait réglementer
cela. Même si on ne le réglementait pas, les possibilités
à court terme sont très limitées. On avait un exemple,
l'Université McGill, qui avait la plus longue tradition de ce
côté-là: à peu près 5 % de ses revenus
viennent de là. Par conséquent, on ne peut pas bâtir de
château de cartes là-dessus.
Il reste les frais de scolarité. Vous dites: On ne veut pas
considérer cela du tout. Nous, nous demandons aux gens de nous donner
leur opinion là-dessus, tout simplement. J'aurais aimé qu'au
moins vous nous félicitiez d'avoir maintenu le gel des frais de
scolarité pour l'année 1986-1987; vous ne l'avez pas fait, c'est
votre droit. C'est quand même une grande chose que nous avons faite. II y
avait d'autres possibilités, et nous avons choisi cette voie parce que
nous étions conscients de l'engagement pris par notre parti lors de la
dernière élection. Dans toute la mesure où notre parti
sera capable de
tenir, je puis vous assurer qu'il préférerait cela
infiniment.
Je vais vous poser une question. Je vous donne les paramètres,
les limites dans lesquelles nous évoluons. Si on est placé devant
ces cinq moyens, qu'est-ce que vous feriez? Quel est votre remède pour
faire face au problème du financement des universités, en tenant
compte de tout le reste dont je vous ai parlé? J'aimerais bien avoir
votre réaction là-dessus.
Le Président (M. Parent, Sauvé); M.
Paquet.
M. Paquet: Je pense que la question des finances publiques est
peut-être escamotée dans le mémoire, mais pas à ce
point, on en traite. Je pense, de toute façon, que c'est une question
centrale. Effectivement, pour l'ensemble des questions d'ordre social,
l'ensemble des groupes qui font des analyses et identifient les besoins de la
société, la réponse miracle est toujours la même: On
n'a pas d'argent. La question du déficit il faut en faire une analyse.
D'où vient ce déficit? Je pense que des analyses circulent qui
démontrent que le déficit ne provient pas d'une augmentation
exagérée des dépenses liées aux services à
la population, mais bel et bien des dépenses fiscales
exagérées.
Les dépenses fiscales, ce sont des revenus qu'on a en moins en
faisant des cadeaux ou en diminuant les taxes, les impôts. Je pense que
l'ensemble des analyses concordent pour indiquer que l'origine du
déficit provient d'abord et avant tout d'un dépérissement
des sources de revenus et de certaines sources de revenus bien
particulières. Je pense que c'est un débat qui est large, qui est
profond, qui est détaillé aussi. Sans vouloir faire des
comparaisons trop faciles ou prendre des exemples boiteux, récemment
dans les médias, dans le débat qui se fait au gouvernement
fédéral sur la réforme de la fiscalité, on a
entendu parler d'entreprises qui, effectivement, avaient 25 000 000 $ de
profits, de dizaines de compagnies au Canada qui avaient des profits de 25 000
000 $ et qui ne payaient pas un sou d'impôt. Comment est-ce possible
aujourd'hui? Comment est-ce possible de voir cela et de ne pas en dire un mot
et, de l'autre côté, pour des gens qui ont 1600 $ de revenus en
moyenne par année de dire: Oui, cette hypothèse, on va la
regarder? Comment est-ce possible? On est à la commission permanente de
l'éducation, à ce que je sache. On n'est pas ici pour parler de
tous les problèmes qui existent et de toutes les demandes qui vous sont
faites. On est à la commission parlementaire de l'éducation et
j'espère qu'on va parler d'éducation, sauf que je pense que vous
auriez pu mentionner autre chose.
Je termine sur deux choses. On aimerait bien savoir si
l'accessibilité à l'éducation est une priorité et
qu'est-ce qui va être fait pour la développer. On ne rejette pas
les comparaisons. Ce qu'on a dit, c'est que les comparaisons, ce n'était
pas suffisant et que c'était fait trop à la légère
et de façon incomplète. C'est ce qu'on a dit. Ce qu'on veut
surtout savoir, finalement, c'est si l'accessibilité à
l'éducation est une priorité, oui ou non. On le sait que le
dégel des frais de scolarité aurait un impact.
M. Ryarn: M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, M. le
ministre.
M. Ryan: Une dernière question à M. Paquet. Au
Québec, les frais de scolarité par rapport à la moyenne
canadienne sont de 100 % plus bas - la moyenne canadienne -même un peu
plus que 100 %; c'est 100 % par rapport à l'Ontario et entre 100 % et
150 % par rapport au reste du pays. L'aide financière aux
étudiants est de 70 % plus élevée que dans les autres
provinces. Est-ce que vous êtes au courant de cela?
M. Paquet: Oui et on en est fier, parce que ce sont des
gains.
M. Ryan: Si on vous dit: On a un problème. Est-ce qu'on va
aller encore de ce côté-là, encore plus loin par rapport au
reste du Canada? Est-ce que c'est cela, votre solution?
M. Paquet: Nous, on pense que, si on fait des comparaisons, ce
n'est pas pour aller vers le moins bon, c'est pour aller dans le sens de
l'amélioration et du progrès. Les comparaisons qu'on fait de ce
temps-là au gouvernement, c'est toujours pour trouver des endroits
où c'est pire qu'ici. Il faudrait s'aligner là-dessus en faisant
des comparaisons avec des endroits où c'est meilleur qu'ici, qui nous
donneraient un objectif d'amélioration. Pourquoi fait-on toujours des
comparaisons avec là où c'est pire? Ce n'est pas un argument,
cela.
M. Ryan: Vous pouvez m'en citer en Amérique du Nord qui
seraient mieux qu'ici sur ces deux points?
M. Paquet: On le reconnaît, je pense, de façon
très explicite, que les conditions financières, le régime
des prêts et bourses et les frais de scolarité sont mieux
qu'ailleurs. Mais ce n'est pas aussi simple de dire que, parce que c'est mieux
ici, c'est correct. On l'a dit de façon très claire que c'est
très difficile d'avoir accès au régime d'aide
financière, que c'est la situation objective. C'est important d'insister
là-dessus. On a
beau faire des comparaisons, on se dit que dans le fond, si c'est mieux
ici, on ne devrait pas avoir de problèmes. Les gros Américains,
c'est moins bon que nous; on ne doit pas être si pire. Mais ce n'est pas
cela, la réalité. La réalité objective du monde,
c'est que l'accès à l'éducation n'est pas quelque chose
d'acquis et qu'il existe des problèmes financiers importants. Je pense
que c'est important de le rappeler constamment. Si le seul argument que le
gouvernement nous donne c'est qu'ailleurs c'est comme cela et qu'il faut faire
pareil, je me demande ce que le gouvernement ou les ministres attendent pour
déménager dans les autres provinces; ils seraient bien mieux
ministres là-bas.
Des voix: Ha! Ha: Ha!
M. Ryan: Logomachie à part, sur les faits, vous convenez
que ce que j'affirme est assez fondé. Merci.
M. Paquet: Oui...
M. Ryan: Merci. Merci. Merci.
M. Paquet: ...comme on le dit, on ne le cache pas, même
qu'on le revendique.
M. Ryan: J'espère que vous le direz à vos
collègues.
M. Paquet: On le dit à tout le monde, on le
revendique.
Le Président
(M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Paquet. Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le porte-parole officiel
de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de
sciences, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la
députée.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Paquet.
Je voudrais saluer les personnes qui vous accompagnent. On a rarement eu,
depuis le début des travaux, une salle avec autant de jeunes et il nous
fait plaisir de vous voir. Si vous me le permettez, je voudrais juste avoir...
Je comprends un peu que le ministre veuille vous amener sur son terrain. En
toute connaissance de cause, il a pris des engagements qu'il estime ne pas
être vraiment autant en mesure de respecter qu'il l'aurait
souhaité probablement, sauf que, je le répète, c'est en
toute connaissance de cause, il connaissait le déficit et le
gouvernement en place lui avait dit qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre.
Ce sont des engagements qu'il a pris alors qu'il connaissait également
les chiffres, qu'il était capable de faire les comparaisons avec
l'Ontario, - je n'en doute pas - avec les autres provinces canadiennes et les
États-
Unis. Mais ce n'est pas là que se pose la question aujourd'hui.
C'est, je le répète, un engagement qu'il a pris et
réitéré en toute connaissance de cause. Qu'on y revienne
aujourd'hui, c'est autre chose. Mais, pour le moment, on est obligé de
reconnaître - et je sais que cela a quelque chose de
désagréable - que les plus touchés depuis le 2
décembre dernier ont vraiment été les plus
défavorisés. On n'est pas capable d'oublier qu'il a
endetté de 24 000 000 $ les jeunes du Québec et que le
gouvernement a enlevé 31 000 000 $ juste en n'indexant pas les primes
destinées aux bénéficiaires d'aide sociale. Ce sont des
réalités. On ne peut pas oublier également qu'il a cru
utile de baisser le fardeau fiscal des plus hauts salariés. Les jeunes
n'ont pas tort là-dessus quand ils le disent. C'est
désagréable de se le rappeler comme cela, mais ils n'ont pas
complètement tort et on peut penser que certains cadeaux, s'ils
n'avaient pas été faits, auraient peut-être permis de
conserver un gel. Je pense que c'est fait, c'est une décision de ce
gouvernement.
Je dois dire que, sur certaines questions, l'exposé de ce soir,
quand vous aurez pris connaissance de l'étude qui nous a
été déposée aujourd'hui et qui a été
réalisée par le Bureau de la statistique du Québec
à la demande de la DEGAFE... Je pense que vous y faisiez un peu
état. On lit là-dedans, par exemple, que seulement la
moitié des étudiants reconnus dépendants
financièrement de leurs parents ont effectivement reçu une
contribution financière de ces derniers. On lit à un autre
endroit - et cela est plus préoccupant, cela devrait ici nous
préoccuper - : À une question qui demandait d'indiquer si vos
études postsecondaires ont été poursuivies de façon
continue, dans 49,6 % des cas - c'est à la page 213 - c'est oui et, dans
50 % des cas, c'est non. L'interruption était d'une durée moyenne
de 22 mois. Les raisons à savoir pourquoi ils avaient interrompu leurs
études pendant un bout de temps, dans 20 % des cas, c'était pour
des raisons financières. Ce sont des chiffres qui parlent. Ils sont
récents et cela illustre que la condition financière des
étudiants, effectivement, n'est pas des plus brillantes.
Je dois cependant reconnaître que la capacité d'un
État de payer, à un moment donné, atteint des limites,
à moins de voir si on est capable de faire souscrire d'autres couches de
la population. Je pensais qu'on pouvait examiner du côté des
entreprises un impôt. Les jeunes du Parti québécois
proposent un impôt pour les études avec lequel vous êtes en
désaccord. Je pense que c'est assez clair dans votre mémoire.
Mais il n'en demeure pas moins que, quand le ministre vous dit qu'il faudrait
se comparer, effectivement, pour connaître sa performance à un
moment donné, il faut se comparer. Mais, une fois qu'on s'est
comparé, je pense qu'on a la responsabilité de faire des
choix. Au Québec, c'est un choix de société que de se
donner des mesures pour hausser la scolarisation des Québécois.
Je pense qu'essentiellement il faut se le rappeler. Il faut se rappeler que la
scolarisation demeure le moyen privilégié pour sortir de la
présente crise économique. Je me diss Ne serait-ce que cela... Je
pense qu'il va falloir être extrêmement prudent par rapport aux
moyens qu'on va se donner pour redresser la situation financière des
universités.
Par ailleurs, je dirais que je suis assez en accord avec certains de vos
énoncés, en particulier, je dirais, les dangers d'une hausse de
frais de scolarité sur l'accessibilité. Sur un financement direct
des entreprises, les réserves que vous y mettez, je n'irais
peut-être pas aussi loin, mais je pense qu'il faut être prudent.
Vous êtes défavorables à une surspécialisation des
universités également, je pense qu'il ne faudrait pas s'en aller
dans cette direction. (21 h 30)
Par ailleurs, il y a d'autres questions sur lesquelles je ne serais pas
vraiment d'accord. Sur le déficit, en particulier, vous dites que c'est
dû aux politiques gouvernementales, que ces gens n'ont qu'à les
éponger. Là-dessus, je divergerais d'opinion. Je me demande de
quel droit une université a le droit de décider pour la
société du niveau de son enveloppe. Je pense que la question se
pose. Là-dessus, je ne serais pas d'accord avec vous qu'à un
moment donné il faille effacer complètement l'ardoise, et dans
tous les cas, et indistinctement.
Vous parlez de maintenir la permanence. Je dois dire que le ministre n'a
pas réagi là-dessus. J'ai l'impression qu'il serait assez
favorable à cela. Cependant, j'irais peut-être plus loin que vous
n'y allez là-dessus. Vous parlez de dévaluation de l'enseignement
en disant bien l'enseignement et non pas l'enseignant. Il m'apparaît
évident que cette distinction, pour avoir longtemps examiné cette
question, est plutôt sémantique que réelle. Je veux dire
que, quand on évalue l'enseignement, on évalue aussi un peu
beaucoup celui qui le donne. J'apprécie votre adresse là-dessus
parce qu'on sait que les gens sont toujours chatouilleux.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous me dites, je pense
essentiellement que la qualité de l'enseignement, la qualité des
services offerts, où qu'ils se trouvent, pas seulement dans les
universités, dans (es collèges, dans les écoles, mais dans
les hôpitaux et à l'Assemblée nationale ici, cela passe par
l'évaluation. Là-dessus, les jeunes qu'on a rencontrés cet
après-midi étaient favorables à une mesure qui se
rapproche de la vôtre, finalement: on reconnaît une certaine valeur
à la permanence, mais on demande le perfectionnement.
J'avais deux questions. Une est beaucoup plus... Je sais que vous avez
fait un travail très sérieux et que vous avez des données
généralement fiables dans votre mémoire, mais vous me
dites quelque chose là. Je me demandais si vous aviez les données
parce que ce serait important si vous les aviez. En page 5 de votre
mémoire, vous mentionnez une dégradation de la qualité et
ses effets. Vous mentionnez de multiples éléments. À la
toute fin, vous dites? "Les taux d'échec et d'abandon?" Je me demandais
si vous avez des données comparatives de ce qu'étaient les taux
d'échec en 1980 et ce qu'ils sont toujours en 1985, ou si c'est
simplement sous forme de question.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Êtes-vous en
mesure de fournir une réponse?
M.
Paquet; Oui. On n'a pas les données comparatives
exactes d'une année à l'autre, sauf que je pense qu'il y a des
groupes ici qui ont mentionné que le taux d'abandon a augmenté.
Le taux d'échec également a augmenté tant dans les
institutions collégiales que dans les établissements
universitaires.
À quel taux, il est rendu, je pense que c'est une donnée
qui évolue beaucoup en fonction des secteurs d'études, en
fonction des universités également. Mais on a mentionné
des chiffres ici à la présente commission, dans certains secteurs
cela allait jusqu'à 50 %. Je pense que c'est extrêmement
élevé, et cela devait être sans doute le pourcentage le
plus élevé, pris dans un secteur d'études bien
précis. Je pense que c'est le Conseil des universités qui a
soulevé cette information. Ce qui est également soulevé,
je pense, par le Conseil des universités lui aussi et par d'autres,
c'est qu'il y a une progression au niveau du taux d'échec et
d'abandon.
Mme Blackburn: Vous nous dites avec raison qu'il ne faut pas...
à moins d'avoir déterminé ce qu'était un niveau
souhaitable de scolarisation et d'accessibilité. Est-ce que vous avez
réfléchi à ce que serait au Québec un niveau
souhaitable de scolarisation, d'accessibilité aux études
supérieures?
M. Paquet: Je pense que c'est difficile à l'heure actuelle
de déterminer une logique, quelle qu'elle soit, mise à part celle
des comparaisons, qui puisse dire à quel niveau on doit se
considérer suffisamment instruite et instruit au Québec.
Finalement, je pense que c'est une question d'identifier les besoins au niveau
de la société, et ces besoins, pour les identifier, je pense
qu'il faut le faire dans un esprit d'ouverture. A l'heure actuelle, la seule
façon d'identifier les besoins de la
société en termes d'éducation universitaire, c'est
par le biais des emplois, en regardant c'est quoi l'état du
marché du travail et en disant: Les études qui ne correspondent
pas aux besoins du marché du travail, eh bien, on va les
dévaloriser, sinon les fermer.
D'après nous, c'est une erreur très grave, parce que
l'évolution de la société, non pas dans une
démarche évolutive, mais l'amélioration de nos conditions,
une meilleure compréhension de la réalité, cela passe par
l'acquisition de l'ensemble des connaissances dans l'ensemble des domaines
d'études. Évidemment, on ne dit pas que tout le monde doit tout
savoir. Ce n'est pas cela l'idée. Mais c'est pour bien remettre à
sa place l'importance de l'ensemble des secteurs d'études et, donc, de
combattre la tendance actuelle à la dévalorisation de tout ce qui
n'est pas utilitariste, de tout ce qui n'est pas simplement lié à
l'emploi ou au développement économique ou technologique. Je
pense que cela est impartant surtout quand on regarde un exemple concret, ce
qui s'est passé le printemps dernier et cet automne à
l'Université de Sherbrooke, où il y a une volonté de
l'administration de fermer des programmes bien particuliers. C'est
évident que ces programmes ne sont pas en virage technologique.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions du côté ministériel? Un
député de l'Opposition, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'aurais quelques
observations et une seule question compte tenu du temps. Je vais dire qu'on a
peut-être deux choses en commun, vous et moi, c'est que mon prénom
est Jean-Pierre et, même si je n'ai pas eu la chance de parler ici trop
souvent - les gens vont peut-être éclater de rire, mais c'est la
réalité de ce côté-ci - je suis volubile, moi aussi.
Mais on peut être volubile et avoir des choses à dire. Il y a
aussi une autre chose que j'aimerais dire comme membre de l'Opposition, comme
personne qui essaie de faire un travail convenable, dans des conditions
convenables. Le président l'a mentionné, et moi comme
vice-président de la commission parlementaire, ayant à faire
comme tous les gens ici, à lire les mémoires qui nous arrivent,
je déplore, moi aussi, le fait que votre document ne nous est
arrivé que très tardivement. Je vais vous dire que même
j'aurais eu tendance, au départ, même si vous avez
présenté l'ensemble du tableau, comme vous avez eu le droit de le
faire ce soir... Il reste une chose, c'est que nous avons à faire, comme
parlementaire, un travail dans les meilleures conditions possible pour qu'il
soit un travail de qualité. Comme je suis un enseignant de
carrière, un syndicaliste par surcroît et un député
par obligation, peut-être pour certains, mais par choix
sûrement...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Par choix des
électeurs.
M. Jolivet: ...et par choix personnel, mais ensuite des
électeurs, je dois vous dire que je regrette un peu ce fait. Je vous le
dis d'avance et même j'aurais eu tendance - je vous le dis bien
honnêtement, simplement pour nous permettre de faire un travail d'aussi
bonne qualité que vous demandez à l'ensemble des élus
à quelque niveau que ce soit - j'aurais eu tendance même à
dire, dans le contexte où on l'a eu très tard, on aurait pu en
prendre connaissance en le lisant et en disant: C'est bien dommage, mais on ne
vous reçoit pas. Je vous le dis bien honnêtement, pour que dans le
futur on n'ait pas cette obligation d'attendre à la dernière
minute et de le recevoir la veille pour pouvoir au moins en faire une lecture
attentive et convenable.
Une autre chose m'a un peu fait sursauter tout à l'heure. Je
pense que les jeunes dans la salle ont même sursauté, mais d'une
autre façon que la mienne, quand on a dit: Vous, membres de cette table,
avec les salaires que vous avez, peut-être que vous ne vous posez pas
cette question. À ce moment-là, je dois vous dire que vous
généralisez des choses et je dois en parler comme je suis. Je
suis un être humain comme vous, avec les mêmes obligations que tous
et chacun, député à l'Assemblée nationale, comme
les autres ici autour de la table, père de famille de six enfants dont
l'un est à l'université, l'autre au cégep, les autres aux
niveaux secondaire et primaire, et venir me dire que je ne suis pas capable de
saisir des problèmes d'enfants qui vont aux études, je dois vous
dire que, malheureusement, je ne suis pas d'accord avec vous. Ce n'est pas
parce qu'on a des salaires qui, dans certains cas, peuvent paraître
exagérés et, dans d'autres, convenables, qu'à partir de ce
moment on doit généraliser. Quand je dis ces choses, c'est parce
qu'on a tendance souvent à faire des généralités.
Ces généralités ne s'appliquent pas à l'ensemble de
la collectivité. Moi, je vais agir aussi à l'inverse en disant
qu'effectivement il y a des jeunes qui, dans la société, à
cause du niveau - peu importe comment on les appelle - de leur famille, ont
plus de facilités que d'autres à accéder à des
études universitaires. Je suis d'accord avec vous pour dire aussi, en
même temps, qu'il y a d'autres personnes qui, elles, doivent aller
à l'université, donc qu'on ne doit pas arrêter
l'accessibilité à ces personnes, qu'on doit leur faciliter la
tâche. Effectivement, je suis d'accord avec vous - on l'a dit comme
membres de l'Opposition - qu'augmenter, sans aucune autre forme d'études
plus
approfondies sur les causes et les effets, les frais de scolarité
aura pour effet - Mme la députée de Chicoutimi qui est la
critique de l'Opposition l'a bien dit - avec les études qui sont en main
faites par le Bureau de la statistique, qu'il va y avoir des gens qui vont
quitter les études pour X mois dans certains cas et
définitivement pour d'autres. Là, je parle comme une personne
dont le comté est très vaste. Et juste pour vous le situer, il
est ie sixième plus grand au Québec, où des gens se
trouvent dans la Haute-Mauricie, mais d'autres aussi dans la Basse-Mauricie et
d'autres près de Trois-Rivières. Il y a effectivement le petit
gars et la petite fille de La Tuque qui manquent parce qu'ils n'ont pas les
prêts et bourses convenables, parce qu'on leur a augmenté des
frais afférents et autres. Ces jeunes vont lâcher l'école
alors qu'on avait réussi à les amener au niveau du cégep
et au niveau universitaire. Et pour ces raisons ils devront quitter. Je suis
d'accord avec vous. Je voudrais qu'on regarde l'ensemble du problème en
disant qu'effectivement l'augmentation des frais de scolarité peut avoir
comme effet l'abandon scolaire. Je dois dire aussi que le ministre a
demandé à des étudiants qui n'ont pas tous la
capacité de pouvoir aller vérifier en amenant un cas par-ci et un
cas par-là -vous l'avez bien dit d'ailleurs tout à l'heure
d'amener des exemples de mauvaise administration universitaire ou de
difficultés que peuvent avoir des jeunes alors qu'en même temps
des gens du Conseil du patronat, parce qu'on a parlé de
légitimité... On a dit, à un moment donné, les
jeunes viennent ici et nous disent: L'université n'a pas sa
légitimité dans le milieu. Il y a des gens du Conseil du patronat
qui sont venus nous le dire d'une autre façon. Le ministre a même
ajouté cet après-midi... Parfois, on se fait un rappel de ce qui
s'est passé une semaine ou deux avant. Ils ne l'ont peut-être pas
dit de la même façon mais, effectivement, il y a des causes
à effet dans cette partie de légitimité.
Oui, je vais conclure, M. le Président, en posant ma question,
mais je ne pouvais pas m'empêcher de dire au moins ces choses
après plusieurs semaines et plusieurs jours en commission parlementaire.
Vous avez dit une phrase qui m'a encore fait sursauter. Vous avez dit: La
commission parlementaire que nous avons ce soir et qui dure depuis un bout de
temps n'est pas le bon forum. J'aimerais savoir de votre part où est le
forum pour étudier les problèmes qui sont devant nous, justement,
que ce soit, pour certains, le sous-financement, que ce soit, pour d'autres,
l'accessibilité aux études universitaires, que ce soit, pour
d'autres, non seulement l'accessibilité, mais la diplomation finale -
parce que l'on peut accéder, mais ne pas arriver à terme - ou que
ce soient toutes les autres difficultés dont tous et chacun des gens qui
sont venus ici nous ont parlé, chacun à sa façon, avec sa
façon de le voir et aussi les moyens que les gens ont de comprendre
subjectivement un problème. J'aimerais savoir de votre part où
est le vrai forum. Si une commission a été demandée, c'est
qu'il y a un problème. L'on peut diverger d'opinion sur la façon
dont le problème doit être réglé ou la façon
dont il existe, mais il est là. Quel est, d'après vous, le
meilleur forum pour régler le problème qui est devant nous?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paquet.
M. Paquet: Je pense que M. le député a fait un peu
un manque d'attention, tout à l'heure, quand on parlait du forum en
question. C'était sur une question précise, celle des prêts
et bourses, et non sur l'ensemble de la question du financement des
universités* Ce que l'on a dit, c'est que, d'après nous, il n'y
avait pas de raison, dans le cadre d'une commission parlementaire sur le
financement des universités, de venir en traiter à moitié,
en parlant des modalités d'aide financière, alors que l'on sait
très bien que cette question, si elle est à cette commission,
c'est qu'elle ne se justifie que par une chose, c'est pour aider des
interventions sur le plan d'un dégel des frais de scolarité et
cela nous semblait très vicieux - le mot est là - comme
manoeuvre. Donc, l'on considère que ce n'est pas dans le cadre du
financement des universités que l'on va traiter des prêts et
bourses pour le monde des cégeps.
Ensuite, sur la question des salaires qui vous a fait sursauter, je ne
pense pas, quand j'ai fait cette intervention, qu'elle constituait une attaque
au fait que des gens aient réussi à s'aménager des
salaires convenables. Ce n'est pas cela que je disais. On se demandait comment
il était possible pour des personnes, justement, avec six enfants, qui
peuvent se rendre compte que cela coûte cher et qu'il faut un salaire
décent pour vivre de nos jours, comment était-ce possible pour
ces personnes de venir demander à des gens qui ont des revenus de
quelques milliers de dollars par année: Êtes-vous prêts
à faire votre part? Il me semble que c'est quasiment impossible de venir
même leur poser la question: Êtes-vous prêts à faire
votre part? On dit: Oui, on est prêt à faire notre part, mais par
le biais d'une fiscalité, par le biais des impôts, une fois
inscrits sur le marché du travail, comme tout le monde, avec une
fiscalité qui doit être équitable. (21 h 45)
On parle de l'abandon des études et de l'accès à
l'éducation. Je pense qu'il est important de dire qu'un dégel des
frais de scolarité, avec les impacts qu'il aurait, ne serait pas
simplement un accident ou quelque
chose d'involontaire. D'après nous, c'est quelque chose qui est
pratiquement planifié, quelque chose qui est pratiquement
souhaité. Quand on regarde le contenu de certains mémoires qui
disent: on augmente les frais de scolarité, on change le régime
des prêts et bourses pour en faire un système élitiste pour
faire en sorte de canaliser les étudiantes et les étudiants dans
certains secteurs d'études à des conditions encore plus
précises, d'après nous, il y a là un scénario
très clair. La façon de créer un système de
prêts et bourses qui a une prise sur les gens, qui rend les gens
dépendants, c'est d'augmenter les frais de scolarité. Augmenter
les frais de scolarité c'est, si on les double, les faire passer de 6,6
%...
Avec une certaine forme de réaménagement de l'aide
financière, on va chercher à peu près 40 000 000 $ alors
qu'il y a eu un manque à gagner d'environ 300 000 000 $ à 400 000
000 $ au cours des dernières années. On a l'impression qu'on veut
nous faire croire qu'augmenter les frais de scolarité sera une garantie
d'augmenter de façon importante la qualité de l'éducation;
c'est un peu faible. D'après nous, pour plusieurs intervenants dans le
débat, il y a une volonté de se servir d'un dégel des
frais de scolarité comme étant une mesure de sélection
supplémentaire.
Tout cela pour dire qu'il est extrêmement difficile de faire une
démonstration de ce qu'on amène parce que, comme an l'a dit
tantôt, c'est une démonstration qui se fait sur la base de
données qui doivent être étoffées, sur la base
d'études nombreuses, sur la base d'évaluations et de
comportements socioculturels, de comportements économiques et que,
évidemment, ce ne sont pas des formules aussi choc, aussi simples et
aussi facilement utilisables que de tout simplement se comparer à une
autre province et d'entraîner des réflexes. Je pense que notre
démonstration mérite d'être retenue même si ce n'est
pas aussi simple que d'autres arguments facilement invoqués.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Paquet.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Paquet, je le
répète, votre mémoire, bien qu'on ne soit pas
nécessairement d'accord sur l'ensemble, je le trouve bien fait et bien
documenté. Je pense qu'il faut le dire. Vous y avez certainement
consacré plusieurs heures de recherche et cela me paraît un bon
document. J'aurais aimé qu'on ait un peu plus de temps pour que vous
puissiez préciser davantage des questions comme la révision d'une
politique des frais de scolarité pour les étudiants
étrangers. J'aurais aimé que vous me parliez un peu plus
longuement des réflexions que vous avez pu faire sur comment briser les
barrières sociales et culturelles qui briment l'accès aux
études supérieures. Il y a une autre question sur la charge des
professeurs; ce n'est pas clair. C'était proche de la modulation sans
l'être, je n'étais pas certaine. Une chose que j'ai bien vue,
c'est que l'engagement et l'évaluation devaient se faire sur
l'enseignement. J'aurais aimé qu'on puisse en parler plus longuement.
Peut-être aurons-nous l'occasion de le faire. Mais je voudrais, au nom de
ma formation politique, vous remercier pour votre participation aux travaux de
cette commission. Je le répète, la participation des
étudiants aux réflexions touchant l'avenir des
universités, c'est extrêmement important. Aujourd'hui, c'est vous
qui utilisez ces services; demain, c'est vous qui aurez à les payer
également. Je pense que c'est intéressant que vous soyez partie
au débat. Le souci que vous avez de le faire et la qualité de
votre présentation et on peut... Tout à l'heure, mon
collègue de Laviolette l'a rappelé, votre mémoire
là-dessus est très documenté, ce qu'on n'a pas vu dans
tous les mémoires - je pense qu'il faut le reconnaître ici - qui
venaient de groupes qui auraient été mieux outillés pour
le faire. Pour l'effort que vous y avez consacré, le temps et la
qualité, je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je
reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la
Science.
M. Ryan: Merci, M. le Président. Je remercie
également l'ANEQ d'être venue ce soir. Mais je ne peux
m'empêcher de souligner que j'aurais aimé que certains chapitres
soient mieux étayés qu'ils ne le sont. Vous avez parlé en
particulier de l'aide financière aux étudiants. On n'a pas eu le
temps d'en parler tout à l'heure. J'ai fait faire une estimation de ce
que coûteraient les trois premières des quelque 20 propositions
que vous avez faites à ce sujet. Les trois premières se
chiffreraient à 1 500 000 000 $. Ce serait plus cher que cela nous
coûte pour le financement de toutes les universités. On est bien
sympathique... Quand on parle du statut d'autonomie ou d'indépendance de
l'étudiant, en principe, je pense que nous sommes tous d'accord, mais le
coût d'une mesure comme celle-là est énorme. Il faut se
demander si on est capable ou non. Est-ce qu'on est capable de mettre dans
l'aide financière plus d'argent qu'on n'en met dans le fonctionnement
des universités? Cela fait partie des questions que je vous retourne
comme base de conversations ultérieures. Nous n'avons pas peur des
conversations, nous les prendrons sur le terrain des faits et des chiffres,
mais j'insiste pour vous signaler que du côté du gouvernement nous
aurons d'autant plus de respect pour les points de
vue qui nous sont présentés qu'ils seront
étayés sur des données solides. On est en droit de les
exiger de vous autres. Dès que vous vous produisez sur la place
publique, nous sommes en droit d'exiger que chacune des propositions qui sont
faites soit appuyée sur des travaux sérieux. Nous sommes tous
passés par le stade où vous en êtes. Je me souviens que,
dans notre temps déjà, cela fait longtemps, la formation
était beaucoup moins bonne que maintenant. Quand on se présentait
devant le gouvernement, on s'arrangeait pour avoir des données
précises et faire des propositions chiffrées d'une manière
convenable. De ce point de vue, sur le chapitre de l'aide financière, je
dois vous dire que j'ai de gros points d'interrogation, mais je comprends les
problèmes que vous évoquez. De ce point de vue, je sympathise
profondément avec les gens qui vivent ces situations. Il faut comprendre
également la situation du gouvernement et j'espère qu'on pourra
trouver des mesures qui seront à la fois à notre portée et
capables d'améliorer la situation des jeunes étudiants.
Cela dit, je regrette qu'on n'ait pas eu davantage de temps,
étant donné l'ensemble des circonstances qui ont
caractérisé la réunion. J'apprécie
énormément la présentation distinguée, courtoise et
généralement claire et ferme que vous avez faite. Cela fait
partie du débat démocratique. J'espère que nous le
continuerons. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre, merci, M. Paquet, merci encore pour le courage que vous avez eu de
venir ici, devant une commission parlementaire, faire connaître votre
opinion et celle des gens que vous représentez.
La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux et
les reprendra le mardi 14 octobre alors qu'elle accueillera, à 10
heures, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec.
(Fin de la séance à 21 h 53)