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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 14 octobre 1986 - Vol. 29 N° 25

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais aux députés, ainsi qu'à nos invités de prendre place aux endroits désignés afin que la commission puisse commencer ses travaux le plus rapidement possible. La commission a une journée chargée et nous aimerions respecter notre horaire.

S'il vous plaît, veuillez prendre place! La commission va commencer ses travaux.

La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié le 19 juin dernier par l'Assemblée nationale de tenir une consultation sur les orientations et te financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

La commission entreprend aujourd'hui la dernière phase de ses travaux. Nous siégerons aujourd'hui jusque vers 18 heures et nos travaux reprendront pour une dernière fois le 21 octobre prochain, à 10 heures, alors que nous entendrons l'ACFAS.

Ce matin, à l'ordre du jour, nous entendrons dans l'ordre la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, l'Université McGill, l'Association des étudiants et l'Association des professeurs de l'Université McGill. Cet après-midi, ce sera l'Université de Sherbrooke et, en fin d'après-midi, les syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke.

À la suite d'une entente de dernière minute entre les représentants du côté ministériel et les représentants de l'Opposition, nous entendrons, par exception, en fin de journée, l'Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. Ces gens-là ont déposé un mémoire ce matin. La commission n'était pas dans l'obligation de les entendre, remarquez bien cela, mais dans notre souci d'aller chercher le plus de renseignements possible pour nous aider à solutionner la problématique des orientations et du financement du réseau universitaire québécois, les membres de cette commission ont accepté, exceptionnellement, d'entendre en fin de journée le groupe dont je viens de faire mention.

Je veux aussi les remercier d'avoir pris la chance de se présenter, de venir ici à

Québec - ce sont des gens de Montréal -pour avoir la chance de se faire entendre. Ce n'est pas une invitation à tous les autres groupes de faire la même chose, mais, exceptionnellement, je pense que nous devions les entendre et nous sommes très heureux de le faire. Monsieur.

M. Jolivet: M. le Président, ici la commission siège avec beaucoup d'entente. C'est un peu différent d'une autre à laquelle j'ai assisté et où on n'a pas pu faire entendre des gens qui étaient intéressés, c'est-à-dire celle sur la forêt tout dernièrement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Laviolette, je vous remercie de ces commentaires. Je les prends pour moi et pour tous mes collègues de l'Opposition et du côté ministériel qui siègent à cette commission.

Vu que c'est l'avant-dernière journée et que vous m'avez pratiquement tendu une perche, je veux dire que je suis fier d'avoir à présider une telle commission qui sert d'exemple, je pense, au monde parlementaire. Depuis un mois, on a eu l'occasion de voir des parlementaires de deux formations politiques différentes travailler ensemble dans un but commun, dans un esprit de respect et d'échanges civilisés. J'espère que cela sera un exemple pour la rentrée parlementaire qui doit avoir lieu mardi prochain et que nous continuerons à vivre ces bons procédés au sein de l'Assemblée nationale.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacements, je vais souhaiter en votre nom, madame, messieurs, la plus cordiale des bienvenues aux représentants de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, leur dire à quel point nous sommes heureux de les accueillir à cette commission parlementaire.

Nous, les politiciens de carrière, sommes toujours fiers de voir des jeunes venir nous rencontrer pour deviser avec nous sur des sujets qui nous intéressent. Nous sommes d'autant plus fiers aussi que des jeunes de quelque parti politique qu'ils

soient, donnent des preuves d'engagement et d'intérêt à la chose publique.

Depuis un mois, nous étudions la problématique du financement et de l'orientation du réseau universitaire québécois. Eh bien, je pense que les principaux intéressés, ce sont les jeunes, ceux qui l'utilisent d'une façon plus particulière. Encore une fois, je vous souhaite la bienvenue. Le porte-parole de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec est M. Pietro Perrino. M. Perrino, bonjour.

M. Perrino (Pietro): Bonjour.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous invitons, M. Perrino, à nous présenter les gens qui vous accompagnent. On m'informe qu'environ 15 à 20 minutes vous ont été réservées pour présenter votre mémoire. Après cela, le temps sera réparti en parts égales entre les deux formations politiques en respectant la règle de l'alternance. Il est environ 10 h 10, c'est donc dire qu'à 11 heures ou 11 h 1 j'inviterai les représentants de l'Opposition et du parti ministériel à conclure au nom de leur formation,

M. Perrino, si vous vouliez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation. Encore une fois, sentez-vous bien à votre aise. On est ici pour collaborer et pour travailler ensemble.

Commission jeunesse du PLQ

M. Perrino: Je vais commencer par l'extrême droite. Jacques Gauthier, membre de la Commission politique du Parti libéral du Québec, plus précisément au niveau de la commission sur les universités; Louis Boivin, vice-président du Parti libéral du Québec; moi, Pietro Perrino et Paul Muller, coordonnateur aux affaires politiques de la Commission jeunesse. Je vais en profiter aussi pour souligner la présence derrière nous de M. Robert Benoît qui, lui, est le président du Parti libéral du Québec.

M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec est heureuse de pouvoir participer aux travaux de cette commission parlementaire qui étudie les orientations et le cadre de financement des universités québécoises. L'éducation a toujours été un sujet suscitant beaucoup d'intérêt chez nos membres. À preuve, l'éducation fut un thème majeur de notre congrès de Saint-Jean en 1983, de celui de Lennoxville en 1984 et de celui tenu à Rigaud l'été dernier. Le contenu du mémoire déposé par notre organisme auprès des membres de cette commission est, d'ailleurs, principalement issu des discussions tenues par les 1200 jeunes délégués inscrits au congrès des Jeunes libéraux du mois d'août dernier qui s'est tenu à Rigaud.

Tout comme les autres intervenants, nous sommes soucieux d'améliorer la qualité de l'éducation au plan de l'enseignement et de la recherche. Nous porterons toutefois un regard différent sur les problèmes étudiés par cette commission, car, au-delà de la considération fondamentale de la qualité de l'éducation, il en existe une autre, tout aussi importante, que notre organisme est tenu de prendre en comptes celte de la situation particulière de notre génération, principale clientèle des universités. Pour nous le plein emploi, la sécurité, l'abondance de travail et les possibilités de développement sont plutôt des réalités du passé. La nôtre, c'est enfin largement reconnu, est beaucoup plus difficile. On discute beaucoup, mais on devrait aussi de plus en plus en tenir compte dans les décisions et les choix politiques importants.

Placées dans cette perspective, les évaluations qui seront réalisées au terme de cette commission parlementaire devraient s'inspirer, à nos yeux, d'une dominance des enjeux à moyen et à long terme et donc s'intéresser prioritairement aux problèmes et aux solutions touchant au mode de fonctionnement des universités et du réseau dans son ensemble. Il devrait en être ainsi parce que le contexte des inéquités entre les générations commande qu'on ait le courage de poser des gestes d'envergure susceptibles de corriger les effets négatifs de certains acquis devenus à nos yeux des illogismes.

On est, par exemple, en droit de s'interroger sur le statut des universités. Les universités se sentent-elles redevables devant l'État? Les universités doivent-elles être redevables devant l'État et à quel degré? Sauf l'Université du Québec, les universités québécoises ont le statut d'organisme privé. Or, en pratique, ici comme ailleurs au Canada, les universités appartiennent au domaine public. Deux raisons principales expliquent cet état de fait: premièrement, plus de 85 % des revenus des universités proviennent du trésor public; deuxièmement, l'université québécoise, en vertu de ses missions d'enseignement, de recherche et de service à la collectivité, est un instrument de développement collectif.

Par ailleurs, c'est le gouvernement qui autorise l'ouverture de nouveaux programmes d'enseignement dans les règles d'attribution des subventions. Au plan de la recherche et des services à la collectivité, l'État choisit les projets via les organismes subventionnaires dont le ministre nomme les membres. L'université québécoise est donc, selon nous, une institution publique. L'étiquette privée ou autonome a traditionnellement été au mieux une vue de l'esprit, au pire une mauvaise raison pour

refuser d'intervenir quand il était temps de mettre de l'ordre dans la maison. Ce caractère public confère, entre autres, à l'université des objectifs d'efficacité et d'efficience dans l'utilisation de ses ressources. Il confère aussi au gouvernement la responsabilité de veiller à l'efficacité du réseau dans son ensemble, de même qu'en dernier ressort la responsabilité d'y veiller pour chacune de ses composantes. Depuis le début de la commission parlementaire, une grande quantité d'intervenants du milieu universitaire sont venus réclamer la même chose, des ressources financières additionnelles. Conscients de la capacité financière de l'État, ils se sont repliés sur une cible beaucoup plus facile en réclamant une hausse des frais de scolarité, ce à quoi, je croîs que tout le monde le sait, notre commission et notre parti s'opposent vigoureusement. De toute façon, dégeler les frais ne contribuerait pas à régler les problèmes qui exigent de nous des solutions plus longues et des gestes plus contraignants. Ce serait encore une fois une solution "plaster" que les jeunes du Québec n'ont que trop connue sous l'ancien gouvernement. Il fut particulièrement intéressant, cependant, de constater que certains autres intervenants, issus de plusieurs milieux de la société québécoise, ont eu le courage d'aborder de front les problèmes que nous considérons comme étant les vrais et auxquels il vaut particulièrement la peine de s'attaquer vigoureusement et dès maintenant.

Il est toujours possible de régler un problème de performance par un apport de fonds nouveaux. En ce sens, accroître les budgets des universités serait certainement bénéfique au plan de la qualité de l'enseignement et de la recherche. II serait ainsi possible de contourner un problème d'utilisation des ressources par un apport de fonds nouveaux, mais cela ne règle pas le problème; on fait juste le remettre à plus tard. Si de nouvelles ressources financières peuvent, certes, produire des résultats à court terme, on remet à plus tard, qu'on le veuille ou non, le règlement des problèmes plus importants.

Parmi ces problèmes, nous avons identifié trois champs de préoccupation qui sont pour nous parmi les plus déterminants lorsqu'on parle de la qualité des différentes activités universitaires. Premièrement, le développement des universités québécoises ces vingt dernières années les a conduites, d'après nous, à répondre de moins en moins bien aux demandes changeantes de la population étudiante. Deuxièmement, il nous apparaît que les universités n'ont pas une gestion du corps professoral qui en tire une performance satisfaisante. Certains signes nous laissent deviner clairement des problèmes de contre-performance d'une partie du corps professoral. Et, troisièmement, nos universités semblent incapables de se coordonner entre elles pour offrir un éventail de programmes complets et de qualité qui ne laissent pas de place à l'improvisation et au gaspillage.

Encore faut-il rechercher des solutions à ces problèmes. La Commission jeunesse a développé quelques pistes. Évidemment, les solutions que nous présentons dans ce mémoire ne sont pas des modèles achevés. Ce qui importe pour nous, c'est d'abord les résultats à obtenir. Ainsi, la mise en application de nouveaux modes de fonctionnement devrait permettre d'atteindre les objectifs suivants: premièrement, il faut donner aux universités la possibilité réelle de transférer des ressources des facultés en relatif déclin, c'est-à-dire des facultés qui reçoivent de moins en moins de demandes de premier choix de la part des étudiants, vers des facultés en expansion, c'est-à-dire des facultés qui reçoivent de plus en plus, chaque année, des demandes de premier choix de la part des étudiants. Deuxièmement, les moyens mis de l'avant devraient permettre la cessation du travail d'un professeur dans le ou les domaines de l'enseignement ou de la recherche où il est reconnu incompétent. Troisièmement, on devrait être en mesure de réduire le nombre de programmes comparables offerts dans les universités québécoises lorsque la diminution du total des demandes d'admission ou la recherche d'une plus grande qualité de l'enseignement le justifie.

Je vais maintenant reprendre chacun de ces trois objectifs et présenter sommairement les solutions mises de l'avant par les Jeunes libéraux du Québec lors de leur congrès au mois d'août dernier.

Le premier objectif est d'accorder aux universités une forme de souplesse administrative leur permettant une meilleure allocation des ressources en vue d'une meilleure adéquation de l'offre et de la demande.

En vertu de sa mission d'enseignement, l'université doit s'efforcer d'offrir à ses usagers un choix de programmes d'enseignement dont les capacités d'accueil respectives reflètent le plus fidèlement possible la répartition de la demande entre ces programmes.

Ce devoir des universités découle, à notre sens, du droit de l'individu de choisir son champ d'étude. Cependant, en même temps qu'elle cherche à répondre à la somme des choix individuels, l'université cherche aussi à maximiser le nombre d'étudiants qu'elle reçoit. Dans un passé récent, le processus de démocratisation de l'enseignement supérieur a bénéficié du fait qu'une majorité d'étudiants était content de s'inscrire dans les programmes relativement peu coûteux des sciences humaines et sociales pour, ensuite, aller garnir les rangs

de la fonction publique naissante. Aujourd'hui, les cégépiens cherchent à acquérir une formation universitaire dans d'autres domaines où le coût de formation est plus élevé. Notre génération d'étudiants s'oriente naturellement vers des programmes qu'elle perçoit comme menant vers un emploi. Les programmes appartenant aux sciences de la santé sont, évidemment, concentrés en tête de liste et ce sont les diplômés en sciences sociales qui éprouvent le plus de difficulté à se trouver un emploi.

Notre but, en réitérant ces vérités bien connues, est d'illustrer à quel point les besoins des employeurs et la situation sur le marché du travail sont reflétés par les préférences académiques des candidats. Les membres de cette commission peuvent, d'ailleurs, consulter les tableaux fournis à la toute fin du premier développement du mémoire pour constater que les chiffres à cet égard parlent d'eux-mêmes. C'est un peu avant la première page bleue du mémoire.

Cela dit, il faut maintenant constater que le problème qui se pose à ce moment-ci est celui de l'inadéquation de la réponse des universités et des choix académiques des étudiants. Si on considère que le taux de désistement par programme fournit une approximation juste de la préférence des candidats, on constate que ces statistiques montrent que les programmes à faible taux de désistement font plus souvent l'objet du premier choix des étudiants, tandis que les programmes à haut taux de désistement font plus souvent l'objet du deuxième choix, avec la conséquence que de nombreux candidats essuyant un refus à leur premier choix s'inscrivent à des programmes qualifiés de déversoirs, de dépit par certains étudiants. C'est notamment le cas de nombreux candidats refusés en droit qui s'inscrivent en sciences politiques.

Il nous apparaît qu'une fraction significative des étudiants qui changent de programme en cours de route ou qui complètent deux programmes le font parce qu'ils désirent ardemment étudier dans le programme de leur premier choix. Malheureusement, ces individus sont souvent taxés "d'éternels étudiants", bien malgré eux.

À ceux qui seraient tentés de nous poser le problème de la qualité de la clientèle, nous répondons qu'une allocation des ressources plus respectueuse de la volonté des étudiants produirait des effets considérables et immédiats sur la performance des étudiants. II en est de même pour la qualité des activités de recherche. Il va donc de soi, à nos yeux, que l'apparition et l'essor de nouvelles disciplines, le plafonnement ou le déclin des demandes d'admission dans des secteurs traditionnels exigent une certaine souplesse au plan de l'allocation des ressources financières.

Nous ne sommes pas les seuls à être ainsi préoccupés par cet objectif. Notamment, la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain, lors de sa comparution devant cette commission, se prononçait pour "la mobilité des ressources afin que les universités puissent, au plan du personnel et de la recherche, se maintenir à la fine pointe en évitant, au nom de la sécurité d'emploi, le risque d'une sclérose". Évidemment, en l'absence de contraintes budgétaires, nous ne serions pas ici à revendiquer une meilleure distribution des ressources. En présence d'une telle contrainte, l'université doit identifier les secteurs prioritaires et transférer des ressources financières vers eux. Au fond, c'est la seule façon de préserver à long terme l'utilité sociale des universités; encore faut-il pouvoir identifier ces secteurs prioritaires.

Dans l'immédiat, la répartition des demandes d'admission entre les secteurs semble être le meilleur critère pour déterminer ce qui constitue un secteur prioritaire. Cette recommandation se fonde sur deux principes: que l'individu doit décider de lui-même où est son avenir, l'intervention de l'État devant se limiter à lui fournir l'information nécessaire; que l'université, comme institution publique et comme entité administrative, est d'abord au service des usagers et non le contraire.

Évidemment, on peut toujours prétendre qu'au nom de l'accessibilité l'écart entre le coût de formation des disciplines justifie la répartition actuelle des ressources. Mais le transfert ne se fait pas, même dans le cas où l'obstacle de la différence de coût n'existe pas. Donc, même en présence d'une formule de financement neutre, même dans les cas où une réallocation de ressources ferait en sorte qu'à effectif étudiant égal l'université économiserait des fonds, les contraintes administratives du milieu universitaire empêchent le transfert des ressources financières.

Parmi ces contraintes, nous identifions plus particulièrement la sécurité d'emploi des professeurs, la fameuse permanence. On fait face, en quelque sorte, à un processus de sédimentation qui conduit à une situation où les budgets universitaires doivent perpétuellement croître au-delà de l'indexation annuelle, de la croissance attribuable à l'augmentation des clientèles étudiantes et de l'augmentation du coût moyen de formation. Cela revient à subordonner les finances publiques du Québec aux contraintes administratives des universités.

L'objectif de nos recommandations est, vous l'aurez compris, d'accroître l'impact de la somme des choix individuels sur la gestion des universités. Pour y parvenir, nous suggérons comme piste de solution d'introduire une forme de contingentement

réseau de tous les programmes. Dans ce contexte, le contingentement serait désormais compris comme un outil servant à ajuster davantage l'offre à la demande en tenant toujours compte des différences de coût entre les disciplines.

Si le principe selon lequel tout candidat qui en a les capacités intellectuelles devrait être admis au programme de son choix veut dire quelque chose, il faut tendre vers un système où on exige du candidat la même performance académique, qu'il demande d'être admis en administration, en lettres ou en sciences pures. Il y a quelque chose d'assez étrange dans le fait qu'un candidat doive présenter une moyenne de 85 % pour être admis en droit, mais qu'une moyenne de 65 % soit suffisante pour entrer en sciences politiques, alors que les coûts de formation de ces deux programmes sont sensiblement identiques.

En conclusion sur ce sujet, nous voulons réaffirmer que le maintien de l'université comme important agent de progrès exige qu'elle puisse s'adapter aux besoins de changement plus rapidement qu'elle ne le fait présentement. Cette recommandation du contingentement est de nature interventionniste mais il ne faudrait pas s'en offusquer pour autant. Parfois, l'atteinte d'objectifs fondamentaux, comme le respect de la liberté de choix de l'individu exige une intervention centrale seule capable de contrer la force d'inertie des pouvoirs installés.

Le second objectif que nous avons identifié est celui de pouvoir mettre fin aux activités d'un professeur reconnu incompétent dans un secteur d'activité. Loin de nous le désir de généraliser et de prétendre à l'incompétence globale du corps professoral, mais nous sommes quand même assez profondément sensibles aux phénomènes du milieu universitaire qui est censé nous transmettre les compétences qu'on exige de nous. Ainsi, nous sommes préoccupés sur deux plans: l'effet de la permanence sur la capacité des universités de réallouer leurs ressources et l'effet de la permanence sur la performance du corps professoral. L'une et l'autre de ces préoccupations concernent directement la qualité de l'enseignement dispensé et de la recherche réalisée dans les universités.

Le droit d'un professeur de demeurer au service de l'université jusqu'au moment de sa retraite ne peut prendre fin que pour l'une ou l'autre des raisons suivantes: l'inconduite professionnelle grave ou la négligence répétée dans l'exercice de ses fonctions; ou la suppression par le Conseil des universités d'une unité ou d'un secteur d'activité.

Or, ni l'un ni l'autre de ces deux motifs n'est opérationnel, dans les faits. À preuve, la quasi-absence de cas formels de congédiement dans le premier cas. Dans le second cas, la tentative récente de l'Université de Sherbrooke de supprimer trois unités académiques s'est heurtée à de très fortes résistances du milieu. Donc, parce que les motifs invoqués pour licencier un professeur permanent sont inopérants, la permanence équivaut, dans les faits, è la sécurité d'emploi à vie. (10 h 30)

Évidemment, c'est au nom de la liberté universitaire qu'on exigea autrefois la permanence des professeurs. Malheureusement, depuis 20 ans, on a un peu dénaturé le sens premier du principe de la liberté universitaire. On en fait une panacée servant à plusieurs causes qui n'ont rien à voir avec les causes initiales.

Dans l'établissement d'une preuve circonstancielle concernant la contre-performance des professeurs, les conclusions du rapport Lacroix sont particulièrement révélatrices. Rappelons simplement que 40 % des professeurs à l'Université de Montréal effectuent entre 70 % et 75 % de toutes les activités reliées à la recherche et à l'encadrement des étudiants aux cycles supérieurs, sans pour autant avoir une charge d'enseignement inférieure à celle de leurs collègues. `À quoi sert la liberté universitaire pour ceux qui ne publient pas? Par ailleurs et curieusement, l'expérience montre que c'est bien davantage à travers les luttes internes pour la dominance de courants qu'à travers des gestes administratifs que la liberté universitaire est régulièrement mise en cause. À ceux qui invoquent la permanence au nom de la liberté universitaire, nous aimerions rappeler que le premier ministre du Québec n'est plus Maurice Duplessis et qu'aujourd'hui on peut compter sur une foule d'autres facteurs pour protéger cette liberté. En toute impartialité, il faut reconnaître qu'il n'est sans doute plus nécessaire d'accorder à la permanence la même valeur qu'auparavant en ce qui a trait à la protection de la liberté universitaire.

Il faut donc développer une nouvelle forme de pacte social éliminant les effets pervers de la sécurité d'emploi et permettant aux professeurs d'enseigner et d'entamer des recherches sans dirigisme de l'administration. Le contrat de cinq ans renouvelable nous semble répondre de façon satisfaisante aux deux objectifs.

Il est possible de protéger les professeurs contre les menaces de congédiements arbitraires en leur accordant une permanence limitée dans le temps, assortie de mécanismes d'évaluation opérationnels et équitables. En aucun cas un tel mode de fonctionnement ne doit décourager la critique et la recherche indépendantes et honnêtes. Cependant, les mécanismes d'évaluation devront minimalement vérifier l'existence

d'un effort, en évaluer l'ampleur et en exiger des perspectives.

Le contrat de cinq ans et les mécanismes d'évaluation auraient en particulier l'avantage d'accorder aux administrateurs la possibilité d'abolir des postes dans certains secteurs en déclin; ils laissent le temps de réaliser les évaluations utiles, de prévoir les départs et de mettre en branle un processus de reclassement ou de congédiement.

En résumé, la permanence des professeurs, telle que vécue actuellement dans les universités du Québec, constitue un véritable obstacle à l'évolution de nos besoins en enseignement et en recherche et pose simultanément un problème de performance d'une partie du corps professoral. Notre suggestion est de l'abolir dans sa forme actuelle et de la remplacer par des contrats de cinq ans renouvelables. D'aucune façon l'exercice de la liberté universitaire, en son sens premier, ne nous semble attaqué par cette proposition.

Le troisième objectif de la Commission jeunesse a trait à la coordination des programmes universitaires. La rationalisation des programmes existants peut se faire de plusieurs façons. Inutile d'insister très longtemps sur les motifs d'une meilleure coordination. La plupart des intervenants s'entendent là-dessus, notamment l'Université Laval qui déclarait, le 7 octobre dernier, lors de son passage devant cette commission parlementaire: "Tant que nous ne serons pas sortis d'un système qui bénit l'éparpillement, la croissance indifférenciée et le développement anarchique et irrationnel du réseau, nous ne pourrons pas sérieusement poursuivre les objectifs officiellement déclarés prioritaires".

La plupart des universités, des groupes d'étudiants et des intervenants socio-économiques ont tenu des propos semblables. Ainsi, puisque les analyses se recoupent sur ce thèmne, permettez-moi de présenter uniquement les moyens que nous suggérons et dont les membres ont pu prendre connaissance à la lecture du mémoire. Ces recommandations tiennent toutefois compte de l'incapacité des pouvoirs actuels à obtenir des résultats concrets au chapitre de la rationalisation du réseau.

Il vaut la peine à ce moment-ci de rappeler le cas des quatre départements de neurochirurgie auxquels on fait référence dans le mémoire et qui traîne depuis dix ans. La Corporation professionnelle des médecins, les doyens, la CREPUQ, le ministre et le Conseil des universités, depuis dix ans maintenant, disent que cela n'a pas d'allure et qu'il faudrait peut-être concentrer cela dans une université. Ces avis datent de 1976; on est en 1986 et il y a encore quatre départements de neurochirurgie au Québec.

Pratiquement, la Commission jeunesse recommande à ce chapitre que le ministre soit responsable d'évaluer la pertinence des programmes d'enseignement en regard, notamment, de l'évolution des demandes d'admission, puis des besoins exprimés par le marché du travail; que le Conseil des universités soit responsable d'identifier les mérites et les carences des programmes d'enseignement; que le ministre responsable informe les chefs d'établissement suffisamment à l'avance de son intention de réduire le nombre de programmes comparables admissibles au financement; et que la conférence des recteurs, la CREPUQ, soit chargée de présenter au ministre responsable un plan de rationalisation dudit secteur disciplinaire.

M. le Président et messieurs les membres de la commission, nous sommes maintenant disposés à écouter vos questions, mais, auparavant, permettez-moi de rappeler que les aspirations de notre génération s'accommodent de plus en plus mal des modes de fonctionnement actuels de la société québécoise. Nos propositions sont donc développées dans l'esprit d'un plus juste équilibre entre les différents groupes qui composent notre organisation sociale.

Il est important de ne pas perdre de vue ces motifs fondamentaux qui nous inspirent et qui sont aussi étroitement liés aux objectifs du gouvernement en matière de qualité d'éducation. Les jeunes du Québec veulent être compétents, compétitifs et participer concrètement, mais leur façon, au développement de notre collectivité. Nous faisons valoir cet objectif depuis plusieurs années déjà et nous continuerons à le faire tant et aussi longtemps que cette cause nous apparaîtra valable et urgente. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec, M. Perrino. Il reste environ 25 minutes à la commission pour une période d'échange de vues avec vous. Je cède immédiatement la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir, à l'occasion de ce qui sera la dernière journée complète d'audiences publiques de la commission, de souhaiter la bienvenue à la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec dont l'intérêt pour les questions d'éducation, surtout d'enseignement universitaire, et le dynamisme politique ont été remarqués de tous les observateurs au cours des dernières années. 11 a pu arriver que l'on mette en doute la réalité du renouveau qui s'est produit au sein du Parti libéral du Québec au cours des dernières années. Je pense que l'intérêt approfondi que la Commission jeunesse du

Parti libéral du Québec porte aux grandes questions de l'heure est la manifestation la plus efficace et la plus éloquente de ce renouveau qui s'est effectivement produit, qui doit toujours être poursuivi, évidemment. Nous nous sommes réjouis de constater l'autre jour que le Parti québécois avait décidé de s'annexer aussi une commission jeunesse. On ne l'avait pas entendue depuis un bon moment, mais elle est venue nous rencontrer l'autre jour et nous l'avons reçue avec beaucoup d'intérêt. Je pense ' que la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec a été extrêmement active et efficace au cours de la période récente. Nous souhaitons que cela continue longtemps et nous sommes très heureux en conséquence de vous recevoir à cette commission en tant qu'interlocuteurs que nous apprécions beaucoup.

M. Jolivet: II ne faudrait pas les décevoir.

M. Ryan: Parmi les thèmes que vous abordez dans votre mémoire, celui qui m'a frappé le plus n'est peut-être pas celui qui ressort davantage des trois grands titres qui ont été inscrits en tête des principaux chapitres. Il y a une phrase au tout début du mémoire dans laquelle vous dites que ce qui importe tout autant que la qualité de l'éducation, c'est une bonne intelligence de la situation particulière de la jeune génération qui demeure la principale clientèle des universités. Pour elle, dites-vous, le plein emploi est un contexte inconnu. Son quotidien est constamment parsemé d'exigences rigoureuses et d'obstacles multiples.

Je pense que c'est à la lumière de cette considération liminaire qu'il faut comprendre les développements qui suivent dans le mémoire. Je pense qu'on n'aura jamais assez d'inquiétudes au sujet de l'aptitude de notre système d'enseignement à procurer à nos jeunes une formation qui leur permettra de s'épanouir ensuite dans l'activité professionnelle, à condition qu'on leur en laisse la chance. C'est un fait terriblement inquiétant qu'un grand nombre de jeunes qui ont reçu une formation de première qualité ne trouvent pas toujours à s'employer sur le marché du travail. Ce n'est pas nécessairement parce que la formation qu'ils ont reçue n'était pas bonne, c'est souvent parce que le marché du travail est mal préparé à les recevoir ou subit toutes sortes de bouleversements ou de contrecoups dont le système d'enseignement n'est aucunement responsable.

J'entends souvent dire qu'il faudrait passer son temps à réformer le système d'enseignement parce qu'il y a, par exemple, des phénomènes de chômage. C'est sûr qu'il y a des incidences sur le système d'enseigne- ment, mais il y a des phénomènes structurels à l'intérieur même de la vie économique contre lesquels, à court terme, en tout cas, le système d'enseignement peut accomplir assez peu. Néanmoins et nonobstant toutes ces remarques, je pense que les jeunes restent ceux qui sont le plus directement et le plus intensément affectés par ces manques d'harmonie entre le système d'enseignement, d'un côté, et les réalités du travail, de l'autre, et ce phénomène doit nous préoccuper au plus haut point.

Parmi les points majeurs que vous abordez, il y a, évidemment, celui de l'allocation des ressources à l'intérieur de l'ensemble du système universitaire et aussi à l'intérieur de chaque établissement universitaire. Il y a celui de la performance des professeurs. Il y a celui de la coordination entre les établissements qui composent le réseau. Je n'ai malheureusement pas le temps de faire de commentaires sur chacun de ces points, vu le peu de temps qu'il nous reste.

Je poserai une question sur chacun de ces trois points et le débat pourra continuer, sans doute, dans d'autres contextes. Avant de poser ma première question, je voudrais, cependant, inscrire une interrogation. Je trouve, à la page 4 du mémoire, une remarque sur laquelle je voudrais faire une brève observation. On dit qu'au cours des audiences de la commission il y a certains problèmes qui ont été évoqués, mais qu'ils font partie des problèmes d'application d'une option de financement additionnel mise de l'avant par quelques intervenants. Je pense que vous voulez faire allusion à la question des frais de scolarité. Vous faites allusion aussi, de manière implicite, au problème plus large du niveau de financement des établissements universitaires. Je veux souligner brièvement que la très grande majorité des témoignages que nous avons entendus depuis maintenant un mois a signalé qu'il est important de réviser le niveau de financement des établissements universitaires et a présenté à l'appui de sa thèse le très grand nombre de situations concrètes qui appellent des interventions urgentes et pas seulement des interventions à long terme.

Il y a un point. Au moins au point de vue de la perspective d'action, j'aimerais que vous nous donniez tantôt des précisions parce que je ne pense pas honnêtement qu'on puisse situer des considérations comme celles que le mémoire nous présente et celles que nous a présentées la très grande majorité des intervenants que nous avons entendus dans une perspective que j'appellerais consécutive. Je ne pense pas qu'il faille décider rigidement qu'il faudrait faire tout ce qui est demandé ici avant de considérer sérieusement le problème du niveau de financement, parce qu'à ce moment je pense que la commission et le gouvernement créeraient une immense

déception. (10 h 45)

Cela étant dit, je voudrais vous adresser trois questions que je vais formuler brièvement. Comme j'ai à peine dix minutes pour le faire, si vous voulez répondre un peu brièvement aussi parce que mon collègue, le député de Sherbrooke, aurait une question à vous poser également. Tout d'abord, à propos de l'idée de contingentement national des inscriptions, vous dites qu'on devrait avoir un système de contingentement national des inscriptions de manière que les places disponibles dans chaque discipline correspondent davantage à la demande. Le problème que cela soulève est le suivant, à mon point de vue. Nous avons vu que, dans un certain nombre d'établissements, surtout les universités en province, on n'est pas capable de mobiliser pour chaque discipline le nombre minimum d'inscriptions qu'il faudrait. Il faut quand même maintenir un minimum de cours qui justifie le titre d'établissement universitaire. Il faut permettre également une période de démarrage solide qui ne peut pas être échelonnée seulement sur deux ou trois ans. J'aimerais savoir comment fonctionnerait ce système de contingentement national que vous envisagez et comment on doit le concilier avec le principe de l'autonomie des établissements universitaires.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce vous qui répondez, monsieur?

M. Perrino: D'une façon générale, sur vos remarques préliminaires, M. Ryan, c'est vrai que plusieurs intervenants sont venus ici et ont étudié plutôt des nouvelles sources de revenus. Le choix qu'on a fait délibérément dans notre mémoire, c'est plutôt d'étudier les revenus à la source, de voir s'il n'y aurait pas de modifications qu'on pourrait apporter à cela et certaines ressources qu'on pourrait allouer. Sur le contingentement, je pense que Louis et Jacques ont quelque chose à dire. Louis, sur le contingentement.

M. Boivin (Louis): Oui. Sur la conciliation de l'autonomie administrative et du mode de contingentement national des universités, évidemment, nous reconnaissons le principe de l'autonomie de3 universités en ce qui a trait au contenu pédagogique des programmes et à la forme de l'enseignement et de la recherche. Cependant, le système proposé s'attarde davantage à rationaliser en faisant en sorte que les demandes d'admission pour l'ensemble du Québec, y compris les régions, soient gérées et partagées ensuite par la conférence des recteurs entre les différents établissements de façon à concentrer le plus possible les domaines ou les secteurs d'enseignement où c'est utile de les concentrer, où c'est passible de le faire et où l'éparpillement ne sert pas la cause du Québec en matière de qualité de l'enseignement et de la recherche. Évidemment, la condition particulière des universités en régions et l'objectif de maintenir le concept d'université en régions, c'est important. Loin de nous l'idée d'ignorer cette dimension. Cependant, on considère qu'il y a des pas à faire dans cette voie et sans doute qu'une analyse plus détaillée de la condition particulière de chacune des universités et, en particulier, de celles qui sont en régions nous permettrait de développer des formules de pondération qui nous permettraient d'atteindre ou de maintenir le concept d'université en régions sans le dépouiller de composantes essentielles. Je terminerai en disant sur cela qu'évidemment notre proposition s'attaque en priorité à la région de Montréal qui compte quatre universités et où les dédoublements et les éparpillements, comme on dit, sont les plus répandus entre les programmes.

M. Muller (Paul): Simplement sur la question des universités en régions, j'ajouterais qu'il faut éviter des généralisations qui peuvent facilement devenir abusives, c'est-à-dire qu'il s'agit d'étudier chaque programme à la pièce et de trouver l'équilibre entre l'impact véritable sur le développement de la communauté et, d'autre part, la masse critique nécessaire pour avoir des activités de recherche et d'enseignement de qualité.

M. Ryan: Merci. J'ai une autre question à propos de la permanence des professeurs qui est un élément majeur de votre présentation. Vous dites qu'on devrait remplacer la permanence des professeurs par un système de renouvellement quinquennal du contrat d'engagement. Dans tout le système d'enseignement actuellement, à partir du niveau primaire jusqu'au niveau universitaire inclusivement, nous avons le système de permanence. Nous l'avons également dans la fonction publique, nous l'avons dans les hôtels de ville, nous l'avons dans un grand nombre d'entreprises. Au bout d'un certain temps, la personne atteint la permanence et ce n'est qu'en cas d'inconduite grave, d'incompétence notoire, d'absence du travail ou de manque de travail qu'on va être obligé de la remercier de ses services ou de la mettre en congé pour un temps. Vous proposez de changer cela. Pourquoi faire cela au niveau universitaire et ne pas le faire aux autres niveaux? Pourquoi commencer à ce niveau?

La grande interrogation que j'ai, c'est à propos de l'évaluation. Vous dites: On va assurer un système d'évaluation efficace. Mais comment allez-vous mettre sur pied un système d'évaluation efficace? II n'y a rien de moins efficace que des semblables qui

s'évaluent. Demandez à trois journalistes d'évaluer le travail d'un confrère s'ils sont syndiqués tous les quatre, vous n'arriverez pas à grand-chose comme résultat. Je ne le sais pas. Je vous dis cela franchement et vous le savez. Demandez à trois enseignants d'évaluer un quatrième enseignant et ils vont dire: II est bon.

M. Perrino: Présentement, c'est cela, le problème, c'est ainsi que cela se fait. Si on s'attaque plus particulièrement à la permanence au niveau des universités, c'est parce que c'est là que c'est le plus flagrant. Quand on parle d'inéquité entre générations, c'est là que cela fait le plus mal. Présentement, l'État a la capacité d'injecter des fonds jusqu'à une certaine limite. Ce n'est plus le Québec des croissances démesurées qu'on a déjà connues. On dirait que certaines personnes ne s'en rendent pas compte. Ce qui est grave là-dedans, c'est qu'il y en a un certain nombre, minime, où c'est de l'incompétence et qu'on garde dans le système. On ne peut pas les enlever. Si je peux m'exprimer ainsi, c'est un peu du BS en Cadillac. De plus, il y a aussi de bons profs dans certaines facultés où il y a de moins en moins de demande d'étudiants. On devrait ouvrir des postes dans d'autres facultés et on est incapable de prendre ces ressources et de les réallouer. Qu'est-ce qu'on est en train de demander à ceux qui n'auront jamais la sécurité d'emploi tapissée mur à mur? On ne s'attend même pas à cela, nous, de notre génération. On est conscient des réalités. Mais qu'on ne vienne pas nous demander de financer des privilèges qui sont, un, révolus et, deux, qu'on n'aura jamais. On s'attaque au problème dans cet esprit.

M. Ryan: N'est-il pas dangereux, si on procède à ces décisions seulement sur la base de la demande, qu'on élimine de l'université de grandes compétences qui devraient s'y trouver et pour lesquelles il peut arriver que, à une certaine période, il n'y ait pas une demande considérable, mais qui, à la longue, feront beaucoup plus pour le rayonnement de l'université que d'autres qui ont pu être populaires pendant deux ou trois ans, mais qui n'avaient pas nécessairement beaucoup de contenu?

Je ne sais pas s'il ne serait pas mieux de chercher une amélioration des mécanismes d'évaluation à l'intérieur du système actuel. Je vous pose la question bien simplement.

M. Perrino: Je pense que l'amélioration des systèmes d'évaluation a été, évidemment, nécessaire. On ne trouvera jamais d'évaluation parfaite, évidemment; les gens à qui cela ne fait pas l'affaire qu'on remette en question la permanence vont toujours nous opposer des problèmes méthodologiques. Cependant, dans la mesure où on analyse que c'est un problème grave qui coûte très cher à l'État et qui nous empêche d'avoir des universités performantes, comme on doit en avoir pour faire face à la concurrence, il faut qu'on aille vers une remise en question de la permanence.

On va être en mesure de développer les outils nécessaires en termes d'évaluation. Il y a déjà pas mal de travail qui s'est fait au sein des institutions universitaires. La question est la suivante: Une fois qu'on a développé ces outils, comment en fait-on des outils efficaces? On peut, bien sûr, évaluer des gens, on peut pointer certains problèmes du doigt, il faut être en mesure de les solutionner. C'est dans ce sens-là qu'on propose une remise en question de la permanence.

On parlait de la cogestion tout à l'heure. Pourquoi cette remise en question de la permanence ne se ferait-elle qu'au niveau universitaire? Je pense que la cogestion n'existe qu'au niveau des universités, nulle part ailleurs où ce sont les professeurs qui évaluent leurs pairs. Je me rappelle quand j'ai été au secondaire, lorsque des professeurs nous demandaient de corriger les copies de nos copains, en général, la moyenne de la classe était relativement élevée. Les professeurs d'université à ce...

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est édifiant.

M. Perrino: ...niveau-là ne sont pas des êtres humains différents en nature et on ne doit pas leur laisser des tentations diaboliques.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Perrino: Quant à la question de la demande, doit-on faire en sorte que les allocations de ressources ne soient modulées qu'en fonction de la demande? Ce n'est pas la propostion comme telle; on ne propose pas que, de façon absolue, ce soit le seul critère dont on tienne compte. Évidemment, tous les savoirs sont importants à être traités. On doit développer la recherche à tous les niveaux. Cependant, il faut qu'on le fasse de façon cohérente. Je pense qu'on n'a pas les moyens au Québec de maintenir les programmes dans toutes les institutions universitaires. On ne doit pas avoir des multiuniversités dans toutes les villes de 40 000 habitants et plus. La concurrence qui doit être faite entre les universités, c'est une concurrence internationale. Je pense que McGill est beaucoup plus en concurrence avec la 5orbonne, avec Harvard qu'elle doit l'être avec l'Université de Montréal ou de Rimouski. On n'a pas les moyens de maintenir ce genre de concurrence à l'intérieur de nos frontières.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Le côté ministériel ayant utilisé et dépassé d'au moins cinq minutes son temps, je reconnais maintenant le porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je vais commencer par m'excuser; ce matin, j'ai un peu de difficulté avec ma voix. Probablement que les travaux de la commission ont contribué à cet état de fait. La voix est en train de me laisser.

M. Perrino, messieurs, il m'a fait plaisir, au nom de l'Opposition, de vous accueillir à cette commission. Je suis tout à fait rassurée quand je vois que les jeunes au Québec s'intéressent à l'avenir des universités.

Comme je l'ai dit aux membres du Comité jeunesse du Parti québécois, les jeunes qui s'impliquent en politique choisissent les lieux où ils peuvent le mieux intervenir sur les politiques qui géreront le développement du Québec dans les prochaines années. Quel que soit le choix que vous fassiez, d'un parti ou de l'autre, l'important est que vous vous y engagiez.

Je vais passer rapidement aux questions parce que, si je fais comme le ministre, je vais dépasser mon temps et on n'aura pas le temps d'entendre tout le monde ce matin. Le mandat de cette commission portait d'abord sur les orientations, deuxièmement, sur le niveau de financement et les sources de financement et, troisièmement, sur l'aide financière aux étudiants. Vous abordez fort peu le mandat précis de la commission dans le sens que vous parlez peu des orientations, vous parlez peu du niveau de financement et pas du tout de l'aide financière aux étudiants.

Par ailleurs, si on lit votre mémoire, on comprend que, sans vous prononcer sur le niveau de financement requis pour qu'on ait un enseignement de qualité, vous identifiez trois causes, trois moyens de mieux répartir les budgets actuels. Pour combler ce manque à gagner, vous proposez un contingentement, la non-permanence des professeurs et une rationalisation.

Par ailleurs, je suis préoccupée par une espèce de contradiction dans votre mémoire. Quand vous touchez à la permanence, votre mémoire est très interventionniste sur plusieurs points. Il me semble que cela se marie moins bien avec ce que le ministre nous rappelle tous les jours, que c'est un gouvernement très libéral dans sa pensée, dans ses actions et dans son programme. Vous êtes très interventionnistes au moins sur trois points.

Sur la permanence des professeurs, comment allier la nécessité de renouveler son contrat tous les cinq ans avec la liberté d'expression? Comment ne pas avoir la tentation d'être modéré sur la critique sociale alors que vous savez que cela influencera peut-être le choix de la direction de vous engager après cinq ans? L'université a toujours été le lieu de prédilection pour la défense de la liberté d'expression. Si on est trop interventionniste, il me semble que c'est un danger non seulement pour l'université, mais pour tout le monde.

Je parlerai brièvement du contingentement. Le ministre Rérnillard est venu à cette commission la semaine dernière. Je rappelle un article du Devoir du 8 octobre 1986: "Rémillard défend la charge de travail et la permanence des universitaires". Sur cette question, vous affrontez aussi le Conseil des ministres, de même que sur la question des frais de scolarité.

Concernant les frais de scolarité, vous proposez un gel. Est-ce que c'est pour toute la durée du mandat?

M. Perrino: Vous avez posé plusieurs questions et tout le monde veut y répondre. Nous allons donc tenter d'être très concis. Premièrement, concernant le mandat, aux deux dernières pages de notre mémoire, nous avons reproduit le mandat spécifique de la commission parlementaire. Si on le lit comme il faut, il y a plusieurs points. À la dernière page, il y a deux autres points qui font partie du mandat: la gestion des ressources humaines et matérielles des universités - je pense qu'on en parle abondamment dans notre mémoire - les modes de concertation entre les établissements particulièrement en ce qui a trait à la rationalisation des programmes offerts et à l'identification des champs d'enseignement et de recherches jugés prioritaires. Je pense qu'on en parle abondamment dans le mémoire. On a fait nos devoirs. On n'a pas parlé de tous les éléments, comme la plupart des gens, on a relevé deux éléments du mandat de la commission parlementaire et je pense qu'on parle en fonction du mandat de la commission parlementaire.

Très brièvement - je sais que beaucoup veulent répondre - sur la liberté d'expression. Â la lecture du mémoire, on s'aperçoit que ce n'est peut-être pas la permanence qui va nuire ou qui aide à la liberté d'expression. Quand 40 % des professeurs réalisent 70 % à 75 % des publications, je me pose des questions: Que font les autres? Leur liberté d'expression est-elle brimée par la permanence? Non, ils l'ont tous. Si elle est brimée quelque part, c'est peut-être par les luttes qui se font à l'intérieur même des départements. C'est ce qu'on dit dans le mémoire. Alors, dire que la permanence égale la liberté d'expression, moi, en tout cas, je n'achète pas. (11 heures)

Sur les frais de scolarité, l'engagement

électoral est très clair: c'était pour un mandat. Nous, notre position est très claire; celle du parti est très claire et celle du gouvernement aussi par les déclarations qui ont été faites. Celle de M. Pierre Marc Johnson, par exemple, était moins claire. Il ne faut pas jouer à la vierge offensée, quand même. Pendant la campagne électorale, le 14 novembre, dans le Soleil, la Presse, le Devoir, M. Johnson, qui était encore chef, affirmait: Oui, le dégel, on va voir, mais, de toute façon, cela va être accompagné de mesures spéciales afin qu'il y ait une plus grande accessibilité aux programmes. Déjà, on laissait voir des mécanismes d'application d'une politique qu'on reprendrait une fois au pouvoir. Je sais que le PQ n'a jamais promis le gel des frais de scolarité et que le PLQ l'a promis. Quand on a des convictions, il faut avoir le courage de les défendre avant le 2 décembre et après le 2 décembre. Jacques, sur la liberté d'expression?

M. Gauthier (Jacques): Pour compléter sur la question de la permanence, un auteur du "Canard enchaîné" disait que la liberté d'expression ne s'use que lorsqu'on ne s'en sert pas. On peut peut-être faire l'analogie avec la permanence. Dans la mesure où les professeurs ne sont pas nécessairement les plus grands utilisateurs de la liberté universitaire, on se demande si, lorsqu'ils emploient ce concept pour défendre la permanence, c'est bien la liberté d'expression qu'ils veulent défendre ou la sécurité d'emploi blindée. On a l'impression que c'est plutôt cette dernière. Est-ce que le fait d'avoir des contrats de cinq ans qui seraient renouvelés à la suite d'évaluations qui auraient lieu à l'intérieur des départements et des universités... On connaît les mécanismes d'évaluation et même si on faisait place à certaines modifications pour impliquer des étudiants, des agents socio-économiques de l'extérieur, je ne pense pas qu'on puisse imaginer des menaces qui viennent de l'appareil d'État pour brimer l'expression des universitaires. Je pense que Mussolini et Hitler ne sont pas parmi nous. Les administrations d'universités agissent sous un mode électif. Ce sont tous d'anciens professeurs. S'il y a des menaces qui sont faites à la liberté d'expression des professeurs, cela ne vient certainement pas de l'extérieur des murs de l'université. On comprend très mal qu'on utilise le concept de la liberté universitaire pour défendre la permanence.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.

M. Muller: C'est une question fondamentale qui est revenue dans les propos du ministre, ainsi que dans les vôtres. J'ajouterais qu'à notre sens ce qui protège le plus la liberté universitaire, ce n'est pas une protection de nature institutionnelle ou pseudo-juridique comme la permanence ou la sécurité d'emploi. Je pense que quiconque est familier avec le milieu universitaire connaît les luttes de pouvoir à l'intérieur des départements et ainsi de suite. Ce qui protège davantage la liberté universitaire, c'est la diversité des agents qui évaluent et qui prennent des décisions relativement à la promotion, à la titularisation, à l'agrégation, votre au congédiement des professeurs. Je pense qu'avec cette formule, c'est-à-dire un contrat de cinq ans associé à un mécanisme d'évaluation incluant des pairs, des administrateurs, des étudiants, des praticiens, voire des professeurs issus d'autres universités, ce serait la meilleure façon de protéger cette liberté, étant donné qu'il n'y aura pas un agent dans le groupe qui aura suffisamment de pouvoir pour imposer une quelconque brimade à la liberté universitaire. À mon avis, c'est là que se trouve la principale protection de la liberté et non pas dans un mécanisme institutionnel-

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Vous nous dites que c'est davantage sur la diversité des agents qui vont procéder à l'évaluation du professeur que repose la garantie d'objectivité. Est-ce que cela n'est pas possible à l'intérieur des règles actuelles, c'est-à-dire la permanence, mais avec de solides mécanismes d'évaluation? C'est une première question, parce que c'est davantage la position des jeunes du Parti québécois qui pensent qu'effectivement il y quelque chose à faire, mais que cela peut se faire à l'intérieur des règles actuelles, du moment qu'on s'assure que l'évaluation est faite de façon rigoureuse et que des mécanismes de correction, dans le cas où il y a déficience, puissent être mis en place. Une première sur l'évaluation.

Une seconde question sur les frais de scolarité. Les jeunes...

M. Muller: Vous soulevez quelque chose d'important et, pour la bonne compréhension de notre propos, je vais préciser. Ce que vous proposez peut atteindre le premier objectif, c'est-à-dire permettre à l'université de se débarrasser d'éventuels professeurs incompétents. Cela n'atteint pas, cependant, le second objectif qui est de permettre une souplesse dans l'allocation des ressources. C'est pour cela que, dans un cadre de permanence, nous n'atteignons pas ce second objectif.

Mme Blackburn; Si je comprends bien, vous vous dites - et c'est ce que vous disiez tout à l'heure: Comment vouloir continuer à payer un système qui donne la sécurité

d'emploi blindée alors qu'elle ne nous sera jamais donnée? Vous voulez ouvrir davantage les universités aux jeunes diplômés, ce que je trouve excellent. Il y aurait peut-être moyen, en y ajoutant des ressources additionnelles, de faire un peu plus de places aux jeunes.

La deuxième question concerne le gel des frais de scolarité. La mesure que proposaient les jeunes du Parti québécois est un impôt universitaire, un impôt-éducation qui serait payable après. Comment réagissez-vous à cela?

M. Perrino: La formule que présentaient les jeunes péquistes vient de l'Université Concordia, plus précisément appelée le POET, le Post Obligatory Educational Tax. C'est une mesure qui avait été présentée, je me souviens, bien avant le 2 décembre. D'ailleurs, M. le ministre, j'étais présent à une réunion des membres du RAEU à l'Université de Montréal où on présentait la mesure. C'est quelque chose qui date de loin. D'ailleurs, c'est une mesure qui a été présentée à l'ancien gouvernement aussi. On ne comprend pas que l'ancien gouvernement ne l'ait pas retenue à l'époque quand on sait qu'il avait une prédilection pour les formes originales de taxation. Pour mettre en application une telle mesure, on avait demandé que des études actuarielles se fassent pour savoir combien cela coûterait parce que cela demande quand même des sommes assez astronomiques pour partir un tel projet.

M. Jolivet: Cela me faisait penser aux petits oiseaux et au lait des enfants.

M. Perrino: On ne comprend pas, M. le député.

M. Jolivet: Cela va, on parlait entre nous.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il vous plaît:

M. Perrino et M. le député de Laviolette, vous vous adresserez au président.

Mme Blackburn: Oui?

M. Gauthier (Jacques): J'ai envie de rajouter, sur la question du POET, le Post Obligatory Educational Tax, qu'on entrevoit le financement des universités à ce stade-ci, en songeant à l'opportunité d'augmenter le niveau de financement. Il nous apparaît prématuré de se demander, si on devait hausser la contribution des usagers dans le système des universités, comment on le ferait. Premièrement, est-ce qu'il faut hausser le niveau de financement? Deuxièmement, par quel moyen? Est-ce par une contribution augmentée de la part des usagers? Si on répondait oui à ces deux questions-là, il serait temps de se demander si une formule comme le POET peut être intéressante à étudier. Je pense que c'est nettement prématuré.

Pour compléter aussi peut-être sur la question de l'évaluation, Mme la députée disait tout à l'heure: Est-ce qu'il n'est pas possible d'apporter les corrections nécessaires lorsqu'il y a des déficiences de productivité de la part des professeurs, en instaurant un système d'évaluation qui soit performant? Je pense que le problème, c'est qu'une fois qu'on aura un système d'évaluation accepté par les professeurs, dont on pourra dire que cela juge de façon raisonnablement correcte les performances des professeurs, que fait-on lorsque quelqu'un ne veut pas se réformer? Ce sont des choses qui peuvent arriver. Il faudrait peut-être mentionner que déjà des mécanismes existent. Par exemple à l'Université de Montréal et à Laval, il y a des services pédagogiques qui ont des budgets qui ne sont pas minimes. À l'Université de Montréal, on parle de 800 000 $ à 1 000 000 $, je pense. On ne se bouscule pas aux portes pour s'améliorer. Je constate que, malheureusement, malgré la présence d'outils quand même assez intéressants, les gens ne courent pas pour augmenter leurs prestations d'enseignement.

La question est celle-ci: Est-ce qu'il faudra donner des "incentives"? Nous, on pense que oui. Des contrats de cinq ans permettraient aux gens, d'une part, de "performer's de démontrer qu'ils sont toujours soucieux et enthousiastes d'avoir de bonnes prestations d'enseignement. On pourrait les évaluer à l'intérieur de ces cadres-là.

Mme Blackburn: Une brève question. Peut-être avez-vous répondu au ministre tout à l'heure. J'étais peut-être un peu distraite. Est-ce que la non-permanence serait pour tous les niveaux d'enseignement?

M. Perrino: Dans le mémoire, on parle de permanence au niveau universitaire. Si les membres de l'Assemblée nationale voulaient aller plus loin là-dedans, on serait prêt à en discuter, mais on s'attaque prioritairement à l'enseignement universitaire et à la réallocation des ressources.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le président. Je reconnais maintenant le député de Laviolette qui est aussi le vice-président de la commission parlementaire de l'éducation.

M. le député.

M. Jolivet: Compte tenu du temps, M. le Président, je vais faire une brève intervention. Tout à l'heure, je ne pouvais pas m'empêcher, quand M, Perrino a fait allusion à certaines taxes dans le passé, de

revenir avec la fameuse image que les libéraux avaient utilisée, celle de la graine d'oiseaux taxée en tenant compte que, sans savoir ce qui se passera au cours des prochaines années, on a quand même enlevé le lait des enfants dans les écoles. Quant à moi, c'est encore plus difficile à accepter ayant six enfants à l'école dont trois au niveau élémentaire.

Deuxièmement, ma question porte justement sur l'article du journal: "M. Rémillard défend la charge de travail et la permanence des universitaires." Je veux y revenir pour une simple raison. D'abord, je suis un enseignant de niveau secondaire. Je suis en congé sans traitement depuis nombre d'années. Je ne sais pas ce qui va m'arriver plus tard; ce sera une décision que j'aurai à prendre. Mais chose certaine, cela permet d'aller chercher une forme d'expérience et de l'utiliser ensuite. Or, M. Rémillard, comme ministre responsable - on le sait tous, il l'a dit lui-même - est en congé sans traitement de l'Université Laval.

La formule de permanence que vous proposez, par un contrat à tous les cinq ans, est-ce que cela veut dire que, pour l'avenir, tous les contrats équivalant à celui qu'a M. Rémillard devraient disparaître de la carte, c'est-à-dire qu'il n'y aurait plus aucun congé sans traitement pour des gens qui viennent prendre de l'expérience publique, exercer des charges publiques, pour ensuite retourner dans le milieu du travail avec des capacités additionnelles? Ils viendraient sans avoir au moins l'assurance qu'une fois un mandat de quatre ans ou de huit ans terminé - peu importe la durée - de pouvoir revenir à la fonction précédente. Je fais exclusion de ceux qui possèdent des chaires dans une université. Je relie cela aussi à l'autre partie de la discussion qui est celle de la capacité d'avoir une liberté d'expression. Je n'irai pas tellement loin en rappelant ce qui s'est passé aux États-Unis: le fait, pour des gens qui possèdent une certaine forme de sécurité, de pouvoir au moins parler à rencontre de ce que pensent des gens dans le milieu religieux en particulier, en pensant faire évoluer l'ensemble de la société.

Ma question concernant M. Rémillard: Est-ce que vous proposez de ne plus jamais accorder de congé sans traitement à des gens qui viennent donner une partie de leur vie, de leur santé, au service de la population?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Qui va répondre?

M. Perrino: On ne s'est pas attaqué prioritairement au cas de M. Rémillard. Je pense que... Je m'excuse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous ne vous êtes pas attaqué aux députés.

M. Perrino: Non. Je pense que tout le monde peut avoir son opinion. Tout le monde sait qu'au PLQ, on n'est pas un parti dogmatique, tout le monde peut exprimer son opinion et, à un moment donné, on aura des décisions à prendre. Pour tous ceux qui ont des congés sans traitement, si vous appliquez les contrats de cinq ans demain matin, ce sera un problème. Je pense que, d'ici à ce qu'on applique cette formule, il y aura des mécanismes d'ajustement auxquels on pourra penser et on tiendra compte de ces différents mécanismes. On n'a pas tenu compte des exemples précis et concrets de certaines personnes dans le mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Brièvement, s'il vous plaît!

M. Boivin: J'aimerais simplement ajouter qu'on pourrait peut-être instaurer des mécanismes. Si l'individu est ministre pendant huit ans, peut-être qu'il pourrait reprendre son travail. S'il ne réussit pas à l'être...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Pardon? On n'a pas compris, monsieur.

M. Boivin: Enfin, je disais que peut-être on pourrait instaurer un mécanisme du genre: si l'individu est ministre pendant huit ans, il pourrait obtenir à nouveau son travail. S'il ne réussit pas à devenir ministre, il pourrait le perdre. Enfin, j'aimerais revenir sur...

Des voix: Hal Ha! Ha!

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est le député de Laviolette?

M. Jolivet: II y a plusieurs personnes de l'autre côté qui poseraient la question, M. Chagnon en particulier.

M. Boivin: C'est une blague, M. Laviolette.

M. Jolivet: D'accord.

M. Boivin: M. Jolivet. Cela dit, j'aimerais revenir brièvement sur une affirmation qui a été faite tout à l'heure, avant d'en finir avec le parti de l'Opposition.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Brièvement.

M. Boivin: Oui. C'est sur la nature interventionniste des recommandations du mémoire. Évidemment, je ne vais pas reprocher à quiconque de ne pas posséder aussi bien que le ministre, que nous ou que le président du parti, la notion du libéralisme. La notion du libéralisme, au Québec du moins, ne s'attarde pas aux

moyens comme tels, mais bien à l'objectif. Si des objectifs peuvent être atteints quelquefois par des mesures interventionnistes et quelquefois par des désengagements de l'État, cela va de soi. Lorsque le libéralisme peut s'exprimer, quel que soit le moyen mis en oeuvre, à nos yeux, ce sera un plus pour la société québécoise.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, messieurs. Je reconnais maintenant, pour conclure au nom de sa formation politique, la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, au nom de ma formation politique, d'être venus ici nous faire part de vos opinions sur les orientations et le financement du réseau universitaire. J'aurais eu plusieurs autres questions à vous poser touchant le contingentement en vous demandant si ce n'était pas une façon de réduire les effectifs dans les universités, donc une façon aussi de réduire les coûts du système. C'est un peu ce qu'on sent dans le rapport de M. Gobeil.

Par ailleurs, l'interventionnisme, je pense qu'on le retrouve à différents endroits et en particulier lorsque vous recommandez que ce soit le ministère qui juge de la pertinence de poursuivre des programmes ou non. Généralement, on reconnaissait au Conseil des universités une plus grande indépendance pour procéder à ce genre d'activité. (11 h 15)

Par ailleurs, pour le reste, malgré les écarts qui nous sépareraient par rapport aux opinions que vous exprimez, je dois dire qu'elles méritent tout notre respect. Le fait que vous ayez consacré du temps à ce mémoire - je sais ce que cela exige - et que vous vous soyez présentés ici en commission parlementaire mérite toute notre considération. Au nom de ma formation politique, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme la députée. M. le ministre.

M. Ryan: M. Perrino et MM. les membres de la délégation, vous venez d'accomplir un exploit remarquable ce matin parce que la députée de Chicoutimi vient de vous dire que vous méritez tout te respect de l'Opposition. Le gouvernement n'en a jamais obtenu autant.

Mme Blackburn: Je pense que les preuves restent à faire.

M. Ryan: J'ai bien apprécié l'échange, hélas, trop bref, que nous avons eu ensemble. Je pense que la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec est venue montrer dans l'enceinte même du Parlement que l'esprit libéral se prête à la discussion, même de thèmes souvent audacieux qui ne sont pas toujours reçus par l'opinion du jour, mais qui se réservent de faire leur chemin dans les esprits s'ils sont bons.

Il y a une chose que je retiens de l'échange que nous avons eu. C'est que, surtout aux yeux de la pensée politique libérale, les idées sont faites pour être discutées, pour être explorées. On n'a jamais atteint, en matière d'aménagement de la société, des certitudes définitives sur quelque sujet que ce soit. Par conséquent, on reste en recherche. Les questionnements que nous adressent les représentants de la jeune génération doivent être écoutés par les gouvernants et les élus du peuple avec beaucoup de respect.

Je signale, en terminant, que nous demeurons avec le problème dont vous n'avez pas traité dans votre mémoire, le problème du niveau de financement des universités sur lequel nous recommencerons à être harcelés par l'organisme qui va vous suivre I la table des témoins, l'Université McGill. Nous devrons examiner ce problème tout en gardant à l'esprit les considérations que vous avez fait valoir.

Sur la permanence, je suis obligé d'enregistrer une réserve très sérieuse. Je pense qu'on pourrait appliquer les arguments qu'on m'a apportés au niveau universitaire et non pas aux autres. Â mon point de vue, ils ne sont pas percutants. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant la liberté d'expression parce que, comme liberté d'expression, on a celle qu'on prend. Dans une société ouverte, pas besoin d'avoir de coussin de six pouces d'épaisseur comme celui auquel tient beaucoup le député de Laviolette. La plupart d'entre nous n'en avions point quand nous sommes entrés dans la politique et cela donne une certaine légèreté à l'engagement qui n'est pas mauvaise. Oui, faites le tour. Je n'ai pas d'inquiétude.

De ce côté, on pourrait discuter, mais ce qui m'inquiète, c'est la continuité de l'oeuvre intellectuelle qui est confiée à l'université. J'aurai besoin de beaucoup d'arguments pour me convaincre qu'une personne va se laisser mettre en ballottage tous les cinq ans si elle entreprend une carrière de professeur et de chercheur universitaire. Ce sont des carrières qui engagent toute une vie. Je ne pense pas que moi-même, si on m'avait invité, j'aurais été intéressé à y aller dans ces conditions. J'aurais dit: J'aime autant faire cela dans un autre contexte qu'à l'université. Je ne veux pas être obligé de me chicaner continuellement pour ma "job" avec mes collègues, ou même avec les étudiants ou avec mon doyen. Si je l'ai gagnée par mes états de service, je peux pouvoir leur dire: Je n'apprécie pas votre travail, je fais le mien à fond, c'est pour cela que je suis là.

Il n'y a pas de réponse dans la proposi-

tion que vous faites à cet argument de fond qui est la continuité de l'engagement universitaire, de l'oeuvre universitaire dans ce qu'elle a de plus fondamental. On va explorer ce point parce qu'il n'a pas été beaucoup examiné jusqu'à maintenant dans nos débats. C'est mon inquiétude de fond, je vous le dis en toute simplicité.

À propos des programmes, c'est une chose que je n'ai pas eu le temps d'aborder dans les questions. J'en avais d'autres, mais le temps m'a empêché de les poser. Vous dites qu'il faudrait réévaluer non seulement les programmes qu'on veut instituer, mais ceux qui existent déjà. C'est parfaitement juste. Vous confiez dans votre mémoire une fonction au Conseil des universités et une autre au ministre à ce sujet. Si j'ai bien compris, vous confieriez la fonction d'évaluation du contenu, du bien-fondé objectif au Conseil des universités et le jugement de pertinence au ministre. J'ai des interrogations là-dessus. Aussi, je serais plutôt porté à considérer que mieux vaudrait confier les deux volets de la fonction au Conseil des universités, quitte à ce que la décision, comme c'est le cas maintenant, reste entre les mains du ministre à la fin. Je crois que c'est très important d'ajouter le jugement de pertinence, qui est absent jusqu'à maintenant des exercices qui ont été faits par le Conseil des universités, pas parce qu'il n'y pensait pas, mais parce que ce n'était pas dans son mandat. C'est important de l'examiner. Je ne serais peut-être pas enclin à faire la séparation aussi nette que ce qui est proposé dans le mémoire.

Cela étant dit, je conclus en vous remerciant de l'invitation à la réflexion que vous avez faite vous-mêmes aux parlementaires, ce matin, sur des aspects très importants de l'institution universitaire. J'espère que ce dialogue pourra continuer longtemps. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. M. Perrino, M, Muller, M. Boivin, M. Gauthier, nous vous remercions beaucoup d'être venus rencontrer la commission parlementaire de l'éducation afin de nous aider, de nous éclairer dans ta recherche d'une solution en ce qui regarde la problématique du réseau universitaire québécois. Encore une fois, merci et félicitations pour le courage que vous avez eu et la détermination dont vous avez fait preuve de venir ici rencontrer la commission parlementaire.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes alors qu'elle entendra, comme prochain invité, l'Université McGill.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 27)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux en accueillant les représentants de l'Université McGill. Le porte-parole de l'Université McGiil est M. David L. Johnston, principal et vice-chancelier. M. Johnston, au nom des membres de la commission parlementaire de l'éducation je vous souhaite la bienvenue. Je veux aussi vous remercier d'avoir accepté de venir deviser avec tes membres de cette commission sur la problématique de l'orientation et du financement du réseau universitaire québécois. M. Johnston, à la suite des ententes qui ont eu lieu entre les représentants de votre groupe et notre secrétaire, il est prévu qu'une période d'une heure et demie environ sera consacrée à l'Université McGiil, qu'une période de 15 à 20 minutes sera consacrée à votre exposé verbal et que le résidu de la période de temps sera consacré à un échange entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres des deux formations politiques. Alors, M. Johnston, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec votre présentation.

Université McGill

M. Johnston (David L.): Merci, M. le Président. L'Université McGiil remercie les membres de la commission parlementaire de l'occasion qui lui est offerte de s'exprimer sur un sujet qui nous préoccupe tous, soit les orientations et le financement du réseau universitaire québécois. Permettez-moi, M. le Président, de vous présenter les membres de notre délégation: À ma gauche, ici, M. John Armour...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Armour.

M. Johnston: ...vice-principal à l'administration et aux finances; M. Pierre Bélanger, doyen de la Faculté de génie...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Bélanger.

M, Johnston: ...et M. Charles Perrault, membre de notre conseil des gouverneurs et responsable de la sollicitation auprès des fondations dans le cadre de notre campagne de financement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Perrault.

M. Johnston: À ma droite, ici, M. Paul Davenport, vice-principal à la planification et aux services informatiques...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Davenport.

M. Johnston: ... M. Richard Salisbury, doyen de la Faculté des lettres, et le Dr Richard Cruess, doyen de la Faculté de médecine. Avant de passer la parole au vice-principal, M. Davenport, je vous entretiendrai des orientations de notre université.

Depuis sa fondation, la mission de l'Université McGill est l'avancement des sciences. Mais si nous accordons une priorité élevée à la recherche cela ne signifie pas que nous négligeons pour autant l'enseignement. Il y a en effet une résonance entre l'enseignement et la recherche qui est la caractéristique dominante d'une université de premier ordre où le savoir est à la fois créé et diffusé par les mêmes personnes. En accordant la primauté à la recherche, McGill garantit la qualité de ses programmes d'enseignement. C'est pourquoi toutes nos catégories de professeurs-chercheurs ont des charges d'enseignement. Ainsi, dans son rapport sur sa visite de 1984 à McGill le Conseil des universités soulignait que si McGill ne produit que 14 % des diplômés de 1er cycle de la province elle décerne 21 % des maîtrises et 39 % des doctorats. Les évaluations cycliques systématiques auxquelles nous procédons dans tous nos départements et facultés jouent un rôle primordial dans la planification de nos activités de recherche et d'enseignement. Grâce à ces évaluations nous pouvons notamment réévaluer la façon dont notre université utilise ses ressources.

Depuis quelque temps, nos modalités de planification sont axées sur la rationalisation et la stabilisation de nos départements et programmes. À l'Université McGill, cela nous paraît une démarche raisonnable étant donné que l'expansion rapide de l'université dans les années soixante était réalisée davantage par l'élargissement des départements et par la plus grande flexibilité de nos programmes plutôt que par la jonction de nouveaux départements et programmes. Conformément à ce principe de rationalisation, chaque département procède régulièrement à l'examen des cours qu'il offre. Chaque année, le comité de planification signale qu'un grand nombre de cours ont été abandonnés au profit de nouveaux cours. Les départements analysent également régulièrement leurs priorités de recherche. D'autres ajustements plus visibles ont également été réalisés. Par exemple, la Faculté des sciences de l'éducation a procédé à un réaménagement de ses structures et, des treize départements qu'elle comptait, il n'en reste que huit.

La Faculté de génie a, pour sa part, abandonné son option d'exploration géophysique qui relevait du Département de génie minier et métallurgique.

L'organisation de l'École des sciences infirmières et de l'École d'ergothérapie et de physiothérapie a été rationalisée pour faire face à l'accroissement des besoins en matière de recherche. Nous soutenons que notre processus de planification stimule l'adaptation dynamique de nos programmes d'enseignement et de recherche à l'évolution des connaissances et aux nouveaux besoins de notre société.

La collaboration entre McGill et les autres universités du Québec se fait à des nombreux paliers et de diverses façons. Nous participons à tous les grands consortiums interuniversitaires et jouons un rôle dirigeant dans plusieurs d'entre eux. Par exemple, le réseau de médecine génétique du Québec qui regroupe les Universités Laval, Montréal, Sherbrooke et McGill, la nouvelle société interuniversitaire de recherche sur les populations avec l'Université Laval, l'Université du Québec à Chicoutimi et McGill. À un niveau moins officiel, pratiquement chaque département entretient des rapports d'un type ou d'un autre avec d'autres départements universitaires de la province, cette collaboration pouvant revêtir la forme de séminaires conjoints, de programmes de conférenciers invités, de projets de recherche ou de la direction de thèses. Il n'a pas été rare que ce soit McGill qui prenne l'initiative de telles activités. Lors de notre réponse au Conseil des universités en mai 1985, nous avions dénombré 350 différents projets de collaboration entre nos professeurs et leurs collègues du réseau. Enfin, les collections des Musées McCord, Redpath et Lyman sont accessibles aux professeurs et aux étudiants des cégeps et des autres universités. Le réseau de bibliothèques de McGill est le premier prêteur net du réseau de prêts entre bibliothèques PEBUQUILL et nous ne touchons aucune indemnité pour les coûts que cela représente. Chaque fois que nous disposons de ressources de ce type, nous nous efforçons de les partager avec le reste des communautés universitaires. S'il y a peu de gens qui sont conscients du haut niveau de collaboration interuniversitaire au Québec, il y en a encore moins qui sont au courant de la contribution majeure des universités à la vie collective. À McGill, cette contribution se manisfeste surtout à la Faculté de médecine. Elle concentre une grande partie de ses activités d'enseignement et de recherche dans les onze hôpitaux montréalais qui lui sont affiliés. Notre Faculté de médecine collabore depuis longtemps avec le ministère des affaires sociales pour pallier le manque de spécialistes dans les régions périphériques de la province.

Par exemple, le Département de psychiatrie parraine, en termes de recherche, d'enseignement et d'éducation permanente, des départements de psychiatrie clinique à Chisasibi à la Baie James, à Malartic en Abitibi, à Baie-Comeau sur la Côte-Nord et

à Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie. La Faculté de médecine a aussi mis sur pied des équipes de médecine familiale à Val-d'Or, au Témiscamingue, dans l'Estrie et elle en créera d'autres sous peu à Shawbridge et à Hull. Enfin, depuis de nombreuses années, la Faculté de médecine de McGill fournit des services médicaux à toute la Terre de Baffin.

Cette collaboration avec le ministère des affaires sociales profite aussi à nos étudiants car ils acquièrent ainsi une connaissance concrète de la pratique médicale dans les régions éloignées des grands centres urbains. Cette expérience en médecine de première ligne a d'ailleurs valu à la Faculté de médecine de McGill qu'elle soit choisie pour monter une école de médecine au Pakistan, par exemple. Enfin, la participation aux enjeux communautaires est implicite pour les départements qui s'efforcent de jouer un rôle de premier plan dans leur domaine. Les professeurs de disciplines appliquées telles que l'administration, l'agriculture, le génie, le droit, la médecine et le service social savent implicitement que la seule façon d'atteindre cet objectif est de s'intéresser aux enjeux de la communauté qui les entoure.

L'Université McGill est non seulement enracinée dans la collectivité québécoise, mais encore elle reflète à peu de choses près la réalité linguistique canadienne. Pour appuyer une telle affirmation, je vous soumets, M. le Président, nos toutes dernières statistiques d'inscriptions en ce qui concerne la langue maternelle de nos étudiants. Sur une population de 21 131 étudiants de jour, près de 59 % des étudiants de McGill sont de langue maternelle anglaise, près de 24 % sont de langue maternelle française et près de 18 % sont de langue maternelle autre que le français ou l'anglais. Sur les 8547 étudiants de soir, 41,5 % sont de langue maternelle anglaise, 39,7 % sont de langue maternelle française et 18,8 % parlent une langue autre que le français ou l'anglais. Ainsi donc, sur une population étudiante totale de 29 678, 28 % des étudiants de McGill sont de langue maternelle française.

Si McGill jouit d'une grande réputation à l'échelle du monde, elle le doit pour une bonne part à la société québécoise, que ce soit grâce à la générosité de ses gouvernements successifs ou à celle de ses citoyens. L'appel à la générosité des milieux d'affaires et de ses diplômés est une vieille tradition à McGill. Elle remonte, en fait, au milieu du siècle dernier, à l'époque du principal William Dawson qui a réussi à convaincre les Macdonald, Molson, Redpath et autres hommes d'affaires montréalais de contribuer financièment à la construction des pavillons qui portent maintenant leur nom. Avec le lancement de Essor McGill, il y a trois ans, l'université en est à la sixième campagne de financement depuis 1900. En outre, elle fait appel annuellement à la générosité de ses diplômés. Les fonds ainsi obtenus sont un atout précieux pour notre université mais ils ne peuvent ni ne doivent se substituer aux revenus que lui alloue le gouvernement québécois pour assurer son fonctionnement. Chaque dollar reçu dans le cadre de la campagne Essor McGill est destiné à un usage précis et ne peut donc servir à combler le manque à recevoir de l'université. Avant de passer la parole au vice-principal Davenport, j'attire votre attention, M. le Président, madame, messieurs les membres de la commission parlementaire sur la fiche signalétique de McGill dans laquelle vous trouverez tous les renseignements pertinents sur notre université. M. Davenport vous entretiendra maintenant brièvement de notre situation financière. M. Davenport, s'il vous plaît.

M. Davenport (Paul): Merci, David. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, parmi les grands thèmes de notre mémoire concernant la situation particulière de McGill, j'aimerais traiter ici les trois suivants: la recherche, le sous-financement et le déficit. J'aborderai ensuite la question des droits de scolarité et terminerai avec un bref résumé de nos sept recommandations.

L'Université McGill se classe au premier rang des universités québécoises en ce qui concerne la recherche et en tête des universités canadiennes au chapitre des subventions de recherche par professeur. Comme le démontre le tableau 9 du mémoire du Conseil des universités, pour chaque dollar du budget de fonctionnement, les chercheurs de McGill reçoivent 0,46 $ en subvention de recherche, la moyenne pour les autres universités québécoises étant inférieure à 0,20 $. Dans une étude effectuée en 1982, l'Université de Western, Ontario, a comparé les dollars de subventions de recherche par professeur auprès des grands conseils fédéraux de recherche en médecine, sciences naturelles, génie et sciences humaines. L'Université McGill se classait au premier rang pour ce qui est du total des subventions divisé par le nombre de professeurs dans ces domaines de recherche. Mais, fait souvent mal compris, rien n'est plus fragile qu'une réputation d'excellence en recherche universitaire. Son maintien exige un effort constant de la part des chercheurs, lesquels doivent sans cesse réussir une autre expérience scientifique, réaliser une autre thèse ou publication et obtenir une autre subvention de recherche. Tous ces efforts exigent un financement de fonctionnement adéquat, à la fois pour maintenir l'infrastructure de recherche et pour engager de nouveaux chercheurs en concurrence avec d'autres universités de réputation

internationale. Depuis plusieurs années, à McGill, les budgets de fonctionnement dont nous disposons sont nettement insuffisants pour soutenir adéquatement nos activités de recherche. Nous croyons fermement que notre excellence est menacée et ce, à court terme, par le sous-financement. Avec la perte de notre réputation d'excellence en recherche, c'est d'abord notre capacité d'attirer des chercheurs de réputation internationale puis celle de dispenser un enseignement de la plus haute qualité qui vont disparaître. Voilà ce qui est en jeu pour nous dans le travail de la commission, notre réputation mondiale de l'excellence en recherche et en enseignement. (11 h 45)

M. le Président, je voudrais maintenant examiner de plus près la question du sous-financement de l'Université McGill. Le Conseil des universités a clairement démontré l'existence d'un sous-financement général du réseau universitaire québécois par rapport à l'Ontario auquel, bien entendu, McGill ne saurait échapper. Mais nous souffrons aussi d'un sous-financement relatif par rapport à nos universités soeurs du Québec. La preuve de ce sous-financement relatif de McGill est contenue dans une étude comparative des bases de financement des universités du Québec, publiée par la OGERU en mai 1984. Il s'agit d'une étude détaillée des coûts des budgets de base, notamment des coûts indirects de la recherche, des coûts différentiels des diverses disciplines et des études de 2e et 3e cycles, des coûts d'administration et de soutien et des suppléments par étudiant qui incombent aux petites universités et aux universités éloignées des grands centres urbains.

Cette étude démontre qu'en 1982-1983 l'Université McGill accusait un manque à recevoir annuel de 15 000 000 $ par rapport aux normes provinciales, soit à peu près 12 % des dépenses admissibles de l'université. Concordia, l'Université de Montréal et Bishop étaient aussi sous-financées mais c'était à McGill que le sous-financement était le plus marqué.

Bien que le rapport recommandait un redressement de ce sous-financement, à ce jour, soit deux ans et demi plus tard, les universités n'ont perçu aucun paiement visant à redresser la situation mise à jour par la DGERU. On entend parfois dire qu'afin d'ajuster les bases du financement des universités trouvées sous-financées par la DGERU il faudrait attendre d'obtenir l'assentiment de toutes les universités. En réalité, rien n'est plus faux. Dans la question des bases de financement, il ne s'agit pas d'attendre un tel assentiment. Nous réclamons du ministère un traitement équitable de notre université. Nous ne demandons pas la charité, nous demandons justice. Je vous rappelle les termes du principe de droit fondamental selon lequel "justice delayed is justice denied", justice différée est justice déniée. Il est grand temps pour le ministère de corriger cette situation aberrante des bases de financement. Le redressement de ce sous-financement est indispensable au rétablissement de la situation financière de l'Université McGill.

M. le Président, je voudrais à présent passer à la question du déficit de l'université. Ce déficit se chiffrait autour de 10 000 000 $ par année entre 1984-1985 et 1986-1987, ce qui a totalement épuisé nos fonds de dotation sans restrictions pour ensuite créer un déficit accumulé non provisionné de 28 000 000 $. Devant la dégradation de sa situation financière, McGili a imposé de rigoureuses restrictions de salaire aux membres de ses personnels enseignant et non enseignant. Cela explique qu'en 1982-1983 les professeurs de McGill gagnaient en moyenne 4000 $ de moins que le salaire moyen de leurs homologues du même âge dans les autres universités du Québec, ce qui se traduit par un manque à gagner annuel de 4 300 000 $.

On peut tirer les mêmes conclusions d'un document récent de la DGERU lequel démontre qu'en 1982-1983 les salaires des professeurs à McGill étaient inférieurs de 13 % aux salaires accordés par nos deux grandes universités soeurs, Laval et l'Université de Montréal. Or la situation relative des professeurs de McGili ne s'est pas améliorée depuis cette date. Il est tout à fait injuste que le groupe de professeurs faisant preuve de la meilleure performance en matière de recherche reçoivent des salaires largement en dessous de la moyenne provinciale.

Parallèlement à ces compressions salariales, McGill a exercé un contrôle extrêmement rigoureux de ses dépenses administratives. Dans le compte rendu de la visite qu'il a effectuée à McGill en novembre 1984, le Conseil des universités a noté que les dépenses administratives de McGill représentaient 6,8 % des dépenses totales de l'université contre 10 % et davantage dans la plupart des autres universités. Ce chiffre de 6,8 % est donc le plus bas au Québec et un des plus bas au Canada.

Toutefois, malgré les compressions salariales et le faible niveau des dépenses administratives, le sous-financement constant de l'Université McGill a entraîné un déficit substantiel. Il faut toutefois se rappeler que notre déficit annuel de 10 000 000 $ n'est que les deux tiers du sous-financement de McGill mis à jour par la DGERU. La solution à notre déficit et à notre bas niveau de salaire exige non seulement une augmentation substantielle du financement du réseau, mais aussi un réajustement des bases de finance-

ment.

Le financement des coûts indirects de la recherche, la correction des bases de financement et l'élimination du sous-financement des huit dernières années dans le réseau universitaire vont coûter cher dans les prochaines années. Oe quelle façon la province peut-elle financer ces mesures?

Dans la conjoncture budgétaire actuelle du Québec, il semble difficile de prélever ces fonds à même les recettes publiques générales. C'est la raison de notre recommandation selon laquelle le Québec doit hausser les droits de scolarité des citoyens canadiens et des résidents permanents pour qu'ils atteignent les niveaux des autres provinces et consacrer la totalité des sommes ainsi recueillies à l'augmentation du financement des universités et des prêts et bourses aux étudiants. Telle est précisément la position adoptée par le Conseil des universités dans son avis de décembre 1985. À l'instar du conseil, McGill tient beaucoup à ce que les étudiants issus de familles à faible revenu continuent d'avoir accès aux études universitaires. C'est pourquoi nous donnons tout notre aval à la position du conseil selon laquelle une large part des fonds reçus de l'augmentation des droits de scolarité soit destinée aux prêts et bourses. Le mémoire du Conseil des universités préparé pour cette commission démontre clairement qu'avec un bon système de prêts et bourses l'augmentation des frais de scolarité ne devrait pas réduire l'accessibilité aux études universitaires.

En terminant, M. le Président, je voudrais résumer les sept recommandations de notre mémoire qui ont pour but non seulement de consolider l'enseignement et la recherche universitaire au Québec, mais encore d'assurer que toutes les universités soient traitées d'une manière équitable. Nous recommandons au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science les politiques suivantes: le financement explicite des coûts indirects de la recherche; la restructuration des bases de financement suivant la méthodologie établie par la DGERU en 1984; la cessation de tous les prélèvements accompagnée du financement intégral du coût de l'inflation et de la croissance des inscriptions; l'augmentation des droits de scolarité des étudiants canadiens afin de financer 100 000 000 $ de nouvelles dépenses et 40 000 000 $ de prêts et bourses supplémentaires; la distribution des nouveaux fonds selon les principes que je viens d'énoncer et non pas au prorata des déficits budgétaires courants des universités; une augmentation des exonérations des droits de scolarité différentiels aux étudiants étrangers inscrits en 2e et 3e cycle; un changement dans le calcul des subventions de fonctionnement afin que, dans toutes les universités, le même montant par étudiant à temps plein soit déduit des dépenses admissibles.

En conclusion, nous demandons à la commission de choisir l'excellence comme fer de lance de l'enseignement universitaire au Québec au cours des prochaines années et de mettre les universités au défi, avec un financement adéquat et équitable, d'atteindre un niveau de qualité encore plus élevé au chapitre de l'enseignement et de la recherche. La commission constatera sans nul doute que les universités du Québec sont prêtes à relever ce défi et à accepter ce nouvel objectif.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M.

Johnston et M. Davenport.

Compte tenu du temps qui nous est alloué jusqu'à 13 heures, nous allons terminer les interventions à 12 h 50 pour permettre les allocutions du ministre et de Mme la députée de Chieoutimi. Pour le moment, la parole est à M. le ministre de l'Enseigement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Merci, M. le Président. II me fait plaisir de saluer le recteur de l'Université McGill, M. Johnston, qui est en même temps président de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, ainsi que ses collègues de la direction de McGill qui l'accompagnent ce matin.

L'Université McGill occupe une place toute spéciale dans le réseau universitaire québécois, à la fois au plan historique car elle est l'une de nos institutions presque vénérables avec l'Université Laval et au plan de la qualité du travail accompli. Dans l'étude qu'il a faite sur l'Université McGill il y a à peu près un an, le Conseil des universités, à la suite d'une visite qu'il avait effectuée à votre établissement, avait consigné en particulier les observations suivantes: "Tout au long de la visite et de l'étude des documents d'appui, il est apparu clairement que le développement de la recherche et des études de maîtrise et de doctorat constituait la principale priorité de l'Université McGill." "Ainsi en est-il des revenus provenant de la recherche qui ont augmenté de près de 150 % entre 1977-1978 et 1983-1984, ce qui place McGill loin devant les autres universités québécoises à ce chapitre." Bien plus, ceci confirme ce qu'on a entendu tantôt et c'est toujours le rapport du Conseil des universités que je cite: "Si l'on examine les performance des professeurs de McGill au concours des organismes subventionnaires fédéraux, on constate qu'ils obtiennent régulièrement des subventions moyennes supérieures à celles de toute autre université canadienne."

Le Conseil continuait ainsi: "Cette vision de l'université et de sa mission

centrée essentiellement sur l'avancement des sciences imprène profondément la communauté universitaire de McGill. Les professeurs, les directeurs de départements et les doyens s'y sont constamment référés, soulignant l'importance de la recherche dans les activités des professeurs, comparant leurs prestations avec celles des grandes universités de recherche nord-américaines"} etc. Ce jugement du Conseil des universités confirme ce que savait déjà la plupart des observateurs de la réalité universitaire québécoise et canadienne.

À l'occasion de ta visite de McGill à la commission parlementaire, je souligne avec beaucoup d'intérêt la contribution importante de McGill dans la production de diplômés du 2e cycle et du niveau doctoral. La contribution de votre université à ce chapitre est vraiment très importante.

Il me souvient qu'il y a déjà une vingtaine d'années le problème de sous-financement se posait pour l'Université McGill. C'était au début de la révolution tranquille. Mon collègue, le député de Westmount, qui nous fait l'honneur de sa visite aujourd'hui, était encore passablement jeune à ce moment, j'imagine. Le Devoir, dont j'étais le directeur - vous vous en souvenez peut-être, même le recteur est un peu jeune dans ces vieilles choses québécoises - s'était porté à la défense de l'Université McGill. Nous avions insisté auprès du gouvernement avec toute la vigueur dont nous étions capables pour que l'Université McGill soit traitée sur un pied d'égalité avec les autres universités. On doit dire, à l'honneur du gouvernement libéral de l'époque, qu'il avait redressé les choses. Il avait donné à l'Université McGill à ce moment un traitement qui pouvait le situer sur un pied d'égalité avec les autres. Malheureusement, les choses se sont de nouveau dégradées par la suite. Je crois qu'un exercice semblable à celui qui fut fait dans les années soixante devrait être sérieusement considéré.

Je veux vous dire une chose. J'ai noté vous m'en avez saisi à maintes reprises depuis déjà quelques années - les problèmes de sous-financement qui se sont posés pour votre université et les conséquences qui en ont déjà découlé, qui menacent d'en découler de manière encore plus inquiétante. (12 heures)

Je peux vous assurer que le gouvernement est très conscient de ces problèmes que vous avez posés et que, dans l'examen que nous faisons présentement sur le niveau de financement de nos universités et de la formule de financement, les problèmes que vous avez portés à mon attention seront examinés avec toute l'objectivité et l'impartialité nécessaires. J'aurai l'occasion de le faire plus tard, mais je veux signaler dès maintenant la contribution considérable qu'ont faite les professeurs au fonctionne- ment de l'université au cours de ces années de difficultés financières.

Les chiffres que vous nous avez donnés sont particulièrement éloquents. Je pense que l'écart de rémunération qui sépare vos professeurs de la moyenne de leurs collègues québécois est d'environ 10 %. Dans certaines catégories c'est plus élevé» Je crois qu'il y a lieu de le signaler, non pas pour les encourager à continuer indéfiniment, mais pour faire remarquer que bien des gestes ont déjà été faits dans nos établissements universitaires pour faire face à la situation financière difficile qui se posait. Par conséquent, sur ce point-ci, soyez assurés que nous sommes bien avertis de la situation qui existe et que je proposerai au gouvernement que toutes nos universités, y compris la vôtre, soient traitées sur un pied d'égalité à l'intérieur de la nouvelle formule de financement que nous devrons mettre au point au cours des prochains mois en consultation, d'ailleurs, avec les établissements intéressés.

Je ne pense pas que le Québec ait d'autre intérêt que de veiller à ce que la mission de McGill puisse être maintenue et développée, surtout au niveau du progrès des études de 2e et 3e cycles qui est un des points sur lesquels nous devons travailler davantage au cours des prochaines années.

Vous proposez de nombreuses solutions à la fin de votre mémoire pour régler les problèmes du financement des universités. Il y en a une qui fait l'objet d'un large accord. Je pense que les propositions visant le financement explicite des coûts indirects de la recherche ont été formulées par plusieurs autres intervenants au cours des dernières semaines, en particulier la semaine dernière de manière spécialement insistante par l'Université Laval. C'est une dimension que nous devrons introduire dans l'examen que nous ferons de la nouvelle formule de financement.

La restructuration des bases de financement suivant la méthodologie établie dans l'étude de la direction des études universitaires du ministère en 1984, c'est un point que nous notons également. Cette étude, comme vous l'avez signalé, avait fait ressortir qu'un écart d'à peu près 10 % séparait McGill des autres universités en matière de subventionnement. Il y avait des imperfections dans cette étude, mais il y avait déjà des éléments très importants que nous allons voir, je pense bien, à compléter. Je me dispense de continuer l'examen parce que le reste est à caractère plus large. Vous demandez la cessation de tous les prélèvements, accompagnée du financement intégral du coût de l'inflation et de la croissance des inscriptions. Là, je ne voudrais pas nVaventurer tout de suite là-dessus parce que je devrai en discuter avec mes collègues de la députation à l'issue de nos travaux et ensuite avec mes collègues du gouvernement.

Ce serait trop facile pour moi de dire: Je vais plaider pour tout cela. Je pense que je devrai être solidaire à la fois de la députation et du gouvernement dans les solutions qui seront mises au point. C'est à ce moment que vous pourrez juger si des résultats ont été obtenus de cette commission ou non. En attendant, je ne veux pas prendre d'engagement facile.

Je voudrais vous poser quelques questions qui découlent de votre présentation. Le Conseil des universités, à l'issue de la visite qu'il avait faite à l'Université McGill, avait souligné les grandes qualités de votre établissement en ce qui touche les études de 2e et 3e cycles. Il avait formulé une interrogation au sujet des études de 1er cycle. Il vous avait demandé si vous aviez des mécanismes pour faire en sorte que les programmes offerts au niveau du 1er cycle répondent vraiment à des besoins et que toute la rationalité possible soit introduite à ce niveau. Il avait conclu, dans son étude, que les éléments d'information qu'il avait recueillis ne l'avaient pas satisfait complètement. Je ne sais pas si vous pourriez nous parler en particulier, brièvement, évidemment, étant donné le peu de temps dont nous disposons, d'abord, du sytème d'évaluation des programmes que vous avez instauré il y a quelques années.

On parle beaucoup d'évaluation ces temps-ci. Il me semble que vous avez pris le problème sous l'angle de l'évaluation des programmes. J'aimerais que vous nous parliez de ce système que vous avez. Deuxièmement, de son impact sur le 1er cycle en particulier.

M. Johnston: M. le Président, permettez-moi de dire quelques mots en ce qui concerne le système d'évaluation, et ensuite M. Davenport et le doyen Cruess de la Faculté de médecine vous parleront. Nous avons "formalisé" ce système d'évaluation il y a maintenant cinq ans, mais avant cela nous avions des évaluations ad hoc pour certains départements et pour certaines facultés. Nous avons trois buts avec ce programme d'évaluation. Premièrement, c'est de corriger le département et de développer la critique à la base avec le "self-study report" qui commence avec celle-ci. Le deuxième but est d'avoir une méthode de distribution des ressources à travers l'université avec l'information qui suggère les priorités. Le troisième but est de maintenir et d'accentuer la qualité des programmes: si on a des déficiences, des problèmes dans un certain département, on a la possibilité de voir les problèmes et de les corriger; si on a des forces dans certains départements c'est possible de les renforcer. Ce système est un des nombreux qu'on utilise. On a aussi constamment un programme d'évaluation des cours, et cette évaluation est très importante pour la qualité de l'enseignement de 1er cycle. Peut-être que c'est l'une des choses du rapport du Conseil des universités qui ne sont pas exactes ou complètes, parce que nous sommes une université avec une mission de recherche, bien sûr, mais aussi avec une mission d'enseignement de 1er cycle très forte, et nous croyons que les deux vont ensemble. On a la recherche avec l'enseignement et l'enseignement avec la recherche. C'est impossible de diviser les deux, et c'est important d'apporter les découvertes de la recherche dans notre mission d'enseignement de 1er cycle. M. Davenport et M. Cruess.

M. Davenport: M. le recteur, je vais passer la parole aux doyens puisque ce sont eux qui administrent ces revues cycliques.

M. Cruess (Richard): Merci, M. le Président, Le système d'évaluation cyclique systématique à McGill est très rigoureux et très formel. À tous les cinq ans, chaque département ou chaque unité de recherche dans l'université doit être évalué par un comité très formel. Ce comité est nommé non pas par le doyen mais par un comité central. II n'y a pas de membres du département qui siègent au comité d'évaluation. Il y a des membres des autres départements ou des autres facultés de l'université. Finalement on doit avoir un membre du comité qui travaille dans une autre université. On essaie à chaque fois d'obtenir un homme ou une femme de grande réputation pour cette fonction d'évaluateur externe. Le rapport est disponible au chef de département, au doyen et au comité central. La collectivité de l'université prend les décisions sur cette unité à partir de ce rapport. Dans des facultés nous avons changé la direction de l'unité, nous avons changé les directeurs aussi, nous avons fermé des programmes et nous avons augmenté les activités des programmes. C'est un système qui est difficile, qui prend beaucoup de temps et beaucoup d'efforts en ce qui concerne les départements, en ce qui concerne les facultés, en ce qui concerne l'université, mais nous croyons que les résultats sont très efficaces.

Une voix: ...M. Salisbury a quelque chose à ajouter.

M. Salisbury (Richard): Je devrais ajouter tout simplement que c'est au bout du premier quinquennat que nous avons fini d'évaluer tous nos départements. C'est la planification qui a été le sujet de la plupart des rapports. Le département lui-même est obligé de se rendre compte de la direction qu'on a dans le département. La direction la plus importante, c'est la direction des programmes de 1er cycle, plutôt que la direction des études de 2e et 3e cycles. On

reconnaît les points les plus forts dans la recherche, mais pour la plupart je dirais que la masse globale de chaque département relève de l'enseignement tel quel. Je devrais ajouter que, parmi les 23 évaluations de départements dans ma faculté, il n'y en a que deux ou trois qui ont été négatives? la plupart ont été extrêmement favorables à la direction des départements.

M. Ryan: M. le Président, une autre question. On entend souvent dire ceci: L'Université McGill est peut-être sous-financée en ce qui touche les subventions gouvernementales, mais elle est riche; elle a beaucoup d'argent par ailleurs; elle a des fonds en fiducie; elle a toutes sortes de réserves qui lui permettent de compenser ce sous-financement gouvernemental. Pourriez-vous nous dire ce qui en est exactement de ces fonds de fiducie que vous avez et de l'état où vous en êtes actuellement là-dessus? Je pense qu'il serait important que vous renseigniez la commission avec assez de précision là-dessus; c'est un point qui est invoqué très souvent.

M. Johnston: M. Armour, vice-recteur à l'administration et aux finances.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Ryan: Si M. Armour ou l'un ou l'autre membre de la délégation préfère s'exprimer en langue anglaise, il n'y a pas de problème avec nous. Les deux langues sont parlées dans cette Chambre, je veux que M. Armour se sente à l'aise comme tout le monde.

M. Armour (John): Merci beaucoup. Venant de l'Écosse, je ne parle pas très bien le français et mes collègues à McGill me disent souvent que je dois apprendre à parler en anglais.

Pendant beaucoup d'années, McGill s'est employée à recueillir des dons privés et des subventions, des legs, pour contribuer au succès de sa mission. Il a fallu beaucoup de travail pendant une dizaine d'années. Je dois parler du fonds de dotation avec restrictions, du fonds de datation sans restrictions et aussi du programme Essor McGill.

Le fonds de dotation avec restrictions. Il s'agit là de sommes d'argent données à l'université, fréquemment par voie de legs, sous réserve que le capital reçu ne soit pas dépensé mais au contraire investi pour produire un revenu annuel destiné à des usages spécifiques. So in the balance sheets of May 1986, we had 877 - presque 900 -fonds de dotation individuels distincts, totalisant 200 000 000 $. Cette somme a été investie par l'entremise de trois investisseurs professionnels dans le but de produire le meilleur rendement possible, mais une fois protégée la valeur réelle du capital. Il est important que nous protégions la valeur réelle du capital. If someone gives us 500 000 $ this year, which produces 35 000 $ at let us say 7 %, for a faculty chair, in ten years time we want the same real dollars in income. If we do not invest the money for capital gains, gains boursiers servant à neutraliser les effets de l'inflation, then the value of the endowment goes down each year. (12 h 15)

Donc, les revenus des placements se sont élevés l'an dernier à 14 000 000 $. Nous avons reçu un rendement, des revenus de 14 000 000 $. La totalité de ce montant a été affectée aux buts précisés dans les dons et les legs originaux.

Each gift we receive has a specific purpose. It is for research, it is for student aid, it is for a faculty chair. We cannot use the capital and we cannot use the income except for the purpose for which the money was given.

Donc, nous avons tiré le maximum de rendement de ces fonds de dotation avec restrictions. Il est impossible de puiser à même ce capital pour éponger une partie de notre déficit. Par le passé, il est déjà arrivé que l'université ait reçu des donations et des legs d'importance majeure, sans restrictions, où les donateurs ne spécifiaient aucun usage particulier. Pendant ces années, dans le passé, par souci de l'avenir de l'université, le Conseil des gouverneurs a créé un fonds de dotation sans restrictions dont le rendement était destiné à l'usage général de l'université. Le 19 mai 1976, la valeur de ce fonds était évaluée à 20 000 000 $. Il y a dix ans, nous avions 20 000 000 $ dans le fonds de dotation sans restrictions. Depuis 1976, la totalité de cette somme a servi à éponger les déficits de fonctionnement. So, we have used our entire 20 000 000 $ from 1976 until now to pay the deficits.

S'il avait été possible de préserver le capital de ce fonds, sa valeur courante majorée de gains d'investissements dépasserait aujourd'hui 40 000 000 $. Just by keeping the 20 000 000 $, having it invested, today we would have 40 000 000 $, which would have produced 3 000 000 $ en revenus pour l'université. Mais tout cela a été perdu parce que nous avons utilisé tous ces fonds pour éponger les déficits. Malgré l'érosion du fonds de dotation sans restrictions, nous faisions face, en mai 1986, à un déficit accumulé de 18 000 000 $. Donc, nous avons utilisé tous les fonds sans restrictions et nous avons encore un déficit qui, à la fin de cette année, sera de 18 000 000 $.

Finalement, le programme Essor McGill, McGill Advancement Program. Nous avons

bon espoir que l'objectif de 61 000 000 $ sera atteint à la fin de cette année, mais chaque dollar reçu dans le cadre de cette campagne est destiné à un usage particulier et ne peut donc servir à combler le manque à gagner de l'université. Le succès de cette campagne dépend de cet élément crucial. Les anciens étudiants, par exemple, ont versé des dons qui s'élèvent à 12 000 000 $. Le personnel et les étudiants ont versé respectivement 400 000 $ et 4 000 000 $.

On peut affirmer que la générosité de tous ces donateurs se serait vite estompée s'ils avaient soupçonné que leur générosité servirait à éponger le déficit dû à l'insuffisance du financement public. Le même argument vaut pour les dons des sociétés et des fondations.

Il y a aussi un autre point. Si l'on prévoit atteindre l'objectif de la campagne d'ici la fin de 1986, une bonne partie de ces dons, en fait, sont des annonces de contributions échelonnées sur trois ou cinq années. They are pledges that we will receive money in the next three or five years, les sommes annoncées devant nous être versées ultérieurement. Une grande partie de ces sommes viendront s'ajouter au fonds de dotation avec restrictions pour le financement futur des chaires d'enseignement, de la recherche, des bourses, etc. Les dons versés au titre des dépenses en capital, comme l'achat d'équipement, la construction de nouveaux pavillons et la rénovation des pavillons anciens, serviront à ces fins. Aucun de ces montants ne peut servir à éponger des déficits accumulés. Les dons privés que McGill a réussi à attirer à elle sont le fruit de plusieurs dizaines d'années d'efforts visant à créer un climat de générosité parmi les anciens élèves et les amis de l'université. Le maintien de ce climat dépend de la bonne gestion des fonds reçus et de l'affectation fidèle des fonds aux buts auxquels ils sont destinés. On ne saurait trop insister sur ces éléments, car toute dérogation risque d'anéantir à très court terme les efforts de plusieurs dizaines d'années. Nous sommes d'avis que les résultats obtenus jusqu'ici au chapitre des appels de fonds, même s'ils peuvent paraître impressionnants dans le contexte du Canada, sont loin d'avoir atteint tout leur potentiel. Nous envisageons déjà de redoubler d'efforts dans ce domaine. Notre réussite dépendra des éléments que nous avons soulignés dans cette réponse.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le président. Messieurs, au nom de l'Opposition, il me fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire. Soyez assurés que, pous nous, comme l'a exprimé tout à l'heure le ministre de l'Éducation, l'Université McGill constitue un acquis inestimable. La "performance" de vos chercheurs et la qualité de la formation sont reconnues internationalement et c'est pour nous extrêmement impartant, aujourd'hui, de le reconnaître.

Si vous le permettez, je passerais immédiatement aux questions, celles-ci ayant trait à l'accessibilité et au déficit. Dans votre mémoire, aux pages 9 et 11, vous signalez que le problème du déficit est occasionné par un sous-financement du gouvernement et vous estimez qu'il doit être résorbé par des budgets additionnels payés par le gouvernement. D'autres universités qui étaient également en déficit ont bouclé... C'est-à-dire qu'il y en a en déficit et il y en a qui, avec les mêmes règles, ont réussi à boucler leur budget. Comment estimez-vous qu'une mesure d'équité pourrait permettre à la fois de résorber votre déficit et de tenir compte des universités qui, malgré les compressions et les règles, ont réussi à boucler leur budget?

M. Davenport: Ce que nous avons essayé d'exprimer dans le mémoire, c'est qu'à notre avis nous avons déjà bouclé plus que n'importe qui d'autre. Cela se voit très clairement dans l'échelle de salaires des professeurs, par exemple, où on économise quelque 4 000 000 $ par année depuis quatre ans et même plus, puisque nos premières données remontent à 1982-1983. Deuxièmement, si vraiment on avait les mêmes règles pour tout le monde, je comprendrais mieux que McGill doive boucler encore, si on a un déficit, même avec des salaires inférieurs si on les compare aux autres universités. Mais ce qu'on essaie d'exprimer dans le mémoire, c'est qu'à notre avis il nous semble qu'il n'y a pas les mêmes règles du jeu pour tout le monde. Quand on fait une évaluation des vrais coûts des universités, comme l'a fait la DGERU, McGill est sous-financée par une marge qui dépasse même notre déficit. Mais on essaie de dire quand même dans le mémoire que nous sommes très conscients du problème du déficit. Ce n'est pas quelque chose qu'on va renvoyer au gouvernement, pas du tout. Notre conseil d'administration est très inquiet de ces trois années de déficit. Â l'université même, nous sommes en train, justement ce mois-ci, de demander aux doyens de couper encore dans leur budget, d'enlever des postes. Je ne vaudrais pas laisser l'impression que McGill va laisser son déficit aller n'importe où. Mais nous voyons cela comme un travail conjoint avec le ministère. Nous sommes certainement prêts à essayer de faire des coupures, mais on aimerait voir un mouvement de l'autre côté sur ces questions de base de financement et sur les coûts indirects de la recherche.

Mme Blackburn: Vous demandez au

gouvernement de verser quelque 50 000 000 $ pour la présente année en guise de budget de rattrapage. Vous savez que, cette année, c'est de 34 000 000 $ qu'on a amputé l'enveloppe des universités. Par ailleurs, vous faites état d'un sous-financement par rapport aux frais indirects de la recherche. Est-ce que les entreprises défraient la totalité des coûts directs et indirects des contrats de recherche? Sinon, quel pourcentage? Peut-être en ajoutant que, quand on parle des coûts indirects de la recherche, vous demandez que ce soit le gouvernement qui les paie. Pourquoi pas les organismes subventionnaires?

M. Davenport: Nous serions très contents si toutes les organisations subventionnaires étaient prêtes à nous donner les coûts indirects de la recherche. La situation actuelle, c'est que dans les contrats avec une compagnie privée nous recevons les coûts indirects de la recherche puisque nous insistons là-dessus. Mais avec les subventions de recherche qui sont l'énorme majorité - les subventions de recherche des gouvernements c'est quelque chose comme 95 % du total -nous ne recevons pas les coûts indirects de la recherche. C'est surtout un problème avec les subventions du gouvernement fédéral qui nous donne la subvention mais non pas les coûts indirects de la recherche.

S'il y avait une décision conjointe fédérale-provinciale à savoir que le fédéral donne à toutes les universités ce coût indirect de la recherche, les universités seraient ravies. Pour le moment, il nous semble que, dans la situation actuelle où c'est la province qui est responsable de notre financement de fonctionnement, c'est d'abord au ministère de l'Enseignement supérieur du Québec que nous devons faire ces demandes.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, vous estimez à 150 000 000 $ les budgets de rattrapage qu'on devrait étaler sur les trois prochaines années. Selon une évaluation faite, si je me rappelle, par le Conseil des universités, si on avait maintenu les mêmes règles de financement qu'en 1976-1977, il manquerait 300 000 000 $. Diriez-vous qu'il y avait trop d'argent dans les universités?

M. Davenport: Absolument pas. Ce qu'on fait dans le mémoire, c'est de suivre la pensée du Conseil des universités qui dit: II faut que les droits de scolarité au Québec soient à peu près au même niveau que la moyenne canadienne. J'essaie de comptabiliser cela et je dis: Attention, avec cela on a 150 $ de plus... Si j'ai donné l'impression que c'était tout l'argent dont avait besoin le système universitaire, c'est que j'ai mal parlé. J'ai commencé avec l'idée que nous étions d'accord tout à fait avec le mémoire du Conseil des universités sur cette question de besoin de fonds. Je crois que vous avez tout à fait raison, dans la comparaison avec l'Ontario, le conseil arrive à un chiffre comme 300 000 000 $ et je trouve que c'est un bon chiffre.

Mme Blackburn: Si je comprends bien, vous ajustez vos besoins à l'évaluation que vous faites de la capacité des étudiants de payer. Vous n'explorez pas d'autres sources de revenu.

M. Davenport: D'autres sources?

Mme Blackburn: De revenu. Si on admet, comme nous ont dit plusieurs des intervenants ici, que la scolarisation au Québec et l'accessibilité devaient demeurer une priorité et qu'il en allait de notre capacité de nous développer sur les plans économique et social, si c'est une priorité et qu'on la reconnaît comme telle, est-ce que l'État n'a pas aussi la responsabilité d'investir davantage dans l'enseignement supérieur? Je vois que l'essentiel des revenus additionnels, vous les réclamez des étudiants et vous n'évaluez pas la possibilité d'aller chercher d'autres sources de financement, (12 h 30)

M. Davenport: Vous avez tout à fait raison. On aimerait non seulement ces fonds additionnels des droits de scolarité, mais en même temps tous les fonds requis pour nos autres besoins. Par exemple, il y a la recommandation à laquelle le ministre a fait référence, le financement intégral des coûts de l'inflation et des nouvelles inscriptions. Je ne peux pas vous donner maintenant un chiffre pour ce coût, mais j'attendrai que le gouvernement finance ce coût au-delà des droits de scolarité.

Mme Blackburn: Vous nous avez remis tout à l'heure un tableau des inscriptions. Chez les diplômés de 3e cycle, vous nous dites dans la présentation, M. Johnston, que cela représente 39 % des diplômés de 3e cycle dans la province de Québec. Est-ce qu'on peut connaître l'origine de vos diplômés, le pourcentage que représentent les diplômés qui ne sont pas de la province de Québec?

M. Johnston: Pour le grand total des étudiants de 1er, 2e et 3e cycles, à temps plein, le chiffre pour l'extérieur du Québec est d'environ 24 %. Pour les étudiants de 2e et 3e cycles, c'est plus que cela et, pour les étudiants de 1er cycle, c'est moins que cela. S'il est utile d'avoir des chiffres plus exacts, nous les préparerons en détail dans quelques jours.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II faudrait, M. Johnston, que vous fassiez parvenir à la commission tous les détails

pertinents concernant l'inscription des étudiants hors Québec.

Mme Blackburn: Et davantage, si vous me le permettez, M. le Président, la diplomation, le profil des étudiants de 2e et 3e cycles, par rapport à l'origine.

Sauriez-vous nous dire le pourcentage d'étudiants de 1er cycle, chez vous, qui sont bénéficiaires de l'aide financière aux étudiants?

M. Johnston: Je n'ai pas le chiffre exact; peut-être la moitié, mais ce n'est pas un chiffre exact. J'ai la même réponse qu'à la précédente question. Je préparerai les chiffres et je vous les enverrai dans quelques jours.

Mme Blackburn: Des étudiants me disaient tout à l'heure qu'environ 20 % de vos étudiants de 1er cycle étaient bénéficiaires de l'aide financière aux étudiants. Ce que je voulais simplement exprimer, c'est qu'évidemment on comprend que vos préoccupations sont moins de cet ordre-là étant donné que vos étudiants sont généralement, sur le plan financier, plus privilégiés. Par ailleurs, les craintes qu'on éprouve par rapport aux effets négatifs que pourrait avoir une hausse des frais de scolarité rapide et importante sur l'accessibilité continuent de nous préoccuper. Vous savez que la scolarisation au Québec chez les francophones marque un retard important.

Dans le texte que nous présentait M. Davenport tantôt, il me semble qu'il faisait une interprétation un peu large de ce que disait le Conseil des universités. Je lis le dernier paragraphe de la page 5, et je cite: "Le mémoire du Conseil des universités préparé pour cette commission démontre clairement qu'avec un bon système de prêts et bourses l'augmentation des frais de scolarité ne devrait pas réduire l'accessibilité..." Je ne pense pas que le Conseil des universités soit allé aussi loin que de dire, de façon claire, qu'on ne pouvait pas le faire.

J'aurais une remarque sur l'équité des règles des frais de scolarité. Vous dites que c'est régressif parce que les citoyens les moins favorisés en retirent moins. Est-ce qu'une hausse importante des frais de scolarité n'aurait pas comme effet précisément de maintenir cette situation qui est inéquitable?

M. Johnston: Premièrement, Dr Davenport et, deuxièmement, Dr Bélanger.

M. Davenport: Sur la question de l'accessibilité et le rapport du conseil, je ne peux pas, bien sûr, parler pour le conseil, mais j'ai vu le rapport pendant qu'il se faisait au conseil. J'avais l'impression, comme membre du comité de financement, que c'était un très bon rapport et qu'il démontrait clairement qu'il n'y avait pas d'association, ni au Canada, ni aux États-Unis, ni dans les autres pays, entre une augmentation de frais de scolarité et une meilleure accessibilité. Je vous en donne un exemple, mais je ne pense pas que ce soit cité dans le rapport du conseil. En Australie, il y a plusieurs années, ils ont décidé d'abolir tout à fait les frais de scolarité dans l'espoir de donner une plus grande accessibilité aux études universitaires. C'est le contraire qui s'est produit. C'est qu'avec un manque de financement, maintenant, les universités sont tellement pauvres qu'elles ne peuvent plus recevoir de gens. L'accessibilité est réduite.

Quant à la question de la méthode actuelle de financement des universités qui est régressive, dans mes remarques, je cite le conseil et je dis simplement que je suis d'accord avec cette citation du conseil selon laquelle les citoyens les moins favorisés en retirent moins qu'ils n'en mettent. Comme économiste, je peux vous dire que c'est une conclusion qu'on trouve dans toutes les études sérieuses qui ont été faites sur le financement des universités.

Alors, à McGill, nous pensons que le mémoire du conseil démontre qu'avec un usage d'un tiers ou de 30 % des retombées d'une augmentation des frais de scolarité, avec un usage de 30 % ou un tiers dans les prêts et bourses, on peut vraiment protéger les étudiants des familles à faible revenu de tout impact de cette hausse de scolarité tandis que les autres étudiants, qui peuvent payer, peuvent financer une part raisonnable de leurs études, raisonnable dans le sens que c'est le moyen qui a déjà été pris dans le reste du pays.

Une voix: M. Bélanger et M. Perrault, s'il vous plaît.

M. Bélanger (Pierre): Tout simplement, je voudrais ajouter quelque chose pour peut-être corriger l'impression que le bassin de l'Université McGill, c'est Westmount et le West Island. Comme doyen de la faculté de génie, ce n'est pas mon impression quand je regarde mes classes. Je dirais plutôt que c'est Rosemont et l'Est de Montréal, Parc Extension. Il faut se rappeler que dans le milieu anglophone, au Canada comme aux États-Unis, ceux qui sont mieux nantis ont l'habitude d'envoyer leurs enfants à l'extérieur pour étudier. Alors, dans le West Island et Westmount, ceux qui sont les mieux nantis iraient - peut-être pas en grande partie mais certainement en nombre appréciable - à des endroits comme Queen's à Toronto et ainsi de suite.

Une voix: M. Perrault, s'il vous plaît.

M. Perrault (Charles): M. le Président, je pourrais peut-être dire quelques mots de philosophie sur la question d'accessibilité qui sont le fruit d'une expérience que j'ai vécue il y a une dizaine d'années alors que j'ai eu l'avantage de coprésider avec le regretté John Deutsch un colloque international sur les coûts de l'enseignement postsecondaire. Ce colloque réunissait d'un peu partout dans le monde des sommités qui se sont exprimées sur des questions que nous discutons aujourd'hui, dont celle de l'accessibilité, bien sûr.

Règle générale, à ce moment, les pays qui n'avaient pas ou peu de frais de scolarité, comme les pays socialistes ou les pays Scandinaves, imposaient des contingentements. C'est qu'ils avaient tous conclu qu'il était impossible d'avoir une université à accès universel et "gratuite", entre guillemets, et qu'il fallait à ce moment des contingentements dont le délégué de la Norvège, je me souviens, a parlé très ouvertement en disant: Bien, mon dieu! il n'y a pas d'autre moyen de fonctionner.

Au moment de ce colloque, le Canada se retrouvait - les deux provinces centrales notamment - avec des frais d'éducation qui augmentaient très rapidement. Cet examen nous semblait nécessaire, surtout face à des pays qui avaient déjà vécu la croissance et qui avaient des pénétrations, des taux d'accessibilité plus élevés que le nôtre.

Un autre facteur ou un autre fait qui m'avait impressionné dans le temps et qui, je crois, est significatif, c'est que le pays au monde avec l'accessibilité la plus élevée c'est, bien sûr, les États-Unis. C'est une fonction de la richesse du pays mais c'est aussi une fonction d'un système multiple où on retrouve des institutions privées et des institutions publiques, de différentes qualités dans les deux cas, mais dont la combinaison permet, tout en restant dans les limites d'un financement convenable,de recevoir un très grand nombre de personnes.

Enfin, j'ajouterai - ce n'est pas encore un risque au Québec, mais c'était déjà exprimé par les membres de ce colloque dans le temps - que la banalisation des diplômes entraîne des coûts, entraîne des problèmes. On peut facilement se retrouver dans une situation où un diplôme universitaire est requis pour des postes qui normalement ne l'exigeraient pas et on peut retomber de l'autre côté du phénomène de l'accessibilité en rendant les diplômes trop faciles et à trop bon marché.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, monsieur. Madame.

Mme Blackburn: Le Dr Bélanger, je pense, nous disait tout à l'heure que ce n'était pas un problème en faculté de génie, que les étudiants ne venaient pas généralement de Westmount. Il est reconnu également que, de façon générale, les étudiants qui s'inscrivent en génie sont plutôt de milieux plus populaires qu'en médecine, par exemple. À présent, M. Johnston fait peu état de la contribution des entreprises dans le financement des universités. On sait que vous êtes très actifs, par ailleurs, dans la cueillette de fonds pour vos différentes fondations. Est-ce qu'on pourrait envisager, comme le suggérait l'École polytechnique, une participation des entreprises par le biais d'un impôt éducation?

Une deuxième question, qui est un peu d'un autre ordre. Par rapport aux frais de scolarité, vous proposez à la page 5, à l'avant-dernier paragraphe, que les étudiants pourraient rembourser, avec une formule à modifier, le prêt en fonction du revenu de l'étudiant après l'obtention de son diplôme. Est-ce que vous pensez que la suggestion faite par le Comité jeunesse du Parti québécois d'un impôt universitaire pour les diplômés serait acceptable? Deux questions. Une sur les entreprises et l'autre sur l'impôt éducation.

M. Johnston: Oui. En réponse à la première question quant aux entreprises, nous avons maintenant chez nous presque 5 000 000 $ chaque année pour les contrats de recherche avec l'entreprise privée. Nous exigeons les coûts indirects de ces contrats avec l'entreprise privée. Deuxièmement, dans notre campagne de souscription et dans notre campagne annuelle, nous cherchons les subventions, les dotations des entreprises. Notre campagne de souscription, à McGill, c'est plus de 61 000 000 $. Le chiffre pour les entreprises est entre un quart et un tiers de cette somme. Ce sont deux façons de rechercher la participation de l'entreprise. Troisièmement, bien sûr, on a les impôts généraux. La quatrième initiative est le programme du gouvernement fédéral avec les conseils de recherche, les "matching grants" qui sont en train, maintenant. Nous avons l'espoir d'augmenter la participation des entreprises avec cette initiative. Deuxième question?

M. Davenport: C'est une question technique, cette question d'impôt sur les diplômés, et McGill n'a pas de position officielle là-dessus. Je dirais que cette question a été étudiée par plusieurs économistes au Canada et aux États-Unis. On dit souvent deux choses. D'abord, il y a la question d'intégration géographique. Si nous, au Québec, faisons un tel impôt, mais que ce n'est pas fait en Ontario et à New York, qu'est-ce qui va arriver? Les gens vont choisir leur université en fonction d'échapper à l'impôt, ce qui n'est pas le but de

l'exercice. Deuxièmement, quand on regarde le traitement d'un universitaire après sa diplomation, on voit que ce système qui est suggéré dans le mémoire et, comme vous l'avez dit très bien, qui est assez proche de cet impôt, c'est d'accorder un prêt et, après, le remboursement du prêt dépend de ses revenus. Alors, au-dessous d'un certain revenu, pas de remboursement. Mais, si l'étudiant devient assez bien nanti, alors il y a un remboursement intégral. Donc, c'est un peu comme un impôt, mais cela passe par le remboursement d'un prêt.

Mme Blackburn: Est-ce que cela ne poserait pas le même problème finalement que celui de l'impôt étude? Du moment que les étudiants s'en vont travailler à l'extérieur, il est difficile de les rejoindre étant donné que la formule n'est pas nord-américaine? (12 h 45)

M. Davenport: Oui, cela pose un grand problème.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors les deux formations politiques ont actuellement épuisé les 25 minutes qui leur étaient réparties. Par contre, j'ai deux demandes d'intervention du côté ministériel, de la part de la députée de Jacques-Cartier et du député de Westmount. En principe, nous devions terminer nos travaux à 13 heures. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Jolivet: M. le Président, il faudrait un double consentement. Dans la condition du député de Westmount, je n'ai pas entendu dire qu'il était membre de la commission. Cependant, je serais prêt à lui accorder cette permission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai remarquer, M. le député de Laviolette, que le député de Westmount n'est certainement pas membre de cette commission. Il est ici à titre de député et membre de l'Assemblée nationale. Il nous a demandé le droit d'intervenir.

M. Jolivet: Et, effectivement, il faut avoir la permission de tous les membres de la commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est pour cela que je vous la demande, M. le vice-président.

M. Jolivet: C'est pour cela que je l'accorde.

M. Ryan: Nous vous remercions de votre obligeance.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, je reconnais la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais vous dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Votre excellent mémoire trace un portrait détaillé de l'impact dramatique de plusieurs années de sous-financement. Ma première question touche les besoins de l'équipement et du renouvellement de l'équipement. Dans votre mémoire vous avez suggéré, pour l'année actuelle et pour l'année prochaine, un montant global de 50 000 000 $ et de 100 000 000 $ pour les coûts indirects à la recherche et le redressement des budgets de base et une augmentation des subventions provinciales de fonctionnement et d'équipement. J'aimerais vous demander si ces sommes ou ces montants de 50 000 000 $ et de 100 000 000 $ sont suffisants pour remplir les besoins du renouvellement de l'équipement. Je vous pose cette question parce que le Conseil de la science et de la technologie, dans son avis, estime qu'il faut 90 000 000 $ pour l'ensemble des universités, pour l'équipement, dont 38 000 000 $ uniquement pour le 1er cycle de génie. Les montants que vous avez proposés dans votre mémoire sont-ils suffisants pour remplir les besoins de renouvellement de l'équipement? Ou estimez-vous que les montants requis sont moindres que ceux du Conseil de la science et de la technologie?

M. Johnston: Merci.M. Davenport, ou le doyen de la Faculté de génie ou celui de la médecine.

M. Davenport: La question des chiffres touche celle de Mme la députée de Chicoutimi dans le sens que, dans notre mémoire, nous parlons des fonds additionnels gouvernementaux requis pour la cessation des prélèvements, le financement intégral du coût de l'inflation, la croissance des inscriptions, le financement des équipements et, ensuite, nous parlons des recettes, d'une augmentation des frais de scolarité. Sur la somme totale qui n'est pas discutée dans notre mémoire, puisque c'est tellement bien discuté par le conseil, nous acceptons le chiffre du Conseil des universités, soit environ 300 000 000 $.

Je vais passer maintenant la parole au doyen de génie qui peut parler strictement de ce que représente le manque d'équipement.

M. Bélanger (Pierre): Oui. D'abord, les 38 000 000 $ auxquels vous faites référence, je sais d'où cela vient, c'est de l'étude sectorielle sur le génie du Conseil des universités à laquelle j'ai présidé. II s'agit simplement du coût de remplacement de l'équipement de 1er cycle. Cela ne comprend pas les équipements de recherche. Les

chiffres qui sont mentionnés, les 50 000 000 $ et les 100 000 000 $, sont des minima qui ne serviront sûrement pas à donner des équipements de luxe aux universités du Québec.

Mme Dougherty: Pour enchaîner avec votre réponse, je crois que M. Johnston a fait plusieurs recommandations l'an dernier au nom de l'Association canadienne des universités et collèges au gouvernement fédéral pour inciter les entreprises, par des mesures fiscales, à faire des dons ou à contribuer au financement des universités. Pourriez-vous résumer, pour nous, les recommandations en ce sens?

M. Johnston: II s'agit de deux ou trois recommandations. En général, c'est d'avoir un système d'impôt qui est plus proche du système d'impôt des États-Unis, mais, pendant la dernière année, nous avons vu un changement énorme là.

Premièrement, il s'agit des dotations d'équipement et de l'évaluation de l'équipement pour la possibilité de réduire l'impôt des grandes entreprises. Maintenant, il y a un système aux États-Unis qui est plus favorable pour les grandes entreprises qui donnent les "gifts in kind", comme les ordinateurs.

La deuxième recommandation est la question du pourcentage des contributions charitables chaque année. Maintenant, nous avons le mythe chez nous de 20 %. Aux États-Unis, il est possible d'avoir des déductions de plus de 20 % et, dans certains cas, de 100 % avec dotation de stocks, par exemple, à l'université.

La troisième recommandation concerne la méthode d'évaluation des dotations de stocks qui est plus avantageuse aux États-Unis qu'ici.

Mme Dougherty: Est-ce que vous avez reçu une réponse du gouvernement fédéral?

M. Johnston: Oui, on a noté un petit changement dans le dernier budget de M. Wilson qui a changé la base de l'évaluation des dotations de stocks. C'est un pas en avant concernant ces trois recommandations, mais c'est une partie d'une recommandation et il n'y a pas eu de changement concernant les deux autres recommandations.

Mme Dougherty: Une dernière question. Les étudiants étrangers ont toujours joué un rôle très important à McGill. Voudriez-vous résumer pour nous l'impact de la hausse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers?

M. Johnston: L'impact en général est une réduction très très importante du nombre des étudiants. Ce nombre était de près de 12 % il y a cinq ans, et il est maintenant de 7 %. On a constaté une baisse de près de la moitié.

Deuxièmement, ce sont les étudiants des pays pauvres qui en ont souffert et aussi les étudiants de la classe moyenne et en dessous de cette classe, venant d'autres pays. Ils n'ont pas la possibilité de payer les frais de scolarité. Cela a beaucoup changé l'environnement chez nous parce que les étudiants étrangers ajoutent quelque chose de très riche, très diversifié à notre collectivité étudiante. De plus, nous pensons que c'est également un investissement pour le Québec et le Canada d'avoir ici, au Québec, des étudiants d'autres pays parce que ce sont nos ambassadeurs quand ils retournent dans leur pays d'origine.

Mme Dougherty: Combien de ces étudiants de pays étrangers, à l'Université McGill, sont subventionnés ou sont exonérés des frais de scolarité en vertu des ententes avec le Québec?

M. Davenport: Cela dépend du cycle. Pour les étudiants du 1er cycle, les étudiants étrangers n'ont pas, bien sûr, accès aux fonds gouvernementaux, ni provinciaux, ni fédéraux. Ils ont accès à quelques bourses de McGill, mais c'est un petit nombre. Les étudiants au 1er cycle doivent plus ou moins se financer. Nous avons certains échanges approuvés par le gouvernement du Québec, mais le nombre d'étudiants dans ces échanges est restreint.

Aux 2e et 3e cycles, an a pu réajuster nos politiques concernant les assistants de recherche et d'enseignement et les bourses internes de l'université pour donner un coup de main aux étudiants de 2e et de 3e cycles qui viennent de pays étrangers. Le pourcentage que vous cherchez va varier énormément selon les disciplines. Je dirais que, si on ajoute les assistants de recherche, les assistants d'enseignement et les bourses données par McGill, c'est probablement la moitié des étudiants étrangers qui reçoit une aide de l'université.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Davenport. Mme la députée de Chicoutimi, au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Johnston, messieurs, cela m'a fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous accueillir à cette commission. Vous comprendrez que mes préoccupations - je pense l'avoir bien indiqué à cette commission - vont dans le sens d'une plus grande accessibilité et d'un taux de diplomation plus élevé. Je pense qu'il faut reconnaître, comme l'ont avancé et défendu de nombreux organismes, qu'il y a un rapport étroit entre

la scolarisation d'une population et sa capacité de relever le présent défi économique. Dans ce sens, en ce qui vous concerne, vous avez fait oeuvre admirable, il faut le reconnaître. Par ailleurs, toutes les décisions qui auraient comme effet de porter atteinte à l'accessibilité devraient être examinées avec infiniment de prudence bien que je doive reconnaître que, dans le cas de votre université, les administrateurs font preuve de beaucoup plus de modération que les professeurs et les étudiants qui, eux, recommandent de quintupler les frais de scolarité, de les porter de 500 $ à 2500 $ alors que, vous, c'est de l'ordre de 1500 $. Par ailleurs, j'ajouterais que la situaion chez les francophones est différente. On peut difficilement faire des comparaisons avec les États-Unis ou l'Ontario. Avec des frais de scolarité relativement bas, avec une aide financière relativement généreuse, on n'a pas réussi à faire le rattrapage. Il faut poursuivre encore une décennie, peut-être -je l'ignore vraiment - mais il faut vraiment poursuivre cet effort de scolarisation chez les Québécois francophones en particulier.

Pour ce qui est des autres sources de financement, je pense qu'il faut envisager de façon sérieuse, si cette commission n'a pas été complètement inutile, que le gouvernement hausse sa contribution. On ne peut pas se dire, ensemble ici, qu'il y a une priorité à la scolarisation et que l'État décide de ne pas investir. Il me semble qu'il faut être un peu conséquent lorsqu'on veut relever le défi économique au Québec. Il faudra se doter de cet outil vital qui est une plus grande scolarisation des Québécois. Il en va de la responsabilité d'un État à la fois de le reconnaître et de hausser sa participation. Malgré les hauts cris que lançait l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur au moment où il était dans l'Opposition, touchant le sous-financement des universités, c'est de 34 000 000 $ qu'on a comprimé et coupé cette année. Un rattrapage, quel qu'il soit... Si on pouvait revenir simplement à cette base-là, ce serait déjà un pis-aller. Évidemment, cela ne réglerait pas toute la question du sous-financement des universités. Je pense que votre mémoire nous l'indique clairement, non seulement votre université est sous-financée, mais il y a un sous-financement général des universités. J'espère que le ministre et le parti tireront les conséquences de ces conclusions. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je serai très heureux, M. le Président et M. le principal de McGill, de faire rapport au gouvernement que la députée de Chicoutimi demande que le gouvernement actuel corrige les fautes d'omission de l'ancien gouvernement. Cela nous aidera beaucoup à trouver une solution au problème que nous discutons ce matin.

Je m'excuse, je ne pourrai pas parler davantage à ce moment-ci, parce que vos réponses à mes questions ont été très longues tantôt et la longueur de vos réponses m'est imputée par le président. Cela m'a empêché de passer la parole à mon collègue, le député de Westmount qui nous accompagne ce matin. Je voudrais lui demander, au nom de l'équipe ministérielle qui fait partie de cette commission, de vous adresser nos remerciements et nos salutations à la fin de nos échanges.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le député de Westmount.

M. French: Je vous remercie, M. le Président. Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais les gens hautement politisés à ma gauche m'ont indiqué que ce serait mal reçu si je ne disais mot.

C'est avec un très grand plaisir que j'ai entendu les représentants de l'Université McGill, que je connais presque tous. M. le Président, je vous ai dit que mon grand-père s'est joint à la Faculté de génie de l'Université McGill il y a plus de 60 ans, et que tous mes oncles et mes cousins y sont allés. J'ai donc un investissement en commun, sans borne, avec la plupart des gens de la famille mcgilloise, un investissement et des espoirs pour cette institution qui a bien servi le Québec, qui a d'excellentes possibilités de continuer à faire cette contribution, à condition que les décideurs publics, qu'ils soient du parti de l'Opposition ou du parti du gouvernement, s'y prêtent. Ce n'est pas une institution parfaite, mais c'est une institution qui se veut à la fois mondiale et québécoise et qui cherche les moyens de respecter les diverses exigences qui sont portées à son endroit.

Je pense que la présentation que nous avons entendue aujourd'hui nous convainc qu'il y a des problèmes, non seulement dans le financement de l'institution, mais aussi dans l'arrimage des critères qui gouvernent la répartition des ressources financières disponibles pour le système universitaire et plus particulièrement pour le système des universités dont trois ou quatre seulement qui font un effort extrêmement important dans le domaine de la recherche.

Il ne faut jamais perdre de vue les coûts additionnels qui découlent des Ze et 3e cycles. Ce sont ces coûts, entre autres, qui font en sorte que l'Université McGill encourt, encore cette année, un déficit important.

Very strong and sincere thank you to the rector of the university and to his

colleagues. I think that they have made a temperate, sensible and thoughtful presentation which shows that they understand the circumstances in which we are all living and which shows at the same time that they are not ready to concede to the depression or the disappointment which could easily be the lot of all universities, given the behaviour of governments with regard to them over the last several years. Thank you.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le député de Westmount. Merci, M. Johnston. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, alors qu'elle entendra l'Association des étudiants et l'Association des professeurs de l'Université McGill.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'éducation, toujours dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, reprend ses travaux afin de procéder à une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures.

Ce matin, la commission a entendu le vice-chancelier de l'Université McGill qui nous a exposé son point de vue face au financement et aux orientations du réseau universitaire québécois. C'est maintenant au tour d'intervenants impartants qui vivent dans le giron de l'Université McGill, soit son association de professeurs et d'étudiants. Les professeurs sont représentés à la table par M. Storrs McCalI, président, et les étudiants le sont par M. Ian Brodie, vice-président aux affaires externes.

Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission parlementaire à venir deviser avec nous de façon à nous aider dans la recherche de la vérité - avec un grand V, si possible - en ce qui regarde les orientations et le financement du réseau universitaire québécois. Nous avons prévu vous entendre durant environ une heure. C'est une entente préalable qui a été conclue entre vos représentants et notre secrétariat.

Monsieur, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec votre présentation afin que vous puissiez échanger le plus longtemps possible avec les membres de la commission. Monsieur, je vous écoute.

Association des étudiants

et Association des professeurs

de l'Université McGill

M. McCall (Storrs): M. le Président, la délégation conjointe composée de représentants de l'Association des étudiants de l'Université McGill et de la MAUT, McGill Association of University Teachers, a grand plaisir, à cette occasion, à présenter son mémoire à la commission parlementaire» Je commence par présenter la section professorale de notre délégations M. Abbott Conway, le président élu de la MAUT, et je suis Storrs McCall. Je donne la parole à mon collègue, M. Ian Brodie, pour présenter les autres.

M. Brodie (Ian): M. le Président, je voudrais présenter les membres étudiants de notre délégation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Avec plaisir.

M. Brodie: Premièrement, je vou3 présente M. Paul Pickersgill, le président de l'Association des étudiants à McGill.

Le Président (M, Parent, Sauvé): M. Pickersgill, bonjour.

M. Brodie: Mlle Lindsay Glassco, vice-présidente à l'interne de l'Association des étudiants.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mademoiselle.

M. Brodie: M. Luc Jolicoeur, vice-président aux affaires externes passées de l'association.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M, Jolicoeur, bonjour.

M. Brodie: Je suis Ian Brodie, l'actuel vice-président aux affaires externes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Brodie. Soyez tous les bienvenus.

Des voix: Merci.

M. McCall: Je dois ajouter, M. le Président, que notre président, M. Hershey Warshawsky, ne peut pas être avec nous aujourd'hui parce qu'il enseigne. Étant donné la présente taille de l'université et les grandes classes, il doit rester à Montréal.

Dans quelques instants, je vais passer la parole à ma collègue, Lindsay Glassco, vice-présidente, pour vous dire quelques mots sur les problèmes actuels à McGill et la qualité de l'éducation. En bref, nous avons un grand nombre d'étudiants, pas beaucoup de

professeurs, des classes énormes et très peu d'argent. Après cela, M. Ian Brodie va vous expliquer notre solution à ce problème et M. Abbott Conway dira quelques mots sur l'accessibilité et sur notre projet de protéger l'accessibilité aux universités par le système de prêts et bourses. Enfin, je vais terminer en disant un mot sur l'importance du processus de renouvellement dans l'université. Alors, je commence avec Mlle Lindsay Glassco.

Mme Glassco (Lindsay): The quality of education at McGill University has been declining significantly. One of the most important aspects is the size of the classes; now, there are many classes that reach up to more than 750 students. It is hard for students to get the time from a professor; it is also hard for a class to move on rapidly, the pace of the classes, I should say, is a lot slower than it could be, and as a result the material covered is limited.

The teaching staff has a limited amount of hours because of the size of the class, and thus tutorial assistance is also needed. Tutorial assistance provides about one third of the class instruction. The availability of ressources, material and recent acquisitions in the libraries are poor. There is usually only one copy available for required readings, and it is very hard for the students to find the time to set aside to obtain this one copy.

As a result, there are more restrictions set on the students. The hours of the service and the library operations are declining, as are all the numbers of hours of open study time for students. Weekend access to some of the buildings is also restricted as a result of lack of funds to employ maintenance staff.

There are many students who have to get into the buildings on weekends to do research projects or laboratory search on their own, and they are not able to do so.

Equipment in many of the science and engineer laboratories is outdated. Nonetheless there is continuous use and demand, but unfortunately, there is always more demand than what is available. This limits the opportunity for students to gain valuable hands on experience. They are forced into the situation where they are just getting the practical experience that they need through university experience. These are few examples of the declining quality of education that require additional funding to be corrected. Thank you.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame.

M. McCall: M. Ian Brodie va nous expliquer la solution à ces problèmes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On veut l'entendre, monsieur. On la cherche depuis un mois, la solution.

M. Brodie: Oui, il me reste à parler d'une amélioration des finances de McGill. Ma collègue, Mlle Glassco, a indiqué des exemples de sous-financement de McGill. Les étudiants et les étudiantes de McGill vont accepter une partie de la responsabilité du financement universitaire. Ainsi, le gouvernement et les autres groupes de la société québécoise vont accepter en même temps leurs responsabilités pour le financement universitaire. Spécifiquement, nous ne nous opposons pas à une hausse des frais de scolarité moyennant quatre conditions qui sont clairement écrites dans notre mémoire.

Premièrement, que la hausse des frais de scolarité soit redonnée à l'université; c'est là la responsabilité du gouvernement du Québec de ne pas prendre l'argent des étudiants et des étudiantes pour ses propres opérations.

Deuxièmement, l'Association des étudiants demande que cette hausse des frais de scolarité n'ait pas d'effet sur l'accessibilité à l'université au Québec. Alors, il faut des garanties au sujet de l'accessibilité aux universités.

Troisièmement, qu'avec cette hausse des frais de scolarité, il y ait une amélioration de la qualité de l'enseignement à McGill et dans les universités québécoises. La plus importante amélioration est un renouvellement du corps professoral.

Quatrièmement, qu'il y ait aussi une hausse de la représentation étudiante dans les grands conseils de l'université. Voilà notre solution aux problèmes financiers à McGill.

M. McCall: Merci, M. Brodie. Je fais appel maintenant à M. Abbott Conway, qui va vous dire un mot sur l'accessibilité et sur le système de prêts et bourses que nous suggérons.

M. Conway (Abbott): Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, le but de notre mémoire n'est pas seulement de souligner le fait que les universités québécoises sont plongées dans une crise financière très grave. Nous sommes d'avis que ce fait est maintenant bien entendu par tout le monde. Il peut être accepté comme axiomatique.

Ce que nous proposons, c'est quelque chose qui peut aider à régler le problème. C'est un propos très raisonnable et même modéré, étant donné que les étudiants universitaires d'aujourd'hui paient leurs frais de scolarité, en effet, en dollars des années soixante. D'ailleurs, nous sommes bien conscients que le contribuable n'a pas de richesse illimitée. Si les déficits des

universités sont plus élevés que souhaitable, ceux du gouvernement lui-même sont énormes et risquent de surpasser les "regulations".

Quoi faire dans cette situation? Ce que nous proposons est, en effet, une diversification des subventions financières par une hausse raisonnable des frais de scolarité. Mais si on s'arrêtait seulement sur ce point, une hausse des frais de scolarité, on aurait tort. Ce que nous proposons implique aussi de maintenir l'accessibilité à l'université. Nous proposons à la page 9: "L'université mettra de côté un tiers de cette augmentation qu'elle destinera à un programme de prêts et bourses."

D'ailleurs, à la page 13, nous constatons que, "si l'on n'augmente pas l'aide financière accordée aux étudiants, une hausse des droits de scolarité ira à l'encontre du but recherché, puisqu'elle annulera tes progrès réalisés par le Québec depuis vingt ans au niveau de l'accessibilité aux études universitaires".

Plus bas, à la même page, on lit: "Nous savons bien que le système actuel de prêts et bourses ne peut être modifié du jour au lendemain et qu'il doit faire l'objet d'une étude séparée. Cette étude devra stipuler que chaque université doit être en mesure d'administrer son propre programme d'aide financière selon les besoins de son effectif étudiant."

Depuis 25 ans le principe de l'accessibilité à l'université est très important au Québec et pour de bonnes raisons. On a noté que le grand idéal de la Révolution tranquille serait resté un idéal sans la formation d'un cadre professionnel au Québec qui pourrait servir la société québécoise. La formation de ce cadre dépend d'une libre accessibilité à l'université, mais à l'heure actuelle l'accessibilité à une vraie et bonne formation risque d'être diminuée pour tous, à cause des pressions et des coupures budgétaires des universités des cinq années précédentes.

Ce que nous proposons envisage une nouvelle source de financement pour les universités et les possibilités que cette nouvelle source pourrait elle-même donner de l'aide à ceux qui sont comparativement désavantagés.

Dans le meilleur des mondes possibles, peut-être pourrait-on réduire les frais de scolarité à zéro et le gouvernement pourrait subventionner les universités au maximum. Mais le monde actuel n'est pas le meilleur des mondes possibles. Les universités et le gouvernement font face à des pressions financières très lourdes. C'est dans ce contexte que nous situons notre propos. À notre avis, une hausse des frais de scolarité accompagnée par un régime de prêts et bourses aurait l'effet d'augmenter la subvention des universités sans encombrer trop le gouvernement et sans empêcher l'accessibilité à l'université en sauvegardant la qualité de l'éducation que les universités québécoises ont implantée.

Avec votre permission, M. le Président, je vais passer la parole à mon collègue, M. Jolicoeur, qui veut ajouter quelques mots.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Jolicoeur.

M. Jolicoeur (Luc): Les problèmes actuels de l'accessibilité, ce ne sont pas des problèmes quantitatifs, ce sont maintenant des problèmes qualitatifs. On parle du problème de la représentation socio-économique des étudiants dans notre mémoire. On pense que c'est quelque chose à quoi le gouvernement ne s'est pas tellement arrêté parce que, quand on parlait d'accessibilité, au Québec, on parlait d'augmenter le nombre absolu d'étudiants allant à l'université. Selon nous, il faut des programmes spéciaux non pas pour augmenter le nombre absolu d'étudiants qui vont à l'université, mais pour avoir une meilleure répartition entre les différentes classes socio-économiques de notre société.

On donne quelques exemples de programmes qui pourraient être mis de l'avant. Des programmes au niveau des écoles secondaires et des cégeps devraient être mis de l'avant pour encourager les étudiants à poursuivre leurs études au niveau de l'université. Cela pourrait être des bourses qui seraient attribuées à l'avance si l'étudiant continue à l'université, par exemple. On a plusieurs exemples là-dessus, mais, comme on le notait dans notre mémoire, on pense que la réforme du régime des prêts et bourses devrait faire l'objet d'une commission parlementaire séparée -c'est une question complexe, parfois très technique - ou d'une table de concertation-Un autre problème que l'on voit à l'accessibilité, au Québec, mis à part la représentation socio-économique, c'est celui des étudiants de 2e et 3e cycles. Il est très impartant pour le Québec d'augmenter le niveau de diplômés au 2e et au 3e cycle, Une des mesures passibles pourrait être d'éliminer rétroactivement une partie de la somme prêtée à l'étudiant s'il réussit à compléter sa formation de 2e et 3e cycles dans un temps requis. Ce serait une des mesures qui pourraient encourager les étudiants à s'inscrire aux 2e et 3e cycles et à terminer leurs études de 2e et 3e cycles. Il y a aussi le problème des étudiants à temps partiel et le problème du niveau des prêts et bourses. Toutes ces choses devraient être étudiées.

Finalement, notre argument de base, c'est que la clé de l'accessibilité tient aux modalités du régime de prêts et bourses. L'accessibilité comme telle n'a pas grand-

chose à voir, finalement, avec les frais de scolarité. Ce sont les modalités du programme de prêts et bourses et les campagnes d'information au niveau des écoles secondaires et collégiales qui pourraient faire en sorte que l'université québécoise soit une université vraiment accessible,

M- McCall: Merci, M. Jolicoeur. J'apprécie vos mots puisque je suis un étudiant québécois maintenant en 4e cycle.

M. le Président, je vous prie de bien vouloir passer à la page 5 de notre mémoire, sous le titre "Comment renverser la vapeur". Madame et messieurs, il n'est pas facile de renverser la vapeur dans une locomotive, surtout quand le train a augmenté sa vitesse pendant plusieurs années. Mais, dans notre cas, il faut le faire et il est possible de le faire. Le résultat net de dix années de coupures budgétaires à McGill est que notre université a maintenant un professoriat plus âgé que toute autre université au Canada et que l'âge moyen des professeurs de McGill monte de plus d'un demi-an par année.

Il n'est pas nécessaire d'être grand mathématicien pour savoir que cette progression mène au désastre. C'est pour cette raison que nous avons écrit, à la page 5 de notre mémoire: Notre première priorité, c'est "d'engager de jeunes enseignants et enseignantes pour remplacer ceux qui ont pris leur retraite au cours des dix dernières années, ce qui permettra de réduire la taille des effectifs de chaque classe et d'injecter du sang nouveau dans l'université au niveau de l'enseignement et de la recherche".

M. le Président, il n'est pas nécessaire d'en dire plus. Nous avons présenté notre problème et nous avons offert une solution. Il vous reste à nous donner la permission de mettre cette solution en vigueur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Avant de donner la parole au ministre de l'Éducation, je voudrais informer les membres de la commission du contenu d'un télégramme que j'ai reçu ce matin: "M. Marcel Parent, President, Parliamentary Commission, Committee on Education, Hôtel du Parlement, Quebec. "Please be informed that we in no way endorse the brief entitled "Autonomie, accessibilité et fonction critique" presented by les professeurs de l'université, which has been presented to the Parliamentary Commission, Committee on Education. Our name was appended to that document solely due to our membership in FAPUQ and was sent without our consent or knowledge. Some of the views are in direct opposition to our own brief to be submitted with the Students Society of McGill. Signé: Hershey Warshawski, president, McGill Association of University Teachers."

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Jolivet: ...on m'a demandé de remettre un communiqué de presse, intitulé "Montréal, 14 octobre 1986..."

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant, M. le vice-président.

M. Jolivet: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous a demandé, mais qui vous a demandé?

M. Jolivet: Vous allez le savoir à la fin, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Pardon?

M. Jolivet: J'allais vous le dire. Les étudiants et étudiantes...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Jolivet: ...qui forment le comité ad hoc de McGill pour l'accessibilité à l'éducation

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui.

M. Jolivet: Ils m'ont demandé de déposer un document dans lequel ils s'opposent au document déposé cet après-midi par le groupe qui est devant nous.

M. Ryan: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander au député de Laviolette de donner lecture de ce document et d'identifier les signataires?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Un instant! Un instant!

M. Ryan: S'il n'est pas trop long.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vais regarder s'il est acceptable pour dépôt. Cela semble acceptable. Pour qu'un document soit acceptable, il faut qu'il soit réellement bien identifié...

M. Jolivet: Effectivement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...que la source soit identifiée. J'ai ici des numéros de téléphone; j'ai des noms de personnes. Je le considère comme document déposé. Si le député de Laviolette veut en faire la lecture, je n'ai aucune objection. Allez-y, M. le vice-président.

M. Jolivet: "Les étudiants et étudiantes répudient leur leadership. Dix mille étudiants

et étudiantes de l'Université McGill opposent une recommandation de l'Association des étudiants de l'Université McGill de plus que doubler les frais de scolarité. "Dans un mémoire présenté à la commission parlementaire étudiant le financement des universités, à Québec, mardi, la SSMU suggérait des frais de scolarité de 1250 $ d'ici 1988-1989. "Chaque association étudiante de McGill ayant considéré le mémoire l'a rejeté. Celles-ci sont: l'Association des étudiants postgradués, l'Association des étudiants en droit, l'Association des étudiants en travail social et l'Association des étudiants en premier cycle en génie. En plus, 2600 étudiants et étudiantes ont signé une pétition contre l'augmentation des frais de scolarité. (15 h 30) "Carlene Gardner, de McGill, membre du conseil étudiant, déclarait: L'exécutif de la SSMU a trahi les étudiants et étudiantes qui l'ont élu. Les étudiants et étudiantes de McGill ont été isolés du mouvement étudiant québécois contre leur volonté." "Toutes les autres associations étudiantes québécoises ont opposé l'augmentation des frais de scolarité, et un sondage récent indique que 90 % des étudiants et étudiantes et 77 % de la population en général partagent cette opinion. " "Devant une opposition grandissante à McGill, les cinq membres de l'exécutif de la SSMU ont à la dernière heure modifié leur recommandation originale qui prévoyait des frais de scolarité de 2500 $ d'ici 1990. Cette modification fut rejetée comme inadéquate par les associations opposées au mémoire." "Français Longpré, vice-président de l'Association des étudiants en droit de McGill, remarquait: "85 % des étudiants et étudiantes de McGill sont du Québec, mais quatre des cinq membres de l'exécutif de la SSMU ne le sont pas. Ils ne comprennent pas la situation au Québec et les enjeux dans le présent dossier." "La SSMU a présenté son mémoire conjointement avec l'Association des professeurs de l'Université McGill (MAUT). Cependant, la MAUT a déjà endossé les conclusions du mémoire de la Fédération des professeurs d'universités du Québec (FAPUQ) qui s'oppose à une augmentation des frais de scolarité." Or, un télégramme venant d'arriver nous indique l'inverse et c'est ce que le président nous a lu. "Par le comité ad hoc de McGill pour l'accessibilité à l'éducation... et Carlene Gardner, coordonatrice de la pétition." Pour renseignements, contactez Carlene Gardner et François Longpré au numéro que vous avez en bas de la feuille.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le vice-président. Document considéré comme déposé.

Je reconnais le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. McCall: Question d'ordre. Est-ce que je peux demander à M. Brodie de dire juste un mot sur ce document qui a été déposé?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Certainement. M. Brodie.

M. Brodie: M. le Président, if I may, î would, like to outline the opposition that has been voiced at McGill to the brief presented by the Students' Society. The Students' Society presents this brief on behalf of all the students of McGill. It is not a traditional brief for the Students Society to be presenting, and as such there is a great deal of misunderstanding among students of McGill of exactly what we were saying and exactly what we were not saying in our brief.

Several of the Students Societies that represent students in certain faculties of McGill were very concerned with the brief that we presented. The post-graduate Students' Society, l'association des étudiants gradués, condemned our brief without ever having read it. They were going on the basis of media reports within McGill of what our brief said, which were not an accurate portrayal of everything that was in our brief. There is a petition begun among McGill's students opposing the brief. When the petition was presented to the students, it was presented as the Students' Society wanted the tuition fee to go to 2500 $ a year. Sign this to make them stop.

M. le Président, if someone had given me such a petition, I too would have signed it. There are several conditions in our brief for this tuition fee increase and this condemnation of tuition fee increase comes without having read those conditions.

I would also like to say that the students' society, the Engineering

Undergraduate Society, l'association des étudiants en génie de premier cycle, do not oppose a tuition fee increase, but rather they are opposed to the magnitude of the tuition fee increase that we propose in our brief.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Thank you, Mr. Brodie. We have received your point of view on that press release. Now, we carry on with the Minister.

M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. McCall, M. Brodie, messieurs et madame, nous avons pris connaissance avec intérêt des observations et des recommandations contenues dans votre mémoire. J'ai noté en particulier dans les

premières pages l'évocation de certaines données qui constituent l'arrière-plan du tableau que vous nous présentez. À McGill, nous constatons que le nombre d'étudiants est passé de 17 517 en 1977-1978 à 20 108 en 1985-1986, alors que le nombre d'enseignants diminuait de 1306 à 1259. On nous avait fait part de ces données dans la présentation que l'université a faite ce matin. Je pense que c'était bon qu'elles nous soient rappelées dans votre mémoire. En tout cas, j'en ai pris note.

Vous nous avez rappelé également dans votre mémoire que les salaires des professeurs de l'Université McGill sont inférieurs d'une manière sensible à ceux qui sont payés dans les autres universités québécoises. Le tableau que vous avez annexé à votre mémoire indique que les différences vont souvent jusqu'à 11 %, 12 %, 13 %, 14 %, 16 % et même 18 % dans certains cas, pour une moyenne générale de 9 %, un écart de 9 %. On constate que l'écart est plus faible chez les professeurs plus âgés qui étaient déjà établis et que, chez les professeurs plus jeunes, les sacrifices exigés en raison de la situation des dernières années ont été plus lourds.

Je n'ose vous classer dans aucune des catégories, M. McCall. Je laisse cela à votre discrétion. Cela ne nous regarde pas. Ce sont des blagues que je fais. Je voudrais signaler ce point-là. Je pense que ce sont des sacrifices qui ont été consentis volontairement par les professeurs de McGill et on doit l'apprécier parce que le but de ces sacrifices, c'était de contribuer à assurer le maintien d'une certaine qualité dans les services éducatifs fournis par l'université à la population qui la fréquente et je dirais même à toute la population montréalaise et québécoise.

La situation qui nous a conduits à ces données que vous présentez est, évidemment, préoccupante et vous concluez fermement qu'il faut trouver de nouvelles sources de revenus, en tout cas des revenus accrus pour l'Université McGill comme, d'ailleurs, pour les autres universités. Je voudrais en venir tout de suite à la formule que vous proposez, mais tout d'abord, je voudrais avoir une simple précision du représentant des étudiants qui nous a parlé tantôt, M. Brodie. Est-ce que le mémoire que vous présentez conjointement avec les professeurs a été soumis en bonne et due forme aux instances de votre association étudiante à McGill et pourriez-vous nous dire sous quelle forme? Étant donné le message dont le député de Laviolette a donné lecture tantôt, j'aimerais connaître un peu plus les circonstances dans lesquelles il a été conçu. J'adresserais la même question au représentant de l'Association des professeurs également.

M. Brodie: Oui, M. le Président. Nous avons une association démocratique et nous avons un conseil des étudiants. Le conseil des étudiants doit appuyer tous les mémoires que l'Association des étudiants dépose. Il y a des représentants au conseil des étudiants de chaque faculté à McGill et le mémoire a reçu l'appui d'une majorité des membres du conseil des étudiants. Moi-même, j'ai fait toutes sortes de consultations cet été avec les membres de l'association qui sont demeurés à Montréal pendant l'été. Cet été, il n'y avait vraiment pas beaucoup d'étudiants avec qui j'ai pu parler, mais j'ai fait toutes les consultations possibles durant l'été.

M. McCall: Oui, M. le ministre. Vous demandez si notre organisme... Oui, nous avons consulté notre conseil et le conseil à l'unanimité a appuyé le mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. Il y a combien d'étudiants à votre conseil qui sont originaires du Québec?

M. McCall: D'étudiants au conseil? II y en a 24, n'est-ce pas?

M. Brodie: II y a 26 étudiants à notre conseil des étudiants.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Pardon?

M. Brodie: 26.

M. McCall: Au conseil, il y a 26 représentants.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur combien?

M. Brodie: Le total des étudiants.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Combien y en a-t-il du Québec sur les 26 représentants?

M. McCall: Ah! Combien de Québécois?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Qui sont originaires du Québec.

M. McCall: Ah! Combien y a-t-il de Québécois au conseil?

M. Brodie: Une vingtaine, presque.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Ryan: On peut continuer. La question qui m'intéresse porte sur la formule de financement que vous préconisez. Vous demandez que, à l'Université McGill, les frais de scolarité puissent être augmentés d'environ 500 $ par année pendant les quatre prochaines années, sauf la première année où

ce serait une augmentation de 430 $, de manière qu'ils atteignent au bout de ces quatre années le niveau de 2500 $ par année, soit à peu près 20 %, en résultat consolidé, du financement requis par l'Université McGill.

La question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-ce que vous proposez cette formule pour toutes les universités du Québec ou seulement pour l'Université McGill?

M. McCall: Si je peux répondre à cette question, M. le ministre, nous l'avons proposé comme un schéma qui pourrait être adopté par des universités québécoises ou ne pas être adopté, selon la volonté de l'université individuelle. Alors, ce que nous proposons, c'est un niveau maximum auquel les frais de scolarité peuvent être augmentés, mais cela dépendrait de l'université d'approuver l'augmentation. Si l'université veut garder ses frais de scolarité au présent niveau, elle a le droit de le faire. Mais si l'université veut les augmenter jusqu'à la limite de 500 $, elle a aussi la possibilité de le faire. C'est notre position.

M. Ryan: Je vais vous exprimer la crainte que m'inspire votre recommandation. J'ai peur que pour une université solidement établie comme l'Université McGill, qui offre également des services très développés au niveau du 2e et du 3e cycle, cette formule soit plus facilement applicable que dans des universités moins développées et qu'elle n'entraîne comme résultat que ceux qui sont fondamentalement riches - je ne dis pas que vous avez eu des revenus que vous auriez dû avoir du gouvernement ces dernières années -ceux qui sont fondamentalement à un certain niveau de développement vont devenir plus riches encore, tandis que les autres ne pourront pas se porter au même niveau et risquent de voir l'écart qui les sépare des plus avancés s'agrandir. Je ne sais pas si vous avez pensé à cet aspect.

M. McCall: L'alternative, M. le ministre, c'est ou bien de ne pas proposer une augmentation du tout ou de proposer une augmentation uniforme pour toute la province. Nous avons jugé que ce serait peut-être plus acceptable de proposer un maximum à la place d'une augmentation obligatoire pour tout le monde.

M. Ryan: Voici l'impression qu'on a en prenant connaissance de cette proposition. Je peux me tromper là-dessus, mais je pense que cela rejoint une des choses que proposait l'Université McGill ce matin aussi. Nous autres nous avons un système d'aide financière au Québec qui est gouvernemental, public, qui s'adresse à tous les étudiants. Là on a l'impression que vous voudriez que l'Université McGill se serve d'un système de frais de scolarité individuel pour se doter d'un système de bourses intra muros, pour ainsi dire, un système de bourses parallèle au système gouvernemental. C'est là que je craindrais qu'une institution plus avancée ou plus développée que les autres n'en vienne à multiplier les écarts qui la séparent des autres. Je ne sais pas si on peut envisager de laisser une institution s'en aller dans une direction comme celle-là sans que ce soit une politique générale ou encore sans que vous acceptiez qu'on donne un financement plus élevé à d'autres institutions qui ne pourront pas aller aussi loin,, C'est la contrepartie.

M. McCall: Vous avez raison, M. le ministre. Cette question de savoir qui va administrer le système de prêts et bourses, c'est notre recommandation à la page 13; "Cette étude devra stipuler que chaque université doit être en mesure d'administrer son propre programme d'aide financière selon les besoins de son effectif étudiant." C'est vrai. Nous pensons que les universités connaissent mieux les besoins de leurs propres étudiants en place que le système provincial universel pour tout le monde. Ce système d'aide financière peut être mieux géré dans les universités. C'est vrai, monsieur.

M. Ryan: Oui. Vous voyez le danger, par exemple, qu'on ait des systèmes d'aide financière qui soient à des niveaux très différents d'une université à l'autre, étant donné surtout les disparités régionales que nous avons au Québec, les niveaux de richesses différents que nous avons d'une région à l'autre. (15 h 45)

M. McCall: II faut tenir compte que chaque augmentation de frais de scolarité doit être accompagnée par un tiers versé à ce système de prêts et bourses. C'est uniforme pour tout le monde. Un tiers doit être accordé à ce système.

M. Ryan: C'est parce que ces montants, ça va être beaucoup plus difficile à aller chercher dans les universités en régions.

M. McCall: C'est possible.

M. Ryan: L'autre question, si vous m'en permettez une dernière. Vous demandez que le Conseil supérieur de l'éducation soit invité à établir un système de contrôle - je pense que c'est à la page 13 de votre mémoire -de l'admissibilité à l'enseignement à tous les paliers. Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là, ce que vous voulez dire par là? Comment cela pourrait-il se faire?

M. McCall: Je vais demander à M. Brodie de répondre à votre question.

M. Brodie: Ce que nous trouvons à l'Association des étudiants, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'information au sujet de l'accessibilité dans les universités au Québec. II y a beaucoup d'information au sujet de l'accessibilité en Ontario, en Alberta, partout ailleurs au Canada, mais pas au Québec. Si on choisit de hausser les frais de scolarité, vraiment, il faut savoir ce qui se passe avec l'accessibilité à tous les niveaux du système d'éducation au Québec. Alors, il y a... There are two reasons for this. The first one being to find out more about what is really going on with accessibility in Quebec. The second one is to act as a check on our tuition fee increase, if there is to be a tuition fee increase, to find out exactly what its impacts are on all the different types of measurements of accessibility.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Brodie. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci. Messieurs, il me fait plaisir au nom de ma formation politique de vous accueillir à cette commission parlementaire. Je dois dire que je pense bien que c'est le premier mémoire et ce sera probablement le seul où se retrouvent à la même table les professeurs et les étudiants. Je trouve cette formule intéressante.

Comme on a peu de temps, si vous le permettez - combien avons-nous de temps? Je n'ai pas vérifié - je passerais immédiatement aux questions en poursuivant un peu dans le sens de celle de M. le ministre au sujet de la gestion de l'aide financière aux étudiants. Dans l'hypothèse que vous avancez - je veux bien comprendre votre position -vous avez tout près de 30 000 étudiants qui paieraient des frais de scolarité de 2500 $. Pour bien comprendre ce que voudrait dire l'impact des budgets que vous auriez à gérer, il faudrait qu'on connaisse le pourcentage d'étudiants qui ont accès à l'aide financière chez vous.

M. McCall: Je passe la question à M. Luc Jolicoeur, madame.

M. Jolicoeur: II y a environ 40% des étudiants de McGill qui sont au système de prêts et bourses. C'est moins que dans les autres universités au Québec. Cela s'explique par la présence d'étudiants canadiens, par la présence d'étudiants étrangers et aussi par des raisons historiques. Maintenant, pour ce qui est de votre première question au sujet de la mécanique de ce système de prêts et bourses...

Mme Blackburn: Si vous le permettez avant, vous nous dites que 40 % des étudiants sont admissibles à l'aide financière. Est-ce que vous avez les données pour le 1er cycle? On sait que, pour le 2e cycle, c'est 100 %. Il faudrait décomposer, pour savoir ce que cela donne pour le 1er cycle.

M. Jolicoeur: Non, je parle uniquement du 1er cycle.

Mme Blackburn: On m'avait dit ce matin que c'était environ 20 % au 1er cycle.

M. Jolicoeur: Non, c'est entre un tiers et 40 %. Je n'ai pas les chiffres exacte, mais c'est dans cet ordre de grandeur. C'est certainement plus que 20 %.

Mme Blackburn: Bien. Alors, étant donné que vous avez un taux moins élevé d'étudiants qui participent au régime d'aide financière, cela veut donc dire, si je comprends bien votre proposition, que les étudiants chez vous auraient droit à de l'aide plus élevée. Étant donné que vous en avez moins qui ont besoin d'aide financière, donc, on en répartirait davantage? Est-ce que je comprends bien?

M. Jolicoeur: La proposition au sujet du système de prêts et bourses qui serait administré par l'université serait que le système viserait à couvrir seulement la portion des frais de scolarité. La portion des frais de subsistance serait laissée au gouvernement, c'est-à-dire la gestion des frais de subsistance. Notre idée sur cela, c'est qu'il serait même possible de plus que doubler les frais de scolarité si la portion bourse des frais de subsistance était augmentée. L'idée derrière cela, c'est que la principale barrière à la poursuite des études avancées, ce ne sont pas les frais de scolarité, mais ce sont les frais de subsistance. Donc, tous les étudiants bénéficieraient de bourses du gouvernement en ce qui concerne les frais de subsistance, mais en contrepartie ils paieraient des frais de scolarité relativement élevés qui, eux, seraient couverts, soit par des bourses d'excellence ou par des prêts remboursables au pourcentage du revenu pour couvrir la portion "frais de scolarité".

Pour répondre à votre question, il est sûr que cela amènerait une certaine différence entre les universités. Cela créerait même une certaine concurrence entre les universités afin d'avoir les bourses les plus alléchantes et d'attirer les meilleurs étudiants. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Il y aura peut-être lieu, pour le gouvernement, de faire certains paiements de transfert pour que ce soit un système concurrentiel et non pas un système injuste. C'est une possibilité à étudier. On n'a pas développé encore tous les détails de cette mécanique-là. On entend le faire à une

table de concertation sur les prêts et bourses.L'essentiel de notre argument, c'est que l'accessibilité doit être assurée par le programme de prêts et bourses. Si on a un programme de prêts et bourses de qualité, il est concevable d'augmenter les frais de scolarité. Merci.

Mme Blackburn: Dans votre mémoire, à la page 8, vous estimez qu'avec un bon régime d'aide financière aux étudiants une hausse n'aurait pas d'impact sur l'accessibilité. Ailleurs, on prétend le contraire. De toute façon, on peut penser que, pour les premières années, il y aurait effectivement un impact. Avez-vous fait une projection de ce que pourrait être cet impact sur les clientèles dans les universités et des effets d'une diminution de clientèle sur les budgets? Si vous avez moins de clientèles, vous allez avoir moins de revenus.

Une voix: M. Brodie.

M. Brodie: M. le President, if I could respond, our best estimate is that there would be no change in the size of the "clientèle universitaire" at McGill. That comes from looking at the situation that we have had with graduate students from foreign countries over the last few years. There has been a very real increase, a huge increase in the fees for foreign students and a drop overall in their numbers in Quebec universities. But at McGill, where graduates students are eligible for a great deal of financial aid, both from all levels of Governments and from the university itself, there has been no real change in the numbers of graduate students from foreign countries. So we can see with the case of foreign students, when there is a tuition fee increase, as long as there is a corresponding change in the financial aid offered to those students, there is no real decrease in the number of students that come to university. And there is no reason to think that what worked with foreign student won't happen with Canadian students as well.

Mme Blackburn: Avez-vous évalué ce qu'il en coûterait de gérer le régime d'aide financière dans chacune des universités du Québec?

M. Jolicoeur: Non. Cela se fait couramment dans d'autres pays pour couvrir et les frais de scolarité et les frais de subsistance. Comme je vous le disais, nous recommandons ce système-là seulement pour la partie des frais de scolarité. On croit que les frais de subsistance des étudiants devraient être à la charge du gouvernement. Mais on est bien conscient... D'ailleurs, il y a déjà un bureau qui s'occupe de cela à McGill et qui fait des prêts aux étudiants qui sont dans des situations difficiles, à partir de fonds de dotation. Ce bureau arrive à donner de bons services aux étudiants à partir des budgets qui lui sont alloués. On pense donc qu'il y aurait moyen de donner peut-être même un service plus personnalisé, si vous voulez, et de tenir compte d'éléments d'excellence pour ce qui est des frais de scolarité.

Mme Blackburn: Vous parlez des étudiants étrangers, à la page 10 de votre mémoire, en déplorant qu'on ait haussé les frais de scolarité et diminué la venue d'étudiants étrangers. Quelle est votre position sur cette question? Est-ce de les ramener au même niveau que les frais de scolarité des étudiants du Québec?

M. McCall: C'est une question difficile, madame. Nous pensons que les frais de scolarité pour les étudiants qui viennent de l'étranger sont déjà trop élevés. Nous ne recommandons pas, naturellement, une augmentation de ce tarif. Nous sommes bien conscients, madame, que des étudiants qui viennent du tiers monde ont habituellement beaucoup de difficulté à se trouver des fonds pour payer nos 5900 $ de frais de scolarité par année. Si nous pouvons trouver un moyen de les aider, par exemple par des ententes avec différents pays d'Afrique et d'Amérique du Sud, nous préférerions leur donner la même chance de venir à McGill que les étudiants canadiens.

Mme Blackburn: Le rapport Gobeil proposait une augmentation de 50 % de la tâche des professeurs. Quelle est votre réaction là-dessus?

M. McCall: 50 % de...

Mme Blackburn: La charge d'enseignement.

M. McCall: La charge d'enseignement. Si on avait prévu 50 places en philosophie et qu'au mois de septembre lorsque vous entrez dans votre première classe, vous trouvez une centaine de personnes, c'est déjà le double de travail pour corriger les devoirs, les "term papers" et les "essays". À McGill, il y a trop d'étudiants pour le nombre de professeurs. Si vous augmentez de 50 % notre charge de travail, en plus de cette augmentation de places, ce sera très difficile. J'ai des collègues qui travaillent déjà 80 heures par semaine pour l'enseignement, la recherche et l'administration. Sachez qu'à McGill nous faisons beaucoup d'administration nous-mêmes; c'est fait par les professeurs et non par des administrateurs professionnels. Je dois siéger à de nombreux comités, en plus de mes classes et de ma recherche. Une petite

augmentation, ce serait toujours possible, mais une grande augmentation, ce serait très difficile.

Mme Blackburn: Est-ce qu'on peut envisager raisonnablement une modulation de la tâche qui ferait que certains professeurs donneraient plus d'enseignement, que d'autres s'adonneraient davantage à la recherche?

M. McCall: M. Conway, que pensez-vous de cela?

M. Conway: M. le Président, à McGilI, la politique est de ne pas diviser la tâche de recherche et la tâche d'enseignement. Nous sommes d'avis que les deux sont liées très intimement; c'est très difficile d'établir deux classes de professeurs dans notre université. Nous sommes contre cette idée.

Le Président (M- Parent, Sauvé): Merci. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci. Comme le ministre nous a dit que cette commission parlementaire était très libérale, d'un très grand libéralisme et comme on a dit à plusieurs reprises que les professeurs visaient une très grande autonomie, tout comme les universités, je me suis permis de déposer un document devant cette commission, comme on me l'a demandé. Je pense qu'il faut bien définir le contexte: II y a des gens qui ont dénoncé la façon dont la discussion s'est déroulée à l'Association des étudiants. Le document a été déposé pour permettre à tout le monde de se faire entendre. Il reste que je ne suis pas tout à fait satisfait de la réponse qui m'a été donnée et je poserai la question suivante.

Des étudiants de différents groupes, que ce soit l'Association des étudiants postgradués, l'Association des étudiants en droit, l'Association des étudiants en travail social, l'Association des étudiants de premier cycle en génie, ainsi que des gens responsables de la coordination de la pétition nous indiquent, quant aux frais de scolarité -c'est le point essentiel du document - que les étudiants et étudiantes auraient voulu que la discussion soit plus approfondie et que votre conseil général et, par la suite, votre conseil exécutif... Ce sont deux conseils différents: dans un cas, au conseil exécutif, il y a cinq personnes; dans l'autre cas, vous me parliez de 26, on parlait d'une trentaine, mais je ne sais pas quel est le chiffre exact. Ce que j'ai compris de la discussion qu'on a eue avec ces gens, c'est que si vous aviez eu le temps de pousser plus à fond la consultation, peut-être que la décision aurait été différente de celle que vous proposez aujourd'hui.

Est-ce que j'ai raison ou si vous avez fait toute la consultation qui s'imposait, même malgré la contestation?

M. Brodie: M. le Président... (16 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez.

M. Brodie: ...c'est difficile à dire. Peut-être que notre mémoire aurait été différent si on avait fait des consultations. Mais, à McGill, nous avons un système de gouvernement étudiant très, difficile. L'association centrale est totalement indépendante de l'association de chaque faculté et chaque niveau de gouvernement étudiant a la même responsabilité. Dans la constitution canadienne, les gouvernements provinciaux ont leur propre responsabilité, le gouvernement fédéral a sa propre responsabilité. À McGill, ce n'est pas le cas. Chaque niveau de gouvernement a la même responsabilité. Alors, les associations étudiantes des facultés peuvent faire ce qu'elles veulent. L'Association des étudiants gradués a déposé son propre mémoire. Cela va avec le régime de gouvernement étudiant à McGill. Mais chaque faculté a un conseil exécutif et aussi un conseil des étudiants. J'ai fait toutes sortes de consultations auprès des membres du conseil des étudiants.

Maybe the brief would be different if we had done a greater deal of consultation with more students but, then again, perhaps not. We went through all the channels that we have to go through to prepare a memoir for "la commission parlementaire". We did that and this is the brief that we came up with. The brief was amenable to a majority of the members of the student council which is the group that must make the final decision. All those members, all the members of student council are democratically elected by students across the entire university. As well, Mr. Pickersgill, Miss Glassco and I are elected by all the students together in a campus wide election. You know, so democratic an organization can get, we have done as much as we could to prepare the memoir that we did.

M. Jolivet: Juste pour terminer, M. le Président. Dans le texte, on dit qu'il y a quatre membres sur cinq qui sont des étudiants étrangers au conseil exécutif. Vous avez mentionné qu'il y a environ 26 membres à votre conseil étudiant. Est-ce qu'il y aurait possibilité que les membres de la commission reçoivent de votre part une confirmation officielle des noms de gens qui composent le conseil des étudiants?

M. McCall: Peut-être que M. Jolicoeur voudrait répondre à votre question.

M. Jolicoeur: Ce serait fort possible de le faire. On parle d'étudiants étrangers -attention - étudiants québécois, étudiants

canadiens. Il faudrait faire attention.

M. Jolivet: Le terme est bien clair. On a parlé tout à l'heure de Québécois en termes de demandes...

M. Jolicoeur: D'accord.

M. Jolivet: ...et ensuite de Canadiens. Étrangers, c'est hors Canada»

M. Jolicoeur: D'accord. Il n'y a pas d'étudiants étrangers, que je sache, ni à l'exécutif, ni au conseil étudiant. Si vous voulez avoir plus de précisions là-dessus, il n'y a pas de problème, on va vous envoyer cela. À mon avis, il y a environ six étudiants d'une autre province que le Québec au conseil étudiant; c'est peut-être huit, c'est peut-être quatre. On peut vous envoyer ces choses-là d'une façon exacte.,

Quant à la nature du mémoire, vous devez réaliser que l'été, c'est difficile de faire de la consultation. Le format nous a été imposé par le gouvernement. On avait une date fixe à laquelle il fallait présenter notre mémoire; c'est une contrainte. Je ne pense pas que le mémoire aurait été radicalement différent. Il y aurait peut-être eu certaines modifications à certains éléments du mémoire, mais, pour l'essentiel, les mêmes idées fondamentales seraient ressorties.

J'aimerais vous faire remarquer que nous ne sommes pas les seuls étudiants au Québec à parler de hausse des frais de scolarité. Le consensus qui semble se dégager chez certains groupes étudiants - et c'est le consensus qu'on aurait adopté - c'est que doubler les frais de scolarité, c'est une idée qu'il faut considérer si on veut ouvrir le débat avec le ministre de l'Éducation sur la réforme des prêts et bourses. Maintenir une position complètement gelée sur la question des frais de scolarité, cela ne ferait avancer le débat nullement, parce que, selon nous et selon plusieurs étudiants dans la province, doubler les frais de scolarité, ce serait juste rétablir une situation qu'on pourrait juger plus normale où les étudiants de McGill, les étudiants des HEC, les étudiants de polytechnique paieraient à peu près les mêmes frais que les étudiants paient ailleurs au Canada.

S'il y a des problèmes d'accessibilité au Québec c'est avec le régime des prêts et bourses qu'on va le régler, ce n'est pas en subventionnant les frais de scolarité pour des étudiants qui, pour certains, n'ont même pas besoin de subvention et qui pourraient payer plus.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Jolicoeur.

Pour conclure, je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science.

Mme Blackbum: Merci, M. le Président. Peut-être une question en conclusion et ce serait tout pour mes cinq minutes.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il y a consentement, d'accord.

Mme Blackburn: Je voulais demander aux étudiants comment ils réagissaient à la formule qui était proposée par les jeunes du Parti québécois, qui m'apparaît une formule plus équitable, c'est-à-dire l'impôt-études.

Une voix: Le fameux POET? Mme Blackburn: Oui.

Une voix: Luc, voulez-vous approfondir cette question?

M. Jolicoeur; On pense que la logique de cette formule est bonne. Essentiellement, quand on dit que le gouvernement devrait prendre en charge les frais de subsistance et que les universités devraient avancer des prêts pour la portion frais de scolarité et que ceux-ci devraient être plus élevés, on arrive à une formule qui est très semblable. La seule différence, c'est qu'il n'y aurait pas de transfert de revenu d'une classe sociale à l'autre pour ce qui est de la partie frais de scolarité. On pense qu'il y a des problèmes avec cette idée d'égaliser les chances. Par exemple, si un parent veut payer pour l'éducation de son enfant, je ne pense pas qu'on devrait l'empêcher de le faire. C'est pourquoi on a retenu plutôt une formule de prêt avec remboursement selon un pourcentage du revenu pour ce qui est des frais de scolarité et le gouvernement subventionnerait les frais de subsistance. L'égalisation socio-économique devrait se faire au chapitre des frais de subsistance à notre avis parce que la portion des frais de scolarité représente un investissement que l'étudiant fait. Quand l'étudiant décide d'entrer à l'université, c'est un investissement de temps et d'argent qu'il fait pour pouvoir recevoir des revenus plus élevés dans le futur.

Mme Blackburn: Merci. Je voudrais, au nom de ma formation politique, vous remercier de votre participation à cette commission parlementaire. Toutes les interventions sont bienvenues ici. Cependant, vous comprendrez mon hésitation à voir augmenter les frais de scolarité; passer de 500 $ à 2500 $ cela m'apparaît un peu excessif. Nous dire comme cela que cela n'aurait pas d'effet sur l'accessibilité, j'en doute.

Par ailleurs, je voudrais voir le ministre

réagir à votre hypothèse de faire des prêts pour les frais de scolarité - que vous prendriez à même les frais de scolarité pour ceux qui ne seraient pas en mesure de payer, donc, ce seraient des prêts - alors que les bourses devraient être totalement assumées par le gouvernement, si je comprends bien votre raisonnement. Cela veut donc dire que, actuellement, en prêtant, cela coûte moins cher que de le donner en bourses. Ce qui coûte le plus cher, vous le refilez au gouvernement et ce qui vous revient, dans la mesure où il y a des prêts pour les frais de scolarité, c'est un prêt que vous faites aux étudiants. Cela m'apparaît un peu difficile.

M. Jolicoeur: Est-ce que je peux me permettre un commentaire?

Mme Blackburn: De toute façon - je verrai si le président accepte - je voudrais vous remercier au nom de ma formation politique de votre participation à cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Étant donné que nous sommes ici pour vous entendre, je suis beaucoup plus tolérant envers nos invités qu'envers nos députés. Je vous permets une dernière remarque.

M. Jolicoeur: Le commentaire est simple. Je pense qu'en augmentant les frais de scolarité il y aurait moyen d'apporter des revenus très importants et qu'il pourrait y avoir une certaine égalisation. C'est un système qui devrait être étudié. C'est un système qu'on propose à long terme. On ne dit pas: Demain matin, on va mettre cela en application. Pour ce qui est du présent, comme je le disais, l'idée d'une augmentation ou de doubler les frais de scolarité, ce serait acceptable.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci de votre point de vue.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je vous remercie, messieurs et madame, de votre contribution à nos débats. Vous nous avez apporté des idées qui sont loin de manquer d'intérêt. Elles demandent d'être examinées de manière plus approfondie et nous allons le faire. Il nous fera plaisir d'examiner en particulier toute la question de l'aide financière aux étudiants d'une manière plus approfondie. Vous proposez des modes d'aménagement des services rendus aux étudiants au titre des bourses et des prêts qui sont assez différents de ce que nous avons. Je sais que McGill a une tradition de ce côté-là qui lui permet de regarder plus facilement dans cette direction-là parce qu'il y a beaucoup de fonds particuliers qui visent précisément un effet comme celui-là, alléger la charge des frais de scolarité. Je crois que c'est très bien. Est-ce qu'on peut généraliser une chose comme celle-là? J'en doute personnellement, mais on va examiner cette formule avec beaucoup d'autres. Je dirai à M. Jolicoeur que nous serons intéressés à poursuivre le dialogue sur toute la question de la réforme de l'aide financière. Il y a des choses qui sont en travail actuellement. Nous sommes à examiner diverses hypothèses de ce côté-là. Je pense bien qu'au cours des prochains mois nous serons en mesure de faire connaître les modifications ou les améliorations possibles.

J'apprécie l'effort concerté que vous avez fait ensemble, professeurs et étudiants, pour prendre sur vos épaules votre part des problèmes de votre université. Nous disons toujours que l'université est une communauté, sans quoi elle n'a pas pleine justification de son nom. Je pense que la démarche que vous avez faite indique une recherche, en tout cas, de cet esprit de communauté qui est de bon aloi et je vous félicite de l'intérêt que vous portez à votre institution. Vous n'en avez pas parlé comme d'une chose étrangère ou extérieure et je l'ai vivement apprécié. Je voudrais vous demander aussi de transmettre à ceux des membres de votre conseil de direction, M. Brodie, qui sont d'autres provinces du Canada, qu'aux yeux du gouvernement ils ne sont pas des étrangers. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. McCall.

La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux et nous accueillerons dans quelques minutes les représentants de l'Université de Sherbrooke. Je rappelle aux membres de la commission parlementaire que nous accusons actuellement un retard d'une heure et quart sur notre calendrier de travail d'aujourd'hui.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Parent, Sauvé): La commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux et accueille les représentants de l'Université de Sherbrooke. L'Université de Sherbrooke est représentée par son recteur, M. Aidée Cabana. M. Cabana, bonjour et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission parlementaire de l'éducation de venir nous rencontrer et nous aider dans notre recherche de solutions en vue d'améliorer le cadre de financement ainsi que les orientations du réseau universitaire québécois. M. Cabana, la commission parlementaire a prévu de vous réserver environ une heure et demie, de façon à vous entendre et à

réserver le temps pour une bonne période d'échange de propos avec les membres de cette commission. On m'informe que des pourparlers ont eu lieu entre vos représentants et les nôtres de façon que le temps soit réparti comme suitî 15 à 20 minutes pour présenter verbalement votre mémoire; la balance du temps sera consacrée aux discussions, à parts égales entre les deux formations politiques.

M. Cabana, si vous voulez bien nous présenter . les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire. Au moment de la période de questions, sentez-vous bien à votre aise si vous voulez passer le micro aux gens qui vous accompagnent pour répondre. Ce que nous recherchons ce n'est pas nécessairement un cadre formel mais les meilleurs renseignements et les meilleures informations. Nous allons tâcher de faire cela de la façon la plus informelle possible de façon à atteindre nos objectifs. Alors, M. Cabana, nous vous écoutons.

Université de Sherbrooke

M. Cabana (Aldée): Je vous remercie, M. le Président. II m'est agréable de vous présenter les personnes qui m'accompagnent à cette table. Ils sont tous membres du comité exécutif de l'Université de Sherbrooke. Tout d'abord, à mon extrême droite, M. Jean-Louis Levesque qui est le secrétaire général; à ma droite immédiate, M. Richard Béland, vice-recteur à l'administration. À ma gauche immédiate, M. Jacques Auger, vice-recteur aux ressources humaines et à mon extrême gauche, M. Bernard Bénard, vice-recteur à la recherche.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Bénard, bienvenue.

M. Cabana (Aldée): J'aimerais aussi, M. le Président, souligner la présence dans cette salle de plusieurs doyens de faculté et de présidents de plusieurs associations et de syndicats d'employés, de professeurs ou d'autres types de personnel de l'Université de Sherbrooke, du chef de cabinet de Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et députée de Saint-François. Je voudrais finalement souligner la présence de M. Vigneault, éditorialiste au quotidien La Tribune de Sherbrooke.

L'Université de Sherbrooke remercie la commission parlementaire de l'éducation de cette invitation à venir présenter devant elle le mémoire qu'elle a soumis. Nous espérons vivement que notre mémoire, de même que les réponses que nous pourrons fournir aux questions qui nous seront posées, sauront faire avancer les travaux de la commission.

Si vous le permettez, M. le Président, je prendrai quelques minutes pour faire ressortir le thème principal que nous développons dans notre mémoire, après quoi je retournerai au texte que nous avons déposé pour en faire ressortir certains passages qui nous apparaissent particulièrement importants.

Le thème central de notre mémoire concerne la mission de l'université. Notre prétention veut que cette mission soit pour ainsi dire à multiples facettes en ce que la société compte depuis longtemps, et encore aujourd'hui, sur l'université pour satisfaire de nombreux besoins tant au niveau de l'enseignement supérieur, de la recherche fondamentale et appliquée que de ce qu'il est convenu d'appeler les services aux collectivités. Nous croyons avec d'autres qu'il est de la responsabilité de l'université de répondre à ces besoins et que le mandat que la société confie à l'université comporte toutes ces facettes. Nous affirmons que c'est là une réalité qui doit être omniprésente au sein des réflexions suscitées par les travaux de cette commission parlementaire sur les orientations et le cadre de financement. Une formule de financement qui ne serait pas fondée sur cette réalité n'aboutirait pas à donner aux universités les moyens nécessaires à l'accomplissement du mandat qui leur est confié.

Dans ce mémoire, nous affirmons de plus que l'Université de Sherbrooke a toujours été consciente de ses responsabilités et qu'elle a constamment essaye, dans la mesure du possible, de remplir non seulement sa mission d'enseignement, mais aussi toutes les autres missions qui font également partie de son mandat. Mais force est de constater que les budgets dont elle dispose aujourd'hui sont insuffisants et qu'ils ne sont pas non plus alloués en fonction de toutes les responsabilités dont elle a la charge. Conséquemment, l'Université de Sherbrooke formule six recommandations spécifiques qui, si elles étaient retenues, lui permettraient de répondre plus adéquatement aux attentes légitimes de la société envers elle, tout en l'aidant à sortir d'une crise financière extrêmement grave.

Voilà résumé le thème principal de notre mémoire. Je m'attarderai donc maintenant à faire ressortir certains passages plus particulièrement importants de ce mémoire, passages tirés de son introduction, de ses quatre chapitres et de sa conclusion, tout en suivant le même ordre de présentation que celui qu'on retrouve dans notre mémoire.

Pour ce qui est de l'introduction, vous me permettrez d'attirer votre attention sur le passage suivant: "Les espoirs que suscitent les travaux de la commission parlementaire sont grands et il est absolument nécessaire qu'ils conduisent, cette fois, à des solutions valables et durables. L'Université de Sherbrooke souhaite ardemment que ses

travaux permettent non seulement de constater à nouveau qu'il est urgent de mettre un terme définitif à des compressions budgétaires répétées, dont l'effet cumulatif est devenu insupportable, mais aussi qu'il est impérieux d'établir une formule de financement stable qui donne les ressources nécessaires pour remplir les diverses missions que la société lui a confiées et dont dépend en grande partie l'avenir du Québec."

Le premier chapitre de notre mémoire est intitulé: Pour un financement adapté aux missions de l'université. On y développe deux sujets à savoir la mission de l'université et les caractéristiques de l'Université de Sherbrooke.

Voici quelques extraits de ce chapitre que l'on peut trouver à compter de la page 2. La demande pressante des universités québécoises pour un financement accru se justifie par la teneur de son objectifs doter les universités de moyens leur permettant de remplir leur mission à la mesure du mandat que leur a confié la société. C'est bien la question de la mission de l'université qui est au coeur du présent débat sur les orientations du financement universitaire. Si la société confie à l'université l'éducation, la formation de ses élites et le développement de la recherche, elle doit lui allouer des ressources adéquates. Lorsque celles-ci sont insuffisantes ou, pis encore, lorsqu'elles lui sont retirées, comme on l'a vu à la suite d'une imposition constante de compressions budgétaires, c'est sa capacité même de s'acquitter de ses missions qui est directement atteinte. Voilà une réalité qui doit être omniprésente au sein des travaux et réflexions suscités par cette commission parlementaire.

Certes, ce n'est pas une tâche facile que de tenter de cerner la mission de l'université dans ses divers domaines d'application. Bien souvent, ce sont les attentes d'un groupe à l'égard de l'université qui orientent sa perception et son jugement. À ce propos, le Conseil des universités soulignait, dans son dernier avis, sur le financement des universités, que la majorité des gens considère ces dernières plutôt sur des plans particuliers que de façon globale, et je cite: "Les jeunes étudiants en attendent une formation initiale dans une discipline scientifique ou professionnelle. Les employeurs y recherchent des étudiants bien formés capables d'apporter une contribution à leur entreprise et des idées susceptibles de les faire progresser. Les organismes sociaux en attendent des services. Les adultes et les professionnels souhaitent y trouver des compléments de formation et des possibilités de recyclage. Les régions et les gouvernements la considèrent comme une source de développement économique et culturel."

Toutes ces attentes sont légitimes, poursuivait le Conseil, et font partie des missions de l'université. Mais aucune, précisait-il, n'englobe toute l'université et ne rend parfaitement compte de son caractère unique.

Toute cette question des orientations du financement universitaire doit donc être examinée en fonction des missions de l'université. La qualité de l'enseignement et de la recherche a déjà été sérieusement affectée par la politique de compression des dernières années et, faute d'effectuer un virage important à cet égard, les choses ne pourront que se détériorer davantage.

Si l'Université de Sherbrooke insiste pour lier de façon indissociable la question du financement du réseau universitaire et celle des missions de l'université, c'est qu'elle a toujours été soucieuse de répondre aux attentes légitimes dont fait état le Conseil des universités dans un avis précité, sans s'être vu attribuer pour autant, du moins dans les dernières années, les ressources nécessaires à la poursuite de ses diverses missions. Ce n'est pas ici le moment d'exposer de façon exhaustive les pôles de développement de l'Université de Sherbrooke. Il y a lieu toutefois d'invoquer quelques faits significatifs, qui permettront de faire ressortir l'un ou l'autre trait attestant son souci d'excellence et son développement de la recherche.

Implantée au coeur de l'Estrie pour répondre au besoin de formation universitaire de jeunes francophones de la région, l'Université de Sherbrooke a réussi en peu d'années à offrir une accessibilité à l'éducation supérieure conforme à la politique du gouvernement du Québec en matière d'éducation. De petite université qu'elle était à ses débuts, elle est vite passée au rang des universités de taille moyenne, avec une clientèle qui dépasse actuellement 10 000 étudiants (équivalence temps complet).

Ses étudiants, l'Université de Sherbrooke les recrute bien au-delà des frontières de sa région immédiate. De fait, 70 % de ses étudiants à temps complet proviennent de l'extérieur de la région de l'Estrie. Cette caractéristique particulière de la clientèle étudiante qu'attire l'Université de Sherbrooke engendre une autre caractéristique non moins importante de l'établissement: la très forte majorité de ses étudiants, soit environ 85 %, est composée d'étudiants réguliers à temps complet.

La dimension pratique de la formation offerte à l'Université de 5herbrooke dans un grand nombre de programmes constitue sans doute à cet égard l'une des caractéristiques les mieux connues. Ce qui identifie le mieux la formation pratique offerte à Sherbrooke, c'est évidemment le régime coopératif qui permet l'alternance des sessions d'études et des stages rémunérés en milieu de travail. Ce régime est le premier en importance au Québec et le deuxième au Canada.

Parallèlement, la recherche scientifique a connu un développement spectaculaire à l'Université de Sherbrooke au cours de la dernière décennie: les dépenses de recherche y ont pratiquement quintuplé. Les centres, les équipes et les groupes de recherche se sont multipliés et, encore tout récemment, l'Université de Sherbrooke se distinguait à cet égard en se voyant attribuer huit des 43 projets retenus dans le programme provincial d'actions structurantes. L'Université de Sherbrooke se situe au deuxième rang des universités québécoises pour la proportion de ses dépenses de recherche par rapport à ses autres dépenses de fonctionnement.

Enfin, l'enracinement de l'Université de Sherbrooke dans sa région se reflète notamment par la qualité de ses interventions et des apports divers reliés au rayonnement d'un centre hospitalier universitaire, d'un centre culturel et d'un centre sportif.

Ce bref exposé sur le développement et les caractéristiques de l'Université de Sherbrooke, bien que forcément très incomplet, illustre la diversité des attentes des divers groupes à l'endroit de l'université et par voie de conséquence la variété et l'importance des missions qui lui incombent. Si l'enseignement supérieur a souvent été considéré comme la principale et la plus visible des missions de l'université, il ne fait plus de doute aujourd'hui qu'il ne s'agit là que d'un aspect d'une réalité plus vaste et plus complexe. Aussi complète soit-elle, toute étude sur le financement du réseau universitaire qui omettrait ces autres aspects de la réalité pour s'en tenir à la seule analyse des coûts de la mission enseignement serait une étude tronquée qui ne permettrait pas d'apporter une juste et équitable solution à la crise actuelle. (16 h 30)

Le deuxième chapitre traite de la situation financière des universités. À ce stade-ci des travaux de la commission, nous savons que cet aspect a été amplement présenté. Aussi, nous nous limiterons à exposer ta situation de l'Université de Sherbrooke spécifiquement décrite à compter de la page 9 de notre mémoire.

Parmi les établissements en proie à l'actuelle situation de crise, l'Université de Sherbrooke est certainement l'une des plus touchées dans tout le réseau universitaire québécois. Une brève description des diverses étapes qui ont abouti à une telle situation permettra aux membres de la commission parlementaire de se faire une meilleure idée des problèmes particuliers de l'Université de Sherbrooke.

En 1969-1970, l'Université de Sherbrooke avait quinze ans. En pleine croissance, elle était déjà aux prises avec des difficultés financières sérieuses. En prenant justement cette année difficile comme année de base de sa nouvelle formule de financement, le ministère de l'Éducation a refusé de corriger la situation déficitaire de l'université. La formule adoptée alors, dite méthode historique, a eu sur elle un impact désastreux. Au terme de l'année 1974-1975, le déficit accumulé par l'université se chiffrait à 7 100 000 $.

Un protocole d'entente intervenu par la suite entre le ministère et l'université a permis de financer ce déficit grâce à un prêt à long terme du gouvernement, sans intérêt et remboursable sur une période de dix ans.

De 1975-1976 à 1980-1981, l'hypothèque du déficit étant levée, l'université a réussi non seulement à maintenir l'équilibre budgétaire sur l'ensemble de ces six années, mais elle a pu réaliser également un surplus de fonctionnement de l'ordre de 3 000 000 $ qui a réduit le déficit accumulé. Les remboursements annuels du prêt à long terme effectués conformément au protocole d'entente en ramenaient le solde à 5 000 000 $ à la fin de l'année 1980-1981.

Il importe de souligner que ce résultat remarquable a pu être atteint malgré trois années successives de compressions budgétaires imposées par le ministère à compter de 1978-1979.

En 1980-1981, l'Université de Sherbrooke a été frappée très durement par les nouvelles compressions budgétaires, notamment celle portant sur l'indexation de 4,2 % des masses salariales alors que, selon les ententes négociées et signées en conformité avec la politique salariale gouvernementale, les besoins étaient de 17 %. Privée de toute marge de manoeuvre, l'université, qui venait à peine de rétablir son équilibre budgétaire, s'est vu plongée une fois de plus dans une situation déficitaire. Malgré le gel des postes, le renvoi des plus jeunes professeurs, le renvoi de professionnels et une importante compression au chapitre des masses salariales complémentaires et des autres dépenses, les états financiers au 31 mai 1981 révèlent que l'université a, en cette seule année, ajouté à son déficit accumulé une somme de 3 800 000 $.

Les compressions additionnelles imposées à l'université depuis lors l'ont empêchée de rétablir l'équilibre budgétaire, malgré de sérieux et constants efforts en ce sens. C'est ainsi que le budget de fonctionnement 1986-1987, adopté récemment, contient des mesures visant à réduire de plus de 4 200 000 $ le déficit annuel qui se serait élevé à 5 700 000 $ à la suite des nouvelles compressions. N'eût été de ces nouvelles compressions, les mesures que nous avons prises auraient pu permettre l'atteinte de l'équilibre budgétaire dès 1987-1988. Ces nouvelles compressions nous forcent une fois de plus à faire un déficit.

II faut noter que les frais financiers entraînés par ce déficit seront en 1986-1987 de 1 000 000 $, soit 1,5 % de la subvention globale.

Le troisième chapitre concerne le niveau de financement des universités. Il y est successivement question des sources de revenus, de l'insuffisance des ressources et des conséquences du sous-financement.

Quant aux sources de revenus, on attire l'attention à la page 12 sur le fait qu'alors qu'en 1972-1973, les frais de scolarité représentaient environ 19 % des revenus des universités du Québec et de l'Ontario, en 1982-1983, ce type de revenus a diminué de moitié au Québec, alors qu'il est demeuré relativement stable en Ontario. Les autres revenus, soit les dons en provenance de toutes sortes, sont à peu près inexistants à l'Université de Sherbrooke. L'université consentira les efforts nécessaires pour accroître ce type de revenus, mais ce n'est qu'à moyen terme que des résultats tangibles peuvent être atteints.

Sur l'insuffisance des ressources, on souligne, aux pages 14 et suivantes, que ce ne sont pas uniquement les universités, mais le Conseil des universités et l'entreprise privée qui déplorent l'insuffisance des ressources dont disposent les universités. Tous s'accordent pour implorer le gouvernement d'accorder aux universités les sommes requises pour un fonctionnement normal qui leur permettra d'exécuter les mandats qui leur sont confiés.

En regard des conséquences du sous-financement, le mémoire que vous présenteront aujourd'hui les syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke fait état de certaines conséquences du sous-financement et apporte à ce titre des précisions additionnelles aux données que nous présentons dans notre mémoire. Je me limiterai donc, à cet égard, à vous présenter plus sommairement les principaux points soulevés dans notre mémoire concernant cette question, conscient qu'un complément d'information vous sera tantôt donné.

À notre avis, peut-on lire à compter de la page 16, le déficit accumulé des universités est une conséquence directe du sous-financement des établissements par le gouvernement. Les compressions imposées ont dépassé largement la marge de manoeuvre dont disposaient les administrations. Les universités doivent financer elles-mêmes leurs déficits accumulés et, en conséquence, une partie grandissante de leurs ressources pour fins de fonctionnement doit être consacrée à l'acquittement des intérêts qui en découlent.

On a souvent répété que la qualité de l'enseignement universitaire s'est considérablement détériorée à la suite des compressions. Le Conseil des universités, la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, la Commission Bovey et des représentants de l'entreprise privée ont tenté de sensibiliser le public et les bailleurs de fonds à cette dégradation de la qualité.

Il faut bien admettre que dans un domaine tel celui de l'enseignement supérieur, la recherche et les autres missions de l'université, la qualité a, par nature, un caractère hautement subjectif. En conséquence, il est difficile d'établir des paramètres précis qui permettent de la quantifier. Cependant, les organismes subventionnaires ou les organismes d'agrément des facultés professionnelles reconnaissent que certains facteurs ont un impact direct sur la qualité de l'enseignement ou de la recherche universitaire. Parmi les plus significatifs, on retiendra: la qualité et la structure d'âge du corps professoral, la charge de travail du corps professoral et le ratio étudiants-professeur, le moral du personnel, la taille des groupes, les acquisitions des bibliothèques, l'état de l'équipement des laboratoires et l'entretien des installations.

Au départ, il faut bien admettre qu'aucun de ces facteurs ne permet une mesure directe de la qualité. Il y a toutefois consensus pour affirmer que la détérioration de n'importe quel de ces facteurs entraîne une détérioration de la qualité de l'enseignement et de la recherche universitaires. Les conséquences du sous-financement sur chacun de ces facteurs seront maintenant discutées.

Les contraintes financières ont empêché les universités de poursuivre une politique d'embauche assurant un équilibre dans la structure d'âge du personnel. Depuis 1973, l'Université de Sherbrooke subit des compressions budgétaires qui l'ont forcée à une politique d'embauche très prudente. La compression de 1980-1981 a forcé l'université à mettre à pied tous les professeurs qui n'avaient pas encore acquis la permanence à l'exception de ceux appartenant aux secteurs en pleine croissance qui souffraient déjà d'une sérieuse carence de personnel. Depuis lors, le recrutement est très rare et uniquement dans des secteurs en croissance rapide où le ratio étudiants-professeur est devenu intolérable.

Afin de minimiser leur déficit budgétaire, les divers établissements ont dû accroître leur clientèle étudiante sans augmentation sensible de leur personnel. La réalité à l'Université de Sherbrooke, c'est que le nombre total d'employés a même été réduit. On a assisté à un accroissement général du ratio étudiants-professeur. De plus, puisque l'accroissement du nombre d'étudiants n'a pas été uniforme dans tous les secteurs du savoir mais plus important dans certains secteurs spécifiques, il en résulte que les ratios de ces secteurs ont subi un accroissement plus considérable que

ne le laissent apparaître les statistiques globales.

L'avis du Conseil des universités sur les orientations du financement universitaire signale que les bibliothèques des universités du Québec sont les moins bien pourvues au Canada. De fait, cette situation subira encore une dégradation relative. Les nouvelles compressions budgétaires imposées et la faiblesse relative du dollar canadien équivaudront encore une fois à une diminution des abonnements aux périodiques et des achats de monographies.

Le budget consacré à l'acquisition d'équipement scientifique, à son entretien et à l'entretien des installations physiques est tout à fait inadéquat. En outre, les installations physiques vieillissent et le sous-financement a empêché l'Université de Sherbrooke d'assurer un entretien préventif adéquat. II sera donc nécesaire de consacrer une part importante du budget d'investissement aux réparations très urgentes. Malgré une hausse considérable du nombre d'étudiants dans les domaines liés au virage technologique et un besoin accru d'équipement de plus en plus sophistiqué, ce budget n'a subi aucune croissance, au contraire. II ne fait aucun doute que la qualité de l'équipement scientifique mis à ta disposition de nos professeurs et de nos étudiants s'est détérioré de façon constante au cours des dix dernières années.

Les conséquences négatives qu'entraîne le sous-financement sur la capacité de l'université de bien remplir sa mission amènent l'Université de Sherbrooke à s'associer à la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, au Conseil des universités et aux nombreux autres intervenants pour souligner la nécessité d'injecter dans le réseau des universités du Québec de nouvelles ressources. À ces fins, l'université recommande que cesse toute forme de compression, notamment les réductions de l'enveloppe générale, le non-financement au coût réel des croissances d'inscriptions, les prélèvements et les non-indexations; que de nouvelles ressources soient injectées dans le réseau pour fins de fonctionnement et d'investissements.

C'est une somme supérieure à 130 000 000 $ qu'il faudrait injecter dans l'enveloppe de fonctionnement. Une telle injection de ressources peut paraître exorbitante. Toutefois, elle ne suffirait même pas à assurer aux universités du Québec des ressources comparables à celles de l'Ontario qui, malgré un accroissement de leurs subventions, cette année, demeurent parmi le universités canadiennes les moins bien financées.

Compte tenu que le déficit accumulé des universités découle de compressions importantes, répétées et non suffisamment étalées dans le temps, l'Université de Sherbrooke recommande que les déficits accumulés des universités soient assumés par le gouvernement.

Face aux difficultés financières qu'éprouve l'État à assurer un financement des universités qui leur permettrait de maintenir certains foyers d'excellence, l'université recommande que des mesures appropriées soient prises afin d'assurer aux universités un accroissement des revenus autres que ceux qui proviennent de la subvention d'équilibre et qu'à cette fin soient adoptées des mesures fiscales propres à inciter les individus et les entreprises à appuyer l'université de leur choix, et que soit évaluée la possibilité d'accroître les frais de scolarité tout en s'assurant que des dispositions appropriées seront prises pour préserver nos acquis en matière d'accessibilité.

Le chapitre 4 aborde la question des orientations du financement. En voici certains extraits que vous retrouverez à partir de la page 22.

Depuis une vingtaine d'années, les autorités gouvernementales du Québec ont mis l'accent sur une politique d'accessibilité à l'enseignement supérieur, politique qui s'est doublée par la suite d'une préoccupation de ramener les coûts à un niveau comparable à ceux de la province d'Ontario. Les mesures de compression, faites de prélèvements et de non-indexation des dépenses, ont porté atteinte à la base du financement des établissements. (16 h 45)

L'accessibilité à l'enseignement universitaire peut se concevoir de diverses façons. On peut souhaiter une plus grande fréquentation de l'université. On peut surtout désirer que non seulement un plus grand pourcentage de population ait accès à un enseignement universitaire mais qu'un plus fort pourcentage bénéficie pleinement et entièrement de ce que sont les missions de l'université de transmettre et développer le haut savoir.

Sur ce plan, les analyses du Conseil des universités, reprises en partie dans un récent document du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, soulignent des carences inquiétantes de l'objectif d'accessibilité. En regard de l'Ontario, l'écart dans le taux d'accès au baccalauréat chez les jeunes va en s'accroissant au détriment du Québec et surtout de sa population francophone. De plus, la diplomation aux cycles supérieurs reste déficitaire et s'accompagne d'une faiblesse de la compétitivité dans le domaine de la recherche, à en juger par la performance aux concours nationaux.

L'Université de Sherbrooke estime que les carences relevées au chapitre d'une accessibilité pleine et entière sont le résultat

direct d'une politique de financement inappropriée pour l'accomplissement des missions de l'université. L'université croit qu'il y a lieu de développer une politique de financement soucieuse des diverses facettes de la vocation universitaire. Ce faisant, on évite de mettre en cause la personnalité propre de chaque établissement et de couper court à toute initiative susceptible de permettre à chacune de répondre aux attentes de la société. Certes, le gouvernement est investi de la responsabilité d'établir les grandes orientations sociétales et de se donner les moyens pour les réaliser. La politique qui les sous-tend devrait s'appuyer sur le respect de l'ensemble des missions de l'université, sans quoi elle alimente des sources d'incohérence et de déséquilibre qui forcent à des ajustements ponctuels et périodiques, minent la stabilité financière des établissements et conduisent ceux-ci à péricliter.

Ceci amène l'Université de Sherbrooke à recommander que le cadre du financement gouvernemental aux établissements universitaires s'appuie sur les orientations fondamentales suivantes, à savoir que toute formule de financement tienne compte de l'ensemble des missions de l'université et repose sur l'analyse adéquate des activités qui les sous-tendent; que les règles de financement s'appuyent sur des paramètres stables et transparents, annoncés à l'avance et dont l'application repose sur des analyses produites en concertation avec les établissements.

Dans une étude comparative qu'il publiait en 1984, le ministère a proposé les éléments d'une formule multifactorielle dans une perspective de réajustement des bases de financement des établissements. Cette étude nous a paru une amélioration substantielle puisqu'elle incorporait quelques paramètres qui, à l'analyse, conditionnent la réalisation des missions universitaires. Dans la foulée des orientations fondamentales proposées plus haut, l'université désire développer davantage les paramètres qu'elle estime essentiels dans une formule de financement gouvernemental de l'enseignement supérieur et soumet à ce sujet certaines propositions explicitées dans notre mémoire.

Les paramètres à considérer sont les suivants: la structure disciplinaire de l'établissement; le niveau des activités de recherche; les cycles d'étude; le poids relatif de la clientèle à temps complet en regard de celle à temps partiel; la taille de l'établissement; l'éloignement; le respect de certaines formules pédagogiques.

L'ensemble de ces éléments constitue ce que l'on pourrait appeler le profil de base ou la personnalité de chaque établissement. Quelques-uns d'entre eux ont déjà fait l'objet de considérations particulières dans le financement des établissements et nous croyons qu'en toute équité ils devraient tous être pris en compte dans une politique de financement. C'est ainsi que l'étude comparative publiée par le ministère en 1984, étude qui a retenu plusieurs paramètres ci-dessus mentionnés, s'est avérée une amélioration substantielle sur d'autres études similaires dont la base d'analyse s'adresse principalement à la problématique d'enseignement surtout de 1er cycle.

L'Université de Sherbrooke s'oppose fermement à toute formule de financement dont la méthodologie ne s'appuierait pas sur une évaluation réaliste des dépenses encourues pour l'accomplissement des missions universitaires. Une telle formule ne peut reposer sur des coûts per capita à moins qu'ils ne soient normalisés en fonction des paramètres dont il a été fait mention.

Permettez-moi enfin de conclure cette présentation en rappelant encore une fois que l'Université de Sherbrooke a voulu d'abord attirer l'attention sur les attentes de la société à son endroit et sur la diversité des missions qui en découlent et qu'elle a assumées. Elle a surtout voulu démontrer à cet égard l'importance de considérer l'ensemble de ces missions lorsqu'il s'agit de définir les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire. Aucune solution juste et équitable ne peut être apportée au problème du financement des universités sans cette préoccupation fondamentale.

L'Université de Sherbrooke a tenu en outre à partager et à faire siennes ces demandes répétées en provenance de tous les milieux pour que soit mis définitivement un terme aux compressions budgétaires des dernières années et surtout pour que soit accordé aux universités un niveau de ressources qui leur permette de remplir adéquatement leurs missions. L'insuffisance actuelle des ressources, maintes fois établie et démontrée par des organismes dont la crédibilité ne peut être contestée, a compromis sérieusement le système d'enseignement supérieur. Les universités ne pourront relever de nouveaux défis si la situation n'est pas rapidement corrigée.

L'Université de Sherbrooke est fort consciente du caractère limité des moyens dont dispose le gouvernement. L'ajout des ressources nouvelles requises implique donc forcément des choix politiques. Elle croit toutefois que l'heure est venue de faire ces choix en faveur d'un système d'enseignement supérieur de qualité, car c'est l'avenir même de la société québécoise qui en dépend.

Enfin, l'université tient à exprimer ses remerciements à la commission parlementaire de l'éducation pour l'occasion qu'elle lui a donnée de venir exposer ses vues sur ces questions qui préoccupent grandement tous ceux qui s'intéressent à l'enseignement supérieur. Elle réitère aussi le voeu déjà

exprimé que les travaux de la commission conduisent à des solutions valables et durables pour l'ensemble des universités et pour elle-même. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Cabana. Je donne la parole à M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je vous remercie, M. le Président. M. Cabana et MM. les membres de la délégation de l'Université de Sherbrooke, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance du mémoire que vous avez préparé à l'intention de la commission ainsi que de la lecture résumée que vous venez de nous en faire.

Dans votre mémoire, vous nous avez soumis un thème qui a été évoqué à maintes reprises depuis le début des travaux de la commission, c'est-à-dire le thème du sous-financement des institutions qui composent le réseau universitaire québécois. Vous venez ajouter le témoignage de l'Université de Sherbrooke à celui de tous les autres établissements universitaires que nous avons entendus et je pense qu'avec vous nous les avons maintenant tous entendus, un après l'autre, fidèles en cela à un engagement que nous avions pris au début des travaux de la commission d'aller jusqu'au bout dans l'examen que nous avions entrepris. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer à votre tour et nous avoir fait part des problèmes de l'Université de Sherbrooke avec autant de simplicité et de réalisme,

II y a une chose que je dois faire remarquer à propos de l'Université de Sherbrooke. Je l'ai fait aussi à propos d'autres institutions. J'aurai une question un peu plus délicate tantôt concernant le déficit, mais je pense qu'on doit souligner en toute objectivité qu'un peu à l'exemple de ce que nous avons observé tantôt à propos de l'Université McGilI on remarque qu'à l'Université de Sherbrooke, au cours des dernières années, le nombre des étudiants n'a cessé d'augmenter tandis que le nombre des professeurs réguliers et des employés réguliers n'a cessé de diminuer. De 1980-1981 à 1986-1987, le nombre total des étudiants équivalence temps complet est passé de 7472 à 10 233, soit une augmentation d'environ 30 %. Pendant ce temps, les effectifs enseignants passaient de 626 à 573, soit une diminution de 53. Les autres catégories d'employés passaient de 801 à 719, soit une diminution de 10 %. Je pense qu'il y a un fait dont nous conviendrons tous devant des données aussi éloquentes, c'est que la productivité de ceux qui se consacrent au service de l'Université de Sherbrooke, soit à titre de professeurs à temps complet, soit à titre de salariés à temps complet ou d'administrateurs, a sûre- ment augmenté de manière notable au cours des dernières années. Le fait que cette productivité ait augmenté donne plus de poids à l'argument que vous nous soumettez voulant que nous en soyons rendus à un stade où la descente ne peut pas continuer comme elle a fonctionné depuis 1980. Vous sonnez une cloche d'alarme. Le langage que j'ai trouvé dans votre mémoire est assez sombre, tout compte fait» Nous enregistrons votre rappel et j'espère bien qu'il sera compris des députés et des membres du gouvernement.,

Une chose que je voudrais signaler également c'est le développement remarquable qu'a connu dans plusieurs disciplines l'Université de Sherbrooke, un peu plus jeune que les universités traditionnelles comme Laval, Montréal et McGill. L'Université de Sherbrooke s'est taillé une place enviable dans la famille de nos établissements universitaires et nous espérons tous qu'un avenir intéressant lui est réservé.

Avec votre permission, je voudrais vous adresser quelques questions très simples et brèves parce que je veux que mon collègue, le député de Sherbrooke, qui a suivi très assidûment les travaux de la commission depuis le tout début... Je pense qu'il les a suivis d'abord en attendant ce jour de la rencontre avec son université et aussi en s'intéressant au bien des universités dans tout le Québec. Cela donne d'autant plus de poids aux remarques qu'il vous adressera tantôt que nous te savons profondément intéressé à l'amélioration de la situation générale des universités au Québec.

J'aurais une couple de questions à vous poser. L'Université de Sherbrooke se trouve à constituer un modèle un peu particulier d'université. Vous dites quelque part dans votre mémoire qu'elle est une des universités de taille moyenne au Québec. À la lecture de ce passage "une des", je me suis demandé: quelles autres avons-nous? Je crois que nous avons seulement une université de taille comparable, c'est l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Je voudrais vous demander, peut-être brièvement, de nous indiquer ce qui distingue l'Université de Sherbrooke de l'Université du Québec à Trois-Rivières et de l'Université de Montréal, par exemple. Quels sont les traits qui la distinguent et qu'est-ce qui peut la distinguer au cours de années à venir?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Cabana.

M. Cabana (Aldée): Un des traits distinctifs de l'Université de Sherbrooke par rapport à toutes les autres universités du Québec c'est probablement l'accent qu'on met sur la formation pratique. Cet accent se traduit particulièrement bien dans notre régime coopératif d'études, régime par lequel l'étudiant est en alternance à l'université

pour une session d'études et ensuite en stage rémunéré dans les industries. C'est là l'une des caractéristiques. Et il y a de nombreux stages dans de nombreux autres programmes. Je pense que c'est là une caractéristique qui pourrait nous distinguer de toute autre institution au Québec.

Si on parle par rapport à l'Université de Montréal, cet accent sur l'enseignement pratique est probablement le trait le plus distinctif parce que, comme Montréal, immédiatement après McGill, c'est nous qui dépensons la plus grande partie de notre budget en recherche. Donc, il y a un fort accent sur la recherche. C'est une similarité avec McGill, Montréal, Laval, peut-être que j'en oublie. Et nous avons des facultés comme le droit et la médecine: à Sherbrooke, c'est le seul endroit en dehors des grands centres urbains où cela existe.

Donc, ceci nous distingue un peu de Trois-Rivières, dans le sens que Trois-Rivières n'a pas de droit ou de médecine. Trois-Rivières est moins axée aussi sur la formation pratique. Ils n'ont pas ce régime coopératif. Il me semble que Trois-Rivières est moins axée, beaucoup moins que nous, sur la recherche et les études de 2e et 3e cycles. (17 heures)

M. Ryan: Une autre question. Vous avez un déficit accumulé considérable, qui est de l'ordre d'environ 15 000 000 $, si mes souventrs sont exacts. Vous dites que ce déficit a été causé en grande partie par des déficiences de la formule de financement qui est en vigueur depuis à peu près 1969, 1970, laquelle reposait sur le degré de développement historique de chaque institution. Comme Sherbrooke en était encore, à ce moment, à sa période qui suivait assez immédiatement la fondation, elle n'avait pas les bases qui auraient permis de la situer à un autre niveau. Très bien.

Il y a une chose que j'ai remarquée, M. Cabana. Une étude avait été faite en 1984, par le ministère de l'Enseignement supérieur, en vue de mettre au point un cadre de financement tenant compte de facteurs comme ceux que vous mentionnez dans votre mémoire. On avait essayé d'appliquer le futur modèle aux institutions pour l'année 1982-1983, et vos administrateurs qui vous accompagnent, dont M. Béland, je pense, se souviendront de cela. L'exercice qu'on avait fait avait donné le résultat suivant. À ce moment, on attribuait à l'Université de Sherbrooke un écart favorable de financement de 4,2 %, c'est-à-dire qu'au jugement de cette étude elle aurait été surfinancée de 4,2 % tandis que d'autres étaient sous-financées évidemment.

Comment expliquez-vous... D'abord, est-ce que cela était vrai? Deuxièmement, si c'était vrai, comment expliquer que le déficit se soit accumulé pendant ces années où il y aurait déjà eu un niveau de financement qui, d'après la nouvelle formule qu'on avait envisagée, aurait tenu compte des facteurs que vous mentionnez?

M. Cabana (Aldée): Vous permettez, je vais répondre à une partie de la question. Ensuite, je vais donner la parole à M. Béland qui pourra répondre à la deuxième partie.

M. Ryan: D'accord. Très bien.

M. Cabana (Aldée): En ce qui concerne l'étude dont vous faites mention, celle de 1984, j'ai toutes les raisons de croire qu'elle avait été bien conduite. De toute façon, je n'aurais pas les moyens de vérifier. Je pense que cette étude était correcte. Cette étude démontrait que, selon cette formule de financement, Sherbrooke était financée à environ 4 % au-dessus de la moyenne du réseau. Je pense que tout dépend des paramètres qui sont utilisés. Il n'y avait aucun paramètre qui était pris, par exemple, qui tenait compte de la proportion temps complet, temps partiel. Dans certaines études du Conseil des universités, on avait tenu compte des coûts différents qu'engendraient les clientèles à temps complet et à temps partiel.

On n'a pas tenu compte de l'éloignement. On doit souvent faire des dépenses spéciales, même si ce n'est pas important, disons, je ne sais pas, déterminant, par le fait qu'on n'est pas situé dans les grands centres urbains et par le fait aussi que la région demande souvent à l'université de lui fournir l'infrastructure qu'elle n'a pas et dont elle a besoin pour des projets socio-économiques.

En ce qui concerne l'historique du déficit, si on avait introduit ces paramètres, je n'ai aucun doute qu'on serait arrivé à démontrer que Sherbrooke était au contraire sous-financée. Cela dépend, je pense, de la formule qu'on emploie. Cela dépend des paramètres qu'on utilise. Peut-être qu'on n'a pas crié assez fort dans le passé pour faire reconnaître des paramètres qui nous favoriseraient. Je pense qu'il y a les paramètres qui sont bien justifiés, qu'on a ajoutés, qu'on propose à la commission et qui seraient susceptibles de faire disparaître cet écart que vous observez.

En ce qui concerne le déficit accumulé, j'aimerais passer la parole à M. Bétand.

M. Béland (Richard): La référence à l'étude de 1984, en la mettant en liaison avec la situation déficitaire de l'université, m'apparaît assez complexe comme question, parce qu'elle fait intervenir deux niveaux d'éléments à l'intérieur de l'ensemble de la situation financière de l'université. J'ai un peu de difficulté à lier les deux. D'une part, l'étude est basée sur les données de l'année

financière 1981-1982. On se rappellera que cette année 1981-1982 aura été extrêmement pénible étant donné que le gouvernement avait décidé de ne pas indexer les masses salariales en l'année 1981-1982 au-delà de 4,7 %, si ma mémoire est fidèle, comparativement à des ententes signées dans les universités qui étaient équivalentes aux ententes signées dans la fonction publique qui étaient d'environ 17 %. Donc, il y avait un écart de 13 % en ce qui concerne le financement. C'est l'année 1981-1982 où ce phénomène s'est passé. C'est aussi l'année de l'étude qui a été faite à partir de l'ensemble des éléments des états financiers fournis au cours de l'année, à l'automne 1982.

En ce qui concerne la situation financière de l'université, j'aimerais peut-être rappeler certains points de référence qui m'apparaissent importants. On parle souvent du 31 mai 1975, où l'Université de Sherbrooke avait un déficit accumulé de 7 000 000 $. Il faut se rappeler qu'en 1974- 1975 l'université avait par ailleurs établi l'équilibre budgétaire pour son année d'exploitation courante. Donc, il y a en 1974-1975 une situation quand même délicate en ce qui a trait à un déficit accumulé mais au moins l'université avait réussi, après plusieurs années de réduction de dépenses, à rétablir son équilibre budgétaire. De 1975- 1976 jusqu'en 1981-1982 on peut dire que l'Université de Sherbrooke a maintenu un certain équilibre budgétaire et qu'elle a réussi à réduire de 3 000 000 $ son déficit accumulé. Le déficit accumulé en 1980-1981 était de 4 000 000 $ au lieu de 7 000 000 $. Donc, l'Université de Sherbrooke avait réussi pendant cette période à réduire, d'une part, son déficit accumulé et à maintenir un équilibre budgétaire relatif dans l'ensemble de cette opération.

C'est en 1981-1982 qu'on a réellement connu la difficulté majeure. Il faut se rappeler, par ailleurs, qu'en 1978-1979 et 1979-1980 on avait déjà commencé des compressions budgétaires dans les universités. J'utilise les termes "compressions budgétaires" dans le sen3 qu'on réduisait les bases des universités. Je ne parle pas des réductions qui sont liées à la formule de financement des croissances des clientèles, mais strictement pour les universités il y avait déjà là des réductions importantes. L'Université de Sherbrooke avait réussi à ce moment à assumer ses compressions. L'année 1981-1982 a été le départ d'une nouvelle situation financière très délicate où l'Université de Sherbrooke a fait un déficit de fonctionnement de 3 800 000 $ pour l'année courante. Son déficit accumulé est alors remonté au niveau qu'il était en 1975.

M. le Président, vous me permettrez de signaler un élément important: les compressions à l'Université de Sherbrooke depuis 1981-1982, c'est 16 000 000 $. La subvention est d'environ 60 000 000 $ cette année. Durant la période de 1981-1982 à 1985-1986, quand on prend les compressions, les prélèvements et le manque de subventions pour payer les salaires selon les conventions collectives de 1981-1982, c'est 16 000 000 $. C'est 16 000 000 $ qui, s'il ne s'était rien passé, se seraient ajoutés aux 8 000 000 $ déjà existants à la suite de l'année 1981-1982. En gros, je pense que la situation financière de l'Université de Sherbrooke de 1981-1982 jusqu'en 1983-1984 commençait à s'améliorer. Si l'on regarde les chiffres des états financiers on s'aperçoit que les 3 800 000 $ sont passés à 1 400 000 $ et c'est 700 000 $ pour I'année 1983-1984. Pendant tout ce temps les croissances de clientèles ont augmenté et on s'est retrouvé en 1984-1985 avec un problème majeur, celui d'une croissance des clientèles extrêmement importante et des compressions additionnelles. Â ce moment, le déficit de l'Université de Sherbrooke a augmenté parce qu'on ne pouvait pas à la fois accroître nos clientèles, réduire nos ressources à l'interne et se voir imposer des compressions budgétaires. On est remonté à un degré de déficit qui semble vouloir se maintenir même si on fait tous les efforts pour le réduire. Cette année s'il n'y avait pas de compressions on aurait peut-être réussi à établir l'équilibre budgétaire. Le déficit prévu pour l'année en cours est de 2 600 000 $, c'est à peu près l'ordre de grandeur des compressions cette année. Je suis prêt à répondre à d'autres questions mais cela pourrait être trop long finalement.

Le Président (M. Parent, Sauvé); Merci, M. Béland. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Cabana, messieurs, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Comme le disait tout à l'heure le ministre, je pense que vous avez tracé un portrait sombre mais assez réaliste de la situation vécue par votre université. Vous avez aussi attiré notre attention sur le fait • que la formule de financement ne reflète qu'une partie de la mission des universités, à savoir l'enseignement de 1er cycle. Cela m'amène à poser une question, sans plus tarder. Avez-vous des projets de développement au niveau des études supérieures ou si, comme an l'a vu dans votre mémoire, il y a surtout des projets en vue de fermer certaines facultés?

M. Cabana (Aldée): Dans notre mémoire, je ne crois pas qu'il soit question de fermer certaines facultés, mais il y a sûrement des projets de développement du 2e et du 3e cycle. À cet effet, si vous le permettez, M. Bernard Bénard, vice-recteur à

la recherche, pourra probablement répondre plus adéquatement que moi à cette question.

M. Bénard (Bernard): Dans un document de travail qui s'intitule "Choisir et exceller" et qui a été préparé récemment par la direction de notre institution, celle-ci propose certaines orientations pour les prochaines années. J'ai dit "document de travail", bien sûr, parce qu'il reste à la communauté universitaire à réagir et aux instances décisionnelles à se prononcer définitivement sur ce document.

Ce document s'appuie sur une analyse de la personnalité de l'université, telle qu'elle s'est dessinée depuis sa fondation. M. le recteur l'a évoquée tantôt, lors de la présentation du mémoire. Je ne reviendrai pas sur ses principales caractéristiques. Néanmoins, le document propose certaines orientations et je les résume, puisque c'est l'objet de votre questions premièrement, de développer la formation aux 2e et 3e cycles et la recherche en appuyant sur nos secteurs d'excellence, tels que reconnus par les pairs, ou en favorisant la concertation des secteurs moins productifs; deuxièmement, comme orientation, il est proposé d'étendre à d'autres disciplines la formation en collaboration avec le milieu de travail, une formule à laquelle M, le recteur a fait allusion tantôt et que nous voulons accentuer; en troisième lieu, de renforcer la qualité de la formation à tous les niveaux et à tous les cycles en procédant à l'évaluation systématique et périodique de tous ses programmes et, enfin, de poursuivre son action dans le milieu régional en misant sur le transfert technologique et les relations avec ses partenaires du milieu en ce sens.

Il ne paraît pas présomptueux, Mme la députée et M. le Président, que, par la nature des programmes qu'elle s'est donnés, par les efforts qu'elle a investis en recherche au cours des dernières années - je pense qu'on y a également fait allusion - et par l'accent sur la formation en milieu de travail, l'Université de Sherbrooke, avec son personnel et ses étudiants, possède les outils pour réaliser ses objectifs et répondre mieux que jamais au défi auquel est confrontée notre société québécoise.

Mme Blackburn: Je pense, M. le recteur, qu'on peut dire que ce qui caractérise votre université, c'est l'enseignement coopératif. Plusieurs des associations étudiantes qui se sont présentées devant nous ont déploré le manque de rapports entre la formation et le travail. L'expérience vécue chez vous démontre, ne serait-ce que par l'attrait que suscitent vos programmes chez les étudiants, le succès de la formule. Je pense savoir que vous accueillez plus d'étudiants que ce que serait généralement votre bassin de recrutement. On doit cela à votre programme coopératif dont les étudiants que je connais et qui ont fréquenté votre université se réjouissent.

J'aurais trois questions brèves là-dessus. Y a-t-il des coûts additionnels liés à la formation par programme coopératif? Avez-vous des études comparatives sur le taux de diplomation dans ces programmes par rapport aux programmes comparables dans d'autres universités même sur le taux d'intégration sur le marché du travail? (17 h 15)

M. Cabana (Aldée): Vous avez, en fait, trois petites questions. En ce qui concerne le taux de diplomation - je commence par la deuxième - nous n'avons pas fait d'étude particulière sur le régime coopératif. Nous avons fait une étude sur le taux de diplomation, une étude générale qui s'appliquait dans nos programmes réguliers, mais nous n'avons pas fait de distinction entre le régime coopératif ou le régime régulier d'étude» Nous sommes assez fiers de notre taux de diplomation, et j'ai eu l'occasion d'en parler brièvement avec vous. Nous avons choisi une cohorte d'étudiants, nous avons regardé dans quels programmes ils s'inscrivaient à leur arrivée à l'université et combien obtenaient un diplôme dans le programme auquel ils s'étaient inscrits initialement. C'est environ les deux tiers des étudiants. Évidemment, il y a des variances selon les programmes. En général, notre taux de diplomation est très élevé. II y a des étudiants qui vont obtenir un diplôme, mais pas dans leur programme initial. Les deux tiers de ceux qui étaient inscrits initialement dans un programme obtenaient leur diplôme dans ce programme d'études.

En ce qui concerne le marché du travail, la possibilité de trouver un emploi à la sortie de leurs études - c'était votre troisième question - nous n'avons pas de statistiques précises. Nous savons qu'en général nos étudiants ont peut-être un peu moins de difficulté à trouver des emplois sur le marché du travail, mais les statistiques ne sont pas précises.

En ce qui a trait aux coûts imputés au régime coopératif, ce régime implique des coûts additionnels. Nous devons avoir un service, que nous appelons le service de la coordination, qui trouve des stages pour les étudiants et qui les encadre lorsqu'ils sont en stage en milieu industriel, en milieu de travail gouvernemental ou autre. Cela entraîne des coûts: pour nous, à Sherbrooke, ces coûts sont de l'ordre d'un peu plus de 1 000 000 $. L'année dernière, alors que le coût du système était d'un peu plus de 1 000 000 $, des étudiants en stage ont obtenu un peu plus de 10 000 000 $ en rémunération.

Mme Blackburn: Vous nous avez parlé de l'intégration importante de votre

université dans le milieu. J'aimerais savoir si vous avez des sous-centres d'éducation des adultes?

M. Cabana (Aldée): Oui. Nous avons deux sous-centres d'éducation des adultes. Nous en avions plus mais, la concurrence étant ce qu'elle est, nous avons abandonné certains sous-centres pour laisser le champ à d'autres. Nous en avions plus, il nous en reste deux: un à Thetford et l'autre à Granby.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il est indiscret de vous demander d'où venait la concurrence?

M. Cabana (Aldée): Je préférerais vous donner les informations en dehors de la commission.

Mme Blackburn: Vous proposez un dégel des frais de scolarité comme source additionnelle de financement pour les universités. Est-ce que vous ne craignez pas que cela ait des effets sur l'accessibilité, qui n'est déjà pas très élevée chez les francophones? Est-ce que vous avez examiné d'autres formules, comme celle d'un impôt éducation aux entreprises?

M. Cabana (Aldée): À vrai dire, nous n'avons pas examiné de formule semblable à celle que vous suggérez, soit un impôt éducation aux entreprises. Une chose est certaine pour nous; les disponibilités financières des universités sont trop faibles. Avoir des universités plus accessibles cela ne veut pas dire juste que les étudiants vont être admis à s'inscrire à un certain programme d'études. Si on fait cela, je crois qu'on risque de leurrer les étudiants qu'on reçoit, si on les reçoit tous sans les revenus suffisants pour qu'on puisse leur offrir des services de qualité. Pour des étudiants qui partent de l'université avec un diplôme en poche, il faut que la qualité de ce diplôme puisse soutenir la comparaison interprovinciale ou internationale. Si on n'est pas défavorable à l'augmentation des frais de scolarité, c'est que le gouvernement précédent et le gouvernement actuel nous disent: On n'a pas d'argent additionnel à donner aux universités. Nous, ce qu'on sait, c'est qu'on a besoin de plus d'argent. Donc, cela nous paraissait la façon... Les usagers pourraient peut-être payer à peu près le même niveau qu'ailleurs au Canada. Est-ce que cela va avoir une influence sur le nombre d'étudiants? Cela va sûrement avoir une influence, si on a plus d'argent, sur la qualité de l'enseignement qu'on peut dispenser. Est-ce que cela aura une influence sur le nombre d'étudiants qui viendront? Je pense qu'il n'existe pas de bonnes études qui pourraient nous le démontrer.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je reconnais maintenant le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président, Vous comprendrez que je sois très heureux que l'Université de Sherbrooke participe aux travaux de cette commission parlementaire sur les orientations et le financement des universités. J'aimerais rappeler brièvement à mes collègues de la commission parlementaires que l'Université de Sherbooke, malgré son jeune âge, 52 ans, et des contraintes financières exceptionnelles, a été et est toujours synonyme d'excellence car imagination, dynamisme et professionnalisme sont ses caractéristiques naturelles. Pour appuyer cela, j'aimerais simplement signaler à votre attention le nom de quelques personnes ayant étudié ou enseigné à l'Université de Sherbrooke. Je veux nommer Laurent Beaudoin, président de Bombardier, Bernard et Laurent Lemaire, de Papier Cascades; Claude Pichette, P-DG de la Société des caisses d'entraide économique; l'honorable Albert Gobeil, juge en chef du Tribunal de la jeunesse, et, n'en déplaise aux gens de Québec, l'entraîneur chef des Canadiens de Montréal, M. Jean Perron.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Hamel: Voilà donc quelques noms célèbres de gens qui sont passés à l'Université de Sherbrooke et qui marquent toujours le Québec par leurs qualités exceptionnelles. Comme j'ai pris un peu d'expérience parlementaire, au lieu de poser quatre questions, j'en poserai deux à deux volets. J'aimerais revenir sur le système coopératif. J'aimerais que vous me disiez, M. le recteur, quel est le pourcentage de vos programmes offrant le régime coopératif par rapport à l'ensemble de vos programmes de 1er cycle. Le deuxième voletî Est-ce que vous prévoyez étendre ce régime à d'autres programmes au cours des prochaines années?

M. Cabana (Aldée): Je ne peux pas répondre directement à la première question, à savoir le pourcentage de programmes qui sont sous le régime coopératif, mais je pourrais dire que nous avons, cette année, 2000 étudiants en stages. Parmi les programmes que nous avons, ce sont tous des programmes de sciences appliquées - génie, si on veut - des programmes de sciences, à l'exception de la biologie, un programme de maîtrise en rédaction-recherche, le programme de MBA, maîtrise en administration. Cette année, nous avons décidé d'étendre ce régime coopératif d'études à un autre programme, celui de baccalauréat en administration des affaires,

pour lequel nous devons trouver 1000 stages additionnels. Nous aurons donc 3000 stages sur environ 10 000 étudiants, incluant les étudiants à temps partiel. Probablement que la clientèle à temps complet, à peu près un tiers, est en régime coopératif.

M. Hamel: Est-ce que vous prévoyez étendre ce régime dans les prochaines années?

M. Cabana (Aldée): Oui. Il y a d'autres programmes qui sont à l'étude présentement en plus du bacclauréat en administration des affaires. Il y a le programme de géographie physique et d'autres programmes plus petits qui sont à l'étude présentement. Nous voulons l'étendre dans tous les secteurs où nous croyons pouvoir recruter des stages en nombre suffisant.

M. Hamel: Ma deuxième question, M. le Président, encore à deux volets.

Le Président (M, Parent, Sauvé): Ce n'était pas votre deuxième question?

M. Hamel: Non, non, ma deuxième question. Le premier volet de la deuxième.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je m'informe. Moi, je ne suis pas allé à Sherbrooke.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Hamel: Dans votre mémoire, M. le recteur, vous insistez beaucoup pour relier d'une façon presque indissociable la question du financement du réseau universitaire à celle des missions de l'université.

Premier volet: quelles sont les missions, à part celle de l'enseignement et de la recherche, que la formule devrait reconnaître?

Deuxième volet: de quelle façon ces activités pourraient-elles être intégrées dans la formule de financement au cours des prochaines années?

M. Cabana (Aldée): Dans notre mémoire nous avons détaillé un certain nombre de paramètres qui devraient être pris en compte. Certains paramètres qu'on demande de prendre en compte vont recouper plusieurs aspects dont les diverses missions de l'université. Nous croyons particulièrement que lorsque nous sommes en régions nous avons des missions particulières à remplir ou des services particuliers à rendre à une région. Nous croyons que ceci devrait être reconnu d'une certaine façon pour fins de financement. Des régions - je connais la région des Cantons de l'Est - viennent souvent faire appel à l'université pour utiliser l'infrastructure qui leur manque mais qui est disponible à l'université. C'est ce que nous faisons ta plupart du temps avec joie parce que nous pensons que nous avons cette responsabilité vis-à-vis de notre région. Cet aspect de services aux collectivités est probablement plus accentué dans des régions où les infrastructures sont manquantes que dans les grands centres urbains. Nous sommes impliqués à peu près dans toutes les activités régionales. J'imagine que d'autres universités en régions auraient aussi à faire valoir les mêmes demandes. Il nous apparaît qu'un paramètre extrêmement important - vous avez dit: à part l'enseignement et la recherche - de la formule de financement devrait concerner les coûts indirects de la recherche. Ces coûts indirects de la recherche sont extrêmement importants et le Québec accuse un retard dans le domaine de la recherche et de la formation de 2e et 3e cycles. Cela n'est peut-être pas étranger au fait que depuis plusieurs années la formule de financement ne tient pas compte de l'accroissement des responsabilités de l'université pour la recherche.

Regardons notre succès au récent concours provincial pour les actions structurantes où nous avons eu 8 des 43 centres d'excellence de toutes les universités du Québec. Cela a été obtenu par concours. Nous en sommes très fiers mais, en même temps, ceci ne couvre pas tous les frais. Nous devons investir dans cela. Pour vous donner un exemple des frais indirects très importants que la recherche amène, ceci nous coûtera cette année au-delà de 200 000 $. Si on veut, c'est le prix de l'excellence qu'on aura à payer.

Une formule de financement devrait tenir compte de cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le recteur. M. le député de Sherbrooke, je vous remercie.

Je reconnais maintenant M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Une très courte question puisque le temps file et que nous avons deux autres groupes à rencontrer aujourd'hui. Dans certaines discussions nous avons parlé de ce qu'on peut peut-être appeler la faculté parallèle ou la cinquième faculté de médecine au Québec. Est-ce que vous pourriez nous dire le nombre d'étudiants en médecine chez vous qui - même dans d'autres universités, si vous connaissez le nombre, mais je ne pense pas qu'on puisse vous le demander comme tel - doivent aller suivre leur cours à l'extérieur du Québec parce ce qu'ils ne sont pas admissibles en médecine lors de leur premier ou de leur deuxième choix et qui reviennent en deuxième et troisième années de médecine pour se faire reconnaître l'année de médecine qu'ils ont faite à l'extérieur - peu

importe où dans le monde - comme une année d'équivalence pour la faculté?

M. Cabana (Aldée): Si vous me le permettez, je vais inviter le Dr Bénard, qui était auparavant à la Faculté de médecine, à répondre à cette question.

M. Bénard: Je ne suis pas à même de vous donner une telle statistique à l'improviste. Les données concernant ce qu'on appelle à l'occasion la cinquième faculté de médecine au Québec proviennent d'une analyse globale de la situation qui a été faite dans l'ensemble des universités. Je ne peux pas vous donner spécifiquement la situation de notre Faculté de médecine à Sherbrooke. À ce sujet, je n'ai vraiment pas les données précises.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant, pour conclure au nom de sa formation politique, la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Comme l'a souligné tout à l'heure le député de Sherbrooke, votre établissement a formé un certain nombre de personnes qui excellent dans différents domaines. Toutefois, dans l'énumération que faisait le député de Sherbrooke des personnes qui avaient été formées chez vous et dont on reconnaît la compétence un peu partout, il me semble qu'il a oublié quelqu'un. Oubli volontaire ou involontaire, il saura nous le dire, mais il n'a pas nommé le chef de l'Opposition, M. Pierre Marc Johnson, qui a fait ses études de médecine chez vous.

M. Ryan: Deuxième choix. C'est pour vous autres.

Une voix: ...diplôme.

Une voix: Dans la cinquième faculté.

Mme Blackburn: M. le recteur...

Une voix: ...cela n'a pas été le deuxième choix.

Mme Blackburn: M. le recteur, ce qui m'a toujours intéressée et particulièrement fascinée dans l'expérience de l'Université de Sherbrooke, c'est votre programme d'enseignement coopératif. Je pense qu'il a été démontré à cette commission, par les étudiants en particulier, que ce rapport entre le travail et la formation était important. Je ne peux que vous souhaiter une chose, c'est que les règles d'allocation des ressources vous permettent de poursuivre dans cette direction. Je me demandais - on aurait peut-être pu le demander tout a l'heure - si cette formule d'enseignement coopératif avait amené vos étudiants à rouvrir ce qu'ils appellent un centre étudiant de services communautaires, parce que c'est une formule qui, sans être comparable, se rapproche un peu. Je pense que votre université, par la spécificité de ses programmes, donc le caractère de ses programmes, a démontré qu'elle avait une place au Québec et je ne peux que souhaiter que vous puissiez poursuivre votre développement. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M» le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'ai constaté aussi, en entendant l'énumération du député de Sherbrooke tantôt, qu'il avait fait un autre oubli dans le domaine politique, non moins important que celui qu'a signalé la députée de Chicoutimi. Le président du Conseil du trésor, M. Paul Gobeil...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Jolivet: Est-ce qu'il va s'en mordre les pouces?

M. Ryan: Si l'Université de Sherbrooke veut le demander au premier ministre, peut-être M. Gobeil pourrait vous être délégué pour faire des coupures additionnelles.

Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: M. Garon.

M. Ryan: Blague à part, il est sorti un bon nombre de personnalités fortes de l'Université de Sherbrooke. Il en est sorti des douces également comme celle du député de Sherbrooke, que nous apprécions beaucoup ici. Ces contrastes nous intéressent au plus haut point. Je veux vous assurer que les problèmes de l'Université de Sherbrooke nous tiennent à coeur. Nous avons eu l'occasion d'en causer à plusieurs reprises depuis le début de l'année ensemble, et j'espère que nous continuerons d'en parler tant que nous n'aurons pas trouvé des solutions satisfaisantes pour tout le monde.

La question du déficit soulève un problème très aigu. Il y a d'autres universités qui sont venues rencontrer les membres de la commission pour affirmer catégoriquement qu'elles ne voulaient pas entendre parler de prise en charge de déficits d'autres établissements par le gouvernement, vu qu'elles-mêmes avaient réussi, à force de discipline et de rigueur, affirmaient-elles, à équilibrer leurs comptes pendant les périodes où d'autres établissements accumulaient des déficits. Mais je crois que nous examinerons les problèmes un

par un. Je ne pense pas qu'il y ait de solution globale qui puisse être apportée à ces questions. Je pense que nous devons examiner les situations comme elles se sont développées au cours des années, et nous verrons avec vous à trouver des éléments de solution qui puissent permettre à l'université - c'est cela qui est le plus important - de continuer sa marche ascendante. Il y a sûrement un besoin d'enseignement universitaire dans la région que dessert l'Université de Sherbrooke. Je pense que c'est excellent qu'on ait eu cette institution et j'espère qu'on l'aura longtemps encore dans l'avenir. Je veux vous assurer que nous accueillerons les représentations que vous nous ferez avec un esprit ouvert et compréhensif.

Avant de terminer, M. le Président, je voudrais signaler que j'ai fait un oubli au début de la rencontre de cet après-midi. Je voulais vous prévenir que la ministre déléguée à la Condition féminine, Mme Monique Gagnon-Tremblay, qui représente la circonscription de Saint-François, et qui était chargée de cours ou professeur à l'Université de Sherbrooke, à votre Faculté de droit, aurait bien souhaité être parmi nous cet après-midi, mais elle est retenue présentement en tournée provinciale pour des questions qui relèvent de sa compétence. II se trouve qu'aujourd'hui elle est à Rimouski où la reçoit évidemment le député de Rimouski, qui fait partie de notre commission, qui aurait été ici cet après-midi et qui m'a également prié de vous transmettre ses salutations et ses excuses. Alors, je vous transmets les salutations de ces deux membres de la députation qui auraient éprouvé un vif plaisir à se trouver parmi nous cet après-midi.

Je vous remercie des suggestions que vous nous avez faites, de la franchise avec laquelle vous nous avez présenté la situation de l'Université de Sherbrooke. Mon plus vif désir, c'est que nous puissions nous retrouver de nouveau en commission parlementaire pour parler d'avenir dans des termes dynamiques plutôt que d'une succession comme celle que nous essayons maintenant de clarifier et de renforcer. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, M. Cabana et messieurs qui avez accompagné votre recteur.

La commission parlementaire sur l'éducation suspend ses travaux pour quelques minutes. Nous accueillerons, à la reprise, les syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 17 h 39)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'or- dre, s'il vous plaît!

J'invite les représentants de l'Université de Sherbrooke à prendre place. La commission de l'éducation reprend ses travaux et accueille les représentants des syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke, dont la porte-parole est Mme Renée Pinard. Mme Pinard, bonjour. Soyez la bienvenue à cette commission parlementaire. Acceptez nos remerciements aussi d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour deviser avec nous sur la problématique des orientations et du financement des universités. La commission parlementaire a prévu environ 50 minutes, une heure pour vous entendre. Si vous vouliez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation du mémoire.

Je vous informe immédiatement que votre mémoire a été lu et étudié par les membres de cette commission. Nous vous écoutons.

Syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke

Mme Pinard (Renée): Merci, M. le Président. M. le ministre, madame, messieurs les députés, il nous fait plaisir au nom des syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke de vous présenter certaines réflexions dans le cadre des travaux que la commission parlementaire de l'éducation consacre à la situation des universités. C'est avec beaucoup de plaisir que je vais vous présenter les collègues qui vont m'assister dans cette présentation. Je débute par mon extrême gauche: M. Adrien Leroux, représentant de l'Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées. M. Pierre Ménard, président du Syndicat des professeurs.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Ménard.

Mme Pinard: Moi-même, Renée Pinard, présidente du Syndicat des chargés de cours.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Rebonjour.

Mme Pinard: M. Pierre Cabana, président de l'Association du personnel administratif et professionnel.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Cabana.

Mme Pinard: Finalement, M. Jean-Pierre Marier, président du Syndicat des employés de soutien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Marier, bienvenue.

Mme Pinard: De quelle façon nous comptons procéder? Le plus simplement possible. Dans un premier temps, je vais vous faire la lecture de notre mémoire. Dans un second temps, nous nous proposons de répondre, si vous indiquez des points qui auraient avantage à être éclaircis, en apportant des suppléments d'information. Nous sommes donc très intéressés à recevoir vos commentaires, préoccupations ou questions concernant ce mémoire. Je vous propose de me les adresser et je verrai à vous désigner lequel ou laquelle d'entre nous y répondra. Sans plus tarder, je vous fais donc lecture de ce mémoire.

Les syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke ont le plaisir de présenter à la commission parlementaire de l'éducation quelques réflexions dans le cadre des travaux que la commission entend consacrer à la situation des universités. Nous avons voulu faire bref, d'une part parce que d'autres que nous aborderons vraisemblablement les mêmes problèmes, mais d'autre part parce que, dans bien des cas, nous ne possédons pas les informations qui permettraient une analyse plus éclairée des tenants et aboutissants du financement et de l'orientation des universités québécoises.

Néanmoins, nous vous faisons part, dans une première section, de nos commentaires sur la contribution des universités québécoises à la réduction des dépenses gouvernementales. Nous constatons par le fait même que cette contribution est démesurée si on la compare à la proportion des dépenses publiques que représentent les universités. Dans la deuxième section de ce mémoire, nous abordons sommairement la situation de l'Université de Sherbrooke et nous proposons quelques moyens susceptibles d'améliorer son équilibre financier. Enfin, nous avons voulu marquer de façon importante les sacrifices que se sont imposés les personnels de l'Université de Sherbrooke pour accroître leur productivité et contribuer ainsi à la solution des problèmes de leur université.

Voyons d'abord la contribution des universités à la réduction des dépenses gouvernementales. Les syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke signataires de ce mémoire ont accepté l'invitation de la commission parlementaire de participer au débat sur les orientations et le cadre de financement des universités. Nous avons été heureux, comme bien d'autres, que l'Assemblée nationale décide de regarder plus attentivement les problèmes que vivent les établissements supérieurs au Québec.

En rédigeant ce mémoire, nous ne pouvons nous empêcher toutefois de douter de l'utilité du geste. Au cours des cinq dernières années, à peu près tout a été dit sur le financement des universités et on se demande comment, aujourd'hui mieux qu'hier, avec quels arguments, on pourrait parvenir à faire changer la situation.

Il faut d'abord et avant tout reconnaître que les universités ont fait plus que leur part dans la réduction des dépenses de l'État. La majorité des indicateurs mis sur la place publique ces dernières années montre en effet que les universités ont fourni une contribution plus importante que les autres secteurs du public et du parapublic dans la réduction des dépenses du gouvernement. À titre d'exemple, nous reprenons quelques données présentées en octobre 1984 par les fédérations de professeurs d'université devant la commission parlementaire: - de 1976-1977 à 1984-1985, le gouvernement a accru de 23 % à 26 % la part qu'il prélève au produit intérieur brut québécois; - durant la même période, la part du produit intérieur brut réservée aux universités a décru, passant de 1,1 % à 0,9 %; - en 1984-1985, les universités ont assumé 10 % des compressions de l'ensemble de l'appareil d'État, même si elles ne représentaient que 3,5 % des dépenses du gouvernement, - en 1984-1985, elles assumaient 50 % des compressions de dépenses du secteur de l'éducation, bien que leur part des crédits n'ait compté que pour 16 %.

Ces quelques données ne sont pas exceptionnelles. On peut les transposer -avec des variations importantes, il est vrai -sur les cinq dernières années. Le graphique en annexe illustre une partie de cette réalité. Il indique en fait que de 1976 à 1984 le système universitaire a subi une baisse de ses subventions équivalente à 25 % tandis que le secteur primaire-secondaire subissait une diminution de 10 % sur la même période. On peut y voir une injustice à l'endroit du système universitaire, mais il faut surtout reconnaître que le procédé est inéquitable envers les employés des universités qui font les frais de ces coupures. Il est vrai que le gouvernement, vis-à-vis des employés des universités, n'est pas lié par les mêmes contraintes que celles qui le lient aux employés des secteurs public et parapublic. N'étant pas signataire de leurs contrats de travail, il n'a pas, entre autres, à leur garantir la sécurité d'emploi.

Cependant, le gouvernement devrait quand même avoir le souci de traiter le plus convenablement possible ces employés et ne pas faire à Jules ce qu'il ne ferait pas à Jacques. À défaut d'accorder une sécurité d'emploi équivalente pour tous, le gouvernement et les universités, avec l'accord des employés concernés, auraient dû mettre en

place des mécanismes qui auraient assuré au personnel une mobilité interuniversitaire. II aurait dû aussi, à notre avis, créer des mécanismes qui auraient ouvert la possibilité, pour les personnes intéressées, d'intégrer la fonction publique de la même manière qu'un employé de l'État peut se déplacer d'un ministère à un autre lorsqu'il y a vacance à un poste.

Si le gouvernement oblige une fois de plus les universités à s'amputer - ce qui nous semblerait nettement exagéré en ce moment - il devrait s'entendre avec les personnels à qui la sécurité d'emploi n'a pas été accordée pour minimiser les impacts. Toutes les possibilités de reclassement devraient être discutées dont celles qui permettraient la mobilité des personnes entre les universités et dans la fonction publique.

Si, par contre, en réduisant sa contribution au financement des universités, le gouvernement manifeste en quelque sorte l'intention de se retirer partiellement du champ universitaire, il faudra qu'il adapte les règles du financement pour permettre aux universités de diversifier leurs sources de revenus. Les formules actuelles n'incitent pas les administrateurs universitaires à rechercher de nouveaux revenus et rendent les universités presque uniquement dépendantes de la contribution du gouvernement.

Comme l'a déjà souligné le Conseil des universités, le gouvernement devrait aussi ajuster les règles de financement pour éviter que les subventions de fonctionnement ne viennent suppléer les carences dans les subventions d'immobilisation. Les locations d'espaces qui sont payées à même l'enveloppe de fonctionnement de toutes les universités servent en fait à compenser l'insuffisance des budgets d'investissement.

Abordons maintenant le cas plus particulier de l'Université de Sherbrooke. Nous ne disposons pas des moyens suffisants pour procéder à une analyse en profondeur des causes des difficultés budgétaires et des correctifs à apporter à la situation financière de l'Université de Sherbrooke, Nous comptons que le mémoire déposé tout précédemment par la direction de l'université sera suffisant pour éclairer les membres de la commission sur les détails. Nous pensons cependant que l'insuffisance de l'enveloppe budgétaire des universités a eu beaucoup d'effets sur les déficits accumulés de l'Université de Sherbrooke. Les méthodes qui servent au calcul des bases de financement n'aident pas non plus l'université à équilibrer ses revenus et ses dépenses. Une révision des bases de financement qui tiendrait compte des caractéristiques propres à notre établissement contribuerait au rétablissement de la situation financière de l'université, à la stabilisation des activités et à l'amélioration du climat général.

L'université a largement démontré par le passé que la formule historique la pénalisait. La base sur laquelle s'appuie cette formule, l'année 1969-1970, ne correspondait pas au même stade de développement que celui des autres établissements québécois de l'époque. Depuis lors, elle ne peut presque plus éviter les déficits. La révision des bases de financement devrait permettre de réparer aujourd'hui ce qui n'a pu être ajusté par le passé.

Une façon de permettre à l'Université de Sherbrooke d'émerger de ses difficultés consisterait à soulager les universités de leur dette, comme le gouvernement le fait actuellement pour les hôpitaux. Le service de la dette, à lui seul, représente actuellement 900 000 $ par année à l'Université de Sherbrooke, soit 1,1 % du budget de fonctionnement.

Finalement, la contribution du personnel à la solution des difficultés financières. En 1977, l'Université de Sherbrooke terminait son année financière avec un surplus de 1 300 000 $. Elle comptait alors 1410 postes réguliers - direction, professeurs, professionnels, personnel de soutien - pour 6911 étudiants en équivalence temps complet. En 1985, elle ne comptait plus que 1269 postes pour 9173 étudiants et terminait l'année avec un déficit de 2 800 000 $. La diminution de 141 postes, soit 10 % du personnel, s'est donc accompagnée d'une augmentation de 2362 étudiants en équivalence temps complet, soit une hausse de 34 %.

L'université a fermé, depuis 1977, 81,5 postes de professeur, soit 40,6 % des effectifs professoraux réguliers. Le taux d'encadrement des étudiants est ainsi passé de 12,5 étudiants par poste de professeur régulier en 1977 à 19,4 en 1985. Pour 1987, on prévoit un taux de 20,7 étudiants.

Le salaire de base d'un professeur est passé de 15 500 $ à 26 780 $ entre 1977 et 1985, soit une augmentation de 72 %. Cette hausse ne parvient pas à rattraper l'évolution de l'indice des prix à la consommation qui a progressé de 110 % durant cette même période.

En 1981-1982, l'Université de Sherbrooke a mis à pied, de façon définitive, sept professionnels dont certains avaient plus de quinze ans d'ancienneté.

Entre 1980-1981 et 1986-1987, le nombre de postes de personnel de soutien prévus au budget a été réduit de 12,3 %.

Les chargés de cours de l'Université de Sherbrooke reçoivent une rémunération de base de 2385 $ par charge de cours, alors qu'ils pourraient obtenir 3000 $ dans d'autres établissements universitaires québécois.

Toutes ces données ne servent finalement qu'à illustrer deux choses. D'une part, la productivité du personnel de l'Université de Sherbrooke durant cette période s'est

accrue de 49 % - entre 1977 et 1985, le ratio étudiants-personnel est passé de 4,9 % à 7,3 %. D'autre part, le personnel de l'université a fait tout son possible pour tenter de résober les difficultés budgétaires de l'université.

Le délestage des postes s'est égrené au fil des ans, mais il n'a pas encore suffi à équilibrer les revenus et les dépenses. Au cours de l'été, un groupe de travail constitué de 27 personnes représentant toutes les composantes de l'université et le milieu régional s'est efforcé de fournir d'autres moyens pour tenter d'alléger à nouveau le fardeau financier de l'université. Les solutions de rechange proposées au plan de compression de la direction de l'université font actuellement l'objet de discussions et on ignore, au moment d'écrire ce texte, quelles seront les compressions retenues. À ce moment-ci, il va de soi que nous serions en mesure d'indiquer, si vous en manifestez l'intérêt, les compressions qui furent retenues; elles sont actuellement connues.

Une réalité devient de plus en plus évidente toutefois: le personnel de l'Université de Sherbrooke ne peut en donner davantage. Ce serait abuser que d'en demander plus. En effet, au cours des dernières années, la communauté universitaire a eu à s'adapter à une situation pire que celle de la décroissance. Elle a dû vivre avec deux forces contraires: la décroissance des revenus et la croissance des clientèles. Ces deux forces ont créé des tensions. Elles continuent d'opposer les disciplines, les départements, les facultés et les services les uns aux autres. La situation actuelle force aussi à opposer accessibilité et qualité. Si on peut demander aux universitaires de faire plus avec moins, il faut aussi savoir tirer la ligne pour que les universités puissent encore dispenser un enseignement de niveau universitaire - le ratio professeur-étudiant est en voie de rejoindre celui de l'élémentaire - et pour que les étudiants puissent recevoir le service qu'on leur a promis.

En conclusion, nous pensons que la situation des universités s'améliorerait sensiblement si les propositions suivantes étaient mises en application: adapter les règles de financement pour encourager les universités à diversifier leurs sources de financement; éviter de créer des situations dans lesquelles les budgets de fonctionnement doivent suppléer les carences des budgets d'investissements; revoir les bases de financement des universités pour tenir compte des caractéristiques des établissements; injecter des sommes additionnelles pour éponger la dette accumulée de l'Université de Sherbrooke et celle des universités placées dans une situation historique analogue, tout comme on le fait actuellement pour les hôpitaux; mettre un terme aux compressions budgétaires dans les universités.

Si, en dépit de toutes les pressions, le gouvernement décidait de poursuivre dans la voie de la réduction des dépenses universitaires, il devrait discuter, avec les représentants des personnels à qui la sécurité d'emploi n'a pas été garantie, les modalités de reclassement, en particulier celles qui permettraient une mobilité interuniversitaire et une priorité d'intégration à la fonction publique.

Nous avons tenté de démontrer que les différents syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke ont contribué et continuent de contribuer à l'assainissement de la situation financière de l'établissement. Sans prétendre pouvoir répondre à toutes les questions, il nous semblait important de faire référence à cette manifestation de nos bonnes intentions. Ceci termine donc la présentation de ce mémoire. Je vous remercie de votre attention et je vous indique dès maintenant notre disponibilité et intérêt à recevoir vos commentaires et questions et y répondre au mieux de notre connaissance. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme Pinard. Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: M. le Président, je suis très heureux de saluer Mme Pinard et le groupe de représentants des syndicats et associations de personnel de l'Université de Sherbrooke qui sont venus ensemble rencontrer la commission cet après-midi. Je constate avec beaucoup de plaisir tout d'abord que le Syndicat des professeurs et l'Association du personnel administratif et professionnel sont venus en compagnie du Syndicat des chargés de cours, du Syndicat des employés de soutien ainsi que de l'Association des ingénieurs-professeurs des sciences appliquées, plusieurs groupes qu'on est habitué de voir séparément. Les professeurs, souvent, sont plus ou moins éloignés des employés de soutien. Les professeurs réguliers sont de même venus en commission, jusqu'à maintenant, séparément des chargés de cours, dans plusieurs cas. De vous retrouver tous ensemble autour de la table me fait grand plaisir, pas parce que nous tenons absolument à ce que les gens viennent main dans la main, mais parce que je pense que cela témoigne d'une prise de conscience commune d'un problème aigu auquel fait face l'établissement au sein duquel vous oeuvrez. Je pense que votre venue ensemble témoigne également de votre attachement pour l'établissement au service duquel vous êtes engagés. Je ne pense pas qu'on puisse avoir un grand établissement universitaire s'il n'y a pas un profond attachement de ses membres envers lui et de

tous les membres de la communauté, que ce soient les administrateurs, les professeurs, les étudiants ou les employés de soutien. Je pense qu'il faut l'attachement de tous à l'institution pour qu'elle prenne toute sa taille. J'espère que cette démonstration d'attachement se poursuivra dans l'avenir. J'espère que les conditions seront propices pour que vous puissiez le faire de nouveau. Je vous en remercie au nom de la commission parlementaire. Vous êtes l'un des tout derniers groupes qu'il nous sera donné d'entendre. Je pense que si les universités doivent prendre un essor plus grand dans l'avenir il faudra davantage de ces témoignages de solidarité à leur endroit. À un moment donné, on a chacun des frustrations particulières, chaque groupe a les siennes. Il faut savoir les dépasser pour embrasser le bien général et fondamental de l'institution. Je vous remercie et vous exprime ma grande satisfaction de cette expérience que nous faisons avec vous»

Je me bornerai, étant donné l'heure tardive à laquelle nous sommes déjà parvenus et le fait que plusieurs d'entre nous ont déjà d'autres engagements de travail pour la soirée, à vous adresser une question. Je voudrais tout d'abord vous dire que je demeure confiant quant aux résultats que pourront produire les travaux de la commission. Vous avez exprimé un certain scepticisme au début de votre mémoire; je le comprends. Mais j'espère que les travaux de la commission produiront de bons résultats. C'est notre responsabilité, nous allons faire tout ce qui est humainement possible pour qu'il en soit ainsi.

À la page 4 de votre mémoire, vous dites que le gouvernement devrait adapter des règles de financement afin de permettre aux universités de diversifier davantage leurs sources de revenus. Vous écrivez: Les formules actuelles n'incitent pas les administrateurs universitaires à rechercher de nouveaux revenus et rendent les universités trop dépendantes de la contribution du gouvernement.

Je pense que vous avez raison sur ce point-là. Indépendamment de la situation immédiate dans laquelle sont placées les universités, il faut souhaiter qu'elles puissent parvenir à une plus grande diversification de leurs sources de revenus. J'aimerais vous demander si vous avez des suggestions précises à ajouter à cette remarque générale que vous faites, tout en précisant que je n'entends point indiquer, en choisissant cette question, que j'accepte la première partie du paragraphe, laissant entendre qu'elle serait posée dans l'hypothèse où le gouvernement aurait déjà décidé de réduire sa participation au financement des universités. Soyez sans inquiétude, aucune décision n'a été prise à cette fin et je ferai tout mon possible pour qu'il n'y en ait pas.

Cela dit, j'aimerais que vous m'indiquiez si vous avez des suggestions à formuler quant à ce que signifie cette recommandation contenue dans votre mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

Mme Pinard: Merci. Cela disposera mon collègue à répondre de façon confortable à cette question. M. Pierre Cabana se propose de répondre dans le sens demandé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous écoutons, M. Cabana.

M. Cabana (Pierre): Le premier élément sur lequel on s'attarde quand il est question de hausser les revenus autonomes, c'est évidemment la question de la hausse des frais de scolarité. Là-dessus, on en a beaucoup discuté. Malheureusement, on n'arrive pas à un consensus ni entre représentants de différents syndicats non plus qu'à l'intérieur de chacun de nos syndicats. Le débat est ouvert, la question est ouverte. Je pense que c'est un sujet sur lequel les enjeux sont considérables et il faudra prendre une décision avec beaucoup d'étude et beaucoup de recul. Pour les étudiants, évidemment, cela a des répercussions considérables. Il ne faudrait pas compromettre l'apport important qu'a pu amener le réseau universitaire québécois au développement économique du Québec dans les dernières années. L'accès à l'enseignement supérieur est une clé impartante de développement économique dans ce sens-là.

Parmi les différentes hypothèses qui sont avancées, on rejoint beaucoup la proposition avancée par la direction de l'université chez nous, de permettre à des particuliers ou à des sociétés de bénéficier de certains abattements fiscaux leur permettant de contribuer au financement et au développement des universités. (18 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Cabana. Est-ce qu'il y a consentement pour dépasser 18 heures? Je le présume.

M. Jolivet: II y a consentement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II y a consentement. Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mme la présidente et messieurs, cela me fait plaisir de vous accueillir ici. L'intérêt que vous manifestez à l'endroit de votre institution et de son avenir est tout à fait à votre honneur. La solidarité dont vous faites preuve démontre, je pense, à la fois ce souci de protéger le développement de l'université

et la capacité de faire certaines mises en commun lorsque la qualité et l'accessibilité se sentent menacées.

Comme le temps nous presse, vous allez me permettre d'aborder immédiatement les questions. Ma question s'adresserait peut-être à Mme Pinard. C'est bien Mme Pinard? On nous a tracé ici, en commission parlementaire, un tableau assez sombre de la situation des chargés de cours., Évidemment, il fallait faire des distinctions entre ceux qui tirent l'essentiel de leur revenu par l'enseignement à temps partiel dans les universités ' et ceux qui le font en plus d'un emploi à temps complet. Pourriez-vous nous parler un peu de la situation qui est la vôtre chez vous, à l'Université de Sherbrooke?

Mme Pinard: Oui, certainement. Je ne crois pas que la situation des chargés de cours à l'Université de Sherbrooke ait quelque particularité. Elle en a bien certaines, mais je situerais la réponse dans un cadre plus large, et je pense que la condition en général des chargés de cours est difficile. Je pense que M, Ryan a lui-même cité, à des moments donnés, que ce sont des personnels qui n'ont pas les ressources et le temps de donner, comme il se devrait, un encadrement de qualité et ce, même s'ils tentent de te faire à la mesure de leurs possibilités. Cela nous met dans une situation difficile où nous sommes deux perdants, je trouve, dans cette optique. Il y a les étudiants, qui ne sentent pas qu'ils reçoivent le service auquel ils auraient droit, et nous sommes perdants du fait des conditions dans lesquelles nous tentons de le donner.

Je pense aussi, étant donné que nous n'avons aucune part à la recherche - laquelle est indispensable à la vitalité et à l'éclairage universitaires - que nous nous trouvons touchés dans un certain enthousiasme par rapport à cette fonction. Nous sommes fortement menacés lorsqu'il y a des compressions. On est souvent les premiers touchés. On est un peu ce que j'appellerais un amortisseur entre les différents personnels. On devrait faire en sorte de donner davantage de perspectives de carrière et d'ouvrir des postes, sauf que je serais difficilement en mesure de vous démontrer, dans le contexte actuel qui prévaut dans les universités, qu'il y aurait là une mesure d'économie. Ce que je sais, c'est qu'il y aurait là une mesure d'équité et une mesure d'intérêt certainement que de s'associer davantage à ce personnel, de reconnaître sa contribution comme étant essentielle et de reconnaître sa participation à la vie universitaire, tout en faisant aussi en sorte de favoriser sa présence dans les instances décisionnelles.

Mme Blackburn: Sauriez-vous nous dire quel est le pourcentage de l'enseignement dispensé par les chargés de cours à votre université?

Mme Pinard: Très exactement, c'est difficile de vous donner un chiffre parce que nous ne disposons pas de données sur le pourcentage équivalent de la tâche des professeurs. Mais je vous dirai, sans risque de me tromper beaucoup, qu'à l'Université de Sherbrooke nous donnons au-delà de 55 % de l'enseignement.

Mme Blackburn: Ma question s'adresserait à un professeur à temps complet. Je pense qu'il y en a deux. Le rapport Gobeil proposait une augmentation de la charge d'enseignement de l'ordre de 50 %. On peut penser que cela sous-tendait la suggestion de moduler la tâche. Quelle est votre réaction par rapport à cette proposition?

M. Ménard (Pierre): Mme la députée, je vous remercie de votre question. Concernant la modulation de la tâche, je voudrais ici mentionner que, dans certaines facultés de l'Université de Sherbrooke, cette modulation est déjà une réalité dans le sens que, pour un professeur, surtout dans les facultés professionnelles, qui a à dispenser plus de cours qu'une charge normale, on lui permet, si vous voulez, de fournir un effort de recherche qui est un tout petit peu inférieur à ce qu'on serait normalement en droit de s'attendre d'un professeur régulier. Pour ce qui est de la modulation comme telle, tout ce que je peux vous dire, c'est que le Syndicat des professeurs de l'Université de Sherbrooke que je représente serait d'accord avec l'importance d'en arriver à discuter avec l'université le plus rapidement possible des différentes possibilités qui s'offrent aux professeurs pour la modulation de la tâche. Donc, on est certainement ouvert à cette discussion.

Mme Blackburn: Une dernière question en ce qui me concerne. Vous demandez que le gouvernement éponge le déficit parce que vous estimez que le déficit est dû à un sous-financement» Comment, en toute équité, effacer le déficit de votre université alors que, dans des conditions comparables de sous-financement, il y a des universités qui ont bouclé leur budget?

M. Ménard: Mme la députée, j'aimerais peut-être prendre quelques secondes pour répondre à votre question. Nos administrateurs d'université, je crois, ont démontré assez clairement tout à l'heure que l'Université de Sherbrooke avait des particularités, se devait de vivre des situations que d'autres universités ne vivent pas. D'une façon toute particulière, je voudrais ici relever le fait que le système

coopératif, ne serait-ce que cet exemple, constitue certainement un élément important dans le coût de formation de l'Université de Sherbrooke.

Maintenant, à ce moment-ci, je voudrais en profiter tandis que j'ai la parole pour mentionner à M. le ministre que, personnellement en tout cas, je me suis fait un devoir de suivre très attentivement les comptes rendus des délibérations de la commission. La première partie de notre rapport faisait état de notre scepticisme face aux conclusions que pourrait donner une telle commission; je dois vous mentionner que j'ai personnellement changé d'avis sur notre position. Je me suis rendu compte très rapidement que la commission actuelle va certainement donner de très bons résultats. Je voulais le mentionner.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, Mme la députée?

Mme Blackburn: Cela va. Merci. M. Ménard: Cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Je reconnais maintenant, pour une dernière intervention, le député de Sherbrooke.

M. Hamel: M. le Président, à mes anciens collègues, membres du personnel de l'Université de Sherbrooke, je veux souhaiter une chaleureuse bienvenue, les remercier et les féliciter d'avoir démontré encore une fois leur haut sens du devoir en acceptant de former une coalition des diverses associations de personnel afin de venir témoigner à la commission parlementaire de leurs expériences, de leur volonté d'apporter une contribution positive et de leurs espoirs de trouver enfin des solutions définitives. Je suis heureux de constater que, encore une fois, l'Université de Sherbrooke démontre sa capacité de consensus lorsqu'il s'agit d'atteindre les objectifs du bien commun.

Cela étant dit, M. le Président, ce matin les jeunes libéraux, en commission parlementaire, ont fait une recommandation, soit de demander l'abolition de la permanence. J'aimerais demander peut-être à un représentant du corps professoral de nous dire ce qu'il pense de cette recommandation.

M. Ménard: M. le député de Sherbrooke, je n'ai pas eu la chance d'écouter au complet ou d'entendre au complet les déclarations qui ont été faites par les jeunes libéraux. Cependant, je suis obligé, à ce moment-ci à tout le moins, de tenter de clarifier un certain nombre de choses pour que, d'une part, la population sache bien de quoi on parle quand on parle de permanence. Cet élément est le suivant. Si on posait la question à la population québécoise ce soir, et même aux gens qui ont suivi très assidûment les délibérations de la commission, si on leur posait la question: Pour vous la permanence au niveau universitaire qu'est-ce que cela veut dire? je pense, sans trop me tromper, que 95 % au moins de la population dirait que la permanence cela veut dire une "job" jusqu'à l'âge de 65 ans.

Ce que je voudrais ici mentionner c'est que, à ce que je sache, en tout cas si je me fonde sur la convention collective des professeurs de l'Université de Sherbrooke, la permanence ne veut pas dire qu'un professeur a une sécurité d'emploi. Effectivement, un professeur peut très bien voir son poste fermé, par exemple pour des raisons budgétaires, sans qu'il puisse faire autre chose que de porter ses doléances à un comité qui, par la convention collective, est prévu pour étudier son cas. Donc, première chose, c'est que permanence et sécurité d'emploi, ce sont deux termes qui sont complètement différents. Les professeurs de l'Université de Sherbrooke n'ont pas la sécurité d'emploi. C'est la première chose que je voulais dire.

Deuxième chose qui a été dite ce matin - j'en ai tout de même entendu une petite partie, ou des personnes m'ont communiqué certaines informations - c'est que dans le rapport on faisait référence à une tentative faite par l'Université de Sherbrooke pour en arriver à rationaliser ses finances, à savoir que l'Université de Sherbrooke proposait, entre autres, la fermeture d'une faculté, de deux départements, etc., et que c'est à cause des mouvements syndicaux que, finalement, elle n'a pas pu réaliser ses objectifs. Ce que je voudrais dire ici c'est que, contrairement à ce que les jeunes libéraux peuvent mentionner, à savoir que pour être en mesure de congédier ou de mettre à pied un professeur il faut obligatoirement en arriver à une fermeture d'unité, en rapport avec cela, je voudrais assurer les membres de la commission qu'à Sherbrooke, encore une fois je le répète, il n'est absolument pas nécessaire pour l'administration universitaire de fermer une unité, de fermer une faculté ou un département pour en arriver à atteindre l'objectif fixé, qui est de mettre à pied certains professeurs.

Troisième chose, c'est que la permanence c'est quelque chose d'important pour les professeurs d'université. C'est une situation, c'est l'objectif que vise un jeune professeur en probation. Pour nous, à 5herbrooke, je peux vous dire que cela prend cinq ans au minimum pour qu'un professeur puisse obtenir la permanence. La permanence, pour un professeur, constitue le début d'une carrière universitaire intéressante et prometteuse. Encore une fois, je le répète, cela ne veut pas nécessairement dire, parce qu'il obtient sa permanence,

qu'automatiquement il est assuré d'un emploi jusqu'à l'âge normal de la retraite. On sait aujourd'hui que l'âge normal de la retraite a été reporté par une loi; une loi a été adoptée à savoir que l'âge de 65 ans ne constituait plus une raison qui pourrait faire en sorte qu'un employé soit contraint de quitter l'employeur. Pour nous, ce n'est pas une "job" jusqu'à 65 ans.

En conclusion, remettre en question la sécurité d'emploi pour des motifs précis, nous autres on considère que c'est une chose. On peut donc remettre en question la sécurité d'emploi pour des raisons budgétaires, etc. Mais notre avis, en rapport avec la permanence, serait peut-être un peu différent. Je pense que quand on parle de "tenure", au niveau universitaire, cela veut dire quelque chose, cela veut dire beaucoup plus que la sécurité d'emploi. J'espère que j'ai répondu à votre question.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Ménard. Une autre intervention?

M. Hamel: Oui. J'en aurais une autre, M. le Président. Vous avez abordé un thème important dans votre mémoire, celui de la mobilité universitaire. Est-ce que vous pourriez détailler un peu plus concrètement ces mécanismes de mobilité universitaire que vous suggérez, s'il vous plaît?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Ménard.

M. Ménard: Je viens.

Mme Pinard: Je m'excuse. M. Ménard.

M. Ménard: M. le député, tout d'abord j'attirerais votre attention sur la page 9 de notre rapport qui fait état d'un certain nombre de propositions et aussi du dernier paragraphe de conclusion qui dit: Si, en dépit de toutes les pressions, le gouvernement décidait malgré tout, etc. J'attire votre attention sur cet élément très important de notre rapport. "Si, en dépit de toutes les pressions, le gouvernement décidait de poursuivre dans la voie de la réduction des dépenses universitaires, il devrait discuter, avec les représentants des personnels à qui la sécurité d'emploi n'a pas été garantie..." Je pense avoir démontré, il y a quelques minutes, que la sécurité d'emploi ça n'existait pas pour ainsi dire chez nous. (18 h 15)

La question fondamentale qui se pose est la suivante. Évidemment, on n'a pas eu la possibilité d'en discuter trop longuement pour un consensus qui aurait pu intervenir en ce qui concerne l'ensemble des associations et syndicats représentant le campus de Sherbrooke. C'est, à ce moment-ci, une position beaucoup plus personnelle que je me permettrais d'émettre, à la suite de votre question. Quand on parle de mobilité interuniversitaire dans notre rapport, on voudrait attirer votre attention sur le fait suivant. Il me semble normal qu'une rationalisation s'impose dans les plus brefs délais. Pour moi, une coordination et une rationalisation, c'est quelque chose qui devrait idéalement être fait par un organisme du gouvernement, par exemple le Conseil des universités. Le Conseil des universités pourrait avoir comme mandat non pas uniquement d'évaluer l'"input" des programmes, à savoir vérifier la pertinence d'accepter qu'un nouveau programme soit mis en application au sein d'une université, mais aussi l'"output".

Nous considérons important que le Conseil des universités en arrive le plus rapidement possible à faire une espèce d'évaluation de l'ensemble des programmes offerts au niveau du réseau universitaire. Une fois cette évaluation effectuée, des recommandations pourraient être faites au ministre qui pourrait très bien, après consultation, prendre la décision que dans telle université, compte tenu de la clientèle étudiante, il serait peut-être moins dispendieux de tout simplement fermer un programme. À ce moment-là, le gouvernement avertirait l'institution en question que dans une période tout de même réaliste, disons deux ou trois ans, le programme en question sera fermé. Une fois l'institution avisée que, compte tenu, par exemple, d'un manque d'étudiants dans ce programme, le programme sera fermé, le gouvernement pourrait ne plus subventionner, pour cette université, le programme dont je faisais état dans mon exemple, et l'argent serait plutôt redistribué parmi les autres universités qui continueraient à offrir ce programme.

Évidemment, la mobilité dont on parle dans notre rapport entrerait en ligne de compte à partir du moment où, justement, des universités recevraient des subventions supplémentaires à cause de cette situation. Nous disons, à titre d'exemple, qu'il serait peut-être intéressant, dans un contexte d'équité et de justice, que nos professeurs de l'Université de Sherbrooke qui oeuvrent dans un secteur donné et qui voient leur secteur fermé aient à tout le moins la possibilité d'offrir leurs services pour un programme qui continuerait d'être dispensé dans une autre université, laquelle recevrait des subventions supplémentaires.

C'est un exemple que je vous ai donné. Cela ne nécessiterait pas nécessairement des injections d'argent neuf, mais je pense que cela fournirait à l'étudiant québécois la possibilité, malgré tout, d'avoir un enseignement de qualité et un éventail de cours de qualité qui satisfassent les choix prioritaires qu'il a pu faire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. Ménard. J'invite maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science à conclure au nom de sa formation politique.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, cela nous a fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier d'avoir participé aux travaux de cette commission. Je le mentionnais tout à l'heure, on a eu peu de mémoires, finalement, qui ont fait l'unanimité au sein de différents syndicats dans un établissement et je pense que cette manifestation de solidarité est à votre honneur. Cela nous éclaire sur l'esprit qui règne au sein de votre université. On peut penser, à la lumière de cet exercice et lorsqu'on voit une telle solidarité, que beaucoup de choses sont encore permises et que ce n'est pas rêver que de penser que l'ensemble du personnel, dans une institution, peut s'atteler à la tâche pour donner au Québec un enseignement de meilleure qualité.

Je dois vous dire que les craintes que vous manifestiez à l'endroit des intentions gouvernementales de se mettre à la tâche étaient en partie justifiées par les coupures qui ont frappé les universités, malgré toutes les déclarations de M. le ministre alors qu'il» était dans l'Opposition. Les coupures qui ont affecté les universités cette année sont de l'ordre de 34 000 000 $. En ce sens, on peut penser que vos craintes étaient assez justifiées.

Par ailleurs, comme vous, je dois reconnaître qu'il me semble que l'exercice qu'on fait ici en commission parlementaire aura comme effet de convaincre non seulement le ministre, parce que je pense qu'il l'est, du sous-financement des universités, mais également ceux qui tiennent les cordons de la bourse. On vous souhaite plein succès chez vous. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Lorsque je vous ai reconnue, je pense qu'il y avait une demande d'intervention. Non?

Mme Pinard: Mon collègue, M. Pierre Cabana, voulait ajouter quelques mots sur la mobilité. On pourrait peut-être le consulter, à savoir si cela s'avère encore opportun.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non? Mme Pinard: Non, cela va.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien. Je reconnais maintenant le ministre.

M. Ryan: Mme la députée de

Chicoutimi vient de gâcher une belle journée que nous avons vécue ensemble en dehors de la partisanerie. Elle m'a mis un peu sur le gril; je comprends cela très bien. Cela fait partie du jeu et je n'ai pas l'intention de me venger, ce n'est pas dans mes habitudes, d'ailleurs.

Magnifique! Je pense que nous avons eu une très belle journée. La rencontre avec vous complète cette journée, avant la dernière rencontre que nous aurons tout à l'heure avec des visiteurs inopinés de Montréal que nous sommes disposés à recevoir avec grand plaisir.

Je voudrais vous remercier encore une fois et vous assurer que nous garderons à l'esprit non seulement les problèmes de l'Université de Sherbrooke, mais aussi l'esprit de collaboration et de concertation dans lequel vous êtes venus nous rencontrer. Merci beaucoup. Bonne chance.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre. Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi, M. le député de Sherbrooke, Mme Pinard. La commission parlementaire de l'éducation va suspendre ses travaux pour quelques minutes. Elle entendra immédiatement après l'Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal.

(Suspension de la séance à 18 h 22)

(Reprise à 18 h 25)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Tel que nous l'avions annoncé il y a quelques instants, la commission permanente de l'éducation reprend ses travaux et accueille exceptionnellement...

M. Ryan: Nous consentons 20 minutes, M. le Président, pas davantage.

Le Président (M. Parent, Sauvé): ...l'Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal qui est représentée par M. Robert Martin. M. Martin, bonjour.

M. Martin (Robert): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Martin, cela nous fait plaisir de vous accueillir à cette commission parlementaire. Vous comprendrez que tout ce que nous faisons en ce moment, c'est en dehors de nos normes et de notre procédure normale. Les gens qui comparaissent ici, en commission parlementaire, doivent nous

envoyer un mémoire, nous faire connaître leurs intentions dans un certain laps de temps, etc. Nous le faisons par exception parce que vous représentez quand même une clientèle très importante, les étudiants de la Faculté de l'éducation permanente.

La commission a environ 20 minutes à vous accorder. Nous vous écoutons.

AGEEFEP

M. Martin: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames et messieurs les membres de la commission. Je vous présente, à ma droite, M. Denis Sylvain, secrétaire général de l'association, ainsi que M. Vézina, vice-président responsable des services aux étudiants.

Nous voulons en tout premier lieu remercier les membres de la commission parlementaire de l'éducation pour leur bienveillance à notre égard. Sans leur compréhension, il nous aurait été difficile de présenter la vision des étudiants adultes concernant le financement du réseau universitaire et la formation courte. Des circonstances particulières ne nous avaient pas permis de nous inscrire dans les délais prescrits par la commission. Afin d'alléger et de présenter le mémoire plus rapidement, je vais donc immédiatement entrer dans les principaux points.

L'Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l'éducation permanente (AGEEFEP) regroupe une importante partie des Québécois et des Québécoises qui suivent des cours à l'éducation des adultes à l'université. En fait, il s'agit de 12 000 étudiants et étudiantes inscrits à la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal. C'est à titre de représentante de ce large ensemble que l'association exprime ses positions dans le cadre de la commission parlementaire de l'éducation.

Le mémoire se divise en quatre parties: une introduction et un bref historique sur l'éducation des adultes dans les universités; la formation courte ou te baccalauréat par cumul de certificats; le financement et les frais de scolarité; enfin, les recommandations.

Introduction. Après la Révolution tranquille, le Québec faisait un pas de géant en favorisant d'une manière accélérée la démocratisation de l'éducation. S'instruire était devenu désormais un droit reconnu et les jeunes appartenant à des couches de population moins favorisées trouvaient maintenant une place au sein d'institutions renouvelées dans leur structure: création des polyvalentes et des cégeps. Mais qu'en était-il des adultes?

De 1960 à 1985, nous avons assisté à une explosion de nouvelles technologies qui allaient renouveler le monde du travail et, par ricochet, la société en général. Dans la même période, la mentalité des Québécois subissait de profondes transformations allant jusqu'à l'éclatement de concepts qui n'avaient jusqu'alors jamais été l'objet de réelles remises en question. Le monde des adultes passait d'une relative stabilité à un bouillonnement de plus en plus intense où de nouveaux besoins allaient faire leur apparitions nécessité de recyclage pour les travailleurs et les travailleuses dont l'emploi était appelé à disparaître en raison des transformations technologiques ou des décisions d'ordre politique et économique; nécessité pour les parents uniques - dont l'immense majorité sont des femmes, il va sans dire - d'acquérir une rapide formation pour accéder au marché du travail et subvenir ainsi aux besoins de leur famille; besoin de perfectionnement pour ceux et celles dont l'emploi exige une rapide adaptation aux nouvelles technologies. Bref, tous ces changements reliés au marché du travail, ainsi que l'apparition d'une mentalité désireuse d'étendre les bienfaits de l'éducation à toutes les catégories sociales ont amené la création de nouveaux programmes spécifiquement destinés aux adultes.

Ouverture de l'université aux adultes. Cette réflexion des années soixante, ainsi que la réforme de l'éducation qui a suivi ont exigé des réaménagements importants dans les universités. Ces réaménagements furent de deux ordres: au niveau des programmes réguliers et au niveau de l'éducation des adultes.

Convaincue que le Québec, particulièrement la population francophone, avait un grand retard à rattraper, la société québécoise a fait en sorte que les universités ouvrent leurs portes aux adultes et leur offrent des programmes spécialement conçus pour eux.

En ouvrant l'université aux adultes, il fallait prendre en considération que le bagage expérientiel de ces derniers était, dans un sens large, différent de celui des jeunes et qu'ils avaient acquis une expérience en dehors des sentiers battus du système d'éducation. Les programmes réguliers étaient donc peu adaptés aux adultes. Ils ne pouvaient offrir une préparation adéquate aux nouveaux rôles sociaux créés par une société en perpétuelle mutation.

L'Université du Québec. Face à l'urgence de la situation, les universités ont réagi. Au moment de sa fondation, l'Université du Québec s'est, d'ailleurs, vu confier un mandat spécial en matière d'éducation des adultes. En 1971, elle démontra son intérêt pour les programmes de certificats, programmes courts de 30 crédits, dans son plan quinquennal de planification 1971-1975, en consacrant un chapitre entier à l'éducation des adultes et à l'éducation

permanente dans laquelle la formule de certificat retient particulièrement l'attention. On y décrivait les avantages de cette formule pour les adultes en situation de travail et on faisait mention de la possibilité d'obtenir un baccalauréat par cumul de trois certificats. Enfin, c'est en 1976 que l'Université du Québec reconnaissait par un énoncé politique la nécessité de desservir des clientèles nouvelles et traditionnellement négligées: groupes communautaires, femmes au foyer de retour sur le marché du travail, etc.

L'Université de Montréal. En 1974, l'Université de Montréal, par un amendement à ses statuts, créait la Faculté de l'éducation permanente, poursuivant ainsi une longue tradition qui remonte même au-delà de la création de l'extension de l'enseignement en 1952. Par le biais de cette faculté, l'université désirait, entre autres, répondre à des besoins de perfectionnement des adultes. Dans le cadre de son enseignement crédité, la FEP offre des programmes de certificats en général multidisciplinaires.

En 1978, l'Université de Montréal, par le biais de sa commission des études, reconfirmait la vocation des certificats en refusant que des programmes plus longs soient élaborés à l'intention des adultes. Il ne s'agissait pas ici d'exclure une formation plus longue, mais on jugeait préférable que cette formation se fasse sous forme de certificats séquentiels: trois certificats menant à un baccalauréat ès arts ou ès sciences. En adoptant cette formule, la commission permettait aux adultes de s'intégrer dans le système universitaire sans que soit mise en jeu leur vie professionnelle, sociale et familiale, tout en leur offrant une reconnaissance officielle plus stimulante que la perspective d'un diplôme obtenu au bout d'une dizaine d'années d'études à temps partiel.

Diversification de la formule universitaire. On a vu que le développement des certificats à l'Université de Montréal et à l'Université du Québec à Montréal a eu lieu en grande partie dans les années soixante-dix. Aujourd'hui, 90 certificats sont offerts par ces deux universités comme moyen privilégié de répondre aux besoins des adultes en matière de formation professionnelle initiale ou ultérieure, de perfectionnement des maîtres, de formation d'intervenants (criminologie, gérontologie, santé et sécurité au travail, toxicomanie, etc.) et pour répondre à des problèmes sociaux de plus en plus importants au Québec.

Certains de ces certificats concernent le perfectionnement dans les secteurs où la formation s'acquiert grâce à l'expérience (coopération, information * et journalisme, publicité, relations publiques et relations industrielles, traduction). II ne faut pas, non plus, omettre les certificats de promotion collective mis sur pied dans le but de donner une formation reliée à l'exercice de responsabilités dans les corps intermédiaires, les comités de citoyens, les syndicats, les coopératives, etc.

Ainsi, le développement de la formation des certificats a permis de mettre en évidence la nécessité de diversifier les cheminements de formation universitaire.

La formation courte ou le baccalauréat par cumul de certificats. Des programmes conçus pour les adultes. L'âge moyen des étudiants adultes se situe au début de la trentaine. Dans une vaste majorité, ils s'inscrivent aux programmes courts, certificats, le plus souvent à temps partiel, 92 %. Composée majoritairement de femmes, la clientèle adulte est constituée pour l'essentiel de personnes sur le marché du travail qui viennent chercher à l'université un complément de formation ou les connaissances spécialisées dont elles ont besoin.

Les programmes réguliers accueillent généralement une clientèle qui a suivi une démarche continue puisque cette clientèle passe directement du secondaire au collège, puis du collège à l'université. Basés sur ce type de cheminement, les programmes réguliers, particulièrement à l'Université de Montréal, sont conçus pour des étudiants ayant peu d'expérience. Ils offrent une formation linéaire modelée sur la logique interne des matières enseignées avec une ouverture plutôt théorique sur le monde extérieur. Ces programmes tiennent pour acquis que les étudiants n'auront pas à utiliser immédiatement dans un milieu spécifique les connaissances qu'ils acquièrent à l'université.

En revanche, les programmes de certificat et de baccalauréat par cumul de certificats offrent une formation non linéaire au caractère souple et multidisciplinaire qui répond mieux aux préoccupations des étudiants et des étudiantes adultes puisqu'ils s'articulent sur leur expérience; ils tiennent compte des connaissances acquises en dehors du système scolaire.

Alternative aux programmes réguliers. Il suffit de parcourir la liste de programmes des universités pour se rendre compte que la majorité des programmes courts et des certificats couvrent des champs d'étude pour lesquels il n'existe aucun bac spécialisé. Les programmes courts répondent donc, dans beaucoup de cas, à des besoins de formation qui ne peuvent être comblés par des programmes réguliers, soit qu'il s'agisse d'un problème essentiellement multidisciplinaire, soit qu'il s'agisse de sujets particuliers à traiter dont l'approfondissement irait à l'encontre des objectifs d'une formation générale.

Il y a tout lieu de penser qu'une importante partie de la clientèle adulte des programmes courts ne se serait pas inscrite

si elle avait eu comme seul choix de s'inscrire à un bac ou à une maîtrise. Les programmes courts donnent donc aux adultes sur le marché du travail la chance de compléter un baccalauréat par étapes, reconnues officiellement par un diplôme, ou simplement d'ajouter à leur formation une ou deux années d'études universitaires,,

Cette possibilité a des effets positifs non seulement pour les adultes qui s'en prévalent, mais également sur la société québécoise tout entière. Ce sont ces effets qu'il faudrait étudier avant de prendre quelque décision que ce soit concernant le financement de l'éducation des adultes et la formation courte dans les universités. De telles décisions touchent un tissu social trop important pour qu'on puisse les prendre sans faire une étude sérieuse des besoins de la société québécoise.

Les adultes et la qualité de la formation. Outre qu'un bon nombre d'adultes viennent à l'université pour combler un besoin spécifique dans le cadre d'un certificat, 45 % d'entre eux expriment la volonté de compléter un baccalauréat par cumul de certificats. Lor3 du congrès de fondation de l'association des étudiants l'AGEEFEP), ceux et celles qui étaient présents ont manifesté le désir que soit établie une formule de baccalauréat adaptée aux besoins des étudiants adultes. Par ailleurs, ils se prononçaient pour l'instauration de règles dans le cumul des certificats. Des progressions devaient être établies dans les cours et les programmes afin de créer des baccalauréats à l'intérieur desquels les études seraient ordonnées selon un niveau d'apprentissage progressif.

Déjà, à l'Université du Québec, il existe de tels baccalauréats: baccalauréats ès arts, ès sciences, ès sciences appliquées, baccalauréats en éducation et en administration des affaires. Quant à l'Université de Montréal, tout porte à croire qu'elle emboîtera bientôt le pas. En effet, la sous-commission du premier cycle serait favorable à la création de deux types de baccalauréats, moyennant l'établissement de certaines règles particulières propres à chacun de ces baccalauréats; il s'agit du baccalauréat pluridisciplinaire pouvant être composé de certificats, de microprogrammes et possiblement d'un certain nombre de cours, et du baccalauréat polyvalent avec mention du domaine d'études, qui pourrait être obtenu dans les domaines de la santé, des communications appliquées, des sciences sociales appliquées, de l'enseignement.

Dans cette perspective, le baccalauréat par cumul constitue une formule souple, assurant, d'une part, la qualité de la formation et, d'autre part, il répond adéquatement aux besoins de la collectivité québécoise prise dans son ensemble.

L'expérience, un atout. L'éducation des adultes, dans la recherche de la qualité, possède un atout de plus que la formation régulière: l'expérience de ses étudiants. Ceux-ci, grâce aux connaissances qu'ils ont pu accumuler dans leur travail ou lors d'études antérieures, peuvent apporter beaucoup à leurs collègues et même au professeur. Les discussions en classe se révèlent riches et profitables.

Cette expérience des étudiants adultes facilite leur intervention dans la définition et l'orientation de leurs programmes d'études. Déjà sur le marché du travail, ils retournent aux études pour satisfaire des besoins précis; ils sont très bien placés pour connaître l'orientation que devraient prendre leurs études.

Initiation de l'adulte aux études universitaires. Les adultes qui sont admis è l'université selon ce qu'on appelle des critères "minimaux", c'est-à-dire avoir atteint l'âge de 21 ans et posséder une certaine expérience et des connaissances appropriées, ne sont, bien sûr, pas toujours préparés à des études universitaires. Les gens qui n'ont pu poursuivre des études avancées pour toutes sortes de raisons et qui désirent fréquenter l'université lorsque, à l'âge adulte, on leur offre une seconde chance, réussissent souvent mieux que les autres, leur motivation et leur goût d'apprendre compensant leur manque de préparation.

Bureau d'accueil et cours d'initiation aux études universitaires. Afin de permettre un plus grand accès de ces gens à l'université, il faudrait les assister dans leur cheminement, les aider à exploiter au maximum leur potentiel afin que le niveau de difficulté des cours soit maintenu. Cette aide pourrait être dispensée d'abord par un bureau d'accueil qui assisterait tous les adultes qui retournent aux études, dans leur orientation, dans leur choix de cours, etc. Un tel bureau contribuerait à mieux intégrer les étudiants adultes à la vie universitaire en leur faisant connaître, dès leur arrivée, tous les services de l'université auxquels ils peuvent avoir accès.

Des cours d'initiation aux études universitaires, de méthodologie, etc., pourraient être mis sur pied et imposés aux personnes qui n'auraient pas une préparation suffisante. On pourrait aussi instaurer des cours d'introduction à certains programmes.

La reconnaissance des acquis. Pour l'ensemble de ses activités, l'université devrait se doter d'une politique de reconnaissance des acquis, évitant ainsi aux adultes une perte de temps et d'énergie et permettant au gouvernement d'économiser les sommes investies pour dispenser des cours à des gens qui auraient presque pu enseigner la matière qu'ils sont supposés apprendre. Une personne qui, dans le cadre de son emploi, agit à titre d'agent négociateur pour un organisme a rarement besoin de suivre un

cours de négociations collectives. On pourrait donc lui en donner les crédits après avoir évalué son expérience.

Une formation avant-gardiste. Dans une société en mouvement constant comme ta nôtre, les entreprises recherchent de plus en plus des gens disposant d'une formation polyvalente. Dans cette même veine, les universités québécoises tentent actuellement de "déspécialiser" les programmes qu'elles offrent pour répondre à ce besoin de polyvalence. C'est toute cette question de l'adaptation de l'université québécoise aux besoins de la société qu'il faudra examiner avant de prendre quelque décision que ce soit touchant le financement de la formation courte.

Il faudra demander aux étudiants et aux étudiantes adultes quels sont (es besoins qu'ils ressentent en matière de formation et pourquoi ils choisissent en si grand nombre la formation courte; effectuer une enquête auprès des anciens étudiants pour voir ce que les sommes consacrées à leur éducation par le gouvernement ont apporté à la communauté; voir comment les entreprises profitent de la formation courte que reçoivent leurs employés et si cette formation répond à leurs attentes.

En somme, il faudra réaliser une étude socio-économique des effets de la formation courte sur la société plutôt que se limiter à étudier ses effets sur l'université. Nous croyons que la commission parlementaire se doit d'étudier les besoins de la société québécoise en ce qui concerne l'éducation des adultes au niveau des études universitaires en tenant compte du contexte social, culturel, économique et scientifique du Québec.

Le financement et les frais de scolarité. Le mode de financement et ses effets. On a accusé certaines universités d'avoir multiplié les programmes courts afin d'assurer une clientèle qui leur permettait de voir leurs subventions augmentées. Il faudrait éviter que de telles accusations ne servent d'évaluation des besoins en formation courte.

Le mode actuel de financement des universités a sans doute contribué à la création des programmes courts, mais il faudrait peut-être maintenant penser à établir un mode de financement plus logique et plus juste avant de sabrer dans ces programmes. Si la clientèle de la formation courte s'est accrue si rapidement, c'est sûrement parce que cette formation répandait à des besoins réels de la population.

Il est incontestable que les universités ayant développé la formation courte ont été favorisées dans leur financement, mais de là à affirmer, comme le fait le comité ad hoc du Conseil des universités, que "par rapport à l'indice d'évaluation total des subventions par étudiant en 1983-1984, le secteur des certificats pour l'ensemble des universités a été largement avantagé et ce, au détriment des études graduées, du moins en ce qui a trait à l'imputation théorique des fonds par le MEQ", il faut être bien loin de la réalité des universités.

Les adultes subventionnent les études régulières. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil à la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal pour voir que l'euphémisme "du moins en ce qui a trait à l'imputation théorique des fonds", signifie "exclusivement en théorie". La FEP dispense 20 % des activités d'enseignement de 1er cycle de l'Université de Montréal. En échange, l'université ne consacre que 6 % de ses dépenses d'enseignement à la faculté. Les cours de la FEP sont donnés par des chargés de cours qui coûtent à l'université beaucoup moins que les professeurs qui dispensent l'enseignement régulier. On ne fournit à ces chargés de cours ni un service de secrétariat, ni les locaux nécessaires pour assurer l'encadrement des étudiants, ni le salaire qui correspondrait aux heures supplémentaires. Les étudiants se retrouvent sans encadrement, sans la majorité des services dont ils auraient besoin.

Dans le cadre d'une telle affirmation du comité ad hoc du Conseil des universités, il est raisonnable de craindre une éventuelle décision en faveur de l'augmentation des frais de scolarité exigés pour la formation courte ou pour des études à temps partiel. Une telle décision équivaudrait à fermer un peu plus aux adultes la porte d'accès aux universités qui, même si elle n'était pas grande ouverte, a tout de même permis d'effectuer un bon début de rattrapage et d'avancer vers une véritable éducation permanente. Les adultes sur le marché du travail paient des impôts importants pour l'éducation. De plus, les universités utilisent une bonne partie des sommes que leur apportent les personnes inscrites à la formation courte pour subventionner les études régulières. Pourquoi faudrait-il, de surcroît, imposer des frais de scolarité plus élevés aux adultes ou à ceux qui étudient à temps partiel?

Conséquences et impact d'une augmentation des frais de scolarité. Nous savons que c'est par de multiples façons que les politiques de développement, les politiques gouvernementales et les politiques propres aux établissements universitaires peuvent influencer l'accès des adultes à l'université. L'identification des secteurs prioritaires, l'incitation en faveur de tel type de fréquentation (temps complet, temps partiel), de programme courts ou longs ou de différents cycles (premier cycle ou cycles supérieurs) et la répartition des frais de scolarité selon les divers types d'étudiants sont autant de facteurs négatifs ou positifs qui feront en sorte de freiner ou de promouvoir la fréquentation de l'université

par les adultes. (18 h 45)

II est donc important d'attirer l'attention des membres de la commission sur l'impact et les conséquences que pourraient avoir certains ajustements à la formule de financement des universités sur l'accessibilité aux études universitaires pour les adultes et les couches défavorisées de la société. Il est crucial que la politique de développement et de financement des universités soit étudiée avec soin dans tous ses aspects de façon à ne pas pénaliser une partie de la collectivité et des populations qui les fréquentent.

Pour le mieux-être de la sociétés, il est essentiel que l'État et les universités conservent comme une de leurs priorités le développement de l'éducation des adultes et de l'éducation permanente. Il serait infiniment préjudiciable à la collectivité de négliger les adultes et l'immense potentiel qu'ils représentent. Dans cet ordre d'idées, le gouvernement doit assurer le financement de l'éducation des adultes et celle des groupes défavorisés et doit faire en sorte que les universités ne puissent d'aucune manière augmenter leurs frais de scolarité.

Les risques d'une augmentation. Si les frais de scolarité étaient doublés, 13 % des étudiants abandonneraient leurs cours, le quart de ceux et celles qui sont à temps plein seraient forcés d'adopter un régime à temps partiel et, parmi les autres qui prévoient actuellement poursuivre des études de 2e et de 3e cycle, 26 % se contenteraient d'un baccalauréat. C'est tiré du sondage réalisé par la firme Léger et Lepage. Ainsi, à cause de cette augmentation, des milliers d'étudiants seraient forcés de s'intégrer à un marché du travail déjà engorgé. Mais combien parmi eux pourraient se trouver un emploi lorsqu'ils sont déjà près de la moitié à n'avoir pu dénicher un emploi d'été?

Quant aux adultes, ils seraient également nombreux à quitter l'université s'ils devaient un jour payer, par exemple, la somme de 128 $ au lieu de 64 $ par cours, prix de l'Université de Montréal. On verrait vite fondre la moyenne de 2,5 cours suivis par individu par session comme cela existe présentement à l'Université de Montréal.

Promesse électorale et gel des frais de scolarité. Nous croyons que le parti au pouvoir doit tenir sa promesse électorale et maintenir le gel des frais de scolarité car ils furent des milliers à s'inscrire et à se réinscrire dans le cadre d'un régime de financement qu'ils connaissaient et qui leur permettait de mesurer leur investissement à long terme avec l'assurance qu'aucune modification à ce régime ne surviendrait avant quatre ans.

Quant à une indexation éventuelle des prêts et bourses pour modifier l'impact d'une hausse, il ne faut pas se leurrer puisque seule une minorité d'étudiants ont accès aux prêts et bourses. Il serait également faux de croire qu'une augmentation des frais de scolarité permettrait de hausser la contribution des plus favorisés économiquement et que la hausse des bourses permettrait d'éviter à son tour de mettre à contribution les moins fortunés. H y a un groupe important d'étudiants et étudiantes -27 % de l'ensemble - dont les parents n'ont pas les moyens de les aider et qui n'ont pas accès à l'aide financière. De toute façon, il semble qu'on mette la charrue devant les boeufs puisque aucun projet de réforme...

M. Ryan: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Cela fait déjà 20 minutes que le délégué est en train de lire. C'est le temps dont nous avions convenu. Nous avons des réunions pressées ce soir qui ne peuvent pas être reportées. Je crois qu'on pourrait demander au représentant des étudiants de la Faculté de l'éducation permanente de procéder à la lecture des recommandations et on peut s'engager à lire le reste très attentivement. Je pense que la commission a fait montre d'un esprit d'hospitalité en acceptant de vous entendre. Je pense que vous devriez passer aux recommandations tout de suite. En tout cas, c'est une demande que je soumets, M, le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur.

M. Martin: Bien. Je pourrais peut-être... Il y a juste un point dont j'aimerais pouvoir parler.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, écoutez, M. Martin.

M. Ryan: Vous nous avez dit 20 minutes tout à l'heure et c'est passé.

M. Martin: Bon. C'est bien.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous savez, on a quand même essayé de faire notre possible. Vous avez vu vous-même que la commission parlementaire a accusé un retard d'une heure ce matin dans ses travaux. Les membres de la commission seront en réunion ce soir; ils n'ont pas encore mangé, etc. Normalement, on aurait dû terminer à 18 heures et il est déjà 18 heures 50. Si vous voulez passer aux conclusions.

M. Martin: Je comprends, M. le Président. En fait, au nom des 12 000

étudiants adultes dont nous sommes le seul porte-parole, étant donné la limite de temps qui nous est imposée, nous allons immédiatement passer aux recommandations.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non. La limite de temps qui vous est accordée, devriez-vous dire.

M. Martin: Qui nous est accordée.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est cela.

M, Martin: Recommandations. Financement de la formation courte. Considérant que, dans un monde sujet à des innovations technologiques accélérées et en voie de restructuration économique, il est important d'assurer une formation universitaire en rapport avec les réalités d'une société moderne (mobilité intellectuelle, perspective multidisciplinaire, etc.);

Considérant que les programmes de certificat et de baccalauréat offrent une formation au caractère souple et multidisciplinaire qui répond le mieux aux préoccupations des étudiants adultes puisqu'ils s'articulent sur leur expérience et qu'ils tiennent compte des connaissances acquises en dehors du système scolaire;

Considérant que la formule de certificat et celle du bac par cumul de certificats permettent un nombre élevé de combinaisons de formations qui peuvent répondre aux exigences sans cesse plus variées de notre société et faciliter une adaptation rapide aux multiples rôles sociaux;

Considérant qu'il est essentiel, pour le mieux-être de la société, que l'État et les universités conservent comme l'une de leurs priorités le développement de l'éducation des adultes et de l'éducation permanente;

Considérant qu'il serait préjudiciable à la collectivité de négliger les adultes et l'immense potentiel qu'ils représentent;

En conséquence, nous recommandons que le gouvernement assure le financement de l'éducation des adultes, dont les groupes défavorisés, et qu'il fasse en sorte que les universités ne puissent d'aucune manière augmenter les frais de scolarité des étudiants inscrits dan3 la formation courte dans les universités du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Martin, si vous voulez bien passer à vos recommandations. Les "considérants", les membres vont avoir le temps de les lire et d'en prendre connaissance.

M. Martin: En fait, je pense...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Sur le gel des frais de scolarité, vous...

M. Martin: II serait peut-être mieux de mettre un terme, parce qu'en fait la population ne peut pas comprendre les motifs qui nous amènent à faire telle proposition et, à ce moment-là, on pourrait désinformer plus qu'informer.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non, je veux vous faire comprendre une chose. Par exception, vous participez à une commission parlementaire dont les débats sont télévisés. Il y a des commissions parlementaires tous les jours, ici, dans le Parlement, qui ne sont pas télévisées. Vous nous avez apporté un document ce matin. De bonne foi, on vous a accueillis et on vous a dit: On va vous écouter. Quand même, il faut respecter les règles du jeu.

M. Martin: Je comprends, M. le Président. Tout simplement, c'est qu'on va arrêter. Si vous n'avez pas le temps de nous entendre, on va tout simplement laisser.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Monsieur, nous voulons vous entendre. Si vous ne voulez pas passer immédiatement à vos conclusions, nous vous remercions beaucoup d'être venus nous rencontrer. M. le ministre.

M. Martin: En fait, il y avait eu une entente où on devait pouvoir présenter tout cela. Vous nous prenez par surprise, en fait.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non. Il faut tenir pour acquis que, quand vous présentez un mémoire, vous le donnez aux gens pour qu'ils le lisent. Vous venez ici pour donner des détails supplémentaires. C'est cela, en fin de compte, une commission parlementaire.

M. Martin: On avait expliqué les raisons qui faisaient que nous accusions un certain retard.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Les membres de la commission ont votre mémoire. Ils vont lire vos considérations. Si vous voulez que vos recommandations passent sur le réseau, comme vous dites bien, donnez-nous vos recommandations.

M. Martin: Nous recommandons que le parti au pouvoir tienne la promesse électorale faite pendant la dernière campagne et conserve le gel des frais de scolarité, car ils furent des milliers à s'inscrire et à se réinscrire dans le cadre d'un régime de financement qu'ils connaissaient et qui leur permettait de mesurer leur investissement à long terme avec l'assurance qu'aucune modification à ce régime ne surviendrait avant quatre ans.

Nous recommandons que soit élaboré un

régime d'aide financière comportant des mécanismes aptes à assurer l'accessibilité aux études à tous les adultes à temps partiel et à temps plein. Je crois qu'il aurait fallu qu'on donne vraiment de l'information là-dessus. Nous regrettons.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral redresse ses contributions à l'éducation et que le gouvernement du Québec mette un terme aux coupures imposées.

On sent que ce qu'on donne comme information, c'est très incomplet.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous avons l'information. Nous avons le mémoire ici. Vous comprendrez qu'on ne l'a pas lu avant comme on a fait avec les autres intervenants, mais on va le lire après, soyez-en certains. Si on n'avait pas voulu en prendre connaissance, on ne vous aurait pas invités à demeurer avec nous pour vous entendre. Je vous remercie beaucoup, M. Martin.

M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Ryan: Je vous remercie de vous être rendus à Québec pour nous rencontrer. Il est survenu un petit malentendu à la fin qui n'est pas grave et dont vous êtes entièrement responsables, vous en conviendrez. Mais vous pouvez être assurés que les éléments contenus dans votre mémoire seront l'objet de la même considération que ceux qu'on trouve dans les mémoires qui ont été présentés à la commission en grand nombre. Je pense que c'est le meilleur accueil qu'on puisse vous faire que de vous assurer que vos vues vont être considérées avec toute l'attention voulue même si, aujourd'hui, vous êtes venus, contrairement à tous nos règlements et à toutes nos conventions, vous présenter devant nous et que nous avons accepté de vous rencontrer avec une parfaite bonne foi, dans un esprit d'écoute qui va se maintenir, je l'espère bien. Merci et bonne chance.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le président de la commission qui a bien voulu accepter, dans les conditions qu'on connaît, de vous entendre. Cependant, je dois dire que je déplore l'attitude qu'on a aujourd'hui. Je me dis: Ce n'est pas quand on a plusieurs dizaines d'heures de commission parlementaire de faites que cinq minutes de plus ou de moins vont déranger profondément.

Vous êtes le seul groupe d'étudiants adultes à l'université qu'on ait entendu ici à cette commission. Il me paraissait extrêmement important qu'on puisse vous entendre. Il est déplorable, je le répète, qu'on n'ait pas pu le faire d'une façon un peu plus longue. Malgré ce que dit le ministre, vous êtes peut-être en partie responsables de l'incident, mais c'est beaucoup également parce qu'on a pris une heure de retard ce matin et nous en sommes aussi un peu responsables. Alors, messieurs, j'espère que votre message sera entendu et que le ministre, avec ses fonctionnaires, prendra un moment pour analyser plus profondément les recommandations contenues dans votre mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Merci, M. le ministre. M. Martin, nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté de collaborer avec nous. Nous vous remercions également de votre apport en nous faisant connaître vos préoccupations relatives au financement des universités.

La commission parlementaire de l'éducation ajourne ses travaux au mardi 21 octobre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 56)

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