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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 21 octobre 1986 - Vol. 29 N° 26

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le but d'évaluer les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs les députés, la commission parlementaire de l'éducation va reprendre ses travaux.

Je constate qu'il y a quorum, la commission parlementaire de l'éducation va débuter ses travaux.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): S'il n'y a pas de remplacement, la commission débute ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir procéder à une consultation générale dans le but d'étudier les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois pour l'année 1987-1988 et pour les années ultérieures. Ce matin, le 21 octobre, la commission parlementaire entreprend sa dernière journée de séance relativement au mandat précité.

L'ordre des travaux de cette séance s'établit comme suit. Dans un premier temps, nous accueillerons les représentants de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences. Nous les entendrons pendant une période variant entre une heure et une heure et demie. À la fin, selon le procédé établi depuis le début, je reconnaîtrai tour à tour le porte-parole de l'Opposition et le porte-parole ministériel pour le mot de la fin avec les gens de l'ACFAS. Ensuite, je reconnaîtrai, pour l'allocution de clôture de cette commission parlementaire, dans l'ordre, le porte-parole de l'Opposition pour une intervention qui devrait durer entre 30 et 45 minutes et je ferai de même pour le ministre, le porte-parole du parti ministériel, pour une période identique, soit entre 30 et 45 minutes.

Ce matin...

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le vice-président.

M. Jolivet: J'aimerais dire, compte tenu que c'est la dernière journée que nous avons à travailler ensemble à la commission, qu'il y a des documents présentés par des organismes qui, pour des raisons diverses, ont été regroupés ou envoyés à la commission. J'aimerais qu'ici à la commission on puisse dire que tous les documents que le secrétaire a reçus venant de différents organismes -même s'ils n'ont pas été entendus ici - ont été versés au secrétariat, et non pas écrits dans le procès-verbal, et s'assurer que si quelqu'un en a besoin, on sache quels organismes ayant déposé un mémoire ici, ont désiré ne pas se faire entendre pour différentes raisons et que ces documents soient considérés comme ayant été versés au secrétariat et inscrits en annexe au procès-verbal.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que c'est tout à fait normal que, pour les organismes qui ont jugé bon de nous faire parvenir leurs observations ou leur mémoire, les documents soient consignés à la commission parlementaire de l'éducation et qu'ils soient mis à la disposition des gens qui pourraient y avoir recours.

Alors, ce matin, l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences est avec nous et elle est représentée par son porte-parole, M. Guy Arbour, qui en est le directeur général. M. Arbour, nous vous saluons. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions aussi d'avoir accepté de venir travailler avec nous à cette recherche de solutions en ce qui concerne la problématique du financement et de l'orientation du réseau universitaire québécois.

La commission parlementaire a prévu de vous entendre pendant une heure ou une heure et demie et une période de dix à quinze minutes, tel qu'il a été entendu tout à l'heure entre nous, sera consacrée à la présentation de votre mémoire ou à la présentation de votre intervention. Après cela, la discussion s'engagera entre les membres de la commission et vous et les gens qui vous accompagnent.

Cela dit, M. Arbour, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec votre présentation.

Association canadienne-française pour l'avancement des sciences

M. Arbour (Guy): Eh bien! Oui. Je suis avec notre président, M. Gilles Paquet, et

notre vice-présidente aux relations extérieures, Mme Andrée Roberge. Comme évidemment la première instance de l'association c'est notre président, je lui cède immédiatement la parole pour qu'il présente notre mémoire.

Le Président (M. Parents, Sauvé): M. le président.

M. Paquet (Gilles): Merci, M. le Président et les membres de la commission, merci de nous recevoir. Je vais résumer rapidement la nature de notre mémoire pour s'assurer qu'on souligne un certain nombre d'éléments qui nous semblent les plus importants.

Que je présente d'abord, pour ceux qui la connaîtraient mal, ce qu'est l'ACFAS, l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences. C'est un groupement de 8000 chercheurs francophones, largement du Québec, un peu dans la périphérie. Elle existe depuis 1923 et, en un sens, elle a pris un essor depuis la fin des années cinquante. Cela est très bien mesuré par un petit graphique qui montre un indicateur de notre activité, c'est-à-dire le nombre d'inscriptions à nos congrès annuels qui a dépassé les 4000 l'année dernière.

Nos activités, c'est un congrès, oui; c'est une revue, oui; ce sont des publications, oui; ce sont des prix qu'on donne aux scientifiques les plus émérites du Canada français, mais c'est surtout un rôle de vigie, un rôle de surveillance, un rôle de point de ralliement et donc de point d'inquiétude à propos des problèmes de recherche. C'est dans ce sens, à l'intérieur du mandat que s'est donné votre commission, qu'on a voulu vous rencontrer parce que nous croyons que la recherche au Québec est en péril. Pour une recherche efficace, il nous semble qu'il va être très important de réfléchir sur le rôle que le réseau universitaire peut jouer à ce niveau.

Je dis "réseau universitaire" parce que le réseau universitaire est évidemment, d'abord, la machine à produire les chercheurs. C'est très clair que c'est la machine qui produit les chercheurs de demain. C'est aussi le lieu privilégié de la recherche. Il est très clair que l'université n'a pas le monopole de la recherche, mais elle est un lieu très important de production de recherche et, en fait, la recherche y est un peu oubliée, occultée. Je dirais que, si on avait organisé l'enseignement à l'université de façon aussi floue qu'on a organisé la recherche, on ne saurait pas tout à fait quand se donnent les cours, quels programmes existent et on n'aurait peut-être pas un enseignement qui est particulièrement efficace. On assume que les universitaires font de la recherche, mais c'est rarement défini très clairement dans leur charge de travail, c'est rarement précisé de façon assez précise pour qu'on puisse voir exactement de quoi il en retourne et c'est rarement évalué, ce qui fait que la recherche a pris un rôle fantôme à l'intérieur des travaux des universitaires, non pas que cela n'existe pas - cela a été extrêmement impartant - mais on l'a un peu, comme je le disais, occultée.

À notre sens - et c'est un peu le point central de notre mémoire - il faut absolument - et nous espérons que votre commission va le faire - clarifier le statut de chercheur à l'université. Il n'est pas suffisant de compter les charges d'enseignement. La charge de travail d'un universitaire, cela veut dire aussi un travail de recherche et un travail de recherche qu'il faut préciser un peu mieux. Pour une recherche efficace, il faut aussi se rendre compte que la tribu des chercheurs universitaires et hors universitaires est une tribu assez diversifiée, bariolée. On a donc essayé de préciser, dans notre mémoire, qu'il serait malheureux de vouloir avoir un guichet unique qui s'occupe de tous les chercheurs de toutes les régions du savoir travaillant différemment.

L'infrastructure qu'il nous faut en recherche est une infrastructure qui doit être riche, mais qui doit aussi être plurielle parce qu'elle servirait mal autrement une communauté, un capital humain qu'il nous semble important non seulement d'améliorer, mais de préserver. Notre impression est qu'il y a danger que l'infrastructure de recherche soit oubliée; qu'on s'imagine qu'il peut y avoir une sorte "d'immaculée conception de la recherche"; que cela va se passer de toute manière sans qu'on sache pourquoi; que cela arrive sans vraiment qu'on ait à s'en occuper. En fait, les chercheurs ne peuvent pas travailler dans le vide. Ils doivent travailler avec des lieux, des espaces, de l'électricité, des crayons, des assistants. Il nous semble que cet encadrement est en train de dépérir.

Il nous faut, il nous semble, une infrastructure qui va accepter l'idée que c'est la formation du capital humain qui est au centre de tout le travail d'éducation et du travail de recherche. Comme on a essayé de le montrer dans notre mémoire, il faut donc aider financièrement les étudiants chercheurs, qui investissent beaucoup mais qui seraient portés à investir moins parce que, justement, on leur demande de porter privément les coûts d'une recherche dont les bénéfices vont être largement diffusés dans le public et dans la population; assurer aussi le temps des chercheurs pour encadrer ces étudiants puisqu'il est probable que, si on ne le fait pas, si les infrastructures sont un peu trop dissoutes ou un peu trop anodines, les chercheurs vont simplement se réfugier dans des travaux terriblement pointus à l'intérieur

de leur discipline pour un collège invisible d'experts à travers le monde, mais ne serviront peut-être pas à former chez nous un capital humain très fort.

Il nous semble qu'il y a un autre danger, celui de ne pas renouveler le stock de capital humain. On a un groupe de chercheurs pour le moment qui, souvent, est vieillissant. On a au Québec en particulier, des équipes de recherche, des centres qui ont été fondés par une personne, un homme, une femme, et qui n'ont pas de relève. Il y a danger qu'au moment même où la relève pourrait être produite ou engagée, les barrières financières soient telles que cela ne puisse pas se faire. Cela pourrait impliquer qu'il n'y aura pas renouvellement du stock de chercheurs et, donc, qu'à plus long terme on se condamne à une production de capital humain de beaucoup moindre qualité que ce qu'on pourrait espérer.

Finalement, il nous semble qu'il n'est pas possible de travailler en vase clos dans une société aussi petite que le Québec et qu'il faut promouvoir un autre élément de l'infrastructure qui est ta capacité de se brancher sur un réseau de chercheurs et de travailleurs intellectuels, si on peut dire, dans des réseaux plus vastes et complémentaires, réseaux canadiens, réseaux internationaux. Très souvent, quand on parle de ce genre d'échange international, certains sont portés à y voir une sorte de tourisme généralisé pour universitaires. Ce n'était pas du tout le cas.

Ces quatre conditions nous ont semblé importantes à souligner, je les répète, puisque dans notre mémoire on en fait véritablement le corps de ce qu'on pense être important. D'abord et avant tout, on a expliqué un peu comment il faut clarifier le statut du chercheur. Deuxièmement, il faut reconnaître que le chercheur ne pourra travailler sans une infrastructure riche et plurielle, une infrastructure qui doit se définir d'abord pour produire du capital humain. Troisièmement, une infrastructure qui va assurer le renouvellement des stocks de chercheurs et, finalement, qui va promouvoir cette réticulation un peu partout.

L'État, dans ce domaine, a des responsabilités importantes parce que le marché libre qui fonctionne très bien pour les oignons et pour toutes sortes d'autres choses fonctionne très mal pour la production de connaissance. La connaissance, c'est un peu un produit différent. C'est un produit qui, une fois qu'on l'a conquis et qu'on l'a acquis, il est très facile de reproduire et de distribuer à peu de frais. Ce qu'on a, c'est le danger que les coûts de production de la connaissance, qui est la recherche, vont être énormes et que les bénéfices qui sont capturés par les individus qui ont produit cette recherche sont souvent des bénéfices très limités. Le résultat est donc que, si le marché libre joue à plein, il est probable que dans une société comme la nôtre la production de recherche et de connaissance soit bien en dessous de ce qu'il nous faudrait. Il nous semble donc que le gouvernement ou l'État doive intervenir pour s'assurer que le mécanisme imparfait qui est le marché dans ce cas, le cas de production d'un bien public, soit corrigé.

Deuxièmement, dans certains cas aussi, on a voulu s'assurer que la recherche ne reste pas entièrement déconnectée des besoins importants et des priorités d'une société qui l'alimente. Il n'est pas normal que les fonds publics alimentent la recherche et que la recherche ignore les priorités importantes de la société qui la paie. Je sais que beaucoup de chercheurs auront réclamé le droit d'une indépendance entière et complète, d'une licence entière et complète. Il nous semble que l'État a un rôle important pour s'assurer que, si, par hasard, le choix libre de tous les chercheurs laissait à découvert de grands champs absolument mal éclairés, le gouvernement ou l'État puisse intervenir pour s'assurer que les choses importantes à l'ordre du jour de notre société soient éclairées. Un exemple, on sait qu'il y aura beaucoup de personnes plus âgées au tournant du siècle; si les chercheurs en sciences humaines ignoraient le problème des personnes âgées, il serait important qu'on s'assure qu'une portion congrue de la recherche s'y attache.

Dans tout cela, il nous semble qu'une politique souple mais claire de support à la recherche soit nécessaire. Il nous semble, et c'est un peu le sens de notre mémoire, que l'ACFAS ayant été présente depuis 60 ans sur cette scène-là et représentant les gens de toutes les disciplines est en mesure de voir facilement l'érosion de choses qu'on a tort de tenir pour acquises. Au Québec, toute une série de programmes, comme le programme FCAR par exemple, est venue compléter, de façon extrêmement utile, le financement de la recherche qui venait du gouvernement fédéral. Les programmes québécois ont été beaucoup plus éclairés au sens où, plutôt que vouloir simplement encourager la production de connaissances en général, ils ont encouragé de façon très claire la formation des chercheurs et donc la production de capital humain québécois important et compétent dans presque tous les domaines.

Il nous semble que le danger de vouloir trop "rationaliser" - entre guillemets - de vouloir simplifier ces structures, qui sont ajustées aux sciences humaines, aux sciences de la nature, aux sciences de la vie, dans des formes différentes, peut être dangereux. Il nous a semblé qu'on n'a probablement pas pris les mesures nécessaires pour former nos chercheurs de façon aussi efficace que possible, qu'il y a moyen de faire mieux

avec l'argent qu'on a maintenant. Il noua semble donc que ce n'est pas simplement un problème d'argent, il ne s'agit pas de lancer de l'argent dans l'entreprise, il s'agit de s'assurer que l'entreprise est plus efficace. (10 h 30)

À notre avis, au centre de cela est la notion très claire du statut du chercheur qu'on a vraiment mal comprise. Mme Roberge me montrait dans le Monde du 16 octobre, de la semaine dernière, les résultats d'une enquête qu'on vient de publier en France et qui arrive à peu près aux conclusions auxquelles on était arrivé deux ou trois semaines avant. Cela nous a rassurés et inquiétés en même temps: rassurés de voir que notre diagnostic n'était pas entièrement faux, inquiétés de voir que, même dans notre mère patrie la France, les choses n'ont pas l'air beaucoup mieux préparées que chez nous. La commission a posé des gestes plus précis que nous le pouvons» Par exemple, en termes de renouvellement de stock de ressources, de stock de capital humain, au moyen d'études sectorielles, ils ont décidé qu'il fallait au moins 2 % et pas plus de 6 % du stock de chercheurs remplacé chaque année. Des mesures législatives ont été prises, me dit-on,, pour que ce renouvellement se fasse à ce rythme-là, ni plus vite ni moins vite, pour assurer qu'on garde assez de ressources dans le système pour renouveler ce stock de capital humain.

Il nous fera plaisir, M. le Président, de vous donner cette coupure de presse qui nous a inquiétés et rassurés en même temps.

Avec votre permission, je voudrais maintenant demander à Mme Roberge si elle veut ajouter quelque chose à mon exposé très général.

Mme Roberge (Andrée G.): Merci, M. le Président. Je pense que l'élément clé que j'aimerais ajouter ce matin touche le chapitre central de notre présentation "Pour une politique du capital humain" qui est, évidemment, le statut du chercheur.

Le statut du chercheur dans les universités repose essentiellement sur la reconnaissance tangible de la charge de travail, charge de travail qui est polyvalente et qui comprend à la fois de l'enseignement - de l'enseignement aux 1er, 2e et 3e cycles - de la recherche, de l'administration et, de plus, du rayonnement: du rayonnement à l'interne, mais aussi du rayonnement à l'externe.

La difficulté de faire reconnaître d'une façon tangible cette charge de recherche est liée particulièrement à un enseignement de 1er cycle qui se veut de plus en plus lourd. Mais il faut prendre conscience que la recherche se fait avec des étudiants de 2e et de 3e cycles que le chercheur doit encadrer et à qui il doit transmettre des connaissances. Il doit donc assumer aussi, dans sa charge de travail, de l'enseignement au niveau des études supérieures.

Il a besoin d'une infrastructure à l'interne - c'est-à-dire, comme vient de le mentionner notre président, à l'intérieur des universités - qui supporte ses principaux devoirs. Ses principaux devoirs sont, d'une part, liés à la demande de subventions. Rédiger ces demandes, s'assurer qu'elles sont cohérentes et qu'elles répondent a des objectifs précis demandent du temps et demandent aussi une infrastructure. Mais il y a aussi l'efficacité et la performance du chercheur. S'il ne performe pas, s'il n'a pas une efficacité visible, à ce moment, il n'aura pas de reconnaissance tant sur le plan national que sur le plan international. On lui demande donc, dans des comités de lecture, de publier deux ou trois publications par année, de présenter des communications scientifiques tant sur le plan national qu'international, d'être présent à des colloques et d'organiser même, dans certains cas, des colloques sur le plan local. Cela demande du temps; cela demande de l'énergie. Pendant tout ce temps, il doit assurer le cheminement des étudiants qui oeuvrent avec lui de façon à former de futurs chercheurs et assurer que notre capital humain soit renouvelé.

Il faut s'assurer que le statut du chercheur soit privilégié au cours des prochaines années de façon à maintenir la motivation au sein de notre collectivité et de s'assurer, par une évaluation continue, que la performance soit toujours accrue et qu'on vise collectivement l'excellence en ce qui concerne le statut des chercheurs.

Il est important ici de souligner qu'il y a des professeurs dans les universités qui seront peut-être plus des consommateurs de connaissances et pour lesquels la recherche se résume à chercher dans ce qui est déjà publié les éléments de connaissances nécessaires à l'enseignement de 1er cycle ou de 2e cycle; mais il y a des professeurs dont le statut de chercheur doit être reconnu, qui sont, eux, des producteurs de connaissances. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. S'il n'y a pas d'autres ajouts à votre présentation, je donne immédiatement la parole au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. M. le ministre.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir de vous retrouver ce matin pour cette dernière séance de la commission parlementaire de l'éducation, dans la cadre de son mandat qui lui enjoignait d'étudier les orientations et le financement des établissements universitaires québécois.

Il est heureux que, pour cette dernière séance, nous ayons le plaisir de rencontrer les porte-parole de l'Association canadienne-

française pour l'avancement des sciences, parce que, par sa mission, par sa structure et par son histoire, l'ACFAS symbolise à plusieurs points de vue l'effort de travail que nous avons accompli ensemble depuis cinq semaines. Il est assez heureux que nous soyons appelés à terminer, dans une séance où nous sommes réunis, le travail de recherche et de réflexion que nous avons accompli au cours des cinq dernières semaines.

Je voudrais dire qu'à mes yeux l'ACFAS est un lieu de rencontre, une table ronde extrêmement précieuse pour nos milieux scientifiques francophones. Depuis longtemps, il existe des lieux semblables de rencontre pour les chercheurs, les scientifiques et les universitaires du Canada anglais. 11 est très heureux que nous ayons disposé d'une tribune comme celle-là, qui est entièrement libre, qui a échappé au cours des années à toutes les modes idéologiques ou politiques que nous avons pu observer, qui est restée fidèle à sa mission de base, qui a su ouvrir les portes de ses réunions, de ses séminaires, de ses colloques, de ses rencontres de toutes sortes à des tenants de toutes sortes d'options idéologiques ou politiques, en essayant de garder le cap sur la qualité des travaux de recherche.

Je pense que ce sont toutes ces raisons qui font que le gouvernement, au cours des années, a accordé à l'ACFAS un appui financier qui se poursuit, à la fois pour son activité fondamentale et pour les initiatives particulières qui peuvent justifier un appui du gouvernement. Je n'entrerai pas dans les détails, ce n'est pas le lieu de le faire ce matin; mais je puis dire que cette relation d'appui que le gouvernement entretient depuis de nombreuses années avec l'ACFAS est une relation qui me paraît saine et fort utile. Je voudrais profiter de la présence des porte-parole de l'ACFAS pour leur exprimer mon appréciation.

Dans le mémoire que l'ACFAS nous a présenté, on met évidemment l'accent sur les problèmes reliés au travail de recherche à l'intérieur des universités. Je pense qu'il est normal qu'il en soit ainsi, étant donné la nature de l'organisme que nous rencontrons ce matin. Dans l'ensemble, je suis porté à être généralement d'accord avec l'ACFAS, quant aux principales recommandations qu'elle formule. Il y en a une sur laquelle je voudrais peut-être m'attarder de manière un peu plus approfondie, celle qui concerne la structure de l'aide à la recherche au Québec.

Le Québec, comme nous le savons tous, est, de toutes les provinces canadiennes, celle qui accomplit l'effort le plus généreux en faveur de la recherche. Non seulement le Québec accomplit-il un effort supérieur à la moyenne des provinces canadiennes, mais, en outre, l'aide accordée à la recherche par le gouvernement est généralement dispensée par le biais d'organismes subventionnaires qui sont structurés de manière à pouvoir agir en toute liberté sans autre souci que celui de favoriser la recherche véritable.

On peut tous reconnaître, je pense, que même avec les changements de gouvernement qui ont pu se produire ce souci de respecter la liberté de la recherche a été, généralement, maintenu. Des exceptions ont évidemment eu lieu, sur lesquelles on pourra discuter un peu plus tard. Dans l'ensemble, je voudrais affirmer ma conviction que même si cette structure comporte des défauts comme n'importe quelle structure, les avantages qu'elle offre en retour sont beaucoup plus considérables que... Je suis plutôt enclin à souhaiter que nous continuions dans cette voie.

Vous dites, dans votre mémoire, que vous ne voudriez pas que l'aide à la recherche soit encarcanée dans un guichet unique. Vous préférez qu'on maintienne une certaine diversité dans les structures subventionnaires. C'est un point de vue que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer à cette commission depuis les débuts de nos travaux. Je pense que la tradition canadienne, en matière de subventions à la recherche, veut qu'un certain partage de tâches s'accomplisse et qu'il existe, en conséquence, une certaine diversification dans les organismes subventionnaires. Je pense que cette caractéristique issue de l'expérience doit être conservée, à tout le moins examinée avec beaucoup de respect et de considération, et qu'on ne devrait y apporter des modifications que moyennant des justifications solidement étayées. Des changements peuvent s'imposer dans la structure ou le mandat de l'un ou l'autre organisme. Je pense que nous devons avoir un esprit ouvert là-dessus, mais il ne faut pas sabrer dans les organismes de manière superficielle ou arbitraire. Je pense que nos amis de l'Opposition peuvent compter sur le gouvernement pour faire en ces choses les distinctions qui s'imposent.

En ce qui touche le fonds FCAR qui est notre principale structure subventionnaire, j'ai demandé, l'été dernier, au Conseil des universités, de me soumettre, dans les meilleurs délais, compatible avec un travail sérieux évidemment, un rapport d'évaluation accompagné de recommandations appropriées. Après plusieurs années de fonctionnement, nous en étions arrivés à un stade où une évaluation s'imposait. Elle avait été entreprise, comme vous le savez sans doute, par le fonds FCAR lui-même qui se heurtait à des difficultés internes qu'on peut comprendre. Parce que, quand vous demandez à un organisme de s'évaluer lui-même, il fait inévitablement face à des difficultés qui ne sont pas toujours facilement surmontables.

Nous avons demandé au Conseil des universités de prendre cette responsabilité après avoir consulté, à ce sujet, le fonds

FCAR. Le Conseil des universités a accepté le mandat que je lui proposais et j'attends son rapport. Je crois qu'il viendra vers le printemps. J'aurais souhaité l'avoir avant la fin de la présente année de calendrier mais je crois qu'il viendra vers le printemps ou le début de l'année prochaine. L'étude sera faite en toute impartialité, en toute indépendance d'esprit aussi vis-à-vis du gouvernement. Je pense que ce sera salutaire pour l'avancement des politiques dans ce domaine.

Vous avez souligné le besoin que nous avons en matière d'infrastructures de soutien à la recherche. C'est un thème qui a été fréquemment évoqué devant cette commission. Il ne suffit pas que nos universitaires aillent décrocher des contrats de recherche à l'extérieur. Si les conditions dans lesquelles sont appelés à se réaliser ces contrats de recherche ne sont pas propices à un travail accompli dans un climat d'aisance relative, il est dangereux que les travaux de recherche ne portent pas tous les fruits espérés et que le renouvellement de certains contrats soit plus difficile. II y a un problème dans les politiques que nous pratiquons au Canada et cela vise autant les organismes subventionnaires fédéraux que les gouvernements provinciaux. Les subventions accordées ne tiennent généralement pas compte des coûts indirects de la recherche qu'on estime être au moins la moitié des coûts directs. C'est un problème sur lequel l'attention de la commission a été attirée et sur lequel en temps utile nous ferons des recommandations appropriées, non seulement au gouvernement du Québec, mais aussi au gouvernement fédéral.

Évidemment, comme vous l'avez dit, et je termine mes remarques initiales par cette observation, la clé d'un développement sérieux de la recherche est le chercheur, les conditions de travail et le statut qui lui seront accordés. Je ne sais pas très bien comment on pourrait avancer dans cette voie. Je pense qu'il faudra le faire de manière graduelle, mais ce sera l'objet de ma première question tantôt.

La question difficile pour les responsables des finances publiques et de la gestion de l'ensemble de la chose publique, c'est lorsqu'on parle de donner un statut. Tout de suite on pense à des codifications, à des dispositions qui seront réglées de manière quantifiable. C'est là que commencent les problèmes également, parce que, autant la recherche a besoin de conditions propices pour se développer, autant, si on l'encarcane dans des réglementations ou des conventions trop minutieusement détaillées, cela devient presque impossible à gérer. (10 h 45)

Vous parlez, par exemple, d'inclure la dimension recherche dans les conventions collectives ou le statut du professeur de cégep. Nous voulons bien, mais, si cela doit se traduire par une diminution de la charge d'enseignement, nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas, parce que déjà les renseignements dont nous disposons indiquent que la charge d'enseignement, dans les collèges, est la plus basse de tout le Canada. Nous ne vouions pas aller encore plus loin dans cette direction-là. Comme ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, je dois me présenter devant le Conseil du trésor avec au moins les revêtements de lavraisemblance. Si vous avez des solutions à ce problème, je serais bien intéressé à les entendre. Ce sera d'ailleurs l'objet de ma première question. Comment pouvez-vous améliorer les conditions faites aux chercheurs dans nos universités en même temps que vous éviterez de créer des contraintes ou des rigidités qui, à la longue, sont généralement antinomiques par rapport aux objectifs de création que nous devons envisager?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Paquet.

M. Paquet: M. le Président, c'est évident qu'il n'y a pas de panacée dans ce domaine-là, mais on y a pensé. Il nous semble qu'il faudrait partir d'une définition un peu différente de la tâche du professeur d'université. Vous me permettrez une sorte de fable qui va me permettre de bien illustrer ce que je veux dire. Si je perçois qu'une tâche globale, c'est probablement l'équivalent, par exemple, de trois demi-cours par trimestre, automne, hiver et été, et que j'assume, dans ma fable toujours, que, pour les gens qui font de la recherche et qui ont un programme ' de recherche sérieux, évaluable chaque année et mesurable par leurs pairs, on a automatiquement un trimestre d'été pour les universitaires qui est dévolu à la recherche, on est passé de neuf à six. Il est possible aussi, pour ceux qui ont un programme de recherche particulièrement actif et important au niveau des 2e et 3e cycles, que les charges d'enseignement standard soient réduites encore; passons à quatre cours. On arrive à la charge d'enseignement universitaire typique au Québec. Je dis que la différence entre partir de quatre plus quelque chose qui est très vague qui s'appelle un point d'interrogation et partir de neuf pour arriver à quatre, c'est qu'entre-temps, si ma fable a une valeur d'illustration, on est arrivé à montrer qu'on s'attend, du chercheur, à une production de travail scientifique, faute de quoi on pourra se demander si la charge d'enseignement de quatre, par exemple, est raisonnable. Pour quelqu'un qui a cessé, à toutes fins utiles, d'être, comme disait Mme Roberge, un producteur de connaissances et qui est devenu strictement un consommateur, il se peut qu'une charge d'enseignement plus

grande soit importante. Il se peut même qu'on ait à penser à moduler au cours des cycles, pour des gens qui, comme moi, vieillissent et pas toujours aussi bien que je le voudrais, les charges de travail au cours d'une carrière, ce qui pourrait faire que ce qu'on peut demander d'un très jeune chercheur actif et particulièrement brillant ne puisse pas être réclamé de quelqu'un qui, après 25 ans de bons et loyaux services, est devenu, à 60 ans, un consommateur de connaissances plutôt qu'un producteur. À notre avis, l'importance n'est pas de définir et on ne se sent pas du tout habilité parce qu'on n'a pas fait les travaux de base qu'il faudrait au niveau sectoriel pour arriver à des définitions précises. Mais il nous semble qu'avec une philosophie qui dirait, au départ, qu'on s'attend à ce que les gens aient une charge de travail X et que c'est seulement par un processus de réduction de cette charge globale qu'on est arrivé à une charge d'enseignement codifiée, on aurait défini, dans le cas de ma fable, que cinq neuvièmes de ce qu'on fait à l'université, par exemple, dans les grandes universités, c'est de la recherche. Il est très clair que personne ne devrait recevoir l'équivalent de cinq neuvièmes de son salaire sans avoir une évaluation continue. Il est très clair que quelqu'un qui ne "performe" pas cinq neuvièmes de sa tâche, dans ma fable toujours, ne devrait pas garder son emploi. Toute une série de conséquences sont tirées de cela et il nous semble que c'est un peu au niveau de cette philosophie globale que le chercheur pourrait être valorisé. Pour le moment, on parle, dans notre mémoire, de bénévolat parce qu'on espère que la sorte de goût du travail de recherche, une sorte d'envie d'être, dans les olympiades scientifiques, un des grands chercheurs, va amener les gens à faire plus, à utiliser toutes sortes de temps pour promouvoir la recherche sans que, pour autant, on soit en mesure de travailler à l'inverse. Il n'est pas normal, par exemple, que dans nos universités, côte à côte, il existe des chercheurs qui, chaque été, encadrent quatre ou cinq doctorats pendant des travaux qui durent beaucoup plus d'heures par semaine que tout ce qu'on peut penser, pendant que d'autres se sont retirés à leur chalet pour aller à la pêche. II nous semble que c'est un peu toujours celui qui est à la pêche qui est mentionné quand on parle de l'université. Il me semble que jamais on ne donne à celui qui est chercheur et qui travaille 75 heures par semaine le mérite qu'il faut. Quand, au niveau de la reconnaissance de la charge de travail et au niveau des rémunérations, on homogénéise tout, il nous semble que c'est impossible.

Mais, Mme Roberge, qui est présidente de la commission de la recherche à Laval dans son autre incarnation, a peut-être autre chose à ajouter.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

Mme Roberge: Je pense que ce que M. le président vient de dire reflète bien une certaine réalité. Comment arriver à définir ou à reconnaître d'une façon tangible la charge de travail? Il faut la regarder d'une façon globale, je le répète, et il faut voir qu'elle est polyvalente cette charge et que la charge de recherche est difficile à comptabiliser, à quantifier. Car l'encadrement des étudiants de 2e et 3e cycles, selon les secteurs, exige un temps qu'il est difficile de cerner; il est fonction des relations humaines, c'est-à-dire de la relation professeur-étudiants, mais aussi de la discipline dans laquelle oeuvre le professeur.

Si vous êtes, par exemple, du côté des sciences exactes et que vous avez des protocoles expérimentaux qui exigent du temps à consacrer dans des laboratoires, c'est légèrement différent du travail d'encadrer un étudiant qui devra passer des heures dans une bibliothèque pour dénombrer les connaissances à l'intérieur de certaines grandes collections pour en faire une synthèse et intégrer ces connaissances à un nouveau processus ou à une hypothèse de travail. Donc, nous avons tous ces gens autour de la table et nous avons des encadrements qui nécessitent à la fois du temps et de l'énergie difficilement quantifiables.

Mais, si on regarde la charge globale, par déduction on peut... Parce que le chercheur, vous le savez, est très évalué; il est évalué par les pairs d'une façon continue. Les subventions de recherche sont toujours des subventions à court terme: deux ans, trois ans; les subventions d'équipe: cinq ans. Et, tout de suite, on repasse à l'évaluation. A-t-il atteint les objectifs? Ses hypothèses de travail sont-elles nouvelles? L'originalité est-elle bien définie? La pertinence des travaux au plan social, au plan économique? Le chercheur est toujours évalué, évalué au plan national et international.

Pour pouvoir obtenir de nouvelles subventions, il doit "performer", il doit être efficace. Je le disais tout à l'heure, il doit être efficace au niveau des publications scientifiques, dans des comités de lecture où on publie, mais où on juge la publication avant même de l'accepter. Il doit aussi présenter des communications scientifiques. Donc, c'est facile d'aller le chercher, c'est facile de le cerner dans son efficacité et c'est facile, dans l'ensemble d'une collectivité, de voir quel est le pourcentage. Si on regarde ce que M. Paquet vous signalait tout à l'heure dans le journal Le Monde, le rapport sévère du comité national d'évaluation présidé par Laurent Schwartz qui

dit que la moitié des universitaires ne font pas de recherche, peut-être que si nous faisions une étude tangible nous serions devant ie même constat.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, madame. Je reconnais maintenant la députée de Chicoutimi, porte-parole officiel de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science. Mme la députée.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, madame, messieurs, il me fait plaisir, au nom de ma formation politique, de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Comme il y a des premiers, il y a également des derniers. Alors, vous êtes pour cette commission les derniers intervenants mais non pas les moindres.

La force de votre organisme, vos activités qui prennent de plus en plus un caractère, j'allais le dire, public et connu par les colloques que vous tenez et qui réunissent beaucoup de chercheurs dans le Québec sur des thèmes toujours d'actualité, je pense que cela fait de votre organisme un des plus prestigieux de regroupement de chercheurs au Québec.

Je ne reprendrai pas l'essentiel de tout ce qui a été dit sur la question de la recherche, du statut de chercheur, de la charge d'enseignement, de la tâche des professeurs et de ce qui m'est apparu un peu plus délicat, lorsqu'on a parlé de la tâche des professeurs et de la nécessité pour dispenser un enseignement de qualité de faire de la recherche; la situation qui est devenue presque normale où 50 % des enseignements sont donnés dans les universités par des chargés de cours qui, précisément, ne font pas tous de la recherche. Il y a là quelque chose sur lequel il faudra éventuellement s'interroger, savoir qu'il n'est peut-être pas indispensable que tous fassent également de la recherche, mais il faudra sûrement s'interroger sur ce qui est un niveau acceptable d'enseignement dispensé par des professeurs qui ne s'adonnent pas à la recherche ou qui ne sont pas des sommités dans un domaine donné de l'industrie, du travail. Je voudrais passer immédiatement aux questions et je laisserai ensuite mon collègue, M. le député de Laviolette, poursuivre.

Dans votre mémoire, à la page 6, vous commentez une recommandation du rapport Gobeil. Vous dites: "Nous doutons fort de l'utilité de fusionner tous les organismes intermédiaires entre le gouvernement et l'université. L'expérience démontre que la diversité fait la force et que l'articulation immédiate des préoccupations d'un ministère avec le milieu de recherche pertinent constitue une condition nécessaire d'efficacité de la recherche." Vous continuez, à la page 7: "Les tentations de consolidation de tous les organismes subventionnaires de la recherche en une seule instance sont mal inspirées." Comme vous, je m'étonne de cette tendance à la très grande centralisation de la part d'un gouvernement qui se dit libérai et décentralisateur.

Ce que je comprends un peu de votre intervention, c'est que vous êtes en train de nous dire que cette recommandation, comme plusieurs autres contenues dans le rapport Gobeil, démontre une grande méconnaissance de la question. C'est une autre recommandation un peu simpliste de personnes qui pensent qu'on peut régler le cas de la recherche par des opérations comptables. J'aimerais que vous développiez votre pensée. S'il y avait une nécessité de resserrer les organismes de recherche au Québec, dans quel sens iriez-vous?

M. Paquet: Je pense qu'il est important pour nous de ne pas nous poser, si vous voulez, en arbitre de là où on peut ne pas aller. J'avoue que ce qui nous a inquiétés dans les recommandations qui sont dans l'air, c'était évidemment cette idée du guichet unique qui... Comme vous le savez, on a fait une sorte de petit sondage auprès de nos membres qui peut, pour certains, avoir l'air assez peu réussi, puisque c'est un sondage en été et qu'il y avait une centaine de membres... On a fait une vérification par téléphone après coup. On nous assure, chez SORECOM, que c'est fiable. It est très clair que ce que cela révèle, c'est la diversité de la tribu. La tribu est tellement répandue dans ses points de vue, dans ses approches, dans ses façons de travailler qu'il nous a semblé qu'aucun modèle unique ne pouvait réussir à satisfaire tout le monde.

Il semble que dans le monde, pour le moment, des divisions en termes de science de la nature, science de la vie ont réussi assez bien. Il nous semble que le désir qu'on veuille avoir un budget de la recherche qui sait entier, par un seul guichet, a le danger de faire ce qui s'appelle contrat, va commencer à ressembler à ce qui s'appelle subvention et vice versa. Or, il nous semble à nous que ce qui était impartant, ce n'est pas tellement qu'on préserve tout, parce qu'il est très clair que, dans un monde où il faut couper, c'est à vous de décider jusqu'où il faut aller, mais de ne pas accepter l'idée que la diversité, c'est du gaspillage.

À notre sens, la grande erreur qui est au fond de toute une série de ces recommandations qui sont dans l'air, c'est de s'imaginer que rationaliser veut dire homogénéiser. À notre sens, la recherche serait très mal servie si on essayait de traiter toutes les sciences de la vie et le monde de Sa santé à l'intérieur d'une grille qui est la même qu'on applique aux sciences humaines ou qu'on applique aux sciences expérimentales. Le minimum de diversité ou

la variété minimale qui nous est nécessaire, ce serait au moins de reconnaître ces trois grandes zones comme étant assez dissemblables pour réclamer des organismes qu'ils soient séparés et capables de penser les choses autrement.

Mme Roberge: Si nécessité oblige, comme vous le soulignez, madame, je pense que le Québec devrait faire des choix. Nous avons souligné qu'il était important qu'une politique du capital humain soit articulée. Il faudrait sans doute privilégier la formation de jeunes chercheurs. Il faudrait aussi s'ouvrir au 4e cycle. C'est très important. Le 4e cycle, c'est la possibilité de recruter et d'installer dans notre milieu des chercheurs bien formés. C'est aussi être présent au plan international. (11 heures)

II faudrait peut-être aussi définir une deuxième priorité: le démarrage de nouvelles équipes dans des secteurs de pointe, dans des secteurs où on n'a pas encore investi ce qu'il fallait investir. Il faudrait également surtout penser à regrouper les chercheurs pour les rendre plus efficaces et viser l'excellence par la création de centres d'excellence qui soient complémentaires à ce qui existe au plan national, mais qui nous donnent une identité propre, une visibilité importante au plan international.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le Président, j'ai une seconde question qui touche une autre recommandation du rapport Gobeil qui suggérait qu'on pouvait augmenter la charge d'enseignement de 50 %. Vous avez abordé la question tout à l'heure et j'aimerais que vous nous parliez de la possibilité d'une modulation additionnelle des activités des professeurs. Est-ce qu'on peut aller loin dans cette direction? En même temps, je vous le rappelle, généralement les personnes qui se sont présentées ici ont établi un rapport étroit entre la qualité de l'enseignement et les activités de recherche. Les étudiants ont également longuement insisté là-dessus. Par ailleurs, on sait, comme je le disais tout à l'heure, qu'une partie importante de l'enseignement est donnée par des chargés de cours qui, pour une proportion importante d'entre eux, ne font pas de recherche. Est-ce qu'on peut penser à une modulation de la tâche des professeurs et jusqu'où peut-on aller?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Paquet.

M. Paquet: M. le Président, il est très clair pour nous que, ne représentant pas une université, ne représentant pas un syndicat de professeurs, on est plus libre de vous dire qu'on peut aller assez loin. À notre sens, il est très clair que pour le moment, si on accepte l'idée, comme vous l'avez mentionné, madame, qu'il y a une corrélation entre l'enseignement de haute qualité et le travail de recherche de l'individu, on doit s'affoler du fait que les effectifs universitaires ont peut-être 50 % de personnes qui ne font aucune recherche. Si c'était parti d'un plan d'utilisation du capital humain raisonnable, à notre avis, on aurait des raisons de penser que ce sont les gens qui ont 60 ans, qui sont pour le moment sur le déclin de leur carrière, des gens qui ont acquis assez de sagesse pour que leur compétence technique moins grande ne soit pas un désastre complet... On n'a pas eu, dans les universités, une planification de la main-d'oeuvre et de l'utilisation des effectifs qui a fait qu'on donne moins de charge d'enseignement aux plus jeunes chercheurs, qui sont les plus actifs, et que, par un processus graduel - un peu comme celui que je suggérais dans la fable tantôt - il y ait de plus en plus de temps dégagé pour l'enseignement à mesure que le programme de recherche devient de moins en moins vivace. On n'a pas non plus utilisé à l'intérieur des universités des techniques de revigoration, de réjuvénation qui font qu'un chercheur plus sage mais moins vivace puisse être intégré à des équipes dans lesquelles il pourra jouer un rôle beaucoup plus important. Notre impression c'est que c'est l'homogénéisation et la standardisation qui sont le danger. On a l'impression qu"'une rose est une rose, est une rose", qu'"un professeur d'université est un professeur d'université, est un professeur d'université", et on n'a pas accepté le test qui est le test fondamental que mentionnait Mme Roberge, celui de l'évaluation. Si, en fait, un professeur entrant à l'université a traduit sa notion de permanence comme un droit à un travail à perpétuité sans aucune évaluation, il est un traître à la recherche. C'est très clair. Ce n'est pas du tout le sens de ce que nous pensons que doit donner une université qui va être riche en capacité de produire de la connaissance nouvelle. Jusqu'où est-ce qu'on peut aller? Est-ce que le chiffre de 50 % qui a été mentionné est raisonnable? J'avoue que, selon les départements, les facultés, les régions, les secteurs, il me semble qu'il va y avoir une diversité très grande. Je connais moi-même des unités universitaires où 95 % des membres d'une communauté sont des gens qui ont des subventions de recherche substantielles d'organismes importants. On peut donc dire que, dans ce cas-là, l'unité est à toutes fins utiles, une unité parfaitement fonctionnelle. Dans d'autres domaines, cela peut descendre à 20 %. Il semble que la clé de tout cela va tenir dans un processus

d'évaluation par les pairs, évaluation régulière qui existe dans d'autres universités. Il existe dans des universités hors du Québec des processus par lesquels chaque année un rapport d'activités d'enseignement et de recherche doit être produit par un professeur, une évaluation par les pairs est imposée et où il arrive que, après évaluation pendant quelques années successives, si le professeur n'a pas fait montre d'une capacité è faire son travail de recherche et qu'il est quelqu'un de trop jeune pour qu'on le tolère dans le système à perpétuité, il perde son emploi. À mon sens, il n'est pas du tout déraisonnable de penser qu'on puisse traiter le professeur d'université producteur de recherche et chercheur ayant un statut comme on traiterait n'importe lequel travailleur dans n'importe lequel secteur avec, donc, un droit d'évaluation et un droit de renvoi si la performance n'est pas satisfaisante. Je pense qu'on a mal expliqué les rapports difficiles entre la permanence et la sécurité d'emploi. C'est une chose que d'avoir un droit à la permanence, c'est-à-dire d'être protégé contre les abus qui peuvent venir à cause de différences d'opinions. C'est autre chose que de penser que, quelle que soit la performance et quelle que soit la contre-performance à perpétuité, une personne peut avoir un droit de demeurer à l'université pour toujours. Je trouve que, si l'on acceptait une position comme celle-là, on mettrait l'université dans une situation indéfendable qui la desservirait d'ailleurs parce que l'université n'est pas aussi mauvaise qu'on le dit. Le malheur, c'est qu'en permettant que s'accrédite une vision laxiste et qu'on laisse faire à peu près n'importe quoi à n'importe qui, on dessert les éléments ou les segments de l'université qui sont les plus forts.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame.

Mme Roberge: M. le Président, je pourrais peut-être ajouter que si nous devons aller vers une augmentation de la charge d'enseignement, quel que soit le pourcentage que l'on devra fixer, on devra y introduire la modulation, non pas l'étiquetage en ce qui a trait à l'embauche, mais la modulation, en respectant les secteurs et en respectant - je dirais - l'être humain dans son évolution. Lorsqu'on parle de la recherche et des sciences exactes, on a besoin de chercheurs récemment formés qui connaissent la nouvelle technologie et qui sont prêts à relever des défis, des défis qui coûtent cher et des défis qui demandent de l'énergie. Lorsqu'on parle du secteur des sciences humaines et des sciences sociales, on a besoin de quelqu'un qui a un certain recul et une certaine expérience de la vie, qui est capable d'intégrer et de faire des synthèses.

On ne retrouve pas cette capacité, au plan humain, à 25 ans. Donc, on ne pourra pas moduler la charge du professeur d'université, selon les secteurs, de la même façon. On ne pourra pas lui donner un étiquetage en ce qui concerne l'embauche: un professeur pour faire de la recherche et un professeur pour faire de l'enseignement; c'est impossible. Il y a peut-être une deuxième question que l'on devra se poser collectivement cette fois. Est-ce que toutes les universités devront avoir le même rapport entre enseignement de 1er cycle et enseignement de 2e, 3e et 4e cycles? Est-ce qu'on pourra définir des universités dont la charge d'enseignement sera via les 2e et 3e cycles - et éventuellement le 4e cycle - et des universités qui se consacreront collectivement à l'enseignement de qualité mais l'enseignement de 1er cycle? À ce moment, on aura une charge d'enseignement qui sera différente et qui tiendra compte d'une réalité sociale et peut-être économique, également.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, madame. Je reconnais maintenant la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: À mon tour, j'aimerais vous accueillir. Je suis très heureuse que vous soyez venus parce que je sais à quel point votre travail est important pour le développement de la recherche et surtout dans la communauté francophone. J'aurais une question. Dans votre mémoire, à la page 12, vous parlez de la nécessité de consolider nos efforts dans la recherche. Vous dites: "II n'est pas possible de tout faire dans une petite société comme le Québec. Il faut choisir." Vous n'êtes pas seuls à avoir ces attentes, mais la grande question est: Qui doit choisir? Est-ce le gouvernement fédéral qui déjà est en train de faire des choix très importants pour notre avenir? Il semble qu'ils ont déjà choisi "Star Wars" au lieu de quelque recherche au Conseil national de la recherche. Ce choix doit-il être fait par le gouvernement du Québec, par les universités, par les chercheurs, par les fonds de recherche, les fonds subventionnaires de recherche ou peut-être l'ACFAS? Qui va choisir? Qui doit choisir?

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame ou M. Paquet? Allez, monsieur.

M. Paquet: Je pense, M. le Président, qu'il serait présomptueux de dire qu'il y a une instance qui est le reposoir de toute la sagesse dans ce domaine. Pour nous qui vivons dans un système de fédéralisme concurrentiel, si vous me pardonnez l'expression, il est rassurant de voir que, souvent, dans un domaine où on n'a pas le

fonderaient de toute une connaissance qui est parfaite dans ces domaines, on ait plusieurs façons d'aborder le problème-Ce qui nous semble important, c'est qu'il y a des domaines qui sont trop riches pour nous - c'est un peu le sens de ce paragraphe - on ne pourra pas avoir au Québec un effort d'astronomie qui va couvrir le monde; ce qui explique un peu que les astronomes collaborent tellement mieux, c'est que d'aucun pays ou d'aucune région au monde on ne voit le ciel au complet. En ce sens-là, ce qu'il faudrait chez nous, c'est reconnaître que, dans certains domaines, on est trop petits pour être capables d'autre chose que de se mettre à l'écoute. Cela veut dire qu'on ne peut pas devenir des gens qui vont essayer de dépenser des sommes folles parce que ia production de la connaissance dans ce domaine demande des choses trop grandes. Au Canada même, le Canadian Institute for Advance Research, de M. Mustard, a décidé qu'au niveau de l'intelligence artificielle on n'a pas la masse critique au Canada, où que ce soit, pour faire quelque chose qui soit comparable à ce qui se fait ailleurs. On a décidé donc de faire un réseau national des chercheurs, un peu partout, au Québec, en Ontario, en Colombie britannique, pour avoir une masse critique très bonne. Donc, la réflexion stratégique doit partir de là. Il y a des choses pour lesquelles on est vraiment incapable de faire quoi que ce soit; d'autres dans lesquelles on est capable, mais seulement en collaboration avec d'autres.

Il y a aussi d'autres secteurs dans lesquels on ne peut pas ne pas investir. Le travail qui va se faire, par exemple, sur le Québec et sur la société québécoise ne se fera pas en Russie. Dans le domaine des sciences humaines, on importe moins facilement la connaissance. Pour nous qui avons, par exemple, eu l'occasion de regarder certaines initiatives de la dernière décennie, l'Institut québécois de recherche sur la culture, par exemple, a fait un travail qui n'aurait pas été fait sur le Québec en Russie ou ailleurs. Il y a donc des domaines dans lesquels ces choix-là deviennent imposés par le fait que cette recherche n'est pas importable et qu'on va ou bien la produire ici ou on ne la produira nulle part.

Il y a finalement le fait que, dans certaines questions de survie au plan économique, à moins de faire certains paris, on se condamne à tomber très loin derrière dans la course à la productivité. Certains choix stratégiques, par exemple, ont été faits par le programme d'actions structurantes, qui, en passant, nous apparaît, à nous, particulièrement réussi. Pourquoi? Non pas parce que cela vient remplacer un ensemble de financement de recherche conventionnelle par les voies conventionnelles, mais parce que le Québec, là, avec beaucoup d'intelligence, s'est donné un instrument qui permet de corriger certaines failles à l'intérieur du système, de mettre en place les éléments de commencement de certains centres d'excellence.

Pour répondre sans répondre à votre question, madame, il nous semble absolument impensable - j'espère que cela ne se produira pas dans les faits - qu'une seule instance ait jamais le monopole de ces choix-là.

Pour le moment, je pense que le fait qu'au Québec et au gouvernement fédéral on ait des points de vue un peu différents, cela nous amène à avoir plusieurs guichets. Le fait qu'on se soit donné au Québec, en plus des actions subventionnaires, une sorte d'axe de pénétration qui est fortement correctif pour créer et pour structurer des éléments nouveaux nous donne, je pense, un processus qui est un bon processus de prise de décision. Alors que, parfois, on peut penser que cette multiplicité de guichets est une source de gaspillage, pour nous ce genre de choix qui est fait par plusieurs instances, plusieurs tribunaux différents, nous a amenés au Québec à faire des rattrapages extrêmement importants. (11 h 15)

Le grand problème maintenant est de ne pas tomber dans une sorte d'espoir qu'on va faire tout, et je dis que c'est en coupant par le bas et non pas par le haut... C'est en se disant qu'il y a des domaines dans lesquels on n'a véritablement aucune chance de faire autre chose que de mettre en place des postes d'écoute et que, donc, il faudra résister à l'envie de vouloir réinventer une roue québécoise ou un crayon québécois, parce que, dans ces domaines, il se peut fort bien qu'on n'ait pas ta capacité d'y aller.

Alors, notre point général est qu'il ne faudrait pas qu'une instance gouvernementale soit en mesure de prendre toutes les décisions, mais plutôt que le gouvernement du Québec soit une sorte de cour de dernière instance. Il nous semble que si on voyait certains champs négligés qui peuvent mettre en péril la survie de notre entreprise de recherche, parce que les universités sont trop inertes pour saisir l'occasion, parce que le personnel n'est pas en place pour le faire, ce serait une sorte d'effort de réparation, si on peut dire, ou un effort pour corriger une situation qui se détériorerait où l'État pourrait intervenir.

C'est le cas des actions structurantes où, encore une fois, le gouvernement s'est donné un comité scientifique qui a scruté la valeur du projet avant de décider politiquement où devait aller ce centre d'excellence.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Madame.

Mme Dougherty: Je suis tout à fait d'accord avec l'objectif. Je vous ai posé

cette question, parce que, par exemple, j'ai assisté à un congrès dans l'Ouest du Canada où se trouvaient tous les principaux intervenants du monde scientifique canadien. II y a eu un grand consensus voulant qu'on ne doit pas essayer d'orienter la recherche. Il ne faut pas choisir. La seule chose qu'il faut choisir - parce que tout le monde reconnaît l'importance de la notion de masses critiques - c'est l'excellence, parce qu'on ne peut pas prévoir les créneaux d'importance de l'avenir.

Donc, c'est mieux de financer l'excellence, de créer des regroupements des masses critiques nécessaires, financer ces créneaux d'excellence et laisser aller les choses, parce que c'est la meilleure façon de gérer la recherche, au lieu d'essayer de choisir ce qui va être important dans dix ou vingt ans. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Paquets Certainement pas. Il se peut que je sois dans une minorité éclairée, mais une minorité. Je pense que cette sorte d'acte de foi merveilleux dans le fait que tout va toujours être le mieux dans le meilleur des mondes, pourvu qu'on n'intervienne pas, est une position qui me rappelle "Candide" plus qu'autre chose. A mon sens, on a fait au Canada, sur le plan de la recherche, des interventions dramatiques en ce qui concerne l'agriculture qui ont fait avancer les choses merveilleusement. S'il fallait croire les gens qui nous disent ça, on aurait refusé d'intervenir au nom d'une sorte de laisser-faire qui, supposément, fait toujours le meilleur des mandes. À mon avis, il est très clair qu'on ne veut pas mettre la recherche dans un harnais. Il est très clair que les chercheurs ne doivent pas être mobilisés ou enrégimentés. Mais, en même temps, dire que, chaque fois que quelqu'un obtient un doctorat, il obtient un droit d'être financé à perpétuité, quelles que soient ses manies, je dis: C'est un petit peu spécial comme point de vue, parce que les chercheurs eux-mêmes défendent ce droit d'avoir la primauté absolue sur le choix de leur travail, c'est bien, mais il me semble que ce n'est pas une recherche efficace qui va en sortir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que c'est l'objet de votre interrogation, Mme la députée?

Mme Dougherty: Peut-être que j'ai mal exprimé la situation, mais vous avez mentionné des actions structurantes. Si j'ai bien compris la rationalité du choix, les actions structurantes, les subventions visent les créneaux d'excellence. Le gouvernement n'a pas choisi tel ou tel secteur de recherche. II a choisi certains créneaux d'excellence où il y avait une certaine masse critique. Le ministère a voulu augmenter cette masse critique par des actions structurantes. Mais on n'a pas choisi certains créneaux spécifiques pour l'avenir du Québec. Est-ce que vous avez une réaction là-dessus? C'est la fin de mon intervention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, est-ce que vous pouvez ajouter quelque chose?

Mme Roberge: Je pense effectivement que ce geste était excellent. Parce que, d'une part, lorsque ce geste a été posé par le gouvernement, on a laissé une certaine liberté au chercheur de présenter un dossier ou de ne pas le présenter. On a défini l'enjeu. On a défini l'enveloppe. On a dit: Vous serez jugé sur la qualité de votre présentation. Mais on avait un secteur qui était particulier. Il faudrait peut-être répéter ce genre d'approche pour d'autres secteurs. Votre première question, qui doit choisir? Le gouvernement fédéral? Le gouvernement québécois? Les fonds? Les universités? Je dirai que le Québec, jusqu'à maintenant, s'est doté dans plusieurs mécanismes et politiques complémentaires face aux décisions du gouvernement fédéral. Pourquoi ne pas continuer? Pourquoi ne pas consolider ce que nous avons commencé?

Je pense qu'il est important qu'on analyse nos besoins. Nous avons des besoins spécifiques. Nous devons exceller. À partir du moment où on a l'excellence comme critère, on se donnera les structures nécessaires pour permettre non seulement d'atteindre l'excellence, mais d'évoluer dans cette excellence. Je pense donc qu'il est important de se concerter et de consolider ce que nous avons déjà amorcé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, madame. Je donne maintenant la parole au vice-président de cette commission permanente et député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez d'une politique qui soit plus généreuse au chapitre des prêts plutôt que des bourses pour les étudiants des 2e et 3e cycles, bien entendu. Vous dites que les étudiants doivent investir dans une forme de partenariat pour leur formation. Vous terminez le paragraphe en disant: "II faudra toutefois éliminer les inefficacités et les rigidités du régime de prêts et bourses actuel". J'aimerais que vous précisiez quelles sont, pour vous, les inefficacités et les rigidités du régime actuel. Par le fait même, la question qui est sous-jacente voudrait que vous nous expliquiez le transfert à des prêts plutôt qu'à des bourses pour ces étudiants des 2e et 3e cycles?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous en prie, madame.

Mme Roberge: Je vais essayer de répondre, M. le Président. Je pense que la question est polyvalente. D'une part, il y a la question sur le régime des prêts plutôt que le régime des bourses. Nous sommes dans une période de restrictions budgétaires. C'est la raison d'être de la commission. Nous avons peut-être la possibilité d'augmenter les frais de scolarité, peut-être d'augmenter les bourses, peut-être d'augmenter les prêts. Un régime de prêts souple, accessible aux étudiants de 2e et de 3e cycles permet au jeune d'accéder à sa formation, de la choisir et de cheminer en fonction du temps qu'il veut bien y consacrer. Un régime de prêts souple est aussi une possibilité pour le gouvernement de récupérer une partie de ces sommes d'argent pour les remettre en circulation dans la population, donc, d'atteindre à long terme une plus grande population. Ceci favoriserait sans doute aussi l'accessibilité. Plus il y aura des prêts, plus le régime sera souple, plus il sera connu, publicisé et facile d'accès. Facile d'accès en ce sens qu'il doit être disponible partout au Québec. Peut-être qu'on soit moins rigide sur les conditions d'accessibilité à ce régime de prêt, que ce soit plus facile, plus ouvert peu importent les secteurs où l'étudiant veut cheminer au plan universitaire. Qu'il veuille aller du côté des sciences humaines ou en médecine, que ce soit la même porte qui s'ouvre à lui. Qu'on n'ait pas cette attente, s'il s'en va dans un secteur professionnel, de la possibilité plus grande de rentabiliser le prêt. Le cheminement est mieux défini, l'encadrement est plus stéréotypé alors que, si on a un profil de sciences humaines, avec une possibilité de majeure et de mineure, un chevauchement dans une autre discipline connexe, on aura peut-être un 1er cycle qui est plus long, mais qui ne dit pas, au départ, ce que sera l'individu dans la société au plan du travail et qui n'assure pas, dans des délais fixes, le retour de l'argent prêté; alors, flexibilité plutôt que rigidité.

M. Jolivet: Vous avez, à la page 8, un autre paragraphe qui parle de l'encadrement. "On n'a pas assez mis l'accent - dites-vous -sur l'importance d'un encadrement efficace dans la formation des chercheurs." Vous terminez ce paragraphe en disant: "La recherche a besoin des structures et de l'encadrement dont dispose l'enseignement. Rien de moins." J'aimerais que vous élaboriez davantage sur la façon dont vous voyez le joint entre l'encadrement au niveau de l'enseignement et l'encadrement au niveau de la recherche, autrement dit, que vous précisiez davantage ce que vous dites dans votre paragraphe.

M. Paquet: La façon dont je dirais cela, c'est que si on avait eu un laisser-faire aussi grand au niveau de l'enseignement qu'on le fait au niveau de la recherche, comme je l'ai mentionné plus tôt, vous ne sauriez pas quels programmes existent, quand les cours sont donnés et exactement à quel moment et sous quelle condition les grades vont être décernés.

La plupart du temps, l'enseignant universitaire reçoit de son doyen ou de son directeur de département une charge d'enseignement, c'est-à-dire un certain nombre d'heures, de cours précis qu'il faudra donner à des étudiants précis et peut-être, dans certains cas, une décharge oui correspond à l'aide qu'il va donner à certains étudiants gradués. Mais on n'a pas clairement défini cela.

Dans le monde des sciences physiques, il s'est établi un rapport d'apprentis à professeurs ou de maîtres à apprentis, si on peut dire, dans ta vieille tradition des gildes, et qui fait que, comme le professeur a beaucoup à gagner du travail de son étudiant de maîtrise ou de doctorat - ils vont publier ensemble toutes sortes de choses - il y a une sorte de collusion ou de connivence qui fonctionne assez bien et qui s'est assez bien établie au cours des âges. Malheureusement, cela ne s'est pas exporté ailleurs. Beaucoup de mes collègues dans le monde des humanités ou des lettres perçoivent un étudiant au niveau supérieur comme un empêchement à faire de la recherche. C'est quelqu'un qui est toujours sur son dos, qui l'empêche de travailler: lui voudrait travailler à une étude littéraire X, le bonhomme travaille sur autre chose. On n'a pas compris dans le fond que, parce que cela avait assez bien fonctionné, dans certains secteurs, cette sorte de connivence et d'encadrement qui fait qu'en science expérimentale on a peu à faire puisqu'il y a déjà cette intégration, dans le reste - ce qui ne correspond plus du tout à une minorité des choses au niveau supérieur, mais à des cadres beaucoup plus grands - il faudrait faire plus.

Faire plus, cela veut dire quoi? Dans certains domaines on a, par exemple, refusé d'accepter un étudiant au niveau supérieur à moins qu'il ne puisse s'inscrire dans le cadre d'une recherche de groupe. On a simplement créé une équipe qui a un certain nombre de problèmes qu'elle veut analyser et où l'étudiant trouve comme directeur de thèse un membre de cette équipe. On a créé des connivences de ce genre.

On n'a pas suffisamment inventé, l'université, de ce genre de choses. Il existe, encore une fois, surtout dans le monde des humanités, quasiment une sorte de substitution entre recherche personnelle et encadrement de l'étudiant. Ce qui nous semble devoir être fait, c'est reconnaître

que la plupart des choses qui ont très bien fonctionné au niveau, par exemple, des sciences physiques ou sciences expérimentales pourraient être exportables avec des ajustements au monde des sciences humaines et des humanités.

Les publications conjointes, par exemple, entre étudiants au doctorat et étudiants à la maîtrise, que ce soit en histoire, dans les humanités ou dans les sciences humaines, ne sont pas inoins possibles qu'en mathématiques ou qu'en sciences expérimentales. Mais les moeurs sont assez lentes è s'ajuster. Il nous a semblé que ce qu'il faudrait, c'est rendre cela un peu créateur en donnant très clairement à l'encadrement des étudiants une priorité que, pour le moment, il n'a pas. Dans certains secteurs, encore une fois, un certain laisser-faire fonctionne très bien. Il ne s'agit pas de dire que cela va mal partout. Dans d'autres secteurs, les étudiants voient leur directeur de thèse tous les trois mois et ils ont très peu de contacts avec lui. Dans le fond, le travail d'encadrement manque sérieusement.

Mme Roberge: M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, madame.

Mme Roberge: J'aimerais ajouter quelque chose de plus pratique. Mon intervention va se lier au vécu. Tout à l'heure, je vous ai parlé du statut du professeur, je vais le situer dans un contexte de vécu quotidien. (11 h 30)

Lorsqu'il enseigne, il appartient à un département et, dans ce département, il y a du personnel disponible: personnel professionnel, personnel de soutien, personnel de bureau. Il y a également un encadrement pédagogique. Il y a des spécialistes en pédagogie qui l'aident à formuler un plan de cours, à monter son matériel visuel, le cas échéant. Il a un horaire de cours fixe. Il a également un nombre d'étudiants par groupe-classe selon les secteurs, selon les matières à enseigner. Mais cette même infrastructure qui est accessible au professeur qui fait de l'enseignement de 1er cycle n'est pas toujours disponible pour le professeur qui est aux 2e et 3e cycles et qui est engagé profondément en recherche. Par exemple, au moment des demandes de subventions, au moment des publications, le personnel de bureau n'est pas disponible, c'est la période des examens. Il faut donc mobiliser ce personnel pour formuler les questionnaires d'examens. Â ce moment-là, l'infrastructure existante n'est pas disponible au chercheur. Voilà un premier plan d'infrastructure nécessaire à reconnaître pour la recherche et l'encadrement des 2e et 3e cycles.

Il y a aussi la relation professeur-étudiants aux 2e et 3e cycles qui est importante. Elle est différente de la relation qu'on retrouve au 1er cycle. C'est une relation personnalisée. C'est même un contrat que le chercheur signe moralement avec l'étudiant lorsqu'il s'engage à lui montrer les techniques nécessaires pour l'acquisition des connaissances dans sa discipline au niveau de la maîtrise» Lorsqu'il décide de le conduire au doctorat, c'est-à-dire d'aller au-delà des connaissances, à ce moment-là c'est un autre cheminement qui demande beaucoup au plan de la relation humaine et qui n'a pas d'infrastructure, qui n'a pas de définition, qui n'a pas d'heures comptables non plus, mais c'est nécessaire que l'on reconnaisse que cette relation professeur-étudiants pour les 2e et 3e cycles a des coordonnées différentes de l'encadrement des étudiants de 1er cycle,

M. Jolivet: Une courte dernière question, M. le Président, qui a trait au document que vous avez déposé; L'enquête sur l'école. À la page 6, on parle d'activités professionnelles et on dit qu'un chercheur sur trois est sollicité de la part des entreprises privées ou des services publics, avec rémunération.

Nous avons eu l'occasion, durant cette commission, de discuter de l'ensemble des relations entre l'industrie et le secteur universitaire. Ma question concernerait j'espère qu'il sera possible pour vous de répondre rapidement, compte tenu du temps - les rapports que vous voyez entre les universités et les entreprises. Est-ce que vous verriez une sorte de mesures fiscales ou d'impôts imposés à des entreprises pour permettre un lien pour la recherche en particulier avec les industries?

M. Paquet: M. le Président, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il existe nécessairement un mécanisme unique pour cela. Il est important dans certains secteurs... Je ne voudrais pas diriger un département de génie civil avec des gens qui n'ont jamais bâti de routes ni de ponts. Je ne voudrais pas avoir une école d'architecture où personne n'a bâti de maisons depuis cinq ans. Il y a un rapport important au privé dans certains secteurs d'université qui sont ta vie de cette université. Je pense à certains secteurs de génie, par exemple. Le rapport à Northern Telecom ou à une compagnie comme celle-là, c'est l'accès à l'information de fine pointe. Dans d'autres domaines, il y a un service strictement des structures universitaires à une entreprise privée. Vouloir avoir un carcan unique, encore une fois, est dangereux. Â mon sens, il faut reconnaître que dans certains secteurs professionnels le rapport au privé est une question de bonne qualité. Dans d'autres cas, l'université rend

un service. Pour le moment, on n'a pas les structures universitaires qui permettent de faire la distinction entre les deux. II existe dans certaines universités américaines, par exemple, et dans certaines autres universités canadiennes des sociétés sans but lucratif attachées à l'université, des sociétés privées attachées à l'université, qui font un peu l'arbitrage de ces choses-là, qui permettent, par exemple, de mobiliser les énergies des professeurs, quand c'est purement un service, tandis que, dans d'autres cas, il s'agit d'un échange d'information. Je ne pense pas que des mesures fiscales applicables "across the board", comme on dit en français, seraient vraiment raisonnables. Comme Mme Roberge est chargée de la commission de la recherche et qu'elle vit cela tous les jours dans son quotidien, elle a peut-être un point de vue un peu différent.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie.

Je reconnais, pour le mot de la fin, au nom de sa formation politique...

Une voix: Peut-être, Mme Roberge...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, voulez-vous ajouter quelque chose, madame?

Mme Roberge: On m'a invitée à commenter quelque peu la question qui vient d'être posée concernant...

Le Président (M. Parent, Sauvé):

Commentez. Commentez en toute quiétude.

Mme Roberge: ...la relation université-industrie. Je pense que c'est une relation qui est très nouvelle au sein des universités. On a été par méthode de tâtonnement. Il faut l'articuler davantage. 11 faut, je pense, comme le disait M. Paquet, ne pas se lier à une seule démarche ou à une seule mesure pour pouvoir articuler cette nouvelle relation université-industrie. Elle est essentielle pour permettre à l'université, dans certains secteurs, de coller davantage au vécu quotidien et de répondre à des besoins auxquels l'industrie ne peut elle-même répondre parce qu'elle n'a pas l'infrastructure nécessaire et l'argent pour s'assurer un niveau de développement et de recherche qui vise l'excellence. Donc, l'association université-industrie est encore à ses premiers pas au Québec. Il faut l'aider, la favoriser et voir quel type de politique il faudra articuler à brève échéance.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie beaucoup, madame.

Je reconnais, pour le mot de la fin, au nom de sa formation politique, la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le président, madame, monsieur, au nom de ma formation politique, je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission. L'éclairage que vous nous avez apporté en particulier sur les activités de recherche au Québec, la qualité de vos interventions et les renseignements que vous nous avez fournis démontrent que votre intervention se situait bien dans le cadre des travaux de cette présente commission. La vision un peu différente que vous avez, j'allais dire à la fois à l'intérieur des universités, mais aussi à l'extérieur, nous permet d'avoir un éclairage un peu différent de ce qui nous a été fourni précédemment et illustre tout à fait qu'il était pertinent à la fois de vous accueillir et de vous entendre. Je vous remercie infiniment de votre contribution aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée.

Je reconnais maintenant le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, le député de Vaudreuil.

Une voix: D'Argenteuil.

Le Président (M. Parent, Sauvé):

D'Argenteuil.

Une voix: Vous avez dit "Vaudreuil".

M. Ryan: Vous m'avez fait beaucoup d'honneur en voulant me donner un deuxième comté, mais la loi nous oblige à représenter seulement un comté ici et, jusqu'à nouvel ordre, je représente le comté d'Argenteuil, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous connaissant, M. le ministre, nous savons que deux comtés, pour vous, ce n'est rien.

M. Ryan: M. le Président, j'adresse des remerciements cordiaux à la délégation de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences. Je souhaite que l'association continue d'exercer un rayonnement bienfaisant auprès des milieux scientifiques francophones du Canada, du Québec en particulier, par le recours à ses méthodes de rencontres, de dialogues, de confrontations, de travaux, qui ont été sa caractéristique jusqu'à maintenant. Nous avons pris bonne note des suggestions contenues à la fois dans le mémoire que vous nous avez présenté et dans les réponses que vous avez faites aux questions posées par les parlementaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre.

Je vous remercie, au nom des membres

de cette commission, d'avoir répondu à notre invitation et d'être venus réfléchir avec nous sur la problématique du financement et des orientations du réseau universitaire québécois. La commission parlementaire de l'éducation suspend ses travaux quelques minutes. À la reprise, nous entendrons les allocutions de clôture.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise à 11 h 41)

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Merci. Alors, la commission parlementaire de l'éducation reprend ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié et débute la dernière partie de ses travaux.

Je reconnais la députée de Chicoutimi, porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'enseignement supérieur et de science. Mme la députée.

Conclusions Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord commencer par vous rassurer. Je n'ai pas l'intention de reprendre tous les débats qui ont eu lieu en cette commission. Ils ont été longs. Cependant, ils n'ont pas été laborieux dans le sens où tous les organismes qui se sont présentés ici avaient des choses à nous apprendre. Dans ce sens, j'estime, au terme de cette commission, que chacun des organismes qui se sont présentés ici a contribué à enrichir la réflexion et les travaux de cette commission. Je ne recommencerai donc pas toutes ces discussions. Je voudrais le dire à l'intention des membres de la commission et de tous ceux et celles qui ont eu le courage de nous suivre jusqu'à ce matin. Je revois des personnes qui ont été fort assidues à cette commission.

Je vais simplement m'attarder aux quelques grandes questions qui ont été soulevées ici à cette commission et inviter le ministre à nous faire part le plus rapidement possible de ses intentions quant à ces grandes questions. Il me semble, en effet, qu'il est urgent que le ministre nous indique clairement la position qu'il entend prendre sur certaines grandes questions comme l'accessibilité aux jeunes et aux adultes, les mesures qu'il entend prendre pour poursuivre cet objectif d'accessibilité, les mesures qu'il entend prendre pour assurer aux universités les ressources qui leur permettent de dispenser un enseignement de qualité et de faire de la recherche dans les secteurs de pointe. Le ministre devra également nous dire la place que les réseaux universitaires occupent dans les priorités du gouvernement.

Les débats qu'on a eus ici en cette commission parlementaire nous ont fourni de nombreux et précieux éclairages. Nul doute que le ministre a en main tous les éléments d'information qui devraient lui permettre de prendre des décisions justes et éclairées.

Les nombreux organismes qui sont venus devant cette commission, tant par leur variété que par la pluralité des opinions qui ont été émises, nous ont permis de faire un tour d'horizon quasiment exhaustif, je dirais, de la situation des universités et du réseau universitaire. On a connu les forces et les faiblesses du réseau, ses réalisations, ses difficultés. On a pu avoir un large éventail de points de vue exprimés là-dessus.

Je ne pourrais ici que déplorer une quasi-absence de questions touchant plus particulièrement les étudiants adultes. II est vrai qu'il y a un mémoire qui a été présenté par le Conseil des universités sur les programmes courts et que cette question concerne plus particulièrement les étudiants adultes. Comme ils composent presque la moitié des clientèles universitaires, il me semble qu'ils n'ont pas, proportionnellement, occupé la place qui aurait pu être la leur»

Par ailleurs, pour évaluer le rendement d'une commission comme celle-ci, je pense qu'il est important de se rappeler son mandat. Je me permettrais de le rappeler brièvement en disant que, d'une part, il était plutôt laconique sur les questions touchant les orientations des universités, mais plus détaillé sur le financement, les règles d'allocation des ressources et les sources de financement et qu'il avait également, je me permets de le rappeler, un appendice plutôt surprenant; "les modalités d'aide financière aux étudiants".

Au-delà des voeux pieux - je ne dirais pas des voeux pieux, mais des voeux généraux - sur cette question des modalités d'aide financière aux étudiants, je pense qu'on peut conclure de façon quasiment unanime que les intervenants se sont peu penchés sur cette question. On peut conclure, je pense, qu'ils croyaient, comme les étudiants, d'ailleurs, que cette question avait peu à voir avec le financement et les orientations des universités. Les universités se sont généralement limitées à souhaiter l'amélioration de l'aide financière aux étudiants. Certaines universités ou certains groupes qui recommandaient ou qui suggéraient de dégeler les frais de scolarité pensaient également qu'on devait augmenter, en conséquence, les bourses aux étudiants. Par ailleurs, il y en a d'autres qui n'allaient pas aussi loin et cela nous a permis de comprendre que certaines formes d'élitisme n'étaient pas complètement chose du passé au Québec.

Les associations étudiantes, à la quasi-

unanimité, estiment que ce n'était pas le lieu et qu'il devrait y avoir une consultation sur cette question d'une réforme de l'aide financière aux étudiants. Selon certaines associations, il y aurait une réforme en cours et les associations étudiantes n'y auraient pas été associées. Il serait important que le ministre prenne des mesures afin, d'abord, qu'on procède à cette réforme de l'aide financière, qui est attendue, souhaitée et qui a été promise, et qu'en même temps les différentes associations étudiantes les plus' importantes soient vraiment associées à ce processus de réforme de l'aide financière aux étudiants.

Sur les autres points du mandat, je dirais que les organismes qui se sont présentés devant nous ne se sont pas laissés piéger par la forte présence de questions touchant le financement. Ils se sont largement étendus sur ce que devait être la mission des universités; sagesse des intervenants, parce qu'avant de suggérer un niveau de financement adéquat, encore faut-il avoir une idée très claire et très précise de ce que devraient être la mission et les priorités des universités au Québec.

Les questions des différents intervenants et la variété des opinions exprimées ici nous ont permis d'avoir un portrait général fort intéressant. Je dois constater que sur deux points, à tout le moins, il y a beaucoup plus de progrès dans les universités que ce qu'en laissait voir le discours généralement entendu ou populaire: c'est sur les questions de la rationalisation et de la concertation.

Sur la question de la rationalisation, je dirais que dans plusieurs universités on a atteint l'extrême limite du possible. Au-delà de cette limite, c'est la qualité de la recherche et de la formation qui est en cause. Je dirais que cette rationalisation, que cette limite est davantage atteinte dans les universités où on s'est engagé et où on a tenu à gérer à l'intérieur des enveloppes qui étaient accordées, donc les universités qui ont peu ou pas de déficit.

Par ailleurs, sur la question de la concertation, cela nous a également permis de voir qu'il se faisait beaucoup de réalisations, beaucoup d'échanges, que cela soit au niveau de groupes ou d'équipes de recherche, que ce soit en ce qui concerne les programmes. Cela ne veut pas, pour autant, dire qu'il ne reste rien à faire, mais c'est important de constater que les universités semblent être bien engagées dans cette voie. Des mesures visant à favoriser une plus grande concertation entre les universités devraient nous permettre d'obtenir des résultats intéressants. Par ailleurs, ce qu'on a été à même de constater également, c'est que, malgré des conditions extrêmement difficiles, les universités réussissent à dispenser des services de qualité et à maintenir dans plusieurs cas des rapports assez suivis et continus avec leur collectivité.

Les universités se sont présentées, j'allais dire, sous différents traits: les grandes universités, préoccupées de rayonnement international, de développement de la recherche de cycles avancés; les universités intermédiaires, préoccupées également de ces grandes questions, mais davantage ouvertes sur le milieu, il faut le reconnaître; les universités en régions, universités en émergence qui demandent que leurs acquis soient consolidés et qui n'ont plus à faire la démonstration de leur implication dans le milieu.

II y a des grandes différences dans la perception que se font les universités de leur mission première d'enseignement et de recherche, mais il y a surtout de grandes similitudes. Toutes les universités, quelle que soit leur taille, leur situation géographique, sont unanimes pour dire que la recherche et la formation doivent être d'égale qualité, que vous soyez dans une grande université ou dans une petite. Sur ces questions, les exigences sont et doivent demeurer les mêmes. Toutefois, au-delà de la transmission des connaissances et de la recherche, la mission de service à la collectivité doit s'adapter aux besoins des communautés environnantes. Le modèle d'universités, tours d'ivoire, exclusivement tournées sur elles-mêmes ou par prestige sur l'étranger au détriment du milieu environnant, ne peut convenir à un peuple comme le nôtre qui, avec ses 6 000 000 d'habitants, est obligé de procéder à des rationalisations auxquelles ne sont pas tenus nos voisins américains.

Vous me permettrez d'insister sur le rôle des universités en régions. De nombreux organismes sont venus fournir un témoignage éloquent sur l'importance des universités en régions, qu'il s'agisse de l'accessibilité à une formation de qualité, qu'il s'agisse du rôle de ces universités comme moteurs économiques, de l'expertise qui peut être mise à la disposition de la collectivité, des services à la collectivité de façon générale. Les universités nous ont longuement entretenus de ces questions. Mais ces rôles, elles nous l'ont également exprimé, ne peuvent être tenus efficacement qu'à la condition que la recherche et la formation soient de qualité et qu'on leur fournisse les outils nécessaires à l'atteinte de ces objectifs.

Les universités en régions nous ont fait part des efforts consacrés aux services à la collectivité et des résultats probants pour ce qui est de leur implication dans le milieu. Tous les intervenants régionaux ont insisté sur la nécessité d'avoir de véritables universités et non pas de gros cégeps. Cela n'implique pas que les universités en régions doivent développer des programmes dans tous les secteurs, ni de recherches dans toutes les

directions. De toute façon, il se fait déjà de la coordination dans les universités particulièrement en ce qui concerne les programmes, ce qui, on doit le reconnaître, ne s'est pas toujours fait et ne se fait pas toujours dans les autres universités qui ne sont pas des constituantes du réseau UQ. Je pense que non seulement cette planification et cette coordination ne doivent pas demeurer l'exclusive activité ou l'apanage des universités en régions, mais elles devraient également s'appliquer à tout le réseau universitaire au Québec. Nous devrons poursuivre en ce sens.

II a été clairement démontré l'attachement des constituantes de l'Université du Québec au siège social. C'est un Heu important de coordination, de planification, en plus d'offrir des services en commun. Rappelons-le, si ces services étaient distribués dans les différentes constituantes, ils coûteraient beaucoup plus cher. Je l'ai dit è cette commission, non seulement le siège social est-il indispensable même aux termes simplement de la loi - abolir le siège social, c'est démanteler le réseau UQ - mais le siège social de l'UQ est un lieu privilégié de concertation, de coordination et de défense des intérêts des universités en régions. On ne pourra pas constamment sabrer dans les organismes de concertation et de coordination dans les régions.

Je pense que, sur cette question du siège social de l'UQ par rapport à la recommandation contenue dans le rapport Gobeil, le ministre devrait nous faire part très rapidement de ses intentions. Au moment où je l'interrogeais sur cette question en commission parlementaire, il me répondait: Vous savez, cela ne m'empêche pas de dormir, en faisant référence aux recommandations du rapport Gobeil. Je veux bien que cela ne l'empêche pas de dormir, mais il me semble qu'un minimum de souci à l'endroit de ceux que ça peut peut-être empêcher de dormir serait de bon aloi. Alors, le ministre doit nous faire connaître clairement sa pensée sur cette question du siège social de l'UQ, comme il doit confirmer également la mission des universités en régions en regard du développement régional. Il s'y est engagé au moment de la campagne électorale. Les universités en régions attendent de voir, de façon plus concrète, comment se traduiront ces engagements.

Abordons à présent la question de la scolarisation au Québec. Il y a - tous, vous avez été à même de le constater - un consensus générai, pour ne pas dire absolu, à l'exception de groupes un peu plus élitistes: on doit poursuivre les efforts au plan de la scolarisation. La scolarisation doit demeurer un objectif prioritaire et on devra y consacrer les investissements nécessaires. II a été longuement démontré ici - ce qu'on savait déjà depuis de nombreuses années, mais qui n'avait pas réussi à atteindre un niveau de sensibilité aussi grand - qu'il y a un rapport étroit entre le niveau de scolarité d'une population et sa capacité de se développer aux plans économique, social et culturel. Par ailleurs, on a également constaté que le Québec accuse un retard persistant en ce qui a trait à la scolarisation et plus particulièrement en ce qui concerne la diplomation au 1er cycle, comme au 2e et au 3e. Des efforts sérieux devront être faits par le biais des ressources qu'on investira dans les universités, mais ils devront être également faits dans les universités. On a eu l'impression, à tort ou à raison, que les universités se sont souvent davantage attardées à recueillir et à attirer de nouvelles clientèles plutôt que de s'assurer que les clientèles qui s'y trouvent terminent bien leurs études. Je pense que, de ce côté, il y a également un effort à faire. Il y a des retards en matière de scolarisation au Québec où ils sont plus marqués, et l'accessibilité demeure encore problématique. On a pu constater que, dépendamment des milieux socio-économiques, de l'origine ethnique et de la région, il y avait des écarts considérables. On pourrait se rappeler, par exemple, la présentation qui a été faite ici par l'Université du Québec à Rouyn-Noranda, où les écarts en matière de scolarisation sont particulièrement préoccupants. (12 heures)

II ne s'agit pas toujours ou exclusivement d'ériger un cégep, d'ouvrir une université dans une région pour voir disparaître les écarts en matière de scolarisation. Il faudra qu'il soit fait davantage. Une information sur la valeur de la scolarisation pour l'individu qui l'acquiert comme pour la société devrait trouver sa place parmi les mesures qui devraient être mises en place pour accélérer et accroître l'accessibilité à l'enseignement supérieur des jeunes de certaines régions comme de certaines couches socio-économiques.

Dans le même ordre d'idées, il me semble qu'on devra être conséquent et que toute mesure qui pourrait compromettre l'accessibilité, la démocratisation et la recherche de mesures qui devraient favoriser l'accessibilité devrait être écartée. On peut penser, par exemple, au sondage qui a été effectué par et pour les jeunes de l'Université de Montréal et qui démontre que, dans l'hypothèse où on doublerait les frais de scolarité, cette décision aurait des effets directs sur l'accessibilité. On ne peut pas tenir deux discours, celui sur la nécessité d'accroître l'accessibilité, de relever le niveau de scolarité des Québécois, et, en même temps, prendre des mesures qui iraient contredire ces deux grands objectifs.

Je reviens brièvement à la question des

étudiants adultes. Malheureusement, comme je le disais tout à l'heure, ils furent au cours de cette discussion les grands absents. Moins bien structurés que les jeunes étudiants, ils n'ont pas été à même, dans les délais qui leur étaient impartis, de nous présenter leur position. Seul un groupe d'étudiants adultes de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal est venu mardi dernier, à la toute dernière minute, nous présenter sa position. Je dois dire qu'ils ont été reçus de façon plus ou moins cavalière. J'ose souhaiter que l'accueil qui leur a été réservé à cette occasion ne reflète en rien les intentions du ministre quant à la place qu'il entend leur réserver à l'enseignement supérieur.

Recherche et cycle supérieur. Plusieurs intervenants sont venus souligner l'importance de la recherche universitaire tant pour la qualité de la formation que comme outil de développement. On a fait état d'un certain nombre de difficultés en matière de recherche. Je pense que, à l'unanimité des intervenants, ce qu'on a souligné, c'était le manque à gagner dû au fait que les organismes subventionnaires ne tiennent pas compte des frais indirects de la recherche. Les organismes socio-économiques ont insisté sur l'importance d'un rapprochement avec l'industrie. On a pu constater qu'il y avait à cet égard des expériences fructueuses de partenariat, une augmentation importante, significative des contacts. Mais on ne peut pas faire beaucoup plus par la voie de la coopération sans perdre de vue la mission première des universités, sans la travestir dans un utilitarisme forcené. Il y a des limites qu'on ne peut dépasser en faisant appel aux commandites des entreprises. II faut être conscient que les entreprises, lorsqu'elles investissent en contrats de recherche dans les universités, c'est d'abord en vue de leurs propres intérêts.

J'en profite pour rappeler une autre recommandation du rapport Gobeil sur une restructuration totale des organismes de recherche. Comme vient d'en faire état tout à l'heure l'ACFAS, il semble bien que cette recommandation procède plus de l'ignorance que d'une connaissance de la situation et, sur cette question comme sur les autres, il sera intéressant que le ministre fasse connaître rapidement ses intentions de suivre ou non la recommandation du rapport Gobeil, soit en totalité ou en partie.

La grande question qui a été débattue ici a, évidemment, porté sur le financement. On a été à même de constater que les universités vivent de sérieuses difficultés financières et que ces difficultés ont des effets sur la formation, sur la recherche, sur le vieillissement du corps professoral, sur l'acquisition d'équipements, sur les espaces comme sur les biliothèques. On a un tableau assez complet de cette question. Les organismes tant externes qu'internes sont venus tirer la sonnette d'alarme. On ne peut pas aller plus loin sans mettre en péril le réseau universitaire québécois. Il serait irresponsable de poursuivre sur la voie des compressions budgétaires. Il faut, d'évidence, un redressement financier.

Quelques intervenants et particulièrement les étudiants sont venus nous dire qu'avant de songer à ajouter des sommes aux enveloppes des universités, on devait d'abord examiner l'allocation des ressources qui était faite à l'interne. Certaines associations étudiantes et certains groupes d'étudiants -je pense particulièrement à la Commission jeunesse du Parti libéral - allaient jusqu'à dire que, moyennant une certaine rationalisation, ils n'étaient pas certains qu'il manquait d'argent dans les universités.

Je pense que cela n'est pas bien connaître la situation des universités que d'affirmer une telle chose. Si on compare les budgets des universités au Québec à ceux de l'Ontario, on est obligé de reconnaître qu'il y a, effectivement, un sous-financement. Cela ne veut pas, pour autant, dire qu'il n'y aurait pas des correctifs intéressants, voire importants, à apporter dans la gestion des ressources financières et humaines dans les universités. II y a encore des possibilités de rationalisation, que ce soit sur le plan des services en commun entre les universités, sur le plan de la concertation au niveau des programmes ou sur le plan de la sous-traitance. Mais il serait surprenant que cela permette de résorber les difficultés et d'injecter un nouveau souffle au développement des universités.

Il ne faut cependant pas voir les deux démarches comme antinomiques, mais plutôt comme complémentaires et, en ce sens, l'injection de ressources additionnelles ne doit pas inciter les universités à différer des réformes sur le plan de la gestion interne. Les universités doivent se doter de plans de développement comme elles doivent également se doter de politiques d'évaluation. L'évaluation constitue un élément normal de gestion de toute activité, que ce soit dans les universités ou ailleurs. Trop d'universités, malheureusement, ont tardé à se mettre en route sur cette question de l'évaluation des enseignements, des activités de façon générale et des programmes.

Par ailleurs, au niveau de la concertation, il y a des résultats intéressants, comme je le disais tout à l'heure. Mais il faut constater qu'il y a un couloir étroit lorsqu'on veut maintenir l'autonomie des universités et favoriser ou inciter à une plus grande concertation. Dans ce contexte, un organisme comme le Conseil des universités pourrait être appelé à jouer un rôle actif en cette matière. Des opérations d'évaluation qui ont d'ailleurs été menées à bien par le Conseil des universités

- je pense particulièrement au génie et à une plus récente touchant l'éducation -pourraient nous conduire à des réaménagements souhaitables et fructueux.

Il a également été largement question ici de la tâche des professeurs. Le rapport Gobeil voit dans une augmentation de la tâche d'enseignement un moyen de réaliser des économies substantielles. Selon M. Gobeil; il y aurait là encore du gras. Par ailleurs, des débats nous ont permis de mettre en lumière le caractère, je dirais encore ici, un peu simpliste de l'analyse des sages signataires du rapport Gobeil. Plusieurs intervenants, notamment les universités et les professeurs, voient, dans une telle mesure appliquée uniformément, un sérieux risque d'affaiblir la recherche et la qualité de la formation.

La commission nous a permis de faire certains constats qui seront probablement étayés par le groupe de travail conjoint qui sera ou qui a été formé par le ministre de l'Enseignement supérieur. On sait, par exemple, que la tâche de l'enseignant varie selon les institutions, que certains professeurs réguliers font peu de recherche, qu'il y a dans les faits une modulation importante de la tâche et que la présence marquée des chargés de cours peut remettre en question le modèle professeur chercheur. Ces constats soulèvent plusieurs interrogations. Faut-il absolument voir un lien étroit entre la recherche et un enseignement de qualité? Jusqu'où peut aller la spécialisation des professeurs ou la modulation de la tâche? Quelle doit être la part consacrée à l'enseignement dispensé par les chargés de cours qui disposent d'une expertise souvent très valable, mais qui doivent enseigner dans des conditions très difficiles? Autant de questions complexes qui appellent des réponses nuancées. C'est pourquoi le groupe de travail conjoint qui a été constitué ou qui sera constitué pour examiner ces questions devra également examiner, à notre avis, toute la question des chargés de cours.

Pour revenir au financement, s'il y a encore quelques possibilités de rationalisation, d'optimisation des ressources, certaines marges de manoeuvre à dégager, il faut reconnaître que beaucoup a été fait et qu'il faut, comme collectivité, décider de consacrer des ressources additionnelles à la fois pour accroître la scolarisation, pour assurer un niveau adéquat de qualité de formation et pour stimuler la recherche universitaire.

Tous les groupes concernés doivent être mis à contribution en fonction des bénéfices retirés et des moyens dont ils disposent. Tout d'abord, le gouvernement doit accepter, à tout le moins pour commencer, de ramener l'enveloppe des universités à ce qu'elle était en 1985-1986, c'est-à-dire au moment où le gouvernement précédent acceptait d'injecter 37 000 000 $ d'argent neuf dans l'enveloppe des universités. À ce moment-là, le député d'Argenteuiî déclarait que cela ne signifiait qu'une faible relance et qu'il fallait poursuivre si on voulait donner aux universités les ressources qui leur permettaient de maintenir la qualité de leurs activités. Par ailleurs, ce même gouvernement, et avec la même personne, sous forme de compressions ou de coupures, a prélevé dans l'enveloppe universitaire 34 000 000 $. On pense que le minimum, si on veut être cohérent avec le discours qui précédait la campagne électorale et l'élection, c'est qu'on retrouve au moins le même niveau d'enveloppe.

Sur cette question de la participation du gouvernement au financement des universités, tous les intervenants sont d'accord pour dire que le gouvernement doit demeurer le principal et le premier bailleur de fonds. II faut, cependant, être conscient que les ressources ne sont pas illimitées et que l'effort du gouvernement est déjà significatif,, Mais si on croit sincèrement à l'objectif de scolarisation et aux bénéfices qu'en retire une société, il faut accepter de poser des gestes en conséquence. Le gouvernement, à cet égard, devra faire la preuve qu'il est conséquent avec le discours qu'il tenait lors de la campagne et celui qu'on a entendu iei par le ministre «au moment où s'ouvraient les travaux de cette commission. Je vais vous le rappeler brièvement: il estimait qu'on devait maintenir des objectifs d'accessibilité et de qualité. Il pourra certainement nous le rappeler plus longuement tout à l'heure. C'est, à notre avis, un moment privilégié pour nous annoncer ses intentions relativement aux différentes questions qui ont été soulevées à cette commission.

Le financement fédéral. Autant on pense que différents organismes devraient contribuer au financement des universités, autant on ne peut passer sous silence la participation importante du financement qui vient de source fédérale. Le gouvernement fédéral, on le sait, entend réduire ses paiements de transfert au titre de la santé et de l'éducation de quelque 2 000 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Cette décision risque d'avoir de sérieuses répercussions sur les universités en créant un trou dans les finances publiques du Québec. Je rappellerai que le Parti libéral, en campagne électorale, faisait reposer sur le gouvernement au pouvoir l'incapacité ou la difficulté de pouvoir négocier de façon avantageuse avec le gouvernement fédéral. Aujourd'hui, il est placé pour négocier. Il devra faire la preuve - il est au pouvoir, il est le vis-à-vis du gouvernement fédéral - qu'il est, en ces matières, plus compétent que ne l'a été le

gouvernement précédent. (12 h 15)

Concernant le financement fédéral, une autre question a également été soulevée ici, soit celle des organismes subventionnaires et la part de financement des frais indirects. Des démarches devront être entreprises pour que ces organismes fédéraux prennent également en compte les frais indirects de la recherche, mais le même commentaire se fait également à l'endroit du FCAR.

La contribution des entreprises. Il est indéniable que celles-ci tirent des bénéfices de la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée. Elles pourraient également contribuer davantage au financement des universités. Je ne reprendrai pas ici le discours qu'on a tenu sur les avantages d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée pour l'entreprise.

Certains intervenants ont suggéré qu'on pouvait faire appel à des incitatifs fiscaux pour favoriser le don d'équipement, la réalisation de recherche conjointe et la contribution aux fondations. Il faut toutefois être conscient que les incitatifs fiscaux constituent une dépense fiscale pour le gouvernement.

Certains ont également suggéré un impôt spécial. Je le rappelle, cela se fait dans certains pays et on nous dit que la mesure pourrait être appliquée également ici. Je pense qu'il ne faut pas complètement écarter cette hypothèse, d'autant plus que les entreprises au Québec ont déjà un fardeau fiscal plus bas que celui des autres provinces.

Les frais de scolarité. Ce sujet a fait l'objet de nombreux échanges de vues en commission parlementaire. On a pu être informé d'événements un peu malheureux qui se seraient déroulés aujourd'hui à l'Université du Québec à Montréal où certains étudiants souhaitent entrer sur le campus, d'autres non.

Je pense qu'il faut se rappeler une chose extrêmement importante. C'est que la situation d'insécurité qui est celle de tous les étudiants du Québec par rapport à cette question des frais de scolarité, le gouvernement en est entièrement responsable. Les troubles, les difficultés qu'on va connaître et qui menacent nos institutions d'enseignement de niveau collégial et universitaire, le gouvernement en est responsable parce qu'il a promis le gel des frais de scolarité et parce que le ministre ici en commission parlementaire a émis des doutes.

Je lui rappelle ce qu'il a dit aux journalistes: S'il s'avérait qu'on s'est trompé, il serait irresponsable de persévérer dans l'erreur. Par ailleurs, à Trais-Rivières, le premier ministre disait: On s'engage à maintenir le gel des frais de scolarité. Il nuançait en disant: On attendra le rapport de la commission parlementaire ou, encore, il faudra peut-être attendre en 1988. Autant d'éléments d'Information qui gardent le suspense et qui amènent les étudiants à des gestes regrettables probablement.

Le gouvernement doit respecter les engagements qu'il a pris à l'endroit des jeunes Québécois. Quand il invite les jeunes étudiants universitaires à participer au financement du réseau universitaire, il faut se rappeler qu'il leur a demandé, pas plus tard qu'en septembre dernier, de contribuer pour 24 000 000 $ quand on a fait passer une partie de la bourse aux prêts; les cours d'été dans les cégeps l'été dernier, c'est 1 400 000 $ qui ont été coupés et qui ont dû être assumés par les étudiants; et doubler les frais de scolarité, c'est 84 000 000 $ environ, ce qui voudrait dire que, dans une seule année, l'effort qu'on aura demandé aux gens en partie les plus démunis de la société serait d'environ 110 000 000 $.

On ne peut pas maintenir un objectif d'accessibilité, favoriser un relèvement de la scolarité au Québec et laisser les jeunes dans une telle insécurité. Je pense que le ministre devra - et je souhaiterais que cela se fasse à cette commission parlementaire au moment où il prendra la parole tout à l'heure - dire à nos jeunes qu'il est inutile de continuer ces mouvements et ces interrogations sur la nécessité ou non de prendre des mesures de pression. Il devrait nous dire que son gouvernement respecte l'engagement qu'il a pris lors de la campagne électorale à moins que cela n'ait été exclusivement par opportunisme électoral pour séduire une clientèle jeune.

Sur la formule de financement, beaucoup de choses ont été dites, mais je pense qu'essentiellement on peut retenir que, contrairement à ce qui a été dit à quelques reprises à cette commission parlementaire, il y avait eu des efforts de faits par le précédent gouvernement pour trouver une formule adéquate de financement. La formule de 1984, avec les données de RECU, pourrait constituer une base intéressante pour préparer une formule de financement qui tienne compte de différents paramètres.

Je dirais que l'unanimité des intervenants s'est faite autour d'un certain nombre de paramètres qui touchent les secteurs, les cycles d'études, la taille, l'éloignement et la dispersion. Dans la mesure où les organismes subventionnaires ne tiendraient pas compte des frais indirects, il devrait aussi y avoir un paramètre pour combler le manque à gagner dû à cette absence de revenus pour compenser les frais indirects de la recherche.

On devra également dans les paramètres indiquer la place qu'on réserve aux universités en régions par rapport à cette dimension d'un service à la collectivité. Je ne voudrais pas refaire la démonstration qui a été faite par ces universités de la nécessité qu'on tienne

compte de cette dimension de leur mission et de l'utilité, je dirais, de l'indispensable contribution des universités dans le développement économique et social du réseau.

Certaines constituantes de l'UQ au profil un peu particulier comme l'INRS ont fait des suggestions intéressantes afin qu'on les dote d'un financement mieux collé à leur spécificité. Je pense qu'il y a là des indications précieuses qui pourraient guider le ministre dans le choix et l'établissement des paramètres de financement.

Le déficit, c'est une question extrêmement délicate. II y a deux positions qui s'affrontent, je dirais même trois. Une première, c'est celle des universités qui s'opposent à ce que le déficit soit épongé, d'abord, parce qu'elles seraient directement ou indirectement pénalisées. Ces universités qui ont bouclé leur budget dans des conditions difficiles estiment qu'il ne leur revenait pas de fixer le niveau de financement. Elles demandent donc au gouvernement d'exiger des plans de résorption des universités qui sont en déficit.

Il y a les universités qui sont en déficit qu'elles justifient par leur sous-financement. Elles ne pouvaient couper davantage sans compromettre la qualité, nous disent-elles. Ce serait donc au gouvernement de les soulager. Cependant, il y a certaines nuances. Quelques universités pensent qu'en se donnant un plan de résorption, du moment que le gouvernement paierait les intérêts de la dette, elles pourraient résorber elles-mêmes leur déficit. D'autres universités, par ailleurs, vont beaucoup plus loin et estiment que, tout comme on l'a fait pour les hôpitaux, on devrait éponger le déficit des universités. Dans l'hypothèse où le gouvernement déciderait d'éponger le déficit des universités, je pense qu'il devra consentir des budgets de redressement aux universités qui ont bouclé leur budget dans les mêmes conditions financières.

En conclusion, M. le Président, la consultation a permis de recueillir une quantité inestimable de données, d'information, et de poser assez clairement les grands enjeux. Il reste maintenant au gouvernement à prendre ses responsabilités. Ses choix ne seront pas neutres. Ils refléteront sa conception du développement et des orientations de notre système universitaire. Il sera évalué sur sa volonté de maintenir le cap sur la scolarisation, l'accessibilité et sur sa capacité à assurer aux universités un niveau de ressources approprié. Il faut souhaiter que toutes les énergies et tous les espoirs investis dans cet exercice hautement démocratique n'auront pas été vains.

Je m'en voudrais de conclure sans souligner la participation exceptionnelle de tous les organismes qui nous ont présenté des mémoires, le souci qu'ils ont eu de nous présenter les positions les plus claires possible, le souci qu'ils ont eu de nous présenter des mémoires bien faits, des mémoires qui non seulement faisaient état des difficultés, mais proposaient également un certain nombre de solutions.

Je voudrais également remercier le président. Il nous a dit à quelques occasions qu'il était patient. Je dois lui dire, à présent que les travaux de la commission parlementaire sont terminés, qu'effectivement, à plusieurs reprises, il a fait preuve de beaucoup de patience et qu'il a su mener les débats de cette commission dans un esprit démocratique qui l'honore. Je voudrais également remercier les membres de la commission et mon collègue de Laviolette pour leur participation aux travaux de cette commission et leur assiduité. Â quelques exceptions près, les débats de cette commission ont été toujours élevés et les quelques remarques qui, au départ, étaient plus partisanes ont fait place avec les jours et les semaines à un climat beaucoup plus serein, climat qui nous a permis d'effectuer un travail beaucoup plus efficace et beaucoup plus intéressant. En prenant connaissance des commentaires des différents journalistes sur la qualité des travaux de cette commission, il y en a un en particulier qui me faisait sourire, mais qui illustre bien comment cela s'est déroulé ici. On disait: Cette commission a été studieuse.

J'estime que, lorsqu'on invite des organismes à investir pour venir nous faire connaître leur opinion, il n'est que juste qu'on les reçoive avec toute l'attention qu'ils méritent. Ce n'est pas le lieu en commission parlementaire, lorsque vous avez des invités, de faire état de ce qui vous divise, mais davantage d'essayer de voir où se loge la vérité. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, Mme la députée de Chicoutimi. Avant de donner la parole au ministre, je vais solliciter le consentement des deux formations politiques pour que nous puissions dépasser l'heure réglementaire de 13 heures. Est-ce que j'ai le consentement?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'ai le consentement. Alors, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, en écoutant la députée de Chicoutimi faire le bilan des travaux de la commission, j'étais enclin à souscrire à plusieurs de ses appréciations. J'ai trouvé que son bilan contenait,

cependant, une omission de taille. Je crois qu'il aurait été juste qu'elle soulignât que cette commission a accompli son mandat au complet. Elle s'était fixé un programme, au début, et elle l'a rempli jusqu'à la fin, avec une ouverture que je considère exemplaire. Mais on ne peut pas ne pas se souvenir de l'expérience qui fut faite avec la même commission sous l'ancien gouvernement. Après que nous eussions commencé avec le même sérieux et la même application qui ont été déployés cette fois, le gouvernement, d'un geste arbitraire et autocratique, avait rayé d'un trait de plume le mandat de la commission et mis fin à ses travaux. Je pense que c'est la meilleure illustration de la différence d'approche entre les deux partis, parce que l'ancien gouvernement était formé par le parti que représente à cette table la députée de Chicoutimi. Comme ce sont des faits historiques dûment vérifiés, je pense que c'est simple honnêteté de les rappeler. (12 h 30)

C'est la première fois, M. le Président, dans l'histoire de notre parlementarisme québécois, que l'ensemble de nos institutions universitaires était soumis à un examen aussi minutieux. Je pense que nous avons fait, ensemble, un tour complet dans un climat qui fut généralement empreint d'ouverture, de dialogue et de recherche.

Je voudrais, dès le départ, adresser des remerciements chaleureux, d'abord, aux universités, à leur direction respective, à leur corps professoral, à leur corps étudiant également, pour la collaboration très précieuse qu'ils nous ont apportée et sans laquelle il eût été impossible d'accomplir le périple que nous avons fait ensemble.

Je voudrais remercier également les organismes qui, sans être directement spécialisés dans les choses universitaires, ont voulu nous faire part de Ieurs inquiétudes et leurs aspirations à ce sujet. Je pense, en particulier, à de nombreux organismes régionaux à vocation culturelle, économique ou sociale qui sont venus nous entretenir du respect et de l'attachement qu'ils portent à leur université.

Je veux remercier également les parlementaires des deux côtés de cette table du travail très consciencieux qu'ils ont accompli. J'embrasse dans ces observations tout autant les députés du côté ministériel que ceux du côté de l'Opposition.

Je dirai à la députée de Chicoutimi que nous apprécions la collaboration qu'elle a apportée au travail de la commission, par son application consciencieuse et le sérieux de ses remarques, avec lesquelles on ne peut pas toujours être d'accord, mais qui ont été formulées quand même avec sérieux et précision, dans un bon nombre de cas. Je pense que nous devons l'enregistrer comme un des faits intéressants de l'expérience que nous avons faite.

À vous aussi, M. le Président, des remerciements sont de mise, parce que vous avez conduit nos travaux avec une simplicité et, en même temps, une fermeté de bon aloi. Vous nous avez presque fait oublier que nous travaillions dans cette enceinte sous l'empire d'un code de règles assez exigeant. Il y a peut-être seulement le député de Laviolette qui se sera ennuyé de cette absence d'évocation de nos règles de conduite. Vous avez fait la démonstration que, quand il y a bonne foi et sérieux, les règles sont des choses dont on devrait parler le moins possible. Je pense que c'est possible, même à l'intérieur de l'enceinte parlementaire. Nous en avons fait l'expérience durant de nombreuses semaines.

Ce genre d'exercice que nous avons fait ensemble est nécessaire. L'expérience a prouvé que l'Assemblée nationale et ses commissions demeurent un haut lieu privilégié pour l'examen des problèmes qui intéressent la collectivité et son avenir. On a beau faire le tour de toutes les tribunes qui existent au Québec, de toutes celles qui prétendent s'attribuer une vocation universelle, il n'y a qu'une tribune vraiment universelle, au sens plein du terme, en tout ce qui regarde notre vie commune au Québec, je pense que c'est le Parlement. II y a le Parlement fédéral pour certaines fonctions qui lui sont accordées par la constitution et il y a le Parlement québécois pour les fonctions que lui attribue la constitution. Je pense que, cette fois-ci, comme en de nombreuses autres occasions, l'Assemblée nationale a fait la preuve que c'est le lieu de rencontre démocratique et public par excellence pour l'examen de nos grands problèmes collectifs.

Le résultat majeur des travaux de la commission me semble devoir être une prise de conscience plus large et plus approfondie non seulement des problèmes de financement des universités qui furent à l'origine du mandat de la commission, mais aussi de la vocation capitale des universités pour notre -avenir collectif et des problèmes très importants d'orientation qui se posent à elles à ce moment-ci.

Depuis 25 ans, nous n'avons cessé de développer, d'innover, de multiplier les créations de services, de programmes ou de développements purement matériels. C'était la première fois qu'un véritable travail de vérification, de mise au point, de révision même, était accompli d'une façon aussi systématique et publique. L'examen a été, je pense, un succès. Il nous a révélé l'existence de problèmes sérieux, mais je pense qu'il nous a surtout fait prendre conscience du fait que le développement de nos universités, au cours du dernier quart de siècle, a été l'une de nos plus grandes réalisations collectives de cette période. Avant de parler des problèmes, je pense qu'il est important de signaler ce fait.

Nous avons vu défiler devant nous les représentants d'universités qui sont implantées dans toutes les régions du Québec, qui vont très souvent porter l'enseignement universitaire jusque dans les coins les plus reculés, géographiquement, du territoire québécois. Je pense que c'est une réalisation dont nous avons Heu d'être fiers. Avant, encore une fois, de signaler les difficultés, il est important de souligner cette dimension trop souvent oubliée.

Le but de la commission n'était évidemment pas de nous inviter à un exercice d'autocongratulations, mais plutôt de nous faire prendre conscience de problèmes réels qui se posent aujourd'hui. Je pense que les grandes conclusions que l'on peut tirer de toute cette expérience sont les suivantes. Tout d'abord, il va falloir, au cours des prochaines années, que nous en venions à une vision plus complète, plus précise de la réalité universitaire sous tous ses aspects. Nous avons constaté souvent,, au cours de nos travaux, que nous ne disposions pas toujours des renseignements de base qui nous eussent été indispensables pour porter un jugement sûr. En l'absence de tels renseignements, un certain nombre de questions doivent, évidemment, demeurer en suspens.

Je pense que la période qui va suivre l'expérience de la commission parlementaire devra être consacrée à mettre au point des méthodes, à la fois à l'intérieur des universités et au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui nous permettront de mettre en commun rapidement les données dont nous avons besoin pour tirer les conclusions qui s'imposent non seulement en matière de financement, mais aussi en matière de développement proprement académique. C'est un point impartant. Nous avons besoin de ces renseignements pour mettre au point une nouvelle méthode de financement. Si la nouvelle méthode mise de l'avant en 1984-1985 n'a pas été acceptée, c'est parce qu'on n'était pas encore arrivé à mettre au point des données suffisamment fiables pour qu'elle soit universellement acceptée.

En matière d'appréciation des programmes de formation courte de l'enseignement du 1er cycle, des programmes des 2e et 3e cycles, il nous faut également accéder à une connaissance beaucoup plus précise de la réalité. Nous tenterons, évidemment, de le faire avec la collaboration des établissements concernés.

Deuxièmement, il s'impose que soit clarifiée la mission des universités sous les trois grands titres qu'on lui attribue généralement, c'est-à-dire l'enseignement, la recherche et le service à la collectivité. 11 est très facile de répéter que l'on est favorable à ces trois objectifs et de penser que l'on a dit beaucoup de choses. Mais une fais que l'on a exprimé cet accord, il reste à préciser en quoi, comment, sous quelle forme ces trois aspects de la mission des universités doivent être poursuivis dans chaque établissement. Je pense que des clarifications seront nécessaires au cours de la période à venir en vue de faire en sorte que notre système universitaire favorise une plus grande accessibilité à la formation supérieure, favorise également l'éclosion d'une plus grande qualité de l'enseignement et de la recherche et donne aussi des garanties d'une gestion plus efficace et plus rationnelle des ressources disponibles.

Nous entendons, en troisième lieu, continuer à favoriser le progrès de nctre système d'enseignement universitaire à la lumière du double principe que voici. Tout d'abord, le principe de l'autonomie. Le système universitaire québécois est fondé sur le principe de l'autonomie de chaque université. Nous entendons maintenir ce principe et le respecter. Mais le principe de l'autonomie, surtout dans le cas d'établissements qui émargent à plus de 85 % de leurs ressources au trésor public, doit se compléter par le principe de l'imputabilité. Chaque université doit être libre. Chaque université doit être également disposée à rendre des comptes à la collectivité sur la gestion qu'elle fait de sa mission et des ressources mises à sa disposition.

En dernier lieu, je souligne que, de l'ensemble des témoignages que nous avons entendus et des échanges que nous avons eus entre nous, il se dégage clairement, à mon sens, que la collectivité doit renforcer l'appui qu'elle accorde à ses universités. C'est un défi qui me semble découler des travaux que nous avons faits ensemble.

Je vais essayer maintenant d'indiquer brièvement, sous chacun des grands aspects auxquels s'est intéressée la commission parlementaire, certaines conclusions plus précises qui me semblent pouvoir être dégagées à ce moment-ci. Je grouperai mes remarques sous les titres suivants: tout d'abord, le financement; deuxièmement, l'accessibilité; troisièmement, la qualité de la formation et la recherche; quatrièmement, la rationalisation et la coordination.

En ce qui touche le financement, je pense pouvoir conclure que le sous-financement de nos établissements universitaires est un fait solidement établi. Il l'était avant même le début des travaux de la commission. Il avait été étayé avec force preuves à maintes reprises au cours des dernières années par le Conseil des universités, en particulier. Je pense que la collectivité avait besoin d'entendre des témoignagnes encore plus larges et plus diversifiés. Cela a été fait et, malgré quelques voix discordantes, la tendance très forte des témoignages que nous avons entendus indique qu'il y a un problème très préoccupant de sous-financement de nos

universités dont les conséquences risquent, d'ailleurs, d'être coûteuses s'il n'est pas mis fin à cette situation dans les meilleurs délais.

Dans la situation que nous avons examinée, il y a des problèmes de long terme et des problèmes de court terme. Le réaménagement de la formule de financement des universités dont parlait tantôt la députée de Chicoutimi est un problème qui ne peut pas être réglé à très court terme. Des travaux restent encore à faire à ce sujet, des accords restent encore à trouver et, tant qu'on ne les a pas trouvés, il est bien difficile de dire combien l'exercice prendra de temps.

Je considère personnellement qu'il faudra environ une couple d'années avant que nous puissions mettre au point une formule de financement qui soit vraiment satisfaisante. Quand je mentionne une couple d'années, j'indique en même temps un terme à l'exercice. On ne laissera pas l'exercice se prolonger indéfiniment tant qu'il restera des désaccords dans certains milieux sur certaines virgules. Je pense que c'est un délai raisonnable que nous pouvons nous accorder pour que ce problème sait résolu pour peut-être une dizaine d'années à venir.

Il en va de même du rééquilibrage des sources de revenu des universités. J'en parlerai de manière un peu plus précise en avançant, mais c'est évident que ce n'est pas un problème que nous pouvons régler en disant qu'il faudrait que telle source de revenu soit immédiatement améliorée ou que telle autre source soit développée. On peut envisager cet objectif, mais je pense qu'il est très important pour nos universités que leurs sources de revenu se diversifient davantage à l'avenir. On ne pourra pas le réaliser en le proclamant. II faudra envisager un cheminement qui permettra d'arriver à cet objectif. Par conséquent, nous n'y gagnerions pas à faire croire que nous pouvons réaliser ces objectifs tout de suite. Mieux vaut en identifier la nature et fixer des échéances raisonnables pour les atteindre.

En attendant, il se pose un problème très important et très aigu de financement à court terme. Je compte soumettre au gouvernement des recommandations à ce sujet en vue des crédits budgétaires qui seront déposés à l'Assemblée nationale en mars prochain, suivant nos règlements. Pour l'exercice actuel, je ne pense pas que nous puissions envisager des mesures spéciales. Les choses sont déjà engagées. Nous verrons à ce que les règles d'allocation des ressources soient mises à la disposition de tous les intéressés dans un avenir prochain. Mais nous visons l'exercice 1987-1988 et le gouvernement fera part de ses conclusions lors du dépôt des crédits de l'année 1987-1988, au plus tard. Il pourrait arriver que certains valets de l'action envisagée soient communiqués plus tôt, mais l'engagement que nous prenons ce matin est de faire connaître alors les mesures qui pourront être prises en vue de l'année 1987-1988. (12 h 45)

Je voudrais, à ce sujet, adresser des remerciements particuliers à mes collègues de la députation ministérielle qui m'ont chacun transmis par écrit leurs recommandations à la suite de l'exercice que nous avons fait ensemble. Je vais compter sur leur attention assidue à ces problèmes pour qu'ensemble nous fassions le travail dont la députée de Chicoutimi signalait, justement, qu'il relève de notre responsabilité et à propos' duquel elle nous accordera l'honneur de sa surveillance coutumière.

En troisième lieu, nous accorderons une attention particulière au financement des coûts indirects de la recherche. C'est un des grands problèmes qui ont été portés à l'attention des membres de la commission au cours des dernières semaines. Il faut que des mesures soient mises au point en vue de favoriser une participation des pouvoirs publics, autant au niveau provincial qu'au niveau fédéral, au financement des coûts indirects de la recherche.

On me rappelait encore à l'École polytechnique, hier, que certaines institutions universitaires se pénalisent en quelque sorte quand leurs professeurs obtiennent des contrats de recherche, parce que, dans les conditions où ces contrats sont accordés actuellement, souvent la réalisation du contrat entraîne des frais très lourds pour l'ensemble de la communauté qui risquent de la distraire d'autres tâches non moins importantes qui lui incombent. Par conséquent, je veux vous assurer que ce problème est bien soigneusement noté et que nous aurons des propositions précises à soumettre au gouvernement à ce sujet.

En ce qui touche les frais de scolarité, je voudrais résumer l'essentiel des choses que nous retenons des échanges de vues que nous avons eus à ce sujet. Tout d'abord, la très grande majorité des témoignages que nous avons entendus a indiqué qu'un relèvement des droits de scolarité serait normal et raisonnable dans les circonstances actuelles, étant donné qu'au Québec les droits de scolarité sont inférieurs de deux à trois fois à ce qu'ils sont dans le reste du pays et que les écarts en matière d'accessibilité à l'enseignement universitaire, là où ils existent encore, ne sont pas du tout du même ordre que ceux que l'on observe dans le domaine des droits de scolarité.

Il y a, évidemment, deux facteurs a considérer attentivement, avant toute décision. D'abord, l'impact d'une augmentation éventuelle sur l'acessibilité; deuxièmement, la politique définie en cette matière par le Parti libéral du Québec, qui forme le gouvernement actuel du Québec.

Je voudrais pour l'instant rappeler les éléments suivants. D'abord, pour l'année 1986-1987, laquelle court jusqu'à la fin de l'année scolaire, c'est-à-dire jusqu'au 30 juin prochain ou jusqu'à l'été prochain, les frais de scolarité sont maintenus au niveau où ils étaient au début de la présente année, c'est-à-dire qu'aucun changement n'interviendra pendant l'année 1986-1987. Normalement, ainsi que le signalait le premier ministre récemment, la politique du parti sera respectée par le gouvernement et observée tant qu'elle n'aura pas été modifiée par les instances démocratiques du Parti libéral du Québec. Jusqu'à nouvel ordre, en conséquence, et jusqu'à plus ample informé, le gouvernement continuera d'appliquer la politique de gel des frais de scolarité. Toute impression contraire que l'on voudrait répandre dans la population serait erronée et fausse.

En ce qui touche la dette des universités, qui est l'une des conséquences les plus préoccupantes de ce sous-financement chronique dont ont souffert les universités pendant presque toute la période où le gouvernement précédent a été au pouvoir, le gouvernement actuel, en principe, n'est pas disposé à l'assumer sans autres nuances. Cela, afin d'éviter que ne se crée ou que ne s'accentue l'impression suivant laquelle, quand on oeuvre dans un service public, il suffit de faire des déficits pour qu'ils soient endossés en fin de compte par le gouvernement. Nous ne voulons pas du tout que cette impression s'accrédite dans la population et c'est pourquoi nous ne pouvons pas prendre d'engagement global concernant la prise en charge de ces déficits par le gouvernement.

On nous a, toutefois, fait valoir pendant les travaux de la commission qu'une partie de ces déficits est attribuable directement aux politiques de sous-financement et souvent aux politiques de financement inégal d'une université à l'autre qui ont été pratiquées par le gouvernement précédent. Dans ces cas, l'équité exige que nous fassions avec les établissements concernés un examen minutieux des dettes encourues afin d'établir, s'il y a lieu, la part des déficits qui pourrait être attribuable de manière identifiable au phénomène de sous-financement des dernières années. Dans l'hypothèse où des conclusions engageant le gouvernement devraient être tirées de tels examens, il faudrait, évidemment, exiger des institutions concernées des plans de redressement qui devront être étalés sur des périodes de temps raisonnables. Je profite de l'occasion qui m'est fournie pour inviter avec insistance les universités à tendre vers l'équilibre budgétaire.

Autre point: de nombreux intervenants ont suggéré que des mesures fiscales soient envisagées en vue de stimuler une participation plus grande des particuliers et des entreprises au financement des universités. C'est une orientation que nous accueillons du côté gouvernemental avec une grande sympathie» Diverses formules ont été mises de l'avant par des intervenants au cours de nos audiences. Je veux donner l'assurance à cette commission que je demanderai ces jours prochains au ministre des Finances du Québec d'entreprendre, de concert avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, des études afin d'établir les implications des propositions qui nous ont été faites et d'explorer au besoin d'autres avenues pouvant ouvrir la voie à une participation plus grande des entreprises et des particuliers au financement de nos universités.

Nous allons veiller également à ce que des représentations très fermes continuent d'être faites auprès du gouvernement fédéral en ce qui touche la participation fédérale au financement des universités. Ainsi que le ministre des Finances l'a fait dans son discours sur le budget le 1er mai dernier et à plusieurs autres occasions par la suite, je déplore profondément le caractère instable des politiques suivies par le gouvernement fédéral en matière de financement de l'enseignement supérieur. Je pense que cette instabilité a été à la source d'une bonne partie du problème de sous-financement que nous observons non seulement au Québec, mais également dans d'autres provinces. Je souhaite que le plus vite possible on puisse, grâce à des accords entre les deux ordres de gouvernement, baliser de manière plus claire, plus stable, les voies d'un avenir moins chargé d'inquiétude pour les universités.

Maintenant, je voudrais dire un mot au sujet des problèmes d'accessibilité. Inutile de rappeler, M. le Président, que l'objectif de l'accessibilité demeure. C'est un objectif de la société québécoise tout entière que le gouvernement actuel fait sien une fois de plus, mais cet objectif ne doit pas être seulement proclamé. C'est un exercice trop facile. Il doit être redéfini en fonction des indications des recherches qui ont été faites à ce sujet et aussi en fonction des réalités d'aujourd'hui. Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises pendant nos travaux, il existe des formes d'enseignement terminal qui ne vont pas nécessairement jusqu'à l'université. Nous sommes en train de réformer la formation professionnelle de niveau secondaire. Notre société a besoin de bons techniciens de niveau secondaire. Elle a besoin de bons menuisiers, de bons travailleurs de la construction, de bons mécaniciens qui vont s'occuper de réparer nos voitures et leur donner une meilleure utilisation. Elle, a besoin de spécialistes de combien de métiers qui ne requièrent pas une formation universitaire. Elle a besoin de bons technologues également qui auront une

formation de niveau collégial. Elle a besoin aussi de nombreuses personnes qui auront une formation universitaire.

L'objectif que nous devons poursuivre, c'est de faire en sorte que l'université soit accessible à tous ceux qui ont le talent pour acquérir une formation de type universitaire et qui ont la volonté de travailler pour réussir à ce niveau. J'espère que nous garderons cet objectif. Il n'est pas nécessaire qu'il soit toujours atteint tout d'un coup dès le début. Le soin qu'ont mis les gouvernements du Québec, depuis 20 ans, à aménager des passerelles efficaces entre un niveau de formation et un autre indique qu'on peut très bien recevoir une formation terminale de niveau secondaire et collégial sans que l'avenir soit irrémédiablement fermé pour tout cela. Le concept de formation permanente devient de plus en plus une dimension majeure de tout notre système d'enseignement ainsi qu'en fait foi, d'ailleurs, le fait que peut-être la moitié des personnes inscrites dans nos universités aujourd'hui ont dépassé l'âge de 25 ans, en tenant compte de tous les étudiants à temps partiel. Cela est un phénomène formidable qui montre qu'il n'y a pas une voie unique pour accéder à une formation supérieure, mais que les voies d'accès à la formation supérieure seront infiniment diversifiées au cours de l'avenir. En conséquence, je pense que, lorsque nous définissons l'objectif de l'accessibilité, nous devons y mettre des nuances qui n'eussent point été nécessaires quand nous commencions dans ces choses il y a 25 ans.

En second lieu, je pense qu'il est important, ainsi que l'a signalé, justement, la députée de Chicoutimi tantôt, que les politiques d'aide financière du gouvernement soient l'objet d'une révision continue, de manière qu'elles correspondent vraiment à la condition financière des étudiants et à leurs besoins réels. Ainsi que j'ai eu l'occasion de le rappeler, nos politiques sont plus généreuses dans une proportion d'à peu près 70 % que celles qui sont pratiquées par les gouvernements des autres provinces. Par conséquent, nous devons y aller avec prudence et discernement lorsqu'il s'agit d'améliorer ces politiques et nous ne devons pas hésiter à éliminer de nos programmes certains éléments qui pourraient être injustes par rapport à l'ensemble des étudiants. Mais, tout compte fait, je pense que, quelles que soient les orientations que nous retiendrons à propos, par exemple, des droits de scolarité, il est très important que nos politiques d'aide financière demeurent un élément essentiel de la politique d'accessibilité de l'État québécois en matière de formation universitaire.

En troisième lieu, je voudrais mentionner qu'il faudra que nous trouvions moyen de mettre fin à la course aux clientèles qui ne m'apparaît pas comme le meilleur moyen de favoriser l'accès le plus large possible à l'université. En surface et à court terme, il est évident que c'est un moyen qui produit des résultats visibles, plus forts et plus impressionnants que d'autres moyens, mais je crois qu'à la longue cela peut être un moyen qui nuira aux objectifs poursuivis par les universités. Il faut faire en sorte que l'accès à l'université soit favorisé dans le plein respect des missions propres de l'université. Je ne crois pas que la voie de la facilité soit celle que nous devons retenir à cet égard. H faudra également que nous révisions, au cours des prochains mois - ce n'est pas une chose que nous pouvons faire demain matin, mais c'est une chose qui me préoccupe - nos politiques d'accueil à l'endroit des étudiants étrangers. On a porté à notre attention des problèmes préoccupants de ce côté, et il incombe au gouvernement d'en faire l'examen et de trouver certains ajustements que justifient des faits portés à notre attention par des organismes entendus au cours de nos audiences. (13 heures)

En ce qui touche la qualité de la formation et de la recherche, nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il s'agit de l'objectif majeur que nous devrons poursuivre au cours des prochaines années. Et un accord de plus en plus large se réalise dans tout le Québec sur la nécessité d'inscrire les objectifs d'excellence et de qualité au coeur des politiques gouvernementales à tous les niveaux du système d'enseignement, pas seulement au niveau universitaire, mais à tous les niveaux et, à plus forte raison, au niveau universitaire où sont censées être réunies les conditions par excellence pour parvenir à la qualité autant de l'enseignement que de la recherche.

Dans cette perspective, je voudrais indiquer certaines orientations ou conclusions qui me paraissent de mise. Tout d'abord, il faut que nous entreprenions de mettre au point des procédures de révision de nos politiques de recrutement et d'admission, y compris des politiques de contingentement, qui sont plus nombreuses que plusieurs d'entre nous ne Le pensons.

Deuxièmement, les universités doivent être invitées à instituer des procédures d'évaluation systématique de leurs programmes. Elles seront invitées à soumettre au gouvernement des rapports périodiques à ce sujet. Jusqu'à maintenant, le Conseil des universités a accompli un travail très valable en ce qui touche l'évaluation des projets de nouveaux programmes, mais les programmes existants ont fait l'objet d'évaluation strictement intérieure dans les universités et les programmes de formation courte, comme nous le savons, ont pu être institués sans que personne d'autre que les autorités de chaque établissement soit appelé

à se prononcer.

Il me paraît important - je veux être bien clair là-dessus - que la première responsabilité pour l'évaluation des programmes demeure celle de chaque établissement universitaire. Il n'est pas question d'instituer un mécanisme centralisé d'évaluation des programmes universitaires. Chaque université doit d'abord prendre ses responsabilités dans ce domaine. Nous demanderons aux universités de nous fournir de plus en plus des renseignements précis concernant le développement et l'évaluation de leurs programmes d'enseignement et de recherche, la rationalisation de leurs activités, les taux de persévérance et de diplomation aux divers cycles d'enseignement, leurs besoins en équipements et en locaux. Nous verrons à favoriser, à promouvoir le développement de ce genre d'exercice à l'intérieur des universités.

En troisième lieu, il faut insister pour que les universités renforcent les études de 1er cycle, éliminant ce qui n'est pas vraiment justifié et mettant un contenu sans cesse plus substantiel dans tous les programmes de 1er cycle. On retrouve, au niveau du 1er cycle, au-delà de 85 % des personnes qui sont inscrites à des cours de formation universitaire. Au Canada comme aux États-Unis, on se rend compte qu'il est très important d'assurer à ce niveau non seulement la qualité de chaque programme, mais aussi un équilibre dans la programmation. Nous avons vu en causant avec une université régionale que, par la force d'une pression sur laquelle personne n'a de contrôle immédiat, elle serait encline à s'orienter uniquement vers des programmes de formation en administration des affaires ou dans certaines techniques, par exemple. La dimension libérale est presque complètement absente. Il faut qu'on assure un équilibre de ce côté-là. Je veux vous dire que, quand nous invitons les institutions universitaires à examiner de beaucoup plus près toute la programmation du 1er cycle, nous pensons aussi à ces considérations d'équilibre entre les différents types de disciplines. Je ne voudrais pas qu'on pense que l'approfondissement universitaire de disciplines comme la littérature, l'histoire, la philosophie est réservé à une élite, uniquement à des étudiants qui sont à Montréal ou à Québec. Je pense que ce sont des disciplines qui font partie du champ universel du savoir auquel l'accès doit être ouvert dans les conditions toujours raisonnables, évidemment, mais pas seulement à ceux qui ont l'avantage de résider dans les très grands centres. De ce point de vue, on peut compter que le gouvernement, de concert avec les universités, entreprendra une action vigoureuse.

En ce qui touche les professeurs, nous n'envisageons pas - nous l'avons dit claire- ment lors de la visite de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec - de nous attaquer au principe de la permanence des professeurs. Ce principe d'organisation, comme tous les principes d'organisation, comporte des avantages et des inconvénients. Dans la balance, nous considérons que les avantages sont plus nombreux et que mieux vaut chercher à corriger les inconvénients en instaurant des procédures d'évaluation de la performance des professeurs qui demeurent raisonnables, mais qui soient plus rigoureuses que celles qui semblent être pratiquées dans certains endroits.

Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire, un groupe de travail sera mis sur pied très prochainement pour l'examen de la tâche du professeur d'université» Je voudrais indiquer à ce sujet qu'il n'est pas question d'une enquête royale, qu'il n'est pas question d'une commission qui reprendrait ce que nous avons fait ici et qui viendrait nous dires Voici ce que devrait être la tâche du professeur d'université au cours des prochaines années. C'est une mission qui aura pour objet de nous donner un tableau exact de la situation et des réalités actuelles. C'est pourquoi j'ai sollicité le concours des organismes compétents, j'ai sollicité publiquement la collaboration de la Fédération des associations et syndicats de professeurs d'université, dont le secrétaire m'informait justement hier que l'exécutif a décidé d'apporter une réponse affirmative à notre invitation à l'occasion d'une réunion qu'il tenait, je crois, jeudi ou vendredi dernier. Les autorités des universités seront, évidemment, invitées à collaborer à ce travail également et nos concitoyens en seront tenus informés par les voies ordinaires, c'est-à-dire que, lorsque des résultats seront disponibles, nous tes communiquerons volontiers.

Je pense que nous devons apporter une attention toute spéciale au développement de la recherche dans les universités. Nous le ferons, tout d'abord, par le maintien d'organismes qui peuvent fonctionner à une certaine distance du ministre et qui ne seront pas toujours obligés de se demander, en accordant une bourse ou une subvention: Est-ce que le ministre va être d'accord? C'est le principe du "arm's length" qu'on appelle, fonctionner à distance d'au moins un bras du ministre pour avoir une certaine liberté. Par conséquent, nous allons maintenir ce principe et nous allons maintenir également le principe d'une certaine diversité dans les organismes subventionnaires. Il ne faut pas que ce soit une multiplicité qui devienne coûteuse et superficielle, mais une certaine diversité me paraît de mise et je ne pense pas que nous aurons de difficulté à assurer ce principe.

Deuxièmement, il va falloir faire une place à la recherche dans la mise au point

d'une nouvelle formule de financement. Nous avons constaté qu'il y a des universités qui sont très avancées en matière de programmes de 2e et 3e cycles et qu'il y en a d'autres qui le sont beaucoup moins. Nous avons dit que l'accès aux 2e et 3e cycles ne devrait être interdit à aucune université, mais c'est évident qu'il ne pourra pas être développé avec la même importance dans une université qui fonctionne en régions que dans une université qui est inscrite au coeur de la métropole depuis 100 ou 150 ans, ou à Québec. Je pense que des choix vont s'imposer de ce côté, mais il faut qu'on fasse une place au coût de la recherche dans la mise au point de la formule de financement qui sera l'objet d'un travail concerté avec les milieux concernés au cours des mois à venir. De même, dans l'évaluation que nous ferons de la tâche du professeur, la recherche occupera une place importante et elle sera traitée avec tout le respect que nous lui devons.

Je voudrais signaler, à l'intention des étudiants des 2e et 3e cycles qui nous ont aidés à commencer nos travaux sur une note très élevée par le mémoire fort substantiel et fort impressionnant qu'ils nous présentaient dès la première journée de nos travaux, que j'entends accorder une attention toute spéciale aux problèmes économiques et financiers dont ils nous ont fait part concernant cette catégorie d'étudiants qui doit nous intéresser comme la prunelle de nos yeux parce que c'est vraiment l'avenir de nos universités qu'on trouve parmi les étudiants actuels des 2e et 3e cycles.

En ce qui touche la rationalisation et la coordination, quelques remarques rapides, M. le Président. Tout d'abord, il y a une conclusion que nous pouvons tous tirer de nos travaux: il n'est pas question de créer de nouvelles universités. Personne ne nous en a demandé. Je peux vous assurer que je n'ai aucun projet dans les tiroirs du ministère à cette fin. J'entends même demander au gouvernement, dès que le menu législatif le permettra, de modifier la législation actuelle afin de faire en sorte qu'aucune université ne puisse être créée avec le pouvoir de décerner des grades universitaires sans l'autorisation du gouvernement. Je ne voudrais pas qu'on soit pris devant des faits accomplis, qu'on nous mette en face d'une nouvelle institution et que, cinq ans après, on vienne nous dire: Nous voulons être financés, nous aussi. Étant donné le déploiement considérable de ressources que nécessite un établissement universitaire aujourd'hui, il faudrait que nous ayons des garanties de ce point de vue, que nous ne serons pas placés devant des faits accomplis qui pourraient mettre de la confusion dans la tableau.

En ce qui touche les établissements en place, chacun est appelé à demeurer et à se développer. Les institutions qui fonctionnent en régions, en particulier, se sont fait dire à plusieurs reprises par celui qui vous parle et par les collègues tant ministériels que de l'Opposition que nous avons une très haute estime du travail qu'elles accomplissent. J'espère que nous pourrons les aider à préciser leur vocation et à l'accomplir dans des conditions et avec des ressources compatibles avec cette mission.

En ce qui touche l'Université du Québec, je voudrais faire quelques observations. Tout d'abord, le concept de réseau m'apparaît valable. Il a été signalé et souligné à maintes reprises pendant nos travaux, et je pense qu'il doit être conservé. Je ne serais pas prêt à proposer qu'on mette la hache dans le concept de réseau. Si nous acceptons le concept de réseau, je pense que nous acceptons du même souffle que le concept d'un siège social est également nécessaire. Si vous avez un réseau et qu'il n'y ait point de siège social pour l'animer et assurer son unité, mieux vaut ne pas parler de réseau et parler d'établissements universitaires qui seront juxtaposés à côté de tous les autres que nous avons. Alors, dans ce cas-ci, il est important que l'on affirme que le siège social doit être maintenu, vu que nous souscrivons tous au concept de réseau en ce qui touche l'Université du Québec.

En troisième lieu, je pense qu'il serait important, cependant, que nous procédions à une révision sérieuse du statut de certains services ou instituts spécialisés qui sont présentement rattachés à l'Université du Québec et au sujet desquels nous avons été obligés de nous contenter d'un examen un peu sommaire et rapide.

Il serait dans l'ordre également que nous procédions à une révision des fonctions qui sont présentement assumées par le siège social du Québec, en vue de garantir qu'à tous les niveaux il y ait cette norme de transparence et de frugalité qui nous apparaît nécessaire pour l'ensemble de l'action gouvernementale et l'ensemble de l'action dans le secteur public.

C'est pourquoi nous avons déjà entamé des conversations avec les autorités de l'Université du Québec en vue de mettre au point un mécanisme de travail qui nous permettrait de procéder conjointement à cet examen, le ministère et les autorités de l'Université du Québec. Je pense que cet exercice est nécessaire. Après une quinzaine d'années de développement remarquable, il faut bien qu'on s'arrête à un moment donné et qu'on fasse le point.

Je voudrais remercier les autorités de l'Université du Québec de la collaboration dont elles nous assurent, non seulement sur ce point précis, mais à propos de l'ensemble du travail qui m'est imparti à mon titre de ministre de l'Enseignement supérieur et de la

Science.

En deuxième lieu, nous entendons requérir de chaque université des données statistiques plus précises concernant les clientèles et d'autres aspects dont j'ai parlé plus tôt. Je pense que ce sera une donnée permanente des relations que nous entretiendrons avec les universités. Elles nous fournissent déjà beaucoup de renseignements. Je ne voudrais pas qu'on pense que nous n'avions pas de renseignements dans le passé. Mais il y en a que nous, n'avions pas le besoin de. demander jusqu'à maintenant. Il y en a sur lesquels notre attention a été attirée plus récemment. Nous mettrons ces choses au point et je pense qu'ensemble nous pourrons progresser de manière Importante de ce côté.

Nous entendons demander à chaque université qu'elle nous soumette un plan triennal de développement académique et institutionnel. Déjà, certaines institutions le font; d'autres ne le font point. Il y a longtemps que le Conseil des universités le recommande. Alors, je tiens à informer la commission parlementaire et les milieux concernés que, au cours des prochains mois, nous mettrons au p'oint un mécanisme permettant d'assurer que cette condition indispensable d'un développement général, rationnel et ordonné soit assurée.

Plusieurs nous ont parlé, en cours de route, du travail du Conseil des universités. Le Conseil des universités accomplit déjà un travail de première qualité, un travail que j'apprécie grandement et sur lequel j'ai eu l'occasion de me prononcer à maintes reprises autant dans l'Opposition que depuis que nous sommes au pouvoir. Je considère que le Conseil des universités doit poursuivre son travail à la lumière des objectifs et des pouvoirs très nombreux que lui attribue déjà sa loi statutaire.

Je ne pense pas qu'il serait bon que nous étendions trop largement et trop inconsidérément les pouvoirs et attributions du Conseil des universités. Il n'est pas question, dans ma pensée, de créer un ministère parallèle de l'Enseignement supérieur et de la Science. La loi définît une relation très sage entre le Conseil des universités, les établissements universitaires et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. De tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, je ne vois pas d'éléments qui ne pourraient pas être assurés par l'accomplissement des missions qui sont attribuées au conseil par sa loi constitutive.

Je demeure réceptif, évidemment, à toute représentation qu'on voudra me faire, Mais je crois qu'il y a des responsabilités qui doivent être assumées en propre par des universitaires, d'autres par le ministère, d'autres par le Conseil des universités. Le partage actuel ne m'apparaît pas insatisfaisant de ce point de vue.

Enfin, je pense que nous devons favoriser au maximum la collaboration interinstitutionnelle. Nous avons tous appris avec plaisir qu'elle existe déjà d'une manière plus abondante que nous ne le pensions. Nous devons favoriser une collaboration plus intense entre les universités et le ministère. Je veux vous assurer à ce sujet que nous verrons à susciter des rencontres plus fréquentes et plus régulières entre la Conférence des recteurs des universités en particulier et les plus hautes autorités du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science.

En terminant, je pense que nous avons l'obligation, après tout ce que nous avons entendu, de procurer à nos universités un niveau de revenu plus satisfaisant que celui qui leur a été imparti au cours des huit ou neuf dernières années. Il faut assurer à chaque université un financement juste, équitable et conforme à sa mission. Il faut,pour nos universités, un climat de sécurité et de stabilité plus grand que celui que nous avons eu. C'est une condition capitale de progrès dans l'accomplissement des missions que nous confions à nos universités. Il est important, dans l'effort de redressement que nous devrons poursuivre pendant un bon bout de temps, que nous impliquions la communauté tout entière dans notre démarche. Pour nous députés, il importe d'impliquer tous nos collègues de chaque côté de la Chambre. Pour moi qui suis ministre chargé de ce secteur, il importe que j'associe, évidemment, mes collègues du gouvernement.

Je puis vous assurer que la bonne santé de nos universités est un des objectifs majeurs que je me suis fixés en acceptant la responsabilité que le premier ministre m'a confiée lors de la formation du gouvernement. J'espère qu'ensemble, au cours des prochains mois, nous ferons des pas importants dans la recherche de solutions aux problèmes très nombreux dont nous avons été saisis. Encore une fois, merci à tous, en particulier à vous, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci beaucoup, M. le ministre. Cette commission parlementaire va terminer ses travaux dans quelques minutes. Je crois qu'elle a rempli le mandat qui lui avait été confié, à savoir de servir de tribune à tous les intervenants qui avaient à se prononcer, à venir dialoguer ou à venir livrer des messages au gouvernement dans le cadre des orientations et du financement du réseau universitaire québécois.

Les travaux de la commission ont commencé en mai dernier en séances de travail. Ils ont été poursuivis au mois d'août et ils ont commencé officiellement le 16 septembre dernier. Je dois dire que 78 mémoires ont été soumis à la commission et que 72 organismes ont été entendus. On peut

dire que cette commission parlementaire, qui procédait à une consultation générale sur les orientations et le cadre de financement du réseau universitaire québécois, fera certainement date dans l'histoire de la 33e Législature du Québec comme exemple de travaux parlementaires.

Il me reste, avant de clore les travaux, à remercier tous les intervenants qui se sont déplacés, qui se sont donné la peine de nous soumettre des mémoires et de venir échanger avec nous.

Je veux aussi remercier d'une façon particulière la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, le vice-président de la commission, le député de Laviolette, et tous mes collègues ministériels, soit le député de Richelieu, le député de Rimouski, te député de Rousseau, le député d'Arthabaska, la députée de Groulx, le député de Sherbrooke, la députée de Jacques-Cartier. À tous ces gens, je dis merci. Je veux féliciter tous les représentants de la presse parlée et écrite qui ont couvert les travaux de la commission parlementaire pour la sobriété et la qualité de la couverture qu'ils ont donnée à cette commission. Je veux aussi remercier l'équipe de soutien de l'Assemblée nationale et du Secrétariat des commissions parlementaires pour la collaboration qu'elle m'a fournie.

La commission parlementaire...

M. Jolivet: M. le Président, juste un instant...

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le vice-président, comme toujours, allez-y.

M. Jolivet: Je ne voudrais pas clore le débat sans dire qu'il y a au moins une personne qu'on n'a pas entendue, M. Gobeil.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je veux aussi remercier la députée de Marie-Victorin, le député d'Abitibi-Ouest, que nous avons aussi accueillis à cette commission.

La commission parlementaire de l'éducation, ayant accompli le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 20)

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