L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le vendredi 18 avril 1975 - Vol. 16 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Education


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude des crédits du ministère de l'Education

Séance du vendredi 18 avril 1975

(Onze heures vingt minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs! La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications reprend, ce matin, l'étude des crédits du ministère de l'Education.

J'aimerais, dès le départ, aviser que M. Harvey (Dubuc) remplace M. Houde (Fabre).

Si je ne m'abuse, nous en étions rendus au programme 6: Enseignement secondaire public. Est-ce que ce programme est adopté?

M. Léger: On commence, M. le Président, avec certaines questions d'ordre...

Enseignement secondaire public

M. Cloutier: M. le Président, est-ce que je pourrais déposer certains documents pour répondre aux demandes du député de Lafontaine avant qu'on s'engage dans le programme?

M. Léger: Allez-y.

M. Cloutier: Je voudrais déposer les règles budgétaires des commissions scolaires et des commissions régionales pour 1975/76. Elles ont été expliquées lors de mes remarques préliminaires. Je voudrais apporter des renseignements en ce qui concerne l'école Maricourt, qui préoccupait le député de Lafontaine. Il y a eu une pétition des parents qui a été envoyée au premier ministre et dont des copies ont été envoyées aux ministres de l'Education et des Affaires sociales et à un certain nombre de députés, le 17 février 1975.

Dans cette pétition, on demandait l'agrandissement de l'école élémentaire pour éviter le transport d'un surplus d'élèves. Il y a eu un accusé de réception de ma part par la voie d'un de mes secrétaires, M. Jean-Claude Barette, le 25 février, c'est-à-dire très rapidement. Et nous avons demandé au bureau régional de Montréal Aud, comme nous le faisonstoujours dans les problèmes locaux, d'y voir.

Maintenant, il se trouve que la position des parents, semble-t-il, n'a fait l'objet d'aucune demande à la commission scolaire proprement dite. C'est bien sûr que, dans le système qui est le nôtre, c est la commission scolaire qui a la responsabilité des équipements.

Alors le bureau régional est en train de tirer cette affaire au clair, il suggérera probablement aux parents de procéder par les voies normales. Voilà la situation.

M. Léger: Ce qui arrive très souvent dans des cas comme ça, je ne dis pas que c'est le cas particu- lier là, mais très souvent les gens voient leurs commissaires, leur posent verbalement une question qui devrait être débattue à la prochaine réunion du conseil et, comme ce n'est pas débattu, les parents oublient peut-être de le faire de façon très officielle, par lettre. Par la suite, il semble que c'est bloqué.

Je ne dis pas que c'est le cas particulier mais très souvent les parents s'imaginent qu'en ayant averti leurs commissaires ça devrait passer.

M. Cloutier: Ce que nous faisons, nous, c'est que très rapidement nous prévenons, comme je vous l'ai indiqué, les bureaux régionaux, qui jouent un rôle de plus en plus important dans le système, de tirer ça au clair. Je vous ai expliqué, dans mes remarques préliminaires ou à l'occasion d'une réponse, que nous avions des tables de concertation avec les di recteurs généraux des commissions scolaires d'une région, par exemple, et ceci permet une coordination qui est aussi bonne que faire se peut.

M. Léger: D'accord. Alors, M. le Président... Oui, allez-y.

M. Cloutier: Dans le cas précis, ces parents, les pétitionnaires, ont exprimé leur demande lors d'une réunion de parents convoquée par le comité d'école de l'école Maricourt, d'après le texte de leur propre lettre.

M. Léger: Et vous attendez une réponse?

M. Cloutier: Le bureau régional doit faire l'examen de la situation. La commission scolaire elle-même n'a pas pris de position, ce qui explique qu'on ne trouvait pas de dossier direct enfin de requête de la commission à cet effet, pour agrandir l'école.

Non seulement il n'y a pas de requête de la commission scolaire mais il n'y avait pas de lettre au ministre de l'Education. C'est une pétition qui était faite au premier ministre et qui comportait des copies à deux ou trois ministres et à une demi-douzaine de députés.

Le troisième point que je voulais soulever, c'est que j'aimerais — puisqu'on a parlé hier des travailleurs forestiers et puisqu'on m'a demandé quelle était la situation — apporter quelques précisions au sujet des programmes que nous avons. Il ne faudrait pas avoir l'impression qu'il ne se fait rien, il se fait énormément de choses; il y a des cours de gardes forestiers, de classeurs mesureurs, de scieurs classeurs, pour ne citer que quelques exemples. Je tiens à votre disposition, je ne veux pas déposer de documents pour ne pas alourdir le travail de la commission, tous les renseignements voulus; on les trouve d'ailleurs dans l'annuaire du secondaire — puisque je parle du professionnel court — qui a du parvenir aux membres de la commission. Alors, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Programme 6.

Document de la CEQ sur l'orientation scolaire

M. Léger: M. le Président, à moins que la

commission ne me le permette pas, à l'Assemblée nationale j'avais dit au ministre, sur la question du document de la CEQ, que...

M. Cloutier: J'écoute, allez.

M. Léger: Je veux vous avoir tout yeux, tout oreilles.

M. Cloutier: Vous m'aurez comme je serai, alors allez-y.

M. Léger: C'est parce que c'est vous qui m'avez provoqué, M. le ministre.

M. Lapointe: II veut avoir quelque chose de précis, de clair.

M. Léger: C'est le ministre qui m'a posé cette question et je voudrais bien qu'il m'écoute.

M. Cloutier: Je pense que le député de Lafontaine peut procéder, poser ses questions et ne pas surveiller le comportement des gens qui sont autour de lui. Il a assez à faire...

M. Léger: Ah! je n'ai pas à faire ce que le ministre...

M. Cloutier:... avec son propre comportement.

M. Léger: C'est parce que le ministre m'a provoqué en disant que nous ne nous étions pas prononcés sur le document de la CEQ.

M. Cloutier: Ce qui est.

M. Léger: Alors, j'ai dit tantôt en Chambre que je n'ai pas pu le faire puisqu'il n'y a pas eu de déclaration ministérielle nous permettant de faire une mise au point de notre part et nuancer ce que tout document demande. On ne peut pas, d'un revers de main, condamnerou accepter un document comme tel.

M. Cloutier: Alors, est-ce que je dois comprendre que c'est la position officielle...

M. Léger: Est-ce que je peux garder la parole? Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. Cloutier: Est-ce que je peux comprendre que c'est la...

M. Léger: Est-ce que je peux garder la parole?

M. Cloutier: Bien sûr. Mais, avant, est-ce que je peux avoir une précision? Je le demande au président, mais, si on ne me donne pas la parole, très bien.

M. Léger: M. le Président, je suis en train de parler, là; j'aimerais finir ce que j'ai à dire. Le ministre n'aime pas qu'on l'interrompe quand il parle. Alors, je pense que c'est la même chose.

M. Cloutier: Cela m'est parfaitement indifférent, vous m'interrompez tout le temps. Les remarques préliminaires, normalement, ne font l'objet d'aucune interruption; je suis en train de les corriger et j'ai constaté que vous m'aviez interrompu une dizaine de fois.

M. Léger: C'était seulement pour éclairer des points où vous étiez en train d'avancer.

M. Cloutier: Bien sûr. Cela s'appelle des interruptions.

M. Léger: Ce n'était pas une interruption pour vous condamner ou pour nier ce que vous affirmiez; c'était pour clarifier des points.

M. Cloutier: Si vous ne voulez pas me donner la parole, cela ne me gêne pas du tout; allez-y.

M. Léger: Non, ce que je voulais simplement dire, c'est que le parti comme tel n'a pas voulu se prononcer immédiatement sur un document de cette nature à cause de la façon dont ce document a été porté à l'attention du public par le ministre qui a fait précéder la venue du document officiel d'une annonce d'un document explosif, ce qui, par la suite, a provoqué la CEQ à présenter exactement le document, pour que les gens voient jusqu'à quel point c'était explosif. Le ministre, par la suite, a dit que ce n'était pas si explosif que cela, que le document précédent était plus explosif. Par la suite, les questions sont venues. Plutôt qu'une déclaration ministérielle à la suite de l'annonce par le ministre de ce document explosif, sur lequel il voulait permettre à la Chambre de se pencher, il y a une des questions qui est arrivée, posée par le député de Saint-Jean. A deux ou trois occasions, on a créé ce que j'appelle une certaine psychose prénégociations entre les professeurs de la CEQ et les employés de la CEQ dans la prochaine négociation paragouvernementale. Cela présage, je pense, mal pour une négociation sereine, puisqu'on essaie de les discréditer, dans l'opinion publique par la voie d'un document préparé par une commission spéciale pour des enseignants, de façon que ces enseignants puissent, une journée par année, utiliser des méthodes pédagogiques, que je qualifierai tantôt, pour sensibiliser les enfants à la réalité dans laquelle leurs parents vivent, dans laquelle eux vivront demain.

Alors, je dois dire, au départ, que c'est une sorte d'écran de fumée devant les vrais problèmes que le ministère a à affronter. Au lieu de dire: C'est épouvantable, c'est subversif; cela démontre comment les professeurs et la CEQ agissent; c'est proche du maoïsme; c'est du trotskisme, du communisme et du marxisme, tel que le disait le député de Rouyn-Noranda, je pense que le ministre et son ministère devraient faire un petit examen de conscience pour dire: De quelle façon, nous du ministère de l'Education, avons-nous trouvé des formules collant à la réalité pour permettre aux professeurs de donner, à l'occasion d'examens auprès des enfants, des explications sur la situation locale et sociale dans laquelle ils vivent?

Sensibiliser les enfants via des formules qu'ils connaissent habituellement, c'est-à-dire les formules d'examen, les questionnai res qu'ils ont à remplir d'une façon régulière, pendant une journée par année, à l'occasion de la fête des travailleurs, c'est sensibiliser les enfants à des préoccupations qui sont très saines. Je pense que c'est normal de dire à un enfant qu'il existe de la spéculation foncière, qu'il existe des moyens de faire de l'aménagement de territoire pour éviter que des rapaces, voulant faire des profits rapides sur le dos de la collectivité, puissent s'enrichir au détriment de la collectivité.

Je trouve normal qu'on avertisse les enfants que dans un milieu comme Thetford Mines l'amiantose est un danger public et que le gouvernement aurait dû, depuis très longtemps, légiférer alors qu'il vient seulement de le faire. Il est normal de sensibiliser les enfants à des problèmes que les parents vivent le lendemain et non pas leur raconter des contes de fées leur promettant une vie harmonieuse et heureuse dans un monde dans lequel eux-mêmes auront une responsabilité. Je pense que c'est normal de le faire, sauf qu'il y a une différence, je pense, entre la politisation des enfants...

M. Côté: M. le Président...

M. Léger: ...et la sensibilisation des enfants. Ce que je peux reprocher à ce document...

M. Côté: ...et dire exactement ce qu'il pense, si c'est un atout ou pas.

M. Léger: M. le Président, ai-je la parole? M. Lapointe: Allez-y, cela va bien.

M. Léger: Je suis en train de dire que ce que je n'aime pas, dans ce document, c'est le fait qu'il y a peu de nuances entre une politisation de l'enfant et une sensibilisation de l'enfant. Il y a une absence de phraséologie, il y a des positions maladroites qui ne permettent pas d'évaluer jusqu'à quel point on devrait réaliser cette sensibilisation des étudiants. Je pense que la nuance est entre la sensibilisation de l'enfant et la politisation de l'enfant. Je pense que ce n'est pas à cet âge qu'on va le politiser, mais c'est à cet âge qu'on va le sensibiliser aux réalités, pour qu'il puisse, en arrivant dans le domaine du travail, avoir déjà une connaissance des problèmes du milieu, être capable de faire son choix, par la suite, ou des corrections, ne pas tenir pour acquis que tout ce qui existe est vrai et bon. Cette vieille notion d'autorité qui veut que ce qui a été dit, ce qui a été pensé, ce qui a été déclaré, si tu es contre cela, tu es dans l'erreur, c'est faux. Une société crée elle-même sa future autorité parce que c'est elle qui décide qui va déterminer les lois, les règlements selon lesquels la société va vivre.

Je pense que le document a un objectif louable, celui de servir de moyen pour sensibiliser les jeunes, les enfants à la réalité de demain et à la réalité actuelle. Maintenant, je pense qu'il y a des aspects que nous devons condamner, dont l'aspect maladroit par lequel on voudrait peut-être politiser l'enfant alors qu'on devrait uniquement le sensibiliser.

Le ministre lui-même a dit, comme moi, qu'il a trouvé de bonnes choses, dans ce document, et des choses moins bonnes, qu'il fallait aussi avoir la possibilité de faire des nuances. On ne peut pas blâmer une chose d'un bloc.

Mais, je pense que toute la présentation de cela c'est un écran de fumée, pour éviter — je ne dirai pas le mot — pour permettre une diversion devant les vrais problèmes. C'est peut-être pour préparer une négociation qui va être dure, en essayant de mettre l'opinion publique contre les enseignants. La majorité des enseignants du milieu vont certainement faire un bon usage des parties de documents qui sont utiles, et ils vont rejeter, ce que je pense, comme la majorité des gens l'ont reconnu, les écarts, les points où on a été trop loin, où il y a une politisation des jeunes qui est trop tôt.

M. Lapointe: M. le Président, est-ce que le député de Lafontaine me permettrait une précision?

Je comprends le patinage du député de Lafontaine facilement, puis son accord assez clair au document de la CEQ, puisque les termes que l'on retrouve dans le document, la plupart de ces termes, qui sont des termes démagogiques, à mon point de vue, ont été développés par le Parti québécois.

M. Léger: Est-ce que vous me posez une question ou si vous me donnez votre point de vue?

M. Lapointe: Oui, c'est un préambule, M. le député.

M. Léger: II me demande si je lui permets une question.

M. Cloutier: II a le droit de parler.

M. Léger: II est en train de donner son discours lui-même. Il est en train de me citer.

M. Cloutier: Vous nous accusez d'interrompre. Laissez donc parler le député.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! M. Léger: Je m'excuse, M. le Président. M. Lapointe: M. le Président...

M. Léger: Le député me demande de lui permettre une question. Je suis d'accord. Mais s'il veut interpréter mes paroles, j'ai le droit de rectifier.

M. Cloutier: Pardon, c'est exactement ce que j'essayais de faire, M. le Président, tout à l'heure. C'est un point de règlement.

M. Lapointe: M. le Président, je voulais simplement ajouter un commentaire au début.

M. Léger: Pas un commentaire, une question.

M. Cloutier: Un point de règlement, M. le Président. J'ai le droit de soulever un point de règlement.

M. Lapointe: C'est un préambule. M. Léger: Allez.

Le Président (M. Gratton): Le ministre, sur une question de règlement.

M. Cloutier: Ecoutez, je crois qu'il faut tout de même s'entendre. Le député de Lafontaine afait une longue déclaration qui, à mon sens, est bourrée de sophismes et d'erreurs. J'aurais pu l'interrompre tous les trois mots, pour apporter une rectification. Je ne l'ai pas fait dans un souci d'ordre. J'ai tenté de le faire au début, on m'a rappelé à l'ordre. Je me suis incliné. Cependant, j'aurai un bon nombre de corrections à apporter, quand j'aurai la parole. Je ne vois pas pourquoi on empêche un député du parti ministériel de s'exprimer et qu'on tente de l'interrompre, même si on n'est pas d'accord avec ce qu'il dit.

M. Léger: M. le Président, sur le point de règlement.

Le Président (M. Gratton): Le député de Lafontaine.

M. Léger: Je pense que nous sommes en train d'étudier des crédits, nous sommes au programme 6.

M. Cloutier: ...

M. Léger: J'ai été accusé, en Chambre, de ne pas avoir pris position sur le document, et j'ai demandé en Chambre si j'aurais l'occasion de le faire en commission parlementaire. Je le fais. Je n'ai pas fait cela, M. le Président, pour que cela dégénère en débat ou permette à des députés du pouvoir d'essayer de tordre les affirmations que j'ai faites pour en tirer une conclusion qui serait contraire à celle que j'ai faite. Si c'est dans ce sens, je ne permettrai pas qu'on continue à discuter de ce sujet. Si c'est une question qu'on veut me poser, je suis prêt à accepter une question et à y répondre. Autrement, on doit revenir sur le programme 6.

M. Cloutier: Sur le point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Le ministre de l'Education.

M. Cloutier: Le député de Lafontaine ne semble rien comprendre au fonctionnement d'une commission parlementaire. Ce n'est pas à lui de permettre ou de ne pas permettre, c'est à vous, M. le Président.

M. Léger: Je dois tout simplement le signaler quand un député est en dehors du règlement. Actuellement, on m'a demandé de faire une déclaration. Je l'ai faite. Le règlement ne permet pas de répondre à cette déclaration, à moins que la commission ait l'unanimité, et je ne donne pas mon consentement là-dessus.

Le Président (M. Gratton): Sur la question de règlement, je pense que, forcément, il fallait qu'il y ait consentement unanime pour qu'on revienne à un point qui n'est pas dans le programme 6. Je ne pense pas que l'on doive interpréter cette unanimité comme se limitant seulement aux paroles que le député de Lafontaine pourrait vouloir exprimer à ce sujet. Il serait dans l'ordre de laisser le député de Laurentides-Labelle, non pas poser une question au député de Lafontaine, mais s'adresser à la présidence.

Le ministre a tout le loisir, on le sait, lors de l'étude des crédits, de faire les remarques qu'il juge bon de faire, au moment où il désire les faire. A compter du moment où le ministre aura terminé son intervention, nous pourrons revenir au programme 6.

L'honorable député de Laurentides-Labelle.

M. Léger: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Gratton): Sur le même point? M. Léger: Oui. L'unanimité...

Le Président (M. Gratton): Non, j'ai rendu ma décision.

M. Léger: Non, non, M. le Président, c'est contre le règlement.

Le Président (M. Gratton): II n'est pas question d'y revenir.

M. Léger: C'est que...

Le Président (M. Gratton): Bien, à l'ordre! J'ai rendu ma décision. Vous savez le processus...

M. Léger: Sur un autre point de règlement, M. le Président...

Le Président (M. Gratton): Allez-y.

M. Léger: ...je vous demande une directive.

Quand on donne le consentement unanime à une commission parlementaire pour passer outre à un programme qu'on étudie, afin qu'une personne s'exprime, on ne l'a pas donné pour que tout le monde s'exprime là-dessus, M. le Président. Je pense qu'actuellement nous serions hors d'ordre si nous continuions le débat sur ce sujet. On m'a demandé de donner mon opinion...

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: ...parce que je ne l'avais pas donnée.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: C'est là-dessus qu'il y a eu unanimité. Par la suite, il n'y a pas d'unanimité, car je ne donne pas mon consentement.

M. Cloutier: Sur le même point de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! Je suis prêt à rendre ma décision; je l'ai déjà rendue, d'ailleurs.

M. Lapointe: Alors, M. le Président...

Le Président(M. Gratton): Al'ordre! Un instant.

M. Léger: Vous créez un précédent.

Le Président (M. Gratton): Ce n'est pas un précédent. Je pense que tout le monde a compris. Au moment où le député de Lafontaine a commencé son intervention, le ministre a été tenté de l'interrompre, c'est vous-même qui l'avez souligné, et vous avez dit que vous vouliez di re ce que vous aviez à dire. En tout cas, moi, j'ai compris — probablement que tous les membres de la commission l'ont compris aussi — que le ministre interviendrait par la suite sur les propos du député de Lafontaine. C'est ce que nous nous entendons faire.

M. Léger: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): C'est la décision.

M. Léger: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Vous pouvez en appeler ailleurs. Il n'y a pas d'excuse...

M. Léger: Je m'excuse, M. le Président. Le Président (M. Gratton): ...c'est final. M. Léger: Tout le monde... Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: ...avait donné son point de vue là-dessus.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! M. Léger: Et ce n'est pas parce qu'il... Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: ...me restait à donner son point de vue que tout le monde doit recommencer à donner son point de vue...

Le Président (M. Gratton): La décision est rendue.

M. Léger: ...et interpréter ce que j'ai dit.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! Alors, je vais devoir demander au député de Laurentides-Labelle d'intervenir plus tard et donner la parole immédiatement au ministre de l'Education qui mettra un terme au débat sur cette question.

M. Léger: J'invoque le règlement, M. le Président...

M. Lapointe: M. le Président...

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: ...et je vous demande une directive. Est-ce que l'on doit interpréter que, lorsqu'une commission parlementaire donnera, à l'avenir, la permission à une personne de s'exprimer, de donner son opinion sur une chose...

Le Président (M. Gratton): A l'ordre! J'ai déjà expliqué les raisons...

M. Léger: ...tout le monde...

Le Président (M. Gratton): A l'ordre!

M. Léger: Je le demande pour l'avenir, car c'est un précédent.

Le Président (M. Gratton): J'ai déjà donné les raisons du précédent, appelez-le comme vous voudrez.

M. Léger: C'est un précédent.

Le Président (M. Gratton): C'est ma décision.

M. Léger: C'est un précédent.

Le Président (M. Gratton): Appelez-en ailleurs; le règlement est là et vous savez comment vous y prendre.

L'honorable ministre de l'Education.

M. Léger: Alors, c'est un précédent. On pourra revenir sur des discussions faites par d'autres députés en d'autres circonstances.

Le Président (M. Gratton): L'honorable ministre de l'Education.

M. Cloutier: M. le Président, je m'incline devant votre décision.

M. Léger: Qui vous favorise.

M. Cloutier: M. le Président, je proteste...

M. Léger: Je dis qu'elle vous favorise.

M. Cloutier:... contre l'insinuation malveillante du député de Lafontaine et je vous demande de le prier respectueusement, de manière à lui donner en même temps une leçon de politesse, de retirer ses paroles.

Le Président (M. Gratton): Quelles paroles?

Une Voix: Qui vous favorise.

M. Cloutier: II l'a prétendu et, à mon avis, c'est

un manque de respect envers la présidence. On ne peut pas fonctionner comme cela.

M. Léger: C'est une décision qui vous favorise. C'est ...

M. Cloutier: Cette décision ne me favorise pas. Peu importe. C'est une décision que vous avez rendue et c'est une décision que vous aviez le droit de rendre. Il n'a pas à l'interpréter comme étant une décision de favoritisme, ce qu'il laisse entendre.

Le Président (M. Gratton): Je pense que je ne demanderai pas au député de Lafontaine de retirer ses paroles. Je répéterai simplement les raisons qui motivent ma décision, soit celles que le ministre, au moment de l'étude des crédits de son ministère, en commission parlementaire — le règlement est clair — peut prendre la parole en n'importe quel temps, peut s'exprimer sur n'importe quelle question qui relève de son ministère. Je pense bien qu'en l'occurrence le document de la CEQ, on peut difficilement prétendre que cela n'affecte pas le fonctionnement du ministère de l'Education ou que cela n'entre pas en ligne de compte. C'est pourquoi je demande à nouveau au ministre de l'Education de s'exprimer sur la question. Ensuite, nous reviendrons au programme 6.

M. Cloutier: Je m'incline devant cette nouvelle décision. Je me permets seulement de préciser que le document de la CEQ non seulement relève des discussions qui doivent prendre place dans le cadre de la discussion des crédits mais relève même du programme dont nous discutons en ce moment, puisqu'il s'agit de l'élémentaire et du secondaire et que cette action est planifiée à ce niveau.

Ceci dit, je veux apporter un certain nombre de corrections à ce qu'a dit le député de Lafontaine. Je crois comprendre que c'était la position officielle de l'Opposition qu'il exprimait et je crois comprendre qu'il adonné son accord au document de la CEQ en déplorant un certain nombre de maladresses. C'est à peu près ce que je saisis de sa position.

Malheureusement, M. le Président, il y a beaucoup plus que des maladresses là-dedans. Le député de Lafontaine s'est contenté de citer un certain nombre d'exemples de fiches pédagogiques qui sont effectivement valables mais il n'a pas cité toutes les fiches pédagogiques. Quand je dis qu'il y a beaucoup plus que des maladresses, il y a un état d'esprit et cet état d'esprit est sous-jacent dans tous les aspects du document. C'est un état d'esprit qui tente de manipuler les élèves, qui tente d'utiliser la classe à des fins de propagande politique alors que la propagande politique doit se faire dans un autre contexte, c'est un état d'esprit qui joue sur le chantage. Il y a même une fiche sur le chantage émotionnel, ce qui est particulièrement grave. Il y a même une fiche où on met en relief le désir des enfants d'avoir une bicyclette, par exemple, et le salaire du père.

Il y a tout un ensemble d'insinuations que le ministre de l'Education, en conscience, ne peut pas accepter. C'est la raison pour laquelle j'ai protesté comme je l'ai fait. Je l'ai fait, d'ailleurs, avec mesure; je le ferai toujours avec mesure et je crois que l'opinion publique s'en rendra compte.

Il est faux de dire que nous avons tenté de présenter une espèce d'écran de fumée. Ce n'est pas moi qui ai souhaité rendre public ce document à ce moment-là. J'ai eu entre les mains un avant-projet, comme je l'ai dit, et je ne savais pas si j'allais le rendre public ou non.

Par la suite, j'ai eu le projet officiel. J'en ai été absolument étonné. J'ai eu peine à comprendre comment la CEQ choisissait ce moment pour rend re son document public. Ce n'est donc pas moi qui l'ai rendu public. C'est bel et bien la CEQ, mais, bien sûr, dans le cadre de mes responsabilités, j'ai cru qu'il était nécessaire — je le crois encore — d'alerter l'opinion publique. Je neveux pas être trop long, M. le Président, mais je veux absolument indiquer clairement — et je tiens à ce que mes propos soient rapportés — qu'il n'y a strictement aucun rapport entre les négociations et les prises de position gouvernementales en ce qui concerne ce document.

Pour deux raisons. Premièrement, parce qu'encore une fois ce n'est pas le gouvernement qui a choisi de rendre ce document public, c'est la CEQ. Ce n'est pas le gouvernement qui a choisi ce moment, c'est la CEQ. La deuxième raison, c'est que le dossier de la négociation évolue d'une façon qui, loin de brimer la CEQ, va même jusqu'ici dans le sens de ses aspirations. Le gouvernement, comme la loi 95 lui en faisait d'ailleurs l'obligation, a eu à trancher le partage des matières. Il a tranché en ce qui concernait le secteur des enseignants dans le sens d'une négociation provinciale et d'une négociation locale. C'était un désir exprimé par la CEQ. Il y avait des réticences de la part du partenaire du gouvernement, la Fédération des commissions scolaires, et cependant le gouvernement a tranché. Il ne l'a pas fait pour donner une victoire à qui que ce soit. Un journal titrait, ce matin: "La CEQ gagne". Je crois que c'est le Jour. Bien sûr, personne ne gagne. Il n'était pas q uestion de faire gagner qui que ce soit. Le gouvernement a pris unedécision objective dans l'intérêt de l'évolution d'un des dossiers les plus importants dont il a à s'occuper actuellement et il a cru que c'était cette formule de négociation, qu'il devait mettre de l'avant, même si elle ne faisait pas l'unanimité. C'est ça, la vraie situation. Que l'on ne vienne pas dire qu'il y a le moindre rapport avec les négociations, parce que si ce document n'avait pas été rendu public par la CEQ, le gouvernement n'aurait pas eu à protester. C'est aussi simple que cela et je veux que ce soit clair.

Maintenant, une autre précision que je fais quotidiennement, chaque fois qu'on me pose des questions à ce sujet, c'est qu'il faut bien distinguer entre l'action des enseignants et l'action de la CEQ. La majorité, la très grande majorité des enseignants n'est certainement pasd'accord sur cette approche, et cette approche est beaucoup plus que des maladresses. C'est une approche qui est tout à fait différente des désirs de la population québécoise.

Qu'il y ait une minorité de militants qui s'en inspire, c'est une chose, mais qu'on ne vienne pas non plus me faire dire que j'attaque les enseignants.

Loin de là, je souhaite que les enseignants, parce que je sais que dans la plupart des établissements scolaires ces enseignants font leur devoir et prennent leurs responsabilités, je souhaite, dis-je, que les enseignants n'emboîtent pas le pas à ce mouvement.

Merci, M. le Président.

M. Léger: M. le Président, je voudrais, à ce stade-ci, faire des corrections aux affirmations du ministre sur mes propos. Je n'ai jamais dit que j'appuyais le document, comme voudrait me le faire dire le ministre. J'ai dit que j'appuyais l'intention qui était derrière le document, qui était de faire une éducation de la base en l'amenant à la réalité sociale, et que je trouvais mal heureux qu'il y ait des endroits où on fait de la politisation. J'ai fait la nuance entre la politisation de jeunes qui ne sont pas capables de faire la différence et la sensibilisation des jeunes à une réalité sociale. J'espère que le ministre voit la différence qu'il y a entre les deux.

De toute façon, l'action des enseignants, en général, permettra de réaliser jusqu'à quel point il est vrai d'admettre que la majorité des enseignants vont le juger et ne pas l'utiliser si c'est nuisible et en utiliser les parties qui sont valables.

D'ailleurs, je reviendrai à ce que j'ai dit hier. Si c'est une minorité qui pense comme cela à l'intérieur de la CEQ et des milieux enseignants, la majorité va le rejeter. Donc, pourquoi en faire un "chiard" à ce stade-ci. Si c'est la majorité qui va s'en servir, à ce moment-là, on pourra dire que le milieu enseignant a réalisé que ça valait la peine.

Alors, nous, faire un "chiard, là-dessus, je pense qu'on va laisser le milieu voir s'il va s'en servir ou pas. Ils vont répéter eux-mêmes ce qui est de trop, M. le Président. Et je disais hier une phrase anglaise: A thousand people cannot be wrong. L'ensemble des gens va réaliser cela.

Sur l'autre point, le ministre dit que ce n'est pas pour jeter un écran de fumée avant les négociations, parce que c'est la CEQ qui l'a publié. N'oubliez pas une chose — je dois remettre les choses dans le contexte, je ne suis pas ici pour défendre la CEQ parce qu'il y a des choses que je n'approuve pas mais il y a d'autres choses que j'approuve — le ministre a dit à un moment donné: J'ai un document explosif à vous montrer. A ce moment-là, c'était un brouillon; alors je pense que la CEQ, quand elle a vu cela, a dit: Le ministre voit les négociations s'en venir, il va publier un brouillon qui sera nuisible. On est mieux de présenter exactement le document tel qu'il est, en enlevant les parties qu'on avait rejetées, pour que le public ne voie pas un document mal fait mais un document fini et eux prendront les responsabilités du geste qu'ils ont posé.

M. Cloutier: Cela m'étonne beaucoup, M. le Président, parce que lorsque j'ai fait allusion à un document explosif — je ne regrette pas du tout de l'avoir fait, bien au contraire — c'était mon devoir. Je l'ai fait trois ou quatre jours avant qu'on me remette ce document imprimé; je suis convaincu qu'il n'a pas été préparé, imprimé à 10,000 exemplaires en trois ou quatre jours. Manifestement, cela a été préparé à l'avance et on avait l'intention de le rendre public.

M. Léger: Le document, pas le brouillon.

M. Cloutier: Bien sûr.

M. Léger: Mais vous avez parlé du brouillon.

M. Cloutier: Bien sûr, j'ai parlé du brouillon parce que j'ignorais l'existence du document. C'est parce qu'on m'a remis le document que j'ai déposé d'abord le document. J'avais d'ailleurs des réticences pour déposer le brouillon parce que je n'aime pas beaucoup déposer un document interne, même d'une autre association. Si je l'ai déposé, c'est à la demande expresse du député de Lafontaine. Moi, j'avais des scrupules; lui ne semblait pas en avoir.

En ce qui concerne le fait qu'il s'agit d'une petite minorité, dit le député de Lafontaine, et par conséquent on ne devrait pas s'en occuper, je ne suis pas du tout d'accord. A ce compte-là, la drogue c'est une petite minorité aussi et qu'est-ce qu'on doit faire? Ne pas condamner ceux qui la vendent? Bien sûr q ue non. Il suffit qu'il y ait quelques enfants exposés à une influence qui n'est pas une influence pédagogique, qui n'est pas une influence acceptée, pour que j'aie le devoir, moi, en tant que responsable du secteur, d'intervenir. Et même si cette petite minorité n'était quand même — il y a 100,000 enseignants au Québec — que de quelques milliers, ce sont des milliers et des dizaines de milliers d'enfants qui risquent d'être soumis à une influence qui est nocive. Par conséquent, qu'on ne vienne pas me sortir ce raisonnement, je crois qu'il ne tient absolument pas.

Le Président (M. Gratton): Alors, messieurs, on peut maintenant revenir au programme 6: Enseignement secondaire public. Cela va?

M. Lapointe: J'avais demandé la parole.

Le Président (M. Gratton): Compte tenu de la décision que j'ai rendue tantôt à l'effet que le ministre parlerait pour le parti ministériel, j'inviterais le député de Laurentides-Labelle à faire les remarques qu'il se propose de faire à un programme des crédits qui sera convenable. Je suis sûr qu'il pourra en trouver un.

M. Cloutier: M. le Président, je ne veux pas aller contre votre décision, je la respecte. Mais, si vous pensez à un programme convenable, le programme convenable c'est celui-ci.

Le Président (M. Gratton): Alors, on va commencer...

M. Cloutier: Le document de la CEQ... Le Président (M. Gratton): D'accord.

M. Cloutier:... touche l'élémentaire et le secondaire, pas l'universitaire.

M. Léger: La décision a été rendue. Le Président (M. Gratton): Alors... M. Cloutier: Je sais. M. Léger: Oui.

Le Président (M. Gratton):... on va commencer l'étude du programme 6 et, à ce moment-là, on reconnaîtra les députés qui voudront parler.

M. Cloutier: Elle est commencée, l'étude du programme 6.

Le Président (M. Gratton): Je la commence immédiatement.

M. Léger: Bon, M. le Président... Enseignement secondaire public (suite)

Le Président (M. Gratton): Programme 6: Enseignement secondaire public; élément I: Service d'enseignement. L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, il se produit un phénomène que nous avons abordé légèrement depuis le début, d'une façon générale, qui est en train d'atteindre un tournant majeur; il s'agit de la diminution des effectifs scolaires. D'après les chiffres de la Fédération des commissions scolaires, elle se situe à 13% pour les quatre dernières années à la maternelle; à peu près à 17% au niveau primaire; à environ 20% au niveau secondaire. Ces chiffres sont calculés par projection jusqu'aux années I977et I978; ces données sont probablement les données majeures pour la politique générale de l'éducation au Québec. Il faut nécessairement se baser sur une projection pour établir une politique dans les années à venir.

Je pense que bien des choses peuvent être repensées à ce propos. Indépendamment du problème brut de la chute de la natalité, je pense aux effectifs scolaires et ce que cela signifie. Alors, devant les chiffres présentés par la Fédération des commissions scolaires qui peuvent peut-être varier de l% ou de l.5%, pour une implication possible dans une politique du gouvernement pour les cinq prochaines années, je vais demander quelle sera la politique du ministère et du ministre en particulier sur trois points. D'abord, sur les effectifs enseignants, quelle sera la politique du ministère concernant cette baisse de natalité et comment le ministère réagira-t-il sur le comportement qu'il devrait tenir face aux effectifs enseignants qui verront la population étudiante diminuer dans les domaines que je viens de mentionner?

M. Cloutier: M. le Président, c'est là une matière de négociation et je n'ai certainement pas l'intention de dire de quelle façon nous allons procéder. Sur le plan le plus général qui soit, il est certain que le gouvernement est très sensible à ce problème de sécurité d'emploi, parce que c'est ce problème, au fond, qu'évoque le député de Lafontaine.

Il ne faudrait cependant pas le dramatiser, parce que, jusqu'ici, il nous a toujours été possible de réemployer tous les enseignants, et il nous a toujours été possible d'articuler la formation avec les besoins. Mais il est évident que, devant cette baisse de clientèle, il convient de s'interroger et c'est ce que nous faisons en ce moment.

M. Léger: Disons donc que je suis d'accord avec le ministre sur ce qu'il vient de dire sur l'aspect des effectifs enseignants, la sécurité d'emploi. Ce sont des choses à négocier, je suis d'accord, mais je vais allonger le plateau sur lequel on pourrait discuter ce point. Concernant les effectifs enseignants, et peut-être la taille des écoles, va-t-on cesser les constructions d'écoles ou plutôt en profiter pour décongestionner les écoles existantes?

Cela aurait une influence sur les effectifs enseignants et aussi sur les équipements scolaires en général, sportifs, culturels, une plus grande accessibilité de la population. Avec le jeu possible dans la construction, le décongestionnement des écoles, les nouvelles orientations vers le développement sportif, culturel, comment le ministre verrait-il des possibilités de ce côté, concernant la redistribution des fonctions des enseignants avec des politiques de construction et de réaménagement des écoles, etc.?

M. Cloutier: J'ai déjà signalé longuement, je crois, que nous avions été amenés à revoir tout notre programme d'immobilisation étant donné cette baisse de la clientèle. On ne peut construire des écoles en fonction des besoins immédiats, ne serait-ce que compte tenu des délais de construction, alors nous nous axons vers une année, qui est l'année 1983, et ceci nous a amenés à des rajustements parfois douloureux.

J'ai signalé, à ce moment-là, que les projections initiales — et ceci remonte à sept ou huit ans, avant que le gouvernement actuel soit là — que les projections initiales étaient de 650,000 élèves au niveau secondaire et que le réseau de polyvalentes avait été conçu en fonction de cela, alors que pour 1983, nous devons nous axer vers une population de 450,000 à peu près. C'est dans la perspective du 650,000 que des polyvalentes, peut-être trop considérables, ont été conçues et surtout que des déséquilibres ont été amenés. On ne peut pas, non plus, ne pas tenir compte de ce qui existe. Si une polyvalente de 3,000 élèves a été construite à un certain endroit, et si l'évolution des clientèles ne justifie plus qu'on construise à quelques milles de là une autre école, étant donné qu'il y aura des places libres dans la polyvalente, vous comprendrez que les commissions scolaires, qui ont la responsabilité de leurs équipements, sont obligées de refaire des plans de réaménagement. Alors voilà à peu près tout ce que je peux dire en ce qui concerne les équipements.

En ce qui concerne les effectifs, on revient à mes remarques précédentes, puisqu'il s'agit là d'une matière à négociation. Mais nous souhaitons très certainement, dans un souci d'efficacité du système scolaire, en arriver à des formules qui donneront une certaine sécurité d'emploi aux enseignants

et ce faisant, permettront également d'améliorer le système scolaire. Je pense à l'encadrement par exemple, je pense à sa décongestion dont parle le député de Lafontaine.

Maintenant, il faut bien se dire que ceci ne peut être conçu que par rapport à des masses budgétaires et à des budgets qui évoluent. Et il y a des limites et ces limites existent partout au monde. Si on donnait suite aux pressions qui s'exercent, il n'y aurait pratiquement pas de limite et on doublerait le budget. Alors c'est dans ce cadre-là que je fais certaines suggestions, mais pas un autre cadre. Il n'est certainement pas possible de répondre à toutes les aspirations de ceux qui, rêvant d'un système idéal, voudraient avoir quelques élèves par classe et voudraient avoir tout un système d'encadrement extrêmement lourd à supporter.

Nous bénéficions ici d'un ratio qui est un des pi us favorables au monde, un des plus favorables d u Canada, plus favorable, par exemple, qu'en Ontario, et si on s'adresse aux pays sous-développés, ce ne sont pas 25 ou 30 élèves ou 40 élèves par classe que vous trouvez, c'est 75, 80 et 100. Alors ceci uniquement pour dire qu'il faut partir de ce qui existe. Il ne faut pas non plus s'imaginer qu'on va pouvoir répondre à tous les besoins exprimés.

Est-ce que le ministre voudrait dire par là que, plutôt que de diminuer, d'une façon brute, les sommes qui sont octroyées pour la construction d'écoles, qui doivent être diminuées en proportion de la baisse de natalité, il pourrait les affecter à des équipements qui manquent ailleurs? Souvent, le budget du ministère était bloqué parce qu'il manquait des sommes pour certains projets qu'il jugeait valables, mais qu'il ne pouvait pas réaliser justement à cause du manque d'argent qui était déjà employé ailleurs.

M. Cloutier: Ce n'est pas comme cela qu'on budgétise. Un budget doit être conçu dans une perspective évolutive, surtout maintenant que nous utilisons des programmations triennales ou que nous faisons des plans quinquennaux pour les immobilisations. Nous avons, pour les immobilisations de tous les niveaux, à peu près $1 milliard et demi à prévoir dans les cinq années qui viennent; c'est quand même important. Il ne faudrait pas qu'on s'imagine qu'on a une masse que l'on peut utiliser ailleurs, pour d'autres choses ou pour des équipements qui ne sont pas nécessairement prioritaireset que, parce qu'il y a une diminution de la clientèle scolaire, on libère des sommes. C'est bien l'inverse, d'autant plus que les coûts de construction ont augmenté dans une proportion effarante depuis à peine un an. Le temps de faire les plans, on se retrouve avec des soumissions qui ont augmenté du tiers. Dans le contexte économique actuel, ce raisonnement ne peut pas tenir.

M. Léger: Je donnerais peut-être un exemple concret.

M. Bonnier: Sur cette question-là, M. le Président.

M. Léger: Je n'ai pas terminé ma question, M. le Président. Je voudrais bien laisser la parole au dé- puté deTaschereau, mais j'ai eu une mauvaise expérience hier.

M. Cloutier: M. le Président, un point de règlement.

Le Président (M. Gratton): L'honorable ministre sur un point de règlement.

M. Cloutier: J'ai une question de règlement. Je ne voudrais quand même pas qu'on bâillonne — et c'est ce qu'on est en train de faire — les députés du parti ministériel. Il s'agit là, d'ailleurs, de députés qui ont quelque chose à dire. La majorité sont des enseignants ou des hommes qui ont une expérience considérable. Je ne veux pas faire de comparaison avec l'Opposition, mais je pense qu'ils sont là pour apporter une contribution. C'est une commission; ce n'est pas un dialogue entre l'Opposition et le ministre. J'attire votre attention, respectueusement, sur le fait que je crois que les députés pourraient devoir intervenir.

Nous travaillons d'une façon un peu désordonnée, j'essaie de m'y habituer, mais je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas rentrer dans la conversation au moment qui leur plaît.

M. Léger: Sur le point de règlement, M. le Président. Je pense que le député de Taschereau s'est aperçu, à d'autres commissions, qu'il n'y a jamais eu de problème de ce côté-là. Quand on touche à un point particulier, je pense que, si un député — hier, on l'a expérimenté — a commencé à parler sur un sujet — je ne parle pas de retourner sur un autre sujet dans le même programme — on doit lui permettre, spécialement quand c'est un député de l'Opposition, qui a un rôle particulier à jouer, qui est différent de celui d'un député ministériel, de terminer ses questions sur le même sujet. Je ne parle pas du même programme; je parle du même sujet.

Hier, on s'est aperçu qu'un député a continué sur le sujet que j'avais commencé et que, par la suite, il est allé dans d'autres directions. Je n'avais pas d'objection à ce qu'il pose des questions. Je pense que nous sommes assez un exemple de députés qui respectent le fait que les autres s'expriment, mais qu'au moins on finisse un sujet qui a été abordé par un député. Je n'ai pas terminé sur cette question-là. Quand j'aurai terminé cette question, je n'ai pas d'objection, avant même de prendre un autre sujet dans le même programme, à ce qu'un autre député s'exprime. Je pense qu'il y a des nuances. Ce devrait être cela, de l'ordre, plutôt que de s'en aller dans toutes les directions avant même que l'on ait fini les réponses.

M. Cloutier: Sur le même point de règlement.

M. Léger: Je demande tout simplement de terminer la question que je posais concernant la dénatalité. Quand j'aurai terminé, je n'ai pas d'objection à laisser aux autres le soin de s'exprimer. C'est normal.

M. Cloutier: Si on discutait une question, je serais bien d'accord sur cette façon de procéder,

mais on en discute dix en même temps. C'est moins pire ce matin que ça ne l'a été hier, mais le député de Lafontaine, dans une question, évoque dix problèmes différents. Actuellement, même dans sa question, il a parlé de sécurité d'emploi, d'effectif enseignant, d'équipement. Comment voulez-vous q ue les députés qui assistent à la commission puissent savoir à quoi s'en tenir? A quel moment a-t-il terminé?

M. Léger: Je reviens sur le règlement, comme le ministre l'a fait. Quand j'ai parlé de dénatalité, j'ai demandé au ministre ce qu'il entend faire au niveau des problèmes causés par la dénatalité, aux problèmes des effectifs enseignants, la taille des écoles, les équipements scolaires, etc. Tout cela est une conséquence de la dénatalité. Je pense que le ministre devrait simplement, gentiment, collaborer, sachant fort bien qu'on discute du même sujet que tantôt, avec les implications sur le même sujet, il me semble que c'est logique, que c'est dans l'ordre. Autrement, on s'en va dans toutes les directions.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, sur la question de rèlement, je pense que le fonctionnement de la commission, au moment de l'étude des crédits, vise, bien entendu, à adopter des crédits. Pour son bon fonctionnement, il est sûrement à souhaiter que, lorsqu'un député commence une série de questions sur un sujet donné, il complète sa série de questions.

Je pense également que j'ai le rôle, à titre de président, de m'assurer que la période accordée pour les questions et les commentaires est répartie équitablement entre les partis. J'inviterais donc le député de Lafontaine à continuer cette série de questions et j'interviendrai au moment où je jugerai opportun de laisser un membre du parti ministériel continuer des questions sur le même sujet.

Le député de Lafontaine.

M. Léger: Sur le problème de la dénatalité et de ses conséquences sur les effectifs d'enseignants et sur la taille des écoles et leur fonctionnement, je voudrais donner un exemple concret d'une demande qui a été faite par la Commission scolaire régionale de La Mauricie. Si le ministre peut regarder, ce sont peut-être des solutions dans ce sens qu'on peut trouver.

Ce rapport de la Commission scolaire régionale de La Mauricie demandait au ministre la reconsidération du rapport maître Élèves, 1/17, en particulier, parce que le rapport en question favorise le secteur privé. Je donne l'exemple. Voici le raisonnement du rapport. Je lis l'exemple de l'hypothèse a) et de l'hypothèse b). L'exemple part d'une hypothèse où l'on compare la polyvalente a) de 2,720 étudiants, 55% au général et 45% au professionnel, avec la norme 1/17. Donc, 160 professeurs sont impliqués pour la polyvalente a) dans le secteur public.

Dans l'école privée b) — donc c'est privé dans le b) — avec aussi 2,720 étudiants, tous au général, cependant avec la même norme de 1/17, on a aussi 160 professeurs. Jusque là, cela semblait juste, mais par un calcul, le comité de Trois-Rivières a réussi à prouver qu'avec un même nombre d'enseignants, la disponibilité de ces professeurs était de 15.1 heures par semaine, soit 10.90 heures de cours par semaine, dans le secteur privé, alors qu'avec le même calcul, et en tenant compte du professionnel, le professeur du secteur public ne disposait que de 11.33 heures de disponibilité, devant donner 23.67 heures de cours.

Donc, les heures dites de disponibilité, considérées comme étant destinées à aider lesétudiants, paraissent inférieures dans le secteur public. C'est pour corriger cet écart que le comité propose que chaque étudiant du professionnel soit considéré comme 1.5 étudiant. Ainsi, on en arrive à 196 professeurs dans le secteur public, avec une disponibilité de 19.30 heures par semaine, ce qui réduirait considérablement l'écart entre le secteur privé et le secteur public.

C'est peut-être là un commencement de solution concernant le secteur public pour la sécurité des enseignants du fait de la dénatalité. Les professeurs sont là; si on réduit les normes, comparant le secteur privé et le secteur public, il y aurait peut-être des commencements de solution.

Est-ce que le ministre aurait des vues de ce côté?

M. Cloutier: M. le Président, j'ai répondu à tout cela, hier. Absolument tout. Je me demande vraiment si je ne m'exprime pas clairement. En ce qui concernait le ratio, j'ai expliqué à sept ou huit reprises que le ratio dans le secteur public était lié non pas à une école, mais à un territoire. J'ai également rappelé qu'il s'agissait là d'une matière à négociation, que les commissions scolaires avaient toute la marge de manoeuvre voulue à l'intérieur du nombre d'enseignants qu'on leur confie. J'ai également admis, et cela fait des annnées que je l'admets, qu'il y avait un problème à cause du partage inégal du général et du professionnel — je crois que le député de Lafontaine pourrait peut-être m'écouter, parce que je vais répéter encore sept ou huit fois la même chose — que ce partage inégal pourrait probablement trouver une solution par une pondération des élèves. Pondération des élèves, c'est exactement ce que vient de dire le député de Lafontaine.

J'ai également rappelé que j'avais créé un comité interne au ministère, j'en ai donné le nom du président et la liste, pour étudier le financement du privé, parce que des situations comme celles-là sont exactes.

M. le Président, moi, je me suis répété. Je le fais avec plaisir si ceci peut aider les travaux de la commission.

M. Léger: Concernant les immobilisations, je vais poser une question très rapide au ministre et assez concise. Est-ce que le ministère entend diminuer d'autant ses immobilisations actuelles, parce qu'il y a une baisse de natalité ou si ces sommes d'argent pourraient être reportées à d'autres immobilisations supplémentaires dans des domaines où on se retenait avant? C'est une masse quand même d'argent que le ministère a à distribuer aux bons endroits. Alors, plutôt que de se restreindre dans le domaine des immobilisations parce qu'il y a dénata-

lité, est-ce que le ministère n'a pas l'intention de répartir ces sommes dans d'autres immobilisations?

M. Cloutier: J'ai répondu à cette question. M. Léger: Non.

M. Cloutier: J'ai tenté de faire comprendre au député de Lafontaine qu'il n'y a pas une espèce de masse qu'on peut utiliser comme on veut. A l'intérieur de cette masse, si on s'aperçoit qu'on peut, pour ainsi dire — j'ai essayé d'utiliser des termes très simples — économiser, on ne peut pas ensuite affecter l'argent à d'autres fins. Nous, ce que nous faisons, c'est revoir un programme de construction, je vous ai parlé de $1.5 milliard sur une période de cinq ans, en tenant compte du facteur dénatalité, mais d'un tas d'autres facteurs.

Nous tenons compte également des facteurs de distance, des facteurs géographiques, etc., etc., même de facteurs sociologiques. A ce moment-là, nous arrivons avec un programme qui comporte un coût. C'est le processus inverse que nous faisons.

Maintenant, nous avons des priorités et j'en ai parlé. Je les ai même citées. Dans ces priorités, il est entendu que nous terminons d'abord notre réseau de polyvalentes. Ensuite, nous pensons à des équipements d'autres natures, etc., etc.

Est-ce que je me fais comprendre? J'ai l'impression que les autres membres de la commission saisissent.

Le Président (M. Gratton): L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, ma question est exactement dans ce cadre. Si j'ai bien compris l'exposé du ministre, c'est qu'évidemment, à cause du phénomène de dénatalité, l'objectif du ministère va consister à améliorer la qualité de l'enseignement, ce qui me paraît un objectif fondamental et prioritaire, beaucoup plus que l'amélioration, dans certains cas, de l'équipement. Ce qui fait l'enseignement c'est le type de relations qui existent entre un étudiant et son professeur ou ses professeurs, jusqu'à quel point l'occasion qu'il a de passer à l'école, un certain nombre d'années et d'heures va lui permettre d'acquérir une espèce d'appétit vis-à-vis de la connaissance et de la recherche, qui va l'orienter dans l'ensemble de sa vie.

Si cela est exact et qu'on constate par ailleurs qu'au niveau secondaire on a manqué peut-être ce type de relations entre enseignants et élèves, est-ce qu'on a l'intention, dans ce processus d'amélioration de la qualité — le ministre a parlé d'encadrement — dans ce système d'encadrement, d'intensifier le nombre disons de tuteurs qui seraient responsables d'un certain nombre de groupes d'élèves?

Deuxièmement, est-ce qu'on a prévu des sommes pour même rebâtir jusq u'à un certain point tout le processus d'enseignement à l'intérieur d'une institution, comme il y a eu certaines expériences de faites dans ces domaines? A Québec, en particulier, on a fait des demandes et cela n'a pas été accepté parce que la commission scolaire n'était pas prête à mettre des sommes de côté dans ce sens. Mais tout cela serait fait dans un objectif d'amélioration de la qualité même de l'enseignement.

M. Cloutier: M. le Président, je remercie le député de Taschereau de son intervention. Il met l'accent sur la fin mêmedu processus éducatif, l'enfant. Il est bien évident que tout ce que nous tentons de faire est axé vers une amélioration de la qualité de l'enseignement.

Malgré toutes les critiques que l'on entend envers le système de l'éducation, je dirais que, dans l'ensemble, cette qualité est plutôt bonne. Il y a même des expériences pédagogiques qui se conduisent un peu partout et qui donnent des résultats des plus intéressants.

Nous avons fait faire une étude, et qui est l'étude Poly, qui a été déposée à l'Assemblée il y a un certain temps. Il y a un bon nombre de recommandations dans l'étude Poly que nous voulons mettre en application. L'étude Poly avait justement pour fin de tenter d'améliorer les rapports à l'intérieur de ces polyvalentes, compte tenu du fait, n'est-ce pas, que l'opération avait démarré dans les conditions que je vous ai déjà décrites.

Alors, la réponse à cette intervention est très certainement oui. Nous y sommes sensibles et nous allons tenter de travailler dans ce sens.

M. Léger: M. le Président...

M. Saint-Germain: M. le Président, est-ce qu'on peut aborder un autre sujet à cet élément?

Le Président (M. Gratton): Au programme 6? M. Saint-Germain: Au programme 6.

Le Président (M. Gratton): Oui, oui. L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: J'aimerais demander, M. le Président, relativement à l'enseignement des langues, en particulier, il y a eu toutes sortes de programmes ou toutes sortes de techniques ou de façons d'enseigner la langue française dans nos écoles.

Est-ce que, au niveau du ministère, on a fait des études, des constatations, des observations pour déterminer si une méthode en particulier avait des résultats meilleurs ou plus positifs que d'autres méthodes? Je me souviens très bien, il y a déjà de ça peut-être une quinzaine d'années, on avait eu, à Lachine, une assemblée et on devait discuter d'enseignement par la méthode globale.

Dans ce temps-là, la méthode globale avait pris une certaine popularité. Voilà qu'elle avait déjà été mise en pratique à quelque part dans la province depuis au-delà de sept ou huit ans.

Nous tenons compte également des facteurs de distance, des facteurs géographiques, etc., etc., même de facteurs sociologiques. A ce moment-là, nous arrivons avec un programme qui comporte un

coût. C'est le processus inverse que nous faisons. Maintenant, nous avons des priorités et j'en ai parlé. Je les ai même citées. Dans ces priorités, il est entendu que nous terminons d'abord notre réseau de polyvalentes. Ensuite, nous pensons à des équipements d'autres natures, etc., etc.

Est-ce que je me fais comprendre? J'ai l'impression que les autres membres de la commission saisissent.

Le Président (M. Gratton): L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, ma question est exactement dans ce cadre. Si j'ai bien compris l'exposé du ministre, c'est qu'évidemment, à cause du phénomène de dénatalité, l'objectif du ministère va consister à améliorer la qualité de l'enseignement, ce qui me paraît un objectif fondamental et prioritaire, beaucoup plus que l'amélioration, dans certains cas, de l'équipement. Ce qui fait l'enseignement c'est le type de relations qui existent entre un étudiant et son professeur ou ses professeurs,

A ma grande surprise et à la grande surprise de l'assistance, on avait constaté que malgré qu'il y avait des élèves qui avaient étudié selon la méthode globale durant sept ou huit ans, on n'avait jamais, au ministère, comparé la connaissance du français de ces enfants, après sept ou huit ans d'études, avec celle d'autres enfants qui avaient aussi sept ou huit ans d'études selon la méthode traditionnelle. On avait été tout à fait surpris.

Alors est-ce qu'au ministère, on a fait, puisqu'il y a des enfants qui ont étudié, dans la province de Québec, je pense bien, le français avec toutes les méthodes, ces comparaisons pour arriver à déterminer la qualité et l'efficacité d'une méthode?

M. Cloutier: J'ai déjà, M. le Président, déploré le fait que certaines initiatives pédagogiques aient été prises au ministère de l'Education sans qu'on ait toujours toute l'information nécessaire ou sans que l'on puisse toujours fournir tous les moyens nécessaires. Soit dit à la décharge du ministère de l'Education, cela s'est fait un peu partout et les pédagogues sont en train, actuellement, de réviser un bon nombre de leurs opinions. Je pense à la multiplicité des options, je pense à une certaine conception de la polyvalence, je pense à la spécialisation peut-être trop précoce au niveau du secondaire, autant de concepts qui faisaient partie de l'époque où la réforme a été lancée dans un grand enthousiasme. Alors il n'est pas question de faire porter des responsabilités à une période en particulier ou à des gens en particulier parce qu'il s'agissait là, au fond, d'un grand mouvement général.

Je vais essayer, peut-être, de répondre d'une manière plus précise en ce qui concerne l'enseignement du français, parce que c'est là votre préoccupation, vis-à-vis des différentes méthodes qui existent.

Il faudrait préciser peut-être tout de suite que les méthodes ne sont pas imposées aux enseignants ou aux commissions scolaires contrairement aux programmes. Le ministère détermine des pro- grammes avec des objectifs à atteindre, mais en ce qui concerne les méthodes, il analyse les méthodes, essaie d'en faire paraître les avantages et les inconvénients et se conduit vis-à-vis des commissions scolaires et des enseignants comme un informateur ou un guide.

En ce qui concerne, par exemple, les méthodes de lecture, celles-ci sont élaborées soit par des maisons d'édition, des groupes d'enseignants ou des groupes de recherche dans les universités. Elles sont mises sur le marché et font l'objet, évidemment, de promotion commerciale ou pédagogique. Des gens vont rencontrer les enseignants, les chefs de groupes, dans les commissions scolaires pour présenter ou vanter leur marchandise, chacun disant que sa méthode, évidemment, est la meilleure.

Face à cette situation, le ministère essaie de présenter ce que chacun devrait connaître avant d'adopter ladite méthode. Quand la méthode a une forme concrète, sous forme de manuel, de fiches ou d'ensemble pédagogique, à ce moment-là elle doit être soumise au ministère pour approbation. Le ministère en fait l'étude du point de vue pédagogique, le comité catholique et le comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation en font l'étude du point de vue moral et religieux. Lorsque les deux avis sont positifs, la méthode paraît sur la liste des manuels agréés du ministère de l'Education et la commission scolaire a le choix de l'utiliser.

Pour ce qui est d'une comparaison entre ces méthodes, c'est une opération extrêmement difficile. Ce que nous savons pour les différentes méthodes de lecture, méthode globale, méthode analytique et ensuite, il y a un tas de mélanges entre les deux, qu'on appelle les méthodes mixtes, tout ce qu'on a pu savoir avec un certain degré de certitude, c'est qu'il y a des élèves qui réussissent mieux avec l'une, et d'autres qui réussissent mieux avec l'autre, des enseignants qui travaillent mieux avec l'une et d'autres mieux avec l'autre.

On n'est vraiment pas en mesure d'imposer une méthode ou de dire: C'est ça, la bonne méthode, parce que vous ne trouverez pas deux personnes au Québec qui vont s'entendre là-dessus.

Nous sommes donc dans cette situation — ceci ne s'applique pas seulement aux méthodes de lecture; ça s'applique à d'autres méthodes — où nous essayons de ramasser le plus de renseignements sur les résultats de ces méthodes, mais il faut tenir compte d'un tas de facteurs, pas seulement de la méthode. Il faut tenir compte du professeur qui l'utilise, des conditions dans lesquelles il l'utilise, pour ensuite diffuser ces résultats et pour que ceux qui choisissent une méthode le fassent en connaissance de cause, pour qu'ils sachent à l'avance: Attention, si je choisis telle méthode, il y a probablement tel type d'élèves qui ne vont pas y réussir. Donc, il faudrait que j'aie pour certains groupes d'élèves une alternative.

Autre chose, si je choisis telle méthode, il faut que les enseignants aient l'occasion d'être recyclés ou d'avoir une période de perfectionnement avant de pouvoir s'en servir à bon escient.

Une autre action, je pense, que nous prenons

dans ce domaine des méthodes, c'est l'encadrement. Ce n'est pas le professeur isolé qui peut faire seul un choix. Dans le cas du français, les professeurs étaient trop souvent isolés — c'est une constatation que nous avons faites— vis-à-vis d'un programme cadre très large qui leur laissait énormément de liberté. Or, qui dit liberté dit possibilité de faire des erreurs. Ces professeurs n'avaient pas de gens d'expérience pour les conseiller, parce que souvent des enseignants n'avaient pas l'expérience suffisante pour modérer ou tempérer certains choix. On peut dire qu'un professeur qui a dix années d'expérience, quand arrive une nouvelle méthode, prend ça avec un grain de sel et il dit: C'est nouveau; tout nouveau, tout beau, mais moi j'ai de l'expérience. Même s'il adopte la nouvelle méthode, on peut supposer qu'il va faire une espèce de compromis en gardant tout ce qu'il y a de mieux dans l'ancienne et en prenant ce qu'il y a de bon dans la nouvelle.

Or, beaucoup trop de professeurs isolés, avec peu d'expérience, se sont peut-être lancés, tête perdue, dans des nouvelles méthodes. L'encadrement pédagogique qui est accordé aux commissions scolaires par le plan de développement des langues, en français langue maternelle plus particulièrement, vise, en mettant des conseillers pédagogiques qui aident les professeurs à prendre des décisions éclairées par rapport aux méthodes, à éviter les inconvénients qu'a ce foisonnement de nouveautés qui est général; dans toutes les provinces, dans le monde entier, c'est un renouvellement constant.

M. Léger: Est-ce que vous avez remarqué que c'est...

M. Saint-Germain: Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas terminé.

M. Léger: D'accord, allez-y.

M. Saint-Germain: Avez-vous terminé, monsieur?

M. Cloutier: Oui.

M. Saint-Germain: C'est dire que malgré tout ce foisonnement de méthodes et malgré qu'on semble, depuis plusieurs années, ici au Québec, changer de méthode, personne n'est capable de donner actuellement une évaluation relativement précise de l'efficacité des diverses méthodes qui ont été mises au service du monde scolaire.

M. Cloutier: Si. Je pense qu'on peut donner une évaluation relative mais non pas — et cela reste relatif — dire: Voilà une méthode unique. Cela, d'ailleurs, rappelle des souvenirs: il y avait dans le temps des livres uniques, des méthodes uniques qui contenaient toutes les réponses et qui convenaient à tout le monde. Là, on sait qu'on ne peut plus dire cela, que chacune de ces méthodes a des avantages. Tout ce qu'on peut faire, c'est attirer l'attention sur les avantages. Evidemment, le ministère n'approuvera pas une méthode dont les désavantages remporteraient sur les avantages. On choisira les méthodes qui ont fait leurs preuves mais on va essayer de prévenir l'utilisateur des conditions dans lesquelles ces méthodes ont fait leurs preuves pour contrebalancer la publicité, directement intéressée ou commerciale, des auteurs des méthodes qui, eux, ne font pas évidemment ces nuances.

M. Saint-Germain: C'est dire, en fait, que si, à un moment donné, un groupe d'hommes, au niveau du ministère, prennent une décision concernant une nouvelle méthode, comme vous dites, avec toute la compétence qu'on peut y mettre et puis après avoir observé tous les facteurs et tout ce qui concerne la pédagogie, pour en arriver à la décision que c'est une méthode valable, là, certaines écoles ou certaines commissions scolaires s'en emparent pour l'appliquer. Mais, au bout de sept ou huit ans, il y a un résultat. Si un élève commence à six ans et apprend avec une certaine méthode, rendu à douze ou treize ans, il a certaines connaissances du français. Est-ce qu'il y a quelqu'un, à ce moment-là, qui peut dire, pour cet élève qui a appris, qui connaît son français jusqu'à un certain niveau, que la méthode a été valable ou ne l'a pas été? Est-ce que cela n'explique pas tout ce fouillis du français actuellement si, en fin de compte, comme vous l'avez dit, c'est le choix des commissions scolaires, les professeurs étant isolés, les professeurs n'étant pas toujours aptes à se servir, avec un maximum d'efficacité, d'une méthode donnée.

M. Cloutier: C'est très certainement, M. le Président, un facteur. Ce n'est pas le seul. J'ai indiqué que l'époque était une époque audio-visuelle. J'ai souligné le fait que toutes les provinces canadiennes et pratiquement tous les pays au monde éprouvent des difficultés analogues. Mais c'est certainement un facteur. Je crois, pour ma part, qu'on a été trop vite en mettant de l'avant un programme-cadre qui n'a pas été accompagné d'un processus de formation des maîtres et qui n'a pas été accompagné d'un encadrement suffisant. C'est un exemple d'une idée généreuse qui pouvait être fondée par rapport à certaines conceptions de la pédagogie, mais qui n'a pas donné les résultats voulus. Qu'est-ce que nous avons fait? Nous avons agi. Nous avons été, d'ailleurs, le premiergouvernement à agir, je pense bien, au Canada. Nous avons agi en mettant sur pied le plan de développement des langues. Ce plan de développement des langues — je me répète mais je crois que c'est utile — comporte une somme de $46 millions ou $47 millions répartie sur une période de cinq années, de manière à apporter des solutions à la situation qui existe. C'est précisément parce que nous en étions conscients. Ce plan de développement des langues apporte un programme de formation des maîtres, apporte un encadrement qui est déjà en place, en grande partie, et qui n'existait pas, mais il ne comporte pas quelque chose d'autre, qui est en marche actuellement au ministère, soit une révision du programme-cadre. Je n'exclus absolument pas la possibilité de revenir à des méthodes plus directives dans le domaine du français, langue maternelle. Si nous le faisons, nous serons peut-être à l'avant-garde, même si nous sommes obligés d'al-

1er à l'encontre des conceptions de certains pédagogues. Remarquez, d'ailleurs, que je pense que ces pédagogues seront peut-être les premiers aussi à changer d'avis.

Je ne dis pas qu'il faut imposer un livre unique partout, parce qu'imposer un livre unique partout, cela signifie probablement revenir aux examens centralisés dans ce domaine, et c'est faire évoluer différemment le système d'éducation.

Mais il y a eu des excès dans un sens; je crois qu'au lieu d'en commettre dans l'autre il faut qu'on en arrive à un moyen terme. Voici ce que je peux vous dire, et je remercie le député de me donner l'occasion de faire une déclaration aussi ferme, parce qu'on est en train actuellement de dramatiser cette question de l'enseignement du français. Il y a eu dans la Presse toute une série d'articles, lesquels, je l'ai déjà dit, rapportent des faits exacts mais bien sûr les montent un peu en épingle et surtout proposent des interprétations politiques qui ne sont pas acceptables à mes yeux, l'interprétation politique étant toujours l'éternelle loi 63 et la politique linguistique du gouvernement, alors qu'il s'agit bel et bien d'un problème pédagogique qui a peut-être été mal abordé, mais il s'agit d'un problème pédagogique qui est universel.

Voilà par conséquent la difficulté telle qu'elle est, et voilà par conséquent la solution que nous apportons; d'une part, le plan de développement des langues; d'autre part, une révision des programmes.

M. Saint-Germain: Oui, remarquez bien que j'aborde la question exclusivement au point de vue pédagogique. Est-ce que vous avez actuellement, dans le ministère, des hommes qui sont responsables de recherche qui, quant à des enfants d'âge donné qui ont appris d'une façon donnée avec une méthode donnée, feraient passer des examens à ces enfants pour essayer de comparer les résultats à d'autres enfants qui ont étudié avec des systèmes autres et différents, en tenant compte de la qualité des professeurs et de tous les facteurs dont monsieur nous a fait part tout à l'heure? Cela devrait être cliniquement faisable ces choses.

M. Cloutler: La réponse est oui et ceci est prévu dans le plan de développement des langues et découle du plan de développement des langues. Le plan de développement des langues dont je parle souvent est peut-être le premier exemple d'une approche globale pour faire face à un problème. Il nous a d'ailleurs permis d'établi run modèle de fonctionnement et même de gestion au ministère de l'Education en ce qui concerne le traitement des dossiers prioritaires. Alors, le plan de développement des langues a permis de créer une équipe de recherche.

Cependant, j'ai dit, sans mâcher mes mots — parce que je n'ai pas l'habitude de les mâcher, puis je n'ai pas l'habitude non plus de me défiler devant des responsabilités ou même de nier les carences du ministère que je dirige, lorsqu'il y en a, et jeu crois que tous les fonctionnaires sont bien prêts à les admettre aussi. Nous ne sommes pas là pour défendre des positions acquises, nous sommes là pour fai re évoluer les situations. J'ai dit que je m'inquiétais, je n'étais pas tout à fait satisfait de la façon que cette équipe de recherche fonctionnait. J'ai donné un mandat au sous-ministre, de voir un certain nombre de membres de cette équipe et je les rencontrerai moi-même. Nous allons les axer vers des recherches éminemment pratiques du type que décrit le député.

M. Saint-Germain: Alors il va y avoir un dé-blayage des méthodes, il va y avoir une sélection des méthodes et on ne laissera pas les commissaires, comme les professeurs d'ailleurs, sous l'influence exclusive des vendeurs, qui agissent bien souvent par intérêt.

M. Cloutier: C'est exactement ce que nous allons faire. C'est d'ailleurs déjà commencé et ce que le député vient de décrire est malheureusement exact. Nous avons laissé une trop grande liberté pédagogique dans certaines matières; entendons-nous, je vois qu'un ancien enseignant semble protester. J'aimerais qu'il le fasse de façon à ce que ce soit enregistré...

M. Côté: C'est parce que j'attends sagement le bon moment depuis deux jours.

M. Cloutier: La permission de parler. Nous avons peut-être laissé une trop grande liberté, mais entendons-nous bien, c'est la seule précision que je veux apporter. Je ne dis pas qu'il faut réduire la marge de manoeuvre des commissions scolaires, mais il faut l'organiser, il faut fournir des moyens, des encadrements. Si nous voulons laisser une grande liberté, il faut également avoir un système d'accréditation sous une forme ou sous une autre, parce qu'autrement le ministère abdiquerait sa responsabilité générale. C'est comme cela que le problème se pose.

M. Saint-Germain: Parce qu'à mon avis, enfin, sans être un spécialiste, je vois mal comment on pourrait travailler au ministère si on n'a pas une équipe de chercheurs, comme je l'ai indiqué, qui peut, à un moment donné, poser des règles et un encadrement pour dire: Cela marche, puis cela ça ne marche pas, cela a tel défaut. Autrement on marche dans la brume.

M. Cloutier: II y a beaucoup plus que l'équi pe de chercheurs. L'équipe de chercheurs constitue un élément de cette politique, mais il y a les autres éléments dont je vous ai parlé, formation des maîtres, encadrement. Il y a également des équipements qui ne sont pas, quoi qu'on ait dit dans certains journaux, uniquement des équipements audio-visuels, mais des équipements de toute nature et, ajoutée à cela, une révision des programmes.

M. Saint-Germain: Alors vous admettez que cette équipe de chercheurs va jouer un rôle très primordial, je dirais.

M. Cloutier: Très certainement. C'est pour cela que nous ne pouvions pas concevoir, dans le plan de développement des langues, le volet français langue maternelle, sans qu'il y ait une équipe de chercheurs. D'une part, pour faire les évaluations qui s'imposent et qui sont déjà commencées, je le répète, mais aussi pour mettre au point une méthodologie d'application.

J'ai déjà dit que donner une formation à des maîtres, quand il s'agit de leur langue maternelle qu'ils ne possèdent pas toujours, compte tenu du contexte et de notre histoire, représente un effort différent de ce qui se fait ailleurs, je dirais un effort inhabituel qui suppose des approches peut-être un peu spéciales. C'est d'ailleurs toute l'originalité, je pense, de ce plan.

M. Saint-Germain: J'ai terminé.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, il y a trois députés qui ont demandé la parole. J'aimerais m'as-surer qu'on va rester dans le domaine général de l'enseignement des langues ou du français. Dans l'ordre, ce sont le député de Matane...

M. Côté: Pour un point, au moins.

Le Président (M. Gratton): L'honorable député de Matane.

M.Côté: M. le ministre, j'ai écouté, depuis tout à l'heure, assez attentivement tous ces propos. Je pense que c'est primordial d'assurer un certain consensus dans toutes ces différentes méthodes appliquées dans les différentes régionales. Il n'y a pas tellement longtemps que je suis sorti du milieu de renseignement et je ne voudrais quand même pas qu'on laisse porter tout le blâme de ces différentes méthodes aux enseignants.

Différents enseignants ont été pas seulement attirés, mais presque obligés de prendre certaines méthodes pour les appliquer dans les différentes polyvalentes. On s'est retrouvé avec un problème grand puisque les professeurs, eux-mêmes, n'étaient pas prêts à appliquer ces différentes méthodes. Une année, on appliquait une méthode et l'année suivante on arrivait avec une autre méthode. Comment voulez-vous que des enseignants soient réellement préparés et réussissent à passer leur matière aux élèves? C'est tout simplement un manque de préparation. Par le plan d'enseignement des langues, je pense qu'on peut corriger la situation, principalement, du français, mais j'ai nettement l'impression qu'à l'heure actuelle, dans le milieu des enseignants, le plan de perfectionnement des langues n'est pas complètement accepté. Du moins, je pense, en tant que nombre. J'ai discuté avec certains enseignants, il n'y a pas tellement longtemps, et j'ai nettement l'impression que par certains le plan d'enseignement des langues est pris en aversion, peut-être par idée politique, peut-être aussi par manque de disponibilité du professeur.

Je crois qu'à l'intérieur du plan de développement des langues, il y a suffisamment d'avantages pour attirer les enseignants à la spécialisation. Je ne cornprends absolument pas comment il se fait qu'on ait si peu d'enseignants qui s'intéressent au plan de développement des langues. Je prends ma région et je pense qu'il y a un manque chronique.

M. Cloutier: J'ai une réponse à cela. Ce n'est pas parce que le ministère n'a pas tenté des efforts d'information. Ce plan a été largement diffusé, il a été publié et je vais même déposer, si vous voulez, le bulletin officiel du ministère qui en fait état. J'en ai parlé des milliers de fois, j'ai donné je ne sais combien de conférences et nous avons des équipes techniques qui sont à la disposition des commissions scolaires. Nous réunissons les directeurs généraux constamment. Le boycottage est un boycottage politique. Le front se déplace. Ne soyons pas naïfs au point de croire que cette espèce de dramatisation du problème du français actuellement ne correspond pas, pour certains, à une lutte politique qui tente de relancer la loi 63 ou l'opinion qu'ils peuvent avoir de la loi 22, parce que cette situation est exacteoent celle qui existait il y a deux ans, dont j'ai parlé moi-même à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale et lors de la discussion des crédits, et qui a donné naissance au plan de développement des langues pour la corriger.

Si le plan de développement des langues est rejeté par certains enseignants, c'est très certainement pour des raisons politiques.

M. Côté: M. le ministre, est-ce que les objectifs, en tant que nombre, ont été atteints l'an passé?

M. Cloutier: II faut distinguer les trois volets du plan. Je suis obligé d'y revenir. Il y a le volet français langue maternelle, il y a le volet français/anglais langue seconde et il y a le volet accueil pour les immigrants. Le volet accueil pour les immigrants a donné des résultats que je n'hésite pas à qualifier d'excellents. Je n'y reviens pas, j'en ai parlé dans mes remarques préliminaires. Le volet français/anglais langue seconde a donné des résultats moyens et nous n'avons pas réussi à remplir nos quotas tant du côté francophone que du côté anglophone, d'ailleurs. -

Alors que nous pouvions former 250 ensei-gnantsen anglais langue seconde, nous n'avons eu, au fond, que 200 individus qui étaient prêts à le faire ou qui avaient le minimum de préparation. Remarquez que le plan comporte des crédits, qu'il comporte des dégagements, qu'il comporte des bourses et un grand nombre d'avantages.

Là, je pense que, pour ce qui est de ce volet, il y a très certainement une désaffection tragique du milieu francophone vis-à-vis de l'anglais langue seconde. On préférerait étudier le chinois plutôt que d'étudier l'anglais, dans certains milieux. C'est aberrant, mais c'est ainsi.

En ce qui concerne le volet langue maternelle, ce volet n'a pas donné les résultats escomptés. Pour une raison très simple: c'est que les programmes de formation ne pouvaient pas commencer avant 1975. Nous l'avons d'ailleurs dit en présentant le plan en 1973. Il fallait tout mettre en place. Il fallait demander aux universités de nous créer des programmes.

II fallait trouver des moyens d'atteindre une cible de 25,000 à 30,000 enseignants. C'est beaucoup plus considérable que la cible que nous visions pour l'enseignement de la langue seconde. Il fallait faire fonctionner cette équipe de recherche dont on parlait il y a quelques instants. Or, le volet langue maternelle, français langue maternelle pourra, je pense, être implanté dès septembre 1975, tel que prévu. J'ai déjà annoncé que nous visions 5,000 à 6,000 enseignants, que nous dégagerions, pour de courtes périodes d'à peu près deux ans, deux ans et demi, lesquels pourront obtenir une trentaine de crédits.

Mais il n'était pas possible de procéder plus rapidement, parce que, je le répète, il n'y avait pas de programme dans les universités. Il a fallu tout créer. Je pense qu'il y a là, de la part du gouvernement, l'initiative peut-être la plus politique, au bon sens du mot, parce que pour moi il n'y a qu'un sens, c'est le bon, et je ne suis pas partisan ce disant. Je parle d'une volonté qui cherche à faire évoluer les situations, c'est cela une politique, et il y a là quelque chose de majeur pour notre collectivité. Ce que repoussent certains enseignants, c'est évidemment l'ensemble du plan, dans la mesure, d'ailleurs, où il y a un volet qui concerne l'enseignement de la langue seconde et qu'il y en a pour qui cela ne constitue pas une priorité.

M. Côté: Enfin, M. le ministre, peut-être pour aborder un dernier volet face à cette situation, dans les différentes écoles polyvalentes ou secondaires, du mauvais enseignement du français aussi bien que de l'anglais, il y a les différentes méthodes en ce qui concerne le français qui sont, je pense, une des causes de la situation que l'on connaît à l'heure actuelle. Il y a aussi le fait qu'un spécialiste, un professeur qui sort de l'université avec des qualifications dans un domaine bien précis réussit difficilement à enseigner dans la branche où il est spécialisé. C'est frappant de rencontrer cela dans des milieux comme chez nous, en Gaspésie. Ce qui arrive, souventefois, c'est que celui qui est spécialisé, par exemple, en histoire va se retrouver pour enseigner les mathématiques, ou celui qui est spécialisé en français va se retrouver pour enseigner au professionnel. Dans des cas comme ceux-là, est-ce que le ministère envisage, par l'entremise des commissions scolaires ou je ne sais quoi, des méthodes pour s'assurer que les spécialistes seront affectés aux bons endroits? Je pense que si vous arrivez avec un individu qui est spécialisé en mathématiques et que vous l'envoyez enseigner le français, cela ne peut pas faire autrement que donner des résultats négatifs.

M. Léger: II compte les fautes.

M. Cloutier: C'est évident. Vous parlez du secondaire. A l'élémentaire, c'est le titulaire de la classe qui a cette responsabilité. Il peut y avoir des cas comme ceux-là. Je ne crois pas que ce soit général. Je rappelle que notre système d'éducation est tel que ce sont les commissions scolaires qui ont à s'assurer du meilleur usage de leurs enseignants.

Je ne vous cache pas qu'à certains moments, je me demande si on n'aurait pas été mieux servi avec un système centralisé, mais, enfin, je n'ai pas à me poser cette question, je travaille avec les éléments qui existent.

M. Côté: Mais ils sont obligés de tenir compte de certains critères, de l'ancienneté.

M. Cloutier: Ces critères constituent des critères syndicaux. J'ai déjà dit à l'Assemblée nationale — je le répète, pourquoi pas — que si le syndicalisme a représenté la plus grande force de changement au Québec et dans la plupart des sociétés, à une certaine époque, son évolution est inquiétante, en ce sens qu'elle vise parfois à protéger les positions acquises et à scléroser des systèmes. Il est bien évident que les critères qui ne tiennent absolument pas compte du mérite, les critères d'ancienneté ou les critères d'expérience sont des critères qui figent un peu le système et ne donnent peut-être pas la marge de manoeuvre souhaitée.

Il y a un autre point aussi que m'inspire la question du député de Matane: c'est l'influence du jouai et l'espèce d'esprit missionnaire que certains enseignants, il faut le dire, manifestent à cet égard, même si j'ai l'impression que le phénomène se calme. Cela prend l'aspect d'une revendication nationaliste et, comme je l'ai dit à maintes reprises, c'est une impasse culturelle. Cela n'a strictement aucun sens.

Comment voulez-vous qu'un enseignant qui parle une langue ou plus encore qui joualise pour des raisons politiques puisse transmettre une certaine formation? Surtout lorsqu'on pense que ces classes de français ne sont pas très structurées — c'est d'ailleurs le cas des classes de catéchèse — on me rapporte constamment des cas où ces classes sont utilisées à des fins qui ne sont pas les véritables fins de l'enseignement.

Alors, si l'Opposition avait des suggestions, par exemple, pour qu'on puisse contrôler mieux le système, je serais très heureux de les entendre. Aussi n'importe qui peut nous faire des suggestions.

Le Président (M. Gratton): L'honorable député de Lafontaine.

M. Léger: M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire, dans les vérifications des conséquences du mauvais résultat dans le domaine de la langue maternelle ou du français langue maternelle, lequel des secteurs, le secteur du français parlé ou le secteur du français écrit, est le plus déficient? Ou est-ce que les deux sont autant déficients?

M. Cloutier: Je pense que, partout au monde, c'est le secteur écrit. Et, dans le secteur francophone de notre système d'enseignement, c'est l'anglais écrit.

M. Léger: Mais c'est du français que je parle.

M. Cloutier: Oui, bien sûr, mais j'essaie de vous montrer, en situant le problème en perspective, que

c'est un phénomène général. Il est vraiment lié au fait que vos enfants ont été plongés immédiatement dans un environnement uniquement audio-visuel, dans un environnement d'ailleurs tellement audiovisuel que les systèmes pédagogiques l'ont encore accentué. Et le programme-cadre est devenu un programme où on insistait trop, à mon sens, sur la communication orale.

M. Léger: C'est ça.

M. Cloutier: Et c'est ça que nous tentons de corriger par une révision des programmes.

M. Léger: Mais est-ce que les méthodes actuelles sont beaucoup plus appliquées pour une carence du français écrit? Parce que vous avez parlé tantôt de l'ère de l'audio-visuel. Mais dans l'ère de l'audio-visuel, même en France, le français écrit est moins bon mais le français parlé est bon tandis qu'au Québec le français parlé n'est quand même pas à la hauteur des résultats qu'on aurait pu attendre avec l'audio-visuel.

M. Cloutier: C'est exact. Mais ajoutez peut-être à ça cette politisation dont nous parlions, à laquelle vous n'êtes d'ailleurs pas étranger en tant que parti politique, cette espèce d'engouement pour le jouai qui est très fort dans certains milieux. Ne soyez pas étonnés si vous avez les résultats que vous avez sur le plan de la communication orale.

Remarquez que nous avons quand même marqué des points. Je pense, dans le cadre de la coopération, aux échanges d'enseignants de l'élémentaire. Nous avons reçu plusieurs centaines et nous recevons encore plusieurs centaines d'enseignants français à l'élémentaire et nous envoyons un bon nombre de Québécois en France. Alors, ce brassage amène, bien sûr, des prises de conscience souvent douloureuses. L'enseignant québécois découvre qu'il parle un français plus qu'approximatif et il est loin d'être toujours compris. Quand il est de bonne volonté, il essaie de se corriger, comme tous les gens de ma génération ont fait. Parce qu'on n'a pas été élevés, nous, différemment des autres. On a fréquenté les mêmes institutions et on a joué dans les mêmes rues.

Mais il y en a qui ont essayé de parler un français correct et il y en a d'autres qui n'ont pas tenté de parler un français correct. Je ne vous cache pas que pour parler un français correct, à une certaine époque, il fallait être capable de se servir de ses poings plus que de sa langue. Je le dis parce que j'en ai été la victime maintes fois.

Ceci dit, je termine, si vous permettez. En revanche, les enseignants français, qui éprouvent souvent des difficultés, et j'en ai vu un bon nombre qui étaient au bord de la dépression nerveuse, rejetés qu'ils étaient par les milieux parce qu'il y a là un problème réel d'acceptation.

Mais, dans la majorité des cas, je dirais qu'ils bénéficient de leur expérience, découvrent un système d'éducation plus ouvert que celui qu'on trouve en France et ont une influence sur la langue de l'élève. C'est très sensible.

Alors, multiplions ces échanges à tous les niveaux. Le voyage officiel du premier ministre Bourassa a permis d'en arriver, avec M. Chirac, le premier ministre de France, à un accord sur l'échange des professeurs du professionnel. J'ai donné suite, lors de ma propre visite officielle, il y a trois semaines ou un mois, à cet accord. Nous aurons 500 ou 600 enseignants du secteur professionnel, M. le député de Lafontaine, où il y a des problèmes de vocabulaire technique, qui iront en France — il n'y a pas d'échange pour cela — dans les écoles techniques françaises, qui sont souvent excellentes, pour s'initier à des vocabulaires.

Nous commençons une lutte et elle est admirablement commencée grâce, je pense, à la loi 22 et grâce aux structures qui précédaient la loi 22. Alors, ne vous étonnez pas s'il y a encore des difficultés. Il y en a et il y en aura encore.

M. Léger: M. le Président, je dois quand même dire au ministre que le jouai est plutôt une vogue artistique qu'une vogue politique.

M. Cloutier: Ils sont tous péquistes, en tout cas!

M. Léger: Cela, c'est une autre affaire. S'il faut trouver tous les péquistes et tous les libéraux, on les trouve dans toutes sortes de domaines. Ceux qui sont pour le Parti libéral ou le Parti québécois ont leur propre milieu d'intérêt. Je ne pense pas qu'on puisse qualifier de péquistes ceux qui parlent jouai et de libéraux ceux qui parlent le bon français.

M. Cloutier: Ce n'est pas ce que je dis.

M. Léger: Je veux simplement faire remarquer que c'est plutôt une vogue artistique et que...

M. Cloutier: Non, il y a plus que cela. Il y a plus que cela, M. le député; il y a plus que cela. Il y a une revendication nationaliste. Je ne dis pas que tous ces nationalistes sont péquistes. La majorité va plus loin que vous allez. Ce sont ceux qui sont venus devant la commission parlementaire lors de la loi 22 et qui sont allés dix fois plus loin que vous êtes prêts à aller dans le domaine linguistique, parce que vous restez raisonnables en un certain sens.

Une Voix: François Albert.

M. Léger: De toute façon, oui, d'accord.

Il y a une question, tantôt, qui a été soulevée par votre collaborateur et j'aimerais avoir un prolongement d'explications. On parlait des différentes méthodes pour corriger, justement, le problème du français écrit et parlé. La tendance générale se situe vers quelles méthodes parmi ceux qui proposent des méthodes correctives pour la langue parlée et écrite.

M. Cloutier: On a parlé tout à l'heure surtout des méthodes de lecture qui, évidemment, ne jouent pas dans le cas de l'écrit, parce que la lecture, évidemment, c'est le décodage de l'écrit. En ce qui concerne le français écrit plus particulièrement, il y a un problème que nous sommes en train d'essayer

de cerner, parce qu'il y a clairement eu un jeu de pendule; cela s'est déplacé vers l'oral, les professeurs interprétaient en cela le programme-cadre du ministère, programme-cadre qui fixe quatre savoirs comme objectifs de l'enseignement: le savoir écouter, le savoir parler, le savoir lire et le savoir écrire.

Dans plusieurs milieux, on le sait maintenant, un choix a été fait dans ces quatre savoirs où on a privilégié le savoir écouter et le savoir parler et où on a négligé le savoir écrire plus particulièrement. C'est le problème de l'orthographe, c'est le problème de la grammaire et ç'a surtout été, probablement, en réaction à des méthodes antérieures qui, elles, étaient surtout axées sur l'écrit et la grammaire.

Alors, comme toute réaction, il y a une tendance à aller à l'autre extrême. L'équipe de recherche est actuellement en train de faire justement un relevé de toutes ces pratiques réelles, non pas de ce que l'on trouve dans les programmes, parce que ce n'est pas nécessairement la réalité, mais de ce qui se fait dans les classes pour voir ce que font les maîtres et pourquoi ils le font, et pour proposer, justement, des redressements, notamment dans le domaine de l'ortographe, où il a été prouvé qu'effectivement il y aune détérioration sensible et qu'on ne peut pas rattacher à un niveau donné parce qu'on le trouve à tous les niveaux. Les lacunes en orthographe vous les trouvez au collégial, chez des gens qui ont passé à travers le système bien avant les nouveaux programmes, on les trouve au niveau universitaire chez des gens qui sont là depuis quelques années.

Donc, il faut bien tenir compte d'une espèce de carence généralisée et ne pas essayer de redresser, par exemple, trop vite des choses qui ont des racines d'il y a déjà plusieurs années.

C'est très juste. Des études récentes montrent qu'au niveau universitaire, des individus qui n'ont pas été soumis aux méthodes dont on parle et que l'on dénonce ont exactement les mêmes difficultés d'expression ou difficultés d'écriture que les autres. C'est là que l'on peut incriminer l'époque contre laquelle il faut réagir et nous ne pouvons réagir qu'en revenant un peu à l'écriture et qu'en revenant un peu à la structure du langage.

Le Président (M. Gratton): Alors, Messieurs, nous avions convenu d'ajourner à moins dix, il est moins dix, le ministre a...

M.CIoutier: Je voudrais simplement, M. le Président, donner une information aux membres de la commission. Nous avons, jusqu'ici, consacré neuf heures et demi à la discussion des crédits de l'Education.

Cette information peut être utile à l'Opposition pour qu'elle puisse planifier ses questions dans le temps qui peut rester.

M. Léger: D'accord. Je voudrais en profiter pour souligner, justement parce que le ministre vient d'affirmer ce fait, le rôle de l'Opposition pour l'étude des crédits. Sans diminuer les responsabilités ou les droits des parlementaires du gouvernement, autres que le ministre, l'Opposition, quand elle voit que chaque député veut s'exprimer, est d'accord là- dessus, mais cela ne doit pas l'empêcher de jouer son rôle prédominant qui est celui d'être le critique officiel des crédits du gouvernement, de poser les premières questions sur chaque sujet. Si ce n'est pas le cas, si on dit que n'importe quel député peut poser les premières questions sur chaque sujet à l'intérieur d'un programme, l'Opposition ne peut pas jouer son rôle comme tel. Si on commence à nous minuter — si on ne nous minute pas, je n'ai pas d'objection — et que cela devient une stratégie gouvernementale de permettre et même de susciter des questions auprès des députés du gouvernement, ce n'est pas le rôle démocratique d'une étude des crédits où un ministère a à défendre ses crédits devant l'Opposition.

M. le Président, si on minute les heures, à ce stade, pour dire bientôt: On en a fait assez, vous avez eu l'occasion... je dis non, M. le Président. Nous aurons l'occasion de nous exprimer quand on ne profitera pas de chaque occasion pour faire un débat pour simplement permettre à un autre député d'embarquer dans un sujet supplémentaire. Notre rôle principal est celui de poser les premières questions au gouvernement et chaque député est libre, par la suite, de poser les questions qu'il veut là-dessus.

M. Cloutier: Je suis un peu étonné... M. Léger: Mais ces crédits... M. Veilleux: M. le Président...

M. Léger: ...du gouvernement doivent être vus à la loupe par l'Opposition.

M. Cloutier: Je suis un peu étonné de la sortie du député de Lafontaine. Je ne vois absolument pas ce qui la justifie.

M. Léger: Non, je sais que le ministre ne le voit pas.

M. Cloutier: Je n'ai jamais parlé de minutage. M. Léger: Que je ne voie pas un boycottage...

M. Cloutier: J'ai pensé...

M. Léger: ...des crédits à la fin parce que...

M. Cloutier: Enfin, c'est un procès d'intention. C'est un procès d'intention.

M. Léger: Je vois venir le ministre.

M. Cloutier: J'ai simplement apporté une information utile et je crois... Enfin, je suis vraiment très très étonné.

M. Veilleux: M. le Président...

M. Cloutier: C'est une susceptibilité rare.

M. Veilleux: ...sur le sujet soulevé par le député...

Le Président (M. Gratton): Question de règlement?

M. Veilleux: Oui.

Le Président (M. Gratton): Le député de Saint-Jean.

M. Veilleux: Sur la question de règlement soulevée par le député de Lafontaine, ce n'est quand même pas ma faute si le véritable travail d'être à l'écoute des problèmes au Québec, à l'heure actuelle, ce sont les députés libéraux qui le font. Si, comme député du comté de Saint-Jean et par surcroît, comme libéral, moi je suis sensibilisé à des problèmes auxquels l'Opposition n'est pas sensibilisée, même si je ne fais pas partie de l'Opposition officielle, c'est mon devoir d'intervenir. J'ai été élu pour cela et j'ai la ferme intention de continuer.

Je n'accepterai pas ce diktat du député de Lafontaine qui dit: M. le député de Saint-Jean, vous allez poser des questions sur un nouveau sujet si, moi, je soulève en premier le nouveau sujet. Si on fonctionnait comme cela en Chambre, on n'aurait pas soulevé le problème de l'enseignement du français dans les écoles, on n'aurait pas soulevé le problème du Manuel du 1er mai, parce que ce sont les députés libéraux qui l'ont fait.

Si le député de Lafontaine regrette de ne pas avoir osé, par peur, peut-être, soulever ces problèmes à l'Assemblée nationale, moi, je tiens pour acquis qu'ici, en commission parlementaire, le député de Lafontaine peut peut-être aussi avoir peur de soulever certains problèmes, et moi, comme député d'un comté, au même titre que le député de Lafontaine, j'ai le droit de soulever de nouveaux problèmes. Pour aucune considération je n'accepterai de diktat du député de Lafontaine, dans le sens: C'est moi qui dirige les questions; je commence à poser des questions, vous continuerez si je n'ai plus de questions à poser sur le sujet.

Si, en continuant, j'ai un nouveau sujet à soulever, je vais continuer à le soulever, c'est mon devoir de député.

M. Léger: M. le Président, sur la déclaration du député, je dois lui dire que j'ai rarement vu des députés gouvernementaux prendre le temps de l'Opposition, en termes parlementaires, pourdénon-cer les carences du gouvernement. Je pense que c'est le rôle de l'Opposition de le faire et c'est à ce moment-ci qu'on doit le faire. Le temps qui est dévolu à l'Opposition doit être calculé en conséquence. S'il y a des députés du gouvernement qui ont des ques- tions à poser, je n'ai pas d'objection. Tant mieux si le député de Saint-Jean a des bons points à soulever, mais le rôle du parlementarisme dans lequel on vit, c'est que l'Opposition est là pour voir à la loupe les carences d'un ministère, obtenir les renseignements du ministère et ne pas perdre le temps qu'il a parce que d'autres députés veulent, tout simplement par une stratégie politique, empêcher l'Opposition de jouer son rôle.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. Veilleux: M. le Président, je n'avalerai pas ces paroles,...

M. Léger: M. le Président, on est censés être ajournés.

M. Veilleux: ... je ne partirai pas en laissant l'impression aux gens que le député de Lafontaine a le monopole de la vérité. Les membres du parti Québécois se préparent à jouer le même jeu, puis je les vois venir, le même jeu qu'ils ont voulu jouer l'an passé , à la commission parlementaire sur l'agriculture. Pour protester parce que ça ne fonctionnait pas comme ils le voulaient, ils ont foutu le camp, avec le résultat que ce sont les députés libéraux qui ont été obligés de faire le travail. Ils ont voulu nous faire faire cela l'an passé, M. le Président, on va continuer à le faire tout simplement.

M. Lapointe: M. le Président, compte tenu de la qualité desquestions du député de Lafontaine, je n'ai pas d'objection à ce qu'il commence; il va rester beaucoup de questions intelligentes à poser.

Le Président (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! Est-ce que le programme 6 est adopté avant qu'on ajourne?

M. Cloutier: Adopté.

Le Président (M. Gratton): Non, je ne pense pas.

M. Léger: Non, le programme 6 n'est pas adopté.

Le Président (M. Gratton): On reprendra l'étude du programme 6. La commission ajourne ses travaux à mardi dix heures quinze.

(Fin de la séance à 12 h 57)

Document(s) associé(s) à la séance