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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude des crédits du ministère de
l'Education
Séance du mercredi 23 avril 1975
(Dix heures vingt et une minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs! Les membres de la commission sont les mêmes, sauf que
M. Caron, de Verdun, remplace M. Houde, de Fabre. Nous étions rendus,
hier, au programme 11, enseignement supérieur; c'est le groupe 5,
d'après ce qui a été proposé par le ministre de
l'Education.
M. Cloutier: M. le Président, nous sommes à votre
disposition.
M. Léger: Le ministre aurait-il objection à ce
qu'on discute en même temps les programmes 11 et 12...
M. Cloutier: Au contraire.
M. Léger: ...enseignement supérieur et Conseil des
universités?
Enseignement supérieur et Conseil des
universités
M. Cloutier: Oui, cela va très bien ensemble.
M. Léger: D'accord. Alors, la première question, M.
le Président: Comment se fait-il que le rapport du Conseil des
universités au ministre, qui a été déposé
le 11 juillet 1974, n'a été déposé en Chambre
que le 19 mars 1975, soit huit mois après la date de sa
présentation?
M. Lapointe: Ce sont les seules questions que le
député de Lafontaine a à poser?
M. Léger: Je commence par la première, dans un
certain ordre. Je pense que le député de Laurentides-Labelle a
mal dormi cette nuit.
M. Lapointe: J'ai très bien dormi.
Le Président (M. Pilote): A l'ordre, messieurs, à
l'ordre! Je ne permettrai pas d'intervention.
M. Cloutier: On nous a présenté un document
dactylographié. Il a fallu le faire imprimer et il semble qu'il y a eu
des retards, en particulier des grèves, qui ont empêché que
l'impression soit faite. Il a été déposé
aussitôt que nous avons reçu la version définitive.
M. Léger: Maintenant, je regarde dans le livre le Conseil
des universités et je vois que l'université McGill obtient
environ 35% des dépenses au poste d'administration du programme. Le
ministre peut-il nous dire pourquoi? A la page 194, je pense, mais je l'ai
à la page 80 aussi.
M. Cloutier: Toutes les universités sont traitées
exactement de la même façon, la même formule s'applique. Le
député de Lafontaine connaît cette formule qui repose sur
un per capita, avec tout un ensemble de facteurs de correction, et qui est
basée sur ce que nous appelons la méthode historique?
M. Léger: Quand vous dites le per capita, cela veut dire
les élèves qui vont à l'université, même
s'ils sont de langue française à l'intérieur de
l'université anglophone?
M. Cloutier: Oui, bien sûr. Les universités sont
traitées exactement de la même façon.
M. Léger: Oui, maintenant, je comprends sur le plan
administratif, mais, sur le plan de l'attrait, si les francophones vont
davantage à une université anglophone il peut y avoir des
avantages, c'est sûr; telle ou telle matière est mieux
enseignée et on préfère étudier en langue anglaise,
puisque, peut-être, on aura à travailler en anglais cela
augmente quand même les possibilités des universités
anglophones, au détriment des mêmes services qui pourraient
être donnés dans les universités francophones.
M. Cloutier: Bien, je ne suis pas très bien ce
raisonnement. Il va de soi que les étudiants sont libres d'aller
à l'université de leur choix et, pour autant que le
ministère est concerné, il tient compte du nombre
d'élèves dans les universités, en appliquant, par
ailleurs, une formule complexe.
En fait, les universités francophones ont
bénéficié davantage des subventions gouvernementales, en
particulier au chapitre de la recherche, parce qu'il y avait un rattrapage
considérable à faire.
M. Léger: J'ai une question justement là-dessus;
j'y reviendrai tantôt parce que je ne veux pas retarder indûment.
Concernant l'Université du Québec àTrois-Rivières,
est-ce que le ministre pourrait faire le point sur le conflit actuel? A quel
niveau est-il rendu?
M. Cloutier: C'est complètement réglé.
M. Léger: C'est complètement réglé.
Maintenant, en termes généraux, quelle est la marge de manoeuvre
que l'Université du Québec, dans ce cas-ci et dans d'autres cas
futurs, pouvait avoir face aux subventions du ministère de l'Education
du Québec? Est-ce qu'indirectement ce n'était pas le
ministère qui négociait avec le syndicat de la place, du fait que
la masse salariale, entre autres, était quand même limitée
à ce que le ministère lui donnait?
M. Cloutier: L'université travaille à
l'intérieur de son budget. Alors, il appartient à
l'université de prendre la responsabilité de ses
négociations. Le ministère n'intervient pas. Il suit les choses
de très près, cela va de soi, parce qu'il est bien évident
que, dans ce processus de négociation, il y a des luttes de force qui se
produisent ici et là.
M. Léger: Mais la partie patronale ne peut pas augmenter
les sommes.
M. Cloutier: Non.
M. Léger: A ce moment, elle est quand même
limitée, selon les normes du ministère.
M. Cloutier: Bien sûr. Selon les normes du
ministère, disons suivant les budgets qui leur sont accordés par
rapport à certaines normes. Il est normal qu'il en soit ainsi;
autrement, il n'y aurait strictement aucun contrôle. On
budgétiserait à partir des besoins, suivant l'image que j'ai
déjà utilisée.
M. Lapointe: M. le Président, à mon point de vue,
l'université devrait avoir un rôle très important au plan
de la recherche dans tous les domaines. Quelle partie du budget est
consacrée à la recherche? Existe-t-il un mode de collaboration
sur le plan pédagogique, par exemple, entre le service de recherche des
universités et le ministère de l'Education?
Est-ce qu'on fait appel aux universités dans différents
domaines?
M. Cloutier: II existe un lien très étroit. Il ne
peut pas y avoir d'enseignement supérieur sans recherche. Nous avons des
programmes de bourses dont on va vous parler. C'est ce que nous appelons
l'action concertée. Je crois qu'il y aurait intérêt
à vous en donner une description.
Nous avons un programme, au ministère de l'Education, de
subventions directes à la recherche qui s'adresse aux chercheurs
universitaires. En 1974/75, le ministère a consacré $6,200,000
à ce programme et prévoit pour l'année prochaine, 1975/76,
augmenter à $8 millions. Donc, c'est une augmentation
considérable sur une année, ce qui indique l'importance que le
ministère attache à la recherche universitaire. Ce programme est
composé de différents volets dont l'un s'adresse à des
équipes de recherche. Plutôt que de financer des chercheurs
individuels, comme certains programmes des agences du gouvernement
fédéral, nous favorisons le regroupement de chercheurs en
équipes. Alors il y a des subventions à des équipes de
chercheurs. Il y a aussi, ce qui est particulier au programme du Québec,
des subventions à des centres de recherche universitaires, donc des
organismes encore plus importants que les équipes, et qui permettent
d'orienter davantage la recherche vers les besoins de la communauté
québécoise.
En plus de cela, nous avons un programme d'aide à la publication
de revues scientifiques, pour permettre aux chercheurs de publier les
résultats de leurs recherches, dans des revues
spécialisées, parce que le marché de la publication des
articles scientifiques est assez restreint et il faut des moyens d'expression
pour les chercheurs universitaires.
En plus de cela, il y a un quatrième volet qui est le financement
de certains services généraux à la recherche, par exemple,
le financement de l'animalerie, pour que les chercheurs aient le
matériel pour les recherches appliquées. Il y a des services
d'enquête et de sondage qui sont financés par ce programme, comme
le service d'enquête de l'Université de Montréal. Il y aura
une augmentation de 30% en I975 pour les subventions de recherche
accordées par le ministère de l'Education.
M. Lapointe: Est-ce que la coordination entre les
universités, au point de vue de la recherche, est assumée par le
ministère de l'Education ou s'il existe un organisme qui établit
une certaine coordination pour éviter des dédoublements?
M. Cloutier: Elle est assurée par le ministère de
l'Education, mais pas de façon autoritaire, par la manière dont
les subventions de recherche sont accordées.
Par exemple, les subventions aux centres de recherche ne sont
accordées que si les centres s'engagent à être
interuniversitaires, c'est-à-dire à recevoir des chercheurs
d'autres universités, à recevoir des étudiants aussi
à la maîtrise et au doctorat d'autres universités. Et on
favorise aussi la présence au sein de comités d'orientation de
chercheurs d'autres universités.
Ce sont les conditions qui sont posées pour l'octroi d'une
subvention à un centre, c'est de cette façon qu'on amène
les universités à se concerter entre elles.
En plus de ceci, cette année et pour l'année 1975/76, le
gouvernement a identifié pour les universités, dans le cadre du
programme de formation de chercheurs à actions concertées, des
priorités de recherche dans des domaines comme les ressources
naturelles, l'aménagement, l'éducation. Par ceci, en fait tout
l'accroissement des $8.2 millions va aux domaines prioritaires. Donc, c'est une
façon d'orienter la recherche universitaire pour qu'elle réponde
mieux aux préoccupations actuelles de la société.
Je pense que ceci fait le point sur cette question de la recherche. Il y
a d'autres aspects, bien sûr, mais ce sont les plus importants.
M. Léger: Tantôt, j'ai parlé de calcul de
subventions pour les universités. Est-ce que le ministre pourrait
déposer son processus de calcul des normes pour chacune des
universités? Est-ce que vous l'avez déjà
déposé?
M. Cloutier: Nous déposons à chaque année,
le plan d'investissements, c'est-à-dire la formule, son application
ainsi que l'avis du Conseil des universités.
M. Léger: C'est dans quelle sorte de document que vous
déposez ça?
M. Cloutier: C'est dans un document qui a une forme identique
depuis des années. Ce qui retarde en ce moment...
Une Voix: ...
M. Cloutier: Non, non, pas du tout. Il s'agit d'un
document dactylographié, qui constitue un rapport du ministre de
l'Education déterminant les niveaux de subventions et le mode de calcul,
accompagné de l'avis du Conseil des universités. En
général, les années précédentes, nous avons
réussi à déposer ce rapport assez tôt, mars ou
avril.
Il y a un peu de retard cette année parce que nous n'avons pas
encore reçu l'avis du Conseil des universités.
M. Léger: Avez-vous les chiffres pour 1975/76?
M. Cloutier: Nous allons attendre l'avis du Conseil des
universités.
M. Léger: Est-ce qu'il y a une décision de
rattrapage concernant les universités francophones dans le processus que
vous adoptez chaque année?
M. Cloutier: Quel rattrapage?
M. Léger: Je veux dire le rattrapage au niveau d'une plus
grande répartition du côté des universités
francophones qui, au départ, ont déjà été
défavorisées il y a un certain temps et qui avaient un rattrapage
possible depuis quelques années mais qui ne semblait pas être
l'équivalent de la réalité.
Est-ce qu'il y a un rattrapage plus significatif d'année en
année, maintenant?
M. Cloutier: Nous appliquons la même formule pour toutes
les universités. Comme il s'agit d'une formule dite historique,
d'ailleurs extrêmement complexe, nous nous trouvons à tenir compte
des situations antérieures. J'ai cité, tout à l'heure, le
domaine de la recherche où les universités francophones,
précisément parce qu'elles avaient un certain retard, ont
bénéficié de subventions de beaucoup supérieures
aux universités anglophones. Alors on peut parler de rattrapage sur ce
plan.
M. Léger: A la page I94 du livre du Conseil de
l'université on voit que l'université McGill, entre autres, a
augmenté sa clientèle de 2% mais ses dépenses ont
augmenté de 20%, Est-ce que vous trouvez que c'est normal? Quelle est la
cause de cette augmentation alors que ses dépenses ont augmenté
de 20%?
M. Cloutier: Je peux vous dire que c'est normal, parce que je
répète, pour la cinquième ou sixième fois, qu'il
n'y a pas de distinction entre les universités. Elles sont toutes
traitées de la même façon, comme il se doit. Maintenant,
nous allons vous donner des détails sur la formule même, pour vous
permettre de comprendre pourquoi vous pouvez avoir de la difficulté
à établir des comparaisons.
M. Léger: Juste avant qu'on me réponde, je donne un
exemple. L'université Laval a vu sa population augmenter de 15% et ses
dépenses uniquement de 29%, tandis que l'université McGill, sa
population a augmenté de 2% et ses dépenses ont augmenté
de 20%.
M. Cloutier: Ce n'est pas que comme je l'ai signalé
à deux ou trois reprises la population étudiante qui
constitue le critère unique. Il y a d'autres critères. C'est ce
que nous appelons justement la méthode historique. Je pense que ce
serait plus simple si vous nous donniez le loisir de vous exposer de quelle
façon nous faisons nos calculs.
En fait, sans aller dans tous les détails de la formule pour
expliquer le phénomène que vous mettez en lumière, c'est
que les dépenses de l'année antérieure
considérées par le ministère de l'Education sont
indexées de la croissance des populations étudiantes mais de la
moitié seulement de la croissance des populations étudiantes.
Une autre subvention, qui est une subvention de développement
pour amélioration de programmes est versée sous la forme de per
capita. Donc, la croissance accidentelle d'une université, pour une
année donnée, intervient peu dans cette subvention per capita. Il
est donc normal, en vertu de cette formule, qu'une université qui n'est
pas en croissance rapide reçoive quand même une subvention de
développement pour amélioration de programmes.
Il faut dire aussi que, dans le pourcentage d'augmentation que vous
notez, il y a les augmentations de traitements qui s'appliquent au personnel en
place.
Donc, il ne faut pas mettre uniquement en regard les 2% d'augmentation
de population étudiante et les 20% de croissance. Une bonne partie vient
de l'augmentation des traitements du personnel en place, et une autre partie
vient d'une subvention qui n'est pas liée à la croissance de la
population étudiante et qui est versée sous forme de per
capita.
M. Léger: Mais ce que le représentant du ministre
vient de dire, surtout quand vous parlez d'augmentation de traitements, se
passe autant dans une autre université, comme Laval ou
l'Université de Montréal, comme critère. Mais, dans
l'évaluation des critères de financement des universités,
tenez-vous compte des dons provenant des compagnies ou des groupes anglophones
qui peuvent fournir des sommes suffisamment importantes et qui sont
déductibles d'impôt?
M. Cloutier: Oui. Nous avons une formule, d'ailleurs, dont nous
allons vous parler. Ceci fait suite à des recommandations du Conseil des
universités qui remontent déjà à une couple
d'années.
M. Léger: Quelle est la proportion dans les sommes? De
mémoire, je pense que vous avez quelque $400 millions en subvention
à l'université, si je ne me trompe pas, dans le budget
consacré à l'université.
M. Cloutier: Non. Ce serait plutôt le coût du
système.
M. Léger: C'est cela, de toute façon.
M. Cloutier: Mais le coût du système n'est pas
entièrement assumé par les subventions gouvernementales.
M. Léger: D'accord.
M. Cloutier: Enfin, disons que les subventions gouvernementales,
pour l'année de calendrier ce qui vous impose un petit rajustement
seraient d'à peu près $300 millions, cette
année.
M. Léger: Alors $300 millions. Et quelles pourraient
être les sommes versées par les compagnies en forme de dons ou de
subventions aux universités, comparativement aux $300 millions venant du
gouvernement? Quelle proportion?
M. Cloutier: Elles n'apparaissent pas dans ces $300 millions,
bien sûr.
M. Léger: Je parle en proportion avec les $300
millions.
M. Cloutier: De toute façon, la subvention en est une
d'équilibre budgétaire qui prend en considération les
revenus des universités. Lorsque ces revenus, qui viennent de dons ou de
fonds de dotations, sont versés pour fins de fonctionnement
général, ils sont déduits au même titre, par
exemple, que les frais de scolarité des étudiants. Avec les
années, ces fonds s'épuisent et McGill n'est plus du tout en
même position qu'elle l'était autrefois, quant à cette
source de fonds privés, sauf dans les cas où les dons sont
donnés pour des fins spécifiq ues, par exemple, pour une
recherche donnée. A ce moment, on ne peut pas les inclure dans les
revenus généraux de l'université.
M. Léger: De toute façon, pour ma part, les
réponses que vous me donnez sont des réponses, mais la
différence qui existe n'est pas expliquée. Vous me donnez des
termes généraux, des explications générales qui ne
me convainquent pas jusqu'à maintenant; peut-être avez-vous autre
chose à me dire. L' université McGill, avec une augmentation de
clientèle de 2% et des dépenses de 20%, comparativement à
Laval, qui a 15% d'augmentation de population étudiante, avec des
dépenses considérées de 29%.
Dans le même ordre, Montréal a une augmentation de la
population étudiante de 19% et des dépenses
considérées de 24%. Comment se fait-il qu'il y ait un
écart si grand entre l'université McGill et les
universités francophones? Le développement, c'est la même
chose dans les deux cas.
M. Cloutier: Oui, cela vient de la croissance particulière
de McGill. Si et c'est arrivé dans le passé la
croissance était plus faible du côté de l'université
de Montréal et de l'université Laval, on aurait le même
phénomène qu'on a à McGill. Cela vient du fait qu'une
partie de la subvention de développement n'est pas attribuée en
fonction de la croissance de la population étudiante, mais est
versée à tant par étudiant pour les 4,000 premiers
étudiants et, après, cela va par tranche de cette
façon.
Une université qui aurait zéro de croissance reçoit
quand même une subvention de développement. C'est ce qui explique
que McGill en a reçu quand même une, même si sa population
étudiante n'a augmenté que de 2%.
Je pense que ce qu'il est important de retenir, c'est que la même
formule est appliquée à tout le monde, à toutes les
universités sans discrimination. Je ne dirai pas que cette formule nous
satisfait en entier; nous travaillons depuis deux ans une autre formule qui
tiendrait davantage compte des programmes. C'est une formule très
complexe; elle est pratiquement au point mais nous aurons à
l'expérimenter avant de la généraliser.
M. Léger: Je suis content que le ministre ne soit pas
satisfait de cette situation parce que...
M. Cloutier: Mais pas pour les mêmes raisons, je pense, que
le député de Lafontaine.
M. Léger: De toute façon, si vous corrigez...
M. Cloutier: Parce que pour moi il n'y a strictement aucune
différence entre anglophones et francophones; il n'existe que des
universités envers lesquelles le gouvernement a une
responsabilité. Mais si je ne suis pas satisfait de la formule, c'est
pour d'autres raisons. C'est pour...
M. Léger: Le ministre admettra quand même que
l'université McGill a été privilégiée
pendant 20 ans.
M. Cloutier: Non. Je n'admettrai pas que l'université
McGill a été privilégiée par le gouvernement. S'il
y a des mécènes qui ont voulu donner à l'université
McGill, ça, que voulez-vous que je vous dise...
M. Léger: Oui, d'accord avec vous.
M. Cloutier:... je ne peux que déplorer qu'il n'y en ait
pas beaucoup du côté canadien-français.
M. Léger: D'accord. Mais il faut dire que...
M. Cloutier: Ils préfèrent aller vendre leurs
oeuvres d'art à New York.
M. Léger: ... les possesseurs des capitaux étaient
plutôt du côté anglophone. Alors...
M. Cloutier: Ah!
M. Léger:... c'était un cercle vicieux. Je neveux
pas les blâmer, ils s'occupent de leurs affaires.
M.CIoutier: Tout ce que je dois dire, c'est que je ne voulais
pas...
M. Léger: Mais dans la proportion que le gouvernement
devrait faire, il devrait tenir compte de cela dans les subventions qu'il leur
accorde.
M. Cloutier: Mais le gouvernement le fait.
M. Léger: C'est pour cela que je vous dis que je suis
d'accord sur ce que le ministre me dit.
M. Cloutier: Le gouvernement le fait parce que nous tenons compte
des revenus que reçoit l'université. Nos subventions, on vous l'a
dit, sont des subventions d'équilibre budgétaire. Par
conséquent, quels sont les revenus d'une université? Ce sont
d'abord les frais de scolarité qui représentent à peu
près 15%, à notre époque.
Ensuite c'est, pour certaines universités, des revenus de
fondations, de dons, mais qui ne sont pas spécifiquement destinés
à des projets précis. Et en troisième lieu, c'est la
différence qui est comblée par les subventions
gouvernementales.
M. Léger: Maintenant, revenant à McGill, à
la page 204 de votre volume Conseil des universités. On parle de la
faculté de l'agriculture de l'université McGill qui devait
déménager.
M. Saint-Germain: J'aurais une question à poser, M. le
Président, sur le dernier sujet qu'on vient de discuter, si vous le
permettez. Vous avez dit que vous tenez compte des dons. Je suppose que vous ne
taxez pas ces dons à 100%, vous laissez tout de même un certain
avantage à l'université qui reçoit ces dons?
M. Cloutier: II faut distinguer les dons qui sont accordés
à des fins spécifiques ou à un projet de recherche
précis. Un testateur peut s'intéresser au cancer, il peut donner
une certaine somme pourune recherche particulière. Des revenus
qui...
M. Saint-Germain: Excusez-moi, est-ce que vous tenez compte
spécifiquement de cela ou si vous calculez que cela c'est absolument en
dehors?
M. Cloutier: On calcule cela à part.
M. Saint-Germain: A part. Les dons qui sont donnés sans
spécification, maintenant?
M. Cloutier: On a une formule un peu compliquée, 50%
jusqu'à concurrence de 1% des dépenses de l'institution, ce qui
est prudent. Si nous ne faisions pas cela, nous empêcherions les
universités de recevoir des dons. C'est pour cela qu'actuellement on est
prudent.
M. Saint-Germain: C'est pour cela que je pose la question.
M. Cloutier: Alors nous avons mis au point, sur une
recommandation du Conseil des universités, une formule qui permet de
tenir compte de 50% des dons jusqu'à concurrence de 1% du budget.
M. Léger: Le ministre était tantôt en train
de me donner des chiffres et cela aurait répondu en même temps
à la question précédente. Vous parliez des frais de
scolarité qui rapportaient environ 15% des revenus, vous êtes
arrivé dans les fondations. Au niveau des universités
anglophones, avez-vous des chiffres de la proportion de leurs revenus provenant
on avait commencé à en discuter tantôt puis on a
été interrompu provenant des dons?
M. Cloutier: M. Garneau pourrait probablement nous donner cela.
Alors nous allons essayer de voir si nous avons des renseignements
là-dessus. Nous ne demandons que cela. La situation est très
claire, mais si je suis intervenu à quelques reprises, c'est que je ne
voudrais pas que le député de Lafontaine laisse l'impression que
les universités anglophones sont traitées différemment des
universités francophones. C'est cela qui est extrêmement
important.
M. Saint-Germain: J'espère qu'il en est ainsi. M.
Léger: II y a une question de...
M. Cloutier: Nous traitons les universités de la
même façon, et comme il existe des tensions dans notre
société que vous connaissez bien, je ne veux pas que l'on
sème le doute...
M. Léger: Non, si vous permettez, j'avais
commencé...
M. Saint-Germain: D'autant plus que McGill...
M. Léger: ...ce sujet tantôt, ce que je veux faire
remarquer, c'est que l'université McGill, si ses subventions proviennent
d'un calcul de base per capita et que cette université a un attrait
particulier pour les francophones, pour quelles raisons les autres
universités n'auraient-elles pas le même attrait? Est-ce que c'est
une question d'être dans un bain anglophone pour mieux s'exprimer en
anglais? Est-ce parce que, dans le domaine du travail, plus tard, ils
préfèrent avoir appris, je ne sais pas, leur droit en anglais,
pour être capable de s'exprimer dans des rencontres ou afin de pouvoir
travailler avec une population qui sera plus anglophone?
Il peut y avoir des raisons, mais, en général, est-ce
qu'on ne devrait pas avoir un attrait beaucoup plus fort pour les
universités francophones, en leur permettant d'avoir justement de
meilleures subventions, de meilleurs services, de meilleurs domaines de la
recherche?
M. Cloutier: Je suis très mal le raisonnement du
député de Lafontaine parce que l'attrait d'une université
n'est pas lié aux formules administratives qu'on utilise pour les
subventionner.
M. Léger: La qualité de l'enseignement...
M. Cloutier: L'université la plus importante au
Québec, ce n'est pas McGill, c'est l'Université de
Montréal. L'Université de Montréal a 25,000
étudiants, c'est l'université la plus considérable. Elle
s'est acquis, depuis une dizaine d'années, une réputation
internationale qu'elle n'avait pas auparavant. Nous sommes dans une
société libre, un étudiant peut parfaitement choisir
d'aller à l'Université de Montréal ou à McGill.
Alors, je suis très mal le raisonnement du député de
Lafontaine.
M. Léger: Non, non, je suis d'accord avec vous pour que
nous vivions dans une société libre.
M. Cloutier: Ce qu'il voudrait dire, c'est qu'il faudrait que
nous privilégions les universités francophones par rapport aux
universités anglophones. C'est cela qu'il voudrait nous dire?
M. Léger: Non, ne me faites pas dire des choses que je ne
veux pas dire.
M. Cloutier: Je vous le demande; c'est une question que je vous
pose. Cela ressemble bien à cela.
M. Léger: Je pense que, normalement, il devrait y avoir
une incitation et une motivation, à service égal ou à
enseignement égal, pour les francophones d'aller à une
université francophone.
M. Cloutier: Je n'ai pas d'objection, moi. Où est-elle,
votre motivation?
M. Léger: C'est pour cela que je dis que, si ce n'est pas
le cas, est-ce parce qu'à l'université McGill on offre des
services supplémentaires, ce qui fait qu'on attire une population
francophone, ce qui amène comme cercle vicieux de plus grandes
subventions parce que le per capita va être augmenté dans ce sens?
Est-ce qu'il n'y a pas des mesures incitatives pour que les francophones
aillent à une université francophone ayant les mêmes
services et peut-être même des services supérieurs?
M. Cloutier: J'ai l'impression que le député de
Lafontaine connaît mal la situation. La majorité des francophones
n'est pas à McGill.
M. Léger: Non, je suis d'accord.
M. Cloutier: Ils sont vraiment dans les universités
francophones. Il peut y avoir et vous me demandez là une
interprétation sociologique des étudiants qui
préfèrent faire leur droit à McGill, d'abord, parce qu'on
y enseigne un droit un peu particulier, il y a certaines
spécialités. Je ne vois pas en quoi cela crée des
problèmes. Si problème il y a, il n'est pas là et je vais
vous le donner, le problème. C'est l'afflux d'étudiants
étrangers...
M. Léger: C'est cela, oui.
M. Cloutier: ...qui viennent de l'extérieur du pays. Quand
je parle de l'extérieur du pays, je ne parle pas des autres provinces
canadiennes, ce ne sont pas des étrangers. Je pense aux
Américains, en particulier, dans certaines facultés, comme la
médecine. Je crois qu'il y a une situation à corriger. Le seul
moyen de la corriger, c'est d'exiger des droits de scolarité plus
élevés. C'est une situation à laquelle nous nous attaquons
depuis une couple d'années. Pour ma part, j'y suis favorable. Je l'ai,
d'ailleurs, dit lors de la discussion des crédits l'année
dernière: Je suis favorable à une hausse considérable des
frais de scolarité des étrangers.
M. Léger: Mais le ministre...
M. Cloutier: Malheureusement, nous ne pouvons pas agir
unilatéralement et c'est un sujet qui est actuellement à
l'étude au sein du conseil des ministres de l'Education du Canada. Nous
ne pouvons pas agir unilatéralement parce qu'alors nous ferions en sorte
que les universités des autres provinces pourraient drainer des
clientèles qui, normalement, viendraient au Québec.
M. Léger: De toute façon, ce que le ministre dit,
c'est plutôt à Sir George Williams qu'on draine le plus
d'étrangers comme étudiants, parce qu'à McGill la plus
grosse proportion de la minorité, ce sont des francophones.
M. Cloutier: Oui, mais, si vous vous adressez à la
croissance des universités, elle est beaucoup pi us forte du
côté francophone que du côté anglophone.
M. Léger: Oui, surtout depuis l'Université du
Québec.
M. Cloutier: L'Université du Québec a sans doute
joué un rôle, oui. L'université McGill n'est pas dans un
état de stagnation, mais croît certainement moins vite que les
universités francophones.
M. Léger: Est-ce que le ministre a eu, depuis
tantôt, les chiffres que je lui demandais? Je pense qu'il les a.
M. Cloutier: Je voudrais d'abord peut-être préciser
les croissances. Vous avez à Laval 18% d'augmentation de
clientèle, 15% à Montréal, 7% à l'Université
du Québec et 2% à McGill. Ceci est quand même significatif.
Il ne faudrait quand même pas adopter des mesures qui seraient des
espèces de mesures de représailles qui n'auraient rien à
voir avec une saine administration ou même une saine évaluation de
la situation.
M. Léger: Non, pour le mot "représailles", je suis
d'accord, que ce n'est pas du tout une façon de régler le
problème. Je parlais de rattrapage.
M. Cloutier: Je ne voudrais surtout pas laisser croire que
c'était l'intention du député de Lafontaine, ni même
sa pensée. Mais comme je connais la répercussion de ce genre de
débat dans l'opinion publique et que je sais qu'il y a trop de gens qui
ne cherchent qu'à enfourcher le cheval de bataille
francophones-anglophones, je préfère désamorcer à
l'avance.
M. Saint-Germain: M. le Président, sur ce sujet en
particulier, je pense que tous ceux qui connaissent l'évolution de la
province de Québec savent, pertinemment, que les gens de langue anglaise
ont toujours attaché plus d'importance à la qualité de
leur enseignement et de leurs universités, en particulier, que les
francophones ne l'ont fait. C'est pour des raisons, je suppose, historiques. On
sait pertinemment, par exemple, que les quelques
Canadiens français qui étaient fortunés, bien
souvent, faisaient leur testament en faveur de communautés religieuses,
pour des buts religieux, beaucoup plus que pour le développement des
sciences ou des techniques modernes, des connaissances en administration, etc.
Pour ces raisons historiques, McGill a été une des
universités de la province de Québec dont le prestige et la
réputation ont dépassé les bornes de la province et
même du pays. Je crois que pour la province de Québec, c'est un
actif, même si on y enseigne en anglais. Je ne vois pas qu'il y ait
grand-chose de mal à ce que les universités de langue
française subissent, jusqu'à un certain point, la concurrence de
McGill, si je peux dire.
On ne relèvera pas le prestige des universités de langue
française en diminuant la qualité de l'enseignement de
McGill.
M. Cloutier: Puis-je ajouter, M. le Président, que McGill
a beaucoup changé depuis quelques années. Tous les examens
à McGill, comme tous les cours peuvent se donner ou en français
ou en anglais. C'est là une réglementation interne et il y a un
nombre important de cours qui se donnent en français dans certaines
facultés. C'est une évolution qu'il convient de souligner. McGill
s'est tout de suite mise à la page, en ce qui concerne l'application de
la loi 22.
Je crois qu'il est utile de le dire.
M. Saint-Germain: Même en particiculier...
M. Cloutier: Est-ce que le député de Lafontaine a
entendu ce que je viens de dire?
M. Léger: J'ai perdu la dernière phrase.
M. Saint-Germain: Vous voulez bien me laisser ...Est-ce que vous
avez quelque chose à ajouter?
M. Léger: Non, non, j'ai terminé.
M. Saint-Germain: Même en particulier, pour ce qui regarde
les étrangers qui viennent étudier à McGill, on sait
pertinemment qu'il y a beaucoup de Québécois qui étudient
en dehors de la province de Québec. On doit le faire dans certaines
sciences, c'est même une obligation, parce qu'on n'a pas
l'équivalent dans nos universités québécoises. Il
faut être assez prudents si on veut établir des politiques
où on taxe à la limite l'étranger qui vient étudier
dans le Québec, considérant qu'une bonne proportion des
nôtres... Ce serait très intéressant de savoir combien
d'étudiants étrangers étudient à Québec et
combien des nôtres vont étudier en dehors. J'ai bien l'impression
que le décalage ne doit pas être bien considérable.
M. Cloutier: C'est exact. Nous avons, par exemple,
constaté qu'en ce qui concernait d'autres provinces, comme l'Ontario,
nous étions nettement gagnants. Par conséquent, il serait pour le
moins irréaliste de vouloir taxer les Ontariens qui viennent
étudier ici. Cependant, il reste un problème, en ce qui concerne
les étrangers. Il y a un contingentement rigoureux, en particulier, en
médecine, aux Etats-Unis. Un bon nombre d'étudiants
n'étant pas acceptés dans les universités
américaines viennent à McGill. Il fut une époque où
il y en avait plus de 50%. Ce sont des gens que les fonds publics
québécois forment et qui repartent ensuite. Il s'agit de mesurer
si le bilan est positif ou négatif. Les approximations que nous avons,
actuellement, nous portent à croire qu'il faudrait envisager des frais
de scolarité pour les étrangers, les non-Canadiens.
M. Léger: Est-ce que le ministre est prêt à
nous déposer les chiffres tantôt? Je pense qu'il a failli le faire
deux ou trois fois.
M. Cloutier: Oui, on va vous les donner, c'est-à-dire que
nous n'avions pas terminé.
M. Léger: Je dis: Vous avez failli les donner.
M. Cloutier: Ces chiffres, nous allons vous les expliquer,
oui.
Cela porte sur l'année écoulée 1974/75. Les revenus
totaux des universités en 1974/75 étaient de $45,463,000.
Pour vous donner une comparaison, on les estime à $47 millions
pour 1975/76. C'est l'estimation. Des $45,463,000 il y a, en définitive,
presque $45 millions qui viennent des frais de scolarité, des frais
d'inscription et d'autres frais assimilables. Et les revenus de placements,
dons-dotations, la question qui était posée, calculés sur
la base des 50% dont on parlait, donnent un total de $259,000. Et dans ces
$259,000, il y a en a $190,000 pour l'université McGill.
M. Léger: Quand vous dites $259,000, est-ce 50%...
M. Cloutier: C'est 50% du total des...
M. Léger: Donc, c'est $500,000 en réalité ou
si...
M. Cloutier: $520,000.
M. Léger: $520,000 de dons.
M. Cloutier: $520,000 de dons et la règle des 50% nous
fait considérer la moitié de ces revenus.
Dans le cas de McGill, les 50% donnent $190,000...
M. Léger: Est-ce que vous voulez dire par là
$380,000?
M. Cloutier: Oui. ...de revenus totaux, de dons-dotations...
M. Léger: Et cela équivaut à quel
pourcentage... M. Cloutier: ... pour fins générales.
M. Léger: ... comparativement aux 15% de tantôt, qui
provenaient des frais de scolarité?
M. Cloutier: Alors, l'ensemble des revenus des
universités, dotations, frais de scolarité, c'est
$45 millions. En 1974/75, cela correspond à 14% des revenus ou
des dépenses des universités, qui étaient pour cette
année-là, de $331 millions. Alors, $45 millions sur $331
millions, cela fait 14%. Là-dedans, $259,000 il faudrait faire le
calcul c'est mineur.
M. Léger: C'est mineur. Mais, comme elles sont
pratiquement toutes du côté anglophone, cela change les chiffres
au niveau des revenus, disons, de McGill ou de Sir George Williams. La partie
venant des dons et la partie venant des frais de scolarité, est-ce que
vous avez ces chiffres?
M. Cloutier: Oui. Je pense qu'il serait plus simple de donner les
revenus ou considérer les autres universités. L'Université
de Montréal, $38,000, si on veut; Laval...
M. Léger: Cela provient de dons.
M. Cloutier: Oui. Il y a toujours les 50%, donc le chiffre
réel est de $75,000 ici il y a des fractions.
M. Léger: D'accord.
M. Cloutier: L'université Laval, c'est 0. HEC, c'est
$8,000, ce qui correspond à $15,000. Sherbrooke, c'est 0 mais, en
réalité, le total est de $1,000. L'Université du
Québec, $10,000, considérez $5,000. Bishop, $5,000,
considérez $2,000. On saute les fractions. McGill, $380,000,
considérez $190,000. Concordia, $7,000, considérez $3,000,
c'est-à-dire Sir George à cette époque.
M. Léger: Oui. Alors, on remarque fort bien, comme on
pouvait le prévoir c'est normal aussi dans le style de la
société où on évolue que 80% des dons, ce
qui équivaut un peu à la valeur des entreprises anglophones, vont
du côté des universités anglophones.
M. Cloutier: Absolument. Les universités anglophones ont
toujours été mieux dotées que les universités
francophones, pour tout un ensemble de raisons. D'abord, la
société francophone a toujours été plus pauvre que
la société anglophone et d'ailleurs je crois qu'il y a une
question de traditions. Je pourrais vous donner des dizaines d'exemples
où j'ai essayé...
M. Léger: Mais pas d'avenir.
M. Cloutier: ... d'obtenir, de francophones, qui étaient
de grands collectionneurs quand j'étais au ministère des Affaires
culturelles, de faire une fraction de ce que font les anglophones,
c'est-à-dire donner quelques tableaux. Ils préféraient
aller les vendre chez Sotheby à Londres ou à New York. Alors, il
y a une tradition de mécénat qui est loin d'être
établie ici.
Je pense que j'ai découvert la raison pour laquelle le
député de Lafontaine a quelques difficultés à
concilier les chiffres qu'il nous a donnés au début. Il n'y a pas
de corrélation stricte entre le niveau de subventions et la population,
l'évolution des popu- lations. Autrement dit, on ne pouvait pas comparer
ces deux éléments parce que la formule, que nous utilisons, n'est
pas basée uniquement sur le critère des clientèles. Elle
l'est pour à peu près 50%.
Elle est basée sur d'autres facteurs. S'il en était
autrement, nous aurions été dans des situations presque
aberrantes, c'est-à-dire qu'une université qui aurait une
croissance de zéro de clientèle, ce qui a été
pratiquement le cas dans une ou deux universités francophones, à
un moment donné, n'aurait aucune subvention ou à peu près
pas de subvention. C'est la raison pour laquelle la formule a été
modifiée de cette façon.
M. LégerSi on regarde la croissancede McGill, de 2%, donc une
certaine stagnation ou à peu près, qui a eu un budget de
dépenses de 20% d'augmentation, Laval, qui avait une croissance de 15%
et n'a eu que...
M. Cloutier: Une croissance de quoi? De population.
M. Léger: De population étudiante, oui.
Elle n'a eu que 29% d'augmentation des dépenses. C'est donc dire
que, pour sept fois plus d'augmentation de population, elle n'a eu que 9%
d'augmentation versus McGill, 29% à 20%.
M. Cloutier: Vous ne pouvez pas...
M. Léger: Oui mais juste dans les 50%, on reviendra
à d'autres critères. Juste là-dessus, il y a quand
même un écart. Si on fait une règle de trois, juste pour la
partie des 50%, cela aurait dû être 140% d'augmentation du budget.
C'est peut-être utopique, ce que je dis là, mais juste au point de
vue de la corrélation, l'augmentation de McGill est de 20% de ses
dépenses et celle de Laval, de 29%. Donc, Laval n'a augmenté que
de 9% et il y a eu sept fois plus d'augmentation de population. Donc, juste sur
les 50%, il y a, à ce moment-là, un écart très
très marqué.
M. Cloutier: Je pense que précisément, la formule
actuelle ne permet pas de faire les corrélations que vous faites.
M. Léger: Même pas pour les 50% dont le ministre
parlait?
M. Cloutier: C'est parce qu'il y a des frais fixes qui sont
indexés de façon automatique.
M. Léger: Vous avez des frais fixes?
M. Cloutier: La formule est très complexe. Simplement
prendre les augmentations de population dans une université par rapport
à l'augmentation de population dans l'autre université et tenter
de faire une comparaison au niveau des augmentations de subvention, on ne peut
pas le faire, à moins d'avoir à côté de soi la
formule et de démontrer pourquoi cela donne les résultats que
vous soulignez.
Mais il est évident c'est ce qu'on a dit tan-
tôt qu'on a eu, antérieurement, une formule qui
était liée beaucoup plus directement aux augmentations de
population. Cela a donné des résultats assez aberrants, pendant
une ou deux années, parce que les universités qui n'avaient
à peu près pas d'augmentation de population étudiante se
voyaient placées dans une situation impossible.
Il s'agissait d'universités francophones. C'est la raison pour
laquelle nous avons apporté ces changements.
M. Léger: Au niveau des traitements et salaires. M.
Bonnier: M. le Président... M. Léger: Juste une
dernière remarque. M. Bonnier: Oui.
M. Léger: Au niveau des traitements et salaires, quand
même, une augmentation forte de population étudiante amène
une augmentation des professeurs aussi, donc une augmentation des salaires en
plus.
M. Bonnier: M. le Président, dans cette discussion que
nous avons depuis quelques minutes, il me semble qu'il y a un danger qu'il faut
éviter. Même si, à l'intérieur du ministère
de l'Education, se trouvent différents niveaux d'éducation, ils
ne sont pas comparables.
Quand on parle d'enseignement universitaire, ce n'est pas simplement de
l'enseignement au niveau élémentaire et au niveau secondaire. Ce
sont vraiment des centres de recherche, ce sont des centres de formation.
L'évaluation, évidemment, des coûts fixes et des
coûts variables ne peut pas se faire de la même façon, pas
du tout. Tout dépend des programmes d'orientation qu'ils doivent avoir,
tout dépend de leurs centres de recherche, c'est bien sûr, mais je
pense qu'également, cela influe drôlement sur l'attitude de la
population étudiante.
Quand le ministre dit qu'il doit considérer tous les centres
universitaires sur le même pied, je crois que c'est tout à fait
normal. Chacune des universités a une réputation à
défendre, a aussi une approche par rapport à certains types
d'enseignement qui diffèrent, elle a toute une tradition, elle a un
certain nombre de professeurs différents les uns des autres. C'est
normal que la population étudiante, au niveau universitaire, ne suive
pas nécessairement un tracé unique mais qu'elle puisse avoir des
priorités qu'elle-même s'impose par rapport à telle ou
telle université, ce qui influe nécessairement sur le nombre
d'étudiants.
Je pense que ce n'est pas du tout sur le plan linguistique qu'il faut
regarder cela. C'est beaucoup plus c'est cela que la distinction doit
nous apporter par rapport aux différents niveaux d'enseignement
par rapport à la caractéristique réelle de tel et tel type
d'université, à sa tradition, à sa réputation et le
reste.
Je pense que, dans ce sens, on ne peut pas discuter le financement des
universités tout à fait de la même façon, non plus
qu'on ne peut faire de distinction quant à l'afflux de population qui se
di- rige vers tel ou tel type d'université. Il est tout à fait
normal qu'un gouvernement comme celui du Québec doive traiter sur le
même pied l'ensemble des universités et non pas faire des
distinctions linguistiques, à mon avis.
M. Cloutier: C'est une très bonne intervention, M. le
Président.
M. Léger: Je suis d'accord aussi, M. le
Président.
M. Cloutier: Je suis content de l'entendre, parce que les
universités représentent une richesse pour la collectivité
québécoise.
Il se trouve que McGill, depuis quelques années
c'était loin d'être le cas avant, je vous ai donné
plusieurs exemples s'est ouverte à la collectivité
québécoise. Nous commettrions une erreur inexcusable si, par
hasard, nous tentions de revenir en arrière et d'empêcher cette
intégration.
M. Léger: D'ailleurs, je suis d'accord sur ce que le
ministre dit ainsi que sur ce que le député de Taschereau vient
de dire. Ce n'est pas parce que c'est une université anglophone; c'est
simplement parce que, sans avoir devant les yeux la formule qui est
appliquée, pour celui qui regarde les résultats, cela donne quand
même des résultats un peu aberrants et un peu surprenants. Je me
demande si, dans ces résultats bizarres, le facteur per capita n'est pas
sous-estimé dans l'ensemble de la formule. N'y aurait-il pas une
correction à apporter de ce côté, puisque, pour un simple
profane qui regarde cela vous allez me dire qu'une université qui
aurait le même nombre d'étudiants a quand même besoin d'un
certain développement, c'est sûr il y a une disproportion
dans le résultat qu'on regarde? Ne connaissant pas la formule telle
quelle, on me dit qu'elle est complexe, à première vue, cela
donne un résultat assez bizarre.
M. Cloutier: C'est vrai, en partie. Il a fallu commencer en
tenant compte de la situation des universités telle qu'elle existait,
à un moment donné. Cela remonte avant I970. Il a fallu partir des
coûts des étudiants. Soit dit en passant, sans que je veuille
m'étendre là-dessus, les coûts sont souvent plus
élevés du côté francophone que du côté
anglophone. Par la suite, on a surtout insisté sur l'évolution
des populations étudiantes, pour se rendre compte qu'il fallait
introduire de nouveaux facteurs. On a introduit de nouveaux facteurs, mais ce
n'est certainement pas une formule parfaite. La plupart des provinces
canadiennes ont de la difficulté à mettre au point une formule
qui colle à toute la réalité, qui est mouvante, mais nous
nous dirigeons vers une formule par programme. Nous pouvons vous en dire un
mot, si vous voulez. C'est une formule intéressante, qui permettrait
peut-être de pallier ces carences.
Cependant, je ne veux pas aller trop vite. Les bouleversements ont
souvent des répercussions, et si on change de formule du jour au
lendemain, on va peut-être se trouver à avantager certaines
universi-
tés et en désavantager d'autres. Nous allons aller
progressivement. Nous sommes en consultation avec les universités au
sujet de cette formule. Est-ce que cela vous intéresserait que nous vous
en parlions deux minutes?
M. Léger: Oui. Allez-y.
M. CIoutier: Nous sommes précisément en train de
discuter de la nouvelle formule actuellement avec les universités. C'est
une formule, pour résumer, qui voudrait tenir compte, d'un
côté, davantage des besoins réels des universités et
qui, de l'autre côté, devrait s'inscrire de façon plus
continue dans le processus d'allocation des ressources gouvernementales.
Nous sommes actuellement à en étudier deux aspects
principaux. Le premier est le cheminement, le processus lui-même
d'allocation des ressources. Nous allons demander aux universités de se
prononcer sur les grandes priorités, l'allocation triennale.
Déjà, des travaux considérables ont été
faits, au cours des années, par le Conseil des universités, c'est
l'opération grandes orientations; par la Direction
générale de l'enseignement supérieur, ce sont les
opérations sectorielles. Ensuite, il y aura discussion au niveau de la
revue des programmes, c'est-à-dire du budget, de l'enveloppe que chaque
université recevra, et cela se terminera dans la budgétisation.
C'est au point de vue de la mécanique nouvelle et des relations que l'on
pourrait avoir avec les universités. A l'intérieur de cette
mécanique, il va de soi que le Conseil des universités serait
consulté.
La deuxième partie est davantage liée à la formule
elle-même, où les règles budgétaires que nous avons
actuellement seraient modifiées et serviraient désormais
davantage de critères de référence et où on
identifierait différents programmes bien particuliers: enseignement,
recherche; à l'intérieur du programme enseignement, on pourrait
diviser par familles: sciences de la santé, sciences naturelles, etc.,
et on attribuerait des budgets en fonction de la réalité de
chaque université.
Ce serait donc l'abandon de la formule historique telle que nous la
connaissons actuellement depuis l'année 1969/70, pour tenir compte,
chaque année, dans l'allocation des ressources aux universités,
des montants d'argent qui ont été effectivement donnés et
dépensés dans chaque université l'année
précédente, en tenant compte des indexations et des
développements confiés à chaque université dans
chacun des principaux secteurs.
M. Léger: Et l'objectif que vous voulez atteindre par
cette nouvelle formule répondrait un peu à ce que vous avez mis
comme interrogation dans votre manuel du Conseil des universités, en
disantque les universités actuellement présentaient des
états financiers selon des normes différentes...
M. Cloutier: C'est cela.
M. Léger: ...ce qui rendait les comparaisons
difficiles.
M. Cloutier: Oui, mais cela prend du temps avant parce
qu'on a connu le même problème à tous les niveaux
d'arriver à rationaliser tout cela.
M. Léger: On parlait de l'université McGill et,
tantôt, j'avais commencé à poser une question dans ce sens,
concernant la faculté d'agriculture...
M. Cloutier: Oui...
M. Léger: ...de McGill. Il avait été dit
dans votre volume que l'université McGill...
M. Cloutier: Quand vous parlez de notre vol urne ou de notre
manuel, là...
M. Léger: Du volume du Conseil des universités,
excusez-moi.
M. Cloutier: ...vous parlez du rapport du Conseil des
universités.
M. Léger: D'accord.
M. Cloutier: Je ne veux pas qu'on confonde avec le manuel de la
CEQ.
M. Léger: Non, non! D'ailleurs, je ne peux pas dire que
tous les vol urnes ou tous les rapports que le ministre nous donne, ce sont ses
rapports, parce qu'il en dépose quelques-uns qu'il n'accepte pas.
M. Cloutier: Cela va continuer.
M. Léger: Cela ne veut pas dire que tous les volumes, ce
sont ses volumes.
On disaitque l'université McGill s'était engagée
à déménager sa faculté d'agriculture sur son campus
du centre-ville. Elle ne l'a pas fait et ceci amène quand même une
dépense ou une réclamation supplémentaire tant que ce
n'est pas fait. Quels sont les gestes concrets que le ministère va faire
pour que ce soit réellement fait cette année, tel que
recommandé?
M. Cloutier: Je ne sais pas si je peux l'annoncer. Le
problème est en train d'être réglé; il le sera d'ici
24 ou 48 heures. Je peux donner des orientations, mais je ne veux pas faire de
déclaration à ce stade-ci. La situation était d'une
complexité extrême, parce que le Collège Macdonald avait
été créé à la suite d'une dotation qui
comportait un certain nombre de conditions. Il y a une fondation qui conserve
des droits sur le campus et il y a eu plusieurs formules d'envisagées.
Nous avons, pour notre part, rejeté la formule de
déménager la faculté d'agriculture dans le centre-ville,
parce que cela comportait des coûts considérables; on nous faisait
une demande de construction accrue.
Actuellement, ce qui est en discussion entre l'université McGill,
les représentants de la fondation et le ministère, qui est
là surtout en tant qu'observateur, c'est un arrangement par lequel le
CEGEP John Abbott utiliserait les bâtiments du collège de
l'agriculture, avec les transformations requises, de manière
à installer leur CEGEP, alors que le reste du campus serait
utilisé et adapté par le collège de l'agriculture. C'est
à peu près cela comme situation.
M. Léger: Merci. Quels sont les montants consacrés
cette année à la recherche et l'expérimentation en
formation des maîtres, sans doute à l'extérieur du cadre
universitaire, selon la recommandation du Conseil des universités?
M. Cloutier: II faudrait préciser un peu cette
question.
M. Léger: Cela concerne le bilan des ressources
consacrées à la formation des maîtres, aux pages 112 et
114, où on demande une formation des maîtres à
l'extérieur du corps universitaire. Je vais chercher où j'ai vu
cela.
M. Cloutier: Nous avons des programmes de formation des
maîtres dans le cad re du plan de développement des langues.
Est-ce qu'il s'agit du volet français, langue maternelle?
M. Léger: Je l'ai ici. Dans le programme
précédent, on demandait qu'à cause de l'insuffisance de
connaissances dans différents domaines la réforme de la formation
des maîtres soit étayée par un effort de recherches
intenses, surtout par le ministère de l'Education. On dit ici que,
parallèlement à ce programme de développement de la
recherche orientée en formation des maîtres, il y ait place pour
la recherche libre, traditionnelle émargeant du programme FCAC; que le
ministère de l'Education prévoie, dès que possible, dans
les enveloppes FCAC et nouveaux programmes, des sommes permettant de soutenir
le développement à la recherche et l'expérimentation des
programmes en formation des maîtres.
M. Cloutier: II y a une somme de $600,000 qui est
consacrée à cette initiative, dans le cadre de notre fonds de
recherche d'action concertée dont on a parlé tout à
l'heure. Ce sont les explications q ue nous avons données.
M. Léger: D'accord. Maintenant, concernant les
négociations syndicales-patronales au niveau universitaire, le ministre
a-t-il l'intention, en consultation avec les intéressés, de
penser à une formule de négociation nationale au lieu de
négociations fragmentées par université? Dans quelle
direction le ministre s'en irait-il?
M. Cloutier: C'est une bonne question. C'est une bonne question.
Jusqu'à maintenant, les universités qui ont négocié
sont, comme tout le monde, si on veut, limitées par le cadre de leur
budget. Contrairement à ce qui se passe aux autres niveaux
d'enseignement, où on est régi maintenant par la loi 95,
contrairement donc aux autres niveaux d'enseignement le ministère de
l'Education, le gouvernement comme tel n'est pas partie à la
négociation. C'est une tradition si on veut dans le monde universitaire
que c'en soit ainsi.
Et je pense que ni les universités, ni les syndicats, soit
d'enseignants, soit de professionnels, soit de soutien, le souhaitent, non plus
que le gouvernement pour l'instant, parce que l'évolution vers une
participation directe du gouvernement amènerait une négociation
forcément plutôt provinciale. On connaîtrait probablement la
même évolution qui a été connue dans les autres
niveaux et il semble important pour tout le monde de permettre de
préserver la personnalité et la spécificité des
universités.
Il est certain par ailleurs que pour certains personnels, je pense par
exemple au personnel de soutien, leurs syndicats, des diverses
universités, appartiennent à une même centrale. Finalement
les universités, que ce soit l'Université de Sherbrooke, dans ce
cas-ci son personnel de soutien, l'université Laval, l'Université
de Montréal, l'Université du Québec, ont affaire à
une même partie syndicale si on veut. Les demandes syndicales sont
analogues ou identiques.
M. Léger: Est-ce que cela voudrait dire une sorte de
négociation nationale où l'ensemble des syndiqués de
toutes les universités négocieraient avec l'ensemble des
universités et est-ce que le gouvernement serait l'animateur de cela ou
serait en dehors de cela?
M. Cloutier: Pour l'instant, tel que le code du travail le veut,
puisque la loi 95 ne s'applique pas dans ce cas, les unités syndicales
négocient avec leur employeur, c'est-à-dire en l'occurrence
chacune des universités.
Cependant, compte tenu du fait que ce type d'organisation syndicale
existe, que cette réalité existe, et que la province de
Québec de toute façon n'est pas un immense pays et que les
communications sont faciles, les universités entre elles se concertent
également pour faire les mêmes offres ou des réponses
analogues ou s'échanger de l'information d'une façon
continue.
Nous avons convenu avec les universités que, comme
ministère, nous suivrions l'évolution de ces situations. Un
mécanisme assez simple est en marche, qui existe à ces fins,
c'est-à-dire qu'il y a un répondant au ministère, auquel
les universités peuvent s'adresser le cas échéant. Mais ce
sont elles qui négocient.
Ce que nous voulons éviter bien sûr, c'est qu'il y ait des
négociations qui amènent des disparités trop grandes d'une
université à l'autre. Il faut que tout cela soit
harmonisé, mais nous avons préféré le faire par un
mécanisme de concertation.
M. Léger: Est-ce que le ministre ne croit pas que les
négociations sont quand même un peu, de façon informelle,
nationales? Je veux dire...
M. Cloutier: Quand vous dites nationales, vous voulez dire
provinciales.
M. Léger: Oui, quand je parle de nationales...
M. Cloutier: Non, non, c'est parce que ce sont les termes de la
loi, provinciales et locales.
M. Léger: C'est cela. C'est parce que vous êtes
ministre à l'Assemblée nationale.
M. Cloutier: Oui, oui, bien sûr, j'aime bien
préciser les mots pour le bénéfice du journal des
Débats; c'est pour cela parfois que je vous reprends sur le nom de
certains manuels, comme vous dites, pour qu'on sache de quoi on parle.
M. Léger: C'est cela, et pour la bonne
compréhension des discussions. Je disais que les syndicats deviennent
pratiquement uniques, c'est-à-dire qu'il peut y en avoir un qui peut
négocier dans chacune des universités. Mais les
universités se consultent quand même, d'une façon
informelle; cela devient quand même une négociation nationale,
entre guillemets, d'une façon informelle. Est-ce que ce ne serait pas
mieux de le faire de façon formelle? C'est une préoccupation que
j'ai, je ne dis pas que...
M. Cloutier: Oui, pour cette année, je crois qu'il y a
tout intérêt procéder comme on procède. D'abord,
vous savez, il existe une chose qui s'appelle l'autonomie des
universités. Je crois qu'il faudrait tenter de la conserver.
Cette autonomie donne lieu à la liberté académique,
permet une certaine concurrence entre institutions et il n'y a certainement pas
intérêt à centraliser dans ce domaine, peut-être
même moins là que partout ailleurs.
M. Léger: Maintenant, M. le Président, concernant
les subventions à des revues...
M. Saint-Germain: Excusez-moi, M. le Président. Sur les
relations de travail, j'aurais une question à poser.
M. Léger: Allez-y.
M. Saint-Germain: J'ai su, du moins d'après les journaux,
qu'il y a des professeurs qui ont acquis, par négociation, la
sécurité d'emploi. Personnellement, j'ai de la difficulté
à concevoir qu'un professeur d'université puisse conserver son
emploi indéfiniment, si on a conscience que, pour la qualité de
l'enseignement, bien souvent, il faut un personnel qui bouge et qui doit
bouger, à mon avis. J'aimerais demander au ministre ce qu'on en pense au
niveau du ministère de l'Education de cette question de la
sécurité d'emploi.
M. Cloutier: On pourrait peut-être faire le point d'abord
sur la situation au niveau universitaire, qui est tout de même un peu
particulière et, ensuite, je vous donnerai mon opinion.
Il faut dire que, pour les professeurs d'université, une forme de
sécurité d'emploi a toujours existé bien avant la
syndicalisation. D'une façon générale, dans les
universités nord-américaines et dans celles du Québec, la
permanence était acquise avec l'acquisition du titre de professeur
agrégé ou de titres analogues, en général
agrégé. L'agrégation intervenait cela variait selon
les universités, les départements
généralement après cinq ans ou un maximum de sept ans de
carrière. C'était le régime universitaire, pour prendre ce
mot, qui voulait cela, c'était un "pattern" nord-américain.
Alors, lorsque les professeurs d'université se sont
syndiqués, dans certains cas, les conventions qui ont contenu des
dispositions sur la sécurité d'emploi n'ont fait, en
définitive, que répéter ce genre de mécanisme de
permanence. Les discussions ont eu lieu autour de la durée d'emploi pour
acquérir la permanence plutôt que sur le principe qu'une
permanence pouvait être acquise pour un professeur
d'université.
Je pense que l'on peut dire que la moyenne actuelle, dans les
universités où il y a un syndicat ou où il n'y en a pas,
c'est cinq ans pour obtenir la permanence. Ce n'est pas un
phénomène récent; cela a toujours existé. C'est
l'état de la situation.
M. Saint-Germain: Merci.
M. Léger: M. le Président, j'étais en train
de demander au ministre, concernant les subventions aux revues scientifiques,
quels montants seront donnés en subventions à des revues
scientifiques et, entre autres, quelles seront ces revues.
M. Cloutier: Est-ce qu'on n'a pas déposé une liste
de nos contrats? Ah! ce sera dans le prochain avis. On peut déposer la
liste de l'année dernière. C'est lié aux avis du Conseil
des universités.
M. Léger: Maintenant, concernant la position du Conseil
des universités, quel est l'avis du ministre sur les deux propositions
suivantes: une concernant les structures d'accueil universitaire en relation
avec les CEGEP et aussi je lis celle qui dit que tout
problème de relation entre les deux niveaux d'enseignement et surtout
celui de la révision des structures d'accueil universitaire soient
abordés par le comité de liaison de l'enseignement
supérieur et de l'enseignement collégial dans le respect de
l'éducation permanente et que le comité de liaison assure, dans
le cadre de sa composition, une représentativité universitaire et
collégiale? L'autre aspect, c'est le financement des activités
qui ne conduisent pas toujours à des grades tels que définis
actuellement. Ce sont les deux recommandations sur lesauelles j'aimerais avoir
le point de vue du ministre.
M. Cloutier: On vous a déjà parlé de ce
comité de liaison en réponse à une question portant sur
l'articulation entre le collégial et l'universitaire. Nous pourrons y
revenir, si vous le souhaitez.
M. Léger: C'est-à-dire que vous l'avez
effleuré le sujet la dernière fois. En particulier, devant les
deux recommandations, concrètement, qu'allez-vous faire?
M. Cloutier: Cela existe déjà. Ce comité
existe. Ce comité fonctionne.
M. Léger: Vous dites qu'il existe, mais quand ils ont
publié leur brochure, il existait ou il n'existait pas?
M. Cloutier: II existait. Vous savez, il ne faudrait pas
prendre... Il y a beaucoup de recommandations de ces grands conseils qui
correspondent à des choses déjà faites. Le Conseil
supérieur de l'éducation m'a rendu un avis concernant la
réglementation de la loi 22. Il y avait quatre recommandations
là-dedans, et il y avait deux choses que l'on fait déjà
depuis deux ans. Il n'y avait rien de nouveau là-dedans. Il ne faut pas
s'étonner, ces organismes sont là pour réfléchi ret
pour faire des recommandations. Le ministère, lui, dans bien des cas a
déjà fait cela, suivant des évolutions parallèles,
ou ne juge pas opportun d'appliq uer ces recommandations. Ce comité
fonctionne bien, il fonctionne depuis déjà longtemps.
M. Léger: II y a déjà eu une recommandation
au ministre du Conseil supérieur de l'éducation concernant son
opposition à la fusion de l'université Concordia avec Sir George
Williams.
M. Cloutier: Je n'en ai pas tenu compte. Comme c'est mon devoir
de tenir compte ou de ne pas tenir compte, en fonction des problèmes
administratifs, de l'évolution d'un dossier, j'ai cru que cette
recommandation n'était pas fondée je ne sais pas s'il y a
intérêt à reprendre le débat mais se basait
même sur des calculs qui étaient discutables. Et
l'interprétation de la situation qui évoluait, d'ailleurs, depuis
des années, nous a portés à prendre une décision
différente.
M. Léger: Maintenant, concernant justement la fusion de
Loyola et Sir George Williams, la décision est définitive, elle
est prise?
M. Cloutier: Non seulement elle est prise, la fusion est
réalisée.
M. Léger: Maintenant, concernant les bourses de
perfectionnement pour le personnel enseignant, toujours dans le rapport du
vérificateur général de l'an dernier, on y lit que, d'une
part, aucun engagement à rembourser ne paraît dans les formulaires
et, d'autre part, qu'aucun compte à recevoir n'a été
prévu. Est-ce que des correctifs ont été apportés,
cette année?
M. Cloutier: Je n'ai pas le texte devant moi, mais je pense que
le texte auquel se réfère le vérificateur
général c'est la loi qui est toujours en vigueur, que
j'appellerai l'ancienne loi, pour le perfectionnement des maîtres. On
prévoyait une obligation, pour le bénéficiaire d'une
bourse, de s'engager à enseigner soit dans une école secondaire
publique, soit dans une école normale, etc. Cette loi date, je pense, de
1962, et elle est, à toutes fins pratiques, caduque. Ce n'est pas en
vertu de cette loi, maintenant, et depuis plusieurs années, que nous
accordons des bourses dites de l'enseignement supérieur, c'est en vertu
des crédits annuels du ministère de l'Education. Le montant des
bourses pour l'an prochain c'est $5,700,000.
M. Léger: $5 millions.
M. Cloutier: $5,700,000, oui. Les critères, il y a divers
programmes ou secteurs ou groupes de bourses qui sont prévus. Toutes ces
choses sont identifiées dans un guide, à l'intention des
étudiants. Mais il est resté, c'est exact, une équivoque
administrative, savoir...
M. Léger: ... formulaire.
M. Cloutier: ...si on accordait ces bourses en vertu de
l'ancienne loi ou tout simplement des crédits.
Ce que nous donnons, ce sont des bourses d'excellence. Alors que si on
se rapportait à cette loi, nous donnerions des bourses qui
constitueraient des espèces de contrats.
M. Léger: Je pense que le point de vue du
vérificateur n'était pas nécessairement sur le contenu,
mais sur les formulaires qui ne paraissaient pas...
M. Cloutier: Bien oui, cela ne paraît pas et cela n'a pas
à paraître, c'est cela une bourse d'excellence. Une bourse
d'excellence, c'est une bourse qui est donnée à un individu
à un certain niveau en fonction de sa performance académique. Il
y a des jurys indépendants qui statuent là-dessus.
M. Léger: On a parlé de recherche universitaire,
tantôt. Où en est la politique de coordination et
d'intégration de la recherche universitaire? Autrement dit, quelles
suites seront données aux études et, surtout, de l'avis que le
conseil des universitaires a déposé au ministre à
l'automne 1974?
M. Cloutier: II faudrait peut-être, là encore,
être un peu plus spécifique.
M. Léger: Bon.
M. Cloutier: Parce que ce sont des recommandations très
très générales, et le ministère n'a pas à
réagir instantanément devant des recommandations très
générales.
M. Léger: Disons donc à la page...
M. Cloutier: Nous en recevons plusieurs milliers par année
de recommandations, alors...
M. Léger: C'est pour cela que je demande votre avis.
M. Cloutier: Justement, c'est pour cela que je vous demande de
préciser exactement ce que vous voulez.
M. Léger: Voici: "Le conseil des universités de son
côté, sera en mesure d'adresser un avis au ministre de l'Education
sur la politique de recherche universitaire, dans le courant de l'automne 1974.
Il considère d'ores et déjà que nonobstant le léger
retard des travaux, le programme de travail a été respecté
sur ce point."
Alors, au terme des deux années d'activité, on parle de
coordination des programmes.
M. Cloutier: Nous n'avons pas encore reçu l'avis.
M. Léger: Ah!
M. Cloutier: Le conseil y travaille.
M. Léger: A la suite de la suspension des tests
d'admission aux universités, le ministre a confié l'étude
de la question au comité de liaison de l'enseignement supérieur
et collégial. Quand ces études vont-elles être
prêtes?
M. Cloutier: Bien, les tests sont supprimés et ils sont
supprimés pour de bon en ce qui concerne le ministère de
l'Education. Je crois qu'il ne revient pas au ministère de l'Education
de faire passer des tests de cette nature. Ceci ne constitue pas un jugement de
valeur sur les tests mêmes. Il s'agit des tests d'aptitude aux
études universitaires. Il semble bien qu'ils constituent un excellent
mode, je ne dirai pas de sélection, mais d'appréciation des
qualités de tel sujet à entreprendre tel type
d'études.
Il appartient aux universités de s'en servir si elles le
souhaitent.
M. Léger: Mais les tests sont disparus. Est-ce qu'il y a
autre chose d'équivalent?
M. Cloutier: Les tests ne sont pas disparus. Les
universités peuvent encore s'en servir. Je crois mêmeque
l'Université de Montréal s'en sert. Tout ce que j'ai voulu, c'est
éviter que le ministère, qui avait pris l'initiative dans le
passé de faire passer les tests aux étudiants qui le souhaitaient
au niveau collégial, le fasse, pour que la responsabilité soit
vraiment située là où elle doit être,
c'est-à-dire au niveau des universités.
M. Léger: Maintenant, un cas bien précis,
particulier, que j'ai vécu. Des adolescents qui désirent passer
du collégial à l'université doivent faire une demande
d'admission très tôt. Ils doivent même verser un montant, si
je me rappelle bien, de $15 ou quelque chose comme ça.
M. Cloutier: Pour l'inscription.
M. Léger: Pour l'inscription. Ils attendent pas mal
longtemps avant d'avoir leur réponse. C'est ce qui fait que, en
général, les étudiants, pour être certains
d'être admis à l'université, font leur demande à
deux universités. La première qui donne une réponse, si
c'est celle qu'il souhaite, il rejette l'autre. Il me semble que cela
crée un problème administratif aux deux universités de
savoir que la deuxième université, celle qui a été
la plus longue à accepter le choix de l'élève et qui
l'accepte, vient d'enlever une place à l'autre. Quand elle
l'apprend...
M. Cloutier: Le problème existe au niveau collégial
aussi. Au niveau collégial, il y a eu une entre- prise de coordination
sur l'île de Montréal, qui donne de très bons
résultats. Actuellement, au niveau universitaire, les universités
tentent de procéder de la même façon.
M. Léger: Mais quelle est cette coordination? M.
Cloutier: Un registre central.
M. Léger: Alors, les deux universités, admettons
l'Université du Québec et...
M. Cloutier: Toutes les universités.
M. Léger: Alors, un élève qui fait deux
demandes, cela va se rejoindre dans la machine là-bas?
M. Cloutier: C'est ça.
M. Léger: Mais cela est nouveau parce que...
M. Cloutier: Oui, c'est nouveau.
M. Léger: C'est nouveau de cette année?
M. Cloutier: De l'année dernière.
M. Léger: Quelle est la réaction quand on voit
qu'un élève fait une demande d'inscription à trois
universités?
M. Cloutier: Bien, ce n'est pas anormal. Ce qui est important,
c'est éviter qu'on bloque des places.
M. Léger: Mais le choix, à ce moment-là,
laquelle des trois universités va le faire?
M. Cloutier: Ah, bien! ça...
M. Léger: Parce qu'il y en a, soit à cause de la
proximité, d'un meilleur choix de cours, parcequ'on pense qu'une
université est plus reconnue, qui désirent telle
université en premier. Mais ils ne diront pas à la
deuxième université: Vous êtes en deuxième dans
notre choix personnel.
Alors, qu'est-ce qui détermine l'université qui va faire
son choix?
M. Cloutier: L'idée du registre central, des demandes
d'admission, ce n'est pas d'avoir un burea central d'admission; c'est d'avoir
un registrt c'est-à-dire une liste complète de toutes les
demandes d'admission qui ont été faites à toutes les
universités.
Le registre central reçoit toutes les demandes d'admission et les
achemine à l'université qui est marquée comme premier
choix de la part de l'étudiant. Si cette université l'admet,
immédiatement, son cas est réglé et les autres
universités reçoivent la liste des étudiants
déjà admis.
Si l'université qui représente le premier choix de
l'étudiant ne l'admet pas, selon sa politique d'admission, la demande
est transmise, acheminée immédiatement à
l'université de deuxième choix, et ainsi de suite.
Aussitôt qu'un étudiant se trouve admis par l'une des
universités dans ce processus en cascade, son nom est classé et
il est identifié comme ayant été admis, de sorte qu'une
troisième ou une quatrième université n'étudiera
pas son dossier, dès que son admission est acceptée quelque
part.
M. Léger: Mais l'étudiant ne dit pas dans sa
demande à l'université Laval ou à l'Université de
Montréal, entre autres: Vous êtes mon premier choix et j'ai fait
une demande ailleurs.
M. Cloutier: Oui, oui.
M. Léger: II ne le dit pas en général.
M. Cloutier: Oui, il le dit. Il indique ses choix: en
priorité, Laval, ensuite...
M. Léger: Vous avez des statistiques là-dessus vous
permettant de dire que la majorité le fait?
M. Cloutier: Oui, oui.
M. Léger: Parce que les étudiants que j'ai
rencontrés ne le faisaient pas.
M. Cloutier: Ils ne le font pas? Les formulaires des
universités, en général, le prévoient,
c'est-à-dire qu'il y a un espace pour indiquer le premier choix et le
deuxième choix.
Il y a tout intérêt à le faire, d'ailleurs.
M. Léger: Alors vous recommandez que les étudiants
disent leur premier choix.
M. Cloutier: Bien sûr.
M. Léger: Mais quant à l'inverse, l'étudiant
qui fait une demande à une seule université?
M. Cloutier: II peut être refusé.
M. Léger: S'il est refusé à celle-là,
est-ce qu'on va automatiquement l'admettre à une autre?
M. Cloutier: Encore faut-il qu'il le demande.
M. Léger: Non, mais c'est ça, l'inverse. Je viens
de donner l'exemple d'un étudiant qui s'inscrit à fois
universités, qui paie trois fois $15. A ce moment-là, vous dites
qu'il y a un choix puisque, si l'élève a marqué sa
préférence pour une université, il peut être
accepté à celle-là en premier et en deuxième
à une autre. Mais l'inverse, l'étudiant qui ne fait pas une
demande à trois endroits mais désire aller à telle
université et est bloqué, est-ce qu'automatiquement, il va
être admis dans une deuxième université pour laquelle il
n'a pas fait de demande?
M. Cloutier: II n'a pas fait de demande. Automatiquement, le
registre... Je ne dis pas que le mécanisme est parfaitement au point et
qu'il n'y a aucun dossier qui échappe, si on veut, mais, si un
étudiant a été refusé à son choix unique,
son nom circule dans toutes les autres universités. L'idée du
registre central, c'est évidemment de permettre la jonction des premiers
choix avec les politiques d'admission des universités mais
également de ne laisser aucun étudiant non admis nulle part.
Ainsi, à mesure que la liste diminue, à mesure que les admissions
sont prononcées, en cours d'été, il reste une liste
résiduelle, si on peut l'appeler ainsi, qui circule dans toutes les
universités. Et les étudiants sont avisés par les
universités qu'ils pourraient être admis chez elles.
M. Léger: Donc, ils sont un peu comme dans le
repêchage.
M. Cloutier: Bien sûr. Il y a un nombre donné de
places, alors il est bien évident que les facteurs d'excellence
académique jouent.
M. Léger: Mais on s'en va quand même, si vous me
permettez l'expression, vers un système d'inscription
générale à toute les universités.
M. Cloutier: On s'en va vers le mécanisme qu'on vous a
décrit. Ce n'est pas un système d'inscription
générale, c'est un registre central qui fonctionne comme on l'a
dit.
M. Léger: Parce que l'année dernière, une de
mes filles s'est inscrite à deux universités et elle a
été acceptée aux deux, mais à des dates
différentes. A ce moment-là, le registre n'a pas
fonctionné.
M. Cloutier: Bien oui, c'est parce qu'elle avait un bon dossier.
J'en félicite le député de Lafontaine.
M. Léger: C'est une de mes réalisations, il y a
plusieurs années.
M. Cloutier: Mais elle ne fréquente pas les deux
universités.
M. Léger: Non, non. Elle ne pouvait pas.
M. le Président, en ce qui concerne le domaine universitaire et
l'enseignement supérieur, j'aurais terminé. Peut-être qu'il
y a d'autres députés qui auraient d'autres questions, avant
d'adopter ce programme.
Le Président (M. Pilote): Le groupe 5, Enseignement
supérieur et Conseil des universités, programmes 11 et 12, est-il
adopté?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Pilote): Adopté.
Formation générale, gestion interne et
formation professionnelle des adultes
Le groupe 6, programme 13, Formation générale et
socio-culturelle des adultes.
M. Cloutier: Nous pouvons discuter des programmes 13, 14 et
17.
Le Président (M. Pilote): Oui. Les programmes
13, 14 et 17: Formation générale, gestion interne et
formation professionnelle des adultes.
M. Léger: M. le Président, je vais toucher, au
départ, au projet de Multi-Media. Est-ce que le ministre pourrait
déposer je pense bien qu'il n'a pas cela par coeur la
liste de tous les projets Multi-Media par région?
M. Cloutier: Avec plaisir, M. le Président. Je me suis
longuement expliq ué sur Mu Iti-Media dans mes remarques
préliminaires. J'ai consacré au moins une dizaine de minutes.
M. Léger: Vous allez la déposer au cours de la
journée?
M. Cloutier: Oui. On va déposer cela ce matin.
M. Léger: D'accord.
Concernant Multi-Media, dans la région de la rive sud, il semble
qu'il y a eu une démission des 18 permanents, dont 13 animateurs. Dans
ce domaine, je pense qu'il y avait un budget de près de $239,000, si je
ne m'abuse, et qu'il y avait près de 69 groupes de travail. Le ministre
peut-il nous dire où on est rendu? Quelle est sa perception des
événements? Quelle solution peut-il apporter là?
M. Cloutier: Pour le moment, on vient seulement de me remettre un
rapport que j'avais demandé sur la situation. Il n'y a pas d'action
précise envisagée. Il semble y avoir des problèmes de
personnalité. C'est à la suite du départ du coordonna-teur
régional, semble-t-il. Il y a des divergences, en ce qui concerne la
façon dont le rapport est administré. Je suis très heureux
que le député de Lafontaine me pose cette question, parce que le
programme que nous avons vise non pas à la politisation du milieu, mais
des actions de formation. Sans prononcer de jugement de valeur, on peut croire
qu'un certain nombre des démissionnaires avaient plutôt dans
l'esprit des actions de politisation. Ce n'est pas compliqué du tout.
S'il s'agit d'action de politisation, on va tout simplement fermer Multi-Media,
sur la rive sud, et le problème sera réglé.
Il n'est pas question de permettre, comme je l'ai dit au début de
mes remarques, qu'on utilise les programmes gouvernementaux, avec des fonds
publics, pour dépasser ces fins et ces objectifs clairement
indiqués.
M. Léger: Je pense qu'il y aurait une question de
définition de termes, quand on parle de politisation. Je pense qu'il y a
une politisation partisane à un parti, une politisation partisane
à une idéologie. C'est une forme de politisation qui peut
être plus ou moins acceptée, je dis bien plus ou moins. Mais je
pense que le terme Politisation, avec un grand P, consiste souvent à
faire prendre conscience à une population, qui a des problèmes
concrets, quotidiens, réguliers, personnels ou collectifs, dans un
certain milieu donné, et qui ne sait pas comment se débrouiller
devant des obstacles qui, pour elle, semblent insurmontables, et est
impuissante à réa- gir devant des décisions
gouvernementales, à quelque niveau que ce soit: municipal, provincial ou
fédéral. Une politisation, c'est faire comprendre à ces
gens qu'ensemble ils peuvent prendre des moyens de pression qui sont absolument
légitimes, qui ne correspondent pas à une partisanerie d'un parti
politique, mais à une façon de percevoir un changement dans la
société, de leur environnement immédiat, changement
possible, pourvu qu'ils se tiennent ensemble. Et quand Multi-Media joue ce
rôle, c'est sûr que, parfois, cela peut vouloir mettre des
pressions sur un gouvernement municipal, et cela peut parfois mettre des
pressions sur un gouvernement provincial, où un ministère du
gouvernement actuel peut être directement impliqué. A ce moment,
je ne voudrais pas qu'on conclue que c'est de la partisanerie politique et que
ce sont des activités politiques qu'on doive condamner.
Je pense qu'un gouvernement doit être au-dessus de ces choses et
doit faire les nuances.
M. Cloutier: La frontière est étroite. M.
Léger: Oui, je l'admets.
M. Cloutier: Elle est très étroite entre des
activités d'animation, qui facilitent des prises de conscience à
des groupes souvent marginaux et une politisation à outrance, surtout
dans le contexte québécois, avec les agitations que nous avons
connues depuis 1970 et même depuis 1965. Parce que la frontière
est étroite, je crois qu'un gouvernement responsable se doit d'exercer
une extrême vigilance.
C'est la raison pour laquelle, contrairement au programme initial de
Multi-Media, j'ai souhaité le restreindre aux régions pilotes
où il avait commencé à s'implanter jusqu'à ce que
j'aie une évaluation satisfaisante, ce que je n'ai pas encore obtenu.
C'est la raison pour laquelle j'ai également voulu que l'on
intègre la structure administrative de Multi-Media à la Direction
générale des adultes, non seulement pour contrôler les
fonds publics, mais également pour que le dynamisme réel de
Multi-Media puisse servir a tous les autres programmes d'éducation des
adultes. C'est la raison pour laquelle je considère que Multi-Media, une
fois qu'il aura fait la preuve de sa valeur sur le plan des moyens, sur le plan
des approches pédagogiques, devrait probablement disparaître pour
être intégré par les instances locales, en particulier les
commissions scolaires.
Je me suis longuement expliqué là-dessus. Je ne crois pas
qu'il y ait lieu de changer d'idée. S'il y a des difficultés sur
la rive sud, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous allons voir de quoi
il retourne et, si nécessaire, nous mettrons fin au programme.
M. Léger: Comme de raison, le ministre vient de
dire...
M. Cloutier: C'est clair.
M. Léger: ...justement que la cloison est très
étroite et l'appréciation peut être difficilement
objective.
M. Clou tier: Oui.
M. Léger: Elle peut être objective, mais elle peut
être difficilement objective.
M. Cloutier: C'est exact.
M. Léger: C'est difficile pour n'importe quel ministre
d'un gouvernement; voyant que des individus se servent des moyens que
Multi-Media peut leur donner pour unir leurs forces et faire pression pour
changer des politiques pour changer des politiques gouvernementales, cela peut
être interprété comme une politisation partisane.
M. Cloutier: Je ne suis pas sûr, M. le Président,
qu'il appartienne au ministère de l'Education de favoriser ce genre de
processus. Je ne veux pas restreindre le rôle du ministère de
l'Education uniquement à un rôle de transmission des
connaissances, mais je ne suis pas sûr, je le répète, qu'il
ait pour fonction de déterminer ce genre de changements sociaux par ces
méthodes. Comme je le disais, la frontière était tellement
étroite que je crois qu'un gouvernement doit quand même maintenir
l'ordre dans une société. C'est la raison pour laquelle je me
suis interrogé dès le début sur le programme Multi-Media
qui, à mon sens, a été lancé avec beaucoup trop
d'enthousiasme et sur des assises peut-être trop théoriques. Puis,
j'ai pris un certain nombre de mesures; j'en prendrai d'autres, si
nécessaire. Je ne voudrais pas qu'on interprète cela comme une
brimade envers des forces vives qui sont parfaitement sincères. Mais,
d'autre part, il n'est pas possible de laisser se continuer un certain nombre
de pressions et de revendications qui ne sont pas toujours fondées et
qui, de toute façon, ne sont pas toujours dans l'intérêt
général.
Or, malgré toute la bonne volonté de la majorité de
ces animateurs, il n'y a pas de doute que l'on excite les esprits dans
certaines régions. J'ai pris connaissance, avec stupéfaction, de
certains articles dans la gazette de Multi-Media. Je crois qu'il était
de mon devoir de me demander s'il appartenait au système
d'éducation de favoriser une telle contestation.
M. Bonnier: M. le Président, si vous me le permettez, il
semble que cette question s'inscrit dans la philosophie même, disons, de
la section d'éducation ou de formation socioculturelle à
l'intérieur du ministère de l'Education.
Si on s'en souvient, lorsque cette section a été mise sur
pied, cette direction générale, il y avait eu,
précédemment, une étude qui avait été
confiée à un certain comité de gens qui avaient
été engagés dans l'éducation des adultes. Le
comité portait le nom de Ryan, mais il y avait Gérald Fortin
là-dedans et il y en avait d'autres. Le comité avait, à
mon avis, fait une recommandation fort pertinente qui disait que ce
n'était pas le rôle de l'Etat, que ce ne serait pas le rôle
de l'Etat, de cette nouvelle direction générale de remplacer les
organismes volontaires qui existaient dans le domaine de la formation des
adultes sur le plan socio-culturel, ou même économique, et que ce
serait beaucoup plus le rôle de cette Direction générale de
l'éducation permanente d'épauler des initiatives ou des
facilités, peut-être, dans certains cas, que, de les
remplacer.
Or, ce qui est arrivé, c'est peut-être que la direction
générale, à un moment donné, a pris des initiatives
et, à mon avis, l'Etat, à ce moment-là, a pris la
responsabilité des organismes volontaires. Je pense que dans une
démocratie qui se respecte, il est normal qu'il existe un certain nombre
d'organismes volontaires, mais il n'est pas normal que ce soit l'Etat qui
prenne la place de ces organismes et joue leur rôle. C'est
peut-être à cause de cela et dans cette même philosophie que
Multi-Media, à mon avis, n'a pas respecté cette philosophie
générale de l'orientation des responsabilités de l'Etat
dans le secteur de l'éducation permanente. On l'a vu dans d'autres
domaines, par exemple, l'éducation à la consommation, où
l'Etat, malheureusement, a pris la place. Même dans l'éducation
familiale, je pense, l'Etat a pris la place de certains organismes plutôt
que de les aider à être vivants et à fonctionner
normalement.
M. Cloutier: Je pense que j'ai clairement indiqué ce que
nous pensions de la situation.
M. Léger: Je vois, dans les sommes affectées au
programme 13, une diminution radicale de $9 millions à
l'élément Formation dans les organismes et une petite
augmentation mineure à l'élément Formation Multi-Media.
Pour quelle raison cette diminution est-elle si forte à
l'élément Formation dans les organismes?
M. Cloutier: Avant de répondre à cette question,
nous quittons le terrain de Multi-Media.
M. Léger: Excusez-moi. Si on quitte, non, c'est parce que
les deux chiffres étaient en face l'un de l'autre.
M. Cloutier: II ne s'agit pas de la même chose.
M. Léger: D'accord. Je reviendrai sur celle-là
tantôt. Je voudrais revenir à Multi-Media. Est-ce que le ministre
peut nous donner des exemples de contestation inacceptable qui aurait
été faite par Multi-Media, des exemples concrets de cela?
M. Cloutier: L'exemple de la rive sud. L'enquête n'est pas
terminée, mais ce semble clair. Le coordo-nateur, qui est le directeur
adjoint de la Direction générale des adultes, a toujours
tenté de mettre de l'avant le programme Multi-Media tel quel,
c'est-à-dire un programme qui débouche sur des actions de
formation, sur des activités éducatives et non sur de la
politisation. Or il semble qu'il y ait eu un conflit avec le coordonateur
régional nous parlons toujours de la rive sud et
qu'à la suite du départ de ce coordonateur, il y a un certain
nombre d'animateurs qui ont décidé de démissionner.
C'est très simple, ils ne seront pas réengagés.
Il n'est pas question de permettre que Multi-Media se transforme en un
instrument de politisa-
tiontel que le comprennent un certain nombre d'individus au
Québec.
M. Léger: Mais ce n'est pas un exemple concret. Vous avez
à ce jour une personne qui démissionne et les autres qui suivent.
Donnez-nous un exemple concret où on aurait utilisé Multi-Media
pour faire réellement un travail politique, non pas dans le sens de
politisation des gens à leurs problèmes, mais un sens très
politique que le ministre refuse d'accepter. Un exemple concret de cela
à ce jour.
M. Cloutier: Je ne parle pas de politisation partisane, moi non
plus, n'est-ce pas. La fonction d'un ministère de l'Education est-elle
d'aller susciter le désordre dans certaines régions? Est-elle
d'aller exciter les esprits, souvent à partir de problèmes
réels, alors qu'il existe d'autres canaux de communications? Je
m'interroge là-dessus.
Je n'ai pas l'intention de donner d'exemple précis parce que
j'attends le rapport d'évaluation que j'ai demandé au
coordonnateur général. Je ne l'ai pas encore reçu.
M. Léger: A ce jour, vous n'avez pas de cas précis
où l'instrument de Multi-Media aurait permis d'exciter les esprits et de
créer le désordre?
M. Cloutier: Je n'ai pas l'intention d'en faire état dans
le cadre de cette discussion des crédits. J'attends le rapport...
M. Léger: Où est-ce qu'on peut en discuter si ce
n'est pas ici?
M. Cloutier: Discutons-en, mais je vous dis que je ne vous
donnerai pas d'exemple précis parce que j'attends le rapport d'ensemble.
Je ne veux pas commencer une chasse aux sorcières, je ne veux pas
commencer à dire que tel petit groupement dans le Nord-Ouest, dans le
domaine des affaires sociales, a peut-être dépassé les
bornes. Ce n'est pas de cette façon qu'on administre sainement.
J'ai demandé une évaluation de tout le programme. Une fois
que j'aurai cette évaluation en main, je verrai si Multi-Media doit
continuer, s'accroître ou disparaître.
M. Léger: Avant que le ministre prenne la décision,
après son rapport, de le diminuer, de le faire disparaître ou de
l'accroître, est-ce que le ministre va déposer les rapports lui
permettant de prendre cette décision, de façon que la population
sache pourquoi exactement cette décision est prise?
M. Cloutier: M. le Président, je ne sais pas si je
déposerai le rapport. Je verrai à ce moment-là. Mais il
est bien évident que je souhaiterai un débat, cela ne me
gêne en rien.
M. Léger: Parce que...
NI. Cloutier: La démocratie permet aux partis d'Opposition
de se prévaloir de leurs droits; on peut très bien faire une
motion de censure; on peut très bien demander un débat d'urgence
sur une question qui paraît assez importante.
M. Léger: J'ai eu une expérience très
heureuse et très positive, et très objective, de Multi-Media.
M. Cloutier: II y en a.
M. Léger: On en avait parlé l'autre fois, entre
autres, et je donne un exemple d'un travail d'éducation des adultes
à leurs problèmes afin de les aider à évaluer leurs
problèmes. Je pense que trop de citoyens subissent très fortement
des pressions dans la société où ils vivent
quotidiennement.
Ils n'ont pas la facilité de l'exprimer, mais ils le ressentent
fortement. Je donne l'exemple de Rivière-des-Prairies, dans mon
comté, où des citoyens avaient été
homologués et pour une quantité énorme. Lors des
assemblées mensuelles que je fais dans mon comté avec mes
électeurs, j'avais décidé, un jour, de faire une
assemblée ayant comme thème précis l'homologation dans
Rivière-des-Prairies. A ma grande surprise, au lieu de n'avoir qu'une
centaine de personnes, à cette assemblée, comme j'en avais
habituellement, j'en ai eu près de 500. Ils étaient 500
propriétaires qui avaient été homologués et chacun
se pensait, pratiquement le seul à être homologué. Ils ne
l'avaient pas appris de la ville de Montréal et c'est uniquement quand
ilsontvoulu faire des améliorations de leur maison ou qu'ils ont voulu
vendre leur maison, qu'ils avaient besoin, à ce moment, d'un permis de
la ville ou d'un renseignement de la ville, qu'on leur disait; Vous ne pouvez
pas faire d'améliorations sur votre maison, parce que vous êtes
homologué. La personne était très malheureuse, mais
gardait cela en elle-même, ne sachant pas comment se débrouiller.
Quelques-uns étaient venus me voir à mon bureau et j'ai dit: On
va en parler dans votre région.
Le mois suivant, à la réunion, il y avait près de
500 personnes qui étaient homologuées pour des raisons
différentes. A ce moment, Multi-Media est venu les aider à
s'organiser ensemble de façon à faire pression auprès de
la ville de Montréal, pour que tous les propriétaires
homologués soient renseignés là-dessus et connaissent
leurs droits. Pendant ce temps, le ministère des Transports, ici
à Québec, présentait un projet de loi sur l'homologation.
A ce moment, Multi-Media a réuni les propriétaires, a pu
utiliser, parles ressources qu'il avait, des envois postaux pour déceler
tous les propriétaires, parce que la ville de Montréal ne voulait
pas donner l'ensemble des propriétaires. D'une façon
administrative, elle désirait transiger uniquement avec chacun de ces
propriétaires, sachant qu'un individu, une bonne vieille personne ou une
bonne veuve qui est prise avec sa maison et qui a peur, qui ne connaît
pas ses droits, c'est beaucoup plus facile de lui dire: On vous exproprie
à ce montant ou on vous a homologuée pour cinq ans, avec une
possibilité d'un renouvellement de l'homologation pour dix ans et la
personne était complètement prise dans ce système. C'est
là que Multi-Media est venu, a réuni les propriétaires et
ajustement permis une discussion,
je dirais en ayant un genre de leadership non pas autocratique, mais
démocratique. En effet, sur le contenu, Multi-Media n'est pas intervenu
du tout, mais on l'a fait sur la procédure permettant à chacun
des propriétaires de s'exprimer. On sait que ce n'est pas facile,
souvent, pour une personne qui a un degré d'instruction plus ou moins
avancé, mais qui ressent bien les problèmes, de les exprimer
clairement et d'être capable de déceler la nature et la constante
qu'on découvrait dans chacun des problèmes, à travers les
explications de chacun de ces propriétaires.
Et, à ce moment-là, il y a eu une action collective
exigeant de Montréal et du maire Drapeau d'envoyer une personne
ressource responsable pour renseigner les gens. Ce groupe, grâce à
Multi-Media, est venu recontrer le ministère des Transports, qui s'est
penché sur leurs problèmes.
Cela n'est pas encore réglé mais c'est en voie de
solution. Cela n'aurait pas pu se faire s'il n'y avait pas eu un organisme,
comme Multi-Media pour permettre aux gens de déceler ensemble leurs
problèmes et voir la force, je dirai la force politique non partisane
qu'ils ont de faire pression auprès des organismes élus. Ceux-ci,
souvent, ont des préoccupations beaucoup plus administratives
qu'humaines et ils ont été obligés de tenir compte de
cette force des citoyens qui, ensemble, pouvaient être capables de
trouver des solutions à leurs problèmes.
Alors, Multi-Media, avant qu'il disparaisse, doit nécessairement
être surveillé davantage puisqu'il y a des dépenses qui
sont faites là-dedans. Mais je pense que cette politisation est dans le
bon sens de la politisation, et non pas une politisation partisane, vers
laquelle le ministre craint qu'il puisse se diriger.
M. Cloutier: L'exemple, que vient de donner le
député de Lafontaine, n'est certainement pas un exemple de
politisation partisane. C'est certainement un exemple positif. Cependant, je
continue de m'interroger. Revient-il à un ministère de
l'Education de favoriser l'apparition de groupes de pression, quitte à
leur donner un leadership parfaitement neutre? Je suis loin d'en être
sûr.
Je ne dis pas que Multi-Media ne vient pas d'une idée
généreuse. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de
nécessité dans la population d'une fonction analogue. Mais je dis
simplement que je ne suis pas sûr que ce soit le rôle du
ministère de l'Education ou des organismes qui en dépendent. Je
sais bien qu'on ne peut pas restreindre l'éducation à la seule
transmission des connaissances. Mais il y a une différence entre la
transmission des connaissances, une éducation et la stimulation de
groupes de pression pour faire valoir des droits qui peuvent être
parfaitement fondés.
M. Léger: M. le Président, je pense que la formule
de Multi-Media est la version québécoise de projets
fédéraux, comme Initiatives locales ou Perspectives-Jeunesse, qui
permettent d'avoir un rôle social plus avancé et la participation
des citoyens à la solution de leurs problèmes.
Si ce n'est pas le ministère de l'Education qui le fait, qui
est-ce qui va le faire? Est-ce qu'on va laisser le champ libre au gouvernement
fédéral pour qu'il embarque dans un domaine qui est de
compétence provinciale et qu'il utilise son pouvoir de dépenser
dans un domaine comme celui-là?
M. Cloutier: II s'agit de...
M. Léger: Pour ma part, je ne sais pas...
M. Cloutier: ... deux approches complètement
différentes. Le programme Multi-Media est un programme qui, par
l'intermédiaire de fonctionnaires et d'occasionnels, intervient
directement dans le milieu.
Je souhaite qu'il le fasse de la façon objective dont parle le
député de Lafontaine. Je sais pertinemment que ce n'est pas
toujours le cas, précisément parce que la frontière est
ténue entre la sensibilisation et la politisation. Les programmes
fédéraux, qui sont des programmes des plus intéressants
sur le plan social, dont parle le député de Lafontaine, sont des
programmes de subvention à des groupes, mais il n'y a pas intervention
de l'Etat pour dire à ces groupes quoi faire, pour les diriger. C'est la
raison pour laquelle je considère que la comparaison ne tient pas. Je ne
vois pas du tout pourquoi on essaie de placer cela sur le plan des relations
fédérales-provinciales. A mon avis, ce n'est pas pertinent.
M. Léger: Ce que je veux dire, c'est que le
fédéral a jugé bon, dans son pouvoir de dépense, de
faire des projets style Perspectives-Jeunesse, Horizons Nouveaux, Initiatives
Locales, qui sont souvent temporal res et qui, trop souvent, sont des
intrusions politiques chez les gens pour essayer d'attirer de la
popularité au gouvernement. Ce ne sont que des espoirs limités
qui ont des lendemains souvent abrutissants et désolants pour ceux qui
avaient mis leur espoir là-dedans. Par contre, au sujet d'un programme
permanent, de présence permanente et de disponibilité permanente
auprès des citoyens, comme Mu Iti-Media pourrait l'être, dans une
société de I975 où les gens ont besoin de participer
à la solution de leurs problèmes, je ne voudrais pas que le
ministre nous arrive avec la conclusion, bientôt, parce qu'il y a
là des abus, un ou deux abus quelque part et que cela va bien ailleurs,
qu'on doive faire disparaître le programme et le limiter. C'est
là-dessus que mon intervention a été faite.
M. Cloutier: C'est-à-dire qu'on mélange les
problèmes. On ne peut pas vraiment comparer Initiatives Locales ou
Perspectives-Jeunesse avec l'approche de Multi-Media. Soit dit en passant, je
partage les réserves du député de Lafontaine en ce qui
concerne les programmes fédéraux. Je crois également qu'il
y a des difficultés qui sont inhérentes à la nature
temporaire de ces programmes. On éveille des espoirs qu'on ne peut
toujours maintenir et c'est là souvent un ferment d'agitation, mais je
persiste à croire que nous avons tort de mêler les
problèmes.
En ce qui concerne Multi-Media, je n'ai pas
l'habitude de prendre des décisions à la
légère. Soyez convaincu que si une décision est prise,
elle sera prise après une évaluation complète. Si la
décision avait été prise à la légère,
elle aurait été prise il y a deux ans. C'est
précisément parce que j'ai voulu donner sa chance au programme
Multi-Media qu'elle n'a pas été prise. Ce n'est pas parce qu'il y
a des abus ici et là que nous allons y mettre fin. Mais le
problème est plus fondamental encore que cela. J'ai posé la
question à deux ou trois reprises. Est-ce le rôle du
ministère de l'Education et où s'arrête le rôle du
ministère de l'Education? Est-ce que le ministère de l'Education
va assumer tous les problèmes sociaux dans une société?
Est-ce qu'à ce moment-là, il ne deviendra pas le bouc
émissaire? Est-ce que ce n'est pas le cas actuellement?
Le Président (M. Pilote): A l'ordre, messieurs! Je
voudrais mentionner qu'il est midi cinq et que nous devions ajourner à
midi, parce que nous avons un caucus à midi et que le parti de
l'Opposition, je pense, en a un également.
M. Léger: Bien, écoutez, moi, je n'aurais que...
Peut-être qu'on pourrait revenir, j'en aurais peut-être encore pour
une demi-heure, trois-quarts d'heure au maximum.
M. Cloutier: Pour terminer?
M. Léger: Pour terminer l'ensemble, sauf le
haut-commissariat.
M. Cloutier: Sauf le haut-commissariat, qui sera discuté
à part. Si le député de Lafontaine pense qu'on peut
terminer les crédits d'ici une demi-heure, on pourrai probablement
terminer.
Une Voix: On a un caucus.
M. Léger: Des deux côtés.
M. Cloutier: Dans ce cas, on peut reprendre après la
période des questions.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Pilote): S'il y a possibilité
après la période des questions, mais c'est la journée des
députés aujourd'hui.
M. Cloutier: C'est la journée des députés,
alors cela nous oblige à revenir demain.
Le Président (M. Pilote): Mais est-ce que le
député...
M. Bonnier: II peut quand même y avoir une commission, M.
le Président.
Le Président (M. Pilote): Est-ce que le
député de Lafontaine serait prêt à revenir vers les
cinq heures, pour terminer à six heures?
M. Cloutier: Bien, cela pourrait être avant cinq heures.
J'espère que ce serait à quatre heures.
M. Léger: Quatre heures. Le Président (M.
Pilote): Oui.
M. Cloutier: Aussitôt après la période des
questions, si l'Assemblée nous en donne la permission.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses
travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 4)
Reprise de la séance à 16 h 17
M. Lafrance (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs!
Nous reprenons l'étude des crédits du ministère de
l'Education. Nous l'avons laissée avant la période du lunch,
c'est-à-dire aux programmes 13,14 et 17.
M. Léger: M. le Président, nous avions
décidé de voir en même temps les programmes 13, 14 et 17.
Il me reste quelques questions ici pour terminer cette partie.
Le ministre peut-il nous dire pour quelle raison on a
procédé à des coupures radicales dans les budgets
affectés à l'éducation aux adultes, et, par exemple, dans
l'Outaouais, la régionale devra couper ses services à 1,500
personnes, la régionale scolaire Tardivel devra couper un pourcentage de
cet ordre? Quelles sont les raisons qui ont amené toutes ces
coupures?
M. Cloutier: Disons que, brièvement, cela peut venir de
plusieurs causes. Cela dépend un peu du genre de programmes. Il peut
arriver, lors des cours de formation professionnelle, entre autres, que la
détection des besoins, qui se fait annuellement, a
déterminé qu'il y avait moins de besoins dans telle
catégorie de cours ou dans telle région, ce qui affecte, à
un certain moment, certaines institutions, dont peut-être celles que vous
venez de mentionner.
Par ailleurs, disons que l'accent est mis davantage, maintenant, sur la
formation professionnelle dans un certain nombre de cours, et moins sur la
formation générale à temps plein. C'était plus
facile d'avoir des cours de formation générale à temps
plein dans un bon nombre d'institutions. Lorsqu'on passe à des
spécialités professionnelles, ce ne sont pas toutes les
institutions qui donnent ou dispensent des cours de telle ou telle nature, ce
qui fait qu'à ce moment, il y a une concentration de cours plus en
demande chez certaines institutions et moins à d'autres.
M. Léger: Mais pour ces régions en particulier,
est-ce qu'il y avait d'autres raisons majeures, particulières ou
pertinentes à ces régions?
M. Cloutier: Vous mentionnez Tardivel...
M. Léger: Tardivel et, dans l'Outaouais, la
régionale de l'Outaouais.
M. Cloutier: Ecoutez! Je ne saurais dire si le fait d'être
dans telle région amène, nécessairement, une
réduction par rapport à d'autres régions, mais disons que
c'est un fait que la spécialité n'est pas dispensée
partout de même façon. Cela a peut-être affecté,
à ce moment-là, d'une façon peut-être un peu
considérable, certaines institutions qui ne la dispensent pas. C'est
plutôt de ce côté qu'il faut chercher la raison, je
pense.
M. Léger: Pourriez-vous, de toute façon,
vérifier pour ces deux cas...
M. Cloutier: Oui.
M. Léger: ... et peut-être, soit par correspondance
ou par dépôt, me donner des renseignements plus particuliers parce
que dans le moment, vous me donnez une réponse d'ordre
général ou de politique générale.
M. Cloutier: Nous ne pouvons donner qu'une réponse d'ordre
général parce que nous n'appliquons pas ces programmes
nous-mêmes. Ce sont des situations locales, mais nous allons
vérifier et nous allons écrire au député à
ce sujet.
M. Léger: Parfait.
M. Cloutier: Puis-je en profiter, d'ailleurs, pour déposer
un document que le député de Lafontaine a demandé, ce
matin, concernant les activités de Multi-Media.
M. Léger: D'accord. Il semble que la direction de
l'éducation permanente du ministère devait ouvrir au printemps de
1974 un bureau permanent à Sept-lles avec une secrétaire à
plein temps et un représentant à demi-temps. Or d'après
certaines sources, rien n'a encore été fait. Le ministre peut-il
nous donner les raisons?
M. Cloutier: Vous voulez dire que le ministère devait
ouvrir un bureau à Sept-lles?
M. Léger: Je vais vous lire...
M. Cloutier: Pas du tout. J'aimerais bien savoir d'où vous
tenez vos renseignements.
M. Léger:... une lettre de M. Fabien Migneault,
président du secteur de Sept-lles qui écrivait...
M. Cloutier: Ce n'est certainement pas le bureau régional
du ministère.
M. Léger:... au recteur de l'Université du
Québec à Chicoutimi: "Le secteur de Sept-lles du Syndicat de
l'enseignement de Nordet blâme l'Université du Québec
à Chicoutimi pour la mauvaise qualité des services de
perfectionnement à Sept-lles. M. Richard Tremblay, directeur de
l'éducation permanente devait, au printemps 1974, voir à ouvrir
un bureau permanent, procéder à l'engagement d'une
secrétaire à temps plein et d'un représentant au moins
à demi-temps. (Lettre du 24 janvier 1975). Rien de tout cela n'a
été fait et nous sommes en janvier 1975. Nos membres se plaignent
de cette situation depuis assez longtemps et soyez assurés que nous
allons y voir, même s'il fallait songer à changer les
constituantes.
M. Cloutier: Cela n'a rien à voir...
M. Léger: Au prix qu'on paie, on a droit à un
minimum de services décents." C'est écrit par Fabien Migneault,
président du secteur de Sept-lles qui dit qu'il devait y avoir cette
chose et il y avait des statistiques qu'on me donne de la région.
Voulez-
vous dire par là qu'il n'a jamais été question de
la part de la direction de l'éducation permanente du ministère
d'ouvrir au printemps un bureau à Sept-
Iles?
M. Cloutier: Non. Les directions générales
n'ouvrent pas des bureaux comme cela. Il existe des bureaux régionaux du
ministère, comme vous le savez, et les directions
générales, par l'intermédiaire de ces bureaux, ont
certaines actions dans le milieu.
En fait, il s'agit du service de l'éducation des adultes de
l'Université du Québec à Chicoutimi. Alors, c'est à
l'Université du Québec qu'il faudrait poser la question, mais on
a quand même quelques renseignements à vous donner.
D'après la lecture de la lettre, il s'agit du service de
l'éducation permanente de l'Université du Québec à
Chicoutimi et je pense que le fond de la question que je connais, par ailleurs,
est de savoir à l'Université du Québec si c'est
l'Université du Québec à Chicoutimi ou à Rimouski
qui dessert la Côte-Nord, ou Sept-lles dans ce cas-ci, en particulier
pour le perfectionnement des maîtres.
Il y a eu des rivalités entre ces deux unités et
également, de temps à autre, divers groupes de la Côte Nord
ont pris partie pour l'une ou pour l'autre selon le cas. Je pense que c'est le
fond de la question.
M. Léger: De toute façon, il y a une copie de la
lettre qui a été envoyée au député de
Duplessis, au député de Saguenay et au ministre de l'Education,
qui avait eu sa copie.
M. Cloutier: C'est très possible, mais ce n'est pas de
notre ressort.
M. Léger: Alors, M. le Président, s'il y a d'autres
députés qui ont des questions sur les trois points que l'on vient
de toucher...
Le Président (M. Lafrance): Vous voulez dire les trois
programmes.
M. Léger: Oui, les trois programmes.
Le Président (M. Lafrance): Les programmes 13, 14 et 17.
D'accord.
M. Léger: J'ai terminé là-dessus, je suis
prêt à les adopter.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Saint-Jean.
M. Veilleux: M. le Président, hier, je me demandais
à quel moment de la discussion des crédits je devais interroger
le ministre sur des documents dont j'avais fait part à des membres de
l'Assemblée nationale pendant les vacances de Pâques. Il y en a un
qui touchait l'éducation aux adultes, notamment au niveau d'une
régionale, celle de Chambly, et on m'avait dit que ce serait à ce
moment-ci que je devrais poser ma question. Dans le document en ques- tion, il
était dit que des cours avaient été organisés
à la demande d'une vingtaine de personnes militant dans un parti
politique dans cette région et il prouvait, hors de tout doute, de
quelle façon un parti politique pouvait se servir de fonds publics, donc
des fonds de la commission scolaire, à des fins strictement partisanes.
Est-ce que le ministre peut me dire si le ministère de l'Education peut
avoir, étant donné que cette formation aux adultes au niveau des
régionales vient en très bonne partie, sinon en totalité,
du budget du ministère de l'Education, des moyens de vérifier des
faits comme ceux-là au niveau des commissions scolaires
régionales?
M. Cloutier: Oui, très certainement, M. le
Président, et nous al Ions faire une petite enquête maison.
J'aimerais peut-être que le député de Saint-Jean me
précise d'abord de quel parti politique il s'agit et ensuite me donne
plus de détails sur cet incident qui me paraît pour le moins
curieux.
M. Veilleux: M. le Président, c'est un document qui
circulait ou qui a circulé au niveau de certaines personnes lors du
congrès provincial ou annuel de ce parti, c'est le parti
séparatiste. Ce document...
M. Léger: M. le Président, je pense que c'est un
parti qui n'existe pas.
M. Veilleux: Quand je parle du parti séparatiste, j'ai la
très nette impression...
M. Léger: Est-ce que vous parlez pour vous-même ou
si vous parlez pour la commission parlementaire?
M. Veilleux: Peut-être que le député de
Lafontaine ne comprend pas ce que je veux dire, mais je suis persuadé
que le ministre de l'Education sait de quel parti je veux parler lorsque je
parle du parti séparatiste.
M. Léger: Lorsque je parle du parti des anglophones, je
dis que c'est le Parti libéral. Mais quand vous parlez du parti
séparatiste, il faudrait déterminer de quel parti il s'agit,
parce que si, dans votre esprit, c'est le Parti québécois, ce
n'est pas le cas.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît!
J'ai écouté et je ne crois pas qu'il soit question, dans
les éléments 13,14 et 17, de parti politique. Alors, je
demanderais qu'on revienne aux éléments 13 et 14.
M. Léger: Vous rappelez le député de
Saint-Jean à l'ordre.
M. Veilleux: Alors, pour bien situer...
Le Président (M. Lafrance): Je rappelle à l'ordre
les membres de la commission qui s'en écartent.
M. Veilleux: Pour bien situer le député de
Lafontaine, c'est son parti, il l'appelle Parti québécois, je
l'appelle parti séparatiste.
Le texte en question avait été rédigé,
semble-t-il, par M. André LeCorre, de cette région, plus
particulièrement des comtés deTaillon et de Laporte. On se
vantait dans ce document, M. le Président, de la façon facile
pour un parti politique de se servir de locaux à l'intérieur
d'une commission scolaire et ce, gratuitement, de matériel didactique et
ce, gratuitement, et aussi des services d'un professeur payé par les
fonds de la régionale.
M. Léger: M. le Président, j'invoque le
règlement.
Le Président (M. Lafrance): Question de
règlement.
M. Léger: M. le Président, le député
de Saint-Jean semble vouloir se servir d'une tribune nouvelle, avec une
"permissibilité" du ministre de l'Education pour embarquer dans toutes
sortes de sujets.
M. Cloutier: Qu'est-ce que j'ai entendu, M. le
Président?
M. Léger: Avec une "permissibilité".
M. Cloutier: Ah bon! Parfait, ça va. J'avais cru entendre
complicité.
M. Léger: Je n'allais pas jusque-là pour le moment.
Je parlais d'une "permissibilité".
M. Cloutier: C'est plus prudent.
M. Léger: Pour le moment. Il est complètement en
dehors du sujet que nous sommes appelés à discuter cet
après-midi, les programmes I3, I4 et 17, qui touchent la gestion interne
des adultes, la formation professionnelle des adultes. Il n'est aucunement
question de contenu pédagogique, de par-tisanerie politique ou de toute
autre chose de cet ordre. S'il a quelque chose à dire, qu'il apporte une
question de privilège en Chambre, M. le Président. Je vous
demanderais de le rappeler à l'ordre et de discuter des crédits
qu'on doit discuter.
M. Veilleux: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Léger: On a assez enduré un député
qui continuait à parler en dehors du sujet et qui cherche à faire
de la partisanerie politique au lieu de discuter des crédits de
l'Education, chose pour laquelle nous sommes ici.
M. Veilleux: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Léger: Je pense qu'on pourrait terminer rapidement et
dans l'harmonie l'étude des crédits du ministère de
l'Education sans avoir continuellement un Don Quichotte du Parti
libéral, qui cherche continuellement des adversaires et ne les trouve
pas, parce qu'il est toujours en dehors du chemin.
Quand il sera dans le bon chemin, ça me fera plaisir de discuter
avec lui, de lever la visière et de combattre loyalement, mais sur le
bon sujet. Vous êtes à l'éducation, aux programmes 13, 14
et 17, et je voudrais qu'on continue l'étude des crédits.
M. Veilleux: M. le Président, sur la question
soulevée par le député de Lafontaine, il est dit au
programme 13 et ce, je le souligne pour le bénéfice du
député de Lafontaine et des autres qui sont ici: Ce programme,
Formation générale et socioculturelle des adultes, vise à
contribuer par l'activité éducative, au développement
social et culturel des individus et des collectivités.
Programme 14: Gestion interne et soutien à l'éducation des
adultes. Ce programme vise à planifier, diriger et coordonner les
ressources humaines, physiques et financières essentielles à la
gestion des programmes du ministère.
Programme 17: Ce programme vise à permettre aux travailleurs de
se recycler et de se perfectionner, selon les exigences d'un changement
technologique.
Toujours sur le point de règlement, quand le ministère de
l'Education fournit des fonds à des commissions scolaires pour la
formation des adultes, si le ministère ne prend pas cela dans les
programmes 13, 14 ou 17, j'aimerais bien que vous m'indiquiez dans quel
programme, parce que j'ai l'intention et c'est mon devoir comme
député du comté de Saint-Jean de soulever ce
problème. Ce sont quand même des fonds du ministère de
l'Education. Le député de Lafontaine, son devoir est de veiller
à ce que les fonds du ministère de l'Education soient
dépensés aux fins prévues par la loi et les
règlements.
J'imagine que c'est aussi mon rôle, comme député
ministériel, de voir à ce que ces fonds soient disposés,
par le ministère de l'Education, par les commissions scolaires, pour les
fins spécifiques prévues aux lois et aux règlements.
Si vous me dites que ce n'est pas le rôle de gardien qu'on doit
faire des deniers du ministère de l'Education, dans ce secteur,
dites-moi, M. le Président, où et quand dois-je relever ce
problème?
Quand le député de Lafontaine, à une autre
commission parlementaire, celle du ministère des Affaires municipales,
lesquels budgets sont administrés, les fonds sont perçus par les
municipalités concernées, les seules personnes responsables de
ces fonds, au niveau des municipalités, ce sont le maire et les
conseillers municipaux, et le même député, qui pose au
ministre des Affaires municipales une question, à savoir si le ministre
accepte, qu'avec ces fonds perçus par l'impôt foncier municipal,
les municipalités paient des billets pour un parti politique, j'imagine,
M. le Président, que le député de Saint-Jean...
M. Léger: Le Parti libéral, le parti des
anglophones.
M. Veilleux: M. le Président, j'imagine que, lorsqu'on
étudie le budget du ministère de l'Education et que j'ai une
question à poser sur ce que font
les commissions scolaires avec les fonds que met à leur
disposition le ministère de l'Education, pour des fins
d'éducation aux adultes, j'imagine, M. le Président, que c'est
mon devoir de le faire.
Si vous me dites que je n'ai pas le droit, indiquez-moi à quel
endroit. Si vous n'êtes pas capable de m'indiquer d'autres endroits
où je peux parler de cela, des crédits du ministère de
l'Education, je m'imagine que c'est mon droit et mon privilège d'en
parler aujourd'hui. D'autant plus que j'ai eu l'occasion de parler de ces
problèmes sur une ligne ouverte, à Montréal. L'animateur,
qui est un candidat du parti séparatiste, m'a dit: Fais l'impossible
pour trouver la preuve de ce que tu avances lors de l'étude des
crédits. C'est ce que je fais.
Le Président (M. Lafrance): Sur la question de
règlement.
M. Léger: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à cela. Si le député veut absolument mettre de l'avant et
tirer en épingle un document qui a été distribué
à 227 journalistes et à 2,050 participants, à un
congrès, parce qu'il a réussi à mettre la main sur un
document qui était aussi public que cela et qu'il veut en faire sa
bible, je pense qu'il aurait besoin d'être un peu plus
éclairé. Mais, s'il veut en discuter, pourvu qu'il ne prenne pas
tout le temps de la commission, parce qu'on a d'autres choses sérieuses
à discuter, s'il veut enfoncer les portes ouvertes, je n'ai pas
d'objection, pourvu qu'il reste à l'intérieur des
règlements et qu'il ne prenne pas plus de temps qu'il ne le faut pour
une matière aussi peu importante que celle dont il veut parler.
Mais, si c'est son idée de le faire maintenant, de toute
façon, il veut le faire. Allez-y.
Le Président (M. Lafrance): Je remercie les membres de la
commission pour leur bonne collaboration et de l'entente qu'on vient de... La
parole est au député de Saint-Jean sur les programmes 13, 14 et
17.
M. Veilleux: M. le Président, si le député
de Lafontaine s'imagine que des cours qui sont donnés, un cours par
semaine, pendant dix mois, à raison de trois ans, ce n'est pas grave
comme détournement de fonds publics, je me demande pourquoi le
député soulève des points quand il s'agit de $5
payés par une municipalité urbaine.
M. Léger: Ce sont des $50, des $100 et des $200...
M. Veilleux: Le ministre se préparait à
répondre, M. le Président, avant que le député de
Lafontaine m'interrompe pour soulever une question de règlement qu'il
n'avait pas le droit de soulever.
Je demande au ministre s'il y a des possibilités de la part du
ministère de vérifier, auprès des commissions scolaires,
la teneur des cours de formation aux adultes et le but qui est visé par
ces cours, excepté ceux des commissions scolaires et du service de
l'éducation permanente.
M. Cloutier: Oui, M. le Président, nous allons, comme je
l'ai dit, faire une enquête maison. Nous allons communiquer avec le
directeur de l'éducation des adultes. Nous allons lui demander quel est
son curriculum et quels instruments il a utilisés. Ceci fait partie de
nos prérogatives et de nos devoirs. Nous verrons ensuite comment cela se
présente. Je n'ai pas d'autre réponse à donner pour
l'instant.
M. Veilleux: Le ministre fera une enquête maison à
la régionale de Chambly.
M. Cloutier: C'est cela, nous allons communiquer avec ce
directeur général. C'est la première fois qu'on porte ce
fait à mon attention, officiellement. Je sais que le
député de Saint-Jean en avait fait état à
l'Assemblée nationale. Maintenant, devant des éléments
précis, nous avons certaines questions à poser. Il n'est
certainement pas normal, si la situation rapportée est exacte, que l'on
procède de cette manière.
M. Veilleux: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, avant qu'on ne termine ces
programmes, je voudrais savoir à quel programme et à quel
élément la direction générale de l'éducation
permanente collabore au financement des organismes d'éducation
populaire. Est-ce au programme 13, élément I?
M. Cloutier: Oui, on peut en parler maintenant.
M. Bonnier: A ce moment, est-ce que cela serait possible de
connaître quelle est la philosophie d'approche du ministère,
à l'heure actuelle? Est-ce que les responsables essaient d'initier
eux-mêmes des programmes ou s'ils essaient autant que possible de
collaborer avec les organismes en place de façon à les aider
à pousser beaucoup plus loin leur action?
M. Cloutier: Oui, M. le Président. Je crois que nous avons
réussi l'année dernière à mettre au point une
politique, pour la première fois d'ailleurs, en ce qui concerne le
financement des organismes populaires. Cette politique a été
élaborée avec les organismes mêmes. Nous avons mis sur pied
un comité qui est un comité conjoint dans un certain sens. Les
organismes d'éducation populaire reçoivent les projets, en font
le tri et recommandent un certain nombre de projets au ministère de
l'Education qui les accepte, compte tenu de ses budgets, ou les refuse. Il est
certain qu'il n'a pas été possible jusqu'ici, et je crois bien
qu'il ne sera jamais possible, d'accepter tous les projets à cause des
contraintes financières. J'ai demandé que l'on renégocie
le mandat de ce comité, parce que je crois qu'il vaudrait mieux que le
comité établisse lui-même certaines priorités dans
la mesure où les or-
ganismes populaires veulent avoir des responsabilités, je crois
que ce serait une bonne façon de leuren confier. S'il en était
autrement, comme cela a été le cas jusqu'ici, il se trouve que
c'est le ministère de l'Education qui est mis en demeure de refuser des
projets qui, par ailleurs, peuvent être parfaitement valables. Alors, ces
discussions sont en cours actuellement. Nous continuons de fonctionner sur
cette base.
M. Bonnier: Est-ce q ue c'est une préoccupation de ce
comité de faire en sorte qu'il n'y ait pas chevauchement entre les
initiatives des organismes eux-mêmes et les initiatives du
ministère?
M. Cloutier: Oui, bien sûr. Cela devrait être une
préoccupation.
M. Bonnier: Merci.
M. Léger: M. le Président, est-ce que le ministre,
tantôt, dans les documents qu'il a remis je n'ai pas eu le temps
de les regarder a distribué la liste des subventions aux
organismes de la population, pour l'année écoulée ou s'il
m'a dit qu'il était pour la...
M. Cloutier: Les organismes de la?...
M. Léger: Les organismes dans le domaine de la formation
générale, socio-culturelle, formation professionnelle des
adultes.
M. Cloutier: Non.
M. Léger: Je vous avais demandé ce matin, je
pense...
M. Cloutier: Nous n'avons pas compris qu'il s'agissait de ce
document.
M. Léger: Je repose la question.
M. Cloutier:... mais je n'ai absolument aucune objection. Je
crois que ce que le député de Lafontaine avait demandé
concernait les programmes Multi-Media.
M. Léger: D'accord! J'ai demandé cela. L'autre, je
ne vous l'avais pas demandé comme tel?
M. Cloutier: Non, absolument pas.
M. Léger: Alors, je le demande. M. Cloutier: Très
volontiers, oui.
M. Léger: D'accord!
Le Président (M. Lafrance): Les programmes 13, 14 et
17...
M. Léger: II y aurait peut-être une dernière
question qui va toucher un peu celle-là, ainsi que celle des
prêts-bourses, mais cela touche aussi aux programmes 13, 14 et 17.
M. Cloutier: Oui, ça va.
M. Léger: Je voudrais avoir l'opinion du ministre sur une
question de fond extrêmement délicate, mais importante. Il s'agit
des pressions que plusieurs demandent d'effectuer pour diriger davantage des
étudiants du niveau collégial et universitaire vers des
matières dont on sait d'avance et de façon certaine, qu'elles
seront beaucoup plus en demande et que le champ d'emploi sera largement ouvert.
Tandis qu'autrement, quand les étudiants se dirigent en masse vers
certains secteurs qui n'ont pas ces débouchés, cela amène
l'arrivée, tôt ou tard, d'une quantité de chômeurs
instruits.
N'y aurait-il pas lieu c'est une question que je pose au ministre
de penser à des mécanismes incitateurs, permettant
à des étudiants d'aller dans des domaines où on s'assure
qu'il y aura déjà une demande. Je pense, entre autres, à
un exemple: II y a un besoin majeur et urgent de dentistes au Québec.
Peut-on penser à augmenter notablement le montant des bourses aux
étudiants qui s'orienteraient vers des secteurs où on sait qu'il
y aura de l'emploi au bout? Ceci serait un mécanisme qui permettrait de
motiver les gens à aller dans les di rec-tions où on sait qu'il y
aura du travail?
M. Cloutier: Ma réponse est oui, et c'est ce que nous
faisons par les bourses d'enseignement supérieur. Nous tentons, autant
que possible, d'orienter... C'est également ce que nous faisons par
l'établissement de certains programmes de formation. Je ne crois pas,
cependant, qu'il faille dépasser ce niveau d'incitation. Je ne crois pas
qu'il faille en arriver à un véritable contingentement. Pourquoi?
Parce qu'à ce moment on s'orienterait vers un type de
société complètement différente de celle que nous
souhaitons avoir ici au Québec. Il n'y a que dans les pays totalitaires
qu'on peut en arrivera une adéquation totale ou presque totale entre le
diplôme et l'emploi. Ceux qui vous réclameront un emploi parce
qu'ils ont un diplôme devront sérieusement s'interroger sur les
conséquences. Parce que s'il n'y a pas une certaine marge de manoeuvre,
cela signifie quoi? Cela signifie: permettre aux étudiants de faire
telle étude uniquement si l'Etat a décidé, avec les
approximations que cela suppose, qu'il peut y avoir de l'emploi dans ce
secteur-là. Autrement dit, l'Etat déciderait qu'il y aura besoin
de 200 médecins, il y aura 200 places et pas plus. Les gens sont,
jusqu'à un certain point, forcés d'y aller. Ensuite, ils seront
aussi forcés de travailler dans ce secteur-là. Bien sûr, je
donne un exemple extrême, mais c'est le modèle des pays
socialistes.
Il ne faut donc pas s'attendre, dans un système ouvert comme le
nôtre, à ce que le fait d'avoir un diplôme confère
instantanément le droit à un emploi. L'évolution montre
bien que les gens doivent devenir assez polyvalents ou doivent être
capables de recyclage, au cours de leur carrière, de manière
à coller à des situations changeantes.
J'ai donc répondu et élargi un peu le sujet.
M. Léger: Mais c'est sûr qu'il y a une
différence
entre un contingentement et une motivation, et les prêts-bourses
sont quand même des moyens intéressants de diriger les enfants de
ce côté.
M. Cloutier: II ne s'agit pas des prêts-bourses. Je ne
voudrais pas qu'on confonde. Il s'agit des bourses d'enseignement
supérieur. Les prêts-bourses? Non. Je ne serais pas du tout
d'accord qu'on utilise les prêts-bourses à ces fins parce
qu'à ce moment vous iriez à rencontre du principe
d'accessibilité. Un étudiant a droit à un prêt, a
droit à une bourse s'il répond à un certain nombre de
critères et il ne faudrait pas à ce moment que ces
critères soient liés à un choix qui serait
prédéterminé.
Je crois que le député de Lafontaine saisit bien la
nuance. En revanche, les bourses d'excellence ou des bourses, comme par
exemple, dans le secteur des jeunes administrateurs... Nous avons
créé un certain nombre de bourses. Nous en augmentons le nombre
chaque année. Pourquoi? Parce que nous avons besoin d'administrateurs au
Québec.
Nous allons, d'ailleurs, vous donner d'autres exemples.
Si on se situe au niveau de l'enseignement universitaire, il y a deux
grands instruments pour faciliter l'orientation des étudiants dans
certains secteurs. La première série est une retombée des
opérations de planification sectorielle que le ministère de
l'Education a faites. Nous en avons terminé une en sciences
appliquées et qui, entre autres choses, indique des tendances de
l'emploi, des besoins en génie, essentiellement, et aussi en agriculture
qui faisait partie du champ des sciences appliquées. Ces indications
sont mises à la disposition des étudiants comme
élément de décision pour leur orientation.
Ces opérations de planification sectorielle touchent maintenant
on attend le rapport cette année les sciences de la
santé et, de nouveau, on aura, en plus des recommandations sur les
programmes eux-mêmes, sur l'organisation de l'enseignement, on aura des
renseignements sur les besoins. La troisième opération est en
sciences dites fondamentales, génie physique, mathématique,
biologie; le même genre de renseignements sera disponible pour les
étudiants sur un horizon de cinq ans à dix ans.
Par ailleurs, il y a d'autres programmes plus incitatifs que
ceux-là qui sont plutôt de l'ordre de l'information, dans la
plupart des bourses, l'enseignement supérieur et dans des domaines
où des besoins sont plus identifiés, en particulier pour la
formation des maîtres, des professionnels de l'enfance inadaptée
et l'enseignement professionnel pour le secondaire. Ce sont des exemples
où il y a des bourses qui servent d'incitation pour, soit le
perfectionnement des maîtres en exercice, soit pour le recrutement de
nouveaux.
M. Léger: Mais c'est surtout au niveau
supérieur?
M. Cloutier: Oui.
M. Léger: Je pense que, très souvent, dans la
plupart des cas, c'est au niveau collégial que les choix ont
déjà été faits. Je voulais dire, surtout au niveau
collégial, permettant, avant que le choix définitif ne soit fait
et qui devient un peu irréversible, qu'il y ait ces incitations.
M. Cloutier: II y en a des incitations, mais elles ne sont pas
à ce moment d'ordre financier; parceque je répète que je
ne crois pas qu'il faille utiliser le système prêts-bourses
à ces fins. Je crois que cela serait injuste. Ce n'est pas l'objectif
poursuivi. Il y a deux éléments qui jouent. Le premier est
l'éventail des options qui existe par rapport à un milieu
donné et qui entraîne forcément des choix. C'est ainsi, par
exemple, que si vous avez une option pilotage à Chicoutimi ou une option
aéronautique sur la rive sud, ces options existent parce qu'il y a des
besoins locaux et les étudiants seront portés à s'y
inscrire et surout, il y a l'information et cette information est constante.
Nous tentons d'orienter les étudiants vers les secteurs les plus
prometteurs. On en a cité quelques-uns dans le domaine des services et,
également, en ce qui concerne les jeunes administrateurs.
Au niveau collégial, c'est ainsi que nous procédons. Je
n'envisage pas de bourse supplémentaire.
M. Léger: Comme ça, le ministre, dans sa politique,
refuserait, au niveau collégial, de faciliter, par des
prêts-bourses, l'adhésion ou l'inscription des
élèves dans des lignes où on est certain qu'il y aurait de
l'emploi.
M. Cloutier: Ce n'est pas ainsi que je...
M. Léger: C'est le même principe au niveau
supérieur et au niveau collégial.
M. Cloutier: Je crois que le député de Lafontaine
n'a pas compris ou je me suis probablement exprimé avec beaucoup de
maladresse. Il faut distinguer le système de prêts-bourses du
système des bourses de l'enseignement supérieur. Le
système de prêts-bourses a un objectif. Il vise à permettre
l'accessibilité de l'enseignement à tout le monde. Il vise
à annuler les frais de scolarité, pour ne vous donner qu'un
exemple, pour ceux qui n'ont pas les moyens de les payer, tout en leur
permettant d'assurer leur subsistance. Les bourses de l'enseignement
supérieur sont des bourses d'excellence. Elles visent à permettre
des études subséquentes et sont déterminées en
fonction d'un certain nombre de priorités. C'est au niveau de ces
priorités que l'on doit orienter les étudiants vers un secteur
plutôt que vers un autre secteur. Je vous ai fait donner plusieurs
exemples. Je reviens, en particulier, sur les bourses aux jeunes
administrateurs. Si l'on comprend bien la distinction entre ces bourses, on se
rend compte qu'autant il est possible d'utiliser les bourses de l'enseignement
supérieur à des fins d'incitation, en vue de diriger vers un
secteur plutôt que vers un autre secteur, autant il n'est pas possible
d'utiliser le système de prêts-bourses aux mêmes fins. En
revanche, j'ai expliqué qu'il y avait d'autres mécanismes qui
interviennent au niveau
collégial. Alors, je ne refuse rien, mais je dis qu'il ne faut
pas confondre deux programmes qui ont des objectifs différents. A
première vue, je ne vois pas l'utilité de bourses
supplémentaires, bien que ce soit une chose qui peut ne pas être
mise de côté. Tout est possible lorsqu'on conserve l'esprit
ouvert. Je vous dis qu'en ce moment il ne faut surtout pas commettre l'erreur
de confondre un système de prêts-bourses qui a des objectifs
très précis avec des bourses d'excellence qui ont d'autres
objectifs très précis.
M. Léger: Autrement dit, ce que je propose au ministre,
c'est possible, mais ce n'est pas votre choix politique. En
réalité, les bourses d'excellence qui sont au niveau
supérieur et que vous n'avez pas installées au niveau
collégial... Pour vous, la façon d'inciter un étudiant au
niveau collégial à être attiré vers des professions
qui ont un débouché quasi certain, c'est tout simplement une
information au niveau collégial, en lui disant: Vous pouvez aller dans
cette direction actuellement parce que, quand vous serez au niveau
universitaire, vous aurez une bourse d'excellence. C'est une information.
M. Cloutier: Non, ce n'est pas tout à fait cela.
M. Léger: Ou vous pourrez avoir une bourse d'excellence
dans ce domaine.
M. Cloutier: Pas du tout. L'étudiant n'est pas sûr
d'avoir une bourse d'excellence.
M. Léger: Comment l'inciter au niveau
collégial?
M. Cloutier: Je vais essayer de reprendre toute l'explication.
Est-ce que le député de Lafontaine a compris la différence
entre le système de prêts-bourses...
M. Léger: Ce sont deux objectifs différents.
M. Cloutier: Je ne veux pas lui faire passer un examen... et les
bourses d'excellence?
M. Léger: Je ne parle que des prêts-bourses au
niveau collégial.
M. Cloutier: Bon. Alors, est-ce que le député de
Lafontaine admet que, si on utilisait le prêt-bourse aux fins qu'il veut,
nous irions à l'encontre de notre principe d'accessibilité?
M. Léger: C'était une forme
supplémentaire.
M. Cloutier: Nous ferions des distinctions. A ce
moment-là, nous traiterions de façon injuste certains
élèves, parce qu'il ne faudrait pas en donner à certains
et en donner à d'autres. Autrement, où serait l'incitation?
Est-ce que le député de Lafontaine saisit cette nuance?
M. Léger: Oui, je suis d'accord sur cette nuance. Je la
comprends très bien.
M. Cloutier: Par conséquent, il faudrait ajouter quelque
chose d'autre.
M. Léger: C'est ça.
M. Cloutier: Bon, on progresse!
M. Léger: On se rejoint.
M. Cloutier: Ce quelque chose d'autre, nous l'avons ajouté
et c'est l'acceptation des options, l'éventail des options qui existent
dans un milieu donné et c'est l'information. Or, il se trouve que ces
mesures se sont révélées tout à fait suffisantes,
jusqu'ici du moins. Vous vous souvenez peut-être des chiffres que je vous
ai cités, à savoir que 80% des élèves du secteur
professionnel, au niveau collégial, se plaçaient dans les six
mois, ce qui est une performance assez remarquable.
Je ne dis pas qu'il faut éliminer d'autres méthodes
d'incitation, mais je dis qu'il faudrait y réfléchir deux fois
avant d'aller ajouter des avantages financiers par-delà le
système de prêts-bourses.
M. Léger: Mais, au niveau général, il
continue à y avoir trop d'étudiants qui s'en vont dans des
disciplines où il n'y a pas de débouchés.
M. Cloutier: C'est évident et tant que nous serons dans
une société démocratique, je souhaite qu'il en soit ainsi.
Parce que j'ai tenté de vous... bien oui.
M. Léger: Si on peut corriger des déficiences.
M. Cloutier: C'est ce que nous faisons, nous corrigeons des
déficiences, mais attention, si vous allez jusqu'au contingentement,
vous vous trouverez dans cette espèce de dialectique dont je vous ai
parlé tout à l'heure. Vous allez être obligés
d'imposer aux étudiants de fréquenter tel cours dans la mesure
où vous saurez, à cause de vos prévisions, qu'il y a des
débouchés. Une fois que ces étudiants auront
terminé, ils seront obligés de travailler dans ce secteur. C'est
ce qui se passe dans les pays socialistes. Par exemple, la planification va
permettre de déterminer qu'il faut 500 postes d'ingénieurs.
Même si vous avez l'intention, vous, M. le député de
Lafontaine, de faire votre médecine ou de vous destiner à la
littérature, vous allez être obligé de suivre des
études d'ingénieur. Après, vous allez être
obligé de travailler dans ce secteur. Vous voyez que c'est quand
même un autre type de société.
M. Léger: Cela existe quand même, ce
contingentement, de façon directe ou indirecte, par les corporations
professionnelles.
M. Ctoutier: Non, je ne vous suis pas. Il existe des
sélections, ce qui n'est pas la même chose et les
sélections sont inscrites dans la nature humaine. Il y a des talents
différents, des degrés d'intelligence différents, il y a
également des aptitudes différentes. On dirait qu'aujourd'hui, on
n'a pas le droit d'avouer qu'il y a des différences entre les
êtres humains. Il y en a qui sont plus beaux les uns que les autres. Il y
en
a qui ont peut-être moins d'aptitudes les uns que les autres. La
sélection commence à la naissance, ensuite, il y a des facteurs
sociaux qui interviennent et il est bien évident que, dans un
système comme le nôtre, c'est sur ce dossier que certaines
décisions doivent être prises.
M. Léger: Le ministre admettra quand même avec moi
que le Collège des médecins, comme le Barreau, avec leur examen,
il y a un certain contingentement concernant le personnel qui va entrer dans
les deux.
M. Cloutier: C'est exact. Oui, de ce point de vue, oui. C'est
exact, mais ça ne joue pas de la même façon au niveau de
l'entrée à l'université. Il faut peut-être
distinguer l'exercice d'une profession et l'acquisition des connaissances. On
peut s'inscrire en droit, faire son droit et ne pas nécessairement
devenir avocat.
M. Léger: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: II ne serait pas fondé de dire qu'au
niveau du ministère de l'Education, aussi bien qu'au niveau du
ministère du Travail, il n'a jamais été fait dans
Québec une étude sérieuse sur les besoins immédiats
de la main-d'oeuvre et des emplois...
M. Cloutier: Constamment.
M. Saint-Germain: ... et qu'il y a très peu de projections
dans l'avenir sur les nécessités du marché du travail.
Je ne parle pas d'études sectorielles...
M. Cloutier: Non, non.
M. Saint-Germain: ... mais d'études d'ensemble.
M. Cloutier: II y a des études d'ensemble qui se font
constamment et c'est au sein d'un comité, ministère du Travail,
ministère de l'Education et les options que nous décernons dans
les CEGEP, c'est pour ça que je n'ai pas réussi à faire
saisir, je crois, que le fait d'approuver certaines options constitue
déjà une incitation.
Les options ne sont pas approuvées dans l'absolu, mais en
fonction de nos projections du marché du travail. C'est un des facteurs.
Elles sont approuvées en fonction de ce que nous prévoyons.
Si nous considérons qu'il ne faut pas approuver telle option,
parce qu'il n'y a pas de débouché, nous ne l'approuverons pas
dans un milieu donné. Il faut être très prudent en ce qui
concerne les projections.
M. Saint-Germain: Est-ce qu'il y a, à un moment
donné, dans la carrière d'un étudiant, un temps où
un étudiant peut mettre la main sur un document. Et que, après
l'avoir analysé, il peut dire: Ici, il y a telle ouverture; là,
la concurrence est très forte; dans ce champ d'activité, il y a
trop de diplômés? Est-ce qu'une publication semblable existe?
M. Cloutier: Elle n'existe pas; il n'existe nulle part, au monde,
à ma connaissance, un tel document. En revanche, il existe des
projections par secteurs industriels...
M. Saint-Germain: Oui.
M. Cloutier: ...de la main-d'oeuvre et ceci se détermine,
comme je l'ai dit, au sein d'un comité, et les orienteurs, dans les
différentes maisons d'enseignement, sont au courant et tiennent compte
de ces facteurs.
J'attire votre attention sur la très grande difficulté des
prévisions d'emploi à plus que quelques années de distance
et encore. Constamment, un bouleversement technologique vient changer les
choses. Je pense à l'électronique, qui était une option
très prometteuse il y a quelques années et on se rend compte
aujourd'hui, que c'est bouché.
M. Saint-Germain: Non pas que je veuille dire qu'on devrait avoir
les contingentements des étudiants; c'est inadmissible. Je pense
même qu'un étudiant qui voudrait étudier une profession ou
une discipline simplement par formation, a droit à l'aide du
gouvernement, etc.
Il reste que, en fait, nos universités sont remplies
d'étudiants en sciences sociales, en sexologie, à
l'Université du Québec, et ainsi de suite, et que nos industriels
sont obligés d'aller sur les marchés étrangers pour avoir
des hommes capables de produire.
M. Cloutier: Oui, mais, aussi, faisons-nous le maximum
d'information? Nous avons près de 200 monographies de métiers qui
sont à la disposition des étudiants. Peut-être devrais-je
rappeler le chiffre dont je parlais déjà il y a quelque temps
hier, sans doute concernant la proportion du
général par rapport au professionnel?
Lorsque le réseau collégial a commencé, la
majorité des étudiants étaient dans le secteur
général; c'était 70%. C'était, à ce
moment-là, vos futurs sexologues, vos futurs sociologues, vos futurs
médecins, vos futurs avocats, etc.
Après cinq ou six années d'existence, cette proportion a
été renversée à un tel point qu'il y a actuellement
plus d'étudiants dans le secteur professionnel que dans le secteur
général.
M. Léger: Quelle est la proportion? M. Cloutier:
52%.
M. Léger: Pour le professionnel?
M. Cloutier: Pour le professionnel. C'est un changement global.
C'est un changement de tendance, pour la première fois au Québec.
C'est vraiment au crédit du réseau collégial, qui
connaît ces difficultés par ailleurs, mais qui, je pense, fait la
preuve de sa raison d'être.
M. Saint-Germain: Ce ne sont pas les problèmes typiques du
Québec. Je pense qu'on a les mêmes problèmes en Europe. En
France, surtout, on s'aperçoit que les disciplines mathématiques
qui demandent un jugement froid, logique et beaucoup de travail, sont
délaissées pour des disciplines où on peut philosopher un
peu plus facilement et moins douloureusement.
M. Cloutier: Bien sûr. C'est pour cela que les
facultés comme les lettres, les sciences sociales, qui constituent des
disciplines moins scientifiques, moins assurées également,
attirent des gens qui ont parfois moins de rigueur et n'ont pas exactement les
mêmes aspirations que ceux qui, d'emblée, vont vers un secteur
professionnel bien identifié dans la société. Mais je
crois que c'est un phénomène.
Je ne vois pas d'autres moyens que ceux que nous employons pour tenter
de faire face à nos besoins. Mais il reste qu'une enquête que j'ai
faite, une enquête très limitée, bien sûr,
auprès d'un bon nombre d'employeurs, m'a prouvé que, dans
l'ensemble, on est satisfait de la qualité de la formation de nos
étudiants du CEGEP au niveau professionnel. Cela m'a même
étonné.
C'est une raison supplémentaire pour être ferme lorsqu'on
se trouve en présence de certaines contestations non justifiées
touchant les diplômes, touchant les calendriers scolaires, parce que, si
nous avions cédé à certaines pressions dans le
passé, je crois que nous aurions compromis l'avenir du réseau
collégial.
M. Léger: M. le Président, sur une affirmation du
ministre tantôt, je veux que le ministre comprenne bien ma question. Moi
aussi, je suis contre un contingentement des élèves, mais il y a
une marge entre un contingentement des élèves et une incitation.
Je pense qu'il y a une grande marge de manoeuvre entre les deux. Je pense que,
quand le ministre nous disait tantôt que, pour régler le
problème du manque de débouchés, on coupe des cours, tout
simplement, je pense que c'est beaucoup plus coercitif de couper des cours et
antidémocratique...
M. Cloutier: Je n'ai jamais dit qu'on coupait des cours.
M. Léger: ... que simplement une incitation
financière ou autre pour que l'élève puisse choisir telle
ou telle discipline, et non pas en coupant des cours pour simplement dire:
C'est final, il ne pourra même pas y aller. Il y a là une
limite.
M. Cloutier: Je n'ai jamais dit qu'on coupait les cours.
M. Léger: Mais, vous avez dit, entre autres, tantôt,
que...
M. Cloutier: J'ai dit que l'on tenait compte des perspectives
d'emploi; on tenait compte de l'évolution d'un secteur lorsqu'on
acceptait une option. Je voudrais vraiment savoir par quelle contorsion intel-
lectuelle le député de Lafontaine peut me faire dire qu'on coupe
des cours.
M. Léger: Je n'ai aucune contorsion. La seule contorsion
que j'aimerais que le ministre fasse, c'est qu'il me donne d'autres moyens que
ceux qu'il m'a donnés comme incitation pour les élèves du
collégial.
M. Cloutier: Est-ce que le député de Lafontaine
voudrait qu'on donne des prêts-bourses à certains étudiants
et qu'on n'en donne pas à d'autres, au niveau collégial?
M. Léger: Qu'on en donne pour certaines disciplines.
M. Cloutier: Et qu'on n'en donne pas pour d'autres
disciplines.
M. Léger: C'est-à-dire que, si certaines
disciplines ont un meilleur débouché...
M. Cloutier: Je vous souhaite bien du plaisir quand vous irez
visiter votre comté.
M. Léger: S'il y a de meilleurs débouchés au
point de vue du travail et que l'élève, à ce moment, est
attiré par une incitation, une motivation financière, dans telle
ou telle discipline, et qu'il aura un emploi au bout, de quelle
façon...
M. Cloutier: Je suis d'accord, mais les autres, qu'est-ce que
vous en faites?
M. Léger: Les autres, s'ils veulent absolument aller dans
une autre discipline, ils ont la liberté de la faire.
M. Cloutier: Les autres n'auront pas de prêts-bourses.
M. Léger: Ils auront un prêt-bourse selon le
système que vous avez actuellement.
M. Cloutier: C'est-à-dire qu'ils n'auront pas de
prêts-bourses.
M. Léger: Ils pourraient avoir un prêt-bourse dans
l'autre perception que vous avez donnée tantôt, celle qui existe
actuellement. Je parle d'une incitation financière pour aider celui qui
choisit certaines disciplines que le ministère veut favoriser, parce
qu'il y aura un débouché beaucoup plus assuré à la
fin de ses études. C'est tout ce que je demande.
De toute façon, le ministre m'a dit "non"...
M. Cloutier: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit.
J'ai tenté de faire comprendre avec...
M. Léger: Beaucoup de gentillesse.
M. Cloutier: ... le plus d'efforts possible, une grande patience,
la différence qu'il y avait entre des
bourses d'excellence et un système de prêts-bourses qui
visait un objectif précis, celui de l'accessibilité à
l'éducation.
J'ai également tenté de faire comprendre que nous
considérions, pour le moment, que nous avions mis en place les
mécanismes nécessaires pour orienter les gens, dans une
société démocratique, vers un secteur plutôt qu'un
autre secteur. Je n'élimine pas pour l'avenir des avantages financiers
supplémentaires.
M. Léger: C'est ce que je vous demande depuis
tantôt.
M. Cloutier: Je considère que ce n'est absolument pas
nécessaire actuellement.
M. Léger: C'est un choix politique.
M. Cloutier: Non, c'est plus qu'un choix politique. Il y a
également un choix en stricte justice sociale, parce qu'il faudrait se
demander si, à ce niveau, on doit procéder ainsi, on doit
favoriser certains étudiants par rapport à d'autres.
En fait, est-ce que la meilleure incitation ce n'est pas l'emploi qui
pend au bout du nez de l'étudiant qui choisira un secteur dans lequel on
l'aurait orienté plutôt qu'à l'autre secteur?
M. Léger: C'est cela. Il y a différents moyens. Le
choix que le ministre a pris, c'est le sien. Je lui dis qu'il peut y avoir
d'autre moyens incitatifs qui ne privent pas d'autres qui veulent aller dans
d'autres secteurs. C'est leur choix. L'option des cours est encore là.
S'ils veulent se diriger dans ce secteur, tant mieux, mais c'est une approche
positive par une incitation financière, à permettre à
certains étudiants qui veulent profiter de cette incitation
financière de choisir les disciplines qui, dans l'avenir, lui
permettront un emploi plus assuré. C'est seulement dans ce sens que
c'est très positif.
M. Cloutier: Pas au détriment d'un système de
prêts-bourses qui poursuit des objectifs particuliers et pas si ceci doit
comporter une discrimination entre des étudiants d'un niveau où
l'excellence n'intervient pas de la même façon qu'au niveau
universitaire.
M. Léger: De toute façon, c'est le choix du
ministre. J'ai posé la question pour connaître sa position et je
la connais maintenant.
M. Cloutier: Non, mais je tiens à ce que mes explications
soient très... Ma position est très ouverte, mais elle tient
compte des dimensions de notre système scolaire.
M. Léger: M. le Président, en ce qui nous concerne,
nous sommes prêts à adopter les programmes 13, 14 et 17.
Le Président (M. Lafrance): Alors, programme 13,
adopté. Programme 14, adopté. Programme 17, adopté. Nous
revenons au programme 2, élément 7...
M. Léger: Concernant les prêts-bourses.
Le Président (M. Lafrance): ... concernant les
prêts-bourses que nous avons discuté depuis un certain temps quand
même.
M. Cloutier: Oui, on en a parlé à plusieurs
reprises.
M. Léger: M. le Président, là on est dans le
vif du sujet.
M. Cloutier: Je ne pense pas qu'il y ait grand chose à
ajouter de plus que ce qu'on a déjà dit.
M. Léger: Cela dépend. D'après les
questions, le ministre verra s'il y a des choses à donner...
M. Cloutier: D'accord.
M. Léger:... puisqu'on a fait face cette année
à des difficultés que le ministre lui-même a admises,
à savoir les problèmes dans son ministère concernant la
situation des prêts-bourses. On a vécu cela il y a quelques mois.
Le ministre est d'accord avec moi pour dire que cela a été quand
même une période où il y a eu des tensions. Le
comité d'étude, formé relativement aux problèmes
des prêts-bourses, avait recommandé une indexation de 20% des
montants de frais de subsistance de l'étudiant, du conjoint, de
l'étudiant marié ou des enfants à charge de
l'étudiant. Le ministère n'a retenu qu'une indexation de 12%.
Est-ce que le ministre peut me dire quelles sont les raisons qui ont fait que
celui-ci a passé outre à cette importante recommandation et qu'il
y a une diminution de 8%?
M. Cloutier: Bien, passé outre, c'est beaucoup dire. Nous
avons retenu le principe de l'indexation, ce qui constitue au départ un
acquis extrêmement important pour le système de
prêts-bourses. Nous avons jugé, compte tenu de toutes les
circonstances, que le taux retenu était suffisant et collait aux
réalités. Je vous fais remarquer, et je vous reporte à mes
remarques préliminaires, que le budget des prêts-bourses a
augmenté de plus de $10 millions, en une seule année, à
cause du rattrapage. Il est bien évident qu'il y avait également
des contraintes budgétaires. C'est la seule raison.
M. Léger: Le ministre aussi pourrait peut-être nous
faire part des enquêtes et des statistiques qui ont motivé son
ministère à maintenir l'écart, le principe de
l'écart, entre le montant des dépenses d'un étudiant du
niveau collégial et celui d'un étudiant du niveau universitaire.
Parce que le comité spécial sur les problèmes de
prêts-bourses avait recommandé l'abolition de cet écart et
le ministre a allégué à ce moment, que le coût de
cette réforme était prohibitif. Quel était ce coût
prohibitif?
M. Cloutier: D'abord, indépendamment des coûts, je
pense que les dépenses des étudiants risquent d'être plus
élevées au niveau universitaire qu'au niveau collégial. Je
comprends que les étudiants du niveau collégial peuvent tenter de
préco-
niser l'égalité, mais c'est aussi une constatation que
nous avons faite.
Je voudrais, pour qu'il n'y ait pas d'erreur, qu'on s'entende bien. Nous
discutons, en ce moment, des améliorations que nous avons
apportées au système actuel de prêts-bourses, et nous ne
discutons pas de la réforme que nous préparons au sein d'un autre
comité et au sein, d'ailleurs, de ce comité. Parce que la
réforme que nous préparons ne pourra pas être applicable
avant au moins un an et demi, alors que les améliorations que nous avons
apportées sont applicables dès maintenant. Elles l'ont
été pour cette année et le seront pour l'an prochain, et
ces réformes ne sont pas liées à la période de
crise que nous avons connue, elles sont liées au réajustement qui
avait commencé au ministère, il y a déjà un certain
temps, mais qui avait fait l'objet d'un cheminement difficile.
M. Léger: Mais où sont ces coûts prohibitifs?
Avez-vous des statistiques là-dessus prouvant que cela ne coûtait
pas plus cher pour un étudiant du collégial que pour un
étudiant à l'universitaire?
M. Cloutier: Les chiffres parvenaient principalement de deux
sources: L'enquête commanditée par le ministère à la
firme Sorecom, qui démontre que les besoins des étudiants au
niveau collégial sont moindres que les besoins des étudiants du
niveau universitaire et, également, des résultats d'une
enquête qui avait été faite par les étudiants
eux-mêmes, dans le cadre de Perspectives-Jeunesse. Si mon souvenir est
exact il nous faudrait vérifier l'écart entre la
proposition que nous avons faite et la proposition du comité aurait
été de l'ordre d'à peu près $3 millions.
M. Léger: De différence? M. Cloutier: De
différence.
M. Léger: Serait-il possible d'avoir le résultat de
cette enquête?
M. Cloutier: Non, M. le Président. Je ne pense pas qu'il
soit dans l'intérêt public... Je vais revoir l'ensemble de ces
documents. C'est un problème tellement complexe. Je verrai. S'il y a
lieu, oui. Il s'agit d'un document interne. Je vais voir. Peut-être. Je
ne m'engage pas.
M. Léger: L'enquête de Sorecom, c'est un
sondage?
M. Cloutier: Enfin, cela fait partie des nombreuses études
qu'on fait faire lorsqu'on a des décisions à prendre, mais je ne
veux pas m'engager sans savoir exactement si elle est assez complète
pourêtre rendue publique. Cela peut être un seul
élément. Je ne veux pas que ce soit interprété de
façon inexacte.
M. Léger: Mais quand le ministre parle de nombreuses
études, il y a un sondage et l'étude de Perspectives-Jeunesse. Il
n'y a pas eu d'autre étude après cela?
M. Cloutier: II y a ça, mais, quand je parle de nombreuses
études, je pense à de nombreuses études conduites sur tout
le problème des prêts-bourses, je ne pense pas seulement à
cet aspect.
M. Léger: M. le Président, le comité avait
recommandé qu'aux trois semaines de vacances viennent s'ajouter deux
autres pour la recherche d'emplois concernant l'évaluation pour les
étudiants de leurs demandes de prêts-bourses. Le ministère
a refusé, prétextant le coût prohibitif d'une telle mesure.
Le ministre pourrait-il nous donner des précisions là-dessus?
M. Cloutier: Oui, avec plaisir. Il faudra vérifier de
façon exacte. Mais si notre mémoire est exacte, c'était
autour de $4 millions.
Vous avez déjà $4 millions de plus, alors qu'on a consenti
un rattrapage d'à peu près $10 millions à $12
millions.
M. Léger: Mais c'est fait par quelles études? Les
mêmes études que vous avez mentionnées tantôt? Parce
que là, on me donne $3 millions et $4 millions. Cela vient d'où,
ces chiffres?
M. Cloutier: Par des études que l'on fait
nous-mêmes, à partir des prêts qui sont accordés et
des bourses qui sont accordées et des simulations que l'on peut faire si
le nombre de semaines de travail requises des étudiants étaient
diminuées ou augmentées.
M. Léger: Est-ce que le ministre pourrait déposer
ces études? Je pense que ce n'est rien de prohibitif.
M. Cloutier: Non, je vais voir. Je suis prêt à
déposer tous les documents, mais je vais d'abord voirsi c'est pertinent
ou pas. N'oubliez pas que nous avons à peu près 70,000 dossiers,
et il ne faut pas s'étonner si les coûts augmentent très
rapidement. Chaque décision a des conséquences financières
considérables. Nous procédons par simulation. Nous avons toujours
fait des simulations, chaque fois que nous étions en présence
d'une recommandation.
En fait, si ma mémoire est bonne, nous avons mis en simulation
à peu près toutes les recommandations du comité
spécial qui avait été créé à ma
demande et que les étudiants avaient finalement accepté. Je
l'avais proposé au tout début de la crise et cela faisait un
montant de $55 millions. Vous vous rendez compte!
M. Léger: $55 millions pour...
M. Cloutier: Si on avait retenu les recommandations...
M. Léger: ... tout ce qui a été
demandé?
M. Cloutier: ...telles quelles, indépendamment de leur
valeur et de leur pertinence, parce qu'il y en avait qui remettaient en cause
certains principes,
cela aurait été une somme de $55 millions qu'il aurait
fallu consacrer au rattrapage. ll est bien évident qu'il a fallu tenter
de coller le mieux possible aux réalités. Nous sommes au maximum
de ce que nous pouvons consentir dans ce secteur et j'ai bien indiqué au
comité que, dans les études que l'on prépare pour une
réforme du système de prêts-bourses, on ne pourra
guère dépasser l'enveloppe budgétaire actuelle. Nous avons
fait le rattrapage cette année. C'est un rattrapage de $14 millions.
M. Léger: Autrement dit...
M. Cloutier: Nous avons ajouté...
M. Léger:...les acceptations ou les décisions du
gouvernement à la suite des quelques études que vous avez faites
vous obligeront à dépenser $14 millions de plus que
prévu.
M. Cloutier: Non, pas plus que prévu. Je l'ai cité
dans mes remarques préliminaires. Le budget 1974/75: quelque
$36,706,000; 1975/76: $50 millions. Il s'agit des bourses et des
intérêts. Au niveau collégial seulement, nous passons de
$23 millions à $38 millions; de $23,939,000 à $38,578,000, mais
ceci n'est pas le résultat de la crise que nous avons connue. Ceci est
le résultat des modifications aux prêts-bourses que j'avais
annoncées et que, malheureusement, un cheminement administratif
difficultueux a compromis, mais une fois les problèmes administratifs
résolus, nous avons pu retrouver le niveau auquel nous avions consenti
et nous avons apporté des améliorations supplémentaires
à la suite de certaines recommandations du comité
spécial.
M. Léger: Le ministre admettra avec moi que, devant le
conflit, les tensions et les difficultés auxquels il faisait face, il a
trouvé comme solution de former un comité où il y avait
des membres de son ministère, si je ne m'abuse...
M. Cloutier: Oui.
M. Léger:... et ce comité a étudié, a
dû faire un travail sérieux, puisqu'il y avait des gens de son
ministère; or, les recommandations de ce comité ne sont pas
acceptées comme telles parce que, dans le budget gouvernemental, il
manque des sommes...
M. Cloutier: Oh!
M. Léger: Je ne parle pas des $55 millions.
M. Cloutier: Les choses ne se passent pas du tout comme cela.
M. Léger: Je ne parle pas des $55 millions.
M. Cloutier: Ce n'est pas parce qu'ii manque dans le budget
gouvernemental...
M. Léger: Mais, à ce moment, à quoi a servi
ce comité puisqu'il y avait même des...
M. Cloutier: A quoi a servi ce comité? Grand Dieu! Allez
demander, d'ailleurs, si le comité n'est pas satisfait de ses travaux.
Nous avons pu accepter la plus grande partie des recommandations de ce
comité qui correspondaient à ce que le ministère avait
déjà annoncé ou qui correspondaient à ce que le
ministère avait déjà l'intention de faire.
M. Léger: Oui, mais vous avez accepté la plupart de
ces recommandations.
M. Cloutier: Mais, bien sûr, ce sont des
recommandations.
M. Léger: Oui, mais c'est un comité pour
régler le problème.
M. Cloutier: Mais depuis quand est-on obligé d'accepter
des recommandations telles qu'elles d'un comité? Il va de soi que ces
recommandations doivent tenir compte d'un budget, elles doivent tenir compte
d'un contexte. Ces recommandations nous ont été très
utiles.
M. Léger: De toute façon, M. le Président,
je pose les q uestions pour avoir la position du ministre. C'est le ministre
qui, par la suite, nous donne sa politique et les gens jugeront...
M. Cloutier: Voilà, les gens jugeront. Vous en jugez,
d'ailleurs, $14 millions de plus.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: Justement ces $14 millions, M. le Président,
comprennent évidemment les sorties de fonds pour le paiement de bourses,
mais aussi pour les paiements d'intérêts à des institutions
financières, je suppose.
M. Cloutier: Oui. En fait, c'est le budget global. Dans le budget
global, il y a les intérêts.
M. Bonnier :Est-ce q ue je puis vous demander si vous avez eu des
contacts avec les institutions f i nan-cières relativement à
l'accroissement des prêts auxquels elles doivent consentir et est-ce que
vous entrevoyez quelque difficulté de ce côté?
M. Cloutier: Oui, constamment, ainsi qu'avec l'Institut des
banquiers. D'ailleur, les taux d'intérêt sont discutés.
M. Bonnier: Ils sont ajustés régulièrement
d'ailleurs.
M. Cloutier: Les caisses populaires également.
M. Bonnier: Les institutions financières ne s'opposent pas
à l'augmentation des prêts aux étudiants?
M. Cloutier: Non, parce que nous n'avons pas un degré
d'endettement étudiant aussi élevé qu celui existant dans
d'autres provinces. Le problème risque
de survenir au moment où nous dépasserons les
améliorations coûteuses, mais qui restent dans le même
système, que nous avons amenées cette année. Nous mettrons
de l'avant un autre système où, peut-être, les prêts
seraient dissociés des bourses. A ce moment-là, nous verrons ce
que nous pourrons faire.
M. Bonnier: Est-ce que vous avez une idée des taux de
remboursement? Est-ce qu'ils sont assez bons?
M.CIoutier: Très bons."Surprenamment" bons: 97%. Alors,
c'est un facteur favorable pour qu'on insiste sur l'aspect du prêt plus
que sur l'aspect de la bourse. Je sais que le député de Matane
porte une attention particulière à cet aspect et a
présenté une résolution lors d'un congrès du Parti
libéral à cet effet.
M. Léger: M. le Président, concernant ce fameux
sondage, SORECOM, qui a été quand même commandé et
payé avec des fonds publics, qui ne donne pas des recommandations
politiques, mais plutôt les impressions ou les renseignements provenant
de ce que ces gens ont obtenu de renseignements sur les étudiants:
Contrairement à une étude par un comité particulier,
où il pourrait y avoir un intérêt public à ne pas le
publier immédiatement, je pense que ce n'est pas un obstacle, que le
ministre ne devrait pas hésiter à donner le résultat de
l'enquête SORECOM qui est un sondage.
M. Cloutier: M. le Président, est-ce que j'ai
été compris? Je n'ai absolument aucune objection à rendre
publics tous les documents pertinents à une discussion. Je l'ai toujours
fait. Je le fais même à l'avance. J'ai fait parvenir au
député de Lafontaine tout un dossier de documents...
M. Léger: Je parle de SORECOM.
M. Cloutier: ...pour l'aider à préparer sa
discussion des crédits. Tout ce que je vous ai dit, c'est que je voulais
voir quels étaient les documents. Je ne veux pas prendre une
décision immédiatement devant le micro parce que je n'ai pas
souvenir exactement des données du document. Je veux en mesurer la
pertinence. Aussitôt que je l'aurai fait, je le déposerai à
l'Assemblée nationale.
M. Léger: Je suis d'accord. Est-ce que le ministre le
regarde?
M. Cloutier: Je ne suis pas contre du tout. Je n'ai jamais
été contre. Je n'ai jamais dit que je l'étais.
M. Léger: Non, mais vous n'affirmez pas que vous allez le
déposer immédiatement.
M. Cloutier: Je ne prends pas de décision
instantanément dans un domaine comme celui-là, quand il s'agit de
déposer des documents. Il y a des documents internes dans un
ministère et il y en a des milliers.
M. Léger: Là, je suis d'accord avec le
ministre.
M. Cloutier: II y a des études externes qui sont faites
pour apporter des données supplémentaires ou pour apporter une
information dont je peux avoir besoin pour prendre des décisions. Il y a
certains de ces documents qui sont parcellaires, il y a certains de ces
documents qui ne le sont pas, les rendre publics sans discrimination n'est pas
toujours dans l'intérêt public. Je n'ai aucune objection à
le faire, dans le cas de ce document, d'ailleurs, je pense qu'il n'y a aucun
problème et je veux voir, c'est mon droit. Bon!
M. Léger: C'est ça. Si vous remarquez bien, je ne
veux pas que le ministre me fasse une sorte de... ce que je demandais...
M. Cloutier: Je ne veux pas que le député me fasse
dire que je refuse.
M. Léger: Non, d'accord.
M. Cloutier: Je n'ai jamais refusé.
M. Léger: Je veux quand même faire une nuance. Le
ministre m'a parlé de comités internes et de comités
externes. Je ne parlais pas de ça, je parlais d'un sondage qui est
public.
M. Cloutier: Bien sûr.
M. Léger: Le ministre ne me dit pas qu'il est contre, mais
il n'affirme pas qu'il peut le déposer. C'est ça que je me
dis.
M. Cloutier: Je n'affirme pas instantanément que je vais
le déposer, c'est une question de discrétion de ma part, je
verrai. Je peux décider de ne pas le faire, comme je peux décider
de le faire. Je pense que je vais décider de le faire, mais je veux
vérifier certains éléments. C'est clair? Ce n'est pas un
refus.
M. Léger: C'est clair. Alors, M. le Président,
est-ce que le ministre peut nous dire si les responsables de l'aide
financière, dans les CEGEP ou les universités, dans cette petite
décentralisation au niveau des prêts-bourses, ont
été avisés du fait qu'ils ont maintenant de nouveaux
pouvoirs au niveau de la détermination du statut ou des besoins d'un
étudiant? Puisque la loi est la même, les règlements sont
les mêmes, c'est plutôt une directive qui pourrait venir du
ministère leur donnant des renseignements précis sur les nouveaux
pouvoirs qu'ils ont. Est-ce que le ministre a l'intention ou a émis une
directive à cet effet à ces personnes responsables?
M. Cloutier: II y a eu des rencontres et on va leur faire
parvenir le compte rendu. Ceci fait partie de la décentralisation qu'on
essaie d'apporter au système. Elle est d'ailleurs timide pour cette
année et même pour 1975/76 puisqu'elle doit s'inscrire dans le
plan actuel, mais je la souhaite beaucoup plus poussée à
l'avenir.
Dans le système actuel, c'est pratiquement ce qui se faisait
jusqu'à maintenant. Il y a simplement certains petits ajouts. Dans un
système éventuel, largement transformé, la
décentralisation pourrait
être beaucoup plus grande, mais pour l'année en
cours...
Vous savez, nous voyons, pour les prêts-bourses, une refonte qui
va peut-être même plus loin que ce que les usagers pensent, de
manière à simplifier l'application du système, à ne
pas avoir de formulaires compliqués à remplir, à faire
coller le plus possible aux besoins locaux. Mais il n'est pas question de
consacrer des sommes beaucoup plus élevées que celles que nous
consacrons, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a une question de justice
sociale. Il y a un vote.
M. Léger: Vote ou quorum?
M. Cloutier: Ce groupe des étudiants n'est certainement
pas défavorisé par rapport à d'autres groupes dans la
société.
Le Président (M. Lafrance): Etant donné que nous
sommes appelés à l'Assemblée nationale, la commission de
l'éducation suspend ses travaux jusqu'après le vote.
M. Léger: II reste dix minutes, je ne sais pas si...
M. Cloutier: On a le temps d'aller voter et de revenir. Cela va,
on va pouvoir terminer.
(Suspension de la séance à 17 h 21)
Reprise de la séance à 17 h 36
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs!
M. Léger: M. le Président, est-ce que le ministre
pourrait, maintenant que nous avons une période de repos, nous donner un
peu la raison pour laquelle la réforme dans le domaine des
prêts-bourses, en I974, avant qu'il trouve des solutions et pour cette
année et pour les années à venir, s'était
soldée par un échec, ce qui a bloqué cette modification
qu'il voulait apporter au système en I974, et ce qui a bloqué
dans le ministère?
M. Cloutier: Je me suis déjà expliqué
là-dessus à l'Assemblée nationale, prenant la
responsabilité d'erreurs administratives qui avaient été
commises. Je ne sais pas s'il y a intérêt à y revenir. Je
pense que certaines personnes n'ont peut-être pas su évaluer la
situation. Elles se sont trouvées en présence d'une
réforme d'envergure qui supposait une planification rigoureuse, un
échéancier très clair.
Je rappelle que nous avons plus de 70,000 dossiers. On a probablement
sous-estimé la façon dont l'opération devait être
"managée". S'y ajoute le fait que des problèmes d'ordinateur ont
empêché, sans que ce soit porté à l'attention des
supérieurs hiérarchiques, les simulations qui auraient dû
être faites.
Si certaines simulations avaient été faites, nous aurions
pu, à ce moment-là, mesurer l'impact de certaines des
modifications. Elles ne l'ont pas été. Si je l'avais su, je
serais tout de suite intervenu. Ce n'est pas venu jusqu'à moi; ce n'est
même pas venu au niveau des sous-ministres.
Je pense qu'il faut très clairement admettre que
l'opération n'a peut-être pas été "managée"
telle quelle, sans charger qui que ce soit. Je l'ai fait publiquement à
l'Assemblée nationale. Je trouve que c'est parfaitement normal qu'on
prenne ses responsabilités dans tous les domaines.
Instantanément, on a tenté d'apporter des sol u-tions.
Ceci a amené une surcharge de travail considérable au niveau du
service concerné et je n'ai pas à revenir sur les solutions que
nous avons apportées. Elles ont permis un règlement de la
situation, assez rapidement.
Il est évident que si le cheminement avait été
autre, on aurait probablement pu faire l'économie d'une crise. Pour ma
part, je m'en serais bien passé.
M. Léger: D'après ce que le ministre me dit, ce
n'est pas lui qui supervisait directement cette réforme, ce n'est
même pas arrivé à la hauteur du ministre?
M. Cloutier: Tout n'arrive pas au bureau du ministre. Le ministre
donne des orientations politiques, donne certaines directives, tente d'influer
sur le cours des événements, mais il y a un moment où
l'application doit se faire. Il y a certainement quelque chose qui a
manqué.
Je dois dire que ceci a coïncidé avec une
réorganisation du ministère, une réorganisation à
propos de laquelle je me suis expliqué dans mes remarques
préliminaires. Deux nouveaux sous-ministres adjoints sont
arrivés, précisément, parce que je n'étais pas
satisfait du contrôle de certaines activités, mais ces
sous-ministres adjoints venaient à peine d'arriver au moment où
on a pris conscience de ces retards.
Dans une opération complexe, alors qu'il y a des dizaines et des
dizaines de milliers de personnes impliquées, il suffit de pas
grand-chose pour que tout soit compromis. C'est ce qui est arrivé.
Il est bien évident que, dans un grand ministère,
même si j'essaie d'être le plus vigilant possible je le
suis, je pense il est difficile de tout contrôler. Mais, il y a
des milliers et des milliers de décisions, chaque jour, à
différents niveaux. On ne peut que transmettre un certain
leadership.
M. Léger: Où en sont les travaux du comité
spécial pour l'année 1976/77?
M. Saint-Germain: Seulement une petite question, M. le
Président, sur la déclaration que le ministre vient de faire. Le
ministre n'est pas nécessairement obligé de me répondre,
mais qu'est-ce qui est arrivé de celui ou de ceux qui se sont rendus
responsables de cette malhabileté?
M. Cloutier: J'ai analysé la situation. Il n'y a pas eu de
sanction de prise, compte tenu des circonstances, compte tenu d'ailleurs du
fait qu'il n'y avait
pas de responsabilité sur un individu en particulier; il y avait
véritablement un concours de circonstances.
J'ai décidé de laisser les choses telles quelles. Je tente
de renforcer l'efficacité administrative du ministère le plus
possible, tant par le contrepoids du cabinet et de mes secrétaires qui
s'occupent chacun d'un secteur et par le fait que les sous-ministres ont des
responsabilités directes, ce qu'ils n'avaient pas autrefois. Je pense
bien que nous avons réussi à minimiser beaucoup de maladresses
qui sont presque inévitables dans les administrations modernes.
M. Léger: Le ministre peut-il nous garantir que,
maintenant qu'il a fait une certaine réforme, mineure pour cette
année, mais une plus grande pour dans deux ans, selon ce qu'il nous a
dit tantôt, le nouveau système n'amènera pas les
mêmes conséquences qu'on a eues?
M. Cloutier: Je vais peut-être vous étonner, mais je
vais vous répondre non, je ne peux pas vous le garantir. La machine est
beaucoup plus lourde que vous pouvez le croire. Je suis toujours à
l'affût d'un accrochage quelque part.
M. Léger: Allez-vous la superviser personnellement cette
fois-ci?
M. Cloutier: Oui et dites-vous qu'avec la nouvelle structure, il
y a un sous-ministre, actuellement, qui est responsable du dossier. Il s'en
occupe d'une façon très assidue.
Superviser personnellement tout, c'est bien évident que, sur le
plan de l'application, c'est impensable.
Déjà, je pense peut-être m'occuper directement d'un
grand nombre de dossiers qui ne seraient pas toujours nécessairement de
mon ressort. Par exemple, je suis très étroitement tous les
dossiers prioritaires. En cours de route, je n'attends pas qu'on me
présente des recommandations pour donner une opinion, laquelle
consisterait dans bien des cas à dire: Oui, entérinez les
recommandations. J'essaie d'influer, mais encore une fois, tout cela avec les
moyens du bord.
M. Léger: Maintenant, est-ce que le ministre peut
répondre à la question que j'ai posée tantôt?
Où en sont rendus les travaux du comité spécial pour
l'année 1976/77?
M. Cloutier: On va nous faire un rapport. Il y a eu plusieurs
réunions.
Le comité se réunit régulièrement. Il n'est
pas encore arrivé à des conclusions déterminantes, mais il
essaiera de le faire au cours des prochaines semaines. Il faut peut-être
souligner que le comité est devenu un comité consultatif
permanent également.
Oui, ce qui était une recommandation, soit dit en passant, du
groupe de travail et que nous avons retenue.
M. Léger: C'est cela. Est-ce que ce comité est
seulement une aide ou si ces recommandations vont être suivies?
M. Cloutier: II n'y aura jamais de recommandation des
cornités consultatifs qui vont être nécessairement suivies.
Il n'y a pas moyen d'administrer autrement. Un comité consultatif a un
pouvoir de consultation. On peut recevoir ses consultations avec la plus grande
ouverture possible, mais lorsqu'on a une responsabilité d'administrer
des fonds publics, on doit tenir compte de tout le contexte et de tous les
éléments.
M. Saint-Germain: Cela fait 25 fois que vous le dites.
M. Léger: Mais le comité...
M. Cloutier: Oui, je vais le répéter 50 fois s'il
le faut, jusqu'à ce qu'on comprenne où se situe la
responsabilité au ministère de l'Education. Elle ne se situera
jamais dans les comités consultatifs quels qu'ils soient.
M. Léger: Oui, mais c'est cela. Le comité
spécial a recommandé le comité consultatif. Le
comité spécial comme tel fera des recommandations, vous m'avez
dit tantôt, d'une façon régulière. C'est un
comité qui va fonctionner d'une façon permanente avec des
recommandations particulières et régulières.
M. Cloutier: Oui, bien sûr. Je considère que le
comité peut faire une contribution des plus importantes. Il ne faudrait
quand même pas s'attendre qu'on accepte toutes les recommandations qui
viennent d'un tel comité, surtout qu'il y a des intérêts
qui se manifestent dans ce comité. A ce compte, qu'est-ce que vous
voulez? Vous allez doubler le budget du ministère de l'Education sans
aucun contrôle. Cela aussi, je l'ai répété à
peu près 25 fois.
M. Léger: Est-ce qu'il y a eu quand même des
résultats immédiats sur le travail du comité
spécial ou si vous êtes encore...
M. Cloutier: Enormes. Je crois vous en avoir donné la
démonstration. Nous avons pu approuver la grande majorité des
recommandations, qui s'inscrivaient tout à fait dans le sens des
modifications que nous avions déjà apportées au
système de prêts-bourses. Nous avons consacré un budget de
rattrapage de $14 millions. Avant que nous allions voter, j'attirais
l'attention sur le fait que les étudiants ne constituent pas une classe
défavorisée dans la société. N'allons pas nous y
tromper.
Je considère que notre programme est tout à fait
adéquat pour répondre aux besoins. Tout ce que je souhaite, ce
n'est non pas un accroissement du budget, mais c'est un
réaménagement à l'intérieur du budget, qui nous
donnera un système plus facile à administrer, moins sensible aux
erreurs, plus décentralisé.
M. Léger: Est-ce que les étudiants participent au
comité consultatif?
M. Cloutier: Oui.
M. Léger: Maintenant, avec l'affirmation que le ministre
vient de me faire, je vais lui poser quand même la prochaine question. Y
a-t-il des études entreprises par le ministère visant à
l'attribution d'un revenu annuel garanti à l'étudiant?
M. Cloutier: Nous avons, lorsque j'ai entrepris cette
modification des prêts-bourses, étudié toutes les
hypothèses. Les études préliminaires ne se sont pas
déroulées à ma satisfaction, parce qu'on était
davantage axé vers le système actuel qu'on cherchait à
améliorer, mais j'ai remis cette question à l'ordre du jour, et,
actuellement, il y a des études qui se poursuivent. Aucune
hypothèse doit être éliminée lorsqu'on fait des
options. Je peux vous dire tout de suite que ce n'est pas l'option vers
laquelle on se dirige, par exemple.
M. Léger: Elle n'est pas éliminée, mais ce
n'est pas celle-là qui vous attire le plus.
M. Cloutier: Non, ce n'est pas celle-là qui m'attire le
plus, du moins dans le contexte social actuel, de même que je n'envisage
pas la gratuité scolaire au niveau universitaire pour des raisons tout
à fait analogues. Mais ce n'est pas une option à éliminer,
et nous aurons tous les éléments pour la considérer, y
compris les coûts.
M. Léger: Est-ce que le ministère étudie la
possibilité, parmi les autres solutions, de réduire le coût
de la vie de l'étudiant en le faisant peut-être
bénéficier de certains prix spéciaux, quant au transport,
aux aliments, par exemple?
M. Cloutier: Non, nous ne nous sommes pas posé la question
sur ce plan.
M. Léger: Mais votre comité d'étude, est-ce
qu'il pourrait se pencher aussi sur la possibilité de...
M. Cloutier: Le comité d'étude peut se pencher sur
tous les problèmes qui l'intéressent et nous faire des
recommandations. Je dois répéter encore ce que j'ai dit: Les
étudiants représentent un groupe important dans la
société, mais ne représentent pas le seul groupe dans la
société, et tout cela doit être situé dans une
perspective d'équilibre. Alors, il n'est pas question de transformer les
étudiants en rentiers, qui pourront suivre des cours et obtenir des
diplômes. Je crois qu'il y a encore place pour l'initiative personnelle,
et il y a encore place, également, pour des efforts sur tous les plans,
y compris sur le plan financier.
M. Léger: A mon autre question, le ministre vient
pratiquement d'y répondre, je voulais lui demander quand il
prévoyait la possibilité de l'abolition des frais de
scolarité au niveau universitaire. Il m'a répondu
déjà.
Alors, le ministre peut-il me dire pour quelles raisons, au niveau
universitaire, il n'entrevoit absolument pas la possibilité de
l'abolition des frais de...
M. Cloutier: Je n'ai pas dit que je n'entrevoyais absolument pas
cette possibilité. Voilà encore une contorsion, M. le
Président.
M. Léger: Chacun son tour.
M. Cloutier: Attention là-dessus! Je n'ai pas dit cela.
J'ai dit que toutes les hypothèses étaient étudiées
et que je ne retenais pas cette hypothèse, dans le contexte actuel.
Pourquoi? Parce qu'il y a des conséquences sociales considérables
et, quand on fait des options de ce genre, on change la société
jusqu'à un certain point. Ce sont des décisions hautement
politiques. Or, le système actuel de prêts-bourses
amélioré élimine les frais de scolarité pour ceux
qui ont des besoins.
Si vous éliminez les frais de scolarité pour tout le
monde, qui favorisez-vous à ce moment? Vous favorisez ceux qui ont les
moyens. Vous favorisez les riches. Il est beaucoup plus raisonnable
d'éliminer les frais de scolarité pour ceux qui n'en n'ont pas
les moyens. C'est là que le système de prêts-bourses
intervient, parce que nous comptons les frais de scolarité dans
l'établissement des besoins de l'étudiant.
Je ne suis pas satisfait de cette technique parce que je crois qu'on
n'identifie pas assez clai rement le fait que nous payons les frais de
scolarité pour les étudiants, mais, dans le nouveau
système, nous pourrons le faire.
M. Léger: C'est sûr, mais le ministre doit quand
même admettre qu'éliminer les coûts et les besoins des
étudiants est quand même une solution qu'il faut rechercher. C'est
peut-être souvent plus injuste de demander à des étudiants
d'emprunter et d'avoir des dettes assez longtemps et, par la suite, lorsqu'ils
arrivent sur le marché d u travail, d'y arriver endettés.
M. Cloutier: Pourquoi? Allez demander au gros de la population
québécoise ce qu'elle pense de l'opinion que vous venez de
donner. Vous allez peut-être avoir des surprises. Un étudiant est
un privilégié dans une société, je n'hésite
pas à le dire. Je me considère comme un privilégié
parce que j'ai eu la chance de faire des études. Je les ai payées
moi-même et j'ai travaillé pour les faire, mais je me
considère quand même comme un privilégié, même
si, à ce moment, les gens de ma génération n'avaient pas
le centième des possibilités éducatives qui sont offertes
aux jeunes actuellement. Je dis bien le centième.
Ceci dit, je considère qu'il n'est pas anormal qu'une telle
classe ait à assumer une certaine contribution pour sa formation.
M. Léger: Je ne suis pas d'accord sur l'affirmation du
ministre que l'étudiant est un privilégié. Cela
dépend de la sorte de société où nous sommes. Je
crois que, dans une société, il y a des groupes bien distincts
qui ont besoin de l'aide du troisième groupe. ll y a ceux qui commencent
dans la vie les étudiants et ceux qui ont terminé
leur période de productivité, c'est-à-dire ceux qui
reçoivent des pensions et qui sont à leur retraite. Ce sont
deux
groupes de la société qui ne sont pas
privilégiés. Une société saine doit voir à
permettre d'abord au premier groupe, les étudiants, d'acquérir
une éducation lui permettant par la suite d'être un groupe
productif de la société. Quand il a terminé ses
études et qu'il a fini sa période de productivité dans la
société, où il a donné son apport à la
société, ce groupe a droit à la reconnaissance de la
société. Je Dense que c'est une responsabilité.
M. Cloutier: II y en a d'autres que vous oubliez. M.
Léger: Je simplifie en trois groupes. M. Cloutier: II y a les
handicapés. M. Léger: Oui, c'est sûr.
M. Cloutier: Ce sont des groupes dans la société,
des groupes d'ailleurs fort importants.
M. Léger: Tous ceux qui ne peuvent pas être des
productifs dans la société doivent être pris en main par la
société. Dans ceux-là, il y a l'étudiant qui, lui,
plus tard, va avoir à sa charge les autres groupes qui ne sont pi us
capables de prendre soin d'eux-mêmes et je ne calcule pas qu'un
étudiant est un privilégié. Je pense qu'il se
prépare à remplir une responsabilité sociale importante et
la société doit y voir.
M. Cloutier: Un étudiant est un privilégié
par rapport à d'autres groupes qui n'ont pas les mêmes
possibilités au départ. Je suis entièrement d'accord sur
tout ce que vous dites, sauf qu'il s'agit de savoir si la société
va assumer tous les frais de subsistance de l'étudiant pour en arriver
à une espèce de présalaire. Ce ne sont pas là des
concepts qui doivent effrayer. Nous avons étudié toutes ces
possibilités, mais je dis que ce sont des choix politiques. Je vous ai
expliqué dans quelle optique nous nous situions. Cela ne m'effraie pas
du tout la gratuité scolaire au niveau universitaire. Elle existe dans
un bon nombre de pays, mais en revanche, je pense que le système que
nous avons mis au point, surtout si nous l'améliorons dans notre
réforme des prêts-bourses, annule d'une façon beaucoup plus
sélective dans notre société, les frais de
scolarité, en ce sens qu'elle les annule pour ceux qui ont vraiment des
besoins. Elle ne les annule pas pourtout le monde. Si elle les annule pour tout
le monde, le fils d'un homme qui est plus favorisé n'aura pas de frais
de scolarité à payer, par conséquent ce sera lui qui sera
favorisé.
M. Léger: Oui, tandis qu'actuellement celui qui est pauvre
doit emprunter et celui qui est riche paie lui-même.
M. Cloutier: C'est exact, mais le riche peut emprunter
également. Il ne me paraît pas du tout anormal qu'il en soit ainsi
et que l'on assume la société étant ce qu'elle est
une certaine part de responsabilités. Les chiffres qu'on vous a
donné tout à l'heure, à savoir 97% de remboursement,
semble bien montrer que la majorité des étudiants acceptent cette
responsabilité et que la majorité des étudiants ne
tiennent pas tellement à être entièrement pris en charge
par la société. Ce sont certainement des
privilégiés en ce sens que la plupart se retrouvent avec des
professions qui leur permettent un niveau de revenu élevé. Il y a
là un investissement social.
M. Léger: C'est cela.
M. Cloutier: II n'est pas anormal que l'étudiant paie une
partie de l'investissement social.
M. Léger: C'est la raison pour laquelle, dans notre
programme du Parti québécois, nous préconisons la
gratuité scolaire au point de vue de l'étudiant, mais il faut
aussi lui donner le sens des responsabilités. Dans notre programme, on
prévoit qu'à la fin de ses études il doit donner au moins
une année de son expérience au service de la
société, à l'endroit où la société le
dirige.
M. Cloutier: Faites-vous élire et vous appliquerez votre
programme. En attendant, c'est nous.
M. Léger: Je vous donne quand même des suggestions
puisque vous dites que vous êtes ouvert là-dessus.
M. Cloutier: Allez demander aux étudiants s'ils vont aimer
cela. Vous allez perdre des votes.
M. Léger: Un étudiant qui a obtenu un diplôme
en médecine, peut facilement, pendant son année de reconnaissance
à la société, aller professer à un endroit
géographique du pays où on aura le plus besoin de lui.
M. Cloutier: Quelle naïveté! Belle
société théorique que vous préparez là!
M. Léger: M. le Président, je dois dire au
ministre...
M. Cloutier: Une année de reconnaissance...
M. Léger: Toute réalisation a toujours
été précédée d'une approche théorique
et c'est à l'approche de la réalité qu'on arrive à
la réaliser. Mais il faut, au moins, théoriquement, penser. La
preuve, c'est que votre système...
M. Cloutier: Allez-y, on ne vous empêche pas de penser; au
contraire.
M. Léger: ... de prêts-bourses a été
fait théoriquement et vous l'avez corrigé à
l'expérience.
M. Cloutier: Bien non! J'aurais beaucoup de choses à dire,
je pense que je serais obligé de me répéter. Alors, comme
le député a l'air bien disposé et qu'on a une chance de
terminer, j'aime autant ne pas allonger.
Le Président (M. Pilote): Adopté?
M. Léger: En ce qui me concerne, oui, à moins que
d'autres députés aient autre chose.
M. Côté: Oui. Il y a une question que j'avais
posée antérieurement, on m'avait dit d'y revenir au moment
où on parlerait des prêts-bourses.
M. Cloutier: Oui, c'est exact.
M. Côté: Concernant les handicapés.
M. Cloutier: Concernant les bourses aux handicapés?
M. Côté: C'est ça. Quels
critères...
M. Cloutier: D'abord, au niveau élémentaire et
secondaire, l'impossibilité pour le handicapé d'accéder
aux écoles publiques. Quand c'est impossible pour lui, même si
ça prend un précepteur privé, il y a des bourses aux
handicapés pour défrayer ces coûts. Cela va
jusque-là, mais c'est régi en même temps avec les
commissions scolaires, avec les services de l'enfance inadaptée des
commissions scolaires qui déterminent que c'est vraiment impossible,
physiquement, pour le jeune de se rendre à l'école. Lorsqu'il y a
des frais de transport tout à fait extraordinaire ou lorsqu'il a besoin
d'outils exceptionnels pour parfaire son éducation, encore là,
ces montants sont versés à l'étudiant sous forme de bourse
pour lui permettre de défrayer ces dépenses. Au niveau
collégial et universitaire, seuls les très grands
handicapés de membres inférieurs ou paraplégiques ou
quadraplégiques, ceux-là reçoivent une aide sous forme de
bourse seulement, au lieu que ce soit sous forme de prêt et, alors, on
tient aussi compte de leurs déboursés tout à fait
spéciaux.
Le Président (M. Pilote): Parfait. Est-ce qu'on
adopte?
M. Léger: Cet élément...
Le Président (M. Pilote): Programme 2,
élément 7. Adopté?
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Pilote): Programme 2,
éléments 1, 2, 3, 4, 5 et 8.
M. Léger: Adopté, M. le Président. M.
Cloutier: C'est administratif. Le Président (M. Pilote):
Adopté.
M. Léger: II reste le programme 3, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): Moyens d'enseignement, programme
3.
Moyens d'enseignement
M. Léger: J'ai quelques questions, M. le Président,
mais, auparavant, je vais lire au ministre un petit paragraphe qui va lui faire
comprendre le sens de ma question. Dernièrement, on affirmait que
l'idée de doter le Québec d'un musée d'histoire naturelle
revient à la surface et, entre autres, on lisait... On donne plusieurs
exemples sous formes de questions qui, hélas! ne trouvent pas de
réponses à différents ministères. Qu'est devenue la
collection d'oiseaux, de mammifères de l'ancien collège de
Lon-gueuil, celle des mollusques d'eau douce de la collection Provencher qui a
appartenu au Collège de Lévis qui est aujourd'hui un CEGEP?
Plusieurs musées privés ont été
démembrés et on ne sait pas, dans ce grand nombre de cas, ce que
sont devenues les pièces. Les a-t-on détruites, placées
quelque part, mais où? Dans des tiroirs inaccessibles, quand on sait le
soin qu'exige l'entretien de ces pièces, il y a lieu de
s'inquiéter.
Ni plus ni moins, voici la question que je voulais poser au ministre.
Est-ce que celui-ci a l'intention de créer un musée d'histoire
naturelle du Québec? Si ce n'est pas le ministère de l'Education
qui s'occuperait de cela... Entre autres, les cinq associations scientifiq ues
du Québec disaient que ce devrait être le ministère de
l'Education qui devrait faire cela, parce que, pour elles, cela touche
réellement le domaine de la collection dont se servent souvent des
collèges ou des milieux qui enseignent cette science.
Est-ce que le ministre s'est déjà penché
là-dessus?
M. Cloutier: Je dirais que cela n'a strictement rien à
voir avec le problème que l'on discute.
M. Léger: Oui, c'est la question des moyens
d'enseignement.
M. Cloutier: Question de moyens d'enseignement, c'est une
direction générale d'audio-visuel. Cela n'a strictement rien
à voir avec la question, mais cela ne fait rien, je réponds avec
plaisir puisque nous terminons.
Si un tel musée devait être créé, à
mon avis, il devrait l'être par le ministère des Affaires
culturelles, non par le ministère de l'Education. Le ministère de
l'Education n'a pas à administrer des musées. En revanche, il
peut, comme il le fait, pas directement, mais indirectement dans les
réseaux, utiliser les services de musées.
Un musée d'histoire naturelle au Québec, cela me
paraît une excellente idée. Il faudrait poser la question aux
Affaires culturelles.
M. Léger: On a répondu, à ce
moment-là, que la question de protéger ce qui existe
déjà dans les maisons d'enseignement, relèverait
peut-être du ministère de l'Education.
M. Cloutier: C'est exact. Je vous donne un autre exemple. La
collection de meubles Gauvreau à Montréal, l'ancienne
école du meuble, qui était d'ailleurs une des meilleures
écoles en Amérique, qui a été
intégrée au CEGEP du Vieux-Montréal, nous avons
retracé cette collection et je suis actuellement en communication avec
mon collègue des Affaires
culturelles, M. Hardy, pour que cette collection puisse servir de noyau
à un musée du meuble à Montréal, un peu semblable
à celui de la maison Chevalier, qui a été
créé en I97I, ici. Je ne sais pas si le député de
Lafontaine a eu l'occasion de visiter la maison Chevalier, grande
réalisation du gouvernement actuel, la restauration de la Place Royale
et l'installation d'un petit musée du meuble, qui est des plus
intéressants. Je ne saurais trop lui recommander la visite.
M. Léger: J'en prends bonne note.
M. Cloutier: Je pense que dans cet esprit, je réponds
à la question.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous dire quelles
sont les politiques du ministère en matière de manuels
scolaires?
M. Cloutier: C'est une question drôlement
générale.
M. Léger: On n'en a parlé à aucun
endroit.
M. Cloutier: Je le sais bien, mais je voudrais qu'on me la
précise un peu.
M. Léger: Je vais revenir avec d'autres petites
subsidiaires qui vont clarifier. Quelle est l'attitude du ministère de
l'Education, face au problème de la distribution des livres scolaires,
dans les librairies agréées, qui sont elles-mêmes en
conflit avec la CAMEO?
M. Cloutier: CAMEO. Traduisez-moi cela en français.
M. Léger: CAMEO. Centre d'aide et d'approvisionnement des
maisons d'éducation du Québec.
M. Cloutier: J'ai l'impression que le député de
Lafontaine fait allusion à la politique du livre du ministère des
Affaires culturelles.
M. Léger: Je touche quand même aux manuels
scolaires.
M. Cloutier: Bien sûr, mais je pense qu'il s'agit là
de ce que l'on appelle l'établissement de la tabelle, c'est bien cela
n'est-ce pas?
Je crois vraiment que les Affaires culturelles sont bien placées
pour discuter de cet important problème. Mais il est certain que cela a
une répercussion sur le coût du manuel scolaire. Cela impose aux
commissions scolaires, aux organismes publics et parapublics d'acheter dans
certaines conditions.
M. Léger: C'est que, justement, le ministère des
Affaires culturelles va nous retourner au ministère de l'Education
concernant les manuels scolaires.
M. Cloutier: Je vous ai répondu, Je viens de dire que cela
augmente le prix du manuel scolaire.
M. Léger: C'est cela. Le ministère peut-il nous
donner l'assurance que le CAMEO ne servira pas à vendre ou à
distribuer des livres aux institutions subventionnées?
M. Cloutier: Qu'est-ce que c'est déjà le CAMEO? Le
sigle...
M. Léger: Le CAMEO, c'est le Centre d'aide à
l'approvisionnement des maisons d'éducation du Québec.
M. Cloutier: Je ne le connais pas. Je ne connais pas du tout cet
organisme, Est-ce que quelqu'un connaît cela? Personne autour de moi ne
connaît cet organisme.
M. Saint-Germain: C'est pour les journalistes.
M. Cloutier: C'est le danger de prendre ses informations
uniquement dans la presse.
M. Léger: C'est dans le Devoir, M. le
Président.
M. Cloutier: Je ne parle pas de la Presse en tant que journal, je
parle de la presse en général. Cela comprend tous les
journaux...
M. Saint-Germain: II faudrait le demander aux journalistes.
M. Cloutier:... y compris le Jour. On va vérifier.
M. Léger: De toute façon, je vous pose cette
question, à la fin, à la dernière minute.
M. Cloutier: II me fera plaisir de vérifier et de
l'écrire au député.
M. Léger: On a demandé, concernant la politique du
ministère de l'Education, depuis le retrait par le ministère de
l'Education des subventions pour la publication d'ouvrages d'érudition,
quelle est maintenant la politique du ministère là-dessus?
M. Cloutier: On ne subventionne pas les ouvrages
d'érudition, c'est aussi simple que cela.
M. Saint-Germain: On n'est pas en dedans, on est en dehors.
Chacun ses oignons.
M. Cloutier: Oui, c'est une politique cela. Il y a eu un
transfert de certains dossiers entre lesAffaires culturelles et l'Education, en
particulier, quand je cumulais les deux fonctions. J'en ai profité pour
mettre un peu d'ordre dans des dossiers marginaux.
M. Léger: Le Comité consultatif du livre
cela revient à ce que vous avez commencé à expliquer
tantôt a proposé un changement de la tabelle vu la baisse
du dollar, et le ministère des Affaires culturelles n'y a pas
donné suite. Pourquoi?
M. Cloutier: Posez la question au ministre des Affaires
culturelles.
M. Saint-Germain: Vous avez les mauvaises
feuilles, écoutez une minute, vous êtes mêlé
dans vos feuilles.
M. Léger: Je voudrais simplement dire au
député de Jacques-Cartier, qui essaie de suivre intelligemment le
débat, qu'il ne sait pas toujours de quoi on parle.
M. Saint-Germain: Oui, mais...
M. Léger: M. le Président, nous savons, nous, les
membres de l'Opposition que, quand nous avons des questions qui touchent deux
ou trois ministères, il faut les poser aux trois ministères,
parce que chacun des ministères, par la voix de son titulaire, trop
souvent, nous renvoie à l'autre ministère. Comme cela chevauche
le ministère de l'Education et le ministère des Affaires
culturelles, nous devons la poser ici.
M. Cloutier: Bien sûr, posez-là, mais comment
voulez-vous que je sache pourquoi un comité consultatif qui
relève du ministère des Affaires culturelles a pris telle
décision?
M. Léger: Vous avez des réunions du conseil des
ministres?
M. Cloutier: J'ignore complètement pourquoi.
M. Léger: Les politiques de votre ministère sont
souvent, j'espère, discutées à votre conseil des ministres
de façon que les ministères s'entendent dans leurs
politiques.
M. Cloutier: J'affirme solennellement que j'ignore
complètement pourquoi le comité consultatif du livre, qui
relève du ministère des Affaires culturelles, a pris la
décision de ne pas relever la tabelle, compte tenu des fluctuations du
dollar par rapport au franc.
M. Léger: Parfait. C'est une réponse officielle. Je
la prends en note. Je termine en demandant quelle est la politique du
ministère de l'Education du Québec au sujet de l'achat des livres
aux fins de récompenses scolaires?
M. Cloutier: Vous savez, les livres aux fins de
récompenses scolaires, il ne s'en donne plus.
M. Léger: Absolument plus. C'est terminé? C'est
exclu.
M. Cloutier: II y a peut-être des commissions scolairesqui
continuent, mais je peux vous dire que nous n'avons pas de politique
établie sur ce point important.
M. Léger: De toute façon, je voudrais quand
même dire au ministre que le milieu de l'édition trouverait
peut-être moins drôle les réponses que le ministre vient de
me donner.
M. Cloutier: Je ne vois pas en quoi le milieu de l'édition
trouverait moins drôle le fait que nous n'avons pas de politique pour les
récompenses scolaires. Grand Dieu! à quelle époque nous
reportez-vous?
M. Léger: Les subventions.
M. Cloutier: Nous ne subventionnons pas les commissions scolaires
aux fins spécifiques de donner des récompenses à la fin de
l'année. Si nous le faisions...
M. Léger: C'est dans le budget.
M. Cloutier: ... j'espère que les commissions scolaires
protesteraient, parce qu'à ce moment ce serait un drôle d'accroc
à la décentralisation et à l'autonomie qu'elles
revendiquent.
M. Léger: Oui, d'accord. Je voudrais simplement remercier,
en terminant, les fonctionnaires qui durant les heures qu'ils ont
données pour être présents et appuyer le ministre dans ses
affirmations, ont fait un travail, je pense gigantesque, et essayé de
donner au ministre tous les détails, parce que je lui avais bien dit, au
départ, que les questions cette année proviendraient beaucoup
plus de préoccupations locales, régionales, et pour remonter dans
la filière, jusqu'à l'endroit, dans le ministère,
où on peut trouver une solution. Je termine en félicitant le
ministre pour la plupart des réponses qu'il m'a données. Je vais
relire tout ce qu'il m'a répondu, parce qu'il en a donné
beaucoup. Je verrai, au cours de l'année, les réalisations
possibles de ce que le ministre nous a proposé. Comme les rumeurs
circulent qu'à la prochaine étude des crédits, nous
n'aurons peut-être pas le même ministre de l'Education...
M. Cloutier: Ne vous réjouissez pas trop vite!
M. Léger: De toute façon, je voulais vous souhaiter
bonne chance dans vos prochaines responsabilités, puisque la
rumeurveutque le ministre aille dans une autre direction. C'est pour cette
raison que je vois que le ministre devient de plus en plus serein à la
fin de l'étude de ses crédits. Je lui souhaite bonne chance dans
ses prochaines fonctions.
Le Président (M. Pilote): Avant de céder la parole
au ministre, les programmes 3 et 4 sont adoptés?
Des Voix: Adopté.
Le Président (M. Pilote): Alors, les crédits du
ministère de l'Education, du programme I au programme 14, inclusivement,
sont adoptés, ainsi que...
M. Veilleux: Et 17.
Le Président (M. Pilote):... et 17, excusez-moi, ainsi que
les éléments. C'est pour les fins du journal des
Débats.
M. Léger: II faudrait quand même dire qu'il restera
les programmes...
Le Président (M. Pilote): II reste "promotion du sport '
et "développement des loisirs", les programmes 15 et 16...
M. Léger: Qui relèvent du Haut-Commissariat...
Le Président (M. Pilote): ... qui relèvent du
Haut-Commissariat à la Jeunesse aux Loisirs et aux Sports qui sera
convoqué pour les fins de la discussion.
M. Léger: Au retour du ministre des sports actuellement en
Afrique.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de l'Education.
M. Cloutier: A mon tour, je voudrais dire quelques mots. D'abord,
je remercie tous les membres de la commission, parce que, dans notre
parlementarisme, il est bien établi que c'est la commission qui approuve
les crédits et non une partie de cette commission, quelle que puisse
être sa compétence. Je voudrais également remercier les
fonctionnaires du ministère, qui m'ont aidé à
préparer cette vaste opération. Il faut dire qu'elle se prolonge
pendant une période d'au moins deux, trois mois, chacun des dossiers
devant être très documenté. Enfin, je remercie le
député de Lafontaine. Les débuts de notre discussion ont
été un peu difficiles. Je pense qu'il fallait apprendre à
se connaître. Il fallait également que le président, qui
est toujours souriant, et qui est avec nous pour la quatrième
année consécutive, affirme son autorité, ce qu'il afait,
mais je dirais qu'en gros, nous avons eu des discussions intéressantes.
Nous avons bien travaillé. Nous avons, je crois, apporté
suffisamment d'éclaircissements pour que ceux qui s'intéressent
au secteur de l'éducation puissent trouver un bon nombre de
réponses à leurs préoccupations. Et à la prochaine
fois, parce que, moi, je ne préjuge pas de l'avenir.
Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 8)