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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le jeudi 1 mai 1975 - Vol. 16 N° 63

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Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications

Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles

Séance du jeudi 1er mai 1975

(Dix heures vingt-deux minutes)

M. Pilote (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications se réunit aujourd'hui pour étudier les crédits du ministère des Affaires culturelles.

Sont membres de cette commission; M. Belle-mare (Johnson), M. Bérard (Saint-Maurice), M. Bonnier (Taschereau), M. Charron (Saint-Jacques), M. Cloutier (L'Acadie), M. Côté (Matane), M. Déom (Laporte), M. Houde (Fabre), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Léger (Lafontaine), M. Parent (Prévost), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Veilleux (Saint-Jean). M. Lapointe (Laurentides-Labelle) est rapporteur de cette commission. Les membres sont-ils d'accord sur cette nomination?

Au début, le ministre des Affaires culturelles va faire un tour d'horizon de son ministère. Ensuite, ce sera l'Opposition qui aura son tour, quitte ensuite à passer à l'étude des secteurs et des programmes. La parole est au ministre des Affaires culturelles.

Revue des activités du ministère

M. Hardy: M. le Président, je voudrais, aussi brièvement que possible, tracer les grandes lignes de ce qu'a été l'action du ministère des Affaires culturelles au cours de l'année 1974/75, c'est-à-dire l'année financière, et donner également les grandes lignes de ce que nous nous proposons de faire avec les crédits que la commission est appelée à voter.

Vous vous rappelez que, l'an dernier, plus précisément le 4 avril, j'avais l'occasion de prononcer, à l'Assemblée nationale, un discours où je donnais certaines orientations quant à la politique que le ministère des Affaires culturelles entendait appliquer au cours des prochains mois et des prochaines années.

Cette politique, elle n'était pas tellement actualisée dans le budget que nous avons voté l'an dernier, mais, malgré cela, nous avons tenté, avec ce budget, de réaliser certaines des idées que j'avais énoncées le 4 avril.

Dans cet esprit, nous avons travaillé, pendant la dernière année, à la préparation d'une loi-cadre sur le livre qui tente de tenir compte, d'abord et avant tout, du lecteur, du consommateur.

Bien sûr, l'écrivain, l'éditeur, le libraire ne sont pas négligés dans l'élaboration de cette loi puisqu'ils sont des facteurs indispensables de la mise en application d'une politique du livre. Dans le cadre de ces travaux de la préparation de la loi, des études ont été menées et sont encore en cours, tout particulièrement une étude sur le marché des revues périodi- ques, des périodiques qui constituent une part très importante du marché de l'imprimé au Québec.

Dans le programme des bibliothèques publiques, le ministère des Affaires culturelles par la mise en application de nouvel les normes, tente de faire en sorte que la participation financière du ministère à la mise sur pied et au maintien des bibliothèques publiques soit inversement proportionnelle à la richesse locale; c'est-à-dire que les nouvelles normes plutôt que d'être basées sur la population comme telle et uniquement sur la population, la participation nouvelle du ministère est basée sur l'évaluation locale. Nous avons pris la moyenne de l'évaluation foncière de la province et les municipalités dont l'évaluation est en deçà de cette moyenne reçoivent davantage que les municipalités qui sont au-delà de cette moyenne.

A la bibliothèque nationale et sous la direction du nouveau directeur qui a été nommé au cours de la dernière année, M. Jean-Louis Brault, on a fait des efforts afin de faire connaître la Bibliothèque nationale et de la rendre plus accessible à toute la population. On encourage, en particulier, les manifestations culturelles susceptibles d'attirer un public le plus diversifié possible. Pendant longtemps, la Bibliothèque nationale a peut-être eu la réputation d'être un temple où seuls de grands savants, de grands érudits, des chercheurs étaient admis. De plusen plus, je pense, la Bibliothèque nationale, tout en jouant ce rôle très important dans une collectivité s'ouvre à toutes les manifestations possiblesde la vie culturelle d'une collectivité moderne. Je rappelle, entre autres, à titre d'exemple, la manifestation qui s'est tenue la semaine dernière, manifestation qui n'est pas du tout dans la ligne traditionnelle de ce qu'on appelle... permettez-moi le mot, je m'en excuse à l'avance auprès de ce puriste qui est au Québec, le directeur et rédacteur en chef du Jour, de cette manifestation qui s'est tenue la semaine dernière, qui n'est pas du tout dans l'esprit de l'"esta-blishment".

J'ai accepté que la bibliothèque nationale reçoive les gens qui participaient, et nous avons même accordé une subvention à cette semaine de la contre-culture. C'est dire que la Bibliothèque nationale s'ouvre à tous les mouvements, à toutes les idéologies, à toutes les manifestations, même si, parfois, ces idéologies, ces manifestations ou ces courants sont aux antipodes des idées personnelles du ministre.

Au développement régional, une politique de concertation populaire a été élaborée et est actuellement à l'étude.

Aux industries culturelles, la priorité a été donnée à la chanson et aux disques, et le projet de la Semaine de la chanson québécoise s'inscrit dans ce cadre.

Simultanément, les études sur une société de développement culturel se poursuivent afin de trouver une formule qui permettrait d'apporter une aide plus diversifiée et plus efficace à des industries culturelles qui, jusqu'ici, ne reçoivent pas l'aide du gouvernement.

Les musées du Québec ont également fait un effort, afin de poursuivre leur action de démocratisation. Quarante musées privés ont été subventionnés,

et l'étude de nombreux dossiers se poursuit présentement.

Au Musée du Québec, on poursuit avec succès une opération auprès des étudiants du Québec métropolitain, qui se sont amenés en nombre toujours plus grand au musée où a lieu également une expérience d'animation culturelle.

Dans le domaine de l'artisanat, une première partie de l'étude confiée aux métiers d'art a été remise au ministre, laquelle étude consacre le professionnalisme d'un très grand nombre d'artisans qui, jusqu'ici, étaient considérés comme des marginaux. D'autre part, la création d'un service de l'artisanat au ministère est en voie de formation, en particulier avec le choix prochain d'un directeur de ce service, le concours pour la nomination du directeur du service étant actuellement ouvert.

Avec ce nouveau service de l'artisanat intégré à la direction générale des arts plastiques, il sera possible de rejoindre et d'aider tous les artisans, qu'ils soient des artisans dits de loisir, d'appoint, semi-professionnels ou professionnels.

Dans le domaine des arts d'interprétation, un très grand nombre de troupes, dites semi-professionnelles, ont été subventionnées.

Les isciplines qui jusqu'à maintenant n'avaient pas été reten ues par le ministère, tels le folklore, les harmonies, les fanfares, le théâtre pour enfants sont maintenant admissibles aux subventions du ministère.

Je voudrais bien préciser ici, pour l'opinion publique et particulièrement à l'intention de ceux qui nous permettent de communiquer avec l'opinion publique, que cette nouvelle orientation du ministère, cet intérêt manifesté par le ministère à l'endroit des amateurs, à l'endroit des groupes semi-professionnels ne signifie pas que l'on accorde moins d'importance à ce qui a été jusqu'ici l'activité du ministère à l'endroit des grandes troupes, des grands organismes. Je pense aux orchestres symphoniques, aux grandes troupes de théâtre.

Ces organismes culturels ont un rôle essentiel, irremplaçable à jouer dans une collectivité. Ce que j'avais exprimée le 4 avril et ce que nous avons tenté de réaliser au cours de l'année, ce que nous tenterons d'accentuer au cours de la prochaine année, c'est qu'en plus de l'action culturelle de ces groupes dans unecollectivite, il y a également une autre forme d'action culturelle, c'est l'action de tous les citoyens qui veulent, à des degrés divers, selon des formules nouvelles, participer également à la vie culturelle.

Dans l'ensemble, le ministère des Affaires culturelles, au cours de la dernière année, a aidé ou a accordé des subventions à 163 nouveaux groupes qui n'étaient pas subventionnés antérieurement, soit une augmentation de 45%.

Il y a, bien sûr, comme dans toute politique, des programmes qui ont reçu une attention plus particulière et c'est le cas, entre autres, du programme de la sauvegarde et de la mise en valeur des biens culturels.

La sauvegarde et la conservation du patrimoine ont été une priorité pour le ministère des Affaires culturelles durant 1974/75 et on peut illustrer cette affirmation par des statistiques qui sont, je pense, assez éloquentes.

Il y a eu 142 nouveaux dossiers d'ouverts. Il y a eu 30 reconnaissances en vertu de la Loi des biens culturels. Il y a eu 22 immeubles de classés; 162 objets d'art de classés. 36 aires de protection ont été délimitées, trois sites archéologiques ont été classés et les indemnités payées aux contribuables, aux citoyens qui sont propriétaires de biens classés se sont chiffrées par $282,253.

Donc, il n'est pas toujours juste de prétendre, comme certains le font, que le gouvernement, que le ministère des Affaires culturelles se désintéresse de ce domaine de la sauvegarde du patrimoine. Ce qui peut apparaître comme un effort insuffisamment grand en regard des besoins, c'est que, pendant très longtemps, ici au Québec, on a négligé cet aspect et qu'il faut maintenant rattraper le temps perdu. Comme tous le savent, il est impossible de rattraper intégralement le temps perdu et surtout dans ce domaine, lorsqu'il y a des choses qui ont été démolies, lorsqu'il y a des immeubles qui sont complètement disparus, il est évidemment assez difficile de les faire renaître de leurs cendres.

La situation précaire de plusieurs compagnies de musique, de théâtre ou de danse a fortement préoccupé le ministère durant l'année 1974/75. Ces compagnies qui connaissaient des situations financières difficiles ont sans doute réalisé que le ministère des Affaires culturelles n'accepterait plus d'éponger annuellement les déficits de l'année ou les déficits accumulés. C'est pourquoi plusieurs d'entre elles en ont profité pour étaler leur situation financière en public et forcé d'une certaine façon le ministère à les aider à assainir leurs finances.

En 1974/75, le ministère n'a pas hésité à sauver plusieurs de ces compagnies, dont quelques-unes pensaient même pouvoir se dispenser des deniers publics. Il y acertaines compagnies, qui à un moment donné, ont fait de grandes déclarations disant qu'elles pouvaient bien vivre sans l'aide du gouvernement mais qui, quelques semaines plus tard, étaient bien heureuses de recevoir des subventions.

Le ministère peut maintenant affirmer que la très grande majorité de ces compagnies entreprendront leur prochaine saison avec des finances très saines. Dans la même ligne d'idées et pour que soit bien affirmé ce principe, nous avons dû mettre un terme aux activités d'une de ces compagnies, c'est-à-dire plutôt suspendre les activités d'une de ces compagnies, parce que le déficit accumulé était vraiment trop considérable et qu'il était impossible de continuer dans la même voie.

Le ministère a fait savoir clairement à toutes les compagnies dans le domaine des arts d'interprétation qu'il est prêt à leur offrir une aide plus importante qui tienne compte de l'augmentation des coûts de production mais qu'il n'acceptera plus d'ajouter à sa subvention sur présentation d'un bud get déficitaire.

Encore là, je voudrais que les choses soient bien claires. J'ai souvenance d'avoir lu dans un journal sérieux, sérieux du moins selon le député de Saint-Jean sous la plume...

M. Veilleux: M. le Président, je tiens à dire au ministre des Affaires culturelles que le journal était sérieux pour un cas bien précis.

M. Hardy:... d'un homme qui a une réputation sérieuse, que le ministère des Affaires culturelles errait lorsqu'il prétendait ne pas vouloir éponger des déficits dans le domaine des affaires culturelles, parcequ'il s'agit d'un domaine où les activités, de par leur nature, de par leur définition, ne sont pas rentables. Je suis bien d'accord avec cette idée. Ce que nous disons, c'est ceci, une fois que le budget d'une compagnie a été approuvé, une fois que l'on a accepté d'accorder une subvention déterminée à une compagnie pour son programme pour son année financière, il n'est pas question que cette compagnie dépasse son budget, produise des déficits avec l'espoir que ces déficits, ultérieurement, seront épongés.

Je pense que c'est une question absolument essentielle d'une saine gestion. Il pourra arriver des cas absolument exceptionnels, ilpeut arriver qu'il se produise des conditions que personne ne pouvait prévoir. Bien sûr, il s'agira alors de cas ponctuels qu'il faudra envisager. Mais d'une façon générale, une fois qu'une compagnie saura le montant de la subvention qu'elle recevra pour une année d'activité, il n'est pas question d'espérer avoir une subvention supplémentaire pour éponger son déficit.

Pendant l'étude des crédits 1974/75, j'avais clairement laissé voir qu'il faudrait entreprendre de nombreuses études afin d'assurer une relance du ministère des Affaires culturelles qui soit appuyée sur une connaissance réelle du phénomène culturel actuel. Les études les plus importantes dans ce domaine sont les suivantes. Il y a eu une étude sur le marché du livre, une étude sur les revues et périodiques, une série d'études sur les industries culturelles et plus particulièrement, sur la chanson et le disque, une étude sur les opéras, les orchestres et les compagnies de danse, une étude sur une société de développement culturel, un inventaire des musées privés et l'étude des métiers d'art qui est toujours en cours.

A toutes ces études, il faut bien sûr ajouter celles qui doivent être entreprises par la direction générale du patrimoine sur plusieurs sites, arrondissements ou régions qui peuvent faire l'objetd'une reconnaissance ou d'un classement. Il y a aussi la préparation d'une méthodologie en vue d'assurer le classement des sites naturels.

Alors, c'est un bref résumé, bien sûr, de l'action du ministère des Affaires culturelles au cours de l'année financière qui s'est terminée le 31 mars dernier.

Le budget de 1975/76 connaît une augmentation de $6,950,000, soit 22.6% par rapport au budget total de 1974/75. Toutefois, si l'on compare ce budget au budget voté l'an dernier, en mai I974, l'augmentation est de 32.3%.

A la catégorie des dépenses de transfert, le budget connaît une augmentation de 18% et les effectifs du ministère seront accrus de I26 fonctionnaires, ce qui représente une augmentation de 15.8%.

Je voudraisencore unefois, M. le Président, non pas par désir de triomphalisme — parce que je continue à reconnaître que, dans les conditions actuelles, le budget du ministère des Affaires culturelles demeure encore trop modeste en regard des besoins — mais, d'autre part, pour tâcher de faire quel- que compensation, face à ce négativisme, à ce pessimisme, à cet esprit morose qui existe chez bien des citoyens à l'endroit du ministère des Affaires culturelles, je voudrais quand même insister pour dire que l'augmentation globale du budget actuel, est de 13.1%, alors que l'augmentation du budget du ministère des Affaires culturelles, par rapport à celui voté au même moment l'an dernier, est de 32.3%.

Donc, dire que le gouvernement, dans son ensemble, se désintéresse de la dimension culturelle de la vie collective des Québécois, ce n'est pas reconnaître tout à fait la réalité.

Il faut admettre que cette augmentation, qui est supérieure, comme je viens de le dire, au budget global du gouvernement, indique clairement que le gouvernement a l'intention de poursuivre la relance de son action en matière culturelle et que, par le biais de lois qui seront votées au cours de cette session, il verra à assurer sa souveraineté culturelle dans le domaine de ses compétences propres.

Cette augmentation importante du budget, des effectifs, et l'adoption des lois dont je viens de parler, exigeront du ministère, pour la présente année financière, un effort de consolidation administrative.

Avec des budgets neufs, des figures nouvelles, et des lois nouvelles, il faudra s'attendre que le ministère s'impose de plus en plus, comme un outil important du développement de la collectivté québécoise. Il ne faut pas se surprendre, si l'action déjà entreprise, en 1974/75, a bousculé bien des gens et a suscité des réactions parfois émotives.

La presse écrite et électronique a été le reflet de ce renouveau, dans une certaine mesure. Il est consolant de penser que le phénomène culturel intéresse de plus en plus le citoyen et, j'oserais dire, presque autant que le phénomène social, économiqueou politique. De plus en plus, lescitoyens veulent faire connaître leur opinion sur la culture et veulent ainsi influencer la politique du gouvernement.

Il est également normal que ceux qui, jusqu'à maintenant, contrôlaient les réseaux culturels du Québec, se sentent menacés par cette influence de plus en plus grandissante des citoyens et du gouvernement en matières culturelles.

Le budget que l'Assemblée nationale sera appelée à voter poursuivra l'action entreprise et cela, de trois façons. Premièrement, en accélérant la démocratisation de la culture; deuxièmement, en accélérant certains programmes du ministère jugés essentiels et, d'une façon toute particulière celui de notre patrimoine national; troisièmement, en consolidant l'administration de ce ministère pour augmenter sa crédibilité auprès du citoyen et des organismes qui sont des agents de développement cuIturel dans leur milieu.

Les bibliothèques publiques auront un budget supplémentaire de $844,300, basé, comme je l'ai dit tantôt, sur l'évaluation foncière des citoyens, c'est-à-dire la répartition de ce budget serait basée sur la richesse locale. Plus une municipalité est riche, plus elle est appelée à collaborer au financement de sa bibliothèque publique. Les municipalités les moins riches verront l'aide du gouvernement s'accroître, dans la proportion inverse de leur évaluation foncière.

Six nouvelles bibliothèques seront aidées pour

leur création, dont une à Québec et cinq dans la région de Montréal.

Les programmes d'aide aux éditeurs et aux libraires seront maintenus. A ces mesures sera ajoutée une formule de prêts pour les éditeurs, dans la mesure, bien sûr, où le Parlement acceptera de voter la loi que j'ai l'intention de déposer au cours des prochaines semaines.

La préparation de la loi-cadre sera complétée. Cette loi, à l'instar de la Loi du cinéma, mettra en priorité les besoins du lecteur et du consommateur.

Le service des industries culturelles, avec un budget de $677,700, poursuivra ses recherches autour des media culturels qui rejoignent le plus la population, soit la chanson, les revues et périodiques, la télévision et la radio. Ce sont là les soutiens culturels que le ministère considère comme primordiaux dans le développement culturel et la recherche de l'identité québécoise.

La semaine de la chanson québécoise permettra de consacrer, aux yeux de toute la population, ce moyen qui, jusqu'à tout récemment, était considéré comme mineur en regard du champ de la musique dite sérieuse.

Le rapatriement de certains dossiers du Haut-Commissariat indique clairement cette volonté du ministère des Affaires culturelles de couvrir toute la vie culturelle de la collectivité et de rejeter totalement cette philosophie ou cette prétention que la culture peut se diviser en grande et petite culture. Il n'y a qu'une vie culturelle et le ministère des Affaires culturelles a l'intention d'assumer la totalité de cette dimension de notre vie collective.

Le développement des bureaux régionaux du service du développement régional du ministère connaît une augmentation de son budget de 47%. Cela signifie la matérialisation du principe de la participation de tous les citoyens à la vie culturelle. Le service du développement culturel régional a pour principale mission de faire connaître aux citoyens les différents programmes du ministère, de consulter ces mêmes citoyens sur les programmes auxquels ils désirent participer, de conseiller les différents services du ministère sur la répartition de leur budget, également d'exprimer les besoins culturels, les critiques que le milieu, que la base désire ou sent le besoin d'exprimer à l'endroit de l'action du ministère des Affaires culturelles.

La reconnaissance et la promotion des musées privés, une vingtaine de plus en 1975/76 avec un budget doublé, permettra de compléter le réseau des musées régionaux et d'en assurer l'animation. Les Québécois pourront ainsi corn ptersurdescentresde développement culturel dans leur milieu.

La direction générale des arts d'interprétation avec un budget de transfert accru de 17%, continuera à s'intéresser de plus en plus à des organismes semi-professionnels ou amateurs qui font rayonner la culture dans leur milieu. De nombreuses demandes affluent déjà au ministère qui est à préparer des critères de subventions, qui assureront à la fois la participation de la masse des citoyens, non seulement à la vie culturelle en tant que spectateur, mais, à la vie culturelle en tant qu'agent actif.

Un budget de $500,000 sera consacré à l'immo- bilisation dans le secteur des arts d'interprétation. C'est là une nouveauté. Jusqu'ici, le budget des arts d'interprétation n'avait pas de sommes consacrées à l'immobilisation. La grande priorité en ce moment est de trouver une salle pour la nouvelle compagnie théâtrale à cause de l'obligation dans laquelle elle se trouve de quitter les lieux qu'elle occupe depuis fort longtemps, soit la salle du Gésu.

Le programme no 2, dans son entier, c'est-à-dire celui du patrimoine, de la conservation du patrimoine, connaîtra une augmentation de 33.9%. Si on excepte l'élément qui concerne les archives, le programme du patrimoine connaît cette année une augmentation de 110%, c'est-à-dire, ce programme, mis à part, le domaine des archives, il y a une augmentation de 110%. Cette augmentation est rendue nécessaire pour empêcher la disparition de certains éléments importants du patrimoine et pour mettre en valeur des biens culturels déjà classés. La direction du patrimoine a mis de l'avant un ensemble de 21 mesures spéciales pour lesquelles les crédits additionnels de $3.5 millions sont prévus dans les crédits que nous avons à étudier maintenant.

Un certain nombre de mesures sont présentement à l'étude, soit une caisse de prêts à la restauration des immeubles appartenant à des particuliers, des amendements à la loi 2 et certaines mesures adm i n ist ratives af i n de rendre pl us efficaces les activités de ce programme. Le budget du programme: Livres et autres imprimés, connaîtra une augmentation de 28.7%, celui des arts plastiques, de 38.3% et celui des arts d'interprétation une augmentation de 21.6% dont une augmentation de 17%, comme je l'ai signalé tantôt, seulement pour le secteur des transferts.

La mise en place d'une politique du livre nécessitera une réorganisation de la direction générale des lettres.

J'ai nommé, tout dernièrement, un nouveau directeur général par intérim, qui verra à réorganiser toute cette direction, en fonction des nouveaux objectifs qui ont été prévus. Une loi-cadre sur le livre, comme je l'ai mentionné tantôt, est en préparation.

L'augmentation du budget et l'augmentation des subventions ont mis en valeur la nécessité d'une analyse financière plus grande, afin de contrôler l'utilisation des deniers publics par les organismes subventionnés. Ce service aura donc pour fonction de faire une analyse stricte des bilans et prévisions budgétaires de tous les organismes qui désirent recevoir ou reçoivent des subventions du ministère.

Une insistance toute particulière sera mise sur l'information — information auprèsdu public — sur les politiques du ministère, les programmes disponibles et les critères de subvention; information également auprès du ministère des activités culturelles se déroulant quotidiennement, des courants de pensée se faisant jour dans la collectivité. Le service d'information sera donc un émetteur et un récepteur du phénomène culturel du Québec et, à cette fin, ce service voit son budget augmenter de $70,000 pour la prochaine année.

Le programme 5 connaîtra lui aussi un raffermissement administratif. M.John Goodwin, spécia-

liste dans le domaine de l'organisation de différentes sociétés, est déjà responsable et a eu pour premier mandat d'élaborer une politique du théâtre à partir du rapport Miville-Deschênes. Le rapport Jeannotte suggère également des modifications sérieuses à l'infrastructure artistique des organismes qui oeuvrent dans le domaine des arts d'interprétation, plus particulièrement la musique symphonique, la danse et l'opéra.

L'enseignement de la musique au niveau des camps musicaux, des préconservatoires, des conservatoires et des institutions privées, sera également repensé.

D'importants postes de cadre seront prochainement comblés pour mettre en vigueur ces politiques dont je viens de parler. Je souhaite que les personnes qui viendront se joindre à l'équipe du ministère des Affaires culturelles seront choisies en fonction de leur efficacité, de leur aptitude à administrer et leur ouverture à une notion élargie de la culture.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Jacques.

Commentaires de l'Opposition

M. Charron: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le ministre du tour d'horizon qu'il vient de faire des activités de son ministère et des projets qu'il entretient et que nous aurons l'occasion d'étudier, l'un après l'autre, je pense, selon les programmes, lorsque vous les appellerez, M. le Président. Je voudrais saluer, en même temps, les hauts-fonctionnaires du ministère qui accompagnent le ministre, qui ont non seulement contribué à la réalisation de ce qu'a énuméré le ministre, mais également qui participeront à la réalisation de ce qui nous a été annoncé.

M. le Président, non seulement le ton — ce qui a été remarquable ce matin — du ministre a changé, maiségalement le contenu. Il y a une nette amélioration entre le contenu de son intervention de l'année dernière, où le ministre se rappellera notre échange...

M. Hardy: Ne me tentez pas!

M. Charron: Non, je ne veux surtout pas vous faire briser vos bonnes résolutions, mais où le ton de l'année dernière et le contenu de son intervention marquaient plus une entrée quasi triomphale sur la scène des Affaires culturelles avec une promesse de transformation qu'il nous disait d'accepter à la lettre et au mot.

Je pense qu'un an à la direction du ministère des Affaires culturelles a fait perdre beaucoupd'illusions au ministre qui est en face de moi maintenant...

M. Hardy: ...ce que ce serait si vous étiez là.

M. Charron: ... et il a... Je vous en prie, ne commencez pas à intervenir.

Le Président (M. Pilote): Je vous inviterais à ne pas trop parler de l'an passé, mais à vous en tenir aux crédits, s'il vous plaît.

M. Charron: Prenons ce que nous venons d'entendre. J'avais l'impression d'avoir devant moi un administrateur public résigné aux petites fonctions habituelles qui nous sont réservées dans le cadre constitutionnel actuel pour les interventions majeures de l'Etat dans le domaine culturel.

C'était cela aujourd'hui plutôt que le grand pro-moteur de la souveraineté culturelle et celui qui nous disait l'année dernière: Surveillez-moi bien. Je viens d'arriver. Je pars à Ottawa et je reviens avec la souveraineté; c'était autre chose. C'était l'homme qui ce matin nous parlait, de chacune des moindres petites initiatives prises ici et là. En ce sens, il est devenu un ministre des Affaires culturelles du Québec, c'est-à-dire résigné à la pièce, aux petites politiques et à ce qu'il nous reste à faire avec le budget que nous avons.

C'est donc sous cet angle, à son invitation, que j'ai l'intention de procéder à l'étude des crédits de ce ministère. Nous analyserons, comme le ministre nous y a invités, chacune des initiatives prises dans chacun des champs d'intervention du ministère des Affaires culturelles.

Mais je n'ai pas abandonné mes préoccupations de l'année dernière. Vous vous rappellerez que j'avais utilisé l'année dernière le texte que j'ai encore ici et qui est bon pour les archives, du mémoire de François Cloutier, qui quittait le ministère des Affaires culturelles, et dans lequel il faisait un certain procès du cadre constitutionnel étouffant pour l'action du ministère.

Je m'étais servi de ce texte pour ensuite élargir notre intervention sur le plan budgétaire en disant que nous parlions d'un gouvernement qui disposait dans ce champ, d'un budget dix fois supérieur a celui du Québec pour agir dans le domaine des affaires culturelles et, encore plus que toutes les négociations, les tracasseries habituelles des comités pardessus comités, II y avait ce facteur extrêmement important.

Nous sommes ici pour discuter d'argent, ce matin, c'est-à-dire de moyens financiers de réaliser les politiques. Or, quand on sait ce que reçoit l'autre partie... On peut bien constater l'augmentation subtantielle que reçoit le ministère des Affaires culturelles cette année, mais il faudrait voir de combien l'adversaire — parce que je crois qu'il faut l'appeler ainsi dans ce cas— disposera, lui aussi, en accroissement de ses moyens financiers, et je ne suis pas certain du tout que cette augmentation du budget du ministère des Affaires culturelles vient combler un tant soit peu l'écart de dix contre un que nous avons dans le système fédéral actuel. En effet, si le ministère des Affaires culturelles vient d'augmenter son budget, le Secrétariat du Canada l'a fait également, et donc, les fonds qu'utilisera le Secrétariat du Canada sur le territoire du Québec, aux fins culturelles, seront aussi plus considérables que l'année dernière.

Mais, sans vouloir envenimer un débat, mais le garder à son importance et non pas non plus me contenter de le rappeler tout bonnement pour m'enfermer immédiatement dans l'étude de projets un à l'autre, nous avions fait ce débat l'année dernière, bien sûr, à des fins de juxtaposition de conceptions. Le ministre était nouveau dans sa fonction et il était légitime — peut-être un peu prétentieux — mais

quand même légitime de penserqu'il pouvait effectivement modifier certaines choses.

C'est curieux que, ce matin, aucune allusion n'ait été faite dans l'intervention du ministre des Affaires culturelles, de façon très précise, au contentieux fédéral-provincial sur ce sujet.

Là, il y a toute la différence au monde entre l'annonce du grand changement qui était faite dans le manifeste du 4 avril de l'année dernière et le point où aujourd'hui on en est.

Je reprends quelques-unes des informations glanées ici et là dans les différentes interventions du ministre des Affaires culturelles au cours de la dernière année, car, à un certain moment, le ministre a été obligé — lui et d'autres de ses collègues — de définir ce slogan de souveraineté culturelle qui avait été trafiqué un beau soir de printemps dans le bureau du premier ministre, mais qui, jusqu'ici, ne voulait rien dire. Slogan par-dessus slogan, il vient un moment où les gens sérieux, surtout ceux qui veulent prendre les choses à la lettre et qui croient à la responsabilité des hommes publics lorsqu'ils affirment de telles choses, demandent des précisions et demandent concrètement ce que cela signifierait.

Le premier ministre a bien eu quelques balivernes là-dessus, mais c'est le ministre des Affaires culturelles qui, à ce titre, a été appelé à définir un peu plus souvent le contenu pratique de ce que serait une souveraineté culturelle.

Je signale à l'attention de la commission quelques-unes des affirmations du ministre des Affaires culturelles. Quand on dit: La souveraineté culturelle du Québec — je vois cette autre affirmation: Pas de rapatriement de l'Acte de l'Amériquedu Nord britannique sans sécurité culturelle, une déclaration du premier ministre — qu'est-ce que l'on entend concrètement? Je retiens ceci: Le gouvernement du Québec voudrait, si j'en prends la parole d u ministre, que relèvent désormais de son autorité toutes les subventions et bourses actuellement accordées par le Conseil des arts du Canada, aux titres des arts et de la culture au Québec.

Dans son intervention de ce matin, le ministre nous a-t-il annoncé le succès remporté sur cette question qu'il nous avait promis pourtant l'année dernière? Je me souviens très bien qu'il avait dit à celui qui vous parle, M. le Président: Donnez-moi un an, vous allez voi r, l'année prochaine, ce ne sera pas la même chose. A-t-on progressé là-dedans? Avez-vous entendu ce matin, le ministre, ou n'importe quand ailleurs, dire que, désormais, le Québec avait son autorité sur toutes les subventions et bourses actuellement accordées par le Conseil des arts? Je dirais même qu'aucun progrès sensible n'a été fait là-dessus. Bien sûr, vous aurez l'occasion de les expliquer. On va dire qu'on s'est rencontré trois ou quatre fois; deux fois à Québec, deux fois à Ottawa, que cela se négocie au niveau des hauts fonctionnaires, que, lors de la dernière réunion, on a réussi à changer une virgule de place et qu'il y a donc progrès! Que cela s'en vient et, qu'à un moment ou à un autre, le Conseil des arts cédera cette autorité qu'il a sur un grand nombre de moyens financiers et d'actions dans le domaine culturel.

Quand le ministre définissait aussi ses projets plus loin, il disait: Le gouvernement du Québec voudrait que l'assistance aux oeuvres et aux activités artistiques qu'assure présentement le Secrétariat d'Etat du Canada soit faite par le Québec. Avons-nous fait du progrès là-dedans? Où en sommes-nous là-dedans? Avons-nous véritablement progressé et changé depuis l'année dernière?

Le ministre nous disait, l'année dernière, que la gestion et l'organisation des échanges internationaux à caractère culturel touchant le Québec, présentement assurées par le ministère des Affaires extérieures du Canada, devraient être assurées par le gouvernement du Québec. Où est le progrès, depuis l'année dernière? Quel est le changement majeur intervenu dans ce champ? Nous avions pris la parole du ministre, l'année dernière, là-dessus.

Il définissait encore plus loin, concrètement, ce que voudrait dire une souveraineté culturelle et il nous disait que cela irait jusqu'à inclure que la production des films français à l'Office national du film passerait à l'Office du film du Québec et serait donc sous juridiction québécoise. Avez-vous entendu dire que l'Office national du film a perdu quelque once d'autorité à l'endroit du ministère des Affaires culturelles du Québec?

Le ministre nous disait aussi, l'année dernière, que souveraineté culturelle voulait dire, entre autres choses, que toutes les subventions octroyées au titre du programme fédéral d'initiatives locales aux groupes culturels et artistiques ne le seraient que sous la juridiction et l'accord du Québec. Avez-vous entendu dire que les projets d'initiatives locales, qui, effectivement, ont souvent plusieurs domaines d'intervention dans le champ culturel, sont tombés sous la juridiction de celui que nous venons d'entendre?

L'année dernière, le ministre des Affaires culturelles disait également que l'expression "souveraineté culturelle," le slogan, lorsqu'on le définissait en termes politiques, voulait dire que la responsabilité, en matière de droits d'auteur, de copyright d'oeuvres d'art, qui relève actuellement du ministère fédéral de la Consommation et des Corporations, tomberait sous la juridiction québécoise. Où est le changement depuis l'année dernière dans ce domaine?

Il nous disait aussi que cela voulait dire que la responsabilité relative à la promotion de la littérature québécoise à l'étranger, laquelle relève — nous en avions discuté l'année dernière — en partie du ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce, deviendrait, à un moment ou à un autre, l'entière juridiction québécoise. En avez-vous entendu parler, non seulement au cours de l'année, M. le Président, vous qui avez été un observateur attentif de ce qui se passait au ministère des Affaires culturelles, mais également simplement dans les réalisations annoncées ce matin?

Le tonitruant ministre des Affaires culturelles de l'année dernière a-t-il à ce point perdu ses illusions, et s'est-il résigné à être un administrateur d'un champ que le fédéral ne peut pas complètement envahir, parce qu'on en est à peu près à cette situation, qu'il a abandonné tous ses engagements qu'il avait pris? Il me dira, bien sûr, que probable-

ment il n'a pas abandonné, par exemple, ce droit de regard qu'il exigeait. Autre exigence définie par le ministre, ce droit de regard qu'il voulait avoir sur la programmation française de Radio-Canada au Québec. J'ai presque envie de le référer à son collègue des Communications qui a déposé, à cette même table, il y a à peine quelques jours, lorsque nous procédions à l'étude de ses crédits, un plan de développement de Radio-Canada, dont il dénonçait et l'esprit et la lettre, et avec raison, sur le territoire québécois. Le ministre soutiendra, bien sûr, qu'il n'a abandonné aucune de ses préoccupations. Enfin, je dis que, s'il les a abandonnées, il devrait abandonner également le fauteuil qui est le sien.

Parce que je crois que ce qu'il définissait l'année dernière, ce que nous prenions à la lettre, ou partant d'une expression sportive, la chance au coureur que nous donnions, à ce nouveau ministre des Affaires culturelles, allait bien sûr dans le sens où nous espérions que cette volonté allait se concrétiser dans des actes politiques.

Il ne suffit pas qu'un ministre — je pense que mon expérience de cinq ans peut me servir amplement à ce sujet — m'affirme que c'est une de ses préoccupations pour que je crois que dans le secret de son officine, il y travaille avec fermeté et rigueur.

J'ai vu trop de préoccupations, maintes fois énoncées, sansqued'annéeen année, lorsde l'étude des crédits, nous puissions constater le moindre changement. Toutce qui ne changeait pas, c'était la politique du ministère et les préoccupations du ministre. Mais jamais il n'y avait de rapport entre la préoccupation du ministre et ce que faisait effectivement le ministère.

On me dira, par exemple, touchons un sujet "hot", que la question du rapatriement des sources consacrée par la Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne, qui était aussi une préoccupation du ministre des Affaires culturelles annoncée l'année dernière, demeure encore une préoccupation du ministre des Affaires culturelles. Mais c'est curieux que, ce matin, on ne nous annonce pas le succès qu'on nous avait promis, qu'on ne nous annonce pas un progrès sensible. Pour ma part, je dis progrès sensible, sans m'en contenter, car ces préoccupations... le ministre avait mis encore plus d'emphase que moi sur cette question l'année dernière, tellement il se sentait confiant de ses forces et surtout, sous-estimait le contexte dans lequel il oeuvrait. Je ne me contenterai pas de progrès sensible.

Ces choses, maintes fois énoncées, et appuyées par l'Opposition, dans des intentions annoncées par le ministre des Affaires culturelles, ce n'est pas pour que nous constations des progrès sensibles d'année en année. C'est pour que nous y aboutissions le plus rapidement possible. La souveraineté, M. le Président, ne veut pas dire que des progrès sensibles; ça veut dire, les pouvoirs entre les mains ou alors — je ne veux pas reprendre ce débat alentour d'un slogan commercial — on utilise des mots que pour dire des mots et les vider de leur sens. C'est le premier ministre du Canada qui rappelait à son jeune collègue québécois qu'il y a un piège dans chacun des mots et qu'il faut faire attention au sens que l'on avance. Parfois, pour vouloir couper l'herbe sous le pied à l'Opposition, on se trouve à accréditer une idée qu'elle était seule à défendre auparavant, et ainsi, à faciliter sa tâche.

Le premier ministre du Canada a été conscient de cela, il a rappelé à son employé provincial qu'il n'avait pas l'intention de le laisser utiliser ce genre de vocabulaire trop souvent, car ça pourrait, à un moment ou à un autre, avoir des résultats négatifs à l'endroit du British North America Act, que le ministre d'en face soutient.

M. le Président, je pourrais, comme l'année dernière, insister longuement sur cette nécessité absolue du Québec d'avoir, dans ce domaine culturel, l'entière gestion de ses affaires.

Mais je pense que ce matin, en prenant la parole du ministre de l'année dernière et celle qu'il me redonnera vraisemblablement, je l'espère, je dirais à des gens déjà convaincus, ceux qui entourent le ministre des Affaires culturelles et les hauts fonctionnaires qui oeuvrent avec lui dans le ministère qui, j'espère et je crois, travaillent dans ce même sens et avec cette même conviction, que c'est un domaine fondamental sur lequel nous ne devons non seulement rien céder — ce qui malheureusement arrive, on aura des cas à signaler lors de l'étude de différents programmes— mais où il faut conquérir, où il faut, effectivement, ce genre de victoires promises et non accomplies depuis l'année dernière, il faut les accomplir, il faut aller les chercher.

Mais j'aurais l'impression, même en m'adres-sant aux représentants des media d'information qui suivent nos débats ce matin, que nous répéterions des choses autour desquelles tout le monde a convenu. Ce qui est beaucoup plus important ce matin que de réaffirmer des principes de ce genre, qui font l'objet d'un consensus de l'ensemble des Québécois, c'est de vérifier, à la pièce, les succès remportés dans ce domaine, parce que cela a été la stratégie. C'est la stratégie du gouvernement actuel dans ses rapports avec le gouvernement central, c'est la stratégie qu'a épousée le ministre des Affaires culturelles, la négociation à la pièce.

Toutes ces pièces que j'ai nommées, parce qu'elles avaient été nommées et identifiées elles-mêmes par celui qui vient de vous parler, mais les autres aussi, l'ensemble de la politique culturelle qui s'étend, bien sûr, aux communications, comme j'ai eu l'occasion d'en discuter il y a encore peu de temps, qui s'étend à l'ensemble de la vie... Reprenant la définition du ministre, il n'y a pas de petite et de grande culture, il y a une vie culturelle québécoise, qui comprend l'ensemble des loisirs des Québécois, qui comprend l'ensemble de leurs moyens d'expression et de leurs moyens de communication. Tout cela doit relever du Québec.

Est-ce que le ministre est à ce point désenchanté de son expérience d'une première année? Qu'il nous est apparu, ce matin, comme un poisson content de son bocal? Et qu'il voulait, par plusieurs trémoussements, nous faire croire qu'il nageait abondamment, même si le bocal était petit. Cela ne nous fait pas oublier le bocal, M. le Président. J'aimerais que, pour un moment, vraiment pas pour l'ensemble de l'étude de ces crédits, le ministre re-

prenne le ton "emphasé" qu'il avait l'année dernière, lorsqu'il nous parlait de cette conviction qu'à l'intérieur du régime fédéral canadien qu'il soutient, ou qu'il a supplié les électeurs de Terrebonne de soutenir, et qui allait permettre rapidement... Je pourrais faire abondance de citations, d'adjectifs et d'adverbes utilisés l'année dernière par le ministre des Affaires culturelles, ils se résument en un mot. Selon lui, il n'avait besoin, dans ce contexte, que d'une volonté politique ferme du tuteur des affaires culturelles, ce qu'il était devenu dans le nouveau cabinet. Il s'est dit: Cette carte étant maintenant assurée — car j'ai pu vous assurer de mon intention ferme de la réaliser — je ne vois pas pourquoi cela ne marcherait pas.

Mais cela n'a pas marché; cela n'a pas marché. On me dira ce matin qu'il y a eu progrès ici, qu'on a eu concession là-dessus, moi, je pourrai, à l'étude de chacun des programmes, signaler, d'endroit en endroit, l'intervention fédérale qui, elle, a continué, avec des moyens financiers dix fois supérieurs aux nôtres, à intervenir largement sur ce champ.

Là où nous brandirons une minivictoire remportée sur un musée ou remportée sur une exposition quelconque à l'étranger, où, après moult délégations, rappels, le Québec a finalement eu le droit d'avoir sa version là-dessus, je pourrais déposer, sur la table de la commission, moult petites défaites également accomplies, Par exemple, dans le domaine d u patrimoine, des biens culturels, qui était et qui est, je crois, comme l'a affirmé le ministre, la priorité de son ministère au cours de la dernière année.

Voilà donc, M. le Président, l'ensemble du contexte. Le ministre a déposé, je crois, ce matin, une satisfaction d'oeuvres accomplies à l'intérieur de limites très précises qu'il semble avoir renoncé à repousser encore plus loin.

Il se contente de la gestion traditionnelle — et, disons-le, cela apparaît, à plusieurs observateurs, comme essoufflé — des affaires culturelles, l'espèce de renonciation qu'on a faite à plusieurs initiatives et, à la limite, travailler mieux, travailler avec plus de succès, mais travailler aussi, en même temps, avec moins de portée, on dirait, avec moins "d'emphase", à l'intérieur des limites qui ont toujours été celles du ministère des Affaires culturelles.

En ce sens, cela n'apparaît pas, à l'ouverture de l'étude des crédits du ministère, comme étant un signe de santé et un signe d'encouragement à la vitalité. Il y a le régime politique qui est au-dessus de notre tête, qui est l'encadrement de l'exercice des pouvoirs en matière culturelle au Québec, qui finit par être un obstacle, non seulement à la réalisation de certains objectifs, mais, également, simplement, à l'enthousiasme de les réaliser. C'est un ministère sans enthousiasme que nous avons eu l'occasion de surveiller au cours de la dernière année. Nous verrons, dans l'étude des programmes, comment s'est accomplie la tâche, dans les limites actuelles du partage, mais, que, vraisemblablement, on a très peu réussi à élargir ces limites.

C'est l'impression, M. le Président, que je voulais laisser à la commission, à l'ouverture de l'étude de ces crédits, parce que j'ai vraiment l'impression que c'est l'étude détaillée de chacun de ces programmes que nous en mesurerons la réelle portée. Mais je ne pouvais pas passer soussilence, le silence du ministre des Affaires culturelles sur l'immense et inchangé contentieux fédéral-provincial qui avait fait l'objet de la majeure partie de notre débat l'année dernière. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires culturelles.

M. Hardy: M. le Président, le député de Saint-Jacques, comme son rôle le veut, a, bien sûr, tenté de mettre l'accent sur la partie plus faible de l'exposé que j'ai eu l'occasion de faire tantôt. Mais je dois reconnaître, sans vouloir le flatter — je me demande si c'est à la suite de mon intervention qu'il a dû se maîtriser à ce point — qu'il l'a fait avec une certaine objectivité.

Toutefois, je rappellerai au député de Saint-Jacques qu'il a une conception étriquée de la souveraineté culturelle. Cela peut paraître assez paradoxal pour quelqu'un qui est membre d'un parti dont l'objet primordial est la souveraineté dans sa totalité.

Quand on parle de souveraineté culturelle, il y a deux volets extrêmement importants. Il y a d'abord ce volet qui consiste en l'occupation du champ que nous pouvons occuper, de notre propre initiative, sans bataille, sans débat contentieux. Quand on refait l'histoire constitutionnelle du Canada et du Québec, depuis 1867, on se rend très bien compte qu'une des lacunes majeures de tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec, à quelque parti politique qu'ils appartiennent, a été, d'une part, de faire de grandes déclarations contestataires à l'endroit du gouvernement fédéral et, en même temps, de négliger d'occuper des champs que la constitution lui permettait d'occuper.

Personnellement, je pense qu'un gouvernement réaliste... Sans vouloir faire de politique partisane, je pense que c'est ce qui s'est fait, pour la première fois dans l'histoire politique du Québec, depuis 1960. C'est que les gouvernements qui se sont succédé, depuis 1960, à la direction des affaires publiques du Québec, ont d'abord tenté d'occuper les champs qui nous sont accordés par la constitution, tout en continuant de réclamer des modifications aux rapports de force entre les deux gouvernements.

La déclaration que j'ai formulée ce matin, je le reconnais, a mis l'accent sur ce volet de la souveraineté culturelle qui est l'occupation des champs que nous pouvons occuper de nous-mêmes. D'ailleurs, encore une fois, si l'on refait l'histoire constitutionnelle du Québec — je pense bien que le député de Sauvé ne me contredira pas là-dessus — dans bien des cas, si le gouvernement fédéral est intervenu, c'est à cause de l'absence d'intervention des gouvernements provinciaux.

Si le gouvernement provincial, avant I950, avait davantage occupé le champ culturel, il est fort probable — en tout cas, on peut le présumer — qu'il n'y aurait pas eu la commission d'enquête Massey-Lévesque, laquelle a donné ouverture à toute cette

série d'interventions du gouvernement fédéral dans le domaine culturel. Donc, j'ai pensé qu'il était extrêmement important que nous occupions le plus de champs possible. C'est donc dire que les principes sur lesquels je me suis basé l'an passé à l'occasion de l'étude de ces crédits, non seulement je n'y ai pas renoncé, non seulement je ne change pas un iota à tout ce que j'ai dit l'an passé à ce sujet, mais je prétends qu'au cours de l'année, peut-être modestement, peut-être sans brandir d'oriflamme, nous avons quotidiennement, hebdomadairement, mensuellernent par l'application de nouvelles politiques, par le développement de nouveaux programmes, nous avons tâché le plus possible d'actualiser, de nous prévaloir de la souveraineté culturelle dans le domaine de nos compétences actuelles.

Il y a l'autre volet et je vous signale certains faits, en plus de cette occupation de petits cas. Le député de Saint-Jacques peut peut-être relever un peu le nez sur les petits cas, mais le député de Saint-Jacques devra reconnaître avec moi que c'est avec une série de petits cas, c'est avec une série de petites interventions, à la condition que ces interventions s'inspirent d'un plan d'ensemble... c'est cela qui fait une politique culturelle.

M. Charron: C'est ce que fait le fédéral aussi.

M. Hardy: Oui. Ce ne sont pas simplement de grandes déclarations de principe qui font une politique culturelle. Une grande déclaration de principe comme celle que j'avais formulée à l'Assemblé nationale, le 4 avril, doit servir de cadre de référence, d'inspiration; mais par la suite, c'est par des gestes quotidiens, ponctuels que nous réalisons la souveraineté culturelle. C'est par des gestes de plus d'envergure, comme cette loi du cinéma que nous serons appelés à étudier tantôt. Malgré les critiques que l'on peut faire, le député de Saint-Jacques reconnaîtra quand même que par cette loi du cinéma, le gouvernement du Québec pour la première fois occupe ce champ dont il avait été largement absent et qui avait donné, conséquemment à cette absence, ouverture à cette entrée du gouvernement fédéral, soit par l'ONF ou soit par cette organisme qui subventionne la production de films.

Donc, la loi du cinéma est, à mon avis — le préambule de la loi d'ailleurs le reconnaît très clairement — une occupation très importante du champ de la souveraineté culturelle.

Cette loi-cadre du livre que nous sommes présentement à préparer sera également une occupation très importante du champ culturel, donc de l'actualisation de la souveraineté culturelle. Une fois ce volet accompli et réalisé, je continue à soutenir les mêmes choses que je soutenais l'an passé. C'est qu'il est absolument essentiel qu'interviennent des ententes, je ne dis même pas de modifications constitutionnelles parce que la constitution est à peu près muette sur cette question, elle est muette, elle est silencieuse quant à la lettre. Personnellement, je prétends qu'elle est très éloquente quant à l'esprit, parce que si on a reconnu en 1867 que le domaine social, le domaine de l'éducation devaient relever des provinces, c'était pour une raison bien précise, c'est que l'on reconnaissait que l'identité, la personnalité collective des Québécois devait être remise entre les mains de l'expression politique de cette collectivité. Comme il n'était pas question d'interventions des gouvernements de l'Etat dans le domaine de la culture en 1867, on est demeuré silencieux sur cette question. En 1867, au Canada comme dans tous les pays civilisés, c'était le mécénat privé qui intervenait dans le domaine de la culture.

Encore une fois, à cause de l'esprit qui se dégage de la constitution de 1867, je prétends et je continue à prétendre, et je le présendrai aussi longtemps que j'aurai un souffle de vie, que la maîtrise fondamentale de la politique culturelle au Québec doit être entre les mains de l'expression politique de cette collectivité. Dans cet esprit, je reconnais que, dans une certaine mesure, j'avais peut-être été présomptueux, au cours de l'étude des crédits de l'an passé, en particulier... Ne vous réjouissez pas trop vite. Je demande au député de Saint-Jacques de ne pas se réjouir trop vite.

M. Charron: C'est l'humilité qui me surprend surtout.

M. Hardy: Le député de Saint-Jacques me connaît mal. Il y a certains partis politiques qui pratiquent la vertu au grand jour, qui étalent quotidiennement leur vertu. Il y a d'autres partis politiques ou d'autres membres de partis politiques qui pratiquent la vertu d'une façon plus modeste. C'est au fond, M. le Président, la parabole du pharisien et du publicain. Je reconnais que je suis un pauvre publi-cain.

M. le Président, cet autre volet de la souveraineté culturelle, je considère qu'il est toujours d'actualité, c'est-à-dire ces négociations et ces éventuelles ententes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, qui permettraient au Québec d'être le seul maître d'oeuvre de la politique culturelle au Québec. Mais je disais tantôt que j'étais peut-être présomptueux l'an passé en laissant entendre que je pourrais revenir cette année en déposant des ententes bien rédigées, bien formelles, et qui donneraient au ministre des Affaires culturelles et au gouvernement du Québec l'entière responsabilité de la vie culturelle. Mais, M. le Président, d'abord, il faut bien reconnaître que, douze mois dans la vie d'une collectivité, dans la vie d'une nation, c'est bien peu, et si, M. le Président, les négociations avec le gouvernement fédéral n'ont pas progressé davantage, encore là, ce n'est pas par un genre de masochisme je dirai que ce n'est pas à cause du gouvernement fédéral, parce que je dois admettre que de véritables négociations n'ont pas encore été engagées sur ce plan avec le gouvernement fédéral. L'expérience démontre en effet qu'il a toujours été extrêmement néfaste.pour le gouvernement provincial, d'engager des discussions avec le gouvernement fédéral sansavoirune position des dossiers très bien articulée. Rappelez-vous l'histoire politique de I944 à l960 où, malgré des déclarations de principe aussi virulentes que celles que peuvent faire actuellement les gens du Parti québécois, à peu près rien n'a été accompli dans le do-

maine des relations fédérales-provinciales, rien de positif, sinon ces points d'impôt que M. Duplessis avait réussi à obtenir en 1954/55.

D'autre part, rappelez-vous les progrès qu'a connus M. Lesage de I960 à 1966, et pourquoi ces progrès ont été accomplis dans le contentieux fédéral-provincial sous le gouvernement Lesage. C'est parce que ce gouvernement se présentait aux conférences fédérales-provinciales avec des dossiers extrêmement bien faits, extrêmement bien préparés, tellement bien préparés qu'à certains moments, les autorités fédérales ont dû s'inspirer des dossiers provinciaux pour élaborer des politiques à la grandeur du Canada, et je pense au système du régime de retraite.

Or, c'est en s'inspirant et c'est à la lumière de ces expériences que j'ai considéré qu'il valait mieux retarder l'engagement officiel de négociations, de pourparlers avec le gouvernement fédéral. Il valait mieux préparer davantage nos dossiers, et c'est pourquoi vous trouverez, dans le budget actuel, un montant de $54,000 qui est encore prévu cette année, pour compléter les dossiers que nous avons dans ce domaine.

Donc, M. le Président, je résume en disant ceci: La souveraineté culturelle, d'abord, j'y crois. Quand on laisse entendre que c'est un slogan, c'est absolument faux. La souveraineté culturelle, c'est peut-être un mot moderne, un nouveau mot dans le langage politique du Québec, mais qui traduit une idée, une volonté politique traditionnelle, historique du Québec.

Historiquement, le Québec a voulu, d'une part, appartenir à la fédération canadienne, mais a voulu également avoir tous les pouvoirs qui lui étaient nécessaires pour assurer sa sécurité sur le plan culturel et sur le plan social.

Ce principe, dans l'esprit du gouvernement, dans l'esprit de celui qui vous parle, est toujours aussi important, est toujours aussi impérieux et nous continuerons, au cours de la prochaine année, avec le budget que vous serez appelés à voter, à occuper encore davantage le champ culturel dans la mesure de nos compétenceset nous continuerons à préparer ces dossiers afin d'engager, d'une façon sérieuse, d'une façon valable, d'une façon concrète, des pourparlers avec le gouvernement fédéral afin de réalisercet objectif, encore une fois, qui n'est pas changé, qui est toujours le même, qui est celui de donner au Québec la maîtrise d'oeuvre de la politique culturelle sur son territoire.

M. Charron: M. le Président, si vous me permettez... Ce n'est pas souvent que nous avons ce genre de débat, et sans vouloir l'allonger non plus, pour me préparer à intervenir dans chacun des pro-grammes que j'ai l'intention d'étudier sans question fastidieuse, donc, sans allonger les débats, vous me permettez d'ajouter aux remarques que vient de faire le ministre des Affaires culturelles où il a admis, je pense, que plusieurs des questions soulevées l'année dernière, n'ont pas connu...

Le Président (M. Pilote): Seulement un instant. Permettez-vous que M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine)?

M. Charron: Certainement.

M. Hardy: Ce serait le dernier à avoir des objections parce qu'il s'agit d'une très nette amélioration et, sans être malin, je dirais que, parmi mes collègues du cabinet, je suis particulièrement privilégié d'avoir, du côté de l'Opposition, les deux interlocuteurs que j'ai ce matin.

Le Président (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: J'étais à vous dire que le ministre a admis qu'il avait peut-être été présomptueux l'année dernière — cela a été son mot — de prétendre que le régime, dans sa nature, par définition, centralisateur, allait connaître un soubresaut à l'inverse, que nous allions arriver à une décentralisation alors que tous les mécanismes dans ce cas fonctionnaient.

Il nous a rappelé aussi, à sa façon, l'attitude traditionnelle des gouvernements québécois, je dirais non seulement traditionnelle parce que,dans ce sens, cela ne pourrait être pris que sur son angle péjoratif...

M. Hardy: Historique.

M. Charron: Voilà! J'aime mieux employer l'expression "l'attitude historique du Québec" qui était — je le définis ainsi — affirmation de principes solennels, fermeté, et qui, par la suite, pouvait — cela a été le cas, par exemple, du premier ministre Johnson — procéder à l'amélioration concrète de la situation dénoncée, pièce par pièce ou dossier par dossier. Mais prétendre que les affirmations solennelles n'étaient là que pour combler un vacuum d'initiatives prises par le gouvernement québécois, c'est passer rapidement sur cette attitude historique du gouvernement.

Je pense que ces déclarations solennelles, pour reprendre le mot du ministre, ont un effet d'engagement, ont un effet de fermeté, par exemple, qui permettent, d'année en année, de vérifier le comportement de ce gouvernement.

Mais ce que j'ai voulu faire ce matin, j'aurais pu le faire également en m'arrachant en lambeaux sur la place et en disant qu'on m'a menti et qu'on m'a trahi et sortir des déclarations du mardi, 28 mai 1974... Le ministre me disait: Vous allez avoir honte de revenir à la commission parlementaire l'année prochaine tellement je vais avoir fait des progrès et il m'avait dit à un autre moment... Non, j'envenimerais le débat si j'allais citer cela. Mais il me disait que c'était la fin de ma carrière, à part cela, qui était à l'horizon, tellement il remporterait de succès. Mais ce n'est pas le cas.

M. Hardy: J'ai eu pitié de vous!

M. Charron: Je pourrais aussi rappeler au ministre — et c'est la seule remarque que je veux ajouter à cet échange — qu'il nous disait cette intention de, peut-être, non seulement essayer de conquérir de nouveaux champs mais d'abord d'occuper pleinement le champ québécois qui nous est dévolu par le silence même de la constitution et aussi cette

attitude qu'il a prise de vouloir occuper d'abord les premiers champs. Il disait: Le député de Saint-Jacques lève le nez sur ce qui s'appelle des réalisations par petits cas. Au contraire, M. le Président, je crois que l'année dernière... et c'est mon intention de procéder de la même façon, je m'intéresse à chacun des petits cas parce que j'ai aussi l'impression très nette que c'est comme cela que se fait la vie culturelle d'une société et c'est comme cela que s'établit une politique culturelle. Vous allez voirq ue ce sera peut-être fastidieux même, à l'occasion, tellement j'ai de petits cas à soulever, mais qui pour chaque région ont leur signification, ils font avancer, ils font progresser, je ne néglige pas cela; mais ce que je soutiens, c'est que le gouvernement fédéral dont on parlait, et dont l'action était dénoncée par le ministre des Affaires culturelles l'année dernière, procède, lui aussi, par petits cas. C'est comme cela qu'il a fait sa politique culturelle.

Par exemple, rappelons cet incident d'il y a quelques années: Une subvention du Conseil des arts par-dessus la tête du gouvernement québécois à une troupe de théâtre de Montréal pour la diriger vers un genre de théâtre bien particulier, privant ainsi les Montréalais d'un autre genre de théâtre auquel le public montréalais s'était habitué. C'est comme cela qu'on transforme des politiques culturelles. C'est un montant de $40,000 par-ci, c'est un montant de $50,000 par-là, c'est une ouverture à inclure, par exemple, un nouveau type de monuments historiques dans les projets pouvant être subventionnés par le gouvernement fédéral que l'on intervient et qu'il intervient. La disproportion de moyens financiers, à ce moment-là, devient catastrophique parce qu'un petit $40,000 par-ci, comme je vous le disais, et un petit $40,000 par-là, sur le budget des Affaires culturelles c'est une somme considérable. Sur le budget du secrétariat d'Etat, c'est dix fois moins important que cela peut l'être pour le ministère des Affaires culturelles québécois parce qu'il dispose de dix fois plus de moyens que nous pour intervenir là-dessus. Je ne lève pas le nez sur les petits cas, M. le Président, je dis qu'il est essentiel de maintenir solennellement cette attitude historique du Québec et en même temps cette vigueur parallèle au maintien de l'occupation de tous les champs qui sont probablement dévolus au Québec, parce que nous pouvons anéantir sans le savoir, par une négligence sur le front constitutionnel, une multitude de résultats enregistrés sur les petits cas. C'est cela aussi l'histoire du Québec, si je pouvais y apporter ma vision, la juxtaposer... ceci ne va certainement pas à l'encontre de ce qu'a soutenu le ministre des Affaires culturelles. Ce qu'il a vu, ce qu'il a décrit comme attitude historique ou comme comportement historique des deux gouvernements est réel. Cela a été quoi, aussi, dans un autre cas? C'est qu'à un moment donné, par exemple — prenons un champ qui est en dehors de celui qui nous occupe, le champ du travail — au moment où on édifiait entre nous, on essayait d'occuper pleinement tout le champ constitutionnel actuel, centres de main-d'oeuvre du Québec que l'on établissait à un end roit ou à un autre, en face, de l'autre côté de la rue, avec dix fois plus de succès, s'établissait le Centre de main-d'oeuvre du Canada. Cela faisait quoi, M. le Président? C'est que l'occupation de ce champ que nous disions faire et dans lequel la stratégie disait: On va d'abord occuper tout le champ qu'on a avant d'aller en demander plus. Pendant qu'on s'occupait à occuper le champ qu'on avait le droit d'occuper, on se trouvait incapable d'occuper l'autre champ que nous devions occuper par la suite. C'est ce qui arrive même dans les affaires culturelles. Nous aurons l'occasion de le soulever. Ce sont les remarques que je voulais faire avant l'étude programme par programme des crédits de ce ministère. Je ne sais pas si d'autres collègues de la commission veulent y joindre des remarques générales, mais, pour ma part, je suis disposé à entamer l'étude des programmes.

Le Président (M. Pilote): Programme 1.

M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter quelques mots très brièvement sur l'aspect constitutionnel des propos du ministre? Je serai très bref.

Le Président (M. Pilote): Si les membres de la commission acceptent.

M. Hardy: M. le Président, étant donné le rôle qu'occupe, au sein de ce Parlement, le député de Sauvé, d'une part, et étant donné sa spécialité personnelle d'autre part, je pense qu'il y aurait peut-être avantage pour tous les membres de la commission d'entendre ce qu'il a à nous dire.

Le Président (M. Pilote): Le chef de l'Opposition.

M. Morin: D'ailleurs, M. le Président, je serai très bref. Le but de ma présence à la commission est de soulever un certain nombre de problèmes concrets, mais le ministre ayant fait allusion aux aspects constitutionnels des Affaires culturelles, j'estime devoir intervenir plus tôt que prévu. En effet, sur le plan constitutionnel, nous sommes devant une très grande ambiguïté des dispositions de la constitution. Le ministre a dit: Celle-ci est silencieuse, elle est muette. Je me demande si elle est si muette que cela.

Il est vrai que, nulle part dans le British North America Act, il n'est dit que la culture relèvera du niveau fédéral ou des Législatures provinciales. Il est vrai, je n'en disconviendrai pas avec le ministre, que si on fait la somme de toutes les compétences qui sont reconnues à la législature québécoise par l'article 92, il s'en dégage un certain esprit qui veut que tout ce qui est culturel, tout ce qui touche le peuple québécois, devrait être dévolu normalement à l'Assemblée nationale. Mais il y a d'autres aspects de la constitution qui révèlent un autre esprit et sur lequel je me permettrai d'attirer l'attention du ministre.

D'ailleurs, je suis bien convaincu que je ne lui apprendrai rien. Mais je voudrais terminer cet exposé par une ou deux questions bien précises sur ses intentions, lorsque le pouvoir fédéral invoque, lui, d'autres dispositions qui, elles, sont expresses dans la constitution et qui ont trait au pouvoir illimité de dépenser les deniers publics, pouvoir illimité qui est, comme vous le savez, accordé en noir

sur blanc par le British North America Act au parlement fédéral.

Rien n'interdit, en l'absence de dispositions expresses dans la constitution, rien, sinon un certain esprit auquel le ministre a fait allusion, n'interdit au pouvoir fédéral de dépenser les sommes qu'il juge à propos dans le domaine des Affaires culturelles. Au contraire, étant donné le silence de la constitution à l'égard des affaires culturelles et la précision avec laquelle est défini ce pouvoir illimité de dépenser, on pourrait dire qu'en gros, l'esprit, tout dépend de qui parle de la constitution. On pourrait soutenir — au Canada anglais, on le soutiendra — que l'esprit de la constitution permet à Ottawa de s'oc-cuperd'à peu près n'importe quoi. L'esprit n'est pas le même, les fondements mêmes de la constitution ne sont pas les mêmes selon la personne qui en parle. Le ministre sait que, pour nous, cela a touché une entente entre deux peuples, mais il sait que, pour la majorité, cela a toujours été, d'abord et avant tout, une loi du Parlement impérial, pour laquelle le peuple québécois n'a pas été consulté.

Donc, je me demande si ça nous avance beaucoup de faire appel à l'esprit de la constitution dans ce domaine. Le malheur, c'est que le Canada anglais a besoin, dans le même domaine des Affaires culturelles, d'une centralisation plus grande. Le Canada anglais traverse une crise d'identité qui, à mon sens, est plus terrible encore que la nôtre, ce n'est pas peu dire, une crise d'identité devant son voisin américain.

Le Canada anglais, qui était demeuré très britannique, très lui-même jusqu'à la seconde guerre mondiale, est en passe aujourd'hui de disparaître littéralement culturellement. Son univers mental est de plus en plus américain. Pour résister à cet envahissement quotidien, Dieu sait s'ils s'en plaignent dans le domaine des périodiques, dans le domaine de la télévision, des journaux, pour résister à cet envahissement, il est obligé de se donner un pouvoir mieux étoffé au centre. Et donc, l'esprit de la constitution, dans le domaine des affaires culturelles, pour un Anglo-Canadien, c'est nécessairement la centralisation. Il en a besoin. J'avoue que si j'étais Anglo-Canadien, j'aurais probablement une attitude de ce genre. J'estimerais qu'il est essentiel que le gouvernement central intervienne de façon décisive dans ce domaine. Voilà donc le dilemme dans lequel nous nous débattons.

Pour les mêmes arguments qu'invoque le ministre, les Anglo-Canadiens sont fondés a nous rétorquer que l'intervention du pouvoir fédéral est essentielle. Les arguments du ministre, je les ai entendu répéter bien des fois, c'est que l'intervention de l'Etat est nécessaire aujourd'hui, pour protéger un certain patrimoine culturel.

Le Canada anglais ne pense pas différemment. Il est même aux prises avec des problèmes plus graves que nous, mais il lui faut nécessairement faire appel au gouvernement d'Ottawa.

Voilà le dilemme. Tout le monde fait appel à l'Etat et ce n'est pas le même Etat. Nécessairement, dans un pays comme celui-ci, la majorité finira toujours par dire: Quel Etat a raison? Si elle ne le fait pas ouvertement, en des textes constitutionnels, elle le fera dans les faits.

C'est ce dont nous sommes témoins. Les montants que le gouvernement fédéral consacre à la culture augmentent chaque année, au Québec comme ailleurs.

Je ne perçois pas, du côté d'Ottawa, la moindre volonté de céder du terrain. Au contraire, j'ai l'impression — il n'est que de lire les journaux — que, de jour en jour, et de mois en mois, il y a une volonté politique d'imposer sa présence dans le domaine culturel québécois, volonté d'autant plus évidente que plusieurs hommes politiques fédéraux ont l'impression que s'ils n'affirment pas cette présence, dans les milieux artistiq ues, dans tous les domaines qui relèvent de la culture, les Québécois finiraient peut-être par se donner une identité distincte.

Je suis convaincu, pour en avoir parlé avec des hommes politiques fédéraux, à l'occasion, que les affaires culturelles sont devenues l'un des enjeux de la grande bagarre constitutionnelle dont nous sommes témoins depuis quelques années.

J'ai l'impression que le ministre s'illusionnerait, s'il avait l'impression qu'Ottawa va négocier quoi que ce soit, de fondamental dans le domaine des affaires culturelles, comme dans bien d'autres domaines.

Le réalisme me force à dire qu'à moins d'un changement constitutionnel fort important, soit d'une négociation globale, soit d'un changement qui serait imposé par un nouveau régime au Québec, il ne se fera rien de permanent, rien de stable, dans le domaine du partage des compétences en matière culturelle. Au contraire, je voudrais attirer l'attention du ministre, et ce n'est pas une attaque que je fais contre sa politique, d'une certaine façon, je souligne à quel point il lui est difficile de faire progresser ses dossiers, et je voudrais qu'il en soit conscient. Les affaires culturelles sont devenues un excellent moyen, pour le pouvoircentral, de faire sentir sa présence au Québec. Peut-être l'un des principaux moyens. Donc, il ne doit pas s'attendre que cette présence, que cette pression diminue d'un mois à l'autre.

Le ministre disait: Douze mois, dans l'histoire d'un peuple, c'est peu de chose. Cela dépend de quel mois il s'agit, parce qu'il me semble qu'une journée, dans l'histoire d'un peuple, si on la choisit mal, peut être fort déterminante. Je pense à un certain jour de septembre 1759, qui est à l'origine — disons-le — de plusieurs de nos déboires aujourd'hui, le ministre n'en disconviendra pas, le problème ne se poserait pas de la même façon. Il faut se rendre compte que cela a des suites sur le plan historique.

Le ministre disait: Nous avons été négligents, c'est pour cela qu'il y a eu la Commission Massey-Lévesque, qui a permis au pouvoir fédéral d'envahir éventuellement les affaires culturelles. S'est-il demandé pourquoi nous avions été négligents? C'est parce que nous étions dans une position constitutionnelle de faiblesse. C'est parce que, historiquement, nous avons été réduits à l'état d'un peuple qui n'était pas maître de son destin. Donc, il y avait une dévaluation de tout ce qui est culturel, de tout ce qui est patrimoine, de tout ce qui est identité. Le ministre le sait.

Je voudrais terminer sur une interrogation. Je

ne force même pas le ministre à répondre. Je me la pose tout haut. Si le ministre veut réfléchir...

M. Hardy: Quelle est la réponse?

M.Morin: La réponse, j'ai une idée de ce qu'elle pourrait être, mais je ne vais même pas en parler, parce que je veux me situer dans le contexte concret, réel, d'aujourd'hui.

Devant cette volonté affi rméed'Ottawa, de ne pas céder du terrain, qu'est-ce que le ministre entend faire pour que la présence québécoise se fasse sentir, en dépit de ces obstacles? Qu'est-ce que le ministre peut faire pour que le Québec regagne peu à peu le terrain perdu dans le domaine des affaires culturelles, étant donné qu'il dispose de moyens limités sur le plan financier et, étant donné que la constitution, en fin de compte, permet au pouvoir fédéral de dépenser dans tous les domaines qu'il estime nécessaires et valables?

M. Hardy: M. le Président, il est évidemment très difficile, malgré toute la bonne volonté que l'on peut y mettre de part et d'autre —j e reconnais que, ce matin, le ton de la discussion démontre une très bonne volonté d'aborder cette question — mais, malgré cette bonne volonté, malgré toute l'honnêteté intellectuelle que l'on peut y mettre, il est évident qu'il devient non seulement difficile, mais, presque impossible, de discuter de cette question, de part et d'autre de la table, parce que, nous partons de postulats diamétralement opposés.

Vous avez déjà — je respecte ce choix et c'est le choix d'un certain nombre de Québécois — décidé, vous êtes convaincus qu'il est impossible, au sein d'un fédéralisme canadien, de donner à la collectivité québécoise, les moyens qui lui sont nécessaires pour se développer comme entité nationale, comme groupe national distinct.

M. Morin: Ce n'est pas un postulat, toutefois, c'est une conclusion.

M. Hardy: On ne se chicanera pas sur les mots. C'est-à-dire que votre conclusion devient un postulat. Vous avez fait une analyse de la situation. Vous avez conclu qu'il était impossible, à la lumière de l'histoire, à la lumière du contexte actuel, pour les Québécois, de pouvoir pleinement se développer au sein d'un régime fédéral.

Moi, personnellement, et le gouvernement auquel j'appartiens, nous partons d'une conclusion différente. Nous croyons, d'abord, à cause de la nature même du fédéralisme — je parle du fédéralisme comme système, non pas du fédéralisme canadien tel que vécu, en I975, au Canada — partant du fédéralisme...

M. Morin: Abstrait.

M. Hardy: Non, de ce régime politique que l'on retrouve un peu partout dans le monde et qui est en voie... Là aussi, je fais appel à l'histoire. Je suis profondément convaincu que le fédéralisme est inscrit dans l'histoire. Le monde se dirige vers le fédéralisme. Cela arrivera avec des périodes plus ou moins longues selon les pays, mais, l'Europe qui est je ne dirais pas à notre porte physiquement, mais intellectuellement, se dirige vers une forme de fédéralisme.

Or, nous croyons que, dans un régime fédéral — encore une fois, je le précise bien, non pas nécessairement le fédéralisme tel que pratiqué actuellement au Canada — il est possible de permettre à une collectivité, comme la collectivité québécoise, de se développer. Donc, nous parlons de conclusions différentes.

Le député de Sauvé dit: Etant donné le problème de l'identité culturelle qui se pose pour le Canada anglais, le Canada anglais est enclin à remettre au pouvoir central la responsabilité en matière culturelle. Je ne disconviens pas de cette analyse. Il est exact qu'à l'heure actuelle, c'est une tendance, quoiqu'il y ait peut-être certaines réticences. En Ontario, par exemple, on sent le besoin de mettre sur pied un ministère des Affaires culturelles et des Loisirs, mais je dis, M. le Président, qu'il est possible de démontrer au Canada anglais — c'est un peu la réponse que je veux apporter au député de Sauvé — qu'il est possible de démontrer à l'ensemble du Canada anglais et, plus particulièrement, au gouvernement fédéral, que plus le gouvernement provincial, l'expression politique des Québécois, aura de pouvoirs dans le domaine culturel, plus cela favorisera le développement de l'identité québécoise et que plus la culture française sera vivante, sera forte au Québec, plus l'ensemble du Canada sera protégé dans son identité.

Si demain matin — je pense bien que le député de Sauvé là-dessus n'en disconviendra pas — le Québec n'existait plus au sein de la fédération canadienne, ce serait fini, le Canada n'existerait plus comme entité distincte. Il pourrait peut-être continuer à survivre quelque temps sur le plan politique, mais sociologiquement, culturellement, le Canada, sans le Québec, serait tout simplement une extension des Etats-Unis.

M. Morin: II l'est déjà.

M. Hardy: Pour que le Canada ait vraiment une identité distincte du voisin américain, il faut une présence française forte et, quand je dis française, je dis une présence québécoise. Le jour où — et je ne désespère pas que les anglophones le comprennent... Les anglophones ont déjà compris que ceci est nécessaire. Même en 1955 le rapport Massey-Lévesque reconnaissait très bien la nécessité d'une présence française au Canada pour conserver l'identité canadienne. Quand les anglophones auront franchi un second pas, une seconde étape, quand ils.auront reconnu que, pour que cette culture française, cette culture québécoise, cette identité québécoise soit vraiment aussi forte que possible, c'est uniquement par le truchement de l'expression politique de la collectivité québécoise qu'on peut y arriver, à ce moment...

M. Morin: On fera l'indépendance.

M. Hardy: Non, c'est justement, à ce moment, le gouvernement fédéral... Bien non, parce que, jus-

tement, l'indépendance rejette le Canada anglais aux Etats-Unis, mais c'est précisément ce qu'il faut, c'est de donner, sur le plan social, sur le plan culturel, au Québec tous les pouvoirs nécessaires pour s'épanouir, pour se développer. C'est la seule façon de sauver le Canada. Je ne désespère pas — et je considère que je suis relativement réaliste — de faire cette démonstration au Canada anglais, de faire cette démonstration aux autorités fédérales, que c'est la survie même du Canada. La survie même du Canada dépend d'une remise des pouvoirs, sur le plan culturel et sur le plan social, aux Québécois.

Bien sûr, si on arrive à cette conclusion — et là, j'essaie d'être le moins politique possible — il est évident qu'à ce moment, toute votre thèse, la raison d'être même de votre parti, disparaît. Le jour où les Québécois se rendront compte, d'une part, et que le gouvernement fédéral reconnaîtra, d'autre part, qu'il est nécessaire pour l'existence du Canada que le Québec ait tous les pouvoirs dont il a besoin en matière sociale, en matière culturelle, l'existence du Parti québécois n'aura plus sa raison d'être.

M. Morin: Ce sera l'indépendance-association, à ce moment.

M. Hardy: Encore là, on n'est pas pour se quereller sur les mots. Je dis que tout cela peut se faire dans un fédéralisme renouvelé. C'est ce à quoi le gouvernement actuel croit.

Le Président (M. Pilote): Avant de passer au programme 1, je voudrais légaliser un fait, c'est que le ministre n'est pas membre de la commission. Il remplaçait M. Cloutier, de L'Acadie.

M. Charron: Je propose qu'on raie les interventions du ministre du journal des Débats.

M. Hardy: M. le Président, il faudrait peut-être donner une explication pour les journalistes. Cela peut paraître bizarre que le ministre des Affaires culturelles ne soit pas membre de plein droit de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications, mais ce qui arrive, à cette commission, si tous les ministres intéressés y étaient membres de plein droit, c'est qu'elle serait composée en majeure partie, du côté ministériel, des ministres. Alors, pour permettre au plus grand nombre de députés de participer à cette commission, il y a changement à chacune des commissions. Il n'y a rien de plus grave que cela. C'est la raison.

Le Président (M. Pilote): Programme 1, Livres et autres imprimés; élément 1 : Aide à la publication et à la vente du livre.

Aide à la publication et à la vente du livre

M. Hardy: M. le Président, ce programme 1: Livres et autres imprimés, se réalise, d'abord, par le truchement du programme d'aide à l'édition, du programme de l'assurance-édition, les librairies agréées, le programme sur les travaux spéciaux qui participent à la fois de l'aide à la création, de l'aide à l'édition, qui sont des travaux encyclopédiques et bibliographiques, et l'aide à différents organismes professionnels, tels que le Conseil supérieur du livre, l'Association des libraires et enfin, par les prix littéraires et scientifiques que le gouvernement du Québec décerne chaque année. Au sujet des prix littéraires et scientifiques, je voudrais faire remarquer que le même montant apparaît toujours aux crédits actuels, soit $10,000, c'est-à-dire $5,000 pour le prix littéraire et $5,000 pour le prix scientifique, mais je reconnais que ce sont des montants relativement minimes en regard de l'importance que l'Etat du Québec veut accorder à ces prix littéraires. J'ai l'intention par le truchement d'un budget supplémentaire éventuel, de les faire augmenter, parce que, compte tenu de l'inflation actuelle, je pense que la remise d'un prix de $5,000, même si ce n'est peut-être pas ce à quoi les récipiendaires s'attendent d'abord, l'aspect financier du prix, c'est surtout la reconnaissance de leur talent. Mais, quand même, il faudrait que l'aspect matériel soit un peu en proportion de l'honneur ou du mérite que l'on veut reconnaître à ceux à qui on décerne ces prix.

Le Président (M. Pilote): Adopté.

Loi-cadre

M. Charron: Non, M. le Président. D'abord, puisque nous avons l'occasion, à ce programme qui traite du livre et des autres imprimés, d'aborder la question annoncée dans l'intervention du ministre au départ, la loi-cadre, quand sera-t-elle déposée? Où en est-on avec les consultations avec les gens du milieu? Question très importante: Lorsque la loi sera déposée, a-t-on l'intention de procéder en commission parlementaire à convoquer les intéressés pour venir nous donner leurs opinions sur la loi-cadre sur le livre, selon la bonne habitude du ministre des Affaires culturelles?

M. Hardy: Voici. Le député de Saint-Jacques m'ouvre la porte pour définir ma conception des commissions parlementaires.

M. Charron: Si vous voulez. Je ne suis pas en humeur d'en parler ce matin, par exemple. Vous définirez la vôtre.

M. Hardy: Je dois, M. le Président, dire tout de suite que, personnellement, même si j'ai collaboré d'une certaine façon, alors que j'étais vice-président de l'Assemblée nationale, à la rédaction du règlement qui régit actuellement nos travaux, il y a certains aspects de ce règlement qui concernent les commissions parlementaires. Non pas que je sois contre le principe des commissions parlementai res, mais c'est sur le moment où peut intervenir le rôle des commissions parlementaires dans l'ensemble du processus législatif.

Je considère qu'une commission parlementaire où le grand public est appelé à venir déposer sur une loi ne doit pas avoir lieu après que cette loi a été

déposée en première lecture. Je reconnais que ce que je dis là n'est pas conforme au règlement, mais c'est ma philosophie. Parce que, dans notre régime politique, le jour où une loi est déposée en première lecture, cela veut dire que le cabinet s'est commis, que le gouvernement, l'exécutif a admis le principe de cette loi. Bien sûr, théoriquement, il est possible qu'un gouvernement rebrousse chemin, décide après coup qu'il s'est trompé. Mais je pense que faire de cette théorie une règle habituelle, c'est extrêmement dangereux, c'est-à-dire que c'est peut-être très valable pour l'Opposition si, à plusieurs reprises au cours d'une année ou au cours d'un mandat, un gouvernement reconnaît publiquement qu'il s'est grossièrement trompé au point de déposer un projet de loi et de changer tout à coup complètement le principe et la nature du projet de loi, évidemment, l'Opposition a une excellente argumentation pour aller devant le public et dire: Voilà quelle sorte de gouvernement vous aviez. Pendant quatre ans, pendant son mandat, le gouvernement a admis qu'il s'est trompé nombre de fois.

Donc, je considère que le jour où le gouvernement s'est prononcé sur un principe, sur le principe d'une loi, il l'a déposée en première lecture, sauf pour des cas extrêmement rares, d'une importance primordiale, pour des raisons, je le répète, extrêmement rares, il n'est pas normal que le gouvernement revienne sur les principes sur lesquels il s'est prononcé.

Or, une fois ce principe admis, si vous convoquez, après le dépôt d'une loi en première lecture, une commission parlementaire, deux choses peuvent se produire: ou bien, vous permettez aux gens de venir s'exprimer, de se faire entendre tout simplement pour se faire entendre, pour se défouler, pour dire ce qu'ils ont à dire et le gouvernement a déjà décidé de ne pas modifier substantiellement sa loi. Je considère que c'est mauvais et j'ai trop de respect pour l'opinion publique pour agir ainsi. Ou bien il y a l'autre chose: Le gouvernement admet, à l'avance, qu'il pourra chambarder complètement sa loi.

C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord, en plus des rai ons d'ordre pratique que j'ai pu invoquer pour la loi du cinéma, personnellement. Je voudrais bien que l'on prenne mes paroles comme une opinion bien personnelle, une opinion de parlementaire. Je ne prétends pas ici donner l'opinion du gouvernement, parce que le règlement n'est pas changé et le règlement a été approuvé par l'ensemble de l'Assemblée nationale. Mais là où une commission parlementaire, où l'on entend des témoins, peut être utile, c'est au moment où le gouvernement en est encore à la gestation de sa loi, où il est à la préparation d'une loi.

C'est ainsi que l'on peut très bien, à partir d'un document, à partir d'un livre blanc, d'un livre vert ou d'un livre de la couleur... parce qu'on a une multitude de couleurs, maintenant, pour ce genre de documents, à partir d'un document donc de travail, sur lequel le gouvernement ne s'est pas encore engagé, il est fort possible de convoquer une commission parlementaire. Sans prendre d'engagement à ce stade-ci, je ne repousse pas l'idée, au cours de la préparation de cette loi, avant que le cabinet ne se soit prononcé définitivement sur un texte de loi, d'une commission parlementaire sur la question du livre, c'est-à-dire en regard de la préparation d'une loi-cadre.

M. Charron: Quelles consultations ont été faites jusqu'ici etàquel stade de sa rédaction...? Un projet sommaire a-t-il été présenté au conseil des ministres? Et enfin, quand le ministre prévoit-il que l'Assemblée en sera saisie?

M. Hardy: Cette dernière question du député de Saint-Jacques m'amène à répondre, en partie, à un volet de sa première question.

Il s'agit d'un domaine extrêmement complexe où les opinions, les avis et les renseignements se contredisent d'une façon effroyable, selon les gens que vous consultez. Si vous consultez des écrivains... Et j'avais encore l'occasion, lundi soir, de rencontrer un certain nombre d'écrivains qui me donnaient une perception du problème diamétralement opposée à la perception que peuvent avoir les éditeurs ou libraires...

Sur le plan financier, nous avons fait effectuer des études, même encore l'automne dernier, par un grand économiste qui avait déjà travaillé à la commission Bouchard, M. Melançon, et il est extrêmement difficile d'arriver à cerner, d'abord, sur le plan financier, les véritables problèmes.

Il est extrêmement difficile d'arriver à trouver quelle serait la formule qui pourrait, à la fois permettre aux lecteurs d'avoir une accessibilité physique et financière aux livres, sans pour cela brimer les droits normaux que doivent avoir ces professionnels ou ces commerçants que sont les éditeurs et les libraires, sans brimer les droits des institutions publiques.

Je vous donne un exemple. La Loi de l'agrément des librairies a sûrement eu un effet positif en ce sensqu'ilyaeu une multiplication de librairiessurle territoire du Québec, c'est-à-dire qu'un peu partout, actuellement au Québec, des gens ont accès à une librairie. Ce qui n'était pas le cas avant l'agrément des librairies.

D'autre part, on a constaté que cette politique a eu pour effet de placer, dans des situations assez difficiles, les institutions scolaires, les institutions d'enseignement, les bibliothèques publiques, parce que le prix des volumes, à cause de cette politique d'agrément des librairies, les institutions publiques devenant un marché captif, cela a eu nécessairement pour conséquence — nous n'avons pas encore réussi à évaluer dans quelle mesure, parce qu'il y a également le phénomène de l'inflation — très nette d'augmenter le prix des volumes. Les institutions publiques, étant obligées de s'alimenter auprès des librairies agréées de leur secteur, paient leurs volumes plus cher et, par voie de conséquence, peuvent chaque année acheter moins de volumes qu'elles le pourraient s'il n'y avait pas cette contrainte.

Donc, c'est pour vous dire que le problème est à la fois économique et culturel. Il y a une foule de facettes, il y a aussi une foule d'intérêts. Il ne faut pas le cacher. Les éditeurs, les libraires, sont des commerçants, ce sont des professionnels qui ont

des intérêts financiers à défendre, intérêts financiers qui ne coïncident pas nécessairement toujours avec les intérêts de la collectivité. Devant la complexité de cette question, plutôt que de continuer de légiférer ou d'adopter des mesures administratives à la pièce, j'ai demandé qu'on reprenne le problème dans son entier, que l'on relance même le rapport Bouchard, qui avait fait une enquête sur cette question dans les années soixante. Les études sont relativement avancées. Il y a aussi tout le phénomène des périodiques. Il y a quelqu'un du service des industries culturelles qui a fait un séjour en Europe, il y a quelques semaines, pour voir de quelle façon on procède, en particulier en regard du problème de la distribution des périodiques, qui est un des problèmes majeurs.

Nous poursuivons ces études techniques avec autant de célérité que possible. Encore une fois, je ne renonce pas à l'idée qu'avant de commencer à rédiger un texte de loi, avant d'inviter le cabinet à se prononcer sur un avant-projet de loi-cadre, je ne rejette pas l'idée de convoquer une commission parlementaire où tous ceux qui sont intéressés à s'exprimer sur cette question pourraient le faire.

M. Charron: M. le Président, cette loi-cadre doit certainement comporter des difficultés techniques dans sa réalisation, j'en conviendrai avec le ministre. Il s'agit, effectivement, de concilier certains intérêts qui vont être divergents à l'occasion. L'exemple que nous avons avec la loi-cadre du cinéma est un autre indice d'intérêts divergents qui se rencontrent. C'est le rôle d'une loi, c'est le rôle d'un gouvernement, en ménageant les intérêts particuliers de chacun, car ce n'est pas au gouvernement à abolir ces droits privés, de faire primer les droits collectifs, lorsque cet affrontement entre les intérêts divergents nuit, effectivement, à un objectif à atteindre. C'est le rôle du gouvernement.

Il reste que cette loi, dont la rédaction, encore une fois, peut être plus difficile qu'escompté, a maintes fois été utilisée — l'annonce ou la promesse de cette loi — auprès de gens oeuvrant dans le domaine du livre, pour les faire patienter. D'une part, tout le monde est au courant de la réaction de certains groupes, la patience commence à avoir ses limites à plusieurs endroits, mais aussi certains problèmes que cette loi réglera, car on n'interviendrait pas avec une loi si elie ne réglait pas certains problèmes, vous en conviendrez avec moi. Les problèmes que cette loi, lorsqu'elle arrivera, aura la chance — nous la connaîtrons, nous verrons, nous la mesurerons — de régler, ou aura comme objectif de régler, continuent à s'aggraver. Par exemple, le Conseil supérieur du livre, qui est certainement un organisme que respecte le ministre des Affaires culturelles, a manifesté son impatience et a signalé un certain nombre de difficultés dans un télégramme qui a été adressé au premier ministre il y a quelques semaines, et auquel le premier ministre a fait accuser de réception en faisant...

M. Hardy: II y a eu d'autres télégrammes par la suite...

M. Charron: Oui.

M. Hardy: où on était moins impatient.

M. Charron: Peut-être, je ne suis pas au courant de tous les télégrammes que le ministre peut recevoir. On faisait référence à un certain nombre de problèmes que je vais d'ailleurs soulever au cours de l'étude des crédits. Si je me fie à l'information qu'a donnée le Conseil supérieur du livre, voici un peu l'historique des derniers mois de cette histoire. On nous informe publiquement, ce n'est pas une source secrète que j'ai, c'est un document public, que, le 5 novembre 1974...

M. Hardy: Qu'est-ce qui vous fait dire que ce n'est pas une source secrète? Est-ce que c'est parce que, parfois, vous avez des sources secrètes?

M. Charron: Non, c'est parce que ça pourrait sembler être le cas, tellement les détails sont impressionnants. Le 5 novembre 1974, le ministre afait une déclaration devant les représentants du Conseil supérieur du livre, après l'avoir fait attendre — faut-il dire, nous en reparlerons tantôt— sur la loi de prêts garantis, elle, promise depuis beaucoup plus longtemps. Le 5novembre, dis-je, le ministre informe le conseil qu'il a décidé de régler tous les problèmes du livre au moyen d'une loi-cadre et que, dans ce but, il avait fait mener des enquêtes qui étaient déjà très avancées et que, parconséquent, la profession n'aurait plus longtemps à attendre des résolutions.

Le 6 décembre 1974, lors d'un rencontre qu'on dit officieuse, le ministre a de nouveau confirmé que les travaux progressaient et que la loi-cadre ne se ferait plus longtemps attendre. Le 19 décembre 1974, le ministre des Affaires culturelles a formellement promis au directeur général du Conseil supérieur du livre que, le 15 janvier au plus tard, la profession serait consultée sur un projet de loi-cadre sur le livre. Pendant cette période, les éditeurs, sur la foi de la promesse du ministre, quant à l'adoption de la loi de prêts garantis, ont réalisé des programmes d'édition qu'ils ne peuvent plus financer maintenant. Pendant cette période également, l'inflation est venue rogner les marges des libraires, disent-ils, et des éditeurs, tout en voyant les budgets des bibliothèques pour l'achat de livres diminuer par l'augmentation de leurs frais administratifs. Enfin, la baisse du dollar — autre phénomène dont le ministre n'est pas responsable, mais je signale que ces phénomènes se greffent et augmentent la nécessité d'avoir la loi-cadre le plus rapidement possible — a nécessité un changement qui a été proposé par le Comité consultatif du livre et auquel le ministre des Affaires culturelles n'a pas donné suite.

Si je m'informais sur la consultation, c'est qu'elle est non seulement urgente, semble-t-il, parce que j'admets qu'il y a des intérêts divergents, mais que la loi-cadre prend un caractère d'urgence de plus en plus grand.

M. le Président, le ministre a fait allusion, dans sa réponse, à d'autres phénomènes qui peuvent contrecarrer la réalisation rapide de la loi-cadre. Par exemple, la distribution des livres scolaires par les

libraires agréés, qui sont d'ailleurs eux-mêmes en conflit avec ce qu'on appelle l'organisme créé par la Fédération des commissions scolaires, la CAAMEQ, qui est la Centrale d'aide à l'approvisionnement des maisons d'éducation du Québec. Dans cette espèce de fouillis où on se retrouve, où des intérêtsdesquels on attendrait normalement une collaboration refusent de le faire et puisque la loi-cadre n'est pas encore déposée, quelle est l'attitude du ministère des Affaires culturelles face au problème de la distribution des livres scolaires qui a causé les problèmes qu'a identifiés le ministre mais qui, en même temps, soulève l'inquiétude de plusieurs personnes dans le domaine du livre?

M. Hardy: Je dois d'abord préciser que le Conseil supérieur du livre, qui regroupe les professionnels du livre, ne demande pas, à ma connaissance en tout cas, et n'a jamais insisté pourqu'il y ait une loi-cadre. Le Conseil supérieur du livre, les organismes profes-sionnelsdans le domainedu livre, comme c'est naturel, défendent d'adord et avant tout l'intérêt financier de leurs membres. Ce qui les intéresse, c'est cette loi...

M. Charron: De prêts garantis, c'est bien sûr.

M. Hardy: ... de prêts garantis. En principe, j'étais très réticent, et je le suis encore, à déposer cette loi de prêt garanti, précisément parce que je considérais que, pendant trop longtemps, on avait agi à la pièce, dans ce domaine. Quand on réglait un problème ici, on en créait deux à côté. C'est arrivé avec les librairies agréées.

D'autre part, puisqu'on insistait avec tellement de vigueur sur le danger de faillite de maisons d'édition, de libraires et de choses semblables, j'ai accepté de mettre de côté mes réticences, qui étaient au niveau des principes, pour déposer — et cela, je pense, à la fin du mois de mai — cette loi de prêt garanti. Il y a encore certaines questions techniques que nous devons vérifier, mais nous allons déposer la loi des prêts garantis, à la fin du mois de mai, afin que nous ne puissions pas être accusés d'avoir laissé tomber des maisons d'édition.

Je l'ai bien dit au conseil supérieur et à tous les organismes professionnels. Cette loi de prêt garanti pourra être bien temporaire si, à la suite de nos études et de la rédaction de la loi-cadre, il s'avère que ce moyen n'est pas le meilleur, si on trouve une autre formule que celle des prêts garantis.

Nous allons régler un problème immédiat, grave, qui semble se poser dans le monde du commerce du livre, par cette loi des prêts garantis: quant aux autres aspects, où il y a des problèmes, le coût du livre, par exemple... Vous et moi, savons très bien que ce n'est pas facile d'acheter des volumes, c'est-à-dire qu'on ne peut pas acheter tous les volumes qu'on voudrait bien acheter. On doit se contenter souvent de les palper, de les caresser.

Tous ces problèmes, j'entends les régler par le moyen de la loi-cadre. Donc, cela veut dire, je le reconnais bien, que les institutions publiques, les bibliothèques, les maisons d'enseignement, devront connaître encore ce problème pendant un certain nombre de mois.

M. Charron: Avez-vous l'intention de retirer la vente de livres scolaires aux institutions publiques, aux libraires agréés et de la remettre à cette centrale d'aide à l'approvisionnement des maisons d'éducation?

M.Hardy: II n'y a aucune décision de prise en ce moment. Cette décision sera prise dans le cadre de la loi-cadre.

M. Charron: J'admets la complexité de la loi, mais le temps que l'on met à la produire n'a-t-il pas des effets aussi négatifs que ceux que la loi des libraires agréés a déjà causés, en ce sens que, pour la prochaine année scolaire, par exemple, la loi-cadre ne sera pas adoptée, les règlements qui en seront issus ne s'appliqueront pas, pour la prochaine année scolaire, et que, donc, les bibliothèques publiques et toutes les institutions publiques que vous avez vous-même énumérées, vont être soumises encore au même... pour la prochaine année?

M. Hardy: Encore une fois, si je décidais demain de dispenser les institutions scolaires de l'obligation d'acheter leurs volumes dans les librairies agréées, cela voudrait probablement dire la fermeture d'un nombre très considérable de librairies.

Nous sommes vraiment devant un dilemme. Dans un cas semblable, je pense que le statu quo — d'autant plus que le statu quo doit être temporaire — est préférable. Cela ne donnerait rien de poser un geste qui, encore une fois, réglerait peut-être le problème des uns et créerait un problème plus considérable encore.

M. Charron: Mais, dans ces cas précis, quand on parle des institutions scolaires qui achètent des livres, ce sont, en fait, les fonds publics qui vont payer...

M. Hardy: II ne faut pas se cacher que la politique du livre, l'agrément des librairies, ce sont des subventions déguisées au commerce du livre. C'est évident.

M. Charron: Je vous avais posé la même question l'année dernière. Au cours de la dernière année, le coût total d'achat de livres auprès de libraires agréés par des institutions publiques a pu signifier combien?

M. Hardy: Nous ne le savons pas. C'est le ministère de l'Education qui a ces chiffres.

M. Charron: Mais, a-t-on une idée approximative de ce q ue cela représente comme achat chez les libraires agréés?

M. Hardy: Je m'excuse, reformulez donc votre question.

M. Charron: Je voudrais savoir... l'achat de livres par des fonds publics, pour des bibliothèques, des institutions scolaires, des institutions d'enseignement...

M. Hardy: Quel montant cela représente?

M. Charron: Oui, à peu près, dans le marché des libraires agréés?

M. Hardy: On dit un million de volumes. Nous savons aux Affaires culturelles que ce serait un million de volumes mais en termes de chiffre.

M. Charron: Quand vous dites...

M. Hardy: Les crédits du ministère de l'Education sont-ils terminés?

M. Charron: Oui, aux crédits du ministère de l'Education, je n'y étais pas, parce que je n'y suis plus.

M. Hardy: Ah oui! vous n'y êtes plus.

M. Charron: Mais, mon recherchiste, ici, m'informe que la question qui fut soulevée auprès du ministre de l'Education, quand on a abordé ce programme, et le ministre de l'Education n'était même pas au courant de l'existence de ce qui s'appelle la CAAMEQ.

M. Hardy: Parce que cela n'existe pas. C'est un projet, mais cela n'existe pas.

M. Charron: Mais, c'est la façon dont la Fédération des commissions scolaires a décidé de...

M. Hardy: Non, c'est-à-dire que la Fédération des commissions scolaires a un projet qui n'est pas... C'est à l'état de projet.

M. Charron: Bon, d'accord.

M. Hardy: Cela n'a pas été reconnu par le ministère de l'Education.

M. Charron: Non, mais si la Fédération des commissions scolaires... Ce projet a été annoncé, donc elle devrait s'appliquer à le réaliser. De toute façon, ce n'est pas le but de ma question, c'est de vérifier quelle est la proportion, à peu près, telle qu'évaluée, mais j'imagine que les études techniques pour la loi-cadre ont dû toucher cette information dans l'activité financière de l'ensemble des librairies, du commerce des libraires agréés, la proportion que représente le fonds public.

M. Hardy: Je voulais justement...

M. Charron: Vous me dites: Dans des cas, cela pourrait signifier la catastrophe.

M. Hardy: Le seul chiffre global que nous avons représente un million de volumes, actuellement.

M. Charron: II se vend combien de millions de volumes, par année, pour qu'on puisse faire une proportion? C'est qu'on ne sait pas la mesure exacte. Je ne vais pas jusque dans les détails. Mais que représente, sur le marché du livre québécois, chez les libraires agréés, la proportion qui vient des fonds publics? A-t-on une idée? Est-ce 25% du marché ou 20%?

M. Hardy: Actuellement, les études que nous possédons ne nous ont pas encore donné cette réponse.

M. Charron: Mais, cela va être important pour prendre une décision dans...

M. Hardy: Je comprends. C'est la raison pour laquelle je vous dis que nous ne sommes pas à la veille du dépôt de la loi.

M. Charron: Le dépôt se fera-t-il avant l'ajournement d'été et, la loi sera-t-elle adoptée à l'automne?

M. Hardy: Non.

M. Charron: Elle ne se fera pas avant l'été? Non, c'est pour l'automne.

M. Hardy: Le plus tôt où la loi pourrait être déposée...

M. Charron: Dans douze ans.

M. Hardy: Non, en étant très optimiste, ce serait à la fin de l'actuelle année civile.

M. Charron: Déposée, donc adoptée à la session...

M. Hardy: Cela dépend, si on fait une commission parlementaire. Encore une fois, c'est un principe, c'est une question que je pourrais peut-être ajouter dans ma conception des commissions parlementaires. C'est que, au moment où on décide de convoquer une commission parlementaire, je considère que l'on doit entendre tous ceux qui veulent se faire entendre.

M. Charron: Bien sûr.

M. Hardy: Si les auditions devaient se prolonger plus longtemps que prévu, évidemment, cela pourrait retarder le dépôt de la loi.

M. Charron: J'ai une question technique que je...

M. Hardy: Mais pour vous montrer, M. le Président, pour vous démontrer quelle importance le ministère et le ministre attachent à cette loi-cadre, c'est que le nouveau sous-ministre adjoint qui est à ma droite, M. Claude Trudel, doit consacrer la majeure partie de son temps à ce dossier. Je pense que cala révèle l'importance que l'on accorde à la préparation de cette loi-cadre.

M. Bonnier: M. le Président, si le député de Saint-Jacques permet, avant qu'on laisse cette

loi-cadre ou la Loi des prêts garantis, sans doute que le ministre est conscient qu'il y a une tendance, actuellement, à la concentration des maisons d'édition. C'est un phénomène qui n'est pas nouveau, qui a commencé déjà depuis quelques années, mais c'est un phénomène drôlement important, puisque, tout écrivain doit passer par un éditeur, cela va de soi, pour faire imprimer son livre.

M. Hardy: II peut toujours éditer lui-même.

M. Bonnier: C'est très théorique. En pratique, il a besoin de l'éditeur, je pense. Si c'est un fait, cela veut dire que les éditeurs, tout à l'heure, si la concentration devait continuer, que ce soit par Hachette ou par d'autres, que cela pose un problème drôlement dangereux vis-à-vis des livres qui vont connatre une certaine éclosion.

Est-ce que, dans la loi-cadre ou la loi des prêts garantis, on va essayer d'apporter un remède à ces problèmes?

M. Hardy: La loi des prêts garantis va d'abord apporter un remède.

M. Bonnier: Devrait.

M. Hardy: En aidant financièrement, en garantissant, en facilitant aux maisons d'édition l'accès au crédit. La loi-cadre qui, encore une fois, a comme objectif d'apporter une solution à l'ensemble du problème du livre, va apporter une solution, mais je voudrais bien préciser que, dans mon esprit, cette solution ne sera pas de caractère coercitif.

M. Bonnier: Non, par voie de conséquence.

M. Hardy: Par voie d'aide. En d'autres termes, je verrais mal que l'on défende à deux éditeurs de fusionner. En aidant les éditeurs, on peut les aider à demeurer indépendants, autonomes, ne pas les inciter à fusionner, parce que je reconnais avec vous qu'il y a là plus qu'un problème financier ou commercial, il y a un problème de liberté intellectuelle. Plus une collectivité a d'éditeurs, plus, bien sûr, les écrivains de différentes tendances peuvent être publiés. Une maison d'édition a habituellement une certaine politique sur le plan esthétique et parfois sur le plan même idéologique. Je ne voudrais pas citer de noms, mais j'en ai en tête, il y a certainement certaines maisons d'édition qui refuseraient de publier certains genres de volumes. Quand on veut favoriser le pluralisme idéologique, le pluralisme culturel dans une collectivité, il est souhaitable qu'il y ait un nombre aussi considérable que possible de maisons d'édition. D'autre part, il y a des limites physiques que l'on ne peut pas dépasser. Il ne faudrait pas que l'aide gouvernementale soit à ce point exagérée que l'on maintienne tout à fait artificiellement des éditeurs qui ne répondent pas à un besoin ou qui s'adressent à un public extrêmement restreint.

M. Charron: M. le Président, j'ai une question qui peut apparaître aux membres de la commission très technique et inappropriée, mais je me permettrai d'expliquer pourquoi je la pose. Je demande au ministre des Affaires culturelles si on a procédé au sein du ministère à une évaluation relative, bien sûr, des dommages que pourrait causer à l'industrie de l'édition l'implantation du système international d'unités, c'est-à-dire le système métrique, surtout au niveau des manuels scolaires.

Cela peut paraître curieux, mais je donne simplement une citation qui informera les membres de la commission sur l'effet que cette transformation qui paraît anodine peut avoir sur l'entreprise, si je me fie à une intervention de M. Jacques Thé-riault, dans le journal Le Devoir, février 1975. Je cite M. Thériault: "Sans pour autant s'opposer à l'application du système métrique, du système international, les éditeurs de manuels scolaires craignent qu'une application trop rapide conduise plus d'une maison à la faillite. A cet égard, on estime, par exemple, qu'il faudrait "vendre à la tonne" un peu plus de $2 millions de manuels en valeur monétaire seulement dans le domaine des mathématiques qui, par définition — ceux que vous avez eus, ceux que j'ai eus et ceux qu'ont encore les jeunes Québécois aujourd'hui — sont basés sur le système ancien".

On ajoute: "Si la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec n'accordait pas un délai raisonnable aux éditeurs concernés, cette estimation de $2 millions serait d'ailleurs très inférieure à la réalité, la moitié seulement des 22 éditeurs de manuels scolaires du Québec ayant produit des statistiques." Or, j'admets que c'est un phénomène auquel il faut faire face, mais il nous reste toujours la possibilité, comme semble le suggérer M. Thériault, d'y aller avec un délai ou une conversion auxquels se soumettraient évidemment les éditeurs. En tout cas, je demande la position du ministre là-dessus.

M. Hardy: Le député de Saint-Jacques reconnaît sans doute que la décision dans ce domaine appartient au ministère de l'Education. D'autre part, le ministère des Affaires culturelles, et plus particulièrement le service des lettres, s'intéresse très vivement à cet aspect du problème.

C'est bien conscients de la gravité qui se pose que nous avons fait des représentations auprès du ministère de l'Education, précisément pour que l'application du système métrique s'échelonne sur une période de temps assez étendue pour permettre que les éditeurs de manuels scolaires puissent écouler les volumes qu'ils ont sans qu'il y ait des pertes trop considérables. Je ne pense pas — c'est notre conviction aux Affaires culturelles — que cet échelonnement pourra causer des dommages très considérables à la population étudiante, et, d'autre part, on éviterait des pertes financières assez importantes aux éditeurs de manuels scolaires. On m'informe que nous n'avons pas encore reçu de réponse du ministère de l'Education à nos représentations, mais nous allons continuer à insister auprès du ministère pour qu'on accepte cette idée d'échelonner l'application du système métrique.

M. Charron: Maintenant, M. le Président, puisant dans certaines informations qui nous avaient été données lors de l'étude des crédits de l'année dernière, dans un échange avec le ministre, on avait évoqué une hypothèse d'une centrale d'achat du livre pour diminuer le coût des volumes destinés aux bibliothèques publiques. Est-ce que cette idée afait son chemin? Est-ce qu'elle a été à nouveau reprise, et est-ce qu'on est proche d'une décision?

M. Hardy: Cela fera aussi partie de la loi-cadre, et je dois vous dire que...

M. Charron: La loi-cadre comportera-t-elle la création d'une centrale d'achat?

M. Hardy: Cette hypothèse de la mise sur pied d'une centrale, l'étude de cette hypothèse se fait dans le cadre général de la politique globale du livre. Je dois vous dire que, personnellement, je continue toujours à considérer cette hypothèse comme extrêmement intéressante, et j'ai demandé, particulièrement au sous-ministre adjoint, M. Trudel, d'examiner avec infiniment d'attention cette hypothèse d'une centrale.

M. Charron: Mais, si le projet devait être retenu, ce serait inclus dans la loi-cadre.

M. Hardy: Oui, cela ferait de l'ensemble.

M. Charron: Vous aviez dit également, M. le ministre, que c'était l'objectif du ministère des Affaires culturelles de ne plus subventionner les organismes professionnels du livre, sauf pour des projets spécifiques. Est-ce que, dans les nouveaux crédits que nous avons là, cette promesse est devenue réalité?

M. Hardy: C'était un objectif. Toutefois, le député de Saint-Jacques sait très bien, son expérience de cinq ans au Parlement lui a appris...

M. Charron: Cinq ans et deux jours.

M. Hardy:... qu'entre les objectifs et leur réalisation immédiate, concrète, il y a souvent des marges. Les organismes professionnels nous ont fait comprendre que l'application trop rapide de cette politique pourrait les mettre dans des situations difficiles. D'autre part, le Conseil supérieur du livre nous demande, en particulier, d'attendre les résultats financiers de la Foire internationale qui, selon leurs prévisions, pourraient s'avérer rentables, peut-être pas la première année, mais... Evidemment, si le conseil supérieur devait retirer des profits, c'est-à-dire si les organismes professionnels devaient retirer des profits immédiats, en plus des retombées d'échange de droits d'auteurs, etc., cela résoudrait notre problème. Mais, dans le budget de cette année, nous continuons à accorder, à des degrés moindres, je pense — nous avons diminué — des subventions aux organismes professionnels. Je peux donner les montants... Les montants ne sont pas, de façon définitive, décidés pour cette année, mais ils seront probablement moindres que l'an dernier.

M. Charron: Quand le sous-ministre adjoint dit que, d'après ses informations, la Foire internationale serait déficitaire pour la première rencontre et pourrait devenir rentable...

M. Hardy: Ce sont les prévisions des organisateurs.

M. Charron: Ce sont les prévisions des organisateurs. Comment se base-t-on pour faire ce genre de calculs? Comment peut-on prévoir que la tenue d'un tel événement culturel devient rentable à l'intérieur de...?

M. Hardy: C'est-à-dire que la Foire internationale du livre de Montréal se veut d'abord une organisation commerciale.

M. Charron: On a eu cette discussion aussi déjà.

M. Hardy: Elle est culturelle, bien sûr, à cause du produit, mais elle se veut d'abord commerciale, et j'imagine que c'est à cause précisément de cet objectif que l'on envisage qu'elle deviendra, éventuellement, rentable. C'est toute la différence avec un salon du livre qui a comme premier objectif d'être culturel, c'est-à-dire de diffuser le livre. Il n'y a pas d'ententes commerciales qui sont appelées à intervenir. Par définition, un salon du livre qui assure, d'abord, la diffusion du livre, qui a d'abord une vocation culturelle, ne pourra jamais être rentable.

M. Charron: Je sais que j'ai été large d'esprit en appelant la Foire internationale du livre un événement culturel, mais il reste le fait que le produit, comme vous le dites, s'appelle un livre, d'une part, et que deuxièmement, cette foire internationale a mérité l'attention de deux gouvernements parce qu'elle est subventionnée par deux ordres de gouvernements. Vous êtes-vous informé pour savoir s'il y a eu concertation au niveau des deux ordres de gouvernements pour que la subvention qui va à la Foire internationale du livre...

M. Hardy: Je ne saurais répondre...

M. Charron: C'est l'Industrie et le Commerce.

M.Hardy:... pour le ministre de l'Industrie et du Commerce. C'est le ministère de l'Industrie et du Commerce, toujours à cause de son caractère commercial, qui est l'organisme qui subventionne la foire au niveau du gouvernement...

M. Charron: Etes-vous partie quelconque de cette décision avec votre collègue de l'Industrie et du Commerce quant au montant qui sera octroyé ou cela vous échappe-t-il complètement?

M. Hardy: En ce qui concerne le premier montant, il a fallu que je consulte mon prédécesseur pour savoir s'il avait été consulté verbalement, et

quand je suis arrivé aux Affaires culturelles, la décision avait déjà été prise. C'est bien mon intention, pour ce qui est de l'an prochain, de discuter de cette question avec le ministre de l'Industrie et du Commerce. Encore une fois, je reconnais la primauté du ministère de l'Industrie et du Commerce dans cette question parce qu'il s'agit d'abord d'une organisation commerciale, mais en raison de son volet culturel indéniable, c'est l'intention du ministère de discuter de cette question avec le ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. Charron: C'est parce que je remarque que, du côté fédéral, la subvention, qui est importante — elle est de l'ordre de $500,000 — vient du Secrétariat d'Etat dont nous parlions tout à l'heure et non pas du ministère de l'Industrie et du Commerce ou de quelque ministère à vocation économique de l'appareil fédéral. C'est bel et bien entendu dans l'esprit du fédéral que c'est sa...

M. Hardy: La seule explication que j'y verrais et je ne voudrais pas que mes propos soient considérés comme péjoratifs, c'est qu'au gouvernement fédéral on est peut-être moins cartésien qu'au gouvernement provincial.

M. Charron: Donnez donc votre définition du cartésianisme.

M. Hardy: C'est la définition communément admise, c'est-à-dire que l'on est moins rigoureux, que l'on est plus pragmatique. On parle moins de théorie ou de définition de principe, mais probablement qu'on a considéré, à un moment donné, que c'était plus facile d'aller au Secrétariat d'Etat plutôt qu'au ministère de l'Industrie et du Commerce.

M. Charron: On parlait tout à l'heure, lors de notre discussion générale, de petits cas d'intervention fédérale. C'est un petit cas d'un demi-million dont nous sommes en train de parler.

M. le Président, je voudrais, avant de terminer l'étude de l'élément 1, poser une question. Est-ce qu'il y a eu assez de demandes au ministère, de la part de maisons d'édition de livres pour enfants, pour épuiser le budget réservé à cette fin?

M. Hardy: Dans le cadre de l'aide à l'édition? Nous avons eu des demandes, acceptées, bien sûr, pour $21,000. Le budget était de $25,000. Je voudrais peut-être faire une précision à ce niveau. Très fréquemment, on voit des titres de journaux disant: Scandale, le ministère des Affaires culturelles, qui a déjà un budget modeste, ne l'épuise pas.

Vous avez précisément un programme où, ou bien on agit d'une façon non sérieuse comme gestionnaire, c'est-à-dire qu'on dit: II faut absolument dépenser ce qu'on a, il faut absolument qu'à la fin de l'année financière il ne reste plus rien, ou bien on administre sérieusement le programme.

Or, dans le programme d'aide à l'édition, il est bien difficile, quand on prépare le budget, de prévoir exactement quel sera le nombre de demandes et surtout quelle sera la qualité, parce qu'on n'accepte pas automatiquement tous les manuscrits qui nous sont présentés. Il y a des lecteurs qui en font la lecture et qui donnent une opinion affirmative ou négative. Or, il peut arriver, une année, et je pense que c'est particulièrement vrai dans le domaine littéraire, et c'est vrai dans tous les pays du monde, il y a des années où la production littéraire est beaucoup plus riche que celle d'autres années. C'est ce qui explique, c'est la seule explication que j'y vois, qu'on sera le nombre d'ouvrages qui mériteront de recevoir l'aide à l'édition.

De toute façon, cela n'a pas été retourné au fonds consolidé parce qu'il y a eu des transferts et la différence entre le montant prévu pour l'aide à l'édition et ce qui a été fait effectivement a été transféré à un autre programme, à la littérature générale.

M. Charron: M. le Président, comment le ministre explique-t-il ce phénomène qui se reproduit cette année où le fonds... Moi non plus, je ne considère pas cela comme un drame, mais j'essaie de voir comment il se fait qu'un fonds prévu, à quelque chose que le ministre considère certainement aussi important que moi, la publication pour enfants... Comment se fait-il que nos maisons d'édition ne profitent pas de ces fonds? Est-ce qu'il y a un manque d'intérêt en regard du livre pour enfants et que fait le ministre pour promouvoir cet intérêt, parce que cela me semble extrêmement important d'apprendre à lire aux enfants.

M. Charron:... parce que ça me semble extrêmement important d'apprendre à lire aux enfants.

M. Hardy: Je comprends, M. le Président, mais, encore une fois, si le ministère des Affaires culturelles, que ce soit dans ce domaine comme dans d'autres, peut être un facteur pour aider, pour stimuler, ce n'est quand même pas le ministère des Affaires culturelles qui crée, il faut des auteurs. Il faut qu'il y ait quelqu'un qui nous présente quelque chose et quelque chose de valable.

M. Charron: La question, est-ce l'absence d'auteurs ou si ce sont les auteurs qui ne trouvent pas de maisons d'édition? Ce sont les auteurs qui manquent.

M. Hardy: Ce sont les auteurs qui manquent. Dans le nombre d'ouvrages acceptés, il y a seulement deux maisons d'édition qui ont fait des demandes, Fides et les Editions Pauline. Je pense bien que, si des maisons d'édition avaient reçu des manuscrits valables, elles auraient pu faire des demandes.

M. Charron: N'est-ce pas aussi parce que le marché d'importation du livre pour enfants occupe beaucoup de place et donne peu de place par définition, parce que c'est quand même un marché relativement restreint, on parle d'une clientèle bien définie. Si les importations dans ce domaine l'emportent, ça n'encourage certainement pas la création québécoise dans ce domaine.

M. Hardy: C'est exact. Il faut tenir compte aussi de l'aspect qu'il s'agit d'éditions extrêmement dispendieuses, à cause des illustrations. Je pense qu'il faut admettre aussi qu'il s'agit d'un genre littéraire particulièrement difficile.

M. Charron: Ah, oui, moi, je ne serais pas capable...

M. Hardy: Vous pourriez peut-être écrire un excellent essai socio-politique, mais vous ne seriez peut-être pas capable d'écrire des contes d'enfants.

M. Charron: J'écris d'excellents essais socio-politiques, si c'est ça que vous...

M. Hardy: Vous étiez arrivé le premier dans un cours de relations internationales, vous aviez été le premier sur 250 étudiants, au cours de Mme Shroe-der.

M. Charron: Je remercie le ministre...

Le Président (M. Pilote): Attention à l'humilité!

M. Charron: En tout cas, je termine ce...

M. Hardy: J'étais auditeur libre au même cours.

M. Charron: Cette chère Mme Schroeder... d'ailleurs, on n'est pas pour se mettre à raconter nos histoires d'universitaires, mais c'est vrai que j'avais réussi cet examen.

Le Président (M. Pilote): L'histoire de vos relations.

M. Charron: Des relations internationales.

M. Morin: Ce que le ministre vous suggère, c'est que s'il n'avait pas été auditeur libre, mais participant de plein droit, peut-être aurait-il eu la première place. C'est sa modestie qui peut l'empêcher de parler.

M. Charron: Sur cet aspect de l'édition qui concerne le livre pour enfants, je n'ai pas de méthode magique à suggérer au ministre, mais en espérant et en le sachant convaincu de l'importance du développement, ça rejoint toute la qualité du français. On a parlé récemment du drame de l'enseignement du français, de la piètre qualité du français, je pense qu'une des grandes raisons à cela aujourd'hui, c'estque les jeunesne lisent plus. Ils ne sont plus habitués à l'orthographe, ils ont été très souvent maniés à l'audio-visuel et tout ce qui pourrait encourager la reprise de l'étude...

M. Hardy: C'est plus profond que ça, mais là, je m'introduis dans un autre domaine, si toutes les méthodes pédagogiques à l'école orientent vers l'image, quand bien même on éditerait une multitude de volumes, les étudiants ne les liront pas davantage. Il faut qu'il y ait une certaine collaboration, si je peux dire, entre les méthodes pédagogiques et les volumes que l'on peut mettre à la disposition des jeunes.

M. Charron: Je pense qu'ailleurs qu' ici, on a fait un procès sévère de certaines méthodes pédagogiques qui ont été, à un moment donné, il y a quelques années, présentées comme une nouvelle merveille du monde et on s'aperçoit aujourd'hui qu'elles ont eu un effet plutôt négatif à plusieurs endroits.

M. Hardy: Je veux bien reconnaître le bien là où il est, cela a fait l'objet de la partie la plus intéressante d'une conférence du ministre fédéral des Communications à la chambre de commerce. Il y avait d'autres parties de sa conférence qui étaient moins bonnes, mais cette partie de sa conférence où il parlait de la nécessité de l'imprimé dans le monde moderne actuel demeurait très valable.

M. Charron: J'ai pris connaissance de cela aussi. M. le Présisent, pour achever l'élément I, un des objectifs avoués du ministre était de réduire le plus possible, l'année dernière, encore une fois, la présence étrangère dans les industries culturelles, plus spécialement dans celle du livre.

Qu'est-ce que le ministère a réalisé, à la suite de l'étude de M. Leclerc, je crois, sur les industries culturelles? Est-ce que cela adonné lieu àdes modifications?

M. Hardy: Comme je l'ai mentionné dans mon intervention du début, dans ce domaine de l'imprimé, les études du service des industries culturelles ont porté sur le problème des périodiques. M. Leclerc m'a dit récemment qu'il serait en mesure de me remettre des recommandations incessamment.

M. Charron: Vous n'avez pas en main, depuis janvier 1973, un rapport qui confirmerait la mainmise étrangère, américaine, française...

M. Hardy: C'est-à-dire que nous avons déjà différents rapports. Il y a le premier rapport, le rapport De Grandpré j'avais la liste des différentes études qui ont été menées avant que les industries culturelles s'y intéressent. Le premier de tous ces rapports était le rapport de M. Pierre De Grandpré. Il y a différents travaux qui sont faits, mais j'attends une synthèse du tout.

M. Charron: Cela fait quand même longtemps que cela a été exprimé, expliqué. Je pourrais donner des chiffres que, de toute façon, le ministre a, mais...

M. Hardy: On n'a malheureusement pas ici le titre exact, mais je sais qu'aux industries culturelles, on a au moins deux ou trois rapports qui sont terminés. Le dernier, celui qui doit m'être remis au cours des prochaines semaines, c'est cette étude de M. Contant q ui est allé en Europe étudier les moyens de distribution des périodiques.

M. Charron: Est-ce que cela donnera lieu à une décision du ministre, étant donné la gravité de la situation?

M. Hardy: Cela va donner lieu à tout cela et toujours...

M. Charron: Au cours de l'année financière en cours?

M. Hardy: Le tout est en fonction de la loi-cadre, parce que le problème des périodiques sera couvert par la loi-cadre.

M. Charron: Ce ne sera donc pas au cours de l'année en cours.

M. Hardy: Des actions véritables, administratives, probablement que non, parce que je vous ai dit tantôt que, tout en étant fort optimiste, je ne prévois pas déposer cette loi avant la fin de la présente année. Cela veut dire que si cette loi était adoptée à la fin de l'année 1975, les premières mesures administratives devraient intervenir pendant l'hiver ou au printemps prochain.

M. Charron: Est-ce que la loi-cadre, puisqu'elle plane sur notre discussion, comportera également une décision sur le pourcentage maximum de propriété étrangère?

M. Hardy: Vous avez déjà des éléments. Quant aux maisons d'édition?

M. Charron: Oui.

M. Hardy: II y a déjà des éléments de cela en ce qui concerne les librairies agréées. Vous savez que c'est une condition.

M. Charron: Oui, mais quant aux maisons d'édition, quant aux sociétés de distribution...

M. Hardy: Encore là, je ne saurais vous annoncer quoi que ce soit, quant à cette loi, puisque tout est à l'étude. Tout ce que je peux vous dire, c'est une hypothèse qui est actuellement envisagée.

M. Charron: Je crois que, M. le Président, si je peux faire cette remarque pour l'année qui vient, pendant que le sous-ministre adjoint qui est aussi responsable de ce dossier est là, une loi-cadre qui éviterait de se prononcer sur ce sujet ou qui éviterait ou renoncerait, à cause de la complexité, à apporter quelque réglementation que ce soit sur ce chapitre, la propriété étrangère sur ce genre d'industrie...

M. Hardy: Je pense, M. le Président, que la politique actuelle du livre peut vous donner certaines indications.

M. Charron: Oui.

M. Hardy: Sans que je prenne d'engagement ferme, je pense que ce qui existe déjà dans ce domaine peut donner certaines indications...

M. Charron: Dans le domaine des librairies.

M. Hardy: ... sur ce qui pourrait se retrouver dans la loi-cadre.

Comité consultatif

M. Charron: J'espère, en tout cas, que des mesures comme celles qui sont dans la Loi des librairies, qui concerne les librairies, s'étendront aux maisons d'édition, peut-être pas de la même façon — j'imagine que ce sont deux mondes — et aussi aux sociétés de distribution, de messagerie, parce que, cela aussi, c'est extrêmement important.

Je voudrais terminer l'élément 1 avec une question sur le comité consultatif du livre. Quel est son budget à partir de ce que nous sommes disposés à voter, ses réalisations, la fréquence de ses réunions, les conseils qu'il a donnés au ministre?

M. Hardy: M. le Président, il n'y a pas d'entité budgétaire comme telle pour le service consultatif. Les membres du comité consultatif ont leurs frais de déplacement, leurs frais d'hébergement payés par le ministère, de même que des cachets qui sont de $100 par séance et le tout provient du programme...

M. Charron: Gestion?

M. Hardy: ... gestion et soutien.

M. Charron: Quelles ont été les activités du comité?

M. Hardy: Je m'excuse, du service des lettres. C'est à même le budget d'administration du service des lettres.

M. Charron: Quelles ont été les activités principales du comité au cours de la dernière année?

M. Hardy: Les activités principales au cours de l'année ont été de recommander au ministre l'agrément des librairies. J'ai rencontré le comité consultatif il y a quelques semaines et j'ai invité le comité consultatif, d'ailleurs son statut le lui permet, à travailler en étroite collaboration avec les fonctionnaires du ministère à la préparation de cette politique générale du livre.

M. Charron: II a manifesté de l'intérêt, j'imagine.

M. Hardy: Non seulement il a manifesté de l'intérêt, mais a été très heureux de cette confiance que le ministère lui a manifestée.

M. Charron: Pouvez-vous donner la liste des membres du comité consultatif?

M. Hardy: Le président actuel est M. Jean-Gilles Jutras, il y a M. Guy Boulizon, le R.P. Edmond Desrochers, M. André Dusseault, M. Jacques Hébert, jusqu'au mois de septembre 1974, et qui n'a pas encore été remplacé, M. Victor Martin, M. Malcom Stanley, M. Clément Saint-Germain,

qui est le directeur du service des lettres et qui agit comme secrétaire, M. Christian Latortue, qui est du ministère de l'Industrie et du Commerce, M. Roger Haeberle, qui est du ministère de l'Education, M. Charles Dubé, qui est l'Editeur officiel, et M. Gérard Aumont, qui n'est pas au ministère, mais qui représente le milieu du livre.

Le Président (M. Pilote): Messieurs, il est une heure, et la commission suspend...

M. Hardy: M. le Président, avant de terminer, est-ce que nous pouvons considérer...

M. Charron:... pas l'élément 1. Je regrette. J'ai encore quelques questions, M. le Président.

M. Hardy: Ne pourriez-vous pas les poser, deux ou trois minutes?

M. Charron: Non, j'en ai...

M. Hardy: Pour avoir au moins un élément d'adopté.

M. Charron: Vous allez l'avoir quinze minutes après le début de nos questions.

M. Hardy: Très bien!

Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 4 heures, après la période des questions.

M. Hardy: Maintenant, il a été entendu, M. le Président, peut-être pourrions-nous le dire immédiatement, après consultation avec les membres de l'Opposition, que nous suspendrions la séance à 5 heures ou 5 heures 30?

M. Charron: J'ai un avion à 6 heures.

M. Hardy: Alors, nous pourrions suspendre nos travaux à 5 heures 15...

M. Charron: A 5 heures...

M. Hardy: ... 5 heures, 5 heures 15, le député de Saint-Jacques ayant des activités d'un certain ordre culturel à Montréal, et moi-même en ayant d'autres à Trois-Rivières.

Le Président (M. Pilote): Ce qui veut dire que nous ne siégeons pas ce soir.

La commission suspend ses travaux à cet après-midi, 4 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 25

M. Pilote (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Avant que ne commence la séance, je voudrais vous signaler les changements suivants parmi les membres de la commission: M. Cadieux (Beauharnois) remplace M. Déom (Laporte); M. Dionne (Compton) remplace M. Parent (Prévost) et M. Assad (Papineau) remplace M. Veilleux (Saint-Jean).

Nous étions rendus au programme I, élément I, et le député de Saint-Jacques avait encore quelques questions.

M. Hardy: Seulement un mot, M. le Président. Traditionnellement, au début de l'étude des crédits, on dépose la liste des contrats, des subventions accordées. Malheureusement, je ne l'avais pas ce matin. Je pensais l'avoir cet après-midi, nous ne l'avons pas encore, mais on m'assure que je pourrai la déposer demain matin.

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Pilote): Le député de Saint-Jacques.

Exportation

M. Charron: M. le Président, ce matin, nous avons fait allusion, lorsque nous discutions du livre pour enfants, du problème que pouvait comporter l'importation de livres de l'étranger. Il y a aussi l'envers de la médaille, il y a l'exportation du livre québécois, autrement dit, la sortie — si on met cela dans des termes plus politiques — à l'étranger de l'expression littéraire québécoise. Or, depuis quelque temps, le Québec fonctionnait dans le programme qui s'appelle: Livres du Canada et qui est, ni plus ni moins qu'une création de l'Association pour exportation du livre canadien et, indirectement, du ministère fédéral, encore une fois, de l'Industrie et du Commerce. L'évaluation que nous en avons jusqu'ici est que cela fonctionne plus ou moins bien, à ce point que la librairie Flammarion a décidé de se retirer du roulement de cette opération, car, estimait-elle elle n'y trouvait avantage, ni pour elle, ni pour le livre québécois lui-même.

Ma question au ministre des Affaires culturelles est celle-ci: Quels sont ses commentaires sur le déroulement de l'opération Livres du Canada, à la suite du retrait de la librairie Flammarion?

M. Hardy: M. le Président, notre préoccupation dépasse le livre, quant à l'exportation de biens culturels à l'étranger, et plus particulièrement à Paris. Nos préoccupations se portent sur le disque, sur d'autres biens, même l'artisanat. Dans ce sens, nous sommes actuellement, au niveau du service des industries culturelles, à étudier des formules, et entre autres, je ne présente pas cela comme une conclusion définitive, mais encore là

comme une hypothèse d'une espèce d'organisme qui pourrait être, à Paris, le moyen, le canal par lequel nous pourrions mettre à la disposition du public français des biens culturels québécois.

M. Charron: De quelle nature? Pouvez-vous préciser encore plus?

M. Hardy: Comme je vous le dis, c'est encore à l'état d'étude, de cogitation, mais ce pourrait être, entre autres, une corporation, un organisme corporatif qui aurait pour mandat de distribuer en France des biens culturels produits au Québec.

M. Charron: Des oeuvres littéraires, des peintures, des productions musicales?

M. Hardy: Oui, tout bien culturel.

M. Charron: Est-ce un comité qui étudie cela?

M. Hardy: C'est le service des industries culturelles qui s'intéresse à ce dossier, non seulement il s'y intéresse, mais il est responsable de ce dossier.

M. Charron: Mais c'est la seule solution envisagée par le ministère actuellement, si on s'en tient encore au sujet de ce programme, quant aux livres?

M. Hardy: Si vous voulez dire qu'il n'y a pas de projet immédiat, c'est exact.

M. Charron: Autre que celui-là. M. Hardy: Oui.

M. Charron: Combien s'exporte-il de livres québécois? A-t-on une idée?

M. Hardy: On me dit que nous n'avons pas de chiffres. Les seuls qui pourraient nous fournir de tels chiffres sont les libraires et les éditeurs, et ce n'est pas toujours facile de les obtenir.

M. Charron: Est-ce qu'il n'est pas exact que c'est de plus en plus le gouvernement fédéral qui s'occupe de l'exportation de ces biens culturels?

M. Hardy: Je pense que le gouvernement fédéral fait des tentatives, mais à ma connaissance, les résultats obtenus par le gouvernement fédéral ne sont pas plus probants, plus lumineux, plus éloquents que les tentatives que nous avons pu faire jusqu'à maintenant.

M. Charron: Quelle est l'utilisation que peut se permettre de faire le ministère des différentes maisons du Québec à l'étranger, à cette fin?

M. Hardy: Nous avons actuellement, entre autres, à la maison du Québec à Paris, une personne qui est d'ailleurs rattachée au ministère de l'Industrie et du Commerce, qui est responsable de domaines semblables, mais qui a, je pense, entre les mains, peu d'outils, peu de moyens.

C'est la raison pour laquelle nous songeons à mettre sur pied un véritable organisme qui aurait des pouvoirs financiers, des ressources financières, des ressources humaines, pour véritablement mettre à la disposition du public français des biens culturels, des produits culturels québécois.

M. Charron: Avez-vous l'intention de faire appel, dans ce genre d'initiative, à l'entreprise privée, c'est-à-dire à ceux qui, ici, font le commerce des biens culturels?

M. Hardy: Ce n'est pas une hypothèse qui est écartée dans cet organisme dont je vous parlais; ce pourrait être une corporation, à la fois formée de capitaux privés et publics.

M. Charron: M. le Président, j'ai une découpure qui date de l'année financière écoulée, 13 novembre 1974, tirée du Devoir, qui nous informait que le Conseil des arts du Canada, dont nous avons parlé ce matin, annonçait à cette date qu'il avait acheté, cette année, dans le cadre de son programme d'aide à l'édition un total de 141,400 livres d'auteurs canadiens, d'une valeur globale de $630,000, où doivent nécessairement se trouver les auteurs québécois encore pour un certain temps.

On dit que ces livres ont été choisis par les publications, entre autres de 39 maisons d'édition canadiennes, de langue française, puisqu'il faut bien dire québécoises, je crois. Dans le domaine de l'édition, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'éditions françaises ailleurs qu'au Québec.

Est-ce que cette initiative du Conseil des arts, dans le cadre de la souveraineté culturelle du Québec, est aussi imitable par le ministère des Affaires culturelles? Est-ce qu'il est possible, que dans son programme d'aide à l'édition, il en vienne à acheter lui-même?

M. Hardy: Antérieurement, c'était une politique généralisée du ministère que d'acheter, politique qui existait bien avant le ministère des Affaires culturelles, qui existait à l'époque du Secrétariat de la province. Le Secrétariat de la province achetait — surtout quand l'auteur, à cette époque, était assez louangeur envers le prince — un certain nombre de livres que l'on distribuait aux commissions scolaires pour les prix, etc.

Au ministère des Affaires culturelles, nous avons mis fin, je pense, depuis quelques années, à cette politique d'achat de volumes, partant du principe que cela constituait un peu un découragement pour l'éditeur de faire cela lui-même, enlevait du dynamisme à l'éditeur pour vendre son propre volume.

Nous préférions, par le biais du programme d'aide à l'édition, aider l'éditeur à éditer son volume et par la suite, laisser les forces naturelles du marché exister, sauf qu'il y a encore un élément d'acquisition de volumes, par le programme d'assurance-édition.

Lorsque l'on accepte d'assurer une édition, on accepte, bien sûr, si un certain nombre de volumes, dépassé un certain seuil, un tiers, ne se ven-

dent pas, de payer une prime à l'éditeur, et en retour du paiement de cette prime, l'éditeur nous remet les volumes non vendus.

Editeur officiel

M. Charron: Une question qui me vient à l'esprit, en écoutant l'exposé du programme d'assurance-édition. Est-ce qu'il est déjà apparu, dans les préoccupations du ministre, de rattacher l'Editeur officiel du Québec au ministère des Affaires culturelles?

M. Hardy: Si je ne craignais de m'aventurer sur un terrain glissant, je dirais presque au député de Saint-Jacques, que lorsque je suis seul dans mon cabinet, réfléchissant sur tous ces problèmes, je songe à annexer beaucoup plus que l'Editeur officiel.

M. Charron: Oui, je sais. Il y en a d'autres qui songent au contraire, quand ils sont seuls dans leur cabinet également. Tenons-nous en à l'Editeur officiel. Je l'ai dit au ministre, car, il y a quelques jours, à peine, j'ai fait, pour l'Opposition, l'étude des crédits des Communications, dont relève actuellement l'Editeur officiel du Québec.

Le député de Taschereau se le rappellera, on a eu un échange avec lui quant à l'initiative que prend de plus en plus l'Editeur officiel dans le domaine de la coédition où, au besoin, l'Editeur officiel se porte garant de l'édition ou épaule l'édition de certaines oeuvres qui, autrement, probablement, ne verraient jamais publication, et il nous a assuré que ce rôle, il entendait le développer. Dans les crédits que nous lui avons votés, certains allaient dans ce sens-là.

Or, si l'Editeur officiel du Québec, disposent de moyens financiers, de biens publics, se met à jouer dans l'industrie de l'édition au Québec, en intervenant de plus en plus, en favorisant la coédition, cela peut altérer un certain nombre de politiques du ministère qui sont l'assurance-édition ou l'aide à l'édition tout court.

Je fais à pied levé ce raisonnement, parce que je ne peux pas dire que je prône ici le rattachement de l'Editeur officiel aux Affaires culturelles. C'est quelque chose qui mériterait d'être envisagé certainement. En quelques jours, je suis mis devant deux politiques, qui, à l'occasion, il me semble, mériteraient d'être concertées à tout le moins.

M. Hardy: Cela pose tout le problème, dans l'administration publique, de ministères qui sont appelés à agir sur des terrains contigus. Ce problème s'est posé avec le Haut-Commissariat. Le Haut-Commissariat, par la voie du loisir, s'immisçait de plus en plus dans des programmes culturels. Nous nous retrouvions dans les mêmes plates-bandes.

Si l'Editeur officiel devait manifester ce genre de dynamisme impérialiste, cela pourrait poser des problèmes et cela pourrait, à la rigueur, mettre en cause une politique du livre comme celle que nous sommes en train d'élaborer. Il y a sûrement là un danger et je suis convaincu que, dans notre réflexion sur l'élaboration de la politique du livre, nous devrons préciser certaines choses avec l'Editeur officiel.

M. Charron: Vous savez que M. Dubé, l'Editeur officiel, était membre du comité consultatif du livre. En ce sens-là, il y a peut-être un rapprochement à faire, mais cela nécessiterait probablement plus. En tout cas, M. le Président...

M. Hardy: Là, vous posez un problème plus vaste, auquel vous pourrez réfléchir au cours des semaines et des mois à venir.

M. Charron: Oui, oui.

M. Hardy: C'est le problème de l'existence de deux ministères distincts, celui des Communications et celui des Affaires culturelles, qui sont appelés à agir dans des domaines très voisins.

M. Charron: Je suis disposé à adopter l'élément 1, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est adopté. Elément 2: Développement d'un réseau de bibliothèques publiques.

Bibliothèques publiques

M. Charron: M. le Président, au niveau des bibliothèques municipales, les nouveaux critères de subvention sont censés apparaître — j'en ai eu l'information — dans les crédits de cette année. Quels sont les critères de subvention, le ministre y a fait allusion ce matin, je pense?

M. Hardy: Le grand principe, nous pourrions vous faire parvenir le texte de ces critères sur lesquels nous nous basons, qui a été rédigé sous forme de projet de règlement, mais qui n'en est pas un, parce que ce n'est pas arrêté, cela ne constitue pas un arrêté en conseil, mais j'en ai un exemplaire ici que je peux remettre au...

M. Charron: Ce n'est pas un arrêté en conseil.

M. Hardy: Ce n'est pas un arrêté en conseil. C'est rédigé sous forme de projet d'arrêté en conseil. Cela pourrait devenir un arrêté en conseil, quoique, sous le plan légal, je m'interroge, je ne suis pas absolument sûr. Antérieurement, le Service des bibliothèques publiques accordait des subventions à partir d'un arrêté en conseil.

Cette année, ce n'est pas encore un arrêté en conseil, mais c'est sur ce texte que le Service des bibliothèques publiques va se fonder pour distribuer les subventions aux différentes bibliothèques municipales.

Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner ce matin, l'ancien principe sur lequel on se basait pour distribuer les subventions, c'était la population, on accordait un montant déterminé per capita. Plus une municipalité était populeuse, plus considérable était

sa subvention. Nous avons complètement changé ce principe, c'est basé sur une pondération de la population et de...

M. Charron: De l'évaluation.

M. Hardy: ... l'évaluation municipale. C'est-à-dire que la population n'entre plus en ligne de compte, c'est, uniquement, l'évaluation municipale. Nous avons établi la moyenne de l'évaluation municipale du Québec et les municipalités, dont la population est en deç de la moyenne, reçoivent plus et celles qui sont au-dessus reçoivent moins, selon un mécanisme...

M. Bonnier: Cela prend un minimum de population tout de même.

M. Hardy: Pas un minimum de population, il faut répondre à certains critères il faut que la biliothèque soit municipalisée, qu'il y ait des professionnels, il faut que ce soit au moins un bibliothécaire professionnel qui dirige cette biliothèque. Mais il n'y a pas de minimum de population. Si une très petite municipalité veut consacrer les sommes requises à la mise sur pied d'une bibliothèque municipale, elle peut le faire.

M. Charron: C'est ça. Le critère qui était le plus important, il me semble, dans l'ancienne façon de procéder — e me demandais s'il est disparu — c'est que l'initiative demeurait aux municipalités.

M. Hardy: C'est encore la même chose. M. Charron: C'est encore la même chose.

M. Hardy: II faut que la municipalité décide d'avoir une bibliothèque.

M. Charron: Autrement dit, qu'elle prenne d'abord, de ses propres ressources, le montant nécessaire au départ...

M. Hardy: Ce qui est plus juste, c'est qu'autrefois, pour ne pas faire de personalité municipale, la ville de Mont-Royal pouvait recevoir une subvention aussi considérable qu'une municipalité beaucoup moins riche sur le plan foncier.

M. Charron: Comment procède-t-on? C'est qu'à partir de l'évaluation municipale, on fixe un montant que la municipalité devrait elle-même fournir.

M. Hardy: C'est exact ou l'inverse, c'est-à-dire qu'en partant du principe que le gouvernement lui verse... les deux, au fond, se font simultanément.

M. Parent (Prévost): M. le Président, est-ce qu'on peut avoir une copie de ce texte?

M. Charron: Je n'en ai...

Le Président (M. Pilote): On va le faire photocopier et on va le distribuer, c'est un dépôt officiel.

M. Hardy: Je pense que les responsables des bibliothèques municipales ont déjà reçu...

M. Charron: Est-ce qu'il y a une bibliothèque municipale à Saint-Jérôme?

M. Hardy: Oui, depuis fort longtemps.

M. Charron: Est-ce qu'il y a une bibliothèque municipale à Saint-Jérôme?

M. Hardy: Et une excellente.

M. Charron: C'est un exemple, pendant qu'on a le maire de Saint-Jérôme avec nous. Combien la municipalité de Saint-Jérôme met-elle par année et combien le ministère met-il?

M. Parent (Prévost): De mémoire, je pense que le ministère a donné $12,000 de subvention cette année et il peut en coûter à la municipal ité à peu près $50,000 ou $60,000, si on calcule le salaire du personnel.

M. Charron: Combien y a-t-il d'employés? M. Parent (Prévost): Cinq à huit employés.

M.Hardy: M. le maire, vous étiez très près, c'est $12,937, la participation provinciale.

M. Charron: Et la participation de la ville est de l'ordre de $50,000 à $60,000?

M. Parent (Prévost): Sûrement. Je n'ai pas les chiffres en mémoire, je pourrais les avoir, mais c'est sûrement dans cet ordre, sinon plus.

M. Hardy: Le maire pourrait nous éclairer à savoir si l'évaluation municipale per capita de Saint-Jérôme est en deçà ou au-dessus de l'évaluation moyenne?

M. Parent (Prévost): L'évaluation imposable est de $120 millions.

M. Hardy: On la calcule per capita, la moyenne, pour savoir quelle est la richesse, on la calcule per capita.

M. Charron: II faut prendre les $120 millions...

M. Parent (Prévost): Et diviser par 27,000 de population.

M. Hardy: II faut ramener à 100%. Moi, je sais que, pour le comté de Terrebonne, j'ai fait le calcul...

M. Charron: J'imagine.

M. Hardy: ... une municipalité comme Rosemère va recevoir moins en vertu du nouveau règlement et la municipalité de la ville de Terrebonne va recevoir davantage.

M. Charron: Cela ne fait rien, la municipalité de Rosemère est anglaise, vous êtes fort là-dedans.

M. Hardy: De moins en moins. M. Charron: Merci.

M. Hardy: Mes amis anglophones me trouvent trop francophone.

M. Charron: Oui. Ils auraient dû venir assister aux débats sur le bill 22.

M. Hardy: Justement, c'est à cause du bill 22.

M. Charron: Combien de nouvelles municipalités, au cours de l'année financière, se sont embarquées, c'est le cas de le dire, ont voulu participer au réseau de bibliothèques publiques?

M. Hardy: Six nouvelles bibliothèques municipales ont été admises aux subventions au cours de la dernière année.

M. Charron: Cela veut dire combien pour l'ensemble du Québec?

M. Hardy: II y en a 115; là-dessus, il y a trois bibliothèques centrales de prêts qui desservent 54 municipalités et il y a une bibliothèque circulante, alors, il reste 111 bibliothèques municipales ou d'associations.

Il y a aussi d'autres chiffres qui pourraient intéresser le député de Saint-Jacques, c'est qu'actuellement 61% de la population du Québec sont desservis par des bibliothèques publiques, soit des bibliothèques municipales traditionnelles, soit des bibliothèques circulantes ou des bibliothèques centrales de prêts, les trois que nous connaissons, Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, qui est en voie de formation, l'Outaouais et la Mauricie.

M. Lapointe: Est-ce qu'il y a une aide prévue pour des municipalités qui mettent en commun les services d'une bibliothèque d'une commission scolaire?

M. Hardy: Oui, c'est-à-dire qu'il y a eu un protocole d'entente signé entre le ministre de l'Education et le ministre des Affaires culturelles permettantque des municipalités puissent faire une entente avec une commission scolaire ou un CEGEP de façon qu'une bibliothèque scolaire — à la condition qu'il y ait une participation municipale — puisse être reconnue par le service des bibliothèques comme étant une bibliothèque municipale.

M. Lapointe: Sur quelle base l'aide financière est-elle accordée par le ministère des Affaires culturelles?

M. Hardy: Ce sont les mêmes critères qui s'appliquent. Pour nous, à partir du moment où il y a entente entre une municipalité, une commission scolaire ou un CEGEP, pour nous, ça devient une bibliothèque publique et ce sont nos critères généraux qui s'appliquent.

M. Charron: M. le Président, j'ai ici, encore une fois en guise d'information pour la commission, un texte du Devoir du 24 mars 1975, dont le titre était: Le Québec détient le record de l'indigence en bibliothèques.

M. Hardy: C'est exact.

M. Charron: Le Québec détient au Canada le championnat de l'indigence en matière de bibliothèques publiques; le Québec débourse moins pour ce service public que ne le font toutes les provinces canadiennes, y compris, croyez-le ou non, Terre-Neuve et l'Ile-du-Prince-Edouard. En 1973, le Québec dépendait un peu plus de $1 par personne à ce chapitre alors que les Maritimes consacraient entre $2 et $4 — Quand on tire de la patte sur les Maritimes, c'est qu'on n'est pas reluisant — .

Pour une population de 6,081,000 habitants, fixée comme telle, les bibliothèques publiques du Québec coûtaient $8,599,000 et étaient dispersées en 326 centres, employaient 552 personnes. Pendant ce temps, l'Ontario, qui nous sert souvent de comparaison, dépensait allègrement près de $51 millions pour ses 8 millions d'habitants desservis en 815 endroits différents par 2,955 employés.

Je signale ça, non pas pour l'apprendre au ministre, mais pour resituer le débat parce que, tout à l'heure, je me posais la question de l'initiative municipale, et cette question demeure toujours dans la réglementation nouvelle ou les critères nouveaux de subvention.

Je veux demander au ministre, sans faire de cas particuliers, mais devant ce cas, s'il n'y a pas, au fond, à ses yeux, des centres municipaux du Québec qui, ne font pas l'effort voulu, compte tenu de leur capacité financière, si on tient compte de leur évaluation, compte tenu de la population qu'ils ont, compte tenu également de leur situation géographique parfois, quand la municipalité dit: Les municipalités d'à côté, Jonquière et Kénogami, par exemple, offrent un excellent service, on n'a pas besoin de le faire chez nous. Mais parfois, l'excuse ne vient pas aussi facilement.

Est-ce qu'il ne croit pas que certains centres municipaux — cela saute aux yeux dans les statistiques — devraient avoir des bibliothèques municipales, devraient avoir des bibliothèques publiques? Ils ne les ont pas. Si le ministère attend que les édiles municipaux, les élus municipaux, pour qui ce n'est pas toujours... Entre une usine d'épuration et une bibliothèque municipale, vous savez où la préoccupation va aller très rapidement.

Est-ce qu'il ne faut pas que le ministère passe à l'action, je dirais, dans ce domaine, en assouplissant ses normes, peut-être, au besoin, mais aussi, peut-être, en se fixant lui-même une espèce de — j'imagine qu'on est déjà détenteur de cela à l'intérieur du ministère — carte du Québec sous le chapitre des bibliothèques publiques, voir les villes qui, normalement, devraient en avoir, quand on voit que de plus petites municipalités se dotent d'un réseau

culturel convenable, insister, je ne sais comment, mais ne pas toujours attendre l'initiative? Il se peut bien, dans ce chapitre... On en reparlera tantôt lorsqu'on parlera de la sauvegarde des monuments historiques également. Je l'ai dit au ministre lorsqu'on a eu un court débat à l'Assemblée. Il ne faut pas toujours compter sur les autorités municipales pour qu'elles soient des plus vigilantes sur ces questions, à commencer par Montréal.

Je pense que le ministère n'a pas simplement à assouplir ses normes pour permettre la création de bibliothèques publiques, mais, à l'occasion, je pense, pour certaines régions... J'aimerais avoir cette carte du Québec. Je suis certain que je ne parle pas à travers mon chapeau. Je pense bien qu'il y a des centres du Québec qui mériteraient d'avoir des bibliothèques publiques et qui ne les ont pas.

M. Hardy: M. le Président, toujours en voulant respecter le plus rigoureusement possible les bonnes résolutions que j'ai prises au début, c'est-à-dire être aussi objectif que possible, être le moins partisan possible, je suis ogligé, en ce moment, de me poser des questions sur le cheminement de la pensée de la formation politique à laquelle appartient le député de Saint-Jacques. J'ai, au cours des récentes semaines, des récents mois, suivi, par la voie des journaux, les périples du chef parlementaire du Parti québécois dans la province. L'une des thèses qu'il a défendues à maintes reprises, c'était le pouvoir local, le pouvoir régional, combien il était important de décentraliser, combien il était important de remettre entre les mains des populations locales une partie de leur destin, qu'ils connaissaient leurs problèmes, etc.

Voici que le député de Saint-Jacques est en train de me faire une thèse où il dit à peu près ceci, et je vais tenter d'être aussi rigoureux que possible: Vous savez, les élus municipaux, le pouvoir local, les problèmes culturels, cela les intéresse plus ou moins. Ils sont plus intéressés par les égouts, l'aqueduc, que par la culture. Ayant été député d'un comté qui comprenait 50 municipalités, député maintenant d'un comté qui comprend huit municipalités, je suis obligé de dire au député de Saint-Jacques que cela n'est pas exact. Je suis obligé de dire au député de Saint-Jacques que la relation qui existe entre la population, ses désirs, ses aspirations, ses besoins et l'administration municipale, est encore plus intime, plus grande que celle qui peut exister entre cette même population et les autorités provinciales.

C'est quand même en vertu d'un même principe que vous défendez sur un plan plus élevé, c'est-à-dire que, plus une autorité est près des citoyens, plus il est possible que cette autorité politique, que cette administration politique réponde aux véritables aspirations. Donc, nier ce principe que l'initiative doit d'abord venir de l'autorité locale, je vous dis immédiatement que je ne concours pas avec cette prétention. Je pense que, d'abord et avant tout, l'intérêt doit être manifesté par la population. C'est tellement vrai qu'on pourrait arriver a des situations artificielles. Si le gouvernement, d'autorité... Cela contredit même toute notre philosophie nouvelle du développement culturel régional. Nous considérons, dans tout le programme du développement culturel régional, que ce n'est pas nous qui devons aller dire aux gens ce qui est bon pour eux sur le plan culturel, mais ce sont eux qui doivent venir nous dire ce qu'ils veulent.

Le ministère des Affaires culturelles n'a pas à aller dire à la population de tel secteur: Vous devez entendre de la musique symphonique, si ce n'est pas cela qu'elle veut entendre, si ce qui l'intéresse davantage, c'est la chanson. C'est la même chose dans ce domaine. Si des gens, par la voie de leur administration municipale, décident que c'est un autre genre d'activités culturelles qu'une bibliothèque qu'ils veulent avoir chez eux, il faut les laisser libres de choisir. C'est cela, le libre choix des collectivités locales. C'est la raison pour laquelle je considère que l'initiative doit d'abord venir de la municipalité.

Toutefois, parce qu'il peut fort bien arriver, et là-dessus le député de Saint-Jacques a raison, que dans certaines localités, on puisse avoir le désir d'avoir une bibliothèque municipale, mais non les moyens, parce qu'il faut aller à ce qui est essentiel, il faut d'abord boire de l'eau salubre avant de lire des livres. Alors, ce n'est pas nécessairement par un choix d'échelles de valeurs, mais c'est une réalité bien concrète qui peut amener une municipalité à choisir d'abord de faire un réseau d'aqueduc plutôt que d'aller aux bibliothèques municipales.

C'est justement conscients de ce problème que nous avons voulu changer la philosophie, philosophie qui s'est traduite par un programme, de telle façon que plus la municipalité est démunie sur le plan financier, plus notre intervention est forte, plus elle est grande. Encore là, il faut que cette municipalité témoigne d'un certain intérêt. Quand je dis la municipalité, c'est d'abord la population. Quand une population veut vraiment quelque chose — je pense que le maire de Saint-Jérôme peut en témoigner et n'importe quelle personne ici qui a pu avoir une expérience sur le plan municipal le sait très bien — quand une population désire quelque chose, on se présente au conseil municipal et le conseil municipal traduit la volonté de la population.

M. Charron: Si vous me permettez, je vais vous remettre la parole avec plaisir, je ne veux pas rectifier les faits, je pensais être intervenu dans un sens où le rôle essentiel d'animateur de la part du ministère des Affaires culturelles — je pense que nous en avons toujours convenu — m'apparaissait aussi important dans ce domaine que dans le domaine de la sauvegarde des monuments historiques et des biens culturels où le ministère n'a pas hésité à le faire je pense. Personne ne contestera aujourd'hui — d'ailleurs, je le dirai non seulement à vous, mais aux fonctionnaires de votre ministère qui oeuvrent dans ce secteur — qu'il y a eu net progrès de l'attention publique à l'environnement culturel depuis un certain temps.

M. le Président, je vous donne seulement un exemple, mon quartier à Montréal a été durement frappé. Il y a le projet de démolition d'une église qui, n'est en soi, j'en conviens, peut-être d'aucune valeur architecturale historique, mais qui fait partie du dé-

cor quotidien de la population depuis une cinquan-taire d'années. A peine la nouvelle avait-elle été répand ue dans le q uartier que des gens de mon comté "retentissaient" à mon bureau pour me dire: II faut sauver l'église. D'ailleurs, il y en a une qui a été cruellement assassinée sous nos yeux, ce qui a fait que la population de Saint-Jacques est encore beaucoup plus vigilante. J'étais consent de recevoir cette délégation de citoyens de mon comté, parce que j'ai eu l'occasion de mesurer l'effort d'animation qu'on avait fait. Ce n'est pas faux de dire qu'il y a peut-être encore une dizaine d'années les gens ne faisaient pas attention à cela. Les groupes oeuvrant à cela, et le ministère également à l'occasion, ont réussi à dire aux gens de s'intéresser.

Je ne vous ai pas dit de supprimer l'initiative municipale dans ce domaine, mais je suis convaincu que cela mériterait peut-être à l'occasion, cette réglementation dont je n'ai pas encore pris connaissance — je prend s votre parole, vous me dites qu'elle a été faite pour faciliter les subventions de bibliothèques municipales dans les centres qui en ont besoin — mériterait peut-être d'être expliquée aux édiles municipaux, que le ministère se dirige et dise: C'est à vous, messieurs, de décider. C'est à la population locale. Je suis bien convaincu que les citoyens, comme vous dites, se rendraient à l'hôtel de ville pour réclamer une bibliothèque municipale, oui, s'ils savent que, par leur action, ils peuvent en obtenir une. Je ne dis pas de diffuser ce document tel quel, mais j'espère que nos propos ici aujourd'hui auront une espèce de répercussion qui va faire que des gens habitant une ville moyenne, disons du Québec, pas encore dotée de ce service, sachant maintenant que le ministère a assoupli son attitude quant à cela, vont peut-être entamer des démarches auprès de leurs autorités municipales.

M.Hardy: Dans ce sens, c'est vrai pas seulement pour la politique des bibliothèques publiques, mais pour toutes les politiques du ministère que j'ai mentionnées ce matin dans mes propos. Notre volonté est d'accentuer le rôle du service de l'information afin que les citoyens du Québec connaissent de mieux en mieux quelles sont les possibilités que le ministère des Affaires culturelles met à leur disposition.

M. Bonnier: M. le Président, dans la même veine, étant donné que, maintenant, il est possible que des municipalités aient recours à une bibliothèque qui est exploitée par une polyvalente ou un CEGEPqui a des accords, n'y aurait-il pas lieu, dans le fond, que le ministère fasse même des pressions auprès des municipalités pour que des bibliothèques publiques soient à la disposition de la plus grande partie de la population? Cequi arrive, c'est qu'il y ades endroits, au Québec, où vous avez une bibliothèque municipale et où vous avez, à côté, certaines petites villes qui n'ont pas accès au même service, dont lesenfants et les adultes n'ont pas accès aux mêmes services, parce que la ville dit: Cela nous regarde, nous autres. C'est nous autres qui payons, ce sont nos contribuables. Si vous voulez en avoir, vous en aurez.

Si, de la part du ministère, il y avait une certaine pression auprès de ces villes afin qu'elles desservent vraiment l'ensemble d'un certain nombre de villes qui gravitent autour de cette ville principale, de façon qu'un véritable réseau de bibliothèques publiques s'installent, au Québec, s'il y avait vraiment une pression, dans ce sens, je pense un peu dans le même sens que le député de Saint-Jacques. Ce qui arrive, c'est qu'il y a des populations de jeunes et de moins jeunes qui en ont peut-être plus besoin, mais qui sont privées de services que d'autres ont facilement. Je trouve cela malheureux.

M. Hardy: Je comprends, il y aurait une solution, bien sûr, mais je vous avoue tout de suite que je ne suis pas prêt, à ce moment-ci, ce serait de dire que c'est le gouvernement qui va mettre sur pied des bibliothèques publiques sur le territoire de la province et qu'il va enlever le tout aux municipalités.

M. Bonnier: Non, mais...

M. Hardy: A un moment donné, il faut décider. On ne peut pas manger le gâteau et le laisser. Si on conserve un centre de décision sur le plan local, le centre est là. On ne peut pas à la fois dire : C'est vous qui décidez et, quand cela ne fera pas notre affaire, la décision que vous allez prendre, c'est nous qui alIons décider à votre place.

M. Bonnier: Cela prend toujours un certain instrument.

M. Hardy: On peut inciter, on peut... Je pense que, encore unefois, le nouveau règlement ou que la nouvelle base de notre intervention dans ce domaine est une incitation, parce que, encore une fois, on ne peut plus dire ce qu'on disait autrefois, avec notre politique de per capita. Des villes riches pourraient di re : Bien sûr, nous, on a les moyens, on va mettre sur pied une bibliothèque municipale et, avec la subvention du ministère, on est capable de payercela. Mais, la ville voisine ou une autre ville dirait: On veut bien une bibliothèque. La subvention était de $1 par tête, anciennement? C'était à la fondation. Oui, et après cela? Après cela, $0.20 par tête, plus 20% d u budget.

Il y a des municipalités qui disaient: Même si on nous donne cela, c'est bien dommage, mais on n'est pas capable, parce qu'on n'en a pas les moyens. C'était un problème. Ce problème, je ne dis pas qu'on l'a réglé totalement, mais on l'a largement atténué, puisque l'on a pondéré. Plus la municipalité est riche, plus elle paie; moins elle est riche, plus on paie.

Je reviens au député de Saint-Jacques, qui avait commencé sa remarque en citant le Devoir. C'est exact ce qui est dit là. C'est vrai que, sur le plan des bibliothèques publiques, comme sur bien d'autres plans, dans le domaine culturel, nous sommes en retard, nous sommes largement en retard par rapport à d'autres provinces. C'est un phénomène encore assez curieux. C'est que, encore une fois, je cite une région que je connais bien, dans l'actuel comté de Terrebonne, la ville de Rosemère, alors que c'était encore une toute petite ville, a eu une bibliothèque municipale avant d'autres villes. Ce sont les anglophones qui ont été à son origine, parce que, les

anglophones, mentalement, ont été pi us préoccupés de ce genre de service public que les francophones.

C'est une situation historique qu'il faut reconnaître.

Mais je souligne au député de Saint-Jacques...

M. Charron: Ils ont toujours été plus scolarisés aussi.

M. Hardy: Ils étaient plus scolarisés, ils étaient, financièrement, généralement plus en moyen que nous. Donc, ils s'y intéressaient plus facilement. C'est un peu comme la conservation des vieux meubles, une expérience aussi que j'ai vue dans mon milieu. Ce sont des gens de langue anglaise qui recueillaient tous les vieux meubles dans les fermes avoisinantes. Si on a conservé le mobilier ancien, dans la région de Sainte-Thérèse, c'est grâce à des familles de langue anglaise. Ce n'est pas parce que ces gens étaient plus vertueux que nous, c'est tout simplement qu'ils avaient plus d'argent, ils étaient capables de consacrer des sommes d'argent, un certain superflu, à l'achat de bahuts, de vieilles chaises.

M. Morin: Le ministre est conscient des raisons d'ordre sociologique et politique qui font qu'il en est ainsi.

M. Hardy: Je constate tout cela, mais je constate les faits. C'est pour cela que je dis que je ne critique pas mes compatriotes. Maintenant que les Canadiens français sont dans une situation économique meilleure qu'il y a dix, quinze ou vingt ans, situation économique, aussi situation intellectuelle, comme le député de Saint-Jacques l'a dit tantôt, il y a beaucoup d'intérêt pour la conservation du patrimoine.

Je connais même des gens qui, il y a quinze ans, auraient probablement jeté certaines choses au feu etqui, maintenant, en achètent. Il ya, sûrement, une modification dans les mentalités. Nous sommes conscients que le Québec est en retard dans le domaine de la lecture publique, mais je veux rappeler au député de Saint-Jacques que c'est un des programmes du ministère qui connaît des augmentations plus considérables chaque année. Ce programme, cette année, connaît une augmentation de 24% par rapport à l'an passé. En vertu du mémoire de programmes qui a été accepté, l'an passé, cette progression s'accélérera même, chaque année, ira en augmentant, chaque année, de telle façon que, en vertu du plan quinquennal, en 1990, nous aurons enfin rejoint l'ensemble du Canada sur ce plan.

M. Charron: A cet élément 2, M. le Président, j'aurais une autre question. On a établi des bibliothèques régionales, n'est-ce pas?On a parlé d'un réseau de douze bibliothèques régionales. Combien de ces bibliothèques existent vraiment?

M. Hardy: II y en a trois, à l'heure actuelle. Il y en a une dans l'Outaouais, l'autre, dans la Mauricie, la première qui a existé en 1962. Celle de l'Outaouais a été créée en 1964 et celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en 1971.

M. Charron: Les régions du Bas-Saint-Laurent et du Nord-Ouest québécois n'apparaissent-elles pas comme des régions prioritaires?

M. Hardy: Celle du Bas-Saint-Laurent est en voie de formation. Les lettres patentes doivent être émises ces jours-ci, au ministère des Institutions financières.

M. Charron: L'existence de ces bibliothèques régionales est-elle liée, par une façon ou par une autre, à des ententes Canada-Québec? Y a-t-il des ententes Canada-Québec au niveau de la création de ces bibliothèques ou de l'étendue?

M. Hardy: II n'y a pas eu de somme provenant des ententes Canada-Québec pour la création des bibliothèques.

M. Charron: M. le Président, je suis disposé à adopter l'élément 2.

Le Président (M. Pilote): Elément 3: Bibliothèque nationale.

Bibliothèque nationale

M. Charron: Je n'ai d'autre remarque à faire que celle de souhaiter que la bibliothèque nationale continue, parce que je crois qu'elle est effectivement à l'accomplissement de ce rôle; qu'elle continue à être une bibliothèque aux portes de plus en plus ouvertes; qu'elle devienne un centre non seulement de conservation — c'est pour cela que je suis bien prêt à voter les crédits qu'on nous demande — et de référence de plus en plus efficace, mais aussi un centre de réflexion. Une bibliothèque, ce n'est pas, dans mon entendement, uniquement un endroit de silence pour ceux qui lisent, c'est peut-être aussi un endroit d'échange pour ceux qui pensent après avoir lu.

Je crois que la Bibliothèque nationale, celle que je connais, remplit efficacement ce rôle avec une amélioration toujours possible. Je crois qu'on y est sensible. Je n'ai vraiment pas d'autres questions à poser à ce programme.

M. Hardy: Je veux tout simplement souligner l'intérêt que le ministère accorde à la Bibliothèque nationale, qui se traduit, entre autres, par une augmentation considérable du budget, une augmentation de $500,000, qui représente une augmentation de 35%.

Le Président (M. Pilote): Les éléments du programme 1, éléments 1, 2 et 3 sont adoptés...

M. Hardy: Je m'excuse, non pas $500,000, $300,000 qui représentent...

Le Président (M. Pilote):... ainsi que les catégories.

M. Charron: Programme 1, adopté.

Le Président (M. Pilote): Programme 2: Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels.

Biens culturels

M. Charron: M. le Président, ce programme est extrêmement important. Pour les besoins de la cause, c'est le chef de l'Opposition qui entamera à ma place la discussion que nous poursuivrons, demain, sur ce programme 2.

M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder le programme 2 à l'aide d'une série de cas concrets de sauvegarde et de mise en valeur des biens culturels. Peut-être avons-no us le temps, ce soir, de procéder à l'examen d'un premier cas qui est bien connu du ministred'ailleurs, j'imagine, et qui pourra faire l'objet, au besoin, d'un examen après la séance. Nous serions tous, de la sorte, mieux préparés pour la séance de demain.

Je vais donc entretenir le ministre en premier lieu, d'une affaire de spéculation foncière, qui me paraît assez odieuse, à l'intérieur d'un arrondissement historique.

M. Hardy: Je ne veux pas, M. le Président... Cela a bien été jusqu'ici, mais peut-être que nous... Je me demande si on ne devrait pas respecter... A moins que la commission consente à intervertir l'ordre...

Le Président (M. Pilote): Le Président ne consent pas.

M. Hardy: Ne consent pas, parce que là, je pense que si vous parlez de spéculation foncière...

M. Morin: Non, il s'agit...

M. Hardy: ... nous allons tomber dans l'élément 2.

M. Morin: ... de protection.

M. Hardy: Parce que l'élément I de ce programme, ce sont les archives.

M. Morin: Bon! Alors, je vais poser...

M. Hardy: Je ne sais pas si vous avez un cas de spéculation dans le domaine des archives...

Archives

M. Morin: Oui. Je vais poser une seule question, M. le Président, à l'élément I: Conservation et utilisation des archives. Alors, demain matin, nous pourrons procéder avec la conservation des sites et biens historiques.

Le Président (M. Pilote): Je préférerais.

M. Morin: Bon! C'est d'accord!

Le gouvernement fédéral a-t-il fait don de la prison des Plaines d'Abraham au ministère des Affaires culturelles pour fins d'archives? Le ministre se souviendra que cette possibilité a été évoquée dans le passé, et le ministre pourrait-il faire le point là-dessus?

M. Hardy: M. le Président, je comprends pourquoi le député de Sauvé et son parti se sentent tellement frustrés, démolis par le régime fédéral, c'est que même des choses qui nous appartiennent depuis toujours, ils considèrent que cela appartient au gouvernement fédéral.

La prison des plaines, c'est notre propriété. C'est à nous.

M. Morin: C'est déjà la propriété du gouvernement...

M. Hardy: Vous voyez qu'on a beaucoup moins de choses à récupérer que vous ne le pensiez.

M. Morin: Bon! Maintenant, quelle est la destination de cet immeuble à l'heure actuelle? Que comptez-vous en faire?

M. Hardy: C'est-à-dire que nous avons confié à un bureau d'architectes, la firme Leclerc et Le-clerc, le mandat d'étudier les vocations que l'on pourrait assigner à l'ancienne prison. Entre autres, l'une des hypothèses, c'est d'en faire le musée, que le Musée du Québec se transporte dans la prison ou un entrepôt...

M. Morin: Je sais que le ministre n'a jamais fait de prison, mais il a peut-être visité les lieux malgré tout.

M. Hardy: Un instant! Il y a deux écoles, peut-être que le député de Sauvé appartient à l'une de ces écoles. Il y a une école qui est complètement scandalisée, qui trouve cela effroyable, farfelu, épouvantable — et je passe des épithètes — de songer à faire de la prison un musée. Une autre école prétend, tout au contraire, qu'il y a là des possibilités extraordinaires, et c'était en face de ces deux principales écoles que le ministre était placé. Vous comprendrez, M. le Président, que je ne suis pas particulièrement spécialisé dans le domaine muséologique, ni dans le domaine de l'architecture. Or, conscient de cette situation, j'ai confié à un bureau d'architectes la tâche d'étudier cette possiblité, pour déterminer si l'hypothèse soulevée était valable ou non. C'est à la lumière des conclusions de cette étude que nous verrons à prendre une décision.

M. Morin: Est-ce que l'étude que vous avez demandée à ce bureau d'architectes, M. le ministre, doit se pencher aussi sur la possibilité d'utiliser la prison en question pour fins de conservation d'archives?

M. Hardy: Oui. C'est une autre des hypothèses que l'on utilise la prison comme entrepôt de collection de meubles ou... Pour fins d'archives, est-ce que cela a été envisagé? Non, l'hypothèse pour les archives n'a pas été envisagée. Mais on l'a envisagée comme possibilité d'entrepôt pour différentes collections.

M. Morin: Est-ce qu'il y a longtemps que cette étude a commencé, M. le ministre?

M. Hardy: Quelques mois, trois ou quatre mois.

M. Morin: Trois ou quatre mois, et quand prévoyez-vous obtenir...

M. Hardy: On me dit que le rapport devrait m'être remis dans un mois environ.

M. Morin: Bon! A ce moment-là, donc, on aura une idée de l'affectation future de la prison. Puisqu'on ne s'est pas penché sur la possibilité de la faire servir aux archives, est-ce que ce ne serait pas un endroit idéal pour les archives, étant donné qu'une bonne partie des locaux, tels que je les connais, est à l'épreuve du feu?

M. Hardy:Ce serait toujours possible, on peut tout faire aujourd'hui. Les limites de la technique sont assez larges, mais il y aurait, entre autres, un problème de climat, le problème de l'humidité...

M. Morin: D'humidité.

M. Hardy: Oui. Ce problème s'est posé également pour le musée...

M. Morin: Cela se contrôle. Je pense bien, oui.

M. Hardy: Au point de départ, quand nous avons confié l'étude au bureau d'architectes, il nous semblait plus facile d'aménager cet édifice en tant que musée, plutôt qu'en tant qu'immeuble pour le service des archives. Il est possible que l'architecte qui fait l'étude, le consultant, nous suggère d'autres vocations pour cet immeuble. Ce que nous retenons, d'abord et avant tout au ministère, c'est que cet immeuble mérite d'être conservé, d'une part, et que, d'autre part, si on le conserve, il faut bien lui trouver une vocation.

M. Morin: Simplement, maintenant, avant l'adoption de l'élément I, une dernière question, pour bien clarifier, dans mon esprit, la situation juridique des lieux. Si je vous ai bien compris, M. le ministre, le bien-fonds, tant le bâtiment que l'immeuble...

M. Hardy: Non.

M. Morin: ... appartient au Québec.

M. Hardy: Le fonds, le terrain également. J'avais l'impression que le terrain appartenait à la Commission des champs de bataille, mais le terrain appartient à la couronne provinciale, les Travaux publics.

M. Morin: L'immeuble entier, tant bâtiment que bien-fonds.

M. Hardy: On dit même que le gouvernement fédéral a cédé ce terrain au gouvernement du Québec avant la création du Parc des champs de bataille.

M. Morin: Bien!

M.Hardy: Vous voyez qu'il ne faut pas se décourager. Petit à petit, on récupère.

M. Morin: Ce qui est intéressant, c'est que la prison est située sur l'endroit même où ont eu lieu la plupart des engagements importants, la bataille des Plaines d'Abraham, est en plein dessus.

Nous sommes prêts, M. le Président, sur ces paroles historiques, à adopter l'élément I.

Le Président (M. Pilote): L'élément I est adopté.

M. Hardy: Nous reprendrons demain matin, M. le Président, avec l'élément 2.

M. Morin: Avec l'élément 2, après...

Le Président (M. Pilote): La période de questions.

M. Morin: ... la séance du matin.

M. Hardy: Oui, après la période le questions.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à demain, après la période de questions, vers 11 heures.

(Fin de la séance à 17 h 18)

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