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Commission permanente de l'éducation,
des affaires culturelles et des communications
Etude des crédits du ministère des
Affaires culturelles
Séance du jeudi 1er mai 1975
(Dix heures vingt-deux minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de l'éducation, des affaires
culturelles et des communications se réunit aujourd'hui pour
étudier les crédits du ministère des Affaires
culturelles.
Sont membres de cette commission; M. Belle-mare (Johnson), M.
Bérard (Saint-Maurice), M. Bonnier (Taschereau), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Cloutier (L'Acadie), M. Côté (Matane), M.
Déom (Laporte), M. Houde (Fabre), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M.
Léger (Lafontaine), M. Parent (Prévost), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Veilleux
(Saint-Jean). M. Lapointe (Laurentides-Labelle) est rapporteur de cette
commission. Les membres sont-ils d'accord sur cette nomination?
Au début, le ministre des Affaires culturelles va faire un tour
d'horizon de son ministère. Ensuite, ce sera l'Opposition qui aura son
tour, quitte ensuite à passer à l'étude des secteurs et
des programmes. La parole est au ministre des Affaires culturelles.
Revue des activités du ministère
M. Hardy: M. le Président, je voudrais, aussi
brièvement que possible, tracer les grandes lignes de ce qu'a
été l'action du ministère des Affaires culturelles au
cours de l'année 1974/75, c'est-à-dire l'année
financière, et donner également les grandes lignes de ce que nous
nous proposons de faire avec les crédits que la commission est
appelée à voter.
Vous vous rappelez que, l'an dernier, plus précisément le
4 avril, j'avais l'occasion de prononcer, à l'Assemblée
nationale, un discours où je donnais certaines orientations quant
à la politique que le ministère des Affaires culturelles
entendait appliquer au cours des prochains mois et des prochaines
années.
Cette politique, elle n'était pas tellement actualisée
dans le budget que nous avons voté l'an dernier, mais, malgré
cela, nous avons tenté, avec ce budget, de réaliser certaines des
idées que j'avais énoncées le 4 avril.
Dans cet esprit, nous avons travaillé, pendant la dernière
année, à la préparation d'une loi-cadre sur le livre qui
tente de tenir compte, d'abord et avant tout, du lecteur, du consommateur.
Bien sûr, l'écrivain, l'éditeur, le libraire ne sont
pas négligés dans l'élaboration de cette loi puisqu'ils
sont des facteurs indispensables de la mise en application d'une politique du
livre. Dans le cadre de ces travaux de la préparation de la loi, des
études ont été menées et sont encore en cours, tout
particulièrement une étude sur le marché des revues
périodi- ques, des périodiques qui constituent une part
très importante du marché de l'imprimé au
Québec.
Dans le programme des bibliothèques publiques, le
ministère des Affaires culturelles par la mise en application de nouvel
les normes, tente de faire en sorte que la participation financière du
ministère à la mise sur pied et au maintien des
bibliothèques publiques soit inversement proportionnelle à la
richesse locale; c'est-à-dire que les nouvelles normes plutôt que
d'être basées sur la population comme telle et uniquement sur la
population, la participation nouvelle du ministère est basée sur
l'évaluation locale. Nous avons pris la moyenne de l'évaluation
foncière de la province et les municipalités dont
l'évaluation est en deçà de cette moyenne reçoivent
davantage que les municipalités qui sont au-delà de cette
moyenne.
A la bibliothèque nationale et sous la direction du nouveau
directeur qui a été nommé au cours de la dernière
année, M. Jean-Louis Brault, on a fait des efforts afin de faire
connaître la Bibliothèque nationale et de la rendre plus
accessible à toute la population. On encourage, en particulier, les
manifestations culturelles susceptibles d'attirer un public le plus
diversifié possible. Pendant longtemps, la Bibliothèque nationale
a peut-être eu la réputation d'être un temple où
seuls de grands savants, de grands érudits, des chercheurs
étaient admis. De plusen plus, je pense, la Bibliothèque
nationale, tout en jouant ce rôle très important dans une
collectivité s'ouvre à toutes les manifestations possiblesde la
vie culturelle d'une collectivité moderne. Je rappelle, entre autres,
à titre d'exemple, la manifestation qui s'est tenue la semaine
dernière, manifestation qui n'est pas du tout dans la ligne
traditionnelle de ce qu'on appelle... permettez-moi le mot, je m'en excuse
à l'avance auprès de ce puriste qui est au Québec, le
directeur et rédacteur en chef du Jour, de cette manifestation qui s'est
tenue la semaine dernière, qui n'est pas du tout dans l'esprit de
l'"esta-blishment".
J'ai accepté que la bibliothèque nationale reçoive
les gens qui participaient, et nous avons même accordé une
subvention à cette semaine de la contre-culture. C'est dire que la
Bibliothèque nationale s'ouvre à tous les mouvements, à
toutes les idéologies, à toutes les manifestations, même
si, parfois, ces idéologies, ces manifestations ou ces courants sont aux
antipodes des idées personnelles du ministre.
Au développement régional, une politique de concertation
populaire a été élaborée et est actuellement
à l'étude.
Aux industries culturelles, la priorité a été
donnée à la chanson et aux disques, et le projet de la Semaine de
la chanson québécoise s'inscrit dans ce cadre.
Simultanément, les études sur une société de
développement culturel se poursuivent afin de trouver une formule qui
permettrait d'apporter une aide plus diversifiée et plus efficace
à des industries culturelles qui, jusqu'ici, ne reçoivent pas
l'aide du gouvernement.
Les musées du Québec ont également fait un effort,
afin de poursuivre leur action de démocratisation. Quarante
musées privés ont été subventionnés,
et l'étude de nombreux dossiers se poursuit
présentement.
Au Musée du Québec, on poursuit avec succès une
opération auprès des étudiants du Québec
métropolitain, qui se sont amenés en nombre toujours plus grand
au musée où a lieu également une expérience
d'animation culturelle.
Dans le domaine de l'artisanat, une première partie de
l'étude confiée aux métiers d'art a été
remise au ministre, laquelle étude consacre le professionnalisme d'un
très grand nombre d'artisans qui, jusqu'ici, étaient
considérés comme des marginaux. D'autre part, la création
d'un service de l'artisanat au ministère est en voie de formation, en
particulier avec le choix prochain d'un directeur de ce service, le concours
pour la nomination du directeur du service étant actuellement
ouvert.
Avec ce nouveau service de l'artisanat intégré à la
direction générale des arts plastiques, il sera possible de
rejoindre et d'aider tous les artisans, qu'ils soient des artisans dits de
loisir, d'appoint, semi-professionnels ou professionnels.
Dans le domaine des arts d'interprétation, un très grand
nombre de troupes, dites semi-professionnelles, ont été
subventionnées.
Les isciplines qui jusqu'à maintenant n'avaient pas
été reten ues par le ministère, tels le folklore, les
harmonies, les fanfares, le théâtre pour enfants sont maintenant
admissibles aux subventions du ministère.
Je voudrais bien préciser ici, pour l'opinion publique et
particulièrement à l'intention de ceux qui nous permettent de
communiquer avec l'opinion publique, que cette nouvelle orientation du
ministère, cet intérêt manifesté par le
ministère à l'endroit des amateurs, à l'endroit des
groupes semi-professionnels ne signifie pas que l'on accorde moins d'importance
à ce qui a été jusqu'ici l'activité du
ministère à l'endroit des grandes troupes, des grands organismes.
Je pense aux orchestres symphoniques, aux grandes troupes de
théâtre.
Ces organismes culturels ont un rôle essentiel,
irremplaçable à jouer dans une collectivité. Ce que
j'avais exprimée le 4 avril et ce que nous avons tenté de
réaliser au cours de l'année, ce que nous tenterons d'accentuer
au cours de la prochaine année, c'est qu'en plus de l'action culturelle
de ces groupes dans unecollectivite, il y a également une autre forme
d'action culturelle, c'est l'action de tous les citoyens qui veulent, à
des degrés divers, selon des formules nouvelles, participer
également à la vie culturelle.
Dans l'ensemble, le ministère des Affaires culturelles, au cours
de la dernière année, a aidé ou a accordé des
subventions à 163 nouveaux groupes qui n'étaient pas
subventionnés antérieurement, soit une augmentation de 45%.
Il y a, bien sûr, comme dans toute politique, des programmes qui
ont reçu une attention plus particulière et c'est le cas, entre
autres, du programme de la sauvegarde et de la mise en valeur des biens
culturels.
La sauvegarde et la conservation du patrimoine ont été une
priorité pour le ministère des Affaires culturelles durant
1974/75 et on peut illustrer cette affirmation par des statistiques qui sont,
je pense, assez éloquentes.
Il y a eu 142 nouveaux dossiers d'ouverts. Il y a eu 30 reconnaissances
en vertu de la Loi des biens culturels. Il y a eu 22 immeubles de
classés; 162 objets d'art de classés. 36 aires de protection ont
été délimitées, trois sites archéologiques
ont été classés et les indemnités payées aux
contribuables, aux citoyens qui sont propriétaires de biens
classés se sont chiffrées par $282,253.
Donc, il n'est pas toujours juste de prétendre, comme certains le
font, que le gouvernement, que le ministère des Affaires culturelles se
désintéresse de ce domaine de la sauvegarde du patrimoine. Ce qui
peut apparaître comme un effort insuffisamment grand en regard des
besoins, c'est que, pendant très longtemps, ici au Québec, on a
négligé cet aspect et qu'il faut maintenant rattraper le temps
perdu. Comme tous le savent, il est impossible de rattraper
intégralement le temps perdu et surtout dans ce domaine, lorsqu'il y a
des choses qui ont été démolies, lorsqu'il y a des
immeubles qui sont complètement disparus, il est évidemment assez
difficile de les faire renaître de leurs cendres.
La situation précaire de plusieurs compagnies de musique, de
théâtre ou de danse a fortement préoccupé le
ministère durant l'année 1974/75. Ces compagnies qui
connaissaient des situations financières difficiles ont sans doute
réalisé que le ministère des Affaires culturelles
n'accepterait plus d'éponger annuellement les déficits de
l'année ou les déficits accumulés. C'est pourquoi
plusieurs d'entre elles en ont profité pour étaler leur situation
financière en public et forcé d'une certaine façon le
ministère à les aider à assainir leurs finances.
En 1974/75, le ministère n'a pas hésité à
sauver plusieurs de ces compagnies, dont quelques-unes pensaient même
pouvoir se dispenser des deniers publics. Il y acertaines compagnies, qui
à un moment donné, ont fait de grandes déclarations disant
qu'elles pouvaient bien vivre sans l'aide du gouvernement mais qui, quelques
semaines plus tard, étaient bien heureuses de recevoir des
subventions.
Le ministère peut maintenant affirmer que la très grande
majorité de ces compagnies entreprendront leur prochaine saison avec des
finances très saines. Dans la même ligne d'idées et pour
que soit bien affirmé ce principe, nous avons dû mettre un terme
aux activités d'une de ces compagnies, c'est-à-dire plutôt
suspendre les activités d'une de ces compagnies, parce que le
déficit accumulé était vraiment trop considérable
et qu'il était impossible de continuer dans la même voie.
Le ministère a fait savoir clairement à toutes les
compagnies dans le domaine des arts d'interprétation qu'il est
prêt à leur offrir une aide plus importante qui tienne compte de
l'augmentation des coûts de production mais qu'il n'acceptera plus
d'ajouter à sa subvention sur présentation d'un bud get
déficitaire.
Encore là, je voudrais que les choses soient bien claires. J'ai
souvenance d'avoir lu dans un journal sérieux, sérieux du moins
selon le député de Saint-Jean sous la plume...
M. Veilleux: M. le Président, je tiens à dire au
ministre des Affaires culturelles que le journal était sérieux
pour un cas bien précis.
M. Hardy:... d'un homme qui a une réputation
sérieuse, que le ministère des Affaires culturelles errait
lorsqu'il prétendait ne pas vouloir éponger des déficits
dans le domaine des affaires culturelles, parcequ'il s'agit d'un domaine
où les activités, de par leur nature, de par leur
définition, ne sont pas rentables. Je suis bien d'accord avec cette
idée. Ce que nous disons, c'est ceci, une fois que le budget d'une
compagnie a été approuvé, une fois que l'on a
accepté d'accorder une subvention déterminée à une
compagnie pour son programme pour son année financière, il n'est
pas question que cette compagnie dépasse son budget, produise des
déficits avec l'espoir que ces déficits, ultérieurement,
seront épongés.
Je pense que c'est une question absolument essentielle d'une saine
gestion. Il pourra arriver des cas absolument exceptionnels, ilpeut arriver
qu'il se produise des conditions que personne ne pouvait prévoir. Bien
sûr, il s'agira alors de cas ponctuels qu'il faudra envisager. Mais d'une
façon générale, une fois qu'une compagnie saura le montant
de la subvention qu'elle recevra pour une année d'activité, il
n'est pas question d'espérer avoir une subvention supplémentaire
pour éponger son déficit.
Pendant l'étude des crédits 1974/75, j'avais clairement
laissé voir qu'il faudrait entreprendre de nombreuses études afin
d'assurer une relance du ministère des Affaires culturelles qui soit
appuyée sur une connaissance réelle du phénomène
culturel actuel. Les études les plus importantes dans ce domaine sont
les suivantes. Il y a eu une étude sur le marché du livre, une
étude sur les revues et périodiques, une série
d'études sur les industries culturelles et plus particulièrement,
sur la chanson et le disque, une étude sur les opéras, les
orchestres et les compagnies de danse, une étude sur une
société de développement culturel, un inventaire des
musées privés et l'étude des métiers d'art qui est
toujours en cours.
A toutes ces études, il faut bien sûr ajouter celles qui
doivent être entreprises par la direction générale du
patrimoine sur plusieurs sites, arrondissements ou régions qui peuvent
faire l'objetd'une reconnaissance ou d'un classement. Il y a aussi la
préparation d'une méthodologie en vue d'assurer le classement des
sites naturels.
Alors, c'est un bref résumé, bien sûr, de l'action
du ministère des Affaires culturelles au cours de l'année
financière qui s'est terminée le 31 mars dernier.
Le budget de 1975/76 connaît une augmentation de $6,950,000, soit
22.6% par rapport au budget total de 1974/75. Toutefois, si l'on compare ce
budget au budget voté l'an dernier, en mai I974, l'augmentation est de
32.3%.
A la catégorie des dépenses de transfert, le budget
connaît une augmentation de 18% et les effectifs du ministère
seront accrus de I26 fonctionnaires, ce qui représente une augmentation
de 15.8%.
Je voudraisencore unefois, M. le Président, non pas par
désir de triomphalisme parce que je continue à
reconnaître que, dans les conditions actuelles, le budget du
ministère des Affaires culturelles demeure encore trop modeste en regard
des besoins mais, d'autre part, pour tâcher de faire quel- que
compensation, face à ce négativisme, à ce pessimisme,
à cet esprit morose qui existe chez bien des citoyens à l'endroit
du ministère des Affaires culturelles, je voudrais quand même
insister pour dire que l'augmentation globale du budget actuel, est de 13.1%,
alors que l'augmentation du budget du ministère des Affaires
culturelles, par rapport à celui voté au même moment l'an
dernier, est de 32.3%.
Donc, dire que le gouvernement, dans son ensemble, se
désintéresse de la dimension culturelle de la vie collective des
Québécois, ce n'est pas reconnaître tout à fait la
réalité.
Il faut admettre que cette augmentation, qui est supérieure,
comme je viens de le dire, au budget global du gouvernement, indique clairement
que le gouvernement a l'intention de poursuivre la relance de son action en
matière culturelle et que, par le biais de lois qui seront votées
au cours de cette session, il verra à assurer sa souveraineté
culturelle dans le domaine de ses compétences propres.
Cette augmentation importante du budget, des effectifs, et l'adoption
des lois dont je viens de parler, exigeront du ministère, pour la
présente année financière, un effort de consolidation
administrative.
Avec des budgets neufs, des figures nouvelles, et des lois nouvelles, il
faudra s'attendre que le ministère s'impose de plus en plus, comme un
outil important du développement de la collectivté
québécoise. Il ne faut pas se surprendre, si l'action
déjà entreprise, en 1974/75, a bousculé bien des gens et a
suscité des réactions parfois émotives.
La presse écrite et électronique a été le
reflet de ce renouveau, dans une certaine mesure. Il est consolant de penser
que le phénomène culturel intéresse de plus en plus le
citoyen et, j'oserais dire, presque autant que le phénomène
social, économiqueou politique. De plus en plus, lescitoyens veulent
faire connaître leur opinion sur la culture et veulent ainsi influencer
la politique du gouvernement.
Il est également normal que ceux qui, jusqu'à maintenant,
contrôlaient les réseaux culturels du Québec, se sentent
menacés par cette influence de plus en plus grandissante des citoyens et
du gouvernement en matières culturelles.
Le budget que l'Assemblée nationale sera appelée à
voter poursuivra l'action entreprise et cela, de trois façons.
Premièrement, en accélérant la démocratisation de
la culture; deuxièmement, en accélérant certains
programmes du ministère jugés essentiels et, d'une façon
toute particulière celui de notre patrimoine national;
troisièmement, en consolidant l'administration de ce ministère
pour augmenter sa crédibilité auprès du citoyen et des
organismes qui sont des agents de développement cuIturel dans leur
milieu.
Les bibliothèques publiques auront un budget
supplémentaire de $844,300, basé, comme je l'ai dit tantôt,
sur l'évaluation foncière des citoyens, c'est-à-dire la
répartition de ce budget serait basée sur la richesse locale.
Plus une municipalité est riche, plus elle est appelée à
collaborer au financement de sa bibliothèque publique. Les
municipalités les moins riches verront l'aide du gouvernement
s'accroître, dans la proportion inverse de leur évaluation
foncière.
Six nouvelles bibliothèques seront aidées pour
leur création, dont une à Québec et cinq dans la
région de Montréal.
Les programmes d'aide aux éditeurs et aux libraires seront
maintenus. A ces mesures sera ajoutée une formule de prêts pour
les éditeurs, dans la mesure, bien sûr, où le Parlement
acceptera de voter la loi que j'ai l'intention de déposer au cours des
prochaines semaines.
La préparation de la loi-cadre sera complétée.
Cette loi, à l'instar de la Loi du cinéma, mettra en
priorité les besoins du lecteur et du consommateur.
Le service des industries culturelles, avec un budget de $677,700,
poursuivra ses recherches autour des media culturels qui rejoignent le plus la
population, soit la chanson, les revues et périodiques, la
télévision et la radio. Ce sont là les soutiens culturels
que le ministère considère comme primordiaux dans le
développement culturel et la recherche de l'identité
québécoise.
La semaine de la chanson québécoise permettra de
consacrer, aux yeux de toute la population, ce moyen qui, jusqu'à tout
récemment, était considéré comme mineur en regard
du champ de la musique dite sérieuse.
Le rapatriement de certains dossiers du Haut-Commissariat indique
clairement cette volonté du ministère des Affaires culturelles de
couvrir toute la vie culturelle de la collectivité et de rejeter
totalement cette philosophie ou cette prétention que la culture peut se
diviser en grande et petite culture. Il n'y a qu'une vie culturelle et le
ministère des Affaires culturelles a l'intention d'assumer la
totalité de cette dimension de notre vie collective.
Le développement des bureaux régionaux du service du
développement régional du ministère connaît une
augmentation de son budget de 47%. Cela signifie la matérialisation du
principe de la participation de tous les citoyens à la vie culturelle.
Le service du développement culturel régional a pour principale
mission de faire connaître aux citoyens les différents programmes
du ministère, de consulter ces mêmes citoyens sur les programmes
auxquels ils désirent participer, de conseiller les différents
services du ministère sur la répartition de leur budget,
également d'exprimer les besoins culturels, les critiques que le milieu,
que la base désire ou sent le besoin d'exprimer à l'endroit de
l'action du ministère des Affaires culturelles.
La reconnaissance et la promotion des musées privés, une
vingtaine de plus en 1975/76 avec un budget doublé, permettra de
compléter le réseau des musées régionaux et d'en
assurer l'animation. Les Québécois pourront ainsi corn
ptersurdescentresde développement culturel dans leur milieu.
La direction générale des arts d'interprétation
avec un budget de transfert accru de 17%, continuera à
s'intéresser de plus en plus à des organismes semi-professionnels
ou amateurs qui font rayonner la culture dans leur milieu. De nombreuses
demandes affluent déjà au ministère qui est à
préparer des critères de subventions, qui assureront à la
fois la participation de la masse des citoyens, non seulement à la vie
culturelle en tant que spectateur, mais, à la vie culturelle en tant
qu'agent actif.
Un budget de $500,000 sera consacré à l'immo- bilisation
dans le secteur des arts d'interprétation. C'est là une
nouveauté. Jusqu'ici, le budget des arts d'interprétation n'avait
pas de sommes consacrées à l'immobilisation. La grande
priorité en ce moment est de trouver une salle pour la nouvelle
compagnie théâtrale à cause de l'obligation dans laquelle
elle se trouve de quitter les lieux qu'elle occupe depuis fort longtemps, soit
la salle du Gésu.
Le programme no 2, dans son entier, c'est-à-dire celui du
patrimoine, de la conservation du patrimoine, connaîtra une augmentation
de 33.9%. Si on excepte l'élément qui concerne les archives, le
programme du patrimoine connaît cette année une augmentation de
110%, c'est-à-dire, ce programme, mis à part, le domaine des
archives, il y a une augmentation de 110%. Cette augmentation est rendue
nécessaire pour empêcher la disparition de certains
éléments importants du patrimoine et pour mettre en valeur des
biens culturels déjà classés. La direction du patrimoine a
mis de l'avant un ensemble de 21 mesures spéciales pour lesquelles les
crédits additionnels de $3.5 millions sont prévus dans les
crédits que nous avons à étudier maintenant.
Un certain nombre de mesures sont présentement à
l'étude, soit une caisse de prêts à la restauration des
immeubles appartenant à des particuliers, des amendements à la
loi 2 et certaines mesures adm i n ist ratives af i n de rendre pl us efficaces
les activités de ce programme. Le budget du programme: Livres et autres
imprimés, connaîtra une augmentation de 28.7%, celui des arts
plastiques, de 38.3% et celui des arts d'interprétation une augmentation
de 21.6% dont une augmentation de 17%, comme je l'ai signalé
tantôt, seulement pour le secteur des transferts.
La mise en place d'une politique du livre nécessitera une
réorganisation de la direction générale des lettres.
J'ai nommé, tout dernièrement, un nouveau directeur
général par intérim, qui verra à réorganiser
toute cette direction, en fonction des nouveaux objectifs qui ont
été prévus. Une loi-cadre sur le livre, comme je l'ai
mentionné tantôt, est en préparation.
L'augmentation du budget et l'augmentation des subventions ont mis en
valeur la nécessité d'une analyse financière plus grande,
afin de contrôler l'utilisation des deniers publics par les organismes
subventionnés. Ce service aura donc pour fonction de faire une analyse
stricte des bilans et prévisions budgétaires de tous les
organismes qui désirent recevoir ou reçoivent des subventions du
ministère.
Une insistance toute particulière sera mise sur l'information
information auprèsdu public sur les politiques du
ministère, les programmes disponibles et les critères de
subvention; information également auprès du ministère des
activités culturelles se déroulant quotidiennement, des courants
de pensée se faisant jour dans la collectivité. Le service
d'information sera donc un émetteur et un récepteur du
phénomène culturel du Québec et, à cette fin, ce
service voit son budget augmenter de $70,000 pour la prochaine
année.
Le programme 5 connaîtra lui aussi un raffermissement
administratif. M.John Goodwin, spécia-
liste dans le domaine de l'organisation de différentes
sociétés, est déjà responsable et a eu pour premier
mandat d'élaborer une politique du théâtre à partir
du rapport Miville-Deschênes. Le rapport Jeannotte suggère
également des modifications sérieuses à l'infrastructure
artistique des organismes qui oeuvrent dans le domaine des arts
d'interprétation, plus particulièrement la musique symphonique,
la danse et l'opéra.
L'enseignement de la musique au niveau des camps musicaux, des
préconservatoires, des conservatoires et des institutions
privées, sera également repensé.
D'importants postes de cadre seront prochainement comblés pour
mettre en vigueur ces politiques dont je viens de parler. Je souhaite que les
personnes qui viendront se joindre à l'équipe du ministère
des Affaires culturelles seront choisies en fonction de leur efficacité,
de leur aptitude à administrer et leur ouverture à une notion
élargie de la culture.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Saint-Jacques.
Commentaires de l'Opposition
M. Charron: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier le ministre du tour d'horizon qu'il vient de faire des
activités de son ministère et des projets qu'il entretient et que
nous aurons l'occasion d'étudier, l'un après l'autre, je pense,
selon les programmes, lorsque vous les appellerez, M. le Président. Je
voudrais saluer, en même temps, les hauts-fonctionnaires du
ministère qui accompagnent le ministre, qui ont non seulement
contribué à la réalisation de ce qu'a
énuméré le ministre, mais également qui
participeront à la réalisation de ce qui nous a été
annoncé.
M. le Président, non seulement le ton ce qui a
été remarquable ce matin du ministre a changé,
maiségalement le contenu. Il y a une nette amélioration entre le
contenu de son intervention de l'année dernière, où le
ministre se rappellera notre échange...
M. Hardy: Ne me tentez pas!
M. Charron: Non, je ne veux surtout pas vous faire briser vos
bonnes résolutions, mais où le ton de l'année
dernière et le contenu de son intervention marquaient plus une
entrée quasi triomphale sur la scène des Affaires culturelles
avec une promesse de transformation qu'il nous disait d'accepter à la
lettre et au mot.
Je pense qu'un an à la direction du ministère des Affaires
culturelles a fait perdre beaucoupd'illusions au ministre qui est en face de
moi maintenant...
M. Hardy: ...ce que ce serait si vous étiez là.
M. Charron: ... et il a... Je vous en prie, ne commencez pas
à intervenir.
Le Président (M. Pilote): Je vous inviterais à ne
pas trop parler de l'an passé, mais à vous en tenir aux
crédits, s'il vous plaît.
M. Charron: Prenons ce que nous venons d'entendre. J'avais
l'impression d'avoir devant moi un administrateur public résigné
aux petites fonctions habituelles qui nous sont réservées dans le
cadre constitutionnel actuel pour les interventions majeures de l'Etat dans le
domaine culturel.
C'était cela aujourd'hui plutôt que le grand pro-moteur de
la souveraineté culturelle et celui qui nous disait l'année
dernière: Surveillez-moi bien. Je viens d'arriver. Je pars à
Ottawa et je reviens avec la souveraineté; c'était autre chose.
C'était l'homme qui ce matin nous parlait, de chacune des moindres
petites initiatives prises ici et là. En ce sens, il est devenu un
ministre des Affaires culturelles du Québec, c'est-à-dire
résigné à la pièce, aux petites politiques et
à ce qu'il nous reste à faire avec le budget que nous avons.
C'est donc sous cet angle, à son invitation, que j'ai l'intention
de procéder à l'étude des crédits de ce
ministère. Nous analyserons, comme le ministre nous y a invités,
chacune des initiatives prises dans chacun des champs d'intervention du
ministère des Affaires culturelles.
Mais je n'ai pas abandonné mes préoccupations de
l'année dernière. Vous vous rappellerez que j'avais
utilisé l'année dernière le texte que j'ai encore ici et
qui est bon pour les archives, du mémoire de François Cloutier,
qui quittait le ministère des Affaires culturelles, et dans lequel il
faisait un certain procès du cadre constitutionnel étouffant pour
l'action du ministère.
Je m'étais servi de ce texte pour ensuite élargir notre
intervention sur le plan budgétaire en disant que nous parlions d'un
gouvernement qui disposait dans ce champ, d'un budget dix fois supérieur
a celui du Québec pour agir dans le domaine des affaires culturelles et,
encore plus que toutes les négociations, les tracasseries habituelles
des comités pardessus comités, II y avait ce facteur
extrêmement important.
Nous sommes ici pour discuter d'argent, ce matin, c'est-à-dire de
moyens financiers de réaliser les politiques. Or, quand on sait ce que
reçoit l'autre partie... On peut bien constater l'augmentation
subtantielle que reçoit le ministère des Affaires culturelles
cette année, mais il faudrait voir de combien l'adversaire parce
que je crois qu'il faut l'appeler ainsi dans ce cas disposera, lui aussi,
en accroissement de ses moyens financiers, et je ne suis pas certain du tout
que cette augmentation du budget du ministère des Affaires culturelles
vient combler un tant soit peu l'écart de dix contre un que nous avons
dans le système fédéral actuel. En effet, si le
ministère des Affaires culturelles vient d'augmenter son budget, le
Secrétariat du Canada l'a fait également, et donc, les fonds
qu'utilisera le Secrétariat du Canada sur le territoire du
Québec, aux fins culturelles, seront aussi plus considérables que
l'année dernière.
Mais, sans vouloir envenimer un débat, mais le garder à
son importance et non pas non plus me contenter de le rappeler tout bonnement
pour m'enfermer immédiatement dans l'étude de projets un à
l'autre, nous avions fait ce débat l'année dernière, bien
sûr, à des fins de juxtaposition de conceptions. Le ministre
était nouveau dans sa fonction et il était légitime
peut-être un peu prétentieux mais
quand même légitime de penserqu'il pouvait effectivement
modifier certaines choses.
C'est curieux que, ce matin, aucune allusion n'ait été
faite dans l'intervention du ministre des Affaires culturelles, de façon
très précise, au contentieux fédéral-provincial sur
ce sujet.
Là, il y a toute la différence au monde entre l'annonce du
grand changement qui était faite dans le manifeste du 4 avril de
l'année dernière et le point où aujourd'hui on en est.
Je reprends quelques-unes des informations glanées ici et
là dans les différentes interventions du ministre des Affaires
culturelles au cours de la dernière année, car, à un
certain moment, le ministre a été obligé lui et
d'autres de ses collègues de définir ce slogan de
souveraineté culturelle qui avait été trafiqué un
beau soir de printemps dans le bureau du premier ministre, mais qui, jusqu'ici,
ne voulait rien dire. Slogan par-dessus slogan, il vient un moment où
les gens sérieux, surtout ceux qui veulent prendre les choses à
la lettre et qui croient à la responsabilité des hommes publics
lorsqu'ils affirment de telles choses, demandent des précisions et
demandent concrètement ce que cela signifierait.
Le premier ministre a bien eu quelques balivernes là-dessus, mais
c'est le ministre des Affaires culturelles qui, à ce titre, a
été appelé à définir un peu plus souvent le
contenu pratique de ce que serait une souveraineté culturelle.
Je signale à l'attention de la commission quelques-unes des
affirmations du ministre des Affaires culturelles. Quand on dit: La
souveraineté culturelle du Québec je vois cette autre
affirmation: Pas de rapatriement de l'Acte de l'Amériquedu Nord
britannique sans sécurité culturelle, une déclaration du
premier ministre qu'est-ce que l'on entend concrètement? Je
retiens ceci: Le gouvernement du Québec voudrait, si j'en prends la
parole d u ministre, que relèvent désormais de son
autorité toutes les subventions et bourses actuellement accordées
par le Conseil des arts du Canada, aux titres des arts et de la culture au
Québec.
Dans son intervention de ce matin, le ministre nous a-t-il
annoncé le succès remporté sur cette question qu'il nous
avait promis pourtant l'année dernière? Je me souviens
très bien qu'il avait dit à celui qui vous parle, M. le
Président: Donnez-moi un an, vous allez voi r, l'année prochaine,
ce ne sera pas la même chose. A-t-on progressé là-dedans?
Avez-vous entendu ce matin, le ministre, ou n'importe quand ailleurs, dire que,
désormais, le Québec avait son autorité sur toutes les
subventions et bourses actuellement accordées par le Conseil des arts?
Je dirais même qu'aucun progrès sensible n'a été
fait là-dessus. Bien sûr, vous aurez l'occasion de les expliquer.
On va dire qu'on s'est rencontré trois ou quatre fois; deux fois
à Québec, deux fois à Ottawa, que cela se négocie
au niveau des hauts fonctionnaires, que, lors de la dernière
réunion, on a réussi à changer une virgule de place et
qu'il y a donc progrès! Que cela s'en vient et, qu'à un moment ou
à un autre, le Conseil des arts cédera cette autorité
qu'il a sur un grand nombre de moyens financiers et d'actions dans le domaine
culturel.
Quand le ministre définissait aussi ses projets plus loin, il
disait: Le gouvernement du Québec voudrait que l'assistance aux oeuvres
et aux activités artistiques qu'assure présentement le
Secrétariat d'Etat du Canada soit faite par le Québec. Avons-nous
fait du progrès là-dedans? Où en sommes-nous
là-dedans? Avons-nous véritablement progressé et
changé depuis l'année dernière?
Le ministre nous disait, l'année dernière, que la gestion
et l'organisation des échanges internationaux à caractère
culturel touchant le Québec, présentement assurées par le
ministère des Affaires extérieures du Canada, devraient
être assurées par le gouvernement du Québec. Où est
le progrès, depuis l'année dernière? Quel est le
changement majeur intervenu dans ce champ? Nous avions pris la parole du
ministre, l'année dernière, là-dessus.
Il définissait encore plus loin, concrètement, ce que
voudrait dire une souveraineté culturelle et il nous disait que cela
irait jusqu'à inclure que la production des films français
à l'Office national du film passerait à l'Office du film du
Québec et serait donc sous juridiction québécoise.
Avez-vous entendu dire que l'Office national du film a perdu quelque once
d'autorité à l'endroit du ministère des Affaires
culturelles du Québec?
Le ministre nous disait aussi, l'année dernière, que
souveraineté culturelle voulait dire, entre autres choses, que toutes
les subventions octroyées au titre du programme fédéral
d'initiatives locales aux groupes culturels et artistiques ne le seraient que
sous la juridiction et l'accord du Québec. Avez-vous entendu dire que
les projets d'initiatives locales, qui, effectivement, ont souvent plusieurs
domaines d'intervention dans le champ culturel, sont tombés sous la
juridiction de celui que nous venons d'entendre?
L'année dernière, le ministre des Affaires culturelles
disait également que l'expression "souveraineté culturelle," le
slogan, lorsqu'on le définissait en termes politiques, voulait dire que
la responsabilité, en matière de droits d'auteur, de copyright
d'oeuvres d'art, qui relève actuellement du ministère
fédéral de la Consommation et des Corporations, tomberait sous la
juridiction québécoise. Où est le changement depuis
l'année dernière dans ce domaine?
Il nous disait aussi que cela voulait dire que la responsabilité
relative à la promotion de la littérature
québécoise à l'étranger, laquelle relève
nous en avions discuté l'année dernière en
partie du ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce,
deviendrait, à un moment ou à un autre, l'entière
juridiction québécoise. En avez-vous entendu parler, non
seulement au cours de l'année, M. le Président, vous qui avez
été un observateur attentif de ce qui se passait au
ministère des Affaires culturelles, mais également simplement
dans les réalisations annoncées ce matin?
Le tonitruant ministre des Affaires culturelles de l'année
dernière a-t-il à ce point perdu ses illusions, et s'est-il
résigné à être un administrateur d'un champ que le
fédéral ne peut pas complètement envahir, parce qu'on en
est à peu près à cette situation, qu'il a abandonné
tous ses engagements qu'il avait pris? Il me dira, bien sûr, que
probable-
ment il n'a pas abandonné, par exemple, ce droit de regard qu'il
exigeait. Autre exigence définie par le ministre, ce droit de regard
qu'il voulait avoir sur la programmation française de Radio-Canada au
Québec. J'ai presque envie de le référer à son
collègue des Communications qui a déposé, à cette
même table, il y a à peine quelques jours, lorsque nous
procédions à l'étude de ses crédits, un plan de
développement de Radio-Canada, dont il dénonçait et
l'esprit et la lettre, et avec raison, sur le territoire
québécois. Le ministre soutiendra, bien sûr, qu'il n'a
abandonné aucune de ses préoccupations. Enfin, je dis que, s'il
les a abandonnées, il devrait abandonner également le fauteuil
qui est le sien.
Parce que je crois que ce qu'il définissait l'année
dernière, ce que nous prenions à la lettre, ou partant d'une
expression sportive, la chance au coureur que nous donnions, à ce
nouveau ministre des Affaires culturelles, allait bien sûr dans le sens
où nous espérions que cette volonté allait se
concrétiser dans des actes politiques.
Il ne suffit pas qu'un ministre je pense que mon
expérience de cinq ans peut me servir amplement à ce sujet
m'affirme que c'est une de ses préoccupations pour que je crois que dans
le secret de son officine, il y travaille avec fermeté et rigueur.
J'ai vu trop de préoccupations, maintes fois
énoncées, sansqued'annéeen année, lorsde
l'étude des crédits, nous puissions constater le moindre
changement. Toutce qui ne changeait pas, c'était la politique du
ministère et les préoccupations du ministre. Mais jamais il n'y
avait de rapport entre la préoccupation du ministre et ce que faisait
effectivement le ministère.
On me dira, par exemple, touchons un sujet "hot", que la question du
rapatriement des sources consacrée par la Société de
développement de l'industrie cinématographique canadienne, qui
était aussi une préoccupation du ministre des Affaires
culturelles annoncée l'année dernière, demeure encore une
préoccupation du ministre des Affaires culturelles. Mais c'est curieux
que, ce matin, on ne nous annonce pas le succès qu'on nous avait promis,
qu'on ne nous annonce pas un progrès sensible. Pour ma part, je dis
progrès sensible, sans m'en contenter, car ces préoccupations...
le ministre avait mis encore plus d'emphase que moi sur cette question
l'année dernière, tellement il se sentait confiant de ses forces
et surtout, sous-estimait le contexte dans lequel il oeuvrait. Je ne me
contenterai pas de progrès sensible.
Ces choses, maintes fois énoncées, et appuyées par
l'Opposition, dans des intentions annoncées par le ministre des Affaires
culturelles, ce n'est pas pour que nous constations des progrès
sensibles d'année en année. C'est pour que nous y aboutissions le
plus rapidement possible. La souveraineté, M. le Président, ne
veut pas dire que des progrès sensibles; ça veut dire, les
pouvoirs entre les mains ou alors je ne veux pas reprendre ce
débat alentour d'un slogan commercial on utilise des mots que
pour dire des mots et les vider de leur sens. C'est le premier ministre du
Canada qui rappelait à son jeune collègue québécois
qu'il y a un piège dans chacun des mots et qu'il faut faire attention au
sens que l'on avance. Parfois, pour vouloir couper l'herbe sous le pied
à l'Opposition, on se trouve à accréditer une idée
qu'elle était seule à défendre auparavant, et ainsi,
à faciliter sa tâche.
Le premier ministre du Canada a été conscient de cela, il
a rappelé à son employé provincial qu'il n'avait pas
l'intention de le laisser utiliser ce genre de vocabulaire trop souvent, car
ça pourrait, à un moment ou à un autre, avoir des
résultats négatifs à l'endroit du British North America
Act, que le ministre d'en face soutient.
M. le Président, je pourrais, comme l'année
dernière, insister longuement sur cette nécessité absolue
du Québec d'avoir, dans ce domaine culturel, l'entière gestion de
ses affaires.
Mais je pense que ce matin, en prenant la parole du ministre de
l'année dernière et celle qu'il me redonnera vraisemblablement,
je l'espère, je dirais à des gens déjà convaincus,
ceux qui entourent le ministre des Affaires culturelles et les hauts
fonctionnaires qui oeuvrent avec lui dans le ministère qui,
j'espère et je crois, travaillent dans ce même sens et avec cette
même conviction, que c'est un domaine fondamental sur lequel nous ne
devons non seulement rien céder ce qui malheureusement arrive, on
aura des cas à signaler lors de l'étude de différents
programmes mais où il faut conquérir, où il faut,
effectivement, ce genre de victoires promises et non accomplies depuis
l'année dernière, il faut les accomplir, il faut aller les
chercher.
Mais j'aurais l'impression, même en m'adres-sant aux
représentants des media d'information qui suivent nos débats ce
matin, que nous répéterions des choses autour desquelles tout le
monde a convenu. Ce qui est beaucoup plus important ce matin que de
réaffirmer des principes de ce genre, qui font l'objet d'un consensus de
l'ensemble des Québécois, c'est de vérifier, à la
pièce, les succès remportés dans ce domaine, parce que
cela a été la stratégie. C'est la stratégie du
gouvernement actuel dans ses rapports avec le gouvernement central, c'est la
stratégie qu'a épousée le ministre des Affaires
culturelles, la négociation à la pièce.
Toutes ces pièces que j'ai nommées, parce qu'elles avaient
été nommées et identifiées elles-mêmes par
celui qui vient de vous parler, mais les autres aussi, l'ensemble de la
politique culturelle qui s'étend, bien sûr, aux communications,
comme j'ai eu l'occasion d'en discuter il y a encore peu de temps, qui
s'étend à l'ensemble de la vie... Reprenant la définition
du ministre, il n'y a pas de petite et de grande culture, il y a une vie
culturelle québécoise, qui comprend l'ensemble des loisirs des
Québécois, qui comprend l'ensemble de leurs moyens d'expression
et de leurs moyens de communication. Tout cela doit relever du
Québec.
Est-ce que le ministre est à ce point désenchanté
de son expérience d'une première année? Qu'il nous est
apparu, ce matin, comme un poisson content de son bocal? Et qu'il voulait, par
plusieurs trémoussements, nous faire croire qu'il nageait abondamment,
même si le bocal était petit. Cela ne nous fait pas oublier le
bocal, M. le Président. J'aimerais que, pour un moment, vraiment pas
pour l'ensemble de l'étude de ces crédits, le ministre re-
prenne le ton "emphasé" qu'il avait l'année
dernière, lorsqu'il nous parlait de cette conviction qu'à
l'intérieur du régime fédéral canadien qu'il
soutient, ou qu'il a supplié les électeurs de Terrebonne de
soutenir, et qui allait permettre rapidement... Je pourrais faire abondance de
citations, d'adjectifs et d'adverbes utilisés l'année
dernière par le ministre des Affaires culturelles, ils se
résument en un mot. Selon lui, il n'avait besoin, dans ce contexte, que
d'une volonté politique ferme du tuteur des affaires culturelles, ce
qu'il était devenu dans le nouveau cabinet. Il s'est dit: Cette carte
étant maintenant assurée car j'ai pu vous assurer de mon
intention ferme de la réaliser je ne vois pas pourquoi cela ne
marcherait pas.
Mais cela n'a pas marché; cela n'a pas marché. On me dira
ce matin qu'il y a eu progrès ici, qu'on a eu concession
là-dessus, moi, je pourrai, à l'étude de chacun des
programmes, signaler, d'endroit en endroit, l'intervention
fédérale qui, elle, a continué, avec des moyens financiers
dix fois supérieurs aux nôtres, à intervenir largement sur
ce champ.
Là où nous brandirons une minivictoire remportée
sur un musée ou remportée sur une exposition quelconque à
l'étranger, où, après moult délégations,
rappels, le Québec a finalement eu le droit d'avoir sa version
là-dessus, je pourrais déposer, sur la table de la commission,
moult petites défaites également accomplies, Par exemple, dans le
domaine d u patrimoine, des biens culturels, qui était et qui est, je
crois, comme l'a affirmé le ministre, la priorité de son
ministère au cours de la dernière année.
Voilà donc, M. le Président, l'ensemble du contexte. Le
ministre a déposé, je crois, ce matin, une satisfaction d'oeuvres
accomplies à l'intérieur de limites très précises
qu'il semble avoir renoncé à repousser encore plus loin.
Il se contente de la gestion traditionnelle et, disons-le, cela
apparaît, à plusieurs observateurs, comme essoufflé
des affaires culturelles, l'espèce de renonciation qu'on a faite
à plusieurs initiatives et, à la limite, travailler mieux,
travailler avec plus de succès, mais travailler aussi, en même
temps, avec moins de portée, on dirait, avec moins "d'emphase", à
l'intérieur des limites qui ont toujours été celles du
ministère des Affaires culturelles.
En ce sens, cela n'apparaît pas, à l'ouverture de
l'étude des crédits du ministère, comme étant un
signe de santé et un signe d'encouragement à la vitalité.
Il y a le régime politique qui est au-dessus de notre tête, qui
est l'encadrement de l'exercice des pouvoirs en matière culturelle au
Québec, qui finit par être un obstacle, non seulement à la
réalisation de certains objectifs, mais, également, simplement,
à l'enthousiasme de les réaliser. C'est un ministère sans
enthousiasme que nous avons eu l'occasion de surveiller au cours de la
dernière année. Nous verrons, dans l'étude des programmes,
comment s'est accomplie la tâche, dans les limites actuelles du partage,
mais, que, vraisemblablement, on a très peu réussi à
élargir ces limites.
C'est l'impression, M. le Président, que je voulais laisser
à la commission, à l'ouverture de l'étude de ces
crédits, parce que j'ai vraiment l'impression que c'est l'étude
détaillée de chacun de ces programmes que nous en mesurerons la
réelle portée. Mais je ne pouvais pas passer soussilence, le
silence du ministre des Affaires culturelles sur l'immense et inchangé
contentieux fédéral-provincial qui avait fait l'objet de la
majeure partie de notre débat l'année dernière. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
culturelles.
M. Hardy: M. le Président, le député de
Saint-Jacques, comme son rôle le veut, a, bien sûr, tenté de
mettre l'accent sur la partie plus faible de l'exposé que j'ai eu
l'occasion de faire tantôt. Mais je dois reconnaître, sans vouloir
le flatter je me demande si c'est à la suite de mon intervention
qu'il a dû se maîtriser à ce point qu'il l'a fait
avec une certaine objectivité.
Toutefois, je rappellerai au député de Saint-Jacques qu'il
a une conception étriquée de la souveraineté culturelle.
Cela peut paraître assez paradoxal pour quelqu'un qui est membre d'un
parti dont l'objet primordial est la souveraineté dans sa
totalité.
Quand on parle de souveraineté culturelle, il y a deux volets
extrêmement importants. Il y a d'abord ce volet qui consiste en
l'occupation du champ que nous pouvons occuper, de notre propre initiative,
sans bataille, sans débat contentieux. Quand on refait l'histoire
constitutionnelle du Canada et du Québec, depuis 1867, on se rend
très bien compte qu'une des lacunes majeures de tous les gouvernements
qui se sont succédé au Québec, à quelque parti
politique qu'ils appartiennent, a été, d'une part, de faire de
grandes déclarations contestataires à l'endroit du gouvernement
fédéral et, en même temps, de négliger d'occuper des
champs que la constitution lui permettait d'occuper.
Personnellement, je pense qu'un gouvernement réaliste... Sans
vouloir faire de politique partisane, je pense que c'est ce qui s'est fait,
pour la première fois dans l'histoire politique du Québec, depuis
1960. C'est que les gouvernements qui se sont succédé, depuis
1960, à la direction des affaires publiques du Québec, ont
d'abord tenté d'occuper les champs qui nous sont accordés par la
constitution, tout en continuant de réclamer des modifications aux
rapports de force entre les deux gouvernements.
La déclaration que j'ai formulée ce matin, je le
reconnais, a mis l'accent sur ce volet de la souveraineté culturelle qui
est l'occupation des champs que nous pouvons occuper de nous-mêmes.
D'ailleurs, encore une fois, si l'on refait l'histoire constitutionnelle du
Québec je pense bien que le député de Sauvé
ne me contredira pas là-dessus dans bien des cas, si le
gouvernement fédéral est intervenu, c'est à cause de
l'absence d'intervention des gouvernements provinciaux.
Si le gouvernement provincial, avant I950, avait davantage occupé
le champ culturel, il est fort probable en tout cas, on peut le
présumer qu'il n'y aurait pas eu la commission d'enquête
Massey-Lévesque, laquelle a donné ouverture à toute
cette
série d'interventions du gouvernement fédéral dans
le domaine culturel. Donc, j'ai pensé qu'il était
extrêmement important que nous occupions le plus de champs possible.
C'est donc dire que les principes sur lesquels je me suis basé l'an
passé à l'occasion de l'étude de ces crédits, non
seulement je n'y ai pas renoncé, non seulement je ne change pas un iota
à tout ce que j'ai dit l'an passé à ce sujet, mais je
prétends qu'au cours de l'année, peut-être modestement,
peut-être sans brandir d'oriflamme, nous avons quotidiennement,
hebdomadairement, mensuellernent par l'application de nouvelles politiques, par
le développement de nouveaux programmes, nous avons tâché
le plus possible d'actualiser, de nous prévaloir de la
souveraineté culturelle dans le domaine de nos compétences
actuelles.
Il y a l'autre volet et je vous signale certains faits, en plus de cette
occupation de petits cas. Le député de Saint-Jacques peut
peut-être relever un peu le nez sur les petits cas, mais le
député de Saint-Jacques devra reconnaître avec moi que
c'est avec une série de petits cas, c'est avec une série de
petites interventions, à la condition que ces interventions s'inspirent
d'un plan d'ensemble... c'est cela qui fait une politique culturelle.
M. Charron: C'est ce que fait le fédéral aussi.
M. Hardy: Oui. Ce ne sont pas simplement de grandes
déclarations de principe qui font une politique culturelle. Une grande
déclaration de principe comme celle que j'avais formulée à
l'Assemblé nationale, le 4 avril, doit servir de cadre de
référence, d'inspiration; mais par la suite, c'est par des gestes
quotidiens, ponctuels que nous réalisons la souveraineté
culturelle. C'est par des gestes de plus d'envergure, comme cette loi du
cinéma que nous serons appelés à étudier
tantôt. Malgré les critiques que l'on peut faire, le
député de Saint-Jacques reconnaîtra quand même que
par cette loi du cinéma, le gouvernement du Québec pour la
première fois occupe ce champ dont il avait été largement
absent et qui avait donné, conséquemment à cette absence,
ouverture à cette entrée du gouvernement fédéral,
soit par l'ONF ou soit par cette organisme qui subventionne la production de
films.
Donc, la loi du cinéma est, à mon avis le
préambule de la loi d'ailleurs le reconnaît très clairement
une occupation très importante du champ de la souveraineté
culturelle.
Cette loi-cadre du livre que nous sommes présentement à
préparer sera également une occupation très importante du
champ culturel, donc de l'actualisation de la souveraineté culturelle.
Une fois ce volet accompli et réalisé, je continue à
soutenir les mêmes choses que je soutenais l'an passé. C'est qu'il
est absolument essentiel qu'interviennent des ententes, je ne dis même
pas de modifications constitutionnelles parce que la constitution est à
peu près muette sur cette question, elle est muette, elle est
silencieuse quant à la lettre. Personnellement, je prétends
qu'elle est très éloquente quant à l'esprit, parce que si
on a reconnu en 1867 que le domaine social, le domaine de l'éducation
devaient relever des provinces, c'était pour une raison bien
précise, c'est que l'on reconnaissait que l'identité, la
personnalité collective des Québécois devait être
remise entre les mains de l'expression politique de cette collectivité.
Comme il n'était pas question d'interventions des gouvernements de
l'Etat dans le domaine de la culture en 1867, on est demeuré silencieux
sur cette question. En 1867, au Canada comme dans tous les pays
civilisés, c'était le mécénat privé qui
intervenait dans le domaine de la culture.
Encore une fois, à cause de l'esprit qui se dégage de la
constitution de 1867, je prétends et je continue à
prétendre, et je le présendrai aussi longtemps que j'aurai un
souffle de vie, que la maîtrise fondamentale de la politique culturelle
au Québec doit être entre les mains de l'expression politique de
cette collectivité. Dans cet esprit, je reconnais que, dans une certaine
mesure, j'avais peut-être été présomptueux, au cours
de l'étude des crédits de l'an passé, en particulier... Ne
vous réjouissez pas trop vite. Je demande au député de
Saint-Jacques de ne pas se réjouir trop vite.
M. Charron: C'est l'humilité qui me surprend surtout.
M. Hardy: Le député de Saint-Jacques me
connaît mal. Il y a certains partis politiques qui pratiquent la vertu au
grand jour, qui étalent quotidiennement leur vertu. Il y a d'autres
partis politiques ou d'autres membres de partis politiques qui pratiquent la
vertu d'une façon plus modeste. C'est au fond, M. le Président,
la parabole du pharisien et du publicain. Je reconnais que je suis un pauvre
publi-cain.
M. le Président, cet autre volet de la souveraineté
culturelle, je considère qu'il est toujours d'actualité,
c'est-à-dire ces négociations et ces éventuelles ententes
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, qui
permettraient au Québec d'être le seul maître d'oeuvre de la
politique culturelle au Québec. Mais je disais tantôt que
j'étais peut-être présomptueux l'an passé en
laissant entendre que je pourrais revenir cette année en déposant
des ententes bien rédigées, bien formelles, et qui donneraient au
ministre des Affaires culturelles et au gouvernement du Québec
l'entière responsabilité de la vie culturelle. Mais, M. le
Président, d'abord, il faut bien reconnaître que, douze mois dans
la vie d'une collectivité, dans la vie d'une nation, c'est bien peu, et
si, M. le Président, les négociations avec le gouvernement
fédéral n'ont pas progressé davantage, encore là,
ce n'est pas par un genre de masochisme je dirai que ce n'est pas à
cause du gouvernement fédéral, parce que je dois admettre que de
véritables négociations n'ont pas encore été
engagées sur ce plan avec le gouvernement fédéral.
L'expérience démontre en effet qu'il a toujours été
extrêmement néfaste.pour le gouvernement provincial, d'engager des
discussions avec le gouvernement fédéral sansavoirune position
des dossiers très bien articulée. Rappelez-vous l'histoire
politique de I944 à l960 où, malgré des
déclarations de principe aussi virulentes que celles que peuvent faire
actuellement les gens du Parti québécois, à peu
près rien n'a été accompli dans le do-
maine des relations fédérales-provinciales, rien de
positif, sinon ces points d'impôt que M. Duplessis avait réussi
à obtenir en 1954/55.
D'autre part, rappelez-vous les progrès qu'a connus M. Lesage de
I960 à 1966, et pourquoi ces progrès ont été
accomplis dans le contentieux fédéral-provincial sous le
gouvernement Lesage. C'est parce que ce gouvernement se présentait aux
conférences fédérales-provinciales avec des dossiers
extrêmement bien faits, extrêmement bien préparés,
tellement bien préparés qu'à certains moments, les
autorités fédérales ont dû s'inspirer des dossiers
provinciaux pour élaborer des politiques à la grandeur du Canada,
et je pense au système du régime de retraite.
Or, c'est en s'inspirant et c'est à la lumière de ces
expériences que j'ai considéré qu'il valait mieux retarder
l'engagement officiel de négociations, de pourparlers avec le
gouvernement fédéral. Il valait mieux préparer davantage
nos dossiers, et c'est pourquoi vous trouverez, dans le budget actuel, un
montant de $54,000 qui est encore prévu cette année, pour
compléter les dossiers que nous avons dans ce domaine.
Donc, M. le Président, je résume en disant ceci: La
souveraineté culturelle, d'abord, j'y crois. Quand on laisse entendre
que c'est un slogan, c'est absolument faux. La souveraineté culturelle,
c'est peut-être un mot moderne, un nouveau mot dans le langage politique
du Québec, mais qui traduit une idée, une volonté
politique traditionnelle, historique du Québec.
Historiquement, le Québec a voulu, d'une part, appartenir
à la fédération canadienne, mais a voulu également
avoir tous les pouvoirs qui lui étaient nécessaires pour assurer
sa sécurité sur le plan culturel et sur le plan social.
Ce principe, dans l'esprit du gouvernement, dans l'esprit de celui qui
vous parle, est toujours aussi important, est toujours aussi impérieux
et nous continuerons, au cours de la prochaine année, avec le budget que
vous serez appelés à voter, à occuper encore davantage le
champ culturel dans la mesure de nos compétenceset nous continuerons
à préparer ces dossiers afin d'engager, d'une façon
sérieuse, d'une façon valable, d'une façon
concrète, des pourparlers avec le gouvernement fédéral
afin de réalisercet objectif, encore une fois, qui n'est pas
changé, qui est toujours le même, qui est celui de donner au
Québec la maîtrise d'oeuvre de la politique culturelle sur son
territoire.
M. Charron: M. le Président, si vous me permettez... Ce
n'est pas souvent que nous avons ce genre de débat, et sans vouloir
l'allonger non plus, pour me préparer à intervenir dans chacun
des pro-grammes que j'ai l'intention d'étudier sans question
fastidieuse, donc, sans allonger les débats, vous me permettez d'ajouter
aux remarques que vient de faire le ministre des Affaires culturelles où
il a admis, je pense, que plusieurs des questions soulevées
l'année dernière, n'ont pas connu...
Le Président (M. Pilote): Seulement un instant.
Permettez-vous que M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger
(Lafontaine)?
M. Charron: Certainement.
M. Hardy: Ce serait le dernier à avoir des objections
parce qu'il s'agit d'une très nette amélioration et, sans
être malin, je dirais que, parmi mes collègues du cabinet, je suis
particulièrement privilégié d'avoir, du côté
de l'Opposition, les deux interlocuteurs que j'ai ce matin.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: J'étais à vous dire que le ministre a
admis qu'il avait peut-être été présomptueux
l'année dernière cela a été son mot
de prétendre que le régime, dans sa nature, par
définition, centralisateur, allait connaître un soubresaut
à l'inverse, que nous allions arriver à une
décentralisation alors que tous les mécanismes dans ce cas
fonctionnaient.
Il nous a rappelé aussi, à sa façon, l'attitude
traditionnelle des gouvernements québécois, je dirais non
seulement traditionnelle parce que,dans ce sens, cela ne pourrait être
pris que sur son angle péjoratif...
M. Hardy: Historique.
M. Charron: Voilà! J'aime mieux employer l'expression
"l'attitude historique du Québec" qui était je le
définis ainsi affirmation de principes solennels, fermeté,
et qui, par la suite, pouvait cela a été le cas, par
exemple, du premier ministre Johnson procéder à
l'amélioration concrète de la situation dénoncée,
pièce par pièce ou dossier par dossier. Mais prétendre que
les affirmations solennelles n'étaient là que pour combler un
vacuum d'initiatives prises par le gouvernement québécois, c'est
passer rapidement sur cette attitude historique du gouvernement.
Je pense que ces déclarations solennelles, pour reprendre le mot
du ministre, ont un effet d'engagement, ont un effet de fermeté, par
exemple, qui permettent, d'année en année, de vérifier le
comportement de ce gouvernement.
Mais ce que j'ai voulu faire ce matin, j'aurais pu le faire
également en m'arrachant en lambeaux sur la place et en disant qu'on m'a
menti et qu'on m'a trahi et sortir des déclarations du mardi, 28 mai
1974... Le ministre me disait: Vous allez avoir honte de revenir à la
commission parlementaire l'année prochaine tellement je vais avoir fait
des progrès et il m'avait dit à un autre moment... Non,
j'envenimerais le débat si j'allais citer cela. Mais il me disait que
c'était la fin de ma carrière, à part cela, qui
était à l'horizon, tellement il remporterait de succès.
Mais ce n'est pas le cas.
M. Hardy: J'ai eu pitié de vous!
M. Charron: Je pourrais aussi rappeler au ministre et
c'est la seule remarque que je veux ajouter à cet échange
qu'il nous disait cette intention de, peut-être, non seulement essayer de
conquérir de nouveaux champs mais d'abord d'occuper pleinement le champ
québécois qui nous est dévolu par le silence même de
la constitution et aussi cette
attitude qu'il a prise de vouloir occuper d'abord les premiers champs.
Il disait: Le député de Saint-Jacques lève le nez sur ce
qui s'appelle des réalisations par petits cas. Au contraire, M. le
Président, je crois que l'année dernière... et c'est mon
intention de procéder de la même façon, je
m'intéresse à chacun des petits cas parce que j'ai aussi
l'impression très nette que c'est comme cela que se fait la vie
culturelle d'une société et c'est comme cela que s'établit
une politique culturelle. Vous allez voirq ue ce sera peut-être
fastidieux même, à l'occasion, tellement j'ai de petits cas
à soulever, mais qui pour chaque région ont leur signification,
ils font avancer, ils font progresser, je ne néglige pas cela; mais ce
que je soutiens, c'est que le gouvernement fédéral dont on
parlait, et dont l'action était dénoncée par le ministre
des Affaires culturelles l'année dernière, procède, lui
aussi, par petits cas. C'est comme cela qu'il a fait sa politique
culturelle.
Par exemple, rappelons cet incident d'il y a quelques années: Une
subvention du Conseil des arts par-dessus la tête du gouvernement
québécois à une troupe de théâtre de
Montréal pour la diriger vers un genre de théâtre bien
particulier, privant ainsi les Montréalais d'un autre genre de
théâtre auquel le public montréalais s'était
habitué. C'est comme cela qu'on transforme des politiques culturelles.
C'est un montant de $40,000 par-ci, c'est un montant de $50,000 par-là,
c'est une ouverture à inclure, par exemple, un nouveau type de monuments
historiques dans les projets pouvant être subventionnés par le
gouvernement fédéral que l'on intervient et qu'il intervient. La
disproportion de moyens financiers, à ce moment-là, devient
catastrophique parce qu'un petit $40,000 par-ci, comme je vous le disais, et un
petit $40,000 par-là, sur le budget des Affaires culturelles c'est une
somme considérable. Sur le budget du secrétariat d'Etat, c'est
dix fois moins important que cela peut l'être pour le ministère
des Affaires culturelles québécois parce qu'il dispose de dix
fois plus de moyens que nous pour intervenir là-dessus. Je ne
lève pas le nez sur les petits cas, M. le Président, je dis qu'il
est essentiel de maintenir solennellement cette attitude historique du
Québec et en même temps cette vigueur parallèle au maintien
de l'occupation de tous les champs qui sont probablement dévolus au
Québec, parce que nous pouvons anéantir sans le savoir, par une
négligence sur le front constitutionnel, une multitude de
résultats enregistrés sur les petits cas. C'est cela aussi
l'histoire du Québec, si je pouvais y apporter ma vision, la
juxtaposer... ceci ne va certainement pas à l'encontre de ce qu'a
soutenu le ministre des Affaires culturelles. Ce qu'il a vu, ce qu'il a
décrit comme attitude historique ou comme comportement historique des
deux gouvernements est réel. Cela a été quoi, aussi, dans
un autre cas? C'est qu'à un moment donné, par exemple
prenons un champ qui est en dehors de celui qui nous occupe, le champ du
travail au moment où on édifiait entre nous, on essayait
d'occuper pleinement tout le champ constitutionnel actuel, centres de
main-d'oeuvre du Québec que l'on établissait à un end roit
ou à un autre, en face, de l'autre côté de la rue, avec dix
fois plus de succès, s'établissait le Centre de main-d'oeuvre du
Canada. Cela faisait quoi, M. le Président? C'est que l'occupation de ce
champ que nous disions faire et dans lequel la stratégie disait: On va
d'abord occuper tout le champ qu'on a avant d'aller en demander plus. Pendant
qu'on s'occupait à occuper le champ qu'on avait le droit d'occuper, on
se trouvait incapable d'occuper l'autre champ que nous devions occuper par la
suite. C'est ce qui arrive même dans les affaires culturelles. Nous
aurons l'occasion de le soulever. Ce sont les remarques que je voulais faire
avant l'étude programme par programme des crédits de ce
ministère. Je ne sais pas si d'autres collègues de la commission
veulent y joindre des remarques générales, mais, pour ma part, je
suis disposé à entamer l'étude des programmes.
Le Président (M. Pilote): Programme 1.
M. Morin: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter
quelques mots très brièvement sur l'aspect constitutionnel des
propos du ministre? Je serai très bref.
Le Président (M. Pilote): Si les membres de la commission
acceptent.
M. Hardy: M. le Président, étant donné le
rôle qu'occupe, au sein de ce Parlement, le député de
Sauvé, d'une part, et étant donné sa
spécialité personnelle d'autre part, je pense qu'il y aurait
peut-être avantage pour tous les membres de la commission d'entendre ce
qu'il a à nous dire.
Le Président (M. Pilote): Le chef de l'Opposition.
M. Morin: D'ailleurs, M. le Président, je serai
très bref. Le but de ma présence à la commission est de
soulever un certain nombre de problèmes concrets, mais le ministre ayant
fait allusion aux aspects constitutionnels des Affaires culturelles, j'estime
devoir intervenir plus tôt que prévu. En effet, sur le plan
constitutionnel, nous sommes devant une très grande
ambiguïté des dispositions de la constitution. Le ministre a dit:
Celle-ci est silencieuse, elle est muette. Je me demande si elle est si muette
que cela.
Il est vrai que, nulle part dans le British North America Act, il n'est
dit que la culture relèvera du niveau fédéral ou des
Législatures provinciales. Il est vrai, je n'en disconviendrai pas avec
le ministre, que si on fait la somme de toutes les compétences qui sont
reconnues à la législature québécoise par l'article
92, il s'en dégage un certain esprit qui veut que tout ce qui est
culturel, tout ce qui touche le peuple québécois, devrait
être dévolu normalement à l'Assemblée nationale.
Mais il y a d'autres aspects de la constitution qui révèlent un
autre esprit et sur lequel je me permettrai d'attirer l'attention du
ministre.
D'ailleurs, je suis bien convaincu que je ne lui apprendrai rien. Mais
je voudrais terminer cet exposé par une ou deux questions bien
précises sur ses intentions, lorsque le pouvoir fédéral
invoque, lui, d'autres dispositions qui, elles, sont expresses dans la
constitution et qui ont trait au pouvoir illimité de dépenser les
deniers publics, pouvoir illimité qui est, comme vous le savez,
accordé en noir
sur blanc par le British North America Act au parlement
fédéral.
Rien n'interdit, en l'absence de dispositions expresses dans la
constitution, rien, sinon un certain esprit auquel le ministre a fait allusion,
n'interdit au pouvoir fédéral de dépenser les sommes qu'il
juge à propos dans le domaine des Affaires culturelles. Au contraire,
étant donné le silence de la constitution à l'égard
des affaires culturelles et la précision avec laquelle est défini
ce pouvoir illimité de dépenser, on pourrait dire qu'en gros,
l'esprit, tout dépend de qui parle de la constitution. On pourrait
soutenir au Canada anglais, on le soutiendra que l'esprit de la
constitution permet à Ottawa de s'oc-cuperd'à peu près
n'importe quoi. L'esprit n'est pas le même, les fondements mêmes de
la constitution ne sont pas les mêmes selon la personne qui en parle. Le
ministre sait que, pour nous, cela a touché une entente entre deux
peuples, mais il sait que, pour la majorité, cela a toujours
été, d'abord et avant tout, une loi du Parlement impérial,
pour laquelle le peuple québécois n'a pas été
consulté.
Donc, je me demande si ça nous avance beaucoup de faire appel
à l'esprit de la constitution dans ce domaine. Le malheur, c'est que le
Canada anglais a besoin, dans le même domaine des Affaires culturelles,
d'une centralisation plus grande. Le Canada anglais traverse une crise
d'identité qui, à mon sens, est plus terrible encore que la
nôtre, ce n'est pas peu dire, une crise d'identité devant son
voisin américain.
Le Canada anglais, qui était demeuré très
britannique, très lui-même jusqu'à la seconde guerre
mondiale, est en passe aujourd'hui de disparaître littéralement
culturellement. Son univers mental est de plus en plus américain. Pour
résister à cet envahissement quotidien, Dieu sait s'ils s'en
plaignent dans le domaine des périodiques, dans le domaine de la
télévision, des journaux, pour résister à cet
envahissement, il est obligé de se donner un pouvoir mieux
étoffé au centre. Et donc, l'esprit de la constitution, dans le
domaine des affaires culturelles, pour un Anglo-Canadien, c'est
nécessairement la centralisation. Il en a besoin. J'avoue que si
j'étais Anglo-Canadien, j'aurais probablement une attitude de ce genre.
J'estimerais qu'il est essentiel que le gouvernement central intervienne de
façon décisive dans ce domaine. Voilà donc le dilemme dans
lequel nous nous débattons.
Pour les mêmes arguments qu'invoque le ministre, les
Anglo-Canadiens sont fondés a nous rétorquer que l'intervention
du pouvoir fédéral est essentielle. Les arguments du ministre, je
les ai entendu répéter bien des fois, c'est que l'intervention de
l'Etat est nécessaire aujourd'hui, pour protéger un certain
patrimoine culturel.
Le Canada anglais ne pense pas différemment. Il est même
aux prises avec des problèmes plus graves que nous, mais il lui faut
nécessairement faire appel au gouvernement d'Ottawa.
Voilà le dilemme. Tout le monde fait appel à l'Etat et ce
n'est pas le même Etat. Nécessairement, dans un pays comme
celui-ci, la majorité finira toujours par dire: Quel Etat a raison? Si
elle ne le fait pas ouvertement, en des textes constitutionnels, elle le fera
dans les faits.
C'est ce dont nous sommes témoins. Les montants que le
gouvernement fédéral consacre à la culture augmentent
chaque année, au Québec comme ailleurs.
Je ne perçois pas, du côté d'Ottawa, la moindre
volonté de céder du terrain. Au contraire, j'ai l'impression
il n'est que de lire les journaux que, de jour en jour, et de
mois en mois, il y a une volonté politique d'imposer sa présence
dans le domaine culturel québécois, volonté d'autant plus
évidente que plusieurs hommes politiques fédéraux ont
l'impression que s'ils n'affirment pas cette présence, dans les milieux
artistiq ues, dans tous les domaines qui relèvent de la culture, les
Québécois finiraient peut-être par se donner une
identité distincte.
Je suis convaincu, pour en avoir parlé avec des hommes politiques
fédéraux, à l'occasion, que les affaires culturelles sont
devenues l'un des enjeux de la grande bagarre constitutionnelle dont nous
sommes témoins depuis quelques années.
J'ai l'impression que le ministre s'illusionnerait, s'il avait
l'impression qu'Ottawa va négocier quoi que ce soit, de fondamental dans
le domaine des affaires culturelles, comme dans bien d'autres domaines.
Le réalisme me force à dire qu'à moins d'un
changement constitutionnel fort important, soit d'une négociation
globale, soit d'un changement qui serait imposé par un nouveau
régime au Québec, il ne se fera rien de permanent, rien de
stable, dans le domaine du partage des compétences en matière
culturelle. Au contraire, je voudrais attirer l'attention du ministre, et ce
n'est pas une attaque que je fais contre sa politique, d'une certaine
façon, je souligne à quel point il lui est difficile de faire
progresser ses dossiers, et je voudrais qu'il en soit conscient. Les affaires
culturelles sont devenues un excellent moyen, pour le pouvoircentral, de faire
sentir sa présence au Québec. Peut-être l'un des principaux
moyens. Donc, il ne doit pas s'attendre que cette présence, que cette
pression diminue d'un mois à l'autre.
Le ministre disait: Douze mois, dans l'histoire d'un peuple, c'est peu
de chose. Cela dépend de quel mois il s'agit, parce qu'il me semble
qu'une journée, dans l'histoire d'un peuple, si on la choisit mal, peut
être fort déterminante. Je pense à un certain jour de
septembre 1759, qui est à l'origine disons-le de plusieurs
de nos déboires aujourd'hui, le ministre n'en disconviendra pas, le
problème ne se poserait pas de la même façon. Il faut se
rendre compte que cela a des suites sur le plan historique.
Le ministre disait: Nous avons été négligents,
c'est pour cela qu'il y a eu la Commission Massey-Lévesque, qui a permis
au pouvoir fédéral d'envahir éventuellement les affaires
culturelles. S'est-il demandé pourquoi nous avions été
négligents? C'est parce que nous étions dans une position
constitutionnelle de faiblesse. C'est parce que, historiquement, nous avons
été réduits à l'état d'un peuple qui
n'était pas maître de son destin. Donc, il y avait une
dévaluation de tout ce qui est culturel, de tout ce qui est patrimoine,
de tout ce qui est identité. Le ministre le sait.
Je voudrais terminer sur une interrogation. Je
ne force même pas le ministre à répondre. Je me la
pose tout haut. Si le ministre veut réfléchir...
M. Hardy: Quelle est la réponse?
M.Morin: La réponse, j'ai une idée de ce qu'elle
pourrait être, mais je ne vais même pas en parler, parce que je
veux me situer dans le contexte concret, réel, d'aujourd'hui.
Devant cette volonté affi rméed'Ottawa, de ne pas
céder du terrain, qu'est-ce que le ministre entend faire pour que la
présence québécoise se fasse sentir, en dépit de
ces obstacles? Qu'est-ce que le ministre peut faire pour que le Québec
regagne peu à peu le terrain perdu dans le domaine des affaires
culturelles, étant donné qu'il dispose de moyens limités
sur le plan financier et, étant donné que la constitution, en fin
de compte, permet au pouvoir fédéral de dépenser dans tous
les domaines qu'il estime nécessaires et valables?
M. Hardy: M. le Président, il est évidemment
très difficile, malgré toute la bonne volonté que l'on
peut y mettre de part et d'autre j e reconnais que, ce matin, le ton de
la discussion démontre une très bonne volonté d'aborder
cette question mais, malgré cette bonne volonté,
malgré toute l'honnêteté intellectuelle que l'on peut y
mettre, il est évident qu'il devient non seulement difficile, mais,
presque impossible, de discuter de cette question, de part et d'autre de la
table, parce que, nous partons de postulats diamétralement
opposés.
Vous avez déjà je respecte ce choix et c'est le
choix d'un certain nombre de Québécois
décidé, vous êtes convaincus qu'il est impossible, au sein
d'un fédéralisme canadien, de donner à la
collectivité québécoise, les moyens qui lui sont
nécessaires pour se développer comme entité nationale,
comme groupe national distinct.
M. Morin: Ce n'est pas un postulat, toutefois, c'est une
conclusion.
M. Hardy: On ne se chicanera pas sur les mots.
C'est-à-dire que votre conclusion devient un postulat. Vous avez fait
une analyse de la situation. Vous avez conclu qu'il était impossible,
à la lumière de l'histoire, à la lumière du
contexte actuel, pour les Québécois, de pouvoir pleinement se
développer au sein d'un régime fédéral.
Moi, personnellement, et le gouvernement auquel j'appartiens, nous
partons d'une conclusion différente. Nous croyons, d'abord, à
cause de la nature même du fédéralisme je parle du
fédéralisme comme système, non pas du
fédéralisme canadien tel que vécu, en I975, au Canada
partant du fédéralisme...
M. Morin: Abstrait.
M. Hardy: Non, de ce régime politique que l'on retrouve un
peu partout dans le monde et qui est en voie... Là aussi, je fais appel
à l'histoire. Je suis profondément convaincu que le
fédéralisme est inscrit dans l'histoire. Le monde se dirige vers
le fédéralisme. Cela arrivera avec des périodes plus ou
moins longues selon les pays, mais, l'Europe qui est je ne dirais pas à
notre porte physiquement, mais intellectuellement, se dirige vers une forme de
fédéralisme.
Or, nous croyons que, dans un régime fédéral
encore une fois, je le précise bien, non pas nécessairement le
fédéralisme tel que pratiqué actuellement au Canada
il est possible de permettre à une collectivité, comme la
collectivité québécoise, de se développer. Donc,
nous parlons de conclusions différentes.
Le député de Sauvé dit: Etant donné le
problème de l'identité culturelle qui se pose pour le Canada
anglais, le Canada anglais est enclin à remettre au pouvoir central la
responsabilité en matière culturelle. Je ne disconviens pas de
cette analyse. Il est exact qu'à l'heure actuelle, c'est une tendance,
quoiqu'il y ait peut-être certaines réticences. En Ontario, par
exemple, on sent le besoin de mettre sur pied un ministère des Affaires
culturelles et des Loisirs, mais je dis, M. le Président, qu'il est
possible de démontrer au Canada anglais c'est un peu la
réponse que je veux apporter au député de Sauvé
qu'il est possible de démontrer à l'ensemble du Canada
anglais et, plus particulièrement, au gouvernement
fédéral, que plus le gouvernement provincial, l'expression
politique des Québécois, aura de pouvoirs dans le domaine
culturel, plus cela favorisera le développement de l'identité
québécoise et que plus la culture française sera vivante,
sera forte au Québec, plus l'ensemble du Canada sera
protégé dans son identité.
Si demain matin je pense bien que le député de
Sauvé là-dessus n'en disconviendra pas le Québec
n'existait plus au sein de la fédération canadienne, ce serait
fini, le Canada n'existerait plus comme entité distincte. Il pourrait
peut-être continuer à survivre quelque temps sur le plan
politique, mais sociologiquement, culturellement, le Canada, sans le
Québec, serait tout simplement une extension des Etats-Unis.
M. Morin: II l'est déjà.
M. Hardy: Pour que le Canada ait vraiment une identité
distincte du voisin américain, il faut une présence
française forte et, quand je dis française, je dis une
présence québécoise. Le jour où et je ne
désespère pas que les anglophones le comprennent... Les
anglophones ont déjà compris que ceci est nécessaire.
Même en 1955 le rapport Massey-Lévesque reconnaissait très
bien la nécessité d'une présence française au
Canada pour conserver l'identité canadienne. Quand les anglophones
auront franchi un second pas, une seconde étape, quand ils.auront
reconnu que, pour que cette culture française, cette culture
québécoise, cette identité québécoise soit
vraiment aussi forte que possible, c'est uniquement par le truchement de
l'expression politique de la collectivité québécoise qu'on
peut y arriver, à ce moment...
M. Morin: On fera l'indépendance.
M. Hardy: Non, c'est justement, à ce moment, le
gouvernement fédéral... Bien non, parce que, jus-
tement, l'indépendance rejette le Canada anglais aux Etats-Unis,
mais c'est précisément ce qu'il faut, c'est de donner, sur le
plan social, sur le plan culturel, au Québec tous les pouvoirs
nécessaires pour s'épanouir, pour se développer. C'est la
seule façon de sauver le Canada. Je ne désespère pas
et je considère que je suis relativement réaliste
de faire cette démonstration au Canada anglais, de faire cette
démonstration aux autorités fédérales, que c'est la
survie même du Canada. La survie même du Canada dépend d'une
remise des pouvoirs, sur le plan culturel et sur le plan social, aux
Québécois.
Bien sûr, si on arrive à cette conclusion et
là, j'essaie d'être le moins politique possible il est
évident qu'à ce moment, toute votre thèse, la raison
d'être même de votre parti, disparaît. Le jour où les
Québécois se rendront compte, d'une part, et que le gouvernement
fédéral reconnaîtra, d'autre part, qu'il est
nécessaire pour l'existence du Canada que le Québec ait tous les
pouvoirs dont il a besoin en matière sociale, en matière
culturelle, l'existence du Parti québécois n'aura plus sa raison
d'être.
M. Morin: Ce sera l'indépendance-association, à ce
moment.
M. Hardy: Encore là, on n'est pas pour se quereller sur
les mots. Je dis que tout cela peut se faire dans un fédéralisme
renouvelé. C'est ce à quoi le gouvernement actuel croit.
Le Président (M. Pilote): Avant de passer au programme 1,
je voudrais légaliser un fait, c'est que le ministre n'est pas membre de
la commission. Il remplaçait M. Cloutier, de L'Acadie.
M. Charron: Je propose qu'on raie les interventions du ministre
du journal des Débats.
M. Hardy: M. le Président, il faudrait peut-être
donner une explication pour les journalistes. Cela peut paraître bizarre
que le ministre des Affaires culturelles ne soit pas membre de plein droit de
la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des
communications, mais ce qui arrive, à cette commission, si tous les
ministres intéressés y étaient membres de plein droit,
c'est qu'elle serait composée en majeure partie, du côté
ministériel, des ministres. Alors, pour permettre au plus grand nombre
de députés de participer à cette commission, il y a
changement à chacune des commissions. Il n'y a rien de plus grave que
cela. C'est la raison.
Le Président (M. Pilote): Programme 1, Livres et autres
imprimés; élément 1 : Aide à la publication et
à la vente du livre.
Aide à la publication et à la vente du
livre
M. Hardy: M. le Président, ce programme 1: Livres et
autres imprimés, se réalise, d'abord, par le truchement du
programme d'aide à l'édition, du programme de
l'assurance-édition, les librairies agréées, le programme
sur les travaux spéciaux qui participent à la fois de l'aide
à la création, de l'aide à l'édition, qui sont des
travaux encyclopédiques et bibliographiques, et l'aide à
différents organismes professionnels, tels que le Conseil
supérieur du livre, l'Association des libraires et enfin, par les prix
littéraires et scientifiques que le gouvernement du Québec
décerne chaque année. Au sujet des prix littéraires et
scientifiques, je voudrais faire remarquer que le même montant
apparaît toujours aux crédits actuels, soit $10,000,
c'est-à-dire $5,000 pour le prix littéraire et $5,000 pour le
prix scientifique, mais je reconnais que ce sont des montants relativement
minimes en regard de l'importance que l'Etat du Québec veut accorder
à ces prix littéraires. J'ai l'intention par le truchement d'un
budget supplémentaire éventuel, de les faire augmenter, parce
que, compte tenu de l'inflation actuelle, je pense que la remise d'un prix de
$5,000, même si ce n'est peut-être pas ce à quoi les
récipiendaires s'attendent d'abord, l'aspect financier du prix, c'est
surtout la reconnaissance de leur talent. Mais, quand même, il faudrait
que l'aspect matériel soit un peu en proportion de l'honneur ou du
mérite que l'on veut reconnaître à ceux à qui on
décerne ces prix.
Le Président (M. Pilote): Adopté.
Loi-cadre
M. Charron: Non, M. le Président. D'abord, puisque nous
avons l'occasion, à ce programme qui traite du livre et des autres
imprimés, d'aborder la question annoncée dans l'intervention du
ministre au départ, la loi-cadre, quand sera-t-elle
déposée? Où en est-on avec les consultations avec les gens
du milieu? Question très importante: Lorsque la loi sera
déposée, a-t-on l'intention de procéder en commission
parlementaire à convoquer les intéressés pour venir nous
donner leurs opinions sur la loi-cadre sur le livre, selon la bonne habitude du
ministre des Affaires culturelles?
M. Hardy: Voici. Le député de Saint-Jacques m'ouvre
la porte pour définir ma conception des commissions parlementaires.
M. Charron: Si vous voulez. Je ne suis pas en humeur d'en parler
ce matin, par exemple. Vous définirez la vôtre.
M. Hardy: Je dois, M. le Président, dire tout de suite
que, personnellement, même si j'ai collaboré d'une certaine
façon, alors que j'étais vice-président de
l'Assemblée nationale, à la rédaction du règlement
qui régit actuellement nos travaux, il y a certains aspects de ce
règlement qui concernent les commissions parlementaires. Non pas que je
sois contre le principe des commissions parlementai res, mais c'est sur le
moment où peut intervenir le rôle des commissions parlementaires
dans l'ensemble du processus législatif.
Je considère qu'une commission parlementaire où le grand
public est appelé à venir déposer sur une loi ne doit pas
avoir lieu après que cette loi a été
déposée en première lecture. Je reconnais que ce
que je dis là n'est pas conforme au règlement, mais c'est ma
philosophie. Parce que, dans notre régime politique, le jour où
une loi est déposée en première lecture, cela veut dire
que le cabinet s'est commis, que le gouvernement, l'exécutif a admis le
principe de cette loi. Bien sûr, théoriquement, il est possible
qu'un gouvernement rebrousse chemin, décide après coup qu'il
s'est trompé. Mais je pense que faire de cette théorie une
règle habituelle, c'est extrêmement dangereux, c'est-à-dire
que c'est peut-être très valable pour l'Opposition si, à
plusieurs reprises au cours d'une année ou au cours d'un mandat, un
gouvernement reconnaît publiquement qu'il s'est grossièrement
trompé au point de déposer un projet de loi et de changer tout
à coup complètement le principe et la nature du projet de loi,
évidemment, l'Opposition a une excellente argumentation pour aller
devant le public et dire: Voilà quelle sorte de gouvernement vous aviez.
Pendant quatre ans, pendant son mandat, le gouvernement a admis qu'il s'est
trompé nombre de fois.
Donc, je considère que le jour où le gouvernement s'est
prononcé sur un principe, sur le principe d'une loi, il l'a
déposée en première lecture, sauf pour des cas
extrêmement rares, d'une importance primordiale, pour des raisons, je le
répète, extrêmement rares, il n'est pas normal que le
gouvernement revienne sur les principes sur lesquels il s'est
prononcé.
Or, une fois ce principe admis, si vous convoquez, après le
dépôt d'une loi en première lecture, une commission
parlementaire, deux choses peuvent se produire: ou bien, vous permettez aux
gens de venir s'exprimer, de se faire entendre tout simplement pour se faire
entendre, pour se défouler, pour dire ce qu'ils ont à dire et le
gouvernement a déjà décidé de ne pas modifier
substantiellement sa loi. Je considère que c'est mauvais et j'ai trop de
respect pour l'opinion publique pour agir ainsi. Ou bien il y a l'autre chose:
Le gouvernement admet, à l'avance, qu'il pourra chambarder
complètement sa loi.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord, en plus des rai
ons d'ordre pratique que j'ai pu invoquer pour la loi du cinéma,
personnellement. Je voudrais bien que l'on prenne mes paroles comme une opinion
bien personnelle, une opinion de parlementaire. Je ne prétends pas ici
donner l'opinion du gouvernement, parce que le règlement n'est pas
changé et le règlement a été approuvé par
l'ensemble de l'Assemblée nationale. Mais là où une
commission parlementaire, où l'on entend des témoins, peut
être utile, c'est au moment où le gouvernement en est encore
à la gestation de sa loi, où il est à la
préparation d'une loi.
C'est ainsi que l'on peut très bien, à partir d'un
document, à partir d'un livre blanc, d'un livre vert ou d'un livre de la
couleur... parce qu'on a une multitude de couleurs, maintenant, pour ce genre
de documents, à partir d'un document donc de travail, sur lequel le
gouvernement ne s'est pas encore engagé, il est fort possible de
convoquer une commission parlementaire. Sans prendre d'engagement à ce
stade-ci, je ne repousse pas l'idée, au cours de la préparation
de cette loi, avant que le cabinet ne se soit prononcé
définitivement sur un texte de loi, d'une commission parlementaire sur
la question du livre, c'est-à-dire en regard de la préparation
d'une loi-cadre.
M. Charron: Quelles consultations ont été faites
jusqu'ici etàquel stade de sa rédaction...? Un projet sommaire
a-t-il été présenté au conseil des ministres? Et
enfin, quand le ministre prévoit-il que l'Assemblée en sera
saisie?
M. Hardy: Cette dernière question du député
de Saint-Jacques m'amène à répondre, en partie, à
un volet de sa première question.
Il s'agit d'un domaine extrêmement complexe où les
opinions, les avis et les renseignements se contredisent d'une façon
effroyable, selon les gens que vous consultez. Si vous consultez des
écrivains... Et j'avais encore l'occasion, lundi soir, de rencontrer un
certain nombre d'écrivains qui me donnaient une perception du
problème diamétralement opposée à la perception que
peuvent avoir les éditeurs ou libraires...
Sur le plan financier, nous avons fait effectuer des études,
même encore l'automne dernier, par un grand économiste qui avait
déjà travaillé à la commission Bouchard, M.
Melançon, et il est extrêmement difficile d'arriver à
cerner, d'abord, sur le plan financier, les véritables
problèmes.
Il est extrêmement difficile d'arriver à trouver quelle
serait la formule qui pourrait, à la fois permettre aux lecteurs d'avoir
une accessibilité physique et financière aux livres, sans pour
cela brimer les droits normaux que doivent avoir ces professionnels ou ces
commerçants que sont les éditeurs et les libraires, sans brimer
les droits des institutions publiques.
Je vous donne un exemple. La Loi de l'agrément des librairies a
sûrement eu un effet positif en ce sensqu'ilyaeu une multiplication de
librairiessurle territoire du Québec, c'est-à-dire qu'un peu
partout, actuellement au Québec, des gens ont accès à une
librairie. Ce qui n'était pas le cas avant l'agrément des
librairies.
D'autre part, on a constaté que cette politique a eu pour effet
de placer, dans des situations assez difficiles, les institutions scolaires,
les institutions d'enseignement, les bibliothèques publiques, parce que
le prix des volumes, à cause de cette politique d'agrément des
librairies, les institutions publiques devenant un marché captif, cela a
eu nécessairement pour conséquence nous n'avons pas encore
réussi à évaluer dans quelle mesure, parce qu'il y a
également le phénomène de l'inflation très
nette d'augmenter le prix des volumes. Les institutions publiques, étant
obligées de s'alimenter auprès des librairies
agréées de leur secteur, paient leurs volumes plus cher et, par
voie de conséquence, peuvent chaque année acheter moins de
volumes qu'elles le pourraient s'il n'y avait pas cette contrainte.
Donc, c'est pour vous dire que le problème est à la fois
économique et culturel. Il y a une foule de facettes, il y a aussi une
foule d'intérêts. Il ne faut pas le cacher. Les éditeurs,
les libraires, sont des commerçants, ce sont des professionnels qui
ont
des intérêts financiers à défendre,
intérêts financiers qui ne coïncident pas
nécessairement toujours avec les intérêts de la
collectivité. Devant la complexité de cette question,
plutôt que de continuer de légiférer ou d'adopter des
mesures administratives à la pièce, j'ai demandé qu'on
reprenne le problème dans son entier, que l'on relance même le
rapport Bouchard, qui avait fait une enquête sur cette question dans les
années soixante. Les études sont relativement avancées. Il
y a aussi tout le phénomène des périodiques. Il y a
quelqu'un du service des industries culturelles qui a fait un séjour en
Europe, il y a quelques semaines, pour voir de quelle façon on
procède, en particulier en regard du problème de la distribution
des périodiques, qui est un des problèmes majeurs.
Nous poursuivons ces études techniques avec autant de
célérité que possible. Encore une fois, je ne renonce pas
à l'idée qu'avant de commencer à rédiger un texte
de loi, avant d'inviter le cabinet à se prononcer sur un avant-projet de
loi-cadre, je ne rejette pas l'idée de convoquer une commission
parlementaire où tous ceux qui sont intéressés à
s'exprimer sur cette question pourraient le faire.
M. Charron: M. le Président, cette loi-cadre doit
certainement comporter des difficultés techniques dans sa
réalisation, j'en conviendrai avec le ministre. Il s'agit,
effectivement, de concilier certains intérêts qui vont être
divergents à l'occasion. L'exemple que nous avons avec la loi-cadre du
cinéma est un autre indice d'intérêts divergents qui se
rencontrent. C'est le rôle d'une loi, c'est le rôle d'un
gouvernement, en ménageant les intérêts particuliers de
chacun, car ce n'est pas au gouvernement à abolir ces droits
privés, de faire primer les droits collectifs, lorsque cet affrontement
entre les intérêts divergents nuit, effectivement, à un
objectif à atteindre. C'est le rôle du gouvernement.
Il reste que cette loi, dont la rédaction, encore une fois, peut
être plus difficile qu'escompté, a maintes fois été
utilisée l'annonce ou la promesse de cette loi
auprès de gens oeuvrant dans le domaine du livre, pour les faire
patienter. D'une part, tout le monde est au courant de la réaction de
certains groupes, la patience commence à avoir ses limites à
plusieurs endroits, mais aussi certains problèmes que cette loi
réglera, car on n'interviendrait pas avec une loi si elie ne
réglait pas certains problèmes, vous en conviendrez avec moi. Les
problèmes que cette loi, lorsqu'elle arrivera, aura la chance
nous la connaîtrons, nous verrons, nous la mesurerons de
régler, ou aura comme objectif de régler, continuent à
s'aggraver. Par exemple, le Conseil supérieur du livre, qui est
certainement un organisme que respecte le ministre des Affaires culturelles, a
manifesté son impatience et a signalé un certain nombre de
difficultés dans un télégramme qui a été
adressé au premier ministre il y a quelques semaines, et auquel le
premier ministre a fait accuser de réception en faisant...
M. Hardy: II y a eu d'autres télégrammes par la
suite...
M. Charron: Oui.
M. Hardy: où on était moins impatient.
M. Charron: Peut-être, je ne suis pas au courant de tous
les télégrammes que le ministre peut recevoir. On faisait
référence à un certain nombre de problèmes que je
vais d'ailleurs soulever au cours de l'étude des crédits. Si je
me fie à l'information qu'a donnée le Conseil supérieur du
livre, voici un peu l'historique des derniers mois de cette histoire. On nous
informe publiquement, ce n'est pas une source secrète que j'ai, c'est un
document public, que, le 5 novembre 1974...
M. Hardy: Qu'est-ce qui vous fait dire que ce n'est pas une
source secrète? Est-ce que c'est parce que, parfois, vous avez des
sources secrètes?
M. Charron: Non, c'est parce que ça pourrait sembler
être le cas, tellement les détails sont impressionnants. Le 5
novembre 1974, le ministre afait une déclaration devant les
représentants du Conseil supérieur du livre, après l'avoir
fait attendre faut-il dire, nous en reparlerons tantôt sur
la loi de prêts garantis, elle, promise depuis beaucoup plus longtemps.
Le 5novembre, dis-je, le ministre informe le conseil qu'il a
décidé de régler tous les problèmes du livre au
moyen d'une loi-cadre et que, dans ce but, il avait fait mener des
enquêtes qui étaient déjà très
avancées et que, parconséquent, la profession n'aurait plus
longtemps à attendre des résolutions.
Le 6 décembre 1974, lors d'un rencontre qu'on dit officieuse, le
ministre a de nouveau confirmé que les travaux progressaient et que la
loi-cadre ne se ferait plus longtemps attendre. Le 19 décembre 1974, le
ministre des Affaires culturelles a formellement promis au directeur
général du Conseil supérieur du livre que, le 15 janvier
au plus tard, la profession serait consultée sur un projet de loi-cadre
sur le livre. Pendant cette période, les éditeurs, sur la foi de
la promesse du ministre, quant à l'adoption de la loi de prêts
garantis, ont réalisé des programmes d'édition qu'ils ne
peuvent plus financer maintenant. Pendant cette période
également, l'inflation est venue rogner les marges des libraires,
disent-ils, et des éditeurs, tout en voyant les budgets des
bibliothèques pour l'achat de livres diminuer par l'augmentation de
leurs frais administratifs. Enfin, la baisse du dollar autre
phénomène dont le ministre n'est pas responsable, mais je signale
que ces phénomènes se greffent et augmentent la
nécessité d'avoir la loi-cadre le plus rapidement possible
a nécessité un changement qui a été proposé
par le Comité consultatif du livre et auquel le ministre des Affaires
culturelles n'a pas donné suite.
Si je m'informais sur la consultation, c'est qu'elle est non seulement
urgente, semble-t-il, parce que j'admets qu'il y a des intérêts
divergents, mais que la loi-cadre prend un caractère d'urgence de plus
en plus grand.
M. le Président, le ministre a fait allusion, dans sa
réponse, à d'autres phénomènes qui peuvent
contrecarrer la réalisation rapide de la loi-cadre. Par exemple, la
distribution des livres scolaires par les
libraires agréés, qui sont d'ailleurs eux-mêmes en
conflit avec ce qu'on appelle l'organisme créé par la
Fédération des commissions scolaires, la CAAMEQ, qui est la
Centrale d'aide à l'approvisionnement des maisons d'éducation du
Québec. Dans cette espèce de fouillis où on se retrouve,
où des intérêtsdesquels on attendrait normalement une
collaboration refusent de le faire et puisque la loi-cadre n'est pas encore
déposée, quelle est l'attitude du ministère des Affaires
culturelles face au problème de la distribution des livres scolaires qui
a causé les problèmes qu'a identifiés le ministre mais
qui, en même temps, soulève l'inquiétude de plusieurs
personnes dans le domaine du livre?
M. Hardy: Je dois d'abord préciser que le Conseil
supérieur du livre, qui regroupe les professionnels du livre, ne demande
pas, à ma connaissance en tout cas, et n'a jamais insisté
pourqu'il y ait une loi-cadre. Le Conseil supérieur du livre, les
organismes profes-sionnelsdans le domainedu livre, comme c'est naturel,
défendent d'adord et avant tout l'intérêt financier de
leurs membres. Ce qui les intéresse, c'est cette loi...
M. Charron: De prêts garantis, c'est bien sûr.
M. Hardy: ... de prêts garantis. En principe,
j'étais très réticent, et je le suis encore, à
déposer cette loi de prêt garanti, précisément parce
que je considérais que, pendant trop longtemps, on avait agi à la
pièce, dans ce domaine. Quand on réglait un problème ici,
on en créait deux à côté. C'est arrivé avec
les librairies agréées.
D'autre part, puisqu'on insistait avec tellement de vigueur sur le
danger de faillite de maisons d'édition, de libraires et de choses
semblables, j'ai accepté de mettre de côté mes
réticences, qui étaient au niveau des principes, pour
déposer et cela, je pense, à la fin du mois de mai
cette loi de prêt garanti. Il y a encore certaines questions techniques
que nous devons vérifier, mais nous allons déposer la loi des
prêts garantis, à la fin du mois de mai, afin que nous ne
puissions pas être accusés d'avoir laissé tomber des
maisons d'édition.
Je l'ai bien dit au conseil supérieur et à tous les
organismes professionnels. Cette loi de prêt garanti pourra être
bien temporaire si, à la suite de nos études et de la
rédaction de la loi-cadre, il s'avère que ce moyen n'est pas le
meilleur, si on trouve une autre formule que celle des prêts
garantis.
Nous allons régler un problème immédiat, grave, qui
semble se poser dans le monde du commerce du livre, par cette loi des
prêts garantis: quant aux autres aspects, où il y a des
problèmes, le coût du livre, par exemple... Vous et moi, savons
très bien que ce n'est pas facile d'acheter des volumes,
c'est-à-dire qu'on ne peut pas acheter tous les volumes qu'on voudrait
bien acheter. On doit se contenter souvent de les palper, de les caresser.
Tous ces problèmes, j'entends les régler par le moyen de
la loi-cadre. Donc, cela veut dire, je le reconnais bien, que les institutions
publiques, les bibliothèques, les maisons d'enseignement, devront
connaître encore ce problème pendant un certain nombre de
mois.
M. Charron: Avez-vous l'intention de retirer la vente de livres
scolaires aux institutions publiques, aux libraires agréés et de
la remettre à cette centrale d'aide à l'approvisionnement des
maisons d'éducation?
M.Hardy: II n'y a aucune décision de prise en ce moment.
Cette décision sera prise dans le cadre de la loi-cadre.
M. Charron: J'admets la complexité de la loi, mais le
temps que l'on met à la produire n'a-t-il pas des effets aussi
négatifs que ceux que la loi des libraires agréés a
déjà causés, en ce sens que, pour la prochaine
année scolaire, par exemple, la loi-cadre ne sera pas adoptée,
les règlements qui en seront issus ne s'appliqueront pas, pour la
prochaine année scolaire, et que, donc, les bibliothèques
publiques et toutes les institutions publiques que vous avez vous-même
énumérées, vont être soumises encore au
même... pour la prochaine année?
M. Hardy: Encore une fois, si je décidais demain de
dispenser les institutions scolaires de l'obligation d'acheter leurs volumes
dans les librairies agréées, cela voudrait probablement dire la
fermeture d'un nombre très considérable de librairies.
Nous sommes vraiment devant un dilemme. Dans un cas semblable, je pense
que le statu quo d'autant plus que le statu quo doit être
temporaire est préférable. Cela ne donnerait rien de poser
un geste qui, encore une fois, réglerait peut-être le
problème des uns et créerait un problème plus
considérable encore.
M. Charron: Mais, dans ces cas précis, quand on parle des
institutions scolaires qui achètent des livres, ce sont, en fait, les
fonds publics qui vont payer...
M. Hardy: II ne faut pas se cacher que la politique du livre,
l'agrément des librairies, ce sont des subventions
déguisées au commerce du livre. C'est évident.
M. Charron: Je vous avais posé la même question
l'année dernière. Au cours de la dernière année, le
coût total d'achat de livres auprès de libraires
agréés par des institutions publiques a pu signifier combien?
M. Hardy: Nous ne le savons pas. C'est le ministère de
l'Education qui a ces chiffres.
M. Charron: Mais, a-t-on une idée approximative de ce q ue
cela représente comme achat chez les libraires agréés?
M. Hardy: Je m'excuse, reformulez donc votre question.
M. Charron: Je voudrais savoir... l'achat de livres par des fonds
publics, pour des bibliothèques, des institutions scolaires, des
institutions d'enseignement...
M. Hardy: Quel montant cela représente?
M. Charron: Oui, à peu près, dans le marché
des libraires agréés?
M. Hardy: On dit un million de volumes. Nous savons aux Affaires
culturelles que ce serait un million de volumes mais en termes de chiffre.
M. Charron: Quand vous dites...
M. Hardy: Les crédits du ministère de l'Education
sont-ils terminés?
M. Charron: Oui, aux crédits du ministère de
l'Education, je n'y étais pas, parce que je n'y suis plus.
M. Hardy: Ah oui! vous n'y êtes plus.
M. Charron: Mais, mon recherchiste, ici, m'informe que la
question qui fut soulevée auprès du ministre de l'Education,
quand on a abordé ce programme, et le ministre de l'Education
n'était même pas au courant de l'existence de ce qui s'appelle la
CAAMEQ.
M. Hardy: Parce que cela n'existe pas. C'est un projet, mais cela
n'existe pas.
M. Charron: Mais, c'est la façon dont la
Fédération des commissions scolaires a décidé
de...
M. Hardy: Non, c'est-à-dire que la
Fédération des commissions scolaires a un projet qui n'est pas...
C'est à l'état de projet.
M. Charron: Bon, d'accord.
M. Hardy: Cela n'a pas été reconnu par le
ministère de l'Education.
M. Charron: Non, mais si la Fédération des
commissions scolaires... Ce projet a été annoncé, donc
elle devrait s'appliquer à le réaliser. De toute façon, ce
n'est pas le but de ma question, c'est de vérifier quelle est la
proportion, à peu près, telle qu'évaluée, mais
j'imagine que les études techniques pour la loi-cadre ont dû
toucher cette information dans l'activité financière de
l'ensemble des librairies, du commerce des libraires agréés, la
proportion que représente le fonds public.
M. Hardy: Je voulais justement...
M. Charron: Vous me dites: Dans des cas, cela pourrait signifier
la catastrophe.
M. Hardy: Le seul chiffre global que nous avons représente
un million de volumes, actuellement.
M. Charron: II se vend combien de millions de volumes, par
année, pour qu'on puisse faire une proportion? C'est qu'on ne sait pas
la mesure exacte. Je ne vais pas jusque dans les détails. Mais que
représente, sur le marché du livre québécois, chez
les libraires agréés, la proportion qui vient des fonds publics?
A-t-on une idée? Est-ce 25% du marché ou 20%?
M. Hardy: Actuellement, les études que nous
possédons ne nous ont pas encore donné cette réponse.
M. Charron: Mais, cela va être important pour prendre une
décision dans...
M. Hardy: Je comprends. C'est la raison pour laquelle je vous dis
que nous ne sommes pas à la veille du dépôt de la loi.
M. Charron: Le dépôt se fera-t-il avant
l'ajournement d'été et, la loi sera-t-elle adoptée
à l'automne?
M. Hardy: Non.
M. Charron: Elle ne se fera pas avant l'été? Non,
c'est pour l'automne.
M. Hardy: Le plus tôt où la loi pourrait être
déposée...
M. Charron: Dans douze ans.
M. Hardy: Non, en étant très optimiste, ce serait
à la fin de l'actuelle année civile.
M. Charron: Déposée, donc adoptée à
la session...
M. Hardy: Cela dépend, si on fait une commission
parlementaire. Encore une fois, c'est un principe, c'est une question que je
pourrais peut-être ajouter dans ma conception des commissions
parlementaires. C'est que, au moment où on décide de convoquer
une commission parlementaire, je considère que l'on doit entendre tous
ceux qui veulent se faire entendre.
M. Charron: Bien sûr.
M. Hardy: Si les auditions devaient se prolonger plus longtemps
que prévu, évidemment, cela pourrait retarder le
dépôt de la loi.
M. Charron: J'ai une question technique que je...
M. Hardy: Mais pour vous montrer, M. le Président, pour
vous démontrer quelle importance le ministère et le ministre
attachent à cette loi-cadre, c'est que le nouveau sous-ministre adjoint
qui est à ma droite, M. Claude Trudel, doit consacrer la majeure partie
de son temps à ce dossier. Je pense que cala révèle
l'importance que l'on accorde à la préparation de cette
loi-cadre.
M. Bonnier: M. le Président, si le député de
Saint-Jacques permet, avant qu'on laisse cette
loi-cadre ou la Loi des prêts garantis, sans doute que le ministre
est conscient qu'il y a une tendance, actuellement, à la concentration
des maisons d'édition. C'est un phénomène qui n'est pas
nouveau, qui a commencé déjà depuis quelques
années, mais c'est un phénomène drôlement important,
puisque, tout écrivain doit passer par un éditeur, cela va de
soi, pour faire imprimer son livre.
M. Hardy: II peut toujours éditer lui-même.
M. Bonnier: C'est très théorique. En pratique, il a
besoin de l'éditeur, je pense. Si c'est un fait, cela veut dire que les
éditeurs, tout à l'heure, si la concentration devait continuer,
que ce soit par Hachette ou par d'autres, que cela pose un problème
drôlement dangereux vis-à-vis des livres qui vont connatre une
certaine éclosion.
Est-ce que, dans la loi-cadre ou la loi des prêts garantis, on va
essayer d'apporter un remède à ces problèmes?
M. Hardy: La loi des prêts garantis va d'abord apporter un
remède.
M. Bonnier: Devrait.
M. Hardy: En aidant financièrement, en garantissant, en
facilitant aux maisons d'édition l'accès au crédit. La
loi-cadre qui, encore une fois, a comme objectif d'apporter une solution
à l'ensemble du problème du livre, va apporter une solution, mais
je voudrais bien préciser que, dans mon esprit, cette solution ne sera
pas de caractère coercitif.
M. Bonnier: Non, par voie de conséquence.
M. Hardy: Par voie d'aide. En d'autres termes, je verrais mal que
l'on défende à deux éditeurs de fusionner. En aidant les
éditeurs, on peut les aider à demeurer indépendants,
autonomes, ne pas les inciter à fusionner, parce que je reconnais avec
vous qu'il y a là plus qu'un problème financier ou commercial, il
y a un problème de liberté intellectuelle. Plus une
collectivité a d'éditeurs, plus, bien sûr, les
écrivains de différentes tendances peuvent être
publiés. Une maison d'édition a habituellement une certaine
politique sur le plan esthétique et parfois sur le plan même
idéologique. Je ne voudrais pas citer de noms, mais j'en ai en
tête, il y a certainement certaines maisons d'édition qui
refuseraient de publier certains genres de volumes. Quand on veut favoriser le
pluralisme idéologique, le pluralisme culturel dans une
collectivité, il est souhaitable qu'il y ait un nombre aussi
considérable que possible de maisons d'édition. D'autre part, il
y a des limites physiques que l'on ne peut pas dépasser. Il ne faudrait
pas que l'aide gouvernementale soit à ce point exagérée
que l'on maintienne tout à fait artificiellement des éditeurs qui
ne répondent pas à un besoin ou qui s'adressent à un
public extrêmement restreint.
M. Charron: M. le Président, j'ai une question qui peut
apparaître aux membres de la commission très technique et
inappropriée, mais je me permettrai d'expliquer pourquoi je la pose. Je
demande au ministre des Affaires culturelles si on a procédé au
sein du ministère à une évaluation relative, bien
sûr, des dommages que pourrait causer à l'industrie de
l'édition l'implantation du système international
d'unités, c'est-à-dire le système métrique, surtout
au niveau des manuels scolaires.
Cela peut paraître curieux, mais je donne simplement une citation
qui informera les membres de la commission sur l'effet que cette transformation
qui paraît anodine peut avoir sur l'entreprise, si je me fie à une
intervention de M. Jacques Thé-riault, dans le journal Le Devoir,
février 1975. Je cite M. Thériault: "Sans pour autant s'opposer
à l'application du système métrique, du système
international, les éditeurs de manuels scolaires craignent qu'une
application trop rapide conduise plus d'une maison à la faillite. A cet
égard, on estime, par exemple, qu'il faudrait "vendre à la tonne"
un peu plus de $2 millions de manuels en valeur monétaire seulement dans
le domaine des mathématiques qui, par définition ceux que
vous avez eus, ceux que j'ai eus et ceux qu'ont encore les jeunes
Québécois aujourd'hui sont basés sur le
système ancien".
On ajoute: "Si la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec n'accordait pas un délai raisonnable aux
éditeurs concernés, cette estimation de $2 millions serait
d'ailleurs très inférieure à la réalité, la
moitié seulement des 22 éditeurs de manuels scolaires du
Québec ayant produit des statistiques." Or, j'admets que c'est un
phénomène auquel il faut faire face, mais il nous reste toujours
la possibilité, comme semble le suggérer M. Thériault, d'y
aller avec un délai ou une conversion auxquels se soumettraient
évidemment les éditeurs. En tout cas, je demande la position du
ministre là-dessus.
M. Hardy: Le député de Saint-Jacques
reconnaît sans doute que la décision dans ce domaine appartient au
ministère de l'Education. D'autre part, le ministère des Affaires
culturelles, et plus particulièrement le service des lettres,
s'intéresse très vivement à cet aspect du
problème.
C'est bien conscients de la gravité qui se pose que nous avons
fait des représentations auprès du ministère de
l'Education, précisément pour que l'application du système
métrique s'échelonne sur une période de temps assez
étendue pour permettre que les éditeurs de manuels scolaires
puissent écouler les volumes qu'ils ont sans qu'il y ait des pertes trop
considérables. Je ne pense pas c'est notre conviction aux
Affaires culturelles que cet échelonnement pourra causer des
dommages très considérables à la population
étudiante, et, d'autre part, on éviterait des pertes
financières assez importantes aux éditeurs de manuels scolaires.
On m'informe que nous n'avons pas encore reçu de réponse du
ministère de l'Education à nos représentations, mais nous
allons continuer à insister auprès du ministère pour qu'on
accepte cette idée d'échelonner l'application du système
métrique.
M. Charron: Maintenant, M. le Président, puisant dans
certaines informations qui nous avaient été données lors
de l'étude des crédits de l'année dernière, dans un
échange avec le ministre, on avait évoqué une
hypothèse d'une centrale d'achat du livre pour diminuer le coût
des volumes destinés aux bibliothèques publiques. Est-ce que
cette idée afait son chemin? Est-ce qu'elle a été à
nouveau reprise, et est-ce qu'on est proche d'une décision?
M. Hardy: Cela fera aussi partie de la loi-cadre, et je dois vous
dire que...
M. Charron: La loi-cadre comportera-t-elle la création
d'une centrale d'achat?
M. Hardy: Cette hypothèse de la mise sur pied d'une
centrale, l'étude de cette hypothèse se fait dans le cadre
général de la politique globale du livre. Je dois vous dire que,
personnellement, je continue toujours à considérer cette
hypothèse comme extrêmement intéressante, et j'ai
demandé, particulièrement au sous-ministre adjoint, M. Trudel,
d'examiner avec infiniment d'attention cette hypothèse d'une
centrale.
M. Charron: Mais, si le projet devait être retenu, ce
serait inclus dans la loi-cadre.
M. Hardy: Oui, cela ferait de l'ensemble.
M. Charron: Vous aviez dit également, M. le ministre, que
c'était l'objectif du ministère des Affaires culturelles de ne
plus subventionner les organismes professionnels du livre, sauf pour des
projets spécifiques. Est-ce que, dans les nouveaux crédits que
nous avons là, cette promesse est devenue réalité?
M. Hardy: C'était un objectif. Toutefois, le
député de Saint-Jacques sait très bien, son
expérience de cinq ans au Parlement lui a appris...
M. Charron: Cinq ans et deux jours.
M. Hardy:... qu'entre les objectifs et leur réalisation
immédiate, concrète, il y a souvent des marges. Les organismes
professionnels nous ont fait comprendre que l'application trop rapide de cette
politique pourrait les mettre dans des situations difficiles. D'autre part, le
Conseil supérieur du livre nous demande, en particulier, d'attendre les
résultats financiers de la Foire internationale qui, selon leurs
prévisions, pourraient s'avérer rentables, peut-être pas la
première année, mais... Evidemment, si le conseil
supérieur devait retirer des profits, c'est-à-dire si les
organismes professionnels devaient retirer des profits immédiats, en
plus des retombées d'échange de droits d'auteurs, etc., cela
résoudrait notre problème. Mais, dans le budget de cette
année, nous continuons à accorder, à des degrés
moindres, je pense nous avons diminué des subventions aux
organismes professionnels. Je peux donner les montants... Les montants ne sont
pas, de façon définitive, décidés pour cette
année, mais ils seront probablement moindres que l'an dernier.
M. Charron: Quand le sous-ministre adjoint dit que,
d'après ses informations, la Foire internationale serait
déficitaire pour la première rencontre et pourrait devenir
rentable...
M. Hardy: Ce sont les prévisions des organisateurs.
M. Charron: Ce sont les prévisions des organisateurs.
Comment se base-t-on pour faire ce genre de calculs? Comment peut-on
prévoir que la tenue d'un tel événement culturel devient
rentable à l'intérieur de...?
M. Hardy: C'est-à-dire que la Foire internationale du
livre de Montréal se veut d'abord une organisation commerciale.
M. Charron: On a eu cette discussion aussi
déjà.
M. Hardy: Elle est culturelle, bien sûr, à cause du
produit, mais elle se veut d'abord commerciale, et j'imagine que c'est à
cause précisément de cet objectif que l'on envisage qu'elle
deviendra, éventuellement, rentable. C'est toute la différence
avec un salon du livre qui a comme premier objectif d'être culturel,
c'est-à-dire de diffuser le livre. Il n'y a pas d'ententes commerciales
qui sont appelées à intervenir. Par définition, un salon
du livre qui assure, d'abord, la diffusion du livre, qui a d'abord une vocation
culturelle, ne pourra jamais être rentable.
M. Charron: Je sais que j'ai été large d'esprit en
appelant la Foire internationale du livre un événement culturel,
mais il reste le fait que le produit, comme vous le dites, s'appelle un livre,
d'une part, et que deuxièmement, cette foire internationale a
mérité l'attention de deux gouvernements parce qu'elle est
subventionnée par deux ordres de gouvernements. Vous êtes-vous
informé pour savoir s'il y a eu concertation au niveau des deux ordres
de gouvernements pour que la subvention qui va à la Foire internationale
du livre...
M. Hardy: Je ne saurais répondre...
M. Charron: C'est l'Industrie et le Commerce.
M.Hardy:... pour le ministre de l'Industrie et du Commerce. C'est
le ministère de l'Industrie et du Commerce, toujours à cause de
son caractère commercial, qui est l'organisme qui subventionne la foire
au niveau du gouvernement...
M. Charron: Etes-vous partie quelconque de cette décision
avec votre collègue de l'Industrie et du Commerce quant au montant qui
sera octroyé ou cela vous échappe-t-il complètement?
M. Hardy: En ce qui concerne le premier montant, il a fallu que
je consulte mon prédécesseur pour savoir s'il avait
été consulté verbalement, et
quand je suis arrivé aux Affaires culturelles, la décision
avait déjà été prise. C'est bien mon intention,
pour ce qui est de l'an prochain, de discuter de cette question avec le
ministre de l'Industrie et du Commerce. Encore une fois, je reconnais la
primauté du ministère de l'Industrie et du Commerce dans cette
question parce qu'il s'agit d'abord d'une organisation commerciale, mais en
raison de son volet culturel indéniable, c'est l'intention du
ministère de discuter de cette question avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce.
M. Charron: C'est parce que je remarque que, du côté
fédéral, la subvention, qui est importante elle est de
l'ordre de $500,000 vient du Secrétariat d'Etat dont nous
parlions tout à l'heure et non pas du ministère de l'Industrie et
du Commerce ou de quelque ministère à vocation économique
de l'appareil fédéral. C'est bel et bien entendu dans l'esprit du
fédéral que c'est sa...
M. Hardy: La seule explication que j'y verrais et je ne voudrais
pas que mes propos soient considérés comme péjoratifs,
c'est qu'au gouvernement fédéral on est peut-être moins
cartésien qu'au gouvernement provincial.
M. Charron: Donnez donc votre définition du
cartésianisme.
M. Hardy: C'est la définition communément admise,
c'est-à-dire que l'on est moins rigoureux, que l'on est plus
pragmatique. On parle moins de théorie ou de définition de
principe, mais probablement qu'on a considéré, à un moment
donné, que c'était plus facile d'aller au Secrétariat
d'Etat plutôt qu'au ministère de l'Industrie et du Commerce.
M. Charron: On parlait tout à l'heure, lors de notre
discussion générale, de petits cas d'intervention
fédérale. C'est un petit cas d'un demi-million dont nous sommes
en train de parler.
M. le Président, je voudrais, avant de terminer l'étude de
l'élément 1, poser une question. Est-ce qu'il y a eu assez de
demandes au ministère, de la part de maisons d'édition de livres
pour enfants, pour épuiser le budget réservé à
cette fin?
M. Hardy: Dans le cadre de l'aide à l'édition? Nous
avons eu des demandes, acceptées, bien sûr, pour $21,000. Le
budget était de $25,000. Je voudrais peut-être faire une
précision à ce niveau. Très fréquemment, on voit
des titres de journaux disant: Scandale, le ministère des Affaires
culturelles, qui a déjà un budget modeste, ne l'épuise
pas.
Vous avez précisément un programme où, ou bien on
agit d'une façon non sérieuse comme gestionnaire,
c'est-à-dire qu'on dit: II faut absolument dépenser ce qu'on a,
il faut absolument qu'à la fin de l'année financière il ne
reste plus rien, ou bien on administre sérieusement le programme.
Or, dans le programme d'aide à l'édition, il est bien
difficile, quand on prépare le budget, de prévoir exactement quel
sera le nombre de demandes et surtout quelle sera la qualité, parce
qu'on n'accepte pas automatiquement tous les manuscrits qui nous sont
présentés. Il y a des lecteurs qui en font la lecture et qui
donnent une opinion affirmative ou négative. Or, il peut arriver, une
année, et je pense que c'est particulièrement vrai dans le
domaine littéraire, et c'est vrai dans tous les pays du monde, il y a
des années où la production littéraire est beaucoup plus
riche que celle d'autres années. C'est ce qui explique, c'est la seule
explication que j'y vois, qu'on sera le nombre d'ouvrages qui mériteront
de recevoir l'aide à l'édition.
De toute façon, cela n'a pas été retourné au
fonds consolidé parce qu'il y a eu des transferts et la
différence entre le montant prévu pour l'aide à
l'édition et ce qui a été fait effectivement a
été transféré à un autre programme, à
la littérature générale.
M. Charron: M. le Président, comment le ministre
explique-t-il ce phénomène qui se reproduit cette année
où le fonds... Moi non plus, je ne considère pas cela comme un
drame, mais j'essaie de voir comment il se fait qu'un fonds prévu,
à quelque chose que le ministre considère certainement aussi
important que moi, la publication pour enfants... Comment se fait-il que nos
maisons d'édition ne profitent pas de ces fonds? Est-ce qu'il y a un
manque d'intérêt en regard du livre pour enfants et que fait le
ministre pour promouvoir cet intérêt, parce que cela me semble
extrêmement important d'apprendre à lire aux enfants.
M. Charron:... parce que ça me semble extrêmement
important d'apprendre à lire aux enfants.
M. Hardy: Je comprends, M. le Président, mais, encore une
fois, si le ministère des Affaires culturelles, que ce soit dans ce
domaine comme dans d'autres, peut être un facteur pour aider, pour
stimuler, ce n'est quand même pas le ministère des Affaires
culturelles qui crée, il faut des auteurs. Il faut qu'il y ait quelqu'un
qui nous présente quelque chose et quelque chose de valable.
M. Charron: La question, est-ce l'absence d'auteurs ou si ce sont
les auteurs qui ne trouvent pas de maisons d'édition? Ce sont les
auteurs qui manquent.
M. Hardy: Ce sont les auteurs qui manquent. Dans le nombre
d'ouvrages acceptés, il y a seulement deux maisons d'édition qui
ont fait des demandes, Fides et les Editions Pauline. Je pense bien que, si des
maisons d'édition avaient reçu des manuscrits valables, elles
auraient pu faire des demandes.
M. Charron: N'est-ce pas aussi parce que le marché
d'importation du livre pour enfants occupe beaucoup de place et donne peu de
place par définition, parce que c'est quand même un marché
relativement restreint, on parle d'une clientèle bien définie. Si
les importations dans ce domaine l'emportent, ça n'encourage
certainement pas la création québécoise dans ce
domaine.
M. Hardy: C'est exact. Il faut tenir compte aussi de l'aspect
qu'il s'agit d'éditions extrêmement dispendieuses, à cause
des illustrations. Je pense qu'il faut admettre aussi qu'il s'agit d'un genre
littéraire particulièrement difficile.
M. Charron: Ah, oui, moi, je ne serais pas capable...
M. Hardy: Vous pourriez peut-être écrire un
excellent essai socio-politique, mais vous ne seriez peut-être pas
capable d'écrire des contes d'enfants.
M. Charron: J'écris d'excellents essais socio-politiques,
si c'est ça que vous...
M. Hardy: Vous étiez arrivé le premier dans un
cours de relations internationales, vous aviez été le premier sur
250 étudiants, au cours de Mme Shroe-der.
M. Charron: Je remercie le ministre...
Le Président (M. Pilote): Attention à
l'humilité!
M. Charron: En tout cas, je termine ce...
M. Hardy: J'étais auditeur libre au même cours.
M. Charron: Cette chère Mme Schroeder... d'ailleurs, on
n'est pas pour se mettre à raconter nos histoires d'universitaires, mais
c'est vrai que j'avais réussi cet examen.
Le Président (M. Pilote): L'histoire de vos relations.
M. Charron: Des relations internationales.
M. Morin: Ce que le ministre vous suggère, c'est que s'il
n'avait pas été auditeur libre, mais participant de plein droit,
peut-être aurait-il eu la première place. C'est sa modestie qui
peut l'empêcher de parler.
M. Charron: Sur cet aspect de l'édition qui concerne le
livre pour enfants, je n'ai pas de méthode magique à
suggérer au ministre, mais en espérant et en le sachant convaincu
de l'importance du développement, ça rejoint toute la
qualité du français. On a parlé récemment du drame
de l'enseignement du français, de la piètre qualité du
français, je pense qu'une des grandes raisons à cela aujourd'hui,
c'estque les jeunesne lisent plus. Ils ne sont plus habitués à
l'orthographe, ils ont été très souvent maniés
à l'audio-visuel et tout ce qui pourrait encourager la reprise de
l'étude...
M. Hardy: C'est plus profond que ça, mais là, je
m'introduis dans un autre domaine, si toutes les méthodes
pédagogiques à l'école orientent vers l'image, quand bien
même on éditerait une multitude de volumes, les étudiants
ne les liront pas davantage. Il faut qu'il y ait une certaine collaboration, si
je peux dire, entre les méthodes pédagogiques et les volumes que
l'on peut mettre à la disposition des jeunes.
M. Charron: Je pense qu'ailleurs qu' ici, on a fait un
procès sévère de certaines méthodes
pédagogiques qui ont été, à un moment donné,
il y a quelques années, présentées comme une nouvelle
merveille du monde et on s'aperçoit aujourd'hui qu'elles ont eu un effet
plutôt négatif à plusieurs endroits.
M. Hardy: Je veux bien reconnaître le bien là
où il est, cela a fait l'objet de la partie la plus intéressante
d'une conférence du ministre fédéral des Communications
à la chambre de commerce. Il y avait d'autres parties de sa
conférence qui étaient moins bonnes, mais cette partie de sa
conférence où il parlait de la nécessité de
l'imprimé dans le monde moderne actuel demeurait très
valable.
M. Charron: J'ai pris connaissance de cela aussi. M. le
Présisent, pour achever l'élément I, un des objectifs
avoués du ministre était de réduire le plus possible,
l'année dernière, encore une fois, la présence
étrangère dans les industries culturelles, plus
spécialement dans celle du livre.
Qu'est-ce que le ministère a réalisé, à la
suite de l'étude de M. Leclerc, je crois, sur les industries
culturelles? Est-ce que cela adonné lieu àdes modifications?
M. Hardy: Comme je l'ai mentionné dans mon intervention du
début, dans ce domaine de l'imprimé, les études du service
des industries culturelles ont porté sur le problème des
périodiques. M. Leclerc m'a dit récemment qu'il serait en mesure
de me remettre des recommandations incessamment.
M. Charron: Vous n'avez pas en main, depuis janvier 1973, un
rapport qui confirmerait la mainmise étrangère,
américaine, française...
M. Hardy: C'est-à-dire que nous avons déjà
différents rapports. Il y a le premier rapport, le rapport De
Grandpré j'avais la liste des différentes études qui ont
été menées avant que les industries culturelles s'y
intéressent. Le premier de tous ces rapports était le rapport de
M. Pierre De Grandpré. Il y a différents travaux qui sont faits,
mais j'attends une synthèse du tout.
M. Charron: Cela fait quand même longtemps que cela a
été exprimé, expliqué. Je pourrais donner des
chiffres que, de toute façon, le ministre a, mais...
M. Hardy: On n'a malheureusement pas ici le titre exact, mais je
sais qu'aux industries culturelles, on a au moins deux ou trois rapports qui
sont terminés. Le dernier, celui qui doit m'être remis au cours
des prochaines semaines, c'est cette étude de M. Contant q ui est
allé en Europe étudier les moyens de distribution des
périodiques.
M. Charron: Est-ce que cela donnera lieu à une
décision du ministre, étant donné la gravité de la
situation?
M. Hardy: Cela va donner lieu à tout cela et
toujours...
M. Charron: Au cours de l'année financière en
cours?
M. Hardy: Le tout est en fonction de la loi-cadre, parce que le
problème des périodiques sera couvert par la loi-cadre.
M. Charron: Ce ne sera donc pas au cours de l'année en
cours.
M. Hardy: Des actions véritables, administratives,
probablement que non, parce que je vous ai dit tantôt que, tout en
étant fort optimiste, je ne prévois pas déposer cette loi
avant la fin de la présente année. Cela veut dire que si cette
loi était adoptée à la fin de l'année 1975, les
premières mesures administratives devraient intervenir pendant l'hiver
ou au printemps prochain.
M. Charron: Est-ce que la loi-cadre, puisqu'elle plane sur notre
discussion, comportera également une décision sur le pourcentage
maximum de propriété étrangère?
M. Hardy: Vous avez déjà des
éléments. Quant aux maisons d'édition?
M. Charron: Oui.
M. Hardy: II y a déjà des éléments de
cela en ce qui concerne les librairies agréées. Vous savez que
c'est une condition.
M. Charron: Oui, mais quant aux maisons d'édition, quant
aux sociétés de distribution...
M. Hardy: Encore là, je ne saurais vous annoncer quoi que
ce soit, quant à cette loi, puisque tout est à l'étude.
Tout ce que je peux vous dire, c'est une hypothèse qui est actuellement
envisagée.
M. Charron: Je crois que, M. le Président, si je peux
faire cette remarque pour l'année qui vient, pendant que le
sous-ministre adjoint qui est aussi responsable de ce dossier est là,
une loi-cadre qui éviterait de se prononcer sur ce sujet ou qui
éviterait ou renoncerait, à cause de la complexité,
à apporter quelque réglementation que ce soit sur ce chapitre, la
propriété étrangère sur ce genre d'industrie...
M. Hardy: Je pense, M. le Président, que la politique
actuelle du livre peut vous donner certaines indications.
M. Charron: Oui.
M. Hardy: Sans que je prenne d'engagement ferme, je pense que ce
qui existe déjà dans ce domaine peut donner certaines
indications...
M. Charron: Dans le domaine des librairies.
M. Hardy: ... sur ce qui pourrait se retrouver dans la
loi-cadre.
Comité consultatif
M. Charron: J'espère, en tout cas, que des mesures comme
celles qui sont dans la Loi des librairies, qui concerne les librairies,
s'étendront aux maisons d'édition, peut-être pas de la
même façon j'imagine que ce sont deux mondes et
aussi aux sociétés de distribution, de messagerie, parce que,
cela aussi, c'est extrêmement important.
Je voudrais terminer l'élément 1 avec une question sur le
comité consultatif du livre. Quel est son budget à partir de ce
que nous sommes disposés à voter, ses réalisations, la
fréquence de ses réunions, les conseils qu'il a donnés au
ministre?
M. Hardy: M. le Président, il n'y a pas d'entité
budgétaire comme telle pour le service consultatif. Les membres du
comité consultatif ont leurs frais de déplacement, leurs frais
d'hébergement payés par le ministère, de même que
des cachets qui sont de $100 par séance et le tout provient du
programme...
M. Charron: Gestion?
M. Hardy: ... gestion et soutien.
M. Charron: Quelles ont été les activités du
comité?
M. Hardy: Je m'excuse, du service des lettres. C'est à
même le budget d'administration du service des lettres.
M. Charron: Quelles ont été les activités
principales du comité au cours de la dernière année?
M. Hardy: Les activités principales au cours de
l'année ont été de recommander au ministre
l'agrément des librairies. J'ai rencontré le comité
consultatif il y a quelques semaines et j'ai invité le comité
consultatif, d'ailleurs son statut le lui permet, à travailler en
étroite collaboration avec les fonctionnaires du ministère
à la préparation de cette politique générale du
livre.
M. Charron: II a manifesté de l'intérêt,
j'imagine.
M. Hardy: Non seulement il a manifesté de
l'intérêt, mais a été très heureux de cette
confiance que le ministère lui a manifestée.
M. Charron: Pouvez-vous donner la liste des membres du
comité consultatif?
M. Hardy: Le président actuel est M. Jean-Gilles Jutras,
il y a M. Guy Boulizon, le R.P. Edmond Desrochers, M. André Dusseault,
M. Jacques Hébert, jusqu'au mois de septembre 1974, et qui n'a pas
encore été remplacé, M. Victor Martin, M. Malcom Stanley,
M. Clément Saint-Germain,
qui est le directeur du service des lettres et qui agit comme
secrétaire, M. Christian Latortue, qui est du ministère de
l'Industrie et du Commerce, M. Roger Haeberle, qui est du ministère de
l'Education, M. Charles Dubé, qui est l'Editeur officiel, et M.
Gérard Aumont, qui n'est pas au ministère, mais qui
représente le milieu du livre.
Le Président (M. Pilote): Messieurs, il est une heure, et
la commission suspend...
M. Hardy: M. le Président, avant de terminer, est-ce que
nous pouvons considérer...
M. Charron:... pas l'élément 1. Je regrette. J'ai
encore quelques questions, M. le Président.
M. Hardy: Ne pourriez-vous pas les poser, deux ou trois
minutes?
M. Charron: Non, j'en ai...
M. Hardy: Pour avoir au moins un élément
d'adopté.
M. Charron: Vous allez l'avoir quinze minutes après le
début de nos questions.
M. Hardy: Très bien!
Le Président (M. Pilote): La commission suspend ses
travaux jusqu'à cet après-midi, 4 heures, après la
période des questions.
M. Hardy: Maintenant, il a été entendu, M. le
Président, peut-être pourrions-nous le dire immédiatement,
après consultation avec les membres de l'Opposition, que nous
suspendrions la séance à 5 heures ou 5 heures 30?
M. Charron: J'ai un avion à 6 heures.
M. Hardy: Alors, nous pourrions suspendre nos travaux à 5
heures 15...
M. Charron: A 5 heures...
M. Hardy: ... 5 heures, 5 heures 15, le député de
Saint-Jacques ayant des activités d'un certain ordre culturel à
Montréal, et moi-même en ayant d'autres à
Trois-Rivières.
Le Président (M. Pilote): Ce qui veut dire que nous ne
siégeons pas ce soir.
La commission suspend ses travaux à cet après-midi, 4
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
Reprise de la séance à 16 h 25
M. Pilote (président de la commission permanente de
l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A
l'ordre, messieurs!
Avant que ne commence la séance, je voudrais vous signaler les
changements suivants parmi les membres de la commission: M. Cadieux
(Beauharnois) remplace M. Déom (Laporte); M. Dionne (Compton) remplace
M. Parent (Prévost) et M. Assad (Papineau) remplace M. Veilleux
(Saint-Jean).
Nous étions rendus au programme I, élément I, et le
député de Saint-Jacques avait encore quelques questions.
M. Hardy: Seulement un mot, M. le Président.
Traditionnellement, au début de l'étude des crédits, on
dépose la liste des contrats, des subventions accordées.
Malheureusement, je ne l'avais pas ce matin. Je pensais l'avoir cet
après-midi, nous ne l'avons pas encore, mais on m'assure que je pourrai
la déposer demain matin.
M. Charron: D'accord.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
Exportation
M. Charron: M. le Président, ce matin, nous avons fait
allusion, lorsque nous discutions du livre pour enfants, du problème que
pouvait comporter l'importation de livres de l'étranger. Il y a aussi
l'envers de la médaille, il y a l'exportation du livre
québécois, autrement dit, la sortie si on met cela dans
des termes plus politiques à l'étranger de l'expression
littéraire québécoise. Or, depuis quelque temps, le
Québec fonctionnait dans le programme qui s'appelle: Livres du Canada et
qui est, ni plus ni moins qu'une création de l'Association pour
exportation du livre canadien et, indirectement, du ministère
fédéral, encore une fois, de l'Industrie et du Commerce.
L'évaluation que nous en avons jusqu'ici est que cela fonctionne plus ou
moins bien, à ce point que la librairie Flammarion a
décidé de se retirer du roulement de cette opération, car,
estimait-elle elle n'y trouvait avantage, ni pour elle, ni pour le livre
québécois lui-même.
Ma question au ministre des Affaires culturelles est celle-ci: Quels
sont ses commentaires sur le déroulement de l'opération Livres du
Canada, à la suite du retrait de la librairie Flammarion?
M. Hardy: M. le Président, notre préoccupation
dépasse le livre, quant à l'exportation de biens culturels
à l'étranger, et plus particulièrement à Paris. Nos
préoccupations se portent sur le disque, sur d'autres biens, même
l'artisanat. Dans ce sens, nous sommes actuellement, au niveau du service des
industries culturelles, à étudier des formules, et entre autres,
je ne présente pas cela comme une conclusion définitive, mais
encore là
comme une hypothèse d'une espèce d'organisme qui pourrait
être, à Paris, le moyen, le canal par lequel nous pourrions mettre
à la disposition du public français des biens culturels
québécois.
M. Charron: De quelle nature? Pouvez-vous préciser encore
plus?
M. Hardy: Comme je vous le dis, c'est encore à
l'état d'étude, de cogitation, mais ce pourrait être, entre
autres, une corporation, un organisme corporatif qui aurait pour mandat de
distribuer en France des biens culturels produits au Québec.
M. Charron: Des oeuvres littéraires, des peintures, des
productions musicales?
M. Hardy: Oui, tout bien culturel.
M. Charron: Est-ce un comité qui étudie cela?
M. Hardy: C'est le service des industries culturelles qui
s'intéresse à ce dossier, non seulement il s'y intéresse,
mais il est responsable de ce dossier.
M. Charron: Mais c'est la seule solution envisagée par le
ministère actuellement, si on s'en tient encore au sujet de ce
programme, quant aux livres?
M. Hardy: Si vous voulez dire qu'il n'y a pas de projet
immédiat, c'est exact.
M. Charron: Autre que celui-là. M. Hardy: Oui.
M. Charron: Combien s'exporte-il de livres
québécois? A-t-on une idée?
M. Hardy: On me dit que nous n'avons pas de chiffres. Les seuls
qui pourraient nous fournir de tels chiffres sont les libraires et les
éditeurs, et ce n'est pas toujours facile de les obtenir.
M. Charron: Est-ce qu'il n'est pas exact que c'est de plus en
plus le gouvernement fédéral qui s'occupe de l'exportation de ces
biens culturels?
M. Hardy: Je pense que le gouvernement fédéral fait
des tentatives, mais à ma connaissance, les résultats obtenus par
le gouvernement fédéral ne sont pas plus probants, plus lumineux,
plus éloquents que les tentatives que nous avons pu faire jusqu'à
maintenant.
M. Charron: Quelle est l'utilisation que peut se permettre de
faire le ministère des différentes maisons du Québec
à l'étranger, à cette fin?
M. Hardy: Nous avons actuellement, entre autres, à la
maison du Québec à Paris, une personne qui est d'ailleurs
rattachée au ministère de l'Industrie et du Commerce, qui est
responsable de domaines semblables, mais qui a, je pense, entre les mains, peu
d'outils, peu de moyens.
C'est la raison pour laquelle nous songeons à mettre sur pied un
véritable organisme qui aurait des pouvoirs financiers, des ressources
financières, des ressources humaines, pour véritablement mettre
à la disposition du public français des biens culturels, des
produits culturels québécois.
M. Charron: Avez-vous l'intention de faire appel, dans ce genre
d'initiative, à l'entreprise privée, c'est-à-dire à
ceux qui, ici, font le commerce des biens culturels?
M. Hardy: Ce n'est pas une hypothèse qui est
écartée dans cet organisme dont je vous parlais; ce pourrait
être une corporation, à la fois formée de capitaux
privés et publics.
M. Charron: M. le Président, j'ai une découpure qui
date de l'année financière écoulée, 13 novembre
1974, tirée du Devoir, qui nous informait que le Conseil des arts du
Canada, dont nous avons parlé ce matin, annonçait à cette
date qu'il avait acheté, cette année, dans le cadre de son
programme d'aide à l'édition un total de 141,400 livres d'auteurs
canadiens, d'une valeur globale de $630,000, où doivent
nécessairement se trouver les auteurs québécois encore
pour un certain temps.
On dit que ces livres ont été choisis par les
publications, entre autres de 39 maisons d'édition canadiennes, de
langue française, puisqu'il faut bien dire québécoises, je
crois. Dans le domaine de l'édition, je ne crois pas qu'il y ait
beaucoup d'éditions françaises ailleurs qu'au Québec.
Est-ce que cette initiative du Conseil des arts, dans le cadre de la
souveraineté culturelle du Québec, est aussi imitable par le
ministère des Affaires culturelles? Est-ce qu'il est possible, que dans
son programme d'aide à l'édition, il en vienne à acheter
lui-même?
M. Hardy: Antérieurement, c'était une politique
généralisée du ministère que d'acheter, politique
qui existait bien avant le ministère des Affaires culturelles, qui
existait à l'époque du Secrétariat de la province. Le
Secrétariat de la province achetait surtout quand l'auteur,
à cette époque, était assez louangeur envers le prince
un certain nombre de livres que l'on distribuait aux commissions
scolaires pour les prix, etc.
Au ministère des Affaires culturelles, nous avons mis fin, je
pense, depuis quelques années, à cette politique d'achat de
volumes, partant du principe que cela constituait un peu un
découragement pour l'éditeur de faire cela lui-même,
enlevait du dynamisme à l'éditeur pour vendre son propre
volume.
Nous préférions, par le biais du programme d'aide à
l'édition, aider l'éditeur à éditer son volume et
par la suite, laisser les forces naturelles du marché exister, sauf
qu'il y a encore un élément d'acquisition de volumes, par le
programme d'assurance-édition.
Lorsque l'on accepte d'assurer une édition, on accepte, bien
sûr, si un certain nombre de volumes, dépassé un certain
seuil, un tiers, ne se ven-
dent pas, de payer une prime à l'éditeur, et en retour du
paiement de cette prime, l'éditeur nous remet les volumes non
vendus.
Editeur officiel
M. Charron: Une question qui me vient à l'esprit, en
écoutant l'exposé du programme d'assurance-édition. Est-ce
qu'il est déjà apparu, dans les préoccupations du
ministre, de rattacher l'Editeur officiel du Québec au ministère
des Affaires culturelles?
M. Hardy: Si je ne craignais de m'aventurer sur un terrain
glissant, je dirais presque au député de Saint-Jacques, que
lorsque je suis seul dans mon cabinet, réfléchissant sur tous ces
problèmes, je songe à annexer beaucoup plus que l'Editeur
officiel.
M. Charron: Oui, je sais. Il y en a d'autres qui songent au
contraire, quand ils sont seuls dans leur cabinet également. Tenons-nous
en à l'Editeur officiel. Je l'ai dit au ministre, car, il y a quelques
jours, à peine, j'ai fait, pour l'Opposition, l'étude des
crédits des Communications, dont relève actuellement l'Editeur
officiel du Québec.
Le député de Taschereau se le rappellera, on a eu un
échange avec lui quant à l'initiative que prend de plus en plus
l'Editeur officiel dans le domaine de la coédition où, au besoin,
l'Editeur officiel se porte garant de l'édition ou épaule
l'édition de certaines oeuvres qui, autrement, probablement, ne
verraient jamais publication, et il nous a assuré que ce rôle, il
entendait le développer. Dans les crédits que nous lui avons
votés, certains allaient dans ce sens-là.
Or, si l'Editeur officiel du Québec, disposent de moyens
financiers, de biens publics, se met à jouer dans l'industrie de
l'édition au Québec, en intervenant de plus en plus, en
favorisant la coédition, cela peut altérer un certain nombre de
politiques du ministère qui sont l'assurance-édition ou l'aide
à l'édition tout court.
Je fais à pied levé ce raisonnement, parce que je ne peux
pas dire que je prône ici le rattachement de l'Editeur officiel aux
Affaires culturelles. C'est quelque chose qui mériterait d'être
envisagé certainement. En quelques jours, je suis mis devant deux
politiques, qui, à l'occasion, il me semble, mériteraient
d'être concertées à tout le moins.
M. Hardy: Cela pose tout le problème, dans
l'administration publique, de ministères qui sont appelés
à agir sur des terrains contigus. Ce problème s'est posé
avec le Haut-Commissariat. Le Haut-Commissariat, par la voie du loisir,
s'immisçait de plus en plus dans des programmes culturels. Nous nous
retrouvions dans les mêmes plates-bandes.
Si l'Editeur officiel devait manifester ce genre de dynamisme
impérialiste, cela pourrait poser des problèmes et cela pourrait,
à la rigueur, mettre en cause une politique du livre comme celle que
nous sommes en train d'élaborer. Il y a sûrement là un
danger et je suis convaincu que, dans notre réflexion sur
l'élaboration de la politique du livre, nous devrons préciser
certaines choses avec l'Editeur officiel.
M. Charron: Vous savez que M. Dubé, l'Editeur officiel,
était membre du comité consultatif du livre. En ce
sens-là, il y a peut-être un rapprochement à faire, mais
cela nécessiterait probablement plus. En tout cas, M. le
Président...
M. Hardy: Là, vous posez un problème plus vaste,
auquel vous pourrez réfléchir au cours des semaines et des mois
à venir.
M. Charron: Oui, oui.
M. Hardy: C'est le problème de l'existence de deux
ministères distincts, celui des Communications et celui des Affaires
culturelles, qui sont appelés à agir dans des domaines
très voisins.
M. Charron: Je suis disposé à adopter
l'élément 1, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): L'élément 1 est
adopté. Elément 2: Développement d'un réseau de
bibliothèques publiques.
Bibliothèques publiques
M. Charron: M. le Président, au niveau des
bibliothèques municipales, les nouveaux critères de subvention
sont censés apparaître j'en ai eu l'information dans
les crédits de cette année. Quels sont les critères de
subvention, le ministre y a fait allusion ce matin, je pense?
M. Hardy: Le grand principe, nous pourrions vous faire parvenir
le texte de ces critères sur lesquels nous nous basons, qui a
été rédigé sous forme de projet de
règlement, mais qui n'en est pas un, parce que ce n'est pas
arrêté, cela ne constitue pas un arrêté en conseil,
mais j'en ai un exemplaire ici que je peux remettre au...
M. Charron: Ce n'est pas un arrêté en conseil.
M. Hardy: Ce n'est pas un arrêté en conseil. C'est
rédigé sous forme de projet d'arrêté en conseil.
Cela pourrait devenir un arrêté en conseil, quoique, sous le plan
légal, je m'interroge, je ne suis pas absolument sûr.
Antérieurement, le Service des bibliothèques publiques accordait
des subventions à partir d'un arrêté en conseil.
Cette année, ce n'est pas encore un arrêté en
conseil, mais c'est sur ce texte que le Service des bibliothèques
publiques va se fonder pour distribuer les subventions aux différentes
bibliothèques municipales.
Comme j'ai eu l'occasion de le mentionner ce matin, l'ancien principe
sur lequel on se basait pour distribuer les subventions, c'était la
population, on accordait un montant déterminé per capita. Plus
une municipalité était populeuse, plus considérable
était
sa subvention. Nous avons complètement changé ce principe,
c'est basé sur une pondération de la population et de...
M. Charron: De l'évaluation.
M. Hardy: ... l'évaluation municipale. C'est-à-dire
que la population n'entre plus en ligne de compte, c'est, uniquement,
l'évaluation municipale. Nous avons établi la moyenne de
l'évaluation municipale du Québec et les municipalités,
dont la population est en deç de la moyenne, reçoivent plus et
celles qui sont au-dessus reçoivent moins, selon un
mécanisme...
M. Bonnier: Cela prend un minimum de population tout de
même.
M. Hardy: Pas un minimum de population, il faut répondre
à certains critères il faut que la biliothèque soit
municipalisée, qu'il y ait des professionnels, il faut que ce soit au
moins un bibliothécaire professionnel qui dirige cette
biliothèque. Mais il n'y a pas de minimum de population. Si une
très petite municipalité veut consacrer les sommes requises
à la mise sur pied d'une bibliothèque municipale, elle peut le
faire.
M. Charron: C'est ça. Le critère qui était
le plus important, il me semble, dans l'ancienne façon de
procéder e me demandais s'il est disparu c'est que
l'initiative demeurait aux municipalités.
M. Hardy: C'est encore la même chose. M. Charron:
C'est encore la même chose.
M. Hardy: II faut que la municipalité décide
d'avoir une bibliothèque.
M. Charron: Autrement dit, qu'elle prenne d'abord, de ses propres
ressources, le montant nécessaire au départ...
M. Hardy: Ce qui est plus juste, c'est qu'autrefois, pour ne pas
faire de personalité municipale, la ville de Mont-Royal pouvait recevoir
une subvention aussi considérable qu'une municipalité beaucoup
moins riche sur le plan foncier.
M. Charron: Comment procède-t-on? C'est qu'à partir
de l'évaluation municipale, on fixe un montant que la
municipalité devrait elle-même fournir.
M. Hardy: C'est exact ou l'inverse, c'est-à-dire qu'en
partant du principe que le gouvernement lui verse... les deux, au fond, se font
simultanément.
M. Parent (Prévost): M. le Président, est-ce qu'on
peut avoir une copie de ce texte?
M. Charron: Je n'en ai...
Le Président (M. Pilote): On va le faire photocopier et on
va le distribuer, c'est un dépôt officiel.
M. Hardy: Je pense que les responsables des bibliothèques
municipales ont déjà reçu...
M. Charron: Est-ce qu'il y a une bibliothèque municipale
à Saint-Jérôme?
M. Hardy: Oui, depuis fort longtemps.
M. Charron: Est-ce qu'il y a une bibliothèque municipale
à Saint-Jérôme?
M. Hardy: Et une excellente.
M. Charron: C'est un exemple, pendant qu'on a le maire de
Saint-Jérôme avec nous. Combien la municipalité de
Saint-Jérôme met-elle par année et combien le
ministère met-il?
M. Parent (Prévost): De mémoire, je pense que le
ministère a donné $12,000 de subvention cette année et il
peut en coûter à la municipal ité à peu près
$50,000 ou $60,000, si on calcule le salaire du personnel.
M. Charron: Combien y a-t-il d'employés? M. Parent
(Prévost): Cinq à huit employés.
M.Hardy: M. le maire, vous étiez très près,
c'est $12,937, la participation provinciale.
M. Charron: Et la participation de la ville est de l'ordre de
$50,000 à $60,000?
M. Parent (Prévost): Sûrement. Je n'ai pas les
chiffres en mémoire, je pourrais les avoir, mais c'est sûrement
dans cet ordre, sinon plus.
M. Hardy: Le maire pourrait nous éclairer à savoir
si l'évaluation municipale per capita de Saint-Jérôme est
en deçà ou au-dessus de l'évaluation moyenne?
M. Parent (Prévost): L'évaluation imposable est de
$120 millions.
M. Hardy: On la calcule per capita, la moyenne, pour savoir
quelle est la richesse, on la calcule per capita.
M. Charron: II faut prendre les $120 millions...
M. Parent (Prévost): Et diviser par 27,000 de
population.
M. Hardy: II faut ramener à 100%. Moi, je sais que, pour
le comté de Terrebonne, j'ai fait le calcul...
M. Charron: J'imagine.
M. Hardy: ... une municipalité comme Rosemère va
recevoir moins en vertu du nouveau règlement et la municipalité
de la ville de Terrebonne va recevoir davantage.
M. Charron: Cela ne fait rien, la municipalité de
Rosemère est anglaise, vous êtes fort là-dedans.
M. Hardy: De moins en moins. M. Charron: Merci.
M. Hardy: Mes amis anglophones me trouvent trop francophone.
M. Charron: Oui. Ils auraient dû venir assister aux
débats sur le bill 22.
M. Hardy: Justement, c'est à cause du bill 22.
M. Charron: Combien de nouvelles municipalités, au cours
de l'année financière, se sont embarquées, c'est le cas de
le dire, ont voulu participer au réseau de bibliothèques
publiques?
M. Hardy: Six nouvelles bibliothèques municipales ont
été admises aux subventions au cours de la dernière
année.
M. Charron: Cela veut dire combien pour l'ensemble du
Québec?
M. Hardy: II y en a 115; là-dessus, il y a trois
bibliothèques centrales de prêts qui desservent 54
municipalités et il y a une bibliothèque circulante, alors, il
reste 111 bibliothèques municipales ou d'associations.
Il y a aussi d'autres chiffres qui pourraient intéresser le
député de Saint-Jacques, c'est qu'actuellement 61% de la
population du Québec sont desservis par des bibliothèques
publiques, soit des bibliothèques municipales traditionnelles, soit des
bibliothèques circulantes ou des bibliothèques centrales de
prêts, les trois que nous connaissons, Bas-Saint-Laurent-Gaspésie,
qui est en voie de formation, l'Outaouais et la Mauricie.
M. Lapointe: Est-ce qu'il y a une aide prévue pour des
municipalités qui mettent en commun les services d'une
bibliothèque d'une commission scolaire?
M. Hardy: Oui, c'est-à-dire qu'il y a eu un protocole
d'entente signé entre le ministre de l'Education et le ministre des
Affaires culturelles permettantque des municipalités puissent faire une
entente avec une commission scolaire ou un CEGEP de façon qu'une
bibliothèque scolaire à la condition qu'il y ait une
participation municipale puisse être reconnue par le service des
bibliothèques comme étant une bibliothèque municipale.
M. Lapointe: Sur quelle base l'aide financière est-elle
accordée par le ministère des Affaires culturelles?
M. Hardy: Ce sont les mêmes critères qui
s'appliquent. Pour nous, à partir du moment où il y a entente
entre une municipalité, une commission scolaire ou un CEGEP, pour nous,
ça devient une bibliothèque publique et ce sont nos
critères généraux qui s'appliquent.
M. Charron: M. le Président, j'ai ici, encore une fois en
guise d'information pour la commission, un texte du Devoir du 24 mars 1975,
dont le titre était: Le Québec détient le record de
l'indigence en bibliothèques.
M. Hardy: C'est exact.
M. Charron: Le Québec détient au Canada le
championnat de l'indigence en matière de bibliothèques publiques;
le Québec débourse moins pour ce service public que ne le font
toutes les provinces canadiennes, y compris, croyez-le ou non, Terre-Neuve et
l'Ile-du-Prince-Edouard. En 1973, le Québec dépendait un peu plus
de $1 par personne à ce chapitre alors que les Maritimes consacraient
entre $2 et $4 Quand on tire de la patte sur les Maritimes, c'est qu'on
n'est pas reluisant .
Pour une population de 6,081,000 habitants, fixée comme telle,
les bibliothèques publiques du Québec coûtaient $8,599,000
et étaient dispersées en 326 centres, employaient 552 personnes.
Pendant ce temps, l'Ontario, qui nous sert souvent de comparaison,
dépensait allègrement près de $51 millions pour ses 8
millions d'habitants desservis en 815 endroits différents par 2,955
employés.
Je signale ça, non pas pour l'apprendre au ministre, mais pour
resituer le débat parce que, tout à l'heure, je me posais la
question de l'initiative municipale, et cette question demeure toujours dans la
réglementation nouvelle ou les critères nouveaux de
subvention.
Je veux demander au ministre, sans faire de cas particuliers, mais
devant ce cas, s'il n'y a pas, au fond, à ses yeux, des centres
municipaux du Québec qui, ne font pas l'effort voulu, compte tenu de
leur capacité financière, si on tient compte de leur
évaluation, compte tenu de la population qu'ils ont, compte tenu
également de leur situation géographique parfois, quand la
municipalité dit: Les municipalités d'à côté,
Jonquière et Kénogami, par exemple, offrent un excellent service,
on n'a pas besoin de le faire chez nous. Mais parfois, l'excuse ne vient pas
aussi facilement.
Est-ce qu'il ne croit pas que certains centres municipaux cela
saute aux yeux dans les statistiques devraient avoir des
bibliothèques municipales, devraient avoir des bibliothèques
publiques? Ils ne les ont pas. Si le ministère attend que les
édiles municipaux, les élus municipaux, pour qui ce n'est pas
toujours... Entre une usine d'épuration et une bibliothèque
municipale, vous savez où la préoccupation va aller très
rapidement.
Est-ce qu'il ne faut pas que le ministère passe à
l'action, je dirais, dans ce domaine, en assouplissant ses normes,
peut-être, au besoin, mais aussi, peut-être, en se fixant
lui-même une espèce de j'imagine qu'on est
déjà détenteur de cela à l'intérieur du
ministère carte du Québec sous le chapitre des
bibliothèques publiques, voir les villes qui, normalement, devraient en
avoir, quand on voit que de plus petites municipalités se dotent d'un
réseau
culturel convenable, insister, je ne sais comment, mais ne pas toujours
attendre l'initiative? Il se peut bien, dans ce chapitre... On en reparlera
tantôt lorsqu'on parlera de la sauvegarde des monuments historiques
également. Je l'ai dit au ministre lorsqu'on a eu un court débat
à l'Assemblée. Il ne faut pas toujours compter sur les
autorités municipales pour qu'elles soient des plus vigilantes sur ces
questions, à commencer par Montréal.
Je pense que le ministère n'a pas simplement à assouplir
ses normes pour permettre la création de bibliothèques publiques,
mais, à l'occasion, je pense, pour certaines régions...
J'aimerais avoir cette carte du Québec. Je suis certain que je ne parle
pas à travers mon chapeau. Je pense bien qu'il y a des centres du
Québec qui mériteraient d'avoir des bibliothèques
publiques et qui ne les ont pas.
M. Hardy: M. le Président, toujours en voulant respecter
le plus rigoureusement possible les bonnes résolutions que j'ai prises
au début, c'est-à-dire être aussi objectif que possible,
être le moins partisan possible, je suis ogligé, en ce moment, de
me poser des questions sur le cheminement de la pensée de la formation
politique à laquelle appartient le député de
Saint-Jacques. J'ai, au cours des récentes semaines, des récents
mois, suivi, par la voie des journaux, les périples du chef
parlementaire du Parti québécois dans la province. L'une des
thèses qu'il a défendues à maintes reprises,
c'était le pouvoir local, le pouvoir régional, combien il
était important de décentraliser, combien il était
important de remettre entre les mains des populations locales une partie de
leur destin, qu'ils connaissaient leurs problèmes, etc.
Voici que le député de Saint-Jacques est en train de me
faire une thèse où il dit à peu près ceci, et je
vais tenter d'être aussi rigoureux que possible: Vous savez, les
élus municipaux, le pouvoir local, les problèmes culturels, cela
les intéresse plus ou moins. Ils sont plus intéressés par
les égouts, l'aqueduc, que par la culture. Ayant été
député d'un comté qui comprenait 50 municipalités,
député maintenant d'un comté qui comprend huit
municipalités, je suis obligé de dire au député de
Saint-Jacques que cela n'est pas exact. Je suis obligé de dire au
député de Saint-Jacques que la relation qui existe entre la
population, ses désirs, ses aspirations, ses besoins et l'administration
municipale, est encore plus intime, plus grande que celle qui peut exister
entre cette même population et les autorités provinciales.
C'est quand même en vertu d'un même principe que vous
défendez sur un plan plus élevé, c'est-à-dire que,
plus une autorité est près des citoyens, plus il est possible que
cette autorité politique, que cette administration politique
réponde aux véritables aspirations. Donc, nier ce principe que
l'initiative doit d'abord venir de l'autorité locale, je vous dis
immédiatement que je ne concours pas avec cette prétention. Je
pense que, d'abord et avant tout, l'intérêt doit être
manifesté par la population. C'est tellement vrai qu'on pourrait arriver
a des situations artificielles. Si le gouvernement, d'autorité... Cela
contredit même toute notre philosophie nouvelle du développement
culturel régional. Nous considérons, dans tout le programme du
développement culturel régional, que ce n'est pas nous qui devons
aller dire aux gens ce qui est bon pour eux sur le plan culturel, mais ce sont
eux qui doivent venir nous dire ce qu'ils veulent.
Le ministère des Affaires culturelles n'a pas à aller dire
à la population de tel secteur: Vous devez entendre de la musique
symphonique, si ce n'est pas cela qu'elle veut entendre, si ce qui
l'intéresse davantage, c'est la chanson. C'est la même chose dans
ce domaine. Si des gens, par la voie de leur administration municipale,
décident que c'est un autre genre d'activités culturelles qu'une
bibliothèque qu'ils veulent avoir chez eux, il faut les laisser libres
de choisir. C'est cela, le libre choix des collectivités locales. C'est
la raison pour laquelle je considère que l'initiative doit d'abord venir
de la municipalité.
Toutefois, parce qu'il peut fort bien arriver, et là-dessus le
député de Saint-Jacques a raison, que dans certaines
localités, on puisse avoir le désir d'avoir une
bibliothèque municipale, mais non les moyens, parce qu'il faut aller
à ce qui est essentiel, il faut d'abord boire de l'eau salubre avant de
lire des livres. Alors, ce n'est pas nécessairement par un choix
d'échelles de valeurs, mais c'est une réalité bien
concrète qui peut amener une municipalité à choisir
d'abord de faire un réseau d'aqueduc plutôt que d'aller aux
bibliothèques municipales.
C'est justement conscients de ce problème que nous avons voulu
changer la philosophie, philosophie qui s'est traduite par un programme, de
telle façon que plus la municipalité est démunie sur le
plan financier, plus notre intervention est forte, plus elle est grande. Encore
là, il faut que cette municipalité témoigne d'un certain
intérêt. Quand je dis la municipalité, c'est d'abord la
population. Quand une population veut vraiment quelque chose je pense
que le maire de Saint-Jérôme peut en témoigner et n'importe
quelle personne ici qui a pu avoir une expérience sur le plan municipal
le sait très bien quand une population désire quelque
chose, on se présente au conseil municipal et le conseil municipal
traduit la volonté de la population.
M. Charron: Si vous me permettez, je vais vous remettre la parole
avec plaisir, je ne veux pas rectifier les faits, je pensais être
intervenu dans un sens où le rôle essentiel d'animateur de la part
du ministère des Affaires culturelles je pense que nous en avons
toujours convenu m'apparaissait aussi important dans ce domaine que dans
le domaine de la sauvegarde des monuments historiques et des biens culturels
où le ministère n'a pas hésité à le faire je
pense. Personne ne contestera aujourd'hui d'ailleurs, je le dirai non
seulement à vous, mais aux fonctionnaires de votre ministère qui
oeuvrent dans ce secteur qu'il y a eu net progrès de l'attention
publique à l'environnement culturel depuis un certain temps.
M. le Président, je vous donne seulement un exemple, mon quartier
à Montréal a été durement frappé. Il y a le
projet de démolition d'une église qui, n'est en soi, j'en
conviens, peut-être d'aucune valeur architecturale historique, mais qui
fait partie du dé-
cor quotidien de la population depuis une cinquan-taire d'années.
A peine la nouvelle avait-elle été répand ue dans le q
uartier que des gens de mon comté "retentissaient" à mon bureau
pour me dire: II faut sauver l'église. D'ailleurs, il y en a une qui a
été cruellement assassinée sous nos yeux, ce qui a fait
que la population de Saint-Jacques est encore beaucoup plus vigilante.
J'étais consent de recevoir cette délégation de citoyens
de mon comté, parce que j'ai eu l'occasion de mesurer l'effort
d'animation qu'on avait fait. Ce n'est pas faux de dire qu'il y a
peut-être encore une dizaine d'années les gens ne faisaient pas
attention à cela. Les groupes oeuvrant à cela, et le
ministère également à l'occasion, ont réussi
à dire aux gens de s'intéresser.
Je ne vous ai pas dit de supprimer l'initiative municipale dans ce
domaine, mais je suis convaincu que cela mériterait peut-être
à l'occasion, cette réglementation dont je n'ai pas encore pris
connaissance je prend s votre parole, vous me dites qu'elle a
été faite pour faciliter les subventions de bibliothèques
municipales dans les centres qui en ont besoin mériterait
peut-être d'être expliquée aux édiles municipaux, que
le ministère se dirige et dise: C'est à vous, messieurs, de
décider. C'est à la population locale. Je suis bien convaincu que
les citoyens, comme vous dites, se rendraient à l'hôtel de ville
pour réclamer une bibliothèque municipale, oui, s'ils savent que,
par leur action, ils peuvent en obtenir une. Je ne dis pas de diffuser ce
document tel quel, mais j'espère que nos propos ici aujourd'hui auront
une espèce de répercussion qui va faire que des gens habitant une
ville moyenne, disons du Québec, pas encore dotée de ce service,
sachant maintenant que le ministère a assoupli son attitude quant
à cela, vont peut-être entamer des démarches auprès
de leurs autorités municipales.
M.Hardy: Dans ce sens, c'est vrai pas seulement pour la politique
des bibliothèques publiques, mais pour toutes les politiques du
ministère que j'ai mentionnées ce matin dans mes propos. Notre
volonté est d'accentuer le rôle du service de l'information afin
que les citoyens du Québec connaissent de mieux en mieux quelles sont
les possibilités que le ministère des Affaires culturelles met
à leur disposition.
M. Bonnier: M. le Président, dans la même veine,
étant donné que, maintenant, il est possible que des
municipalités aient recours à une bibliothèque qui est
exploitée par une polyvalente ou un CEGEPqui a des accords, n'y
aurait-il pas lieu, dans le fond, que le ministère fasse même des
pressions auprès des municipalités pour que des
bibliothèques publiques soient à la disposition de la plus grande
partie de la population? Cequi arrive, c'est qu'il y ades endroits, au
Québec, où vous avez une bibliothèque municipale et
où vous avez, à côté, certaines petites villes qui
n'ont pas accès au même service, dont lesenfants et les adultes
n'ont pas accès aux mêmes services, parce que la ville dit: Cela
nous regarde, nous autres. C'est nous autres qui payons, ce sont nos
contribuables. Si vous voulez en avoir, vous en aurez.
Si, de la part du ministère, il y avait une certaine pression
auprès de ces villes afin qu'elles desservent vraiment l'ensemble d'un
certain nombre de villes qui gravitent autour de cette ville principale, de
façon qu'un véritable réseau de bibliothèques
publiques s'installent, au Québec, s'il y avait vraiment une pression,
dans ce sens, je pense un peu dans le même sens que le
député de Saint-Jacques. Ce qui arrive, c'est qu'il y a des
populations de jeunes et de moins jeunes qui en ont peut-être plus
besoin, mais qui sont privées de services que d'autres ont facilement.
Je trouve cela malheureux.
M. Hardy: Je comprends, il y aurait une solution, bien sûr,
mais je vous avoue tout de suite que je ne suis pas prêt, à ce
moment-ci, ce serait de dire que c'est le gouvernement qui va mettre sur pied
des bibliothèques publiques sur le territoire de la province et qu'il va
enlever le tout aux municipalités.
M. Bonnier: Non, mais...
M. Hardy: A un moment donné, il faut décider. On ne
peut pas manger le gâteau et le laisser. Si on conserve un centre de
décision sur le plan local, le centre est là. On ne peut pas
à la fois dire : C'est vous qui décidez et, quand cela ne fera
pas notre affaire, la décision que vous allez prendre, c'est nous qui
alIons décider à votre place.
M. Bonnier: Cela prend toujours un certain instrument.
M. Hardy: On peut inciter, on peut... Je pense que, encore
unefois, le nouveau règlement ou que la nouvelle base de notre
intervention dans ce domaine est une incitation, parce que, encore une fois, on
ne peut plus dire ce qu'on disait autrefois, avec notre politique de per
capita. Des villes riches pourraient di re : Bien sûr, nous, on a les
moyens, on va mettre sur pied une bibliothèque municipale et, avec la
subvention du ministère, on est capable de payercela. Mais, la ville
voisine ou une autre ville dirait: On veut bien une bibliothèque. La
subvention était de $1 par tête, anciennement? C'était
à la fondation. Oui, et après cela? Après cela, $0.20 par
tête, plus 20% d u budget.
Il y a des municipalités qui disaient: Même si on nous
donne cela, c'est bien dommage, mais on n'est pas capable, parce qu'on n'en a
pas les moyens. C'était un problème. Ce problème, je ne
dis pas qu'on l'a réglé totalement, mais on l'a largement
atténué, puisque l'on a pondéré. Plus la
municipalité est riche, plus elle paie; moins elle est riche, plus on
paie.
Je reviens au député de Saint-Jacques, qui avait
commencé sa remarque en citant le Devoir. C'est exact ce qui est dit
là. C'est vrai que, sur le plan des bibliothèques publiques,
comme sur bien d'autres plans, dans le domaine culturel, nous sommes en retard,
nous sommes largement en retard par rapport à d'autres provinces. C'est
un phénomène encore assez curieux. C'est que, encore une fois, je
cite une région que je connais bien, dans l'actuel comté de
Terrebonne, la ville de Rosemère, alors que c'était encore une
toute petite ville, a eu une bibliothèque municipale avant d'autres
villes. Ce sont les anglophones qui ont été à son origine,
parce que, les
anglophones, mentalement, ont été pi us
préoccupés de ce genre de service public que les
francophones.
C'est une situation historique qu'il faut reconnaître.
Mais je souligne au député de Saint-Jacques...
M. Charron: Ils ont toujours été plus
scolarisés aussi.
M. Hardy: Ils étaient plus scolarisés, ils
étaient, financièrement, généralement plus en moyen
que nous. Donc, ils s'y intéressaient plus facilement. C'est un peu
comme la conservation des vieux meubles, une expérience aussi que j'ai
vue dans mon milieu. Ce sont des gens de langue anglaise qui recueillaient tous
les vieux meubles dans les fermes avoisinantes. Si on a conservé le
mobilier ancien, dans la région de Sainte-Thérèse, c'est
grâce à des familles de langue anglaise. Ce n'est pas parce que
ces gens étaient plus vertueux que nous, c'est tout simplement qu'ils
avaient plus d'argent, ils étaient capables de consacrer des sommes
d'argent, un certain superflu, à l'achat de bahuts, de vieilles
chaises.
M. Morin: Le ministre est conscient des raisons d'ordre
sociologique et politique qui font qu'il en est ainsi.
M. Hardy: Je constate tout cela, mais je constate les faits.
C'est pour cela que je dis que je ne critique pas mes compatriotes. Maintenant
que les Canadiens français sont dans une situation économique
meilleure qu'il y a dix, quinze ou vingt ans, situation économique,
aussi situation intellectuelle, comme le député de Saint-Jacques
l'a dit tantôt, il y a beaucoup d'intérêt pour la
conservation du patrimoine.
Je connais même des gens qui, il y a quinze ans, auraient
probablement jeté certaines choses au feu etqui, maintenant, en
achètent. Il ya, sûrement, une modification dans les
mentalités. Nous sommes conscients que le Québec est en retard
dans le domaine de la lecture publique, mais je veux rappeler au
député de Saint-Jacques que c'est un des programmes du
ministère qui connaît des augmentations plus considérables
chaque année. Ce programme, cette année, connaît une
augmentation de 24% par rapport à l'an passé. En vertu du
mémoire de programmes qui a été accepté, l'an
passé, cette progression s'accélérera même, chaque
année, ira en augmentant, chaque année, de telle façon
que, en vertu du plan quinquennal, en 1990, nous aurons enfin rejoint
l'ensemble du Canada sur ce plan.
M. Charron: A cet élément 2, M. le
Président, j'aurais une autre question. On a établi des
bibliothèques régionales, n'est-ce pas?On a parlé d'un
réseau de douze bibliothèques régionales. Combien de ces
bibliothèques existent vraiment?
M. Hardy: II y en a trois, à l'heure actuelle. Il y en a
une dans l'Outaouais, l'autre, dans la Mauricie, la première qui a
existé en 1962. Celle de l'Outaouais a été
créée en 1964 et celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en 1971.
M. Charron: Les régions du Bas-Saint-Laurent et du
Nord-Ouest québécois n'apparaissent-elles pas comme des
régions prioritaires?
M. Hardy: Celle du Bas-Saint-Laurent est en voie de formation.
Les lettres patentes doivent être émises ces jours-ci, au
ministère des Institutions financières.
M. Charron: L'existence de ces bibliothèques
régionales est-elle liée, par une façon ou par une autre,
à des ententes Canada-Québec? Y a-t-il des ententes
Canada-Québec au niveau de la création de ces
bibliothèques ou de l'étendue?
M. Hardy: II n'y a pas eu de somme provenant des ententes
Canada-Québec pour la création des bibliothèques.
M. Charron: M. le Président, je suis disposé
à adopter l'élément 2.
Le Président (M. Pilote): Elément 3:
Bibliothèque nationale.
Bibliothèque nationale
M. Charron: Je n'ai d'autre remarque à faire que celle de
souhaiter que la bibliothèque nationale continue, parce que je crois
qu'elle est effectivement à l'accomplissement de ce rôle; qu'elle
continue à être une bibliothèque aux portes de plus en plus
ouvertes; qu'elle devienne un centre non seulement de conservation c'est
pour cela que je suis bien prêt à voter les crédits qu'on
nous demande et de référence de plus en plus efficace,
mais aussi un centre de réflexion. Une bibliothèque, ce n'est
pas, dans mon entendement, uniquement un endroit de silence pour ceux qui
lisent, c'est peut-être aussi un endroit d'échange pour ceux qui
pensent après avoir lu.
Je crois que la Bibliothèque nationale, celle que je connais,
remplit efficacement ce rôle avec une amélioration toujours
possible. Je crois qu'on y est sensible. Je n'ai vraiment pas d'autres
questions à poser à ce programme.
M. Hardy: Je veux tout simplement souligner
l'intérêt que le ministère accorde à la
Bibliothèque nationale, qui se traduit, entre autres, par une
augmentation considérable du budget, une augmentation de $500,000, qui
représente une augmentation de 35%.
Le Président (M. Pilote): Les éléments du
programme 1, éléments 1, 2 et 3 sont adoptés...
M. Hardy: Je m'excuse, non pas $500,000, $300,000 qui
représentent...
Le Président (M. Pilote):... ainsi que les
catégories.
M. Charron: Programme 1, adopté.
Le Président (M. Pilote): Programme 2: Sauvegarde et mise
en valeur des biens culturels.
Biens culturels
M. Charron: M. le Président, ce programme est
extrêmement important. Pour les besoins de la cause, c'est le chef de
l'Opposition qui entamera à ma place la discussion que nous
poursuivrons, demain, sur ce programme 2.
M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder le programme
2 à l'aide d'une série de cas concrets de sauvegarde et de mise
en valeur des biens culturels. Peut-être avons-no us le temps, ce soir,
de procéder à l'examen d'un premier cas qui est bien connu du
ministred'ailleurs, j'imagine, et qui pourra faire l'objet, au besoin, d'un
examen après la séance. Nous serions tous, de la sorte, mieux
préparés pour la séance de demain.
Je vais donc entretenir le ministre en premier lieu, d'une affaire de
spéculation foncière, qui me paraît assez odieuse, à
l'intérieur d'un arrondissement historique.
M. Hardy: Je ne veux pas, M. le Président... Cela a bien
été jusqu'ici, mais peut-être que nous... Je me demande si
on ne devrait pas respecter... A moins que la commission consente à
intervertir l'ordre...
Le Président (M. Pilote): Le Président ne consent
pas.
M. Hardy: Ne consent pas, parce que là, je pense que si
vous parlez de spéculation foncière...
M. Morin: Non, il s'agit...
M. Hardy: ... nous allons tomber dans l'élément
2.
M. Morin: ... de protection.
M. Hardy: Parce que l'élément I de ce programme, ce
sont les archives.
M. Morin: Bon! Alors, je vais poser...
M. Hardy: Je ne sais pas si vous avez un cas de
spéculation dans le domaine des archives...
Archives
M. Morin: Oui. Je vais poser une seule question, M. le
Président, à l'élément I: Conservation et
utilisation des archives. Alors, demain matin, nous pourrons procéder
avec la conservation des sites et biens historiques.
Le Président (M. Pilote): Je
préférerais.
M. Morin: Bon! C'est d'accord!
Le gouvernement fédéral a-t-il fait don de la prison des
Plaines d'Abraham au ministère des Affaires culturelles pour fins
d'archives? Le ministre se souviendra que cette possibilité a
été évoquée dans le passé, et le ministre
pourrait-il faire le point là-dessus?
M. Hardy: M. le Président, je comprends pourquoi le
député de Sauvé et son parti se sentent tellement
frustrés, démolis par le régime fédéral,
c'est que même des choses qui nous appartiennent depuis toujours, ils
considèrent que cela appartient au gouvernement
fédéral.
La prison des plaines, c'est notre propriété. C'est
à nous.
M. Morin: C'est déjà la propriété du
gouvernement...
M. Hardy: Vous voyez qu'on a beaucoup moins de choses à
récupérer que vous ne le pensiez.
M. Morin: Bon! Maintenant, quelle est la destination de cet
immeuble à l'heure actuelle? Que comptez-vous en faire?
M. Hardy: C'est-à-dire que nous avons confié
à un bureau d'architectes, la firme Leclerc et Le-clerc, le mandat
d'étudier les vocations que l'on pourrait assigner à l'ancienne
prison. Entre autres, l'une des hypothèses, c'est d'en faire le
musée, que le Musée du Québec se transporte dans la prison
ou un entrepôt...
M. Morin: Je sais que le ministre n'a jamais fait de prison, mais
il a peut-être visité les lieux malgré tout.
M. Hardy: Un instant! Il y a deux écoles, peut-être
que le député de Sauvé appartient à l'une de ces
écoles. Il y a une école qui est complètement
scandalisée, qui trouve cela effroyable, farfelu, épouvantable
et je passe des épithètes de songer à faire
de la prison un musée. Une autre école prétend, tout au
contraire, qu'il y a là des possibilités extraordinaires, et
c'était en face de ces deux principales écoles que le ministre
était placé. Vous comprendrez, M. le Président, que je ne
suis pas particulièrement spécialisé dans le domaine
muséologique, ni dans le domaine de l'architecture. Or, conscient de
cette situation, j'ai confié à un bureau d'architectes la
tâche d'étudier cette possiblité, pour déterminer si
l'hypothèse soulevée était valable ou non. C'est à
la lumière des conclusions de cette étude que nous verrons
à prendre une décision.
M. Morin: Est-ce que l'étude que vous avez demandée
à ce bureau d'architectes, M. le ministre, doit se pencher aussi sur la
possibilité d'utiliser la prison en question pour fins de conservation
d'archives?
M. Hardy: Oui. C'est une autre des hypothèses que l'on
utilise la prison comme entrepôt de collection de meubles ou... Pour fins
d'archives, est-ce que cela a été envisagé? Non,
l'hypothèse pour les archives n'a pas été
envisagée. Mais on l'a envisagée comme possibilité
d'entrepôt pour différentes collections.
M. Morin: Est-ce qu'il y a longtemps que cette étude a
commencé, M. le ministre?
M. Hardy: Quelques mois, trois ou quatre mois.
M. Morin: Trois ou quatre mois, et quand prévoyez-vous
obtenir...
M. Hardy: On me dit que le rapport devrait m'être remis
dans un mois environ.
M. Morin: Bon! A ce moment-là, donc, on aura une
idée de l'affectation future de la prison. Puisqu'on ne s'est pas
penché sur la possibilité de la faire servir aux archives, est-ce
que ce ne serait pas un endroit idéal pour les archives, étant
donné qu'une bonne partie des locaux, tels que je les connais, est
à l'épreuve du feu?
M. Hardy:Ce serait toujours possible, on peut tout faire
aujourd'hui. Les limites de la technique sont assez larges, mais il y aurait,
entre autres, un problème de climat, le problème de
l'humidité...
M. Morin: D'humidité.
M. Hardy: Oui. Ce problème s'est posé
également pour le musée...
M. Morin: Cela se contrôle. Je pense bien, oui.
M. Hardy: Au point de départ, quand nous avons
confié l'étude au bureau d'architectes, il nous semblait plus
facile d'aménager cet édifice en tant que musée,
plutôt qu'en tant qu'immeuble pour le service des archives. Il est
possible que l'architecte qui fait l'étude, le consultant, nous
suggère d'autres vocations pour cet immeuble. Ce que nous retenons,
d'abord et avant tout au ministère, c'est que cet immeuble mérite
d'être conservé, d'une part, et que, d'autre part, si on le
conserve, il faut bien lui trouver une vocation.
M. Morin: Simplement, maintenant, avant l'adoption de
l'élément I, une dernière question, pour bien clarifier,
dans mon esprit, la situation juridique des lieux. Si je vous ai bien compris,
M. le ministre, le bien-fonds, tant le bâtiment que l'immeuble...
M. Hardy: Non.
M. Morin: ... appartient au Québec.
M. Hardy: Le fonds, le terrain également. J'avais
l'impression que le terrain appartenait à la Commission des champs de
bataille, mais le terrain appartient à la couronne provinciale, les
Travaux publics.
M. Morin: L'immeuble entier, tant bâtiment que
bien-fonds.
M. Hardy: On dit même que le gouvernement
fédéral a cédé ce terrain au gouvernement du
Québec avant la création du Parc des champs de bataille.
M. Morin: Bien!
M.Hardy: Vous voyez qu'il ne faut pas se décourager. Petit
à petit, on récupère.
M. Morin: Ce qui est intéressant, c'est que la prison est
située sur l'endroit même où ont eu lieu la plupart des
engagements importants, la bataille des Plaines d'Abraham, est en plein
dessus.
Nous sommes prêts, M. le Président, sur ces paroles
historiques, à adopter l'élément I.
Le Président (M. Pilote): L'élément I est
adopté.
M. Hardy: Nous reprendrons demain matin, M. le Président,
avec l'élément 2.
M. Morin: Avec l'élément 2, après...
Le Président (M. Pilote): La période de
questions.
M. Morin: ... la séance du matin.
M. Hardy: Oui, après la période le questions.
Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses
travaux à demain, après la période de questions, vers 11
heures.
(Fin de la séance à 17 h 18)