L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications

Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mercredi 11 juin 1975 - Vol. 16 N° 132

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 1 — Loi sur le cinéma


Journal des débats

 

Commission permanente de l'éducation des affaires culturelles

et des communications

Projet de loi no 1 — Loi sur le cinéma

Séance du mardi 10 juin 1975

(Vingt-deux heures vingt-sept minutes)

M. Brisson (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

Ajournement de la réunion

Le Président (M. Brisson): La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications s'est réunie afin d'étudier le projet de loi sur le cinéma, le projet de loi no 1, et elle ajourne ses travaux sine die, après une entente entre l'Opposition officielle et l'honorable ministre des Affaires culturelles.

M. Hardy: Neuf heures trente.

M. Charron: Neuf heures trente, demain matin?

Le Président (M. Brisson): Neuf heures trente, demain matin?

M. Charron: C'est parce que la motion, en Chambre, a dit dix heures.

Le Président (M. Brisson): D'accord, dix heures.

M. Charron: La commission est maîtresse de ses travaux.

M. Hardy: Neuf heures trente, demain matin. Tout le monde va être là à neuf heures trente?

Le Président (M. Brisson): La commission est d'accord pour ajourner ses travaux à demain matin, neuf heures trente. La commission ajourne donc ses travaux à neuf heures trente, demain matin, mercredi.

(Fin de la séance à 22h 28)

Commission permanente de l'éducation

des affaires culturelle

et des communications

Projet de loi no 1 — Loi sur le cinéma

Séance du mercredi 11 juin I975

(Dix heures et une minute)

M. Kennedy (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications est réunie pour étudier le projet de loi no 1, Loi sur le cinéma. Maintenant, je voudrais faire approuver les changements suivants: M. Hardy (Terrebonne) remplace M. Cloutier (L'Acadie); M. Morin (Sauvé) remplace M. Léger (Lafontaine); M. Bellemare (Rosemont) remplace M. Veilleux (Saint-Jean). Adopté.

Je proposerais aussi que M. Bérard (Saint-Maurice) soit nommé rapporteur de la commission. Adopté. M. le ministre.

M. Hardy: M. le Président, nous sommes prêts; comme nous avons eu un débat de deuxième lecture substantiel, profond, je ne pense pas que l'on doive le reprendre ici, nous pouvons passer immédiatement à l'article 1.

Le Président (M. Kennedy): Article 1.

M. Hardy: M. le Président, à l'article 1, je... Oui?

Amendements

M. Charron: M. le Président, c'est pour signaler au ministre que dans quelques secondes, il va avoir en main les premiers amendements qui permettront au moins de faire un bout de chemin, les amendements que j'ai l'intention de préparer, qui ont été faits. Je le dis tout de suite pour ne pas avoir à le répéter non plus à chaque article, la quasi-totalité de nos amendements énoncés par le ministre font désormais partie du texte de loi; donc, il n'y aura pas de querelle entre un amendement et l'amendement du ministre.

M. Hardy: Alors, vous allez me laisser proposer mon amendement.

M. Charron: D'accord. Autrement dit, ce sont des sous-amendements à votre amendement qu'à l'occasion nous pouvons avoir.

Le Président (M. Kennedy): Article 1? Définitions

M. Hardy: M. le Président, à l'article 1, je propose de remplacer l'actuel paragraphe c) par un nouveau paragraphe, qui se lit ainsi: Film québé- cois: une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle reconnue par l'institut en vertu de l'article 52 comme étant un film québécois dans la mesure prévue audit article. Dans le premier texte de l'article 1, on définissait ce qu'était un film québécois. Or, à la suite de rencontres avec le milieu cinématographique, on s'est aperçu qu'il était imprudent de définir d'une façon trop rigide un film québécois. Il valait mieux laisser à l'institut qui sera formé de gens du milieu le soin de déterminer ce qu'est un film québécois. Il peut y avoir des cas d'espèce où vraiment substantiellement, cela pourrait être considéré comme un film québécois et cela n'aurait pas été conforme au texte de loi.

Je pense qu'à cause de l'espèce d'imprécision qu'il y a à déterminer "film québécois", nous laissons à l'institut, encore une fois, qui sera formé de Québécois, de gens du milieu, nous leur laissons le soin de déterminer ce qu'est un film québécois, donc le genre de film auquel ils pourront participer.

M. Charron: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, au fait de laisser... En somme, la modification, c'est plutôt que le ministre prenne sur lui de définir ce qu'est un film québécois; il laisse à l'institut...

M. Hardy: Ce n'aurait pas été le ministre, cela aurait été la loi.

M. Charron: Oui.

M. Hardy: Quand on aurait été placé devant un cas... Entre autres, je pense à ce que les producteurs nous ont dit: Si on est placé devant un cas où, vraiment... Je ne me rappelle plus les exemples concrets. Il y a la SDICC... où il y a des fonds du fédéral qui ont contribué à faire un film.

M. Charron: Ah oui! D'accord! Les critères...

M. Hardy: Les critères, dans la loi, disparaissent.

M. Charron: ... qu'utilisera l'institut pour fixer un film québécois, ce seront la conception, le financement, la réalisation, les interprètes du film, et c'est à partir d'un certain dosage de tous ces critères qu'un film sera dit "québécois" ou ne sera pas "québécois".

M. Hardy: C'est ça.

M. Charron: Et vous laissez à l'institut le soin d'établir le dosage entre ces différents critères.

M. Hardy: Exactement! Je pense que cela devrait répondre aux voeux de l'Opposition qui prétend toujours qu'on ne donne pas suffisamment de liberté, d'autonomie au milieu. Je pense que c'est un cas où on confie une grande autonomie au milieu cinématographique.

M. Morin: M. le Président, on nous a dit, il y a un instant, qu'il s'agissait de faire preuve de sou-

plesse, parce que, dans certains cas, par exemple, le financement pourrait venir de la SDICC en partie. Dois-je comprendre que le ministre accepte l'idée que le financement des films québécois puissent, dans l'avenir, continuer à venir d'organismes fédéraux?

M. Hardy: C'est-à-dire que j'accepte la possibilité qu'il y ait des ententes entre l'institut... L'Institut peut conclure des ententes avec un organisme fédéral ou avec d'autres organismes. La liberté de l'institut est très grande.

Notre idéal, ou ce que nous espérons arriver à faire, c'est que, précisément, tout l'argent que la SDICC consacre au cinéma québécois, le soit par l'intermédiaire de l'institut, c'est-à-dire qu'au lieu que la SDICC fasse ce qu'elle fait actuellement, financer directement des films... Nous avons déjà commencé. Des entrevues ont déjà eu lieu — je l'ai dit hier — entre des fonctionnaires, des représentants de la SDICC du secrétariat et Me Gourd.

Dans cette perspective, au lieu que la SDICC finance, individuellement des films, si elle a $3 millions à consacrer, annuellement, au Québec, que ces $3 millions soient versés à l'institut et ce sera l'institut qui administrera ces $3 millions.

M. Morin: Mais, si par hasard, pour des raisons qui échappent au ministre, comme elles échappent au gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral ou la SDICC décide de ne pas conclure de telles ententes et continue de financer directement des films au Québec.

M. Hardy: Voici un exemple très concret. Supposons que l'institut a un projet de film québécois, c'est-à-dire qui répond aux critères que l'institut a déterminés comme étant des films québécois, et si la SDICC veut participer, financièrement, à ce film qui est accepté par l'institut, je n'y vois pas d'objection.

Selon une thèse d'ailleurs que certains de vos membres professent assez fréquemment, aussi longtemps que nous payons des taxes au fédéral, i! est normal que nous retirions... Ce qui est toujours important, c'est que la décision, la maîtrise d'oeuvre soit entre les mains des Québécois. Or, s'il s'agit d'un film que l'Institut québécois du cinéma a décidé de coproduire ou dans lequel l'Institut québécois du cinéma a décidé d'investir, donc la décision première a été prise par l'Institut québécois du cinéma. Une fois que ce film est reconnu comme québécois, si l'organisme fédéral y met des fonds, je ne vois pas en vertu de quel fétichisme on refuserait ces fonds.

M. Morin: II ne faudrait pas parler de souveraineté culturelle, tout de même, à ce moment.

M. Hardy: Ecoutez. Si vous voulez qu'on s'engage là-dessus... Je vous ai dit hier et je continue à croire que, là-dessus, vous êtes très près de M. Gérard Pelletier...C'est toujours ce que j'ai trouvé assez bizarre dans votre position. Gérard Pelletier, vous et la majeure partie ties gens du Parti québécois avez une conception du I9e siècle sur la souveraineté. J'attends que vous arriviez au 20e.

M. Morin: Nous savons une chose. Quand un gouvernement prend des décisions à la place d'un autre, on ne saurait, ni au 20e, ni au I9e, ni jamais, parler de souveraineté.

Je dois comprendre — pour en finir avec ce point — que la définition du film québécois n'exclut pas l'intervention financière d'un organisme fédéral, directement, et sans contrôle éventuel de l'office québécois.

M. Hardy: C'est l'institut qui décidera. M. Morin: ... de l'institut. M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 2.

M. Hardy: Je propose que l'on supprime le paragraphe h) de l'article 2.

Le Président (M. Kennedy): De l'article 1.

M. Hardy: De l'article 1, pardon. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de définir salle de cinéma. C'est une chose qui est de notoriété publique, reconnue par tous; alors cet article nous semble inutile.

Le Président (M. Kennedy): Article 2. Politique cinématographique

M. Hardy: A l'article 2, M. le Président, je propose de remplacer le deuxième alinéa par le suivant: Le ministre encourage l'industrie québécoise du cinéma; l'Institut québécois du cinéma oeuvre pour la réalisation du même objectif dans le cadre des ententes qu'il conclut avec le ministre. Il n'y a pas de changement substantiel, c'est plutôt un changement de rédaction.

M. Charron: M. le Président, je suis disposé à adopter cet amendement, mais à proposer immédiatement de le sous-amender à nouveau, comme je vous l'ai suggéré tantôt. Nos amendements on été rédigés sur les nouveaux amendements du ministre. Il s'agirait, M. le Président de biffer les quatrième et cinquième lignes du deuxième alinéa de l'article 2, celui-là même que le ministre vient d'introduire dans le texte de la loi, les derniers mots: "Dans le cadre des ententes qu'il conclut avec le ministre." Cela nous paraît utile pour deux raisons. La première c'est que nous ne sommes pas favorables à ce genre de contrat qu'on nous a annoncé entre l'institut et le ministre des Affaires culturelles et, d'autre part, à l'aspect même de cet article 2, M. le Président, même si l'institut devait conserver ce rôle d'entente avec le ministre des Affaires culturelles, l'article 2 ne nécessite pas cette référence particulière aux ententes que nous aurons ailleurs. Il me semble que "le ministre en-

courage l'industrie québécoise du cinéma, et l'Institut québécois du cinéma oeuvre pour la réalisation du même objectif" nous apparaît suffisant.

M. Hardy: M. le Président, c'est évident qu'il y a là — on revient un peu au débat de deuxième lecture — une question de principe. L'Opposition ne veut pas qu'il y ait de contrat entre le ministre et l'institut sous prétexte que ce contrat pourrait constituer une entrave à l'autonomie ou une limitation de l'autonomie de l'institut.

Je répète que les deux principes majeurs dans ce domaine qui inspire cette loi et qui nous a inspirés. C'est que, d'une part, nous voulons accorder le maximum d'autonomie possible à l'institut. Par exemple, ce n'est pas le gouvernement, ce n'est pas le ministre qui, comme on l'a vu tantôt à l'article I, va déterminer ce qu'est un film québécois. Ce n'est pas le ministre qui va déterminer quel film on va subventionner; donc, toutes les craintes d'intervention politique d'empêcher un film qui pourrait énoncer des principes ou des idées qui vont à l'encontre de ceux du parti au pouvoir, sont éliminées.

Mais il reste quand même que nous sommes dans un régime démocratique et à certains moments, on semble l'oublier. Il reste quand même que les grandes orientations d'une politique... Evidemment, je sais que ça pose des problèmes dans le domaine culturel, mais quand on accepte d'avoir un ministère des Affaires culturelles et quand on accepte d'avoir une politique culturelle, il faut accepter ces contraintes.

Les grandes orientations d'une politique culturelle doivent être données par l'expression politique de la collectivité qui communie à cette culture. Or, le contrat n'a pour objectif que de déterminer ce cadre général. Le contrat ne dira pas à l'institut quelle sorte de film il doit subventionner, mais ce seront les grandes orientations, à partir des besoins exprimés par la population. Encore une fois, quand on regarde le débat qui s'est déroulé depuis douze ans et plus particulièrement depuis le dépôt de la loi, le député de Saint-Jacques admettra avec moi que ce débat a été surtout centré sur les professionnels du cinéma et que le public dans tout cela a été pas mal oublié.

Chacun a pensé à son intérêt, les réalisateurs ont pensé à leur intérêt de réalisateur. Ce n'est pas péjoratif ce que je dis là, mais c'est ainsi, les producteurs, les propriétaires de salle, chacun a pensé à ses intérêts et la collectivité, qui a parlé au nom de la collectivité? Et qui est mandaté pour parler au nom de la collectivité, sinon ce Parlement et le gouvernement qui en est l'expression?

Or, la collectivité... Encore une fois c'est le gouvernement qui doit déterminer quelles doivent être les grandes orientations, c'est-a-dire qu'on peut se rendre compte que le problème fondamental, à un moment bien précis, c'est la distribution encore plus que la production de films.

C'est le problème actuellement avec l'organisme fédéral. On a produit des quantités de films que personne ne voit, parce qu'il n'y a pas de distribution.

On fait des films, on investit des millions pour des films qui restent sur les tablettes.

Ce sera précisément le rôle du contrat à intervenir. Si c'est un contrat, donc, ce sera négocié. Ce n'est pas une décision unilatérale, ce n'est pas un décret. C'est un contrat que le ministère va négocier avec l'organisme qui s'appelle l'Institut québécois du cinéma et on déterminera...

On a parlé d'un contrat annuel, on nous a représenté qu'il serait peut-être préférable que le contrat soit sur une période plus longue. Par exemple, certaines grandes productions peuvent s'échelonner sur plus d'un an. Alors, un contrat annuel serait peut-être trop restrictif.

Mais le contrat déterminera les grandes orientations, quelle sera la partie du budget qui sera consacrée à la distribution, à la production, aux prix d'excellence. C'est cela que le contrat va faire.

Je vous le dis tout de suite, il n'est pas question pour nous de renoncer à cet instrument, à moins...

M. Morin: ... de contrôle.

M. Hardy:... jusqu'à un certain point, oui. Mais est-ce que le gouvernement est l'expression de l'ensemble de la collectivité, oui ou non? Croyez-vous à la démocratie?

M. Morin: Vous donnez un mandat. En plus de cela, il vous faut un contrat.

M. Hardy: Est-ce que vous croyez à la démocratie?

M. Morin: Pas de la manière que vous la concevez.

M. Hardy: Non?

M. Morin: Sûrement pas.

M. Hardy: Qu'est-ce que c'est la démocratie pour vous?

M. Morin: Vous voulez qu'on ait un beau débat académique? Vous vous croyez de retour sur les bancs de l'école?

M. Hardy: C'est qu'à vous entendre à certains moments, je pense qu'on nage en pleine incohérence. Pas seulement vous, mais ce qu'on lit régulièrement dans les journaux.

Il y a des gens qui, en même temps, nous font des grands discours sur la démocratie. Le retour au peuple. Vous-mêmes, dans votre parti, vous êtes des élus et, à tout moment, vous sentez le besoin de recourir à votre conseil national. Vous faites toujours cela au nom de la démocratie. C'est votre conception de la démocratie, je la respecte, je n'ai pas à vous dire comment fonctionner à l'intérieur de votre parti.

Mais, en même temps que vous posez des gestes semblables, vous en posez d'autres qui les

contredisent totalement. Vous avez une notion, jusqu'à un certain point, péjorative de l'action politique, ou de l'action du gouvernement.

C'est comme si vous viviez encore il y a cinquante ans. Vous pouvez bien ne pas aimer le gouvernement actuel, vous pouvez bien ne pas aimer ses politiques, mais je regrette. Le gouvernement actuel est l'expression de la majorité. Parfois, il arrive qu'un gouvernement soit élu par moins de 50% des voix, mais il arrive que ce gouvernement actuel que vous n'aimez pas, que vous voudriez remplacer, a obtenu plus de 50% des voix des Québécois.

M. Morin: Par quel moyen?

M. Hardy: Par quel moyen? Je pourrais bien parler de vos moyens aussi.

LePrésident (M. Kennedy): A l'ordre! A l'ordre!

M. Morin: C'est parce que là, je vous dirais que c'est vaste.

M. Hardy: C'est vaste, mais ce sont les fondements de ce principe. Par quel moyen? On pourrait s'engager longuement sur ce sujet.

Le Président (M. Kennedy): A l'ordre, messieurs! Revenons à l'article 2 du projet de loi no I.

M. Hardy: M. le Président, il est entendu, je le reconnais, je ne m'en cache pas, je crois que, dans un régime démocratique, les grandes orientations politiques doivent être données par le gouvernement, en matière économique comme en matière culturelle. Le gouvernement doit déterminer le cadre général, doit déterminer les priorités. A l'intérieur de ce cadre général et de ces priorités, bien sûr, il faut laisser le maximum de liberté au créateur, mais jamais nous n'admettrons que le gouvernement doit tout simplement donner des sommes d'argents et demeurer passif devant la préparation d'une politique culturelle, que ce soit en matière de cinéma ou dans d'autres matières.

Ce qui est important, c'est de respecter la liberté du créateur, c'est de ne pas intervenir dans le processus de création, pour des raisons politiques ou autres. Je pense que nous avons prouvé que nous respectons cela. Que le député de Sauvé me donne un seul exemple où il y a eu intervention du ministère des Affaires culturelles pour des raisons politiques. Donnez-moi un seul exemple. D'autre part, je peux vous donner des quantités d'exemples où les critères politiques n'ont pas été pris en considération. Celui qui vous parle est victime, assez fréquemment, d'interventions de membres de son propre parti qui acceptent cela plus ou moins.

Par exemple, quand on a accordé un subvention à Pauline Julien, il est évident que j'ai reçu des quantités de lettres de protestation. Mais, je l'ai répété et je le répète, les critères de politiques partisanes n'interviennent pas dans le processus de décision du ministère. Le ministère se réserve, par exemple, le droit, la prérogative qui est conforme à un régime démocratique, de déterminer les grandes orientations.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Sauvé.

M. Morin: M. le Président, il ne faudrait pas que le ministre déforme les préoccupations dont nous nous faisons les porte-parole. Nous considérons que le mandat qui est donné à l'Institut québécois du cinéma, à l'article 49 de la nouvelle version, constitue un moyen suffisant de contrôle sur un plan législatif de l'activité de l'Institut québécois du cinéma.

C'est une nouveauté que le ministre nous propose ce matin, qu'en plus du mandat qui, lui, définit le cadre d'action et les objectifs que doit poursuivre cet institut, qu'en plus du mandat, on ajoute un contrat, lequel pourrait être moins permanent que le mandat. Quand on veut, comme le soutient le ministre, ne pas intervenir dans le processus de création, quand on veut respecter la liberté d'expression et qu'on veut néanmoins que l'Etat garde un certain droit de regard, on définit un mandat et on le fait par le truchement de la loi. Si, par hasard, l'organisme créé par la loi ne respecte pas ce mandat, on peut revenir devant la Chambre, on peut resserrer le mandat, mais c'est la Chambre qui décide après un débat. Tandis que, lorsqu'il s'agit d'ententes qui viennent s'ajouter au mandat, doubler le contrôle que possède déjà la Chambre sur les activités de l'institut, alors il n'y a plus de contrôle de la Chambre, il n'y a plus de contrôle des élus.

Le ministre commence peut-être à comprendre pourquoi, par souci démocratique, nous croyons qu'il multiplie abusivement les contrôles sur cet institut québécois. L'article 49 définit déjà un cadre très précis pour l'action de l'institut. Pourquoi y ajouter une entente ou des ententes qui seront négociées derrière les portes closes des cabinets ministériels, entre officines de fonctionnaires? Pourquoi ajouter ce contrôle si tant est que le ministre est sincère lorsqu'il nous dit que cet institut aura une autonomie suffisante?

Nous ne sommes pas les seuls à avoir exprimé des craintes à l'égard de la façon que cette loi est conçue de la centralisation qui se dégage de ce texte de loi. Je me réfère à un mémoire que le ministre a sûrement reçu de l'Institut canadien d'éducation des adultes qui, bien que n'étant pas directement intéressé au cinéma, a cru bon d'intervenir, étant donné les principes en cause dans ce projet de loi. On nous dit, à la page 3 de ce mémoire: Les moyens prévus pour assurer la mise en oeuvre de la politique cinématographique peuvent se résumer en deux mots: Centralisation et pouvoirs discrétionnaires. Dans ce projet de loi, le cinéma québécois ne ressort plus comme un bien culturel national, mais comme l'affaire d'un seul homme, je dirais comme l'affaire du gouvernement, ce qui n'est guère mieux.

On ajoute: Le ministre rompt ainsi avec une tradition politique depuis longtemps établie au pays. Selon celle-ci, les gouvernements, lorsqu'ils

entendaient intervenir avec fermeté dans un secteur d'activités où la liberté joue un rôle fondamental, prennent soin de confier à un organisme autonome la mission de réaliser les objectifs visés. La créativité artistique et la liberté d'expression individuelle et collective constituent les enjeux majeurs d'une politique du cinéma. Or, cette liberté créatrice ne sera garantie que par une procédure démocratique basée à la fois sur l'autonomie face au pouvoir politique et sur la participation des publics des milieux impliqués. Alors seulement, la politique cinématographique du Québec favorisera la réalisation des objectifs énoncés dans le projet de loi.

M. le Président, la raison pour laquelle le député de Saint-Jacques a proposé de laisser tomber le membre de phrase qui dit: "Dans le cadre des ententes qu'il conclut avec le ministre", c'est précisément pour assurer l'autonomie de cet institut québécois dont le mandat est défini à l'article 49. Nous ne voyons aucune raison pour laquelle, après avoir clairement défini le mandat de cet institut, le ministre voudrait chaque année, ou peut-être tous les deux ou trois ans, réexaminer, en somme, avec l'institut la façon dont il accomplit ses tâches.

On nous dit que le gouvernement ne désire pas intervenir dans le processus de création, mais je me demande bien ce que va être la négociation de ces ententes. Ce sera un moyen de pression. Oh! bien sûr, non pas un moyen exorbitant, un moyen subtil, un moyen non moins efficace cependant. C'est pour cela qu'en ce qui me concerne, j'appuie fortement la motion d'amendement du député de Saint-Jacques.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Un producteur qui...

M. Hardy: Je peux peut-être répondre tout de suite...

M. Saint-Germain: Seulement une question qui va peut-être aider, s'il vous plaît. C'est dans le même sens.

Un producteur, qui a les moyens financiers de produire un film, peut le faire indépendamment de cet institut.

M. Hardy: Evidemment.

M. Saint-Germain: Alors, il tombe sous les règlements de l'institut exclusivement s'il demande des fonds de l'Etat.

M. Hardy: Vous avez raison. C'est encore là une fausseté qu'on a tenté de répandre en prétendant que le ministre ou le gouvernement mettait la main sur l'ensemble du cinéma. Tous ceux qui voudront produire des films sans l'aide gouvernementale ou sans l'aide de l'Institut québécois du cinéma pourront le faire tant qu'ils le voudront.

Mais, M. le Président, je voudrais revenir aux propos du député de Sauvé.

A l'entendre parler, toujours selon les principes démocratiques, on pourrait déduire que l'institut, formé de sept membres, nommés par des associations bien précises...

M. Morin: Nommés par vous, sur recommandation de. Ce n'est pas la même chose.

M. Hardy: Bien voyons doncl M. Morin: Soyons précis.

M. Hardy: Cessez de faire des "avocasseries" Le ministre est lié, il devient tout simplement... Le lieutenant-gouverneur en conseil devient un estempilleur. Il ne fait que ratifier des noms qui lui sont fournis par des associations. Bon! Mais ce à quoi je veux en arriver, c'est que vous semblez considérer, sur le plan démocratique, que l'institut qui est formé de gens qui sont nommés, à toutes fins pratiques, par des groupes bien déterminés, cet institut est plus démocratique, plus représentatif que l'ensemble du gouvernement. C'est un peu ce que vous prétendez en démocratie. Un gouvernement qui est élu par toute la population, qui doit rendre des comptes à toute la population, lui, est moins démocratique que l'institut, qui va être formé de cinq personnes venant du milieu cinématographique et de deux autres personnes qui devront être approuvées par le milieu cinématographique.

M. Morin: Cela n'a rien à voir. Vous lui donnez un mandat.

M. Hardy: Je vais y venir au mandat. Je vous parle de l'aspect démocratique. Vous en avez parlé, de la démocratie. Je vous dis que c'est une erreur grossière de prétendre que l'institut formé de groupes bien déterminés est plus représentatif, plus démocratique que le gouvernement.

M. Morin: Plus représentatif du milieu, oui.

M. Hardy: Alors, vous tombez dans l'erreur constamment répandue que le cinéma est fait, d'abord, pour le milieu. Or, je regrette, nous nous inscrivons en faux contre cette thèse. Le cinéma, une loi du cinéma est d'abord faite pour l'ensemble de la collectivité, pas pour le milieu...

M. Morin: ... du gouvernement.

M. Hardy:... pour l'ensemble de la collectivité dont le gouvernement est l'expression politique...

M. Morin: Vous en faites la chose du gouvernement. Ce n'est pas la même chose.

M. Hardy: ... que vous aimiez cela ou non. Le gouvernement, c'est le mandataire de la population. Je regrette, c'est ça.

M. Morin: Vous n'êtes pas la population. M. Hardy: Ce n'est pas la population...

M. Morin: Non.

M. Hardy: Ah bon! Ce n'est pas la population qui a élu le gouvernement.

M. Morin: Non. Vous n'êtes pas la population. Je regrette infiniment.

M. Hardy: Nous ne sommes pas les élus de la population, de la majorité des citoyens.

M. Morin: Vous l'êtes, mais ce n'est pas comme cela qu'on assure la participation de la population au cinéma.

M. Hardy: C'est un autre problème.

M. Morin: Ce n'est pas en établissant un contrôle rigide sur l'industrie du cinéma.

M. Hardy: Premièrement, je maintiens que le gouvernement est plus représentatif de l'ensemble de la population qu'un institut. La seule raison pour laquelle nous créons un institut c'est que nous ne voulons pas, dans le processus de création, qu'il y ait d'interventions politiques. C'est la seule raison. Je rappelle au député de Sauvé qu'il s'agit quand même d'un précédent. Il n'y a pas beaucoup de précédents. Ici au Québec, de toute façon, c'est un précédent. Cela ne s'est jamais fait.

Que le gouvernement confie des sommes aussi importantes que celles que nous nous préparons à confier à un institut et c'est cet institut qui va répartir... La tradition, ici au Québec, est que ce sont les différents ministères qui distribuent les subventions.

Or, dans ce cas, le gouvernement donne mandat à un organisme autonome pour distribuer des millions au secteur du cinéma.

C'est le député de Saint-Jacques, hier, qui, modérément, mais, avec un certain sarcasme, a laissé entendre que nous ne connaissions pas le milieu, que nous ne connaissions pas le cinéma, que nous étions de pauvres ignorants. Mais, le député de Saint-Jacques et le député de Sauvé sont-ils au courant que, dans un des pays les plus évolués sur le plan économico-social et l'un des pays qui est à la tête d'affiche sur le plan du cinéma, il existe un semblable contrat en Suède entre le gouvernement et l'institut, contrat qui est révisé, périodiquement, pour s'ajuster aux situations?

Vous savez aussi bien que moi qu'on n'amende pas une loi à tous les ans ou à tous les six mois. Une loi a un certain caractère de permanence.

Or, nous sommes précisément dans le domaine du cinéma, dans un domaine extrêmement mouvant, extrêmement changeant où les conditions, où les situations peuvent se modifier d'une année à l'autre.

Or, il est important que l'action de l'institut colle le plus possible à la réalité, s'ajuste le plus possible à la réalité. Or, la façon de le faire est de déterminer le cadre général dans la loi et l'application de ce cadre général se fera par un contrat qui s'ajustera constamment à l'évolution de la situa- tion. Et comme je disais tantôt, à un certain moment, cela peut être le secteur de la production qui est déficient. C'est le secteur de la production qui doit recevoir une aide particulière.

A un autre moment, cela sera peut-être la distribution ou cela sera peut-être un autre aspect, la formation des gens du milieu cinématographique.

Or, le contrat a, précisément pour but d'ajuster constamment l'action de l'institut aux réalités concrètes. Ce n'est pas un moyen de contrôle. C'est tout simplement un moyen de faire en sorte que l'action gouvernementale confiée à l'institut s'ajuste aux réalités.

M. Charron: II y a, au fond, le fait que l'argument que nous avons fait valoir hier quant au manque de confiance, revient sur la table ce matin dès l'étude de cet article 2, au moment où nous parlons des ententes à conclure, éventuellement, entre le ministère et l'institut qui sera créée. Lorsque le ministre donne comme premier argument, à la défense de son intention, en plus du mandat déjà clair dans la loi, d'exiger le renouvellement d'un contrat annuel ou quasi annuel, dans le besoin... Je voudrais me rappeler exactement les paroles qu'il vient de prononcer, "ajustement aux réalités concrètes" au fond, il estime qu'il lui faut cette intervention permanente dans la vie de l'activité de l'institut parce que l'institut ne pourrait pas, avec les membres qu'il aurait lui-même choisis et nommés, de lui-même procéder à une évaluation des réalités concrètes, de leur évaluation et de leur évolution?

M. Hardy: Ils peuvent...

M. Charron: Je m'étonne que le gouvernement pense qu'il n'y a...

M. Hardy: ... de concert avec...

M. Charron:... que lui qui puisse faire intervenir ces éléments d'ajustement aux réalités concrètes.

M. le Président, ce n'est pas l'endroit où nous devons parler de la négociation de ce contrat, puisque la mention directe du contrat existe plus loin. Nous aurons un amendement à cet endroit. La négociation de ce contrat, quant aux grandes orientations d'activités de l'institut, il faudra en préciser les mondalités, car il ne faudrait pas que cette négociation annuelle ou quasi annuelle permette littéralement d'oublier le mandat de l'institut qui est donné dans l'article 49 de la loi, mais en vienne à un réel partage des activités de l'institut.

Quand le ministre dit, par exemple, à un moment donné, que ce sera la production qu'il faudra encourager et, à un autre moment, que nous insisterons dans la négociation pour que l'institut accentue son action dans le domaine de la distribution des films, c'est de façon indirecte, bien sûr, mais cela a un effet très positif ou très négatif, à l'occasion, sur le développement et sur la liberté d'expression. Je ne vois nulle part, dans la loi, de façon clairement exprimée, il va sans dire, que le ministre se permet d'interdire des oeuvres ou de

ne pas les interdire. Personne ne veut revenir à cette époque, personne ne souhaite vivre dans un pays où ce genre d'intervention politique existe et je crois que le ministre lui-même est le premier à ne pas le vouloir.

Mais le genre d'intervention dans l'activité économique et dans l'utilisation des fonds de l'institut, les pressions gouvernementales au moment de la négociation du contrat avec l'institut pour que l'institut consacre une priorité des fonds à cette fin plutôt qu'à telle autre, ont, à long et à court termes, dans l'action annuelle de l'institut, des effets quant à sa liberté de manoeuvre. Si le contrat que signe l'institut avec le ministère stipule que, pour l'année financière 1976//77, le ministère, estimant que l'évolution des réalités concrètes fait que l'institut n'a pas consacré, au cours de l'annnée dernière, suffisamment d'argent à l'accomplissement, par exemple, d'une des mentions de son mandat, à la stimulation et à l'encouragement du développement du cinéma pour enfants au Québec...

C'est le mandat de l'institut. On estime, au niveau du ministère, que cela n'a pas été fait de façon suffisante. On insistera donc, au moment de la négociation du contrat avec l'institut, pour que l'institut accorde — financièrement, pécunièrement, c'est le moyen de pression — plus d'argent à l'accomplissement de cette phase d) de son mandat. Mais cela voudrait dire, M. le Président que si l'institut accepte, dans la négociation, en échange de quoi, là aussi, c'est encore à voir, de se rendre aux arguments du ministère et de s'engager par contrat à consacrer une somme supérieure à ce qu'il a fait au cours de l'année financière précédente pour encourager le développement du cinéma pour enfants au Québec — notez bien que j'ai choisi cet exemple à la lettre — cela voudrait dire que l'institut, à la suite de négociation de son contrat, disposera ailleurs, dans l'accomplissement de son mandat, de moins de fonds parce que, à la suite du contrat qu'il a négocié avec le ministère, il a dû consacrer une bonne partie de ces sommes à l'accomplissement du paragraphe d) de son mandat.

Quand des créateurs arriveront à l'institut, quand des producteurs, en coopérative ou autrement regroupés en vue de la réalisation d'une oeuvre, s'ajouteront à la liste des requérants de l'institut pour soutenir financièrement la création, la production, la distribution, la diffusion, l'exploitation de films québécois de qualité, ils pourront se faire répondre à cette occasion, par l'institut: Je regrette mais nous ne disposons pas de fonds suffisants pour aider votre oeuvre parce que nous ne croyons pas être en mesure de vous préférer à d'autres, ce sont donc d'autres que nous préférons. Etant donné que nous devons, cette année, à cause du contrat qui nous lie avec le ministère des Affaires culturelles, consacrer l'argent, que nous aurions voulu vous donner, à l'accomplissement d'une autre étape de notre mandat, nous ne pouvons pas vous venir en aide cette année.

Donc indirectement, des oeuvres, que peut-être l'institut de lui-même aurait choisies, aurait voulu subventionner...

Ce n'est pas la responsabilité des artistes à l'origine d'un projet cinématographique du fait qu'ils arrivent treizième, quinzième ou troisième sur une liste de requérants d'aide financière, ce n'est pas leur faute à eux si l'institut, à un autre moment s'est trouvé dans l'obligation de transférer des fonds à l'accomplissement d'un autre aspect de son mandat, que ce soit celui de stimuler ou d'encourager la formation et la recherche, l'innovation dans le domaine cinématographique et audio-visuel. De la même façon, des gens du milieu cinématographique qui voudraient profiter de ce paragraphe e) du mandat de l'institut pourraient se faire dire à une autre occasion: Ecoutez, le ministère nous a dit par le contrat qu'on a lié de ne pas accorder plus que cela cette année et nous devons plutôt encourager la distribution. Bien! M. le Président, c'est comme ça qu'on intervient dans la liberté de création et dans la liberté d'expression et dans la liberté d'action de l'institut.

En fait, nous reprendrons le débat lorsque nous ferons... L'article 2 ne fait que mention des sentences, nous ne sommes pas à l'article qui les autorise et qui les crée. Mais je pense avoir compris un tant soit peu, partiellement...

M. Hardy: Vous avez compris, ce que vous dites est vrai.

M. Charron: ...comment, par ce contrat annuel, on pose les guides, on pose les bornes, on pose les pôles de l'action de l'institut lui-même. Et, le chef de l'Opposition est parfaitement légitimé de dire que c'est une intervention dans le fonctionnement autonome de l'institut. En ce sens, nos craintes, quant à cette obligation de renouveler annuellement des ententes et des contrats, peuvent nous apparaître justifiées et être soulignées ici ce matin.

M. Hardy: Mais, M. le Président, ce que le député vient de dire sauf quand il dit que c'est une intervention dans l'autonomie de l'institut, c'est exact, mais c'est ça une politique culturelle. Une politique culturelle, c'est le choix de priorités. Si nous avons décidé, depuis un an ou un an et demi d'accorder beaucoup d'intérêt à la créativité de l'ensemble des citoyens, de ne pas consacrer tout notre budget des arts d'interprétation aux grandes troupes de théâtre, à la musique symphonique, si nous avons décidé d'aider des chorales, d'aider des troupes de théâtre d'amateurs, c'est bien sûr qu'en ce faisant, nous en enlevons à d'autres. C'est évident, parce que le gâteau est là et ce que vous donnez aux uns, vous l'enlevez aux autres. Mais c'est ça une politique culturelle et c'est ça le mandat et le devoir d'un gouvernement qui prend ses responsabilités, de fixer de grands critères, de grandes orientations et c'est la même chose dans le domaine du cinéma. C'est évident qu'à un moment donné, si nous considérons, à partir des statistiques que nous allons recevoir chaque anhée, la loi nous donne l'autorisation de recevoir des statistiques... Or, si comme gouvernement ou à la suite des représentations de la population, nous en venons à la conclusion qu'un secteur du ci-

néma est délaissé... Vous avez donné l'exemple du cinéma pour les jeunes, ça peut arriver, mais c'est ça une orientation politique en matière culturelle ou autre. Je ne me cache pas que nous voulons donner cette orientation comme nous la donnons dans d'autres secteurs.

Mais là où vous vous trompez quand vous parlez de contrat, vous parlez toujours de contrat comme si c'était une décision unilatérale du gouvernement. L'évaluation va se faire par les deux; d'un côté, il y aura l'institut qui représentera le milieu ou l'industrie et de l'autre côté, il y aura le gouvernement qui représente l'ensemble de la population. Ce sont ces deux centres de décision qui, ensemble, vont évaluer une situation, vont discuter entre eux, vont négocier et vont arriver à coucher dans un contrat le consensus auquel ils vont arriver.

C'est évident que les réalisateurs, les producteurs, les propriétaires de salle, les comédiens ont une perception de la réalité qui n'est pas tout à fait celle de l'ensemble de la collectivité. Encore une fois, la seule autorité, le seul organisme, le seul centre de décision qui est vraiment représentatif de l'ensemble de la collectivité, c'est le gouvernement, parce que c'est lui qui doit rendre des comptes à la population.

Si les consommateurs de films trouvent que la politique du gouvernement ou la répartition des fonds ne répond pas à leurs besoins, ce n'est pas à l'Institut du cinéma qu'ils iront demander des comptes. C'est au gouvernement. C'est aux députés qui sont élus. C'est à eux. C'est eux qui devront rendre des comptes.

Donc, l'évaluation doit se faire, et par le milieu, c'est-à-dire les spécialistes, et par l'ensemble de la collectivité, par l'intermédiaire de ceux qui sont élus normalement.

Je rappelle aux membres de l'Opposition que l'Union des artistes, les producteurs — je nomme ces deux-là entre autres; je pourrais parler des propriétaires de salles, des distributeurs — ne nous ont pas dit qu'ils étaient contre l'esprit du mandat.

Les producteurs nous ont demandé d'apporter certaines modifications aux articles traitant du mandat. Nous avons retenu leurs suggestions. Mais le milieu cinématographique, même M. Dan-sereau, qui s'est présenté devant le député de Saint-Jacques et qui est venu me rencontrer également, M. Dansereau, l'un des membres de l'exécutif de l'Association des réalisateurs, ne m'a rien dit contre le contrat.

Donc, pourquoi faire tant d'éclat avec l'idée de ce contrat? Le milieu même, le milieu qui a vraiment voulu discuter de la loi — je ne parle pas du milieu qui a décidé d'en faire un objet politique, un objet de pression politique, il a même refusé totalement toute discussion — cette partie du milieu cinématographique majoritaire, qui a accepté de discuter avec nous de la loi, ne s'est pas prononcé contre le contrat, mais nous a tout simplement demandé d'apporter certains ajustements, certaines modifications.

M. Morin: Ils ont énoncé constamment la mainmise du pouvoir.

M. Hardy: Qui?

M. Morin: Est-ce que je dois vous citer des extraits, par exemple, du mémoire de la Société des auteurs et compositeurs sur le fait que vous contrôlez, que vous arriverez, de la sorte, à contrôler presque tous les organismes.

M. Hardy: M. le Président, vous citez la Société des auteurs et compositeurs. Voici une association qui a refusé systématiquement de dialoguer avec le ministre sur la loi. Voici un organisme qui a décidé d'en faire une question politique, qui n'en veut pas de Loi sur le cinéma, tout comme l'Association des réalisateurs.

Je vous le dis tout de suite...

M. Morin: C'est inexact.

M. Hardy: Je vous le dis tout de suite...

M. Morin: C'est inexact.

M. Hardy: Ce n'est pas inexact, c'est vrai.

M. Morin: Ils ne veulent pas de votre loi, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Hardy: Ils n'ont pas voulu discuter. Je les ai convoqués à deux reprises, pour venir discuter de la loi, pour venir nous dire ce qu'ils ne voulaient pas.

C'est comme ce M. Warren de Québec, qui a fait... Evidemment, cela va bien à la télévision. Quand je l'ai rencontré, il n'a pas été capable de rejeter mes arguments. La semaine suivante, il était tout seul, ex parte. Là, cela allait bien pour dénoncer le ministre.

Mais quand le ministre a été en face de lui, il n'a pas été capable de me répondre.

Ce même M. Warren, que j'ai invité devant 25 personnes, vous prétendez que l'esprit de la loi est mauvais? Vous prétendez qu'il y a des choses qui ne sont pas bonnes dans la loi? Venez, M. Warren, lundi matin. Nous vous invitons à venir nous faire vos propositions. Jamais on ne l'a vu, ce M. War-ren.

Parce qu'il s'agit de gens — et je le répète, je ne crains pas de le répéter — de la Société des auteurs-compositeurs, de l'Association des réalisateurs qui n'ont pas voulu discuter sérieusement de la loi. Ils ont voulu en faire une question politique et strictement de politique partisanne.

Donc, M. le Président, leur mémoire et leur intervention m'impressionnent très peu.

M. Charron: M. le Président...

M. Morin: Les principaux intéressés cela n'a pas d'importance.

M. Charron: M. le Président, je voudrais revenir à...

M. Hardy: Cela n'a pas d'importance, parce qu'ils ont lait passer le cinéma au deuxième plan. Leur premier objectif était la politique. Le cinéma venait bien après leur premier objectif qui était la politique.

M. Charron: M. le Président, je voudrais revenir à l'affirmation à caractère un peu plus général qu'a fait le ministre avant de faire le procès de ses invités.

M. Hardy: De vos invités.

M. Charron: La politique culturelle, comme il l'a définie, ce qu'est une politique culturelle. Reprenant l'exemple que je lui avais donné du fonctionnement de l'institut lié par contrat au ministère il m'a répondu que c'était cela une politique culturelle.

Une politique culturelle constitue, pour un gouvernement, à fixer les grandes orientations d'intervention et d'action dans un domaine. C'est lui qui dispose des cordons de la bourse. Il peut donc, à partir de ce moment, fixer les grandes orientations.

Une politique culturelle peut aller au besoin, que ce soit le gouvernement qui choisisse les hommes responsables de l'accomplissement et de la réalisation de ces grandes orientations.

Une politique culturelle, cela veut dire aussi le partage le gâteau selon des priorités que l'on s'est données.

Je conviendrai de cela, avec le ministre des Affaires culturelles. Je dis, M. le Président, que tout cela est déjà fait et amplement dans la loi I. Les grandes orientations que le gouvernement entend se donner en matière cinématographique, elles existent à plusieurs endroits dans la loi, mais elles existent de façon très spécifique dans les articles 49, 50 et 51 de la loi.

M. Hardy: Me permettez-vous une question? M. Charron: Oui.

M. Hardy: En vertu de cette loi, n'est-il pas vrai que l'institut pourrait décider, un bon jour, pendant cinq ans, dix ans ou quinze ans, de consacrer tout son budget à produire des films comme le fait la SDICC actuellement et uniquement à produire des films, en ne s'occupant pas du tout de la distribution?

M. Charron: C'est faux, M. le Président, parce que la loi...

M. Hardy: C'est notre interprétation juridique.

M. Charron: ... à l'article 49, fixe bien clairement le mandat qu'a à accomplir l'institut.

M. Hardy: II n'est pas obligé de faire chacune des choses.

M. Charron: II est dit, en plus de cela, de façon très vague, mars quand même, à l'article 81 a) de la loi, M. le Président:Le lieutenant-gouverneur en conseil peut nommer une ou plusieurs personnes pour administrer provisoirement l'institut pour une période de 60 jours — . il y a d'autres dispositions qui lui permettent d'étendre cette administration provisoire — si l'institut a outrepassé le mandat, si l'institut fait une dépense, s'il a raison de croire que l'actif de l'institut a fait l'objet d'un détournement — ce qui est normal — et s'il a raison de croire qu'il y a eu faute grave, notamment malversation ou abus de confiance." Le paragraphe a) de cet article 81 permet au ministre de vérifier l'accomplissement du mandat qui est donné à l'institut.

Le rôle d'un gouvernement en matière de politiques culturelles est, comme l'a dit le ministre, de fixer les grandes orientations. C'est fait dans l'article 49. De nommer les personnes responsables de la direction de cet institut, après consultation du milieu cinématographique, c'est aussi fait dans la loi actuelle. De partager le gâteau des richesses collectives, c'est aussi fait dans le budget que le ministre va avoir à donner à l'Institut du cinéma. C'est lui qui décidera à ces moments. Mais, quand il dit que le contrat sera une négociation, ce sera une négociation comme entre patron et employé, car, si l'employé, de l'autre côté, insiste pour que l'accomplissement de ce mandat se fasse de façon prioritaire, dans un endroit plutôt que dans l'autre, il devra obtenir la permission financière de le faire. C'est dans ce sens que cela nous apparaît comme une entrave supplémentaire et inutile à l'accomplissement de ce qui est déjà donné et qui lui permet de faire cette intervention législative.

Quand le ministre nous donne l'exemple des chorales et des troupes de majorettes qu'il peut, à l'occasion, décider...

M. Hardy: Vous êtes contre cela?

M. Charron: ... d'aider ou de ne pas aider, je suis parfaitement d'accord sur cette priorité, qu'il puisse donner...

M. Hardy: Ne tombez pas dans les travers du juge Vadeboncoeur.

M. Charron: ... mais, est-ce que le ministre, quand il subventionne ces groupes, peut aller, à l'occasion, jusqu'au choix des oeuvres que ces groupes vont faire?

M. Hardy: Bien non!

M. Charron: Jamais, il est le premier à ne pas vouloir le faire.

M. Hardy: Pas plus que là.

M. Charron: Dans ce domaine, lorsqu'il remet à l'institut l'accomplissement d'un mandat, lorsqu'il choisit les hommes qui ont à l'accomplir, lorsqu'il est responsable du budget et de tout l'argent dont va disposer cet institut pour agir dans le

domaine du cinéma, il dispose suffisamment de moyens pour s'assurer des grandes orientations de l'action cinématographique de l'institut, sans qu'il ait à contrôler annuellement si l'institut fait ceci ou fait cela et quelle priorité il doit donner à ceci et quelle priorité il doit donner à cela. C'est cela, le gros de notre position sur cette question.

M. Hardy: Le problème c'est que, justement, on est en désaccord sur l'interprétation juridique. Vous avez parlé de l'article 81 où le ministre peut intervenir, ce n'est justement pas vrai. Je comprends pourquoi vous trouviez que l'article 81 était épouvantable, mettait en tutelle, si c'est votre interprétation, mais ce n'est pas cela. Même si, un jour, l'institut décidait — supposons qu'il n'y ait pas de contrat — d'accorder 95% de son budget à la production et 5% aux autres aspects de son mandat, il va se conformer à la loi, mais il ne se conformera pas nécessairement aux besoins culturels de la collectivité.

L'article 81, quand on parle d'outrepasser le mandat, c'est si l'institut décidait de se lancer dans la spéculation immobilière. C'est cela outrepasser son mandat. Mais si vous n'avez pas de contrat dans le mandat général défini par la loi, il peut très bien arriver que l'institut décide de prendre 95% de son budget à la production et d'en consacrer seulement 5% à la distribution et à tous les autres aspects de son mandat. L'institut aura respecté la loi, mais il n'aura pas nécessairement respecté les grandes orientations que la collectivité veut se donner en matière de cinéma.

M. Charron: Au fond, si je comprends bien, le mandat que l'on lit à l'article 49 de la loi, c'est beaucoup plus votre mandat à vous que le mandat de l'institut, dans le sens que c'est...

M. Hardy: Le mandat que le Parlement lui donne.

M. Charron: Oui, mais écoutez bien ce que je veux vous dire. De grâce, ne m'interrompez pas, vous aurez l'occasion de me répondre après.

M. Hardy: Je vais essayer.

M. Charron: Vous dites: L'institut a pour devoir de faire a, b, c, d, e. Comme vous estimez qu'il y a danger qu'on accorde priorité budgétaire.et, d'attention, d'énergie à l'intérieur de l'institut à 95% par exemple dans un cas, et les miettes dans l'accomplissement du restant du mandat, au fond, ce que vous faites à l'article 49, c'est vous permettre un cadre législatif lors des négociations. Ce qui est plus important...

M. Hardy: Oui, le contrat ne pourrait pas aller au-delà de cela.

M. Charron: Parce que vous n'avez pas confiance que l'institut se rende compte que ce serait absolument anormal quand il a un mandat a, b, c, d, e,de consacrer 95% à a). Vous croyez que cette situation est possible et à ce point possible que vous vous gardez le droit d'intervenir en fonction des droits que vous vous serez donnés vous-même à l'article 49 — ce sont vos droits, ce ne sont pas les droits de l'institut, à l'article 49 — pour lui dire: Ecoutez, vous êtes obligés d'accomplir la mission e) comme la mission a). C'est là que réside, à mon avis, l'absence de confiance.

M. Hardy: Ce n'est pas une question de confiance. C'est une question que l'institut qui représente l'industrie, le milieu, les professionnels du cinéma peut avoir une perception légitime. C'est un peu comme si on disait que c'est le Barreau qui va faire toutes les lois à partir d'aujourd'hui. Il a sa perception, il a son expertise qui est très importante, mais je dis que la collectivité a aussi le droit de se prononcer. C'est cela, la démocratie. C'est cela que nous niez au fond. Si on allait au tréfonds de vos idées, c'est que vous refusez à la collectivité de pouvoir se prononcer sur les grandes orientations en politique cinématographique. Or, je dis non. La collectivité a le droit de se prononcer et elle va se prononcer par l'intermédiaire de ses mandataires.

M. Morin: C'est parce que vous vous prenez pour la collectivité.

M. Hardy: En matière culturelle, je me prends comme le porte-parole de la collectivité, oui. Aussi longtemps...

M. Morin: Mais vous n'assurez en aucune façon la participation de la collectivité.

M. Hardy: M. le Président, je regrette, ce sont nos institutions. Tant qu'elles seront là, elles seront là. Peut-être qu'on pourrait trouver des meilleurs moyens d'assurer la représentativité de la collectivité, mais en ce moment, il n'y en a pas d'autre.

M. Morin: Pourquoi n'en avez-vous pas instauré dans le projet de loi?

M. Hardy: La représentativité de l'ensemble de la collectivité du peuple québécois, à l'heure actuelle, c'est le Parlement, c'est le gouvernement, l'exécutif qui est issu de ce Parlement, et en matière culturelle, le mandataire de la collectivité, c'est celui qui vous parle, aussi longtemps qu'il aura la confiance de la Chambre et aussi longtemps que la Chambre aura la confiance de la population. C'est cela le mécanisme de nos institutions. Si un jour, c'est vous qui êtes là, on respectera votre mandat. Evidemment, quand je vous entends parler, je soupçonne que vous êtes convaincu que vous n'aurez jamais ce mandat tellement vous êtes pessimiste, mais pour le moment, c'est de cette façon. Ce ne sont pas les milieux cinématographiques, ce ne sont pas les propriétaires de salles, ce ne sont pas les producteurs, ce ne sont pas les réalisateurs, ce ne sont pas les comédiens, ce ne sont pas ces gens qui sont comptables, qui sont responsables, qui sont

les mandataires de l'ensemble de la collectivité. Les mandataires de l'ensemble de la collectivité, ce sont ceux qui sont élus dans ce Parlement et c'est le gouvernement, l'exécutif qui est issu de ce Parlement. C'est comme cela.

M. Morin: C'est une drôle de conception de la démocratie, particulièrement en ce qui concerne le cinéma. Si vous aviez assuré la participation populaire, si vous aviez créé des mécanismes pour assurer la participation de la population, on aurait pu vous prendre au sérieux, mais de la façon que vous fonctionnez, ce n'est pas cela.

M. Hardy: Le mécanisme populaire?

M. Morin: Oui, si vous aviez, comme on vous l'a demandé dans certains cas, trouvé le moyen d'associer, d'assurer une participation...

M. Hardy: On en a.

M. Morin: ... des consommateurs.

M. Hardy: Deux personnes sur sept.

M. Morin: Oui? Vous croyez que c'est suffisant, vous croyez que cela va vraiment répondre aux besoins? On vous dit que vous avez assuré par ce projet de loi le contrôle du gouvernement, et non pas le contrôle de la population sur cette industrie et sur cet art.

M. Hardy: Le gouvernement, c'est qui, ça? M. Morin: C'est vous.

M. Hardy: Est-ce que le gouvernement est étranger à la population? Est-ce un corps étranger à la population, le gouvernement? C'est ça, votre thèse? Est-ce que vous êtes un tenant du corporatisme?

M. Morin: Pas du tout. Le ministre veut faire dévier la discussion.

M. Hardy: Bien non, je...

M. Morin: Nous lui disons simplement que, s'il avait voulu, honnêtement, assurer la participation de la population et être vraiment le porte-parole de ce secteur important de la population que sont les créateurs, il n'aurait pas procédé de la sorte. Il n'aurait pas créé des organismes qu'il tiendra dans sa main. Voilà ce que nous vous disons.

M. Hardy: A ce moment, c'est tout le milieu cinématographique. Si on avait assuré, comme vous dites, moitié-moitié, c'est ça que vous voulez? 50% du milieu cinématographique, 50% de l'ensemble de la population? Par quel mécanisme allez-vous trouver les gens de la population? Qui va les désigner? Quelles seront les instances qui vont désigner... Qui, vraiment, de représentatif va désigner les représentants de la population? Dites-moi ça!

M. Morin: II y a plusieurs... M. Hardy: Donnez-moi... Je vous écoute. M. Morin: Est-ce que le ministre veut que... M. Hardy: Oui, je vous écoute.

M. Morin: Est-il prêt à prendre des sugges-stions en considération ?

M. Hardy: Je vous demande de me dire à quelle instance on devrait s'adresser pour avoir des mandataires de l'ensemble de la population..

M. Morin: II y a plusieurs façons de procéder. D'abord...

M. Hardy: Dites-moi ça!

M. Morin: ... rendez cet institut autonome...

M. Hardy: Vous ne répondez pas à ma question.

M. Morin:... supprimez les ententes...

M. Hardy: Vous ne répondez pas à ma question.

M. Morin: ... entourez-les d'un conseil consultatif...

M. Hardy: Vous ne répondez pas à ma question.

M. Morin: Je réponds directement à votre question.

M. Hardy: Non.

M. Morin: Rendez-le autonome, et entourez-le d'un conseil consultatif très large, et vous atteindrez, déjà, beaucoup mieux les objectifs dont nous parlons.

M. Hardy: Ne faites pas dévier la discussion. Vous prétendez qu'il y aurait possibilité que la population soit mieux représentée au sein de l'institut. C'est ça que vous... N'essayez pas de prendre le travers des champs.

M. Morin: Non. Je dis...

M. Hardy: Vous prétendez que l'institut pourrait être plus représentatif de la population.

M. Morin: Non, j'ai dit...

M. Hardy: Or, je vous demande comment y arriver?

M. Morin: ... en deux temps. Premièrement, rendez l'institut autonome. C'est la première condition. Parce que tant que vous le tiendrez dans votre main...

M. Morin: Pourquoi ne le faites-vous pas maintenant?

M. Hardy: Vous m'avez dit tantôt que je ne fais pas confiance à l'institut. Moi, je fais suffisamment confiance à l'institut...

M. Morin: Vous le tenez dans votre main.

M. Hardy: Mais comment?

M. Morin: Par la voie des ententes.

M. Hardy: Le comité consultatif ne sera pas lié par la voie des ententes pour faire des recommandations au ministre. Le comité consultatif pourra faire... L'institut pourra faire toutes les recommandations qu'il voudra bien faire au ministre. Ce n'est pas dans le contrat.

M. Morin: A l'intérieur de...

M. Hardy: Le contrat, c'est uniquement pour la répartition du budget.

M. Morin: Et vous croyez que cela n'influencera pas les décisions de l'institut?

M. Hardy: De plus, l'institut, parce que c'est une corporation autonome, au sens du code civil, qui a le pouvoir de faire tous les règlements qu'il veut bien se faire, pourra se donner un comité consultatif, s'il en sent le besoin.

M. Charron: M. le Président, mon amendement.

M. Hardy: II devrait être rejeté.

On est prêt à voter. Rejeté sur division?

M. Charron: Oui, M. le Président

Le Président (M. Kennedy): L'article 2, tel que modifié, adopté. Article 3.

M. Hardy: A l'article 3, M. le Président, je propose de remplacer, dans la première ligne du paragraphe a), les mots "la mise en place", par les mots "l'implantation et le développement". Cela ne change rien quant à la substance, mais cela reconnaît qu'il existe déjà une infrastructure. Notre premier texte ne reconnaissait pas suffisamment, je pense, ce qui existe déjà dans le milieu cinématographique. Il sagit tout simplement de reconna-tre cete situation.

Bien non, le sous-amendement du Parti québécois a été rejeté sur division.

Alors, est-ce que l'amendement que je viens de proposer... Cet amendement était au paragraphe 1) de l'article 3.

M. Charron: Au paragraphe a).

M. Hardy: Au paragraphe a), oui. Peut-être que

M. Hardy: Cela ne change pas sa représentativité.

M. Morin: ... Bon! Assurez une meilleure représentativité...

M. Hardy: Comment?

M. Morin: Par exemple: Ce n'est pas le ministre qui nomme les membres de l'institut ou qui les choisit. C'est une autre façon, et troisièmement, ajoutez à cela...

M. Hardy: Qui va les nommer?

M. Morin: Vous pouvez très bien faire en sorte que le gouvernement n'intervienne que pour sanctionner un choix qui est fait par...

M. Hardy: Mais c'est ça qu'on fait! M. Morin: Non. Vous choisissez... M. Hardy: Bien non!

M. Morin: Vous le savez bien. Vous choisissez parmi des listes qui vous sont données.

Troisièmement, entourez donc cet institut d'un conseil consultatif très large.

Le Président (M. Kennedy): Article 2, adopté tel qu'amendé?

M. Hardy: Vous n'êtes pas capable de répondre à ma question.

M. Morin: Bien, je pense que je vous ai...

M. Hardy: Vous ne répondez pas plus à ma question que les gens qui se sont présentés devant vous...

M. Morin: ... donné trois éléments de réponse...

M. Hardy: ... qui sont allés voir le député de Saint-Jacques, qui ont présenté des mémoires vagues, imprécis...

M. Morin: Etes-vous prêt... M. Hardy:... les seuls...

M. Morin:... à créer un comité consultatif, très large?

M. Hardy: L'institut va constituer un comité consultatif.

M. Morin: Ah oui!

M. Hardy: Si on en a besoin d'un, moi, éventuellement, je ne vois pas d'objection à amender la loi pour créer un comité consultatif, si l'institut ne joue pas...

je pourrais proposer en même temps... Ou voulez-vous discuter de celui-là parce que j'ai...

M. Charron: Je pense que le ministre... M. Hardy:... un autre amendement. M. Charron:... a en main...

M. Hardy: Insérer à la ligne... Ah oui! Toujours dans ce paragraphe...

M. Charron: Au paragraphe f). M. Hardy: Ah! C'est plus loin.

M. Charron: Oui, mais j'en avais un autre. Je pense que vous l'avez eu aussi. J'en ai deux à l'article 3. Regardez sur une autre...

M. Hardy: Au paragraphe b).

M. Charron: Je retire cet amendement parce que j'ai l'impression que l'objectif que nous visions est déjà donné dans le paragraphe e)...

M. Hardy: Ah bon!

M. Charron: ... qu'ajoute le ministre. C'est à peu près l'équivalent...

M. Hardy: Très bien.

M. Charron: Cela pourrait être de la répétition. M. Hardy: Avant d'aller au paragraphe f)... M. Charron: Oui.

M. Hardy:... je propose de remplacer le paragraphe d) par les suivants: d) la liberté de choix des consommateurs; e) l'implantation et le développement d'entreprises québécoises indépendantes et financièrement autonomes dans le domaine du cinéma; f) le développement du cinéma pour enfants."

M. Charron: J'avais l'intention d'ajouter au nouveau paragraphe f)...

M. Hardy: Ou mettre g)?

M. Charron: Ou g): "... le développement de l'industrie du court métrage."

M. Hardy: On ne pourra peut-être pas faire un long débat. Evidemment, je ne veux pas priver le député de dire pourquoi, mais nous l'acceptons.

M. Charron: Très bien. C'est parce que la spécification du cinéma pour enfants ouvrait la porte, en met une autre que... Probablement, au cours de l'étude du dossier, le ministre a réalisé qu'une attention particulière devait également, en ce qui regarde le cinéma pour enfants, être donnée à cette industrie.

M. Hardy: Très bien.

Le Président (M. Kennedy): Article 3 tel qu'amendé. Adopté?

M. Hardy: Alors, on ajoute au paragraphe f)... Le paragraphe f) va maintenant se lire: "le développement du cinéma pour enfants et de l'industrie du court métrage". Très bien.

Alors, si je comprends bien, l'article 3 est adopté tel qu'amendé?

Le Président (M. Kennedy): Adopté tel qu'amendé. Chapitre III. Article 4.

Responsabilité du ministre et du gouvernement

M. Hardy: Au chapitre III, je propose de remplacer le titre: Responsabilité du ministre et du gouvernement... A l'article 4, je n'ai pas d'amendement.

M. Charron: Article 4, ce n'est pas un amendement. C'est une question...

M. Hardy: Oui.

M. Charron:... des explications de l'article.

M. Hardy: Pas de problèmes.

M. Charron: On dit ici qu'advenant l'adoption de cet article, il appartiendra au ministre de coordonner — ce sont les mots qui sont importants— la production, l'acquisition, le prêt, la location et la vente d'oeuvres cinématographiques et audio-visuelles commandées ou réalisées par les ministères du gouvernement et par les organismes publics.

Je ne sais plus à quel numéro c'est rendu. Si vous me permettez de me référer à l'ancien texte... L'article 85 amende l'article 3 de la Loi du ministère des Communications qui lui, si vous regardez le paragraphe g), aura comme responsabilité de coordonner l'acquisition et l'utilisation d'équipements audio-visuels par les ministères du Québec. Il y a un partage, si j'ai bien compris. Pour ce qui est de l'équipement audio-visuel, c'est le ministère des Communications qui en sera responsable. Pour ce qui est des oeuvres cinématographiques et audio-visuelles réalisées à même l'équipement dont le ministère des Communications est responsable, c'est le ministère des Affaires culturelles qui en deviendra le responsable quant à la production, l'acquisition, le prêt.

Le ministère des Communications, comme diffuseur, comme communicateur de la publicité ou de l'information gouvernementale garde son rôle. Si le ministère des Affaires sociales a un documentaire à faire voir, il peut recourir aux services techniques du ministère des Communications pour faire voir ce film. Ce rôle reste le même. Ce qui est fondamentalement changé au chapitre de la commande gouvernementale, c'est que maintenant il y aura un service unique au gouvernement

qui sera rattaché au ministère des Affaires culturelles qui va coordonner toute cette commande. Quand le ministère des Affaires sociales voudra commander un film, plutôt que de le faire lui-même, il devra passer par l'intermédiaire de ce service. D'abord, c'est pour éviter qu'on fasse trois, quatre ou cinq fois la même chose, que le ministère des Affaires sociales commande un film alors que le ministère de l'Education a peut-être fait la même chose. Comme il n'y aura qu'un seul centre de décision, on évitera, comme cela s'est produit quelques fois... On nous a donné plusieurs exemples où le gouvernement commande trois films sur à peu près le même sujet, trois films qui servent...

M. Charron: Là, cela va être coordonné où? Au ministère des Affaires culturelles?

M. Hardy: A un service qui va être le service de la commandite gouvernementale, pour tout ce qui est audio-visuel, cinéma.

M. Charron: Le fait que le ministère des Communications soit responsable de l'équipement, est-ce que cela n'ajoute pas un palier administratif?

M. Hardy: Non, parce qu'on arrive à un autre stade.

M. Charron: Si vous avez la responsabilité de la production...

M. Hardy: Nous achetons...

M. Charron: ... mais que vous n'êtes pas responsable de l'équipement que vous allez utiliser pour faire la production.

M. Hardy: De toute façon, le ministère des Communications, lui aussi, s'il veut produire, s'il veut commander un film, pour sa commandite, devra passer par notre service. Mais quand on arrive à la diffusion, c'est un tout autre stade. Le ministère des Communications...

M. Charron: Non, je ne parle pas de la diffusion, M. le Président, je pense que le ministre me comprend mal. Je parle de l'équipement pour la production. Par l'article 4, vous vous rendez responsable de coordonner la production cinématographique et audio-visuelle commandée ou réalisée par les ministères du gouvernement. C'est vous qui êtes responsable désonnais de la production, mais vous n'avez pas l'équipement.

M. Hardy: Non, parce que nous ne produisons pas. Cela veut dire que si un ministère, que ce soient les Communications ou un autre ministère, voulait produire lui-même, ce envers quoi on est très méfiant... Nous considérons que puisque l'industrie cinématographique québécoise est une industrie naissante, qui a besoin de subventions, il serait un peu illogique que d'une main on donne des subventions à cette industrie et que d'une au- tre main le gouvernement lui fasse concurrence. C'est un peu contradictoire. Notre philosophie, c'est de confier à l'industrie privée la production des films gouvernementaux, sauf qu'il peut arriver pour des cas bien précis des choses. Par exemple, le Conseil du trésor peut produire certaines diapositives pour expliquer le budget ou des choses assez restreintes, mais encore là, le ministère avant de produire lui-même, devra avoir l'autorisation du service de la commandite gouvernementale.

M. Charron: Vous dites que vous allez recourir, c'est d'ailleurs déjà passablement dans la pratique, le plus souvent possible à l'industrie privée. Qu'est-ce qui arrive de l'Office du film du Québec?

M. Hardy: L'Office du film du Québec est aboli avec cette loi.

M. Charron: Mais si vous coordonnez la production en vertu de l'article 4...

M. Hardy: L'Office du film du Québec, à toutes fins pratiques, est remplacé par un service qui sera créé dans la structure de la direction générale du cinéma, par un service de la commandite gouvernementale. L'OFQ le fait en plus de "produire" des films. C'est 1'OFQ, au fond, actuellement en partie, parce que actuellement au ministère, il n'y a rien de précis. Beaucoup de ministères passent par l'OFQ quand ils veulent commander un film, mais aussi beaucoup de ministères y vont eux-mêmes et certains ministères se sont créé tout un organisme de production.

M. Charron: Le tout passera par la direction générale de...

M. Hardy: Vous avez au ministère de l'Education un organisme qui produit des films avec tout ce que cela représente de double emploi, au point de vue des équipements, des ressources humaines. C'est ce double emploi que l'on veut faire disparaître.

M. Charron: D'accord.

M. Hardy: Et le ministère de l'Education et même les gens de la SGME sont parfaitement d'accord avec... Il y a eu de longues discussions évidemment avec le ministère des Communications.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté, article 4. Article 5.

M. Hardy: Pas d'amendement, M. le Président. M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. A la section II, il y a un changement de titre, je crois?

M. Hardy: M. le Président, ici, on modifie le

titre qui se lisait: Interventions dans le secteur privé. Il devient maintenant: Promotion gouvernementale du cinéma québécois.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 6.

Interventions dans le secteur privé.

M. Hardy: A l'article 6, il n'y a pas d'amendement.

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 7.

M. Hardy: II n'y a pas d'amendement.

M. Charron: L'article 8... Je voudrais demander l'explication à la motion particulière de "notamment celui de la télévision". Ce n'est pas parce que j'y suis opposé.

M. Hardy: A quel article?

M. Charron: Article 7. Je veux savoir pourquoi le ministre a cru essentiel d'ajouter ce "notamment".

M. Hardy: Parce que ça constitue un outil assez extraordinaire pour assurer la diffusion du cinéma québécois. Il y a beaucoup d'autres moyens, on ne pouvait pas tous les énumérer, mais on a voulu mettre l'accent sur la télévision, parce que je pense que la télévision est l'instrument, le medium...

M. Charron: Vous favorisez la création de nouveaux marchés pour la production cinématographique et audio-visuelle québécoise, notamment...

M. Hardy: Je vous donne un exemple. On peut, à partir de cet article 7, créer de nouveaux marchés par l'acquisition de salles...

M. Charron: De quelle télévision? C'est ce que je voulais vous demander.

M. Hardy: Théoriquement, on peut faire des ententes avec les postes privés ou avec la télévision d'Etat.

M. Charron: Ou avec Radio-Québec.

M. Hardy: Ou avec Radio-Québec, oui, évidemment, qui est une corporation autonome.

M. Charron: Cela veut dire que la direction générale du cinéma qui sera au ministère des Affaires culturelles pourra, par exemple, approcher certaines productions de télévision de la Société Radio-Canada et vouloir favoriser l'expansion à l'extérieur du pays de certaines productions de télévision faites ici.

M. Hardy: Entre autres.

M. Charron: Mais, est-ce que la Société Radio-Canada n'a pas déjà cette responsabilité quant à ses propres productions? Des ententes avec les autres sociétés d'Etat, de télévision?

M. Hardy: C'est-à-dire qu'elle peut le faire, mais si nous voulons vraiment donner une grande diffusion à un film québécois, à l'échelle du Canada, plutôt que d'attendre le bon vouloir de Radio-Canada, on peut intervenir auprès de la société.

M. Charron: Ouais. C'est un pouvoir pour la frime.

M. Hardy: Si on est pessimiste, oui. Si on est optimiste, ça peut produire des résultats.

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 8. Il y a un amendement.

M. Hardy: Oui, M. le Président, à l'article 8, je propose d'insérer dans la sixième ligne du premier alinéa, après le mot "cinéma", les mots "ou de ciné-parcs".

C'est parce qu'on a fait disparaître la définition "salles de cinéma". Quand on définissait les salles de cinéma, cela comprenait les ciné-parcs. C'est tout simplement une question de concordance avec la disparition du paragraphe h) de l'article 1.

Je propose également de remplacer dans la troisième ligne du deuxième alinéa, les mots "ou les salles de cinéma" par ce qui suit "salles de cinéma ou de ciné-parc". C'est toujours la même raison et ajouter l'alinéa suivant à l'article 8: "l'institut établit privativement à tout tribunal les pertes de revenu qu'entraîne directement, pour les propriétaires et exploitants, l'application du présent article et les compense à même les fonds que le gouvernement lui confie.

M. Charron: M. le Président, j'ai deux questions sur cet article et à la suite des réponses que je recevrai à ces deux questions, il y a possibilité de présentation d'un amendement. Le contingentement, s'il n'est pas obligatoire...

M. Hardy: II le sera par règlement.

M. Charron: ... peut... Bon. C'est cela que je voulais savoir.

M. Hardy: Ce que nous visons... Dans la première rédaction, on ne parlait pas de cette compensation.

M. Charron: La compensation, n'en parlez pas tout de suite.

M. Hardy: Non?

M. Charron: Je veux savoir la rédaction des

trois premières lignes de l'article 8, "peut, par règlement".

En même temps que je vous dis: "peut, par règlement", vous me dites: II y aura un règlement.

M. Hardy: Puisqu'on se donne ce pouvoir, c'est parce qu'on a l'intention d'imposer par règlement le contingentement. Mais je pense que cela, c'est une technique de rédaction législative. Quand il y a des règlements, c'est toujours "peut". On ne dit pas "doit", lorsqu'il y a des règlements.

Quand l'article d'une loi prévoit des règlements, le thème utilisé, c'est "peut".

M. Charron: De quelle nature sera ce règlement?

M. Hardy: Nous n'avons pas de cachette.

M. Charron: Est-ce qu'on va l'attendre douze ans?

M. Hardy: Non. J'en ai parlé un peu hier et je voudrais y revenir aujourd'hui. Le problème du contingentement, ce n'est pas aussi facile que certains le laissent entendre.

D'abord, parce que cela constitue une entrave, au moins théorique, à ce que l'on appelle la liberté du consommateur.

Cela pose également... On est un peu dans le domaine des présomptions. On n'a pas de faits véritables. Quand nous aurons obtenu les renseignements que la loi nous autorise à aller chercher, nous saurons davantage ce que veut dire concrètement le contingentement.

Mais actuellement, on nage dans l'imprécision. Certains distributeurs, certains propriétaires de salle nous disent qu'un contingentement un peu trop poussé pourrait constituer des pertes financières importantes.

Dans ce domaine-là, quand on parle de propriétaires de cinéma, on pense tout de suite à de gros capitalistes. Vous savez comme moi qu'il y a au moins la moitié des propriétaires de salle de cinéma qui sont des propriétaires individuels.

C'est un bonhomme qui s'est construit une salle et qui, bien souvent, avec sa famille, réussit à l'exploiter. Ce n'est pas une mine d'or, l'exploitation d'une salle de cinéma. Cela a déjà été plus mal que cela va maintenant; à l'avènement de la télévision, dans les années cinquante, cela a vraiment subi une chute. Maintenant, cela reprend, mais ce n'est pas une mine d'or. ... Encore une fois, on aura une preuve plus concrète, plus valable de cela, après que nous aurons reçu les renseignements. Mais à l'oeil, je sais bien que j'en connais des propriétaires de salle dans ma région, et cela ne semble pas être un commerce extrêmement lucratif.

D'autre part, on sait très bien que beaucoup de films québécois ne sont pas rentables au guichet. C'est un fait. Si l'on devait imposer d'une façon trop rigide et surtout, sans prévoir la possibilité de compensation, on pourrait peut-être mettre des propriétaires individuels... Je ne parle pas des grandes chaînes, les grandes chaînes qui ont des cinémas, ce n'est pas le contingentement qui va les placer dans des situations financières difficiles.

Nous pensons surtout aux particuliers, aux propriétaires individuels. Ce serait un peu aberrant que, par une politique de contingentement, on place ces gens-là dans une situation financière précaire qui pourrait éventuellement aller jusqu'à la fermeture de leur commerce.

Pour assurer la distribution du film québécois, on imposerait à un propriétaire de salle de projeter, tant de jours par année, des films québécois, et si cette obligation avait pour résultat de lui faire fermer sa salle, on n'est pas plus avancé, pour assurer la diffusion du film québécois.

C'est de toutes ces variables qu'il faut tenir compte dans l'établissement d'une politique de contingentement. Je vous dis tout de suite que la première mesure de contingentement va apparaître à plusieurs comme timide, parce que nous sommes dans l'inconnu. Nous nous proposons, pour la première année, d'imposer une semaine à chaque salle de cinéma qui est ouverte 52 semaines par année.

Beaucoup de cinémas, surtout à Montréal, font déjà plus que cela. D'autre part, il y a des cinémas, dans certains coins de la province, qui ne le font pas.

La première mesure de contingentement, encore une fois, serait assez timide, ce serait une semaine. Pour les cinémas qui ne fonctionnent qu'en fin de semaine, les mesures de contingentement seraient proportionnelles. Mais nous le faisons par règlement, précisément, parce que nous voulons adapter ces mesures selon les besoins, selon les résultats que cela produira. Evidemment, un règlement, c'est plus facile à modifier qu'une loi.

M. Charron: Croyez-vous que si vous débutez par...

M. Hardy: Aussi, il y a le problème du nombre de films. Evidemment, il y a un certain cercle vicieux, mais, si on assure la diffusion du film québécois, si on fait mieux connaître le film québécois, il y aura peut-être une plus grande production, mais il faut aussi tenir compte du volume de production actuel. Il faudrait quand même avoir assez de films pour... Il ne faudrait pas que le contingentement soit tel que, par manque de films, une salle de cinéma ne puisse pas se conformer au règlement.

M. Houde (Fabre): M. le Président, pour satisfaire ma curiosité, quand vous parlez de contingentement ou de films québécois dans une salle, pour un week-end ou une semaine, est-ce que cela implique que le programme total, à ce moment, sera québécois? Si on a peur d'avoir des pertes... Je ne sais pas comment vous allez calculer les pertes pour la compensation, je suppose que ce sera sur une moyenne annuelle des revenus, mais un propriétaire de salle pourra-t-il passer, dans le même week-end, un film québécois et, en même temps, un film de Charles Bronson?

M. Hardy: Possiblement oui. Le règlement pourrait tenir compte de cela. Ce qui est important...

M. Houde (Fabre): A ce moment, il peut avoir une perte pour la première partie de son programme.

M. Hardy: Justement, si cela se produit ainsi, il ne pourra pas... Pour un programme, habituellement, on achète le billet pour les deux films.

M. Houde (Fabre): D'accord.

M. Hardy: II ne pourra pas prétendre avoir une perte. Si l'autre film attire...

M. Houde (Fabre): II va pouvoir le faire, c'est-à-dire que...

M. Hardy: Non, pendant sa fin de semaine... Si, par exemple, un propriétaire de salle, pendant une semaine, a, à son programme, un film québécois peu rentable financièrement et un autre film très rentable, ce sera l'ensemble de la semaine que l'on va considérer.

M. Houde (Fabre): D'accord.

M. Hardy: Si, dans sa semaine, il a un profit, même s'il a eu un film québécois qui, par lui-même, s'il avait été seul, aurait été déficitaire et que, à cause de l'autre film, ça lui donne un profit, il n'aura pas de compensation.

M. Houde (Fabre): D'accord pour la question financière. Pour la question plus culturelle, pour inciter des gens à fréquenter et à voir du cinéma québécois, le propriétaire va être libre de passer, même s'il passe un programme double ou même, dans des salles en province, bien souvent vous avez trois films, deux films américains ou un film français, un film américain et un film québécois en même temps, ou si c'est strictement le week-end québécois ou la semaine québécoise?

M. Hardy: II n'y a pas de précision prise là-dessus. A première vue, à la lumière de vos observations, je serais enclin, justement pour... Parce que l'idée du contingentement, c'est pour habituer le public au cinéma québécois. Il y a une habitude à prendre. Vous savez comme moi... Je ne sais pas si vous en avez entendu, mais j'ai rencontré, depuis qu'il est question de cette Loi sur le cinéma, beaucoup de gens, qui y sont opposés, quand ils entendent "cinéma québécois" à leurs oreilles, ils deviennent furieux. Ils prétendent que ce ne sont seulement que des navets, des si et des... J'ai rencontré des propriétaires de salles, jeudi dernier et il y en a certains, dans leurs interventions, qui avaient peu d'estime pour le cinéma québécois.

Je pense qu'il y a une certaine barrière psychologique vis-à-vis du cinéma québécois. C'est un cinéma jeune, non connu, qui a certain caractère qui heurte la sensibilité de certaines person- nes. Il s'agit, peu à peu, d'éduquer la population à ce cinéma. Peut-être que ce sera une bonne façon de l'éduquer en présentant... Au lieu de dire: C'est une fin de semaine de cinéma québécois où les gens diront: On ne va pas au cinéma, ce sont des films québécois cette fin de semaine-ci, on ne veut pas en voir, s'il y avait un film québécois et un autre film, les gens iraient peut-être d'abord voir l'autre film. Ils verraient, par la même occasion, le film québécois et, peu à peu, ils se rendraient compte qu'il y a des choses valables dans le cinéma québécois.

Comme je vous dis, je n'ai pas de décision finale là-dessus, mais je me demande si ce ne serait pas une façon de faire disparaître tranquillement cette barrière psychologique qui existe chez beaucoup de personnes, face au cinéma québécois. Par exemple, il y a des gens qui nous disent tout de suite: Le cinéma québécois, c'est de la pornographie et ce sont des jurons. Il y a des gens qui ont cette image du cinéma québécois. Peut-être que, s'ils allaient en voir du cinéma québécois, ils s'apercevraient qu'il y a autre chose que de la pornographie et des jurons dans les films produits au Québec.

M. Morin: Mais la population sait cela, M. le ministre. La population en a vu du cinéma québécois. Elle en a vu d'excellent. Je pense que ce n'est pas tellement l'éducation de la population qu'il faut faire, que l'éducation peut-être des propriétaires de salles que vous avez rencontrés. Ce n'est pas la même chose, parce que souvent, vous savez que leurs critères de choix...

M. Hardy: M. le Président...

M. Morin: ...parce que souvent, vous savez que leurs critères de choix sont fondés sur des motifs qui ont peu à voir avec la politique culturelle. Regardez à pleine page ce qu'il y a dans les journaux et vous verrez ce qu'ils proposent à la population, ces gens.

M. Hardy: M. le Président, est-ce que le député de Sauvé a lu l'article de M. Jean-Pierre Ta-dros dans un journal qu'il connaît bien?

M. Morin: J'en ai lu plusieurs, mais je ne sais si j'ai lu celui auquel vous vous référez.

M. Hardy: Je vais l'identifier. L'article que M. Tadros a publié le lendemain de ma rencontre avec les propriétaires de salles, vendredi dernier...

M. Morin: Je crois l'avoir.

M. Hardy: ...où il disait que certains jugements des propriétaires de salles vis-à-vis du cinéma québécois n'étaient pas totalement dépourvus de fondement.

M. Charron: De toute façon, le contingentement que nous annonce le ministre est...

M. Hardy: Serait d'abord timide.

M. Charron: Oui, c'est le moins qu'on puisse dire. Je serais curieux — il a certainement le chiffre, moi je ne l'ai pas — de voir que c'est probablement déjà réalisé dans la majorité des salles québécoises.

M. Hardy: Non, pas sur le territoire du Québec. Encore une fois, évitez de vous laisser entraîner par votre démon qui vous fait voir le Québec à travers Montréal. A Montréal, on peut en voir du cinéma québécois, mais je vous assure que, dans beaucoup de secteurs du Québec, il n'y en a pas. Bien sûr, cette mesure de contingentement, si conservatrice soit-elle, va permettre à des gens d'en voir. C'est là que je rejoins... C'est dans ce sens que je dis que nos mesures de contingentement ne vont pas contre la liberté du consommateur. C'est que la liberté du consommateur dans certaines régions du Québec est actuellement brimée parce que les gens n'ont pas la liberté d'aller voir du cinéma québécois, leurs salles n'en projettent pas. Or, avec cette obligation, au moins, les gens pourront décider d'y aller ou de ne pas y aller. Ils auront la possibilité d'exercer leur liberté, ce qu'ils n'ont pas présentement. Aussi, je tiens à le souligner et c'est l'avis de bien des gens, entre autres des producteurs; les producteurs de films québécois sont intéressés à ce que leurs films soient vus. Or, les producteurs de films québécois nous ont dit que les mesures de contingentement, ce n'était pas la meilleure solution pour assurer l'épanouissement et le développement du cinéma québécois. Les moyens dont disposera l'Institut québécois du cinéma seront infiniment plus efficaces que les mesures de contingentement. Au fond, dans mon esprit, les mesures de contingentement, c'est d'abord pour permettre à des gens qui sont actuellement privés de la liberté d'aller voir des films québécois de pouvoir y aller, dans certains secteurs du Québec.

M. Charron: Si vous me permettez, je suis d'accord sur la dernière affirmation du ministre, c'est beaucoup plus pour permettre aux Québécois de voir le cinéma produit par leurs concitoyens que de venir en aide à l'industrie du cinéma québécois.

M. Hardy: D'accord.

M. Charron: Parce que ce n'est pas avec un contingentement d'une semaine sur 52 qu'on peut dire que c'est une aide. Nous aurons l'occasion ailleurs, parce que les aides ne sont pas multiples dans le texte présenté par le ministre, d'apporter des amendements qui, à l'effet timide de celui-là, ajouteront à notre avis des effets pour venir en aide à l'industrie cinématographique québécoise elle-même.

M. Hardy: Nous examinerons vos propositions avec un esprit positif.

M. Charron: Très bien.

M. Houde (Fabre): Sur le même sujet, je vou- drais seulement savoir, dans le contingentement, même s'il est timide, est-ce que cela va s'appliquer également à la publicité des cinémas et des salles? Ce que je veux dire par là, c'est que si, dans un journal, peu importe le journal, on affiche deux films, pour prendre l'exemple de tout à l'heure, qu'on met en évidence un film américain et que cela prend presque une loupe pour lire dans le journal: Egalement, deuxième film au programme. Et là, tu vois le titre du film québécois tellement petit que cela passe presque inaperçu. Est-ce que cela pourrait aller jusque-là, exiger que si, dans le week-end qui est imposé à une salle, ils annoncent deux films, qu'ils donnent quand même un peu d'importance au film québécois? Cela m'apparaît tout à fait...

M. Hardy: Le problème de la publicité est remis au service de la classification. Jusqu'à maintenant, l'esprit de la loi, c'est de ne pas tromper le public. Cela pourrait peut-être être interprété comme une façon de tromper le public si on affiche en grande manchette un film et que l'autre est tout réduit.

M. Houde (Fabre): Cela se fait régulièrement actuellement.

M. Hardy: Oui, mais le service de la classification aura précisément pour mandat d'approuver la publicité, et l'un des critères de l'approbation de la publicité, c'est de ne pas tromper le public. A l'heure actuelle, je pense, les gens qui vont au cinéma et qui examinent la publicité seront d'accord pour dire que la publicité est largement trompeuse. S'il y a un domaine où le consommateur n'est pas respecté, c'est bien dans la publicité cinématographique.

Le Président (M. Kennedy): Article 8, tel qu'amendé, adopté?

M. Saint-Germain: II est possible que ce soit régionalisé, dans une ville comme Montréal, par exemple, où certaines ou plusieurs salles de cinéma projettent des films québécois, est-ce qu'on va nécessairement obliger les endroits comme j'en ai en mémoire — la partie ouest de la ville — à présenter des films français? Dans certaines salles de cinéma, si vous avez des films français...

M. Hardy: Le député de Jacques-Cartier m'ouvre une porte, M. le Président.

Dans certains journaux anglophones, on a fait de la chasse aux sorcières avec cet article, comme avec ceux qui concernent le doublage et le sous-titrage, et je dois dire même que nous avons malheureusement un de nos collègues siégeant de ce côté-ci qui a emboîté le pas dans cette chasse aux sorcières, en prétendant que la liberté des citoyens serait violée et que ce serait la dictature... Enfin, je vous fais grâce de tous les mots effroyables qu'on a pu lire dans certains journaux de langue anglaise.

Les gens de langue anglaise ne verront pas leur liberté brimée, surtout si on se réfère à ce que

j'ai dit tantôt quant a l'importance du contingentement. D'autre part, et là, je fais appel au bon sens de nos compatriotes de langue anglaise, nous sommes appelés à vivre ensemble, ici, au Québec, de même que nous, les francophones, nous allons voir des films en langue anglaise, nous nous intéressons à la culture anglophone, je trouve qu'il serait infiniment souhaitable que nos compatriotes de langue anglaise aient l'occasion eux aussi de venir voir des productions québécoises. Cela leur permettrait de mieux connaître l'âme québécoise, et, par voie de conséquence, de mieux nous comprendre. Or, il est entendu que les cinémas de l'ouest de la ville devront, comme tous les cinémas du Québec, se soumettre aux mesures de contingentement. Je répète que ce sera bon pour une meilleure compréhension entre le groupe anglophone et le groupe francophone au Québec. Mieux on se connaîtra les uns les autres, mieux on connaîtra nos cultures, nos qualités comme nos faiblesses, mieux on pourra vivre en harmonie dans cette province.

Je trouverais infiniment regrettable que des gens de langue anglaise, sous prétexte qu'ils sont de culture anglaise, s'élèvent contre le fait que leurs cinémas doivent projeter pendant quelques jours par année des films québécois. Je dis que ce serait à leur avantage et que ce serait une façon de mieux connaître leurs compatriotes francophones et que cela ajouterait à leur culture.

Le Président (M. Kennedy): L'article 8, tel qu'amendé, adopté?

M. Charron: Non, M. le Président.

M. Hardy: Vous ne voulez pas que les anglophones voient notre cinéma?

M. Charron: Je pensais que le ministre était parti dans une envolée d'une demi-heure.

La compensation: Moi, je n'en ai pas discuté. Le député de Fabre l'a abordée. L'amendement du ministre, tel que présenté, ne nous éclaire guère sur la modalité à partir de laquelle la compensation sera évaluée.

J'aurais besoin de deux précisions. D'abord, j'aimerais savoir si, pour les propriétaires et exploitants, ce sont bien ceux dont on parlait dans le premier paragraphe, les propriétaires et exploitants de salles de cinéma ou de ciné-parcs, et cela ne s'étend pas plus loin que le propriétaire de la salle même ou se produit... Bon! D'accord! Est-ce qu'on ne devrait pas, en ce sens, écrire après "exploitants de salles de cinéma ou de ciné-parcs, l'application du présent article et les compense à même les fonds que le gouvernement lui confie"?

M. Hardy: Là, j'hésite, parce que c'était bien clair. Vous savez, j'ai eu l'expérience de voir de quelle façon une loi se rédige, avec cette loi, avec le comité de législation; souvent, quand on se fie à la façon normale de rédiger des textes, on est porté à ajouter des choses, mais les juristes qui rédigent des lois sont très avares de mots et tentent d'en mettre le moins possible. Je pense bien que ce n'est pas nécessaire. C'est clair que cela se rapporte aux gens...

Une Voix: D'en haut. M. Hardy:... d'en haut...

M. Charron: Je veux être certain qu'un distributeur n'arrivera pas...

M. Hardy: Ah bien non!

M. Charron: ... pour vous réclamer un remboursement en disant: Je n'ai pas pu écouler mon stock...

M. Hardy: Ah non!

M. Charron: ... de navets américains quand je suis arrivé à Rimouski ou à Rivière-du-Loup parce qu'ils m'ont dit: C'est la semaine du cinéma québécois.

M. Hardy: Le contingentement ne s'applique pas aux distributeurs. Cela s'applique aux propriétaires de salles.

M. Charron: Très bien. Propriétaires et exploitants de salles. C'est cette précision...

M. Hardy: Quant aux modalités voulez-vous une réponse?

M. Charron: Oui.

M. Hardy: Quant aux modalités, c'est l'institut qui va les déterminer. Ce n'est pas nous. C'est l'institut, par règlement, qui décidera comment appliquer cet article...

M. Charron: C'est l'institut qui va...

M. Hardy: ... parce que c'est l'institut qui va payer. Alors, cela sera à lui...

M. Charron: II va prendre cela sur le même budget...

M. Hardy: Sur l'ensemble de son budget.

M. Charron: Comme le demande le mandat de l'article 49.

M. Hardy: Oui. Cela fait partie de son mandat. C'est une partie de son mandat: Favoriser le cinéma québécois.

M. Houde (Fabre): M. le Président...

Le Président (M. Kennedy): Le député de Fabre.

M. Houde (Fabre): Je reviens à la question du contingentement. Je vais vous donner mon opinion franche et honnête. A première vue, je trouve

cela humiliant qu'on soit obligé de donner des primes pour du cinéma québécois.

D'autre part, je comprends que si un propriétaire de salle... Je sais que vous pensez au plus petit, au plus modeste propriétaire de salle. S'il perd de l'argent pour le temps de la transition, habituer son public, etc., d'accord, on compense par une subvention parce qu'il a présenté du cinéma québécois. J'espère que dans les règlements, quand même, on va mettre, comme on dit communément, les "odds" en notre faveur.

Je ne sais pas qui va déterminer les fins de semaine et les dates du contingentement, mais si, par hasard, on fait exprès dans certaines régions pour passer des films québécois en plein milieu du mois de juillet alors qu'il fait 90 degrés ou 95 degrés de chaleur et que la salle est plus ou moins climatisée et que le gars arrive après et que vous établissez sa moyenne pendant toutes les fins de semaine... Il fait, supposons, $5,000 de revenu et parce qu'il a eu du cinéma québécois en plein milieu du moins de juillet à 100 degrés dans une salle plus ou moins mal foutue, il dit: Cette fin de semaine, je n'ai fait que $2,000. Cela va vous coûter de l'argent et, comme Québécois, on en prend pour notre rhume.

M. Charron: Ce n'est pas au gouvernement que cela va coûter de l'argent, c'est à l'institut.

M. Houde (Fabre): A l'institut, oui.

M. Charron: C'est plus grave parce que le fonds est limité.

M. Hardy: Oui, mais regardez bien. Je pense que ce danger est très aléatoire parce que, encore une fois, c'est l'institut qui va déterminer les règlements. Or l'institut est composé des producteurs — les propriétaires de salle sont là, bien sûr, les distributeurs — des artisans, des réalisateurs. Ce sont tous des gens qui ont intérêt à ce que leurs films soient vus. Alors, par voie de conséquence, ils vont essayer de faire les règlements les plus favorables à la diffusion de leurs films.

M. Houde (Fabre): Oui, mais il faut quand même être vigilant et c'est pour cela que je tiens à le dire. Au moins, c'est indiqué quelque part. Vous avez dit vous-même tantôt qu'il y a des propriétaires de salles qui ont très mauvaise réputation vis-à-vis du cinéma québécois. C'est inutile de penser autrement, qu'il y a certains propriétaires de salles qui vont peut-être désirer le cinéma québécois justement pour les fins de semaine, en plein coeur de l'été, ou par une tempête, en plein milieu de l'hiver.

M. Hardy: C'est le lieutenant-gouverneur qui fait les règlements pour le contingentement et mon intention, puisque c'est l'institut qui va payer, c'est de consulter l'institut.

M. Houde (Fabre): D'accord.

M. Saint-Germain: Vous pouvez prendre un exemple tout à fait contraire. Si vous obligez le Loew's, par exemple, à présenter un film québécois qui n'est pas apprécié du public dans la bonne saison, cela peut coûter une petite fortune pour le faire passer.

Alors, je pense bien que l'institut va trouver le problème assez complexe, premièrement, d'établir des règlements qui devront, surtout si ces règlements doivent s'appliquer à toutes les salles sans exception... Deuxièmement, ce ne sera pas toujours facile — ce sont des problèmes comptables — d'essayer d'établir les pertes ou les profits qu'on peut faire dans une courte période relativement à ce qu'on aurait dû faire. Cela prendra des gens pour évaluer cela, des gens compétents. Je pense que l'institut va devoir être excessivement prudent dans l'application de cet article 8.

Le Président (M. Kennedy): L'article tel qu'amendé est adopté?

M. Hardy: Un instant. On pourrait, pour prévenir les craintes, au lieu des mots: "dans la proportion qu'il indique", dire: "dans la proportion et dans la période qu'il indique". Est-ce que cela va? Cette proportion et cette période. On ne tiendra pas compte seulement de la proportion, mais de la période.

M. Charron: D'accord, dans les deux paragraphes.

M. Saint-Germain: Est-ce que, dans cet article, l'institut aura la liberté d'exempter certains cinémas.

M. Hardy: J'avais induit la commission en erreur tantôt. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui fait le règlement de contingentement. Mon intention, avant de proposerdes règlements au cabinet, est de consulter l'institut puisqu'il sera appelé à payer. De toute façon, c'est indiqué dans la loi que le ministre doit consulter l'institut pour ces questions.

M. Saint-Germain: Mais l'institut, de toute façon, conserve une grande liberté d'action dans l'application de ces règlements, comme le gouvernement d'ailleurs.

M. Hardy: C'est-à-dire que cela dépendra de la nature du règlement. Les modalités de paiement, oui.

M. Saint-Germain: Les obligations de projeter des films québécois dans des régions données, je pense que la liberté de l'institut existe si elle doit exempter certains cinémas ou certains...

M. Hardy: Non. C'est le règlement adopté par le lieutenant-gouverneur en conseil qui va le déterminer.

M. Saint-Germain: Mais le lieutenant-gouverneur en conseil en collaboration avec l'institut a toute liberté d'action.

M. Hardy: C'est cela, exactement.

Le Président (M. Kennedy): L'article 8 tel qu'amendé est adopté. Article 9? Il y a un amendement.

M. Hardy: Oui, M. le Président, à l'article 9, je propose de remplacer, dans les deuxième, troisième et quatrième lignes, les mots: "Que les distributeurs de films et les personnes exploitant les salles de cinéma au Québec", par les mots: "De toute personne oeuvrant dans le secteur du cinéma au Québec qu'elles transmettent." Dans le premier texte, nous demandions des renseignements seulement aux distributeurs et aux personnes exploitant des salles, maintenant nous pourrons demander des renseignements à toutes les personnes qui oeuvrent dans le milieu cinématographique. C'est pour permettre que nos renseignements soient aussi larges et complets que possible. "Insérer dans la deuxième ligne, après le mot "cinéma", les mots "et les ciné-parcs". Toujours pour la même raison, c'est parce qu'on fait disparaître la définition de salle de cinéma, retrancher dans la onzième ligne, les mots "d'eux".

Le Président (M. Kennedy): L'article 9 est adopté?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Tel qu'amendé. Article 10.

M. Hardy: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.

M. Charron: J'en ai un, M. le Président. Ce serait d'introduire l'article 10 a), si le ministre l'accepte, il sera libre d'en faire l'article 11 s'il le veut. Vous n'avez pas le texte? Vous l'avez?

M. Hardy: Oui, j'en avais une copie.

M. Charron: Ajouter à l'article 10 a), j'en fais mention pour le journal des Débats, à la suite de l'article 10, un nouvel article qui serait le suivant: "Nul ne peut exploiter une entreprise de distribution de production de films s'il n'a obtenu l'autorisation du ministre au préalable, à cette fin.

Deuxièmement, "Avant d'attribuer l'autorisation prévue au paragraphe précédent, le ministre doit être d'avis que l'entreprise de distribution et de production de films, sera un instrument conforme aux dispositions de l'article 3, soit les objectifs de la politique cinématographique du Québec."

M. Hardy: M. le Président, je soucris aux objectifs poursuivis par le député de Saint-Jacques en proposant cet article, mais le tout se retrouve à notre article 11. Le but que vous poursuivez, on l'a à l'article 11. Au fond, vous voulez ça, à l'article 10, pour empêcher des exploitants ou des distributeurs de poser des gestes comme ceux que vous décriviez hier soir en deuxième lecture et qui contreviennent à la culture québécoise ou aux biens de la collectivité québécoise sur le plan culturel. C'est l'objectif que vous voulez atteindre par cet article. A l'article 11, nous avons exactement ces pouvoirs, si vous lisez l'article 11 du projet de loi, "le ministre peut intervenir à l'encontre de pratiques ayant cours dans le domaine du cinéma au Québec, si ces pratiques sont de nature à contrecarrer les besoins culturels de la population, soit qu'elles retardent indûment leur présentation ou qu'elles soient autrement contraires aux objectifs prévus à l'article 3.

M. Charron: M. le Président, l'objectif de l'article 11 et l'amendement que je présente peuvent être déclarés les mêmes, mais je pense que mon amendement a le mérite de spécifier à un endroit l'intervention obligatoire du ministre. A l'article 11, on dit qu'il peut intervenir à l'encontre de pratiques ayant cours dans le domaine du cinéma du Québec.

Moi, je lui suggère...

M. Hardy: Avant d'aller plus loin, avez-vous lu l'article 89 aussi, qui doit être revu? C'est que, déjà, ces gens doivent obtenir une licence du ministère du Revenu pour exploiter...

M. Charron: Le ministère du Revenu n'a aucun...

M. Hardy: Un instant, l'article 89 nous donne le pouvoir, "un magistrat peut, dans tous les cas, annuler la licence émise en vertu de la section 2 de la Loi des licences, Statuts refondus 1964, ministère du Revenu, et donner avis en conséquence au percepteur du revenu."

M. Charron: Oui.

M. Hardy: Si justement, ces gens contreviennent ou utilisent des pratiques qui contreviennent aux biens culturels, on peut intervenir pour leur faire perdre leur licence d'exploitation. Donc, s'ils perdent leur licence... l'inconvénient de votre amendement, c'est qu'il nous faudrait monter tout un système d'émission de permis qui est très compliqué, tandis que nous avons au fond les mêmes moyens d'intervenir, si nous avons la preuve qu'un distributeur ou un exploitant de salle ne montre que des navets américains, — un distributeur surtout, c'est là que le problème se pose —refuse systématiquement au propriétaire de salle certaines sortes de films ou lui impose des films qu'il ne veut pas.

Si une telle chose existe, nous pouvons intervenir par l'article II et nous pouvons intervenir aussi par l'article 89, pour faire perdre à ce distributeur sa licence de distribution, ce qui est un mécanisme beaucoup moins lourd et beaucoup moins dispendieux. Au fond, on intervient simplement lorsqu'il y a faute, tandis qu'avec votre article, il faudrait toujours intervenir, même vis-à-vis des gens qui sont prêts d'avance à se conformer aux normes et à ne poser aucun geste contrevenant aux intérêts culturels de la collectivité.

M. Charron: J'admets que c'est une intervention obligatoire, mais cela vous permettrait d'avoir un doigt d'intervention dans ce qui est un des malaises fondamentaux de l'industrie cinématographique québécoise.

Je suis convaincu que si tous les réseaux de distributeurs et de production avaient à justifier leurs activités devant le ministre des Affaires culturelles, un bo'n nombre de pratiques seraient non seulement reprises après qu'elles ont été commises, mais seraient même devancées et interdites — par...

M. Hardy: Avant qu'ils commencent, comment voulez-vous savoir s'ils vont mal agir ou bien...

M. Charron: Ils ont déjà commencé, c'est cela l'affaire. Ils ont commencé et ils ont augmenté leurs activités depuis une dizaine d'années.

M. Hardy: On peut intervenir avec l'article 11, et l'article 89.

M. Charron: Moi, je ne me contente pas du fait que vous puissiez intervenir, je veux que vous interveniez. Une façon de vous suggérer d'intervenir, c'est, par cet amendement, de vous dire que j'aimerais vous voir réclamer dans la loi le pouvoir de réglementer l'exploitation d'une entreprise de distribution ou de production, par l'autorisation préalable que vous devez leur donner.

Si, au cours de l'exercice de leurs activités, à la suite de l'autorisation préalable que vous leur avez donnée, vous les découvrez en faute, selon l'article 11, tous vos pouvoirs d'intervention vous reviennent.

Mais je vous dis: N'attendez pas qu'ils commettent la pratique condamnable en vous gardant le droit d'intervenir. Travaillez dès l'origine et assurez-vous dès le départ que ces entreprises de distribution et de production ont un programme d'activités convenables, dans l'intérêt des Québécois.

M. Hardy: De deux choses l'une. Nous sommes en face de distributeurs qui déjà, ou qui, après l'adoption de la loi, pourraient continuer à avoir des pratiques qui vont à l'encontre du bien culturel des Québécois, ou bien c'est cela, la première partie de l'option.

Si c'est cela, on intervient immédiatement avec les articles 11 et 89. Ou bien ces gens-là, après l'article 89, même s'ils ont péché dans le passé se conforment à l'esprit de la loi no I et ne commettent plus ces abus.

Donc, pourquoi intervenir. Pourquoi créer toute cette structure dispendieuse et contraignante pour ceux qui sont prêts à bien agir? Au fond, vous avez une espèce de présomption de culpabilité. Votre article dit cela, une présomption de culpabilité. Vous prévoyez...

M. Charron: Si vous tenez à appeler cela comme cela, je suis bien d'accord.

M. Hardy: ...d'avance, que, même après l'adoption de l'article 1...

M. Charron: Le tableau de l'industrie du cinéma que je vous ai donné hier me permet...

M. Hardy: C'est avant l'article 1, c'est avant la loi 1.

M. Charron: C'est pour vous permettre de le changer que je vous...

M. Hardy: C'est avant la loi 1. Je vous dis, je présume qu'avec la loi 1, avec les dents qu'a la loi 1, en particulier aux articles 11 et 89, les distributeurs qui abusaient des propriétaires de salles ne le feront plus, parce qu'ils sont assujettis à perdre, ils peuvent perdre leur licence. C'est un danger, c'est une épée de Damoclès qui est assez dangereuse, car ils peuvent, en vertu de l'article 11...

M. Charron: Qu'est-ce que cela veut dire intervenir? Est-ce que cela veut dire nécessairement leur enlever leur permis d'exploitation? Supposons que vous découvriez qu'une société de distribution américaine...

M. Hardy: Oui.

M. Charron: ...comme Famous Players...

M. Hardy: Oui.

M. Charron: ...a actuellement une conduite, par exemple, par un "block booking" invraisemblable, qui contrecarre les besoins culturels de la population, qu'est-ce que vous faites?

M. Hardy: On peut faire deux choses, une injonction devant la cour Supérieure pour l'empêcher de faire cela et, avec l'article 89, lui faire perdre sa licence d'exploitant, de distributeur. Mais cela nous apparaît aussi efficace et beaucoup moins lourd, parce que si on adoptait votre article 10, il faudrait mettre tout un service d'émission de permis, d'enquêtes, et encore là, en cas d'enquêtes, s'il s'agit de nouveaux, il va falloir attendre qu'ils agissent. Le gars va venir nous trouver. Il va nous demander un permis. Il n'a pas encore distribué de films. On ne peut pas présumer qu'il va mal distribuer. On lui donne son permis.

M. Charron: Votre collègue des Communications a été loin d'avoir les mêmes objections, lorsqu'il fut question de la câblodistribution. Prenez connaissance de la réglementation très sévère, en septembre 1973 que cette même commission a adoptée pour la câblodistribution. C'est d'ailleurs de cette réglementation du gouvernement québécois que je me suis inspiré pour faire ces amendements que je vous suggère.

M. Hardy: Oui, mais il y a moins de monde à la

câblodistribution que dans le domaine des exploitants de salles?

M. Charron: Est-ce que je peux me permettre de vous dire que c'est moins important la câblodistribution que le film pour ce qui est de l'alimentation culturelle des Québécois?

M. Hardy: Peut-être.

M. Charron: La câblodistribution est encore un phénomène culturel auquel une majorité des Québécois n'ont pas accès.

M. Hardy: Oui, mais...

M. Charron: J'en conviens. C'est pour cela que j'étais d'accord sur la réglementation. Mettre le doigt avant que le mal ne se répande.

M. Hardy: Encore une fois, je suis tout à fait d'accord sur les objectifs, sur les préoccupations, les inquiétudes du député de Saint-Jacques, mais après avoir regardé cela sur tous les sens, nous sommes convaincus que les articles 11 et 89 vont nous permettre d'atteindre les objectifs que veut atteindre le député de Saint-Jacques par son article 10 a).

M. Charron: M. le Président, je reviendrai à la reprise des travaux sans adopter l'article 10 immédiatement, parce que j'ai un autre amendement à proposer.

M. Hardy: Alors, on peut considérer l'article 10 a) rejeté sur division?

M. Charron: Non, j'aime mieux attendre les précisions que j'ai à donner.

Le Président (M. Kennedy): D'accord. La commission suspend ses travaux sine die, suite aux ordres de l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à II h 59)

Reprise de la séance à 16 h 33

M. Kennedy (président de la commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications continue l'étude du projet de loi no I, Loi sur le cinéma.

Nous en étions à l'article 10, et le député de Saint-Jacques avait la parole.

M. Charron: Oui, M. le Président.

Brièvement, j'ajoute aux explications que j'avais commencé à fournir avant l'ajournement, ce midi. A notre avis, l'article 11, que nous serons tout à fait disposés à adopter, permettra au ministre d'intervenir dans les situations qui, jusqu'à présent, ont miné le développement de l'industrie cinématographique québécoise et l'art cinématographique au Québec. Mais il faut plus, à notre avis, que de permettre au ministre d'intervenir dans des situations bien particulières, qui pourraient se développer après l'adoption de cette loi. Il y a des phénomènes déjà connus, déjà identifiés et que la loi devrait nommément encercler, je dirais, dans les pouvoirs attribués au ministre pour lui permettre d'y remédier.

M. le Président, j'ai mentionné mon amendement qui ferait un article a), ajouté à l'article 10, qui spécifierait que nul ne peut exploiter une entreprise de distribution et de production de films s'il n'a obtenu l'autorisation préalable du ministre à cette fin. Donc, aucune entreprise de distribution et de production ne pourrait fonctionner au Québec, sans l'autorisation du ministre.

Plus loin, M. le Président, j'ajouterai, comme autre amendement à l'article 10, qui deviendrait l'article 10 b), un amendement inspiré de la réglementation sur la câblodistribution adoptée par cette même commission et par l'Assemblée nationale, il y a maintenant un an et demi.

C'est presque le libellé même de la réglementation, M. le Président, qui dirait ceci, l'article 10 b) se lirait comme suit: "Une majorité des deux tiers des membres du conseil d'administration de toute entreprise de distribution et de production doivent être des résidents du Québec. Tous les membres de la direction doivent être des résidants du Québec. Dans le cas d'une corporation, le siège social doit être situé au Québec, et sous réserve du paragraphe a), les propriétaires qui administrent, contrôlent une entreprise de distribution et de production de films doivent être résidants du Québec."

Nous pourrions également ajouter, dans les spécifications, que l'article 11, malgré sa bonne intention, ne satisfait pas parce que son caractère est trop général.

L'article 10 c) se lirait comme suit: "Aucune autorisation d'exploitation d'une entreprise de distribution et de production de films ne peut être attribuée par le ministre à une entreprise oeuvrant dans un domaine connexe et à toute personne ou entreprise qui administre ou contrôle à titre de propriétaire, dans une proportion excédant 20%,

l'une d'elles par participation financière ou autrement."

Il s'agit donc, M. le Président, de nous assurer que le contrôle québécois et le caractère québécois de ces entreprises de distribution et de production soient la réalité nouvelle qui apparaisse au lendemain de l'adoption de la Loi sur le cinéma.

M. Hardy: Est-ce que vous avez des copies, parce que vous avez ajouté des choses? C'est plus que votre amendement de ce matin.

M. Charron: Oui, je l'admets.

M. Hardy: La période du déjeuner ne vous a pas amélioré; cela vous a empiré.

M. Charron: Je les avais déjà ce matin. C'est parce que...

M. Hardy: Oui?

M. Charron: ... je croyais vous les avoir données. Je vous le dis tout de suite avant que vous n'en preniez connaissance.

M. Hardy: L'article 10 a)?

M. Charron: C'est le libellé, à peu près intégral — je me demande si cela n'est pas intégral — de réglementation sur la câblodistribution que votre gouvernement a présentée.

M. Hardy: Oui, mais je pense qu'il faudrait quand même être prudent dans les comparaisons. Le commerce et l'industrie du cinéma et la câblo-diffusion, ce sont deux choses extrêmement différentes.

M. Charron: La câblodistribution.

M. Hardy: La câblodistribution, oui. D'accord, après une première lecture des amendements proposés par le député de Saint-Jacques, je me pose de sérieuses questions quant à leur constitu-tionalité.

Deuxièmement...

M. Charron: Développez donc cet aspect.

M. Hardy: II s'agit d'entreprises multinationales. Il existe une loi au fédéral. Cela pose tout le problème. Je ne suis pas en mesure de vous faire une thèse de droit constitutionnel. Je vous dis qu'à première vue cela pose de sérieuses questions. Parce qu'il existe la loi sur le capital étranger, les investissements étrangers à Ottawa.

Le commerce international et tout cela , c'est un domaine qui est d'abord de juridiction fédérale, mais je ne suis pas en mesure de vous dire oui ou non. Ce n'est pas un jugement que je prononce, il s'agit d'un domaine trop complexe pour pouvoir juger cela à première vue. Je vous dis que cela me pose immédiatement une question.

Deuxièmement, il ne faut pas que notre désir d'épanouissement de la culture cinématographique québécoise, de la culture cinématographique dans son ensemble... Parce que j'ai bien fait la distinction hier, c'est une chose que le cinéma québécois, mais je ne pense pas que les Québécois soient disposés à limiter leur culture cinématographique à la production québécoise, si grande soit-elle. Je pense que le cinéma est un phénomène universel, international et, dans tous les pays évolués du monde, on voit des films produits dans d'autres pays. Donc, il s'agit, je pense, d'un commerce très international tant au niveau de la production qu'au niveau de la distribution.

Il y a aussi des problèmes bien concrets de capitaux. C'est bien beau de mettre dans une loi qu'on exige que le capital soit jusqu'à tel pourcentage québécois, que les dirigeants soient domiciliés au Québec, mais est-ce que les faits, la réalité concrète pourra répondre à cela du jour au lendemain de par une loi? Finalement, il y a également le fait que nous sommes devant une situation, autant le député de Saint-Jacques... Le député de Saint-Jacques a cité des statistiques hier, mais nous n'avons pas un portrait exhaustif de ce que sont l'industrie et le commerce du cinéma au Québec. La loi va nous donner ces pouvoirs, les pouvoirs d'aller chercher ces renseignements qui nous permettront, dans l'avenir, d'avoir ce portrait exhaustif, mais nous ne l'avons pas. Il ne faudrait pas s'aventurer dans un domaine, dans l'inconnu et peut-être atteindre des résultats tout autres que ceux que nous visons. L'objectif que nous visons, je pense qu'il est le même. Nous voulons que le cinéma serve les intérêts culturels du Québec. Nous voulons que ceux qui sont les principaux agents dans ce domaine, que ce soit les producteurs, les distributeurs, se conforment à ces objectifs. Je pense qu'à l'heure présente, l'article 11 et l'article 89 nous donnent les pouvoirs d'atteindre ces objectifs sans nous aventurer dans des domaines qui nous sont inconnus et sans risquer, encore une fois, d'arriver à des résultats qui seraient peut-être tout autres que ceux que nous voulons obtenir.

Je ferais remarquer au député de Saint-Jacques que, dans son... C'est peut-être un peu irrégulier au point de vue du règlement, parce que je saute d'un article à l'autre, mais, dans son article 11, il fait disparaître ce paragraphe que je considère très important, où les personnes intéressées à faire des transactions dans le domaine cinématographique peuvent s'adresser au ministre pour avoir son avis pour qu'il n'y ait pas de transaction et que, tout à coup, on vienne les annuler et causer des préjudices graves aux gens, c'est-à-dire faire disparaître ce troisième alinéa de l'article 11.

Mais je reviens à l'essence même des articles 10 a), 10 b) et 10 c). Encore une fois, je décèle très bien l'objectif poursuivi par le député de Saint-Jacques en présentant ces amendements. Je dis que nous poursuivons les mêmes objectifs, mais je pense que les moyens que nous utilisons aux articles 11 et 89 sont des moyens plus prudents, plus réalistes, qui collent davantage à la réalité. Si, à la

lumière des renseignements que nous obtiendrons, si l'expérience de l'administration de cette loi démontre que l'article 11 et l'article 89 ne sont pas suffisants pour atteindre les objectifs que nous nous proposons, il sera toujours temps d'amender cette loi. De même que je me propose, l'automne prochain, d'amender la Loi des biens culturels, j'imagine bien que cette loi-cadre du cinéma, après deux ou trois ans, pourra peut-être recevoir des amendements.

Mais pour le moment, je trouverais imprudent, hasardeux et peut-être, jusqu'à un certain point, irresponsable de s'aventurer dans les avenues que nous propose le député de Saint-Jacques.

Encore une fois, je veux que ce soit bien clair: les objectifs que vous poursuivez ici sont les nôtres. Mais je trouve que les moyens que vous utilisez, et cela est pas mal conforme à votre pensée générale, sont des moyens imprudents.

M. Charron: Je crois que ce que vous affirmez à l'article 11, si on peut dire qu'en principe, on se rejoint sur les objectifs, vous le diluez d'une façon tellement générale, que ça nécessite des précisions.

M. le Président, l'article 11 me permet aussi d'y faire référence puisqu'il a directement rapport avec le contenu de l'amendement que nous sommes à discuter. Il dit que, si des pratiques sont de nature à contrecarrer les besoins culturels de la population, alors le ministre peut intervenir. C'est le texte même de votre amendement. Qu'est-ce que cela veut dire dans la pratique?

M. Hardy: On le définit après. On l'explique. "Restreignent la disponibilité...

M. Charron: D'accord, je l'ai vu; mais des pratiques qui sont de nature à contrecarrer les besoins culturels de la population.

M. Hardy: C'est cela, le "block booking" dont vous parlez. Il est énuméré à l'article 11.

M. Charron: L'amendement que nous avons à l'article 11, j'admets avec vous que votre troisième alinéa doit y rester. L'amendement que je vous présentais à la place du troisième, considérez-le comme un quatrième alinéa.

A mon avis, cela a un effet direct pour l'élimination du "block booking". La différence fondamentale, vous allez me dire encore que c'est dans le premier paragraphe de l'article 11, la différence fondamentale, c'est que vous, vous vous réservez le pouvoir d'intervenir, d'une façon très générale, alors que, de notre côté, nous nous efforçons d'indiquer à quel endroit est le malaise et d'indiquer quelle est la solution ou quelle est l'interdiction que nous entendons faire quant au développement de ce malaise.

Ce n'est pas simplement lorsque vous jugerez bon ou lorsque vous vous serez fait l'opinion que cela contrecarre les besoins culturels de la population.

On dit clairement et fermement: Telle pratique est interdite. Tout contrat ou transaction conclu dans le but d'assujettir l'obtention d'un film par un distributeur à d'autres films est un contrat nul et sans effet. C'est à peu près ce que cela dit.

M. Hardy: Oui, mais il y a un problème de contrôle également. C'est bien beau, cela. Mais il faut se garder de faire de l'angélisme. De quelle façon pourrez-vous toujours aller vérifier? Il faut éviter de faire des lois qui ne sont pas observées.

Même si vous dites cela dans un projet de loi, cela n'empêchera pas, dans des cas particuliers, la chose de se produire. Et ce n'est pas parce qu'elle se produit dans des cas particuliers que cela peut être néfaste pour les intérêts culturels de la collectivité. C'est si cela se produit sur une haute échelle, d'une façon régulière et continue.

A ce moment-là, si cela se produit, nous intervenons. Sinon, la population pourra nous dire: Vous vous êtes donnés une loi et vous ne la faites pas observer. Il y a toujours le contrepoids de l'opinion publique.

M. Charron: La population va se dire: Vous vous êtes donnés une loi tellement vague, que cela va vous permettre de ne pas intervenir a certains moments. Vous pourrez toujours dire que ce ne sont là que de petits cas particuliers, mais que cela ne contrecarre pas les besoins culturels de la population.

M. Hardy: II y a deux interprétations . Si vous avez des lois trop limitatives, devant les tribunaux, vous risquez de perdre. Quand la loi est trop limitative, quand vous venez pour faire la preuve, la partie adverse peut toujours réussir à prouver que le cas bien identifié ne s'applique pas, parce que votre cadre juridique est trop limité.

Quand vous avez un cadre juridique très large, très vaste, il y a beaucoup moins de danger de faire rejeter votre cause, parce qu'il y a plus de possibilités de faire entrer, dans le cadre juridique, le cas bien précis que l'on poursuit.

M. Charron: Je suis parfaitement d'accord avec vous, mais notez bien que je ne veux pas faire disparaître le caractère plus vaste et plus vague de votre article 11. Je suis même prêt à l'adopter, mais je dis que, pour les besoins de la cause, non seulement devons-nous vous donner ce caractère général qui vous permettra un certain nombre d'interventions, mais au besoin aussi, après avoir affirmé ces principes généraux, une loi a besoin d'être spécifique lorsqu'elle croit que le malaise est spécifiquement encerclable à un endroit.

M. Hardy: Je relis le deuxième paragraphe de votre article 10 a). Si on veut un exemple de discrétion du ministre, de danger... J'essaie de tomber dans l'esprit de ceux qui ont critiqué la loi jusqu'ici. Un ministre qui voudrait vraiment faire du patronage, intervenir, favoriser des intérêts contre les autres, votre deuxième paragraphe de l'article 10 a) lui donne toute ouverture quand

vous dites: "Avant d'attribuer l'autorisation prévue au paragraphe 1, le ministre doit être d'avis que l'entreprise de distribution ou de production de films sera un instrument conforme aux dispositions de l'article 3."

M. Charron: Vous le dites dans votre article 11.

M. Hardy: Imaginez-vous qu'à un moment donné...

M. Charron: Vous le dites dans votre article 11.

M. Hardy: II faut faire la preuve devant un tribunal, tandis que vous... Regardez bien concrètement comment s'appliquerait votre article 10. Un distributeur s'amène et veut obtenir un permis. Je mets cela au pire. Je me transforme en journaliste, adversaire effréné du pouvoir actuel, et je dis: C'est épouvantable. Quand un distributeur non ami du régime, non favorable au régime demandera un permis, ce sera très facile pour le ministre d'invoquer que ce distributeur ne répond pas à l'article 3. Or, c'est un pouvoir strictement discrétionnaire que vous donnez au ministre. A l'article 3, il y a toujours possibilité de démontrer qu'un tel, pour toutes sortes de raisons, on a des raisons de croire, on présume qu'il ne se conformera pas aux objectifs de la loi, tandis que nous, à l'article 11, d'abord, on circonscrit le domaine et surtout, c'est qu'il faut s'adresser à un juge. Il faudra faire une preuve devant les tribunaux. Un bon matin, ce n'est pas le ministre qui va décider que telle pratique n'est pas bonne. Il faudra que le ministre aille devant le tribunal et ensuite...

M. Charron: Ce n'est pas là qu'est le problème, M. le Président.

M. Hardy: Oui, mais...

M. Charron: C'est de savoir... Ce n'est pas que vous alliez devant les tribunaux, c'est que l'article 11 ne vous oblige pas à aller devant les tribunaux quand il y a des situations inacceptables, comme, par exemple, le fait que, de façon croissante, le réseau de distribution de films au Québec appartienne à des étrangers.

Il faudra que la situation devienne tellement grave, l'explication de la loi est tellement vague que vous pourrez me dire que des phénomènes comme ceux que je vous ai décrits dans mon intervention de deuxième lecture hier, ne contrecarrent pas les besoins culturels de la population, donc que vous n'avez pas à entamer des poursuites devant les tribunaux. Ce n'est pas la question des tribunaux, je me "sacre" des tribunaux.

M. Hardy: Vous avez raison.

M. Charron: C'est la volonté politique. Cela ne repose que sur la discrétion politique du ministre d'entamer ces choses, alors qu'il y a des phéno- mènes tellement graves, j'estime que vous n'auriez même pas de discrétion à y avoir. Lorsque le phénomène se propose, vous devriez dire que c'est inacceptable.

M. Hardy: Cela ne fonctionne pas comme cela. Ecoutez, l'administration d'une loi, ce n'est pas... A ce moment, on va faire disparaître tous les ministres et le gouvernement, et on va mettre des ordinateurs et cela va fonctionner. Si vous prétendez, comme membre du Parlement...

M. Charron: Non.

M. Hardy:... que je n'applique pas l'article 11, j'ai des comptes à vous rendre, à rendre aux membres du Parlement et à l'opinion publique. Si vous considérez...

M. Charron: Les comptes que vous allez rendre, cela va être une discussion politique. Je vais me lever en Chambre un matin, après l'application de cette loi, et je vais vous dire que tel phénomène se passe dans l'est du Québec, par exemple, dans la région de l'Est du Québec ou dans la région de la Côte-Nord. J'estime que cela contrecarre les besoins culturels de la population de cet endroit.

M. Hardy: Faites une preuve.

M. Charron: Est-ce que cela se prouve, quand c'est aussi vague que cela?

M. Hardy: Oui, cela se prouve.

M. Charron: Vous allez me répondre que vous êtes au courant du phénomène, mais que vous ne croyez pas que cela contrecarre les besoins culturels de la population, donc que vous n'avez pas à utiliser les pouvoirs de l'article 11 et que vous n'allez pas devant les tribunaux. J'aime bien mieux quand il y a un phénomène... Il ne s'agit pas de remplacer les ministres par des ordinateurs. Prenez votre collègue du Travail, lorsqu'il est intervenu dans son domaine. C'est clair, c'est net et précis ce qui est illégal, ce qui est inacceptable, ce qui permet à un député...

M. Hardy: Ce n'est jamais clair et précis, ce qui est légal et acceptable

M. Charron: ... de l'Opposition de se lever, comme le député de Maisonneuve l'a fait hier après-midi et dire que telle décision qui a été prise, est illégale.

M. Hardy: M. le Président, le député de Saint-Jacques, ce n'est pas un reproche que je lui fais, démontre qu'il a une très piètre connaissance du domaine juridique et du fonctionnement des tribunaux. Ce n'est jamais clair comme blanc et noir qu'une chose est légale ou illégale. Je peux bien prétendre aujourd'hui que telle chose est illégale, d'ailleurs cela se passe tous les jours quotidiennement, il y a des gens qui se présentent devant

les tribunaux. Il y a une partie qui pense qu'une chose est illégale et l'autre partie pense qu'elle est légale, et il y en a un qui perd. Ce n'est pas clair comme cela. Ce ne sont pas des choses qui se tranchent au couteau.

M. Charron: Devant les tribunaux, on prouve qu'un citoyen a enfreint la loi.

M. Hardy: C'est cela.

M. Charron: Bon. Alors, pour la justice, la loi gagne toujours à être précise. Comment allez-vous prouver devant un tribunal, si jamais vous avez le "guts" — c'est cela la question — de traîner une entreprise de distribution américaine de navets américains sur le territoire québécois, de l'amener devant les tribunaux, et demander de lui retirer son permis d'exploitation, parce que vous avez comme conviction qu'elle ccontrecarre les besoins culturels de la population?

Eux vont se défendre comme des pauvres diables en disant: L'entreprise privée, je fais mon devoir, avec tout le tralala, et c'est le bon juge qui va être assis devant cela et qui va, lui, déterminer quels sont les besoins culturels de la population, premièrement.

M. Hardy: Le ministre va faire la preuve.

M. Charron: Attendez un peu! Nonl Le ministre va avoir une preuve à faire, mais le juge, lui, va déterminer quels sont les besoins culturels de la population et là, après cela, en écoutant le plaidoyer de l'un et le plaidoyer de l'autre, si, vraiment, il y a eu des pratiques qui étaient de nature à contrecarrer les besoins culturels de la population.

Mais quels sont les besoins culturels de la population, quand on met cela comme cela? Les anglophones du Québec, M. le Président, qui seraient à cette table, ou leurs députés pourraient intervenir et dire que les besoins culturels de la population, c'est que toutes les oeuvres d'importance cinématographique américaines ou anglaises, étant donné qu'elles sont de leur culture et de leur langue maternelle, soient accessibles, sur le territoire du Québec, pour ces citoyens, au moins dans les parties du Québec où ils sont majoritaires. C'est leurs besoins culturels. Qui va les déterminer, les besoins culturels? Moi, je trouve que cette loi est tellement vague qu'elle est inapplicable et que bien des gens pourront la contourner, d'une part; mais surtout ce qui est plus grave, c'est qu'elle pourra continuer à permettre au gouvernement de laisser le réseau actuel se développer et de ne pas agir. Cela n'est pas suffisamment précis. On n'est pas pour demander à un juge de déterminer pour nous, quels sont les besoins culturels de la population, et que vous, vous disiez: La pratique a contrecarré ces besoins, et l'autre réponde: Non, ce que j'ai fait, dans telle région du Québec, n'a pas contrecarré les besoins culturels du Québec. C'est le juge qui va décider quels sont les besoins culturels du Québec? Il ne l'a pas dans la tête, le juge. Il faudrait les mettre.

M. Hardy: II va juger d'après une preuve qui est faite devant lui.

M. Charron: Non. Si vous arrivez à un moment donné et que vous présentez un article comme celui que je vous ai suggéré, comme le dernier paragraphe de l'article 11, qui dit que tout contrat ou transaction conclue, qui oblige un distributeur à prendre plusieurs films pour en avoir un, est un contrat nul et sans effet, dans ce cas, le juge n'a pas à connaître...

M. Hardy: Mais c'est d'une naïveté! M. Charron: ...les besoins culturels.

M. Hardy: M. le Président, l'amendement du député de Saint-Jacques s'inspire d'une naïveté effroyable. Vous m'avez dit, hier, dans votre discours — j'étais absent, un moment donné — que je ne connaissais pas le milieu du cinéma. Vous n'avez pas l'air de connaître le milieu des distributeurs. Vous imaginez-vous qu'avec un texte de loi, ils ne s'organiseront pas pour faire le contrat? Pensez-vous qu'ils vont aller mettre, dans leur contrat: Pour avoir tel film, il faut que vous preniez tel et tel autre film? Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.

M. Charron: Faites-en un article qui interdit cela.

M. Hardy: C'est ça, notre article l'interdit, parce qu'il mentionne une pratique générale.

M. Charron: Pas vrai! Pas vrai!

M. Hardy: Mais il n'y a pas un distributeur...

M. Charron: II va falloir que vous prouviez au juge que le "block booking", c'est cela que vous voulez interdire. Il contrecarre les besoins culturels de la population.

M. Hardy: Non. Bien non!

M. Charron: Mais c'est ça, votre article 11.

M. Hardy: Bien non! L'article 11, ce n'est pas cela qu'il dit. L'article 11 dit que la preuve, que le ministre des Affaires culturelles aura à faire devant le juge, sera une preuve générale que la pratique — pas un contrat, parce qu'un contrat, ils vont s'organiser pour le...

M. Charron: La pratique...

M. Hardy: La pratique, bon! Le ministre des Affaires culturelles aura à prouver, devant le juge, qu'un distributeur a restreint la...

M. Charron: La pratique du "block booking".

M. Hardy: ...disponibilité, a restreint le libre choix, a retardé indûment la présentation d'un film. Exemple: Les deux versions sortent en même

temps, la française et l'anglaise. Le distributeur, je ne sais pas pour quelle raison, garde sur les tablettes la version française et distribue la version anglaise. Retarder indûment ou être autrement contraire aux objectifs prévus par l'article, c'est une preuve qui se fait. Mais c'est bien précis. C'est cette pratique qu'on va aller déterminer, qu'on va aller prouver devant le juge.

M. Charron: Comment allez-vous prouver cela?

M. Hardy: Quand j'aurai prouvé que le distributeur , d'une façon générale, restreint la distribution de certains films, restreint la distribution de films québécois ou que des propriétaires de salles vont venir dire, très clairement, sous serment: On n'est jamais capable d'obtenir de ce distributeur telle sorte de films si on ne prend pas tel autre. C'est une pratique. C'est là que le juge pourra intervenir, pourra donner raison à la thèse du ministre des Affaires culturelles. C'est à partir de pratiques. Ce n'est pas par l'émission de permis ou que les contrats... Les contrats... Ils vont s'organiser pour contourner... Ils vont contourner la loi. Ils vont rédiger les contrats de telle façon que cela sera tout à fait conforme à la loi et ils vont continuer à faire ce qu'ils veulent faire.

Ce qui est important, ce ne sont pas les contrats...

M. Charron: J'ai l'impression que je rajoute de la force à votre loi.

M. Hardy: Nous avons l'impression que non seulement, vous n'y ajoutez pas de la force, mais vous donnez des moyens légaux aux gens pour contourner la loi. Plus vous allez dans les détails... Parce que, imaginez-vous que les grands distributeurs, les "major" comme on les appelle, ont de très brillants avocats à leur service, des gars qui savent comment rédiger des lois et des contrats.

Alors, ils vont prendre votre petit texte et cela sera bien facile pour eux de rédiger un contrat qui va complètement passer à côté.

Ce n'est pas le contrat qui nous intéresse. C'est la pratique. L'article 11 nous donne le pouvoir de faire la preuve d'une pratique.

M. Charron: Je n'ai jamais suggéré que cette commission rejette l'amendement présenté par le ministre à l'article 11. Je suis parfaitement d'accord et vous pouvez d'ores et déjà le considérer comme adopté. Je suis parfaitement d'accord pour donner ces pouvoirs vastes et étendus au ministre, mais je ne m'en contente pas. S'il s'aperçoit, à un certain moment, que la pratique, effectivement, peut être de cette nature, je dis que cela sera tellement difficile à prouver... Aussi bien avoir des indications précises de ce qui s'appelle une infraction à la loi à certains moments, mais non pas laisser à la tête d'un juge de déterminer les besoins culturels de la population.

M. Hardy: Franchement, c'est presque un dialogue de sourds! Le juge ne décidera pas quels sont les besoins culturels de la population. Le juge va avoir la loi. Il va savoir que la loi impose d'aider la diffusion du cinéma et l'épanouissement... C'est cela la loi.

Et d'un autre côté, on va lui faire une preuve que des gens agissent à l'encontre de ce texte de loi. Le juge n'aura pas à se demander, in abstracto, ce qu'est le bien culturel de la population.

D'ailleurs, le tribunal va faire comme il fait dans toutes les autres lois. Il va avoir un texte de loi et il va avoir une preuve devant lui. Il va voir dans quelle mesure la preuve qu'on a faite est conforme au texte de loi ou n'est pas conforme.

Si notre demande ou notre plainte ou notre intervention juridique est conforme au texte de loi. il va nous donner raison et la preuve aura été démontrée. Si on faillit à la tâche de démontrer qu'il y a eu un retard indu dans la distribution des films, je juge nous dira: Vous n'avez pas raison. Vous perdez votre cause.

Le juge n'aura pas à décider en soi ce que sont les besoins culturels. Je ne suis pas pour commencer à remettre cela au juge, c'est-à-dire de décider quels sont les besoins culturels de la population. Le juge a un texte de loi et a une preuve. Il les compare.

M. Charron: D'accord. Vous pouvez considérer les amendements que j'ai présentés aux articles 10 et 11 comme rejetés par le ministre.

M. Hardy: Par qui?

M. Charron: Par le ministre et par le commission.

M. Hardy: Sur division.

M. Charron: Si vous le voulez. Mais j'ai bien hâte de vous voir appliquer cette loi. Non seulement j'ai hâte de vous voir l'appliquer de façon juridique devant les tribunaux et la plaider avec un caractère aussi vague que cela, mais j'ai surtout hâte de vous voir avoir le "guts" politique pour intervenir dans le champ des distributeurs, des sociétés étrangères qui contrôlent les salles, qui contrôlent le réseau de distribution, qui contrôlent plusieurs organismes de production de films québécois. Autrement dit, ce n'est pas seulement de vous démêler devant les juges qui va être un spectacle, qui sera difficile à supporter pour les Québécois, mais le défaut majeur de cet article 11, par son caractère vague et par son caractère imprécis, c'est de vous permettre, encore une fois, de ne pas agir dans le domaine du cinéma.

M. Hardy: L'ancien article 11 était plus vague.

M. Charron: Oui, d'ailleurs j'ai eu, comme vous, des représentations de plusieurs groupes sur cet article 11. M. le Président, articles 10 et 11 adoptés.

Le Président (M. Kennedy): Avec amendements?

M. Hardy: Avec les amendements que j'ai proposés.

M. Charron: Avec les amendements du ministre, le mien...

M. Hardy: Et le rejet des amendements du député de Saint-Jacques. Juste un mot. C'est sûr que cela va être une loi difficile à appliquer surtout dans les premières années, mais nous avons la ferme détermination de l'appliquer.

Le Président (M. Kennedy): Article 12, tel qu'amendé.

M. Hardy: L'article 12 est un article nouveau, qui avait été oublié dans la rédaction du premier texte.

M. Charron: Pourquoi, dans le nouvel article 12, M. le Président, insistez-vous pour avoir la recommandation du conseil de la municipalité où cette...

M. Hardy: Parce qu'il y a tous les problèmes de zonage, d'urbanisme qui sont de juridiction municipale et je serais réticent à ce qu'on émette un permis de ciné-parc ou un permis de salle de cinéma qui irait à rencontre des règlements d'aménagement du territoire, de zonage et d'urbanisme. Je pense que c'est tout simplement pour qu'il n'y ait pas contradiction entre notre action et l'action du pouvoir local.

M. Charron: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Est-ce que vous retirez votre amendement vis-à-vis...

M. Charron: Oui, M. le Président.

M. Hardy: L'article 13 est également un nouvel article. A l'heure actuelle, il n'y a que pour les ciné-parcs... La loi prévoit que pour ceux qui veulent aménager un ciné-parc, il y a un permis d'exploitation annuel qui doit être demandé au ministère. On ne touchait pas aux salles de cinéma. Personnellement, je dois vous dire que j'avais beaucoup de réticence sur la loi telle quelle, parce qu'elle laisse une discrétion absolue au ministre de décider où il va y avoir des ciné-parcs, comment et... D'ailleurs, depuis que je suis ministre, j'ai refusé systématiquement d'accorder tout nouveau permis de ciné-parc, d'abord parce que je trouvais que je n'avais pas de critères objectifs sur lesquels je pouvais me baser. Cela aurait été une décision tout à fait arbitrale avec tous les dangers de critique de patronage que cela implique et aussi parce que — une autre raison — beaucoup de propriétaires de ciné-parcs prétendaient qu'ils étaient dansune situation financière difficile. Alors, mon raisonnement était que, si ceux qui ont déjà des permis sont dans une situation financière difficile, je vois mal comment j'aurais pu donner des permis sans avoir des critères bien définis.

Alors, l'article 13 va permettre au ministère d'abord d'établir des règles, des critères par règlement, très objectifs pour l'aménagement de salles de cinéma et pour l'aménagement des ciné-parcs.

Une fois que quelqu'un répondra un peu comme pour un permis de construction dans une municipalité, une fois que la personne qui demande un permis de ciné-parc ou de salle de cinéma aura un plan qui répondra à nos critères, on lui accordera automatiquement un permis.

Donc, il n'y aura plus cette espèce de discrétion ou de danger de grenouillage qui peut exister. On abolit les permis d'exploitation. C'est inutile, une fois que le ciné-parc a été aménagé. Evidemment, les inspecteurs continuent à surveiller pour voir si l'aménagement reste tel quel, mais je ne vois pas pourquoi on renouvellerait un permis d'exploitation annuellement. C'est de la paperasse inutile, à mon avis.

M. Charron: Est-ce que ce n'est pas un revenu supplémentaire aux fonds de la province?

M. Hardy: Avec l'administration, la paperasse et les fonctionnaires que ça demande, je pense qu'on peut, par le ministère du Revenu, aller chercher des revenus d'une façon plus efficace que toute cette paperasse inutile en imposant une taxe spéciale ou... Donc, à l'avenir, l'aménagement d'une salle de cinéma conventionnelle et l'aménagement d'un ciné-parc devront répondre à des critères normaux, objectifs, les mêmes partout dans la province, et dès que quelqu'un répondra à ces critères, le permis lui sera accordé.

M. Perreault: M. le ministre, est-ce que des normes techniques d'établissement, d'implantation, au point de vue électronique, des distances, etc., vont être établies?

M. Hardy: Oui, entre autres, dans la préparation de nos normes, pour les ciné-parcs par exemple, nous allons consulter les gens du ministère des Affaires municipales pour l'aménagement du territoire, les gens du ministère des Transports, quant au problème de la sécurité routière, du ministère du Travail, pour la sécurité et l'hygiène dans les salles. En fait, nos règles vont tenir compte de tous les impératifs.

M. Perreault: Est-ce que vous aurez des normes pour la qualité du son et de la présentation? L'équipement?

M. Hardy: Oui.

M. Perreault: C'est important parce qu'il y a plusieurs ciné-parcs qui présentent...

M. Hardy: Ce qui est important aussi, c'est d'avoir les meilleures normes possible et qu'elles soient connues de tout le monde pour que personne ne pense qu'il y a des choses cachées ou que ce soit à la disposition du grand public; celui qui voudra aménager une salle de cinéma aura simplement à regarder les normes et à s'y conformer.

M. Perreault: Dans le moment, il n'y avait pas de normes existantes au point de vue électronique?

M. Hardy: Pour les ciné-parcs? C'est-à-dire qu'il y a quelques règlements, je me rappelle une de ces normes qui n'a pas toujours été très scrupuleusement suivie, c'est que l'image de l'écran ne doit pas être visible de la route, mais vous savez comme moi qu'on peut en voir un peu partout.

M. Perreault: Au point de vue de la qualité de l'écran, ainsi de suite, vous n'avez aucune norme là-dessus?

M. Hardy: Actuellement non, mais on se propose d'en avoir.

M. Perreault: La qualité acoustique des haut-parleurs?

M. Hardy: On va en avoir, parce que c'est très important.

M. Perreault: La qualité acoustique des haut-parleurs dans les autos, c'est très important, parce que...

M. Hardy: Dans une certaine mesure, oui, pour la protection du consommateur et aussi la qualité de la culture cinématographique. Si les gens vont voir des films et qu'à cause d'un mauvais équipement, le rendement est à moitié, on trahit l'oeuvre.

M. Perreault: Je suis allé dans un ciné-parc en fin de semaine et la qualité des écouteurs qu'on avait dans l'auto était pourrie. A ce moment-là, ça décourage.

Le Président (M. Kennedy): Article 13. Adopté.

M. Charron: Oui, M. le Président, mais peut-être avec une explication qui avait été présentée sous forme d'amendement mais qui peut être retirée. Je comprends mal la nécessité du deuxième paragraphe.

M. Hardy: Vous parliez de loi avec des dents hier?

M. Charron: Je veux dire que cela va de soi, à mon avis.

M. Hardy: II faut que ce soit dans la loi, sans cela on ne peut pas le faire démolir. Cela ne va pas de soi. Il faut que ce soit bien clair dans la loi que, si quelqu'un aménage un ciné-parc sans avoir obtenu les permis, il faut que ce soit indiqué dans la loi que le juge peut ordonner la démolition.

M. Charron: D'accord.

M. Hardy: Sans cela, cela aurait été une amende, cela aurait été les règles pénales ordinaires de notre loi. Vous comprenez que, même si nos amendes sont assez élevées, de $5,000 à $10,000, même là...

M. Charron: S'il fait du profit en masse? D'accord, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Le nouvel article 13 adopté. Section III: Information, classification des films et admission aux projections publiques. Article 12, devenu l'article 14.

Classification des films et admission au cinéma

M. Charron: Article 14, adopté, M. le Président.

M. Hardy: En fait, toute la section est remplacée.

M. Charron: Je travaille la question. J'oublie cela.

M. Hardy: On va faire comme s'il y avait une réimpression de cette section-là.

Le Président (M. Kennedy): On va suivre les numéros de la réimpression.

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Kennedy): Article 14, adopté?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Article 15?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 16?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

M. Perreault: A l'article 13, est-ce qu'il va y avoir possibilité, quand on parle de provenance des films, etc., d'éviter ce qui se passe actuellement pour les films? C'est qu'on présente un titre de film, on donne un titre à un film qui est présenté. On ne donne pas le titre original. Dans l'article 16, dans la provenance, est-ce qu'il y aurait moyen de prévoir qu'on donne le titre entre parenthèses, le titre du film américain en question?

M. Hardy: Oui, vous m'aviez parlé de cela déjà.

M. Perreault: Je vous avais parlé de cela parce que, dans le moment, on se fait jouer. Je vais voir un film que j'avais vu...

M. Hardy: La traduction n'a rien à voir avec le contenu.

M. Perreault: Je vous ai montré un titre de film, Les violons du bal...

M. Hardy: C'est notre intention, parce que j'ai eu l'occasion de le dire hier. La liberté de choix des cinéphiles, des consommateurs de films a une condition essentielle, c'est qu'ils soient bien informés. Il faut qu'on sache exactement ce que l'on va voir.

Ce service d'information — et nous mettons l'accent sur l'information — sera aussi important, même je dirais plus important que la partie classification.

Bien sûr, les deux vont aller de pair. Quand ce service sera appelé à approuver la publicité, il devra voir à ce que la publicité ne soit pas trompeuse. Puisqu'il a le mandat de bien informer le public, ce même service ne pourra pas, en même temps, approuver une publicité qui est trompeuse, qui est de nature à tromper le public.

M. Perreault: Dans le moment, il y a manipulation des titres de films qui sont présentés au Québec. Bien souvent un film est passé, on peut voir le film, dans sa version originale, sous un titre, et on le revoit sous un autre titre. Il n'y a aucune corrélation.

M. Hardy: D'accord.

M. Perreault: Je pense que...

M. Hardy: Ce seront les critères que se donnera le service de classification et d'information pour approuver la publicité qui s'appliqueront.

M. Perreault: Très bien.

Le Président (M. Kennedy): Article 17?

M. Charron: C'est un exemple, "The Sting", "L'Arnaque", ce n'est pas la même chose.

Le Président (M. Kennedy): Article 17.

M. Hardy: C'est justement ce dont on parlait tantôt, l'approbation de la publicité, la réclame.

Le Président (M. Kennedy): Article 18, adopté. Article 19. Article 20. Article 21, adopté. Article 22.

M. Perreault: M. le ministre, à l'article 20, vous n'avez pas votre nouvelle classification?

M. Hardy: A l'article 20. M. Perreault: Oui.

M. Hardy: Qu'est-ce qui ne va pas à l'article 20?

M. Perreault: Vous n'avez pas un film avec les participants, la nouvelle classification?

M. Hardy: Film pour adultes avec réserve? M. Pereault: Avec avertissement. M. Hardy: C'est à l'article 22. M. Perreault: D'accord.

M. Hardy: Article 22: "Le directeur peut, lorsqu'il est d'avis qu'un film réservé aux adultes est susceptible de choquer des spectateurs, exiger au moyen de son visa que le film soit précédé d'un avertissement aux spectateurs, les informant succinctement de la nature du film et de sa teneur. Il peut aussi, en pareil cas, restreindre le contenu publicitaire de la réclame entourant le film, et même ordonner que soient seuls publiés le titre du film et les noms des producteurs, réalisateurs et interprètes."

M. Perreault: Très bien.

M. Hardy: En fait, c'est la nouvelle catégorie de films pour adultes avec réserve.

M. Perreault: Très bien.

M. Hardy: Ce n'est pas une catégorie au sens strict de la loi mais, à toutes fins pratiques, cela va devenir une nouvelle catégorie. Ce n'est pas une catégorie au sens juridique.

Le Président (M. Kennedy): Article 22.

M. Charron: Attendez un peu, M. le Président. J'aimerais que le ministre redéfinisse ce pouvoir qui est quand même un peu arbitraire et qui doit mériter notre attention.

M. Hardy: A quel article?

M. Charron: A l'article 22. "... restreindre le contenu publicitaire de la réclame entourant le film, et même ordonner que soient seuls publiés...". Cela se produit dans quel cas?

M. Hardy: II y a eu, selon l'ancienne loi, je pense, l'année passée, 24 films refusés. Le problème fondamental est le suivant: C'est qu'avec les anciennes catégories, pour tous, 14 ans et 18 ans, on partait du principe que le public de 18 ans ou les adultes, c'est homogène, c'est tout. Or, ce n'est pas vrai, cela ne correspond pas à la réalité. Il y a un public de 18 ans qui n'est pas prêt. Que ce soit sur le plan de la sexualité ou sur le plan de la violence, je dirais qu'il y a plusieurs publics adultes. Avec l'ancienne formule, le bureau de surveillance était obligé de se demander, devant un film: Est-ce que l'ensemble des adultes est prêt ou non à accepter ce film? A cause de cette situation, il devait rejeter parfois des films qui auraient pu être acceptables pour une certaines partie de la population. Avec cette nouvelle formule, on dit qu'il y a des films particuliers qui peuvent choquer une partie du public adulte, qu'une partie du pu-

blic adulte n'est pas prête à voir, mais qu'une autre partie du public adulte est prête à voir. On va appeler cela des films réservés. Si ce sont des films qui sont choquants, comme c'était le jugement des membres du bureau de surveillance, ce sera le jugement des fonctionnaires du service de la classification.

Si les personnes sont d'avis que ce film peut choquer une bonne partie de la population, on va le restreindre, on va restreindre sa publicité, on pourra même l'interdire complètement, de façon que ceux qui voudront aller voir le film, ce seront vraiment ceux qui sauront, par le fait même qu'il n'a pas de publicité, que c'est réservé. Il va y avoir une espèce de jurisprudence ou de connaissance qui va être acquise du public à savoir qu'un film pour adultes avec réserve, c'est un film assez particulier.

M. Perreault: M. le ministre, est-ce que le producteur qui a un film classé adultes avec avertissement peut en appeler pour être classé à une cote plus...

M. Hardy: On peut toujours en appeler du classement. On peut toujours ne pas être...

M. Charron: Surtout dans ce cas.

M. Hardy: Oui, un distributeur peut décider que ce n'est pas vrai et aller en appel.

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Kennedy): Article 22, adopté. Article 23?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Article 24?

M. Charron: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Article 25?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 26?

M. Charron: Je ne sais pas pourquoi l'article 25.

M. Hardy: Article 25?

M. Charron: Oui. C'est normal. Le gars qui demande une classification, c'est normal que le directeur le lui dise.

M. Hardy: Oui, mais justement, il y a eu...

M. Charron: Qu'est-ce que cela lui donne d'aller voir le directeur, s'il ne le sait jamais?

M. Hardy: C'est qu'on a voulu déterminer... C'est pour laisser le moins possible d'arbitrage; comme vous voyez, on a mis des délais. Les responsables devront se soumettre d'une façon bien précise à tout un processus. Vous avez raison, c'est clair que cela doit se faire.

M. Charron: Adopté. Le Président (M. Kennedy): Article 27? M. Hardy: L'article 26 est-il adopté? M. Charron: Non.

M. Hardy: A l'article 26, je souligne simplement le fait que la raison pour laquelle on a apporté l'article 26, c'est en prenant acte de la mutation assez grande des sociétés, c'est-à-dire qu'un film peut être classé aujourd'hui pour 18 ans et, à cause de l'évolution de la société, peut-être que, dans trois ans, il pourra être classé pour 14 ans.

M. Charron: "South Pacific", par exemple.

M. Hardy: On peut revenir. Le distributeur qui aura eu un film classe pour 18 ans pourra revenir et il pourra peut-être être classé pour 14 ans.

M. Charron: Mes parents me racontaient que, quand "South Pacific" est sorti, c'était un film avec réserve.

M. Perreault: Oui, mais il y a pire que cela. Vous souvenez-vous du film "Les enfants du paradis"?

M. Charron: "Les enfants du paradis" qui est un classique...

M. Perreault: Ce film n'était pas passé à Montréal, on l'avait refusé.

M. Charron: C'est vrai.

M. Perreault: Aujourd'hui, on présente cela à 20 heures à la télévision.

M. Charron: Je comprends et c'est un très bon film.

Le Président (M. Kennedy): Article 26, adopté. Article 27?

M. Hardy: Ce sont les articles concernant l'approbation de la publicité, de la réclame.

M. Charron: Attendez un peu, M. le Président.

M. Hardy: Là encore, contrairement à ce qui se passe actuellement, nous avons l'intention d'établir des normes bien précises, par réglementation, pour l'approbation de la réclame pour qu'il n'y ait pas d'arbitraire ou de décision discrétionnaire en ce qui concerne l'acceptation du...

M. Perreault: M. le ministre, j'aimerais soule-

ver le point de vue de la réclame. Ce qu'on voit actuellement, quand on regarde le journal de la fin de semaine dans tous les cinémas, ce sont tous des chefs-d'oeuvre d'après la réclame. On les prétend gagnants de six Oscars, possibilité de gagner telle chose ou telle chose. Je pense qu'on devrait éviter de mettre cela dans la réclame s'ils n'ont pas déjà gagné.

M. Hardy: Vous parlez de la publicité trompeuse?

M. Perreault: Oui. C'est la réclame; quand on dit: Admissible à huit Oscars. Tant qu'il ne les a pas gagnés, il ne devrait pas être là. C'est cela que je veux dire. C'est de la publicité trompeuse. J'en viens...

M. Hardy: D'accord.

M. Charron: C'est aussi quelque chose que d'être en lice pour l'obtention, par exemple, le ministre... Les dix plus beaux hommes du Canada. C'est déjà un titre...

M. Perreault: C'est le producteur, ce n'est pas...

M. Hardy: Cela devrait être laissé aux critiques.

M. Charron: ...gagné par la suite. C'est connu. M. Hardy: Quand ils sont déjà inscrits... M. Charron: A partir de février...

M. Hardy: ...quand ils ont déjà passé... Ce n'est pas cela, je pense, que le député de L'Assomption veut dire...

M. Perreault: Ce n'est pas cela que je vise.

M. Hardy: Le député de L'Assomption veut dire qu'ils n'ont encore franchi aucune étape. C'est le distributeur qui décide que son film va être éligible.

M. Charron: D'accord, c'est cela. Je sais que...

M. Hardy: Quand ils ont franchi une étape, quand ils sont...

M. Charron: ...dans le cas des Oscars américains, à partir de février, on sait déjà...

M. Hardy: Quand il y a eu des éliminations. M. Charron: Oui.

M. Hardy: D'accord. Ce n'est pas cela que le député de L'Assomption veut dire.

M. Charron: C'est quand le gars de lui-même propose un Oscar.

M. Hardy: Décide que son film est... M. Perreault: Regardez les faits...

M. Charron: J'imagine que le directeur, puisqu'on parle de la réclame, va être un homme informé de tout ce qui se passe dans le cinéma et saura très bien que, quand un distributeur veut faire inscrire dans sa réclame "admissible à l'Oscar pour la meilleure interprétation féminine", si ce n'est pas vrai, si le film n'est pas en lice, il va interdire que ce soit dans la réclame, si c'est simplement le cru du distributeur.

M. Perreault: J'aimerais, je ne sais pas si je suis au bon article, parce que je ne le vois pas, ce dont je veux discuter avec le ministre, c'est au point de vue de votre service de l'évaluation, au point de vue de la cote...

M. Hardy: Du public.

M. Perreault: ...du public. J'avais suggéré au ministre, dans une discussion, qu'on bâtisse un service ici, au Québec. Les critiques de cinéma font défaut ou bien ils errent. Bien souvent, si on se fie aux critiques, on revient totalement désabusé.

Je pense que votre service pourrait établir un système de cotes, comme celui de Consumers' Report. Je ne sais pas si vous avez déjà vu la revue. Consumers' Report publiée tous les

Je pense que votre service pourrait établir un système de cotes, comme celui de Consumers' Report. Je ne sais pas si vous avez déjà vu la revue Consumers' Report publiée tous les mois. Moi, pendant dix ans, je recevais des cartes de Consumers' Report quand j'allais voir un film, je faisais moi-même une annotation, et la revue publie, tous les mois, l'annotation par les cinéphiles. Si un film rencontre la cote "excellent" ou "good", "bon" par 85% des cinéphiles, il est classé à part. Comme cela, tous les mois, on publie la liste.

M. Hardy: C'est-à-dire que c'est un service que le ministère... Cela pourrait être à l'intérieur du service d'information. Cela ferait partie de l'information, afin que les gens sachent ce que l'ensemble du public pense d'un film.

M. Perreault: Voyez-vous, ce qu'il y a dans...

M. Hardy: J'avais eu l'occasion de vous le dire privément, et je pense que cette idée est bonne, parce que cela fait partie de l'information, que les gens sachent ce que l'ensemble des cinéphiles pensent de tel film.

M. Perreault: Je suis pour le cinéma québécois, et je n'ai pas peur de le dire, mais il serait peut-être bon pour la promotion, de savoir ce que le public pense de certains films et non pas seulement les critiques. Les producteurs verraient ce que le public pense de leurs films. Ce serait peut-

être souvent bien différent de ce que la critique nous dit. Quand ils verraient que leurs films ne sont pas tellement bien vus du public, au point de vue artistique, au point de vue des loisirs, je pense qu'ils pourraient s'aligner de nouveau.

M. Hardy: Je pense que c'est tout à fait conforme avec notre idée d'information.

M. Perreault: J'espère que vous allez...

M. Hardy: J'ai déjà pris bonne note, privément, de votre suggestion, et là, nous en prenons bonne note publiquement, autour de cette table.

M. Perreault: Merci!

Le Président (M. Kennedy): Article 27, adopté? Article 28?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 29?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 30?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 31?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Article 32?

M. Hardy: Evidemment, tout ce secteur est quelque chose de nouveau. Je veux simplement souligner, brièvement, qu'il y avait une certaine situation anormale dans l'état actuel des choses. C'est que le Bureau de surveillance classait ou rejetait un film, jusqu'à présent, et si on en appelait, on allait devant le même monde, tandis que maintenant, on ira devant un banc formé d'une autre catégorie de personnes.

M. Charron: Article 32 adopté, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 33?

M. Charron: A l'article 33, j'ai une modification déjà présentée au ministre, dont l'objectif est simple à connaître à sa seule lecture. Il s'agit de faire que ce comité, formé de cinq membres, nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil, aie deux membres seulement nommés par le ministre, recommandés par le ministre, et trois venant de l'institut, dans le but très évident, M. le Président, de faire accentuer le caractère impartial de ce bureau de révision des décisions du directeur.

M. Hardy: II faut faire attention dans le cas d'impartialité. Il faut se demander: Est-ce que l'institut sera plus impartial que le gouvernement? L'institut est composé des propriétaires de salles, des producteurs, des distributeurs, des réalisateurs, donc des gens qui sont drôlement partie dans la classification des films. Tandis que le gouvernement, lui, représente le public, encore une fois. On peut contester. On a eu cette discussion ce matin. On peut contester la légitimité du gouvernement en tant que représentant de la collectivité. On a droit de se poser des questions, mais, dans l'état actuel des choses, c'est le gouvernement qui représente vraiment l'ensemble de la population, et le gouvernement comme tel n'a pas d'intérêt à ce qu'un film soit classé pour quatorze ans, dix-huit ans ou... Tandis que les propriétaires de salles, les distributeurs peuvent avoir un intérêt financier direct. Je trouve qu'ils sont là; ils sont représentés pour qu'on ait leur point de vue, pour que les cinq personnes, qui seront appelées à prendre les décisions, aient le point de vue des gens du milieu, des spécialistes, mais leur laisser presque... Dans votre proposition, ils sont 50/50. Je trouverais cela dangereux.

M. Charron: Non...

M. Hardy: Parce qu'encore une fois, ils sont juges et parties.

M. Charron: Je vous ai remis deux propositions. Si celle-là ne vous plaît pas...

M. Hardy: Vous en avez une autre à l'article 33?

M. Charron: ... l'autre serait que deux de ses membres soient nommés sur recommandation du ministre, deux sur recommandation de l'institut et le cinquième, par le ministre et l'institut.

M. Hardy: Cela serait "coopté". C'est la proposition que j'ai.

M. Charron: "Coopté".

M. Hardy: Franchement nous avons examiné cela longuement. Je pense que même le milieu...

M. Charron: C'est important. Je pense que c'est plus important que vous le pressentez.

M. Hardy: ... les producteurs, les propriétaires de salles, les distributeurs n'ont pas fait de réserve à notre formule et même l'Union des artistes, dans son mémoire...

M. Charron: Qu'est-ce-que vous faites depuis le midi?

M. Hardy: Ce qu'ils nous ont demandé, c'est sur la durée du mandat. Ils ont demandé que le mandat soit déterminé pour qu'il n'y ait pas de...

M. Charron: Qu'ils l'aient fait ou non — ces

gens — c'est peut-être une preuve de ce que vient d'avancer le ministre à savoir qu'ils ont des intérêts professionnels à défendre et donc, ils n'ont pas a opter pour une formule différente de celle qui leur donne déjà suffisamment de place à leur gré. Mais puisque le ministre se fait le porte-parole de la collectivité, vous me permettrez, à l'occasion, d'employer le même...

M. Hardy: Le porte-parole de 30% de la collectivité.

M. Charron: Exactement et l'Opposition a également le même rôle. A notre avis, pour la garantie du public, il serait préférable que deux de ses membres soient nommés sur recommandation du ministre, deux par l'institut et un conjointement par l'un et l'autre.

M. Hardy: Je vais vous faire une suggestion.

M. Charron: Oui. Faites attention parce que vous allez me nommer sur le comité.

M. Hardy: Cela ne serait pas possible de mettre cela dans la loi, mais en fait, je vous suggère ceci. On laisse la loi telle quelle et comme le lieutenant-gouverneur en nomme trois, je serais bien prêt quand je proposerai les trois noms au lieutenant-gouverneur de vous consulter pour la nomination d'une personne.

M. Charron: Ah! Je ne "marche" pas dans les "bargains" de même.

M. Hardy: Ce n'est pas un "bargain"! Vous représentez 30% de la population et, dans mon système, je vous permets d'en représenter 33%.

M. Charron: Le gouvernement est élu pour gouverner, qu'il gouverne et si le gouvernement a choisi de se réserver le droit de nomination, l'Opposition attendra d'être le gouvernement pour modifier les lois comme elle le présente aujourd'hui.

M. Hardy: Cela va être long!

M. Charron: C'est une autre chose. Enfin, vous connaissez les motivations derrière cet amendement.

M. Perreault: M. le Président, quant à moi, ayant lu beaucoup sur l'industrie cinématographique américaine et ayant vu tout le "lobbying" et les efforts faits par les compagnies pour abaisser la cote de classification, je pense qu'il serait dangereux de laisser les gens intéressés juges et parties, parce qu'aux Etats-Unis, pour certains films, par exemple, "The Last Tango in Paris", ils ont bataillé jusqu'à la dernière minute pour ne pas avoir un "rating X".

M. Hardy: D'autant plus que dans la loi, on les associe quand on demande au distributeur de suggérer la catégorie dans laquelle il pense que son film devrait aller. On n'est pas obligé de tenir compte de cette suggestion, mais...

M. Perreault: Ils vont tous vous demander "pour tous".

M. Charron: Soumettez mon amendement au vote, M. le Président.

M. Hardy: Si je comprends bien, l'amendement est rejeté sur division?

M. Charron: C'est cela.

Le Président (M. Kennedy): Alors, l'amendement est rejeté sur division. Article 33. Adopté sur division. Article 34.

M. Hardy: Même si on a rejeté son amendement, le député de Saint-Jacques accepte l'article 33. Vous n'êtes pas contre l'article 33?

M. Charron: Non. Je ne suis pas contre un comité formé de cinq membres.

M. Hardy: Ce n'est pas sur division. L'article 33 est adopté unanimement.

Le Président (M. Kennedy): Article 34? M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 35?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. Article 36?

M. Charron: A l'article 36, j'ai une question qui me chicote depuis longtemps, d'autant plus qu'elle est même déjà venue jusqu'au feuilleton de la Chambre.

La dernière phrase: "Les films réservés aux adultes ne peuvent être présentés dans les ciné-parcs". On est venu très près, à un certain moment, à moins que je ne me trompe...

M. Hardy: Non. La loi qui était au feuilleton était "pour 14 ans". Je ne vous cacherai rien.

M. Charron: Au lieu de "pour tous"?

M. Hardy: Je vais vous dire que dans le premier projet que nous avions au ministère, nous avions placé les ciné-parcs et les salles de cinéma exactement sur un même pied, c'est-à-dire que les films pour 18 ans auraient pu être projetés dans les ciné-parcs.

Or, beaucoup d'expressions d'opinion me sont parvenues et ces expressions d'opinion étaient qu'il serait peut-être téméraire d'accepter les films d'adultes dans les ciné-parcs.

M. Charron: Pourquoi?

M. Hardy: II y a beaucoup d'arguments. Je vais essayer de les résumer. Peut-être que le député de l'Assomption pourrait le faire avec plus d'éloquence que moi. Entre autres, on considère toujours que les ciné-parcs sont un endroit familial. Quand cela a été mis sur pied, ici, je ne sais pas si vous avez relu les Débats de 1967, mais la grande thèse était que les ciné-parcs étaient pour la famille. On va là en famille. D'ailleurs, l'ancien premier ministre Johnson avait eu des accents pathétiques. Il avait dit: Vous savez, les ciné-parcs c'est pour les gens de la ville, l'homme qui arrive le soir fatigué, la mère qui a été prise avec les enfants et qui n'on pas assez d'argent pour avoir des gardiennes. Donc, on prend tout le monde, les enfants, le père, la mère dans la bagnole...

M. Charron: Le chien.

M. Hardy:... et on s'en va au ciné-parc. Donc, les ciné-parcs étaient l'endroit pour la famille. On nous a fait remarquer aussi qu'il était souvent fort facile de voir tout un film sans être admis au ciné-parc et que, donc, si on mettait cela pour 18 ans, des adolescents pourraient aller voir le film quand même.

M. Charron: Sur la clôture.

M. Hardy: Oui, sur la clôture. En fait, je résume, mais je pense que le député de l'Assomption pourrait nous dire des choses là-dessus.

M. Charron: M. le Président, avant que le député de l'Assomption intervienne...

M. Hardy: De toute façon, les exigences des propriétaires de ciné-parcs n'allaient pas jusque-là. Ils avaient demandé 14 ans.

M. Charron: C'est que la réalité des ciné-parcs est peut-être autre que celle du législateur au moment où il l'a créé. Le législateur parlait peut-être d'un loisir familial et en ce sens avait fixé la loi pour que ce soit un loisir familial. Or, M. le Président, c'est un secret de polichinelle, pour qui est déjà allé dans les ciné-parcs le vendredi soir ou le samedi soir, que ce n'est pas l'endroit pour que la famille se réunisse. C'est là que la réunion peut commencer bien des fois, mais ce n'est pas nécessairement l'endroit où la famille se rencontre. Blague à part, M. le Président, plusieurs jeunes couples ont cette forme de divertissement, ils préfèrent à la belle saison se rendre à ce genre de cinéma plutôt que d'aller en salle fermée. Il ne faut pas y aller très souvent, je ne parle pas des représentations, par exemple, du dimanche soir, qui peuvent être une autre chose, mais, aux représentations de semaine et aux représentations surtout de week-end, je suis convaincu que la majorité des spectateurs dans un ciné-parc sont des couples d'amoureux ou des couples mariés qui ont choisi légitimement ce droit de divertissement. C'est très populaire. Avant même qu'il en existe au Québec, les couples disparaissaient à Plattsburg ou aux frontières de l'Ontario. J'ai habité une certain temps l'Outaouais, je me rappelle que c'était le déplacement du vendredi et du samedi soir. La loi actuelle soumet les jeunes adultes, parce qu'ils veulent voir un film en plein air, c'est l'avantage d'un ciné-parc, à des programmations dont le quotient intellectuel...

M. Hardy: Avec 14 ans, cela va être mieux.

M. Charron: ... on ne peut pas le dire, rehausse et fait fructifier l'intelligence des personnes.

M. Hardy: II y a de bons films pour tous.

M. Charron: Pour tous, j'en conviendrai. Il pourrait toujours y avoir de bons films pour tous dans les ciné-parcs, cela pourra toujours demeurer un loisir familial, si on le veut. Ce que nous aimerions, c'est qu'un propriétaire de ciné-parc qui juge que, pour ses affaires ou ayant analysé la clientèle qu'il reçoit, il serait bien mieux d'offrir de bons films déjà présentés en salle fermée, que d'ailleurs son public réclame, plutôt que d'être obligé de présenter des films pour tous alors que très peu de candidats aux films pour tous se présentent à ses guichets.

Alors, M. le Président, je ne comprends pas encore pourquoi cette permission n'est pas accordée. Quant à l'argument des clôtures, c'est un argument qui demeurera toujours.

M. Hardy: Cela n'existe pas pour les salles de cinéma, pour une salle de cinéma; pour voir le film, il faut entrer à l'intérieur de la salle. Remarquez bien que c'est peut-être très exceptionnel, je ne sais pas combien de jeunes adolescents vont s'installer sur une clôture pour... je n'ai pas fait d'enquête.

M. Perreault: M. le Président, c'est justement le point...

M. Hardy: Pour être clair, j'ai un très grand nombre de mes collègues qui m'ont demandé de présenter la loi telle que je la présente.

M. Charron: Les pressions du caucus.

M. Hardy: C'est cela la démocratie, les pressions du caucus. Vous n'avez pas de pressions du caucus? Vous avez des pressions du Conseil national, c'est encore pire, ils ne sont pas élus. Au moins, le caucus libéral, ce sont des gens élus.

M. Perreault: M. le Président...

M. Hardy: Vous, vous êtes obligés de prendre des positions ensemble, parce que le Conseil national vous dit telle chose.

M. Charron: M. le Président, j'ai ici en tête

uniquement la pression que j'ai de regarder le public qui va dans les ciné-parcs et vous ne me ferez pas croire...

M. Hardy: Les députés représentent le public.

M. Perreault: M. le Président, j'aimerais faire valoir ici que le ciné-parc, au contraire d'une salle de cinéma, ne représente pas une enceinte fermée. C'est-à-dire que, dans un ciné-parc, de l'extérieur, vous n'avez pas le son, mais vous avez l'image. Maintenant, si on va au fond des choses, un film de 14 ans, au point de vue pratique, comporte de la nudité. Mais, dans le film de 18 ans, vous avez plus que de la nudité. J'ai un ciné-parc dans mon comté, dans la ville de Repentigny. J'ai eu des représentations des municipalités. L'image est très visible de l'extérieur, du voisinage, et on s'oppose catégoriquement aux images avancées au point de vue sexuel, du film pour 18 ans. On tolérerait 14 ans, mais, des films pour 18 ans, que des jeunes puissent voir l'image de l'écran, des jeunes de 8 ans, 10 ans, 12 ans, 13 ans, les parents s'opposent catégoriquement à ça.

M. Charron: Je trouve que c'est un drôle de comportement de la part d'un gouvernement qui fait la manchette aujourd'hui en disant qu'il abolit la censure...

M. Hardy: On maintient la classification.

M. Charron: ...et, en même temps, oblige des jeunes couples normaux, adultes, citoyens à plein droit du Québec, parce qu'ils ont choisi d'aller voir des films dans un ciné-parc, à regarder des films pour tous ou des films pour enfants.

M. Déom: C'est la presse qui a titré les nouvelles comme ça.

M. Perreault: Rien n'empêche que ces jeunes...

M. Charron: Ce n'est pas la presse qui l'a titré, c'est le ministre qui l'a affirmé. Ne me dites pas que la presse vous a joué un mauvais tour aujourd'hui, ne me faites pas le tour du ministre de l'Education.

M. Hardy: Je me rappelle hier soir, quand j'ai dit ça, que le député de Saint-Jacques se cachait dans un journal, parce qu'il se disait: Qu'est-ce que j'ai dit cet après-midi et surtout qu'est-ce que mon chef vient de dire?

M. Charron: Non, non, j'attendais que vous l'affirmiez hier soir.

M. Perreault: Pour répondre aux arguments du député de Saint-Jacques, il demeure possible à ces jeunes qui vont au ciné-parc, s'ils veulent voir du cinéma plus avancé et s'ils ont 18 ans, d'aller voir au cinéma un film pour adultes avec avertissement. Rien ne les empêche d'aller au cinéma.

M. Charron: C'est ce qu'ils vont faire. M. Perreault: Je pense que...

M. Charron: Quand tu es rendu à 20 ans, que tu sors avec une fille, que tu as envie d'aller au ciné-parc, tu ne vas pas aller regarder des dessins animés pendant toute la soirée. Bon!

M. Déom: II y a d'autre chose à faire que ça.

M. Charron: Moi aussi, je suis bien d'accord pour dire qu'il y a autre chose à faire et ailleurs que là. Mais il y en a qui aiment ça, et la preuve, c'est que partout, c'est plein, les fins de semaine. Je respecte cette volonté. Ces affaires ne m'intéressent pas, mais il y a des citoyens qui aiment ça et je trouve ça inadmissible qu'on les oblige à visionner des films qui sont en deçà de leur intelligence, vraiment en deçà.

Ne vous demandez pas pourquoi, lorsque vous passez dans les ciné-parcs, vous ne voyez la tête de personne, c'est parce que le film n'intéresse plus personne. C'est clair. On baisse le siège et on relaxe.

M. Perreault: En terminant, M. le Président, il faut bien mentionner que la banque de films, en autorisant le film aux jeunes de 14 ans, est très grande. Si on comprend maintenant les films pour tous et les films pour les jeunes de 14 ans, les ciné-parcs vont avoir un très grand choix de films à leur disposition, maintenant.

M. Charron: A 14 ans, on a des chances de voir les têtes la première demi-heure.

Le Président (M. Kennedy): L'article 36 adopté?

M. Charron: Approuvé, M. le Président. Le Président (M. Kennedy): Article 37? M. Charron: Adopté. Le Président (M. Kennedy): Article 38?

M. Hardy: Je ferai remarquer que l'article 38 est une très grande amélioration quant aux libertés civiles. Actuellement, on pouvait aller saisir des films purement et simplement. Maintenant, on devra s'adresser à un juge de paix pour obtenir un mandat. Là aussi, il y a une qualité d'absurdités qui ont été écrites et dites sur cela. On prétendait qu'on revenait à un régime policier; tout au contraire, on soumet cela à la justice, aux tribunaux, d'une façon normale. Comme pour une saisie, il faudra avoir un mandat.

M. Charron: J'essaie de comprendre la modification avec l'ancien — comment s'appelait-il avant de s'appeler 38 — il s'appelait 38 aussi?

M. Hardy: L'ancien article 38? C'est parce

qu'on avait oublié le pouvoir d'inspection. Il faut quand même que les inspecteurs puissent aller voir les films avant d'aller chercher un mandat chez le juge de paix.

M. Charron: C'est l'ancien article 26.

M. Hardy: Avant d'aller chercher le mandat chez le juge de paix, il faut qu'ils sachent s'ils vont y aller ou non. Il faut qu'ils aient le pouvoir d'inspection. Ils n'ont pas le pouvoir de saisie, mais ils ont le pouvoir d'inspection. C'est à la lumière de l'inspection qu'ils vont décider si le film a reçu...

M. Charron: L'inspecteur sans mandat, avant d'avoir le mandat, qu'est-ce qu'il fait?

M. Hardy: II va voir si, quand on projette un film, celui-ci a reçu son visa pour la catégorie pour laquelle il est projeté. Si, par exemple, un film a été classifié 18 ans et si le propriétaire de salle le projette pour les gens de 14 ans, il faut qu'il aille voir, qu'il aille inspecter. Si c'est le cas, il va retourner chez le juge de paix pour aller chercher un mandat et saisir le film.

M. Perreault: M. le ministre, vous avez changé quelque chose aussi dans l'article 26, vous parliez des salles de cinéma. Dans le nouvel article, vous dites pour fins de projection publique. Est-ce que...

M. Hardy: C'est parce qu'on ne parle plus de salles de cinéma maintenant. On parle de projection publique. On a abandonné le terme salles de cinéma.

M. Perreault: S'il y avait une projection par exemple, dans une aréna ou quelque chose comme cela?

M. Hardy: Si, dans une aréna, un film qui a été classifié 18 ans est projeté pour les gens de 14 ans ou pour tout le monde, il pourra être susceptible d'être saisi.

M. Charron: Vous ne faites pas simplement remplir à votre inspecteur le rôle innocent des inspecteurs de viande, parexemple. Vous les obligez à entrer...

M. Hardy: Oui, à voir si la loi est observée.

M. Charron: A l'endroit où l'on garde des films, pour s'en servir, à des fins de projection publique, donc, d'aller vérifier à l'arrière, dans l'entrepôt ou dans le coffre.

M. Hardy: C'est la loi actuelle. C'est la transcription de la loi actuelle, sauf qu'actuellement, l'inspecteur pouvait saisir le film, il pouvait s'en emparer et partir avec, le confisquer sur-le-champ.

M. Charron: Sans mandat.

M. Hardy: Sans mandat. Maintenant, il ne pourra pas faire cela sans aller obtenir un mandat du juge de paix.

M. Charron: D'accord, cela va.

Le Président (M. Kennedy): Article 38, adopté. Article 39.

M. Charron: On va entreprendre les discussions de l'article 39, M. le Président.

M. Hardy: Proposez-vous votre amendement?

M. Charron: Oui.

M. Hardy: Vous allez l'expliquer?

M. Charron: Pourquoi?

M. Hardy: Vous ne l'expliquez pas? Je vais vous dire tout de suite pourquoi je suis contre.

M. Charron: Parce que vous le trouvez inférieur à votre article 39.

M. Hardy: C'est parce que je pense qu'il serait inapplicable. Je vous ai donné un exemple hier. Il peut y en avoir. On peut avoir un film qui vient ici au Québec uniquement dans une langue dont la version originale n'est pas en français, un film qui est en langue grecque ou hindoue, qui s'en va dans un cinéma spécialisé... Il y a, à Montréal, des cinémas grecs. Pourquoi obliger à une traduction? Ce film va être vu uniquement par des Grecs. Pourquoi exiger une version française?

M. Perreault: II peut arriver, M. le Président, qu'un chef-d'oeuvre, même pour les francophones, puisse venir, par exemple, des Indes, comme on en a vu déjà ou d'un autre pays. Il est limité à un très petit nombre de spectateurs. Ce serait nous priver que de ne pas voir un genre de film très limité au point de vue commercial, ce serait nous limiter.

M. Hardy: ... le problème scientifique aussi...

M. Charron: C'est une catégorie spéciale.

M. Hardy: Vraiment, nous croyons que ce serait inapplicable. Mais il y a aussi l'autre aspect. Il ne faudrait pas que, par des mesures trop rigides, parce qu'il peut y avoir des genres de film de très grande qualité qui s'adressent à un public extrêmement restreint, un public de spécialistes, de cinéphiles, le cinéma d'art, parce qu'ils ont un public très restreint, si on leur impose... Parce que la recette va être très minime, si, en plus de cela, on leur impose des frais de doublage ou de sous-titrage, il ne viendra pas, le film. Vous privez le Québec de ce film.

M. Charron: M. le Président, les exceptions que signale le ministre, se sont des exceptions que n'importe quel entendement humain va admettre.

M. Hardy: Mais votre loi ne le permet pas.

M. Charron: Mais je suis prêt à faire... Ce sont des exceptions et quand cela s'appelle des exceptions, vous mettez les exceptions après la règle générale.

M. Hardy: Je ne les vois pas vos exceptions.

M. Charron: Même moi, je suis disposé, si vous acceptez cet amendement...

M. Hardy: Comment allez-vous formuler cela?

M. Charron: ... à dire, par exemple, quand il s'agit... Je ne le rédige pas juridiquement, vous êtes équipés...

M. Hardy: Parce que ce n'est pas facile. Essayez de le rédiger, on a essayé.

M. Charron: S'il s'agit d'un film devant être projeté pour une catégorie spéciale de la population, que ce soit une catégorie professionnelle, s'il s'agit d'un film scientifique ou... On n'est pas tombé sur la tête, ce n'est pas cela qu'on... Vous savez très bien le but qu'on vise là-dedans.

M. Hardy: Oui.

M. Charron: Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas empêcher les Grecs de Park Avenue de voir des films en langue grecque qu'on va obliger les Montréalais, les Québécois francophones de Montréal à attendre six mois avant d'avoir une version de film dans leur langue. Je suis bien prêt à ajouter une phrase pour dire: Evidemment, pour la communauté grecque de Montréal, on n'a pas besoin de faire une version française.

M. Hardy: Les films italiens, les films espagnols.

M. Charron:... quand ils s'adressent à des salles bien précises.

M. Hardy: Si vous êtes capable...

M. Charron: C'est encore le même cas.

M. Hardy:... de me rédiger cela, je suis prêt.

M. Charron: Seulement à cause de cela, seulement parce que vous ne savez pas comment contourner cette difficulté...

M. Hardy:... règlement.

M. Charron: ... on va continuer à Montréal à attendre six mois encore pour une version française, quand elle est déjà projetée à Paris, quand elle est déjà faite ailleurs et que le film anglais est montré dans les salles. Comment d'abord?

M. Perreault: On en a le pouvoir par l'article II.

M. Hardy: Le but que nous poursuivons est le même que le vôtre. Je l'ai dit hier et je le répète. Il n'est pas normal que, dans une province à majorité francophone, les francophones aient à aller voir un film dans une version autre que leur langue, ou bien donc, d'attendre un nombre X de mois pour le voir dans son originalité. Nous poursuivons le même but que vous, mais il s'agit d'une situation fort complexe qui ne peut pas être prévue dans un texte de loi. Cela peut être prévu dans un règlement. Je profite de l'occasion pour dire que tous les règlements qui découleront de cette loi, j'ai l'intention de les soumettre à la commission parlementaire et nous aurons l'occasion à ce moment de les étudier. Si vous trouvez que nos règlements sont trop laxistes, donnent encore trop de possibilités ou ne respectent pas suffisamment, on étudiera cela à ce moment et on apportera des amendements. Nous avons examiné cela avec les juristes. C'est impossible de prévoir ces situations dans un texte de loi. Ce n'est que dans un texte de règlement qu'on pourra vraiment coller l'aspect juridique à l'aspect réalité. Je vous répète que les règlements, on les examinera en commission comme on examine actuellement ce texte de loi. On n'adoptera rien en cachette. On a le même but que vous. On poursuit exactement le même but.

M. Charron: Oui, mais cela ne prend pas une grosse marche pour que vous vous enfargiez.

M. Hardy: Non, mais la différence, c'est que vous pouvez vous permettre... Vous voyez très bien. Vous nous avez fait un amendement et vous nous dites: Améliorez-le. C'est facile. Vous nous avez fait un amendement qui ne s'applique pas. Si on incorporait votre amendement au texte de loi, maintenant les films grecs, il faudrait qu'ils soient...

M. Charron: Ce n'est pas vrai. M. Hardy: Oui.

M. Charron: Cet amendement s'applique. S'il faut faire des distinctions après, nous les ferons, mais ne me dites pas que cela ne s'applique pas.

M. Hardy: Mais où?

M. Charron: Dans un autre article après.

M. Hardy: Qui va contredire le vôtre?

M. Charron: Vous n'avez même pas d'article.

M. Hardy: Oui, on en a un.

M. Charron: Oui, vous en avez un qui dit que les règlements peuvent prescrire. Mais cela change quoi? Dès le moment où on se met à discuter de cela, vous me sortez le cinéma grec au coin de Bernard et Park Avenue.Vous n'irez jamais bien loin.

M. Hardy: On ne s'excite pas. Je regarde bien

tranquillement votre amendement. Vous dites: Tout film dont la version originale n'est pas en français doit obligatoirement être accompagné d'une version doublée ou sous-titrée en français selon les modalités prescrites dans le règlement pour être admissible au processus de classification. Bon! Dans un autre article, après cela, je vais dire: Un film grec qui est destiné uniquement aux Grecs n'aura pas besoin d'être traduit.

M. Charron: C'est bien plus facile de faire l'exception après la règle générale que de s'enfar-ger dans l'exception pour ne jamais arriver à la règle générale.

M. Hardy: C'est pour cela qu'une loi...

M. Charron:* La règle générale, savez-vous ce que c'est? C'est que, sur 988 longs métrages présentés l'année passée au Bureau de surveillance, il y avait 423 films en anglais; 73 films sous-titrés en anglais, cela représente plus que 50% des films au Québec.

M. Hardy: Tout cela est vrai; c'est la raison pour laquelle nous voulons faire des règlements pour obliger le sous-titrage et le doublage des films dont la version originale ne sera pas française.

M. Charron: Moi, j'aimerais bien mieux que le principe de mon amendement soit dans la loi. Après cela, on fera des règlements qui disent: Dans le cas d'une communauté ethnique particulière, dont le cinéma est reconnu à cette fin peut-être...

M. Hardy: Cela, c'est...

M. Charron: Ce sont des distinctions qu'un règlement peut amener, mais le principe, c'est dans la loi qu'on le retrouve.

M. Hardy: Non, mais le règlement ne peut pas aller contre la loi.

M. Perreault: C'est cela que vous dites? M. Charron: Non.

M. Hardy: Si vous dites, dans votre loi, tout film dont la version originale n'est pas en français, vous ne pourrez plus, après cela, faire un règlement qui va prévoir ces exceptions.

M. Charron: Oui, certainement! M. Hardy: Non!

M. Charron: Mais comment allez-vous faire, par la suite, pour le faire, vous, dans le sens inverse?

M. Hardy: Vous êtes en train de me soutenir la thèse qu'on peut, par règlement, faire des choses qui vont à rencontre du texte de loi. C'est impossible. Ecoutez!

M. Charron: Incluons-le dans la loi.

M. Hardy: Mais qu'est-ce que vous allez inclure dans la loi?

M. Charron: Le même genre de prescriptions, par exemple, que celles que vous avez si farouchement défendues dans la loi 22, l'année dernière, ou que vous-même vous utilisez à d'autres endroits. Mais, mon Dieu! Pas besoin d'aller bien loin. La fin de votre paragraphe 39, "sous réserve des exceptions prévues par règlement ou des ententes que le ministre conclut".

Je suis bien d'accord: "Tout film dont la version originale n'est pas en français doit obligatoirement être accompagné d'une version doublée ou sous-titrée en français, selon les modalités prescrites dans les règlements, sous réserve des exceptions prévues aux mêmes règlements."

M. Hardy: Vous revenez à notre texte.

M. Charron: Non, non. Mais si vous me dites que je reviens à votre texte, prenez le mien pour le "fun".

M. Hardy: Je ne suis pas pour aller au-delà de ce que demande l'Union des artistes.

M. Charron: Aie! Ce n'est pas de cela qu'on parlait.

M. Hardy: Oui, mais c'est important, l'Union des artistes. Cela les regarde. Ce sont eux qui vont doubler et sous-titrer.

M. Charron: On va parler de cela après, d'accord? Là, on est en train de discuter d'un principe. Est-ce qu'au Québec, tous les films dont la version originale n'est pas en français seront désormais obligatoirement accompagnés d'une version française?

M. Hardy: Oui, et non seulement cela, mais cela doit être fait ici, au Québec.

M. Charron: Je suis d'accord sur le deuxième paragraphe, mais on va y arriver après. Etes-vous d'accord sur mon amendement?

M. Hardy: Non, parce qu'il n'est pas applicable. On ne pourra plus faire les règlements prévoyant les exceptions dont vous parlez.

M. Charron: Vous le faites vous-même dans l'autre, "...sous réserve d'exception..." Des exceptions à un principe, c'est normal. Quand vous dites: Tout doit être effectué entièrement au Québec. Il y a des exceptions et je sais très bien que, lorsqu'on discutera de ce paragraphe tantôt, vous me les expliquerez et il y a certaines exceptions dont je conviendrai.

D'ailleurs, je conviens de votre exemple de cinéma grec pour les groupes grecs. Je serai le dernier à m'opposer à cela, mais je veux que le principe, pour la majorité québécoise du Québec, et de Montréal en particulier, où le danger est encore plus grand, soit reconnu. Je vais ajouter à la fin de mon amendement: "...sous réserve des exceptions prévues au règlement..." et vous verrez que, lorsqu'on discutera des règlements autour de cette table de commission, je ferai preuve d'une grande largesse d'esprit à l'égard des communautés ethniques du Québec qui ne sont pas françaises ou des communautés professionnelles qui ont besoin de recevoir des films de documentation.

Je suis bien prêt à faire toutes ces ouvertures. Ce que vous oublierez comme exceptions dans le règlement, je les mettrai! Mais je veux d'abord que le principe aussi clair que celui qui dit que le doublage et le sous-titrage doivent être effectués au Québec, qui dit que tous les films dont le version originale n'est pas en français soient obligatoirement accompagnés d'une version...

M. Hardy: Au fond, fondamentalement, vous doutez de l'intention du gouvernement et du ministre de poursuivre l'objectif?

M. Charron: Le ministre conviendra avec moi que, lorsque j'étudie une loi, c'est mon devoir et c'est mon rôle à jouer.

M. Hardy: De douter?

M. Charron: De douter. De faire qu'une loi atteigne les objectifs sur lesquels, vous et moi, nous nous entendons et si, comme vous dites, mon texte rejoint le vôtre, j'estime qu'il y a plus de clarté dans le mien et plus d'affirmations de principe que de nous en remettre à une réglementation. Affirmons-le ce principe et, après, travaillons ensemble, sous réserve des exceptions prévues par règlement; j'en conviendrai amplement. Puis-je proposer...

M. Hardy: ...qu'on réfléchisse sur l'article 39?

M. Charron: ...jusqu'à demain parce que je suis convaincu que le ministre... J'ai écouté son intervention là-dessus. C'était un des meilleurs bouts de son intervention hier après-midi et si, ce soir, il a le temps de bavarder avec ses conseillers, il conviendra que l'entrée de ce principe n'exclut en rien les exceptions que nous mettrons en réserve dans les règlements et auxquelles je participerai.

Puis-je proposer l'ajournement, M. le Président?

Le Président (M. Kennedy): La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Hardy: Oui, mais avant, je promets au député de Saint-Jacques de dormir sur...

M. Charron: ...mon amendement.

M. Hardy: ...ses propos. A demain matin, dix heures.

M. Charron: D'accord. Après la période des questions...

Le Président (M. Kennedy): Ah oui! parce que demain, la Chambre siège à dix heures.

M. Hardy: C'est comme vendredi, demain.

Le Président (M. Kennedy): Alors, c'est ajourné sine die en attendant les ordres de l'Assemblée nationale.

(Fin de la séance à 18 h 1)

Document(s) associé(s) à la séance