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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 24 mai 1977 - Vol. 19 N° 88

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Education


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de l'Education

(Seize heures cinq minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre mesdames et messieurs, s'il vous plaît. La commission permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications est réunie pour l'étude des crédits budgétaires du ministère de l'Education. Les membres de la commission sont MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier), Lefebvre (Viau) en remplacement de Bisaillon (Sainte-Marie); Brochu (Richmond), Charron (Saint-Jacques), Chevrette (Joliette), Ciaccia (Mont-Royal), Goldbloom (D'Arcy McGee), Guay (Taschereau), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Lavoie-Roux (L'Acadie), Le Moignan (Gaspé), Marchand (Laurier), Morin (Sauvé), O'Neill (Chauveau), Paquette (Rosemont), Samson (Rouyn-Noranda).

Il y aurait maintenant lieu de désigner un rapporteur; M. le député de Taschereau, accepteriez-vous d'agir comme rapporteur? C'est accepté?

M. Guay: Avec grand plaisir.

Le Président (M. Clair): M. le député de Taschereau. M. le ministre.

Exposé général du ministre, M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi tout d'abord, selon l'usage, de présentera la commission les hauts fonctionnaires du ministère de l'Education, ces grands commis de l'Etat qui oeuvrent dans l'ombre. Tout d'abord, le sous-ministre M. Pierre Martin qui est assis à ma gauche; M. André Rousseau, sous-ministre associé de foi catholique, M. Germain Halley, sous-ministre adjoint, responsable de l'enseignement primaire et secondaire; M. Jacques Girard, sous-ministre adjoint également, responsable de l'enseignement postobligatoire; M. Roland Arpin, sous-ministre adjoint responsable de la planification et M. Jean-Claude Sauvé, secrétaire général du ministère.

J'aurais eu plaisir à vous présenter également — peut-être seront-ils des nôtres plus tard — M. Sylvester White, sous-ministre associé de foi protestante et Mme Thérèse Baron, sous-ministre adjoint.

Au fur et à mesure que nous étudierons les crédits, j'aurai également l'occasion de présenter à la commission les directeurs généraux ou les chefs des services généraux du ministère qui m'aideront à répondre aux questions que MM. les députés voudront bien me poser.

M. le Président, j'aimerais, selon la tradition, procéder maintenant à un exposé des politiques du ministère. Par-delà les questions habituelles sur des problèmes particuliers qui ne permettent pas toujours un examen en profondeur des politiques du ministère, je souhaite que cette étude détaillée des crédits soit l'occasion d'une révision créatrice des objectifs et des orientations de l'Education.

Depuis le 15 novembre, le gouvernement a tenté d'imprimer à ce vaste domaine, si important pour l'avenir de la collectivité, un nouveau départ. Je souhaite vivement que cette commission parlementaire confirme cette volonté de renouveau.

Je voudrais en premier lieu, dire, l'importance de l'éducation pour le gouvernement actuel. Il ne me paraît pas superflu, en effet, au seuil de nos travaux, d'insister sur la place cruciale qu'occupe l'éducation dans les projets de l'actuel gouvernement du Québec. Il est en effet évident, depuis quelques années, que l'éducation est devenue l'une des préoccupations fondamentales, pour ne pas dire, viscérales, de la société québécoise. Aussi, ne faut-il point s'étonner de ce que le gouvernement soit sensible à cette préoccupation du milieu.

Lorsque le premier ministre, dans son message inaugural devant l'Assemblée nationale, déclare que... "c'est le résultat tout entier des grands chambardements des années soixante qu'il va falloir scruter avec beaucoup de soin", ou lorsque le ministre des Finances insiste sur la nécessité de procéder à l'évaluation des bénéfices engendrés par certains programmes d'éducation par rapport aux coûts impliqués, il faut voir là l'expression non équivoque de l'importance que le gouvernement attache à l'état de l'éducation. J'en donnerai pour preuve, avec votre permission, quelques faits et quelques chiffres.

Selon les données d'une étude effectuée au sein du ministère sur la proportion du produit national brut consacré à l'éducation, le Québec, avec un rapport éducation PNB de 7,6%, se classait déjà, en 1970, au quatrième rang d'un groupe de trente nations industrialisées, dont le Japon, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Suède et d'autres.

D'après les résultats d'autres analyses, le Québec a connu un taux d'accroissement de ses dépenses en éducation de l'ordre de 170%, de 1966 à 1974, en comparaison de 141% pour les provinces de l'Atlantique, de 132% pour l'Ontario et de 110% pour les provinces de l'Ouest. Ces indicateurs statistiques témoignent de l'importance accordée par tous les gouvernements du Québec au développement de l'éducation et ne sont pas contredits, cela va sans dire, par les données les plus récentes.

C'est ainsi que, pour l'année scolaire qui se termine en juillet 1977, le Québec aura consacré à l'éducation environ 7% de son produit intérieur brut qui est, vous le savez, la nouvelle façon de désigner le PNB, d'après les Nations Unies. Cette dernière statistique montre que la position du Québec s'est maintenue et ne s'est en aucune façon détériorée par rapport aux années récentes.

Je voudrais également relever un fait qui, s'il en était besoin, serait de nature à inciter le gouvernement à continuer d'accorder à l'éducation toute la place qui lui revient. Il s'agit des commentaires, plus qu'élogieux, de l'Organisation pour la coopération et le développement économique, connue sous le sigle de l'OCDE, sur l'essor important, voire sur l'avant-gardisme et la créativité dont témoignent certaines réalisations québécoises dans le domaine de l'éducation. Il y a des lacunes et des faiblesses dans notre système d'enseignement, mais il y a également des points forts dont il faut être conscient et qu'il faut souligner quand le moment vient de faire le bilan, de faire le point. En dépit du caractère favorable de ces commentaires et de ces statistiques, ce serait faire preuve d'une bien grande naïveté cependant que de croire qu'il suffise de présenter un projet émanant du ministère de l'Education pour qu'instantanément se délient les cordons de la bourse gouvernementale. L'éducation, comme les autres domaines dans lesquels le gouvernement est appelé à intervenir, doit composer avec une conjoncture économique passablement défavorable et fort contraignante. C'est ainsi que les crédits alloués cette année au secteur de l'éducation n'autorisent, à toutes fins utiles, qu'une reconduction des précédents programmes considérés comme essentiels, reconduction majorée de l'indexation des traitements et de quelques autres coûts. Les seuls projets de mon ministère qui échappent quelque peu à ces restrictions budgétaires relèvent des priorités que j'énonçais, le 12 mars dernier, à l'occasion de mon allocution devant le Conseil supérieur de l'éducation.

Parmi cette douzaine de priorités, il en est quelques-unes qui, portant sur l'avenir, comportent une dimension prospective importante pour l'évolution de l'éducation. Ce sont, notamment: le livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire, la politique de décentralisation, le livre blanc sur l'enseignement collégial, l'étude sur les universités. D'autres priorités, plus immédiates, veulent apporter des solutions concrètes à divers problèmes qui confrontent le monde de l'éducation, comme l'enseignement du français, l'enseignement de l'histoire et de la géographie nationales, l'éducation chrétienne, les langues secondes, les langues d'origine, l'éducation physique et le sport à l'école, la politique scientifique et les interventions en milieux défavorisés.

Je répondrai, volontiers, aux questions qui me seront posées sur ce choix des priorités et sur leur mise en oeuvre au moment de l'étude détaillée des crédits correspondants.

En second lieu, permettez-moi de faire quelques observations sur le ministère de l'Education et ses réseaux d'enseignement. Les rapports entre le ministère et les réseaux d'enseignement vont désormais se situer dans un contexte nouveau dont les actuelles règles du jeu seront modifiées en profondeur.

Les commissions scolaires locales, régionales ou intégrées sont les organismes qui, contrairement à ceux des niveaux collégial et universitaire, ont toujours fait l'objet, de la part des services centraux du ministère, d'une normalisation très poussée, en raison de facteurs parfaitement justifiables sur le plan historique, mais aujourd'hui devenus quelque peu désuets.

Selon la proposition d'ensemble et les hypothèses de travail qui ont déjà fait l'objet d'une première consultation auprès des commissions scolaires, le ministère de l'Education serait appelé à exercer un rôle d'orientation et de direction du système d'éducation, des fonctions de soutien et de conseillers auprès des commissions scolaires, ainsi que des fonctions de contrôle nécessaires à l'évaluation des politiques. La commission scolaire, de son côté, jouerait, à un autre niveau, des rôles analogues à ceux du ministère, se verrait reconnaître les pouvoirs et les responsabilités que requiert le plein exercice de ses fonctions et participerait à la définition des grandes orientations et des politiques générales. Enfin, ce mouvement de décentralisation rejoindrait également l'école, appelée à devenir, dans les projets du gouvernement et du ministère, le coeur du projet éducatif de chaque village ou de chaque quartier.

En effet, c'est fondamentalement l'école que ces propositions veulent privilégier. J'ai déjà eu l'occasion de lancer quelques idées là-dessus, comme la possibilité de réserver des sièges de commissaires à des représentants des comités de parents et celle d'amener les commissions scolaires à consulter les comités d'écoles sur des objets précis. Grâce à ces orientations et à d'autres qui viendront s'y ajouter, je tiens à réaffirmer mon intention de faire de l'école, selon des modèles souples et variables, un lieu où l'éducation s'organisera en fonction des besoins réels des populations concernées, un lieu dans lequel administrateurs, enseignants et parents en arriveront à définir la vie de l'école en fonction du milieu.

Ces hypothèses de travail sur la décentralisation en sont actuellement au stade de l'harmonisation avec celle du livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire. Elles seront, par la suite, débattues au niveau politique et soumises à la consultation publique.

Sur un autre plan, l'instauration progressive, auprès des organismes scolaires, d'un processus de rationalisation et de discussion des choix budgétaires annuels, de même que l'élaboration conjointe des stratégies triennales de développement des réseaux, sont deux mécanismes qui nous permettront de progresser vers une gestion responsable et véritablement partagée de la chose scolaire.

A l'heure actuelle, cette gestion fait face à des défis nouveaux et, à vrai dire, fort stimulants. Alors que les dix premières années de l'existence du ministère de l'Education ont été surtout occupées à la mise en place des infrastructures, des ressources humaines et des outils pédagogiques requis pour répondre aux désirs de scolarisation d'une population à forte croissance démographique, les années les plus récentes et celles qui viennent nous mettent en présence d'exigences qualitatives du développement de la gestion la plus économique possible d'un système dont la

clientèle est malheureusement en voie de diminution.

Selon les prévisions de l'évolution des clientèles scolaires au Québec, on peut raisonnablement s'attendre, dans le réseau d'enseignement public, que la population scolaire de niveau primaire diminue de 635 000 à environ 580 000, 581 000 pour être plus précis, de 1976 à 1986, après avoir connu un minimum de 561 000 élèves en 1981; quant au niveau secondaire, on n'y retrouverait plus qu'environ 387 000 étudiants en 1986, en comparaison avec 589 000 en 1976. Les clientèles du niveau collégial public, pour leur part, passeraient de 110 000 en 1977 ou 1978 à 103 000 en 1981 ou 1982, et elles seraient au plus creux de la vague en 1987, alors que le niveau universitaire ne serait vraiment atteint par cette baisse qu'au début des années '90. Cette décroissance démographique, qui en viendra à se stabiliser, du moins nous l'espérons, à un niveau beaucoup plus bas que le niveau actuel, pose de sérieuses difficultés, on le devine, au système d'éducation.

Les coûts, par exemple, ne subiront point une courbe décroissante analogue à celle des clientèles. Le système fourmille de dépenses incompressibles, lesquelles se traduiront très certainement par des hausses du coût par élève et nous imposeront une analyse et une évaluation très rigoureuses des engagements financiers de l'éducation. A mon avis, ces engagements devraient viser à conserver leur position relative par rapport à la croissance du produit intérieur brut.

Le système d'éducation a exigé trop d'énergie et de ressources et a suscité trop d'espoirs légitimes pour qu'on se laisse gagner, devant les réactions que suscitent parfois certaines situations concrètes, par la tentation de revenir en arrière. Cela équivaudrait à une forme de démission tout à fait inacceptable. J'estime qu'il nous faut continuer; il nous faut même progresser sur le chemin de la qualité, de l'innovation et de la gestion efficace du système scolaire.

Voyons maintenant de quelle façon le ministère entend relever ce défi en ce qui concerne les divers réseaux d'enseignement et j'aborderai, en premier lieu, l'enseignement primaire et secondaire public qui correspond dans les crédits au programme no 4.

Il convient d'insister, tout d'abord, sur l'évolution des clientèles scolaires que nous desservons aux niveaux primaire et secondaire puisqu'il s'agit là du réseau d'enseignement le plus important de tout notre système, tant par l'ampleur des sommes investies que par la quantité de personnes touchées.

En se fondant sur les prévisions les plus récentes, il est à prévoir que les clientèles, à desservir à la maternelle ainsi qu'aux niveaux primaire et secondaire, dans le secteur public, seront, en 1977/78, inférieures d'environ 75 000 élèves par rapport à l'année précédente, ce qui est une situation, il faut en convenir, tout à fait dramatique. Ces clientèles continueront ensuite à décroître pendant plusieurs années. Ainsi, en 1981/82, le total prévu ne sera plus que de 1 079 207 élèves alors qu'il est actuellement de 1 313 662.

Devant de tels chiffres, on devine toute la souplesse dont devront faire preuve, à la fois, le ministère de l'Education et les commissions scolaires dans l'administration des écoles primaires et secondaires du Québec, au cours des prochaines années. On comprendra que cette souplesse sera d'autant plus nécessaire que les faits suivants se produiront vraisemblablement: Au niveau primaire, par exemple, plus de 40% des commissions scolaires locales et intégrées connaîtront une baisse de clientèle supérieure à 20% d'ici trois ou quatre ans. Plus de 50% des commissions scolaires locales et intégrées compteront moins de 2000 élèves en 1980; au niveau secondaire, rappelons qu'il y aura 387 000 élèves en 1985/86, c'est-à-dire 202 000 de moins qu'en 1976/77; au même niveau, près de 40% des commissions scolaires régionales connaîtront une baisse de clientèle supérieure à 45% d'ici 1985; 18 des 77 commissions scolaires régionales et intégrées auront moins de 2000 élèves en 1985; avec la chute des clientèles prévues au secondaire, on peut prévoir qu'environ les deux tiers des écoles de ce niveau, et cela touche actuellement entre 15% et 20% des élèves, compteront moins de 500 élèves en 1985 et qu'il ne restera alors plus qu'une trentaine d'écoles secondaires de plus de 2000 élèves, soit 5% seulement de toutes les écoles secondaires du Québec, ce qui, à toute fin pratique, ne concernera que 15% des élèves.

Après ces quelques données sur l'évolution démographique du réseau, je voudrais maintenant vous donner un aperçu très général des coûts de l'enseignement primaire et secondaire et des crédits nécessaires à son financement pour l'année 1977/78.

Les coûts atteignaient, pour l'année scolaire 1976/77 qui s'achève, la somme de $2 173 000 000. Pour l'année qui vient, ils seront de $2 212 000 000. Ceci représente une augmentation de 1,8% par rapport à l'an dernier, alors que le nombre d'élèves diminue de 2,4%. Soulignons tout de suite que 83% des coûts vont directement à la rémunération des personnes de toute catégorie dans les commissions scolaires, ce qui représente, pour l'année scolaire 1977/78, une somme d'environ $1 840 000 000.

Les orientations retenues pour l'avenir, à partir de ce qui existe, sont les suivantes. Je tiens pour acquis qu'il y a toujours un consensus sur les principes de fond qui ont inspiré la réforme de l'éducation, depuis la révolution tranquille, comme la démocratisation de l'enseignement, l'accessibilité généralisée, la péréquation des efforts financiers et des services, la participation des agents d'éducation et de la population à l'orientation et au développement du système scolaire et, plus particulièrement, de chacune des écoles.

Il n'est pas interdit de penser non plus que la structure générale du système scolaire n'est pas remise en question. C'est ainsi que le ministère de l'Education doit continuer de définir les orientations générales du système, d'en assurer la cohérence et d'en assurer le leadership, tandis que les commissions scolaires doivent continuer d'assumer la responsabilité de la planification et de la

gestion générale des services sur leur territoire; quant aux écoles, elles doivent avoir la plus grande part de la responsabilité en ce qui concerne la qualité de la formation des jeunes.

Ces fondements étant posés, tournons-nous vers l'avenir. Les objectifs de l'enseignement primaire et secondaire doivent être clairement définis afin d'orienter le développement de l'éducation dans les écoles. Dans une optique de décentralisation, de nouvelles règles du jeu et un meilleur partage des responsabilités doivent être établis en vue d'améliorer le fonctionnement général du système et la qualité des services éducatifs. Il importe que chaque école puisse développer le projet éducatif qui lui convient et fonder ce projet sur des caractéristiques propres du milieu dans lequel elle s'insère.

Il est urgent d'améliorer la qualité de la formation des jeunes en apportant des correctifs importants à la formation des enseignants, au régime des études, aux programmes, à la participation des parents, à la participation des enseignants et des administrateurs dans l'organisation de la vie scolaire.

Me tournant maintenant vers les objectifs de développement de l'enseignement primaire et secondaire, je me permets de vous rappeler que j'ai annoncé récemment les priorités de mon ministère, celles qu'il entend mettre en oeuvre pour les quelques prochaines années. Je me limiterai ici à vous en brosser le tableau d'ensemble, quitte à y revenir au moment de l'étude détaillée des crédits.

Tout d'abord, j'ai souligné en Chambre et à l'extérieur, devant divers groupes, l'importance que le gouvernement entend apporter à l'enseignement du français. Dans le prolongement du projet de loi sur la charte de la langue française au Québec, nos énergies seront particulièrement concentrées sur le redressement de l'enseignement du français dans les écoles primaires et secondaires du Québec en vue d'améliorer de façon significative la qualité du français écrit et parlé. Nous entreprendrons des travaux qui porteront sur les programmes, le matériel didactique, les guides d'accompagnement, le perfectionnement des maîtres et leur encadrement par des conseillers pédagogiques.

Quant à l'enseignement des langues secondes, les travaux de mon ministère seront également accélérés à l'égard de la révision des programmes, de la détermination des exigences de qualification requises des enseignants et de l'évaluation des diverses formules d'enseignement, dans l'apprentissage du français et de l'anglais, langues secondes.

Toujours dans le domaine de l'enseignement des langues, j'ai aussi récemment annoncé une autre priorité, toute nouvelle cette fois, du moins dans le système d'enseignement public francophone, que mon ministère entend mettre en oeuvre. Il s'agit de développer l'enseignement des langues et des cultures d'origine à l'intention des enfants néo-québécois et cela, au sein de l'école publique française du Québec. Ce sera là un nouveau service à offrir dans le secteur francophone.

Mon ministère se souciera, au cours des pro- chains mois, du développement de l'éducation chrétienne et de l'enseignement moral, tant dans les écoles reconnues comme catholiques que dans les écoles protestantes et compte tenu du droit d'exemption que la loi reconnaît aux parents.

Des mesures spéciales toucheront les programmes, le matériel didactique et le perfectionnement des maîtres. De plus, nous ferons en sorte que la situation de l'animation pastorale soit évaluée systématiquement, en vue de fournir une aide accrue aux commissions scolaires.

Une autre priorité donnée à mon ministère concerne l'enseignement de l'histoire et de la géographie nationales. Les orientations retenues en ce moment sont les suivantes: Au niveau primaire, nous proposerons un programme d'initiation à l'histoire et à la géographie, pour les élèves de quatrième, cinquième et sixième année, après avoir procédé à l'inventaire de ce qui existe déjà et après avoir mis à contribution les ressources du milieu, car il se fait déjà beaucoup de choses dans le milieu.

Au niveau secondaire, je maintiendrai la décision de rendre obligatoire un cours d'histoire nationale, plus particulièrement, cette autre décision que j'ai prise, il y a quelques semaines, d'exiger qu'un examen d'histoire nationale devienne obligatoire pour les fins de certification au niveau secondaire.

Nous voulons, d'une part, qu'en première et deuxième année du secondaire, tous les élèves complètent leur formation en histoire et en géographie, qu'ils auront désormais formellement amorcée à la fin du cours primaire. Nous voulons, d'autre part, et je tiens à le souligner de nouveau, que tous les élèves du secondaire reçoivent un enseignement d'histoire et de géographie nationales. Cette orientation pose des difficultés pratiques d'application, en particulier pour les élèves de l'enseignement professionnel, étant donné la composition actuelle de la grille matière. Ce sont ces difficultés d'application qu'il nous reste à résoudre au cours des prochains mois et auxquelles nous comptons bien porter toute l'attention nécessaire.

La question des milieux défavorisés demeurera encore une priorité en 1977/78. Il s'agit, cette fois, de traduire, en un plan de développement concret, les études déjà réalisées au cours des deux dernières années. Aussi, certaines interventions dans le milieu seront mises en marche ou poursuivies durant l'année 1977. Il s'agit notamment de l'augmentation du nombre de maternelles et des maternelles-maison, pour les enfants de quatre ans; de la diffusion de la série télévisée intitulée "Saperlipopette" pour un auditoire d'enfants de quatre et cinq ans; du projet expérimental d'appui aux familles des auditeurs de cette série télévisée, du projet expérimental de perfectionnement des maîtres de l'élémentaire, en milieux défavorisés, et plus précisément de l'équipe école; de la publication d'une étude sur les zones de pauvreté; enfin, d'un projet expérimental favorisant la prévention de l'abandon scolaire chez les adolescents de niveau secondaire.

J'aborde maintenant, M. le Président, un autre

projet important de mon ministère, qui est la décentralisation administrative. Depuis quelques mois déjà, le ministère de l'Education met la dernière main à une politique de décentralisation de la gestion de l'enseignement primaire et secondaire public. Ces travaux ont comme principal objectif d'accroître le champ de responsabilités des commissions scolaires et des écoles, afin que celles-ci puissent prendre les moyens nécessaires pour satisfaire, plus qu'elles ne le font à l'heure actuelle, les besoins locaux. Cette décentralisation administrative comporte deux incidences principales, la première touchant plus précisément l'aménagement respectif des responsabilités de mon ministère et du réseau, et la seconde amenant une réorganisation interne pour tenir compte de la redéfinition du rôle du ministère.

En ce qui concerne plus particulièrement la politique de décentralisation, le nouveau partage de responsabilités qui fut établi, à la suite de consultations auprès, des divers organismes concernés, prévoit que le ministère de l'Education se départira de certaines de ses responsabilités actuelles au profit des autorités locales. En 1977/78, les travaux que j'entends faire avancer consisteront à définir les stratégies d'implantation de ce partage de responsabilités qui touchent autant le domaine des programmes de formation que les secteurs de l'évaluation, du financement, de l'administration du personnel et des ressources. Ces travaux entraîneront éventuellement, sans aucun doute, une révision de la Loi de l'instruction publique.

Tout cet effort de réorganisation administrative serait vain si nous ne procédions, en même temps, à une révision des objectifs mêmes de l'enseignement primaire et secondaire, objectifs tournés vers la qualité de la formation et la satisfaction des besoins locaux, lesquels doivent être assumés directement par l'école. Aussi, aurai-je l'occasion, d'ici peu, de soumettre à la consultation publique, un livre vert qui proposera des orientations nouvelles.

Actuellement, en voie d'achèvement, au sein du gouvernement, ce livre vert s'attachera à préciser les objectifs de l'enseignement primaire et secondaire et à les traduire concrètement en démarches pédagogiques et en exigences nouvelles pour la formation des jeunes.

J'ai, tout récemment, eu l'occasion de préciser à l'Assemblée nationale, que le maintien des petites écoles faisait partie des préoccupations du gouvernement et cela vient tout naturellement dans ce cadre de décentralisation dont je viens de vous entretenir.

La chute des clientèles scolaires qui a déjà commencé à assaillir les commissions scolaires, principalement dans les régions éloignées, nécessite à la fois une intervention immédiate et une action à plus long terme. Des mesures ont déjà été prévues dans les conventions collectives et dans les règles budgétaires pour favoriser le maintien des petites écoles. Compte tenu de cette contribution déjà fort importante des fonds publics, si les gens des villages ou des villes veulent maintenir leur école, ils doivent faire appel à leur sens communautaire, dans l'esprit exemplaire des "Opérations Dignité". Ils doivent consentir à un effort de coopération supplémentaire. Le problème étant plus complexe en milieu urbain, mon ministère étudiera, au cours des prochains mois — je le souhaite, avec la coopération de l'Opposition, puisque Mme le député possède une expérience pratique dans ce domaine qui pourrait être des plus utiles — diverses solutions pour ces écoles.

J'aborde maintenant, M. le Président, l'enseignement collégial public qui correspond au programme no 5. Je voudrais d'abord dire quelques mots sur l'évolution des clientèles desservies dans ce réseau. La clientèle atteindra, en 1977/78, 110 000 étudiants. Cela représente un accroissement de 4% par rapport à cette année. Il importe de noter que cet accroissement est en bonne partie attribuable à la double promotion résultant du remaniement de la durée des études primaires et secondaires. Le nombre d'étudiants commencera à décroître sensiblement à compter de 1979/80, c'est-à-dire qu'il faut y penser dès maintenant, puisque c'est l'année suivante. On prévoit même qu'il ne sera plus que de 103 631 étudiants en 1981/82. J'attire votre attention sur le fait qu'environ 45% des étudiants seront inscrits au programme professionnel et 55% à l'enseignement général.

Je voudrais également souligner que les étudiantes constitueront 45% de la clientèle; ce phénomène va croissant et n'est certainement pas fait pour déplaire à certains membres de cette commission.

Je dirai maintenant quelques mots de l'évolution des coûts. Les crédits alloués au financement de l'éducation collégiale publique, en 1977/78, totaliseront $421,5 millions en comparaison de $353,5 millions en 1976/77. Parmi les facteurs qui expliquent cette augmentation, il faut retenir avant tout la catégorie "traitements" qui, à elle seule, représente une augmentation de plus de $38,5 millions et qui résulte à la fois de l'accroissement de la clientèle et de l'application des conventions collectives signées avec les personnels des collèges.

Abordant maintenant les principaux problèmes que nous trouvons dans ce réseau, je pense qu'il convient de parler davantage de préoccupations que de véritables problèmes. Les analyses en cours vont nous apporter d'importantes données en vue de consolider l'acquis et d'assurer le développement harmonieux d'un enseignement qui comporte déjà de nombreux points forts. En 1976/77, à la suite de négociations de conventions collectives qui, somme toute, ont eu un heureux dénouement, l'enseignement collégial a connu, de façon générale, la stabilité. Cela a permis au ministère d'accorder son attention à des questions d'une grande importance pour l'évolution et le développement de cet enseignement.

Bien sûr, l'enseignement collégial a dû vivre avec les conclusions du rapport Nadeau, les uns accusant le ministère d'appliquer ce rapport avant d'en avoir évalué les conséquences, les autres

nous croyant trop lents à faire connaître nos intentions, tandis que de nombreuses personnes s'inquiétaient du contenu du mystérieux "Rapport GTX".

De fait, la majeure partie des travaux réalisés en 1976/77 a consisté à établir les bases de ce que devrait être l'avenir des collèges à la lumière de la réalité d'aujourd'hui. Les principaux problèmes soulevés étaient alors les suivants, pour n'en mentionner que quelques-uns: Faut-il réviser la loi des collèges et le régime pédagogique de ces établissements, eu égard à leur évolution depuis dix ans, puisque nous allons bientôt célébrer leur dixième anniversaire de fondation? Quelles nouvelles politiques faut-il élaborer, et dans quel domaine, en vue d'offrir aux collèges les moyens dont ils ont besoin pour mieux atteindre leurs objectifs et ceux du nouveau gouvernement du Québec?

Nous n'avons guère le loisir d'attendre que les orientations soient déterminées à long terme pour préciser celles qui, dès maintenant, retiennent l'attention de façon urgente. C'est pourquoi le ministère que je dirige poursuivra ses travaux et en entreprendra de nouveaux en 1977-1978 dans les secteurs suivants. Tout d'abord, nous nous attacherons à la rationalisation des choix budgétaires. Dans le contexte actuel, alors que les ressources financières du Québec sont soumises aux contraintes que nous connaissons, il importe que les collèges participent activement au système d'allocation des ressources et se rapprochent constamment des méthodes et des mécanismes auxquels le gouvernement lui-même se soumet: Qu'il s'agisse du PPBE, de rationalisation des choix budgétaires ou de système de gestion par activité, nous tenons le même langage. Cette opération, commencée en 1976-1977, par une étape de sensibilisation, se poursuivra et s'intensifiera en 1977-1978.

Il faudra tout d'abord mettre en place les instruments nécessaires à l'implantation d'un tel mode de gestion.

Nous voulons également élaborer une politique des services auxiliaires. Cette élaboration comporte trois phases principales: Tout d'abord, une étude sur le logement, déjà réalisée l'an dernier et qui permet dorénavant d'établir le bien-fondé de toute nouvelle construction ou du maintien d'une résidence d'étudiants par un collège, à la lumière d'utilisation des ressources existantes du milieu.

Ensuite, la seconde phase consistera dans l'étude des modes de gestion des services alimentaires en milieu collégial, laquelle permettra de réévaluer l'opportunité de maintenir le régime d'autofinancement imposé à ces services. Cette étude est en voie de réalisation à l'heure actuelle.

Enfin, troisièmement, nous voulons entreprendre, élaborer une recherche sur le fonctionnement et le financement des complexes sportifs des collèges, laquelle sera entreprise en cours d'année.

S'il fallait allonger la liste — je tente d'être le plus succinct possible — il faudrait tout de même, par souci de bien rendre compte de la réalité, ajouter encore les aspects suivants: La planification des enseignements, la politique des stages, la politique relative à la pastorale, la gestion des services aux étudiants, le programme d'information à l'intention du grand public sur les collèges, la politique de résorption des déficits, les subventions à l'innovation pédagogique, et j'en passe. Mais cela pourra faire l'objet de questions au cours de l'étude détaillée des crédits.

Depuis la publication de l'étude du Conseil supérieur de l'éducation sur "le collège" et du rapport de la direction générale de l'enseignement collégial sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial, le ministère a pu poser un certain nombre de diagnostics, arrêter au niveau des principes certaines des grandes orientations à poursuivre et étudier quelques-uns des changements qu'il faudrait mettre en oeuvre à court et à moyen termes. Cela fera l'objet d'un livre blanc qui est en voie de rédaction.

Nous voulons procéder à l'établissement du bilan de l'enseignement collégial, lequel s'avère, à mon avis, favorable. Nous pensons que le maintien des collèges s'impose, de toute évidence. Toutefois, nous devons en arriver à une meilleure définition des objectifs. Des modifications paraissent s'imposer dans le domaine de l'administration des collèges, du régime pédagogique, du perfectionnement du personnel, de l'information auprès des étudiants, des parents et des employeurs. Enfin, il nous faut élaborer également une politique d'éducation permanente. La mise en oeuvre de ces orientations générales appellera sans doute des actes de caractère législatif, réglementaire et administratif. C'est pourquoi le gouvernement entend proposer à l'opinion publique un livre blanc sur l'enseignement collégial dans le courant de l'automne prochain.

J'en viens maintenant à l'enseignement universitaire, qui fait l'objet du programme no 6.

Le réseau québécois d'enseignement universitaire a atteint un niveau de développement comparable à celui des autres réseaux nord-américains. Les politiques que mon ministère entend mettre de l'avant au cours des prochaines années, et plus particulièrement au cours du prochain exercice financier, tendront essentiellement à la consolidation, au développement planifié et, bien sûr, à la résorption des problèmes actuels. Elles seront éventuellement accordées au résultat de l'étude sur l'enseignement supérieur et les universités, annoncée le 19 janvier dernier, et qui se mettra en marche au cours des prochaines semaines.

Depuis la création de l'Université du Québec et grâce au développement de ses diverses unités constituantes, le réseau d'établissements d'enseignement universitaire, auparavant concentré dans les centres urbains de Montréal, Québec et Sherbrooke, rejoint maintenant tous les centres importants du Québec. Je crois qu'il convient de souligner que cette expansion du réseau d'établissements universitaires a provoqué une augmentation rapide du nombre d'étudiants universitaires équivalent plein temps. En 1972-1973, on ne comptait, faut-il le rappeler, que 85 000 étudiants, alors

qu'au cours de l'année scolaire 1976-1977, on en dénombrait 108 900. Selon nos prévisions, ce nombre passera à 112 000 en 1977-1978; un accroissement de 3,6% de la clientèle universitaire est donc prévu.

Les clientèles de l'enseignement supérieur ont connu une augmentation notable au cours des cinq dernières années. Il est cependant prévisible que le développement quantitatif ira bientôt s'amenuisant. A quel moment cela surviendra-t-il exactement? Il est encore difficile de le dire avec précision, car nous devons tenir compte à la fois de la baisse des clientèles au niveau collégial et d'une remontée de l'éducation des adultes à l'université.

Le ministère poursuit avec les universités des travaux en vue d'améliorer les prévisions à ce sujet. Pour l'instant, nous croyons que c'est au cours de la période 1985-1990 que commencera à se manifester cette diminution.

Les services offerts par le réseau universitaire ont aussi connu un essor tout à fait remarquable. Parmi bon nombre d'éléments significatifs de l'état et du développement récent du réseau, je retiens les suivants: Premièrement, le nombre de professeurs-chercheurs croissait de 20,4% entre 1970-1971 et 1974-1975, tandis que le personnel de direction, lui, connaissait un accroissement de 14,3% durant la même période.

Deuxièmement, au premier cycle, il existe 1327 programmes offerts à environ 90 000 étudiants, soit un programme par 65 à 70 étudiants. On compte, par ailleurs, 460 programmes de deuxième cycle et 190 programmes de troisième cycle.

Troisièmement, le total des subventions et des contrats de recherche accordés aux institutions universitaires est passé de $51 millions à $77 millions au cours des quatre dernières années, soit une subvention moyenne de plus de $9000 par professeur régulier. Cela n'est pas encore assez, et le gouvernement entend bien pousser les choses de ce côté.

Quatrièmement, les ressources accordées aux universités ont permis d'accroître les dépenses par étudiant de près de 50% entre 1972-1973 et 1975-1976. Ces dépenses ont évolué de $2938 à $4347 par étudiant. En dollars constants, la hausse est évidemment moins spectaculaire, mais non moins significative, puisqu'elle est d'un peu plus de 10%.

Quant aux crédits à voter, ils seront, pour le niveau universitaire toujours, de $586,5 millions, dis-je, au cours du prochain exercice financier, alors qu'ils étaient de $487 millions en 1976-1977. C'est donc une augmentation de l'ordre de $100 millions.

Nous devons consolider la gestion du réseau, ai-je mentionné plus tôt. Compte tenu de la décélération prévisible du taux de croissance des clientèles et compte tenu de la période de restriction budgétaire, il devient essentiel d'énoncer des priorités de développement fondées sur un réaménagement des ressources.

Le processus de rationalisation budgétaire est déjà amorcé. En effet, cette année, comme en 1976, mon ministère a présenté aux universités des stratégies de développement de l'enseignement supérieur pour la période 1978-1981. Ces stratégies proposent, notamment, de maintenir la politique d'accessibilité générale à l'université, notamment en améliorant l'aide aux étudiants et en stabilisant les frais de scolarité.

Nous proposons également d'éliminer, dans les programmes d'étude de premier et de deuxième cycle, les chevauchements inutiles et de systématiser le financement des programmes.

Nous proposons d'assurer un meilleur développement des études de troisième cycle par une augmentation des bourses de doctorat, par une incitation financière touchant l'admission de nouveaux étudiants et par une liaison plus soutenue entre l'enseignement et la recherche.

Au chapitre de la formation et du perfectionnement des maîtres, nous allons consacrer une attention spéciale à cette formation au cours du prochain exercice financier. Je mentionne, tout d'abord, qu'un service de la formation des maîtres vient d'être créé au sein du ministère en vue de coordonner les diverses opérations en matière de formation et de perfectionnement. La coordination s'appuiera sur l'évolution des besoins et sur la détermination d'objectifs, de politiques et de programmes de formation dans chacun des deux grands secteurs, le primaire et le secondaire d'une part, le postsecondaire d'autre part. Les services ministériels de ces secteurs veilleront à l'établissement des besoins de formation des élèves des réseaux d'enseignement dont ils ont la responsabilité. Ils détermineront aussi les objectifs à poursuivre. Les politiques générales de formation et de perfectionnement, elles, de même que la reformulation des programmes, seront confiées au service de la formation des maîtres de la direction générale de l'enseignement supérieur.

Quels sont les grands problèmes universitaires de l'heure? Dans l'exercice de mes fonctions, j'ai pu constater que le réseau universitaire fait présentement face à des problèmes épineux qui, à certains égards, sont attribuables à une crise de croissance.

En effet, le développement extrêmement rapide des universités au cours des dix dernières années a contribué à mettre en relief des tensions qu'il importe d'examiner attentivement en vue de mieux orienter l'avenir prévisible.

L'augmentation très forte du nombre des étudiants, l'engagement massif de professeurs et de personnel administratif, l'accroissement spectaculaire des budgets et, en conséquence, la part accrue de l'Etat dans leur financement, la nécessité de planifier à plus long terme et l'obligation de faire des choix, la syndicalisation du personnel sont autant de facteurs qui ont modifié la vie des universités, leurs structures internes, les rapports qu'elles avaient entre elles, ceux qu'elles entretiennent avec l'Etat, de même que leur place dans la société.

Les problèmes qui en découlent peuvent être classés en trois catégories. La première catégorie

est celle des problèmes internes reliés à une certaine bureaucratisation qui accompagne souvent un élargissement rapide des responsabilités.

D'une part, les professeurs s'interrogent sur leur rôle dans l'université, notamment en ce qui regarde la diversité des tâches qu'on attend d'eux. La gestion des universités est parfois critiquée. Sur le plan administratif, la multiplication des paliers de décision entraîne de grandes frustrations — il faut le constater — à la base.

La seconde catégorie de problèmes fréquemment mentionnés touche à la situation de l'univer-sités dans un réseau d'établissement d'enseignement supérieur. Ce sont d'abord les équivoques et les imprécisions sur les rôles respectifs des principaux partenaires du système qui ont suscité les plus grands malheurs. Ainsi, on comprend mal comment s'appliquent, dans un système financé presque entièrement par l'Etat, les principes d'autonomie et de liberté de l'enseignement.

La troisième catégorie de problèmes appartient au rôle social de l'université et, en particulier, à la contribution et à la recherche au mieux-être de la société québécoise. Il semble difficile, surtout pour des personnes extérieures à l'université, d'identifier exactement les bienfaits des ressources consacrées à la recherche.

On mentionne souvent le manque de coordination des recherches entreprises, le peu de résultats concrets au profit de la population sinon même l'absence d'objectifs sociaux de très nombreux projets subventionnés.

En vue d'apporter sans tarder des solutions durables, j'ai récemment indiqué qu'une des priorités de mon ministère, dans les prochaines années, allait à l'étude sur l'avenir de l'enseignement supérieur et des universités. Cette étude, sans précédent comparable au Québec, permettra de faire le point sur le rôle de l'université dans la société québécoise et de tracer le portrait de l'université de la fin du siècle. Cinq thèmes serviront d'axes ou de foyers à l'étude et, à l'heure actuelle, ces thèmes principaux sont examinés, étudiés au Conseil des universités. J'aurai l'occasion, sans doute avant longtemps, d'en faire part à la Chambre. Pour réaliser cette étude qui durera 18 mois, quatre groupes de travail sont constitués ayant chacun la responsabilité d'étudier les grands thèmes auxquels j'ai fait allusion. Un comité de coordination sera aussi formé pour tenter d'assurer l'harmonie entre les divers groupes de travail. En plus des recherches spécifiques qu'ils conduiront, le comité de coordination et ces groupes de travail tiendront des séances publiques, soit pour recevoir des mémoires, soit pour animer des discussions avec différents groupes. Les rapports du comité de coordination et de chacun des groupes de travail seront rendus publics après avoir été remis au ministre de l'Education et au ministre d'Etat au Développement culturel, auquel nous donnons la main pour les fins de cette étude prospective.

J'aborde maintenant, M. le Président, l'aide financière aux étudiants, qui fait l'objet du programme no 3. Le régime des prêts et bourses est un élément clé de la politique d'accessibilité générale à l'éducation; il permet d'aider les étudiants dont les ressources financières sont insuffisantes pour défrayer seuls, ou avec l'aide de leurs proches, parents ou conjoints, les coûts reliés à la poursuite des études choisies. Environ 27% des étudiants inscrits au cours collégial et 42% des étudiants inscrits dans les universités, soit près de 60 000 étudiants, ont reçu des prêts en 1976-1977 et l'aide moyenne obtenue par ces prêts représentait un peu plus de $600 pour un étudiant de niveau collégial, et environ $887 pour un étudiant universitaire.

Des 30 000 étudiants des collèges qui ont obtenu des prêts, plus de 20 000 ont eu droit, en plus, à des bourses s'élevant à $20,5 millions, ce qui représente un peu plus de $1000 par étudiant. Parmi les 29 000 étudiants universitaires détenteurs de prêts, 15 500 ont reçu une aide supplémentaire qui a amené des déboursés de $17,3 millions, soit près de $1120 par étudiant. Au total, il y a eu émission de $44 millions en prêts et de $38 millions en bourses pour répondre à 65 000 demandes. L'aide a été accrue en raison de la diminution de la contribution des parents et en raison de l'indexation des dépenses.

Personne n'ignore la situation particulière des étudiants de l'Université Laval et de l'Université du Québec à Montréal à la suite des conflits de travail survenus dans ces établissements au cours de l'automne et de l'hiver dernier. Et tous connaissent sans doute les efforts considérables qui ont été faits pour aider ces étudiants à poursuivre ou à terminer leurs études. Des dépenses supplémentaires sont prévues en 1977/78, lesquelles n'apparaissent pas dans les présents crédits. On évalue pour le moment à environ $14 millions l'aide supplémentaire accordée à ces étudiants de Laval et de l'UQAM. Toutefois, la détermination des crédits supplémentaires à voter ne pourra être effectuée que lorsque nous connaîtrons de façon plus précise le nombre d'inscriptions dans ces deux universités.

Par ailleurs, pour 1977/78, le ministère de l'Education continuera à ajuster les critères de calcul des prêts et des bourses aux étudiants en vue de maintenir le niveau actuel d'accessibilité aux études tant pour les étudiants défavorisés financièrement que pour les étudiants handicapés physiquement et financièrement. Il est intéressant de signaler que le niveau d'endettement exigé des étudiants du Québec est plus faible que celui des étudiants des autres provinces. De plus, les dépenses admises par le Québec dans le calcul des besoins des étudiants sont les plus élevées, si j'en crois toutes les comparaisons effectuées jusqu'à ce jour, avec les programmes d'aide des autres provinces canadiennes.

Un plus grand nombre d'étudiants seront admissibles à une aide accrue en 1977-1978. Le coût gouvernemental de l'aide financière aux étudiants, sans compter les additions nécessaires destinées aux étudiants de Laval et de l'UQAM, passerade $62 800 000 en1976-1977 à $74 926 000 en 1977-1978. Cette aide financière comprend le régime de prêts

et bourses, atrribués selon les besoins des étudiants, et les bourses d'excellence de l'enseignement supérieur. L'augmentation de 19,1% est considérable et marque la volonté du gouvernement d'améliorer sans cesse la condition des étudiants les moins favorisés.

Brièvement, M. le Président, permettez-moi d'aborder maintenant l'éducation des adultes, qui fait l'objet des programmes nos 7 et 11. La baisse de clientèle, qui semble devoir être, à plus ou moins long terme, le lot de tous les réseaux d'enseignement, n'affectera cependant pas le réseau d'éducation des adultes. La population du Québec porte un intérêt toujours croissant au perfectionnement continu. En effet, de 1970-1971 à 1974-1975, le nombre d'inscriptions aux cours d'éducation des adultes est passé d'environ 350 000 à 400 000. Il faut noter que l'accroissement des 50 000 inscriptions est presque exclusivement dû au perfectionnement à temps partiel.

Trois types de formation sont offerts dans les commissions scolaires et dans les organismes d'éducation des adultes qui dépendent directement de mon ministère: les cours de formation générale, les cours de formation professionnelle et les activités de formation socio-culturelle ou de culture populaire, comme on dit parfois. Ces cours sont généralement dispensés dans les établissements d'enseignement, mais des modes particuliers de communication et d'enseignement (cours par correspondance, animation et information) sont souvent mis en oeuvre en vue de répondre aux besoins particuliers de nombreux adultes.

Le ministère, au chapitre de la formation générale et socio-culturelle, consacrait en 1976/77, plus de $35 millions à cette formation. Cette année, cette somme sera portée à plus de $40 millions. D'autre part, les sommes prévues pour la formation professionnelle passent de près de $58 millions à plus de $67 millions dans l'exercice financier 1977/78.

Je vous donnerai maintenant quelques indications sur les développements que connaîtront ces deux programmes au cours de la prochaine année. Tout d'abord, en ce qui concerne la formation générale et socio-culturelle, qui fait l'objet du programme no 7, une étude est amorcée à l'heure actuelle au sein de mon ministère afin de préciser les orientations que le gouvernement devrait apporter à l'égard de l'aide à fournir aux citoyens qui ont terminé le cycle de leurs études obligatoires.

En attendant les résultats de l'étude en cours, mon ministère entend prendre deux mesures spéciales au cours de la prochaine année dans le domaine de la formation générale et socio-culturelle. Tout d'abord, nous voulons accroître nos subventions aux OVEP. Depuis quelques années déjà, ces organismes volontaires d'éducation populaire, ont permis à toute une couche de la population du Québec et particulièrement aux populations défavorisées d'obtenir des services d'animation et de formation leur permettant de se doter d'outils susceptibles d'améliorer leur participation à la vie de la société.

Comme l'aide gouvernementale était bien en deçà des besoins, nous avons décidé de hausser les subventions à ces organismes de 34%. En effet, pour l'année scolaire qui vient, on prévoit une dépense de $2,4 millions alors que, l'an dernier, ce montant n'était que de $1,7 million.

Nous prévoyons également la réinsertion du programme Multi-Media. Ce programme visait la formation et l'animation des couches les moins scolarisées de la population par le truchement des moyens modernes de communication, principalement par le journal qu'on appelait la Gazette de Multi-Media et par des émissions de télévision. Il nous apparaît que cette expérience acquise dans l'utilisation des media peut maintenant être mise à profit au sein des services réguliers de l'éducation des adultes dans les commissions scolaires. C'est pourquoi nous avons pris les dispositions pour insérer les services locaux développés par Multi-Media au sein des commissions scolaires.

Quelques mots au sujet du programme no 11 concernant la formation professionnelle. Ce sujet me tient particulièrement à coeur. D'une part, si nous voulons développer une économie florissante au Québec, il nous faut une main-d'oeuvre de grande compétence. D'autre part, en période de chômage intensif, le perfectionnement et le recyclage des travailleurs présentent un moyen de réduire le taux de chômage et de préparer un meilleur avenir.

Toutefois, au chapitre de la formation professionnelle des adultes, le Québec, bien que l'éducation relève de la stricte compétence de son gouvernement, est, dans une mesure, très largement dépendant du gouvernement fédéral. En effet, la loi fédérale stipule que le gouvernement d'Ottawa peut conclure des accords avec les provinces pour l'achat de cours de formation professionnelle, que ces dernières dispenseront aux clientèles identifiées et sélectionnées par les Centres de main-d'oeuvre du Canada. Selon les termes mêmes de cette loi, c'est le gouvernement fédéral qui choisit les programmes de formation professionnelle, puisqu'il est, comme on dit, "l'acheteur". C'est ce gouvernement qui effectue la sélection des candidats, lesquels doivent d'abord s'inscrire à un bureau du gouvernement fédéral. En vue d'arrêter les modalités de l'application de cette loi, un accord est intervenu en 1974, entre le gouvernement fédéral et le Québec. Cet accord, qui prenait fin le 1er avril 1977, a dû être reconduit pour une année, sans quoi le Québec aurait été privé de sommes importantes auxquelles il a droit.

Mais le plus important, c'est que le gouvernement fédéral s'apprête à apporter incessamment des modifications à cette loi que les provinces avaient acceptée, à titre expérimental, il y a dix ans.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et moi-même avons déjà convenu de nous pencher, de concert, sur ce dossier. Pour le ministère que je dirige et pour le gouvernement, l'aide à la formation professionnelle des adultes revêt un caractère d'une extrême importance. En effet, la main-d'oeuvre québécoise est encore trop faiblement

scolarisée. Par ailleurs, 85% de la main-d'oeuvre active est employée par les petites et moyennes entreprises et il est difficile de demander à celles-ci d'assurer tous les apprentissages nécessaires. On ne peut avoir les mêmes exigences que pour les grandes entreprises.

Pour l'année 1977/78, les sommes que le Québec reçoit en matière de formation professionnelle aux adultes sont réparties comme suit: près de $100 millions pour ce qui est de la formation en institution, et un peu moins de $20 millions pource qui est de la formation en industrie.

Permettez-moi d'aborder, de plus en plus brièvement, M. le Président, le programme consacré à l'enseignement privé, lequel porte le no 8. Comme vous le savez, la Loi de l'enseignement privé, entrée en vigueur en 1968, reconnaît trois catégories d'institutions privées. Ce sont: les institutions "déclarées d'intérêt public", lesquelles reçoivent une subvention annuelle égale à 80% du coût moyen par élève de l'enseignement public pour l'année scolaire précédente; les institutions "reconnues pour fins de subvention", qui reçoivent une subvention annuelle égale à 60% du coût moyen, et les institutions ne détenant qu'un permis, lesquelles ne reçoivent pas de subvention.

De 1970-1971 à 1976-1977, les clientèles des institutions privées subventionnées par le ministère sont passées de 42 033 élèves à 88 253 élèves. Cela représente un accroissement de 46 220 élèves, donc, une hausse de 110% en six ans. Cette augmentation annuelle de plus de 18% tend toutefois à diminuer, depuis quelques années, puisque, déjà, entre 1975 et 1977, le taux n'était plus que de 9,7%. En outre, nous prévoyons que l'année scolaire 1977-1978 verra le taux de croissance baisser à environ 5%, les clientèles passant de 88 253 à 92 662, de 1976 à 1978. Nous pouvons donc constater un certain ralentissement de l'accroissement des clientèles des institutions privées subventionnées. Quant à l'importance relative de la clientèle de ces institutions, les prévisions établies par le ministère montrent que, pour l'année scolaire 1977-1978, les élèves inscrits dans les institutions privées représenteraient 1,3% de toute la clientèle au niveau primaire; 10,9% au niveau secondaire et 12,8% au niveau collégial.

C'est dire que les institutions privées regroupent, à l'heure actuelle, moins de 6,5% des clientèles totales, de niveau infra-universitaire au Québec et c'est aux niveaux secondaire et collégial que les clientèles de l'enseignement privé ont une importance plus grande.

En plus, du fait que le secteur privé dispense un enseignement professionnel à ses clientèles, dans une proportion deux fois moindre que le réseau public, il semble que le secteur privé se soit spécialisé dans les techniques qu'on pourrait dire "légères", commerciales en particulier, qui nécessitent moins d'équipement et dont la proportion maître-élèves se rapproche le plus de celle de l'enseignement général.

Ce dernier point est un facteur important, car le coût moyen par élève du secteur public qui sert de fondement au calcul des subventions pour les fins du secteur privé ne faisait pas de distinction, jusqu'à maintenant, entre les techniques les plus coûteuses et celles qui l'étaient moins, tant au niveau de l'équipement que dans la proportion maître-élèves.

Il convient que je vous mette au courant des mesures que j'entends prendre au cours de la prochaine année, quant aux subventions aux institutions privées en attendant la révision de nos politiques. Comme je viens de le mentionner, ces subventions sont calculées à partir du coût moyen par élève dans le secteur public. En analysant le dossier préparé par mon ministère, j'en suis venu à la conclusion qu'il fallait apporter certaines modifications à la façon de calculer ce coût moyen.

J'ai notamment constaté que les conventions collectives récemment signées dans le secteur public distinguent maintenant les diverses catégories d'enseignement en vue de déterminer la proportion maître-élèves et que certaines dépenses comme celles qu'entraînent l'achat de l'équipement destiné aux techniques "lourdes", de même que les intérêts à court terme payés pour les arrérages dans le paiement des subventions aux commissions scolaires et les coûts relatifs à l'opération d'un centre relié au service de l'informatique du ministère ne sont le fait que du secteur public. J'en tiendrai désormais compte dans le calcul du coût moyen. Ces modifications touchent les niveaux secondaire et collégial et je me permettrai d'insister là-dessus, dans la mesure où on voudra bien me poser des questions.

Toutes ces modifications ont pour but un juste équilibre entre le financement de l'enseignement privé et celui de l'enseignement public de même catégorie.

Devant l'évolution de la situation de l'enseignement privé au québec et le débat qui s'élève autour de ce secteur, j'estime qu'il est temps de faire le point là-dessus, notamment sur la place que cet enseignement doit occuper par rapport au réseau public et sur le rôle qui doit lui être réservé.

Depuis plusieurs mois, des recherches ont été entreprises à ce sujet au sein de mon ministère. Nous n'en sommes pas rendus tout à fait au stade des conclusions qui pourraient faire l'objet d'une discussion au Conseil des ministres. Aussi vais-je m'en tenir pour l'instant, à vous faire part de certaines préoccupations personnelles et de certains principes que je crois devoir respecter.

La notion d'intérêt public n'étant plus fondée sur la complémentarité et la coordination des services éducatifs entre institutions privées et établissements publics, comme le proposait le rapport Parent, l'application de la Loi de l'enseignement privé a favorisé le développement d'un secteur privé de plus en plus parallèle et même concurrent par rapport au secteur public.

Dans un contexte où il y a de plus en plus de places-élèves disponibles, par suite de la dénatalité et où l'élaboration des politiques financières doit être effectuée, de façon très rigoureuses, en raison de la croissance des coûts et de l'existence d'autres priorités socio-économiques, il importe de repenser la place de l'enseignement privé par rapport à l'ensemble du système d'éducation. Ces faits et ces considérations m'amènent à

décrire les principes que j'entends soumettre à la réflexion de mes collègues et de la population au cours des prochains mois. A mon avis — ce sont là pour l'instant des considérations personnelles — le Québec doit accorder la priorité au développement du secteur public. Cette option, me direz-vous, n'est pas nouvelle. Je veux simplement la réaffirmer avec force.

L'Etat a assumé la responsabilité d'assurer l'organisation et le développement des services d'enseignement en raison de l'importance attachée à l'éducation comme facteur d'épanouissement individuel et collectif. Ce faisant, il s'est donné pour objectif de démocratiser l'enseignement du point de vue social, du point de vue financier et du point de vue géographique.

Les difficultés rencontrées dans l'impiantation de ce qui constitue, il faut bien le rappeler, le premier réseau complet d'écoles publiques au Québec, ne doivent pas nous faire oublier nos objectifs fondamentaux, mais, au contraire, nous inciter à y accorder une plus grande attention. Par ailleurs, le droit à l'existence des institutions privées, qui sont très variées, se fonde sur les libertés d'expression et de rassemblement reconnues par nos traditions politiques et nos traditions juridiques. Il reste alors à préciser le rôle et la place qu'elles peuvent occuper dans notre système d'éducation. Elles doivent, à mon avis, collaborer avec le secteur public et contribuer ainsi, selon la nature de leurs ressources et de leur expérience, à la pleine réalisation des objectifs d'éducation au Québec. Un tel choix permettrait aux institutions privées de rendre un service à caractère public. C'est dans la mesure où elles contribuent à ce service de caractère public qu'elles peuvent justifier leur existence.

Ces principes étant établis, toute politique de subventions aux institutions privées doit tenir compte du fait qu'une saine administration des fonds publics exige un certain nombre de choses. Premièrement, que ceux-ci soient utilisés en conformité des objectifs définis à l'intérieur de la mission éducative de l'Etat; que ces fonds ne contribuent pas à favoriser des comportements discriminatoires en éducation; qu'ils soient dépensés de la façon la plus judicieuse possible en évitant, notamment, le dédoublement des services. Voilà où j'en suis dans ma réflexion qui demeure, pour l'instant, tout à fait personnelle. En effet, il ne s'agit pas d'une attitude gouvernementale, ni de conclusions définitives de ma part. Celles-ci devront s'inspirer, dans une très large mesure, du résultat des travaux en cours au sein de mon ministère et du débat qui ne manquera pas d'avoir lieu au sein de l'opinion publique. J'aurai l'occasion, lorsque cette réflexion sera plus mûre, à la suite des travaux du sixième congrès du parti politique auquel j'ai adhéré et des recherches entreprises au sein de mon ministère, ainsi que de la période de consultation qui s'impose dans un tel cas, d'annoncer des politiques à la fois plus précises et plus fermes quant à l'avenir du réseau privé d'enseignement.

J'aborde maintenant, M. le Président, avec mes conclusions, le dernier chapitre de mes considérations. Elles sont liées à l'administration centrale du ministère, laquelle est décrite aux programmes 1 et 2. Les crédits du ministère sont présentés cette année selon une structure des programmes budgétaires différente de celle qui prévalait pour l'exercice financier 1976-1977. Au lieu des 18 programmes répartis dans huit secteurs budgétaires différents, les activités de l'éducation sont désormais regroupées dans trois grands secteurs budgétaires. Premièrement, le secteur "administration et services", lequel comprend les programmes budgétaires intitulés "administration générale", "administration des réseaux" et "aide financière aux étudiants"; deuxièmement, le secteur "enseignement", lequel comprend les programmes budgétaires intitulés "enseignement élémentaire et secondaire", "enseignement collégial", "enseignement universitaire", "enseignement aux adultes" et "enseignement privé"; troisièmement, le secteur "main-d'oeuvre et emploi", qui comprend le programme budgétaire intitulé "formation professionnelle des adultes". Sans m'étendre davantage sur cette matière plutôt rébarbative que constitue la structure des programmes budgétaires, j'attirerai simplement votre attention sur le fait que ce réaménagement comporte l'avantage de distinguer les coûts d'administration, environ 2,5%, de l'ensemble des dépenses de transfert dirigées vers les réseaux d'enseignement qui, avec $3 370 000 000 accaparent 97,5% des crédits de l'éducation.

Le premier programme, portant sur l'administration générale, me permettra d'exposer la structure centrale du ministère de l'Education et le travail qui s'y effectue. La configuration interne du ministère a été largement et progressivement modifiée depuis 1974, alors que l'on y comptait plus de vingt unités administratives dont les responsables relevaient directement du sous-ministre. Fondée sur le principe du rapport entre moyens et objectifs, la réorganisation du ministère a été effectuée de façon que la structure administrative (ou les moyens) favorise le plus possible la réalisation rationnelle et efficace des objectifs décrits dans la structure des programmes.

M. le Président, j'ajoute que, depuis six mois que je suis au ministère, j'ai apporté mon appui à cette réorganisation, laquelle me paraît tout à fait fondée. Ce réaménagement a été accompli de façon progressive, sans perdre de vue le principe directeur évoqué précédemment. Je ne vous imposerai donc point les détails de chacune des étapes parcourues, mais je me bornerai plutôt à vous indiquer où nous en sommes à l'heure actuelle.

Autour du sous-ministre, on trouve trois sous-ministres adjoints, responsables respectivement des trois grands secteurs du ministère, c'est-à-dire l'enseignement primaire et secondaire, puis l'enseignement postsecondaire et la planification, ainsi que deux sous-ministres associés responsables, selon la loi, de l'orientation et de la direction des écoles reconnues comme catholiques ou protestantes.

Cette réorganisation administrative des activités du ministère en fonction des niveaux d'enseignement a déjà permis d'établir une meilleure

concertation des unités dont le travail est orienté vers les réseaux scolaires. De plus, elle devrait permettre de pratiquer, au plus haut niveau de l'administration, les principes de la déconcentration et de la décentralisation qui régissent de plus en plus les organismes scolaires, de rentabiliser et de décongestionner l'administration du ministère, de mieux situer les centres de responsabilité, en conférant à chaque secteur les moyens de ces politiques. Le processus décisionnel prend forme, tout d'abord, au niveau du bureau des sous-ministres, dont la tâche consiste à situer les politiques particulières dans le cadre plus large des orientations d'ensemble et trouve ensuite son aboutissement au niveau du conseil de direction du ministère, que j'ai rétabli, et qui regroupe chaque semaine, le ministre et les sous-ministres.

Puisque nous en sommes à l'organisation interne du ministère, je ne saurais manquer l'occasion de démystifier cette image de monstre que d'aucuns tentent d'accréditer auprès de la population en dénonçant l'ampleur supposément démesurée de cette structure administrative. Il est en effet assez fréquent d'entendre — je l'ai entendu moi-même — ou de lire que "les responsables des maux d'éducation, ce sont ces 5000 fonctionnaires qui hantent la tour de l'édifice G." Ces fonctionnaires sont plus modestement au nombre de 2685 à l'heure actuelle, sans compter l'Office des professions et le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, qui font l'objet d'études distinctes quant à leurs crédits.

De l'année financière 1974 à 1978, les effectifs réguliers sont passés de 2144 à 2266, soit une augmentation de 5,6% en quatre ans. Par ailleurs, au cours de la même période, l'effectif occasionnel a été réduit de 1031 à 419, soit une diminution très forte de l'ordre de 40,6%. En conséquence, si l'on fait le total de l'effectif régulier et des occasionnels, abstraction faite de l'Office des professions et du Haut-Commissariat, c'est une diminution nette de 255 hommes-année, soit de 2940 à 2685, que la rationalisation de l'administration du ministère a permis d'atteindre au cours des quatre dernières années.

M. le Président, j'en viens à mes conclusions, lesquelles seront fort brèves.

Les faits, les politiques et les orientations dont je viens de vous entretenir vous donnent une idée de l'importance que le gouvernement de M. René Lévesque accorde au développement de notre système d'enseignement.

En dépit d'une conjoncture économique qui nous impose de fortes contraintes, le ministère de l'Education a entrepris des travaux et des projets de grande envergure, qui permettront, j'en suis persuadé, d'imprimer un nouveau départ à tous les niveaux de notre système scolaire et d'effectuer certains redressements que nous dicte son évolution depuis quelques années.

Depuis que je siège à l'Assemblée nationale et que j'effectue des tournées à travers le Québec, il m'est apparu clairement que les Québécois expriment des attentes certaines à l'égard de leur système d'éducation. C'est pour répondre à ces atten- tes que le gouvernement, à ma suggestion, a défini nos priorités et a décidé de mener à bien les grandes études sur la place de l'enseignement dans notre société.

L'étude des crédits du ministère de l'Education nous permettra au cours des jours, sinon des semaines qui viennent, d'analyser, en profondeur les activités de ce ministère que je qualifierais volontiers de ministère de l'avenir, et de mieux comprendre l'utilisation qu'il entend faire des fonds publics mis à sa disposition.

Avec la collaboration des principaux fonctionnaires de mon ministère, je m'efforcerai de vous fournir tous les renseignements qui vous intéressent, madame et messieurs les députés, et de vous remettre, au besoin, toute documentation jugée pertinente.

Avec votre coopération, je suis tout à fait persuadé que nous pourrons accomplir le travail que les citoyens de ce pays attendent de nous.

M. le Président, lorsque nous aurons entendu les représentants de l'Opposition, qui devraient avoir autant de latitude que vous m'en avez accordé dans l'exposé qu'ils ont à faire sur l'éducation, je me permettrai de proposer un ordre du jour, le plus logique possible, quant à la présentation des programmes de mon ministère.

J'aimerais terminer en présentant les membres de mon cabinet que je ne vous ai pas présentés tout à l'heure. Certains sont présents, comme M. Léo Jacques, qui est mon chef de cabinet, M. Gilles Bergeron, qui fait également partie de mon équipe. M. Claude Benjamin, M. André Trudel, M. Jean Gagnon, et M. Clément Duhaime, attaché de presse.

Je vous remercie, M. le Président, et je remercie tous les députés membres de la commission de leur patience.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Clair): Le député de L'Acadie.

Remarques de l'Opposition Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Je remercie le ministre de l'Education de sa générosité en nous offrant la même latitude qu'il a eue.

Je n'avais vraiment pas l'intention de commencer avec une malice, mais je dois vous dire que, sans vouloir diminuer le travail de réflexion qu'il a fait, je n'avais pas 2586 fonctionnaires pour me préparer un document de 75 pages!

Ceci dit sans malice, je pense que c'est normal qu'il en soit ainsi.

M. Morin (Sauvé): Je dois souligner au député que, pour la première fois cette année, mon ministère a préparé, à l'intention de tous les membres de la commission, ce cahier détaillé des divers programmes des crédits et j'ose espérer qu'elle aura passé une bonne fin de semaine en leur compagnie.

Mme Lavoie-Roux: J'arrive aux compliments, M. le ministre! Puisque vous signalez le livre — ce n'était pas mon intention de commencer avec ce recueil de bonnes pensées que j'ai lu en fin de semaine — mais je dois vous remercier et remercier vos fonctionnaires de ce travail qu'ils ont préparé pour tous les députés qui vont participer à l'étude des crédits du ministère de l'Education.

Comme je le signalais au sous-ministre, l'an prochain, cela sera peut-être moins d'ouvrage, on pourra le mettre à jour, et on me dit qu'il y a déjà eu quelque chose de semblable il y a une couple d'années, mais pas aussi élaboré que cette année.

De toute façon, je l'apprécie beaucoup et je vous en remercie. Je comprends mal les ministères qui ne mettent pas à la disposition des députés au moins un document peut-être pas aussi élaboré, mais qui donne certaines explications, parce que je pense à des collègues, qu'ils soient dans l'Opposition ou qu'ils soient du côté ministériel, qui ne sont pas familiers avec certains dossiers ou certains ministères et qui doivent en faire l'étude, en tenant compte des intérêts de la population. Je trouve vraiment que leur remettre uniquement ce qu'on leur remet dans le budget qui est déposé par le ministre des Finances me semble plus qu'insuffisant et je ne sais pas vraiment de quelle façon on peut travailler d'une façon satisfaisante avec aussi peu d'information.

Tout ceci dit, je réitère mes remerciements au ministre et à ses fonctionnaires pour avoir mis à notre disposition ces documents qui ont été extrêmement précieux et qui permettront aussi, je pense, une étude plus cohérente et mieux suivie des budgets du ministère de l'Education.

Je voudrais simplement dire à ce moment-ci que je pense que, parmi les nombreuses préoccupations des citoyens de cette province, il en est une que tous partagent, à un titre ou à un autre, qu'ils soient étudiants, jeunes ou moins jeunes, parents ou grands-parents ou même contribuables, je pense qu'à peu près tous les citoyens du Québec, à quelques exceptions près, malheureusement, ont connu le système d'éducation pendant une période, évidemment, plus ou moins longue.

Comme le ministre de l'Education l'a signalé, M. le Président, il a d'ailleurs très objectivement noté que l'éducation avait été une préoccupation des gouvernements antérieurs, et s'inscrivait dans ce développement du Québec qui, à plus d'un égard, a quand même énormément progressé; peut-être que les deux domaines des Affaires sociales et de l'Education méritent une mention spéciale à ce moment-ci. Je pense que le gouvernement actuel aussi, par la présentation qui nous a été faite, considère l'éducation comme la pierre d'assise de l'édification de notre société et que chaque jour notre système d'éducation doit pouvoir répondre, non seulement davantage et mieux aux aspirations des différents citoyens, quelle que soit leur origine culturelle, sociale et économique, mais surtout y répondre de façon toujours plus juste et plus équitable pour tous de telle sorte que soit donnée à chaque enfant, à chaque adulte, la chance de réaliser ses possibilités et ceci dans le respect des convictions des parents, lorsqu'il s'agit, particulièrement, des plus jeunes, à l'endroit desquels les parents conservent toujours la première responsabilité. Je pense qu'il est important de ne pas l'oublier. Ceci implique que l'on se soucie de continuer de mettre en place des conditions d'apprentissage qui respectent le rythme de chacun, conditions qui doivent se situer à l'intérieur d'un cadre assez souple pour permettre l'adaptation de chacun aux exigences des différents apprentissages, conditions qui doivent permettre surtout de susciter et de maintenir chez nos jeunes en particulier une motivation qui est indispensable à leur formation et à leur épanouissement.

Je voudrais ici noter, peut-être, une abstention dans la présentation qu'a faite le ministre de l'Education, c'est cette préoccupation et peut-être nous sera-t-elle donnée avec le dépôt du livre vert, c'est cette préoccupation, si l'on veut respecter l'apprentissage de chacun, quel que soit son âge, de penser de plus en plus l'éducation ou tout le système de l'éducation dans une perspective d'éducation continue. Ceci m'amène à rejoindre les objectifs que vous avez signalés qui sont de redéfinir les objectifs de l'élémentaire, du secondaire et, je pense, également du collégial et peut-être du premier cycle de l'université afin, justement, d'enlever lés barrières souvent trop artificielles qui existent entre chacun de ces niveaux et qui deviennent un obstacle à cette éducation continue qui devrait être maintenant mise à la portée de tous, chacun selon son cheminement personnel.

Des grandes orientations que vous avez mentionnées, M. le ministre, je pense qu'il faut réaliser que plusieurs de vos objectifs sont également ceux de l'Opposition officielle, mais il faut quand même être bien conscient qu'il n'y a pas qu'à les énumérer et de là à en faire des réalités ou à les rendre vraiment réelles, il y a une très grande marge. Il m'apparaît important, pour la réalisation de ces objectifs, que s'établisse entre nous une certaine concertation qui permette de mobiliser tous les agents de l'éducation à un objectif commun, soit d'améliorer la qualité de vie dans les institutions.

J'aimerais ici faire une parenthèse pour qu'on s'éloigne de plus en plus de ce cliché de la qualité de l'enseignement pour penser davantage en termes de qualité d'éducation. Pour ce faire, je pense qu'il faut impliquer tous les enseignants et les professeurs dans des fonctions éducatives. On peut noter que les enseignants ont tendance à s'impliquer davantage dans les tâches qu'ils jugent éducatives et ceci explique peut-être une partie de leur résistance quand on veut leur imposer d'autres tâches qu'ils ne considèrent pas comme faisant partie de la fonction éducative qu'ils doivent remplir auprès des étudiants ou des élèves.

Les parents désirent aussi que leurs enfants puissent se sentir bien à l'école. Comme dit Georges Gursdorf dans: "Pourquoi des professeurs", les parents, en fin de compte, écoutent le professeur, mais à travers le professeur, c'est le maître qu'ils guettent, qu'ils cherchent pour leurs enfants.

Je pense que dans ce sens, il faudrait également que de nombreux efforts soient déployés par le ministère pour revaloriser la fonction professionnelle des enseignants et surtout, contribuer à les remotiver là où cette motivation est amoindrie et, dans quelques cas, disparue pour qu'ils se sentent de nouveau vraiment responsables de l'éducation des jeunes du Québec.

Nous sommes réunis ici pour étudier la répartition des crédits, fonction qui revient au ministère de l'Education. Un budget est évidemment un faisceau d'éléments qui doivent concrétiser les priorités d'un ministère et vous en avez mentionné plusieurs. Dans cette perspective, il y a peut-être une seule priorité sur laquelle je voudrais insister. J'aimerais faire des suggestions au ministre de l'Education qui y a sans doute pensé, mais elles sont simplement absentes de la longue et intéressante présentation qu'il nous a faite.

Si cette priorité d'accorder la primauté du français, il l'a mentionnée pour le niveau élémentaire et le niveau secondaire, il n'a pas dit un mot du secteur collégial et du rôle de l'université quant à la nécessité de les associer dans cet effort d'assurer la primauté du français et la qualité du français dans cette province.

Evidemment, à l'élémentaire et au secondaire, ces niveaux forment la pierre angulaire sur laquelle repose tout le système d'éducation. La population s'y intéresse davantage car les enfants de 6 à 12 ans réagissent positivement aux changements en s'y adaptant facilement. Les parents exigent avec raison des modifications énergiques et aussi des résultats sensibles en ce qui concerne la langue écrite. Je désirerais déceler d'une façon plus précise les orientations du ministre de l'Education à ces niveaux. Bien que le plan de redressement proposait deux dimensions principales, la révision des programmes, la formation et le perfectionnement des maîtres, je m'inquiétais du silence au sujet de la production et la publication d'outils nécessaires aux enseignants. Je suis heureuse aujourd'hui de revoir — je l'ai vue en fin de semaine aussi dans mon livre de chevet — cette préoccupation quant à la publication d'outils adéquats pour ce meilleur enseignement du français dans nos écoles.

Il y a un oubli qui pourra peut-être apparaître plus tard au moment de la discussion. Je tiens quand même à le souligner, c'est la place qu'il faut faire aux bibliothèques scolaires qui, elles aussi, fournissent ou devraient fournir un support aux besoins intellectuels des élèves et des enseignants dans une maison d'éducation. Je pense que ces bibliothèques sont un outil précieux pour stimuler et guider, dans toutes les phases de l'apprentissage de la lecture, afin que les élèves soient conscients de leurs progrès et aussi développent un jugement critique.

On oublie souvent les bibliothèques scolaires et il me semble important, à ce moment-ci où on veut faire un réaménagement des ressources, de penser au support qu'on devrait donner à ces outils.

Quant au niveau collégial — je pense que dans le budget prévu, nous le disséquerons davantage tout à l'heure — j'aurais aimé qu'il y ait au moins cette intention d'inviter toutes les forces vives du monde collégial pour assurer la qualité de l'enseignement du français et cette même préoccupation devrait se faire sentir dans le milieu universitaire qui a la responsabilité de la formation des maîtres en français, mais aussi qui a des responsabilités sur le plan de la recherche.

Des efforts devraient être faits pour associer les universités dans ce domaine, par exemple, quant au développement d'échelles de vocabulaire qui sont des outils précieux et que nous ne possédons pas actuellement. Ils existent aux Etats-Unis, pour les écoles anglaises, mais malheureusement, je ne crois pas que ces instruments existent au Québec.

Il serait également du ressort de l'université de produire elle-même des instruments de mesure et d'évaluation et initier les professeurs à utiliser ces moyens d'évaluation dans leurs classes de français. Je pense que ces instruments de mesure et d'évaluation devraient être davantage en fonction de l'apprentissage de la langue qu'en fonction de l'acquisition des connaissances linguistiques.

Enfin, sur tous ces détails, je ne veux pas insister davantage, c'est simplement pour sensibiliser le ministre et ses fonctionnaires à la nécessité que ce désir d'améliorer la qualité du français doit passer également par tous les niveaux d'enseignement. Il faudrait peut-être aussi parler des media d'information, de la publicité, etc. Je pense qu'on en a parlé au moment de l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles, mais tout ceci doit s'associer et je pense qu'en oublier une partie, c'est vraiment menacer le succès de l'ensemble de l'opération.

Je pense qu'à ce moment-ci, le ministre a tellement soulevé de points, je ne pourrais lui tenir rancune d'en avoir oublié un que je jugeais important, c'est l'enseignement professionnel dans les écoles. Nous avons eu droit à une description et une nomenclature des intentions du ministre quant à la place qu'il veut donner à l'enseignement professionnel.

Je l'ai surtout retrouvé, à moins que je ne me trompe ou que j'aie mal compris, au niveau de la formation des adultes, quand il a décrit le rôle des centres de main-d'oeuvre, l'importance qu'il voulait y apporter et le travail de collaboration qui se faisait avec le gouvernement fédéral dans ce domaine. Là-dessus, je dois dire qu'il y a certaines de ses préoccupations que je partage quant à la place que l'un et l'autre des gouvernements doivent occuper dans ce domaine. Mais, sur le plan de l'enseignement scolaire, je pense qu'il aurait été important que le ministre de l'Education souligne les interventions qu'il entend faire dans ce domaine. Cet enseignement suscite chez les étudiants un grand intérêt. Certains élèves s'y découvrent une habileté insoupçonnée et d'autres y trouvent une motivation bénéfique qui peut influencer leur agir scolaire.

Je pense que, depuis les six mois qu'il est au ministère, le ministre de l'Education aura certai-

nernent appris ou entendu dire de ses fonctionnaires que c'est tout un secteur de l'enseignement secondaire, lui-même a donné des chiffres de l'ordre de 45% des étudiants qui se retrouvent — à moins que ce soit au collégial — mais je pense que les proportions sont à peu près identiques dans les écoles du secondaire où on retrouve au-delà de 40% des étudiants qui sont dans l'enseignement professionnel.

Là encore, les liens avec le milieu du travail ne sont pas articulés, l'évaluation des besoins du travail sont toujours en retard sur la nécessité de répondre aux besoins de formation des étudiants, et finalement, on se retrouve trop souvent dans un imbroglio qui est au désavantage des étudiants.

Pour ce qui est de l'enseignement de la langue seconde, puisque vous en avez parlé lors de votre conférence au Conseil supérieur de l'éducation, le 12 mars dernier, et que vous en reparlez aujourd'hui, permettez-moi, M. le ministre, d'insister pour que ceci soit vraiment une priorité du ministère.

A un moment où on se propose de restreindre encore davantage l'accès à l'école anglaise, tant aux allophones qu'aux enfants de la langue française, cette priorité de l'enseignement de la langue seconde est extrêmement importante et, je pense, pourra, jusqu'à un certain point, conditionner le succès de toute politique qui entend imposer des restrictions à l'école anglaise.

Vous avez fait allusion, lors de votre conférence du 12 mars, aux études en cours, aux grandes discussions, à savoir quel était le meilleur âge pour l'apprentissage d'une langue seconde, et je vous répète, à ce moment-ci, que ces débats ont cours depuis de nombreuses années. Je pense que la réponse claire et simple qui pourrait être trouvée ne sera pas facile. Je pense que, là comme ailleurs, le gouvernement qui aime parler de sa volonté politique devrait l'indiquer en prenant des mesurés énergiques pour l'amélioration de l'enseignement de la langue seconde.

Pour ce qui est de l'enseignement des autres langues secondes, des langues d'origine, je ne puis que féliciter le ministre de vouloir entrer dans un tel programme, mais je veux quand même le mettre en garde contre certaines difficultés. Je pense que la Commission des écoles catholiques de Montréal avait aussi pris l'initiative, particulièrement lorsqu'il s'est agi de réaménager les programmes de deux écoles qu'on qualifiait de "bilingues", de les réorienter pour en faire des écoles vraiment françaises. Dans un effort pour faciliter cette transition, nous avions offert aux parents, justement, qu'une partie du temps soit accordée à l'enseignement de la langue d'origine. Nous ne voulions pas l'utiliser comme forme de séduction, mais, au contraire, je pense que c'était une mesure psychopédagogique, pour éviter cette aliénation entre les parents et les enfants qui, après, su-citent des problèmes d'adaptation chez les enfants. Mais il y a une chose dont nous sommes devenus très conscients, c'est que, même pour ces groupes ethniques d'origine autre qu'anglaise ou française, pour eux, la préoccupation de l'ensei- gnement de la langue d'origine était subordonnée à un bon enseignement d'une langue seconde. Ils étaient très catégoriques là-dessus. Je pense que cela ne doit pas décourager les efforts qui doivent être faits en vue de continuer dans l'esprit que vous avez mentionné, M. le ministre, mais je pense qu'il ne faudrait pas penser que l'enseignement de la langue d'origine fera oublier aux parents le sentiment très fort qu'ils ont d'obtenir un enseignement convenable de la langue seconde.

Pour ce qui est du niveau collégial et du niveau universitaire, je pense que vous avez mentionné plusieurs problèmes. Il y a déjà beaucoup d'études qui ont été faites; qu'il s'agisse du rapport Nadeau, du rapport GTX qui n'est pas encore sorti publiquement ou d'autres qui ont été entrepris.

Une chose demeure certaine, c'est qu'il y a des problèmes d'envergure quant à la motivation des étudiants qui sont au niveau collégial, quant aux ponts qu'il faut établir entre l'enseignement collégial et l'enseignement universitaire, particulièrement, compte tenu du nombre de plus en plus grand d'étudiants qui se trouvent engagés dans l'enseignement professionnel au niveau collégial. Finalement, il se pose un problème d'évaluation, et on le retrouve à tous les niveaux, des apprentissages et de la formation des étudiants, que ce soit au niveau élémentaire ou secondaire, au niveau collégial et même au premier cycle de l'université.

Il y a également le chevauchement des programmes entre le niveau collégial et le niveau universitaire, qui fait qu'au niveau universitaire, vous avez souvent un décrochage des étudiants à cause de ce chevauchement des programmes. Là encore, je pense que cela rejoint cette nécessité de revoir tous les programmes et les objectifs des différents niveaux d'enseignement, non pas d'une façon séparée, mais d'une façon continue.

Un dernier mot sur l'enseignement universitaire. J'ai déjà touché à la question des programmes des étudiants de premier cycle. Il y a d'autres problèmes que vous avez abordés et que nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau au moment de l'étude de ce programme. C'est celui de la gestion des universités, le rôle des professeurs. J'ai déjà parlé des chevauchements inutiles. Il y a le problème de contingentement qui devrait être abordé d'une façon honntête et réaliste. Il y a également le problème de l'évaluation de la formation. Je voudrais simplement terminer, en attirant votre attention sur le problème de la formation des maîtres qui est confiée aux universités.

Le ministre nous a fait part qu'il y avait un comité de la formation des maîtres qui avait été institué ou qui existait déjà à l'intérieur de son ministère. Il pourra peut-être, un peu plus tard, nous dire quels sont les objectifs de ce comité de formation des maîtres. Il nous semble important que le programme de formation des maîtres, particulièrement pour les niveaux élémentaires et secondaires soit repensé et colle davantage à la réalité des écoles. Avec la disparition des écoles normales, nous avons fait une coupure trop grande entre la formation des maîtres et le vécu des élèves dans

les écoles. Il ne faut pas oublier que c'est encore là qu'un enseignant a le plus de chance de s'assurer de vraiment connaître ce qu'est un enfant, les différentes formes d'apprentissage qui lui sont propres. Je pense qu'il faudrait peut-être songer au moins pour les enseignants, qui doivent enseigner au premier cycle, à une formule qui se rapprocherait beaucoup plus de celle des écoles normales. Je suis assez réaliste pour savoir qu'on ne peut pas parler d'école normale sans provoquer une levée de boucliers, et, comme vous disiez tout à l'heure, M. le ministre, il y en a qui songent à retourner en arrière. J'espère que vous ne l'interpréterez pas dans cette perspective, mais vraiment dans un désir que la formation des maîtres, tant à l'élémentaire que particulièrement au premier cycle du secondaire, colle davantage aux besoins des enfants et à la réalité de nos écoles. Cette formation des maîtres est particulièrement importante en ce qui touche la formation des maîtres de français.

Je termine ici mes remarques, et je pense que nous pourrons, à l'occasion de l'étude des différents programmes, aller un peu plus en profondeur sur les différents points que vous avez soulevés ou que les députés de l'Opposition aimeraient soulever.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Gaspé.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu de l'heure et compte tenu du fait que le député en a sûrement pour plus que cinq minutes, je ne sais pas si on ne pourrait pas suspendre nos travaux jusqu'à 8 heures, parce que le couper à son meilleur, ça ne lui fera pas plaisir et nous non plus.

Le Président (M. Clair): Je me demande dans ce sens de la part du député de Gaspé... M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Justement, dans 60 secondes, étant donné que l'honorable ministre m'a déjà laissé sur trois points de suspension, je voudrais lui dire toute ma satisfaction d'avoir été à l'école cet après-midi, je dirais, de deux maîtres, de deux compétences, M. le ministre et Mme le député de L'Acadie; leur expérience est beaucoup plus vaste que la mienne dans le domaine de l'éducation. J'ai appris beaucoup à votre contact et, justement, je voudrais proposer la suspension de nos travaux à 20 heures ce soir. Je pourrai alors commencer le débat.

M. Morin (Sauvé): M. le Président... Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): ... avant la suspension des travaux, puis-je proposer que nous nous penchions sur la proposition dont je vous ai entretenus tout à l'heure, au sujet de l'ordre de présentation des programmes. Vous savez que les pro- grammes sont présentés dans un ordre qui, tout en étant logique, n'est pas nécessairement le meilleur pour l'étude que nous devons entreprendre. Je me suis permis de faire remettre à tous les députés, c'est peut-être même dans leur cahier à anneaux, une proposition concernant l'ordre de présentation. Elle comprend quatre blocs, qui sont beaucoup plus cohérents et qui regroupent les programmes. Tout d'abord, l'élémentaire et le secondaire publics, regroupant le programme 04 et l'élément 01 du programme 02, ensuite le secteur ou le bloc postsecondaire regroupant, comme vous le voyez, les programmes 05, 06, 03, 07, 011 et certains éléments du programme 02. Le troisième bloc est constitué par l'enseignement privé, qui regroupe le programme 08 et l'élément 03 du programme 02 et, enfin, vous avez le bloc 4 qui, lui, regroupe tout ce qui est administration et qui est décrit aux programmes 01 et 02.

C'est une façon plus logique de procéder et cela a l'avantage, en particulier, de nous permettre d'assurer la présence des fonctionnaires qui sont spécialisés dans chacun de ces blocs devant la commission.

Si nous procédons autrement, il est très difficile de prévoir à quel moment les fonctionnaires seront appelés à comparaître, à venir me prêter main-forte à cette commission. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative de vous soumettre ce plan de travail, mais je suis tout à fait prêt à le modifier si, par hasard, il y avait une façon plus logique de procéder d'après l'Opposition.

Le Président (M. Clair): Le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection à suivre l'ordre qui est présenté ici, mais je voudrais m'assurer que nous puissions, avant d'aborder l'ordre présenté, poser quelques questions d'ordre général.

M. Morin (Sauvé): Oui, à condition qu'elles ne se rattachent pas à l'un des blocs. J'y consentirais volontiers, mais dès qu'elles tombent dans un bloc, je veux être sûr que vous puissiez avoir à votre disposition, non seulement le ministre, mais les fonctionnaires compétents dans le domaine, et la meilleure façon d'assurer cette présence, c'est évidemment de procéder dans l'ordre indiqué dans cette proposition.

Mais il va de soi que, si vous désirez poser des questions de portée très générale, j'y consens volontiers.

Mme Lavoie-Roux: Une autre chose. J'ai fait part au leader du gouvernement que, jeudi soir, je serais absente. Il m'a dit: C'est peut-être possible. Là-dessus je veux vous consulter pour que, s'il y avait des sujets sur lesquels je voulais revenir ou certaines questions particulières, sans y revenir dans tous les détails, si vous en avez discuté, il y ait quelqu'un ici à ma place, mais que je puisse le faire. Je ne sais pas où on sera rendu demain soir, de toute façon.

M. Morin (Sauvé): Je peux vous assurer que nous ferons preuve de toute la souplesse nécessaire. L'intérêt des membres de cette commission est que les crédits soient étudiés efficacement et rapidement. Tout ce que nous pourrons faire pour atteindre cet objectif sera fait.

M. Ciaccia: Nous serons tous les deux dans la même situation à ce moment-là. Je serai absent moi aussi.

M. Morin (Sauvé): Peut-être pourrons-nous ajourner les travaux purement et simplement au lendemain? De toute façon, il y aura réunion du Conseil des ministres ce soir-là aussi, par exception, en raison de la tenue du sommet économique M. le Président, peut-être serait-il dans l'intérêt de tout le monde que nous ajournions nos travaux au lendemain.

Le Président (M. Clair): Sur la proposition du ministre concernant l'ordre de présentation, y a-t-il consentement unanime pour qu'on respecte cet ordre de présentation dans la mesure où on tiendra compte de certains problèmes de présence qui pourraient se produire?

Y a-t-il consentement unanime pour l'ordre...?

M. Ciaccia: D'accord.

M. Le Moignan: Oui d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Surtout si on ajourne, même jeudi soir, il n'y a vraiment plus de problème. Jeudi, M. le Président, il faut que vous en parliez au leader du gouvernement, j'imagine?

Le Président (M. Clair): La commission est maîtresse de ses travaux et je pense bien que...

Mme Lavoie-Roux: En principe, est-ce qu'on est d'accord?

M. Morin (Sauvé): Nous sommes d'accord et, de toute façon, le leader du gouvernement devra en être informé pour, peut-être, en profiter pour convoquer une autre commission.

Le Président (M. Clair): Puisque je sens justement qu'il y a un consentement largement... unanime sur ce point-là, j'en informerai le leader du gouvernement à la prochaine occasion. La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

Reprise de la séance à 20 h 9

Le Président (M. Clair): A l'ordre, madame et messieurs!

M. Morin (Sauvé): Vous me rassurez.

Le Président (M. Clair): C'est le député de Gaspé qui avait demandé la suspension de nos travaux, à 18 heures, je lui accorde donc immédiatement le droit de parole. M. le député de Gaspé.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Madame le député de L'Acadie a signalé le beau geste de l'honorable ministre qui nous a fourni un instrument de travail vraiment pratique. Je remarque qu'il y a une très grande parenté entre l'Education, les Communications et les Affaires culturelles puisque M. O'Neill nous avait fourni également, dans chacun des cas, cet instrument de travail qui fut fort apprécié. J'espère que vous allez continuer dans la même veine et que votre exemple va peut-être inspirer... je n'ai aucun conseil à donner à aucun des ministres, mais tout le monde a apprécié votre façon de procéder et je m'en réjouis grandement.

Maintenant, si je veux entrer un peu dans le coeur de mes remarques, je considère personnellement que le fait de posséder la vie et la liberté, c'est un privilège immense. Je me dis d'un autre côté que c'est un peu la même chose, l'éducation est également un droit pour l'enfant, pour l'adolescent, pour l'adulte. En d'autres termes, c'est un droit qui appartient au peuple tout entier. Dans le contexte québécois, l'éducation doit correspondre, il me semble, à l'identité du peuple auquel l'homme appartient.

L'éducation doit permettre aux citoyens, à la nation donc, de s'épanouir pleinement et librement. Quand, la semaine dernière, le premier ministre faisait une déclaration ministérielle au sujet de la fête du 24 juin, la Saint-Jean-Baptiste, et qu'il la proclamait la fête nationale des Québécois, je crois qu'à ce stade-là, par extension, quand on pense aux Québécois, on pense à tous les habitants qui vivent sur notre sol avec leur langue propre, leurs coutumes, leurs traditions, leur culture, leur religion et le reste.

C'est donc dire qu'au Québec, en parlant de l'éducation, notre système doit s'inspirer des valeurs propres de la civilisation québécoise avec ses aspirations, avec ses richesses et aussi avec ses particularités.

Quand M. Maurice Duplessis affirmait, il y a déjà bien longtemps, que le Québec n'était pas une province comme les autres, il y voyait le foyer d'une nation dont les caractéristiques différaient certes de celles des autres groupes ethniques qui l'entourent en terre d' Amérique.

Une nation... Evidemment, on le sent avec le projet de loi sur la langue, je n'ai pas à ajouter que la prééminence à la culture française, à l'éducation, ce sont des choses qui vont de soi.

En deuxième lieu, quand on pense à tous les groupes ethniques qui sont tout de même des Québécois, qu'ils soient anglophones, Italiens, Grecs ou Juifs, ils ne ressemblent pas ou ne devraient peut-être pas ressembler à leurs homologues d'ailleurs. Avec le temps, il ont développé ici une philosophie conforme à leurs aspirations et conforme aussi au milieu, au climat et, je dirais, à cette nature profonde du Québec. Je crois que nous pourrions réaliser, il me semble, d'après ce qu'on peut lire, que les groupes ethniques ne veulent pas ce "melting pot" à l'américaine, qu'ils sont fiers et veulent s'intégrer, de plus en plus, au milieu québécois; et déjà, ils nous le prouvent par différentes initiatives qu'il est bon de noter, en passant.

Ceci est très important parce que le ministère de l'Education englobe tous les groupes et se doit d'être, en même temps, non seulement le protecteur des minorités en leur accordant les outils ou les moyens de sauvegarder leur identité; il doit leur permettre aussi, je crois, de s'intégrer, de plus en plus, à la majorité francophone.

Je n'ai pas à élaborer cela puisque M. le ministre nous l'a bien expliqué aujourd'hui, en parlant des anglophones, en parlant des autres groupes aussi, d'origines diverses, qui auraient, pour une première fois, cette possibilité d'enseignement de leur langue, déjà à l'école primaire.

La question que je me pose, et c'est très important, puisqu'on en discute — c'est peut-être mon rôle, avec mon expérience passée — on se demande souvent, en somme ce que cela veut dire au juste l'éducation.

On sait que, dans tous les pays, les écoles, les universités, jusqu'à ces dernières années, recevaient des jeunes de plus en plus nombreux.

M. le ministre de l'Education a bien mentionné cet arrêt, cette baisse, cette situation démographique qui nous attend au cours des prochaines années. Je n'ai pas à m'étendre sur ce sujet pour le moment. C'est peut-être un peu déplorable, mais il reste tout de même que si le premier rôle de l'éducation consiste à préparer uniquement des jeunes à gagner leur vie, à en faire des spécialistes prématurés, un peu comme l'armée, par exemple, ou la grande entreprise, qui réussit à former des gens dans l'espace de quelques mois, cela fera toujours des spécialistes avec un champ de vision assez restreint, fermés trop souvent à beaucoup d'autres disciplines très humanisantes.

C'est que dans beaucoup de milieux, la notion d'éducation a peut-être perdu sa valeur. Il y a quelque temps, je recevais une lettre d'une dame de mon comté qui, très poliment, faisait de très belles suggestions. Elle me disait qu'on devrait appeler le ministère de l'Education le ministère de l'instruction. Evidemment, je lui ai répondu que je n'étais pas d'accord avec elle. Elle était très bien intentionnée, parce qu'elle a dit que l'éducation appartenait aux parents. C'est vrai que cela commence à la maison, mais l'éducation se continue à l'école et c'est l'oeuvre de toute la vie. Je crois qu'elle a très bien compris ce que je voulais lui dire.

L'éducation, si on prend sa mission première, c'est de rendre l'homme apte à comprendre le sens de la vie. Elle a pour mission d'ouvrir l'intelligence du jeune aux principes qui seront une règle pour sa pensée, une norme pour son action et sa conduite. C'est parce qu'on confond trop facilement éducation avec instruction, éducation avec apprentissage et érudition que l'on s'éloigne trop souvent de cette notion véritable.

On sait que la vraie culture — c'est pour cela que culture et éducation sont tellement associées — cela devient très exigeant et que c'est la culture qui rend l'homme libre et c'est la culture et l'éducation qui font de lui un meilleur citoyen, un citoyen plus consciencieux.

On sait que dans le contexte actuel, tout est embrouillé. Je crois que le ministre de l'Education est certainement le premier à comprendre la tâche qui lui revient en ce domaine. Ce n'est pas d'une impossibilité. On sait très bien que la survie de l'humanité dépend, dans une large mesure, de cette éducation solide que nous voudrions, tous ensemble, donner à tous nos jeunes. Quand on parle de l'éducation aujourd'hui, c'est l'éducation aux adultes, c'est l'éducation à presque tous les niveaux de notre société. C'est ici, je crois, cet immense progrès que nous avons réussi à accomplir au cours des dix ou vingt dernières années. Notre civilisation n'est peut-être pas plus mauvaise que celles qui nous ont précédés, mais si nous ajoutons une bonne et solide éducation, c'est toute la société québécoise qui va certainement en bénéficier. On juge trop souvent aussi nos écoles quelles qu'elles soient, sur leur utilité immédiate.

Je voudrais vous citer un texte de Pie XII, qui fut un grand savant, comme on le sait, et qui a donné d'admirables conférences à des groupes les plus variés, dans tous les domaines de la science, des sports, de l'éducation ou de la religion. Ce texte remonte déjà à une trentaine d'années. Je crois qu'il a toute son actualité. Il est très court, je vais vous le lire, en passant: "En ouvrant un livre, dit Pie XII, en écoutant une leçon, en passant un examen, vous ne devez pas vous demander: A quoi cela me sert-il? Ne dites pas: Je deviendrai ingénieur, à quoi me sert la philosophie? Je deviendrai avocat, à quoi me sert la physique? Je deviendrai médecin, à quoi me sert l'étude de l'art? La vérité, c'est que certaines connaissances d'habitude d'esprit et un certain ordre mental, le sens de la mesure et de l'harmonie, en un mot, l'ampleur et la profondeur des fondements sont toujours utiles dans la vie et rendent parfois des services inespérés."

Je crois que cette pensée est certainement de nature à nous aider et à travailler en étroite collaboration, comme M. le ministre l'indique aux premières pages de ce magnifique travail qu'il nous a donné, Nouveau départ, et qui constitue l'intervention qu'il nous a livrée au cours de l'après-midi.

Maintenant, je voudrais simplement m'arrêter à quelques aspects peut-être d'ordre pratique, les mentionner en passant, puisque nous aurons l'occasion, à l'étude des crédits, de fouiller davantage les secteurs que je vais aborder.

On a parlé de l'école privée. Je sais très bien qu'en ce moment, il y a beaucoup d'opinions contradictoires. Il y a certaines écoles qui se font la lutte et on rencontre diverses tendances dans tous nos milieux. Sans être malin, si je faisais un tour de table, je pourrais peut-être dire que si certains de nos ministres, de nos députés sont des personnes très cultivées, c'est qu'ils ont peut-être eu l'avantage de fréquenter l'école privée.

M. Chevrette: ... parle de même.

M. Le Moignan: Moi, ça ne paraît peut-être pas. Mais je veux simplement souligner ceci: — parce que c'est un débat. Je ne veux p.as en faire un débat politique. Je ne veux pas entrer dans des discussions — l'école privée, tout de même, est soutenue par les contribuables. Ce sont les mêmes qui paient les taxes pour l'école publique, et on sait très bien aussi que l'Etat, à cause du réseau d'écoles privées, économise plusieurs dizaines de millions de dollars par année. Quand j'écoutais le ministre de l'Education s'adresser à des jeunes et quand il parlait de ces "monstres" — ce n'est peut-être pas le mot qu'il a utilisé — ces polyvalentes de 3000 ou 4000 jeunes... Je sais très bien que, quand j'ai travaillé en planification scolaire, nous avions protesté à ce moment-là, du moins, dans mon secteur. Nous avions conseillé au gouvernement de ne pas dépasser 1200 à 1500 élèves, ce qui nous semblait une norme tout à fait raisonnable.

C'est peut-être une des raisons pour laquelle, aujourd'hui, considérant l'échec de certaines écoles, certains parents — et j'en connais — qui sont loin d'être riches, envoient leurs enfants à l'école privée par souci de rattrapage souvent, pas nécessairement parce qu'ils veulent établir des parallèles.

Ce n'est pas là une question de concurrence, je crois qu'il y a là dedans une saine émulation et, tout de même, quand le moment viendra, chacun pourra se faire entendre, non pas seulement les extrémistes qui sont portés à voir dans un système privé une certaine mesure injuste vis-à-vis de la population qui ne peut pas se payer, dans bien des cas, ce qu'on appelle le luxe d'envoyer les enfants dans les écoles en question.

On a mentionné la qualité du français. Tout le monde reconnaît qu'il est urgent d'améliorer la langue parlée et écrite dans nos écoles, non seulement dans nos écoles; mais l'école est le reflet de la société et, si le ministre insiste réellement, si on prend les mesures adéquates, il n'y a aucun doute qu'au cours des prochaines années, quand nos jeunes auront compris cette fierté de bien parler, de bien s'exprimer en français, à ce moment, on n'aura pas besoin de mesure de coercition. Plusieurs d'entre nous sommes déjà allés en France. Quand nous écoutons ces petits gars de dix ou de douze ans, nous sommes presque gênés quand nous écoutons leurs expressions, leur vocabulaire et nous n'atteindrons peut-être pas ce niveau, mais il y a certainement là un immense travail et je suis sûr que ce travail sera non seulement entrepris, mais surtout mené à bonne fin.

Quand le ministre nous parle de l'histoire et de la géographie... L'histoire... Nous avons beaucoup de rattrapage. Il ne s'agit pas uniquement de dire qu'on va placer des personnes qui vont enseigner l'histoire. Il y a une question là-dedans de programmes, de formation de maîtres et on pourrait en dire beaucoup. Il y a aujourd'hui de très belles et de très solides méthodes pour former des professeurs. Il y a de très bonnes écoles historiques et, si on veut encore là donner la fierté à notre peuple, il faut commencer au moins par lui enseigner son histoire. Un exemple qui ne connaît pas son histoire, c'est un peu comme un enfant qui ne sait ni lire ni écrire.

La géographie est un élément très important de l'éducation. Il n'est peut-être pas nécessaire de connaître toutes les capitales, les populations de toutes les capitales, mais l'enseignement de la géographie a tellement évolué, la géographie humaine, la géographie physique, la géographie politique, la géographie associée à l'histoire, qui tient compte de tout l'être humain et, quand nous aurons bien intégré l'histoire et la géographie avec un perfectionnement de la langue française, je crois qu'à ce moment, tout ne sera pas parfait, mais nous aurons fait un immense pas comme éducateurs, puisque les élus du peuple, nous avons tout de même à aider la préparation des programmes, des méthodes et de tout le contenu de l'éducation.

Je voudrais ajouter une petite note au sujet de l'éducation chrétienne. Evidemment, je pense en termes de formation morale et religieuse, là où les parents vont l'exiger, et je ne vois pas nécessairement l'enseignement chrétien, l'éducation chrétienne, comme l'imposition d'une morale d'une religion ou d'idées fixes, si vous voulez, mais il y aurait tellement à apprendre sur l'histoire des religions. Souvent, dans nos écoles, quand on parle de formation chrétienne, on donne plutôt des cours de civisme, des cours de sexualité, des cours de n'importe quoi, parce que le professeur ne se sent pas préparé ou encore parce qu'il est laïc, dans certains cas, il est un peu gêné de parler de Dieu, de parler du programme de la religion. Il y a un besoin chez notre peuple, comme chez tous les peuples de monde. On le voit, on le constate quand on feuillette beaucoup de revues, ce besoin de spiritualité se manifeste par ce besoin qu'ont les gens de sciences occultes, ce recours aux charlatans, à la divination, à la magie et tout ce qu'on veut. Ici, le ministère de l'Education peut très bien contribuer à la formation de la conscience, c'est-à-dire à créer de très bons citoyens sans toujours moraliser, leur donner l'idée des valeurs civiques, des valeurs chrétiennes et, en même temps, les initier aux grands courants des religions qui ont tout de même donné un certain apport à l'histoire de l'humanité. C'est un peu mêlé, tout ce que je vous dis là, parce que j'ai été pris au dépourvu, à la dernière minute. Je ne devrais pas m'excuser, c'est presque immoral. Je voudrais certainement, M. le ministre...

Mme Lavoix-Roux: ...l'absolution.

M. Le Moignan: Vous allez me donner l'absolution? Merci.

M. Le Moignan: Mais les femmes n'ont pas encore été admises à donner l'absolution.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il y a encore de la discrimination, de ce côté-là.

M. Le Moignan: Nous allons en discuter quand nous passerons à ce chapitre.

Je sais, M. le ministre que, dernièrement, il y a eu des protestations; le ministre a fait une déclaration en Chambre au sujet des étudiants, des bourses d'études; je sais que le député de Jean-Talon a répondu; j'ai répondu à ce moment-là à M. le ministre, mais...

M. Morin (Sauvé): Je peux y revenir, si vous le désirez.

M. Le Moignan: Pas ce soir, mais plus tard, oui. Oui, certainement. J'aime ça poser des questions à M. le ministre, parce qu'il nous répond, ce n'est pas long. Nous connaissons le fond de sa pensée, sans rancune, c'est ça qui est beau chez lui.

Je fais une suggestion au sujet des étudiants. Vous pourrez l'analyser, je crois que ça existe dans certains pays, je n'ose pas l'affirmer, le salaire étudiant. J'ai quitté l'enseignement il y a déjà une dizaine d'années, mais je me souviens de certaines lectures. On a parlé de salaire et, dans le fond, ce n'est pas si bête. Des spécialistes pourraient analyser ce point de vue. On donne des bourses; souvent, l'été, on procure du travail aux étudiants, on crée des emplois de toutes pièces. Ce n'est pas nécessairement du travail qui rapporte quelque chose. Souvent, ça vaut ce que ça vaut, le gouvernement paie d'une main et va le chercher de l'autre après, et il y aurait peut-être lieu d'étudier l'idée d'habituer et d'entraîner nos étudiants à travailler à longueur d'année, avec une formule qui serait, je ne sais pas, corporative, coopérative, qui est utilisée avec grand succès dans l'entreprise. Un étudiant pourrait peut-être étudier plus de mois dans l'année, il pourrait travailler dans sa discipline, il pourrait acquérir une certaine expérience pratique, il pourrait retourner aux études et, à ce moment-là, je crois qu'il serait très bien formé. Il pourrait obtenir un meilleur salaire, parce qu'il aurait déjà une expérience dans le domaine où il veut s'orienter et il serait aussi, pour l'Etat, beaucoup plus productif.

Ce sont des idées, pas de maîtres...

M. Paquette: Cela ressemble un peu au programme du Parti québécois.

M. Le Moignan: Cela ressemble au programme du Parti québécois, donc mes idées ne sont pas si bêtes, parce que j'ai volé votre programme à ce chapitre.

M. Alfred: ...

M. Le Moignan: Alors, j'aurais dû lire au moins ce chapitre, je n'en ai pas eu le temps.

M. le ministre, j'ai beaucoup d'autres choses, mais comme vous nous avez demandé de demeurer dans les généralités, je suis d'accord avec vous à 100%. Mais, cet après-midi, vous nous avez parlé beaucoup de statistiques; ça m'intrigue comme tout le monde, la baisse de la natalité. Je comprends que je n'ai pas fait grand-chose pour vous aider dans le domaine.

M. Laplante: Faites attention que le député de L'Acadie vous suggère l'abbé Lacoste.

M. Le Moignan: II est beaucoup trop tard de toute façon.

M. Chevrette: Le député de Gaspé n'est sûrement pas pénalisé par les mesures budgétaires dans ce cas-là.

M. Le Moignan: II est beaucoup trop tard. Mais je pense...

Mme Lavoie-Roux: II n'est jamais trop tard, jamais trop tard.

M. Le Moignan: II y a un point, M. le ministre, que vous n'avez pas touché. Il y aurait 200 000 étudiants de moins au secondaire, si ma mémoire est bonne; dans dix ans, il y aura beaucoup d'écoles qui seront fermées, et le reste. Mais je pense que vous n'avez pas fait allusion du tout au nombre de professeurs qui auront à disparaître de la circulation. Peut-être l'avez-vous mentionné et que j'étais distrait, mais je m'interroge sérieusement et, si j'étais professeur aujourd'hui, je serais très inquiet face à l'avenir. Alors que j'étais dans l'enseignement, dans l'éducation, il y avait beaucoup moins de problèmes, parce que c'était la crise des professeurs.

Aujourd'hui, c'est inquiétant pour l'avenir et cela va être surtout embêtant pour le ministère de l'Education. Je sais que vous y songez déjà, mais, tout de même, je serais très heureux, avec le temps, de connaître votre appréciation, votre pensée très brève sur ce problème qui, à mon point de vue, va devenir tragique alors qu'aujourd'hui, nous avons encore beaucoup de jeunes qui se spécialisent, qui sortent des universités et, parce que certaines disciplines sont déjà sursaturées, ne peuvent atteindre leur idéal de consacrer leur carrière à l'enseignement, à l'éducation, parce qu'il n'y a déjà pas de place pour eux.

Je crois que mon intervention est déjà assez longue. Je vous laisse cela en passant et, en temps et lieu, j'aimerais, moi ou mes collègues, revenir sur des aspects beaucoup plus particuliers, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Clair): M. le ministre, si vous avez l'intention de faire des commentaires généraux à la suite des commentaires des oppositions, il me fera plaisir de vous accorder la parole; sinon, nous allons entamer immédiatement la liste des

députés qui ont manifesté le désir de faire des interventions.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je préférerais que nous entendions d'abord les députés qui auraient des observations de caractère général à nous faire.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jacques-Cartier, j'ai en liste, actuellement, les députés suivants, dans l'ordre où ils ont manifesté leur intention d'intervenir: MM. les députés de Papineau, de Bourassa, de Rosemont, de Jacques-Cartier et de Joliette-Montcalm. M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, la société québécoise de demain sera par l'école ou elle ne sera pas. Je me cite moi-même.

M. Chevrette: Là où les auteurs s'arrêtent, il continue!

M. Le Moignan: On a hâte d'entendre la citation.

M. Chevrette: II est très franc, avez-vous remarqué?

Autres interventions M. Jean Alfred

M. Alfred: Et il faut prendre le verbe être au sens essentiel du terme. Je m'empresse tout de suite de vous dire que cette société québécoise, cette école québécoise n'est pas sans malaise. C'est la raison pour laquelle je cite le premier ministre, dans son discours inaugural. Il dit: "L'éducation elle-même risque d'être considérée comme une sorte de mal nécessaire que les citoyens endurent, en trouvant que cela coûte trop cher pour ce que cela rapporte, où les enseignants se voient de plus en plus comme les mal-aimés de la société et où un nombre angoissant d'élèves ont tout simplement hâte d'en sortir".

Cependant, ce malaise a aussi été perçu par le ministre de l'Education, que je m'empresse aussi de citer, parce que, dans cette citation, nous voyons sa préoccupation pour une école nouvelle, l'école que nous voudrons. Il dit, devant la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec: "J'ai l'intention d'apporter à ma fonction l'ouverture d'esprit la plus large possible. Nous ferons preuve de souplesse pour remettre le plus possible de décisions dans les mains de ceux qui sont les plus près possible des élèves et des étudiants."

Je ne vais pas faire le diagnostic de l'école que nous avons, car nous la connaissons tous.

Je vais essayer quand même, par quelques phrases, de définir le type d'école que nous voulons. Ce type d'école a été pensé non seulement par le député de Papineau, mais par tout un congrès, tout un colloque où 110 personnes impliquées dans le milieu ont essayé de définir ce type d'école que nous voulons.

Ce que nous voulons, pour avoir une école d'Etat qui ait sa véritable raison d'être et qui atteigne davantage les objectifs fondamentaux de démocratisation et de formation intégrale... Nous portons à l'attention des premiers responsables des futures modifications au niveau du ministère de l'Education les recommandations suivantes:

A)Que le ministère de l'Education établisse de véritables programmes bien pensés, surtout au niveau des cours dits professionnels où les lacunes sont ahurissantes. D'ailleurs, Mme le député de L'Acadie a fait mention, bien sûr, de ces cours professionnels;

B)que le ministère de l'Education se repenche sur l'utilisation rationnelle des écoles polyvalentes actuelles. Par exemple, si une école a été conçue pour recevoir un nombre donné d'étudiants, que l'on ne se force plus pour faire vivre quelques centaines d'étudiants de plus que la norme originalement fixée;

C)que le ministère de l'Education révise ses politiques de promotion et ses critères de succès pour les étudiants;

D)que le ministère de l'Education établisse, en collaboration avec la Centrale d'enseignement du Québec, un véritable code d'éthique de la profession; que les normes d'entrée soient resserrées et que des portes de sortie soient enfin créées;

E)que le ministère de l'Education analyse sérieusement les possibilités de réaliser des stages pratiques de plus longue durée avec un retour possible en milieu scolaire pour parfaire la formation et combler certaines lacunes; que des ententes soient établies avec les employeurs à cet effet;

F)que le ministère de l'Education rétablisse les responsabilités à chacun des niveaux et particulièrement face aux parents; l'image et la perception de l'école que le jeune véhicule est très souvent le reflet fidèle de la perception parentale;

G)que le ministère de l'Education revalorise l'information scolaire en établissant des structures qui répondent vraiment à ce besoin. Les formations ne constituent-elles pas la clef de voûte des orientations futures? Ces recommandations, une fois approfondies, seront sans doute prises en considération, puisqu'elles ont la valeur d'être à la fois nécessaires, très réalistes et réalisables;

H) enfin, comme le changement découle souvent d'une idée directrice, nous croyons qu'il serait bon que l'on tranche, dans un jour prochain, le dilemme suivant: — c'est une question que nous aurons à nous poser — L'école doit-elle former pour l'immédiat face au marché du travail, ou bien doit-elle préparer en vue de donner aux futurs travailleurs toute la souplesse, la capacité d'adaptation nécessaire pour vivre les variations de la demande sur le marché du travail?

Quel type d'école voulons-nous? L'école que nous voulons, c'est celle où l'enseignant puisse prendre certaines décisions concernant son emploi, son travail, c'est-à-dire pouvoir suivre son propre rythme et celui des classes; être libre d'utiliser les moyens pédagogiques avec lesquels il se sent le plus à l'aise; participer à l'élaboration des contenus de cours.

Que l'enseignant enseigne la matière pour laquelle il est préparé, que l'enseignant puisse inculquer une certaine valeur aux jeunes, comme le sens des responsabilités, le souci du travail bien fait, etc., et ne pas se limiter à une transmission de connaissances. Que les structures administratives soient modifiées ou favorisées chez les professeurs, le travail de groupe par la présence de l'autorité, étant entendu que le groupe lui transmet ensuite les résultats du travail.

Quel type d'école voulons-nous? Que nous subordonnions l'administration à la pédagogie; que nous remettions périodiquement en question le système de classement qui, trop souvent, fixe linéairement le chemin de l'élève, presque jusqu'à la fin de ses jours; que les enseignants, et non pas les administrateurs, établissent les politiques ou les orientations propres à chaque matière, de l'élémentaire jusqu'à la fin du collégial; qu'à partir de ces orientations, que l'on adopte et que l'on implante des programmes qui répondent aux besoins des étudiants et que l'on assure une continuité, une certaine permanence de ces programmes; que les journées pédagogiques servent à des rencontres entre professeurs pour discuter des programmes en cours; que les chefs de groupe soient choisis par les professeurs et qu'ensemble, ils élaborent les politiques pédagogiques propres à l'enseignement de leur matière dans leur école; qu'un professeur qui n'a plus de poste disponible dans sa matière, soit au moins affecté à une tâche pour laquelle il a des affinités ou des aptitudes pour préserver au moins la qualité de l'enseignement; qu'un directeur des études consacre 100% de son temps à l'organisation pédagogique; que l'on établisse fréquemment un véritable contact entre l'élémentaire et le secondaire; que l'on revienne aux dimensions fondamentales de l'enseignement, discipline humaine mais réelle, normes de passage strictes et suivies, sens du travail bien fait et soigné.

Quel type d'école voulons-nous? Un milieu de vie, c'est-à-dire préciser les objectifs généraux de l'éducation au Québec; établir des objectifs spécifiques et particuliers dans le système scolaire au Québec; impliquer les gens concernés de la redéfinition de l'école; établir un encadrement accru au niveau secondaire; développer l'autodiscipline à la fin de l'élémentaire, pour que l'étudiant soit capable de se prendre en main au début du secondaire; que l'on réétudie les principes mêmes de la polyvalente; qu'on motive et qu'on explique aux étudiants les buts de chacune des disciplines et comment elles se situent dans l'ensemble du développement de l'étudiant.

Quel type d'école voulons-nous? Il faudrait un consensus de la part des enseignants, des parents et des administrateurs afin de pouvoir entreprendre un changement valable; donner plus de pouvoir aux mécanismes de consultation, comités d'écoles, comités de parents, comités des politiques pédagogiques dans une visée de décentralisation du ministère via les comités d'écoles. Ce que nous voulons, c'est la continuité élémentaire-secondaire, qu'il y ait plus de dialogue entre les professeurs, direction des commissions scolaires de l'élémentaire et celle du secondaire.

Qu'on revalorise le rôle de l'élémentaire, le rôle de l'enseignement et de l'enseignant à l'élémentaire et qu'on fasse valoir le besoin pour les enfants du primaire d'avoir autant d'influence masculine que féminine à cet âge, que les parents reçoivent les procès-verbaux de leurs représentants et ce, automatiquement.

Quel type d'école voulons-nous? Quel type d'école polyvalente voulons-nous? A) L'encadrement que, dans les écoles polyvalentes, les étudiants du premier cycle bénéficient des structures d'encadrement particulières, comme un directeur spécialement affecté à ce cycle, avec pouvoir décisionnel, bien sûr; un professeur-tuteur par groupe de 20 étudiants, afin de satisfaire les besoins et le soutien, l'identité, l'appartenance, etc. Un redressement pédagogique aussi. Que l'on revalorise l'enseignement professionnel, en instituant un certain cloisonnement qui permettrait de dispenser aux étudiants de ce secteur une formation scolaire; français, mathématiques, appropriée à sa spécialité, en dépensant effectivement au secteur professionnel les sommes d'argent allouées à cette fin.

Quel type d'école voulons-nous? Une école avec un pouvoir de décision qui implique la confiance, la force, l'administration, la pédagogie, la formation et la discussion franche. Une plus grande implication des parents. Accorder des droits réels aux étudiants. S'orienter vers une véritable cogestion.

Quel type d'école voulons-nous? Une école publique améliorée. Une école publique plus petite. Une reprise de l'autorité. Il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme. Un encadrement plus strict. Une planification des dépenses plus valable.

Quel type d'école voulons-nous? L'Etat québécois doit remettre l'école entre les mains des parents, des étudiants et des professeurs parce que ce sont eux qui sont les plus impliqués dans la chose scolaire.

Quel type d'école voulons-nous? Une école où ces gens-là décident, bien sûr, collectivement des besoins réels de la société québécoise.

Maintenant, quelques questions. Quelle place le ministère accorde-t-il à la recherche en éducation? Le ministère a-t-il l'intention de créer un véritable centre de recherche en éducation? Le ministère a-t-il l'intention de repenser en profondeur l'éducation permanente des adultes? Et, pour ce faire, a-t-il l'intention de récupérer du fédéral la somme versée à cette fin? Le ministre a-t-il l'intention de provoquer dans le monde enseignant, une véritable attitude réflexive sur la psychopédagogie de l'enfant et de l'adolescent, en accord avec révolution de notre monde moderne et aussi sur l'andragogie.

Telles sont mes préoccupations. J'aurai d'autres questions à poser au ministre. Elles viendront en temps et lieu.

M. Chevrette: Vous avez tout un contrat, vous, là!

Le Président (M. Clair): Le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Tout d'abord, c'est pour dire au ministre que je suis agréablement impressionné par les objectifs que le ministère a bien voulu se donner.

Je suis certain qu'une grande partie de ces objectifs répond à ce que la population étudiante voulait depuis longtemps de même que les administrateurs scolaires.

Je ne voudrais pas passer sous silence non plus l'intervention, le tour d'horizon que le député de L'Acadie a bien voulu faire. Je ne voudrais pas par cela, Mme le député de L'Acadie, dire ce que le chef de l'Union Nationale dit souvent, vous remercier pour avoir pris mes idées. Ce n'est pas dans ce sens. Vous avez très bien exposé, en administration scolaire, ce qu'on ressentait lorsqu'on siégeait autour de la même table.

Ma plus grande, non pas surprise — je n'oserais pas dire cela — mais ce que je trouve le plus drôle aujourd'hui, c'est être député ministériel et aider, avec mes collègues, le ministre à défendre une politique d'éducation qui sera la nôtre.

Pendant que j'étais commissaire d'école à la CECM, je critiquais de façon assez acerbe au ministère de l'Education. J'avais à défendre des positions auxquelles je croyais autour d'une table de commissaires.

Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui je fais partie d'un groupe ministériel que je ne continuerai pas à défendre ce que j'ai toujours défendu comme commissaire d'école. On a, actuellement, dans le monde de l'éducation, des problèmes qui se vivent tous les jours.

J'ai combattu le gigantisme des polyvalentes, très fortement. Je continuerai à défendre ces grosses polyvalentes afin d'humaniser le monde étudiant. J'ai défendu, aussi, avec ardeur, l'encadrement de la vie étudiante. On a fait la sourde oreille au ministère de l'Education.

Je défendrai aussi la saine alimentation au niveau secondaire. J'ai travaillé au niveau de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec où j'ai présidé un comité sur l'alimentation et avec l'apport du ministère de l'Education, du service social et de l'Agriculture, un autre comité dit provincial, présidé par M. Dion, s'est intéressé à la saine alimentation en milieu scolaire. On n'a pas eu de nouvelles de ce dossier. C'était un dossier très intéressant dont les commissions scolaires attendaient beaucoup. Rien ne s'est produit.

Je m'engage à vous reposer des questions, peut-être pas à l'étude des budgets de votre ministère, mais à vous rencontrer pour essayer de savoir où en est rendu ce dossier. J'ai parlé beaucoup aussi d'autonomie des commissions scolaires. Cela me tient à coeur parce qu'on a peur souvent de vos bureaux régionaux. On a peur que ces bureaux ne deviennent une autre commission scolaire, un autre petit ministère de l'Education cen- tralisateur. Je ne me cache pas que je suis un de ceux qui ont presque toujours vu le ministère de l'Education comme un monstre. Je suis un de ceux-là et je n'ai aucune honte à vous l'avouer aujourd'hui.

Ce qui nous faisait penser que c'était un monstre — le ministère de l'Education — c'était le manque de consultation qu'il pouvait y avoir entre un autre groupe d'élus du peuple, les commissaires, et le ministère de l'Education.

Nous avions de la difficulté à faire accepter les idées qu'on croyait bonnes à être mises en application. On nous prétextait toujours des raisons de normes, des questions de manque d'argent. On avait toujours 56 raisons à nous donner pour que nos projets ne puissent être acceptés.

C'est tout cela qu'on aimerait aujourd'hui voir changer. En parlant d'autonomie des commissions scolaires, je suis un de ceux qui ont toujours préconisé l'abolition de l'impôt scolaire, mais je ne voudrais pas, à cause de l'option que je préconise, enlever par l'argent l'autonomie de ces commissions scolaires. Je voudrais mettre en garde le ministère.

Si jamais vous abandonnez le champ de taxation scolaire, assurez-vous d'un autre champ, soit de taxation ou de revenu garanti des commissions scolaires pour qu'elles puissent garder l'autonomie qu'il leur faut, parce que souventefois, si c'est le gouvernement seulement qui subventionne à part entière une commission scolaire, il ne lui reste pas grand-chose au point de vue de pouvoir de persuasion. Je trouverais très regrettable qu'on ne trouve pas, à l'intérieur de cela, autre chose pour remplacer...

Je me suis aussi beaucoup attaqué à la loi 27, à la participation des parents. J'espère très sincèrement que ce soit une des priorités du ministère de l'Education de donner aux parents le droit de participer entièrement à l'intérieur des écoles. C'est leur milieu, c'est le milieu des enfants, donner une appartenance à ces enfants à l'école par l'école. Si vous parlez actuellement d'une décentralisation MEQ vers l'école, je souhaite que cela corresponde aux objectifs du ministère, que l'école se choisisse un type d'école par son milieu. Si une décentralisation s'arrêtait aux commissions scolaires, je ne crois pas que la décentralisation soit utile du MEQ vers une commission scolaire. Si on a l'assurance que cette décentralisation va vers l'école, bravo, attablons-nous, essayons de le faire le plus tôt possible.

J'aimerais faire une autre revendication concernant la loi 71. Je ne suis pas contre le conseil de l'île, comme objectif. Je suis certain que le député de L'Acadie n'est pas pour non plus. Je pense qu'on se rapproche beaucoup là-dessus au point de vue idéologique. Si c'est inconcevable actuellement, par la loi 71, qu'une loi aussi peu claire, reçoive des pouvoirs très élargis à l'intérieur des articles de cette loi, qu'elle soit rendue aujourd'hui à empiéter sur la pédagogie. Si on parle d'autonomie de commissions scolaires, c'est que les commissions scolaires de l'île de Montréal actuellement sont les parents pauvres du Québec.

Cela ne doit pas continuer tel que cela va. La commission scolaire de Montréal a moins de pouvoir que n'importe quelle commission scolaire peut avoir en province, si petite soit-elle. On n'a plus de pouvoir de financement, on est toujours au crochet, à la bonne volonté du conseil de l'île. On a de la misère à reconnaître les travaux qui peuvent se faire dans une commission scolaire plus avancée. On les retarde dans leurs initiatives. C'est le problème du conseil de l'île. C'est une autre superstructure qui coûte, M. le ministre, près de $4 millions par année. C'est $4 millions de moins dans l'éducation. Si vous voulez faire un tour d'horizon sur le pouvoir de la loi 71 qu'on donne au conseil de l'île, il faudra le faire dans les répartitions justes du financement d'une commission scolaire, une répartition beaucoup plus équitable de l'argent perçu dans l'île de Montréal. C'était le but de la loi 71 et actuellement, le but n'est pas atteint, il est dépassé. Ils sont rendus aujourd'hui, je crois, avec une soixantaine d'employés dans ce conseil de l'île. C'est une superstructure où plus personne ne peut se reconnaître. Le mode électif de ce conseil de l'île est une contrainte pour les commissions scolaires actuellement. On ne sait plus si c'est un représentant de commission scolaire qui siège au conseil de l'île ou un délégué. Il y a énormément d'ambiguïté dans la représentativité. Peut-être qu'on pourrait avoir des suggestions pour former ce conseil, soit un conseil électif ou d'autres moyens qui feraient qu'une commission scolaire serait plus libre de ses actes.

Vous avez ensuite tout le problème de la restructuration scolaire qui va se poser. C'est à la prudence que je fais appel, M. le ministre, sur cette restructuration, à savoir regarder la viabilité des commissions scolaires par des plans quinquennaux et surtout par le problème de la dénatalité qui s'avère très grave pour plusieurs de ces commissions scolaires. Si on est obligé de recommencer une restructuration scolaire au bout de trois ou quatre ans, je me demande pourquoi, actuellement, on dépenserait autant d'argent à essayer de faire se chicaner tous les partis à l'intérieur de cela pour continuer cette action. Je ne suis pas en faveur actuellement d'une restructuration complète du conseil de l'île.

Vous avez des problèmes très graves, à partir des problèmes de syndicat ou de sécurité d'emploi de ceux qui sont à l'intérieur d'une commission depuis 20 ans ou 25 ans. Vous avez tout l'aspect humain qu'il faudra analyser avant de toucher à ces commissions scolaires. Ensuite, M. le ministre, j'ai d'autres préoccupations en matière de négociation.

Je ne voudrais pas que notre système scolaire revive ce que j'ai vécu à l'intérieur de la Fédération des commissions scolaires dont j'étais un des onze représentants, en vue des négociations dans le domaine scolaire. Je ne voudrais pas que M. le sous-ministre, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, se sente visé, ni vos partenaires dans ce que je vais dire. La piètre préparation qu'il y avait au ministère de l'Education pour faire face à une telle négociation était une honte pour le monde de l'éducation. Je suis très à l'aise pour le dire.

Cela ne dépendait probablement pas seulement de vous autres, c'était un ensemble de circonstances qui faisait un tout là-dedans. Mais je ne voudrais pas recommencer ces négociations dans la même atmosphère que celle des dernières négociations.

Je voudrais que ça commence tout de suite, qu'il y ait des comités établis, qu'on commence à parler entre syndicats, entre professeurs, entre les gens du personnel de soutien, entre tout ce monde, travailleurs de l'éducation. Ces recommandations que j'aurais à faire aujourd'hui, je ne voudrais pas qu'elle soient vues comme une critique faite pour le plaisir de détruire ou de critiquer le passé, surtout que c'est l'avenir qu'il faut voir. On a un gouvernement, aujourd'hui, qui veut aller de l'avant; je crois que les éléments de l'Opposition peuvent concourir au bien-être de l'éducation, on doit s'en servir pour continuer à servir ce qui est à la base, l'étudiant. Merci.

Le Président (M. Clair): Le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, j'ai été très heureux de prendre connaissance des orientations du ministère contenues dans l'exposé du ministre qui s'intitule, fort heureusement, Nouveau départ. Je pense que nous avons véritablement besoin, dans l'éducation, d'un nouveau départ. J'aimerais rappeler un peu, très brièvement, l'historique dans le domaine de l'éducation. Je pense que les Québécois ont consenti un effort énorme du côté de l'éducation jusqu'en 1970 et les efforts ont porté sur l'accessibilité, sur une certaine rationalisation des structures, de façon à rattraper le retard que le Québec avait face aux autres provinces. Je pense que c'était un effort nécessaire mais qui a dû se faire dans un laps de temps très court.

Après 1970, sous le règne du gouvernement qui nous a précédés, nous avons constaté un net ralentissement de cette réforme. Bien sûr, comme le disait le ministre du temps — je pense que c'était en septembre 1971 — lors du discours de la rentrée scolaire: On a fait un effort important; maintenant, il faut rationaliser les choix budgétaires et, de toute façon, il ne reste qu'à aménager le système.

Je pense qu'il fallait peut-être se donner un certain temps de recul pour évaluer la réforme et voir où on en était. Mais il faut quand même noter qu'on a négligé, dès ce moment-là, de s'engager vers ce que je considère une réforme plus fondamentale, dont je retrouve des éléments dans l'exposé du ministre, réforme beaucoup plus fondamentale qui touche au contenu, à la pédagogie et aux conditions dans lesquelles s'exerce l'activité éducative. Je veux parler des voies, de la décentralisation, des responsabilités de l'école.

A cause de ce temps d'arrêt, on a laissé, je pense, se perpétuer très longtemps une insatisfac-

tion marquée au niveau de la population, dont l'expansion de l'école privée est peut-être le symptôme le plus évident.

C'est par insatisfaction du système public que les gens se sont tournés en nombre de plus en plus grand, vers le système privé. On pourrait également citer comme symptôme le taux de drop outs qui a augmenté ces dernières années. Il suffit, comme moi, d'avoir travaillé avec les enseignants, dans tous les coins de la province, dans un projet de perfectionnement, des maîtres, d'avoir été dans les écoles pour voir ce qui se passait, pour se rendre compte que si on avait un système beaucoup plus rationnel qu'avant, beaucoup mieux structuré, plus accessible, les conditions de l'activité éducative ne s'étaient peut-être pas améliorées, au contraire.

Je me fierais un peu à la sagesse populaire, dans un sondage fait il y a à peu près deux ans, je pense, sur le plan canadien. C'étaient les deux tiers des parents, si je me rappelle bien, qui disaient que, selon eux, le système s'était détérioré. Dans les autres provinces canadiennes, la proportion était inversée. A tort ou à raison, pendant six ans de moindre activité, ou peut-être que nos amis du Parti libéral préféreraient parler d'un temps de recul, pour voir où on en était rendu dans la réforme scolaire, à cause de ces six années, on a laissé se perpétuer énormément d'insatisfaction dans la population, ce qui nécessite maintenant, comme le dit le ministre, un nouveau départ.

Je suis heureux de voir que des rapports sortent enfin des tablettes. Cela fait un bout de temps que le Conseil supérieur de l'éducation a soumis des études au ministère, et, en particulier, je pense que c'était en 1972 ou 1973, le rapport du Conseil supérieur de l'éducation qui s'intitulait "L'Activité éducative" et qui disait: Ecoutez, on a mis énormément d'efforts sur la rationalisation du système, sur les structures, c'est le temps de s'occuper, de ce qui se passe dans la classe, d'améliorer la qualité de l'enseignement et de faire enfin un enseignement qui soit adapté aux enfants.

Plus récemment, juste avant les élections, le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation disait à peu près ceci: II y aurait sûrement moyen que nos écoles soient plus que des sortes de gigantesques garderies où on prépare des gens pour une tâche immédiate sur le marché du travail et qu'on commence vraiment à faire un enseignement qui développe toutes les possibilités de l'enfant.

Je pense que ce nouveau départ, il faut l'admettre, est rendu possible par le travail qui s'est fait avant le 15 novembre. Il y a quand même des gens qui ont pris leurs responsabilités et il y a toute une série de documents qui étaient en préparation. Mais on peut féliciter le ministre d'avoir repris ces études, de les avoir réévaluées en fonction de l'optique du Parti québécois, qui forme maintenant le gouvernement. Je pense que, dans ces orientations sur le plan du contenu, parce que vous savez que le système d'éducation est soumis à toutes sortes de pressions contradictoires, c'est faux de dire qu'il n'y a pas de politique dans le système d'éducation, il y a autant de politiques qu'il y a de valeurs derrière les individus qui font ce système scolaire.

Dans la mesure où on ne base pas un système scolaire sur le développement de l'autonomie des jeunes, de l'autodiscipline, de l'esprit critique, dans la mesure où on retournerait, par exemple, à un système scolaire très répressif — c'est comme cela que je qualifierais le système scolaire d'avant les années soixante — il y a plusieurs documents qui nous démontrent que l'école était peut-être l'un des appareils les plus répressifs de la société; quand on dit cela tout le monde dit: Regardez-nous, on est bien fins. Regardez où on est rendus maintenant. C'est grâce à cette école. Peut-être qu'on pourrait regarder cela d'un autre point de vue et se dire: S'il y a tant d'idées fausses qui circulent, s'il y a tant de préjugés, s'il y a tant de gens qui ne pensent qu'à leurs petits intérêts personnels dans la société actuelle, c'est peut-être un peu dû à ce genre de système assez répressif où on apprenait à se conformer à des situations plutôt qu'à participer à leur définition.

Je pense que c'est peut-être l'essentiel de l'orientation qu'on retrouve dans l'exposé du ministre face à la décentralisation. S'il y a une chose que la décentralisation doit faire, c'est la prise en charge, au niveau de l'école, par les différents agents de l'édudation, de leurs projets éducatifs. A cet effet, j'aimerais recommander au ministère... Je sais qu'il y a des études d'entreprises actuellement sur la décentralisation entre le ministère et les commissions scolaires, mais j'espère qu'on ne laissera pas les commissions scolaires définir seules leurs relations avec les écoles dont elles ont la charge. Il me semble que c'est la responsabilité du ministère de l'Education, non pas de s'immiscer dans les responsabilités des commissions scolaires, mais de définir le genre de rapport qui doit exister entre les divers paliers du système de l'éducation. Après cela, on peut laisser jouer les agents éducatifs dans le cadre du système, mais c'est la responsabilité du ministère de l'Education de définir le genre de décentralisation qu'on veut avoir.

Je pense qu'il y en a qui disent que les gens ne sont pas prêts à une telle prise en charge. Par exemple, je pense à des conseils tripartites de direction des écoles, formés des enseignants, des parents ou des étudiants ou des deux et des cadres de l'école et, entre autres, des directeurs de l'école, pour qu'on cesse d'avoir ce parallélisme des réseaux de consultation où les gens ne peuvent jamais se rencontrer, confronter leur opinion; que les clients se confrontent avec les travailleurs du système et on aura peut-être des attitudes moins étroitement syndicales. On peut comprendre les enseignants de préserver leur gagne-pain, surtout dans un contexte de dénatalité, de refuser les détériorations de conditions de travail, comme c'était le cas, il y a à peine un an, lors des grèves dans le secteur de l'enseignement, mais on ne me fera jamais accepter qu'il est normal d'avoir une convention collective aussi détaillée qui va jusqu'à calculer le nombre de minutes auxquelles un en-

seignant est soumis. Je pense que si on en est arrivé là, c'est parce que les syndicats étaient placés sur la défensive et qu'ils se méfiaient de la bureaucratisation, d'une centralisation énorme du système scolaire qui ne leur donnait aucune part dans la prise de décision. Si on pouvait commencer à donner plus de responsabilités aux différents agents de l'éducation, des attitudes comme celles-là commenceraient peut-être à se résorber. C'est important qu'elles le soient, parce qu'il faut laisser une souplesse au niveau de l'école; il faut que l'école puisse s'adapter à des réalités différentes. Il suffit de voir les différences énormes de culture, d'équipement pédagogique qu'il y a d'une région à l'autre, les besoins très diversifiés des enfants. Il n'y a pas un enfant dans une classe qui a le même besoin et, pourtant, on s'imagine encore qu'on peut tout planifier, soit dans le bureau du ministère ou dans un bureau de commission scolaire.

Je pense que c'est tout le sens de cette réforme qui doit permettre la prise en charge du projet éducatif au niveau de l'école. On n'a pas besoin d'attendre que tout le monde soit prêt pour commencer. Je pense que s'il y a une chose que le ministère doit faire, c'est d'avoir des stratégies d'implantation diversifiées qui tiennent compte, bien sûr, de la réalité des différents milieux qui ne sont pas tous prêts aux mêmes genres de changements.

Pourquoi ferait-on la même chose partout au Québec? Pourquoi aurait-on exactement le même système partout au Québec? Je pense qu'il y a des régions du Québec où on peut aller plus vite et d'autres où on doit aller plus lentement.

La dernière remarque d'orientation globale que j'aimerais signaler au ministre, c'est le problème du cloisonnement du système scolaire. Pendant longtemps, on a cru qu'on allait faire une gigantesque machine trieuse dans laquelle on pourrait lancer les enfants. Suivant leurs capacités, l'un se retrouverait au professionnel court, l'autre en voie allégée et l'autre pourrait aller au CEGEP dans telle option et non pas dans telle autre. Je comprends qu'il faut garder... Je ne veux pas avancer qu'il faut tout homogénéiser, mais je dis simplement que notre système scolaire est actuellement trop cloisonné, sous différents aspects, d'abord sur le plan linguistique. Il suffit d'aller faire une assemblée dans le West Island de M. Ciaccia, et le lendemain, d'aller en faire une auprès de francophones pour voir toute la distance qu'il peut y avoir entre les deux communautés.

On est en train et on a créé jusqu'à maintenant une société cloisonnée qui va nous poser énormément de problèmes sociaux.

On peut dire la même chose sur le plan religieux. Il me semble qu'il y aurait moyen de réduire ces cloisonnements. Personnellement, je crois à l'unification des commissions scolaires. On pourra peut-être entrer dans le détail plus loin, lorsqu'on discutera des différents programmes. Au moins, au minimum, il faudrait avoir des mécanismes qui permettent des contacts, des échanges beaucoup plus intensifs que maintenant pour réduire le cloisonnement, sur le plan linguistique, sur le plan re- ligieux et sur le plan social également. Il y a des études qui nous ont démontré que, peut-être jusqu'à la fin de l'élémentaire, on n'a pas à faire trop de différence entre l'origine sociale des jeunes, mais déjà, au niveau du secondaire, cela commence à se différencier. Règle générale, les fils de familles d'ouvriers se retrouvent au professionnel court ou en voie allégée et, généralement, plus nombreux que les autres, leurs études se terminent au secondaire. Je pense également que dans l'existence d'un système d'enseignement privé, sans le réserver uniquement aux familles les plus privilégiées, on se rend compte que, dans le système privé, on donne surtout l'enseignement de voie régulière et de voie enrichie et que, règle générale, les enfants viennent de familles de classe moyenne et de classe aisée.

Il ne s'agit pas de niveler par le bas. Il ne s'agit pas non plus de dire que tout va être homogène, mais je pense qu'il y a moyen, dans le cadre d'un système unique très décentralisé où les parents ont une large responsabilité, de laisser place à des modèles différents d'écoles qui correspondent aux caractéristiques d'un milieu et où la composante religieuse, la composante linguistique et le fait également de tenir compte de l'origine sociale, puisque, actuellement, tous les professeurs fuient les voies allégées, fuient les problèmes difficiles, alors que c'est là qu'on devrait mettre le plus d'efforts, je pense, dis-je qu'il y aurait moyen, dans un système unifié, mais très décentralisé, où on aurait différents types d'écoles, de tenir compte des différences. Il ne s'agit pas de tout homogénéiser, tout en rapprochant les gens, il faut éviter de dresser des barrières étanches entre différents groupes de notre société. Je pense que c'est dangereux pour l'avenir.

J'aimerais également parler d'une autre forme de cloisonnement, qui est celle entre les matières. J'ai vu, à l'occasion, des projets pour faire à l'élémentaire ce qu'on fait au secondaire, c'est-à-dire différencier le temps très nettement qu'on accorde aux différentes matières. C'est très bien du point de vue d'un enseignement qui serait d'abord centré sur l'organisation des disciplines. Pour un universitaire, c'est très commode de penser comme cela et de dire: On va donner le meilleur enseignement possible de mathématiques pendant une heure, et, pendant une autre heure, le meilleur enseignement possible de français, mais il faut se rendre compte que, du point de vue de l'étudiant— M. le député de Gaspé a parlé du droit de l'enfant à l'éducation— il y a aussi le droit de l'enfant au respect de sa propre psychologie, disons de sa façon de penser. Il est très difficile, surtout pour un jeune, de travailler au compte-gouttes, comme on le fait actuellement, en cloisonnant les matières. Il me semble que, chose certaine, on ne devrait pas séparer l'enseignement des matières au niveau élémentaire, et peut-être qu'on devrait se poser la question au niveau du secondaire — premier cycle également. Peut-être qu'on devrait penser à une formation plus globale de l'enfant et penser peut-être moins en termes de grille horaire où on essaie de déterminer le nombre de minutes pour chaque matière en se disant

qu'il y a peut-être moyen de s'adapter aux besoins respectifs des classes qui sont divers, suivant les enfants.

En terminant, j'aimerais dire deux choses. Premièrement, l'erreur qu'on ferait si on décentralisait le système d'éducation, on remettait plus de responsabilités au niveau de l'école sans prévoir des mécanismes de support des enseignants, des administrateurs et des parents aussi. Au niveau de l'école, sur place, cela commence à se faire. Au niveau de l'Université du Québec, je pense que le sous-ministre est bien au courant, il était là au début de la création de certains programmes qui ont évolué de façon diverse. Il suffit peut-être simplement de corriger le tir légèrement, mais, pour l'essentiel, on a commencé dans certains milieux à donner des outils aux enseignants sur place dans leur école; la formation a cessé d'être théorique et a commencé à être un peu plus liée à la tâche professionnelle, à révolution de la pédagogie, c'est-à-dire que les matières théoriques doivent coïncider avec le travail de l'enseignant dans ses classes.

Je pense que c'est une chose que mentionnait le rapport Parent. Il disait: Commencez par la formation des maîtres. On ne l'a pas fait. Tout ce qu'on a trouvé le moyen de faire, lors de la création de l'Université du Québec, c'est de dire: Vous avez une vocation privilégiée dans la formation des maîtres, mais on s'est surtout concentré sur la formation initiale. Là, on voit, avec la dénatalité, à quel point c'est important d'orienter nos énergies vers les enseignants en place, si on veut qu'ils puissent assumer la décentralisation, et je dirais la même chose du côté des administrateurs qui ont à repenser leur façon de gérer. Ils doivent devenir beaucoup plus des animateurs, des coordonna-teurs que des gens qui prennent toutes les décisions, et je sais que c'est difficile de changer de mentalité.

En terminant, M. le Président, je souhaiterais que ce nouveau départ, dont parle le ministre, se fasse, contrairement peut-être à la première réforme de l'éducation que nous avons connue dans les années soixante, avec la plus vaste participation possible du public. J'espère que le ministre, dans le cas du livre vert sur l'enseignement élémentaire et secondaire, dans le cas du livre blanc sur l'enseignement collégial, partira en tournée régionale, ira consulter la population et provoquera un vaste débat sur les valeurs fondamentales qui doivent orienter le contenu, la pédagogie et la structure de notre système scolaire. Il s'agit de ne pas refaire l'erreur des années soixante où on se rend compte que, malgré les aspects très positifs de la réforme scolaire, les parents ont l'impression de ne pas y avoir été associés.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Jacques-Cartier.

M. Noël Saint-Germain

M. Saint-Germain: M. le Président, j'ai écouté avec énormément d'attention la déclaration du ministre cet après-midi, et j'avais bien l'impression que toutes les bonnes intentions qui étaient inclues dans cette déclaration étaient ressenties par le ministre et qu'il allait bien faire son possible pour remettre en oeuvre les modifications du système et voir à ce que notre système d'éducation soit plus acceptable pour les écoliers, les étudiants et pour le public en général.

Ceci dit, j'entends parler personnellement d'éducation dans le Québec depuis nombre d'années, ayant été commissaire d'école bien avant d'être député, et je dois dire que j'ai aussi, dans le passé, entendu des déclarations aussi valables, des intentions aussi désintéressées, mais que, malheureusement, très souvent, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Dans le passé, je me souviens très bien puisque, dans le temps, j'étais commissaire d'école, j'avais entendu dire au ministre de l'Education: Nous avons beau, au Québec, établir un système tout à fait nouveau, bien adapté aux besoins modernes, aux besoins de la province en particulier, puisque l'ancien système que nous avons est discrédité par la population, discrédité dans les milieux enseignants et discrédité un peu par tout le monde, enfin, et la population est venue au point où elle acceptait facilement l'établissement d'un système tout à fait nouveau.

A ce stade, le ministre de l'Education avait certainement une très grande liberté d'action et il s'en est bien servi d'ailleurs.

Aujourd'hui, la situation est bien différente. On a modifié notre système profondément, bien souvent, j'ose le dire, peut-être trop vite et malhabilement. De toute façon, même si les gens critiquent amèrement le système actuel, personne ne veut nécessairement revenir au système passé.

Mais la liberté du ministre est certainement très relative, à ce stade-ci. Je crois bien ne pas mentir en disant qu'il y a au-delà de 100 000 personnes qui gagnent leur vie dans l'éducation au Québec, et il y a, pour chapeauter les activités de tous ces gens, un homme élu, et c'est le ministre de l'Education.

J'ai bien l'impression qu'il va se faire aider par quelques-uns de ses collègues élus, mais il reste que c'est lui qui sera tenu responsable par la population de toutes les activités de ces 100 000 citoyens.

Aujourd'hui, ces 100 000 personnes sont très bien organisées. Elles sont toutes syndiquées, protégées par des contrats de travail de plus en plus complexes et compliqués. Il y a, pour encadrer les 2600 personnes qui travaillent directement pour le ministère, la Loi de la fonction publique et chacun est bien prêt, de pied ferme, à protéger ce qu'il croit être ses intérêts personnels ou professionnels et tout ceci a été bien prouvé par le passé; Cela a donné lieu à des conflits qui ont été réellement dommageables pour cette province.

Et le ministre, quoiqu'il en dise, dès qu'il projettera d'apporter des modifications au système, dès qu'il projettera de changer les valeurs qui sous-tendent notre éducation, dès qu'il essaiera de diminuer les dépenses inhérentes à ce système, trouvera certainement devant lui un groupe

d'hommes qui s'élèveront et qui bien souvent, pour masquer les intérêts personnels qu'ils veulent bien défendre, prétexteront les intérêts de la population. Malheureusement, dans tous ces conflits d'intérêt, les enfants sont oubliés et ce sont toujours eux qui sont mal protégés.

Ce qui me fait sourire aussi dans ce soi-disant nouveau départ, c'est qu'il n'y aura pas de nouveau départ, en définitive. Le ministre, en homme sage, en homme conséquent, observera ce qu'il y a de bon dans notre système, ce qu'il y a moins de bon, ce qu'il devra profondément modifier et partant de là, essaiera de construire en prenant le meilleur du système actuel. Il est impensable qu'il puisse le changer profondément, à moins qu'il n'ait hérité de talents tout à fait exceptionnels, qu'il ait un leadership, de l'entregent et que ce soit un homme pratiquement au-dessus de la moyenne.

J'ai vu passer, dans ma carrière politique, beaucoup de ministres de l'Education. J'ai cru m'apercevoir que les premiers ministres essayaient constamment de nommer à ce poste les hommes les plus valables, les plus responsables et, malheureusement, ils ont connu maints échecs et leur carrière a été habituellement de courte durée.

Dans l'intérêt de la population, ce n'est certainement pas ce que je souhaite au ministre actuel. Ce qui m'a surtout surpris dans cette longue déclaration qu'il nous a faite, c'est son silence absolu relativement aux relations de travail dans le domaine de l'éducation, lorsque même les profanes savent pertinemment qu'il y a là un problème fondamental, un problème réel auquel tout ministre de l'Education, un jour ou l'autre, doit faire face.

Si j'ai eu beaucoup de respect pour les ministres passés, il m'a toujours paru que, trop souvent, ils étaient obligés de défendre des politiques, des dépenses ou des chiffres pour lesquels ils n'avaient absolument aucune responsabilité; je les ai vus très souvent plus comme des hommes de relations publiques que comme des administrateurs. Je vais vous donner un exemple bien précis de ce que je veux dire: J'ai entendu le ministre, dans sa déclaration dire qu'au-delà de 80% des dépenses constituaient des salaires. J'ai bien raison? Toutefois le ministre n'est absolument pas responsable de ces dépenses.

Il va défendre ses crédits cette semaine ou les semaines qui viennent et ces dépenses lui sont dictées, d'autant plus que ces dépenses sont en grande majorité dictées par des contrats de travail qui ont été signés sous une administration où il n'avait aucune responsabilité, mais il devra tout de même défendre ces dépenses. Ces dépenses sont le résultat direct de conventions collectives à tous les niveaux. Alors, comment peut-on parler d'éducation, d'augmenter la productivité de notre système, d'astreindre les dépenses à des limites convenables aux richesses de la province et à la productivité de la province sans parler de relations de travail? Cela me semble passer complètement à côté du sujet. J'aurais aimé que le ministre indique sa façon de voir les choses dans ce domaine. Je l'aurais même vu nous expliquer ce qu'il trouvait convenable et non convenable dans les contrats signés jusqu'à présent, soit au niveau universitaire... Je sais — je le vois, le ministre m'a regardé — pertinemment que, probablement, cela aurait été très malhabile de sa part parce qu'il sait que, dans l'avenir, il aura à dialoguer avec les chefs syndicaux qui ne sont pas toujours commodes, qui, malheureusement, ne reflètent pas toujours, loin de là, la mentalité et les besoins de leurs propres membres, qui sont élus, bien souvent, d'une façon non démocratique. Mais, par les lois, les législations ou les règlements votés par les gouvernements passés, soit par faiblesse ou soit par pressions indues, on en est arrivé à donner à ces gens une puissance terrible qui, à l'occasion, se fait valoir à un point tel que la population se demande: Qui est le patron en éducation? Est-ce les chefs syndicaux ou est-ce les gouvernements?

La réalité des choses, on peut essayer de l'escamoter, mais elle apparaît toujours et elle apparaîtra nécessairement lors de la signature de nouveaux contrats de travail et ces nouveaux contrats de travail seront basés sur les contrats existants aujourd'hui et le tout recommencera. Même, lors de la signature de ces contrats de travail, si le ministre est encore responsable de l'Education, il verra son collègue de la Fonction publique prendre la responsabilité des relations de travail. Il verra le ministère du Travail, s'il y a des difficultés, des grèves, entrer dans le jeu et, plus la bataille deviendra corsée, chaude, plus il se verra réduit, bien souvent, à un rôle de conseiller. La crise passée, il sera celui qui, de nouveau, viendra défendre les politiques de la Fonction publique, du Travail, et la roue tournera. Alors, être ministre de l'Education du Québec n'est certainement pas une chose facile et je crois bien que, pour les politiciens d'expérience, ce n'est pas non plus un poste nécessairement envié. Beaucoup de gens disent que le ministère du Travail, c'est un monstre. Personnellement, je crois que c'est un monstre. C'est peut-être un monstre et la première responsabilité du ministre sera peut-être de tuer ce monstre, dans l'intérêt de ce monstre, dans l'intérêt de la population du Québec. C'est un monstre parce que, premièrement, en partant de l'université, si le ministre est responsable de l'argent qui est remis aux universités, il n'a rien à dire dans l'administration journalière de cette même université. L'université est indépendante. Tout le monde sait cela.

Si je dis cela, M. le Président, ce n'est pas parce que j'aimerais voir les gouvernements imposer leurs priorités aux universités; loin de là, mais il y a tout de même, dans nos universités modernes, quelque chose d'aberrant.

On veut bien laisser aux universités leur liberté d'action, mais ce sont les hommes publics qui se voient constamment obligés de taxer la population pour faire face aux dépenses universitaires, sur lesquelles le ministre n'a pratiquement rien à dire, sinon annuellement, lors de l'étude du budget.

Au niveau des CEGEP, c'est pratiquement la décentralisation totale, c'est chaque administration de CEGEP qui est responsable de son administration et, sur les CEGEP, l'autorité du ministre est minime.

Au point de vue des écoles élémentaires et secondaires, là, l'autorité du ministre pourrait davantage se faire sentir, mais c'est surtout là que les relations de travail viennent jouer un rôle primordial et, dans ce même système, nous avons les commissions scolaires, la fédération des commissions scolaires et l'ensemble de toutes ces activités à tous les niveaux. Pour un profane, c'est un monstre, parce que le profane ne considère pas le ministère de l'Education comme étant exclusivement le ministre et les 2600 fonctionnaires qui sont derrière lui. Pour lui, tout le système de l'éducation, c'est la responsabilité du ministre et c'est ça le ministère de l'Education.

A ce point de vue, c'est un monstre, assurément.

Ceci dit, M. le Président, on parle de décentralisation. Devant un tel monstre, comment ne pas accepter la décentralisation? Cela semble tout simplement logique, ça semble être la solution idéale, mais il faudrait toujours bien savoir ce que le ministre entend par décentralisation. C'est un terme qui peut tout comprendre et qui peut ne rien comprendre. J'aurais aimé que le ministre nous donne une certaine définition de ce qu'il entend par décentralisation. Pour quelqu'un qui étudie le moindrement l'évolution du système scolaire, il apparaît évident que l'élément majeur qui a amené la centralisation, c'est la signature d'un contrat de travail au niveau de la province.

M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas le seul facteur.

M. Saint-Germain: C'est un des facteurs principaux. On a créé là la force de notre monsieur Charbonneau, et je ne suis pas antisyndicaliste pour ça.

M. Chevrette: Cela ne paraît pas du tout. Ne lâchez pas.

M. Saint-Germain: Parce qu'il serait absolument illogique de ne pas voir ces 100 000 personnes non représentées au point de vue syndical, ce serait absolument inadmissible. Mais on a créé, avec le genre de syndicat dominé par M. Charbonneau, un syndicat excessivement puissant où le professeur paye sa quote-part, et ils sont nombreux, d'une façon comptant. Cette remarque que faisait le député, ex-président de la commission des affaires sociales, voulant que le gouvernement était mal préparé aux négociations, cela a toujours été cette situation qui a existé. Les syndicats, aujourd'hui... comme le syndicat des enseignants est un syndicat qui a de l'argent, il a à son emploi les meilleurs négociateurs, des avocats éminents à compétence éprouvée et, à chaque négociation, le gouvernement a beaucoup de difficulté à se faire représenter d'une façon aussi efficace que les syndicats peuvent le faire.

En fixant et en ayant un contrat unique pour toute la province, il me semble qu'il est définitif que c'est d'imposer, premièrement, aux commissions scolaires locales, un budget, comme le ministre l'a dit, c'est la même chose au niveau local, pour les dépenses, les salaires qui sont la dépense principale.

Et comme les commissaires locaux n'ont absolument rien à dire en ce qui regarde les articles importants de la convention collective, en leur remettant, sans avoir pris leur avis, un contrat dûment signé, il est clair que leur autorité est par le fait même directement diminuée.

Si le ministre envisage une décentralisation accompagnée d'une décentralisation des relations de travail, cela me dit quelque chose. Mais s'il me parle de décentralisation en conservant le système de conventions collectives qu'on a dans le moment, et avec tous ces professeurs représentés par un seul porte-parole, s'il garde ce système comme tel, cela ne veut rien dire pour moi.

S'il parle de décentralisation et de remettre aux commissions scolaires locales une initiative et une liberté d'action qu'elles n'ont plus, il faudra bien qu'il me dise s'il va laisser ces commissaires taxer la population et fixer leur taux de taxe. S'il me dit: Je décentralise, mais c'est le ministère qui fixera le taux de la taxe, et les commissaires n'auront pas le droit ou la liberté de dépenser, pour moi, c'est une décentralisation qui ne veut absolument rien dire.

C'est dans ce sens-là, et c'est en donnant de telles explications, que le mot de décentralisation prend une signification réelle. Autrement, cela reste au niveau des voeux pieux.

Toujours pour continuer dans le sens de l'importance des contrats et des relations de travail, nous avons, par exemple, toute cette question de langue seconde, la langue maternelle, surtout pour ce qui regarde le français, on n'en parle plus. Tout le monde semble critiquer le genre d'enseignement qu'on y donne.

Pour ce qui regarde l'enseignement de la langue seconde dans nos écoles françaises, tout le monde sait que c'est catastrophique. Il y a des milliers de professeurs dans le Québec qui enseignent l'anglais, mais sans même en connaître ce qui est élémentaire, qui n'en ont aucune connaissance. Mais qu'est-ce qui peut amener une situation semblable, qui est absolument illogique? On paie des fortunes au niveau des écoles publiques pour enseigner l'anglais. C'est de l'argent absolument gaspillé. Mais est-ce que l'école existe pour les professeurs ou si elle existe pour les enfants? Il faudrait bien le savoir. Et ce qui amène les autorités à décider qu'un professeur unilingue va enseigner une langue seconde, est-ce que ce n'est pas sous l'impulsion et sous la pression du syndicat? Quelle autre raison y aurait-il pour poser un geste aussi illogique?

M. Laplante: Vous êtes dur pour votre régime. M. Saint-Germain: Pardon?

M. Laplante: Vous êtes dur pour votre régime.

M. Saint-Germain: Je parle au nom de la population. Je vous ai dit que j'avais beaucoup de respect pour les ministres antérieurs de l'Education, qu'ils soient de n'importe quel parti. Je peux vous les nommer ils ont tous été de grands bonshommes. Mais ils se sont tués au point de vue politique, et comme hommes, au point de vue administrateurs, devant des forces quasiment impossibles à mettre au pas.

Vous avez toutes ces écoles techniques... Pour continuer sur la langue seconde, ne serait-il pas plus logique de laisser les gens, les professeurs de langue anglaise enseigner l'anglais dans nos écoles? Il me semble que cela serait logique. Nos écoles anglaises ont de la difficulté à avoir des professeurs de langue française. Mais pourquoi les professeurs, dans notre système de langue française, ne seraient-ils pas autorisés à enseigner dans les écoles anglaises? Que M. le ministre essaie de vendre cela à M. Charbonneau: Cela ne sera pas facile. On nous demande cela ici, à la table, très facilement. On va coopérer avec lui à 100%. Mais il essaiera d'aller chercher la collaboration de M. Charbonneau et de la clique de la CEQ.

M. Alfred: La clique?

M. Saint-Germain: J'ai dit la clique, oui.

M. Alfred: J'en suis un.

M. Saint-Germain: Alors, vous faites partie de la clique.

M. Alfred: Je suis de la clique.

M. Chevrette: M. Saint-Germain, soyez au moins respectueux.

Le Président (M. Clair): A l'ordre!

M. Saint-Germain: Je suis très respectueux.

M. Chevrette: On peut exiger du décorum de la part de l'intervenant, M. le Président.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Si le langage parlementaire est exigible pour ceux...

M. Saint-Germain: M. le Président, pour la politesse dont se sert M. Charbonneau vis-à-vis des hommes publics...

Une Voix: La politesse...

M. Saint-Germain: ...je puis me permettre de dire que c'est une clique et je ne retirerai pas mes paroles, croyez-moi...

M. Chevrette: Comme ancien commissaire d'école, vous avez formé une joyeuse clique.

M. Saint-Germain: ...parce que je pourrais me servir de termes bien plus durs que cela, je suis même très poli.

M. Chevrette: Ce serait à la hauteur de votre prestige, mon cher.

M. Alfred: C'est vous qui avez gâché les relations de travail dans les écoles, monsieur.

M. Paquette: Avec des attitudes comme cela.

M. Alfred: C'était vous. Avec des gars comme cela, on ne va pas améliorer le climat de travail dans les écoles.

Le Président (M. Clair): Messieurs...

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président. Le député de Jacques-Cartier avait la parole.

Le Président (M. Clair): Effectivement, messieurs. Pour le bénéfice...

Une Voix: C'est un fait.

M. Alfred: Avec des gars comme vous...

M. Saint-Germain: M. le ministre a parlé...

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît...

M. Saint-Germain: ...d'école technique.

Le Président (M. Clair): Un instant, M. le député de Jacques-Cartier, s'il vous plaît! Pour le bénéfice du journal des Débats, je suis convaincu que tous et chacun d'entre nous, considérons que ce que nous disons est important. Nous voulons que ce soit reproduit. Il faut éviter de parler deux à la fois. Actuellement, c'est le député de Jacques-Cartier qui a la parole. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Concernant l'école technique, on sait pertinemment que dans l'industrie, les techniques évoluent à une vitesse considérable, qu'il y a des changements constants. On sait pertinemment qu'un homme qui se tient éloigné de l'industrie pendant une dizaine d'années est déjà dépassé.

Nous avons des professeurs actuellement dans les écoles techniques qui ont très peu oeuvré dans leur métier, au niveau de l'industrie privée; ils enseignent aujourd'hui, depuis dix ou quinze ans, et jamais ils ne sont retournés à la production. Ne serait-il pas logique... Il me semble qu'un professeur d'école technique qui est compétent peut, aujourd'hui, enseigner et, demain, passer à la production, sans aucune difficulté d'adaptation.

Et ce faisant, le professeur se tient au courant des techniques du jour. Cela ne me semble pas si compliqué, mais vous essaierez d'inclure cela

dans un contrat de travail, vous essaierez; vous essaierez, si vous êtes encore là, lorsqu'on signera ce nouveau contrat, d'augmenter la productivité. On compte le temps à la seconde, on l'a dit tout à l'heure. On va continuer de compter le temps à la seconde, même si on a changé de ministre. On va continuer.

Je ne veux pas, M. le Président, entretenir cette commission plus longtemps, mais je vous dis que, d'après mon expérience, si j'ai bien saisi la déclaration du ministre, il est loin d'être le seul à détenir l'autorité au niveau de l'éducation, à avoir les bonnes intentions qui le caractérisent et à ne pas avoir réussi à faire sentir les effets de son action jusqu'à l'écolier ou à l'étudiant sur le banc de l'école ou à l'université.

J'espère qu'il aura plus de succès, mais j'aurais bien aimé, comme je le disais tantôt, qu'il nous parle, dans sa déclaration, des relations de travail que sous-tend notre système d'éducation actuel. Ces relations de travail devront nécessairement évoluer dans l'intérêt de la population et surtout de nos jeunes.

M. Laplante: Serait-il indiscret de vous demander en quelle année vous avez été commissaire, M. le député de Jacques-Cartier?

M. Saint-Germain: J'ai été commissaire, il y a... J'avais 28 ans.

M. Laplante: Dieu soit loué que ce ne soit pas aujourd'hui.

M. Saint-Germain: Dans ce temps-là, même si les commissaires d'école avaient relativement peu de responsabilités, ils en avaient beaucoup plus qu'aujourd'hui. On fixait notre taux. On était responsable des relations de travail au niveau de notre commission scolaire. Ce sont des choses pour lesquelles les commissaires d'aujourd'hui ne sont pas responsables; ou on est pour la décentralisation ou on ne l'est pas; ou le système qu'on avait, qui était plus décentralisé qu'aujourd'hui, était bon ou il ne l'était pas, mais aujourd'hui, on est bien plus centralisé qu'on ne l'était autrefois, vous pouvez être assurés de cela, pour des raisons historiques qui sont valables. Qu'aujourd'hui, on veuille revenir à la décentralisation, je suis d'accord, mais qu'on nous dise bien ce qu'on entend faire...

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, après ce que je viens d'entendre, je vais changer complètement ce que je voulais dire. Dans un premier temps, je voudrais affirmer que ce que j'ai entendu de la part du ministre, c'est vraiment un nouveau départ, parce qu'il y a une volonté ferme, une volonté politique ferme, d'en arriver à des changements. Si tous les gouvernements précédents ont tou- jours placé leur meilleur homme comme ministre de l'Education, en tant que représentant du Parti québécois, je suis fier de considérer qu'on a un ministre qui dépasse de cent coudées les meilleurs de tous les autres partis antérieurs. Je voudrais vraiment appuyer sur deux points pour ensuite parler des relations de travail, puisqu'il faut en parler.

Je voudrais vous dire, M. le ministre, que même si vous ne réussissiez pas à adopter entièrement toutes les réformes annoncées, ce serait quand même à mes yeux un nouveau départ, parce qu'il y a une volonté d'humaniser l'école. Pour moi, c'est un objectif, ne serait-ce que le seul qui serait réalisé, ce serait vraiment un nouveau départ, puisque, par le passé, on a mis beaucoup plus d'argent dans le béton qu'on en a mis pour humaniser' nos écoles. Nos écoles polyvalentes, nos monstres de béton, comme disait si bien le député de Jacques-Cartier ont rapporté plus, ont rapporté beaucoup plus même à certains entrepreneurs amis du système qu'à l'étudiant qui a à former sa carrière professionnelle à l'intérieur de ces écoles.

Je pense que cet objectif devrait faire l'objet d'une attention constante. Qu'on réussisse à diviser ces monstres de béton ou ces polyvalentes immenses en pavillons, qu'on réussisse à créer des familles, qu'on réussisse à faire en sorte que l'étudiant ne soit pas un numéro, mais qu'il soit considéré comme un être humain, qu'on s'occupe de cet être humain, qu'on sente vraiment que ce n'est pas que de l'instruction, comme disait si bien le député de Gaspé, mais qu'il y ait une forme d'éducation à l'intérieur de ces immenses boîtes, personnellement, je serais heureux, non pas simplement comme député, mais aussi comme père de famille qui a des enfants qui passeront au secondaire prochainement. Ce serait déjà un pas immense pour arriver à réussir beaucoup plus facilement des réformes qui, dans l'immédiat, peuvent être difficiles à concevoir et peuvent être difficiles à réaliser. Si on démontre une volonté de réaliser cela sous une forme de dialogue, non pas dans un esprit d'affrontement, comme on l'a vécu depuis six ans, non pas dans une faiblesse de caractère, à un point tel qu'on considère des présidents de centrales tellement forts qu'on essaie de camoufler notre faiblesse par le fait même, dans un discours à une commission parlementaire ou même en Chambre.

Qu'on arrête donc de voir des bibittes où il n'y en a pas; qu'on arrête donc même de considérer des gens comme immensément forts, qui contrôlent toute la masse des enseignants, qui se foutent du bien de l'étudiant. C'est vraiment nier l'intelligence collective des 75 000 ou des 90 000 enseignants de la province, que de professer de telles attitudes. Qu'on accepte donc plutôt de dialoguer avec eux. Qu'on ne cherche pas à les provoquer. Quand on aura humanisé et qu'on aura compris que c'est un travail de collaboration qu'on veut, quand les centrales syndicales auront compris cela, quand les parents auront compris cette volonté politique d'humanisation, c'est drôle

comme on aura plus de participation et plus de compréhension de la part des parents, qu'on aura plus de participation et de compréhension de la part des enseignants et qu'on verra peut-être tout ce beau monde s'asseoir à une même table à discuter et à dialoguer pour arriver à des réformes, et là, elles s'appliqueront beaucoup plus facilement que face aux situations qu'on a vécues depuis au moins six ans.

Je peux parler bien à l'aise des six dernières années, parce que j'ai été moi-même négociateur chef, devant d'éminents avocats, comme disait si bien le député de Jacques-Cartier, qui ne comprenaient rien au système d'éducation. On parlait de décloisonnement et ils pensaient qu'il fallait jeter les murs à terre. Ce sont d'éminents avocats qui connaissent très bien le système d'éducation. Arrêtons donc de nous leurrer. Prenons donc des gens qui connaissent ce qu'est une école, qui savent ce que c'est enseigner, dispenser l'acte professionnel de l'enseignement, et qu'on ne les considère donc pas uniquement comme des parasites du système, désireux de s'approprier une sécurité d'emploi à toute épreuve. Qu'on leur fasse confiance un peu. Donnez la chance, dans une école ou au niveau d'une commission scolaire, à vos enseignants de penser à des projets d'ordre pédagogique.

Ils vont oublier qu'ils ont dépassé 4 heures et quart et ils vont se rendre à 5 heures et même à 6 heures. Ils vont organiser des activités parascolaires. Vous allez avoir des professeurs d'éducation physique qui vont faire de l'intramural en dehors des heures d'école. Cependant, bien sûr, ce n'est pas par la provocation télévisée ou radiodiffusée ou encore par les journaux, comme on l'a fait depuis six ans. Au contraire, l'effet était négatif. Quand vous perdiez votre temps à provoquer Charbonneau, Laberge et Pepin, vous leur donniez de la sympathie, parce que les membres se retournaient et disaient: S'ils ont si peur de Charbonneau, s'ils ont si peur de Laberge et de Pepin, ça doit être parce qu'on a des bonshommes qui nous défendent. Ils se tournaient de bord et les appuyaient.

Je ne suis même pas certain que vos leaders du temps ne recherchaient pas cet impact, parce qu'ils auraient dû être assez intelligents pour le savoir, s'ils ont été premiers ministres ou s'ils ont été ministres, comme vous le disiez si bien, et que vous choisissiez les meilleurs hommes. C'est pour ça qu'en qualité, on n'a pas de complexe en ce qui nous regarde; surtout qu'à se regarder, on se désole; mais, quand on se compare, on se console. Dans notre cas, on se console en maudit! Excusez l'expression; pour les fins du journal des Débats, vous pouvez enlever le dernier mot.

M. le Président, je voudrais cependant souligner une chose que le ministre a soulignée, mais peut-être pas avec assez d'insistance; c'est au niveau de la formation professionnelle.

Personnellement, je suis énormément affecté par l'enseignement professionnel à cause de ma fonction au ministère du Travail, et je suis inquiet de voir qu'on forme énormément de spécialistes, au niveau de l'enseignement professionnel, non pas uniquement dans les commissions de formation professionnelle, non pas uniquement dans les centres de main-d'oeuvre, aux CEGEP, mais même dans nos commissions scolaires. On forme des spécialistes à la tonne en électricité de la construction, en plomberie ou en quoi que ce soit, et je ne suis pas certain que les professeurs d'information scolaire ou nos conseillers en orientation — je ne veux pas porter une attaque directe à ces clientèles bien spécifiques — remplissent adéquatement leur devoir de ce côté.

On a une obligation morale, au moins, de dire à nos jeunes: Tel secteur du marché du travail est inondé présentement. Tu es libre de choisir quand même ce corps de métier, cette profession. Mais, au moins, on devrait les aviser vraiment de la situation exacte du marché du travail. Je suis peiné de voir qu'on a des jeunes qui n'ont même pas pu obtenir, l'an dernier, des permis de travail ou des carnets d'apprentis pour oeuvrer dans le domaine de la construction ou même pour oeuvrer dans l'industrie, parce qu'ils ne sont pas capables d'obtenir des permis de travail. C'est un problème assez complexe, d'autre part, et je sais que le ministère du Travail a beaucoup à faire avec le ministère de l'Education là-dessus.

La formation professionnelle, à toutes fins pratiques, relève de l'Education, mais, quand on sait que le pendant sur le marché du travail relève du ministère du Travail, il faudrait une coordination beaucoup plus grande entre les deux ministères. Vous avez souligné qu'il y aurait une approche entre les deux ministères. Moi, je crois qu'elle est urgente, parce qu'on ne peut plus continuer à berner les jeunes et à former des chômeurs de luxe comme on le fait présentement; d'autant plus que, depuis 1960, on leur crie par la tête, et j'ai été un de ceux... Parce que moi, j'ai enseigné. Je n'ai pas eu l'avantage d'être commissaire d'école. J'ai enseigné et je sais combien de fois on a dit aux jeunes: Qui s'instruit s'enrichit. On les a probablement enrichis sur le plan intellectuel, mais je vous dis que, pécuniairement parlant, les jeunes sont joliment frustrés. Le nombre de "dropouts" s'explique par le fait même quand on voit tous les slogans publicitaires qu'on leur a donné au niveau de l'éducation et les situations qu'on vit présentement, depuis quelques années; ce n'est pas un cadeau pour le jeune qui sort de l'école.

Là-dessus, moi, je pense que j'en ferais une priorité au niveau du ministère, pour tâcher de faire en sorte qu'au niveau de l'information scolaire ou au niveau des conseillers en orientation, on attache beaucoup de soin à cette information soutenue auprès des jeunes qui ont à s'orienter dans tel ou tel secteur de l'enseignement professionnel, tout au moins.

Il y a un autre aspect que je voulais toucher assez brièvement, c'est la question de la participation des parents. J'en ai parlé un peu dans mon envolée de départ, parce que j'étais passablement fâché, mais je reviens graduellement à de meilleurs sentiments, M. le Président. Mais moi, je crains toutes sortes de mécanismes, toutes sortes

de politiques au niveau de la participation. Cela devient un "bag", comme on dit communément au Québec. Faisons participer tel groupe. Faisons participer tel autre groupe. Il y a un extrême danger... J'ai eu la chance de vivre l'élection de comités d'école dans plusieurs écoles, de par les fonctions que j'occupais antérieurement.

Bien souvent, il n'y avait pas le nombre de parents dans la salle correspondant au nombre de postes disponibles pour les comités d'école, et ça m'a toujours frappé quand on a lancé des politiques en disant: On va faire participer les parents.

Il faudra vraiment faire en sorte que s'il y a des parents qui accèdent au poste — chose que je souhaite — qu'au moins ils représentent une forte proportion des parents impliqués.

Sinon, cela sera pire. En voulant bien faire, on risque de se retrouver dans une situation de non-représentativité ou une représentativité pire que celle des commissaires d'école eux-mêmes où la population vote à peine à 15%, 20%, 25%.

Personnellement, je pense qu'il faudra se pencher sur des mécanismes permettant aux parents impliqués, une très grande information au préalable et un désir de participation basé sur une motivation antérieure donnée par les responsables de l'éducation parce qu'autrement, on ne corrigera pas grand-chose.

Dernier point, M. le Président. Quant aux relations de travail, on oublie qu'elles ne relèvent pas du ministère de l'Education. On oublie que les négociations collectives dans le secteur de la fonction publique relèvent du ministère de la Fonction publique. Je sais pertinemment que le ministre fait partie d'un comité et déjà, on n'a pas attendu d'être menacé en commission parlementaire ou d'avoir toutes sortes d'envolées plutôt provocantes, déjà le comité est à l'oeuvre. Il y a déjà eu une réunion. Il a déjà les instruments de travail. Il y a d'autres réunions de prévues dès la semaine prochaine et nous cherchons des mécanismes souples, des mécanismes qui permettront aux parties de se parler avant même l'adoption de lois-cadres théoriques, sans consultation préalable.

Je pense que c'est cela qui caractérise cette volonté politique de ce côté-ci de la table, d'en arriver à un changement de mentalité et avoir cette volonté politique d'un changement de mentalité aussi en profondeur, c'est tout un départ. Ce n'est pas seulement un nouveau départ, mais c'est tout un départ.

Le Président (M. Clair): Le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais apporter quelques remarques sur les propos que plusieurs des députés ont déjà soulignés. Il y a eu beaucoup de points de soulevés sur les propos du ministre.

Le député de Rosemont, par exemple, a référé au système scolaire avant 1960 du fait qu'il était peut-être un peu répressif, qu'il n'induisait pas à la liberté, à l'ouverture d'esprit. Peut-être peut-on être d'accord avec lui, spécialement ceux qui ont fait partie de ce système avant 1960. La portée de mes remarques n'est pas pour critiquer les gens qui dirigeaient ce système à ce moment. Cela fait partie de l'évolution de notre société. Il est important de comprendre ce qu'il est arrivé, pour essayer d'éviter les mêmes pressions, les mêmes erreurs, la même mentalité répressive de cette époque. Parce qu'une société, pour s'épanouir, pour faire sortir le meilleur de chaque élève doit le faire dans un esprit de liberté individuelle et quand il s'agissait d'une philosophie ou de certains propos intellectuels avant 1960, même les étudiants à cette époque ne sentaient pas qu'ils avaient cette liberté individuelle.

Il y avait une direction dans laquelle nous pouvions aller. On pouvait poser des questions sur certains sujets, mais pas sur d'autres. On ne pouvait pas poser des questions, par exemple, sur la religion. C'est un sujet dans lequel on nous disait ce que nous devions penser et, même aujourd'hui, on permet, parmi les jeunes, au moins, de soulever certaines questions qui leur viennent à l'esprit.

Alors, avant 1960, c'était plus difficile et on sentait un genre de pression autour de nous, non seulement au niveau des professeurs, qu'ils soient laïcs ou religieux.

Il y avait une pression de leur part à ne pas vouloir soulever ces questions, mais on en imprégnait même les étudiants qui, eux aussi, ne regardaient pas d'un bon oeil certaines questions, spécialement au niveau secondaire, là où on commence naturellement à poser des questions. Si les étudiants voyaient que quelqu'un voulait poser des questions ou soulever certains propos, même eux se rangeaient contre lui. On voit cela à plusieurs moments de notre histoire. On le voit, au XIXe siècle, vers 1850, quand l'Institut canadien, qui venait de commencer, s'était donné pour but de discuter certains sujets qui étaient prohibés, par exemple, les livres à l'index; on voulait avoir le droit de les lire. A ce moment-là, il y a eu des pressions et on a même fait des procès à ce sujet à la société à laquelle Sir Wilfrid Laurier a appartenu. Ce n'est pas sans difficulté que des individus sont allés contre le courant et ont voulu s'opposer à cette façon d'agir et de penser. A ce moment-là, la raison qui était donnée pour être contre l'Institut canadien, par exemple, c'était que cela irait contre la survivance de la culture, contre la survivance des Canadiens français au Québec. On identifiait la religion et la survivance de la culture et de la race, on les plaçait dans la même optique.

Je suis d'accord avec le député de Rosemont qu'il faut éviter cette répression, cette régression, ces méthodes répressives à l'esprit. La seule mise en garde, la seule précaution que je proposerais, ce serait de ne pas remplacer cela par d'autres philosophies, d'autres idées, un autre genre de religion aussi au niveau des écoles. Au lieu d'avoir certaines pressions au niveau de la religion comme cela existait avant 1960, on prend une autre religion, on attache une importance quasi religieuse à certaines philosophies et on crée les

mêmes pressions aujourd'hui sur les jeunes, sur d'autres sujets que ceux qui avaient effet sur les jeunes avant 1960. Il semble y avoir une tendance à ne pas avoir cette diversité d'opinions et ce serait malheureux si les jeunes d'aujourd'hui — et je crois que c'est dans cette optique de liberté que le ministre devrait envisager l'administration de son ministère — ressentaient encore la pression d'une telle façon de penser et cette impuissance à pouvoir s'exprimer parce que ce n'est pas l'idée courante. Que ce soit une religion ou que ce soit un objectif politique, il ne faudrait pas en faire la seule raison d'être ou la seule façon de penser. Je crois que nous devons passer par les mêmes étapes qu'en 1960, alors qu'on a essayé d'ouvrir l'esprit des jeunes, qu'on a essayé de leur donner cette liberté individuelle. On les a encouragés à poser des questions sans pression de part et d'autre. Il ne faudrait pas retourner aux années d'avant 1960, pas quant au contenu, mais quant à la méthode de procéder, quant à la difficulté qu'on crée ou bien aux pressions, au point où les professeurs ou un groupe d'élèves, parce qu'ils sont influencés par les professeurs, ne veulent pas soulever certaines questions parce qu'ils subissent cette pression. Il ne faudrait pas remplacer une religion par une autre au détriment de l'esprit individuel et de l'initiative individuelle, au détriment de la possibilité de poser des questions, de vraiment chercher les réponses aux questions et aux problèmes qui sont soulevés aujourd'hui et spécialement aux problèmes qui sont soulevés résultant de l'élection du Parti québécois, le 15 novembre.

Il faudrait que chacun de nous ait la liberté, ne sente pas une pression de penser d'une certaine façon parce que dans notre milieu on pense de même, parce que ça ne serait pas bon... Que ce soit l'idée de l'indépendantiste ou d'un autre. D'une part ou de l'autre, je serais contre cette imposition d'idée.

Vous vouliez demander...

M. Paquette: Je voudrais poser une question: Par exemple, est-ce que vous trouveriez que c'est tomber dans ce même travers qui existait dans les années 60 si, à un moment donné, un professeur d'histoire ou de science humaine, présentait les données sur la différence de revenus entre francophones et anglophones au Québec? Je pense qu'il faut que les jeunes connaissent la réalité aussi.

M. Ciaccia: Si c'est basé sur des informations réelles...

M. Paquette: Je donne un cas précis.

M. Ciaccia: Oui, exactement. Si ce ne sont pas des statistiques faussées, il faut que la vérité soit apprise aux jeunes d'un côté ou de l'autre. Il ne faut rien cacher d'une façon ou de l'autre.

Non, croyez-moi, je ne suis pas pour la propagande d'un genre ou d'un autre. Je crois que les jeunes vont avoir assez de raison, de maturité dans leur approche, pour pouvoir prendre des décisions qui ne leur seront pas imposées. C'est ça, la crainte, c'est de prendre des décisions qui leur sont imposées.

L'autre remarque que vous avez faite, c'est que nous avons une société cloisonnée. Malheureusement, c'est trop vrai, nous avons encore les deux solitudes. Je me demande comment... Il me semblerait que ce serait au niveau de l'éducation que nous pourrions changer ces mentalités, d'une part ou de l'autre. Je me demande ce que le ministère de l'Education, ce que les commissions scolaires pourraient faire en termes d'échanges de programmes entre les deux communautés. J'assiste souvent à des échanges culturels, des gens de l'Europe viennent ici, des gens d'ici vont en Europe; il me semble que le besoin le plus important serait d'avoir des échanges entre nous, peut-être que les gens de Chicoutimi viendraient à Mont-Royal et vice versa.

Je pense que s'il y avait des programmes de ce genre... Je ne sais pas s'il y en a, peut-être que oui, le ministre pourrait nous en informer plus tard. Je croirais que pour le bien de notre société, nous aurions plus de bénéfices à retirer en essayant de promouvoir la communication entre les deux groupes plutôt que la division.

M. Morin (Sauvé): M. le député, avant de communiquer avec Chicoutimi, il ne serait pas mauvais de communiquer avec l'est de Montréal et là, vous rencontreriez une terrible clôture sur votre chemin.

M. Ciaccia: J'ai donné ça comme exemple, mais ça pourrait être l'est de Montréal, l'ouest; quand même, c'est seulement un exemple. Mais vraiment, c'est ce que voulaient dire les deux groupes.

M. Paquette: On pourrait ouvrir la clôture de la ville de Mont-Royal pour l'occasion.

M. Ciaccia: C'est vrai, sur le boulevard l'Aca-die, en effet, peut-être que ça va venir avec le temps ça aussi. On va éduquer des deux côtés.

Aussi, il y a une crainte dans ce cloisonnement; vous avez parlé d'un système unifié, ce que craignent les minorités, c'est l'impression d'un manque de tolérance, cet esprit de manque de tolérance. Ce n'est pas une réponse à leur donner que de dire: Dans les autres provinces, les minorités sont traitées moins bien que les minorités au Québec.

Je crois que personne ne va nier ça, certainement pas moi, que les minorités au Québec ont toujours été très bien traitées, légalement, au point de vue social, économiquement, elle n'ont pas de reproches à faire au gouvernement. Mais il ne faudrait pas aller en arrière et du fait qu'elles ont eu ces avantages d'être traitées avec égalité, parce que les développements politiques aujourd'hui semblent être un peu difficiles, se référer aux conditions dans les autres provinces; ce n'est pas vraiment une réponse. Je sais que des fois c'est provocant, vous vous êtes référé à votre rencontre de West Island, mais il ne faut pas se laisser provoquer; des deux côtés, il ne le faut pas. Je

pense que, si on pouvait donner cette attitude, avoir un respect et une dignité, même pour les minorités, ça porterait profit aux deux côtés.

L'autre sujet que vous avez mentionné dans votre discours — peut-être n'a-t-il pas été mentionné — c'est la question des immigrants. On se demande pourquoi les immigrants ont toujours été attirés par les écoles anglophones, plutôt que par les écoles francophones. Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela. Il ne faut pas toujours blâmer les immigrants eux-mêmes. Dans le contexte actuel, il serait trop facile et trop dangereux de donner l'impression que les immigrants ne veulent pas s'intégrer à la majorité de la province et veulent s'intégrer plutôt au milieu anglophone, pour des raisons économiques ou autres.

Personnellement, je crois que c'est faux. Les immigrants, ceux que je connais, les groupes que je connais, veulent s'intégrer au secteur francophone. Mais dans le passé, ils ont eu beaucoup de difficultés. Il y a eu des refus, de la part des écoles francophones, par exemple, d'admettre les immigrants.

Encore une fois, je ne veux pas blâmer les autorités de ce temps, qui peuvent avoir pris ces décisions, mais c'est un fait à constater. Il y avait une question de religion. Tous ceux qui n'étaient pas catholiques, qui parlaient français ou autre, étaient obligés d'aller aux écoles protestantes, aux écoles anglaises. Même les gens qui parlaient français, mais qui n'étaient pas catholiques, ne pouvaient pas fréquenter les écoles francophones.

Or, le ministère se doit d'expliquer cette situation, parce que dans le milieu immigrant, il y a maintenant une confusion et il y a un peu d'hostilité de voir ce changement tout d'un coup, de vouloir obliger les immigrants, après tant d'années de refus, un changement soudain...

L'autre aspect que les immigrants craignent — cela revient à l'enseignement de la langue seconde — c'est d'être unilingues; ils ne veulent pas être unilingues. C'est bien simple. Ils n'ont aucune objection à s'intégrer au milieu francophone, mais ils veulent être certains que quand ils vont sortir des écoles francophones, ils ne seront pas handicapés, qu'ils auront eu la possibilité d'avoir appris l'anglais, en plus du français. C'est un endroit où il existe beaucoup de confusion. On dit toujours: Oui, nous allons améliorer l'enseignement de la langue seconde. Peut-être pourrait-on revenir sur ce sujet. J'aimerais vous poser quelques questions sur ce sujet, M. le ministre.

Dans le passé, il y a toujours eu de bonnes intentions de ce genre. Il y a d'autres ministres aussi qui ont dit cela. Mais cela n'a pas porté fruits. Avant de critiquer, comme quelques députés ont semblé faire, notamment le député de Jacques-Cartier, je ne sais pas comment on peut blâmer certains syndicats pour ces situations. Je ne sais pas, mais il semble que c'était pour des raisons syndicales. C'est des deux côtés. Ce n'est pas seulement la CEQ, ce sont aussi les syndicats des écoles catholiques anglaises, par exemple. Ils craignent certaines politiques, pas nécessairement parce que cela ne sera pas bon pour les étudiants, mais cela va affecter les membres de leur profession. C'est quelque chose que nous devons prendre en considération d'une façon réaliste. Cette confusion et cette hostilité, le ministère devrait essayer de les faire disparaître et expliquer clairement ce que votre ministère va faire pour redresser la situation, pour redonner confiance aux immigrants, dans le système actuel, dans le système francophone de l'intégration au milieu francophone.

Je crois que c'est un devoir du ministère, parce que, dans le passé même, l'immigration, les vues sur les immigrants, par les francophones, ne symbolisaient pas une atmosphère d'accueil. On porte beaucoup plus d'efforts maintenant. Il y a des centres d'accueil, il y a toutes sortes de politiques que le gouvernement tente de faire, parce qu'il a réalisé la grande importance de l'immigration et la nécessité de faire ce genre de programme.

Je crois que, du côté du ministère de l'Education, il y aura le même travail à faire, le même devoir, en termes d'éducation, d'information pour enlever cette confusion et expliquer et donner une assurance aux immigrants quant au type d'éducation qu'ils vont avoir.

Le Président (M. Clair): Le ministre de l'Education.

Réponse de M. le ministre

M. Morin (Sauvé): M. le Président, la discussion générale a porté sur un grand nombre de sujets. Je n'aurais pas la prétention de répondre à toutes les questions qui ont été soulevées. D'autre part, je pourrais aussi, très facilement, m'étendre pendant des heures sur toutes les considérations qui ont été énoncées. Je tiens à le dire, je fais mon bien de tout ce qui a été dit de part et d'autre de cette table.

Peut-être dois-je cependant retenir quelques-unes des questions qui ont été évoquées par plusieurs intervenants. Je pourrais par exemple dire quelques mots sur les buts de l'éducation, le type de formation que nos écoles devraient offrir. Faut-il favoriser la formation générale ou la spécialisation? Faut-il mettre de l'avant la capacité d'adaptation de l'élève ou sa capacité de gagner sa vie de façon immédiate? C'est un premier thème sur lequel je voudrais faire valoir quelques considérations; deuxièmement, quelles sont les responsabilités des parents dans l'école? Plusieurs intervenants avaient des observations à faire là-dessus; troisièmement, la question de l'encadrement au secondaire; quatrièmement, les lacunes du secteur professionnel; cinquièmement, la formation des maîtres; sixièmement, les relations de travail, lesquelles nous guettent, puisque, dès 1978, nous aurons une négociation, dans le secteur des enseignants protestants notamment.

Mme Lavoie-Roux: Le secteur anglo-catholique.

M. Morin (Sauvé): Oui, anglo-catholique. Vous avez raison, Mme le député. Je pourrais égale-

ment, mais j'attendrai à demain matin de façon à avoir tous les chiffres à portée de la main, commenter les interventions qui portaient sur les conséquences de la dénatalité par rapport au sort des enseignants.

Tout d'abord, pour ce qui est du type de formation qu'on doit dispenser dans nos écoles, faut-il former ou faut-il spécialiser? Faut-il instruire ou éduquer? C'est une façon comme une autre de résumer ce vaste débat qui, dois-je le rappeler, est aussi vieux que le monde. La commission parlementaire n'a pas découvert ce problème; il existe depuis bien longtemps, mais cela ne me dispense pas évidemment d'y réfléchir et peut-être d'apporter quelques éléments de discussion.

C'est surtout aux niveaux secondaire et collégial que la question se pose, parce que, au niveau primaire, cela ne pose pas à vrai dire, à l'heure actuelle, de difficultés majeures. On assure à ce niveau la maîtrise des langues et des mathématiques. On tente d'amener l'enfant à se situer par rapport à son milieu social, géographique. On tente d'inculquer une certaine éducation morale à l'enfant. C'est surtout au niveau secondaire que se pose la question de savoir si on doit spécialiser l'enfant ou retarder le plus possible cette spécialisation.

L'école doit-elle former plutôt que d'assurer une carte de compétence, pour dire les choses de la façon la plus concrète possible? En ce qui me concerne, je puis dire que j'aurais tendance — tout le monde ne sera pas nécessairement d'accord — à retarder le plus possible la spécialisation. Cependant, je reconnais qu'une certaine partie de la clientèle a besoin, vers la fin du secondaire, d'une bonne initiation à la pratique d'un métier et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, certains ont le talent pour exercer ces métiers, et d'autre part, il ne faut pas oublier que cette clientèle scolaire va déboucher sur le monde économique qui est le nôtre, difficile et qui repose avant tout sur la petite et la moyenne entreprises, lesquelles, vous le savez, ne sont pas toujours en mesure d'assurer la formation immédiate de leur personnel. La grande entreprise trouve plus facile de spécialiser elle-même son personnel, et même de le recycler, à l'occasion, tandis que la petite et moyenne entreprises, elles, nous réclament des gens tout formés qu'elles peuvent, pour ainsi dire, diriger directement vers les machines. De cela, naturellement, un ministre de l'Education qui se veut responsable devant la population, ne peut pas ne pas tenir compte.

Où se trouve l'équilibre entre cette formation professionnelle qu'il faut donner aux enfants et cette capacité d'adaptation qu'il faut également leur donner? Voilà qui n'est pas facile. Ma tendance est de dire: Donnons plutôt aux enfants la capacité de s'adapter à un monde du travail qui est changeant, plutôt que de tenter de leur donner une carte de compétence au sortir de leurs études.

Au niveau collégial, le problème n'est pas différent dans sa structure. On peut dire qu'au secteur général, il s'agit de compléter la solide forma- tion de base nécessaire aux études universitaires, tandis qu'au professionnel, il faut assurer une formation technique ou technologique nécessaire à l'exercice de certaines professions, et de manière immédiate.

Nous allons vers un monde qui, je pense, sera bien différent de celui que nous avons connu par le passé. Les études, à venir jusqu'à ces dernières années, constituaient presque un certificat d'entrée sur le marché du travail. Il y a dix ans encore— peut-être sept ou hui — c'était le cas, et à peu près à n'importe quel niveau de l'éducation. Désormais, il n'en va plus ainsi.

Certains économistes nous disent qu'en Occident, si ce n'est dans l'ensemble du monde, la production va requérir les services d'un nombre décroissant d'hommes et de femmes de sorte que des machines remplaceront les hommes de plus en plus. L'automation, qui est un bienfait à bien des égards, entraînera des inconvénients du point de vue du marché du travail. Il va falloir réajuster nos flûtes par rapport à un monde du travail qui ne sera plus celui du passé.

Il ne m'appartient pas de philosopher sur la façon dont on devra, peut-être, dans l'avenir diviser le travail entre les hommes et entre les femmes. Peut-être le droit au travail, un jour, deviendra-t-il interprété comme le droit pour chaque homme d'avoir sa part d'un nombre d'heures de travail qui diminuera sans cesse pour produire la même quantité de biens de consommation. Je ne veux pas m'étendre là-dessus. Je veux plutôt examiner les conséquences que cela peut avoir pour l'éducation, en particulier. Faut-il contingenter dans le domaine de l'éducation? C'est une question qui se pose au niveau universitaire de façon très aiguë, déjà, en ce moment.

A mon avis — je donne un sentiment personnel — je crois qu'on doit, que c'est notre responsabilité d'indiquer aux étudiants et aux élèves les débouchés qui se présentent à eux. On doit les orienter, mais je crois également, qu'on ne doit pas restreindre l'accessibilité aux études pour les jeunes qui ont le talent et le goût d'exercer tel métier ou telle profession.

On devrait plutôt, sans doute, agir de façon qu'il soit clair que désormais, les études ne seront pas faites essentiellement en fonction d'un marché du travail trop changeant, mais qu'elles seront destinées à répondre à un droit inhérent à chaque être humain de se former et de s'accomplir le plus parfaitement possible.

Je pense que c'est cela, finalement, le but de l'éducation. Je ne sais pas si cela correspond aux idées de M. le député de Gaspé, mais, à mon avis, former exclusivement pour le marché du travail, nous conduit à des déconvenues terribles, parce que pendant les trois ans où l'on rédige des programmes, le marché du travail a déjà changé, et trois ans plus tard, il sera peut-être revenu à l'état où il se trouvait il y a plusieurs années, de sorte qu'il faut se donner des services permettant d'identifier les débouchés pour les étudiants.

Ce n'est pas tout. Il faut leur dire: Ne choisissez pas votre formation, votre apprentissage, en

fonction strictement d'un marché du travail à propos duquel nous ne pouvons vous donner aucune garantie.

Notre souci, à l'Education, doit donc être, en premier lieu, à mon avis, de former, de donner une formation suffisamment large pour que l'élève, que l'étudiant puisse avoir accès au plus grand nombre possible de postes dans le secteur général qui est le sien. Et puis, il y a l'éducation permanente qui va maintenant, sans doute, si le ministère arrive à mettre en oeuvre certains de ses projets, quelque peu coûteux, il faut le dire, résoudre en partie ces problèmes de main-d'oeuvre changeante, de marché du travail changeant, J'éduca-tion permanente étant désormais conçue comme étant une sorte de droit de chaque citoyen, constamment, de compléter sa formation, de se perfectionner en fonction du travail qui l'intéresse.

Je ne sais, M. le Président, si je puis m'étendre encore longuement sur cette question. Elle comporte des aspects philosophiques qui sont difficiles à traiter. Mais, à tout prendre, je préfère opter pour la liberté de l'élève, de l'étudiant, devant les choix qui se présentent à lui, que de lui imposer une conception de l'éducation essentiellement axée sur le marché du travail; ce n'est pas là libérer l'étudiant ou l'élève, c'est l'enfermer dans des catégories, c'est le confiner dans des instruments de travail qui, peut-être, par la suite, ne lui serviront pas.

Je sais qu'il y a loin de la parole aux actes, et je suis parfaitement conscient que ce n'est pas aisé de mettre en oeuvre ce que je viens de dire. Néanmoins, je pense que ce devrait être une orientation fondamentale du ministère, et qu'on devrait plutôt aller dans ce sens plutôt que dans la spécialisation à outrance. Certains députés voudront peut-être me faire là-dessus des représentations additionnelles, et je suis tout à fait disposé à en discuter. Je n'ai pas le monopole des bonnes idées.

Pour ce qui est maintenant de la responsabilité des parents à l'égard de l'école, plusieurs en ont parlé. J'ai déjà indiqué à quelques reprises de quelle façon je m'orientais. Le but poursuivi par le gouvernement, de façon très générale, c'est de remettre l'école dans son milieu et, forcément, pour accomplir cela, il faut également "mettre le milieu dans l'école". Ce n'est pas une tâche facile non plus. Certains députés ont fait allusion à la difficulté de mobiliser les parents à la base en vue d'obtenir d'eux une contribution à l'école. C'est une difficulté tout à fait réelle, dont beaucoup de comités de parents se plaignent d'ailleurs. On peut, par hypothèse, imaginer que l'une des raisons de ce manque d'intérêt, c'est que les parents n'ont aucun pouvoir, à l'heure actuelle, en vertu de la loi 27. Plusieurs m'ont dit: "Ecoutez! Après un an d'efforts, après m'être fait offrir de m'occuper des tombolas, j'ai commencé à penser que je perdais mon temps." Je ne suis pas prêt à leur donner tort dans tous les cas. Par ailleurs, dans certaines écoles où les principaux étaient particulièrement intelligents et ouverts, ils ont organisé la participation réelle des parents et ça marche! Peut-être faudrait-il dire, comme le député de Ro- semont, que c'est selon les milieux et que toutes les régions et milieux scolaires ne sont pas tout à fait au même diapason; il faut en tenir compte.

Toujours est-il que mon intention — là aussi, il y a loin de la parole à la réalisation — serait de dire aux parents — je le leur disais samedi dernier, lors du congrès de la Fédération des comités de parents. "Nous voulons vraiment que vous ayez un rôle, une participation réelle aux décisions dans l'école". Peut-être pas à toutes les décisions cependant. Il faut peut-être en sélectionner quelques-unes pour commencer, en vue de juger les résultats selon les milieux, mais les parents ne pourraient-ils pas être intéressés à la vie de l'école, à tout ce qui touche la vie de l'école, aux principes de discipline, au choix de certains accents à donner à l'école? Doit-elle être une école qui met l'accent sur les arts ou sur le sport et quelles options devraient être retenues, au niveau secondaire notamment? Tout cela, dans une perspective de diversification de l'école, comme plusieurs y ont fait allusion.

Faut-il également faire une place aux parents dans les commissions scolaires? Je l'ai suggéré, avec un succès mitigé auprès des commissions scolaires, mais avec un succès certain chez les parents. Cela correspondrait, en quelque sorte, à assurer la présence des usagers dans la commission scolaire, peut-être, au début, tout à fait modestement par un représentant des parents, mais avec droit de vote au moment des décisions.

La décentralisation que nous envisageons ira au-delà de la commission scolaire, nous voulons la pousser jusqu'à l'école. J'ai demandé aux parents comment ils envisageaient leur participation aux décisions dans l'école et j'ai posé la même question à la Fédération des commissions scolaires et à divers enseignants rencontrés. La réponse est que la situation semble mûre pour mettre ensemble parents, enseignants et administrateurs en vue de définir l'école en fonction de son milieu. Encore une fois, ce n'est pas aisé et, là-dessus, je pense que le député de Rosemont a raison. Il va peut-être falloir que nous ayons des solutions souples, adaptables aux régions, aux commissions scolaires et aux écoles. Je ne sais quel député a fait allusion aux problèmes de la base — était-ce le député de Jacques-Cartier? — aux problèmes des parents de la base. Je suis d'accord: II faut que les comités d'école trouvent le moyen de se faire appuyer solidement par leur base, de façon que ces comités ne soient pas de petites chapelles, comme on le voit à l'occasion; cela, je l'ai dit en toutes lettres à la Fédération des comités de parents. Il faut que ceux-ci aillent chercher leur base. Bien sûr, une fois qu'ils auront, de façon évidente, un droit de participer activement aux décisions, cela sera sans doute plus facile. Les parents se convaincront qu'ils ont vraiment quelque chose à dire dans leur école, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, sauf exception.

Troisièmement, j'aborde la question de l'encadrement au secondaire. Elle est fort importante, effectivement, et je dois vous dire que j'y ai consacré passablement de temps depuis que je suis au ministère.

D'une part, il y a eu des améliorations au niveau de la nouvelle convention collective. N'en déplaise au député de Jacques-Cartier, la dernière convention collective comportait certains avantages sur le plan de l'encadrement et de la qualité de l'éducation dans l'école.

M. Saint-Germain: Tant mieux, M. le Président. Tant mieux.

M. Morin (Sauvé): Nous devons cela à l'ancien gouvernement! C'est déjà quelque chose. Je pense que le député ne refusera pas le compliment.

M. Saint-Germain: Non...

M. Morin (Sauvé): Bon. Quand on prend les avantages, il faut aussi prendre certains inconvénients du système et personne ne nie qu'il en existe et que le système soit imparfait. Je reviendrai tout à l'heure d'ailleurs, à la question des relations de travail.

Dans la nouvelle convention collective, pour la première fois, on parle d'encadrement; on parle de cours de récupération, d'activités autres que des activités d'apprentissage. Bref, il y a eu un certain déblocage et sans doute est-il dû, en partie, aux préoccupations des enseignants. Ceux-ci peuvent assurer une présence auprès des étudiants en dehors des 1000 minutes d'enseignement et des 1000 minutes d'encadrement, étant donné qu'ils doivent être disponibles 27 heures par semaine dans l'école. Certaines commissions scolaires — je songe en particulier à Chambly, à la CECM dont Mme le député était responsable, il n'y a pas si longtemps — font des expériences en fait d'encadrement et nous sommes, en ce moment, à étudier celles qui ont connu un certain succès, notamment à Chambly. Nous étudions ces projets, ces expériences pilotes et nous serons bientôt en mesure, je pense, de répondre favorablement à certains de ces projets. Et si, par exemple, la CECM voulait adopter des solutions comme celles de Chambly, de créer dans l'école polyvalente des groupes restreints de 500 ou 600 étudiants...

Mme Lavoie-Roux: ... M. le ministre et plus petit que 500 ou 600 d'ailleurs...

M. Morin (Sauvé): Oui, sans doute, mais pas de façon étendue. Tant mieux, mais ce n'est pas encore répandu, comme Mme le député le sait bien.

Mme Lavoie-Roux: II faudrait peut-être aller voir...

M. Morin (Sauvé): Des groupes de 500 ou 600 étudiants encadrés d'une vingtaine de professeurs qui soient toujours les mêmes et aussi d'un chef de secteur, d'un responsable de secteur qui permettrait de donner un cadre plus restreint à l'élève, de sorte qu'il se sente un peu plus chez lui, qu'il ait moins à se balader dans les couloirs des polyvalentes, d'une salle à l'autre, bref qui aboutirait à humaniser un tant soit peu l'école.

Evidemment, le problème se pose avec plus d'acuité dans les grosses polyvalentes de plus de 1500 élèves. Je vous prie de croire qu'en ce qui me concerne — je ne sais si cela fera l'affaire de tous les députés — je n'ai pas l'intention d'approuver de nouvelles polyvalentes qui dépassent 1500 élèves, environ. J'en ai trouvé deux en construction. J'ai tenté de freiner la construction de l'une des deux, mais ce sont les parents qui ont changé d'idée: ils ont pensé que nous voulions les priver de leur école et, finalement, ils nous font construire, non pas un monstre de 4000 places, mais où il y aura au moins 2200 élèves, ce qui est trop, à mon avis. Mais dans l'avenir, quant aux polyvalentes dont les plans et devis ne sont pas encore faits, je vous prie de croire que nous n'en laisserons pas passer. En tout cas, c'est mon intention tant que je serai là. Toutefois, sachant à quel point la carrière d'un homme politique peut ressembler à celle d'un principal, d'un cadre ou d'un enseignant, et sachant à quel point brève est la vie...

Mme Lavoie-Roux: ... la sécurité d'emploi, M. le ministre...

M. Morin (Sauvé): Voilà! Mme le député, je partage cette caractéristique avec plusieurs de ceux qui travaillent dans l'empire de l'éducation. C'est excellent d'ailleurs, puisque cela me fait participer un peu à leurs problèmes.

On a distribué, il y a deux mois, dans les commissions scolaires, un recueil de formules d'encadrement déjà en vigueur dans certaines commissions, afin d'en faire profiter les autres. On peut dire que cela a été l'un des documents les mieux reçus dans le milieu, étant donné qu'il n'imposait pas de solution unique, mais faisait des suggestions sur ce qui pourrait être fait. On caresse également le projet de débloquer certains crédits en vue de tenir des sessions d'étude au niveau de chaque région avec les directions d'école, pour assurer la mise sur pied de formules d'encadrement qui répondent aux besoins des écoles de ces régions. J'en ai assez dit sur ce sujet de l'encadrement pour vous démontrer mon souci d'humaniser l'école polyvalente.

Je sais bien, comme le député de Jacques-Cartier me le faisait observer, que je ne réglerai pas tous les problèmes. Si l'on pouvait simplement dire après quelques années que j'ai contribué à infléchir légèrement le cours des choses et à mettre un peu d'humanité dans nos polyvalentes, ce serait déjà énorme et je me considérerais comme béni des dieux.

Pour ce qui est du secteur professionnel, les députés ont dit beaucoup de choses et avec raison, je pense, mais il faut sans doute commencer par distinguer les niveaux; il y a d'abord le professionnel collégial où l'on trouve, de l'avis de la plupart des gens qui s'intéressent de près à l'éducation, de bons programmes et des débouchés raisonnables. Il existe d'ailleurs dans ce milieu des rapports — la liaison, comme on dit — avec le mi-

lieu de travail, ce qui facilite les choses. Au niveau professionnel secondaire, de ce qu'on appelle le professionnel long, c'est-à-dire au niveau secondaire IV et V, le choix de cette orientation se fait en général lorsque l'élève montre peu d'intérêt ou de capacité pour les matières dites académiques. Forcément cette mentalité qu'on a chez nous, qui veut qu'un élève va au professionnel parce qu'il n'est pas apte à suivre le cours général déteint sur le comportement des étudiants. On le comprend facilement. Cela a contribué à dévaloriser le secteur professionnel et je pense qu'il est temps de revaloriser ce secteur.

J'ai eu l'occasion de fréquenter les responsables de l'aéronautique et de l'électronique récemment, avec le plus grand intérêt; j'ai découvert là un monde d'enseignants foncièrement dévoués à leurs étudiants et qui étaient prêts à revaloriser la fonction sociale du technicien. Les rencontres que j'ai eues avec ces gens de l'aéronautique et du secteur de l'électronique m'ont beaucoup impressionné.

L'un des efforts qu'on pourrait attendre du ministre de l'Education, au cours des années qui viennent, ce serait justement qu'il dise tout haut que le secteur professionnel, pour des jeunes qui ont le talent et qui veulent gagner leur vie raisonnablement, est tout indiqué; qu'aller au professionnel, ce n'est pas nécessairement être incapable de suivre le cours général. Cela, les ministres de l'Education qui m'ont précédé ne l'ont peut-être pas dit assez haut. En tout cas, j'ai l'intention de le dire à voix haute. Il n'y a aucune raison pour que le garçon ou la fille qui sort du professionnel ne se sente pas aussi apte à être utile à la société que celui ou celle qui sort du secteur général. D'ailleurs, à l'heure actuelle, je dois dire que les étudiants qui sortent du secteur professionnel se placent plus facilement que ceux qui sortent du secteur général.

Quelques mots au sujet du secteur professionnel court; on y trouve le même phénomène mais, encore plus accentué parce que, évidemment, la formation est moins complète. Ce n'est pas difficile à comprendre.

Cependant, je vous prierais de noter que les programmes du secondaire professionnel long ont été revus et refaits il y a quelques années. Ces programmes sont faits pour préparer à des familles de métiers. Déjà, on tend à s'éloigner de la surspécialisation qu'on trouvait auparavant. Chaque cours et chaque programme est décrit dans l'annuaire de l'enseignement secondaire publié par le ministère, avec les objectifs, le contenu, les moyens pédagogiques. Bref, les programmes ne sont pas mauvais, ils sont même bons au secondaire professionnel long.

Ce qui est en cause, pour le moment, c'est l'âge auquel on doit commencer l'orientation vers ce type de formation et aussi le type d'élèves qui y sont dirigés. Je pourrais vous donner quelques aperçus sur l'évaluation de la satisfaction et du placement des étudiants sortants. On a attiré mon attention, il y a un instant, sur une étude qui a été faite par le ministère. C'est une opération qui se répète chaque année, qu'on appelle l'opération "Relance", celle-ci porte évidemment le millésime 1976, c'est la plus récente. Ce document est intitulé "Etude de l'efficacité de la formation reçue dans les spécialités professionnelles au collégial et au secondaire". On y a retenu une dizaine de facteurs — vous me pardonnerez si je ne les énu-mère pas tous puisque, déjà, le temps avance — et on est arrivé à une sorte d'indice moyen de rendement qu'on a fixé à 100. On a demandé aux étudiants de ces niveaux leur degré de satisfaction, le salaire hebdomadaire moyen, la durée de la recherche de l'emploi, etc. Voici le résultat: au niveau secondaire, certaines spécialités connaissent des difficultés. Si, par exemple, on prend 100 comme moyenne, on découvre que le dessin de cartographie n'atteint que l'indice de 71,8%, tandis que le commis en alimentation n'atteint que l'indice de 42,5%.

Par ailleurs, il y a des spécialités où il n'y a pas de problème. Au contraire, il y a des indices très élevés. Je pense à la mécanique en énergie fluide, qui atteint 113,6%; les agents de conservation, qui sont à 123,2%; et ceux qui se destinent au dessin d'architecture et de structure nous font part de considérations qui permettent d'établir un niveau de 114,2%. Ces renseignements sont à la disposition des étudiants et des élèves. Cela répond également au problème de débouchés qu'on soulevait tout à l'heure. Je vous fais grâce du niveau collégial. La même enquête nous révèle en somme qu'il existe là aussi des finissants qui font face à des difficultés et d'autres qui n'ont aucun problème.

Voilà pour le secteur professionnel. Je concluerai simplement en disant qu'il nous faut surmonter, vaincre une certaine mentalité des parents québécois, pour qui le secteur professionnel dévalue leurs enfants. C'est tout le contraire. Pour beaucoup d'enfants, y compris certainement certains élèves qui se trouvent au secteur général, la formation professionnelle serait mieux indiquée. Je ne serais pas surpris même que le secteur professionnel devrait peut-être recruter la majorité des élèves. Cela est possible.

Je n'ai pas d'éclairage particulier là-dessus, mais je ne serais pas étonné qu'il en soit ainsi, à condition évidemment qu'on ait le souci de revaloriser le secteur professionnel en y donnant également une formation générale convenable. Il ne faut pas concevoir le secteur professionnel comme une sorte de dépotoir. Malheureusement, cela a été un peu trop souvent le cas par le passé.

Parlons de la formation des maîtres. Je pense que Mme le député de L'Acadie a fait allusion à ce problème, à d'autres aussi auxquels nous pourrons revenir éventuellement, mais comme elle m'a demandé des précisions dans son intervention, je pourrais lui dire ceci: Nous avons créé, au sein du ministère un Service de formation des maîtres et, dans chaque secteur de l'enseignement, élémentaire et secondaire, d'une part, et post-secondaire, d'autre part, il y aura une unité composée de quelques personnes qui doit définir les besoins des réseaux en maîtres, en type de formation et, à l'enseignement supérieur, dans le cadre des responsabilités du sous-ministre adjoint, M. Jacques

Girard, il y aura une unité correspondante, le Service de formation des maîtres qui, à partir des commandes qui lui sont apportées ou des indications qui lui sont données, se tournera vers les universités pour leur dire: Voici les secteurs où nous avons besoin de former des maîtres.

Ce n'est peut-être pas le seul aspect qui vous intéressait dans la formation des maîtres, mais je voulais...

Mme Lavoie-Roux: Ce sont les besoins, mais quel type de formation va-t-on leur donner?

M. Morin (Sauvé): ...déjà vous donner ces indications et nous pourrons y revenir pour plus de détails.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Morin (Sauvé): Pour ce qui est des relations de travail — je vais terminer là-dessus, M. le Président, car il est presque 23 heures — je voudrais rassurer M. le député de Jacques-Cartier. Il a, je pense, avec beaucoup de raison, souligné que c'est un chapitre capital parmi tous ceux que j'aurais pu mentionner dans mon exposé. Si je ne m'y suis pas attardé, ce n'est pas que je ne sois point sensible à ce problème, loin de là. Seulement, j'estime que je dois traiter ce problème dans un contexte différent de celui-ci, du moins pour l'instant.

Je suis prêt, cependant, à vous répondre, dans la mesure où je ne trahirai pas les discussions qui se déroulent actuellement au sein de certains comités; à donner tous les apaisements voulus au député de Jacques-Cartier.

La question, en ce moment, est confiée à l'étude d'un comité sous la présidence, je pense, du ministre de la Fonction publique — peu importe qui en assume la présidence, le ministre de la Fonction publique s'y trouve — le député de Joliette-Montcalm y siège également, de même que le ministre de l'Education. Notre but, c'est de mettre au point le plus tôt possible — en ce qui me concerne, avant 1978 — des méthodes de négociation qui permettent d'éviter les situations qui ont prévalu dans le passé et qui, croyez-moi, ont été extrêmement pénibles pour les nerfs de tous ceux qui ont participé à l'exercice. Je dois — comme je devrais le faire sur plusieurs autres chapitres — dire tout le bien que je pense des fonction- naires qui ont affronté cette situation. Si vous me passez l'expression, ce ne fut pas un cadeau, et ce n'était pas nécessairement la faute des enseignants. Il ne faudrait pas verser dans le simplisme et dire: "C'est la faute aux syndicats". C'est le système qui est à repenser. Je puis vous assurer, MM. les membres de la commission, que le gouvernement est parfaitement conscient de l'enjeu et des difficultés auxquelles il pourrait faire face dans ces négociations, s'il ne revoit pas le système à temps.

Pour l'instant, je n'en dirai pas plus long.

L'heure est venue. Je voudrais simplement vous donner l'assurance que, demain matin, au moment où la commission reprendra ses travaux, je serai en mesure d'apporter quelques détails importants sur les conséquences de la dénatalité pour les enseignants. Je ne sais plus qui m'a posé la question. Etait-ce le député de Gaspé? J'ai l'intention d'y revenir dès demain matin.

M. Saint-Germain: Seulement un instant, avant de finir, j'ai cru remarquer que, dans ma déclaration, du moins, on m'a interprété comme faisant des déclarations contre les enseignants. Je voudrais bien faire remarquer que je n'ai même pas prononcé le mot d'enseignant, parce que je fais un décalage marqué entre un chef syndical et les enseignants.

M. Morin (Sauvé): Je sais...

M. Saint-Germain: Ce sont des choses tout à fait dissemblables.

M. Morin (Sauvé): Je sais le député de Jacques-Cartier trop intelligent pour tomber dans un antisyndicalisme primaire. De fait, il admettra avec moi que c'est le système qui est à repenser.

M. Saint-Germain: Vous avez là un élément très important et je vous suis, à ce point de vue là.

Mme Lavoie-Roux: Je vais demander l'ajournement de la séance à demain matin.

Le Président (M. Clair): Effectivement, Mme le député de L'Acadie, la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 58)

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