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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 9 juin 1977 - Vol. 19 N° 116

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 1 :

Charte de la langue française

au Quebec

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et messieurs!

J'inviterais les membres de la commission, les témoins, les journalistes à prendre leur fauteuil.

Comme nous commençons une nouvelle séance, je vais faire l'appel des membres de la commission. M. Alfred (Papineau).

M. Alfred: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm) est remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron (Lotbinière)...

M. Biron: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. La-plante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud)...

M. Roy: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Pour les membres de la commission et ceux qui sont devant nous, je vais donner l'ordre du jour qui est chargé. Je voudrais expliquer auparavant que, malgré le désir du président que tout se déroule dans le temps prévu par la motion, il y a déjà un décalage de 24 heures dans les travaux de la commission.

Comme le règlement prévoit une convocation de sept jours à l'avance, les convocations étaient déjà entièrement adressées pour la semaine. Je ne puis garantir que tous ceux que je nommerai seront entendus aujourd'hui et je rappellerai aux membres de la commission qu'ils ne sont pas obligés d'employer les 90 minutes prévues par la motion.

Alors, ceux qui sont invités...

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Serait-il possible de nous indiquer l'ordre des mémoires avec les numéros également?

Le Président (M. Cardinal): Je vais le faire immédiatement, M. le député de Verchères. M. Laurion est revenu, je crois? Merci, M. Laurion. Mémoire 84. M. Roger Julien est ici. Mémoire 90. Montreal Women Council. Merci. Mémoire 63. Montreal Lakeshore University Women's Club. Merci. Mémoire 57. Je pense que M. Roger Marceau n'est pas ici, que M. Davis Ross n'est pas ici et Mme Hélène Bergevin non plus. En vertu du règlement, ces personnes seront convoquées selon le désir de la commission.

Société nationale populaire du Québec. Vous êtes ici, merci. Mémoire no 78. Pierrefonds Comprehensive High School. Merci. Mémoire no 67. M. Louis-Paul Chénier. M. Chénier n'est pas ici. Le mémoire 148, M. Chénier. Il perd son tour. La convocation est pour dix heures le matin. Comité de coordination de l'ensemble de la communauté grecque de Montréal. Merci, monsieur. Mémoire 147. Institut canadien de recherches sur les pâtes et papiers. Merci, M. Gendron. Mémoire 100. Les fils du Québec. Oui. Merci, M. Barbeau. Mémoire 136. M. G. Brosseau. Merci, M. Brosseau, mémoire no 25.

Je veux aussi rappeler qu'aujourd'hui nous avons une séance de dix heures à treize heures, que nous devons ajourner sine die à treize heures, et attendre que les travaux de l'Assemblée nationale qui débutent à quinze heures soient terminés pour reprendre les travaux de la commission, ce qui veut dire vers seize heures quinze minutes, parfois plus tard. À ce moment-là, ce sera une nouvelle séance qui débutera et qui sera suspendue à 18 heures pour reprendre à 20 heures jusqu'à 23 heures ce soir. Je souhaite que tous ceux que nous avons invités puissent se faire entendre grâce à la collaboration de tous les membres de la commission. Au moment où nous avons ajourné... Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je me réfère à vos dernières remarques. Vous souhaitez que tous les invités puissent se faire entendre aujourd'hui. J'en compte dix. Vous avez notre collaboration. Je suis sûr que tous les membres de cette commission vous l'offrent régulièrement, mais il est quand même assez irréaliste de penser que nous allons pouvoir passer dix mémoires aujourd'hui, non pas que je vous suggère une autre façon de procéder, vous êtes maître de notre procédure, mais je n'aimerais pas laisser penser à des gens ici que ceux qui sont aux derniers rangs ont des chances de passer aujourd'hui. Je pense que ce ne serait pas être honnête avec eux.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, j'ai déjà rencontré les membres qui sont les trois derniers sur la liste et je leur ai clairement indiqué que mon souhait était un voeu pieux et qu'il était fort possible qu'ils soient obligés de revenir. Alors, cela a déjà été indiqué.

Au moment où nous avons ajourné nos travaux, hier soir à 18 heures, M. Laurion était le témoin, je l'invite donc à se présenter à nouveau devant nous. À nouveau, pour les fins du journal des Débats et des membres de la commission, je l'invite à s'identifier. La parole était à ce moment-là à Mme le député de L'Acadie, qui interrogeait le témoin.

Mme le député de L'Acadie avait déjà employé cinq minutes sur les vingt minutes permises à son parti de l'Opposition officielle. M. Laurion, si vous voulez bien vous identifier, s'il vous plaît?

M. Gaston Laurion

M. Laurion: Gaston Laurion, écrivain et professeur titulaire de littérature québécoise et française à l'université Concordia.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Laurion. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Quand nous nous sommes quittés hier soir, j'avais posé une question à M. Laurion à savoir s'il ne trouvait pas des éléments de discrimination dans le critère retenu pour établir l'accès des élèves à l'école anglaise, je lui avais cité un exemple et j'attendais sa réaction.

M. Laurion: Non, j'attendais que vous m'expliquiez. Je vous avais posé la question à savoir quels sont ceux qui, de fait, sont les anglophones authentiques qui se trouvent exclus de l'admissibilité à l'école anglaise par la loi proposée?

Mme Lavoie-Roux: Je vous avais cité un cas, M. Laurion...

M. Samson: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, avant que cette commission ne continue ses travaux, je pense qu'il est bon d'établir dès maintenant qu'il n'est pas d'usage que les témoins posent des questions aux membres de cette commission, sauf s'ils veulent les poser au ministre responsable. Je pense qu'il est très important qu'on le fasse connaître immédiatement, c'est nous qui posons les questions.

M. Guay: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau.

M. Guay: Sur la question de règlement, toute personne qui comparaît a le droit de demander, sous forme de question, des précisions au député qui pose la question, cela me semble être un droit élémentaire...

M. Samson: M. le Président, j'invoque l'article 96 pour dire qu'on m'a mal compris et mal cité. On peut poser une question à un député qui a la parole pour lui demander des précisions. Le genre de question qui vient d'être posée, ce n'est pas ce genre de question. On devrait le comprendre.

M. Guay: J'ai compris que c'était exactement ce genre de question, M. le Président.

M. Samson: Non, ce n'est pas ce genre de question.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît)

M. Guay: Ce n'est pas à vous à décider, M. le député de Rouyn-Noranda, c'est au président.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Samson: M. le Président, je comprends que le député de Taschereau veut protéger un témoin qui est un ancien candidat péquiste...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, M. le député! À l'ordre...

M. Samson:... mais c'est à ce moment-là de la partisanerie.

Le Président (M. Cardinal): ... M. le député de Rouyn-Noranda, à l'ordre, je vous en prie! Je ne permettrai pas qu'une question de règlement... à l'ordre, s'il vous plaît! Je ne permettrai à aucun moment, je l'ai dit hier, je regrette que je ne puisse pas me lever à cette table pour faire taire ceux qui ne sont pas dans l'ordre, je ne permettrai pas qu'une question de règlement devienne un débat et surtout, un débat politique.

La parole est au député de Taschereau, sur la question de règlement. Vous avez terminé M. le député?

M. Guay: J'ai fait valoir le point de vue. Le député de Verchères a également une intervention à faire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères sur le point de règlement.

M. Charbonneau: Je veux simplement ajouter un mot à la suite de ce que mon collègue a dit. Si M. le député de Rouyn-Noranda l'avait oublié, le dialogue entre le député de L'Acadie et le témoin avait déjà commencé avant l'ajournement, hier. Je pense que la question était dans la suite de ce qui s'était discuté hier.

M. Samson: Cela ne change rien au principe, M. le Président.

M. Charbonneau: Cela change bien des choses, M. le député.

M. Samson: M. le Président, cela ne change rien au principe.

M. Alfred: Question de règlement, M. le Président.

M. Samson: Et je continue à...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît. Écoutez, je viens de...

M. Samson: Ils sont sympathiques quand c'est un péquiste qui est à la table. Ils vont tous y passer chacun leur tour.

Le Président (M. Cardinal): M. le Président, je vous prie de ne pas... M. le Président, je vous prie de... Pas M. le Président, mais M. le député de Rouyn-Noranda, je m'excuse.

M. Samson: Vous auriez dû prier hier.

Le Président (M. Cardinal): Vous savez ce que je vous ai répondu hier, à cette intervention. M. le député de Rouyn-Noranda, je vous prierais de ne pas imputer d'intention, ni aux membres de la commission, ni à la présidence.

M. Samson: M. le Président, il n'y a rien dans le règlement qui m'empêche d'avoir les yeux ouverts et de comprendre.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Alfred: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je considère l'incident clos et redonne la parole à M. Laurion, ou à Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pour que l'incident soit vraiment clos, je vais poser une autre question.

Au bas de la page 2, M. Laurion, vous traitez de la question des anglophones des autres provinces, qui ne pourraient pas être admis à l'école anglaise du Québec. Est-ce que, pour vous, sur une question de principe, vous admettez qu'on puisse faire des différences entre des citoyens?

Sans vous imputer quelque allégeance ou quelque opinion politique particulière, sur le plan des principes, les gens qui habitent l'Ontario, qui habitent le Québec, sont tous des citoyens canadiens. Il y a, ici, des citoyens qui ont des écoles françaises et il y en a aussi pour qui il y a des écoles anglaises et je ne crois pas que même le projet de loi no 1 envisage de les supprimer.

Ne croyez-vous pas qu'en refusant l'admission des anglophones des autres provinces qui sont citoyens canadiens, au même titre que les anglophones du Québec, vous ne créiez deux classes de citoyens, donc un autre facteur de discrimination entre citoyens?

M. Laurion: Je pense que j'ai expliqué cela assez clairement dans mon texte. Si vous lisez un peu plus loin, en bas de la page 2 et en haut de la page 3, j'estime que, pour ce qui est des questions de juridiction exclusivement provinciale dans la constitution — c'est l'argument constitutionnel, à mon avis, que vous soulevez — pour ces questions, les citoyens des autres provinces sont exactement dans la position d'un étranger. Quand il s'agit de juridiction strictement provinciale, il n'y a aucune différence à faire entre quelqu'un, un nouveau résident — appelons-le nouveau résident, pour ne pas employer le mot "immigrant", parce que le mot "immigrant", justement, suppose le ministère de l'Immigration fédéral — quel qu'il soit, qu'il soit immigrant ou venant d'une province québécoise... Il doit être traité, enfin, tous ces nouveaux résidents doivent être traités de la même façon quand il s'agit d'une question de juridiction strictement provinciale, et la langue en est une et l'enseignement en est une.

Mme Lavoie-Roux: C'est tout, M. le...

Le Président (M. Cardinal): Après Mme le député de L'Acadie, la parole est maintenant, d'après l'ordre établi hier, à M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, à la page 3, lorsque vous invoquez une réserve à l'article 52, vous dites que les dispositions sur la langue d'enseignement ne s'appliquent qu'aux niveaux primaire et secondaire et qu'à votre avis, elles devraient s'étendre, toujours au nom de la cohérence, au collégial et à l'universitaire. Vous appliquez, comme seule réserve, les étrangers qui viendraient à ce niveau. Croyez-vous qu'à l'élémentaire et au secondaire, l'apprentissage du français soit à un point tel que les élèves puissent le maîtriser d'une façon adéquate, parce qu'ils traversent l'élémentaire et le secondaire, et qu'il n'y aurait aucun danger lorsqu'ils sont rendus au niveau collégial ou s'il y a un choix d'écoles?

M. Laurion: Je ne me suis pas placé sur ce plan; je me suis placé essentiellement, dans mon raisonnement, sur le plan du principe fondamental, à savoir que le système d'enseignement anglophone est destiné, strictement pour des raisons historiques, à notre minorité anglophone et que, par conséquent, ce système d'enseignement ne doit accepter, en aucune façon, des personnes qui ne jouissent pas de ce privilège historique.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Lotbinière.

M. Biron: M. Laurion, je vous remercie spécialement de votre présence ce matin. J'ai été frappé, hier, à la lecture de votre mémoire et surtout après une question, je crois, du député de L'Acadie, lorsque vous avez employé, à quelques reprises, le mot "moi". "Je voudrais, rapidement, pendant que je suis encore vivant, vivre au Québec une vie française", écrivez-vous. Alors, il semble que vous êtes pressé pour vivre cette vie. Est-ce que vous vous imaginez que vos enfants ou vos petits-enfants vont pouvoir continuer à vivre cette vie française au Québec?

M. Laurion: Je l'espère bien. J'espère bien que mes enfants et mes petits-enfants pourront vivre en français au Québec, mais j'ai voulu insister sur le fait que, personnellement, j'ai également le droit de vivre en français, intégralement en français, dans un pays français, d'avoir, en somme, mon pays. C'est un argument subjectif, si vous voulez, mais personnellement, je ne crois pas que l'objectivité soit le fin du fin. L'objectivité, c'est un moyen de communication, comme la statistique, d'ailleurs, qu'il faut dépasser, parce qu'au fond, se trouvent, ici, des personnes au-delà de ce que peuvent cerner des principes objectifs, des Québécois réels, en chair et en os, qui ont, comme tous les membres de la commission invoqué ces principes au début, des droits des personnes, des droits personnels. C'est cela que j'ai voulu dire à ce moment. Moi aussi, comme personne, comme Québécois, j'ai des droits personnels. Si je viens ici, ce n'est pas uniquement au nom d'une espèce d'objectivité abstraite. C'est parce que je suis un être humain qui veut quelque chose.

M. Biron: M. Laurion, les Québécois qui parlent la langue anglaise au Québec au nombre de 1,4 million ou quelque chose comme cela. Ce sont des Québécois qui ont des droits personnels aussi, vous reconnaissez cela.

M. Laurion: Ce sont des Québécois qui ont des droits personnels, mais dans tous les pays, vous trouverez aussi des minorités dont les membres ont des droits personnels. Seulement, ces droits personnels doivent être compatibles avec ceux de la collectivité, toujours. Ils doivent absolument être compatibles avec ceux de la collectivité. Lorsqu'il y a antagonisme, il faut trancher.

M. Biron: Vous avez employé le mot "collectivité". Est-ce que vous croyez qu'au Québec, nous n'avons qu'une collectivité ou y a-t-il une collectivité française et une collectivité anglaise?

M. Laurion: Non, au Québec... Moi, je vois le Québec comme un... Enfin, il s'agit de s'entendre, à savoir s'il s'agit de territoire ou s'il s'agit de population. S'il s'agit de territoire, évidemment, il y a un territoire.

M. Biron: Ce n'est pas le territoire.

M. Laurion: Je veux éviter qu'on me dise que je fais l'indépendance avant le temps. C'est pour ça, tout simplement, que je prends des précautions.

M. Biron: Non, je parle des individus. M. Laurion: Oui.

M. Biron: Je parle des Québécois et des Québécoises.

M. Laurion: Concernant les individus, nous avons ici un peuple québécois, comme tous les pays du monde ont un peuple. Nous avons un peuple fondé sur la notion de nation, d'ailleurs. Nous avons ça. Enfin, tout ça a été cerné par les sociologues ces dernières années. Or, dans tout pays, c'est le peuple et non pas les groupes minoritaires qui décident des questions majeures. Le peuple...

M. Biron: Non, mais ce que je... Excusez...

M. Laurion: Les groupes minoritaires viennent se joindre au peuple. Ils ne sont groupes minoritaires, au fond, que temporairement. Ils viennent se joindre.

M. Biron: M. Laurion, je vais vous demander d'être bref. Nous n'avons que dix minutes pour notre parti.

M. Laurion: Bon.

M. Biron: Je vous ai demandé si vous reconnaissiez, que les anglophones du Québec forment une collectivité articulée, comme les francophones en forment une.

M. Laurion: Non, c'est, à mon avis, un groupe minoritaire.

M. Biron: Vous n'êtes pas d'accord, comme ça, avec le premier ministre qui, lorsque je lui ai demandé, il y a à peu près un mois, le 4 mai dernier: "Est-ce que le premier ministre est d'avis que les anglophones du Québec forment une collectivité articulée ayant ses droits propres consacrés par l'histoire et ses institutions?" m'a répondu: "Pour être articulée, il n'y a pas d'erreur et c'est normal. Pour ce qui est des droits, nous les reconnaissons. Il ne s'agit pas d'en faire du légalisme. Il s'agit d'une situation de fait, qui est ancrée dans l'histoire depuis deux siècles, qui fait partie de notre contexte historique et que nous reconnaissons".

Alors, vous n'êtes pas d'accord avec le premier ministre lorsqu'il reconnaît une collectivité articulée pour les anglophones?

M. Laurion: Lorsqu'il lui reconnaît des droits, non, je ne suis certainement pas d'accord.

M. Biron: M. Laurin... M.Laurion: ...Laurion.

M. Biron: ...vous m'avez dit, tout à l'heure... Une voix: Excusez, M. le ministre.

M. Biron: ...que vous vouliez quelque chose pour vos enfants, vos petits-enfants. Vos enfants apprennent-ils le français et l'anglais aujourd'hui ou n'apprennent-ils qu'une seule langue, comme individus, je ne veux pas parler de collectivité?

M. Laurion: Comme individus, mes enfants apprennent le français et l'anglais — ceux que j'ai

ici. Mais enfin, je ne vais pas vous raconter toute mon histoire familiale — c'est très complexe. Nous pourrons en reparler après, si vous voulez! Et ils ont également appris un peu l'espagnol. Voilà. Oui.

M. Biron: Oui, mais, comme individus, vous voulez quand même qu'ils apprennent la langue anglaise?

M. Laurion: Non. Comme individus, je voudrais qu'ils aient le choix — j'ai des idées très précises sur le système d'enseignement — Je voudrais qu'ils soient dans la position de la plupart des enfants occidentaux, c'est-à-dire qu'ils aient le choix d'apprendre deux langues étrangères au niveau secondaire et qu'ils puissent choisir. Il est probablement normal que, dans 90% des cas ou 95% des cas, l'une de ces langues sera l'anglais, mais j'aimerais qu'il y ait là libre choix des langues étrangères et qu'il n'y en ait pas qu'une, mais deux, comme cela se fait, normalement, chez les peuples civilisés. Seulement ici, nous avons été...

Je ne veux pas prendre trop de votre temps sur cette question. Je m'arrête.

M. Biron: Très bien. Vous nous avez parlé tout le long de la langue, mais si on adoptait votre position sur le projet de loi no 1, quels sont les impacts économiques qu'on pourrait avoir sur le Québec — avez-vous figuré cela? — vis-à-vis des multinationales, en particulier, ou des sièges sociaux d'entreprises qui doivent fonctionner en anglais et en français à cause du contexte nord-américain? Vous n'ignorez pas qu'il y a tout près de 250 millions d'anglophones autour de nous. Un siège social doit fonctionner dans la langue de la majorité.

M. Laurion: II y a des dispositions dans la loi qui s'occupent des sièges sociaux. Je pense que les sièges sociaux, enfin, les organismes internationaux fonctionnent, dans tous les pays du monde, dans la langue de ces pays. Il n'y a aucune difficulté, avec quelques exceptions, dans certains cas, pour les communications internationales. C'est prévu dans la loi. Je n'y vois aucun inconvénient. J'estime que ceux qui nous parlent des sièges sociaux et de l'impact économique sont de parfaits maîtres-chanteurs.

M. Biron: Vous, personnellement, avez parlé d'impact économique. Avez-vous de l'expérience dans l'économie? Personnellement, avez-vous vécu au sein des entreprises?

M. Laurion: Non. Je n'ai pas d'expérience dans le domaine économique. Je n'en ai aucune et je m'en flatte. Cela me permet d'être libre sur ce plan.

M. Biron: C'est-à-dire que, lorsque vous parlez d'économie, dans le fond, vous n'avez aucune expérience. Vous ne connaissez pas cela, vous êtes prêt à reconnaître cela avec moi?

M. Laurion: Non. Je n'ai pas d'expérience, comme la plupart des citoyens dans un pays. Je suis dans le cas de 80% du peuple. Je suis un être normal.

M. Biron: Très bien. Donc, parce que vous avez reconnu tout à l'heure qu'au point de vue économique, cela ne faisait rien, mais vous me dites: Je ne connais pas cela l'économie.

M. Laurion: Je peux raisonner quand même et voir ce qui se passe dans d'autres pays, tout en n'étant pas spécialiste.

M. Biron: Qu'est-ce qui arriverait maintenant si on adoptait aussi votre position du Canadien français dans les autres provinces du Canada? On sait qu'on en a à peu près un million. Qu'est-ce qui leur arriverait?

M. Laurion: Le Canadien-français dans les autres provinces est soumis aux lois de chacune des provinces. Il arriverait probablement ce qui arrive encore aujourd'hui et depuis plusieurs années. C'est un dépérissement progressif. C'est ce que nous avons constaté depuis plusieurs années, je pense. Alors, cela continuerait peut-être, mais, d'autre part, nous pourrions peut-être aider... Étant forts de notre position ici, nous pourrions certainement avoir des missions culturelles dans les autres provinces pour pouvoir aider nos compatriotes, si l'on peut dire, canadiens-français.

M. Biron: Vous seriez prêt, comme cela, à reconnaître aussi les missions culturelles des autres provinces au Québec pour aider leurs compatriotes canadiens-anglais?

M. Laurion: Certainement, comme on reconnaît des missions culturelles à tous les pays du monde. Tous les pays du monde ont des missions culturelles. Il y a des conseillers culturels qui sont ici dans les ambassades et les consulats. C'est tout à fait normal.

M. Biron: Une dernière question, M. Laurion. Vous dites à un endroit qu'il faut traiter les anglophones du Québec avec générosité. J'ai déjà demandé au premier ministre d'enlever ce mot-là et de le remplacer par justice. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait être juste envers tout le monde?

M. Laurion: J'ai parlé également de justice. Je n'ai pas dit qu'il fallait les traiter avec générosité. Je pense que j'ai dit qu'on les traitait, que la loi les traitait déjà avec une grande générosité, mais j'ai également employé le mot justice. Je crois qu'il faut les traiter avec justice, en effet. -

M. Biron: Peut-être une petite question bien personnelle.

Le Président (M. Cardinal): La dernière.

M. Biron: La dernière. Vous pouvez me répondre ou non. Je reviens à ce que le député de

Rouyn-Noranda a dit tout à l'heure. Est-ce que c'est vrai que vous avez été candidat péquiste aux dernières élections?

M. Laurion: C'est vrai que j'ai été candidat. Je ne m'en cache pas. On ne peut pas se cacher de ces choses-là. Je l'ai été à deux reprises, en 1973 et en 1976.

M. Biron: Dans quel comté?

M. Laurion: Dans le comté de Westmount.

M. Biron: Vous étiez missionnaire.

M. Laurion: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Lotbinière. La parole est au député de Verchères qui sera suivi du député de Beauce-Sud.

M. Charbonneau: Je voudrais seulement faire une petite remarque, M. le Président. Je n'abuserai pas du temps. Je pense qu'il était important de faire les distinctions de mots. M. Laurion, à quelques reprises, a employé le mot peuple et parfois le mot nation. Je pense que dans l'esprit, si on regarde le texte du projet de loi et le texte du livre blanc, quand le terme peuple est utilisé, il veut dire l'ensemble des citoyens du Québec, qu'ils soient anglophones, francophones ou d'autres origines. Lorsqu'on utilise le terme nation, je pense que ce terme ne s'applique pas à l'ensemble des citoyens du Québec. Il y a, au Québec, la majorité francophone qui fait partie d'une nation, qui est le noyau de la nation que l'on appelle canadienne-française ou franco-québécoise et on pourrait même l'appeler québécoise, parce que c'est le premier groupe, outre les Amérindiens, qui s'est installé ici. De toute façon, le terme nation n'englobe que ce groupe particulier. Lorsqu'on parle de la majorité, je pense qu'on parle de la nation canadienne-française ou franco-québécoise. Dans ce sens, il est également vrai de dire qu'une bonne partie des anglophones du Québec sont membres ou intégrés à une autre nation qui est la nation anglo-canadienne ou canadienne-anglaise. Je m'en réfère là-dessus à plusieurs études, entre autres, à celle du professeur Jacques Brassard de l'Université de Montréal qui a longuement étudié cette question.

C'est important de ne pas mélanger les termes, parce qu'au cours des prochains mois, tant sur cette question de la langue que sur d'autres questions, on va utiliser abondamment ces expressions de nation et de peuple et à mon sens il est important de savoir de quoi on parle.

C'est la seule remarque que je voulais faire au sujet du mémoire; quant aux autres remarques, je pense que d'autres députés ont déjà fait des commentaires.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. Laurion veut répliquer?

M. Laurion: Oui. Ces deux notions s'interpénètrent dans le cas du Québec, je pense. Sinon, on en vient à distinguer des groupes au Québec et pas un peuple. S'il y a un peuple québécois, ce peuple ne peut être essentiellement que la nation, comme il y a un peuple allemand qui ne peut être essentiellement que la nation; il peut y avoir des groupes minoritaires en Allemagne, il y a eu les Juifs, par exemple, qui ont formé un groupe minoritaire très important, on sait ce qui leur est arrivé. En France, il y a les Bretons, par exemple, il y a les Basques, il y a certains groupes minoritaires.

Mais il n'en reste pas moins que ces groupes minoritaires font partie essentiellement de la nation française. Ce qui fait la nation, c'est une certaine unité culturelle et cette unité culturelle doit devenir la dominante du peuple également, et c'est ça que nous voulons faire ici. Notre unité culturelle nationale est mise en question quand on parle du peuple québécois, c'est ce qu'il faut renverser. Peuple et nation doivent se correspondre, doivent s'interpénétrer de façon que quand on dit peuple québécois, eh bien, il s'agit de francophonie. Il s'agit essentiellement de francophonie avec des groupes minoritaires dont le groupe anglophone, mais il s'agit essentiellement de francophonie et pas d'autre chose. Si bien, qu'on ne doit pas dire qu'il y a des Québécois francophones, des Québécois anglophones, des Québécois italophones, etc.

Cela ne doit pas exister. On ne dit pas qu'il y a des Français anglophones, ça n'existe pas.

M. Charbonneau: M. le Président, juste pour...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, vous avez encore la parole.

M. Charbonneau: Je pense qu'il faut se rappeler qu'il y a peut-être deux définitions au terme peuple. Il y en a une qui fait en sorte que peuple et nation sont synonymes, c'est dans ce sens que d'ailleurs la Charte des Nations Unies prévoit le droit à l'autodétermination des peuples. Mais il y a une autre définition qui est plus juridique, qui est peut-être plus... non pas anglophone, mais d'origine anglaise, je pense que c'est celle-là qui a été retenue, qui fait en sorte que le peuple québécois, c'est l'ensemble des citoyens du Québec, l'ensemble des habitants du Québec.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je vois par votre mémoire que vous avez étudié la question passablement à fond. Je dois vous en féliciter. J'aimerais vous poser la question suivante, suite aux questions posées par le député de Lotbinière indiquant que vous n'aviez aucune préoccupation économique. J'aimerais vous demander si vous êtes d'opinion qu'une législation sur la langue est plus importante que l'état de l'économie d'une nation ou d'un peuple, peut importe le terme qu'on peut utiliser?

M. Laurion: D'abord, je n'ai pas dit que je n'avais aucune préoccupation économique, j'ai dit que je n'avais aucune spécialité économique. Je ne suis pas un spécialiste de l'économique. De là à ne pas avoir de préoccupation économique, enfin, je n'en ai pas beaucoup, ça ne veut pas dire que je ne crois pas que l'économie ne soit pas importante chez un peuple. L'économie est une partie des leviers de n'importe quel peuple. Mais je ne vois pas d'incompatibilité dans le fait qu'un peuple puisse s'affirmer comme tel et son économie. Je ne vois pas du tout d'incompatibilité à ce qu'un Allemand soit Allemand et qu'il fasse des affaires en allemand, qu'un Italien soit Italien et qu'il fasse des affaires en italien.

Il n'y a pas d'incompatibilité.

Ici on a tendance à établir cette incompatibilité en raison de la situation qu'a apportée chez nous la domination économique anglo-saxonne, précisément. C'est une domination. Précisément, si j'ai bien compris, le projet de loi veut faire un retour sur cette domination, c'est-à-dire diminuer l'empire de cette domination sur le peuple québécois.

M. Roy: Mais ne croyez-vous pas qu'au lieu d'une législation qui apporterait des contraintes... Vous avez mentionné dans votre mémoire qu'il devrait y avoir plus de contraintes que celles exprimées et établies dans le projet de loi de la Charte de la langue française. Ne croyez-vous pas que cela pourrait créer des inconvénients énormes aux Québécois francophones qui sont dans le monde des affaires, actuellement, et qui tentent de se tailler une place dans le contexte canadien, dans le contexte nord-américain, parce que la géographie est encore là et elle le sera encore le lendemain de l'indépendance, qu'il y ait indépendance, souveraineté-association ou pas. Ne croyez-vous pas qu'il y a un danger énorme, à ce moment-là, qu'on place les nôtres, — je ne parle pas des anglophones, je ne parle pas des immigrés. Je comprends qu'à Montréal cela peut être différent, mais nous avons énormément d'autres régions au Québec — qui sont actuellement dans le monde des affaires, dans des situations où ils seraient aux prises avec des difficultés telles qu'ils ne pourraient pas donner à leurs entreprises l'expansion qu'ils souhaiteraient? Cela risquerait de placer les nôtres, des Québécois, des francophones, comme vous avez dit, dans l'obligation d'aller résider ailleurs, soit aux États-Unis ou dans les autres provinces.

M. Laurion: Je ne vois pas comment une entreprise qui est compétente et qui offre des services, des objets ou des produits de qualité, puisse avoir des difficultés à faire ses affaires à la suite de l'adoption du projet de loi no 1.

On n'a jamais dit que les chefs d'entreprise au Québec ne devraient pas parler des langues. Quand les chefs d'entreprise feront des affaires avec les Américains, ils parleront l'anglais et quand ils feront des affaires — et je l'espère, bientôt — avec l'Amérique du Sud, ils connaîtront peut-être l'espagnol. Ce serait peut-être utile de penser à connaître l'espagnol pour faire de bonnes affaires avec ce continent qui est le continent de l'avenir.

Mais je ne vois pas d'incompatibilité. Dans aucun pays, il n'y a cette incompatibilité. Pourquoi y en aurait-il ici? Je ne vois pas.

M. Roy: Une dernière question, M. le Président. Malheureusement, j'en aurais bien d'autres à poser, mais mon temps est limité. J'aimerais demander s'il y a bien d'autres pays, puisque vous avez étudié la question à fond, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qui ont légiféré de cette façon, pour sauver leur culture et leur langue, dans le monde?

M. Laurion: II y a très peu de pays qui ont été placés dans notre position, qui ont eu à légiférer. Il y a les Suisses qui ont légiféré indirectement, avec leur système de cantons, puisque dans chaque canton, il y a une langue et une école. Lorsqu'on change de canton, on change de langue et d'école.

Il y a les Flamands qui ont légiféré récemment et je vous assure — j'engage tous les membres de la commission à lire la loi flamande sur la langue — que c'est beaucoup plus draconien que ce qui est proposé dans la loi 1.

M. Roy: Et cela crée des problèmes en Belgique.

M. Laurion: Cela crée peu de problèmes. Il y a des problèmes à Bruxelles, dans la zone bilingue. Dans les zones unilingues, il y a très peu de problèmes et on essaie de résoudre ceux qui... Et ce sera soluble. Mais c'est à Bruxelles que la situation est complexe, parce que c'est une zone bilingue, justement.

M. Roy: II y a des situations assez paradoxales, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud, je vais vous demander de terminer, s'il vous plaît.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, en parlant de la Belgique, est-ce que M. Laurion est au courant de la quantité de pénalités qui ont été appliquées en Belgique à la suite de la loi linguistique?

Vous dites que la loi est très sévère, que ce soit dans la zone wallonne ou dans la zone néerlandophone. Est-ce que la loi a été appliquée?

M. Laurion: Dans la zone wallonne, il n'y a pas de loi spéciale dans ce sens. C'est dans la zone flamande qu'il y a une loi sur le...

M. Lalonde: Est-ce que ce n'est pas de l'unilinguisme dans les deux zones?

M. Laurion: C'est de l'unilinguisme dans les deux zones, et les Flamands ont senti le besoin

justement de légiférer sur la langue, parce que le français s'était imposé dans toute la Belgique et qu'ils étaient laissés pour compte.

M. Lalonde: Mais, c'est ma question, est-ce qu'elle a été appliquée dans les faits? Est-ce que, au fond, la coercition qui est contenue dans la loi... Vous ne le savez pas?

M. Laurion: Honnêtement, je ne peux pas vous dire, je ne sais pas exactement... J'ai lu la loi, qui est sérieuse, puisqu'un inspecteur du gouvernement peut pénétrer dans n'importe quelle entreprise, de jour et de nuit, et constater que les choses se font en flamand ou pas et tout en flamand.

M. Lalonde: En lisant votre mémoire, cela a dû vous faire plaisir, de voir autant de coercition?

M. Laurion: Oui, cela m'a fait grand plaisir, parce qu'au moment où je l'ai lu, je me suis dit: Voilà des gens qui se tiennent debout, parce qu'à ce moment-là nous n'avions ici que la loi 22.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas commencer de débat, on parlera tantôt de la coercition, de votre conception de la société. Le député de Verchères a donné son opinion sur la définition du peuple québécois et, si je l'ai bien compris...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous permets certainement d'exprimer à votre tour votre opinion, mais je ne permettrai pas qu'il y ait un débat entre deux députés sur une différence d'opinion.

M. Lalonde: En préambule, j'ai dit que je ne veux pas commencer de débat.

Le Président (M. Cardinal): Exactement.

M. Lalonde: II a donné son opinion sur la définition de peuple québécois et, si ma mémoire est bonne, selon lui, le peuple québécois serait l'ensemble de tous les citoyens vivant au Québec, alors que le concept de nation pourrait être différent. M. Laurion, est-ce que vous trouvez que cette définition est contradictoire avec le premier article du préambule de la loi, qui se lit comme suit: "L'Assemblée nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois", en tenant compte de la définition du député de Verchères?

M. Laurion: Non, il n'y a aucune incompatibilité, justement. Il n'y en a strictement aucune.

M. Lalonde: Mais si le peuple québécois comprend tous les citoyens, est-ce que la langue française a été la langue de tous les citoyens?

M. Laurion: À ce moment-là, je pense qu'il faut faire une distinction très nette entre la notion de généralité et la notion d'universalité. Une loi ne peut se placer qu'au niveau de la généralité, jamais au niveau de l'universalité, et un principe ne peut jamais rejoindre tous les individus, ce n'est pas possible. Même dans n'importe quel pays du monde, on vous répondrait non.

M. Lalonde: Je ne vous parle pas des dispositions effectives de la loi...

M. Laurion: Oui, mais, à votre question...

M. Lalonde: ... mais le préambule décrit une situation. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette description?

M. Laurion: Je suis parfaitement d'accord sur ce que dit le préambule, qui se place à un point de vue général, et il ne peut pas se placer à un point de vue universel, c'est-à-dire qu'il ne peut pas tenir compte de chaque unité pour définir sa position.

M. Lalonde: Quelle est la distinction que vous pouvez faire entre généralité et universalité?

M. Laurion: C'est très important.

M. Lalonde: Quelle que soit la distinction qu'on puisse faire entre les deux, est-ce que, en tenant compte du fait que le peuple québécois comprend l'ensemble de tous les citoyens canadiens vivant au Québec, depuis toujours, la langue française est la langue du peuple québécois, donc de tous les membres du peuple québécois?

M. Laurion: Depuis toujours, la langue française est la langue du peuple québécois, car ceux qui ne sont pas de langue française et qui sont venus au Québec auraient dû normalement adopter la langue du peuple, c'est-à-dire la langue générale, la langue commune du peuple, comme la langue française est la langue du peuple français, et ceux qui vont en France doivent adopter cette langue commune du peuple français, même s'ils parlent une autre langue, et c'est la même chose dans tous les pays du monde.

M. Lalonde: Est-ce que votre conception de la société, de celle que vous nous proposez, au point de vue linguistique et culturel, nécessite la disparition de la minorité anglophone comme groupe culturel?

M. Laurion: Non, je ne crois pas, malgré les études de M. Lachapelle, avec sa notion de disparition tendancielle. C'est là où je crois qu'il faut sortir des statistiques justement pour arriver à la matière. Je ne crois pas, je ne vois pas comment ce peuple, non pas ce peuple, mais ce groupe peut disparaître dans une Amérique du Nord où il est culturellement surprotégé et où il domine entièrement, dans une Amérique du Nord qui même est devenue synonyme, pratiquement d'anglophonie.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, lorsque les anglophones parlent de North America, rassurez-vous, cela ne signifie pas du tout... On nous exclut entièrement. Quand on parle de North America, on exclut le Mexique et on exclut le Québec. Cela n'existe pas. North America, c'est anglophone essentiellement, dans la tête d'un anglophone.

M. Lalonde: Si votre conception de la société que vous nous proposez ne nécessite pas la disparition de la minorité et, au contraire, d'après votre réponse, cette minorité anglophone va continuer d'exister et de vivre au Québec, comment voulez-vous alors qu'une loi qui est essentiellement uni-linguiste puisse réussir?

M. Laurion: Je ne vois pas comment une minorité ne pourrait pas réussir à vivre — les Juifs ont vécu dans tous les pays du monde et ce sont des minorités — si cette minorité veut bien vivre, elle vivra. Seulement, il est absolument évident que cette minorité anglophone va se réduire à des effectifs qui auraient toujours dû être les siens. Il ne faut pas oublier que, quand on parle de la minorité anglophone, on dit toujours 20%. Nous savons très bien que, sur ces 20%, il y en a près de la moitié, un peu moins de la moitié, qui ne sont pas des anglophones de souche, qui viennent d'autres nations du monde. Donc, il serait normal qu'il y ait une certaine diminution. C'est ce que M. Lachapelle aurait dû dire dans son article. Il y aura une certaine diminution, mais il n'y a...

M. Lalonde: Comme groupe, vous reconnaissez que cette minorité va continuer à vivre comme groupe...

M. Laurion: Elle va continuer de vivre, avec tout le réseau de télévision qui l'entoure, avec toute la littérature américaine et canadienne qui est à sa disposition. Il n'y a aucune raison.

M. Lalonde: À ce moment, si elle va continuer de vivre, ou si vous reconnaissez sa survivance comme groupe culturel, est-ce que vous ne croyez pas normal — je n'aime pas le mot "normal", on l'emploie à toutes les sauces — juste, disons, de reconnaître à ses membres des droits pour conserver sa culture et la développer, non pas en contradiction avec celle de la majorité, mais tout simplement en conformité avec sa volonté juste et naturelle de se développer comme groupe culturel?

M. Laurion: Je reconnais normal qu'on lui accorde des privilèges. Je ne lui reconnais aucun droit...

M. Lalonde: Même le droit de s'exprimer dans sa langue, individuellement, oralement?

M. Laurion: C'est le droit des gens de s'exprimer...

M. Lalonde: Est-ce que vous reconnaissez le droit des gens?

M. Laurion: Oui, c'est le droit des gens de s'exprimer dans leur langue, oralement, c'est absolument évident. D'ailleurs, la loi ne va pas contre cela du tout. Il est absolument évident que n'importe quel individu, où qu'il soit dans le monde, peut s'exprimer dans sa langue.

M. Lalonde: Par écrit.

M. Laurion: S'il est compris par son interlocuteur, bien entendu, mais pas d'imposer sa langue. C'est une autre affaire.

M. Lalonde: Si je vous ai bien compris, est-ce que vous assujettissez son droit de s'exprimer dans sa langue à ce qu'il soit compris? Il peut choisir de s'exprimer même s'il n'est pas compris.

M. Laurion: II peut toujours parler dans le vide comme certains choisissent de le faire, même des témoins de cette commission, qui choisissent de parler une langue qui n'est pas la langue commune au Québec.

M. Lalonde: Maintenant, pour l'expression écrite?

M. Laurion: On peut toujours s'envoyer des lettres d'amour dans sa langue personnelle, je pense. Il n'y a aucune...

M. Lalonde: Alors, seulement au niveau privé, pas au niveau public.

M. Laurion: Sur le plan public, d'ailleurs, la loi est très libérale à ce sujet; on prévoit même que, si toutes les parties sont d'accord, on pourra même plaider en langue étrangère au Québec. Là, il faudrait que les parties soient d'accord à ce moment.

M. Lalonde: Vous avez dit tantôt que vous reconnaissez le droit des gens. Est-ce que vous pensez qu'une loi linguistique, aussi unilinguiste qu'elle puisse être, doive respecter fondamentalement les droits et les libertés naturelles des gens?

M. Laurion: Une loi linguistique, évidemment, oui, dans la mesure du possible, dans la mesure où ces droits ne deviennent pas incompatibles, précisément, avec la loi linguistique.

Prenez n'importe quel pays, je me place d'un point de vue très simple, vous savez, je prends le cas de n'importe quel pays au monde où on n'a même pas besoin de légiférer. Alors, ces choses existent de soi, tout simplement. Un anglophone ne va pas venir en France et exiger, par exemple, qu'on l'écoute dans un tribunal en anglais. Ou bien, s'il ne peut pas parler français, le cas échéant, on lui donnera un interprète. On sera juste à son égard. C'est ça, la justice.

M. Lalonde: Si, sur les quelque 50 millions de Français, donc des citoyens de France, il y avait 20 millions, dont 10 millions, 20% à peu près, qui parlaient l'italien — pour les fins, de mon exem-

ple — ne croyez-vous pas qu'il serait normal, juste désirable, indiqué, que le gouvernement prenne des dispositions pour améliorer l'accès à la justice de ces gens?

M. Laurion: Votre exemple est très insidieux. Il paraît très objectif, comme ça, mais en réalité, s'il y avait 20 millions d'Italiens en France, il y aurait une Italie quelque part en France. Or, ce n'est pas possible.

M. Lalonde: Pas nécessairement.

M. Laurion: On ne pourrait pas parler de minorité. Cela paraît... Vous voyez où mènent les chiffres.

M. Lalonde: Non, mais justement, vous ne prenez que des exemples de pays qui n'ont pas de minorité linguistique importante. Vous les appliquez sans tenir compte de la réalité pluraliste au niveau linguistique au Québec. Alors, j'ai tenté de vous donner un exemple tout à fait imaginaire. Naturellement, je comprends qu'il ne s'applique pas beaucoup à la réalité française ni italienne, parce que là-bas, ce n'est pas la même réalité linguistique. Mais, de votre côté, vous appliquez un schéma, avec coercition, avec dirigisme, dans votre mémoire. Vous l'avez un petit peu, je pense, changé tantôt, quand vous avez reconnu qu'une minorité linguistique pourrait survivre dans votre genre de société. Mais, quant à moi, et je vais mettre fin à ma période de questions là-dessus, je n'aimerais pas vivre dans le genre de société que vous proposez, M. Laurion.

M. Laurion: À ce moment-là, il vous reste une possibilité. C'est de déménager.

M. Lalonde: C'est le niveau de tolérance que vous avez.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Rouyn-Noranda, est-ce que vous désirez soulever une question de règlement ou vous adresser au témoin?

M. Samson: M. le Président, je désire m'adresser au témoin.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, vous avez cinq minutes, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. Laurion, vous avez mentionné tantôt que vos enfants apprenaient certaines langues, dont l'anglais. Est-ce que, vous-même, avez eu l'occasion d'apprendre aussi l'anglais?

M. Laurion: Personnellement, j'ai appris très peu l'anglais, moi. J'ai appris l'anglais au Québec, dans mon enfance. Enfin, j'ai passé des examens d'anglais au niveau secondaire et même au niveau universitaire pour ma licence et puis, je suis allé en Europe et j'ai appris, tout seul, l'allemand et l'italien et, quand je suis revenu, je parlais mieux l'allemand que l'anglais. Seulement, j'ai été nommé en Ontario. Je connais très bien les anglophones, puisque j'ai passé neuf ans dans une université de langue anglaise, à Hamilton, en Ontario. À ce moment-là, j'ai fait la même chose. J'ai pris la méthode Assimil et j'ai appris l'anglais.

M. Samson: Est-ce que, compte tenu de la réponse que vous venez de me donner, vous ne croyez pas que si vous n'aviez pas été au moins bilingue, il aurait été difficile pour vous de passer ces neuf ans dans une université anglaise de l'Ontario?

M. Laurion: Ah! Mais c'est absolument évident que lorsqu'il y a nécessité, il faut apprendre des langues. Je n'appelle pas ça bilingue, moi. J'appelle ça apprendre des langues...

M. Samson: Disons...

M. Laurion: ...je n'aime pas le mot "bilingue".

M. Samson: ...je peux peut-être corriger, si vous le voulez...

M. Laurion: Oui.

M. Samson: ...si ça peut vous faire plaisir.

M. Laurion: Oui, ça me fait grand plaisir, parce que j'ai horreur du mot "bilingue".

M. Samson: Donc, pour épargner vos horreurs, je serais prêt à corriger ma question et vous demander, si vous n'aviez pas eu l'occasion d'apprendre l'anglais, il vous aurait été aussi facile de pouvoir passer les neuf ans que vous venez de mentionner dans une université de l'Ontario, université de langue anglaise.

M. Laurion: De fait, j'ai répondu à votre question, parce que je vous ai dit que lorsque j'ai été nommé dans cette université, j'ai pris la méthode Assimil pendant deux mois, avec deux leçons par jour au lieu d'une et puis, je suis arrivé à me débrouiller. Puis, là, j'ai parlé. C'est tout. J'ai appris en étant là, si vous voulez. Je pense que tout le monde peut faire ça lorsqu'il y a une nécessité, de par sa profession, ses fonctions, son activité, d'apprendre une langue; eh bien, on l'apprend. C'est tout.

M. Samson: Alors, si je comprends bien ce que vous venez de dire, la langue se trouve reliée intimement à la question économique parce que, que cela soit pour votre profession ou pour une fonction quelconque, c'est une question économique.

M. Laurion: Bien, une question économique...

M. Samson: Je ne pense pas qu'on exerce une profession bénévolement dans le sens de celle que vous avez exercée.

M. Laurion: Non, je ne crois pas que cela soit une question strictement économique, parce que je me souviens que c'était une question purement culturelle et d'intérêt personnel lorsque j'ai appris l'allemand et l'italien.

M. Samson: Je ne parle pas de l'allemand et de l'italien. Je parle de l'anglais.

M. Laurion: Ce n'est pas du tout une question économique.

M. Samson: Je parle de l'anglais, parce que l'allemand et l'italien, on va sortir cela du débat pour le moment, si vous voulez.

M. Laurion: Même l'anglais, j'aurais pu m'en passer.

M. Samson: Vous auriez pu vous en passer?

M. Laurion: C'était une question de relations interpersonnelles, surtout, puisque j'enseignais dans un département d'études françaises et, que par conséquent, j'aurais très bien pu aller là et enseigner le français. J'ai toujours enseigné en français, toute ma vie.

M. Samson: Dois-je comprendre par là que vous n'aviez pas à vivre dans le milieu où vous aviez à travailler?

M. Laurion: C'est ce que je vous dis. C'est une question de relations interpersonnelles à ce moment.

M. Samson: Oui, d'accord.

M. Laurion: Ce n'est pas une obligation économique proprement dite.

M. Samson: Quelle que soit la façon dont vous l'interprétez...

M. Alfred: ... psychologie...

M. Samson: Vous, à la prochaine élection, vous allez subir un blanchissage!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! À l'ordre! M. le député de Rouyn-Noranda, vous n'avez que cinq minutes. Je vous prierais de les employer à bon escient envers le témoin.

À l'ordre! M. le député de Vanier...

M. le député de Rouyn-Noranda, veuillez continuer.

M. Samson: Ce que j'essaie de comprendre ou de faire comprendre est que la situation que vous avez vécue en Ontario, pendant un certain temps, dans une université de langue anglaise, même si vos cours se donnaient en français, est que vous deviez vivre dans un milieu anglophone et le fait de parler anglais ne vous a sûrement pas nui.

M. Laurion: Non. Je l'ai appris à ce moment, mais j'aurais été en Italie et j'aurais appris l'italien.

M. Samson: Non. Laissez faire l'Italie. Je suis allé en Italie moi aussi, je ne parlais pas l'italien et je me suis arrangé en parlant anglais.

M. Laurion: Je me suis arrangé à parler français, parce que tout le monde parle français. Vous auriez dû essayer le français d'abord!

M. Samson: Oui, également en français, mais j'ai réalisé qu'on comprenait plus l'anglais au moment où j'y suis allé. Je ne comprends pas cela. En tout cas.

M. Guay: ... le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Je ne suis pas allé au même moment que vous. Mais, de toute façon, ceci veut dire en quelque sorte que c'est intimement relié à la question économique. Quand je parle de la question économique, ce n'est pas avec le grand mot économique. Je pense qu'en gagnant sa vie, quel que soit son métier ou sa profession, il y a là une question économique. On ne peut pas facilement avoir un salaire sans qu'on touche a une question économique. Cela relie la question de la langue à la question économique.

M. Laurion: Alors, toute activité humaine, si vous voulez, est reliée à une question économique comme elle est reliée à une question culturelle, parce que toute activité humaine est globale.

M. Samson: Comme vous avez raison!

M. Laurion: Elle est globale. Toute activité humaine est globale.

M. Samson: Pourquoi?

M. Laurion: Donc, cela serait relié à la question culturelle.

M. Samson: Pourquoi, si c'est tellement global, tente-t-on de sortir une partie de l'activité humaine, qui est celle de la langue, de l'ensemble, du global dont vous venez de parler? À votre sens, pourquoi le gouvernement cherche-t-il à faire cela?

M. Laurion: Je pense qu'on ne l'a pas sortie. Si j'ai bien lu le projet de loi, je pense que la plus grande partie de cette loi ou une très grande partie touche à des questions économiques. Quand on touche à la langue des travailleurs, je vous assure qu'on touche à des questions économiques sérieusement.

M. Samson: Considérez-vous que la langue des travailleurs, le français, langue obligatoire pour les travailleurs et que le travailleur puisse travailler en français, c'est la même chose pour vous?

M. Laurion: Oui, cela me semble à peu près semblable. Tout travailleur doit travailler en français au Québec, puisqu'il est sur un territoire français. Donc, il est normal qu'on puisse travailler dans la langue officielle du territoire, que l'on travaille dans la langue du territoire.

M. Samson: Je pense que vous ne m'avez peut-être pas bien compris.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rouyn-Noranda...

M. Samson: C'est fini?

Le Président (M. Cardinal): ... il vous reste quelque 30 secondes.

M. Samson: Oui?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Samson: À ce moment, je ne pourrai pratiquement pas poser d'autres questions?

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. Samson: Au grand plaisir des députés ministériels, je remercie notre invité.

M. Charbonneau: Je remercie aussi notre invité.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Vanier. Il reste au parti ministériel sept minutes à utiliser.

M. Bertrand: M. Laurion, je voudrais vous poser de petites questions très brèves. À votre point de vue, il existe combien de communautés nationales au Canada, à l'heure actuelle?

M. Laurion: Je n'en ai strictement aucune idée. Probablement autant qu'il y a de peuples dans le monde, ou de nations dans le monde. Je pense que nous avons été un pays d'immigration; donc, il existe une multitude de communautés nationales.

M. Bertrand: De la même façon que, dans votre texte, à un moment donné, à la page 2, vous écrivez: "Nous avons affaire, non plus à deux communautés nationales, mais bien à une nation de langue française au sein de laquelle des groupes minoritaires de cultures variées..." Pris dans ce sens, dans le sens qu'il existe une nation, une communauté nationale au Québec et des groupes minoritaires variés, il en existerait combien de communautés nationales dans le sens où vous les prenez ici, à l'intérieur du Canada?

M. Laurion: De communautés?

M. Bertrand: Nationales, de nations.

M. Laurion: Ah! de nations. De nations, il en existe deux au sein du Canada, à mon avis. Il y a la française ou la canadienne-française et l'anglaise, l'anglo-saxonne ou l'américano-saxonne.

M. Bertrand: Et à l'intérieur du Québec, vous reconnaissez qu'il n'y a qu'une communauté nationale, à savoir la communauté française.

M. Laurion: Oui.

M. Bertrand: Dans le sens de nation.

M. Laurion: Oui, dans le sens de nation.

M. Bertrand: Au Nouveau-Brunswick, où il y a 40% de francophones, M. Laurion, il y a combien de communautés nationales au sens de nations?

M. Laurion: II y en a deux.

M. Bertrand: Et en Colombie-Britannique?

M. Laurion: En Colombie-Britannique, vous voyez, c'est là que nous voyons, je pense, que les chiffres ne sont pas uniquement quantitatifs. D'ailleurs, l'exemple de M. Lachapelle, tout à l'heure, nous a apporté cela. À partir d'un certain moment, on change la qualité. Prévoir 20 millions d'Italiens en France, par exemple, cela n'est pas possible. Ce serait un autre pays. Au Nouveau-Brunswick, nous avons un cas très spécial, là où il y a environ 30%, je pense, de francophones qui sont logés au nord du Nouveau-Brunswick, dans un territoire à eux. Là, c'est très différent de ce qui se passe en Colombie-Britannique où nous avons de rares îlots francophones. Est-ce qu'on peut parler là de la nation francophone? Il y a des représentants de la nation francophones du Canada qui sont là, qui sont au Nouveau-Brunswick, comme ils sont à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve. Enfin, il y a des représentants. Le cas du Nouveau-Brunswick est très spécial. Même en Ontario, les francophones du nord ne sont pas groupés d'une façon aussi homogène que ceux du Nouveau-Brunswick. C'est un cas un peu spécial. Je ne vois pas quelle catégorie de pensée pourrait recouvrir cela, ce problème, mais c'est un cas spécial, je pense, au Nouveau-Brunswick, qu'il ne faut pas comparer avec...

M. Bertrand: Si c'est un cas spécial, M. Laurion, est-ce que vous reconnaîtriez, un peu comme l'avait souligné M. Saucier dans le premier mémoire que nous avons entendu, que, dans les provinces où, à l'heure actuelle, un droit est reconnu aux francophones d'avoir accès à une école française, l'inverse devrait pouvoir être vrai pour des anglophones venant de cette province qui décideraient d'émigrer au Québec?

M. Laurion: Personnellement, j'y trouve une certaine incompatibilité avec cette notion de peuple français sur laquelle je me suis établie pour ma discussion. Je trouve une certaine incompatibilité. De là à ce qu'il y ait... Je crois que, dans tous les pays, il est entendu que l'on peut faire des ac-

cords avec d'autres pays sur le plan culturel, sur le plan économique. Qu'il y ait la possibilité, pour le Québec, de faire des accords avec d'autres parties du Canada, c'est tout à fait normal que l'on fasse des accords, à condition que ces accords soient pour le bien de l'ensemble du peuple québécois. S'il y a là un intérêt... Comme dans tout accord, je crois qu'il y a un intérêt ou un échange que l'on fait. S'il y a un intérêt, alors, cela reviendra au ministre des Affaires intergouvernementales ou des Affaires extérieures, un jour, de réaliser ces accords.

M. Bertrand: Dans le cadre de la loi actuelle, M. Laurion, si un jeune anglophone, par exemple, de neuf ans, dont les parents ont été éduqués par la langue anglaise, prenons un exemple, en Saskatchewan, venait au Québec, il devrait s'intégrer par des moyens quelconques, classe d'immersion, classe d'accueil ou autres, au système francophone.

Est-ce que vous reconnaissez ce principe comme étant valable et est-ce qu'à l'inverse, vous accepteriez donc qu'un francophone du Québec, de 9 ans, qui s'en va en Saskatchewan, dont les parents ont été instruits en langue française, ce serait normal qu'il s'intègre au système anglophone en Saskatchewan?

M. Laurion: Je trouverais tout à fait normal qu'un francophone qui va vivre en Saskatchewan s'intègre au système anglophone de cette province, qui est anglophone. Lorsqu'on déménage, on sait où l'on va en général et on accepte les règles comme je l'ai dit; j'ai donné l'exemple des Belges qui changent de zone, ou des Suisses qui changent de canton; il ne leur vient pas à l'esprit de rouspéter, ils savent où ils vont, ils le font en toute liberté. À ce moment-là, ils n'ont qu'à accepter les lois qui existent dans leur nouveau lieu de résidence, comme tout citoyen du monde, je pense.

M. Bertrand: Dernière question, M. Laurion. À votre connaissance, je vous pose la question, je ne suis pas certain que vous ayez la réponse, avez-vous les informations nécessaires qui vous permettraient de me dire s'il existe un pays dans le monde où la liberté de choix de la langue d'enseignement existe?

M. Laurion: Je n'en connais pas. En tout cas, ce n'est pas ce qui existe généralement. D'une façon générale, chaque pays a son système d'enseignement dans sa langue. Ce qui existe, ce sont des écoles qui sont en général subventionnées par d'autres pays, comme il y a des instituts français dans le monde, il y a le Goethe-Institut, à Montréal, il y a même un institut italien également à Montréal, mais c'est subventionné entièrement par des deniers étrangers. À ce moment-là, il y a un certain choix. Il y a le British Council qui est même installé à Naples, on peut y apprendre l'anglais, il y a des cours d'anglais qui y sont donnés, mais ce n'est pas subventionné par l'État italien ou les

États sur le territoire duquel ces écoles sont installées.

D'une façon générale, peut-être qu'en scrutant, on trouverait un cas ou deux de pays où il y aurait un choix d'école ou un choix de langue à l'école, mais ce n'est certainement pas ce qui se passe d'une façon générale, dans le monde.

M. Bertrand: Merci, M. Laurion.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, en soulignant qu'il reste cinq minutes au parti de l'Opposition officielle.

M. Saint-Germain: Cinq minutes, avez-vous dit?

Le Président (M. Cardinal): Cinq minutes pour tout le parti.

M. Saint-Germain: Votre mémoire ne mentionne aucunement les effets que pourrait avoir sur le développement économique de la province de Québec un régime ou une législation sur les langues, aussi extrême que la vôtre. Vous avez avoué que vous n'avez aucune connaissance dans ce domaine, mais je me surprends un peu qu'en raisonnant le moindrement vous n'ayez fait aucune relation, dans votre mémoire, avec le développement économique. D'autant plus que vous êtes professeur, vous savez pertinemment que ce qui sous-tend votre niveau de vie, c'est assurément le développement économique de la province de Québec.

Si vous étiez un enseignant vivant dans des pays plus pauvres, par exemple, au Portugal ou en Espagne, vous ne jouiriez pas, à titre de professeur, du niveau de vie qui caractérise la province de Québec. De toute façon, vous dites qu'on ne devrait pas permettre aux Canadiens des autres provinces de s'inscrire à l'école française, ici, au Québec. Il me semble évident qu'un tel régime créera des handicaps au développement industriel et économique de la province et qu'un tel règlement sera préjudiciable, à mon avis, au développement de la province dans son entier et pourra être un handicap sérieux au développement même de la culture française en Amérique du Nord.

Je suis contre cette politique, cet argument ou cette façon de voir que vous décrivez dans le paragraphe intitulé l'Argument constitutionnel. Vous dites que ceux qui sont contre ce point de vue font preuve, soit d'ignorance ou de malhonnêteté intellectuelle. Je ne sais pas réellement où je devrais me caser, mais mon choix est particulièrement limité et très peu attrayant.

Est-ce que c'est votre façon régulière de traiter les gens qui sont opposés à vos avis?

M. Laurion: Je pense que vous avez mal lu mon texte. Il s'agit de ceux qui prétendent qu'il est anticonstitutionnel de présenter une telle proposition. Ceux qui prétendent cela, comme certains journalistes que je connais et certains rédacteurs d'articles dans certains journaux que je connais,

ceux qui prétendent que le gouvernement québécois, en préconisant cet article de loi, se comporte comme s'il était un pays déjà indépendant, sont malhonnêtes intellectuellement, parce que, de fait, cette mesure ne va nullement contre la constitution canadienne.

M. Lalonde: C'est constitutionnel?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous avez des connaissances approfondies au niveau de la constitution canadienne? Avez-vous fait des études...?

M. Laurion: Je connais l'article 133 de la constitution canadienne,

M. Saint-Germain: Vos études sur la constitution canadienne se limitent à cet article?

M. Laurion: II y a l'article 92.

M. Saint-Germain: Ce sont les deux seuls que vous connaissez?

M. Laurion: Ce sont les deux seuls qui sont pertinents à cette question. C'est-à-dire qu'il y a deux articles qui sont pertinents, l'article 133, qui donne des droits aux anglophones au Québec, et l'article 92 ou 91, qui donne des écoles protestantes.

Ce sont les deux seuls articles qui soient vraiment pertinents.

M. Saint-Germain: Et la connaissance de ces deux articles vous donne le droit de qualifier des gens avec des mots comme "ignorance" et "malhonnêteté intellectuelle"?

M. Laurion: Oui, certainement, puisque, constitutionnellement, il n'y a aucune... Si vous pouvez me prouver qu'il est anticonstitutionnel pour le Québec de rédiger cet article, je voudrais bien vous croire. Sinon, je crois qu'il serait intellectuellement malhonnête de le prétendre.

M. Saint-Germain: II y a, à Montréal, l'université McGill, entre autres, qui a atteint un prestige international. Votre façon de voir à ce point de vue ferait définitivement de l'université McGill une petite université locale, sans prestige, puisque vous ne permettriez pas qu'elle accommode des étudiants étrangers et vous ne permettriez même pas qu'elle ouvre ses portes à d'autres étudiants que ceux du réseau de langue anglaise du Québec.

M. Laurion: Là encore, je pense que vous avez mal lu mon texte, puisque je préconise que les étudiants étrangers paient le plein prix, et non pas qu'ils ne soient pas admis. C'est-à-dire que nous ne subventionnions pas des étudiants étrangers.

M. Saint-Germain: C'est une façon élégante de fermer les portes?

M. Laurion: Non, ce n'est pas une façon élégante de fermer les portes, puisque, dans toutes les universités américaines ou dans la plupart des universités américaines, c'est ce qui se passe.

Dans les universités américaines, on ne paie pas 20% du prix de l'enseignement, on paie 100%. Cela coûte au-delà de $2000, en général, par année, pour s'inscrire dans une université américaine. Cela pourrait coûter exactement la même chose ici, et non pas $400, $500 ou $600.

M. Saint-Germain: Vous dites que les étudiants des universités américaines paient le plein prix. Je crois que c'est là où vous manquez de renseignements.

M. Laurion: À moins d'obtenir une bourse.

M. Saint-Germain: Les universités américaines sont subventionnées, bien souvent, par les autorités publiques et aussi par les industries privées.

Mais, de toute façon, je suis d'opinion que c'est une façon tout à fait élégante de fermer les portes de l'université.

M. Laurion: Non, ce n'est pas fermer les portes.

M. Saint-Germain: Dans un tel contexte, il me semble évident que l'université McGill doit disparaître?

M. Laurion: Non, pas du tout.

M. Saint-Germain: Et je me demande pour quelle raison, d'ailleurs, vous ne l'avez pas directement dit dans votre mémoire.

Ceci dit, est-ce que vous admettez qu'il y a lieu, pour des étudiants du Québec de langue française, d'aller étudier en dehors, dans les universités étrangères, à un moment donné?

M. Laurion: Bien sûr.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous croyez que ces étudiants devraient se limiter à étudier dans les institutions françaises, en France, ou si on devrait...

M. Laurion: Non, absolument pas. Cela n'est pas du tout ce qui se passe, d'une façon générale. On peut étudier dans le monde entier, je pense.

M. Saint-Germain: Ne trouvez-vous pas que l'université McGill, qui, comme je le disais, a une réputation internationale, permet actuellement à des étudiants de langue française d'aller chercher à McGill même et à Montréal, dans leur milieu, une éducation qu'ils seraient, autrement, obligés d'aller chercher en dehors?

M. Laurion: Qu'ils aillent en dehors. Cela coûterait moins cher, en général. Ils peuvent très bien aller en dehors. C'est excellent d'aller en dehors.

M. Saint-Germain: Oui, mais si vous avez un francophone...

M. Laurion: Je pense que vous êtes très sentimental, monsieur.

M. Saint-Germain: Non, il n'y a pas de sentiment là.

M. Laurion: Je me suis placé sur un plan logique. Dans un pays qui a une seule langue, dont une seule culture est reconnue comme la culture nationale, il est évident que ce sont les universités, les institutions de cette culture et de cette langue qui doivent exercer de l'attraction sur les étrangers et non pas les institutions qui sont données, par privilège, à une minorité.

M. Saint-Germain: Ce n'est pas ce que j'ai dit et je n'ai pas fait de sentiment. J'ai dit que, en fait...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, il vous reste une minute, s'il vous plaît, et le temps du débat avec M. Laurion sera terminé.

M. Saint-Germain: Je n'ai pas fait de sentiment. J'ai dit, en fait, qu'il y avait à Montréal une université de prestige international dont les portes étaient ouvertes aux Montréalais et aux Québécois de langue française et que ces Québécois et ces Montréalais allaient chercher à McGill une formation qu'autrement ils devraient nécessairement aller chercher en dehors du Québec.

M. Laurion: Ce qui serait une excellente chose, parce que les voyages forment la jeunesse et il est beaucoup mieux d'aller chercher cette formation en Angleterre, aux États-Unis ou dans une autre université du monde, justement.

M. Saint-Germain: Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. Laurion, je désire vous remercier au nom de tous les membres de la commission, à la fois de votre exposé, de votre patience et surtout d'avoir pris la peine de demeurer avec nous jusqu'à cette heure. Je passe au témoin suivant. J'appelle M. Roger Julien et je le prierais de s'identifier.

M. Julien (Roger): Est-ce qu'il y en a qui n'ont pas de mémoire?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je m'excuse, mais c'est justement cette situation-ci — question de règlement — que je voulais éviter. Malheureusement, parce qu'on a imposé un temps assez limité à l'Opposition officielle, je n'ai pas eu l'occasion de pouvoir poser des questions à ce témoin et je regrette beaucoup de n'avoir pu le faire. C'est exactement cette situation qu'on voulait éviter au début de la séance et j'espère que les députés ministériels vont être un peu plus tolérants au prochain mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît! Oui.

M. Guay: M. le Président, l'intervention du député de Mont-Royal ne constitue pas une question de règlement. Il se plaint de l'adoption, par la majorité des votes, d'une règle de pratique de cette commission, adoption à laquelle ont concouru le député de Marguerite-Bourgeoys et son collègue.

M. Lalonde: Vous voulez partager votre culpabilité?

M. Guay: II me semble, M. le Président, que si le député de Mont-Royal a des griefs à faire, qu'il les fasse contre la façon dont son parti répartit son temps entre les quatre députés.

M. Ciaccia: On ne peut faire ressortir les arguments. C'est contre le parti ministériel qu'on fait des griefs.

M. Guay: Bien oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, à l'ordre s'il vous plaît! Je pense que la décision a été rendue et je ne permettrai aucun débat sur une décision qui a déjà été rendue avant-hier. Je demanderais à M. Julien de bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît, et de donner ses titres et qualifications.

M. Roger Julien

M. Julien: Roger Julien. Je ne dirai pas citoyen du monde, parce que ce n'est pas encore légal vis-à-vis de l'État. Je dirai homme libre, né à Montréal. Ma profession, mon métier, mon travail, mon occupation, depuis quelques jours, à temps plein et gratuitement, c'est et ce sera de travailler à remettre le monde à l'endroit, en assumant toute la démesure qui est en moi et ceci, le temps qu'il faudra.

M. le Président, membres de la commission parlementaire, membres de l'Assemblée nationale, car c'est à eux tous que ce mémoire est adressé. "Je vous entends gronder comme chutes en montagnes; je vous entends demain parler de liberté". (Gilles Vigneault). À la suite du mémoire que l'on vient d'entendre, je vais dire quelque chose que j'avais rayé. Si je m'étais cité moi-même, j'aurais dit quelque chose comme: Le Canada, multiculturel dans les faits, les ethnies autres que celles d'origine française ou anglaise composant le tiers de la population canadienne, est officiellement, de par sa politique, de par la politique de son gouvernement, multicultural et bilingue.

Pour résumé toute ma pensée, je dirai: Le Québec, multicultural lui aussi dans les faits, les ethnies autres que d'origine française ou anglaise

constituant 12% de la population québécoise, sera officiellement multicultural et multilingue.

Je vous parlerai donc de la liberté et de la langue ou de la liberté linguistique. La langue, dit-on, étant le véhicule d'une culture, j'aimerais dire d'abord que ce qui est le plus menacé chez les Québécois d'origine française, ce n'est pas la langue, mais bien la culture.

Il est surprenant de constater la facilité avec laquelle l'auteur du livre blanc relie le problème linguistique au problème économique, alors qu'on ne parle pas de la culture dans le livre blanc ou si peu. Pourtant, le piteux état d'une grande partie de notre patrimoine au musée de Québec n'est-il pas tout simplement symbolique du piteux état de notre culture ancestrale dont les us et coutumes disparaissent ou se décomposent aussi sûrement que notre patrimoine, us et coutumes emportés par le courant de "l'American way of life". Nous sommes ou devenons rapidement des États-Uniens parlant français. Nous parlons français, mais sommes-nous encore de culture québécoise ou canadienne-française ou française d'Amérique.

Une loi visant à protéger la culture dans tout ce qu'elle a de plus précieux et qui est en danger d'anéantissement ou en danger tout court, aurait dû précéder une loi à protéger uniquement le véhicule qu'est la langue. La survie d'une culture, n'est-ce pas, par le fait même, assurer la survie de la langue qui en est le véhicule? L'inverse est-il vrai? Est-ce que sauver la langue, c'est par le fait même sauver la culture?

De toute façon, comme il s'agit de la Charte de la langue française au Québec et non de la Charte de la culture française au Québec, je me déclare d'accord avec l'esprit du livre blanc: une politique de la langue soit s'attacher à donner aux institutions, à la société québécoise un caractère foncièrement français. Un Québécois d'origine anglophone vous dira, dans un mémoire que peut-être il présentera, que le but de la politique de la langue, selon lequel le français deviendra la langue normale de communication entre tous les Québécois, dans toutes les sphères du gouvernement, des affaires et de la vie sociale, est on ne peut plus juste, on ne peut d'ailleurs aller que dans ce sens. Lui aussi est d'accord.

Cependant, pour atteindre la fin proposée, certains moyens laissent grandement à désirer, les plus inadmissibles se retrouvant aux articles 51 à 59, et 172, bien entendu. Le texte que vous avez en main a été composé il y a un mois, dans la nuit du 4 au 5 mai surtout. Or, comme mon imagination n'est pas trop paresseuse et comme j'en apprends tous les jours, j'ai apporté quelques correctifs depuis et j'ai ajouté certaines choses. Ainsi, au deuxième paragraphe, je corrige une première petite faute. Il y a surtout, et non d'abord — puisque je ne parle que de la responsabilité — un premier — pour moi, dans l'ordre d'importance, premier — ou un cinquième principe — s'ajoutant aux quatre du livre blanc — qui a été gravement oublié dans le livre blanc, principe qui, mis de l'avant et respecté intégralement, risquerait fort — j'en ai la conviction — de régler une fois pour toutes la question linguistique au Québec, de telle sorte qu'on n'ait plus jamais à y revenir, quels que soient les gouvernements subséquents. Ce principe pourrait s'énoncer de la façon suivante: On peut et on doit respecter la responsabilité personnelle de tous les Québécois. — je dirai tantôt ce que j'entends par Québécois — J'exposerai d'abord ce principe et donnerai ensuite trois raisons qui devraient motiver votre accord avec un tel principe, raisons qui pourraient se résumer comme suit:

Les droits individuels priment les droits collectifs et ou les droits collectifs d'une ethnie ne peuvent s'opposer aux droits collectifs d'une autre ou des autres ethnies.

La loi ne détruit pas les complexes.

Et, troisièmement, ce qui, pour moi, est le plus important, urgence de s'attaquer à des problèmes plus importants parce que plus vitaux.

On doit respecter la responsabilité personnelle de tous les Québécois. Il faudrait d'abord s'entendre sur le terme "Québécois". Qui sont les Québécois? De qui parle-t-on lorsqu'on parle des Québécois? Historiquement, les Québécois d'origine française ont eu pour noms: Colon français, Canadien, Baptiste, Canadien français, et j'en oublie peut-être.

Depuis peu, les Canadiens français, de plus en plus nombreux, se définissent comme Québécois, d'une part, les autres résidents du Québec se définissant toujours comme Canadiens français ou Canadiens tout court, d'autre part. Je crois que le moment est arrivé où les premiers à se définir comme Québécois et qui emploient souvent l'expression "les nôtres" — on l'a entendu tantôt — devraient considérer les seconds comme étant aussi des Québécois. Le mot "Québécois " ne peut et ne doit avoir maintenant qu'une signification ou définition: Résidant au Québec. C'est d'ailleurs la seule définition retenue par les Québécois participant au colloque des minorités ethniques en fin de semaine dernière à l'Université de Montréal. Parmi leurs revendications au gouvernement, parmi leurs recommandations au gouvernement, on note les suivantes: Que le terme "Québécois" soit défini: Résidant au Québec, que les termes "Néo-Québécois" et "immigrants" soient éliminés, vu leurs connotations péjoratives — je crois qu'une demande personnelle avait été faite à M. Laurin à ce sujet — connotations péjoratives causées par le manque d'information, les préjugés, etc.

À Saint-Léonard, un soir de l'été 1969, je crois, quand j'entends, au plus fort de l'émeute, le cri: En avant, Québécois! le terme "Québécois" désignait Québécois d'origine française. En avant Québécois! Donnons l'assaut aux Québécois d'origine italienne. Québécois contre Québécois.

Pour l'initiateur de l'opération, pour des kilomètres d'appui, le peuple québécois, c'est encore la communauté québécoise d'origine française exclusivement. C'est, du moins, la réponse que m'a faite l'initiateur de l'opération quand je l'ai rencontré au congrès national du Parti québécois, il y a deux semaines, et que je lui ai demandé ce

que signifiaient les mots "peuple québécois", au deuxième paragraphe du tract explicatif de ladite opération.

M. Brosseau, qui passera peut-être aujourd'hui, vous le dira.

Bon! Alors, pour moi, encore une fois et tout au long de cet exposé, le terme "Québécois" signifie résidant au Québec. "Le gouvernement est conscient que cette loi, si opportune qu'elle soit — on revient au haut de la page 2 — ne suffit pas, lit-on dans le livre blanc. Des règles coercitives sont nécessaires. Mais une politique de la langue ne se limite pas à contraindre." "Des règles coercitives sont nécessaires", affirmation absolue et gratuite à laquelle on ne croit pas nécessaire d'apporter d'explications, comme si cela allait de soi, comme s'il était prouvé que des règles coercitives constituaient les meilleurs moyens pour atteindre une fin, celle-ci étant, pour ce qui nous occupe présentement, le bien commun de toute la collectivité québécoise au point de vue linguistique.

On dit souvent qu'il s'agit d'édicter une loi ou un règlement pour provoquer la désobéissance. Mettez une interdiction et vous donnez, par le fait même, la tentation de l'enfreindre. La raison première et profonde de ce phénomène assez répandu n'est-elle pas que l'individu, se sentant naturellement disposé à agir librement en être autonome et responsable, ne peut que défier la loi coercitive, indiquant ainsi que la loi est de trop et qu'il ne sera jamais question de se plier de bonne grâce à ce qui constitue pour lui une attaque à sa responsabilité personnelle? Si l'individu est si réfractaire à la loi, c'est qu'il veut être libre, la liberté, selon une définition qui m'est personnelle, étant l'aptitude de l'être responsable ou autonome à pouvoir exercer un choix. Une autre définition que j'aime bien, c'est celle d'un philosophe québécois, André Moreau, qui dit ceci: La liberté, c'est être et laisser être. Etre soi-même à 100%. Etre apte à assumer soi-même ses propres responsabilités. Laisser être en nous ce dont nous confions la charge aux autres. Laisser être les autres. Les laisser prendre. Leur permettre de prendre. Leur permettre d'assumer leurs propres responsabilités. Laisser être, cependant, ne signifie pas laisser faire.

Pour prendre un exemple que nous donne justement André Moreau, laisser être un enfant en train de jouer avec de la dynamite, ça ne veut pas dire le laisser faire. Le laisser faire alors, c'est possiblement assister à la fin d'un être.

Or, nous employons souvent le mot liberté pour désigner le laisser faire. Nous disons la libre entreprise, plutôt que l'entreprise du laisser faire. Nous disons économie libre, au lieu de l'économie du laisser faire. Pourtant, ceux qui ont étudié l'économie savent que, quand on parle de la théorie d'Adam Smith, on parle de l'économie du laisser faire.

Un laisser-faire économique qui est devenu depuis longtemps, on le sait — certains le savent, mais font comme les autruches, ils se mettent dans le sable — un laisser faire économique qui est devenu, depuis longtemps, une dictature économique.

Alors, étant donné cette définition de la liberté que je donnais tantôt, à savoir que c'est l'aptitude de l'être responsable ou autonome, à pouvoir exercer un choix, ne pas vouloir accorder le libre choix, n'est-ce pas reconnaître implicitement qu'on a affaire à des gens peu ou pas responsables, du moins pas suffisamment pour qu'ils puissent prendre leur propre responsabilité?"

Il est d'autant plus facile de juger les autres irresponsables qu'on l'est parfois soi-même.

N'est-ce pas ce que reconnaît sans cesse le législateur qui ne fait qu'obliger et ordonner sous peine de sanctions? Attache ta ceinture quand tu roules dans ton tombeau roulant, sinon tu vas aller en prison.

Dans l'immédiat, c'est peut-être la solution la plus facile que de traiter les gens en irresponsables en leur disant: Nous allons décider à votre place, vous nous avez élus pour ça... Vous n'avez qu'à obéir, qu'à faire ce qu'on vous ordonnera, ce que vous commandera la loi. Prendre tous les moyens nécessaires pour développer ou accroître la responsabilité personnelle, de telle sorte que les lois coercitives deviennent inutiles, ce n'est certes pas la voie la plus facile dans l'immédiat, mais c'est sûrement la meilleure. Pour ce qui est de la question linguistique, ces moyens, vous les connaissez. Encore faut-il des gouvernants responsables pour prendre de tels moyens.

Mettre les gens en situation de choisir, donc accorder le libre choix.

Les aider à faire un choix judicieux par la création de situations propices à un tel choix, savoir franciser le paysage, améliorer les cours de langue, etc. Agir de telle sorte que le plus rapidement possible, tout francophone puisse travailler dans sa langue.

Conseiller sagement, comme le dit le livre blanc, et assurer un dialogue constant, ce qui vaut bien mieux que n'importe quelle loi.

Conseiller sagement... comme seules peuvent le faire de vraies autorités, car il y a, je crois, une différence entre être en autorité et être une autorité. Pour moi, le mot autorité ne peut être que synonyme de sagesse, compétence ou sagesse compétente et la sagesse est spontanément acceptée. Elle n'a pas besoin de loi coercitive pour s'imposer. Elle n'a pas non plus besoin de procédure à rendre malade.

Le libre choix dont on parle ici, c'est cette possibilité de choisir pour soi et ses enfants des valeurs culturelles, une langue ou des langues et une école. Dans le projet de loi, ce libre choix est accordé à un grand nombre d'anglophones et d'Indiens. Si j'ai écrit "du moins théoriquement", c'est que je ne savais pas il y a un mois et que je ne sais toujours pas... c'est la première question que je poserais au ministre Laurin, savoir de nous dire exactement quels sont les droits reconnus aux Indiens. Ce que je veux demander exactement: Est-ce uniquement le quart, le tiers, la moitié ou les trois quarts des Indiens qui ont ce libre choix d'après, encore une fois, le projet de loi à l'étude présentement?

Je dis que c'est bien qu'il en soit ainsi..., non pas que cela soit théorique, mais qu'on leur accorde le libre choix. De voir que la liberté d'un certain nombre est respectée, cela a quelque chose de réjouissant. Mais ce serait bien mieux si tous pouvaient agir librement. Pour ce représentant de la collectivité italo-québécoise entendu sur les ondes de Radio-Canada, comme pour beaucoup d'autres Québécois, la réaction est la suivante: Nous accepterions la loi si le libre choix accordé aux anglophones leur était enlevé. Drôle de conception de la justice qui consiste à considérer juste l'injustice personnelle à condition que l'injustice s'applique à tous.

Telle n'est certes pas la solution que de brimer tous les individus en les traitant tous comme des irresponsables et en décidant pour eux de ce qu'ils doivent faire. Mais la solution n'est certes pas non plus de considérer certaines collectivités (anglophones et Indiens) comme collectivement responsables et aptes au libre choix et d'autres collectivités (francophones et minorités ethniques) comme collectivement irresponsables et donc, inaptes au libre choix.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Permettez-moi de vous interrompre pour vous avertir, afin que vous ne soyez pas pris par surprise, qu'il vous reste cinq minutes.

M. Julien: En réponse à votre intervention, M. le Président, je dirai ceci: Pour pouvoir vous communiquer vraiment et clairement le fond de ma pensée, étant donné que le travail de cette commission consiste d'abord et avant tout à entendre les témoins, étant donné la ferveur avec laquelle certains membres de cette commission ont défendu, mardi, le droit de parole des témoins et tout le temps qu'ils ont accordé à cette défense, étant donné ma disponibilité à rencontrer tous et chacun des membres de cette commission, et je dirais même plus, tous et chacun des députés, puisque ce sont tous les députés qui voteront et qui décideront de ce projet de loi, où et quand ils voudront, pour dialogue et réponses complètes à leurs questions, je demanderais à cette commission le privilège, si c'en est un, de pouvoir me rendre jusqu'à la dernière page de mon mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien...

M. Julien: Je puis continuer? Merci. Les Québécois d'origine anglaise et le libre choix. Je n'ai point à prendre la défense des Québécois d'origine anglaise. Tout ce que j'aimerais dire, c'est que je n'accorde pas le libre choix aux Québécois d'origine anglaise à cause d'une prétendue justice historique, parce qu'ils auraient des droits acquis, le droit pour tout être humain de vivre et de s'épanouir dans sa langue et sa culture propres n'a pas à être acquis ou conquis. C'est un droit qui va de soi pour tout être humain, et c'est la raison pour laquelle je m'attends qu'on respecte ce droit des Québécois d'origine anglaise à s'épanouir dans leur langue et leur culture. S'ils ont à faire un choix, ce choix doit être libre et non dicté par l'État. Cela n'a rien, M. Laurin... Ce que je viens de dire, M. Laurin, cela n'a rien de très généreux, ce n'est que très normal, parce qu'humain, très juste.

Les Indiens et le libre choix. J'aime bien quand je parle au monde qu'on m'écoute. Pour ceux qui ne sont pas au courant, il y a une différence entre l'agressivité et la violence. Je dirais la même chose de l'Indien. Je ne lui accorde pas une faveur ou un privilège en compensation des massacres et des nombreux crimes, crimes le plus souvent légalisés, commis par mes ancêtres blancs, un peu comme ont fait les Nations Unies en créant l'État d'Israël en compensation des crimes commis envers les Juifs durant la seconde guerre mondiale. Non. Ce n'est pas une faveur, ce n'est pas un privilège. Je ne fais que reconnaître à l'Indien ce droit qu'il a lui aussi de vivre et de s'épanouir dans sa langue et sa culture.

Les minorités ethniques et le libre choix. Il est peut-être légitime de désirer, le livre blanc dit s'assurer, le livre blanc dit, je crois: II est certes légitime de s'assurer, je dis: II est peut-être légitime de désirer que les personnes qui viendront s'installer au Québec à l'avenir enverront leurs enfants à l'école française. Les meilleurs moyens de s'assurer que nos désirs seront comblés en ce domaine ne sont-ils pas les suivants, et ces moyens ne devraient-ils pas suffire? Faire du français la langue de travail ou, peut-être y a-t-il une petite nuance, faire de telle sorte que tout francophone puisse travailler dans sa langue. Franciser le paysage québécois, rendre l'école française plus attrayante ou attrayante, tout court, parce qu'elle ne semble pas l'être beaucoup, en y prodiguant un bon enseignement des langues. Quand ces objectifs seront réalisés, que viendra ajouter une loi coercitive à l'égard des individus? Quelque chose sûrement, mais rien de positif. Et pourquoi obliger qui que ce soit, avant que d'avoir réalisé ces trois objectifs principaux?

Il n'y a que deux raisons, à mon avis, qui pourraient motiver ou motivent les défenseurs de la loi coercitive à l'égard des minorités ethniques et des futurs Québécois. Première raison. Crainte de ne pouvoir inciter positivement, c'est-à-dire crainte de ne pouvoir atteindre les trois objectifs précités de façon satisfaisante. Quand j'additionne une ou deux dizaines de réponses que m'ont faites depuis deux ou trois semaines ministres, députés et attachés de presse de ministres, j'ai toute raison de croire que cette crainte existe, crainte basée sur ce qu'ils appellent le réalisme. Une telle crainte pourrait être dissipée par l'emploi, par la mise en application de moyens coercitifs et incitatifs plus sérieux à l'égard des institutions et des personnes morales.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien, excusez-moi. Conformément à une décision qui a déjà été rendue et dont vous connaissez la teneur, et à moins du consentement unanime des membres de cette commission, laquelle commission est souveraine, je me vois dans l'obli-

gation de vous dire que votre temps de parole est expiré et, en conséquence, à moins de ce consentement unanime, ce sera maintenant le temps de poser des questions.

M. Lalonde: Consentement, M. le Président.

M. Samson: M. le Président, j'accorde mon consentement.

M. Laplante: Avant d'accorder notre consentement, est-ce que le temps additionnel qu'il va prendre ne dépassera pas l'heure et demie et que le temps sera enlevé autant au parti de l'Opposition qu'au parti ministériel.

M. Lalonde: Non, M. le Président, je pense qu'on devrait allonger l'heure et demie du temps qu'il prendra.

M. Laplante: Je n'accorde pas mon consentement là-dessus.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer, je n'ai même pas consulté mes collègues, d'accorder cinq minutes supplémentaires à M. Julien et même de le prendre à même le temps du groupe ministériel, mais qu'on ne dépasse pas l'heure et demie prévue?

M. Laplante: D'accord, là-dessus.

M. Roy: M. le Président, je tiens à vous dire que je suis prêt à vous donner mon consentement pour que M. Julien puisse se faire entendre plus longtemps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je comprends, M. le député de Beauce-Sud, mais à partir du moment où un député manifeste son désaccord, à ce moment-là, c'est impossible de revenir sur le droit de parole de vingt minutes qui a été accordé.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais...

M. Roy: Je comprends, mais je tenais à signaler à cette commission que j'accordais personnellement mon consentement.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais vous rappeler les paroles du leader du gouvernement quand nous avons discuté de la question du temps. Il avait dit que si des mémoires ou des témoins avaient besoin de plus de temps, le côté ministériel accorderait généreusement plus de temps pour permettre à un témoin de finir de donner son mémoire. Du côté de l'Opposition officielle, nous accordons notre consentement, et nous voulons rappeler au parti ministériel les paroles de son leader parlementaire, prononcées il n'y a que deux jours.

M. Guay: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, quand le leader parlementaire avait fait cette intervention, c'était au moment où le député de Taschereau avait proposé une heure. C'est à ce moment-là qu'il avait fait mention d'un consentement unanime pour poursuivre. Pour une heure et demie, il y a eu une entente, à savoir qu'on respecterait ce règlement et nous allons donner notre consentement, M. le Président, à condition qu'il soit bien compris que l'heure et demie est toujours respectée et que ce temps sera pris dans les cinq minutes du groupe ministériel.

M. Lalonde: M. le Président, si le témoin a besoin de quelque autre temps au-delà de cinq minutes, nous sommes prêts à envisager de prendre quelques minutes de notre temps.

M. Biron: M. le Président, la même chose pour l'Union Nationale. Je suis prêt à aller jusqu'à la moitié du temps alloué à l'Union Nationale pour permettre au témoin de terminer son intervention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si je comprends bien, le parti ministériel serait disposé à accorder cinq minutes de son temps, l'Opposition officielle cinq minutes de son temps et l'Union Nationale, cinq minutes de son temps. Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, si le groupe ministériel voulait être un peu plus généreux et accorder plus que cinq minutes, je serais prêt à collaborer personnellement et à donner les cinq minutes de mon temps pour qu'on entende ce mémoire. Oui, oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Samson: Si le groupe ministériel acceptait d'être un peu plus généreux — il a trente minutes — il pourrait accorder une quinzaine de minutes et les cinq minutes qui sont à ma disposition, je les accorderais également, si nécessaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense, M. le député de Rouyn-Noranda, que nous ne sommes pas ici pour négocier. Est-ce que vous avez du temps à donner en ce qui vous concerne?

M. Samson: M. le Président, sur le point de règlement. Je regrette, mais je pense que pour la bonne gouverne et la bonne marche de nos travaux, si on peut se parler et s'entendre, ça peut régler pas mal de choses. C'est pourquoi je de-

mande tout simplement... le parti ministériel n'est pas obligé de dire oui, s'il ne le veut pas, mais s'il était prêt à accorder cela, ça me permettrait aussi de dire la même chose et de ce fait, permettrait au témoin de se faire entendre et de nous présenter tout son mémoire. C'est tout simplement sur cette base, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, avant que l'on continue cette surenchère de générosité et de magnanimité, je pense qu'on devrait entendre le témoin. Nous avons consenti cinq minutes, l'Opposition officielle a consenti cinq minutes, l'Union Nationale a consenti cinq minutes. Ça fait un quart d'heure. Si le témoin, en 35 minutes, ne peut pas livrer le fond de sa pensée, je ne pense pas qu'il soit nécessaire... le député du Ralliement créditiste pourra toujours y aller de ses cinq minutes à lui, s'il le juge opportun. Mais il me semble qu'il y a de fortes chances qu'en 35 minutes, c'est-à-dire 15 minutes supplémentaires, on ait fini d'entendre l'exposé de M. Julien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dernière intervention, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Compte tenu du message que M. Julien tente de livrer aux membres de cette commission... Pour certains, il peut paraître livré de façon plus originale que ce à quoi nous sommes habitués, mais je pense que si ça peut porter à la réflexion, tant mieux. Pour ma part, je suis prête à ce qu'on lui accorde la moitié du temps des questions de l'Opposition officielle.

M. Ciaccia: Vous ne demandez pas de réciprocité du côté ministériel?

Mme Lavoie-Roux: J'imagine que cela va de soi.

M. Bertrand: On a fait notre offre. C'est final.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une dernière intervention. Je prends acte des offres faites par les différents partis et j'accorde donc cinq minutes sur le temps du parti ministériel, dix minutes sur le temps de l'Opposition officielle et cinq minutes sur le temps de l'Union Nationale. Vous avez donc vingt minutes supplémentaires pour vous adresser aux membres de la commission, M. Julien.

M. Julien: Merci de votre générosité. Vous savez que les citoyens ordinaires, c'est rare qu'ils peuvent se faire entendre. Je parlerai de cela en conférence de presse, aux journalistes, du droit du citoyen ordinaire, dit ordinaire.

Je vais peut-être changer mon ordre, étant donné que cinq minutes, cela ne me suffit pas. Je pourrais en avoir facilement pour plus d'une heure.

Avant de continuer là où j'étais rendu, au cas où je n'aurais pas le temps, étant donné les contingences que nous impose une démocratie procédurière, ladite démocratie, ou la maudite démocratie, appelez-la comme vous voudrez...

Depuis deux ou trois semaines, plusieurs m'ont demandé, des députés, des attachés de presse de ministres, entre autres: Cela ne te gêne pas? Tu ne te sens pas mal à l'aise de te mettre du côté des anglophones et des immigrants dans leurs revendications pour le libre choix? Tu ne trouves pas, m'a dit un député, que tu manques un peu de patriotisme? C'est peut-être un attaché de presse de ministre.

Voilà ce que je pense du patriotisme. Sur le patriotisme, je pense comme un personnage que j'ai nommé tantôt, le philosophe André Moreau. André Moreau pense comme moi du patriotisme. Ce sera très court.

Patriotisme et émotivité. Il faut nécessairement, peut-être... Non. On dira cela à un autre moment.

Le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car seul le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien.

M. Julien: Non, laissez faire. Je suis très agressif, mais je suis aussi hypersensible. Un petit coup d'eau. Il y en a d'autres qui ont besoin d'un petit coup d'autre chose.

Le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car seul le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les nations les unes contre les autres. On m'en voudra de dire ces choses. Est-ce que quelqu'un pourrait venir le lire à ma place, s'il vous plaît, un court paragraphe?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Charbonneau: Donc, selon l'auteur, on dit ici, pour correspondre au voeu du témoin: "Patriotisme et émotivité. Tous les patriotes sont thalamiques et se comportent comme des enfants qui sont pour ceci et contre cela.

Or, le patriotisme est le meilleur moyen d'engendrer la discorde, car seul le nationalisme s'oppose au nationalisme et soulève les nations les unes contre les autres.

On m'en voudra de dire ces choses. On dira que je ne suis pas de chez nous. Et pourtant, je veux un progrès décisif de l'humanité. Avant d'être Québécois, je veux être citoyen de l'humanité. Or, il n'y aura pas de paix durable, tant qu'il n'y aura pas des patriotes attachés émotivement à leur lopin de terre...

M. Julien: Je regrette, ce n'est pas cela qui est écrit. Tant qu'il n'y aura pas de patriotes... Non, ce n'est pas cela qui est écrit.

M. Charbonneau: Tant qu'il y aura, excusez! C'est une erreur de... Comme disait mon professeur de chimie jadis, c'est une erreur de génie.

"Nous devons avoir en vue l'universel et non le particulier. Lorsqu'un homme s'attache à sa patrie, il montre qu'il en est encore, dans son évolution, à l'attachement sentimental pour son environnement, mais Aristote n'a-t-il pas dit qu'un homme devait se sentir chez soi partout. Le meilleur endroit où nous puissions être est celui où nous serons le plus utile. En décloisonnant notre vie quotidienne, nous réussirons à communiquer à des plans supérieurs de pensée. Ce n'est pas seulement où nous sommes qu'il faut la liberté, il faut la liberté partout, disait André Moreau.

M. Julien: C'est tiré de son oeuvre Pour réveiller le Dieu endormi (qui est en nous).

Je continue donc où j'étais rendu. Première crainte qu'ont ceux-là qui défendent, qui ne voient pas autre chose que la loi coercitive pour en arriver au moins au but qu'ils préconisent...

Enfin, passons à la deuxième crainte, crainte que l'individu se désavantage lui-même en n'apprenant pas le français, alors même que la langue de travail serait le français, alors même que la langue du paysage et de la vie quotidienne au Québec serait le français, alors même que les cours de langue dans les écoles françaises seraient de très haut calibre, une telle crainte de la part du gouvernement ou de la part des Québécois d'origine française témoignerait, alors que ces derniers considèrent les nouveaux Québécois comme totalement dépourvus de bon sens et d'intelligence... Je dis, les nouveaux Québécois, parce que c'est toujours sous le titre; Les minorités ethniques et le libre choix.

L'assimilation à la vapeur, dit le livre blanc, de tous les nouveaux immigrants, au point qu'en une ou deux générations ils ont perdu toute attache avec leur pays d'origine, n'est pas un objectif souhaitable. Une société qui permet à ses groupes minoritaires de conserver leur langue et leur culture est une société plus riche et probablement plus équilibrée. Cela pourrait être le cas du Québec. Une société qui permettrait à chacun des individus composant les minorités ethniques la possibilité d'exercer sa responsabilité personnelle, ou son libre choix, d'une façon pleine et entière, serait une société encore plus riche, encore plus équilibrée, parce que plus humaine. Cela encore pourrait être le cas du Québec, cela sera le cas du Québec.

L'auteur du livre blanc dit encore ceci, qui est très juste: L'intégration spontanée, qui seule est souhaitable, des immigrants à la communauté francophone ne pourra donc être possible que si la société québécoise elle-même est globalement francisée. Ce n'est que lorsque le français sera devenu véritablement la langue de travail et des affaires et de la vie quotidienne que la plupart des immigrants comprendront que leur intérêt les pousse à se solidariser avec la communauté francophone.

On les obligerait, par une loi coercitive, en attendant l'intégration spontanée, ce serait l'intégration obligatoire, sous prétexte que cela se passe comme cela ailleurs dans les pays dits normaux?

Ce n'est ni sérieux, ni raisonnable, ni humain; pas plus sérieuse d'ailleurs cette idée, à savoir qu'il faudrait combler la dénatalité des Québécois francophones par l'assimilation forcée des immigrants. À cela, la chanson nous répond: II n'y a que nous qui pouvons faire quelque chose pour nous.

J'aurais aimé ici vous donner quelques recommandations faites au gouvernement par les minorités ethniques réunies à l'Université de Montréal, en fin de semaine dernière. J'aurais voulu vous lire également le texte intégral de la fin du discours donné par le ministre Jacques Couture. Si on a le temps, si vous me le demandez, je pourrai peut-être vous le lire.

Les Québécois d'origine française, page 5. Les Québécois d'origine française et le libre choix. Et pourquoi ne pas traiter les Québécois francophones comme des êtres responsables? Pourquoi ne pourraient-ils pas choisir librement? Il me semble que tout Québécois d'origine française devrait considérer comme une gifle le fait qu'on accorde le libre choix aux Québécois d'origine anglaise et qu'on refuse le libre choix aux Québécois d'origine française. Pourquoi est-ce qu'on leur refuse? C'est pour l'une ou l'autre des deux craintes expliquées plus haut, pour les mêmes raisons pour lesquelles on le refuse aux immigrants; mais en plus, à moins que ce ne soit pour imposer de force une fierté que certains francophones n'auraient pas, fierté de vivre sa culture, de parler sa langue, etc. Est-ce que cette fierté s'impose de force au moyen d'une loi? Les résultats ne sont-ils pas moins qu'assurés?

Pourtant, le gouvernement juge que des Québécois francophones, de même que tous les Québécois, sont des êtres responsables puisqu'en conclusion du livre blanc, il fait appel à la responsabilité de chacun. On les traite comme des irresponsables, mais on se permet, à la fin du livre blanc, de dire: Quand même, on va faire appel à votre responsabilité. Pourquoi alors l'obligation sous peine de sanction? Cela ajoute quelque chose de positif? N'est-ce pas cette attaque à la responsabilité personnelle que constitue la loi qui expliquerait le mieux, même si c'est inconscient, le malaise qu'avouerait sentir le premier ministre à édicter une telle loi?

La responsabilité personnelle, l'autonomie personnelle, c'est fort à ce point, que, si on lui permettait d'éclore... Il n'est pas question de changer l'humain. Il est question de lui permettre d'être, il est question d'arrêter de le déshumaniser et on commence de bonne heure à le déshumaniser, même avant l'école. La responsabilité personnelle, c'est fort à ce point que son existence chez tous les Québécois d'origine française éliminerait l'incontestable utilité, et non la nécessité, actuelle de loi coercitive à l'égard des institutions et personnes morales. Je pourrais résumer ici mon mémoire. En disant loi coercitive et incitative très sérieuse à l'égard des institutions et personnes morales, en vue d'atteindre les trois objectifs cités plus haut, d'accord, mais loi coercitive vis-à-vis de l'individu, non, plus jamais, parce qu'il est urgent

qu'on se mette à faire l'éducation des gens. Je comprends, c'est difficile. Tous les membres du gouvernement actuel ne sont pas aptes à pouvoir faire de l'éducation, à pouvoir inciter positivement. Il est certain que c'est plus facile de dire aux gens: Attachez-vous dans vos tombeaux roulants plutôt que de faire des campagnes d'information pour leur dire quels sont les avantages de la ceinture de sécurité. Enfin, je n'aime pas cet exemple parce que, quand je parle de l'auto, on voit encore que ce que l'on appelle le gouvernement, ce n'est pas lui qui gouverne, ou du moins il ne gouverne pas pour le bien commun. S'il gouvernait pour le bien commun, étant donné les hécatombes qu'il y a sur les routes, si nos gouvernants gouvernaient pour le bien commun, si les valeurs de vie, si la vie passait avant le profit, on s'attaquerait aux causes du fait qu'il y a des morts sur les routes. Étant donné, encore une fois, que ce ne sont pas les élus du peuple qui gouvernent, étant donné le réalisme de nos hommes politiques qui savent fort bien que ce ne sont pas eux qui mènent, on ne peut pas s'attaquer aux causes du fait qu'il y a des morts sur les routes. On dit aux gens: Attachez-vous dans vos tombeaux roulants, "crisse"!

Passons au point suivant: Les droits individuels priment les droits collectifs. Sur ce point, je vous livre mes réflexions telles qu'elles me sont venues dans la nuit du 4 au 5 mai dernier. C'est peut-être la première fois que je m'attardais à gratter la question, à savoir pourquoi j'ai toujours eu une espèce d'incompréhension, de malaise, de tiraillement, chaque fois que j'entends parler de droits collectifs, surtout quand on les oppose ou, ce qui est pire, quand on les superpose aux droits individuels.

Certains diront être assez d'accord avec ce qui précède pour ce qui est de la responsabilité personnelle, mais ils ajouteront que, dans tout cela, il ne faut pas oublier les droits collectifs. Je leur réponds: Ce n'est pas oublier les droits collectifs que de les mettre à leur place, que de leur donner uniquement la place qu'ils doivent ou peuvent avoir, et pas plus.

(Au centre de la feuille.) Si l'on peut parler du droit d'un collectivité à la paix, c'est que chacun des membres de la collectivité, aspirant à vivre en paix avec lui-même et avec les autres, a droit à cette paix. Si l'on peut affirmer qu'une collectivité n'a pas le droit de tuer, il n'y a pas plus de peine de mort juste que de guerre juste. La peine de mort et la guerre, n'étant que des transgressions légales d'un interdit de tuer, on sait fort bien que l'État se permet de faire des choses que l'individu ne peut pas, du moment que c'est légal. Pour l'État, c'est la légalité avant la légitimité. Pour moi, c'est la légitimité avant la légalité.

Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la liberté, c'est que chaque individu composant la collectivité a besoin et a droit d'être libre. Liberté, autonomie, souveraineté... Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à l'autonomie ou à la souveraineté, c'est que chacun de ses membres a droit à l'autonomie personnelle. Si une collectivité a droit de s'attendre à ce que son autonomie soit respectée, c'est uniquement parce que chacun de ses membres a droit de s'attendre que son autonomie personnelle, sa responsabilité personnelle, ses droits individuels soient respectés.

Comment revendiquer l'autonomie pour une collectivité? Comment revendiquer la souveraineté ou l'autonomie pour la collectivité québécoise, alors que l'on refuserait l'autonomie aux individus composant cette collectivité, alors que les individus composant cette collectivité se refuseraient à eux-mêmes l'autonomie? Comment une collectivité peut-elle revendiquer qu'on respecte son autonomie alors que les individus qui dirigent, conseillent ou orientent cette collectivité se refusent à respecter l'autonomie personnelle de chacun des membres de la collectivité, comme le fait le présent gouvernement par son projet de loi no 1, présentement à l'étude? Comment, dites-le moi, une collectivité peut-elle revendiquer un droit qu'elle se refuse à accorder à chacun de ses membres? On voudrait donc l'autonomie pour la collectivité, mais on ne la voudrait pas pour soi-même, espérant ainsi devenir autonome par état interposé, un peu comme on est devenu sportif par personne interposée.

De même, si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la communication, c'est que chaque individu a le besoin et le droit de pouvoir communiquer avec ses semblables, mais il faut préciser ici qu'une langue commune n'est pas le seul moyen de communication entre individus, ce qui fait que des groupes linguistiques différents peuvent cohabiter, communiquer et former une même collectivité. Indiens, Québécois, francophones et Québécois anglophones forment la collectivité québécoise, de même que Français, Anglais, Chinois, Japonais, Russes, etc., forment la collectivité humaine.

C'est parce que la société québécoise est divisée en plusieurs groupes linguistiques différents qu'il est difficile de parler du droit collectif des Québécois à une langue commune. Tous les Québécois n'ayant pas le français pour langue maternelle, il serait plus juste de parler du droit collectif des Québécois à la communication, si on tient absolument à parler d'un droit collectif.

Le droit collectif à une langue commune existe pour le groupe francophone québécois et non pour l'ensemble de la collectivité québécoise, étant donné, encore une fois, que les Québécois, ce sont tous les résidents du Québec. Ce droit, c'est le droit, pour chacun des membres du groupe francophone de parler français, de vivre en français, mais le même droit linguistique collectif existe pour le groupe anglophone québécois et pour les Indiens et pour toutes les minorités ethniques. De quel droit, alors, le groupe francophone québécois voudrait-il assimiler ou intégrer les autres groupes? À cause de la force du nombre? Pour certains, en effet, la majorité accorde tous les droits, parce que, dans les pays dits normaux, c'est comme ça, même le droit, qui n'en est pas un réellement, d'abolir ceux d'autrui. Pourtant, ceux-là qui, parmi les Québécois francophones, sont les plus fanatiques défenseurs de l'assi-

milation des autres groupes linguistiques, sont, en même temps, les plus farouches opposants à ce que la majorité canadienne puisse assimiler les Québécois francophones.

L'idée de nombre et de majorité conduit à l'impasse. Cela conduit aussi aux guerres, les petites impasses. Aussi, serait-il préférable de parler de normalité, plutôt que du droit collectif à une langue commune pour la collectivité québécoise. L'auteur du livre blanc dit avec justesse: Dans un Québec vivant en français, il sera normal que les Québécois, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle, puissent s'exprimer en français. C'eût été un affront à l'intelligence et à la responsabilité personnelle de tous les Québécois que de dire: II sera obligatoire. L'affront est là quand même.

Le droit individuel de l'Indien ou de l'anglophone à parler se langue et à vivre dans sa langue est un droit préalable. Il prime le droit collectif des francophones à une langue commune. De même, le droit individuel du francophone à parler et à vivre dans sa langue est un droit préalable qui prime les droits collectifs des anglophones et des Indiens.

Je l'ai formulé ainsi. Cela m'est venu spontanément et ça vous montre bien l'importance que j'attache aux droits individuels.

Cependant, le bon sens et la responsabilité personnelle, le choix libre des Québécois, quelle que soit leur origine ethnique ou culturelle, leur dictent ce qu'il est normal de faire, s'ils veulent participer, je dis bien s'ils veulent participer à une société française. La loi est ici inutile et inhumaine. On ne peut obliger quelqu'un à intégrer une société de force.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien, je vous informe que vos 20 minutes supplémentaires sont maintenant expirées et, par conséquent, puisque vous avez eu le droit de parole pendant 40 minutes, j'accorde maintenant la parole aux députés en informant chacun des partis qu'il reste 25 minutes au parti ministériel, 10 minutes au Parti libéral, 5 minutes à l'Union Nationale et 5 minutes aux deux députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda.

J'aimerais informer ou du moins avertir les membres de cette commission qu'ils peuvent, bien entendu, s'ils le veulent unanimement, accorder toute leur période de questions aux invités, mais je dois vous avouer que cela peut devenir une sorte de précédent.

Nous allons entendre au cours des semaines peut-être encore 150 organismes, et il serait peut-être à craindre, à cause de ce qui se passe aujourd'hui, si on le faisait une autre fois, que nous nous sentions dans l'obligation, d'accorder à nos invités le même droit, même si, en fin de compte, ce sont les partis politiques eux-mêmes qui en souffrent.

Je vous fais quand même cette mise en garde, tout en vous affirmant qu'évidemment, vous pouvez le décider, mais c'est une mise en garde que je me suis permis de faire.

M. Samson: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Sans préjudice à mes droits futurs, j'accorde mes cinq minutes pour permettre à M. Julien de continuer.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je voudrais signaler que le temps qui est réservé au dialogue entre les membres de la commission et le témoin est tout au moins aussi important que le temps accordé au témoin pour présenter son mémoire, puisque nous...

M. Julien: Je suis disponible pour vous rencontrer quand vous voudrez, où vous voudrez, le temps que vous voudrez.

M. de Bellefeuille: ...puisqu'il s'agit de rencontrer le témoin et de dialoguer avec lui, je tiendrais à ce que le peu de temps qui reste, reste pour que le dialogue soit maintenu.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'il est possible au député de Rouyn-Noranda, sans le consentement unanime, que le député de Rouyn-Noranda a le droit personnel, puisqu'on parle de droits individuels et personnels, de céder son droit de parole au témoin et, par conséquent...

M. Roy: M. le Président, sur ce point.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'aimerais dire tout simplement, pour que nous ne soyons pas obligés de revenir sur le même sujet, que je vais également céder mon droit de parole de cinq minutes, ce qui donnera dix minutes additionnelles au témoin plutôt que cinq minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je m'aperçois que...

M. Roy: Et je me priverai de poser des questions...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je me rends compte...

M. Roy: Cependant — et je tiens bien à le dire devant la commission — je ne veux pas que cela soit considéré comme une habitude pour le reste de nos séances.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est toujours le danger de ces précédents, M. le député de Beauce-Sud. De toute façon, j'avais fait la mise en garde. Vous avez usé de vos droits individuels et, en conséquence, puisqu'aucun autre

parti politique n'a manifesté d'intention, je déclare à ce stade-ci que vous avez encore dix minutes supplémentaires.

M. Godin: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Mercier, sur une question de règlement.

M. Godin: Ne faudrait-il pas avoir l'assentiment unanime des députés avant de donner son temps à qui que ce soit?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne pense pas...

M. Godin: Je le demande au président, M. le député de Rouyn-Noranda. Vous n'êtes pas président ici. Il y a un président ici.

M. Samson: Le président vient de vous le dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre!

M. Samson: II vient de le dire, le président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): À l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés de Mercier et de Rouyn-Noranda, j'ai déjà exposé, en fait, le motif de ma décision. Je peux le faire encore une fois. Comme à l'Assemblée nationale, un député peut céder son droit de parole à un autre, malgré qu'il a demandé l'ajournement des travaux. Je pense qu'à ce stade-ci, il appartient... Chaque député a le droit de céder son droit de parole, même sans le consentement unanime, puisqu'il ne cède pas le droit de la commission, il cède son droit personnel.

En conséquence, je vous informe que vous avez encore dix minutes supplémentaires.

M. Julien: Merci beaucoup. J'aborderai surtout les ajouts, les choses que j'ai ajoutées, étant donné que vous savez lire, vous êtes capables de lire par vous-mêmes.

Donc, à la page 8, deuxième paragraphe, sous le titre: La loi ne détruit pas les complexes, dans le premier paragraphe, je dis qu'il serait avantageux pour tout le monde de lire, de relire, de méditer le dernier paragraphe du livre blanc.

Ensuite, je dis ceci au deuxième paragraphe: "On a maintes fois entendu M. René Lévesque déclarer ceci: "...nous réagirons d'une façon positive sur la question linguistique, le jour où nous aurons perdu nos complexes de colonisés". On ne peut qu'être d'accord avec une telle affirmation. Mais quand monsieur le premier ministre ajoute, et c'est une déclaration récente, que "9 sur 10 des raisons qui motivent la présente loi (ne) disparaîtront (qu') après l'indépendance", cette dernière affirmation ne constitue-t-elle pas l'aveu d'impuissance d'un colonisé..." ou de quelqu'un qui se fait tout à tous pour les sauver tous, enfin de quelqu'un qui prend sur lui les complexes des co- lonisés, qui croit que l'indépendance politique sera le miracle qui donnera aux individus responsabilité, force et courage.

Il ne faut pas attendre une hypothétique indépendance et c'est immédiatement qu'il est possible de détruire les complexes si l'on prend tous les moyens pour ce faire. Après ce que j'ai dit du premier ministre, on me répondra que non. Ce n'est pas vrai ce que j'ai dit, que c'est là l'expression tout simplement de l'opinion d'un homme qui croit sincèrement que la souveraineté politique telle qu'il l'entend c'est ce qui permettra à la majorité démographique, minoritaire psychologiquement, de devenir une majorité psychologique. Je dis que pour que la majorité démographique devienne majorité psychologique, il y a sûrement d'autres moyens que ladite souveraineté politique.

À la page suivante, quand je dis, au troisième paragraphe, qu'il y a cinq siècles vivaient en Amérique du Nord des humains à la peau cuivrée et que sont arrivés d'Europe des sauvages à la peau blanche, M. René Lévesque, sur les ondes, n'a pas aimé le mot sauvage, me disant qu'on devait le bannir de notre vocabulaire, qu'on ne devait pas plus l'appliquer à nous qu'à eux. D'accord. L'expression ou le mot sauvage, je l'emploie, ici, tout simplement comme dans les expressions grève sauvage, attaque sauvage, sauvage ayant le sens de peu respectueux de la vie.

Avant que les dix minutes ne passent, je tiens à dire ceci. Je seconde la proposition de M. Gérard-D. Levesque. Il m'apparaît fort souhaitable, sinon nécessaire, de scinder cette loi. Que tout francophone puisse travailler dans sa langue, c'est normal, c'est juste. Que le paysage soit francisé, c'est encore normal, c'est juste, quand 80% de la population sur un territoire donné est francophone. Que tout Québécois d'origine française puisse vivre dans sa langue et sa culture propre, rien de plus normal, rien de plus juste. Cela doit faire l'objet d'une première loi, la loi présentement à l'étude, mais que l'on oblige un être humain à apprendre une langue plutôt qu'une autre, que l'on oblige un être à aller à telle école plutôt qu'à telle autre, ce n'est pas normal. C'est tout simplement inhumain. Aussi, ce dernier point, celui de la langue d'enseignement, doit-il faire l'objet d'une approche spéciale. C'est une question qui mériterait d'être étudiée avec un regard neuf en vous inspirant, entre autres, de l'esprit des résolutions votées au dernier congrès du Parti québécois au chapitre de l'éducation. Voici deux courtes résolutions, entre autres, qui s'inscrivent dans une perspective de décentralisation pédagogique et administrative en vue de faire de l'école le véritable centre du projet éducatif de chaque quartier ou village du Québec. La première: "Etablir au niveau du ministère des programmes d'étude et des politiques administratives souples en coordination avec les unités de base que sont les écoles et les commissions scolaires dans le but de permettre à ces unités de définir elles-mêmes les services éducatifs en fonction de leurs besoins spécifiques". Pour moi, le besoin spécifique, cela comprend aussi des besoins culturels et linguistiques.

Une autre proposition a été adoptée: "Entreprendre un effort persistant de revalorisation du secteur public en créant entre autres, à l'intérieur du système public, une possibilité de choix entre divers types d'écoles établies à la demande du milieu". L'école "alternative". "Ces écoles pourront se distinguer par le modèle pédagogique, le caractère religieux ou linguistique". Ce dernier point soumis au programme du parti sur la langue. Sur ce dernier point, on peut sans doute dire a fortiori ce que M. le premier ministre disait de la proposition sur l'avortement libre et gratuit, quelques centaines de délégués d'un parti ne peuvent décider pour l'ensemble de la population du Québec. Et je suis convaincu que si mon point de vue pouvait recevoir autant de publicité qu'en a reçu le livre blanc, si j'avais l'opportunité de parcourir la province comme M. Laurin a pu le faire, parce que payé, parce qu'élu, je suis convaincu que je pourrais faire un consensus autour du libre choix.

Il faut commencer quelque part, il y en a qui disent qu'il faut être réaliste, tu ne peux pas... Je me suis fait dire par plusieurs, des députés, des ministres, des attachés de presse de ministres... Voyons donc, on ne peut pas laisser tomber toutes les lois, est-ce qu'on va enlever les feux rouges aux coins des rues? Pour eux, c'est tout ou rien. Si tu enlèves une loi, il faut que tu les enlèves toutes.

Je trouve que c'est un raisonnement plutôt enfantin, ça va avec les enfantillages dont on est témoin ici et à l'Assemblée nationale.

Sur l'urgence, étant donné que mes dix minutes achèvent, pour ajouter aux quatre ou cinq pages, ce qui va dans le même sens que les quatre ou cinq dernières pages de mon mémoire, M. le premier ministre, dans le journal Le Jour du samedi 26 avril 1975, écrivait un article qui a pour titre "Ce monde scandaleux". Je vous lis les trois derniers paragraphes. "Se peut-il, comme le soutiennent les optimistes à tout crin, que l'humanité s'en tire quand même indéfiniment grâce à l'inépuisable ingéniosité de l'espèce? On trouvera des substituts, la recherche produira des miracles encore plus inimaginables, ces trois quarts largement inconnus du globe qu'est le fond des mers nous fourniront à nouveau les moyens de tout faire, de tout nous permettre, peut-être. Mais le risque est terrible comme jamais de prétendre continuer en ne comptant pour ainsi dire que sur la chance. Pour la première fois depuis le commencement de l'histoire, en effet, les délais sont courts et des échéances qui ne pardonneraient pas sont clairement inscrites à l'horizon. "D'ailleurs, de toutes les échéances, la plus évidente n'est pas celle des pénuries sans remède, mais bien plutôt la conflagration qui pourrait se produire bien avant dans ce tiers-monde qui, avec 75% de la population mondiale, n'a toujours accès qu'à 15% de la richesse du globe. Le pire, c'est qu'au lieu de diminuer, cet écart entre les gavés et les faméliques n'a cessé, au contraire, de s'élargir d'année en année et, depuis 1973, la crise énergétique s'ajoutant au reste, en a fait un abîme si désespérant, si insondable que seules des convul- sions proprement révolutionnaires peuvent désormais en sortir. "Car, ce qu'il y a de plus explosif, c'est que les victimes, c'est que les faméliques connaissent désormais toute l'ampleur de ce gaspillage inhumain auquel les privilégiés continuent de se livrer sur une planète où les trois quarts de leurs semblables ont faim à en mourir. Ce qu'il y a de plus explosif, c'est que les victimes savent en détail pourquoi ils crèvent".

Pendant que l'on crève sur la planète, dans certains pays dits civilisés, dits démocratiques, on s'amuse. Ceux-là qu'on appelle les gouvernants s'amusent comme vous le faites. Vous pouvez y aller de vos questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. Julien. J'allais vous dire qu'il vous restait une minute. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie M. Julien pour...

M. Julien: Je peux me passer de vos remerciements. Laissez faire les politesses, vous êtes très fort... je vous le soumets humblement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien, s'il vous plaît...

M. Julien: Première question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Julien, je pense que les membres de la commission ont respecté votre droit de parole et je vous incite fortement à respecter le droit des autres.

M. Julien: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Surtout compte tenu du contenu de votre mémoire. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie M. Julien de son exposé. Son exposé ressemble souvent à un poème, et le fait qu'il a été composé dans la nuit du 4 au 5 mai a évoqué dans ma mémoire le fameux poème de Musset, la Nuit de mai. Son exposé m'a paru aussi quelque peu idéaliste, et d'ailleurs, j'ai eu peine à le suivre en raison des nombreux zigzags et de l'effervescence dont il témoigne.

Cet exposé a été aussi placé par l'auteur lui-même sous le signe de la démesure et de l'utopie, utopie dont certains maîtres ont savamment parlé depuis des siècles, en passant par Erasme, Thomas Moore et la Fabian School of London. II se situe quelque part dans une autre sphère, dont l'accession nous est rendue difficile par les servitudes de la condition humaine.

Par ailleurs, l'auteur, dans son mémoire, admet lui-même que le laisser-faire économique a conduit à la dictature économique, réalité qu'il abhorre et qui se situe aux antipodes de ce qu'il souhaite, ce qui montre bien que la liberté débridée et sans frein produit parfois des fruits empoisonnés. Ce n'est pas le seul domaine où cette li-

berté sans frein, désordonnée, qui équivaut alors à de la licence ou à la négation des réalités, peut produire des fruits aussi nocifs.

Je poserai une seule question au témoin. S'il veut véritablement que le Québec francise son visage, que le français devienne la langue du travail, la langue de la vie quotidienne, quels moyens nous propose-t-il, dans le contexte de cette liberté anarchique et totale qu'il prône, pour arriver à l'objectif qu'il souhaite?

Le Président (M. Cardinal): M. Julien.

M. Julien: J'ai déjà répondu à cette question. Vous n'écoutiez peut-être pas pendant ce temps-là. J'ai dit: Mesures coercitives et incitatives très sérieuses, en vue de réaliser ce que vous venez de dire. Je suis d'accord.

Je n'ai pas dit qu'il fallait enlever toute coercition. J'ai bien dit qu'il ne s'agissait pas, du jour au lendemain, d'enlever toutes les lois. Étant donné qu'on a conditionné les gens à obéir, et à ne faire que cela, étant donné qu'on n'a pas conditionné les gens à être responsables, pleinement aptes à agir, à prendre eux-mêmes leurs responsabilités, étant donné ce conditionnement à l'obéissance, les gens ne sont peut-être pas prêts tout de suite, du jour au lendemain, à voir abolir toutes les lois. C'est pourquoi j'ai dit qu'il faudrait peut-être commencer quelque part.

Je pense que, relativement à ce projet de loi, là où il est le plus normal, le plus juste, le plus humain, là où on pourrait commencer véritablement à procéder par l'incitation et non par la coercition, c'est bien sur le droit de l'être humain à s'épanouir. Je pense qu'il n'y a aucun spécialiste qui soit humain, aucun sociologue qui soit humain, qui va nier que la meilleure façon pour qu'un être puisse s'épanouir au maximum, la meilleure façon, c'est de lui permettre de s'épanouir dans sa culture et dans sa langue. Et ce droit existe pour tous les humains, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, à l'intérieur de quelque frontière qu'ils soient.

Vous avez prononcé, au commencement — parce que j'imagine que ce que vous avez dit au début, je peux aussi en parler — d'abord, le mot idéaliste. Je sais. On me dit souvent que je suis idéaliste. C'est très grave, c'est un péché mortel. Je dis que, quand on a un idéal, c'est sûr que, si on se contente d'en parler, si on se contente des mots, cela ne vaut pas cher. On rêve.

Mais quand on est décidé à prendre les moyens pour en arriver à l'idéal, cela peut être différent. Cela rejoint l'utopie, l'utopie étant que ce qui n'est pas encore arrivé, c'est parce qu'on n'a pas pris les moyens pour y arriver. L'utopie, c'est ce qui n'est pas encore. C'est ce qui sera, à partir du moment où on prendra les moyens de la réaliser, cette utopie.

Vous avez parlé de démesure. Quand je parle de démesure, c'est par opposition à ce qu'on nous dit toujours ou à ce qu'on a déjà dit, tous, personnellement: Je vais agir dans la faible mesure de mes moyens. C'est faux. Nous avons tous en nous une démesure qu'il faut assumer. Cela va avec la responsabilité. Plus un être est responsable, plus il peut assumer cette démesure qui est en lui.

Le laisser-faire économique. Vous avez fait le lien entre le laisser-faire économique, qui a conduit à la dictature économique, et le laisser-faire linguistique, qui pourrait conduire, je ne sais pas...

Il y a peut-être quelque chose de faux dans ce que j'ai dit, c'est évident. J'en ai corrigé des erreurs depuis un mois! J'ai fait des ajouts, je pourrais encore faire des corrections, c'est évident. Quand je dis que le laisser-faire économique conduit à une dictature économique, l'erreur qu'il y a là-dedans, c'est que la dictature économique existait avant la théorie d'Adam Smith qui s'appelle le laisser-faire économique. La dictature économique existe depuis le début des sociétés parce que c'est la loi du plus fort, c'est le plus fort qui mène. Depuis que l'homme s'est approprié la terre, tout ce qu'elle contient et tout ce qui la recouvre, ce sont les possesseurs qui mènent. C'est ce qu'on appelle une dictature économique.

C'est bien avant la théorie d'Adam Smith que cette dictature économique existait. Cela répond à votre question?

Le Président (M. Couture): Je vous remercie, monsieur. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Julien, de votre présentation. Pour ma part, je voudrais faire un commentaire général. Je pense que, même si le ministre d'État au développement culturel considère votre mémoire comme étant idéaliste et ne tenant pas compte, jusqu'à un certain point, de la réalité, il me semble que, quand même, il est bon, pour des gens qui sont dans l'administration quotidienne, que des personnes viennent leur rappeler certaines valeurs humaines importantes que tous et chacun de nous, dans l'effervescence de la vie courante, mettons facilement de côté.

Ce qui m'a le plus frappé — c'est d'ailleurs un point sur lequel je m'interroge souvent — ce sont ces références de plus en plus fréquentes aux concepts de majorité et de minorité qui risquent, je pense, d'établir dans notre société des règles du jeu basées trop souvent sur des rapports de force où, finalement, c'est la règle de la majorité qui devient érigée en principe et qui se traduit par la règle du plus fort.

Je pense qu'il faudra peut-être s'en souvenir dans ces nombreux débats que nous aurons, ici, au moment des auditions, et par la suite aussi.

Il y a une seule question que je voudrais vous poser. Vous avez — j'oublie exactement à quelle page — parlé du libre choix que nous laissions aux anglophones ou que le projet de loi laissait aux anglophones vis-à-vis de l'école comme étant un privilège qui n'était pas accordé au groupe francophone. Je voudrais vous demander si, dans une société qui est une société française à laquelle vous reconnaissez cette responsabilité de vivre en français, surtout d'assumer et de développer sa culture... Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous que des mesures rigoureuses devraient

être prises, mais je me demande s'il faut appeler privilège ce que vous appelez le libre choix accordé aux anglophones, alors que vous vous trouvez dans une société française.

Est-ce qu'il ne faudrait pas davantage le considérer comme une mesure d'exception à l'égard d'une communauté que l'on reconnaît comme existante, ayant des droits historiques, etc. Est-ce qu'on peut vraiment considérer cela comme un privilège qu'on enlève à des francophones, alors que des francophones, eux, disent vouloir vivre dans une société française? Est-ce que vous pourriez répondre à cela? Vous ne saisissez pas.

M. Julien: J'ai mal saisi, parce que je crois que vous avez peut-être mal saisi ce que j'ai dit à un moment donné. Je n'ai jamais parlé de privilège.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais vous considérez qu'aux anglophones, on laisse le libre choix.

M. Julien: Oui. Je considère qu'ils y ont droit, comme tout le monde, oui.

Mme Lavoie-Roux: Et qu'on semble pénaliser, d'une certaine façon, les francophones, parce qu'eux, ne l'ont plus. C'est ce que vous avez dit. Pourquoi enlève-t-on aux francophones le libre choix? Ce n'est pas dans votre mémoire? Peut-être pas textuellement, mais est-ce qu'il n'y a pas cette idée?

M. Julien: Ce que je dis, c'est que le libre choix doit aller à tout le monde, enfin, puisqu'on fait toujours ces divisions. Je serais bien d'accord pour ne faire aucune division, mais étant donné qu'on parle continuellement des anglophones, des francophones, des minorités ethniques, alors j'ai pris chacun... Comme vous avez remarqué, dans le mémoire, j'avais, étant donné que le libre choix était accordé aux anglophones, enfin pour beaucoup d'anglophones, on l'accorde, et comme je l'ai dit, du moins, théoriquement, je n'avais pas parlé de cela dans mon mémoire à l'origine. Je n'avais parlé que du droit des minorités ethniques et le libre choix, les francophones et le libre choix, disant que pour eux aussi, le libre choix doit exister pour tout le monde. Il n'est pas question de privilège pour qui que ce soit. Comme je l'ai dit, le droit de s'épanouir dans sa langue et sa culture, ce n'est pas un privilège, ce ne doit pas être un privilège pour qui que ce soit. C'est un droit sacré, c'est un droit normal. Il est juste, il est humain qu'on l'accorde à tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous reconnaissez que pour les francophones, ce qui est vraiment le droit humain, le droit qu'il faut respecter, c'est qu'il puisse être éduqué dans la langue française.

M. Julien: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord, Mme le député de L'Acadie. Le député de Gaspé. Je soulignerai que, suite à votre générosité, il vous reste cinq minutes.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je vais employer cinq minutes et pas une seconde de plus. Quand M. le ministre a fait allusion à la Nuit de mai, de Musset, il me permettra d'en extraire un vers — c'est très loin pour moi — qui s'applique très bien, je crois, au témoin que nous avons entendu ce matin. "Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage," et le reste...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

Le temps est peut-être à la poésie, mais la parole est au député de Gaspé.

M. Le Moignan: Ne baissez pas mes cinq minutes, s'il vous plaît! Quand on sait que notre témoin est là déjà depuis trois longues journées, je ne suis pas surpris qu'il ait inscrit à la fin de son mémoire "Paix, liberté, amour". Je pense que M. Julien est un apôtre de la paix. Dans le sermon sur la montagne, on peut lire cette belle phrase "Bienheureux les pacifiques", en d'autres mots, bienheureux les faiseurs de paix. Sur cette idée d'amour et de liberté, on peut ne pas être d'accord sur tout ce qui est inscrit dans ce mémoire, mais il me semble qu'il y aurait là beaucoup d'éléments très positifs. C'est un citoyen honnête, comme notre témoin l'a dit, qui vient s'adresser ici à des députés, à des législateurs.

Quand il nous parle de Québécois et qu'il n'y voit qu'une seule signification et qu'il y voit tous les gens qui résident au Québec, à ce moment-là, il rejoint certainement mes idées personnelles. Si le Québec a été formé à partir de nos ancêtres, supposons, les premiers qui sont venus ici, les Français, et quand on pense à cette liberté qui était tellement chère à nos explorateurs, à nos découvreurs, à nos missionnaires et, quand on pense aussi aux luttes célèbres des années 1760 et qu'au lendemain de la conquête, quand les Anglais ont tenté d'angliciser les quelques 60 000 Canadiens français de l'époque et, qu'avec tous les moyens coercitifs qu'ils ont employés, ils n'y sont jamais parvenus, aujourd'hui, je crois que si on regarde la situation dans son ensemble, au-delà d'un million d'anglophones, qu'ils soient Anglais, ou qu'ils soient assimilés aux anglophones, ce n'est pas avec des lois et ce n'est pas avec certains voeux ou résolutions, dont j'ai pris connaissance dans certains journaux et que l'on proclame que, d'ici dix ans, on pourra arracher aux anglophones le droit de parler leur langue. Cela, c'est de la folie pure. On n'arrache pas la langue d'un peuple, pas plus qu'on ne lui arrache sa religion. On ne peut pas non plus imposer une langue.

Je suis d'accord sur certains points de la charte de la langue, comme celui qui a écrit ce mémoire également. Il reste qu'il y a certains changements, certains adoucissements et, quand nous la verrons plus en détail, il n'y a aucun doute

que la prééminence du français, c'est tout à fait normal et légitime dans une collectivité québécoise et qu'avec le temps, on invite, qu'on essaie de solliciter tous les autres groupes à acquérir la culture française, on ne pourra jamais les assimiler pour autant. C'est la même chose également, si on veut être logique, et quand le premier ministre nous parle, nous dit que les francophones, les Québécois devront aussi apprendre la langue anglaise, afin de s'en servir comme un outil, je sais bien que le premier ministre ne veut pas angliciser tous les Québécois. Ce n'est pas le but, non plus, du témoin de ce matin, et je trouve qu'il y a là-dedans beaucoup d'idées. On parle de valeurs morales, collectives, politiques. Ce monsieur ne veut pas être un tombeau roulant, ni aucun d'entre nous. Il nous parle d'autonomie et il nous parle de liberté individuelle...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, il vous reste 30 secondes.

M. Le Moignan: Je vous en remercie, M. le Président. La somme de nos libertés individuelles, je crois que c'est ça qui fait la liberté collective et, M. le Président, j'ai vu quelque part, dans ce mémoire, que le témoin est très poète. Je laisse la parole à un autre intervenant et je lui dis: C'est à votre tour de vous laisser parler d'amour.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. Julien veut, en toute liberté, exercer un droit de réplique? Merci.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais constater que notre entente avec M. Julien a été un moment privilégié, sauf pour peut-être quelques allusions politiques, que je ne discuterai pas. Je constate une extraordinaire unanimité entre les membres de la commission, M. Julien, en nous rappelant l'idéal, nous a mis d'accord sur des choses absolument fondamentales.

Je voudrais signaler, par votre intermédiaire, M. le Président, à M. Julien — et je tiens à ce que le mot soit bien compris— que les positions qu'il soutient sont des positions d'anarchiste, entendu dans le sens véritable de ce mot.

Les anarchistes, les philosophes anarchistes pensent qu'on pourrait fort bien se passer de gouvernement, et bien que M. Julien ne l'ait pas dit peut-être en ces mots, c'est un peu ce que j'ai saisi de sa communication.

Je ne partage évidemment pas cette idée qu'on puisse se passer de gouvernement, mais je partage en quelque sorte ce rêve secret. Je crois que chacun de nous devrait avoir la capacité d'être, au moins à certains moments, anarchiste et utopiste. Et si, M. le Président, M. Julien a provoqué chez nous ce moment privilégié, c'est peut-être en partie, puisqu'il nous a dit lui-même qu'il est sensible et violent, parce que cet homme sensible et violent...

M. Julien: Pas violent, agressif.

M. de Bellefeuille: ...agressif — pardon — a su, à la fois manifester sa sensibilité et contenir son agressivité, et c'est ainsi que M. Julien a passé parmi nous pour faire tomber certains masques et nous faire retrouver tous ensemble, personnes, pour ne pas dire hommes, puisque ce mot de nos jours paraît discriminatoire.

Sur une position philosophique que M. Julien a soutenue, M. le Président, je voudrais lui dire que je suis tout à fait d'accord avec lui, lorsqu'il affirme que les droits individuels doivent primer les droits collectifs. C'est une position philosophique tout à fait valable avec laquelle, je crois, le gouvernement est tout à fait d'accord, mais si le gouvernement est parfois porté à parler des droits collectifs, c'est que, bien qu'il ne puisse jamais primer les droits individuels, ils ont été dans notre société — c'est du moins notre point de vue — négligés et c'est pour cela que nous croyons utile de les remettre en honneur.

J'aurais aimé m'entretenir, par votre intermédiaire, M. le Président, beaucoup plus longtemps avec M. Julien, mais je conclurai, puisque le temps passe vite, avec une remarque à propos d'un passage de son mémoire qu'il n'a pas repris de vive voix, si je n'ai pas eu de distraction, c'est un passage qui est à la page 10 et dont je considère qu'il est d'une profonde sagesse.

M. Julien, au milieu de la page 10 de son texte, nous dit, en parlant des Amérindiens: S'il devait y avoir assimilation culturelle, ce sont les visages pâles qui auraient avantage à se laisser assimiler par les Indiens. Je crois que c'est là une observation fort sage. Je doute que les faits, quant au nombre, la rendent collectivement ou massivement réalisable, mais je verrais fort bien que des Québécois en fassent, en quelque sorte, leur propre parti, qu'ils prennent le parti de se rapprocher de la culture amérindienne et, s'ils le veulent, de s'y identifier, parce que les phénomènes d'interpénétration culturelle doivent toujours se faire dans tous les sens imaginables. Merci, M. le Président, et merci, M. Julien.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Je m'excuse, il faut toujours que la présidence redevienne très terre à terre à l'heure qu'il est, nous devons suspendre nos travaux dans quelques minutes. Je voudrais indiquer...

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je pourrais vous signaler que la pendule du salon rouge a une avance d'au moins sept minutes?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes, je le sais depuis le début, sauf que cela a toujours été l'heure officielle pour tenir le temps de tout le monde et du débat, tant au début qu'à la fin des assemblées. Alors, à moins que le grand horloger du Québec ne vienne modifier, à l'intermède, le jeu de cette horloge, je dois m'en tenir à ce temps. Ce que je voulais dire avant que nous n'ajournions, c'est qu'il nous reste présentement 21 minutes avec M. Julien. Je demande à

M. Julien s'il est disposé, malgré le temps qu'il a déjà passé avec nous, à revenir cet après-midi.

M. Julien: Oui, d'ailleurs j'avais proposé ce matin, par courtoisie pour celles qui sont arrivées hier matin, parce que j'aime bien les femmes, donc par amour courtois, de les faire passer ce matin et moi, j'étais prêt à passer cet après-midi.

Le Président (M. Cardinal): Alors, on vous attend cet après-midi.

M. Julien: Je n'en suis plus à une heure près.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

Nous vous reverrons cet après-midi.

Il reste seize minutes au parti ministériel et cinq minutes au parti de l'Opposition. Je voudrais aussi — un instant, ce n'est pas terminé — men- tionner que le député de Jonquière, qui me remplace à l'occasion, le fait d'une façon très satisfaisante et je veux le remercier.

Ce matin, si j'étais absent, c'est justement à la suite d'un désir de la commission. Je me suis entretenu avec certaines personnes pour tenter de faire en sorte que le mode de convocation soit plus souple et que les gens n'aient pas les périodes d'attente qu'ils doivent subir présentement. Je m'excuse de mon absence, mais je pense que cela peut satisfaire la commission. Enfin, je les remercie tous pour leur patience. Les travaux de cette commission sont ajournés sine die, c'est-à-dire suivant la motion que le leader parlementaire du gouvernement proposera cet après-midi à l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

Reprise de la séance à 16 h 39

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et messieurs!

Nous avons quorum et comme c'est une nouvelle séance, je vais faire l'appel des membres de la commission parlementaire permanente de l'éducation, des affaires culturelles et des communications. MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier) est remplacé par Mme Leblanc (Îles-de-la-Madeleine); MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Chevrette (Joliette) remplacé par Charbonneau (Verchères); MM. Ciaccia (Mont-Royal), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay); Go-din (Mercier) remplacé par Baril (Arthabaska); M. Grenier remplacé par M. Biron (Lotbinière); MM. Guay (Taschereau), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par Gratton (Gatineau); MM. Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); MM. Le Moignan (Gaspé), Paquette (Rosemont), Roy (Beauce-Sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).

Quant à l'ordre du jour — je m'excuse de procéder si rapidement, mais je veux employer le maximum de temps pour nos témoins — après M. Roger Julien, qui peut immédiatement venir à la barre, The Montreal Women Council, le Conseil des femmes de Montréal, représenté par Mme Lois Prénovost. Mme Prénovost est-elle ici?

C'est le nom que j'ai d'indiqué, mais enfin. The Montreal Women Council est ici? D'accord merci. Montreal Lakeshore University Women's Club. Merci. Société nationale populaire du Québec. Merci. Pierrefonds Comprehensive High School. Merci. Comité de coordination de l'ensemble de la communauté grecque de Montréal. Merci. Institut canadien de recherche sur les pâtes et papiers. À remettre. Les Fils du Québec. Merci. M. G. Brousseau. Merci.

Au moment de l'ajournement sine die à 13 heures, nous avions encore comme témoin M. Roger Julien, il reste présentement aux députés 21 minutes distribuées comme suit: 16 minutes au parti ministériel, il n'est pas obligé de les utiliser et 5 minutes au parti de l'Opposition officielle, elle n'est pas obligée de les utiliser.

Personne n'avait demandé la parole. Est-ce que le député de Châteauguay est ici? Non?

M. Dussault: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Châteauguay. Je m'excuse, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Notre témoin, ce matin, a parlé d'agressivité et il m'a fait penser à agression. Effectivement, le contenu de son rapport de ce matin faisait allusion à des rencontres avec des ministres et des députés.

Je pense qu'il est important que notre témoin se rende compte d'une chose, c'est que les députés auxquels il a fait allusion dans son exposé lui ont fait des remarques lorsqu'ils l'ont rencontré. J'étais un de ceux-là, mais je dois dire que cela ne s'est pas fait nécessairement dans un climat où je pouvais, en toute aise, exprimer mon point de vue. Je me suis senti un peu agressé. Je voudrais faire remarquer que l'agressivité peut mener à une forme d'agression, ce qui fait qu'il faut en prendre conscience et faire attention à ce qu'on fait, pour éviter, par la suite, qu'on puisse interpréter des paroles qu'on peut tirer de cette forme d'agression.

Je voudrais aussi porter à l'attention de notre témoin le texte d'une philosophe française, Mme Simone Weil, qui est d'origine juive, qui est morte à Londres en 1943, lors de l'invasion allemande. On a rapproché ses écrits de "L'espoir" de Malraux et c'est un peu dans ce sens que je me permets de l'apporter à la réflexion des gens ici et de M. Julien.

Cela porte sur l'enracinement et c'est une des choses qui, à mon point de vue, me paraissent importantes à retenir dans la philosophie qui doit sous-tendre le projet de loi no 1 et aussi toute l'action de ceux qu'on appelle les nationalistes au Québec parce que le nationalisme ne mène pas nécessairement aux excès qu'on a connus dans le passé. Je pense que c'est important de faire la distinction.

Si vous me le permettez, M. le Président: "L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle, à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir, participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. "Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie.

Les échanges d'influences entre milieux très différents ne sont pas moins indispensables que l'enracinement dans l'entourage naturel, mais un milieu déterminé doit recevoir une influence extérieure, non pas comme un apport, mais comme un stimulant qui rende sa vie plus intense. Il ne doit se nourrir des apports extérieurs qu'après les avoir digérés et les individus qui le composent ne doivent les recevoir qu'à travers lui. "Quand un peintre de réelle valeur va dans un musée, son originalité en est confirmée. Il doit en être de même pour les diverses populations du globe terrestre et les différents milieux sociaux".

Je voudrais que ce texte puisse servir de réflexion à M. Julien quand il nous dit et surtout quand il nous a avancé quasiment comme une prémisse de ses positions qu'il était un citoyen du monde avant d'être un citoyen d'ici. J'ai trouvé cet avancé fort gentil, mais sans fondement dans la réalité humaine.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que le témoin peut répondre?

M. Julien: Je n'ai pas besoin de réfléchir longtemps. Je suis tout a fait d'accord sur la lec-

ture qu'on vient de faire. Je pense qu'avec les racines que nous avons, nous allons créer quelque chose au Québec de drôlement intéressant. Quand je signe, à la fin de mon mémoire — cela fait quelques années que je ne puis signer autrement — citoyen "Kébécois" du monde, quand je prends la peine de mettre d'abord "Kébécois", c'est que, définitivement, je sens que j'ai des racines particulières à cette communauté ethnique ou, enfin, j'ai un sentiment d'appartenance à cette nation, à cette collectivité, enfin, j'ai des racines ici qui font que je me définis comme citoyen québécois. Je n'ai jamais senti d'appartenance..., je n'ai jamais pu me dire citoyen canadien, je n'ai jamais pu dire cela. Je n'ai jamais eu un sentiment d'appartenance au Canada. ...Citoyen québécois du monde, parce que je me sens, d'abord et avant tout, oui, citoyen du monde. Je crois à l'abolition urgente des frontières. Pour ma part, cela fait longtemps que les frontières, cela n'existe plus. Elles sont là, mais...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous avez terminé?

M.Julien: Oui.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez cinq minutes pour tout le parti.

M. Ciaccia: Ne commencez pas tout de suite, je vais ajuster ma montre. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Nous avons une seule horloge officielle, elle est juste devant vous.

M. Ciaccia: M. le Président, pour le témoignage que M. Julien nous a apporté ce matin et les réponses qu'il donne, je dois dire: Bravo, M. Julien.

Vous avez vraiment démontré du courage, pas celui de nous apporter des thèses idéalistes, mais en ce sens que vous nous avez apporté des idées que, parfois, beaucoup de gens semblent oublier. Ce sont des valeurs qui existent dans notre société. Par votre réaction, vous avez pu faire percevoir un aspect humain au problème linguistique. Cette réaction s'est vue dans le mémoire que vous nous avez présenté, mais aussi dans la manière dont vous l'avez présenté. Ce n'est pas pour vous jeter des fleurs que je vous dis cela, c'est une réaction que j'ai eue à votre présentation. Je la compare, par exemple, à la réaction du ministre à de telles présentations. Je pourrais dire que, dans votre cas, vous avez démontré que vous avez du sang dans les veines, pas du fiel. Vous parlez de droits individuels, vous parlez de liberté. Je crois que, dans le contexte habituel, c'est très important de réaliser que, s'il y a eu des problèmes dans le passé, ce n'est pas parce que les droits collectifs ont été brimés. Oublions cela. Les droits collectifs sont assujettis à des abus comme nous en connaissons tous. S'il y a eu des abus dans le passé, c'est parce que les droits individuels ont été brimés, parce que nous avons tous des droits individuels, que nous soyons anglophones, francophones, cela fait que nous sommes des personnes ici, au Québec, nous avons des droits individuels. C'est cette largeur d'esprit que j'ai appréciée dans votre mémoire. Vous réalisez que ce n'est pas par la coercition que nous allons bâtir notre société, parce que ce serait une pénible société, s'il fallait passer par de telles lois.

J'ai remarqué vos remarques sur les Indiens. Permettez-moi de vous raconter un fait, et c'est très approprié, spécialement dans le contexte actuel. Je me souviens, pendant que je négociais l'entente de la baie James, dans laquelle on a protégé les droits culturels et les droits linguistiques des chefs indiens de la baie James. Je lui ai dit: Quand vous étiez ici, vous étiez ici les premiers, quand les visages pâles sont venus, pourquoi, pendant que vous étiez les plus nombreux, n'avez-vous pas eu un référendum pour décider qui, à l'avenir, pourrait ou non venir dans votre pays?

Je lui ai demandé cela et il m'a répondu: Parce qu'on ne voulait pas être des sauvages.

Alors, votre référence, à savoir qu'on peut prendre certains exemples, je crois, est très appropriée. Je vois le contraste entre votre approche et celle du témoin antérieur qui, lui, parlait d'une cohérence et de dirigisme. Dans notre démocratie, parfois on n'a pas de cohérence, c'est vrai. Mais c'est notre démocratie qui a permis au Parti québécois de prendre le pouvoir et je n'en voudrais pas autrement. Parce qu'avec une cohérence, c'est vrai que vous pourriez empêcher certaines idées et certaines choses d'arriver, mais, Dieu merci! nous vivons encore dans la démocratie et la tolérance, plutôt que cette cohérence et cette coercition dont parlait le témoin antérieur.

En conclusion, M. le Président, quand le ministre parlait, il disait que c'était une utopie, que c'est utopique. Premièrement, ce n'est pas une utopie, ce qu'il nous a dit. C'est la vérité, c'est réaliste. Mais, même si vous voulez vous référer aux propos de ce témoin comme utopiques, permettez-moi de vous dire, M. le Président, que je préfère l'utopie de M. Julien, telle que décrite dans son mémoire, que le cauchemar du dirigisme et de la coercition de l'État manifesté dans le projet de loi no 1.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal. Vous n'auriez pas eu besoin de regarder votre montre. Il vous restait 30 secondes.

Est-ce que le témoin veut répondre?

M. Julien: Seulement à une expression, peut-être, qu'on emploie souvent: Nous sommes en démocratie. Heureusement, nous vivons en démocratie. Dame démocratie n'est pas encore née; elle est à l'état de foetus. Cela aussi, ça fait partie de l'utopie qui sera bientôt réalité.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'ai été très intéressé par le mémoire de M. Julien.

Je partage l'orientation fondamentale de la nécessité de mettre d'abord l'accent sur la responsabilité des individus avant de mettre l'accent sur les lois pour effectuer des changements sociaux. Mais j'aimerais quand même rapprocher cet accord de principe d'une autre déclaration du témoin qui nous a dit qu'il fallait, bien sûr, pour que le problème de l'école française, du fait français au Québec, et particulièrement au niveau de l'école se règle de lui-même, franciser le paysage, faire en sorte que le français soit la langue de travail, soit la langue de communication normale. Le témoin s'est dit d'accord à ce moment pour qu'il y ait une certaine coercition pour établir le français dans tous ces domaines de la vie collective. Par contre, le témoin dit: Sur le plan de l'école, il me semble qu'on devrait accorder le libre choix et laisser place à la responsabilité des individus.

Je vais lui poser une question concernant ce fait. J'ai ici des chiffres du ministère de l'Éducation qui datent de mars 1977 qui démontrent que, particulièrement sur le territoire de l'île de Montréal, le nombre d'enfants inscrits à l'école française a diminué de 23,5% pendant que le nombre d'élèves inscrits à l'école anglaise a diminué de 7,9%. En 1970/71, il y avait 63,5% des enfants de l'île de Montréal qui étaient inscrits à l'école française et, en 1975/76, il y en avait 59%.

Évidemment, on a tablé longtemps sur la responsabilité des individus et je suis convaincu également que, dans un autre arrangement constitutionnel, on pourrait, je l'espère, revenir, réduire la coercition et laisser plus de place à la responsabilité des individus comme dans n'importe quel pays. Naturellement, les immigrants s'intègrent à la langue de la majorité, ce qui n'est manifestement pas le cas au Québec et qui explique cette diminution de la proportion des enfants à l'école française.

Le témoin ne pense-t-il pas que cette diminution du nombre d'enfants a l'école française et cette augmentation du nombre d'enfants qui s'intègrent à la culture anglophone ne risquent pas justement de nous amener, éventuellement, à augmenter la coercition dans les autres domaines, dans la mesure où il y aura un plus grand nombre de Montréalais qui vont s'intégrer à la culture anglophone? Je pense que c'est inévitable si on laisse les choses aller, peu importe le genre de campagne incitative qu'on pourra faire. Si les efforts qu'on fait du côté de la langue de travail, de la langue des communications sont contrebalancés par une résistance plus grande, par un plus grand nombre de personnes qui s'intègrent à la culture anglophone, ne pourrait-on pas se retrouver avec exactement la situation inverse, c'est-à-dire qu'on sera obligé d'augmenter la coercition dans le domaine économique et dans le domaine de la langue du travail parce qu'on n'aura pas pris certaines responsabilités au niveau de la langue d'enseignement?

M. Julien: C'est ce que je dis, il faut augmenter la coercition, là où il faut l'augmenter, d'accord, du côté des institutions, du côté des personnes morales, s'il le faut, oui.

M. Paquette: Évidemment, ce que vous nous dites, c'est d'en utiliser le moins possible et de faire appel à la responsabilité des individus, ce sur quoi je suis d'accord, mais je vous demande un jugement sur la situation actuelle. Ne pensez-vous pas que l'on doive limiter l'accès à l'école anglaise, du moins pendant un certain temps, espérons que cela va être le moins longtemps possible, de façon à éviter qu'on soit obligé d'être plus coercitif dans le domaine de la langue de travail et de la langue de l'administration?

M. Julien: Non. Ce que je dis, c'est que ce gouvernement doit donner le plus tôt possible, des preuves très tangibles que, au vouloir qui est exprimé dans le projet de loi, à ce vouloir, peut se juxtaposer un pouvoir très réel de prendre les moyens qu'il faut, vite et bien, pour que tout francophone puisse travailler dans sa langue, pour que le paysage soit français. Et je dis que, peu importe le nombre, quand bien même ce serait 50% des francophones actuellement qui seraient à l'école anglaise, ces francophones qui seraient à l'école anglaise seraient un peu pour les mêmes raisons que les nouveaux Québécois, ceux qui arrivent, pour des raisons économiques, étant donné que la langue du travail, c'est l'anglais. Alors, vous les avez, vous connaissez les raisons pour lesquelles les francophones vont à l'école anglaise. Ce sont ces raisons auxquelles il faut s'attaquer. C'est toujours la même chose, s'attaquer aux causes quand on veut régler un problème.

M. Paquette: Je veux simplement ajouter que c'est ce que fait le projet de loi. On s'attaque d'abord aux causes...

M. Julien: Oui, d'accord.

M. Paquette: ... ce qui nous a permis d'être relativement ouverts sur le plan de la langue d'enseignement.

M. Julien: Oui, ne nous attaquons qu'aux causes, mais il faut s'y attaquer vraiment et résolument.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le député de Rosemont a terminé? M. Julien, nous avons fini de vous entendre, de vous interroger. Nous vous remercions de votre patience et de votre collaboration. Je vais appeler un autre groupe devant nous. Merci.

M. Julien: Bienvenue.

Le Président (M. Cardinal): Le Montreal Women Council. Le Conseil des femmes de Montréal. Je vous prierais de vous approcher, d'identifier chacun des représentants ou des représentantes plutôt, le masculin ne l'emportant plus sur le fémi-

nin. Alors, mesdames, veuillez, s'il vous plaît, vous identifier individuellement et identifier votre mouvement. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

The Montreal Women Council

Mme Williams: M. le Président, messieurs et madame les membres de la commission, je veux me présenter. Mon nom est Mme Emmy Williams, je suis la présidente du Conseil des femmes de Montréal. Mme Catherine Smith est à ma gauche et Mme Norah Bengough à ma droite.

Il y a quelques semaines, l'évêque anglican de Montréal, le Rév. Reginald Hollis, s'est prononcé dans le Montreal Churchmen sur le livre blanc sur la langue française au Québec. Il a dit que, puisque nous avons la liberté de parole, il est évident que c'est notre devoir de parler. Si nous avions peur de nous exprimer devant vous, nous aurions vraiment quelque chose à craindre. Nous sommes ici pour discuter raisonnablement les recommandations de notre association et nous vous en sommes reconnaissantes.

Avant de commencer, il me faut peut-être dire quelques mots de notre association, l'association que je représente. Le Conseil des femmes de Montréal est une fédération fondée en 1893 et, à ce moment-là, le groupe avait à peu près 90 ou 95 associations. Le Conseil des femmes de Montréal est une association membre du Conseil national des femmes du Canada et du Conseil international des femmes. Le but de ce conseil est de faciliter les contacts entre les diverses associations par l'intermédiaire de la fédération. Le conseil sert de liaison et aide à l'accomplissement de tout travail d'un intérêt commun. Nulle association affiliée au conseil ne perd son indépendance quant aux vues qu'elle poursuit ou aux méthodes utilisées.

Elle n'est liée par les principes d'aucune autre association membre du conseil. Chaque association est représentée par sa présidente et deux délégués.

Permettez-moi de souligner le plan que nous avons suivi en préparant notre mémoire. Tous nos membres ont eu l'occasion de s'exprimer; avec un comité ad hoc, nous avons formulé une prise de position sur le livre blanc, et elle a été acceptée à notre réunion le 20 avril. Nous avons utilisé notre prise de position comme document de travail pour sonder nos organismes affiliés au sujet de la charte. Après avoir reçu les réponses, nous avons rédigé notre mémoire qui, après des amendements, a été accepté à notre assemblée annuelle le 18 mai. Mais, puisque la langue de travail de notre association est l'anglais, le texte anglais est notre version officielle. Je regrette que les textes anglais et français que vous avez reçus contiennent plusieurs erreurs de traduction imputables à la hâte mise à les faire.

J'ai donné des copies des feuilles blanches au secrétaire, elles sont une meilleure traduction que les versions contenues dans les feuilles bleues. S'il vous plaît, mettez-les au rancart.

Je vais commencer maintenant à la page 1. Je vais répéter un peu.

Une fédération de 95 organismes, représentant un sociétariat de 100 000 membres, le Conseil des femmes de Montréal travaille depuis 1893 à l'amélioration des conditions sociales. Bien que les sociétés fédérées qui composent le Conseil des femmes de Montréal jouent des rôles différents au sein de la fédération (organismes volontaires, professionnels, culturels, ethniques et/ou religieux), toutes sont unanimes lorsqu'elles déclarent que chaque citoyen a droit à la dignité, à la justice et aux chances d'avancement qui lui permettront de s'épanouir et de se développer pleinement dans un univers de plus en plus complexe.

Objectifs visés par ce document. En accord avec cette ligne de pensée, le Conseil des femmes de Montréal juge qu'il est de son devoir de commenter la Charte du français au Québec, publiée le 27 avril 1977. Nous avons rédigé ce document en tant que Canadiens nés ici ou ayant choisi d'y émigrer jouissant de droits égaux et régis par les lois du Québec.

Nous sommes d'accord pour que le gouvernement du Québec procure aux individus qui le désirent, la possibilité de travailler, de vivre et de s'épanouir en français. Néanmoins, nous soutenons que ceci ne doit pas être accompli au détriment des droits de la personne ni aux dépens des principes démocratiques dont nous jouissons.

Depuis quinze ans, le Conseil des femmes de Montréal encourage et soutient la communauté francophone dans son épanouissement culturel. Cependant, nulle part dans le préambule de la charte, il n'est fait mention de cette bonne volonté qui existe dans notre communauté, le gouvernement s'étant contenté d'étaler des statistiques et des attitudes depuis longtemps améliorées. Les attitudes ont changé et les écarts de salaires ont été réduits considérablement. Ce que l'on peut encore constater, cela s'explique par d'autres facteurs dont, entre autres, le degré d'instruction. Le gouvernement a choisi d'ignorer ou de minimiser le chemin parcouru, se contentant de présenter son point de vue influencé par des préjugés, sans tenir compte de la bonne volonté qui a été démontrée depuis de nombreuses années.

De plus, nous croyons que le gouvernement a outrepassé considérablement le mandat qui lui a été confié en adoptant comme il le fait, le statut d'indépendance, confondant ainsi des idéologies politiques avec la responsabilité d'offrir au peuple un gouvernement constitutionnel et efficace. La charte refuse de reconnaître les pouvoirs contenus dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, particulièrement à l'article 133, mais ceci ne diminue en rien la portée de cet acte vis-à-vis des citoyens. Nous tenons pour acquis la primauté de la langue française au Québec mais soutenons que le Québec est une province parmi d'autres provinces et que ses citoyens ont tous les mêmes droits, tel que stipulé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il faut parfois souffrir ensemble.

Dans la limite de nos connaissances et champs d'activités, nous commenterons les articles de la Charte de la langue française au Québec qui, selon nous, violent davantage les libertés individuelles.

Nous rejetons, dans sa totalité, l'article 172. La Charte des droits et libertés de la personne, proclamée en 1975, garantissait, par l'article 10, à tous les citoyens du Québec: "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale".

Le projet de loi no 1 supplanterait par le fait même la Charte des droits et libertés de la personne en vertu de l'amendement à l'article 52 qui voudrait annuler ou réduire ces droits en apportant des distinctions, des exclusions ou des préférences.

Les citoyens canadiens d'origine ou par adoption jouissent actuellement de droits égaux et devraient continuer de bénéficier de ces droits. L'imposition de lois différentes pour certaines classes d'individus nous a menés à une société divisée en castes. Les individus privilégiés en raison de leur origine, de leur niveau d'instruction, de leur langue ou de leur richesse deviendraient ainsi l'élite, une élite qui ne repose ni sur la capacité de ses membres, ni sur les contributions à la société, mais qui s'appuieraient tout simplement sur les suppositions a priori.

Nous recommandons d'abord que tous les articles de la Charte de la langue française au Québec soient conformes aux clauses stipulées dans la Charte des droits et libertés de la personne.

La Charte de la langue française est basée sur de fausses affirmations. La première phrase du préambule présume que le français est la langue de tous les citoyens du Québec.

Les sections 2 à 6 inclusivement sont fondées sur ce principe. Ceci est absolument faux. Il est évident que le mot "Québécois" ne s'applique ici qu'aux Canadiens de langue française originaires du Québec, mettant ainsi à l'écart 20% de la population.

Nous acceptons pleinement la primauté de la langue française dans la mesure où les droits reconnus par l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ne sont pas brimés. Nous reconnaissons également que l'égalité entre individus doit être le principe de base d'une société démocratique.

Nous recommandons que tous les citoyens puissent jouir de droits égaux et ce, sans égard à leur origine, et que ce principe soit clairement énoncé dans la charte. S'il vous plaît, biffer les mots qui suivent: La langue de la Législature et des tribunaux. À tous les niveaux, devant les tribunaux, les avocats doivent pouvoir plaider les causes de leurs clients dans la langue de ces derniers. Les jugements rendus doivent l'être dans la même langue, afin que toutes les nuances de la loi soient bien comprises. Les origines des lois québécoises sont tirées des lois françaises et anglaises et l'on se doit d'accepter cette réalité.

Nous recommandons donc que les textes des jugements soient rendus officiellement en français ou en anglais, selon la juridiction officielle, et que les révisions appropriées soient apportées à l'article 13.

Langue de l'administration publique: Les articles 14 à 22 qui exigent l'usage exclusif du français dans l'administration des corps publics et des écoles, obligation confirmée par l'article 23, sont irréalistes. L'article 21 est artificiel et non rentable, alors que l'article 19 peut conduire à certains excès. Bien que nous soyons d'accord pour que les communications externes avec le gouvernement se fassent en français, nous croyons que les communications internes avec les contribuables doivent pouvoir se poursuivre dans la langue de la population en vertu du corps administratif et responsable. Il y a un changement ici. Je vais le lire très lentement. Nous recommandons que des exceptions soient faites clairement et sans équivoque concernant les services publics qui desservent une population à prédominance anglophone.

M. Charbonneau: M. le Président, si vous voulez répéter la modification au texte, s'il vous plaît!

Mme Williams: Je vais la lire lentement. Nous recommandons que des exceptions soient faites clairement et sans équivoque concernant les services publics qui desservent une population à prédominance anglophone. D'accord.

La langue des affaires et de l'industrie: Le Conseil des femmes de Montréal croit fermement que l'article 47 empiète sur les droits de la personne. Nous trouvons inadmissible le projet qui vise à enlever ou à détruire les panneaux et enseignes localisés sur les propriétés privées, ce qui constitue, à notre avis, une intrusion dans la vie privée et porte atteinte aux principes démocratiques que chérissent les citoyens. Nous recommandons que l'article 35 de la loi 22 soit retenu afin que les enseignes puissent être rédigées en français ou en français plus une autre langue.

Nous craignons que l'article 46 ne soit irréaliste et qu'il ne devienne un fardeau financier et psychologique pour certaines régions de la province. Les exigences linguistiques des différentes régions sont influencées autant par des facteurs socio-économiques que par la répartition de la population. Pourtant, ces données ne sont pas reconnues à l'intérieur de la charte.

Si toutes les recommandations de la charte deviennent loi, plusieurs droits acquis seront retirés. Ceci ne doit pas être permis dans une société démocratique dont nous faisons toujours partie. La charte voudrait imposer d'autorité des valeurs non conformes aux désirs de la population. La liberté d'expression doit demeurer un droit acquis dans une société démocratique et nous présumons que le Québec demeurera une société démocratique.

Nous recommandons que soient rayés les articles 46 et 47, car nous croyons qu'ils empiètent sur la liberté d'expression dans toutes ses formes.

La langue d'instruction: Nous félicitons le gouvernement pour avoir souligné la nécessité d'un bon enseignement au niveau du français écrit et parlé. Cependant, le Conseil des femmes de Montréal déplore beaucoup que le gouvernement ait décidé unilatéralement de restreindre fortement le système d'éducation anglophone. La qualité du système d'éducation francophone ne doit pas être améliorée aux dépens du système scolaire anglophone, lequel est bien établi depuis longtemps. Un excellent enseignement dans les deux langues dans toutes les écoles du Québec diminuera la nécessité de devoir faire un choix.

Puisque nous avons grand besoin, au Québec, de personnes instruites et bilingues, tant anglophones que francophones, l'enseignement d'une langue seconde ne doit pas être négligé. Parce que la Charte de la langue française au Québec n'apporte pas de solutions concrètes pour un meilleur enseignement d'une langue seconde à l'intérieur du système scolaire francophone, il est à craindre que la majorité des personnes de cette province seront isolées et écartées de la place importante qui leur revient au sein du contexte économique nord-américain.

Le Conseil des femmes de Montréal, dont le sociétariat se compose de membres francophones et anglophones, déplore la polarisation et le fractionnement de sa province. Nous devons également respecter les droits à l'enseignement religieux des minorités, tel que stipulé dans l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Nous recommandons donc que l'article 52a soit révisé pour se lire comme suit (il y a une correction ici): i) Un enfant dont le père ou la mère est un/une citoyen(ne) canadien(ne) et dont la langue de scolarisation de l'un ou de l'autre a été l'anglais. ii) Un enfant dont le père ou la mère est un/une immigrant/e reçu/e à la date d'entrée en vigueur de la loi si la langue de scolarisation de l'un ou de l'autre a été l'anglais."

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme Williams, je me permets de vous informer que le temps est maintenant expiré, mais j'espère que les membres de la commission n'en voudront pas à la présidence si je vous accorde cinq minutes supplémentaires, compte tenu des efforts extrêmement manifestes et louables que vous faites actuellement.

Si les partis n'ont pas d'objection et comme vous êtes rendue à la fin de votre mémoire, je vous accorde un cinq minutes supplémentaires.

Mme Williams: Je peux continuer. Très bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

Mme Williams: Je vais lire un peu plus vite, "b) Nous recommandons donc également la liberté de choix entre n'importe lequel des systèmes scolaires pour les enfants qui souffrent de troubles d'apprentissage ou qui sont handicapés physiquement ou/et mentalement.

La Commission de surveillance et les demandes de renseignements. Le Conseil des femmes de Montréal s'inquiète surtout de la mise en place d'un comité de surveillance (article 121). Les pouvoirs étendus, mais non encore définis qui lui sont accordés par les articles 131, 132, 133 et 139 pourraient être mal interprétés et mener à des abus de tous genres. Nous craignons que, dans les mains de bureaucrates, cette commission pourrait acquérir les pouvoirs d'un État policier et qu'une telle loi puisse facilement devenir oppressive et punitive selon l'humeur d'une bureaucratie impersonnelle. Par le passé, le Conseil des femmes de Montréal a protesté vigoureusement contre l'octroi de pouvoirs trop étendus à des commissions d'enquête, à des agents du gouvernement ou à des personnes désignées par un ministère et dont les actes ne sont pas contrôlés par les tribunaux; ces pouvoirs empiètent sur la liberté et la vie privée des citoyens.

Nous déplorons le ton autoritaire utilisé dans ce titre et recommandons que la charte soit révisée afin d'assurer le maintien des droits à la liberté et à la vie privée pour tous les citoyens de la province de Québec.

Un des objectifs primordiaux du Conseil des femmes de Montréal est de travailler à l'amélioration des conditions sociales; mais, sans un contexte économique stable, les contributions fiscales devenues inadéquates ne permettront pas d'améliorer les conditions sociales ou les affaires culturelles. Nous croyons que le fait de saper la bonne entente et le climat de confiance au sein du monde des affaires affaiblira le contexte économique de notre province, mettant ainsi en péril les programmes d'aide sociale. C'est quelque chose de très important pour notre association.

C'est pourquoi le Conseil des femmes de Montréal s'interroge quant aux règlements sévères qui émanent des titres II et IV; ces règlements qui pourraient faire fuir les investissements financiers du Québec et qui pourraient priver ainsi notre province d'emplois, d'industries et de salaires. Quoi qu'on en pense, la plupart des industries fonctionnent suivant le système de profits et pertes et elles investiront là où la productivité est à un niveau élevé. La technologie moderne requiert un personnel compétent dans quelque domaine que ce soit et les exigences d'une telle loi décourageront une immigration de gens qualifiées, réduisant ainsi la mobilité interprovinciale et internationale et nuisant encore plus au climat économique du Québec. Il est évident qu'un climat de confiance doit régner pour qu'un pays soit en bonne santé économique. Nous croyons donc qu'un climat de confiance doit régner de nouveau au Québec. En conséquence, nous recommandons que le monde des affaires soit consulté afin que la Régie de la langue française et de francisation ainsi que le Conseil consultatif de la langue française puissent refléter la réalité économique de l'Amérique du Nord au-delà des exigences de l'industrie québécoise.

Conclusion. Ce document s'est surtout préoccupé des droits de chaque citoyen. Nous craignons l'usage inconsidéré d'agences gouverne-

mentales et de fonctionnaires pour la mise en application et l'administration d'une philosophie politique, car ils mènent souvent à des abus de pouvoir. Les bureaucrates et les technocrates qui décréteront des lois encore à venir seront, pour la plupart, inconscients des besoins individuels des citoyens.

Le Conseil des femmes de Montréal est conscient du fait que la structure bureaucratique est expansionniste au point de devenir parfois encombrante et qu'elle devient de plus en plus onéreuse pour les contribuables. Un grave danger existe quant à la liberté d'expression des citoyens à cause de cette bureaucratie et des règlements qu'on peut imposer sans tenir compte des besoins individuels des citoyens dans une société pluraliste. Nous reconnaissons que le Québec n'est pas homogène au plan linguistique. Nous regrettons sincèrement qu'on n'en ait pas tenu compte dans le projet de la Charte de la langue française au Québec. Le Conseil des femmes de Montréal croit fermement qu'un climat de confiance doit à nouveau régner dans toutes les couches de la société québécoise.

La langue et la culture françaises doivent être protégées, mais ceci doit être accompli de façon réaliste. La mise en place de mesures coercitives et la promulgation de lois discriminatoires ne sont pas de bons moyens pour faire un Québec fort et bien enraciné dans le XXe siècle.

Nous, membres du Conseil des femmes de Montréal, réaffirmons notre fierté et notre foi dans le Québec. Nous sommes ici chez nous. Merci, monsieur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup, Mme Williams. J'ose espérer que vous avez remarqué la tolérance de la présidence. Je ne voudrais pas, par exemple, que ce soit considéré par les autres groupes comme un précédent nécessairement. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier le Conseil des femmes de Montréal pour son mémoire. Je voudrais d'abord vous demander, madame, étant donné que le bottin téléphonique ne donne que le nom anglais de votre organisme, c'est-à-dire The Montreal Council of Women, si la raison sociale de votre organisme est anglaise ou bilingue.

Mme Williams: Mais est-ce que vous avez une copie? Nous avons les deux noms.

M. Laurin: Non. Je dis: Étant donné que le bottin de téléphone ne contient que...

Mme Williams: Ah oui!

M. Laurin: ... le nom anglais de votre organisation, je vous demande si la raison sociale de votre organisme est uniquement anglaise ou bilingue.

Mme Williams: Je pense que la raison, c'est un mot difficile, mais la majorité de nos membres est anglophone et c'est une chose à laquelle nous n'avons pas pensé. C'est vrai, c'est seulement en anglais dans l'annuaire et peut-être que nous allons changer cela tout de suite, parce que nous avons onze associations qui sont bilingues, nous avons plusieurs membres francophones, mais majoritairement, nous sommes anglophones.

M. Laurin: Vous dites, à la page 2, que votre organisme encourage et soutient la communauté francophone dans son émancipation culturelle depuis quinze ans. Est-ce que vous pourriez me mentionner quelques-unes des initiatives que vous avez prises dans ce sens et qui témoignent de votre action?

Mme Williams: Oui, certainement, parce que nous avons suivi de très près le progrès du système scolaire au Québec et je ne veux pas répéter ce que les personnes de Richelieu Valley ont dit hier, mais nous avons appuyé très fortement les cours d'immersion totale dans les écoles anglophones. Je pense que c'est peut-être la chose la plus importante que nous avons faite.

Nous avons travaillé dans le domaine des droits de la personne et c'est sans distinction, comme vous le comprenez, ensuite, c'est une chose très importante que le passe-temps national de nos membres est de suivre des cours de français, au niveau personnel. En plus de ça, nous travaillons avec les associations francophones et je peux vous dire que ce que nous faisons avec elles et depuis nous travaillons aussi en français avec le Conseil du statut de la femme. Est-ce assez?

M. Laurin: Vous dites que vous avez soutenu la communauté francophone dans son émancipation culturelle. Je voulais vous demander ce que vous avez fait...

Mme Williams: Mais peut-être...

M. Laurin: ... pour faire avancer la cause de la communauté française, par exemple?

Mme Williams: Peut-être que... je ne veux pas entrer dans la sémantique maintenant, mais je pense que si je veux parler au niveau pratique, je comprends peut-être mal, une des choses que je comprends de la communauté francophone, c'est qu'elle veut que le français devienne la langue de communication et, dans ce domaine, c'est pour nous un certain appui d'essayer de nous impliquer dans la vie quotidienne québécoise en français.

M. Laurin: À la page 3, vous dites que les citoyens canadiens jouissent actuellement de droits égaux et devraient continuer à bénéficier de ces droits, établir des lois différentes pour certaines classes d'individus, c'est faire en sorte que la société devienne caste, c'est-à-dire forme des individus privilégiés. Étant donné que les francophones dans les autres provinces du Canada sont des citoyens canadiens et qu'ils n'ont peu ou presque pas des droits que les anglophones ont ici au Québec, diriez-vous qu'ils sont des citoyens de

seconde classe, qu'ils appartiennent à une sous-caste et que tous les anglophones, dans les autres provinces, appartiennent à une caste privilégié?

Mme Williams: C'est une question très difficile. Non, je pense que si nous voulons faire des comparaisons avec les francophones des autres provinces, avec les anglophones ici, c'est ça que vous voulez dire? Ou que les anglophones des autres provinces sont privilégiés?

M. Laurin: Non, vous affirmez que les citoyens canadiens jouissent actuellement de droits égaux partout au Canada et qu'il ne faut pas établir des lois différentes afin de ne pas créer une classe de privilégiés et de ceux qui le sont moins. Étant donné que tout le monde sait que dans les autres provinces du Canada, les francophones n'ont pas les droits que les anglophones ont ici, est-ce que ça veut dire que les anglophones ailleurs au Canada appartiennent à la caste des privilégiés?

Mme Williams: Je ne pense pas. Mais ici, quand nous disons les citoyens canadiens d'origine ou par adoption jouissent actuellement de droits égaux, je pense que ce que nous voulons dire, c'est que les citoyens ici, au Québec, jouissent actuellement de droits égaux. Je pense que la crainte ici est que les changements proposés vont changer ça, par exemple à l'article 52, quand ça va nous donner deux classes de citoyens canadiens, parce que les Canadiens qui viendront de l'extérieur n'auront pas les mêmes droits que j'ai ici avec mes enfants. C'est ça que ça veut dire, ce sont les Canadiens ici. Peut-être que ce serait mieux si nous avions dit les Québécois ici, mais ce sont des Canadiens ici au Québec.

M. Laurin: À la page 2, vous dites que le gouvernement, en présentant une loi comme celle qu'il présente, fait comme s'il était déjà indépendant.

Est-ce que vous connaissez l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique...

Mme Williams: J'en ai une copie avec moi.

M. Laurin: ...qui donne aux provinces une juridiction sur plusieurs compétences, dont l'éducation, par exemple?

Est-ce que cela veut dire que vous pensez qu'il est interdit à une province, actuellement la province de Québec, de légiférer en matière d'éducation, de langue, de communication ou d'affaires, parce que faire cela serait déjà proclamer l'indépendance et rejeter le fédéralisme?

Mme Williams: II y a deux choses que nous discutons ici. Si je comprends bien, l'article 92 nous donne ici, le droit de légiférer dans le domaine de l'éducation. Mais pour moi, c'est l'éducation elle-même. Les droits du citoyen, c'est une chose un peu différente.

Ce que nous voulons dire ici, encore une fois, c'est que le mandat qui a été confié à notre gouvernement... C'est un gouvernement efficace qui ne donnera pas de statut avant le référendum, qui va confier moins de droits aux citoyens canadiens en dehors de la province.

Mais ce n'est pas dans le domaine de l'éducation. Il y a deux choses en jeu ici.

M. Laurin: Considérez-vous que l'État a le droit d'intervenir pour limiter un droit individuel?

Mme Williams: Pas très souvent. Il y a des cas où un individu va faire quelque chose qui va heurter un autre, cela est une chose. Mais si vous voulez, nous pouvons discuter de la charte des droits de la personne. Mais ce ne sont pas les droits qui sont confiés dans la charte. Là, je ne pense pas qu'on puisse...

M. Laurin: Par exemple, concernant le bien commun. Est-ce qu'un État a le droit de légiférer pour limiter un droit individuel?

Mme Williams: Le bien commun... Je pense que l'État ne peut pas limiter les droits qui sont dans une charte, la charte des droits de la personne. Si vous voulez, il y a les autres déclarations des droits humains. Mais il y a, parfois, pour la protection des autres, la santé, le bien-être physique ou quelque chose comme cela, mais c'est une autre chose.

Quand vous dites que l'État doit intervenir, qu'est-ce que vous...?

M. Laurin: Par exemple, tous les jours, l'État passe des lois et beaucoup de ces lois limitent les droits individuels au nom du bien commun.

Mme Williams: Oui, elles limitent les droits, je pense que nous avons tous les droits, comme citoyens, d'être protégés par une certaine sorte de loi. Ces droits sont assez bien protégés ici par la charte des droits de la personne et par les autres lois aussi.

Mais il y a... Peut-être que vous connaissez très bien la déclaration des droits de l'homme de l'ONU. Je pense que c'est une base que nous pouvons tous utiliser. Parfois je pense que l'État a plus de difficultés à empiéter sur les droits qui sont mentionnés. Mais il y a toujours... Je n'ai pas le droit de brûler un feu rouge.

M. Laurin: Vous dites quelque part dans votre mémoire que la minorité anglophone représente 20% de la population. Pourtant, j'ai, devant moi, les chiffres du recensement de 1971...

Mme Williams: Je les ai ici, monsieur.

M. Laurin: ... qui disent que le nombre de citoyens de langue maternelle anglaise est de 13,1% et que le nombre de citoyens dont la langue d'usage est l'anglais est de 14,7%. Est-ce que vous avez des allégués à présenter pour montrer qu'au cours des six dernières années ces chiffres ont augmenté pour atteindre les 20% que vous mentionnez?

Mme Williams: Monsieur, c'est la page 4, n'est-ce pas, que vous mentionnez?

M. Laurin: Oui.

Mme Williams: Est-ce que je peux la lire encore une fois? Il est évident que le terme "Québécois" ne s'applique ici qu'aux Canadiens de langue française originaires du Québec, mettant ainsi à l'écart 20% de la population. J'ai les mêmes chiffres avec moi et, quand nous avons dit cela, cela ne voulait pas simplement dire les anglophones pure laine, si vous voulez, mais cela voulait dire aussi les autres. Il y en a beaucoup, comme vous le savez très bien.

M. Laurin: Oui, d'accord. Vous parlez, à une autre page de votre mémoire, des répercussions économiques possibles de la législation linguistique, sur, par exemple, l'exode de sièges sociaux...

Mme Williams: Je n'ai pas mentionné les sièges sociaux.

M. Laurin: ... ou la diminution d'investissements.

Mme Williams: Oui, c'est cela.

M. Laurin: Est-ce que vous avez pensé aussi aux répercussions économiques d'une situation où on exige le bilinguisme de francophones pour une très large catégorie d'emplois pour qui, en raison de cette exigence, le chômage ou l'absence de promotions devient règle courante? Est-ce que vous ne pensez pas que cela peut avoir des répercussions économiques aussi?

Mme Williams: Je pense que, dans le mémoire, nous avons mentionné cela plus au sujet du climat. Je pense que tous les Français qui le veulent doivent avoir le droit de travailler en français. Ce n'est pas une question de bilinguisme dans la communauté francophone. Je pense que nous sommes ici pour discuter raisonnablement un problème très sérieux et je pense qu'on peut régler le problème ensemble. À parler ensemble ici, je pense que c'est cela qui va commencer à apporter un climat positif pour nous tous. Il n'est pas question que tout le monde soit bilingue, mais je pense qu'il doit y avoir assez de personnes bilingues, parce que, comme nous le savons tous, on ne vend pas tous les produits des usines du Québec en français, car nous sommes entourés par un marché économique fantastique où la plupart parlent anglais.

M. Laurin: Une dernière question. Vous demandez, à votre chapitre sur l'éducation, que tous les nouveaux immigrants, au Québec, qui ont reçu leur éducation en anglais, quelque part dans le monde, soient intégrés, aient le droit d'aller à l'école anglaise. Vous ne demandez pas la même chose pour ceux qui n'auraient pas reçu leur éducation en anglais, par exemple, pour ceux qui l'auraient reçue en grec, en italien ou en d'autres lan- gues. Pourriez-vous m'expliquer les raisons qui vous ont fait opter pour cette recommandation?

Mme Williams: Nous avons beaucoup discuté de cela, parce que c'est un changement de politique de notre association, parce qu'avant le bill 22, nous avions demandé le libre choix. Il y a un processus que nous pouvons suivre ici. Pour commencer, si les règles sont assez claires, les immigrants ont le choix de ne pas venir. Mais nous voulons que tous les Canadiens aient les mêmes droits, parce nous ne sommes pas un État indépendant, en ce moment. Je pense que l'idée...

M. Laurin: Vous parlez des gens qui viendraient des autres pays?

Mme Williams: S'ils ont reçu leur éducation en anglais, je pense qu'ils doivent avoir l'occasion... Je pense qu'ils ont le choix, comme je disais tantôt, d'aller dans les autres provinces. J'ai ici deux idées. Est-ce que je peux recommencer? S'ils ont reçu, comme les Américains, vous avez dans la Charte... Si une compagnie américaine, par exemple, envoie une famille ici pendant deux ans — c'est réglé, n'est-ce pas — et si elle veut envoyer les enfants dans une école anglaise, ils peuvent aussi, comme vous le savez très bien, aller à l'école française. Les immigrants anglophones des autres pays, s'ils ont choisi de venir ici au Québec, doivent envoyer leurs enfants à l'école française, parce qu'ils ont le choix avant de venir. Ils peuvent aller en Ontario, ils peuvent aller au Nouveau-Brunswick. Ils ont le choix. Si c'est quelque chose qui est très important, c'est assez facile pour nous. Nous avons décidé cela, parce que cela donne aux Canadiens les mêmes droits partout. Parfois, les Canadiens n'ont pas le choix, parce que les compagnies envoient des personnes partout. Nous avons déménagé en Colombie-Britannique et nous sommes revenus. Ce n'était pas notre choix, mais c'est comme cela que cela fonctionne. D'accord? Merci.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Madame, nous tenons, nous, du Parti libéral, à vous remercier, vous et votre groupe, pour ce document très positif que vous nous avez apporté. Il n'est pas facile, dans l'atmosphère actuelle et surtout lorsque l'on est de langue anglaise, de regarder, d'observer et d'étudier froidement la loi que nous avons à étudier, mais vous avez réussi à le faire et vous nous avez apporté, comme je le disais, des éléments extrêmement positifs. Je vous demanderais si vous êtes du même dire ou de la même opinion que moi-même.

Il me semble qu'actuellement les autorités regardent et observent la communauté anglophone du Québec comme étant une communauté stable, qui n'évolue pas, extrêmement conservatrice et qui a très peu changé ou, du moins, qui n'aurait pas changé au même rythme que la population francophone. Je le dis sincèrement, parce que, à

titre de citoyen de langue française, j'ai cru remarquer chez mes confrères et mes collègues qu'on regardait cette communauté comme étant stable. Vous avez, comme moi, écouté le mémoire, hier, du Comité ad hoc des comités des écoles de la vallée du Richelieu et, à la page 3, paragraphe 4, on parlait de la "defence of the English community". Je crois qu'il y a là quelque chose d'extrêmement valable.

J'aimerais, s'il vous est possible... Personnellement, je sais pertinemment, étant né dans l'ouest de Montréal et ayant vécu dans un milieu hétérogène, je vois de visu, l'évolution et les transformations qui se font dans le milieu anglophone. J'aimerais, s'il vous était possible, que vous nous disiez, en quelques mots, vos propres observations relativement à ce changement, à ces transformations dans le milieu anglophone.

Mme Williams: Puis-je parler de mon quartier, M. Saint-Germain ou M. le Président?

M. Saint-Germain: Oui, vous êtes bien libre.

Mme Williams: Je vois des changements très positifs envers le français dans le quartier où je demeure, parce que nous avons deux écoles protestantes, anglophones naturellement, une école catholique et une école francophone. Mais dans une de nos écoles, les enfants ne peuvent pas commencer maintenant l'anglais. C'est un cours d'immersion en français. Vous l'avez peut-être vue, car j'avais ma fille avec moi hier. Elle est entrée dans un cours d'immersion en français dans les écoles protestantes de Montréal, et je pense qu'elle a très bien compris ce qui s'est passé, ici, hier. Je suis allée aux écoles anglo-protestantes aussi, ici, au Québec, et je sais qu'à 17 ans, je ne pouvais comprendre de la même façon que mes trois enfants. Je pense que c'est beaucoup de travail pour nous en tant que parents anglophones dans notre banlieue, et je pense que c'est un changement très positif que je vois à chaque jour. Je vois aussi les cours du soir dans les écoles. Je pense qu'il y a beaucoup de changement. Il y a beaucoup plus de compréhension des problèmes québécois maintenant. Je suis très optimiste, à savoir que nous pouvons régler tous nos problèmes si nous continuons de travailler d'une façon positive.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Croyez-vous qu'une loi comme la charte de la langue française pourrait dans votre milieu modifier cette évolution que vous faites actuellement en toute liberté?

Mme Williams: Pouvez-vous répéter avec le micro un peu plus près?

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je sais que cette horloge qui est devant moi marque une heure qui n'est peut-être pas l'heure officielle de tout le Québec ou de tout le Canada, mais je m'en tiens à cette horloge pour les fins des débats, parce qu'il faut tenir très précisément le minutage.

Comme nous approchons de la suspension — c'est la même séance qui se termine ce soir — je garde le droit de parole au député de Jacques-Cartier lors de la reprise. Vous êtes d'accord, M. le député?

M. Saint-Germain: Malheureusement, je devrai absolument m'absenter parce que je suis en charge du dossier de l'assurance-automobile.

Le Président (M. Cardinal): Je le regrette pour vous.

M. Saint-Germain: Alors, je lègue mon droit de parole, si vous voulez bien, à mes collègues, qui s'en tirent fort bien.

Le Président (M. Cardinal): J'en tiendrai compte. Oui, et je n'oublie pas les autres partis d'Opposition. Je sais que le député de Beauce-Sud a des questions à poser.

M. Roy: Deux brèves demandes à faire et si cela peut faire l'unanimité de la commission et, s'il n'y a pas unanimité, je les referai à une autre séance.

Étant donné la limite de 20 minutes qu'on impose aux organismes qui viennent devant nous et qui ont de longs mémoires, qu'ils soient informés de cette nouvelle disposition, pour qu'ils puissent prendre les mesures qui s'imposent avant qu'ils ne soient ici et qu'ils apprennent cette restriction, cette contingence de notre commission. C'est ma première demande.

Deuxièmement, je demande que les mémoires soient consignés en entier au journal des Débats parce que je pense comme tous les membres de la commission, que ces gens se sont donné la peine d'écrire de longs mémoires et que cela pourrait constituer une source de renseignements extrêmement valable.

Le Président (M. Cardinal): À la première question, M. le député de Beauce-Sud, je vous répondrai que je transmettrai au secrétaire des commissions qui vous a déjà entendu, d'ailleurs, cette première demande.

Quant à la deuxième demande, comme il est 18 heures, je vous prierais de noter que c'est une demande qui se fait sous forme de motion. Elle a déjà été adoptée en commission parlementaire et j'espère que cette motion ne sera pas débattue pendant une longue période de temps. S'il y a consentement, il n'y aura pas de débat.

M. Roy: S'il y a consentement, vous n'avez pas besoin de faire une motion. Que cela soit un voeu de la commission.

Le Président (M. Cardinal): Le consentement est-il accordé?

Des voix: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Si le consentement est accordé, je rends immédiatement la décision. Les mémoires étant présentés au secrétariat des commissions, ils seront reproduits en entier, soit dans le journal des Débats, soit en annexe au journal des Débats, selon que la technique employée au journal des Débats le permettra.

Merci à tous. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

Reprise de la séance à 20 h 9

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, madame et messieurs! C'est la suite de la séance de cet après-midi. Il n'y a donc pas de remplacement et il n'est pas besoin d'invoquer l'ordre du jour. Je demanderais à Mme Williams et à ses consoeurs de bien vouloir s'approcher de la table. La parole était au parti de l'Opposition officielle et je reconnais M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais féliciter les témoins pour l'approche très modérée qu'ils ont prise vis-a-vis de ce sujet qui est très difficile. Je crois que votre mémoire devrait contribuer non à la division entre les deux groupes linguistiques, mais vraiment à une tentative de compréhension et d'unification, à essayer d'unir tous les Québécois, qu'ils soient de langue anglaise, que ce soient des anglophones ou des francophones. Je remarque que vous vous êtes opposées, avec raison, à la question des comités de surveillance. Vous avez fait ressortir, je crois, d'une façon assez positive, les aspects négatifs de ce projet. La réaction que j'ai, M. le Président, à un mémoire de ce genre, c'est que je trouve triste que des citoyens, des Québécois soient obligés de venir devant une commission parlementaire, non pas dans le but de demander un amendement à une loi, non pas pour demander des faveurs, mais simplement dans le but d'expliquer l'évolution de leur communauté, d'eux-mêmes, de leur association, de leurs personnes dans notre société et de demander de ne pas se faire — imaginez-vous — enlever le droit élémentaire, essentiel au bon fonctionnement d'une démocratie.

Je trouve cela assez triste, M. le Président, et je n'approuve pas non plus l'approche du ministre vis-à-vis de ce groupe et non seulement celui-ci, mais d'autres groupes qui viennent présenter des mémoires. Je vais vous donner un exemple, ce matin on avait un soi-disant expert constitutionnel. Il savait, prétendait connaître la constitution, il se référait aux articles 91 et 133 qui, d'après lui, étaient les seuls articles de l'acte britannique qui s'appliquaient dans les circonstances.

Je n'ai pas, à ma connaissance, entendu le ministre le questionner sur l'aspect constitutionnel, mais je trouve pénible que ces dames, ces témoins du Conseil des femmes de Montréal qui ne prétendent pas être des experts dans le droit constitutionnel, mais qui donnent l'évolution de leur communauté, se fassent questionner par le ministre d'État au développement culturel qui a toute la machinerie du gouvernement avec lui pour préparer tous les aspects, l'aspect légal et l'aspect constitutionnel. Et questionner ces pauvres personnes...

M. de Bellefeuille: J'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: J'ai l'impression, M. le Président, que le représentant de l'Opposition offi- cielle est en train de chercher à susciter un débat avec le ministre plutôt que d'interroger le témoin.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes, même si le député de Mont-Royal avait cette intention, la recherchait, il ne l'atteindra jamais. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je peux vous assurer que ce n'est pas mon intention, je veux seulement donner ma réaction à ce mémoire et aux réponses que les témoins ont données. Je peux, j'ai le droit, je crois, M. le Président, en donnant cette réaction aussi de réagir aux propos du ministre qui a questionné ces témoins.

Je parlais de l'aspect constitutionnel, il n'y a pas seulement les articles 92 et 133 qui s'appliquent; le ministre — je crois que c'est un oubli — n'a pas mentionné l'article 93 qui s'applique dans les circonstances qui est très... je ne veux pas en faire un débat juridique, c'est seulement pour souligner qu'il y a eu des oublis, encore plus importants.

C'est pourquoi je me demande pourquoi le ministre de l'Éducation n'est pas ici pour défendre le projet de loi, pour écouter ou pour avoir sa réaction. Il s'agit ici non seulement d'un projet de loi de langue de travail, mais il s'agit ici...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît! J'ai dit tantôt, je vous l'ai dit, c'est le rôle du président, je vous prierais, de ne pas provoquer et d'en venir au vif du sujet.

M. Ciaccia: Très bien, j'y viendrai. Je ne veux pas provoquer. Vous voyez, M. le Président, je parle d'une façon quasiment aussi calme que le ministre, pas tout à fait, mais quasiment. Si vraiment, on veut se référer au droit constitutionnel, il y a aussi l'aspect de la constitution qui définit le rôle d'un ministre. Au moment où un député devient ministre, il devient le ministre de tous les Québécois, non seulement des partisans du Parti québécois, non seulement des francophones, non seulement des anglophones, mais de tous les Québécois. C'est cela, le rôle d'un ministre.

C'est pour cela que je me suis référé au ministre de l'Éducation. Il est malheureux qu'il ne soit pas ici, parce que, lui, il comprendrait cela, avec son expérience du droit constitutionnel. C'est peut-être une raison pour laquelle il n'est pas ici. Étant le ministre de tous les Québécois, je crois que ce serait son devoir d'accueillir avec un peu plus d'élégance les témoins, même si ces témoins ne partagent pas le point de vue du gouvernement.

M. le Président, je ne voudrais pas enlever trop de temps à mes collègues de l'Opposition officielle. Je poserai seulement une question ou deux au témoin.

I would like to congratulate you for the brief that you have submitted to this parliamentary committee and I also would like to congratulate your efforts in the way that you have presented it, the way that you attempted to answer the questions which, I think, you did very well, that the minister put to you.

In your brief... Dans votre mémoire, vous parlez de l'enseignement aux immigrants et vous faites une distinction entre les immigrants qui sont maintenant au pays, qui sont récemment arrivés et ceux qui viendront à l'avenir. Est-ce que vous pouvez expliquer la raison de cette différence? Parce que, si je comprends bien, vous dites: Quant à la langue d'enseignement pour les immigrants qui seront ici à la date d'entrée en vigueur de la loi, ils auraient la liberté de choix, ils auraient le droit d'aller aux écoles anglophones et vous faites une différence pour les futurs immigrants. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi?

Mme Williams: C'est vraiment un compromis, je pense, pour nous. Nous avons décidé de suggérer que les immigrants reçus auront le choix si un des parents a eu son éducation en anglais, s'ils sont ici, ils auront le choix d'envoyer leurs enfants aux écoles anglaises; mais, s'il y a peut-être une personne anglophone qui veut venir au Canada, qui a eu son éducation en anglais, il n'est pas nécessaire qu'elle vienne au Québec, elle peut aller ailleurs et cela donne le choix sans faire de problèmes ici concernant les aspirations d'un secteur très important de la population.

M. Ciaccia: M. le Président, seulement.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: We are limited in time to the questions that we can ask. In order not to take away any time from... to give as much time as possible to my colleagues, I will now cease asking you questions, but I would like to assure you that it is not because of a lack of interest or because I do not want to bring out other questions, but it is just in the interest of giving my colleagues the opportunity to ask questions.

Mme Williams: Thank you very much.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, ce que vous venez de dire ne sera pas compris dans le temps de votre parti.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, vous êtes très généreux et gracieux.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier nos témoins qui sont ici de leur mémoire très modéré, à mon point de vue. Je veux vous adresser ces remarques avant de vous poser quelques questions. Répondez brièvement, nous n'avons que quelques minutes. Vous n'êtes ici ni comme accusées, ni comme prévenues, mais vous êtes ici comme témoins, témoins au sens de faire valoir un point de vue, qui est le vôtre, à des représentants élus à l'Assemblée nationale par la population du Québec et représentant véritable- ment la population du Québec, et non à des élus d'un parti politique, représentant un parti politique, gouvernemental ou autre. Aussi, mes questions à votre endroit, comme à l'endroit de tout autre témoin, ont-elles pour but, comme je l'ai dit au début de cette commission parlementaire, de mieux percevoir votre point de vue à vous, comme témoins, et non pas, comme le ministre s'y prête à l'occasion, de faire ressortir deux thèses ou leur opposition l'une à l'autre: Opération, peut-être, du mérite d'une thèse sur l'autre et opération purement parlementaire qui aura lieu en deuxième lecture du projet de loi, mais pas ici présentement.

Alors, je voudrais vous demander, comme première question: Vous signez votre mémoire, et je l'apprécie: "Nous, membres du Conseil des femmes de Montréal, réaffirmons notre fierté et notre foi dans le Québec. Nous sommes ici chez nous." Qui est un Québécois, une Québécoise pour vous?

Mme Williams: Un Québécois, c'est quelqu'un qui a décidé de vivre ici, de rester ici. Je sais qu'il y a une définition selon laquelle c'est un contribuable, mais, à mon avis, c'est un peu plus que cela. C'est quelqu'un qui veut rester ici et contribuer à la communauté.

M. Biron: Peu importe la langue qu'il emploie pour vivre?

Mme Williams: N'importe quelle langue; il faut peut-être...

M. Biron: Alors, vous rejoignez certainement ce que le premier ministre, M. Lévesque, a dit en fin de semaine. Il a dit que les Québécois sont tous ceux et toutes celles qui vivent au Québec, qui y gagnent leur vie et qui ont ou qui sont en instance d'obtenir le droit de vote. Alors, vous rejoignez l'idée du premier ministre qui dit que les Québécois...

Mme Williams: Qu'est-ce que c'est la phrase?

M. Biron: Tous ceux qui sont ici, à l'heure actuelle, qui y travaillent ou qui ont le droit de vote ou qui auront le droit de vote prochainement.

Mme Williams: Je pense que mes enfants sont aussi Québécois, mais ils ne peuvent pas voter.

M. Biron: Très bien. Je remarque aussi, à l'avant-dernière page de votre mémoire, que vous êtes à la recherche d'un projet collectif, parce que vous nous mentionnez que vous croyez qu'un climat de confiance doit à nouveau régner dans toutes les couches de la société québécoise. Vous voulez un projet sur la langue qui va rejoindre, je suppose, tout le monde au Québec. C'est bien ça? Pas simplement une partie de la population?

Mme Williams: Je pense que, quand nous parlons de confiance, ce n'est pas nécessairement dans la loi, mais c'est à cause de la loi qu'il y a un

certain manque de confiance. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Biron: Mais, ce que vous cherchez au Québec, à l'heure actuelle, c'est un climat de confiance entre les anglophones et les francophones, entre tous ceux qui vivent...

Mme Williams: Parmi toutes les personnes, peu importe la langue.

M. Biron: J'aurais une question sur les droits des communautés anglophone et francophone, mais, d'abord, est-ce que vous croyez qu'au Québec, il y a une communauté francophone bien identifiée, bien articulée? Et est-ce que vous croyez qu'il y a une communauté anglophone aussi, bien articulée, au Québec?

Mme Williams: Je le pense.

M. Biron: Quels sont les droits qu'on devrait respecter dans une charte linguistique vis-à-vis de la communauté anglophone?

Mme Williams: Je pense qu'on peut parler longtemps sur ce sujet. Non, je pense... Pardon?

M. Biron: If you want to answer in English, I will not mind. If you want to answer in English it will be better for me and it might be easier for you.

Mme Williams: O.K. It probably would be. No, I think the rights for the English-speaking people should be the same rights as for anybody else, and I think we certainly have rights to education which we have, which we wish to protect. That is probably a primary one, so far, that needs to be defined in a Charter on a language. Certainly, we wish to maintain our rights as defined in the British North America Act, with regard to the courts, and I think we could go through the bill article by article where we have discussed and where we think individual rights are being, perhaps — we hope not — withdrawn. But, certainly, what we have discussed in our brief relative to the English-speaking community, I think, answers your question probably more clearly than I will now. It took too long.

M. Biron: So, you were happy when the Premier of Québec said that he recognized that, in Québec, we have an English-speaking collectivity or community.

Mme Williams: Oh yes! Very much so.

M. Biron: O.K., and you just want to be recognized as the Premier said.

Mme Williams: Yes. We are here to discuss the Charter and I think that the articles in the Charter are what are really at issue at the moment.

M. Biron: Vous semblez aussi, dans votre mémoire—je vais vous poser les questions en fran- çais, vous pouvez me répondre en anglais — craindre énormément une société qui serait antidémocratique.

Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, que vous vouliez vivre dans une société démocratique, une société... qu'on ne devrait pas forcer les gens à vivre d'une telle façon ou entrer dans la vie privée des gens — je l'ai vu à quelques reprises. Cela me surprend quand même, parce que le Parti québécois, à l'intérieur de son programme, se vante et semble être un parti extrêmement démocratique, qui veut la vie démocratique.

Alors, c'est difficile quand même de reconnaître qu'à l'intérieur d'un programme tel que celui-là vous craigniez qu'une loi particulière apportée par ce même parti brime les droits démocratiques.

Mme William: Maybe I will answer this one in English, because it is a complex one. I think we have to decide in a sense what the definition of the democracy is. Certainly, I get enough the opportunity to speak here. It is very much a demonstration that we do live in a democratic society and, as we said, we certainly hope that it will remain that way because we have been given the opportunity to speak and certainly I have seen the Parti québécois in action and it has been very democratic, but there are aspects to this Bill that we feel very strongly that we must speak out and if we do not speak, it will stay. The health of our social climate will remain if some of these changes go through. I think it is threatening to democracy as such because it will take away some of the rights of expression of our...

M. Biron: Votre réponse me prouve que vous avez étudié le programme du Parti québécois et que vous avez quand même une certaine confiance qu'on puisse améliorer le projet de loi pour en faire véritablement un projet de loi démocratique.

Mme Williams: I am not talking about programme, I am talking about methods of work. I have not studied all the aspects. I think it will take me a long time.

M. Biron: Vous mentionnez aussi le système d'enseignement. Vous avez des enfants?

Mme Williams: Oui.

M. Biron: Et vos enfants parlent le français et l'anglais ou...?

Mme Williams: Ils parlent les deux langues. Ils sont anglophones. Ils parlent très bien l'anglais, mais ils parlent couramment le français. Ils ne sont pas bilingues, mais les trois enfants parlent couramment...

M. Biron: Ont-ils appris le français à l'école ou dans des classes spéciales d'immersion?

Mme Williams: C'est en fait une longue histoire, parce que l'aîné est un garçon qui a

commencé l'école avant les changements dans les programmes et je pense qu'il parle assez bien, parce qu'il est très motivé et parce qu'il veut travailler ici, il essaie de parler français et je pense qu'il a beaucoup essayé. La deuxième a 21 ans, mais la plus jeune a été aux cours d'immersion et je pense qu'elle est la plus bilingue. Les temps changent. Il y a vraiment du progrès dans l'éducation des anglophones en français et je l'ai vu chez mes trois enfants.

M. Biron: Vous dites que la dernière a été dans des cours d'immersion. Elle a été combien de temps dans des cours d'immersion?

Mme Williams: À cause de son âge, elle est entrée dans un cours en septième année, mais elle a commencé le français dès la maternelle.

M. Biron: Est-ce qu'elle a été longtemps dans un cours d'immersion?

Mme Williams: En septième année, c'était tout en français. En huitième année, elle avait, je pense, de trois à quatre heures par jour en français, c'est moitié, moitié. En neuvième année, elle avait à peu près deux heures par jour et maintenant c'est un cours et demi. C'est un jour de deux périodes, le deuxième jour, c'est une période en français.

M. Biron: C'est vous qui avez décidé qu'elle suivrait des cours de français pour devenir bilingue ou si c'est elle?

Mme Williams: C'était son choix. M. Biron: Son choix.

Mme Williams: Parce que c'est très difficile en septième année de faire des choix comme ceux-là, parce que c'est une perte de temps si l'enfant ne le veut pas. Mais c'est une année très fructueuse pour elle dans l'immersion.

M. Biron: Dans quel but a-t-elle suivi des cours d'immersion en français, comme cela?

Mme Williams: C'était à Dorval. Nous sommes...

M. Biron: Non, pour quelle raison? For which reason?

Mme Williams: Pour quelle raison? Parce qu'elle le voulait. Est-ce assez? Est-ce que cela répond à votre question?

M. Biron: Est-ce qu'elle croyait pouvoir parler français au Québec ou si elle pouvait continuer à vivre en anglais exclusivement, d'après vous?

Mme Williams: Je pense qu'elle veut parler français parce que nous avons... mon père a une maison d'été dans le Bas-Saint-Laurent, et tout le monde là-bas parle français. C'est pour cela qu'elle veut parler français, je pense.

M. Biron: Dans la vie qu'elle se propose de faire, maintenant qu'elle est rendue en neuvième ou dixième année, est-ce qu'elle croit avoir besoin du français pour vivre?

Mme Williams: Oui. Je pense que oui.

M. Biron: Est-ce que dans votre arrondissement il y a beaucoup d'anglophones qui ne parlent pas français du tout ou au moins les enfants ou si la plupart des enfants, maintenant, apprennent le français?

Mme Williams: Je pense que c'est vrai. Parfois les parents n'ont pas l'occasion de parler français. Ils suivent des cours, mais il faut vivre en français pour vraiment apprendre à parler; mais les enfants, les temps changent pour eux.

M. Biron: But is there many youngsters who are still unilingual in English or if they are becoming more and more bilingual?

Mme Williams: Yes. This is what I meant. They are certainly becoming more bilingual; well, their parents may not have quite the opportunity to do so. Yes, very definitely, they are becoming bilingual.

M. Biron: D'accord. Votre impression personnelle de ce qui se fait présentement dans la communauté anglophone: Croyez-vous qu'il y a beaucoup plus d'Anglais qui parlent français maintenant qu'il y en avait il y a dix ans?

Mme Williams: Ah oui! Seulement...

Le Président (M. Cardinal): Le député de Lotbinière... Pardon, madame. Je m'excuse. M. le député de Lotbinière, une dernière question brève.

M. Biron: Une dernière question. Vous avez parlé de la langue des tribunaux, en particulier, et vous dites que les jugements devraient être rendus en français et en anglais. Est-ce que, en disant cela, vous voulez avoir une prééminence dans une langue en particulier? S'il y a une difficulté d'interprétation, est-ce que vous voulez qu'une langue en particulier soit interprétée ou si vous voulez que les deux langues soient au même niveau?

Mme Williams: J'ai l'impression que ce n'était pas un problème très sérieux dans les tribunaux, parce que la plupart du travail est fait en français. Mais je pense que si les clients sont anglophones et — comment dit-on? Pardon, j'ai oublié le mot pour "trial" — if the trials are in English, and the judges are English, the judgement would be much more accurate if it were written in the first language of the judge.

If it is a translation, as it is set up in the bill, it really should be the original in the first language of the judge which should remain official, because...

M. Biron: You would not be ready to go to the prominence of the French language if you have,

let us say, the judgment made in English and translated in French?

Mme Williams: Would you say that again? I am sorry, I just did not understand it.

M. Biron: Will you be ready to accept the prominence of the French language in the judgement if the judgement has been made, let us say, by an English-speaking judge and translated in French after?

Mme Williams: I do not think so. I think that, if the judgement is given by an English judge, the English version should remain official.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière, je m'excuse, merci. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je devrai être assez court...

Le Président (M. Cardinal): Vous avez cinq minutes.

M. Roy: ...dans mes questions, je n'ai que cinq minutes. Madame, si j'ai bien compris votre mémoire, on peut le résumer ainsi. Vous seriez d'accord avec une législation qui aurait pour objet de garantir les droits des francophones partout sur le territoire du Québec?

Mme Williams: Garantir les droits des francophones partout au Québec?

M. Roy: Oui.

Mme Williams: Oui, vraiment.

M. Roy: Vous êtes d'accord pour reconnaître également que le Québec doit être et demeurer un territoire de culture et de tradition françaises, vous êtes d'accord avec ça? Par contre, vous semblez avoir énormément d'inquiétude en ce qui a trait à la langue de l'enseignement. Je cite la dernière phrase de la page 6, et le début de la page 7 de votre mémoire dans lequel vous dites: "La qualité du système d'éducation francophone ne doit pas être améliorée aux dépens du système scolaire anglophone, lequel est bien établi depuis longtemps." Vous ajoutez: "Un excellent enseignement des deux langues dans toutes les écoles du Québec diminuera la nécessité de devoir faire un choix."

Est-ce que ça veut dire que vous pourriez être d'accord avec un seul système scolaire public dans lequel il pourrait y avoir des classes anglaises dans les régions et des quartiers où il y a une population fortement anglophone?

Mme Williams: Quand vous dites un système...

M. Roy: Un seul système scolaire public dans tout le territoire, est-ce que vous seriez d'accord sur ça?

Mme Williams: Est-ce que ça veut dire pour vous les commissions unifiées?

M. Roy: Oui.

Mme Williams: Non, je ne suis pas d'accord avec ça. Personnellement, nous n'avons rien ici à ce sujet.

M. Roy: Oui, mais à partir du moment où vous avez deux systèmes scolaires, vous admettez quand même qu'il y a toujours eu une difficulté en ce qui a trait au choix des personnes qui doivent fréquenter ces systèmes scolaires.

Mme Williams: Est-ce que vous pourriez répéter?

M. Roy: À partir du moment où il existe deux systèmes d'écoles publiques, deux réseaux d'écoles publiques, il y a toujours le problème du choix qui se pose pour les gens. Est-ce que ça veut dire que vous seriez d'accord pour réserver le système scolaire anglophone pour seulement les gens de culture anglaise et que les immigrants pourraient s'intégrer de par la loi aux écoles françaises?

Mme Williams: II y a ici deux choses. Il y a des immigrants et des émigrants, n'est-ce pas?

M. Roy: Oui.

Mme Williams: Je suis d'accord que les immigrants, en général, s'intègrent aux écoles françaises, mais nous avons des immigrants qui sont déjà ici. Est-ce que vous voulez définir un immigrant? Est-ce une personne...

M. Roy: Je parle des immigrants qui viennent des autres pays, de l'Italie, des États-Unis.

Mme Williams: Mais nous disons, dans notre mémoire, que, si les immigrants qui sont ici...

M. Roy: II y a les immigrants qui sont ici, mais pour les immigrants futurs, ceux qui viendront?

Mme Williams: Pour les futurs immigrants, je pense qu'en général, il doivent s'intégrer aux écoles françaises.

M. Roy: Même si ce sont des immigrants qui sont de culture anglaise? Vous seriez d'accord pour qu'ils aillent à ces écoles?

Mme Williams: S'ils veulent venir. Mais, après la promulgation de la loi, je pense qu'ils doivent s'intégrer aux écoles françaises. Ils ont le choix de ne pas venir s'ils ne veulent pas aller aux écoles françaises.

M. Roy: Ma deuxième et dernière question, M. le Président. Vous mentionnez, dans le paragraphe, la commission de surveillance et les demandes de renseignements, vous craignez énormément la bureaucratie, la technocratie dans la sur-

veillance et dans l'application de cette loi, ce sur quoi je suis entièrement d'accord.

Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la loi devrait être le plus explicite, le plus clair possible, de façon à laisser de moins en moins de place à ce pouvoir de réglementation?

Mme Williams: Je préférerais que la commission de surveillance disparaisse complètement.

M. Roy: Mais que la loi soit plus claire, soit plus précise?

Mme Williams: C'est difficile à dire, parce que je suis contre la commission de surveillance.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. Et je veux remercier madame. Mme Williams: Merci, monsieur.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Mesdames, je voudrais d'abord vous féliciter pour la manière dont vous avez réussi, sans agressivité, à communiquer aux membres de cette commission des préoccupations sérieuses qui correspondent malheureusement à la réalité, quand on examine le projet de loi du gouvernement.

Vous avez fait allusion à certains articles qui pourraient être sources de discrimination, entre autres, l'article 52, l'article 172. Vous vous inquiétez de l'envahissement de la bureaucratie dans la vie des individus, des contrôles tracassiers qui pourraient donner lieu à des abus, et je pense que vous avez raison.

Je voudrais également vous féliciter, comme d'autres l'ont fait avant moi, pour le calme, le sang-froid et la lucidité avec laquelle vous avez répondu à des questions fort difficiles. Je ne reviendrai pas sur les questions constitutionnelles, d'autres en ont parlé avant moi.

Je pense également qu'on vous a demandé de vous justifier, si vous aviez vraiment encouragé la collectivité francophone, si vous aviez fait des efforts pour vous en approcher. Et c'est avec beaucoup de simplicité que vous avez également essayé de faire cette démonstration.

Malheureusement, je pense que c'est peut-être peine perdue, parce que j'ai l'impression ici que, des fois, on veut continuer d'essayer de prouver que la communauté anglophone ne fait aucun effort pour s'intégrer ou pour essayer de participer à la vie du Québec.

De toute façon, je vous encourage à continuer quand même. Peut-être qu'un jour, vos efforts seront couronnés. Je pense que la meilleure démonstration que vous faites, vous nous le dites maintenant. Ainsi, je ne connais pas votre vie personnelle, mais j'ai l'impression que vous êtes des gens qui auraient pu continuer de vivre en vase clos, dans une communauté strictement anglophone.

Pourtant, à l'égard de vos enfants et à l'égard même d'autres activités et par respect pour des personnes qui ne sont pas de votre langue, vous essayez de vous en rapprocher et je pense que c'est excellent.

Je voudrais vous poser strictement deux questions. Le temps passe assez rapidement. La première. Vous avez parlé des classes d'immersion. Je voudrais vous demander si — j'ai eu l'impression que vous connaissiez assez bien votre communauté; vous avez fait allusion à l'école protestante, à l'école française, etc., il semble y en avoir plusieurs dans votre quartier — au-delà des classes d'immersion, vous avez tenté, par exemple, d'organiser des échanges entre l'école française, l'école anglaise, entre les professeurs de l'une et l'autre de ces écoles et si vous avez eu un certain succès.

Mme Williams: II y a seulement quelques semaines, il y a eu un échange à l'école secondaire avec les jeunes francophones, je pense, de La Tuque. Comme on le sait, les deux groupes étaient séparés, mais maintenant les deux groupes sont amis. Je pense que ce projet d'échanges entre deux communautés très différentes fut très réussi et c'est par cela que nous pouvons avoir du progrès entre les communautés. Les enfants ont l'esprit très ouvert; ils aiment beaucoup les jeunes de leur âge; ils ont les mêmes intérêts et je pense que nous avons eu un grand succès dans notre école secondaire.

Mme Lavoie-Roux: Au tout début, vous avez fait allusion au chef de l'Eglise anglicane. J'en ai déduit, à tort ou à raison, que peut-être vous étiez également active dans des activités de paroisse ou des activités d'église. Est-ce que, dans ces groupes sociaux et ces organisations sociales qui dépassent le problème de l'école, vous avez aussi tenté des expériences qui permettent aux deux communautés de se rejoindre entre elles?

Mme Williams: Oui, dans notre église nous avons eu, non pas des échanges, mais des groupes "Oecumenical"... I can say it in English.

Mme Lavoie-Roux: Oecuméniques. Vous pouvez le dire en anglais.

Mme Williams: Mon Eglise est une Eglise anglicane et notre recteur, le pasteur est bilingue. Il a invité plusieurs fois les prêtres catholiques. Les rencontres qu'ils ont eues ensemble ont été assez fructueuses.

Mme Lavoie-Roux: II y a une autre chose. Je sais que le ministère de l'Éducation et les provinces organisent des échanges d'étudiants francophones vers les autres provinces et réciproquement vers cette province-ci. Est-ce que, dans la communauté où vous habitez, vous avez tenté de développer ce genre d'échange avec des familles d'autres régions du Québec? Je constate qu'on

fait toujours ces échanges avec les autres provinces, alors qu'on a deux communautés, ici, qui n'ont pas ces occasions de se rencontrer et elles sont à leurs portes. Est-ce que c'est une chose que vous entreverriez comme un moyen de faire rejoindre et de faire vivre plus ensemble les deux communautés?

Mme Williams: Je pense que c'est une bonne idée. Je veux retourner chez moi, comme on le sait, et étudier cela. Dans le moment, je ne suis pas au courant des projets comme cela, mais c'est vraiment une bonne idée.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vous remercie, mesdames.

Mme Williams: C'est très gentil, madame, merci.

Le Président (M. Cardinal): Alors, il reste deux interventions. M. le député de Bourassa et M. le député de Rosemont, le tout devra se faire en 18 minutes. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président; Mme Williams, la façon dont vous répondez actuellement aux questions m'épate. Je suis très très sensible aux réflexions que vous donnez, à la spontanéité de vos réponses et de votre mémoire aussi. Il me reste à vous féliciter.

Dans votre organisme, vous avez des objectifs qui sont, en somme, très dignes. Lorsque vous dites que toutes sont unanimes lorsqu'elles déclarent que chaque citoyen a droit à la dignité, à la justice et aux chances d'avancement qui lui permettront de s'immiscer et de se développer pleinement dans un univers de plus en plus complexe, j'aimerais bien qu'il y ait un groupe d'hommes qui se forme avec la même idéologie que celle de votre groupe de femmes de Montréal.

Si je reviens à la page 2 a), lorsque le député de L'Acadie disait tout à l'heure qu'elle souhaitait que votre groupe soit entendu, soit dans l'amendement de certains articles ou qu'on s'intéresse sérieusement aux mémoires qui nous sont présentés, dès l'article 7 b) que vous avez, je suis déjà très sensible à cela, lorsque vous recommandez également la liberté de choix entre n'importe lequel des systèmes scolaires pour les enfants qui souffrent de troubles d'apprentissage ou qui sont handicapés physiquement ou mentalement. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi, pour ce groupe, vous aimeriez avoir — et surtout pour lui — un libre choix?

Mme Williams: Je pense que les raisons pour cela sont qu'il y a beaucoup de services auxiliaires pour les problèmes spécifiques. Pourquoi y a-t-il des services très spéciaux dans une école et pas dans les autres? Peut-être qu'il serait mieux que les enfants puissent choisir, pour leur problème spécifique, une école où les services auxiliaires sont les meilleurs. C'est pour cela que nous avons dit cela. Est-ce que c'est assez clair?

M. Laplante: C'est clair, madame. Mme Williams: Merci.

M. Laplante: Maintenant, lorsque vous allez à la page 3, vous dites que la Charte de la langue française est basée sur de fausses prémisses. La première phrase du préambule présume que le français est la langue de tous les citoyens du Québec. C'est dans l'article 133 probablement que vous vouliez insinuer cela. Est-ce que vous considérez que la langue officielle de l'Ontario est l'anglais?

Mme Williams: En Ontario?

M. Laplante: Oui.

Mme Williams: Je pense que oui.

M. Laplante: Est-ce que vous considérez qu'il y a une liberté de choix actuellement pour le francophone qui se trouve en Ontario?

Mme Williams: Je pense que dans les banlieues ou les villes où il y a une proportion assez considérable de francophones, il y a un libre choix, à Ottawa, Sudbury, je peux mentionner Cornwall, mais c'est en proportion de la population.

Quand la population francophone est assez nombreuse pour avoir une école, je pense qu'il y a libre choix. Je pense que, si j'étais à Cornwall, je pourrais envoyer mon enfant à une école française si je voulais. Est-ce que c'est vrai?

M. Laplante: C'est difficile pour nous, en somme, de discuter là-dessus. C'est surtout comme renseignement qu'on aimerait à en prendre note, parce qu'il y a beaucoup d'idées ou d'opinions très controversées, selon la province.

Le député de L'Acadie parlait aussi des classes d'accueil et vous-même avez fait allusion à l'échange d'étudiants entre écoles françaises et écoles anglaises. Je suis tout à fait d'accord. Moi-même, je suis un ancien commissaire de la Commission des écoles catholiques de Montréal où il y avait deux écoles, l'école René Guénette et l'école MaplehiII, où on favorisait, à longueur d'année, un échange d'étudiants, un échange de visites ou d'activités parascolaires. Cela a même peut-être l'air un peu orgueilleux de le dire. On m'a même remis une plaque de reconnaissance à ce sujet, tant le succès a été bon. C'était énormément encouragé et aux classes d'accueil, tel qu'on le fait actuellement, du secteur français de Montréal... Je vous inviterais à aller visiter une école telle que celle de Nicolas-Viel où vous avez, à la maternelle, environ 19 nationalités différentes. J'ai suivi, durant trois ans, l'évolution de cette école et, croyez-moi, j'ai eu beaucoup de plaisir à aller, tous les quinze jours ou toutes les trois semaines, visiter ces enfants. L'accueil peut se faire très bien, je crois, entre groupes ethniques, du côté francophone. Cela vise un peu les objectifs humanitaires

de votre groupement, l'accueil des autres groupes ethniques à l'école.

Mais la crainte que vous avez, actuellement... Lorsque vous avez répondu au député de Beauce-Sud à propos du système d'écoles anglaises... Est-ce que, dans votre esprit, vous craignez la disparition de l'école anglaise proprement dite?

Mme Williams: Ce n'est pas nécessairement la disparition des écoles anglaises, mais si la population... Il y a deux choses: Si, par la loi, la diminution de la population est forcée, je pense que cela ne fera rien ici, au Québec. Mais, deuxièmement, je pense que s'il y a... Je ne sais pas si c'est le mot "rentable", mais il faut avoir une population assez grande pour avoir les services. Nous avons ça maintenant, mais, à cause de la dénatalité et des personnes qui vont déménager, la population va diminuer. Mais je pense qu'avec la Charte, ça va se faire trop vite et c'est ça que je crains.

M. Laplante: Parce que si vous comparez le système de Montréal avec celui de la province, le milieu rural, il y a toujours eu des écoles anglophones, même dans des milieux à 95%, 98% français, si je prends des régions telles que la Gaspésie ou d'autres régions, où l'école anglaise a été maintenue. Croyez-vous que l'école pourra y être maintenue, même avec l'application de la Charte de la langue française?

Mme Williams: En Gaspésie? M. Laplante: Oui.

Mme Williams: Oh, ça, je ne sais pas, monsieur, parce que...

M. Laplante: Vous avez 30 commissions scolaires actuellement qui sont anglophones.

Mme Williams: Je ne suis pas très au courant des problèmes... Je sais qu'il y a des écoles anglaises en Gaspésie, mais je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet.

M. Laplante: Merci, madame. Mme Williams: Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont. Il reste huit minutes pour le parti ministériel.

M. Paquette: Merci, M. le Président. Mme Williams, je tiens d'abord à vous remercier pour votre mémoire, comme on l'a dit, très modéré. Je vous félicite également de vous exprimer dans notre langue à cette commission parlementaire.

Je tiens quand même à vous dire que vous avez le droit de vous exprimer en anglais devant cette Assemblée nationale et vous aurez encore ce droit lorsque le projet de loi no 1 sera adopté.

Vous aurez également le droit de vous exprimer dans votre langue devant les tribunaux. Je pense qu'on oublie trop souvent que tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis, et le chapitre qui concerne les tribunaux nous indique que les individus qui veulent s'exprimer en anglais devant les cours de justice pourront le faire.

Mme Williams: Je le sais.

M. Paquette: Vous êtes d'accord. J'aimerais également vous dire à quel point je suis sensible à votre implication dans la communauté et votre désir de participer à ce Québec que vous considérez français comme vous nous l'avez dit. Vous trouvez normal que les immigrants qui arrivent ici s'inscrivent à l'école française. C'est un objectif que nous partageons également. Je trouve, par contre, dommage que vous pensiez que la vie privée des gens, les droits fondamentaux de la personne soient menacés. Je le comprends d'un autre côté quand on lit dans les journaux, tous les jours, particulièrement dans les journaux anglophones, que le gouvernement — et même avant le dépôt du livre blanc — allait violer les libertés fondamentales. Je vous comprends d'avoir ces craintes. Je tiens à vous dire que nous allons, avec toute l'ouverture d'esprit, s'il y a dans la charte du français des articles qui briment ou qui pourraient brimer les libertés individuelles, faire tout notre possible pour les éliminer, les faire disparaître. À ce sujet, j'aimerais vous poser une question particulièrement concernant la partie de votre mémoire où vous parlez de la commission de surveillance et des demandes de renseignements.

Telle que je vois, cette commission de surveillance, en relisant en particulier les articles 132 et 141, il me semble que c'est une commission de surveillance qui vise surtout et même exclusivement à faire appliquer les règles de francisation des entreprises. Je ne pense pas que cela soit une commission de surveillance qui va s'immiscer dans la vie privée des gens. Il y a une loi. Il y a des règlements. On laisse aux entreprises le soin d'élaborer leurs programmes de francisation et de les appliquer, mais au cas où les entreprises ne respecteraient pas elles-mêmes leur plan de francisation, il y a une commission de surveillance de prévue.

Avez-vous l'impression que cette commission de surveillance brimera certaines libertés des citoyens, telle que présentée dans la loi actuellement?

Mme Williams: II y a deux choses ici et je veux inviter Mme Bengough, si elle le désire, à commenter aussi mes propos mais je vais recommencer. Nous avons des membres qui sont venus ici d'Europe et je pense que ce sont elles qui ont le plus peur d'une commission de surveillance. Vous m'avez demandé, monsieur... Ce ne sont pas nécessairement les droits individuels, la commission de surveillance est pour les entreprises, mais, à mon avis, les employeurs et les employés sont des êtres humains et les lois sont pour eux aussi, mais c'est peut-être à cause de cela, c'est une bureaucratie et c'est le commencement d'une sorte — je vais utiliser un terme assez fort — le

commencement d'un État policier, quand il y a des inspecteurs, de telle choses.

Je me demande pourquoi nous ne pouvons pas rester avec une Régie de la langue française. S'il y a des cas, ne peut-on pas aller à la régie et ne pas avoir nécessairement les inspecteurs?

Il y a une autre chose. Puis-je ajouter quelque chose d'autre au sujet de la commission de surveillance?

Mme Bengough: II y a autre chose.

Les femmes sont très pratiques et on pense au coût de ce conseil consultatif que vous proposez, parce que maintenant vous avez une Régie de la langue française qui fonctionne très bien. À ce qu'on a entendu dire, elle travaille bien, elle travaille très discrètement et maintenant vous proposez trois bureaux pour remplacer cette Régie de la langue française. Vous proposez un office de la langue française, le conseil consultatif de la langue française et cette commission de surveillance. Il nous semble que cette commission va employer toute une armée d'inspecteurs et on se demande combien d'argent on va y dépenser, parce qu'en ce moment le gouvernement a besoin d'argent pour des choses très importantes, pour les affaires sociales où il y a beaucoup de besoins, pour les enfants battus, pour les garderies,, pour les malades, pour toutes ces choses dont on a grand besoin et on nous dit toujours qu'il n'y a pas d'argent. Alors, nous nous demandons si c'est vraiment le meilleur endroit pour dépenser tant d'argent, quand il y a des besoins ailleurs.

M. Paquette: En fait, je comprends votre préoccupation, parce que j'étais récemment devant la société B'Naï Brith qui craint également énormément — peut-être à cause de certains bruits qui ont circulé, encore une fois, dans les milieux anglophones du Québec — les pouvoirs d'enquête, les commissions d'enquête et tout cela, Cependant, je tiens à vous dire quand même que les trois organismes que vous avez mentionnés correspondent à trois fonctions qu'avait autrefois la Régie de la langue française et qui ont été simplement distinguées de façon que la commission de surveillance remplisse un rôle plus particulier. Cela ne veut pas dire nécessairement que plus d'argent y sera mis, sauf que nous voulons que la francisation s'applique à toutes les entreprises un peu plus rapidement. Cela va, évidemment, demander une extension du personnel de la régie, mais pas une extension des fonctions qui étaient autrefois prévues. Dans la mesure où vous laissez une très large responsabilité aux entreprises, aux travailleurs et aux patrons des entreprises d'élaborer eux-mêmes leur plan de francisation et de l'appliquer, les interventions de la commission de surveillance et les autres organismes seront réduites au minimum. On l'espère pour les mêmes raisons que vous avez mentionnées.

En ce qui concerne la protection des citoyens, j'aimerais mentionner que l'article 141 soumet ses enquêteurs à des articles du code de procédure civile qui ont pour but de protéger, justement, les témoins qui seraient entendus par la commission.

D'autre part, comme n'importe quelle commission, par exemple, comme pour le salaire minimum, on sent le besoin de faire des enquêtes. Donc, pour une chose aussi importante que la langue, vous comprendrez qu'on veuille mettre un peu de ressources là-dessus, et dans ce cas-là comme ailleurs, il y a un droit d'appel, si des citoyens se sentent lésés. Ce n'est pas du tout dans une optique d'inquisition que nous proposons cette commission de surveillance. J'aimerais bien vous l'affirmer.

Ailleurs, dans votre mémoire, vous parlez de discrimination et de classes de citoyens. Vous employez même le mot caste à un moment donné. Or, pour avoir travaillé à la préparation de cette loi, je tiens à vous dire que, continuellement, nous avons essayé de ne pas distinguer les citoyens. Par exemple, le droit de travailler en français est reconnu pour tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, que ce soit une personne d'origine italienne, ou grecque, ou quelle qu'elle soit. Toutes les personnes sont égales devant la loi. J'aimerais que vous me disiez ce qui vous a amené à écrire ce terme de "discrimination" qu'on retrouve dans plusieurs mémoires et que je trouve malheureux. Vous dites que la loi... Je pense que c'est au début. Attendez que je le retrouve. Par exemple, quand vous dites, à votre deuxième recommandation, "que tous les citoyens puissent jouir de droits égaux sans égard à leur origine", je pense que c'est un objectif que nous poursuivons.

Qu'est-ce qui vous fait craindre que la charte du français puisse ne pas donner des droits égaux à tous les citoyens? Est-ce que c'est surtout l'accès aux écoles ou s'il y a d'autres articles de la loi qui vous font craindre cette chose?

Mme Williams: La charte ne donne pas des droits égaux à tous les citoyens dans le moment, c'est dans l'article 52, parce que des citoyens canadiens, à mon avis, qui viennent ici n'auront pas le choix de la langue d'enseignement. C'est ce que vous avez mentionné une fois ici. Je pense que c'est là...

M. Paquette: Vous allez admettre avec moi que, dans l'optique d'une province bilingue, je vous donnerais raison, mais, dans l'optique où nous voulons faire du Québec un état français, tout en conservant des droits à la minorité anglophone qui sont, à mon avis, plus grands que n'importe où ailleurs, il nous soit difficile d'accepter la liberté de choix. D'autre part, vous admettez vous-même que les immigrants devraient s'inscrire à l'école française, alors, la question se pose: Est-ce qu'on doit réserver l'école anglaise aux résidants du Québec ou aux résidants du Canada?

Mme Williams: ... aux résidants du Canada, monsieur.

M. Paquette: Je suis d'accord. Je veux dire, est-ce que vous diriez que ceci...

Le Président (M. Cardinal): Pardon, je m'excuse, M. le député de Rosemont, une dernière question très brève, s'il vous plaît.

M. Paquette: Je vais tout simplement conclure. Je regrette de ne pouvoir poursuivre. J'aimerais vous remercier au nom du parti ministériel de votre mémoire très modéré. Concernant une remarque d'un député, je crois que c'était le député de Mont-Royal qui disait que le gouvernement et en particulier le ministre devaient légiférer en fonction de tous les citoyens du Québec, pour avoir assisté aux rencontres que nous avons faites en décembre avec les représentants des principales communautés ethniques, je me rappelle très bien d'avoir entendu le ministre d'État au développement culturel dire à tous ces groupes qu'il s'intéressait au développement culturel de tous les groupes au Québec. Mais comme, bien sûr, la majorité au Québec est francophone, il nous faut d'abord adopter une loi qui assure ses droits. Il y a beaucoup d'autres initiatives du gouvernement qui visent à appuyer le développement culturel des différents groupes au Québec et j'espère que vous continuerez à vous sentir à l'aise chez nous parce que c'est également votre pays, votre patrie.

Mme Williams: M. le Président, est-ce que je peux poser une question ici au sujet de la commission de surveillance? Parce que j'ai trouvé...

Le Président (M. Cardinal): Vous désirez la poser à qui, cette question?

Mme Williams: Peut-être à Monsieur ici.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Rosemont, c'est la seule personne à qui vous pouvez la poser.

Mme Williams: Est-ce que je peux le faire? Le Président (M. Cardinal): Oui, Madame.

Mme Williams: Nous parlions tantôt de la commission de surveillance et j'ai trouvé dans le bill 22, à l'article 55, qu'il y a un pouvoir dévolu à la Régie de la langue française qui peut-être va vous aider. Article 55 e): "de mener des enquêtes prévues par la présente loi afin de vérifier si les lois et les règlements relatifs à la langue française sont observés". Je trouve que c'est un peu la fonction de la commission.

M. Paquette: C'est exactement ce que je disais, que les fonctions qui étaient attribuées à l'Office de la langue française par la loi 22 sont réparties maintenant entre trois organismes, dont la commission de surveillance. On ne peut pas dire qu'il y a détérioration de votre point de vue de ce côté. On va y réfléchir.

Mme Williams: Non, mais nous posons la question, pourquoi trois? Seulement ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Quand même, je pense que c'est avec une certaine souplesse que je calcule ce temps en y donnant beaucoup d'attention. Une dernière intervention d'environ deux minutes de M. le député de D'Arcy-McGee, et ce témoignage sera terminé. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Goldbloom: Merci M. le Président. Mme Williams, vous avez reçu des félicitations et elles sont bien méritées. Je voudrais y ajouter les miennes, vous vous êtes très bien défendue. Chaque mémoire est en quelque sorte un message que la personne ou l'organisme veut communiquer aux membres de la commission parlementaire et plus particulièrement au gouvernement, parce que c'est le gouvernement qui prend l'initiative et la responsabilité des projets de loi et donc, des éventuelles lois.

Vous n'êtes pas venues vous exprimer comme des adversaires. Au contraire, vous avez exprimé un très grand respect pour la langue française, pour la population de langue française du Québec et pour la démocratie.

Vous avez exprimé aussi, même si le ministre a voulu vous amener à fournir plus de détails — je l'ai décelé dans votre témoignage — une volonté très précise et très ferme de vivre comme citoyens à part entière du Québec, avec et en communication avec tous les citoyens du Québec.

Il est évident que si personne ne vient dire à un gouvernement: II y a telle ou telle chose dans votre projet de loi qui pourrait être une atteinte à la démocratie, le gouvernement trouvera son projet de loi parfait, trouvera chaque mot parfait et sans besoin de changement. Tout gouvernement, dans un pays comme le nôtre, se croit parfaitement démocratique. Mais tout gouvernement est constitué d'êtres humains qui sont faillibles et qui peuvent coucher sur papier des textes qui, en fin de compte, finissent par ne pas être parfaitement démocratiques.

Si je vous pose une question, ce n'est pas pour mettre mes paroles dans votre bouche, c'est pour m'assurer que j'ai bien compris le message de votre mémoire. Je ne crois pas que ce soit un plaidoyer pour le milieu anglophone...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de D'Arcy McGee, je vous prierais de poser votre question immédiatement.

M. Goldbloom: D'accord. Je crois que c'est plutôt un plaidoyer pour la démocratie. Je voudrais vous demander simplement ceci: Est-ce que votre message est de dire au gouvernement que dans la rédaction des articles que vous avez mentionnés, vous trouvez qu'à vos yeux, la démocratie n'est pas parfaitement respectée et que c'est pour cela que vous invitez le gouvernement à modifier ses textes?

Mme Williams: C'est pour cela que nous sommes ici, monsieur.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Mme Williams. Nous avons vraiment raison de vous remercier... Votre témoignage en français, à l'occasion de ce projet de loi, votre patience, et vos réponses,

je pense, ont su informer la commission et je vous remercie au nom de tous les membres de cette commission.

Mme Williams: Merci.

Le Président (M. Cardinal): Le prochain témoin, The Montreal Lakeshore University Women's Club. Je demanderais à ces personnes de s'approcher, de s'identifier, tant individuellement que comme association. Je leur rappelle, comme je le rappelle à tous ceux qui se présenteront devant nous, qu'en vertu d'une motion adoptée par cette commission, les personnes qui présentent des mémoires ont un maximum de 20 minutes. Mesdames.

The Montreal Lakeshore University Women's Club

Mme Hughes (Donna): Merci, M. le Président. M. le Président, madame et les membres de la commission parlementaire, je suis Donna Hughes, la présidente du Montreal Lakeshore University Women's Club et je vous présente les membres de notre comité.

Mmes Lukanovich, Montminy, à gauche, Leslie, Sutherland et Monty. Nous sommes venues, dans la 20ième année de l'existence de notre club, pour participer au procès démocratique du Québec, pour accepter notre responsabilité comme citoyens de commenter le projet de loi no 1, pas comme les avocats, pas comme les professeurs, pas comme membres d'une corporation avec les vastes résultats de l'expérience technique, mais comme les citoyens du Québec où nous voulons rester et auquel nous voulons contribuer et nous appartenons.

Maintenant, Mme Montminy vous présentera notre mémoire.

Mme Montminy (Carmen): Madame, messieurs, le Montreal Lakeshore University Women's Club regroupe 250 diplômées demeurant dans la partie ouest de l'île de Montréal qu'on appelle le Lakeshore. Nous représentons 27 universités canadiennes, 20 universités américaines, 8 de la Grande-Bretagne et 8 d'Europe et d'Asie. Le club fait partie de la Fédération canadienne des femmes du Québec. En outre, notre club a été un des membres-fondateurs du Conseil provincial des femmes diplômées de la province qui, à son tour, jouit d'un accord sympathique entre les clubs francophones et les clubs anglophones.

La primauté de la langue française est reconnue au Québec et l'épanouissement de la langue et de la culture française doit être appuyé avec ferveur. Néanmoins, nous, les membres du Montreal Lakeshore University Women's Club, croyons que cet objectif ne devrait pas se réaliser en faisant du Québec une province unilingue, aux dépens des droits individuels acquis de chacun de ses citoyens.

Les droits constitutionnels et les droits de la personne. Nous reconnaissons qu'approximativement 80% des citoyens de la province de Qué- bec ont comme langue maternelle le français et, certes, ils doivent être assurés de communiquer et de travailler confortablement dans leur propre langue.

Le gouvernement ne doit pas insister invariablement sur le fait que les minorités demeurant maintenant au Québec sont mieux traitées que les francophones qui résident dans les autres provinces. Gouverner avec vengeance n'est pas du tout une base solide sur laquelle bâtir un Québec renouvelé.

Tenant compte de ce fait, notre club insiste que les droits fondamentaux de la personne doivent être protégés et nettement définis. Le projet de loi no 1 ne doit pas prendre pas sur une partie quelconque de la Charte des droits de la personne, loi no 50, qui interdit la discrimination à base de race, de nationalité, de langue (article 10). En effet, en tant que parti d'Opposition, le Parti québécois a même proposé que la Charte des droits et de la liberté de la personne soit d'une suprême importance par rapport à n'importe quelle autre loi pour "se pourvoir contre les changements politiques". D'un bout à l'autre de cette loi, il existe plusieurs infractions constitutionnelles contre les droits et la liberté de la personne pour tous les citoyens québécois. On remarque que les articles 22 et 24 nient à certains individus le droit d'obtenir des informations, ce qui est directement contre la Charte des droits de la personne.

Mentionnons ici que les citoyens anglophones sont aussi des Québécois. Cette minorité représentant une des deux cultures fondatrices du Canada est au Québec depuis plus de 200 ans. Si cette Charte de la langue française entre en vigueur, la communauté anglophone ne jouirait point des mêmes droits que ceux accordés aux citoyens francophones. Il existerait plusieurs différences dans les droits, notamment les citations, sommations, mises en demeure et assignations, ainsi que les jugements, contrats et documents. Il n'y a aucune garantie établie qu'assurerait à l'anglophone les services ci-haut mentionnés dans sa langue maternelle. Les municipalités ainsi que les commissions scolaires qui sont en majorité anglophones n'auraient plus le droit de communiquer dans leur propre langue. La législation proposée est discriminatoire, divise la population québécoise et produit plusieurs catégories de citoyens.

Dans cette province, il faut prendre conscience du nombre de mariages où un des conjoints est anglophone et l'autre francophone. Donc, même au niveau familial, il existerait des droits différents. Par exemple, on pourrait citer la situation dans laquelle un conjoint ne serait pas congédié en raison de sa langue, tandis que le contraire serait vrai pour l'autre époux. Dans un autre cas, un enfant peut être obligé de fréquenter l'école française, quoique les aînés de la famille qui ne sont plus à l'école ont été éduqués dans le système anglophone (article 52b). On doit faire tous les efforts nécessaires afin de garantir les droits constitutionnels de chaque Québécois.

Avec la loi no 1, les droits collectifs des francophones prennent le pas aux dépens des droits individuels. À titre d'exemple, les articles 9 et 38 de

la loi no 50 et l'article 4 des droits de la protection du consommateur ont été amendés par la loi no 1, article 170 et 172. Aussi, les parents francophones n'ont pas le choix de la langue d'instruction pour leurs enfants.

La diminution des droits de la personne n'est que le commencement d'une subjugation des droits individuels aux biens de l'État.

La langue de la législation et de la justice. En faisant omission de la langue anglaise comme une des langues officielles de la législation et de la justice au Québec, le projet de loi no 1, articles 7, 9, 11 et 13, est en violation de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'article 133 se lit comme suit: "Dans les Chambres du Parlement du Canada et de la Législature du Québec, chacun pourra, dans les débats, faire usage de la langue anglaise ou de la langue française; mais les registres et les procès-verbaux des Chambres susdites devront être tenus dans ces deux langues. Dans tout procès porté devant un tribunal du Canada établi en vertu de la présente loi ou devant un tribunal du Québec, chacun pourra faire l'usage de l'une ou de l'autre de ces langues dans les procédures et les plaidoyers qui y seront faits ou dans les actes de procédure qui en émaneront. "Les lois du Parlement du Canada et de la Législature du Québec devront être imprimées et publiées dans l'une et l'autre de ces langues."

Le gouvernement du Québec n'a aucunement le pouvoir d'amender cette loi qui est constitutionnelle. Les projets de loi, mises en demeure et règlements doivent être disponibles simultanément en français et en anglais. Le Montreal Lakeshore University Women's Club s'oppose avec ardeur à toute restriction quelconque de la langue anglaise, soit à l'Assemblée nationale, soit dans la législation et la justice.

La langue de certains organismes parapublics (professionnels). Les règlements rigoureux en ce qui concerne les ordres professionnels serviraient à limiter leurs membres en nombre, seraient la cause d'un exode de professionnels, et n'attireraient point de membres additionnels. Le départ, déjà commencé, de plusieurs professionnels appauvrirait la province avec une disette d'expérience, de connaissances et de vitalité. La qualité des professionnels au Québec serait affectée d'une façon contraire par les conditions imposées par la Charte de la langue française.

La langue de l'enseignement. L'éducation et la langue d'instruction comme telle sont d'une importance réelle pour le Montreal Lakeshore University Women's Club. Nous croyons au libre choix des parents en ce qui concerne la langue d'instruction, et encourageons l'enseignement d'une langue seconde (soit le français et l'anglais) dans les systèmes scolaires.

Si le projet de loi no 1 entrait en vigueur, il n'existerait guère de choix de langue d'instruction pour le Canadien français, ni pour aucun autre citoyen canadien éduqué en dehors du Québec, ni pour les immigrés. En plus, l'anglophone non québécois, qu'il soit Canadien ou autre, n'aurait pas droit à l'instruction en anglais.

Ceci est non seulement méprisable, mais entre en conflit avec l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Les protestants maintiennent que le droit acquis de choisir la langue d'instruction fut en vigueur avant la Confédération, et il est ainsi sauvegardé par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'interprétation de cet article est présentement devant la Cour d'appel. Le jugement porté par M. le juge Jules Deschênes, daté du 6 avril 1976, n'est pas terminé à ce moment.

En limitant le développement du système anglophone, article 53, et en se prononçant sur l'admissibilité de ceux qui désirent s'inscrire dans les écoles anglaises, articles 52 et 54, la loi no 1 restreint les droits d'une minorité et limite ainsi le droit acquis de s'exprimer et d'être susceptible de profiter du service d'enseignement offert dans sa propre langue. On prévoit une réduction importante des inscriptions en refusant à ceux qui ne résident pas en ce moment au Québec, mais qui peut-être seraient citoyens d'ici peu, de s'intégrer au système anglais. Le nombre des citoyens anglophones au Québec est toujours resté stable, à cause du facteur de mobilité. Ceci demeure vrai en ce qui concerne notre club; un pourcentage de 25% de transferts est habituel sur un nombre total de 250. Le changement serait immédiat puisque les nouveaux arrivés ne seront plus les bienvenus; le libre choix de la langue d'instruction pour leurs enfants leur serait interdit. Donc, tout en tenant compte d'une baisse des naissances, la diminution des nouveaux citoyens réduirait nécessairement d'une façon réelle les inscriptions. En outre, les commissions des écoles anglaises, en se conformant à la nouvelle législation, se voient dans la nécessité de consacrer plus à l'administration qu'à l'enseignement. Les catholiques anglophones se trouvent dans une situation bizarre, puisque les commissions françaises ne voient pas la nécessité de commencer à donner l'instruction en anglais. Le but positif d'affermir effectivement le français ne doit pas se faire aux dépens du système d'éducation anglophone.

Nous recommandons l'enseignement compétent d'une langue seconde, tant pour le système anglais que pour le système français. Nous sommes fiers de nos programmes d'immersion française dans le système anglais, programmes établis avec peu d'assistance de la part du gouvernement provincial. Afin de profiter davantage des occasions présentées et de participer à la vie du continent nord-américain, tous les enfants du Québec doivent être bilingues. Les parents canadiens-français eux-mêmes (étude faite à l'Université de Montréal) l'exigent. Tel que prévu dans le projet d'immersion Saint-Lambert, l'enseignement d'une langue seconde en très bas âge n'a aucun effet dommageable sur la langue maternelle. L'enseignement adéquat d'une langue seconde ne doit pas être envisagé d'une manière suspecte, mais plutôt vu comme une occasion d'élargir les horizons.

Commerce et industrie: Le climat incertain de l'économie de la province de Québec ne peut pas être ignoré. Il existe des vrais problèmes, tels que

10% de chômage, impôts élevés, inflation, dettes énormes et une pénurie d'investissements privés. L'Office de planification et de développement du Québec, dans un exposé intitulé "L'analyse structurale de l'économie québécoise", prédit un déclin du produit brut des industries primaire et manufacturière, si la tendance actuelle se poursuit.

Comment l'économie du Québec serait-elle affectée par le projet de loi no 1? La législation répressive de la loi no 1 semble nier le progrès énorme déjà atteint dans la francisation de la communauté québécoise. L'industrie, les institutions financières et les commerces auront affaire à des règlements et des interventions additionnelles du gouvernement. L'article 37 illustre bien cette intervention en disant qu'il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance de "l'autre" langue est nécessaire pour remplir une tâche nécessaire. Les maisons de commerce ayant plus de 100 employés doivent avoir un programme de francisation et un comité. Il y aurait des amendes pour ceux qui ne suivent pas ces règlements. Combien coûteraient ces règlements à l'employeur? Sans doute, le coût de mettre en oeuvre ces règlements serait payé par le consommateur. Ces maisons d'affaires, qui éprouvent déjà des difficultés à survivre avec ces nouveaux règlements, vont certainement être obligées de fermer leur porte. Certes, la francisation des commerces et la promotion des francophones seraient possibles en utilisant des moyens moins radicaux et en employant des méthodes stimulantes plutôt que punitives.

Le grand nombre d'entreprises, d'industries, d'institutions financières, ainsi que d'institutions de recherche qui quitteront le Québec nous préoccupe maintenant. Nous envisageons la possibilité réelle de voir s'établir ailleurs plusieurs établissements à cause d'une multitude de restrictions et de règlements qui engendreraient des difficultés dans le recrutement de personnes habiles et techniques. Ceci donnera comme résultat une baisse dans la structure de taxe de base, une diminution dans le pouvoir d'achat, une perte de positions, une économie de succursales et, ce qui est plus important, un champ limité pour les Québécois. Ce sont des situations graves qui demandent d'être considérées objectivement avant de voter une loi.

Les abus du système démocratique Le Parti québécois, élu démocratiquement, doit remarquer les mesures non démocratiques qui existent dans la loi no 1. Celles-ci incluent le gouvernement par règlements, les pouvoirs vagues et discrétionnaires accordés aux fonctionnaires et l'inconsistance et le pouvoir limité de réclamer.

Les règlements du conseil ne sont pas votés par les membres de la Législature qui sont responsables vis-à-vis de l'électorat. Avec la loi no 1, la situation est telle que le gouvernement par règlements est en marche, et le gouvernement se prononce sur plusieurs sujets, tels que les éléments de preuve, les conditions de résidence temporaire, et prescrit les mesures de coopération que doivent avoir les services et les agences de l'administration civile (article 77).

Nous nous opposons, dans la loi no 1, aux pouvoirs larges et non définis accordés aux fonctionnaires de décider sur la question d'admissibilité des élèves (articles 52, 53, 54). Nous nous opposons au fait que les fonctionnaires ont des pouvoirs discrétionnaires concernant la surveillance des entreprises (articles 132); nous nous demandons s'il y a des entreprises exemptes de suivre les règlements de la loi no 1. Qu'est-ce qui constitue une connaissance appropriée de la langue française et quelles entreprises de moins de 50 employés doivent être francisées? L'article 98: "Quiconque entrave le travail de l'office ou refuse de se conformer à l'article 97 commet une infraction à la présente loi", n'est pas assez précis et laisse la porte ouverte pour les manipulations politiques.

Il y a clairement un manque de procédure pour les demandes d'appels dans la loi no 1.

En regard de l'article 55, un appel sera peut-être pourvu aux parents, mais ce n'est pas garanti et tout appel est décisif.

Il y a beaucoup d'assistance accordée aux commissaires enquêteurs et aux requérants d'enquêtes, mais ceci n'est pas applicable aux défendeurs. La loi encourage et protège les droits du requérant, tandis que les droits et recours des défendeurs n'ont pas les mêmes privilèges. Le dossier est transmis au procureur général et le défenseur n'a pas le droit de l'examiner. Nous nous opposons, dans cette loi, aux procédures d'appel, à l'absence de droit pour le défendeur d'examiner le dossier ainsi qu'à l'absence de la nécessité de rendre compte de leurs actions pour ce qui est du président de la commission de surveillance et la commission de surveillance elle-même. (Articles 80, 129, 142).

Les recommandations. Droits de la personne. Nous recommandons que la charte des droits de la personne ait préséance sur toute autre législation. Que le droit d'employer la langue anglaise devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale soit garanti. 2. Éducation. Nous recommandons le choix libre de l'individu en ce qui concerne la langue d'instruction des enfants. Que l'instruction de bonne qualité soit disponible dans les systèmes publics français et anglais. Que la priorité soit donnée à l'enseignement d'une langue seconde, tant au secteur français qu'anglais. 3. Les abus de la démocratie. Nous recommandons que la loi no 1 garantisse une procédure démocratique pour tout ce qui concerne la commission de surveillance par l'élimination des pouvoirs discrétionnaires. 4. Commerce et industrie. Nous recommandons que l'assistance financière soit disponible pour les industries et les entreprises, leur permettant d'introduire un programme de francisation sans affecter leur pouvoir d'entrer en compétition avec les établissements hors de la province. Nous recommandons aussi que les corporations aient le droit d'accès à l'information pour leur défense et recours dans les affaires ayant rapport à la commission de surveillance.

Conclusion. Avec la mise en oeuvre de ces recommandations, nous acceptons le désir fondamental du gouvernement expliqué dans la loi no 1, c'est-à-dire d'assurer l'existence d'une province francophone. Ce but peut être accompli sans la diminution des droits d'une assez grande minorité non francophone. Une réalisation de buts graduelle par l'encouragement, la coopération et la bonne volonté chez les citoyens du Québec est sûrement plus à souhaiter que l'esprit de confrontation, la répression inutile et la diminution des droits personnels et constitutionnels actuellement dans la loi no 1.

Un des buts premiers de notre organisation se trouve dans le domaine de l'éducation tel que stipulé dans notre constitution: "l'objet de cet organisme serait d'aider au développement d'un concept sain des valeurs éducatives et à la conservation de normes élevées dans l'éducation publique". Il faut savoir que l'intention de l'éducation n'est pas simplement de la dictature bureaucratique ou un programme de placement pour nos enseignants. Ce n'est même pas de toute première importance d'envisager comme un des moyens de continuer les traditions de nos ancêtres. Le but premier de l'éducation consiste à aider les jeunes gens à se débrouiller eux-mêmes en regard d'un avenir aussi changeant que mobile. L'éducation, ce n'est pas un champ de bataille où les différences sont accentuées, mais plutôt une arène où nous apprenons à connaître nos similarités et nos désirs communs pour l'avenir. Etre en mesure de communiquer et la capacité de parler français et anglais créera certainement un climat positif de compréhension parmi nos enfants qui, eux, tiennent la clé de l'avenir de la province de Québec.

Je vous remercie messieurs, madame.

Le Président (M. Laplante): Merci Mme Montminy. Vous avez pris exactement 20 minutes. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie beaucoup The Montreal Lakeshore University Women's Club pour ce mémoire que j'ai trouvé très intéressant en ce sens qu'il révèle de façon exemplaire une certaine mentalité et une certaine attitude.

Je voudrais tout de suite rassurer le témoin et lui dire que pour le gouvernement, malgré les craintes qu'elle vient de mentionner, les anglophones sont de véritables Québécois et d'ailleurs, nous l'avons établi dans le livre blanc. Nous avons reconnu l'apport qu'ils ont donné et qu'ils donnent encore à la collectivité québécoise.

J'ai quand même l'impression que les témoins ont lu, dans le texte du projet de loi, ce qui ne s'y trouvait pas ou qu'ils l'ont lu avec des lunettes noires. Je me demande, par exemple, où ils ont trouvé, dans l'article 36 qu'ils ont cité, qu'un anglophone pouvait être congédié dans une entreprise parce qu'il ne parlait pas français, puisque cet article ne fait référence qu'à des francophones qui, eux, ne peuvent être congédiés ou rétrogrades parce qu'ils ne parlent que le français. Je pense aussi que le témoin ne s'est pas rendu compte que les pouvoirs accordés à la commission de surveillance sont les mêmes que ceux qui sont accordés à toutes les autres commissions créées par le gouvernement, et que même les pouvoirs de la commission de surveillance sont moindres que ceux que le gouvernement a accordés à plusieurs autres commissions dans le passé, dont par exemple la Commission du salaire minimum. Je pourrais continuer ainsi sur beaucoup d'autres articles que l'on retrouve dans le corps du mémoire, mais peut-être que mes collègues pourront les relever.

Je voudrais poser une question au témoin. Est-ce que le témoin considère que les autres provinces au Canada sont unilingues?

Mme Montminy: Pardon. Est-ce que je comprends bien? Est-ce que vous me demandez si je considère que les autres provinces sont unilingues?

M. Laurin: Oui, anglaises.

Mme Montminy: Je dirais que oui, mais je sais que dans les provinces où il existe plusieurs groupes, non seulement de francophones mais d'autres nationalités, ils parlent...

M. Laurin: Vous admettez quand même qu'elles sont unilingues.

Mme Montminy: Cela dépend si on parle du Nouveau-Brunswick...

M. Laurin: Que l'anglais... Mme Montminy: ...l'anglais...

M. Laurin: L'anglais langue de travail, l'anglais langue de communication, l'anglais langue officielle, l'anglais langue de la Législature...

Mme Montminy: Oui, mais c'est naturel.

M. Laurin: ...l'anglais langue des cours et ainsi de suite.

Mme Montminy: Oui, parce qu'ils sont 17 millions, 18 millions.

M. Laurin: Je voudrais demander alors au témoin, si elle admet que les autres provinces sont unilingues, pourquoi considère-t-elle que cet objectif ne devrait pas se réaliser au Québec où 80% de la population parle français?

Mme Montminy: Parce qu'il ne faut pas oublier que dans la province de Québec nous sommes un million d'anglophones. Il faut absolument prendre conscience de cela, monsieur.

M. Laurin: Je pense, d'après le recensement de 1971, que la proportion des anglophones est de 14% et non pas de 20%.

Mme Hughes (Donna): Je pense, docteur, que je peux continuer. Mon français n'est pas un français aussi élégant que celui de ma compagne, si vous...

M. Laurin: You may answer in English if you feel more at ease.

Mme Hughes: Merci, monsieur. You have asked if Québec is a unilingual province, if other provinces of Canada are unilingual. We accept, and in fact we accept in a positive sense, the fact that Québec is being a French province. We enjoy living here, we enjoy living and trying to live in the French language ourselves. We speak in our brief of a question of law and rights and I fell that it is along these lines that we questioned some of the articles of the Charter. In New Brunswick, on the 1st of July, there will be a law which, when passed, will guarantee more rights to minorities to both sections of the Canadian population, French and English, than will exist in Québec under this law, Bill no 1.

M. Laurin: Si vous admettez que les autres provinces sont unilingues anglaises officiellement, pourquoi voudriez-vous refuser au Québec français, vous venez de le dire, le même droit que les autres provinces ont exercé depuis toujours?

Mme Hughes: I do not believe that by this brief we deny this fact.

May I ask you, if this is my correct interpretation of your question?

M. Laurin: Yes. If you accept that other provinces are officially unilingual, why would you refuse to Québec a right that the other provinces have exerted from their very beginning?

Mme Hughes: I do not believe that this is the case. I am sure that Dr Laurin is more of a constitutional expert than I am myself, but we believe that the right of a French Canadian in any part of Canada is protected under the same laws as we expect in Québec. Have I...

M. Laurin: Is it the reason why he is obliged to go to school in English, to be judged, tried in English, he is obliged to work in English? Everywhere in Canada?

Mme Hughes: Would you repeat that question, please?

M. Laurin: You said that those rights are recognized everywhere in Canada. Is it the reason why, we know, French-speaking people in all other provinces are obliged to work in English, are tried in English, and very often are not able to find a school where to receive their education in French.

Mme Hughes: I fell that this injustice must be corrected in the rest of Canada, I am very much of this opinion, and I feel that it is up to Québec, where we have the chance to show the rest of Canada how a democracy can really work.

M. Laurin: Ce n'est pas pour demain, cela. Vous dites qu'il ne faut pas gouverner avec vengeance. Croyez-vous que c'est uniquement pour ne pas gouverner avec vengeance que les autres provinces du Canada ont établi d'une façon implicite l'anglais comme langue officielle ou parce que si ça n'était pas normal, naturel, convenable, parce que c'était la langue commune, la langue de la cohésion sociale, la langue de la communication? Is it from hatred or because it was legitimate, normal to have a common language?

Mme Montminy: Est-ce que je peux essayer de répondre à cette question? Nous sommes certains qu'ici au Québec, jusqu'ici, les anglophones ont été très bien traités, ils ont eu beaucoup d'avantages au Québec. Mais, aussi, par contre, ils ont travaillé très fort pour pouvoir avoir une éducation qui était égale au système français et qui donnait vraiment une bonne instruction. Est-ce que les droits dans les autres provinces, comme en Ontario, où j'ai été élevée, sont à peu près les mêmes? Il a toujours fallu que la minorité travaille beaucoup pour perfectionner son système d'école et pour avoir des écoles. Je cite Ottawa par exemple où les écoles francophones, je sais, ont eu beaucoup de difficulté, au commencement, pour se développer, mais quand un groupe intéressé s'est réuni et a travaillé, il a réussi à avoir des écoles. Est-ce que ce ne serait pas possible, dans les autres provinces, pour un groupe de francophones assez intéressés, de faire la même chose?

M. Laurin: Vous dites ailleurs que, dans le projet de loi, il y a plusieurs infractions constitutionnelles contre les droits et libertés de la personne. Est-ce que vous pourriez me les nommer, les énumérer?

And I mean by that the Constitution of Canada.

Mme Sutherland (Renate): We are making reference to Bill 1, articles 7, 9, 11 and 13, which indicate that, by omission, certain services and certain fundamental rights have been denied to a group of citizens dans la province de Québec.

M. Laurin: Are those all the infringements you have found in the law?

Mme Sutherland: 23, 24 and 28 including... There are a number of others... We have not gone itemizing them. But, generally speaking, we believe that each person a le droit de savoir et comprendre les actions et les décisions du gouvernement de tous les citoyens. Ce droit est très fondamental, mais il est interdit à une catégorie de citoyens si la langue de la législation est en français seulement.

Nous reconnaissons la primauté de la langue française dans la province de Québec, mais nous voulons avoir une garantie dans la Charte de la

langue française au Québec, qu'il y ait une assurance que les informations sur les affaires du gouvernement soient disponibles à tous les citoyens du Québec, en tout temps, qu'ils soient francophones ou anglophones.

Il y a beaucoup d'articles dans les lois, maintenant, qui ne parlent pas de choses en anglais.

M. Laurin: Est-ce que cela veut dire que, pour vous, constitutionnellement parlant, le Québec n'a pas le droit de légiférer sur la langue, d'adopter une loi 22, par exemple, qui faisait du français la langue officielle...

Mme Sutherland: Mais le projet...

M. Laurin: ... et une loi 1 qui va dans le même sens.

Mme Sutherland: Mais le projet de loi no 50, article 10, dit: "Toute personne a droit à la reconnaissance et l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondées sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale. "Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre cet article.

M. Laurin: Oui, cet article établit que personne ne veut se voir refuser un emploi à cause de sa langue ou de son sexe. Mais est-ce que vous avez vu l'article 20 aussi, disant que toutes distinctions, exclusions ou préférences basées sur les modalités, les conditions d'un emploi sont réputées non discriminatoires? C'est ce qui a permis à plusieurs entreprises au Québec, depuis très longtemps, d'exiger le bilinguisme de la part d'employés, pour dès postes où l'emploi d'une deuxième langue était très contestable, sans que jamais la Commission des droits de la personne n'ait condamné ces pratiques?

Vous pourrez y revenir plus tard. Je voudrais vous poser un autre article sur le libre choix auquel vous voulez revenir. Vous dites que c'est brutal et, en même temps, c'est anticonstitutionnel, que cela va contre l'article 93 de la constitution.

Pourtant, si mon souvenir est bon, l'article 93 garantit aux anglophones du Québec un enseignement dans la religion protestante. Mais, dans cet article-là, il n'est nulle part fait mention de la langue de l'enseignement. J'ai un peu de difficulté à concilier cet article 93 avec votre affirmation.

Mme Monty: M. le Président, même avant l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en 1861, je crois, les protestants ont eu la permission d'avoir des écoles anglaises. Ici, au Québec, la religion et la langue ont toujours été mêlées un peu et c'est difficile. Quand nous parlons de protestants, ordinairement, nous pensons à des personnes de langue anglaise et...

M. Laurin: II y a beaucoup de protestants français, madame.

Mme Monty: Naturellement et beaucoup de personnes de langue anglaise sont aussi catholiques. Mon nom était Quinn. Je suis une Irlandaise de...

M. Laurin: Mais, de toute façon, je vous cite de mémoire l'article 93, et, à mon souvenir, il n'y a pas de référence à la langue d'enseignement.

Mme Monty: Non, nous savons qu'il n'y a pas de référence à la langue, mais c'était sous-entendu, je crois, que religion et langue anglaise étaient synonymes dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. Laurin: Vous parlez de la situation catastrophique qui s'ensuivrait, au point de vue économique, si la Charte de la langue française était appliquée. Vous parlez d'exodes de sièges sociaux, de pertes d'emploi extraordinaires. Je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que vous êtes au courant des études très nombreuses qui ont paru ces dernières années et qui attribuent l'exode des sièges sociaux ou de certains laboratoires de recherche à des facteurs surtout géographiques ou économiques, comme, par exemple, la canalisation du Saint-Laurent, le déplacement des activités économiques vers l'Ouest, aussi bien l'Ouest du Canada que l'Ouest des États-Unis, le centre des États-Unis? Est-ce que vous pensez que ces facteurs peuvent avoir joué un rôle aussi important, sinon plus important, que le facteur linguistique, surtout quand on se rappelle les déclarations de plusieurs compagnies qui viennent justement de transférer une partie de leur siège social, comme, par exemple, les opérations de marketing ou les opérations financières à Toronto, parce que c'est à Toronto maintenant que se situe le véritable marché financier du Canada ainsi que certaines expertises en matière de marketing ou de recherche? Est-ce que vous êtes au courant de ces études?

Mme Lukanovich (Jean): ...this question. We are here to present to you the views of our community. In the opinion of our community, at the present time, regardless of what studies that may have been done in the past, it is not geographical reasons that are causing the exodus that is happening at the present time. In our community, people are leaving daily, companies are leaving daily, those of us who were born and who live in Québec feel that this hurts us. We are really upset, we feel emotionally upset also. We feel that this is our home and we really feel that there should be solutions to keep... There must be a way to keep these people and these companies in Québec. I think we have not collected very many statistics. Statistics can be used in any way, really, that people want to use them, but one interesting statistics is that, I think, perhaps you have read it also, but if 19 Head Offices leave Quebec, this

represents 63 000 jobs that cannot be replaced and $430 million in direct expenses. This hurts all of us both, you and us, as taxpayers, because this means that our tax base is made smaller. We all suffer.

M. Laurin: Est-ce que vous êtes au courant, madame, qu'il y a un article dans la loi qui dit qu'on tiendra compte de la situation des sièges sociaux et j'ai dit, à plusieurs reprises, qu'une autre langue que le français pourra être utilisée dans les sièges sociaux et pourra être utilisée aussi pour toutes les relations de quelque entreprise québécoise que ce soit avec d'autres entreprises situées ailleurs au Canada et aux États-Unis.

Alors, à ce moment, pourquoi prévoir un exode aussi massif de sièges sociaux?

Mme Lukanovich: Excuse me, I do not understand all the question.

M. Laurin: I was just referring to an article of the Bill, article 113, where it is said that a special account will be taken of the head offices where another language than French can be used and also where it is said that any business or firm in Québec will have the right to use another language that is English in all the relationships with other firms or businesses located elsewhere in Canada or in United States. If this is so, how can you predict such a massive exodus of head offices, or firms, or businesses for this pure linguistic reason?

Mme Lukanovich: I think it is not only the linguistic reason. I think there are others such as labour reasons which perhaps are contributing to it. But, we do not have to predict it. It is happening.

M. Laurin: It is for linguistic reasons or for other economic, geographic reasons?

Mme Lukanovich: No, I think it is a general climate. When one begins to restrict or brings any restrictions, with it, he brings many fears. It is not a constructive climate. When there is no alternative or solution, then, of course, the alternative will always be selected. It is not necessary to live within a restrictive environment, because there is an alternative of moving his head offices, or any small business itself. It is not only head offices, of course.

M. Laurin: Voulez-vous dire par là que ces entreprises ne resteraient ici, au Québec, qu'à la seule condition que rien ne change? Do you mean by this that those...

Mme Lukanovich: I think that if there was a very constructive atmosphere in this province, if people felt they could work together to build a model community for everyone in the future, than people would not only stay, they would move here from other parts of the country and from other parts of the world. One reputation that Montréal has always had, and the Québec, has been a very charming part of the world, a cosmopolitan part of North America. People love to be here, because of its difference.

M. Laurin: Dans votre mémoire, vous demandez aussi que l'État québécois verse des subventions aux entreprises, aux firmes pour les aider à se franciser. Est-ce que vous êtes au courant que, lorsqu'il s'est agi d'introduire le système métrique dans les entreprises au Canada, le gouvernement fédéral a offert, bien sûr, son aide technique a donné du temps aussi aux entreprises pour le faire, mais qu'il n'a offert aucune subvention financière, malgré le coût élevé de l'opération. Est-ce que vous croyez que, si le fédéral a tenu cette politique, le gouvernement du Québec peut aussi être justifié d'adopter une politique analogue?

Mme Montminy: Je comprends très bien votre question, Dr Laurin, mais on pense, notre groupe... On connaît plusieurs petites entreprises parmi nos voisins, par exemple, qui ont vraiment de la difficulté à faire entrer en pratique un programme de francisation sans vraiment manger les profits de ces petites entreprises qui sont souvent des entreprises familiales, des gens qui ont travaillé toute leur vie pour ramasser un petit peu d'argent. Maintenant, ils se voient dans la nécessité de dépenser plusieurs millions de dollars, parce que cela coûte très cher de faire changer les enseignes, quelque chose que ce soit. C'est pour cette raison que nous avons mentionné cette...

M. Laurin: Vous savez que dans la loi les entreprises qui ont moins de 50 employés ne sont pas soumises au programme de francisation.

Mme Montminy: Oui, nous sommes d'accord.

Le Président (M. Cardinal): Le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Mesdames, je remarque dans votre mémoire que votre organisme de 250 diplômées d'universités représente 27 universités canadiennes et huit universités européennes et asiatiques.

Est-ce que, parmi les 27 universités canadiennes, toutes les sept universités du Québec sont représentées et, parmi les huit de l'Europe et de l'Asie, est-ce qu'il y a des universités de langue française qui sont représentées parmi vos membres?

Mme Hugues: Oui, monsieur. Elles y sont. M. Goldbloom: J'ai...

Mme Hughes: Nous avons ici notre carte de membre, si vous voulez.

M. Goldbloom: Est-ce que vos activités sont dans les deux langues ou est-ce que c'est un organisme qui transige et poursuit ses activités en anglais surtout?

Mme Hughes: Je vais vous répondre en anglais, si vous voulez...

M. Goldbloom: Certainly.

Mme Hughes: In our club, we work at various levels. In our club, locally, we have study groups, groups of women who meet to follow interests that they have or either had before they joined the club or wish to follow after. Two of the study groups are to learn to speak the French language, to improve upon it and to share in the culture of Québec. These are always full and we have to enlarge this program.

Outside of our club, we are members of the Conseil provincial du Québec, an organization of twelve clubs in Québec, three francophone, nine anglophone, all university graduates. We meet among one another where each person, a member of this Conseil, speaks her own language, as best she can. There is no translation. We do our best, and we have found that we have made many friends.

Also, we are members of the Fédération des femmes du Québec. Our members attend meetings of the Fédération, les congrès, the recent congrès in Sherbrooke was attended by four of our members. Our club presented resolutions to this congrès and we have always been made to feel very welcome there.

M. Goldbloom: I would like to ask you, linguistically speaking, what kind of Québec would you like to see in the future? What balance between the French language and the English language? You point out several articles in the bill, 7, 9, 11 and 13, if I remember correctly, that you pointed to particularly, in which you indicate that a person who is defined as being a French-speaking person has the right, by virtue of those articles, to claim certain services and certain protections and that a person who is defined as being English-speaking does not, by definition, have those same rights. What kind of Québec, linguistically, would you like to see and what balance between French and English in this province?

Mme Hughes: We all wish for an ideal situation. Shall we speak of wishes or realities? I would like to see a Québec where every person who lives there feels that it is his or her home, they feel comfortable, they feel also as part of a greater nation, Canada, where all Canadians can feel welcome. As far as balance is concerned, I would not like to talk numerically. I would like to see...

M. Goldbloom: Could I ask you if you feel that, essentially, everyone in Québec should be able to speak French, be able to understand French and communicate in French?

Mme Hughes: Absolutely. Speaking on a personal level, my children all attend French immersion, since we seem to always get down to this program, to this question among the anglophones. I think that this very positive nature, this very positive attempt, on the part of all the members of our club to learn as much and enjoy as much of the French milieu as we can, has always been and will always be a fact.

M. Goldbloom: I am going to go back to French for my last question, because you presented your brief in French.

Vous avez parlé dans votre mémoire de gouverner par vengeance. Peut-être que le mot est fort et peut-être que la force de ce mot a provoqué une certaine réaction, mais si je vous comprends bien, je pourrais vous poser la question: Dans quelle province canadienne habitez-vous? Et vous me répondriez: Le Québec. Vous ne me répondriez pas l'Ontario ou le Nouveau-Brunswick ou toute autre province, et voici un projet de loi, présenté par un gouvernement qui ne veut plus faire partie du Canada. Ne trouvez-vous pas que c'est un peu étrange que ce gouvernement qui veut quitter le Canada invoque continuellement la comparaison de cette province avec les autres, au lieu de penser en termes du Québec que nous voudrions bâtir ensemble? C'est pour cela que je vous ai posé la question: Quelle sorte de Québec aimeriez-vous bâtir? Parce que, n'est-ce pas ce que vous voulez dire, que nous devrions bâtir ensemble un Québec, sans nécessairement tenir compte de ce qui se fait ailleurs au Canada, surtout si ce qui se fait ailleurs n'est pas à la hauteur de ce que nous voudrions voir comme relations entre les éléments de la population québécoise?

Mme Hughes: C'est une question rhétorique, n'est-ce pas, M. le député?

M. Goldbloom: Un peu, si vous voulez. Je n'exige pas une réponse.

Mme Hughes: Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. C'est au moins une question très habile parce que c'était à la limite des possibilités de ce débat.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Pardon. Le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être pour continuer avec la dernière question du député de D'Arcy McGee, je vois à la page 10 de votre mémoire que vous parlez de l'éducation et que vous affirmez quelque chose que je ne comprends pas très bien. Vous dites que ce n'est même pas de toute première importance d'envisager comme un des moyens de continuer les traditions de nos ancêtres...

Quand on pense au peuple anglophone, est-ce tout pour vous de garder votre langue, d'avoir la langue dans vos écoles ou dans votre milieu de travail ou n'y a-t-il pas quelque chose de plus important que la langue, soit votre culture, en somme, tout ce qui a bâti votre groupe, votre

communauté depuis ses débuts ici en terre canadienne? Je ne sais pas si vous me comprenez.

Mme Hughes: Oui, je vous comprends. Peut-être avons-nous ici un peu de rhétorique nous-mêmes parce qu'on veut dire que l'éducation doit être pour les enfants. Ce n'est pas pour nous. Et ce que les enfants doivent avoir, c'est un avenir qui leur ouvre toutes les portes et ici en Amérique du Nord, cela veut dire qu'on doit posséder les deux langues. Vivre au Québec en français comme ils le veulent et au Canada aussi et dans toute l'Amérique du Nord... Les opportunités sont ouvertes...

M. Le Moignan: Mais vous ne voulez tout de même pas perdre vos usages, vos coutumes, vos traditions, ce qui vous a accompagnés, même si vos enfants devaient apprendre le français.

Mme Hughes: Oui, on oublie toutes ces choses que nous avons mentionnées, la culture...

M. Le Moignan: Si je veux continuer, vous êtes d'accord en somme sur l'existence d'une province francophone, mais votre mémoire semble reprocher l'esprit de confrontation "Confrontation that reigns in the Charter of the language", cette confrontation qui règne dans la Charte, dans le projet de loi, et vous soutenez que tout cela pourrait être réglé sans la diminution des droits de la minorité anglophone. Comment pouvez-vous concilier les difficultés qu'il y a là-dedans et, en même temps, la sauvegarde de tous vos droits?

Mme Lukanovich: If I may answer to this, I do not think that the spirit of confrontation in our brief in anyway measures up to the spirit of confrontation of a party whose declared aim is to destroy our country which is Canada. We are proud of being Quebeckers, we are also proud of being Canadians, and to ask the two go together, we wish a culture, a French culture in Québec, that is very...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, une question de règlement par le député de Rosemont.

M. Paquette: Je m'excuse, madame, mais vous dénaturez les objectifs de notre parti, et je ne peux évidemment pas laisser passer cela sans le corriger. Nous ne voulons pas détruire le Canada. Nous ne voulons rien détruire. Nous voulons affirmer nos droits et nous voulons détruire la Confédération, ce système politique dans lequel nous vivons, mais dans une optique de souveraineté, bien sûr, mais d'association avec les autres Canadiens. Nous ne voulons pas détruire le Canada. Cela me dérange toujours d'entendre ces attitudes qu'on répand et qu'on répète sans trop connaître les objectifs du Parti québécois. Je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur la question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, y aurait-il moyen que vous restreigniez les députés à ne pas interrompre les témoins qui répondent de leur mieux? Que les témoins disent des choses qui ne font pas l'affaire de députés ici autour de cette table, c'est, je pense, quelque chose d'assez naturel, et si, chaque fois qu'un témoin fait des déclarations qui ne font pas l'affaire du député qui vient de faire l'intervention, et que cela lui donne le droit d'interrompre le témoin, je pense qu'on n'assistera pas à ce pourquoi on est ici.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, monsieur... M. le député de Verchères, sur la question de règlement.

M. Charbonneau: Je ne veux pas faire un débat, M. le Président, mais je voudrais simplement signaler que ce n'est pas arrivé à plusieurs reprises que les députés ministériels aient eu à intervenir sur des questions de règlement pour interrompre des témoins.

M. Lalonde: Une fois, c'est trop.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous permettez, je me dois, comme président, et je crois qu'on a pu saisir depuis le début qu'à aucun moment je n'ai accordé à un parti ou à un autre une préférence, une priorité ou le contraire. J'ai mentionné ceci dès le premier jour de cette commission: II est à noter de plus qu'en vertu de l'article 140 — c'est une question de règlement, je cite donc le règlement — aucun autre sujet ne peut être discuté ici sauf le projet de loi no 1. Il n'est donc pas question, ni d'indépendance, ni de référendum, ni d'autre politique que le projet de loi no 1 et je demanderais au témoin de s'en tenir au projet de loi no 1.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Attention, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je viens de rendre une décision sur une question de règlement. Vous invoquez un nouveau règlement ou vous vous attaquez à ma décision?

M. Lalonde: Je n'attaque pas votre décision, puisqu'elle est finale, M. le Président. Je serai plus habile, sûrement. J'aimerais quand même, à la suite de vos décisions, demander une directive.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que, lorsque les témoins seront appelés à répondre à des questions des députés, ils devront nécessairement éviter de parler d'autre chose que de la question strictement linguistique?

Le Président (M. Cardinal): Non, monsieur.

M. Lalonde: Est-ce que le témoin n'est pas autorisé à répondre à la question en toute

conscience, en évoquant tout ce que la question linguistique peut provoquer chez lui ou chez elle de réalités, y compris des politiques de ce gouvernement? Je pense que votre décision peut brimer et je le fais...

Le Président (M. Cardinal): Vous l'attaquez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Je m'excuse, vous l'attaquez. Je vous prie d'être plus habile, comme vous l'avez dit vous-même.

M. Lalonde: Je n'attaque pas, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui vous l'attaquez, M. le député

M. Lalonde: Sans l'attaquer, M. le Président, je me pose des questions et je vous en pose une, est-ce que votre décision n'est pas de nature à brimer la liberté des témoins? Je vous pose la question.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, avant de rendre cette décision, j'ai cité un texte donné en liminaire au début des travaux de cette commission, j'ai mentionné, et j'ai voulu le faire très honnêtement, intellectuellement, qu'en aucun moment, mes interventions n'ont porté sur des aspects politiques. J'ai cité l'article 140, ce n'est pas une opinion personnelle.

Je n'ai permis à aucun député qui ne soit pas membre de cette commission de s'engager sur d'autres sujets, et je vais répondre à votre question que je dois demander aux témoins d'agir de la même façon. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, votre habileté pour poser cette question, je l'accepte, je la reconnais et je n'ai pas l'intention de brimer — je réponds strictement à la question — en aucun moment les témoins. Ce que je crains, à la suite de la dernière phrase prononcée, c'est qu'un débat ne s'élève sur une question autre que le projet de loi 1. Ma décision, en aucun moment, ne veut critiquer, ne veut blâmer, ne veut être un moyen d'empêcher un témoin de s'exprimer. Je veux tout simplement que les débats se poursuivent dans cette voie qu'est le projet de loi no 1 déféré après première lecture à la commission parlementaire.

M. Lalonde: M. le Président, je vous fais confiance et je suis sûr que les témoins pourront aussi compter sur votre grand esprit d'équité.

Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Alors, je ne sais pas si je dois donner la parole au témoin ou si je dois référer... alors dans ce cas-là, est-ce que Mme le témoin veut continuer?

M. Le Moignan: Je voudrais reprendre ma question peut-être de façon...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé, s'il vous plaît.

M. Le Moignan: ...plus simple pour elle.

Le Président (M. Cardinal): Remarquez bien, M. le député de Gaspé, vous non plus, je ne vous critique en rien. Au contraire, vous avez été tout à fait sage et vous vous en êtes tenu à une exemplarité...

Mme Lavoie-Roux: Exemplaire.

Le Président (M. Cardinal): ...ce terme est français et je vous invite justement à poser une question qui fasse qu'on ne bifurque pas. Allez-y.

M. Le Moignan: Je vais changer... M. Mackasey: M.le Président...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce une question de règlement?

M. Mackasey: Je veux simplement souligner le fait, M. le Président, que, jusqu'à maintenant, vous avez agi...

M. Guay: Est-ce une question de règlement?

M. Mackasey: ...avec beaucoup d'impartialité et de sagesse et je dis ça en toute sincérité. Nous sommes ici, je crois, pour étudier les mémoires des témoins, et quand vous avez souligné tout à l'heure que nous n'étions pas ici pour discuter d'autre chose, la politique du gouvernement, j'étais d'accord. En même temps, nous ne sommes pas ici pour discuter des injustices dans les autres provinces, ni parce que c'est... excusez, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Mackasey: ...la raison pour laquelle je dis ceci...

M. Guay: J'invoque le règlement.

M. Mackasey: ...ce n'est pas avec le bill no 1 qu'on va régler les injustices envers les minorités dans les autres provinces.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! À la suite de l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce, je dis simplement ceci: je le remercie de répéter la décision du président, qui veut que l'on s'en tienne au sujet déféré à la commission parlementaire. M. le député de Gaspé.

M. Mackasey: Merci, M. le Président.

M. Le Moignan: Je voudrais reformuler ma question peut-être de façon plus simple. Qu'est-ce que votre groupe peut suggérer à la commission pour faire du Québec une province francophone qui va respecter les droits des minorités, et cela dans la plus grande harmonie? What could you suggest to this committee to make of Québec a French province that will respect the rights of minorities and this will be made in complete harmony...?

Mme Lukanovich: Are you speaking to me? M. Le Moignan: To this group anyway.

Mme Lukanovich: Just the recommendations that we have.

M. Le Moignan: Yes. How do you see it?

Mme Lukanovich: How do we see it in the province?

M. Le Moignan: Yes.

Mme Lukanovich: Sitting in this assembly today, and yesterday, we see a democratic process. To us, the francophones are completely in control of the destiny of this province. We see very little danger to the francophone culture. To us, it is a tremendously living grieving thing. We feel that, at this particular time, it is not necessary to restrict minority right to attain things which are coming.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Gaspé. Je dois malheureusement vous informer que votre temps est écoulé.

M. Le Moignan: On a grugé sur mon temps.

Le Président (M. Cardinal): Je puis vous accorder trente secondes. J'ai toujours tenu compte, dans le temps, des questions de règlement et de tout le reste. Vous avez commencé exactement à 10 h 15, à cette horloge. Si vous enlevez la question de règlement, vous pouvez voir vous-même où nous en sommes rendus. Je vous accorde quand même 30 ou 35 secondes.

M. Le Moignan: Cela aurait si bien marché si on ne m'avait pas dérangé. J'avais des questions courtes.

Le Président (M. Cardinal): Allez, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Vous mentionnez, à la page 3, vous dites que les aînés de la famille qui ont peut-être déjà fréquenté une école anglaise et les plus jeunes ne pourront pas retourner dans le système anglophone.

Je ne sais pas sur quoi vous vous basez pour faire cette affirmation, si je l'ai bien comprise.

Vous parlez des aînés de la famille qui ne sont plus à l'école. Pour tes plus jeunes, est-ce qu'il y a quelque chose dans la loi qui les empêche de retourner à l'école anglaise?

Mme Leslie: For those children who... Wait a minute. In English, it is 52i) "is already receiving his instruction in English at kindergarten, or elementary or secondary school in Québec, in which cases this right is shared by his younger brothers and sisters."

If, in the family, the brothers and sisters have graduated from high school, then, the younger ones going to school could conceivably have to change to the French system.

M. Le Moignan: I am not too sure about that point.

Le Président (M. Cardinal): De toute façon, je dois interrompre cette partie. D'autres députés pourront s'interroger ou interroger les témoins. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les dames qui sont ici, qui nous ont présenté ce mémoire. Elles nous ont exprimé un point de vue que la commission parlementaire devait connaître. Deux points ont attiré mon attention d'une façon bien spéciale, ce sont les pouvoirs discrétionnaires des fonctionnaires. Je ne poserai pas de questions là-dessus parce que je suis d'accord avec les observations qui sont mentionnées dans le mémoire.

Cependant, en ce qui a trait à la langue d'enseignement, vous dites, à la page 5: "Nous croyons au libre choix des parents". Est-ce que cela veut dire que vous croyez au libre choix de tous les parents, qu'ils soient anglophones, francophones, Italiens? Est-ce que vous croyez au libre choix des parents dans tout le territoire du Québec?

Mme Hughes: Oui, monsieur.

M. Roy: Est-ce que vous savez que ce libre choix n'existe pas dans tout le territoire du Québec, qu'il y a plusieurs régions qui ont exclusivement un réseau d'écoles publiques francophone? Vous êtes au courant?

Mme Hughes: Oui.

M. Roy: Est-ce que, dans ces régions, les anglophones ou les immigrants qui viennent vivre dans ces régions se sont plaints, d'une façon spéciale, d'une façon particulière, des problèmes qu'ils ont dû vivre par le fait qu'ils ont dû envoyer leurs enfants dans le réseau d'écoles publiques francophone?

Mme Hughes: Peut-être qu'il y aura des difficultés, mais je crois que c'est aux parents à faire ce choix pour l'avenir de leurs enfants.

M. Roy: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de choix. Je tiens bien à vous signaler qu'il n'y a pas de choix. Il y a seulement un réseau d'écoles publiques francophone.

Mme Hughes: S'il y a des situations réelles, s'il y a assez de personnes, on peut avoir la construction d'une école nouvelle ou plusieurs autres classes dans une école qui existe déjà.

M. Roy: II y a peut-être des problèmes, mais j'aimerais quand même vous signaler qu'il y a des avantages. Je pense que c'est peut-être le meilleur moyen de permettre à des gens de vivre en har-

monie et de mieux se comprendre. Ma dernière question sera la suivante: Quelle serait votre attitude si toutefois le gouvernement du Québec venait à décréter qu'il n'y ait qu'un seul réseau d'écoles publiques, au Québec, à l'intérieur duquel il pourrait y avoir des écoles anglaises, pour les communautés anglophones mais que ce réseau d'écoles publiques soit unique dans tout le territoire du Québec? Est-ce que vous auriez des objections?

Mme Hughes: Nous ne nous sommes pas fait une opinion sur ce cas, à ce moment-ci.

M. Roy: Pardon? Je m'excuse.

Mme Hughes: Nous n'avons pas d'opinion — est-ce que le mot est correct? — à vous donner maintenant sur cette situation.

M. Roy: Mais est-ce que vous admettez que cela pourrait être examiné, étudié de façon sérieuse?

Mme Hughes: Oui.

M. Roy: Parce qu'à chaque endroit du Québec...

C'est peut-être une observation que je fais à l'endroit des membres de la commission. Je comprends que le problème est plus aigu dans la région métropolitaine que dans les autres régions du Québec, mais je constate que chaque fois qu'il y a deux systèmes d'écoles publiques qui existent dans une région donnée, le problème du choix se pose et crée toujours de multiples problèmes, alors que, dans d'autres régions du Québec, je ne sache pas que les anglophones, les gens d'autres communautés, qui nous sont venus d'autres communautés qui se sont intégrés à la communauté québécoise tout entière dans des régions données, aient eu des problèmes particuliers. Je pense que cela a contribué à éliminer les problèmes.

Mme Hughes: Peut-être que vous avez raison, monsieur, mais il sera nécessaire d'étudier cette situation très sérieusement.

M. Roy: Merci. M. le Président, j'ai une toute dernière question, je m'excuse.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Roy: Dans le mémoire... Il me reste encore un peu de temps. Je comprends que j'ai une contingence à l'intérieur de laquelle je me dois de patiner assez serré.

Le Président (M. Cardinal): II vous reste deux minutes, M. le député de Beauce-Sud, si vous voulez le savoir.

M. Roy: Vous dites, dans votre mémoire, à la page 6, que tous les enfants du Québec doivent être bilingues. Est-ce que vous êtes en mesure de me dire si tous les étudiants qui fréquentent le réseau d'écoles anglaises actuellement terminent leurs études avec des diplômes ou avec des connaissances qui leur permettent d'être effectivement bilingues?

Mme Hughes: La situation maintenant, comme vous comprenez, en tout cas, n'est pas idéale.

M. Roy: Elle ne permet pas qu'ils soient bilingues?

Mme Hughes: Non, pas à 100%. Est-ce ce que vous désirez avoir? C'est une situation idéale que nous aimerions avoir, mais cela n'existe pas du tout maintenant.

M. Roy: Ce que je veux savoir, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Dernière question, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Oui, mais ce sont des précisions sur la question que j'aimerais poser. Je ne voudrais quand même pas...

Le Président (M. Cardinal): Oui, d'accord, mais quand même!

M. Roy: ... qu'on me coupe le droit de parole au moment où...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud, je ne vous le coupe pas. Je vous préviens simplement que c'est votre dernière question.

Mme Lavoie-Roux: II voulait seulement vous le faire remarquer.

M. Roy: Je voudrais savoir, d'une façon bien précise, si les étudiants qui sortent du réseau d'écoles anglophones au Québec, lorsqu'ils ont terminé leurs études, sont des citoyens bilingues.

Mme Leslie: With the French immersion courses that have taken place in the Lakeshore School Board and the Protestant School Board of Montreal and on the Southshore at Saint-Lambert, there are many many children who have now learned to be bilingual, with the French immersion courses that have been encouraged by these Protestant School Boards.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais d'autres questions à poser mais je vous regarde et j'ai l'impression que vous ne me le permettrez pas.

Le Président (M. Cardinal): N'imputez pas d'intention à la présidence, d'autant plus, M. le député de Beauce-Sud, que c'est vous qui avez réussi à faire passer votre sous-amendement.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, je voudrais tout d'abord féliciter le Montreal Lakeshore University Women's Club d'avoir pris le temps, d'avoir fait l'effort de réflexion sur le projet de loi no 1 et d'être venu nous entretenir de leurs préoccupations et d'être venu aussi en si grand nombre. Ma première question porterait sur le libre choix de l'enseignement. J'aimerais connaître de vous à partir de quoi, à partir de quel droit fondamental ou de quel droit naturel, un État doit-il reconnaître à tous ses citoyens, quels qu'ils soient, le libre choix de l'enseignement dans leur langue.

Mme Monty: Monsieur, est-ce que je comprends que vous parlez non seulement du français et de l'anglais, mais d'autres langues aussi?

M. Guay: À partir du moment où on parle de libre choix et qu'on n'y apporte pas de restriction, je suppose qu'on peut, effectivement, l'étendre de cette façon.

Mme Monty: Je crois que dans nos délibérations, dans notre mémoire, nous parlons des deux langues qui sont acceptées au Canada comme langues officielles. Naturellement, au Québec, le français a la primauté et l'anglais est la langue seconde.

M. Guay: Si on le restreint au français et à l'anglais, ma question est valable quand même. À partir de quelle espèce de droit doit-il exister un libre choix pour tout le monde?

Mme Monty: Nous nous basons sur les articles 133 et 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. Guay: Vous savez, madame, que l'article 133 traite de la langue devant les tribunaux et de la langue au Parlement du Québec. L'article 93 traite de l'enseignement aux protestants et aux catholiques.

Mme Monty: Oui, nous avons déjà parlé de cela. Je sais qu'il y a toujours eu une sorte de malentendu entre religion et langue.

M. Guay: Ce que vous voulez dire, si je comprends bien, en interprétant l'article 93 de façon assez souple, pour ne pas dire...

Mme Monty: Oui.

M. Guay: ...c'est que les anglophones devraient avoir le libre choix pour respecter votre perception de l'article 93. C'est cela?

Mme Monty: Ce n'est pas ma perception personnelle, mais une perception assez générale. Peut-être que nous nous trompons, mais c'est sur cela que nous nous basons.

M. Guay: Est-ce que vous savez que la Charte de la langue française donne à la population anglophone du Québec le libre choix entre le français et l'anglais?

Mme Monty: Oui.

M. Guay: Alors, d'où vient, si je peux me permettre, votre préoccupation de voir les droits linguistiques de la minorité anglophone du Québec diminués?

Mme Monty: Puisque vous mettez des limites aux personnes qui sont admises à l'école de la langue française, ne parlons pas ici...

M. Guay: Non, à l'école de langue anglaise. Mme Monty: De langue anglaise. M. Guay: Oui.

Mme Monty: Comme nous avons mentionné, l'exemple d'enfants... le plus jeune de la famille peut être — je ne dirai pas "forcé", c'est un peu trop fort — mis dans une école française, parce qu'il n'y avait pas d'autres enfants dans la famille qui étaient, à ce moment, dans une classe anglaise. Les enfants de cette famille sont plus âgés et ont fini leurs cours.

M. Guay: Oui, mais, d'après vous, les immigrants qui arrivent au Québec et les francophones devraient également, si j'ai bien compris votre interprétation, bénéficier du libre choix, c'est-à-dire aller selon leur choix?

Mme Monty: Anglais ou français. Oui, nous croyons que c'est juste.

M. Guay: Est-ce que vous connaissez un seul État au monde, que ce soit un État souverain ou un État membre d'une fédération, et même les États membres de la Fédération canadienne, car la comparaison est éminemment valable, puisque l'Ontario, pour prendre notre voisin du centre du Canada, a 10% de...

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député. Oui, madame?

Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'on traitait du Québec et que cela avait été convenu par décision du président qui vous a précédé qu'on laissait les autres provinces en dehors de la discussion.

M. Guay: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député. Je pense que ce que vous traitez est toujours relatif au projet de loi no 1. Je vous permets de continuer.

M. Guay: Merci, M. le Président. Donc, pouvez-vous me dire, compte tenu de ce que je j'ai dit, que la comparaison avec les autres États membres de la fédération canadienne et, en particulier, l'Ontario qui comporte 10% de francophones, alors que le Québec a 14% d'anglophones, la comparaison est d'autant plus valable qu'il s'agit de deux États dont la population en nombre est relativement identique et que tous deux sont situés au centre du Canada. Quel autre État, quel autre pays même reconnaît le libre choix aux citoyens qui immigrent dans ce pays d'une langue autre que celle de la majorité?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député.

M. Lalonde: ...le président qui vous a précédé a rendu une décision tantôt voulant que cette commission était réunie pour discuter strictement de la loi no 1. J'ai examiné avec soin depuis sa décision les articles de la loi et je n'en ai vu aucun qui faisait référence à l'Ontario.

M. Guay: Cela constitue un appel de votre décision.

M. Lalonde: Je n'en ai vu aucun qui faisait référence à... M. le Président, je n'ai pas terminé. Alors, que le député de Taschereau...

M. Guay: Vous êtes en train d'en appeler de la décision du président. C'est ça?

Le Président (M. Dussault): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ce que vous avez dit jusqu'à maintenant me permet de comprendre où vous voulez en arriver et je crois, cependant, que ce qui se dit est toujours relatif au projet de loi no 1. Ce que vous faites est un appel de la décision du président. Je ne le permets pas et je continue de donner la permission à M. le député de Taschereau de parler sur la question.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement: Est-ce que vous allez quand même me permettre, lorsque le député de Taschereau aura terminé sa question, de faire une autre question de règlement qui ne sera pas nécessairement un appel de votre décision?

Le Président (M. Dussault): On verra à ce moment-là.

M. Lalonde: Très bien. Comptez sur moi.

M. Roy: M. le Président, sur le même point de règlement, si on me permet. J'aimerais dire que je ne suis pas d'accord qu'on se serve de comparaisons avec les autres provinces, parce que je trouve ça de mauvais goût lors de l'étude de la loi. J'aimerais quand même rétablir un fait. Le député a parfaitement le droit de se servir de n'importe quelle comparaison avec n'importe quel pays au monde. C'est le droit du député de pouvoir s'exprimer devant la commission parlementaire et de pouvoir prendre des exemples pour illustrer sa pensée, pour éclairer les membres de la commission. Je tiens à être bien clair là-dessus. Je tiens bien à dire, cependant, que je n'aime pas les comparaisons qu'on peut faire avec les autres provinces canadiennes, parce que j'ai l'impression qu'on tente de jeter de l'huile sur le feu et de le faire exprès. Je tiens bien à faire cette nuance. Les députés ont quand même le droit de s'en servir, qu'on soit d'accord ou pas.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Sud de confirmer la décision du président.

M. Guay: M. le Président, bien que je ne voie pas très bien où soit le feu, je me permettrai quand même de faire cette...

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement.

M. Ciaccia: Sur la même question de règlement...

M. Bertrand: Cela fait quatre interventions...

M. Guay: Est-ce qu'on pourrait laisser les témoins répondre aux questions?

M. Ciaccia: Bien, vous êtes... C'est une question de règlement.

M. Charbonneau: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Verchères.

M. Ciaccia: Je venais juste de...

M. Charbonneau: Le président qui vous a précédé, il y a quelques instants, a rendu une décision. Il y a eu trois interventions qui ont voulu en appeler ou commenter cette décision. Je pense que la décision était claire et je vous demande de la maintenir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, vous n'avez même pas à me demander de la maintenir. J'ai entendu la décision par ce qu'on appelle "le perroquet", en termes de métier. Elle était excellente. Je remercie le député qui l'a rendue pendant mon absence et je ne permettrai pas d'interventions sur la décision qui a été rendue.

M. Ciaccia: Je voulais seulement confirmer... Le Président (M. Cardinal): Bien...

M. Ciaccia: Non, M. le Président. Je ne voulais pas la mettre en doute ou intervenir...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Est-ce que c'est une nouvelle question de règlement, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: C'était sur le même...

Le Président (M. Cardinal): Ah non! Je regrette, M. le député de Mont-Royal. La décision est rendue. Je dois continuer les auditions.

M. le député de Taschereau.

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président.

M. Guay: Merci, M. le Président, je reprendrai ma question...

M. Lalonde: ...

M. Charbonneau: Non, écoutez!

M. Guay: C'est de l'obstruction systématique...

M. Charbonneau: Cela vous énerve quand on fait des comparaisons comme celles-là.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! À l'heure qu'il est, je vous prierais... M. le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est une nouvelle question de règlement ou si vous en appelez de la décision de la présidence?

M. Lalonde: Je n'en appelle pas de la décision de la présidence.

Le Président (M. Cardinal): Vous voulez la commenter?

M. Lalonde: Non, je ne la commenterai pas, M. le Président, je vais vous demander une directive. C'est que vous avez...

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Lalonde: Vous avez rendu une décision selon laquelle on ne pouvait parler que de la loi no 1. Je pense que cette décision était parfaitement fondée.

Mais je vous demanderais de me dire quelle est la différence entre la circonstance qui a donné lieu à votre décision, parce qu'il s'agissait d'un commentaire, d'un témoin concernant l'avenir du Canada, alors que la question du député de Taschereau se réfère à l'Ontario.

Je me demande si votre décision n'est pas valide à ce moment en ce qui concerne la référence à l'Ontario.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous rappelle à l'ordre. Vous n'avez pas à vous demander si ma décision est valide ou non.

M. Lalonde: Au contraire. Je l'invoque, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Si vous l'invoquez, elle est certainement valide et...

M. Lalonde: Je l'invoque, pour que vous l'appliquiez à tout le monde.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous en prie. J'ai déjà mentionné à l'Assemblée nationale que la présidence était indivisible et je n'accepterai pas que l'on tente de la diviser, même de façon habile, et je donne la parole au député de Taschereau.

M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. À moins qu'il n'y ait d'autres objections...? Non? Bon.

M. Lalonde: Cela viendra. M. Guay: Je n'en doute pas.

Le Président (M. Cardinal): Je rappelle au député de Taschereau qu'il lui reste trois minutes.

M. Guay: Pardon?

Le Président (M. Cardinal): Bien non. Si on divise avec d'autres... Il reste au Parti québécois présentement — seulement un instant, si vous permettez que je fasse le calcul — huit minutes. D'accord?

M. Guay: II m'en reste quatre, si je comprends bien?

Le Président (M. Cardinal): Non.

M. Guay: II m'en reste trois. D'accord. Je reprendrai ma question, parce qu'elle a dû s'oublier dans tout le dédale de l'obstruction systématique de l'Opposition. Elle portait sur le libre choix et sur les États qui le permettent dans le monde. Vous, mesdames, qui affirmez partager l'objectif du gouvernement d'assurer l'existence d'une province francophone, je me demande à partir de quel exemple, de quel parallèle, de quel précédent vous pouvez justifier le libre choix, notamment le libre choix des immigrants qui viennent au Québec, quand on sait que les immigrants qui viennent au Québec ont une forte tendance à gonfler la minorité aux dépens de la majorité.

M. Bertrand: Elle a reçu l'avis...

Mme Monty: Je crois que, récemment, il y a eu beaucoup de changements dans les systèmes, tant francophone qu'anglophone, et que, peut-être il y a quelques années, les immigrants avaient tendance peut-être plus à venir dans les écoles de langue anglaise avant que les centres d'accueil et que toutes ces améliorations aient été apportées.

II me semble que, depuis les quatre ou cinq dernières années, la situation change assez pour que le gouvernement ne doive pas avoir peur que la minorité vienne se gonfler d'une telle manière.

M. Guay: Si vous voulez qu'on assure par la loi no 1 ou autrement l'existence d'une province francophone, n'est-il pas normal que les gens qui immigrent dans cette province que vous souhaitez, comme nous, francophone, ce qui en aucune façon ne diminue les droits de la minorité anglophone, s'intègrent le plus normalement du monde à la majorité, comme cela se fait à l'envers, si l'on veut en Ontario, par exemple?

Mme Monty: Franchement, je puis dire que notre club, en étudiant ce projet de loi, n'a pas fait de comparaison avec les autres pays, ni les autres provinces. Ce que nous voulons, c'est un Québec idéal, peut-être, où les francophones n'auront pas à craindre que leur langue, ni leur culture soient en difficulté et que les personnes qui viennent au Québec aient le choix et j'espère que le choix d'aller dans une école de langue française sera assez attrayant pour qu'il n'y ait plus de problème.

M. Guay: Si vous espérez que le choix sera assez attrayant, pourquoi vous opposez-vous à ce que, au fond, le choix soit fait a priori, avant même qu'ils ne viennent au Québec, au fond que le libre choix soit celui qu'évoquait précédemment le groupe qui est venu auparavant, le Club des femmes de Montréal, c'est-à-dire que le libre choix soit celui de choisir librement de venir au Québec si on veut s'intégrer à la majorité francophone, ou de choisir d'aller ailleurs, dans les neuf autres provinces du Canada ou dans les 50 États des États-Unis, si on veut s'intégrer à l'Amérique anglophone?

Mme Monty: C'est bien difficile de comparer deux mémoires. Le groupe qui est venu avant nous était une fédération de plusieurs organisations de femmes. Quelques-unes ont peut-être des idées un peu différentes des nôtres. Notre association est un club du West Island, si vous voulez, qui est plutôt un district anglophone. Naturellement, nos perceptions sont peut-être un peu différentes du groupe de Mme Williams. C'est tout ce que je puis répondre.

M. Guay: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Mme le député de L'Acadie. Allez-y.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier ces dames de s'être présentées à la commission parlementaire. Je sais que ce n'est pas facile. J'ai déjà été assise à plusieurs reprises de l'autre côté de cette table, c'est vraiment assez difficile parfois, et je pense que vous avez pu sentir cela ce soir. Je réalise que vous êtes venues ici pour sensibiliser le gouvernement à certaines appréhensions que vous avez et qui sont fondées à bien des égards. Par contre, je remarque que, probablement à cause de vos appréhensions et de l'anxiété qu'elles créent chez vous, vous avez peut-être oublié un aspect sur lequel j'aimerais vous poser quelques questions. Je pense qu'il est naturel pour vous de venir faire valoir vos droits, votre point de vue et, comme je le dis, à maints égards, je le partage. Par contre, je me demandais si vous aviez songé également à certains gestes ou certaines ouvertures que vous tenteriez ou que peut-être vous avez déjà tenté d'établir avec la communauté francophone, là où vous vivez.

Mme Hughes: I discussed the basic directions that our case takes in this nature.

As you may understand, on the West Island of Montreal, it is not an area in which it is easy to have these opportunities. We seek them out, where possible; as members, we serve our community, no matter in which language this community is, as volunteers, as members of boards which serve all language communities, we have counselors for various cities and municipalities in our area. Our members are very involved in all aspects of the communities, social, educational, members of boards, etc. In these roles, they serve the community at large, French and English, who live there.

Mme Lavoie-Roux: Je ne serai pas longue, parce que je ne voudrais quand même pas qu'on vous oblige à revenir demain. Il y a une autre question que je voudrais vous poser, qui touche l'éducation, et j'aimerais vous référer à la page 10 de votre mémoire. Avant de poser ma question, je voudrais vous faire remarquer que vous avez raison, quand vous avez certaines appréhensions au sujet de la possibilité pour les anglophones vivant déjà au Québec, je parle d'anglophones de culture et de langue maternelle anglaise, de ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Le point que vous avez soulevé est exact quant aux plus jeunes, s'ils n'ont pas de frère ou de soeur déjà dans le secteur anglais. C'est à l'article 52 ii).

Une autre chose, je pense qui pourrait se présenter, pour des anglophones qui sont au Québec, je parle toujours de langue maternelle anglaise et de culture anglaise, qui n'auraient pas reçu leur enseignement primaire au Québec, la possibilité de ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Il y a également des anglophones de culture et de langue maternelle anglaises qui sont présentement au Québec, qui y vivent depuis plusieurs générations et qui ont fait éduquer leurs enfants en français et qui... c'est-à-dire les enfants de ces enfants, dont certains sont déjà rendus à l'âge adulte, pourraient, d'après ce qui est présentement dans la loi, se voir empêchés d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Cela n'est pas de l'imagination, ce sont les faits.

Ma question précise est celle-ci: le dernier paragraphe de la page 10 dit: "L'éducation n'est pas un champ de bataille où les différends sont accentués, mais plutôt une arène où nous apprenons à connaître nos similarités et nos désirs communs pour l'avenir. Etre en mesure de communiquer et

la capacité de parler le français et l'anglais créeraient un climat positif de compréhension parmi nos enfants qui eux tiennent la clé pour l'avenir de la province de Québec." Comment voyez-vous la réalisation de cet objectif? Est-ce que c'est parce que chacun apprendra une langue seconde ou est-ce que vous pensez que c'est une opération qui peut se faire à l'intérieur des mêmes écoles? Enfin, je voudrais que vous m'explicitiez ce paragraphe.

Est-ce que j'ai parlé trop vite?

Mme Montminy: Non, je vous comprends. C'est une question très complexe, madame.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, allez, je m'excuse, à moins qu'il n'y ait consentement, dans deux minutes, il faudra ajourner. Je vous donne la parole, mais en vous indiquant qu'il est près de 23 heures.

Mme Montminy: Nous pouvons parler seulement de notre expérience et de ce que nous avons fait déjà dans notre système.

Les enfants, dans les programmes des nations, ont d'autres expériences qui ne sont pas à l'école, des changements des autres communautés et de toute façon, d'améliorer ces programmes, de les élargir, peut-être que nous pouvons réaliser ces voeux.

Mme Lavoie-Roux: Cet objectif. Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Cardinal): À moins d'un consentement unanime des membres de la commission, comme il est 23 h, je devrais ajourner. Est-ce que... M. le député de Taschereau.

M. Guay: Compte tenu qu'il reste cinq minutes au parti ministériel, que nous avons quelques questions qui ne...

Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez de vous interrompre, M. le député de Taschereau. Il reste cinq minutes au parti ministériel, il reste dix minutes au parti de l'Opposition officielle.

M. Bertrand: M. le Président, l'heure et demie a-t-elle été épuisée?

Le Président (M. Cardinal): Non, il reste seize minutes de débat possible.

M. Bertrand: Ce qui veut dire que normalement, si on respectait cet horaire qu'on s'est donné, les personnes qui ont accepté de se déplacer pour venir à la commission aujourd'hui devraient rester et revenir demain?

Le Président (M. Cardinal): II y a deux possibilités en réponse à la question: Ou bien, de consentement unanime, nous continuons pendant seize minutes, c'est-à-dire jusqu'à 23 h 16, ou bien les témoins acceptent de revenir demain pour seize minutes.

Le consentement est-il accordé?

Mme Lavoie-Roux: Consentement.

Le Président (M. Cardinal): Le consentement est accordé. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Dans ce cas-là, M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un solde de dix minutes.

M. O'Gallagher: Oui, je n'ai pas grand-chose à demander. Pourriez-vous élaborer encore sur les écoles, l'immersion en français dans vos écoles protestantes et catholiques, à Beaconsfield et Baie-d'Urfé?

Mme Montminy: Je peux répondre à la question, monsieur. Je vais parler personnellement. Mes enfants sont à l'école d'immersion française. J'ai un jeune enfant qui commence à la maternelle, au mois de septembre.

Suivant le programme de Saint-Lambert, l'enfant commence directement à parler français dès la première journée d'école et il continue jusqu'à la troisième année. À la troisième année, il commence à apprendre un peu d'anglais; à la quatrième, à la cinquième, à la sixième, il continue comme cela tout le long de l'école secondaire et on espère, à la fin de ce projet, que l'enfant sortira de l'école parfaitement bilingue.

Les autres enfants sont dans d'autres sortes de programmes d'immersion, soit une immersion complète ou partielle, et on espère pour eux la même possibilité de réussite avec la langue.

M. O'Gallagher: Ces classes d'immersion en français, aux écoles catholiques autant que protestantes, sont en vigueur depuis combien de temps?

Mme Montminy: Environ sept ans, à ma connaissance.

M. O'Gallagher: Merci beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Robert Baldwin a terminé?

M. O'Gallagher: Oui.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Est-ce que, d'accord avec le consentement de la commission, je pourrais demander à un dernier intervenant de parler et terminer? Non? D'accord. Dans ce cas, M. le député de Mont-Royal. Non. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je vais suggérer que ce n'est plus le député de Verdun, M. le Président, qu'il faut passer par NDG avant d'aller à Montréal. Je félicite naturellement nos témoins de ce soir, surtout de leur page 10, quand elles disent qu'on a voulu souligner que l'éducation, ce n'est pas un champ de bataille où les différences sont accentuées, mais plutôt une arène où nous apprenons à connaître nos similarités et nos désirs communs pour l'avenir.

Je veux signaler à la commission que, depuis que je suis ici à Québec, j'ai toujours été encouragé par le gouvernement à parler ma langue maternelle, quand je le voulais, à l'Assemblée nationale et que ce n'a jamais été un problème. On y respecte les deux langues officielles de ce pays.

If I had any advice for you, when you came in it was to relax and appreciate the fact that you can speak English in this Assembly and, that right, while your legal expert mentioned it, as one of the features of bill no 1, it does not flow from bill no 1, it flows from the Constitution of Canada, and it is your right, as she said, to speak English here and in the school system and it is something that we should cherish as Canadians.

I appreciate the spirit of the brief and particularly the emphasis that we must not let Bill no 1, or education — I think this is what you really meant, on page 10 — become a divisive force at a time when we all recognize the wonder of living in a province of this tremendous ambiance, where we have so many mixed marriages, and where we get along so well we would hate that Bill no 1 be the divisive force.

I would suggest, if I may, since it is too late, to ask questions now, that when you are asked about the Constitution, that you remind people who ask you that you are not lawyers, the lawyers cannot agree, and Frank Scott does not necessarily agree with the university professors from other universities, and certainly, looking at you, none of you were around, in 1867, when I was there.

So, there are courts to interpret the Constitution and the best you can give when you are asked is an opinion which has no validity in law. The simplest way, then you are asked, is just to emphasize that point, that you are not here to interpret the Constitution any more than I can. That is what we have the Supreme Court for. When and if somebody wants an interpretation, then they are free to go to the Supreme Court of Canada and get a ruling. It is too late, I think, to sue the case, I think that the cooperation of the members of the government are indicative by the fact that they have stayed here to make sure you do not have to come back another day.

I know from experience, la bonne entente qui existe dans l'ouest de l'île, j'ai essayé de gagner le comté de Pointe-Claire, mais, malheureusement, il faut attendre une autre occasion. Quand même, je sais que votre mémoire est écrit dans un sens positif. Surtout, j'ai seulement une question à vous poser, si vous voulez répondre: Quelle est la nécessité d'apprendre une deuxième langue? Je pense que tous les gens veulent être bilingues. Croyez-vous que c'est impératif, nécessaire, qu'on commence l'enseignement de la deuxième langue, au niveau des classes 1, 3, 5 et 10, selon votre expérience? Je pense que c'est un point très important, surtout quand les syndicats prétendent qu'on devrait introduire la deuxième langue maternelle en 10e année. Avez-vous une observation à faire?

Mme Montminy: Notre objectif serait d'essayer de faire que ce soit possible que tous les enfants commencent dès la maternelle, même avant d'apprendre la langue française ou l'inverse, que les enfants qui parlent français soient aussi... Qu'ils aient aussi l'opportunité d'apprendre l'anglais.

M. Mackasey: I do not want to get into the delicate area of freedom of choice at the moment, but that will be up to other people. At least, we do have freedom of choice for the English-speaking people. So, we are in a preferred and very fortunate position. If there is any discrimination unintentional in this Bill, it is not against the English-speaking Quebeckers, it is against other groups who have to determine for themselves or at least through their spokesmen whether they want to live with that discrimination or not.

Thank you very much.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Une dernière intervention dans les limites déjà fixées par le consentement unanime.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Mesdames de Lakeshore, je voudrais d'abord vous dire que je suis très sensible à votre démarche d'être venues en commission parlementaire. Je commence à réaliser, à travers les différents mémoires que nous entendons, qu'un des problèmes principaux qui se posent en ce moment, ce n'est certainement pas pour la majorité francophone de se sentir majoritaire et de sentir comment elle doit défendre ses droits ni pour la minorité anglophone de se sentir minoritaire et de sentir comment elle doit défendre ses droits, mais peut-être que l'effort important que nous avons à faire durant cette commission, c'est d'arriver, comme majorité, à se mettre peut-être davantage, quelquefois, dans la peau d'une minorité et à une minorité de se mettre peut-être davantage, quelquefois, dans la peau d'une majorité.

Très souvent, quand on lit les différents mémoires et qu'on entend les différentes personnes qui viennent témoigner, on a souvent l'impression, et même quand on se regarde aller, de quelque côté que ce soit de cette table, que les efforts pour essayer de se placer dans le camp de l'autre sont assez minces. Par contre, pour répondre à quelques remarques qui ont été faites tantôt quand on disait qu'il fallait éviter au maximum de parler des minorités francophones à l'extérieur du Québec, je pense, au contraire, que le fait de s'alimenter des difficultés et de l'expérience que vivent ces minorités francophones à l'extérieur du Québec ne peut qu'être qu'extrêmement instructif pour ceux qui, à l'intérieur du Québec, à l'heure actuelle, se doivent de tenter par tous les moyens possibles de protéger les droits de la minorité anglophone.

Je pense que nous arriverions difficilement à le faire, et à le faire avec justice, si nous n'étions pas très sensibles aux injustices qui existent dans les autres provinces canadiennes concernant les minorités francophones. Je pense qu'il ne s'agit nullement là de penser vengeance. Il s'agit, au contraire, de constater que, dans le cadre fédéral actuel, il est parfois difficile de parler de la minorité anglophone sans en même temps faire référence aux minorités francophones qui vivent à l'extérieur du Québec.

Je voudrais dire aussi que je suis profondément d'accord avec certaines de vos recommandations dont une m'apparaît devoir être signalée, à savoir qu'il importe... Et je pense que, lorsqu'on aura réalisé cet objectif, on cessera peut-être de parler du libre choix comme on en parle en ce moment. Quand on aura l'assurance qu'un anglophone qui aura le droit de fréquenter une école anglaise au Québec pourra profiter d'un enseignement de la langue seconde qui soit très valable, de telle sorte qu'il puisse devenir un citoyen égal à tous les autres au Québec, et quand, dans les écoles francophones, nous aurons vraiment le sentiment que la langue anglaise ou quelque autre langue est bien enseignée, de telle sorte qu'un citoyen francophone québécois puisse se comporter à son aise dans le continent nord-américain, je ne pense pas que la notion de libre choix pourra se poser dans les mêmes termes et je pense même qu'on ne s'arrêtera même pas à penser tellement il deviendra évident que, dans l'un ou l'autre système d'enseignement, le seul apprentissage de la langue seconde fournira à l'un ou l'autre citoyen francophone ou anglophone un caractère d'égalité. Je pense que c'est cela que vous recherchez et je pense que c'est cela que nous recherchons.

Je voudrais aussi vous dire qu'il m'apparaît que vous n'avez pas lu de la même façon que moi certains articles de la charte de la langue française, surtout quand vous dites: Nous recommandons que le droit d'employer la langue anglaise dans les tribunaux et à l'Assemblée nationale soit garanti et, à la différence du député de Notre-Dame-de-Grâce, je dirai que c'est peut-être, quant à lui, l'article 133 qui protège cela, mais je voudrais qu'il constate que la Charte de la langue française permet, n'empêche pas l'utilisation de la langue anglaise à l'Assemblée nationale, n'empêche pas la rédaction des textes de loi en anglais, n'empêche pas les personnes morales devant les tribunaux de s'exprimer en anglais si les parties y consentent et n'empêche surtout pas les personnes individuelles de s'adresser en anglais dans les tribunaux. Je crois qu'il faut que vous lisiez les articles en essayant aussi de lire l'article 10, l'article 11, l'article 12 et l'article 13 en sentant bien que c'est tout de même ce qui est sous-entendu dans ces articles.

Je pense que vous devriez aussi constater que l'article 133... il m'apparaît, quant à moi, beaucoup plus discriminatoire par rapport à l'ensemble des communautés francophones vivant dans le reste du Canada que ne le sont, et d'ailleurs ils ne le sont pas, les articles de la Charte de la langue française. Quand on a un article qui se lit dans les Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de Québec, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il nous manque neuf provinces dans cet article et, quant à moi, cela est discriminatoire. Je pense que vous le reconnaîtrez avec nous, cet article 133 est discriminatoire. Finalement, je voudrais dire aux gens de Lakeshore, je ne sais pas si vous êtes au courant...

Le Président (M. Cardinal): ...finalement on devrait y venir plus rapidement, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Je m'excuse, M. le Président, mais si vous voulez, en 30 secondes, je voudrais simplement dire qu'un groupe de la minorité francophone du Manitoba est venu au Québec ces dernières semaines rencontrer des commissions scolaires anglophones pour s'informer de la façon dont ils perçoivent le projet de loi no 1, pour s'inscrire de la bataille des anglophones sur ce projet de loi et pour essayer de voir comment ils pourraient, eux, se débrouiller dans leur province. Quelquefois, les commissions scolaires anglophones demandaient à la minorité francophone du Manitoba: Qu'est-ce que vous feriez, vous autres, si vous aviez le projet de loi no 1 entre vos mains? La minorité francophone du Manitoba répondait: Nous ouvririons les bras très grands pour l'accueillir, parce que c'est au-delà de tout ce que nous espérons à l'heure actuelle à l'intérieur du Canada.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Vanier. Si vous permettez, la séance n'est pas terminée. Il nous reste une minute et je vais être bref. Tout d'abord, je veux remercier ces dames du Lakeshore University Club — je pense que c'est à peu près cela, je n'ai pas le texte devant moi— Merci de votre patience, merci de vos réponses, merci pour votre mémoire.

Nous allons ajourner dans quelques secondes sine die et nous nous continuerons suivant la motion ou l'avis que donnera le leader parlementaire du gouvernement à l'Assemblée nationale demain. J'indique cependant tout de suite qu'à la première minute, demain, nous serons prêts à recevoir les représentants de la Société nationale populaire du Québec, mémoire no 78. Merci à tous les députés qui depuis environ 10 heures ce matin ont participé à cette commission. Merci de leur collaboration envers la présidence représentée par diverses personnes et je dois, d'office, ajourner sine die les travaux de cette commission.

(Fin de la séance à 23 h 10)

ANNEXE

MEMOIRE SE RAPPORTANT À LA CHARTE DE LA LANGUE FRANÇAISE AU QUÉBEC. "Je vous entends gronder comme chutes en montagnes; je vous entends demain parler de LIBERTE"

(Gilles Vigneault).

Membres de la commission parlementaire, Membres de l'Assemblée nationale,

L'auteur de ce mémoire est d'accord avec l'esprit du Livre Blanc; "une politique de la langue doit s'attacher à donner aux institutions, à la société québécoise, un caractère foncièrement français... Autant la pluralité des moyens d'expression est utile et féconde sur un même territoire, autant il est nécessaire que, comme préalable, un réseau de signes communs rassemble les hommes... dans un Québec vivant en français, il sera normal que les Québécois, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle, puissent s'exprimer en français, participer de plein droit à une société française, admettre que le français est ici la langue commune à tous". Pour atteindre la fin cependant, certains moyens proposés laissent grandement à désirer.

Il y a d'abord un premier ou un cinquième principe qui a été gravement oublié dans le Livre Blanc. Principe qui, mis de l'avant et respecté intégralement, risquerait fort de régler une fois pour toutes la question linguistique au Québec, de telle sorte qu'on n'aie plus à y revenir, quels que soient les gouvernements subséquents. Ce principe pourrait s'énoncer de la façon suivante: ON DOIT RESPECTER LA RESPONSABILITE PERSONNELLE DE TOUS LES QUEBECOIS. J'exposerai d'abord ce principe et donnerai ensuite trois raisons qui devraient motiver votre accord avec un tel principe. Raisons qui pourraient se résumer comme suit:

Les droits individuels priment les droits collectifs.

La loi ne détruit pas les complexes.

URGENCE de s'attaquer à des problèmes plus importants.

On doit respecter la responsabilité personnelle de tous les québécois "...le gouvernement est conscient que cette loi, si opportune qu'elle soit, ne suffit pas. Des règles coercitives sont nécessaires. Mais une politique de la langue ne se limite pas à contraindre..." "Des règles coercitives sont nécessaires": affirmation absolue et gratuite à laquelle on ne croit pas nécessaire d'apporter d'explications, comme si ça allait de soi, comme s'il était prouvé que des règles coercitives sont nécessaires et constituent les meilleurs moyens pour atteindre une fin, celle-ci étant pour ce qui nous occupe présentement, le BIEN COMMUN de toute la collectivité québécoise au point de vue linguistique.

On dit souvent qu'il s'agit d'édicter une loi ou un règlement pour provoquer la désobéissance. Mettez une interdiction et vous donnez par le fait même la tentation de l'enfreindre. La raison première et profonde de ce phénomène assez répandu n'est-elle pas que l'individu, se sentant naturellement disposé à agir librement en être autonome et responsable, ne peut que défier la loi coercitive, indiquant ainsi que la loi est de trop et qu'il ne sera jamais question de se plier de bonne grâce à ce qui constitue pour lui une attaque à sa responsabilité personnelle. Si l'individu est si réfractaire à la loi, c'est qu'il veut être libre, la LIBERTÉ étant l'APTITUDE DE L'ÊTRE RESPONSABLE OU AUTONOME À POUVOIR EXERCER UN CHOIX.

Ne pas vouloir accorder le LIBRE CHOIX, n'est-ce pas reconnaître implicitement qu'on a affaire à des gens peu ou pas responsables, du moins pas suffisamment pour prendre leur propre responsabilité? N'est-ce pas ce que reconnaît sans cesse le législateur qui ne fait qu'obliger et ordonner sous peine de sanctions? Dans l'immédiat, c'est peut-être la solution la plus facile que de traiter les gens en irresponsables en leur disant: "nous allons décider à votre place, vous nous avez élus pour ça... vous n'avez qu'à obéir, qu'à faire ce qu'on vous ordonnera, ce que vous commandera la loi." Prendre tous les moyens nécessaires pour développer ou accroître la responsabilité personnelle, de telle sorte que les lois coercitives deviennent inutiles, ce n'est certes pas la voie la plus facile dans l'immédiat mais c'est sûrement la meilleure. Pour ce qui est de la question linguistique, ces moyens, vous les connaissez:

Mettre les gens en situation de choisir

Les aider à faire un choix judicieux par la création de situations propices à un tel choix (franciser le paysage, améliorer les cours de langue, etc...)

Conseiller sagement et assurer un "dialogue constant", ce qui vaut bien mieux que n'importe quelle loi.

Le LIBRE CHOIX dont on parle ici, c'est cette possibilité de choisir pour soi et ses enfants des valeurs culturelles, une langue ou des langues et une école. Dans le projet de loi, ce libre choix est accordé à un grand nombre d'Anglophones et d'Indiens, (du moins théoriquement). C'est bien qu'il en soit ainsi. De voir que la LIBERTÉ d'un certain nombre est respectée, cela a quelque chose de réjouissant. Mais ce serait mieux si tous pouvaient agir librement. Pour ce représentant de la collectivité italo-québécoise entendu sur les ondes de Radio-Canada, comme pour beaucoup d'autres Québécois la réaction est la suivante: "Nous accepterions la loi si le libre choix accordé aux Anglophones leur était enlevé". Drôle de conception de la justice qui consiste à considérer juste l'injustice personnelle à condition que l'injustice s'applique à tous... Telle n'est certes pas la solution que de brimer tous les individus en les traitant tous comme des irresponsables et en décidant pour eux de ce qu'ils doivent faire. Mais la solution n'est certes pas non plus de considérer certaines collectivités (Anglophones et Indiens) comme collectivement responsables et aptes au libre choix et d'autres collectivités (Francophones et minorités ethniques) comme collectivement irresponsables et donc inaptes au libre choix.

LES MINORITÉS ETHNIQUES ET LE LIBRE CHOIX: II est certes légitime de désirer "que les personnes qui viendront s'installer au Québec dans l'avenir enverront leurs enfants à l'école française". Mais les meilleurs moyens de s'assurer que nos désirs seront comblés en ce domaine ne sont-ils pas les suivants: faire du français la langue de travail franciser le paysage québécois rendre l'école française plus attrayante en y prodiguant un bon enseignement des langues.

Quand ces objectifs seront réalisés, que viendra ajouter une loi coercitive à l'égard des individus? Quelque chose sûrement, mais rien de positif. Et pourquoi obliger qui que ce soit avant que d'avoir réalisé ces trois objectifs principaux?

Il n'y a que deux raisons qui pourraient motiver les défenseurs de la loi coercitive à l'égard des minorités ethniques et des futurs Québécois: 1.Crainte de ne pouvoir INCITER POSITIVEMENT, crainte de ne pouvoir atteindre les trois objectifs pré-cités de façon satisfaisante. Une telle crainte pourrait être dissipée par l'emploi de moyens coercitifs et incitatifs plus sérieux à l'égard des institutions et des personnes morales... 2.Crainte que l'individu se désavantage lui-même en n'apprenant pas le français, alors même que la langue du travail serait le français, alors même que la langue du paysage et de la vie quotidienne au Québec serait le français, alors même que les cours de langues dans les écoles françaises seraient de très haut calibre. Etre craintif à ce point serait faire bien peu de cas du bon sens et de l'intelligence d'une personne. Vouloir, de par la loi, obliger une personne à se franciser de crainte qu'elle ne puisse être apte à le décider d'elle-même, cette volonté de coercition maladive est inacceptable. "L'assimilation à la vapeur de tous les nouveaux immigrants, au point qu'en une ou deux générations ils ont perdu toute attache avec leur pays d'origine n'est pas un objectif souhaitable. Une société qui permet à ses groupes minoritaires de conserver leur langue et leur culture est une société plus riche et probablement plus équilibrée. Cela pourrait être le cas du Québec." Une société qui permettrait à chacun des individus composant les minorités ethniques, la possibilité d'exercer sa responsabilité personnelle ou son libre choix d'une façon pleine et entière, serait une société encore plus riche, encore plus équilibrée parce que plus humaine. Cela encore pourrait être le cas du Québec.

L'auteur du Livre Blanc dit encore ceci qui est très juste: "L'intégration spontanée des immigrants à la communauté francophone ne pourra donc être possible que si la société québécoise elle-même est globalement francisée. Ce n'est que lorsque le français sera devenu véritablement la langue de travail et des affaires que la plupart des immigrants comprendront que leur intérêt les pousse à se solidariser avec la communauté francophone." En attendant, on les obligerait par une loi coercitive?— Ce n'est ni sérieux, ni raisonnable, ni humain. Pas plus sérieuse d'ailleurs cette idée à savoir qu'il faudrait combler la dénatalité des Québécois francophones par l'assimilation forcée des immigrants. À cela la chanson nous répond: "II n'y a que nous qui pouvons faire quelque chose pour nous." "On se demande pourquoi l'assimilation s'est produite pour d'autres groupes ethniques, et non pour les Canadiens français"? Seuls un attachement naturel et farouche à la langue maternelle plus un ensemble de conditions historiques favorables peuvent expliquer le phénomène, si phénomène il y a. Ajoutons à cela toutes les mesures positives contenues dans le projet de loi et il devient inutile de songer à des mesures coercitives négatives à l'égard des individus.

LES FRANCOPHONES ET LE LIBRE CHOIX: Et pourquoi ne pas traiter les Québécois francophones comme des êtres responsables, pourquoi ne pourraient-ils pas choisir librement? Pour l'une ou l'autre des deux craintes expliquées plus haut très certainement. À moins que ce ne soit pour imposer de force une "FIERTÉ" que certains francophones n'auraient pas, fierté de vivre sa culture, de parler sa langue etc... Est-ce que cette fierté s'impose de force au moyen d'une loi? Les résultats ne sont-ils pas moins qu'assurés? Par ailleurs, le gouvernement juge que les Québécois francophones de même que tous les Québécois sont des êtres responsables puisqu'en conclusion du Livre Blanc il fait appel à la RESPONSABILITÉ DE CHACUN. Pourquoi alors l'obligation sous peine de sanction? Ça ajoute quelque chose de positif? N'est-ce pas cette attaque à la responsabilité personnelle que constitue la loi, qui expliquerait le mieux le malaise qu'avoue ressentir le premier ministre à édicter une telle loi?

La responsabilité personnelle, l'autonomie personnelle, c'est fort à ce point (si on lui permettrait d'éclore) que son existence chez tous les Québécois francophones éliminerait l'incontestable utilité actuelle de lois coercitives à l'égard des institutions et personnes morales. "Faute de législation, les règles de la politesse auraient dû trancher depuis longtemps en la matière." Il faut ajouter que face à l'impolitesse, la réaction d'humains responsables et autonomes en est une de gens qui se tiennent debout et exigent qu'on soit poli envers eux, de gens disposés à prendre tous les moyens positivement valables pour que politesse soit rendue. DES DROITS, ÇA SE PREND, ÇA NE SE QUÉMANDE PAS et seuls des êtres responsables peuvent ainsi prendre leurs droits. Et que signifie la phrase suivante extraite du Livre Blanc si ce n'est que la responsabilité personnelle est plus importante en définitive que la loi: "Chaque travailleur est concerné dans sa vie quotidienne par la restauration de sa langue dans son travail. Il peut assurer le succès de l'opération ou bien le compromettre."

Le RESPECT DE LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE, le RESPECT DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE est le meilleur moyen de s'assurer la coopération de tous, coopération indispensable si l'on veut "faire en sorte que les deux solitudes hiérarchisées se transforment en solidarité". Comment celui qui se sent brimé dans ses droits, dans sa personne, dans sa responsabilité personnelle, peut-il vouloir être solidaire de celui qui l'écrase par la force de la loi?

Les droits individuels priment les droits collectifs

Certains diront être assez d'accord avec ce qui précède mais ajouteront que dans tout ça il ne faut pas oublier les droits collectifs. Ce n'est pas oublier les droits collectifs que de les mettre à leur place, que de leur donner uniquement la place qu'ils doivent ou peuvent avoir et pas plus.

Au préalable et en définitive, ce n'est pas un collectif qui est humain, pacifique, libre, amoureux, heureux. Ce sont les individus qui composent ce collectif qui sont humains, pacifiques, libres, amoureux, heureux. Autrement dit, c'est parce que chacun de ses membres sont humains pacifiques et libres qu'une collectivité est dite humaine pacifique et libre. L'individu importe plus que le collectif. C'est l'individu et non le collectif qui a des besoins, des droits et des devoirs. Les juxtapositions d'individus qui ont pour noms société, collectivité, peuple, nation sont des abstractions qui ont pris toute la place ou plutôt auxquelles on a donné toute la place... ou presque. L'individu, quantité négligeable, se doit désormais d'être l'esclave-soumis de "l'état-téton".

C'est fausser la réalité, se créer des problèmes et ne pouvoir parvenir à aucune solution valable que de sans cesse opposer droits individuels et droits collectifs. Un droit collectif ne peut être que la somme des droits individuels de tous et chacun des membres de la collectivité et il ne saurait y avoir d'opposition.

Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la PAIX, c'est que chacun de ses membres, aspirant à vivre en paix avec lui-même et avec les autres, a droit à cette paix.

Si l'on peut affirmer qu'une collectivité n'a pas le droit de tuer (il n'y a pas plus de peine de mort juste que de guerre juste) c'est qu'aucun membre de la collectivité n'a ce droit.

Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la LIBERTÉ, c'est que chaque individu composant la collectivité a besoin et a droit d'être libre.

Si l'on peut parler du droit d'une collectivité à occuper (et non posséder) un territoire donné, c'est à cause du besoin et du droit de chaque individu d'occuper un espace vital minimum.

De même, si l'on peut parler du droit d'une collectivité à la communication, c'est que chaque individu a le besoin et le droit de pouvoir communiquer avec ses semblables. Mais il faut préciser ici qu'une langue commune n'est pas le seul moyen de communication entre individus, ce qui fait que des groupes linguistiques différents peuvent cohabiter, communiquer et former une même collectivité: Indiens, Québécois francophones et Québécois anglophones forment la collectivité québécoise de même que Français, Anglais, Chinois, Japonais, Russes, etc., forment la collectivité humaine. C'est parce que la société québécoise est divisée en plusieurs groupes linguistiques différents qu'il est difficile de parler du droit collectif des Québécois à une langue commune. Il serait plus juste de parler du droit collectif des Québécois à la communication.

Le droit collectif à une langue commune existe pour le groupe francophone québécois et non pour l'ensemble de la collectivité québécoise: c'est le droit pour chacun des membres du groupe francophone de parler français, de vivre en français. Mais le même droit linguistique collectif existe pour le groupe anglophone québécois et pour les Indiens et pour toutes les minorités ethniques. De quel droit alors le groupe francophone québécois voudrait-il assimiler les autres groupes? À cause de la force du nombre? Pour certains en effet la majorité accorde tous les droits, même celui (qui n'en est pas un réellement) d'abolir ceux d'autrui. Pourtant, ceux-là qui parmi les Québécois francophones sont les plus fanatiques défenseurs de l'assimilation des autres groupes linguistiques, sont en même temps les plus farouches opposants à ce que la majorité Canadian puisse assimiler les Québécois francophones.

L'idée de nombre ou de majorité conduit à l'impasse. Aussi serait-il préférable de parler de NORMALITÉ, plutôt que de droit collectif à une langue commune pour la collectivité québécoise. L'auteur du Livre Blanc dit avec justesse: "dans un Québec vivant en français, il sera normal que les Québé-

cois, quelle que soit leur origine ethnique et culturelle, puissent s'exprimer en français..." C'eut été un affront à l'intelligence et à la responsabilité personnelle de tous les Québécois que de dire: "il sera obligatoire". Le droit individuel de l'Indien ou de l'Anglophone à parler sa langue et à vivre dans sa langue est un droit préalable; il prime le droit collectif des Francophones à une langue commune. De même, le droit individuel du Francophone à parler et à vivre dans sa langue est un droit préalable qui prime les droits collectifs des Anglophones et des Indiens. Cependant, le bon sens et la responsabilité personnelle de l'Indien et de l'Immigrant leur dicte ce qu'il est normal de faire s'ils veulent "participer à une société française". La loi est ici inutile et inhumaine. On ne peut obliger quelqu'un de force à intégrer une société. Si certains veulent faire bande à part, c'est leur droit le plus strict. On comprendra facilement les Indiens par exemple de vouloir faire bande à part.

La loi ne détruit pas les complexes "Cette langue que le Québec a gardée jusqu'à ce jour demeure l'une des grandes langues de civilisation du monde actuel et elle ne lui a pas été imposée par la colonisation étrangère. Elle est la langue maternelle des ancêtres français, qui l'ont transmise fièrement et librement. C'est la langue parlée aujourd'hui par des millions d'hommes répartis sur divers continents mais reliés entre eux par les liens culturels et fraternels de la francophonie mondiale. Le temps est venu de cesser de penser notre avenir en termes de timide survivance, de retrouver le sens de notre vraie grandeur: celle de participer de plein droit à l'une des grandes expressions linguistiques et culturelles de ce vaste monde dont, à partir du Québec, nous sommes les citoyens." Ce dernier paragraphe du Livre Blanc, excellente conclusion, tous ceux qui souffrent d'un complexe d'infériorité se sentant faussement minoritaires, auraient avantage à le lire à le relire et à le méditer. Faut-il y ajouter, pour bien montrer l'absurdité de se sentir minoritaire, le fait qu'au Canada le groupe ethnique majoritaire est le groupe Québécois francophone?

On a entendu maintes fois monsieur René Lévesque déclarer ceci: "... nous réagirons d'une façon positive sur la question linguistique, le jour où nous aurons perdu nos complexes de colonisés". On ne peut qu'être d'accord avec une telle affirmation. Mais quand monsieur le premier ministre ajoute, et c'est une déclaration récente, que "9/10 des raisons qui motivent la présente loi (ne) disparaîtront (qu') après l'indépendance", cette dernière affirmation ne constitue-t-elle pas l'aveu d'impuissance d'un colonisé qui croit que l'indépendance politique sera le miracle qui donnera aux individus responsabilité force et courage? Il ne faut pas attendre une hypothétique indépendance. C'est immédiatement qu'il est possible de détruire les complexes si l'on prend tous les moyens pour ce faire. Une loi ne rend pas les êtres plus responsables et plus forts. Au contraire, la loi se substitue en quelque sorte à la responsabilité individuelle. Une loi créant un état indépendant ne fera pas exception. Une loi constitutionnelle (ça demeure une loi) donnant naissance à un Québec "libre politiquement" ne fera pas apparaître une génération spontanée d'êtres responsables et forts. C'est préalablement à une éventuelle indépendance que doivent surgir responsabilité force et courage. Seuls des humains libres parce que responsables et non complexés pourront donner naissance à un KEBEC vraiment LIBRE.

Dans son excellent éditorial du jeudi 28 avril 1977, Marcel Adam écrit ceci; "... s'il est nécessaire de légiférer, c'est-à-dire de recourir à la loi du nombre, donc à l'arithmétique, pour protéger la majorité contre la minorité, pour faire prévaloir les traits culturels et linguistiques de la majorité sur ceux de la minorité, c'est que cette majorité porte encore en elle des carences profondes qui ne seront pas corrigées par une béquille législative". Offrir une béquille à un être qui se croit faible (complexé) alors qu'il n'en a pas besoin, c'est sans doute la meilleure façon de l'affaiblir (d'augmenter ses complexes). "L'évolution du Québec, c'est que la majorité va se comporter comme une majorité, et certaines personnes ne peuvent accepter cela" de dire monsieur René Lévesque (Le Devoir, 3 mai 1977). "... la majorité va se comporter comme une majorité..." si cela veut dire que la majorité va employer la loi du plus fort, l'auteur du présent mémoire est du nombre des personnes qui ne peuvent accepter cela. On aurait donc rien compris aux leçons de l'histoire? S'il y a situation anormale au Québec, c'est uniquement la LOI DU PLUS FORT qui en est la cause. Et l'on voudrait corriger cette situation anormale par la loi du plus fort, de nouveau? Pour créer ainsi de nouvelles anomalies?

Il y a cinq siècles, vivaient en Amérique du Nord des humains à la peau cuivrée. Or sont arrivés d'Europe des sauvages à la peau blanche (Espagnols, Portugais, Français, Anglais et autres) qui se croyant supérieurement civilisés (complexe de supériorité au service de l'instinct de domination et de possession) voulurent imposer et imposèrent de force leur prétendue civilisation. Ils exterminèrent les Indiens, sur tout le continent... pas tous heureusement. (Malheureusement, diront peut-être certains fanatiques francophones qui verraient là un problème linguistique supplémentaire.) Puis, à la suite de guerres successives, la finance française du temps préféra les Antilles à la Nouvelle-France... question de profit. Les Anglais ne déportèrent pas les colons français... heureusement. (Malheureusement diront peut-être certains Québécois anglophones fanatiques.) Maintenant que les descendants de ces colons se sentent majoritaires, ils voudraient employer à leur tour la loi du plus fort, la loi du nombre, la force de la loi à défaut de la force des armes... Quand comprendra-t-on les leçons de l'histoire? Quand comprendra-t-on qu'on ne règle rien par l'emploi de la force brutale? Quand comprendra-t-on la force de la VÉRITÉ, de la LIBERTÉ et de L'AMOUR?

"C'est parce qu'ils étaient habités du sentiment d'être rois et maîtres sur leurs propres terres que les ancêtres paysans français avaient acquis une proverbiale réputation d'hospitalité généreuse. Leurs descendants d'aujourd'hui sauront retrouver intacte cette chaleureuse filiation le jour où ils pourront cesser de voir dans l'autre une menace pour leurs droits, leurs institutions, leur patrimoine". Ce jour est arrivé. C'est dès maintenant que nous pouvons cesser de "voir dans l'autre une menace". Il n'est pas exagéré de dire: "c'est maintenant ou jamais". Il suffit d'abolir les articles 51 à 59 du présent projet de loi et de les remplacer par un article qui dirait clairement: 1.que la collectivité québécoise est composée de plusieurs groupes ethniques ou culturels (l'importance numérique n'a rien à voir avec la valeur culturelle... s'il devait y avoir assimilation culturelle, ce sont les "visages pâles" qui auraient avantage à se laisser assimiler par les Indiens. 2.que tout individu québécois est libre de choisir valeurs culturelles, langue et école.

On peut comprendre que certains Québécois francophones qui se sont toujours sentis dominés économiquement et menacés dans leur langue et leur culture, qui ont toujours senti à tort ou à raison que les "Anglais" voulaient les assimiler... réagissent maintenant en disant: "on va assimiler les "Anglais"... oeil pour oeil, dent pour dent... ils nous ont matraqué avec des lois et autrement, c'est à notre tour de faire des lois-matraques..." Mais ce n'est certainement pas la meilleure façon de penser et d'agir que de vouloir à toute fin pratique imiter ou copier la conduite historique de la majorité(?) Canadian à l'égard du groupe ethnique le plus important numériquement au Canada. Plutôt que de chercher à vaincre (lois coercitives) il faut chercher à CONVAINCRE (lois incitatives) CONVAINCRE, Vaincre avec, avec les autres, tous ensemble, vaincre nos préjugés, nos complexes, nos peurs. Il s'agit pour les Québécois francophones de "se tenir debout" en vivant et en travaillant (distinction à la veille d'être inutile...) en français; et ceci peut se faire dans le respect absolu des droits individuels d'un chacun. "Chers Québécois c'est à votre tour de vous laisser parler d'AMOUR"... ce chant d'AMOUR ne pourrait-on pas l'adresser à tous les Québécois, y compris aux "Anglais"?

Urgence de s'attaquer à des problèmes plus importants, plus vitaux.

Le gouvernement a bien fait de considérer ce projet de loi comme une priorité. Il est prioritaire de régler une fois pour toutes une question qui nous préoccupe à ce point que nos esprits n'étant plus libres, nous en oublions les questions plus importantes, plus vitales.

Car ce n'est pas la langue, mais c'est la VIE qui sur cette planète-terre est en GRAVE DANGER. Avant le droit individuel (ou collectif pour ceux qui y tiennent) de parler sa langue, il y a le DROIT DE VIVRE et ce droit à la vie est GRAVEMENT MENACÉ.

Dans une course folle, nous courons vers le suicide collectif, vers l'autodestruction. Ce n'est pas un danger hypothétique, c'est une TRISTE RÉALITÉ. Pour la première fois dans l'histoire de notre humanité, nous pouvons faire le choix de nous autodétruire parce que nous en avons les possibilités, les moyens.

Nous pouvons collectivement nous suicider à cause de la puissance destructrice des ARMEMENTS actuels. Et nous continuons à en fabriquer d'autres, toujours plus terrifiants, plus foudroyants, plus destructeurs.

Nous pouvons collectivement nous autodétruire à cause du fait que nous tuons rapidement, progressivement (certains appellent ça le PROGRÈS) et sûrement notre environnement. NOUS DÉTRUISONS L'ORDRE NATUREL. Nous tuons la NATURE, fous que nous sommes!

Nous pouvons encore sûrement nous suicider collectivement (sinon toute l'humanité, du moins nous, habitants de pays riches ou industrialisés) à cause de ce que Dom Elder Camara appelle si justement "LA BOMBE DE LA FAIM" bombe qu'il faut, que nous devons désamorcer de toute URGENCE.

Pour ceux-là qui savent ce que signifient les termes MAJORITÉ et MINORITÉ, il est des chiffres qu'ils ne devraient pas ignorer: les pays riches ou industrialisés, pays où l'on peut s'accorder le luxe de discourir sur le bonheur, c'est le quart (1/4) de l'humanité, 25%; les pays pauvres ou "en voie de développement", pays où la nourriture quotidienne est le souci majeur, ce sont les trois quarts (3/4) de l'humanité, 75%. Et les pays industrialisés, dont nous sommes, "aident" les pays "en voie de développement"... en leur fournissant des armes en quantité... pour mieux assurer sans doute I'"ÉQUILIBRE DE LA TERREUR", folie aberrante!

C'est faire preuve de totale inconsciente que de passer des semaines, des mois, des années à essayer (d'une façon malhabile) de solutionner un problème linguistique et de ne pas consacrer davantage d'énergies et de temps à solutionner les graves problèmes de l'heure qui sont des problèmes de SURVIE DE L'HUMANITÉ. Nous n'avons plus le choix, c'est: "CHANGER OU DISPARAITRE", changer radicalement. Il est urgent de changer nos mentalités, il est urgent de se mettre à penser différemment. Il est urgent d'arrêter de s'en remettre continuellement à la loi et à ceux qui la font. Il est encore ici question de RESPONSABILITÉ PERSONNELLE. Seuls des êtres individuellement responsables vont pouvoir changer ce qui doit être changé. Ce ne sont pas les gouvernements, ce ne sont pas les organismes internationaux actuels comme l'O.N.U. qui vont solutionner adéquatement les grands problèmes de l'humanité.

II faudrait aussi bien ignorer les "politiciens" faire à toute fin pratique comme s'ils n'existaient pas de façon à arrêter de croire que d'autres sont là pour penser et agir à notre place, croyance propre à l'irresponsable. Chaque individu doit assumer la pleine mesure de ses responsabilités propres. C'est un peu trop facile que de se camoufler sans cesse derrière l'écran de la société, de la collectivité et des gouvernements: "la société est responsable, que la société agisse!" ...alors que tout individu pleinement responsable devrait dire: "j'ai toute ma part de responsabilité, je dois assumer la démesure qui est en moi, je vais agir." La société, c'est qui, c'est quoi une société, "ça mange quoi en hiver?" C'est tout le monde et c'est personne: personne assumant la pleine mesure de ses responsabilités personnelles et tout le monde se fiant à tout le monde.

C'est ICI et MAINTENANT et de toute urgence qu'il faut faire quelque chose pour SAUVER LA VIE. Il faut passer à l'ACTION tous ensemble, quelles que soient nos origines ethniques et notre langue maternelle... "pendant qu'on a encore le temps et la possibilité de le faire" de nous dire Dom Elder Camara et d'autres sages qui ont visité la planète et savent que nous sommes à peu près les seuls à pouvoir SAUVER LA VIE... Mais cette oeuvre commune de PAIX et d'AMOUR ne peut se réaliser sans une compréhension mutuelle.

Le présent projet de loi, d'une part, avec ses règlements coercitifs à l'égard des individus, est-il un bon moyen de favoriser la communication vraie et donc la compréhension entre les différentes collectivités ethniques qui composent la collectivité québécoise? Sûrement pas... Et comment d'autre part pourrait-il y avoir communication vraie et donc compréhension entre les différentes collectivités québécoises quand celles-ci sont composées d'individus qui ne fraternisent pas, ne sont pas solidaires, ne coopèrent pas, ne partagent pas pour la raison bien simple qu'ils ne se parlent pas, ne se connaissent pas, ne se comprennent pas? Avant que d'obliger les Québécois ne parlant pas français à l'apprendre, il faudrait peut-être d'abord que les Québécois francophones se parlent davantage, communiquent davantage vraiment et intensément, eux qui parlent la même langue.

Comme il est URGENT de s'attaquer aux problèmes de notre SURVIE, n'avons-nous donc pas intérêt à régler le problème linguistique VITE et BIEN? Et peut-il y avoir meilleure façon de le faire que de respecter intégralement la responsabilité, la liberté individuelle de tous? Ce respect ne risque-t-il pas de favoriser la participation de tous à l'édification d'un KÉBEC nouveau et d'un monde nouveau? "Rigoureux, vigilant et exigeant à l'égard de la langue des institutions, le citoyen devra par contre se montrer compréhensif, tolérant et souple quand il s'agira des personnes, sachant que le redressement global de la situation linguistique au Québec est affaire de temps et de patience." Ce que le Livre Blanc demande au citoyen, compréhension, tolérance et patience, le citoyen est en droit de l'exiger du gouvernement, et c'est ce qui est ici proposé en guise de conclusion à ce mémoire.

Compréhension, tolérance et patience... avant que de vouloir appliquer des mesures coercitives à l'égard des individus, commençons par: appliquer avec fermeté les mesures coercitives et incitatives à l'égard des personnes morales et des institutions... amorcer et entretenir le dialogue indispensable... faire confiance au bon sens politique d'un chacun, avoir foi en l'homme en favorisant sa responsabilité personnelle plutôt que de l'écraser.

Traiter tout être humain en être responsable, guider ou conseiller l'humain, gérer, organiser, planifier l'activité humaine (travail, loisirs etc...) autrement qu'à coup de lois: "il y a trop longtemps qu'on dit et répète que cela n'est pas possible. Ce le sera si on le veut et si on prend les moyens." C'est la seule façon de donner naissance à un coin de terre humanisé, à un "pays" vraiment libre. Seuls des êtres libres, autonomes, responsables pourront donner naissance à un "pays" libre; la loi ne le peut pas. La loi peut certes créer un Québec légalement libre, artificiellement libre, normalement libre (un "pays" comme les autres), mais cette liberté générée uniquement par la loi n'est qu'illusion ou artifice. Encore une fois, seuls des individus libres pourront donner naissance à un KÉBEC LIBRE et ce n'est pas la loi qui peut engendrer l'autonomie, la responsabilité, la LIBERTÉ.

La responsabilité individuelle ou le respect intégral que l'on doit accorder à la responsabilité individuelle, n'est-ce pas là un des premiers droits commun à tous? La responsabilité individuelle, la liberté individuelle (et non pas collective) n'est-ce pas là un BIEN COMMUN à tous, à tous les Québécois quelle que soit leur origine ethnique? Et les élus du peuple ne sont-ils pas là pour rendre possible ce que commande le BIEN COMMUN? "La politique" serait "l'art du possible". On l'a souvent entendue celle-là... Or comme le "politicien" ne peut pas grand-chose, comme ce n'est pas lui qui mène, comme il n'est que le représentant ou le quémandeur du peuple auprès de ceux qui ordonnent, commandent, dirigent un système politico-socio-économique à la veille d'éclater, "l'art du possible" dans de telles circonstances, "ça ne vaut pas cher". C'est pourtant là un abrégé qui fait l'affaire de trop de "politiciens" sinon de tous les dits politiciens.

La POLITIQUE, c'est l'ART DE RENDRE POSSIBLE CE QUE COMMANDE LE BIEN COMMUN. C'est un ART qui s'applique au BIEN COMMUN, ce n'est pas "l'art du possible". Le POLITICIEN c'est ou ce doit être l'ARTISTE (qui rend possible ce que commande le BIEN COMMUN).

À vous donc, parlementaires, de prouver quels artistes vous êtes.

À vous de prouver que le PARLEMENT n'est pas qu'un endroit où l'on PARLE beaucoup et MENT tout autant.

À vous de prouver que l'ASSEMBLÉE dite NATIONALE peut être autre chose qu'un théâtre de marionnettes.

À vous de prouver que vous pouvez cesser d'être les marionnettes, les créatures, les valets du "peuple de la finance" d'un peuple qui "n'a pas de coeur, pas de drapeau, pas de nationalisme, pas d'identité", comme l'exprime si bien madame Lise Payette. Ou plutôt oui, ils ont un drapeau, un nationalisme, une identité: c'est l'argent, c'est le PROFIT.

Vous me répondrez que vous n'y pouvez rien, que vous n'êtes que les humbles serviteurs de l'ÉTAT et que l'ÉTAT c'est la NÉGATION même DE LA LIBERTÉ, la négation du droit individuel à la responsabilité personnelle. Je sais. Mais je sais aussi que cette réalité doit changer de toute URGENCE et que l'on doit procéder dans les plus brefs délais à la mise-à-mort du MONSTRE-ÉTAT, sans quoi c'est ce dernier qui très bientôt enfoncera le dernier clou au cercueil de l'humanité.

Dans les dernières pages du livre "La France contre les Robots"— hymne à la LIBERTÉ, mise en garde passionnée contre l'obéissance et le conformisme, en particulier contre l'obéissance à l'ÉTAT... • livre que l'écrivain français Georges Bernanos écrivit au Brésil où il s'était exilé pour ne pas rester en France sous l'occupation nazie, l'auteur écrit: "Voilà longtemps que je le pense, si notre espèce finit par disparaître un jour de cette planète, grâce à l'efficacité croissante des techniques de destruction, ce n'est pas la cruauté qui sera responsable de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l'indignation qu'elle inspire, les représailles et les vengeances qu'elle suscite, mais bien plutôt la docilité, l'irresponsabilité de l'homme moderne, son abjecte complaisance à toute volonté du collectif. Les horreurs que nous venons de voir, et celles pires que nous verrons bientôt, ne sont nullement le signe que le nombre des révoltés, des insoumis, des indomptables, augmente dans le monde, mais bien plutôt que croît sans cesse, avec une rapidité stupéfiante, le nombre des obéissants, des dociles."

Et ce gouvernement voudrait encore prêcher aux individus l'obéissance, la docilité, la soumission? Ça suffit, c'est assez!

PAIX, LIBERTÉ, AMOUR L'UTOPIE SERA BIENTÔT RÉALITÉ

Roger Julien, CITOYEN KÉBÉCOIS DU MONDE.

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