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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 15 juin 1977 - Vol. 19 N° 124

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires

sur le projet de loi no 1:

Charte de la langue française

au Québec

(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Je constate qu'il y a quorum. Je demande à tous et chacun de regagner son fauteuil.

A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Verchères. M. le député de Papineau, à l'ordre, s'il vous plaît!

C'est une nouvelle séance. Je fais l'appel des membres. On m'indiquera les remplacements s'il y a lieu.

MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier), Bi-saillon (Sainte-Marie), Chevrette (Joliette-Montcalm), Ciaccia (Mont-Royal), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Go-din (Mercier), Grenier (Mégantic-Compton), remplacé par M. Biron (Lotbinière); MM. Guay (Taschereau), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), remplacé par M. Shaw (Pointe-Claire); MM. Roy (Beauce-Sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda). Oui?

M. Guay: M. Chevrette, remplacé par le jeune et brillant député de Verchères.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît. M. Chevrette (Joliette-Montcalm), remplacé... Pardon? Oui, c'est ce qu'on m'indique... par M. Charbonneau (Verchères).

Merci. Alors, la journée: Nous allons siéger jusqu'à midi, parce que le mercredi, il n'est pas possible de dépasser midi. Nous reprendrons après les affaires courantes de l'Assemblée nationale et terminerons également à 18 heures. Les deux organismes convoqués sont l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec, mémoire no 3 et The South Central Protestant School Board, mémoire no 161.

Est-ce que l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec est ici? Si vous voulez vous approcher, s'il vous plaît.

C'est M. Pierre Roy qui... M. Pierre Roy?

M. Roy (Pierre): Le mémoire sera présenté par M. Serge Bail.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. Pierre Roy. Si vous voulez parler dans le micro, présenter votre association et indiquer qui vous accompagne, s'il vous plaît. Vous avez 20 minutes pour la présentation du mémoire.

M. Roy (Pierre): Bonjour. Nous représentons l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec à Hull. Nous regroupons 2700 membres dans la région de l'Outaouais. Le mémoire sera présenté par M. Serge Bail et M. Claude Morisette.

Le Président (M. Cardinal): Merci.

L'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec

M. Bail (Serge): L'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec désire, dans un premier temps, apporter son appui au gouvernement du Québec, qui, par le projet de loi no 1, tente de mettre de l'ordre dans la situation sociale et linguistique au Québec. Davantage, l'Association affirme son accord de principe avec ce projet de loi qui entend faire du Québec le pays francophone qui nous est reconnu depuis l'Acte de Québec de 1774 et qui se traduit essentiellement par la reconnaissance d'une seule langue officielle, le français, et l'adoption de l'unilinguisme institutionnel.

De plus, nous reconnaissons comme satisfaisantes les dispositions de la loi concernant la langue de la législation et de la justice (articles 7 à 13), la langue de l'administration (articles 14 à 24), la langue de certains organismes parapublics (articles 25 à 32), la langue du travail (articles 33 à 40) ainsi que la langue du commerce et des affaires (articles 41 à 50).

Dans un deuxième temps, nous aimerions attirer plus particulièrement l'attention du gouvernement sur les articles 51 à 59 du projet de loi qui concernent la langue de l'enseignement.

Malgré les prétentions du gouvernement à savoir que la langue de l'enseignement revêt un caractère de moindre importance, compte tenu de l'effet d'entraînement qu'aura la langue de travail, nous croyons à la nécessité de circonscrire adéquatement la langue de l'enseignement ainsi que les critères d'accès à l'école anglaise, d'autant plus que la région de l'Outaouais dénombre une population d'au-delà de 200 000 personnes vivant quotidiennement à proximité de sa voisine ontarienne, que, pour un partie très importante de cette population, la langue de travail demeurera l'anglais, même en territoire québécois (ici, qu'on se rapporte aux édifices fédéraux à Hull), et que des mesures radicales s'imposent pour redresser une situation linguistique et culturelle en voie de dépérissement.

Mais, avant d'énoncer les amendements auxquels nous tenons, nous voulons informer le gouvernement de notre accord concernant trois principes fondamentaux qui sous-tendent ces articles.

Le premier est celui qui reconnaît la tradition historique vieille de deux siècles, selon laquelle les véritables anglophones se sont donné des institutions scolaires de langue anglaise. Avec le livre blanc, nous reconnaissons que nous ne saurions faire fi de cette tradition, sans en même temps porter de graves préjudices à ceux qui, depuis 200 ans, vivent de cette tradition.

Le deuxième principe affirme toutefois que l'accès aux écoles anglaises ne saurait être reconnu qu'aux seuls véritables anglophones et que les institutions scolaires anglaises doivent cesser

de jouer le rôle assimilateur dont elles sont complices à l'heure actuelle.

Le troisième principe circonscrit le critère à retenir pour permettre l'accès à l'école anglaise. Nous sommes également d'accord pour rejeter comme critère le libre choix des parents, qui était le fond du projet de loi 63, ou encore la connaissance suffisante de l'anglais, qui était la loi 22. En effet, si nous ne reconnaissons qu'aux seuls véritables anglophones, c'est-à-dire ceux qui s'inscrivent dans une tradition deux fois séculaire, le droit à l'école anglaise, il importe de retenir un critère qui tienne compte de l'appartenance des individus à cette communauté historique. Dans ce contexte, la langue maternelle est, nous semble-t-il, le critère à retenir, mais il ne faut pas s'arrêter là. En effet, tous les individus de langue maternelle anglaise n'appartiennent pas forcément à la communauté des véritables anglophones: Que l'on pense simplement aux immigrants de fraîche date qui, dès la première génération, se sont assimilés à l'anglophonie. C'est pourquoi il convient de pondérer le critère de la langue maternelle par celui de la langue maternelle des parents et de rattacher celle-ci à la fréquentation de l'école élémentaire anglaise.

Ici, je me permets quelque chose qui n'est pas inscrit dans le texte. Nous voudrions insister auprès du gouvernement sur l'importance qu'a pour nous l'article 52a où il est mentionné que ceux qui auront accès à l'école anglaise seront ceux dont le père ou la mère aura reçu au Québec l'enseignement primaire en anglais. Nous savons qu'il y a de fortes tentations, actuellement, de la part du gouvernement, de modifier ce critère du Québec pour le remplacer par celui du Canada, mais nous tenons, quant à nous, à ce que ce soit ceux qui ont étudié au Québec à cause, évidemment, de la situation particulière de l'Outaouais qui, depuis quelques années, se voit systématiquement envahir par les anglophones de l'Ontario lesquels, par leur présence numérique de plus en plus croissante, commencent à revendiquer des institutions de la langue anglaise et à s'imprégner dans le milieu, de telle sorte qu'ils constituent un danger flagrant pour l'intégrité culturelle des Québécois francophones de cette région.

Mais là où nous ne suivons plus le gouvernement, c'est quand il affirme qu'il suffit qu'un seul des deux parents ait fréquenté l'école élémentaire anglaise pour qu'un enfant soit déclaré appartenir à la communauté anglaise et puisse ainsi avoir accès à l'école anglaise.

Nous croyons, d'une part, que le critère d'un seul parent ne permet pas de circonscrire adéquatement les véritables anglophones et que, d'autre part, il ouvre la porte à toutes formes de discrimination, lesquelles ont été clairement mises en lumière par Lysiane Gagnon dans une série de deux articles parus dans la Presse des 18 et 19 avril 1977 et intitulés "Langue d'enseignement, une politique boiteuse et ambiguë". Vous retrouverez d'ailleurs en annexe le texte intégral de ces deux articles et nous prions instamment le gouvernement de s'y référer, ce qui nous évitera ici de re- prendre en long les exemples très nombreux d'ailleurs qui y sont contenus.

Qu'il suffise de faire remarquer qu'un immigrant qui aurait eu le bonheur d'épouser une Anglo-Québécoise aura le privilège de faire instruire ses enfants en langue anglaise alors que le même immigrant, s'il avait épousé une Franco-Québécoise n'aurait pu se prévaloir du même privilège.

Ce qu'il faut, c'est donc retenir le critère des deux parents ayant fréquenté l'école élémentaire anglaise; c'est certes plus radical, mais au moins plus clair.

Quant à ceux qui objecteront que le droit de faire instruire ses enfants en langue anglaise est un droit personnel qui doit pouvoir s'exercer même quand le conjoint ne possède pas ce droit, nous répondrons ceci: nous sommes conscients que le conjoint anglophone d'un couple mixte se verrait, par notre proposition, interdire l'usage de son droit. Mais nous demandons de quel droit un droit individuel doive primer sur un droit collectif? Tous les philosophes s'accordent pour dire que le bien commun prévaut sur le bien personnel et que s'il y a conflit, c'est le bien commun qui prime.

Par conséquent, et c'est notre première recommandation, nous demandons au gouvernement d'amender l'article 52a dans le sens suivant: "Que les enfants dont le père et la mère..." etc.

De même, nous n'admettons pas que les enfants qui n'appartiennent pas à la véritable minorité anglophone et qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, fréquenteront une école anglaise, puissent se voir reconnaître le droit à l'école anglaise, ainsi qu'à leurs descendants. Encore moins pour leurs frères et soeurs cadets. Le principe de la non-division des familles peut tout aussi bien jouer dans le sens de la majorité en exigeant le retour à l'école française des non véritables anglophones, ce qui unifierait les familles dans le sens de la majorité.

Notre deuxième recommandation peut donc se formuler ainsi: Que l'article 52b soit amendé dans le sens suivant: "Quant aux enfants qui sont actuellement dans les écoles anglaises et qui ne répondent pas aux critères ci-haut mentionnés: 1-Que les francophones et allophones possédant une connaissance d'usage du français soient réintégrés dans les écoles françaises à compter de septembre 1977; 2-Que les allophones et les non véritables anglophones ne possédant aucune connaissance d'usage du français soient réintégrés graduellement par le biais des classes d'accueil.

Notre troisième remarque porte sur l'article 51 qui n'oblige à l'enseignement en français que dans les écoles maternelles, primaires et secondaires. Nous ne comprenons pas que les CEGEP aient été exclus de cette obligation, d'autant plus qu'ils sont financés à 100% par l'Etat, même si les étudiants y ont des frais d'inscription à débourser.

Quant aux universités, nous croyons qu'elles sont davantage le reflet d'un savoir universel et qu'à ce titre, elles jouissent déjà d'une reconnaissance internationale qui devrait les soustraire à la loi.

En conséquence, nous recommandons au gouvernement, d'amender l'article 51 pour faire en sorte que la loi s'applique également aux CEGEP.

En terminant, nous voudrions attirer l'attention du gouvernement sur l'aspect suivant: Le chapitre IV du titre I vise à franciser l'administration et, dans ce contexte, l'article 23 vise plus particulièrement la francisation des commissions scolaires anglophones. Même si nous reconnaissons que notre propos, à ce stade-ci, ne relève pas du projet de loi 1, nous aimerions indiquer au gouvernement qu'une telle francisation devrait être un premier pas vers une intégration progressive des réseaux scolaires francophones et anglophones. Nous ne voyons pas pourquoi des services publics devraient se structurer suivant la langue ou la confessionnalité. Nous prétendons que l'école est un service public, tout comme une administration municipale ou hospitalière doit l'être et qu'à ce titre, elle devrait s'organiser en structure unique dispensant des services polyvalents, selon le type de clientèle à desservir.

Nous recommandons donc que les dispositions de l'article 23 visant à franciser l'administration des commissions scolaires anglophones conduisent à long terme, dans une éventuelle réorganisation administrative, à l'intégration de ces commissions aux commissions scolaires francophones qui formeraient alors des commissions scolaires intégrées desservant les citoyens québécois de toute provenance linguistique et de toute croyance, dans le cadre de services diversifiés.

En guise de conclusion, nous aimerions indiquer au gouvernement qu'il nous semble important, pour le succès même des dispositions de cette loi, de tenir fermement aux mesures énumérées dans l'ensemble du projet de loi et de ne pas reculer d'un centimètre sur ces questions.

Nous sommes conscients que la loi dérangera certains groupes sociaux habitués à jouir de privilèges exorbitants et que ceux-ci tenteront par tous les moyens de faire pression sur le gouvernement pour qu'il en modifie le contenu. Mais notre accord avec le projet de loi ici est conditionnel au maintien d'une attitude ferme de la part du gouvernement.

Le Président (M. Cardinal): Merci, monsieur. M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je remercie...

Le Président (M. Cardinal): Vous aviez terminé, monsieur?

M. Bail: En terminant, on voulait ajouter une chose...

Le Président (M. Cardinal): On va vous attendre alors, allez-y.

M. Bail: ...vous mentionner que dans les annexes et dans les textes de la Presse... Nous aimerions déposer aussi un éditorial du journal local hebdomadaire d'Aylmer, un journal de langue anglaise qui reprend des propos passablement har- gneux vis-à-vis de la communauté québécoise de langue française, voire même qui frise le racisme. Nous le déposons pour montrer aux membres de cette commission parlementaire et aux députés de l'Assemblée quel est le sort quotidien que les francophones de cette région doivent subir de la part de ceux qui nous côtoient.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, sur une question de technicité, il ne peut pas y avoir véritablement de dépôt. Vous pourriez remettre ce document au secrétaire de la commission, M. Jacques Pouliot, qui pourrait, d'une part, en faire la distribution aux membres de la commission et, d'autre part, l'ajouter en annexe au journal des Débats. (Voir annexe)

M. Bail: Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie les membres de l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec pour le mémoire soigné qu'ils viennent de nous présenter. Je suis heureux évidemment de l'accord qu'ils donnent à l'ensemble du projet de loi et particulièrement au chapitre de la loi qui traite du français, langue officielle, articles qui feront du français la langue de l'administration et du monde du travail, du commerce et des affaires.

Le gouvernement a voulu, en effet, que l'accent principal de son travail de francisation porte sur ces domaines. L'Association des enseignants du sud-ouest est d'avis cependant que la langue de l'enseignement continue d'être un élément majeur et le gouvernement le pense aussi. Cependant, nous considérons quand même que si la société québécoise se francise dans ses éléments majeurs dont je parlais tout à l'heure, il y aura sûrement un effet d'entraînement positif qui finira par se manifester plus tôt que tard dans le domaine de l'enseignement.

Je voudrais aussi dire à l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec à quel point leurs représentations en ce qui concerne leur situation particulière dans la région de l'Outaouais nous a touchés. Cette situation n'est pas assez connue, je crois, de l'ensemble de la population du Québec, et en particulier, de la députation. C'est là un élément important, majeur, que doit considérer le législateur, lorsqu'il en arrive à édic-ter les lois sur des sujets tels que celui que nous avons abordé. Il ne fait aucun doute que nous relirons ce passage de votre mémoire afin d'en saisir toutes les implications et afin aussi qu'il nous inspire peut-être des modifications qui vous aideraient à préserver dans des situations plus difficiles que celles que vivent les autres régions un héritage culturel auquel vous tenez peut-être d'autant plus que vous le sentez davantage menacé.

J'en viens maintenant à vos recommandations principales. Je voudrais vous dire d'abord que nous avons longuement considéré la possibilité de l'amendement que vous suggérez et qui ferait que l'école anglaise ne serait ouverte qu'aux enfants dont le père et la mère ont fait leurs études en an-

glais. Si nous l'avons rejeté, c'est parce que nous avons vu là une source de discrimination certaine et qui serait sûrement pénible pour ceux qui auraient à trancher ce débat au sein de l'unité familiale. Nous reconnaissons que votre argument est valable pour les raisons que vous avez invoquées, mais il y a d'autres raisons à la négative qui, selon nous, doivent inciter le gouvernement à adopter la solution qu'il a prise.

Nous n'avons pas voulu, par exemple, mettre les individus ou les familles dans la pénible obligation d'avoir à choisir entre leurs sentiments familiaux ou amoureux même et leur inclination vers la préservation de leur héritage culturel.

Nous savons, en effet, que le taux des mariages exogamiques au Québec, particulièrement dans la minorité non francophone, est très élevé. Je pense que ce taux de mariages exogamiques, selon les statistiques, s'élève jusqu'à 47%, et nous avons voulu éviter à ceux qui seraient dans cette situation, sans parler d'autres situations que nous avons également étudiées, de se trouver dans un dilemme où, par exemple, ils auraient eu à choisir entre le souci de conserver à leurs enfants le droit de choisir entre l'école française et l'école anglaise et le souci d'obéir aux inclinations de leur coeur. C'est là un débat cornélien que nous avons voulu leur éviter, car nous savons que ce n'est pas tout le monde qui est capable de subir avec succès ce défi cornélien. Pour ces raisons, nous avons pensé que nous pouvions réduire l'obligation, sans trop de conséquences nocives ou dommageables et tout en préservant un humanisme, une tolérance, une générosité qui se solderaient au bénéfice des individus aussi bien que des familles.

Nous considérerons quand même une dernière fois vos arguments avant d'adopter une position définitive, mais je tenais à vous dire les raisons qui nous ont amenés à pencher dans le sens où nous avons penché.

En ce qui concerne votre deuxième proposition, je note que vous êtes d'accord avec le principe qui a présidé à nos décisions, c'est-à-dire celui de la non-division des familles.

Nous avons opté pour ce principe en raison de la connaissance que nous avons du système de valeurs qui existe partout, mais particulièrement dans certaines ethnies où la non-division des familles constitue un principe de vie important. Il nous paraîtrait cependant difficile de faire jouer ce principe de la non-division des familles au béné- , fice de la communauté francophone d'une façon qui serait rétroactive. Comment, en effet, pourrions-nous juger, en tentant ce rapatriement à l'école française, de la connaissance d'usage qu'ont pu acquérir du français ces élèves déjà inscrits à l'école anglaise sans devoir recourir à nouveau à la méthode odieuse des tests? Ne courrions-nous pas également un autre risque, celui d'être susceptible de manquer de bonne foi à l'égard de familles ou de citoyens qui, au moment où ils ont choisi l'école anglaise, le faisaient en raison d'une négligence des services de l'immigration canadienne à informer ces nouveaux arrivants qu'ils arrivaient non pas dans un pays anglais, qui s'appelle le Canada, mais dans une province francophone, qui s'appelait le Québec.

Pour ces deux raisons, nous avons pensé qu'il était préférable, au nom de ce principe de non-rétroactivité et au nom de la paix sociale également, si l'on se rappelle tous les débats qui ont entouré la loi 22, de laisser à l'école anglaise ceux qui y sont déjà inscrits, en espérant toutefois qu'avec les réformes profondes qu'apporte la Charte du français au Québec dans la conjoncture linguistique du Québec, ces francophones qui sont inscrits à l'école anglaise préféreront ne pas choisir d'y faire continuer leurs enfants et dans l'espoir également que ces non-francophones al-lopnones verront eux aussi de plus en plus d'avantages à inscrire leurs enfants à l'école française puisque c'est l'école qui est la plus susceptible de les préparer à vivre dans une société française où le français sera devenu la langue utile, la langue rentable, la langue indispensable.

Voilà, de toute façon, le genre d'arguments qui nous a guidés dans l'élaboration de notre politique et dans la prise de nos décisions. Ceci ne veut pas dire que vos arguments ne sont pas très valables à certains égards, mais, dans ce domaine, nous avons à peser le poids de chacun des arguments, dans une conjoncture dont nous avons hérité, dont nous ne sommes pas responsables, à un certain moment de l'histoire, de l'évolution d'une collectivité, donc, non pas dans l'abstrait, mais dans une situation concrète dont nous pouvons déplorer certains caractères, mais dont nous sommes obligés quand même de respecter le poids qu'ils représentent, les conditionnements qu'ils constituent pour les décisions que nous avons à prendre.

Nous espérons quand même que a ligne générale, aussi bien de l'action gouvernementale que de l'orientation législative, corrigera, graduellement, ces phénomènes que vous avez déplorés et nous permettra quand même, peut-être avec plus de méandres et en prenant un peu plus de temps, d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

A cet égard, je voudrais vous demander si vous avez pensé aux difficultés d'application que pourrait susciter la formule que vous nous suggérez et, si vous y avez pensé, quelles recommandations vous pourriez nous faire.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît, avant de répondre. Une petite technicité entre parenthèses. M. Grenier n'est pas remplacé par M. Biron (Lotbinière) pour les fins de cette séance.

Je m'excuse.

Monsieur, vous avez la parole.

M. Morissette (Claude): M. Laurin...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, est-ce que vous pourriez rapprocher votre micro, s'il vous plaît.

M. Morissette (Claude): Vous vous référez à la demande que nous faisons d'obliger, de considé-

rer comme véritable minorité anglophone uniquement les enfants dont les deux parents ont fait leurs études au Québec en anglais.

M. Laurin: Aux deux recommandations que vous faites, la première et la deuxième.

M. Morissette: La deuxième, c'est la réintégration. La première recommandation, je ne vois pas plus de difficulté à l'application de cette recommandation qu'à celle d'un seul parent, excepté que j'y vois l'avantage. Vous soulignez 47%, spécialement dans le groupe allophone, de mariages mixtes. C'est là que je vois une certaine contradiction. Vous dites qu'en acceptant qu'un seul parent ait fréquenté l'école anglaise, on pense quand même réduire passablement le nombre de ceux qui auront droit à l'école anglaise. J'aperçois ici une contradiction avec le nombre, le pourcentage très élevé de mariages exogamiques. Or, on a bien dit, dans notre mémoire, qu'on est conscient que certains droits individuels, pour ce qui est, par exemple, du droit d'un parent anglophone de transmettre son droit à l'appartenance à la culture anglophone, qu'on lui niait ce droit, mais on a dit qu'on considérait que cela pouvait s'accepter eu égard aux droits collectifs. Parce que nous considérons — et je pense que si on regarde le pourcentage d'enfants d'immigrants qui fréquentaient l'école anglaise dans la région de Montréal et dans notre région également — qu'il s'agissait là véritablement d'une situation catastrophique, d'une situation d'urgence et qu'il faut quand même appliquer des mesures assez radicales.

Quand il s'agit d'une loi, il y a toujours une certaine mesure de coercition. Si on y va, on devrait y aller carrément.

Quant à la deuxième partie, pour ce qui est de réintégrer dans les écoles françaises les enfants non véritablement anglophones qui sont inscrits à l'école anglaise, un système existe présentement, ce sont les classes d'accueil. Dans notre région, on en a un nombre assez considérable et elles fonctionnent assez bien. De toute façon, nous remarquons que vous proposez que les enfants de Canadiens qui viennent s'installer au Québec devront envoyer leurs enfants à l'école française. Vous faites cette proposition dans votre projet de loi. Ces enfants, s'ils sont anglophones, vont forcément avoir autant de problèmes à s'intégrer à l'école française que n'importe quel enfant du Québec qui est déjà à l'école anglaise et qui n'est pas véritablement anglophone. Intégrer un enfant anglophone qui vient de l'Alberta à l'école française et intégrer un enfant italophone ou anglophone d'origine portugaise ou italienne à l'école française, je pense que les deux choses vont devoir se faire de la même façon, soit par des cours d'immersion.

En passant, j'aimerais souligner que je représente ici l'Association des enseignants du Sud-Ouest, mais que je suis également coordonnateur d'un comité pour l'intégration des immigrants. Nous travaillons depuis quatre ans avec les immigrants dans la région de l'Outaouais et nous sommes en train de regrouper différentes ethnies. J'ai enseigné le français, langue seconde, aux immigrants pendant trois ans, le soir, en dehors de mon enseignement régulier. On connaît passablement cette question des enfants d'immigrants.

La question de la division des familles, on la connaît passablement aussi, parce que mon comité a fait une enquête auprès de la communauté portugaise de Hull. J'ai moi-même fait du porte-à-porte avec un interprète portugais; bien que comprenant le portugais moi-même, il fallait que quelqu'un puisse poser des questions en portugais. On a vu là des familles déjà très divisées en ce sens qu'il y a des parents qui parlent uniquement le portugais et certains de leurs enfants ne le parlent presque plus. Il y en a qui vont à l'école anglaise et d'autres à l'école française. Alors, la division dans les familles existe déjà présentement et elle existait encore plus quand les parents envoyaient leurs enfants à l'école française élémentaire et, parvenus au secondaire, les envoyaient à l'école anglaise pour les rendre bilingues.

Vous avez tout un méli-mélo qui, je pense, serait redressé si on prenait carrément l'option pour l'école française au Québec.

Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie. M. Roy.

M. Bail: J'aurais aimé ajouter que tel que l'article 52a est rédigé, c'est-à-dire les enfants dont un des deux conjoints a étudié à l'école anglaise, pour pouvoir mettre ça en application, il va falloir, j'imagine, tenir un registre ou un fichier civil qui, je pense, n'existe à peu près pas. Il va falloir le faire pour l'ensemble des citoyens du Québec. Je me dis que s'il est fait pour l'ensemble des citoyens du Québec dans le cas d'un parent, il sera automatiquement fait dans le cas des deux parents. A ce niveau, on ne voit pas quel problème technique notre recommandation pose de plus que la recommandation qui est déjà dans le projet de loi.

Là où ça devient un peu plus difficile, et nous l'admettons, c'est dans le cas de la deuxième recommandation.

M. Laurin: II y a quand même des vérifications à faire.

M. Bail: Oui, mais une fois que le fichier existe. Je pense que le gros du travail sera de constituer le fichier et il faudra le faire pour tout le monde, de toute façon.

La deuxième recommandation: Evidemment, il faudra des règlements, si jamais c'est retenu, pour appliquer ça. On tient pour acquis que le gouvernement usera de son intelligence pour édicter des règlements qui permettront l'application de cette chose sans trop de heurts. Entre autres, il y aura évidemment les modalités de réintégration, par exemple, selon qu'on est à l'élémentaire ou en secondaire V. Je pense qu'on ne procède pas à la réintégration de la même manière et avec la même vigueur.

La deuxième chose: Dans la façon de tester la présence de l'usage du français, on ne voit pas

là-dedans le caractère scientifique qu'on voulait reconnaître au test s'appliquant en vertu de la loi 22. Il s'agit beaucoup plus pour nous de détecter si un enfant est capable d'être réintégré immédiatement au secteur français sans perdre de temps, c'est-à-dire sans passer par les classes d'accueil, ou, s'il a besoin de passer par des classes d'accueil pour ne pas décrocher pédagogi-quement, une fois revenu dans une classe française.

Je pense qu'au niveau des règlements, il y aurait moyen de prévoir des formules extrêmement souples qui ne se voudront pas d'un caractère rigide et scientifique, comme se voulaient les tests de la loi 22.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec pour un deuxième voyage. Vous étiez ici, la semaine dernière, si je ne m'abuse. Je vous remercie pour les remarques que vous avez dans votre rapport et pour la remise en question du critère retenu pour déterminer l'admission des enfants à l'école anglaise.

Vous mentionnez, en page 3, que vous reconnaissez le principe de la communauté anglophone, tel qu'il est mentionné dans le livre blanc. Egalement, le deuxième principe, que l'accès aux écoles anglaises ne saurait être reconnu qu'aux seuls véritables anglophones. Ma première question: Qu'est-ce que vous appelez un véritable anglophone?

M. Bail: C'est là qu'on s'oppose au gouvernement, dans le sens où le gouvernement dit: Les véritables anglophones, ce sont ceux dont un des deux parents a étudié en langue anglaise au Québec. Nous disons: Un véritable anglophone, c'est quelqu'un qui est descendant de parents dont les deux ont étudié à l'école anglaise. A ce moment-là, pour nous, le fait que ce soit les deux, cela l'enracine davantage dans la tradition historique des Anglais, alors que s'il venait d'une famille où un seul des deux conjoints est anglophone, il y a de fortes chances que ce soit par assimilation, par mariage mixte, avec un francophone ou un immigrant. C'est moins un véritable anglophone pour nous.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que le critère d'un parent qui a fréquenté l'école anglaise ne détermine pas nécessairement l'appartenance à la communauté anglophone. Par contre, vous pensez qu'en tenant compte des deux parents, il y a plus de chance que cela le détermine. Est-ce que vous reconnaissez, par exemple, qu'un enfant dont les deux parents ont fait des études à l'école anglaise dans les autres provinces et qui viennent s'établir au Québec, appartiennent à la communauté anglophone?

M. Morissette: Si nous rejetons ce critère, c'est d'abord et avant tout à cause de la région d'où nous venons. Depuis une couple d'années, nous subissons un changement très radical, particulièrement dans la ville de Hull, la construction d'édifices fédéraux, un déménagement de 15 000 fonctionnaires fédéraux. Malgré les politiques proclamées de bilinguisme du premier ministre du Canada, le premier groupe de fonctionnaires qui nous a été envoyé dans Hull, il y a à peu près quatre ans, du ministère de l'Environnement, les fonctionnaires étaient, à 95%, anglophones. Il y a un deuxième ministère dont j'oublie le nom, qui est venu s'installer à la Place du Portage.

Il y a eu, en même temps, un afflux d'anglophones dans la région d'Aylmer. Il a fait renverser la proportion de la population. Elle était de 48% anglophone et 52% francophone. Elle est devenue à 52% anglophone et 48% francophone.

Mme Lavoie-Roux: Vous reprendrez ensuite. Mais la question précise que je vous pose... J'aimerais avoir plus de renseignements statistiques sur votre région, sur le plan scolaire et sur le plan de la population en général. Si vous ne les avez pas, vous pourriez nous les faire parvenir, ils nous intéresseraient.

La question que je vous pose est la suivante: Vous dites que vous reconnaissez la communauté anglophone, mais vous dites qu'il faut s'assurer que les enfants soient bien des membres de la communauté anglophone. Je vous pose la question. Il nous vient des individus, ou des familles, qui répondent à ce critère, soit que les deux parents ont fréquenté l'école anglaise. Quant à vous, vous dites que c'est le critère d'appartenance à la communauté anglophone. Est-ce que de là, on pourrait conclure que les familles qui viennent s'établir ici, de l'extérieur du Québec, selon votre conception d'un anglophone, appartiendraient à cette communauté anglophone?

M. Bail: Là-dessus, je pense que cela dépend de l'angle sous lequel on se place. Le principe que vous mettez de l'avant, on pourrait l'étendre aux anglophones qui viennent de l'extérieur du Canada également, qui viennent soit de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie ou du Royaume-Uni.

Il y en a qui disent qu'on ne leur permet pas de le faire parce qu'on se situe dans le contexte canadien. Nous, on s'est situé dans un contexte québécois et c'est la raison pour laquelle on n'a pas reconnu aux anglophones d'ailleurs le droit qu'on reconnaît aux anglophones d'ici.

Mme Lavoie-Roux: C'est que vous mettez une limite à ce que doit comporter une communauté culturelle.

M. Bail: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est que, pour vous, elle est limitée à un article.

M. Bail: II faut que ce soit lié à un territoire; sans cela, il n'y a plus de point de repère possible.

Mme Lavoie-Roux: Mais une communauté, qu'est-ce que c'est pour vous, une communauté culturelle? Est-ce que c'est quelque chose de statique? Est-ce que c'est quelque chose qui évolue?

M. Bail: C'est quelque chose qui évolue et c'est aussi quelque chose qui transcende nécessairement les frontières.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bail: Mais telle que l'organisation mondiale est faite actuellement, une communauté de culture, cela s'inscrit nécessairement dans un territoire donné. La communauté française déborde le Québec et elle déborde aussi la France, mais les législations se font toujours en fonction de la France ou en fonction de la Suisse ou en fonction de tel ou tel pays. C'est la raison pour laquelle on s'est situé en fonction d'un territoire particulier qui est celui du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Pour vous, le territoire transcende la conception d'une communauté culturelle?

M. Bail: Cela le limite aux fins de législation.

Mme Lavoie-Roux: Pour l'autre question, je reviens à ce que vous mentionniez tout à l'heure. J'aimerais, si c'était possible, si vous pouviez, que vous nous fassiez parvenir des statistiques sur l'évolution de la population en général, des populations linguistiques dans la région du Nord-Ouest, des populations scolaires et également sur vos classes d'accueil — je sais qu'elles sont peut-être d'origine plus récente dans l'Outaouais que dans la région de Montréal — combien d'enfants vous avez accueillis, où se sont-ils intégrés ultérieurement, à l'école anglaise ou à l'école française. Je pense que, pour ma part, cela m'intéresserait beaucoup si vous aviez ces statistiques.

Je suis d'accord avec vous que le critère qui est retenu par le projet de loi no 1 n'établit pas l'appartenance à la communauté anglophone et je pense que Mme Gagnon, comme vous l'avez mentionné, l'a amplement démontré. C'est un critère discriminatoire à mon point de vue et je l'ai appelé un critère d'accommodement. C'est simple. Quand vous dites au ministre que ce ne sera pas plus compliqué d'avoir le registre de la fréquentation scolaire des deux parents plutôt qu'un, je suis portée à être d'accord avec vous, mais je pense que ce critère lui-même n'est pas basé sur un principe d'appartenance à la communauté anglophone, mais est basé sur un principe d'accommodement parce qu'on s'est dit que, par cela, on va éviter les tests. Il ne démontre vraiment pas qu'une famille ou un enfant appartient à la communauté anglophone.

C'est tellement exact qu'on donne aux enfants francophones, qui ont fréquenté l'école anglaise, le droit pour leurs descendants d'aller à l'école anglophone, alors qu'on le refuse à des anglophones qui vivent actuellement au Québec et qui ont reçu leur instruction en anglais, même les deux parents dans certains cas, peut-être pas au Québec, mais qui vivent présentement au Québec. On leur nie, par ce critère, l'appartenance à la communauté anglophone.

J'aurai l'occasion d'y revenir, je ne sais pas si ce sera en deuxième lecture, mais un peu plus tard. Il semble même que ce soit un critère un peu opportuniste, à mon point de vue, qui a répondu à certains besoins individuels, mais qui n'appuie pas le principe de la communauté anglophone qui est pourtant le principe mis de l'avant dans le livre blanc.

Enfin, il y a deux autres points dont je voudrais parler. Vous êtes des enseignants. Ici, on entend depuis quelque temps — on l'entend d'ailleurs au Québec — "II faut un redressement vigoureux de la qualité du français au Québec". Cela me semble une condition préalable, d'abord, à l'intégration plus facile, la moins coercitive possible de toutes les ethnies à la communauté française. Il faut que l'école française soit attrayante, mais, en dehors de cette notion de "II faut un redressement vigoureux du français dans tous les secteurs de l'enseignement", est-ce que vous voyez cette qualité du français ou cet effort de redressement déborder l'école. Et même à l'intérieur de l'école, les mesures qui sont prises présentement vous paraissent-elles satisfaisantes ou avez-vous des suggestions à nous faire? Je pense que ce serait intéressant de l'entendre de la part d'enseignants.

M. Roy (Pierre): On n'a pas de suggestion précise à faire pour le moment, mais il est bien évident que la qualité du français doit déborder l'école. Il s'apprend à l'école. Avec tous les changements de méthodes d'enseignement que nous avons connus, c'est peut-être ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui les gens sont un peu perdus. Ils ne retrouvent pas la qualité qu'on pense que les gens avaient auparavant. Il n'est pas sûr que la qualité du français ait diminué tant que cela à l'école. Il est bien évident que les méthodes d'enseignement ont changé et que les gens sont inquiets face aux changements qui ont été apportés. On pourrait vous citer la même chose pour l'enseignement religieux, la même chose pour l'enseignement des mathématiques aussi. Je pense qu'on répondra d'une façon un peu plus précise là-dedans peut-être avec la publication du livre vert sur l'éducation. Il est aussi évident, comme je le disais au début, qu'il faut que cela déborde l'école. Il faut s'assurer d'une bonne qualité du français partout à l'extérieur de l'école, dans tous les domaines de la vie et de la société.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais quand même vous inviter, et je pense que la Centrale de l'éducation du Québec devrait se pencher sur cette question, pour qu'on dépasse finalement les voeux pieux sur l'amélioration de la qualité du français. Je pense que cela devrait être aussi une préoccupation du gouvernement et de tous les media d'information qu'on puisse sentir cette préoccupation de l'amélioration de la qualité du

français. Une deuxième question: Vous êtes muets sur l'enseignement de la langue seconde. Est-ce que vous avez des remarques à faire là-dessus?

M. Morissette: Oui, nous sommes bien placés pour parler de l'enseignement de la langue seconde. Depuis quelque temps, on remarque qu'il y a un accent énorme qui est placé sur l'apprentissage de l'anglais. Il y a beaucoup d'affirmations qui se font, à savoir que nos écoles françaises ne donnent pas un enseignement adéquat de la langue anglaise. D'abord, on aimerait bien voir des études scientifiques là-dedans. On a vu des études sur la question de l'apprentissage précoce d'une langue seconde. Maintenant, on répète continuellement, et je pense que des quelque sept ou huit mémoires sur lesquels j'ai lu des commentaires et des articles de journaux, chacun revenait sur cette question, que c'était seulement à l'école anglaise qu'on pouvait apprendre le français. On a dit que, quand on sortait de l'école anglaise, on parlait un excellent français, ce que les statistiques du bilinguisme semblent contredire. On disait qu'à l'école française, par contre, c'était minable au point de vue de l'enseignement de l'anglais. Nous, dans notre région, on peut contredire cela, parce que, chaque année, on a battu les records pour l'anglais. Nos élèves, aux examens du ministère, ont toujours eu la meilleure note pour l'anglais au Québec et ils ont habituellement une note intermédiaire pour le français. Maintenant, je pense qu'il y a lieu d'améliorer n'importe quoi. L'enseignement d'une langue seconde, c'est comme toute autre chose. Cela doit être continuellement amélioré. Je m'étonne vraiment qu'on parle continuellement de la piètre qualité de l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises, et même dans une région aussi menacée que la nôtre, on est allé aussi loin que de commencer à enseigner l'anglais à la maternelle. Il y a des études justement qui démontrent que quelqu'un qui commence à apprendre l'anglais en sixième année... personnellement, j'ai commencé à apprendre l'anglais à 17 ans et j'ai continué avec d'autres langues; je vois énormément de Québécois qui n'ont pas commencé à apprendre l'anglais tellement jeunes mais qui l'ont cependant appris.

Vous insistiez tout à l'heure sur la question de l'environnement culturel, c'est très important. C'est évident que quelqu'un qui demeure dans une région à 99,9% francophone va avoir plus de difficulté à apprendre l'anglais que quelqu'un qui demeure dans une région à 30% anglophone ou l'inverse.

Mme Lavoie-Roux: Comme représentant d'un syndicat d'enseignants, le Sud-Ouest du Québec, vous n'avez pas objection à ce qu'on fasse un bon enseignement de la langue seconde et que vos professeurs soient motivés pour donner ce bon enseignement?

M. Morissette: Moi, qui enseigne à Aylmer depuis dix ans, c'est ma onzième année à la polyvalente d'Aylmer, ma plus grande préoccupation, c'est d'amener mes élèves à parler français entre eux, bien qu'il y en ait qui s'appellent Lévesque, Morissette, Dumais, etc., c'est de les amener à parler français entre eux. Alors, de ce côté, disons franchement qu'à mon école, il n'y a pas de problème. Nous, dans la région, on a plutôt recommandé de retarder un peu le début de l'apprentissage de la langue seconde. On a recommandé que ça commence en cinquième année. Avant ça, c'est une perte de temps, parce que, finalement, avec les cinq ou six postes de télévision anglophone qu'on a et le pont qui est juste à côté, on traverse à Ottawa... Alors, ce n'est pas tellement important pour nous. Ce n'est pas un problème.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, messieurs.

M. Bail: Non seulement on n'a aucune objection à l'apprentissage des langues secondes, mais on pense même que l'apprentissage d'une langue seconde, ça ne nuit pas au caractère français du Québec... Ce qu'on dénonce, c'est l'assimilation. Toutefois, la politique de l'association des enseignants se distingue par rapport à celle dont Claude parlait qui est celle du Comité pour l'intégration des immigrants, en ce sens que nous tenons à ce que l'apprentissage d'une langue seconde ne commence pas avant le niveau secondaire. Nous croyons que l'élève a une motivation suffisante, parvenu au niveau secondaire. Il a, à ce moment-là, onze ou douze ans et il a ce qu'il faut pour apprendre rapidement une langue seconde dont l'anglais qui est relativement facile, par rapport à une autre langue seconde.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Messieurs, je veux d'abord vous féliciter pour votre mémoire. On se rend compte que, dans le secteur de l'enseignement vous savez faire des mémoires corrects, clairs et qui nous permettent de comprendre entre les principes et les recommandations que vous faites. A mon sens, c'est un des bons mémoires qui nous ont été présentés et je veux vous en féliciter, même s'il y a bien des points de vue qu'on peut partager ou pas. C'est ce qu'on verra au cours de l'étude de la présente loi.

J'ai cru comprendre que vous étiez une association, bien sûr, francophone d'écoles francophones uniquement. Je crois comprendre aussi que, dans votre bureau, il n'y a pas non plus d'enseignants ou de professeurs qui soient anglophones. Est-ce que vous en avez?

M. Roy (Pierre): Jusqu'au 22 avril de cette année, nous regroupions aussi les enseignants anglophones qui enseignent dans les commissions scolaires catholiques. Cependant, ces enseignants ont demandé à être accrédités séparément et, finalement, c'est une décision du Tribunal du travail qui a tranché la question et qui le leur a accordé. Ces anglophones étaient avec nous depuis bon nombre d'années.

M. Grenier: Maintenant, votre association est uniquement francophone?

M. Roy (Pierre): Oui.

M. Grenier: Vous avez une région... J'ai eu l'avantage d'y vivre pendant au moins quatre années, en venant d'une région du Québec où ce n'était pas possible d'apprendre l'anglais. J'ai dû essayer d'aller me perfectionner à l'Université d'Ottawa et il m'arrivait plus souvent qu'à mon tour de traverser le pont, comme vous avez l'habitude de le faire là-bas, et même là, à l'Université d'Ottawa, je n'ai pas réussi à apprendre suffisamment l'anglais pour pouvoir le parler correctement. J'ai dû aller me perfectionner aux Etats-Unis. Là, j'étais vraiment dans un bain anglophone.

Vous avez une région bien particulière. Je peux vous le dire. Quand on est obligé de voter une loi, nous autres, les députés autour de cette table, on est obligé de prendre toutes les couleurs de chacune des régions. On ne peut pas se restreindre à une seule région. C'est bien évident et vous comprendrez l'intérêt qu'on peut avoir pour les gens qui viennent de chez vous. On peut ensuite comparer cette région à d'autres comme celles du Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie, des Cantons de l'Est et, bien sûr, de Montréal. Il y a là des problèmes bien différents les uns des autres. Il faut les connaître. Ce que vous nous donnez là, bien sûr, ce sont des remarques que je trouve judicieuses et qui collent pas mal à la réalité de votre région, pour le peu que je puisse connaître de votre magnifique région.

Quel est le pourcentage d'anglophones dans la région de Hull exactement?

M. Morissette: 20%. M. Grenier: 20%...

M. Morissette: Oui.

M. Grenier:... c'est tout l'Outaouais ou si c'est la région immédiate de Hull?

M. Morissette: C'est l'Outaouais québécois. 20%.

M. Grenier: Tout l'Outaouais, à peu près 20%. D'accord.

M. Morissette: Toute la région. Si on prend les deux côtés, là, ça devient à peu près 70% anglophone, je dirais, et 30% francophone, parce qu'il ne faut jamais oublier l'influence d'Ottawa sur...

M. Grenier: Comme première recommandation, vous vous opposez à l'adoption, dans son contexte actuel, de l'article 52a.

Vous avez dû remarquer que, dans l'article 52a, il y a deux choses, il y a les deux parents et il y a le primaire uniquement. Vous avez dû remarquer cela. Vous m'avez signalé, au départ, que vous n'aviez personne dans votre exécutif qui pouvait être anglophone ou partiellement anglophone par un des conjoints, mais j'imagine que vous voyez le problème qu'il peut y avoir dans tout le Québec que de faire accepter un article comme celui que vous recommandez, soit les deux parents, et vous ne touchez pas à l'aspect primaire. Vous n'ajoutez pas à cela non plus l'école secondaire, si je comprends bien, uniquement le primaire.

Vous savez ce que cela peut causer au Québec. Vous êtes au courant de ce que cela peut causer dans les régions hors de Montréal? Vous avez vu cela?

M. Bail: J'aimerais que vous vous exprimiez peut-être un peu plus clairement là-dessus.

M. Grenier: Vous devez savoir que, maintenant, les minorités anglophones sont réduites à cause des normes, à n'avoir des écoles primaires que dans les grands centres. C'est donc dire qu'il n'y a à peu près plus d'anglophones dans les petites municipalités qui peuvent se permettre le luxe d'envoyer leurs enfants à des écoles primaires. Vous êtes au courant de cela?

M. Bail: On sait qu'il n'est pas toujours nécessaire d'avoir de grosses écoles. Il y a des classes de langue anglaise. Chez nous, dans la région, on a des écoles complètes.

M. Grenier: Vous m'avez dit que vous aviez 20% d'anglophones dans votre région?

M. Bail: Oui, mais nos écoles anglaises regroupent plus que les 20%, parce qu'il y a une grande partie des immigrants qui s'en vont là. En fait, sur l'ensemble de nos écoles, nous avons un tiers de véritables anglophones, en gros, un tiers de francophones qui sont passés à l'école anglaise et un tiers d'immigrants. C'est vous dire que s'il y a des écoles anglaises chez nous dans la région, c'est parce qu'il y a eu un gonflement des effectifs par le biais de l'assimilation.

M. Grenier: Mais, de tout cela, je veux faire ressortir que votre région est un peu particulière. Elle ne ressemble peut-être pas aux autres régions du Québec en dehors de Montréal. Elle est particulière, il faut l'admettre.

M. Morissette: Mais ensemble, il faut dire que cela constitue la moitié de la population du Québec. La région de Montréal et de l'Outaouais constitue la moitié de la population du Québec et c'est une région importante.

M. Grenier: D'après les principes que vous émettez, les personnes qui sont ici, qui habitent le Québec, qui sont de parents anglophones, et qui sont nées au Québec, il ne leur reste plus le privilège de se former à l'école française. Ce n'est plus possible. Elles n'ont plus le droit de se former à l'école frrançaise.

M. Bail: Pour les véritables anglophones?

M. Grenier: Les anglophones qui viennent de pays étrangers et qui sont ici au Québec, dans le moment, ne pourraient plus, habitant les autres provinces, les autres pays, fréquenter l'école anglaise?

M. Bail: C'est cela.

M. Grenier: D'accord? Les familles qui sont issues de mariages mixtes, comme vous le dites à la page 5, — j'ai le bonheur d'avoir marié une anglophone — ces enfants n'auront pas le droit de choix d'après vous?

M. Bail: Non.

M. Grenier: Ils devront être incorporés à l'école française seulement? C'est cela?

M. Bail: C'est cela. En fait, il y a un autre principe qui nous a guidés à l'appui de cela. On est en présence du droit du francophone et du droit de l'anglophone. A ce moment, on ne voit pas pourquoi le droit de l'anglophone primerait sur celui du francophone, compte tenu toujours de la collectivité.

M. Grenier: II est bien sûr que, dans une telle loi, il faut distinguer entre les régions de la province. Je pense que, dans la région chez moi, les enfants qui vont apprendre un peu d'anglais de leur mère n'assimileront pas les francophones de la région de la Beauce. Cela va être difficile. C'est pour cela que je crois que, dans cette loi, il faut comprendre que ce que vous demandez dans votre mémoire — c'est peut-être difficile d'application dans tout le Québec, c'est une recommandation qui est peut-être judicieuse pour la région de la Gatineau, près d'Ottawa.

Il me fait plaisir de vous entendre que vous avez du succès plus qu'ailleurs dans l'enseignement de la langue seconde. Je viens du milieu de l'enseignement. J'étais un enseignant. J'ai même eu l'avantage d'être tout près de chez vous et d'être le directeur du collège Bourget de Rigaud. Il y a un monsieur qui disait tout à l'heure qu'il y avait de la "souffrance" un peu dans chacune des matières, soit dans la religion et dans le français. Je peux vous dire qu'il y a une détérioration importante dans le secteur du français. Du côté de la religion, il y a un progrès remarquable depuis quelque temps et je pense que les élèves qui sortent de nos collèges et de nos écoles dans le moment sont peut-être mieux armés du côté religieux et un peu moins du côté français.

C'est l'observation que j'ai eue de plusieurs de nos enseignants du secteur collégial et du secondaire.

Cela prouve peut-être une chose aussi. C'est que vous avez une facilité de recruter dans votre région des professeurs de langue seconde et c'est vrai pour les deux langues, le français et l'anglais. Dans la région de Hull, vous n'êtes pas, bien sûr, près de la Beauce. Si on devait avoir chez nous des professeurs de langue seconde, c'est l'anglais chez nous.

Dans d'autres milieux, quand il s'agit d'avoir des professeurs français, c'est relativement plus facile d'en avoir quand on reste près des universités où ces gens se sont perfectionnés jusqu'à ces tout derniers mois. Alors, on n'a pas l'avantage d'avoir de personnes bien compétentes, c'est malheureux, mais ils se sont d'abord collés sur les grands centres. Cela viendra et cela commence déjà à venir. On ne désespère pas. Mais le témoignage que vous nous donnez ce matin sur la région de Hull, sur les enseignants de langue seconde, du succès que vous obtenez, m'encourage à dire qu'il faut, chez les francophones également, faire un pas important pour perfectionner ce secteur avec les professeurs qui auront des qualifications. C'est tout pour l'instant, je passe le micro à d'autres députés.

M. Bertrand: Le député de Mégantic-Compton me permet-il de lui poser une question?

M. Grenier: Oui.

M. Bertrand: Simplement sur la première partie de vos explications, tantôt. Je trouve intéressant cet aspect de l'absence d'école anglaise dans le milieu rural au niveau primaire. Est-ce qu'à votre connaissance, dans ces régions, et peut-être que votre région en est une, je ne sais pas si c'est le cas de Mégantic-Compton, dans les écoles françaises on permet aux parents d'envoyer leurs enfants dans une classe spéciale où l'enseignement se donne en langue anglaise? Est-ce qu'il n'y a pas, dans certains secteurs francophones de ces régions rurales, des classes uniquement en anglais?

M. Grenier: Non. Mais à la déclaration du ministre de l'Education, il y a trois semaines ou un mois, j'ai semblé manifester pas mal d'attention, vous vous en souvenez, en lui posant plusieurs questions. Ce phénomène me stimule et m'encourage quand il a dit qu'on pouvait récupérer chez nous des écoles rurales avec un minimum de 21 élèves. Si c'est vrai pour la communauté francophone, ce sera j'imagine également vrai pour la communauté anglophone. C'est peut-être une nouvelle fort réconfortante.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Merci. Le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Messieurs, premièrement, j'ai pris connaissance de l'éditorial du Aylmer Reporter que les témoins nous ont donné. Je dois vous dire que je trouve cela absolument répréhensible. Ce n'est même pas assez de dire que c'est de mauvais goût. Permettez-moi de vous raconter ce qui m'est arrivé. A CFCF. je participais à une ligne ouverte. C'est un poste de langue anglaise. Quelqu'un a appelé pour commencer à réciter ce poème, ce soi disant poème. L'annonceur à la fin de la première ligne l'a arrêté net. J'étais totalement en accord avec l'annonceur. J'ai dit des paroles assez dures sur les ondes à la personne qui osait donner quelque chose que je

pourrais qualifier de déchet. C'est du "garbage". Alors, je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas en prendre...

M, Grenier: Si le député de Mont-Royal me le permet...

M. Ciaccia: Oui.

M. Grenier: ...il faut peut être lui dire que, hier soir, on a été témoin de l'inverse et ce n'était pas plus drôle d'entendre ce que l'on a dit ici.

M. Ciaccia: Exactement. La seule chose que je voudrais dire, c'est qu'il ne faudrait pas donner satisfaction même en distribuant cela. Non seulement ces propos ne devraient pas être imités, mais même l'esprit.

Mme Lavoie-Roux: On va enfermer cela dans...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Non, ce n'est pas vous que j'appelle à l'ordre, ce sont les autres. Vous avez le droit de parole.

M. Ciaccia: Excusez-moi. Merci, M. le Président. Ma première question. L'article 57 du projet de loi oblige un étudiant d'une école anglaise à avoir une connaissance du français pour obtenir son certificat. Alors, cela veut dire qu'il va être bilingue, lui. Est-ce que vous accepteriez un tel article à l'inverse pour les écoles de langue française?

M. Bail: II est clair que pour nous, ce n'est pas acceptable, parce qu'un amendement en sens inverse nous ramènerait encore une fois à un Québec institutionnellement bilingue, ce que nous ne reconnaissons pas. D'autre part, si nous disons que le projet de loi a pour but de protéger les francophones, ce ne serait certainement pas protéger les francophones que de leur mettre de telles enfarges. Ceux qui ne posséderont pas la connaissance suffisante de l'anglais seront assez, d'eux-mêmes, pénalisés, sans leur mettre des enfarges comme celles-là. Par contre, pour les anglophones, compte tenu qu'on sera dans un Québec français, ce sera important pour eux.

M. Ciaccia: ...de connaître les deux langues. Alors, vous les rendrez facultatif pour ceux qui sont de langue française. Deuxièmement, vous recommandez un système unifié pour enlever la confessionnalité. A part des questions constitutionnelles qui peuvent être soulevées, dernièrement, nous avons eu à Montréal des élections et la population a semblé rejeter les candidats qui préconisaient un système unifié en enlevant la confessionnalité.

Est-ce que vous acceptez la décision des électeurs, de la population, ou pensez-vous que le gouvernement devrait imposer ce système, même si le peuple ne le veut pas?

M. Bail: J'ai trois choses là-dessus. La première, c'est que seulement 20% de la population s'est prononcée. Donc, ce n'est peut-être pas représentatif.

M. Ciaccia: Les autres avaient l'occasion, ils le savaient, s'ils avaient voulu, ils auraient pu aller voter.

M. Bail: D'accord, mais ce qu'on sait du vote exprimé, c'est que c'est 20% de la population. On ne sait rien des autres 80%.

M. Ciaccia: Mais c'est 40% de la population qui ont voté en faveur de ce gouvernement; est-ce que ça veut dire que les autres 60%... On ne sait pas.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Non, mais, écoutez...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il n'y a rien de séditieux dans les propos du député de Mont-Royal. M. le député de Mont-Royal, continuez, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: Oui, M. le Président, je vais vous donner l'occasion de répondre.

M. Bail: La deuxième chose, c'est que je me souviens avoir lu dans le Devoir un article qui disait que les enjeux étaient passablement mêlés entre les deux groupements qui se présentaient, compte tenu que l'élément confessionnalité, dans chacun des cas, était le douzième ou le treizième point et qu'on a joué là-dessus passablement. Le fait qu'on ait joué, cela a embrouillé les cartes. Donc, la question de la confessionnalité n'est pas si claire que ça au niveau des élections à Montréal.

La troisième chose, ce n'est peut-être pas clair dans notre mémoire, mais on n'a pas voulu se prononcer sur le bien-fondé de la confessionnalité dans les écoles. La seule chose qu'on dit, c'est qu'on ne voit pas pourquoi les écoles devraient être structurées suivant un critère de langue ou un critère de confessionnalité. D'où notre proposition de regrouper tout ça, mais de continuer à offrir des services confessionnels, des services en langues différentes à une population hétérogène.

M. Ciaccia: Le point que je veux soulever, c'est pour savoir si vous acceptez que le gouvernement devrait répondre aux besoins des électeurs ou de la population comme ils donneraient leurs besoins ou si le gouvernement devrait imposer certaines solutions, que ce soit pour la confessionnalité ou pour l'apprentissage d'une seconde langue; ça peut être dans d'autres domaines.

M. Bail: II faut certainement répondre aux désirs de la population, mais il faut toujours coordonner ça avec les intérêts collectifs. Je ne sais pas ce que vous feriez en tant que parti au pouvoir si les parents se mettaient à réclamer des hôpitaux catholiques. Vous faites quoi avec ça?

M. Ciaccia: La question... On répondrait aux besoins de la population. Il y a des anglophones catholiques qui ont aussi certains droits. C'est pour ça qu'on semble avoir ce problème de vouloir imposer, parce qu'au nom de la collectivité, on peut faire n'importe quoi. Il y a différentes actions collectives, les syndicats, les droits que nous avons et la collectivité telle qu'interprétée par un ministre ou par un gouvernement.

Cela revient à votre conception des droits des minorités. Il y a d'autres minorités francophones dans d'autres provinces. Est-ce que vous voudriez que les droits ou la perception que vous avez de la minorité, des droits de la minorité anglophone au Québec, soient étendus aux minorités francophones dans les autres provinces et qu'ils soient traités de la même façon que celle que vous préconisez ici?

M. Bail: Là-dessus, nous, on a toujours pensé qu'il y avait une confusion qui était entretenue à ce sujet dans le sens suivant. C'est qu'en faisant un rapprochement entre les minorités au Québec et les minorités en dehors du Québec, on semble laisser entendre que ces deux minorités sont sur le même pied. Ce qui n'est pas le cas. Il faut se rendre compte qu'en dehors du Québec, les minorités françaises sont des minorités complètement dépourvues, tant au plan du nombre qu'au plan politique, au plan économique. Alors qu'au Québec, la minorité est une minorité dominante.

Ceux qui s'alarment et qui disent que la minorité anglaise au Québec est menacée sont grandement alarmistes, à notre point de vue, parce que la minorité anglaise au Québec a toujours été une minorité et elle a toujours réussi à s'imposer à la majorité.

M. Ciaccia: Je ne parle pas d'une minorité qui s'impose ou ne s'impose pas. Je parle de votre approche sur les droits d'une minorité au Québec. Premièrement...

M. Bail: C'est ce qui commence...

M. Ciaccia: ...je ne parle pas du passé, je parle de ce que vous préconisez aujourd'hui et de ce que vous allez préconiser pour l'avenir.

Premièrement, est-ce que vous reconnaissez que les minorités francophones des autres provinces auraient besoin d'une certaine aide, auraient besoin de certains droits? Et, deuxièmement, est-ce que vous voudriez qu'elles aient les mêmes droits que vous préconisez? Les mêmes restrictions que vous préconisez pour les minorités anglophones ici, vous voyez ces restrictions pour les autres minorités francophones dans les autres provinces pour l'avenir?

M. Morissette: Je pense que le combat des minorités francophones, dans le reste du Canada, ce n'est pas exactement notre combat. Je précise. Les minorités francophones, nous sympathisons avec elles, elles ont un combat à mener. Mais je ne vois pas en quoi les francophones du Québec vont pouvoir aider les minorités au Canada si, eux-mêmes, ils se font angliciser continuellement. Si la région de Montréal dépasse 50% d'anglophones et c'est 40% du Québec, c'est toute la puissance économique, je ne vois rien, cela m'a toujours fait rire, dans toutes ces histoires de se battre pour une école française quelque part en Alberta, alors que l'ouest de Montréal est complètement anglicisé.

Ce matin, vous le savez bien, vous avez pris l'avion en même temps que nous, on n'a pas dit un mot de français sur l'avion, entre Ottawa et Montréal. Ce n'est pas en Alberta, c'est au Québec même qu'on doit se battre pour avoir la priorité du français.

M. Ciaccia: Alors, vous ne voyez pas un devoir, une aide ou une responsabilité envers les autres minorités francophones?

M. Morissette: La même sympathie qu'on peut avoir pour d'autres minorités comme les Irlandais de l'Ulster, pour ces gens-là, la même sympathie.

M. Ciaccia: Je comprends.

M. Bail: Ce que je pense, c'est que j'ai tenté de prouver tantôt, que la situation au Québec était différente de celle qui prévaut ailleurs au Canada, en termes de minorités. Si les situations sont différentes, pour nous, cela commande des approches différentes pour régler les problèmes. L'approche différente au Québec, c'est de redresser la situation qui fait que, d'une minorité dominante, on va arriver à une majorité capable de s'exprimer et d'être respectée.

A l'extérieur du Québec, la minorité est bafouée. Il faudra trouver, il faudra que ces minorités — et je pense que les francophones hors Québec sont très bien engagés sur cette voie, mènent un combat pour le respect de leurs droits et le développement de programmes fédéraux axés sur la culture.

A mon sens, on fait fausse route quand on essaie d'appliquer les mêmes solutions aux deux situations; pour nous, elles sont différentes.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question d'appliquer les mêmes solutions, c'est une question de restriction de droits. Si vous acceptez des restrictions pour les minorités ici, il faut que vous les acceptiez aussi pour les autres.

M. le Président, je sais qu'il ne reste pas beaucoup de temps à l'Opposition officielle. Je voudrais donner l'opportunité à mon collègue de poser des questions. Je vous remercie, messieurs, pour vos réponses.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous avez quatre minutes, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président. Pour continuer dans le même sens que le député

de L'Acadie, lorsque vous avez considéré le fait que les Canadiens de langue anglaise des autres provinces, qui viennent s'établir au Québec, se verront refuser un réseau d'écoles de langue anglaise au Québec, est-ce que vous avez considéré les inconvénients que cela pourrait créer au point de vue du développement industriel et commercial, ici, dans le Québec même, dans la province? Si oui, tenant compte que les Canadiens français du Québec ont toujours parlé français, même si de nombreuses lois, et on l'a vu dans de nombreux mémoires, leur créaient des contingences tout à fait inacceptables et injustes, malgré tous ces inconvénients, on a surmonté tout cela pour continuer à parler français. Considérant cette motivation qui est à la base même du fait français au Québec, cette motivation de chaque individu, de chaque famille, à vouloir s'exprimer en français, est-ce que vous considérez que ce refus de l'école anglaise aux immigrants des autres provinces anglaises est important, assez important — cela se limite à un très petit nombre de Canadiens, en fin de compte, pour handicaper sérieusement le développement économique, financier et commercial du Québec?

M. Morissette: Dans votre longue question, je relève certaines affirmations. D'abord, sur la question... depuis quelque temps, cela fait longtemps. On croirait qu'il est absolument impossible de faire quelque chose de technique ou de commercial ou d'industriel en français. Je me demande comment il se fait que les Français font voler des avions, font fonctionner des usines, font tout un ensemble d'affaires. J'ai vécu au Mexique. Les Mexicains font voler les avions en espagnol, ils font fonctionner des usines en espagnol. Je ne vois pas. Cette sacralisation de la langue anglaise me dépasse vraiment.

Pour ce qui est de la volonté que nous avons toujours manifestée de parler notre langue, de conserver notre culture, ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel, je pense que c'est tout à fait normal pour une culture d'essayer de se conserver. On voit le même phénomène. On est 5 millions ou 6 millions. Il y a autant de Mexicains aux Etats-Unis qu'il y a de francophones au Québec, c'est à peu près la même chose, 6 millions. Eux autres aussi se battent pour conserver leur culture.

On se fait des illusions, si on pense que c'est quelque chose qui va se perpétuer indéfiniment, parce que, dans notre coin à nous autres, et dans d'autres coins, dans la région de Montréal et dans bien d'autres endroits, je suis certain qu'il y avait des familles qui étaient francophones et qui ont été francophones tant que ces gens ont vécu à la campagne, qu'ils étaient isolés ni plus, ni moins, qu'ils n'avaient pas d'influence du milieu nord-américain, ils se sont conservés francophones, mais ils ont envoyé leurs enfants à l'école anglaise et, aujourd'hui, on peut voir très fréquemment ces gens complètement anglicisés. Je pense qu'on se fait bien des illusions en pensant que notre culture va se conserver comme cela, sans qu'on y mette certaines précautions. Quand on est 5,5 millions dans un continent de 240 millions, on ne peut pas s'imaginer qu'on va se préserver si facilement que cela.

M. Saint-Germain: M. le Président, tout de même, je crois que la comparaison que notre invité a faite entre la France et le Québec est un peu étirée, en ce sens qu'on sait pertinemment que la France a un système économique tout à fait autonome et que les importations et exportations jouent un rôle relativement mineur. Il faut considérer qu'au Québec, toute notre industrie, notre commerce est incrusté, si je peux me servir de ce terme, dans tout le réseau nord-américain. Alors, il y a là une différence fondamentale. Vous savez pertinemment qu'au point de vue de l'industrie, ceux qui sont amenés à jouer des rôles primordiaux, ce sont des gens qui, habituellement, prennent leur expérience à voyager à travers toute l'Amérique et même en pays étrangers.

Si on empêche les Canadiens des autres provinces d'envoyer leurs enfants à l'école, vous aurez certainement là — je crois que cela a déjà débuté — un élément qui va faire que ces employés exigés ou qu'on veut employer au Québec refusent de déménager au Québec et ce sera, à la longue, à mon avis, un handicap important dans le développement économique du Québec. Considérant que ces Canadiens qui viennent s'établir au Québec sont peu nombreux, on n'a qu'à vérifier les statistiques sur l'immigration des dernières années, est-ce que vous croyez que le nombre de ces immigrants des autres provinces qui vont venir au Québec est assez important pour porter préjudice au développement de la culture française au Québec, pour qu'on puisse en payer le prix, c'est-à-dire un inconvénient sérieux dans le développement technique, industriel et financier du Québec?

M. Roy (Pierre): II me semble que si un industriel désire venir s'établir au Québec, si on tient compte de l'ensemble du projet de loi et non pas...

M. Saint-Germain: Je ne parle pas d'un industriel qui veut s'établir au Québec, je parle d'une industrie déjà établie au Québec, comme Télécom, ou Northern Electric dont la politique est de faire la rotation de ses employés appelés à un avenir à l'intérieur même de la compagnie. Là, vous enlevez à Télécom ce privilège ou ce droit, appelez cela comme vous voulez, d'amener des gens de l'extérieur. C'est cela spécifiquement.

M. Roy (Pierre): Je ne connais pas beaucoup l'exemple de Télécom, mais j'ai entendu parler de IBM qui, semble-t-il, fonctionne passablement en français à Bromont. Le fait de fonctionner en français, je ne sais pas si cela l'empêche de se développer de façon normale.

M. Saint-Germain: Je m'exprime peut-être mal, il ne s'agit pas...

Le Président (M. Cardinal): Quelques secondes, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: ...de travailler en français ou non, il s'agit, pour un cadre canadien des autres provinces qui vient s'établir à Québec... Ce n'est pas ce fait qui va faire que l'industrie va travailler en anglais, précisément. Est-ce qu'on doit se priver de ses services à un tel coût?

M. Morissette: J'ai vu des cadres japonais à l'Université de Mexico qui apprenaient l'espagnol pour venir travailler en Amérique latine. Alors, ce sont de grosses entreprises qui ont des moyens énormes. Ces cadres sont des gens normalement assez intelligents. On les prépare en conséquence. Les multinationales fonctionnent comme cela partout dans le monde. Elles peuvent aller n'importe où faire des affaires dans n'importe quelle langue. Je ne vois pas la différence. Pourquoi ne pourraient-elles pas le faire au Québec?

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Pointe-Claire. Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: J'aurais une directive à vous demander.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Saint-Germain: Je remarque, dans la façon dont vous tenez le temps et dans la façon dont vos remplaçants le font, lorsque vous êtes absent, je remarque que vous précédez de façon différente. Je ne sais pas si ce serait trop vous demander que de consulter vos remplaçants pour en arriver à une façon similaire de tenir le temps, s'il en est autrement, et de nous faire rapport, si vous voulez bien, de cette façon de procéder.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Jacques-Cartier, je pense que le parti de l'Opposition officielle n'a pas vraiment de plainte à porter. J'ai devant moi l'heure à laquelle a commencé des interventions. J'ai accordé, je pense, beaucoup de flexibilité à la période des réponses. Quand quelqu'un me remplace, en particulier, le député de Jonquière, lui-même indique l'heure sur la feuille qui est devant moi. Alors, je ne pense pas avoir de directives à rendre. Nous avons commencé le débat ce matin, il était à peine 10 h 12. Nous en sommes à 11 h 38. Je pense qu'il y a eu quand même beaucoup de flexibilité, parce que je ne veux imposer à personne de bâillon. Oui, allez.

M. Saint-Germain: Est-ce que je pourrais demander si vous tenez compte et des réponses et des questions de cette façon?

Le Président (M. Cardinal): Si vous voulez que j'aille plus loin, je vais le dire. Je tiens compte très précisément de la période de questions. Je laisse une certaine flexibilité et une flexibilité certaine pour la période des réponses, de façon à ne jamais bâillonner les témoins qui sont devant nous. Quand même, j'essaie que le débat ne dé- passe pas au total, si vous voulez, 1 h 40 ou 1 h 45, même si c'est 1 h 30 d'après la motion qui est devant nous.

M. Saint-Germain: Je ne voudrais pas limiter nos invités dans un temps plus précis que cela, et seulement vous conviendrez avec moi que les questions peuvent être très courtes et les réponses très longues. Si les réponses sont longues, on se trouve privé, si vous voulez...

Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez, je n'ai brimé aucun des représentants des partis à cette commission. J'ai tenu compte du fait que certains intervenants avaient des réponses assez longues. Peut-être que dans les prochains jours, je devrai demander à ceux qui sont assez patients pour nous attendre et qui comparaissent devant nous de réduire un peu leur période de réponses, parce qu'il faut admettre que nous avons un bon nombre de mémoires devant nous. D'ailleurs, suite à une question qui a été posée hier, dès demain, je reparlerai de cette liste de tous les intervenants possibles. Alors, je tente de tenir compte de tout cela. C'est pourquoi, dans un dernier effort de générosité, je vous accorderai une dernière question, mais ce sera vraiment la dernière pourvu qu'elle soit brève, si vous avez une autre question.

M. Saint-Germain: Non, ce n'est pas là mon intention. C'était simplement pour parler de la procédure. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, M. le député de Pointe-Claire. Là, quand je vous donne une minute, je fais vraiment non pas un effort, parce que ce n'est jamais un effort, mais un acte de générosité.

M. Shaw: J'ai quatre petites questions, parce qu'elles sont, à mon avis, très importantes.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez une minute, M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Oui. Premièrement, vous me connaissez comme anglophone québécois. Croyez-vous que je représente une collectivité qui est aussi fiable à la contribution de la réalité du Québec que la vôtre?

M. Morissette: Je ne pense pas que dans notre mémoire on n'ait jamais nié cela. On a bien établi qu'on reconnaissait des droits à la minorité anglophone. En tant que professeur d'histoire, je suis conscient de son existence ici depuis 200 ans.

M. Shaw: Disons qu'un nouveau gouvernement fédéral est élu avec le leadership de Leonard Jones ou quelqu'un qui a le même point de vue que lui, qui peut avoir le même sens de revanche qu'on voit dans vos recommandations, ferait adopter une loi comme la loi no 1, qui prévoit l'anglici-sation du Canada, seriez-vous...

Le Président (M. Cardinal): Oui, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Vanier.

M. Shaw: ... comme Canadiens français... M. Bertrand: Je pense que le député de...

Le Président (M. Cardinal): Est-ce une question de règlement? ... de Pointe-Claire.

M. Bertrand: Oui. ... de Pointe-Claire devrait se montrer respectueux des mémoires qui nous sont présentés et peut-être aller dans le sens des recommandations du député de Mégantic-Compton et être un peu plus réservé dans ses remarques.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Vanier. M. le député de Pointe-Claire, je vous prierais de terminer brièvement.

M. Shaw: Seriez-vous, comme Canadiens français, prêts à accepter ces règlements? Des règlements comme on en voit, qui prévoient éventuellement l'assimilation des anglophones du Québec comme... Voyez-vous la même situation au Canada?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député a le droit d'exprimer une opinion. Il ne prête d'intention à personne.

M. Bertrand: II prête des intentions au groupe.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Shaw: Oui, c'est à eux que je pose... Des Voix: ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse. La façon dont la question est posée est acceptable. Alors messieurs.

M. Bail: Pour nous, c'est une question qui ne se pose pas, parce que la question de l'anglicisa-tion du Canada, c'est une chose qui est déjà faite et qui est en voie de s'effectuer auprès même des minorités. C'est une question qui est purement théorique et c'est précisément pour défendre le droit des minorités contre une anglicisation massive qu'on est obligé de se donner des lois et des structures pour contrer ça.

Je pense que ça relève encore de la même confusion que celle dont j'ai parlé tantôt, voulant qu'on mette les deux minorités sur le même pied, ce qui n'est pas le cas. Le français et l'anglais ne sont nullement sur le même pied dans ce pays. Tantôt, on mentionnait que sur le vol d'Air Canada entre Ottawa et Montréal, il n'y avait pas un mot de français, même pas rendu à Montréal; moi, je ne comprends pas les gens qui continuent à nous laisser croire que le français est sur le même pied que l'anglais au Canada.

M. Shaw: Alors...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Pointe-Claire, je m'excuse...

M. Shaw: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): ...

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je reste perplexe à la suite de votre remarque d'il y a un instant. Vous avez demandé, si j'ai bien compris, aux témoins d'abréger leurs réponses. Je crois que nous sommes ici pour entendre les témoins et je crois, M. le Président, qu'il est tout aussi important d'abréger les questions que les réponses.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Deux-Montagnes. Enfin, je suis prêt à "supporter" toutes les remarques, mais je pense que, jusqu'à présent, la commission a atteint une certaine vitesse de croisière que j'aimerais conserver. Je suis malheureusement lié... Enfin, je suis lié — enlevons le mot "malheureusement" — par une motion amendée et sous-amendée, jusqu'à ordre contraire, et c'est pourquoi je dois, envers les témoins comme envers les membres de la commission, établir un certain nombre de balises. Je ne veux pas du tout empêcher les témoins de répondre tant qu'ils peuvent le faire, mais je veux quand même conserver le débat dans ses limites. C'est pourquoi je donnerai, à la fin de cette intervention de l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec, la parole au député de Papineau, en soulignant que tout devrait être terminé à 11 h 50, s'il vous plaît.

M. le député.

M. Alfred: Mon intervention, M. le Président, sera brève.

Tout d'abord, je remercie l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec pour ce mémoire qui nous est présenté, qui est clair, précis et exact. Je les remercie d'autant plus que je suis membre de l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec.

La situation de l'Outaouais québécois est similaire, bien sûr, à celle de Montréal. Nous sommes envahis quotidiennement par les anglophones qui viennent nombreux pour assimiler nos jeunes Québécois. Enseignant depuis huit ans dans la région, j'ai été témoin de cette assimilation, et les études de Charles Castonguay ont démontré aussi cette assimilation massive de nos jeunes Québécois.

Il y a eu aussi un complot non seulement de la part des fédéralistes qui sont de l'autre bord, mais aussi de certains fédéralistes vendus à la cause du fédéral et qui sont chargés de régler le sort scolaire des Québécois.

On peut avoir comme témoin une étude effectuée par la présidente de la Commission scolaire Outaouais-Hull qui a démontré, par cette étude, que 99% des parents voulaient l'enseignement de l'anglais en première année. Bien sûr, après un questionnaire envoyé aux parents, la réponse, c'était oui.

Il y a eu un complot fédéral aussi pour angliciser l'Outaouais québécois dû bien sûr à l'envahissement des édifices fédéraux et dans ces édifices fédéraux, 95% des fonctionnaires, dans l'Outaouais, sont des unilingues anglais. Il y a eu un seul Québécois qui travaillait dans ces édifices. Il triait des lettres et comme il n'était pas bilingue, on l'a "sacré" dehors.

Nous avons eu aussi certains députés libéraux qui étaient vendus à l'idée d'un district fédéral et qui ont forcé des regroupements dans le but, bien sûr, d'arriver à un district fédéral pour forcer encore cette anglicisation et forcer notre dépendance vis-à-vis d'Ottawa.

Je n'ai pas besoin de vous démontrer le caractère génocide culturel de tout cet environnement assimilateur anglophone. J'en ai été témoin. C'est la raison pour laquelle je remercie sérieusement ces trois personnes qui ont toujours travaillé et qui travaillent encore pour sauver l'Outaouais québécois. Nous sommes sûrs que le ministre et l'ensemble de la commission considéreront sérieusement ces arguments avancés qui sont d'ordre scientifique par les représentants de l'Outaouais québécois et qu'ils soient assurés que Jean Alfred, député de Papineau, représentant aussi de l'Outaouais québécois, enseignant et pédagogue, va faire tout ce qui est en son possible pour que ce qui est contenu dans le projet de loi no 1 soit concrétisé d'une façon pédagogique.

Alors, je n'ai qu'à vous remercier de cet apport de l'Outaouais et j'aurai le temps d'expliquer à nos confrères québécois que l'Outaouais québécois est non seulement victime d'un génocide culturel, mais aussi que nous avons 20 ans de rattrapage à faire à cause de la dominance pendant 20 ans de quelqu'un qui avait travaillé uniquement pour faire de l'Outaouais québécois un district fédéral, un nom que je ne veux pas citer, mais que vous connaissez si bien, mais qui, heureusement, le 15 novembre, a été mis dehors.

Merci.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Mégantic-Compton.

M. Lalonde: Les applaudissements, les applaudissements...

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas d'applaudissement au débat?

M. Lalonde: II n'y a pas d'applaudissement?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député de Mégantic-Compton, c'est une question de règlement?

M. Lalonde: Qui remercie le conférencier?

M. Grenier: Je veux demander au député de Deux-Montagnes s'il trouve que la question a été suffisamment courte et si c'était une question.

M. de Bellefeuille: M. le Président, avec l'indulgence de la commission et votre permission, je voudrais signaler qu'il ne s'agissait pas d'une question, mais d'une intervention et que ce type de remarque est permis par le règlement.

Mme Lavoie-Roux: Un nouveau président! Un nouveau président!

Le Président (M. Cardinal): Je laisse passer. M. Pierre Roy, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Roy (Pierre): Oui, juste un petit mot de remerciements aux membres de cette commission pour avoir bien voulu accepter qu'on se présente à nouveau, compte tenu que, la première journée, il y a eu des difficultés et que nous n'avons pas pu être entendus. Alors, on tient à vous remercier et on espère, évidemment, que vous saurez tenir compte de façon sérieuse de notre mémoire. Merci.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. Roy et vos collègues, je vous remercie. Ce que vous venez de dire, je veux quand même le souligner. C'est vraiment grâce à la commission que vous avez pu être entendus à nouveau. C'est une décision qui a été prise vendredi dernier. Alors, à l'Association des enseignants du Sud-Ouest du Québec, au nom de toute la commission, nos remerciements et j'invite immédiatement l'organisme suivant à se présenter. Il s'agit du South Central Protestant School Board, mémoire 161. Les représentants sont présents? Alors, s'il vous plaît, je vous demanderai de vous identifier, tant le groupe que les personnes qui le représentent, et je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Je rappelle aussi que le mercredi, à 12 heures, je devrai d'office suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes de l'Assemblée nationale. Alors, Mme Gobrecht.

South Central Protestant School Board

Mme Beaulieu-Gobrecht (Reine): M. le Président, si nous n'avons que quinze minutes pour faire la présentation de ce mémoire... Trouvez-vous qu'il est essentiel que nous le lisions à la longueur, ou à quelle heure devrions-nous revenir cet après-midi?

Le Président (M. Cardinal): Cet après-midi vers... Vous avez 20 minutes. Alors, si vous voulez bien commencer, nous serons obligés de vous interrompre, mais vous aurez le temps de continuer cet après-midi, après 16 heures.

Mme Beaulieu-Gobrecht: Je laisse la parole à M. le vice-président de notre association.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous voulez, auparavant, vous identifier, s'il vous plaît, pour la commission?

M. Rasmussen (Flemming): Je suis le vice-président de la commission scolaire South Central et nous avons trois membres dans notre équipe. La première personne qui prendra la parole, c'est M. Clifford Board, commissaire; la deuxième, c'est Mme Reine Beaulieu-Gobrecht, notre secrétaire général, et je finis la présentation. Mon nom est Flemming Rasmussen, aussi commissaire. Je pense que nous sommes très représentatifs de notre région. M. Board est un Canadien anglais et Mme Gobrecht est une Canadienne française et je suis un Canadien immigrant. M. Board.

M. Board (Clifford): Premièrement, un historique. La commission scolaire protestante South Central, représentant un vaste territoire comprenant, entre autres municipalités, Lacolle, Saint-Jean, Candiac, Delson, Saint-Constant, Sainte-Catherine, Saint-Hubert et Greenfield Park, soumet le présent mémoire au gouvernement du Québec avec le consentement unanime de ses onze membres élus.

Quoique l'immense impact que le projet de loi no 1 pourrait avoir dans le domaine de l'éducation au Québec, soit à la source de présentation de ce mémoire, notre commission désire également porter à l'attention du gouvernement du Québec ses réserves quant à l'application de ce projet de loi dans d'autres champs d'activité. Nous espérons que ce document exprimera de façon constructive notre inquiétude quant à certains aspects du projet de loi no 1 qui, au lieu de servir les objectifs définis par le gouvernement, semblent diminuer ses chances de succès dans ce domaine et produiront à long terme, un impact négatif sur l'avenir de notre province, le Québec.

Chapitre 1. Le statut de la langue française. En nous référant à l'énoncé du premier chapitre, à l'effet que le français est la langue officielle du Québec, nous devons exprimer notre opposition très fortement en ce qui a trait à l'exclusion complète de toute reconnaissance de l'anglais déjà établi et reconnu comme étant aussi une langue officielle.

Une telle omission et un manquement de la part du gouvernement du Québec d'accepter la culture et la langue anglaise comme une réalité, n'arriveront pas aux fins que le projet de loi semble vouloir atteindre. Une telle omission démontre clairement que le gouvernement néglige de reconnaître le caractère bilingue et biculturel de notre province, lequel est un aspect très spécial au Québec. On omet également de reconnaître que l'usage de la langue française au Québec au cours des dernières années est devenu plus vigoureux et plus sain que jamais auparavant.

Cette croissance de l'usage du français a créé un fort intérêt chez les Québécois anglophones qui, en s'efforçant volontairement d'apprendre et d'utiliser le français, reconnaissent l'importance de la conservation du caractère français de notre province.

A cet effet, nous devons souligner que cet intérêt s'est manifesté très concrètement dans la région de Québec desservie par notre commission scolaire au cours des dernières années. En effet, nos statistiques démontrent qu'au niveau des classes maternelles, les classes d'immersion françaises qui en 1965 n'avaient que 2% de popularité ont atteint un pourcentage de 50% en 1976.

D'autres statistiques indiquent qu'une croissance régulière dans nos classes bilingues et d'immersion françaises ont atteint un niveau tel qu'un tiers de notre population étudiante à l'élémentaire y est inscrite.

A la lumière des statistiques soumises ci-haut, nous sommes déçus de constater que les efforts volontairement démontrés par la population anglophone afin de reconnaître la nature et l'aspect essentiel du caractère du bilinguisme au Québec sont ignorés et qu'une législation soit proposée, laquelle ignore complètement toute reconnaissance de la langue anglaise.

Non seulement le Chapitre I du projet de loi no 1 refuse de reconnaître l'existence des deux langues officielles du Canada, mais encore ignore-t-il la nécessité des échanges économiques entre Québec, l'Amérique du Nord et l'ensemble du monde.

Au Québec, le bilinguisme est une nécessité économique vitale et nous dénonçons respectueusement son exclusion totale du chapitre 1 du projet de loi no 1, car elle n'aura pour effet que de mettre en danger l'avenir de la population des régions que cette loi prétend vouloir protéger.

Chapitre II — Les droits fondamentaux de la langue.

Nous dénonçons, dans sa forme présente, le projet de loi no 1, car il ne reflète pas de façon équitable les droits fondamentaux de la langue de tous les Québécois, mais il semble ne servir que les intérêts du Québécois francophone.

Un tel refus de reconnaître et respecter les droits individuels de tous les Québécois, tant de source française qu'anglaise, ne pourra qu'engendrer des conflits irréconciliables et empêchera tous les Québécois de travailler main dans la main vers un but qui leur est commun.

Chapitre III — La langue de la législation et de la justice.

En nous référant aux diverses circonstances décrites dans ce chapitre, la loi semble adéquate. Mais puisque cette situation est déjà existante en pratique, la nécessité de procéder à l'adoption d'une telle loi est discutable et, à notre avis, ne fera qu'augmenter le nombre de litiges constitutionnels coûteux, sans nécessité.

Mme Beaulieu Gobrecht (Reine): Je vais reprendre au chapitre IV — La langue de l'administration.

Notre commission n'est pas tombée d'accord avec l'objectif de base du chapitre qui stipule que les communications verbales et écrites devront être effectuées en français, dans les cas où les circonstances indiquent expressément que le français doit être utilisé.

Cependant, nous sommes en désaccord total avec les stipulations de l'article 21, lequel spécifie que les procès-verbaux de toute assemblée délibé-

rante de l'administration civile doivent être transcrits en français.

Nous sommes également en désaccord avec le contenu de l'article 23, lequel oblige toute commission scolaire, sans distinction de la langue prédominante d'instruction, à se conformera cette provision de la loi avant la fin de l'année 1983.

Nous portons respectueusement à votre attention que selon les termes d'une telle loi, une commission scolaire pourrait être dans l'absurde position d'apprendre à communiquer en français avec un Québécois dont la langue est l'anglais.

Il est de notre opinion qu'une telle absurdité pourrait être évitée en apportant un amendement à l'article 21 du projet de loi no 1 et que provision soit faite pour toute commission scolaire desservant des populations à prédominance anglaise, que les ordres du jour et procès-verbaux soient maintenus dans la langue anglaise, si tel est leur choix, et que la loi maintienne une provision selon laquelle les représentants de telles commissions se devront de communiquer en français avec tout individu dont la langue est le français. Nous avons amendé notre mémoire, nous avons enlevé la "langue maternelle".

Un tel amendement ne pourrait que renforcer la politique existante à nos bureaux et à ceux d'autres commissions scolaires à prédominance anglaise selon laquelle les communications doivent se faire dans la langue maternelle de l'individu, soit en français pour notre clientèle française et en anglais pour notre clientèle anglaise.

La révision et l'amendement de l'article 21 pour corroborer ce qui est déjà en pratique dans les organismes serait donc suffisant et rendrait le texte de l'article 23 superflu.

Nous nous opposons fortement au texte du projet de loi no 1 tel que rédigé, spécialement aux chapitres qui s'appliquent aux commissions scolaires à prédominance anglaise. Nous sommes également d'avis que la loi, telle que proposée en ce sens n'atteindra pas l'objectif général visé par le gouvernement du Québec. Si lesdits articles de la loi devaient être promulgués tels que rédigés, cela créerait un impact néfaste sur le fonctionnement et l'efficacité des organismes scolaires et des représentants élus et, par conséquent, sur la qualité de l'éducation dans le secteur anglophone. Nous n'avons aucun commentaire sur le chapitre V.

M. Rasmussen: Pour le chapitre VI, la langue du travail, en tant que représentants élus portant la responsabilité de gérer efficacement les neuf écoles sous notre juridiction, nous protestons vigoureusement contre l'inclusion des articles 36 et 37 au projet de loi.

Par le texte de l'article 36, le gouvernement assume sans fait à l'appui que certains organismes procéderaient à des mises à pied ou des rétrogradations basées sur le seul fait que les employés soient unilingues français. Une telle présomption manque de sérieux et nous demandons expressément que l'article 36 du projet de loi soit rayé dans son entité.

De façon similaire, l'article 37 laisse percevoir les inquiétudes et les soupçons non fondés de notre gouvernement, lesquels sont dirigés de façon directe envers les organismes de prédominance anglaise, leur administration, association, etc. Nous vous indiquons respectueusement que ces suppositions sont superflues et sans fondement.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, je dois, comme je l'ai indiqué tantôt, ajourner les travaux sine die, c'est-à-dire jusqu'à ce que le leader parlementaire du Parlement donne un avis ou fasse une motion. Nous vous invitons à venir devant nous à nouveau cet après-midi, après les travaux de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire passé 16 heures. Malheureusement, je ne puis fixer d'heure précise. Cela ne m'appartient pas. Merci. A cet après-midi.

Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 11 h 59)

Reprise de la séance à 16 h 30

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Je demanderais aux députés de prendre leur fauteuil. Je constate qu'il y a quorum.

Comme c'est une nouvelle séance — je regrette cette procédure, mais il faut la maintenir — je fais l'appel des membres de la commission et on m'indiquera les changements s'il y a lieu.

A l'ordre, s'il vous plaît!

MM. Alfred (Papineau), Bertrand (Vanier), Bi-saillon (Sainte-Marie), Chevrette (Joliette-Montcalm), Ciaccia (Mont-Royal), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Go-din (Mercier), Grenier (Mégantic-Compton), Guay (Taschereau), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Laplante (Bourassa), Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Le Moignan (Gaspé)... Est-ce que M. Le Moignan est remplacé?

M. Grenier: Remplacé par M. Shaw.

Le Président (M. Cardinal): M. le Moignan (Gaspé), remplacé par M. Shaw (Pointe-Claire); MM. Paquette (Rosemont), Roy (Beauce-Sud), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Samson (Rouyn-Noranda).

M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député.

M. Dussault: M. Bisaillon est remplacé par M. Charbonneau, qui va revenir bientôt.

Le Président (M. Cardinal): M. Bisaillon (Sainte-Marie), remplacé par M. Charbonneau (Verchères).

Merci.

L'ordre du jour est très court. Nous avons commencé d'entendre The South Central Protestant School Board ou la Commission scolaire protestante South Central, mémoire 161. Il reste onze minutes aux témoins pour terminer l'exposé de leur mémoire.

Je vous donne la parole.

M. Rasmussen (Flemming): Merci. Nous continuerons nos commentaires au chapitre VI.

Le fait demeure que d'employer un personnel en nous basant sur son habileté par rapport aux critères d'admissibilité définis dans un poste, sans mettre l'emphase sur la langue de travail si tel critère n'est pas requis, a toujours été et demeurera la formule idéale en administration, que la loi soit existante ou non.

Chapitre VII. La langue du commerce et des affaires. En tant que représentants du secteur anglophone, nous nous opposons aux vues exprimées par le gouvernement en ce qui a trait au rejet de tout jouet ou jeu manufacturé dans un autre pays et dont les instructions ne seraient pas disponibles en langue française. Une telle loi est une atteinte flagrante à nos droits en tant qu'individus et limitera la disponibilité de ces objets qui auraient une valeur pédagogique.

Nous recommandons fortement que l'article 43 du projet de loi soit omis dans son entité.

Concernant le chapitre VIII, la langue de l'enseignement, à l'unanimité, les membres de la Commission scolaire protestante South Central désirent présenter leur ferme objection relativement à la nature restrictive de ce chapitre.

L'inclusion de ce chapitre dans sa présente forme élimine le droit fondamental des parents d'exercer leur choix quant à l'éducation de leurs enfants et nous croyons qu'un tel droit outrepasse tout pouvoir légitime, même si l'ordre émane du gouvernement.

Par la visée poursuivie dans ce chapitre, le projet de loi no 1 a pour but flagrant de restreindre l'éducation en langue anglaise et, de ce fait, on a dénié complètement l'aspect bilingue et biculturel du Québec et du Canada ainsi que sa survie économique. Par son usurpation des droits fondamentaux de l'homme, ce chapitre ne fait que mettre au grand jour le manque de oonfiance du gouvernement quant à la vitalité de la langue française, langue en usage par la grande majorité de la population québécoise depuis plus de trois siècles. Par une telle attitude, le gouvernement refuse de reconnaître les efforts démontrés par le secteur anglais et son acceptation volontaire croissante de s'intégrer au secteur français.

En basant notre énoncé sur le fait que la vitalité du français est indiscutablement grandissante au Québec depuis les dernières années, nous croyons sincèrement que la liberté de choix ne représente aucune menace à la survie de la langue française et de la culture française au Québec.

Si le gouvernement éliminait cette liberté de choix, un tel geste détruirait le développement éducationnel et culturel de tous les enfants québécois, tant au secteur francophone qu'au secteur anglophone. Le choix de l'éducation est le droit fondamental de tout Québécois et la responsabilité du gouvernement est de faire en sorte que le français soit un choix avantageux pour tous. L'enseignement d'une langue seconde devrait être une partie intégrante de l'éducation de chaque étudiant québécois et les moyens nécessaires devraient être pris pour qu'un tel objectif soit atteint.

Tel que mentionné au chapitre 1, nous sommes des plus fiers de l'immense progrès déjà réalisé dans nos écoles où l'on a opté pour un système éducationnel bilingue.

En conclusion, nous soumettons respectueusement notre demande pour que le chapitre VIII du projet de loi no 1 soit amendé de façon à permettre à tous les Québécois d'exercer leurs droits et de choisir le système éducatif de leur choix et que l'emphase soit mise sur l'enseignement d'une langue seconde à tous les niveaux. Nous ne commenterons pas les autres chapitres.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier cet organisme d'avoir pris la peine de préparer un mémoire et de venir nous le présenter; je veux le remercier aussi pour le soin avec lequel il a préparé ce mémoire. Je décèle évidemment dans ce mémoire une opposition quasi générale et systématique aussi bien aux principes qu'aux modalités d'application du projet de loi. J'y décèle en même temps une sorte de nostalgie pour un Québec d'hier, un Québec d'antan où, à la faveur du laisser-faire, la puissance économique anglo-saxonne avait pu pousser ses avantages dans plusieurs secteurs et plusieurs domaines. Je laisserai à mon collègue de Châteauguay le soin de commenter ces divers aspects du mémoire.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le ministre. J'ai laissé aux moyens d'information de toutes sortes toutes libertés depuis le début. Je demanderais cependant que l'on ne se serve pas d'appareil enregistreur ou de micro pendant les débats. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais simplement, pour ma part, m'arrêter sur un point, c'est-à-dire la demande que fait l'organisme que le Québec demeure un pays bilingue et biculturel et que l'anglais, au même titre que le français, en devienne une langue officielle.

J'avoue que cette demande m'étonne, me surprend et pour ne pas me dire, me sidère. J'aimerais bien demander quelques explications à l'organisme qui présente une pareille demande. Depuis près de trois siècles, la langue française est ici parlée par la très grande majorité des Québécois, et je rappelle ici qu'il y a à peine une centaine d'années, la minorité anglophone ne formait que 8% ou 9% de la population; et même si, aujourd'hui, le nombre des parlants anglais peut s'élever à 18% ou 19%, les anglophones de souche n'en constituent quand même encore qu'à peu près le même pourcentage, c'est-à-dire 9% ou 10%.

Donc, étant donné que la langue française est parlée ici par la majorité, la très grande majorité des résidants québécois depuis trois siècles; étant donné que le caractère d'une langue officielle est précisément d'être comprise aussi bien que d'être parlée par le plus grand nombre possible d'habitants d'un pays; étant donné que l'objectif que poursuit l'instauration d'une langue officielle est d'en faire, d'en constituer une langue commune qui a pour but d'assurer la cohésion sociale des divers groupes, d'éviter la formation de ghettos, de favoriser l'intégration de tous les groupes aux courants collectifs d'une société, j'aimerais demander aux groupes qui présentent une pareille suggestion quelles sont les raisons qu'ils peuvent nous apporter pour nous convaincre que le Québec devrait être bilingue et biculturel et que l'anglais devrait y être élevé au statut de langue officielle au même titre que le français.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez la parole.

Mme Beaulieu-Gobrecht: Pouvons-nous avoir un moment de réflexion, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Certainement.

M. Laurin: C'est une question qui mérite réflexion.

M. Board: M. le ministre, premièrement, j'ai dit que je veux une province bilingue et biculturelle et je veux que la langue anglaise soit aussi une langue officielle. La langue anglaise est une langue qui est demandée par les économistes, dans toute l'Amérique du Nord. Si vous avez seulement la langue française comme langue officielle, je pense que vous avez un Québec, non pas comme le Québec de l'année passée, non pas comme un Québec qui demeure encore en Amérique du Nord. Je suis un Québécois, je suis un Anglais, je suis né dans la province de Québec. Je pense que ma langue est une langue officielle comme la langue française. C'est une des raisons de notre suggestion.

M. Laurin: Est-ce qu'il y a d'autres raisons, outre la puissance économique de la minorité anglaise du Québec, ou le voisinage des autres provinces canadiennes ou des Etats-Unis?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Une question de règlement par le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai l'impression que le ministre a imputé certains propos aux témoins, qu'ils n'ont pas dit. C'est consigné au journal des Débats. Le témoin a dit que c'était à cause de la puissance économique de la minorité. Ce n'est pas cela du tout que le témoin a dit. Le témoin a dit: La langue officielle devrait être l'anglais, parce que je me considère un Québécois anglais et je ne vois pas pourquoi ma langue ne devrait pas être officielle au Québec. Il n'a pas référé à la minorité économique.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, M. le député de Mont-Royal! Je comprends votre interprétation, mais je pense que le ministre a simplement posé une question additionnelle. C'est mon interprétation. Je ne veux imputer, ni au ministre, ni à vous, M. le député de Mont-Royal, ni aux témoins, des sous-entendus dans la façon de formuler leurs interventions. Je redonne la parole au ministre.

M. Laurin: Si j'ai posé cette question, M. le Président, c'est parce que le témoin a quand même fait référence, d'une façon très explicite, à la dimension économique...

Une Voix: ...

M. Laurin: ... mais quand même la dimension économique.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Continuons dans la même paix que depuis le

début de la journée. M. le ministre d'Etat, s'il vous plaît.

M. Laurin: Est-ce à dire alors que l'anglais devrait devenir une langue officielle au Québec, en raison du voisinage économique, du voisinage des communautés anglaises des autres provinces et des Etats-Unis? Est-ce la seule et unique raison que vous invoquez à l'appui de votre demande?

Mme Beaulieu-Gobrecht: Dr Laurin, je pense que les termes que vous avez employés sont un peu techniques. Pour que M. Board puisse comprendre, est-ce que vous auriez la courtoisie de le lui demander dans la langue anglaise, s'il vous plaît?

M. Laurin: Yes. In the light of the opinion you have already expressed, would you say that your primary reason to ask that English becomes an official language in Québec is due to the fact that Québec is surrounded by nine or ten provinces where English is the official, implicitly or explicitly, language of those provinces and also the language of our powerful neighbor at the South of the 45th parallel?

M. Board: Non, pas seulement parce que les autres qui restent près du Québec parlent anglais, mais parce que, comme je l'ai dit, je suis né dans la province de Québec. Je suis né Anglais, je suis Anglais et je suis Québécois. Ma langue maternelle est l'anglais et je pense que ma langue est une langue officielle au Québec, mais la loi nous dit qu'il n'y a seulement qu'une langue officielle dans la province de Québec.

M. Laurin: So, if this is your most important reason stemming from individual motivations, would you also ask that Italian and Greek, for example, become official languages in Québec...

M. Board: Non pas...

M. Laurin: ... and, if not, how would you explain the difference?

M. Board: Parce que le Québec maintenant fait partie du Canada et qu'au Canada, il y a deux langues, la langue anglaise et la langue française. Ici, au Québec, je pense que la langue anglaise est aussi une langue officielle.

M. Laurin: Would you not agree then that Mr Trudeau always said that Québec had to be bilingual, French and English, because it was the languages of the two founding people, French and English, and that it was French and English only for the sake of federal services, and not as it could be applied to any or the other of the provinces of Canada where, as you know, English is the official language, implicitly or explicitly, of all other provinces. Then, why would you deny the right to Québec to do, as the other provinces have done?

M. Rasmussen: If I can just answer on that, I just feel that one of the big advantages Québec has, is its competition in its bicultural nature. There is a good response between the French and the English. We are convinced that the direction of the Province among the English at this time is for a better comprehension and understanding of the French. I also feel that the strength of the Province rests in the fact that it is not unilingual, but is bilingual. It gives it an international market and an international flavour. It allows it to adress itself, I think, better, not only the North American context, but also to the European and the world context. I think that we loose the impact that we possibly could have if we limit the language to unilingual French. The languages of this world, both French and English are used throughout the world and throughout the North American context. At a time, when language rights in other countries an in the United States, in particular, the rights of the minorities, for obtaining education in their language of the minority are becoming easier and better, it seems to be a time when this is not possible within the Québec. We seem to be going backwards where everyone else is going forward. In the United States, it is now, and for instance, in California, they passed the law where if there are more than 20 people of anyone ethnic background in a school, they have to form a special committee and offer courses that are of bilingual nature or even completely subsidiary courses to improve their language or else bilingual courses. And yet, this is at a time... This is only for 20 people. If the same thing was adopted in Québec, the immigrants, whether they are Greek or Italian, or what not, they would be able to have classes in Greek, Italian and so on and, at the same time, learn the French language and the English language, whatever.

M. Laurin: We have read those articles and those laws, and if we understand them well, they are meant for children who do not know enough English to get proper instruction in English and it is given to them as a transitory measure, so as to help them to learn English, the official language of the country, more easily. We have the text of those laws here.

I would have another question to ask you. How do you think the establishing of French as the official language would prevent biculturalism or event at that, pluriculturalism or multiculturalism?

M. Rasmussen: The question is not whether French becomes the predominant language, nor the language of commerce, nor the language of the general public milieu. The restrictions that we see in the law, as it is — we have mentioned a couple of them — but the one which regards the toys is one. This is a deliberate... What we feel is not good for neither the French youth nor for the English youth. I think there is already discussion on the game "Oh Canada!". The fact that it could possibly improve the English of the French student seems to be something that is objectionable to the French education part of our society. It seems preposterous to me that it is not

an advantage to learn both French and English and we should make every attempt to do this. The law, as it is stated, restricts the use of English, for instance, among the corporations. I am an engineer and I feel that the language of the corporation should be addressed to the members in the language that they obtain the most information.

It seems that we would also, in addressing the public, "disenfranchise" many of the older people if we had to address and promulgate our elections or official election announcements and so on solely in the French language. It seems preposterous that we can consider this sort of attack to people who have lived here and have given their lives within Québec and have contributed greatly to the society that there is here.

M. Laurin: I can understand how you want to make things very easy for the English minority in Québec, but I wonder if you realize that with this kind of proposals, the results would be that it would make things quite difficult for the majority, and maybe in that sense, we may feel that we belong to two different worlds. I understand that the other argument I have spoken about and on which you have not come back, the question of an official language which has, as its aim, to make all ethnic groups to participate in the mainstream of collective life is not given due account in your proposal. But, anyway, I think we can dialogue later on that score.

M. Rasmussen: Une simple réponse à cela. Nous avons dit, dans notre mémoire, que nous sommes très fiers de notre instruction publique. C'est notre espoir que toutes les personnes au Québec deviennent bilingues, parlent la langue française et la langue anglaise.

Nous n'avons aucun problème avec le fait que la langue française devienne la langue la plus en usage dans la province. J'ai une petite compagnie et, lorsque j'ai commencé, il y a dix ans, tous mes employés étaient anglophones. Maintenant, sur douze employés, j'en ai deux anglophones, les autres sont francophones et toutes les affaires se font en français. Cela va bien et je pense que, dans le milieu anglais, dans les bureaux, dans les compagnies et dans les usines, tout se fait de plus en plus en français, mais je pense que si vous suivez la loi no 1 comme vous voulez la promulguer, cela donne un très gros "backlash" et vous arrêtez le progrès de la langue française chez les anglophones et aussi chez les immigrants.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux vous remercier, madame et messieurs, d'être venus à la commission présenter votre mémoire et nous faire valoir votre point de vue. On réalise que le projet de loi no 1 préoccupe beaucoup — pour utiliser le terme du ministre de l'Education — les agents de l'éducation, parce que je pense que les parents en sont. Jusqu'à maintenant, nous avons entendu plusieurs mémoires du milieu de l'éducation, et je ne peux que regretter une fois de plus l'absence du ministre de l'Education à ces auditions.

La première chose que je voudrais vous demander: Quelle est la population scolaire de vos neuf écoles? Vous regroupez combien d'enfants?

M. Rasmussen: Dans notre secteur élémentaire, on a 2500 élèves.

Mme Lavoie-Roux: Et au secondaire?

M. Rasmussen: Au secondaire, à peu près 2000 autres.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Rasmussen: Dans toute notre région, on a 11 000 élèves. Je parle de la région de la South Shore Protestant Regional School Board. On a 11 000 élèves.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez 11 000 élèves et vous regroupez... Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

M. Rasmussen: On a trois commissions scolaires dans la région.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon! D'accord. Alors, en tout, 11 000 élèves.

M. Rasmussen: Et, dans notre secteur élémentaire, on en a 2500, dans les neuf écoles.

Mme Lavoie-Roux: Cette population scolaire, depuis les trois, quatre ou cinq dernières années, est-elle croissante ou décroissante?

M. Rasmussen: Elle est croissante aux environs de 20%. Cette croissance est d'à peu près 200 élèves depuis cinq ans et cela augmente d'à peu près 100 élèves par année.

Mme Lavoie-Roux: A part Saint-Hubert et Greenfield Park, les autres localités que vous avez mentionnées, Lacolle, Saint-Jean, sont-elles des localités ou des municipalités à faible minorité anglaise? Je devrais peut-être dire: Sont-ce surtout des localités à forte majorité française?

M. Rasmussen: On a 28 municipalités dans notre région et il n'y a que neuf écoles.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est à majorité française?

M. Rasmussen: C'est à majorité française à Saint-Jean. Nous avons 400 élèves à Saint-Jean. Ceci comprend Saint-Jean, Iberville, Napierville et toute la région là-bas, Saint-Luc aussi; à Candiac, on a une assez grosse population anglaise, mais

elle est petite à Saint-Constant et à Delson, on a beaucoup mieux. A Saint-Hubert, on a à peu près 15% des élèves qui sont anglophones et, à Greenfield Park, à peu près 42% sont anglophones.

Mme Lavoie-Roux: Je me demande si, selon que les groupes anglophones viennent de Montréal ou des environs de Montréal où la population anglaise est considérable ou d'endroits où elle l'est beaucoup moins, je me demande si ceci ne se réflète pas un peu dans les représentations qui sont faites par ces groupes anglophones à cette commission, c'est-à-dire que ceux qui viennent de régions où la population anglophone est moins nombreuse ne perçoivent pas le problème tout à fait de la même façon que les anglophones de l'agglomération de Montréal où leur présence est beaucoup plus importante.

Je dois dire qu'il y a certainement une de vos préoccupations que je partage, au moins jusqu'à temps que les règlements soient promulgués et nous éclairent davantage là-dessus, c'est celle de la langue de l'administration dans les commissions scolaires à forte prédominance anglophone. Dans la loi, cela ne paraît pas très clair, à savoir jusqu'à quel point les communications pourront se faire en langue anglaise.

Je pense que si les écoles anglaises doivent rester, on doit quand même permettre aux administrations qui les soutiennent de fonctionner en anglais. Je comprends qu'on dit: Peut utiliser soit l'anglais, soit le français, mais il y a quand même un processus de francisation qui s'étend jusqu'en 1983 et, sans les règlements, il est encore difficile de mesurer exactement ce que cela veut dire. Je pense que c'est un point auquel nous serons très attentifs.

A la page 2, chapitre 8, vous dites à la deuxième phrase: Si le gouvernement éliminait cette liberté de choix, un tel geste détruirait le développement éducationnel et culturel de tous les enfants québécois tant au secteur francophone qu'au secteur anglophone. Je me demande si vous pourriez expliciter un peu ceci.

Je voudrais seulement vous faire remarquer au départ que vous faites partie d'une commission scolaire protestante qui regroupe une très forte majorité d'étudiants d'origine anglaise ou de langue maternelle anglaise et que, pour vous, le libre choix n'est pas enlevé.

J'aimerais que vous expliquiez de quelle façon vous pensez qu'une restriction du libre choix pourrait détruire le développement éducationnel et culturel de tous les enfants québécois si on assurerait à ceux qui n'iraient pas à l'école anglaise un bon enseignement de la langue seconde, pas seulement des voeux pieux, mais vraiment un bon enseignement de la langue seconde. Cette condition établie, j'aimerais quand même essayer de comprendre ce que vous voulez dire ou ce qui vous fait affirmer une telle chose.

M. Rasmussen: II y a deux choses dans cette section. L'une est le problème du bilinguisme dans l'éducation et si vous étudiez le rapport de

McGill — Jean de Vries de Carlton a soumis une étude — si le choix est éliminé et la loi promulguée comme elle est, le système anglophone, en disant... Je n'ai pas le rapport ici, je n'ai pas les chiffres exacts, mais le système anglophone diminue de 40% jusqu'à maintenant et le système francophone a augmenté de 6% à 7% dans la même période. C'est une chose. Quand je pense à la vitalité du système anglophone qui est coupé de 40%, c'est impossible de continuer les cours que nous donnons maintenant. Nous avons les règlements et nous suivons les règlements du gouvernement pour l'implantation de notre cours bilingue.

Et c'est impossible de faire l'implantation dans ça si nous n'avons pas un cours d'anglais en même temps qu'un autre cours bilingue. Si nous n'avons pas plus de vingt étudiants dans une maternelle, c'est impossible de diviser ça en deux. Il faut que vous ayez assez d'étudiants pour offrir les deux moyens d'étudier. C'est une chose.

D'un autre côté, si vous lisez et discutez de la chose avec M. Jacques De Bagheera de l'Université de Montréal qui enseigne aux enseignants français qui veulent édudier l'anglais ou qui enseignent l'anglais, il a dit que seulement 2% des enseignants qui enseignent l'anglais à l'école française sont Anglais, seulement 2%. Pour les autres, c'est presque 80% qui ne sont pas parfaitement bilingues et on a beaucoup plus de la moitié qui ne réussissent pas le test final de onzième année dans les écoles anglaises.

De notre côté, c'est exactement la même moyenne. Nous en avons 132, dans notre région, qui enseignent le français; il y en a seulement 22 qui sont d'origine anglaise. Tous les autres sont d'origine française ou européenne. Mais les autres ne sont pas Anglais et nous avons l'enseignement du français dans nos écoles; je sais que c'est beaucoup mieux que de leur enseigner l'anglais dans les écoles de notre région.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous demander... Vous avez fait référence aux statistiques de l'Université McGill qui fait une projection pessimiste du nombre d'élèves qui, éventuellement, seraient dans les écoles anglaises si la loi 1 était appliquée telle quelle. Evidemment, la loi 1 prévoit que l'école anglaise n'est réservée qu'aux personnes qui sont présentement au Québec et ceci est aussi entouré de certaines autres restrictions dans lesquelles je ne veux pas entrer.

Mais si on réservait l'école anglaise à tous les enfants qui viennent de la communauté anglophone, par exemple des autres provinces, c'est-à-dire qui appartiennent à la communauté anglophone, qu'ils viennent des autres provinces ou même qu'ils viennent de pays anglophones, est-ce que vous seriez aussi pessimistes vis-à-vis des projections du secteur anglais ou de l'école anglaise?

M. Rasmussen: Non, le résultat ne serait pas le même. Je pense que c'est une diminution d'environ... The number of children we will have after eight years will be about 70% or 65% of what we have now.

Mme Lavoie-Roux: L'autre étude à laquelle vous avez fait référence, celle du professeur de l'Université de Montréal sur les enseignants de la langue seconde, je l'ai lue et je pense que votre inquiétude est réelle pour les enfants qui devraient faire l'apprentissage de l'anglais dans les écoles françaises et le gouvernement nous promet qu'il va essayer d'améliorer ça; on verra les résultats dans le temps. C'est une difficulté, mais je pense qu'il faut quand même s'y attacher et essayer de la résoudre.

Ma dernière question est celle-ci: Est-ce que vous croyez que, pour un enfant qui n'est pas de langue anglaise, qui n'est pas de culture anglaise et qui ne parle ni le français, ni l'anglais, est-ce que, selon vous, il doit aussi avoir le libre choix ou si, à ce moment-là, au Québec, ça peut-être une chose normale que de l'inviter à aller à l'école française, en l'assurant de toutes les choses dont j'ai parlé précédemment?

M. Board: Oui. Je pense que le choix est le choix individuel des parents. Si le petit garçon ou la petite fille ne comprend ni l'anglais ni le français, c'est aux parents de faire un choix, l'anglais ou le français.

Mais, dans les classes de notre région, dans les classes d'immersion bilingues, je pense que c'est un choix individuel.

Mme Lavoie-Roux: Pour revenir à vous, monsieur, est-ce que vous croyez qu'avec la deuxième projection que vous faites, l'enregistrement dans les classes anglaises de la population vraiment de langue anglaise, à ce moment-là, vous seriez aussi inquiet de la survie des écoles anglaises?

M. Rasmussen: Ce n'est pas complètement une question de survie. Je pense que l'impact et la possibilité de créer une bonne société qui travaille dans le milieu, dans le Québec, mais aussi dans le Canada et dans l'Amérique du Nord, cela devient de plus en plus difficile, si le secteur anglophone diminue trop.

Ce n'est pas la question de l'accroissement du secteur francophone. Il n'y a aucune question quant à cela. Mais, dans chaque région, et ce n'est pas la même chose partout, mais notamment dans la région de Gaspé, on a beaucoup d'autres problèmes; c'est aussi sérieux dans notre région, de même qu'à Greenfield Park et aussi à Saint-Hubert. Ce n'est pas le même problème.

Mais cela deviendra le même problème à Gaspé et dans notre région si la loi arrête tous les choix comme cela. Pour moi, cela serait mieux, si les immigrants entraient dans une école bilingue. Dans notre cours d'immersion, de notre côté, la maternelle, la première année et la deuxième année sont toutes en français. Il n'y a pas d'anglais dans les trois premières années, pour tous les enfants qui ont fait cette option. Si les enfants sont français, anglais ou immigrants, cela ne fait rien. Mais ce n'est pas pour les enfants de langue française, les classes d'immersion, parce qu'on commence par des choses très élémentaires.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie messieurs. Merci, madame.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je passerai la parole au député de Pointe-Claire, M. le Président. Si vous n'avez pas objection. Le député de Pointe-Claire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: First of all, lady and gentlemen, I appreciate the amount of efforts that you are making, especially in speaking French, when you are having difficulty doing it, but I understand, because I have the same problem here in the National Assembly.

I want to confirm in my own mind that the English language is an official language in the Province of Québec in spite of Bill 22, and any subsequent Bill, not only because of the surrounding area, but because of the reality that there are a million and a half Quebecers who use this language and regard it as their precious right, that they can have hit considered as official.

Mme Gobrecht, je voudrais vous poser une question. Vous êtes une Canadienne française, vous êtes mariée à un Canadien d'origine allemande. Est-ce que vous trouvez que vous êtes assimilée maintenant, du fait de participer à un système scolaire anglophone? Est-ce que vous croyez que vous êtes assimilée?

Mme Beaulieau-Gobrecht: je ne comprends pas la teneur du terme "assimilée" dans votre question.

M. Shaw: Est-ce que vous vous croyez encore Canadienne française?

Mme Beaulieu-Gobrecht: Oui, sans le moindre doute. Tout en étant respectueuse de mes employeurs et des autres Canadiens français de la province, je demeure un individu et ce que je veux faire, c'est ce qui est le mieux pour la commission scolaire pour laquelle je travaille. Mais je suis quand même une Canadienne française. Je travaille pour elle depuis cinq ans et demi et je pense que j'ai été très bien traitée.

M. Shaw: Nous avons souvent entendu aujourd'hui d'autres témoins qui donnent à croire que si vous n'êtes pas totalement dans le système français, que si vous ne parlez pas exclusivement français, vous êtes assimilé.

M. Charbonneau: ... voyons donc!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Voyons donc, je ne fais d'abus.

M. Shaw: Est-ce que vous croyez vous-même, comme membre d'une commission scolaire du secteur anglophone, que vous êtes encore aussi Canadienne française que n'importe quel membre de cette commission, sauf les anglophones qui sont avec moi?

Mme Beaulieu-Gobrecht: Absolument, M. Shaw.

M. Shaw: Merci, madame.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Oui.

M. Grenier: M. le Président, M. Shaw a terminé pour le moment.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.

Shaw a terminé. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les représentants de cette commission scolaire protestante du sud de venir nous apporter leur point de vue sur le projet de loi no 1. Je trouve qu'ils le font avec beaucoup de courage, parce qu'ils défendent des points de vue qui ne sont plus tellement répandus maintenant. Il ne reste que quelques députés à l'Assemblée nationale qui peuvent parfaitement assumer le point de vue que vous venez défendre ici aujourd'hui. C'est pour cela que j'apprécie davantage le courage dont vous faites preuve en le faisant.

Permettez-moi de vous dire aussi mon étonnement à vous voir venir défendre ici, à travers toute la collectivité québécoise, le point de vue...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, je pense que ce n'est pas une question de règlement.

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La parole est au député de Châteauguay.

M. Lalonde: M. le Président, peut-être une question de règlement. J'aimerais quand même, si vous me le permettez, qu'on soit un peu respectueux des opinions des autres députés, sans imputer directement d'opinion aux autres députés. On pouvait quand même déduire des propos du député de Châteauguay que tous les autres députés partageaient l'avis... ou qu'enfin la grande majorité partageait son avis. Je pense qu'il devrait parler pour lui-même, en son nom et laisser les autres s'exprimer.

M. Guay: Une question de règlement, M. le Président. Le député de Châteauguay avait simplement évoqué le fait qu'il ne restait plus qu'un certain nombre de députés à l'Assemblée nationale à défendre ce point de vue. Je ne sais pas si on doit en inférer des propos du député de

Marguerite-Bourgeoys qu'il est de ceux-là et je ne vois pas ce que cela a de préjudiciable...

M. Lalonde: II fait le même péché, lui, il fait le même péché, la même faute...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Lalonde: ... la même erreur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Guay: Mais, c'est fini.

M. Lalonde: La même erreur, il fait les conclusions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Guay: Je ne vois pas ce que cela a de préjudiciable et je ne vois pas en quoi les propos du député de Châteauguay ont pu être, de quelque façon, blessants à l'endroit de qui que ce soit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que l'incident est clos. De toute façon, je ne pense pas que telles que dites les paroles du député de Châteauguay, qui ne faisait mention d'aucun nom et d'aucun nombre d'ailleurs, ne portaient préjudice à quelque membre de cette commission. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. J'étais en train de dire mon étonnement à voir les représentants de cette commission scolaire venir défendre les intérêts des francophones à travers toute la collectivité québécoise.

Cependant, je pense que le mémoire ne va pas nécessairement, dans toutes ses explications, dans ce sens. D'abord, je pense qu'il est important de faire une distinction, ce que le mémoire ne fait pas, entre le bilinguisme d'individus et le bilinguisme d'institutions. Malheureusement, je pense qu'on doit toujours tirer la conclusion qu'on parle des individus au Québec qui, pour un bon nombre, sont bilingues, mais cela ne veut pas dire que les institutions doivent refléter ce bilinguisme des individus pour des raisons que j'aurai largement le temps d'expliquer tout à l'heure.

Je tiens quand même, cependant, à vous féliciter pour l'intérêt que vous portez aux classes d'immersion françaises. Je pense que tous les individus, parce qu'encore là c'est une question d'individus, qui attachent autant d'importance aux classes d'immersion font la preuve qu'ils ont beaucoup d'intuition du futur et je pense que c'est surtout ce qui doit guider effectivement des gens qui veulent envoyer leurs enfants dans des classes d'immersion françaises. Cela va effectivement rendre service à leurs enfants plus tard.

Quant à ce que l'on dit à la page 2 du chapitre I, quand on parle du bilinguisme qui est une né-

cessité économique vitale et qu'on dénonce... en fait que l'on dit comme étant une nécessité économique vitale, je pense que c'est vraiment une vision statique et arrêtée de la réalité québécoise que nous du Parti québécois et du parti ministériel refusons d'assumer.

Ce que nous voulons, c'est un renversement de la situation et nous avons le devoir de le faire. Depuis le 15 novembre, nous avons toute légitimité pour le faire. Vous dites, au chapitre II sur les droits fondamentaux de la langue, que des conflits irréconciliables pourraient être engendrés et vous parlez ensuite de Québécois qui devraient travailler main dans la main vers un but qui leur est commun.

Je pense que parler de travailler main dans la main, ce sont des propos qui vous font honneur, bien sûr, car ils relèvent d'un bon esprit, mais cela relève aussi d'un principe qui est celui de la suprématie des droits individuels sur les droits collectifs, ce que nous ne pouvons pas assumer ici, en tant que Québécois. Quand vous parlez de cela, vous ne tenez pas compte de la proportion de plus en plus grande et de plus en plus grandissante du nombre d'anglophones dans la région de Montréal, à Montréal particulièrement, mais aussi dans les environs; vous en êtes, d'ailleurs.

Vous parlez de conflits irréconciliables. Je pense que ces conflits irréconciliables, nous les connaîtrons réellement — et je ne veux pas faire le prophète, mais je pense que c'est un risque réel — lorsque la majorité sera devenue anglophone à Montréal. C'est autant l'intérêt des francophones que des anglophones que de prévenir les conflits de ce type qui pourraient devenir violents dans certains cas. La façon d'y arriver, je pense, c'est en définissant et en clarifiant les droits de la majorité. Je pense que vous ne parlez pas suffisamment de majorité. Je sais que c'est difficile pour vous de parler de cela, mais c'est une réalité, une majorité dans un territoire national comme le nôtre, et on ne peut pas la nier. Je ne vous demande pas d'accepter cela, je vous demande de le comprendre. Donc, en clarifiant les droits de la majorité, tout en laissant cependant, et nous sommes prêts à le faire, le maximum de droits aux minorités, ce que nous faisons avec générosité... Quand nous employons le mot "générosité", ce ne sont pas que des mots. C'est une réalité que l'on retrouve dans le projet de loi no 1.

Mme Lavoie-Roux: Pas fort. Pas fort.

M. Dussault: Au chapitre III, quand on parle de la langue de la législation et de la justice, vous dites, à un moment donné, que cette situation est déjà existante en pratique. Vous dites par là qu'il ne faudrait pas prévoir des choses dans le projet de loi no 1. Je pense que dans le passé, la loi est, très souvent, venue confirmer la réalité. Nous pensons que c'est un devoir, pour nous, effectivement, de confirmer une réalité. Je tiens à vous faire remarquer qu'il y a quand même dans ce projet de loi une nouveauté. Dorénavant, les personnes morales qu'on peut appeler, je pense, en an- glais, les "corporate body" devront s'exprimer dans les cours de justice, dans la langue officielle, ce qui est une conséquence logique de la francisation de l'entreprise, toujours par les bons soins de cette loi, d'ailleurs.

Quant à la langue de l'administration, vous parlez des procès-verbaux et des ordres du jour. Vous voudriez les voir en anglais. Je pense que ce que vise la loi no 1 sur la langue de l'administration, et particulièrement sur les procès-verbaux et les ordres du jour, c'est la garantie pour les francophones de pouvoir se procurer en français, les procès-verbaux. Il n'est pas dit dans la loi — vérifiez et vous allez voir — qu'il sera interdit de traduire en anglais les procès-verbaux et de pouvoir se les procurer. Ce n'est pas dit dans la loi et je pense qu'il ne faudrait pas tirer cette conclusion, ce que malheureusement, trop souvent, les groupes qui sont venus s'exprimer font. Ici, je parle des groupes anglophones ou minoritaires, c'est justement ce genre de choses... C'est d'ailleurs une constante dans tous leurs mémoires: les gens viennent nous dire qu'ils n'auront pas telle ou telle chose, alors que la loi ne dit pas qu'ils ne l'auront pas. Au contraire, la loi bien souvent est généreuse par ce qu'elle ne dit pas. Encore faut-il pouvoir chercher à le comprendre et à le voir dans la loi. C'est tentant, évidemment, quand on est minoritaire de se faire un peu peur devant des lois qui viennent et d'appuyer davantage ses conclusions, non plus sur les textes eux-mêmes mais sur les peurs qu'on se fait. Malheureusement, on a eu cette attitude dans le passé d'avoir peur des fois. Je pense que vous êtes en train de développer un peu ce type d'attitude. Je ne vous souhaite pas, d'ailleurs, de développer cela, parce que vous allez vivre des années pénibles. Je pense que vous pouvez vivre ici agréablement sans développer des complexes et des peurs comme il nous en est arrivé dans le passé.

M. Blank: Programme de complexes.

M. Dussault: Maintenant, au chapitre de la langue du travail. Vous voulez que le ministre renvoie les articles 36 et 37 du projet de loi. Je pense qu'à toutes fins pratiques, retirer ces articles du projet de loi, c'est enlever une très grande partie du sens de ce projet de loi. Vous n'avez peut-être pas d'exemple chez vous. Nous avons énormément d'exemples du côté des francophones, de gens qui, sous des dehors, sous des déguise-ments, en fait, ont été renvoyés de leur milieu de travail, parce que, effectivement, ils ne parlaient pas suffisamment l'anglais.

Or, c'est ce que nous voulons dorénavant éviter. C'est pour cette raison que la loi confirme que nous voulons maintenant donner toute garantie aux francophones que, parce qu'ils ne parleraient pas une autre langue que le français, ils ne pourraient pas être renvoyés. C'est extrêmement important que le projet de loi comporte ce genre de choses.

On se dit aussi que, malgré un changement profond quant au visage français, il resterait vrai-

ment tentant pour l'entreprise anglophone, ou multinationale, ou étrangère de privilégier encore un nombre considérable de parlants anglais dans l'oubli, délibéré ou non, de l'élément francophone du Québec. Ces mesures des articles 36 et 37 sont des mesures nécessaires, et on ne peut pas se permettre de les enlever du projet de loi, comme vous le demandez.

Quant à la langue du commerce et des affaires, je voudrais ici faire ressortir particulièrement le point de vue sur les jouets. Vous êtes, en fait, le premier groupe qui a fait ressortir des idées relativement aux jouets. J'ai joué — je pense que vous connaissez ce jeu — pendant des années au "scrable" suivant des règlements, sur la couverture de la boîte, qui n'étaient qu'en anglais. Il n'y a quand même pas très longtemps, on a pu se procurer enfin ce jeu en français avec des explications en français, alors qu'on aurait pu tout autant, dès le début, nous donner ce jeu en anglais, dans la boîte pour les anglophones, et en français pour les francophones.

Ce que l'on veut, à toutes fins pratiques, par cet article du projet de loi, c'est assurer aux francophones égalité de chance de comprendre ces choses que l'on avait donnée aux anglophones, parce que ces jeux, bien souvent, venaient des Américains, et il n'y a rien qui nous interdit d'exiger dorénavant que ces jeux soient expliqués en français autant qu'en anglais. Pourquoi pas?

D'une façon ou d'une autre, si vous avez bien lu cet article 43 du projet de loi, on dit bien que l'Office de la langue française aura le pouvoir d'intervenir pour faire des exceptions, et on sait qu'il est possible — on peut déjà le prévoir théoriquement — que certains jeux devront effectivement paraître uniquement en anglais, parce que la nature même du jeu ne pourra pas faire autrement. Mais on doit, au départ, mettre dans la loi un article qui va donner chances égales aux francophones.

Quant à la langue de l'enseignement, je pense que ce que vous dites, à savoir le libre choix, c'est une répétition, bien sûr, de ce qui s'est dit. On a largement débattu cette question, et je pense que ce serait vraiment de trop que de continuer à discuter là-dessus. Cependant, je pense qu'on peut faire une petite remarque sur votre texte. Vous parlez, à un moment donné, de restreindre l'éducation dans la langue anglaise, comme étant un but poursuivi par ceux qui ont préparé le projet de loi.

Je pense que restreindre l'accès ne signifie pas restreindre le service, ce que votre texte a trop tendance à laisser croire.

Je pense qu'il faut ajouter ici qu'il est important de rester français pour nous, mais il est encore plus important de rester majoritairement français. C'est une distinction que vous ne faites malheureusement pas assez souvent et je pense que c'est capital.

Vous dites que c'est une question de confiance; bien, nous avons fait confiance à cette situation pendant 200 ans, ce qui a fait de nous 200 ans de survivance ou 200 ans de survivants.

Or, nous voulons cesser de survivre. Nous voulons enfin vivre, et la première façon de vivre, c'est d'abord d'agir. C'est ce que nous faisons avec le projet de loi no 1.

Ce sont les remarques que j'avais à faire sur votre mémoire. Evidemment, je vous laisse le temps de vous exprimer sur tout ça.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):

Est-ce que vous voulez répondre ou si je cède la parole à quelqu'un d'autre?

Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je comprends, M. le Président, que les témoins ne veulent pas répondre au député de Châteauguay.

M. le Président, je voudrais simplement reprendre une question qui a été discutée tantôt. Il s'agit de la langue officielle.

Vous savez qu'actuellement, au Québec, le français est la langue officielle, depuis près de trois ans, selon la loi. Si on retrouve ce même article dans la loi no 1, ça procède plutôt avec tout le battage de publicité qu'on a vu avec la présentation du livre blanc, de ce que j'appellerais une hypocrisie politique qui tente de faire oublier l'état de la question au moment où le gouvernement a proposé ce projet de loi. Ce sera une question que l'on a dénoncée, que l'on continuera de dénoncer.

Mais en m'adressant plus directement au concept de la langue officielle, j'aimerais vous demander si vous êtes d'accord que la langue française devienne de plus en plus la langue prééminente au Québec.

M. Rasmussen: C'est la vérité et cela devient de plus en plus la langue de tous les jours et pour tous.

M. Lalonde: Et vous êtes d'accord avec cette situation, que le Québec...?

M. Rasmussen: Oui, je suis d'accord, mais, en même temps, je ne veux pas que l'enseignement de l'anglais, dans nos écoles anglaises, soit mis de côté et que nous n'ayons pas le pouvoir de discuter des choses en anglais avec les autres personnes qui sont anglophones.

M. Lalonde: Oui. D'ailleurs, je ne parle pas de dispositions particulières; c'est simplement à votre suggestion selon laquelle les deux langues devraient être officielles. Je ne sais pas quel est votre concept de la langue officielle. Cela a été expliqué d'une façon assez élaborée dans le rapport Gen-dron et, si vous n'avez pas lu le rapport Gendron, je vous invite à le faire. Il existe, dans ce rapport, une étude sur la question linguistique beaucoup plus apolitique, beaucoup plus précise que celle dans le livre blanc. Le livre blanc, d'après moi, est simplement un document de propagande pour préparer l'acceptation d'une décision politique, mais, si vous voulez savoir exactement quelle est la situation du français et pourquoi un gouvernement, il y a trois ans, a été appelé à légiférer sur

cette question, malgré le fait qu'on ait pu voir extérieurement une diffusion plus grande de la langue française, un usage plus grand de la langue française, en quelques mots, il reste que, depuis une quinzaine d'années, surtout à cause du développement de l'industrialisation, de l'urbanisation et du développement des communications, la langue française n'était pas la langue de tous les Québécois, la langue disponible pour tous les Québécois, surtout dans le domaine des affaires.

Je pense que le diagnostic du rapport Gen-dron est assez clair là-dessus. Il s'agissait de rendre la langue française nécessaire pour qu'elle ait le statut qui lui revient.

C'est pour cela que je me demande dans quelle mesure on pourrait maintenir cette prééminence du français sans que ce soit le français qui soit la langue officielle au Québec. Je me demande s'il n'y a pas une contradiction dans votre affirmation selon laquelle vous acceptez que cela soit la langue — et j'emploie un qualificatif anglais que vous avez employé — "predominant". I do not like the part "dominant" in the word but you used that word and I do not know how you can reconcile the fact that you agree with the fact that the French language should be predominant in Québec and your suggestion that it should not be the only official language.

M. Rasmussen: I do not see, frankly, any contradiction in that statement. The point is that I feel that French is a second language, is something on the part of an Anglophone, is something that enriches his ability to discuss and be part of the society and be part of the world.

I think it is very important. I feel that even three languages or more are better for the person individually. The fact that French is going to be used more and more in this Province does not bother me at all.

I feel that the timetable that is proposed for taking over or having most of the things occurred in French is far too fast. For instance, if we follow through with our bilingual programme and right now, because of restrictions placed on us by the Government and also by our society, we cannot have anyone in our bilingual programme, but if we follow this through, we got 50% of our children now in our English system going in a bilingual programme, but it will be fifteen years or at least eleven years before they are at the CEGEP level and a few more years after that before they are in society and yet the proposition that all of these discussions and all of these things occurred, the francisation of our society occur before 1983, I think it is just an accelerated thing.

I think the place to start is with the school system and ensure that the second language taught within our schools is adequate, and I think that the government is right in requesting or insisting that the children who graduate from the English schools have a reasonable ability in French. I think this is important. I think it is premature to insist on it for next year, mind you, because I do not think that the children in our high schools righ now can possibly get that qualification within one year, without loosing everything else that they have got. I think that it is far too early. I think you have got to allow time for the school system to feed this in and, in five years, you could have this on the further requirement of graduation for the English system, and we would be able to cope with it without creating hardships for the students that are in our system now that do not have a strong background in Frencn. And I might say some 60% of our students in our English system do not have an adequate background in French to possibly even in one year, get to a point where they would even be considered acceptable in French. It would just be impossible. I think that the acceleration and the emphasis in the bill, it is coming, but it is not going to come overnight and, in the meantime, it is just going to get everybody upset because it creates so many hardships individually within our system and within our society.

M. Lalonde: Je dois vous dire que je suis d'accord avec votre approche que cela doit être un mouvement progressif, qu'on doit retirer le plus possible les mesures inutilement coercitives pour amener cette situation à se faire. Quant à moi, je veux terminer là-dessus, même en étant d'accord sur l'objectif qui, d'ailleurs, aurait été atteint de toute façon par l'application de la loi actuelle, l'objectif donc de faire du français la langue de tous les jours, nous allons combattre les dispositions inutilement coercitives. Nous reconnaissons—je parle pour moi — que le français peut être la langue officielle au Québec, la langue de toutes les activités, mais que deux cultures, deux groupes culturels peuvent vivre et se développer harmonieusement. Je pense que plusieurs dispositions de ce projet de loi empêchent justement ce développement harmonieux de deux cultures, c'est-à-dire la culture de la grande majorité et aussi, dans le cas historique que l'on connaît au Québec, la culture anglophone.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, je voudrais, au nom de notre parti, vous remercier d'être venu nous rencontrer, nous présenter votre mémoire, qui a été pensé, bien sûr, et qui est pensé selon vos besoins et vos exigences, les exigences de votre milieu. J'aimerais cependant vous poser quelques questions et avant, peut-être, vous dire que les années changent passablement les choses. Je me souviens qu'en 1969 on a voté une loi qui s'appelait la loi 63. Personnellement, j'étais membre de l'Assemblée nationale. Je m'étais opposé à cette loi parce que notre parti ne voulait pas y inclure la possibilité que les immigrants aient à s'incorporer à la communauté canadienne-française. Je me suis opposé à la loi à cause de cela. Vous voyez qu'on est loin. On n'est pourtant pas loin en années, mais on est déjà loin de ces idées. Maintenant ce n'est plus un problème, il n'y a à peu

près plus de gens qui défendent cette option qu'un éventuel immigrant doit s'incorporer à la communauté canadienne-française.

Si notre parti et les autres ont fait un cheminement important depuis ce temps, je pense que la communauté canadienne-anglaise en a fait un également. Je pense que toute minorité, dans une province ou dans un pays, a tendance à se regrouper. C'est le cas dans les autres provinces et c'est le cas également dans la nôtre aussi. Je signalais ce matin que je m'étais rendu à Ottawa pour apprendre l'anglais pour terminer mes études, ou pour faire des études en anglais. Je ne l'ai pas appris.

J'ai dû aller aux Etats-Unis, parce qu'une fois à Ottawa, je m'étais incorporé à un groupe francophone.

On se rend compte qu'au Québec, la minorité anglophone a peut-être été, jusqu'aux années soixante, trop fermée sur elle-même et a peu réussi à se "bilinguiser". C'est surtout vrai dans le West Island, on le sent moins dans la partie rurale du Québec. Mais je pense qu'il faut admettre aujourd'hui que depuis 1961/62, il y a eu un travail important qui s'est fait dans cette collectivité anglophone et on voit que maintenant, il y a des gros points de gagnés dans ce secteur et vous me disiez au début du dépôt de votre mémoire que les cours d'immersion étaient passées de 2% à 50%.

On voit que là, il y a de la compréhension et pourtant, ce ne sont pas les mesures coercitives qui ont amené ça, ç'a été simplement des mesures incitatives. Cet éveil s'est peut-être fait après 1960.

J'aimerais savoir de vous, s'il n'y avait pas de liberté de choix dans la loi, est-ce que vous pensez que deux langues bien enseignées — et on se dirige vers deux langues bien enseignées avec la formation de nos maîtres qui sont davantage prêts — sont de nature à améliorer la partie française et la partie anglaise, Mme Beaulieu?

Mme Beaulieu-Grobecht: Je vais référer cette question à M. Rasmussen qui est un de nos directeurs exécutifs à la régionale et qui est beaucoup plus qualifié pour répondre dans le domaine pédagogique, s'il vous plaît.

M. Rasmussen: Oui, je pense que c'est mieux si les deux langues sont enseignées dans les deux systèmes. Maintenant, ce n'est pas une vérité et c'est le gros problème, quand nous avons des discussions avec les immigrants. Je connais quelques immigrants, d'Espagne et d'autres pays d'Europe, ils ne veulent pas faire entrer les enfants dans le système français, parce qu'on n'a pas l'occasion d'obtenir une bonne formation en anglais et en français. Ils commencent dans notre région, les immigrants entrent dans notre système bilingue, et tous les enfants parlent les deux langues dans ce système.

M. Grenier: Je vais un peu vite, je m'excuse si je semble vous interrompre, on m'a fait signe tout à l'heure que je n'avais que sept minutes, alors je...

Le Président (M. Cardinal): De toute façon, il faut terminer à 18 heures.

M. Grenier: On dit que la langue française est la langue de la majorité au Québec, est-ce que vous acceptez qu'on projette une image ici au Québec d'un Québec français? Est-ce que vous acceptez ça? Majoritairement?

M. Rasmussen: C'est une vérité.

M. Grenier: C'est la vérité. Si vous acceptez ça, comment est-ce que vous voyez, où et comment on pourrait voir cette image française de la province de Québec?

M. Rasmussen: Répétez.

M. Grenier: J'aimerais que vous me disiez par quelle sorte de moyen ou comment on peut mieux voir cette image d'un Québec français, d'après vous.

M. Rasmussen: De notre côté, j'ai vu ça très fortement. Je pense que cette position... when you look at this, from the image that you have, it changes, I mean the image that I see of the French fact in Québec is completely different from the position that many French people see the French fact in Québec.

From my point of view, I see everything is really more and more French and I had noticed from the comments of the Gendron Commission a lot of statistics that were developed in that to support the actual fact of you can say the lack of French opportunity in the province were generated then years ago. I do not think the same statistics are true today. And if we read Dominique Cliffs article, concerning... who was a hero of now, we see that the statistics that he is suggesting are completely different than those that were proposed earlier.

M. Grenier: J'écourte, je m'excuse encore. Les cours d'immersion qui sont montés de 2% à 50%...

M. Rasmussen: Oui.

M. Grenier: ... cela peut représenter combien d'élèves dans le West Island?

M. Rasmussen: Je ne sais pas dans le West Island...

M. Grenier: Ce n'est pas votre problème à vous, mais avez-vous ces chiffres pour le West Island?

M. Rasmussen: Non, pas les chiffres pour le West Island.

M. Grenier: Chez vous alors?

M. Rasmussen: C'est seulement pour nos écoles. Dans les cours de la maternelle, cette an-

née, nous avons 700 élèves et 347 suivent notre cours bilingue français.

M. Grenier: Vous n'avez pas non plus les données pour l'élément anglophone de l'île de Montréal?

M. Rasmussen: Non.

M. Grenier: D'accord.

Je termine ici, c'est ma dernière question, je pense bien.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Grenier: Vous avez demandé, je pense, le retrait de l'article 43. C'est cela? L'article 43 porte sur les jouets. Je partage un peu votre crainte, puisqu'on a présenté, il n'y a pas si longtemps, au Québec, un jeu fait en français, un jeu qui s'appelait "Oh Canada", qui, de plus, était présenté par le commissaire aux langues et qui a été refusé par un des ministres, ici, à Québec. C'est pour cela que c'eût été bon qu'on ait le règlement, bien sûr, mais on l'aura pour la loi 42. Mais il avait un autre défaut, ce jeu, il venait d'Ottawa. C'est peut-être important.

M.Alfred: Question de règlement. M. Bertrand: Cela n'a rien à voir. M. Grenier: M. le Président, je m'excuse...

M. Alfred: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Papineau.

M. Ciaccia: Si lui est capable de parler de "Scrabble", on est bien capable...

Mme Lavoie-Roux: II parle de scrabble.

M. Grenier: On a même traité de l'autre côté de la table de "Scrabble", je pense qu'il y avait un jeu qui avait plus d'importance que le "Scrabble", tout à l'heure.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, messieurs! Il reste tellement peu de temps.

M. Alfred: Je regrette que le député de Mégantic-Compton ait souligné cet apport du jeu "Oh Canada", qui n'avait qu'un but, angliciser les Québécois.

Mme Lavoie-Roux: M. le député... Une Voix: C'est mieux qu'en français.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Alfred: C'était bien biaisé.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Papineau!

M. Grenier: M. le Président, sur ce point... M. Alfred: C'était biaisé.

Le Président (M. Cardinal): Ceci n'est pas une question de règlement. Je considère que cet indi-cent est clos et je vous demande de conclure.

M. Grenier: D'accord, mais, M. le Président, le député de Papineau prétend que c'est pour angliciser... Moi, mon pot de confitures aux fraises, avec la loi, cela va être marqué en français et cela va être marqué, à la fin, en anglais, confitures aux fraises. Je ne vois pas que cela va angliciser le Canada.

M. Alfred: C'était biaisé.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! J'ai dit que cette question de règlement n'en était pas une.

M. le député de Mont-Royal, vous avez cinq minutes, au maximum.

M. Ciaccia: Malheureusement, M. le Président, il ne me reste pas grand-temps. J'aurais voulu poser certaines questions au témoin. Est-ce que vous êtes en faveur de l'article 57? Are you in favour of article 57, which stipulates that to graduate from an English-speaking school, you must have a knowledge of French?

M. Board: No.

M. Ciaccia: You are in favour?

M. Board: Certainement.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je demande cela, c'est que vous avez fait une affirmation à savoir que cette loi ne semble servir que les intérêts des Québécois francophones. You are saying that the law is only in the interest of French-speaking Quebecers.

If there is not the similar provision... S'il n'y a pas une provision similaire pour les écoles françaises, ne trouvez-vous pas que cela va avantager plutôt les écoles anglaises?

Would not it be more to the advantage of English students who come out of the school? They will be bilingual where as the French students will only be unilingual. Don't you think that this particular provision really does not advantage?

Cela n'avantage pas nécessairement l'étudiant francophone.

M. Board: C'est peut-être un avantage pour les Anglais, mais c'est un grand désavantage pour les Français...

M. Ciaccia: Oui, très bien, c'est cela que je voulais...

M. Board: ... parce que ce n'est pas la même chose pour les Français de savoir les deux.

M. Ciaccia: Cet article, it is an advantage for the English-speaking students, because they will be bilingual. I am trying to point out that the purpose of the law and the actual effects may be two different things. You know, the Parti québécois may be saying this is really for the advantage of the French-speaking people, but in a fact, it is really advantaging, in this particular case, I am not saying among the others.

A l'article 21, on nous a donné une interprétation. Je crois, M. le député de Châteauguay, que vous auriez la permission, que vous pourriez communiquer en anglais.

Mme Lavoie-Roux: ... d'un article, c'était l'article 23.

M. Ciaccia: Oui, mais à l'article 21? Mme Lavoie-Roux: C'est lui...

M. Ciaccia: II y a une obligation.

There is an obligation in that article that the language of administration of an English School Board will be French.

Mme Lavoie-Roux: Article 23. M. Ciaccia: Articles 21 and 23.

Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont jamais référé à l'article 21, ils ont référé à l'article 23.

M. Ciaccia: Non, mais c'est l'administration, cela fait partie de l'administration.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, à l'ordre! Il reste peu de temps.

Une Voix: Cela va ensemble.

Le Président (M. (M. Cardinal): Oui, madame. A l'ordre!

Mme Beaulieu-Godbreclt: ... de temps.

M. Ciaccia: You are objecting to that article, you are not objecting in having French proceeding also. What you are saying is that if it is an English School Board, the Majority of the members are English. You want to be able to communicate in English.

Mme Beaulieu-Gobrecht: Oui, nous voulions avoir une clarification à cet effet et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas fait de commentaire. Nous voulions savoir si, en effet, la loi disait que toute assemblée délibérante devait délibérer en français et je n'ai pas eu l'opportunité de le demander au Dr Laurin...

M. Ciaccia: Pour revenir...

Mme Beaulieu-Godbrecht: ... si c'est l'intention de la loi que toute assemblée délibérante, que ce soit d'une commission scolaire anglaise ou d'autre, soit en français. A ce moment-là, nous aurions un commentaire.

M. Laurin: Ce n'est pas du tout l'intention du projet de loi.

Mme Beaulieu-Godbrecht: Nous voulions cet éclaircissement. Merci.

M. Ciaccia: L'article dit... Je suis heureux de savoir que ce n'est pas l'intention du ministre. Cela veut dire qu'il va l'amender.

M. Lalonde: "Quiconque a le droit", cela veut dire que personne d'autre n'a le droit...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Pour revenir à la langue officielle — on n'est pas ici pour défendre aucun projet de loi présent ou antérieur — est-ce que je peux comprendre que c'est votre intention, the reason that you want English as the official language is not that you want all proceedings and everyone to be obliged to use English, but, if I understand you correctly, you want a recognition of English, because it is one of the founding language groups of Canada, of Québec and you want that status. That is as far as it goes. Is that correct? Am I interpreting it correctly?

M. Board: Correct.

Le Président (M. Cardinal): Une trentaine de seconde.

M. Ciaccia: C'est fini. Une trentaine de secondes, cela ne donne pas grand temps.

L'article 43, c'est vrai que c'est un des groupes qui nous l'a souligné; mais dans le peu de temps qu'il me reste, on parle d'une charte d'une langue et on voudrait par cela avoir quelque chose qui traite de sujets importants et nobles. J'ai lu la magna carta, la grande charte britannique, la grande charte des Anglais. J'ai lu la déclaration d'indépendance des Américains. J'ai lu la déclaration des droits de l'homme qui a été promulguée en France, et même, j'ai regardé la constitution qu'on vient de réviser en Russie. Je dois avouer que dans aucun de ces documents, je n'ai vu une référence à des jouets. Je crois que le point...

M. Charbonneau: Cela, c'est brillant. M. Alfred: Vous êtes très brillant.

M. Ciaccia: Ne m'enlevez pas mon droit de parole.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: No one is as zealous as a convert. Alors, je veux terminer sur ce point. Je crois qu'ils ont bien fait de souligner cet article, d'un esprit un peu mesquin...

M. Alfred: Ce n'est pas mesquin.

M. Ciaccia: ... qui est contenu dans une sup-posément charte, qui doit traiter de sujets importants et nobles. Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, en reconnaissant qu'il faut terminer à 18 heures, sans faute.

M. Guay: Oui, M. le Président, je vous remercie. Est-ce que, parmi les sujets nobles dont doit traiter une loi noble comme celle-là, vous reconnaissez que l'enseignement, l'éducation, en général — je ne parle pas de l'enseignement scolaire, mais de l'éducation en général — tout ce qui peut influencer l'évolution d'un enfant dans une direction ou dans une autre, a une grande importance? En d'autres mots, pour préciser ma question, des jouets ont inévitablement une influence, une conséquence, d'une façon négative ou positive sur un enfant, de la même façon qu'un programme de télévision ou un cours dans une école. A ce moment, est-ce qu'il n'est pas normal, dans un projet qui vise à faire du français la langue quotidienne et qui vise à assurer au français le rôle qui lui revient au Québec, celui de faire en sorte que l'on cesse que nos enfants soient les victimes d'une espèce de colonialisme, dans ce domaine où l'immense majorité de ce qui est à leur disposition est finalement dans une langue, et conséquemment dans une culture qui n'est pas celle de la majorité?

Le projet de loi, jevous le fais remarquer, a pour but de s'assurer que les enfants francophones auront des jouets en français. Ils pourront aussi avoir des jouets en anglais, pourvu que les deux soient disponibles et inversement pour les enfants anglophones. Est-ce qu'il n'est pas normal d'éviter, à cette étape fondamentale de l'évolution d'une personne qui est l'enfance, n'est-ce pas, que l'on puisse, par le biais de jeux, entre autres, influencer, de façon négative, l'évolution de l'enfant, l'influencer de façon contraire à ce qu'on vise comme collectivité? Est-ce que vous considérez que ce n'est pas là une chose normale que l'on prévoit dans une loi?

M. Rasmussen: Well, I think it definitely is true that these influences, the toys and the other things, have a definite influence on the upbringing of a child and the direction that he is going to go. I mean, I am against a lot of things, for instance, TV is one of them. I think that there are a lot of negative influences. However, I believe it is the parents' choice that determines which way the child is going to go and if the parents do not buy the toys that you do not want them to buy, or do not want them to use, then, the children will not have them.

M. Guay: You will agree with me that in order for the parents to exercise their choice, there has to be a choice.

M. Rasmussen: There has to be a choice, that is correct.

M. Guay: In order to have a choice, we have had to go via the road of legislation, because there is little choice at the moment for the French-speaking children in Québec or, for that matter, for the English-speaking children.

M. Rasmussen: Well, I feel that there is a choice, but I am more concerned from a pedagogical point of view in that we use a lot of toys or facilities, pedagogical articles in our schools that are coming out of the United States or other places that are geared for our English system. As it reads now, we would not have these available, we could not buy them unless, you know, we contravened this law in essence, because...

M. Guay: Or unless the producer makes them in French.

M. Rasmussen: Unless the producer makes them in French, but it may be...

M. Guay: Ma deuxième question... I am sorry, there is only a minute left.

M. Rasmussen: O.K.

M. Guay: Ma deuxième question s'adresse à madame. Rapidement, madame nous a indiqué qu'elle était francophone, ce qui est visible, qu'elle travaillait depuis cinq ans à la commission scolaire en question. Est-ce que je peux savoir quelle est la langue de travail à la commission scolaire?

Mme Beaulieu-Gobrecht: Nous travaillons dans les deux langues, M. le député.

M. Guay: Oui, mais principalement...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, vous avez entendu...

Mme Lavoie-Roux: La cloche.

Le Président (M. Cardinal): ... l'horloge, la cloche. Je regrette.

M. Ciaccia: You will not be able to play tidd-leywinks anymore...

M. Guay: Ah bien non, attendez un peu! Lui non plus, par exemple, n'a pas le droit d'intervenir!

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. Guay: Cela suffit! Si je n'ai pas le droit d'intervenir, le député de Mont-Royal n'a pas plus le droit.

M. Ciaccia: ... if bill 1 is passed. Tiddleywinks is illegal.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce qu'il y aurait...

M. Bertrand: Le bagarreur de Mont-Royal.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Je peux quand même accorder une minute, s'il y a une réponse. A l'ordre, s'il vous plaît! Y a-t-il une réponse?

Mme Beaulieu-Gobrecht: Oui, j'aimerais donner une réponse, M. le Président. Nous travaillons à nos bureaux où nous avons un système de taxation scolaire et nous devons avoir des employés qui sont dans le domaine bilingue et qui doivent répondre aux anglophones dans leur langue et aux francophones dans leur langue. Donc, c'est la raison pour laquelle je vous ai dit que nous travaillons 50% — 50%.

Maintenant, depuis plusieurs années, nous ne recevons de la correspondance du gouvernement que dans la langue française. Nous avons toujours répondu en français. Est-ce que cela répond à votre question?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. A l'ordre, s'il vous plaît! Merci madame et messieurs.

Je rappelle que la commission va ajourner ses travaux à demain, dix heures. La liste possible des mémoires pour demain, conformément à cette entente de vendredi dernier, est la suivante: Mémoires 6, 169, 164, 162, 157 et 114.

Je mentionne, cependant, que ceci n'est qu'indicatif et que demain, au début de la séance, l'ordre du jour sera donné.

Je remercie, une fois de plus, ceux qui ont, volontairement, voulu comparaître devant cette commission, tous ceux qui ont participé à ces travaux, députés et autres. La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 58)

ANNEXE

Article publié en page 4 du journal

"Aylmer Reporter", le 9 juin 1977.

I'll remember Quebec

Poem submitted by Marion Dwyer.

No matter what happens I'll remember Quebec With the Laport murder, and Rene Levesque The Cross kidnapping, the FLQ And who will forget — Bill 22.

Quebec and I were always true Till she found out I cannot "Parlez vous" And so she said to me "Mon chum" Your days in Quebec are almost done.

I overlooked bombings as everyday strife And the Army in Montreal, well, just part of life And the licence plates sported "La Belle Province" Not once did I call Quebec "Little France".

Look back in history, time hasn't changed Hitler and Levesque — both mentally deranged Quebec is like Germany in World War 11 About as healthy to be English as it was to be Jew.

So I will leave Quebec to those who will stay

And my blessings to them for a happier day

But you'll need more than blessings when you have to sing "All hail Levesque — God save our King".

One last remark I cannot refrain Bourassa gets credit for part of the blame We could have stopped him — so never forget Where was the help from our Prime Minister Pet.

Now to Vancouver I must go

To see my Canadian friends ans say "Hello"

And if at the border they won't let me pass

I'll tell them to kiss "MY ROYAL CANADIAN ASS".

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