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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 30 juin 1977 - Vol. 19 N° 140

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 1-

Charte de la langue française

au Québec

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame, messieurs!

Nous commençons une nouvelle séance de cette commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour étudier après première lecture le projet de loi 1, Charte de la langue française au Québec. Je fais l'appel des membres de la commission et j'invite les partis à m'indiquer les changements.

M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier) est censé être remplacé; par qui? M. Bertrand (Vanier) est remplacé par M. Michaud (Laprairie); M. Bisail-lon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal) remplacé par M. O'Gallagher (Robert Baldwin); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé) est remplacé par M. Shaw (Pointe-Claire); M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce); M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je fais également l'appel des invités, des organismes convoqués et je leur demanderais d'indiquer leur présence. L'Université McGill, merci, monsieur. Mémoire 172. Centre des dirigeants d'entreprise, merci. Mémoire 246. Banque Royale du Canada, merci, monsieur. Mémoire 91. Participation Québec. C'est la deuxième fois, je le regrette, que j'appelle Participation Québec. Je pourrais appliquer l'article 118-A 5 qui ferait que ces invités perdraient tout simplement leur tour. Je vais suspendre pour le moment le règlement et nous verrons au cours de la journée. Je rappelle qu'il n'y a pas de rendez-vous en commission parlementaire et que, malheureusement, les invités doivent être patients. Merci.

J'invite immédiatement les représentants de l'Université McGill à se présenter devant nous.

M. le principal Bell est ici, je vous inviterais soit vous, soit M. Fortier, c'est votre choix, à présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous aurez ensuite vingt minutes pour l'exposé de votre mémoire et il y aura une période de questions par la commission, soit dans 70 minutes.

Université McGill M. Bell: M. le Président, nous avons invité M.

Fortier, notre conseiller, à présenter notre mémoire.

Le Président (M. Cardinal): Me Fortier, si vous voulez bien présenter tous ceux qui vous accompagnent?

M. Fortier (Yves): Avec plaisir, M. le Président, celui qui vient de vous adresser la parole est le Dr R.E. Bell, qui est recteur et vice-chancelier de l'université et, à sa droite, se trouve Madame Sarah Paltiel, qui est directeur des services pédagogiques au collège Vanier, et qui est aussi membre du conseil d'administration de l'université McGill; à ma gauche, se trouve le Dr E.J. Stansbury, qui est vice-recteur à la planification à l'université; à sa gauche, Mme Suzanne Boville, qui est analyste à la planification à l'université, et, à l'extrême gauche, le professeur John Devries, démographe et professeur de sociologie à l'université de Carleton, qui a contribué à l'élaboration de certains des textes qu'on retrouve en annexe au mémoire de l'université.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que vous avez l'intention de présenter votre mémoire en entier? Je vois qu'il est assez volumineux? Si vous ne faites que le résumer, dans ce cas, est-ce que vous désirez qu'il soit reproduit en annexe au journal des Débats?

M. Fortier: Je vous demanderais respectueusement que le mémoire, de même que les documents en annexe, soient versés intégralement devant votre commission et déposés en annexe au journal des Débats, car je n'ai pas l'intention d'en faire la lecture, mais bien plutôt de tenter d'en dégager les faits saillants.

Le Président (M. Cardinal): Alors, c'est accordé. (Voir annexe).

Nous commençons à 10 h 16.

M. Fortier: Je vous remercie. Je voudrais tout d'abord, à titre de procureur de l'université, M. le Président, MM. les membres de la commission, m'excuser de l'erreur qui s'est glissée dans le premier mémoire qui a été versé auprès de vous et qui a dû résulter en la production auprès de votre commission d'un mémoire corrigé, il y a environ deux ou trois semaines. J'espère que tous les membres de la commission ont devant eux le mémoire corrigé.

Durant les vingt minutes qui vont suivre, j'aimerais, comme je viens de vous le souligner, mettre en relief...

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce que je pourrais de-

mander au témoin comment on distinque le mémoire corrigé du mémoire non corrigé?

M. Fortier: Oui, sûrement. Il y a une façon très simple, M. de Bellefeuille. Sur la couverture du mémoire corrigé, c'est indiqué en rouge "Corrigé le 10 juin 1977". J'aurais pensé, j'espère, qu'on a substitué le mémoire corrigé au premier qui vous a été adressé en mai. Encore une fois, je m'en excuse bien profondément. Il y a une erreur d'addition qui s'est glissée dans un des tableaux et qui déformait certains des chiffres. On a pensé qu'il valait mieux le corriger.

Le Président (M. Cardinal): Vous êtes tout excusé. Nous vérifierons pour qu'il n'y ait pas d'erreur.

M. Fortier: J'espère que mes vingt minutes commencent à s'écouler à partir de ce moment-ci?

Le Président (M. Cardinal): D'accord. 10 h 18.

M. Fortier: Merci. J'aimerais, comme je commençais à vous le dire, M. le Président, MM. les membres de la commission, tenter de dégager les points saillants du mémoire de l'Université McGill, sans pour autant le lire textuellement. Je considérerai que j'ai rempli le mandat qu'on m'a confié, si je réussis à vous faire saisir pourquoi certaines dispositions de la charte préoccupent l'Université McGill au plus haut point.

D'abord, qu'est-ce que c'est que McGill? C'est une université qui s'est vue conférer une charte royale, il y a déjà 156 ans, en 1821. Elle dispense l'enseignement universitaire surtout en anglais. Les raisons historiques pour expliciter la langue d'enseignement à l'université apparaissent à la première page du mémoire.

Aujourd'hui, en 1977, il y a 15 966 étudiants à temps complet qui sont inscrits à l'université, dont 75% sont Québécois et 14,6% sont de langue française. Son corps professoral compte 1291 membres.

L'université appuie sans réserve le but avoué du gouvernement qu'on retrouve au deuxième paragraphe du préambule du projet de loi no 1, à savoir que l'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française.

Ce même préambule, comme nous le savons, stipule aussi que l'Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui participent au développement du Québec et c'est à cette enseigne que se logent principalement les préoccupations et les inquiétudes de l'université.

Les commentaires de l'université tombent dans deux catégories. Dans un premier temps, il y a quatre critiques que l'université adresse à l'endroit du bill 1 qui sont de nature générale, qui ont déjà fait l'objet de nombreux commentaires par des témoins qui ont comparu devant vous avant aujourd'hui et qui, d'ailleurs, ont fait l'objet de déclarations par l'honorable ministre et certains de ses collègues quant aux intentions du gouverne- ment d'apporter certains changements au projet de loi.

Je vais donc passer assez rapidement, brièvement, sur ce premier ordre de commentaires, ce premier ordre de critiques. A la page 3 du mémoire corrigé, vous pouvez voir la première de ces objections. Elle se résume comme suit, au milieu de la page: "Le projet de loi, suivant l'université, accorde des droits différents et impose des obligations différentes aux divers résidants du Québec en classifiant ceux-ci en différents groupes ethniques et linguistiques et, en fait, en groupes secondaires au sein de tel groupe."

Dans les paragraphes qui suivent, l'université vous donne en exemple le cas d'un anglophone qui habite au Québec en face d'une école de langue anglaise et qui, suivant l'endroit et la période où lui ou son épouse ont été éduqués, peut tomber dans l'une des cinq catégories en ce qui concerne l'école vers laquelle il peut diriger ses enfants.

A la page 4, le mémoire conclut qu'il y a ces cinq catégories différentes de droits pour une personne qui fait partie de la collectivité de langue anglaise au Québec. L'université s'inscrit en faux à ce chapitre contre cette classification, cette catégorisation de citoyens à part entière du Québec à la lumière des dispositions, surtout du chapitre 8, évidemment du projet de loi no 1.

Deuxièmement, il y a des commentaires à la page 4 de la part de l'université sur l'article 172, commentaires que vous avez entendus à satiété jusqu'à maintenant. L'université recommande qu'il faudrait faire disparaître cette exception à la Charte des droits et libertés de la personne au Québec. Je ne vous adresse pas plus de commentaires sur ce point.

Dans un troisième temps, ici, soit à la page 5 du mémoire, l'université est d'avis que nous retrouvons de par l'utilisation du terme "Québécois" dans le projet de loi une tendance à la discrimination. A ce chapitre, elle s'inscrit en faux contre l'utilisation qui est faite par ceux qui ont rédigé le projet de loi de cette expression, le peuple québécois, de ce terme québécois. Je passe encore par-dessus ces critiques que vous avez déjà entendues; moi-même, j'ai retenu certaines des réactions du Dr Laurin à ce sujet.

Enfin, le quatrième motif d'ordre général qui incite l'université à s'inscrire en faux contre le bill 1 concerne la délégation aux organes du pouvoi exécutif d'une autorité très vaste en matière de réglementation dans les domaines qui touchent profondément les droits et les libertés d'une partie non négligeable de la population. Alors, à cette enseigne, encore une fois, l'université désirerait voir l'Assemblée nationale continuer à s'approprier, et non pas à déléguer aux organes du pou voir exécutif l'autorité en cette matière.

J'arrive maintenant, M. le Président, MM. les membres de la commission, à la seconde catégorie d'objections de l'Université McGill, qui concerne directement sa survie comme institution d'enseignement universitaire au Québec. Ce commentaires débutent au bas de la page 6 d mémoire. Tous ces commentaires visent le chapi-

tre VIII, intitulé "La langue de l'enseignement", soit les articles 51 à 59 du projet de loi.

Je ne crois pas que l'université a erré en concluant que "l'inclusion de ces mesures dans le projet de loi se fonde, comme elle le dit au haut de la page 7, sur la menace d'érosion qui pèse sur la majorité numérique d'expression française, par suite de la baisse du taux de natalité au sein de cette population, baisse qui coïncide avec une période d'immigration d'égale intensité des personnes qui ne parlent pas le français."

Or, M. le Président, messieurs les membres de la commission, des études récentes ont été effectuées à McGill, qui indiquent que, depuis une dizaine d'années, il y a eu un revirement spectaculaire au Québec dans ce domaine.

Dans le court temps qui m'est alloué, je me contenterai d'inviter les membres de la commission à se pencher sur le document qui est inclus en appendice au mémoire de l'université. C'est l'appendice no 1. Ce mémoire est intitulé "Eléments récents affectant la structure linguistique de la population du Québec". Vous noterez, à la page 2, de ce document qui est en annexe, que les quatres facteurs principaux qui font l'objet de cette étude, qui ont une incidence sur la taille de la population francophone et sur ses rapports avec la population non francophone, sont, ainsi qu'il est admis par tout le monde, les suivants, et il y en a quatre. Je vais les mentionner très brièvement.

D'abord le taux d'accroissement naturel, le taux de fécondité. Il est reconnu, de part et d'autre, je crois, que le taux d'accroissement naturel du groupe francophone et du groupe anglophone au Québec a atteint aujourd'hui un niveau bas et un niveau à peu près semblable. Je passe donc au second.

Les transferts linguistiques effectués par la population existante. Il est intéressant de noter, M. le Président, messieurs les membres de la commission, qu'à la suite du dernier recensement fédéral, soit celui de 1971, dont les chiffres ont été publiés, il est possible de dégager qu'au Québec, durant la période de 1966 à 1971, 6% des anglophones qui ont déclaré que c'était là leur langue maternelle, l'anglais, ont cependant répondu que leur langue d'usage était le français et, durant la même période, 11/2% des francophones répon-iant que leur langue maternelle était le français ont déclaré que leur langue d'usage était l'anglais. C'est donc dire que, sous ce chef, les transferts linguistiques au Québec, durant la période de 1966 à 1971, ont été faits non pas, comme on le croit dans certains milieux, du français vers l'anglais, mais bien de l'anglais vers le français.

Troisièmement, l'immigration au Québec. Que de fois on entend dire: II faut contrer cette tendance qu'ont les immigrants — je parle ici des immigrants autres que ceux qui viennent des pro-vinces canadiennes — à s'intégrer au milieu anglophone.

Puis-je vous inviter, respectueusement, à vous pencher très rapidement sur les tableaux I et II qui sont joints à l'appendice 1 dont je traite présente-nent. Voyons rapidemen t — je m'empresse de souligner que ces statistiques proviennent de Statistique Canada —...

Si vous jetez un coup d'oeil sur le tableau no I, vous voyez que tant en pourcentage qu'en nombre absolu, les immigrants, qui ont déclaré posséder l'anglais seulement, depuis 1971 à 1977, ont diminué considérablement. On voit qu'en 1971, ce pourcentage se chiffrait aux alentours de 40% et en 1976, et plus précisément le premier trimestre de 1977, était environ de 30%. Si vous jetez un coup d'oeil sur la colonne intitulée: Français seulement, vous voyez que le pourcentage de ces immigrants, ayant déclaré que le français était la langue qu'ils possédaient, a augmenté de quelque 14% à 15% jusqu'à 30%. Si vous incluez — et c'est le cas du tableau no II — les immigrants qui ont déclaré qu'ils parlaient les deux langues, à savoir le français et l'anglais, et dans la colonne des anglophones et dans la colonne des francophones, vous avez à ce moment les données qu'on retrouve au tableau no II. Vous voyez, encore une fois, jusqu'à quel point, contrairement à ce que certains ont laissé entendre, les immigrants, depuis quelque cinq ou six ans, se sont intégrés beaucoup plus dans le secteur francophone du Québec que dans le secteur anglophone.

Je vous invite encore une fois à regarder ces chiffres de plus près. Je sais que le ministre d'Etat au développement culturel a invité les intéressés à lui communiquer des chiffres précis, des données réelles. Alors, en voici du cru de l'Université McGill, Dr Laurin, et je suis certain que...

Le Président (M. Cardinal): Ce que vous venez d'affirmer, pourrait-on savoir à quelle page exactement du mémoire on peut le retrouver?

M. Fortier: C'est I.6 et I.7.

Mme Lavoie-Roux: Les immigrants non anglophones vont davantage au secteur français qu'au secteur anglais.

M. Fortier: I.6 et I.7, en annexe au mémoire. C'est-à-dire l'appendice I... Je suis obligé évidemment d'aller assez rapidement.

Le Président (M. Cardinal): On ne vous enlève pas ce temps-là.

M. Fortier: Je m'excuse. Est-ce que Mme le député de L'Acadie s'est retrouvée?

Mme Lavoie-Roux: Je suis à la page, mais c'est votre affirmation que les immigrants non anglophones vont davantage au secteur français qu'au secteur anglais...

M. Fortier: Je pense que c'est une affirmation que je dois corriger. Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a beaucoup plus d'immigrants dont la première langue est le français, aujourd'hui, qu'il n'y en avait il y a six ans et qu'il y a beaucoup moins d'anglophones. Je m'excuse, je vous remercie de la correction. Je me suis laissé emporter dans ce débat, une envolée oratoire. Excusez-moi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, continuez.

M. Fortier: C'est donc dire, à ce chapitre — c'est le troisième facteur — le nombre et les choix linguistiques des immigrants semblent indiquer, comme je viens de le souligner, qu'il y a plus d'immigrants francophones aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a six ans et il y a moins d'immigrants anglophones.

Quatrièmement, les migrations interprovinciales, dont il a été question hier à l'occasion d'autres mémoires. Ici, M. le Président, messieurs les membres de la commission, je vous invite, encore une fois, à consulter les tableaux nos 3, 4, 5 et 6, aux pages I.8, I.9, I.10 et I.11 et vous verrez que les analystes de l'Université McGill, à même les chiffres publiés par Statistique Canada, à la suite du recensement de 1971, ont établi, en consultant les réponses à la question: "Dans quelle province demeuriez-vous, étiez-vous domicilié il y a cinq ans"? les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle anglaise, province de destination, province d'origine, au tableau no 3; au tableau no 4, les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle française, province de destination, province d'origine; au tableau no 5, les migrations interprovinciales des gens de langue maternelle "autre", province de destination, province d'origine, et finalement, au tableau no 6, ils ont colligé ces informations, ces données et vous êtes à même de constater que les émigrations nettes des gens de langue maternelle anglaise en provenance d'autres provinces au Canada durant cette période se chiffrent par quelque 49 000 alors que les émigrations nettes des gens de langue maternelle française durant cette période se chiffrent par quelque 12 000. Alors, si je ramène ces chiffres sur une notion de pourcentage, c'est que les pertes en termes absolus subies par la population de langue maternelle anglaise ont été quatre fois plus importantes que les pertes subies par la population de langue maternelle française au Québec. Ces conclusions apparaissent a la page I.5 du mémoire.

Ce sont ces données, sur lesquelles je sais que vous allez vouloir vous pencher, qui amènent l'Université McGill à dire, à la page 7 de son mémoire, au bas du premier paragraphe à la page 7, que, dans ces circonstances, les mesures nouvelles et radicales visant le maintien de la supériorité numérique des francophones seraient superflues.

Comme elles ont un caractère coercitif, elles sont préjudiciables à l'ensemble du Québec. Si le chapitre 8 du projet de loi no1 n'est pas modifié, l'université McGill croit que la collectivité anglophone québécoise, en général et ses établissements en particulier, tels ses écoles, ses collègues, ses universités, en subiront un préjudice grave.

Comme vous pouvez lire au bas de la page 8 du mémoire, l'université croit qu'il s'agirait d'une perte pour le Québec, ce préjudice grave que subirait l'université, et que cette perte ne serait pas accompagnée d'un gain correspondant pour la langue française. L'intention de la charte est de consolider la position du français, mais ce but ne pourra être atteint par un simple affaiblissement du groupe de langue anglaise.

Je réalise qu'il ne me reste pas tellement de temps, je vais passer rapidement, mais ce point est très important. J'arrive à cette idée maîtresse du mémoire de l'Université McGill à savoir que si les dispositions du chapitre 8 du bill 1 ne sont pas amendées, la source, l'univers de ses élèves, puisés à même le noyau anglophone au Québec, va diminuer à un point tel que l'université va devenir qu'une image très pâle de ce qu'elle est aujourd'hui. Ces sources de renseignements, M. le Président, se retrouvent à l'appendice 2. Je m'excuse auprès de ceux qui sont près de moi et qui ont oeuvré à ce mémoire qui se retrouve à l'appendice 2, à cet exposé, avec tableau à l'appui dont les données sont pigées à même des documents publiés, tant à Québec par le ministère de l'Education, le bureau de la statistique au Québec, la Commission des écoles catholiques de Montréal, qu'auprès de Statistique Canada, je n'aurai pas le temps de les revoir en détail, mais les conclusions sont dégagées à la page 9 du mémoire. Je vais les lire très rapidement. Les populations scolaires sont actuellement en baisse sur tout le continent nord-américain et la population des réseaux scolaires anglais et français au Québec, sans prendre le bill 1 en considération, sera réduit à quelque 80% de son niveau actuel vers l'année 1986.

Si tous les enfants d'immigrants sont dirigés vers les écoles françaises, il est évident que l'audition de ces enfants au réseau des écoles françaises portera en 1986, le chiffre à un maximum approximatif de 87% au lieu de 80%. Par contre, si on regarde quel va être l'effet de ce dirigisme des jeunes anglophones en provenance d'autres provinces ou des jeunes anglophones en provenance d'autres pays vers le secteur français plutôt que le secteur éducationnel anglophone, on peut mesurer l'impact sur le noyau qui alimente les universités de langue anglaise.

Vous trouvez au bas de la page 9 les conclusions de ces études, les estimations indiquent que vers l'année 1986, le réseau des écoles anglaises ne représentera pas plus de quelque 46% de sa taille actuelle. Les données sur lesquelles s'appuie cette conclusion se retrouvent à l'appendice 2 du rapport. Je sais que le Dr Laurin et les autres membres de la commission voudront l'étudier très attentivement parce qu'il a été préparé, comme je l'ai dit tout à l'heure, à même des statistiques officielles, tant de Québec que d'Ottawa et à l'aide de projections qui ont été faites, sur la base même qu'emploie le ministère de l'Education au Québec, pour tenter de déterminer quelle va être la population des secteurs scolaires au Québec.

Selon l'avis de l'université, elle ne se fait que l'écho des propos déjà tenus par le premier ministre, M. Lévesque, idéalement, on devrait laisser le choix de la langue d'enseignement aux parents. L'université McGill se rallie à l'opinion déjà émise par le premier ministre du Québec. Elle dit que. idéalement, c'est ce qui devrait survenir.

La raison pour laquelle elle le dit, c'est que la fréquentation du réseau des écoles anglaises va

continuer à baisser et elle ne pourra plus s'alimenter.

On peut prédire les conséquences pour l'enseignement supérieur. Une université engagée comme l'est McGill à présent, ne pourrait exercer judicieusement sa mission sur une base démographique d'expression anglaise en butte à une érosion continue, surtout si le flot des étudiants et des professeurs à l'extérieur du Québec est endigué par les conséquences de ce projet de loi, conséquences qui, suivant McGill, sont inévitables.

McGill est donc exposée, M. le Président, à une menace réelle. La perte de McGill — on pourrait fort bien se poser la question — aura-t-elle une importance pour le Québec? Suivant l'avis très humble des dirigeants de l'université, il faut répondre par l'affirmative à cette question.

Une bonne université constitue un actif précieux pour sa collectivité et pour ses universités soeurs qui oeuvrent au sein de cette collectivité. La réputation internationale de McGill représente un atout tout à fait particulier pour le Québec. Sa contribution au seul domaine de la médecine est sans pareille. Les centres hospitaliers d'enseignement de McGill sont connus à travers tout le continent. Dans le domaine de l'agriculture, son collège Macdonald occupe un rang de premier ordre.

McGill a formé des chefs, pour ainsi dire, dans chaque segment de la société, tant français qu'anglais. Je ne mentionnerai que l'honorable Jacques-Yvan Morin, ministre de l'Education du Québec aujourd'hui, qui est diplômé de l'université.

La promotion du français comme langue commune — et je conclus sur cette note — est en voie d'atteindre son objectif. On pourrait accélérer et améliorer ce processus en insistant sur des niveaux plus élevés pour l'enseignement du français dans les écoles. Et McGill applaudit à la disposition de la loi exigeant la compétence en français avant la fin des études secondaires.

M. le Président, pour terminer — et je vous remercie de m'avoir accordé quelques secondes de plus que ce qui m'avait été alloué — je voudrais simplement lire au dossier le compte rendu d'une interview que le démographe Jacques Henripin de l'Université de Montréal a accordée au journal Le Soleil il y a deux jours, et qui a été reproduite dans Le Soleil du 28 juin. Je le fais parce que j'ai escamoté les données qu'on retrouve à l'appendice II du mémoire de l'université. M. Jacques Henripin pourrait se faire le porte-parole des conclusions qui s'en dégagent.

Je cite ce que M. Henripin disait dans le Soleil du 28 juin 1977: "La loi no 1, si elle est appliquée telle que présentée, est un coup de barre si vigoureux qu'elle risque d'amener la réduction relativement rapide des anglophones et, éventuellement, leur disparition". M. Henripin disait la même chose que le démographe Réjean Lachapelle, directeur de projets à l'Institut de recherche politique, que le régime d'accès à l'école anglaise, prévu par le projet de loi no 1, comporte, et je cite: "un principe de fermeture qui conduit, sauf cir- constances exceptionnelles, à la disparition éventuelle du groupe anglophone et à l'extinction des écoles anglaises, car les anglophones devront alimenter leurs écoles par leur seule reproduction, et non plus par les apports en provenance du reste du Canada et de l'étranger".

Si, M. Henripin et M. Lachapelle avaient voulu se faire les porte-parole de l'Université McGill, ils n'auraient pu mieux réussir.

M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous remercie de votre patience.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Fortier. Je ne vous ai pas accordé quelques secondes, j'ai présumé, comme je le fais parfois, le consentement unanime de la commission pour vous entendre au moins trois ou quatre minutes de plus.

Avant de donner la parole aux membres de la commission, j'aurai cependant quelques brèves remarques. Tout d'abord, à des fins de secrétariat et de procédure, s'il y a lieu, je dois indiquer que M. Bertrand (Vanier) n'est pas remplacé par M. Mi-chaud (Laprairie), mais par M. Clair (Drummond). Deuxièmement, M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron (Lotbinière).

Ce que je vous ai accordé comme temps supplémentaire, j'indique tout de suite aux membres de la commission qu'ils n'auront pas la même faveur. Comme on est jeudi et qu'un long week-end débute, je voudrais que tous ceux qui sont invités, y compris le dernier groupe, Participation Québec, puissent être entendus aujourd'hui.

Je donne immédiatement la parole au ministre d'Etat au développement culturel. Je pense que les membres de la commission accepteront que le temps soit tenu avec certaine sévérité.

M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier très sincèrement l'Université McGill pour le mémoire très étoffé et très intéressant qu'elle vient de nous présenter et que j'ai lu et relu avec attention. Je remercie les auteurs particulièrement d'avoir pris la peine de préparer ces deux annexes, ces deux appendices qui nous apparaissent particulièrement importants pour la discussion, c'est-à-dire le premier appendice sur les éléments récents affectant la structure linguistique de la population du Québec et le deuxième qui porte sur l'ampleur future du système scolaire anglais au Québec. Je pense que ces statistiques, en particulier, nous aideront beaucoup à éclairer notre lanterne dans le débat en cours.

Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier l'Université McGill et la féliciter, au nom du gouvernement québécois, pour le travail extraordinaire au bénéfice de la communauté québécoise, depuis 1854. Je pense que cette contribution a été majeure, que nous lui devons une grande part de notre épanouissement culturel et scientifique. C'est bien la raison pour laquelle je tiens, autant que le recteur actuel de l'université, et tous ceux qui sont ici, et tous les anglophones du Québec, à la survie de l'institution, et encore plus, à son développement pour l'avenir.

Dans son mémoire, McGill reprend quelques-uns, pour ne pas dire plusieurs des ar-

guments apportés par d'autres groupes. J'ai déjà eu l'occasion d'analyser ces commentaires lorsqu'ils venaient d'autres groupes et je ne voudrais pas les reprendre aujourd'hui, car ceci ne me paraît pas l'aspect le plus important du mémoire que McGill nous présente aujourd'hui. Ce qui m'apparaît le plus important, ce sont précisément ces études sérieuses, documentées qu'elle nous apporte, importantes, parce que c'est McGill qui les apporte et, en raison de la réputation qu'elle possède, déjà ces statistiques ont été utilisées par d'autres groupes qui sont venus avant vous et qui en ont fait la base dans leurs affirmations. C'est donc surtout à ces deux appendices que je voudrais consacrer maintenant toute mon attention, en me basant non seulement sur ce que j'ai entendu ce matin, mais sur la lecture attentive du mémoire aussi bien que des deux appendices.

Dans son mémoire, McGill affirme, à la page 7 et aussi dans l'appendice I, que l'effritement de la majorité française est enrayé et McGill affirme en particulier que les énoncés du livre blanc sont basés sur des projections pessimistes quant à l'avenir démographique du Québec.

Je regrette cependant de dire, pour ma part, que je ne suis pas d'accord sur les affirmations qui apparaissent aussi bien dans le mémoire à la page 7 que dans l'appendice. Incidemment, je voudrais commenter immédiatement la déclaration de M. Henripin, il y a deux jours — évidemment, c'est une opinion que je respecte, venant d'un démographe aussi réputé que M. Henripin — mais une affirmation d'un démographe, je la respecte encore davantage quand elle est appuyée sur les tableaux, les statistiques que ceux-ci sont habitués de nous fournir. J'attends les confirmations numériques et statistiques de M. Henripin pour juger la déclaration qu'il vient de faire. J'espère qu'elle est appuyée sur des études qu'il a effectuées personnellement et je vais sûrement entrer en communication immédiatement avec lui pour lui demander si son opinion a été mise à la suite d'une lecture rapide du projet de loi ou à la suite d'études qu'il a effectuées en tant que démographe. Donc, jusqu'à plus ample informé, je retiens mon jugement sur sa déclaration; mais en ce qui concerne en tout cas le premier point auquel je m'attaque, encore une fois, je suis en désaccord pour plusieurs raisons.

Le livre blanc n'est pas basé que sur des projections pessimistes. Il y en avait une, à tout le moins, que nous avons citée qui était optimiste, c'était la projection de Charbonneau et Maheu qui avait été présentée à la Commission Gendron et qui prévoyait une augmentation du pourcentage des francophones de 1961 à 1971, mais, de fait, le recensement de 1971 est venu nous indiquer une diminution, plutôt qu'une augmentation, c'est-à-dire que le pourcentage est passé de 80,7% — proportion des francophones — au lieu des 81,4% que Charbonneau et Maheu avaient prévu.

Deuxièmement, une étude récente de Henripin, cette fois appuyée sur des chiffres, en octobre 1974, et qui apparaît dans le livre vert du gouvernement fédéral du département de l'immigration, confirme les prévisions à la baisse de la proportion des francophones. Je souligne, en passant, que votre mémoire ne parle pas de cette étude Henripin, en octobre 1974. Nous avons cité abondamment, ici, à la commission, ces jours et ces semaines dernières, les statistiques scolaires qui vont dans le même sens de la diminution beaucoup plus considérable des effectifs scolaires du côté francophone que du côté anglophone, toutes choses étant égales d'ailleurs sous le régime de la loi 22 qui nous régit actuellement. Il y a aussi le témoignage de l'Association des démographes que nous avons entendu ici même à la commission parlementaire et qui va dans le même sens, témoigne qui, incidemment, est appuyé sur plusieurs études comme celle de Charbonneau, Henripin, Légaré qui a paru en 1968, sur la thèse de maîtrise de Robert Maheu, à l'Université de Montréal, en 1968, sur l'article d'Henripin que je citais tout à l'heure, de 1974, et, en particulier, les statistiques scolaires indiquent également que le taux des inscriptions au secteur scolaire anglais de 1971 à 1976 s'est maintenu à un niveau remarquablement constant et a même augmenté. Par exemple, au cours des cinq dernières années, ce taux a été de 15%, 15,5%, 15,7%, 16,1% et 16,7%, phénomène qu'on est loin de retrouver dans le secteur francophone.

Vous abordez la question des transferts linguistiques à la page 3 de votre premier appendice, et vous affirmez qu'ils seraient maintenant plutôt dans le sens de l'anglais au français. Cette affirmation me paraît, comme dirait notre Sol à nous, "assez superlativement énorme", car bien des témoignages venant de tous les milieux, je pense, ont prouvé que les transferts linguistiques ont joué et jouent encore, d'une façon massive, en faveur de l'anglais. J'aimerais bien pouvoir m'exprimer plus longuement là-dessus. On sait qu'il y a transfert linguistique quand un individu adopte une langue d'usage différente de sa langue maternelle. Le recensement de 1971 nous permet maintenant d'utiliser une telle définition, alors qu'auparavant, il fallait se contenter de croiser la langue maternelle et le groupe ethnique. La nouvelle définition qui apparaît dans le recensement de 1971 nous donne une meilleure idée de la situation récente et présente.

Je voudrais porter à votre attention un tableau dont on ne tire pas toute la substantifique moelle dans votre étude, c'est le tableau 1 de la population, qui apparaît au rapport sur le recensement de 1971, tableau 1 qui porte sur la population répartie selon la langue maternelle et la langue d'usage. On constate d'abord que la très grande majorité des Québécois, soit 96%, ont conservé comme langue d'usage leur langue maternelle. Ce sont les Québécois de langue maternelle française qui effectuent le moins de transferts puisque 98,4% sont fidèles à leur langue maternelle. Il n'y a pas de transfert pour 92,5% des anglophones et pour 68,1% des allophones. On peut mentionner ici Ia vitalité des langues des allophones au Québec qui est beaucoup plus forte que dans les autres provinces du Canada.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi, M. le ministre, je pense que M. Fortier voudrait savoir exactement quel tableau 1...

M. Laurin: C'est le tableau 1 du recensement de 1971. Justement, c'est un tableau qui m'appa-raît opportun pour...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut le mettre à la disposition des membres de la commission?

M. Laurin: Sûrement.

Mme Lavoie-Roux: Puisque certains, du côté ministériel...

Une Voix: Ils ont besoin, avec vous...

M. Charbonneau: C'est notre bureau de recherche qui travaille bien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laurin: Donc, d'après ce tableau, il y a 73 515 Québécois de langue maternelle française qui ont l'anglais comme langue d'usage, soit 1,5% du groupe, tandis que 49 060 Québécois de langue maternelle anglaise ont le français comme langue d'usage, soit 6,2% du groupe. La perte en nombre relatif est plus forte pour la langue anglaise, mais, en nombre absolu, il y a un gain de 24 455 pour l'anglais. On peut, évidemment, s'interroger sur la signification de ces transferts, mariages mixtes et le reste, mais on voit tout de même que l'attraction de l'anglais est plus forte que celle du français.

Cette attraction est plus évidente dans le choix des groupes allophones: 23% des transferts de ce groupe se font vers l'anglais, soit 84 446 et seulement 9% se font vers le français, soit 34 580. Rappelons que, pour ne pas modifier l'équilibre linguistique du Québec, au moins 80% des transferts linguistiques des allophones devraient s'effectuer vers le français, alors qu'ils se font à 70% vers l'anglais.

Ce tableau 1 nous permet aussi de constater l'apport fort important fait par les groupes de langue maternelle française et autres aux groupes ayant l'anglais comme langue d'usage. En effet, 18% des Québécois qui déclarent l'anglais comme langue d'usage ne sont pas de langue maternelle anglaise, alors que plus de 98% des Québécois utilisant le français à la maison sont de langue maternelle française.

Les Québécois qui ont l'anglais à la fois comme langue d'usage et comme langue maternelle ne forment que 12,1% de la population totale. On peut réduire l'inconnu quant à l'orientation linguistique de 253 510 Québécois qui ont une langue d'usage et une langue maternelle autre en utilisant la question sur les langues officielles qu'ils connaissent. Or, ceci donne les résultats suivants: 84 980, soit 33,5%, ne connaissent que l'anglais; 36 855, donc 14,5%, ne connaissent que le français; 68 235, soit 26,9%, peuvent parler le français et l'anglais, et 63 440, soit 25%, ni l'un ni l'autre. Parmi ceux qui ne connaissent qu'une seule langue officielle, c'est l'anglais dans 70% des cas. On ne peut douter du choix de ces personnes, si elles viennent à subir un transfert linguistique.

On remarque, d'autre part, que l'on retrouve la même proportion de 70% que l'on observait chez les allophones qui avaient déjà fait un transfert. Il y a d'ailleurs bien d'autres statistiques que l'on pourrait citer sur ces transferts linguistiques. On constate, par exemple, et des études récentes nous l'ont montré, en particulier un article de Charles Castonguay, récemment, dont je pourrais vous donner la source exacte, que les transferts augmentent davantage chez les jeunes Italiens que chez les plus âgés. Par exemple, 63% des jeunes Italiens optent pour l'anglais, et on voit aussi que, encore une fois d'après les résultats du recensement de 1971, un autre tableau, que les clientèles scolaires indiquent que ces transferts linguistiques jouent massivement en faveur de l'anglais. C'est une tendance continue où on ne voit aucune baisse décelable au court des dernières années.

Le troisième point que vous touchez, c'est le problème de l'immigration, et vous dites que le problème de l'immigration, pour un Québec français, n'existe plus. C'est à la page 14 du même appendice. Ceci m'apparaît une conclusion abusive, qui tronque la réalité. Je vous réfère ici aux statistiques du ministre de l'Immigration, les rapports annuels du ministère de l'Immigration du Québec, tous les rapports annuels qui ont paru depuis quelques années. Vous verrez, par exemple, que si on regarde les unilingues français, en 1972, c'était 14,5%; en 1973, 20%, en 1974, 27,6%; en 1975, 27,1%; en 1976, 29,3%, donc, une augmentation graduelle, mais qui se tient dans des proportions assez modestes, alors que, du côté des unilingues anglais, si on regarde la composition de la population des immigrants, on a les chiffres suivants: En 1972, 40%; en 1973, 41,8%; en 1974, 37,8%; en 1975, 33,1%; en 1976, 30,3%. Phénomène inverse: Cela va vers la diminution, mais il ne faudrait pas oublier les apports considérables, extraordinaires des dernières années, qui continuent d'avoir leur poids sur la population actuelle. Il ne faut pas oublier aussi de référer ces chiffres à la population totale du Québec. On sait qu'au Québec, encore une fois d'après les chiffres du recensement de 1971 du Canada, il y a 61% d'unilingues français et il y a 10,5% d'unilingues anglais. On peut donc dire que d'après leurs proportions, 10,5% d'unilingues anglais, si on les réfère aux chiffres que je viens de citer, ceux-ci reçoivent donc des efforts très importants, ont reçu des renforts très importants au cours des dernières années.

Un dernier chiffre aussi au sujet des immigrants, mais, cette fois-là, des immigrants bilingues, les statistiques du ministère de l'Immigration, aussi bien que celles du recensement du Canada, montrent que, pour la période de 1966 à 1971, les immigrants bilingues, qui parlent les

deux langues sont, moitié-moitié, de langue maternelle française et de langue maternelle anglaise, c'est-à-dire 23% de langue maternelle français et 22% de langue maternelle anqlaise.

Un autre sujet que vous abordez est celui des migrations interprovinciales. Vous dites dans votre mémoire, à la page 4 de l'appendice, que tout le monde semble convenir maintenant que les mouvements d'émigration du Québec vers les autres provinces canadiennes se sont accélérés récemment.

Pour nous, c'est une affirmation gratuite, non fondée scientifiquement, qu'on ne peut donc pas prendre au sérieux. D'ailleurs, vous-même, dans votre mémoire, admettez qu'on ne dispose pas de données précises encore, au moment actuel, à ce sujet. C'est une affirmation que vous faites, mais vous ne la prouvez pas.

En fait, certaines études existent qui semblent nous orienter vers une conclusion contraire à la vôtre. Nous savons, par exemple, que le solde migratoire net, entre les années 1966 et 1970, a été négatif; par contre, le solde migratoire des années 1973 à 1976 a été total, positif. Par exemple, en 1973, il y a eu un excédent de 2792 personnes; en 1974, un excédent de 6429 et en 1975, un excédent de 6800 personnes.

Il faudrait donc que les migrations interprovinciales n'aient pas été aussi négatives que ne le prétend votre mémoire pour qu'on puisse expliquer un solde migratoire positif.

On pourrait aussi dire que du 1er octobre au 1er janvier 1977, c'est-à-dire le dernier trimestre pour lequel on a des chiffres... On pourrait citer les rapports du statisticien en chef du Canada qui, même s'il n'est pas démographe, comme le disait M. Raynauld ici, à la commission, lorsque l'Association des démographes a présenté son mémoire, a quand même le titre de statisticien en chef du Canada, donc l'opinion de quelqu'un qu'on doit respecter. Le solde migratoire de ce trimestre oscillerait entre 5000 et 6000, en attendant qu'on ait les chiffres définitifs. C'est l'accroissement trimestriel le plus important qu'a connu le Québec au cours des récentes années. Donc, là aussi, c'est difficile de concevoir un solde migratoire négatif qui serait explicable par l'émigration, uniquement par l'émigration des anglophones du Québec.

Nous savons aussi que la migration nette de 1961 à 1971, c'est-à-dire pour une période de dix ans, et non pas seulement pour la période de cinq ans que vous prenez dans votre mémoire, que cette migration nette au cours des dix dernières années a favorisé davantage les anglophones que les francophones et là, je vous réfère, pour appuyer ce point de vue, au tableau II, inclus dans le mémoire de l'Association des démographes.

Il y a enfin un dernier fait. Bien sûr, je ne nierai pas que l'émigration des anglophones existe — c'est évident — mais je pense qu'on exagère cette émigration des anglophones si on ne se base, comme je le disais tout à l'heure, que sur la période 1966-1971, parce que c'est durant ces cinq années que le Québec a connu un de ses pires bilans migratoires.

Si on étudie le même phénomène sur une période de dix ans, déjà, on peut tempérer les conclusions, on peut panacher les chiffres. Je pense qu'en ces matières, il est toujours important de comparer les bilans qui s'étalent soit sur cinq ans ou sur dix ans.

Un autre problème que vous abordez aussi est celui de l'ampleur future du système scolaire du Québec. C'est votre deuxième appendice, et comme base de cette étude, vous prenez une source autorisée, évidemment. Ce sont des perspectives démographiques pour le Québec qui ont été établies par le Bureau de la statistique du Québec en 1976. Je rappelle aux membres de la commission le titre véritable de cette étude qui s'appelait: Perspectives démographiques pour le Québec, quatre hypothèses. Quatre hypothèses pour les années 1973, 1986, et 2001. Il y avait donc quatre hypothèses. L'université McGill base tout son mémoire sur l'hypothèse A.

Selon nous, ce choix est incorrect pour les raisons suivantes: Parce que ce choix suppose une migration nette négative jusqu'en 1986, alors que, comme je viens de le dire et de le démontrer, depuis trois ans, le solde est devenu positif et positif d'une façon croissante, ce qui déconsidère l'hypothèse A. Deuxièmement, même dans l'étude citée par McGill, les auteurs, qui appartiennent au Bureau de la statistique, affirment que c'est l'hypothèse B qui est la plus probable scientifiquement, l'hypothèse B, qui prévoit une migration nette positive de 7000 personnes par an, qui est d'ailleurs confirmée par les chiffres que nous possédons maintenant et que j'ai cités tout à l'heure sur les années 1973, 1974 et 1975.

Donc, on peut affirmer que le choix que fait McGill de l'hypothèse A sous-entend une sorte de jugement de valeur sur l'avenir démographique du Québec et un jugement de valeur qui ne nous paraît pas conforme aux faits ni aux statistiques que nous possédons. McGill dit aussi que les prévisions scolaires pour les années 1986 et 1987 semblent catastrophiques. Nous ne sommes pas d'accord avec cette affirmation car même les prévisions scolaires de 1986 et 1987, qu'on les examine sous l'angle du statu quo ou du libre choix ou de la loi 22 ne nous paraissent pas, le régime de la loi sous lequel nous vivons actuellement, conduire à des conclusions aussi pessimistes. Peut-être '' raison peut-elle en être trouvée dans les facte suivants. Nous avons l'impression que Mi sous-estime la clientèle anglophone pour raisons principales. Par exemple, McGill afi qu'il y aura, en 1986 ou 1987, 177 000 élèves ci le réseau scolaire anglophone. Nos chiffres nous, basés sur toutes les études que j'ai déjà citées, nous amènent plutôt aux chiffres de 194 500. Comment expliquer ce décalage entre nos deux chiffres? Voici les hypothèses que nous vous soumettons. Il peut y avoir deux raisons. J'ai déjà parlé du taux de passage dans des considérations antérieures, mais il est possible que McGill, dans ses statistiques, ait estimé un trop faible taux de passage de la maternelle à l'élémentaire 1 et de l'élémentaire au secondaire 1, c'est-à-dire quand

on change de cycle. Cela peut être une des raisons. On pourrait discuter là-dessus, mais je pense que ce serait intéressant d'avoir un dialogue là-dessus. Surtout, la deuxième raison qui nous apparaît la plus importante, c'est celle que j'ai mentionnée tout à l'heure, c'est-à-dire le choix de l'hypothèse A de l'étude du Bureau de la statistique du Québec. Une autre raison de la sous-estimation des chiffres de la clientèle anglophone, cela nous paraît être une mauvaise appréciation, une estimation inexacte des effectifs scolaires basés sur les études qui nous sont fournies par la CECM et par tous les autres ministères qui nous ont offert des statistiques sur la question. Par exemple, McGill estime que les effectifs des classes anglaises vont diminuer de 21% de 1976-1977 à 1986-1987, c'est-à-dire pour la période de 10 ans couverte par ces années, alors que nous estimons que cette clientèle va certes diminuer, mais elle va diminuer de 12%, ce qui laisse un écart de 9%, et il ne faut jamais oublier de mettre cela en parallèle avec l'évolution du secteur francophone, car il faut toujours voir également ce qui se passe de l'autre côté. Nos estimations à nous, c'est qu'avec le régime de la loi 22, même avec le régime de la loi 22, les effectifs des classes françaises diminueraient de 20% au cours de la même période de 1976-1977 à 1986-1987. Evidemment, nous nous référons, implicitement encore, à cette baisse de la natalité qui est un facteur qui sous-tend tous les chiffres, toutes les statistiques que nous présentons et qui affecte autant le secteur francophone que le secteur anglophone.

Vous dites aussi que l'équilibre sera rompu entre les arrivées et les départs, en ce qui concerne l'école publique anglaise.

Là aussi, nous ne sommes pas d'accord, parce que nous avons l'impression que vous avez sous-estimé un facteur dont j'ai souvent parlé ici et dont on parle également dans le livre blanc, c'est-à-dire l'importance des mariages exogames, particulièrement en fonction des critères de l'article 52, mariages exogames qui donnent accès à l'école anglaise. De la même façon, peut-être que vous avez sous-estimé l'impact de certains des paragraphes de l'article 52 où, en vertu de ces critères, l'école anglaise est ouverte, non seulement à ceux qui poursuivent actuellement leurs études et qui sont allophones ou même francophones, mais également aux descendants de ceux qui y poursuivent actuellement leurs études.

Sans mentionner les cadets de ceux qui sont actuellement à l'école et qui eux aussi auront droit d'y aller. Ce n'est peut-être pas un chiffre aussi minime. Donc, les prévisions de McGill nous semblent trop faibles pour l'année 1986-1987 et elles nous semblent également trop faibles pour l'année 1992-1993, pour les mêmes raisons, parce que ces prévisions sont toujours basées sur l'hypothèse A du Bureau de la Statistique du Québec et sur des taux de passage trop faibles; deuxièmement, parce que les classes anglaises seront aussi affectées par l'augmentation du nombre de naissances prévues pour les prochaines années. Ce qui explique au fond l'augmentation démographique pré- vue par la plupart des démographes pour les prochaines années et surtout, encore une fois, parce que l'article 52 est beaucoup plus large et généreux qu'on ne l'a prétendu, pour les raisons que j'ai mentionnées tout à l'heure.

Il est donc erroné de dire qu'avec cet article, comme vous l'affirmez dans votre deuxième mémoire, à la page 7, seulement 58,4% des élèves anglophones auraient été admissibles, si cet article avait été appliqué avant 1971. Donc, appliquer ces 58,4%, tout à fait arbitraires, aux projections déjà faites et déjà trop faibles pour les années prochaines, ne peut que sous-évaluer fortement cette clientèle future des classes anglaises.

C'est ce qui nous permet d'affirmer, en conclusion, que le chiffre de 103 368 que vous prévoyez en particulier pour 1986-1987, nous paraît grandement exagéré et ne peut être retenu.

Je sais que j'ai pris pas mal de temps pour parler de ces deux appendices, mais je pense que cela est particulièrement important, parce que les données démographiques nous paraissent pertinentes au débat et nous paraissent susceptibles de nourrir, sous un certain angle, un aspect du débat qui devra être fouillé par tous les partis qui auront à débattre ledit projet de loi.

Encore une fois, avant de terminer, je voudrais vous remercier pour cette contribution importante aux débats, en même temps que pour la contribution de McGill à la vie culturelle, économique, scientifique du Québec et pour vous dire l'espoir que nous entretenons que McGill continuera de jouer le rôle important qu'elle a joué jusqu'ici. D'ailleurs, vous savez qu'il y a une commission d'étude qui va se pencher bientôt sur l'avenir des universités et il est prévu que dans le cadre de cette étude, les problèmes qui font l'objet de nos débats actuellement, en ce qui concerne précisément l'avenir de l'Université McGill, seront abordés, étudiés, de la façon la moins discriminatoire qui se puisse imaginer et dans une perspective, au contraire, ouverte et positive sur l'avenir dans le sens des intentions que je viens d'énoncer.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Me Fortier, assez brièvement, puisque le ministre a déjà utilisé tout le temps accordé au parti ministériel.

M. Laurin: II est assez rare...

M. Lalonde: M. le Président, est-ce que je pourrais soulever une question de règlement?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: II reste que même si nos habitudes veulent que les réponses soient incluses dans le temps, le ministre a pris au moins 30 minutes, peut-être un peu plus...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II a pris 30 minutes.

M. Lalonde: 30 minutes et il ne faudrait pas que cette façon de procéder soit, en quelque sorte... ou se traduise en impossibilité... et les remarques du ministre vont dans la substance même du mémoire, et il me semble qu'on devrait laisser le temps nécessaire pour répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Me Fortier.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Le ministre a été généreux à mon endroit plus tôt en me permettant de déborder les 20 minutes. C'est évident que nous lui devions de lui rendre la pareille. Il a félicité l'Université McGill d'avoir présenté à la commission un mémoire étoffé. De mon côté, je félicite le ministre d'avoir présenté une réplique aussi étoffée.

Il va de soir que je n'ai pas l'intention aujourd'hui de me livrer à une guerre de chiffres avec les membres du comité. Tout comme le Dr Laurin, je reconnais qu'on peut puiser à droite ou à gauche certaines données, qu'on peut établir, sur une base ou sur une autre, à même ces données, certaines projections. Je vous suggère que ce serait peut-être constructif que l'Université McGill vous offre de consulter ses techniciens qui ont élaboré les chiffres que nous retrouvons en appendice au mémoire.

Ils sont à la disposition des vôtres, Dr Laurin, et, en tout temps, si vous voulez bien les inviter, ils se feront un plaisir de s'asseoir avec vos collègues pour tenter de voir où les données les plus réelles se trouvent et quelles projections doivent être retenues. Je vous formule donc cette invitation au nom de ma cliente, l'université, à ce stade-ci.

En réponse à vos commentaires, je vais être très bref. D'abord, vous vous êtes référé, comme je l'avais fait, à la déclaration du démographe Jacques Henripin. J'ai raison de croire que vous vous êtes interrogé à savoir où il a puisé les chiffres sur lesquels il appuie ses conclusions. J'ai raison de croire que ces chiffres et les projections sont ceux que vous retrouvez en appendice, au mémoire de l'Université McGill.

Deuxièmement, vous avez parlé du mémoire de l'Association des démographes qui vous a été présenté il y a quelques semaines et que j'ai eu l'avantage de consulter. Je ferais miens les commentaires des porte-parole des jeunes libéraux de la région de Québec hier, qui ont dégagé de ce mémoire des conclusions tout à fait autres que celles que l'association avait dégagées.

Dans un troisième temps, je vous ferais remarquer que ce mémoire, à la page 3, tableau II, se sert de chiffres oui nous apparaissent désuets, c'est-à-dire de chiffres établis durant la période de 1961 à 1971. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, le Québec a connu une migration particulièrement importante durant cette période. Vous avez remarqué que l'université, elle, a retenu les chiffres de 1971 à 1977, c'est-à-dire des chiffre plus récents, plus actuels.

Enfin, vous avez noté, à juste titre — d'ailleurs, c'est mentionné à l'appendice 2 — que les analys- tes de l'Université McGill avaient retenu l'hypothèse A du document intitulé "Perspectives démographiques pour le Québec", qui retenait un taux de fécondité de 1,8% et une migration négative, une migration nette de moins 9000.

Je pense qu'il pourrait peut-être vous intéresser que je vous communique — et je ne me livrerai pas à une guerre de chiffres, je n'ai pas l'intention de revenir sur ma promesse — je pense, dis-je, qu'il serait intéressant de noter, à même Statistique Canada, que la population du Québec, en 1971, M. le Président, était de 6 027 000 et qu'en 1976, elle était de 6 234 000, soit une croissance de 206 000 environ.

Suivant une étude de M. Roy, qu'on retrouve dans la livraison du Devoir du 9 juin 1977 — je vois que le ministre est évidemment au courant de cette étude — à la page 5, durant cette période, selon lui, l'accroissement naturel de la population au Québec a été de 235 000, ce qui laisse une migration nette négative de 28 000 pour la période de 1971 à 1976. Réduite sur une base annuelle cela vous donne une migration négative d'environ 6000, ce qui est beaucoup plus près de la migration nette négative de 9000, retenue dans l'hypothèse A par les fonctionnaires du Québec qui ont oeuvré au document, à la perspective démographique pour le Québec, que les hypothèses B, C ou D. C'est simplement une matière à réflexion que je vous livre ici.

Je crois, avec votre permission, M. le Président, MM. les membres de la commission, que le vice-recteur, le Dr Stansbury, aurait certains propos à faire en réponse à certains des commentaires du Dr Laurin.

M. Stansbury: Merci, M. le Président. Il est évidemment impossible de répondre à tous les points que le ministre a soulevés, mais je veux affirmer que nous restons convaincus que les prévisions, surtout les prévisions pour l'avenir des écoles anglophones, ne sont pas pessimistes dans notre mémoire, c'est-à-dire que la vérité sera au moins aussi négative que nous l'avons prévue. Chaque fois que nous n'avions pas de chiffres précis, nous avons basé nos hypothèses sur moins de diminutions que sur plus de diminutions.

Par exemple, si on utilise l'hypothèse B concernant les prévisions de la population du Québec, l'écart entre les effectifs dans les écoles anglophones avec le bill 1, et ce qu'il y aurait si le bill 1 n'existait pas, serait plus grand, parce que les gens qui arrivent au Québec n'apportent rien à l'école anglophone sous la loi no 1. Donc, si nous avions pris l'hypothèse B, cela n'aurait pas changé nos prévisions pour le nombre d'étudiants qui seront dans les écoles anglophones, mais cela aurait augmenté le nombre que nous aurions prévu, n'eût-été de la Charte de la langue française.

Pour terminer, je veux dire une seule autre chose: Les statistiques que le ministre cite soutiennent amplement notre position. Je veux surtout faire référence à des chiffres qu'il a cités hier pour le secteur anglophone. Il faut admettre que c'est un cas extrême, mais les tendances sont les

mêmes, vont dans la même direction pour tout le secteur anglophone.

Selon le ministre, moins de 30% des étudiants dans le secteur anglophone de la CECM sont de vrais anglophones et a peine une majorité a-t-elle l'anglais comme langue maternelle. De plus, les chiffres ont été constants, depuis quelques années, d'après ce qu'il a dit hier. De là, le ministre a déduit que la disparition du secteur anglophone n'est pas possible, oubliant que le total constant n'implique pas qu'il soit composé des mêmes familles. Or, le ministre lui-même a déjà reconnu que la migration interprovinciale n'est pas un phénomène négligeable. Donc, les quelque 11 000 étudiants, le total constant dans le secteur anglophone de la CECM, était composé, en partie, de familles qui ont habité ici pendant tout ce temps et, en partie, de familles qui sont venues au Québec.

Le fait que les effectifs anglophones soient restés constants malgré les migrations, cela veut dire que les Franco-Québécois n'ont rien à craindre de ce groupe. Rien ne justifie l'exclusion des immigrants anglophones des écoles anglophones.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. J'accorde maintenant la parole à Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire d'abord remercier les représentants de l'Université McGill pour leur contribution très sérieuse aux études de cette commission. Je m'associe aux remerciements et félicitations du ministre quant à la contribution de l'Université McGill au développement et à l'épanouissement de la société québécoise. Je le dis en toute sincérité. J'aurais souhaité que le ministre, au moins, consente à examiner les données que vous apportez, mais je vois que l'étude est déjà faite, le verdict est rendu. Sans doute, ne veut-il pas se faire reprocher de succomber à ce que certains appellent un certain chantage, ce que d'autres appellent une dernière lutte de la communauté anglophone pour conserver des privilèges.

De toute façon, vous pouvez vous imaginer que je n'ai pas à ma disposition la batterie de services dont dispose le ministre. Alors, je ne me lancerai pas dans la guerre des chiffres. La seule question à laquelle j'aurais aimé que le ministre réponde, c'est: Comment peut-il nous expliquer que les appréhensions que vous apportez ce matin ne peuvent pas être tout à fait normales et qu'une communauté ne puisse pas s'inquiéter de son avenir, à moyen et à long terme, si on l'empêche de se "ressourcer", non seulement à partir de ceux qui partagent sa langue et sa culture, mais aussi à partir de ses propres concitoyens des autres provinces qui partagent sa langue et sa culture?

Je répète au ministre les questions que j'ai posées hier. Il a les ressources pour faire ces études. Quels ont été les effets de la loi 22? Peut-il nous donner une image de l'évolution des classes d'accueil quant à l'intégration de ces élèves aux classes françaises dans les dernières années? Pourrait-il finalement nous obtenir un tableau de l'immigration de la population scolaire de l'île de Montréal à l'extérieur de l'île, mais à l'intérieur de la province, quant à la distribution linguistique des élèves, ce qui aurait peut-être pour effet de rendre un peu moins dramatiques les statistiques qu'il brandit depuis quelques jours? Enfin, ce sont des questions que je lui pose. Je n'ai pas les réponses.

Il reste que, néanmoins, je voudrais dire aux représentants de l'Université McGill que les appréhensions de la communauté française vis-à-vis de l'intégration qui a été massive jusqu'en 1974-1975 des immigrants non anglophones et non francophones à l'école anglaise sont exactes et ceci, hors de tout doute — je pense qu'il faut se le rappeler — et qu'à cet égard, que le gouvernement précédent et que le gouvernement actuel aient montré, ou montrent une certaine vigilance et une préoccupation, je pense que c'est tout à fait normal. D'ailleurs, je pense que vous le reconnaissez dans votre mémoire.

Je voudrais seulement soulever deux points dans votre mémoire. Le premier, c'est quand vous parlez de la discrimination, à la page 3, quant aux droits différents qui sont apportés à différents résidants du Québec. Les cas 1 et 2, je les ai signalés à plusieurs reprises à cette commission, vous y ajoutez les cas 3, 4 et 5, et on peut même en ajouter un autre. Les enfants anglophones, de culture anglophone, sans l'ombre d'un doute, qui, depuis le début des années soixante, ont été envoyés par leurs parents aux écoles françaises, ont fait leurs études en français, et qu'eux ne conservent pas, pour leurs enfants, cette possibilité d'aller à l'école anglaise, à moins qu'on mette en branle un processus généalogique qui va être presque post mortem, puisque ces enfants ont déjà quitté le système scolaire.

L'autre remarque, vous parlez, à la page 6, du nombre... enfin, des grands pouvoirs qui sont donnés, par des règlements, à des fonctionnaires et qui remettent en question le pouvoir législatif vis-à-vis du pouvoir exécutif. Je dois, en toute objectivité, dire que ceci était aussi une tendance de l'ancien gouvernement, mais, au lieu de la corriger — je m'y suis opposée dans le temps — on l'accentue. Comme vous le démontrez vous-mêmes, il y aura des règlements pour au moins 27 articles de ce projet de loi. Je me demande, à ce moment-ci, jusqu'à quels excès on se rendra et si, vraiment, le Parlement qui est élu sera vraiment celui qui, à moyen et à long terme, gouvernera et aura la responsabilité des citoyens.

Ce sont les seules remarques que je veux faire. D'autres collègues semble-t-il, veulent prendre la parole.

Le Président (M. Cardinal): Merci, madame. M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Gentlemen, I know, as an anglophone Quebecer, how important this brief is, and I note your reference to the classes of citizens and the definition of a "Québécois". But more

than anything, I would like to put into perspective what the effect of a University Center like McGill is on the profile of the economy of the city of Montreal, how it has given Montreal the character that it knows and is unfortunately knowing less day by day. For example, a study done by Mr Hall, the previous president of Domtar, said that in 1960, there were 125 000 head office jobs in the city of Montreal and now, this figure is below 50 000. For example, in 1960 there were 120 insurance companies giving primary service in the city of Montreal and this figure is now below 30 in 1975, and that engineering firms, which were international engineering firms providing engineering expertise throughout the world are now considering moving out of the province and removing that kind of expertise opportunity for "Québécois" in the gross sense, the effect on research institutions who have had their centers in Montreal; the pharmaceutical industry, who are now quite unnerved by the implications of words like "francisation" and the effects of bill 1 on gathering expertise personnel into their fold; the aerospace industry, electronics and medecine... this movement of expertise centers from the city of Montreal seems to be developing and, to some extent, even is developing an irreversible trend. Although McGill has to take credit in having established this center of expertise in North America, the effect on the university now must be very significant indeed.

So, I would like to direct my question, perhaps to professor Devries, or... I do not know this lady's name, who is director of planning, in regard to what kind of effect this exodus of expertise is going to have in the economic character of the city of Montreal and perhaps in the opportunities that university graduates will have from, not only McGill, but also the francophone universities, to find employment in the area of expertise in the city of Montreal.

NI. Fortier: Le Dr Bell voudrait répondre à cette question, M. le Président.

M. Bell (Robert): Mr Chairman, in my opinion, it is a very important point.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, Dr Bell, votre micro, s'il vous plaît.

M. Bell: The position of Montreal as a leader in technical and business affairs as well as cultural affairs was very much based on the expertise that Dr Shaw mentioned and there is no question in my mind that it is just fearing. Many of our graduates are handicapped in this respect now because, for example, in electrical engineering, we no longer have a course in the engineering of electrical power in McGill but only the parts of electrical engineering that have to do with communications, computing, solid state devices, etc. Why? Because McGill graduates are barred from employment with Hydro-Québec.

Pardon?

M. Mackasey: Do you mind elaborating on what you just said? They are barred from what?

M. Bell: From employment with Hydro-Québec...

M. Mackasey: Why? For what reason?

M. Bell: ...as power engineers.

M. Mackasey: For what reason?

M. Bell: They simply do not...

M. Mackasey: This is discrimination.

M. Bell: I do not know the reason, M. Mackasey. Such reasons are not issued in white or green papers.

M. Mackasey: I think we know what they are.

M. Bell: The loss of expertise is affecting Montreal very much now. In fact, I think that the main advantage remaining to Montréal at this moment is its bilingual character. For example, a couple of years ago, the Institute for Public Policy, which is a Canadian initiative from the country as a whole, established itself in Montreal. The reason was the bilingual character of Montréal above everything else. If we now reject that character, if we destroy the Anglophone community in Montréal, it seems to me we will be rejecting the last big advantage that Montréal have. I subscribe very much to M. Shaw's remarks.

M. Shaw: I would like to follow a little bit in the same vein in regard to the projections that the University graduates have today. I know we consider the University as the center of development of our human resources at the level of expertise. Now, obviously, we have helped build the city of Toronto by making it more attractive for business to move there. Is there something that could be done to try and reverse this trend? I know that the bilingual character as Dr Bell has alluded to is an attraction here for head offices, but are there other things that could be perhaps promoted in the city of Montréal through our University centers that will attempt to try and stop the exodus?

M. Bell: A mon avis, le développement des universités francophones à Montréal depuis peut-être les quinze dernières années, est un facteur très important pour Montréal qui doit continuer; mais ce développement n'est pas aidé par une perte de force de l'Université McGill, par exemple. Nos liens avec les autres universités, surtout à Montréal, sont très étroits et ils deviennent de plus en plus étroits. Je crois que le développement de la communauté universitaire de Montréal équilibré en proportion entre les anglophones et les francophones est très important, c'est peut-être le facteur, selon mes vues, le plus important.

M. Shaw: A last question equally important, I think. It is unfortunate that we find that most of our reports that we are having, today, statistics that terminated in 1971, because that was the last census year; we had a census in 1975, perhaps it would be more accurate and even more accurate would be the census since 1975 where if we perhaps grasp these things by the effect of, first of all, the imposition of Bill 22 and secondly,the election of the Parti québécois in November the 15th.

It is seen in my community, in the West Island, where at least one third of the houses are for sale. It is really difficult to presume that the prognostications that you have represented in this bill, if anything, are on the generous side of what is the probable outcome of the demographic situation in the City of Montréal, If Bill 1 is passed as it is envisaged. Perhaps, Dr Devries, you could give us some idea of what any input you have from the last six years figures would be as to the direction of the graph. Dr Laurin, the Minister of Culturel Affairs, responsible for language, suggests that this curve is being very pessimistic. Would you suggest that the curve, if anything, is increasing in this amplitude?

M. Devries: There are not data to support anything that one can say about the last several years. The census of 1976, as Mr Fortier put it out, gives the population data for Québec, which show a net immigration loss, as it is a net loss over the last five years. In addition, I have projected the figures from 1971 back to 1966, which is the sense for which there are no more than figures by essentially placing together the results of the interprovincial migration and the international migration, which shows that the proportion of anglophones in Québec and a maximum in 1966 and that 1971 was already a declining point, in other words, 1961 and 1971 are about equal, 1966 turns out to be higher than both of those years. So I suspect that the trend is indeed to continue downward in the next few years.

M. Shaw: In other words, in spite of the provisions in the law which suggest that the language is in jeopardy and the culture is in jeopardy, it is perhaps just the opposite.

M. Devries: I agree that it is almost certainly the opposite.

M. Shaw: Thank you very much.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je serais intervenu plus tôt, mais je ne voulais pas interrompre le député. Il a affirmé que, dans le West Island, il y avait un tiers des maisons à vendre. Sur quoi se base-t-il? Vous pouvez répondre si vous voulez.

Le Président (M. Cardinal): Le député a le droit de répondre ou de ne pas répondre.

M. Shaw: C'est une expérience vécue.

M. Paquette: En vous promenant dans les rues?

Le Président (M. Cardinal): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. J'étais venu écouter et éventuellement commenter le mémoire de l'Université McGill. J'ai l'impression qu'il faudrait peut-être que je commente le mémoire du ministre, parce qu'il a fait des remarques très longues et très précises sur les prévisions qui ont été présentées par l'Université McGill. En premier lieu, je voudrais mentionner que j'attache beaucoup de prix d'abord à l'affirmation du démographe M. Jacques Henripin, parce qu'il est le plus expérimenté de tous les démographes au Québec. Il a au moins dix ans d'avance sur tous les autres et je pense que son opinion devrait être retenue. Je n'avais pas pris connaissance de sa déclaration des derniers jours, mais s'il a fait les déclarations qu'il a faites, je pense qu'il vaudrait vraiment la peine de s'y attarder.

Ma deuxième remarque, c'est celle qui se rapporte à ce qui a été fait par l'Université McGill et je voudrais la féliciter ici d'avoir présenté ces études que je vois pour la première fois sur l'immigration par langue maternelle. Je crois que ces chiffres sont extrêmement utiles. Ils portent sur la période 1966 à 1971, qui est évidemment encore un peu lointaine, mais je pense que c'est la première fois que nous les voyons en détail. Ce qu'ils montrent, ces chiffres, et cela tombe sous le sens commun, c'est que les francophones sont moins mobiles, ils sortent moins, ils entrent moins au Québec que les anglophones ou que les gens d'autres langues. Cela tombe sous le sens commun. Quelle est la conséquence de cela? La conséquence, c'est que s'il y a des migrations négatives, cela veut dire que le Québec se francise progressivement, et cela aussi tombe sous le sens commun. On sait tous que c'est comme cela que cela se passe dans la réalité, qu'à peu près toutes les conclusions, les observations qu'on peut faire dépendent justement des hypothèses que nous faisons sur les migrations. Or, ces migrations nous sont données ici, et qu'est-ce qu'on voit?

On voit qu'en dépit du fait que les francophones représentent 80% de la population, de 1966 à 1971, davantage de gens de langue maternelle anglaise ont émigré, soit une émigration nette de 49 000 par rapport à une émigration nette des francophones de 12 200. Je pense qu'il faut en tirer des conclusions: Sur la base de ces chiffres, le Québec se francise, il ne s'anglicise pas. Il faut le reconnaître. Une deuxième chose: Le ministre s'en remet à beaucoup d'études; il mentionne que ce sont des études maintenant très connues. Je voudrais simplement rappeler que parmi ces études, plusieurs datent d'avant les données de 1971, y compris celles de Charbonneau et Maheu. Ces études ont été faites, alors qu'on ne connaissait même pas les résultats du rencensement de 1971.

En ce qui concerne les conclusions qu'ont tiré Charbonneau et Maheu, quand ils ont pris connaissance du rapport de 1971, cela n'a été qu'une phrase dans leur étude. Tout le reste est basé sur des périodes antérieures.

Or, qu'est-ce qui s'est produit au cours de cette période? A partir de 1968, il y a eu un renversement dans l'immigration que tout le monde reconnaît. Un renversement complet, peut-être séculaire. On avait eu des migrations nettes au Québec, positives. Je ne veux pas remonter... parce qu'il y a eu des périodes antérieures où il y a eu de l'immigration négative aussi. Si on regarde les 40 dernières années ou à peu près, on avait des migrations nettes positives au Québec. On a eu des flots considérables d'immigrants. A partir de 1968, on a eu des migrations nettes. De 1968 à 1975, cela a été à peu près 63 000 personnes, si je me rappelle bien, donc, une moyenne par année d'à peu près 5000 à 6000 immigrants.

On fait maintenant état d'un renversement nouveau de 1973 à 1975-1976. On dit: regardons, les migrations sont positives, donc, on ne peut plus rien en tirer comme conclusion. Je m'excuse, mais on sait ce qui détermine ces migrations. C'est, en grande partie, l'existence d'emplois ou l'absence d'emplois. C'est l'hypothèse qu'on doit faire. Quand on dit qu'on va se fier aux statistiques du premier trimestre 1977, ça veut dire quoi? Cela veut dire qu'on va se fier à des migrations nettes qui supposent pratiquement le plein emploi au Québec. Et ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.

Donc, il est impensable qu'on puisse dire aujourd'hui, que ces migrations vont redevenir positives, comme elles ont pu l'être au cours des années 50. C'est absolument impensable de dire cela, parce que le principal facteur qui détermine ça, c'est l'existence ou non d'emplois. Une autre chose me semble intéressante: Quand le ministre dit qu'il s'agit d'une proposition gratuite que de supposer des migrations nettes dans l'appendice A et que pour l'appendice B, au contraire, ce ne serait pas un jugement de valeur, ce ne serait pas gratuit, je pense que dans les deux cas, tout ce qu'on peut faire, c'est se reporter à l'expérience passée et porter un jugement là-dessus. Dans les deux cas, ce sont des jugements de valeur que l'on fait quand il s'agit de profiter, à l'avenir. Je ne vois pas pourquoi le ministre rejetterait du revers de la main une hypothèse basée sur moins de 9000 immigrants, lorsqu'on a cette expérience depuis 1968, et qu'il accepterait automatiquement comme valide et comme certaine une immigration nette, positive, de 7000 personnes par année. Je pense que c'est sans fondement, ça non plus.

Enfin, je pense que pour la période 1966-1971, le ministre a dit qu'on exagérait l'immigration nette. Je ne pense pas qu'on exagère l'immigration nette, parce que de 1966 à 1971, je l'ai dit tout à l'heure, c'est en 1968 que se fait le point de coupure ou le point de retournement. Pendant cette période, il y a eu des migrations nettes positives, importantes, comme en 1966-1967, et des migrations nettes négatives, importantes, après 1968. Donc, c'est probablement une bonne moyenne que de retenir la période 1966 à 1971.

Ceci dit, je voudrais m'associer à mes prédécesseurs pour féliciter l'Université McGill pour son excellent mémoire. J'espère que l'accumulation de statistiques de ce genre va permettre au ministre de réviser les notions qu'il a retenues à partir d'études qui, aujourd'hui, sont nettement dépassées.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, avec une minute.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Très brièvement, pour conclure la partie de l'Union Nationale. Je veux vous féliciter, puisqu'avec une université, on est sûr de regarder des dossiers d'avenir plutôt que des dossiers historiques. On est habitué ici à se baser sur des faits historiques. L'immense majorité des faits s'arrêtait en 1971, alors que ce matin, vous nous présentez, avec certains autres dossiers également, des faits qui partent de 1971 à 1977, ce qui est beaucoup plus réel dans la communauté québécoise, je pense.

On parle de piger des chiffres à droite et à gauche. J'ai apprécié... J'espère que le ministre acceptera l'offre que vous lui avez faite de mettre vos hommes à la disposition des siens, pour faire des chiffres comparés, afin qu'on ne soit pas à gauche et à droite, mais qu'on ait des chiffres du centre qui ressembleront peut-être plus à notre collectivité québécoise.

Une question, si je n'ai pas le temps pour deux. Je la ferai à deux volets. Vous ne parlez pas des immigrants, des allophones au Québec, ou très vaguement. Est-ce qu'on doit comprendre que vous les incorporez à la communauté canadienne-française? Ou est-ce que vous proposez de les incorporer à la communauté canadienne-française?

M. Bell: M. le Président, à mon avis, les immigrants vont, par leur libre choix, choisir le français dans l'avenir. Le leader de la communauté italienne, par exemple, a constaté que les Italiens vont choisir l'école française à condition que la langue seconde, c'est-à-dire l'anglais, soit bien enseignée dans les écoles.

Je crois que cette tendance est naturelle. Il est évident que j'approuve cette tendance.

M. Grenier: Merci. Vous êtes aussi assez vague, je pense, sur la possibilité de la langue. Est-ce que vous pourriez nous dire de quel statut doivent jouir les langues française et anglaise en regard de la loi? Me Fortier?

M. Fortier: Là, vous me posez une question à laquelle je pourrais répondre lorsque la présentation de l'Université McGill sera terminée. Je pourrai vous donner un avis juridique gratuit si vous voulez bien.

Mais, comme je suis ici à titre de procureur de l'Université McGill et que l'Université McGill n'a pas choisi de discuter de cet aspect du projet de loi no 1, je ne crois pas que ce soit conforme à mon mandat. C'est bien respectueusement que je m'y conforme. Mais il me fera plaisir de le faire après.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Fortier, d'autant plus que, à la suite de vos remarques, je m'en permets une.

M. le député de Mégantic-Compton, comme tous les autres d'ailleurs, a dépassé son temps. Cependant, j'ai laissé porter. Je souligne ceci, pas pour le député de Mégantic-Compton seulement, mais bien pour tous les membres de la commission. Après cette audition, j'aurai peut-être un mot à dire à ce sujet.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je serai très bref, M. le Président. Je partage les sentiments de mon collègue sur le danger des règlements dans un projet de loi qui a 27 articles régis par des règlements. Je sais par expérience qu'il est très rare que les règlements ne dépassent pas le principe du projet de loi. Je me demande comment on peut préparer des règlements sans étudier ces règlements avec la même profondeur que celle qu'on va apporter à étudier clause par clause le projet de loi quand nous en serons à la deuxième lecture. je veux tout simplement souligner à Me Fortier la sagesse du ministre de l'Immigration, en 1971-1972, ministre qu'il connaît bien lui-même. Vous voyez qu'en 1971, les immigrants qui parlaient français étaient a peine de 28% et, aujourd'hui, ils sont de 44%, près de 45%. Cela veut dire que l'accent est maintenant plus positif, dans le sens de choisir les immigrants qui possèdent les deux langues officielles du pays. La raison pour laquelle vous verrez, je pense, une diminution dans les taux d'immigration, c'est qu'en 1971, nous avons changé la Loi de l'immigration pour ne plus permettre aux visiteurs qui viennent au Québec, au Canada, de demander le droit d'être des citoyens ou des immigrants pendant qu'ils sont ici, au Canada.

C'est regrettable que le Dr Laurin n'ait pas touché aux tableaux qui paraissent dans ce mémoire parce que je pense que ce mémoire fait état des communautés minoritaires, et je me suis toujours battu pour les minorités, comme M. Fortier le sait, quand j'étais à Ottawa, les minorités francophones de toutes les provinces et maintenant les minorités qui sont affectées par ce maudit bill discriminatoire.

Je vais vous dire qu'il y a un tableau, à l'annexe II, page 10, qui démontre six moyens par lesquels il y a de la discrimination, intentionnellement ou non pas intentionnellement, si vous voulez, et je pense que cela a pu créer au moins six catégories de minorités qui sont toutes de la même expression, selon les accidents et non pas autre chose. Je pense que c'est la clef de notre problème. On entend tous les jours le Dr Laurin répondre à toutes les questions qui sont posées sur le climat créé par ce bill no 1... Une fois que nous aurons cette réponse, je pense qu'il y aura plus de coopération de la part des minorités pour en arriver au principe que tout le monde est d'accord sur ce fait que nous vivons dans un territoire, un pays, une province, si vous voulez, où la majorité est d'expression française, où 80% des gens sont d'expression française, ils craignent de voir leur langue et leur culture disparaître parce qu'il existe 20% de gens qui sont d'expression anglaise.

M. Laplante: Me permettriez-vous de poser seulement une petite question, M. le Président, en vertu de l'article 100, à M. Mackasey?

Le Président (M. Cardinal): Oui, s'il veut bien répondre.

M. Laplante: S'il veut bien répondre.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Vous dites, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Mackasey: Vous n'êtes pas le Dr Laurin, j'ai adressé mes paroles au Dr Laurin. Je vous parlerai et je vous adresserai mes questions quand vous serez ministre.

M. Laplante: Non, c'est seulement une petite question.

M. Mackasey: Oui, allez-y.

M. Laplante: Vous parlez de 80% de majorité francophone contre 20% et dites qu'on ne doit pas avoir peur. Mais pourquoi est-ce que l'Ontario a peur de donner un procès en français à M. Filion?

M. Mackasey: Nous n'avons aucune crainte. La seule différence entre vous et les jeunes qui étaient ici hier soir, c'est que leur philosophie est basée sur la fierté, le courage. Ils sont capables de vivre les problèmes de l'avenir, tandis que vous, vous demeurez encore dans l'histoire du Canada et vous voulez continuer la bataille des Plaines d'Abraham. Vous vivez encore...

M. Laplante: Ce n'est pas cela.

M. Mackasey: ... comme il y a cent ans, au lieu d'aller de l'avant.

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Mackasey: ... comme les gens l'ont fait hier soir.

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre!

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. Mackasey: Vous ne parlez pas avec la même base de philosophie que moi, ce n'est pas plus compliqué que cela.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mackasey: Posez-moi donc une autre question.

M. Guay: M. le Président, j'invoque le règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: J'invoque le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, sur une question de règlement.

M. Guay: J'invoque l'article 99, M. le Président. Le député de Notre-Dame-de-Grâce est manifestement en train d'imputer des motifs à l'un ou l'autre des députés ministériels. Cela me semble contre-indiqué carrément par l'article 99 et je vous demanderais de le rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Taschereau, c'est exactement ce que je viens de faire.

M. Guay: Bravo!

Le Président (M. Cardinal): J'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce...

Une Voix: C'est vrai.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, l'objection du député de Taschereau est tout à fait invalide, étant donné que le député de Bourassa a eu l'audace de poser une question. Il a eu une réponse, tout à fait dans l'ordre du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: Je n'ai pas eu de réponse. M. Lalonde: Je pense que c'est...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! A l'ordre, tout le monde, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre!

Je m'excuse. Vous êtes en train de tous errer. Avant que les deux questions de règlement aient été...

M. Le Président (M. Cardinal): C'est cela qui est malheureux. Avant que la question de règlement n'ait été posée par deux députés, j'avais déjà rappelé le député de Notre-Dame-de-Grâce à l'ordre. Cependant, il reste encore cinq minutes au parti ministériel. Je ne sais pas si le député de

Notre-Dame-de-Grâce désire continuer. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Lalonde: II y a eu interruption d'un député ministériel. Il va à l'encontre du règlement.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Mackasey: Vous savez que je n'ai jamais d'argument avec vous, M. le Président. Je pense que j'ai dit mon point et je vais laisser mon temps...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Robert Baldwin. Non? Oui?

M. O'Gallagher: Je ferais peut-être une suggestion. Je voudrais suggérer qu'on fasse un congrès des démographes et que les démographes choisis aient un atelier de travail pour en arriver à des chiffres plus normaux.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Pour terminer, et vraiment pour terminer cette audition, Mme le député de L'Acadie, avec un maximum de trois minutes, s'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Non, merci.

Le Président (M. Cardinal): Vous laissez tomber. Oui, M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je voudrais demander un éclaircissement très rapide aux intervenants sur une intervention qu'ils ont faite tantôt.

Le Président (M. Cardinal): Si la commission y consent, parce que tout le monde a épuisé son temps présentement.

M. Guay: Je suis parfaitement conscient du temps, M. le Président. C'est simplement qu'à un moment donné, on a évoqué...

Mme Lavoie-Roux: Pas de consentement.

M. Lalonde: Pas de consentement, il y a des gens qui nous attendent.

M. Alfred: ...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Papineau, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Papineau.

Mme Lavoie-Roux: II est sidéré.

Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord.

M. Alfred: Je peux répondre au député de Marguerite-Bourgeoys, si...

Le Président (M. Cardinal): Non, vous ne pouvez pas répondre.

M. Alfred: Alors, cela ne vaut pas la peine que je réponde à l'intervention du député de Marguerite-Bourgeoys, cela ne vaut pas la peine.

Le Président (M. Cardinal): Je demanderais aux membres de la commission d'éviter tout débat. Ecoutez, cette audition a débuté exactement à 10 h 18. Une audition doit durer 90 minutes. Je veux tout d'abord remercier le Dr Bell et ceux qui l'accompagnent pour la préparation du mémoire, Me Fortier, pour la présentation du mémoire. Je désire aussi les féliciter pour leur patience. Ils ont attendu assez longtemps avant de venir à cette table. Ils ont aussi répondu pendant toute cette période de 10 h 18 à 12 h 3. Je remercie donc les membres de l'Université McGill, les porte-parole de l'Université McGill. J'inviterais, cependant, les membres de la commission à faire attention. Nous avons trois autres organismes. Il faut avoir un certain respect pour ces gens qui attendent. Nous savons que nous devrons ajourner à 18 heures, qu'il y a des travaux à l'Assemblée nationale cet après-midi à 15 heures. Je répète une autre fois qu'aucun parti n'est tenu d'employer tout le temps, et même plus que le temps nécessaire. Tous ces mémoires sont importants, mais cependant, il y a un accord entre nous et ces auditions devraient se limiter à 90 minutes. Avant que ne vienne devant nous le prochain organisme, je fais cet appel, non pas pour brimer le droit de parole des députés ou du ministre, mais pour leur faire penser qu'il y a un dernier groupe, Participation Québec, qui devrait être entendu avant que nous ne terminions. Sur ce, merci, Dr Bell, merci, Mme Boville, merci, M. Stansbury, merci, Me Fortier, merci, Mme Paltiel, enfin tous, j'espère que je n'en oublie pas, merci. Vous êtes libérés. J'appelle immédiatement le prochain organisme, le Centre des dirigeants d'entreprise, mémoire 246.

A l'ordre, s'il vous plaît! Nous avons devant nous le Centre des dirigeants d'entreprise. M. Brunelle en est le directeur général. M. Brunelle, si vous voulez bien présenter ceux qui vous accompagnent?

Centre des dirigeants d'entreprise

M. Laplante (Richard): Je suis Richard La-plante, président du Centre des dirigeants...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, votre micro, s'il vous plaît!

M. Laplante (Richard): Mon nom est Richard Laplante, président du Centre des dirigeants d'entreprise.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Vous savez que vous avez 20 minutes, et, théoriquement, les députés ont 70 minutes.

M. Laplante (Richard): Question d'information. Est-ce que la commission va siéger jusqu'à...

Le Président (M. Cardinal): Nous devons né- cessairement ajourner à 13 heures, je n'ai pas le choix, en vertu du règlement. Ce qui veut dire que si nous n'avons pas terminé, encore une fois, je ne peux pas préjuger de ce qui va se passer, vous serez invités à revenir avec nous cet après-midi.

M. Laplante (Richard): Merci.

Le Président (M. Cardinal): C'est pourquoi je viens d'inviter les députés à restreindre leur temps de parole.

M. Laplante (Richard): Nous ferons, de notre côté, tout notre possible pour nous limiter au temps qui nous est réservé.

M. le Président, nous allons faire notre présentation en deux volets. Je me permettrai en tant que président du Centre des dirigeants d'entreprise, de donner la partie introduction de notre mémoire et de laisser au directeur général, M. Brunelle, le soin de faire des recommandations, article par article, au projet de loi no 1.

Tout d'abord, le CDE tient à affirmer, une fois de plus, qu'il reconnaît la nécessité d'une intervention gouvernementale ayant pour but d'assurer la revalorisation et l'épanouissement de la langue française au Québec.

Nous constatons que deux attitudes principales à l'égard du projet de loi no 1 peuvent se vérifier. La première attitude consiste à adopter une vue pessimiste du présent et de l'avenir, et à concevoir comme essentielle une politique de défense systématique du français. La langue et même la survie des Canadiens français étant menacées selon cette option, on doit les protéger par tous les moyens, et s'il le faut, pour y parvenir, restreindre les droits et les privilèges d'une partie des citoyens.

Par contre, une deuxième attitude, qui repose sur une vue plus sereine et optimiste de la situation, est celle prônée par le CDE. Elle est basée sur la conviction que l'affranchissement des Québécois francophones est déjà engagé de façon irréversible et qu'il se réalisera par l'affirmation de leur propre vitalité dans toutes les formes d'activités.

Le Québec de l'avenir se réalisera dans un dynamisme qui saura concilier, sous le signe français, la diversité de ces composantes.

Le CDE a toujours insisté sur l'adoption de méthodes incitatives, mais assorties d'engagements fermes de la part de l'entreprise quant à la réalisation de sa propre politique de francisation et de francophonisation. Le choix de l'incitation plutôt que de la coercition a été fondé sur le résultat de sondages effectués auprès des membres du CDE. Parmi les répondants, 82% ont opté pour la méthode incitative. L'évolution de la situation depuis quelques années semble confirmer, hors de tout doute, que la méthode incitative donne des résultats très positifs. Le domaine des rapports quotidiens entre les deux groupes linguistiques se prête mal à l'analyse statistique. Ce matin et hier, on a fait la guerre des chiffres. Le CDE n'a pas l'intention d'embarquer dans cette dissertation.

II suftit de vivre à Montréal pour constater que les anglophones font du français un usage beaucoup plus délibéré que par le passé. Cette disposition se manifeste aussi bien dans les rapports personnels ou sociaux qu'à l'occasion de multiples échanges commerciaux dont est faite la vie de tous les jours.

Un fait significatif: L'évolution des anglophones s'est effectuée avec un minimum de heurts sans soulever les antagonismes qui, sous l'effet de méthodes coercitives, auraient pu empoisonner le climat social. On aurait donc raison de miser sur la maturité des groupes linguistiques.

Dans le domaine scolaire, l'acceptation du français par les anglophones se manifeste à un rythme accéléré, comme l'établissent les renseignements fournis dans le mémoire d'Action positive.

La participation des élèves de l'école maternelle au cours d'immersion en français est passée de 2% en 1965 à 50% en 1976. La participation actuelle des élèves de la septième année de l'école protestante du Grand Montréal est passée à 45%.

Le mémoire ajoute que les parents anglophones réclament à grands cris un enseignement du français plus étoffé et de meilleure qualité qui est limité par l'insuffisance des ressources accordées par le ministère de l'Education pour l'enseignement des langues secondes—C'est un phénomène que j'ai pu vérifier comme commissaire d'école: on n'a pu donner suffisamment de professeurs de français à l'école anglaise, parce qu'on n'avait pas les ressources suffisantes et que les normes du gouvernement empêchaient de le faire,—

L'entreprise: On assiste aussi à une évolution substantielle de la situation au sein des entreprises, évolution inégale, selon qu'il s'agisse de telle ou telle entreprise, de tel ou tel niveau de responsabilité d'un siège social ou d'une filiale. On sait que de nombreuses entreprises ont adopté des programmes de francisation et de francophonisa-tion, des cours de français aux cadres anglophones, l'embauche et la promotion de francophones à des postes plus ou moins élevés dans la structure.

On peut déplorer qu'aucune recherche exhaustive ne permette d'avoir une vue claire de la situation. Mais quel que soit l'intérêt que puisse présenter une telle recherche, les conclusions en resteraient toujours contestables. D'ailleurs, aucune enquête statistique ne peut rendre compte de la complexité et de la variété des circonstances des lesquelles se situe l'application aux entreprises d'une politique linguistique.

Le CDE, malgré tout, tient à verser au dossier deux tableaux extraits d'une recherche effectuée pour d'autres fins que les fins aujourd'hui spécifiées, une étude, faite en 1975, auprès de 244 cadres, répartis dans 35 entreprises dont 19 étaient francophones et 16 étaient anglophones. Si vous voulez, je vais passer par-dessus ces statistiques pour arriver immédiatement aux conclusions qu'on pouvait en tirer.

A la page 7 du tableau no 2, nous proposons de considérer les éléments suivants: L'expérience nettement plus longue des cadres anglophones chez leur employeur actuel; la plus grande variété de l'expérience des cadres se retrouve chez les cadres anglophones; l'âge médian— ceci est important — des cadres francophones est de 36 ans et, par contre, l'âge médian des cadres anglophones est de 45 ans. Je pense que ceci peut avoir un effet très important tantôt.

Le fait que ces cadres anglophones travaillent généralement pour des entreprises à plus forte dimension est aussi une constatation importante.

Or, à retenir, les facteurs mentionnés ci-haut expliquent, dans une bonne mesure, la différence des salaires médians de $18 000 environ pour les francophones à $22 000 pour les anglophones. C'est souvent une question d'âge et je pense que tous ceux qui sont proches des conventions collectives savent que les phénomènes d'ancienneté sont importants au niveau des salaires.

On peut difficilement déceler, dans les conditions décrites, des traces de discrimination à ce sujet.

La jeunesse aussi des cadres francophones et leur nombre relativement élevé invitent à croire que les politiques d'embauche des entreprises se sont modifiées à des dates plutôt récentes, mais qu'elles tendent à favoriser le groupe francophone. Il est intéressant de constater que la répartition des cadres de notre échantillon reflète à peu près exactement les proportions des deux principaux groupes linguistiques dans la région de Montréal.

Dans l'attribution de nouvelles fonctions, les entreprises procèdent le plus souvent par promotions internes et compte tenu de l'expérience des candidats. Dans ces conditions, on peut raisonnablement présumer que l'accession des francophones aux postes supérieurs sera fonction, à compétence égale, du nombre qu'ils représentent actuellement et qu'ils représenteront à l'avenir dans l'ensemble de cette catégorie d'employés. Cette perspective est confirmée par des déclarations nettes des chefs d'entreprise.

Nous le répétons, les données utilisées ici ne permettent pas d'apporter des réponses péremp-toires au problème de la pénétration du français et des francophones dans l'entreprise du Québec. Elles permettent néanmoins de constater que les cadres francophones constituent un bloc substantiel dans un certain nombre d'entreprises importantes; que cette situation s'est développée à la faveur d'une politique incitative, appuyée par une volonté ferme des pouvoirs publics.

Nous le reconnaissons, des ilôts de résistance persistent. Certaines entreprises semblent hésiter, par exemple, à introduire des francophones dans les plus hauts paliers de leur structure administrative. Il s'agit d'une déficience sérieuse, dans la mesure où la communauté de langue et de culture constitue un facteur privilégié de compréhension réciproque entre les individus. Comme l'expérience le démontre, la présence d'un francophone vigoureux dans une fonction élevée est souvent une condition nécessaire, sinon essentielle, à une francophonisation sérieuse du milieu.

Pour ce qui est des sièges sociaux, nous ap-

puyons l'analyse qu'a faite de ce problème la mission que vous avez envoyée en Europe. Par contre, le CDE estime que l'Office de la langue française pourrait prendre, avec ces entreprises, qui ont leurs sièges sociaux au Québec, des arrangements souples ayant pour but, premièrement, d'introduire au sein des sièges sociaux un nombre de cadres supérieurs et intermédiaires québécois compatible avec l'importance relative des effectifs québécois dans l'ensemble de leur personnel; ces cadres devraient être bilingues et on devrait y trouver une proportion équitable de francophones; de privilégier, à compétence égale, l'embauche de Québécois pour des postes subalternes, en tenant compte du même facteur linguistique et d'encourager l'usage du français au travail dans les sièges sociaux, dans la mesure où le permet l'efficacité des opérations.

Les vues du CDE sur la politique linguistique se situent dans une démarche socio-économique cohérente et le CDE préconise, à l'égard des relations entre l'entreprise et le syndicat, comme il l'a fait au Sommet économique d'ailleurs et depuis longtemps — c'est dans la tradition du CDE — une approche fondée sur une participation, sur la concertation et sur la conciliation des intérêts. Ces attitudes sont essentielles au règlement des difficultés majeures que nous venons d'évoquer.

Le CDE se croit justifié de suggérer qu'on applique les mêmes règles de comportement dans la solution des questions linguistiques. Je demanderais maintenant à M. Brunelle de continuer sa présentation sur les points précis.

M. Brunelle (Jean): M. le Président, dans le même souci d'économie, je vais m'efforcer de passer rapidement sur nos commentaires en ce qui touche aux différents articles du projet de loi no 1.

Première remarque, le préambule. Comme beaucoup d'autres groupes l'ont fait remarquer, il nous semble absolument inadapté aux conditions socio-économiques et sociales, en tout cas, du Québec. Il a pour effet, du moins dans son premier paragraphe, d'éliminer complètement les droits du groupe anglophone, et nous pensons que les Canadiens français n'en demandent pas tant. Il y a non seulement le préambule lui-même, mais il y a aussi ses effets sur le contenu de certains articles de la loi. Par exemple, de réserver au français exclusivement la législation et la justice au Québec nous semble une exagération inutile. Nous sommes, en principe, d'accord sur la promotion du français, mais il nous semble que celle-ci ne doit pas exiger, de la part du groupe anglophone, des sacrifices absolument inacceptables. Nous pensons que dans le domaine de la législation aussi bien que de la justice, on pourrait facilement concéder aux anglophones l'usage de leur langue sans que cela nuise en aucune façon aux privilèges des francophones.

Quant à l'engagement dans l'administration, nous sommes d'accord sur l'article no 19. Nous pensons toutefois que quand ils répondent aux exigences linguistiques, des anglophones plus nombreux pourraient avoir accès à des postes de l'administration publique. Ce qui permettrait une intégration beaucoup plus facile de leur groupe dans la société québécoise.

Article 20, les services et organismes de l'administration communiquent entre eux dans la langue officielle. Là, comme d'autre groupes, nous suggérons que les groupes anglophones, à majorité anglophone, dont les membres sont des anglophones, puissent normalement communiquer entre eux en anglais et communiquer avec leurs membres aussi dans la même langue. Evidemment, toutes ces remarques sont faites dans l'esprit suivant, c'est que les droits des francophones à l'intérieur de ces groupes devraient être évidemment ménagés.

Au sujet des ordres professionnels, nous avons une remarque à faire. Leurs membres, souvent, travaillent à l'intérieur de services de recherche ou à l'intérieur de bureaux d'experts-conseils. On sait que dans les deux cas, l'expertise souvent, l'expérience, la compétence doivent se retrouver sur un marché qui est un marché mondial. C'est-à-dire que dans certains bureaux importants, souvent dirigés par des francophones, on trouve des individus qui proviennent de plusieurs pays à travers le monde. Ceux-ci sont rares et étant rares, reçoivent de toute part des offres d'emplois et normalement choisissent celles qui leur sont le plus favorables. Nous pensons que, par exemple, l'obligation qui serait faite à leurs enfants de fréquenter une école plutôt qu'une autre, ou l'obligation qui leur serait faite à eux-mêmes d'avoir à se soumettre à des tests linguistiques, aurait pour effet, dans bien des cas, d'éloigner des entreprises en cause, des services en cause, des sources d'enrichissement, de compétences qu'il leur faut absolument se procurer si ces institutions veulent continuer à exercer le rôle qui est le leur. Il y a là un problème économique pour le Québec et nous pensons que les articles 27, 30 et 32 devraient être modifiés en conséquence.

En ce qui concerne l'article 34 et tout le domaine de la convention collective, le CDE, comme groupe francophone, avec des membres en grande majorité francophones, ne verrait aucune objection à ce que les conventions collectives soient rédigées dans la langue de la majorité des travailleurs pourvu que soit fournie aux travailleurs de l'autre langue, une version de la même convention. Quant à la priorité juridique de l'une ou l'autre des versions, nous pensons, avec le Barreau, que ce devrait être la version originale.

Quant aux articles 36 et 37 qui interdisent à un employeur de congédier ou de rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou ne connaît pas suffisamment une langue donnée, nous croyons que la décision doit être, dans ce cas-là, laissée à l'entreprise, c'est-à-dire la décision qui consiste à déterminer le contenu d'anglais qui est requis pour l'exécution d'une tâche. Comme on l'a fait remarquer hier, il se pose là des problèmes de relation de travail, des problèmes extrêmement complexes, des problèmes humains et ce serait compliquer inutilement l'ad-

ministration du personnel que d'introduire, dans les relations normales de l'entreprise et de ses travailleurs, une distinction de nature sociologique qui aurait pour effet de créer des conflits beaucoup plus que de résoudre des situations.

Quant à la langue du commerce, je pense que je devrais répéter ici ce que je disais tantôt, que le français soit d'abord respecté, je pense que c'est une priorité à laquelle nous nous rendons avec le plus grand accord. Mais il n'en reste pas moins que nous avons au Québec une population considérable d'anglophones et c'est une des questions dans lesquelles l'usage de la langue anglaise ne nuit aucunement aux privilèges des francophones. Le cas, par exemple, de l'affichage et de l'étiquetage pourrait facilement être ouvert à la langue anglaise et nous pensons que l'article 46 devrait être amendé de façon à confirmer nettement les droits des anglophones dans ce domaine.

Quant aux raisons sociales qui devraient être, selon l'article 48, rédigées seulement en langue française, nous avons reçu de la part de nos membres francophones opérant dans des régions comme le Bas-du-Fleuve, Rimouski, Rivière-du-Loup, le Saguenay, des remarques à savoir qu'une telle disposition, si elle devenait obligatoire, pourrait nuire à leurs propres intérêts économiques. En somme, on faciliterait ainsi l'identification d'un acquéreur étranger au milieu francophone québécois et cela pourrait constituer, dans bien des cas, un obstacle de plus ou une difficulté additionnelle dans le domaine de la concurrence.

Les hommes d'affaires en question ne demandent pas qu'on puisse identifier comme tels des acquéreurs étrangers, ils sont habitués à vivre dans des courants d'air, à soutenir la concurrence sur tous les fronts mais ils ne voient aucune utilité à faciliter l'enrichissement des étrangers si on peut l'éviter.

Quant à la langue d'enseignement, le CDE maintient une position qu'il a déjà exprimée et qui est la suivante: Les citoyens résidant au Québec peuvent inscrire leurs enfants à l'école de leur choix. Le gouvernement doit faire en sorte que les réseaux scolaires français et anglais assurent à leurs élèves une connaissance sérieuse de la langue seconde. Les enfants d'immigrants non anglophones qui entreront au Québec après la proclamation de la politique linguistique devront être dirigés vers l'école française jusqu'à ce qu'ils aient acquis la citoyenneté canadienne.

Ces propositions sont justifiées, selon nous, par la maturité sociale et le sens des responsabilités des Québécois francophones, par la faveur considérable dont jouit désormais la langue française auprès des Québécois anglophones, par le besoin évident qu'ils ont les uns et les autres de posséder une connaissance sérieuse de la langue seconde, par l'avantage que trouverait le Québec de situer les immigrants, une fois possesseurs de leurs droits de citoyenneté, dans le même contexte de libertés et de responsabilités.

Nous réalisons cependant que les mentalités qui se sont développées depuis quelques années peuvent rendre difficiles, sinon impossibles, l'ap- plication et la réalisation d'un consensus sur de telles recommandations. Si tel était le cas, nous nous rendrions à la formule proposée par le Conseil supérieur de l'éducation, que les membres de la commission connaissent et qui est la suivante: Aux niveaux élémentaire et secondaire, le conseil recommande l'adoption du principe suivant: la langue d'enseignement au Québec est le français pour tous ses résidants et pour tous ceux qui viendront s'y établir, sauf pour les enfants de langue maternelle amérindienne ou inuit et pour les enfants de langue maternelle anglaise.

Les enfants qui se trouveront déjà inscrits dans les écoles de langue anglaise, au moment de la promulgation de la loi, pourront continuer de les fréquenter, si leurs parents le demandent, leurs frères et soeurs pourront les y suivre.

Le CDE insiste énormément sur le fait que si on devait adopter la recommandation de la formule proposée par le Conseil supérieur de l'éducation, on devrait s'assurer d'une façon très nette que la langue seconde est enseignée convenablement dans les écoles anglaises et dans les écoles françaises. Je tiens à préciser que le CDE s'oppose énergiquement à l'article 52 qui réserverait aux anglophones du Québec l'accès aux écoles anglaises.

Le CDE suggère également que l'article 57 qui est le suivant: "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut être délivré à l'élève qui n'a du français, parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministère de l'Education". Et que la même obligation soit faite aux écoles anglophones, pour les élèves des écoles francophones.

Il est institué à l'article 67 un Office de la langue française. Beaucoup d'autres mouvements ou associations ont noté le fait que l'Office de la langue française jouit, selon l'article en question et selon d'autres articles, d'une autorité excessive.

Il nous semblerait absolument essentiel d'assurer que l'Office de la langue française, aussi bien que la commission de surveillance de la langue française, soient dotés l'une et l'autre d'un conseil d'administration représentant, comme c'est le cas actuel de la régie, les organismes du milieu ou les principales couches de la population.

Nous suggérons également... du moins, nous nous interrogeons sur l'utilité de diviser en deux le rôle actuellement confié à la régie. Dans un cas, il s'agit d'un rôle souple, celui qui consiste à faire avec des entreprises des arrangements afin d'améliorer les conditions dans lesquelles on peut acquérir et développer le français. Dans l'autre, il s'agit surtout d'un rôle de contrôle et de surveillance avec un mandat très exigeant. Nous pensons que la cohabitation des deux groupes pourrait faciliter l'efficacité des opérations aussi bien dans le domaine des ententes avec les entreprises qu'en ce qui concerne les pénalités à imposer quand le cas devra se présenter.

Nous pensons qu'il serait sage d'étendre au-delà de l'année 1983 l'obligation pour les entreprises d'obtenir un certificat de francisation. Dans certains cas, le délai est suffisamment long; pour

d'autres, nous savons que la constitution même de la main-d'oeuvre requerra nécessairement des délais plus longs pour la francisation des opérations.

Le Président (M. Dussault): M. Brunelle, est-ce qu'il serait possible de vous demander de conclure, s'il vous plaît?

M. Brunelle: Oui, je peux essayer de le faire, M. le Président, le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les comités de francisation, nous pensons que l'autorité entière de la constitution des comités de francisation devrait être laissée à la direction de l'entreprise. Nous nous opposons, comme bien des gens, à ce que la Charte des droits et libertés de la personne soit soumise à la Charte de la langue française.

Mon dernier commentaire, serait le suivant: II faudrait, je pense, enlever les articles qui prévoient des demandes d'enquêtes. On pourrait provoquer, à l'intérieur du Québec, une série de revendications absolument lourdes de conséquences, aussi bien dans les relations entre l'entreprise et ses travailleurs qu'entre les différents groupes sociaux et linguistiques du Québec.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie de votre témoignage. Je cède maintenant la parole au ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je remercie beaucoup le Centre des dirigeants d'entreprise pour le mémoire intéressant qu'il vient de nous présenter. J'avais déjà eu l'occasion, lors de ma tournée au Québec, de rencontrer les membres du Centre des dirigeants d'entreprise, et je me rappelle avoir eu avec eux un dialogue à la fois intéressant et constructif.

Avant de commenter l'une ou l'autre des recommandations qu'il nous fait, j'aimerais que le Centre des dirigeants d'entreprise nous informe davantage sur la composition de ses effectifs. M. Brunelle nous a dit que la plupart de ses membres sont francophones. J'aimerais avoir un peu plus de détails sur le nombre, la composition... et surtout, sur la composition linguistique des entreprises qui font partie du CDE.

M. Laplante (Richard): J'avais prévu cette question. Le CDE est formé d'environ 350 entreprises qui nous délèguent 900 individus. 70% de ces entreprises sont de petites entreprises, 20% sont de moyennes entreprises et 10% sont de grandes entreprises.

Les entreprises anglophones représentent 6%. Je vais aller un peu plus loin que votre question: les entreprises anglophones financent 14% du budget de CDE qui est d'environ $200 000.

On peut vraiment penser que la position du CDE est en majorité celle de chefs d'entreprises francophones. C'est ce point de vue qu'on essaie de défendre.

M. Laurin: J'aimerais maintenant vous demander la procédure que vous avez suivie pour la préparation de ce mémoire, et en particulier, de quelle façon il a été soumis pour étude ou pour consultation à vos membres.

M. Brunelle: Le 3 mars, nous avons fait une consultation à laquelle tous les membres ont été convoqués afin d'étudier différents sujets. Il s'agissait d'un mémoire à présenter à M. Léves-que. A cette occasion, nous avons également consulté nos membres sur les principaux articles du contenu du mémoire.

Celui-ci, de fait, est une suite logique des mémoires que nous avons présentés à la Commission Gendron en 1969, au gouvernement en 1973 et en 1974. C'est la quatrième fois que nous nous lançons dans l'aventure d'un mémoire sur le sujet.

Nous avons aussi soumis différents documents en cours de rédaction à tous nos membres et à nos groupes régionaux qui, dans la plupart des cas, ont fourni des opinions sur les principales orientations contenues dans le mémoire. Evidemment, le conseil d'administration s'est penché sur un document préfinal, si je peux dire.

M. Laurin: C'est donc à une consultation lors d'une assemblée de vos membres...

M. Brunelle: Pour être précis, nous n'avons pas eu le temps d'envoyer à nos membres un questionnaire que nous avons voulu préparer. Nous avons été pressés par le temps, par l'échéance du 6 juin et nous sommes absolument convaincus que les principales orientations du mémoire représentent fidèlement l'opinion de nos membres.

M. Laurin: Oui, c'était précisément, au fond, le sens de la question que je voulais vous poser, parce que les journaux nous ont rapporté récemment qu'un autre organisme semblable au vôtre, le Conseil de l'expansion économique, qui regroupe plus de 1200 entreprises, avait procédé précisément par voie de questionnaire, avait envoyé un questionnaire où se retrouvaient les principaux articles du projet de loi, ses orientations fondamentales et qui demandait une réponse à ce questionnaire. L'article de journal nous rapportait que près de 80% des 1200 entreprises avaient répondau et donnaient leurs opinions précises sur chacun des articles. C'est en compilant ces résultats que le Conseil de l'expansion économique avait pu élaborer son mémoire qui, incidemment, supportait, à près de 85%, les principaux énoncés du projet de loi, ainsi que ses articulations fondamentales.

Je me demandais si vous aviez procédé selon un schéma aussi démocratique et rigoureux.

M. Brunelle: Nous avons, comme je vous l'ai dit, procédé de la même façon en 1969 ou 1970, lors de notre première intervention sur le mandat de la Commission Gendron, et nous nous sommes fortement inspirés de ces données-là, étant donné, comme je vous le disais, que nous n'avons pas eu le temps de répéter l'expérience de la consultation formelle.

M. Laurin: C'est donc plutôt sur la base de documents que vous avez envoyés à vos membres et des réactions que ces documents ont provoquées que vous avez préparé le mémoire que vous nous présentez?

M. Brunelle: Nous avons eu aussi, comme je vous l'ai dit, des réactions de nos sept groupes régionaux qui, dans la plupart des cas... Il n'y a eu qu'une seule exception, sur une question de méthode plus que de fond, un groupe a opposé une certaine objection à l'un des documents proposés. Mais tous les membres ont reçu, en cours de route, les documents de préparation et leurs réactions, je pense, nous ont été manifestées de façon assez claire pour que nous puissions croire logiquement que le mémoire représente bien leur opinion.

M. Laurin: J'aimerais maintenant commenter certaines des recommandations que vous nous faites. J'ai souvent l'impression que, ou le projet de loi n'était pas assez clair et, à ce moment-là, il faudra le préciser, ou son interprétation ou l'interprétation que vous en avez faite laisse à désirer.

Par exemple, vous nous recommandez, à l'article 7, de rétablir le droit de s'adresser à l'Assemblée nationale dans la langue de son choix. Si je lis bien le projet de loi, il n'y a absolument rien, dans ce projet de loi, qui interdit à quelque membre que ce soit de l'Assemblée nationale de s'exprimer dans la langue anglaise s'il le préfère ou s'il est anglophone et s'il veut utiliser sa langue pour ses interventions. Est-ce que...

M. Brunelle: A ce sujet, M. le ministre, je pense qu'il faudrait peut-être confirmer le droit des anglophones, parce que, comme nous l'avons lu, la formulation de l'article en question semble limitative et on pourrait faire la même remarque au sujet de plusieurs autres articles.

M. Laurin: Je l'ai remarqué dans plusieurs autres des recommandations que vous nous faites. J'ai l'impression que vous avez recouru à la même interprétation, par exemple pour l'article 27 que vous mentionniez tout à l'heure, la langue de procédure pour la négociation des conventions collectives. Il n'y a absolument rien dans la loi qui interdit à des négociateurs anglophones de s'exprimer en anglais lors de la discussion d'une convention collective. Il n'y a rien qui interdit à un ordre professionnel d'adresser des avis en anglais à ses membres.

Je pourrais faire le même commentaire sur plusieurs autres des articles qui vous ont fait tiquer. Je reconnais avec vous que tout le monde n'est pas juriste et qu'il est peut-être important pour le législateur d'être plus clair et de ne pas se fier à l'interprétation juridique traditionnelle d'un texte de loi. D'autres groupes nous l'ont mentionné avant vous. Je pense qu'il y a assez de groupes qui nous le mentionnent pour nous inciter à nous montrer plus pédagogiques que nous ne l'avons été dans la rédaction de notre projet de loi.

M. Brunelle: Vous avez dû remarquer, d'ailleurs, qu'au cours du mémoire, nous soulignons le fait que ces questions devaient être précises. Il s'agit de vérifier, en somme, que l'intention du législateur est là.

M. Laurin: Oui, d'accord. A l'article 19, vous nous demandez de favoriser par des mesures appropriées la présence plus nombreuse d'anglophones au sein de la fonction publique. Je suis absolument d'accord avec cette suggestion. J'en ai même déjà parlé au ministre de la Fonction publique qui est à réviser, justement, la Loi de la fonction publique. Je lui ai demandé, dans la rédaction qu'il ferait de ce projet de loi, de faire en sorte que ce souhait que nous ont exprimé plusieurs, et que cette conviction que j'ai exprimée moi-même à plusieurs reprises, puissent s'incarner, sinon dans les articles de loi, du moins dans les règlements, et surtout dans les procédures d'embauche, de façon que les anglophones qui constituent une partie importante de la population du Québec puissent avoir droit à ces postes qui sont très importants et qui leur permettent d'exercer leur compétence.

Je me demande, cependant, et j'aimerais avoir votre avis là-dessus, si une des raisons de cet état de chose, ne serait pas l'attirance plus grande que le secteur privé, et en particulier, le secteur privé anglophone exerce sur les diplômés, soit des CEGEP, soit des universités anglophones, en vertu de ce réseau privilégié d'information dont certaines études récentes ont parlé qui fait, par exemple, que les dirigeants d'entreprise, dont on sait que la plupart sont anglophones, ont plutôt tendance a aller chercher, à aller recruter leurs cadres intermédiaires ou supérieurs dans les institutions anglophones d'une part, et qui fait aussi que les diplômés, par tradition de ces institutions, ont tendance à aller s'inscrire ou demander des emplois, surtout dans le secteur privé, en raison d'une tradition qui existe au Québec. Le tout étant l'inverse, évidemment, du côté francophone, où, par tradition également, les francophones estiment, soit qu'ils ne sont pas les bienvenus dans les institutions francophones ou que leur promotion serait plus lente ou que les capacités d'accueil seraient moins chaleureuses.

M. Brunelle: Je pense qu'il y a encore un accent prononcé à l'embauche d'anglophones dans les postes supérieurs de l'administration, mais cette tendance, comme nous avons tenté de le démontrer, par la fenêtre que nous avons ouverte aux 35 entreprises est en train d'être "rapidement" corrigée. Comme le disait tantôt le recteur de l'Université McGill, il semble que dans certaines professions, les finissants mêmes de McGill trouvent plus de difficulté à s'embaucher qu'il y a quelques années. Nous traversons une période de chômage prononcée. Dans la mesure où l'augmentation des cadres à l'intérieur des entreprises va filtrer vers le haut, je pense que la situation des cadres anglophones va changer et qu'ils pourraient, à leur tour, trouver un avantage précieux à pénétrer à l'intérieur de la fonction publi-

que, aussi bien pour des raisons personnelles, d'ailleurs, parce qu'il y a des avantages dans bien des cas, que pour des raisons sociologiques, pour des raisons qui tiennent à l'intérêt de leur groupe, c'est-à-dire une participation plus étroite à l'application des politiques du Québec.

M. Laurin: Pour l'article 3032, vous nous faites la même recommandation que l'Association des manufacturiers, en particulier, nous a faite. Je pense que vos arguments sont valables. Je peux vous dire que nous tentons actuellement de trouver des moyens qui nous permettraient aussi bien de respecter les arguments que vous nous présentez, que l'objectif quand même majeur de la loi no 1, qui est de franciser le Québec dans toutes les sphères de la vie collective.

M. Brunelle: Est-ce que, tout en éliminant une contrainte qui s'appliquerait aux spécialistes en question, l'Office de la langue française ne pourrait pas passer, avec les services des bureaux de recherche ou les bureaux d'experts-conseils, des ententes sur la base d'un certificat de francisation ou d'un programme de francisation qui pourrait tenir compte du cas spécifique des personnes en question?

M. Laurin: Oui, c'est une suggestion valable et que j'étudierai certainement.

A l'article 34, je pense aussi, encore une fois, qu'il y a un malentendu. Même si la loi exige que les conventions collectives soient déposées et rédigées dans la langue officielle, il n'y a absolument rien dans la loi qui interdit de fournir une version de cette convention collective dans la langue de la minorité anglaise. Encore une fois, le même procédé s'applique en ce qui concerne les procédures menant à la rédaction d'une convention collective où l'utilisation de la langue des intervenants est laissée à leur choix.

M. Brunelle: A ce niveau-là, étant donné que le CDE a beaucoup de petites et de moyennes entreprises, on a beaucoup à l'esprit des entreprises de type familial où la majorité des employés sont des anglophones. Cela arrive beaucoup, dans une petite entreprise, normalement; même au Québec, le chef d'entreprise va s'entourer d'une équipe avec laquelle il compose bien. A ce moment-là, imposer que le texte officiel soit le français, on trouve que c'est un peu exagéré.

M. Laurin: A ce moment-là, si l'entreprise est anglophone, si le syndicat est anglophone, ils pourront mener toutes leurs délibérations en anglais, mais la seule exigence que nous mettons, et ce au nom du respect du principe du français, langue officielle, c'est que lors de la déposition de cette convention collective, ce soit la convention collective rédigée en français qui ouvre les effets juridiques, ce qui n'empêche pas du tout qu'il y ait une version anglaise également.

Vous voudriez abroger les articles 36 et 37. Vous dites que...

M. Brunelle: Excusez, M. le ministre... M. Laurin: Oui.

M. Brunelle: Le Barreau a fait remarquer, je pense, que c'était prendre un risque certain que de donner priorité à un document qui n'est pas rédigé dans la langue originale de la négociation.

M. Laurin: Oui, nous...

M. Brunelle: Je ne fais que souligner le problème qui a été soulevé par le Barreau.

M. Laurin: Oui, j'ai bonne souvenance de cet argument. Vous voudriez abroger les articles 36 et 37. Vous nous dites que leur application posera des problèmes nombreux, complexes, peut-être même sérieux à toute entreprise. Nous n'en disconvenons pas, mais est-ce que vous voulez entendre par là que la justice sociale, par ailleurs, qui peut exiger, particulièrement dans ce domaine, un redressement, un rattrapage, le souci d'éviter toute discrimination, qui est une des caractéristiques de nos sociétés civilisées, est-ce à dire que ces deux impératifs qui sont les nôtres vous paraissent déranger à ce point tellement le fonctionnement d'une entreprise qu'il faille ne pas y penser, ne pas y donner suite, ne pas chercher les moyens de les traduire en termes concrets?

M. Brunelle: Vous avez un argument qui est de poids, bien sûr; seulement, il y a un problème d'administration qui se pose, c'est-à-dire d'orientation des politiques ou des mécanismes même de l'entreprise, et si on se met à faire des griefs sur la définition du contenu de français attaché à une tâche, je pense qu'on ouvre là la porte à des conflits sans fin.

M. Laurin: Mais est-ce à dire que les soucis technocratiques ou administratifs doivent l'emporter sur les impératifs de justice, sur les valeurs sociales et morales impliquées dans l'observance...

M. Brunelle: La position que nous avons là-dessus est qu'il serait difficile pour une entreprise de prétendre multiplier inutilement les cas de ce genre, c'est-à-dire de souffler les exigences à l'égard du contenu d'anglais, sans en subir très bientôt elle-même les conséquences.

On sait, par exemple, que les postiers et les employés des postes, à l'heure actuelle, demandent des augmentations de salaire basées sur le fait qu'ils peuvent être appelés à parler l'anglais et si les entreprises déclenchaient le même mécanisme à l'intérieur de leurs propres cadres, elles seraient les premières à en payer les conséquences. Je pense que personne, parmi les employeurs en général du moins, ne sera intéressé à prendre un risque semblable.

M. Laurin: Ce qui m'amène à vous poser cette question, c'est que dans votre argumentation, vous ne faites aucune mention de ces impératifs

sociaux, ces valeurs de justice qu'il convient de respecter d'une part, et que, d'autre part, vous recommandez l'abolition pure et simple et vous ne faites pas de suggestion, soit pour améliorer ces articles ou pour...

M. Brunelle: Rien n'empêche que la convention collective pourrait certainement aborder ces questions. Je pense que le cas sera fréquent. On sait que l'histoire de General Motors, à Sainte-Thérèse, est passée par des étapes semblables qui se sont réglées, d'après les dernières nouvelles, à la satisfaction de tout le monde.

Une Voix: Au niveau de la convention.

M. Brunelle: Et on ne voit pas qu'une loi doive imposer aux entreprises un mode de décision qui mette en cause le fonctionnement même de l'administration.

M. Laurin: Je vous rappelle, cependant, que le président de la FTQ, lorsqu'il est venu nous rencontrer nous a dit que plusieurs grèves avaient eu pour seul objet la reconnaissance des droits du travailleur à l'utilisation de sa langue et que ces grèves ont été très longues, ne se sont réglées parfois que très péniblement, très difficilement et que, dans certains cas, les employés ont dû signer la convention sans avoir obtenu satisfaction à leurs exigences légitimes.

M. Laplante (Richard): Au CDE, on a une préoccupation première. C'est le développement de l'entreprise.

M. Laurin: Est-ce la seule préoccupation?

M. Laplante (Richard): Non, mais on pense qu'actuellement la société dans laquelle on vit, l'entreprise est attaquée de toute part et le chef d'entreprise — n'oubliez qu'on parle surtout de la petite et moyenne entreprise — est bombardé constamment de conflits et spécialement de conflits syndicaux pour toutes sortes de motifs, soit la santé au travail, etc. Je pense que le Sommet économique a vraiment déballé tous les problèmes.Ajouter celui-là, c'est en ajouter un de taille qui permet aux syndicats de "picosser" l'entreprise sur des points qui ne sont pas toujours vraiment la vraie raison, qui ne sont pas toujours vraiment, selon ce qu'on pense, une raison de justice au niveau de la langue.

Ils vont souvent se servir de cet argument pour d'autres fins. Comme la pression actuelle de l'implantation du français au Québec est assez forte, nous ne pensons pas que cela soit nécessaire de l'introduire au niveau de l'entreprise de cette façon, pour donner encore prise à des conflits à l'intérieur de l'entreprise. Il y a suffisamment de conflits pour d'autres raisons sans ajouter celui-là. C'est notre position. Vous n'êtes pas obligé de la partager.

M. Laurin: Ne croyez-vous pas qu'il importe de trouver un compromis entre les droits légitimes de l'entreprise et les droits légitimes du travailleur et donc, essayer de proposer des formules qui tiennent compte de ces deux exigences? C'est la raison pour laquelle je vous avoue mon étonnement à votre suggestion de supprimer purement et simplement cet article au lieu de nous suggérer, en contrepartie, une autre formule qui tiendrait compte justement de ces doubles droits ou exigences.

M. Brunelle: Inévitablement, M. le ministre, la convention collective va aborder ces questions si elles constituent des causes d'injustice, et déjà le syndicat et les travailleurs sont protégés de ce fait. La convention collective est là pour résoudre les cas contestables au sein des entreprises.

M. Laurin: Est-ce qu'il n'est pas vrai, M. Brunelle, qu'à peine le tiers des travailleurs sont syndiqués actuellement, et que, dans les petites et moyennes entreprises, en particulier, ce taux de syndicalisation est encore plus bas. Donc, votre suggestion n'aboutirait à fournir une protection ou une garantie qu'à une proportion infime de travailleurs.

M. Brunelle: Oui, mais il n'en reste pas moins que, même là où il n'existe pas de convention collective, vous avez des relations entre employeur et travailleurs qui portent sur ces facteurs. Je ne vois pas que les entreprises soient plus intéressées à déformer le contenu linguistique d'une tâche qu'elles ne le sont à déformer le contenu technique d'une tâche. Comme je le disais tantôt, automatiquement, si elles faisaient ce jeu, elles encourraient des coûts économiques à très courte échéance. Je ne vois pas de danger là, que se pose là la question de justice sociale pour les travailleurs.

M. Laurin: J'aimerais enfin vous poser une question sur la suggestion que vous nous faites en ce qui a trait à l'article 51. Est-ce à dire que, dans votre esprit, une fois qu'un enfant d'immigrant non anglophone inscrit à l'école française aurait acquis sa citoyenneté, il reprendrait le droit, c'est-à-dire après trois ans, de s'inscrire à nouveau à l'école anglaise, si tel est son désir?

M. Brunelle: Pardon?

M. Laurin: Si tel est son désir?

M. Brunelle: Si tel est son désir, en effet, oui.

M. Laurin: Ce serait donc là le sens de votre suggestion?

M. Brunelle: C'est le sens de notre suggestion. Elle repose sur l'hypothèse que c'est en somme la langue de travail qui va déterminer le choix de l'école anglaise ou de l'école française ou du moins du type d'enseignement bilingue, s'il y a lieu, pour prendre une troisième hypothèse,

que choisiront les citoyens. Il semble qu'on a peut-être oublié, au cours des discussions qui ont eu lieu depuis le commencement des sessions, que l'augmentation sensible de l'usage de la langue française par les anglophones peut être déterminée dans une bonne partie par l'augmentation correspondante du français dans le monde du travail.

J'ai l'impression très nette que cette tendance va s'amplifier, va se confirmer et qu'inévitablement les anglophones choisiront ou l'école française ou du moins une école qui leur permettra de parler français.

M. Laurin: II reste toutefois que, si le passé est garant de l'avenir et si on en croit les représentations qui nous ont été faites ici par la plupart des groupes ethniques, ce que vous recommandez, c'est une sorte d'immersion de trois ans à l'école française pour les enfants d'immigrants, après quoi ils retourneraient là où ils veulent vraiment aller, c'est-à-dire l'école anglaise, si on en croit le nombre de transferts linguistiques qui, dans la plupart des cas, atteignent 60% et 65%.

M. Brunelle: On peut se demander également dans quelle mesure ce transfert linguistique qui n'implique pas les Canadiens français est fait dans l'intérêt de leurs enfants. Je connais des hommes d'affaires qui sont classés comme nationalistes, à quel dosage, je n'oserais pas le dire, mais qui tiennent absolument à ce que leurs enfants apprennent l'anglais.

Et, si l'école française ne fournit pas à leurs enfants l'occasion d'apprendre l'anglais, ils sont déterminés, et ils le font, à envoyer leurs enfants dans des institutions qui permettront à ces derniers d'apprendre cette langue.

M. Laurin: Oui. Ce qui démontre précisément qu'il y a une tendance très forte dans notre société à l'anglicisation, aussi bien chez les francophones que chez les allophones. Précisément en raison de la puissance économique de l'élite anglophone au Québec et du voisinage anglophone des autres provinces et des Etats-Unis. Mais ne croyez-vous pas que c'est précisément pour contrer ce courant, à condition bien sûr qu'on tienne à son identité francophone et à la culture francophone, que le gouvernement, que le législateur, est obligé d'imposer des correctifs pour empêcher ce glissement?

M. Brunelle: M. le ministre, toute l'évolution récente est exactement en sens contraire. Les Français deviennent de plus en plus francophones, du moins officiellement, et les anglophones deviennent de plus en plus bilingues. Plus on va restreindre l'enseignement de l'anglais dans les écoles francophones, plus le processus d'immigration des francophones eux-mêmes va être prononcé. Par ailleurs, la langue de travail peut forcer les anglophones ou les allophones à fréquenter davantage l'école française ou l'école qui leur of- frira un enseignement sérieux dans tes deux langues.

M. Laurin: Pour apprendre l'anglais, il faut nécessairement aller à l'école anglaise, puisqu'on sait qu'à l'école anglaise, on ne fait pas qu'apprendre une langue, on s'imprègne d'une culture, d'habitudes de vie, d'un système de valeur qui caractérise...

M. Brunelle: Nous sommes bien conscients de ça, mais une chose est claire: Si l'école française n'enseigne pas l'anglais, les Canadiens français eux-mêmes trouveront le moyen de faire apprendre l'anglais à leurs enfants.

M. Laurin: Oui.

M. Laplante (Richard): II y a des tracasseries administratives. A la Commission scolaire Saint-Exupéry, l'an dernier, il y a eu un excédent de professeurs anglophones catholiques — on a eu le mémoire hier — pendant que ces professeurs anglophones étaient disponibles, le gouvernement payait des cours de rattrapage d'anglais à des professeurs francophones pour qu'ils puissent enseigner l'anglais à l'école française, alors qu'il y avait un professeur anglais qui était libre et qui ne pouvait pas aller enseigner au secteur français.

Il y a vraiment des tracasseries administratives impossibles qui n'ont pas d'allure. Le peuple ne comprends pas ça. Ce n'est pas possible. Le pauvre professeur baragouinait l'anglais et l'enseignait à l'école française. Ce n'est pas comme ça qu'on va se comprendre, parce qu'on vit malgré tout en Amérique du Nord.

M. Laurin: Merci beaucoup de vos réponses.

Le Président (M. Cardinal): A l'heure qu'il est, je reconnais que le droit de parole a été accordé au député de Marguerite-Bourgeoys.

Je vous invite, si c'est possible, et je vous le demande, à revenir cet après-midi, après 16 h; je ne puis fixer l'heure exactement, entre 16 h et 16 h 15. Vous êtes d'accord? Il reste encore 3 minutes au parti ministériel, 20 minutes au parti de l'Opposition officielle, 10 minutes au parti de l'Union Nationale et il pourrait y avoir des invités qui ajouteraient 10 minutes de plus, ce qui fait une possibilité de 43 minutes. Ce sont vraiment des invités, d'ailleurs. Ce sont des gens qui n'étaient pas membres de la commission. Cela a même changé le quorum.

M. Brunelle: Si je comprends bien, on siège de nouveau à 14 h, à 16 h?

Le Président (M. Cardinal): A 16 h. Je vous y invite. Les travaux de la commission sont ajournés sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 56)

Reprise de la séance à 16 h 49

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

De très brèves remarques, pour les fins techniques, je souligne que c'est une nouvelle séance qui débute, qui se terminera, en vertu d'un ordre de la Chambre, à 18 heures. Il n'est pas question de consentement pour continuer au-delà de 18 heures. A 18 heures, le président se lèvera de son fauteuil et il n'y aura plus de commission.

La commission reprendra ses travaux dans une nouvelle séance, lundi, qui durera toute la journée, de 11 heures du matin à 23 heures du soir.

Une Voix: ...sans interruption...

Le Président (M. Cardinal): Non, avec les périodes habituelles d'arrêt, mais c'est une même séance. Il y aura une nouvelle séance mardi qui débutera à 10 heures et qui sera ajournée sine die à 13 heures, ceci dit pour le bon entendement de tous les membres de la commission.

Immédiatement, je fais l'appel des membres de la commission, pour constater le quorum et savoir les changements qui s'imposent: M. Alfred (Papineau)...

M. Laplante: ...remplacé par M. Vaillancourt.

Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M. Vaillancourt (Jonquière), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbon-neau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm)...

Une Voix: Remplacé par M. Fallu.

Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M. Fallu (Terrebonne), M. Ciaccia (Mont-Royal)...

M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une directive à demander. Est-ce que les remplacements actuels seront appliqués pour lundi aussi?

Le Président (M. Cardinal): Non, ils ne valent que pour jusqu'à 18 heures.

M. Lalonde: II est alors remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Cardinal): ...remplacé par M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)...

M. Lalonde: Remplacée par M. Goldbloom (D'Arcy McGee).

Le Président (M. Cardinal): ...remplacée par M. Goldbloom (D'Arcy McGee). Merci. M. Le Moi- gnan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire de commentaires. Les procédures de l'Assemblée nationale ne sont pas sous notre contrôle et nous devons tous nous y soumettre. Je sais que les mémoires méritent tous qu'on s'y arrête longuement, mais j'ai constaté, depuis deux jours, que les députés s'y arrêtent très longuement.

Alors, l'appel que j'ai fait ce matin, je le rappelle. Je ne vais à aucun caucus de quelque parti que ce soit. Je ne connais pas les stratégies des partis. Je n'ai point à les juger. Cependant, par respect pour ceux qui attendent, j'aimerais bien que l'on se limite. J'ajoute un dernier détail. Il est sûr que comme nous devons ajourner à 18 heures, tous ne pourront pas être entendus. Il y a moyen, non pas de se faire entendre, mais de s'entendre, c'est de communiquer avec le cabinet de M. le ministre au développement culturel.

Sur ce, nous avions devant nous un groupe qui n'avait pas terminé, le Centre des dirigeants d'entreprise. J'indique qu'il reste au parti ministériel trois minutes, au parti de l'Opposition officielle, 20 minutes; au parti de l'Union Nationale, 10 minutes, et aux autres, 10 minutes. Nous pourrons peut-être épargner du temps. A ce moment, je ne sais pas qui veut intervenir.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Le président a indiqué qu'on ne faisait pas de commentaire sur les travaux de l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Cardinal): En vertu de l'article 140. C'est un autre sujet.

M. Lalonde: Alors, il me fait quand même plaisir d'indiquer aux invités que c'est par respect pour les invités et tous ceux qui sont ici que l'Opposition officielle a l'honneur de participer aux travaux de cette commission. Je vais être le plus court possible et j'espère que je ne vous ferai pas offense en l'étant, étant donné le nombre... la clarté de votre mémoire et aussi la clarté de vos réponses au ministre. J'aurais seulement quelques mots à dire.

Votre interprétation restrictive en ce qui concerne certains articles, plusieurs articles de la loi, je pense qu'elle est symptomatique. Elle est partagée par beaucoup de gens, même par des personnes qui se pensent expertes en droit ou en matière juridique. J'ai accueilli avec beaucoup de plaisir la réaction du ministre, à savoir que le gouvernement devrait probablement faire l'effort d'expliquer un peu, en tenant compte du fait que ce n'est pas une loi comme les autres. Une loi linguistique est une loi de changement social et n'est pas simplement une loi pour le port de la ceinture de sécurité. Dans ce sens, elle demande des efforts plus explicites pour être comprise.

J'ai aimé votre témoignage relativement à la Régie de la langue française. J'accueille votre suggestion, à savoir que la direction de l'office qui serait créé par cette loi, si elle est adoptée, soit

une direction collégiale. Plusieurs l'ont suggéré, même parmi ceux qui ont, d'emblée, approuvé le projet de loi, si ma mémoire ne me fait pas défaut; la FTQ, par exemple, a fait cette suggestion.

En ce qui concerne la fonction publique, le ministre a donné quelques explications ou, enfin, a réagi à votre préoccupation voulant que peu d'anglophones aient trouvé leur place dans la fonction publique. J'aimerais peut-être en donner quelques autres. On sait qu'historiquement, le secteur privé offrait des échelles de salaires quand même beaucoup plus alléchantes que le secteur... Je dis historiquement et jusqu'à assez récemment. Cela a changé dans plusieurs secteurs d'activités, dans plusieurs métiers. Cela a changé depuis quelques années, mais il reste que ce phénomène, ajouté au fait que le gros volume ou la masse de la population anglophone se trouvait à Montréal et le siège du gouvernement se trouvait à Québec,ça n'aidait pas non plus à l'intégration ou à l'intérêt de l'anglophone pour la fonction publique.

Vous choisissez l'incitation. Beaucoup l'ont fait, dans le milieu des affaires surtout. Pouvez-vous me dire, très rapidement, de quelle façon... Pour quelle raison, rejetez-vous la coercition en matière de francisation? Parce que je dois remarquer que, dans tout votre mémoire, vous êtes en faveur de la francisation et de la francophonisa-tion qui vont de pair. L'un ne peut pas aller sans l'autre. Vous le faites de façon franche, je crois, mais pouvez-vous m'indiquer comment il se fait que la coercition ne fonctionnerait pas et quels en seraient les résultats négatifs, d'après vous, si j'en crois votre mémoire?

M. Laplante (Richard): Je vais laisser M. Brunelle répondre à la deuxième partie de la question. Je voudrais simplement indiquer une chose que j'ai remarquée ce matin dans notre discussion. C'est que, fondamentalement — on le dit dans deux lignes au début — on est d'accord sur tout l'esprit général derrière la loi. Si le monde patronal ne s'est peut-être pas manifesté d'une façon très catégorique vis-à-vis du principe même, c'est qu'il l'a fait quand on a présenté le bill 22. On n'a pas senti le besoin de revenir sur une chose qui était acceptée. C'est accepté dans le milieu des affaires que la langue française doit devenir prioritaire au Québec. On ne revient pas là-dessus. On revient sur des détails d'application, sur des possibilités de problèmes d'administration de la loi qui peut nous causer des ennuis.

Je vais laisser M. Brunelle répondre à votre question.

M. Brunelle: Je pense que je l'ai indiqué ce matin, M. le député. Le groupe patronal est peut-être la classe du Québec sinon d'ailleurs, qui a été le plus fréquemment soumise aux pressions des lois. Les hommes d'affaires ont appris à se méfier des lois. Il y a une chose grave: ils sont habitués, comme je l'ai dit ce matin aussi, à se bagarrer, mais à ciel ouvert. L'expérience faite, en tout cas, en 1974, autour des débats qui ont accompagné la loi 22, spontanément, les associations patronales ont toutes opté pour la formule incitative. Or, il arrive que la formule incitative a donné des résultats. Je pense que le moment n'est pas venu de la changer, mais il se pose là une question de principe et une question de justice. En démocratie, je me demande si on peut pousser plus loin qu'il faut les pressions qu'un gouvernement peut exercer sur les différentes classes et les différents groupes de la société. Je ne vois pas de raison autre que morale et autre qu'économique et autre que démocratique pour suggérer et pour inciter très fortement pour qu'on maintienne la méthode incitative.

M. Lalonde: Vous affirmez que la méthode incitative aurait produit les résultats. Malheureusement, le gouvernement, à notre connaissance, n'a jamais tenté d'évaluer les résultats que les mesures incitatives auraient pu provoquer ou auraient déjà accomplis.

Bien plus, un des premiers gestes de ce gouvernement a été de rejeter du revers de la main, assez cavalièrement et de façon très prématurée, le règlement sur la francisation des entreprises dont au fond, toute la mécanique a été réintégrée dans le projet de loi no 1, c'est-à-dire l'analyse linguistique à l'entreprise, les formulaires, la formule de certificat de francisation, de programmes de francisation et tout...

Alors, je pense que je devrais vous demander si vous avez des chiffres pour appuyer votre affirmation démontrant que la formule incitative a produit des résultats. Je ne pense pas que vous en ayez. Je pense que cela aurait été au gouvernement à faire cet examen, à faire cet inventaire dans le livre blanc, à prendre l'inventaire de la situation linguistique en 1977 avant de recourir à des statistiques de 1961, mais enfin...

Je ne vous pose pas la question étant donné justement le temps qui court. Je vais simplement vous remercier de votre mémoire.

Avant de terminer, j'aurais une question à vous poser. Combien d'employés, de salariés vos 350 entreprises, 900 individus, représentent. Vous avez de petites et moyennes entreprises, les plus importantes...

M. Brunelle: On n'a pas fait de calcul.

M. Lalonde: Vous n'avez pas fait de calcul. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres députés du côté ministériel? M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: J'ai une seule question, M. le Président. Vous représentez des dirigeants d'entreprises. Lors de notre examen d'autres mémoires qui ont été présentés, il a été question des raisons sociales. Le commentaire a été fait que si un gouvernement décide aujourd'hui d'adopter une loi, un règlement exigeant qu'à l'avenir toute incorporation se fasse avec une raison sociale en français, c'est une chose, mais d'agir de façon rétroactive à l'endroit de firmes, de compagnies

existantes est une atteinte à la valeur même de ces entreprises. La bonne renommée ayant été établie autour d'un nom connu, un changement de nom peut facilement représenter une diminution de la connaissance et donc de la valeur économique de l'entreprise en question. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette question.

M. Brunelle: II me semble que vous avez parfaitement raison de dire que si on change arbitrairement la raison sociale d'une entreprise connue sous un nom donné, on peut évidemment affecter sa rentabilité. Nous avons soulevé, ce matin, un autre aspect du problème. Des hommes d'affaires francophones nous ont mis en garde contre le fait suivant. En forçant toutes les entreprises à franciser leur raison sociale, on leur créerait des sources de concurrence indue...

M. Laplante (Richard): Compétition négative.

M. Brunelle: ...parce que tous les nouveaux acquéreurs étrangers d'entreprises québécoises pourraient faire des affaires sous des noms français. Personne, comme je l'ai dit ce matin, ne demande qu'on identifie les étrangers. Ce n'est pas là que le problème se pose. Nous suggérons, là comme ailleurs, une très large liberté de choix, en étant conscients du fait que l'évolution du milieu va vers l'adoption de plus en plus fréquente de raisons sociales françaises.

M. Godlbloom: Je vous remercie et je m'excuse; ayant été appelé à l'extérieur de cette salle pendant votre présentation, j'ai manqué la partie qui touchait le sujet que je viens d'aborder. Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Vous m'excuserez, MM. les invités, cela change un peu le décor en arrivant ici. Vous avez sans doute suivi les débats dans l'autre salle.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mégantic-Compton, vous avez manqué le début de la séance. J'ai demandé qu'on ne fasse pas allusion à ce qui s'est passé ailleurs.

M. Grenier: On va essayer de ne pas gaspiller mon temps, parce qu'il me semble que j'avais des questions intelligentes à vous poser ce matin et j'en trouve moins.

Vous avez parlé du libre choix au cours de la matinée, disant que la langue du libre choix, pour vous, ça ne devait pas... Vous avez mentionné dans votre mémoire, dis-je, que vous étiez en faveur du libre choix, n'est-ce pas? Au fait des rapports que nous avons de cette baisse assez importante, de cette difficulté que nous envisageons pour la nation canadienne-française, voyez-vous des dangers, question très large, imminents ou si vous avez quand même des dossiers sur lesquels vous vous êtes penchés? Vous ne voyez pas de problème de ce côté?

M. Brunelle: Nous ne voulons pas entrer dans ce qu'on appelle la guerre des statistiques, il y a assez de gens qui y sont mêlés. Je pense qu'il faut se méfier des statistiques, on sait qu'au début des années soixante, sur la foi de projections démographiques, on s'est mis à bâtir au Québec, à un rythme accéléré, une série d'écoles presque comme si c'étaient des postes d'essence. On sait qu'aujourd'hui les écoles se vident assez rapidement. Ce qui est arrivé, c'est qu'au milieu des années soixante ou à peu près, la courbe ascendante a cassé et on s'est trouvé dans une situation un peu inconfortable au moins au point de vue financier, sinon à d'autres. La même chose peut arriver quand on projette un avenir pessimiste. Tout le monde sait qu'entre les deux grèves, la France avait une population à peu près stable, ce qui a fait dire à Henri Bourassa: La France est un pain de sucre qui fond.

Mais, une génération plus tard, la France s'était meublée d'une dizaine de millions, peut-être plus, de personnes nouvelles. Je veux dire qu'il serait peut-être imprudent de miser sur l'avenir avec des données aussi incertaines et il suffit d'avoir passé ici la journée, à écouter ce qui se passe à la commission, pour constater que les avis sont largement partagés sur l'avenir démographique du Québec. Il se pose aussi, je pense, une autre question qui est tout simplement une question de justice. Nous avons discuté ce matin avec M. le ministre d'Etat au développement culturel sur les facteurs de justice qui se posent dans le domaine de l'enseignement, le facteur de liberté de choix, et je pense que les Canadiens français du Québec, généralement, sont assez adultes pour choisir, aussi bien dans leur intérêt que dans l'intérêt du groupe principal auquel ils appartiennent.

Nous ne voyons donc pas de difficulté à assurer la liberté de choix dans le domaine de l'enseignement.

M. Grenier: Le ministre a mentionné, ce matin... Il n'est pas intervenu puisque chacun a ses propos. Vous disiez que, si on n'avait pas une langue seconde bien enseignée, soit l'anglais pour les Canadiens français, vous avez confirmé qu'on devrait chercher ailleurs pour trouver des écoles plus perfectionnées, peut-être même en dehors de la province, pour trouver des écoles où nos jeunes pourraient apprendre l'anglais. Le ministre a dit que c'était une façon d'angliciser nos jeunes. J'ai trouvé que le terme était chargé un peu. J'aimerais mieux dire que c'est une façon d'apprendre l'anglais, tout simplement, pour mieux correspondre à la réalité de l'Amérique du Nord.

Pensez-vous que c'est possible, avec un enseignement mieux structuré, qu'on soit capable de donner suffisamment d'anglais pour que cela puisse rendre service à des régions... Cela m'a un peu surpris quand vous avez dit qu'il y avait des difficultés, même dans le Bas-du-Fleuve, dans le Lac-Saint-Jean et un peu partout. On s'imagine toujours que l'industrie, c'est principalement dans la région de Montréal. Mais vous avez dit ce matin que c'était vraiment utile d'avoir la langue se-

conde dans ces régions aussi éloignées de Montréal.

M. Brunelle: Nous avons reçu...

M. Laplante (Richard): Je me demande si cette dimension a été bien saisie ce matin. Le commerce, pour ces gens, se fait avec les Maritimes. A ce moment-là, tant que l'évolution des mentalités n'aura pas progressé à travers le Canada, pour donner au français, à travers le Canada, la place qui lui revient, c'est sûr que le chef d'entreprise doit compter sur les anglophones qui achètent ses produits. A ce moment-là, quand on est vendeur, on vend dans la langue de celui qui achète. C'est un principe fondamental de l'entreprise, du commerce, que de faire cela.

C'est le même phénomène pour les raisons sociales. S'il y a des ressentiments vis-à-vis des francophones du Québec dans les Maritimes, si tu obliges cette entreprise à avoir une raison sociale francophone, automatiquement, tu lui enlèves une possibilité de marché. Tu lui crées des embûches dans la concurrence.

M. Grenier: D'accord. Une autre chose qui se dit couramment. Entre 1958 et 1970, l'opinion était que les curés étaient des oppresseurs, dans le temps, si vous vous en souvenez, et cela a changé. Entre 1970 et 1977, ce sont les industriels qui sont devenus des profiteurs dans le Québec; ils sont fortement accusés par pas mal de monde, au point que, lorsqu'on connaît ces gens des petites et moyennes industries, même des plus grosses, c'est presque gênant de se promener, parce qu'on les accuse d'être des profiteurs.

Qu'on se rappelle le Manuel du 1er mai, par exemple, les exemples qu'on donnait là-dedans; cela rend la tâche vraiment difficile.

Est-ce que vous avez senti, depuis cette ère qui fait qu'être un industriel, c'est être un profiteur et un mange-petits, est-ce que vous sentez que c'est plus pénible de travailler dans le secteur de l'industrie pour vous autres?

Cela relève quand même de 1970.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton, vous avez le droit d'employer tout votre temps, malgré ce que j'ai dit au début, mais, cependant, je ne pense pas que la pertinence du débat vous permette de poser cette question. Elle ne se rapporte pas du tout au projet de loi no 1.

M. Grenier: Je vous remercie, M. le Président. Je la transformerai en vous disant que...

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Grenier: Est-ce qu'on exige davantage de français dans les industries depuis les années soixante-dix ou si c'est un mouvement naturel qui se fait de la part des industriels pour donner davantage...parce que vous avez signalé, ce matin, qu'il y a des cours d'immersion qui se donnaient à 2% — je ne sais pas les années — et ils sont rendus à 50%? Sentez-vous qu'il y a un mouvement naturel qui se fait de la part des industriels pour franciser leurs industries, donner davantage...

M. Laplante (Richard): Je pense que cela n'a pas été naturel , c'est venu, d'abord, par la loi 63 et, ensuite, par la loi 22. C'est vraiment par une incitation du gouvernement que les industries ont commencé à l'accepter et à le demander et que les Québécois, en soi, ont demandé plus de français dans l'industrie. On le vit à tous les jours, ce besoin du francophone de s'affirmer davantage dans l'entreprise et dans l'industrie.

Or, c'est sûr que oui. Je réponds oui à votre question, mais ce n'est pas venu tout seul, c'est venu par une implication, c'est une réponse à la loi.

M. Grenier: La langue de travail dans les industries, est-ce un phénomène qui est propre à la région de Montréal principalement ou est-ce un peu l'imposition, ce dont on se plaint dans la région de Montréal, savoir être obligé de parler anglais avec les patrons ou est-ce vrai dans tout le Québec?

M. Brunelle: II y a une forte concentration des problèmes dans la région de Montréal, sans aucun doute, ce qui n'exclut pas que la même situation existe dans d'autres régions qu'on pourrait nommer, mais il y en a à plusieurs endroits à travers la province.

M. Grenier: Est-ce qu'il y a un effort de fait depuis quelques années de la part des patrons, par exemple, pour — on voit les fonctionnaires fédéraux qui viennent apprendre le français au Québec — mieux apprendre le français, depuis une dizaine d'années? J'entends dans votre secteur.

M. Brunelle: Vous me posez une question à laquelle il faudrait avoir fait une enquête pour y répondre assez clairement. Je suis sûr que, dans bien des cas... On connaît le cas spécifique d'un dirigeant d'une très grande entreprise qui a suivi un cours universitaire aux seules fins d'apprendre le français. Il y en a d'autres évidemment. Je peux vous dire oui, il y a un effort qui se fait.

M. Grenier: Je veux vous remercier d'être venus ici. M. Biron aurait aimé vous rencontrer. Les circonstances ont fait qu'il n'a pas pu venir, mais il aurait eu autre chose à vous demander. Je veux vous remercier d'être venus, en notre nom. Soyez sûrs que le mémoire que vous déposez aujourd'hui fait réfléchir peut-être plus que d'autres sortes de mémoires qu'on peut avoir eus qui étaient souvent des mémoires individuels, en tout cas, quelques-uns étaient des mémoires individuels, de gens qui sont quand même une cheville, importante dans le Québec, qu'est l'industrie... Pour ma part, pour notre parti, c'est important. Ce que vous nous donnez, aujourd'hui, qui n'est pas toujours très près de ce que dit le projet de loi no

1, fait quand même... Pour ma part, en tout cas, cela me fait davantage réfléchir que des idées parfois passablement farfelues qui nous ont été soumises ici par des individus ou des groupes même qui connaissent peu le secteur économique du Québec. Je veux vous remercier au nom de l'Union Nationale.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je vous remercie, M. le Président. Je ne poserai pas toutes les questions que je voulais poser, parce que je sais que nous ne siégeons que pour une heure, qu'il y a un autre groupe qui doit être entendu et que vous êtes sans doute un peu fatigué.

Quand même, comme j'étais auparavant ministre du Travail, ministre de la Main-d'Oeuvre et ministre de l'Immigration...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je préférerais continuer dans une atmosphère tranquille. Je sais que vous essayez d'établir ici, au moins, un décorum qui n'existe pas dans l'autre assemblée.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Alors, qu'il me laisse tranquille et il n'y aura aucune possibilité de ma part de créer une atmosphère qui ne soit pas...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je prends votre parole et je vous donne la parole.

M. Mackasey: Merci beaucoup.

Je fais référence au tableau no 1 et au tableau no 2 et je félicite nos témoins aujourd'hui, le Centre des dirigeants d'entreprise, pour avoir servi des extraits de recherches effectuées par le ministre de la Main-d'Oeuvre du Québec et le ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration à Ottawa. Je pense que la base du tableau, c'est à la page 1 et à la page 2... Tout ce que je veux savoir, vous parlez au tableau 2 du salaire des francophones et du salaire des anglophones, vous établissez la médiane... Il y a encore une différence de $4700, environ entre les anglophones et les francophones. Dans votre organisation, est-ce que les entreprises, les cadres anglophones, sont surtout dans l'île de Montréal? Les cadres anglophones, les entreprises anglophones, sont-elles presque toutes dans l'île de Montréal? Vos membres francophones se retrouvent-ils surtout à travers la province? Est-ce que vous avez plus de membres en dehors de Montréal d'expression française que d'expression anglaise?

M. Brunelle: Sans aucun doute, la concentration des entreprises francophones est plus forte à l'extérieur de Montréal que dans la région de Montréal.

M. Mackasey: Alors, en calculant les médianes des salaires des employés français, est-ce que cela inclut les salaires de ceux qui travaillent en dehors de Montréal, mettons en Gaspésie, à Rimouski, et dans d'autres centres comme la ville de Québec où les salaires sont normalement plus bas que dans le centre de Montréal?

M. Brunelle: Je peux difficilement répondre. Si vous faites allusion au tableau que nous avons produit, l'enquête a été faite dans une concentration d'entreprises de Montréal. Nous n'avons pas de source de renseignements plus précise pour l'extérieur. C'est une fenêtre sur une situation, sur une partie de la situation. Nous ne voudrions pas déborder les cadres de ce qui a été présenté dans les tableaux.

M. Mackasey: Alors, cette médiane, c'est une comparaison entre des entreprises de l'île de Montréal, basée naturellement sur l'étude conjointe. Je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Alors, si tout le monde est d'accord pour terminer cette audition, trois brèves minutes au maximum. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'en prendre moins que cela. J'aimerais remercier les représentants du Centre des dirigeants d'entreprise pour leur mémoire très positif dont nous tiendrons compte, en particulier concernant les possibilités d'ingérence de la bureaucratie dans les entreprises. Je tiens à les assurer que dans le débat en troisième lecture, personnellement, j'aurai ce souci de faire en sorte que nous atteignions les objectifs de la loi avec le minimum de contrôle bureaucratique possible.

Au début de votre mémoire, vous parlez de deux attitudes concernant la situation linguistiques du Québec. Je tiens à vous dire que, personnellement, je suis un peu entre les deux. Vous dites: Nous avons une vue sereine de la situation. Je pense que c'est notre cas également. Vous dites que vous avez la conviction que l'affranchissement des Québécois francophones est déjà engagé de façon irréversible. Je pense qu'il est déjà engagé, effectivement. J'aimerais que vous expliquiez le fait que vous le considériez comme irréversible.

Je trouve ce terme extrêmement fort, quand on regarde... Bien sûr, il y a eu des progrès, par exemple, dans la différence des revenus entre anglophones et francophones, mais il y a quand même actuellement des marges appréciables. Il y a trois études avec des méthodologies différentes qui démontrent que, dans la région de Montréal, les différences de revenus sont encore de l'ordre de $2000 entre francophones et anglophones. Egalement, sur le plan scolaire, on constate que, de 1970 à 1975, la proportion des élèves inscrits aux écoles françaises, sur l'île de Montréal, est passée de 63% à 59%. Mais ça, ce sont des chiffres à partir des clientèles scolaires. Ce ne sont pas des sondages, et ce sont des données qui sont

récentes, qui datent delà dernière année scolaire, c'est-à-dire l'année 1975-1976.

Sur quoi vous basez-vous pour être tellement sûrs que la situation a évolué de façon qu'elle soit maintenant irréversible?

M. Laplante (Richard): Oui, c'est sûr que c'est peut-être un mot très fort, mais il reste que ça revient un peu à la question qui était posée tantôt. On se rend compte, de façon très évidente, que les jeunes qui sortent des universités et qui se dirigent dans le domaine de l'économique, parce que le domaine de l'économique, pour le francophone, ça reste un domaine neuf, un domaine nouveau, un domaine où on n'a pas d'expérience, et on se rend compte... Les chefs d'entreprise de ma génération que je rencontre, de la petite et de la grande entreprise, surtout de la petite entreprise, considèrent l'entreprise comme un rôle social beaucoup plus qu'autrefois. Cela, c'est nouveau comme attitude, et c'est rafraîchissant de voir ça. Le chef d'entreprise francophone a l'ambition de bâtir une économie beaucoup plus que de devenir millionnaire. Cela, c'est assez nouveau, parce que, si vous vous souvenez, chez la génération qui nous a précédés ou peut-être deux générations plutôt, le francophone, s'il se lançait dans les affaires, se dépêchait à devenir riche et, souvent, vendait son entreprise aux anglophones ou aux Américains et finissait sa vie vous devinez à peu près où. Je pense que c'est une mentalité qui évolue. J'espère que, de plus en plus, cette mentalité va s'affirmer pour que le chef d'entreprise ait un statut social dans la société et qu'il soit reconnu comme une personne motrice qui développe la société, parce qu'on considère chez nous que le culturel ne peut pas prendre son ampleur et son épanouissement si l'économique n'est pas très fort. C'est dans ce sens qu'on le dit.

M. Paquette: Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je tiens à vous dire que, évidemment, nous différons d'opinion sur le fait que l'évolution soit irréversible. Le but du projet de loi est justement de la rendre irréversible.

Je vais vous poser une dernière question sur les sièges sociaux. Vous avez dit endosser le rapport de la commission d'enquête que le ministre d'Etat au développement culturel a envoyée en mission en Europe.

M. Laplante (Richard): On l'a lu dans les journaux.

M. Paquette: Oui, d'accord. Donc, vous êtes d'accord avec le fait, j'imagine, que la langue de communication interne des sièges sociaux devrait être le français, comme dans tous les pays européens qu'ils ont visités. La langue de communication interne est généralement la langue du territoire où le siège social exerce ses activités.

M. Laplante (Richard): C'est le troisième point, à la page 9, quand on dit d'encourager l'usage du français au travail dans les sièges so- ciaux, dans la mesure où elle "permet l'efficacité des opérations". Je pense que ces guillemets sont très importants. Il y a des cas où ce n'est pas possible, mais, majoritairement, oui, on pense que oui.

M. Paquette: Est-ce que vous pensez que l'article 113, qui dit textuellement: "Les programmes de francisation doivent tenir compte des relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des sièges sociaux établis au Québec par des sociétés ou entreprises dont l'activité s'étend hors du Québec."

M. Brunelle: Oui.

M. Paquette: Est-ce que vous pensez que cette clause est suffisante pour tenir compte des relations internationales des sièges sociaux?

M. Brunelle: Si l'article veut dire ce qu'il veut dire, et là, je m'expliquerai tantôt, je pense qu'il est aménagé pour sauvegarder les intérêts des sièges sociaux. Mais je tiens à vous dire qu'à cause des deux lignes du préambule que nous avons citées ce matin, nous sentons un certain inconfort à la lecture de certains articles de la loi, qui sont formulés d'une façon tellement générale qu'on aime à avoir des précisions...

M. Paquette: Vous vous référez à quoi dans le préambule exactement?

M. Laplante (Richard): La définition d'un Québécois.

M. Brunelle: C'est la définition d'un Québécois.

M. Paquette: Ah oui, mais on ne donne pas de définition du Québécois, on dit: Le français, depuis toujours, est la langue du peuple québécois, comme on dirait: L'italien, depuis toujours, est la langue du peuple italien. Cela ne signifie pas que nous considérons les minoritaires, les gens des groupes ethniques minoritaires au Québec, comme n'étant pas des Québécois. D'ailleurs, le ministre a dit qu'il préciserait ces deux lignes, de toute façon.

M. Laplante (Richard): Bon, d'accord! C'est sûr que le débat fondamental est là-dessus. Il y a beaucoup de gens qui interprètent... Enfin, pour nous, cette dimension n'était pas très explicite au début...

M. Paquette: Je ne vois pas le lien avec l'article 113, mais je pense que mon temps est écoulé. Je vous remercie de votre mémoire et nous en tiendrons compte, je vous assure.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Rosemont. Si M. Laplante ou M. Brunelle veut ajouter un très bref commentaire qui n'est pas une réplique, je lui...

M. Brunelle: Un bref commentaire, M. le Président. Je pense qu'on peut constater assez facilement qu'au cours des discussions qui ont accompagné, encore une fois, le bill 22, les associations patronales, très généralement, ont fait porter l'effort du changement sur les entreprises. Elles ont pris une option très nette pour favoriser l'expansion du français et le développement des francophones dans le domaine économique et dans le domaine social en général. Elle se sont senties en confiance, sur un terrain solide. Je pense qu'on peut constater, pour une raison que je n'approfondirai pas, qu'une réaction inverse accompagne la publication du projet de loi no 1, une certaine crainte et une certaine méfiance, de sorte qu'on a peur, on craint, dans le monde des affaires à tout le moins, que le programme, à cause des possibilités de coercition qu'il contient, défasse, en somme, les progrès qui ont été acquis. Je pense qu'il serait sage de se pencher avec soin sur la révision de certains articles qui me semblent mériter un nouveau coup d'oeil.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Jean Brunelle, M. Richard Laplante, porte-parole du Centre des dirigeants d'entreprise. Merci de votre patience surtout et de votre travail.

J'appelle immédiatement le prochain organisme, la Banque Royale du Canada, mémoire 91.

Madame, messieurs, je vous prierais, selon l'ordre établi, de bien vouloir, non pas identifier votre organisme, mais ses porte-parole, s'il vous plaît.

Banque Royale du Canada

M. Frazee: Mr Chairman, Members of the Committee, my name is Rowland Frazee and I am the executive vice-president, chief general manager of the Royal Bank; as of tomorrow, I will be named president.

On my immediate left is Mr Pierre Fréchette, the bank's vice-president in Québec. On my immediate right, Miss Maria Tosaj who will assist me with language interpretation. To her right, Mr David Grier who is the bank's chief corporate affairs advisor and was intimately involved in the preparation of the bank's brief. I shall speak in English, Mr Fréchette in French and M. Grier in both languages. We propose to share our opening statement and anyone of us is prepared to respond to questions.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous permettez, avant que vous ne commenciez, il est bien sûr qu'à cette heure, nous avons le temps d'entendre votre mémoire ou son résumé.

Vous avez 20 minutes pour le faire. Il est certain, d'autre part, que les membres de la commission ne pourront pas vous poser de questions pendant 70 minutes et je pense que vers 17 h 55 ou aux environs, nous réglerons ce cas avec votre collaboration. Mr Frazee.

M. Frazee (Rowland): Mr Chairman, before commencing either the presentation of information about The Royal Bank of Canada or the discussion of the provisions of the Charter, it seems appropriate to express the general attitude of the bank towards the proposed legislation. This attitude is positive regarding the underlying objectives of the Charter and the concerns it addresses. We believe that language plays an essential role in the healthy development of any society and accept that French should be the primary language of Québec. We support, therefore, the underlying goal of the Charter of the French language in Quebec, which we see as the preservation, enhancement and expansion of the French language and culture in Québec.

Having said this, we must also express, however, a degree of doubt regarding some of the assumptions which appear to underline the proposed legislation. Moreover, we are compelled to express deep reservations concerning some of the methods proposed. In our view, implementation of certain provisions could limit the competitive strength of business enterprises in such a way as to inhibit much-needed growth of the economy of Québec and, consequently, the employment and income of Quebecers. We believe it is reasonable to expect that the government of Québec not place burdens upon corporations whose home is Québec, which are not placed upon their major competitors with head offices outside the province.

In our written submission, we have offered facts which, we believe, should assist the members of the Committee in understanding the particular circumstances of the Royal Bank of Canada and the nature of its operations in Québec, both in the Head Office and in the district operations which Mr Fréchette heads. We have, additionally, presented data supporting our contention that the process of francization in our Quebec district operations is a record of significant, even dramatic, progress and achievement.

The Royal Bank of Canada is a world-scale bank, providing a full range of banking services across Canada and operating in 41 other countries. It is Canada's largest bank in terms of total assets and ranks high on the list of major international banks. At April 30, 1977, the bank had total assets of $32.2 billion. Total deposits were $29.3 billion, of which 65.4% were Canadian and 34.6% foreign. Roughly a two thirds one third division. About 10% of the total business is in Québec (or in Québec 15% of the total Canadian business). The bank has 1,456 branches in over 700 individual communities in Canada, including 226 or 15.5% of these branches in Québec.

As of May 12, 1977, the Bank's total staff included 35 238 persons. Staff in Canada totalled 31 762. In Québec, the Royal Bank employs 7703 or 22% of the total staff. Of these, 4822, or 14% of the total staff, are a part of the Bank's Québec operations, with somewhat over 2000 or 6% working in the corporate Head Office in Montreal, and 723 in the Montreal data processing center, and the Eastern regional Chargex/Visa center.

In our written brief, we have offered many

facts about the Royal Bank of Canada, but we hope especially that members of the Committee will understand one significant fact.

It is that the Québec district operations under the direction of Mr Fréchette are entirely distinct from our head office, our world headquarters, which happens to be located in Montreal. Within our organization, Mr Frechette's domain, our two districts in Quebec and his district headquarters, stand in the same relationship to head office as do our district operations in Ontario, British Columbia, Alberta, Great Britain and so on.

I will now therefore ask Mr Fréchette to give you some details of our Quebec district operations.

M. Fréchette: Merci, M. Frazee. M. le Président, membres de la commission, il me fait plaisir de participer à cette présentation de notre banque, car elle m'offre l'occasion d'apporter quelques précisions qui ont trait à nos opérations au Québec. Comme M. Frazee l'a signalé, nous établissons une nette distinction entre l'activité du Québec et celle du siège social, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous les autres districts de notre banque au Canada. Le Québec est placé sous la direction d'un vice-président, moi-même, qui assume l'entière responsabilité de la gestion des 226 succursales situées dans le Québec. Je suis secondé par deux directeurs généraux, chacun dirigeant son district.

Poussant plus loin notre volonté de décentraliser le pouvoir de décision, nous avons regroupé les succursales en régions, à la tête desquelles se trouvent des directeurs régionaux. Au Québec, nous avons un effectif de 4822 personnes dont 76% parlent couramment le français, tandis qu'un taux supérieur, 88% soutient en avoir une connaissance d'usage. Quant aux anglophones unilingues, ils représentent 12% de l'effectif total au Québec.

La grande majorité des employés qui ont directement affaire à la clientèle parlent couramment français dans une proportion de 81% et ce taux atteint 92% si l'on tient compte du personnel ayant une connaissance d'usage de cette langue.

Dans le groupe des personnes qui traitent directement avec la clientèle, 54,5% parlent couramment anglais. Etant donné que quelque 44% de nos clients, au Québec, utilisent l'anglais pour effectuer leurs transactions, il nous incombe de pouvoir offrir à ces clients les services dans la langue de leur choix. Cependant, l'activité interne des deux districts se déroule de plus en plus en français. L'étendue de nos ressources en langue française au niveau du Québec peut être illustrée par quelques précisions. Par exemple, le personnel de la direction générale du district de Québec est composé dans une proportion de 83% d'employés bilingues ou dont la langue première est le français et le taux est porté à 92% si on englobe les employés qui soutiennent avoir une connaissance d'usage du français. Les anglophones unilingues représentent 8% de l'effectif.

Des deux unités administratives que compte

Québec, l'une est intégralement francophone et exerce son autorité sur cinq des neuf groupes régionaux de succursales de la province. L'autre compte une proportion importante d'anglophones qui traduit la répartition linguistique de notre clientèle. Sur nos 4822 employés au Québec, 1170 peuvent être considérés comme des cadres, c'est-à-dire qu'ils exercent des fonctions équivalentes au niveau de contremaître et poste supérieur du secteur industriel.

Ce personnel de maîtrise compte 969 personnes qui parlent français couramment, c'est-à-dire un pourcentage de 83% et 7% qui soutiennent en avoir une connaissance d'usage. Les employés parlant français se répartissent assez également dans l'ensemble entre les différents niveaux administratifs de ce groupe, les taux extrêmes se situant à 67% et à 94% et les taux moyens, qui sont de loin les plus généraux, variant entre 80% et 90%.

Au niveau des cadres supérieurs et d'un échelon immédiatement au-dessous, les taux atteignent respectivement 83% et 80%.

Dans notre mémoire, nous avons fourni quelques détails relatifs à l'adaptation et à la traduction de la documentation, à nos efforts concernant la terminologie, à nos efforts de recrutement parmi les universités et les CEGEP du Québec et aussi à la participation des employés francophones aux programmes de formation. Je dirige l'attention des membres de la commission aux paragraphes 91 à 97 de notre mémoire.

Nous sommes naturellement fiers de tous ces efforts, mais les progrès accomplis dans le domaine de la francisation de nos activités au Québec, au cours des années, sont quelque peu difficiles à évaluer, faute de pouvoir s'appuyer sur des données concrètes remontant à cinq ou dix ans.

Il est toutefois évident que les choses ont changé radicalement durant ce laps de temps. Indépendamment des statistiques dans notre mémoire sur la traduction française de la documentation, on peut établir une comparaison éloquente.

En février 1973, 84 employés occupant des postes de direction, soit 46% de l'effectif total du district du Québec étaient d'origine canadienne-française. En mai 1977, ce chiffre passait à 202, soit 76% de l'effectif.

L'accroissement des possibilités d'avancement offertes aux francophones, doublées de l'intérêt plus marqué de ceux-ci pour une carrière bancaire, a eu pour effet d'augmenter les promotions de ces employés au sein de notre entreprise.

Au cours de la dernière décennie, le nombre de francophones occupant les postes de cadres supérieurs et intermédiaires, salaires de $25 000 et plus, au siège social, dans notre service international et notre division du Québec, est passé de 7 à 74. En d'autres termes, alors que le nombre de cadres à ces niveaux augmentait 3.8 fois, le nombre de francophones accédant à ces postes de responsabilité augmentait de près de 10,6 fois.

Dans notre mémoire, nous ajoutons quelques commentaires sur la question générale des possibilités d'avancement des Québécois francophones

au sein de la banque et, par ailleurs, dans le monde des affaires.

Notre mémoire offre également quelques précisions au sujet de notre participation à la vie économique du Québec, participation que je juge très positive pour la collectivité québécoise.

Notre bref exposé d'aujourd'hui ne nous permet pas de discussion approfondie, mais je serais heureux d'en discuter davantage lors de la période des questions. Dans le contexte du projet de loi no 1, la question des sièges sociaux est très importante.

Je cède maintenant la parole à M. David Grier, conseiller principal en affaires institutionnelles à notre siège social.

M. Grier (David): Merci, M. Fréchette. M. le Président, MM. les membres de la commission, on est conscient que dans le projet de loi, l'article 113 traite de la situation des sièges sociaux et que cet article suggère qu'on prenne note des réalités de ces organismes. Nous avons essayé, en rédigeant notre mémoire, de donner quelques faits qui, espérons-nous, aideront les membres de la commission à comprendre notre situation particulière et, par conséquent, à donner une considération plus réaliste aux dispositions du projet de loi. Ces mêmes faits, nous croyons, peuvent aussi aider le gouvernement en ce qui concerne les règlements éventuels.

As Mr. Frazee pointed out, the corporate head office of the Royal Bank of Canada in Montreal is the world headquarters of the Bank. The Bank's total business is constituted roughly as 34% international, 56% in Canada but outside of Quebec, and 10% in Quebec.

Accordingly, the work of the head office reflects the composition of the Bank's business. Apart from purely corporate matters relating, for example, to the regulatory role of the Federal government, the work of the Bank's head office is concerned in a nine-to-one ratio with operations and markets outside of Quebec. The work in head office is not "operating" work, per se in the strictest sense, bus is, rather, associated with the functions of overall direction and management of the entire Royal Bank around the world.

As can be readily perceived from the examples given in our brief, the work of the head office staff is, by definition and with extremely few exceptions, concerned with overall plans, policies, procedures, strategies and problems.

In view of the work of the corporate head office, that is dealing with matters affecting the entire Bank, planning for and communicating with the entire Bank and dealing in the international financial arena, it is inescapably clear not only that the primary language of work in head office must be English, but that practically all positions within it require a good knowledge of that language. As the head office manages and directs a far-flung system, the imperatives of efficiency require that the head office reflects the entire system and market in linguistic terms. While this overall system and market includes geographical areas using many languages other than English (notably

Spanish and French), the overwhelmingly major part uses English.

This is not to say, however, that English is and must be used exclusively in the head office. In the first place, there has never been, nor could there be any directive or policy which would forbid personal or working communication between employees at any level in French: pragmatism, convenience and courtesy rule. In the second place, the Bank has long had the policy of producing virtually all of its customer forms, public reports, and so on, in both of Canada's official languages. Most of these are produced by the head office.

A further important factor requires mention. Many positions in the head office of the Bank are ones which are filled, on the basis of merit, experience and qualifications, by officers who were born and educated in other parts of Canada or abroad and who have spent the larger part of their Royal Bank careers in other parts of its system. A high proportion of these, unfortunately, have not had the opportunity to gain a good knowledge of French. The vital lifeblood of any organization is its roster of talented, skilled and experienced people. Accordingly, the Bank considers it is absolutely essential to its competitive viability and its survival that it have access, in staffing its head office, to the entire pool of people developed throughout its worldwide system.

If the Bank could not offer such key people the required hospitable environment in the head office community, it would become, in our view, extremely difficult, if not impossible to make the needed transfers or promotions to head office from across the system. This would be unacceptably disruptive of the efficient staffing of the Bank's world headquarters by people who possess the required skills and experience.

In summary, the importance of maintaining the effective functioning and continuity of the head office as the central management group is such that it can be considered one of the most crucial responsibilities of the Bank's top management. It is clearly not a matter of choice, but of necessity.

We are encouraged to hope, not only by the force of the facts themselves, but by various reported statements of the Minister, that the regulations concerning francization of business will recognize fully, realistically and with flexibility the imperatives affecting head offices. We are, however, also considerably concerned about provisions of the law affecting the general environment in which our head office employees live. This includes, of course, provisions concerning access to English language schools, and some aspects of provisions concerning the language of civil administration. We dare to hope that the same flexibility and realism, just mentioned, may be applied in these areas as well.

Mr Frazee.

M. Frazee: Mr Chairman, before just giving a few words of summary, I neglected to request that

our written brief be entered into the official record of the Committee proceedings and I do so request.

Members of the Committee will have noted in our brief a number of comments on aspects of the Bill, and recommendations concerning certain articles. I would like to summarize these.

With respect to article 32, we recommend that adequate provision be made for company-employed professionnals who do not deal with the public and who therefore may be working in English, for example in a head office.

With regard to article 46, dealing with signs and posters, we believe that application of the provision as now drafted, would work an injustice upon non-francophone consumers, without bringing real advantages to francophone Quebecers. We would see no problem in a requirement that French always accompany any other language used, and that it be no less prominent. But, we believe that to forbid other languages would be unjust.

Similarly, it seems inappropriate to forbid the use of an English corporate name in Québec, as provided in article 50. This article would make it an offense to place the English name "The Royal Bank of Canada" on a cheque, or at the top of an English form, or even to write a letter from Montreal to New York on an English letterhead. Surely, this article should be a candidate for amendment.

With regard to articles 51 and 52, concerning the languages of education, we urge that the English language school system be open to the present or future children of all anglophones, whether now resident in Québec, or those moving here from elsewhere in Canada or from an English-speaking country. This matter is of great practical importance to the bank, affecting its capability to transfer employees to the head office.

We applaud intentions on the part of the Government to improve the teaching of English as a second language in French-language schools. However, we would also urge that access be allowed, even if only on a temporary basis, of francophone children to English-language schools, where their parents desire it.

As stated in our brief, we are also much concerned about the considerable powers the law would place in the hands of public servants. It is true that they need certain powers, and a considerable degree of flexibility. But for these to be exercized without appeal rights, either to the courts, as we recommend, or to the Minister, as was provided in Bill 22, seems to us to be dangerous.

Of even more concern, however, are the extreme sanctions made possible by articles 47, 106 and 119, especially article 106. We note with approval news media reports that the Minister has suggested the possibility of amendment of article 106a, insofar as it concerns permits. However, we must also respectfully point out that the present wording of article 106b creates the possibility that a company failing to secure a francization certificate may be put out of business because it is prevented from concluding a contract with Hydro-Québec for the purchase of electricity. Surely, this is a sword of Damocles just as serious as possible denial of operating permits. We therefore recommend modification of 106b to limit its application to cases where the company concerned is the vendor, that is, is selling to the governmental or paragovernmental agency, and to exclude its application to situations where the company is the purchaser, whether it be of electricity, gas, or whatever. We also suggest the removal of the word "permits" from article 106a, and the addition of appeal rights, as mentioned previously.

Finally, much has been said on the subject of article 172, as well as about the definition of "Quebecer", as used in the preamble to the Bill and in article 112. Along with many others, we consider article 172 should be amended to confirm the pre-eminence of the Charter of Human Rights. We also react with approval to news reports that the Minister is prepared to clarify the definition of the word "Quebecer".

Overall, I believe our position with regard to the Charter may be summarized as follows: We support the basic goal of enhancing the position and encouraging the expansion of the French language in Québec, and we accept that it should be the primary language of Québec. However, as explained in our brief, we disagree with the pessimistic diagnosis on which the proposed legislation is based and wish to underline the significant progress Québec's majority community has made in assuming its proper place in Québec's social and economic life. Competent francophones are now present in increased numbers in the main streams of business, industry and commerce.

We have documented this in the case of the Royal Bank and we do not believe our organization is unique. Any legislation should take into account the already substantial progress achieved. Our concerns with the bill are with some of its methods rather that with its basic goals. We believe the amendments which we, along with some others have proposed, would improve the legislation substantially, without significantly affecting achievement of its basic goals.

Merci.

Le Président (M. Dussault): Messieurs, je vous remercie de la présentation de votre mémoire, et je laisse maintenant la parole au ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier la Banque Royale du Canada pour le mémoire mesuré et abondamment fourni ou farci d'informations qu'elle nous présente.

Evidemment, la plupart des commentaires et des recommandations qu'elle nous fait résonnent maintenant à notre oreille d'une façon familière, puisque nous les avons tous ou presque tous entendus, soit lorsque la Banque de Montréal est venue présenter son mémoire devant nous, ou d'autres groupes reliés au monde des affaires.

II est donc difficile d'apporter à ces commentaires et recommandations les mêmes réactions que nous avons déjà eues. Je dois dire cependant que j'ai pris, à la lecture de ce mémoire très étoffé, très documenté, énormément de plaisir et d'intérêt, ne serait-ce que parce que ce mémoire nous renseigne d'une façon très exacte sur l'ampleur des opérations d'une grande banque internationale, sur ses mécanismes d'opération, sur les problèmes qu'elle affronte et sur les solutions qu'elle tend à apporter aux diverses éventualités qui peuvent se présenter à elle.

C'est précisément à cet égard que j'aimerais, ma soif n'ayant pas encore été complètement satisfaite, demander d'autres informations au président.

Je voudrais d'abord lui demander si toutes les parties du siège social de la Banque Royale sont à Montréal ou s'il y en a certaines parties qui ont été déménagées dans d'autres villes canadiennes, dans un passé récent, et s'il est de l'intention de la Banque Royale de continuer à exporter certaines parties de son siège social dans un avenir prochain?

M. Frazee: Mr Chairman, certain elements of our head office are located elsewhere. For instance, our agricultural department has always been in Winnipeg; it was established there. Our oil and gas department, many years ago, was established in Calgary; our mining department was established in Toronto; our money market has been in Toronto for ten years probably. They were established there because it seemed that the market conditions made it logical.

A few months ago, we did announce the movement of approximately 100 people from Montreal, and this is out of over 2000, to Toronto. That consisted of a major portion of our investment department but not all of it, a major portion of our international money markets, but not all of it, and our corporate marketing department, without weakening our capacity to provide corporate marketing services in Québec.

The figure I have is there are 2090 people in our Head Office in Montreal excluding the data center and our Chargex visa center. There are 131 at the moment outside Québec including this latest move, a few more to go, I think it is probably about 26. So it is less than 200 who are considered part of our Head Office. This is excluding the data centers and Chargex which we have in Halifax, Montreal, Toronto, Winnipeg, Calgary and Vancouver and for administrative purposes, we consider them part of Head Office but for all intents and purposes, they serve the local region. I am really not including them in these figures. They have always been there for logical reasons.

As for our future intentions, our future intention, Sir, is that the Head Office of the Royal Bank should remain in Montreal where it has been for almost a hundred years. We have no wish to move. We think that it is important that some head offices should be in Toronto and some should in Montreal, when I am speaking of the banking system. We prefer Montreal. That is where we would like to stay. This is not to say that at some future date, if market conditions demand that elements of our Head Office — say we formed a fishing department — the logical place, perhaps, would be in Halifax or Vancouver. I am not sure which. So I cannot say that there would not be something like that taking place. We have no plans at the moment to move any other particular department out of Montreal.

M. Laurin: Je vous remercie pour cette réponse. Vous dites aussi que maintenant il y a quinze Québécois sur 46 qui siègent à votre conseil d'administration. Puis-je savoir si ces 15 membres sont francophones ou anglophones?

M. Frazee: Of the fifteen directors who are located in Québec, three are officer directors. Of the other twelve, three have French as their mother tongue and one recently retired and has not yet been replaced and the balance have English as their mother tongue.

M. Laurin: So the total number of Francophones would be three?

M. Frazee: Three.

M. Laurin: Three. Vous dites aussi que 10% de votre chiffre d'affaires se situe au Québec. Quand vous dites 10%, voulez-vous dire, par exemple, les prêts que vous faites ou comptez-vous aussi les dépôts? Pourriez-vous détailler cela en ce qui concerne d'une part les "outflow and the inflow"?

M. Frazee: Mr Chairman, when we use the figure 10% it is 10% of the total bank. If you are talking, as I mentioned, of Canadian business it is 15% and the figure we use because it is the most readily available is deposits. If we took total assets, it would not vary perhaps more than 2% but we use the deposit figure. I am sorry I am not sure what the other question was.

M. Laurin: The total amount of deposits.

M. Frazee: This figure has remained fairly constant...

M. Laurin: And the total amount of investments in Québec, for example.

M. Frazee: You mean in Québec, based companies as well as Government?

M. Laurin: Yes.

M. Frazee: Excuse me. I will see if we have the figures Mr Chairman, investments, you are not including what we classify as loans.

We divide our portfolio into loans and investments to us are shares and bonds essentially, not loans.

M. Laurin: Not Loans. Ah bon!

M. Grier: Mais on a l'actif total et le passif total, seulement, à l'heure actuelle.

Le Président (M. Cardinal): Je veux remercier les porte-parole de la Banque Royale et leur demander s'ils sont disposés à revenir avec nous lundi matin à 11 heures? You may answer in English.

M. Frazee: Yes, Mr. Chairman.

Le Président (M. Cardinal): Thank you very much. Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je crois que vous vous apprêtez à lever la séance. Je voudrais simplement observer que, dans le cours de sa présentation, M. Frazee a demandé que la totalité du mémoire soit versée au journal des Débats. Je pense qu'il serait opportun que vous receviez cette demande pour qu'elle soit consignée.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. J'en ai été informé et je dis immédiatement aux représentants de la Banque Royale que leur demande est acceptée.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avant d'ajourner les travaux, est-ce que vous pourriez nous donner une idée des invités que nous aurons lundi, après la Banque Royale?

Le Président (M. Cardinal): D'accord, avec plaisir. Evidemment, ceci est indicatif, parce que je ne sais pas si ces personnes ou ces organismes sont disponibles.

Il y aura évidemment la Banque Royale qui vient d'accepter notre invitation et, à ce sujet, je souligne qu'il reste de 52 à 62 minutes de débats selon que les députés de Beauce-Sud et de Rouyn-Noranda nous accompagneront, oui ou non, premièrement. Deuxièmement, il y a le groupe Participation Québec. Je sais que c'est un cas spécial. J'aurais aimé qu'il puisse participer aujourd'hui. Malheureusement, les circonstances ne l'ont pas permis. Je pense que le bureau du ministre devra communiquer avec ces gens. Nous avons ensuite, comme organismes convoqués, l'Association des cadres scolaires du Québec, mémoire 253. L'Association du transport aérien international, qu'on appelle IATA, mémoire 75. La Commission des écoles catholiques de Québec, mémoire 74. Quebec Association of School Administrators, mémoire 14. Metropolitan Quebec Language Right Committee, mémoire 180. Je rappelle que, lundi, il n'y a pas de séances de l'Assemblée nationale, il n'y a pas de vote et que, par conséquent, nous sommes assurés de siéger de 11 heures du matin à 23 heures, sauf les interruptions normales, c'est-à-dire à 13 heures et à 18 heures. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Un commentaire non polisson, M. le Président, pour féliciter M. Frazee, qui va assumer la présidence de la Banque Royale demain, la même journée que le Nouveau-Brunswick va assumer deux langues officielles...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Ce sont deux événements très importants pour le Canada.

Le Président (M. Cardinal): N'insistez pas, c'est du genre d'une motion non annoncée et, à 18 heures, en remerciant nos invités, je déclare que la commission ajourne ses travaux à lundi matin, 11 heures. Merci à tous, surtout aux députés qui étaient présents.

(Fin de la séance à 18 heures)

ANNEXE 1

Mémoire sur la Charte de la langue française

(projet de loi no 1)

présenté par l'Université McGill

Conformément à sa charte de 1821, l'Université McGill a été fondée "dans le but de dispenser l'enseignement et de promouvoir l'avancement des sciences" au Québec. L'enseignement y est donné surtout en anglais et ce depuis toujours. En effet, sa création est due à la générosité personnelle de James McGill qui légua par testament un fonds de dotation en vue de la création de l'université à l'Institution royale pour l'avancement des sciences, établissement d'enseignement public et non confessionnel. Comme au 19ème siècle la collectivité catholique du Bas-Canada avait tendance à rejeter les institutions d'enseignement non confessionnelles, surtout si elles étaient désignées par le gouverneur, l'Institution royale passait pour être protestante ce qui, à l'époque, signifiait de langue anglaise.*

Aujourd'hui, la population étudiante à temps complet de McGill s'élève à 15 966 dont 75% sont inscrits comme provenant du Québec et 14,6% du total de langue française. Son corps professoral à temps complet compte 1291 membres.

En sa qualité d'institution du Québec et du monde scientifique, l'université McGill assume des obligations qui sont celles de toute université et qui consistent à préserver les idéaux suivants:

I assurer la liberté de recherche et d'opinion et, par voie de conséquence, la liberté de parole;

II servir et consolider la vaste collectivité sur laquelle s'appuie l'université, et parfois critiquer cette même collectivité;

III assurer la continuité et le développement harmonieux des connaissances, de la culture et des institutions de la collectivité vouées à cet objectif.

McGill a l'honneur de présenter ce mémoire sur la Charte de la langue française {projet de loi no 1) parce qu'elle estime que certaines parties de ce document sont incompatibles avec les idéaux que nous venons de mentionner.

La Charte reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Quelle que soit leur langue, rares sont les Québécois — voire les non-Québécois — qui contesteraient ce fait. Nous ne sommes pas en faveur de l'imposition de l'unilinguisme à des régions bilingues ni chez nous ni dans d'autres régions du Canada. Mais nous croyons que dans une société moderne et largement urbanisée, il est souhaitable d'avoir une langue commune qui puisse être généralement comprise et parlée et que cette langue soit le français en ce qui concerne les questions relevant du Québec.

Le préambule du Projet de loi affirme également que l'Assemblée nationale "...entend poursuivre cet objectif dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui participent au développement du Québec".

Nous applaudissons à cette déclaration. Mais nous croyons que, pour continuer à participer au développement du Québec, les minorités devront bénéficier de plus d'encouragement et d'assurance que ne leur offre le Projet de loi. Dans un sens, ce document représente un progrès par rapport à l'actuelle Loi sur la langue officielle (1974, ch. 6) puisque McGill, en tant qu'université, n'est plus classée comme faisant partie de l'"Administration publique" avec toutes les restrictions que cela implique. Nous croyons néanmoins que les effets indirects du Projet de loi No 1, dans sa version actuelle, porteront un préjudice grave à l'Université et par conséquent au Québec.

Nos critiques du Projet de loi concernent quelques-uns de ses aspects particuliers et non ce qui représente à nos yeux son orientation principale, à savoir la promotion de la langue française. Nos commentaires sont de deux ordres.

Notre première objection porte sur le fait que le Projet de loi accorde des droits différents et impose des obligations différentes aux divers résidents du Québec en classifiant ceux-ci en différents groupes ethniques et linguistiques et, en fait, en groupes secondaires au sein de tels groupes.

Prenons, par exemple, le cas d'un anglophone qui habite en face d'une école de langue anglaise. Il pourrait être classé dans l'une des catégories suivantes: *D'après Fernand Ouellet (Eléments d'histoire sociale du Bas Canada, Montréal, 1972, p. 181) en 1831, 51% des chefs de famille à Montréal et 44% à Québec étaient de langue anglaise.

Cas 1:

Lui ou sa femme a fréquenté une école primaire de langue anglaise au Québec; ses enfants actuels et futurs peuvent aller à l'école anglaise située en face de chez eux.

Cas 2:

Ni lui ni sa femme n'ont fréquenté une école primaire de langue anglaise au Québec et ils n'ont pas encore d'enfants; quand ils en auront, ils ne pourront les envoyer à l'école anglaise.

Cas 3:

II séjourne pour un temps limité au Québec; aux termes des conditions fixées par règlement, il pourra envoyer ses enfants à l'école anglaise.

Cas 4:

Lui et sa femme ont fait leurs études en dehors du Québec et ils n'ont qu'un enfant qui fréquente l'école anglaise; ils pourront envoyer leurs autres enfants, actuels ou futurs, à une école anglaise.

Cas 5:

Lui et sa femme ont fait leurs études en dehors du Québec et ils n'ont qu'un enfant qui fréquente l'école française; ils ne pourront envoyer leurs autres enfants à une école anglaise.

Ainsi, il y a cinq catégories différentes de droits pour une personne qui fait partie de la collectivité de langue anglaise du Québec. On pourrait même envisager d'autres catégories, si l'on tenait compte des enfants nés d'un deuxième mariage.

Le Projet de loi (article 172) reconnaît que ses dispositions sont incompatibles avec la Charte des droits et libertés de la personne au Québec, promulguée il y a à peine deux ans. Une telle exception à cette Charte représente, à nos yeux, plus qu'une simple injustice envers certains groupes de citoyens; en effet, à partir du moment où le principe de l'exception est admis et si peu de temps après la promulgation de la Charte, les droits et libertés de tout individu sont menacés. Il faudrait faire disparaître cette exception en supprimant dans le Projet de loi les dispositions qui ont rendu l'article 172 nécessaire; autrement dit les droits et libertés du citoyen découlant de la Charte des droits et libertés de la personne sont suprêmes en temps de paix et aucun citoyen qui n'est pas en prison ne devrait avoir moins de droits que d'autres.

Cette tendance à la discrimination est illustrée par la première phrase du préambule du Projet de loi, laquelle vise à établir que "la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois" si, par "peuple québécois" on entend les habitants du Québec, la prémisse posée par la phrase en question est fausse et jette un doute sur la validité des conclusions que le Projet de loi cherche à tirer de cette affirmation. Il est largement reconnu, en effet, que les autochtones du Nouveau-Québec que la Province s'annexa en 1912 à partir des Territoires du nord-ouest, ne parlaient pas autrefois le français et peu d'entre eux le comprennent aujourd'hui. Il existe aussi des communautés, notamment dans les Cantons de l'Est et sur la côte nord du St-Laurent, qui furent colonisées par des personnes qui parlaient l'anglais et dont les descendants continuent à le parler de nos jours. Il y a, par ailleurs, la non moins importante collectivité d'expression anglaise de Montréal et d'ailleurs qui se trouve ici depuis au moins deux cents ans et dont les membres estiment avoir le droit et non le simple privilège, de se servir de leur langue maternelle.*

Si, par contre, on entend par "peuple québécois" les habitants du Québec qui sont de langue française au point de vue historique, l'affirmation en question n'est qu'une vérité de La Palisse et n'apporte donc aucune contribution au raisonnement sur lequel se fonde le Projet de loi.

Les articles 2, 6 et 112 (b) également se servent du terme "québécois" et sont donc ambigus à la lumière de la phrase qui figure au début du préambule. Nous insistons pour que le Projet de loi soit modifié de manière à faire ressortir clairement que ses dispositions s'appliquent sans distinction à tous les citoyens du Québec et à toutes les autres personnes légalement placées sous sa juridiction.

Nous trouvons, par ailleurs, que le Projet de loi No 1 est autoritaire en ce sens qu'il laisse aux seuls règlements du gouvernement le soin de déterminer ceux qui doivent être contraints à s'y plier et dans quelle mesure ils doivent y être contraints. En effet, quelque 27 articles de ce document* prévoient une législation par des règlements établis soit par le gouvernement, soit par le ministre, soit encore par *Voir renvoi, page CLF-1143 *Articles du Projet de loi No 1 16, 19, 30, 32, 37, 41, 42, 43, 46, 50, 53, 54, 55, 57, 58, 76, 77, 86, 92, 99, 106, 109, 110, 114, 115, 118, 119.

l'Office de la langue française et de la francisation, la violation desdits règlements étant punissable d'amendes ou, à défaut, de peines d'emprisonnement. Quelques-uns des règlements devront être publiés 60 jours avant leur entrée en vigueur, mais aucun d'entre eux ne devra faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Cette assemblée, formée des représentants élus du peuple du Québec et gardienne traditionnelle de ses libertés civiques ne devrait pas confier aux organes du pouvoir exécutif une autorité si radicale et si vaguement définie (voir article 75) dans des domaines qui touchent profondément les droits et les libertés d'une partie non négligeable de la population.

Le deuxième ordre de nos objections concerne directement la collectivité anglophone du Québec et ses établissements d'enseignement. La Charte semble menacer les deux à la fois, surtout par ses Articles 51 à 59 intitulés "La langue de l'enseignement".

La raison avancée pour l'inclusion de ces mesures se fonde sur la menace d'érosion qui pèse sur la majorité numérique d'expression française par suite de la baisse du taux de natalité au sein de cette population, baisse qui coïncide avec une période d'immigration d'égale intensité de personnes qui ne parlent pas le français. Les études récentes, effectuées à McGill, indiquent cependant qu'au cours de la dernière décennie, grâce à la combinaison d'une série de facteurs, l'effritement de la majorité d'expression française a été enrayé (voir appendice I). Dans ces circonstances, les mesures nouvelles et radicales visant le maintien de la supériorité numérique des Francophones sont superflues et comme elles ont un caractère coercitif, elles sont préjudiciables à l'ensemble du Québec.

Tant la minorité francophone en Amérique du Nord que la minorité anglophone au Québec, sont particulièrement exposées à ces menaces. Chaque groupe devrait faire preuve de sympathie devant les appréhensions de l'autre groupe et traiter celui-ci dans un esprit de compréhension. Aucun de ces deux groupes n'a été partait à cet égard. Les membres de la minorité anglophone ont pour leur part, sous-estimé l'angoisse qu'éprouvaient leurs compatriotes d'expression française. Ils n'ont pas toujours saisi que l'érosion de la population d'expression française signifiait l'extinction d'une culture nord-américaine distincte, même si la langue française survit sous d'autres cieux.

En contraste, aux yeux du Québécois de langue française, l'érosion de la population de langue anglaise du Québec signifie, en mettant les choses au pire, la retraite vers d'autres parties du Canada et non l'extinction d'une culture. Certains pensent que, même s'il était triste d'assister à un tel déplacement des Québécois d'expression anglaise, il pourrait s'agir d'un cas justifiable s'il se produisait sans oppression et par le seul fait de dénier en droit, à ces personnes, l'accès aux écoles anglaises existant au Québec, sous prétexte que les Francophones d'ailleurs n'ont pas accès aux écoles françaises.

Les Canadiens français sous-estiment fréquemment la façon dont le Québécois anglophone s'identifie au Québec et se montre fier des établissements qu'il y a créés tels que les écoles, les collèges, les universités, les musées et les hôpitaux qui sont tous ouverts au public. Au Québec, le Québécois anglophone est chez lui. C'est le degré d'identification et d'appui à la collectivité qui contribue à l'excellence qui caractérise les établissements qu'il a créés. Il a été atteint en dépit du fait que les Anglophones ne se considèrent point comme un groupe ethnique et culturel fermé; ils estiment en effet, que leurs institutions appartiennent à l'ensemble du Québec.

Nous croyons que cette population et nombre de ses établissements subiront un préjudice grave par l'application du Projet de loi No 1 dans sa version actuelle. Nous croyons qu'il s'agirait alors d'une perte pour le Québec et que cette perte ne serait pas accompagnée d'un gain correspondant pour la langue française. L'intention de la Charte est de consolider la position du français, mais ce but ne pourra être atteint par un simple affaiblissement du groupe de langue anglaise.

Quelles seront les conséquences de ces proportions si elles ne sont pas modifiées? Les populations scolaires sont actuellement en baisse sur tout le continent nord-américain et pour cette seule raison, la population de nos réseaux scolaires anglais et français au Québec, sera réduite à quelque 80% du niveau actuel vers l'année 1986.

Il est difficile de prédire l'effet que produira sur le réseau français le fait d'y envoyer tous les enfants d'immigrants, mais, en tout cas, cet effet ne sera pas important. Si l'influx des immigrants au Québec ne devait nullement être touché par le Projet de loi No 1, ce qui paraît improbable, l'addition de tous les enfants d'immigrants au réseau des écoles françaises porterait en 1986 le chiffre à un maximum approximatif de 87% au lieu des 80% prévus (appendice II). L'effet réel sera probablement moins conséquent.

Par contre, on peut prédire avec un degré plus élevé de fiabilité l'effet d'une telle mesure sur les écoles de langue anglaise, étant donné que ni les enfants des immigrants ni ceux des Canadiens de langue anglaise qui viendront s'établir au Québec n'y seront admis. Les estimations indiquent ensuite que vers l'année 1986, le réseau des écoles anglaises ne représentera pas plus de quelque 46% de sa taille actuelle (voir appendice II). A notre avis, comme il existe déjà des écoles des deux langues, le fait de laisser aux parents le choix de la langue de l'enseignement est préférable aux décisions prises par l'Etat. Même si on laissait le libre choix à tous les parents d'expression anglaise, la population des écoles anglaises serait ramenée à bien en dessous de 79% (voir appendice II), ce qui représente un déclin plus rapide que celui prévu pour le réseau français.

Sans cette disposition, la fréquentation du réseau d'écoles anglaises continuera à baisser après 1986. Si tous ceux qui quittent le Québec représentent une perte pour le réseau anglais et si aucun de ceux qui viennent s'y établir ne peuvent avoir accès à ce réseau, nous verrons alors les écoles anglaises

réduites à des proportions insignifiantes. Comme 60% des admissions à McGill proviennent des écoles anglaises du Québec, il est difficile de comprendre notre grande inquiétude devant les dispositions du Projet de loi No 1 touchant l'enseignement. Les autres effets de ce projet sur les mouvements démographiques — accélération de l'émigration et ralentissement de l'immigration — hâteront bien entendu ces tendances.

On peut également prédire avec une certaine assurance les conséquences pour l'enseignement supérieur. Une université telle que McGill, engagée comme McGill l'est à présent, ne pourrait exercer judicieusement sa mission sur une base démographique d'expression anglaise en butte à une érosion continue, surtout si le flot des étudiants et professeurs de l'extérieur du Québec est entravé par les conséquences de ce projet de loi, conséquences qui sont inévitables.

Une bonne université dépend en premier lieu de l'interaction d'esprits éminemment formés bénéficiant des services appropriés. McGill a édifié son corps professoral à l'aide d'une proportion croissante de résidents du Québec, mais il lui faut encore attirer un nombre considérable d'enseignants de l'extérieur du Québec. Toutes les universités québécoises sont logées à la même enseigne et doivent faire venir quelques-uns de leurs professeurs de l'extérieur du Québec.

Un certain nombre de nouveaux professeurs attirés vers les universités de notre province comptent aujourd'hui envoyer leurs enfants dans les écoles françaises, mais de nombreux autres n'ont pas cette intention. La concurrence est serrée et si nous voulons être à la hauteur de la situation, il faut que les écoles anglaises soient ouvertes aux enfants des professeurs attirés parmi nous. En fait, même ceux qui se proposaient d'envoyer leurs enfants dans les écoles françaises pourraient hésiter à se placer sous le type de juridiction qui interdirait aux écoles anglaises actuelles d'admettre des enfants qui parlent l'anglais. De même, il importe que l'on arrive à dispenser de la disposition en question pour la durée de leur engagement, et non pas simplement pour trois ans, le petit nombre de professionnels enseignants qui viennent au Québec et qui doivent acquérir une compétence en français pour obtenir un permis professionnel. On ne peut concevoir que de telles dispenses puissent porter atteinte au statut de la langue et de la culture françaises.

McGill est donc exposée à une menace réelle. La perte de McGill, ou un prejudice grave subi par elle, auraient-ils de l'importance pour le Québec? A notre humble avis, il faut répondre par l'affirmative à cette question. Une bonne université constitue un actif précieux pour sa collectivité et pour ses universités soeurs qui oeuvrent au sein de cette collectivité. La réputation internationale de McGill représente un atout particulier au Québec. Sa contribution au seul domaine de la médecine est sans pareille; les centres hospitaliers d'enseignement de McGill sont connus à travers tout le continent. Dans le domaine de l'agriculture, son Collège Macdonald occupe un rang de premier ordre au Québec. McGill a formé des chefs pour ainsi dire pour chaque segment de la société tant française qu'anglaise.

Parmi les hommes illustres de McGill, on trouve des noms aussi prestigieux que ceux de Wilfrid Laurier, Ernest Rutherford qui réussit la fission de l'atome, William Osier, le grand médecin et l'illustre Wilder Penfield, de l'Institut neurologique de McGill à Montréal. La qualité attire la qualité. L'appendice III illustre notre engagement profond et imposant envers le Québec.

La promotion du français comme langue commune est en voie d'atteindre son objectif; on pourrait accélérer et améliorer ce processus en insistant sur des niveaux plus élevés pour l'enseignement du français dans les écoles. Aussi, nous applaudissons la disposition de la loi exigeant la compétence en français avant la fin des études secondaires.

Les deux ordres d'objections que nous soumettons ci-dessus portent particulièrement sur les questions universitaires. Le premier concerne l'impression de malaise intellectuel créé par l'esprit de discrimination et d'autoritarisme du Projet de loi; le second le préjudice très appréciable susceptible de résulter pour l'université des dispositions de ce Projet sur l'enseignement. Il y a également des objections à d'autres chapitres particuliers du Projet de loi tels que ceux du droit et des affaires mais nous laissons à d'autres le soin de traiter de ces questions. Notre silence à l'égard de ces sujets n'implique cependant pas une approbation de ces aspects du Projet de notre part.

En conclusion donc, nous prônons en premier lieu l'idéal de la liberté des individus de faire leur choix parmi les établissements d'enseignement actuels, qu'il s'agisse des écoles, des collèges ou des universités. Cette liberté de choix devra être exercée par le parent, ou par le tuteur dans le cas d'un mineur. Si l'on veut atteindre cet idéal, il faudra instituer un enseignement nettement amélioré de la langue seconde dans tous les deux réseaux scolaires.

En deuxième lieu, il faudra, en tout cas, ouvrir les écoles anglaises aux enfants de tous les membres de la collectivité anglaise et notamment à tous les Canadiens de langue anglaise, quelle que soit la province d'où ils viennent.

En troisième lieu, la Charte des droits et libertés de la personne est suprême et devra conserver ce caractère.

En quatrième lieu, l'Assemblée nationale élue selon les principes démocratiques, ne devra pas abandonner au pouvoir exécutif l'autorité plus ou moins effrénée de légiférer en matière de droits linguistiques, de recourir à des interrogations, à la production de documents et à des procédures pour outrage sans faire intervenir les tribunaux et de contraindre les gens sous la menace d'amendes ou, à défaut, de peines éventuelles d'emprisonnement. Respectueusement soumis, Robert E Bell

Principal et Vice-chancelier Université McGill Le 1er juin 1977

"Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d'être François (ou bien) parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis François que par hasard.

Pensées et fragments inédits de Montesquieu: Charles de Secondat, Baron de Montesquieu,

(1689-1775).

Ouvrage publié par le Baron Gaston de Montesquieu à Bordeaux, 1899.

APPENDICE I

Mémoire sur

la Charte de la langue française au Québec présenté par l'université McGill

Eléments récents affectant la structure linguistique de la population du Québec

Sommaire

Cet appendice vise à prouver que les projections habituelles portant sur la proportion de personnes d'expression française dans la population sont pour le moins pessimistes et que de toute manière, ni ces projections ni les données du recensement ne sont suffisamment récentes ou consistantes. On tentera de démontrer ensuite que les tendances observées récemment en ce qui concerne les migrations interprovinciales et les choix linguistiques des immigrants sont beaucoup plus favorables à la population francophone qu'on ne l'estime généralement.

Introduction

Les projections existant sur la structure linguistique du Canada ou du Québec sont généralement pessimistes en ce qui concerne le développement du secteur francophone. Pour illustrer cela, reportons-nous à un article de J. Henripin, paru en 1961 (J. Henripin, "Evolution de la composition ethnique et linguistique de la population canadienne" dans Canadian Population and Northern Colonization, V. W. Bladen, éd., publié pour la Société Royale du Canada par les Presses de l'université de Toronto, 1962).

Henripin avance deux hypothèses différentes sur l'accroissement naturel de la'population de langue maternelle française en essayant de tenir compte des transferts linguistiques et des mouvements migratoires. Il prévoit que la proportion de la population canadienne de langue maternelle française tombera de près de 30 pour cent avant 1961 à 24.5 pour cent ("forte croissance naturelle") ou 23.7 pour cent ("croissance déclinante") en 1981. C'est sa deuxième hypothèse qui s'est avérée la plus juste et nous retiendrons donc le taux de 23.7 pour cent prévu par Henripin. Nous sommes déjà en 1977 et il est manifeste que la proportion de francophones ne tombera pas jusqu'à 23.7 pour cent d'ici 1981.

Il aurait peut-être été intéressant de faire une comparaison entre les chiffres effectifs du recensement et les prévisions détaillées de Maheu (1970), de Charbonneau, Henripin et Légaré (1970), et de Charbonneau et Maheu (1973). Une analyse critique et comparée de ces prévisions a bien été faite, mais ses résultats prêtent à controverse. De plus, le dernier recensement dont on connaît les résultats remonte à 1971 et l'histoire sociale et politique du Québec de ces dernières années nous incite à ne nous fier qu'à des données plus récentes.

Les quatre facteurs principaux qui ont une incidence sur la taille de la population francophone et sur ses rapports avec la population non francophone sont les suivants:

(1) le taux d'accroissement naturel,

(2) les transferts linguistiques effectués par la population existante,

(3) le nombre et les choix linguistiques des immigrants, et

(4) les migrations interprovinciales.

Pour ce qui est du facteur no 1, le taux d'accroissement naturel des deux groupes a atteint un niveau bas et à peu près semblable; ce facteur donc, qui jouait fortement en faveur du groupe francophone dans le passé, est aujourd'hui à peu près sans importance. Cela ne manque pas d'inquiéter un grand nombre d'observateurs de langue française, mais il convient néanmoins d'en tenir compte à côté des autres facteurs.

Pour ce qui est du facteur no 2, historiquement parlant, les transferts linguistiques se sont effectués surtout du français à l'anglais au Canada pris dans son ensemble, mais les transferts dans les deux sens n'étaient pas rares au Québec. Dans son exposé de 1961, Henripin signalait déjà que les transferts nets du français à l'anglais étaient peu importants au Québec (pas plus de 1.5 pour cent, pour

être précis) mais considérables ailleurs (peut-être 30 pour cent). On assiste depuis quelque temps à une forte propension chez les anglophones du Québec à opter pour la langue française, ou du moins à devenir bilingues. Dans certains quartiers, près de 50 pour cent des enfants d'expression anglaise fréquentent l'école française. Il n'est pas facile de trouver de données précises à cet égard, mais on peut affirmer avec quasi-certitude aujourd'hui que les transferts linguistiques nets au Québec se font de l'anglais au français.

Immigration au Québec

Quant au facteur no 3, la taille et la composition linguistique du flot d'immigrants arrivant au Québec ont été l'objet d'un grand nombre de commentaires. Si on rapproche cela de la diminution du taux d'accroissement naturel, on estime généralement que la propension des immigrants à opter pour l'anglais constitue une menace inacceptable pour le français au Québec. Certains observateurs jugent que cette opinion est exagérée. On peut affirmer en tout cas que les données parues depuis 1971 témoignent d'un renversement surprenant de la situation.

Le tableau no 1 indique le nombre et le pourcentage des immigrants à destination du Québec selon leur aptitude linguistique. On constate que de 1971 à 1977, le nombre et le pourcentage des immigrantsunilinguesanglais a baissé sensiblement, ainsi d'ailleurs que le nombre et le pourcentage de ceux qui ne parlent ni l'anglais ni le français. La seule catégorie qui a accusé une augmentation a été celle des personnes de langue française, tandis que le groupe bilingue (pour la plupart de langue maternelle française probablement) est demeuré constant.

Le tableau no 2 donne un résumé de ces mêmes pourcentages en ajoutant aux colonnes "français" et "anglais" les pourcentages de bilingues. (C'est pourquoi ces pourcentages dépassent parfois le chiffre 100). Même avec cette simplification excessive (qui tend à grossir le pourcentage d'anglophones), la catégorie des francophones est aujourd'hui la plus importante. Même en 1971, la situation n'était pas aussi catastrophique qu'on le prétendait. Compte tenu de la tendance observée depuis peu chez les immigrants n'appartenant ni à l'une ni à l'autre de ces catégories linguistiques d'envoyer leurs enfants à l'école française pourvu que le gouvernement garantisse l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les écoles françaises, le problème de l'immigration pour un Québec français n'existe plus.

Migrations interprovinciales

Pour ce qui est du facteur no 4, il est probable que c'est le facteur dont on ait le moins discuté en ce qui concerne la composition linguistique du Québec. Tout le monde semble convenir que les mouvements d'émigration du Québec vers les autres provinces canadiennes se sont accélérés récemment. On ne dispose pas encore de données précises à ce sujet, mais bien que ce mouvement affecte les deux groupes, il semble concerner davantage les non-francophones que les francophones.

Même avant ce mouvement récent, les migrations interprovinciales constituaient un facteur important. Les tableaux 3 à 5 illustrent les mouvements interprovinciaux des gens de langue anglaise, de langue française et de langue "autre", de 1966 à 1971. Le tableau 6 indique les taux nets d'immigration au Québec et d'émigration du Québec par catégorie linguistique durant la même période.

II est de plus évident que tous les segments de langue maternelle ont accusé une perte nette en ce qui concerne les migrations interprovinciales. Dans une large mesure, les migrants interprovinciaux du Québec, de toutes langues maternelles, semblent avoir déménagé en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Toutefois, les pertes en termes absolus subies par la population de langue maternelle anglaise ont été quatre fois plus importantes que les pertes subies par la population de langue maternelle française au Québec, tandis que les pertes subies par les groupes de langues maternelles "autres" représentaient 70 pour cent du volume des pertes subies par le groupe de langue maternelle française. Les pertes relatives sont encore plus importantes. Si l'on sait qu'en 1966, il y avait 4 700 000 personnes de langue maternelle française, 770 000 de langue maternelle anglaise et 340 000 de langue maternelle "autre", les pertes proportionnelles dues aux migrations interprovinciales étaient d'environ 6 pour cent pour le groupe de langue maternelle anglaise, d'environ 0.3 pour cent pour le groupe de langue maternelle française et d'environ 2.7 pour cent pour le groupe de langue maternelle "autre".

Tout porte à croire que les Québécois non francophones continueront de quitter la province dans l'avenir.

Remerciements

Cette étude et cet exposé ont été préparés avec l'aide du professeur John de Vries, démographe et professeur de sociologie à l'université Carleton à Ottawa, et le bureau de planification de l'université McGill. Les données sur lesquelles est basée cette étude proviennent de Statistique Canada et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration.

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APPENDICE II

Mémoire sur la Charte de la langue française au Québec

présenté par l'université McGill

Exposé concernant l'ampleur future du système scolaire anglais au Québec 1. Introduction

Les dernières années ont été marquées par une baisse des inscriptions dans les écoles primaires et secondaires du Québec, causée principalement par une chute dans le taux de natalité qui, selon toute attente, devrait continuer de se répercuter sur les inscriptions dans les classes primaires au cours des prochaines années, jusqu'à ce que la deuxième génération de l'explosion des naissances atteigne l'âge scolaire. On trouvera, dans le Tableau I, le nombre total des inscriptions au niveau primaire et secondaire, au Québec, y compris les écoles publiques, privées et fédérales, de 1969 à 1975, ainsi que les projections pour 1976 à 1986. Ces projections supposent un taux de fécondité de 1.8 et une migration nette de -9000.(1)

En l'absence de restrictions sur la langue d'enseignement, la ventilation de ce total entre les secteurs français, anglais, public et privé devrait ressembler à celle du passé. On montre dans le Tableau II le total des inscriptions en maternelle et en première année, d'une part au niveau provincial et d'autre part au niveau du secteur des écoles publiques anglaises, ceci pour les cinq dernières années.(2) La proportion moyenne pour ces cinq années et les projections à l'échelle provinciale permettent de déterminer approximativement le chiffre des inscriptions en maternelle (y compris la pré-maternelle) et en première année, dans les écoles publiques anglaises jusqu'en 1986-1987. Les résultats sont indiqués dans le Tableau III et l'on peut constater que les inscriptions en première année continueraient à décroître jusqu'en 1982-83 pour reprendre lentement à l'arrivée de la deuxième génération de l'explosion des naissances.

La publication de Robert Ferland, intitulée Clientèle des Commissions scolaires (3), contient les données nécessaires sur les inscriptions à l'école publique dans les secteurs anglais et français, de 1971-1972 à 1975-1976.

A l'aide de ces chiffres, de la méthode du cohort et des taux moyens de transition pour les trois dernières années, ainsi que des résultats pour la maternelle et la première année qui paraissent dans le Tableau III, il a été possible d'établir des projections des inscriptions pour toutes les années du secteur public anglais. (Ces résultats sont aussi indiqués au Tableau III.) Compte tenu de tous ces facteurs, les inscriptions dans le secteur public passeraient de 223,400 en 1976-77 à 177,000 en 1986-87, ce qui représenterait en 1986-87, 17% du total provincial. On voit donc que la taille prévue en 1986-87 ne représente que 79% de la taille actuelle.

Cependant, si le projet de loi no 1 est adopté, la situation changera radicalement. Le schéma 1 indique les diverses catégories d'élèves qui se dirigent vers le secteur public anglais, et montre bien celles auxquelles l'admission sera refusée à l'avenir, si le projet de loi no 1 est adopté, sauf les cas spéciaux prévus pendant la période de transition d'environ six ans. L'article 52 prévoit la disparition de ces sources en deux étapes. La première étape, qui verra la disparition de la grande majorité de ces sources se déroulera au cours de la première année scolaire qui suivra la mise en vigueur de la Loi no 1. Pendant cette première période, les enfants qui sont domiciliés au Québec au moment de l'adoption de la loi et 1) s'ils reçoivent déjà au Québec, l'enseignement en anglais, à l'école maternelle, primaire ou secondaire, le même droit s'étendra à leurs frères et soeurs cadets et, 2) ceux dont le père ou la mère est également domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais, feront l'objet de cas exceptionnels.

Toutefois, la seconde étape prévoit que seuls les enfants dont l'un des parents a reçu l'enseignement primaire en anglais au Québec pourront s'inscrire à l'école publique anglaise au Québec. Dans les pages qui suivent, nous tenterons de déterminer les répercussions de ce système sur le nombre des élèves des écoles publiques anglaises au Québec. 1. Perspectives démographiques pour le Québec, 1973-1986-2001, Bureau de la Statistique du Québec, Hypothèse A. 2.Ce document n'envisage que les répercussions du projet de loi no 1 sur les écoles publiques anglaises. En fait, l'avenir des écoles privées est mis en doute. En particulier il est difficile de déterminer les répercussions qu'aura la loi no 1 sur les écoles privées anglaises. Toutefois celles subventionnées par le gouvernement devront certainement obéir à la loi no 1 et on pourra s'attendre à une baisse semblable à celle subie par le secteur public anglais. 3.Clientèle des Commissions Scolaires suivant la langue d'enseignement, le niveau d'enseignement, le degré d'enseignement, Québec 1971-72, R. Ferland, déc. 1976, 28-1222, Direction générale de la planification.

Chaque année, des enfants arrivent dans la province et en partent. Autrefois, ces arrivées et ces départs se sont plus ou moins compensés et n'ont pas influé sensiblement sur les inscriptions dans les écoles publiques anglaises. Toutefois, selon les termes du projet de loi no 1, les enfants arrivant au Québec, qu'ils viennent d'une autre province ou d'un autre pays, ne pourront s'inscrire à l'école publique anglaise, sauf si leur père ou leur mère a reçu, au Québec, l'enseignement primaire en anglais. L'équilibre sera donc rompu entre les arrivées et les départs, au niveau des inscriptions à l'école publique anglaise, et tout départ se traduira par une réduction des effectifs dans ces écoles.

Afin d'estimer l'ampleur éventuelle du système scolaire public anglais au Québec, il convient d'analyser ses effectifs scolaires. Le schéma 1 indique quelles sont les diverses catégories d'élèves qui alimentent ce système chaque année. Il est clair qu'il est plus facile d'évaluer l'effet sur le système scolaire anglais de la Loi no 1 appliquée à certaines catégories d'élèves qu'à d'autres. Les statistiques sur l'immigration et les migrations provinciales étant disponibles, nous procéderons à une estimation des effets de cette perte pour le système des écoles publiques anglaises dans la partie II de cette annexe.

La partie III décrit une autre méthode permettant d'estimer la taille du véritable "noyau" anglophone présentement dans le secteur scolaire public anglais. A l'avenir, selon le projet de loi no 1, seuls les enfants dont le père ou la mère a fréquenté l'école primaire anglaise au Québec auront accès à ce secteur. La plupart d'entre eux seront de langue maternelle anglaise et seront nés au Québec. Nous définissons cet ensemble par le terme "noyau". D'autres enfants qui ne sont pas de langue maternelle anglaise, ou qui ne sont pas nés au Québec passeront quand même au secteur anglais. Leur nombre sera inférieur à celui des enfants qui font partie du "noyau" mais qui néanmoins ne sont pas admissibles au secteur anglais car leurs parents ont fait leurs études ailleurs. Ainsi, cette méthode produira une surévaluation de la taille future du système anglais.

La partie IV établit une projection pour les écoles publiques françaises et traite des effets qu'aurait l'apport de tous les enfants exclus du système scolaire anglais par le projet de loi no 1.

II. A. Immigration en provenance de l'extérieur du Canada

Les données trimestrielles fournies par Immigration et Main-d'oeuvre Canada permettent de déterminer le nombre des immigrants par catégories, en fonction de la langue officielle qu'ils parlent, de leur âge et de la province qu'ils prévoient habiter. Il semble raisonnable d'estimer que, jadis, les enfants unilingues anglophones, plus environ 70% de ceux qui parlaient anglais et français ou une langue autre que l'anglais et le français, se dirigeaient vers les écoles anglaises. Tous seront détournés du système scolaire public anglais au Québec à l'avenir. Le Tableau IV indique ce total pour les enfants, jusqu'à 17 ans, par année scolaire de 1972 à 1976.

On constate ainsi qu'en première année se trouvent actuellement (1976) au moins 318 enfants qui ont immigré à l'âge de six ans, 395 à l'âge de cinq ans, 347 à l'âge de quatre ans, etc. Aucun d'entre eux n'aurait été admissible si le projet de loi no 1 avait été appliqué à leur arrivée. Si l'on applique le taux moyen d'immigration pour cinq ans, on trouve 1,923 enfants en première année, ayant immigré au Québec, venant de l'extérieur du Canada.

Les enfants nés au Québec de parents immigrants seront également perdus par le système mais nous ne considérerons pas cet effet.

B. Migration interprovinciale

D'après les publications de Statistique Canada (1), en moyenne plus de 40,000 personnes, venant d'autres provinces, émigrent au Québec chaque année. Les documents du recensement indiquent la répartition par âge et par langue officielle parlée des personnes vivant au Québec en 1971, et qui résidaient dans une autre province en 1966. Dans le groupe d'âge 5 à 14 ans, 54% étaient unilingues anglophones et devaient par conséquent se trouver dans les écoles anglaises. De plus, une partie des 27% d'enfants bilingues, anglais et français, fréquentait également les écoles anglaises. Cependant, nous les exclurons de la perte pour les écoles anglaises, ne pouvant estimer le nombre de ceux qui se trouvaient dans ces écoles.

Si l'on compare le nombre annuel de migrants venant au Québec, soit plus de 40,000 par an entre 1966 et 1971 et les 84,215 qui s'y trouvaient toujours en 1971 (2), il semble que leur séjour soit relativement court. La répartition par âge pour les migrations interprovinciales données par le recensement, permet d'estimer que 8,800 enfants de la catégorie 0-6 ans arrivent chaque année au Québec en provenance d'autres provinces. Autrefois, au moins 54% de ces enfants seraient allés aux écoles anglaises s'ils étaient restés suffisamment longtemps. Il semble raisonnable d'estimer que, sur cette proportion, environ la moitié serait perdue pour les écoles anglaises en première année, le reste étant composé d'enfants qui sont partis avant d'atteindre l'âge de six ans ou dont les parents sont temporairement 1. Projections démographiques pour le Canada et les provinces 1972-2001, Statistique Canada Catalo- gue 91-514, Hors série (page 50). 2. Recensement du Canada 1971, Population de 5 ans et plus par catégorie de migration, de langue offi-cielle, d'âge et de sexe pour le Canada et les provinces, 1971.

transférés. Par conséquent, environ 2,400 enfants, qui sont actuellement en première année et sont nés dans d'autres provinces, n'auraient pas été admissibles si le projet de loi no 1 avait été adopté à leur arrivée.

Les enfants nés au Québec de parents venant d'une autre province, n'ayant pas fait leurs études élémentaires en anglais au Québec, seront également perdus par le système mais nous ne considérons pas cet effet.

C. Estimation des effets de la perte des enfants nés en dehors du Québec sur l'ampleur éventuelle du système scolaire anglais

La perte des enfants nés en dehors du Québec, que ce soit à l'étranger ou dans les autres provinces canadiennes, s'élève à: 2,400+1,900=4,300 enfants. En 1976, il y avait 14,200 enfants en première année dans les écoles publiques anglaises dont 30% n'auraient pas été admissibles pour cette raison si le projet de loi no 1 avait été en vigueur à leur arrivée au Québec. De cette façon, si l'on table sur une migration nette nulle, les effectifs de la première année seraient inférieurs de 30% en 1982-83. En fait, les départs ont été plus nombreux que les arrivées et cette perte de 30% est sous-estimée. Si l'on utilise les taux de transition actuels pour les différentes années (maximum 100% étant donné que seules les arrivées peuvent provoquer une augmentation) on peut estimer l'ampleur éventuelle du système scolaire public anglais (les résultats sont indiqués dans le Tableau V) en admettant qu'il n'y ait pas d'autres pertes. Il est fort probable que les pertes par migration dépasseraient largement toute augmentation possible du nombre des naissances chez les Québécois anglophones. Si l'application de la Loi no 1 ne résultait qu'en une perte par migration, on voit dans le Tableau V qu'en 1992-93 le secteur public anglais n'atteindrait que 49.6% de sa taille actuelle.

Dans cette partie, nous n'avons pas tenu compte de l'effet qu'aurait la défection des enfants, nés au Québec, dont ni le père ni la mère n'ont fréquenté l'école primaire anglaise au Québec. Nous avons également estimé que le taux de départ n'augmenterait pas. L'ampleur réelle du système scolaire public anglais serait ainsi sensiblement inférieur à 49.6% de la taille actuelle.

III. Autre méthode d'estimation de l'ampleur du système scolaire anglais.

D'autres méthodes utilisées pour estimer cette ampleur procèdent par soustraction du nombre des étudiants qui ne sont plus admissibles. Le but est de parvenir à déterminer la population "noyau"des écoles anglaises. Ce nombre peut être obtenu directement si l'on évalue le nombre d'enfants des écoles anglaises, qui sont nés au Québec, qui y sont restés, et dont la langue maternelle est l'anglais.

Le Tableau VI indique le nombre des enfants nés au Québec et de langue maternelle anglaise, résidant au Québec en 1971. Si l'on estime que la répartition par âge est la même que pour l'ensemble de la population du Québec, on peut évaluer le nombre des enfants d'âge scolaire (5-16 ans) dont la langue maternelle est l'anglais et qui sont nés au Québec. (Tableau VII). Nous savons également que dans les écoles du Québec, en 1972-73, 5%(1) des élèves dont la langue maternelle était l'anglais fréquentaient les écoles françaises. Par conséquent, en 1971-72 sur les 241 194 élèves des écoles maternelles et de la première à la onzième année, dans les écoles publiques anglaises(2), 148 268 x 0.95 - 140 855 étaient de langue anglaise et nés au Québec. Par conséquent, seulement 58.4% des élèves des écoles anglaises auraient été admissibles si le projet de loi no 1 avait été appliqué quelques années avant 1971.

La taille du "noyau" serait probablement sensiblement moindre, parce que les parents de nombreux enfants nés au Québec, de langue maternelle anglaise, n'ont pas été à l'école au Québec et leurs enfants ne seraient pas admissibles. Il est aussi fort probable que la proportion d'enfants d'origine anglophone augmentera dans les écoles françaises.

La projection de la population scolaire indiquée dans le Tableau III a été établie sans tenir compte des restrictions éventuelles sur la langue. Nous ferons l'hypothèse que ce même pourcentage (58,4%) calculé pour le "noyau" de 1971-72 s'applique aux projections ci-dessus mentionnées. C'est-à-dire nous supposons que tous les facteurs entrant dans le calcul de cette projection, soit la migration, le taux des naissances, les passages d'une année à l'autre, etc. seront les mêmes pour notre population "noyau" qu'ils l'auraient été pour la population projetée.

Les inscriptions totales dans les écoles anglaises en 1986-87 seraient par conséquent de 103 368 (58.4% de 177 000) soit 46.3% des effectifs de 1976-77 (223 400). Ce résultat est surestimé puisqu'il ne tient pas compte de l'augmentation probable de la migration des anglophones en dehors du Québec. 1. Source: Annuaire du Québec 1974, p. 445. Ministère de l'Education du Québec 2. Source: Clientèle des Commissions scolaires, R. Ferland, déc. 1976, D.G.P.

IV. Effets sur les écoles françaises

La direction générale de la planification a récemment terminé une série de projections(1) pour les écoles du Québec, de 1976-77 à 1981-82. D'après ces projections, 879 981 élèves fréquenteront les écoles publiques françaises en 1981-82. Si l'on applique cette projection à 1985-86 on obtient un chiffre de 870 018 (voir Tableau VIII). Si l'on ajoute l'ensemble de la perte prévue dans le système scolaire anglais à la partie III (soit 73 632) au chiffre de 1986-87, on obtient une hausse de 8.4% seulement pour les écoles françaises, contre une perte totale de 41.6% cette année-là pour les écoles anglaises. L'ampleur du système scolaire public français serait donc ramenée en 1986-87 à 86.8% de son niveau actuel, contre 80.1% sans cet apport.

V. Conclusion

Sur la base des données disponibles au moment où nous écrivons ces lignes, il est difficile d'obtenir une estimation réelle du nombre des enfants fréquentant actuellement les écoles anglaises et qui n'auraient pas été admissibles si le projet de loi no 1 avait été adopté il y a quelques années. Les parties II et III ne représentent que des tentatives en ce sens mais, dans les deux cas, tous les facteurs n'ont pas été considérés et le résultat surestime certainement la taille du "noyau".

Remerciements

Ces données ont été préparées par le bureau de planification de l'Université McGill, à l'aide des renseignements fournis par Statistique Canada, Main d'oeuvre et Immigration Canada, le ministère de l'Education du Québec, la Commission scolaire des écoles protestantes du Grand Montréal, la Commission des écoles catholiques de Montréal et l'Association québécoise des commissions scolaires protestantes.

Sources de renseignements 1. Prévisions de la clientèle scolaire selon le réseau d'enseignement, Québec et régions administratives scolaires, 1976-77 à 1981-82, C. St. Germain, Direction générale de la planification (28-1218 D.S.9. 33). 2.Clientèle des commissions scolaires suivant la langue d'enseignement, le niveau d'enseignement, et le degré d'enseignement, Québec 1971-72 à 1975-76, R. Ferland, Direction générale de la planification (28-1722 D.T. 9.40). 3. Perspectives démographiques pour le Québec, 1973-1986-2001, Bureau de la Statistique du Québec. 4. Main-d'oeuvre et Immigration Canada, statistiques trimestrielles sur l'immigration par catégorie d'âge, de langue officielle parlée et de province de résidence prévue. 5. Annuaire du Québec, 1974. 6. Bulletin 1.4-8 du Recensement du Canada, 1971. 7. Compilation spéciale de Statistique Canada, Tableaux 5 et 9. 8. Projections démographiques pour le Canada et les provinces 1972-2001, Statistique Canada, Catalo- gue 91-514, Hors série. 9. Population, années d'âge, Recensement du Canada de 1971 (Bulletin 1.2-4). 10. Population de 5 ans et plus, par catégorie de migration, de langue officielle, d'âge et de sexe pour le

Canada et les provinces, 1971. Recensement du Canada, 1971. 11. L'éducation au Canada, Statistique Canada, Catalogue 81-229 (les données sur 1974 et 1975 seront publiées prochainement). 12. Statistique de l'enseignement - estimations. Catalogue 81-220 (non publié). 13. Population, langue par groupe d'âge, Recensement du Canada de 1971 (Bulletin 1.4-5). 1. Prévisions de clientèle scolaire selon le réseau d'enseignement, Québec et régions administratives scolaires, 1976-77 à 1981-82, Claude St.-Germain, jan. 1977, page 229.

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Affaires inter-universitaires

Dans la poursuite de ses objectifs fondamentaux en matière d'enseignement et de recherche, McGill entretient une foule de rapports officieux, semi-officiels et officiels avec ses universités soeurs au sein du réseau québécois.

Il serait impossible d'énumérer la multitude des projets d'enseignement conjoint et de recherche auxquels participent les professeurs de McGill aux côtés des professeurs d'autres universités francophones et anglophones. Qu'il nous suffise de citer quelques-unes des ententes officielles qui permettront de brosser un tableau général de ces projets de collaboration.

Colloquium mathematicum montis regii (McGill, Montréal)

Colloque de statistique de Montréal (Concordia), McGill, Montréal)

Séminaire des catégories (Concordia, McGill, Montréal, UQAM)

GIROQ Groupe interuniversitaire de recherches océanographiques du Québec (Laval, McGill,

Montréal)

GAMMA Groupe associé Montréal-McGill pour l'étude de l'avenir (McGill, Montréal)

GIRAME Groupe interuniversitaire de recherches surl'anthropologie médicale et l'ethnopsychiatrie

(McGill, Montréal)

IREM Institut de recherche en exploration minérale (Ecole Polytechnique, McGill)

Centre québécois de relations internationales (Laval, McGill, UQAM)

CIEE Centre interuniversitaire d'études européennes (Concordia, UQAM, McGill)

II existe également des rapports officiels entre l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) et McGill pour la recherche et l'enseignement en matière de télécommunications.

Un autre cas de coopération inter-universitaire est illustré par le programme de doctorat en gestion récemment créé et offert par les quatre universités de Montréal.

Bibliothèques

Les bibliothèques de McGill possèdent la plus vaste collection universitaire de notre province. Cette collection est à l'entière disposition des professeurs et des étudiants diplômés de toutes les universités québécoises. Son service de prêts inter-bibliothèques est celui auquel on a le plus recours au Québec.

Les collectivités professionnelles, industrielles et commerciales, tant à Montréal que dans la province ont toujours eu facilement accès aux bibliothèques de McGill et elles continuent à recourir abondamment à leurs services.

Affaires communautaires

Notre participation aux affaires communautaires se manifeste sous forme d'un courant ininterrompu d'articles publiés dans les quotidiens et périodiques, d'émissions à la radio et à la TV animées par des professeurs de McGill à titre individuel et présentées aussi bien en anglais qu'en français. Lors de l'enquête sur la Baie James, ce sont les enseignants de McGill agissant en qualité d'experts-conseils pour divers groupes sociaux, qui ont fourni un grand nombre des témoignages présentés. Il s'agit là d'une manifestation qui englobe toute notre société et qui déborde encore une fois les barrières linguistiques. A l'heure actuelle, notre engagement le plus important est probablement celui de Me P.-A. Cré-peau, professeur de droit à McGill qui préside l'Office de révision du code civil et celui du professeur Yves A. Caron qui est secrétaire-rapporteur général du même office.

Le contrat officieux entre l'ensemble de l'université et la collectivité s'établit tous les trois ans dans le cadre des "journées d'accueil". Au cours de ces journées, chacun de nos départements, écoles et instituts ouvre aussi largement que possible ses portes au grand public. Il s'agit d'une manifestation entièrement bilingue qui a accueilli quelque 80,000 visiteurs en l'espace de trois jours.

La bibliothèque ambulante McLennan constitue l'un des plus anciens engagements pris par McGill en faveur du grand public. Elle remporte des succès remarquables en dépit de circonstances très diverses. Son premier lot de livres destiné à une localité isolée fut expédié en 1901. Il y a deux ans, elle enregistrait des prêts de 143,000 volumes dans notre province. Chaque ouvrage prêté est lu par une moyenne de plus de trois personnes. Avant l'avènement des média électroniques, cette bibliothèque fut la première à offrir des services audio-visuels en prêtant des diapositives pour lanternes accompagnées de textes de conférences et de peintures, gravures et sculptures données en prêt.

Les séries de conférences données sur le campus font l'objet d'une large publicité et attirent un public très nombreux. Citons, à titre d'exemple, la récente série consacrée aux sociétés pluralistes et dotée de services d'interprétation simultanée.

Pendant de nombreuses années, le musée Redpath a été le seul musée d'histoire naturelle de notre province. Il a été largement fréquenté par le grand public, ainsi que par les élèves des écoles des deux secteurs de la collectivité. Comme le manque de fonds a obligé McGill a fermer bien à regret ce musée au public, le Québec est aujourd'hui privé de musée d'histoire naturelle.

Le musée McCord qui dispose d'une riche collection de Canadiana reste, par contre, ouvert au grand public.

Le domaine Gault au Mont St-Hilaire est en cours d'aménagement pour devenir un centre de loisirs et d'information au service du public. Il a remporté un succès tel qu'il a fallu prendre des mesures spéciales pour sauvegarder son environnement naturel. En collaboration avec les membres de la collectivité, nous étudions les plans qui permettront d'exploiter encore plus à fond cette précieuse ressource.

A Ste-Anne de Bellevue, l'arboretum Morgan à l'instar du domaine Gault, est voué à la recherche scientifique mais il offre aussi d'importants services publics de loisirs qui sont à la disposition de tous ceux qui le désirent.

La recherche et le public

II va sans dire que les recherches fondamentales, poursuivies dans tous les secteurs de l'université ont une portée universelle. Mais il s'y déroule une foule d'activités qui ont une incidence directe et immédiate sur notre province d'attache.

Parmi les projets de recherche sur l'environnement, citons les travaux à long terme consacrés actuellement à la pollution du lac Memphremagog par MM. Kalff et Leggett, professeurs de biologie— projet auquel collaborent également des professeurs de Concordia et de l'UQAM. Un autre projet a permis d'étudier les possibilités d'une meilleure gestion des résidus d'amiante àThetford Mines.

Dans le cadre d'un programme parallèle à celui de l'Université de Montréal, McGill poursuit une série d'études consacrées à la sécurité routière.

Au cours de leurs stages, les étudiants et professeurs de nombreuses facultés sont amenés à oeuvrer au sein même de la collectivité. C'est ainsi qu'un professeur de sociologie s'est consacré à l'étude des relations entre propriétaires et locataires dans certains quartiers déshérités de notre ville; de leur côté, les étudiants en sociologie et en science politique poursuivent des enquêtes appropriées sur de nombreuses parties de notre région.

L'Ecole du service social peut être citée en exemple pour la foule de contacts qu'elle entretient avec des organismes similaires poursuivant des activités parallèles dans les disciplines aussi diverses que la médecine (écoles de soins infirmiers école de physiothérapie et d'ergothérapie), le droit et les sciences humaines. Les engagements prennent aussi bien la forme de participations personnelles comme celle du directeur de l'école qui est membre du Conseil des affaires sociales et de la famille du Québec que de projets de recherche comme le projet d'évaluation des centres d'accueil des enfants délinquants ou de la répartition et des besoins des citoyens âgés de religion juive de Montréal. McGill a créé un centre d'information exerçant en boutique dans le quartier de la petite Bourgogne et établi des échanges avec des organismes et services de bien-être social de la province. Pour illustrer l'esprit d'engagement particulier qui se manifeste couramment à McGill, citons le cas de deux professeurs invités pour la session d'hiver 1977 (un professeur des E.-U., l'autre de Grande-Bretagne) qui, non seulement ont enseigné à cette école, mais aussi organisé des séminaires publics et semi-publics à l'intention de leurs confrères et autres professionnels et accordé des entrevues aux journaux et aux média électroniques. Citons aussi deux développements propres à la même école, à savoir d'une part le programme de stage des étudiants dans les bureaux et usines des entreprises industrielles et commerciales et d'un syndicat et, d'autre part, le placement des étudiants en service social dans les centres d'assistance judiciaire installés en boutique pour épauler dans leur tâche les étudiants en droit.

L'architecture et l'urbanisme sont aussi des secteurs où McGill participe directement à la vie de la collectivité. Citons, entre autres, les travaux qui ont abouti à la mise au point de structures pour le logement des populations autochtones dans le nord et une étude en urbanisme pour le compte du gouvernement du Québec.

McGill et l'industrie

L'ingénierie évoque une foule de choses pour beaucoup de gens et les ingénieurs de McGill s'attaquent aux problèmes locaux dans de nombreux domaines. Les ingénieurs chimistes participent directement aux études consacrées au traitement et à l'élimination des eaux usées du Québec ainsi qu'au contrôle des effluents industriels. Les ingénieurs en mécanique suivent un cours sur les mécanismes d'appréciation, unique en son genre. Pendant cinq semaines, des équipes formées d'étudiants et de représentants d'entreprises se consacrent à l'examen de problèmes industriels propres au Québec soumis par les entreprises à l'Université. Ces études ont permis de réaliser des économies de prix de revient d'une moyenne de 35% au chapitre des méthodes de fabrication, de donner une formation en mécanisme d'appréciation au personnel des entreprises industrielles et une expérience de l'activité et des problèmes industriels aux étudiants.

A ce chapitre, comme à d'autres, la langue ne constitue aucun obstacle à la participation de McGill à l'industrie du Québec, qu'il s'agisse du niveau de direction ou de celui des ouvriers d'usine, de la recherche ou du développement technologique. Il y a déjà longtemps que le Centre des relations industrielles met ses services offerts dans les deux langues, à la disposition des employeurs et des syndicats. Il possède une remarquable banque de données nationales qui fournit aux négociateurs et autres personnes intéressées des renseignements bilingues et informatisés sur les conventions collectives. Le Centre vient de créer un Service consacré à la qualité de la vie active doté d'un comité consultatif dont les membres tant anglophones que francophones représentent les employeurs et les employés.

Le Bureau de la recherche industrielle se charge de l'exécution des contrats industriels rédigés dans les deux langues et son chiffre d'affaires s'établit actuellement à quelque 2 millions de dollars par an.

Le Centre de calcul de McGill a mis pendant des années sa capacité de réserve à la disposition des usagers extérieurs à l'université. Il abandonne graduellement ce secteur d'activité car les besoins propres de McGill sont en augmentation constante et ne tarderont pas à correspondre à la capacité du Centre.

Au sein de l'Institut de recherche sur les pâtes et papiers, McGill oeuvre en association avec l'industrie dans le cadre de travaux pratiques intéressant directement ce secteur. Ces travaux se sont révélés d'une grande valeur pour l'une des industries les plus importantes du Québec ainsi que pour des champs d'activité très éloignés de ce secteur tels que la médecine.

Etudes sur le nord

L'université McGill possède un Centre d'études et de recherches sur le nord qui se consacre à présent au développement des travaux entrepris il y a longtemps dans le Grand Nord. Elle a créé en 1954 à Shefferville le Laboratoire de recherches subarctiques pour étudier les problèmes de l'environnement. Dans le centre-nord québécois, les anthropologues de McGill poursuivent une étude à long terme sur l'évolution socio-économique des Indiens Crée. Il y a longtemps que les géographes travaillent parmi les Esquimaux du Nord québécois et que les océanographes étudient la région de la baie d'Hudson. Mécanique des sols, écologie des plantes, histoire, linguistique, météorologie dans le nord, etc., etc., font toutes l'objet de travaux de recherche poursuivis à McGill. Ces recherches impliquent parfois la prestation de certains services; les services médicaux, en particulier, offrent de remarquables exemples de la participation de McGill à la collectivité esquimaude.

Formation des enseignants

II pourrait sembler superflu de mentionner la formation des enseignants assurée par la faculté des sciences de l'éducation, McGill étant reconnue comme l'établissement qui offre la formation de base à tous les enseignants anglophones du Québec tant du secteur catholique que du secteur protestant. Cette formation comprend naturellement des stages (et la surveillance et la collaboration assurées par des professionnels) dans les écoles de la région. La formation des enseignants se poursuit également à l'extérieur grâce aux cours donnés, par exemple, en Gaspésie et dans le Grand Nord.

Etudes québécoises

Dans le domaine particulier des études québécoises, les professeurs de McGill, non seulement ceux de langue et littérature françaises mais aussi les professeurs d'histoire, de sociologie, de sciences politiques et de gestion sont directement engagés dans l'enseignement et les recherches ainsi que la consultation de la collectivité. Citons à titre d'exemples les études consacrées au parti créditiste et le sondage de l'électorat réalisé en octobre/novembre derniers par le professeur M. Pinard, en collaboration avec le professeur M. Hamilton ; les études de la culture de masse au Québec aux XIXème et XXème siècles par le professeur Y. Lamonde et la façon dont les anglophones et les francophones perçoivent le besoin et la satisfaction de l'emploi par le professeur R. Kanungo.

Médecine et chirurgie dentaire

Les facultés de médecine et de chirurgie dentaire de McGill ont un contact direct avec toutes les couches de la population par l'entremise des Centres hospitaliers universitaires où se concentre notre enseignement clinique. Nos professeurs et étudiants font partie des systèmes de prestation de services médicaux du Québec. Les normes reconnues de qualité de ces services attestent de la grande compétence du corps professoral de McGill.

Les membres de la faculté ont été des chefs de file de la collectivité au chapitre des soins de la santé, notamment au cours des dernières années, grâce à l'initiative du bureau du vice-doyen concernant la médecine communautaire.

C'est ainsi que la faculté de Médecine de McGill s'est occupée de la création d'un Centre local de services communautaires (CLSC) dans le centre de Montréal et que l'Ecole d'infirmières procède à la mise au point d'un nouveau mode d'orientation et de service d'hygiène familiale dans une banlieue de Montréal. Les centres de médecine familiale des cinq hôpitaux universitaires correspondent aux cinq centres d'enseignement de pratique familiale que McGill a créés. Les activités de l'université en matière de santé communautaire sont exercées à partir d'un département de l'Hôpital général de Montréal, lequel a aidé, par exemple, le CLSC de St-Henri à créer des services de pédiatrie et d'hygiène industrielle. McGill collabore très étroitement avec les divers paliers du gouvernement puisqu'elle a participé à la planification des domaines tels que la répartition des services obstétriques et périnatals et de médecine nucléaire par le ministère des Affaires sociales.

A titre d'exemple des préoccupations communautaires spécifiques de McGill qui se manifestent dans tous les services d'un hôpital d'enseignement, on peut citer le travail d'orientation génétique pour-

suivi au Montréal Children's Hospital dans le cadre du réseau provincial de dépistage de la maladie de Tay Sachs au Québec.

Le département d'Epidémiologie et de Santé dispose de longs antécédents de travaux consacrés à la santé publique et notamment à l'amiantose et à la pollution de l'air dans les régions industrielles du Québec. Il a établi tout récemment, en collaboration avec notre faculté de génie, un Centre de médecine et de sécurité du travail auquel la province vient d'accorder une subvention de développement pour entreprendre des études sur le milieu du travail et la santé.

Dans un article publié le 20 avril 1977 par le Devoir, le Dr Jacques Genest, fondateur de l'Institut de recherches cliniques de Montréal écrivait ce qui suit: "L'Institut est fier d'être affilié à l'Université de Montréal parce que les institutions canadiennes françaises doivent s'épauler mutuellement au lieu de s'éparpiller et de sombrer dans les querelles de clocher. De plus, l'Institut a des relations très étroites avec le "Department of Medicine" de l'Université McGill. Grâce à cette entente, un bon nombre de jeunes fellows en médecine peuvent obtenir leur degré de maîtrise ou de doctorat de l'Université McGill s'ils satisfont aux critères exigés".

Notre clinique de psychiatrie légale est encore un autre exemple de notre engagement envers un élément particulier de la collectivité.

La faculté de chirurgie dentaire, outre les services généraux mis par ses professeurs et étudiants à la disposition du public, organise avec l'aide du gouvernement une clinique d'été où les étudiants d'avant-dernière année prodiguent des soins préventifs, des conseils et des traitements à quelque 3000 écoliers par an, quelle que soit leur langue maternelle. La faculté rédige aussi gratuitement une chronique hebdomadaire pour le Montreal Gazette. Une version française de cette chronique a été offerte à plusieurs journaux qui, malheureusement, n'ont pas encore accepté de la publier.

Agriculture

L'engagement de cette faculté envers l'agriculture de la province est reconnue dans tous les milieux. Ses services complets d'extension sont entièrement bilingues et toutes les parties du Québec y ont recours. Ils couvrent tous les aspects de l'agriculture et de l'exploitation des boisés. Citons trois exemples récents: études des dommages causés aux sols par l'emploi abusif de la machinerie agricole, production du sirop de bouleau et contrôle du champignon des carottes gardées en entrepôt. La plus grande entreprise du Collège MacDonald, le Service d'analyse des troupeaux laitiers, porte aussi le nom de "troupeau laitier de 200 000 têtes". En fait, les travaux portent sur 5100 troupeaux et visent le maximum de qualité et de quantité pour le lait produit au Québec et dans certaines parties des provinces maritimes.

Education permanente

La volonté de servir cet aspect de l'enseignement, voilà ce dont McGill se préoccupe depuis longtemps. Des cours de perfectionnement en langues y sont donnés ainsi que des cours du soir aux membres des professions libérales qui désirent acquérir une plus grande compétence. Nous nous occupons aussi depuis quelque temps du perfectionnement des qualifications professionnelles. Ce sont les besoins du public qui nous dictent les programmes à créer dans le cadre de l'éducation permanente.

C'est ainsi que l'Institut de gestion offre des cours et des séminaires consacrés aux divers aspects des problèmes de gestion et invite des chargés de cours spécialisés venus de toutes les parties de l'Amérique du nord.

Le Centre d'éducation permanente en médecine fait généreusement appel aux ressources de la faculté de médecine pour établir ses programmes.

Les séminaires organisés par le département de génie minier et métallurgique à l'intention des candidats au doctorat sont aussi mis à la disposition des membres de l'industrie.

Sous l'impulsion du Code des professions, le Centre a créé un poste de directeur adjoint chargé de la promotion de l'éducation permanente au sein des professions.

Cela ne veut pas dire que le Centre néglige pour autant d'autres intérêts communautaires. Il offre, en fait, des cours du soir couvrant une foule de domaines allant de l'aquarelle aux cours de gestion pour les femmes en passant par l'histoire, etc.

Musique

La faculté de Musique est un carrefour pour toute la collectivité des musiciens professionnels et ses divers publics. Il s'y établit une collaboration particulièrement étroite avec les professeurs de musique des écoles et la faculté offre une aide considérable, officielle et officieuse, aux ensembles et groupes d'étudiants. A la salle de concert Maurice Pollack il se donne chaque année quelque 200 concerts organisés par McGill. Les représentations font l'objet d'une publicité auprès du public et celui-ci a gratuitement accès à la plupart d'entre elles. La salle elle-même est en outre retenue de temps à autre pour des représentations à caractère commercial.

Un exemple historique de service communautaire

L'Observatoire de McGill est un exemple frappant d'un service communautaire remontant bien loin dans l'histoire, puisqu'il date d'avant la confédération. En voici les principales étapes:

1841: Création de l'observatoire météorologique par Charles Smallwood, M.D. à côté de la maison de celui-ci à St-Martin (qui fait actuellement partie de la ville de Laval) 1842: Début des observations météorologiques (température, pression, "météorologie" quantitative) au Montreal High School (trois relevés quotidiens pendant 27 ans) 1846: Début des quatre relevés quotidiens à St-Martin (poursuivis pendant 16 ans) 1856: Le Dr Smallwood obtient un grade honorifique et il est nommé professeur de météorologie sans traitement à l'université McGill. 1863: Le Dr Smallwood construit l'Observatoire de McGill et y installe les instruments de St-Martin. 1871 : Financement complet de l'observatoire assumé conjointement par le Bureau des communications du ministère de la guerre des E.-U. et du ministère de la Marine et des Pêcheries du Canada. 1874: L'Observatoire de McGill devient une "station principale" dans le réseau d'observation du Service météorologique. 1874: L'Observatoire devient aussi le quartier général des signaux "horaires" pour tout le Canada. Ce n'est qu'en 1927 que l'Observatoire du Dominion à Ottawa prend en charge la transmission des signaux "horaires" pour le pays. McGill continue cependant à envoyer pendant 50 autres années les signaux horaires aux chemins de fer.

Aujourd'hui on trouve encore un observatoire météorologique sur le campus. Ses relevés forment un point de référence constant pour les demandes de renseignements du public. Les membres de son personnel sont même invités à témoigner devant les tribunaux lorsqu'il y a un différend au sujet des conditions atmosphériques régnant au moment d'un accident. C'est l'Observatoire météorologique par radar, situé à Ste-Anne de Bellevue qui poursuit aujourd'hui les recherches météorologiques et s'occupe de la sécurité aérienne.

ANNEXE II

La charte de la langue française au Québec

Commentaires présentés à la

Commission parlementaire sur l'Education

les Affaires culturelles et les Communications

par le Centre des dirigeants d'entreprise

Juin 1977

INTRODUCTION 1.- Le CDE tient à affirmer une fois de plus qu'il reconnaît la nécessité d'une intervention gouvernementale ayant pour but d'assurer la revalorisation et l'épanouissement de ta langue française au Québec.

D'ailleurs, il semble bien que tous les Québécois, à peu d'exceptions près, se rendent à l'évidence que, dans une province où les francophones constituent 80% de la population, il est tout à fait normal que le français soit la langue ordinaire des communications dans tous les domaines. 2.- Cette convergence d'opinions sur le principe de la primauté du français est déjà une victoire considérable dont il faut se garder de sous-estimer l'importance. Elle permet de juger objectivement les deux attitudes principales à l'égard du projet de loi no 1:

La première consiste à adopter une vue pessimiste du présent et de l'avenir et à concevoir comme essentielle une politique de défense systématique du français. La langue et même la survie des Canadiens-français étant menacées, on doit les protéger par tous les moyens, même s'il faut, pour y parvenir, restreindre les droits et privilèges d'une partie des citoyens; La deuxième attitude repose sur une vue plus sereine de la situation, sur la conviction que l'affranchissement des Québécois francophones est déjà engagé de façon irréversible, qu'il se réalisera par l'affirmation de leur propre vitalité dans toutes les formes d'activités et par leur contribution attentive à toutes les valeurs dont l'ensemble constitue une civilisation. Pour les tenants de cette position, le Québec n'est ni les Etats-Unis, ni l'Ontario, ni la France. Pour eux, le Québec de l'avenir se réalisera dans un dynamisme qui saura concilier, sous un signe français, la diversité de ses composantes.

3.- Dès l'origine du débat sur la politique linguistique, le CDE optait pour cette dernière attitude. 3.1.- Dans ses positions antérieures, il attribuait une priorité très claire à la langue française. Par ailleurs, il a eu le sentiment d'aller à la limite de ce qu'il était possible d'exiger de la part des anglophones du Québec dans les cadres d'un régime démocratique décent. 3.2.- Il insistait sur l'adoption d'une méthode incitative, assortie d'engagements fermes de la part des entreprises quant à la réalisation de leur propre politique de francisation et de francophonisa-tion. 3.3.- Le choix de l'incitation plutôt que de la coercition était fondé sur les résultats d'un sondage effectué par le CDE auprès de ses membres. Parmi les répondants, 82% avaient opté pour la méthode incitative. 4.- Or, l'évolution de la situation depuis quelques années semble confirmer hors de tout doute que la méthode incitative donne des résultats très positifs. 4.1.- Les rapports quotidiens

Le domaine des rapports quotidiens entre les deux groupes linguistiques se prête mal à l'analyse statistique. Mais il suffit de vivre à Montréal pour constater que les anglophones font du français un usage beaucoup plus délibéré que par le passé. Cette disposition se manifeste aussi bien dans les rapports personnels ou sociaux qu'à l'occasion des multiples échanges commerciaux dont est faite la vie de tous les jours.

Fait significatif, l'évolution des anglophones s'est effectuée avec un minimum de heurts et sans soulever les antagonismes qui, sous l'effet de méthodes coercitives, auraient pu empoisonner le climat social. On aurait donc eu raison de miser sur la maturité des groupes linguistiques. 4.2.- L'école

Dans le domaine scolaire, l'acceptation du français par les anglophones se manifeste à un rythme accéléré, comme l'établissent les renseignements fournis dans le mémoire d'Action positive; participation des élèves des écoles maternelles aux cours d'immersion en français: 2% en 1965; 50% en 1976; participation actuelle des élèves de 7ième année (écoles protestantes du Grand Montréal) aux cours d'immersion en français: 45%.

Le mémoire ajoute que les parents anglophones réclament à grands cris un enseignement plus étoffé et de meilleure qualité du français, "qui est essentiellement limité par l'insuffisance des ressources accordées par le ministère de l'éducation du Québec pour l'enseignement de la langue seconde". LE CDE considère que cette affirmation doit être vérifiée. Si elle s'avère exacte, il serait anormal que le gouvernement fasse porter à nos concitoyens anglophones les conséquences d'une déficience dont il serait le premier responsable. 4.3.- L'entreprise

On assiste aussi à une évolution substantielle de la situation au sein des entreprises. Evolution inégale selon qu'il s'agit de telle ou telle entreprise, de tel ou tel niveau de responsabilité, d'un siège social ou d'une filiale, etc.

On sait que de nombreuses entreprises ont adopté des programmes de francisation et de fran-cophonisation: cours de français aux cadres anglophones, embauchage ou promotion de francophones à des postes de plus en plus élevés de la structure hiérarchique. Sur ce dernier aspect, le Montreal Board of Trade vient de jeter un éclairage partiel mais révélateur. On y constate en effet que la présence des cadres francophones a augmenté considérablement, depuis dix ans, au sein des 33 entreprises qui ont répondu aux questionnaire du Board. Au cours des derniers mois, quatre Québécois francophones ont accédé à la vice-présidence dans trois banques à propriété anglophone.

Ces renseignements épars ne constituent pas une preuve que les changements escomptés se réalisent au rythme désirable dans toutes les entreprises-cibles. Mais ils confirment les opinions et les constatations de nombreux observateurs et de personnes engagées pour le compte du gouvernement, dans l'application de la politique linguistique: les entreprises ont généralement manifesté leur disponibilité à l'endroit de la francisation de leurs opérations et de la francopho-nisation de leurs cadres. Les cas se multiplient d'entreprises où les communications en français entre le bureau-chef et les succursales sont devenues la règle générale.

On peut déplorer qu'aucune recherche exhaustive ne permette de prendre une vue claire de la situation. Mais quel que soit l'intérêt que puisse présenter une telle recherche, les conclusions en resteraient toujours constestables.

D'ailleurs aucune enquête statistique ne peut rendre compte de la complexité et de la variété des circonstances dans lesquelles se situe l'application aux entreprises d'une politique linguistique.

Le CDE tient à verser au dossier deux tableaux extraits d'une recherche effectuée pour d'autres fins en 1975 (1), auprès de 244 cadres (2) répartis dans 35 entreprises, dont 19 francophones et 16 anglophones (3). Nous sommes conscients du fait que l'échantillon ne répond que de façon imparfaite aux critères qui s'appliqueraient à une étude sur les facteurs linguistiques et que les limites de notre recherche ne permettent pas de souligner de tendance. Mais de l'analyse de ces données on peut quand même dégager des constatations utiles. (Voir tableaux 1 et 2, pages 5 et 6).

Notes sur le tableau 1

Age des cadres 79% des cadres francophones ont moins de 45 ans. 49% des cadres anglophones ont moins de 45 ans.

Langue de travail

Avec les cadres utilisation de l'anglais par les francophones: 30%. utilisation du français par les anglophones: 17%.

Avec les employés utilisation de l'anglais par les francophones: 8%. utilisation du français par les anglophones: 33%.

Avec les clients utilisation de l'anglais par les francophones: 22%. utilisation du français par les anglophones: 20%.

A retenir la jeunesse relative prononcée des cadres francophones. la charge du bilinguisme est plus lourde pour les cadres francophones en ce qui concerne les relations avec les autres cadres et avec la clientèle.

(1) Cette recherche a été réalisée par Multi-Réso Inc., pour le compte d'un comité conjoint composé de représentants du CDE, du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec, et du ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration du Canada.

(2) Les données de la recherche ne fournissent pas de renseignements précis sur l'appartenance des cadres à telle ou telle entreprise. En nous basant sur les informations obtenues auprès de 12 entreprises, nous estimons qu'au plus 60 des cadres, sur 244, travaillaient pour des entreprises francophones.

(3) Secteurs représentés: 1) fabrication de biens de consommation 2) distribution 3) fabrication de biens industriels 4) communications 5) finance.

Référer à la version PDF page CLF-1172

l'utilisation du français par les cadres anglophones, dans leurs rapports avec les employés, est relativement élevée.

Notes sur le tableau 2

Du tableau 2, nous proposons de considérer les éléments suivants: l'expérience nettement plus longue des cadres anglophones chez leur employeur actuel; la plus grande variété de l'expérience des cadres anglophones; l'âge médian des cadres francophones (36.4) ans et des cadres anglophones (45.2 ans); le fait que les cadres anglophones travaillent généralement pour des entreprises de plus fortes dimensions, c'est-à-dire pour entreprises anglophones.

A retenir

Les facteurs mentionnés ci-dessus expliquent dans une bonne mesure la différence du salaire médian ($18,189. vs $22,954.) des cadres francophones et des cadres anglophones; on peut difficilement déceler, dans les conditions décrites, des traces de discrimination à ce sujet.

La jeunesse des cadres francophones et leur nombre relativement élevé invitent à croire que les politiques d'embauchage des entreprises se sont modifiées à des dates plutôt récentes, mais qu'elles tendent à favoriser le groupe francophone. Il est intéressant de constater que la répartition des cadres de notre échantillon reflète à peu près exactement les proportions des deux principaux groupes linguistiques de la région de Montréal (1).

Remarques

Dans l'attribution de nouvelles fonctions, les entreprises procèdent le plus souvent par promotions internes, compte tenu de l'expérience des candidats. Dans ces conditions on peut raisonnablement présumer que l'accession des francophones aux postes supérieurs sera fonction, à compétence égale, du nombre qu'ils représentent actuellement et qu'ils représenteront à l'avenir dans l'ensemble de cette catégorie d'employés. Cette perspective est confirmée par des déclarations très nettes de chefs d'entreprise.

Nous le répétons, les données utilisées ici ne permettent pas d'apporter des réponses péremp-toires au problème de la pénétration du français et des francophones dans l'entreprise au Québec. Elles permettent néanmoins de constater: - que les cadres francophones constituent un bloc substantiel dans un certain nombre d'entreprises importantes; -que cette situation s'est développée à la faveur d'une politique incitative, appuyée par une volonté ferme des pouvoirs publics.

Nous le reconnaissons, des ilôts de résistance persistent. Certaines entreprises semblent hésiter, par exemple, à introduire des francophones dans les plus hauts paliers de leur structure administrative. Il s'agit d'une déficience sérieuse, dans la mesure où la communauté de langue et de culture constitue un facteur privilégié de compréhension réciproque entre individus. Comme l'expérience le démontre, la présence d'un francophone vigoureux dans une fonction élevée est souvent une condition nécessaire à une francophonisation sérieuse du milieu.

Mais, on vient de le rappeler, les promotions doivent répondre à des critères d'efficacité qui obligent à compter avec le temps. Le CDE estime que l'application de méthodes coercitives, dans un contexte aussi sensible et où les conditions varient énormément d'une entreprise à l'autre, pourrait entraîner des résultats contraires aux objectifs poursuivis. Des initiatives récentes dans ce sens, de la part de fonctionnaires peut-être bien intentionnés mais fort maladroits, ont provoqué des réactions très négatives de la part des entreprises en cause. On devrait se garder de multiplier de semblables erreurs sous peine de susciter une opposition sourde à tout programme dans ce domaine, ou de pousser les entreprises à quitter le Québec. 4.4.-Les sièges sociaux

Le cas des sièges sociaux des entreprises d'envergure canadienne ou internationale mérite une attention spéciale.

Pour assurer leur efficacité administrative, ces entreprises doivent: maintenir des communications constantes avec des unités réparties sur un territoire plus ou moins étendu;

(1) A quelques exceptions près, les effectifs des entreprises qui ont participé au sondage sont fortement concentrés dans la région Montréalaise.

tenir compte, dans leurs communications écrites et parlées, de la langue et de la densité des divers groupes nationaux qui constituent l'ensemble de l'entreprise; assurer la présence, au sein de leur siège social, d'un certain nombre de représentants des unités régionales ou nationales, nombre qui varie selon l'importance de chacune des unités.

Ces représentants font au siège social des stages plus ou moins prolongés.

La langue de travail d'un siège social est la langue parlée par les effectifs nationaux les plus nombreux, soit celle, le plus souvent, du pays d'origine de l'entreprise.

On ne saurait logiquement imposer aux sièges sociaux des entreprises canadiennes ou multinationales des règles qui leur rendraient impossible l'exercice de leurs obligations.

Le CDE estime toutefois que l'Office de la langue française pourrait prendre, avec ces entreprises, des arrangements souples ayant pour but: d'introduire, au sein des sièges sociaux, un nombre de cadres supérieurs et intermédiaires québécois compatible avec l'importance relative des effectifs québécois dans l'ensemble de leur personnel; ces cadres devraient être bilingues et on devrait y trouver une proportion équitable de francophones; de privilégier, à compétence égale, l'embauchage de Québécois pour les postes subalternes, en tenant compte du même facteur linguistique; d'encourager l'usage du français au travail dans les sièges sociaux, dans la mesure où le permet l'efficacité des opérations. 5.- Un arrière-plan menaçant

L'aptitude à résoudre par la conciliation les problèmes sociaux est d'une importance toute particulière à ce moment de l'histoire de l'humanité.

Quelles que soient l'ampleur et l'urgence des conflits internes qui se posent au Québec, il ne peut s'isoler de l'immense branle-bas qui agite le monde entier. On nous rappelle de tous côtés que la pollution, l'épuisement rapide de certaines ressources naturelles, la croissance désordonnée des grandes villes, le partage plus équitable de biens limités exigeront très bientôt des interventions de grande envergure. Pour être à la fois efficaces et justes, celles-ci devront comporter, notamment une révision majeure de certains modes de production et de divers facteurs de la croissance, une nouvelle répartition des moyens de subsistance entre groupes ou pays riches et ceux qui sont démunis.

L'ampleur et l'urgence du défi ne font plus de doute. Même en choisissant le plus optimiste des scénarios, on doit en venir à la conclusion que seul le choc brutal qu'il provoque et le désarroi qui en découle empêchent les Etats de prendre les mesures qui s'imposent.

Quel que soit, à court ou moyen terme, son destin politique, le Québec devra être partie à la solution du problème, car il met en cause non seulement les continents et les pays, mais tous les paliers de gouvernement et chacun des citoyens.

Quand arrivera l'heure, qui ne saurait tarder, où nous serons contraints de relever notre part de cet énorme défi, nous serions privilégiés de pouvoir compter sur une population activement engagée dans un processus de conciliation, plutôt que divisée par les conflits de langue ou de race, ou encore économiquement anémiée sous l'effet d'une intervention trop autoritaire de l'Etat. 6.- Ses vues sur la politique linguistique, le CDE tend à les situer dans une démarche socio-économique cohérente. Il préconise, à l'égard des relations entre l'entreprise et les syndicats, une approche fondée sur la participation, la concertation, la conciliation des intérêts. Ces attitudes seront essentielles, sans aucun doute, au règlement des difficultés majeures que nous venons d'évoquer.

Le CDE se croit justifié de suggérer qu'on applique les mêmes règles de comportement dans la solution de la question linguistique.

La charte de la langue française au Québec

Commentaires du CDE sur certaines parties du projet de loi no 1

Préambule

Premier paragraphe

L'Assemblée Nationale constate que"la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois et que c'est elle qui lui permet d'exprimer son identité".

Le projet de loi no 1 a pour but évident, et généralement reconnu comme légitime, de promouvoir l'utilisation et l'épanouissement de la langue française. Mais en affirmant sans restriction que la

langue française est la langue du peuple québécois, ce premier paragraphe introduit dans le débat un élément dialectique qui pèse lourdement sur certaines des orientations fondamentales du texte. Si elles sont maintenues, ces orientations auraient pour conséquences de nier les droits des anglophones à des éléments importants de leur autonomie culturelle.

Recommandation

Que le premier paragraphe du préambule soit modifié de façon à préciser que la langue française est la langue de la majorité du peuple québécois.

Note

La rectification proposée, si on en dégage la logique, permettrait d'atténuer la portée des dispositions actuelles à l'endroit de la minorité qui serait alors perçue comme une entité distincte.

Article 7 "Le français est la langue de la législation et de la justice au Québec."

Article 11 "Les personnes morales s'adressent dans la langue officielle aux tribunaux et aux organismes exerçant des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires; elles plaident devant eux dans la langue officielle, à moins que toutes les parties à l'instance ne consentent à plaider en langue anglaise."

Commentaire

Les dispositions qui s'appliquent actuellement auprès de l'Assemblée nationale et des tribunaux semblent répondre aux besoins de tous les Québécois; et les libertés dont jouissent les anglophones ne restreignent en aucune façon les droits des francophones.

Recommandation

Que soit rétabli sans restriction, dans les articles 7 et 11, le droit de s'adresser à l'assemblée nationale et aux tribunaux dans la langue de son choix.

Article 19 "Nul ne peut être nommé, muté et promu à une fonction dans l'Administration s'il n'a de la langue officielle une connaissance appropriée à la fonction qu'il postule.

Cette connaissance doit être prouvée suivant les prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir à la tenue d'examens et à la délivrance d'attestations."

Commentaire

Nous approuvons l'intention exprimée dans cet article. Il nous fournit l'occasion de formuler de nouveau une recommandation contenue dans notre mémoire de 1973 sur la question linguistique.

Recommandation

Que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour faire place, à tous les niveaux de la fonction publique, à un nombre plus élevé d'anglophones aptes à apporter une contribution efficace à l'administration des affaires de la province.

Note

La participation d'anglophones compétents à l'administration publique constituerait, croyons-nous, un important facteur d'intégration des citoyens de leur groupe dans l'ensemble socio-culturel du Québec.

Article 20 "Les services et organismes de l'Administration communiquent entre eux dans la langue officielle."

Article 21 "Le français est la langue de communication à l'intérieur des services et organismes de l'Administration.

Sont rédigés dans la langue officielle les ordres du jour et les pro ces-verbaux de toute assemblée délibérante dans l'Administration."

Article 22 "Sauf pour des raisons tenant à la santé ou la sécurité publique, l'Administration n'utilise que le français dans l'affichage."

Article 23 "Les organismes municipaux ou scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise doivent se conformer aux articles 14 à 22 avant l'expiration de l'année 1983 et, entre-temps, prendre les mesures voulues pour atteindre cet objectif, à défaut de quoi l'Office de la langue française peut intervenir conformément à l'article 99. Tout administré de ces organismes a toutefois le droit d'exiger d'eux, dès l'entrée en vigueur de la présente, que soient rédigés en français les textes et documents qui lui sont destinés.

Dans les organismes scolaires, le français et l'anglais peuvent être utilisés comme langue de communication interne des services chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais."

Commentaire

Ces articles auraient pour effet de refuser aux anglophones le droit de communiquer entre eux en anglais, même au sein d'organismes créés par eux pour leur propre usage et dont les administrés sont souvent en grande majorité de langue anglaise.

Recommandation

Les articles 20, 21 et 22 devraient, sans restreindre les droits des francophones et de la langue française, conférer aux organismes dont les administrés sont en majorité de langue anglaise le droit: de communiquer entre eux et avec l'extérieur dans cette langue; d'utiliser la langue anglaise dans leurs communications internes et pour fins d'affichage.

L'article 23 pourrait alors être éliminé.

Article 27 "Les ordres professionnels doivent communiquer en français avec leurs membres ainsi qu'avec le public."

Article 30 "Les ordres professionnels ne peuvent délivrer de permis d'exercer au Québec qu'à des personnes ayant de la langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de leur profession.

Cette connaissance doit être prouvée suivant les prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir à la tenue d'examens et à la délivrance d'attestations."

Article 32 "Les ordres professionnels peuvent délivrer des permis temporaires valables pour une période d'au plus un an aux personnes autorisées à exercer leur profession en vertu des lois d'une autre province ou d'un autre pays et qui ne remplissent pas les conditions de l'article 30 quant à la connaissance de la langue officielle.

Ces permis ne sont renouvelables que deux fois, et sous réserve que l'intérêt public le justifie. Pour chaque renouvellement, les intéressés doivent se présenter à des examens tenus conformément aux règlements du gouvernement."

Commentaire

L'application de ces articles pourrait restreindre considérablement: le fonctionnement normal des services de recherche administrés par des entreprises ou par d'autres institutions; la qualité des services actuellement offerts par les bureaux professionnels d'experts-conseils

En Amérique du Nord, la langue anglaise est, pour une part prédominante, la langue de la recherche. Selon des informations sérieuses, 60% des chercheurs exerçant leurs activités au Québec proviennent de l'extérieur.

Quelle que soit leur langue maternelle, ces spécialistes doivent maintenir des rapports continus avec des institutions étrangères, rapports essentiels à l'efficacité de leurs travaux. Et dans la mesure

même où ils évoluent, ces organismes doivent pouvoir compter sur les ressources parfois exceptionnelles détenues par des individus dont ils doivent s'attacher la collaboration. Ces emprunts ne sont pas limités au Québec. Ils sont une condition primordiale du progrès de la connaissance.

La même réflexion s'applique au cas des bureaux d'experts-conseils, surtout de ceux qui ont atteint une envergure internationale. Ces institutions, souvent désignées par des Québécois francophones, emploient parfois des centaines d'universitaires spécialisés dans une foule de disciplines différentes. Cette polyvalence, qui leur est imposée par la nature même de leurs travaux, elles la doivent à leur aptitude à se procurer et à retenir les services des hommes les plus compétents dans leur domaine. De fait, le personnel de certains bureaux provient fréquemment d'une multitude de pays différents. On conçoit facilement que les individus en cause reçoivent des offres de toutes parts, parmi lesquelles ils choisissent celles qui leur seront le plus favorables et leur imposeront le moins de contraintes.

Une grande partie des activités de ces personnes se déroule à l'étranger. Pour elles, comme pour les spécialistes de la recherche, la langue commune des communications est ordinairement la langue anglaise. C'est un fait que le Québec doit reconnaître, tout comme la France ou l'Italie.

Recommandation

Le CDE interprète l'article 27, et plusieurs autres où pourrait se poser la même ambiguité, comme n'interdisant pas aux ordres professionnels de communiquer en français avec leurs membres et avec le public.

Les professionnels non Québécois, spécialisés dans la recherche ou dans une discipline exclusive, devraient être exemptés du test de la connaissance du français prévu à l'article 30.

L'article 32 devrait être modifié en conséquence.

Article 34 "Les conventions collectives et leurs annexes ne peuvent être déposées en vertu de l'article 60 du Code du travail (Statuts refondus, 1964, chapitre 141) que si elles sont rédigées en français."

Recommandation

Le CDE ne voit aucune objection à ce que les conventions collectives soient rédigées dans la langue de la majorité des travailleurs et à ce que soit fournie une version dans la langue du groupe minoritaire.

Article 35 "Lors de l'arbitrage d'un grief ou d'un différend relatif à la négociation, au renouvellement ou à la révision d'une convention collective, la sentence arbitrale doit être rédigée en français ou être accompagnée d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française de la sentence est officielle.

Il en est de même des décisions rendues en vertu du Code du travail par les enquêteurs, les commissaires-enquêteurs et le Tribunal du travail."

Recommandation

L'arbitrage des griefs devrait se dérouler dans la langue du réclamant; celui-ci devrait avoir droit à une version, dans la même langue, de la sentence arbitrale.

Article 36 "II est interdit à tout employeur de congédier ou rétrograder un salarié pour la seule raison qu'il ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée, autre que le français.

Toute contravention au présent article, en plus de constituer une infraction à la présente loi, autorise le salarié à faire valoir ses droits auprès d'un commissaire-enquêteur nommé en vertu du Code du travail, au même titre que s'il s'agissait d'un congédiement pour activités syndicales; les articles 14 à 19 du Code du travail s'appliquent alors, mutatis mutandis."

Article 37 "II est interdit à tout employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance d'une langue autre que le français, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue, conformément aux règlements adoptés à cet effet par l'Office de la langue française.

Il incombe à l'employeur de prouver que la connaissance de l'autre langue est nécessaire".

Commentaire

Nous ne voyons pas le bien fondé de ces articles. L'entreprise n'a pas intérêt à déformer le contenu d'une tâche. Elles s'exposerait à en subir bientôt le contre-coup économique. Il suffit, nous semble-t-il, que le degré de connaissance de l'anglais requis pour telle tâche soit ouvertement exprimé, et comment peut-il en être autrement?

L'entreprise doit conserver le droit de décision dans ce domaine. En accordant aux travailleurs le droit de concertation, à cet égard, on s'exposerait à introduire dans les relations du travail des procès d'intention, des débats idéologiques interminables. Chaque grief pourrait être l'occasion d'une remise en cause d'un ou de plusieurs aspects fondamentaux de la politique linguistique.

Recommandation

Nous considérons que ces articles devraient être supprimés.

Article 41 "Est reconnu aux consommateurs le droit d'être informés en français dans tous les cas suivants: désignation des biens et services, offre, présentation, publicité écrite ou parlée, mode d'emploi, étendue et conditions de garantie.

Les mêmes dispositions s'appliquent aux catalogues, dépliants et brochures, aux étiquettes et inscriptions de caractère permanent, ainsi qu'à tout texte accompagnant les biens offerts au public.

L'Office de la langue française peut réglementer l'utilisation d'autres langues, sous réserve que le français domine ou â tout le moins figure d'une façon aussi évidente que toute autre langue."

Article 44 "Est reconnu à tout intéressé le droit d'exiger que soient rédigés en français les contrats d'adhésion, les contrats où figurent des clauses-types imprimées, les formulaires de demande d'emploi ainsi que les documents s'y rattachant".

Article 45 "Est reconnu à toute personne le droit d'exiger que soient rédigés en français les bons de commande, factures, reçus et quittance qui lui sont présentés ainsi que les menus et cartes de vin".

Article 46 "L'affichage commercial doit se faire uniquement en français.

Par "affichage", on entend l'action d'exposer un texte à la vue du public aussi bien que le texte ainsi exposé, quelles qu'en soient la forme, la dimension ou la nature, le support matériel qui soutient le texte, ainsi que tout panneau-réclame et toute enseignelumineuse, sous réserve toutefois des exceptions prévues aux règlements de l'Office de la langue française et portant notamment sur: a) les messages de caractère international; b) les messages destinés aux étrangers, à des particuliers en tant que tels ou à des groupes restreints; et c) les messages destinés à des organes d'information diffusant dans une langue autre que le français".

Article 47 "Tout tribunal de Juridiction civile peut, à la demande du procureur général formulée par voie de requête, ordonner que soient enlevés ou détruits, dans un délai de huit jours à compter du jugement, les affiches, les annonces, les panneux-réclame et les enseignes lumineuses contrevenant aux dispositions de la présente loi, et ce, aux frais des intimés.

La requête peut être dirigée contre le propriétaire du matériel publicitaire ou contre quiconque a placé ou fait placer l'affiche, l'annonce, le panneau-réclame ou l'enseigne lumineuse".

Commentaire

Les articles 41, 44 et 45 ne présentent pas de difficultés, dans la mesure où les droits des francophones ne sont pas exclusifs de ceux des anglophones. Outre les principes en cause, l'usage exclusif du français dans ces domaines pourrait se traduire parfois par une augmentation considérable des coûts, dont l'étiquetage est une illustration probante; nous songeons ici aux entreprises qui écoulent leurs produits à la fois au Québec et à l'extérieur.

L'usage exclusif du français pour fins d'affichage (art. 46) équivaudrait, à nos yeux, à faire abstraction d'une dimension importante de la réalité ethnique, sociologique et économique du Québec. Il nous apparaît que les francophones, du monde des affaires tout au moins, ne tiennent nullement à éliminer toute manifestation de la présence anglophone.

Recommandation

Les articles 41, 44 et 45 devraient conférer aux anglophones, dans les domaines concernés, des droits égaux à ceux des francophones.

L'affichage commercial et l'étiquetage (art. 46) devraient se faire en français, ou à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français jouisse d'une importance au moins égale à celle de l'autre langue.

Article 48 "Les raisons sociales doivent être en langue française.

Quiconque utilise une raison sociale en infraction au présent article doit la modifier ou la faire modifier avant le (insérer ici la date qui suit de trois ans celle de l'entrée en vigueur de la présente loi).

Le présent article s'applique également à l'enregistrement des raisons sociales effectué en vertu de la Loi des déclarations des compagnies et sociétés (Statuts refondus, 1964, chapitre 272)".

Commentaire

Des dirigeants d'entreprise autochtones importantes estiment que cette mesure faciliterait l'identification au milieu québécois d'éventuels compétiteurs étrangers et pourrait conférer à ces derniers des avantages indus au chapitre de la concurrence.

Recommandation

Le CDE considère que les entreprises devraient pouvoir choisir leur raison sociale sans contrainte.

Note

Cet article, parmi d'autres, soulève le problème de l'image publique du Québec. Cette image doit-elle refléter uniquement un visage français ou la réalité telle qu'elle existe?

Dans un climat propice à la prédominance du caractère français du Québec, il ne fait aucun doute que la plupart des entreprises tiendront à se donner une raison sociale au moins bilingue. Le mouvement dans ce sens est déjà solidement engagé et tend à s'accentuer.

Dans ce contexte, on pourrait épargner à l'entreprise l'obligation juridique contenue dans l'article 48.

Article 51 "L'enseignement se donne en français dans les écoles maternelles, primaires et secondaires, sous réserve des exceptions prévues au présent chapitre.

Cette disposition vaut pour les écoles régies par la Loi de l'instruction publique (Statuts refondus 1964, chapitre 285) et pour les organismes scolaires régis par la Loi de l'enseignement privé (1968, chapitre 67) et déclarés d'intérêt public ou reconnus admissibles à des subventions en vertu de cette dernière loi."

Commentaire

Le CDE a préconisé antérieurement une politique de liberté de choix très large à l'égard de la langue d'enseignement.

Sa position reposait sur le fait que langue du travail et des affaires exerce une pression quasi irrésistible sur la décision des parents d'inscrire leurs enfants à l'école française ou à l'école anglaise. De là l'importance que le CDE attribuait aux programmes de francisation et de francophonisation des entreprises.

Les progrès dans ce domaine, aussi sensibles soient-ils, n'ont pas été aussi rapides qu'on l'aurait désiré dans certains milieux. A nos yeux, il n'aurait pas été raisonnable de s'attendre à ce qu'un chambardement culturel d'une telle envergure se réalise au cours des trois brèves années qui se sont écoulées depuis l'adoption de la loi 22.

La situation nous autorise, nous semble-t-il, à maintenir notre position.

Recommandation

Les citoyens résidant au Québec peuvent inscrire leurs enfants à l'école de leur choix. Le gouvernement doit faire en sorte que les réseaux scolaires français et anglais assurent à leurs élèves une connaissance sérieuse de la langue seconde.

Les enfants d'immigrants non anglophones qui entreront au Québec après la proclamation de la politique linguistique devront être dirigés vers l'école française jusqu'à ce qu'ils aient obtenu leurs droits de citoyenneté.

Note

Ces propositions sont justifiées, selon nous: -par la maturité sociale et le sens des responsabilités des Québécois francophones; - par la faveur considérable dont jouit désormais la langue française auprès des Québécois anglophones: - par le besoin évident qu'ils ont, les uns et les autres, de posséder une connaissance sérieuse de la langue seconde; - par l'avantage que trouverait le Québec de situer les immigrants dans le même contexte de liberté et de responsabilité.

Nous réalisons cependant que les mentalités de certains groupes francophones ont évolué considérablement ces dernières années. S'il s'avérait impossible de réaliser un consensus sur ses recommandations, le CDE se rallierait à la formule proposée par le Conseil Supérieur de l'éducation.

Recommandation secondaire

Cette formule est la suivante:

Aux niveaux élémentaire et secondaire, le Conseil recommande l'adoption du principe suivant: la langue d'enseignement au Québec est le français pour tous ses résidents et pour tous ceux qui viendront s'y établir, sauf pour les enfants de langues maternelles amérindiennes ou inuit et pour les enfants de langue maternelle anglaise.

Les enfants qui se trouveront déjà inscrits dans des écoles de langue anglaise au moment de la promulgation de la loi pourront continuer de les fréquenter si leurs parents le demandent; leurs frères et soeurs pourront les y suivre.

Note

La formule du C.S.E. ne devrait être retenue, cependant, qu'à la condition que des mesures vigoureuses soient appliquées sans délais pour procurer aux élèves des deux réseaux scolaires une connaissance pratique, utilisable, de la langue seconde. Or, si l'école anglaise a fait des progrès indiscutables dans ce domaine, les indices de changement sont encore très faibles du côté de l'école française.

Article 52 "Par dérogation à l'article 51, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère: a) les enfants dont le père ou la mère a reçu au Québec, l'enseignement primaire en anglais; b)les enfants qui, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont domiciliés au Québec, et i) qui reçoivent déjà, au Québec, l'enseignement en anglais à l'école maternelle, primaire ou secondaire, le même droit s'étendant à leurs frères et soeurs cadets; ii) dont le père ou la mère est, à ladite date, domicilié au Québec et a reçu, hors du Québec, l'enseignement primaire en anglais.

Lorsqu'un enfant est à la charge d'un seul de ses parents, la demande prévue au présent article doit être faite par ce dernier."

Commentaire

Le CDE ne peut considérer comme acceptable l'interdiction qui serait faite aux anglophones des autres provinces canadiennes d'inscrire leurs enfants à l'école de leur choix.

Article 57 "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut être délivré à l'élève qui n'a du français parlé et écrit, la connaissance exigée par les programmes du ministère de l'Education. "

Recommandation

Une obligation équivalente devrait s'appliquer, pour la connaissance de l'anglais, aux élèves du réseau français.

Note

Faute d'une telle contrainte, on peut craindre que des forces de résistance se conjugeront et contribueront à ajourner dangereusement l'apprentissage de la langue anglaise par les élèves du réseau français. Or, celui-ci ne sera fréquenté par les non francophones que s'il leur offre cette ressource.

Article 67 "II est institué un Office de la langue française".

Commentaire

La composition de l'Office de la langue française ne peut engendrer que déception. Nous concevons difficilement que l'on puisse demander à un seul homme d'assumer les responsabilités étendues confiées à l'Office.

Il suffit de rappeler que la Régie de la langue française est composée de neuf membres représentant les principaux secteurs socio-économiques pour mesurer le recul que constitue la structure proposée pour l'Office.

Nous croyons utile de rappeler que la Régie, grâce en bonne part à la polyvalence de ses membres, a su s'acquitter honorablement de la tâche difficile qui lui avait été assignée, réussissant à modifier des attitudes et des comportements souvent profondément ancrés.

L'Office devra relever les mêmes défis. Même délesté des responsabilités qui seraient, selon le projet de loi no 1, attribuées à la Commission de surveillance, il devra établir avec le monde des affaires et divers milieux des relations dont la nature aura une portée directe sur les résultats de ses travaux.

Recommandation

L'Office de la langue française devrait être doté d'une structure représentant les principaux secteurs de la vie socio-économique du Québec.

Article 121 "Une Commission de surveillance de la langue française est instituée.

La Commission de surveillance est dirigée par un président et est formée de commissaires-enquêteurs, d'inspecteurs et de tous autres fonctionnaires et employés jugés nécessaires."

Commentaire

Devant la composition de la Commission de surveillance, nous éprouvons les mêmes réactions que celles que nous venons d'exprimer à l'égard de l'Office. A cette différence près que la commission étant appelée à jouer un rôle plus directif et plus ingrat, elle devrait, encore davantage que l'Office, être munie d'une structure polyvalente susceptible d'assouplir sa démarche.

Nous nous interrogeons sur l'utilité de partager entre ces deux organismes les rôles dévolus à la Régie de la langue française. La formule actuelle permet, croyons-nous, de tempérer l'un par l'autre les aspects conciliation et coercition attachés à l'une et l'autre démarche et de leur conférer à une plus grande efficacité.

Article 95 "L'Office a pour responsabilité de veiller à ce que le français devienne, le plus tôt possible, la langue des communications et du travail dans l'Administration et les entreprises opérant au Québec. Cet objectif doit être atteint avant l'expiration de l'année 1983".

Commentaire

Nous lisons cet article dans la perspective des commentaires et recommandations que nous avons déjà exprimées et de celles que nous ferons plus loin, aussi bien au sujet de la langue de l'administration que de la langue de l'entreprise.

Article 106 "Toute entreprise de cinquante salariés ou plus, même d'utilité publique, doit, à compter de la date déterminée conformément à l'article 109, justifier de la possession d'un certificat de francisation délivré par l'Office. Sous réserve de tout recours pénal, l'entreprise doit justifier de la possession d'un pareil certificat: a) pour avoir le droit de recevoir de l'Administration, les permis, primes, subventions, concessions ou avantages déterminés par règlement du gouvernement, ou b) pour conclure avec l'Administration ainsi qu'avec les services de santé, les services sociaux,

les entreprises d'utilité publique, les universités et les collèges d'enseignement général et professionnel les contrats d'achat, de vente, de service, de location ou de transport public déterminés par règlement du gouvernement".

Commentaire

Ces dispositions des alinéas a) et b) nous paraissent ouvrir la porte aux excès et à l'arbitraire.

Le CDE réitère sa conviction que les méthodes incitatives permettent d'atteindre plus efficacement les objectifs recherchés que la coercition et les tracasseries administratives.

Nous tenons à souligner que l'absence de règlements nous empêche de poser un jugement objectif sur plusieurs articles du projet de loi.

Article 113 "L'Office peut exiger de toute entreprise de moins de cinquante salariés qu'elle procède à l'élaboration et à l'implantation d'un programme de francisation.

L'Office doit faire chaque année au ministre un rapport des démarches qu'il a ainsi faites et des mesures prises par les entreprises".

Article 112 "Les programmes de francisation adoptés et appliqués par les entreprises conformément aux articles ci-dessus doivent permettre d'atteindre les objectifs suivants: a) une connaissance satisfaisante de la langue officielle chez les dirigeants et le personnel; b)l'augmentation du nombre de Québécois à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du conseil d'administration et au niveau des cadres supérieurs, de manière à assurer la généralisation de l'utilisation du français; c) l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise notamment dans les manuels et les catalogues; d)l'utilisation du français dans les communications internes et dans les communications avec la clientèle, les fournisseurs et le public; e)l'utilisation de la terminologie française; f) l'utilisation du français dans la publicité; g) l'utilisation du français comme langue du travail et des communications avec le personnel".

Commentaire

Ces deux articles nous semblent chargés d'une lourdeur inutile à l'endroit des entreprises.

Nous ne voyons pas la nécessité ou même l'utilité d'imposer à des entreprises de moins de cinquante salariés l'obligation de définir et d'appliquer un programme de francisation.

Quant aux objectifs d'un tel programme, ils ne sauraient être uniformes. Par exemple, l'alinéa b) de l'article 112 ne devrait s'appliquer qu'aux entreprises d'une certaine importance. On voit mal le conseil d'administration d'une entreprise familiale, même d'une certaine importance, faire une place très cordiale à un nouveau venu — anglophone ou francophone — qui lui serait imposé de l'extérieur.

Article 113 "Les programmes de francisation doivent tenir compte des relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des sièges sociaux établis au Québec par des sociétés ou entreprises dont l'activité s'étend hors du Québec".

Commentaire

Nous prions les membres de la commission de référer au paragraphe 4.4 de notre introduction qui porte sur le cas des sièges sociaux.

Article 114 "Toute entreprise de cent salariés ou plus doit, avant le (date qui suit de trois mois l'entrée en vigueur de la présente loi), instituer conformément aux règlements un comité de francisation dont au moins le tiers des membres sont nommés par les associations de salariés accréditées pour représenter les salariés de l'entreprise; en l'absence de pareilles associations ou d'entente entre les associations, ces membres sont élus par l'ensemble des salariés de l'entreprise.

Les entreprises atteignant le chiffre de cent salariés après la date de l'entrée en vigueur de la présente loi disposent d'un délai de trois mois pour se conformer au présent article".

Article 116 "L'Office décide, après étude du rapport mentionné à l'article 115, si l'entreprise doit adopter et appliquer un programme de francisation; dans l'affirmative, l'entreprise charge son comité de francisation d'établir le programme voulu".

Commentaire

Partisan confirmé de la concertation, le CDE conçoit facilement que tout changement profond imprimé à l'entreprise doit se réaliser avec la participation des employés.

Toutefois, participation n'est pas co-gestion. Et dans la perspective du CDE la direction des entreprises doit demeurer, sauf exception, entre les mains de ceux qui ont précisément pour mandat de les diriger.

La définition et l'application d'un programme de francisation mettent en cause, au-delà de questions de pure mécanique, des dimensions stratégiques et humaines qui relèvent au premier chef de la haute direction. C'est à elle qu'il appartient de définir un programme de francisation adapté au cas spécifique de telle ou telle entreprise.

Recommandation

La définition du programme de francisation doit relever de la compétence de la haute direction de l'entreprise.

Celle-ci devrait veiller à ce que les employés soient informés régulièrement des progrès réalisés dans l'élaboration du programme.

Les entreprises pourraient avec avantage constituer un comité composé de membres de la direction et d'employés choisis par elle; le comité pourrait collaborer à l'information des travailleurs et à l'application du programme de francisation.

Article 172 "L'article 52 de la Charte des droits et libertés de la personne (1975, chapitre 6) est modifié par l'addition à la fin, après le mot "Charte" des mots "ou à moins qu'il ne s'agisse de la Charte de la langue française au Québec (1977, chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 1)".

Commentaire

Le CDE ne peut que joindre sa voix à celles, très nombreuses, qui demandent avec insistance que soit maintenue la préséance de la Charte des droits et libertés de la personne sur la Charte de la langue française.

Des perspectives qui méritent un examen

Plusieurs articles du projet de loi autoriseraient les personnes ou les groupes à demander des enquêtes. Cette ouverture à la revendication se double de possibilités singulièrement inquiétantes: la mise en place d'une structure à direction unique, susceptible de tomber dans des excès que nombre d'organismes "démocratiques" n'ont pas toujours su éviter; l'absence de recours contre les décisions des organismes mentionnés dans la Charte.

Commentaire

Nous manquons malheureusement du temps requis pour dégager les conséquences possibles d'une telle situation.

Il nous apparaît essentiel, toutefois: d'assurer l'objectivité la plus complète possible des décisions des organismes prévus, en les munissant des structures les plus démocratiques possibles. de conférer aux éventuels contrevenants le droit d'appel des décisions des mêmes organismes.

AN NEXE3

Mémoire sur

la Charte de la langue française au Québec (projet de loi no 1)

présenté par

la Banque Royale du Canada à la Commission parlementaire de l'éducation,

des affaires culturelles et des communications — Québec

Juin 1977

Introduction 1. La Banque Royale du Canada se réjouit de l'occasion qui lui est offerte de présenter ce mémoire sur le projet de Charte de la langue française (projet de loi no 1) à la Commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications. Nous croyons que l'enquête menée par la Commission fournit à la Banque non seulement une excellente occasion d'exprimer ses opinions sur les dispositions du projet de loi, mais également d'apporter des précisions utiles sur notre entreprise, ses lignes de conduite et ses exploitations. De telles précisions nous semblent indispensables pour que nos commentaires soient compris sans la moindre ambiguïté par les membres de cette Commission. C'est en effet notre conviction que, bien souvent, nos observations ne sauraient prendre leur pleine signification que dans la mesure où elles sont placées dans le contexte réel du fonctionnement et des responsabilités de la Banque. 2. Avant de communiquer certaines informations sur la Banque Royale du Canada ou d'entamer une analyse détaillée des dispositions de la Charte, il nous semble opportun d'exposer brièvement l'attitude de la Banque et de sa direction à l'égard du projet de loi. D'emblée, il convient de préciser que cette attitude est positive en ce qui concerne les objectifs fondamentaux de la Charte et les préoccupations de ses auteurs. Ainsi, nous sommes convaincus de la nécessité d'adopter des mesures appropriées pour donner aux Québécois francophones un sentiment de sécurité quant à la préservation de la langue et de la culture françaises en Amérique du Nord; nous comprenons parfaitement la nécessité d'effacer le sentiment d'injustice ressenti par de nombreux Québécois francophones; nous reconnaissons volontiers le caractère impératif des mesures qui visent à promouvoir la situation économique des Québécois francophones en supprimant tout obstacle jugé contraire à leur épanouissement légitime dans tous les domaines de l'activité humaine, notamment les affaires, l'industrie et le commerce. 3. Nous appuyons, par conséquent, les objectifs fondamentaux de la Charte de la langue française au

Québec, c'est-à-dire, nous reconnaissons que la langue joue un rôle capital dans le développement harmonieux de toute société, et nous admettons volontiers que le français devrait être la langue prioritaire du Québec. Nous endossons donc l'objectif fondamental visant non seulement à préserver, mais aussi et surtout, à promouvoir le français au Québec, ainsi qu'à en favoriser une plus large utilisation dans tous les aspects de la vie de la société québécoise. Plus précisément, nous croyons qu'il est important d'encourager l'utilisation du français dans le secteur de l'économie. Nous partageons pleinement cette orientation non seulement parce que le monde du travail constitue l'un des principaux éléments de la vie d'une société moderne, mais aussi parce que la vitalité et l'épanouissement d'une langue dépendent clairement de la valeur économique qu'elle représente aux yeux de la population. 4.Ayant nettement exprimé notre appui aux principes et aux objectifs fondamentaux de la Charte, nous croyons devoir signaler aussi les inquiétudes et les doutes que nous inspirent certains aspects du projet de loi. D'autre part, nous nous voyons contraints de formuler les plus sérieuses réserves au sujet de certaines modalités envisagées et affirmer notre conviction que, dans leur forme actuelle, certaines dispositions du projet de loi portent atteinte à la liberté des Québécois. En outre, l'application de certaines mesures préconisées risque de produire des effets contraires à l'intérêt bien compris des Québécois, notamment lorsqu'elles tendent à limiter la capacité concurrentielle des entreprises et compromettent ainsi la croissance économique du Québec, ce qui ne manquera pas d'avoir des répercussions sur le marché de l'emploi et sur le revenu des Québécois. 5.Enfin, il faut souligner que le délai fixé pour la remise de ce document au secrétaire de la Commission nous oblige à déposer notre mémoire avant même d'avoir pris connaissance des règlements

prévus par la Charte. Or, à notre avis, il est pratiquement impossible de mesurer la portée et la signification des dispositions de la Charte sans connaître au préalable les règlements, ni le procédé et les attributions exactes des fonctionnaires qui seront chargés de les appliquer. Ceci est d'autant plus vrai que ces fonctionnaires seront, semble-t-il,investis de pouvoirs considérables et d'une grande liberté d'action. Ignorant le contenu de la réglementation, c'est-à-dire les modalités d'application de la Charte, la direction de la Banque en est réduite à fonder son jugement, ses commentaires et ses suggestions sur le texte actuel du projet de loi et sur des suppositions et des hypothèses. L'avenir seul dira si, dans les faits, les hypothèses que nous avons retenues traduisent le réalisme, le pessimisme ou l'optimisme. Pour l'instant donc, les personnes qui s'appliquent à étudier la Charte sont tenues de présumer que là où le texte de loi ouvre la voie à des abus et peut donner lieu à des mesures coercitives ou discriminatoires, il existe un sérieux risque de voir de tels abus se produire et qu'il convient de s'y arrêter. Ce qui ne signifie pas que nous sous-estimons, loin de là, l'importance d'une certaine souplesse dans l'application d'une nouvelle loi concernant un domaine aussi délicat et complexe que, par exemple, celui de la langue de travail. Pas plus que nous ne voulons mettre en doute la bonne volonté des fonctionnaires. Nous entendons simplement, par cette démarche, exercer un droit de citoyen responsable et vigilant.

Portrait de la banque Royale du Canada 6. La Banque Royale du Canada est une banque d'envergure mondiale. Elle offre une gamme complète de services bancaires dans tout le Canada et mène une activité internationale dans 41 pays étrangers. En terme d'actif total, c'est la plus grande banque du Canada et sur la scène internationale, elle occupe une place enviable parmi les plus importantes banques. Au 30 avril 1977, l'actif total de la Banque atteignait 32.2 milliards de dollars. L'ensemble des dépôts s'élevait à 29.3 milliards de dollars et provenait à 65.4% de sources canadiennes et à 34.6% de l'étranger. Le Québec représente environ 10% du chiffre d'affaires de la Banque (15% du total canadien). 7.A l'origine, la Banque a d'abord été une association, établie en 1864 à Halifax, Nouvelle-Ecosse, entre huit hommes d'affaires locaux. Sa constitution en 1869 en vertu d'une charte fédérale devait lui permettre d'ouvrir des succursales et d'offrir des services bancaires dans toute région du pays. 8. En 1885, l'ouverture de sa première succursale au Québec a représenté pour la Banque la première étape de son expansion dans tout le Canada. Même à ce stade précoce du développement économique, marqué par une conjoncture instable et incertaine et par la rareté des ressources financières, la Banque participait activement à la formation d'un système bancaire efficace qui a bien servi les intérêts du Canada. La Banque avait alors 20 succursales réparties en Nouvelle-Ecosse, dans l'Ile-du-Prince-Edouard et au Nouveau-Brunswick et qui, avec une agence internationale, constituaient un réseau par lequel elle pouvait financer les nouvelles entreprises et effectuer les règlements commerciaux.

Elle pouvait s'implanter rapidement dans une nouvelle région en ayant recours au personnel et à la compétence qui existaient ailleurs. Quand l'économie d'une région fléchissait et qu'ainsi la demande de prêts y excédait les dépôts, la Banque pouvait puiser dans ses ressources financières globales pour venir en aide à la région affectée. Ainsi, cette caractéristique favorable du réseau bancaire d'aujourd'hui entrait déjà en jeu. 9. Dès 1900, la Banque s'était déployée dans tout le Canada avec au total 38 succursales dans 7 provin- ces. Par ailleurs, elle avait également affirmé sa vocation internationale par l'ouverture de trois succursales à l'étranger. Le 2 janvier 1901, la Banque adoptait une nouvelle raison sociale évo-catrice de son caractère et de son envergure pan-canadienne; elle s'appellera désormais la Banque Royale du Canada. 10. En 1907, la Banque Royale reconnaissant l'importance grandissante de Montréal sur le plan finan- cier, sa réputation internationale naissante et son rôle de plaque tournante dans les courants commerciaux extérieurs, transférait son siège social de Halifax à Montréal. 11. Depuis le début du XXe siècle, la Banque Royale a continué son expansion en offrant des services bancaires tant dans les régions développées que dans celles en voie de développement. La Banque compte maintenant 1,456 succursales réparties dans plus de 700 collectivités canadiennes. Parmi ces succursales, 226 (15.5%) sont situées au Québec. Un grand nombre des succursales de la Banque se trouvent dans des régions ne possédant aucun établissement industriel ou commercial de grande importance. 12. Au 12 mai 1977, le personnel total de la Banque était composé de 35,238 personnes, dont 31,762

(90% de l'effectif) au Canada. Au Québec, la Banque Royale emploie 7,703 (22%) personnes

réparties comme suit: 4,822 (14%) dans les exploitations au Québec, 2,158 (6%) au Siège social et 723 (2%) au Centre d'informatique de Montréal et au Centre Chargex-Visa de l'est, Montréal. 13. Les opérations internationales de la Banque — qui représentent un peu plus du tiers du total — sont menées par 84 succursales à l'étranger et par les bureaux — au nombre de 72 — de filiales ou de banques et sociétés financières affiliées. La présence de la Banque est affirmée dans tous les grands centres financiers du monde par des représentants permanents et des agences. Des accords portant sur les moyens financiers permettant de couvrir les traites, lettres de crédit et autres opérations à l'étranger ont été conclus avec plus de 2,000 correspondants bancaires dans le monde entier. Cette trame serrée de présence et de contacts internationaux a donné aux particuliers, aux entreprises et aux gouvernements du Canada l'accès à de précieux débouchés commerciaux et à des sources de financement. Considérant la dépendance sans cesse croissante du Canada à l'égard de son commerce extérieur et des capitaux étrangers, la vitalité des opérations internationales de la Banque joue un rôle important dans la croissance économique du Canada et du Québec.

Actionnaires 14. La propriété de la Banque Royale est répartie sur une base très large puisque l'on compte 29,630 actionnaires, dont 91% sont canadiens ou domiciliés au Canada. Des milliers d'autres Canadiens se partagent indirectement la propriété de la Banque par l'intermédiaire des caisses de retraite et autres formes de placements collectifs. 15. Le rapport entre le nombre des actionnaires du Québec et le total des actionnaires au Canada est sensiblement égal à celui qui existe entre le total des affaires de la Banque au Québec et le total pour le Canada. Cette proportionnalité se retrouve en général dans toutes les provinces. 16.Si l'on compte le nombre des actions, les Québécois en détiennent une proportion plus importante; ils possèdent, par conséquent, un intérêt marqué dans la vitalité de la Banque.

Le conseil d'administration 17. Comme dans toutes les grandes sociétés dont le Conseil d'administration est composé principale- ment de membres "de l'extérieur", celui-ci ne se préoccupe pas des opérations au jour le jour. Il joue principalement un rôle de consultation et d'orientation plutôt que de participer dans le détail au processus décisionnel. 18. Le rôle consultatif des administrateurs se révèle très utile pour évaluer la situation économique et commerciale régionale. Avec des administrateurs établis dans diverses régions du pays et à l'étranger, la Banque peut disposer de sources compétentes d'analyse des conditions locales dans chaque territoire géographique où sa présence se manifeste. En fait, le motif principal de la taille du Conseil—46 membres actuellement — est d'assurer une large représentation géographique. Une réunion du Conseil dûment constitué est convoquée toutes les semaines au siège social, à Montréal. De plus, les membres des comités régionaux se réunissent habituellement chaque semaine à Vancouver, Calgary, Regina, Winnipeg, Toronto, Halifax, Saint-Jean, New York et Londres. Trois sur quatre des réunions trimestrielles du Conseil au grand complet se tiennent à l'extérieur de Montréal, comme ce fut le cas dernièrement à Québec. 19. Du seul fait de la situation du Siège social à Montréal, le Conseil d'administration donne aux Québé- cois plus de sièges — un tiers — qu'il ne le ferait autrement. L'Ontario est représentée par 13 administrateurs, deux de moins que le Québec, bien qu'elle engendre une part plus importante des activités de la Banque au Canada. En excluant les administrateurs qui occupent également un poste de direction à la Banque, on constate que l'Ontario et le Québec ont chacun 12 administrateurs.

Objectifs 20. Dans la société actuelle, on a tendance dans certains milieux à considérer que la recherche du profit constitue la seule raison d'être d'une entreprise commerciale, et que, par voie de conséquence, le seul rôle de la direction est d'évaluer toute action en fonction de ce simple critère. Par contre, les hommes d'affaires sensés et réfléchis se posent depuis longtemps la question "A quoi sert le profit?". Dans leur réflexion sur cette question, certains ont défini pour leur organisation des objectifs qui témoignent d'un rôle plus étendu que celui attribué dans notre société aux entreprises. Au lieu d'être fondés sur le concept de l'exploitation de la collectivité, ces objectifs illustrent aujourd'hui la responsabilité fondamentale qui incombe à l'entreprise d'apporter une contribution positive à la société dont elle fait partie intégrante.

21. Dans le cas de la Banque Royale du Canada, la direction a donné à cette question une réponse orientée vers les responsabilités que la Banque et ses dirigeants assument envers les différents groupes qui ont un intérêt dans son existence et sa prospérité. Dans ce contexte, la rentabilité à court et moyen terme est envisagée non comme une fin en soi mais comme un moyen indispensable d'assurer la survie de l'entreprise et, partant, de répondre aux intérêts des principaux groupes concernés. 22. En 1974, après une étude soigneuse entreprise par la haute direction, la Banque Royale a décidé d'énoncer officiellement un ensemble de principes qui, pour la direction, animait la conduite de nos activités depuis un certain temps. Ainsi, la mission générale de la Banque Royale a été définie comme suit: "Notre objectif fondamental est de perpétuer notre existence en tant qu'entreprise privée progressive et notre stabilité par la rentabilité à court et moyen terme de façon à être en mesure d'assumer nos responsabilités au sein de la société:

Responsabilité de fournir à nos clients actuels et éventuels, de par le monde, la gamme la plus complète de services bancaires et financiers de la plus haute qualité possible. Responsabilité d'offrir à nos employés l'occasion, assortie d'une rémunération équitable, de développer et de prouver leurs qualités personnelles.

Responsabilité de procurer à nos actionnaires un rendement attrayant et suivi sur le capital investi.

Responsabilité de se comporter à tous égards en "bon citoyen" pour le plus grand bien de la collectivité, de la nation et de la société". 23. De ce fait, il est évident que les responsabilités premières de la Banque sont définies en termes d'obligations envers des groupes: clients, employés actionnaires et le public en général. Par conséquent, quand les cadres supérieurs tentent d'évaluer les effets pour la Banque d'initiatives telles que le projet de Charte de la langue française au Québec, ils ne le font pas dans une optique mercantile et égoïste mais dans une perspective beaucoup plus large. De plus, l'effet que les changements prévus peuvent affecter la capacité concurrentielle de la Banque — par rapport aux autres banques canadiennes et internationales dont le siège est situé hors du Québec — et avoir des conséquences qui doivent être mesurées non seulement en termes de profit et d'efficacité mais aussi, ce qui est plus important encore, en fonction de l'aptitude de la Banque à servir ses groupes concernés. 24. C'est par conséquent dans ce contexte que la direction doit prévoir l'effet que les dispositions du projet de loi — qu'elles visent la langue du travail ou le milieu dans lequel nos employés vivent — pourront avoir sur la position concurrentielle de la Banque et sa capacité de service.

Organisation et structure de la direction 25. Les relations qui existent dans les banques, y compris la Banque Royale, entre le Siège social, les directions des districts et le réseau des succursales, ne sont pas, en général, comprises par le public. Avant de parler, premièrement, du rôle particulier de notre siège social à Montréal et, deuxièmement, des structures de la Banque dans les districts au Québec, il est bon de donner une vue d'ensemble sur la structure globale de l'organisation. 26. La responsabilité de la direction de la Banque pour le monde entier incombe au Chairman et prési- dent, chef de la direction. Il est assisté par deux chairmen délégués et vice-présidents exécutifs, un en poste à Montréal et l'autre à Toronto. 27. La direction des affaires courantes est confiée au vice-président exécutif et directeur général en chef. Il est assisté en tant que chef de l'exploitation de deux vice-présidents exécutifs. 28.Cinq divisions principales sont placées sous le contrôle du vice-président exécutif et directeur géné- ral en chef. A la tête de chacune d'elles se trouve un vice-président de premier rang et directeur général. Parmi ces cinq divisions, trois sont directement liées à l'activité bancaire, deux autres sont de nature administrative.

Les divisions bancaires: "Canada — cette division est responsable de la direction d'ensemble du réseau de succursales à travers le Canada, de l'acheminement de services bancaires aux particuliers par l'intermédiaire des succursales et du service aux clients commerciaux jusqu'à concurrence d'un montant déterminé.

*Services aux sociétés — cette division est responsable des services bancaires destinés aux grandes entreprises et aux administrations publiques et plus particulièrement à celles d'entre elles qui ont une envergure nationale ou dont les besoins en crédit sont très importants. *La division internationale est responsable de toutes les activités de la Banque dans les autres pays et de ses relations à l'étranger.

Les divisions administratives sont: *Finances et placements - Cette dernière a pour responsabilités de satisfaire aux besoins de l'organisation en général et notamment à ceux des divisions bancaires en ce qui a trait aux ressources financières de la Banque. Elle s'occupe également des fonctions de contrôle, de planification financière et de comptabilité, des services économiques et des activités de placement comme les opérations sur les marchés monétaires. Elle est responsable des liquidités de la Banque et de la gestion d'ensemble des divers postes de l'actif et du passif. "Administration - responsable des ressources physiques, humaines et techniques mises au service des autres divisions. Cela comprend les fonctions de gestion du personnel, des méthodes et traitement de l'informatique et des immeubles de la Banque. 29. La haute direction, les chefs de division et les membres de leur personnel constituent la structure fondamentale du Siège social de la Banque dont le rôle et la fonction seront examinés en détail plus loin sous l'angle particulier de la langue employée.

Portrait de la direction 30. La haute direction est un groupe de 85 cadres supérieurs, 39 d'entre eux occupent un poste au Siège social et 46 dans les divisions territoriales. Le cadre supérieur "type" de la Banque Royale serait un Canadien de 50 ans qui est né et a grandi dans une ville canadienne de petite ou moyenne importance. Il est entré à la Banque "au bas de l'échelle" à la fin de ses études secondaires et, sur une période de 28 ans, est passé par divers postes avant de parvenir à la haute direction à l'âge de 45 ans. La grande majorité de nos cadres ont occupé pendant plusieurs années des postes divers dans plusieurs régions du Canada et, dans certains cas, à l'étranger. Un échantillonnage comptant 38 de ceux qui occupent les postes les plus élevés, par exemple, indique que ce cadre "type" a eu au cours de sa carrière neuf affectations dans quatre provinces canadiennes ou à l'étranger. Ce genre d'expérience est jugé essentiel à l'acquisition des connaissances et de l'optique que ces postes élevés exigent. 31. Il est donc prouvé, qu'en général, la formation d'un cadre supérieur de la Banque Royale demande une vaste expérience acquise dans de nombreux postes dans différentes parties de la structure de la Banque — un processus qui, comme indiqué plus haut, peut prendre plus de 20 ans. De ce fait, le taux inférieur (6%) de la représentation des Québécois de langue française au sein de ce groupe de 85 cadres supérieurs trouve son explication—toutes choses étant égales par ailleurs — dans les conditions et le contexte qui prévalaient à l'intérieur de la Banque et au Québec il y a environ 20 ans. Nous reviendrons plus avant dans ce mémoire sur les conditions actuelles et ce en quoi elles affectent les possibilités d'avancement des Québécois de langue française.

Opérations internationales 32. Les opérations internationales de la Banque Royale sont coordonnées par quatre directions "géo- graphiques", dont trois au sein de la Division internationale à Montréal, et une autre à Londres (Angleterre). Comme il a été dit plus haut, les opérations internationales représentent environ un tiers de l'activité totale de la Banque. 33. La structure mondiale de la Banque est centrée sur quatre zones géographiques: (1) Asie, Australie,

Afrique et Moyen-Orient; (2) Europe; (3) Amérique latine et Antilles et (4) Etats-Unis. La gestion est extrêmement décentralisée dans toutes les exploitations. 34.Cette autonomie administrative se retrouve au niveau de la provenance des capitaux. Le financement de nos activités internationales et de celles de nos filiales étrangères provient de sources extérieures du Canada par voie de dépôts recueillis localement ou sur le marché des Eurodevises. Il n'y a donc pas de "saignée" de capitaux canadiens provenant des dépôts qui nous sont confiés au Québec ou dans le reste du Canada. Elles ne font appel à la société-mère, la Banque Royale du Canada, qu'en ce qui concerne ses talents et sa compétence dans les domaines de l'organisation, des techniques et de la gestion et bénéficient également de sa réputation internationale — facteurs qui prennent leur vraie dimension dans les pays où le développement économique et les structures financières n'ont pas encore atteint leur maturité.

35. L'ampleur des opérations internationales et de la présence de la Banque Royale dans le monde entier rapporte au Canada et au Québec des avantages qui ne se limitent pas à une simple dimension financière. Pour ne citer qu'un de leurs avantages, et non des moindres, elles permettent aux employés canadiens de la Banque, venant du Québec ou d'ailleurs, d'acquérir une expérience plus riche par l'exercice de fonctions dans des postes à l'étranger.

Activités au Canada 36.Au Canada également les activités sont très décentralisées. L'autorité administrative et les décisions de crédit sont très largement déléguées aux structures régionales. La grande majorité des décisions portant sur le service à la clientèle, dans le cadre de programmes, de politiques et de recommandations établis par le Siège social, sont prises au niveau de la succursale ou à un échelon très rapproché, là où les besoins, les conditions, les aspirations et les sensibilités locales peuvent être directement observées et jugées. 37. Les activités de la Banque au Canada sont réparties entre dix districts distincts jouissant d'une grande autonomie et dirigés chacun par un directeur général. Chaque district couvre entre 88 et 196 succursales. Ces districts épousent assez fidèlement le territoire des provinces comme en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Compte tenu de la densité des succursales, les Provinces maritimes sont groupées en un district unique dont la direction est à Halifax. D'un autre côté, l'Ontario a été subdivisée en trois districts. 38. De la même façon, les activités au Québec sont divisées en deux districts, chacune sous la direction d'un directeur général. Ces directeurs généraux relèvent d'un vice-président — Québec qui possède la responsabilité globale de l'exploitation des 226 succursales du Québec. Les bureaux du district du Québec sont installés à Montréal aussi, mais dans un immeuble distinct — qu'on ne doit pas confondre avec le Siège social de la Banque installé dans l'édifice de la Banque Royale à la Place Ville-Marie. Il en est de même pour les bureaux du district de l'Ontario, sis à Toronto. 39. La décentralisation des activités au Canada ne s'arrête pas au niveau du district car chaque district est lui-même divisé en "régions" qui regroupent jusqu'à 40 succursales avec à leur tête un directeur régional. Dans les deux districts du Québec, il y a neuf régions de ce genre. 40. De par sa nature, ce mémoire doit faire une large part à la question de la langue, ou des langues de travail employées au Siège social. Mais à notre avis, une telle discussion serait aride et infructueuse si elle ne s'accompagnait pas d'une connaissance et d'une compréhension profondes du rôle et de la fonction du Siège social, de sa structure et des activités qui y prennent place. Une description sommaire sera donc nécessaire. 41. Le Siège social de la Banque Royale du Canada est en fait sa base d'opérations à l'échelle mondiale.

Sa fonction est de diriger et de gérer la progression et l'exploitation intégrales de l'entreprise aux quatre coins du globe. Comme indiqué précédemment, le volume total des affaires de la Banque est réparti comme suit: 34 pour cent à l'étranger, 56 pour cent au Canada à l'exclusion du Québec, et 10 pour cent au Québec. Il s'ensuit que les catégories d'activités du Siège social reflètent fidèlement la ventilation géographique des opérations bancaires. Mises à part les préoccupations purement internes et statutaires, rattachées par exemple au pouvoir de réglementation du gouvernement fédéral, le travail du Siège social se rapporte dans une proportion de 9 contre 1 aux opérations bancaires et aux marchés de l'extérieur du Québec. 42. Entre parenthèses, on doit noter que certains services spécialisés du Siège social sont situés dans d'autres villes du Canada: à Calgary (Gaz et pétrole), à Winnipeg (Services agricoles) et à Toronto (Service de l'industrie minière, Mise en marché et, en partie, le Service des placements et des marchés monétaires internationaux). De plus, les six centres d'informatique situés dans des villes importantes d'un bout à l'autre du Canada font partie intégrante de la structure du Siège social. Enfin, la structure du Siège social comprend trois Centres Chargex/Visa régionaux situés à Vancouver, Toronto et Montréal. Les centres d'informatique et les centres Chargex/Visa constituent une catégorie spéciale car tout en étant étroitement reliés au réseau et servant l'ensemble du Canada, ils servent également les succursales et les clients de leurs secteurs qui, soit dit en passant, ne correspondent pas toujours à des limites provinciales. 43. Comme indiqué plus haut, la haute direction, les responsables des cinq divisions et leur personnel forment la structure fondamentale du Siège social. Leur travail n'est pas, au sens strict, un travail d'exploitation mais s'associe plutôt aux fonctions générales de direction et de gestion de l'ensemble de la Banque Royale.

44. La haute direction, par exemple, décide des stratégies et politiques globales de la Banque et de ses divisions, sur la base d'études et de recommandations faites par le personnel des différentes divisions. Les éléments classiques et fondamentaux du "management", y compris la planification, la direction, la communication, la surveillance, l'analyse et le contrôle se retrouvent à tous les échelons du Siège social. 45.Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple parmi tant d'autres, on trouve au Siège social du personnel de recherche en commercialisation qui prépare des études portant sur l'orientation du marché et sur les besoins et les désirs des clients actuels ou éventuels. Leurs rapports — ajoutés aux données reçues des cadres régionaux — aident les responsables de la commercialisation à concevoir de nouveaux services bancaires ou à modifier et améliorer ceux qui existent. Une fois que les projets ont été élaborés et approuvés, leur teneur est communiquée — par voie de lettres circulaires ou de révisions apportées aux manuels de directives — aux unités de direction territoriales, par exemple aux directeurs régionaux et aux bureaux de direction des districts en vue de la mise en oeuvre directe, ou par l'entremise du réseau de succursales dans tout le Canada. 46. De même, le Siège social comprend un nombre considérable de spécialistes en méthodes qui analy- sent les besoins en informatique de la Banque, évaluent le rendement des méthodes et du matériel, conçoivent les systèmes et supervisent leur mise en oeuvre et leur exploitation à tous les niveaux de l'ensemble du réseau de la Banque. A un échelon plus élevé de la gestion des systèmes on établit les politiques et stratégies d'ensemble portant sur le degré et le genre d'automatisation pour les services de la Banque. Considérant les interactions multiples et complexes qui prennent place entre les divisions et les autres secteurs de la Banque, ce groupe de spécialistes est indispensable au maintien d'une perspective d'ensemble tout en portant une attention soutenue aux normes et aux méthodes appliquées dans chaque secteur particulier de l'ensemble. 47. Pour ne citer qu'un exemple supplémentaire, le Siège social comprend les responsables du service du personnel chargés du développement et de l'affectation des ressources humaines de la Banque. Ce groupe est responsable de la planification des ressources humaines, y compris les mutations et le placement au niveau des cadres supérieurs. Ici encore, la responsabilité couvre l'ensemble de l'organisation. Dans ce contexte, ils doivent analyser et interpréter les changements qui affectent le personnel de la Banque, se tenir au courant des niveaux de salaire et des avantages sociaux offerts dans les collectivités où la Banque est présente, évaluer les besoins en formation et en perfectionnement du personnel de la Banque, concevoir et proposer, pour l'ensemble de la Banque, de nouvelles politiques et méthodes de gestion du personnel ou modifier celles qui existent déjà. Comme beaucoup d'autres au Siège social, ce groupe se consacre, non pas à la gestion, mais plutôt à l'analyse, à la planification et à l'élaboration de principes. La mise en oeuvre des programmes et des politiques qu'il formule est du ressort, dans notre structure décentralisée, des différents niveaux de gestion et plus particulièrement du bureau du personnel des directions régionales et des directions de district au Canada et à l'étranger. 48. Comme on peut voir d'après les quelques exemples qui précèdent, le travail du personnel du Siège social porte par définition et à très peu d'exceptions près, sur des programmes, des politiques, des méthodes, des stratégies et des solutions globales. Mis à part un personnel de service très limité comme par exemple celui de la cafétéria, il est difficile en ce qui a trait au personnel du Siège social, d'associer un groupe particulier à une province déterminée, à un district bancaire ou à un pays étranger.

Langue de travail au Siège social 49. En raison du travail effectué par le Siège social, c'est-à-dire questions concernant la Banque dans son ensemble, planification d'ensemble, relations avec tous les services, transactions sur le marché financier international, comme nous l'avons expliqué précédemment, il est tout à fait évident que, non seulement, la principale langue de travail au Siège social doit être l'anglais, mais que pratiquement tous les postes dans les différents services nécessitent une bonne connaissance de cette langue. Comme le Siège social gère et dirige un système très étendu, il est indispensable, pour des raisons d'efficacité, qu'il reflète l'ensemble du système et du marché en ce qui concerne la langue. Il y a certes des régions géographiques où des employés et des clients utilisent d'autres langues que l'anglais (notamment l'espagnol et le français), mais il n'en reste pas moins que l'anglais demeure la langue la plus répandue dans tout le réseau. 50.Cela ne veut pas dire cependant que seul l'anglais est et doit être utilisé au Siège social. En premier lieu, il n'y a jamais eu et il ne pourra y avoir de directives ou de politiques interdisant que les employés, à n'importe quel échelon, communiquent entre eux en français, que ce soit pour des

raisons personnelles, à titre officieux ou pour leur travail. En fait, les principes directeurs sont le pragmatisme, la commodité et la courtoisie. En second lieu, la Banque a depuis longtemps comme politique de produire presque toutes les formules destinées aux clients, les rapports d'intérêt public et autres dans les deux langues officielles du Canada. Ainsi, les documents émis par le Siège social à l'intention des employés, les communiqués de presse, le matériel publicitaire, le rapport annuel et autres documents destinés aux actionnaires sont, naturellement, publiés en anglais et en français depuis longtemps. Cette forme de bilinguisme institutionnel s'étend, par exemple, à la politique relative au courrier que le public adresse au Siège social; les réponses sont rédigées dans la même langue que les lettres. 51. Un autre facteur important doit être mentionné. Ainsi qu'il a déjà été dit, dans ce document, de nombreux postes au Siège social de la Banque sont remplis, suivant le mérite, l'expérience et la compétence, par des cadres qui sont nés et ont étudié dans d'autres provinces du Canada (ou à l'étranger) et qui ont vécu dans d'autres régions pendant la plus grande partie de leur carrière à la Banque Royale. Un pourcentage élevé de ceux-ci n'a pas eu, malheureusement, l'occasion d'acquérir une bonne connaissance de la langue française et nombre d'entre eux, lorsqu'ils sont affectés au Siège social, ont atteint un âge où il leur serait extrêmement difficile de se remettre à l'étude du français, compte tenu des lourdes responsabilités de leurs fonctions. Comme il a été énoncé ailleurs dans ce mémoire, l'âme d'une entreprise réside dans sa liste d'employés talentueux, compétents et expérimentés. Par conséquent, la Banque considère qu'il est absolument essentiel pour soutenir la concurrence et assurer sa survivance de pouvoir recruter le personnel nécessaire pour son Siège social parmi toutes les personnes compétentes de son réseau international. 52. Les impératifs ci-dessus se reflètent dans les connaissances linguistiques que possède le personnel du Siège social de la Banque. A Montréal, le Siège social compte au total 2 158 employés (ce chiffre ne comprend pas le personnel des services du Siège social situés dans d'autres régions du Canada). De ce nombre, quelque 1 200 peuvent être considérés comme des "cadres", c'est-à-dire qu'ils occupent des postes équivalents ou supérieurs à celui de contremaître selon le classement du secteur industriel. Parmi ces cadres, environ 98 pour cent parlent l'anglais couramment, 18 pour cent le français et 25 pour cent ont indiqué qu'ils possèdent une connaissance du français comme langue de travail. Ainsi, un total de 43 pour cent déclare posséder au moins une connaissance d'usage du français. De tous ces employés (2 158) du Siège social à Montréal, 94 pour cent parlent l'anglais couramment alors qu'environ 22 pour cent ont une parfaite maîtrise du français. De plus, 27 pour cent affirment posséder une connaissance d'usage du français de sorte que 49 pour cent au total indiquent qu'ils possèdent au moins une connaissance d'usage de cette langue.

53. Ainsi qu'il a déjà été mentionné, le Centre d'informatique de Montréal et le Centre Chargex de l'est constituent, bien qu'ils fassent partie officiellement du Siège social, des cas spéciaux du fait qu'ils font affaire directement avec les succursales et les clients de leur région, en plus d'effectuer les tâches internes qui sont de leur ressort. 54. Le Centre d'informatique de Montréal, par exemple, dessert non seulement les directions générales du Québec mais aussi les succursales du Québec, d'Ottawa et de l'est de l'Ontario. Il effectue en outre le traitement des comptes Chargex pour l'est de l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve. Enfin, ce centre traite le volume considérable des données du Siège social à Montréal, y compris les transactions et la comptabilité générale relatives aux opérations internationales. 55. Encore une fois, les connaissances linguistiques du personnel du Service de l'informatique reflètent le genre de travail effectué et les relations avec les marchés desservis, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la Banque. Des 545 employés du service, 74 pour cent parlent l'anglais couramment, environ 46 pour cent le français et 19 pour cent soutiennent posséder une connaissance d'usage du français. Ainsi, un total de 65 pour cent déclare avoir au moins une connaissance d'usage de cette langue. 56. Bien que le Centre Chargex-Visa de l'est soit situé à Montréal, il traite avec les succursales et les commerçants et, ce qui est plus important, avec les titulaires de la carte Chargex-Visa de l'est de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l'Ile-du-Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve. Il comprend une section des autorisations avec laquelle les commerçants de toutes ces régions communiquent par téléphone ainsi qu'un service à la clientèle qui se charge de répondre à toutes les demandes de renseignements faites par téléphone ou envoyées par la poste par les titulaires de la carte Chargex de tout le territoire desservi.

57. Là encore, les exigences de la composition du marché prédominent en ce qui concerne les connais- sances linguistiques du personnel du Centre Chargex-Visa. Des quelque 180 employés du centre, environ 64% parlent l'anglais couramment, 89% le français et 7% soutiennent avoir une connaissance d'usage du français. Au total, 96% des employés déclarent posséder au moins une connaissance d'usage du français.

Contexte social 58. A l'ère des communications électroniques, on ne saurait affirmer que l'emplacement géographique du siège social d'une banque constitue, théoriquement, un facteur essentiel; par contre, le milieu communautaire dans lequel celle-ci évolue revêt une importance capitale pour assurer son efficacité. Au siège social, on retrouve entre autres des gens qui se sont élevés dans l'organisation grâce à l'expérience qu'ils ont acquise et à la grande compétence dont ils ont fait preuve au sein du réseau bancaire. Aussi est-il indispensable que ces employés mutés et leur famille bénéficient dans leur nouvelle communauté d'un milieu économique, culturel et scolaire dans lequel ils peuvent vivre agréablement. 59. Il est par conséquent crucial que les enfants de ces employés aient la possibilité de recevoir un enseignement en langue anglaise, la langue de la majorité des familles concernées. De même faut-il que ces personnes aient accès aux services de l'administration publique dans leur propre langue et qu'elles aient l'opportunité de participer aux affaires civiques et communautaires en anglais. 60. Si la Banque ne pouvait offrir à ces personnes clés le milieu accueillant dont elles ont besoin pour évoluer dans la communauté où est situé le siège social, il serait à notre avis extrêmement difficile, voire impossible, de les recruter au sein du réseau pour procéder aux mutations et aux promotions nécessaires à la bonne administration du Siège social. Une telle situation bouleverserait de façon inacceptable les plans d'affectation au Siège social des membres du personnel du réseau qui possèdent les aptitudes et l'expérience voulues. L'affectation de personnel au Siège social serait en effet limitée à une fraction des employés qui appartiennent au système bancaire, ou encore la grande majorité de ceux qui aspirent à des postes de la haute direction se verraient imposer des exigences linguistiques irréalistes. 61. A la lumière de ce qui précède, la Banque ne se trouve aucunement intransigeante lorsqu'elle dé- clare qu'elle entend déployer tous les efforts nécessaires, dans le cadre du processus de perfectionnement de son personnel de direction, pour conserver sa faculté de muter ses employés clés au Siège social ou à ses autres bureaux. L'importance de maintenir le fonctionnement efficace et d'assurer la continuité du Siège social comme cerveau de direction est telle que l'on peut considérer cette responsabilité de la haute direction de la Banque comme l'une des plus cruciales qu'elle doit assumer. A vrai dire, ce n'est pas une question de choix, mais une question de nécessité.

Apport du siège social à la collectivité 62. Les sièges sociaux établis à Montréal apportent à la métropole et au Québec une contribution éco- nomique et sociale d'importance: par la création d'emplois dans tous les secteurs du marché du travail, par l'augmentation sensible du volume d'affaires des cabinets professionnels, des commerçants, des restaurants, etc., et par la participation bénévole d'un bon nombre d'employés à des oeuvres de charité, à des organisations sportives et à des sociétés d'assistance sociale. 63. Le Siège social de la Banque Royale du Canada à Montréal compte à son emploi 2158 personnes.

Ces employés payent leurs impôts au Québec et y dépensent leur salaire en biens et en services. L'argent qu'ils dépensent amène la création d'emplois et autres avantages économiques. Par leurs dons, ils apportent leur soutien aux organisations de charité et organismes sociaux de leur localité. Ils consacrent une partie de leur temps à l'administration d'écoles, de collèges, de services sociaux, de groupes sportifs; bref, de tous genres d'organisations qui dépendent du bénévolat pour survivre. 64.Outre ce qui précède, il convient de rappeler les bénéfices que tirent des centaines de magasins ou commerçants locaux — leurs employés et leurs propres fournisseurs, notamment les entreprises de taxis, les restaurants, les hôtels, les imprimeurs, les peintres et les experts-conseil. Le Siège-social loue des locaux, achète des fournitures et du matériel, utilise de nombreux services di-

vers et paie un montant considérable de taxes et d'impôts. Les dépenses annuelles totales sont de l'ordre de $75 à $100 millions. Si l'on considère, sans exagération, que chaque dollar engendre une activité économique deux ou trois fois supérieure à son montant, on peut dire que notre Siège social produit chaque année au Québec une activité économique qui se chiffre aux alentours d'un quart de milliard de dollars. 65.Ces dépenses du Siège social sont alimentées par les quelque 90 pour cent de nos activités bancai- res mondiales qui s'exercent à l'extérieur du Québec, plus les quelque 10 pour cent de nos activités au Québec. 66.Le fait que notre Siège social soit situé à Montréal a contribué fortement au développement d'importan- tes sociétés ayant besoin de ressources financières et techniques internationales. Un personnel compétent est disponible sur place pour aider et conseiller ces clients et pour permettre à leur disposition nos services à l'échelle mondiale. 67.L'un des effets secondaires de la présence de notre Siège social a été le lancement à Montréal de notre initiative sur le plan des "succursales communautaires". Ce projet, basé sur une approche originale, vise à mettre les services bancaires à la portée des économiquement faibles qui n'avaient jamais auparavant pensé pouvoir bénéficier des services d'un établissement qui s'identifiait si étroitement aux classes moyennes. Le projet pilote a été entièrement conçu par le Siège social. La première succursale communautaire fut établie dans un secteur francophone défavorisé du centre-est de Montréal. Après cet essai, couronné de succès, d'autres succursales du même genre ont été implantées dans les quartiers défavorisés de Toronto, Winnipeg et Vancouver. Toutes ces succursales fournissent à leurs clients — des assistés sociaux pour la plupart — des services adaptés à leurs besoins particuliers et assortis de conseils utiles pour leur aider à établir un budget. Auparavant, ces clients étaient souvent la proie d'usuriers et autres éléments criminels. Ce n'est que grâce à la présence du Siège social ici que les francophones ont les premiers bénéficié de ce service car cette initiative a été entièrement réalisée par une équipe du Siège social avant que son administration ne soit confiée à la Direction régionale du Québec. On peut donc affirmer que la présence des sièges sociaux à Montréal favorise la mise sur pied de projets pilotes dans divers domaines, et ces initiatives voient d'abord le jour au Québec plutôt qu'ailleurs. 68. De par les antécédents historiques, la taille et les ramifications de l'entreprise, l'impact de la situa- tion à Montréal du Siège social de la Banque Royale du Canada est clairement évident. Pendant les soixante-dix ans qui se sont écoulés depuis le transfert de notre Siège social de Halifax à Montréal, la métropole n'a pas cessé d'attirer population et industries. Elle a été à l'échelle du monde un foyer d'activité financière. Cette stature a été acquise en partie grâce à la dualité des langues et des cultures qui individualise et distingue le Québec du reste de l'Amérique du Nord; s'y ajoutent un cachet cosmopolite et une présence de l'Histoire que l'on rencontre très rarement ailleurs. Le Siège social de la Banque Royale et ceux d'autres compagnies ont bénéficié de cette situation spéciale et y ont largement contribué en assurant la mobilité du personnel entre le Québec, le reste du Canada et les pays étrangers.

District du Québec 69. Comme nous l'avons déjà signalé au chapitre consacré à l'organisation de la Banque, nous établis- sons une nette distinction entre l'activité du District du Québec et celle du Siège social, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous les autres districts et régions au Canada. Le district du Québec est placé sous la direction d'un vice-président qui assume l'entière responsabilité de l'exploitation des 226 succursales situées au Québec. Le vice-président est secondé par deux directeurs généraux, chacun dirigeant un district. Poussant plus loin sa volonté de décentraliser le pouvoir de décision, la Banque a regroupé les succursales en régions à la tête desquelles se trouvent des directeurs régionaux. 70. Puisque les décisions courantes qui touchent les services offerts par les succursales relèvent de la direction régionale, il est tout à fait logique que la Banque exerce son activité en collant à la réalité socio-économique des diverses communautés québécoises, comme elle le fait partout ailleurs.

Récente évolution de la société francophone du Québec 71.Le vaste réseau de succursales des banques les met en contact constant avec toutes les communau- tés du pays. La Banque Royale ne fait pas exception à cette règle. Comme l'activité bancaire consiste fondamentalement à rechercher les possibilités d'offrir des services utiles et profita-

blés, de même que les moyens de placer localement les fonds des dépôts, la Banque Royale s'est trouvée à créer un réseau de communication qui, sans avoir une existence officielle, est sensible au milieu. Par la présence de ses succursales locales dans les différentes régions, la Banque est donc à même, au Québec comme partout ailleurs au pays, de bien sentir les divers courants de la vie socio-économique, de s'en former une vue globale et de saisir l'ampleur de l'évolution. Elle est d'autant plus sensibilisée car elle recrute localement le personnel employé au Québec, dont la majorité d'origine québécoise francophone vit au sein de la collectivité. 72. Il s'ensuit que la Banque Royale est non seulement parfaitement au courant des changements fon- damentaux et irréversibles que la société québécoise a connus au cours des vingt dernières années, mais qu'elle les a vécus. Elle a vécu et a participé par l'entremise de ses employés à la transformation d'une société en grande partie agraire, contemporaine, industrielle et urbaine. En cours de route, nous avons constaté que cette société francophone, qui ne possédait aucune tradition établie de longue date quant aux affaires, devenait de plus en plus active. Dans les domaines de la technologie et des affaires de l'économie québécoise, elle développait des aptitudes professionnelles de haut calibre. Il est donc évident que tout en continuant de demeurer attachés à l'héritage reçu d'une société traditionnelle, nos clients et employés francophones, n'en rejettent pas moins nombre d'aspects. Ils entendent modeler leur vie actuelle et leur avenir en tenant compte des nouvelles conditions socio-économiques tout en préservant leur identité culturelle. La connaissance des besoins des diverses communautés a permis à la Banque d'enregistrer un succès égal dans toutes les régions. C'est cette connaissance qui lui a également permis de prendre conscience du nouveau contexte du Québec. 73. Beaucoup, les uns se laissant guider par l'émotion et les autres par l'objectivité, se sont interrogés sur la viabilité du Québec comme société moderne. Il y a d'un côté, ceux qui déclarent que le Québec a connu un développement prodigieux, en particulier après la venue au pouvoir de l'équipe Lesage qui a marqué l'avènement de la Révolution tranquille des années 60, et qui soutiennent qu'il s'agit d'une société industrielle des plus viables ayant un potentiel aucunement inférieur à celui des autres principales régions du Canada. De l'autre côté, se trouvent ceux pour qui la croissance du Québec a subi un ralentissement ou tout au moins a adopté une mauvaise orientation. Non seulement cette divergence d'opinions a rendu difficile la définition des problèmes du Québec, mais elle a aussi entraîné la recherche de solutions qui semblent ignorer les progrès indiscutables de l'économie et de la culture québécoise ou en minimiser la vitalité. 74. Le caractère propre du développement du Québec est la résultante de facteurs historiques qui le distinguent nettement du reste du pays. Les analyses du développement économique du Canada doivent faire entrer en ligne de compte les traits fondamentaux de son passé et de son présent. Ces faits sont les événements qui ont marqué ses débuts, l'origine sociale des premiers colons, les effets traumatisants de la conquête et de l'établissement du régime britannique. Il faut aussi y englober l'origine des droits linguistiques et culturels accordés aux Canadiens français peu après la conquête et au moment de la Confédération. 75.Toutefois, l'industrialisation et l'urbanisation ont eu au Québec un rôle modernisateur aussi impor- tant que dans les autres sociétés issues d'un système agraire. Le phénomène a provoqué non seulement un déplacement de population, mais aussi un bouleversement des modes de vie et des structures sociales liés à la société traditionnelle. La laïcisation a elle aussi joué un rôle transformateur en réduisant le pouvoir de l'une des principales sources d'autorité. De même, les changements profonds apportés dans le secteur de l'éducation pendant la Révolution tranquille des années 60 ont pesé de tout leur poids en fournissant à la nouvelle société québécoise les compétences et les talents dont elle avait besoin. 76. La société québécoise réunit toutes les caractéristiques d'une société moderne qui peuvent être mesurées par les instruments de référence habituels tels que production, consommation, éducation et réalisations scientifiques, technologiques, commerciales, industrielles et artistiques. La Banque est bien placée pour évaluer d'une façon particulière le dynamisme que représente dans la communauté financière un mouvement unique en son genre, comme les caisses populaires. L'esprit d'innovation qui les anime en fait des concurrents redoutables. 77. Nous avons aussi eu l'occasion non seulement d'apprécier les nombreuses réalisations d'entreprises francophones, mais aussi d'y contribuer; nous avons d'ailleurs été témoins des succès remarquables accomplis dans le domaine de la technologie de pointe, notamment en matière de transport d'énergie électrique. C'est ainsi que nous avons partagé avec nos clients et nos employés québécois la fierté devant des projets comme ceux de l'Hydro-Québec, de la Manic de la Baie James pour ne citer que ceux-là.

78. De même, nous avons pu utiliser dans les centres vitaux de notre activité au niveau du District au

Québec la compétence de diplômés d'établissements francophones tels que l'Université Laval et l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales ou encore de personnes formées dans les institutions financières du Québec. 79. Il est indéniable que comme citoyens, les Québécois francophones, qui veulent marcher avec leur époque, aspirent au changement et en ressentent le besoin et n'accepteront pas que leur société reste immuable. Bien qu'un certain penchant pour l'isolement et le repli sur soi ait sans conteste joué dans le passé en faveur de la sauvegarde de l'héritage francophone, il n'en est pas moins vrai qu'aujourd'hui, par suite de l'avènement d'un contexte socio-économique très différent, de nouvelles valeurs, préoccupations et priorités ont vu le jour. Les Québécois, comme les membres de toutes les autres sociétés modernes, veulent résoudre le problème que leur pose le choix entre la restauration ou le remplacement de traditions ébranlées par le changement. Non seulement partagent-ils avec les citoyens des autres sociétés un désir impatient d'obtenir des réponses immédiates et définitives, mais aussi un sentiment contradictoire en face de l'industrialisation et de l'urbanisation grâce auxquelles le niveau de vie a augmenté, mais qui leur valent des préoccupations analogues aux autres sociétés modernes au sujet de la qualité de la vie, de la préservation de l'environnement et de la disponibilité des ressources. 80. Bien qu'une telle opposition soit aussi évidente dans d'autres régions du Canada, l'héritage culturel et linguistique des francophones y ajoute une autre dimension. La présence d'un grand nombre d'anglophones dans les zones industrielles du Québec a exacerbé les craintes d'assimilation à la culture anglophone qui a longtemps offert l'occasion d'avancer plus rapidement. Par un réflexe compréhensible de défense, la société francophone a été amenée à concentrer ses efforts sur la question de sa survie culturelle. C'est pourquoi le nationalisme québécois tend à associer les objectifs économiques et culturels, ce qui donne à la modernisation de la société québécoise un caractère particulier.

Division du Québec 81. La présence de la Banque Royale au Québec remonte aux premières années de sa création. Elle a ouvert sa première succursale à Paspébiac en 1885. En septembre 1887, elle installait sa première succursale à Montréal. En 1905, le Conseil d'administration passa de 5 à 7 membres pour permettre à 2 Montréalais d'en faire partie, car il prenait conscience du fait que l'expansion de la Banque exigeait de plus en plus que Montréal, où se trouvait déjà le directeur général, devint un centre de décision de l'entreprise. En 1907, le centre des affaires s'étant déplacé vers Montréal, le Siège social de la Banque Royale quittait Halifax pour s'installer à Montréal. 82. A cette époque, la Banque comptait déjà 7 succursales au Québec. Vingt ans plus tard, on en dé- nombrait 77. Ce chiffre englobe les 35 succursales ouvertes au cours du XIXe siècle par la Banque de Québec dont la Banque Royale fit l'acquisition en 1917. De nouvelles succursales de la Banque furent ouvertes dans plusieurs villes importantes, notamment à Sherbrooke en 1910, Saint-Jean en 1913, Joliette et Granby en 1919, Drummondville en 1920, Chicoutimi en 1925 et Saint-Hyacinthe en 1929. 83. En 1928, la Banque Royale établissait son Siège social dans un nouvel immeuble de 23 étages situé au 360, rue Saint-Jacques, longtemps considéré comme un modèle d'architecture qui a fait la fierté des quartiers d'affaires des villes canadiennes. 84. La croissance économique de l'après-guerre a amené la Banque Royale à rechercher pour son Siè- ge social des locaux plus vastes. Inaugurant le nouveau quartier des affaires du boulevard Dorchester, la Banque installait en 1962 les locaux de son nouveau Siège social dans le complexe de la Place Ville-Marie.

Clientèle du district du Québec 85. Aujourd'hui la Banque Royale exploite 226 succursales dans le cadre de sa division du Québec, fournissant un éventail complet de services bancaires aux Québécois. La dernière étude, effectuée en 1974, sur la répartition linguistique de notre clientèle révèle qu'elle se compose de 51% de francophones, 44% d'anglophones et 5% d'allophones. Ces taux s'appliquent aussi au secteur des comptes particuliers. En ce qui concerne le secteur des comptes d'affaires, la composition varie selon le domaine; par exemple, les organismes tels que le gouvernement provincial, les municipalités et les commissions scolaires sont majoritairement des clients francophones (66%) tandis qu'on retrouve une situation inverse dans le secteur industriel (clients anglophones à 66%). La clientèle des petites et moyennes entreprises se partage presque également entre francophones et anglophones.

86. Tel que c'est le cas pour les autres régions de son réseau, la Banque Royale s'est de longue date attachée à posséder et à développer les moyens lui permettant de servir ses clients du Québec dans la langue de leur choix. Dès ses débuts au Québec la Banque mettait à la disposition de ses clients des formules légales, telles que les chèques, bordereaux de dépôt et autres imprimés, rédigées en français et au cours de la dernière décennie des progrès importants ont été accomplis dans le processus de francisation.

Personnel de la division du Québec 87. Le District du Québec a un effectif de 4,822 personnes dont 76% parlent couramment français tandis qu'un taux supérieur soutient en avoir une connaissance d'usage (88%). Quant aux anglophones unilingues, ils représentent 12% de l'effectif total. 88. La grande majorité des employés qui ont directement affaire à la clientèle parlent couramment fran- çais dans une proportion de 81%, et ce taux atteint 92% si l'on tient compte du personnel ayant une connaissance d'usage de cette langue. Autrement dit, les employés capables de servir les clients en français se répartissent comme suit:

Connaissance Maîtrise d'usage

Directeurs/rices de succursale 80% 6%

Directeurs/rices de succursale adjoints 74 11

Caissiers/ères 79 14

Préposés/es au crédit à la consommation 93 5

Dans le groupe des personnes qui traitent directement avec la clientèle, 54.5% parlent couramment anglais. Etant donné que quelque 44% de nos clients du District du Québec utilisent l'anglais pour effectuer leurs transactions, la Banque Royale se doit de pouvoir offrir à ses clients des services dans la langue de leur choix. 89. Cependant, l'activité interne du District se déroule essentiellement en français. L'étendue de nos ressources en langue française au niveau du District au Québec peut être illustrée par les quelques précisions suivantes: a) le vice-président qui dirige le District du Québec et les deux directeurs généraux qui sont à la tête de deux unités administratives sont des francophones; b) le personnel de la Direction générale du District de Québec est composé dans une proportion de 83% d'employés bilingues ou dont la langue première est le français, et le taux est porté à 92% si l'on englobe les employés qui soutiennent avoir une connaissance d'usage du français. Les anglophones unilingues représentent 8% de l'effectif. Des deux unités administratives que compte le District du Québec, l'une est intégralement francophone et exerce son autorité sur cinq des neuf groupes régionaux de succursales de la province. L'autre compte une proportion importante d'anglophones qui traduit la répartition linguistique de sa clientèle; c) L'ensemble des succursales est comprise dans une proportion de 76% d'employés bilingues ou dont la langue première est le français. Ce taux est porté à 89%, si l'on y ajoute les employés qui soutiennent avoir une connaissance d'usage du français. Les anglophones unilingues représentent 11%. Cependant, il convient de noter que les employés de langue anglaise se retrouvent principalement à la succursale principale de Montréal et dans le centre et l'ouest de la métropole, ce qui reflète encore une fois la répartition linguistique de la clientèle. Cinq des neuf groupes régionaux, dont les succursales sont situées dans les autres secteurs de Montréal que ceux mentionnés ci-dessus, comptent un personnel bilingue ou d'expression française dans une proportion de 94%. Les anglophones unilingues travaillant dans ces succursales représentent 6% de l'effectif; on les retrouve dans quelques succursales établies dans des milieux où l'on compte un nombre important de clients d'expression anglaise, notamment au 360 ouest, rue Saint-Jacques, à l'angle de l'avenue Mont-Royal et du boulevard Saint-Laurent et à l'angle des avenues Laurier et du Parc. 90. Sur les 4,822 employés du District du Québec, 1,170 peuvent être considérés comme cadres, c'est- à-dire qu'ils exercent des fonctions équivalentes aux niveaux "contremaîtres et postes supérieurs" du secteur industriel. Ce personnel de maîtrise compte 969 personnes qui parlent fran-

çais couramment (83%) et 7% qui soutiennent en avoir une connaissance d'usage. Les employés parlant français se répartissent assez également dans l'ensemble, entre les différents niveaux administratifs de ce groupe, les taux extrêmes se situant à 67% et 94% et les taux moyens, qui sont de loin les plus généraux, variant entre 80% et 90%. Au niveau des cadres supérieurs et d'un échelon immédiatement au-dessous, les taux atteignent respectivement 83% et 80%.

Francisation 91. Dès le début des années 60, la Banque a jugé qu'il était important d'offrir à son personnel franco- phone dans sa propre langue les manuels traitant de la gestion du personnel, des règlements de l'entreprise et des diverses règles et techniques d'exploitation. Au cours des années suivantes, les diverses formules et instructions et d'autres manuels ont été traduits de sorte que la presque totalité des outils de fonctionnement utilisés dans les succursales du Québec existent aujourd'hui en français. De plus, pour répondre aux exigences actuelles de la fonction bancaire il nous faut informer constamment et quotidiennement notre personnel, ce qui entraîne l'émission d'environ 1,200 circulaires, soit à peu près 2,000 pages par an qui sont publiées dans les deux langues. 92. La traduction en français de la documentation s'est effectuée comme suit: Sur les 5 990 pages tra- duites à partir de 1965 et portant sur les manuels, instructions et circulaires permanentes, 740 l'étaient à la fin de 1974, 3 865 à la fin de 1975, 4 605 à la fin de 1976 et 5 516 en avril 1977. Sur les 474 pages restantes, 301 sont en cours de traduction et 173 ont un contenu qui est périmé ou doit être révisé avant d'être traduit. 93. En outre, depuis novembre 1974, un certain nombre de nouveaux programmes d'importance comportant une volumineuse documentation ont nécessité la traduction de plusieurs milliers de pages supplémentaires. En ajoutant à ces diverses sources de référence utilisées dans le cadre normal de notre activité, les projets nouveaux qui se succèdent à un rythme constant, on s'aperçoit qu'il existe, en matière de traduction, une forte demande, laquelle est en grande partie satisfaite par notre propre service. 94. L'adaptation et la traduction des nombreux textes utilisés dans la Banque ne peuvent naturellement être effectuées qu'à condition de disposer du vocabulaire et de la terminologie qui conviennent. La Banque Royale s'est intéressée à ce domaine quelques années avant l'apport du gouvernement du Québec. Elle publiait dès 1966 un "Vocabulaire anglais-français de termes bancaires", qui, si modeste qu'ait été l'initiative, n'en demeure pas moins un vocabulaire qui a été, avons-nous lieu de croire, le premier du genre publié dans le monde. Quelques années après, dans le cadre de son action en matière de terminologie, l'Office de la langue française entreprenait avec le concours de représentants des banques, dont un délégué de notre entreprise, une étude des termes bancaires et financiers. A l'issue des travaux, l'Office publiait un lexique substantiel. La Banque Royale remplaça alors son propre lexique par une version abrégée très utile (32 pages) du lexique officiel. Ce lexique de poche est largement utilisé dans nos succursales au Québec et est aussi offert au public. 95. La traduction de nos textes ne représente que l'un de nos efforts visant à adapter l'aile québécoise d'une entreprise d'envergure mondiale aux réalités du Québec contemporain. Il y a une quinzaine d'années nous avons entrepris une première tournée des universités pour y recruter des diplômés en administration des affaires parmi les jeunes qui de plus en plus nombreux sortaient de l'Université Laval, de l'Ecole des hautes études commerciales et de l'Université de Sherbrooke. Plus tard, lorsque les CEGEP furent établis, nous avons commencé à y recruter des candidats, si bien que, au cours des dernières années, ces établissements ont placé chez nous annuellement de 85 à 100 de leurs diplômés. 96. De plus, nous ne nous sommes pas contentés de restreindre les possibilités de promotion à ceux et celles qui ont la chance de poursuivre leurs études au-delà du niveau secondaire. En 1962, la Banque offrait des bourses aux candidats particulièrement prometteurs qui étaient entrés à son service après leurs études secondaires, en vue de leur permettre de fréquenter l'université tout en continuant de recevoir leur salaire et de bénéficier des avantages sociaux, la seule condition étant de revenir travailler à la Banque durant les vacances d'été. Douze diplômés francophones ayant bénéficié de ce régime occupent actuellement des postes de direction tandis que trois autres boursiers poursuivent leurs études. 97.Au cours des deux dernières années seulement, 337 employés francophones ont pris part aux pro- grammes de formation des cadres de la Banque Royale; sept ont assisté à des séminaires de

perfectionnement des cadres dirigeants organisés par l'American Management Association et le Centre international de recherche et d'études en management (CIREM) dont les cours sont offerts en français. La Banque Royale est l'un des organismes qui ont contribué financièrement à la création du CIREM à Montréal. La Banque offre aussi à ses employés, par l'entremise du programme de l'Institut des banquiers canadiens, l'occasion de suivre des cours du soir donnés dans des universités canadiennes. Pour l'année universitaire écoulée, 514 employés, dont 398 francophones, ont suivi cet enseignement professionnel au Québec. 98. Les progrès accomplis par la Banque dans le domaine de la francisation de son activité au Québec au cours des années, sont quelque peu difficiles à évaluer, faute de pouvoir s'appuyer sur des données concrètes remontant à cinq ou dix ans. Il est toutefois évident que les choses ont changé radicalement durant ce laps de temps. Indépendamment des statistiques précédentes sur la traduction française de la documentation, on peut établir une comparaison éloquente: en février 1973, 84 employés occupant des postes de direction, soit 46% de l'effectif total du district du Québec, étaient d'origine canadienne-française; en mai 1977, ce chiffre passait à 202, soit 76% de l'effectif.

Possibilités d'avancement des employés francophones 99. L'accroissement des possibilités d'avancement offertes aux francophones, doublé de l'intérêt plus marqué de ceux-ci pour une carrière bancaire, a eu pour effet d'augmenter les promotions de ces employés au sein de notre entreprise. Au cours de la dernière décennie, le nombre de francophones occupant des postes de cadres supérieurs et intermédiaires au Siège social (salaires de $25 000 et plus), dans notre Service international et notre division du Québec est passé de 7 à 74. En d'autres termes, alors que le nombre de cadres à ces niveaux augmentent 3.8 fois, le nombre de francophones accédant à ces postes de responsabilité augmentait près de 10.6 fois. 100. Dans ce même contexte d'une participation accrue de francophones dans le monde des affaires, l'on remarque dans les milieux anglophones du Canada une conscience croissante de la néces-cité et des avantages de ce mouvement. L'un des points les plus positifs de cette évolution a été de mettre en évidence la désuétude face au nouveau contexte québécois de notions entretenues par les anglophones selon lesquelles ils se croyaient les seuls à pouvoir s'imposer dans le monde des affaires, ou à rechercher carrière dans ce domaine. Il est donc évident que les francophones désireux de s'intégrer au monde des affaires verront les grandes sociétés prêtes à les aider à s'intégrer dans l'entreprise. 101. Un certain nombre de facteurs exercent une influence sur les possibilités d'avancement des franco- phones à des postes supérieurs au sein de la Banque. Le facteur temps est un élément important. Comme nous l'avons indiqué précédemment la formation d'un cadre supérieur de la Banque Royale a pris généralement dans le passé un peu plus de vingt ans et a nécessité une expérience professionnelle étendue. En raison des conditions du contexte social et de la mentalité qui prévalaient il y a vingt ans, les francophones ont été sous-représentés aux échelons supérieurs de la Banque. Cependant, le nombre de francophones appelés à accéder à ces postes représente actuellement une plus juste proportion. De plus, le monde des affaires évolue à un rythme tellement accéléré que le temps de formation permettant d'occuper des postes supérieurs s'est nettement raccourci tandis que l'âge moyen des nouveaux cadres supérieurs a baissé. Considérés dans leur ensemble, tous ces éléments laissent prévoir que dans un proche avenir, les francophones joueront pleinement leur rôle aux postes les plus élevés de la direction de la Banque. 102.Un autre facteur important réside dans le cheminement que doivent suivre les employés compétents pour parvenir à des postes supérieurs. La Banque fonde ses critères de promotion essentiellement sur le mérite, la compétence et l'expérience. Les faits autant que le simple bon sens prouvent que toute promotion qui s'appuie sur des considérations d'ordre ethnique est non seulement injuste et discriminatoire, mais aussi stérile à longue échéance. C'est en somme rendre un mauvais service à la Banque, à ses clients et aux intéressés eux-mêmes que de confier des responsabilités à des personnes qui ne possèdent pas encore la compétence voulue pour les assumer. 103. Il a été déjà signalé dans ce mémoire que l'expérience requise pour occuper un poste supérieur exige de son titulaire qu'il accepte d'être affecté dans différentes régions et d'assumer des fonctions diverses. Sur ce point, un certain nombre de facteurs semble désavantager les Québécois francophones dont, paradoxalement, la francisation accélérée de l'activité de la Banque au Québec. C'est ainsi que le phénomène de la francisation a créé une situation telle que les

cadres francophones hautement compétents sont tellement utiles au Québec qu'il est devenu impossible de les nommer hors de la province à des postes supérieurs leur permettant d'accroître leurs compétences. Même si cela représente pour eux un avantage à court terme, il peut, dans certains cas en résulter un désavantage à long terme du fait qu'ils se trouvent empêchés de diversifier leur expérience dans d'autres secteurs, ailleurs au Canada et dans le monde, comme par exemple l'industrie céréalière dans les Prairies, l'industrie du pétrole et du gaz en Alberta, l'industrie de la pêche sur les côtes est et ouest du pays, sans parler des affectations à l'étranger. 104. Il convient aussi de mentionner l'absence déplorable d'établissements d'enseignement francopho- nes dans toutes les régions du Canada, à l'exception de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Dans certains cas, cette lacune a amené des employés francophones pleins d'avenir à refuser des affectations nécessaires à l'évolution de leur carrière hors du Québec pour des motifs d'ordre familial parfaitement compréhensibles. 105.Toutes ces contraintes n'ont cependant pas empêché la Banque de mettre l'accent sur le perfec- tionnement des employés francophones et de s'attacher à leur offrir toutes les possibilités d'acquérir l'expérience nécessaire à l'accession aux postes supérieurs. C'est ainsi qu'actuellement 13 francophones exercent des fonctions au sein du réseau international de la Banque à l'extérieur du Canada. 106. Lors du recrutement de notre personnel, nous avons observé que de jeunes Canadiens désirant faire une carrière internationale découvrent vite qu'il existe peu d'entreprises où les décisions majeures sont prises dans leur propre pays, plutôt qu'à New York, Chicago ou Londres. La Banque Royale est l'une des rares sociétés accessibles à ces jeunes gens dont les décisions sont prises au Canada. 107. Dans l'ensemble, il n'y a pas de doute que les perspectives d'une croissance de la présence des

Québécois francophones aux niveaux supérieurs de la Banque, y compris le réseau international, sont excellentes. Dès lors que les politiques de la Banque en matière de recrutement de formation et de promotion au sein de son réseau sont libres de toute intention discriminatoire, on peut certainement présumer qu'avec des compétences égales les francophones seront appelés à jouer, à tous les niveaux de notre institution, un rôle conforme à leur représentation linguistique dans la société desservie par la Banque. Certes, on ne peut échapper à la condition inévitable que pour assumer des responsabilités aux niveaux les plus élevés dans l'industrie bancaire, il est essentiel de maîtriser la langue anglaise. Ainsi l'apprentissage de l'anglais devient une exigence supplémentaire pour quiconque désire embrasser une carrière bancaire, que sa langue maternelle soit le français ou l'espagnol, qu'il vienne de toute autre région non anglophone du territoire desservi par la Banque Royale, comme les Antilles ou l'Amérique latine. Notre remarque, toutefois, signifie clairement que si la connaissance d'une deuxième langue est un atout certain, cette exigence ne saurait aucunement constituer une barrière infranchissable pour un banquier de carrière qui désire atteindre les plus hauts sommets de la hiérarchie. En réalité, le bilinguisme est perçu comme un avantage souhaitable et non comme une charge insupportable.

Participation à la vie économique du Québec 108. De tout temps, la Banque Royale a pris une part active aux projets d'envergure qui ont modelé la structure industrielle du Québec. Elle a été intimement liée à l'établissement de l'Alcan à Arvida; elle a contribué au projet d'exploitation des gisements de fer de Sept-lles-Port-Cartier; plus récemment, elle accordait son concours à des entreprises comme celles de Mirabel et de la Baie James. La Banque Royale manifestait sa présence active dans l'industrie du tabac à Joliette, l'exploitation du bois d'oeuvre à Chibougamau, LaSarre et St-Georges-de-Beauce; une présence nécessaire puisqu'elle apportait toute sa science des questions financières dans des domaines hautement spécialisés. 109. Le nombre des succursales au Québec a augmenté à un rythme considérablement supérieur au taux de croissance de la Banque. Ainsi, en 1885, le Québec ne comptait qu'une succursale sur un total de 22; en 1934, on en dénombrait 80 sur un total de 789; en 1969, il y en avait 184 pour un réseau de 1264 succursales; enfin, en 1977, on compte 226 succursales au Québec sur un total de 1456 à travers tout le Canada. Ces chiffres démontrent que le nombre des succursales au Québec augmentait plus de 220 fois, alors que l'ensemble du réseau s'amplifiait 66 fois. Le volume des affaires de la Banque Royale au Québec est également passée de 10% en 1934 à 15.5% aujourd'hui.

110. La liste des services spéciaux offerts à la clientèle — qui comprennent, entre autres, le programme aux petites et moyennes entreprises, les services financiers et de crédit aux agriculteurs et les prêts aux jeunes professionnels — serait bien trop long pour en faire état dans ce mémoire. Mais il ne serait certes pas inutile de préciser que ces services et toute la documentation qui les accompagne, telles les brochures d'information et de formation, sont fournis en français et largement utilisés par les clients francophones.

Répartition régionale de l'actif et du passif 111. Ainsi qu'il est mentionné par ailleurs dans ce mémoire, la structure à succursales a permis à la

Banque de déplacer son personnel à travers tout le réseau, de le mettre en contact avec les préoccupations des autres localités et de fournir ainsi l'occasion à ses employés d'élargir leur champ de connaissances. De la même manière, la structure bancaire à multiple succursales favorise la mobilité des capitaux dans la mesure même où les fonds peuvent circuler d'une région à l'autre, sans discrimination aucune et selon les lois de la demande. Il est important.de souligner ici que la demande de capitaux émane de diverses régions et que la Banque se contente de jouer son rôle en y répondant. L'interaction des mécanismes du marché et des impératifs économiques fait souvent que certaines régions accusent, tour à tour, un solde débiteur ou un solde créditeur, l'ordre des choses n'étant pas immuable. 112. On a laissé entendre que certaines banques se livraient à des saignées délibérées dans les dépôts qu'elles détiennent dans certaines régions pour consentir des prêts à d'autres parties du pays, favorisant ainsi la croissance industrielle d'une zone au détriment d'une autre. A ce sujet, il est déjà arrivé dans le passé que des personnes des provinces de l'ouest du Canada aient prétendu que leur épargne était drainée vers l'Ontario pour favoriser cette province. De la même façon, certaines personnes au Québec croient que les banques provoquent la sortie de l'épargne des Québécois. 113.En réalité, le rôle d'un système bancaire consiste précisément à recueillir les dépôts là où il y a des excédents de fonds et d'accorder des prêts là où le besoin s'en fait sentir. L'évolution récente démontre que le seul important fournisseur de fonds au Canada est en réalité l'Ontario. A l'exception d'une période relativement courte en 1976, le Québec a emprunté plus de fonds qu'il n'en a placés dans le cadre du système bancaire canadien. 114. Une étude de la question menée par A.E. Ames & Co. Ltd. et reproduite dans la Presse du 27 avril 1977, donnait notamment la répartition des avoirs et des engagements des banques à charte au mois de juin 1976 et contenait certaines observations du plus haut intérêt. L'article précisait que le Québec est le principal bénéficiaire de l'activité des banques à charte canadiennes dans la mesure où avoir plus de prêts que de dépôts est considéré comme un avantage. 115. D'autres statistiques publiées par la Banque du Canada et remontant à mars 1974, date à laquelle la banque centrale a commencé à donner la répartition par province, font ressortir que, entre le début de 1974 et la fin du premier trimestre de 1976, le Québec a emprunté plus de fonds aux banques à charte qu'il ne leur en a confiés. La situation inverse a caractérisé les deux trimestres suivants jusqu'en septembre 1976, puis elle a changé de nouveau. 116. Pendant toute la période couverte par la publication des statistiques sur la répartition régionale des avoirs et des engagements des banques à charte, soit de mars 1974 à mars 1977, nos propres chiffres indiquent que la Banque Royale a fourni plus de fonds au Québec qu'elle n'en a reçus. Autrement dit, les prêts accordés dans la province ont été supérieurs à l'épargne confiée par les Québécois.

Pas seulement au service des grandes entreprises 117. Une autre impression, bien qu'entachée d'erreur, est largement répandue: elle consiste à croire que les grandes banques en général et la Banque Royale en particulier, favorisent leurs clients les plus importants au détriment des petites entreprises, des agriculteurs et des consommateurs. En réalité, s'il existe du favoritisme, il joue en sens contraire. Ainsi, en période de restriction monétaire, lorsque la demande de prêts excède l'offre, la plupart de nos succursales ne reçoivent aucune instruction leur enjoignant de limiter leurs prêts. Seules nos plus grandes succursales se voient demander de restreindre le crédit qu'elles accordent aux emprunteurs importants. Nous procédons de cette manière, parce que nous savons qu'en période de restrictions monétaires, les principales entreprises ont accès à d'autres sources de financement. Ce qui n'est pas le cas de nos autres clients. De même, nous avons depuis de nombreuses années considéré dans un esprit très positif et avec beaucoup de compréhension les demandes de prêt provenant des régions moins développées.

118. Notre réseau de succursales ne s'est pas développé uniquement dans les principaux centres indus- triels du Québec, il s'est étendu à d'autres localités de la province telles que Saint-Rémi, Varen-nes, Rosemère, Rawdon, etc. De fait, nos succursales québécoises sont situées en grande majorité dans des zones résidentielles et des localités rurales. 119. L'activité de la Banque Royale au Québec n'est pas seulement axée sur l'aspect commercial et économique, elle englobe d'autres aspects de la vie communautaire. C'est ainsi que la Banque a été la première à produire au Canada, à l'usage des maîtres, une documentation sur la gestion des finances familiales et personnelles. Cette initiative a permis de mettre à la disposition des écoles et des organismes d'éducation populaire qui l'utilisent largement, un instrument de formation des consommateurs dans les deux langues, offert sur une base strictement non commerciale. 120. L'importance que nous attachons à la qualité de la vie de la collectivité nous a amenés à créer en 1967 le Prix de la Banque Royale consistant en une médaille d'or et une somme de $50,000. Il a été décerné chaque année depuis sa création à un Canadien qui s'est distingué par ses réalisations. Quatre Québécois, dont trois francophones figurent parmi les lauréats: Son Eminence le Cardinal Paul-Émile Léger(1969), le docteur Gustave Gingras (1972) de l'Institut de réadaptation de Montréal pour le travail remarquable qu'il a accompli en faveur des handicapés et Jean Gascon (1974), homme de théâtre talentueux qui, depuis des décennies, sert admirablement son art au Québec.

La Banque et le projet de loi no 1 121. L'étude et l'analyse du projet de Charte de la langue française au Québec sous l'angle de son application et de ses effets sur l'exploitation de la Banque Royale du Canada, font clairement ressortir le problème de la compétence constitutionnelle et soulèvent la question de la stricte applicabilité juridique des dispositions du projet de loi. 122. Il est généralement admis que la compétence en matière linguistique est, dans le contexte cana- dien, partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Du point de vue juridique, la compétence du pouvoir fédéral ou du pouvoir provincial dans le domaine linguistique repose sur le principe selon lequel la langue est subordonnée à l'activité ou à la matière envisagée qui, elle-même, relève de l'autorité de l'une ou l'autre des assemblées législatives. 123.Ainsi, la compétence de l'Assemblée nationale du Québec de légiférer sur des questions touchant la langue d'enseignement et la langue utilisée dans les administrations telles que les commissions scolaires et les municipalités, qui sont des entités créées par les provinces, relève du pouvoir provincial, lequel a pleine juridiction dans les domaines de l'éducation et des affaires municipales respectivement. De la même manière, les dispositions du projet de loi qui sont en réalité extraites de la législation ouvrière provinciale ou qui lui sont complémentaires, trouvent leur justification légale dans le fait que la province a juridiction dans les questions ouvrières sur les employeurs visés par la législation provinciale du travail, c'est-à-dire les organismes qui ne sont pas soumis aux dispositions du Code du travail du Canada. 124. Dans le cas présent, la référence faite au principe selon lequel la langue est tributaire du domaine d'activité considéré, nous conduit à la conclusion, confirmée d'ailleurs par nos conseillers juridiques, que certaines dispositions du projet de Charte de la langue française au Québec ne seraient pas, du point de vue strictement juridique applicables à l'activité de la Banque. L'industrie bancaire est définie comme une activité relevant clairement et exclusivement de la juridiction fédérale. Par conséquent, les articles du projet de Charte qui touchent aux aspects de l'exploitation régis par la Loi sur les banques, la Loi sur les lettres de change et toutes autres dispositions connexes de compétence fédérale ne sauraient apparemment s'imposer à la Banque. En outre, certaines dispositions se rapportant aux relations de travail demeureraient également sans effet là où s'applique exclusivement le Code du Travail du Canada. Les remarques qui précèdent concernent particulièrement les articles 4, 33 à 40, 48, 50 et 114 du projet de loi. 125. Il convient de signaler cependant que d'autres dispositions du projet de loi, si celui-ci est adopté, s'appliqueraient au fonctionnement de la Banque. En outre, le projet contient de nombreuses dispositions qui, sans affecter directement le fonctionnement de la Banque, auraient des répercussions sur sa viabilité et sa capacité d'offrir des services. 126. En dépit de ce qui précède et des considérations de nature strictement juridique, et sous toutes réserves précitées, la Banque tient à rappeler, tel qu'affirmé plus tôt dans ce mémoire, qu'elle aprécie les objectifs fondamentaux du projet de Charte. Elle reconnaît les valeurs sur lesquelles

s'appuie la législation linguistique et leur importance capitale pour la société québécoise. En sa qualité d'entreprise consciente de son rôle social, la Banque entend demeurer disponible, en cette matière, étant donné qu'il lui est impossible de s'exprimer plus précisément à la lumière d'une loi qui n'en est qu'à l'étape du projet et en l'absence des règlements. 127. Nous passons maintenant à l'examen des dispositions du projet de loi. Il semble évident que sur le plan de l'exercice de nos activités un certain nombre des mesures envisagées affectent la capacité de la Banque de recruter, former et retenir à son service les compétences essentielles à l'exploitation du commerce bancaire.

Membres des professions libérales 128. Article 32 — Selon cet article, par exemple, les architectes, les ingénieurs, les avocats, et les comptables au service de la Banque seront soumis aux dispositions relatives au renouvellement du permis qu'ils doivent obtenir, le cas échéant, de leur ordre professionnel pour exercer leur profession au sein de la Banque. En vertu du projet de loi, les permis ne sont renouvelables que deux fois; par la suite, ils sont délivrés une fois l'an à la condition que les intéressés se présentent aux examens tenus conformément aux règlements du gouvernement. Or, il faut bien comprendre que ces membres des professions libérales sont appelés à servir l'ensemble du réseau de la Banque et que non seulement, il importe de retenir ceux qui sont déjà établis au Québec, mais aussi d'en recruter d'autres qui possèdent la même expérience variée acquise dans les diverses régions ou secteurs où oeuvre la Banque. 129. Par conséquent, nous recommandons que l'article 32 soit modifié de façon à rejoindre l'esprit des dispositions de l'article 23 de la Loi 22 et à adoucir les exigences linguistiques imposées aux professionnels au service d'entreprises, dans le cas où ils ne sont pas appelés à traiter directement avec le public.

Affichage 130.Article 46 — Tel qu'il est libellé, cet article ne manquerait pas de compromettre sérieusement l'apti- tude de la Banque à servir sa clientèle anglophone et allophone, dans la mesure où il empêcherait la Banque d'utiliser des écritaux, pancartes et autres affiches de comptoir dans la langue des clients; de permettre à ces derniers de s'orienter à l'intérieur même des locaux; d'être renseignés sur les services offerts; de leur signaler les changements intervenus dans certains services, tels que les taux d'intérêt; de leur expliquer les conditions régissant des services nouveaux ou existants. L'application de cet article tel quel reviendrait à nier le droit des clients anglophones ayant une faible connaissance du français à être renseignés par voie d'affichage sur les sujets dont nous venons de parler, un droit clairement reconnu par la législation aussi bien fédérale que provinciale sur la protection du consommateur. Cette mesure aurait pour conséquence, répétons-le, de créer un imposant groupe de "clients de seconde zone". Ainsi que nous l'avons dit précédemment, 44% de la clientèle de la Banque au Québec est d'expression anglaise. On les retrouve principalement dans la région du Grand Montréal où il existe une concentration de la population anglophone et des entreprises. Or, en réduisant les moyens de la Banque de servir cette clientèle, par les mesures que nous venons de signaler, on risque de porter atteinte à la viabilité des succursales concernées. 131. En outre, nous remarquons que les touristes qui désirent se prévaloir des services de la Banque jouiront d'une exception prévue à l'article 46 et selon laquelle la Banque sera autorisée à s'adresser aux étrangers par voie d'enseignes et d'affiches rédigées dans une langue autre que le français. Une telle mesure constituerait une nette atteinte aux droits des clients québécois par rapport aux étrangers, puisque les messages destinés aux résidents du Québec ne pourront être rédigés qu'en français. 132. Nous recommandons donc que l'article 46 soit modifié dans le sens des dispositions correspondan- tes de la Loi 22 — identiques d'ailleurs à la législation en vigueur dans ce domaine en France — et qu'il autorise l'utilisation des langues autres que le français à condition de donner au français la même importance. 133. CLF-1202 en-têtes de lettre et des enseignes placées à l'extérieur des succursales et des autres immeubles

de la Banque. Son application aux contrats passés avec les clients entraîne une contradiction si l'on tient compte de l'article 44 qui autorise l'utilisation de la langue anglaise lorsque le client en fait la demande. Ainsi, en plus des versions anglaise et française de ces formules, une version supplémentaire en anglais de chaque formule serait nécessaire au Québec portant l'indication de la raison sociale française. 134. La raison sociale de la Banque constitue le moyen d'identifier la nature de ses activités, d'offrir aux clients ses services et de leur indiquer l'emplacement de ses succursales. L 'interdiction d'utiliser la raison sociale anglaise priverait la Banque de son droit de jouer ce rôle auprès de la clientèle anglaise actuelle ou future. 135. En ce qui a trait à l'utilisation de la raison sociale de la Banque au moyen d'enseignes extérieures, l'exception prévue à l'article 46 à l'intention des touristes est de nature à créer une situation paradoxale et à mettre en contradiction les dispositions des deux articles, sans oublier qu'elle favoriserait les étrangers par rapport aux résidents du Québec. 136. Nous recommandons que le projet de loi soit modifié en vue de permettre l'utilisation au Québec de la raison sociale anglaise en plus de la raison sociale française.

Langue d'enseignement 137.Articles 51 et 52 — Les dispositions de ces articles qui traitent de la langue de l'enseignement et de l'accessibilité aux établissements d'enseignement anglais auraient pour effet, répétons-le, de compromettre sérieusement l'aptitude de la Banque à recruter, promouvoir et former son personnel, dès lors que les mesures envisagées, comme nous l'avons déjà signalé, réduiraient la mobilité des employés à travers l'ensemble du réseau de la Banque et empêcheraient leur affectation au Siège social.

Autorité des fonctionnaires 138.Articles 95, 106, 116, 132 à 136, 139 — Nous sommes vivement inquiets du fait que le projet de loi envisage d'investir des fonctionnaires de pouvoirs de surveillance pratiquement illimités, de mettre entre leurs mains un pouvoir de vie ou de mort sur les entreprises qui n'auraient alors aucun recours devant les tribunaux pour en appeler des décisions rendues. Ce type de législation ouvrirait la voie non seulement à des atteintes intolérables au secret privé, mais pourrait également donner lieu à des abus et des préjudices. En outre, l'article 135, même s'il comporte des mesures pour disposer des plaintes frivoles ou prévenir des comportements malveillants, confère aux commissaires-enquêteurs une grande liberté d'action pour décider des organismes qui doivent faire l'objet d'une enquête, ouvrant ainsi la voie à la possibilité de choisir des cibles et de les harceler de façon particulière. 139. Nous recommandons donc que le projet de loi soit modifié de façon à introduire dans les articles pertinents des droits d'appel clairement définis.

Infractions et peines 140.Articles 47, 106, 119, 163, 164 — Même si les amendes prévues aux articles 163 et 164 sont minimes, leur effet est abusivement multiplié par l'ampleur des sanctions dont seraient passibles les entreprises qui ne se seraient pas valu d'un certificat de francisation. L'application de l'article 106 à une entreprise qui ne détiendrait pas un tel certificat n'aurait tout simplement pour effet la fermeture de cette entreprise et la mise à pied de son personnel sans que l'on puisse leur imputer la moindre faute. Nous croyons que le fait de mettre de tels pouvoirs entre les mains de fonctionnaires, sans reconnaître à l'entreprise aucun droit de recours devant les tribunaux, constitue une violation des principes les plus élémentaires de la simple justice. 141.Nous recommandons donc vivement le retrait du mot "permis" de l'article 106(a), la modification de l'article 106(b) en vue d'en exclure l'application à des cas où l'entreprise concernée est l'acheteur, et l'introduction des dispositions prévoyant le droit d'appel comme nous l'avons recommandé au paragraphe 139 du présent mémoire.

Conclusions et Recommandations 142. Nous avons exposé précédemment dans ce mémoire des faits qui devraient aider les membres de la

Commission à comprendre la situation de la Banque Royale du Canada et la façon dont elle fonctionne au Québec, qu'il s'agisse de l'activité de son Siège social ou de ses districts. Nous avons aussi fourni des chiffres qui prouvent que nos efforts de francisation à l'échelle du Dis-

trict au Québec se sont traduits par des résultats tangibles, voire remarquables. Nous pensons avoir démontré que notre entreprise offre d'intéressantes possibilités aux Québécois francophones comme aux employés de tous les autres secteurs du réseau bancaire. Nous avons analysé et commenté les effets que pourrait avoir la Charte de la langue française au Québec sur l'exercice de notre activité, de même que nous avons présenté certaines recommandations. 143. Maintenant, nous allons en premier lieu, formuler des observations générales sur la Charte et les principes qui semblent avoir inspiré ses auteurs puis, en deuxième lieu, donner notre opinion sur le projet de loi en général et proposer certaines recommandations générales en nous exprimant à titre d'entreprise faisant partie intégrante de la société québécoise. 144. Nous tenons à répéter que la Banque Royale adopte une attitude positive vis-à-vis des objectifs fondamentaux du projet de Charte, ces derniers étant, selon nous, la préservation, la promotion et le développement de la langue et de la culture françaises au Québec. Nous appuyons les mesures visant à assurer l'avancement des Québécois francophones dans tous les secteurs et en particulier celui des affaires. 145. Par contre, nous ne partageons pas le pessimisme du diagnostic sur lequel s'appuie le projet de loi.

Nous tenons à souligner les progrès remarquables accomplis par la majorité francophone du Québec pour occuper la place qui lui revient dans la vie sociale et économique du Québec. On trouve maintenant des francophones compétents en nombre croissant dans les principaux secteurs de l'industrie et du commerce. Nous avons démontré que cela se vérifie dans le cas de la Banque Royale, et nous avons tout lieu de croire qu'il en va de même dans d'autres entreprises. De plus, il existe plusieurs facteurs favorables à une promotion encore plus marquée des Québécois francophones dans ces mêmes facteurs. Il y a d'abord le haut niveau des établissements francophones de formation et d'enseignement qui continueront d'envoyer vers ces secteurs un flot régulier de personnes compétentes. Il y a ensuite les changements qu'a subis depuis une décennie le contexte linguistique dans lequel évoluent les grandes entreprises, et qui fait que ces dernières présentent aux jeunes francophones de plus attrayantes possibilités de carrière leur permettant ainsi d'accéder en plus grand nombre aux postes clés de l'activité économique du Québec. Les nombreux francophones compétents qui exercent déjà des fonctions de direction dans ces entreprises représentent un riche réservoir de talents appelés aux plus hautes responsabilités. 146. En outre, le monde des affaires au Québec a déjà montré qu'il apportait volontiers sa collaboration enthousiaste à étendre l'utilisation du français dans le milieu du travail. La franche participation de centaines de cadres anglophones aux cours de langue est une claire indication de l'indiscutable bonne volonté et de l'esprit de collaboration de la collectivité d'expression anglaise. 147. Une autre preuve de l'attitude positive des Québécois anglophones est fournie par la croissance et le succès impressionnant des classes françaises d'immersion dans les écoles de zones fortement anglophones. Voilà qui démontre que les parents anglophones ne se contentent pas de souhaiter mais de vouloir ardemment un rapprochement entre les deux principales communautés du Québec de façon à assurer une entière participation de la génération montante à la nouvelle société québécoise. 148. L'intégration des francophones dans les différents secteurs de la vie économique et sociale où leur présence était l'exception, constitue un fait prometteur, un pas important vers l'édification d'une société dynamique et harmonieuse. 149. Nous en concluons que dans le cadre d'une société qui est déjà sur la voie menant à l'épanouisse- ment de ses communautés linguistiques, il est aussi regrettable qu'injustifié de proposer une loi qui se veut coercitive et prévoit des sanctions. En réalité, l'adoption de dispositions impératives pour réaliser une réforme sociale et économique peut, dans la meilleure des hypothèses, s'avérer une arme à double tranchant, car une stricte limitation de choix dans des questions qui contiennent une forte charge émotive risque de bouleverser le délicat équilibre des forces économiques et sociales d'une société. 150. En vérité, des mesures destinées à favoriser la promotion culturelle et économique de la commu- nauté francophone du Québec pourraient bien avoir l'effet contraire à l'objectif recherché si, faute de tenir compte de la réalité dans tous ses aspects, elles constituaient une menace sérieuse pour le développement économique de la société québécoise. A long terme, elles risqueraient aussi de freiner le rythme auquel se manifeste la présence de membres de la communauté francophone dans le secteur industriel et commercial en réduisant les possibilités d'améliorer leur connaissance de la langue anglaise, d'élargir leurs compétences dans d'autres sec-

teurs de l'activité des entreprises nationales ou multinationales installées au Québec, et enfin d'accéder à des postes de cadres supérieurs dans les sièges sociaux établis au Québec. Il y a lieu de répéter que limiter l'évolution de la carrière des francophones par une action qui nuirait à la viabilité économique des entreprises, et de ce fait réduirait les choix qui leur sont offerts, serait pour le moins tragique. 151. La façon dont une société protège les intérêts et les droits de ses minorités permet de la juger, car restreindre les libertés de certains, c'est limiter la liberté de tous. Nous affirmons donc qu'il est inadmissible qu'une société tente de redresser les torts passés ou actuels subis par l'une de ses collectivités en imposant des injustices comparables, et même plus graves, à l'une des communautés qui la compose. 152. C'est pourquoi nous sommes persuadés qu'il serait beaucoup plus sage de préférer des mesures incitatives aux dispositions impératives et coercitives préconisées par le projet de loi actuellement devant la Commission. Une réorientation en ce sens, nous en sommes fermement convaincus, conviendrait mieux dans un domaine qui nécessite la collaboration des personnes, des collectivités et des groupes économiques. En outre, toute loi devrait tenir compte des progrès remarquables qui ont déjà été accomplis. En résumé, envisager de donner à la loi un caractère coercitif non seulement nous semble inutile, mais risque, selon nous, de porter atteinte à la substance même de la société québécoise. 153. Ceci est particulièrement évident dans le cas de l'Article 172. En effet, cet article refuserait aux

Québécois la protection accordée par la Charte des droits de l'homme et, de plus, créerait un précédent incroyable, à savoir que la Charte des droits de l'homme peut être supplantée par des lois ultérieures. Nous croyons par conséquent que cet article est clairement rétrograde et indigne d'une société civilisée. Nous recommandons fortement que les dispositions de la Charte de la langue française au Québec soient modifiées de manière à la rendre compatible avec la Charte des droits de l'homme. L'article 172 deviendrait alors superflu et devrait être supprimé. 154. En rapport avec ce qui précède, il y a lieu de souligner que le terme "Québécois" devrait faire l'objet d'une définition. Dans le préambule de la Charte, de même que dans l'Article 112, ce terme est employé de telle manière qu'il semble que les seuls vrais Québécois soient d'expression française. Or les membres de la collectivité anglophone du Québec ont contribué à l'essor de la société québécoise durant deux cents ans et ont été étroitement mêlés au développement du Québec. Leurs foyers sont au Québec. Ce serait mesquin de le nier, même implicitement. En outre, dans l'usage courant et en toute justice, ce terme désigne simplement un citoyen résidant au Québec. C'est pourquoi nous recommandons que les dispositions de la Loi l'emploient uniquement dans ce sens ou, dans certains cas bien définis, le remplacement par le mot "personne". 155. Un autre point d'ordre général contre lequel nous soulevons des objections se rapporte à la préé- minence de la langue française au Québec. Nous ne pouvons accepter que l'on ne puisse assurer la prééminence du français qu'en interdisant et rejetant les autres langues. Il est bien, certes, d'encourager ou d'exiger l'usage du français, mais c'est une toute autre chose d'interdire les autres langues, comme ferait la Loi proposée dans un nombre regrettable de cas. Prenons, par exemple, les dispositions de l'Article 46 selon lesquelles il est interdit d'avoir un écri-teau dans une autre langue que le français. Non seulement le cours normal des affaires s'en ressentirait, mais cela porterait, selon nous, une grave atteinte à la liberté d'expression. La portée extrêmement vaste du texte actuel s'étend bien au-delà du monde des affaires et touche également l'expression des opinions politiques et la publicité effectuée en faveur de partis ou de candidats dans la langue des électeurs. 156. Dans le domaine de l'enseignement, nous sommes fort préoccupés de ce que les Articles 51 et 52 limitent l'accès au système scolaire anglais du Québec et nous doutons que le principe selon lequel on refuse aux anglophones venus d'ailleurs les droits des résidents anglophones favorise beaucoup les intérêts des Québécois d'expression française. Bien que nous puissions comprendre les craintes qui ont amené à formuler des restrictions relativement à l'intégration des immigrants à la collectivité anglophone, nous avons de sérieux doutes quant à la nécessité d'avoir recours à des mesures restrictives envers les immigrants anglophones dont le nombre, nous en sommes persuadés, influencera bien peu la composition linguistique définitive du Québec. En conséquence, nous recommandons que le système scolaire anglais soit accessible aux enfants actuels et futurs de tous les anglophones, soit qu'ils demeurent déjà au Québec soit que, en provenance d'autres points du Canada ou d'un pays d'expression anglaise, ils viennent s'y installer. Comme nous l'avons indiqué précédemment, cette question revêt une très grande importance d'ordre pratique pour la Banque, étant donné ses répercussions sur les mutations d'employés au Siège social.

157. Les dispositions de la Charte en matière d'éducation sont même plus restrictives en ce qui concerne le choix de la langue d'enseignement pour les Québécois francophones. Cette question nous inquiète vivement, de même que nombre de nos employés francophones. Nous déplorons en outre le manque évident d'intérêt au sujet de l'enseignement de l'anglais comme langue seconde dans les écoles francophones. Nous pensons avoir démontré précédemment dans ce mémoire que le libre accès des francophones aux postes clés des entreprises d'envergure nationale et internationale nécessite la maîtrise de l'anglais et aucune mesure gouvernementale ne peut changer ce fait. En conséquence, l'enseignement de l'anglais comme langue seconde est d'une très grande importance pour faciliter une participation accrue des francophones dans de telles sphères d'activités. Nous insistons donc pour que le gouvernement prenne des mesures non seulement pour améliorer l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les écoles françaises mais aussi pour faciliter l'accès, même temporairement, des enfants francophones aux écoles anglaises si leurs parents le désirent. 158. En plus de ces considérations sur l'enseignement, nous désirons mettre en évidence une fois en- core que le milieu, qui serait considérablement touché par les dispositions du projet de loi relatives à la langue de l'Administration (municipalités, commissions scolaires et autres), joue un rôle important en ce qui concerne le désir des candidats d'occuper un poste au Siège social, et celui de leurs familles de déménager au Québec.

Langues de travail 159. Enfin, nous croyons devoir résumer et rappeler la position de la Banque concernant les langues de travail utilisées dans les différents secteurs de son organisation qui sont situés au Québec. 160. En ce qui concerne les districts du Québec, y compris les bureaux de la direction et le réseau des succursales, notre position est la suivante:

Nous continuons d'adhérer au principe que les clients ont le droit d'être servis en anglais ou en français, selon la langue choisie pour effectuer leurs transactions et le mettons en application. Ce principe est, d'après nous, entièrement conforme aux dispositions de l'Article 5 de la Charte de la langue française actuellement proposée au Québec. Etant donné la répartition linguistique de cette province et celle de notre clientèle, cela signifie que le français est nettement la langue première utilisée au sein de l'exploitation des districts du Québec. Nos efforts de francisation en ce sens, déjà bien avancés, se poursuivront. Néanmoins, une certaine connaissance de l'anglais est nécessaire pour fournir nos services aux anglophones dans leur langue et pour communiquer avec les autres secteurs de l'organisation. 161. A l'égard des secteurs d'activité du Siège social de la Banque installés au Québec, notre position est la suivante:

En raison de la nature de son travail et du réseau national et international de la Banque, la langue de travail première du Siège social est actuellement l'anglais et doit le demeurer. Cependant, notre position ne nous empêche pas d'utiliser le français autant de façon non-officielle que comme langue de travail dans les cas où il est utile de le faire pour des raisons de commodité, d'ordre pratique ou de courtoisie, ou encore en raison de la nature du travail à effectuer. Ainsi au Centre d'informatique de Montréal et au Centre Chargex/Visa de l'est, le degré d'utilisation des langues reflète la nature du travail à accomplir et les marchés desservis. 162. Les positions que nous venons d'exprimer répondent à notre avis aux exigences des objectifs fondamentaux du projet de Charte, ainsi qu'aux impératifs de la simple justice à des exigences pratiques et à la qualité des services offerts aux différents groupes directement intéressés, c'est-à-dire aux clients, aux employés, aux actionnaires et au public. 163.Ce dernier critère, l'efficacité de la Banque, peut également être envisagé en fonction des possibili- tés concurrentielles de l'organisation par opposition, par exemple, à celles des autres entreprises de services financiers canadiennes dont le siège social est établi à l'extérieur du Québec et qui sont, par conséquent, moins profondément engagées en ne faisant pas partie de la société québécoise. Il nous semble raisonnable de s'attendre à ce que le gouvernement du Québec n'impose pas aux entreprises de chez nous un fardeau dont se trouvent dispensés leurs principaux concurrents et qui porterait atteinte à la position concurrentielle des groupes québécois. 164. Il nous semble nécessaire d'ajouter en terminant qu'en dépit des fausses impressions qui ont pu découler des rapports erronés qui ont été publiés, la Banque a toujours affirmé son désir et son

intention de maintenir son Siège social à Montréal. Nous n'avons en aucune circonstance menacé d'établir ailleurs notre Siège social ni n'avons eu l'intention de le faire. Nous ne voudrions pas davantage que l'une quelconque des déclarations contenues dans ce mémoire puisse être interprétée comme une menace. 165. Nous remercions les membres de la Commission pour l'occasion qu'il nous ont fournie de présenter ce mémoire et les renseignements et commentaires qu'il contient et espérons que ce document se révélera utile au cours de leurs délibérations.

P.A. Fréchette Vice-Président, Québec

R. C. Frazee

Vice-Président exécutif et directeur général en chef

W. Earle McLaughlin Chairman et président le 3 juin 1977

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