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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 5 juillet 1977 - Vol. 19 N° 144

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition des mémoires sur le projet de loi no 1 - Charte de la langue française au Québec


Journal des débats

 

Audition des mémoires sur

le projet de loi no 1 :

Charte de la langue française

au Québec

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous commençons une nouvelle séance de la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications pour l'étude, après la première lecture, du projet de loi no 1, Charte de la langue française au Québec.

Je fais l'appel des membres de la commission et je vous prierais de m'indiquer les modifications, s'il en est: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Godin (Mercier) remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Grenier (Mégantic-Compton) remplacé par M. Biron (Lotbinière) — s'il y avait une modification en cours de route, vous me l'indiquerez au moment où cela se produira — M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), je sais qu'il est remplacé, mais on n'a pas encore l'indication. Il y aura un remplacement également pour M. Laurin (Bourget), pour cette séance; Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moi-gnan (Gaspé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Samson (Rouyn-Noranda). Il y a donc deux changements à vérifier, celui de M. Grenier (Mégantic-Compton) et celui de M. Laurin (Bourget).

Je fais aussi l'appel des invités de la commission. Nous avons présentement, devant nous, la Commission des écoles catholiques de Québec, mémoire 74. Vous êtes ici? Merci.

Quebec Association of School Administrators? Merci. Mémoire 14.

Metropolitan Quebec Language Rights Committee? Merci. Mémoire 180.

Cet appel indique en même temps l'ordre de présentation des mémoires.

The Naskapi of Schefferville? Oui? Merci. Mémoire 43.

Grand Conseil des Cris du Québec? Non? D'accord, c'est une remise.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, le Grand Conseil des Cris a été convoqué aujourd'hui, mais il a demandé une remise jusqu'à jeudi, parce que ces gens rencontrent le premier ministre aujourd'hui, à Rupert House.

Le Président (M. Cardinal): C'est tout à fait conforme au règlement, d'ailleurs. N'étant pas à l'appel du jour, cet organisme est remis à la prochaine occasion possible. D'ailleurs, avec l'accord de la commission... Je pense que j'aurai l'accord de la commission? De consentement unanime, remise à jeudi.

La Chambre de commerce du district de Montréal. M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Merci, un instant! Mémoire...

M. Ciaccia: ...quand vous avez appelé les Naskapi, je crois qu'avec eux il y a aussi l'Association des Inuit du Nord du Québec, "The Northern Quebec Inuit Association".

Le Président (M. Cardinal): Oui, The Northern Inuit Association, sur ma liste, est avec le Grand Conseil des Cris du Québec. C'est le mémoire 101.

M. Ciaccia: Mais ils sont ici aujourd'hui. Ils ont été convoqués et je crois qu'ils sont présents.

Le Président (M. Cardinal): Oui, mais les deux mémoires sont ensemble.

M. Ciaccia: C'est seulement les Cris qui ne viennent pas, la Northern Quebec Inuit Association est ici, elle est prête à être entendue aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): Elle pourrait être entendue à ce moment-là. The Northern Quebec Inuit Association va remplacer, à toutes fins pratiques, le Grand conseil des Cris du Québec.

Une Voix: Quel numéro?

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas de... Est-ce que c'est 101? Je vérifierai le numéro pour les membres de la commission. Cela ne sera certainement pas ce matin. La Chambre de commerce du district de Montréal a répondu à l'appel, mémoire 15, Comité des kilomètres d'appui, merci, mémoire 206. Je demanderais qu'on vérifie le numéro des deux mémoires, The Northern Quebec Inuit Association et le Grand Conseil des Cris du Québec pour qu'il n'y ait pas de mélange.

Je répète cet ordre: On part de The Naskapi of Shefferville, ensuite The Northern Quebec Inuit Association, La Chambre de commerce du district de Montréal, le Comité des kilomètres d'appui.

Justement, à ce sujet, comme tous sont là, sauf les Inuit, nous suivrons cet ordre du jour — sauf les Cris, pardon, je m'excuse — nous suivrons ce programme.

Nous commençons aussitôt que possible. Nous allons ajourner à 13 heures. Il y aura les tra-

vaux de l'Assemblée nationale à compter de 15 heures, ce qui veut dire que nous recommencerons vers 16 heures, jusqu'à 18 heures, suspension jusqu'à 20 heures, reprise à 20 heures, jusqu'à au moins 23 heures.

Ceci étant dit, j'invite les représentants de la CECQ à revenir à cette table devant nous. Bonjour, madame, messieurs; le débat avait commencé hier, le début, pardon, de l'audition avait commencé à 21 h 58. Il reste deux minutes au parti ministériel. Mme le député de L'Acadie avait parlé sept minutes.

Il reste à l'Oposition officielle treize minutes. D'ailleurs, la parole est à Mme le député de L'Acadie. Quant au député de Gaspé, qui représente l'Union Nationale, il lui reste dix minutes, ce qui fait que, normalement, nous devrions terminer ce mémoire dans une trentaine de minutes. Je cède immédiatement la parole à Mme le député de L'Acadie qui, d'ailleurs, l'avait hier soir.

Commission des écoles catholiques de Québec (suite)

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Pour faire suite aux remarques préliminaires que j'avais faites hier soir, dont l'une concernait le pourcentage d'enfants francophones dans les écoles anglophones de la ville de Québec ou de la région de Québec, et une autre touchant également le recrutement à l'extérieur du Québec des professeurs anglo-catholiques, je voudrais ajouter une troisième réflexion qui fait suite aux remarques du ministre. Je regrette qu'il ne soit pas ici ce matin, je pense qu'il s'est lassé très vite. Après une journée d'apparition, il est déjà disparu. Même si je dois dire qu'on se retrouve en bonne compagnie avec le député des Deux-Montagnes, il reste qu'on a eu très peu de chance, vous en conviendrez, M. le Président, d'interrompre le ministre pour lui poser des questions. Enfin, on dit que c'est partie remise, que cela peut se faire à la deuxième lecture...

Une Voix: Ou la semaine prochaine...

Le Président (M. Cardinal): Ou à l'Assemblée nationale.

Mme Lavoie-Roux: Ou à l'Assemblée nationale. Il y a une dernière remarque que le ministre de l'Education a faite ou une autre remarque, qui rejoint une de vos recommandations, à savoir qu'on prévoie un délai pour l'application des règlements relatifs à la langue d'enseignement dans le projet de loi 1. Cette recommandation a été touchée par l'Association des cadres du Québec. Il semble également que les commissions protestantes trouvent difficile de l'appliquer immédiatement. Une fois de plus, je pense que le ministre a été assez sévère à votre endroit, en vous disant qu'il comprenait mal que vous attendiez à la fin d'août pour recruter le personnel pour les classes anglaises. Il vous a même soumis à passablement de questions, à savoir à quel moment et dans quels journaux vous faisiez vos annonces, etc.

J'aimerais faire remarquer que les règlements touchant la loi 1, qui n'est même pas encore adoptée, va causer exactement le même problème pour la rentrée des classes. Quelle que soit la bonne volonté des commissions scolaires à cet égard, il m'apparaît extrêmement difficile de les blâmer d'un manque de prévoyance, alors que c'est le résultat, une fois de plus, d'un manque de prévoyance de la part du gouvernement qui sait, depuis le 15 novembre, qu'il faut prévoir d'autres conditions d'admission a l'école anglaise.

Vous faites allusion à l'article 57. Je pense que votre point de vue concernant la certification des élèves anglophones qui arrivent au Québec pour l'année terminale du cours secondaire vaut la peine d'être examiné. Vous suggérez qu'ils aient, pour leur permettre de terminer leur année scolaire, comme pour certains ordres professionnels, un permis temporaire, quitte à ce que, dans les années qui suivent, ils fassent une acquisition ou un apprentissage approprié de la langue seconde. Je pense que c'est un problème réel qu'il ne faut pas sous-estimer. Votre recommandation, je pense, mérite d'être examinée.

Il y a un autre aspect — vous êtes les premiers à le souligner — et c'est l'article 53. Vous dites: "Nous alléguons que cet article ne confère aucune garantie à la CECQ de continuer à dispenser l'enseignement en langue anglaise aux élèves de son territoire et à ceux des commissions environnantes".

Je dois vous dire que cela me pose un problème à un autre égard, quand on dit: "Aucune commission scolaire n'est tenue de donner l'enseignement en anglais, ni ne peut en prendre l'initiative sans l'autorisation expresse et préalable du ministère de l'Education", le deuxième membre de la phrase, je le comprends très bien. C'était également une disposition de la loi 22, mais j'aimerais quand même que le gouvernement nous indique ce que veut dire ce "n'est tenue". Est-ce qu'on va assister à des conflits entre une décision du ministère de l'Education et des commissions scolaires? Ces dernières, s'il y avait des représentations demandant d'ouvrir des classes anglaises parce qu'un nombre suffisant d'élèves le justifierait, et, selon l'article 53, elles ne sont pas tenues de le donner.

C'est certainement un point également qui aura besoin d'être clarifié.

J'aimerais vous poser une question. A un endroit, vous faites allusion au fait qu'on prévoit des tests pour l'admission dans les corporations professionnelles et vous mettez en doute, je pense, la valeur de tests dans de telles circonstances comme d'ailleurs, vous l'avez mise en doute dans le cas de l'application de la loi 22.

Pourriez-vous expliciter un peu sur ce point?

M. Lacasse (Marc-André): Effectivement, le livre blanc et les articles 36 et 37 du projet de loi no 1 mentionnent qu'il y aura des examens pour démontrer la connaissance suffisante de la langue française des membres des ordres professionnels et nous montrons dans notre mémoire, notre étonnement devant le fait de revenir avec des

examens alors que les tests de la loi 22 ont eu de tels commentaires.

Il nous semble que l'examen est un instrument moins valide que ne peut l'être un test et je ne parle ici qu'à titre de l'instrument lui-même. Je ne parle pas des personnes à qui on l'administre. Il y a des conditions d'administration particulières selon les personnes, mais l'instrument doit être construit de façon valide et un examen au premier chef n'est pas un instrument valide, à moins qu'il ne soit accompagné d'une série de démarches à partir d'un rationnel jusqu'à une expérimentation qui va valider, donner une analyse critique de la qualité de l'instrument et assurer devant les personnes auxquelles il sera administré une équité et une justice devant la qualité de l'instrument. Pour preuve qu'un examen peut parfois être douteux, j'ai relevé dans les examens du ministère de l'Education, l'examen de français, compréhension, administré récemment, soit le 16 juin dernier, aux élèves du secondaire V qui dans les prévisions de la loi, devront suffisamment connaître le français pour avoir leur certification.

Cet examen de français 512 comportait des difficultés au point de vue de sa conception, de sa préparation, de son élaboration, mais aussi au point de vue de la sorte de texte qu'on demandait aux étudiants d'analyser. Le seul fait d'avoir devant les étudiants un examen qui n'avait pas été préexpérimenté, qui n'avait pas subi toutes les démarches d'une routine normale et scientifique, met en doute la qualité des examens qu'on voudrait administrer aux membres des ordres professionnels. Dans cela, je me dis, il y a un dilemme. Il y a peut-être un cercle vicieux. On éviterait d'utiliser le mot "test" alors que c'est cela qu'on veut faire puisque c'est cela qui dénote une démarche scientifique et on utilise le mot "examen" puisque le mot "test" est maintenant banni, tabou dans notre vocabulaire québécois de 1977.

Alors, le test, pour me résumer, est un meilleur instrument que l'examen parce qu'il doit... Pour le dire, je me base sur un rapport d'évaluation fait par des pédagogues de l'Université de Montréal, à la demande, il faut le dire, d'une commission scolaire de la région de Montréal, la CECM, et où on met en évidence dix étapes bien précises que ne suivent à peu près pas les examens et que les tests doivent suivre pour en faire un instrument scientifique. Ces étapes sont — une simple énumération — la fixation des fins d'utilisation de l'instrument — c'est ce qu'on peut appeler un rationnel — la détermination d'une table de spécifications, la validation de cette table de spécifications, la rédaction d'articles, la préexpérimentation de l'analyse des réponses à la suite de cette préexpérimentation, un choix final, une expérimentation finale, une dernière vérification et ensuite l'élaboration des conditions d'administration.

Alors, un test, c'est un instrument beaucoup plus sérieux que ne l'est un examen et on en a eu la preuve récemment lors des examens du ministère de l'Education. Alors, les membres des ordres professionnels, quelle garantie peuvent-ils avoir si l'examen qu'on leur propose n'a pas subi cette démarche? On se dit: Là, on revient dans un cercle possiblement vicieux. On va devoir revenir aux tests parce que ce sont des instruments plus rigoureux et de qualité plus notoire, comme le désire le livre blanc, pour que les gens soient bien servis.

Le Président (M. Cardinal): Un instant. Pour le secrétariat, j'indique que M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Shaw (Pointe-Claire) et que M. Laurin (Bourget) est remplacé par M. Desbiens (Dubuc).

Quant au parti ministériel, il lui reste cinq minutes. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, à l'article 30, vous remettez en question le terme "examen" qui est retenu pour décider de l'admission aux ordres professionnels des candidats.

M. Lacasse: C'est cela, madame.

Mme Lavoie-Roux: En terminant, je voudrais faire deux remarques d'ordre plus général. D'abord, je pense que nous avons eu hier la démonstration qu'il était difficile de faire une analyse rigoureuse de tout le problème linguistique en comparant une région à une autre. C'est peut-être ce qui a amené un peu de difficulté dans les interprétations du ministre hier soir. Je pense que le français n'est pas en danger dans la ville de Québec et que la population anglophone constitue, en fait — je n'aime pas l'expression — un phénomène marginal. Vos préoccupations au sujet des classes anglophones viennent du fait que vous avez des difficultés de recrutement de personnel et que vous voulez continuer à donner des services. Le problème ne se pose pas du tout dans les mêmes termes qu'il se pose pour la région de Montréal ou, à plus forte raison, pour la région de l'Outaouais.

Je soupçonne que d'un jour à l'autre, on nous déposera des statistiques impressionnantes sur la région de l'Outaouais.

M. Alfred: Certainement.

Mme Lavoie-Roux: C'est de là, je pense, que naissent les difficultés. Je crains que présentement dans la ville de Québec, qui est une ville française dont le caractère français n'est pas mis en doute ou menacé, on ne soit à développer, entre le groupe très minoritaire anglophone qui y demeure encore et la majorité francophone, certains sentiments d'agressivité qui n'existaient pas jusqu'à tout récemment. Tout ce débat, et la façon dont il a été abordé hier soir, selon moi, porte des germes d'agressivité qui ne vont pas dans l'intérêt du Québec.

La deuxième remarque générale, c'est votre recommandation que le gouvernement examine de plus près le critère mis de l'avant — ou la recommandation mise de l'avant — par le Conseil supérieur de l'éducation.

Je voudrais que le gouvernement comprenne que, quand l'Opposition officielle fait des remar-

ques sur le critère qu'elle a retenu, il est probablement fort porté à le voir dans le contexte d'opposition. Mais cette situation de la langue d'enseignement est extêmement délicate. Je pense qu'il faut essayer de lui donner les fondements les plus solides possible et que la position qu'on a prise ici n'est pas une position qui est en réponse à la position du gouvernement, mais qui est une position réfléchie depuis un grand nombre d'années, à partir d'expériences vécues par un grand nombre de personnes. Dans ce sens-là, la position du Conseil supérieur de l'éducation mérite vraiment d'être examinée.

Evidemment, il n'y a pas de solutions qui ne présenteront pas d'écueils. S'il y en avait, ce serait trop simple. Mais il y a un objectif que tout le monde doit avoir dans cette situation délicate, c'est d'abord d'essayer de rendre l'école française attrayante pour tout le monde, et une de ces conditions va rejoindre également une recommandation du Conseil supérieur de l'éducation, à savoir que l'enseignement de la langue seconde soit amélioré et ne soit pas vu et décidé uniquement dans un contexte politique, mais bien davantage en fonction de service aux enfants et à la population. Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut examiner l'enseignement de la langue seconde et également rendre l'école française plus attrayante pour détruire ce mythe qui, au lieu de décroître, va en s'accroissant, à savoir que l'école anglaise, c'est l'école qui est le fruit que tout le monde veut avoir et qui, vraiment, nous met, comme société, dans une situation pénible, je pense, et, pour utiliser un terme que le premier ministre aime beaucoup "douloureuse". On se trouve dans une situation aussi ridicule que celle-ci où, tout à coup, l'école anglaise devient le fruit défendu qu'il faut avoir à tout prix et que l'école française, c'est celle qu'il faut essayer de contourner de toutes les façons possibles. C'est dans ce sens que les remarques de l'Opposition officielle sont formulées, et je voudrais que ce soit clair ici. Notre but est que nous trouvions, dans ce domaine extrêmement délicat, la solution la plus satisfaisante pour le Québec. Je vous remercie, messieurs, mesdames.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Plus les travaux de cette commission avancent, plus on réalise que le grand problème qui concerne la langue dans la province, c'est un problème qui touche spécialement la ville de Montréal. Ce n'est pas sans surprise que nous avons constaté, hier soir, la stupéfaction du ministre de l'Education en regardant vos statistiques, et quand vous avez admis qu'il y a 40% de francophones dans vos écoles anglaises du Québec et 10% d'allophones. Autrement dit, il y a 700 francophones qui fréquentent votre école.

A première vue, c'est certainement surprenant, mais je crois que la population de la ville de Québec doit représenter 200 000 personnes et votre groupe représente peut-être 2%, 3%, ou 4% au maximum de ces 200 000 personnes. A ce moment-là, il n'y a pas tellement de danger d'assimilation du côté francophone, parce que je suis presque convaincu que la majorité de vos jeunes, dans vos écoles, parlent le français, comprennent le français et c'est peut-être un acquis pour le côté francophone de pouvoir bénéficier de ce contact avec les anglophones.

Votre mémoire, à première vue... C'est surprenant qu'une commission, dans une ville française, n'aborde que les aspects négatifs, si vous le voulez, parce que j'ai bien l'impression que, du côté francophone, vous n'avez pas de problèmes et que ceux qui ont étudié votre mémoire ont essayé de parer un peu au point faible, au point qui vous tracasse. D'un autre côté, votre commission scolaire est peut-être très avisée, vous pensez peut-être à l'avenir. Mais, quand on parle d'un Québec indépendant, à ce moment-là, les francophones de Québec qui ont intérêt, comme on dit en bon canadien, à se placer les pieds envoient peut-être leurs enfants..., parce que la capitale d'un nouveau pays sera peut-être le siège de plusieurs multinationales et, comme on l'a vu, d'après les organismes représentant les multinationales, les grandes banques, etc., il est bien normal que l'on va songer à décongestionner la ville de Montréal et que l'on va essayer de grossir davantage la capitale de ce nouveau pays. Mais, à ce moment-là, je crois en l'expérience de nos gens d'ici; les Canadiens français, tout en conservant leur langue, s'ils peuvent se spécialiser en langue anglaise, seront les premiers à remplir les postes dans ce futur Etat et, à ce point de vue, je crois que leur geste est très sensé, je crois qu'il est très positif.

J'aurais maintenant peut-être quelques petits points, quelques petites questions. En vertu de l'article 52, vous venez de parler des tests il y a quelques instants, je sais que le problème se pose peut-être de façon..., dans nos campagnes ou dans mon comté où la proportion d'anglophones est de beaucoup supérieure à la vôtre et je dois dire, un peu comme vous, dans les villes qui sont en régression, parce que, quand on regarde vos chiffres, quand on regarde ceux de mon comté, il n'y a aucun doute là-dedans. Ce critère des examens ou des tests, si le père ou la mère ont été éduqués dans la langue anglaise à l'école primaire... J'en connais plusieurs dans nos milieux, mais souvent, on est bien surpris de voir que le; enfants ne parlent pas du tout la langue anglaise. Cela arrive très souvent. C'est cela qui pose un point assez difficile pour l'admission, en septembre prochain. Des fois, les enfants le parlent, ils sont allés à l'école française et, pour diverses raisons, les parents songent à les envoyer, aujourd'hui, à l'école anglaise.

Ici dans la ville de Québec, est-ce que les protestants représentent une forte proportion ou si c'est un chiffre assez négligeable par rapport à la population totale?

M. Paradis (Fernand): Avec une marge d'erreur possible, je répondrais que du côté protestant, la commission scolaire qui dessert un territoire très vaste — elle va jusqu'à Thetford Mines — comporte a l'élémentaire une population

d'environ 250 élèves, alors qu'au secondaire, cela dépasse les 350 élèves, ce qui fait un total approximatif de 700 ou 800 élèves à l'élémentaire et au secondaire pour un territoire extrêmement vaste.

M. Le Moignan: Maintenant, les Néo-Québécois, qu'est-ce que cela peut représenter ici dans votre commission scolaire? Pas les anglophones, mais les allophones?

M. Paradis: Les allophones. Si on parle de ceux qui sont dans nos écoles françaises, ils représentent, pour les dernières années, de faibles effectifs. Pensons aux maternelles, 4 ans, et à certaines mesures que nous avons utilisées en vertu du plan de développement de l'enseignement des langues... je situerais leur nombre à une cinquantaine. Nous avons observé que la ville de Québec n'attire pas un nombre très élevé d'immigrants. Nous en avons qui sont entrés dans nos écoles anglaises en vertu de la loi 63 ou en vertu de la loi 22 et des tests qu'ils ont subis. Nos statistiques là-dessus nous donnent 45 pour l'année 1975-1976 et 54 pour l'année 1976-1977. C'est donc un nombre très restreint.

M. Le Moignan: Dans vos écoles, dans quelle mesure les anglophones parlent-ils le français? Dans quelle proportion?

M. Paradis: Je demanderais à M. McNamara de répondre à cette question, puisqu'il a vécu dans les deux écoles anglaises.

M. McNamara (W.J.): Presque tous parlent le français, sauf si l'enfant vient de Toronto ou d'une province anglaise, mais même là, au bout d'une couple d'années au Québec, il apprend le français. Enfin, on peut dire que 97% ou 98% sont bilingues.

M. Le Moignan: Les cours qu'ils reçoivent en langue française leur permettent-ils d'approfondir la langue de façon qu'ils puissent s'en servir très convenablement?

M. McNamara: Certainement, oui, et à l'élémentaire et au secondaire.

M. Le Moignan: Vos professeurs qui enseignent le français sont-ils francophones, dans la plupart des cas, ou anglophones?

M. McNamara: Ils sont tous francophones.

M. Le Moignan: Tous francophones. Maintenant, après l'élémentaire, est-ce qu'ils sont en état de se diriger vers le secondaire? Est-ce que dans la pratique, cela se fait? Est-ce qu'il y en a qui vont au secondaire français?

M. McNamara: II y en a. La majorité des élèves francophones qui viennent à l'élémentaire continuent au secondaire anglais, pas nécessairement jusqu'au secondaire V. Là, où le phénomène se renverse, c'est à la fin du secondaire où la majorité des élèves francophones retournent au secteur français, au CEGEP français, pour éventuellement aller à l'université francophone.

M. Le Moignan: C'est donc dire que vos jeunes ont toutes les possibilités des anglophones de devenir bilingues, s'ils le désirent?

M. McNamara: Oui.

M. Le Moignan: Est-ce que la majorité s'intègre assez facilement, a ce désir de perfectionner la langue française, d'être capable de la parler et de l'écrire convenablement?

M. McNamara: Normalement, oui. La majorité, d'ailleurs, débute à l'école française, et selon les cas, il y en a qui restent trois ou quatre ans avant de venir au secteur anglais. Il y en a qui font tout leur cours élémentaire en français pour ensuite venir à l'école secondaire. Il y en a qui viennent seulement au secondaire III ou IV. Ils ne viennent qu'un an ou deux, pour avoir cet outil de plus.

M. Le Moignan: Est-ce que vos jeunes ont à faire face à des problèmes dans le domaine du travail après leurs études? Peuvent-ils s'engager facilement ici, à Québec, ou bien sont-ils obligés de s'expatrier?

M. McNamara: Tout dépend du degré de bilinguisation qu'ils ont. S'ils parlent le français assez bien et peuvent l'écrire assez bien — je parle des anglophones en particulier — ils demeurent au Québec... C'est-à-dire que la grande majorité de nos élèves anglophones vont au CEGEP anglais, que nous avons ici, à Québec, ou dans une université hors du Québec, tout de suite après l'école secondaire. Ces jeunes ont tendance... Ils reviennent rarement à Québec. Nous perdons, du côté anglais, tous nos jeunes qui, normalement, vont à une université anglophone en dehors du Québec, en dehors de la région de Québec, soit à McGill, à Bishop ou à l'Université d'Ottawa, Toronto, ainsi de suite. Ces jeunes ne reviennent pas au Québec, à moins d'exceptions très rares.

Au sujet des francophones, comme je vous le disais, ils ont tendance à aller surtout aux CEGEP francophones et, éventuellement, à une université francophone, la majorité.

M. Le Moignan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, il reste deux minutes à votre parti.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être assez bref.

Le Président (M. Cardinal): Je vous souhaite grand succès.

M. Ciaccia: Merci!

Ce qui me frappe le plus dans votre mémoire, c'est que vous ne donnez pas du tout l'impression

que vous êtes menacés par la langue anglaise ou par les anglophones. Je déplore que le ministre de l'Education ne soit pas ici ce matin, parce qu'on a essayé de vous imputer des motifs politiques en se référant au prétendu auteur de votre mémoire, et je trouve que ce n'était pas un geste digne d'un ministre d'essayer de faire ça, parce que, naturellement, votre mémoire ne s'accorde pas avec les préjugés et les idées du gouvernement. Alors, il faut essayer de le détruire, d'une façon ou d'une autre, plutôt que de répondre vraiment aux faits que vous avez soulevés.

Votre mémoire démontre de la confiance et ce que, pour ma part, j'apprécie peut-être le plus, c'est qu'il y a une certaine dignité dans votre mémoire, parce que vous êtes très préoccupés par les droits des minorités dans votre région — vous le reconnaissez — et je crois que vous êtes très représentatifs de l'esprit des Québécois avec votre tolérance, votre confiance, votre préoccupation au sujet des droits des minorités. Je vous trouve beaucoup plus représentatifs que les prétendues "harangues" des ministériels qui veulent nous faire croire et créer des mythes de menaces pour des buts politiques.

Je veux vous remercier pour...

M. de Bellefeuille: M. le Président, je n'ai pas saisi le mot clé de la phrase. Les prétendues quoi, du côté ministériel?

M. Ciaccia: "Harangues", "harangues"... Une Voix: Hargne... M. Ciaccia: Hargne, excusez-moi. Mme Lavoie-Roux: Harangues...

M. de Bellefeuille: C'est vous qui prétendez que ce sont des harangues.

M. Ciaccia: Oui...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, si vous voulez terminer...

M. Ciaccia: Je le laisse m'interrompre. On a de la patience.

Vous donnez aussi l'impression que vous n'avez pas besoin du projet de loi no 1, ni des commentaires du ministre de l'Education dans cette région, mais, avec dignité, vous nous avez soumis un mémoire qui soulève les préoccupations et, spécialement, comme je le disais, les problèmes des minorités. Vous l'avez fait en toute confiance. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal, et pour terminer aussi, avec deux minutes, le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. D'abord...

Mme Lambert-Jacob (Jacqueline): Serait-il possible de répondre au député qui vient de nous adresser...?

Le Président (M. Cardinal): Si c'est bref. Mme Lambert-Jacob: Ce sera bref.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez... Je n'ai fait aucune remarque depuis le début de cette audition. Les réponses, en général, sont assez longues. Elles sont contenues, théoriquement, dans le temps imparti pour l'audition.

Je vous accorde quand même la parole, madame.

Mme Lambert-Jacob: Parce que je pense que c'est justement... Il a bien défini la position de la commission. Nous sommes venus devant la commission parlementaire justement parce que nous voulions dire quelque chose que les autres n'avaient pas dit. On nous a répété hier qu'il y avait eu beaucoup de reprises, beaucoup de répétitions. Nous avons souligné quelque chose d'important. A la commission, chez nous, historiquement, nous avons depuis au-delà de 100 ans des élèves qui étudient en anglais avec des professeurs anglais, qui leur enseignent toutes les matières, et je pense qu'il est important de souligner cela et c'est pour cela que nous nous sommes présentés devant la commission.

Pour nous, c'est très important qu'on entende l'avis de notre commission parce que, tant et aussi longtemps que la loi nous fera l'obligation de donner des cours d'anglais sur notre territoire, il est important que les étudiants qui nous sont confiés étudient dans les meilleures conditions et soient aussi des anglophones qui reçoivent un très bon service.

Quand le gouvernement aura décidé que les commissions scolaires ne donnent plus de service aux anglophones, nous devrons nous soumettre, mais, jusqu'à présent, il n'a jamais été mentionné que la Commission des écoles catholiques devrait cesser de donner des cours en anglais sur son territoire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. D'abord, je dois remercier la CECQ du mémoire qu'elle nous a fait parvenir. Je me demande même, si après lecture, je devrais l'appeler la "CECQuiou" ou la CECQ; c'est que je suis un peu mêlé, parce qu'on ne parlait à peu près pas dans votre mémoire de l'aspect francophone, dans une commission scolaire francophone.

M. Lalonde: Ce n'est pas la première fois que vous êtes mêlé.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laplante: D'autant plus que je suis aussi surpris des interventions du député de L'Acadie, lorsqu'elle vous pose des questions, parce que je n'aurais qu'à la référer à 1974, lors de l'étude du bill 22 en commission parlementaire. Vous auriez vu là-dedans qu'à plusieurs reprises, elle en était en faveur de mesures coercitives; aujourd'hui, on dirait que tout change dans son esprit.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Laplante: Maintenant si...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je n'ai pas d'objection... D'ailleurs, cela me flatte qu'on se passe le journal des Débats et qu'on fasse mention de l'intervention que j'ai faite en 1974 en commission parlementaire et qui est rapportée précisément au journal des Débats. J'en suis très flattée, mais je demande qu'on rapporte au moins les faits d'une façon exacte. Il n'a nullement été question de coercition dans les échanges que j'ai eus avec la CECQ depuis hier soir.

M. Charbonneau: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je voudrais savoir en quoi le député de L'Acadie peut invoquer le règlement à ce moment-ci.

Le Président (M. Cardinal): Elle peut invoquer — j'ai compris que c'était cela — l'article 96...

M. Charbonneau: ... privilège.

Le Président (M. Cardinal): ... parce qu'elle avait fait elle-même un exposé tantôt.

M. Chevrette: Pour dire qu'elle est flattée, pas besoin de faire appel au règlement.

Le Président (M. Cardinal): Je vous en prie. Je considère l'incident clos. Nous avons déjà pris, non pas que le mémoire ne soit pas important, beaucoup de temps. Je demanderais au député de Bourassa de conclure, s'il vous plaît.

M. Laplante: Une seule chose. Je me réfère au journal des Débats de juin 1974. Vous allez trouver les réponses à ce que je dis et vous verrez que l'affirmation que je fais est exacte, sur les mesures coercitives.

Dans votre mémoire, vous ne parlez pas de classe d'accueil. Existe-t-il des classes d'accueil à la CECQ?

M. Paradis: Nous avons une maternelle qui est en opération depuis trois ans et nous avons des mesures particulières parce que le nombre d'immigrants que nous recevons est plutôt à l'unité. Nous n'avons pas suffisamment d'élèves pour former des classes complètes. Alors, nous en recevons en cours d'année deux, trois, quatre, dans une école et les cours qui leurs sont dispensés sont dispensés au long de la semaine par des professeurs qui viennent les rencontrer. Je le disais tout à l'heure, nous avons, grosso modo, une cinquantaine d'enfants immigrants dans nos écoles françaises et répartis dans 37 écoles. Vous imaginez que ce sont des unités et les mesures que nous devons prendre doivent être axées sur des cas particuliers.

M. Laplante: Vous avez fait allusion à une baisse de 13 000 élèves du côté francophone. Vous avez attribué cela, peut-être, à la dénatalité. Vous n'en êtes pas certain. Par contre, si je me réfère au tableau A de votre mémoire, si on prend le secteur dont l'anglais est la langue d'enseignement, vous allez aux années 1973, 1974 où la loi 22 était en vigueur...

Mme Lavoie-Roux: Venez donc aux faits. M. Lalonde: En 1973-1974... M. Ciaccia: II ne sait pas lire.

M. Laplante: En 1974-1975 où la loi 22 était en vigueur...

M. Lalonde: II commence à apprendre.

M. Laplante: ...vous aviez 1787 élèves inscrits. Même avec l'effet de la loi en 1975-1976, vous aviez encore 1680 élèves inscrits, c'est censé avoir baissé sous l'effet de la loi, mais il n'y a pas de dénatalité. Vous n'avez aucun effet de dénatalité là-dedans.

Le Président (M. Cardinal): Le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Je ne voudrais pas que la question du député de Bourassa induise en erreur le témoin. Il faudrait, je pense, qu'il souligne que la loi sur la langue officielle a été mise en vigueur dans le domaine de l'enseignement l'année après son adoption en 1974, donc seulement en septembre 1975.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. La mise au point n'était pas...

M. Paquette: Vous allez admettre qu'il y a quand même une baisse de 20% dans le secteur anglophone alors qu'il y en a une de 25% dans le secteur francophone.

M. Lalonde: Je ne veux pas m'exprimer sur le fond de la question. Je voulais quand même préciser.

Le Président (M. Cardinal): Pas de débat. M. le député de Bourassa s'il vous plaît, une trentaine de secondes.

M. Laplante: Cela fait mal un peu à l'Opposition officielle. C'est le genre de critique qu'on a en arrière. Elle ne laisse jamais parier les autres. Entre 1974-1975 et 1975-1976, attribuez-vous directement la diminution à la loi 22 ou à l'aspect de dénatalité?

M. Paradis: II ne faut pas l'attribuer uniquement à une seule cause.

M. Ciaccia: Pourquoi ne lisez-vous pas le mémoire?

Le Président (M. Cardinal): Veuillez au moins ne pas interrompre nos invités. Vous avez la parole et vous terminez, s'il vous plaît.

M. Paradis: C'est un effet conjugué de dénatalité, de la loi 22 et d'exode vers la banlieue. Cependant, il est difficile d'établir les proportions at-tribuables à chacun parce qu'une bonne partie des statistiques nous échappe. Notre bassin d'alimentation pour nos écoles anglophones... Prenons la courbe, nous passons de 1728 à 1787, 1680, 1432 et nos prévisions pour la rentrée c'est d'environ 1200. Je disais tout à l'heure que le taux de natalité est à la baisse, il y a l'exode vers la banlieue qui joue énormément dans le cas de Québec. On n'a qu'à regarder les démolitions qui ont prévalu au cours des dernières années, ajoutons à cela les effets de la loi. Je disais que notre bassin d'alimentation est assez puissant. Pour ces 1400 élèves, nous faisons appel à notre clientèle anglophone, mais également à celle de banlieue, ce qui fait que le bassin au total pourrait être établi autour de 65 000, 70 000 élèves, puisque nous allons en recueillir à Chauveau, à Talon, Orléans, alors là le bassin de 20 000 que nous avons, 22 000 cette année, 21 878 est gonflé par les effectifs de la banlieue qui servent de bassin naturel pour nos écoles anglophones.

M. Laplante: Une dernière question.

Le Président (M. Cardinal): Cela a besoin d'être très bref, parce que je vais être obligé d'interrompre les témoins.

M. Laplante: Pour l'année 1976-1977, combien d'enfants sont allés aux tests, combien ont réussi? Est-ce que vous aviez vos tests à vous ou ceux du ministère?

M. Paradis: Alors, je demanderais à M. La-casse, qui était chargé de l'application de la loi 22 de répondre à votre question.

M. Lacasse: M. le député, il y a eu 54 demandes pour la dernière année scolaire 1976-1977 d'élèves résidant géographiquement dans notre territoire.

Nous avons suivi les directives du ministère de l'Education, et ce sont les fonctionnaires du ministère qui ont appliqué les tests de connaissance linguistique; sur les 54 étudiants qui se sont présentés, qui avaient fait la demande, il y a eu deux étudiants qui ont réussi, avec satisfaction, le passage de cet instrument.

Le Président (M. Cardinal): Merci. A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Laplante: ...ce qu'on appelle... Mme le député de L'Acadie.

M. Lalonde: Les réponses sont plus intelligentes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Est-ce que je peux demander aux députés un peu de discipline. Ce n'est pas parce que vous êtes devant une commission scolaire que vous êtes obligés de vous conduire comme des élèves.

Madame et messieurs les porte-parole de la Commission des écoles catholiques de Québec, au nom de la commission et sans aucun parti pris, dans mon cas, je vous remercie pour votre mémoire que tous ont trouvé original, à des points de vue différents, et il l'est certainement. Merci de votre patience, nous avons commencé hier soir à 21 h 58, aujourd'hui, à 10 h 21, je penseque l'importance de votre mémoire est soulignée par le temps que nous avons consacré à cette audition. Merci.

J'appelle immédiatement le prochain organisme, le Quebec Association of School Administrators, mémoire no 14.

Madame, messieurs, bonjour. Si vous voulez bien identifier les porte-parole de votre organisme, s'il vous plaît!

Quebec Association of School Administrators

M, Krause (Peter): Je voudrais présenter les représentants de l'association. A ma gauche, Mlle Barbara McKnight, qui est vice-présidente de l'association, et, à ma droite, M. Peter Walsh, qui est aussi vice-président de l'association. Moi-même, je suis Peter Krause, président; j'ai terminé mon mandat le 30 juin.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, nous pouvons commencer, il est 11 h 2, vous avez vingt minutes, comme vous le savez, pour exposer votre mémoire.

M. Krause: Merci, M. le Président. On voudrait commencer par remercier la commission de nous avoir invités; nous sommes très conscients que les recommandations qu'on va vous soumettre sont des recommandations que vous allez partager et que vous serez d'accord avec notre opinion sur le projet de loi no 1 déposé récemment.

Je vais commencer par donner un résumé de notre mémoire et le faire suivre avec des discussions sur les points spécifiques de nos recom-

mandations. La Quebec Association of School Administrators est un corps légalement constitué, représentant plus de 600 éducateurs professionnels en administration scolaire pour les commissions scolaires protestantes. Notre mémoire se préoccupe surtout de l'impact qu'aura la loi proposée dans le domaine de l'éducation. Nous appuyons toute législation visant à maintenir et à renforcer la langue et la culture françaises au Québec. Mais, en tant que citoyens libres d'un pays libre, nous sommes fort inquiets de la mesure dans laquelle le projet de loi restreint les droits des personnes.

Pour nous, éducateurs, notre philosophie de l'éducation a ses racines dans un idéal d'éducation libéral qui rende possible l'épanouissement maximum de l'individu.

Cet épanouissement maximum exige que l'individu soit libre de prendre des décisions à titre individuel, libre d'agir au sein de la société. Quand la liberté de l'individu est entravée, le système d'enseignement cesse de s'épanouir.

Le projet de loi no 1 se sert de l'éducation pour promouvoir un nationalisme et une discrimination poussés à l'extrême. Alors qu'il est dit qu'il est souhaitable d'apprendre des langues autres que le français, on y découvre que cette pratique désirable devra être sacrifiée au nom d'impératifs politiques. Des déclarations sans fondement et de lugubres prophéties sur l'éminence du trépas du français au Québec représentent, au mieux, un point de vue, pas nécessairement scientifique, ni objectif.

La définition sous-entendue du "Québécois" — et vous l'avez entendue à plusieurs reprises déjà — est inacceptable aux yeux de tout Québécois anglophone et exige une nouvelle définition. Adopter une telle définition dans le projet de loi no 1 ne change en rien le fait que plus de 1,2 million de Québécois parlent anglais de par leur naissance ou par choix.

Nous sommes Québécois en vertu du fait que nous résidons dans cette province en tant que citoyens canadiens, en vertu de la contribution spirituelle et matérielle que nous avons apportée et que nous continuons d'apporter pour le bien-être du Québec, et en vertu du fait que nous apportons notre aide financière au gouvernement élu librement, responsable du bien-être de tous les citoyens de notre province.

Nos principales objections au projet de loi no 1 sont les suivantes:

II refuse à tous les citoyens francophones et anglophones du Québec le libre usage de leurs institutions existantes, institutions qu'ils ont créées et qu'ils entretiennent.

Deuxièmement, il élimine le droit qu'a le Québécois francophone de faire éduquer son enfant en anglais, que ce soit complètement ou partiellement. Le Québécois anglophone a effectivement deux choix.

Troisièmement, il a supprimé les droits qu'accordait la Charte des droits et libertés de la personne (1975) à toute humanité.

Quatrièmement, il incite à une discrimination flagrante, représentant faussement les Québécois anglophones comme des exploiteurs et perpétuant, de ce fait, le concept simpliste qu'il existe un conflit latent entre anglophones et francophones, ce qui engendre une philosophie de bouc émissaire.

La QASA juge que le projet de loi no 1 est un acte législatif rétrograde qui divisera les gens de notre province. Il constitue une violation contre les droits civils des gens des deux cultures. Les citoyens sont en droit de s'attendre à ce que leur gouvernement agisse de manière objective, logique et juste, garantissant à tous l'accession au mieux-être.

Les Québécois anglophones sont plus que désireux de participer à la culture de la majorité de notre province et le fait qu'on y soit constitue une preuve de ce fait. Soutenus par un gouvernement capable de visions d'ensemble, les gens du Québec pourraient oeuvrer ensemble vers une appréciation véritable de la culture de la majorité au sein d'un pays libre et bilingue.

En termes de recommandations, nous recommandons ce qui suit:

Au chapitre VIII, on recommande que tout citoyen puisse choisir librement la forme d'éducation qu'il désire, et ce, dans le cadre des institutions d'enseignement actuelles. Ce que l'association croit, c'est qu'effectivement, la méthode proposée dans le projet de loi no 1 va dans la mau-vause direction, en fixant des procédures et des limitations pour l'éducation anglophone. Si la langue française, dans la province de Québec, devenait vraiment la langue de travail qui est un des objectifs du projet de loi no 1, les systèmes d'éducation s'adapteraient pour remplir cette condition. En général, que les immigrants soient encouragés et non contraints à fréquenter les écoles françaises. Leur intégration à l'une ou l'autre culture devrait être fondée sur leur propre culture, leur âge et ce qui s'avère être dans leur meilleur intérêt au moment de cette intégration.

Que les institutions d'enseignement offrent les cours dans les deux langues ou dans une seule des deux langues, selon le choix et le besoin de la population.

A l'article 10 qui se lit comme suit: "Une version anglaise des textes de loi est imprimée et publiée par les soins de l'administration", nous recommandons qu'on établisse avec précision les délais dans lesquels les traductions doivent être publiées.

A l'article 16, nous recommandons que tout citoyen puisse avoir droit à une traduction s'il le désire. Effectivement, ce qu'on suggère là, c'est que, si un citoyen s'adresse à l'administration publique en anglais, il devrait recevoir cette réponse en français et en anglais, automatiquement.

A l'article 19, nous recommandons qu'on fournisse aux anglophones les moyens d'apprendre le français, qu'on facilite le recyclage du personnel déplacé ou désavantagé à la suite de la mise en vigueur de la proposition du projet de loi no 1.

Aux articles 23, 33, 34, 35 et 39, nous recom-

mandons que les communications internes et la documentation des organismes anglophones puissent n'être qu'en anglais.

Aux articles 44 et 45, nous recommandons qu'une version anglaise soit fournie sur demande.

Aux articles 68, 71, 73, nous recommandons que le terme de la nomination soit plus court et que le président ne puisse rester en fonction.

Aux articles 75 et 76, nous recommandons qu'aucun fonctionnaire et qu'aucune agence gouvernementale ne soient investis de pouvoirs aussi discrétionnaires.

Aux articles 2 et 112, nous recommandons qu'on redéfinisse le mot "Québécois".

Enfin, à l'article 172, nous recommandons que la Charte des droits et libertés de la personne ne soit pas violée.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, merci, M. Krause. Je cède maintenant la parole au député de Deux-Montagnes.

M. Saint-Germain: Question de règlement, s'il vous plaît! Il est déjà 11 h 15. Je remarque qu'il n'y a, à la commission, aucun représentant du cabinet, aucun représentant de l'Exécutif. Je crois que c'est une situation absolument intolérable. C'est un affront à nos invités qui ne peuvent s'adresser à aucun représentant du cabinet. Cela marque d'une façon absolument inadmissible le peu d'importance que le gouvernement a attachée à nos invités d'aujourd'hui. Je me demande dans ce contexte s'il n'y aurait pas lieu aujourd'hui de continuer les travaux. On sait pertinemment, dans nos institutions, le rôle fondamental de l'Exécutif au niveau du gouvernement. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, si tous les membres de l'Exécutif sont occupés aujourd'hui, de façon que notre travail soit plus efficace, de remettre les travaux lorsqu'il y aura un ministre disponible pour venir prendre part à nos discussions. Ce ministre pourrait de par son titre et ses responsabilités, parler au nom du cabinet, ce que personne ne peut faire actuellement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jacques-Cartier, je pense que je suis en mesure...

M. Charbonneau: Je voudrais faire remarquer que si l'Opposition officielle a pris l'habitude de vouloir se retirer des débats et des travaux du Parlement, je pense que c'est libre à elle. La question du député... Un instant!

M. Lalonde: Le député de Vanier s'est tu. Il n'a pas réintégré le parti encore.

M. Charbonneau: La question du député de Jacques-Cartier, je pense qu'elle est en retard d'au moins quelques jours. Il aurait peut-être dû la soulever la semaine dernière, lorsque le député de Deux-Montagnes a rempli le même rôle. Je pense qu'à ce moment, ni les membres de l'Opposition officielle, ni les membres de l'Union Nationale, ni les témoins n'ont jugé bon de faire remarquer à la commission que le député de Deux-Montagnes était indigne de pouvoir bien rapporter au ministre d'Etat au développement culturel les propos qui se sont tenus ici à la commission parlementaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, une dernière intervention sur la question de règlement, le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas si c'est une dernière, étant donné qu'on vient à peine d'y toucher. Je suis sûr que personne ne désire qu'on fasse une motion pour inviter le ministre d'Etat au développement culturel, ce qu'on a dû faire pour le ministre de l'Education. Naturellement, on est rendu au mois de juillet, mais les vacances ne sont pas commencées pour les membres de la commission; je me demande où est le gouvernement aujourd'hui. On nous reproche de ne pas avoir soulevé cette question la semaine dernière. Est-ce que la récidive pardonne à la première erreur?

M. Charbonneau: Si vous avez l'habitude de sortir, dites-le. Ecoutez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: II n'est pas question qu'on sorte, il est question naturellement qu'on invite le gouvernement à venir s'asseoir avec nous autres. C'est une arrogance absolument inacceptable.

M. Charbonneau: Je pense que c'est une insulte à tous les membres du Parlement, à tous les députés...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Je pense qu'on représente aussi les citoyens du Québec.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, à l'ordre, s'il vous plaît, pour la dernière fois.

M. Lalonde: C'est justement parce qu'on représente les citoyens du Québec qu'on doit avoir au moins, au niveau du gouvernement, la décence de nous déléguer quelqu'un du gouvernement pour pouvoir parler à nos invités. Il me semble que c'est tout à fait inadmissible.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Charbonneau: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Verchères! M. le député de Rosemont, je pense que sur la question de règlement, la présidence est actuellement suffisam-

ment informée. Je ne veux pas qu'un débat survienne à ce propos. Ce que j'ai à dire...

M. Paquette: Ce sera très bref et nullement blessant et nullement de nature à engendrer le débat.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que c'est de nature à éclairer le débat davantage?

M. Paquette: Je le pense. Je ne voudrais pas que nos invités pensent que c'est un manque de respect envers eux. La semaine dernière, c'est arrivé également une fois où le ministre a dû s'absenter, et tous les ministres, parce qu'il y avait une réunion du cabinet où justement, on était en train de commencer à étudier les amendements à apporter à la loi no 1. Ce matin, une circonstance analogue retient le ministre d'Etat au développement culturel, qui est en conférence avec le premier ministre. On est en train, à mesure que les mémoires arrivent, de regarder les amendements qu'on peut apporter au projet de loi. Vous comprendrez que quand on siège du matin au soir, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour ce genre de réunions. D'autre part, le premier ministre doit partir à la fin de l'après-midi pour un voyage à l'extérieur de la capitale. Il était essentiel que le ministre d'Etat au développement culturel le rencontre ce matin, ce qui explique que le ministre ne soit pas ici.

Soyez certains que ce n'est pas un manque d'égard à l'endroit de votre mémoire et que nous allons en prendre bonne note. De toute façon, on analyse tous les mémoires qui sont présentés, même ceux qui ne le seront pas, et on en fait une synthèse. On va en tenir compte dans les amendements à la loi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mme le député de L'Acadie et par la suite, le député de Deux-Montagnes.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'apprécie l'explication du député de Rosemont, et je peux fort bien comprendre que des circonstances obligent le ministre d'Etat au développement culturel à rencontrer le premier ministre. Vous l'avez fort bien expliqué. Mais est-ce que ceci empêche un autre ministre, un autre membre de l'Exécutif, de venir siéger à cette table?

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, M. le député de Deux-Montagnes sur la question de règlement.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je pense que chacun comprendra que j'hésite à m'engager dans ce débat. Je voudrais seulement rappeler à tous que sur cette question, il y a eu jusqu'ici, du côté de l'Opposition officielle, quatre interven- tions: une première, dans laquelle le député de L'Acadie, ayant noté l'absence du ministre de l'Education, a ajouté aussitôt des bonnes paroles à mon endroit...

Mme Lavoie-Roux: Je ne les retire pas!

M. de Bellefeuille: Merci! Une deuxième, dans laquelle le député de Jacques-Cartier a mis en doute l'opportunité de continuer de siéger; une troisième, dans laquelle le député de Marguerite-Bourgeoys a dit, non pas qu'il s'agissait de ne pas siéger, mais qu'il s'agissait plutôt d'inviter instamment le ministre et, enfin, une quatrième intervention de Mme Lavoie-Roux... Pardon, de Mme le député de L'Acadie qui, cette fois, n'a pas repris ses bonnes paroles.

Je voudrais seulement ajouter...

Mme Lavoie-Roux: Vous en aurez d'autres demain.

M. de Bellefeuille: ...ceci, M. le Président: on m'informe que, lors de la commission parlementaire qui a entendu les représentations sur la loi 22, le parti ministériel de l'époque n'a parfois compté dans ses rangs que des députés. Il y a eu absence de ministres à certains moments, m'informe-t-on.

M. Charbonneau: Avec 102 députés. Vous n'avez pas de leçons à faire à personne, vous autres, sur la démocratie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le même point, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Charbonneau: Oui...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que ce sera la dernière intervention.

M. Lalonde: M. le Président, d'abord, s'il faut invoquer la loi 22, laissons-la en place. C'est tout ce qu'on fait depuis quatre semaines, invoquer la loi 22. Deuxièmement, l'éclairage du député de Rosemont soulève d'autres questions. Si le ministre est en train de préparer la version révisée du projet de loi, il me semble que c'est une double insulte à faire à ceux qui sont ici pour justement éclairer la commission: le ministre n'est même pas ici pour les écouter. Le député de Deux-Montagnes dit que le député de Jacques-Cartier veut ou suggère d'ajourner la séance. Moi, je suggère, naturellement, que le ministre soit invité. S'il n'est pas invité ou si le gouvernement ne veut pas venir participer à nos débats, je ne vois pas quels autres travaux, quelle autre utilité il y aurait, sauf cette espèce de comédie de la part du gouvernement...

M. Paquette: Non, mais je m'excuse... Le député est en train de déformer légèrement mes propos. A la demande de l'Opposition, depuis trois

semaines, il y a un comité de révision de la loi 1 qui siège. L'Opposition était d'accord. Cela fait trois semaines, vous le savez, qu'il y a un comité de révision. A mesure que les mémoires nous parviennent les questions sont référées à ce comité de révision. On est en train de revoir la loi au fur et à mesure, de façon à perdre le moins de temps possible. On ne voudrait pas recommencer l'année scolaire avec des tests linguistiques comme ceux de l'an dernier et ravoir tous ces problèmes, n'est-ce pas?

M. Lalonde: Amendez le chapitre 5, c'est tout. On ne serait pas ici...

M. Paquette: II y a d'autres problèmes que ceux de la langue d'enseignement.

M. Lalonde: Voyons donc!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Voici! Je... M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: C'est moi qui ai, au tout début, fait cette observation, M. le Président. Je devrais au moins, en toute sincérité, avoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous donne l'occasion de répliquer.

M. Saint-Germain: Bon! J'ai simplement voulu souligner l'absence de représentants du cabinet.

M. Charbonneau: Vous avez dit plus que ça.

M. Saint-Germain: Maintenant, on nous a donné les raisons...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Voyons donc! Vous voulez créer un climat d'animosité avec les témoins!

M. Saint-Germain: ...On ne peut pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! M. le député de Verchères!

M. Saint-Germain: Je sais pertinemment qu'on travaille à modifier la loi, mais on ne peut pas tout faire en même temps. Nous siégeons à cette commission de 10 heures du matin à 11 heures du soir, à un rythme accéléré. Des gens viennent ici qui, bien souvent, voient leur audition retardée. Il reste que, fondamentalement, nécessairement, quelqu'un de l'Exécutif devrait être ici.

C'est absolument inadmissible. C'est contre les principes mêmes du travail et de l'établissement de cette commission.

M. Charbonneau: M. le Président, j'invoque le règlement. C'est de la redite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: Je pense que ces arguments ont déjà été présentés...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Charbonneau: ... et vous êtes en mesure maintenant...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, M. le député de Verchères, s'il vous plaît.

M. Saint-Germain: Les gens qui viennent ici s'attendent nécessairement à s'adresser à quelqu'un de responsable qui, au niveau du cabinet, peut rapporter leur façon de voir. Autrement, c'est absolument inutile. Les gens savent ça. J'ai beaucoup de respect pour le travail des députés, mais on sait que par notre constitution même, par nos traditions mêmes, ce sont les membres du cabinet...

M. Paquette: ... travail de la commission.

M. Saint-Germain: ... et ce sont eux qui sont responsables...

M. Paquette: Vous minimisez le travail de la commission aux yeux des témoins, et c'est très grave.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ... qui sont absolument responsables de la loi, cette loi qui a été déposée...

M. Paquette: Pourrait-on en finir avec cela?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: ... et parrainée par un ministre et elle reflète la politique du cabinet et nous n'avons personne ici qui représente ceux mêmes qui sont responsables de l'étude de ce projet de loi. C'est absolument inadmissible, quoi qu'on en dise et quoi qu'on fasse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur la question de règlement, nous avons des invités qui ont terminé l'exposé de leur mémoire. A ma connaissance, il n'y a pas eu de motion de présentée. L'Opposition officielle, par la voix du député de Jacques-Cartier, a souligné l'absence de membres du cabinet et je pense que la présidence, à ce stade-ci, n'a pas à suspendre les travaux de la commission qui peuvent, légalement, se poursuivre jusqu'à 13 heures. Mais, la présidence peut quand même exprimer le voeu qu'un ministre ou qu'un membre du cabinet vienne nous retrouver dans les plus brefs délais et là-dessus, je refuse toute autre intervention sur la question de règlement soulevée. Je pense que l'absence de membres du cabinet a été suffisamment soulignée

et je cède la parole au député de Deux-Montagnes.

M. Mackasey: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il n'y a pas de...

M. Mackasey: Excusez-moi. Vous n'avez même pas écouté...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Mackasey: Vous ne le savez pas avant de l'avoir entendu. Je le sais, au moins, par les règlements, qu'il faut attendre que j'aie dit ce que j'ai à dire avant de savoir si c'est une question de privilège ou non. S'il n'y en a pas, si on demande la clôture, si c'est une dictature, très bien, mais si nous agissons démocratiquement, j'ai le droit de parole et j'ai le droit de me prononcer sur la motion présentée.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a pas eu de motion de présentée, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je suis prêt à en présenter une. Je veux exactement ce que vous voulez, qu'on continue, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, s'il vous plaît...

M. Mackasey: Oui, mais si vous...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... s'il vous plaît! Vous avez soulevé une question de privilège. Je vous ai répondu qu'il n'y avait aucune question de privilège en commission parlementaire.

M. Mackasey: ... ma question de privilège.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez pas à la poser. Vous avez invoqué une question de privilège.

M. Mackasey: Donnez-moi une chance, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II n'y a pas de question de privilège.

M. Mackasey: Alors, une question de règlement, si vous voulez. D'accord? Cela revient au même, mais cela m'étonne que les ministres ne soient pas ici. ... les raisons pour lesquelles les ministres ne sont pas ici. C'est cela qui m'enrage un peu, si vous voulez. Ils ne sont pas ici. Je pense que les députés m'ont dit qu'ils sont en train de faire des amendements au projet de loi no 1 quand nous n'avons pas entendu tous les mémoires...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, à l'ordre!

M. Paquette:... les mémoires, d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Rosemont, s'il vous plaît...

M. Paquette: Est-ce clair?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... et M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et tous les députés, je fais appel à votre collaboration. Je pense que sur la question de règlement soulevée par le député de Jacques-Cartier, il y a eu plusieurs interventions. J'ai rendu une sorte de décision en émettant des commentaires. Je pense que l'incident est clos et que votre intervention constitue tout simplement la continuation du débat antérieurement à ces commentaires de la présidence; en conséquence, je demanderais que tous les députés laissent le député de Deux-Montagnes poser des questions à nos invités. Merci.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. La courtoisie la plus élémentaire et les usages parlementaires font que lorsque nous avons devant nous des invités, nous leur parlons avec justement beaucoup de courtoisie. Mais il ne faudrait pas s'y méprendre si je vais m'adresser à M. Krause et aux deux personnes qui l'accompagnent, avec courtoisie, cela ne sera pas le signe d'un accord avec les recommandations qu'ils nous présentent.

Je crois que ce mémoire illustre un phénomène auquel le gouvernement veut porter remède. J'hésite à employer le mot que j'ai en tête parce que c'est un mot qui est émotivement très chargé, mais je vais l'employer quand même parce que c'est celui qui me paraît le plus exact.

Je crois que ce mémoire illustre un phénomène de ghetto, un phénomène selon lequel une certaine proportion de la population du Québec vit, en quelque sorte, dans un monde à part. On dira, bien sûr, que ce ghetto pour beaucoup est un ghetto doré, mais cela ne change rien à la nature même du phénomène. Dans ce monde à part, on a des choses une vision très particulière, et je prétends, M. le Président, que cette vision particulière comporte un grand nombre d'inexactitudes, des inexactitudes quant à la réalité québécoise et même, ce qui est beaucoup plus étonnant, des inexactitudes quant au contenu même du projet de loi no 1. Par ailleurs, et là, ce n'est plus un phénomène de ghetto, c'est sans doute le temps qui est compté pour nous tous et qui fait qu'on n'a pas toujours le loisir de suivre ce qui se passe dans les media d'information, on trouve aussi dans ce mémoire des recommandations portant

sur des points sur lesquels le gouvernement, par la voie du ministre d'Etat au développement culturel, a déjà annoncé, depuis un bon moment, depuis quelques semaines, des modifications à venir, et le ministre a également indiqué quel serait le sens de ces modifications.

Votre mémoire, M. Krause, commence à la page 1 par un énoncé de principe que vous avez lu, parce que, évidemment, les contraintes du temps ne vous ont pas permis de donner lecture complète de votre mémoire, mais c'est une partie que vous avez effectivement lue et dans laquelle vous dites: Nous appuyons toute législation visant à maintenir et à renforcer la langue et la culture françaises au Québec. J'arrive ma! à réconcilier cette affirmation avec la suite de votre mémoire. J'ai l'impression que cette affirmation, qui apparaît au tout début de votre énoncé de principe, appartient à la catégorie familière des voeux pieux et qu'elle procède peut-être d'une politesse, politesse à laquelle je rends hommage, mais je me demande si cette politesse est bien placée, s'il ne vaut pas mieux employer un langage plus direct et si, dans votre énoncé de principe, il n'aurait pas mieux valu dire que vous avez toutes sortes de méfiances envers les législations de ce genre. C'est ce que vous affirmez plus loin. Dans ces conditions, pourquoi dire que vous appuyez toute législation visant à maintenir et à renforcer la langue et la culture françaises au Québec? La réponse à cette question que je vous pose, M. Krause, vient peut-être d'un léger problème de traduction puisque l'anglais dit: We support appropriate legislation. Ce qui est assez différent de: Nous appuyons toute législation. Quoi qu'il en soit, c'est la version française que vous avez lue, c'est celle-là qui figurera au journal des Débats et c'est celle-là qui m'apparaît incompatible avec l'ensemble de votre mémoire.

Dans votre mémoire, et aussi dans la présentation que vous venez d'en faire, il y a des formulations, des expressions qui nous paraissent tout à fait excessives. Par exemple, quand vous parlez de nationalisme et de discrimination poussés à l'extrême. Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez réfléchi avant d'employer ces mots-là. On sait fort bien ce que c'est que le nationalisme poussé à l'extrême et ce que c'est que la discrimination poussée à l'extrême. Ce sont des choses fort graves que vous dites, des accusations qui, quant à moi, sont absolument excessives. Vous dites qu'on lit dans le projet de loi no 1 qu'il est souhaitable d'apprendre des langues autres que le français et je ne trouve pas cette phrase dans le projet de loi, pour apprendre, dans la phrase suivante, que cette pratique désirable devrait être sacrifiée au nom d'impératifs politiques. Je ne vois non plus dans le projet de loi no 1 aucune phrase correspondant à cette affirmation.

Une autre expression qui me paraît absolument excessive, c'est lorsque vous prétendez que, par le moyen de la loi no 1, le gouvernement entend "détruire une société entière".

Je pense que ce que nous voulons faire, M. Krause, ce n'est pas détruire une société entière, nous l'avons claironné, nous l'avons dit à satiété, que nous voulons, avec tous les Québécois, bâtir, une société ouverte. Nous ne voulons rien détruire, nous voulons bâtir et nous voulons que, dans cette société, j'insiste là-dessus, comme je l'ai déjà fait en m'adressant à un autre groupe, puisque vous êtes soucieux des libertés individuelles, nous voulons, en bâtissant cette société, nous préoccuper particulièrement d'un droit individuel qui est à la base de la Charte universelle des droits de l'homme, comme à la base de notre Loi des droits et libertés de la personne, c'est le droit de l'individu de participer pleinement à la vie collective.

Il n'y a, là-dedans, absolument rien de destructif, bien au contraire, ce que nous voulons faire, je le répète, c'est bâtir une société plus riche, plus parfaitement démocratique. Vous faites allusion à la définition du mot "Québécois", ça fait partie des points sur lesquels le gouvernement a déjà annoncé son intention d'apporter les correctifs voulus pour la clarté; à la page 4 de votre mémoire et ailleurs dans ce mémoire, vous vous déclarez farouche partisan du libre choix en matière scolaire. Je ne peux que vous faire observer que, que je sache, il n'y a au Québec aucun parti politique qui préconise le libre choix. Cela devrait vous amener à réfléchir sur l'évolution récente de la société québécoise, dans laquelle tous les partis politiques reconnaissent aujourd'hui que le libre choix n'est pas la solution aux problèmes qui se présentent dans le secteur scolaire.

A la page 5 de votre mémoire, vous affirmez que la langue d'un cinquième de la population du Québec se trouve reléguée au mieux au rang de n'importe quelle autre langue étrangère. Je crois, M. Krause, que cette affirmation ne repose pas sur le contenu du projet de loi no 1 qui, conformément aux engagements du gouvernement, respecte ce qu'on appelle, peut-être à tort, quand même les droits acquis de la collectivité anglophone du Québec, maintient le régime scolaire anglais au Québec, reconnaît à plusieurs égards dans d'autres domaines le statut particulier de la langue anglaise. C'était très clair hier soir quand la représentante de l'IATA s'est présentée devant nous; le ministre de l'Education lui a indiqué qu'effectivement nous allions reconnaître que l'IATA doit pouvoir utiliser l'anglais de façon relativement libre, vu son caractère, vu sa situation particulière, et il y a bien d'autres aspects de la loi qui reconnaissent à l'anglais un statut très particulier.

Nous ne voudrions pas cependant que la reconnaissance d'un statut particulier à l'anglais suscite dans l'esprit de Québécois, de quelque origine qu'ils soient, l'idée que les autres langues, le grec, l'italien, le portugais, le polonais, les langues amérindiennes, les langues inuit doivent être considérées comme — et je prends votre expression — des langues étrangères. Ce ne sont pas au Québec des langues étrangères et ce sont des langues auxquelles nous envisageons volontiers de donner, à certains égards et d'autres façons, un autre statut particulier, vu l'importance de ces collectivités au Québec.

Je cite de nouveau la page 5 de votre mé-

moire, "afin de justifier ses visées et de les illustrer, les Québécois anglophones sont faussement présentés dans la charte sous l'image surannée d'un groupe d'entrepreneurs prospères blottis au sein de quartiers chics. Cette description est au mieux une négation de la réalité, au pire, c'est un mythe diffamant."

M. Krause, si vous pouvez me signaler ce qui, dans le projet de loi no 1, correspond à cette affirmation, je peux vous assurer que je suis absolument convaincu qu'il faudra corriger le projet de loi. Mais je peux vous affirmer en même temps que le projet de loi ne contient absolument rien qui puisse justifier cette affirmation.

Je relève aussi que, à la page 7, vous avez affirmé que, si la langue de travail devient le français au Québec, tout, en quelque sorte, va se régler. Vous tirez de nouveau de cette observation la conclusion que nous pouvons revenir au libre choix en matière scolaire.

C'est une question qui peut se débattre longtemps, M. Krause. Dans les rangs ministériels, nous l'avons longuement débattue, la question de savoir s'il ne suffirait pas, en quelque sorte, de s'assurer que le français devienne effectivement la langue du travail et que tout se réglerait par surcroît.

Nous en sommes venus, dans l'ensemble, à la conclusion que non, que tout ne se réglerait pas par surcroît, en partie... Que le français devienne la langue du travail au Québec, cela ne se fera pas du jour au lendemain. En vertu du projet de loi no 1, du projet devenu loi, cela ne se fera pas du jour au lendemain; il y a des échéances qui sont prévues. On sait que l'application d'une loi comme celle-là doit se faire avec une certaine souplesse, doit se faire avec une certaine élasticité, que le résultat de cette souplesse et de cette élasticité, fatalement, va être de prolonger encore les échéances. Par conséquent, dans l'intervalle, il nous a paru évident qu'il fallait agir dans les autres domaines en môme temps. Mais je reconnais là un débat légitime. Je reconnais que ce débat est tout à fait légitime.

Une recommandation très positive de votre groupe, M. Krause — je vous en remercie — est fondée sur vos observations au bas de la page 8 et on trouve la recommandation elle-même au haut de la page 9. Je pense que la recommandation repose sur une acceptation de l'article 19 puisqu'elle propose des modalités d'application de l'article 19, et je vous remercie de cet appui que vous donnez à au moins cet aspect du projet de loi.

Quant à votre recommandation que je lis: "Nous recommandons qu'on fournisse aux anglophones les moyens d'apprendre le français, qu'on facilite le recyclage du personnel déplacé ou désavantagé à la suite de la mise en vigueur de la loi no 1", M. Krause, c'est une recommandation que je considère, que nous considérons bien fondée, très sage. C'est une des questions que nous étudions, à l'heure actuelle, le plus attentivement et nous sommes, à cet égard, exactement sur la même longueur d'onde que vous quant à la nécessité de s'assurer que l'application de la loi sera faite humainement, quant à la nécessité de s'assurer que, dans notre société, ceux qui sont déjà les plus désavantagés économiquement ne verront pas la loi no 1 accentuer leur désavantage. C'est principalement à l'endroit des salariés, des gagne-petit, que nous voudrons nous assurer que des questions comme celle de l'apprentissage du français et celle du recyclage seront grandement facilitées.

J'en viens enfin, M. le Président, à la dernière page du mémoire, la page 13, qui porte sur l'article 172. Je pense, M. Krause, que vous devez maintenant être au courant de ce que le ministre d'Etat au développement culturel a déjà annoncé l'intention du gouvernement de remplacer cet article par un article de portée infiniment moindre et qui ne portera pas atteinte à la Charte des droits et libertés de la personne. Je ne peux, en réponse à votre recommandation à la page 13, que répéter cette déclaration du ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. Krause.

M. Krause: Pour répondre très brièvement à l'intervention, il y a seulement deux points que je voudrais soulever ou souligner dans cette situation, M. le Président. En premier lieu, la question est de regarder cela dans l'atmosphère dans laquelle le projet de loi no 1 a été déposé. L'association que je représente a étudié très longuement le "White Paper", le livre blanc sur lequel — c'est cela que je souligne — le projet de loi no 1 a été basé.

Je ne peux pas dire que si j'avais reçu ce projet de loi dans une autre atmosphère, j'aurais réagi d'une façon différente, mais le fait est que la loi est basée sur un livre blanc que nous, comme une association, croyons être discriminatoire et il y a toutes sortes de références dans ce document sur lesquelles le projet de loi no 1 proposé est basé qui nous font penser de la façon qu'on a pensé quand on a rédigé notre mémoire.

Le deuxième point que je voudrais faire valoir, c'est que vous avez quelques fois fait référence, un certain nombre de fois, excusez-moi, au fait que le ministère responsable du projet de loi no1 a déjà proposé des amendements au projet de loi. Tout ce que je voudrais dire, c'est que le mémoire que vous avez devant vous, c'est le no 14, et c'est seulement à ce moment-ci, un mois plus tard, qu'on a l'occasion de le présenter. Effectivement, ce qui est dedans, c'est clair, c'est encore ce qui était dedans le 4 juin.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je tiens à remercier M. Krause de ses éléments de clarification qui, en effet, expliquent des aspects importants de la situation. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux d'abord remercier les représentants du Quebec Association of

School Administrators pour leur mémoire. Je dois, au départ, faire remarquer qu'il y a eu ici au moins un groupe à qui j'ai dit, à mon point de vue, qu'il avait une vision un peu apocalyptique de ce qui devait arriver à la communauté francophone.

Je pense, compte tenu de votre introduction, que je vais vous adresser la même remarque, particulièrement si je regarde la page 2, où vous vous référez à l'histoire et dans laquelle vous dites que la monarchie absolue des derniers empereurs romains a permis à la règle scolastique absolue de s'installer ainsi qu'à l'âge des ténèbres.

Je pense que, comme Opposition officielle, nous avons essayé de sensibiliser le gouvernement à ce qui nous semblait des aspects vraiment trop restrictifs de la loi et, dans le sens où vous l'invoquez dans des articles subséquents, mais je ne me vois pas non plus entrer dans la société des ténèbres, en dépit de ce qui sera adopté, et je pense qu'on continuera de veiller à ce qu'on n'entre pas dans une telle société, mais je pense vraiment, pour revenir à votre texte, que cela m'appa-raît pour le moins excessif.

Je voudrais également que vous... A deux endroits, vous faites référence à un nationalisme et à une discrimination extrêmes et, en page 5, vous dites également: Ce projet de loi incite à une discrimination flagrante. Est-ce que vous pourriez illustrer un peu ceci ou donner des exemples, parce que, quand on parle de discrimination, je suis d'accord avec vous, il y a des éléments de discrimination dans le projet de loi no 1, mais quand on parle de discrimination extrême, je me sens un peu plus mal à l'aise de ne pas l'avoir perçu, parce que je pense que nous devrions être beaucoup plus "violents" dans le bon sens du mot que nous l'avons été jusqu'ici, s'il y a de telles choses dans le projet de loi.

M. Krause: Est-ce que vous voulez la réponse?

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. Krause.

M. Krause: II y a quelques raisons pour lesquelles on utilise ce mot. C'est une réaction, comme je l'ai dit, avant, en relation avec l'atmosphère dans laquelle on trouve la loi no 1. Premièrement, nous trouvons que la loi est discriminatoire dans le sens qu'elle ne donne pas aux francophones le droit de participer ou de fréquenter des écoles de leur choix, que ce soit français ou anglais. Nous trouvons que cette suggestion, comme telle, est une suggestion pour protéger une personne d'elle-même. Nous ne pouvons pas accepter cette philosophie. Nous trouvons que cela prend une attitude ouverte et l'individu prendra la décision qui pour lui, est la décision la plus acceptable.

Le deuxième exemple que je pourrais soulever sur cela, et on a déjà, dans nos commissions scolaires, reçu un exemple de ce qui va arriver, c'est que les citoyens anglophones de cette province, pour fréquenter leur école, doivent suivre des procédures inacceptables, comme compléter des formules, faire ceci, faire cela, répondre à toutes sortes de questions, faire en anglais des "signed oaths" aux faits de leur histoire en termes de développement comme anglophones du Québec, etc. Nous trouvons cette sorte de suggestion dans la loi et dans les règlements de la loi, inacceptable, parce que cela nous met dans une situation où on se trouve à être des citoyens de deuxième classe. Pour nous, pour aller à l'école, il faut remplir toutes sortes de formules. Si on allait à une école qui est sanctionnée par le gouvernement, on n'aurait pas besoin de formule; on entre par la porte, on est là et cela finit là. On trouve que cette discrimination est inacceptable.

Mme Lavoie-Roux: Sur ce dernier point, je suis d'accord avec vous, en ce qui touche la communauté anglophone. Je pense que même les dispositions de l'article 56 que, jusqu'à maintenant, j'ai interprétées, à tort ou à raison, comme devant permettre à des anglophones d'aller à l'école française sans par la suite perdre leur droit à l'école anglaise, me semblent aussi dans l'esprit que vous venez de signaler, de procédures inutiles, qui vont décourager les anglophones d'aller à l'école française, puisque, à partir d'un tel article, on devra tenir des dossiers et faire face à des procédures encore plus nombreuses. Le gouvernement n'aime pas quand on n'approuve pas à 100% son projet tel qu'il est.

M. Paquette: Voyons, voyons!

Le Président (M. Cardinal): C'est normal, c'est votre rôle. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît!

M. Paquette: ... avec les mêmes...

Mme Lavoie-Roux: II faudra qu'on garde le dossier dans le coffre-fort pour qu'il ne se perde pas en cours de route. A la page 5...

Une Voix: Vous êtes effrayante.

Mme Lavoie-Roux: ... vous mentionnez que la langue anglaise se trouve reléguée au mieux, au rang de n'importe quelle autre langue étrangère. Je dois dire que quand on lit le livre blanc, c'est l'impression qu'on a, même si dans les faits, la loi prévoit que les écoles anglaises pourront survivre, mais avec des restrictions dont les effets se font sentir à moyen ou à long terme. Alors, là-dessus, je suis d'accord. Je pense que des recommandations que vous faites — et cela a été souligné par le député de Deux-Montagnes — plusieurs semblent devoir être suivies dans une certaine mesure par le gouvernement. Je voudrais simplement signaler, aux pages 10 et 11, les pouvoirs discrétionnaires que vous trouvez trop étendus et qui sont laissés à des fonctionnaires. Là-dessus, à ma connaissance en tous les cas, à cette commission, on ne s'est pas prononcé sur les modalités d'application de ces articles. A notre point de vue, du moins celui de l'Opposition officielle, on croit que ces pouvoirs devraient être réduits et envisagés

d'une autre façon que celle qui est prévue par la loi. Alors, je pense que ce sont les seules remarques que je voulais faire.

Je voudrais quand même répéter, en terminant, que je ne crois pas que le projet de loi, même avec toutes les faiblesses qu'on peut y trouver, doive ouvrir la voie chez la population anglophone à un pessimisme aussi grand que celui que vous avez signalé dans votre introduction.

Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président.

Gentlemen and madam, first of all, I would like to thank you for coming and presenting this brief. I feel that it is perhaps even very generous in its attitude. I would like to agree with you, first of all, that the attitude of discrimination against non-francophone Quebecers is evident in this government and I see it, I am reminded of it every day, because we have a calendar, on one side of the National Assembly, where they have taken the English month's names out and just left the numbers. Now, if you have to go to that amount of effort to try and remove every sign of English presence in the National Assembly, we have to consider that there has to be an attitude of discrimination in this government.

I would like to support you in your position that all new Canadians should have freedom of choice. I agree with you that political parties, at both the provincial and the federal level, seem quite prepared to write off the rights of new Canadians in order to appease the demands of the ultranationaliste Québécois. I find it a breach of the fundamental Canadian values that have built this country that we are throwing away in order to try and find an expedient solution to a language problem. I think it is deplorable.

I have a couple of questions to ask you concerning the activities of your group that are not covered in your brief and that has to do with the administration of schools. Now, could you perhaps give me some kind of idea of the effect of the reduction of the school population in your areas of responsibility, how many schools do you reckon will be closed in this coming school year and how many, with current prognostications of reduction of school population, will be closed over the next five years?

M. Krause: Mr Chairman, unfortunately, it is difficult for me to answer that particular question at this stage because our association has not yet undertaken such a study. We are in the process of analyzing the situation and what we wanted to do was to have a look at the effects of the law once it is adopted and, after September the 1st, after school opens, as to what kind of population movements and so on will have to take place as a result of the law. So, until such time, as we have more concrete information to deal with, we would rather not make any predictions. We are not optimistic.

M. Shaw: As bill 22 obviously had some negative effect on your school populations, what percentage of your school population's new income of students would be represented by the so-called allophone community, the new Canadians? What percentage in the schools under your jurisdiction would be represented by the allophone community?

M. Krause: Off the Island of Montreal, I would imagine that the percentage would be smaller. Again, I cannot give you the figures on that, because I did not bring any figures of that kind of information. But, on the Island of Montreal, and the PSBGM, I am sure, dealt with this information when they were here on their brief, the figures would probably be higher. The percentage, I would not even venture a guess at this stage.

M. Shaw: So, you are more or less not terribly aware of the effect... The school administrators are more involved in what area then? What is your primary area of activity in school administration?

M. Walsh (Peter): Right now, we do not know what is happening. The bill has not been passed. The regulations have not been issued. Amendments are being talked about. The last thing we heard on the 23rd of June was that everybody would register in the French school until both their parents registered them out of it. So, we do not know what is happening. It is not that we do not have an interest in it. We just do not know right now. Everything is up in the air.

M. Shaw: So, the period of uncertainty is not restricted to the business community.

M. Walsh: By no means!

M. Shaw: By no means! Thank you very much.

Le Président (M. Cardinal): D'accord! M. le député de Mont-Royal, il reste douze minutes.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Je veux remercier les invités pour leur mémoire. Je me rends compte que la communauté anglophone vit dans l'angoisse. C'est évident par les mémoires qui nous sont présentés et par la réaction vis-à-vis du livre blanc. Je suis d'accord avec votre réaction vis-à-vis du livre blanc. Vous vivez dans l'angoisse depuis l'accession au pouvoir d'un gouvernement qui a comme objectif la séparation du Québec d'avec le Canada. Cette angoisse et la réaction à cette angoisse posent des dangers, autant pour vous que pour nous qui sommes ici pour protéger les droits de ceux qu'on considère tous comme Québécois. Nous avons l'impression que nous causons et que nous donnons la chance au gouvernement de poursuivre ses objectifs. Parfois, c'est le choix du langage. Parfois, nous donnons l'impression qu'on ne comprend pas les problèmes qui existent dans le reste de la province. C'est malheureux, parce que je sais que vous êtes de bonne foi. Je sais que beaucoup de choses que vous dites sont vraies

quand vous vous plaignez des articles 21 et 23. Ce sont des plaintes justifiées, mais il faudrait que vous nous aidiez à vous aider. Il ne faudrait pas — et je ne veux pas que cela soit mal interprété — donner l'impression — je sais que vous ne le faites pas, que ce n'est pas votre intention — qu'on veut protéger le soi-disant statu quo. Je sais que ce n'est pas cela. On réalise tous que depuis le 15 novembre, et même cela a commencé avant, il y a une nouvelle réalité au Québec. Parfois, le langage qu'on emploie dans nos mémoires ne semble pas tenir compte des problèmes qui existent et de cette nouvelle réalité. Cela donne la chance, comme je le disais, au parti ministériel, de poursuivre ses objectifs et d'utiliser ce qui est dans votre mémoire à ses fins, pour vous faire des reproches.

Vous avez souligné que ce n'était pas un reproche à vous faire si le ministre devait faire des amendements. Votre mémoire a été soumis longtemps avant que le ministre n'ait même donné des indications qu'il allait en faire, mais il faut se garder contre ce genre de tactiques. Il faut réaliser ce qui est en jeu. Si le projet de loi, vraiment, n'est pas nécessaire et le mémoire qui a précédé le vôtre l'a démontré clairement — celui de la Commission des écoles catholiques de Québec... Elle a une confiance, et elle a démontré par son approche qu'elle n'avait pas besoin... Cela pourrait se répéter dans toutes les communautés du Québec, à Rivière-du-Loup, à Rimouski, à Chicoutimi... On n'a pas besoin du projet de loi no 1. On n'a pas besoin du langage du livre blanc. C'est vrai que cela a été fait pour susciter... Mais le danger que pose votre mémoire c'est que cela donne la chance au Parti québécois de dire au reste de la population: Voici, les Anglais ne comprennent pas. Je ne veux pas par cela vous faire la leçon. Je crois que vous connaissez mes vues sur les droits des minorités. Vous connaissez mes vues sur les projets de lois linguistiques, mais nous avons d'autres problèmes ici au Québec, qui dépassent la question linguistique. Je souhaiterais que les groupes minoritaires, la communauté anglophone, aident les membres de la commission et de l'Assemblée nationale qui réalisent ce qui se passe, qui réalisent les failles du projet de loi, les objectifs du gouvernement et on ne veut pas donner l'occasion d'utiliser ce projet de loi comme instrument pour diviser la population.

Vous parlez de liberté de choix et, M. le Président, le député de Deux-Montagnes a dit qu'aucun parti politique n'a abandonné la liberté de choix. Je voudrais vous demander, sur la question de liberté de choix... J'admets avec vous que l'article 52 est absolument discriminatoire et donne l'impression — et je l'ai dit à plusieurs reprises — de vouloir restreindre la communauté anglophone. Quand on prend l'article 52 et le livre blanc, on a clairement l'impression qu'on veut que la communauté anglophone disparaisse du Québec.

Alors, mis à part l'article 52, si la communauté anglophone a la liberté de choix, et tenant compte du contexte politique dans lequel nous sommes, croyez-vous que, même si, au niveau individuel, au niveau des valeurs individuelles, c'est un principe — parce que je crois qu'au niveau individuel, cela l'est, dans le contexte actuel — est-ce que vous croyez que la demande pour la liberté de choix doit venir du groupe anglophone ou est-ce que vous pensez que ce ne serait pas mieux de laisser cette question aux francophones, que ce soit demandé par eux-mêmes s'ils le veulent plutôt que par un groupe anglophone se faisant le porte-parole des droits des francophones? Je parle dans la situation actuelle. Est-ce que vous ne croyez pas que ce serait mieux et que cela ne pourrait pas être utilisé contre vous, en voulant dire: Vous voulez maintenir le statu quo parce que, d'après les mythes qui sont répandus par le Parti québécois, le français est en voie de disparition? Il y a toutes sortes de...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal. Je m'excuse de vous interrompre dans votre élan. Le temps est déjà dépassé. Je vous prierais de conclure.

M. Ciaccia: Je termine. Alors, seulement la question. Pensez-vous que ce ne serait pas mieux de laisser aux francophones l'obligation ou le devoir — appelez cela comme vous voulez — de demander la liberté de choix plutôt que de la laisser aux anglophones qui vont l'avoir et cela sera naturellement un avantage pour eux?

M. Krause: M. le Président, je voudrais, en premier lieu, indiquer que l'association est bien au courant qu'essayer de protéger un statu quo, cela ne se fait pas. Nous sommes au courant qu'il y a des changements dans la province de Québec auxquels nous sommes prêts à participer. C'est une question de définition de statu quo. Vous dites: Le statu quo du passé. C'est vrai que c'est fini. Cela n'existe plus. Il y a de nouveaux développements et des événements dans la province auxquels on est prêt à participer. Quand vous dites de laisser la demande du choix de l'éducation aux francophones, je n'aurais aucune objection si cette demande venait des francophones, mais, effectivement, quand nous présentons notre mémoire, nous trouvons que c'est nécessaire d'exprimer nos valeurs et notre position. Notre position, c'est certainement un libre choix, mais dans un Québec dans lequel le statu quo, en termes de libre choix, qui existait avant n'existe plus. Par exemple, c'est bien clair que, de plus en plus, pour travailler dans la province de Québec, il faut parler la langue de la majorité.

C'est une question avec laquelle notre association est complètement d'accord. C'est un statu quo, dans un sens. On va travailler en français dans la province de Québec, on va parler français avec nos collègues francophones. On le fait déjà dans plusieurs réunions du ministère de l'Education. Tous nos membres qui viennent au Québec, qui participent au comité, etc., y travaillent en français effectivement.

Pour nous, c'est une réalité avec laquelle on est prêt à travailler. Mais dans le même sens, on

est prêt à le faire, parce qu'on le fait par choix, on le fait librement. C'est une réalité avec laquelle...

Le Président (M. Cardinal): M. le député... Ah bon, je m'excuse! C'était terminé? M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je voudrais revenir sur certains points de votre mémoire. Je comprends très bien, si je me place dans votre situation, qu'il y ait chez vous un grand point d'interrogation, surtout après la lecture du livre blanc. Nous avons reçu, depuis le début des auditions, plusieurs assurances du ministre d'Etat au développement culturel qu'il y aurait des modifications. Mais je vois ici que, à la page 4, vous mentionnez que les écoles françaises vont réduire au minimum l'enseignement de l'anglais. Je comprends très bien que chez vous, c'est peut-être une inquiétude et le premier ministre lui-même, à différentes reprises, a assuré la Chambre et la population que la qualité de l'enseignement de l'anglais sera augmentée dans les écoles françaises; c'est une chose que nous espérons.

Vous dites ensuite que les écoles anglaises dépériront, mais si vous maintenez votre clientèle... Quand vous dites dépérir, est-ce que c'est parce que vous allez perdre une certaine clientèle française ou à cause du fait que les immigrants à venir n'iront pas s'intégrer dans vos écoles? J'aimerais que vous me précisiez ce point, quand vous dites que vos écoles vont dépérir, vont mourir, en d'autres termes, non une lente agonie.

M. Krause: Dans le système d'éducation protestant, la majorité des personnes qui venaient comme nouveaux participants dans les écoles protestantes étaient des personnes canadiennes qui venaient d'autres parties du Canada. Ce n'était pas comme des immigrants. Depuis la loi 22, c'est certain qu'on a seulement des personnes qui connaissaient déjà la langue anglaise. Effectivement, il y avait déjà une réduction certaine, mais ce qui arrive avec la loi 1, ça va être réduit encore plus et plus rapidement.

M. Le Moignan: Je croyais que les futurs immigrants... D'ailleurs ce ne sont pas des immigrants, ceux qui viennent de Winnipeg ou de la Colombie-Britannique, ce sont des Canadiens. S'ils viennent vivre ici au Québec, c'est votre désir de voir ces gens qui ont leur milieu de vie, puisque la langue conditionne une culture, aller à vos écoles anglaises.

M. Krause: C'est notre désir de leur donner le choix, soit d'envoyer leurs enfants à une école française, s'ils le veulent, parce qu'ils sont au Québec ou à une école anglaise. Mais c'est le choix des parents qui vient.

M. Le Moignan: Ce serait bien normal et bien légitime aussi, surtout pour tous les Canadiens, quelle que soit leur origine. S'ils sont nés au Canada, s'ils sont de langue anglaise, qu'ils passent directement à vos écoles.

J'ai peut-être une dernière question. Vous parlez des cas des mal nantis, des "poors". Vous dites que ce sont ces gens qui vont souffrir le plus, qu'ils n'auront plus la possibilité d'apprendre l'anglais, tandis que les riches vont envoyer leurs enfants à l'école privée. Est-ce que l'Etat n'aura pas un contrôle à ce moment-là. Ou bien, les enfants de ceux qu'on appelle les riches, les bourgeois ou ceux qui sont mieux placés auront-ils ce privilège d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise ou de les envoyer dans des camps aux Etats-Unis, l'été, pour apprendre l'anglais à haute pression? Comment voyez-vous la situation?

M. Krause: On espérerait que soient donnés à tous les Québécois, anglophones et francophones, les mêmes privilèges ou les mêmes droits à obtenir une éducation valable dans la communauté dans laquelle on demeure. C'est dans ce sens-là qu'on voudrait que la loi no 1 voie plutôt à donner une chance égale à tous ceux auxquels cette loi va s'appliquer.

M. Le Moignan: Est-ce que, dans vos écoles, vous avez l'ambition, en même temps, d'essayer de demander l'enseignement de la langue française pour que vos jeunes puissent devenir bilingues?

M. Krause: Absolument. On le fait déjà avec des programmes de toutes sortes.

M. Le Moignan: Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Gaspé. Pour terminer cette audition, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je ne reprendrai pas les propos du député de Deux-Montagnes ainsi que les remarques, dans leur espèce, intéressantes, des députés de l'Opposition officielle.

Je voudrais m'attarder sur certains points de votre mémoire, en particulier à la page 2, où vous parlez de nationalisme extrême et de nationalisme absolu. Naturellement, si je comprends, vous parlez du nationalisme canadien-français ou franco-québécois, c'est-à-dire des francophones.

Est-ce que je dois conclure par là qu'il y a un autre nationalisme différent au Canada et que, dans ce sens-là, il y aurait deux nations au Canada?

M. Krause: Pourriez-vous préciser un peu votre question, s'il vous plaît?

M. Charbonneau: Ce que je dis, c'est que vous parlez de nationalisme extrême, absolu, et j'en déduis que vous parlez sans doute d'un nationalisme qui est d'abord celui de certains Canadiens français ou certains Québécois francophones. J'en conclus donc également qu'il doit y avoir un autre nationalisme, particulièrement un nationalisme anglophone, qui est sans doute différent.

Je vous pose la question: Est-ce que vous considérez, en utilisant le terme "nationalisme"

qui se réfère au concept de nation, qu'il y a deux nations au Canada?

M. Krause: Non, on ne considère pas qu'il y a deux nations au Canada. On dit effectivement qu'il y a une nation, le Canada, et que, dans cette nation, il y a deux populations, deux groupes de personnes qui contribuent à l'évolution du pays du Canada.

M. Charbonneau: Je vous remercie de votre réponse qui est, à mon avis, très franche et très claire. La remarque que j'aurais à faire à la suite de cette réponse, c'est à partir de cette non-compréhension, de ce non-accord du concept des nations qu'au Canada, actuellement, il y a des problèmes aussi graves et aussi dramatiques que ceux qu'on vit actuellement, si on regarde ce qui s'est déroulé la semaine dernière à Toronto; on y a passé encore, après des années, de longues heures à discuter sur le concept des deux nations.

Nous, ce qu'il faut comprendre, c'est que toute notre philosophie et toute notre approche sont basées sur le fait qu'il y a d'abord deux nations au Canada. Il y a une différence entre le concept de nation et le concept de peuple. C'est peut-être difficile, pour un anglophone et un francophone, parce que, dans les langues, les termes n'ont peut-être pas la même signification.

Mais nous partons du fait qu'il y a deux nations, qu'une de ces deux nations, la nation canadienne-française, est concentrée à 85% sur le territoire du Québec, ce qui fait du Québec le territoire national de la nation canadienne-française et ce qui fait de son Etat, même provincial, l'Etat national des Canadiens français. C'est la raison pour laquelle le gouvernement actuel du Québec et tous les gouvernements antérieurs se sont considérés — on n'a qu'à regarder la légitimité de la Loi 22, pour se rendre compte que tous les gouvernements québécois des dernières années se sont considérés comme les porte-parole privilégiés de la nation canadienne-française. Parce que cela n'est pas compris par beaucoup d'anglophones, au départ, il n'y a pas de discussion possible, car on ne s'entend pas sur un principe de base.

La deuxième chose que je voudrais dire, naturellement, à cause de cette distinction, c'est qu'on a, chacun de notre côté, une perception différente de la réalité. Vous mettez en doute la valeur des arguments statistiques entre autres, qui sont mis de l'avant dans le livre blanc. Il y a une question que je voudrais vous poser, parce qu'il y a des gens qui sont venus ici nous présenter des arguments statistiques qui voudraient tendre à infirmer les nôtres, ou les bases sur lesquelles on s'appuie pour analyser la réalité. Lorsqu'on parle de guerre de chiffres et qu'on essaie de dénigrer les guerres de chiffres, on oublie une chose, c'est que la statistique sert d'abord à étudier une réalité.

Il y a d'autres moyens, mais c'est un des éléments pour comprendre une réalité. Voici la question que je voudrais vous poser: Si jamais on en venait à la conclusion que ce sont nos chiffres et notre évaluation de la réalité qui est la bonne...

Peut-être qu'on se trompe, peut-être que, dans ce sens, il n'y aurait pas moyen de corriger une situation, mais si effectivement on a raison de vouloir corriger une situation, est-ce que vous allez conserver la même attitude? Parce que vous partez du principe qu'il n'y a pas de danger, qu'il n'y a pas de problèmes au Québec, qu'il n'y a pas de danger pour la nation canadienne-française, qu'il n'y a pas de danger pour la culture française, etc., mais, si votre perception de la réalité n'était pas exacte, comment réagiriez-vous?

M. Krause: Notre attitude, comme association, c'est clair. Si vraiment il y a un problème, il faut résoudre le problème, il faut trouver les solutions. On n'est pas convaincu, dans notre esprit, comme vous l'avez dit, que vraiment il y a un problème aussi sérieux que celui exposé dans le livre blanc.

M. Charbonneau: Est-ce que, de la part de votre groupe que je considère important et de la part de tous les autres groupes anglophones, il n'y aurait pas lieu, à ce moment-ci de l'histoire du Québec, et quelles que soient les options qu'on prendra sur la façon dont ces deux nations vont vivre ensemble dans l'avenir, dans un système fédéral ou autrement, de vous interroger un peu plus sérieusement sur le bien-fondé que pourraient avoir notre perception de la réalité et notre analyse de la réalité? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu actuellement de faire un peu plus le point et d'élaborer un peu plus votre recherche plutôt que de prétendre que ce sont des arguments farfelus, de lugubres prophéties sur l'imminence du trépas français? Il me semble que, finalement, ce n'est pas particulièrement rigoureux comme analyse de la réalité et vous auriez pu arriver à une analyse différente, comme des gens de l'Université McGill, par exemple, sont arrivés avec une analyse différente de la réalité, mais cette analyse, elle était, on a dû l'admettre, fort sérieuse. Mais je pense bien que vous admettrez avec moi que le genre d'argument que vous apportez à l'appui de votre prétention et de votre analyse de la réalité ne peut pas se comparer avec ce que d'autres nous ont apporté et qu'on ne peut pas en tenir compte. A ce sujet-là, je vais vous poser une question: Est-ce que vous seriez surpris d'apprendre qu'à Montréal, il y a deux fois plus d'écoles françaises, ou à peu près, que d'écoles anglaises qui ferment, par les temps qui courent? Est-ce que vous seriez surpris d'apprendre cela?

M. Krause: Est-ce que je serais... Non, je ne serais pas surpris.

M. Charbonneau: Surpris? Non, vous n'êtes pas surpris. Est-ce que vous trouvez cela normal?

Une Voix: ... la pilule.

M. Charbonneau: Pardon?

M. Krause: Cela dépend des raisons de la fermeture.

M. Charbonneau: Oui, mais le...

M. Krause: Si la raison pour la fermeture est parce que toutes les personnes qui viennent à Montréal, soit francophones, anglophones ou autres, envoient leurs enfants aux écoles anglophones, c'est une chose, mais, s'il y a d'autres raisons, c'est clair que les solutions seront différentes.

M. Charbonneau: Je suis bien d'accord, mais je vous signale que le groupe qui est venu devant nous... Je pense que les chiffres que j'ai donnés ne s'appliquent pas à la région de Québec. Mais, lorsqu'on a une situation où on a 40% de francophones qui font vivre un système anglophone, à Québec, dans la ville de Québec, on est en droit de se poser des questions.

Le dernier point que je voudrais aborder avec vous, c'est que, si on a une justification d'intervenir, je pense qu'à ce moment-là, on est justifié de dire, pour un certain temps: II n'est plus question d'avoir de liberté de choix. J'ai hâte de savoir des gensde l'Opposition, parexemple... Si effectivement nos statistiques et notre évaluation de la réalité ne sont pas exactes, pourquoi ne se prononcent-ils pas carrément pour le libre choix? S'ils sont encore d'accord avec le libre choix, c'est qu'ils considèrent que la réalité devrait peut-être être modifiée et, à ce sujet-là, je voudrais vous demander si vous auriez des suggestions à nous faire. Du moment qu'on accepte qu'il ne faut pas, justement, accorder la liberté de choix, parce qu'il y a une situation à corriger, quels seraient les autres critères? Parce qu'effectivement, aussitôt qu'il n'y a plus de liberté de choix, il y a des critères à établir. Quels seraient, à votre avis, les critères qui seraient plus précis, plus justes, moins difficiles à accepter pour vous que le critère qu'on a accepté, qu'on a adopté après de longues réflexions? Est-ce que vous avez des critères qui, à votre avis, compte tenu de l'approche qu'on a et du fait qu'on n'est pas d'accord avec la liberté de choix... Il faut donc établir une façon de classifier les groupes. Comment devrait-on le faire, si vous pensez que notre approche n'est pas la bonne?

M. Krause: Vous me demandez comment classifier les groupes.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: C'est-à-dire que je vous demande si vous avez...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Je m'excuse. M. le député de Mont-Royal invoque une question de règlement.

M. Charbonneau: Je ne l'ai pas vu, excusez-moi.

M. Ciaccia: Question de règlement, non pas de privilège, M. le député...

Le Président (M. Cardinal): Je vais l'entendre d'abord.

M. Ciaccia: Excusez-moi. A l'article 96, le député de Verchères a imputé aux propos de l'Opposition dont je fais partie...

M. Charbonneau: Je considère que vous faites partie de l'Opposition.

M. Ciaccia: ...que la raison pour laquelle nous sommes contre la liberté de choix, c'est parce que nous sommes d'accord avec la réalité... qu'on a besoin d'apporter...

M. Charbonneau: Ecoutez, je ne sais pas...

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que j'ai dit. Je veux corriger les propos...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre! Pas de débat sur la question...

M. Charbonneau: Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela.

M. Ciaccia: Ce n'est pas un débat. Je veux seulement corriger que je n'ai pas dit que la raison pour laquelle je contestais la liberté de choix, c'était pour des raisons politiques dans le contexte actuel, non pas le fait que j'acceptais vos chiffres ou votre réalité. Je veux seulement clarifier cela.

M. Charbonneau: Dans ce cas, soyez un peu plus cohérent.

Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord. M. le député de Verchères, si vous voulez terminer, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Je veux seulement terminer avec les témoins. S'il n'y avait pas eu d'interruption, cela aurait déjà été fait. Je vous disais que je comprends que vous n'acceptiez pas le principe de la liberté de choix. A partir du moment où le gouvernement a décidé, pour un temps, de faire son lit avec la non-liberté de choix, et que vous acceptez difficilement les critères qu'on a retenus, est-ce que vous auriez d'autres critères à nous proposer qui soient plus satisfaisants? J'inviterais également les membres de l'Opposition à nous faire part le plus tôt possible de suggestions étoffées à ce sujet.

Le Président (M. Cardinal): Immédiatement, M. Krause, si vous voulez terminer. C'est la fin de l'audition. M. Krause.

M. Krause: Tout ce que je peux dire, c'est que notre association croit — et je l'ai remarqué quand on a commencé — que la direction qu'on devrait peut-être prendre, ce serait de créer une atmosphère dans la province de Québec où, pour travailler, il faille parler français. On pourra être bilingue, mais il faudra parler français. Si cela arrive — c'est notre opinion quand même, et c'est quelque chose qui est normal dans l'éducation — les systèmes d'éducation modifieront leur programme, leur

orientation, pour soutenir cette décision, c'est-à-dire que le français est absolument nécessaire pour travailler au Québec.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. Walsh.

M. Walsh: Si je peux ajouter quelque chose, il me semble difficile d'accepter d'être invité et de passer la majeure partie de l'heure et demie à écouter. Si c'étaient vos prétentions d'écouter, je préférerais avoir beaucoup plus la chance de parler.

On a parlé de plusieurs choses. Qu'est-ce qu'un Québécois? M. Krause a dit: Si c'est en français, d'accord, je suis prêt et tout le monde est prêt à l'apprendre. Quelques-uns, mais pas assez d'anglophones, ont appris le français jusqu'à maintenant. Est-ce que cela va être assez? Ce sont des questions qui se posent à nous maintenant. Par exemple, si on parle du pourcentage des francophones ou des Québécois dans les cadres scolaires, dans les cadres supérieurs, est-ce qu'un Peter Walsh qui est bilingue comptera dans le pourcentage ou non? On ne sait pas encore. On pense que cela pourrait être oui, que cela pourrait être non. Ce n'est pas clair. Cela risque d'être quelqu'un dont la langue maternelle et le nom soient français. C'est un problème. On a parlé de bâtir un pays ou une nation avec les mêmes matériaux. Je vois mal comment on peut bâtir quelque chose avec les mêmes matériaux sans détruire ce qui existait auparavant.

M. Charbonneau: Est-ce que vous pourriez expliciter un peu?

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Il reste à peine deux minutes pour que l'audition se termine. Les députés ont employé tout leur temps. M. Walsh, je vous donne la parole.

M. Walsh: C'est difficile à dire. Je serais beaucoup plus à l'aise si on prenait l'attitude de faire avancer quelque chose sans en faire reculer une autre. Sur une échelle, si je suis au quatrième échelon et que vous, vous êtes au cinquième, si vous me forcez à descendre de deux échelons, vous serez plus haut que moi par comparaison, mais en réalité, vous ne serez pas plus avancé et je serai descendu. Si on dit qu'il faut éliminer l'anglais comme langue du travail, les posters, les choses comme cela, cela n'avance pas le français.

Cela détruit l'anglais. Cela avance en comparaison, mais c'est une fausse réalité. C'est une "vraie" fausse réalité. J'aimerais beaucoup... Dans mon travail, j'ai dû améliorer mon français. Je l'ai fait parce que je voulais. J'ai encore beaucoup à faire, mais dans un aspect positif plutôt que négatif. On veut faire ça dans un esprit positif, ouvert, au lieu de recourir à la discrimination et d'agir de manière restrictive.

M. Charbonneau: ...a été plus positive...

Le Président (M.!. Cardinal): Non, pas de débat, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: ...que votre mémoire...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: ...je suis heureux d'entendre ça.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: Non, M. le Président, ce n'était que pour constater que la présentation...

Le Président (M. Cardinal): Oui...

M. Charbonneau: ...avait été beaucoup plus positive et intéressante, et je pense qu'il faut le souligner, parce que ces gens-là avaient peut-être l'impression...

Le Président (M. Cardinal): Bon! D'accord!

M. Charbonneau: ...qu'on les a virés bout pour bout alors que ce n'est pas le cas.

Le Président (M. Cardinal): Non, M. le député de Verchères, laissez ce soin à la présidence.

M. Charbonneau: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Bon! M. Krause, Mme McKnight, M. Walsh, je vous remercie.

M. Walsh, vous avez souligné un point que je veux rappeler aux membres de la commission. Je n'ai jamais voulu brimer le droit de parole du ministre ou des députés. Mais j'ai constaté, depuis le début de ces séances, qui durent depuis plusieurs semaines, que non seulement les députés ont employé tout leur temps, mais même au-delà de leur temps. Vous êtes le premier à souligner, en tant que témoin, si vous voulez — le mot "témoin" n'est pas pris dans le sens péjoratif — que vous avez eu beaucoup moins d'occasions, vous, les invités, de vous exprimer que les membres de la commission. Je ne vais pas au fond du débat. Je n'en ai pas le droit, comme président. Ce que vous avez dit d'autre, ça fait partie du dossier pour le gouvernement. Mais ce point, je le souligne encore une fois, en espérant encore que ce que vous aurez dit portera fruit.

Alors, à votre association, merci!

J'appelle le prochain organisme, le Metropolitan Quebec Language Rights Committee, mémoire 180.

Il n'y a personne de choqué?

Bonjour! Si quelqu'un veut bien présenter les porte-parole de votre comité.

Comité de sauvegarde des droits linguistiques du Québec métropolitain

M. Cannon (David): Mr Chairman, Committee members, we are the representatives of the

Québec Metropolitain Language Committee. I will introduce you to the three representatives before you today. On the extreme left, Mr Laurent Trudeau; to my immediate left, Mr Gary Ouellet and myself, David Cannon.

Gary Ouellet fera la présentation de notre mémoire, mais je tiens à souligner que ce mémoire a été approuvé lors d'une assemblée tenue le 25 mai par au-delà de 1200 citoyens de la ville de Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, monsieur. Si vous permettez, nous commençons à 12 h 38. Il est sûr...

Une Voix: 12 h 33.

Le Président ( M. Cardinal): Oui, 33, pardon. Il est sûr que nous devons ajourner à 13 heures. C'est sûr qu'il n'y aura pas de délai d'accordé. Un instant! Je veux vous en prévenir. Vous êtes disposés à revenir cet après-midi? Bon! D'accord!

M. le député de Vanier et, ensuite, Mme le député de L'Acadie.

M. Bertrand: M. le Président, serait-il possible de demander à ces messieurs de nous présenter aussi les dames qui les accompagnent?

Mme Ouellet: Je m'appelle Mme Ouellet.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse. Si vous voulez vraiment vous présenter, vous devez utiliser le micro.

M. Cannon: C'est Mme Ouellet et Mme Bleau. Le Président (M. Cardinal): D'accord!

M. Cannon: On ne les a pas présentées, pas par manque de politesse, parce que les trois porte-parole...

M. Mackasey: Elles sont de la ville de Québec?

M. Cannon: Elles sont de la ville de Québec toutes les deux, oui.

M. Mackasey: II y a des jolies dames à Québec.

Le Président (M. Cardinal): Vous êtes bienvenues, mesdames.

Mme le député de L'Acadie.

M. Bertrand: II y a des jolies dames...

Mme Lavoie-Roux: C'est la même chose que le député de...

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous apportez du renfort au député de L'Acadie.

Ceci étant dit, nous commençons à 12 h 34. Allez, M. Ouellet.

M. Ouellet (Gary): Messieurs et madame, le li- vre blanc sur la politique linguistique du gouvernement québécois promettait à la communauté anglophone des jours heureux. "L'anglais, tout particulièrement, nous disait-on, aura toujours une place importante au Québec (...) parce qu'il tient aussi à l'héritage culturel des Québécois." "Les anglophones du Québec doivent garder leur langue, leurs modes de vie, leur culture." - "L'amélioration de l'enseignement d'une autre langue que le français est une nécessité pour le Québec, et ne doit pas être considérée comme une entrave à la francisation." "(...) l'intransigeance ombrageuse et méprisante est à bannir comme une forme d'intolérance inacceptable dans un Etat démocratique et fraternel".

Les anglophones du Québec attendaient avec impatience cette loi empreinte de fraternité.

Enfin, le projet de loi no 1 fut déposé.

Il nous apprit que nous ne faisons plus partie du peuple québécois et, effectivement, il nous considérait comme l'ennemi public numéro un.

Comme il a été affirmé, dans le préambule du projet de loi no 1, il est dit que: "L'Assemblée nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois..."

Nous ne sommes pas d'accord. Les Québécois anglophones existent eux aussi et les faits témoignent de l'importance et de la continuité de notre contribution à la vie de notre province. Depuis l'arrivée de nos ancêtres à Québec, il y a de cela plusieurs siècles, nous avons fait plus que notre part dans la construction et le développement de notre ville. Nous pouvons même nous enorgueillir d'avoir été à l'avant-garde dans bien des domaines et d'avoir constitué un enrichissement pour la société québécoise.

Aujourd'hui, nous arrivons à ce triste tournant de notre histoire où nous devrons faire les frais d'une loi qui, sous prétexte de faire progresser le bien commun, fait de nous des boucs émissaires. Force nous est donc de conclure que, pour nos actuels législateurs, le passé ne compte plus, ni d'ailleurs son incidence sur l'avenir.

Manifestement, nous avons joué un rôle unique dans l'évolution de la ville de Québec. Notre harmonieuse collaboration avec la communauté francophone constitue un exemple frappant de solidarité et de camaraderie. Si, aujourd'hui, dans cette deuxième moitié du XXe siècle, nous formons un groupe uni, il n'en a pas toujours été ainsi. Nous symbolisons le triomphe de tous ces hommes et de toutes ces femmes de bonne volonté qui ont su, malgré leurs particularités, triompher des préjugés mesquins et du fanatisme religieux.

Il y a un fait, dans notre histoire, qui est oublié dans le présent débat et que les Québécois francophones de la jeune génération ignorent, nous en sommes persuadés: c'est que notre collectivité, ici même dans la ville de Québec, a été autrefois profondément divisée par une détestable barrière religieuse dressée par des ancêtres qui portaient en eux le virus de l'intolérance, hérité d'une Eu-

rope qui en était affligée. Il nous paraît particulièrement indiqué d'en faire le rappel dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui.

Les premiers Européens qui s'établirent ici étaient français et catholiques. Après 1759, un flot d'immigrants débarquèrent de Grande-Bretagne; ils étaient en grande majorité Anglais et protestants. Par la suite, une nouvelle vague d'immigration amena chez nous des Irlandais; ceux-là, dont la langue gaélique était moribonde, parlaient un anglais boîteux et étaient catholiques. Avec ces trois groupes en présence, chacun fort de son héritage, les pièces étaient en place pour le grand jeu du fanatisme. Parce que l'influence de l'Eglise prévalait à l'époque, les frontières qui furent tracées reposaient non pas sur la langue, mais sur la religion. Dans chacun de ces groupes, les parents redoutaient les conséquences des mariages mixtes, c'est-à-dire entre protestants et catholiques, aussi dissuadaient-ils leurs enfants de se mêler aux enfants de l'autre religion. Les parents irlandais, de leur côté, favorisaient les rapprochements entre leurs enfants et la communauté française, et vice versa, pour la raison bien simple et parfaitement justifiée à l'époque que les deux groupes avaient en commun la même religion. Conséquemment, les Irlandais devinrent bilingues, tandis que les Anglais protestants, par suite de leur isolement, demeuraient unilingues. Mais avant que le passé ne sombre dans l'oubli, qu'il soit bien entendu que les Anglais ne se sont pas détournés du français en tant que tel, mais que les moindres frictions qui survenaient avaient leur origine dans la disparité des croyances religieuses transmises de génération en génération. Nous en déduisons donc tout naturellement que si les Anglais avaient été catholiques dans cette colonie qu'était alors Québec, eux aussi seraient devenus bilingues beaucoup plus rapidement.

De semblables barrières religieuses furent érigées au sud de notre frontière où la langue n'a pourtant jamais de problème dans le creuset de la société qu'on y édifiait.

Petit à petit, il se trouva de part et d'autre suffisamment de gens bien intentionnés pour nous délivrer du climat dévastateur de l'intolérance religieuse, et nos existences à tous s'en trouvèrent donc enrichies.

Dans d'autres régions du globe, des gens de confessions différentes, qui doivent vivre côte à côte, n'ont pas eu notre chance et, pour vous en convaincre, il vous suffit de regarder ce qui se passe dans le pays d'origine de nombreux membres de notre communauté de Québec. En Irlande du Nord, en effet, Irlandais protestants et Irlandais catholiques se font une guerre qui pourrait avant longtemps dégénérer en génocide. Et notez bien qu'ils parlent la même langue.

De nos jours le nombre de protagonistes qui évoluent sur la scène québécoise est plus important que jamais. Ceux qui présentent ce mémoire sont des anglophones protestants, catholiques, juifs et peut-être même athées, qui vivent et qui travaillent ensemble dans le respect des convictions de chacun. Nous sommes la preuve vivante que le bon sens et la bonne entente portent fruit.

Ainsi donc, après avoir fait tomber les barrières religieuses de notre société québécoise, allons-nous maintenant rester muets face à la perspective d'une barrière linguistique qui pourrait se transformer en mur de Berlin parce qu'elle aura été rédigée en loi?

La communauté anglophone de la ville de Québec constitue un groupe très spécial. Dans la vieille capitale, les Québécois de langue anglaise ont toujours pleinement coopéré avec les Québécois de langue française. Nous travaillons, nous vivons, nous nous amusons et nous nous marions même ensemble. Par-dessus tout, les Québécois anglophones de la ville de Québec, à de rares exceptions près, partagent non seulement la langue des francophones, mais aussi leur culture. Nous avons été de bons amis, de bons voisins et de bons citoyens. Nous participons et nous contribuons au meilleur de deux mondes, mais, plus encore, ils ont beaucoup apporté à notre province et nous y sommes profondément enracinés. Si vous en doutez, parcourez nos cimetières et vérifiez les noms et les dates sur les pierres tombales.

Pourra-t-on jamais payer de retour ces bons samaritains de l'Armée du Salut et de l'Ambulance Saint-Jean qui, depuis près d'un siècle, soulagent la misère des Québécois de toute langue et de toute croyance. Nous avons bâti, soutenu et continuons à soutenir des écoles, des hôpitaux, des universités. Le pavillon Pollack de l'Université Laval, pour ne citer que celui-là, atteste de la générosité d'une famille juive de Québec et j'ajoute, messieurs, Centraide, la Croix-Rouge, les écoles et les ateliers pour les déficients mentaux, les Chevaliers de Colomb.

De plusieurs façons, les anglophones sont à l'origine du sport à Québec. Pensez à ce qu'on apporté les YMCA, les YWCA. Avant qu'ils ne s'implantent chez nous, il n'y avait pas un seul gymnase dans les écoles françaises.

Ce sont des Québécoisde langue anglaise qui ont introduit dans leur province la Société protectrice des animaux. Et que penser du travail accompli pendant des générations par le CWL, l'IODE et par d'autres organismes semblables. C'est aussi en pensant à l'essor industriel de la communauté que les Anglo-Québécois ont jeté les bases du Quebec Board of Trade, qui allait par la suite devenir la Chambre de commerce.

Aujourd'hui, les chansonniers québécois sont reconnus dans tous les coins du monde. La musique québécoise, celle de Gilles Vigneault entre autres, est profondément marquée par les rythmes des colons irlandais établis dans le Bas-Saint-Laurent, et de cette union est née une musique unique au monde.

Nous sommes des Québécois pure laine, nous avons acquis le droit de vivre ici. Nous faisons partie du peuple québécois et que l'Assemblée nationale veuille bien en prendre note.

Nous sommes très conscients que, finalement, le projet de loi no 1 nous place sur le plan social dans une situation très précaire. Nous sommes un peu comme les bisons canadiens dont la survivance est menacée. Ce projet de loi no 1 ne dit pas vouloir éliminer la communauté anglo-

phone, mais, en fait, il est conçu pour favoriser notre disparition. Ce n'est pas, dans l'immédiat, un cas d'assasinat, mais de lente strangulation.

En ce qui a trait à l'enseignement, nous allons tous garder le droit d'envoyer nos enfants à l'école anglaise, aussi longtemps qu'il y aura des écoles anglaises, mais, à l'avenir, aucun Néo-Québécois anglophone n'aura ce même droit. Ainsi, en raison de sa mobilité, la population anglophone ira sans cesse en diminuant. On fermera des écoles et notre communauté deviendra chose du passé.

Sur le plan politique, nous félicitons le gouvernement d'avoir imaginé une telle stratégie, car ceux qui pourraient s'en plaindre le plus sont ceux qui ne sont pas encore là, mais ne vous attendez pas à ce qu'on vous applaudisse.

Le projet de loi no 1 prétend défendre la culture et la langue françaises. Or, une défense présuppose une attaque. Serions-nous donc les attaquants? Le gouvernement n'a-t-il pas l'impression de se servir d'une masse pour tuer une mouche?

Il est difficile d'entretenir des relations cordiales si le gouvernement nous perçoit comme une menace à la survivance de la majorité.

Le projet de loi no 1 apparaît comme une sorte de purge de tout ce qui est publiquement d'expression anglaise, une sorte d'intervention chirurgicale dans ce que le gouvernement semble voir comme un cancer linguistique et une contamination culturelle. On nous met en quarantaine.

We have come to advise the government that we do not accept the diagnosis, we do not accept the remedy and we do not accept the guilt.

Aucun de nous n'était près du champ de bataille, lorsque, sur les Plaines d'Abraham, deux armées composées d'Européens se sont affrontées pendant quelques minutes. Aucun de nous n'acceptera d'en porter le blâme ou le mérite. Pourtant, le livre blanc parle de reconquête.

La devise de notre province, "Je me souviens", fut adoptée dans un esprit de fierté et non de vengeance. La démocratie constitue un système juste aussi longtemps que l'opinion de la majorité respecte celle de la minorité. Le projet de loi no 1 se préoccupe apparemment très peu du bien commun; plus précisément, il voit à accroître le bien d'un groupe au détriment d'un autre groupe. Ce projet de loi concrétise de façon irresponsable la loi du plus fort.

Nous pourrions attirer l'attention de notre gouvernement sur des études démographiques qui démontrent de manière concluante que l'adoption du projet de loi no 1, dans sa forme actuelle, sera le glas annonçant la disparition de la communauté québécoise anglophone et nous abonderions dans le même sens, mais nous croyons que notre gouvernement est déjà bien conscient de cette solution finale.

Vraiment, nous nous méfions des intentions du gouvernement. A nos législateurs, nous répondons que nous nous opposons à la proposition de M. Laurin pour la même raison que ses ancêtres se sont opposés au programme de Lord Durham. On ne saurait contrebalancer une menace à la minorité francophone au Canada en menaçant la minorité anglophone au Québec.

Nous n'avons pas l'impression que cela soit exact, quand, dans le préambule du projet de loi no 1, on prétend agir dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui participent au développement du Québec.

Avec le français comme la seule langue des tribunaux, ne sommes-nous pas en fâcheuse position si le seul témoin, lors d'un accident d'automobile, se trouve être un anglophone unilingue? Et si un juge d'une cour fédérale est d'expression anglaise, l'article 13 ne l'encourage-t-il pas à rendre un jugement aussi court et aussi peu motivé que possible? Nous pensons que nos tribunaux ont été institués pour assurer la justice et non pas pour satisfaire des impératifs purement linguistiques.

Le livre blanc déclare qu'il ne sera plus question de bilinguisme au Québec, tout comme si le bilinguisme était une calamité plutôt qu'un atout. Et les porte-parole du gouvernement ont signifé qu'ils n'entendront aucune discussion sur la liberté de choix comme celles que nous avons connues avec la loi 22. Ces messieurs ne discuteront pas du sujet. C'est un peu comme dans le cas du juge qui disait: "Vous êtes coupable et je ne souffrirai aucune discussion sur ce point. Je ne vous permettrai que de discuter sur la sentence".

Aujourd'hui, on met le bilinguisme au rancart, mais, paradoxalement, on le rend obligatoire pour les Québécois anglophones. Ce qui est bon pour les uns n'est-il pas également bon pour les autres? Et, d'autre part, n'est-il pas étrange que le Québec ait actuellement le plus grand nombre de ministres bilingues de toute son histoire?

Parlons du tort que le projet de loi no 1 fera à l'industrie touristique, la plus importante pour tout le Québec métropolitain. Le tourisme est un domaine très concurrentiel dans ce monde où on voyage de plus en plus. Toutes les villes dynamiques du Canada et de notre continent s'emploient avec acharnement à attirer les visiteurs pour qu'ils viennent y dépenser leur argent. Le projet de loi no 1 mettra des entraves à nos agents de marketing du tourisme qui, sur le plan de la concurrence, ne disposeront plus que de la moitié de leurs moyens. Quand, aujourd'hui, il y a tant d'endroits agréables à connaître et des voyages organisés en si grand nombre, chacun sait que bien peu de touristes voudront passer des vacances ou assister à des congrès, en d'autres termes, dépenser leur argent là où plane même le plus petit soupçon d'hostilité à l'égard de leur langue. Il n'est guère réaliste de comparer la ville française de Québec à la ville française qu'est Paris. Les marchés dont dispose chacune d'elles sont complètement différents. La base de notre industrie touristique repose sur les Etats-Unis et le reste du Canada. C'est un marché où le nombre des anglophones domine de façon écrasante alors que la France est ouverte à un monde polyglotte qu'elle trouve à sa périphérie.

Déjà, le projet de loi no 1 donne une impression d'intolérance dans les media de l'extérieur du Québec. Plus notre législation devient restrictive, moins l'image que nous projetons est favorable. A tort ou à raison, cela est un fait indéniable et on

devra y penser sérieusement avant que les dommages ne deviennent irréparables pour tous ceux qui se dépensent dans l'industrie touristique ou dans ses services connexes, de même que pour l'économie de la région toute entière. Si les agences de voyages qui organisent des circuits et des congrès devaient nous inscrire sur une liste noire, la fête serait finie.

A la page 16: "Ce projet de loi met en place un autre organisme bureaucratique. Cette fois, il s'agit d'un tout-puissant office de la langue française qui donne et qui retire des permis, véritable panoplie de commissions j terminologie et de toponymie, de programmes de francisation, de services, d'agences, de commissions d'enquête, de policiers de la langue, bref, tout l'appareil nécessaire à l'application de ces infâmes plans quinquennaux. "L'objectif doit être atteint d'ici cinq ans et l'échéance de ce grand branle-bas de contrôle d'Etat est fixée à 1983. Pour Orwell et son novlan-gue, ce devait être 1984. Les deux dates, si près l'une de l'autre, nous laissent songeurs." "En dépit de leur mandat, temporaire au départ, les organismes gouvernementaux ont l'habitude de devenir la chose la plus éternelle qu'il nous soit donné de voir sur notre planète".

Quand le projet de loi no 1 proclame enfin aux Québécois de langue française: "Nous ne pouvons pas vous laisser le choix de la langue d'enseignement de vos enfants, car vous pourriez peut-être ne pas choisir ce qui est bon pour vous", cela revient à dire que le gouvernement se considère comme étant le seul capable de juger, que les bureaucrates sont les uniques dépositaires de la vérité révélée et que nous sommes incapables, dans l'ensemble, du moins, de penser par nous-mêmes. Tous les Québécois que les architectes du projet de loi no 1 considèrent comme faisant partie de la majorité incapable, ne peuvent pas être si inaptes après tout; notre gouvernement semble n'avoir que très peu de respect pour la valeur intellectuelle des citoyens.

Si, en démocratie, nous sommes censés posséder assez d'intelligence pour être capables de choisir qui va nous gouverner, si nous sommes aptes à prendre cette sorte de décision, est-il présomptueux de penser que nous sommes assez qualifiés pour choisir l'école qui convient à nos enfants? Et qui gagne l'argent nécessaire à payer les salaires de ceux qui nous considèrent comme des incapables?

A la page 19: Nous ne pouvons arriver à croire que notre gouvernement considère que les jouets et les jeux représentent une menace pour la survie de la minorité, quand ils ne sont disponibles qu'en anglais. Nous n'arrivons pas à imaginer que la publicité soit un crime parce que faite en anglais. Nous croyons que nous devrions avoir le droit de faire passer une annonce pour recruter un employé bilingue, sans avoir d'abord à demander la permission au gouvernement.

Nous ne pensons pas que les travailleurs manuels non francophones devraient être victimes des manipulations politico-sociales: il est beau- coup mieux pour eux de travailler que de vivre d'assurance-chômage ou d'assistance sociale.

Nous considérons que le projet de loi no 1 en est un de revanche, indigne de notre province et de ses citoyens.

En tant que Québécois de langue anglaise et résidants de la ville de Québec, nous demandons quel a bien pu être notre crime pour que le châtiment soit si sévère. Le Québec est notre patrie autant qu'il est la vôtre. Le Québec a été bon pour nous et pensons-nous, nous avons été bons pour le Québec. Nous continuons de croire que ce Québec que nous aimons est assez grand, assez fort et assez adulte pour nous garder tous. Nous aussi, nous voulons survivre.

D'autre part, toute la meilleure législation au monde ne changera rien à la configuration de l'Amérique du Nord. En conséquence, les Québécois de langue française qui ne peuvent pas vivre de leur profession, exercer leurs talents et leurs aptitudes dans un contexte, et un marché bilingues seront sérieusement handicapés et n'auront que peu de chances d'arriver à occuper des emplois de cadres supérieurs.

Notre gouvernement est-il prêt à supporter le blâme et à encaisser le poids de l'inévitable frustration des générations futures d'unilingues québécois? Ce projet répressif laisse ouvertes les voies d'avancement à nos propres enfants, pourquoi les fermer à vos enfants?

Nous refusons d'admettre que c'est là le prix qu'ils doivent payer pour conserver leur langue et leur culture.

Le livre blanc a une très piètre opinion du Québécois francophone. Il le considère comme un "déshérité", un "opprimé", un "dominé" et toute la "bonne foi" et la "bonne volonté" des anglophones n'y peuvent rien. Selon le livre blanc, le francophone se voit interdire toute réussite sociale.

Il parle la langue des inférieurs, tant en responsabilités qu'en revenu. "Il parle un français de mauvaise qualité." On ne devrait lui permettre d'avoir accès à l'anglais que lorsqu'il n'y a plus de danger pour lui de tout mélanger et seulement "lorsque la survie du français est assurée."

Le livre blanc, se basant sur des données et des statistiques périmées, des mythes anciens et des observations erronées, définit les Québécois de langue française comme formant une classe à part de gens misérables et peu instruits. Ce portrait est insultant et, ce qui est pire, il est faux.

Le français est si bien enraciné au Québec que nous trouvons difficile de partager l'inquiétude du gouvernement quant à l'imminence de sa disparition. En revanche, si toute l'énergie qui est actuellement utilisée à démolir les anglophones servait plutôt à solliciter leur appui et à faire appel à leur sens de la justice pour aider la cause des Québécois francophones, on serait peut-être surpris de constater qu'il y a beaucoup plus de gens qui se rallieraient à cette cause que le gouvernement ne l'aurait imaginé. Le traitement injuste de vos minorités anglophones entraînera la méfiance,

le racisme avec tout ce que cela comporte comme représailles selon la vieille loi du talion.

Ces mots tout simples ne doivent pas être interprétés comme des menaces car, après tout, c'est le gouvernement qui détient les rênes du pouvoir. Nous voudrions plutôt, avant qu'il ne soit trop tard, qu'on prenne bien note que nous avons prévenu nos législateurs que nous considéron le projet de loi no 1 comme une bombe à retardement qui, à la longue, fera surtout du mal aux Québécois de langue française.

Nous ne nous présentons pas devant la commission pour demander grâce, mais plutôt pour nous affirmer en tant que citoyens qui ont mérité leur place au Québec. Nous nous sentjns bien ici; nous nous sommes bien intégrés dans la société sans pour autant nous être assimilés au point de perdre notre langue, car nous étions convaincus que cela aurait pu équivaloir à un suicide économique, ici en Amérique du Nord. Nous ne désirons pas quitter le Québec. Si, cependant, des lois coercitives nous obligent à fuir notre patrie, nous avons bien l'impression que nos compatriotes francophones seront aussi de grands perdants.

Ainsi donc, déclarons-nous à la majorité que nous avons toujours foi en notre amitié historique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquiè e): Merci, M. Ouellet. Je cède la parole au député de Deux-Montagnes en lui disant qu'à 13 heure;; la commission suspendra ses travaux.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. M. Ouellet, de toute évidence, les observations qui; je ferai en réponse à votre mémoire vont être coupées en deux parties, la première partie étant for-cément très brève.

Je voudrais, dans cette partie, dire d'abord qu'il s'agit, dans mon esprit, beaucoup plus d un essai que d'un mémoire, et ce n'est pas une critique que je fais. C'est un essai dans lequel les sentiments affleurent constamment sous les mots. Ces sentiments sont de plusieurs ordres. Je souhaiterais vivement, M. Ouellet, que l'impression dominante parmi tous ces sentiments soit celle qui constitue les deux dernières lignes de votre essai ou de votre mémoire. Je cite: "Ainsi donc, déclarons-nous à la majorité que nous avons toujours foi en notre amitié historique".

J'espère que c'est à cela que nous en viendrons après un certain déblayage, après des échanges de vues, parce qu'il y a beaucoup de choses à déblayer. Plutôt que d'entreprendre ce déblayage dès maintenant, je voudrais vous apporter des renseignements pour que, avant nctre rendez-vous de cet après-midi, nous puissions, de mon côté, en tout cas, relire attentivement vctre essai et, de votre côté, peut-être réfléchir à ces quelques renseignements que je voudrais vous communiquer.

D'ailleurs, votre essai a un titre shakespearien: Etre ou ne pas être. Vous exprimez beaucoup d'inquiétude quant aux possibilités de survivance de la collectivité anglophone du Québec. C'est une question qui a souvent été discutée devint nous. Il y a eu des points de vue pessimistes qu'on a exprimés et d'autres ont exprimé des points de vu optimistes. Il y a, par exemple, au point de vue des données démographiques, l'Association des démographes du Québec qui a présenté des données qu'on pourrait considérer optimistes, puisqu'elle ne prévoit pas du tout l'extinction de la collectivité anglophone du Québec, au contraire, elle prévoit son développement. D'autre part, il y a un groupe d'anglophones, appelé le Comité anglophone pour un Québec unifié qui, lui aussi, a exprimé des sentiments optimistes quant à l'avenir de la collectivité anglophone.

C'est dans ce contexte que je voudrais vous donner quelques renseignements, que vous connaissez peut-être déjà, mais qui peuvent servir de base à toute discussion, celle d'aujourd'hui et celles qui suivront. En 1971, selon les statistiques du gouvernement fédéral, la région métropolitaine de Québec comptait 3,6% de sa population de langue maternelle anglaise.

Il est bon de noter qu'au cours des années, une partie de cette population, celle qui correspond au groupe ethnique britannique, toujours selon les mêmes sources de renseignements, a beaucoup varié. En 1871, elle était de 22 800. En 1901, 30 ans plus tard, elle avait baissé à 13 700, c'est-à-dire que pendant le dernier tiers du siècle dernier, le groupe anglophone de Québec et de sa région a diminué considérablement de 22 800 à 13 700. De 1871 à 1901, une période de 30 ans, qui correspond à peu près au dernier tiers du siècle dernier.

Cette tendance à la baisse a continué pendant les 30 années suivantes, c'est-à-dire le premier tiers de ce siècle-ci, alors que la collectivité d'origine ethnique britannique à Québec et ses environs immédiats est passé des 13 700 dont je parlais tout à l'heure, à 12 100, mais on voit là que la courbe a tendance à changer, que la diminution est beaucoup moins rapide.

Durant les 30 années suivantes, c'est-à-dire de 1931 à 1961, là, on note une tendance à la hausse, des 12 100 dont j'ai parlé pour 1931, à 14 700 en 1961 et pendant...

M. Ciaccia: Vous êtes envahis.

Mme Lavoie-Roux: Compte tenu de la population francophone...

M. Ciaccia: Vous n'avez pas honte de citer des chiffres comme ça, vous?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît!

M. de Bellefeuille: M. le Président, je considère que ces observations sont très mal venues. Cela vient des gens qui refusent d'accepter qu'on travaille à partir de la réalité. Je n'attribue aucune valeur morale ou émotive à ces données. Je les communique à nos invités, parce que ce sont des éléments utiles dans toute discussion, et je poursuis, M. le Président.

De 1961 à 1971, la hausse a été plus accen-

tuée encore. Là, c'est une période de dix ans seulement, puisque la collectivité d'origine britannique est passée de 14 700 à 18 860.

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Très courte, Mme le député de L'Acadie, puisqu'il est 13 heures.

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement: L'article 100, je pense, prévoit qu'on puisse poser une question. M. le Président, puis-je poser une question au député de Deux-Montagnes?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II est 13 heures. Je pense que le député de Deux-Montagnes pourra réfléchir à votre demande d'ici l'ajournement, d'ici 16 heures.

La commission ajourne ses travaux sine die, étant donné qu'il est 13 heures, et le député de Deux-Montagnes vous donnera sa réponse...

M. Cannon: Pourrais-je ajouter seulement une chose, s'il vous plaît? Nous n'aurons que deux personnes pour discuter avec vous parce que j'attends depuis 11 heures hier matin. Je dois prendre un avion pour l'Europe cet après-midi, mais je souhaiterais une chose: Nous sommes ici pour une heure et demie et nous espérons que nous aurons au moins, que mes amis auront au moins la possibilité de discuter du contenu de notre mémoire. Nous n'avons aucune statistique. Je demeure à Québec depuis ma naissance et je suis au courant de ce qui se passe.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Monsieur, je suis assuré que tout le temps de la commission sera utilisé à étudier votre mémoire. Merci.

M. Cannon: Merci. (Fin de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 31

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, madame, messieurs! Il s'agit d'une nouvelle séance de la commission parlementaire de l'éducation, des affaires culturelles et des communications. Les membres de la commission pour cette séance sont: M. Alfred (Papineau), M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. Charbonneau (Verchères); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu (Terrebonne) remplaçant M. Godin (Mercier), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Guay (Taschereau), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M. Laurin (Bourget), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Pa-quette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Je cède la parole au député de Deux-Montagnes qui a à décider s'il répondra ou non à la demande faite avant l'ajournement par le député de L'Acadie.

M. de Bellefeuille: Avec le plus grand empressement, M. le Président, parce que Mme le député de L'Acadie m'a posé sa question entre les deux séances de la commission.

J'avais donné quelques renseignements sur l'importance du groupe anglophone ou du groupe d'origine britannique à Québec et dans la région immédiate de Québec. Je crois que la question que Mme le député de L'Acadie m'avait posée, c'était de savoir quelles étaient ces données en chiffres absolus par rapport au groupe francophone tout autant que par rapport au groupe anglophone. Les données que j'ai devant moi, en chiffres absolus, se limitent à 1961 et 1971.

Mme Lavoie-Roux: C'est fort dommage.

M. de Bellefeuille: C'est tiré du recensement du Canada. Cela donne pour le groupe français, 341 197 en 1961. Il est passé, en 1971, à 458 895. Dans les statistiques, le groupe dit anglais était, en 1961, de 13 404. Il est passé, en 1971, à 17 490. Il y a aussi un groupe, dans ces statistiques, désigné comme le groupe autre, qui est numériquement assez peu important, soit 2967 en 1961 et 4020 en 1971.

Je voulais ajouter à ce que j'ai déjà dit ce matin, à la séance précédente de la commission, dans le même ordre d'idées, que, parmi les 7490 personnes de langue maternelle anglaise, en 1971, 29% au recensement se sont déclarées unilingues anglaises.

Je voulais aussi signaler des données à propos des transferts linguistiques qui sont légèrement favorables au français et je les signale, bien que ça ne milite, dans mon esprit, en faveur d'aucune cause en particulier et pas particulièrement non plus en faveur de la nôtre, mais parce que nous aimons bien, lorsque nous examinons ces questions, avoir les données les plus complè-

tes possible devant nous. Les transferts linguistiques, comme je viens de le dire, sont légèrement favorables au français. Le français a gagné 6690 personnes et l'anglais a gagné 4570 personnes durant la période de 1961-1971. C'est donc dire, et je le répète, que les transferts linguistiques sont légèrement favorables au français, mais il faudrait quand même observer que le fait que les transferts linguistiques vers l'anglais demeurent assez importants, même s'ils sont moins importants que dans l'autre sens, indique quand même une forte attraction de l'anglais, même à Québec et dans sa région immédiate, vu que le groupe de langue maternelle anglaise, dans cette région, n'est que de 3,6% de la population. Cela indique une force d'attraction considérable de l'anglais.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais maintenant passer au mémoire, ou plus exactement à ce que j'ai appelé moi-même ce matin l'essai, présenté par le Comité de sauvegarde des droits linguistiques du Québec métropolitain. Je vais essayer de le faire rapidement. Ce n'est pas facile parce que ce genre de considérations pourrait inviter à un échange très très long.

A la page 1, on trouve un rappel de certaines affirmations du livre blanc; je voudrais tout simplement réaffirmer que le gouvernement est toujours solidaire de ces affirmations.

A la page 2, on note une observation au sujet de la définition du peuple québécois. Je crois que les correctifs, les éclaircissements voulus ont déjà été apportés.

A la page 5, je note— et là, je ne voudrais pas qu'on m'accuse de fendre les cheveux en quatre — si on lit le bas de la page 4 et le haut de la page 5, je cite: "Conséquemment, les Irlandais devinrent bilingues tandis que les Anglais protestants, par suite de leur isolement, demeuraient uni-lingues". Ce que je voulais faire observer à propos de cette phrase, c'est que cela me semble procéder d'une curieuse vision de l'histoire. Je vois mal, à l'époque dont il s'agit, qui doit être la fin du XVIIIe siècle ou le début du XIXe, que les anglophones du Québec aient été dans une situation d'isolement. Qu'ils fussent protestants ou catholiques, je vois mal qu'à ce moment-là, ils aient été dans une situation d'isolement.

A la page 6, il y a une allusion que je juge malheureuse — et il y a plusieurs expressions dans cet essai que je trouve malheureuses — une allusion malheureuse au mur de Berlin. Je voudrais faire observer à nos invités que si nous devons dialoguer à partir d'images comme celle-là, il y a beaucoup d'autres murs dont on pourrait parler, comme, par exemple, la clôture de la ville de Mont-Royal. Mais je suppose que c'est une image, un symbole qui est moins familier à des gens de Québec qu'à...

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Premièrement, ce n'est pas perti- nent au débat, les propos qui ont été soulevés par le député de Deux-Montagnes, et je crois qu'il impute à la population de Mont-Royal des motifs qui ne sont pas du tout ceux que le député vient de faire valoir. Je m'élève contre cette interprétation et contre le fait de donner cela comme exemple.

Pour son information, la clôture a été demandée par les règlements de la ville de Montréal et cela n'était pas, contrairement à l'opinion publique, l'information que vous avez... Ce n'est pas une clôture qui a été érigée pour diviser la population de Mont-Royal et le reste de la ville. Ce sont des règlements de la ville de Montréal, des règlements de circulation.

Je voulais seulement clarifier. Je ne pouvais pas laisser passer cela sans commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je cite la troisième ligne de la page 9: "Nous sommes un peu comme les bisons canadiens dont la survivance est menacée".

On trouve, deux lignes plus loin, en parlant du projet de loi: "...en fait, il est conçu pour favoriser notre disparition". Ici, on nous fait manifestement un procès d'intentions par ces paroles: "conçu pour favoriser notre disparition". C'est nous faire un procès d'intentions. Je veux affirmer avec force que telle n'est pas, en aucune façon, notre intention.

D'ailleurs, j'ai l'impression, d'après plusieurs mémoires qui nous ont été présentés et d'après la connaissance approfondie que j'ai de la collectivité anglophone du Québec, que les bisons québécois se portent bien et que leur avenir est assuré. Comme le livre blanc l'a affirmé, comme la Charte de la langue française l'affirme, le gouvernement entend bien travailler de concert avec cette collectivité, la collectivité anglophone du Québec, pour assurer la suite de son épanouissement.

Je passe à la page 11 et je vais établir des rapports entre la page 11 et la page 22. A la fin du premier paragraphe de la page 11, on trouve cette affirmation: "Ce projet de loi concrétise de façon irresponsable la loi du plus fort". Il va sans dire que je ne suis pas d'accord. Ce que ce projet de loi entend concrétiser, ce sont des aménagements qui sont essentiels, vu les besoins de la majorité. Je me demande qui fait appel à la loi du plus fort, lorsqu'on entend diverses affirmations qui sont assez analogues à des menaces et lorsqu'on lit... Là, je ne parle pas de votre essai, je parle d'affirmations entendues ailleurs, mais dans votre essai lui-même, à la page 22, on fait allusion à la vieille loi du talion, à la possibilité d'un ressac, que votre bonne volonté se transforme en haine et que le projet de loi no 1 soit comme une bombe à retardement. Ce sont là aussi des expressions dont je déplore vivement l'emploi. Vu que, dans votre essai, on trouve ces expressions-là, je reste assez imperméable à l'accusation relative à la loi du plus fort.

Dans la même page 11, on trouve entre guillemets, des guillemets qui marquent l'importance de l'expression, les deux mots "solution finale". Je pense que personne n'ignore le sens de cette allusion historique. Je déplore, une fois de plus, l'usage de ces mots qui ont peut-être leur place dans un texte de polémique, qui ont peut-être leur place dans un essai, mais qui n'ont pas, à mon avis, leur place dans un mémoire. Je considère, une fois de plus, que c'est dommage d'avoir employé cette expression.

A la page 12, au sujet du français devant les tribunaux, j'invite vivement les auteurs de cet essai à lire attentivement le texte de la loi, parce que l'affirmation qu'on trouve ici ne correspond pas au texte de la loi.

A la page 13, au bas de la page, "déjà, le projet de loi no 1 donne une impression d'intolérance dans les media de l'extérieur du Québec". Le gouvernement n'est nullement responsable des images que projettent les media et ne cherchera en aucune façon à influencer le libre exercice de la liberté de presse. Si cette image d'intolérance est projetée à l'extérieur du Québec, ce n'est sûrement pas nous qui la projetons. Nous ne pouvons que déplorer le fait, mais nous pouvons aussi nous interroger sur l'origine de cette image d'intolérance qui pourrait fournir aux media des données, des renseignements, des supputations, des hypothèses dont l'effet net serait une image d'intolérance. Je pose la question, je pense que ce n'est pas le lieu pour moi d'y répondre. Je note que lorsque vous avez présenté votre texte, Me Ouellet, vous n'avez pas donné lecture du bas de la deuxième moitié de la page 14, ni de la page 15. La deuxième moitié de la page 14 fait cependant partie de votre texte, et elle contient une série d'affirmations quant au caractère prétendument discriminatoire de la loi no 1. Il va sans dire que nous ne sommes pas d'accord. Si le temps le permet, je laisserai à mes collègues le soin de vous répondre là-dessus.

A la page 16, il y a une situation orwellienne, dont vous savez bien, Me Ouellet, qu'on pourrait, au fil des pages de "1984", trouver beaucoup d'affirmations, beaucoup d'évocations, beaucoup d'imagination qui correspondraient tout aussi bien à l'opposition qui se présente au projet de loi no 1 qu'au contenu du projet de loi lui-même.

Là, nous sommes rendus en haute littérature. Je n'ai rien contre, mais cela a fort peu de valeur probante.

A la page 17, un autre passage dont vous n'avez pas donné lecture, "aujourd'hui, pour nous, être libre pourrait bien signifier être hors d'atteinte de l'action du gouvernement". Je m'interroge sur le sens de cette affirmation. Est-ce que vous proposez à des gens de devenir délibérément hors-la-loi? Je crois que ça aussi, cela a beaucoup plus sa place dans un essai que dans un mémoire.

A la page 19, une allusion à la revanche, au bas de la page, je cite: "Le projet de loi no 1 en est un de revanche". Il va sans dire que nous ne sommes pas d'accord et je vous envoie de nouveau à votre propre page 22 où il y a là un esprit qui me paraît, à moi, être un esprit de menace, peut-être, de vengeance, bien que vous ne l'affirmiez pas carrément.

Enfin, je conclus en répétant, et c'est par là que j'avais commencé ce matin, que nous espérons qu'au terme des délibérations entre les parlementaires et particulièrement les ministériels d'une part et,d'autre part, les groupes anglophones du Québec, ces groupes pourront affirmer comme vous le faites — c'est la dernière phrase de votre texte — "ainsi donc, déclarons-nous à la majorité que nous avons toujours foi en notre amitié historique."

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, M. Ouellet.

M. Ouellet (Gary): Est-ce que je peux dire quelques mots?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Ouellet (Gary): Je ne crois pas pouvoir répondre à toutes les questions dans les quelques minutes que nous avons. Je voudrais cependant souligner les remarques qu'on a faites ce matin auxquelles on n'a pas eu la chance de donner suite, quant aux sentiments exprimés dans le texte. Je comprends que ça ne fait peut-être pas l'affaire, si on exprime des sentiments. Mais on voulait quand même mettre fin au mythe voulant que les seuls sentiments des anglophones soient des sentiments d'ordre économique. On croit qu'on a le droit de se sentir blessés et nous, on interprète ça comme une "claque dans la face". Je comprends que vous voulez qu'on tourne la joue, mais ce n'est pas notre intention.

Quand aux statistiques que vous avez citées, je ne sais pas si vous voulez qu'on y donne suite, mais ce n'est aucunement notre intention — je pense que c'est clair dans le texte — de nous engager dans une guerre de statistiques, d'autant plus — c'est mon interprétation, j'ai peut-être tort — que j'ai l'impression que le gouvernement semble rejeter toutes les statistiques qui ne semblent pas faire l'affaire en disant qu'elles ne sont pas scientifiques.

Nous avons déjà tenté — il y a déjà plusieurs années — pour la commission Parent, de faire des études pour la ville de Québec et on a constaté assez vite que c'était impossible d'arriver à des statistiques dans ce domaine. On a rencontré des messieurs L'Anglais qui ne parlaient pas anglais. Quoi faire de MM. Daniel Johnson ou Robert Burns ou Louis O'Neill, ou encore d'un M. French qui ne parle pas français? On est méfiant des statistiques.

Tantôt, si vous voulez, je pourrai vous donner certaines statistiques sur la ville de Québec, mais, en général, on n'est pas ici pour s'engager dans une guerre de statistiques. On est ici pour témoigner de la réalité québécoise telle que nous la voyons.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Merci, M. le Président. J'apprécie le geste de mes collègues qui me permettent de poser quelques questions avant qu'ils n'en aient la chance parce que, comme vous le savez, Québec est ma ville natale et plusieurs de mes amis très intimes de cette époque sont présents, non pas seulement les Anglais, mais les Anglaises. J'ai marié une Anglaise du Québec et j'en suis très fier.

Je suis un peu surpris, même étonné, que le député de Deux-Montagnes ait changé un peu de tactique. Il parle du nombre et non pas des pourcentages aujourd'hui. Cela fait son affaire.

On va mettre les statistiques dans une optique différente. Je ne sais pas si M. Ouellet le sait, sinon je peux le lui dire. Savez-vous, M. Ouellet, quelle était la population réelle de la ville de Québec au moment de la Confédération?

M. Ouellet (Gary): J'ai des chiffres que j'avais peut-être déposés devant le secrétaire de cette commission. D'après les chiffres que nous avons, qui sont tirés des archives de la ville de Québec — et je trouve que c'est intéressant de les souligner parce que vous parlez de la survie de la majorité — laissez-moi vous dire qu'en 1867, 35% des habitants de la ville de Québec étaient des Irlandais.

Un nommé McGauran était...

M. Mackasey: Quel pourcentage?

M. Ouellet (Gary): 35% irlandais ou anglophones, plutôt irlandais dans ce temps-là. Le maire de la ville de Québec était un dénommé McGauran, six des conseillers municipaux étaient anglophones, 50% des boutiques de la rue Saint-Jean appartenaient à des anglophones, le premier journal au Canada, le Quebec Chronicle Telegraph, qui existait dans le temps, était anglophone. Aujourd'hui, nous n'avons plus de poste de radio et le Quebec Chronicle Telegraph ne publie qu'une fois par semaine. On a fermé Saint. Mary's School, Saint. Lawrence, Morin College, the Boy's High School, Saint. George, Leonard, Saint. Stevens, Bishop Mountain, Victoria School, the Commissioner's High et j'en passe. Pourtant, nonobstant ces chiffres qui montrent où en est rendue aujourd'hui la société anglophone de la ville de Québec, je note que la chasse aux sorcières continue. J'aime souligner que si nous sommes une menace à la survie, vous nous donnez des pouvoirs qu'on n'a pas. Vous pouvez dire cela aux journalistes pour expliquer et motiver le projet de loi no 1, mais ne venez pas dire cela aux Québécois anglophones de la ville de Québec.

M. Mackasey: M. Ouellet, si vous me permettez, parce que quelqu'un, hier soir, m'a posé une question. Peut-être déposerez-vous votre mémoire au lieu de le dire, mais nous aurons l'occasion tout à l'heure... Vous avez dit qu'il y avait 35% de la population du Québec qui étaient d'expression anglaise avant la Confédération. Savez-vous combien, en 1900, par exemple...?

M. Ouellet (Gary): En quelle année?

M. Mackasey: Je vais vous donner les chiffres, c'était 25%.

M. Ouellet (Gary): En quelle année?

M. Mackasey: En 1900.

M. Ouellet (Gary): En 1900, oui.

M. Mackasey: Connaissez-vous le pourcentage aujourd'hui, même quand il y a eu cette grande augmentation dans le nombre des anglophones de la ville de Québec qu'a soulignée le député de Deux-Montagnes? Je pense que cela a augmenté de 11 000 à 14 000. Le pourcentage, qui était de 35%, M. Ouellet, savez-vous de combien il est maintenant? Quel est le pourcentage aujourd'hui avec cet accroissement dont a parlé le député de Deux-Montagnes?

M. Ouellet (Gary): II est peut-être de 4% ou 4,5%. J'ai des chiffres...

M. Mackasey: Quel pourcentage? M. Ouellet (Gary): 4%. M. Mackasey: Et il était de 35%. M. Ouellet (Gary): C'est cela.

M. Mackasey: Alors, est-ce qu'on représente une menace à la culture française ou à la langue française ici à Québec?

M. Ouellet (Gary): Si on est menaçant... M. Mackasey: Quelle est la menace? M. Ouellet (Gary): J'aimerais le savoir.

M. Mackasey: Mais le député de Deux-Montagnes pense que vous êtes une menace. Vous avez augmenté de 5000 anglophones dans l'espace de...

M. de Beliefeuille: M. le Président, je fais appel au règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Deux-Montagnes, sur une question de règlement.

M. de Bellefeuille: L'affirmation que vient de faire le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: J'espère que son temps n'est pas pris sur le mien.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Non.

M. de Bellefeuille: ...est fausse. Je ne consi-

dère, en aucune façon, aucun groupe québécois comme une menace.

M. Mackasey: La population de Québec, y compris les anglophones, était de 52 000. Aujourd'hui, cela approche 500 000. Mais quand il y avait une population à Québec de 52 000, il y avait une population d'à peu près 20 000 à 22 000 anglais. Je veux souligner au député de Deux-Montagnes que je suis de racine irlandaise, pas britannique. Il y a une différence pour nous. S'il n'y en a pas pour vous, il y en a une pour moi.

En 1971, la population de Québec était de 500 000 à peu près et la population d'expression anglaise était à peine de 18 000. Est-ce que 18 000 personnes posent un problème, pensez-vous, M. Ouellet pour la culture et la langue françaises, ici, à Québec?

M. Ouellet (Gary): S'il y a un groupe qui est en voie de disparition, c'est bien notre groupe.

M. Mackasey: Combien, pensez-vous, de paroissiens de Saint Patrick sont bilingues parmi ces 18 000?

M. Ouellet (Gary): Tout près de 100%.

M. Mackasey: Je penseque vous avez raison.

Quand j'étais à l'école, M. le Président, 52% des autres élèves, l'année où j'ai reçu mon diplôme à Saint-Patrick, étaient d'expression française. C'était en 1938, malheureusement, c'est loin. Est-ce que cela a créé un danger d'assimilation pour les francophones, parce qu'ils étaient exposés à la culture, à la langue et à l'enseignement des Frères des écoles chrétiennes de l'Irlande, si je me rappelle bien? Est-ce qu'ils sont moins Canadiens aujourd'hui, M. Bilodeau, qui est président de la CMA, par exemple, ou M. Larkin Kerwin, qui était à l'Université Laval, ou vous?

M. Ouellet (Gary): Je pense que, dans le temps, il y avait plus de francophones qui allaient à Saint Patrick qu'aujourd'hui.

M. Mackasey: J'ai quelques autres questions, j'en ai soulevé, mais je pense que d'autres aussi veulent poser des questions. Je pense que votre mémoire, je vous comprends, parce que les Irlandais, on se fâche parfois, a été écrit plutôt sur la langue du livre blanc plutôt que sur le bill 1, n'est-ce pas?

M. Ouellet (Gary): D'une part oui, quand on a commencé à l'écrire, on l'a fait à la base du livre blanc.

M. Mackasey: Pour moi-même, il y a des articles, des passages du livre blanc, je pense que le ministre en convient, qui sont insultants pour moi-même, comme Canadien d'expression anglaise; quand on décrit un Québécois comme étant exclusivement quelqu'un de langue maternelle française, ce n'est pas moins insultant, quand on a passé toute sa jeunesse dans cette ville et a marié une Française.

M. Ouellet (Gary): C'est exact.

M. Mackasey: Mon épouse est Québécoise et moi, je ne suis pas Québécois. Je ne peux pas comprendre ça. Je sais que le ministre a déjà dit ici que c'était peut-être une erreur de traduction et il va sans doute retoucher le préambule du bill.

Si c'est impossible, M. Ouellet, pour tous les Anglais et même les Français de Québec d'aller à Saint Patrick cet hiver, quel sera l'avenir de cette école? Probablement la dernière école anglaise ici dans la ville de Québec?

M. Ouellet (Gary): II n'y a aucun doute dans mon esprit, mais aucun, que si le projet de loi no 1 devient loi, c'est la fin de la population anglophone de la ville de Québec, il n'y a aucun doute.

M. Mackasey: La grande menace de 4% de la population n'existe plus.

M. Ouellet (Gary): C'est ça.

M. Mackasey: Merci beaucoup, M. Ouellet.

M. Ouellet: Je pourrais ajouter que l'on a fait remarquer qu'il y avait certains passages de notre texte dont nous avons oublié de parler; on a voulu se conformer à la norme des vingt minutes. On a dit qu'il y avait certaines parties de notre texte où des changements avaient été apportés; on le savait, mais quand on a écrit notre mémoire, on ne le savait pas. J'aimerais dire à la partie gouvernementale que si c'est Montréal qui est votre problème, vous pourriez peut-être adopter une loi pour Montréal, mais ici, à Québec ou dans les autres parties de la province, vous pourriez peut-être nous laisser tranquilles.

M. Mackasey: Mr Ouellet, have you forgotten to speak English?

M. Ouellet: I know that you are from Montreal.

M. Mackasey: Your grandmother will be mad... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. C'est certainement aujourd'hui la journée des Québécois, non pas au sens général du mot, puisque nous avons reçu deux groupes de la ville de Québec. En attendant que l'on ait une très bonne définition du mot "Québécois", je suis très heureux de saluer votre présence et je n'en continue pas moins de croire que vous nous avez présenté un mémoire, très subjectif, peut-être... Mais le député de Deux-Montagnes a parlé du mémoire présenté par un certain groupe pour un Québec unifié; je pense que les deux ne se comparent pas, ils ne sont pas ejusdem farinae.

Je comprends qu'il y a une certaine appréhension de la part de votre groupe et vous y voyez une démolition des anglophones. Peut-être que si on se place dans votre peau, vous avez une école et en dépit de cette seconde invasion des plaines d'Abraham, dont on a fait allusion ce matin... Et si, tout à coup, la population a sauté de 14 000 à 18 000, je comprends que cela est très inquiétant pour la population francophone du Québec, il n'y a aucun doute là-dedans.

D'un autre côté, cela devrait vous réjouir et vous réconforter. Cela vous donnerait beaucoup plus d'assurance dans cette lutte.

Mais quand je remarque les chiffres de l'autre groupe de Québec, la Commission des écoles catholiques, ce qui m'étonne un peu, c'est que si la population britannique augmente, le nombre d'élèves dans les classes diminue. Si nous avons, en 1970-1971, 1832 élèves, il y en a 1432 inscrits cette année. Le porte-parole ce matin a mentionné qu'en septembre il n'y en aura plus que 1200. Il y a une étoile qui monte et une étoile qui descend. Je ne sais trop comment faire le partage dans ces statistiques, dans tous ces chiffres.

Mais il reste que votre mémoire touche beaucoup d'aspects. M. le député de Deux-Montagnes a essayé de vous rassurer. Je ne sais pas ce qui vous justifie de vous alarmer. Est-ce le fait que le projet de loi no 1 va vous limiter aux seuls anglophones dans votre école, alors qu'actuellement, il y a presque 50% de francophones et d'allopho-nes? Mais votre groupe anglophone a toutes les chances de se maintenir, même s'il doit subir, comme le groupe francophone, cette baisse de natalité.

J'espère que votre méfiance envers ce projet de loi pourra peut-être un jour se changer en confiance. C'est notre souhait et nous n'aimerions pas, personne des membres de cette commission, que le gouvernement du Québec dont nous sommes tous membres vote un projet de loi qui puisse porter préjudice. C'est votre crainte et je la comprends.

Je vois, au bas de la page 19, on a fait allusion tout à l'heure à votre texte: En tant que Québécois de langue anglaise et résidents de la ville de Québec, nous nous demandons quel a pu être notre crime pour que le châtiment soit si sévère.

Je vous réponds avec une toute petite citation et je vous demande de me commenter. Vous me faites penser à Vigny à ce moment-là, qui avait dit: "Quel mal ai-je donc fait pour mériter de naître?"

Votre phrase est un peu un cri de désespoir également. Je vous demanderais de me commenter l'unique question que je vous pose.

M. Ouellet (Gary): Si on a tort, si vraiment le bill 1 est une très bonne chose pour nous, j'aimerais bien savoir pourquoi. Si les seuls Québécois anglophones qui vont avoir le droit d'aller dans les écoles anglophones sont des Québécois déjà en place — je vois que même si on dit que cela n'existe pas, des droits acquis, le livre blanc, le bill 1 crée des droits acquis — si les anglophones qui viennent d'autres provinces ne peuvent pas venir à nos écoles, tôt ou tard, nos écoles vont fermer.

Il me semble que c'est clair; il me semble que le gros bon sens nous dit qu'il n'y a pas d'autre solution possible et je ne vois pas comment le gouvernement peut continuer à prétendre qu'il a vraiment un grand souci de maintenir l'élément anglophone. Je me demande s'il y a quelqu'un qui vous croit quand vous dites cela, c'est impossible. Y a-t-il quelqu'un du gouvernement qui peut m'as-surer que la communauté anglophone, dans la ville de Québec par exemple, ou même dans la province, va continuer à se maintenir.? Ou, au contraire, peut-être allez-vous proposer au moins de maintenir un niveau un pourcentage d'anglophones et, quand ce pourcentage-là baissera retirer le bill no 1? Est-ce que vous allez continuer? Est-ce que le fait français, pour vous, sera assuré seulement quand il n'y aura plus d'anglophones?

M. Le Moignan: Je vous remercie des minutes qui restent. Je les donnerai à mon collègue de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci, M. le député de Gaspé. Maintenant la parole est au député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, si je me laissais enfermer dans la dialectique et le verbe utilisés par les gens du groupe anglophone de Québec dans ce mémoire, j'aurais vraiment l'impression de faire partie d'un gouvernement hideux, méchant , qui a de très mesquins desseins, et c'est bien sûr que je n'hésiterais pas à le quitter dans de telles circonstances. Mais ma perception n'est pas la même que la vôtre et, jamais, en préparant au sein d'un groupe de travail de députés le projet de loi no 1 sur la langue et en le discutant au niveau du caucus du Parti québécois ou ici en commission parlementaire, je n'ai eu le sentiment que nos objectifs sous-tendaient des intentions aussi machiavéliques que celles dont vous faites part dans votre mémoire. Je trouve cela assez curieux, venant d'un groupe, d'une communauté dont je dois reconnaître qu'elle s'est maintenue à Québec, qu'elle a, bien sûr, diminué selon les époques et augmenté selon d'autres, mais qui s'est maintenue dans une volonté de s'intégrer à la collectivité francophone, et non pas une intégration factice, non pas une intégration qui aurait été le voeu d'une majorité qui aurait voulu l'intégrer avec la volonté de l'assimiler, mais bien une intégration, je pense, que vous souhaitiez, parce que la ville de Québec étant à 95%, 96% ou 97%— on pourrait se battre sur le 1% — francophone, c'était à votre avantage de vous y intégrer pour y participer pleinement.

Donc, mon sentiment personnel, c'est que le projet de loi no 1 doit et, je pense, vous permet — ce n'est même pas une permission à vous donner — de vous maintenir. Je pense qu'il n'empêche pas non plus l'augmentation en nombre de la communauté anglophone et je suis convaincu que tous ceux qui ont préparé le projet de loi no 1 ne l'ont pas fait dans un esprit de mathématique linguistique. C'est drôle, c'est un type d'argumentation que je trouve assez particulier, comme si

une majorité qui est minoritaire en Amérique du Nord réfléchissait en se disant: II faut qu'on se rende à 85%, à 90% et à 95% dans l'ensemble du territoire québécois et, comme si une minorité, pour se sentir vraiment à l'aise, avait besoin de se sentir à 5%, à 10%, à 15% ou à 20% de l'ensemble de la population. Je trouve que si on s'enferme dans une argumentation de mathématique linguistique, on n'en sortira jamais. Je pense que, par définition, cela peut peut-être vous paraître une vérité de La Palice que de le dire comme cela, mais une majorité, par définition, est peut-être un peu majoritaire et une minorité est peut-être jusqu'à certains degrés minoritaire tout le temps.

Je ne pense pas qu'on puisse trouver dans le critère linguistique l'explication du fait que, depuis cent ans, vous vous soyez maintenus à peu près entre 12 000 et 20 000 à Québec, alors qu'il n'y avait ni loi 63, ni loi 22, ni projet de loi no 1. Il y avait donc sans doute d'autres facteurs expliquant le fait qu'à travers les années, depuis une centaine d'années, le pourcentage des anglophones à Québec ait diminué.

Je voudrais peut-être que vous m'apportiez votre considération, votre argumentation sur ce qui pourrait expliquer que, dans l'espace de cent ans, la communauté anglophone, bien loin d'augmenter de façon considérable en termes de pourcentage, se soit maintenue en chiffres absolus de telle sorte qu'en termes de pourcentage, finalement, elle a décru d'une année à l'autre. Je voudrais que vous me donniez votre explication là-dessus.

M. Ouellet (Gary): II est clair qu'il y a eu cette intégration des mariages mixtes qui, à la longue, rend presque impossible, aujourd'hui, de retracer qui est anglophone et qui est francophone. Il y a un dicton à Québec qui dit que, si un Canadien français a les yeux bleus, il a de l'Irlandais dans le sang. C'est sûrement cette proximité pendant des années qui ont voulu que... Il y a eu cette intégration et, en partie, une assimilation.

M. Bertrand: Je vous pose la question. Est-ce que, pour vous...

M. Ouellet (Gary): J'aimerais ajouter que je suis bien prêt à accepter votre point de vue, que ce n'était pas votre intention de nous insulter et que ce n'était pas votre intention d'assurer notre disparition, mais on vient vous informer qu'à notre avis, c'est l'effet de votre projet de loi. Alors, si vos intentions sont toujours...

M. Bertrand: Mais en quoi, concrètement, M. Ouellet, derrière les 177 articles du projet de loi no 1, y aurait-il une volonté, une intention machiavélique, par revanche ou quoi que ce soit, d'anéantir la communauté anglophone de Québec?

M. Ouellet (Gary): Supposons qu'il n'y ait pas d'intention... Quand on a lu le préambule que vous voulez maintenant changer, ne vous posez pas de questions pour savoir pourquoi on réagit avec force au projet de loi no 1. Même si vos intentions sont bonnes, on vous dit que le gros bon sens amènera qu'il n'y aura plus d'école anglophone, par exemple, dans la ville de Québec. C'est sûr que, d'ici vingt ans, il n'y aura plus d'école anglophone. Alors, si vos intentions sont toujours bonnes, apportez des modifications afin d'assurer aussi la continuation de la communauté anglophone. Ce n'est pas assez de dire qu'on ne veut pas nous éliminer; je pense que c'est assez clair. Hier, M. Guay a dit: On connaît la position des anglophones, on écoute et on écoute. Il me semble que, tôt ou tard, il faudra peut-être dire: Peut-être qu'il y a quelque chose là-dedans qui est injuste envers les anglophones, peut-être qu'on devra regarder cela, au lieu de dire: Les anglophones sont contre les Français.

M. Bertrand: Reconnaissez-vous que, depuis une centaine d'années, la diminution, en termes de pourcentage, de la communauté anglophone de Québec soit causée par des facteurs tout à fait étrangers au phénomène linguistique, dans le sens des lois existantes qui auraient contraint, brimé le développement de la communauté anglophone?

M. Ouellet (Gary): Dans le temps, il n'y avait aucune loi qui...

M. Bertrand: La loi 63, la loi 22 et la loi 1 sont arrivées sur le tapis au moment où vous étiez déjà à peu près autour de 3,5% ou 4% dans la région de Québec.

M. Ouellet (Gary): Vous êtes en train de prouver qu'il n'y a aucune nécessité du projet de loi no 1.

M. Bertrand: Non, je suis en train d'essayer de vous démontrer, M. Ouellet, que cela n'a rien à voir. Je parle surtout au niveau des intentions que vous semblez vouloir donner à ce gouvernement, parce que, dans le fond, j'aimerais beaucoup que vous me nommiez les articles qui, à toutes fins pratiques, vont annihiler la communauté anglophone, d'autant plus que ce qui est caractéristique de la vôtre, à Québec, et qui n'est pas le fait de celle, par exemple, de l'Outaouais ou de Montréal, ou même des Cantons de l'est... Là-dessus, je pense que, quand vous vous battez pour la communauté anglophone de Québec, je comprends qu'il s'agit effectivement d'un cas spécial, parce que voici un cas d'une communauté linguistique qui, bien loin de s'ériger en ghetto face à la majorité francophone, accepte de s'y intégrer et accepte de vivre avec elle. Quant à moi, je vous le dis sincèrement, parce que je le pense, parce que c'est comme cela que je le sens dans la région. M. Ouellet, pour moi, à Québec, il n'y a ni anglophone ni francophone ni allophone. J'ai toujours eu le sentiment qu'il y avait là des gens qui étaient des Québécois à part entière parce que je n'ai jamais senti, ni chez la majorité la volonté d'anéantir la minorité, ni chez la minorité l'ab-

sence de volonté de s'intégrer à la majorité francophone.

Donc, je ne comprends pas pourquoi vous venez, à partir d'une réflexion sur la loi 1, nous imputer des motifs tels que ceux que vous nous imputez.

M. Ouellet (Gary): D'une part, on ne veut pas voir les 4% disparaître et, d'autre part, j'aimerais vous dire que ce n'est pas nous qui sommes un cas spécial; je vous dis que c'est Montréal qui est un cas spécial.

M. Bertrand: Oui, mais je pense que vous admettrez avec moi qu'on n'est pas pour faire des lois spéciales, des lois régionales, sur un problème comme celui-là.

Il y a un autre aspect, M. Ouellet, qui m'a un peu frappé dans votre argumentation, c'est celui ayant trait à l'industrie touristique. Dieu sait qu'à Québec, l'industrie touristique, après la vache à lait qu'est le Parlement, c'est sans doute notre moyen de vivre par excellence.

A lire le texte de votre mémoire, on a comme l'impression qu'il faudrait, jusqu'à un certain degré, presque avoir honte d'afficher le visage français du Québec et surtout de la région de Québec. Je doute fort que les Canadiens anglais ou les Américains qui viennent chez nous y viennent pour les chutes Niagara, le lac Louise, les Rocheuses, Disneyland ou les oranges de Floride. Je pense, au contraire, qu'ils y viennent pour la différence.

M. Ouellet (Gary): Je suis 100% d'accord avec vous et, d'ailleurs, on sait que c'est le fait français qui fait le charme de la ville de Québec, qui est évidemment un attrait touristique. Le point que j'essaie de souligner, et je pense que c'est quand même assez clairement écrit dans le texte, c'est qu'une attitude antianglaise n'est pas bonne pour le tourisme. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui vont discuter ça.

M. Bertrand: Mais où est-elle, cette attitude antianglaise, M. Ouellet, face au tourisme, entre autres?

M. Ouellet (Gary): A tort ou à raison, les media d'information — le monsieur a dit que ce n'est pas notre faute — commencent à dire qu'il y a une attitude d'hostilité ici, à Québec, envers les anglophones ou contre le vocabulaire anglais. Les revues— j'ai noté ici Der Spiegel, le Washington Post, le Los Angeles Times, le Boston Globe, et j'en passe — ont fait des mentions telles que je vous les souligne. Déjà, on dit, et c'est peut-être l'attitude qui suit le dépôt du projet de loi... Laissez-moi finir si vous permettez. Déjà, on commence à sentir, on dit à des Américains, parfois, dans la rue: Parlez français ou retournez chez vous. On ne voyait pas ça avant. Avant on disait: "Hospitality spoken here", aux anglophones. Là, on ne le dit plus. Je vous dis qu'une atmosphère perturbée est un désastre touristique. Les ministres du gouver- nement, en dehors de la province, agissent comme si le Québec était un pays séparé. Je vous dis que cela n'est pas bon pour le tourisme.

Pour ma part, je suis 100% avec vous quand on dit que c'est peut-être injuste, mais je vous dis qu'il faut qu'on fasse très attention de ne pas avoir une attitude antianglaise, parce que c'est mauvais pour le tourisme. Je ne suis pas sûr qu'on fasse très attention. Cela fait une journée et demie que je suis ici, que je vois les groupes venir et partir, et c'est toujours la même chose. Quand on vient dire que le projet de loi no 1 est merveilleux, là, on félicite les témoins sur leur patriotisme. Quand on vient ici dire que ce n'est pas tellement une bonne chose, on laisse entendre que si ce sont des Canadiens français, ce sont des vendus ou des traîtres ou, en tout cas, qu'ils ne comprennent rien et ne sont pas normaux.

Je vous dis que de tout ça se dégage une attitude antianglaise. Peut-être que ce n'est pas votre intention, mais je vous le souligne, et je vous dis que c'est mauvais. Cela nous prendrait, tout de suite, une bonne campagne de relations publiques.

M. Bertrand: Mais, M. Ouellet, je reconnais avec vous que les problèmes de communication qui existent entre les communautés francophones et anglophones ont sans doute besoin davantage de trait d'union qu'autre chose. Et je reconnais avec vous — et là-dessus, je voudrais qu'on fasse bien attention, par exemple, pour en imputer la responsabilité à ceux qui en sont les vrais responsables — des campagnes de dénigrement, de sa-lissage à l'endroit des Québécois et pas simplement du gouvernement du Québec. Parce que, dans le fond, ce qu'il s'agit bien de voir, c'est que, indépendamment des gestes que peut poser ce gouvernement, on dirait qu'à l'extérieur du Québec, dès lors que depuis le 15 novembre, il s'est opéré un changement, automatiquement, tout est devenu volonté, de la part des Québécois ou du gouvernement, de vouloir faire du racisme à l'endroit des anglophones, de vouloir s'en prendre au reste du Canada et de vouloir refouler a l'étranger des gens pour lesquels, vous savez, on a toute la sympathie du monde et qui sont... On le sait, notre marché touristique, c'est les Etats-Unis et ce sont essentiellement les neuf autres provinces du Canada. On en sait quelque chose. Vous n'avez jamais vu, venant de la bouche du gouvernement, l'expression de ce type de messages et je pense qu'il faudrait en imputer la responsabilité à ceux qui en sont les véritables responsables. Cela, vous le reconnaîtrez avec moi.

M. Ouellet (Gary): Moi, je ne contrôle pas les journalistes...

M. Bertrand: Nous autres non plus.

M. Ouellet (Gary): ... des autres pays. Mais ce n'est pas moi qui fais des déclarations qui sont peut-être mal interprétées, si je vous donne tout le bénéfice du doute. Je vous dis qu'il faudrait faire

plus attention. Pour ma part, quand je lis le projet de loi no 1 — je suis québécois, je ne suis pas américain — je dis: Cela, c'est un projet de loi qui est antianglais. J'ai tort, vous allez me dire, mais c'est l'impression que j'ai.

M. Bertrand: Une dernière remarque, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier, votre temps est malheureusement expiré, et je dois céder la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président. Je croyais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On m'avait dit que c'était vous.

M. Saint-Germain: Non. Je croyais que notre collègue n'avait pas tout à fait terminé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II reste une minute au parti ministériel.

M. Saint-Germain: II est entendu qu'avec l'atmosphère qui existe dans la ville de Québec en particulier — puisque vous parlez au nom des habitants de la région de Québec, Québec étant la capitale provinciale — on peut dire que c'est peut-être une des villes qui a l'aspect le plus européen. Elle a certainement un aspect qui la différencie énormément des autres villes d'Amérique du Nord et c'est certainement une ville — on n'a qu'à se promener dans Québec ou à y vivre comme député pour savoir que Québec est l'un des châteaux forts de la culture française en Amérique du Nord...

C'est probablement le fleuve et l'aspect du paysage qui font que c'est une ville assez touristique que les étrangers aiment visiter. C'est ce qui fait que l'industrie touristique de cette ville est une source première de revenu et de développement.

Vivre en minorité ici, comme c'est votre cas, ne doit pas toujours être facile. J'ai l'impression que vous avez actuellement une certaine difficulté à soutenir vos paroisses, vos écoles, vos clubs sociaux. J'imagine bien que n'importe quel groupe, francophone, anglophone ou quel qu'il soit, qui voudrait soutenir que dans la région de Québec, la culture française est en danger, personne ne le prendrait au sérieux.

Je sais bien qu'à titre de francophone, je n'ai jamais cru à cela. Celui ou ceux qui viendraient dans un mémoire soutenir le contraire, seraient-ils de grands professeurs ou des hommes prestigieux, passeraient, à mon avis, pour des "défonceurs" de portes ouvertes, comme dirait le gros peuple.

Lorsque des hommes publics essaient de vendre une loi comme la loi no 1 dans une région comme Québec, qui n'a pas plus besoin de cela que les habitants de la ville de Québec n'ont besoin d'un trou dans la tête, ce n'est pas facile. Une telle loi ne se vend que lorsqu'il y a de la peur, ou de la haine, ou que le peuple se sent frustré ou inquiet. Ce n'est absolument pas ce qui existe dans la ville de Québec. Si j'étais un homme public représentant un comté de Québec, je me demande comment je ferais pour essayer de vendre à sa population, soit-elle française ou minoritaire, une telle législation, parce que les troubles... Il y a des troubles, il y a des difficultés, il y a des problèmes à résoudre dans cette région, mais cette loi ne concourt à résoudre aucun problème, et elle pourrait même vous en créer.

Il serait encourageant et peut-être même instructif d'avoir des statistiques sur les gens d'une cinquantaine d'années à Québec qui sont bilingues dans le groupe francophone et de connaître le pourcentage des bilingues, par exemple, dans la génération des vingt ans. J'oserais croire, je croirais, et je serais bien aise qu'on me prouve le contraire, qu'il y a moins de gens, que le pourcentage des gens bilingues à Québec est moins considérable qu'il ne l'était les années passées.

Alors votre groupe, qui est probablement un des groupes les plus bilingues au Canada, est, comme tel, un actif pour le développement de cette région. Je ne doute pas qu'au point de vue touristique, certaines industries, certains employeurs et même le gouvernement du Québec auront probablement besoin un jour de vos services. A titre de député, j'ai déjà essayé d'avoir une personne bilingue ici à mon service et j'ai eu bien de la difficulté à en trouver.

Ceci dit, le gouvernement... Vous avez dit que ceux qui se faisaient entendre ici, qui n'acceptaient pas le projet de loi no 1, se voyaient donner bien des qualificatifs qu'ils ne méritaient pas nécessairement.

Mais, qu'est-ce que vous voulez, lorsque vous avez des hommes élus qui croient qu'ils sont les sauveurs de la culture française, ce n'est pas drôle; on en a eu des sauveurs de la culture française dans l'histoire du Canada et du Québec et, à mon avis, dans un temps où la culture française est le plus en santé, on a besoin de sauveurs. Il faut sauver la langue, il faut sauver la culture. Je parle français depuis ma tendre enfance, j'ai toujours parlé français et je n'ai jamais senti que l'on voulait m'empêcher de parler français et je vais parler français tant que je vais vivre. Je n'y vois aucune difficulté. Mais, qu'est-ce que vous voulez, on ne voit pas tous les choses de la même façon. Alors, les gens du gouvernement, les ministres, donnent un peu l'impression... Je les comparerais à un jeune général d'armée qui voudrait gagner ses galons et qui, à un moment donné, déploie son armée et son artillerie, la petite, la grosse. Quand c'est le temps de faire feu, il prend sa lorgnette, regarde le champ de bataille et s'aperçoit qu'il n'y a plus d'ennemis en face. Il ne doit pas être heureux, le gars. Il s'en revient un peu bredouille. Il a des comptes à rendre aux autorités, un peu comme les pompiers qui sortent leur équipement, les gros camions, la sirène, et on part; on arrive et c'est une fausse alerte. Les gars ne sont pas de bonne humeur, monsieur, qu'ils ne sont

pas de bonne humeur. C'est un peu comme cela, le bill 1, relativement à la région économique de Québec.

Il me reste une minute. J'aurais bien pu vous en parler, mais je voudrais simplement dire que vous êtes très correct. Les problèmes de langue qui ont été amenés, cela vient de Montréal et des régions frontalières. Il y a un député qui vous l'a dit, mais c'est inconcevable pour un gouvernement d'amener un bill comme celui-là et qui serait simplement applicable dans une région donnée. Ce n'est pas si inconcevable que cela pourrait l'être, parce que c'est inconcevable qu'on propose une législation semblable, une législation qui va s'appliquer dans une ville comme Québec et pas seulement dans une ville comme Québec, parce qu'il y a des comtés dans la province de Québec — et c'est la majorité des comtés — où tout le monde parle français et ils n'ont pas besoin de ce bill, pas du tout. Seulement, il faut généraliser, qu'est-ce que vous voulez? C'est cela la vérité.

M. Charbonneau (Verchères): Vous auriez dû faire cela pour le bill 22.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: On aurait dû avoir dans ce bill, une protection pour les minorités, des minorités comme la vôtre, qui sont en train de disparaître; on le devrait, au niveau de l'humain. Les hommes normaux pourraient prévoir dans une législation une protection des minorités comme la vôtre, qui sont en danger de s'éteindre. Une chance que vous avez au moins une commission scolaire qui a l'air de comprendre le bon sens et qui est prête à prendre vos intérêts.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, vous avez trois minutes.

M. Grenier: M. le Président...

M. Ouellet (Gary): Si vous voulez engager un employé bilingue, je vous conseille de le faire dans les plus brefs délais, parce qu'après que le projet de loi deviendra loi, vous allez devoir demander la permission pour avoir un employé bilingue. On va peut-être vous le refuser.

M. Grenier: M. le Président, j'écoutais notre invité, M. Ouellet, qui mentionnait qu'il y avait une mentalité et que des journalistes écrivaient que la communauté anglophone était vraiment menacée et que cela faisait rire les gens du côté ministériel; mais il y en a des deux côtés et cela a pu être drôle des deux côtés. Il y avait une manifestation à laquelle j'assistais pour la Fête du Canada, vendredi, dans mon comté, à laquelle participaient plusieurs députés, évidemment de ce côté-ci de la Chambre, puisque c'était la Fête du Canada et là, à Bury, le lendemain, après une manifestation ralliant 8000 personnes, voici tout ce que ce journa- liste trouvait à dire, après quelques photos: Un député anglophone — non pas un député francophone — a déclaré: II fait bon vivre au Canada. Ce n'est pas un anglophone, c'est Claude Tessier, du fédéral, qui a déclaré cela, et moi, et le journaliste a décidé de mettre cela dans la bouche d'un anglophone parce que cela faisait bien son affaire. C'est un journaliste de la Tribune. Ce n'est pas le journal La Tribune. C'est un journaliste. Alors, ces allusions qu'on voit, vous savez, c'est des deux côtés, et il n'y a rien de mieux qu'une loi comme celle-là pour faire en sorte que... Je ne vois pas ce que vous avez à redire là-dessus. C'est vrai. C'est ce qui se produit actuellement...

M. Charbonneau: J'ai été journaliste, je trouve cela... Je trouve que vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Grenier: Merci. M. le Président...

M. Charbonneau: II y a des journalistes qui ne comprennent pas, de part et d'autre. Je pense que vous avez raison.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: J'ai pratiqué ce métier suffisamment longtemps pour le savoir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'on m'a interpellé. Je me devais de faire des...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): On ne vous a posé aucune question.

M. Grenier: Je n'ai interpellé personne. Il y en a qui ont la peau mince. Ils se sentent interpellés à tout bout de champ.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président.

M. Grenier: M. Ouellet, je voudrais bien vous faire savoir aussi qu'à cette commission, c'est étrange qu'on ait vu le ministre interroger des délégations et le faire parfois assez bien, je peux vous dire ça. Par contre, le député de Deux-Montagnes est là et je peux vous dire que, lorsque c'est un mémoire qui n'est pas favorable, dans tous ses points, à la loi, il prend les pages de votre texte, page par page, et ce sont des condamnations à toutes les pages, sans aucune question.

M. Mackasey: Out of contest.

M. Grenier: Je trouve étrange une situation de ce genre. De notre côté, à l'Union Nationale — je pense que le Parti libéral a fait la même

chose — on a voulu poser des questions depuis le début de la commission. On a voulu comprendre davantage la raison du bill 1, on a voulu écouter tous les groupes comme on le fera d'ici la fin, tant qu'il se présentera des groupes devant nous. C'est pour ça que je voudrais savoir de vous, vous avez parlé... Le député de Deux-Montagnes, qui répond à la place du ministre, a parlé de chiffres jusqu'en 1971, mais vous avez été témoins qu'on a eu des chiffres vraiment intéressants de la part de McGill. Ces gens avaient des chiffres de 1971 à 1977 et le représentant de McGill a même dit au ministre: Je serais heureux que nos démographes rencontrent les vôtres et qu'on s'entende enfin sur des chiffres.

D'après vous, M. Ouellet et les autres de la délégation, est-ce que vous êtes d'accord qu'à Québec comme ailleurs, un cheminement important s'est fait de 1971 à 1977 dans la francisation des anglophones?

M. Ouellet (Gary): Assurément. Dans ma pratique d'avocat à Québec, je fais affaires presque exclusivement en français, je pense que, depuis dix ans, j'ai plaidé une seule cause en anglais. Mais on fait souvent affaires avec les bureaux anglophones de Montréal et j'ai personnellement constaté, depuis 17 ans, 10 ans, qu'à Montréal, de plus en plus tous les gens, dans le monde des affaires, sont bilingues. En tout cas, c'est une chose qui ne se voyait pas auparavant. De plus en plus, on voit que le français devient effectivement la langue du travail. J'aimerais vous remercier pour vos remarques sur le Canada, M. Grenier, parce que, ce matin, je pense qu'un membre du gouvernement disait qu'il y a le français et qu'il y a toutes les autres langues, l'allemand, l'italien, l'anglais; on a presque oublié l'anglais.

Je me demande si on est présomptueux de considérer que le Québec fait toujours partie du Canada.

M. Grenier: On m'informe que mon temps est écoulé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, votre temps est expiré.

M. Grenier: Je veux vous remercier.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, j'accorde deux brèves minutes au député de Westmount et une minute au député de Deux-Montagnes par la suite. Je vous demanderais de respecter ce temps, s'il vous plaît.

M. Springate: On a dit que la langue française était menacée au Québec et qu'il était essentiel que le gouvernement pose un geste pour la sauvegarder. Les gens oublient qu'un gouvernement, en 1974, a posé un tel geste avec le bill 22. Les mêmes gens disent aussi que l'anglais n'est pas en danger en Amérique du Nord. Je crois que vous avez démontré par votre mémoire que l'anglais est en danger au Québec.

C'est vrai, je suis un Anglais de Montréal, pas de Québec, pas de la ville de Québec. A Montréal, je rencontre les Anglais. Tout ce qu'ils veulent, c'est que leurs enfants reçoivent de l'instruction, qu'ils soient en santé et, s'ils tombent malades, qu'il y ait des hôpitaux qui prennent soin d'eux, qu'ils puissent travailler, que ce soit respecté par le gouvernement, qu'ils aient des heures de loisir, qu'ils puissent vivre leur âge d'or en toute tranquillité, si vous voulez, et qu'il y ait de l'avenir pour leurs enfants. Si je ne me trompe pas, c'est exactement ce que vous recherchez, ici à Québec, et c'est exactement ce que les Canadiens français qui vivent au québec recherchent. Est-ce que j'ai raison? Est-ce que c'est aussi ce que vous pensez?

M. Ouellet (Gary): Vous l'avez très bien dit.

M. Springate: Une brève question, est-ce que le bill est ce qu'on appelle en anglais "over-kill"?

M. Ouellet (Gary): C'est un mot dont je cherche la traduction...

M. Springate: On peut le dire en anglais, il comprend très bien, c'est le mot anglais qu'il faut utiliser.

M. Grenier: Tuer une mouche avec un "bat" de baseball.

M. Ouellet (Gary): C'est peut-être ça, dans notre texte, qu'on veut dire en disant: Utiliser une masse pour tuer une mouche.

M. Springate: C'est justement ça. M. Charbonneau: Le bill 22.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Deux-Montagnes. Merci, M. le député de Westmount.

M. Mackasey: When...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais, pour conclure cette audition, remercier Me Ouellet et les personnes qui l'accompagnent, les remercier en particulier d'avoir justement exprimé non seulement des idées et une certaine perception des faits, mais d'avoir exprimé aussi des émotions. Je ne voudrais pas que les paroles que j'ai tenues précédemment paraissent constituer un reproche à cet égard. Il est bon que, quel que soit le point de vue, on exprime les émotions tout autant que les idées. Au moins, comme ça, on se rapproche, dans ce sens qu'on se connaît mieux.

Je voudrais aussi, M. le Président, vous informer et informer la commission de la célérité avec laquelle le ministre d'Etat au développement culturel s'est rendu au voeu que vous avez exprimé.

Vous avez exprimé le voeu que M. le ministre vienne rejoindre bientôt les rangs de la commission. C'est chose faite et je m'empresse de lui céder le fauteuil voisin du vôtre.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, si vous voulez reprendre votre fauteuil.

M. Ouellet (Gary): On vous remercie nous aussi. On espère que ce dialogue pourra être utile. On croit toujours au dialogue. On aurait peut-être pu dire à tous les anglophones de louer des camions et de les stationner à la porte, mais on a cru qu'en venant ici et en discutant, on pourrait vous saisir d'un problème, non seulement du problème de la survivance du fait français, mais aussi d'autres problèmes réels que nous on vit tous les jours. On vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Ouellet. Merci à ceux qui vous accompagnent, et merci à l'organisme que vous représentez.

J'appelle immédiatement le groupe suivant: The Naskapi of Schefferville, mémoire 43.

S'il vous plaît, vous fraterniserez en dehors de la salle de conférence.

Numéro 43. Le mémoire des Indiens naskapi de Schefferville, le conseil de la bande naskapi. C'est Me Pratt qui vient devant nous. Je le prierais, comme d'habitude, de s'identifier, d'identifier madame, ainsi que son groupe. Ensuite, vous connaissez la règle, 20 minutes, 70 minutes, pour autant que faire se peut. Me Pratt.

Indiens naskapi de Schefferville

M. Pratt (Robin): Je m'appelle Robin Pratt. A ma droite, c'est Mme Johan Sarrazin. Nous représentons la bande des Indiens naskapi de Schefferville. Premièrement...

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, tous ces groupes... Vous savez, nous avons beau connaître l'histoire du Québec, du Nouveau-Québec et de l'Ancien-Québec, Schefferville, pour moi — vous me permettrez de sortir du débat— a un sens très spécial, puisque c'est mon oncle, Mgr Scheffer, qui l'a développée...

M. Pratt: Ah! oui?

Le Président (M. Cardinal): Par conséquent, c'est loin dans ma mémoire tout cela. Cela date de nombreuses années. Je vous expliquerai cela plus tard. Est-ce que vous pourriez quand même nous définir davantage ce qu'est le groupe indien naskapi de Schefferville?

M. Pratt: Je pense que je peux lire le mémoire. J'explique, dans le mémoire, la situation, l'histoire des Naskapi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Vous êtes prêt à commencer immédiatement?

M. Pratt: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Entendu. Merci, Me Pratt.

M. Pratt: Premièrement, je regrette que le conseil de la bande ne soit pas ici. Notre première comparution a été annulée. Trois des quatre conseillers ne parlent que le naskapi et le quatrième parle un peu d'anglais, mais il ne peut être ici à cause de l'annulation de la première comparution. Nous nous sommes empressés de soumettre le mémoire.

Les Indiens naskapi de Schefferville.

La bande naskapi de Schefferville, bande 0-3, district de Sept-lles, comprend environ 400 Indiens naskapi enregistrés qui occupent une réserve de 37 acres à Schefferville au Québec.

Les Naskapi sont un peuple fondateur qui occupe depuis plus de 4000 ans ce qu'on appelle aujourd'hui le Nouveau-Québec. Ils possèdent leur propre langue, un dialecte de la famille linguistique algonquine, qu'ils parlent tous et que la plupart écrivent comme langue maternelle.

Les Naskapi ont traditionnellement pratiqué une économie mixte basée sur la chasse au caribou pour la viande et les peaux, sur le trappage d'animaux à fourrure à des fins personnelles et, après l'arrivée des Blancs, sur le commerce avec la compagnie de la Baie d'Hudson, ainsi que sur l'exploitation du poisson et des oiseaux pour la nourriture.

Aujourd'hui, leur économie est un mélange de leurs pratiques traditionnelles, modifiées par la nouvelle technologie qui leur est disponible et d'un nombre limité d'emplois rémunérés. Ces emplois proviennent surtout de la Iron Ore Company of Canada à Schefferville, de pourvoyeurs et d'autres employeurs saisonniers du Nord québécois.

Les Naskapi vivent à Schefferville seulement depuis le milieu des années cinquante. Avant cette époque, ils étaient basés à Fort Chimo et, auparavant, à Fort McKenzie, près de la rivière Caniapis-cau d'où ils poursuivaient une vie nomade à travers une grande étendue du Nord québécois. La planche no 1 démontre les limites approximatives du territoire utilisé par les Naskapi dans le Québec. Vous trouverez la planche à la page 2 de notre mémoire. (Voir annexe 3)

La deuxième langue de ces Naskapi qui sont bilingues est l'anglais. Ceci s'explique par leur contact, à compter de l'année 1830, avec le personnel anglophone de la Compagnie de la baie d'Hudson et d'autres commerçants de fourrure anglophones.

Sauf quelques rares exceptions, comme par exemple le poste des frères Revillon à Fort Chimo, vers le début du vingtième siècle, les Naskapi n'avaient que peu de contact avec les commerçants de fourrure francophones dont les activités s'exerçaient au sud du territoire exploité par les Naskapi.

Bien que le territoire traditionnel des Naskapi ait été cédé au Québec par le Canada, en 1912, les Naskapi n'ont pas eu de contacts réguliers avec le gouvernement du Québec et d'autres francophones jusqu'à ce qu'ils soient relocalisés à Schefferville au milieu des années cinquante. Même alors,

parce que les Naskapi occupaient une réserve administrée par le gouvernement fédéral, leurs contacts étaient plutôt avec des anglophones. L'enseignement primaire et secondaire a toujours été donné aux Naskapi en anglais et en naskapi sous l'auspice de la commission des écoles protestantes.

De façon générale, les Naskapi âgés d'environ trente ans ou moins parlent couramment anglais. Quelques Naskapi ont une faible connaissance du français, devenu récemment la principale langue de travail de leur premier employeur, la Iron Ore Company of Canada; un seul le parle couramment. Au moins un Naskapi parle un peu d'inuttituuit.

Bien que le projet hydroélectrique de la baie James, le complexe La Grande, affecte le territoire de chasse des Naskapi, ceux-ci n'ont pas pris part aux poursuites judiciaires visant à stopper ce projet. Leur non-participation à ces poursuites était due principalement à leur ignorance des effets que le projet aurait sur eux et sur leurs terres.

A compter de janvier 1975, les Naskapi ont participé aux négociations avec les Cris de la baie James, les Inuit du Québec, le Québec, le Canada et d'autres parties qui ont donné suite à la signature de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Au débat, les Naskapi étaient représentés dans ces négociations par la Northern Quebec Inuit Association. Cependant, à cause de contraintes imposées par les limites de temps et de conflits d'intérêts entre les Inuit et les Naskapi, les revendications des Naskapi n'ont jamais été négociées en détail par la NQIA.

Au mois d'octobre 1975, un mois avant la date limite pour la signature de la convention de la baie James et du Nord québécois, les Naskapi ont retenu les services de leurs propres conseillers. Il n'y avait pas suffisamment de temps, cependant, pour conclure les négociations concernant les Naskapi, et la convention de la baie James et du Nord québécois a été signée le 11 novembre 1975, sans que les Naskapi en soient signataires.

La convention naskapi. Etant donné les circonstances et les événements décrits à l'article précédent, et vu que les Naskapi ainsi que les Inuit du Québec et les Cris de la baie James sont les trois peuples fondateurs du Nord québécois, le Québec et les autres signataires de la convention de la baie James et du Nord québécois entreprenaient de négocier un règlement des revendications des Naskapi de façon que ces derniers reçoivent les mêmes avantages que ceux reçus par les signataires autochtones à la convention de la baie James et du Nord québécois. Les négociations avec les Naskapi se poursuivent donc avec quelques interruptions depuis le 11 novembre 1975.

La convention de la baie James et du Nord québécois partageait les terres et les droits des Naskapi entre les Cris de la baie James et les Inuit du Québec. Par conséquent, les Naskapi se sont vus obligés de négocier non seulement avec le Canada et le Québec, mais aussi avec les Cris de la baie James et les Inuit du Québec afin d'obtenir un règlement de leurs revendications relatives au Nord québécois.

Ces négociations ont été lentes et ardues, en partie à cause de la complexité inhérente aux questions à résoudre, mais aussi vu le nombre de parties impliquées et les difficultés pour que la soi-disant convention naskapi soit conforme à la convention de la baie James et du Nord québécois.

A l'heure actuelle, sous réserve d'un examen final par les conseillers juridiques, le texte de treize des vingt chapitres du projet de convention naskapi a été préparé et a reçu l'accord des parties. Les parties sont substantiellement d'accord quant à trois autres chapitres, et le Québec doit encore soumettre un projet de texte pour un dernier chapitre, bien que celui-ci semble faire l'objet d'une entente de principe. Les négociateurs des Naskapi sont confiants que la convention naskapi sera signée au cours de l'été 1977, à moins d'événements imprévus.

Au mois de mai 1977, le Québec, le Canada, les Cris de la baie James et les Inuit du Québec ont tous donné aux Naskapi un engagement écrit à savoir que certains principes fondamentaux seraient incorporés à la convention naskapi. En considération de ces engagements écrits, les Naskapi ont abandonné leur opposition au projet de loi fédéral C-9, dont le but était d'approuver, de mettre en vigueur et de déclarer valide la convention de la baie James et du Nord québécois et d'éteindre les revendications, les droits et les titres des autochtones relatifs au Nord québécois, y compris les revendications des Naskapi.

Les Naskapi de Schefferville et le projet de loi no 1. L'entente avec les Naskapi comprendra deux éléments: A) La convention naskapi, qui créera des avantages, des structures et des organismes de même nature que ceux créés par la convention de la baie James et du Nord québécois;

B) Des amendements à la convention de la baie James et du Nord québécois afin d'inclure les Naskapi dans les régimes de chasse, pêche et trappage et de la protection de l'environnement et du milieu social.

Il est donc évident que les préoccupations des Naskapi concernant le projet de loi no 1 sont, pour ainsi dire, identiques à celles des signataires autochtones de la convention de la baie James et du Nord québécois.

La première préoccupation des Naskapi a trait aux langues d'enseignement. Les Naskapi désirent conserver le droit de leur pratique actuelle, qui consiste à recevoir leur enseignement élémentaire et secondaire en Naskapi et en anglais.

Les Naskapi reconnaissent qu'il est de leur intérêt d'apprendre le français et ils acceptent de se fixer comme objectif l'usage du français comme langue d'enseignement pour permettre aux étudiants de poursuivre leurs études en français, s'ils le désirent, dans une école, un collège ou une université au Québec et de participer pleinement à la société québécoise.

Les Naskapi sont actuellement incapables de communiquer en français. Le projet de loi no 1, dans sa forme actuelle, viendrait en contradiction, dans beaucoup de cas, avec les dispositions et l'esprit du projet de convention naskapi et mettrait

sérieusement en danger la capacité des Naskapi de bénéficier des avantages conférés par cette convention.

Ainsi, les Naskapi devraient retenir le droit d'utiliser le naskapi ou l'anglais, selon le cas, dans les organismes envisagés par le projet de convention naskapi et la convention de la baie James et du Nord québécois, y compris: le comité local d'inscription; la commission d'inscription; le groupe d'étude conjoint Caniapiscau-Koksoak; les corporations auxquelles seront accordées les terres de la catégorie IB naskapi; le comité d'experts de l'environnement de la Société d'énergie de la baie James; les administrations locales IA et IB; le conseil communautaire naskapi des services de santé et des services sociaux; la commission d'enseignement naskapi; le corps policier de la communauté naskapi; le comité consultatif de police; le corps policier régional; l'administration régionale Kativik; la commission de la qualité de l'environnement; le comité conjoint de chasse, pêche et trappage; l'entité ou les entités légales naskapi; le comité conjoint de développement de la main-d'oeuvre naskapi; l'association culturelle et d'artisanat naskapi; le comité de relocalisation; le groupe d'études socio-économiques. La même exemption devrait s'appliquer à tout autre organisme naskapi créé afin de mettre en vigueur le projet de convention Naskapi.

Engagement du gouvernement du Québec envers les Naskapi concernant le projet de loi no 1.

Le 30 mai 1977, une délégation de Naskapi a rencontré le Dr Camille Laurin, ministre d'Etat au développement culturel, M. Guy Poitras, sous-ministre adjoint du ministère des Richesses naturelles représentant M. Yves Bérubé, ministre des Richesses naturelles et des Terres et Forêts, et responsable des négociations avec les Naskapi, et M. Eric Gourdeau, secrétaire général associé du Conseil exécutif, afin de discuter des inquiétudes des Naskapi quant au projet de loi no 1.

Lors de cette rencontre, le Dr Laurin s'est engagé envers les Naskapi, au nom du gouvernement du Québec, à leur accorder, en ce qui a trait à la convention projetée, les mêmes garanties concernant les droits de la langue et les mêmes exemptions au projet de loi no 1 que le gouvernement accorderait aux Cris de la baie James afin de respecter intégralement les dispositions de la convention de la baie James et du Nord québécois.

Le Dr Laurin a déclaré qu'un tel engagement envers les Naskapi comprendrait les amendements suivants au projet de loi no 1 : a) Une disposition identique à celle de l'alinéa 16.0.10 de la convention de la baie James et du Nord québécois serait insérée au chapitre VIII du projet de loi no 1 pour le bénéfice des Naskapi; et b) Les corporations et organismes dont la création est envisagée dans la convention des Naskapi projetée seraient exemptés des dispositions du projet de loi no 1 par une exemption spécifiée dans l'annexe audit projet de loi.

Le Dr Laurin a demandé aux Naskapi et aux Cris de la baie James de soumettre des textes d'amendements au projet de loi no 1 afin de donner suite à ce qui précède et, à l'heure actuelle, des représentants des Naskapi ainsi que des représentants des Cris et des Inuit ont eu deux rencontres avec les représentants du gouvernement du Québec pour discuter le texte de ces amendements.

Conclusion.

Les Naskapi croient que l'engagement du Dr Laurin, lorsqu'il aura été exprimé de façon satisfaisante dans les dispositions du projet de loi no 1, respectera et reconnaîtra l'histoire, la culture et la situation actuelle des Naskapi, ainsi que leur statut particulier en tant que l'un des peuples fondateurs du Nord québécois.

Quant à eux, les Naskapi croient qu'en acceptant l'objectif d'apprendre le français, ils respectent l'esprit du projet de loi no 1.

Le Président (M. Cardinal): Merci, Me Pratt. Avant de céder la parole au ministre, je veux vous poser, à vous et à Mme Johan Sarrazin, une question. Nous devons suspendre les travaux à 18 heures, soit dans cinq minutes. Il est sûr que je dois vous inviter à revenir avec nous à 20 heures. Vous êtes d'accord?

M. Pratt: Oui.

Le Président (M. Cardinal): Merci.

Le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord vous remercier bien sincèrement pour le mémoire que vous venez de nous présenter. Vous êtes le premier groupe amérindien à se présenter devant nous. Il y aura ensuite les Cris, les Inuit. C'est donc à vous que j'adresserai d'abord cette déclaration de principe. Pour le gouvernement actuel, les membres de votre bande aussi bien que ceux des bandes qui lui succéderont sont les héritiers, les descendants des premiers peuples qui ont habité le Québec.

Ils sont les fils du pays, s'il y en a, parmi tous les autres. Nous les reconnaissons comme tels, comme les descendants des premiers habitants du pays et, en conséquence, nous voulons leur accorder ce droit qu'ils ont de maintenir et de développer leur langue et leur culture d'origine. C'est là le principe de base qui guidera toutes nos actions comme, je pense, il a guidé également les actions du précédent gouvernement.

Vous avez rappelé la conversation que nous avons eue le 31 mai dernier. Vous en avez cité les conclusions. Votre rapport est tout à fait exact, et il me fait plaisir de répéter ce que j'ai dit à cette occasion, que nous entendons donner satisfaction aux recommandations que vous nous avez exprimées lors de cette rencontre. Nous entrons, avec la présentation de votre mémoire, dans un champ que connaît bien le député de Mont-Royal, c'est-à-dire la convention de la baie James et du Nord québécois, puisque c'est lui qui l'a négociée au nom du gouvernement. Il en est devenu, bien sûr, un grand spécialiste, et il me fait plaisir de joindre à cette occasion mes félicitations à celles que lui

adressait M. Jacques-Yvan Morin, pour la diligence et le soin avec lesquels il a mené ces négociations au nom du gouvernement du Québec et nous entérinons avec plaisir le résultat qui est incarné actuellement dans la convention de la baie James et du Nord québécois.

J'ai donc assez peu de choses à ajouter à ce que vous avez dit. Comme vous l'avez souligné, votre groupe ainsi que les Cris et les Inuit ont tenu depuis deux très longues réunions de travail avec nos représentants. Je pense que nous nous dirigeons vers une formule qui ralliera l'agrément aussi bien des associations concernées que du gouvernement. Il reste encore probablement une dernière rencontre pour mettre au point les textes qui sortiront de cette rencontre, mais je pense bien que vous pouvez être assurés immédiatement que ce texte final incorporera la substance de ce que vous venez de résumer dans votre mémoire, c'est-à-dire que le projet de loi contiendra un amendement qui garantira aux Naskapi comme aux autres le respect des articles pertinents de la convention de la baie James en ce qui concerne la langue d'enseignement, c'est-à-dire que la langue d'enseignement sera celle qui est prévue à l'article 1610 qui concerne les Cris, c'est-à-dire que la langue d'enseignement sera le naskapi et, quant aux autres langues, selon la pratique actuelle, dans votre communauté. La commission scolaire se fixera comme objectif l'usage du français comme langue d'enseignement pour permettre aux diplômés de ces écoles de poursuivre leurs études en français s'ils le désirent dans une école, un collège ou une université ailleurs au Québec.

Les commissions scolaires fixeront le rythme d'introduction du français et de l'anglais comme langue d'enseignement après avoir consulté le comité des parents ou le comité d'école, selon le cas, compte tenu des exigences de l'enseignement ultérieur.

En ce qui concerne les corporations visées à la convention de la baie James, il y aura également un article qui exclura ces corporations, comités, organismes de l'application de la loi. Donc, nous serons fidèles aux engagements que nous avons pris avec vous. En ce qui concerne le développement culturel ultérieur de votre communauté, comme de toutes les autres, nous nous sommes engagés à continuer les négociations de façon que le gouvernement puisse, en temps et lieu, au fil des années, prendre toutes les mesures nécessaires susceptibles d'assurer le développement culturel de votre communauté.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre, si vous voulez rester quelques secondes avec nous, je vais quand même donner des indications à nos invités avant la suspension des travaux. Il reste, au plus, 65 minutes pour l'audition du groupe qui est devant nous, les Naskapi. Viendra par après The Northern Quebec Inuit Association, pendant 90 minutes. Quant au grand conseil des Cris du Québec, son tour est remis à jeudi, d'après ce qui a été mentionné ce matin. Vient ensuite la Chambre de commerce du district de Montréal. Ce sont donc toutes des choses possibles pour ce soir. Il est même possible que nous puissions entendre le Comité des kilomètres d'appui, parce que je ne puis jamais préjuger du temps qui sera employé. Et comme l'a indiqué un témoin ce matin, si les députés veulent se restreindre dans leurs commentaires et s'en tenir à quelques questions, nous pourrons peut-être terminer la journée pour une fois, après avoir entendu tous ceux qui avaient été convoqués. Sur ce... Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Pendant que le ministre est ici, j'aimerais poser une question, et je ne voudrais pas que ça dégénère, bien sûr, en débat surtout à cause des mémoires qu'il nous reste à voir.

Le Président (M. Cardinal): Oui, sans ça, je vais me lever et je vais suspendre les travaux tout simplement.

M. Grenier: D'accord, j'aimerais vous demander, dans vos priorités de mémoires à venir, si le mémoire no 106, présenté par l'Eastern Township Citizen Association peut être rendu prioritaire.

Car on a l'impression que même si tout le monde est disposé à siéger jusqu'au mois d'août, comme l'a laissé entendre le leader du gouvernement ce matin, il se peut bien qu'on soit brusqué un peu vers le mois d'août, et il s'agit là d'un mémoire qui représente un groupe ethnique important réparti sur une quinzaine de comtés des Cantons de l'Est. Or, il n'y a pas eu de pourparlers, on n'a encore entendu personne de cette région comme on en a entendu de la Gatineau. Il me semble que cela serait de nature à éclairer passablement les députés à cette table.

Le Président (M. Cardinal): M. le député, je ne peux pas répondre pour le ministre. D'ailleurs, le temps est dépassé. Je veux mettre tout le monde à l'aise. Je vais indiquer clairement à la commission que j'ai reçu un télégramme cet après-midi à cet effet, télégramme qui a été livré par téléphone et dont je n'ai pas le texte par écrit. Je ne veux donc pas repousser l'affaire.

Par conséquent, pour ne pas placer personne dans l'embarras, je pense que nous pourrons revenir à cette question aussitôt que j'aurai le texte écrit. J'en parlerai à la commission. Sur ce, les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, madame et messieurs!

M. le député de Joliette-Montcalm, M. le ministre...

Une Voix: II n'y a pas quorum.

Le Président (M. Cardinal): Le quorum est présumé en vertu de l'article 145; c'est la suite d'une séance.

M. le député de Mégantic-Compton...

A l'ordre! Nous...

Une Voix: ...la parole.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous continuons la même séance, je le souligne, et la parole est au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux remercier nos invités. Nous nous sommes déjà rencontrés en d'autres circonstances. Je veux, tout d'abord, M. le Président, remercier... Je ne sais pas si le ministre est occupé maintenant, mais je voudrais le remercier... M. le ministre, si vous partez, c'est très bien. Je veux vous remercier pour les bonnes paroles que vous avez eues à mon égard en ce qui concerne l'entente de la baie James.

M. Chevrette: Ce qui prouve notre objectivité. M. Ciaccia: Pour une fois...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Mont-Royal, veuillez continuer.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Il me semble qu'on ne peut jamais... Quand on critique, on nous critique et quand on félicite, on nous critique aussi, mais...

M. Chevrette: II faut remettre la monnaie de la pièce.

M. Ciaccia: Je vais remercier quand même le ministre, non seulement pour les paroles qu'il a eues à mon égard en ce qui concerne l'entente, mais je dois le remercier et le féliciter, je crois, pour l'approche qu'il a prise en ce qui concerne le mémoire qui a été présenté par les Naskapi de Schefferville, de respecter, non seulement la lettre de l'entente de la baie James qui doit s'appliquer aux Naskapi, mais aussi je crois et j'espère vouloir aussi respecter l'esprit de cette entente.

Je suis conscient que les Naskapi n'ont pas encore conclu leur entente finale avec le gouvernement. Alors, je vais me limiter dans mes remarques parce que je ne voudrais pas causer de préjudices aux discussions en cours. Je comprends que cela peut-être une matière assez délicate. Je voudrais faire montre du même souci que celui que le député de Sauvé, le présent ministre de l'Education, a démontré au moment où nous avons eu la commission parlementaire en vue de l'entente, avant sa signature. Je crois qu'il était conscient des difficultés et qu'il a coopéré, selon les règles de la commission, pour ne pas nuire à une signature, à une entente éventuelle. Alors, je voudrais avoir la même approche et je ne voudrais pas nuire aux relations et aux ententes éventuelles. Je voudrais seulement demander aux invités, M. Pratt et Mlle Sarrazin, s'ils sont satisfaits des termes de l'entente, tels qu'ils les voient, qui seront appliqués aux Naskapi et s'ils sont satisfaits de la confirmation et de la déclaration du ministre suivant lesquelles il veut respecter intégralement les termes de l'entente en ce qui concerne la question linguistique pour les Naskapi, tel que convenu pour les Cris et les Inuit.

M. Pratt: Oui, je peux répondre. Nous sommes satisfaits.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Je m'excuse, approchez votre micro, s'il vous plaît.

M. Pratt: Comme cela?

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Pratt: M. Ciaccia, je peux dire très brièvement que nous sommes satisfaits. Je ne veux pas négocier à cette table les termes exacts de l'entente, le texte et les amendements. Nous sommes convaincus que nous pourrons en arriver à une entente satisfaisante.

M. Ciaccia: Vous êtes satisfaits. Si les termes de l'entente de la baie James en ce qui concerne les stipulations pour la langue d'enseignement et les autres organismes que vous avez soulignés dans votre mémoire, que si ces termes s'appliquent aux Naskapi, les Naskapi seront satisfaits et protégés en ce qui concerne leurs coutumes et leurs droits en matière linguistique.

M. Pratt: Oui.

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, puisque nos invités sont satisfaits des déclarations du ministre et puisqu'il y a encore la signature de l'entente à intervenir, je ne voudrais pas prolonger le débat. Je crois que si les deux parties sont satisfaites et si c'est conforme à toutes les ententes qui ont déjà été prises... Je veux remercier les invités, ainsi que le ministre, et j'espère que tout ce qui a été déclaré ici se trouvera dans une entente éventuelle entre les deux parties.

Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, nous avons devant nous un groupe qui est, pour l'ensemble des

députés autour de la table — je ne veux pas mettre tous les gens dans le même plat— ...On se rend compte que c'est un sujet qui est peut-être fort loin de nous et il est difficile de poser des questions très précises.

J'aimerais cependant connaître l'entente de la baie James. En fait, je sais qu'il y a peut-être d'autres personnes qui ont plus de connaissances dans ce secteur, c'est possible, mais personnellement, je ne suis pas tellement au courant des problèmes qui peuvent vous assaillir. Mais j'aimerais connaître, dans cette convention de la baie James...

Une Voix: Nagasaki.

M. Grenier: En gros, est-ce que vous pourriez me dire, très brièvement, ce qui vous va, là-dedans?

M. Pratt: Vous voulez que je vous dise les problèmes qu'on affronte.

M. Grenier: Non, j'aimerais mieux connaître, parce que je suis plus positif que ça, ce qui vous va, ce avec quoi vous êtes d'accord dans le projet de la convention de la baie James.

M. Pratt: Oui, comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire...

M. Grenier: ...que ce soit très bref, des questions peut-être d'ordre général, parce que je sais que c'est un livre assez épais...

M. Pratt: D'accord. La convention des Naskapi sera presque la même que la convention de la baie James et du Nord québécois.

M. Grenier: Mais elle permet quoi exactement aux Naskapi? Elle va permettre quoi, à ce moment-là?

M. Pratt: La convention des Naskapi a pour but de protéger les droits des Naskapi, parce que, avec la proclamation de la loi C-9 fédérale...

M. Grenier: Elle vous permet vos écoles dans la langue originale?

M. Pratt: Oui.

M. Grenier: Elle vous permet la langue seconde qui est l'anglais?

M. Pratt: Oui. La convention naskapi permet aux Naskapi de donner l'enseignement aux niveaux élémentaire et secondaire en naskapi, en poursuivant comme objectif l'enseignement en français afin que les élèves qui sortent de l'école puissent poursuivre leurs études dans une école française au Québec.

M. Grenier: Au Québec? M. Pratt: Au Québec.

M. Grenier: Est-ce que vous...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse.

M. Grenier: Oui.

Le Président (M. Cardinal): La question telle que posée va très bien, mais faites attention. La convention de la baie James avec les Naskapi, en autant que cela concerne l'enseignement ou le projet de loi no 1, c'est dans l'ordre du mandat de la commission, mais au-delà de ça, cela dépasse le mandat de la commission.

M. Grenier: Non. Je vais m'en tenir à la langue d'enseignement principalement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Ce que vous avez fait jusqu'à présent, c'est parfait.

M. Grenier: ... ne pas glisser. Merci, M. le Président. Alors, cette convention pourrait permettre, par exemple, l'enseignement en langue originale pour le primaire et même pour le secondaire...

M. Pratt: Oui.

M. Grenier: ... et elle permet la langue seconde qui est l'anglais et pourrait permettre d'apprendre une troisième langue, qui est le français...

M. Pratt: Oui.

M. Grenier: ... pour permettre à vos étudiants de suivre leurs cours régulièrement en français.

M. Pratt: Oui. Si vous voulez, je peux lire une clause ici.

M. Grenier: Si c'est très court, vous pouvez la résumer. C'est peut-être mieux parce que je ne voudrais pas embarrasser toute la commission avec une telle question. C'est peut-être bien plus une information personnelle et j'ai peut-être le sentiment que plusieurs députés sont déjà informés.

Mme Lavoie-Roux: ... député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Oui, d'accord. Si vous pouviez nous résumer l'article principal.

M. Pratt: Je peux lire la clause. Elle est rédigée en anglais...

M. Grenier: ...

M. Pratt: ... mais... "The teaching languages shall be Naskapi and the other languages in use in the Naskapi community and the territory on the date of the signing of the agreement. Naskapi shall have as an objective the use of French as a teaching language so that people graduating from the Naskapi's school will, in the future, be capable of continuing their studies in the French schools,

colleges or universities of Quebec if they so desire. The Naskapi Education Committee shall determine the rate of introduction of French and English as teaching languages."

C'est presque identique à la clause 16.01.10 de la convention de la baie James et du Nord québécois.

M. Grenier: Ah bon! Une question un peu plus pratique. Combien y a-t-il d'écoles de réservées aux Naskapi?

M. Pratt: Les étudiants naskapi fréquentent une école à Schefferville, maintenant.

M. Grenier: Tous?

M. Pratt: Oui, tous sont protestants, et sous l'administration du Protestant School Board.

M. Grenier: Pour un total de combien d'étudiants au primaire?

M. Pratt: Environ 200.

M. Grenier: Environ 200 au primaire. Et au secondaire?

M. Pratt: Les deux ensemble.

M. Grenier: Les deux ensemble. Après le secondaire, évidemment, ils doivent se diriger, pour faire le CEGEP, dans des écoles du Québec ailleurs, ou encore hors du Québec.

M. Pratt: II y a très peu d'étudiants qui continuent leurs études à ce moment-là dans un CEGEP.

M. Grenier: II n'y a pas de problème de religion, c'est mixte? L'école est mixte, quant à la religion?

M. Pratt: II n'y a pas de problème de religion. Ils sont protestants.

M. Grenier: Tous? M. Pratt: Oui.

M. Grenier: Ah bon! Je pense que c'est tout. Je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Merci, M. le Président. En vous remerciant, à nouveau, je dois dire que nous sommes très heureux d'avoir devant nous les représentants des Naskapi. C'est la première occasion que nous avons de recevoir, entre autres, un groupe des minorités historiques. Cela fait du bien, parce que cela nous permet de nous dégager, entre autres, d'une certaine contradiction dans laquelle nous étions, j'allais dire jusqu'à un certain point enfermés. Le débat se faisait autour du français et de l'anglais, alors que, là, on voit vraiment l'ensemble des dimensions du projet de loi 1 et les ouvertures du gouvernement actuel vers les problèmes des minorités au Québec.

Je voudrais également féliciter nos collègues d'en face et notamment le député de Mont-Royal de toute la discrétion qu'ils ont mise à ne pas préjuger des résultats des négociations en cours. Pour ma part, je ne voudrais justement pas aller plus loin, voulant plutôt vous souhaiter bonne chance dans les négociations qui se poursuivent d'ailleurs présentement d'heure en heure, et je suis assuré que, dans l'esprit dans lequel les négociations se sont faites, depuis notamment ces temps derniers, on va très bien s'entendre entre Québécois dans le respect fraternel.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Terrebonne. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement ajouter un mot pour remercier nos invités, qui sont les représentants des Indiens naskapi de Schefferville, d'être venus à la commission.

Je pense que mon collègue de Mont-Royal est beaucoup plus au courant de vos problèmes que je ne le suis.

Simplement par intérêt, je vois que votre langue d'enseignement est le naskapi et l'anglais. Est-ce que l'anglais est enseigné au même rythme que le naskapi ou vraiment comme langue seconde dans vos écoles?

M. Pratt: Je pense que je vais donner la parole à Mme Sarrazin.

Mme Sarrazin: The Naskapi school children, preschool and kindergarten are taught uniquely in naskapi. In grade 1, the majority of their instruction is in naskapi, but they begin to learn the elements of reading and writing in English. They continue to receive instruction in naskapi to the end of grade 4, which time the instruction is all in English, from grade 5 onward.

It should be said that it is not a programme that has been worked up because of its inherent desirability, but because of the availability of naskapi teaching staff. And we are tied to that situation in the sense that our Naskapi teachers have to speak these two languages, English and Naskapi.

Mme Lavoie-Roux: Ils apprennent aussi l'or-tographe et...

Mme Sarrazin: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...en naskapi.

Mme Sarrazin: Yes, they do. In grade 3 and 4.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez comme objectif d'introduire éventuellement l'enseignement du

français, vous prévoyez cela pour quel niveau et à quel rythme?

Mme Sarrazin: It is a difficult question to answer, because what we wish to do, as a first objective, is to develop that Naskapi teaching staff. Once that is developed, we will start, as soon as we can to introduce French language teaching in the school. It is a question of developing native teachers who will be capable of teaching to other languages rather than suggesting that a second or a third language will be introduced at a particular level.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que tous les professeurs appartiennent à la bande naskapi ou...

Mme Sarrazin: Yes, there are four presently and we hope that there will be six within a year. They come from the Naskapi Band.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de mon ignorance, mais est-ce qu'ailleurs au Canada, il y a d'autres Naskapi ou n'y en a-t-il que dans votre communauté?

Mme Sarrazin: In Davidson Labrador, there are approximately 400 other Naskapi but that total of 800 of other Naskapi, they are in the world.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup et bonne chance.

Mme Sarrazin: Merci.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Si je comprends bien, madame, actuellement, vos professeurs sont des Naskapi, ce qui veut dire que, pour enseigner le français, ils n'ont pas les notions requises dans le moment?

Mme Sarrazin: There is no one capable of doing that at the moment.

M. Le Moignan: Où allez-vous prendre les professeurs? Vous allez envoyer des Naskapi étudier la langue pour pouvoir l'enseigner?

Mme Sarrazin: I presume that, initially, these teachers will have to be drawn from the white community in Québec. There is no reason why they should not be, except that one wishes not to accept delicate bounds of white and native teachers.

M. Le Moignan: Parmi les Blancs, est-ce qu'il y en a qui connaissent votre langue et qui sont des professeurs dans le moment?

Mme Sarrazin: Non.

M. Le Moignan: So, that will take a long time before they are ready to teach French in your schools.

Mme Sarrazin: It is going to take a while.

M. Le Moignan: Maintenant, une dernière question. C'est peut-être un peu délicat mais vous dites, à la page 6, que les Naskapi se sont vus obligés de négocier, non seulement avec le Canada ou le Québec, mais avec les Cris et les Inuit. Est-ce que cela veut dire qu'il y a un partage, une délimitation de vos concessions, de vos terrains, qui n'existait pas avant ou qui n'était pas claire?

M. Pratt: C'est exact. La convention de la baie James et du Nord québécois protège les terrains naskapi contre les Cris de la baie James et les Inuit. Pour cette raison, il faut négocier avec le Québec et le Canada, même avec les autres autochtones signataires de la convention pour revendiquer les terrains des Naskapi.

Aussi, il faut négocier avec les autres autochtones parce que notre entente vise des amendements à la convention de la baie James et du Nord québécois.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si vous le permettez, seulement pour apporter une petite clarification. Les négociations avec les Cris et les Inuit se limitent seulement aux droits de pêche sur certains territoires. Quant au terrain des Naskapi, en propriété, ces négociations sont directement avec la province, et non avec les Cris et les Inuit.

M. Pratt: Oui.

M. Ciaccia: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): Merci. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: C'est très bien, je vous remercie.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez terminé. C'est à M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, merci. M. Pratt, Mme Sarrazin, vous êtes sans doute au courant de la fermeture du Collège algonquin à La Macaza. Est-ce que les Naskapi étaient participants à cette entreprise?

M. Pratt: II y en a un.

M. de Bellefeuille: Vous dites un.

M. Pratt: II y a un étudiant, je pense.

Mme Sarrazin: II y avait un étudiant à temps plein et il y avait les autres qui étaient là durant l'été seulement pour les cours d'été.

M. de Bellefeuille: A la suite de la fermeture du Collège algonquin, il y a des programmes de remplacement, je crois, qui ont été mis sur pied. Est-ce que, à la suite des questions que Mme le député de L'Acadie vous a posées sur la cadence de la francisation, ces programmes de remplacement pourraient servir à la formation de maîtres pour l'enseignement du français et l'enseignement en français?

M. Pratt: Malheureusement, nous ignorons si ces cours peuvent servir ces buts ou non.

M. de Bellefeuille: Je m'excuse presque de vous poser des questions qui sortent du champ de votre compétence, comme représentant des Naskapi, mais j'ai pensé que vous seriez peut-être au courant des réponses.

Mme le député de L'Acadie, comme je viens de le dire, vous a interrogé sur la cadence de la francisation. Est-il possible de concevoir non pas des échéances, mais des dates, enfin de voir un peu dans le temps quelle sera cette cadence? Vous nous avez décrit comment cela va pouvoir se faire. Est-ce qu'on peut voir un peu dans le temps comment cela s'échelonne?

M. Pratt: C'est...

M. de Bellefeuille: Compte tenu...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Un instant! Mme le député de L'Acadie soulève une question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que j'ai été mal interprétée. Ce n'est pas la cadence de francisation à laquelle je me suis intéressée, mais au stade ou au niveau d'enseignement dans lequel on prévoyait pouvoir commencer l'enseignement de l'anglais et je pense que ce sont deux choses très différentes dans les circonstances.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Est-ce que je donne la parole au député de Deux-Montagnes ou à Me Pratt?

M. de Bellefeuille: M. le Président, il est sûr que Mme le député de L'Acadie peut s'interpréter beaucoup mieux elle-même que je ne saurais jamais le faire. Quoi qu'il en soit, je ne sais si M. Pratt ou Mme Sarrazin pourrait nous éclairer là-dessus, compte tenu du fait que cela doit être déterminé par la collectivité et non pas imposé arbitrairement.

M. Pratt: C'est très difficile à dire.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse encore, il y a un député qui intervient. M. le député de Mont-Royal sur une question de règlement.

M. Ciaccia: C'est une question de règlement sur les déclarations du ministre et les questions qui sont maintenant posées par le député de Deux-Montagnes.

Le ministre a fait une déclaration suivant laquelle il était prêt à reconnaître aux Naskapi les mêmes droits que ceux qui sont inclus dans l'entente de la baie James. Je crois que cela pourrait causer des préjudices aux négociations éventuelles si on commençait ce soir, avant que la signature soit complétée entre les Naskapi et le gouvernement, à poser des questions — et je l'ai évité — sur le rythme d'introduction de la francisation, du français dans les écoles des Naskapi. Je crois que tout cela est couvert par l'entente de la baie James. Je suggérerais fortement au député de Deux-Montagnes de s'en tenir à la déclaration de son ministre et de respecter cette entente avec les Naskapi.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'accepte volontiers le point de vue du député de Mont-Royal, mais je pense que la commission peut quand même laisser la porte ouverte à la possibilité que M. Pratt ou que Mme Sarrazin souhaite ajouter quelque commentaire que ce soit.

Le Président (M. Cardinal): Me Pratt.

M. Pratt: La seule chose que je peux dire, c'est que nous en avons discuté. Les Naskapi peuvent introduire le français, mais il y a trop de choses imprévues à ce moment pour vous donner une réponse exacte. Je pense que ce que nous avons négocié est basé sur la bonne foi des Naskapi de remplir ces obligations, de poursuivre comme objectif l'introduction du français. Vous dire exactement quel régime, c'est très difficile.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je tiens, après mon collègue de Terrebonne et après nos collègues des partis de l'Opposition, à remercier les représentants des Naskapi.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci. Me Pratt, Mme Johan Sarrazin, j'ai remarqué que tous les deux, vous parliez et compreniez le français et l'anglais. Est-ce que je pourrais vous demander de terminer en naskapi?

M. Pratt: Pas encore.

Le Président (M. Cardinal): Non? Ce que j'ai fait n'est pas du tout méchant. Cela aurait été une fraîcheur au cours de ces auditions. Alors, au nom de la commission, je remercie... J'ai appris que c'était un dialecte parmi la famille algonquine, mais je n'ai pas ces talents. Au nom de toute la commission, je pense qu'il faut remercier les Naskapi de Schefferville. Nous avons été heureux de vous accueillir et, de fait, vous avez pu constater que vous nous quittez quand même, je pense, avec un certain nombre d'assurances et de garanties. Nous vous remercions d'avoir représenté ce

groupe. Je souhaite que vos voeux soient réalisés. Merci.

M. Pratt: Nous vous remercions.

Le Président (M. Cardinal): Alors, j'appelle le prochain organisme, The Northern Quebec Inuit Association, mémoire 40. Oui, M. le député de Mégantic-Compton?

M. Grenier: Vous alliez répondre à ma question?

Le Président (M. Cardinal): C'est exactement ce que j'allais faire. Vous avez vraiment de l'intuition.

M. Grenier: Je ne poserai pas ma question.

Le Président (M. Cardinal): Pendant que ce groupe s'installe, je vais répondre à la question posée cet après-midi par le député de Mégantic-Compton. J'ai reçu à mon bureau à 13 h 20, par téléphone, un télégramme daté du 5 juillet 1977 et qui se lit comme suit: "Cher M. Cardinal, nous comprenons que l'Association des citoyens des Cantons de l'Est a soumis un mémoire, sur le projet de loi no 1, au nom de 4500 personnes demeurant entre Mégantic et Granby, devant la commission parlementaire. Leur mémoire contient plusieurs problèmes qui n'ont pas été soulevés par les autres mémoires et nous croyons que l'expérience de ce groupe durant les cinq dernières années dans l'intégration linguistique est très pertinente. Nous demandons respectueusement que la commission accorde au moins une heure à cette association pour présenter son mémoire." C'est signé par M. Alex K. Patterson, co-président du Comité d'action positive ou du Positive Action Committee, Montréal.

Le Telex provenait de McMaster, Meighen, Minnion, Patch and Cordeau, avocats de Montréal, 129 St. James Street, Montréal. Je lis les choses telles qu'elles sont. Je n'ai pas le droit d'entrer dans le fond du problème, on le sait. Ce qui me frappe, c'est que M. Patterson, qui représente le Positive Action Committee, représente un groupe qui a déjà comparu devant nous. Je ne suis pas personnellement au courant. Je n'ai pas eu le temps de vérifier s'il y avait un mémoire... portant un numéro qui a été présenté par ce groupe de citoyens des Cantons de l'Est. Mais je peux, d'ici à demain, faire cette vérification et apporter une réponse plus complète au député de Mégantic-Compton.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Grenier: Si vous permettez, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! M. le député de Mégantic-Compton, oui.

M. Grenier: ...le mémoire qui porte le no 106 — je ne répéterai pas ce que j'ai dit avant le souper — a une particularité qu'on n'a pas vue dans les autres mémoires. Je pense qu'à cause de l'impact des Cantons de l'Est sur l'ensemble de la province —on en a parlé à plusieurs occasions — on a eu des mémoires qui sont venus de la région de la Gatineau, de Hull, mais la région des Cantons de l'Est elle-même n'a jamais été représentée ici... J'aimerais que vous utilisiez peut-être votre autorité, si c'est trop... Je ne voudrais pas qu'on comprenne le terme "autorité" comme une personne devant décider, mais que vous usiez de votre influence pour qu'on ait, avant la fin de l'audition des mémoires, la possibilité d'entendre ce groupe qui, pour moi, est important dans le contexte actuel.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, M. le député de Mégantic-Compton, même si nous étions tous en commission parlementaire, j'ai déjà adressé et au ministre d'Etat au développement culturel et au secrétaire de la commission, premièrement, copie du télégramme reçu et, deuxièmement, une lettre les informant de cette demande, c'est-à-dire que déjà la démarche est faite auprès du cabinet du ministre, mais je n'ai pas encore reçu de réponse. Evidemment, ma lettre n'est partie qu'à la fin de l'après-midi, au moment d'une absence que j'ai eue à cette commission.

M. Grenier: Vous ne l'avez pas fait livrer par une voiture des fonctionnaires, parce que ça prend du temps...

Le Président (M. Cardinal): Non, j'emploie d'autres moyens.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, à votre demande adressée au ministre d'Etat au développement culturel et au secrétariat des commissions parlementaires, pourriez-vous ajouter l'appui de l'Opposition officielle à ce que cette intervention soit faite devant cette commission? Nous pensons que le mémoire de l'Association des citoyens des Cantons de l'Est pourrait apporter un éclairage particulier et nous souhaitons que vous fassiez les représentations nécessaires auprès du ministre et auprès du secrétariat des commissions pour que cette intervention soit faite devant nous dans les plus brefs délais. Je voulais simplement ajouter notre voix à celle du député de Mégantic-Compton.

Le Président (M. Cardinal): Votre voix, par la mienne, est immédiatement transmise à la table...

Une Voix: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! ...qui est à ma droite, il y a des représentants du cabinet du ministre, et à celle de gauche, où il y a le secrétariat des commissions. Je pense que c'est le moyen le plus rapide.

M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Une petite directive...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais justement... Mme le député de L'Acadie m'avait demandé la parole avant. Disons, Mme le député de L'Acadie et M. le député de Joliette-Montcalm.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, mon intervention est dans le même sens que celle de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys et puisque ce soir, nous baignons dans l'histoire, je pense que la contribution des anglophones, et particulièrement celle des Loyalistes, au développement des Cantons de l'Est est très intéressante. C'est peut-être pour cela que, en plus des autres motifs qui ont été invoqués, le ministre d'Etat au développement culturel devrait être motivé à convoquer ce groupe devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Cardinal): Je comprends que la voix de Mme le député de L'Acadie est ajoutée-à celle des autres.

M. le député de Joliette-Montcalm, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Chevrette: C'est pour une demande de directive. Je ne sais pas si c'était prioritaire sur le député de L'Acadie ou non. Je voudrais savoir si l'ordre du jour est établi pour une semaine ou s'il est établi à la journée?

Le Président (M. Cardinal): Je suis heureux que la question soit posée, justement pour apporter une précision.

La présidence ou le président, parce que je me fais remplacer, volontairement, ne reçoit la liste que soit à la fin de la journée pour le lendemain ou au début d'une séance. La deuxième semaine de la commission, la commission m'avait donné un certain pouvoir de convocation. Après l'expérience d'une semaine, j'ai mentionné — et c'est au journal des Débats — que c'était dorénavant le cabinet du ministre d'Etat au développement culturel qui s'occupait des convocations. Volontairement, pour m'abstraire, m'éloigner, me placer à l'écart de toute stratégie politique qui pourrait venir, soit du parti ministériel, du parti de l'Opposition officielle ou de tout autre parti, je ne désire pas connaître à l'avance la liste des convocations. Je dois cependant avouer que j'ai la liste des gens convoqués pour demain. Je sais de plus que le président de la Régie de la langue française est convoqué pour le mercredi 20 juillet et très sérieusement, c'est tout ce que j'en sais et comme président, je ne veux pas en savoir davantage.

Si l'on veut des réponses à ce sujet, je pense que l'on doit s'adresser directement au cabinet du ministre responsable.

M. Chevrette: M. le Président, vous me permettrez de faire un commentaire. Tout à l'heure, vous avez permis aux autres de le faire. Donc, je me permettrai...

Le Président (M. Cardinal): Approchez votre micro, cependant. Vous avez une très belle voix! Nous en manquons quelques accents.

M. Chevrette: Elle est même riche à ses heures, M. le Président. Je voudrais dire ceci: II y aux environs de 180 mémoires, si ma mémoire est fidèle...

Une Voix: 262.

M. Chevrette: Voyez-vous? Je suis même en retard.

M. Lalonde: Beaucoup oui. Comme votre parti d'ailleurs.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Je n'ai pas le processus mental lent, M. Lalonde.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Ce que je voudrais vous dire est ceci: Chaque groupe, à un certain moment, découvrira à l'intérieur de son mémoire un petit point d'analyse qui est divergent de ceux qui ont été présentés et, à ce compte, je crains que si on fait exception pour un groupe, si on accorde une priorité à un certain groupe, on ait une multitude de demandes pour nous dire: Nous aussi, c'est particulier parce qu'on vient de la région de Joliette et on n'a pas été entendu et on vient de la région du Bas-Saint-Laurent et il n'y en a pas un qui est venu de la Gaspésie, etc.

Mme Lavoie-Roux: On souhaiterait que tous soient entendus.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Chevrette: Mme le député de L'Acadie...

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

M. Chevrette: ...je vous ai laissé aller sans vous interrompre.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: Merci M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Vous savez que je suis très poli avec vous. Je vous demande la réciproque.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît! Je n'invoquerai pas les articles.

M. Chevrette: Les yeux d'assassin, M. Ciaccia.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Joliette-Montcalm, veuillez poursuivre et conclure.

M. Chevrette: Ce n'est pas une motion. Je considère cela comme un voeu parce que si on en faisait une motion, je prolongerais le débat là-dessus. J'apporterais d'autres arguments.

Le Président (M. Cardinal): Votre question était sous forme de demande de directive. Je ne l'ai pas prise comme une motion. Je l'ai tout simplement prise comme une demande faite à la présidence pour être transmise à ceux qui font les convocations, ce que j'ai fait immédiatement. Si vous permettez, M. le député de Mégantic-Compton, M. le député de Deux-Montagnes, par la suite, ce sera à vous.

M. Saint-Germain: Je voudrais dire quelques mots là-dessus.

M. de Bellefeuille: II ne me paraîtrait pas souhaitable, vu que nous avons des invités devant nous, que cette discussion se prolonge. Je voudrais me contenter de dire que le voeu qui vient d'être exprimé sera porté à la connaissance du ministre et que, pour ma part, je le porterai aussi à la connaissance du député de Taschereau.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. C'est déjà transmis à la connaissance du ministre. Je sais que des membres de son cabinet sont ici.

Dans l'ordre, M. le député de Mégantic-Compton, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Grenier: Brièvement, parce que j'ai soulevé la question avant le souper, et j'imagine que le député de Joliette-Montcalm était ici à ce moment puisque c'est un assidu de la commission, je voudrais reprendre, pour être clair et ne pas soulever de débat. Il est bien sûr qu'on a reçu ici "Jos. Bleau" qui est venu nous dire qu'il fallait déporter les gens du West Island. Il est bien sûr qu'on lui a donné une heure et demie et c'est un individu. Il est venu seul. Je ne me souviens plus de son nom, mais je pense que, dans vos priorités à établir, si on devait siéger encore... Je ne sais pas ce que le gouvernement décidera, mais je veux bien que cela ait priorité sur d'autres "Jos. Bleau" qui pourraient venir encore.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le député de Mégantic-Compton. Une seule petite mise au point. Ce n'est pas ce que le gouvernement décidera. C'est ou bien ce que la commission décidera ou bien ce qu'une motion qui sera discutée ici en décidera, ou bien, ce que le leader parlementaire en proposera.

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je voulais, M. le Président, simplement dire que j'appuyais fortement sur le fait de recevoir et d'étudier le mémoire de ce groupe. Je crois qu'il est très représentatif d'une autre région où la langue anglaise est absolument en régression, mais d'un autre côté... Le député de Joliette-Montcalm veut m'écouter. Alors, je dirai au député de Joliette-Montcalm qu'il n'y a pas à faire un long débat là-dessus. On a très bien remarqué aujourd'hui que les ministres sont très fatigués, qu'ils n'assistent plus à nos débats et que cela annonce malheureusement, je pense bien, la fin de nos travaux. Si cela continue, on n'aura pas besoin d'avoir une motion pour mettre fin aux travaux. Les travaux vont se terminer faute de combattants, parce que j'ai l'impression qu'il y a des députés qui commencent à être fatigués aussi.

M. Lalonde: M. le Président, je voulais rappeler à mon collègue de Jacques-Cartier...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ...que le député de Taschereau est revenu, lui qui est si bien informé, presque suffisamment, comme il le disait hier; la suffisance, vous savez ce que c'est? Il est revenu, c'est une bonne nouvelle.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je ne vous blâmerai pas de cette intervention. Vous saviez que ce n'était pas une question de règlement. Sur ce, est-ce que je puis, ayant fait... Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: ...quelques secondes pour vous poser une question. Vous avez expliqué au député de Joliette-Montcalm tout à l'heure, la procédure au sujet du choix des mémoires qui nous sont présentés. Depuis que nous n'avons pas de député, est-ce que vous pouvez nous dire si maintenant le dialogue se fait entre le secrétaire de la commission et le bureau du député de Deux-Montagnes ou si cela reste au niveau du ministre, M. Laurin?

Le Président (M. Cardinal): Non, j'apporte une précision que j'ai déjà mentionnée la semaine dernière. D'une part vous avez ici des membres du cabinet du ministre qui ne sont pas à cette table, mais qui sont avec nous. D'autre part, M. le député de Deux-Montagnes n'est pas un simple député. C'est un adjoint parlementaire d'un ministre qui est membre de cette commission et à ce titre, d'après les règlements et d'après l'usage, je pense que tous le savent, il a comme principal rôle justement, à l'Assemblée nationale, ou en commission parlementaire, de répondre au nom du ministre. Le titre d'adjoint parlementaire n'est pas simplement un titre, c'est aussi un rôle. Alors, je voudrais que l'on oublie le reste et que l'on ne recommence pas ce débat.

M. Saint-Germain: M. le Président, nous voulons croire en votre parole, mais de par les réactions du député de Deux-Montagnes, je me demande réellement s'il va rapporter au ministre réellement ce qui s'est dit au niveau de cette commission.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît. C'est moi-même comme président qui... A

l'ordre, s'il vous plaît. Je m'excuse. C'est moi-même — et je ne pense pas qu'on puisse mettre ma parole en doute — qui dis qui ferai le message aux personnes concernées.

M. Chevrette: C'est une question de règlement quand même.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Vous tolérez cela?

Le Président (M. Cardinal): Non, je viens de rappeler le député de Jacques-Cartier à l'ordre.

M. Ciaccia: II n'y a pas de règlement d'intolérance.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Blank: C'est 32.

Le Président (M. Cardinal): A l'ordre. Si vous permettez, nous avons des invités devant nous et nous sommes en train de nous contre-interroger à savoir qui fera un message à qui, etc. Il me semble que ceci est tellement clair que j'invite les représentants du Northern Quebec Inuit Association à se présenter.

Northern Quebec Inuit Association

M. Nungak (Zebedee): Thank you finally, Mr. Chairman.

Le Président (M. Cardinal): Finally!

M. Nungak: My name is Zebedee Nungak. I am the first vice-président of the Northern Quebec Inuit Association. I will start off by, first of all, introducing my delegation here. Starting from the extreme right, Mr John Lemieux, our legal council, Mr Paul Joffe, our legal council, Mrs Mary Simon, secretary to the board of Northern Quebec Inuit Association; next to her, Mr Peter Inukpuk, board member of the Northern Quebec Inuit Association and lastly, Mr Sam Silverstone, legal council.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Allez.

M. Nungak: Your pleasure...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, s'il vous plaît! Si vous permettez. Just a minute, I am sorry, it is only to make all things clear. Le mémoire no 40, présenté à la commission parlementaire, se présente comme ceci en français: Soumis par Northern Quebec Inuit Association au nom de "Les Inuit du Québec". Si on traduit en anglais, c'est: "Submitted by Northern Quebec Inuit Association on behalf of Les Inuit du Québec."

Je voudrais donc qu'on se rende compte qu'il 'y a qu'un seul mémoire présenté au nom des

Inuit du Québec par leur fondé de pouvoir, qui est le Northern Quebec Inuit Association. D'accord, Me Lemieux? It is all right, you may go on.

M. Nungak: Thank you. It is a pleasure, Mr Chairman, and being aware ourselves that we are under a 20 minutes restriction, we will try very hard not to go over. For freedom of expression, we will be speaking in our own language and I will be translating it into English.

(S'exprime dans sa langue).

We have come here to present our case and we have come here on three fundamental bases: first of all, being original inhabitants of this province, which have been recognized by the minister responsible for this bill no. one as original people of Québec. Second of all, because we have rights that we acquired in the James Bay in Northern Quebec Agreement, which has been signed by the previous government of Québec, allowed with several other parties.

Thirdly, we are at the present time in majority in the area of land north of the 55th Parallel, in the Northern part of this province. It is on these basic points that we have come before you today.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: Mrs Simon would like to further state a historial fact and it is a fact that we have an occupancy where we are living of over 4000 years, whereas the French people in Québec have occupied Québec for the last 300 or maybe around 300 years, and it is also an historial fact that the territory that we presently occupy and that we have always occupied became part of this province only in the year 1912. It is also historical fact that the Québec government's presence in our territory occurred only 13 years ago. So, these facts show that it is very recently that we have been in contact and exposed to the French people.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: We want to make it very clear that we are not a threat to the French language and culture. And although, we understand that you are creating this Bill the protect your language and culture. We feel that our languages and cultures deserve the same protection, being original people of this land.

So what we want is rights to protect our language and culture, just as fervently as you are doing so or attempting to do so in the creation of this Bill. We, just as the French Canadian's claim, also have a right to determine the future, our future, in our languages and cultures.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: Having an understanding of the force and the thrust of your Bill to protect your language, we feel that it will be a great injustice for the French language to be imposed upon us.

We feel that it will be a moral crime committed by the Province of Québec if the language of French is imposed and forced upon one of the original peoples which is us.

Although, we have nothing against the French language itself. We do have something, we do have a lot against the imposition and against the forcing that have been employed in Bill 1.

As original inhabitants of Québec, we should not have our language and culture straightened, but we feel that this is what is being done in the thrust of Bill 1.

We feel that if the imposition, the force of the French language is carried out to us, there will be a big backlash that we will feel for years and we do not feel it is in your or in our interest to do this, to force the French language upon us.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue.).

M. Inukpuk (Peter): (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: We definitely feel that we have a right to determine our future. We have a right to self-determination and it is for this basic reason that we entered into an agreement with the province of Québec, feeling that what we obtained within this agreement would allow this self-determination and participation in the life of this province. We feel that the principle of self-determination that we thought we obtained should be preserved and we feel that the thrust and the intention of Bill 1 is in direct conflict with that right to self-determination we think and we know we have.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: It has been stated very clearly within the James Bay and Northern Quebec Agreement that the people, the residents and the Inuit who are residing in the territory described North of the 55th parallel have a right to participate in what happens in the territory.

Mme Simon: (Sexprime dans sa langue).

M. Nungak: What we want is both adequate language and culture or rights to protect our languages and culture as well as a complete and clean exemption from Bill 1, not only for ourselves but for our administrations, civic and otherwise, corporation and other entities in the territory at the present time and within the agreement. We feel that, in order to survive, we will have to get these.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Nungak: We cannot accept the concept of a time delay where we will be told, after a certain number of years, we will have to francize, we will be obligated to francize. We do not accept the idea of including in the legislation that you are now studying the objective of francization for our administration and other entities in the way, it is being imposed. We feel that the things going on in the province are strong enough to generate us on our own time in our own way to learn the language of French in ourselves and within our businesses. We do not feel there is a need for a written law obligating us to become French-speaking. We feel we can do that more freely and in a better way if we were given the right to do it in our own speed, not by having a definite timetable where we will be required to speak French. We feel we can do a good job in learning the language, but only if it is done at our speed and in our way.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue)

M. Nungak: We have all the experience of very great upheaval in our culture by the fact that we have adopted a second language which, as you know, is English. Our culture and our native language were threatened for sometimes. This was not an imposition. Nobody forced us to speak English, but having to adopt it created great upheaval. But we learned the language and now, we have put it to good use in communicating with the outside. Then, we find that we are asked to learn a second language which in the way it has been presented to us, is clear, forceful imposition. We are now being asked to be trilingual and, in pursuing this objective, our culture and our language would have to go through another upheaval, but this one would more hurry, because of delays and timetables that have been suggested.

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue)

M. Nungak: I would like to emphasize that the basic idea of consulting the Inuit was part of the spirit of us entering into the James Bay and Northern Quebec agreement.

We have also noted that in the program of the Parti Québécois there is a written statement that Inuit and Indian people will be consulted in matters regarding their affairs. We were quite happy that steps of this kind were contemplated. But now, we are quite disappointed in the way that this consultation and this cooperation have not come about. We are still waiting for these kinds of consultations to be practiced in a proper way.

Up to the present time, I would like to inform the commission, as I guess it is my last point before the time is up, we have met with the minister, Dr Laurin, after he announced that we would be entitled to an exemption from the bill. We have met with his officials two times since. At the present time, there has still been no final agreement on a formula for our exemption and for our other matters, but we are still hopeful that another meeting will be more productive.

When we were notified by Dr Laurin that the exemption was in order, we were under the impression that the exemption would not have all sorts of conditions in it. We found out otherwise ir the second meeting, where French only wa

spoken, and we felt compelled to walk out of the meeting.

Now, we feel more optimistic after our last meeting and we feel that something can be arranged and we are hopeful that another meeting will produce better results.

Le Président (M. Cardinal): D'accord? M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: Je veux d'abord remercier la Northern Quebec Inuit Association pour le mémoire qu'elle vient de nous présenter. Je pense qu'il convient de répéter ce que j'ai dit lorsque nous avons reçu d'abord les Naskapi. Notre gouvernement, comme le gouvernement précédent, considère le peuple Inuk comme les peuples amérindiens, comme les descendants des fondateurs de ce pays, et il entend leur reconnaître le droit de maintenir et de développer leur langue et leur culture d'origine. C'est la un principe qui préside à toute l'approche que nous voulons avoir concernant la discussion et l'établissement...

Des Voix: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Oui.

M. Nungak: Excuse me, Mr Chairman...

M. Lalonde: Je crois que les Inuit voudraient...

M. Nungak: Mr Chairman, I am sorry. I think that our rights here are being talked about and being a professional translator and interpreter, I know that a lot can be lost in translation. I wonder if the minister would be kind enough to address himself in English.

Le Président (M. Cardinal): It is the choice of the minister, but there is no translator in the National Assembly.

M. Laurin: I will greet this demand with pleasure.

M. Nungak: Thank you.

M. Laurin: So, I think I have to repeat first what I have said to the Naskapi people when they came before this commission.

For the present government, as well as the Indian people as the founding people of Québec, as the sons and heirs of those people and we want to grant those people the right to maintain and develop their original language and culture. And as far as the application of those principles is concerned, we want to abide strictly to the terms of the agreement signed by the previous Government and your people. And this is why I have met on three occasions, either myself or my representative, your people and the other people of Indian origin and I think our discussions have been conducive to a tentative agreement whereby, for example, for the language of teaching we are ready to include in Bill 1 the terms of the agreement as they appear exactly or by a formula which would have the same substantial meaning. Also we would be ready to consider that all the organisms about which the agreement talks are exempt from the application of Bill 1 and we have gone farther than that by saying that for all the other matters, for example, matters of cultural development, we would be ready to set up a task force, a committee where all those questions of future development and in particular, cultural development, will be discussed and would be conducive to agreements whereby the Government would put at the disposal of the Inuk people the instruments which they would need for this cultural development.

Even if we have not reached final formulation of the agreement, I think we are pretty well near this formulation and I think it could be achieved in a matter of days. Maybe also, I will have to consult not only the Inuk people of Fort Chimo or of other communities but all the communities of the Inuit people, but anyway, I think we can reach a conclusion with goodwill on both parts in a very near future. But I think I have also to say this: We want to observe the terms of the agreement but we are not ready on the occasion of the discussion of Bill 1 to open entirely the convention again because this agreement have been signed by both parties. And I think if the Inuit people want to open the agreement, if they are not statisfied with it, if they want to renew the discussion on the terms of the agreement, it will have to be made separately as a distinct move, as a separate move and I do not think I feel competent or I do not have the mandate to do this. If you think that it is necessary, I think you will have to ask that the agreement be reopened or rediscussed by applying along the formal channels to the Chief of the Government. I do not know which answer he may give to you but I think it is out of my present competence.

You have said in your brief that you do not want to see your culture threaten. I completely agree with you but when you say your culture, I understand the Inuk culture. I do not understand the English culture, because the English language for you is a second language.

You have said it and I do not think you have the right to ask for the maintenance and development of the English language with the same solid grounds and the same arguments which you may use by invoking your rights as the founding people. I think a difference has to be made here. And when you say that the government is asking you to become trilingual, I think if we look at the agreement, this process will take place very gradually, in a very smooth way, in a way that is compatible with most of the demands you make in your present brief. I think when the agreement was discussed all the particulars of this slow process of evolution have been discussed between the government and you — the government has

granted you all the steps that you found necessary for this process to take place.

Again, even though we recognize your rights, even though we are ready to stand by your rights and defend them, I do not think this right gives you the authority to prevent the Government of Quebec from adopting the policies, the laws that the government sees fit for the citizens of Quebec. I think your rights are there, but the rights of the other citizens of Quebec are there too and I think we must find a way to harmonize, to conciliate those rights you have and the rights that the other citizens also have. For example, I do not think that for the sake of preserving the use of the second language you have, you may have the right, for example, to prevent the Government of Quebec from going along wiht legitimate pieces of legislation regarding firms, businesses, concerns all over Québec. And also, I think you must pay attention to the fact that even though the apprenticeship, the knowledge of a third language is difficult, if you are given the time to do it, and I think the agreement does give you the time, you will find interest in doing it. Because, if Québec becomes more and more French, I think it will be in yourinterest to learn along with English which I recognize will remain one of the important languages in this part of North America another language which will put you in a better way, in a better position, to benefit by all the advantages that Québec may give you. In other words, I think it will be profitable for you not to cut yourselves from the main streams of collective life and I think you should take the proper steps to ensure that Québec will be advantageous to you as it is to all other citizens.

So, if there remain problems in the agreement itself, you may ask the government to reopen the agreement and see if the government is ready to talk again, to renew the discussion with you. And if you are concerned about the future cultural development of your people, even though it will not be written in the law, as I told you, I am ready to continue the discussions I have started, so as to come to a set of propositions or recommendations in the very near future.

And I would have also a final word. When we talk of the agreement, I think we must be aware that, in the agreement, there are sections regarding specifically the Inuk people, but there are other sections which regard people who do not belong to your community. The agreement, also, speaks about certain entities and organisms where non-lnuk people are represented. So, I think we must qualify the different articles of the agreement and some specifications which may concern you, specifically. I think we can exempt those organisms from the application of Bill 1, but the other organisms where we find people who do not belong to your people may deserve a different treatment.

When we talk of regional organizations, I think we must also consider the fact that regional organizations are not formed only according to the ethnic origin of the people. They have been formed along administrative principles and I think those entities must be treated, in some way, as the other normal administrative organisms in Québec are treated. I mean by that that they cannot be totally exempted from the general laws of Québec. But, with those reserves, I repeat that our line of thought, our policies, are directed to the maintenance and development of everything you stand for. We are ready to make everything so that your language and culture can be maintained and developed.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Mr Nungak, you have the opportunity to answer, if you want.

M. Nungak: Thank you Mr Chairman. Thank you, Mr minister, for your comments. I would like to make a few brief ones myself on what you have just said.

First of all, you have stated previously and you have stated again tonight that you intend to respect to the letter what is contained in the James Bay and Northern Quebec agreement. On that point, I have to remind you that the James Bay and Northern Quebec Agreement is not an extensive document dealing with language and culture; at the time we negociated it, we did not have the time to give our attention for an extensive and comprehensive section dealing with our languages and culture.

Therefore, we do not feel that we are quite adequately protected in that specific area. We do not feel that what are asking for is so great that it would entail reopening of major negotiations. You have yourself done your part in offering us an exemption from the Bill 1. The only other thing we asked for besides that was to have a recognition of our rights to be put into the bill or, if you were not be able to do that for legal or other reasons, to be able to commit yourself to a piece of legislation that would deal with our languages and rights.

So, we do not feel that what we want is so great, and so big, and so complicated that it would take a lot of your time and energy. We basically feel that what we are asking for is very simple and you have gone halfway yourself by offering the exemption.

I would also like to state again that we are not an ordinary minority group. As you have said, we represent the majority of... I represent, I have a mandate from the majority of residents in the territory north of the 55th parallel.

We feel that, on those grounds, it is only reasonable for you to deal with us now while the language of all Quebecers which, in this case, is primarily French in Bill 1, is being dealt with. We feel it is appropriate that your simple demands be adequately dealt with.

Just to underline the importance of our adopted language, English, I would like to inform the members of this commission that English has become a necessary language for us, not only in dealing with you, but with any other group outsidF of the territory, with our fellow Inuit from Alaska t

Greenland. Because of the differences in Inuttituit dialects, English has become a major important language. We are not going to give it up and I think that, under the agreement, it is quite well understood that all the various structures, local and regional governments and other structures contemplated are in the agreement... If we are to make them work, we cannot wait for generations, before our people are able to speak French, to handle matters in those structures. We will have to make them workable. The only personnel we have at the moment are English-speaking Inuit.

And these structures that we obtained, that I am talking about, were given to us. We obtained them in return for giving up our arboriginal rights in the territory and they are precious to us.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Par courtoisie pour nos invités, je crois que je vais faire mes commentaires en anglais.

Mr. Chairman, first of all, I would like to say to our guests that I am very pleased to see them again. I did not expect to meet you again under these circumstances where we would be rediscussing and almost renegotiating the terms of an agreement which has been signed very recently and on which the ink is barely dry.

I would like to make a few comments with respect to the comments of the Minister and I hope that, in the short time that is allowed to us, to the official Opposition, I will be able to bring out some of the major concerns, I think, created by the Bill 1. It is not just only a question of language or of communication, but I think it affects the very core of this agreement.

In the previous submission of the Naskapi, I refrained from making any general or specific comments, and I restricted myself to some general comments in view of the fact that the Naskapi and the government have not signed their agreement and they seem to be in agreement on what is to be contained in it.

However, I detect, in this particular case, certain very specific changes in attitude on the part of the Government, primarily because of the obligations that the Government has and which Mr Nungak has brought to our attention and which I could say that some of the specific terms of this agreement seemed to have been violated, not only some of the terms, but I think the spirit of the agreement. I think that we are faced here with a lack of understanding — it is unfortunate — between the Government on one hand and the native people.

This is a very complex agreement which took two very long years to finalize which contains provisions aimed at protecting the native people and I think that the Government does not seem to be aware of some of the specific problems — I am lot saying that this in intentional — that the native people have in Northern Québec.

The Minister has continuously repeated that he will abide by the terms of the agreement. However, as the brief points out, Bill 1 violates some of the basic provisions of this agreement and even violates the undertaking by this Government to consult with native people prior to an acting in any legislation which would have direct effect on them.

I would like to ask Zebedee what in addition to these specific terms of the agreement, to you was the spirit of this agreement in terms of its effects on the various organisms and structures that are created under the agreement. Could you give us a very brief outline of some of the many structures that are created, why they were created and what is the spirit of the agreement as far as your participation in theses structures are concerned?

M. Nungak: In answer to Mr Ciaccia, I refer to schedule II of our brief. I understand it has only been submitted in French to you, but, nevertheless, the schedules are the same, to my understanding, in the English version. It is at the end. I will just take off... It is page 40 of the French version.

These are the various committees, commissions, structures, organizations that have been set up as a result of the agreement, and, by the description of some of the names, it is quite obvious what some of these organizations were set up for, the Local Enrollment Committee, the Enrollment Commission, the Local Registry Officer — the first three are to deal with the registration and eligibility for the agreement; there are fifteen Inuit Community Corporations; these are land holding corporations which are holding the land that was negotiated into the agreement — the Caniapiscau-Koksoak Joint Study Group.

M. Ciaccia: I do not want to interrupt you, but it is just to give an example because we are limited in time and I have other questions to ask.

Now, how will Bill 1 affect you, with respect to these various committees, local government — I notice you have health and social services council — what will the effect of Bill 1 be on the agreement of these committees?

M. Nungak: It would make it quite impossible for us to participate in the operation in running of the structures, because, in Bill 1, the way it is, Section 59, tells us very clearly that we can operate and get instructed in our own language, if we wish so, but if we do not, the previsions of the Bill would apply.

M. Ciaccia: So, we are not just talking here of a question of language of instruction in your schools.

M. Nungak: No. We are talking also about our ability to participate and to be active in these various structures. This is very really threatened by Bill 1, the way it has been presented to us.

M. Ciaccia: The Minister speaks of protecting your culture and he is prepared to protect it. But, in your opinion, is it possible to afford you a protection — when we speak of protecting your culture, we mean protecting and flourishing it, so that your community can flourish — is it possible to restrict the protection only to the Inuit language without taking into account all of the activities that your community must, of necessity, be involved in.

M. Nungak: No, it is not possible, because, in our dealings, in our operation, in our participation of these structures, it is necessary for us to employ lawyers, consultants, accountants, specialists, whom we cannot deal with in our own mother language.

M. Ciaccia: In Bill 1, the Minister also speaks of reopening the agreement, my understanding, from reading your brief, is not that you want to reopen the agreement. If Bill 1 were not enacted would you be asking the Government to reopen this agreement?

M. Nungak: No.

M. Ciaccia: You would be prepared and you would be able to function in accordance with the existing agreement and you would not be asking for any additional protection? Is that correct.

M. Nungak: I would not go as far as to say we would not ask for additional protection, but it would make it a hell of a lot easier for us to operate and function.

M. Ciaccia: Without Bill 1, could you operate and function with all these various committees that you listed in the schedule II under the existing agreement?

M. Nungak: Yes, because we would be allowed to use English in that case. That is the only operating language we are using at the moment. We do not have any French-speaking Inuit who are able to assist us yet.

M. Ciaccia: You mention the concept of time delay, if I remember correctly, there is a provision in the agreement where you have said as an objective the introduction and the learning of French in your schools. Is the Government now trying to impose a specific time delay on that?

M. Nungak: Not for education. What is provided for in 17.0.59 of the agreement in the education provision, we intend fully to honour that, and we signed our names under it because we know we could live with that, because our commissioners are determining the rate and there is no force or imposition.

M. Ciaccia: You spoke of...

M. Nungak: It is in my view quite a major base for the spirit of the agreement.

M. Ciaccia: When you mention that the Minister was prepared to grant you exemptions, did I understand you correctly when you said that there were certain conditions attached to these exemptions?

M. Nungak: Not at first. We understood the Minister's offer of an exemption as that an offer of exemption, because there were no conditions, no time delays or any of this sort mentioned at first.

M. Ciaccia: Are there conditions now?

M. Nungak: There were, but I think that the minister's officials and the minister himself understand quite well that we cannot accept an exemption with all sorts of conditions.

M. Ciaccia: You mentioned the question of self determination. What did you exactly mean by that in your brief and in your presentation?

M. Nungak: To answer you very quickly, it is the right to decide local and regional matters. Sections 12 and 13 of the James Bay and Northern Quebec Agreement give us the right that we sought locally and regionally. This is not the only thing, but I am just giving it as an example.

M. Ciaccia: If the minister were to exempt your schools and the various structures that exist or that will exist under the agreement, such as local Government, from the operation of Bill 1, would that be satisfactory to you?

M. Nungak: No, not entirely. M. Ciaccia: Why?

M. Nungak: Because we feel we have further rights that should be stated very clearly. We feel that just an exemption and only that is not enough to protect the rights we feel we have.

M. Ciaccia: Could you elaborate a bit more on those particular rights?

M. Nungak: Of course. We said earlier that we are original inhabitants. I do not have to keep repeating that. If has been repeated quite well also by the minister. We honestly do not feel that anybody has any right to tell us what language to speak. But we recognize at the same time that we feel we could deal with three languages, but at our rate.

M. Ciaccia: So, what you are telling the Government is that it is not a question that you are objecting to introducing and learning French, but you have immediate problems now and you do not want to have the imposition of another language of you at this time. Is that what you are telling the Government?

M. Nungak: Let me make it very clear. We are not dead against or against in any way the fact

the French language. What we are against Is the force, the imposing, the armtwisting through legislation to force us to speak it.

M. Ciaccia: Mr Chairman, it seems to me that it is very clear what these people are telling the minister. I detect that the minister seems to lack this understanding, unfortunately. They have specific problems. The question of their culture is intimately linked to their ability to participate and to communicate not only with the rest of the province, but also with the rest of the country and with other Inuk groups in Canada and in other countries. They seem to be involved, involuntarily, by Bill 1 and by the Government, in the supposed conflict that Bill 1 seems to think exists or seems to be creating between the English-speaking and the French-speaking communities. I would strongly urge the minister, Mr Chairman, to accede to the request of the Inuit, because, you know, even if you go by the rules of the Parti québécois, if there is one group of people who have a defined territory, a language and who have been here since time immemorial, it is certainly the Inuit.

They certainly have claim to self determination and sometimes, you got the impression that the Parti Québécois has borrowed some of its arguments from the Inuit.

I notice that my time is running out, I want to thank the witnesses and I certainly hope that you can prevail upon the Government to respect not only the letter of the agreement, but more important, the spirit of the agreement.

Thank you.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. I think it is with great pleasure and honor that we certainly were privileged today to meet with two groups that were the first inhabitants of this part of the country and I understand your feelings when you say that you have been living in the province of Québec for the last 4000 years. I know that it is part of your philosophy to look at the white people as intruders and I think that it is what we were at that time and still today, we are taking a part of this country which in the beginning was your belonging. You were the owners and when you say that you would not like to have a language imposed upon you, there is a door open anyway for a solution. Maybe that on your own, you could come to this point that the French language could be useful. Maybe someday, due to your participation in the future in economic or political problems of Québec, maybe, someday — it is not impossible — that a member of your group could seat here at the National Assembly and could seat as a member. This is not impossible for many reasons and you have quoted on the first page of our brief a few words taken from the program of the Parti Québécois and this meant that your rights for consultation will be recongized and politics that will be dealing with your groups will be voted or adopted after consultation, after you have given your approval.

I think it is the way that you feel with the Minister and it is the way you would like to have agreements signed and you cannot accept — it is easy to understand according to your words — the idea, the concept of being forced to speak French, of being forced to become Québécois in a way, because you would like to keep your own culture. I think these points are granted or they were promised, you had the promise for the future that you will keep your culture, everything that is part of your heritage. But now I see that the final agreement is not reached and you have some doubts and it is normal to you to have them; it is always easy to trust a person or a government but it is better to place more trust when all the things are settled. It is the way I see it and it is maybe the way you see it also. You said that English is very important because it is the common vehicle between all the tribes — if the word is right — between your group and others groups in all the North since they have many dialects maybe and there could be a problem there.

But, I would like to know from you, since you are part of Québec in a way, and I think that you are, and I think that you would like to be part, being considered as Québécois, not losing any of your attributes, if you think it is possible for your group, in a certain delay of time, to be able to learn the French language, I mean for the coming students, or do you think it will help you in the future? I would like to have your comments about those little points.

M. Nungak: Of course, I would only be fooling myself and my people if I denied that. We are fully aware of this, but we are very conscious of the way it is presented. We cannot live with it being forced upon us.

M. Le Moignan: But do you think that, in practice, with time, it could be possible, not being forced, but as a desire coming from your own leaders. It could take time probably because... Are there any that speak French in your group at the present time or does...

M. Nungak: I would probably have to search for a month to find any of our people who speak adequate French, but, to take your point, we fully recognize that some time in the future and, in fact — we have a few of our people learning the language — we feel that we can, definitely, yes.

M. Le Moignan: Just one point, you do not like coercive means.

M. Nungak: Excuse me, Sir, in fact it is being taught in some of our schools now; for the past ten years, there has been a slow introduction, an introduction nevertheless of the French language, and people parents, on their own free will, are more and more sending their children to learn the

language of French, but not with a condition, and this is what has prompted our people, for those of them who have sent their children to French school.

M. Le Moignan: Thank you very much and probably my friend on my left will have a few questions later on to ask.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Laurin: To answer what you said and what the MNA from Mont-Royal said, I want also to be very clear. With you and with the Cree people and the Naskapi people, we want to abide not only to the letter, but to the spirit of the agreement. And so, I am not in agreement with what has been said about that. We want to treat you with the Cree and the Naskapi on exactly the same footing, but the trouble is that you are asking for more than what the other native peoples, are asking. You want to profit by the presentation of this piece of legislation to push your other claims far and beyond the present legislation, I mean Bill 1. We do not deny your right to use the English language. This is well specified in the agreement as well as the rate of introduction of French, which is supposed to evolve gradually along a long span of years, and so, I do not think in that way Bill 1 violates the agreement in any way. And if you want to communicate with your other aboriginal people located in other provinces, I do not think you have to use English. You may use your common language which is Inuttituit and even though there are differences between the dialects of each province, I think you have a common language just the same. And even though you have to use English again, we do not prevent you from using English, not at all, and again, this is well specified in the agreement.

When I said that you did not speak for the totality of your people, you reacted angrily to that. But today, one of our MNA's for Duplessis received a telegram from some of your people in Povungnituk, Sugluk and Ivujivik and I would like to read this telegram in French and the MNA for Duplessis will translate it in English after and will make his own comments.

Ce télégramme se lit comme suit: "Pourriez-vous remettre aussitôt que possible le message suivant au ministre Laurin? M. le ministre, nous voulons souligner que depuis les négociations qui ont mené à l'entente de la Baie James et du Nouveau-Québec, la Northern Quebec Inuit Association ne représente aucunement les populations de Povungnituk, Ivujivik et plus de la majorité de la population du village de Sugluk. Conséquemment, cette association ne peut parler en notre nom. "De plus, les informations que nous avons concernant la position qu'elle défend nous laissent croire qu'elle est à l'encontre de notre pensée à ce sujet. Concernant le projet de loi sur la langue française, contrairement à la MQIA, nous pen- sons qu'il ne nous appartient pas, en tant qu'lnuit, de protéger une langue et une culture qui n'est pas la nôtre. Nous comprenons très bien que les Québécois francophones désirent vivre et s'épanouir en français et nous appuyons leur démarche à cet effet. "Tout ce que nous demandons, c'est que le gouvernement du Québec reconnaisse et garantisse à notre peuple toutes les possibilités de se développer et de s'épanouir dans la langue et la culture esquimaudes. En tant que Québécois, vous comprendrez certainement que chez nous, comme ailleurs au Québec, il y a ceux qui voudraient maintenir leur position privilégiée. Il nous est aussi inacceptable à nous qu'aux Québécois que se perpétue la présente situation où la connaissance d'une langue étrangère et la reconnaissance officielle des gouvernements du sud soient un prérequis au pouvoir politique. "L'année dernière, avant le référendum par lequel les Esquimaux du Nouveau-Québec devaient donner leur approbation à l'entente de la baie James, nous avons maintes fois répété que pour qu'une décision puisse être prise démocratiquement, la population du Nouveau-Québec avait besoin de toute l'information possible et qu'elle soit véhiculée avec la plus grande objectivité. A ce moment, nous avons catégoriquement refusé de participer à ce référendum, parce que nous avons jugé que les règles les plus élémentaires touchant l'information en démocratie n'avaient pas été respectées. "Aujourd'hui, c'est avec regret que nous voyons se reproduire la même chose avec la campagne de l'association MQIA contre le bill 1. Nous nous dissocions donc de la campagne de propagande organisée par l'association dans les media du sud ainsi qu'au Nouveau-Québec par le truchement du service du Nord de Radio-Canada et par d'autres moyens, telle la manifestation de Fort Chimo. Faute de pouvoir vous rencontrer en personne, nous vous ferons parvenir sous peu un exposé plus détaillé de nos réactions au projet de loi no 1. "Si notre intervention est si tardive, c'est que nous ne disposons point des ressources financières et du temps nécessaire pour intervenir plus tôt. "Eliassie Sallualuk pour les villages de Povungnituk, Ivujivik et Sugluk."

Maintenant, j'aimerais demander à Denis Perron de vous traduire ce télégramme en anglais et de faire ses propres commentaires.

M. Perron: Merci, M. le Président. Considérant que les Inuit sont des gens de mon comté, donc du comté de Duplessis, je m'adresserai en anglais quant aux questions que j'ai à poser ainsi qu'à la traduction du télégramme, afin que ceux-ci comprennent très bien le sens de mes questions et des paroles que je dirai.

Mr President, considering that the Inuit are people from my county...

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez indiquer à M. Nungak que vous commencez la traducti d'un télégramme afin qu'il sache...

M. Perron: Ce n'est pas encore ça.

M. Ciaccia: Excusez-moi. Je pensais que c'était la traduction.

M. Perron: Considering that I do not speak Inuit, but that the Inuit are people from my county, the county of Duplessis, I address myself in English regarding the question I have to put in; so, that they can understand what I am saying. And right now I am reading the telegram we just got from people from Povungnituk. "Mr. Denis Perron, Deputy for Duplessis.

Please, pass on as soon as possible the following message to Minister Laurin.

Mr. Minister, we wish to emphasize that since the negotiations leading to the agreement of James Bay and New Québec, the Northern Québec Inuit Association, in no way represents the population of Povungnituk, Ivujivik, and more than the majority of the population of the town of Sugluk, as a result, this association cannot speak in our name. However, the information that we have concerning the position which it defends leads us to believe that the agreements go against our beliefs in this area.

Contrary to the NQIA, we believe that we have no obligation, as Inuit, to protect a language and a culture which is not our own. We understand the wish of French Quebecers to live and develop in French and we support their efforts in this regard.

All we ask is that the Québec Government recognizes and guarantees to our people the chance to develop in its Eskimau language and culture. It is also unacceptable to us, as for French Quebecers, that a situation is perpetuated with the knowledge of a foreign language as a Cree requisite to political power.

Last year, before the referendum, by which the Eskimaus approved the James Bay Agreement, we repeated many times that, in order to make democratic decisions, the people of New Québec needed all possible informations publicized with the utmost objectivity.

At the moment, we categorically refused to participate in the referendum, because we judged that the most elementary rules of information were not being respected. Today, we deplore what we see in the NQIA campaign against Bill 1. We dissociate ourselves from the propaganda organized by the NQIA in the media of the South as well as Radio-Canada of the North and other means such as the demonstration in Fort Chimo.

Short of meeting you in person, we will be shortly submitting to you our reaction to Bill 1. If our intervention comes late, it is because we do not dispose of the financial resources sufficient to intervene earlier.

And it is signed Eliassie Sallualuk, Povungnituk, Ivujivik and Sugluk.

Now, I would like to put in a few questions to Mr. Zebedee Nungak or his people.

First of all, after receiving the telegram, could you tell me what kind of consultation you engaged before you adopted that position on Bill 1? And, in the same question, how come you declined the invitation of the Minister to visit and consult your people six weeks ago?

M. Nungak: Before I answer Mr. Perron's specific questions, I fell I have to explain that we do not claim and we have never claimed to represent the three communities, that you have just read the telegram from. But we do represent the majority of the Inuit people in Northern Québec although we have always — and Mr. Ciaccia is the first one that can attest to this — respected those throe communities' rights to this end, we are not surprised by the fact that they have sent this telegram.

Now, in the matter of our method of consultation that I myself, had codirected.

We could not get an English translation of the full Bill 1 when it was first presented. I, myself personally translated as complete a summary as possible from English into Inuttituuit and we sent two teams, one on the Ungava Bay, one into the Hudson Bay Communities. I personally led the team that consulted with the Hudson Bay Communities, including the three communities that have just sent you the telegram. I personally met with the board of directors of the organization representing those three communities. I made efforts in those three communities, to the best of my ability, to explain the contents of Bill 1 in my language. It is their language too.

Now, I cannot understand why they have not felt consulted. We did our best, if our best was not good enough for them, I cannot take that responsibility. I personally went with Mr. Inukpuk and two other people to Ivujivik, Sugluk and Povungnituk to explain the contents of Bill 1 in Inuttituuit. The only thing wrong with that was what I had with me at the time was a translated summary, it was not a full text, because it was impossible for me to get my hands on an English copy. I kind of forgot your second question.

M. Perron: O.K., I will put the question.

Le Président (M. Cardinal): Brièvement, M. le député de Duplessis, s'il vous plaît!

M. Perron: Merci, M. le Président.

How come you did decline the invitation of the Minister to visit and consult your own people six weeks ago?

M. Nungak: We felt it was premature at that time to have a meeting located in the North with the Minister for the reason that we did not feel we had developed a "rapport" at that time, to the extent we would consider a meeting in the North useful. It has developed since that time when we have had two additional meetings with his officials, and now, we feel that any future meeting would have to be held in the North, because that initial "rapport" has been developed.

M. Perron: Thank you, Mr. Nungak. I would like to put in another question, please, Mr.

Chairman. Does the agreement which was signed with the previous government offer you protection for your language and your culture? I mean the James Bay Agreement.

M. Nungak: Only in part, not to the full extent you are making your pitch for your language in Bill 1.

M. Perron: And how does the Chart of the French Language endanger your own language and your own culture, because it seems like you said, a while ago, when you made an exposure on your "mémoire"...

M. Nungak: Do I feel that Bill 1 is a threat fo my language and culture? Are you asking me that question?

M. Perron: What you said a while ago, yes.

M. Nungak: Did I not make it clear to you before?

M. Perron: Well, I would like you to repeat the answer you gave us. I would like you to give me an answer on that one, on that question.

M. Nungak: I think I will let Mr. Inukpuk answer that question.

M. Inukpuk: As it stands now, Bill 1 is very explicit. It even talks about toys, the size of letters and the only thing that I think that it does not include in there is dreaming in French. In that sense, I think that, as it is written, it is a threat to us. Therefore, we feel that we need our rights in there also to protect also our Inuit culture and our way of work.

M. Perron: You would say...

M. Nungak: In addition to this, we feel that the impact of Bill 1 is going to be so great, whether we are exempted or not, that it will threaten at least part of our language and culture.

M. Perron: Non, another question, and the last, Mr President...

Le Président (M. Cardinal): The last one, please.

M. Perron: Does the James Bay Agreement give you guarantees as to the use of English in the administration and if so, which?

If not, do you want this Government to give you rights for English more than the previous Government gave you?

M. Nungak: In terms of active participation, we feel that the James Bay and Northern Quebec Agreement adequately enables us to participate and be functional in running these structures contained within it.

M. Perron: Thank you, Mr President.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de...

M. Ciaccia: Seulement pour une question d'information à la question qui a été posée. Il y a eu une implication selon laquelle l'entente de la baie James n'accordait pas les droits pour l'usage de l'anglais, tel que fait par les Inuit. Je voudrais corriger cette impression. Si vous lisez attentivement cette entente, il y a, effectivement, ces garanties, compte tenu de la loi qui était en cours en 1975.

M. Perron: M. le Président, je regrette...

Le Président (M. Cardinal): Non, justement...

M. Perron: Je n'ai pas fait d'affirmation, j'ai seulement posé une question à M. Nungak.

Le Président ( M. Cardinal): D'accord. Je regrette aussi l'incident, parce que ce n'est pas une question de règlement. Il n'y a pas d'affirmation. M. le député de Mégantic-Compton, est-ce que vous vouliez la parole ou...

M. Grenier: Oui, c'était pour une question de règlement qui était urgente, mais je n'en ferai pas une question de...

Le Président (M. Cardinal): Je l'aurais accordé. Est-ce une question de règlement?

M. Grenier: C'était pour une question de règlement, mais pendant le temps qui me restera, j'interviendrai pour préciser ma question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): Bon. D'accord, je vous donnerai la parole tantôt. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais m'adresser au groupe, évidemment, en anglais. I want to thank the representatives of the Northern Quebec Inuit Association for coming down to see us tonight and make representations on the behalf of their group. We have been discussing about history on several occasions during the last few weeks. I think that your presence tonight and the presence of the other groups that were heard before you might make us more realistic and objective in discussing the history of this province. I would just like to ask you a few questions. On page 8 — this is the French version, of course — you make reference to the fact that it will be necessary to know English for your future social and economic tasks. I would like to ask you: Are you referring to social exchanges with other Inuk groups? Are all your trades activities always with other Inuk groups or do you have any commercial exchanges or social exchanges with other people from Québec?

M. Nungak: I only have an English copy and I am not quite sure exactly what your question is. I am sorry.

Mme Lavoie-Roux: You said: It will be necessary to know English for our future, social and economical tasks. I mean... I do not know what the English translation for this is, I am really giving you a literal translation here. I am really trying to understand why you make that statement. Is it that all of your social and commercial activities are done with other Inuits? Are they in the States or other parts of Canada, or do you also have social and commercial exchanges with other parts of Québec, with Quebecers?

M. Nungak: Yes. Now, to attest our dealings with the other Inuits in other jurisdictions, I would like to refer to the Minister's statement that we can speak our own language anyway if we are dealing with Inuit in Alaska or Greenland. This is not true at all. I have gone to Alaska. They speak Inuk that I cannot understand them, so we have to speak English because of the different dialects.

In our dealings with them, English is a major common language. Now, in regard to social and economic activities, there is a cooperative organization, which is run and operated by the Inuit that operates in the South as well as in the North, and any second language used there is English.

Mme Lavoie-Roux: Even with the rest of Québec?

M. Nungak: Yes.

Mme Lavoie-Roux: It is always in English.

M. Nungak: Yes. Not always, but I am pretty damn sure it is around 90% in English.

Mme Lavoie-Roux: Thank you.

M. Nungak: Now, we are also getting into other ventures, other business ventures which require the use of English.

Mme Lavoie-Roux: A second question is the article 29.0.31 of the James Bay Agreement. It says that there are some dispositions for the government to take reasonable measures to offer the Inuit jobs and contracts. Now, have you discussed this particular point, which is in the James Bay Agreement and the dispositions that are inside Bill 1, particularly in relation to article 112 and is the government ready to make some agreement? Because if the government is supposed to offer you jobs and you have to work in French or be able to communicate in French, I think it would probably be difficult at least to start with. So, has this particular disposition of the James Bay Agreement been discussed with the government?

M. Nungak: No, not yet.

Mme Lavoie-Roux: Are you planning to do so?

M. Nungak: It is difficult to say. Anything is possible, but up to the present time, we have not discussed that specific area with the government.

Mme Lavoie-Roux: Do you foresee any difficulties in that particular area?

M. Nungak: I could not give you a very clear answer on that, honestly.

Mme Lavoie-Roux: My last question is — it is no use to refer to the exact page, because it does not coincide with the English version you have — ...You said that the Convention reveals that the structures and programs for francization are actually inadequate and cannot be applied to the Inuit in the region or district.

What do you have in mind specifically when you say that the structures and programs for francization are presently inadequate and cannot be applied to the Inuit? You have...

M. Nungak: We felt that the matter of francization that we agreed to in the education provision was quite enough and that is was adequate to meet our needs. Now, in the Bill, we have noted that studies have been done in the South on the effect of the English language on the French and vice versa. This has never been done in the North and that provision of the Bill may be applicable in the South, but there is no actual authority in the North, there has been no study and no reasons explained or given for that.

Mme Lavoie-Roux: Thank you very much, and I want again to thank you for coming down. I hope you will bring back our greetings to your people from my colleagues at the National Assembly.

Thank you.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, tout en vous indiquant qu'il vous reste quatre minutes.

M. Grenier: Je serai très bref. I would like to thank you very much for your participation at this commission here. If you want, for a minute, I will talk to the President and I will come back for questions.

Je voudrais, M. le Président, regretter l'événement de tout à l'heure, alors qu'on a présenté devant ce groupe-ci des télégrammes qui venaient d'autres groupes et on a éclairci la situation en disant que ce groupe ne prétendait pas être les représentants de tous les Inuit. C'est assez simple, assez facile à tous groupes de prétendre qu'ils ne sont pas les représentants de tout le monde et cela arrive partout.

J'ai vécu cette situation alors que j'étais représentant de mon parti dans une délégation du gouvernement en France il y a moins de deux mois. Le député du gouvernement, qui parlait au nom du gouvernement, devait fort bien savoir qu'il

ne représentait pas tous les électeurs de la province de Québec et, pourtant, quand il parlait de nous, les représentants du Parti libéral et de l'Union Nationale, il parlait au nom de tout le monde, sachant bien qu'on représentait quand même 60% de la population de notre côté et il parlait quand même en notre nom.

Je trouve que c'est désagréable de mettre du bois dans les roues, ou du sable dans l'engrenage...

M. Ciaccia: ... quel pourcentage les dissidents représentent?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

Une Voix: Demandez donc le pourcentage aussi...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M serait peut-être intéressant de connaître — justement, c'était mon intention; c'était la deuxième partie de mon intervention — le nombre de gens qui sont représentés par le télégramme qui a été envoyé et de savoir aussi si ce télégramme représente fidèlement... Pardon?

M. Laurin: 1250.

M. Grenier: II serait peut-être intéressant de savoir si ce télégramme représente, un peu comme on a vu pour certains groupements ici, l'exécutif de l'association ou vraiment les membres. Je ne veux pas dire que les gens qui sont ici représentent vraiment tous leurs membres à 100%, mais, avant de soulever des chicanes et de venir devant les gens qui ont voulu se déplacer et profiter de gens qui se sont déplacés...

M. Paquette: C'est à peu près cela pour plusieurs autres mémoires.

M. Grenier: ... qui ont préparé un mémoire, a mon sens, qu'on peut ne pas partager à 100%, mais qui ont préparé un bon mémoire, c'est désagréable pour des gens de venir se faire dire: II y en a quelques-uns chez vous qui ne pensent pas la même chose.

M. Paquette: C'est à peu près cela pour plusieurs autres mémoires.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît!

M. Grenier: Cela a été désagréable pour les autres, même si je ne les ai pas vus. Cela ne justifie pas.

M. Paquette: Bien non. On essaie de se rendre compte de ce que cela veut dire et s'ils parlent au nom de l'ensemble de la communauté. Il me semble que cela est normal. Voyons!

M. Ciaccia: Ils parlent pour onze communautés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Rosemont, M. le député de Mont-Royal... M. le député de Mont-Royal, s'il vous plaît. Veuillez conclure, M. le député de Mégantic-Compton. Il vous reste 30 secondes.

M. Grenier: Je termine en trouvant que c'est une situation désagréable et, si on l'a fait dans le passé, il ne'faudrait pas répéter cela. C'est clair que, dans mon comté, je pense aussi représenter tous les gens, mais je sais qu'il y en a qui n'ont pas voté pour moi et qui représentent l'autre parti. Mais le dire à chacun qui vient ici devant nous, cela se produit pour chacun de nous autour de la table et pas moins pour les gens qui sont là. Je pense qu'il n'y a rien de plus déplacé, de plus désagréable que de leur dire: Vous ne représentez pas tout à fait tout le monde. Il y a des gens autour de la table qui sont élus avec pas mal moins de 50% et, pourtant, ils ont l'air de parler, ils ont l'air de nous imposer un programme qui représente 95% de la population.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier, sur une question de règlement.

M. Grenier: I would like to know... On the page 28, the third paragraph, you said: "Afin de permettre aux Inuit du Québec d'entrer de plain-pied dans le courant de la vie québécoise, ils doivent être assurés de pouvoir participer aux institutions politiques, sociales et économiques du Québec." How can you explain to me that you cannot join the French community, our Québec community, without a law, a coercitive law obliging you to have a second language, the French?

M. Nungak: I would like, first, to answer to your specific question. I would also like to add a short second part to finally clear the air regarding this evidence.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): And quickly, please.

M. Nungak: Yes. We feel that our ability to participate is adequately provided for in the agreement, for the north, for the territory itself, within the territory itself. We feel that building from that, the rest will come naturally, our participation not only in our little area, but in the other part of Québec... We feel we have to start somewhere and our start is in our area with the structures contained in the agreement. We feel we can expand on that after we are established firmly.

In regard to the dissidence, we have said all this before in another commission dealing with the agreement and just to inform Dr Laurin and Mr.

Perreault, because the only familiar faces familiar with this issue is Mr Ciaccia to my knowledge. When we were aware that the dissension was in these three communities, we made very damn sure that a ratification procedure was installed in the agreement and we made every effort to have the summary of the agreement translated into Inuttituuit. We made every effort to explain it, although they did not feel they were part of it and refused several times even to listen to us. We feel we have done our duty, we have done our job in trying to deal with the dissensions. It is not our responsibility if they feel they have not got the proper attention from us. We have got the approval of 95% of the Inuit people in northern Québec, who voted for the agreement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton, votre temps est maintenant expiré.

M. Grenier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier, sur une question de règlement.

M. Bertrand: Très brève question de règlement. Je n'ai pas voulu interrompre le député de Mégantic-Compton. C'est simplement pour souligner que le ministre n'a fait que lire un télégramme qui lui était parvenu. A ce point de vue là, je pense que c'était tout à fait pertinent dans le débat. En d'autres mots, cela n'empêchait pas du tout les représentants qui sont devant nous d'exprimer leur point de vue, mais cela permettait de clarifier certaines choses et de connaître le point de vue d'un certain nombre de personnes qui font partie de la population Inuit et qui habitent le territoire d'où viennent les gens qui témoignent ce soir.

M. Grenier: M. le Président, à la suite de cela, puisque c'était ma question, j'aurais bien voulu que les membres de la Saint-Jean-Baptiste de mon comté envoient un télégramme au moment où l'exécutif s'est présenté ici. Cela aurait été peut-être fort différent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le...

M. Grenier: Oui. On aurait pu s'en faire envoyer des télégrammes nous aussi.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense que la mise au point a été faite et là-dessus, un dernier mot du ministre.

M. Laurin: I just want to thank you for your presentation and I hope to see you soon in Fort Chimo and in the north, every where I can go.

M. Nungak: Thank you very much, sir.

M. Ciaccia: Si vou le permettez, M. le Prési- dent. Je ne sais pas si vous avez demandé aux invités s'ils voulaient déposer leur mémoire en commission, parce qu'ils n'ont pas lu tout le mémoire. Habituellement, la présidence offre aux invités, s'ils le veulent, que leur mémoire fasse partie du journal des Débats. Je demanderais, si c'était possible, de le leur demander.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, M. Nungak, comme vous n'avez pas lu entièrement votre mémoire, est-ce que vous accepteriez que votre mémoire, tel que rédigé, soit déposé pour être intégralement reporté au journal des Débats?

M. Nungak: Yes. (Voir annexe 4)

M. Saint-Germain: M. le Président, je ne sais pas si on me permettrait une très courte question. Il me semble que cela m'éclairerait. Une très courte. Ce n'est pas provocant du tout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous savez qu'en vertu du règlement, M. le député de Jacques-Cartier, le ministre peut refuser de répondre ou y répondre. Il appartient au ministre de décider.

M. Saint-Germain: J'aimerais savoir s'il veut que je la pose ou pas.

M. Laurin: Posez-la.

M. Saint-Germain: Vous avez dit, durant la discussion, que vous vouliez exempter cette communauté de la loi no 1. Est-ce que c'est bien...

M. Laurin: ...tous les organismes visés à l'entente.

M. Saint-Germain: C'est la question que je voulais vous poser. On voit dans le mémoire, à la page 40, annexe 2, la description des structures que prévoit cette entente. Cela veut dire qu'ils seraient exemptés de l'application de la loi no 1 au niveau de ces structures? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Laurin: Visés à l'entente, oui. M. Saint-Germain: Oui. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Messieurs les membres de la Northern Quebec Inuit Association, I would like to thank you for your interesting participation. Goodbye.

M. Nungak: I would like to thank the members of this commission on behalf of the association. Thank you very much for having listened to us.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Thank you.

J'inviterais maintenant le prochain groupe, la Chambre de commerce du district de Montréal, mémoire no 15, à se présenter, s'il vous plaît, devant la commission.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, comme il reste à peu près 17 minutes avant l'ajournement et que ça ne donnerait même pas le temps accordé au prochain organisme pour faire sa présentation, j'aimerais, à ce stade-ci de nos délibérations, faire une motion...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, si vous me permettez, il y aurait peut-être lieu que nos invités s'assoient à la table et qu'ils se présentent. Par la suite, vous pourriez faire les remarques que vous voulez.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous n'avez aucune objection?

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, j'inviterais maintenant les membres de la Chambre de commerce de Montréal et ses représentants à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Est-ce que vous pourriez vous présenter, de même que ceux qui vous accompagnent?

M. Charbonneau (Edgar): M. le Président, je me nomme Edgar Charbonneau. Je suis le président de la Chambre de commerce du district de Montréal. Je suis accompagné pour la présentation de ce mémoire par M. Marcel Paré, président de la Banque de terminologie de l'université de Montréal, et qui était aussi membre du comité qui a préparé ce mémoire, de même que M. Claude Beauregard, qui est directeur général de la Chambre et qui faisait partie du comité de même qu'il en est le rédacteur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous remercie beaucoup. Maintenant, tel que promis, je cède la parole au député de Marguerite-Bourgeoys.

Motion pour entendre la mission qui a

étudié le fonctionnement linguistique des sièges

sociaux des multinationales, en Europe

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais m'excuser à l'égard de nos invités. Je pense qu'on leur avait déjà indiqué au cours de la journée qu'il serait peu probable, étant donné le déroulement de nos travaux, qu'ils aient l'occasion ou le loisir de présenter tout leur mémoire et de participer à la discussion avant l'ajournement.

Donc, étant donné qu'il reste quelques minutes avant l'ajournement, j'aimerais que cette commission reçoive un éclairage additionnel en ce qui concerne les sièges sociaux des entreprises nationales ou internationales.

Nous avons eu ici, depuis maintenant plus de quatre semaines, plusieurs interventions concernant le phénomène un peu particulier que représente le siège social d'une telle entreprise. Je pense que le ministre a indiqué, à plusieurs reprises, en réaction aux représentations qui étaient faites, soit par de telles entreprises, ou même par des associations comme la Chambre de commerce de la province de Québec... Les réactions du ministre, dis-je, indiquaient son intérêt à traiter de cette question de la façon la plus positive et la plus articulée possible.

Je vais vous lire ma motion maintenant, de sorte que vous pourrez décider si elle est receva-ble tout d'abord. Elle se lit comme suit: Que cette commission invite la mission, ou ses représentants, qui s'est récemment rendue en Europe afin d'étudier le fonctionnement linguistique des sièges sociaux d'entreprises multinationales, à se faire entendre le 13 juillet 1977. Je vous en remets une copie maintenant.

M. Laplante: Vous êtes fort sur les invitations.

M. Lalonde: Je vais attendre vos questions concernant la recevabilité.

M. Laplante: Vous êtes accueillant, vous êtes fort sur les invitations.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'aimerais quand même, pour le bénéfice des membres de la commission, relire cette motion: Que cette commission invite la mission, ou ses représentants, qui s'est récemment rendue en Europe afin d'étudier le fonctionnement linguistique des sièges sociaux d'entreprises multinationales, à se faire entendre le 13 juillet 1977.

Est-ce qu'il y a des députés qui désireraient intervenir sur la recevabilité seulement de la motion, avant que la présidence ne statue sur cette recevabilité?

M. Lalonde: M. le Président, à moins que le parti ministériel soit prêt à l'accepter maintenant...

M. Laplante: J'ai quelque chose, oui. On peut être d'accord, M. le Président, si le député de Marguerite-Bourgeoys voulait bien faire un amendement qui reporterait la date au 27 juillet, au lieu du 13 juillet.

M. Lalonde: Je ne sais pas quel jour est le 27 juillet.

M. Laplante: Vous savez quel jour est le 13, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est deux semaines de plus, exactement.

M. Lalonde: Je pense que la Mission, étant donné qu'elle est déjà bien au fait des travaux qu'elle a poursuivis lors de sa visite des sièges sociaux, n'a pas besoin d'un avis tellement long. Je

maintiendrais le 13 juillet, M. le Président, à moins qu'on me prouve, qu'on me démontre que le 13 juillet, c'est absolument impossible, qu'il y a d'autres organismes invités pour le 13 juillet. A ce moment-là, quant au jour auquel cet organisme ou cette Mission sera invitée, je suis tout à fait flexible.

Je comprends mal la suggestion du député de Bourassa à ce stade-ci. Pourquoi le 27? Cela n'a pas plus de raison que le 13.

M. Laplante: Je vais vous donner l'explication. Ordinairement, quand on veut être poli avec des invités, on les avertit au moins sept jours d'avance.

M. Lalonde: Nous sommes le 5.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce n'est pas tout, M... si vous voulez me laisser finir...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je pense qu'il faudrait intervenir maintenant sur la recevabilité, si vous avez à intervenir.

M. Laplante: Sur la question du député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que... Question de règlement, M. le Président.

M. Laplante: Je voudrais vous répondre, si vous voulez me donner la chance de vous répondre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lalonde: M. le Président, je ne pense pas que la date ait pertinence sur la recevabilité de la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous avez parfaitement raison.

M. Lalonde: Que ce soit le 13 juillet 1979, cela n'a rien à voir.

M. Laplante: Si on est capable de faire tout cela dans une motion...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys a déjà indiqué qu'il entendait maintenir la date du 13 juillet dans cette motion et, à moins qu'il n'y ait des interventions sur la recevabilité de la motion, la présidence aura à décider de ce point. Or, y a-t-il des députés qui voudraient intervenir sur la recevabilité de cette motion? Sinon, je prendrai cette décision immédiatement.

M. Lalonde: Nous voulons intervenir, M. le Président, tout simplement pour vous dire que s'il s'agit d'une motion qui concerne les travaux de cette commission, la marche de nos délibérations, une motion semblable a été accueillie favorablement en ce qui concerne le président de la Régie de la langue française, le Conseil supérieur de l'éducation, entre autres. Je pense que c'est rece-vable et je ne m'étendrai pas plus longtemps sur cette question.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Vanier, sur la recevabilité de cette motion.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais, en tout déférence, de ne pas juger receva-ble cette motion pour la raison que nous avons déjà voté une motion présentée par l'Opposition officielle. Nous avons donné notre accord, d'ailleurs, à cette motion, demandant qu'on invite la Régie de la langue française à venir devant cette commission.

Or, si on respecte un tant soit peu l'ordre hiérarchique qui existe dans ce gouvernement et dans les différents organismes publics ou parapu-blics, il faudrait se rappeler que c'est la Régie de la langue française qui avait pris l'initiative de déléguer une mission formée de Québécois en Europe pour aller faire sur place l'étude, l'analyse des sièges sociaux et des langues qu'on y parle autant sur le plan interne qu'externe.

Donc, il m'apparaîtrait tout à fait correct qu'au moment où la Régie de la langue française viendra témoigner à cette commission, elle puisse, puisque c'est elle qui avait demandé que la mission soit déléguée et qui avait reçu rapport, nous donner les réponses aux questions que nous pourrions avoir sur cet aspect de l'étude du problème de la langue française, à partir de la mission qui a été envoyée en Europe.

Donc, c'est comme si on ne faisait pas totalement confiance à la Régie de la langue française pour venir expliquer le travail qu'a fait la mission en Europe. Si on invite donc la régie et qu'elle accepte de venir, M. le Président, je crois qu'à ce moment-là, il est superflu d'inviter la mission et, à ce point de vue, je vous demanderais de ne pas juger recevable cette motion.

M. Lalonde: M. le Président, je n'ai pas voulu interrompre le député de Vanier, je crois, mais il ne s'est pas exprimé sur la recevabilité de cette motion, il a exprimé son opinion sur l'opportunité de voter en faveur ou contre cette motion, mais la recevabilité n'a rien à voir avec la question de savoir si on devrait inviter un tel ou un autre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je suis maintenant disposé à rendre cette dicision sur la recevabilité de cette motion. Effectivement, j'estime que cette motion est recevable et ce pour les raisons suivantes: Tout d'abord, je pense que la commission a le pouvoir non pas d'ordonner, mais d'inviter n'importe qui à se faire entendre, que les membres de la mission auront le droit de

refuser ou d'accepter cette invitation et j'insiste sur le mot "invitation".

D'autre part, je voudrais rappeler également la décision qui a été rendue par le président, député de Prévost, dans le cas de la Régie de la langue française et, pour toutes ces raisons, j'estime qu'il ne s'agit pas d'un ordre de la commission, mais d'une invitation, que ceux qui sont invités auront le loisir d'y répondre favorablement ou non et, en conséquence, je déclare la motion recevable.

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur le fond.

M. Laplante: ...sur le fond, c'est que...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je ne voudrais pas, M. le député de Bourassa...

M. Laplante: C'est une directive que je vais vous demander.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Une directive, d'accord.

M. Laplante: Sans contester votre autorité, la forme de cette proposition n'a pas la même importance que les autres invitations qui sont faites. Les autres invitations, c'étaient deux organismes gouvernementaux, tandis que celui-là n'est pas un organisme gouvernemental.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Quelle est la directive que vous voulez recevoir, M. le député de Bourassa?

M. Laplante: Je voudrais savoir ce que vous entendez, lorsque le député de Prévost, l'autre président, a donné son accord sur la réception d'une telle motion. Vous avez invoqué les deux autres invitations, elles concernaient deux organismes du gouvernement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Bourassa, je pense que la recevabilité d'une motion ne va aucunement en rapport avec l'importance que l'on accorde à un groupe plutôt qu'à un autre. J'estime même que la commission a le pouvoir d'inviter un simple individu à se présenter devant elle et cet individu a le loisir d'y répondre favorablement ou non. C'est la directive que j'ai à vous rendre.

M. Laplante: A ce moment, si vous permettez que je parle sur la motion, pour éviter une perte de temps inutile, je ne sais pas si le député de Marguerite-Bourgeoys serait consentant à faire ce qu'on a fait sur la dernière motion, la dernière invitation. Il demandait tout à l'heure des explications sur le fait de porter au 27. Je lui disais que sept jours, c'était raisonnable à donner, mais qu'il fallait s'informer si les gens n'étaient pas partis en vacances, parce que les périodes de vacances sont commencées. Pourquoi je ne l'aurais pas portée au 20? C'est parce qu'au 20, vous avez déjà une invitation qui a été acceptée par cette commission. C'est la raison pour laquelle je l'ai portée au 27. Je crois que ce serait raisonnable, à ce moment, de vous demander, comme amendement, sans que ce soit une motion officielle, pour qu'on puisse voter, de porter l'invitation au 27 pour toutes ces raisons.

M. Lalonde: M. le Président, je ne sais pas si c'est une motion d'amendement que le député veut faire. Quant à moi, j'ai exprimé mon opinion à la suggestion qu'il a faite il y a quelques instants. Je maintiens que le 13 juillet — à moins que le député de Bourassa soit superstitieux, je ne pense pas que cette commission le soit— donne amplement le temps pour inviter cette mission ou ses représentants. Je n'accepte pas la suggestion, si c'est la deuxième fois qu'il la fait. Si c'est la motion d'amendement, on en discutera.

M. Laplante: Je n'en fais pas un amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que cette motion présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys est adoptée? Est-ce qu'il y a des députés qui veulent intervenir sur le fond de la motion?

M. Lalonde: Oui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, cette mission qui a été préparée conjointement par la Régie de la langue française, le ministère des Affaires intergouvernementale et, pour la partie qui s'est déroulée en France, par le ministère des Affaires étrangères du Canada...

Mme Lavoie-Roux: II faut qu'on vous convainque.

M. Lalonde: ... avait un double mandat. D'une part, elle devait aller recueillir diverses informations sur le fonctionnement linguistique des sièges sociaux d'entreprises multinationales établies en Europe. D'autre part, elle devait faire, au besoin, des observations sur la préparation de la partie de la législation linguistique traitant des programmes de francisation des sièges sociaux. M. le Président, je pense qu'il est tout à fait pertinent pour cette commission parlementaire de demander à cette mission d'expliciter les observations qu'elle a à faire sur la préparation de la partie de la législation linguistique traitant des programmes de francisation des sièges sociaux. Cette mission a visité cinq pays, M. le Président, l'Allemagne, la Belgique, la France, la Hollande et la Suisse. Elle a perçu des réalités linguistiques...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, de vous inter-

rompre. C'est vraiment par politesse pour nos invités, vu le peu de temps qu'il nous reste avant l'ajournement. Je voudrais tout d'abord leur demander s'ils sont prêts à revenir avec et parmi nous demain matin à 10 heures.

M. Charbonneau (Edgar): Oui, nous serons présents.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. Charbonneau. Ceci dit, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, il vous reste deux minutes. Est-ce que vous préférez les employer ou...

M. Lalonde: M. le Président, vous m'arrêtez dans un élan oratoire. Enfin, quand même, par respect pour la présidence...

Le Président (M. Cardinal): Non, mais vous comprenez pourquoi je l'ai fait. Non, ce n'est pas par respect pour la présidence, c'est simplement...

M. Lalonde: Disons par sympathie pour la présidence.

Le Président (M. Cardinal): ... par respect pour les invités. C'est gentil, mais si vous continuez, j'aurai juste le temps d'ajourner.

M. Lalonde: Cela va.

Le Président (M. Cardinal): Alors dans ce cas-là, les travaux de la commission, suivant la motion adoptée à l'Assemblée nationale cet après-midi, sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 57)

AN NEXE I

QUEBEC ASSOCIATION OF SCHOOL ADMINISTRATORS

Mémoire sur le projet de loi numéro 1

soumis à la

commission parlementaire

de l'Assemblée nationale

du Québec

Mémoire sur le projet de loi numéro 1

C'est en tant que corps légalement constitué représentant plus de 600 éducateurs professionnels en administration scolaire, à qui incombe presque entièrement la responsabilité d'assumer le leadership dans le domaine de l'éducation offerte dans les écoles protestantes, que la Quebec Association of School Administrators prend la parole au nom de ses membres, que leur expérience dans le domaine de l'éducation situe à un niveau d'expertise professionnelle hors pair.

Ce mémoire se préoccupe surtout de l'impact qu'aura la législation proposée sur le destin de milliers d'enfants, aussi bien francophones qu'anglophones.

I. Enoncé de nos principes

Nous appuyons toute législation visant à maintenir et à renforcer la langue et la culture françaises au Québec mais, en tant que citoyens libres d'un pays libre, nous sommes fort inquiets face aux intentions contraignantes du projet de loi, face à l'attitude qui l'a inspiré et face au mépris de la réalité dont il fait preuve. Son aspect le plus troublant est cependant la mesure dans laquelle il restreint les droits de l'homme.

Les racines de notre philosophie de l'éducation sont ancrées dans l'idéal d'éducation libérale formulée par la Grèce antique, idéal qui se préoccupe en premier lieu de l'individu; le groupe vient ensuite. Aussi encourageons-nous l'épanouissement maximum de l'individu, de sorte qu'il puisse assumer dans la société, et ce de façon responsable, une fonction compatible avec ses talents et qui tienne compte de ses intérêts personnels.

Cet épanouissement maximum exige que l'individu soit libre de prendre des décisions à titre individuel, libre de choisir, et libre d'agir au sein de la société. Tous les mouvements politiques, particulièrement au 20ème siècle, ont influencé les structures et les programmes d'études de nos systèmes scolaires mais, à notre avis, le projet de loi no 1 se sert clairement de l'éducation pour promouvoir un nationalisme et une discrimination extrêmes. La charte sur l'organisation pédagogique, scientifique et culturelle de l'Assemblée des Nations Unies a été justement écrite en 1945 pour décourager ce genre d'abus. L'Histoire doit-elle se répéter parce que ses leçons n'ont pas encore été comprises?

L'histoire de l'éducation nous enseigne que quand la liberté de l'individu est réduite, le système d'enseignement cesse de s'épanouir. La monarchie absolue des derniers empereurs romains a permis à la règle scholastique absolue de s'installer ainsi que l'âge des ténèbres; ce n'est qu'avec la liberté intellectuelle de la Renaissance que le savoir a pu revivre. Le nationalisme extrême, absolu, des 19ème et

20ème siècles a préparé le terrain aux guerres tragiques de notre époque qui s'appuyaient sur l'ignorance et les idées fausses au sujet des "autres" instillées dans les esprits de façon délibérée.

Les débuts de l'éducation moderne sont marqués par les écrits de Jean-Jacques Rousseau. Il nous a appris que la nature même de l'enfant devrait être le facteur essentiel en éducation; serait-il d'accord pour que des buts politiques remplacent ce facteur?

En tant qu'éducateurs, nous sommes également tant soit peu perplexes devant la logique du projet de loi no 1 telle qu'exposée dans la charte, en dépit de la résolution exprimée "d'aborder le problème de façon logique". Nous y lisons qu'il est souhaitable d'apprendre des langues autres que le français, pour apprendre dans la phrase suivante que cette pratique désirable devra être sacrifiée au nom d'impératifs politiques. Nous y trouvons des déclarations sans fondement à propos des désirs de la population en général (dont nous formons une partie considérable) dont on se sert pour appuyer l'impérieux édit qu'"il ne sera plus question d'un Québec bilingue". Se basant sur la position absolue que le français sera la seule langue du Québec, on poursuit en assumant que le français ne sera revalorisé qu'à condition que l'on restreigne l'usage de l'anglais. De lugubres prophéties sur l'imminence du trépas du français au Québec sont suivies d'exultations à propos de son aptitude à survivre. A cet égard, ceux d'entre nous qui font tant d'efforts pour maîtriser cette langue sont pleinement convaincus qu'elle n'est pas en péril. Quant aux prophéties, elles représentent au mieux un point de vue, pas nécessairement scientifique, ni objectif, quand on se rend compte que ses conclusions produisent des déclarations aussi surprenantes que "la tendance du Québec à se dépeupler proportionnellement au Canada" en des termes hésitants allant de "semblance" à "probablement". Est-ce une raison suffisante pour détruire une société entière?

La linguistique moderne traite du langage comme d'un flot de vie et non comme du produit de la culture. Le langage est de ce fait soumis aux lois naturelles et toute atteinte à ces lois par la force ou la sanction nous permet de douter du succès des résultats désirés.

La définition sous-entendue du "Québécois" est inacceptable aux yeux de tout Québécois anglophone et exige une nouvelle définition. Adopter une telle définition dans le projet de loi no 1 ne change en rien le fait que plus de 1,200,000 Québécois parlent anglais de par leur naissance ou par choix. Cette réalité ne peut être ignorée, disputée ou même cataloguée à titre de "droits acquis douteux", ainsi que le voudrait le Livre Blanc. Nous sommes Québécois en vertu du fait que nous résidons dans cette province en tant que citoyens canadiens, en vertu de la contribution spirituelle et matérielle que nous avons apportée et que nous continuons d'apporter au bien-être du Québec et en vertu du fait que nous apportons notre support financier à un gouvernement élu librement, responsable du bien-être des citoyens de notre province.

II. Nos principales objections au projet de loi no 1

A. Le trait le plus déplorable du projet de loi est sa négation des libertés civiles fondamentales et le conflit inhérent qui l'oppose à la Charte des Droits de l'Homme. Il refuse à tous les citoyens francophones et anglophones du Québec le libre usage de leurs institutions existantes, institutions qu'ils ont créées et qu'ils entretiennent. C'est l'Etat qui décidera de la nature et de la qualité de l'éducation offerte à nos enfants. Tout porte à croire que les écoles françaises réduiront au minimum l'enseignement de l'anglais et que les écoles anglaises dépériront. Nous estimons que des mesures aussi restrictives sur l'usage de la langue anglaise condamnent en fait le francophone à l'unilinguisme. On a ôté au francophone le droit de faire éduquer son enfant en anglais, que ce soit complètement ou partiellement. Il est à présumer que dans le cas des mal nantis, c'est l'Etat qui décidera qui a le droit d'apprendre l'anglais et qui ne l'a pas; les riches enverront leurs enfants à l'école privée.

B. On a supprimé les droits qu'accorde la Charte des droits et libertés de la personne (1975) à toute l'humanité. La Charte a été altérée pour servir les fins d'une majorité plutôt que pour assumer son rôle véritable qui est de protéger la minorité, en refusant à cette minorité l'égalité devant la loi. Une fois ce processus de l'érosion des libertés individuelles engagé, où va-t-il s'arrêter? Une fois qu'on a accepté que les droits fondamentaux des individus puissent être abrogés par l'Etat, jusqu'où peut se rendre cette abrogation? En imposant des "quotas" aux journaux anglais, à la radio et à la télévision anglaises? En réduisant le nombre de publications en anglais? C'est le premier pas qui coûte et c'est de loin le plus dangereux car il est difficile de reprendre le contrôle par la suite. L'Histoire nous enseigne ce qui peut se passer et on a, dans le projet de loi no 1, prévu l'existence d'une bureaucratie toute puissante "à qui chacun peut demander d'enquêter".

Alors que la charte de la langue contenait quelques déclarations relativement rassurantes pour les Québécois anglophones, on n'en voit pas la trace dans le projet de loi. De fait, ce projet de loi incite à une discrimination flagrante. La langue d'un cinquième de la population du Québec se trouve reléguée au mieux au rang de n'importe quelle autre langue étrangère. Le plan d'ensemble du projet de loi est d'effacer la contribution qu'ont apportée les anglophones au Québec au cours de l'histoire, et de les décourager pour qu'ils partent. Le seul droit qui leur soit accordé est un accès limité aux écoles anglaises. Ces buts sont atteints par le truchement de moyens mesquins; les articles 23, 25, 26, 34, 35 et 61 ne semblent avoir été rédigés que dans le but d'inquiéter ou de mettre au pas, ou les deux.

Afin de justifier ces visées et de les illustrer, les Québécois anglophones sont faussement présentés dans la charte sous l'image surannée d'un groupe d'entrepreneurs prospères blottis au sein de

quartiers chics. Cette description est au mieux une négation de la réalité; au pire c'est un mythe diffamant. Allez donc le dire dans la petite Bourgogne et à Pointe Saint-Charles; dans les villes minières de Gaspésie; au fermier des Cantons de l'Est qui a tout juste de quoi subsister; à l'immigré laveur de vaisselle du centre-ville de Montréal! Quand le commerce et l'industrie font une victime du petit ouvrier ils ne font guère de distinction entre anglophone et francophone. Le grave danger que présente un tel mythe réside dans le concept par trop simpliste qu'il existe un conflit latent entre anglophones et francophones et dans la découverte philosophique de bouc émissaires qu'il engendre.

III.Conclusion

C'est pour les raisons exposées ci-après que nous jugeons que le projet de loi no 1 est un acte législatif rétrograde et qu'il nous est impossible de l'accepter dans sa forme actuelle. a) Les mesures qu'il préconise sont un ferment de division entre les gens de notre province car elles s'avèrent discriminatoires à l'égard d'un large secteur de la population. b) Ce projet de loi constitue une violation des droits civils et humains pour les deux cultures, et s'il devient loi, rend la charte des droits de l'homme invalide. Les citoyens sont en droit de s'attendre à ce que leur gouvernement agisse d'une manière objective, logique, et juste, garantissant à tous l'accession au mieux-être. Les problèmes qui forment actuellement la trame des responsabilités du gouvernement sont d'une telle importance qu'ils méritent qu'on leur trouve des solutions rationnelles plutôt que d'y réagir avec une ferveur émotive. c) Ce projet de loi révèle une absence grave de souci à l'égard des rameaux les plus fragiles de notre société, les enfants, qui ne sont que de simples pions sur l'échiquier de cette bataille linguistique et dont l'équilibre psychologique et émotif bien fragile risque d'être compromis. Les Québécois anglophones sont plus que désireux de participer à la culture de la majorité de notre province, en autant que leur propre vie culturelle ait la garantie de pouvoir se sentir chez elle ici même. Nous ne voyons pas comment la coercition à l'égard des immigrants et la discrimination envers la langue anglaise peuvent avantager la vie culturelle française. Soutenir la culture par la force n'est rien de plus que du maquillage. Comme il serait préférable que les gens du Québec, soutenus en cela par un gouvernement capable de vision d'ensemble, oeuvrent vers une appréciation véritable de la culture de la majorité et de celle de la minorité au sein d'un pays libre et bilingue. C'est Lord Acton qui a écrit en 1862: "La co-existence de plusieurs nations au sein d'un même état est à la fois un défi et la meilleure garantie de la liberté de cet état... Nous devons conclure que les états substantiellement les plus parfaits sont eux qui... sont formés de nationalités distinctes et variées et ne les oppriment pas."

IV. Recommendations

Nous recommandons ce qui suit: Au chapitre huit: 1.que tout citoyen puisse choisir librement la forme d'éducation qu'il désire, et ce dans le cadre des institutions d'enseignement actuelles;

En général: 2. que les immigrants soient encouragés, et non contraints, à fréquenter les écoles françaises. Leur intégration à l'une ou l'autre culture devrait être fondée sur leur propre culture, leur âge et ce qui s'avère être dans leur meilleur intérêt au moment de cette intégration. 3. que les institutions d'enseignement offrent les cours dans les deux langues ou dans une seule des langues, selon le choix et les besoins de la population.

Aux articles suivants: 4. Art. 10 — Une version anglaise des textes de loi est imprimée et publiée par les soins de l'Administration.

Nous recommandons qu'on établisse avec précision les délais à l'issue desquels les traductions doivent publiées. 5. Art. 16 — Les textes et documents de l'Administration peuvent être accompagnés d'une traduction pour des raisons tenant à la santé ou à la sécurité publique, en matière de relations avec l'étranger, en matière de publicité s'adressant à la clientèle étrangère ou aux touristes, et dans les autres cas prévus par règlement du gouvernement.

Art. 17 — L'Administration communique dans la langue officielle avec les autres gouvernements et avec les personnes morales. Il lui est loisible de joindre à sa réponse une traduction dans la langue de son interlocuteur lorsque ce dernier s'est adressé à elle dans une langue autre que le français.

Nous recommandons que quiconque puisse avoir droit à une traduction s'il le désire. 6. Art. 19 — Nul ne peut être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'Administration s'il n'a de la langue officielle une connaissance appropriée à la fonction qu'il postule.

Cette connaissance doit être prouvée suivant les prescriptions des règlements du gouvernement, lesquels peuvent pourvoir à la tenue d'examens et à la délivrance d'attestations.

Nous recommandons qu'on fournisse aux anglophones les moyens d'apprendre le français; qu'on facilite le recyclage du personnel déplacé ou désavantagé à la suite de la mise en vigueur de la loi no 1. 7. Art. 23 — Les organismes municipaux ou scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise doivent se conformer aux articles 14 à 22 avant l'expiration de l'année 1983 et, entre-temps, prendre les mesures voulues pour atteindre cet objectif, à défaut de quoi l'Office de la langue française peut intervenir conformément à l'article 99.

Tout administré de ces organismes a toutefois le droit d'exiger d'eux, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, que soient rédigés en français les textes et documents qui lui sont destinées.

Dans les organismes scolaires, le français et l'anglais peuvent être utilisés comme langue de communication interne des services chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais.

Art. 33 — Tout membre du personnel d'un employeur a le droit d'exiger que soient rédigées en français les communications écrites qui lui sont adressées par ce dernier.

Art. 34 — Les conventions collectives et leurs annexes ne peuvent être déposées en vertu de l'article 60 du Code du travail (Statuts refondus, 1964, chapitre 141) que si elles sont rédigées en français.

Art. 35 — Lors de l'arbitrage d'un grief ou d'un différend relatif à la négociation, au renouvellement ou à la révision d'une convention collective, la sentence arbitrale doit être rédigée en français ou être accompagnée d'une version française dûment authentifiée. Seule la version française de la sentence est officielle.

Il en est de même des décisions rendues en vertu de Code du travail par les enquêteurs, les commissaires-enquêteurs et le Tribunal du travail.

Art. 39 — Est reconnu aux salariés le droit d'exiger de leurs associations qu'elles communiquent avec eux dans la langue officielle.

Nous recommandons que les communications internes et la documentation des organismes anglophones puisse n'être qu'en anglais. 8. Art. 44 — Est reconnu à tout intéressé le droit d'exiger que soient rédigés en français les contrats d'adhésion, les contrats où figurent des clauses-types imprimées, les formulaires de demande d'emploi ainsi que les documents s'y rattachant.

Art. 45 — Est reconnu à toute personne le droit d'exiger que soient rédigés en français les bons de commande, factures, reçus et quittances qui lui sont présentés ainsi que les menus et cartes de vin.

Nous recommandons qu'une version anglaise soit fournie sur demande. 9. Art. 68 — L'Office est dirigé par un président nommé par le gouvernement pour au plus dix ans.

Art. 71 — La qualité de président de L'Office est incompatible avec l'exercice de toute autre fonction.

Art. 73 — A l'expiration de son mandat, le président de l'Office reste en fonction jusqu'à ce qu'il soit nommé de nouveau ou remplacé.

Nous recommandons qu'aucun fonctionnaire et qu'aucune agence gouvernementale ne soit investis de pouvoir aussi étendus. 10.Art. 75- L'office: a)veille à la correction et à l'enrichissement de la langue française parlée et écrite; b) surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec quant au statut de la langue française et à sa qualité; c) définit et conduit une politique québécoise en matière de terminologie et de recherche linguistique; d) donne au ministre son avis sur les règlements prévus par la présente loi et sur les autres questions reliées à son application; e) conseille l'Administration, les ordres professionnels et les entreprises et les aide à définir et appliquer les programmes de francisation et les autres mesures prévues par la présente loi;

f) joue le rôle d'organisme de normalisation linguistique, conformément à la présente loi, et approuve les expressions et termes recommandés par les commissions de terminologie; g) surveille l'application des programmes de francisation prévus par la présente loi; h) reconnaît, pour l'application de l'article 23, les organismes municipaux et scolaires y visés, ainsi que les services qui, dans les organismes scolaires, sont chargés d'organiser ou de donner l'enseignement en anglais. Art. 76- L'Office peut: a) moyennant l'approbation du gouvernement, se donner des règlements internes; b)établir par règlement les services et les comités nécessaires à l'accomplissement de sa tâche; c) moyennant l'approbation du gouvernement et conformément à la loi, conclure des ententes avec tout autre organisme ou tout gouvernement en vue de faciliter l'application de la présente loi.

Nous recommandons qu'aucun fonctionnaire ne soit investi de pouvoirs aussi discrétionnaires. 11. Art. 2 - Tout Québécois a le droit d'exiger que communiquent en français avec lui l'Administration, les services de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les ordres professionnels, les associations de salariés et les diverses entreprises exerçant au Québec.

Art. 112 - Les programmes de francisation adoptés et appliqués par les entreprises conformément aux articles ci-dessus doivent permettre d'atteindre les objectifs suivants: a) une connaissance satisfaisante de la langue officielle chez les dirigeants et le personnel; b) l'augmentation du nombre de Québécois à tous les niveaux de l'entreprise, y compris au sein du conseil d'administration et au niveau des cadres supérieurs, de manière à assurer la généralisation de l'utilisation du français; c) l'utilisation du français dans les documents de travail de l'entreprise, notamment dans les manuels et les catalogues; d)l'utilisation du français dans les communications internes et dans les communications avec la clientèle, les fournisseurs et le public; e) l'utilisation de la terminologie française; f)l'utilisation du français dans la publicité; g) l'utilisation du français comme langue du travail et des communications avec le personnel.

Nous recommandons qu'on redéfinisse le mot "Québécois"; 12.Art. 172 - L'article 52 de la Charte des droits et libertés de la personne (1975, chapitre 6) est modifié par l'addition à la fin, après le mot "Charte", des mots "ou à moins qu'il ne s'agisse de la Charte de la langue française au Québec (1977, chapitre insérer ici le numéro de chapitre du projet de loi no 1)".

Nous recommandons que la charte des droits et libertés de la personne ne soit pas violée.

ANNEXE 2

ETRE OU NE PAS ETRE Mémoire sur le projet de loi no 1

Présenté par le Comité de sauvegarde des droits linguistiques du

Québec métropolitain au nom de la communauté anglophone de la ville de Québec

Approuvé à Québec lors de l'assemblée publique du 25 mai, 1977, à laquelle assistaient 1200 citoyens de cette ville.

Pour tous renseignements: Gary Ouellet, 647-1713 David Cannon, 647-1384 Dominic Macdonald, 653-2764

Le Livre blanc sur la politique linguistique du gouvernement québécois promettait à la communauté anglophone des jours heureux. "L'anglais, tout particulièrement, nous disait-on, aura toujours une place importante au Québec (...) parce qu'il tient aussi à l'héritage culturel des Québécois." "Les anglophones du Québec doivent garder leur langue, leurs modes de vie, leur culture." "L'amélioration de l'enseignement d'une autre langue que le français est une nécessité pour le Québec et ne doit pas être considérée comme une entrave à la francisation." "(...) l'intransigeance ombrageuse et méprisante est à bannir comme une forme d'intolérance inacceptable dans un Etat démocratique et fraternel."

Les anglophones du Québec attendaient avec impatience cette loi empreinte de fraternité.

Enfin, le projet de loi no 1 fut déposé.

Il nous apprit que nous ne faisions plus partie du peuple québécois et, effectivement, il nous considérait comme l'ennemi public numéro un.

Dans le préambule du projet de loi no 1, il est dit que: "L'Assemblée nationale constate que la langue française est, depuis toujours, la langue du peuple québécois..."

Voilà une affirmation pour le moins surprenante. Certainement, nous admettons tous que: a) la langue française est la langue de la majorité des Québécois; ou que b) le Québec est en fait, dans son ensemble, une province francophone.

Cependant, lorsque l'on déclare que le français a toujours été la langue du peuple québécois, on ne peut que déduire que ceux qui vivent au Québec, mais qui parlent une autre langue que le français, ne font pas partie du peuple québécois.

Nous ne sommes pas d'accord. Et nous croyons que les Indiens et les Esquimaux ne seraient pas d'accord non plus.

Les Québécois anglophones existent, eux aussi, et les faits témoignent de l'importance et de la continuité de notre contribution à la vie de notre province. Depuis l'arrivée de nos ancêtres à Québec, il y a de cela plusieurs siècles, nous avons fait plus que notre part dans la construction et le développement de notre ville. Nous pouvons même nous enorgueillir d'avoir été à l'avant-garde dans bien des domaines, et d'avoir constitué un enrichissement pour la société québécoise.

Aujourd'hui, nous arrivons à ce triste tournant de notre histoire où nous devrons faire les frais d'une loi qui, sous prétexte de faire progresser le bien commun, fait de nous des boucs-émissaires. Force nous est donc de conclure que pour nos actuels législateurs, le passé ne compte plus, ni d'ailleurs son incidence sur l'avenir.

Manifestement, nous avons joué un rôle unique dans l'évolution de la ville de Québec. Notre harmonieuse collaboration avec la communauté francophone constitue un exemple frappant de solidarité et de camaraderie. Si, aujourd'hui, dans cette deuxième moitié du XXe siècle, nous formons un groupe uni, il n'en a pas toujours été ainsi. Nous symbolisons le triomphe de tous ces hommes et de toutes ces femmes de bonne volonté qui ont su, malgré leurs particularités, triompher des préjugés mesquins et du fanatisme religieux.

II y a un fait, dans notre histoire, qui est oublié dans le présent débat et que les Québécois francophones de la jeune génération ignorent, nous en sommes persuadés: c'est que notre collectivité, ici même dans la ville de Québec, a été autrefois profondément divisée par une détestable barrière religieuse dressée par des ancêtres qui portaient en eux le virus de l'intolérance, hérité d'une Europe qui en était affligée. Il nous paraît particulièrement indiqué d'en faire le rappel dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui.

Les premiers Européens qui s'établirent ici étaient français et catholiques. Après 1759, un flot d'immigrants débarquèrent de Grande-Bretagne; ils étaient en grande majorité anglais et protestants. Par la suite, une nouvelle vague d'immigration amena chez nous des Irlandais; ceux-là, dont la langue gaélique était moribonde, parlaient un anglais boiteux et étaient catholiques. Avec ces trois groupes en présence, chacun fort de son héritage, les pièces étaient en place pour le grand jeu du fanatisme. Parce que l'influence de l'Eglise prévalait à l'époque, les frontières qui furent tracées reposaient non pas sur la langue, mais sur la religion. Dans chacun de ces groupes, les parents redoutaient les conséquences des mariages mixtes, c'est-à-dire entre protestants et catholiques, aussi dissuadaient-ils leurs enfants de se mêler aux enfants de l'autre religion. Les parents irlandais, de leur côté, favorisaient les rapprochements entre leurs enfants et la communauté française, et vice versa, pour la raison bien simple et parfaitement justifiée à l'époque, que les deux groupes avaient en commun la même religion. Conséquemment, les Irlandais devinrent bilingues, tandis que les Anglais protestants, par suite de leur isolement, demeuraient unilingues. Mais avant que le passé ne sombre dans l'oubli, qu'il soit bien entendu que les Anglais ne se sont pas détournés du français en tant que tel, mais que les moindres frictions qui survenaient avaient leur origine dans la disparité des croyances religieuses transmises de génération en génération. Nous en déduisons donc tout naturellement que si les Anglais avaient été catholiques dans cette colonie qu'était alors Québec, eux aussi seraient devenus bilingues beaucoup plus rapidement.

De semblables barrières religieuses furent érigées au sud de notre frontière où la langue n'a pourtant jamais créé de problème dans le creuset de la société qu'on y édifiait.

Petit à petit, il se trouva de part et d'autre suffisamment de gens bien intentionnés pour nous délivrer du climat dévastateur de l'intolérance religieuse, et nos existences à tous s'en trouvèrent donc enrichies.

Dans d'autres régions du globe, des gens de confessions différentes, qui doivent vivre côte à côte, n'ont pas eu notre chance et pour vous en convaincre, il vous suffit de regarder ce qui se passe dans le pays d'origine de nombreux membres de notre communauté de Québec. En Irlande du Nord, en effet, Irlandais protestants et Irlandais catholiques se font une guerre qui pourrait avant longtemps dégénérer en génocide. Et notez bien qu'ils parlent la même langue.

De nos jours, le nombre de protagonistes qui évoluent sur la scène québécoise est plus important que jamais, et ceux qui présentent ce mémoire sont des anglophones protestants, catholiques, juifs et peut-être même athées, qui vivent et qui travaillent ensemble dans le respect des convictions de chacun. Nous sommes la preuve vivante que le bon sens et la bonne entente portent fruit.

Ainsi donc, après avoir fait tomber les barrières religieuses dans notre société québécoise, allons-nous maintenant rester muets face à la perspective d'une barrière linguistique qui pourrait se transformer en mur de Berlin parce qu'elle aura été érigée en loi?

La communauté anglophone de la ville de Québec constitue un groupe très spécial. Dans la vieille capitale, les Québécois de langue anglaise ont toujours pleinement coopéré avec les Québécois de langue française. Nous travaillons, nous vivons, nous nous amusons et nous nous marions même ensemble. Par-dessus tout, les Québécois anglophones de la ville de Québec, à de rares exceptions près, partagent non seulement la langue des francophones, mais aussi leur culture. Nous avons été de bons amis, de bons voisins, et de bons citoyens. Nous participons et nous contribuons au meilleur de deux mondes. Mais plus encore, nous avons beaucoup apporté à notre province et nous y sommes profondément enracinés. Si vous en doutez, parcourez nos cimetières et vérifiez les noms et les dates sur les pierres tombales.

Pourra-t-on jamais payer de retour ces bons samaritains de l'Armée du Salut et de l'Ambulance Saint-Jean qui, depuis près d'un siècle, soulagent la misère de Québécois de toutes langues et de toutes croyances? Nous avons bâti, soutenu et continuons à soutenir des écoles, des hôpitaux, des universités; le pavillon Pollack de l'Université Laval, pour ne citer que celui-là, atteste la générosité d'une famille juive de Québec.

De plusieurs façons, les Québécois anglophones sont à l'origine du sport à Québec. Ainsi, dans un accès de nostalgie, des Anglophones québécois de descendance écossaise initièrent au curling les Québécois francophones et, en fait, toute l'Amérique du Nord; aujourd'hui, la ville de Québec est reconnue comme le berceau de ce sport sur notre continent.

Pensez à ce qu'ont apporté les YMCA et les YWCA: avant qu'ils ne s'implantent chez nous, il n'y avait pas un seul gymnase dans les écoles françaises.

Ce sont des Québécois de langue anglaise qui ont introduit dans leur province la Société protectrice des animaux. Et que penser du travail accompli pendant des générations par le CWL, l'IODE et par d'autres organismes semblables. C'est aussi en pensant à l'essor industriel de la communauté que les Anglo-québécois ont jeté les bases du Québec Board of Trade qui allait par la suite devenir la Chambre de commerce.

Aujourd'hui, les chansonniers québécois sont connus dans tous les coins du monde. La musique québécoise, celle de Gilles Vigneault entre autres, est profondément marquée par les rythmes des colons irlandais établis dans le bas Saint-Laurent. De cette union est née une musique unique au monde.

Nous avons contribué pour une large part à la vie culturelle, sociale et commerciale de notre province. Et nous continuons à le faire. Nos ancêtres, pour la plupart, se sont établis ici il y a de nombreuses générations. Si les contributions collectives sont importantes, les contributions individuelles le sont plus encore et elles sont trop nombreuses pour être énumérées.

Nous sommes des Québécois pure laine. Nous avons acquis le droit de vivre ici. Nous faisons partie du peuple québécois. Que l'Assemblée nationale veuille bien en prendre note.

Nous sommes très conscients que, finalement, le projet de loi no 1 nous place, sur le plan social, dans une situation très précaire. Nous sommes un peu comme les bisons canadiens dont la survivance est menacée. Ce projet de loi no 1 ne dit pas vouloir éliminer la communauté anglophone, mais en fait il est conçu pour favoriser notre disparition. Ce n'est pas, dans l'immédiat, un cas d'assassinat, mais de lente strangulation.

En ce qui a trait à l'enseignement, nous allons tous garder le droit d'envoyer nos enfants à l'école anglaise, aussi longtemps qu'il y aura des écoles anglaises. Mais, à l'avenir, aucun néo-Québécois anglophone n'aura ce même droit. Ainsi, en raison de sa mobilité, la population anglophone ira sans cesse en diminuant. On fermera des écoles et notre communauté deviendra chose du passé.

Sur le plan politique, nous félicitons le Gouvernement d'avoir imaginé une telle stratégie. Car ceux qui pourraient s'en plaindre le plus sont ceux qui ne sont pas encore là. Mais ne vous attendez pas à ce qu'on vous applaudisse.

Le projet de loi no 1 prétend défendre la culture et la langue françaises. Or, une défense présuppose une attaque. Serions-nous donc les attaquants? Le Gouvernement n'a-t-il pas l'impression de se servir d'une masse pour tuer une mouche?

Vous avez invoqué de nombreux arguments pour justifier la nécessité de préserver votre communauté. Nous invoquons tous vos arguments pour justifier la nécessité de préserver notre communauté dans notre province.

Quant à la sauvegarde de votre langue, le français, nous partageons vos préoccupations. A vrai dire, nous pensons avoir été vos ambassadeurs de bonne volonté et vos meilleurs amis.

Toutefois, il est difficile d'entretenir des relations cordiales si le Gouvernement nous perçoit comme une menace à la survivance de la majorité. Le projet de loi no 1 apparaît comme une sorte de purge de tout ce qui est publiquement d'expression anglaise, une sorte d'intervention chirurgicale dans ce que le Gouvernement semble voir comme un cancer linguistique et une contamination culturelle. On nous met en quarantaine.

Nous tenons à informer le Gouvernement que nous refusons le diagnostic, que nous refusons le traitement, et que nous plaidons non coupables.

Aucun de nous n'était près du champ de bataille lorsque, sur les Plaines d'Abraham, deux armées composées d'Européens se sont affrontées pendant quelques minutes. Aucun de nous n'acceptera d'en porter le blâme ou le mérite. Pourtant le Livre blanc parle de "reconquête". La devise de notre province, "Je Me Souviens", fut adoptée dans un esprit de fierté, non de vengeance. La démocratie constitue un système juste aussi longtemps que l'opinion de la majorité respecte celle de la minorité. Le projet de loi no 1 se préoccupe apparemment très peu du bien commun: plus précisément, il voit à accroître le bien d'un groupe au détriment d'un autre groupe. Ce projet de loi concrétise de façon irresponsable la loi du plus fort.

Nous pourrions attirer l'attention de notre Gouvernement sur des études démographiques qui démontrent de manière concluante que l'adoption du projet de loi no 1, dans sa forme actuelle, serait le glas annonçant la disparition de la communauté québécoise anglophone, et nous abonderions dans le même sens, mais nous croyons que notre Gouvernement est déjà bien conscient de cette "solution finale". Vraiment, nous nous méfions des intentions du Gouvernement. A nos législateurs, nous répondons que nous nous opposons à la proposition de monsieur Laurin pour la même raison que ses ancêtres se sont opposés au programme de Lord Durham. On ne saurait contrebalancer une menace à la minorité francophone au Canada, en menaçant la minorité anglophone au Québec.

Nous n'avons pas l'impression que cela soit exact, quand dans le préambule du projet de loi no 1, on prétend agir "dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités qui participent au développement du Québec".

Avec le français comme langue (la seule langue?) des tribunaux, ne sommes-nous pas en fâcheuse position si le seul témoin, lors d'un accident d'automobile, se trouve à être un anglophone unilingue? Et si un juge d'une cour fédérale est d'expression anglaise, l'article 13 ne l'encouragera-t-il pas à rendre un jugement aussi court et aussi peu motivé que possible? Nous pensons que nos tribunaux ont été institués pour assurer la justice et non pas pour satisfaire à des impératifs purement linguistiques.

Le Livre blanc déclare qu'il ne sera plus question de bilinguisme au Québec, tout comme si le bilinguisme était une calamité plutôt qu'un atout. Et les porte-parole du Gouvernement ont signifié qu'ils n'entendront aucune discussion sur la liberté du choix comme celles que nous avons connues avec la

Loi 22. Ces messieurs ne discuteront pas du sujet. C'est un peu comme dans le cas du juge qui disait: "Vous êtes coupable et je ne souffrirai aucune discussion sur ce point. Je ne vous permettrai que de discuter de la sentence".

Aujourd'hui on met le bilinguisme au rancart. Mais, paradoxalement, on le rend obligatoire pour les Québécois anglophones. Ce qui est bon «pour les uns n'est-il pas également bon pour les autres? D'autre part, n'est-il pas étrange que le Québec ait actuellement le plus grand nombre de ministres bilingues de toute son histoire?

Et parlons du tort que le projet de loi no 1 fera à l'industrie touristique, la plus importante pour tout le Québec métropolitain. Le tourisme est un domaine très concurrentiel dans ce monde où l'on voyage de plus en plus. Toutes les villes dynamiques du Canada et de notre continent s'emploient avec acharnement à attirer les visiteurs pour qu'ils y viennent dépenser leur argent. Le projet de loi no 1 mettra des entraves à nos agents de marketing du tourisme qui, sur le plan de* la concurrence, ne disposeront plus que de la moitié de leurs moyens.

Quand, aujourd'hui, il y a tant d'endroits agréables à connaître et des voyages organisés en si grand nombre, chacun sait que bien peu de touristes voudront passer des vacances ou assister à des congrès, en d'autres termes, dépenser leur argent là où plane même le plus petit soupçon d'hostilité à l'égard de leur langue. Et il n'est guère réaliste de comparer la ville française qu'est Québec à la ville française qu'est Paris. Les marchés dont dispose chacune d'elle sont complètement différents. La base de notre industrie touristique repose sur les Etats-Unis et le reste du Canada. C'est un marché où le nombre des anglophones domine de façon écrasante, alors que la France est ouverte à un monde polyglotte qu'elle trouve à sa périphérie.

Déjà, le projet de loi no 1 donne une impression d'intolérance dans les media de l'extérieur du Québec. Plus notre législation devient restrictive, moins l'image que nous projetons est favorable. A tort ou à raison, cela est un fait indéniable et on devrait y penser sérieusement avant que les dommages ne deviennent irréparables pour tous ceux qui se dépensent dans l'industrie touristique ou dans des services connexes, de même que pour l'économie de la région tout entière. Si les agences de voyages qui organisent des circuits et des congrès devaient nous inscrire sur une liste noire, la fête serait finie.

Le projet de loi no 1 est discriminatoire.

Seuls les Québécois de langue française sont considérés comme faisant partie du peuple du

Québec.

Même avant le referendum, les Canadiens des autres provinces sont tenus pour des immigrants.

Au Québec, les maisons d'affaires anglophones doivent se conformer à des mesures coercitives si elles veulent obtenir un permis pour continuer à exercer leur activité.

La liberté d'action et de parole de l'annonceur voit sa portée réduite de façon draconienne.

Les membres des professions libérales voient leur droit d'exercer subordonné à leur facilité de s'exprimer en français.

Les entités scolaires n'auront pas le droit de dispenser l'enseignement en anglais à moins d'en avoir obtenu l'autorisation.

Les Québécois francophones ne pourront choisir la langue d'enseignement de leurs enfants alors que les anglophones seront libres de le faire.

Et ainsi de suite.

Pourtant, la Charte des droits et libertés de la personne déclare que "tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité" et que le respect de cette dignité constitue "le fondement de la justice et de la paix."

L'article 10 de cette Charte stipule que "toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'état civil, la religion, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit."

L'article 43 de cette même Charte stipule que "les personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe."

L'article 54 déclare que "la Charte lie la Couronne". En d'autres termes, le Gouvernement se doit, lui aussi, de respecter la loi.

Et, pour les contrevenants, la Charte prescrit des sanctions incluant des amendes et mêmes des peines d'emprisonnement.

Est-il besoin de demander qui transgresse la loi? Il faut sans doute s'alarmer à la pensée qu'on doive amender la Charte des droits et libertés de la personne pour pouvoir faire accepter le projet de loi no 1. Ce projet de loi met en place un autre organisme bureaucratique. Cette fois il s'agit d'un tout-puissant Office de la langue française qui donne et qui retire des permis, véritable panoplie de commissions de terminologie et de toponymie, de programmes de francisation, de services, d'agences, de commissions d'enquête, de policiers de la langue, d'ordinateurs, bref, tout l'appareil nécessaire à l'application de ces infâmes plans quinquennaux.

L'objectif doit être atteint d'ici cinq ans et l'échéance de ce grand branle-bas de contrôle d'Etat est fixée à 1983. Pour Orwell et son novlangue, ce devrait être 1984. Les deux dates, si près l'une de l'autre, nous laissent songeurs.

En dépit de leur mandat, temporaire au départ, les organismes gouvernementaux ont l'habitude de devenir la chose la plus éternelle qu'il nous soit donné de voir sur notre planète.

Mais le plus inquiétant dans tout cela, c'est l'intervention possible du nouveau corps de fonctionnaires dans la vie privée et paisible de tout Québécois, francophone aussi bien qu'anglophone.

Quand, dans la toute première section de la Charte des droits et libertés de la personne, nous lisons que "tout être humain a droit à la vie et à la liberté", nous ferions peut-être bien de nous rappeler qu'aujourd'hui, pour nous, être libre pourrait bien signifier être hors d'atteinte de l'action du Gouvernement.

Les gouvernements devraient répugner à se mêler des affaires privées et sans histoires des citoyens. On a souvent défini l'Etat comme étant la somme des libertés perdues. Nous regrettons de constater que le projet de loi no 1 en soit une autre preuve et qu'il nous force un peu plus à nous en remettre aux bureaucrates pour décider de ce qui nous convient le mieux.

Quand le projet de loi no 1 proclame en fait aux Québécois de langue française: nous ne pouvons pas vous laisser le choix de la langue d'enseignement de vos enfants, car vous pourriez peut-être ne pas choisir ce qui est bon pour vous, cela revient à dire que le gouvernement se considère comme étant le seul capable de juger, que les bureaucrates sont les uniques dépositaires de la vérité révélée et que nous sommes incapables, dans l'ensemble du moins, de penser par nous-mêmes. Tous les Québécois, que les architectes du projet de loi no 1 considèrent comme faisant partie de la "majorité incapable", ne peuvent pas être si inaptes après tout; notre Gouvernement semble n'avoir que très peu de respect pour la valeur intellectuelle des citoyens. Si, en démocratie, nous sommes censés posséder assez d'intelligence pour être capables de choisir qui va nous gouverner, si nous sommes aptes à prendre cette sorte de décision, est-il présomptueux de penser que nous sommes assez qualifiés pour choisir l'école qui convient à nos enfants? Et qui gagne l'argent nécessaire à payer les salaires de ceux qui nous considèrent comme des incapables?

Et pourtant il devient de plus en plus difficile de passer une journée sans enfreindre la loi devant le nombre toujours croissant de lois, permissions, sanctions, permis, autorisations, règlements et ordonnances. Tous les hommes d'affaires vous le confirmeront. Et voici que pourtant surgit encore une nouvelle loi destinée à mettre au pas un nouveau méchant. Et qui est ce phénomène? ... le vocabulaire anglais. Dépenses gouvernementales accrues. Pertes d'un plus grand nombre de libertés. Avons-nous vraiment besoin de cela? La réponse est non, pas le moindre!

Le projet de loi no 1 semble, sur toute la ligne, complètement faire fi de la réalité toujours présente de la loi de l'offre et de la demande.

Voici quelques exemples:

Les commerces et entreprises anglophones qui font affaire avec des clients francophones ont toutes les meilleures raisons du monde de se franciser, soit la juste rémunération nécessaire à leur survivance. L'ingérence gouvernementale est discriminatoire ou, en mettant les choses au mieux, sans raison d'être.

Nous ne pouvons arriver à croire que notre Gouvernement considère que les jouets et les jeux représentent une menace pour la survie de la majorité quand ils ne sont disponibles qu'en anglais.

Nous n'arrivons pas à imaginer que la publicité soit un crime parce que faite en anglais.

Nous croyons que nous devrions avoir le droit de faire passer une annonce pour recruter un employé bilingue sans avoir d'abord à demander la permission au Gouvernement.

Nous ne pensons pas que les travailleurs manuels non francophones devraient être victimes des manipulations politico-sociales; il est beaucoup mieux pour eux de travailler que de vivre d'assurance-chômage ou d'assistance sociale.

Nous considérons que le projet de loi no 1 en est un de revanche, indigne de notre province et de ses citoyens.

En tant que Québécois de langue anglaise et résidents de la ville de Québec, nous nous demandons quel a bien pu être notre crime pour que le châtiment soit si sévère.

Le Québec est notre patrie autant qu'il est la vôtre.

Le Québec a été bon pour nous et, pensons-nous, nous avons été bons pour le Québec.

Et nous continuons de croire que ce Québec que nous aimons est assez grand, assez fort et assez adulte pour nous garder tous.

Nous aussi, nous voulons survivre.

Advenant que le sort des minorités anglophones ne préoccupe le Gouvernement en aucune façon, nous voudrions qu'il se penche sur les effets à long terme que ce projet de loi aura sur les Québécois de langue française.

Quand les passions se seront éteintes, on se rendra compte alors que le projet de loi no 1 fait des Québéoois unilingues français, des citoyens de deuxième classe. Toute la meilleure législation au monde ne changera rien à la configuration de l'Amérique du Nord; en conséquence, les Québécois de langue française qui ne peuvent pas vivre de leur profession, exercer leurs talents et leurs aptitudes

dans un contexte et un marché bilingues seront sérieusement handicapés et n'auront que peu de chances d'arriver à occuper des emplois de cadres supérieurs.

Notre gouvernement est-il prêt à supporter le blâme et à encaisser le poids de l'inévitable frustration des générations futures d'unilingues québécois? Ce projet répressif laisse ouvertes les voies de l'avancement à nos propres enfants, pourquoi les fermer à vos enfants? Nous refusons d'admettre que c'est là le prix qu'ils doivent payer pour conserver leur langue et leur culture.

Le livre blanc a une très piètre opinion du Québécois francophone. Il le considère, et nous citons, comme un "déshérité", un "opprimé", un "dominé" et toute la "bonne foi" et la "bonne volonté" des anglophones n'y peuvent rien. Selon le livre blanc, le francophone se voit interdire toute réussite sociale.

Il parle la langue des inférieurs tant en responsabilités qu'en revenu. "Il parle un français de mauvaise qualité". On ne devrait lui permettre d'avoir accès à l'anglais que lorsqu'il n'y a plus de danger pour lui de tout mélanger et seulement "lorsque la survie du français est assurée".

Le livre blanc, se basant sur des données et des statistiques périmées, des mythes anciens et des observations erronées, définit les Québécois de langue française comme formant une classe à part de gens misérables et peu instruits. Ce portrait est insultant, et ce qui est pire, il est faux. Examinons soigneusement le dossier du français.

Le français est si bien enraciné au Québec que nous trouvons difficile de partager l'inquiétude du Gouvernement quant à l'imminence de sa disparition. Jamais auparavant les anglophones en si grand nombre n'avaient-ils fait montre de tant de bonne volonté pour aider les Québécois francophones à assurer leur survivance. Advenant que cette bonne volonté se change en ressentiment et par ressac se transforme en haine, ce soutien si précieux risquerait d'être perdu. En revanche, si toute l'énergie qui est actuellement utilisée à démolir les anglophones servait plutôt à solliciter leur appui et à faire appel à leur sens de la justice pour aider la cause des Québécois francophones, on serait peut-être surpris de constater qu'il y a beaucoup plus de gens qui se rallieraient à cette cause que le Gouvernement ne l'aurait imaginé. Le traitement injuste de vos minorités anglophones entraînera la méfiance, le racisme avec tout ce que cela comporte comme représailles selon la vieille loi du talion.

Ces mots tout simples ne doivent pas être interprétés comme des menaces car, après tout, c'est le Gouvernement qui détient les rênes du pouvoir. Nous voudrions plutôt, avant qu'il ne soit trop tard, qu'on prenne bien note que nous avons prévenu nos législateurs, que nous considérons le projet de loi no 1 comme une bombe à retardement qui, à la longue, fera surtout du mal aux Québécois.

Nous ne nous présentons pas devant la Commission pour demander grâce mais plutôt pour nous affirmer en tant que citoyens qui ont mérité leur place au Québec. Nous nous sentons bien ici, nous nous sommes bien intégrés dans la société sans pour autant nous être assimilés au point de perdre notre langue, car nous étions convaincus que cela aurait pu équivaloir à un suicide économique, ici en Amérique du Nord. Nous ne désirons pas quitter le Québec. Si, cependant, des lois coercitives nous obligent à fuir notre patrie, nous avons bien l'impression que nos compatriotes francophones seront aussi de grands perdants.

Ainsi donc, déclarons-nous à la majorité que nous avons toujours foi en notre amitié historique.

Référer à la version PDF page CLF-1382

ANNEXE 4

Mémoire

à

La Commission parlementaire sur l'éducation, les affaires culturelles et les communications

Soumis par Northern Quebec Inuit Association Au nom de Les Inuit du Québec

Position des Inuit du Québec

relativement au projet de charte

de la langue française au Québec

(Projet de loi no 1)

Le 4 juin 1977

Référer à la version PDF page CLF-1384

Les Affaires Amérindiennes "Enfin et surtout, on reconnaîtra leur droit d'être consultés et c'est avec leur concours qu'on élaborera les politiques qui les concernent."

(Programme Officiel

Parti Québécois

Janvier 1975, p. 10)

Les minorités "... un gouvernement du Parti Québécois s'engage à: ... 4. Considérer les langues et les cultures indiennes et esquimaudes comme partie intégrante du patrimoine national québécois."

(Programme Officiel

Parti Québécois

Janvier 1975, p. 26)

Introduction

Les Inuit du Québec arctique sont heureux de comparaître devant la Commission parlementaire devant étudier le projet de loi no 1 — charte de la langue française au Québec — et d'avoir l'occasion de vous faire part de leurs remarques à ce sujet. Notre association, la Northern Quebec Inuit Association, a été constituée afin de promouvoir et de protéger les droits des Inuit du Québec. A ce titre, elle a été expressément mandatée pour négocier les revendications territoriales des Inuit au Québec arctique et conclure la Convention de la Baie James et du Nord québécois en notre nom.

La rapidité avec laquelle le livre blanc sur la langue et le projet de loi no 1 ont été déposés nous a contraint à comparaître devant la Commission parlementaire pour exposer notre position. Les quelques semaines dont nous avons disposé pour préparer le présent mémoire ne nous ont pas permis d'évaluer dans leur intégralité les implications de grande portée du programme de francisation d'ensemble que projette le gouvernement québécois. Dans les circonstances, nos remarques ne pourront être que fragmentaires.

Il est également important de noter quels sont les buts des auditions devant la Commission parlementaire et d'être pleinement conscients de leurs limites. Premièrement, les matières auxquelles touche le projet de loi no 1 sont très complexes et les effets qu'il aura sur les Inuit ne sont pas encore entièrement connus. En second lieu, nos commentaires visent un projet de loi qui contient le programme linguistique du Québec mais qui a été préparé sans l'apport des Inuit. Enfin, malgré que ces auditions devant la Commission parlementaire permettent de présenter des commentaires et des critiques relativement au projet de loi et aux programmes et aux politiques qu'il contient, elles ne constituent pas la tribune appropriée pour négocier les changements aux nombreuses dispositions du projet de loi qui violent nos droits.

Les commentaires qui suivent représentent notre position relativement au projet de loi lui-même et au processus qui a conduit à son dépôt à l'Assemblée Nationale. 1. Le Québec Arctique 11 Le territoire de 1912

En 1912, la législation conjointe fédérale et provinciale, connue sous le nom de lois de l'extension des frontières du Québec, a transféré au Québec la partie nord du territoire de la province, une vaste étendue de terre représentant la moitié du territoire québécois. Mais alors que ce territoire a toujours été important pour nous, la présence du gouvernement québécois y a été quasi inexistante jusqu'en 1964. Ce n'est que depuis 1964 que la richesse de ses ressources fauniques, minérales et aquatiques est devenue d'une importance croissante pour le reste du Québec. 1.2 Patrie des Inuit du Québec

Les Inuit du Québec sont parmi les premiers habitants du Québec. Nos ancêtres se sont installés dans ce qui constitue maintenant le Québec il y a plus de 4,000 ans. Cela contraste vivement avec la présence historique remontant à quelques siècles seulement d'autres groupes que l'on considère comme peuples fondateurs du Québec. C'est principalement pour cette raison que nous avons droit à l'autodétermination en tant que peuple distinct auquel doit être accordé une reconnaissance adéquate. Les Inuit constituent de plus la majorité notable des habitants qui occupent la partie du territoire de 1912 située au nord du 55ième parallèle, laquelle représente plus d'un tiers de tout le territoire de la province. Ce territoire a toujours été et continue d'être notre patrie. Il importe aussi de reconnaître notre

relation toute particulière avec la terre dont nous sommes inséparables. A l'avenir, l'accent devra être mis davantage sur le concept de la patrie des Inuit et de notre identification inséparable avec la terre, compte tenu des intérêts conflictuels qui surgiront inévitablement dans le territoire au nord du 55ième parallèle.

Qu'un développement dans le territoire soit de nature physique, tel une nouvelle mine ou un projet hydro-électrique, ou de nature culturelle, tel le programme de francisation proposé par le Québec, une collaboration opportune et adéquate doit s'instaurer avec nous avant qu'il ne soit réalisé. 2. Le droit à l'autodétermination

L'article 1 de la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention internationale sur les droits civils et politiques, auxquelles le Canada est partie depuis que toutes les provinces les ont ratifiées, dispose:- "Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel".

Ce principe de l'autodétermination doit être adéquatement reconnu dans le territoire au nord du 55ième parallèle. En regard des activités quotidiennes dans ce territoire, ce sont les Inuit qui doivent participer activement et décider de toutes les questions de nature locale et régionale. On doit en particulier nous permettre à nous, les Inuit du Québec, à titre de premiers habitants constituant la majorité de la population de ce territoire, et dont il constitue la patrie, d'assumer notre rôle légitime relativement aux questions de culture et de langue dans le territoire ou qui affectent le territoire. De plus, le règlement des revendications territoriales des Inuit contenu à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, sur laquelle nous reviendrons plus en détail par la suite, reconnaît et reflète à plusieurs points de vue notre droit à l'autodétermination dans ce territoire. 3. Statut particulier des Inuit

Ainsi qu'il a déjà été mentionné, les Inuit habitent le Québec depuis au-delà de 4,000 ans. Nous ne sommes pas des immigrants qui sont venus au Québec prêts à s'assimiler et à se plier à la constitution politique du Québec. Nous sommes les premiers habitants. Nous étions ici avant que le Canada n'existe. Nous étions ici des milliers d'années avant que le Québec n'existe. Nous étions ici avant qu'il n'y ait des Canadiens de langue française ou de langue anglaise. A cause de notre association intime avec la terre et l'environnement, le Québec arctique a été et continue d'être pour nous notre patrie et jamais nous ne devrons en être déracinés.

Par conséquent, nous affirmons que les Inuit du Québec ont un statut particulier dans le débat sur la politique linguistique du Québec et que les programmes qui seront en fait de compte implantés ou qui pourront toucher le territoire ne peuvent être formulés ou réalisés qu'avec notre collaboration.

En raison de notre statut particulier à titre de premiers habitants du Québec, nous revendiquons le droit à des protections et garanties culturelles et linguistiques qui nous sont propres, au même degré à tout le moins que celles énoncées dans le livre blanc et dans le projet de loi no 1 à l'égard de la culture et de la langue françaises. Nous soumettons que le gouvernement du Québec a négligé de reconnaître ou de tenir compte de ces droits lorsqu'il a formulé sa politique et ses programmes linguistiques. Nous y reviendrons plus loin, mais la seule disposition du projet de loi no 1 qui prétend reconnaître les droits particuliers des autochtones du Québec, l'article 59 en l'occurrence, est emprunté à une loi antérieure (loi 22); le gouvernement n'est pas maintenant sans savoir que cet article ne résout pas la question de ces droits de façon adéquate. 4. Le rôle de l'inuttitut et des autres langues dans le territoire

II est bien connu que les langues que les Inuit utilisent dans le territoire sont l'inuttitut et l'anglais. Il y a eu et continue d'y avoir, quant à l'utilisation de l'anglais, des effets positifs et négatifs. L'un des effets négatifs est la possibilité que l'utilisation d'une autre langue, telle l'anglais, conduise à un usage amoindri de l'inuttitut. Néanmoins, l'anglais a été et continue d'être notre seule langue de communication avec les autres habitants du Québec.

Si les Inuit doivent jouir des avantages de la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui comprennent leur participation active dans les affaires locales et régionales du territoire et leur représentation auprès de divers organismes administratifs dans les domaines de l'éducation, de la santé et des services sociaux, du développement social et économique, de la protection sociale et de la protection de l'environnement de même que la chasse, la pêche et le trappage, tout projet de loi touchant la langue doit reconnaître le fait que pour des raisons historiques et culturelles, l'anglais représente un mode d'expression commun pour presque tous les Inuit.

A l'heure actuelle, l'anglais représente pratiquement le seul mode d'expression disponible aux Inuit dans leurs affaires avec les autres habitants du Québec. Il nous a fallu plusieurs années pour qu'un groupe des nôtres en vienne à maîtriser l'anglais. Pour ceux d'entre nous qui ont réussi à le faire cette

langue leur a permis d'affirmer notre identité en tant que peuple distinct et d'établir nos droits à une participation entière et active dans toutes les questions du territoire qui nous affectent.

L'anglais représente en même temps le lien vital pour nos communications avec d'autres groupes Inuit à l'intérieur des limites et au-delà des frontières du Canada, compte tenu que des différences existent entre les dialectes inuit dont ces groupes se servent. Ces groupes et nous avons l'anglais comme langue commune. Le fait d'imposer aux Inuit du territoire le programme de francisation prévu dans le projet de loi no 1 aura pour effet, à ce stage, de bloquer notre participation dans les questions locales et régionales, dans le développement social et économique du territoire de même que de restreindre notre habilité à communiquer avec le reste du Québec, au moment même où nous croyons avoir négocié avec succès les droits nécessaires pour assurer cette participation et cette communication. Le programme de francisation aurait pour effet additionnel d'exclure et de restreindre exagérément la participation dans les institutions civiles, publiques ou para-publiques de nos dirigeants Inuit qui ont acquis une certaine connaissance de l'anglais et qui sont maintenant capables de traiter en termes égaux avec leurs voisins du Québec. En outre, le recours continuel à des traducteurs ou des interprètes ne saurait être une avenue pratique ou durable pour nous assurer une participation égale dans nos institutions. Nous ne sommes pas non plus prêts à retarder notre'entrée dans le circuit de la vie québécoise jusqu'à l'apparition d'une nouvelle génération d'Inuit pouvant maîtriser le français.

Il est très important de tenir compte du fait qu'à l'encontre des autres habitants du sud de la province, les Inuit ne peuvent choisir de quitter leur territoire, car ils en seront toujours inséparables. Alors que la présence du Québec dans le nord de la province ne remonte qu'au milieu des années 60, les Inuit, ainsi qu'il a déjà été dit, y sont établis depuis toujours.

Au surplus, en ce qui a trait au développement social et économique, les Inuit du Québec font partie de la communauté nord-américaine dans laquelle il sera nécessaire de connaître l'anglais pour nos tâches économiques et sociales futures. Si nous concédons que l'usage du français au Québec tend à se répandre, il est impérieux d'accorder reconnaissance et place à l'utilisation de l'inuttitut et de l'anglais dans le territoire de même qu'au plan national et international. 5. Droits supplémentaires en vertu de la convention de la Baie James et du Nord québécois.

Le règlement des revendications territoriales des Inuit au Québec se fonde en partie sur le paragraphe (c) de l'article 2 de la loi sur l'expansion des frontières du Québec 1912. Cet article confirme l'obligation du gouvernement québécois de régler les réclamations territoriales autochtones dans la province et dispose: "That the Province of Quebec will recognize the rights of the Indian inhabitants in the Territory above described to the same extent, and will obtain surrenders of such rights in the same manner, as the government of Canada has heretofore recognized such rights and has obtained surrender thereof, and the said Province shall bear and satisfy all charges and expenditures in connection with or arising out of such surrenders".

Cette obligation existait depuis 1912 mais le gouvernement québécois n'a cru approprié de régler les réclamations territoriales des Inuit et des Cris que lorsque les autochtones, menacés par la construction du projet hydro-électrique de la Baie James, ont intenté des procédures judiciaires en 1972.

Le 15 novembre 1974, la Northern Quebec Inuit Association, le Grand Council of the Crees (of Quebec) et le gouvernement du Québec, la Société d'Energie de la Baie James, la Société de Développement de la Baie James et la Commission Hydro-électrique de Québec (Hydro-Québec) et le gouvernement du Canada signaient une entente de principe.

Des négociations se sont poursuivies durant approximativement un an sur la base de l'entente de principe. Les parties convenaient d'une entente finale le 11 novembre 1975 en règlement des réclamations territoriales autochtones des Cris et des Inuit du Québec. Cette convention porte le nom de Convention de la Baie James et du Nord québécois.

La Convention de la Baie James du Nord québécois (ci-après appelée parfois la "Convention"), en plus de nos droits particuliers à titre de premiers habitants de la province de Québec, nous a reconnu des droits et des avantages supplémentaires.

Le gouvernement québécois a ratifié la Convention en adoptant le projet de loi no 32 le 30 juin 1976. A ce jour, le projet de loi no 32 n'est que partiellement en vigueur. Les autres dispositions en seront proclamées lorsque la législation fédérale parallèle, le Bill C-9, présentement à l'étude devant le Sénat, sera lui-même proclamé. 6. Le livre blanc sur la langue et le projet de Charte de la lanaue française au Québec (projet de loi no 1).

Conformément à ses intentions d'adopter le plus rapidement possible une législation touchant la langue, le nouveau gouvernement n'a soumis au public son livre blanc sur la langue que quelques mois après l'élection de novembre 1976. Le livre blanc fait état des politiques et des programmes que le gouvernement considère inclure dans la législation. Le projet de charte de la langue française au Québec (projet de loi no 1) était peu de temps après déposé à l'Assemblée Nationale.

La décision du gouvernement de procéder diligemment à l'adoption du projet de loi no 1 l'a conduit à en ignorer les effets et les effets des programmes et des politiques qu'il met en oeuvre sur les

Inuit du Québec. En agissant de la sorte, il a dérogé de son intention expresse de toujours respecter à la fois l'esprit et la lettre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et a négligé d'éliminer les illogismes ou les contradictions entre le projet de loi et la Convention. 7. Les objections des Inuit au projet de loi no 1.

Plusieurs groupes ont déjà soulevé des objections d'ordre général au projet de loi no 1 relativement à certaines matières telles les compétences constitutionnelles, le sort des minorités et l'atteinte aux droits des libertés individuelles. Ces questions méritent qu'on les examine pleinement. Dans le cadre du présent mémoire, nous nous en tiendrons toutefois aux questions précises qui touchent les Inuit du Québec. 7.1 Contravention au principe de la convention de la Baie James et du Nord québécois. 7.1.1 Défaut d'avoir consulté les Inuit

L'un des principes qui ressortent clairement de la Convention est que le Québec doit consulter les Inuit du Québec Arctique avant d'adopter des mesures pouvant avoir des répercussions importantes sur eux ou sur la région qu'ils habitent. L'obligation de consulter relativement aux décisions importantes est primordiale. Le défaut d'avoir consulté les populations autochtones quant au projet et à l'exécution du complexe hydro-électrique de la Baie James en 1971 sert d'exemple de ce qui doit être évité à l'avenir. Nous avons joint à ce mémoire, à titre d'annexe 1, une liste partielle des dispositions de la Convention prévoyant les formes variées et nombreuses de consultation. En dépit de ce principe de la consultation préalable, le Québec, lorsqu'il a formulé ses politiques et ses programmes de francisation, a négligé de nous consulter en termes opportuns. Il n'a cherché ni à connaître les vues et les inquiétudes des Inuit, ni à les inclure dans la préparation du livre blanc non plus qu'il en a tenu compte dans le projet de loi no 1. 7.1.2Le projet de loi no 1 empêche les Inuit de participer activement aux questions locales et régionales

Les droits et les avantages de la Convention comprennent la participation directe et active des Inuit aux questions locales et régionales du territoire et leur représentation à différents organismes administratifs en matière d'éducation, de services de santé et services sociaux, de développement social et économique, de protection du milieu social et de l'environnement ainsi qu'en matière de chasse, de pêche et de trappage (voir l'annexe 2 ci-jointe). Si nous devons jouir de ces droits et de ces avantages, tout projet de législation sur la langue doit reconnaître le fait que, pour des raisons historiques et culturelles, l'anglais constitue une langue commune pour la quasi-totalité d'entre nous. 7.1.3Défaut de reconnaître les différences régionales à l'intérieur de la province de Québec

Les dispositions de la Convention relatives aux administrations municipales et régionales du territoire et aux organismes administratifs régionaux, publics et quasi-publics ont reconnu distinctement l'existence de différences régionales significatives à l'intérieur de la province.

Antérieurement à la Convention de la Baie James et du Nord québécois, il n'existait aucun mécanisme formel pour impliquer les Inuit de façon active aux décisions d'ordre local et régional prises dans le territoire. Depuis la Convention, nous pouvons participer de façon significative et prendre nos propres décisions quant aux questions locales et régionales. Le droit que nous reconnaît la Convention de décider de ces questions par nous-mêmes est une reconnaissance claire de notre droit à l'autodétermination. Cependant, le projet de loi no 1, en ne reconnaissant pas l'usage de l'inuttitut et de l'anglais dans l'administration civile, publique et quasi-publique du territoire, nie à la fois, dans les faits, le principe reconnu de l'existence des différences régionales à l'intérieur du Québec et le droit à l'autodétermination stipulé en notre faveur dans la Convention. 7.1.4La connaissance du français empêche le développement socio-économique des Inuit.

L'un des principaux buts de la Convention est de promouvoir le développement socio-économique des Inuit dans le Nord. Nous avons désespérément besoin d'emplois et de formation de la main-d'oeuvre. Par exemple, l'article 29.0.31 de la Convention dispose que les gouvernements prendront toutes les mesures raisonnables pour offrir prioritairement aux Inuit des emplois et des contrats découlant des projets qu'ils prévoient. A cet égard, le Canada et le Québec ont convenu d'interpréter les exigences pour les diverses catégories de postes de telle façon que les Inuit capables de les remplir soient jugés admissibles. De la même façon, la Convention prévoit de nombreux programmes de formation pour les Inuit. Cependant, les exigences actuelles quant à la langue, à la fois dans le projet de loi no 1 et dans les politiques du gouvernement, exigent une maîtrise de la langue française qui a pour effet d'empêcher les Inuit de jouir de ces avantages.

De plus, les articles 7.1.2 et 27.0.1 de la Convention prévoient respectivement la création de corporations foncières inuit et de corporations de développement inuit. Ces corporations, de même que les entreprises commerciales inuit futures, seront incapables d'opérer efficacement si elles sont assujetties aux programmes de francisation visés au projet de loi no 1.

Contrairement au principe de la Convention qui prévoit que les développements sociaux et économiques des Inuit doivent s'accélérer, le projet de loi no 1, en ignorant la situation particulière existant au nord du 55ième parallèle, empêchera la croissance économique et sociale des Inuit.

7.1.5 Défaut de protéger la langue et la culture des Inuit

A notre avis, la Convention, sans être exhaustive, constitue un document culturel. Elle fournit une base indélébile qui assurera notre participation et notre implication actives dans le développement social, culturel et économique du territoire que nous occupons. La Convention mentionne les droits suivants qui reconnaissent ou favorisent la culture des Inuit: 1. L'octroi de terres devant être détenues en propriété par les communautés Inuit à des fins communautaires (chapitre 7); 2. La création d'un régime de chasse, de pêche et de trappage afin d'assurer la continuité du mode de vie traditionnel (chapitre 24); 3. L'établissement de différents mécanismes de protection de l'environnement afin de permettre l'évaluation des lois sociales et des répercussions sociales des développements sur les Inuit, leur économie et leur culture (chapitre 23); 4. Le droit de communiquer et de recevoir des services et des communications en inuttitut des corporations municipales et de l'administration régionale (chapitres 12 et 13); 5. L'encouragement des arts et de l'artisanat Inuit ainsi que la mise de côté de matériaux naturels, comme la stéatite, qui servent à ces fins (chapitre 7 et 29); 6. L'établissement de règles en vertu desquelles tous les juges et autres personnes nommés pour faire respecter la justice dans la région doivent connaître les us et coutumes ainsi que la psychologie des Inuit (chapitre 20); 7. La création de programmes, l'enseignement de matières et l'utilisation de matériaux éducatifs en fonction de la culture et de la langue des Inuit (chapitre 17)

Plusieurs dispositions précises de la Convention accordent des protections à la langue et la culture des Inuit. Le projet de loi no 1, en ne garantissant que les droits du français, ignore notre langue et nos pratiques culturelles au nord du 55ième parallèle ainsi que les protections prévues à la Convention à cet égard, et leur porte préjudice. 7.1.6 Défaut de reconnaître les droits linguistiques des Inuit de façon adéquate

La Convention prévoit certains droits linguistiques dans le domaine de l'éducation, de l'administration locale et régionale, de l'évaluation des répercussions sur l'environnement, de l'administration de la justice et du développement économique et social. Le projet de loi no 1, cependant, est incompatible avec ces dispositions.

Dans la mesure où le projet de loi no 1 fait référence à notre droit d'être éduqués dans la langue autochtone, il ne respecte pas les dispositions de l'article 17.0.59 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, lequel se lit comme suit:

Les langues d'enseignement sont l'inuttitut et, quant aux autres langues, selon la pratique ayant cours dans le territoire. La commission scolaire Kativik poursuit comme objectif l'utilisation du français comme langue d'enseignement afin que les élèves sortant de ses écoles soient capables dans le futur de continuer leurs études en français s'ils le désirent, dans une école, un collège ou une université ailleurs au Québec.

Après avoir consulté le comité de parents, et considéré les besoins des élèves pour leurs études ultérieures, les commissaires déterminent le rvthme d'introduction du français et de l'anqlais comme langues d'enseignement, (nos soulignés)

Ces dispositions ont pour effet de garantir que les langues d'enseignement dans le Québec arctique sont l'inuttitut, l'anglais et le français, selon la pratique ayant cours dans le territoire. Nous avons reconnu qu'il était valable de poursuivre comme objectif l'utilisation du français comme langue d'enseignement pour nos enfants. Toutes les parties à la Convention, y compris le gouvernement du Québec, ont en même temps reconnu le statut de l'anglais comme moyen de communication entre les Inuit et leurs voisins québécois. Il a été en conséquence convenu que les commissaires de la Commission Scolaire Kativik, après avoir consulté le comité de parents, détermineraient le rythme d'introduction du français et de l'anglais comme langues d'enseignement dans le Québec arctique. Cette disposition de la Convention tient compte de la situation particulière des Inuit dans le Québec arctique et établit un mécanisme de détermination du rythme auquel le français y deviendra langue commune pour eux.

L'article 17.0.59 a pour effet d'aller au delà de la simple question des langues d'enseignement devant être utilisées dans le territoire. De fait, cet article représente la pierre de touche de la Convention quant à l'usage de la langue. Son application déterminera l'utilisation future de l'inuttitutt du français et de l'anglais non seulement en matière d'éducation mais également dans tous les autres domaines dans lesquels les Inuit s'impliquent dans le Nord. En nous reconnaissant le droit de déterminer la langue d'enseignement pour nos enfants dans le Québec arctique, le Québec nous a reconnu le droit de déterminer à quel rythme le français doit devenir langue commune dans nos activités administratives, commerciales et sociales.

La Convention a prévu de façon réaliste que la Commission Scolaire Kativik poursuit comme objectif à long terme que les étudiants fréquentant ses écoles acquièrent une certaine maîtrise du fran-

çais. L'imposition des structures et des programmes prévus au projet de loi no 1 est directement contradictoire à cet objectif. Alors que la Convention tient compte des différences régionales entre les parties septentrionales et méridionales de la province, et reconnaît aux Inuit le droit de déterminer pour eux-mêmes le rythme d'enseignement du français, les dispositions du projet de loi no 1 le nient. Le projet de loi no 1, s'il est mis en vigueur, outrepasserait la reconnaissance de cette distinction régionale et engendrerait pour nous l'obligation immédiate et insurmontable de devenir en fait trilingues si nous voulons nous conformer à la politique unilingue qu'énonce le projet de loi.

En rapport avec les dispositions du projet de loi no 1 relatives aux administrations civiles, l'article 8 de l'annexe 2 du chapitre 13 (administration régionale au nord du 55ième parallèle), dispose:

La langue de communication de l'administration régionale est conforme aux lois d'application générale du Québec; de plus, toute personne peut s'adresser en inuttitut à l'administration régionale qui doit veiller à ce que les services offerts lui soient fournis et que les communications avec elle se fassent en inuttitut; et, lors des séances du conseil, quiconque ayant le droit de parole peut se faire entendre, à son gré, en inuttitut. Le Conseil a le droit de faire des copies des livres, registres, avis et procédures de l'administration régionale en inuttitut." La Convention contient une disposition similaire quant aux corporations municipales au nord du 55ième parallèle. On considère d'inclure ces droits linguistiques dans le projet de loi Kativik qui doit créer les corporations municipales et l'administration régionale, mais il reste à affirmer clairement que les dispositions du projet de loi no 1 quant aux administrations civiles ne s'appliqueront pas au nord du 55ième parallèle.

Quant à la Commission de la qualité de l'environnement créée par la Convention pour gérer le processus d'évaluation des répercussions sur l'environnement, le paragraphe intitulé "Objectifs" à l'annexe 3, du chapitre 23 stipule:

(le promoteur) présente son rapport (des répercussions) en français ou en anglais "à son gré" (nos ajouts).

Cette disposition a pour effet de permettre au promoteur, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une personne morale et qu'il soit du nord ou du sud de la province, de préparer les rapports des répercussions sur l'environnement qui doivent être présentés à la Commission de la qualité de l'environnement en français ou en anglais, à son gré. Cette disposition nous apparaît être directement contredite par les dispositions du projet de loi qui ont trait au fonctionnement des organismes publics et judiciaires. Il n'est pas invraisemblable qu'un promoteur, considérant la participation des Inuit au processus d'évaluation des répercussions sur l'environnement dans le territoire, présente des documents en anglais.

En matière d'administration de la justice, l'article 20.0.22 de la Convention dispose: "Des amendements seront adoptés de façon à permettre aux Inuit, dans les cas où le défendeur ou l'accusé est un Inuk, d'agir à titre de juré conformément aux lois et règlements applicables, même s'il ne parle ni le français ni l'anglais couramment."

L'article 29.0.26 de la Convention stipule, relativement au développement social et économique: "Lorsque ni les lois existantes ni les exigences ne s'y opposent et compte tenu du travail ou des fonctions prévues ainsi que des communications par écrit ou de vive voix qu'elles comportent normalement, le Canada et le Québec adoptent des mesures spéciales pour les candidats inuit unilingues qui terminent les cours de formation afin qu'ils subissent les examens en inuttitut ou avec l'aide d'un traducteur ou d'un interprète; ils auront ainsi droit à une attestation d'apprenti ou à une carte de compétence leur permettant d'être embauchés dans le domaine relié à leur formation".

Les dispositions précitées proviennent de divers chapitres de la Convention et constituent, jusqu'à un certain point, des dérogations aux dispositions de la loi sur la langue officielle du Québec (loi 22). Puisqu'une législation doit donner effet à la Convention, nous, les Inuit, soumettons que le gouvernement québécois a l'obligation légale de recommander à l'Assemblée Nationale une législation protégeant nos droits linguistiques et culturels énoncés à la Convention. De plus, puisque le gouvernement a choisi ce moment pour préparer et décréter une législation touchant la langue applicable à tous les citoyens du Québec, les Inuit soumettent en outre que tous leurs droits linguistiques et culturels, fondés à la fois sur leur statut particulier à titre de premiers habitants et sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois, doivent être adéquatement protégés par cette législation. Si le projet de loi no 1 ne protège que les droits du français, nos droits linguistiques et culturels en souffriront inévitablement.

Si le statut particulier des Inuit du Québec arctique en tant que premiers habitants de cette province doit être reconnu, ainsi que l'a affirmé le présent gouvernement, le Québec doit alors nous

accorder dans sa législation les mêmes protections linguistiques et culturelles qu'il entend reconnaître aux francophones du Québec. 7.1.7 Défaut de procéder à une évaluation des répercussions sur le milieu social

En publiant son livre blanc et en déposant le projet de loi no 1 à l'Assemblée Nationale sans avoir inclus les Inuit dans les études qui ont mené au projet de politique linguistique, le gouvernement a violé à la fois les dispositions et l'esprit de la Convention.

Le livre blanc fait référence à de nombreuse études d'évaluation des effets de la culture et de la langue anglaise sur les Québécois francophones. Il ne fait mention d'aucune étude ou recherche d'évaluation des répercussions des propositions du livre blanc sur tous les habitants autochtones de la province et, particulièrement, sur les Inuit du Québec qui constituent la majorité des habitants vivant au nord du 55ième parallèle.

Il est évident que les programmes et les structures de francisation que le gouvernement a mentionnés dans le livre blanc et qu'il projette maintenant de mettre en vigueur par l'adoption du projet de loi no 1 n'ont pas tenu compte ni même étudié les répercussions qu'ils pourraient avoir sur les Inuit ou sur le territoire qu'ils habitent. Même un examen superficiel de la situation dans le Nord ou des dispositions de la Convention révèle que les structures et les programmes de francisation sont présentement inadéquats et inapplicables aux Inuit de la région.

Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, nous prétendons qu'en négligeant de consulter les Inuit et de les inclure dans les recherches et études entreprises avant la publication du livre blanc et le dépôt du projet de loi no 1 à l'Assemblée Nationale, le gouvernement québécois a violé son obligation en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les auditions devant la Commission parlementaire étudiant le projet de loi no 1 ne remplissent pas ces obligations.

Entre autres procédures et mécanismes administratifs créés en vertu de la Convention, le chapitre 23 prévoit une procédure d'évaluation des répercussions sur l'environnement et le milieu social en vertu de laquelle les Inuit participent pleinement au processus décisionnel qui évalue, le plus tôt possible, les répercussions possibles des projets de développement dans le territoire ou affectant le territoire et ses habitants.

Il est important de noter que cette procédure d'évaluation des répercussions se déroule toujours avant qu'un développement ait lieu. Lorsqu'un développement est en cours, il est difficile, sinon impossible, de remédier aux répercussions néfastes sur l'environnement et le milieu social qui seraient découvertes par la suite, et qui peuvent être coûteuses culturellement, économiquement et socialement.

Nous soumettons que le programme de francisation et les structures projetées pour le mettre en vigueur, tel l'Office de la langue française et la Commission de surveillance de la langue française, représentent un développement culturel d'une importance et d'une nature indéniables et dont les répercussions sociales sur nous et sur le territoire dépassent de loin celles d'un simple développement physique tel qu'un projet minier ou hydro-électrique. Il fait peu de doute que dans le cas de répercussions de grande portée sur le milieu social, le gouvernement soit, à tout le moins, moralement obligé d'évaluer les répercussions sur le milieu social des Inuit et sur leur culture. Plus particulièrement cependant, l'article 23.3.14 de la Convention crée un mécanisme par lequel un développement imprévu de la nature des entreprises du Québec relativement à son programme linguistique sera examiné pour déterminer si les répercussions possibles sur l'environnement et sur le milieu social devraient être évaluées avant qu'il ne débute.

L'article 23.3.14 se lit comme suit. "Tous les développements qui ne sont pas (automatiquement) soumis (à l'évaluation ou en sont exempts) sont examinés par la Commission de la qualité de l'environnement qui détermine si oui ou non ils sont soumis au processus d'évaluation et d'examen et a cet égard, la décision de la Commission de la qualité de l'environnement est finale, sous réserve des dispositions de l'alinéa 23.3.24 (nos parenthèses et soulignés).

En outre, l'insertion des mots "entreprise, structure" et "exploitation" parmi les activités définies comme "développement" à l'article 23.1.1 de la Convention donne à notre avis suffisamment de portée à cette procédure pour qu'elle s'applique aux projets de structures et de programmes linguistiques du Québec, surtout à la lumière des diverses répercussions sociales impliquées.

Même si la Convention n'est pas entièrement en vigueur, le Québec a adopté la loi nécessaire (loi 32) pour la ratifier et a une fois de plus reconnu, ce faisant, les principes qu'elle contient. En conséquence, les Inuit soutiennent que le Québec devrait établir un comité ad hoc composé de membres Inuit conformément au chapitre 23 de la Convention. Ce comité ad hoc devrait, après la préparation d'études adéquates, évaluer toutes les répercussions que l'introduction du projet de charte de la langue peut avoir sur les Inuit et leur mode de vie.

Comme il est très important que cette évaluation soit effectuée à temps, les Inuit soutiennent que l'adoption du projet de loi no 1 devrait être retardée jusqu'à ce que cette évaluation soit terminée.

En outre, on devrait amender le projet de loi no 1 pour y insérer une procédure de surveillance

des répercussions continues sur le milieu social afin de mesurer de façon adéquate les effets à long et à court terme du programme de francisation du Québec sur les Inuit et le territoire. 7.2 Différences entre des exemptions statutaires de l'application du projet de loi no 1 et la reconnaissance claire de droits linguistiques dans ce projet.

Il est important de noter les différences entre une simple exemption statutaire des dispositions du projet de loi no 1 et la reconnaissance non équivoque dans le projet de loi de garanties linguistiques expresses.

De simples exemptions ne peuvent que suggérer qu'une exception est faite aux dispositions générales du projet de loi no 1 pour le seul motif que les Inuit du territoire sont incapables d'opérer en français au moment présent. De telles exemptions pourront être considérées à l'avenir comme n'ayant que toléré une situation particulière durant une période temporaire. Elles négligent de reconnaître le droit à l'autodétermination que nous devons avoir et exercer relativement à notre langue et notre culture. En outre, si de telles exemptions sont formulées dans les annexes au projet de loi à titre d'exceptions à certaines administrations civiles, publiques ou quasi-publiques, elles négligent de résoudre adéquatement les conflits entre le projet de loi et les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ou de traiter tout court de cette question plus étendue des droits des Inuit en vertu de leur statut particulier en temps que premiers habitants.

Des dispositions substantives claires et non équivoques dans le projet de loi relativement à nos droits culturels et linguistiques, d'autre part, leur accorderaient à la fois reconnaissance et protection.

Le projet de loi no 1, dans sa forme actuelle créera un statut particulier et officiel pour le français au Québec, et par conséquent, en étant silencieux quant aux autres langues utilisées au Québec, diminuera leur statut de façon sensible, y compris le statut de notre propre langue.

Le gouvernement québécois a affirmé à plusieurs reprises son désir d'accorder une reconnaissance particulière aux Inuit en tant que premiers habitants de cette province et de respecter la Convention de la Baie James et du Nord québécois qu'il a signé avec eux. Si ce désir doit adopter une forme concrète, les droits linguistiques et culturels des Inuit du Québec arctique doivent être enchâssés dans le projet de loi no 1 de la même façon que la culture et la langue françaises. 7.3 Le projet de loi no 1 touche les Inuit même si les Inuit et le territoire sont exemptés de son application

Afin de permettre aux Inuit du Québec d'entrer de plein pied dans le courant de la vie québécoise, ils doivent être assurés de pouvoir participer aux institutions politiques, sociales et économiques du Québec.

Au point de vue politique, il est essentiel que les Inuit soient représentés à l'Assemblée Nationale pour réaliser les actes et les aspirations qui servent de fondement à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les politiques unilingues du projet de loi no 1 excluraient cependant un Inuk qui peut parler couramment l'inuttitut et l'anglais de participer activement à la vie politique du Québec en tant que représentant à l'Assemblée Nationale. Afin que l'un de nous dans le territoire soit capable d'être élu à l'Assemblée Nationale et de remplir son mandat à ce titre, la loi doit lui reconnaître de pouvoir s'adresser à la législature en anglais. Nous avons négocié avec le Québec dans le passé, et continuerons de le faire, des changements aux lois de la division territoriale afin de permettre aux Inuit au nord du 55 ième parallèle d'élire leur propre représentant.

En dépit de toute exemption des dispositions du projet de loi no 1 en faveur des Inuit et du territoire, l'expérience passée indique qu'il est inévitable qu'il y aura des répercussions importantes sur eux résultant de l'application de législations telles que le projet de loi no 1 dans le reste de la province. Par exemple, une exemption de l'application des dispositions du projet de loi no 1 pour les administrations civiles dans le Nord ne fait pas état des droits que nous aurons en tant qu'individus lorsque nous communiquerons de plus en plus fréquemment avec les administrations civiles au sud.

Conclusions

La nécessité en ce moment de garanties législatives pour les droits linguistiques et culturels des Inuit et pour l'évaluation des répercussions sur le milieu social des effets du projet de loi no 1 sur eux et le territoire qu'ils habitent est évidente.

Ainsi que nous l'avons mentionné, les Inuit constituent la majorité dans un territoire bien défini au nord du 55ième parallèle au Québec. Nous sommes les premiers habitants du Québec, l'ayant habité depuis au-delà de 4,000 ans. Ce seul fait, ainsi que le gouvernement québécois actuel l'a lui-même indiqué à plusieurs reprises, mérite une considération particulière prenant la forme d'un statut particulier pour les Inuit dans la province. En outre, en tant que premiers habitants, nous jouissons du droit à l'autodétermination relativement à nos questions locales et régionales dans le territoire, droit que les dispositions de la Convention de la Baie James et du Nord québécois reconnaissent à plusieurs endroits. La langue et la culture des Inuit seront toujours menacées, de plusieurs façons, par les cultures

et les langues anglaises et françaises. Cependant, l'adoption imminente du projet de loi no 1 et l'implantation des programmes et structures de francisation qu'il envisage constituent une violation de nos droits essentiels en matière de langue et culture. Si l'on considère que la langue et la culture françaises ont présentement besoin de protections législatives globales, la protection de la langue et de la culture des Inuit nécessite des mesures au moins également fortes. Ainsi que le présent mémoire l'indique, des exemptions pour les Inuit et le territoire des dispositions du projet de loi no 1 ne suffisent pas. Le projet de charte, malgré son titre de charte du français au Québec, constitue en fait une charte à l'égard de l'utilisation de toutes les langues au Québec et comme tel traite de nos droits linguistiques.

Recommandations 1. Des protections linguistiques et culturelles particulières sont nécessaires dans le projet de loi no 1 à l'égard des Inuit et du territoire qu'ils habitent.

On doit accorder une reconnaissance statutaire aux différences régionales évidentes dans le territoire au point de vue social, économique et politique, différences que la Convention de la Baie James et du Nord québécois avait reconnues. Des amendements appropriés devraient être apportés au projet de loi no 1, charte de la langue française au Québec, afin d'en faire une charte linguistique pour tous les habitants du Québec. Une telle conclusion s'ensuit naturellement si la langue et la culture des Inuit font en fait partie intégrante de l'héritage national du Québec ainsi que le gouvernement actuel l'a indiqué à plusieurs reprises. Le gouvernement québécois nous a toutefois suggéré qu'il serait plus approprié de reconnaître nos droits linguistiques et culturels et les protections nécessaires pour les assurer dans une législation distincte. Une seule loi sur le sujet pourrait sans difficulté contenir de tels droits et de telles protections. Nous soutenons toutefois que cette approche est inappropriée au moment où le Québec se propose d'adopter le projet de loi no 1 qui, malgré qu'on le décrive comme charte de la langue française, constitue en fait une charte linguistique pour tous les habitants du Québec. Nous prétendons donc que le projet de loi no 1 devrait être amendé non seulement pour y inclure les droits linguistiques et culturels des Inuit mais également pour décréter que de tels amendements prévaudraient sur les autres dispositions du projet de loi en autant qu'ils visent les Inuit et le territoire au nord du 55ième parallèle.

Conformément à notre droit à l'autodétermination dans les questions locales et régionales, le gouvernement québécois devrait déléguer à l'administration régionale les pouvoirs réglementaires appropriés relativement aux divers aspects linguistiques et culturels ayant trait aux Inuit et au territoire.

En outre, un institut culturel Inuit devrait être créé par législation, doté des fonds appropriés, ayant entre autres les fonctions et devoirs suivants: améliorer la qualité de la langue des Inuit et la développer; établir une bibliothèque mettant l'accent sur les intérêts linguistiques et culturels locaux et régionaux; préparer une histoire des Inuit du Québec jusqu'à ce jour; traduire les documents historiques et culturels importants qui ont trait aux Inuit et au territoire, tels la Convention de la Baie James et du Nord québécois; promouvoir l'étude de la langue, de l'histoire et de la culture des Inuit au moyen de programmes d'études dans les écoles locales et régionales; et, produire ou faire produire des films de nature locale ou régionale. 2.Les structures créées par le projet de loi no 1 pour administrer le programme de francisation devraient être adéquatement évaluées quant à leurs répercussions sociales sur les Inuit et le territoire.

A ces fins, l'adoption du projet de loi no 1 devrait être retardée. De plus, un amendement devrait être apporté au projet de loi no 1 pour prévoir la surveillance des répercussions sociales continues afin de mesurer de façon adéquate les effets à long et court terme du projet de loi sur les Inuit et le territoire. 3. Le Québec et les Inuit devraient formuler une politique autochtone pour les Inuit du Québec arctique.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois comprend plusieurs énoncés de politique de grande portée. Bien qu'elle soit une importante contribution à cet égard, la Convention ne contient toutefois pas de politique autochtone globale quant aux Inuit du Québec arctique. Afin de protéger et maintenir les droits et avantages que la Convention reconnait aux Inuit, une politique globale, élaborée en coopération par le gouvernement québécois et les Inuit, devrait être formulée aussitôt que possible.

Les Inuit du Québec ont confiance que la Commission parlementaire accordera une attention sérieuse et réfléchie aux commentaires exprimés dans le présent mémoire. Ils lui fourniront tous autres renseignements dont elle pourra avoir besoin pour remplir son mandat.

ANNEXE 1

REFERENCES AUX DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE LA BAIE JAMES ET DU NORD QUEBECOIS QUI EXIGENT QUE LES INUIT SOIENT CONSULTES_______ DISPOSITIONS OBJETDESCRIPTION

Article 6.1.2 Sélection des terres Les arpentages des terres de la catégorie 1 sont soumis aux corporations communautaires Inuit intéressées afin de connaître leur opinion avant d'être homologués.

Article 7.1..7 Régime des terres Aucuns droits aux minéraux ou autres droits tréfonciers ne peuvent être obtenus, extraits, exploités ou exercés quant à toutes les terres de la catégorie 1 sans le consentement de la corporation communautaire Inuit intéressée.

Article 7.1.10 Régime des terres Les corporations

(servitudes publiques) communautaires Inuit ont le droit de contester qu'une servitude publique particulière vise à fournir des services qui présentent un avantage direct pour les terres de la catégorie 1 ou pour la communauté Inuit.

Article 7.1.12 b) Régime des terres Toute exploration et

(exploration et activités minières sur activités minières) les terres de la catégorie 1 où sur les terres qui leur sont immédiatement adjacentes sont assujetties au régime de protection de l'environnement et du milieu social établi selon le chapitre 23 de la Convention.

Article 7.1.15 Régime des terres Toute exploration ou

(droits minéraux exploitation ultérieures futurs) de minéraux dans des terres de la catégorie 1 n'est autorisée qu'avec le consentement de la corporation communautaire Inuit intéressée.

Article 7.2.3 Régime des terres En vertu de la procédure de remplacement des terres de la catégorie II la corporation communautaire Inuit

intéressée a le choix entre un remplacement de terres ou une compensation monétaire.

Article 8.10.1 Dispositions techniques Le groupe d'étude conjoint Caniapiscau-Koksoak auquel les Inuit sont représentés fait des études afin de déterminer les répercussions causées par le détournement de la rivière Caniapiscau sur les poissons du réseau hydrographique des rivières Caniapiscau et Koksoak.

Article 8.10.3 Dispositions techniques La Société d'Energie de la Baie James fournit aux Inuit des détails et des relevés des déversements quotidiens.

Article 8.11.4 Dispositions techniques Les Inuits sont Article 8.11.5 représentés au comité d'experts sur l'environnement de la Société de l'Energie de la Baie James.

Article 15 Service de santé et Groupe de travail Annexe 1 services sociaux consultatif sur la santé

Sous-paragraphe (3) et les services sociaux impliquant deux représentants nommés par les Inuit.

Article 17.0.57 Education Les comités de parents sont des organes consultatifs jouissant de pouvoirs de recommandations.

Article 17.0.63 Education Création d'un centre de développement des programmes dont les fonctions sont de choisir des cours, des manuels et le matériel didactique convenant aux autochtones.

Articles 20.0.13 Administration de la Ces dispositions exigent 20.0.14 et 20.0.15 justice que l'administration régionale soit consultée avant que ne soient établis des programmes de formation et d'entraine-ment pour les Inuit à titre d'auxiliaires de la justice de même qu'au cas de nomination des candidats à ces postes.

Article 21.0.10 Police Tout règlement de la

Commission de Police du Québec définissant les normes d'embauche des membres Inuit du corps policier régional doit faire l'objet de consultations préalables avec 1'administrstion régionale.

Article 21.0.16 Police Des programmes de formation et de stage pour les Inuit institués par la Commission de Police du Québec le sont après consultation avec 1'administration régionale.

Article 21.0.19 Police Les noms des candidats aux postes de constables spéciaux sont soumis par 1'administration régionale au Ministère de la justice ou vice versa, pour appréciation et approbation.

Article 23.2.2 (c) Environnement Etablissement par le truchement de mécanismes de consultation ou de représentation d'un statut particulier pour les autochtones et pour les autres habitants de la région leur assurant une participation plus grande que celle normalement prévue pour le grand public afin de protéger les droits et garanties des autochtones conformément à la Convention et leur donner effet.

Article 23.2.4(i) Environnement La participation par les autochtones et les autres habitants de la région à l'application du régime relatif à l'environnement est un des principes directeurs dont les gouvernements et les organismes doivent tenir compte en vertu du chapitre 23.

Article 23.3.3 Environnement Les Inuit sont repré- sentés 5 la Commission de la qualité de l'environnement, organisme privilégié et officiel

chargé de participer à l'administration et à la surveillance du processus d'évaluation des répercussions sur l'environnement et le milieu social dans la région.

Articles 23.3.12 Environnement Les Inuit (et les autres et 23.3.13 parties) doivent consentir pour que soit mise à jour ou modifiée la liste des projets de développements qui sont automatiquement assujettis ou exemptés de la procédure d'évaluation des répercussions.

Article 23.3.27 Environnement Les personnes, groupes ou communautés intéressés peuvent soumettre des représentations écrites à la Commission de la qualité de l'environnement.

Article 23.5 Environnement Création du comité consultatif d'environnement, un organisme formé de membres nommés par 1'administration régionale, le Canada et le Québec. Le comité est un organisme consultatif auprès des gouvernements et traite de toutes les questions importantes impliquant l'implantation du régime relatif à 1'environnement.

Article 23.6 Environnement Le Conseil régional de article 23.6.9 développement Kativik est 1'interlocuteur privilégié de l'Office de Planification et de Développement au Québec (O.P.D.Q.) en matière de consultation de la population et d'avis à formuler sur le développement dans la région au nord du 55ième parallèle. Ce Conseil consulte la population et peut tenir des audiences publiques.

Article 24.4 Chasse, pêche et Le Comité conjoint - trappage chasse, pêche et trappage est un organisme expert constitué de représentants autochtones et de

représentants gouvernementaux créé pour étudier, administrer et dans certains cas surveiller et réglementer le régime de chasse, de pêche et de trappage. Ce comité agit à titre d'organe consultatif auprès des gouvernements et, à ce titre, est l'interlocuteur privilégié et exclusif pour les parties autochtones et les gouvernements quant au règlements S formuler et supervise 1'administration du régime Je chasse, de pêche et de trappage.

Article 29.0.27 Développement Un comité mixe provisoire économique et coordonne les activités social des agences fédérales et provinciales qui offrent présentement des programmes de placement et de formation aux Inuit.

Articles 2.15 Dispositions Tous ces dispositions de principales la Convention prévoient 3.7 Admissibilité que les chapitres visés 6.6 Sélection des terres ne peuvent être amendés 7.5 Régime des terres qu'avec la consentement, b.19 Dispositions techniques entre autres, de ia 12.0.3 Administration locale partie autochtone 13.0.3 Administration régionale intéressée. 15.0.17 Service de santé et services sociaux 17.0.88 Education 20.0.27 Administration de la justice 21.0.20 Police 23.7.10 Environnement et développement futur 24.15.1 Chasse, pêche et trappage

27.0.10 Entités légales

(Inuit) 29.0.44 Développement économique et social.

ANNEXE II

DISPOSITIONS PRINCIPALES DE LA CONVENTION DE LA BAIE JAMES ET DU NORD QUEBECOIS PREVOYANT LA PARTICIPATION DES INUIT AUX DIVERSES STRUCTURES OU ELLE PREVOIT

DISPOSITIONS DESCRIPTION

Article 3.3.1 Comité local d'inscription

Article 3.3.3 Commission d'inscription

Article 3.5.5(g) Agent local d'inscription

Article 7.1.2 Quinze (15) corporations communautaires

Inuit

Article 8.10.1 Groupe d'étude conjoint Caniapiscau-

Koksoak

Article 8.11 Comité d'experts de l'environnement de la Société d'Energie de la Baie James

Article 12.0.1 Création de treize (13) municipalités

Article 13.0.1 Création de l'administration régionale

Chapitre 13, annexe 2 Comité administratif de l'administration Article 43 régionale

Articles 15.0.3 et Conseil des services de santé et 15.0.4 services sociaux

Article 15.0.9 Création de deux (2) établissements des services de santé et services sociaux (un pour le secteur de 1'Hudson, un pour le secteur de l'Ungava).

Articles 15.0.16 et Comités administratifs pour chacun des 15.0.17 établissements précités.

Chapitre 15, Annexe _ (3) Groupe de travail devant faite des recommandations en matière de services de santé et services sociaux.

Article 17.0.1 Commission Scolaire Kativik

Article 17.0.10 Comité administratif de la Commission

Scolaire de Kativik.

Article 17.0.57 Comité de parents dans chaque municipa- lité.

Chapitre 17, annexe 1 Comité tripartite en matière d'éducation Article 20.0.5 Tribunal itinérant

Article 21.0.1 et Corps policier régional

Article 21.0.3

Article 23.3.1 et Commission de la qualité de

Article 23.7.1 l'environnement

Article 23.4.2 Comité de sélection du Comité fédéral d'examen

Article 23.4.11 et Comité fédéral d'examen des réper-

Article 23.4.12 cussions sur l'environnement et le milieu social

Article 23.5.1 et Comité consultatif de l'environnement

Article 23.7.4 et Article 23.15.9

Article 23.6.1 et Conseil régional de développement

Article 23.6.11 Kativik

Article 24.4.1 Comité conjoint - chasse, pêche et trappage

Article 24.3.24 Association de trappeurs

Article 24.10.2 et Agents de conservation

Article 24.10.3

Article 27.0.2 et Corporation de développement Inuit

Article 27.0.8

Article 29.0.4 L'administration des programmes écono- miques et sociaux, tant fédéraux que provinciaux, est confiée à l'administration régionale, les municipalités et les parties autochtones

Article 29.0.5 Programme de support pour les activités

Article 29.0.8 de chasse, de pêche et de trappage

Article 29.0.10(b)

Article 29.0.19 Le Comité conjoint provisoire coordonne

Article 29.0.33 les programmes de développement socio- économiques

Article 29.0.23 Programme de recherche conjoint en vue de déterminer le matériel communautaire disponible et nécessaire au programme d'aide relatif aux activités de chasse, de pêche et de trappage

Article 29.0.24 et Programmes de formation professionnelle

Article 29.0.25 et services de placement de la main- d'oeuvre dans le territoire

Document(s) associé(s) à la séance