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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission parlementaire de l'éducation et de la
main-d'oeuvre entreprend aujourd'hui... À l'ordre, s'il vous
plaîtl Je vais me choquer. Merci beaucoup. La commission parlementaire de
l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprend aujourd'hui l'étude
des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de
la Science et de la Technologie.
Comme le veut la tradition, je vais d'abord céder la parole au
ministre pour une présentation de ses crédits et, par la suite,
je donnerai la parole au vice-président de la commission et critique de
l'Opposition officielle, le député d'Argenteuil, pour
également une présentation préliminaire, après quoi
nous entreprendrons l'échange, en particulier, sur les deux secteurs qui
sont les plus concernés par les crédits de ce ministère,
c'est-à-dire l'enseignement universitaire et l'enseignement
collégial. M. le ministre.
Remarques générales M. Yves
Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. M. le
Président, je pense que les crédits du ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie sont
marqués au coin cette année d'un objectif prioritaire, celui du
développement de l'excellence. J'aimerais parler ici des enjeux et des
défis que représente un tel objectif.
Nous parlons d'excellence parce que c'est bien le mandat qui est imparti
au nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science
et de la Technologie. Je ne cherchais pas ici, d'ailleurs, à
séparer les interventions de ce ministère suivant qu'elles
s'adressent à l'enseignement supérieur ou encore à ce
qu'était l'ancien ministère de la Science et de la Technologie,
dans la mesure où je pense que nous devons viser à rendre ces
interventions complémentaires et à les intégrer. En
conséquence, il m'apparaît plus approprié de les traiter
globalement, comme je l'ai fait lorsque nous avons discuté des
crédits de la science et de la technologie proprement dits.
Pour le Québec, les années quatre-vingt vont constituer
une période de véritable remise en question avec, cependant,
toute l'insécurité que cela engendre. La crise économique
dont nous sortons à peine et l'accélération des
changements technologiques que nous devrons apprendre à maîtriser
nous forcent à réexaminer nos priorités et nos modes
d'action. Deux préoccupations majeures animent notre
société face à la mutation technologique, comme d'ailleurs
en faisaient foi les interventions lors d'un récent sommet sur
l'électronique et l'informatique.
D'une part, il faut bien prendre conscience que le rythme des
transformations économiques s'accélère et que ce rythme
nous échappe à bien des égards. Dans ce contexte, nos
tentatives pour nous glisser au sein du peloton de tête des pays
novateurs se heurtent à des obstacles sérieux. Nous ne devons pas
y voir un signe d'impuissance nationale, au contraire. Même les
géants de la Silicone Valley américaine en perdent leur japonais,
s'il faut prêter foi au numéro du 11 mars 1985 de la revue
américaine "Business Week" qui faisait état de malaises profonds
chez les leaders américains dans le domaine des nouvelles
technologies.
En fait, dans cette course dont nous ne contrôlons pas le tempo,
même nos entreprises les plus novatrices peuvent donc craindre de ne pas
pouvoir négocier les virages. Les unes après les autres, elles se
voient confrontées à la nécessité de
développer de nouveaux marchés et d'obtenir l'accès
à des technologies toujours plus récentes et
raffinées.
Pour eux, la question qui se pose est simple et brutale: Pourront-ils
survivre? Pour nous, en tant que société, les questions
pourraient être posées ainsi: Risquons-nous de nous retrouver
parmi les sous-développés de l'univers de demain? Quelles
conditions devons-nous créer pour favoriser l'innovation et
l"'entrepreneurship" qui permettront d'éviter un tel sort?
D'autre part, pour l'ensemble des citoyens, les mots même
d'"innovation technologique" et d"'entrepreneurship" engendrent un malaise et
des craintes mal dissimulées. Pour certains, il peut même sembler
qu'il s'agit là d'un sombre complot qui consolidera une relation de
dominant-dominé entre ceux qui disposent du savoir et ceux qui ne l'ont
pas. Pour les adultes qui voient leur domaine d'expertise bouleversé
et, tout particulièrement, pour les femmes qui tentent de
réintégrer le marché du travail, il y a la crainte de se
retrouver laissés pour compte faute de connaissances et de
qualifications requises pour participer pleinement aux nouvelles façons
de faire.
Devant de tels risques, devons-nous conclure qu'il faille se tenir
à l'écart et laisser passer la tornade technologique, en
espérant qu'une lente adaptation nous permettra d'en récolter
quelques retombées tout en évitant les erreurs
qu'entraîneraient une trop grande précipitation? Hélas! une
telle solution comporte un risque tout aussi grand et qui pourrait se
révéler encore plus coûteux socialement si cela devait
entraîner une impuissance à tenir notre place dans un monde
concurrentiel où nous devons écouler à l'étranger
40 % de notre produit intérieur brut.
En fait, nous n'avons pas le choix, nous devons relever le défi.
Il ne s'agit pas d'une mince tâche et nous devons être conscients
des multiples obstacles qui se présentent à nous.
Ainsi, nous devons accroître notre effort de recherche, tout en
étant conscients que nous ne pouvons pas être assurés que
les résultats de cette recherche seront couronnés de
succès. De plus, la nature de notre structure industrielle, tantôt
dirigée vers l'extérieur, tantôt axée sur
l'exploitation de ressources naturelles n'exigeant pas un effort
considérable de recherche, est une industrie qui est souvent en
concurrence avec des ressources similaires sur le marché mondial. Cette
industrie risque d'être en perte de vitesse si nous l'envisageons comme
unique fer de lance de notre économie.
L'innovation et le risque s'imposent donc. Plus que jamais notre
succès en tant que société exige de chacun la pleine
expression de tout son potentiel de créativité. Cela suppose un
contexte social qui puise son dynamisme à même une ambiance
culturelle qui encourage la curiosité intellectuelle, la rigueur
scientifique, l'indépendance d'esprit et l'esprit d'"entrepreneurship".
Mais cela ne saurait suffire en soi. Encore faut-il pouvoir canaliser nos
ressources de manière à réaliser l'approfondissement des
connaissances, à développer des créneaux d'expertise et
à favoriser la diffusion du savoir au profit de notre
développement socio-économique.
Pour ce faire, nous avons un autre défi à relever. En
effet, demeurent omniprésentes les pressions pour diluer les
énergies, morceler les ressources au nom d'une justice distributive
où tous sont censés trouver leur compte sans qu'aucun puisse
donner sa pleine mesure. Trop souvent, le concept de la démocratie
s'avère synonyme d'une uniformité rébarbative au concept
même de l'excellence. Le défi est d'autant plus formidable que la
restriction des ressources ne peut que rendre plus difficiles les choix
qu'impose une répartition plus sélective.
Pourtant, comme nous le rappelait récemment le numéro de
l'été 1984 du "Journal" de l'"American Planning
Association", seuls de vigoureux pôles d'excellence
académique peuvent servir d'ancrage au développement d'une
économie axée sur les hautes technologies. Des entreprises
conscientes de la richesse intellectuelle du milieu académique, des
institutions d'enseignement ouvertes à leur milieu, des
mécanismes d'interactions entre les intervenants, le tout
complété par des mécanismes simples de financement du
capital de risque, semblent constituer les principaux moyens que
privilégient la plupart des États américains dans leur
course à l'innovation. Nous devons tenir compte de leur
expérience en l'adaptant à notre réalité et prendre
en considération, en même temps, le retard que connaît le
Québec dans cette course à la concurrence.
Quels sont donc les enjeux? Examinons comment, à travers ses
crédits budgétaires, le nouveau ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie entend y
répondre. Le développement d'un milieu ambiant qui favorise
l'absorption et la diffusion de valeurs culturelles et la vulgarisation des
connaissances essentielles en cette fin du XXe siècle est une mission
que se partagent plusieurs ministères. En effet, la culture n'est pas le
fait de la poursuite d'un seul domaine de connaissance au détriment de
tous les autres. C'est donc en collaboration avec les interventions des autres
ministères sectoriels, particulièrement du ministère des
Affaires culturelles ainsi que du ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, qu'il faut situer les actions du ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie dans le
domaine de la culture y compris les secteurs scientifique et technique.
L'appropriation collective de la réalité scientifique
prend bien des formes. Nous nous impliquons donc dans tout un réseau
d'activités de vulgarisation scientifique. C'est ainsi que mon
ministère continue d'assurer la tenue d'un concours de journalisme
scientifique pour encourager les vulgarisateurs de la science, qu'il organise
des prix du Québec en sciences pour reconnaître les mérites
des hommes et des femmes de science et qu'il met en oeuvre un programme de
soutien aux projets innovateurs des organismes sans but lucratif voués
à la diffusion de la science et de la technologie,
particulièrement dans le monde du loisir scientifique où l'on
retrouve au Québec plus de 60 000 membres actifs. Il y a lieu
également de soutenir les activités d'information scientifique et
technique émanant des milieux de recherche eux-
mêmes, comme nous le faisons pour la revue Interface, de l'ACFAS.
Une très large interaction entre les milieux de la recherche, du
développement technologique et la population nous apparaît
nécessaire à la promotion d'une culture de l'innovation.
L'implantation de la Maison des sciences et des techniques constituera un
élément important de notre politique de promotion et de diffusion
de la culture scientifique.
C'est dans ce contexte d'un milieu ambiant ouvert à l'acquisition
de tout ce que l'esprit humain a su développer de meilleur que nous
pouvons situer le corps de l'action du ministère, la consolidation d'un
réseau pour l'enseignement supérieur où domine cette
volonté d'excellence. Peut-on d'ailleurs opposer excellence et
accessibilité? En fait, l'accessibilité aux études
supérieures a constitué un choix pour notre
société, choix que nous continuons d'assumer. Cet objectif a
d'ailleurs été atteint avec succès, puisque nous avons
maintenant des taux d'accès de 54 % au niveau collégial et de 25
% à l'université. Devant un tel succès, le temps approche
sans doute où il faudra s'interroger quant à l'objectif ultime de
l'accessibilité et sa modulation en fonction de nos besoins
socio-économiques.
L'importance accordée à l'accessibilité est
évidente si nous rappelons quelques-uns des choix posés pour
1985-1986: un financement incitant le recrutement de clientèle
additionnelle où nous injecterons 36 700 000 $, un gel des frais de
scolarité annoncé en février 1985 avec l'octroi aux
universités d'un montant additionnel de 3 000 000 $ pour compenser les
effets de cette politique sur leur budget.
Rappelons, par ailleurs, notre programme d'aide financière le
plus généreux au Canada qui touche environ 50 % des
étudiants et qui coûtera plus de 275 000 000 $ en 1985-1986. Il a
vu son enveloppe croître de près de 340 % depuis 1976 pour une
inflation d'environ 208 % pour la même période. Cela indique
à quel point le gouvernement a véritablement voulu mettre
l'accent sur l'accessibilité. Soulignons aussi que l'autonomie quasi
complète des universités dans l'aménagement de leurs
ressources et des services offerts constitue un autre élément
dans ce choix de l'accessibilité puisqu'elle permet à ces
dernières de chercher à répondre à peu près
à n'importe quel besoin dans à peu près n'importe quelle
circonstance.
Cet acquis en main, nous devons attaquer un défi moins facilement
quantifiable, mais non moins essentiel, celui de la qualité du
système. Au niveau collégial, cela suppose la mise à jour
et l'implantation de nouveaux programmes afin de maintenir l'adéquation
de la formation aux besoins des étudiants et du marché de
l'emploi. L'effort entrepris en 1984-1985 se poursuivra en 1985-1986 et nous
consacrerons 4 500 000 $ à cette fin.
En 1985-1986, 8 600 000 $ seront investis pour l'achat
d'équipements en mécanique, en technologie minérale, en
communication graphique et en travaux publics et bâtiments. Ces mesures
favoriseront 17 collèges et 4000 étudiants des secteurs de
pointe. Ils viennent s'ajouter aux 8 000 000 $ consacrés en 1984-1985
à l'achat d'équipements électrotechniques et en
fabrication mécanique.
La qualité des instruments et des équipements de formation
n'a de valeur, cependant, qu'à condition que soient consentis
d'importants efforts pour la mise à jour de la formation des
enseignants.
À cet effet, les collèges reçoivent 1 340 000 $
pour le perfectionnement des professeurs. À cela, il faut ajouter 500
000 $ pour des stages en entreprises. S'y ajoute par ailleurs le recyclage de
plusieurs dizaines d'enseignants en disponibilité formés aux
disciplines pour lesquelles existent des besoins identifiés de
recrutement. À signaler dans ce domaine l'importance de la collaboration
avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu afin d'accorder la priorité au recyclage du personnel en
poste.
Toutes ces mesures doivent être soumises à une
démarche évaluative rigoureuse. Le ministère maintient un
programme de subvention à cet effet. En 1985-1986, dans la foulée
du document ministériel, l'évaluation dans le système
éducatif et les avis du Conseil des collèges, le ministère
entend développer et mettre en oeuvre avec ses partenaires une seconde
phase d'évaluation systémique.
Parlons maintenant du niveau universitaire. Lors de la commission
parlementaire sur le financement des universités en octobre 1984, nous
avions pu établir que, à la suite des compressions
imposées au réseau universitaire, le coût par
étudiant qui était en 1980-1981 supérieur de 12 % à
celui de l'Ontario était alors inférieur peut-être de 5 %
et que nous avions atteint un seuil qu'il était difficile de
dépasser sans compromettre la qualité de l'enseignement dans le
réseau universitaire. C'est pour cette raison que nous décidions
d'injecter 36 700 000 $ additionnels pour les clientèles de 1984-1985
afin de combler l'essentiel de la différence entre le coût
unitaire par étudiant au Québec et en Ontario. L'injection de ce
montant devrait permettre, entre autres, l'engagement de professeurs
additionnels, l'amélioration des infrastructures de fonctionnement des
universités.
Une décision plus importante encore nous a amenés à
choisir le financement au coût réel des clientèles afin de
favoriser les études de deuxième et troisième cycles.
En
effet, les règles budgétaires existantes agissaient, en
quelque sorte, comme un "désincitatif" au développement de ces
études plus coûteuses que les programmes, tels les certificats de
premier cycle, et pouvaient agir comme barrière à l'excellence et
au développement des études avancées.
Il faut également assurer le financement de l'infrastructure de
base en mettant un terme à l'effort de réduction des coûts,
dans la mesure où nous étions à même d'affirmer que
les sommes additionnelles injectées dans le réseau
éducatif québécois ne se traduisaient pas
nécessairement en amélioration de la qualité
générale, en amélioration de l'accessibilité
générale et qu'en conséquence il n'y avait pas de
justification à injecter plus de ressources que nos voisins pour obtenir
un résultat somme toute similaire. Toutefois, dans la mesure où
notre niveau de financement devenait comparable, il était normal que
nous ne voulions plus imposer d'efforts additionnels au réseau
universitaire. Pour ce faire, aucune compression budgétaire ne sera
imposée au réseau universitaire en 1985-1986. La compression de
18 500 000 $ initialement prévue au plan triennal a donc
été annulée. De plus, une enveloppe de subventions
comprend les sommes nécessaires à la pleine indexation de toutes
les dépenses, ce qui équivaut à la supression d'une
compression additionnelle de 7 500 000 $ qui aurait dû s'appliquer au
réseau universitaire comme à l'ensemble des dépenses
assumées par le gouvernement.
Nous devons poursuivre également le financement des
équipements universitaires de manière à améliorer
la situation générale de l'enseignement, particulièrement
au premier cycle. Une somme de 13 000 000 $ serait affectée à
l'acquisition et au remplacement d'appareillage dont 5 000 000 $ pour le
financement des équipements scientifiques reliés au virage
technologique; une somme de 4 200 000 $ pour l'achat de micro-ordinateurs pour
des fins d'enseignement; 3 800 000 $ pour l'augmentation des équipements
nécessaires à l'accueil de clientèles additionnelles. Une
somme de 13 000 000 $ sera affectée à l'acquisition et au
remplacement de l'appareillage.
Contrairement à la société américaine qui a
choisi de répartir inégalement les ressources entre ses
universités et où l'effort de recherche se retrouve
concentré dans 11 % de ses universités, le Québec a
plutôt choisi la voie d'un accès démocratique à un
système dont la qualité visée demeure uniforme. Comment,
en ce cas, relever la concurrence que nous feront les institutions
étrangères qui, elles, concentrent leurs ressources de
manière à percer? Ce défi prendra d'autant plus
d'importance que l'activité devient plus difficile à normaliser
et fait appel au dépassement individuel, seul véritable moteur de
l'excellence.
En fait, cette option de la qualité exceptionnelle peut
être conciliée à la condition expresse, cependant, que l'on
vise l'émergence de créneaux d'excellence bien identifiés
au sein de nos institutions. Pour atteindre ce but, nous devrons
procéder à des concentrations de nos ressources humaines et
matérielles, là où se trouvent nos points forts - et
j'insiste ici - tout en favorisant une répartition propice au
développement des différentes régions du Québec et
à l'équilibre entre les éléments que constitue une
société complexe. (10 h 30)
Par exemple, il est tout à fait souhaitable que
l'émergence des créneaux tienne compte des vocations
économiques particulières de nos régions. Cela facilitera
l'interaction naturelle entre les équipes de recherche universitaires et
les entreprises directement intéressées par les retombées
possibles de leur travail.
Cette deuxième option est également valable, mais à
la condition expresse de viser l'émergence de créneaux
d'excellence bien identifiés. Pour ce faire, nous devons procéder
à des concentrations de nos ressources humaines, là où se
retrouvent nos points forts.
L'émergence et de le développement de ces créneaux
d'excellence impliquent nécessairement que le financement de la
recherche doive favoriser les équipes les plus performantes. Dans ce
but, le gouvernement du Québec promulguait, à la fin de 1984, la
création du fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la
recherche en vertu de la Loi favorisant le développement scientifique et
technologique du Québec. Par la même occasion, il nommait les
membres du conseil d'administration du fonds.
Ce dernier, dont la mission est de promouvoir et d'aider
financièrement à la recherche, en particulier, mais non
exclusivement universitaire, dispose d'un budget de près de 30 000 000
$. Dès sa création, j'ai invité les responsables du fonds
à préparer un premier plan triennal de ses activités dans
une perspective de promotion de l'excellence en matière de recherche, de
manière à inciter les équipes de recherche et les
chercheurs du Québec à atteindre des standards de performance de
très haut niveau.
Contrairement à certaines habitudes passées, il faudra
désormais se garder de la tentation du morcellement qui découle
presque toujours de notre répugnance à effectuer des choix. La
recherche de l'excellence implique aussi que les universités poursuivent
les travaux entrepris depuis quelques années en regard de la
rationalisation des programmes d'enseignement menés en concertation
avec
le Conseil des universités dans le cadre des évaluations
sectorielles. Au cours de cette opération, les universités ne
devraient pas hésiter à fermer les programmes qui constituent des
dédoublements inutiles.
La collaboration interuniversitaire constitue une autre formule à
privilégier pour favoriser la constitution de pôles d'excellence.
À titre d'exemple, je voudrais mentionner le Centre de recherche
informatique de Montréal issu d'une collaboration interuniversitaire
fort opportune en matière de recherche. Cinq établissements:
l'Université Concordia, l'Université de Montréal,
l'Université McGill, l'École polytechnique et l'Université
du Québec à Montréal, se sont regroupés pour
effectuer des recherches en commun dans le domaine de l'informatique. Le
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie a accordé une subvention de démarrage de 500 000 $
pour deux ans à ce centre.
Également, le ministère a retenu ce centre dans le cadre
du programme particulier de subventions que le gouvernement
fédéral avait mis à l'intention d'équipes de
recherche au Canada. D'ailleurs, l'une de ces subventions a porté, dans
le cadre des actions structurantes, sur l'équipe en
télématique et l'autre sur l'équipe oeuvrant dans le
domaine de circuits fiables à très haute échelle dans le
domaine de la micro-électronique.
À l'ensemble de ces mesures s'ajoute le programme d'action
structurante pour le soutien de l'équipe de recherche liée au
virage technologique. Le 4 avril dernier, j'ai eu le plaisir de
présenter à la presse les responsables des douze premières
équipes retenues dans le cadre de ce programme pour la première
année d'activité. D'ici le mois d'octobre prochain, environ
quinze nouvelles équipes viendront s'ajouter aux douze premières.
Ce programme vise en particulier à consolider les éléments
de recherche existants et à favoriser l'encadrement de secteurs de
recherche en émergence, en soutenant les groupes de recherche
suffisamment larges et structurés dans les secteurs liés au
virage technologique biotechnologie, informatique, électronique,
énergie, transport, mines, agro-alimentaire, pâtes et papiers,
etc.
Ce programme permettra la création d'une quarantaine
d'équipes sur une période de trois ans. En 1985-1986, 7 200 000 $
seront consacrés aux dépenses de personnel et Z 000 000 $ aux
équipements scientifiques. Cet effort additionnel pour favoriser le
développement de la recherche dans les secteurs prioritaires se justifie
si nous considérons la pénurie actuelle de doctorat
québécois dans le domaine des sciences, du génie et des
mathématiques. En effet, si nous voulons accroître notre taux
actuel de 1,94 diplômé au doctorat en sciences à 4,18
diplômés par 100 000 habitants, soit le niveau de notre voisin
ontarien, nous devrons obtenir 145 diplômés de plus annuellement
au niveau doctoral. Considérant que la durée moyenne des
études est de 4 ans, et non pas ce que nous observons, 7,7 années
à l'heure actuelle dans notre réseau, cela implique des
inscriptions additionnelles de 600 étudiants. C'est justement ce que
prévoit injecter le programme d'action structurante pour le
développement de la recherche universitaire. L'objectif devrait
être atteint d'ici deux ans.
L'importance de l'effort de recherche dans le domaine universitaire
consenti par le Québec, maintenant. En fait, si l'on se fie aux
données que nous fournissait le ministre fédéral de la
Science et de la Technologie il y a quelques mois, lors d'une conférence
des ministres de la Science à Calgary, on en tire la conclusion que le
Québec consacre 0,28 % de son produit intérieur brut à la
recherche universitaire. Sur la base des données
fédérales, le Canada se situe à 0,23 %. Il faut donc dire
que, dans la mesure où le Québec entraîne le Canada vers le
haut, la moyenne en général dans les autres provinces est
même bien en deçà de 0,23 %.
Si on devait comparer d'ailleurs ce chiffre à l'effort que l'on
observe au sein des quatre plus grandes puissances du monde occidental: Japon,
États-Unis, France et Allemagne, l'effort consenti par ces pays à
la recherche universitaire est de 0,34 % du produit intérieur brut. Nous
ne sommes donc pas loin.
De plus, si nous prenons en compte l'effort additionnel que nous
consacrons, à l'heure actuelle, dans le cadre, par exemple, de
l'implantation de 40 équipes de recherche en milieu universitaire, dans
l'implantation de 6 centres de recherche conjoints dont je parlerai plus tard,
normalement, notre effort consacré à la recherche universitaire
devrait atteindre environ 0,32 % du produit intérieur brut, ce qui nous
situerait très près de l'effort observé ailleurs dans le
monde et bien en avance sur l'effort généralement consacré
au Canada.
Mais la société ne peut accepter de consacrer un effort
aussi grand au développement de l'excellence de la recherche
scientifique au sein de nos universités sans en même temps
manifester des exigences additionnelles face au réseau universitaire. En
effet, nos universités pouvaient autrefois se cantonner à un
double rôle traditionnnel, soit celui du développement des
connaissances assorti au rôle de diffusion des connaissances
auprès des générations montantes. Aujourd'hui, il est
clair que le bassin d'expertises concentré au sein de nos
universités doit rayonner plus directement dans son milieu. En fait, le
savoir auquel nos universités ont accès et
qu'elles génèrent doit pouvoir être mis plus
rapidement, plus efficacement et plus constamment a la disposition de la
société en général. Ce rayonnement, par exemple,
doit viser, au départ, un objectif de formation permanente. En effet, la
mutation très rapide de notre structure industrielle entraîne
nécessairement que beaucoup de nos concitoyens doivent, de façon
continue, rajuster leur niveau de connaissance.
Le réseau collégial et universitaire doit permettre un tel
apprentissage continu et ouvert. La demande à cet égard,
d'ailleurs, est en croissance. En 1984-1985, l'inscription des adultes au
niveau collégial a crû de 3 % par rapport à l'année
précédente, portant le nombre de ses adultes inscrits à 16
500. Il faut ajouter que c'est peut-être une des raisons principales pour
lesquelles le gouvernement n'a pas voulu s'engager dans le concept d'un office
de l'éducation des adultes. Il faut souligner que la contribution
financière du gouvernement québécois à
l'égard de l'éducation des adultes atteint tout près de
550 000 000 $ à l'intérieur des commissions scolaires, des
cégeps et des universités. Par conséquent, il faut
reconnaître que nos institutions traditionnelles doivent assumer la part
la plus importante de la formation des adultes, de cette formation permanente
que nous voulons voir instaurer ici au Québec.
À la suite de la rencontre nationale de concertation sur
l'éducation des adultes en 1984, le ministère poursuivra donc, en
1985-1986, les travaux engagés dans les domaines suivants: la
reconnaissance des acquis, la formation à distance, l'accueil, la
référence et la formation professionnelle.
Ce rayonnement de nos institutions au sein de la société
doit non seulement viser le réajustement constant de la formation de
ceux qui oeuvrent au sein de notre société, mais également
viser à assurer un transfert continu des connaissances.
L'apport du réseau collégial à ce niveau doit
être signalé. Notre réseau est constitué de 46
établissements comptant plus de 10 000 enseignants. Il détient
des expertises particulières, tant en matière de sciences
humaines que de la science et de la technologie. Il est également
très largement disséminé dans tout le territoire. Il a
donc une mission à remplir face à son milieu.
Dans ce contexte, la mise sur pied de centres spécialisés
dans un certain nombre de secteurs d'importance économique pour le
Québec, en association avec le secteur de l'enseignement professionnel
en particulier, peut constituer un important levier de développement de
nos institutions collégiales. En fait, la gestion, l'organisation de ces
centres spécialisés repose sur des comités spéciaux
où l'on retrouve des représentants du milieu, en
général, de l'industrie et des représentants du
collège.
Partant de la mission première de formation du collège, le
collège peut s'engager dans des activités additionnelles de
recherche directement appliquées à des problèmes bien
concrets des entreprises environnantes. En fait, l'implantation de ces centres
spécialisés se poursuit depuis 1983-1984. Nous avions
annoncé six centres en pêcherie, systèmes ordinés,
technologie physique, meubles, bois ouvré, textile, mode et
vêtement. En 1984-1985, trois centres s'y ajoutent: robotique, production
automatisée et technologie minière. Cette année, on
injectera trois nouveaux centres, soit: métallurgie à
Trois-Rivières, foresterie au cégep de Sainte-Foy et bureautique
au cégep de Bois-de-Boulogne.
Mentionnons aussi le rôle que peuvent jouer les centres du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie.
La vocation de ces nouveaux dispositifs de transfert de connaissances
est de favoriser la recherche et le développement dans des secteurs dits
prioritaires, en faisant appel à la concertation, aux capacités
de recherche et aux ressources des interventants pertinents des milieux
industriels, collégiaux et universitaires.
Le premier de ces centres, le Centre québécois
d'informatisation de la production, a pour mission de diffuser les nouvelles
techniques de la conception et de la fabrication assistées par
ordinateur au sein des entreprises québécoises. Son conseil
d'administration doit d'ailleurs soumettre sa programmation triennale au cours
des prochaines semaines. Le centre serait fonctionnel vers juin prochain.
Quant au Centre de recherche sur les applications pédagogiques de
l'ordinateur et au Centre de recherche sur la valorisation de la biomasse,
leurs lettres patentes seront émises d'ici quelques semaines, permettant
ainsi leur lancement avant l'été.
Pour ce qui est du Centre de recherche sur les technologies de
l'électrochimie, Hydro-Québec a pris la décision d'en
prendre charge avec le support de notre ministère,
précédent intéressant d'ailleurs. Des discussions sont
présentement en cours pour loger dans ce centre des équipes de
recherche du Centre national de recherche du Canada, équipes dont les
travaux seront complémentaires à ceux du centre.
Enfin, à la suite de consensus généré il y a
une quinzaine de jours, lors de la tenue de la conférence sur
l'électronique et l'informatique, il est maintenant arrêté
qu'un Centre de recherche sur les technologies informatiques verra
bientôt le jour à Montréal, avec la participation
financière des entreprises intéressées. De même, il
a été convenu que le projet d'un Centre de recherche sur la
bureautique, axé sur l'expérimentation par projet pilote, serait
mis
sur pied à Québec.
Je crois qu'il importe de mentionner par ailleurs que des
négociations, qu'il y a tout lieu d'espérer fructueuses, ont
été engagées avec mon collègue
fédéral, le ministre d'État à la Science et
à la Technologie, pour que le Centre fédéral de recherche
en optique, dont l'implantation est également prévue dans la
région de Québec, fasse l'objet d'une direction mixte conjointe
des représentants des entreprises siégeant à son conseil
d'administration, de manière a ouvrir ce centre à la
communauté plutôt que d'en faire un centre strictement
gouvernemental.
Tout effort de rapprochement des intervenants ne peut s'envisager si
nous ne multiplions pas les occasions d'échanges et si nous ne
réussissons pas à insérer au sein des entreprises, par
exemple, des hommes et des femmes qui ont à coeur de favoriser de tels
échanges.
Dans le cadre des mesures du plan d'action gouvernemental AGIR que nous
rendrons publiques en novembre, trois programmes visant à provoquer ce
rapprochement entre les entreprises et nos institutions ont été
mis en place. Je vous souligne le programme de soutien à l'emploi
scientifique qui s'adresse aux entreprises de moins de 500 employés. Il
vise à doubler en quatre ans le personnel scientifique de ces
entreprises et, pour ce faire, il doit créer chaque année au
moins 400 postes de scientifiques, d'ingénieurs et de techniciens. Il
s'agit d'insérer au sein de l'entreprise des jeunes dotés d'une
formation orientée vers le changement et l'innovation et ainsi
d'entraîner notre industrie dans la voie de la modernisation et l'amener
à s'intéresser à ce qui se passe au sein de nos
institutions.
Le second programme vise le prêt de professeurs de cégep et
d'université aux entreprises pour des périodes allant de trois
mois à un an. En 1984-1985, environ 50 demandes ont été
reçues et 44 acceptées. L'objectif visé en 1985-1986 est
de porter ce total à l'équivalent de 50
personnes-années.
Notons aussi le programme de soutien au renforcement des liaisons
université-industrie et de la recherche dite de transfert. Les
subventions pour ce programme sont accordées par concours. Ce programme
s'adresse aux unités de recherche universitaire. Cinq projets auront
été retenus en 1984-1985 et le programme se poursuivra cette
année. Nous voulons faire bénéficier cette fois cinq
nouvelles équipes du programme, de manière à porter
à dix le nombre d'équipes de recherche universitaire.
Afin également d'assurer un contact plus précoce avec les
réalités de la vie économique et de la vie de
l'entreprise, les étudiants du Québec, l'année
dernière, pour la troisième année d'affilée, ont pu
profiter d'un programme visant à encourager les entreprises à
accueillir au cours de l'été des étudiants stagiaires; 529
étudiants ont effectivement pu réaliser de tels stages
l'année dernière.
Enfin, rappelons le rôle important que peut progressivement jouer
l'AQVIR dans la mise en valeur de notre potentiel de recherche au
Québec. À l'oeuvre depuis un an, l'objectif de l'AQVIR est de
promouvoir une innovation technologique et de contribuer par la fourniture de
capital de risque à valoriser la recherche à des fins
industrielles. De juin à décembre 1984, l'agence a accordé
des prêts et subventions à l'innovation à onze entreprises,
pour un total de 3 600 000 $.
Depuis décembre 1984, le conseil d'administration devait
autoriser huit nouveaux financements représentant des
déboursés de près de 2 000 000 $. Nous comptons engager,
au cours de 1985-1986, une réflexion d'évaluation sur les actions
de l'AQVIR, de façon à nous assurer que, comme pourvoyeur de
capital de risque, l'intervention de l'agence tende à privilégier
le transfert de technologie de l'institution de l'enseignement vers
l'entreprise et également qu'elle se tourne davantage vers la
création de nouvelles entreprises en haute technologie, en laissant
à la Société de développement industriel le soin
d'assurer le financement traditionnel gouvernemental auprès des
entreprises. (10 h 45)
Ce tour d'horizon des principaux programmes, je pense, permettra de
mieux apprécier l'ampleur de la mission du nouveau ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Un
résumé des principales composantes de cette mission permet
d'identifier trois éléments essentiels. D'abord, une contribution
à un milieu culturel favorisant la familiarisation avec l'ensemble des
connaissances, y compris celles de nature scientifique et technique; la
transmission formelle de la connaissance aux nouvelles
générations et son appropriation par les adultes, par le biais de
l'éducation permanente; le rayonnement du savoir, afin de contribuer
à notre développement socio-économique et nous permettre
de faire face aux transformations accélérées que nous
devons assimiler et maîtriser.
Les enjeux prioritaires que nous avons identifiés ne doivent pas
nous faire perdre de vue la tâche fondamentale que nous devons assumer,
celle d'assurer la valorisation, l'approfondissement et le rayonnement de
l'ensemble du savoir qui s'offre à notre étude. Souhaitons
plutôt que l'expertise que nous développerons dans la solution des
problèmes les plus urgents qui se posent à nous servira à
stimuler et à alimenter la réflexion dans l'ensemble des secteurs
de connaissance que les générations précédentes ont
mis à notre disposition. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil et vice-président de la
commission.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, le ministre a été
plus bref que je m'y attendais. Est-ce que vous avez donné lecture d'un
texte d'une vingtaine de pages? Vous l'avez coupé, je pense.
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: La lecture est très intéressante. M. le
Président, nous abordons cette année l'étude des
crédits consacrés à l'enseignement universitaire et
collégial dans le contexte nouveau qui découle de la
transformation du ministère de la Science et de la Technologie en un
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie.
Autant nous avions été heureux, du côté de
l'Opposition, d'approuver la création du ministère de la Science
et de la Technologie en juin 1983, autant nous entretenons des réserves
et des inquiétudes quant à la transformation soudaine, en
décembre dernier, de ce ministère à peine âgé
d'un an et demi en un nouveau ministère de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie.
Nos critiques portent d'abord sur la manière soudaine et
improvisée dont s'est fait le changement. En une matière aussi
lourde de conséquences, un débat préalable s'imposait. Il
eût été normal et plus sérieux que le gouvernement
annonce ses couleurs quelques mois à l'avance, de manière que les
réactions du milieu puissent se former et se faire entendre. Il
eût été non moins normal qu'avant de procéder aux
changements entrevus le gouvernement en saisisse d'abord l'Assemblée
nationale par la voie d'un projet de loi.
Malheureusement, ce n'est pas ainsi que le gouvernement a choisi de
procéder. Le changement s'est concocté dans un climat de
catimini, d'improvisation et de précipitation. Il a été
annoncé à la veille de Noël, juste après
l'ajournement de la session, juste après, qui était alors en
cours. Il s'est fait si rapidement qu'à peu près tout le monde au
ministère de l'Éducation, et sans doute aussi au ministère
de la Science et de la Technologie, fut pris par surprise. On improvisait si
manifestement que, trois mois après la création du nouveau
ministère, le transfert des ressources humaines du ministère de
l'Éducation au ministère de l'Enseignement supérieur, de
la Science et de la Technologie n'était pas encore
complété et qu'on a eu besoin de plus de quatre mois pour mettre
au point un projet de loi qui tente de tenir compte de tous les
éléments impliqués, mais qui aboutit néanmoins,
dans plusieurs cas, à des structures bicéphales dont
l'efficacité éventuelle est fort douteuse.
Si le gouvernement avait longuement mûri le geste qu'il voulait
faire, il aurait produit, avant d'agir ou du moins au moment d'agir, un dossier
substantiel accompagné de pièces valables à l'appui de son
choix. Or, aucun document d'orientation, aucun dossier substantiel n'a jamais
été publié par le gouvernement à ce sujet, ni
avant, ni depuis la création du nouveau ministère. On ne sache
pas non plus que la moindre consultation ait été faite à
ce sujet auprès du Conseil supérieur de l'éducation, du
Conseil des collèges et du Conseil des universités, avant que la
décision soit prise et annoncée.
En soustrayant l'enseignement universitaire et collégial à
la compétence du ministre de l'Éducation, le gouvernement
poursuit l'oeuvre de démantèlement et de réduction du
ministère de l'Éducation qu'il avait commencée avec sa
politique d'éducation des adultes.
À la suite de la promulgation de cette politique, qui fut, elle
aussi, mise en application sans aucun débat public préalable et
à l'encontre d'un voeu unanime des intervenants en éducation des
adultes qui réclamaient une commission parlementaire, l'éducation
des adultes tombait sous l'autorité de deux ministres différents,
celui de l'Éducation et celui de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Les structures décisionnelles retenues
par le gouvernement étaient si peu claires, si ambiguës que, quinze
mois plus tard, on n'avait pas encore réussi à effectuer un
partage net des responsabilités et des ressources entre les deux
ministères concernés.
Le détachement des universités et des collèges du
ministère de l'Éducation ne fera qu'embrouiller davantage la
situation. Dans des secteurs complexes comme l'éducation des adultes, la
reconnaissance des acquis expérientiels, la formation des maîtres,
la formation professionnelle, l'enseignement privé, la présence
des institutions d'enseignement aux besoins de la communauté, on sera
désormais en présence de structures décionnelles non plus
seulement bicéphales, mais tricéphales.
La commission Parent en son temps et plus récemment la commission
Jean avaient fortement insisté sur la nécessité d'assurer
la cohérence des politiques et des décisions grâce à
une direction politique unifiée. Cet objectif a été perdu
de vue par le gouvernement. On commence déjà à percevoir
les situations illogiques, les contradictions et les dédoublements qui
découleront des décisions mal éclairées qu'a prises
le gouvernement.
Le système d'enseignement et ses multiples composantes ne
sauraient être coupés de la vie réelle. Ils doivent
être en rapport dynamique avec toutes les composantes de la
réalité économique, sociale et culturelle. Mais ils le
seront d'autant plus efficacement qu'ils formeront un tout bien ordonné
dont les parties se complètent, se soutiennent et s'harmonisent sous une
direction politique unifiée. Parce que les dernières
décisions du gouvernement touchant à l'éducation des
adultes, la formation collégiale et l'enseignement universitaire mettent
cette exigence en danger, il faut les juger sévèrement.
En ce qui touche les universités, le ministre annonçait
fièrement le 21 mars dernier que le gouvernement a décidé,
pour l'excercice 1985-1986, de leur accorder des crédits additionnels de
70 300 000 $ par rapport à l'enveloppe accordée pour 1984-1985.
Le gouvernement - ajoutait le ministre - a décidé d'accorder aux
universités une augmentation de crédits de 7,85 %, et ce afin "de
favoriser le financement de l'infrastructure de base en mettant un terme
à l'effet de réduction des coûts" et "de favoriser
l'accessibilité aux études supérieures".
Toute augmentation des crédits accordés aux
universités doit être accueillie avec soulagement. L'Opposition
accueille d'autant plus volontiers l'augmentation annoncée par le
ministre qu'elle n'a cessé, depuis plusieurs années, de presser
le gouvernement de mettre fin à sa politique de compressions
budgétaires trop souvent arbitraires et sauvages dans ce secteur.
Afin de bien apprécier, toutefois, la portée réelle
des changements annoncés, il importe de les situer dans leur contexte
véritable. On se rend vite compte, en faisant cet exercice, qu'il n'y a
pas lieu d'enfourcher la trompette des grands jours de triomphe.
Que signifie, en effet, l'augmentation de crédits annoncée
par le ministre? D'abord, elle survient au terme d'une autre année de
compressions sauvages qui a fait très mal aux universités.
Celles-ci, par la voie de la Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec et par la voie de la
Fédération des associations de professeurs des universités
et d'autres organismes, avaient demandé avec insistance devant la
commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre, en
octobre dernier, que le gouvernement injecte au moins 11 000 000 $ de plus dans
le secteur universitaire en 1984-1985. Cette demande était fortement
appuyée par le Conseil des universités qui avait également
demandé de rendre aux universités une somme de 10 000 000 $ qui
avait été prélevée en vue de la mise en vigueur
d'un nouveau cadre de financement qui n'a point été
appliqué. À ces requêtes, le gouvernement fit la sourde
oreille, empirant ainsi une situation déjà rendue très
grave par les compressions des années précédentes.
Du montant de 70 300 000 $, il faut d'abord soustraire une somme de 24
800 000 $ consacrée à l'indexation des dépenses des
universités. Ce montant de 24 800 000 $ permettra tout juste de
maintenir les dépenses au niveau réel où elles
étaient en 1984-1985: il ne s'agit donc pas d'une injection d'argent
neuf.
Une autre somme de 7 100 000 $, consacrée au programme des
actions structurantes, n'est pas, à vrai dire, une augmentation. Elle
décrit plutôt des crédits qui semblent avoir
été déplacés du fonds FCAR vers un programme
directement contrôlé par le ministre. À en juger par
l'accent que le ministre et le gouvernement mettent sur le virage technologique
et la recherche, on s'attendait que le gouvernement consacre au fonds FCAR
-organisme spécialement mandaté et structuré pour
promouvoir la recherche scientifique dans les conditions de compétences
et d'impartialité requises - des sommes chaque année plus
élevées. C'eût été la conséquence
logique de toutes les déclarations de politique qu'on entend. Tel n'est
pourtant pas le cas. En 1984-1985, les crédits accordés à
l'ancien fonds FCAC étaient demeurés stationnaires par rapport
à l'exercice précédent. La même situation se
répète en 1985-1986: le nouveau fonds FCAR se voit attribuer un
budget qui est à peu près le même qu'en 1984-1985. Ainsi,
au cours des deux dernières années, le budget du principal
organisme subventionnaire du gouvernement est resté le même, au
lieu de connaître la progression qu'on était justifié de
souhaiter. Vue dans cette perspective, la somme de 7 100 000 $
réservée aux actions structurantes revêt une signification
différente. Elle témoigne de la volonté bien
arrêtée du gouvernement d'exercer un contrôle de plus en
plus direct sur l'orientation de la recherche scientifique tandis qu'il laisse
stagner l'organisme spécialement chargé d'agir en son nom dans ce
domaine de la promotion de la recherche, où la nature même des
décisions à prendre requiert que ces décisions soient
prises à une certaine distance du pouvoir politique.
Ces réserves étant faites, c'est plutôt une
augmentation de 37 400 000 $ qui reste pour l'année 1985-1986, soit une
hausse de 4,1 % par rapport à 1984-1985. Il faut réaliser que,
nonobstant cette augmentation de 4,1 % dans les crédits
généraux accordés pour le fonctionnement des
universités, le niveau des subventions par étudiant - et cela
s'explique par l'augmentation des clientèles -connaîtra une
légère diminution en 1985-1986, passant de 4961 $ en dollars
constants de 1981 en 1984-1985 à 4947 $ en dollars
constants de 1981 pour l'année 1985-1986. Tout en enregistrant
l'augmentation des crédits généraux accordés pour
le fonctionnement des universités, il faut éviter en
conséquence de partir en peur. Il faut surtout se souvenir que cette
augmentation survient au terme d'une longue période de vaches maigres au
cours de laquelle la lésinerie du gouvernement a littéralement
saigné à blanc nos institutions universitaires et gravement
compromis la qualité des services qu'elles rendent à la
communauté.
Ainsi que le soulignait la Fédération des associations de
professeurs des universités dans une brochure publiée il y a
quelques mois, les politiques du gouvernement en matière de financement
universitaire au cours des cinq dernières années ont
littéralement acculé les universités du Québec
à une véritable crise financière. (11 heures)
De 1978-1979 à 1984-1985, les subventions par étudiant ont
baissé de près du tiers. Elles ne représentaient plus l'an
dernier qu'environ 70 % de ce qu'elles apportaient en 1978-1979, en dollars
constants de 1981 toujours. Tandis que le prix des volumes et autres
instruments de travail augmentaient partout à un niveau
généralement supérieur à celui de l'inflation, le
gouvernement coupait dangereusement les budgets réservés à
ce poste. Tandis que les universités avaient accumulé au 31 mai
1980 un surplus consolidé de 37 200 000 $, cinq ans plus tard,
c'est-à-dire au 31 mai 1984, elles accusaient plutôt un
déficit combiné de 3 500 000 $, lequel a sûrement
augmenté d'une manière sensible au cours de l'année
1984-1985. En cinq ans la situation financière des universités se
sera ainsi détériorée de près de 50 000 000 $.
Vu les effets très coûteux de ces politiques sur la
qualité de l'enseignement et de la recherche, sur le processus de
renouvellement du personnel enseignant et sur la qualité des
équipements, le programme annoncé pour 1985-1986 ne saurait
être que l'amorce très modeste d'un programme de redressement qui
devra s'échelonner sur plusieurs années. En annonçant la
fin des compressions et en injectant 37 000 000 $ d'argent neuf dans le
système, le gouvernement met fin à l'hémorragie qui
affaiblissait dangereusement nos universités. Il laisse toutefois
plusieurs problèmes non résolus.
Ainsi, le programme d'action 1985-1986 ne contient-il aucune disposition
visant à donner suite au programme spécial d'aide au
renouvellement du personnel enseignant, que réclamait avec urgence l'an
dernier le Conseil des universités.
Il faudra de même attendre à plus tard pour disposer d'une
nouvelle formule de financement plus réaliste et plus acceptable. La
formule actuelle génère depuis plusieurs années des
iniquités regrettables entre les diverses institutions. Tandis que
certaines universités sont surfinancées, relativement parlant,
d'autres sont depuis des années sous-financées à tous
points de vue. Le cadre de financement que le gouvernement avait
préparé pour 1984-1985 annonçait à cet égard
un début de redressement en faveur des institutions
sous-financées jusqu'à maintenant. Mais vu qu'il s'inscrivait
dans le cadre d'une politique de compressions qui durait toujours et
qu'à peu près toutes les universités avaient mis en doute
certains des critères et des calculs sur lesquels il reposait, le
gouvernement fut forcé de l'abandonner ou au moins d'en remettre
à plus tard l'application. Le gouvernement a bien pris soin de laisser
tomber du même coup les mesures de redressement que le cadre de
financement devait comporter à l'intention de certaines institutions
victimes de sous-financement au cours des années passées. Ainsi,
les iniquités que signalaient les auteurs de l'étude ayant servi
de base à la rédaction du cadre de financement durent-elles
toujours. Le budget de 1985-1986 n'apporte aucune amélioration à
cet égard.
La vraie mesure des besoins des universités du Québec nous
est fournie par les mémoires que chacune d'entre elles déposa
l'automne dernier devant la commission parlementaire de l'éducation et
de la main-d'oeuvre, à l'occasion de l'étude sur le financement
universitaire entreprise par cette commission. Malheureusement - et nous
l'avons déploré profondément de ce côté - les
universités individuelles ne purent être entendues par la
commission parlementaire parce que la majorité ministérielle au
sein de la commission refusa tout simplement d'accepter qu'elles soient
invitées à se présenter devant la commission, et cela
contre les protestations véhémentes de l'Opposition. Les besoins
présentés par chaque université sont toutefois inscrits
dans le mémoire déposé par chacune. Beaucoup mieux que le
discours ministériel, ces mémoires fournissent la mesure
véritable des besoins de nos universités et du tort qui leur a
été infligé par les coupures des dernières
années.
Sur la question des frais de scolarité exigés des
étudiants québécois, le ministre avait laissé
entrevoir en octobre dernier devant la commission parlementaire de
l'éducation et de la main-d'oeuvre le spectre d'une augmentation
substantielle. Il a fort heureusement redressé son tir depuis ce temps.
Il annonce aujourd'hui le gel des frais de scolarité pour 1985-1986.
Nous ne pouvons que nous en réjouir, étant donné la
position très ferme adoptée à ce sujet par notre formation
politique lors de son congrès d'orientation tenu en mars dernier.
Cependant, nous devons noter que l'engagement du gouvernement ne vaut que
pour la présente année et qu'on ne trouve dans les
explications du ministre à l'appui de cette mesure aucune indication
d'une politique stable, durable et mûrement établie pour
l'avenir.
Concernant les frais de scolarité des étudiants canadiens
inscrits dans les universités québécoises, le ministre a
dû se rendre à l'évidence et reporter indéfiniment
la hausse qui avait été annoncée en février 1984.
Cette hausse, sous prétexte - vous riez - de niveler une situation
jugée inégale, aurait risqué de causer un tort
considérable aux étudiants du Québec qui étudient
dans les universités canadiennes en dehors du Québec. Quand on
sait que le nombre des étudiants québécois inscrits dans
des universités canadiennes hors du Québec est à peu
près deux fois plus élevé que celui des étudiants
canadiens d'autres provinces inscrits dans les universités du
Québec, on mesure tout de suite les implications dangereuses que
comportait cette politique pour les étudiants
québécois.
Quant aux étudiants étrangers inscrits dans nos
universités, il est trop tôt pour apprécier les
conséquences concrètes de la hausse de frais de scolarité
imposée l'an dernier. Nous maintenons que, dans ce domaine, la politique
gouvernementale doit viser à préserver la position
concurrentielle du Québec vis-à-vis des autres provinces
canadiennes.
Au chapitre des investissements, le plan quinquennal 1985-1990 n'est pas
encore disponible pour le grand public dans sa formulation définitive.
Il est actuellement à l'étude, croyons-nous comprendre, au
Conseil des universités. Le ministre a néanmoins
procédé à l'annonce de certains projets et de certaines
orientations. Le plan quinquennal semble venir suffisamment tôt cette
année, contrairement aux années précédentes, pour
permettre aux crédits prévus pour l'exercice 1985-1986
d'être réellement engagés au cours de l'année. Dans
ses avis précédents, le Conseil des universités avait
déploré le fait que le gouvernement présentait ses plans
trop tard pour que ceux-ci puissent donner lieu à des engagements
efficaces.
Les décisions annoncées permettront de débloquer
des fonds pour l'acquisition des bureaux nécessaires à la phase
II du développement de l'UQAM, pour la réalisation de certains
projets de l'Université de Montréal, en particulier la
Bibliothèque des sciences humaines, et à l'École de
médecine vétérinaire, ainsi que pour l'agrandissement de
l'École polytechnique. Venant s'ajouter aux travaux déjà
en cours à l'Université Concordia, à l'École des
hautes études commerciales et à l'École de technologie
supérieure, la réalisation de ces projets permettra de
réduire considérablement les besoins en location qui
entraînaient des coûts inutilement élevés dans le
fonctionnement des universités de la région
montréalaise.
Le ministre n'a cependant amorcé aucun changement concernant
certaines politiques de financement que le Conseil des universités avait
sévèrement critiquées et qui créent des
problèmes sérieux pour l'avenir des universités. Le
gouvernement continue de limiter à 2,5 % la croissance des enveloppes
annuelles d'immobilisation en conformité avec les contraintes
imposées par le Conseil du trésor. Cette limite a
entraîné pour le plan quinquennal 1984-1989 un manque à
gagner d'au moins 35 000 000 $ pour les universités.
En outre, le Conseil des universités jugeait nettement
insuffisantes les sommes prévues dans des programmes spéciaux
pour combler les prélèvements sur les enveloppes annuelles.
Ainsi, de la somme de 15 000 000 $ échelonnée sur trois ans
destinée au renouvellement ou à l'acquisition
d'équipements scientifiques reliés au virage technologique et une
somme de 5 500 000 $ va aux actions structurantes; une somme de 2 200 000 $
à l'ouverture de quatre nouveaux programmes. Une bonne partie des 7 300
000 $ qui restent iront aux nouveaux programmes de 1985-1986 et 1986-1987. Une
faible partie risque d'être réellement consacrée au
renouvellement des équipements de base des universités.
Nous attendons du ministre des précisions quant à ses
intentions au sujet du renouvellement des équipements des
universités. Pour les seules facultés de génie, au niveau
du premier cycle, le Conseil des universités ne rappelait-il pas, l'an
dernier, que les besoins en équipements s'élèvent à
court terme à quelque 38 000 000 $?
Signalons enfin que ni le cahier explicatif des crédits du
ministère, ni les remarques liminaires qu'a faites tantôt le
ministre ne contiennent de commentaires ou d'opinions sur l'importante source
de revenus que constituent les paiements de transfert fédéraux en
ce qui touche le financement de l'enseignement supérieur au
Québec, ni sur les perspectives nouvelles et, à certains
égards inquiétantes, qu'ouvre à cet égard le
rapport du commissaire-enquêteur, M. Al Johnson, rendu public en mars
dernier. Ce rapport a été rendu public il y a maintenant plus de
deux mois. Il contient, entre autres, des recommandations qui visent à
lier le montant des subventions fédérales versées aux
provinces au titre du financement universitaire à la contribution que
verseront désormais les provinces à même leurs propres
deniers à cette même fin. Il contient maintes autres
recommandations importantes, en particulier des recommandations concernant
certains objectifs nationaux que le gouvernement, selon le commissaire Johnson,
devrait inscrire en tête d'une loi
modifiée à cet égard. Il faut déplorer que,
près de trois mois après la publication du rapport Johnson, le
gouvernement québécois soit demeuré complètement
silencieux à ce sujet. Nous voulons espérer que le ministre
profitera de l'examen des crédits de son ministère pour jeter un
peu de lumière sur la position de son gouvernement concernant cette
question capitale pour l'avenir des universités.
Si les universités bénéficient cette année
d'un léger soulagement, il n'en va pas ainsi des cégeps. Les
cégeps ont été choisis cette année comme cible
préférée par les spécialistes en coupures et en
compressions du ministère. Le sort que le gouvernement leur
réserve en 1985-1986 ne fera qu'empirer une situation déjà
fort gâtée par les politiques d'austérité des
dernières années.
De 1978-1979 à 1984-1985, selon les calculs établis par le
service de recherche de la Fédération des cégeps, les
effectifs étudiants réguliers inscrits dans les cégeps ont
augmenté de 120 773 à 139 073, soit une hausse de 15 %. Pendant
la même période, les budgets de financement en dollars constants
de 1981 ont baissé de 6,3 % et les subventions par étudiant,
toujours en dollars constants de 1981, ont baissé, pour leur part, de 22
%, passant de 4463 $ en 1978-1979 à 3647 $, toujours en dollars
constants de 1981, en 1984-1985. Une nouvelle réduction de 2,7 %
intervient en 1985-1986. Cette réduction ramènera à 3549 $
en dollars constants de 1981 le montant de la subvention par étudiant
versée aux cégeps par le gouvernement.
Alors que, dans le secteur universitaire, le gouvernement, avec raison,
veut au moins mettre un terme aux compressions, il inflige de nouveau cette
année une compression budgétaire de l'ordre de 7 000 000 $ aux
cégeps.
Une compression de 1 100 000 $ est imposée à même le
cadre général de financement. Une autre compression de 3 300 000
$ découle du refus du gouvernement d'indexer les dépenses autres
que les salaires reliés à l'enseignement. Enfin, on effectue
à même l'enveloppe budgétaire des
prélèvements de 2 600 000 $ pour des fins qui auraient
manifestement dû donner lieu à une injection d'argent neuf, en
particulier pour l'implantation des nouveaux programmes et la création
de laboratoires.
Il n'est pas de meilleur exemple, M. le Président, de
l'incohérence de la politique gouvernementale en matière de
financement de l'éducation que le sort réservé cette
année à chaque niveau d'enseignement en ce qui touche
l'indexation des dépenses autres que les salaires des professeurs. (11 h
15)
Au niveau universitaire, il y aura cette année pleine indexation.
Aux niveaux primaire et secondaire, le niveau de l'indexation sera de 2 %. Au
niveau des collèges, il sera nul. Quelle logique, quelle
cohérence ont pu inspirer une politique aussi disparate et aussi
inéquitable à sa face même? L'inflation frappe tout le
monde, toutes les institutions, tous les niveaux d'enseignement avec la
même dureté impitoyable. Le prix d'un crayon, d'une tablette de
papier à écrire, d'un volume, d'un pupitre, d'un tableau
évolue de la même manière, à quelque niveau que l'on
enseigne ou que l'on étudie. En vertu de quelle rationalité le
gouvernement peut-il décider que certains seront compensés en
entier, d'autres à 2 % et d'autres pas du tout? Si le gouvernement veut
injecter plus d'argent dans un secteur, c'est son droit et sa
prérogative: il n'a qu'à s'en expliquer. Mais il est faux de
soutenir qu'on puisse raisonnablement et rationnellement compenser de
manière aussi inégale les différents niveaux
d'enseignement au chapitre de l'indexation de leurs dépenses.
Procéder ainsi, c'est ériger en principe un mode de financement
injuste à sa face même.
Nous aurons l'occasion, au cours des travaux de la commission
parlementaire, de soulever un certain nombre de problèmes particuliers
en ce qui touche les cégeps. Je voudrais toutefois évoquer en
terminant les conséquences graves de la politique de lésinerie
pratiquée par le gouvernement en ce qui touche le renouvellement des
équipements dans les cégeps.
Ayant eu vent de problèmes qui se posaient à cet
égard au cégep du Vieux-Montréal, je me suis rendu ces
derniers temps visiter cette institution. J'ai porté une attention
spéciale aux installations dont on dispose pour dispenser la formation
professionnelle dans des secteurs comme l'électronique, les instruments
et contrôles, la céramique, la photographie,
l'électromécanique, etc. Or, la qualité des
équipements que j'ai trouvés dans cette institution m'est apparue
tout simplement lamentable. Dans cet édifice dont l'architecture est
passablement affreuse, les locaux dont disposent les professeurs pour
travailler avec les étudiants sont de minables cubicules. Les
équipements mis à la disposition des professeurs et des
étudiants dans le secteur de la formation professionnelle le sont tout
autant. Les laboratoires d'électronique sont qualifiés par
étudiants et professeurs, à juste titre - j'ai pu m'en rendre
compte de visu - de véritables cages à poulets. Les
équipements sont complètement inadéquats pour faire face
aux exigences du virage technologique.
Il aurait fallu, cette année, dans un secteur, acheter huit
unités d'un certain appareil pour faire face aux exigences tout à
fait minimales du nouveau programme. On a dû se contenter
d'acquérir deux appareils. Pour l'initiation des étudiants aux
techniques
de télévision et de radio, on dispose d'appareils
transmetteurs et récepteurs qui, dans certains cas, sont tellement
vieillis qu'on ne les trouve plus sur le marché et qu'il n'existe nulle
part de pièces de remplacement. On s'étonne ensuite que ces
étudiants, en arrivant sur le marché du travail, se fassent dire
par les employeurs qu'ils ont apparemment reçu une bonne formation
théorique, mais qu'ils n'ont pas été suffisamment
initiés aux réalités d'aujourd'hui.
Dans le secteur des instruments et contrôles, on fait l'initiation
des étudiants avec des équipements qui remontent à la
génération précédente. Les équipements dont
on dispose sont à base pneumatique, alors qu'aujourd'hui, les
équipements et contrôles fonctionnent déjà depuis
plusieurs années à base d'ordinateur.
Dans le secteur de l'électromécanique, on dispose d'un
programme nouveau dont professeurs et étudiants s'accordent à
dire qu'il est intéressant, mais on n'a pas les équipements
nécessaires pour faire face aux exigences découlant de plusieurs
chapitres du nouveau programme. Dans ce secteur, on n'a pas eu de budget de
renouvellement d'équipements depuis huit ans.
Un professeur me confiait qu'il s'est vu attribuer pour l'an prochain
l'enseignement d'une nouvelle matière. Or, faute de budget, il lui
faudra lui-même se procurer des volumes pour une valeur de plus de 400 $
afin de pouvoir dispenser cet enseignement. À la bibliothèque du
collège, les livres dont on dispose dans le domaine sur lequel doit
porter l'enseignement de ce professeur remontent tous à plusieurs
années, ne sont plus à jour et ne peuvent pas être utiles
pour la préparation de son enseignement.
Dans le secteur audiovisuel, on ne dispose même pas d'un studio
complètement monté. On est en train de monter un studio. Tout ce
que les étudiants auront pu faire cette année, cela aura
été de jouer avec des fils électriques. Le secteur de la
photographie n'est pas mieux équipé. Dans le seul studio dont on
dispose pour cette discipline qui est très en demande, les
étudiants se bousculent à la porte parce qu'ils sont trop
nombreux. L'équipement n'est pas lui non plus à la hauteur des
besoins d'aujourd'hui. Il traîne considérablement sur les
développements récents.
Les professeurs de cette institution, découragés de la
situation à laquelle ils font face année après
année, se sont adressés au ministre pour obtenir de lui qu'il
fasse enquête sur la situation. Ils n'ont eu pour réaction qu'une
lettre les avisant que ces questions relèvent du conseil
d'administration de l'institution.
Dans son cinquième rapport annuel portant sur l'année
1983-1984, le Conseil des collèges résumait ainsi la situation de
l'enseignement professionnel collégial, et je cite: "A bien des
égards, la situation actuelle de l'enseignement professionnel
collégial peut se comparer à celle qui prévalait au moment
de la mise sur pied des réseaux des cégeps: la
société s'attend à des changements dans le système
éducatif et dans les programmes; de nouveaux besoins de formation
technique se font sentir; le portrait de la clientèle collégiale
se modifie; les cégeps sont encore la clé de l'accès
à la scolarisation et au monde de la technologie; le marché du
travail exprime de nouvelles exigences auxquelles les collèges tentent
de répondre, sans négliger leur mission de formation
générale et fondamentale. Il y a cependant, en 1984, une
différence importante. Tandis que, dans les années soixante-dix,
le processus de transformation de l'enseignement collégial suscitait des
enthousiasmes, des espoirs et une volonté de participer au débat
de fond et de contribuer aux changements, le climat actuel dans les
collèges est assombri - et je cite toujours le Conseil des
collèges - par des inquiétudes et des insatisfactions ainsi que
par des sentiments de démotivation et d'essoufflement. Sauf de rares et
heureuses exceptions, le secteur de l'enseignement professionnel dans les
collèges se sent dévalorisé et peu appuyé."
L'une des principales réalisations du gouvernement dans le
secteur collégial, réalisation à laquelle le ministre a
fait allusion dans son message liminaire de tantôt, a été
la création d'une dizaine de centres spécialisés visant
à procurer une formation de pointe à des étudiants dans
des secteurs avancés au plan technologique. Un examen de cette
expérience apparaît nécessaire, à la lumière
d'une observation contenue dans le cahier explicatif des crédits du
ministère.
On veut en effet que ces centres spécialisés disposent
d'une large autonomie. Cela se comprend dans une certaine mesure, mais,
lorsqu'on envisage que ces centres seront appelés éventuellement
à s'autofinancer, qu'est-ce qu'on veut dire exactement? Quelles
conséquences en découleront pour le rapport que ces centres
doivent conserver avec le cégep dont ils sont issus? Il faut
éviter que l'on ne crée un réseau de centres
spécialisés qui pourraient en venir, parce qu'ils auraient
atteint à l'autofinancement, à constituer un véritable
réseau institutionnel parallèle.
Dans les collèges, le problème de l'évaluation
demeure très important. Il importe que la formation dispensée
à ce niveau d'enseignement soit soumise à des méthodes
d'évaluation rigoureuses et éprouvées. Le gouvernement
doit préciser sa politique à cet égard. Entend-il
s'appuyer sur les institutions pour réaliser cet objectif d'une
évaluation valable? Entend-il s'insérer
lui-même dans le processus et tenter de cette manière de se
substituer graduellement aux institutions? Quels moyens entend-il mettre en
oeuvre pour inciter des institutions à agir plus vite et plus
efficacement dans ce domaine? De nombreuses questions demeurent à ce
chapitre. Il importe de les dissiper et j'espère que les travaux de la
commission parlementaire permettront de le faire.
Je termine, M. le Président, en revenant sur un fait que j'ai
évoqué plus tôt, à savoir l'interruption brusque qui
s'est produite, au début de la présente année civile, dans
les travaux que la commission parlementaire de l'éducation et de la
main-d'oeuvre avait entrepris sur le financement des institutions
universitaires. Les travaux avaient débuté en octobre sous des
auspices très prometteurs. Le ministre avait donné son
consentement apparemment complet. Du côté ministériel, on
avait souscrit au projet. Du côté de l'Opposition, on l'avait
promu depuis le départ et on s'est ingénié à en
favoriser la réalisation. Nous avons tenu deux ou trois journées
d'audiences, en octobre, avec les représentants des grandes associations
qui parlent au nom des différents secteurs du monde universitaire. On
nous avait présenté des mémoires très
étoffés qui ont été discutés, d'ailleurs,
dans un climat sérieux et, je pense, objectif.
Nous nous apprêtions à entreprendre la deuxième
phase du programme, c'est-à-dire l'audition des institutions
individuelles dont nous avions compris, de ce côté-ci, qu'il
était absolument normal qu'elles soient entendues. La preuve, c'est
qu'on avait demandé à tous les organismes désireux de se
faire entendre d'envoyer des mémoires à la commission, ce qui a
été compris par eux comme impliquant qu'ensuite, pour expliquer
ce qu'ils nous auraient soumis, ils seraient invités à se
présenter.
Or, les représentants du parti ministériel à la
commission ont systématiquement refusé que la commission
parlementaire procède dès le mois de janvier, comme nous l'avions
souhaité, à la deuxième partie de son mandat. On nous a
dit que le ministre avait entrepris un travail de consultation intensive
auprès des universités individuelles et que, plus tard, lorsqu'il
aurait fait la lumière dans son esprit, peut-être les
parlementaires pourraient-ils recevoir la bienveillante autorisation de
reprendre leur travail au point où ils l'avaient laissé, pour lui
donner tout le loisir voulu d'accomplir ses pérégrinations
à travers le Québec.
Ce n'est pas ainsi que du côté de l'Opposition nous
concevons le travail d'une commission parlementaire. Elle n'est pas
accrochée aux démarches d'un ministre. Elle n'est pas à la
remorque de quelque ministre que ce soit. C'est une commission qui est
souveraine dans son âme, qui fait son travail en accord avec la
conception qu'elle se fait de son mandat et des problèmes qui ont
été soumis à son attention. Je pense que ce geste qu'a
fait le parti ministériel est très grave parce qu'il compromet
à sa source même tout l'esprit de la réforme parlementaire
qui a été engagée depuis un an et dont un pivot essentiel
est la réanimation des commissions parlementaires.
Depuis ce temps-là, rien n'a été fait. Tous les
dossiers sont là, dans nos tiroirs, qui attendent d'être
ressuscités. Je le déplore profondément et je vous
déclare que, nonobstant ces regrets que nous éprouvons et ces
critiques sévères que nous devons formuler à l'endroit de
nos collègues du côté ministériel qui, en d'autres
circonstances, ont souvent été de bon commerce avec nous, j'ose
espérer que cette mauvaise expérience n'imprégnera en
aucune manière les travaux que nous ferons au cours de la
présente journée pour l'examen des crédits du
ministère appelé de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la
commission... M. le député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je ne peux pas
passer sous silence les paroles - surtout les dernières paroles -qu'a
prononcées le député d'Argenteuil sur l'attitude qu'ont
eue les membres du côté ministériel par rapport à la
commission qu'on a tenue au mois d'octobre dans le but d'entendre des
représentants du monde universitaire sur la situation financière,
la proposition de cadre financier qui nous a été
présentée par le ministère.
Je pense qu'il est important de dire que l'objectif premier de la
commission qui a été tenue au mois d'octobre était
d'entendre des représentants du monde universitaire et des grandes
associations, des représentants des professeurs et des étudiants.
Cette commission a rempli son mandat, c'est-à-dire qu'elle a entendu ces
grands représentants du monde universitaire. Il est important de dire
que jamais, M. le Président, il n'a été entendu que nous
rencontrerions de façon systématique toutes les
universités du Québec, toutes les universités qui oeuvrent
et qui existent au Québec. Jamais nous n'avons eu d'entente à ce
propos. Je pense que c'est important de le dire. (11 h 30)
Ce qui a été convenu, c'est que nous examinerions la
possibilité d'entendre des représentants des universités
du Québec après avoir fait une évaluation du travail de la
commission. C'est ce que nous avons fait, M. le Président. Je pense que
nous avons fait une évaluation très sérieuse du travail
accom-
pli par la commission. Nous avons pris note également du rapport
qui a été fait par le ministre de l'Éducation et nous
avons enregistré le fait que le ministre s'engageait à consulter
les universités cette année sur la proposition de cadre de
financement des universités.
Était-il important, dans ce contexte, d'entendre toutes les
institutions universitaires dès le mois de janvier? Nous avons
jugé qu'il n'était pas opportun, dans ce contexte, de le faire.
L'Opposition, c'est évident, son objectif - c'est comme cela que nous
l'avons interprété - était d'entendre toutes les
institutions dans le but non plus d'accomplir le mandat de cette commission,
mais plutôt de faire un inventaire des besoins financiers et des besoins
en équipements de toutes les universités du Québec.
Je pense que l'Opposition, M. le Président, voulait nettement
dépasser le mandat que s'était donné cette commission.
Nous ne refusions pas d'entendre toutes les institutions, mais nous
préférions attendre que la consultation ait lieu et que la
commission puisse entendre les conclusions, les rapports de cette consultation
qui, normalement, doit être en cours.
Donc, M. le Président, c'est plutôt dans le but de
respecter le mandat de la commission et de ne pas entrer, de ne pas faire le
jeu de l'Opposition qui est un jeu systématique de démolition de
tout ce que fait le gouvernement. Nous l'avons bien vu par les propos tenus par
le député d'Argenteuil. Le député d'Argenteuil, au
lieu de féliciter le gouvernement pour les décisions qui ont
été prises par rapport à l'augmentation des budgets des
universités... Je dois constater que le ministère a
répondu aux voeux exprimés par les grandes associations qui sont
venues nous rencontrer au mois d'octobre. Cela, il faut le souligner, parce que
le député d'Argenteuil ne l'a pas souligné.
Je constate que le seul voeu auquel on n'a pas répondu, c'est
celui de l'ajout d'un montant de 11 000 000 $ au financement de 1984-1985. Mais
je dois dire que, sur tous les autres éléments, que ce soient le
financement des clientèles additionnelles, le financement pour le
développement des universités, le financement des
équipements, le financement des équipes de recherche, les
immobilisations - il y a un plan d'immobilisation extrêmement important
pour le développement de l'Université du Québec à
Montréal qui va profiter à toute la région de
Montréal, y compris la région de Laval que j'ai le plaisir de
représenter - ceci n'a pas été du tout souligné par
le député d'Argenteuil. Le député d'Argenteuil
s'est contenté de critiquer. Je le comprends, il n'avait pas grand-chose
à dire. Alors, il fallait qu'il insiste beaucoup sur la division, la
décision qui a été prise de diviser le ministère de
l'Éducation en deux.
Moi, ce que j'ai lu, M. le Président, c'est ceci. À peu
près tous les observateurs de la scène - les observateurs
sérieux de la scène - du monde de l'éducation ont
souligné avec bienvenue, avec beaucoup d'intérêt cette
division du ministère de l'Éducation en primaire-secondaire et
postsecondaire. Le député d'Argenteuil a pris beaucoup de temps
pour critiquer cette décision sans apporter tellement d'argumentation de
fond sur cette critique, tout simplement en reprochant au gouvernement de ne
pas avoir présenté une thèse universitaire pour
démontrer le bien-fondé de cette division qu'à peu
près tout le monde a constaté sans la nécessité
d'avoir un rapport de 200 pages pour justifier une telle décision.
Je dois souligner une autre incohérence de la part du
député d'Argenteuil qui, d'une part, reproche au gouvernement de
diminuer les budgets du côté du collégial cette
année, alors qu'il souligne à peine le fait que le gouvernement
augmente substantiellement les budgets du côté universitaire. L'an
passé, il faisait exactement le reproche inverse: de ne pas toucher au
budget du côté collégial, mais de toucher au budget du
côté universitaire.
Également, il y a cette autre incohérence: je me souviens,
lorsqu'il était chef de l'Opposition, pendant la campagne de 1980, il
insistait beaucoup sur la nécessité de réduire les
dépenses du gouvernement, sur la nécessité de
réduire le déficit gouvernemental. Or, aujourd'hui, on l'entend
beaucoup insister sur la nécessité d'augmenter les ressources
partout, d'augmenter les budgets. Il faudrait à un moment donné,
qu'il nous explique la cohérence de ses propos: d'autre part, la
nécessité de maintenir, de contenir et même de
réduire le déficit gouvernemental et, d'autre part, la
nécessité d'augmenter les ressources partout dans le monde de
l'éducation, puisqu'on touche à cette question aujourd'hui. Quand
on regarde le programme du Parti libéral, on veut à la fois
diminuer le déficit et augmenter les budgets partout, dans tous les
domaines. Il faudrait, à un moment donné, que le Parti
libéral nous indique comment il se situe par rapport à ce
problème. Quant à moi, c'est une question de véritable
incohérence qui, il faut le constater, se manifeste, encore une fois, du
côté de l'Opposition.
M. le Président, je pense qu'il est important de faire cette mise
au point devant les nombreuses accusations qui ont été
portées par le député d'Argenteuil sur l'attitude et le
comportement du côté ministériel par rapport à la
commission parlementaire qui a été tenue au mois d'octobre
dernier.
Le Président (M. Cnarbonneau): Merci, M. le
député de Fabre. Est-ce qu'il y a
d'autres membres de la commission qui veulent faire des remarques
préliminaires? Dans ce cas, je vais demander au ministre s'il a des
commentaires à ajouter, après quoi on entreprendra la partie
proprement dite du contenu des crédits.
M. Yves Bérubé (réplique)
M. Bérubé: M. le Président, je dirais qu'il
y a des éléments amusants dans l'intervention du
député d'Argenteuil. Ils seraient amusants si la
société québécoise voyait l'intervention du
député d'Argenteuil comme celle de quelqu'un qui va passer 500
ans de sa vie dans l'Opposition et qui n'a aucune aspiration à diriger
le Québec. À ce moment, évidemment, il peut dire n'importe
quoi, c'est sans importance et on peut s'amuser de ses propos. Si, par contre,
le député d'Argenteuil envisage un jour d'assumer la
relève au niveau de la direction de l'État, à ce moment,
son discours est nettement plus triste et il est marqué au coin de
l'incohérence la plus totale.
Ainsi, n'importe quel journaliste ayant suivi les débats des
crédits... Nous avons l'avantage de survenir un peu en bout de piste et,
par conséquent, on a toutes les autres commissions qui ont
examiné ou commencé à examiner les crédits de
divers ministères. Que retiendrait l'observateur dit impartial de
l'intervention du député d'Argenteuil ou, encore, des
interventions de certains autres députés à d'autres
commissions? Premièrement, il est clair qu'il n'a pas suffisamment de
ressources injectées au niveau des budgets universitaires.
Indéniablement, toute l'intervention du député
d'Argenteuil va dans ce sens. De plus, au niveau collégial, c'est
également la même chose. Que dire des frais de scolarité
qu'il ne faut pas hausser? Que dire de l'insuffisance des sommes
consacrées aux immobilisations collégiales et universitaires? Que
dire de l'absence de ressources que le gouvernement aurait dû injecter
pour augmenter le personnel enseignant dans nos universités? Que dire
des 400 $ qu'on aurait dû verser à ce professeur qui a dû
acheter des livres, ce qu'évidemment son salaire de 50 000 $ ne lui
permet pas de faire?
Évidemment, il n'est pas le seul. Nous avons eu droit à la
même jérémiade dans le domaine de la santé. N'est-ce
pas qu'au dire de tous les députés libéraux,
députation libérale il faudrait injecter beaucoup de ressources
dans le domaine de la santé et -le nombre de lits? À l'heure
actuelle, on pourrait sortir des patients des corridors et les mettre dans des
conditions beaucoup plus intéressantes pour recevoir des soins de
santé. L'équipement hospitalier est vétuste. Le
gouvernement est fautif de ne pas avoir injecté des sommes aussi
importantes que celles que va injecter le Parti libéral dans nos
hôpitaux s'il prend le pouvoir!
Évidemment, notre santé est déplorable parce que
nous ne consacrons que 1 % de notre budget à l'environnement. Tout le
monde le sait, c'est ce que la députée, Mme Bacon, a
souligné en commission parlementaire et qui a fait la manchette des
journaux.
Ah! mais la voirie! On a entendu parler tant et tant de l'insuffisance
du budget de la voirie, n'est-ce pas? Il n'y a pas suffisamment de routes dans
l'Estrie, voyons donc! Quand est-ce qu'on va avoir la route 55, la route 62, la
route 74 et allons donc? Alors, là!
Mais ils vont trouver quand même des compressions majeures. On va
réduire le nombre de voyages au ministère de l'Énergie et
des Ressources. Alors, je vous dis qu'on va en faire des économies. Avec
cela, on va financer tous les lits d'hôpitaux, toutes les
universités et l'équipement, y compris les 400 $ de livres du
professeur mal pris. Ah voilà! Par deux ou trois économies de
bout de chandelle, imaginez, à la suite de travaux de recherche en
profondeur par le Parti libéral, on va injecter toutes les ressources
qu'on prétend devoir injecter dans l'éducation universitaire, le
collégial, le primaire et le secondaire, les prêts-bourses, la
santé, les frais de scolarité, l'environnement, la voirie. J'en
oublie certainement parce que je n'ai pas pu assister à toutes les
commissions parlementaires.
J'oublie une commission parlementaire, celle des Finances. N'est-ce pas
que la taxation est beaucoup trop élevée au Québec?
J'oublie également les remarquables graphiques du député
de Vaudreuil-Soulanges concernant la croissance explosive du déficit
qu'il nous faut combattre avec la dernière des énergies.
Voilà la cohérence de l'Opposition libérale! Vous
m'injectez pas assez de dépenses partout, vous taxez trop, et de plus,
votre déficit est trop élevé. Essayez donc de concilier
cela. Il n'y a pas un citoyen au Québec qui ne sait pas que, si ses
revenus baissent - parce que, effectivement, en taxant moins nos revenus vont
baisser -s'il augmente ses dépenses et que, déjà, il a de
la difficulté à arriver, il va avoir de très gros
problèmes avec son banquier. Voilà le genre de cohérence
ou d'absence de cohérence auquel on a eu droit par cette magnifique
intervention du député d'Argenteuil qu'il faut insérer
dans l'ensemble des interventions des députés de l'Opposition
pour dire que tout ce qu'ils nous ont dit, c'est de la foutaise, totalement et
intégralement.
M. le Président, c'est vrai que nous n'avons pas toutes les
ressources que nous aimerions avoir et, par conséquent, ce dont il faut
discuter, c'est de là où nous
consacrons nos ressources. Fait-on bien de les consacrer à
accroître l'accessibilité en finançant les
clientèles additionnelles? Ou devrait-on plutôt les investir pour
améliorer la qualité du système? Voilà de bonnes
questions qu'il faut se poser. Voilà ce qu'un parti d'Opposition
consciencieux, qui aspire à prendre le pouvoir, poserait comme
questions, indiquant clairement les possibilités et les choix qu'il
ferait.
Avons-nous entendu parler de choix? Non, on n'a entendu parler que d'une
seule chose: les choix qui n'ont pas été faits, non pas ceux qui
ont été faits. Par conséquent, tout le discours du
député d'Argenteuil est marqué au coin de
l'irresponsabilité sociale, comme le discours d'à peu près
tous ses collègues de l'Opposition libérale. Une journée,
on va nous dire: Ce gouvernement pratique un interventionnisme
éhonté, parlant d'actions structurantes orientant les
institutions dans un sens donné. D'autre part, lorsque le même
gouvernement, évidemment, souligne à des professeurs du
collège du Vieux-Montréal qu'effectivement il appartient au
conseil d'administration et à la direction de gérer le
fonctionnement interne du collège, là, on nous accuse de manquer
d'interventionnisme. (11 h 45)
Eh bien, M. le Président, non, quand nous avons des sommes
à injecter et que nous n'en avons pas pour répondre à tous
les besoins, nous devons faire des choix. Ce n'est pas de l'interventionnisme,
c'est choisir là où nous voulons faire porter les ressources
additionnelles. Une fois que ces ressources sont rendues disponibles, nous ne
nous mêlons pas de la gestion, nous laissons les intervenants
gérer leur réseau.
Le choix que nous avons fait dans le cas de l'action structurante, il
est simple; il est reconnu par tous les intervenants que, là où
le Québec a pris du retard dans le domaine des études
avancées, c'est au niveau des études de deuxième et de
troisième cycles dans les secteurs de la science, du génie et des
mathématiques. La commission, le sommet qui s'est réuni pour
discuter de microélectronique à Montréal nous rappelait
d'ailleurs l'écart très important existant entre le nombre de
docteurs en sciences formés au Québec, compte tenu de notre
population, avec le nombre formé ailleurs au Canada, et soulignait que
nous prenions un retard. Donc, nous avons identifié ces secteurs pour y
injecter davantage de ressources. Quel mal y a-t-il, ayant reconnu une carence,
de décider d'injecter des ressources à cet endroit?
Deuxièmement, comment le faisons-nous? C'est vrai que nous ne le
faisons pas par le biais du FCAR, entre autres, peut-être parce que le
FCAR a beaucoup trop dilué son financement. Une équipe de
recherche présentement financée par le
FCAR reçoit en moyenne autour de 16 000 $ à 18 000 $.
C'est nettement insuffisant pour regrouper quinze, vingt, trente
étudiants gradués dans un secteur donné pour assurer un
encadrement véritablement valable. Ce n'est pas à la blague que
j'ai souligné qu'en moyenne il faut 7,7 années pour former un
docteur au Québec; c'est une période beaucoup trop longue et qui
caractérise une insuffisance de l'encadrement, une mauvaise
rétention des étudiants, d'où des problèmes
structurels.
Nous recommandons que les professeurs d'université regroupent
leurs forces, se définissent des créneaux de manière
à pouvoir offrir à un étudiant gradué le type
d'encadrement dont il a besoin, c'est-à-dire d'au moins vingt à
trente étudiants gradués oeuvrant dans le même centre de
recherche. On ne parle pas de champs généraux de recherche, mais
de champs suffisamment pointus pour qu'il y ait une véritable
interaction entre ces jeunes chercheurs qui ont besoin les uns des autres pour
finalement puiser à même une science en émergence les
éléments nouveaux qui vont leur permettre éventuellement
d'obtenir un diplôme de doctorat qui reconnaît une contribution
originale en recherche.
Donc, nous avons choisi d'injecter non pas 16 000 $ par équipe,
mais 200 000 $, 300 000 $ 400 000 $ par équipe. Évidemment, c'est
10 à 20 fois de plus que le FCAR, mais c'est uniquement dans la mesure
où nous nous sommes imposé cette contrainte de limiter le nombre
d'équipes que nous évitons le morcellement qui a fait en sorte
que, finalement, le financement de la recherche universitaire au Québec
a peut-être permis une espèce de dispersion qui rend l'encadrement
plus difficile.
Donc, le dirigisme a consisté à dire: Nous voulons donner
des sommes suffisamment importantes pour développer des créneaux
d'excellence, premièrement, et nous voulons ces créneaux
d'excellence dans les secteurs où le Québec, tel que tous le
reconnaissent, a pris du retard. Voilà ce qu'on appelle du
dirigisme.
Lorsqu'on parle de compression, on peut faire la comparaison entre le
réseau collégial et le réseau universitaire. Si on regarde
de 1978-1979 à nos jours, 1984-1985, disons, l'enseignement
universitaire a connu une compression qui représente à peu
près 26 % de son enveloppe. C'est exact. Les données du
député d'Argenteuil ne sont pas erronées, elles sont
exactes. Elles ont d'ailleurs été soumises en commission
parlementaire. Pourquoi s'est-on imposé un tel effort de compression?
Premièrement, parce que nous n'avions pas les ressources;
deuxièmement, parce que, comparant les coûts unitaires pour la
formation universitaire au Québec avec ceux de nos voisins, nous avions
constaté qu'il nous en coûtait beaucoup plus par
étudiant qu'ailleurs. Était-ce parce que cela permettait
une plus grande accessibilité aux études avancées? Non,
notre accessibilité était même inférieure.
Était-ce parce que nous avions développé une telle
qualité que cela se matérialise sous forme d'un plus grand nombre
de maîtrises et de doctorats? Non, les études avancées
étaient nettement en retard au Québec. Donc, nous nous sommes dit
qu'à qualité comparable il n'y avait pas de raison qu'il nous en
coûte plus cher. Nous avons donc demandé aux universités
d'accueillir tout près de 40 000 étudiants de plus sans
véritablement de financement nouveau. La conséquence est
qu'aujourd'hui l'accessibilité aux études avancées est
nettement meilleure. Elle est passée au collégial, par exemple,
de 41 % à 54 %. Aux universités, je pense que c'est de l'ordre de
17 % à 25 %. Donc, nous avons permis à beaucoup plus de nos
jeunes Québécois de réaliser des études
avancées. Non seulement nous leur avons permis de le faire à un
coût qui n'augmentait pas en flèche, mais nous constatons en
même temps que la performance au niveau des études
supérieures s'est améliorée. Donc, on ne peut pas a priori
prétendre que le système s'est détérioré au
point que la qualité soit menacée. Non pas non plus qu'on doive
dire qu'il n'y a pas de problème, qu'il ne manque pas à certains
endroits d'équipement scientifique, particulièrement au niveau du
premier cycle.
Au niveau collégial - je n'ai pas les données statistiques
sous les yeux, je les avais tantôt - je pense que c'est tout près
de 56 000 000 $ que nous allons investir cette année dans le
renouvellement de l'équipement scientifique: 57 000 000 $: 16 000 000 $
en budget général, 24 000 000 $ qui viennent de la caisse
d'accroissement, 2 500 000 $ qui viennent pour le financement des nouveaux
programmes, 2 000 000 $ en révision de programmes, 8 400 000 $ dans des
disciplines reliées au virage technologique et 3 400 000 $ pour
introduire des microordinateurs dans nos collèges; 57 000 000 $ pour de
l'équipement destiné à l'enseignement.
Ce sont des sommes fort raisonnables et, si je ne m'abuse, au niveau
universitaire, on doit atteindre à peu près autour de 54 000 000
$ en 1985-1986 également. Des sommes considérables pour injecter
de l'équipement scientifique; pourrait-on en injecter davantage? Oui,
sans doute. Devrait-on en injecter davantage? Oui, sans doute. À quel
prix? Et voilà que l'Opposition libérale refuse de
répondre à cette question. Ce que nous disons tout simplement,
c'est que, si nous devons le prendre dans d'autres missions, nous estimons
avoir réalisé un certain équilibre et nous ne voulons pas
aller plus loin que cela. Par conséquent, nous devons espérer
devoir disposer de ressources additionnelles si nous voulons injecter des
sommes. Qu'est-ce que cela donne quand je regarde les deux réseaux?
Donc, 25,6 % de compression d'enveloppe sur la période
mentionnée. Au niveau collégial, 16 %. C'est-à-dire que
les compressions imposées au réseau collégial sous forme
d'accroissement de tâches, de réduction salariale, de diminution
des effectifs, ont représenté environ 107 000 000 $ sur une
enveloppe de 675 000 000 $, c'est-à-dire 16 %.
Je dois donc tirer la conclusion que le réseau collégial
n'a pas eu à assumer un effort de compression aussi élevé
que le réseau universitaire. Aurait-il dû assumer un effort plus
grand? Honnêtement, je l'ignore, M. le Président, car nous n'avons
pas de barème de comparaison puisque le réseau collégial
est absolument unique au Québec et qu'en conséquence il est
très difficile de savoir quel devrait être un coût
raisonnable au niveau de l'enseignement collégial.
Une chose que je sais cependant, c'est que, si j'ai des coûts
unitaires au niveau universitaire de l'ordre de 7000 $ et de 5000 $ au niveau
collégial, cela camoufle une réalité car, au niveau
universitaire, nous avons des études avancées qui coûtent
beaucoup plus cher que les études de premier cycle. On doit tirer la
conclusion à l'heure actuelle que, probablement au niveau du premier
cycle, il en coûte aussi cher au niveau collégial qu'au niveau
universitaire et que, par conséquent, il n'y a pas véritablement
de raison de ne pas imposer certaines compressions au réseau.
Les compressions qui ont été imposées au
réseau collégial ont été des compressions
identiques à celles imposées partout ailleurs. Ce ne sont pas des
compressions particulièrement dures pour ce réseau; ce sont les
mêmes qu'ailleurs: non-indexation des dépenses autres que
salariales. Nous avons levé ces compressions au réseau
universitaire parce que nous estimions que notre coût unitaire avait pris
un peu de retard par rapport à celui de nos voisins. Nous injectons - et
là-dessus le député d'Argenteuil a raison - 36 000 000 $,
37 000 000 $ pour les clientèles inscrites en septembre 1984, dois-je
dire. C'est-à-dire qu'il s'agit de ressources additionnelles pour
couvrir les clientèles qui sont déjà là. À
quoi vont servir ces 36 000 000 $? Eh bien, si le député
d'Argenteuil attache la moindre importance à son accusation concernant
le dirigisme ou l'interventionnisme d'État, je lui dirais: Les 37 000
000 $ peuvent servir, oui, à engager de nouveaux professeurs et
même pas mal de nouveaux professeurs.
En effet, il s'agit de sommes additionnelles pour financer les
clientèles qui se sont inscrites en septembre 1984, qui sont là
présentement. Donc, il s'agit de ressources
additionnelles qui peuvent servir à améliorer le genre de
services que l'on donne aux étudiants inscrits en ce moment. M. le
Président, 37 000 000 $ de ressources additionnelles, vous en engagez
des professeurs. Je vous dirais même que vous allez manquer de
professeurs parce que vous n'aurez pas les ressources humaines disponibles pour
un tel effort. Vous allez pouvoir en acheter des livres à ce professeur
qui a dû débourser 400 $ sur un salaire de 50 000 $ pour se
procurer quelques livres. Oui, on va pouvoir injecter pas mal de livres dans
les bibliothèques.
M. le Président, 37 000 000 $ de plus pour financer les
clientèles qui sont présentement en place, cela nous permet de
réaligner nos coûts unitaires à un palier qui va être
très voisin de celui de nos concurrents.
Par conséquent, ce que l'on peut dire sans qu'il y ait d'absolu
dans le domaine, c'est que nous avons un bon réseau, qui forme bien nos
étudiants, à un coût raisonnable. Nous pourrions dire que
nous aimerions avoir plus de ressources, mais nous ne les avons pas. À
ce moment-là, il faut discuter pour savoir comment on alloue les
ressources et non pas faire comme l'Opposition libérale et dire: II en
faut plus partout, tout en payant moins d'impôt et surtout en ne faisant
pas porter à nos enfants le fardeau d'un déficit inacceptable,
car le seul discours que nous a tenu le député d'Argenteuil
aujourd'hui, c'est exactement celui-là: c'est celui de
l'irresponsabilité sociale.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je constate que le ministre n'a
rien perdu de son arrogance et de sa suffisance. Je n'entends aucunement le
suivre sur ce terrain, parce que je le trouve spécialement
désagréable quand il s'engage dans cette voie. Je remarque qu'il
s'est employé à lancer des affirmations générales,
mais qu'il n'a réfuté aucune des affirmations précises qui
sont contenues dans la critique que j'ai faite ce matin. C'est le devoir de
l'Opposition, M. le Président, de faire la critique impitoyable des
gestes du gouvernement. Ce n'est pas le devoir de l'Opposition, à chaque
commission, de présenter un programme de gouvernement embrassant
l'ensemble de la fiscalité; cela se fera à un autre niveau, quand
le gouvernement dont fait partie le ministre aura le courage de se
présenter devant l'électorat au lieu de passer son temps à
s'esquiver comme il l'a fait depuis des mois et à retarder le
Québec, empêchant un grand nombre de décisions d'être
prises. Si vous voulez l'avoir, ce débat, venez dans l'arène
électorale, on va vous le faire. On ne le fera pas ici.
On est venu ici pour faire un jugement sur l'action du gouvernement dans
le domaine de l'enseignement collégial et universitaire et nous allons
rester sur ce terrain. Je tiens à dire au ministre que ce n'est pas avec
l'injection de 37 000 000 $... Je remarque que, quand il s'agit de chiffres, on
s'entend de plus en plus facilement. Il y a un progrès qui a
été fait de ce côté; j'en suis bien content.
Pourtant, nos chiffres n'ont pas changé au cours des années. Je
dis donc au ministre que ce n'est pas avec une injection de 37 000 000 $ en
dernière heure, à quelques semaines des élections, que
vous allez nous empêcher de discuter de la performance de votre
gouvernement au cours des quatre dernières années et demie. C'est
cela qu'on fait. Vous ne pouvez pas couper cette petite opération de
dernière heure de tous les dégâts qu'ont infligés
les politiques antérieures. Quand on signale ces faits, je ne pense pas
qu'on fasse de la démagogie; on reprend des termes qui ont
été évoqués à maintes reprises par des
organismes et des personnages sérieux et respectés.
Même s'il y en a qui n'avaient pas fait leur devoir, ce serait
notre devoir de le faire. Je ne vois pas pourquoi toutes vos accusations
d'incohérence, de ceci et de cela, franchement, je les trouve
parfaitement incohérentes, pour être franc. C'est notre devoir de
faire cela et, en fin de compte, quand on présentera un programme de
gouvernement, on fera la synthèse que vous demandez, on ne la fera pas
pour satisfaire chaque petit maître d'école qui passe par les
différentes commissions en se présentant comme porte-parole du
gouvernement, je tiens à vous dire cela.
Maintenant, je vous donne juste un exemple de ce que je dis; si vous
m'accusez d'incohérence et d'irresponsabilité, vous embrassez un
paquet de monde dans votre accusation. Si c'était seulement de moi,
passe encore. Je pense que l'expérience a démontré que
j'étais capable de me défendre et de survivre à bien des
intempéries. Mais là, c'est parce que vous attaquez un paquet de
monde. Prenez le secteur des collèges. Vous dites: Tout ce qu'il dit ne
tient pas debout. Je regarde ce que la Fédération des
cégeps a conclu, à une assemblée récente où
elle a discuté du programme de financement du gouvernement pour
1985-1986. Elle dit ceci et c'est extrait de son bulletin daté du 16
avril 1985, c'est tout récent: "Les compressions budgétaires
proposées par le gouvernement sont inacceptables et inapplicables pour
le réseau des cégeps. Cette conclusion tirée d'une analyse
du projet gouvernemental amène la fédération à
poursuivre ses actions dans le but d'amener le gouvernement à
réviser sa politique budgétaire, à proposer une solution
globale au problème du financement des
établissements collégiaux. Elle s'appliquera donc - la
fédération - à dénoncer auprès du
gouvernement le caractère inacceptable des compressions
envisagées."
C'est pas mal de monde, je pense qu'il y a 46 cégeps dans la
province de Québec, c'est leur fédération qui parle en
leur nom. Ce n'est pas toute une bande de fous et d'irresponsables.
Vous dites cette année des choses qu'on vous disait l'an dernier.
L'an dernier, vous disiez que c'était fou et incohérent et vous
le faites cette année. Vous vous rappelez quand on vous a dit: Gelez la
tâche des enseignants au primaire et au secondaire. Vous êtes venus
vous balader en pleine Chambre en disant: Cela ne tient pas debout, on ne le
fera pas et il n'en est pas question. Deux semaines après, vous disiez:
On va avoir le gel de la tâche des enseignants, après que le
Conseil supérieur de l'éducation vous eut mis sous les yeux des
faits qui étaient connus de tout le monde depuis un bon bout de
temps.
Organisation des travaux
Je ne veux pas continuer le débat dans cette voie, cela ne me
donnerait rien. Je maintiens les affirmations qui étaient contenues dans
mon exposé liminaire. Je crois comprendre que le ministre maintient les
siennes et je voudrais qu'on engage le plus tôt possible la discussion
sur une série de points dont je voudrais peut-être vous proposer
une liste pour assurer un peu d'ordre et de cohérence, parce que cela
semble un souci cher au ministre dans le déroulement de nos
discussions.
Je vais vous donner une liste, M. le Président, et si le ministre
veut bien l'accepter. S'il y a des propositions à faire par nos
collègues, je n'ai pas du tout d'objection. C'est une proposition que je
vous fais. Je crois comprendre que nous avons la séance de ce matin, une
séance cet après-midi et une séance ce soir. À la
séance de ce soir, il faut réserver à peu près une
heure à la fin pour l'étude des crédits de l'Office des
professions. Je proposerais ceci: c'est que le reste de la séance de ce
matin et la séance de cet après-midi soient consacrés
à l'étude des universités; que la première partie
de la séance de ce soir soit consacrée à l'étude
des collèges et que la dernière partie soit consacrée
à l'Office des professions. Si vous étiez d'accord
là-dessus...
M. Bérubé: Référez-vous au
député de Saint-Laurent.
M. Ryan: Cela nous intéresse. Il y a des problèmes
sur lesquels je vais l'accompagner.
Le Président (M. Charbonneau): Cela val Vous n'avez pas
d'objection de part et d'autre?
M. Ryan: Si vous n'avez pas d'objection à ceci, je vous
proposerais peut-être une liste de sujets.
M. Bérubé: M. le Président, nous nous sommes
renseignés sur l'organisation des travaux et, comme on nous avait
indiqué l'inverse, c'est-à-dire les collèges en premier et
les universités ultérieurement, nous avons fait venir les gens
des collèges immédiatement. Donc, je suis présentement
entouré de tous ceux qui ont les données pour répondre aux
questions, j'espère, cohérentes du député
d'Argenteuil sur les collèges.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, il y
a peu de personnes ici qui vous entourent qui sont dans le réseau
universitaire, qui sont concernées par...
M. Bérubé: Non, nous avons consulté
d'ailleurs les intervenants de cette commission et c'est sur la base de cette
consultation que nous avons convenu que les représentants des
collèges m'accompagneraient au début.
Le Président (M. Charbonneau): J'ignore à qui on a
parlé. On n'a certainement pas parlé au président de la
commission, mais, de toute façon, s'il n'y a pas d'objection...
M. Ryan: Je ne sais pas, vous entendez peut-être des voix, mais il
n'y a pas eu d'échange là-dessus.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): J'aurais quelques questions au niveau de
l'enseignement collégial sur les sciences
spécialisées.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord, M. le
député d'Arthabaska. La seule chose, c'est que je voudrais
terminer la discussion sur l'organisation des travaux. Une fois qu'on se sera
entendu, dès qu'on sera rendu à ce point à l'ordre du
jour, je réserve du temps de parole pour vous.
M. Baril (Arthabaska): Parce qu'on disait qu'on parlait juste des
universités.
Le Président (M. Charbonneau): Non, on va parler des
collèges et des universités, il s'agit de savoir par quoi on
commence.
M. Baril (Arthabaska): D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): Donc, devant le
problème qui nous est posé par le
ministre, est-ce que, M. le député d'Argenteuil, vous
pouvez engager la discussion maintenant sur...
M. Ryan: Je demanderais une suspension de cinq minutes pour
m'entendre avec mes collègues, parce qu'on avait prévu suivre la
procédure contraire. Je n'ai pas d'objection de fond à ce que
nous fassions cela, mais...
Le Président (M. Charbonneau): On va suspendre les travaux
quelques minutes le temps qu'on fasse les ajustements nécessaires. On
suspend pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 6)
(Reprise à 12 h 10)
Le Président (M. Charbonneau): Si j'ai bien compris les
discussions que nous venons d'avoir durant la suspension, je pense que, de part
et d'autre, on s'entendrait pour ajourner maintenant les travaux après
la période de questions et les reprendre suivant l'entente et l'ordre
qui ont été convenus entre le ministre et le porte-parole de
l'Opposition. Cela va?
M. Bérubé: M. le Président,
effectivement...
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! Ce n'est pas un dortoir ici, c'est une
commission parlementaire.
M. Bérubé: M. le Président, vous pourriez
peut-être demander si on dérange l'auditoire...
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que j'ai
été assez clair, M. le ministre, à cet égard. Je
pense que les gens semblent oublier parfois qu'ils sont dans un Parlement.
M. Bérubé: Alors, M. le Président, compte
tenu des demandes qui nous sont faites et du temps qu'implique finalement
l'appel au personnel qui viendrait répondre aux questions entourant les
programmes des universités, dans la mesure où on s'était
préparé pour faire le programme 5 avant le programme 6, dans un
certain souci de cohérence, nous n'avons pas d'objection, cependant, vu
l'état d'esprit de l'Opposition, à commencer par le programme 6
et à finir par le programme 5. Cela implique cependant que nous
puissions suspendre la séance jusqu'après la période des
questions, effectivement.
Le Président (M. Charbonneau): Sans plus tarder, on va
faire cet ajournement avant que cela ne dégénère. Donc,
les travaux de la commission sont ajournés jusqu'après la
période des questions.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 15 h 26)
Le Président (M. Charbonneau): La commission parlementaire
de l'éducation et de la main d'oeuvre reprend ses travaux et son mandat,
qui est l'étude des crédits du ministère de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie. Si j'ai bien compris
l'entente prise ce matin, nous aborderions d'abord, cet après-midi,
l'étude du dossier de l'enseignement universitaire. Je cède la
parole au vice-président de la commission, le député
d'Argenteuil, le critique officiel.
M. Ryan: Je voudrais qu'on fasse le contrôle du temps pour
commencer, M. le Président, pour savoir où nous en sommes et
combien de temps il nous reste exactement.
Le Président (M. Charbonneau): Nous allons vous dire
ça dans...
M. Ryan: Combien avons-nous écoulé du temps qui
nous était accordé?
Le Président (M. Charbonneau): II nous reste cinq heures
trente, on a pris deux heures sur sept heures trente d'étude de
crédits; nous avons une heure allouée au député de
Saint-Laurent pour l'Office des professions - je sais que ça nous fait
un grand plaisir à nous également - et, donc, il nous resterait
quatre heures pour les autres sujets. C'est-à-dire la séance de
cet après-midi, quatre heures, quatre heures et demie, en fait. Il
est 15 h 30.
M. Ryan: Cet après-midi, je voudrais savoir jusqu'à
quelle heure nous siégeons? Je pense que nous allons jusqu'à 18
heures.
Le Président (M. Charbonneau): C'est parce qu'il y a un
caucus à 18 heures.
M. Ryan: Cela veut dire que nous avons deux heures et demie cet
après-midi, ça va faire quatre heures et demie. Il va rester deux
heures ce soir pour les collèges ou universités et une heure pour
l'Office des professions; cela veut dire trois heures ce soir.
Le Président (M. Charbonneau): C'est cela.
M. Bérubé: L'Office des professions. M. Leduc
pourra nous poser deux ou trois questions par écrit et on pourra lui
fournir
les réponses.
M. Ryan: C'est parce que je veux savoir à quoi m'en tenir
exactement. Cela veut dire qu'on accepterait, des deux côtés, de
siéger au besoin jusqu'à 23 heures, de 20 heures à 23
heures.
Le Président (M. Charbonneau): En fait, j'ai l'impression
que, si j'ai bien compris les remarques ou les réponses du ministre ce
matin, il y aurait un accord ou un consensus pour compléter la
période allouée initialement, c'est-à-dire sept heures
trente, je crois. Ce matin, on a dû interrompre pour régler des
problèmes d'intendance. À ma connaissance, on devait reprendre ce
temps-là ce soir; donc, si personne n'a d'objection, on finirait vers 22
h 30, 22 h 45, selon...
M. Ryan: On a perdu du temps cet après-midi encore.
Le Président (M. Charbonneau): II est 15 h 30, si on
commence maintenant...
M. Ryan: On est prêt, nous autres.
Le Président (M. Charbonneau): ...on n'en perdra plus.
Cela va?
Enseignement universitaire
M. Ryan: Très bien. Au sujet des universités, je
voudrais peut-être énumérer une série de sujets sur
lesquels nous avons des questions à poser, pour que le ministre ait un
peu l'idée de l'ordre de grandeur dans lequel nous évoluons et
que, espérons-nous, ça conditionne la longueur de ses
réponses en conséquence.
Une voix: On entend très mal. M. Ryan: Oui, c'est
un problème.
Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de
système d'amplification...
M. Ryan: On va essayer de parler plus fort.
Le Président (M. Charbonneau): ...d'une part. D'autre
part, à cause de cela, je demanderais à nos invités, en
fait les gens qui assistent à la commission parlementaire, d'être
le plus silencieux possible dans la mesure où cette salle n'est pas
celle qu'on avait ce matin et dans la mesure du possible, si les gens pouvaient
éviter un abus de nicotine, cela aiderait tout le monde.
Une voix: Sûrement.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député d'Argenteuil.
M. Bérubé: M. le Président, il y a là
une atteinte à l'équilibre budgétaire à laquelle
vous devriez être sensible, compte tenu des demandes empressées de
l'Opposition pour qu'on dépense davantage.
Le Président (M. Charbonneau): Le ministre des
Finances...
La contribution fédérale au financement
des universités
M. Ryan: Une première question à propos du rapport
Johnson, le rapport que M. Al Johnson, ancien président de Radio-Canada
et ancien sous-ministre fédéral des Finances, a publié au
mois de mars, à la demande du gouvernement fédéral, sur la
contribution fédérale au financement des universités. Je
lisais dans ce rapport qu'un gros problème se pose pour le gouvernement
fédéral. C'est celui de la destination des fonds qui sont
versés aux provinces pour les fins du financement universitaire.
Le Québec n'a pas été inclus dans les provinces
à qui le commissaire adresse des reproches, mais on a constaté
que, dans plusieurs provinces, la part du gouvernement provincial au
financement des universités est devenue bien inférieure à
celle qui émane des contributions fédérales, alors qu'au
début le principe était qu'il y avait une certaine correspondance
moitié-moitié entre la contribution du gouvernement
fédéral et celle des provinces. Il est vrai que le gouvernement
fédéral a laissé tomber ce principe en 1977 et qu'on est
entré dans une période où il ne s'exerçait plus de
contrôle strict sur le volume de la part des provinces, mais, depuis ce
temps-là, le gouvernement fédéral a dû tenir compte
d'un mouvement d'opinion très fort à travers le Canada. C'est ce
qui l'a amené à adopter la loi C-12, l'an dernier, qui
déjà ouvre la porte à des contrôles plus
astreignants de ce point de vue.
Le commissaire Johnson recommande dans son rapport ceci, entre autres.
Il recommande que le gouvernement fédéral continue de verser des
subventions pour le financement des universités. Il recommande qu'au
lieu que ces contributions soient variables selon les humeurs du gouvernement
ou son appréciation des besoins, elles augmentent
régulièrement selon le taux d'accroissement du PNB. M. Johnson
recommande aussi que les contributions du gouvernement fédéral
n'augmentent qu'en proportion des contributions que les provinces voudront
mettre dans le financement de leur enseignement universitaire. Il dit, d'autre
part, que la contribution fédérale ne pourrait pas augmenter
au-delà du taux d'accroissement du PNB. Il veut fixer un plafond parce
qu'il ne veut pas se retrouver dans une situation découverte comme celle
qui a existé au temps où cela était 50-50
sans limite.
Alors, je veux demander au ministre si le gouvernement
québécois, et surtout lui-même, à titre de ministre
de l'Enseignement supérieur, a pris connaissance de ce rapport de M.
Johnson et a fait des représentations au gouvernement
fédéral à ce sujet. Il y a beaucoup d'autres
recommandations dont on pourra parler, mais je veux savoir où en est le
gouvernement dont fait partie le ministre sur cette question
précise.
M. Bérubé: Nous avons eu déjà
plusieurs rencontres de travail au niveau ministériel entre les
ministres de l'Éducation et le Secrétaire d'État, d'une
part. Ces questions ont été abordées. Nous n'avons pas
encore soumis de mémoire formel dans la mesure où, disons, cette
question a été ajoutée aux nombreuses autres questions qui
touchent les relations fédérales-provinciales et qu'il n'y a pas
encore de position gouvernementale finale.
Soulignons néanmoins certains aspects qui font que la question
posée par le rapport Johnson est une question mal posée. En
effet, l'éducation est un domaine strictement de juridiction
provinciale. Il est vrai que pour, je dirais, pratiquer une certaine
péréquation, le gouvernement fédéral a choisi de
taxer les citoyens canadiens pour verser aux provinces des contributions au
financement de l'éducation. Cependant, on a toujours insisté pour
que ces transferts soient inconditionnels, de telle sorte que les provinces
maintiennent leur entière juridiction sur l'éducation. Et ces
transferts ont toujours été vus par les ministres des Finances
comme étant une contribution du gouvernement fédéral
à l'équilibre budgétaire global d'une province.
Je dirais que la question est mal posée parce qu'à partir
du moment où un gouvernement abuse de son pouvoir de taxation, il est
aux prises avec l'utilisation des fonds qu'il a ainsi produits. La solution la
plus simple, à mon point de vue, serait de continuer dans la voie qui
avait été tracée et de convertir la contribution
fédérale à l'éducation post-secondaire en points
d'impôt puisque déjà, à l'heure actuelle, la
contribution fédérale, pour autant que le Québec soit
concerné, se partage à peu près
moitié-moitié, de mémoire, entre transferts financiers et
transferts fiscaux.
Donc, il s'agit de convertir tous ces transferts financiers en
transferts fiscaux purement et simplement, en équivalents de points
d'impôt, de telle sorte qu'à ce moment-là le gouvernement
fédéral n'a plus à s'interroger sur la façon dont
les provinces utilisent leurs taxes puisque ce sont les provinces qui taxent et
ce sont les provinces qui décident de leur utilisation.
À ce moment-là, dans la mesure où les
députés élus par l'électorat dans une province ne
sont certainement pas moins légitimes que les députés
élus à Ottawa, et pas moins incompétents, on doit tirer la
conclusion qu'ils sont plus en mesure de décider ce qui est bon pour
leur province et où doit être la priorité. S'ils
décident de la mettre dans l'éducation secondaire, au-delà
de ce qui se fait ailleurs - c'est le cas du Québec où nous
injectons davantage en éducation que ne le font peut-être les
autres provinces - c'est un choix de société. Si une
société décide d'injecter moins, c'est son choix aussi et,
à ce moment-là, l'élu local est plus en mesure de
décider de ce qui est bon pour lui.
Pour vous donner un exemple des complications de la formule Johnson,
prenons le cas d'une province qui aurait effectivement dépensé
moins dans le domaine de l'éducation et déciderait de
procéder à un rattrapage. Comme la contribution
fédérale est plafonnée au PIB, à la croissance du
PIB, tout effort de rattrapage d'une province ne serait donc pas couvert par le
gouvernement fédéral puisque la contribution
fédérale serait plafonnée au PIB, ou à la
croissance de celui-ci. Conséquence: la province serait seule à
devoir assumer le rattrapage, alors qu'à côté une autre
province qui, dans le passé, aurait maintenu des dépenses
d'éducation plus importantes aurait vu ses dépenses
d'éducation couvertes par Ottawa. C'est un cas. C'est le cas d'une
province qui est en retard et qui veut faire du rattrapage.
Prenons l'autre cas d'une province qui, effectivement, aurait
peut-être eu tendance à immobiliser trop de ressources dans le
secteur de l'éducation - compte tenu de la performance du réseau
- et déciderait de ralentir. À ce moment-là, le
gouvernement fédéral fait une économie puisque, chaque
fois que la croissance du budget provincial est inférieure au PIB, le
gouvernement fédéral ne suit pas le rythme du PIB. Il s'ensuit
donc que le gouvernement fédéral vient de faire une
économie quand on fait croître les budgets plus lentement que le
PIB. Il fait également une économie quand on fait croître
le budget plus vite que le PIB. Donc, celui qui économise dans
l'opération, c'est purement et simplement le gouvernement
fédéral, tout le temps.
Pourquoi est-on amené à réfléchir au
problème tel que le soumet le rapport Johnson? Simplement parce que le
gouvernement fédéral ne se mêle pas de ses affaires! En
d'autres termes, si le gouvernement fédéral se retirait purement
et simplement du financement en transférant des points de taxation aux
provinces et en veillant à ce que ceux-ci soient ajustés pour
tenir compte de la richesse relative et de l'importance relative de l'assiette
fiscale, tout le problème ne se poserait pas puisque les provinces
taxeraient aux fins qui leur
sont propres.
M. Ryan: M. le commissaire Johnson a peut-être mal
posé le problème, si on s'en reporte à ce que vient de
dire le ministre, mais je ne pense pas que le ministre nous avance beaucoup en
ayant l'air de nier le problème. Il existe un problème
véritable. À moins qu'à peu près tout ce que nous
comptons au Canada de milieu intéressé à
l'éducation supérieure ne soit dans l'erreur, je pense qu'on doit
constater l'existence d'un très fort mouvement d'opinion à
travers le pays en faveur d'une intervention fédérale dans le
domaine du financement de l'enseignement post-secondaire. La raison de fond est
double. D'abord, l'égalité des chances.
Dans le domaine de l'assurance-maladie, je pense qu'il faut se rendre
à une vérité historique. S'il n'y avait pas eu, à
un moment donné, une intervention qui était discutable à
bien des points de vue, il y a peut-être des provinces qui n'auraient pas
encore l'assurance-maladie de caractère public, obligatoire et universel
que nous avons maintenant à travers tout le Canada. Quand le
gouvernement fédéral a introduit l'assurance-maladie, s'il
voulait parler de choses sérieuses, il fallait qu'il introduise certains
critères. Il l'a fait. Des critères qui n'ont tué
personne, qui ont aidé beaucoup à fournir des services
d'assurance-maladie qui avaient de l'allure à l'ensemble de la
population canadienne. C'est, par conséquent, le premier point:
égalité des chances.
Le deuxième point est le niveau d'excellence auquel nous devons
nous élever si nous voulons que l'enseignement supérieur au
Canada soit à la hauteur des défis modernes dont vous avez
parlé ce matin dans vos remarques liminaires. Je pense bien qu'il tombe
sous le sens que si tout cela est abandonné complètement au
financement des provinces individuelles, étant donné la grande
disparité de "thought" d'une province à l'autre, on n'arrivera
pas. Je ne sais pas. On peut bien nier le problème, encore une fois.
Je ne veux pas insister davantage là-dessus parce qu'il y a
beaucoup d'autres sujets qu'on doit examiner. Je veux insister d'autant moins
que le ministre nous a dit que le gouvernement n'avait pas encore de position
officielle. Par conséquent, je ne voudrais pas avoir un cours
là-dessus aujourd'hui. Cela ne donnerait rien. Je soumets simplement au
ministre que j'ai l'impression qu'il simplifie peut-être le
problème à l'autre extrême. Je ne dis pas que j'approuve le
rapport Johnson, je n'ai pas émis d'opinion là-dessus pour
l'instant, mais j'approuve fortement l'idée voulant que le gouvernement
fédéral soit impliqué dans le financement de
l'enseignement supérieur sous une certaine forme. C'est une
réalité qui fait partie de l'histoire canadienne maintenant et ni
vous ni moi n'allons l'effacer demain matin, alors autant nous demander
franchement et loyalement comment cela peut être fait de la
manière qui respecte le mieux les réalités des
provinces.
C'est cela que j'attends de votre gouvernement; qu'il nous dise comment
il réagit à cet ensemble de propositions. Il y a d'autres
propositions qui peuvent aller assez loin. Je crois que le plus tôt
possible on pourra avoir une position claire de votre gouvernement, le mieux ce
sera pour tout le monde. Nous-mêmes, nous ferons connaître notre
opinion incessamment là-dessus.
M. Bérubé: Alors, M. le Président, les deux
arguments invoqués par le député d'Argenteuil portent
à faux. En effet, quand on parle d'égalité des chances, on
fait référence au problème de la
péréquation. Il est tout à fait plausible d'ajuster des
transferts fiscaux en prenant en compte la richesse relative des assiettes
fiscales, ce qui se traduit par des transferts de points dits
"péréquatés". Effectivement, il est tout à fait
possible pour l'équilibre entre les régions canadiennes
d'effectuer un transfert de points d'impôt dont l'importance relative
varie selon l'importance de l'assiette fiscale d'une province. Il n'en
coûte pas un cent de plus au gouvernement fédéral. Ce sont
exactement les mêmes sommes qui sont transférées à
la différence près, cependant, qu'évidemment on prend en
compte la richesse relative d'une région. Une région plus pauvre,
ayant une assiette fiscale plus petite, se voit transférer davantage de
points d'impôt. Donc, à la fin, nous avons exactement atteint
l'objectif d'égalité des chances, c'est-à-dire que les
revenus des provinces prennent en compte leur richesse relative de
manière à pouvoir assurer les services de base. Dans la mesure
où elles ont le niveau de revenu adéquat, elles peuvent donc
poursuivre le niveau d'excellence dont on vient de parler. Donc, les deux
arguments trouvent leur réponse dans un transfert de points
d'impôt "péréquatés".
Finalement, c'est cela qui est au coeur du débat. Au lieu de se
retrouver avec deux administrations et les problèmes que connaît
le gouvernement fédéral, à savoir l'utilisation des sommes
par les provinces, on élimine le problème purement et simplement
en reconnaissant qu'un député élu par des citoyens pour
gérer des juridictions régionales est un citoyen aussi
légitimement élu qu'un citoyen élu à d'autres fins,
par exemple, aux fins dites fédérales.
Ce qui est frappant un peu dans l'intervention du député
d'Argenteuil, c'est l'espèce de mépris qu'il a vis-à-vis
des députés élus dans une province comme étant des
députés moins sensibles aux besoins des
concitoyens, donc incapables d'utiliser les sommes dont on parle.
Lorsqu'il nous parle d'un partage plus équitable de la richesse, nous en
sommes et on ne conteste pas la nécessité de la
péréquation. Cependant, ce qui est en cause, ce n'est pas la
nécessité de la péréquation, c'est le
préjugé que l'on peut avoir vis-à-vis des
députés élus dans une province quant à leur
capacité de bien percevoir les besoins de leurs concitoyens dans un
domaine qui est de leur juridiction. Évidemment, peut-être est-ce
la trop longue fréquentation de ses collègues dans son parti qui
l'amène à porter un jugement aussi sévère, mais je
pense qu'il ne le devrait pas.
M. Ryan: M. le Président, ce sont les raisonnements
à l'envers que M. Trudeau nous servait sur les mêmes sujets,
exactement à l'envers, mais j'en laisse la responsabilité au
ministre. Je voudrais lui demander une simple question qui va demander une
très brève réponse, je pense. Quand le gouvernement
va-t-il faire connaître sa position là-dessus? Est-il capable de
nous donner une date?
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: Bon. C'est cela que je voulais savoir. Il n'y en a pas
actuellement et on ne sait pas quand on va en avoir une. Merci.
Deuxième question... (15 h 45)
M. French: M. le député d'Argenteuil?
M. Ryan: Oui.
M. French: Si vous me le permettez, j'aurais une couple de
questions...
Le Président (M. Charbonneau): Sur le même sujet,
avant de changer de sujet?
M. French: Sur le même sujet, voilà, M. le
Président. Je ne voudrais pas entrer dans le débat sur la
capacité des législateurs provinciaux. Je pense que les
constatations et les arguments du ministre en ce qui a trait à
Québec sont tout à fait justifiés par rapport à ce
qu'on peut s'attendre des députés fédéraux, mais je
puis lui suggérer brièvement, ayant, en tant qu'étudiant,
fait du lobbying pour les universités auprès d'un autre
gouvernement provincial, qu'il n'est pas évident pour moi, malgré
mes accords fondamentaux avec le ministre sur le plan constitutionnel, que tous
les parlementaires provinciaux sont également capables de concevoir
leurs responsabilités face aux universités.
Je voudrais aborder une autre question, celle de la recherche et de la
subvention à la recherche. Je voudrais demander au ministre s'il
appliquerait son argument, tel qu'il nous l'a présenté
tantôt, également au domaine de la recherche.
M. Bérubé: Dans le domaine de la recherche, je
pense que c'est plus difficile. D'abord en vertu du partage des juridictions
entre les niveaux provincial et fédéral, il existe des mandats
confiés à chaque Parlement dans des domaines spécifiques
qui entraînent nécessairement de la recherche. Par exemple, on
reconnaîtra que le transport, l'aéronautique...
M. French: La recherche universitaire?
M. Bérubé: Oui, le transport et
l'aéronautique impliquent un effort de recherche et, par
conséquent, il y a dans le mandat imparti au gouvernement
fédéral une responsabilité en termes de recherche.
Également, on reconnaîtra qu'il existe un lien très
étroit entre la recherche universitaire et la recherche dite
d'application dans les entreprises et qu'il peut y avoir comme
conséquence que le gouvernement fédéral finance de la
recherche.
Dans la mesure où on a recours à des paramètres
d'évaluation les plus équitables possible et les moins orientants
de la part du gouvernement fédéral, je pense qu'on a
traditionnellement accepté le financement fédéral dans le
domaine de la recherche. Là où on a des réticences, c'est
chaque fois que le gouvernement fédéral prétend
développer la recherche dans les universités en orientant la
mission des universités. À ce moment, on doit s'opposer à
ce type de financement, mais on ne s'est jamais opposé, par exemple, au
financement de la recherche par le Conseil national de la recherche ou le
Conseil des arts qui s'est appuyé sur des critères dits
d'excellence individuelle et sur, donc, des objectifs absolument
inattaquables.
Par contre, lorsque l'ancien secrétaire d'État, M. Joyal,
a voulu subventionner directement les universités dans le but d'orienter
leur développement dans un sens jugé politiquement acceptable au
gouvernement fédéral, nous avons dû nous y opposer.
D'ailleurs, il y avait un front commun de la part de toutes les
universités pour refuser ce type d'orientation voulu par le gouvernement
fédéral. Donc, je pense qu'il est très important de dire
que nous ne pouvons pas accepter quelque financement que ce soit qui aurait
comme résultat de forcer une orientation du système universitaire
qui aille à ['encontre de la volonté de la population du
Québec et de ses élus.
Ceci m'amène à dire que, dans le cas des
universités, il serait préférable de procéder
carrément par des transferts fiscaux plutôt que par des transferts
financiers. Dans le cas du financement de la recherche, dans la mesure
où ce financement repose sur des
critères objectifs qui n'entraînent pas d'orientation
privilégiée de développement, je pense qu'on peut accepter
ce type de financement.
M. French: Tout simplement, M. le Président, je pense que
l'argument du ministre vaut la peine d'être retenu. Cependant, il n'est
pas clair que toute initiative fédérale va, par
définition, à l'encontre de la volonté de la population du
Québec. L'argument est plutôt qu'au point de vue de la juridiction
le véhicule approprié serait une Législature
provinciale...
Une voix: C'est cela.
M. French: ...sauf que cela ne s'applique pas, comme le dit le
ministre, dans un domaine comme la recherche où il y a des
économies d'échelle, de l'excellence à juger...
M. Ryan: Je suis content de ce que dit le ministre...
M. Bérubé: Je m'entendrais beaucoup plus facilement
avec celui-ci qu'avec l'autre.
M. Ryan: II est plus malléable. Il vient de McGill,
ça se comprend. Je l'ai trouvé particulièrement
malléable.
Je suis content de ce que dit le ministre sur la participation
fédérale au financement de la recherche, parce que cela n'a pas
toujours été la position de son parti et de son gouvernement. Je
me souviens qu'on a publié des livres blancs qui parlaient un langage
très différent. Je trouve que le langage qu'on vient d'entendre
est beaucoup plus modéré, beaucoup plus réaliste et je
l'enregistre avec plaisir.
Le partage de l'enveloppe du financement
Maintenant, il y a un deuxième point sur lequel j'aimerais poser
une question au ministre. Premièrement, comment va se faire le partage
de l'enveloppe 1985-1986? On n'a pas d'indications là-dessus dans le
cahier explicatif. Comment le partage va-t-il se faire entre les institutions
et, en particulier, est-ce que l'on va tenir un compte particulier des
institutions qui ont été sous-financées jusqu'à
maintenant en vertu de la formule de financement existante?
Deuxièmement, est-ce qu'on va tenir compte des institutions qui avaient
soumis des besoins particulièrement aigus dans les mémoires
qu'elles ont adressés à la commission parlementaire? Je pense
d'une manière spéciale aux constituantes régionales de
l'Université du Québec.
M. Bérubé: La réponse est non et cela, en
accord avec la CREPUQ. En effet, il faut bien comprendre que les règles
de financement ne sont pas les règles de financement pour les
clientèles qui vont entrer en septembre 1985, mais bien les
règles de financement pour les clientèles qui sont entrées
en 1984. Nous sommes toujours en retard, puisque nous finançons non pas
les clientèles que nous ne connaissons pas, mais les clientèles
que nous connaissons, c'est-à-dire celles qui sont présentement
inscrites. On doit donc éviter de modifier, le plus possible en tout
cas, les règles de financement après coup, une fois que les
clientèles ont été admises. Si, cette année, je
devais modifier mes règles de financement pour mes clientèles,
dans les règles budgétaires que je vais déposer, cela
entraînerait comme conséquence inévitable que les
universités auraient pu accepter des clientèles en septembre
dernier sur la base d'une espérance de gains X et se retrouver avec un
budget effectivement différent par rapport à ce qu'elles ont
planifié, simplement du fait que j'ai changé mes règles
budgétaires une fois les clientèles admises.
Donc, si nous devons changer les règles de financement des
clientèles il serait, à mon avis, préférable que
nous le fassions par une discussion avec la conférence des recteurs -
c'est ce que je me suis engagé à faire auprès d'eux - que
nous discutions avec la conférence des recteurs, dis-je, dès ce
printemps-ci, donc avant juin, de manière que nous puissions indiquer
aux universités quelles seront les règles de financement en
1986-1987. Cela amènerait à ce moment-là les
universités à devoir recruter en septembre prochain sur la base
de conditions budgétaires sur lesquelles elles pourront tabler.
C'est cette voie que j'ai choisie. J'aurais effectivement aimé
corriger un certain nombre de paramètres dans les règles
budgétaires; je pourrais vous en citer simplement un cas. Nos
règles de financement reposent sur onze secteurs. Si vous examinez ces
secteurs de plus près, vous allez constater que le secteur dit des
sciences de l'administration est véritablement sous-financé par
rapport aux autres secteurs dits de sciences humaines. Pourquoi? Parce que la
règle de financement est simple. Nous finançons sur la base des
coûts moyens observés. Comme les clientèles en
administration se sont recrutées en période de restrictions
budgétaires, l'université a effectivement fait des merveilles et
a accueilli ces clientèles additionnelles en maintenant les coûts
très, très bas. Cependant, si on continue à maintenir une
telle règle, basée essentiellement sur le passé, il est
clair qu'on ne pourra que très difficilement développer les
sciences de l'administration puisqu'on aura toujours un niveau moyen de
financement faible, compte
tenu du passé.
J'aurais aimé regrouper certains secteurs de façon un peu
plus globale. J'ai finalement convenu avec le ministère et les recteurs
qu'il était probablement préférable de n'en rien faire
cette année, compte tenu que les universités savaient ce à
quoi elles s'engageaient l'an dernier quand elles ont recruté des
clientèles. C'est, par conséquent, compte tenu des règles
de financement qu'elles ont admis leur clientèle et il n'y a pas de
raison de modifier après coup les règles de financement. Je
préférerais non pas modifier les règles cette
année, mais m'asseoir avec les recteurs pour préparer les
règles de financement de la prochaine année, de telle sorte que
septembre puisse obéir à l'avance, si on veut, à des
règles qui seraient connues de la part de toutes les autorités
universitaires. Est-ce clair?
M. Ryan: Oui, cela veut dire qu'aux universités qui ont
été sous-financées jusqu'à maintenant, comme
l'Université de Montréal, l'Université McGill,
l'Université Concordia, l'Université Bishop, l'UQAM, la
réponse du gouvernement pour l'année 1985-1986, c'est: Nous
continuons le même système de financement.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Et pour les constituantes de l'Université du
Québec des régions éloignées qui ont des
problèmes particuliers afférents à la distance et à
la taille, la réponse est également négative, si je
comprends bien.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: C'est exactement le même système pour la
prochaine année.
M. Bérubé: Oui, car...
M. Ryan: Pour la présente année.
M. Bérubé: ...il faut bien se dire qu'à la
demande même du Conseil des universités, qui désirait que
des modifications aux règles de financement fassent l'objet d'un
consensus plus vaste au sein du monde universitaire, nous avons convenu avec
les recteurs de mettre en place un fichier de données beaucoup plus
quantitatives, d'établir des bases de données qui nous permettent
éventuellement de modifier peut-être les conclusions de
l'étude préliminaire. Reconnaissons que l'étude qui avait
été présentée était une étude
préliminaire. C'était la première qui se faisait ici au
Québec et qui comparait véritablement les bases de financement.
Mais il est clair que cette étude repose sur un certain nombre
d'hypothèses de travail, hypothèses de travail, nous l'avons tous
reconnu, qui pouvaient être critiquables. Et ce que nous faisons à
l'heure actuelle, nous cherchons à déterminer justement quelles
seraient les hypothèses de travail qui feraient l'objet d'un consensus
beaucoup plus vaste.
En conséquence, il est peut-être prématuré de
tirer la conclusion à l'heure actuelle, par exemple, que
l'Université du Québec serait surfinancée. Modifiant les
hypothèses de travail, on pourrait peut-être conclure à
l'inverse car surfinancer, c'est toujours surfinancer par rapport à la
moyenne de financement dans un secteur. Mais cela ne fait pas
référence à la désirabilité d'un niveau
donné. Cela ne se réfère qu'à la moyenne actuelle,
que ce niveau soit acceptable ou non. Donc, on pourrait être amené
un jour à modifier les bases de comparaison et tirer d'autres
conclusions qui pourraient être assez différentes. Je pense qu'il
serait inapproprié d'effectuer un rétablissement de bases
aujourd'hui sur la foi d'une analyse qui pourrait se révéler
erronée ultérieurement, ce qui nous amènerait à
faire de nouveaux correctifs qui pourraient aller même en sens contraire
de ceux qu'on viendrait d'apporter.
C'est donc par mesure de prudence, je pense, qu'il est
préférable de s'en tenir aux règles de financement que les
universités connaissaient l'année dernière et, qu'en
conséquence, elles ont respectées quand elles ont inscrit les
étudiants en septembre. Alors, elles ne peuvent pas plaider
l'ignorance.
M. Ryan: Est-ce que les possibilités d'en arriver à
une nouvelle formule de financement qui tienne davantage compte de tous les
aspects de la réalité d'une manière acceptable aux
intéressés sont assez grandes pour l'année présente
ou si cela va prendre plus qu'une année?
M. Bérubé: Écoutez, il me semble que nous
pourrions, disons en début d'été, nous entendre avec les
recteurs sur les règles de financement qui prévaudraient pour le
recrutement des nouvelles clientèles, des clientèles
additionnelles, en septembre de cette année, et qui seraient les
règles de financement à mettre en vigueur l'an prochain. Je pense
que cela est possible. En ce qui a trait aux bases et au rétablissement
de ces bases, l'impression que j'ai, c'est qu'il va nous falloir au moins une
année. Nous n'avons pas pour l'instant une base de données
suffisamment fiable pour pouvoir tirer des conclusions. C'est vraiment la
première fois que l'on peut dire à l'heure actuelle que nous
avons un niveau de dialogue suffisamment étroit avec les
universités pour pouvoir envisager l'établissement d'une telle
base. On sait que, pendant de nombreuses années, les universités
ont réagi fréquemment avec force à toute tentative de
l'État pour obtenir des données
comparatives qui permettraient justement de régler le
problème. (16 heures)
C'est évidemment la menace que font planer à l'heure
actuelle des règles de rétablissement de bases qui pourraient
être erronées faute d'une base adéquate de données
qui amène l'ensemble des universités à dire: Si on est
pour rétablir plus d'équité entre les universités,
faisons le sur la base de données fiables. C'est ce qui a amené,
je pense, l'ensemble des intervenants à reconnaître l'importance
au moins de fournir l'information. C'est ce qui est présentement en
cours.
Comme, néanmoins, c'est un processus nouveau, j'ai bien
l'impression qu'il va falloir au moins une année pour en arriver
à quelque chose de valable.
M. Ryan: Justement, puisque vous avez fait allusion au
financement des clientèles additionnelles, dans un document que vous
nous avez fait parvenir dans le cadre de l'étude des crédits,
j'ai trouvé au sujet des clientèles additionnelles le passage
suivant qui m'a laissé un peu perplexe. Je voudrais avoir des
éclaircissements à ce sujet. C'est en réponse à la
question 38 que nous avions adressée à vos services,
intitulée "Financement des clientèles additionnelles dans le
cadre du virage technologique." On dit ceci à la fin: "Dans le cas
où les coûts réels de financement seraient
supérieurs aux montants accordés, aucun prélèvement
ne serait effectué sur les dépenses de base des
universités. Les taux de 70 % et 50 % devraient être
modifiés pour respecter l'enveloppe budgétaire obtenue." Faut-il
comprendre que les niveaux de 70 % et de 50 % ne sont pas des engagements
fermes du gouvernement et que les universités, si elles accueillent plus
d'étudiants que ne le prévoient les calculs du ministère,
comme c'est souvent arrivé dans les années antérieures,
devront en être pénalisées?
Mme Fortin (Michèle): C'est assez simple, on l'a
vécu cette année. Nous avons un listing assez précis des
clientèles à financer sur 1984. À l'occasion, il y a des
jeux lorsque les données définitives des universités
arrivent. Ce qu'on fait, on finance à 70 %, 50 % et s'il nous manque une
partie des sommes, elles sont automatiquement financées dans le budget
de l'année suivante. Parce que l'enveloppe est fermée en
début d'année. Le taux n'est pas modifié, mais les sommes
sont versées sur deux ans plutôt que sur une année.
M. Bérubé: Problème analogue à ce
qu'on a vécu l'année dernière où les
clientèles de 1983-1984, une fois évaluées de façon
finale, se sont avérées plus importantes que celles qui
étaient prévues. À ce moment-là, les budgets
étant fermés, on a procédé par un
prélèvement dans l'ensemble des budgets des universités
pour financer ces clientèles additionnelles. Dans la mesure où
nous nous sommes engagés à ce qu'il n'y ait pas de
prélèvements, désormais nous finançons les
clientèles sur la base des projections de clientèles, des
estimations les plus précises possible. Le budget étant
fermé, si jamais la prévision s'avère erronée et
supérieure à la prévision sur laquelle nous avons fait le
budget, comme nous ne procédons pas par prélèvements, en
d'autres termes, c'est l'université qui va devoir faire un
autoprélèvement pour les financer, c'est-à-dire que le
taux de financement, au lieu d'être de 70 %, sera
légèrement inférieur à 70 %. Cela pourrait
être l'inverse aussi, j'imagine.
M. Ryan: Est-ce qu'il va y avoir un remboursement à
l'exercice suivant? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?
M. Bérubé: Oui.
Mme Fortin: Par exemple, cette année 1984, sur 1983, le
réel par rapport à l'estimation, c'est un montant de 2 000 000 $
qui a été payé l'année suivante.
M. Bérubé: Au fur et à mesure que nos
chiffres se précisent, on les corrige. Sauf que pour l'année en
cours, 1985-1986, alors que, l'an dernier, nous avions maintenu nos taux de
financement de 70 % et 50 % fermes et procédé à un
prélèvement pour compléter, pour ramener nos taux à
ce niveau, cette année nous disons tout simplement que nous ne
procéderons pas par prélèvements et, en
conséquence, si jamais il devait y avoir déviation par rapport
aux prévisions de clientèles, les taux s'ajusteraient en
conséquence, c'est-à-dire que les taux pourraient ne pas
être exactement de 70 %.
M. Ryan: Sur le taux de financement des clientèles
additionnelles, est-ce que la différence de 70 % pour les
clientèles prioritaires et de 50 % pour les autres en est une que le
gouvernement entend maintenir indéfiniment? Est-ce une norme qu'il
entend inscrire dans une formule de financement permanente ou si c'est une
politique temporaire à laquelle on mettra fin tôt ou tard?
Je pense que le Conseil des universités a demandé de
mettre fin à cette politique qui, en soi, est discriminatoire à
l'endroit de plusieurs disciplines très importantes pour l'avenir de
notre culture. Est-ce une mesure temporaire qui va se prolonger le moins
longtemps possible ou est-ce l'opinion ferme du gouvernement qu'il s'agit d'une
mesure qui doit durer indéfiniment?
Une voix: C'est temporaire.
M. Bérubé: Je n'ai pas, pour l'instant, d'opinion
définitive. Effectivement, on examine diverses hypothèses. Les
règles budgétaires approuvées par le gouvernement,
à l'heure actuelle, ne nous permettent pas de donner plus que cela.
Donc, c'est 70 % et 50 %.
Nous avons, cette année, obtenu 50 % de financement du Conseil
des ministres. Donc, cette année, on peut dire que les règles
budgétaires, pour les clientèles additionnelles et pour les
années futures, sont les règles que nous avons sous les yeux. 51
nous voulions augmenter tout à 70 %, il faudrait évidemment
hausser l'enveloppe budgétaire. Le seul moment où nous pourrons
savoir si cela est possible, c'est l'année prochaine lorsqu'on fermera
les livres et qu'on prendra connaissance des ressources dont nous
disposons.
Une possibilité existe, cependant, qui pourrait consister
à réduire le taux de 70 % et à hausser celui de 50 % de
manière à avoir un taux moyen d'environ 60 %...
Une voix: 64 %.
M. Bérubé: ...64 %, uniforme. Il a un avantage,
c'est d'être neutre. Il a un inconvénient, c'est, possiblement, de
sous-financer, en partie, les clientèles dites prioritaires car, si le
coût marginal réel d'un nouvel étudiant est 70 % du
coût moyen, chaque fois que je le finance en deçà de 70 %,
je demande à l'université de subventionner l'ajout d'un
étudiant. Si mes besoins prioritaires, c'est le développement
dans ces secteurs, à ce moment, je pense que c'est une mauvaise
politique.
Est-ce qu'on doit continuer à pousser, cependant, le recrutement
dans les secteurs prioritaires? Je pense que non. On va tendre
éventuellement à un niveau de formation d'étudiants dans
ces domaines, ce qui nous amènera un jour à dire que le
recrutement est adéquat, auquel cas il serait peut-être plus
approprié de baisser le taux moyen de 70 % à 64 % et de
l'uniformiser pour toutes les clientèles.
C'est un choix qui s'offre à nous et qui consisterait donc
à sous-financer légèrement les clientèles tant des
secteurs prioritaires que des autres, ce qui pourrait se traduire par une
certaine désincitation, relativement parlant, à recruter des
clientèles dans ces secteurs. Mais si ces secteurs sont bien nantis, si
les besoins sont comblés, je ne vois pas de raison pour laquelle on
continuerait à inciter, de façon particulière, le
recrutement là-dedans.
Parmi les autres choix qu'on doit examiner, je pense, en toute
honnêteté, il y a également le financement des
études à temps partiel. Doit-on les financer sur la même
base? C'est une question qu'on doit se poser. À l'heure actuelle, je
suis en train d'examiner quelles sont les possibilités de
réaménagement de l'ensemble de l'enveloppe pour répondre
à de nouveaux besoins, sans injection de fonds additionnels. Il va de
soi que si, l'année prochaine, le gouvernement dispose de 25 000 000 $,
30 000 000 $, 40 000 000 $ ou 50 000 000 $ de crédits additionnels
à des fins de développement, à ce moment, on peut à
la fois financer toutes les clientèles et faire le
développement.
À l'heure actuelle, il faut retenir que les enveloppes
budgétaires dont nous disposons ne nous permettent pas de financer
à plus de 70 % et 50 % les clientèles en question. Si nous
voulons proposer des règles de financement pour les universités
et leurs clientèles de septembre prochain, nous devons le faire à
enveloppe fermée, donc, sur la base des décisions
gouvernementales prises antérieurement.
C'est ce que nous examinons actuellement. Est-ce qu'on doit le faire en
uniformisant le taux? Est-ce qu'on doit le faire en sous-finançant
certaines clientèles plus spécifiques, par exemple, les
clientèles à temps partiel? C'est le genre de questions
qu'à l'heure actuelle nous nous posons, étant acquis
évidemment que pour l'instant je travaille à enveloppe
fermée, puisqu'il est impossible de déterminer quelle sera
l'enveloppe dont nous disposerons en février prochain. En
conséquence, il sera trop tard à ce moment-là pour dire
aux universités quelles étaient les règles de financement
qui auraient dû prévaloir au mois de septembre
précédent.
C'est cela, le problème. Nous sommes régulièrement
de six à huit mois en retard, dans le fond, entre le moment où
l'université accueille des clientèles et le moment où on
peut lui confirmer son budget.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, on parle de financement
additionnel, c'est très bien. Enfin, on a injecté des sommes
minimales, à mon sens. Il fallait le faire. Je voudrais peut-être
savoir si le ministre s'est assuré qu'il y aurait un meilleur
équilibre, quant à la distribution de ces sommes additionnelles
à l'intérieur de l'université, entre les facultés.
On sait qu'il y a des facultés négligées, des
facultés pauvres. C'est bien d'investir de l'argent, d'augmenter les
subventions mais, si on ne prend pas cette précaution de s'assurer que
certaines facultés vont avoir les moyens non pas de vivre, mais de
survivre, dans certains cas, je pense qu'on va manquer la cible.
M. Bérubé: II est très intéressant
d'entendre la question du député de Saint-Laurent. Je dois
souligner, que dans son intervention vitriolique, ce matin, le
député d'Argenteuil a dénoncé le dirigisme et
l'interventionnisme pour avoir, en milieu d'après-midi, une
question de l'Opposition qui demande plus de dirigisme et d'interventionnisme.
Je serais d'accord pour qu'il y ait un caucus...
M. French: Ne présumez pas de la teneur de la question.
Voyons donc!
M. Bérubé: ...qui vous permette de décider
si vous voulez de l'interventionnisme ou si vous n'en voulez pas.
M. Ryan: II y a une différence entre leadership et
dirigisme.
M. Bérubé: Ah oui! Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bérubé: Voici la nuance subtile du
député d'Argenteuil.
M. Ryan: On vous l'expliquera tantôt.
M. Bérubé: II ne comprend pas. M. le
Président, ce que nous avons cherché à faire dans nos
règles de financement a été plutôt de les rendre
neutres au sens que, dans le passé, nous financions sur la base du
coût moyen. Conséquence: un étudiant inscrit dans une
faculté peu coûteuse, inscrit à un certificat
d'études, par exemple, engendrait un profit pour l'université. Ce
profit pouvait être utilisé par l'université pour financer
le recrutement d'une clientèle plus coûteuse. C'est ainsi qu'on
retrouvait un coût moyen, soi-disant dans le but de ne pas influencer la
prise de décision de l'université, en disant: L'université
connaît son coût moyen, elle se débrouille pour arriver au
coût moyen.
Évidemment, c'est ne pas compter sur l'esprit inventif de
l'être humain qui amène celui-ci à se dire: Wof! Le
coût moyen cette année, on l'a. L'an prochain, on verra bien. Par
conséquent, on peut recruter effectivement des clientèles qui
coûtent nettement moins cher dans le but de produire simplement des
ressources pour faire face à d'autres besoins que l'université a
pu exprimer. Effectivement, la règle de financement pouvait
désinciter les universités à poser des gestes
rationnels.
Ce que nous faisons maintenant, c'est que nous finançons au
coût moyen réel d'un secteur. Donc, si l'étudiant est
inscrit dans un secteur, nous le finançons à ce coût. S'il
est inscrit ailleurs, nous le finançons à un autre coût.
Vous allez me dire: Oui, mais cela ne force pas l'université à
utiliser les fonds que vous lui avez consacrés pour financer les
études de cet étudiant. Parfaitement exact. C'est
l'université qui gère ses ressources, réalloue ses budgets
et, à ce moment-là, décide si effectivement, dans une
université, les besoins sont ici ou ailleurs.
D'ailleurs, c'est justifié quand, dans une classe qui est presque
complète, je peux ajouter un étudiant et le coût marginal
de cet étudiant est nul même si le gouvernement me verse 4000 $,
5000 $ ou 6000 $, et même 12 000 $ ou 15 000 $ dans certains cas. Donc,
la décision que l'université prend d'allouer des ressources ici
ou là, c'est essentiellement en fonction de ses besoins. Il se peut que
l'ajout de clientèle dans un secteur ne coûte effectivement
à peu près rien à l'université et que cela lui
permette de recycler les fonds vers d'autres secteurs où elle a des
besoins. (16 h 15)
II appartient à l'université de maintenir un débat
constant entre les facultés pour assurer un équilibre dans la
répartition des ressources. Je pense que c'est le rôle de
l'université. Ce n'est pas en déresponsabilisant les intervenants
locaux qu'on bâtit une société plus équitable, je ne
pense pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que la formule qui est
retenue, c'est qu'on finance les facultés suivant les coûts
établis. Est-ce que cette formule existait auparavant?
M. Bérubé: Non. Nous financions les
étudiants sur la base du coût moyen. Maintenant, nous les
finançons sur la base de leur coût moyen, dans leur discipline.
Donc, si j'ai un étudiant en génie qui me coûte 5400 $ par
année et que j'ai un étudiant en médecine qui m'en
coûte 9000 $, je le finance sur la base de 5400 $ ou de 9000 $. Donc,
désormais, je prends en compte le coût réel encouru par
l'université pour assurer son éducation. Toutefois, il n'y a
aucune garantie que l'université prenne les 9000 $ qu'elle a
reçus pour son étudiant en médecine et les lui consacre.
Elle pourrait très bien décider de prendre les 9000 $ et de les
injecter en sciences humaines où elle estime avoir une percée
à faire. C'est un choix de l'université.
M. Leduc (Saint-Laurent): Depuis quand s'applique cette
formule?
M. Bérubé: Elle est de deux ans. M. Leduc
(Saint-Laurent): Cela va.
M. French: Sur le même sujet, il y a une autre question
après celle-là et c'est la suivante: le problème du
sous-financement dans certains des domaines prioritaires n'est qu'une partie
des problèmes qui surviennent pour ces secteurs. L'autre
problème, c'est le manque de flexibilité interne des
institutions, qui fait en sorte qu'il devient extrêmement
difficile de recruter surtout les professeurs qualifiés. Je ne
peux pas penser à une faculté d'administration qui n'a pas plus
d'argent pour payer les professeurs qu'elle ne peut trouver de professeurs pour
l'accepter -des professeurs d'un standard acceptable - ce qui fait en sorte
que, dans le domaine de l'administration, nous avons un taux d'activité
de chargés de cours extrêmement élevé et surtout
concentré dans le temps partiel, de sorte que l'éducation des
adultes devient une espèce de ghetto à l'intérieur de nos
institutions. Tout cela, je ne prétends pas que c'est la faute du
ministre, loin de là, mais, je veux poser la question au ministre.
M. Bérubé: M. le Président, il y a des
interventions du député de Westmount qui me font frémir.
Je connais ce qui est advenu de l'ancien député de Westmount, qui
a été renié par son parti, car c'était un homme
beaucoup trop réceptif, généreux et capable d'effectuer
des compromis. M. le Président, il faudrait rappeler au
député de Westmount que ce qu'il risque, c'est le désaveu
de son parti s'il continue sur cette lancée. Aller dire que le ministre
n'est pas responsable de tout ce qui nous arrive, c'est vraiment un type de
langage qui est inadmissible au sein du Parti libéral.
Des voix: Ah! Ah'. Ah!
M. French: C'est un peu trop libéral!
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un néolibéral.
M. Paré: Un libéral malléable.
M. French: La différence entre le député
actuel de Westmount et son prédécesseur, c'est qu'il serait
peut-être renié par son parti mais jamais par son
comté.
Des voix: Ah! Ah! Ah! M. French: Le problème que...
Une voix: C'est correct, cela. M. French: Le
problème...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous nous inquiétez.
M. French: Je n'oublierai jamais d'ailleurs... M. le
Président, si vous me permettez, l'actuel député
d'Argenteuil, alors qu'il était chef de notre parti, se faisait poser
une question par un journaliste, à l'extérieur d'un caucus, et le
journaliste disait: M. Springate était absent de votre caucus.
C'était le caucus où on a attribué les fonctions des
critiques. M. le député d'Argenteuil a dit: Bien, on va le nommer
notre critique des institutions sportives anglophones. Le problème est
donc...
M. Bérubé: Si je ne comprends bien, il y aurait
beaucoup de ministres dans ce gouvernement-là?
M. French: Vous voyez maintenant que le député
d'Argenteuil a changé d'avis là-dessus, il veut réduire la
multiplication des portefeuilles et non l'inverse. Cela dit... Ce n'est pas moi
qui a commencé sur cette lancée, M. le Président.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est le ministre.
M. French: Cela dit, le problème reste extrêmement
sérieux pour les universités. Y a-t-il moyen de faire en sorte
qu'il y ait plus de flexibilité interne pour permettre aux institutions
de faire le recrutement nécessaire dans les secteurs comme le
génie, les sciences informatiques et l'administration - il y en a
peut-être d'autres, mais je n'en nomme que trois - où nous
voudrions toujours, chaque année, même avec des moyens
relativement réduits, engager plus de professeurs qu'on peut en
trouver?
M. Bérubé: Vous avez raison. M. French: Au
salaire actuel.
M. Bérubé: Vous avez raison. Il faudrait cesser
d'être d'accord parce qu'on va avoir des problèmes, M. le
député de Westmount.
M. le Président, c'est exact, ce que dit le député
de Westmount. Il y a, par exemple... Je connais certaines facultés, le
génie électrique entre autres, où des postes sont ouverts
depuis maintenant deux ans et ne sont pas comblés, purement et
simplement parce qu'on n'a pas de candidats. Oui, si on voulait prendre un
candidat qui n'a pas son doctorat, j'imagine qu'on pourrait en trouver. Mais un
professeur d'université avec doctorat, avec une certaine
expérience en recherche, c'est quasi introuvable, dans plusieurs
disciplines, à l'heure actuelle.
Cela vient de ce que, d'abord, notre performance, en termes de formation
aux études doctorales, est pitoyable au Québec. C'est une
véritable catastrophe. Écoutez, je pense qu'on n'a pas, en
moyenne, un étudiant par programme inscrit au doctorat. Vraiment, il
faut se le dire, je pense que c'est la vérité. Là-dessus,
nous sommes fautifs comme société, non pas qu'on n'ait pas mis
assez d'argent, on en a mis en masse, mais cela n'a pas donné les
résultats. J'ai l'impression que l'on est davantage
préoccupé de la qualité de vie universitaire que de
développement des études académiques. Je
pense qu'il est temps qu'on se rappelle à l'ordre. C'est vrai que
nous n'avons pas formé d'étudiants gradués au doctorat et
que, en conséquence, quand on vient pour en recruter, on n'a pas de
candidat. Ils ne sont carrément pas disponibles. Cela est un
problème.
C'est également vrai qu'existent des rigidités.
Évidemment, ce sont les universités qui se les sont
données. Lorsque nous avons mis en place le programme d'action
structurante, nous avons accepté, par exemple, que les sommes que nous
consacrons pour les associés de recherche puissent s'ajouter au budget
régulier de l'université, de manière à pouvoir
attirer du personnel plus valable; par exemple, de véritables
professeurs-chercheurs. Je suis convaincu personnellement que nos
universités devraient adopter des politiques de
rémunération prenant en compte un facteur dit de marché.
Je ne dis pas que les professeurs d'université sont mal payés; au
contraire, ils sont relativement bien payés, merci, mais il y a un
certain nombre de secteurs où, si l'on veut recruter aujourd'hui, il
faut payer plus cher que ce que nous offrons. C'est probablement le cas en
administration. On me dit qu'il n'y a à peu près pas de docteurs
en droit aussi. Des docteurs en administration, c'est quasi inconnu. Les
docteurs en génie électrique, cela nous manque dramatiquement. En
d'autres termes, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un certain
nombre de secteurs où, à l'heure actuelle, pour recruter, cela
suppose que l'on va en concurrence avec d'autres établissements, et si
on veut les attirer, il faut sans doute payer plus cher. Mais cela ne
s'appliquerait qu'à peu de cas et cela coûterait relativement peu
cher à l'université...
M. French: C'est cela qui est tragique.
M. Bérubé: ...mais il faut un certain courage
politique de la part de l'université pour décider d'adopter une
politique de développement. Je pense que vous avez raison de le
souligner et que nos recteurs nous entendent.
M. French: J'irais plus loin que cela. Très
brièvement, M. le Président, j'espère que le
député d'Argenteuil ne m'en voudra pas, mais il n'est pas....
M. Bérubé: Désormais, je ne marcherai pas
quand je l'entendrai derrière moi.
M. French: II n'est pas interdit au gouvernement de constater que
le groupe dominant ou qui a tendance à être dominant dans
l'administration des universités n'a pas tendance à provenir des
secteurs dits prioritaires pour la société et dans lesquels nous
avons le problème le plus aigu de recrutement. Je n'irai pas plus loin
que cela, mais les administrations universitaires sont dominées par
certaines disciplines et ces dernières ont tendance à se voir
comme l'essence même de l'université. Malheureusement, ce n'est
pas toujours le cas.
M. Bérubé: II y a cela qui joue.
M. French: Je parle à l'ingénieur,
évidemment.
M. Bérubé: II y a cela qui joue... Je pense que
vous avez une formation en droit, si je ne m'abuse. En administration?
M. French: En histoire.
M. Bérubé: En histoire. Je pense qu'il y a une
tendance à l'uniformisation. Écoutez, il est clair que le salaire
payé aux professeurs de nos universités est confortable, je
pense; il est, aujourd'hui, ramené... Il est très voisin,
d'ailleurs, des tendances canadiennes, à l'heure actuelle. On ne peut
pas parler de mauvais niveau de rémunération lorsque l'on les
compare avec les salaires moyens payés dans les universités
américaines; on constate que, même dans les grandes
universités, la rémunération payée au Québec
est tout à fait comparable. Mais le problème que vous soulevez
est différent, c'est que, dans un certain nombre de créneaux
où les besoins se font sentir et où, d'ailleurs, si on ne recrute
pas de professeurs de qualité, on ne formera pas de docteurs et, par
conséquent, c'est un cercle vicieux, donc, il faut, à un moment
donné, défoncer, débloquer. Il faut donc accepter de payer
le prix.
Dans ces secteurs, il faut reconnaître qu'au sein des
universités il y a eu des tendances à l'égalisation,
c'est-à-dire qu'on ne voit pas la raison pour laquelle un professeur qui
enseigne en métallurgie ne serait pas payé aussi cher qu'un
professeur qui enseigne en génie électrique puisqu'en soi,
à travail égal, c'est salaire égal, évidemment. Le
seul problème, c'est qu'on a peut-être suffisamment de docteurs en
métallurgie, mais on n'en a pas assez en génie électrique
et, par conséquent, le problème est mal posé. Ce n'est pas
de savoir si c'est à travail égal, salaire égal, mais
c'est simplement de savoir, si on a besoin de gens en génie
électrique, combien on les paie pour aller les chercher. Ce n'est que
cela la question. C'est ce genre de raisonnement que, malheureusement, je dois
le dire, nos syndicats d'universitaires n'ont pas vraiment compris.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: En ce qui concerne la formation en génie,
est-ce que vous avez des chiffres qui démontrent le nombre de places
d'étudiants que nous avons ici dans la province, dans nos
universités? Est-ce qu'on a déjà excédé ce
nombre? Ce qui me préoccupe, c'est que j'ai l'impression qu'on est
arrivé au point où les conditions de base, le nombre de
professeurs, l'équipement, l'espace ne permettent plus une augmentation
des clientèles, et il y ' a certaines universités qui,
peut-être, acceptent de former plus d'élèves malgré
le risque d'une diminution de la qualité, simplement pour avoir de
l'argent.
M. Bérubé: Non, je ne le pense pas. Par exemple, on
constate que la majeure partie des clientèles additionnelles ont
été observées dans les secteurs prioritaires, dont le
génie.
Mme Dougherty: Dont le génie?
M. Bérubé: Oui, dont le génie. Il y a donc
eu une augmentation phénoménale, même en période de
resserrement budgétaire, de ces clientèles. Maintenant, sans
qu'on puisse l'affirmer avec certitude, car nous n'avons pas d'analyse qui nous
permette de trancher, il est possible, à l'heure actuelle, que, pour
l'enseignement du génie au premier cycle, l'appareillage à des
fins pédagogiques soit inadéquat, insuffisant.
Mme Dougherty: C'est évident que c'est cela.
M. Bérubé: Non, ce n'est pas si évident que
cela. Vous ne pouvez citer aucune étude rigoureuse, à l'heure
actuelle, démontrant le besoin et l'adéquation. Il y a une faille
et on est obligé de se fier à l'opinion de gens, à des
opinions. Certains disent: On pense que... Mais cela ne repose pas
nécessairement sur une évaluation plus quantitative des besoins
et, à partir de cela, une comparaison avec ce qui existe
réellement et l'état du parc d'équipement.
À titre d'exemple, les universités n'ont à peu
près pas de données statistiques sur l'état de leur
équipement scientifique dans leurs institutions. Elles ne peuvent pas
nous fournir un portrait de leur situation. Elles n'ont pas l'information.
Alors, on y va donc beaucoup plus à partir d'intuitions,
d'impressions, mais acceptons qu'un certain nombre de plus en plus grand
d'intervenants nous soulignent qu'à l'heure actuelle, dans certains
secteurs de haute technologie, il y a des problèmes
d'équipement.
Deuxièmement, soulignons, par exemple, qu'à l'École
polytechnique, il y a des problèmes d'espace que l'on ne retrouve pas
ailleurs cependant. Il faut quand même être honnête, le
problème ne se trouve pas à
Laval, par exemple, et c'est un problème qui est en voie de
résorption puisqu'on vient d'annoncer la construction de deux
étages additionnels à l'École polytechnique, ce qui va
répondre, effectivement, aux besoins prévisibles de
clientèles en croissance.
C'est vrai qu'il y a certainement des problèmes d'ajustement ici
et là, tantôt d'espace, peut-être d'équipement, mais
je ne pense pas, à l'heure actuelle, que ce soit le problème
majeur. Je n'ai pas l'impression qu'on a un problème au niveau du
premier cycle en génie, mais j'ai l'impression qu'on a un
problème sérieux au niveau des études avancées, non
pas sérieux, mais catastrophique.
Mme Dougherty: Alors, les chiffres sur le nombre de places...
M. Bérubé: On peut vous donner cela.
Mme Dougherty: Ce n'est pas le nombre d'étudiants, mais le
nombre de places d'étudiants, s'il y a des...
M. Bérubé: Cela n'existe pas, des places.
Mme Dougherty: Cela n'existe pas? (16 h 30)
M. Bérubé: Cela n'existe pas, des places, car ce
n'est pas comme une douzaine d'oeufs avec 12 petites cases et on met les
étudiants dans chaque casier. En pratique, on peut avoir des groupes
plus importants. On peut, par exemple, étaler un laboratoire sur une
plus longue période, on peut jouer avec les plages-horaires. J'ai eu
l'occasion d'examiner des taux d'occupation de salles de cours et j'ai
constaté qu'en pratique on avait des marges de manoeuvre. On ne manquait
pas d'espaces de cours au Québec. J'ai pu constater qu'il y a moyen de
prendre un laboratoire et d'étaler le cours sur deux, trois, quatre
périodes de manière à répondre aux besoins.
Strictement parlant, on ne peut pas parler d'un nombre de places. Tout ce qu'on
pourrait dire, c'est qu'à l'heure actuelle il pourrait manquer de salles
de cours. C'est le cas à la polytechnique, ce n'est le cas nulle part
ailleurs. Il pourrait manquer d'équipements pour l'enseignement au
niveau du premier cycle, bien qu'à nouveau quelqu'un pourrait faire la
démonstration qu'en jouant avec les horaires il y a moyen de
répondre à la demande.
Mme Dougherty: Arrivent-ils à contingenter leurs
facultés de génie pour garder une certaine qualité des
services?
M. Bérubé: Voilà. Vous pourriez vouloir
maintenir un ratio étudiants-professeurs plus faible de manière
à dégager vos professeurs pour faire davantage de recherche,
assurer
un encadrement des études supérieures et, effectivement,
c'est le choix que McGill a déjà fait dans le passé. Soit
dit en passant, elle le paie sur le plan budgétaire puisque les
règles de financement privilégiant la croissance de
clientèle, ceci se traduit par des compressions budgétaires
additionnelles à McGill pour financer les clientèles
additionnelles ailleurs.
M. French: Alors, la formule n'était pas si mauvaise que
celai C'est-à-dire que votre décision de changer la formule
était très bonne.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
Le contingentement
M. Ryan: Ma question débouche sur le contingentement. On
avait demandé des données là-dessus. Les chiffres qu'on
nous a fournis indiquent, au trimestre de l'automne 1984, au-delà de 20
000 demandes d'admission qui auraient été refusées dans
l'un ou l'autre secteur de l'enseignement universitaire. Est-ce que vous avez
des données indiquant ce qui est arrivé de ces candidats?
Pourriez-vous nous dire quelle est la politique du gouvernement
là-dessus? Y a-t-il des secteurs où le gouvernement a une
politique ferme de contingentement, par exemple, dans le secteur des
études en médecine, je crois, et pour le reste est-ce qu'on
laisse entièrement l'initiative aux universités? Est-ce une
question qui a été abordée dans les discussions de
méthodes de financement?
Mme Fortin: Concernant les 20 000 candidats, je voudrais juste
apporter une précision technique. Ce sont des données qui
viennent des fichiers de la CREPUQ sur les admissions. Ce ne sont pas 20 000
personnes, ce sont 20 000 demandes d'admission. Dans les programmes qui sont
contingentés, parce qu'il y en a un certain nombre, les étudiants
font en général des demandes d'admission dans toutes les
universités et, pour un étudiant admis, vous avez quatre ou cinq
refus, mais l'étudiant a sa place. On essaie d'avoir des données
qui nous permettent de juger ce phénomène de façon plus
intelligente. Les chiffres que nous avons présentement sur les refus des
demandes d'admission ne nous donnent pas une bonne idée de combien
d'étudiants ont été refusés à ces
programmes, où ils sont allés, qu'est-ce qu'ils sont devenus,
parce qu'on n'est pas capables de les identifier nommément. Nos fichiers
sont trop globaux pour cela. C'est difficile de répondre à
votre...
M. Bérubé: Si ce n'est qu'on peut conclure que le
taux d'accès aux études universitaires au Québec est en
croissance année après année.
M. Ryan: La question que j'ai posée est: Quelle est la
politique du ministère en matière de contingentement? C'est cela
qui m'intéresse.
M. Bérubé: Nous n'avons aucune politique en
matière de contingentement, sauf en médecine où nous
appliquons une politique que nous aurons l'occasion de discuter en commission
parlementaire la semaine prochaine et que, par conséquent, je n'ai pas
l'intention d'aborder ici. Mais, sauf en médecine, nous n'appliquons pas
de politique de contingentement. Évidemment, d'aucuns pourraient dire
qu'en ne finançant pas au coût marginal réel nous
appliquons une sorte de politique de contingentement. Par exemple, si je
finance à 50 % des clientèles qui coûteraient 70 % du
coût moyen, en quelque sorte, j'applique une forme de contingentement,
non pas absolu, puisque l'université, chaque fois qu'elle est capable
d'organiser ses groupes de manière à avoir un coût marginal
inférieur à 50 %, va prendre l'étudiant, mais lorsqu'on la
met dans une position où elle doit dédoubler des groupes, ce qui
entraîne un coût marginal très très
élevé pour l'étudiant additionnel que l'on injecte, cela
peut entraîner, à ce moment, un certain contingentement, oui.
M. Ryan: Sur les déficits et les surplus des
universités, les données qu'on nous a fournies allaient jusqu'au
31 mai 1984. Ces données indiquaient qu'au 31 mai 1980 le surplus
accumulé de l'ensemble des universités était de 37 200 000
$ et que ce surplus, en l'espace de cinq ans, s'était transformé
en un déficit de 3 500 000 $.
Avec les perspectives que décrivait la Conférence des
recteurs et principaux des universités du Québec devant la
commission parlementaire, l'automne dernier, nous avions des raisons de
craindre que le déficit pour l'année 1984-1985 ne soit de l'ordre
de 10 000 000 $ ou 20 000 000 $ pour l'ensemble des universités au
moins. Ce qui voudrait dire que...
M. Bérubé: On parlait de 20 000 000 $. Les
universités ont dit 20 000 000 $ et même 30 000 000 $.
M. Ryan: Avez-vous des données récentes
là-dessus ou si vous en êtes simplement aux données qu'on
avait l'automne dernier?
M. Bérubé: Les données les plus
récentes que nous avons nous indiqueraient que nous ne serons ni
à 20 000 000 $ ni à 30 000 000 $, mais plutôt autour de 13
000 000 $.
M. Ryan: C'était pas mal, 10 000 000 $ à 20 000 000
$. Je sais qu'ils avaient dû exagérer un petit peu. Ils ont
dû serrer en cours de route.
M. Bérubé: Ils avaient dit de 20 000 000 $ à
30 000 000 $.
M. Ryan: Oui, mais comme n'importe quelle bonne administration le
ferait.
M. Bérubé: C'est cela.
M. Ryan: Maintenant, cela voudrait dire que...
M. Bérubé: Ce qui montre bien que les 36 000 000 $
que nous injectons...
M. Ryan: Cela voudrait dire que le déficit accumulé
au 31 mai 1985 serait de l'ordre d'environ 17 000 000 $. Entre 16 000 000 $ et
18 000 000 $, je pense qu'on ne se tromperait pas trop. Ce qui voudrait dire
une dégradation, pendant les années 1980 à 1984, d'environ
55 000 000 $.
Je voudrais demander au ministre s'il aurait déjà une
politique qu'il entendrait recommander au gouvernement à ce sujet, ou si
la politique du gouvernement consiste toujours à dire: Ces gens on fait
des déficits, qu'ils s'arrangent avec et cela finit là.
M. Bérubé: Je pense que la deuxième
description est assez près de la réalité. On ne peut pas,
une journée, parler d'autonomie, de responsabilisation, et, chaque fois
qu'une situation devient difficile à gérer, abdiquer ses
responsabilités en les retournant au gouvernement. Non, au contraire,
les universités gèrent sans mot dire l'abondance. Elles devraient
gérer, sur la même base, la pénurie.
M. Ryan: Je trouve que c'est une manière assez
simplifiée de voir les choses.
M. Bérubé: C'est probablement beaucoup plus
honnête.
M. Ryan: II est arrivé combien de fois, dans l'histoire du
Québec et de toutes les sociétés, que des déficits
aient été causés dans des secteurs dont la signification
sociale était très élevée à cause de
l'incurie des gouvernements ou de l'insuffisance de leurs politiques et que
d'autres administrations aient dû, par la suite, prendre ces
déficits à leur charge et les absorber ou les liquider d'une
manière ou de l'autre?
Je pense que ce n'est pas encore arrivé à des proportions
catastrophiques, étant donné qu'on avait certains surplus il y a
cinq ans, mais on s'en allait très vite vers cela. Dans les perspectives
qu'on vous a présentées du côté des
universités pour 1985-1986, il est trop tôt et vous n'avez aucune
idée de ce qu'elles entrevoient de ce point de vue, j'imagine, à
ce moment-ci?
M. Bérubé: Non.
Mme Fortin: D'autant plus qu'en général les
prévisions qu'elles nous donnent sont toujours nettement
supérieures à celles effectivement réalisées.
Alors, on ne peut pas juger à partir de ce que nous annonce le
déficit. Les états financiers n'entrent pas avant septembre.
Revenus provenant de fonds privés
M. Ryan: Avant septembre, très bien. Maintenant, je
voudrais poser une question au ministre là-dessus. Une université
qui a dû enregistrer des déficits assez élevés,
c'est l'Université McGill. On a dit, du côté du
ministère - je ne sais pas si on l'a dit publiquement, mais on l'a
soufflé, en tout cas - qu'il ne faudrait pas trop s'inquiéter du
sort de cette institution, parce qu'elle avait des fonds privés à
même lesquels elle pouvait puiser pour combler une partie de ses
déficits. C'est une des questions que nous avions souhaité
élucider en commission parlementaire justement. Si la majorité
ministérielle avait consenti à ce que la commission fasse tout
son travail comme cela avait été convenu moralement, on aurait pu
poser ces questions. Là, on est obligé d'attendre.
Je ferme cette parenthèse pour revenir à ma question.
M. Bérubé: Le président aurait dû
prendre ses responsabilités.
M. Ryan: On m'assure...
Le Président (M. Charbonneau): On avait demandé au
ministre de ne pas ouvrir cette boîte.
M. Ryan: On lui avait demandé de communiquer avec
nous.
Le Président (M. Charbonneau): Je ne suis pas sûr
que vous en seriez sorti gagnant.
M. Bérubé: ...de régler cela entre vous.
M. Ryan: Je vois cela. On m'assure du côté de
l'Université McGill - j'ai vu un papier l'autre jour à ce sujet -
que ces fonds, à toutes fins utiles, sont utilisés. Je comprends
qu'il peut toujours en naître de nouveaux et tout, mais... Est-ce que ce
serait la politique du gouvernement de dire que tout ce qui est revenu en
provenance de dons privés à une université doit lui
être soustrait aux fins des subventions publiques
auxquelles elle a droit? Quelle est la politique du gouvernement
là-dessus? Parce qu'on a bien du malaise, bien de l'équivoque et
il me semble qu'une de nos tâches, c'est d'essayer de clarifier cette
question de manière que tout le monde ait vraiment l'impression
d'être traité sur un pied d'égalité.
Si ce n'était de ce facteur, je pense qu'on devrait tous
enregistrer en mettant entre parenthèses les réserves qu'inspire
cette méthode. Dans le cadre de financement qu'on avait proposé,
on reconnaissait que depuis plusieurs années cette institution aété grandement sous-financée par rapport à la
moyenne.
M. Bérubé: Ce n'est pas démontré.
M. Ryan: A priori, prima facie, c'est une étude qui est
sortie de votre ministère qu'on a laissé circuler...
M- Bérubé: Mais contestée quant à sa
validité.
M. Ryan: ...- je sais bien - et qui va être mise au point.
Il y a quand même une sorte d'indication qu'il y a quelque chose
là. La question qui m'intéresse, j'y reviens, c'est à
savoir quelle est la politique du gouvernement concernant ces revenus qui
peuvent provenir à des universités de fonds privés qui ont
souvent été donnés pour des fins très
précises et qui ont souvent été donnés par les
anciens de l'institution, par exemple. Est-ce qu'ils ont droit, dans votre
livre à vous, de faire des dons pour des fins particulières?
Est-ce que cela est de nature à diminuer d'autant les subventions
publiques auxquelles elles auront droit?
M. Bérubé: II y a deux points en fait: la question
des déficits et la question de la prise en compte par l'État des
dons à des fondations universitaires. D'abord, concernant les
déficits, ils ne doivent pas être pris en charge par
l'État. En effet, qu'est-ce qui inciterait un administrateur dans le
secteur public à faire un effort pour équilibrer son budget s'il
savait qu'à tout bout de champ l'État intervient de toute
façon pour éponger les déficits? C'est ainsi que nous
avons découvert dans nos hôpitaux, à un moment
donné, des déficits de plusieurs centaines de millions de
dollars, la même chose dans les commissions scolaires. Effectivement, une
mauvaise habitude de l'État qui, cédant trop facilement à
des pressions politiques, intervient pour éponger des déficits en
disant que ce sera la dernière fois, engendre une
déresponsabilisation totale car pourquoi un administrateur ferait-il un
effort pour bien gérer si son voisin à côté ne le
fait pas et que de toute façon il voit que son voisin va tirer
bénéfice d'une politique laxiste en matière de
contrôle de déficit?
Donc, il ne faut pas désinciter les administrateurs à bien
faire leur travail; il faut les amener à gérer avec les
ressources dont ils disposent. Certes, tout le monde voudrait gérer avec
plus de ressources, tout le monde est dans la même situation. Cependant,
il faut partir du principe que dès que l'État a pris une
décision quant au niveau de ressources dont elle va disposer, il lui
appartient de prendre les moyens nécessaires pour rentrer à
l'intérieur de ses budgets en indiquant quelles sont les
conséquences des décisions qu'elle est amenée à
prendre, en essayant de prendre les meilleures décisions possible, je
pense que ce sont ses responsabilités, en indiquant à la
collectivité les conséquences des décisions, mais elle a
à respecter l'équilibre budgétaire.
Donc, nous ne devons pas nous suppléer à la
responsabilité des universités et éponger pour quelque
raison que ce soit un déficit, sauf si le déficit est la
conséquence directe d'une erreur administrative gouvernementale, si nous
avions nous-mêmes dévié par rapport aux règles
budgétaires qui ont été adoptées par le
gouvernement, auquel cas je suis d'accord pour dire qu'on doit automatiquement
éponger puisque l'erreur est nôtre. (16 h 45)
En ce qui a trait au financement privé des institutions, ce
financement n'est pas pris en compte dans le calcul des subventions. Nous
prenons en compte les frais de scolarité, mais non les contributions aux
fondations des universités.
M. Ryan: Est-ce une politique que vous entendez maintenir?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: C'est très bien.
M. Bérubé: Sans quoi quel intérêt y
aurait-il pour une université à obtenir la participation du
secteur privé si l'État le prend en compte et le soustrait
automatiquement?
M. Ryan: Quand?
M. Bérubé: Cependant, nous le prenons, en un sens,
un peu en compte puisque nous avons eu tendance à encourager les
universités à aller chercher du financement privé pour
certaines de leurs immobilisations. On peut penser à la
bibliothèque de Concordia, on peut penser à la
bibliothèque de la Faculté des sciences humaines de
l'Université de Montréal, on peut penser à plusieurs
immeubles de l'Université McGill. Donc, il est vrai qu'on a parfois
incité les universités à s'engager dans des campagnes de
souscription en apportant une participation
gouvernementale additionnelle, ce qui peut avoir eu comme
conséquence que certaines universités - et je pense à
McGill - sont bien mieux équipées sur le plan des immobilisations
que d'autres universités, mais on ne peut pas dire que cela s'est fait
à partir de déboursés de l'État. Cela s'est fait
essentiellement à partir de fonds privés. Nous avons joué
un certain rôle incitateur en ce sens que nous avons autorisé des
immobilisations que, normalement, nous n'aurions pas autorisées en
acceptant même d'en défrayer une faible fraction et en exigeant,
cependant, une participation du secteur privé.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Westmount.
M. Bérubé: Je pense que cela est une saine
politique.
M. French: Très brièvement, c'est un commentaire
auquel le ministre n'est pas tenu de répondre nécessairement,
d'autant plus qu'il vient de dire qu'il n'a pas l'intention de revenir sur le
dossier. Pour ce qui est des déficits, il ne faudrait pas oublier que
dans le cas de certaines institutions - j'évoque McGill mais je pense
que ce n'est pas uniquement McGill - le déficit a été
contrôlé ou réduit dans la mesure où les professeurs
et le personnel de soutien ont décidé eux-mêmes de renoncer
à certaines augmentations salariales. Les écarts de salaires sont
importants entre les institutions universitaires québécoises,
entre autres, à cause de ce genre de concession. Je crois que le
ministre serait d'accord que ce serait dans l'intérêt public de
dire que les gens qu'il vient de nommer sont relativement bien payés, et
je suis d'accord. Cependant, ils ont décidé de faire ces
sacrifices, mais d'autres personnes exactement dans la même situation ou,
parfois, dans une meilleure situation n'ont pas décidé de faire
cela. Si jamais l'État intervenait, il faudrait absolument que ce genre
de sacrifice qui a été fait soit pris en considération.
Donc, il y a un déficit caché à l'Université McGill
qui est dans la poche des professeurs de l'Université McGill. La base
est d'autant plus réduite, donc, les augmentations sont d'autant plus
réduites et l'écart commence à être
sérieux.
M. Bérubé: Pour vous montrer à quel point,
d'ailleurs, nous avons respecté ce genre de décision, lorsque
nous avons appliqué la loi 70 dans le cas des universités et des
collèges privés, nous avons pris en compte les sacrifices que
s'était imposés le personnel d'un certain nombre de ces
établissements au nom de la qualité de leur réseau.
À ce moment, nous n'avons pas appliqué intégralement les
prescriptions de la loi en disant qu'ils avaient déjà fait un
effort pour l'ensemble de la société, mais dans le cas de
d'autres institutions où on refusait quelque sacrifice que ce soit pour
la société nous avons appliqué strictement la loi 70.
M. French: J'ajouterais simplement et très
brièvement que l'objectif principal visé, ce n'était pas
de contrôler le déficit de l'institution, c'était de
permettre le recrutement de nouveaux professeurs que nous considérions
comme très important dans le temps et nous continuons de le
considérer comme très important.
M. Bérubé: Personnellement, je n'ai que des
louanges pour le sens civique des professeurs qui se sont imposé de tels
sacrifices.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): S'il y a un surplus, à ce
moment, il n'y a aucune restriction quant à l'utilisation par
l'université?
M. Bérubé: Aucune.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président...
M. Bérubé: La contrepartie, c'est que quand il y a
des déficits ils se débrouillent.
M. Ryan: D'abord, je suis assez heureux des choses qui ont
été dites au sujet de facteurs qui gravitent autour de
l'Université McGill, en particulier. Je pense qu'on clarifie
tranquillement une atmosphère qui a été assez confuse
pendant de nombreuses années. Si l'on pouvait aller encore plus loin
dans cette voie et mettre au point une méthode de financement qui soit
vraiment équitable au jugement de tout le monde - elle ne sera jamais
acceptable à 100 % par tous - si elle a été
ventilée publiquement comme ce doit normalement être le cas, on
arrivera à des conclusions qui seront justes et on évitera que
certains soient convaincus d'être traités en partenaires
inférieurs et que d'autres laissent entendre qu'ils ont couru
après et qu'ils ont d'autres moyens de se rattraper. Si on peut
abandonner ce genre de langage pour en venir à un langage beaucoup plus
transparent en ce qui regarde une institution comme McGill, qui est un
très grand actif pour le Québec, en ce qui regarde une
institution comme Concordia pour d'autres raisons, une institution comme l'UQAM
aussi
ce sont trois exemples que j'ai particulièrement à
l'esprit - je pense qu'on fera des progrès considérables. Je veux
dire au ministre que toute démarche qu'il va accomplir en ce sens va
être suivie avec intérêt par l'Opposition et, dans la mesure
où elle améliorera la situation en direction d'une plus grande
transparence, nous en serons extrêmement heureux.
En ce qui touche les déficits des institutions publiques,
j'ajoute une brève remarque. Je pense que dans ces déficits
j'adhère au principe que le ministre a énoncé, mais
j'ajoute que dans les déficits d'institutions de cette nature il y a une
dimension politique inévitable. Dans la mesure même où les
politiques des gouvernements ont pu contraindre les institutions d'un secteur
à des situations qui les acculaient à des déficits, il
peut très bien arriver - il est arrivé souvent dans le
passé et il arrivera encore dans l'avenir -que des gouvernements plus
éclairés reprennent le dossier au point où on l'avait
laissé pourrir et le remettent sur une voie plus saine. Je pense que
cela fait partie du processus démocratique.
On peut énoncer des grandes théories tant qu'on voudra
mais, en pratique, le jugement concret que les hommes, les formations
politiques portent sur telle ou telle situation a également une
très grande importance. Dans ce cas-ci, j'avoue que j'ai un
préjugé favorable pour les institutions qu'on a acculées
à des situations extrêmement difficiles. Je n'aurais pas le mandat
de prendre quelque engagement que ce soit ici mais je ne pense pas que je
l'aborderais uniquement avec la raideur qui était, par exemple, dans les
propos du ministre. Encore une fois, sur le principe, cela va très bien
mais, ce principe, on est justifié d'en exiger l'application
intégrale dans la mesure même où on a gouverné avec
une ouverture et une équité irréprochables.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
M. Bérubé: Les seuls commentaires que je ferai
c'est que, touché en termes généraux comme le
député d'Argenteuil vient de le faire, il ne faut pas a priori
affirmer qu'on est en désaccord avec ses propos. Je le mets cependant en
garde.
En effet, il est normal, je pense, que tout dirigeant d'un organisme
public cherche, au nom de la plus grande qualité possible des services
qu'il dispense à la population, à bénéficier des
budgets les plus généreux possible et qu'en conséquence il
lui soit souvent difficile de devoir vivre avec des ressources moindres que
celles auxquelles il aspire.
Il est donc tenté de se retourner vers des politiciens plus
avides de popularité pour tenter de négocier une condition
privilégiée au point où, cette attitude politique se
généralisant, elle produit chez l'ensemble de nos concitoyens une
mentalité de dépendance qui a été si
profondément ancrée chez nous chaque fois que le Parti
libéral a pris le pouvoir. Je le mets simplement en garde contre une
telle attitude qui dénote généralement un respect
insuffisant du sens des responsabilités des gens.
M. Ryan: Vous avez appris depuis quatre ans, cela commence
à paraître.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, j'ai l'impression
qu'on va passer à un autre sujet.
Le rajeunissement du corps professoral
M. Ryan: Oui, allons-y donc, il y en a encore beaucoup. Le
ministre a indiqué ce matin les raisons pour lesquelles il n'a pas
accepté les recommandations du Conseil des universités concernant
la création d'un programme spécial de rajeunissement du corps
professoral dans les universités. Si j'ai bien compris ce qu'il a dit,
il soutient que l'ajout approximatif de 37 000 000 $ qui va être fait
cette année dans le budget de fonctionnement, subvention
d'équilibre, sera suffisant pour permettre aux institutions de s'engager
dans cette voie-là dans la mesure où elles le jugeront
opportun.
Est-ce que le ministre veut convenir, d'autre part, que suivant
l'étude qui avait été déposée par le Conseil
des universités il y a à peu près un an et demi il y a un
véritable problème qui s'est créé de ce
côté? Il y a eu un arrêt dans le recrutement de nouveaux
professeurs. On a perdu de nombreuses ressources qui, normalement, auraient pu
être orientées de ce côté; les professeurs en place
ont vieilli; ils ont tous, ceux qui sont permanents, la tenure, pour ainsi
dire. Est-ce que le ministre ne trouve pas que, pour arriver à
l'objectif d'excellence qu'il a défini - on a une bonne politique de ce
côté - on s'est engagé dans une voie qui nous mène
tout droit vers la stagnation et la lenteur?
M. Bérubé: D'abord, quant aux besoins en jeunes
professeurs d'université, je pense que personne ne nie le fait qu'il
soit nécessaire, dans n'importe quelle organisation, d'avoir une
pyramide d'âges normale: des professeurs, par exemple, plus
âgés, plus expérimentés, qui donnent la tradition
à une université; des professeurs plus jeunes, certainement moins
expérimentés, mais sans doute, également, plus audacieux,
parce que l'audace est davantage permise à la jeunesse et
désirable, en soi, ce qui crée un climat intéressant.
Je pense également à un certain
nombre de professeurs d'âge mûr, dans ta force de
l'âge et au sommet de leur productivité scientifique. Il est
normal qu'on ait une pyramide normale sur le plan des âges et il faut
donc s'inquiéter de voir, à un moment donné, se tarir
l'arrivée de jeunes professeurs. On risque, à terme, de se
retrouver avec une institution déséquilibrée. Je pense
qu'on va s'entendre assez facilement là-dessus.
Il faut, cependant, se méfier d'une injection qui serait trop
rapide et trop instantanée de nouveaux postes de professeurs dans nos
universités. En effet, peut-on recruter un nombre de professeurs aussi
élevé que ce que l'on voudrait recruter maintenant? Est-il
désirable qu'on les recrute tous la même année? Ne
devrait-on pas chercher à régler ce problème sur un
certain nombre d'années, de manière à ne pas
recréer le même problème, puisqu'on introduirait un bouchon
de nouveaux jeunes professeurs qui se déplaceraient dans le
système avec, évidemment, le problème de vide qui se
recréerait immédiatement. Donc, il faut parler, je dirais, d'une
politique corrective étalée dans le temps, si on veut à la
fois pouvoir les former et pouvoir éliminer le problème à
sa source d'avoir une véritable échelle, une pyramide
d'âges au sein du corps professoral.
Or, de quoi disposons-nous, à l'heure actuelle, simplement cette
année? 37 000 000 $. C'est beaucoup pour les professeurs. Si on voulait
investir cela sur les professeurs, il en entrerait pratiquement 400 ou 500.
Deuxièmement, les actions structurantes permettent, pour une quarantaine
d'équipes, d'incorporer de deux à cinq associés de
recherche. Là, on parle, à nouveau, de 150 à 200 qui
entrent. Nous examinons, pour l'année prochaine, la
nécessité d'ajouter peut-être encore d'autres sommes.
Mais je mets tout de suite en garde le député
d'Argenteuil. Il faudrait non pas qu'on cherche massivement à
dégager des sommes pour une année donnée, mais
plutôt s'engager sur une source de financement étalée dans
le temps, qui permette le renouvellement du corps professoral. L'impression que
j'ai, c'est qu'à l'heure actuelle, avec 37 000 000 $ et les quarante
équipes d'actions structurantes, les universités vont en avoir
plein les bras pour tenter de recruter du personnel enseignant de haut
calibre.
M. Ryan: Si vous me permettez, les actions structurantes sont
limitées à des domaines très hautement
spécialisés, généralement...
M. Bérubé: Mais là où la
pénurie se fait sentir plus particulièrement.
M. Ryan: ...du côté technologique. Mais on nous a
signalé aussi que dans les facultés de lettres, par exemple, il y
a un vieillissement très inquiétant du personnel.
M. Bérubé: Les 37 000 000 $ sont là.
M. Ryan: On ne sait pas où ils vont aller. On ne sait pas,
nous, où ils vont aller.
M. Bérubé: Mais, justement, les universités
ont les 37 000 000 $. Elles peuvent faire ce qu'elles veulent avec. S'il
apparaît que le problème numéro un de nos
universités, c'est le renouvellement du corps professoral, eh bien,
j'imagine qu'elles vont les injecter dans des postes de professeurs. (17
heures)
M. Ryan: Quand vous dites qu'il faut échelonner cela sur
quelques années, je pense que c'est l'évidence même.
D'ailleurs, c'était le sens de la proposition qu'avait faite le Conseil
des universités. Le programme qu'il demandait était
étalé sur dix ans.
M. Bérubé: Les sommes que nous injectons sont
majeures.
M. Ryan: Peut-être qu'il y a une partie qui peut aller pour
cela. Je ne veux pas contester cela.
M. Bérubé: Majeures.
M. Ryan: Ce qui nous intéresse, c'est que ce processus de
renouvellement reprenne, parce qu'il a été gravement tari au
cours des cinq dernières années. C'est l'avis de...
M. Bérubé: II est clair que les universités
n'ont pas été dans une situation où elles pouvaient
recruter facilement. Il est également clair que, même quand elles
disposaient de postes, elles n'ont pas souvent été capables de
les combler. Il est également clair que l'injection de 37 000 000 $ pour
les clientèles déjà inscrites depuis septembre 1984 et le
programme d'actions structurantes vont mettre à la disposition des
universités des sommes fort importantes pour le recrutement de nouveaux
professeurs et que, si c'est là la priorité, l'impression que
j'ai, c'est que le problème va être un problème de
disponibilité de matière grise et non pas de budget.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Fabre.
Projets du plan quinquennal
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
avoir des précisions sur le plan quinquennal 1985-1986
d'équipement pour les universités. J'aimerais qu'on me
précise quel montant on prévoit pour le plan quinquennal et ce
que cela
représente par rapport au plan précédent. Quelle
est l'évolution des montants par rapport au plan
précédent? J'aimerais également qu'on m'indique quels sont
les projets qu'on veut réaliser à travers ce plan
quinquennal.
M. Bérubé: II faut bien se rendre compte qu'il
s'agit d'un plan quinquennal à horizon glissant. Par conséquent,
nous ne parlons pas d'un plan quinquennal terminé et remplacé par
un nouveau plan quinquennal, mais nous parlons toujours d'un horizon de cinq
ans qui se déplace chaque année.
Donc, le plan 1982-1987 était un plan de 275 000 000 $; le plan
1983-1988 est un plan de 282 000 000 $; le plan 1984-1989 est un plan de 300
000 000 $ et le plan 1985-1990 est un plan de 331 000 000 $. Mais il faut bien
comprendre que, lorsque je compare le plan 1985-1990 avec le plan 1984-1989, il
y a une seule différence, c'est un an. Alors, j'ai suppression d'une
année dans le plan précédent et remplacement d'une
nouvelle année dans le nouveau plan. On parle à nouveau de cinq
ans, c'est difficile conceptuellement de faire les comparaisons que vous avez
à l'esprit.
Tout ce que l'on peut dire c'est que, pour les cinq ans dont on parle,
il y a 10 % de plus de budget par rapport aux cinq ans dont on parlait.
Maintenant, comme les cinq ans dont on parlait incluent quatre années en
commun, vous pourriez être tentés d'attribuer la différence
de 10 % à l'année additionnelle; ce serait une grave erreur parce
que tout le plan a été retravaillé. Alors, c'est
très difficile de vraiment faire une comparaison.
M. Leduc (Fabre): Quels sont les projets les plus importants qui
sont visés à travers ce plan?
M. Bérubé: Alors, à l'université, le
projet le plus important, c'est l'UQAM avec sa phase II pour à peu
près 25 000 mètres carrés. Le deuxième, je
penserais que c'est la bibliothèque de Concordia. Il y a
également l'Ecole polytechnique avec deux étages. Il y a la
bibliothèque de l'Université de Montréal qui est un projet
important mais qui, néanmoins, ne représente qu'un financement
modeste pour l'État, le reste étant financé par une
fondation privée. Après, c'est l'école de médecine
vétérinaire, la ferme expérimentale de l'Université
de Montréal. Ah oui, l'école de technologie supérieure qui
aménage dans l'école Émile-Nelligan, INRS-Santé,
l'agrandissement des Hautes Études commerciales. Je pense que vous avez
là le compte.
M. Ryan: II n'y a pas d'université à Laval.
Une voix: Pas encore.
M. Ryan: Dans la ville de Laval, la ville du député
de Fabre.
M. Bérubé: L'Université Laval est en pleine
santé et n'a pas vraiment besoin d'espace à l'heure actuelle.
M. Ryan: Toute sa question était orientée vers
ça.
M. Leduc (Saint-Laurent): II va y en avoir une à
Saint-Laurent avant Laval.
M. Ryan: C'est malheureux, M. le député, il
faudrait que vous passiez le message au ministre du Commerce
extérieur.
Le Président (M. Charbonneau): Cela va?
M. Ryan: À propos du plan quinquennal, il y avait une
pratique qui consistait, à toutes fins utiles, à avoir un taux
d'augmentation de 2,5 % par année. Je crois comprendre que c'est
à peu près maintenu. Est-ce qu'il y a des changements
là-dessus ou si c'est à peu près la même chose?
M. Bérubé: D'après les...
M. Ryan: Excusez, je vais compléter ma question, si vous
me permettez. Ce qui nous intéresse, évidemment, c'est de voir
s'il y a une progression ou si ce sont les mêmes politiques qui
continuent sans trop de modification. Ici, j'ai l'impression, finalement, que
les 2,5 % sont maintenus; par conséquent, on peut aligner de gros
chiffres, mais il n'y a pas tellement de changement. Est-ce que je suis dans
l'erreur? Oui? J'en serais très heureux. Sur les chiffres,
malheureusement, on ne se trompe pas trop souvent.
M. French: Je ne sais pas si le ministre a compris.
M. Bérubé: Non, j'ai malheureusement...
M. Ryan: Ah! il l'admet maintenant; II ne faut pas lui faire
renier ce qu'il a dit ce matin.
M. Bérubé: Non, je ne renie rien.
M. Ryan: Voilà, madame, est-ce qu'il y a quelque chose de
changé?
Une voix: M. le ministre...
M. Ryan: Excusez, vous me regardiez d'un oeil tellement
sympathique que j'étais sûr que vous partagiez mon point de
vue.
Une voix: Nous sommes tous une grande famille.
M. Ryan: Je ne suis pas chanceux.
M. Leduc (Saint-Laurent): On est tellement sympathique.
M. Bérubé: Ce que je vous indiquais tantôt,
par exemple, c'est que l'enveloppe globale, si on regarde les plans
quinquennaux, a crû en 1982-1987, si je la compare avec 1983-1988, de 2,6
%. Si je prends le plan quinquennal suivant, elle augmentait de 6,3 % et, si je
prends le plan quinquennal suivant, de 10,3 %. Donc, ce sont des taux
d'augmentation qui sont au-delà de 2,5 %.
Deuxièmement, lorsque vous parlez de...
M. Ryan: Je m'excuse, je voudrais vous suivre sur les chiffres
parce que tout le reste pourrait être inutile. Vous avez dit 1982-1987
par rapport à 1983-1988.
M. Bérubé: II y aurait une croissance de 2,6 %.
M. Ryan: 2,6 %, oui. Ensuite?
M. Bérubé: Pour le plan quinquennal suivant,
1984-1989, 6,3 %.
M. Ryan: 6,3 %, oui.
M. Bérubé: Pour 1985-1990, 10,3 %.
M. Ryan: Continuez, ça va.
M. Bérubé: Pour l'ensemble du plan. Lorsque vous
parlez des 2,5 %, vous faites référence à l'enveloppe
annuelle pour entretien, améliorations, immobilisations de petite
taille, répartie sur une base normée entre les différentes
institutions. Cette enveloppe, effectivement, n'augmente que de 2,5 %. Si,
cependant, vous ajoutez les sommes additionnelles que nous avons consenties
cette année pour l'équipement scientifique et la
micro-informatique, vous retrouvez un taux de croissance de 4,8 %. Cela, c'est
pour l'enveloppe annuelle normée.
À cette enveloppe annuelle normée s'ajoute l'enveloppe des
immobilisations. Il est exact de dire que, compte tenu des immobilisations
importantes que nous voulions réaliser, nous avons réduit la
croissance de l'enveloppe annuelle de manière à dégager
des crédits pour des immobilisations. Donc, les 2,5 % auxquels vous
faites référence, c'est une décision gouvernementale,
soumise d'ailleurs à la discussion et à l'avis du Conseil des
universités, de diminuer l'enveloppe annuelle à 2,5 % par rapport
à une croissance qui aurait pris en compte l'inflation et la croissance
du service de la dette, de manière à pouvoir financer des
immobilisations lourdes.
Il s'est avéré que les projections d'inflation ont
dû être révisées à la baisse et que cet
échange que j'avais négocié avec le Conseil du
trésor se traduit par une petite baisse de 300 000 $ du budget annuel
contre une très importante augmentation du budget d'immobilisations. Par
conséquent, j'ai échangé un cheval contre un lapin avec le
Conseil du trésor, mais il arrive parfois que, chacun ayant
aiguisé ses crayons, nos crayons furent mieux aiguisés que les
leurs ce jour-là; mais, parfois, c'est l'inverse.
M. Ryan: Maintenant, vous avez dit que vous aviez demandé
là-dessus l'avis du Conseil des universités. Est-ce que celui-ci
ne vous avait pas dit que ce taux, qui a été retenu finalement,
est insuffisant pour faire face aux besoins?
M. Bérubé: Aujourd'hui, écoutez... C'est
très simple. À l'heure actuelle, si nous avions appliqué
les paramètres qui ajustent la croissance du service de la dette sur nos
immobilisations à l'inflation, le taux de croissance de l'enveloppe
annuelle aurait dû être de 3,2 %, alors que nous avons
réussi à négocier avec le Trésor, l'an dernier, sur
la base de projection d'inflation supérieure, un échange entre
l'enveloppe annuelle d'immobilisations et les immobilisations plus lourdes,
lesquelles sont financées sur la base de projets. C'est ainsi qu'on m'a
permis de m'engager davantage dans des projets d'immobilisation. Je
finançais de telles immobilisations lourdes par un
prélèvement sur mon enveloppe annuelle, qui, à ce
moment-là, se retrouvait avec un taux de croissance de 3,2 %
abaissé à 2,5 %.
Cependant, comme les projections s'avèrent nettement
inférieures en termes d'inflation, ce que j'ai perdu à
l'enveloppe annuelle est très faible, ce que j'ai gagné en
enveloppe d'immobilisations lourdes est très grand; cela explique
pourquoi j'ai une croissance de 10 % dans mon plan quiquennal, grâce
à cet échange d'un lapin pour un cheval.
M. Ryan: Maintenant, vous allez me dire une chose...
M. Bérubé: Je pense que, finalement, cela aura
été une excellente décision, non pas du point de vue du
Trésor public, cela s'entend, mais du point de vue des
universités.
M. Ryan: Dans le plan quiquennal d'investissements lourds, dans
quelle proportion ce sont des constructions et dans quelle proportion ce sont
des équipements?
M. Bérubé: Ce sont des constructions. M. Ryan:
Seulement de la construction.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Le programme pour le renouvellement, l'entretien d'abord
et le renouvellement des équipements, toutes les informations que nous
croyons avoir indiquent qu'il est insuffisant. Est-ce que vous soutenez qu'il
est suffisant? Le Conseil des universités avait été assez
explicite là-dessus, il me semble, l'an dernier.
M. Bérubé: Elles n'ont pas de données sur
leur parc d'équipements scientifiques, techniques pour l'enseignement.
C'est un des problèmes. Nous n'avons pas de donnée sur
l'état du parc. Nous n'avons pas d'information sur les besoins
reliés à l'enseignement, ni de normes sur lesquelles nous
pourrions tabler pour affirmer que le parc d'équipements est
adéquat ou non.
En conséquence, nous nageons dans le domaine le plus complet de
l'opinion.
M. Ryan: Cela est sérieux. C'est une carence très
sérieuse.
M. Bérubé: C'est que ce n'est pas facile à
déterminer.
Une voix: Cela est un chiffre de budget
d'équipement...
M. Ryan: Oui, pourriez-vous nous donner ces chiffres, justement;
cela m'intéresserait au plus haut point.
M. Bérubé: J'ai ici ce qui a servi de 1980 à
aujourd'hui pour l'équipement scientifique. Alors, je vous donne les
chiffres. De 1980-1981 jusqu'à 1986-1987: 7,3, 8,3, 9,8, 10,7, 19,2 en
1984-1985; 20,9 en 1985-1986 et 19,1 en 1986-1987. Cela est l'enveloppe pour le
remplacement d'équipements scientifiques, l'augmentation de ce stock
d'équipements scientifiques, l'équipement scientifique
relié au virage technologique de 5 000 000 $ par année, et
l'implantation de la micro-informatique dans les différents services ou
facultés universitaires.
M. Ryan: Cela, c'est tout ce que vous avez de crédits
budgétaires pour les équipements. Cela comprend...
M. Bérubé: À l'intérieur du
plan...
M. Ryan: ...les trois montants annuels de 5 000 000 $.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Les trois dernières années.
M. Bérubé: Oui.
Une voix: Cela ne comprend pas... M. Ryan: Pardon?
Une voix: Cela ne comprend pas les sommes du fonds FCAR...
M. Bérubé: Cela ne comprend pas les fonds du FCAR,
cela ne comprend pas...
M. Ryan: Non, non, non.
M. Bérubé: ...l'équipement pour la
recherche.
M. Ryan: Cela est entendu. Mais le programme spécial de 15
000 000 $ est compris là-dedans.
Une voix: Est dedans. M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Trois tranches de 5 000 000 $.
M. Bérubé: Maintenant, la difficulté vient
de ce qu'il n'existe pas, contrairement à ce que l'on pourrait avoir
dans le cas des immeubles, où on a des normes, des standards
nord-américains qui relient directement le nombre d'étudiants, le
type de formation qu'ils reçoivent à leurs besoins en espace. Par
conséquent, on est en mesure, sur la base des clientèles
additionnelles, de déterminer quels sont nos besoins en location ou en
construction d'immeubles. Existent également certaines règles
concernant la quantité ou les sommes requises pour assurer l'entretien
et le renouvellement d'un parc à partir du parc existant et de son
âge. Donc, si on a le volume actuel des immobilisations et leur âge
relatif on est à peu près capable de déterminer quelle
somme on devrait consacrer à la rénovation, et je pense
qu'à nouveau on y arrive.
Là où c'est beaucoup plus difficile c'est lorsque l'on
parle de l'équipement technique pour l'enseignement dans les
facultés, car cela dépend énormément du type
d'enseignement que l'on dispense, cela dépend énormément
de l'organisation académique. On peut avoir un laboratoire absolument
merveilleux qui sert exactement trois heures par semaine, ou on peut avoir le
même laboratoire qui sert quinze heures par semaine simplement en
réorganisant son enseignement. Par conséquent, il n'y a pas de
standard absolu. Et comme nous n'avons pas une évaluation des besoins de
nos universités, que nous n'avons pas une évaluation de
l'équipement qui est déjà en place, que nous n'avons pas
de critères de comparaison basés sur ce qui existerait à
l'extérieur, à l'étranger, on peut tout au plus se fier
à la critique de certains professeurs
d'université qui peuvent avoir des problèmes. Donc, pour
l'instant c'est très aléatoire, et c'est la raison pour laquelle
j'ai demandé au ministère de mettre l'accent sur une
évaluation plus rigoureuse des besoins en équipement.
Disons que nous avons injecté une quinzaine de millions, je ne
dirais pas les yeux bandés, mais en nous disant: Bien, écoutez,
puisque les gens protestent c'est qu'il doit y avoir un problème. Est-ce
que avec 15 000 000 $ c'est assez ou pas assez? Cela est notre problème,
et il faut le reconnaître honnêtement: on n'a pas vraiment
l'information. (17 h 15)
M. Ryan: En tout cas, je vous assure que l'an dernier
j'étais allé à l'Université de Montréal un
jour et j'avais rencontré des professeurs du Département de
chimie, et ils étaient joliment en arrière au point de vue de
l'équipement; ils étaient absolument incapables de faire face
à la demande qui leur arrivait. C'est juste un exemple, je ne veux pas
m'attarder sur cela, ce n'est pas l'endroit pour faire cette enquête.
Je voudrais annexer à ceci une autre question qui s'y rattache
assez directement c'est celle des bibliothèques des universités.
J'aimerais savoir où en est le gouvernement en matière de
politique à l'endroit du développement et du fonctionnement des
bibliothèques universitaires. Les échos que nous avons, et nous
en faisons la vérification de temps à autre quand nous avons
l'occasion d'aller travailler dans ces endroits, c'est qu'il y a une
détérioration des "stocks" qui s'est opérée ces
dernières années à la faveur de coupures
budgétaires. Alors que les coûts des abonnements et des
publications augmentaient, les budgets souvent diminuaient. Je voudrais savoir
si le gouvernement est au courant de la perte de terrain que nous avons subie
de ce côté? Quelle mesure entend-il prendre pour que les
bibliothèques soient vraiment à la hauteur des besoins des
professeurs et des étudiants?
M. Bérubé: D'abord, il est vrai que, lorsque vous
avez à faire face à des restrictions budgétaires,
certaines dépenses sont plus facilement compressibles que d'autres.
L'exemple: L'équipement, la fourniture de bibliothèque. C'est
bien évident qu'on peut, temporairement, y appliquer là les
contraintes avant de regarder ailleurs. Également, ce n'est pas mauvais
en ce sens qu'un appareil administratif ne se réajuste pas
instantanément sous l'exercice des contraintes. Effectivement il faut
envisager parfois le non-renouvellement de postes de professeurs. Il faut donc
étaler dans le temps l'application d'une compression, ce qui
amène à ce moment l'université à temporairement
faire supporter l'effort maximum par une dépense telle la dépense
des bibliothèques, ne pouvant pour l'instant appliquer la compression
ailleurs. Toutefois, ultérieurement, au fur et à mesure que
l'université peut rationaliser ses opérations, elle se
dégage des ressources et elle peut à nouveau les réallouer
du côté des bibliothèques. Donc, ne nions pas que nos
bibliothèques universitaires ont probablement souffert de la
période de restriction budgétaire, et cela était
inévitable. N'oublions pas non plus - et cela m'a été
souligné par quelques recteurs - que nos bibliothèques
universitaires avaient à un moment donné privilégié
l'administration plutôt que les collections, et que beaucoup de nos
bibliothèques universitaires sont gérées suivant des
méthodes antiques extrêmement coûteuses en personnel,
personnel souvent qui n'a pas la mobilité latérale au sein de
l'université et qu'on est donc obligé de supporter que le besoin
existe ou non.
Une des raisons de l'insuffisance de certaines collections dans les
bibliothèques universitaires est reliée par certains recteurs au
fait que certaines compressions qui auraient dû être faites au
niveau du personnel d'administration des bibliothèques, n'ont pas pu
être faites à ce niveau-là et ont donc été
faites au niveau des collections; on se retrouve, effectivement, avec des modes
de gestion inadéquats.
D'ailleurs, je vous rappellerai que ce fut l'un des
éléments les plus centraux de la négociation à
l'Université Laval. L'université voulait obtenir de ses
employés - je pense qu'elle a finalement obtenu raison - une plus grande
mobilité justement pour pouvoir réallouer du personnel qui leur
apparaissait beaucoup trop nombreux au niveau de la bibliothèque,
pouvoir le réallouer ailleurs afin de faire un usage plus judicieux de
leur personnel, et à ce moment-là ne pas être amené
à faire des compressions qui leur apparaissaient peut-être moins
désirables, telles les compressions au niveau des collections.
Je pense que, oui, c'est vrai sans doute que les bibliothèques
ont subi une bonne partie des compressions, que ces compressions n'ont pas
nécessairement porté là où elles auraient dû
porter mais là où les universités étaient prises
pour les faire porter, que les universités sont en voie de corriger en
général ces situations, et qu'avec les fonds additionnels dont
elles disposeront, écoutez, si elles ne réussissent pas à
trouver 500 professeurs, elles pourraient peut-être en trouver 300 et
mettre quelques livres.
M. Ryan: Mais "en voie de corriger"... Ce serait seulement avec
les crédits additionnels de 1985-1986, sûrement pas avec ce
qu'elles ont reçu en 1984-1985, ni les années
précédentes.
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: D'accord. Là-dessus, il y a juste un petit point
que je voudrais soulever à ce moment-ci, M. le Président, une
question reliée à notre programme de travail. Normalement, nous
devrions continuer sur les universités jusqu'à l'ajournement de
fin d'après-midi. Ce soir nous devons reprendre... S'il reste encore un
petit peu de temps pour les universités, on peut le prendre, mais il y a
des collèges à voir et il y a l'Office des professions,
évidemment. Je voudrais demander au ministre s'il aurait objection
à ce que vers 17 h 40 ou 17 h 45, on donne à mon collègue
de Gatineau - de Chapleau, je m'excuse, du comté de Chapleau - M. Kehoe,
l'occasion de lui adresser quelques questions au sujet d'une question que le
ministre devine très bien. M. Kehoe ne pouvant pas être ici ce
soir, cela lui donnerait la chance de poser ces questions-là, de
retourner chez-lui en disant qu'il a bien défendu les couleurs de son
équipe, comme chacun est toujours fier de pouvoir le faire.
M. Bérubé: M. le Président, il n'y a pas de
problème. On n'a pas souvent l'occasion de l'entendre et cela nous fera
certainement plaisir.
Une voix: Merci beaucoup.
M. Ryan: On reprendra, à ce moment-là, à 20
heures ce qui ne sera pas terminé sur les universités, parce que
je ne voudrais pas donner l'impression qu'on était à court de
souffle là-dessus, bien au contraire. Alors, on continue.
Le Président (M. Charbonneau): Ça va, on continue,
il est moins vingt.
M. Bérubé: Vous ne nous donnez pas l'impression,
vous nous donnez l'évidence.
M. Ryan: M. le Président, nous continuons, nous continuons
sans nous occuper des jugements de valeur du ministre, comme d'habitude.
À propos du FCAR...
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez...
M. Ryan: Quand il annonce des politiques, parfois il est
intéressant.
Le rajeunissement du corps professoral (suite)
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me permettez, je voudrais
peut-être revenir à une question sur le renouvellement du corps
professoral. Je voudrais savoir si vous avez vérifié les
conséquences de la loi 15. Est-ce que vous avez des chiffres
là-dessus? Est-ce que la loi 15, vraiment, a un impact sur le
vieillissement du corps professoral? Avez-vous des chiffres?
M. Bérubé: Je n'ai pas de chiffres récents.
Nous avons surveillé à un moment donné l'impact de la loi
15, il y a déjà plusieurs mois, et je n'ai pas de données.
Je vais voir si nous avons des données mises à jour.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est bien beau de parler de
renouvellement, mais s'il y a un bouchon parce que, disons, les professeurs
continuent au-delà de 65 ans, on ne permet certainement pas aux jeunes
de prendre la place. Je comprends qu'on peut augmenter le nombre de professeurs
mais la meilleure façon de renouveler, je pense que c'est le
remplacement de ceux qui partent.
Mme Fortin: ...de données récentes
là-dessus, mais on en a moins que vous pouvez l'imaginer, car les
universités ont mis en place des programmes pour faciliter la mise
à la retraite accélérée d'un grand nombre de leurs
professeurs. Les informations qu'on a de la part des universités c'est
que ces programmes sont relativement efficaces, c'est-à-dire qu'il y a
des mises à la retraite progressive; cela n'a pas un impact aussi grand
qu'on pouvait le craindre au moment où la loi 15 a été
promulguée. Remarquez qu'on aurait pu, même avec la loi 15,
présenter un règlement pour exempter les universités,
comme il en a déjà été question, mais la Charte des
droits et libertés de la personne nous empêche de
considérer des mécanismes de ce type.
La façon dont les universités ont contourné le
problème, c'est de mettre sur pied des programmes d'incitation à
la retraite. Ces programmes, jusqu'à présent, fonctionnent
très bien.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on pourrait avoir des
chiffres? Je serais intéressé. Vous dites...
Mme Fortin: On ne les a pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai l'impression que vous n'avez
jamais eu de chiffres là-dessus.
Mme Fortin: On en a eu au moment où la loi 15 a
été promulguée. Nous avons essayé d'évaluer
l'impact de cette situation sur les universités en fonction des
structures d'âge du corps professoral. Mais on n'a pas de données
récentes sur le nombre de professeurs, à quel âge ils ont
été mis à la retraite ou non dans les
universités.
M. Bérubé: II faut dire que cela se comprend. On a
déjà de la difficulté à
obtenir des bases de données fiables sur les clientèles
universitaires, sur les coûts. Alors, vous comprendrez que toutes ces
questions, qui pourraient être intéressantes,
généralement se heurtent à un obstacle majeur, c'est que
nous n'avons pas de banque de données sur l'ensemble de notre
réseau.
Par exemple, comme ministre responsable, je ne sais pas, comme
information, quels sont les programmes de doctorat, les professeurs qui y
enseignent, le nombre d'étudiants inscrits, combien de doctorats on
donne par année. Je n'ai même pas ce portrait aussi simple et
élémentaire que toute société, normalement, il me
semble, voudrait détenir. Je n'ai pas de portrait sur l'état du
réseau universitaire. Par tradition, la grande indépendance de
nos institutions a fait en sorte que l'information colligée qui nous
permettrait d'avoir un tableau d'ensemble, nous ne l'avons pas. On peut, par le
biais de statistiques diverses, parfois, arriver à recouper certaines
données pour à peu près retomber sur nos pieds. Mais,
très fréquemment, nous n'avons pas l'information.
Dans ce cas-là, si nous voulions avoir l'information, il
faudrait, effectivement, procéder par questionnaire auprès de
chacune des institutions d'enseignement supérieur, ce qui se traduit par
une paperasse de plus, donc une critique de plus concernant l'abus de la
réglementation et des enquêtes gouvernementales.
M. Leduc (Saint-Laurent): On parle de rajeunissement, mais je me
demande si, des fois, on ne parle pas dans le vide.
M. Bérubé: Si les universités avaient voulu
en faire véritablement un cas, elles auraient assemblé un dossier
et l'auraient fait valoir. Si nous avions reçu, par exemple, de
l'université un portrait de la situation de l'application de la loi 15,
qui amène l'université à conclure que le problème
est majeur, à ce moment-là on aurait pu commencer à avoir
des données. Mais, dans la mesure où aucune université n'a
senti le besoin de nous assembler un tel dossier, c'est probablement que le
problème n'est pas majeur.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, comment rajeunissez-vous le
corps professoral, en pratique? Vous ajoutez des professeurs? Est-ce que cela
va être suffisant pour qu'on parle de rajeunissement? On parle de
rajeunir, mais comment le fait-on? Quand? Comment?
M. Bérubé: Bien, il faut dire que la vie, comme
toute bonne chose, a une fin, un jour. Alors, il y a nécessairement une
rotation.
M. Leduc (Saint-Laurent): On va atten- dre!
M. French: C'est la politique du ministre, attendre!
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va attendre. Cela va se rajeunir
un jour.
M. Bérubé: Écoutez, je pense que...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vieillissez vite.
M. Bérubé: ...là où il y a souvent
une mauvaise perception de tout le dossier, c'est qu'on ne réalise pas
que, un jour ou l'autre, les gens quittent. Alors, le seul problème,
c'est dans la période de transition, parce que, en régime
stationnaire, il y aura effectivement un nombre d'enseignants qui va quitter,
qui va être là; même celui qu'on observe actuellement... Il
y aura un nombre d'enseignants qui quittent et un nombre d'enseignants qui
entrent. Cela ne change pas du fait de l'application de la loi 15. Cette
dernière n'a simplement comme conséquence que de gonfler le
nombre global de professeurs pendant la période où on tend vers
le nouveau régime stationnaire.
Alors, ce que cela veut dire, c'est que pendant un certain nombre
d'années, vous aurez plus de professeurs dans votre système que
vous n'en aviez antérieurement, jusqu'à ce que vous retrouviez un
nouvel équilibre, de telle sorte que "Q-in" égale "Q-out", et que
la différence c'est le volume fois DCDT pour avoir l'équation
différentielle au complet. (17 h 30)
Effectivement, vous ne pouvez pas avoir un nombre de professeurs dans
nos universités qui tende vers l'infini. Vous finissez par retrouver
à un moment donné un nouvel équilibre où le nombre
qui entre est égal au nombre qui sort. C'est exactement le même
équilibre que présentement, sauf qu'il y a un plus grand nombre
de corps dans le système en régime d'équilibre. C'est une
petite équation très simple en écoulement des fluides.
Une voix: C'est ce qui existe actuellement, donc le
vieillissement du corps professoral.
Une voix: C'est exactement cela. M. Ryan: M. le
Président. Une voix:C'est cela l'équation.
Mme Fortin: M. le député me corrigera, mais dans
l'étude faite par le Conseil des universités sur cette
question-là, je pense qu'en situation stable il y a un taux de roulement
qui implique environ 500 ou 700
professeurs par année sans ajout d'un poste de plus. Je pense que
c'est 700. Cela veut dire qu'à nombre égal, étant
donné qu'il y a à peu près 7000 à 8000 profs dans
les universités, les gens qui partent naturellement, parce qu'ils
changent de fonction, ils deviennent députés, ils s'en vont dans
d'autres types d'activité, il y en a à peu près 700 par
année qui peuvent être remplacés par des plus jeunes sans
qu'on ajoute un poste de plus.
M. Bérubé: On prend les meilleures additions dans
la deputation.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
d'Argenteuil.
L'indexation des dépenses
M. Ryan: On va essayer d'aborder un autre sujet avant d'en venir
au sujet qui préoccupe M. Kehoe ainsi que nous d'ailleurs.
Une voix: Oui.
M. Ryan: L'indexation des autres dépenses que des
salaires, vous l'avez fixée cette année à 4 %.
M. Bérubé: On ne l'a pas fixée, on l'a
mesurée.
M. Ryan: Pour une fois. M. Bérubé: 4,3
%.
M. Ryan: 4,3 % c'est le taux d'inflation de l'année
dernière, si mes souvenirs sont bons, l'année 1984.
M. Bérubé: ...tantôt l'inflation composite,
puisqu'il nous faut utiliser, pour les dépenses d'énergie, des
taux d'indexation propres et pour d'autres dépenses, d'autres taux
d'indexation. C'est disons l'intégral des taux d'indexation sur
l'ensemble des dépenses du réseau universitaire.
M. Ryan: En tout cas, c'est le chiffre qui était dans le
discours sur le budget dans les publications de Statistique Canada. Cela fait
qu'on ne se perdra pas là-dedans.
Ma question, je me réjouis...
M. Bérubé: Ah non, c'est un jeune très
intéressé par le développement de la haute
technologie.
M. Paré: Je n'ai pas de question, j'ai compris.
M. Ryan: Là vous nous gênez, M. le
député de Shefford.
Une voix: Le président n'ayant pas compris...
M. Ryan: Le député de Shefford nous gêne
terriblement. Avez-vous compris ce qu'il a dit? Il a dit: Je ne pose pas de
question, j'ai compris.
M. Paré: C'est parce que j'ai parlé au ministre
avant.
M. Ryan: Très bien.
M. Paré: C'est à votre tour.
Le Président (M. Charbonneau): Ceci dit, j'inviterais les
membres de la commission à utiliser un langage qui va permettre aux
citoyens de comprendre le Journal des débats.
M. Ryan: M. le Président, je m'intéresse à
ce moment-ci à la question de l'indexation des dépenses autres
que les salaires. Le ministre nous a annoncé que, dans le secteur
universitaire, il y aurait indexation à un taux de 4,3 % pour
l'année 1985-1986. Dans le secteur des collèges il n'y a aucune
indexation. Dans le secteur primaire et secondaire, il y a indexation de 2 %
à ce chapitre. Alors là c'est une espèce d'hydre à
trois têtes. Vous avez d'un côté, selon qu'on a une
préférence pour ce secteur-ci cette année, on lui donne
4,3 %; selon que l'on trouve que l'autre secteur a été bien
traité ou ne mérite pas d'être traité sur un pied
d'égalité ou sur un pied de normalité, on dit: Vous
autres, c'est rien. Entre les deux, il y a celui que l'on situe dans la
moyenne, au sujet de laquelle on cherche d'ailleurs en vain un rationnel. On
dit: Vous, c'est 2 %.
Je vous pose la question au sujet des universités. Je ne veux pas
que vous me fassiez une grande démonstration, je suis d'accord pour que
l'on indexe les universités à 4,3 %, mais je ne comprends pas que
dans un secteur qui relève de votre autorité immédiate, le
secteur des collèges, il n'y ait aucune indexation, alors qu'il y a des
besoins extrêmement urgents comme ceux que j'ai signalés ce matin;
je ne comprends pas que dans le secteur, j'adresse la parole à titre de
membre du gouvernement, que dans le secteur de l'enseignement primaire et
secondaire on ait une indexation limitée à 2 %. Je pense que
c'est un très bel exemple d'incohérence dans la politique
gouvernementale. Et si le gouvernement jugeait devoir mettre plus d'argent dans
un secteur ou dans l'autre, il y avait d'autres moyens de le faire qu'une
manière aussi irrationnelle de faire l'indexation de dépenses qui
doivent être encourues.
M. Bérubé: Alors, M. le Président, je
pense qu'il faudrait plutôt un cours sur la façon de
préparer un budget. À ce moment-là, cela s'expliquerait
plus facilement. Essentiellement, la compression est la même pour tout et
partout. C'est-à-dire que les autres dépenses ne sont pas
indexées. Par exemple, FCAR voit son budget non indexé,
puisqu'elle est soumise à la même contrainte. Les
universités étaient soumises à la non-indexation
également, les collèges, les commissions scolaires aussi, les
hôpitaux. Subséquemment, il y a eu deux décisions
gouvernementales d'utilisation de la marge de manoeuvre, le pauvre 100 000 000
$ de marge de manoeuvre dont nous disposions.
Nous avons décidé d'effacer pour deux réseaux cette
compression additionnelle, soit dans les centres d'accueil et les
hôpitaux, compte tenu que l'évaluation qu'on en faisait, c'est
qu'il était très difficile de ne pas indexer les dépenses
alimentaires, celles-ci ayant connu l'essentiel des compressions
passées, et qu'après examen du budget du réseau de la
santé, on a tiré la conclusion qu'il n'y avait pas de marge de
manoeuvre pour exercer une telle compression. Ce qui fait que dans le domaine
de la santé, foyers pour personnes âgées et hôpitaux,
on a effectivement annulé cette compression. Également dans le
cas du réseau universitaire, on a annulé cette compression.
Dans tous les autres cas, la compression s'est appliquée. Il
était évidemment possible pour le ministère de
l'Éducation - je ne suis pas là pour discuter des
décisions prises par le ministère - de répartir sa
compression différemment. J'ignore comment le ministère de
l'Éducation a pu répartir sa compression, qui correspondait
à la non-indexation de ses autres dépenses, mais une chose est
sûre, c'est qu'il a dû avaler cette compression, il a dû la
prendre. En toute probabilité - il suffira de poser la question au
ministre responsable - ce que le ministre a pu faire, c'est de ne pas la faire
porter entièrement par les autres dépenses et de la faire porter
ailleurs où il pouvait avoir une certaine marge de manoeuvre.
Cela peut expliquer, à ce moment-là, pourquoi le ministre
de l'Éducation a une compression de 2 %. Mais n'oubliez pas qu'il y a
certainement une compression ailleurs parce que l'ensemble des réseaux
ont effectivement dû supporter la compression, sauf le réseau de
la santé et de l'enseignement supérieur universitaire.
M. Ryan: Est-ce que le ministre veut dire que, dans l'ensemble de
l'administration publique, et également dans le secteur parapublic,
comprenant non seulement les institutions d'enseignement et les institutions
sociales et sanitaires, mais les sociétés d'État qui
émergent directement des contributions du gouvernement, est-ce que dans
tout l'ensemble de l'administration publique et parapublique, il y a une
règle voulant qu'il n'y ait pas d'indexation des dépenses autres
que les salaires en vigueur pour 1985-1986?
M. Bérubé: C'est ça, tous les organismes
budgétaires. Tous les organismes budgétaires se sont vu imposer
la même compression: non-indexation des dépenses autres que
salariales.
M. Ryan: Et depuis quand...
M. Bérubé: C'est une décision qui remonte
à décembre, à peu près, décembre 1984.
M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir la référence
de l'arrêté en conseil où a été prise cette
décision?
Une voix: C'est un arrêté du Conseil du
trésor, probablement.
M. Bérubé: Non, c'est une décision du
Conseil des ministres, à ma connaissance.
M. Ryan: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la
référence?
M. Bérubé: On pourrait essayer.
Une voix: Cela s'applique depuis quand?
M. Bérubé: Cette année.
M. Ryan: Il n'y a jamais eu de déclaration explicite
là-dessus de la part du président du Conseil du trésor, du
ministre des Finances, à ma connaissance, sur cela.
M. Bérubé: C'est-à-dire que la
compression... Cette méthode servait à déterminer le
quantum. Ensuite, le ministère examinait, à l'intérieur de
son budget, où faire porter la compression. Tantôt, elle pouvait
apparaître sous la forme d'une suppression d'un programme, d'un service,
elle pouvait apparaître sous la forme d'une compression d'effectifs
supérieure à l'objectif demandé. Elle prend
différentes formes, cette compression, mais le quantum est
calculé comme on vient de l'indiquer... Donc elle est universelle.
Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Tel que
convenu, nous allons maintenant céder la parole au député
de Chapleau, quitte à revenir sur ces questions ce soir. M. le
député de Chapleau.
L'implantation d'un cégep à
Gatineau
M. Kehoe: Merci, M. le Président. M. le ministre, vous
êtes sans doute au courant
des problèmes vécus au campus à Gatineau.
M. Bérubé: Non, je n'en ai pas entendu parler.
Une voix: Où est-ce que c'est?
M. Kehoe: Vous allez le savoir. Je pense que ça fait deux
ou trois ans que c'est dans le décor. Vous avez fait des promesses,
votre prédécesseur...
M. Bérubé: Oh non, je n'ai pas fait de
promesse!
M. Kehoe: Votre prédécesseur, Camille Laurin, a
fait des promesses, le ministre de notre région. Oui, vous avez fait des
promesses, je vais lire votre promesse, je l'ai ici, en date du 12 mars 1985,
textuellement, le troisième paragraphe: "En attendant cette
décision sur le financement, le ministre, de concert avec le
collège de l'Outaouais poursuit, après approbation du devis
pédagogique, l'élaboration des devis techniques en construction
du campus de Gatineau. C'est vous dire la priorité de ce projet du
ministère et notre volonté d'y donner suite. Tout est
déjà mis en oeuvre pour que cela se réalise dans les
meilleurs délais." Je pense que cela ne peut pas être plus
clair.
M. Bérubé: Ah, dans les meilleurs délais!
Mais, c'est un excellent délai.
Une voix: II ne pourrait pas en avoir de meilleur.
M. Kehoe: Je pense que vous devez me donner la chance, au moins,
de poser des questions avant de répondre. Tantôt vous avez dit que
vous avez donné un cheval pour un lapin; là, je me demande si
vous n'êtes pas en train de passer un sapin au monde de la ville de
Gatineau. À toutes fins utiles, M. le ministre.
Une voix: C'est la forêt de tantôt...
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Le
député de Chapleau, d'ailleurs, a peu de temps.
M. Kehoe: Justement, qu'il me laisse poser la question avant de
donner des réponses.
M. Bérubé: Est-ce qu'on peut avoir la citation au
complet. Est-ce que le député peut déposer le
document?
M. Kehoe: La lettre est signée par M. Yves
Bérubé, je pense. C'est qui cela, au juste? Je ne suis pas
sûr si la personne est là. J'ai souligné la partie la plus
intéressante où vous avez fait les promesses.
M. Bérubé: II y a des paroles intéressantes
dedans.
M. Kehoe: M. le ministre, si vous me permettez, je peux aussi
déposer des documents...
Une voix: C'est important, on a eu la naïveté de le
prendre au sérieux.
M. Kehoe: ...signés par M. Camille Laurin. Je pense que
vous l'avez connu.
Une voix: Oui, il est bien connu.
M. Kehoe: Pas aussi bienvenu aujourd'hui qu'auparavant. Il y a
aussi Mme Marois qui a signé un document similaire.
Une voix: Il ne faut pas l'oublier, cela!
M. Kehoe: Tous ces documents vont dans le sens qu'il y a
plutôt une garantie qu'il y aura un cégep à Gatineau.
D'ailleurs, les annonces dans les médias vont dans le sens que vous vous
êtes engagés à débloquer l'argent. D'ailleurs,
toutes les étapes sont faites. Vous m'avez fait une promesse lors d'une
visite, lors de la rencontre avec le maire de Gatineau et le sous-signé,
vous m'avez dit: Faites deux choses. D'abord prouvez qu'il y a un besoin. Je
pense que tout le monde est d'accord - on a déposé cinq documents
- que le besoin d'un campus de cégep dans notre région est
clairement établi.
Deuxièmement, vous avez demandé à tous les
intervenants de la région d'en venir à un consensus, parce qu'il
y avait la question d'un campus à Gatineau et d'un cégep autonome
dans la ville de Gatineau. Vous avez dit: Ne vous chicanez plus entre vous.
Arrivez à un consensus et, après cela, je réglerai le
problème.
M. Bérubé: Ce n'est pas cela que j'ai
dit.
M. Kehoe: Laissez-moi finir; je n'ai pas posé de question.
J'en viens à la question; donnez-moi la chance, au moins. M. le
ministre, vous m'avez dit textuellement: Si tous les intervenants de la
région en viennent à un consensus pour accepter un campus du
cégep de l'Outaouais à Gatineau, je verrai...
M. Bérubé: ...à soumettre la demande au
Conseil du trésor.
M. Kehoe: Pas seulement... De défendre et de pousser votre
projet pour assurer que ce soit accepté. J'étais présent
quand vous m'avez fait cette promesse, devant le maire
de la ville de Gatineau. D'ailleurs, vous le répétez
quasiment dans votre lettre. Je sais que vous allez faire des nuances; vous
allez jouer avec cela. Mais, l'affaire demeure quand même que vous l'avez
dit, et que vous l'avez promis dans la lettre.
M. Bérubé: Je le répète dans ma
lettre, oui. La demande de financement du campus a été
acheminée au Conseil du trésor.
M. Kehoe: II faut lire plus loin; là, vous sautez un bout.
Allez plus loin à l'autre paragraphe, où vous avez pris des
engagements. M. le ministre, avant de poser des questions, on s'en vient
tranquillement à ma question! Le 28 mars 1984, je note, ici, devant moi:
Québec accorde 2 300 000 $ pour agrandir le cégep de
Drummondville. Je lis textuellement un paragraphe: ce qui ressort d'une
conférence de presse tenue à la fin de l'après-midi, alors
que le président du Conseil du trésor et député de
Drummond, M. Michel Clair, a annoncé que les membres du conseil
d'administration... un montant de 2 300 000 $ soit accordé pour agrandir
-pas pour la construction d'un campus - un campus déjà existant
à Drummond.
Je trouve cela extrêmement curieux que notre projet soit
bloqué au niveau du Conseil du trésor et le président du
Conseil du trésor est le député de Drummond. C'est une
coïncidence, j'en suis sûr, mais c'est juste donné que lui
peut débloquer un montant de 2 300 000 $ pour agrandir, pas pour
l'implantation d'un campus déjà promis par vous et par deux
autres ministres.
Tout cela étant dit, M. le ministre, on est rendu à un
point critique. Les gens de la ville de Gatineau ont déjà
beaucoup d'espérance, ils ont confiance en vous. On sait qu'il y a une
élection qui s'en vient.
Une voix: C'est là, le problème.
M. Kehoe: On sait qu'il y a une élection
générale qui s'en vient le plus vite possible. On sait que vous
avez besoin d'appui dans notre région, le Parti
québécois...
Une voix: C'est tellement vrai... (17 h 45)
M. Kehoe: Vous n'avez plus besoin d'appui dans Drummond; vous
avez déjà un ministre, vous avez le président du Conseil
du trésor. Maintenant, M. le ministre, je vous pose une question
sérieuse. Quand est-ce que les fonds vont débloquer? Quand
allez-vous arrêter de nous passer des sapins? Donnez-nous le cheval dont
vous avez parlé tantôt. On passe un lapin ou un sapin. Quand
allez-vous régler le problème du cégep, du campus de
Gatineau? C'est clair!
M. Bérubé: Ah oui! M. le Président, d'abord,
soulignons que, effectivement, le ministère estime qu'il y a un besoin
à Gatineau. Reconnaissons-le en partant...
M. Kehoe: C'est une chose, au moins.
M. Bérubé: ...d'entrée de jeu.
Deuxièmement, soulignons aussi que ce cégep, cette demande ne
pouvait pas être intégrée à l'intérieur du
plan d'équipement dont je disposais, compte tenu des autres
priorités.
M. Kehoe: Pourquoi la lettre?
M. Bérubé: Troisièmement, soulignons...
M. Kehoe: Pourquoi la lettre?
M. Bérubé: ...que j'ai indiqué cette
situation auprès des intervenants du milieu et je leur ai dit
qu'à moins qu'on s'entende sur une formule raisonnable à
défendre auprès du Conseil du trésor, je n'essaierais
même pas de la défendre.
M. Kehoe: C'est vrai.
M. Bérubé: Et que, par conséquent, si les
gens demandaient un cégep, je n'essaierais même pas d'aller au
Conseil du trésor, sachant que j'avais autant de chance là qu'une
boule de neige en enfer.
M. Kehoe: C'est vrai, je suis d'accord avec vous.
M. Bérubé: Vous êtes d'accord avec moi.
M. Kehoe: Oui, au moins sur cela, je suis d'accord. Enfin!
M. Bérubé: Enfin, les intervenants du milieu
s'étant mis d'accord sur un campus plutôt qu'un
cégep...
M. Kehoe: Cela fait un an.
M. Bérubé: ...j'ai dit: Dans ces conditions, je
suis prêt à défendre le dossier auprès du Conseil du
trésor...
M. Kehoe: Et cela fait un an qu'ils le sont.
M. Bérubé: ...ce que je fis.
Évidemment...
M. Kehoe: Un autre sapin.
M. Bérubé: ...dans les demandes, j'ai une enveloppe
qui est calculée de la façon que vous connaissez peut-être,
c'est-à-dire que cette enveloppe fait en sorte que le service de dette
sur les immobilisations
gouvernementales ne doit pas augmenter plus vite que l'indice des prix
à la consommation, tout cela, d'ailleurs, pour respecter les exigences
du Parti libéral de contrôle de notre déficit...
M. Kehoe: Sûrement, sûrement.
M. Bérubé: ...avec lequel vous êtes en entier
accord...
M. Kehoe: Encore.
M. Bérubé: ...compte tenu des positions
fréquentes que vous prenez sur le sujet.
M. Kehoe: Cela fait deux fois qu'on est d'accord.
M. Bérubé: Donc, sur la base de cette
enveloppé, j'ai dû examiner quels sont les projets que nous
pouvions réaliser. Eh bien, la première réalité du
ministère demeure ce qu'elle était, c'est-à-dire le
collège de Dawson. Je vous invite à aller visiter les
équipements actuels du Collège de Dawson pour que vous vous
ralliez immédiatement en disant: "Effectivement, c'est un bon choix et
c'est normal que le ministère en ait fait sa première
priorité".
La deuxième priorité, ce n'est pas compliqué, c'est
le cégep de Trois-Rivières, pour une raison très simple:
l'Université du Québec doit récupérer des locaux,
et elle met à la porte le cégep; en conséquence, le
cégep a besoin d'espace. Les étudiants sont là, il faut
leur trouver un toit. Donc, deuxième priorité, pas le choix.
Troisième priorité, c'est le collège Garneau
à Québec. À cause des augmentations très
importantes de clientèles, à cause de la disponibilité
d'un immeuble vide à côté, il est possible, à
très bas coût, d'accueillir ces clientèles et,
effectivement, cela nous donne un coût unitaire très bas. Le
Conseil du trésor et le ministère estiment que, compte tenu du
coût, c'est sans doute l'investissement qui est le plus facile à
défendre.
Quatrième dossier chaud à l'heure actuelle, sur la
scène publique à Québec, le collège de Limoilou,
où les besoins additionnels en espace - celui-ci déborde
littéralement - sont, également, on ne peut plus
évidents.
Le collège suivant dans les priorités du ministère,
c'est le collège de Gatineau. On ne le conteste pas, c'est,
effectivement, le collège qui arrive en cinquième place, à
la fois parce que nous estimons qu'il n'y a pas...
Une voix: ...
M. Bérubé: Non, non, à la fois parce que
nous estimons qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, suffisamment
d'options professionnelles dans la région, bien que, notons-le, beaucoup
d'étudiants reçoivent quand même l'enseignement
collégial, si ce n'est pas au Québec, au moins en Ontario.
M. Kehoe: En Ontario, c'est cela.
M. Bérubé: Bien oui, ils reçoivent quand
même l'enseignement. Donc, il n'y a pas la même urgence que dans un
endroit où on ne peut plus donner l'enseignement parce qu'il n'y a plus
de place. Donc, c'est la raison pour laquelle ce collège vient en
cinquième place.
Il y en a un sixième, c'est le collège de Sainte-Foy.
Voilà l'ordre de priorité. Je suis prêt, en
n'importe quel temps, à examiner chacun des dossiers et à faire
la démonstration du besoin supérieur d'un collège par
rapport à l'autre. Partant de l'enveloppe dont je dispose, hélas!
je réussis à faire quatre priorités et non pas cinq. Ce
qui fait que la ligne passe juste devant le nez du cégep de
Gatineau.
M. Kehoe: On était au moins proche.
M. Bérubé: Vous étiez proche.
M. Kehoe: Cela nous soulage beaucoup.
M. Bérubé: Alors, deux solutions sont possibles. La
première, c'est, plutôt que d'avoir le plan d'équipement
1985 ou 1985-1989, de prendre le plan d'équipement 1986-1990 et de le
mettre dans le prochain plan d'équipement. C'est une première
solution qui implique des délais plus longs, au moins d'un an, ou de
surveiller l'état des enveloppes d'immobilisation et, lorsque nous avons
des immobilisations qui ne se réalisent pas suivant la planification
prévue, nous entendre avec le Conseil du trésor pour obtenir une
enveloppe additionnelle de manière à pouvoir faire plus vite
Gatineau.
C'est là que nous en sommes. Ce que nous cherchons à faire
avec le Conseil du trésor, c'est d'identifier, en examinant l'ensemble
des enveloppes, non pas uniquement l'enseignement collégial, en
examinant d'un peu plus près les différents délais pouvant
affecter des programmes d'immobilisation de manière à pouvoir
faire de la substitution. C'est l'approche présentement que nous
privilégions avec le collège de Gatineau pour tenter d'aller plus
vite dans la prise de décision. Est-ce clair?
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Chapleau.
M. Kehoe: C'est très clair, mais ce n'est pas acceptable.
M. le ministre, la question fondamentale dans cela, c'est que
ce sont des engagements pris par tout le monde dans le dossier. Que ce
soit par Camille Laurin, que ce soit par le ministre responsable de notre
région, Mme Marois, que ce soit vous-même, les espérances
et...
M. Bérubé: Moi-même, tout ce que j'ai dit,
c'est qu'il fallait le soumettre au Conseil du trésor.
M. Kehoe: Plus que cela, le troisième paragraphe va
beaucoup plus loin. Vous lisez la partie qui fait votre affaire et vous oubliez
le reste. Qu'est-ce qui est important? Vous avez pris l'engagement de le faire
et, un mois après, que la question des priorités
budgétaires devienne discrétionnaire ou que cela devienne, pour
des raisons politiques...
M. Bérubé: Ce n'est pas discrétionnaire,
c'est le contraire.
M. Kehoe: ...je ne sais pas pour quelle raison vous dites que
vous n'avez mentionné cela à aucun moment durant les
négociations avec les groupes que vous avez reçus. Cela sort du
sac, comme votre lapin, d'un coup sec. Vous avez trop parlé...
M. Bérubé: Au contraire, j'ai dit aux intervenants
que ce projet n'était pas conforme aux normes et ne pouvait pas
être intégré dans l'enveloppe. Vous avez même reconnu
tantôt que je l'avais dit franchement à tous les intervenants.
J'ai simplement dit que, si on s'entendait sur une formule, j'étais
prêt à essayer de voir auprès du Conseil du trésor
comment on pourrait accommoder ce projet additionnel. Dès le
début, j'ai été explicite et vous l'avez même
reconnu tantôt dans votre intervention...
M. Kehoe: Pas dans votre lettre. Dans votre lettre, au
troisième paragraphe...
M. Bérubé: Oui, j'ai bien clairement...
M. Kehoe: Avez-vous oublié que vous avez écrit
cette lettre?
M. Bérubé: Bien non!
Une voix: Lisez-la donc, M. le Président.
M. Kehoe: Dans le troisième paragraphe...
M. Bérubé: La demande de financement du campus
Gatineau...
M. Kehoe: Je ne sais pas si c'est le bon paragraphe.
M. Bérubé: ...a été acheminée
au Conseil du trésor au cours de l'automne dernier.
M. Kehoe: Ce n'est pas là, c'est plus loin.
M. Bérubé: Celui-ci doit prendre sa décision
d'ici les prochaines semaines.
M. Kehoe: Ce n'est pas cela, on le sait. C'est l'autre paragraphe
qui fait mal.
M. Bérubé: Ce que je vous dis, c'est que,
effectivement, le ministère le considère prioritaire...
M. Kehoe: Plus bas.
M. Bérubé: ...et, par conséquent, a
donné le signal pour qu'on fasse l'évaluation et qu'on soumette
la demande. C'est la seule chose que je vous dis.
M. Kehoe: Le paragraphe plus bas, l'engagement que vous avez
pris...
M. Bérubé: Veuillez agréer, monsieur,
l'expression de mes sentiments distingués.
Mme Dougherty: You gave it to him. You do not have a copy
left?
M. Kehoe: Je veux avoir ma copie, parce que...
M. French: II ne veut même pas lire sa propre lettre.
M. Kehoe: C'est justement le paragraphe qui fait mal qu'il ne
veut pas lire. Le paragraphe...
M. Bérubé: M. le Président, tout ce qui est
dit, c'est qu'en attente de cette décision, donc, en attendant que le
Conseil du trésor tranche, on reconnaît que le projet 1 n'est pas
conforme à mon enveloppe budgétaire, il faut que j'aille en
demande additionnelle, premièrement. Je l'ai bien clairement dit, et je
dis que c'est donc soumis au Conseil du trésor. En attente de cette
décision sur le financement, le ministère, de concert avec le
collège, poursuit, après l'approbation du devis
pédagogique, l'élaboration du devis technique de construction du
campus de Gatineau. C'est vous dire la priorité de ce projet au
ministère et notre volonté d'y donner suite.
Surtout, ce que je vous dis, c'est qu'en attendant que le Conseil du
trésor tranche, j'ai donné instructions qu'on ne retarde aucune
étape dans le processus et que, effectivement, on entreprenne dès
maintenant l'élaboration du devis pédagogique. Je ne vous cache
pas la priorité que nous accordons au projet, mais je vous ai dit depuis
le début qu'à l'heure actuelle il est la priorité no 5, et
j'arrête à la priorité no 4.
M. Kehoe: Je peux vous assurer qu'il y a bien des manières
de lire cette lettre-là.
M. Bérubé: Ah!
M. Kehoe: Les gens de la ville de Gatineau vont la lire de
différentes façons.
M. Bérubé: Vous l'avez mal lue. M. Kehoe: Une autre
remarque.
M. Leduc (Saint-Laurent): II y a la bonne et la mauvaise
manière.
M. Kehoe: M. le ministre...
M. Ryan: M. le Président, juste un mot. Je crois qu'il
aurait été plus honnête de la part du ministre de dire
franchement à ces gens de Gatineau qu'ils étaient dans les
priorités du ministère, mais au rang no 5.
M. Kehoe: C'est cela, c'est cela. M. Bérubé:
Cela leur fut dit.
M. Ryan: Cela n'a pas été dit dans la lettre.
M. Kehoe: Jamais!
M. Bérubé: Bien non, mais...
M. Ryan: La lettre semblait aller beaucoup plus loin. Pour
quelqu'un qui lit la lettre...
M. Bérubé: Mais, cette lettre-là vient
à la suite d'une série de rencontres.
M. Ryan: ...il dit: Tu es en seconde priorité; en
cinquième, c'est pas la même chose du tout.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'espère que c'est une
copie...
M. Kehoe: À aucune de ces rencontres, vous n'avez dit que
Gatineau serait au cinquième ou au troisième rang, ou au
deuxième rang.
M. Ryan: Jamais, jamais!
M. Kehoe: Vous nous avez toujours laissé
l'espérance que ce serait approuvé au Conseil du
trésor.
M. Bérubé: J'ai toujours dit...
M. Kehoe: Là, c'est à la dernière minute,
après le 12 mars...
M. Bérubé: Non, non, non!
M. Kehoe: ...vous écrivez une lettre... M.
Bérubé: Non, non!
M. Kehoe: ...dans laquelle vous dites la même chose. Mais,
par la suite...
M. Ryan: M. le Président...
M. Kehoe: ...vous découvrez d'autres
priorités...
M. Bérubé: Non. Et...
M. Ryan: ...je propose un vote de blâme.
M. Bérubé: En fait, M. le Président...
M. Ryan: Je demande un vote de blâme.
M. Bérubé: ...le député a finalement
confirmé...
M. Ryan: Je pense qu'on n'est plus... M. Bérubé:
...ce qui était...
M. Leduc (Saint-Laurent): On demande le vote!
M. Bérubé: ...de bonne foi, ce qui était
sage de sa part, car j'avais suffisamment de témoins pour le
certifier...
M. Leduc (Saint-Laurent): Le vote! M. Bérubé:
...qu'en aucun moment... M. Leduc (Saint-Laurent): Le vote!
M. Bérubé: ...que je n'ai dit autre chose aux
citoyens de l'Outaouais, y compris aux journalistes qui m'ont interrogé,
que le fait suivant que le projet du cégep de Gatineau. ne pouvait pas
entrer dans mon enveloppe budgétaire, qu'il était au-delà
des paramètres normatifs que je devais appliquer, mais que
j'étais prêt à le défendre auprès du Conseil
du trésor, au moins si on s'entendait sur une formule. Nous nous sommes
entendus sur une formule; j'ai défendu et je continue de défendre
le projet auprès du Conseil du trésor. Je n'ai jamais dit autre
chose à aucun intervenant.
M. Kehoe: La lettre dit autre chose... M.
Bérubé: Non, non!
M. Kehoe: ...ou laisse entendre autre chose.
M. Bérubé: La lettre ne laisse...
M. Kehoe: Et, aujourd'hui...
M. Bérubé: ...rien entendre, elle dit tout
simplement qu'en...
M. Kehoe: Bon!
M. Bérubé: ...attendant que le Conseil du
trésor prenne sa décision concernant le financement, car,
effectivement, c'est à la suite des conversations que nous avions
eues...
M. Kehoe: M. le ministre...
M. Bérubé: ...à savoir le Conseil du
trésor ne reconnaissait pas le collège de Gatineau dans
l'enveloppe...
M. Kehoe: ...est-ce que je peux poser juste une question?
M. Bérubé: ...je dis tout simplement que nous
allons poursuivre...
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre...
M. Bérubé: ...la préparation du devis
technique de construction...
M. Kehoe: Juste une.
Le Président (M. Charbonneau): Juste une petite vite et
une petite réponse vite, parce que, dans une minute, on va...
M. Kehoe: Juste une question vite, vite. M. le ministre, quand
vous avez écrit la lettre du 12 mars, dans laquelle vous dites certaines
choses qui sont sujettes à interprétation par différentes
personnes...
M. Bérubé: Non, non, c'est clair.
M. Kehoe: En tout cas, quand vous avez écrit la lettre,
est-ce que vous saviez que Gatineau était au cinquième
rang...
M. Bérubé: Ah bien, je savais que... M. Kehoe:
...des priorités?
M. Bérubé: Non. Je savais que Gatineau était
au premier rang, immédiatement...
M. Kehoe: Après les quatre autres.
M. Bérubé: ...au-delà de l'enveloppe dont je
disposais.
M. Ryan: C'est cela que vous n'avez pas dit.
M. Kehoe: Cela veut dire...
M. Bérubé: Mais c'est ce que j'ai dit aux
intervenants. C'est la seule réponse...
Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse,
M. le député...
M. Kehoe: Est-ce que vous avez répondu à ma
question? Leur avez-vous dit que Gatineau était au cinquième
rang, oui ou non?
M. Bérubé: J'ai dit que Gatineau n'entrait pas
à l'intérieur de l'enveloppe de nos priorités et...
M. Kehoe: Ce n'est pas cela que vous dites dans la lettre.
M. Bérubé: ...qu'il faudrait...
M. Kehoe: Dans la lettre, vous dites que cela entre dans une de
vos priorités et, là, vous dites que cela n'entre pas.
M. Bérubé: Bien, je confirme...
M. Kehoe: Cela entre ou cela n'entre pas!
M. Bérubé: Je confirme tout simplement que je vais
au Conseil du trésor pour demander un ajout de budget. C'est ce que je
confirme ici.
Le Président (M. Charbonneau): Ceci...
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est marqué plus que cela.
Le Président (M. Charbonneau): ...étant dit...
M. Bérubé: Vous lisez ce que vous voulez lire.
Le Président (M. Charbonneau): ...je pense que vous ne
réglerez pas le problème du cégep de Gatineau ce soir.
Chacun a marqué ses points. Sur ce, la commission suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures, au salon rouge. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission parlementaire de l'éducation et de la
main-d'oeuvre reprend ses travaux avec l'étude des crédits du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie.
Rebonjour, M. le ministre.
M. Bérubé: II me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Moi de même. Sur
cette petite introduction, immédiatement, je vais passer la parole
au...
M. Bérubé: Je vous ferai remarquer, M. le
Président que j'ai décidé de ne me faire entourer d'aucun
conseiller, compte tenu en général de la faiblesse totale des
questions qui m'étaient adressées et auxquelles je pouvais
répondre du revers de la main.
Le Président (M. Charbonneau): Je crois que vous venez
d'exclure votre sous-ministre.
M. Ryan: II y a des sourires qui en disent plus que des paroles;
en arrière de vous, c'est loin d'être cela.
Le Président (M. Charbonneau): Ceci étant dit, il
nous reste officiellement deux heures et 57 minutes, c'est-à-dire trois
heures. Il n'y a rien qui oblige les membres de la commission à aller
jusqu'à 11 h 15. Donc, tout le monde y allant avec un peu de discipline,
on pourrait peut-être terminer plus tôt. Sans plus tarder, je
laisse la parole au député d'Argenteuil.
M. Bérubé: M. le Président, étant
donné que cette commission m'a fait gâcher un excellent billet de
hochey que je devais partager avec ma fille, est-ce que votre présidence
nous ferait l'honneur de temps en temps de nous donner le résultat du
pointage?
Le Président (M. Charbonneau): Ce serait avec plaisir, M.
le ministre, que je pourrai moi-même aller vérifier...
M. Bérubé: M. le Président, nous pourrions
vous remplacer par un téléviseur.
Le Président (M. Charbonneau): Je n'en doute point. Je
suis convaincu que ce serait probablement plus apprécié.
M. Ryan: M. le Président, dans un geste de grande
ouverture envers un secteur qui intéresse plus spécialement le
ministre, nous avons décidé de consacrer une période de
deux heures à l'examen des crédits de l'Office des professions,
après que nous en aurons terminé des affaires universitaires et
collégiales.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez là le compte
final!
M. Bérubé: M. le Président, existe-t-il une
telle accusation que celle de cruauté mentale à l'égard de
l'Opposition?
Le Président (M. Charbonneau): Je n'oserais point
répondre à cette question.
M. Ryan: Blague à part, voici comment nous aimerions
utiliser le temps dont nous disposons ce soir: une demi-heure pour terminer
l'examen des crédits du secteur universitaire; entre une heure et une
heure et demie pour le secteur collégial. Nous avons toute une
série d'aspects à soulever sur ce volet de l'action du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie, et ensuite une heure pour l'Office des professions. Nous allons
nous en tenir strictement è cette division du temps, ce qui veut dire
qu'à 8 h 45 ou 8 h 48, nous serons bons pour passer à l'autre
sujet. Nous vous autorisons même à nous l'imposer.
M. Bérubé: Je vais me prévaloir de cette
autorisation, M. le vice-président.
M. Ryan: Si le ministre y consent, nous commençons. Est-ce
que cela va?
Le Président (M. Charbonneau): Adopté.
M. Bérubé: Je suis au service de la commission, M.
le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Voilà!
M. Bérubé: Cela n'apparaît pas à mes
réponses, mais n'en croyez rien.
Action et vocation du fonds FCAR
M. Ryan: Le premier sujet que nous voudrions soulever à ce
moment, c'est l'action et la vocation du fonds FCAR. Nous en avons
traité brièvement ce matin. D'abord, le ministre a fait des
remarques ce matin au sujet de l'orientation du fonds FCAC. C'était la
première fois, à ma connaissance, que le ministre responsable de
cet organisme faisait des remarques critiques aussi précises et aussi
lourdes de conséquence dans un sens. Je crois qu'il est important que
nous revenions sur ce sujet pour connaître de manière plus
précise la politique qu'entend suivre le gouvernement. Dans le rapport
de M. Johnson dont nous avons parlé ce matin, il est question des
organismes subventionnaires à Ottawa. Le ministre en a parlé
lui-même cet après-midi d'ailleurs, avec une note plutôt
positive. Nous avons à Québec un organisme qui a accompli un
travail généralement bien accueilli dans les milieux
concernés depuis plusieurs années. Il y a peut-être eu des
fautes d'aiguillage qu'il pourra y avoir lieu d'examiner, mais nous avons
constaté depuis deux ans qu'il y a un problème de confiance entre
le ministre et cet organisme. Cela
existait déjà l'an dernier quand les représentants
du fonds FCAC étaient venus rencontrer la commission parlementaire. Si
mes souvenirs sont bons, est-ce que c'est en juin ou en décembre dernier
qu'ils sont venus? Juin dernier. Nous avons senti qu'il y avait un
problème qui se posait de ce côté, qui nous était
apparu à travers la stagnation des crédits budgétaires et
la décision qui avait été prise de lancer le programme des
actions structurantes complètement en marge du fonds FCAC. Dans la
réalisation de ce programme, tout ce qu'on donnait au FCAC,
c'était une représentation au comité chargé du
tamisage des projets. Je pense que c'est important de soulever le
problème pour avoir des clarifications de la part du gouvernement.
Première question. Pourquoi les fonds mis à la disposition
du fonds FCAR demeurent-ils au même point cette année alors que,
indépendamment de certaines décisions qui ont été
prises concernant, par exemple, les actions structurantes, les statistiques
établissent que la demande, en particulier dans le domaine des bourses
au niveau du deuxième et du troisième cycle, a continué
d'augmenter ces dernières années tandis que le nombre des bourses
disponibles est demeuré stationnaire?
Deuxièmement, comment, alors que, du côté
fédéral, le rapport Johnson recommande que le gouvernement
fédéral affecte plus de fonds à la promotion de la
recherche scientifique par le truchement d'allocations budgétaires
accrues aux conseils subventionnés, expliquer qu'à Québec
nous suivions une procédure différente et que nous semblions
aller vers une politique où l'intervention directe du ministre et de ses
fonctionnaires sera beaucoup plus présente au coeur de l'action que ce
n'est le cas au niveau fédéral?
Ce sont les deux questions que je voudrais adresser au ministre pour
commencer. J'ajoute un troisième point à cela. Est-ce qu'il y a
eu des changements dans la composition du conseil d'administration du fonds
FCAR par rapport à ce qu'était cette composition l'an dernier,
à peu près à la même date, quand le conseil
d'administration du fonds FCAC était venu nous voir?
Il y a également un autre problème. Quand ils sont venus
nous voir en juin dernier, déjà, les dirigeants du fonds avaient
préparé un plan triennal de développement en anticipation
de la loi créant le ministère de la Science et de la Technologie.
Ils avaient déjà mis au point les grands éléments
de ce programme triennal avant l'adoption de la loi. Au moment où nous
les avons rencontrés, ils avaient procédé, pendant une
période de six mois, à des consultations extensives avec le
milieu, avec les universités et la communauté scientifique. Ils
avaient produit une synthèse, ils étaient en mesure de soumettre
un plan à peu près définitif. C'était en juin 1984
et nous sommes à la fin de mai 1985, et nous en sommes encore à
nous demander où en est le gouvernement. Nous croyons comprendre que le
fameux plan triennal n'a pas encore été approuvé et qu'il
subsiste, autour de tout ce qui regarde le fonds FCAR, un climat
d'imprécision et d'indéfinition qui est très malsain pour
la réalisation des objectifs qui lui ont été
confiés par le gouvernement.
M. Bérubé: Plusieurs points ont été
soulevés, M. le Président. D'abord, il est vrai que nous avons
connu certaines difficultés de fonctionnement avec le fonds FCAC. Je
pense que c'est inutile de le camoufler. Par exemple, je ne prendrai pour
preuve que la décision prise de façon complètement
unilatérale par le conseil d'administration du fonds FCAC de s'engager
auprès des universités à un niveau de financement de la
recherche excédant le budget autorisé, sans se conformer à
une directive qui lui avait été servie l'année
précédente, à savoir qu'il devrait s'assurer que,
lorsqu'il s'engage auprès des institutions d'enseignement pour des
sommes données, effectivement, il a obtenu les crédits. Donc,
malgré l'avertissement explicite fait aux autorités du fonds
FCAC, celles-ci ont passé outre et se sont effectivement engagées
auprès des universités pour des sommes dépassant les
budgets qui leur étaient alloués et c'est complètement
inadmissible. Je dois dire également...
M. Ryan: Pour quelle année budgétaire, M. le
ministre?
M. Bérubé: L'année dernière. M.
Ryan: 1984-1985, quoi?
M. Bérubé: Oui. Je dois dire que, qui plus est,
nous n'avions même pas reçu de la part du FCAC une demande de
crédits additionnels justifiée sur la base, par exemple, d'une
incapacité à répondre à des besoins des plus
pressants. Nous n'avons eu aucune demande de budget additionnel de la part du
fonds à ce moment-là. Effectivement, il m'est apparu qu'une telle
action, de la part du fonds, était abusive.
Je dois également souligner que certaines pratiques, au niveau du
FCAC, ne sont pas sans causer des problèmes. Le fonds FCAC a
effectivement, je pense, contribué à financer de la recherche en
sciences sociales qui, autrement, ne se serait fait financer nulle part, et
permet aux universités québécoises, au moins en termes de
financement, de comparer très avantageusement leur position par rapport
à leurs consoeurs canadiennes. Il faut
reconnaître, cependant, certains problèmes
opérationnels au niveau du FCAC.
À titre d'exemple, le programme de bourses est un programme
destiné à la formation de chercheurs. Or, si vous examinez les
récipiendaires des bourses, vous constaterez qu'une très grande
majorité d'entre eux ne font pas d'études les orientant vers la
recherche, mais sont au contraire engagés dans des diplômes
professionnels, maîtrise professionnelle, maîtrise de cours
plutôt que maîtrise de recherche, beaucoup en administration, par
exemple, alors qu'il existe au gouvernement des programmes destinés
à subventionner la formation d'étudiants, et c'est le
régime de prêts et bourses du gouvernement, qui s'adresse aussi
bien aux études de premier cycle qu'aux études de deuxième
ou de troisième cycle.
Quelqu'un qui veut poursuivre des études à des fins
d'enrichissement personnel, de formation personnelle a accès à un
mécanisme de financement que tous les étudiants de collège
et du premier cycle connaissent bien. Le programme de bourses du FCAR ne peut
être un programme visant à concurrencer le régime de
prêts et bourses du gouvernement en consentant des bourses exactement aux
mêmes clientèles. Il doit donc se concentrer sur une
clientèle bien particulière, celle qui veut faire de la
recherche. Il s'agit bien d'un programme de formation de chercheurs. Si vous
examinez les récipiendaires de la majorité des bourses, vous
verrez que nous passons à côté de la cible.
Troisième observation que l'on peut faire, qui, je pense, doit
être examinée de beaucoup plus près, c'est une observation
à propos des modes de financement. En effet, le principal programme du
FCAC est un programme de financement d'équipes de recherche. Si on
devait examiner le niveau moyen de subvention à des équipes de
recherche, on constaterait aujourd'hui que le niveau est probablement autour de
16 000 $ ou 17 000 $. Quand je dis "équipe de recherche", je ne parle
pas d'une équipe de deux ou trois étudiants gradués;
à ce moment-là, ce serait une subvention normale, je parle d'une
équipe de professeurs encadrant un groupe d'étudiants
gradués.
Vous comprendrez que 16 000 $, c'est inadéquat pour une
équipe de recherche alors que, normalement, un professeur-chercheur dans
une université valable dans le monde ne devrait normalement pas aller
chercher moins que 80 000 $ à 150 000 $ de budget personnel pour
financer les activités de recherche dans son laboratoire. Vous
comprendrez que les 16 000 $ consentis à deux, trois, quatre professeurs
travaillant encore pour leurs quatre, cinq, six, dix, quinze étudiants
gradués, c'est clair que ce niveau est inadéquat.
Donc, on a une tendance à diminuer progressivement le financement
des équipes de recherche à tel point que la notion
d'équipe n'a presque plus de sens puisque le niveau de financement n'est
même pas, je dirais, le cinquième ou le huitième du niveau
de financement normal pour un professeur à l'université.
Pourtant, il s'agit du financement d'équipes de recherche. (20 h 30)
Donc, il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut essayer de revenir
à la philosophie du fonds au départ, reconnaître que les
organismes fédéraux de financement de la recherche - on pense au
Conseil national de la recherche, par exemple - vont financer la recherche
individuelle. On pense que, par le biais de contrats venant de
ministères, d'entreprises, d'organismes de toutes sortes,
également, on peut financer de la recherche individuelle. On pense qu'il
faut revenir à l'esprit du FCAC d'origine, des années
soixante-dix, qui était un financement d'équipes de recherche,
qui va permettre de regrouper 20, 25, 30 étudiants gradués dans
un même domaine de recherche où pourra se réaliser cette
absolue symbiose nécessaire au développement de la recherche.
On sait à quel point en recherche les contacts entre professeurs
et étudiants sont importants, mais bien plus importants encore sont les
contacts entre les chercheurs d'un même laboratoire, c'est-à-dire
des gens qui vivent quotidiennement ensemble, à longueur de
journée, même les fins de semaine ensemble et les soirées
ensemble, de telle sorte qu'ils développent les mêmes techniques
expérimentales, se soutiennent mutuellement en s'offrant des services,
en s'échangeant des services, en complétant souvent les travaux
de recherche de l'autre, et vice versa. En d'autres termes, c'est par un
travail continu ensemble qu'à un moment donné naissent dans ces
laboratoires les idées les plus intéressantes parce qu'il faut
comprendre que la situation d'un chercheur est une situation traumatisante
parce que, par définition, un chercheur ne sait pas où il va. Il
est dans le cirage le plus total et souvent simplement poser la question est
l'essentiel de l'effort de recherche. Une fois que vous savez quelle question
poser, généralement, vous n'avez presque plus de problèmes
parce que, pour être capable de poser la question, vous aurez dû
effectuer énormément d'expérimentations pour en arriver
à bien identifier le comportement de votre système et là,
éventuellement, vous serez en mesure de vous poser la question et, assez
rapidement, d'effectuer les expériences, les vérifications qui
sont nécessaires.
Donc, parce que le chercheur est dans l'inconnu, il n'y a rien de plus
traumatisant pour un chercheur de passer un an, deux ans, trois ans en ayant
l'impression qu'il ne va nulle part. C'est l'encadrement qu'assure une
équipe de recherche, avec des gens qui réussissent une
petite percée ici, une petite percée là, qui, finalement
permet à celui qui semble patauger dans le noir de trouver la
clé. Or, ceci n'est possible que dans un environnement où on est
en mesure de côtoyer des gens qui partagent les mêmes
préoccupations scientifiques ou même littéraires.
On me soulignait, par exemple, lors d'une réunion de professeurs
de français, le représentant des professeurs universitaires de
français soulignait que le plus grave obstacle rencontré à
l'heure actuelle par les chercheurs québécois dans ce domaine
qu'est la recherche en français, c'était l'individualisme des
professeurs qui rendait quasi impossible l'interaction entre les
étudiants gradués oeuvrant dans un domaine et les professeurs
eux-mêmes. Donc, c'est un problème assez universel. Je pense
personnellement que le FCAC a...
M. Ryan: Question de règlement. M. Bérubé:
Oui.
M. Ryan: Le ministre est en train de prendre toute la demi-heure
qu'on avait pour cet échange-là. On a des sous-questions à
lui poser. S'il pouvait accélérer sa réponse, cela nous
rendrait service.
M. Bérubé: Je peux essayer
d'accélérer puisque j'avais terminé à peu
près le portrait.
M. Ryan: Ah oui?
M. Bérubé: J'ai essayé de vous brosser, si
on veut, le portrait... J'avais cru comprendre que le député
d'Argenteuil était intéressé par la réponse.
M. Ryan: Cela m'intéresse, cela m'intéresse, mais
si c'était plus bref, parce que j'ai ma collègue de
Jacques-Cartier qui a des questions. Moi, j'en aurai une couple d'autres aussi,
mais cela m'intéresse.
M. Bérubé: Alors, en ce qui touche maintenant aux
conséquences pratiques. D'une part, lorsqu'on prétend que FCAR,
et FCAC antérieurement, n'a pas vu ses crédits croître, il
faut dire que le fonds FCAC a échappé aux compressions. Il n'y a
eu aucune compression au cours des dernières années
d'appliquée au budget du FCAC; c'est uniquement cette année qu'il
y a une non-indexation des dépenses de transfert. Donc, en
période où on resserrait tous les budgets, le simple fait pour le
FCAC de ne pas connaître de compression, c'était
déjà symptomatique.
M. Ryan: ...de lancement.
M. Bérubé: Non, parce que le FCAC date de 1970;
alors, nous n'étions pas en période de lancement. Je vous parle
de toute la période de 1976 à nos jours, par exemple. Donc, nous
n'avons pas appliqué de compressions. Pourquoi avons-nous choisi plus
particulièrement, dans le cas du Programme actions structurantes, de ne
pas passer par le FCAR et d'administrer directement un programme de subvention
aux équipes? D'abord, parce que nous faisions un choix dans le FCAR.
Nous avions identifié un certain nombre de domaines où nous
voulions financer les équipes de recherche. Le fonds FCAR, pour
l'instant, en tout cas, ne choisit pas de créneaux. On peut même
dire qu'en général il y a relativement peu d'adéquation
entre les priorités gouvernementales et les équipes, finalement,
subventionnées par le FCAC.
Donc, première raison, dans le cas du FCAC, le fonds ne pouvant
subventionner spécifiquement des secteurs, alors que le gouvernement
voulait encourager le développement dans des secteurs qui avaient
été identifiés comme étant légèrement
en retard, nous avons choisi de passer par un organisme indépendant,
c'est-à-dire que nous avons regroupé le Conseil des
universités, le FCAR et des gens des ministères pour effectuer la
sélection.
Deuxièmement, dans la mesure où, pour le FCAC, on avait
continuellement dilué les subventions, alors que, si vous regardez le
niveau de subventions pour une équipe de recherche dans le cadre du
programme, nos subventions sont de l'ordre de 300 000 $, 350 000 $ et 400 000 $
pour une équipe de recherche, pour l'équivalent de trois à
quatre associés de recherche, vous voyez que là, nous retrouvons
à peu près l'idée des 100 000 $ par associé de
recherche. Donc, ce que nous avons fait par le biais de notre programme, c'est
véritablement de faire ce que le FCAC aurait dû faire
antérieurement, mais qu'il n'a pas fait. Nous avons donc voulu
volontairement éviter la tendance à la dilution que l'on avait
observée depuis les années soixante-dix et essayer de concentrer
à quelques endroits des budgets suffisamment importants pour nous
permettre véritablement de pénétrer à
l'échelle internationale.
Donc, deux objectifs: un objectif de reconcentration, de refocalisation
sur des créneaux, lequel, je pense, est l'objectif central, et,
deuxièmement, l'identification de certains domaines où nous
voulions développer des créneaux, ce que le FCAC n'a jamais
assumé comme responsabilité. Pour l'instant, ce que nous faisons
avec le nouveau conseil d'administration, car nous avons un nouveau conseil
d'administration au FCAR... Nous l'avons recruté parmi les chercheurs
les plus remarquables et les plus forts au Québec dans leurs diverses
disciplines. Ce sont, en général, des
chercheurs dans la force de l'âge qui publient
énormément et nous avons volontairement voulu retenir des gens
pour leur compétence à effectuer des travaux de recherche de
première classe et nous voudrions que le fonds dégage une
politique ou, du moins, réfléchisse à partir de
l'expérience qu'il a sur les besoins de la recherche au Québec,
de telle sorte qu'éventuellement le gouvernement puisse baliser l'action
du FCAR.
Comme vous le savez, nous pouvons maintenant émettre des
directives en vertu de la loi et nous pourrions, à ce moment, baliser le
fonds FCAR en lui indiquant, par exemple - je donne cela à titre
d'exemple -quel genre d'équilibre à maintenir entre la recherche
au sein d'universités francophones ou d'université anglophones,
quel genre d'équilibre à réaliser entre les
universités excentriques et les universités des centres, quel
genre d'équilibre à établir entre différentes
disciplines: les sciences humaines, les sciences exactes.
En d'autres termes, il appartiendra au gouvernement d'indiquer quels
sont ses objectifs globaux de financement pour permettre au fonds,
après, de financer, cette fois, uniquement sur la base de l'excellence
et en essayant de resserrer ses créneaux, de manière à
nous permettre véritablement de développer une force de frappe
dans des secteurs bien définis. Je pense que cela répond pas mal
à toutes les questions que vous pourriez vouloir poser sur le FCAR.
M. Ryan: J'aurais deux observations. D'abord, vous dites que la
loi vous donne le pouvoir de lui adresser des directives écrites. Vous
l'aviez, à plus forte raison, avant la loi, parce que cet organisme
n'avait même pas de statut juridique. C'était une création
administrative du ministère de l'Éducation. Par
conséquent, le ministre pouvait, en tout temps, la supprimer, la
réorienter ou lui donner des directives. Est-ce que des directives
écrites ou des remarques écrites avaient déjà
été soumises à cet organisme avant que vous en veniez
à ces conclusions?
M. Bérubé: Non.
M. Ryan: Deuxièmement, est-ce que c'est votre ferme
intention de resituer, sous la responsabilité de cet organisme, des
actions comme celles qui ont été prises en charge par votre
ministère, disons, dans des circonstances comme celles que vous
évoquez? Est-ce que c'est votre intention d'en revenir le plus vite
possible...
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: ...à la politique qui consiste à
procéder par un organisme subventionnaire, jouissant de la marge
nécessaire, pourvu que le gouvernement puisse lui adresser des
orientations dont il devra tenir compte?
M. Bérubé: C'est cela, exactement. Il nous faut -
je pense que c'est un reproche qu'on doit se faire à nous-mêmes -
avoir une idée de ce que nous voulons. Aucun organisme subventionnaire
du type du FCAR ne pourra, je dirais, répartir les fonds de façon
correcte s'il ne sait pas ce que le gouvernement attend. Donc, le gouvernement
doit avoir suffisamment de lucidité et de franchise pour énoncer
les objectifs.
M. Ryan: C'est du leadership.
M. Bérubé: Oui. Je pense que
subséquemment...
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection.
M. Bérubé: D'ailleurs, c'est comme cela que nous
avons conçu le Programme actions structurantes. C'est un programme
terminal au bout de cinq ans et, ensuite, les fonds sont intégrés
dans les budgets réguliers des universités de manière
à assurer la continuité, lorsque la performance est
satisfaisante. Ce que je pense également, c'est que sans doute, à
un moment donné, les budgets qui étaient consacrés
à des salaires d'étudiants seront versés au programme de
bourses du FCAR. Mais attention! et c'est ce qui m'inquiète, si on met
en place de telles équipes qui réussissent très bien et
que l'on revient aux vieilles habitudes de morcellement, dès qu'on va
les remettre entre les mains du FCAC, dix ans plus tard, on aura détruit
tout ce qu'on aura essayé de faire. Alors, il faut que le fonds
comprenne que voilà l'orientation qu'il doit prendre, de telle sorte
que, lorsqu'on lui remettra des équipes qu'on aura réussi tant
bien que mal à constituer, on ne dilapide pas le patrimoine scientifique
du Québec. C'est l'inquiétude que j'ai.
M. Ryan: Juste une dernière question: Qu'est-ce qui arrive
du plan triennal, à la suite de ce que vous venez de dire? Est-il en
train d'être refait complètement par la nouvelle
équipe?
M. Bérubé: On ne l'a pas eu et le fonds est
à l'heure actuelle en train de le travailler, mais ce n'est pas facile,
car le Programme actions structurantes était un programme relativement
facile puisqu'on taillait dans du neuf, mais je dois vous dire que corriger
certaines habitudes prises pendant quinze ans n'est pas si facile que cela, car
là on taille un nouvel habit dans un vieil habit. Ce n'est pas si simple
que cela et probablement qu'on n'arrivera pas à des changements rapides,
il faudra les étaler sur plusieurs années. C'est ce que le
conseil
d'administration effectue à l'heure actuelle comme
réflexion et, au ministère, on effectue une réflexion un
peu parallèle; éventuellement, on fusionnera le tout pour en
arriver à prendre une position gouvernementale.
Le Président (M. Charbonneau): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais demander au ministre: Comment
conciliez-vous votre attitude envers le FCAR avec le consensus qui est à
peu près de 100 %, je crois, en ce qui concerne la façon dont les
fonds fédéraux fonctionnent? Les fonds fédéraux ne
sont assujettis à aucune directive ministérielle. Il semble que
ce soit une de leur force importante qu'ils soient tout à fait autonomes
parce qu'ils sont fondés sur le principe de la "peer review", qui est
grandement apprécié par le milieu scientifique.
M. Bérubé: C'est exact, parce qu'il n'appartient
pas, comme nous en avons discuté cet après-midi, aux
autorités fédérales d'orienter le réseau
éducatif des provinces. Par conséquent, les fonds
consacrés à la recherche par le gouvernement
fédéral doivent être neutres et ne pas impliquer
d'orientations forcées qui pourraient aller, par exemple, à
rencontre d'orientations qu'une province pourrait vouloir donner à son
réseau, d'une part.
D'autre part, s'il n'appartient pas au gouvernement
fédéral d'orienter, il appartient au gouvernement des provinces
d'avoir des visions sur ce qu'il désire. Par exemple, nous avons comme
société choisi un système d'éducation, je dirais,
de qualité standard, le plus universellement accessible à tout le
Québec, et nous avons probablement un des plus grands nombres
d'institutions per capita en Amérique du Nord, l'objectif étant
de rapprocher les institutions d'enseignement supérieur de notre
population. Parmi les choix que nous pourrions faire, nous pourrions
décider que la recherche se concentrera dans certaines
universités. Aux États-Unis, il y a à peine 10 % des
universités qui sont actives en recherche. Cela voudrait dire, à
l'échelle du Québec, que, sur la douzaine d'universités,
il y en aurait une à laquelle on reconnaîtrait un rôle en
recherche et les autres seraient des universités de premier cycle. Je
doute que notre société accepte une telle attitude. Je doute, par
exemple, que mes concitoyens de la Gaspésie acceptent que l'on fasse de
l'Université du Québec à Rimouski un gros cégep,
sans mission de recherche, d'autant plus que, même au niveau des
cégeps, à l'heure actuelle, on demande de voir reconnaître
une mission de recherche. (20 h 45)
Donc, peut-on établir une concurrence exactement identique entre
toutes les institutions du Québec? Si je ne devais appliquer que des
critères d'excellence absolus, en toute probabilité, la recherche
se concentrerait dans quelques rares universités au Québec et les
autres ne pourraient y avoir accès. Si vous n'avez pas de fonds pour
entreprendre de la recherche, vous ne pouvez pas atteindre l'excellence et, si
vous ne pouvez pas atteindre l'excellence, vous ne pouvez pas avoir de fonds,
et vous tournez en rond.
Donc, il est possible qu'un gouvernement décide de consacrer un
volume minimal de fonds pour financer la recherche dans les universités
régionales. Voilà une directive... Je pense qu'il nous appartient
de décider pour nos organismes subventionnaires si nous voulons aller
dans cette voie.
Autant je pense qu'il n'appartient pas aux autorités
fédérales d'orienter nos institutions d'enseignement
supérieur, autant je pense que nous, comme société, nous
devons avoir une idée de ce que nous attendons de la part de nos
institutions d'enseignement et, à ce moment-là, de mettre en
place, par le biais de directives, des règles qui vont nous permettre
d'atteindre les objectifs qu'on s'est fixés comme
société.
Mme Dougherty: La grosse crainte du milieu scientifique
universitaire, c'est que le gouvernement sacrifie, dans son zèle de
réussir le virage technologique, la recherche libre. Il semble que, de
plus en plus, les pays qui réussissent le virage technologique
reconnaissent que la base de tout l'effort est la recherche libre; sans cette
base, on ne peut pas réussir. C'est là la crainte du milieu
universitaire. Cela a été exprimé lors de la consultation
du FCAR. Il y a eu une large consultation du milieu scientifique. C'est
intéressant de voir que récemment, depuis quatre ans, aux
États-Unis, le gouvernement américain a réorienté
l'effort gouvernemental en ce qui concerne la recherche. J'ai un document
très intéressant ici. C'est un résumé de la
politique gouvernementale des États-Unis. C'est écrit par M.
Keyworth, qui est un "science advisor to the President of United States".
J'aimerais vous lire un paragraphe. C'est très important parce qu'aux
Etats-Unis on a décidé que le rôle du gouvernement n'est
pas d'appuyer la recherche appliquée; on va laisser tout cela au secteur
privé. Le rôle du gouvernement est d'appuyer la recherche libre.
C'est le fondement de tout l'effort en ce qui concerne la recherche.
Perhaps the most important element of policy that emerged from those
reassessments - and they are talking about 40 years ago in the United States
where the Government used to support very clearly
applied research - was a commitment to federal support for basic
research. Not only is basic research an essential investment in the nation's
long-term welfare, but it is largely a federal responsibility because its
benefits are so broadly distributed. Quite simply, basic research is a vital
underpinning for our national well-being.
Over the last four years, a strong emphasis on basic research as well as
a concomitant reduction of government support for demonstration, development
and applied research projects that are considered to be more appropriate for
the private sector.
Je crois que c'est très important. Je crois qu'au Japon, en
Allemagne, on a reconnu cette nécessité d'appuyer la recherche
fondamentale, la recherche libre. Vous savez que le Conseil des
universités a émis un avis, il y a deux ans, je crois, sur la
recherche au Québec quant à notre manque de succès en ce
qui concerne les subventions fédérales, les fonds
fédéraux. Une des raisons étaient que notre base de
recherche, notre capacité n'était pas suffisante pour attirer les
fonds fédéraux. Donc, il faut améliorer notre base. Je
crois que les fonds FCAR et FCAC étaient un des moyens
privilégiés d'augmenter notre capacité d'attirer ces fonds
fédéraux. Autrement dit, il faut avoir un "farm team", il faut
créer le "farm team". On ne peut pas produire des équipes
d'excellence d'un jour à l'autre. Il faut qu'elles évoluent.
Donc, il y a un rôle pour le gouvernement du Québec de
subventionner cette base, d'augmenter notre capacité d'attirer des fonds
qui soient disponibles pour les équipes d'excellence. Les équipes
que le gouvernement a subventionnées, les douze équipes choisies
il y a quelques semaines, sont des équipes qui méritent notre
appui, mais ce sont des équipes déjà aguerries. C'est par
le biais d'autres subventions qu'elles en sont arrivées à ce
niveau d'excellence.
J'aimerais vous demander: Quels moyens seront privilégiés
par le gouvernement du Québec pour augmenter cette capacité
d'excellence, cette capacité potentielle d'excellence? Est-ce que c'est
par le biais du FCAR ou d'un autre fonds? Est-ce qu'on va abolir le FCAR?
Est-ce qu'on va créer un autre fonds de recherche? Qu'est-ce que vous
prévoyez à cet égard?
Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais signaler
à Mme la députée de Jacques-Cartier ainsi qu'au ministre
qu'une fois la réponse donnée on va passer à
l'étude de l'enseignement collégial. Donc, la réponse du
ministre et, par la suite, on passera à un autre sujet.
M. Bérubé: Je ne sais pas si j'ai totalement
compris l'ensemble de l'intervention de la députée de
Jacques-Cartier, M. le Président. J'ai l'impression, cependant, que nous
sommes totalement sur la même longueur d'onde. En effet, prenons, par
exemple, le Programme actions structurantes. Nous n'avons pas regardé le
sujet de recherche. II y a même eu une équipe qui n'a pas
été retenue parce que tout était centré sur un
sujet de recherche. Nous n'étions pas intéressés à
subventionner un sujet de recherche en cherchant à forcer nos
universitaires à faire de la recherche appliquée en fonction des
intérêts du Québec; nullement. Nous financions des
équipes, des noyaux de chercheurs. La seule chose que nous recherchions,
cependant, c'est un champ, une discipline, un domaine qui puisse être
pertinent pour la société québécoise. C'est quand
même important, en ce sens que je pourrais avoir une remarquable
équipe -et, encore là, c'est bien relatif - et développer
énormément toute la recherche spatiale. Il y a peu de chance
qu'il y ait des retombées au Québec.
Il y a des années, par exemple, le gouvernement
fédéral avait encouragé l'apparition de centres de
recherche sur les matériaux à l'intérieur des
universités. Soit dit en passant, le programme est passé
tellement vite qu'il n'y a que les provinces anglophones qui en ont
hérité, rien pour le Québec, mais quand même.
Quel a été le constat après plusieurs
années? C'est un échec presque complet, car ces centres de
recherche sur les matériaux se sont concentrés dans des domaines
tellement éthérés et sophistiqués,
généralement issus directement de l'activité scientifique
américaine que, pratiquement parlant, il n'y a à peu près
pas eu d'effet d'entraînement au Québec et au Canada. Donc, vous
avez raison de dire que nous devons encourager la recherche fondamentale
à l'université. Sur cela, je suis totalement d'accord. Nous
devons éviter de chercher à l'orienter sur des sujets
spécifiques sauf par le biais de contrats de recherche où,
là, on fait faire du développement. Donc, nous devons encourager
des travaux de recherche suffisamment larges pour que la connaissance puisse
progresser et que, finalement, cette recherche serve à la formation
intellectuelle de jeunes chercheurs et représente une contribution au
savoir international.
C'est le principe même de la recherche universitaire. Elle doit
demeurer fondamentale même dans les facultés de génie. Elle
prend une allure différente, mais elle doit demeurer fondamentale.
Mme Dougherty: Comment?
M. Bérubé: En laissant les gens libres de
développer eux-mêmes leur sujet de recherche. C'est tout. Il faut
les laisser faire. Il n'y a pas de comment, il faut les
laisser faire. C'est leur travail et ils le font. Si vous commencez
à les forcer à faire de la recherche fondamentale, c'est
là que vous déviez. Donc, vous devez les financer.
M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.
Est-ce que le ministre pourrait terminer d'ici une minute parce qu'on
s'était fixé 21 heures comme limite ultime pour le secteur des
universités?
M. Bérubé: Oui, M. le vice-président...
M. Ryan: Autrement, nous serons injustes envers ce qui reste.
M. Bérubé: Donc, la recherche universitaire doit
demeurer de type fondamental, mais ce qui est en cause ici par mes propos, ce
n'est pas la nature de la recherche, à savoir si elle doit être
fondamentale ou de la recherche appliquée de développement. Ce
n'est pas cela qui est en cause. C'est: doit-elle être morcelée,
isolée ou, au contraire, doit-elle être regroupée de
manière à créer un environnement propice à
l'innovation? Il est clair que, dans une université comme MIT ou
Stanford, dans un département de métallurgie, vous allez avoir
peut-être 60 ou 70 professeurs. Oh là! là! Là, il
est possible, en métallurgie mécanique, de regrouper 10 ou 12
professeurs. Vous comprendrez qu'à ce moment-là les 40
étudiants gradués ou les 50 étudiants gradués
oeuvrant en métallurgie mécanique constituent un milieu
remarquablement enrichissant. Mais, dans une de nos universités, s'il y
a un professeur de métallurgie mécanique dans tout le
département, vous comprendrez que ces étudiants gradués
sont seuls. Le drame, c'est que vous allez trouver dans un département
un professeur qui fait de la métallurgie mécanique, un professeur
qui fait de la métallurgie physique, un autre fait, je ne sais pas, de
la physique de l'état solide et la conséquence, c'est que tous
les étudiants gradués travaillent dans des domaines, mais
totalement non reliés. C'est cela qui est en cause. (21 heures)
Ce que nous devons essayer de corriger, c'est regrouper nos forces pour
identifier à l'intérieur d'un département des lignes de
force autour desquelles les professeurs se regroupent pour effectuer leur
recherche, de manière à créer véritablement un
climat de recherche. Pour ce qui est du caractère fondamental de la
recherche, laissez-les tranquilles. Laissez-les faire, ils vont se
débrouiller. Vous n'avez pas besoin d'intervenir.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce,
M. le ministre, nous allons maintenant passer à l'enseignement
collégial. Je sais que cela frustre un peu tout le monde, mais il y a
des heures limitées pour l'étude des crédits.
La parole est à M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Comme élément de transition, je voudrais
adresser une brève question au ministre, à laquelle je
souhaiterais qu'il réponde par un oui ou un non. Est-ce qu'il y aura un
projet de loi sur l'UQAM à la présente session?
M. Bérubé: Nous avions effectivement un projet de
loi qui nous avait été soumis par l'Université du
Québec. Il a été repris par les autorités de
l'université ayant constaté une faille de nature légale
dans la proposition qu'on nous avait faite. Elles viennent tout juste de nous
faire parvenir la nouvelle version. Je crains qu'il ne soit pas possible - sauf
avec le consentement de l'Opposition et je dirais du leader également -
de l'adopter avant la fin de la session, mais j'aurais l'intention de le
déposer s'il n'y a pas d'obstacle.
Enseignement collégial
M. Ryan: C'est bien. Merci. Nous passons maintenant au secteur
des cégeps tout en regrettant que le temps ne nous ait pas permis
d'aborder deux sujets importants qui étaient également inscrits
sur notre liste, c'est-à-dire la question des frais de scolarité
et la question de l'aide financière aux étudiants. Mais,
j'espère que la commission parlementaire trouvera le moyen de revenir
sur ces deux sujets par une autre méthode au cours des semaines à
venir.
Au sujet des cégeps, première question, la compression de
7 000 000 $. Dans le cahier explicatif, on nous disait que le ministère
n'avait pas reçu de réactions de la Fédération des
cégeps à ce sujet. Depuis que ce cahier a été
rédigé, la Fédération des cégeps a fait
connaître sa réaction sous une forme très vive. Est-ce que
le ministre a reçu les représentations de la
Fédération des cégeps? Est-ce qu'il a rencontré la
Fédération des cégeps à ce sujet? Est-ce qu'il
compte rencontrer ces gens prochainement et est-ce que ces
représentations pourraient être de nature à l'influencer
dans le sens d'une révision de la décision qui a
été prise?
M. Bérubé: J'ai avisé les
représentants de la fédération des collèges que le
budget était fermé, qu'il était le fruit d'un exercice
difficile d'équilibre budgétaire et qu'en conséquence ils
ne devaient pas s'attendre à une réouverture pour une
amélioration des règles budgétaires en
général - Oh! Bonne nouvelle! Un à zéro pour les
Nordiques! - Ce que j'ai accepté d'examiner avec eux, cependant, c'est
le prélèvement de
2 000 000 $ que nous effectuons dans l'enveloppe globale pour financer
de nouveaux programmes. En effet, il est normal que dans n'importe quelle
organisation il y ait des programmes qui doivent disparaître et des
nouveaux programmes qui doivent être implantés. En
conséquence, si notre coût moyen doit demeurer constant, il faut
trouver un moyen d'autofinancer le coût des développements
à même notre enveloppe générale, de manière
à maintenir nos coûts moyens constants. Ceci nous amène
à effectuer des prélèvements de 2 000 000 $, par exemple,
pour développer des programmes. La réaction de la
Fédération des cégeps est facilement
compréhensible. En l'absence de compression, un tel
prélèvement leur apparaît normal. En présence de
compression, le prélèvement est plus difficile à avaler.
La conséquence, cependant, de l'absence de prélèvement est
la stagnation complète des programmes collégiaux. Ce que j'ai
accepté de faire, c'est d'examiner avec le ministère la liste
complète des développements envisagés par le
ministère et devant être financés à même le
prélèvement, de voir dans quelle mesure certaines de ces
décisions ont un caractère irréversible, de voir quelles
sont les décisions qui ont un caractère réversible et de
réexaminer avec la Fédération des cégeps l'ensemble
du dossier pour voir si des réaménagements seraient
possibles.
M. Ryan: Qu'est-ce qu'une révision de ce
prélèvement-là pourrait entraîner? Une
révision dans le sens que vous le laisseriez peut-être tomber.
M. Bérubé: Seulement si les conséquences
nous apparaissent acceptables. Mais il faudrait voir avant quelles sont les
conséquences.
M. Ryan: La discussion est ouverte sur cet aspect-là?
M. Bérubé: Oui.
Tâche éducative de l'enseignant
M. Ryan: Autre point: des représentations ont
été faites à maintes reprises au cours des derniers mois
par la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes
de cégeps au sujet des conséquences du fameux décret pour
la tâche éducative de l'enseignant au niveau collégial.
Dans une intervention qui a été faite encore ces jours
derniers, la fédération réclame la création, la
libération de 350 postes de plus dans le réseau. Elle demande, en
particulier, que les enseignants mis en disponibilité et payés
à ne rien faire soient au moins employés étant
donné la surcharge de travail découlant des décrets pour
les enseignants qui sont au travail.
La fédération a également fait une intervention
demandant que, dans le cadre du projet de loi 37 sur les relations du travail
dans le secteur public, la liste des sujets qui seraient
référés à la négociation locale soit
réexaminée de manière que certains sujets qui ont un
impact pédagogique très important ne soient pas abandonnés
à la pure négociation locale, laquelle ne sera d'ailleurs pas
accompagnée du droit de grève.
Sur ces deux points, j'aimerais connaître la position du ministre.
Est-ce que c'est mieux de laisser des enseignants en disponibilité
à ne rien faire pour sauver l'honneur d'un décret ou si ce ne
serait pas mieux de leur donner la chance de travailler et de soulager la
charge de travail de ceux qui sont au poste?
M. Bérubé: D'abord, sur les 700 enseignants en
disponibilité...
M. Ryan: On dit même, pour votre information, qu'il
viendrait s'en ajouter 300 ou 400 au cours de la présente
année.
M. Bérubé: ...la majeure partie est utilisée
totalement. Il reste 250 enseignants auxquels on ne fait pas
nécessairement appel. On me souligne, par exemple, que certains de ces
enseignants oeuvrent dans des secteurs spécialisés, par exemple,
sciences de la santé, où on a un problème de
clientèle et cela n'a rien à voir avec les décrets, cela a
à voir, essentiellement, avec un réajustement constant d'un
système à moins de vouloir toujours enseigner exactement la
même matière de la même façon sans jamais modifier
les programmes. Évidemment, là on aurait toujours besoin des
mêmes enseignants, mais ce n'est pas sûr que ce serait à bon
escient.
Il est inévitable que, dans une organisation où il y a une
dizaine de milliers de professeurs, des ajustements de programmes, des
fluctuations de clientèle amènent, de façon permanente, un
certain nombre d'enseignants se retrouvant en disponibilité. Cela n'a
rien à voir avec les décrets, cela a purement et simplement
à voir avec les ajustements inévitables au sein d'un appareil
aussi important. On me dit qu'il y a environ 250 professeurs qui pourraient,
effectivement, se retrouver en disponibilité sans qu'on puisse avoir
recours à leurs services. C'est peu.
M. Ryan: Est-ce que vous êtes informé que, pour
l'année 1985-1986, il risque d'en avoir 300 de plus?
M. Bérubé: Comme il n'y a pas d'augmentation de
tâche en 1985-1986, ce ne sera certainement pas le résultat des
décrets. Il faut donc tirer la conclusion que
c'est tout simplement l'ajustement normal du système.
Maintenant, pour ce qui est de l'augmentation de tâche des
enseignants au collégial, il n'y a personne sain d'esprit qui va
accorder quelque foi que ce soit à des prétentions concernant la
surcharge au niveau des enseignants du cégep. Il faut voir quelle est la
tâche d'un enseignant au collégial. C'est une tâche normale.
Des études qui ont été menées conjointement par le
Conseil des collèges, par le syndicat, des tables patronales-syndicales,
par exemple, ont fait la démonstration que la tâche normale d'un
enseignant collégial c'était, quand on calculait la
préparation, le cours, la correction, 38 heures par semaine.
M. le Président, 38 heures par semaine, pour une année
scolaire qui, disons-le, n'est pas de 365 jours par année. Une
année scolaire au Québec, c'est deux trimestres en
général d'environ une trentaine de semaines. Tous vous diront
qu'il y a là-dedans également des périodes assez relaxes.
On vous parlera même de l'absentéisme des professeurs au
collégial assez régulièrement, soi-disant pour surcharge.
Alors, moi, j'ai de la misère à imaginer qu'un professionnel qui
travaille à peu près 38 heures par semaine, d'après les
études qui ont été faites conjointement avec les
syndicats, et l'équivalent d'à peu près 30 semaines par
année, je ne peux pas croire que ce professionnel soit
écrasé par la tâche.
Donc, ne me parlez pas des décrets; vous ne me ferez jamais
pleurer sur la situation au niveau collégial. La tâche est
normale, elle est raisonnable et on s'attend que le professeur fasse ses
quarante heures par semaine pendant ses 60 semaines de travail et
qu'après cela il continue en s'impliquant sur le plan de sa
réflexion, en travaillant ses cours pour l'année suivante durant
les périodes estivales. Je pense que c'est une tâche tout à
fait normale. Je ne suis absolument pas sensible aux prétentions
syndicales. D'ailleurs, il n'y a pas grand-monde qui l'est parmi ceux qui
connaissent le fonctionnement de nos collèges.
En ce qui a trait au niveau local, justement, parce que ces questions
concernent la vie des institutions, le modèle ne doit pas être un
modèle unique, mais doit tenir compte des caractéristiques
propres de chaque institution. Un petit collège n'est pas un gros
collège. Il est possible, dans un grand collège, de
procéder à des réajustements de groupes ou de classes, de
telle sorte qu'on puisse se partager la tâche d'une façon
très différente de celle dans un petit collège où
un corps professoral limité doit offrir un éventail de cours
très large, si on veut offrir un choix de programmes suffisant.
À ce moment, l'organisation du travail doit nécessairement
coller à la réalité, je dirais, du cégep et de son
environnement. Par conséquent, cela doit rester de négociation
locale.
M. Ryan: Le droit de grève? Vous n'êtes pas trop
pour cela, vous.
M. Bérubé: Sans droit de grève, car je vais
vous dire une chose: Tel que conçu, le projet de loi va donner le
résultat final. Si une des parties, disons, s'isole volontairement en
refusant de parler à l'autre partie, en s'asseyant sur les acquis, un
jour ou l'autre, elle a intérêt à faire rouvrir sur
certains aspects. À ce moment, il y a nécessairement un dialogue.
Je pense que, si nous voulons effectivement mettre un terme à ces
conflits stériles que nous avons érigés en système,
M. le Président, oui, les professeurs et les administrateurs de nos
collèges doivent prendre l'habitude de voir le collège comme
étant leur institution et doivent voir ensemble à la faire
fonctionner et non pas tout le temps à l'intérieur d'un rapport
d'affrontements qui nous a systématiquement menés à des
grèves.
Si on conçoit la vie d'un collège et son organisation sur
la base d'un rapport conflictuel, à ce moment, on ne peut pas
bâtir un milieu de vie raisonnable. Je pense que oui, il faut absolument
supprimer le droit de grève, en tout cas pour les prochaines
années, au niveau local, pour amener les gens à apprendre
à se parler autrement que dans une situation conflictuelle.
M. Ryan: Cela, c'est votre conception de la libre
négociation des conditions de travail.
M. Bérubé: C'est ma conception de la mise en place
d'un climat qui respecte nos jeunes et les valeurs intellectuelles dans une
société.
M. Ryan: Très bien. On va discuter de cela à
l'occasion du projet de loi qui est devant la Chambre; on aura l'occasion d'en
parler. Mais, à propos de la tâche de travail des enseignants, je
ne pense pas que ce soit facile d'être d'accord avec le ministre. Il a
ses vues et ses perceptions, ses rapports, ses souvenirs. Mais, il y en a
beaucoup qui ont regardé cela de près et qui ont fait d'autres
constatations que celles dont nous fait part le ministre. Il m'est
arrivé de causer avec plusieurs enseignants sérieux et
consciencieux de niveau collégial et ils m'ont donné un portrait
très différent de celui que vous présentez ici.
Vous avez invoqué le Conseil des collèges dans votre
intervention. Si mes souvenirs sont bons, le Conseil...
M. Bérubé: Je m'excuse, c'était une
table patronale-syndicale.
M. Ryan: Ah bon! ce n'est pas la même chose. Le Conseil des
collèges, si mes souvenirs sont fidèles, a décidé,
il n'y a pas beaucoup de temps, il y a une couple de mois, d'instituer une
enquête sur la condition enseignante, parce qu'il trouvait, justement,
qu'il y avait un pourrissement qui était encore là et que
c'était de nature à affecter gravement et de manière
peut-être plus insidieuse que les grèves ouvertes d'autrefois,
mais de manière peut-être non moins nocive, la qualité de
l'enseignement et de la formation dispensés dans les cégeps. (21
h 15)
On n'a pas le temps d'engager un débat interminable, mais je
m'inscris en faux contre la vision simplifiée que le ministre semble
avoir de tout ce problème de la tâche éducative au niveau
collégial. Je ne suis pas prêt à ériger en
système toutes les pratiques dont nous avons pu avoir connaissance ces
dernières années, pas du tout.
Je crois qu'il y a une plainte qui émane de ce milieu-là,
qui est très répandue. Je serais étonné qu'elle
fût purement artificielle ou fabriquée de toutes pièces
seulement pour créer des difficultés au gouvernement ou à
la communauté.
M. Bérubé: Ou fabriquée de toutes
pièces par les organisations syndicales et adressée à un
critique officiel de l'Opposition dont les pleurs et les larmes de crocodile
sont un peu trop faciles.
M. Ryan: Voyons donc! Nous écoutons! M. le ministre, je
trouve que ce sont des propos terriblement irresponsables que vous tenez
là.
M. Bérubé: Non, pas tant que cela. De votre part,
ils le sont, oui.
M. Ryan: En ce qui touche l'Opposition, je vous dirai pour la
nième fois, même si vous n'avez pas l'air capable de le
comprendre, que nous écoutons tous les points de vue qui nous sont
soumis avec un égal respect et une égale considération,
nous réservant de faire le partage sous la forme des opinions que nous
exprimons en temps utile. Je pense qu'une approche comme celle-là n'est
pas du tout de nature à faciliter une amélioration de la
situation dans ce secteur-là, mais, en tout cas, vous avez donné
votre opinion clairement. J'espère que ce n'est pas l'opinion
définitive du gouvernement, ni la vôtre, mais pour ce soir disons
que nous l'enregistrons.
Est-ce que je peux passer à un sujet suivant?
M. Bérubé: En fait, si je comprends bien la
différence qui nous oppose, c'est que, dans un cas, nous avons une
opinion et, dans votre cas, vous n'en avez pas.
M. Ryan: Non, nous nous renseignons avant d'en avoir une, nous
recueillons toutes les données même celles que nous croyons
posséder et, quand elles sont contredites par d'autres, nous essayons de
faire le partage, puis nous modifions notre opinion si on nous fait la
preuve.
Je vous dis, encore une fois, que j'ai rencontré des enseignants
très sérieux à ce niveau-là, très
consciencieux qui ne méritent pas du tout le genre de
résumé que vous avez fait tantôt, et qui m'ont tenu un tout
autre langage, qui méritent d'être entendus par celui qui a la
responsabilité de la qualité de l'enseignement à ce
niveau-là.
M. Bérubé: M. le Président, comme de toute
façon il en va de même au niveau, par exemple, de l'enseignement
universitaire. La tâche moyenne d'un professeur à
l'université est de l'ordre de six heures d'enseignement, ce qui est
loin d'être abusif. Cependant, je connais des professeurs
d'université qui travaillent rarement moins de 80 heures par semaine.
Disons que ce sont des professeurs qui ont trois, cinq, six, sept publications
dans des revues internationales, qui dirigent sept, huit, dix étudiants
gradués à la maîtrise et au doctorat, qui ont 150 000 $,
200 000 $ de subventions de recherche. Dans leur faculté, ils font
partie des 25 % qui, effectivement, sont activement engagés, mais j'ai
le problème des autres 75 %.
M. Ryan: J'enregistre que vous balayez du revers de la main les
représentations qui viennent des enseignants du secteur
collégial.
M. Bérubé: Sur la tâche moyenne au
collégial? Absolument.
M. Ryan: Très bien, très bien.
M. Bérubé: La tâche moyenne au
collégial est tout à fait normale et correcte.
Sous-centres régionaux
M. Ryan: Parfait. Autre point. Est-ce que vous pourriez
résumer brièvement la politique actuelle du ministère en
ce qui touche les sous-centres régionaux de collèges? Il y a un
certain nombre de coins dans la province de Québec où on ne peut
pas avoir un cégep complet et où on demande de jouir au moins des
prolongements de cégep sous forme de sous-centres régionaux. Il
en existe déjà un certain nombre. Il y a des besoins qui
s'expriment en d'autres endroits qui n'en ont point. Est-ce qu'il y a des
perspectives de déblocage de ce côté-là ou si la
politique "wait and see" qui
a caractérisé faction du ministère à ce
sujet-là depuis une couple d'années se maintient pour
l'instant?
M. Bérubé: Oui, je pense que, pour l'instant, il
faut poursuivre l'expérimentation de quatre de ces sous-centres, un aux
Îles-de-la-Madeleine, un à Amos, un à Mont-Laurier et
l'autre à Chibougamau, je crois. Il faut poursuivre
l'expérimentation de ces quatre projets. Je pense qu'on comprend
facilement pourquoi on s'est engagé dans ces expériences.
Certaines de nos régions au Québec sont à ce point
éloignées des maisons d'enseignement collégial, de telle
sorte qu'on peut se retrouver avec un taux d'accès aux études
collégiales qui est nettement inférieur, par exemple, è la
moyenne québécoise. On est amené à ce
moment-là à vouloir faciliter l'accès aux études
collégiales par l'implantation de sous-centres.
M. Ryan: D'accord. Pourriez-vous nous donner des nouvelles du
côté...
M. Bérubé: C'est assez intéressant, M. le
Président. J'ai fait un essai et j'ai fait exprès pour ne pas
répondre à la question du député d'Argenteuil
constatant, en fait, qu'il n'écoutait pas et il semble se satisfaire de
ma réponse.
M. Ryan: On n'a pas de leçon à recevoir du
maître d'école. Mais tout cela pour en revenir au problème
que je voulais vous poser. Est-ce que vous êtes saisi d'un projet
d'implantation, soit d'un cégep ou d'un campus de cégep du
côté de Bonaventure? Est-ce que vous allez prendre des
décisions à cet égard avant longtemps, si vous n'en avez
pas déjà pris?
M. Bérubé: Le problème de Bonaventure, c'est
la deuxième partie de la réponse que j'allais vous
présenter quand j'ai vu que votre intérêt était
attiré par le député de 5aint-Laurent qui, d'ailleurs,
devait sans doute avoir des propos importants à vous tenir.
Peut-être étiez-vous en train de lui expliquer la qualité
de la question que vous veniez de poser et l'intérêt qu'il devrait
y manifester. Dans le cas...
M. Ryan: Elles sont si souvent routinières que, même
si on en manque une, on ne manque pas grand-chose, des fois.
M. Bérubé: Là, c'est moi qui en ai
manqué un bout.
M. Ryan: Si vous voulez avoir le fond de la réaction, vous
allez l'avoirl
M. Bérubé: Si on revient à nos sous-centres
régionaux, ce que le ministère examine avant de prendre une telle
décision, c'est non seulement le fait qu'il est plus commode pour une
population d'avoir accès directement à un sous-centre localement,
mais également quel sera l'impact de ce sous-centre sur la
disponibilité de l'enseignement au niveau collégial.
Je m'explique. Prenons le cas de la région de la baie des
Chaleurs. Si nous devions situer le sous-centre à son endroit optimal,
c'est-à-dire là où il y a des densités de
population importantes, le sous-centre prélèverait les
clientèles qui, à l'heure actuelle, vont à Gaspé.
Conséquence: Gaspé, qui a déjà de la
difficulté à offrir un éventail adéquat d'options
professionnelles, verrait ses clientèles diminuer, il ne serait donc
plus en mesure de dispenser l'éventail actuel d'options. Quel est le
problème de nos régions? Si nous n'offrons pas un choix d'options
bien adaptées aux besoins de notre région et bien adaptées
aux besoins de l'étudiant, notre étudiant aura tendance, quitte
à partir de Sainte-Anne-des-Monts pour aller à Gaspé s'il
n'a pas le choix ou l'option qu'il désire, il va tout aussi bien
décider de s'en aller à Montréal ou à
Québec.
À ce moment, il risque de quitter notre région d'une
façon définitive. Il faut donc offrir dans notre région un
éventail d'options suffisamment large pour attirer tous nos
étudiants, sauf qu'il y a peu d'étudiants pour chaque option. Ce
sont des options à la limite de la viabilité, si on veut.
Dès que nous créons un sous-centre, nous soutirons des
clientèles - par exemple, au collège de Gaspé - et nous
réduisons la capacité de ce collège à satisfaire
aux besoins de la région, en termes d'options professionnelles.
Ce n'est pas compensé par l'ouverture du sous-centre, car le
sous-centre qui doit lui aussi s'attirer des clientèles ne peut pas
choisir des options pointues qui auraient peu d'attrait pour la
clientèle locale et qui l'obligerait à recruter sur l'ensemble du
territoire. Il doit donc chercher à coller le plus près à
sa clientèle locale. Il doit donc se cantonner à des options de
générales, préuniversitaires, non terminales, non
professionnelles, avec la conséquence que nous risquons de donner une
mauvaise formation de départ aux jeunes qui, localement, auraient
normalement choisi la bonne option correspondant à leur goût, mais
qui, maintenant, vont plutôt choisir une option générale,
parce que c'est celle-là qui est disponible dans le village.
Conséquence: non seulement ces jeunes seront-ils mal
formés, mais nous aurons diminué le nombre d'options
professionnelles, accentué l'exode vers l'extérieur pour faire en
sorte que ces jeunes qui reçoivent la formation professionnelle sont mal
préparés pour l'économie régionale et, par
conséquent, ont des chances de devoir aller à l'université
pour compléter leur formation, à l'extérieur,
et risquent même de ne pas revenir chez nous.
Il faut donc regarder l'impact de l'implantation d'un sous-centre sur la
disponibilité d'options professionnelles, sur l'orientation des jeunes,
sur l'impact quant à l'accessibilité aux études
collégiales. C'est uniquement lorsque nous avons ce portrait que l'on
peut décider si, oui ou non, c'est une bonne idée d'implanter des
sous-centres.
Comme nous n'avons pas encore véritablement de données
statistiques, puisque l'expérience ne remonte qu'à deux ou trois
ans, tout ce que nous pouvons conclure, c'est qu'il semble qu'il y a deux des
quatre expériences que nous menons qui ne semblent pas fructueuses.
L'une est marginale et on a de la difficulté à trancher, et
l'autre s'est avérée bonne et fructueuse.
Pour l'instant, nous n'avons pas tout à fait encore assez de
données pour pouvoir vraiment trancher quant à l'avenir des
sous-centres. C'est ce qui nous amène à user de prudence et
à suggérer que l'on continue l'expérimentation en cours
qui est prévue pour cinq ans. Au terme de ces cinq ans, on fera une
évaluation rigoureuse de l'impact de ces sous-centres sur
l'accessibilité aux études collégiales, sur l'orientation
des jeunes avant et après la création de ces sous-centres et sur
les institutions régionales d'enseignement. On pourra alors
décider de l'avenir de l'expérimentation.
M. Ryan: Pour le cas de la baie des Chaleurs, cela veut dire que,
pour le moment, il n'y a pas de décision?
M. Bérubé: Oui, pour le moment; je pense qu'il est
clair que c'est un des territoires les plus vastes géographiquement
parlant et sans service collégial. Donc, c'est un territoire
québécois qui, par définition, mériterait un
sous-centre. Par contre, nous constatons que ce sous-centre, pour ne pas faire
trop de tort à Gaspé, il faut le mettre à l'endroit
où il y a le moins de clientèle potentielle. Alors, vous voyez
l'ironie du sort. Le collège de Gaspé nous propose un sous-centre
là où il est moins utile et pourquoi? Parce que c'est là
où il fait le moins de tort. Alors, on est coincé entre les
deux.
M. Ryan: Qu'il nous fasse savoir s'il y a une réponse.
S'il n'y en a pas, je ne veux pas avoir d'autres explications. Quant aux
centres spécialisés créés au cours des deux
dernières années, on nous a fourni une liste de ces centres que
nous avions déjà évidemment, mais cela complète. Il
y a un paragraphe qui m'a intrigué à la fin de cette liste; on
écrit ceci: Au terme d'une période variant entre trois et cinq
ans, l'objectif visé est que chacun des centres a
développé ses fonctions de service aux milieux socio-
économiques et soit en mesure de s'autofinancer.
Je voudrais savoir comment vous entrevoyez la relation de ces
centres-là avec le cégep dont ils sont issus et comment, dans
l'hypothèse d'un éventuel autofinancement, se définirait
la relation avec le cégep? Inutile de vous dire que certains promoteurs
de centres spécialisés se voient déjà comme
directeur de petit cégep parallèle. Allez-vous encourager cela?
J'ai l'impression que les lignes contenues dans le paragraphe que je viens de
citer sont de nature à encourager cela. Est-ce que vous voyez que ces
centres-là demeurent en relation organique avec le cégep dont ils
sont issus et dont ils continuent d'être partie constituante, même
s'ils disposent d'une large autonomie?
M. Bérubé: Nous envisageons ces centres
spécialisés comme faisant partie intégrale du
collège et non comme corporation totalement autonome. Je ne suis pas
sans savoir que certains collèges - la loi le permet - ont voulu
créer des corporations complètement indépendantes, mais
pour autant que le ministère est concerné, un centre
spécialisé, c'est un centre qui émane directement du
collège et constitue un pôle d'excellence au sein du
collège, et non pas un organisme parallèle de type parapublic,
par exemple.
Lorsque nous parlons d'autofinancement, nous ne parlons pas
d'autofinancement de l'enseignement, nous parlons d'autofinancement de l'aide
technique et de la recherche. Pour l'instant, nous finançons un petit
montant pour favoriser l'implantation d'une infrastructure d'accueil
auprès des entreprises ou des organismes du milieu. Toutefois, ce qu'il
faut éventuellement viser, c'est que les cégeps aient
accès à des programmes réguliers de financement, soit de
transfert technologique ou de recherche, et que, par le biais de ces programmes
en concurrence les uns avec les autres, ils puissent éventuellement
atteindre l'autofinancement de la mission aide technique et recherche, mais il
ne s'agit évidemment pas d'un autofinancement de la mission
éducative.
M. Ryan: On disait dans les notes que l'on nous a remises que,
pour 1985-1986, on envisage la création de trois autres centres
spécialisés. On disait que cinq dossiers étaient à
l'étude. Est-ce qu'une décision à cet égard a
été prise? On disait qu'une décision allait être
prise au cours des prochaines semaines.
M. Bérubé: Elle est prise et elle a
été annoncée au cours des dernières semaines.
M. Ryan: Oui, j'ai remarqué. Voulez-
vous confirmer ce qui en est? (21 h 30)
M. Bérubé: C'est ce que j'ai annoncé:
bureautique à Bois-de-Boulogne, foresterie à Sainte-Foy et
métallurgie à Trois-Rivières.
Développement des équipements
M. Ryan: Très bien. Je pense qu'il faut dire un petit mot
sur le plan des investissements. J'ai cité ce matin un cas assez
lamentable. II s'agit d'un cégep où je suis allé faire une
visite assez récemment. J'aimerais que le ministre en reparle. Il a
adressé une lettre aux professeurs de ce cégep qui lui avaient
écrit, une lettre que j'ai trouvée personnellement assez
cavalière, dans laquelle on les renvoyait purement et simplement au
conseil d'administration du cégep. Le ministre disait ce matin que
c'était à peu près tous les pouvoirs, toutes les
responsabilités qu'il avait là-dedans. C'est profondément
faux, à mon point de vue. Je pense que le ministre a la
responsabilité de veiller à ce que l'enseignement professionnel
soit dispensé par les collèges dans des conditions de
qualité, de modernité d'équipements qui répondent
aux besoins des jeunes qui doivent s'intégrer rapidement au
marché du travail.
Dans un cas comme celui-là, je voudrais lui demander s'il en est
réellement saisi et si, après avoir reçu cette
requête, il a procédé à une enquête au moins
discrète pour savoir où cela en était, enfin, si, à
la lumière des faits que j'ai quand même apportés ce matin,
de bonne foi, et après les avoir constatés personnellement, il
s'en tient à la ligne de conduite qu'il définissait dans sa
lettre aux professeurs de cette institution.
M. Bérubé: J'aimerais que le député
d'Argenteuil précise le cas.
M. Ryan: Je l'ai décrit ce matin. Vous le trouverez dans
les notes que j'ai données ce matin. C'est...
M. Bérubé: Je vous répondrai quand j'aurai
toutes les notes.
M. Ryan: ...décrit là en toutes lettres. Bien, vous
n'écoutiez pas ce matin, c'est libre à vous. Je ne reviendrai pas
là-dessus, mais je vous dis que la loi vous donne tous les pouvoirs
voulus pour aller plus loin. Il me semble qu'un ministre de l'Enseignement
supérieur, quand il reçoit des représentations
sérieuses, doit au moins faire un début d'enquête pour
savoir à quoi s'en tenir avant de dire: Cela ne me regarde pas et allez
voir votre conseil d'administration, purement et simplement. C'est cela que je
veux clarifier ici. Je vous dis que les conditions que j'ai constatées
réapparaissent absolument inaceptables. Qu'est-ce qui peut être
fait pour les corriger rapidement? M. Bérubé: Je pense...
M. Ryan: Rapidement. M. Bérubé: Je pense...
M. Ryan: M. le ministre, quand je vous disais ce matin qu'on
enseigne l'électronique à des jeunes avec des appareils
récepteurs et transmetteurs qui datent de l'autre
génération et dont on ne trouve même plus le modèle
sur le marché, ni même les pièces d'équipement pour
remplacer celles qui sont terminées, qu'on n'a pas de budget pour en
acheter d'autres, qu'est-ce qu'on fait? Il faudrait que vous voyiez les
ateliers de céramique. Ils travaillent dans des conditions de pollution
effrayantes. À l'atelier de photographie, c'est la même chose. Des
conditions de pollution qui sont absolument inadmissibles. Qu'est-ce qu'on fait
dans des cas comme cela? Est-ce qu'on laisse cela là en disant: II y a
un conseil là-bas et que ça marche? C'est cela que je veux
savoir.
M. Bérubé: M. le Président, tout ce que je
peux dire, c'est que, l'année dernière, on me souligne que, dans
le budget, il y avait 6 000 000 $ consacrés à
l'électrotechnique et à la modernisation de l'équipement,
ce qui est une somme considérable puisque tous les collèges ne
donnent pas cette option et que cela est réparti entre quelques
collèges, dont le collège du Vieux-Montréal. J'ai
l'impression que ce n'est pas parce que c'est le collège du
Vieux-Montréal que c'est nécessairement du vieil
équipement qu'on lui achète.
M. le Président, je pense que... Non, il faut que j'en revienne
à la position que j'ai prise au début. Nos collèges sont
des entités autonomes et nos collèges doivent assumer leurs
responsabilités. Lorsqu'il y a lieu de penser qu'on est en face de
fraude, de mauvaise conduite de la part des dirigeants, oui, il y a un pouvoir
de mise en tutelle. Il faut l'invoquer dans des conditions graves et non pas
à tout bout de champ. Il y a, par exemple, aux États-Unis,
certaines bonnes universités, d'autres moins bonnes, cela se sait. Si le
collège du Vieux-Montréal est un moins bon collège, il y
aura moins d'étudiants qui vont aller y étudier et c'est
l'ensemble du collège qui va écoper. Je pense qu'il faut accepter
la concurrence, il faut accepter qu'il y aura des collèges plus
performants, d'autres moins performants. Évidemment, j'ai visité
plusieurs collèges qui se sont dotés de secteur d'excellence et
qui en sont très fiers. J'ai eu l'occasion de rencontrer des professeurs
remarquablement dynamiques et très profondément engagés
dans le développement des activités de recherche et
d'éducation au sein du collège.
Je me doute qu'il y ait, au Québec, à côté,
d'autres collèges, d'autres équipes beaucoup moins performantes
qui s'endorment dans une certaine léthargie.
M. le Président, je dois dire qu'il appartient à chaque
collège de se doter d'une politique d'évaluation. Il appartient
à chaque collège de surveiller la réputation de son
institution. Par exemple, parmi les mesures que nous prenons, nous distribuons,
à l'heure actuelle, des statistiques de toutes sortes sur le
résultat d'étudiants à des examens, les performances
comparatives de divers collèges et nous envoyons les performances dans
l'ensemble des collèges. Je ne vous cache pas que, quand vous enseignez
dans un collège et que vous constatez que les statistiques ne semblent
pas très favorables, oui, cela provoque une certaine discussion à
l'interne et cela secoue les gens.
Je pense que c'est peut-être la meilleure façon de
procéder, à savoir maintenir les gens responsables et leur
fournir des instruments de comparaison. Et si, à la suite de l'envoi de
tels instruments et de leur disponibilité au public en
général, un grand nombre de nos concitoyens constataient qu'un
collège était de mauvaise qualité, il recruterait pas mal
moins d'étudiants. Recrutant moins d'étudiants, il y aurait plus
de professeurs en disponibilité à ce collège et il y
aurait de sérieux problèmes à l'interne. Je pense qu'il
faut laisser jouer une certaine concurrence entre les collèges et ne pas
passer son temps, à chaque fois qu'un professeur est insatisfait,
à vouloir passer par-dessus toute la Loi sur les collèges qui
prévoit des niveaux hiérarchiques de responsabilités pour
tenter continuellement de ramener cela au centre. C'est l'erreur
systématique de déresponsabilisation de nos concitoyens, et ce,
je ne peux pas l'accepter.
M. Ryan: M. le Président, je devrai dire à ces
gens, les professeurs nombreux et les élèves nombreux
également qui m'ont saisi du problème - je leur avais dit que
j'en parlerais en commission parlementaire - que le ministre a dit qu'il nie
toute responsabilité, qu'il n'a rien à faire là-dedans,
c'est le conseil d'administration et cela finit là. C'est ce que je vais
leur dire demain. Merci.
M. Bérubé: C'est l'autorité de leur
collège, parce que je peux leur dire que, depuis...
M. Ryan: Je le déplore profondément, parce que
c'est bien beau de dire ici, cavalièrement, que ce collège perdra
de la clientèle, etc., mais les jeunes qui sont là, c'est leur
avenir qui est en cause. Ils viennent vous dire après avoir passé
un an, un an et demi: Peut-être que j'aurais été mieux
d'aller ailleurs. Me conseillez-vous de regarder ailleurs? On trouve que c'est
un collège qui a sa place dans la famille des collèges, il a
été créé pour faire quelque chose. Je ne vois pas
pourquoi on laisse aller les choses comme cela. Il me semble qu'une visite au
collège pour vérifier de visu des conditions qui sont
portées à l'attention du ministre, cela ne devrait pas être
la fin du monde. Cela fait partie de ses attributions courantes.
D'ailleurs, je souligne juste une petite parenthèse ici. Je
trouve qu'on avait, dans la vielle Loi sur l'instruction publique au
Québec, un article très simple qui disait: N'importe quel
député peut visiter n'importe quelle école quand il le
veut. Vous avez fait tomber cet article. C'était très bon qu'on
ait cela. Je trouve qu'à ce niveau cela fait du bien quand un homme
public va faire une petite visite, se rendre compte de visu. Vous le savez
comme moi, vous êtes allé à un grand nombre d'endroits
aussi.
J'espère que cette affaire ne restera pas là parce que
c'est vraiment une fin de non-recevoir que je trouve absolument inqualifiable.
Je le regrette, je le dis sans aucune espèce d'amertume. Je pense
à ces gens, avec qui j'ai passé une jounée, et je me dis:
II me semble que cela ne peut pas en rester là.
M. Bérubé: À titre d'exemple, M. le
Président, pour l'amélioration et la transformation du
collège, en 1981, nous avons versé 158 000 $; en 1982, nous
portions cela à 552 000 $; l'année suivante, 467 000 $;
l'année d'après, 455 000 $ et, en 1985-1986, dans le plan
d'équipement, c'est 1 700 000 $.
Au niveau de l'appareillage-outillage au cégep du
Vieux-Montréal, pour les cinq dernières années, c'est
près de 1 400 000 $ injectés pour moderniser l'appareillage.
M. Ryan: C'est au cours de quelle période cela?
M. Bérubé: De 1981 à 1985. C'est 1 400 000 $
que nous consacrons à l'amélioration de l'appareillage ou de
l'outillage. Donc, il y a des sommes importantes qui sont
dépensées au collège. Maintenant, soulignons qu'il y a une
décision qui a été prise par le conseil d'administration
il y a quand même un bon nombre d'années, c'est dans les
années soixante-quatorze, où on a voulu doter le collège
d'aires ouvertes soi-disant au nom d'une nouvelle forme de pédagogie.
C'est une erreur que l'on paie très cher et que nous cherchons à
corriger à l'heure actuelle en injectant annuellement un montant assez
important pour l'amélioration et la transformation, ce que je vous
soulignais tantôt. Donc, effectivement, nous essayons
de donner au collège les moyens de corriger ses erreurs.
Toutefois, de façon systématique, je pense que nous devons
éviter de déresponsabiliser les gens. Or, il n'y a rien de plus
facile pour quelqu'un qui pourrait essayer de régler son problème
à l'interne, mais il faut qu'il se batte, il faut qu'il convainque. Il y
a des résistances et là on essaie d'imaginer ce Deus ex machina
-peut-être sous l'image de M. Ryan - qui va régler tous les
problèmes à la place des gens en fonction, mais peut-être
pas. C'est à cela qu'il faut faire attention.
M. Ryan: Mais vous avez des centaines d'étudiants, M. le
ministre, encore une fois, qui jouent leur avenir dans l'option qu'ils ont
faite de s'inscrire à cette institution. Ils l'ont fait de bonne foi en
pensant qu'ils trouveraient là la formation, la qualité minimale
à laquelle ils ont un droit strict et on leur offre des
équipements qui ne leur permettent pas d'acquérir cette
formation. Pendant ce temps, on tripote les cloisons en masse. Pour cela, vous
avez raison quand vous dites qu'il y a eu une grave erreur de commise avec les
aires ouvertes. Je suis entièrement de votre opinion. Il faut voir les
conditions d'acoustique qui existent encore là-dedans pour la
dispensation des cours. C'est effrayant.
Je me dis: Pendant qu'on joue avec les cloisons, qu'on bâtit des
bureaux au 9e étage pour l'administration, dans les étages
inférieurs, au niveau des ateliers, c'est lamentable. En tout cas, je
pose le problème. On le reposera à l'opinion publique. S'il n'y a
pas moyen d'avoir le moindre signe d'intérêt ici, on le posera
ailleurs. On va voir à ce qu'il soit acheminé vers une attention
plus grande.
Dans le même ordre d'idées, je voudrais vous demander s'il
existe au ministère un plan pour le développement des
équipements en ce qui concerne les cégeps. Quels sont les grands
éléments de ce plan? Est-ce qu'on a fait des études
récemment? Est-ce qu'on a un tableau précis des besoins du
réseau collégial en matière d'investissement ou si,
à ce niveau, on est aussi "in the dark", on est aussi dans la noirceur
que le ministre a dit l'être pour ce qui est des universités, cet
après-midi?
M. Bérubé: Notre plan - je ne devrais pas dire
"plan", parce que cela s'étale de 1983 à 1989, c'est donc plus
qu'un plan quinquennal - la programmation générale donnerait, sur
la période, à peu près 37 000 000 $ dans le cadre de la
caisse d'accroissement, une dizaine de millions pour l'introduction de la
micro-informatique, une quarantaine de millions pour ce que nous appelons le
virage technologique; c'est la modernisation des équipements à
caractère relié au virage technologique, c'est la robotique,
l'électronique en général, le contrôle. Nous avons
également une dizaine de millions de prévus pour la mise à
jour de programmes lorsque nous refaisons l'orientation d'un programme et que
cela entraîne la mise en place de nouveaux laboratoires; il y a une
dizaine de millions de prévus. Cela, c'est pour la mise à jour.
Il y a également de nouveaux programmes que nous pouvons mettre en place
dans nos collèges et il y a une douzaine de millions de prévus,
c'est-à-dire au total 110 000 000 $ de prévus, pour l'ensemble de
l'équipement technique, je dirais, strictement parlant, de 1984 à
1989, parce qu'il y a seulement 2 000 000 $ de prévus en 1983- 1984,
alors cela voudrait dire sur cinq ans. (21 h 45)
M. Ryan: Maintenant, dans le cahier d'explications qu'on nous a
fourni, aux pages 26 et 27, on nous donne des catégories abstraites qui
ne nous éclairent aucunement. On parle des projets terminés au
1er avril 1985, des projets qui se termineront en 1985- 1986, des projets pour
lesquels les collèges sont autorisés à procéder,
des projets qui débuteront en 1985-1986. Est-ce qu'on pourrait avoir une
liste détaillée de ces projets-là avec les montants qui
sont affectés à chacun? Pas nécessairement les avoir ce
soir, mais si on pouvait me transmettre cela au cours des...
M. Bérubé: Je n'ai pas ici le détail de tous
les projets parce que, évidemment, il y en a une liste
considérable.
Une voix: Vous voulez la liste des projets?
M. Ryan: Oui, s'il y avait moyen d'obtenir la liste ces
jours-ci...
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: ...avec les précisions que vous jugerez utiles.
Je pense que cela serait apprécié. Ça va pour cela?
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Regardez, je continue parce qu'il reste seulement dix
minutes pour notre section des collèges et j'ai encore quatre ou cinq
questions. Je vais essayer d'être bref dans mes questions. Je souhaite
que les réponses soient brèves également.
Dans un document qu'on nous a remis intitulé "Enseignement
collégial public Document d'orientation concernant la politique
budgétaire 1985-1986", je trouve, parmi les tableaux en annexe, le
tableau 1 intitulé: Budget des investissements.
M. Bérubé: Les documents que nous
vous avons fournis, c'est à votre demande.
M. Ryan: Oui, c'était en réponse à la
demande... Non, celui-là, c'est un document qui accompagnait vos
réponses à nos demandes.
M. Bérubé: Oui, ça va.
M. Ryan: Un document important.
M. Bérubé: Oui.
M. Ryan: Regardez, le quatrième titre, il y a: Achat et
aménagement de terrain, entretien et réparation, fonds de
bibliothèque. Fonds de bibliothèque, je pense que nous nous
retrouvons là.
M. Bérubé: Pas pour l'instant. Une voix:
Quelle page?
M. Ryan: C'est le tableau 1 en annexe...
M. Bérubé: Le tableau 1, en annexe.
M. Ryan: ...intitulé: Budget des investissements. C'est
écrit: En supposant les demandes accordées par le Conseil du
trésor. C'est très grave quand on se rappelle ce qui a
été dit cette après-midi à propos du cégep
de Gatineau. Est-ce qu'on est sur la même longueur d'onde?
M. Bérubé: Je crois! Le tableau i, le tableau
1.
M. Ryan: C'est le tableau i, peut-être.
M. Bérubé: Le tableau 1: Fonds de
bibliothèque. Oui, je vois: Fonds de bibliothèque.
M. Ryan: Regardez ce que l'on disait: Budgets
généraux, budgets particuliers. Pour 1984-1985, on avait 1 432
200 $ en budgets généraux et en budgets particuliers. En
1985-1986, avant l'étape extrêmement dangereuse du Conseil du
trésor, vous proposiez 1 313 000 $ c'est-à-dire une
réduction de peut-être 6 %.
J'ai deux questions. D'abord, est-ce que cette demande a
été accordée par le Conseil du trésor?
Deuxièmement, est-ce qu'il n'est pas dangereux de réduire encore
l'efficacité de nos bibliothèques de collèges qui ont
perdu beaucoup de terrain ces dernières années par suite des
compressions budgétaires, d'après des échos que nous
recevons d'un peu partout au Québec?
M. Bérubé: Pour vous rassurer, oui, le plan
d'équipement a été approuvé par le Conseil du
trésor.
M. Ryan: Comment expliquez-vous cette réduction qui
était proposée ici au fonds de bibliothèque?
M. Bérubé: Ce n'est pas une grosse diminution,
c'est une diminution à peu près de 70 000 $ sur un budget de 1
382 000 $; alors écoutez, effectivement, je constate qu'il y a une
baisse de 70 000 $ sur un budget de 1 382 000 $, c'est vrai. On me dit qu'il y
a 2000 étudiants de moins. Est-ce que la composante variable
reliée aux clientèles expliquerait entièrement la
diminution? Je suis incapable de vous le dire. Je pense qu'il va falloir
fouiller pour 70 000 $. Où est-ce que c'est?
M. Ryan: 119 000 $ en comptant le budget particulier qui n'existe
pas cette année non plus. 119 000 $ sur 1 400 000 $, je trouve que cela
fait...
M. Bérubé: Si vous me demandez pourquoi le budget
particulier n'est pas en 1985-1986, c'est parce qu'il était particulier
à 1984-1985.
M. Ryan: Je pensais qu'il était peut-être
particulier à une ou deux institutions. Ce n'est pas impossible, cela
non plus. On peut avoir chacun sa lecture. Je déplore cela, en tout cas,
et je m'aperçois que l'explication est assez "far-fetched". Je pense
qu'il doit y en avoir une meilleure que cela, parce que la seule
réduction de clientèle, ce n'est pas pour une réduction de
2000 dans la clientèle qu'on va continuer à accentuer cette
dimunition de la qualité des stocks dans nos bibliothèques de
cégeps. J'ai donné des exemples, ce matin, de ce que cela
entraîne, sur le plan des disciplines qu'on enseigne dans le secteur de
la formation professionnelle. Le professeur va arriver avec un manuel... Vous,
vous avez dit: Qu'il l'achète, à 50 000 $ par année, cela
finit là. Mais, il faudrait que l'étudiant ait accès
souvent à des ouvrages les plus récents. On ne les a pas dans la
bibliothèque; ce n'est pas un luxe. On ne les a pas; il en aurait besoin
et ils ne sont pas là, si on diminue le budget... Mais, c'est
évident que ce sont des ouvrages qui coûtent cher.
Je pense que j'ai fait le point là-dessus. Je voudrais passer
à un autre point, si vous me permettez.
M. Bérubé: Oui, certainement.
M. Ryan: Pourriez-vous nous dire où vous en êtes
à propos du campus Heritage à Hull? Depuis des années, la
communauté anglophone de l'Outaouais demande de pouvoir disposer d'un
cégep qui soit sous sa responsabilité, comme le voudrait,
d'ailleurs, une politique maintenant acceptée aussi par le Parti
québécois en vertu de laquelle les
institutions éducatives et les institutions hospitalières,
sanitaires et sociales devraient être en conformité avec les
besoins de cette communauté.
On a un cas, ici, d'une communauté qui est gardée en
tutelle et qui est gardée captive à l'intérieur d'un
cégep où elle se sent à l'étroit, où elle
est traitée de manière souvent parternaliste. Elle demande
d'avoir accès au statut de campus de cégep autonome.
Toutes les données qu'on a soumises à notre intention
indiquent qu'un cégep autonome pour la communauté anglophone
à Hull ne déparerait pas le paysage par rapport à d'autres
institutions de même taille qui existent à d'autres endroits, soit
du côté anglophone ou du côté francophone.
Je demande ceci au ministre. On a une politique de piétinement de
la part du gouvernement au sujet du campus Heritage depuis de nombreuses
années. Je me souviens que votre prédécesseur, le ministre
Camille Laurin, s'était engagé - il avait commencé en
1981, mais il avait repris son engagement en commission parlementaire pour
l'étude de ses crédits - il y a deux ans, à faire une
enquête là-dessus et à tirer des conclusions des
expériences qui étaient en cours. Deux ans plus tard, nous en
sommes toujours au même point.
J'apprends que la communauté anglophone insiste, de plus en plus,
pour qu'il soit donné droit à sa revendication. Je voudrais
savoir où en est le ministère sur cette question.
M. Bérubé: Ce n'est pas une question de principe,
mais une opposition basée essentiellement sur de strictes
considérations budgétaires, en ce sens que, à l'heure
actuelle, le campus est quand même très autonome; il dispose de
toutes les ressources humaines, de tous les aménagements sur le campus.
Finalement, ce qui lui échappe, c'est la gestion comptable, la gestion
des conventions collectives, ces quelques services centraux qui gagnent,
évidemment, en termes d'économie d'échelle, à
devoir s'appliquer à plus d'un campus. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle, dans le cas du cégep de Gatineau, nous n'avions pas voulu
acceter un cégep, mais nous étions près à accepter
un campus, de manière à réduire d'une façon assez
significative les coûts et essayer de rendre le projet plus acceptable au
Conseil du trésor, ce que j'ai pu expliquer à mon
collègue, le député de Chapleau.
Ce qui fut dit fut fait, d'ailleurs. Vous allez me dire: Pourquoi ne
mettriez-vous pas 600 000 $ de plus là, ou je ne sais pas combien, pour
en faire un véritable cégep autonome? Je vous dis tout simplement
oui, quand les besoins les plus urgents auront été satisfaits.
J'imagine qu'à un moment donné, on disposera de ressources qui
nous permettront de consentir à une telle mesure. Pour l'instant, il n'y
a pas péril en la demeure, les services sont dispensés, par
conséquent il n'y a pas d'injustice de commise et on le fait meilleur
marché. Comme on a d'autres besoins assez urgents et que ce
réseau a été en plein développement pendant des
années, donc a coûté très cher en termes de budget
de développement, c'est un peu normal qu'on ait essayé de
répondre à la demande continue pour de nouveaux services et que
là où les services étaient tout de même valables,
mais que pour des raisons culturelles on aimerait bien contrôler ces
institutions - ce à quoi on n'a pas d'objection, au contraire, comme
vous l'avez souligné - à ce moment, on dit: Quand on aura les
ressources nécessaires, on le fera. Disons que ce n'est pas la
priorité numéro 1 du ministère dans le contexte
actuel.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut avoir une idée de
l'échelle de temps? Votre attitude peut rester pendant une
période combien longue?
M. Bérubé: Aussi longtemps...
M. Ryan: Vous reconnaissez qu'en principe, il devrait y avoir un
cégep autonome, que cela répondrait à la conception que
vous vous faites de ces choses. Est-ce que c'est cela que j'ai compris?
M. Bérubé: Oui. Comme principe, les anglophones
veulent contrôler leurs intitutions. Je vous dirais d'ailleurs que les
francophones du West Island réclament également un collège
contrôlé par les francophones sur leur territoire, invoquant
qu'à l'heure actuelle ils doivent parcourir de longues distances sur
l'île de Montréal pour aller dans les collèges francophones
environnants. Voilà un autre exemple de besoin réel, tout aussi
réel que celui des anglophones qui sont pris pour aller dans un campus
qui n'a pas sa pleine autonomie. Je vous soulignerais qu'il y a des
francophones qui sont obligés d'aller, à l'heure actuelle, dans
des collèges anglophones de la région de Montréal, parce
que ce sont les plus proches. Il y a là, également, un besoin. Je
ne le conteste pas, le besoin est là. Sauf que je vous dis:
L'enseignement leur est donné, ils ne sont quand même pas dans
l'eau chaude. Par conséquent, il n'y a pas péril en la demeure.
La réponse à la question ne peut pas être disponible. Cela
va dépendre des budgets qui sont disponibles.
M. Ryan: M. le ministre, je ne voudrais pas que vous vous
laissiez entraîner dans des généralisations faciles comme
vous en avez souvent l'art. Dans le West Island, cela
dépend ce qu'on entend par le West Island. Dans l'ouest de
Montréal, je connais deux cégeps francophones, il y a celui de
Saint-Laurent qui...
M. Bérubé: Tous les francophones qui sont à
John Abbott et qui, présentement, sont insérés dans un
collège anglophone, il y a des classes francophones à
l'intérieur de ce collège, mais ils ne jouissent pas de leur
autonomie.
M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais continuer
mes remarques? Vous oubliez le cégep André-Laurendeau qui est
situé à LaSalle, qui a une clientèle très
nombreuse, c'est au moins 3000 ou 4000 étudiants, si mes souvenirs sont
exacts.
M. Bérubé: Je vous parle des francophones de John
Abbott.
M. Ryan: De Lachine à ville de LaSalle, si vous connaissez
la géographie de Montréal, c'est à côté. Pour
le West Island à aller à Saint-Laurent, ce n'est pas loin non
plus. Ne dites pas qu'il n'y a pas de cégep francophone dans la partie
ouest de Montréal, il y en a au moins deux très importants.
Là-dessus, je trouve que la comparaison, par conséquent,
ne vaut pas du tout parce qu'on traite d'une communauté qui est dans la
région de l'Outaouais...
M. Bérubé: Elle vaut beaucoup plus...
M. Ryan: ...M. le Président, est-ce que je peux terminer?
On termine à dix heures et je vais finir cela moi-même. Je
regrette.
M. Bérubé: On me souligne que - c'est ce que je
voulais vérifier - à John Abbott, il y a près de 30 % de
la clientèle qui est francophone. Parmi les demandes
répétées que je reçois chaque fois que je vais en
tournée dans la région de l'ouest de Montréal, c'est cette
demande pour une institution autonome.
M. Ryan: À John Abbott, combien y a-t-il
d'étudiants en tout? Quelle est l'inscription totale?
M. Bérubé: 3300. Donc, il y aurait 900 francophones
à John Abbott, c'est-à-dire autant qu'au campus Heritage.
Voilà un très bel exemple, M. le Président, où,
appliquant le principe fort défendable... je vous dirais même que
la situation du campus Heritage est nettement moins dramatique, car celui-ci
dispense l'enseignement en anglais par des professeurs anglais avec un
encadrement contrôlé par des anglophones. Toute l'institution,
tout le service est dispensé en anglais. Alors, on ne peut quand
même pas prétendre que le service n'est pas dispensé, sauf
que le conseil d'administration, certains services centraux, non pas à
la clientèle, mais au collège, sont intégrés au
collège de l'Outaouais. Mais cela, c'est nettement moins dramatique que
900 francophones dans un collège anglophone sans services directs dans
leur langue. (22 heures)
M. Ryan: Combien sont là par libre choix, parce qu'ils
veulent avoir cette formation en anglais? Avez-vous des statistiques
là-dessus? Vous ne savez pas.
M. Bérubé: Bien, libre choix. C'est tous par leur
libre choix, personne n'a utilisé une baïonnette pour les entrer au
collège de force.
M. Ryan: Mais non, ils ont accès à d'autres...
M. Bérubé: Ils sont tous là par libre
choix.
Office des professions
Le Président (M. Charbonneau): Cela dit, nous allons
maintenant passer au dossier de l'Office des professions, dossier passionnant,
qui passionne en particulier le député de Saint-Laurent à
qui nous allons maintenant céder la parole.
M. Leduc (Saint-Laurent): Merci, M. le Président. Je
voudrais évoquer certains problèmes dont on parle d'une
année à l'autre. Mais, c'est bien évident que si le
gouvernement apportait des solutions, peut-être que ces problèmes
reviendraient moins souvent.
Alors, on recense aujourd'hui près de 180 000 professionnels
regroupés au sein de 40 corporations professionnelles. Ces
professionnels se répartissent en quatre grands secteurs
d'activité. Ainsi, 16,2 % exercent dans le domaine du droit, de
l'administration et des affaires; 22,8 % en génie et en
aménagement; 3,2 % en relations humaines et 57,8 % dans le secteur de la
santé. De plus, on peut distinguer la corporation selon le statut
juridique. 21 corporations professionnelles ont un titre réservé
et un champ d'exercice exclusif. Qu'on pense ici aux avocats, aux
médecins, aux ingénieurs et aux comptables agréés.
Au total, c'est 73,8 % des professionnels qui ont ce privilège. Tous les
autres professionnels ont un titre réservé seulement. Ce sont,
par exemple, les évaluateurs, les hygiénistes dentaires, les
travailleurs sociaux, les comptables généraux licenciés.
Tous ces professionnels ont, bien sûr, chacun ses problèmes et
chacun ses exigences. Mais certains de ces problèmes durent depuis
déjà trop longtemps pour qu'on ne leur donne pas
toute l'attention qu'ils méritent.
Le premier problème qui me vient à l'esprit est le dossier
des comptables, amorcé en 1972 lors de la réforme du droit des
professions. Le débat sur le regroupement des trois corporations de
comptables, les CA, les CGA et les RIA, est constant et continue depuis 1975.
Après une commission parlementaire en février 1981, les
discussions se poursuivent toujours et on attend encore une décision. Il
est temps, M. le Président, de régler le contentieux. Il est
temps de prendre une décision. Le gouvernement quant à lui, n'a
pas encore pris la sienne. Cependant, nous nous rendrons compte par divers
subterfuges artificiels qu'il a une idée toute prête. En effet,
à l'insu total de la partie intéressée et au moyen d'un
papillon dans le projet de loi omnibus 15 de la dernière session, le
gouvernement du Parti québécois entendait permettre aux CGA de
faire la vérification des garderies publiques. Nous nous sommes
opposés à cette façon peu subtile, je dois dire,
d'agir.
Tout récemment, nous avons constaté que le projet de loi
20 sur la réforme du Code civil entend permettre à l'une ou
l'autre des trois corporations professionnelles de comptables de dresser les
états financiers accompagnés de commentaires. Et ceci s'applique
dans le domaine de la copropriété... Nous nous opposons
également à cette façon d'agir, M. le Président.
Nous ne prenons nullement position en faveur des CA, pas plus d'ailleurs que
nous ne prenons position contre les CGA ou les RIA. Ce que nous demandons au
gouvernement, c'est de prendre enfin ses responsabilités et de
régler le problème au grand jour plutôt que d'essayer de se
défiler. Ce que le gouvernement est actuellement en train de faire,
c'est de donner le droit de vérification au CGA par la porte
arrière. Nous ne pouvons accepter cette façon de procéder
et je suis convaincu que les CGA ne sont nullement intéressés
à obtenir le droit de vérification par la porte arrière,
par petits bouts et au moyen de papillons dans des projets de loi omnibus. Le
gouvernement a une décision à prendre, qu'il la prenne
publiquement au grand jour et à la connaissance de tous les
intéressés.
Maintenant, le problème des médicaments
vétérinaires. Le problème des résidus
médicamenteux dans les viandes de consommation remonte à plus de
15 ans, lorsque la commission April lançait un cri d'alarme à cet
effet. Actuellement, plus de 2500 produits pharmaceutiques pour les animaux
d'élevage sont vendus sur le marché dont seulement 20 % font
l'objet d'une ordonnance vétérinaire. Un rapport émis au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en
mars 1983 alertait le gouvernement sur les dangers des résidus toxiques
dans les viandes pour le danger de la santé de l'être humain. En
décembre de la même année, après trois ans de
consultation, l'Office des professions remettait au gouvernement une liste de
450 médicaments qui devront dorénavant faire l'objet d'une
prescription. Devant l'acuité du problème et la menace qui
pèse sur la santé publique, le ministre peut-il aujourd'hui
s'engager à ce que la période de l'été dont on
parle pour la mise en application de cette politique soit respectée
intégralement?
L'Office des professions a terminé une étude sur la
réglementation de l'acupuncture en 1983. On proposait alors l'exigence
d'un certificat médical préalable à toute intervention de
l'acupuncteur. En mai dernier, la Corporation professionnelle des
médecins proposait, quant à elle, un projet de règlement
imposant aux non-médecins d'obtenir un diplôme d'études
collégiales en acupuncture comme condition minimale
d'admissibilité aux examens donnant accès au droit de pratique de
l'acupuncture.
Le ministre de l'Enseignement supérieur a maintenant
préparé un projet de programme de formation collégiale en
techniques d'acupuncture. Ce programme vient de subir une critique acerbe de la
part du Conseil des collèges; on n'y retrouverait aucune description de
la fonction d'acupuncteur ni des objectifs du programme ni des
préalables requis pour l'admission au programme. J'estime que ce n'est
pas sérieux, M. le Président. Comme le souligne le Conseil des
collèges, le gouvernement minimise ses responsabilités, soit
d'offrir une formation adéquate, un programme conforme aux normes de la
profession et d'assurer un contrôle adéquat de cette formation.
Quelles sont les véritables intentions du ministre dans ce dossier? Le
ministre entend-il reconnaître l'acupuncture?
Enfin, il y a toute la question de la réglementation des
honoraires professionnels et de la publicité chez les professionnels.
À trois reprises depuis 1977, l'Office des professions a publié
des rapports et des études sur ces deux questions. l'Office propose de
déréglementer les honoraires privés au nom de la libre
concurrence. Cette mesure toucherait plus de 35 000 professionnels ou 20 %
d'entre eux. L'office propose également de libéraliser la
publicité, actuellement limitée par l'article 92 du Code des
professions et les règlements des corporations, toujours, bien
sûr, au nom du même principe de la libre concurrence.
Toute cette question de la déréglementation ne fait
évidemment pas l'unanimité. À mon avis, ce qui est en
cause, c'est bien plus la protection du public que la libre concurrence. Mais
où se loge cela, M. le ministre? Cela fait maintenant huit ans qu'on en
parle dans des colloques et dans des coulisses de chaque corporation. Cela fait
huit ans que l'on dépense des énergies et des
fonds publics pour étudier cette question. Il serait
peut-être temps pour le gouvernement de faire connaître ses
intentions. L'objectif primordial que l'on doit avoir en mémoire, si
l'on parle de réglementation ou de déréglementation,
c'est, à mon sens, la qualité des services annoncés. La
réglementation des honoraires professionnels privés a pour but
d'assurer cette qualité en garantissant aux professionnels un prix juste
et raisonnable.
Si la déréglementation fait baisser les prix, la
qualité en souffrira à coup sûr. D'ailleurs, la
dernière étude commandée par l'office auprès des
deux professeurs de Laval, MM. Leblanc et Lemelin, le reconnaît. Chaque
professionnel consacrera moins de temps à chacun de ses clients. Quand
on sait que le travail d'un professionnel est un service immatériel,
fait de conseils, d'efforts intellectuels et de compétence, un public
peut difficilement évaluer le professionnel qu'il paie. Mais, comme
l'effort et la compétence d'un professionnel influencent
nécessairement le résultat d'un acte professionnel posé,
j'estime que la tarification représente une certaine garantie à
cet effet.
Quant à la publicité, est-on prêt à accepter
de voir des avocats offrir des divorces à 125 $ ou à 175 $? La
publicité promotionnelle n'est pas le meilleur moyen, à mon sens,
d'informer le public.
Il devient donc intéressant de distinguer publicité
promotionnelle et publicité sociétale ou informatique. Nous
serions prêts à faire un pas dans cette direction. Il y a lieu
aussi de distinguer publicité sur les services et publicité sur
les biens. Cette dernière mériterait sûrement une certaine
libéralisation. Ce que nous voulons savoir aujourd'hui, c'est la
position du ministre. Il me semble y avoir un certain laxisme, pour ne pas dire
un laxisme certain, de la part de ce gouvernement sur toutes les questions qui
concernent les corporations porfessionnelles. Peut-être que le ministre
ne trouve pas le temps, à cause de ses responsabilités de
ministre de l'Enseignement supérieur et de ministre de la Science et de
la Technologie, de s'occuper adéquatement des corporations
professionnelles. C'est une question que je pose. Les avocats, les notaires,
les ingénieurs, les arpenteurs-géomètres, les architectes,
les dentistes, les optométristes, ont tous le droit de savoir ce qui les
attend relativement à leurs honoraires. L'ensemble des professionnels a
aussi le droit de savoir ce que le ministre leur réserve ou pas sur la
question de la publicité. En effet, sur 351 décisions
disciplinaires de culpabilité rendues par l'office en 1983-1984, 149,
soit 42,4 %, concernent les denturologistes, pour publicité
illégale principalement.
Je m'en voudrais également, M. le Président, de passer
sous silence l'Office des professions. Après consultation auprès
de certaines corporations, il m'est apparu que l'office était reconnu
pour être d'une lenteur administrative incroyable. L'office entend
maintenant se doter d'un système informatique de 20 500 $ en 1985-1986.
Je vous demande aujourd'hui si cette informatisation de l'office est suffisante
pour améliorer son efficacité.
On attend toujours de l'office un avis là-dessus. Certaines
corporations attendent toujours une révision de leur champ de pratique,
c'est le cas notamment des architectes et des ingénieurs. Relativement
aux ingénieurs, est-ce que le ministre croit que le problème des
diplômés de l'ETS particulièrement est maintenant
réglé depuis l'adoption du projet de loi omnibus 15? Notre
réponse à nous, M. le Président, c'est non. Ces
diplômés de l'ETS se retrouvent aujourd'hui dans la même
situation qu'avant la modification et les ingénieurs dans la même
incertitude qu'auparavant également. Les diplômés de l'ETS
n'ont aucun statut malgré les modifications législatives du
ministre. Le ministre attend-il que le problème refasse surface pour
intervenir à nouveau de façon aussi ponctuelle et sans rien
régler?
Voilà quelques-uns des problèmes qui concernent les
corporations professionnelles. Je le répète, tous ces
problèmes durent depuis déjà trop longtemps pour qu'on ne
leur accorde pas toute l'attention qu'ils méritent, et ceci sans parler
de bien d'autres problèmes encore. Qu'on pense aux médecins par
exemple. Depuis dix ans, 3000 médecins auraient quitté le
Québec, ce qui équivaut, je dirais, à quatre
fournées universitaires. De plus, 27 % des 14 867 médecins
songeraient à quitter le Québec. Sur 305 résidents
formés entre 1970 et 1979, le tiers pratiquent à
l'étranger et ce, sans parler d'une politique sur les médecins en
région qui ne fonctionne toujours pas.
Maintenant que penser de la formation des médecins? Est-il
acceptable d'avoir deux types de formation au Québec? Cinq ans, plus une
année d'internat, à Montréal et McGill, et quatre ans,
plus une année d'internat, à Laval et Sherbrooke. Quelle est la
position du ministre sur le consensus qui semble se dégager actuellement
à l'effet d'offrir un cours standard de quatre ans plus deux ans de
médecine de famille?
Et les médecins immigrants? Le Québec a déjà
trop de médecins. Les universités contingentent au maximum.
Quelles sont vos réflexions sur ce dossier?
Enfin, les sages-femmes. L'office est allé étudier la
question à l'extérieur, mais les médecins d'ici n'ont
même pas été consultés. Les médecins ne
sont-ils pas déjà assez nombreux sans qu'on débatte
sérieusement la question. En outre, quels seraient les coûts
supplémentaires pour la formation universitaire que nous devrons
prodiguer aux sages-femmes? Le nombre d'accouchements au Québec
justifie-t-il cet investissement?
Pour terminer, M. le Président, il y a enfin le rôle du
conseil interprofessionnel, qu'il serait peut-être utile de
réévaluer. Il y a aussi le moratoire du ministre sur l'adoption
de règlements aux conditions supplémentaires aux diplômes
qui durent depuis 1979. Il serait peut-être temps de savoir où en
est l'étude du gouvernement dans ce dossier.
Il y a aussi les locaux de l'office, un à Montréal et
l'autre à Québec, qui sont très coûteux, alors que
la grande majorité des corporations se trouvent dans la
métropole. Je m'attends donc, M. le Président, à des
réponses à toutes ces questions aujourd'hui, et ce, au
bénéfice de toutes les corporations professionnelles, qui
regroupent près de 180 000 professionnels au Québec.
Alors, ma première question concerne le fameux dossier des trois
corporations professionnelles de comptables. Je voudrais savoir si le
président de l'Office des professions a remis son rapport au ministre
sur la réorganisation des professions comptables et quels en sont les
points saillants?
M. Bérubé: Pourriez-vous reprendre votre
question?
M. Leduc (Saint-Laurent): Si je comprends bien, l'Office des
professions a préparé un rapport sur le contentieux des
professions comptables. Je voudrais savoir si ce rapport qui a
été préparé a été remis au ministre
et quels en sont les points saillants, les points importants.
M. Bérubé: Non, nous n'avons pas encore reçu
ce rapport, mais je sais qu'il devrait nous parvenir incessamment, la
pensée de l'office étant présentement
cristallisée.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre a l'intention de
légiférer sur la question, le contentieux des trois corporations
de comptables? (22 h 15)
M. Bérubé: M. le Président, contrairement
à l'Opposition qui a l'habitude de prendre des décisions avant
d'être informée, non, je prétends attendre de recevoir le
rapport et de l'analyser avant de tirer des conclusions.
M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous dire depuis combien de
temps le gouvernement est en réflexion sur cette question?
M. Bérubé: Depuis fort longtemps.
M. Ryan: II n'y a rien de fait encore?
M. Bérubé: C'est un problème qui remonte
d'ailleurs à l'administration libérale, et même avant.
M. Ryan: Mais là, depuis huit ans et demi, il n'a rien
fait. Merci.
M. Bérubé: Je présume que c'est en
même temps un jugement de valeur sur l'administration de M. Bourassa qui
était là avant.
M. Ryan: Mais le public l'a jugé dans le temps. On ne fait
pas cela deux fois en politique; une fois, c'est assez.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'ailleurs, la question est
posée au ministre, elle n'est pas posée à un absent, si je
comprends bien. Alors...
M. Bérubé: Vous avez raison, c'est...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...quels ont été, si je
comprends bien...
M. Bérubé: Vous avez raison de parler d'un absent.
C'est bien la première fois, en tout cas, qu'on en a une reconnaissance
de la part...
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, cela achève...
M. Bérubé: ...de l'Opposition.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...vous allez l'avoir, cela ne sera pas
long. Si je comprends bien, il y a eu une mission d'information qui est
allée en Europe. Je voudrais connaître les résultats,
toujours sur le dossier des professions comptables, de cette mission.
M. Bérubé: Je suppose que c'est pour
vérifier l'importance du budget des dépenses de voyage ou
c'est...
M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout. M.
Bérubé: ...le contenu.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout, non, pas du tout.
M. Bérubé: Bon. Cela fait changement des...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux connaître les raisons qui
ont motivé ce voyage et savoir aussi s'il y a eu des résultats.
Je pense bien que, si on s'est déplacé, c'est que cela valait la
peine de se déplacer. Alors, je voudrais savoir s'il y a eu
des résultats à la suite de ce déplacement. On l'a
fait pour les corporations comptables. Alors, je présume qu'il doit y
avoir un cheminement et que cela progresse. Cela a dû sûrement
aider au cheminement.
M. Desgagné (André): Cette mission s'est inscrite
dans la recherche que nous avons entreprise à la demande du ministre sur
l'organisation des professions comptables. Cette mission était
constituée d'une personne. Vous avez vu cela dans vos documents. Cette
personne nous a fait un rapport assez détaillé de l'organisation
des professions comptables en Angleterre d'où proviennent au moins deux
des trois corporations professionnelles que nous connaissons ici. En plus,
cette recherche s'est étendue sur l'organisation continentale, en
particulier en France. Le rapport de cette mission sera annexé au
rapport que nous sommes en train de terminer pour le ministre en
exécution du mandat qu'il nous avait confié, il y a
déjà deux ans, sur cette question de la réorganisation des
professions comptables.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre est d'accord
avec l'article 1159 du projet de loi 20 qui donnerait le droit aux trois
corporations de comptables de préparer des états financiers avec
commentaires?
M. Bérubé: Je ne suis ni pour ni contre, bien au
contraire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ah! pas de réponse. Est-ce que
le conseiller... M. le Président, j'aimerais bien avoir des
réponses. Si c'est un exercice absolument futile qu'on fait ici, j'aime
autant m'en aller. Il n'y a rien à faire si le ministre n'est absolument
pas au courant, si le président de l'Office des professions ne l'est pas
non plus. Je peux peut-être m'adresser au conseiller. C'est qu'à
un moment donné on arrive avec des papillons lors de l'étude d'un
projet de loi omnibus et on veut changer les règles du jeu. Est-ce que
le ministre est d'accord avec cela? Je voudrais bien le savoir.
M. Bérubé: Si vous vouliez donner
spécifiquement le contenu de l'article, je pourrais sans doute le
commenter. Mais l'article 1059 du projet de loi 20, chapitre je ne sais
lequel...
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est l'article 1159 du projet de loi
20 qui dit que, lorsque...
M. Bérubé: Quelle année de
Législature?
M. Leduc (Saint-Laurent): ...préparer... que n'importe
quel comptable des trois corporations peut préparer des états
financiers pour une copropriété et émettre des
commentaires. Si je comprends bien, on donnerait le droit de
vérification aux trois ordres de comptables.
M. Bérubé: Non, je ne suis pas au courant
personnellement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas au courant.
M. Bérubé: Non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre se propose de
donner droit aux demandes de changement de nom présentées par la
corporation professionnelle des CGA et celle des RIA?
M. Bérubé: On me dit qu'on avait recommandé
son intégration au projet de loi omnibus, mais on me dit qu'on ne peut
pas l'intégrer dans la mesure où il y a des oppositions et que le
projet de loi omnibus ne devant comporter que de la législation
consensuelle, on a dû prendre la décision de le retirer. Donc, il
me fait plaisir de vous annoncer qu'on l'a retiré. Cela
n'apparaîtra pas dans le projet de loi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, d'accord. En ce qui concerne les
médicaments vétérinaires maintenant, est-ce que le
ministre peut aujourd'hui prendre un engagement face à la mise en
application d'une politique sur les médicaments
vétérinaires?
M. Bérubé: Effectivement, j'ai soumis la
proposition de règlement de l'office à mes collègues, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et le
ministre des Affaires sociales. Je pense que le gouvernement devrait être
incessamment prêt à prendre une décision finale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Elle devrait être prise d'ici
l'été.
M. Bérubé: L'appareil de l'État vogue sur
les flots à sa rapidité coutumière.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne maintenant
l'acupuncture, comme je l'indiquais tantôt, quelles sont les
véritables intentions du ministre dans le dossier de l'acupuncture?
M. Bérubé: Même chose.
M. Leduc (Saint-Laurent): Même chose que quoi?
M. Bérubé: J'ai soumis à mes
collègues du Conseil des ministres une proposition de
reconnaissance de l'acupuncture, nonobstant les avis que j'aurais pu
avoir du Conseil des collèges en ce qui a trait au programme, puisqu'il
nous est apparu que le Conseil des collèges s'était mépris
sur son mandat plus spécifique. Le gouvernement n'a nullement
l'intention de développer l'acupuncture au Québec et, par
conséquent, de s'engager dans le développement de programmes
d'acupuncture à l'intérieur des cégeps publics. Il
n'entendait que rectifier une situation de fait où des gens pratiquent
l'acupuncture et, en conséquence, chercher ce qui pourrait constituer
une formation acceptable. Il y a eu un groupe de travail où ont
siégé, médecins, acupuncteurs, représentants de
l'office et, à partir de cette consultation quant à ce que
pourrait être la formation, je ne dirais pas optimale, mais la formation
acceptable pour une reconnaissance de fait, sur cette base-là, j'ai
proposé à mes collègues l'acceptation. A ma connaissance,
à nouveau, cette recommandation chemine à son rythme propre dans
l'appareil gouvernemental plus connu sous le nom de pipeline.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre entend
reconnaître la profession?
M. Bérubé: Reconnaître l'exercice? Non, il
n'y a pas d'ordre professionnel spécifique. Ce dont nous nous assurons,
c'est de la possibilité pour les acupuncteurs de pratiquer leur
métier sous un contrôle médical à tout le moins
préventif.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre est au courant
qu'actuellement il y a des personnes qui exercent la profession d'acupuncteur
et qui n'ont pas de formation adéquate. Est-il d'accord avec cette
situation-là?
M. Bérubé: Non.
M. Leduc (Saint-Laurent): Combien de temps cela va-t-il durer?
N'y a-t-il pas un danger direct pour la santé de la population?
M. Bérubé: En fait, la situation va se
régulariser d'elle-même dans la mesure où j'ai toutes les
raisons de croire que le mémoire soumis au Conseil des ministres sera
accepté et qu'en conséquence celui qui pratique le métier
d'acupuncteur sera soumis à un certain contrôle, du moins quant
à sa formation. Également, le patient sera protégé,
du moins en ce qui a trait à des contre-indications possibles face
à l'acupuncture.
M. Ryan: M. le député de Saint-Laurent a un don
spécial d'obtenir des réponses brèves du ministre; on va
lui demander son secret.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je le connais. Après huit ans de
discussion sur la question de la déréglementation des honoraires
professionnels et de la publicité, où se loge le ministre dans ce
dossier? Quelles sont ses intentions?
M. Bérubé: Nous avons essentiellement deux
positions, en ce qui a trait à la publicité, qui sont en conflit.
L'office nous recommande de modifier la pratique actuelle en vertu de laquelle
toute publicité est bannie, sauf celle autorisée, de remplacer
cette pratique par la pratique inverse où toute publicité serait
autorisée, sauf celle interdite pour des raisons d'intérêt
public. Évidemment, c'est un changement assez radical, qui
découle, je dirais, d'une absence de volonté de la part des
ordres professionnels de s'ouvrir progressivement à une publicité
concernant la pratique professionnelle qui soit susceptible de mieux renseigner
le public sur les choix qui s'offrent à lui.
Par contre, le Conseil interprofessionnel a eu l'occasion, lors d'une
rencontre, de m'exprimer son opposition à un changement aussi radical.
J'avais indiqué au Conseil interprofessionnel - d'ailleurs, en
conformité un peu avec la recommandation de l'office qui parlait d'une
période d'intégration ou d'implantation du nouveau
règlement - que, dans le fond, son attitude pourrait permettre une
intégration progressive de la publicité, si les différents
ordres prenaient les moyens d'ouvrir leur règlement. L'expérience
passée nous a enseigné, cependant, qu'au-delà d'un
discours creux les corporations ou les ordres professionnels ont peu
fréquemment cherché à ouvrir leur règlement de
manière à permettre une publicité plus large et que, dans
ces conditions, on peut comprendre la position de l'office.
C'est donc une question de bonne foi de la part des intervenants qui
n'ont pas montré, dans le passé, beaucoup de volonté, qui
semblent vouloir, aujourd'hui, sous la menace, assouplir leur règlement
qui, à l'heure actuelle, interdit presque toute publicité. Je
n'aurais pas d'objection à laisser aux ordres professionnels quelque
chose comme douze mois pour leur permettre de livrer la marchandise. S'ils ne
livrent pas la marchandise, je pense que, à ce moment-là, il faut
appliquer la recommandation de l'office.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, en ce qui concerne la
tarification, est-ce que vous êtes pour son maintien ou pour son
abolition?
M. Bérubé: Je ne peux pas dire que j'ai une opinion
là-dessus.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas d'opinion.
M. Bérubé: Non.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne l'Office des
professions, quelles mesures le ministre entend-il prendre pour
améliorer l'efficacité et l'efficience de l'office, à la
suite de certains commentaires émis par des corporations
professionnelles?
M. Bérubé: Pourriez-vous préciser votre
question?
M. Leduc (Saint-Laurent): Pardon?
M. Bérubé: Pourriez-vous préciser
davantage?
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir... C'est moi qui
pose les questions et je suppose que c'est le ministre qui devrait y
répondre.
M. Bérubé: Elle n'est pas d'une clarté
lumineuse.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir si le ministre
entend prendre les mesures pour améliorer l'efficacité et
l'efficience de l'office, qui, au dire de certaines corporations
professionnelles, est d'une lenteur incroyable dans certains cas?
M. Bérubé: Les questions sont
généralement très complexes, impliquent
énormément d'intérêts divergents. C'est ce qui
explique sans doute la lenteur olympienne de l'appareil de l'État
à apporter des modifications.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est votre réponse? Les
crédits de l'office augmentent de 11,2 % cette année par rapport
à ceux de 1984-1985.
M. Bérubé: ...augmentation, mais, si on la
dégonflait... (22 h 30)
M. Leduc (Saint-Laurent): Les loyers comptent pour une part assez
importante, je pense qu'il y a une augmentation de 411 %. Je voudrais
connaître l'explication de cette augmentation. Est-ce qu'il ne serait pas
justifié de réévaluer l'existence de deux bureaux de
l'office, l'un à Montréal et l'autre à Québec,
alors que la majorité des corporations professionnelles, comme je l'ai
indiqué, ont pignon sur rue à Montréal?
M. Bérubé: Évidemment, la question du
siège social de l'office revient régulièrement. Je dois
dire qu'il n'est pas mauvais que l'office qui constitue l'interface avec le
gouvernement puisse être proche du gouvernement dans la mesure où,
en même temps, on maintient un bureau à Montréal qui est,
lui, proche davantage des corporations ou des ordres professionnels; à
ce moment-là, je pense qu'on atteint deux objectifs. Le budget de
l'office n'est pas un budget très considérable, je pense que vous
l'admettrez. On me dit que le bureau de Montréal entraîne des
coûts de 61 312,55 $ exactement et non pas 61 312,54 $. Devant
l'importance d'une telle somme, il me semble que cela permet à l'office
de donner un bon service à sa clientèle. Je ne vois pas la raison
pour laquelle on ne maintiendrait pas la situation actuelle.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquer l'augmentation du
loyer?
M. Bérubé: L'augmentation du loyer? M. Leduc
(Saint-Laurent): Oui.
M. Desgagné: L'augmentation vient du fait que, depuis la
formation de la Société immobilière, les loyers qui
étaient autrefois assumés par le ministère des Travaux
publics ont été versés au compte de l'office, de sorte que
la somme de 204 000 $ qui apparaissait autrefois à un autre compte est
versée à notre compte; c'est uniquement pour cela. Ce ne sont pas
des nouveaux locaux qu'on a ajoutés à nos anciens.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est simplement...
M. Desgagné: C'est un transfert de coût.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...dû à la création
de la société.
M. Bérubé: Oui. Ce n'est pas un nouveau coût,
contrairement à ce que le journaliste de L'Actualité, M. Blouin,
de L'Actualité peut avoir imaginé. Ce n'est pas un coût
additionnel, c'est une imputation budgétaire directe au budget de
l'office pour ses dépenses de loyer. Ceci a comme avantage
désormais d'incorporer dans la prise de décisions
budgétaires l'ensemble des contraintes, dont les contraintes de
logement, et permet à ce moment-là à l'office de
décider quelle part il veut consacrer au logement et quelle part il veut
consacrer à d'autres dépenses alors que, lorsque le budget
relève directement du ministère des Travaux publics, à ce
moment-là l'office n'a pas entre les mains un tel choix et, par
conséquent, on ne retrouve pas aussi facilement une optimisation des
décisions basée sur un équilibre entre des types de
dépenses.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre a-t-il révisé
ses positions relativement à sa politique des médecins en
région? Il faut bien reconnaître que le problème n'est
pas
encore réglé.
M. Bérubé: On ne peut rien vous cacher, mais c'est
le ministre responsable des Affaires sociales à qui vous devriez
adresser la question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, vous n'êtes pas en mesure
de répondre?
M. Bérubé: Je comprends que je suis un homme aux
talents variés, mais néanmoins je n'ai pas encore juridiction sur
le ministère des Affaires sociales.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne maintenant la
formation des médecins, quelle est la position du ministre sur
l'idée d'offrir un cours standard de quatre ans en médecine plus
les deux ans de médecine de famille qui remplacerait les deux formations
différentes en ce qui concerne l'Université McGill à
Montréal et les autres universités, de quatre ans plus un an
d'internat et de cinq ans plus un an d'internat?
M. Bérubé: Nous attendons un avis du Conseil des
universités et, également, de l'office.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qui devrait être émis
avant longtemps?
M. Bérubé: Ah! En temps et lieu, oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut dire quand?
M. Bérubé: Je l'ignore.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous l'ignorez. Y a-t-il des
éclaircissements? Alors, c'est la réponse.
M. Ryan: La question a-t-elle été confiée
formellement au Conseil des universités?
M. Bérubé: À ma connaissance, oui.
M. Desgagné: Vous me permettez? Deux mandats
parallèles ont été accordés: l'un à l'office
et l'autre au conseil dans la mesure où le conseil est mandaté
pour évaluer les programmes de formation de base et l'office, pour
évaluer les programmes qui constituent les conditions
supplémentaires dans notre jargon. Les deux mandats parallèles
cheminent. Le nôtre est stagnant dans l'attente de l'avis du Conseil des
universités qui a soumis la question à un comité interne
qui lui a fait un rapport. On me dit que le Conseil des universités doit
considérer la question à sa prochaine réunion.
M. Ryan: Est-ce que le projet de nouveau programme émane
des facultés de médecine et de la Corporation des
médecins?
M. Desgagné: Le programme de formation de base,
évidemment, qui mène au MD relève des facultés.
Cependant, tout ce qui vient après, internat et ainsi de suite,
relève de la corporation. Ce qui est en discussion, c'est de savoir si
l'internat ne devrait pas aussi être versé du côté du
programme de formation de base ou, au contraire, être maintenu tel
quel.
M. Ryan: Mais la question que je voulais poser est la suivante:
Est-ce qu'il y a un accord de la Corporation des médecins et des
facultés de médecine pour soumettre un projet commun?
M. Desgagné: Évidemment, ils ont réagi au
rapport, du Conseil des universités, du comité interne, et
d'après nos informations, ils ne sont pas tout à fait
d'accord.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne les médecins
immigrants, est-ce que vous avez une solution à ce problème?
M. Bérubé: Non pas à l'office, ni au
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie, mais possiblement au ministère des Affaires sociales car
toute la politique des effectifs médicaux est une politique
conçue au ministère des Affaires sociales pour répondre
essentiellement à des contraintes de nature économique et
budgétaire. Nous appliquons la politique gouvernementale en ce qui a
trait, par exemple, à l'imposition de quotas d'admission dans les
universités. Notre rôle, au ministère de l'Enseignement
supérieur, de la Science et de la Technologie, n'est qu'au niveau des
contrôles des admissions.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne les sages-femmes,
est-ce que vous avez une politique? Est-ce que vous avez une idée
arrêtée sur cette question?
M. Bérubé: Le ministère des Affaires
sociales doit publier une politique de périna-talité où,
effectivement, il fait place à ce métier. Il faudra, à ce
moment, que l'office se penche, à la lumière des orientations
retenues par le gouvernement, sur la façon de concilier l'exercice d'un
tel métier avec, par exemple, le champ d'exercice de la profession
médicale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quant à la formation, s'il y a
lieu de créer cette profession, est-ce que vous entendez consulter les
médecins?
M. Bérubé: Nous entendons consulter
certainement, d'une part, l'office et, également, le
ministère va devoir se prononcer. S'agit-il, par exemple, d'une
formation de type collégial ou d'une formation encore moins
poussée? Je pense que c'est la question que nous aurons à
examiner à la lumière du type d'exigences qu'exprimera le
gouvernement à la suite des recommandations du ministère des
Affaires sociales.
M. Leduc (Saint-Laurent): Êtes-vous favorable,
personnellement, aux sages-femmes?
M. Bérubé: C'est une question à ce point
importante qu'il faudrait que j'examine cela plus en profondeur, surtout
à la lumière des recommandations que me fera mon collègue,
et je serai certainement favorable à la décision prise par le
gouvernement.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne le problème
de l'École de technologie supérieure, est-ce que le ministre
considère, avec les modifications qu'il a apportées à
l'article 5 de la Loi sur les ingénieurs, que le problème des
diplômés de l'ETS est réglé?
M. Bérubé: Non. Il faut reconnaître que la
solution que nous avons retenue était un pis-aller qui permet
néanmoins aux diplômés de l'École de technologie
supérieure d'exercer leur profession ou leur métier, d'une part.
D'autre part, nous avons mandaté l'office pour examiner tout le
problème de l'exercice du génie, donc, de ce champ d'exercice de
la profession et, entre autres, de l'interaction du génie avec
l'aménagement en général. C'est à la lumière
de cette analyse, je pense, qu'on pourra essayer de voir si nous pouvons aller
plus loin. Je dois dire que l'Ordre des ingénieurs avait tenté de
mieux baliser les champs respectifs des diplômés de l'ETS et des
diplômés des facultés de génie. Cependant, ce projet
a avorté, à cause d'ailleurs de la complexité très
grande d'effectuer de telles distinctions.
En effet, comment distingue-t-on, par exemple, ce qu'on appelle
l'ingénierie de conception de l'ingénierie d'application? Ce
n'est pas facile. Effectivement, l'ordre qui a peut-être, cependant, un
intérêt trop personnel à la question n'a pas pu trouver un
équilibre sur lequel on pourrait s'appuyer pour modifier la description
des champs et, par conséquent, éventuellement créer un
ordre spécifique pour les diplômés.
Nous continuons à penser que l'approche des corporations mixtes
est l'approche la plus désirable, parce que, de plus en plus, nous
sommes conduits à devoir reconnaître des professions dont le champ
d'exercice est très voisin du champ d'exercice de professions
contiguës et, à ce moment, il devient presque impossible - sauf si
on procède par le biais de champs évocateurs, peut-être -
de baliser le champ d'exercice d'une profession donnée. À cause
de cela, peut-être qu'on devrait tendre à regrouper toutes les
professions qui oeuvrent dans des domaines connexes à l'intérieur
de corporations mixtes. D'ailleurs, c'est un des mandats d'étude,
d'analyse, que l'office se donne pour cette année.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pensez que, éventuellement,
il va avoir une solution à ce problème?
M. Bérubé: II est possible qu'on ne puisse jamais
trouver de solution à ce problème, sauf si on procédait
d'une façon plus radicale. Si, effectivement, on devait limiter le
concept d'ordre professionnel à ceux qui exercent leur profession sur
une base privée, à ce moment, évidemment, on pourrait
modifier le Code des professions et n'envisager l'existence d'un ordre
professionnel que pour la protection du public avec, donc, des moyens de
contrôle, des moyens de vérification qui, à ce moment,
permettraient peut-être une base nouvelle de réconcilier
différentes professions.
Je ne vous cache pas que, dans le cadre de la loi actuelle, avec des
champs exclusifs définis, par exemple, pour les ingénieurs et
pour les médecins, il est clair qu'il est très difficile de
concilier ces exclusivités avec l'introduction d'autres professions qui
exercent en parallèle, avec une certaine autonomie, disons, dans un
domaine de connaissances ou un champ professionnel. C'est là le
problème soulevé par toutes ces professions qui se chevauchent,
dans le fond.
M. Leduc (Saint-Laurent): Combien a-ton de diplômés
à cette école?
M. Bérubé: Je le savais, mais je ne le sais plus.
On me dit qu'il y en aurait 800 dans le champ, venant tant de l'ETS que
d'ailleurs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va, merci.
Autres programmes
Le Président (M. Charbonneau): Je pense que cela
complète le programme de la commission pour aujourd'hui. Il me reste
à demander aux membres de la commission si les éléments 1,
2, 3 et 4 du programme 1, les éléments 2 et 3 du programme 2 et
les éléments 5, 6, 7 et 8 du programme 3 sont adoptés.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur
division.
M. Ryan: II y avait division!
Le Président (M. Charbonneau): La commission ayant
complété le mandat qui lui a été confié par
l'Assemblée nationale ajourne ses travaux sine die et remercie le
ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie, ainsi que ses collaborateurs et collaboratrices pour leur
collaboration.
Les travaux de la commission sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 22 h 45)