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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 14 mai 1985 - Vol. 28 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprend aujourd'hui... À l'ordre, s'il vous plaîtl Je vais me choquer. Merci beaucoup. La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre entreprend aujourd'hui l'étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

Comme le veut la tradition, je vais d'abord céder la parole au ministre pour une présentation de ses crédits et, par la suite, je donnerai la parole au vice-président de la commission et critique de l'Opposition officielle, le député d'Argenteuil, pour également une présentation préliminaire, après quoi nous entreprendrons l'échange, en particulier, sur les deux secteurs qui sont les plus concernés par les crédits de ce ministère, c'est-à-dire l'enseignement universitaire et l'enseignement collégial. M. le ministre.

Remarques générales M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. M. le Président, je pense que les crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie sont marqués au coin cette année d'un objectif prioritaire, celui du développement de l'excellence. J'aimerais parler ici des enjeux et des défis que représente un tel objectif.

Nous parlons d'excellence parce que c'est bien le mandat qui est imparti au nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Je ne cherchais pas ici, d'ailleurs, à séparer les interventions de ce ministère suivant qu'elles s'adressent à l'enseignement supérieur ou encore à ce qu'était l'ancien ministère de la Science et de la Technologie, dans la mesure où je pense que nous devons viser à rendre ces interventions complémentaires et à les intégrer. En conséquence, il m'apparaît plus approprié de les traiter globalement, comme je l'ai fait lorsque nous avons discuté des crédits de la science et de la technologie proprement dits.

Pour le Québec, les années quatre-vingt vont constituer une période de véritable remise en question avec, cependant, toute l'insécurité que cela engendre. La crise économique dont nous sortons à peine et l'accélération des changements technologiques que nous devrons apprendre à maîtriser nous forcent à réexaminer nos priorités et nos modes d'action. Deux préoccupations majeures animent notre société face à la mutation technologique, comme d'ailleurs en faisaient foi les interventions lors d'un récent sommet sur l'électronique et l'informatique.

D'une part, il faut bien prendre conscience que le rythme des transformations économiques s'accélère et que ce rythme nous échappe à bien des égards. Dans ce contexte, nos tentatives pour nous glisser au sein du peloton de tête des pays novateurs se heurtent à des obstacles sérieux. Nous ne devons pas y voir un signe d'impuissance nationale, au contraire. Même les géants de la Silicone Valley américaine en perdent leur japonais, s'il faut prêter foi au numéro du 11 mars 1985 de la revue américaine "Business Week" qui faisait état de malaises profonds chez les leaders américains dans le domaine des nouvelles technologies.

En fait, dans cette course dont nous ne contrôlons pas le tempo, même nos entreprises les plus novatrices peuvent donc craindre de ne pas pouvoir négocier les virages. Les unes après les autres, elles se voient confrontées à la nécessité de développer de nouveaux marchés et d'obtenir l'accès à des technologies toujours plus récentes et raffinées.

Pour eux, la question qui se pose est simple et brutale: Pourront-ils survivre? Pour nous, en tant que société, les questions pourraient être posées ainsi: Risquons-nous de nous retrouver parmi les sous-développés de l'univers de demain? Quelles conditions devons-nous créer pour favoriser l'innovation et l"'entrepreneurship" qui permettront d'éviter un tel sort?

D'autre part, pour l'ensemble des citoyens, les mots même d'"innovation technologique" et d"'entrepreneurship" engendrent un malaise et des craintes mal dissimulées. Pour certains, il peut même sembler qu'il s'agit là d'un sombre complot qui consolidera une relation de dominant-dominé entre ceux qui disposent du savoir et ceux qui ne l'ont pas. Pour les adultes qui voient leur domaine d'expertise bouleversé

et, tout particulièrement, pour les femmes qui tentent de réintégrer le marché du travail, il y a la crainte de se retrouver laissés pour compte faute de connaissances et de qualifications requises pour participer pleinement aux nouvelles façons de faire.

Devant de tels risques, devons-nous conclure qu'il faille se tenir à l'écart et laisser passer la tornade technologique, en espérant qu'une lente adaptation nous permettra d'en récolter quelques retombées tout en évitant les erreurs qu'entraîneraient une trop grande précipitation? Hélas! une telle solution comporte un risque tout aussi grand et qui pourrait se révéler encore plus coûteux socialement si cela devait entraîner une impuissance à tenir notre place dans un monde concurrentiel où nous devons écouler à l'étranger 40 % de notre produit intérieur brut.

En fait, nous n'avons pas le choix, nous devons relever le défi. Il ne s'agit pas d'une mince tâche et nous devons être conscients des multiples obstacles qui se présentent à nous.

Ainsi, nous devons accroître notre effort de recherche, tout en étant conscients que nous ne pouvons pas être assurés que les résultats de cette recherche seront couronnés de succès. De plus, la nature de notre structure industrielle, tantôt dirigée vers l'extérieur, tantôt axée sur l'exploitation de ressources naturelles n'exigeant pas un effort considérable de recherche, est une industrie qui est souvent en concurrence avec des ressources similaires sur le marché mondial. Cette industrie risque d'être en perte de vitesse si nous l'envisageons comme unique fer de lance de notre économie.

L'innovation et le risque s'imposent donc. Plus que jamais notre succès en tant que société exige de chacun la pleine expression de tout son potentiel de créativité. Cela suppose un contexte social qui puise son dynamisme à même une ambiance culturelle qui encourage la curiosité intellectuelle, la rigueur scientifique, l'indépendance d'esprit et l'esprit d'"entrepreneurship". Mais cela ne saurait suffire en soi. Encore faut-il pouvoir canaliser nos ressources de manière à réaliser l'approfondissement des connaissances, à développer des créneaux d'expertise et à favoriser la diffusion du savoir au profit de notre développement socio-économique.

Pour ce faire, nous avons un autre défi à relever. En effet, demeurent omniprésentes les pressions pour diluer les énergies, morceler les ressources au nom d'une justice distributive où tous sont censés trouver leur compte sans qu'aucun puisse donner sa pleine mesure. Trop souvent, le concept de la démocratie s'avère synonyme d'une uniformité rébarbative au concept même de l'excellence. Le défi est d'autant plus formidable que la restriction des ressources ne peut que rendre plus difficiles les choix qu'impose une répartition plus sélective.

Pourtant, comme nous le rappelait récemment le numéro de l'été 1984 du "Journal" de l'"American Planning

Association", seuls de vigoureux pôles d'excellence académique peuvent servir d'ancrage au développement d'une économie axée sur les hautes technologies. Des entreprises conscientes de la richesse intellectuelle du milieu académique, des institutions d'enseignement ouvertes à leur milieu, des mécanismes d'interactions entre les intervenants, le tout complété par des mécanismes simples de financement du capital de risque, semblent constituer les principaux moyens que privilégient la plupart des États américains dans leur course à l'innovation. Nous devons tenir compte de leur expérience en l'adaptant à notre réalité et prendre en considération, en même temps, le retard que connaît le Québec dans cette course à la concurrence.

Quels sont donc les enjeux? Examinons comment, à travers ses crédits budgétaires, le nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie entend y répondre. Le développement d'un milieu ambiant qui favorise l'absorption et la diffusion de valeurs culturelles et la vulgarisation des connaissances essentielles en cette fin du XXe siècle est une mission que se partagent plusieurs ministères. En effet, la culture n'est pas le fait de la poursuite d'un seul domaine de connaissance au détriment de tous les autres. C'est donc en collaboration avec les interventions des autres ministères sectoriels, particulièrement du ministère des Affaires culturelles ainsi que du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qu'il faut situer les actions du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie dans le domaine de la culture y compris les secteurs scientifique et technique.

L'appropriation collective de la réalité scientifique prend bien des formes. Nous nous impliquons donc dans tout un réseau d'activités de vulgarisation scientifique. C'est ainsi que mon ministère continue d'assurer la tenue d'un concours de journalisme scientifique pour encourager les vulgarisateurs de la science, qu'il organise des prix du Québec en sciences pour reconnaître les mérites des hommes et des femmes de science et qu'il met en oeuvre un programme de soutien aux projets innovateurs des organismes sans but lucratif voués à la diffusion de la science et de la technologie, particulièrement dans le monde du loisir scientifique où l'on retrouve au Québec plus de 60 000 membres actifs. Il y a lieu également de soutenir les activités d'information scientifique et technique émanant des milieux de recherche eux-

mêmes, comme nous le faisons pour la revue Interface, de l'ACFAS. Une très large interaction entre les milieux de la recherche, du développement technologique et la population nous apparaît nécessaire à la promotion d'une culture de l'innovation. L'implantation de la Maison des sciences et des techniques constituera un élément important de notre politique de promotion et de diffusion de la culture scientifique.

C'est dans ce contexte d'un milieu ambiant ouvert à l'acquisition de tout ce que l'esprit humain a su développer de meilleur que nous pouvons situer le corps de l'action du ministère, la consolidation d'un réseau pour l'enseignement supérieur où domine cette volonté d'excellence. Peut-on d'ailleurs opposer excellence et accessibilité? En fait, l'accessibilité aux études supérieures a constitué un choix pour notre société, choix que nous continuons d'assumer. Cet objectif a d'ailleurs été atteint avec succès, puisque nous avons maintenant des taux d'accès de 54 % au niveau collégial et de 25 % à l'université. Devant un tel succès, le temps approche sans doute où il faudra s'interroger quant à l'objectif ultime de l'accessibilité et sa modulation en fonction de nos besoins socio-économiques.

L'importance accordée à l'accessibilité est évidente si nous rappelons quelques-uns des choix posés pour 1985-1986: un financement incitant le recrutement de clientèle additionnelle où nous injecterons 36 700 000 $, un gel des frais de scolarité annoncé en février 1985 avec l'octroi aux universités d'un montant additionnel de 3 000 000 $ pour compenser les effets de cette politique sur leur budget.

Rappelons, par ailleurs, notre programme d'aide financière le plus généreux au Canada qui touche environ 50 % des étudiants et qui coûtera plus de 275 000 000 $ en 1985-1986. Il a vu son enveloppe croître de près de 340 % depuis 1976 pour une inflation d'environ 208 % pour la même période. Cela indique à quel point le gouvernement a véritablement voulu mettre l'accent sur l'accessibilité. Soulignons aussi que l'autonomie quasi complète des universités dans l'aménagement de leurs ressources et des services offerts constitue un autre élément dans ce choix de l'accessibilité puisqu'elle permet à ces dernières de chercher à répondre à peu près à n'importe quel besoin dans à peu près n'importe quelle circonstance.

Cet acquis en main, nous devons attaquer un défi moins facilement quantifiable, mais non moins essentiel, celui de la qualité du système. Au niveau collégial, cela suppose la mise à jour et l'implantation de nouveaux programmes afin de maintenir l'adéquation de la formation aux besoins des étudiants et du marché de l'emploi. L'effort entrepris en 1984-1985 se poursuivra en 1985-1986 et nous consacrerons 4 500 000 $ à cette fin.

En 1985-1986, 8 600 000 $ seront investis pour l'achat d'équipements en mécanique, en technologie minérale, en communication graphique et en travaux publics et bâtiments. Ces mesures favoriseront 17 collèges et 4000 étudiants des secteurs de pointe. Ils viennent s'ajouter aux 8 000 000 $ consacrés en 1984-1985 à l'achat d'équipements électrotechniques et en fabrication mécanique.

La qualité des instruments et des équipements de formation n'a de valeur, cependant, qu'à condition que soient consentis d'importants efforts pour la mise à jour de la formation des enseignants.

À cet effet, les collèges reçoivent 1 340 000 $ pour le perfectionnement des professeurs. À cela, il faut ajouter 500 000 $ pour des stages en entreprises. S'y ajoute par ailleurs le recyclage de plusieurs dizaines d'enseignants en disponibilité formés aux disciplines pour lesquelles existent des besoins identifiés de recrutement. À signaler dans ce domaine l'importance de la collaboration avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu afin d'accorder la priorité au recyclage du personnel en poste.

Toutes ces mesures doivent être soumises à une démarche évaluative rigoureuse. Le ministère maintient un programme de subvention à cet effet. En 1985-1986, dans la foulée du document ministériel, l'évaluation dans le système éducatif et les avis du Conseil des collèges, le ministère entend développer et mettre en oeuvre avec ses partenaires une seconde phase d'évaluation systémique.

Parlons maintenant du niveau universitaire. Lors de la commission parlementaire sur le financement des universités en octobre 1984, nous avions pu établir que, à la suite des compressions imposées au réseau universitaire, le coût par étudiant qui était en 1980-1981 supérieur de 12 % à celui de l'Ontario était alors inférieur peut-être de 5 % et que nous avions atteint un seuil qu'il était difficile de dépasser sans compromettre la qualité de l'enseignement dans le réseau universitaire. C'est pour cette raison que nous décidions d'injecter 36 700 000 $ additionnels pour les clientèles de 1984-1985 afin de combler l'essentiel de la différence entre le coût unitaire par étudiant au Québec et en Ontario. L'injection de ce montant devrait permettre, entre autres, l'engagement de professeurs additionnels, l'amélioration des infrastructures de fonctionnement des universités.

Une décision plus importante encore nous a amenés à choisir le financement au coût réel des clientèles afin de favoriser les études de deuxième et troisième cycles. En

effet, les règles budgétaires existantes agissaient, en quelque sorte, comme un "désincitatif" au développement de ces études plus coûteuses que les programmes, tels les certificats de premier cycle, et pouvaient agir comme barrière à l'excellence et au développement des études avancées.

Il faut également assurer le financement de l'infrastructure de base en mettant un terme à l'effort de réduction des coûts, dans la mesure où nous étions à même d'affirmer que les sommes additionnelles injectées dans le réseau éducatif québécois ne se traduisaient pas nécessairement en amélioration de la qualité générale, en amélioration de l'accessibilité générale et qu'en conséquence il n'y avait pas de justification à injecter plus de ressources que nos voisins pour obtenir un résultat somme toute similaire. Toutefois, dans la mesure où notre niveau de financement devenait comparable, il était normal que nous ne voulions plus imposer d'efforts additionnels au réseau universitaire. Pour ce faire, aucune compression budgétaire ne sera imposée au réseau universitaire en 1985-1986. La compression de 18 500 000 $ initialement prévue au plan triennal a donc été annulée. De plus, une enveloppe de subventions comprend les sommes nécessaires à la pleine indexation de toutes les dépenses, ce qui équivaut à la supression d'une compression additionnelle de 7 500 000 $ qui aurait dû s'appliquer au réseau universitaire comme à l'ensemble des dépenses assumées par le gouvernement.

Nous devons poursuivre également le financement des équipements universitaires de manière à améliorer la situation générale de l'enseignement, particulièrement au premier cycle. Une somme de 13 000 000 $ serait affectée à l'acquisition et au remplacement d'appareillage dont 5 000 000 $ pour le financement des équipements scientifiques reliés au virage technologique; une somme de 4 200 000 $ pour l'achat de micro-ordinateurs pour des fins d'enseignement; 3 800 000 $ pour l'augmentation des équipements nécessaires à l'accueil de clientèles additionnelles. Une somme de 13 000 000 $ sera affectée à l'acquisition et au remplacement de l'appareillage.

Contrairement à la société américaine qui a choisi de répartir inégalement les ressources entre ses universités et où l'effort de recherche se retrouve concentré dans 11 % de ses universités, le Québec a plutôt choisi la voie d'un accès démocratique à un système dont la qualité visée demeure uniforme. Comment, en ce cas, relever la concurrence que nous feront les institutions étrangères qui, elles, concentrent leurs ressources de manière à percer? Ce défi prendra d'autant plus d'importance que l'activité devient plus difficile à normaliser et fait appel au dépassement individuel, seul véritable moteur de l'excellence.

En fait, cette option de la qualité exceptionnelle peut être conciliée à la condition expresse, cependant, que l'on vise l'émergence de créneaux d'excellence bien identifiés au sein de nos institutions. Pour atteindre ce but, nous devrons procéder à des concentrations de nos ressources humaines et matérielles, là où se trouvent nos points forts - et j'insiste ici - tout en favorisant une répartition propice au développement des différentes régions du Québec et à l'équilibre entre les éléments que constitue une société complexe. (10 h 30)

Par exemple, il est tout à fait souhaitable que l'émergence des créneaux tienne compte des vocations économiques particulières de nos régions. Cela facilitera l'interaction naturelle entre les équipes de recherche universitaires et les entreprises directement intéressées par les retombées possibles de leur travail.

Cette deuxième option est également valable, mais à la condition expresse de viser l'émergence de créneaux d'excellence bien identifiés. Pour ce faire, nous devons procéder à des concentrations de nos ressources humaines, là où se retrouvent nos points forts.

L'émergence et de le développement de ces créneaux d'excellence impliquent nécessairement que le financement de la recherche doive favoriser les équipes les plus performantes. Dans ce but, le gouvernement du Québec promulguait, à la fin de 1984, la création du fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche en vertu de la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec. Par la même occasion, il nommait les membres du conseil d'administration du fonds.

Ce dernier, dont la mission est de promouvoir et d'aider financièrement à la recherche, en particulier, mais non exclusivement universitaire, dispose d'un budget de près de 30 000 000 $. Dès sa création, j'ai invité les responsables du fonds à préparer un premier plan triennal de ses activités dans une perspective de promotion de l'excellence en matière de recherche, de manière à inciter les équipes de recherche et les chercheurs du Québec à atteindre des standards de performance de très haut niveau.

Contrairement à certaines habitudes passées, il faudra désormais se garder de la tentation du morcellement qui découle presque toujours de notre répugnance à effectuer des choix. La recherche de l'excellence implique aussi que les universités poursuivent les travaux entrepris depuis quelques années en regard de la rationalisation des programmes d'enseignement menés en concertation avec

le Conseil des universités dans le cadre des évaluations sectorielles. Au cours de cette opération, les universités ne devraient pas hésiter à fermer les programmes qui constituent des dédoublements inutiles.

La collaboration interuniversitaire constitue une autre formule à privilégier pour favoriser la constitution de pôles d'excellence. À titre d'exemple, je voudrais mentionner le Centre de recherche informatique de Montréal issu d'une collaboration interuniversitaire fort opportune en matière de recherche. Cinq établissements: l'Université Concordia, l'Université de Montréal, l'Université McGill, l'École polytechnique et l'Université du Québec à Montréal, se sont regroupés pour effectuer des recherches en commun dans le domaine de l'informatique. Le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie a accordé une subvention de démarrage de 500 000 $ pour deux ans à ce centre.

Également, le ministère a retenu ce centre dans le cadre du programme particulier de subventions que le gouvernement fédéral avait mis à l'intention d'équipes de recherche au Canada. D'ailleurs, l'une de ces subventions a porté, dans le cadre des actions structurantes, sur l'équipe en télématique et l'autre sur l'équipe oeuvrant dans le domaine de circuits fiables à très haute échelle dans le domaine de la micro-électronique.

À l'ensemble de ces mesures s'ajoute le programme d'action structurante pour le soutien de l'équipe de recherche liée au virage technologique. Le 4 avril dernier, j'ai eu le plaisir de présenter à la presse les responsables des douze premières équipes retenues dans le cadre de ce programme pour la première année d'activité. D'ici le mois d'octobre prochain, environ quinze nouvelles équipes viendront s'ajouter aux douze premières. Ce programme vise en particulier à consolider les éléments de recherche existants et à favoriser l'encadrement de secteurs de recherche en émergence, en soutenant les groupes de recherche suffisamment larges et structurés dans les secteurs liés au virage technologique biotechnologie, informatique, électronique, énergie, transport, mines, agro-alimentaire, pâtes et papiers, etc.

Ce programme permettra la création d'une quarantaine d'équipes sur une période de trois ans. En 1985-1986, 7 200 000 $ seront consacrés aux dépenses de personnel et Z 000 000 $ aux équipements scientifiques. Cet effort additionnel pour favoriser le développement de la recherche dans les secteurs prioritaires se justifie si nous considérons la pénurie actuelle de doctorat québécois dans le domaine des sciences, du génie et des mathématiques. En effet, si nous voulons accroître notre taux actuel de 1,94 diplômé au doctorat en sciences à 4,18 diplômés par 100 000 habitants, soit le niveau de notre voisin ontarien, nous devrons obtenir 145 diplômés de plus annuellement au niveau doctoral. Considérant que la durée moyenne des études est de 4 ans, et non pas ce que nous observons, 7,7 années à l'heure actuelle dans notre réseau, cela implique des inscriptions additionnelles de 600 étudiants. C'est justement ce que prévoit injecter le programme d'action structurante pour le développement de la recherche universitaire. L'objectif devrait être atteint d'ici deux ans.

L'importance de l'effort de recherche dans le domaine universitaire consenti par le Québec, maintenant. En fait, si l'on se fie aux données que nous fournissait le ministre fédéral de la Science et de la Technologie il y a quelques mois, lors d'une conférence des ministres de la Science à Calgary, on en tire la conclusion que le Québec consacre 0,28 % de son produit intérieur brut à la recherche universitaire. Sur la base des données fédérales, le Canada se situe à 0,23 %. Il faut donc dire que, dans la mesure où le Québec entraîne le Canada vers le haut, la moyenne en général dans les autres provinces est même bien en deçà de 0,23 %.

Si on devait comparer d'ailleurs ce chiffre à l'effort que l'on observe au sein des quatre plus grandes puissances du monde occidental: Japon, États-Unis, France et Allemagne, l'effort consenti par ces pays à la recherche universitaire est de 0,34 % du produit intérieur brut. Nous ne sommes donc pas loin.

De plus, si nous prenons en compte l'effort additionnel que nous consacrons, à l'heure actuelle, dans le cadre, par exemple, de l'implantation de 40 équipes de recherche en milieu universitaire, dans l'implantation de 6 centres de recherche conjoints dont je parlerai plus tard, normalement, notre effort consacré à la recherche universitaire devrait atteindre environ 0,32 % du produit intérieur brut, ce qui nous situerait très près de l'effort observé ailleurs dans le monde et bien en avance sur l'effort généralement consacré au Canada.

Mais la société ne peut accepter de consacrer un effort aussi grand au développement de l'excellence de la recherche scientifique au sein de nos universités sans en même temps manifester des exigences additionnelles face au réseau universitaire. En effet, nos universités pouvaient autrefois se cantonner à un double rôle traditionnnel, soit celui du développement des connaissances assorti au rôle de diffusion des connaissances auprès des générations montantes. Aujourd'hui, il est clair que le bassin d'expertises concentré au sein de nos universités doit rayonner plus directement dans son milieu. En fait, le savoir auquel nos universités ont accès et

qu'elles génèrent doit pouvoir être mis plus rapidement, plus efficacement et plus constamment a la disposition de la société en général. Ce rayonnement, par exemple, doit viser, au départ, un objectif de formation permanente. En effet, la mutation très rapide de notre structure industrielle entraîne nécessairement que beaucoup de nos concitoyens doivent, de façon continue, rajuster leur niveau de connaissance.

Le réseau collégial et universitaire doit permettre un tel apprentissage continu et ouvert. La demande à cet égard, d'ailleurs, est en croissance. En 1984-1985, l'inscription des adultes au niveau collégial a crû de 3 % par rapport à l'année précédente, portant le nombre de ses adultes inscrits à 16 500. Il faut ajouter que c'est peut-être une des raisons principales pour lesquelles le gouvernement n'a pas voulu s'engager dans le concept d'un office de l'éducation des adultes. Il faut souligner que la contribution financière du gouvernement québécois à l'égard de l'éducation des adultes atteint tout près de 550 000 000 $ à l'intérieur des commissions scolaires, des cégeps et des universités. Par conséquent, il faut reconnaître que nos institutions traditionnelles doivent assumer la part la plus importante de la formation des adultes, de cette formation permanente que nous voulons voir instaurer ici au Québec.

À la suite de la rencontre nationale de concertation sur l'éducation des adultes en 1984, le ministère poursuivra donc, en 1985-1986, les travaux engagés dans les domaines suivants: la reconnaissance des acquis, la formation à distance, l'accueil, la référence et la formation professionnelle.

Ce rayonnement de nos institutions au sein de la société doit non seulement viser le réajustement constant de la formation de ceux qui oeuvrent au sein de notre société, mais également viser à assurer un transfert continu des connaissances.

L'apport du réseau collégial à ce niveau doit être signalé. Notre réseau est constitué de 46 établissements comptant plus de 10 000 enseignants. Il détient des expertises particulières, tant en matière de sciences humaines que de la science et de la technologie. Il est également très largement disséminé dans tout le territoire. Il a donc une mission à remplir face à son milieu.

Dans ce contexte, la mise sur pied de centres spécialisés dans un certain nombre de secteurs d'importance économique pour le Québec, en association avec le secteur de l'enseignement professionnel en particulier, peut constituer un important levier de développement de nos institutions collégiales. En fait, la gestion, l'organisation de ces centres spécialisés repose sur des comités spéciaux où l'on retrouve des représentants du milieu, en général, de l'industrie et des représentants du collège.

Partant de la mission première de formation du collège, le collège peut s'engager dans des activités additionnelles de recherche directement appliquées à des problèmes bien concrets des entreprises environnantes. En fait, l'implantation de ces centres spécialisés se poursuit depuis 1983-1984. Nous avions annoncé six centres en pêcherie, systèmes ordinés, technologie physique, meubles, bois ouvré, textile, mode et vêtement. En 1984-1985, trois centres s'y ajoutent: robotique, production automatisée et technologie minière. Cette année, on injectera trois nouveaux centres, soit: métallurgie à Trois-Rivières, foresterie au cégep de Sainte-Foy et bureautique au cégep de Bois-de-Boulogne.

Mentionnons aussi le rôle que peuvent jouer les centres du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

La vocation de ces nouveaux dispositifs de transfert de connaissances est de favoriser la recherche et le développement dans des secteurs dits prioritaires, en faisant appel à la concertation, aux capacités de recherche et aux ressources des interventants pertinents des milieux industriels, collégiaux et universitaires.

Le premier de ces centres, le Centre québécois d'informatisation de la production, a pour mission de diffuser les nouvelles techniques de la conception et de la fabrication assistées par ordinateur au sein des entreprises québécoises. Son conseil d'administration doit d'ailleurs soumettre sa programmation triennale au cours des prochaines semaines. Le centre serait fonctionnel vers juin prochain.

Quant au Centre de recherche sur les applications pédagogiques de l'ordinateur et au Centre de recherche sur la valorisation de la biomasse, leurs lettres patentes seront émises d'ici quelques semaines, permettant ainsi leur lancement avant l'été.

Pour ce qui est du Centre de recherche sur les technologies de l'électrochimie, Hydro-Québec a pris la décision d'en prendre charge avec le support de notre ministère, précédent intéressant d'ailleurs. Des discussions sont présentement en cours pour loger dans ce centre des équipes de recherche du Centre national de recherche du Canada, équipes dont les travaux seront complémentaires à ceux du centre.

Enfin, à la suite de consensus généré il y a une quinzaine de jours, lors de la tenue de la conférence sur l'électronique et l'informatique, il est maintenant arrêté qu'un Centre de recherche sur les technologies informatiques verra bientôt le jour à Montréal, avec la participation financière des entreprises intéressées. De même, il a été convenu que le projet d'un Centre de recherche sur la bureautique, axé sur l'expérimentation par projet pilote, serait mis

sur pied à Québec.

Je crois qu'il importe de mentionner par ailleurs que des négociations, qu'il y a tout lieu d'espérer fructueuses, ont été engagées avec mon collègue fédéral, le ministre d'État à la Science et à la Technologie, pour que le Centre fédéral de recherche en optique, dont l'implantation est également prévue dans la région de Québec, fasse l'objet d'une direction mixte conjointe des représentants des entreprises siégeant à son conseil d'administration, de manière a ouvrir ce centre à la communauté plutôt que d'en faire un centre strictement gouvernemental.

Tout effort de rapprochement des intervenants ne peut s'envisager si nous ne multiplions pas les occasions d'échanges et si nous ne réussissons pas à insérer au sein des entreprises, par exemple, des hommes et des femmes qui ont à coeur de favoriser de tels échanges.

Dans le cadre des mesures du plan d'action gouvernemental AGIR que nous rendrons publiques en novembre, trois programmes visant à provoquer ce rapprochement entre les entreprises et nos institutions ont été mis en place. Je vous souligne le programme de soutien à l'emploi scientifique qui s'adresse aux entreprises de moins de 500 employés. Il vise à doubler en quatre ans le personnel scientifique de ces entreprises et, pour ce faire, il doit créer chaque année au moins 400 postes de scientifiques, d'ingénieurs et de techniciens. Il s'agit d'insérer au sein de l'entreprise des jeunes dotés d'une formation orientée vers le changement et l'innovation et ainsi d'entraîner notre industrie dans la voie de la modernisation et l'amener à s'intéresser à ce qui se passe au sein de nos institutions.

Le second programme vise le prêt de professeurs de cégep et d'université aux entreprises pour des périodes allant de trois mois à un an. En 1984-1985, environ 50 demandes ont été reçues et 44 acceptées. L'objectif visé en 1985-1986 est de porter ce total à l'équivalent de 50 personnes-années.

Notons aussi le programme de soutien au renforcement des liaisons université-industrie et de la recherche dite de transfert. Les subventions pour ce programme sont accordées par concours. Ce programme s'adresse aux unités de recherche universitaire. Cinq projets auront été retenus en 1984-1985 et le programme se poursuivra cette année. Nous voulons faire bénéficier cette fois cinq nouvelles équipes du programme, de manière à porter à dix le nombre d'équipes de recherche universitaire.

Afin également d'assurer un contact plus précoce avec les réalités de la vie économique et de la vie de l'entreprise, les étudiants du Québec, l'année dernière, pour la troisième année d'affilée, ont pu profiter d'un programme visant à encourager les entreprises à accueillir au cours de l'été des étudiants stagiaires; 529 étudiants ont effectivement pu réaliser de tels stages l'année dernière.

Enfin, rappelons le rôle important que peut progressivement jouer l'AQVIR dans la mise en valeur de notre potentiel de recherche au Québec. À l'oeuvre depuis un an, l'objectif de l'AQVIR est de promouvoir une innovation technologique et de contribuer par la fourniture de capital de risque à valoriser la recherche à des fins industrielles. De juin à décembre 1984, l'agence a accordé des prêts et subventions à l'innovation à onze entreprises, pour un total de 3 600 000 $.

Depuis décembre 1984, le conseil d'administration devait autoriser huit nouveaux financements représentant des déboursés de près de 2 000 000 $. Nous comptons engager, au cours de 1985-1986, une réflexion d'évaluation sur les actions de l'AQVIR, de façon à nous assurer que, comme pourvoyeur de capital de risque, l'intervention de l'agence tende à privilégier le transfert de technologie de l'institution de l'enseignement vers l'entreprise et également qu'elle se tourne davantage vers la création de nouvelles entreprises en haute technologie, en laissant à la Société de développement industriel le soin d'assurer le financement traditionnel gouvernemental auprès des entreprises. (10 h 45)

Ce tour d'horizon des principaux programmes, je pense, permettra de mieux apprécier l'ampleur de la mission du nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Un résumé des principales composantes de cette mission permet d'identifier trois éléments essentiels. D'abord, une contribution à un milieu culturel favorisant la familiarisation avec l'ensemble des connaissances, y compris celles de nature scientifique et technique; la transmission formelle de la connaissance aux nouvelles générations et son appropriation par les adultes, par le biais de l'éducation permanente; le rayonnement du savoir, afin de contribuer à notre développement socio-économique et nous permettre de faire face aux transformations accélérées que nous devons assimiler et maîtriser.

Les enjeux prioritaires que nous avons identifiés ne doivent pas nous faire perdre de vue la tâche fondamentale que nous devons assumer, celle d'assurer la valorisation, l'approfondissement et le rayonnement de l'ensemble du savoir qui s'offre à notre étude. Souhaitons plutôt que l'expertise que nous développerons dans la solution des problèmes les plus urgents qui se posent à nous servira à stimuler et à alimenter la réflexion dans l'ensemble des secteurs de connaissance que les générations précédentes ont mis à notre disposition. Merci, M. le

Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil et vice-président de la commission.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, le ministre a été plus bref que je m'y attendais. Est-ce que vous avez donné lecture d'un texte d'une vingtaine de pages? Vous l'avez coupé, je pense.

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: La lecture est très intéressante. M. le Président, nous abordons cette année l'étude des crédits consacrés à l'enseignement universitaire et collégial dans le contexte nouveau qui découle de la transformation du ministère de la Science et de la Technologie en un ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

Autant nous avions été heureux, du côté de l'Opposition, d'approuver la création du ministère de la Science et de la Technologie en juin 1983, autant nous entretenons des réserves et des inquiétudes quant à la transformation soudaine, en décembre dernier, de ce ministère à peine âgé d'un an et demi en un nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

Nos critiques portent d'abord sur la manière soudaine et improvisée dont s'est fait le changement. En une matière aussi lourde de conséquences, un débat préalable s'imposait. Il eût été normal et plus sérieux que le gouvernement annonce ses couleurs quelques mois à l'avance, de manière que les réactions du milieu puissent se former et se faire entendre. Il eût été non moins normal qu'avant de procéder aux changements entrevus le gouvernement en saisisse d'abord l'Assemblée nationale par la voie d'un projet de loi.

Malheureusement, ce n'est pas ainsi que le gouvernement a choisi de procéder. Le changement s'est concocté dans un climat de catimini, d'improvisation et de précipitation. Il a été annoncé à la veille de Noël, juste après l'ajournement de la session, juste après, qui était alors en cours. Il s'est fait si rapidement qu'à peu près tout le monde au ministère de l'Éducation, et sans doute aussi au ministère de la Science et de la Technologie, fut pris par surprise. On improvisait si manifestement que, trois mois après la création du nouveau ministère, le transfert des ressources humaines du ministère de l'Éducation au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie n'était pas encore complété et qu'on a eu besoin de plus de quatre mois pour mettre au point un projet de loi qui tente de tenir compte de tous les éléments impliqués, mais qui aboutit néanmoins, dans plusieurs cas, à des structures bicéphales dont l'efficacité éventuelle est fort douteuse.

Si le gouvernement avait longuement mûri le geste qu'il voulait faire, il aurait produit, avant d'agir ou du moins au moment d'agir, un dossier substantiel accompagné de pièces valables à l'appui de son choix. Or, aucun document d'orientation, aucun dossier substantiel n'a jamais été publié par le gouvernement à ce sujet, ni avant, ni depuis la création du nouveau ministère. On ne sache pas non plus que la moindre consultation ait été faite à ce sujet auprès du Conseil supérieur de l'éducation, du Conseil des collèges et du Conseil des universités, avant que la décision soit prise et annoncée.

En soustrayant l'enseignement universitaire et collégial à la compétence du ministre de l'Éducation, le gouvernement poursuit l'oeuvre de démantèlement et de réduction du ministère de l'Éducation qu'il avait commencée avec sa politique d'éducation des adultes.

À la suite de la promulgation de cette politique, qui fut, elle aussi, mise en application sans aucun débat public préalable et à l'encontre d'un voeu unanime des intervenants en éducation des adultes qui réclamaient une commission parlementaire, l'éducation des adultes tombait sous l'autorité de deux ministres différents, celui de l'Éducation et celui de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Les structures décisionnelles retenues par le gouvernement étaient si peu claires, si ambiguës que, quinze mois plus tard, on n'avait pas encore réussi à effectuer un partage net des responsabilités et des ressources entre les deux ministères concernés.

Le détachement des universités et des collèges du ministère de l'Éducation ne fera qu'embrouiller davantage la situation. Dans des secteurs complexes comme l'éducation des adultes, la reconnaissance des acquis expérientiels, la formation des maîtres, la formation professionnelle, l'enseignement privé, la présence des institutions d'enseignement aux besoins de la communauté, on sera désormais en présence de structures décionnelles non plus seulement bicéphales, mais tricéphales.

La commission Parent en son temps et plus récemment la commission Jean avaient fortement insisté sur la nécessité d'assurer la cohérence des politiques et des décisions grâce à une direction politique unifiée. Cet objectif a été perdu de vue par le gouvernement. On commence déjà à percevoir les situations illogiques, les contradictions et les dédoublements qui découleront des décisions mal éclairées qu'a prises le gouvernement.

Le système d'enseignement et ses multiples composantes ne sauraient être coupés de la vie réelle. Ils doivent être en rapport dynamique avec toutes les composantes de la réalité économique, sociale et culturelle. Mais ils le seront d'autant plus efficacement qu'ils formeront un tout bien ordonné dont les parties se complètent, se soutiennent et s'harmonisent sous une direction politique unifiée. Parce que les dernières décisions du gouvernement touchant à l'éducation des adultes, la formation collégiale et l'enseignement universitaire mettent cette exigence en danger, il faut les juger sévèrement.

En ce qui touche les universités, le ministre annonçait fièrement le 21 mars dernier que le gouvernement a décidé, pour l'excercice 1985-1986, de leur accorder des crédits additionnels de 70 300 000 $ par rapport à l'enveloppe accordée pour 1984-1985. Le gouvernement - ajoutait le ministre - a décidé d'accorder aux universités une augmentation de crédits de 7,85 %, et ce afin "de favoriser le financement de l'infrastructure de base en mettant un terme à l'effet de réduction des coûts" et "de favoriser l'accessibilité aux études supérieures".

Toute augmentation des crédits accordés aux universités doit être accueillie avec soulagement. L'Opposition accueille d'autant plus volontiers l'augmentation annoncée par le ministre qu'elle n'a cessé, depuis plusieurs années, de presser le gouvernement de mettre fin à sa politique de compressions budgétaires trop souvent arbitraires et sauvages dans ce secteur.

Afin de bien apprécier, toutefois, la portée réelle des changements annoncés, il importe de les situer dans leur contexte véritable. On se rend vite compte, en faisant cet exercice, qu'il n'y a pas lieu d'enfourcher la trompette des grands jours de triomphe.

Que signifie, en effet, l'augmentation de crédits annoncée par le ministre? D'abord, elle survient au terme d'une autre année de compressions sauvages qui a fait très mal aux universités. Celles-ci, par la voie de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec et par la voie de la Fédération des associations de professeurs des universités et d'autres organismes, avaient demandé avec insistance devant la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre, en octobre dernier, que le gouvernement injecte au moins 11 000 000 $ de plus dans le secteur universitaire en 1984-1985. Cette demande était fortement appuyée par le Conseil des universités qui avait également demandé de rendre aux universités une somme de 10 000 000 $ qui avait été prélevée en vue de la mise en vigueur d'un nouveau cadre de financement qui n'a point été appliqué. À ces requêtes, le gouvernement fit la sourde oreille, empirant ainsi une situation déjà rendue très grave par les compressions des années précédentes.

Du montant de 70 300 000 $, il faut d'abord soustraire une somme de 24 800 000 $ consacrée à l'indexation des dépenses des universités. Ce montant de 24 800 000 $ permettra tout juste de maintenir les dépenses au niveau réel où elles étaient en 1984-1985: il ne s'agit donc pas d'une injection d'argent neuf.

Une autre somme de 7 100 000 $, consacrée au programme des actions structurantes, n'est pas, à vrai dire, une augmentation. Elle décrit plutôt des crédits qui semblent avoir été déplacés du fonds FCAR vers un programme directement contrôlé par le ministre. À en juger par l'accent que le ministre et le gouvernement mettent sur le virage technologique et la recherche, on s'attendait que le gouvernement consacre au fonds FCAR -organisme spécialement mandaté et structuré pour promouvoir la recherche scientifique dans les conditions de compétences et d'impartialité requises - des sommes chaque année plus élevées. C'eût été la conséquence logique de toutes les déclarations de politique qu'on entend. Tel n'est pourtant pas le cas. En 1984-1985, les crédits accordés à l'ancien fonds FCAC étaient demeurés stationnaires par rapport à l'exercice précédent. La même situation se répète en 1985-1986: le nouveau fonds FCAR se voit attribuer un budget qui est à peu près le même qu'en 1984-1985. Ainsi, au cours des deux dernières années, le budget du principal organisme subventionnaire du gouvernement est resté le même, au lieu de connaître la progression qu'on était justifié de souhaiter. Vue dans cette perspective, la somme de 7 100 000 $ réservée aux actions structurantes revêt une signification différente. Elle témoigne de la volonté bien arrêtée du gouvernement d'exercer un contrôle de plus en plus direct sur l'orientation de la recherche scientifique tandis qu'il laisse stagner l'organisme spécialement chargé d'agir en son nom dans ce domaine de la promotion de la recherche, où la nature même des décisions à prendre requiert que ces décisions soient prises à une certaine distance du pouvoir politique.

Ces réserves étant faites, c'est plutôt une augmentation de 37 400 000 $ qui reste pour l'année 1985-1986, soit une hausse de 4,1 % par rapport à 1984-1985. Il faut réaliser que, nonobstant cette augmentation de 4,1 % dans les crédits généraux accordés pour le fonctionnement des universités, le niveau des subventions par étudiant - et cela s'explique par l'augmentation des clientèles -connaîtra une légère diminution en 1985-1986, passant de 4961 $ en dollars constants de 1981 en 1984-1985 à 4947 $ en dollars

constants de 1981 pour l'année 1985-1986. Tout en enregistrant l'augmentation des crédits généraux accordés pour le fonctionnement des universités, il faut éviter en conséquence de partir en peur. Il faut surtout se souvenir que cette augmentation survient au terme d'une longue période de vaches maigres au cours de laquelle la lésinerie du gouvernement a littéralement saigné à blanc nos institutions universitaires et gravement compromis la qualité des services qu'elles rendent à la communauté.

Ainsi que le soulignait la Fédération des associations de professeurs des universités dans une brochure publiée il y a quelques mois, les politiques du gouvernement en matière de financement universitaire au cours des cinq dernières années ont littéralement acculé les universités du Québec à une véritable crise financière. (11 heures)

De 1978-1979 à 1984-1985, les subventions par étudiant ont baissé de près du tiers. Elles ne représentaient plus l'an dernier qu'environ 70 % de ce qu'elles apportaient en 1978-1979, en dollars constants de 1981 toujours. Tandis que le prix des volumes et autres instruments de travail augmentaient partout à un niveau généralement supérieur à celui de l'inflation, le gouvernement coupait dangereusement les budgets réservés à ce poste. Tandis que les universités avaient accumulé au 31 mai 1980 un surplus consolidé de 37 200 000 $, cinq ans plus tard, c'est-à-dire au 31 mai 1984, elles accusaient plutôt un déficit combiné de 3 500 000 $, lequel a sûrement augmenté d'une manière sensible au cours de l'année 1984-1985. En cinq ans la situation financière des universités se sera ainsi détériorée de près de 50 000 000 $.

Vu les effets très coûteux de ces politiques sur la qualité de l'enseignement et de la recherche, sur le processus de renouvellement du personnel enseignant et sur la qualité des équipements, le programme annoncé pour 1985-1986 ne saurait être que l'amorce très modeste d'un programme de redressement qui devra s'échelonner sur plusieurs années. En annonçant la fin des compressions et en injectant 37 000 000 $ d'argent neuf dans le système, le gouvernement met fin à l'hémorragie qui affaiblissait dangereusement nos universités. Il laisse toutefois plusieurs problèmes non résolus.

Ainsi, le programme d'action 1985-1986 ne contient-il aucune disposition visant à donner suite au programme spécial d'aide au renouvellement du personnel enseignant, que réclamait avec urgence l'an dernier le Conseil des universités.

Il faudra de même attendre à plus tard pour disposer d'une nouvelle formule de financement plus réaliste et plus acceptable. La formule actuelle génère depuis plusieurs années des iniquités regrettables entre les diverses institutions. Tandis que certaines universités sont surfinancées, relativement parlant, d'autres sont depuis des années sous-financées à tous points de vue. Le cadre de financement que le gouvernement avait préparé pour 1984-1985 annonçait à cet égard un début de redressement en faveur des institutions sous-financées jusqu'à maintenant. Mais vu qu'il s'inscrivait dans le cadre d'une politique de compressions qui durait toujours et qu'à peu près toutes les universités avaient mis en doute certains des critères et des calculs sur lesquels il reposait, le gouvernement fut forcé de l'abandonner ou au moins d'en remettre à plus tard l'application. Le gouvernement a bien pris soin de laisser tomber du même coup les mesures de redressement que le cadre de financement devait comporter à l'intention de certaines institutions victimes de sous-financement au cours des années passées. Ainsi, les iniquités que signalaient les auteurs de l'étude ayant servi de base à la rédaction du cadre de financement durent-elles toujours. Le budget de 1985-1986 n'apporte aucune amélioration à cet égard.

La vraie mesure des besoins des universités du Québec nous est fournie par les mémoires que chacune d'entre elles déposa l'automne dernier devant la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre, à l'occasion de l'étude sur le financement universitaire entreprise par cette commission. Malheureusement - et nous l'avons déploré profondément de ce côté - les universités individuelles ne purent être entendues par la commission parlementaire parce que la majorité ministérielle au sein de la commission refusa tout simplement d'accepter qu'elles soient invitées à se présenter devant la commission, et cela contre les protestations véhémentes de l'Opposition. Les besoins présentés par chaque université sont toutefois inscrits dans le mémoire déposé par chacune. Beaucoup mieux que le discours ministériel, ces mémoires fournissent la mesure véritable des besoins de nos universités et du tort qui leur a été infligé par les coupures des dernières années.

Sur la question des frais de scolarité exigés des étudiants québécois, le ministre avait laissé entrevoir en octobre dernier devant la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre le spectre d'une augmentation substantielle. Il a fort heureusement redressé son tir depuis ce temps. Il annonce aujourd'hui le gel des frais de scolarité pour 1985-1986. Nous ne pouvons que nous en réjouir, étant donné la position très ferme adoptée à ce sujet par notre formation politique lors de son congrès d'orientation tenu en mars dernier. Cependant, nous devons noter que l'engagement du gouvernement ne vaut que

pour la présente année et qu'on ne trouve dans les explications du ministre à l'appui de cette mesure aucune indication d'une politique stable, durable et mûrement établie pour l'avenir.

Concernant les frais de scolarité des étudiants canadiens inscrits dans les universités québécoises, le ministre a dû se rendre à l'évidence et reporter indéfiniment la hausse qui avait été annoncée en février 1984. Cette hausse, sous prétexte - vous riez - de niveler une situation jugée inégale, aurait risqué de causer un tort considérable aux étudiants du Québec qui étudient dans les universités canadiennes en dehors du Québec. Quand on sait que le nombre des étudiants québécois inscrits dans des universités canadiennes hors du Québec est à peu près deux fois plus élevé que celui des étudiants canadiens d'autres provinces inscrits dans les universités du Québec, on mesure tout de suite les implications dangereuses que comportait cette politique pour les étudiants québécois.

Quant aux étudiants étrangers inscrits dans nos universités, il est trop tôt pour apprécier les conséquences concrètes de la hausse de frais de scolarité imposée l'an dernier. Nous maintenons que, dans ce domaine, la politique gouvernementale doit viser à préserver la position concurrentielle du Québec vis-à-vis des autres provinces canadiennes.

Au chapitre des investissements, le plan quinquennal 1985-1990 n'est pas encore disponible pour le grand public dans sa formulation définitive. Il est actuellement à l'étude, croyons-nous comprendre, au Conseil des universités. Le ministre a néanmoins procédé à l'annonce de certains projets et de certaines orientations. Le plan quinquennal semble venir suffisamment tôt cette année, contrairement aux années précédentes, pour permettre aux crédits prévus pour l'exercice 1985-1986 d'être réellement engagés au cours de l'année. Dans ses avis précédents, le Conseil des universités avait déploré le fait que le gouvernement présentait ses plans trop tard pour que ceux-ci puissent donner lieu à des engagements efficaces.

Les décisions annoncées permettront de débloquer des fonds pour l'acquisition des bureaux nécessaires à la phase II du développement de l'UQAM, pour la réalisation de certains projets de l'Université de Montréal, en particulier la Bibliothèque des sciences humaines, et à l'École de médecine vétérinaire, ainsi que pour l'agrandissement de l'École polytechnique. Venant s'ajouter aux travaux déjà en cours à l'Université Concordia, à l'École des hautes études commerciales et à l'École de technologie supérieure, la réalisation de ces projets permettra de réduire considérablement les besoins en location qui entraînaient des coûts inutilement élevés dans le fonctionnement des universités de la région montréalaise.

Le ministre n'a cependant amorcé aucun changement concernant certaines politiques de financement que le Conseil des universités avait sévèrement critiquées et qui créent des problèmes sérieux pour l'avenir des universités. Le gouvernement continue de limiter à 2,5 % la croissance des enveloppes annuelles d'immobilisation en conformité avec les contraintes imposées par le Conseil du trésor. Cette limite a entraîné pour le plan quinquennal 1984-1989 un manque à gagner d'au moins 35 000 000 $ pour les universités.

En outre, le Conseil des universités jugeait nettement insuffisantes les sommes prévues dans des programmes spéciaux pour combler les prélèvements sur les enveloppes annuelles. Ainsi, de la somme de 15 000 000 $ échelonnée sur trois ans destinée au renouvellement ou à l'acquisition d'équipements scientifiques reliés au virage technologique et une somme de 5 500 000 $ va aux actions structurantes; une somme de 2 200 000 $ à l'ouverture de quatre nouveaux programmes. Une bonne partie des 7 300 000 $ qui restent iront aux nouveaux programmes de 1985-1986 et 1986-1987. Une faible partie risque d'être réellement consacrée au renouvellement des équipements de base des universités.

Nous attendons du ministre des précisions quant à ses intentions au sujet du renouvellement des équipements des universités. Pour les seules facultés de génie, au niveau du premier cycle, le Conseil des universités ne rappelait-il pas, l'an dernier, que les besoins en équipements s'élèvent à court terme à quelque 38 000 000 $?

Signalons enfin que ni le cahier explicatif des crédits du ministère, ni les remarques liminaires qu'a faites tantôt le ministre ne contiennent de commentaires ou d'opinions sur l'importante source de revenus que constituent les paiements de transfert fédéraux en ce qui touche le financement de l'enseignement supérieur au Québec, ni sur les perspectives nouvelles et, à certains égards inquiétantes, qu'ouvre à cet égard le rapport du commissaire-enquêteur, M. Al Johnson, rendu public en mars dernier. Ce rapport a été rendu public il y a maintenant plus de deux mois. Il contient, entre autres, des recommandations qui visent à lier le montant des subventions fédérales versées aux provinces au titre du financement universitaire à la contribution que verseront désormais les provinces à même leurs propres deniers à cette même fin. Il contient maintes autres recommandations importantes, en particulier des recommandations concernant certains objectifs nationaux que le gouvernement, selon le commissaire Johnson, devrait inscrire en tête d'une loi

modifiée à cet égard. Il faut déplorer que, près de trois mois après la publication du rapport Johnson, le gouvernement québécois soit demeuré complètement silencieux à ce sujet. Nous voulons espérer que le ministre profitera de l'examen des crédits de son ministère pour jeter un peu de lumière sur la position de son gouvernement concernant cette question capitale pour l'avenir des universités.

Si les universités bénéficient cette année d'un léger soulagement, il n'en va pas ainsi des cégeps. Les cégeps ont été choisis cette année comme cible préférée par les spécialistes en coupures et en compressions du ministère. Le sort que le gouvernement leur réserve en 1985-1986 ne fera qu'empirer une situation déjà fort gâtée par les politiques d'austérité des dernières années.

De 1978-1979 à 1984-1985, selon les calculs établis par le service de recherche de la Fédération des cégeps, les effectifs étudiants réguliers inscrits dans les cégeps ont augmenté de 120 773 à 139 073, soit une hausse de 15 %. Pendant la même période, les budgets de financement en dollars constants de 1981 ont baissé de 6,3 % et les subventions par étudiant, toujours en dollars constants de 1981, ont baissé, pour leur part, de 22 %, passant de 4463 $ en 1978-1979 à 3647 $, toujours en dollars constants de 1981, en 1984-1985. Une nouvelle réduction de 2,7 % intervient en 1985-1986. Cette réduction ramènera à 3549 $ en dollars constants de 1981 le montant de la subvention par étudiant versée aux cégeps par le gouvernement.

Alors que, dans le secteur universitaire, le gouvernement, avec raison, veut au moins mettre un terme aux compressions, il inflige de nouveau cette année une compression budgétaire de l'ordre de 7 000 000 $ aux cégeps.

Une compression de 1 100 000 $ est imposée à même le cadre général de financement. Une autre compression de 3 300 000 $ découle du refus du gouvernement d'indexer les dépenses autres que les salaires reliés à l'enseignement. Enfin, on effectue à même l'enveloppe budgétaire des prélèvements de 2 600 000 $ pour des fins qui auraient manifestement dû donner lieu à une injection d'argent neuf, en particulier pour l'implantation des nouveaux programmes et la création de laboratoires.

Il n'est pas de meilleur exemple, M. le Président, de l'incohérence de la politique gouvernementale en matière de financement de l'éducation que le sort réservé cette année à chaque niveau d'enseignement en ce qui touche l'indexation des dépenses autres que les salaires des professeurs. (11 h 15)

Au niveau universitaire, il y aura cette année pleine indexation. Aux niveaux primaire et secondaire, le niveau de l'indexation sera de 2 %. Au niveau des collèges, il sera nul. Quelle logique, quelle cohérence ont pu inspirer une politique aussi disparate et aussi inéquitable à sa face même? L'inflation frappe tout le monde, toutes les institutions, tous les niveaux d'enseignement avec la même dureté impitoyable. Le prix d'un crayon, d'une tablette de papier à écrire, d'un volume, d'un pupitre, d'un tableau évolue de la même manière, à quelque niveau que l'on enseigne ou que l'on étudie. En vertu de quelle rationalité le gouvernement peut-il décider que certains seront compensés en entier, d'autres à 2 % et d'autres pas du tout? Si le gouvernement veut injecter plus d'argent dans un secteur, c'est son droit et sa prérogative: il n'a qu'à s'en expliquer. Mais il est faux de soutenir qu'on puisse raisonnablement et rationnellement compenser de manière aussi inégale les différents niveaux d'enseignement au chapitre de l'indexation de leurs dépenses. Procéder ainsi, c'est ériger en principe un mode de financement injuste à sa face même.

Nous aurons l'occasion, au cours des travaux de la commission parlementaire, de soulever un certain nombre de problèmes particuliers en ce qui touche les cégeps. Je voudrais toutefois évoquer en terminant les conséquences graves de la politique de lésinerie pratiquée par le gouvernement en ce qui touche le renouvellement des équipements dans les cégeps.

Ayant eu vent de problèmes qui se posaient à cet égard au cégep du Vieux-Montréal, je me suis rendu ces derniers temps visiter cette institution. J'ai porté une attention spéciale aux installations dont on dispose pour dispenser la formation professionnelle dans des secteurs comme l'électronique, les instruments et contrôles, la céramique, la photographie, l'électromécanique, etc. Or, la qualité des équipements que j'ai trouvés dans cette institution m'est apparue tout simplement lamentable. Dans cet édifice dont l'architecture est passablement affreuse, les locaux dont disposent les professeurs pour travailler avec les étudiants sont de minables cubicules. Les équipements mis à la disposition des professeurs et des étudiants dans le secteur de la formation professionnelle le sont tout autant. Les laboratoires d'électronique sont qualifiés par étudiants et professeurs, à juste titre - j'ai pu m'en rendre compte de visu - de véritables cages à poulets. Les équipements sont complètement inadéquats pour faire face aux exigences du virage technologique.

Il aurait fallu, cette année, dans un secteur, acheter huit unités d'un certain appareil pour faire face aux exigences tout à fait minimales du nouveau programme. On a dû se contenter d'acquérir deux appareils. Pour l'initiation des étudiants aux techniques

de télévision et de radio, on dispose d'appareils transmetteurs et récepteurs qui, dans certains cas, sont tellement vieillis qu'on ne les trouve plus sur le marché et qu'il n'existe nulle part de pièces de remplacement. On s'étonne ensuite que ces étudiants, en arrivant sur le marché du travail, se fassent dire par les employeurs qu'ils ont apparemment reçu une bonne formation théorique, mais qu'ils n'ont pas été suffisamment initiés aux réalités d'aujourd'hui.

Dans le secteur des instruments et contrôles, on fait l'initiation des étudiants avec des équipements qui remontent à la génération précédente. Les équipements dont on dispose sont à base pneumatique, alors qu'aujourd'hui, les équipements et contrôles fonctionnent déjà depuis plusieurs années à base d'ordinateur.

Dans le secteur de l'électromécanique, on dispose d'un programme nouveau dont professeurs et étudiants s'accordent à dire qu'il est intéressant, mais on n'a pas les équipements nécessaires pour faire face aux exigences découlant de plusieurs chapitres du nouveau programme. Dans ce secteur, on n'a pas eu de budget de renouvellement d'équipements depuis huit ans.

Un professeur me confiait qu'il s'est vu attribuer pour l'an prochain l'enseignement d'une nouvelle matière. Or, faute de budget, il lui faudra lui-même se procurer des volumes pour une valeur de plus de 400 $ afin de pouvoir dispenser cet enseignement. À la bibliothèque du collège, les livres dont on dispose dans le domaine sur lequel doit porter l'enseignement de ce professeur remontent tous à plusieurs années, ne sont plus à jour et ne peuvent pas être utiles pour la préparation de son enseignement.

Dans le secteur audiovisuel, on ne dispose même pas d'un studio complètement monté. On est en train de monter un studio. Tout ce que les étudiants auront pu faire cette année, cela aura été de jouer avec des fils électriques. Le secteur de la photographie n'est pas mieux équipé. Dans le seul studio dont on dispose pour cette discipline qui est très en demande, les étudiants se bousculent à la porte parce qu'ils sont trop nombreux. L'équipement n'est pas lui non plus à la hauteur des besoins d'aujourd'hui. Il traîne considérablement sur les développements récents.

Les professeurs de cette institution, découragés de la situation à laquelle ils font face année après année, se sont adressés au ministre pour obtenir de lui qu'il fasse enquête sur la situation. Ils n'ont eu pour réaction qu'une lettre les avisant que ces questions relèvent du conseil d'administration de l'institution.

Dans son cinquième rapport annuel portant sur l'année 1983-1984, le Conseil des collèges résumait ainsi la situation de l'enseignement professionnel collégial, et je cite: "A bien des égards, la situation actuelle de l'enseignement professionnel collégial peut se comparer à celle qui prévalait au moment de la mise sur pied des réseaux des cégeps: la société s'attend à des changements dans le système éducatif et dans les programmes; de nouveaux besoins de formation technique se font sentir; le portrait de la clientèle collégiale se modifie; les cégeps sont encore la clé de l'accès à la scolarisation et au monde de la technologie; le marché du travail exprime de nouvelles exigences auxquelles les collèges tentent de répondre, sans négliger leur mission de formation générale et fondamentale. Il y a cependant, en 1984, une différence importante. Tandis que, dans les années soixante-dix, le processus de transformation de l'enseignement collégial suscitait des enthousiasmes, des espoirs et une volonté de participer au débat de fond et de contribuer aux changements, le climat actuel dans les collèges est assombri - et je cite toujours le Conseil des collèges - par des inquiétudes et des insatisfactions ainsi que par des sentiments de démotivation et d'essoufflement. Sauf de rares et heureuses exceptions, le secteur de l'enseignement professionnel dans les collèges se sent dévalorisé et peu appuyé."

L'une des principales réalisations du gouvernement dans le secteur collégial, réalisation à laquelle le ministre a fait allusion dans son message liminaire de tantôt, a été la création d'une dizaine de centres spécialisés visant à procurer une formation de pointe à des étudiants dans des secteurs avancés au plan technologique. Un examen de cette expérience apparaît nécessaire, à la lumière d'une observation contenue dans le cahier explicatif des crédits du ministère.

On veut en effet que ces centres spécialisés disposent d'une large autonomie. Cela se comprend dans une certaine mesure, mais, lorsqu'on envisage que ces centres seront appelés éventuellement à s'autofinancer, qu'est-ce qu'on veut dire exactement? Quelles conséquences en découleront pour le rapport que ces centres doivent conserver avec le cégep dont ils sont issus? Il faut éviter que l'on ne crée un réseau de centres spécialisés qui pourraient en venir, parce qu'ils auraient atteint à l'autofinancement, à constituer un véritable réseau institutionnel parallèle.

Dans les collèges, le problème de l'évaluation demeure très important. Il importe que la formation dispensée à ce niveau d'enseignement soit soumise à des méthodes d'évaluation rigoureuses et éprouvées. Le gouvernement doit préciser sa politique à cet égard. Entend-il s'appuyer sur les institutions pour réaliser cet objectif d'une évaluation valable? Entend-il s'insérer

lui-même dans le processus et tenter de cette manière de se substituer graduellement aux institutions? Quels moyens entend-il mettre en oeuvre pour inciter des institutions à agir plus vite et plus efficacement dans ce domaine? De nombreuses questions demeurent à ce chapitre. Il importe de les dissiper et j'espère que les travaux de la commission parlementaire permettront de le faire.

Je termine, M. le Président, en revenant sur un fait que j'ai évoqué plus tôt, à savoir l'interruption brusque qui s'est produite, au début de la présente année civile, dans les travaux que la commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre avait entrepris sur le financement des institutions universitaires. Les travaux avaient débuté en octobre sous des auspices très prometteurs. Le ministre avait donné son consentement apparemment complet. Du côté ministériel, on avait souscrit au projet. Du côté de l'Opposition, on l'avait promu depuis le départ et on s'est ingénié à en favoriser la réalisation. Nous avons tenu deux ou trois journées d'audiences, en octobre, avec les représentants des grandes associations qui parlent au nom des différents secteurs du monde universitaire. On nous avait présenté des mémoires très étoffés qui ont été discutés, d'ailleurs, dans un climat sérieux et, je pense, objectif.

Nous nous apprêtions à entreprendre la deuxième phase du programme, c'est-à-dire l'audition des institutions individuelles dont nous avions compris, de ce côté-ci, qu'il était absolument normal qu'elles soient entendues. La preuve, c'est qu'on avait demandé à tous les organismes désireux de se faire entendre d'envoyer des mémoires à la commission, ce qui a été compris par eux comme impliquant qu'ensuite, pour expliquer ce qu'ils nous auraient soumis, ils seraient invités à se présenter.

Or, les représentants du parti ministériel à la commission ont systématiquement refusé que la commission parlementaire procède dès le mois de janvier, comme nous l'avions souhaité, à la deuxième partie de son mandat. On nous a dit que le ministre avait entrepris un travail de consultation intensive auprès des universités individuelles et que, plus tard, lorsqu'il aurait fait la lumière dans son esprit, peut-être les parlementaires pourraient-ils recevoir la bienveillante autorisation de reprendre leur travail au point où ils l'avaient laissé, pour lui donner tout le loisir voulu d'accomplir ses pérégrinations à travers le Québec.

Ce n'est pas ainsi que du côté de l'Opposition nous concevons le travail d'une commission parlementaire. Elle n'est pas accrochée aux démarches d'un ministre. Elle n'est pas à la remorque de quelque ministre que ce soit. C'est une commission qui est souveraine dans son âme, qui fait son travail en accord avec la conception qu'elle se fait de son mandat et des problèmes qui ont été soumis à son attention. Je pense que ce geste qu'a fait le parti ministériel est très grave parce qu'il compromet à sa source même tout l'esprit de la réforme parlementaire qui a été engagée depuis un an et dont un pivot essentiel est la réanimation des commissions parlementaires.

Depuis ce temps-là, rien n'a été fait. Tous les dossiers sont là, dans nos tiroirs, qui attendent d'être ressuscités. Je le déplore profondément et je vous déclare que, nonobstant ces regrets que nous éprouvons et ces critiques sévères que nous devons formuler à l'endroit de nos collègues du côté ministériel qui, en d'autres circonstances, ont souvent été de bon commerce avec nous, j'ose espérer que cette mauvaise expérience n'imprégnera en aucune manière les travaux que nous ferons au cours de la présente journée pour l'examen des crédits du ministère appelé de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député d'Argenteuil. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission... M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je ne peux pas passer sous silence les paroles - surtout les dernières paroles -qu'a prononcées le député d'Argenteuil sur l'attitude qu'ont eue les membres du côté ministériel par rapport à la commission qu'on a tenue au mois d'octobre dans le but d'entendre des représentants du monde universitaire sur la situation financière, la proposition de cadre financier qui nous a été présentée par le ministère.

Je pense qu'il est important de dire que l'objectif premier de la commission qui a été tenue au mois d'octobre était d'entendre des représentants du monde universitaire et des grandes associations, des représentants des professeurs et des étudiants. Cette commission a rempli son mandat, c'est-à-dire qu'elle a entendu ces grands représentants du monde universitaire. Il est important de dire que jamais, M. le Président, il n'a été entendu que nous rencontrerions de façon systématique toutes les universités du Québec, toutes les universités qui oeuvrent et qui existent au Québec. Jamais nous n'avons eu d'entente à ce propos. Je pense que c'est important de le dire. (11 h 30)

Ce qui a été convenu, c'est que nous examinerions la possibilité d'entendre des représentants des universités du Québec après avoir fait une évaluation du travail de la commission. C'est ce que nous avons fait, M. le Président. Je pense que nous avons fait une évaluation très sérieuse du travail accom-

pli par la commission. Nous avons pris note également du rapport qui a été fait par le ministre de l'Éducation et nous avons enregistré le fait que le ministre s'engageait à consulter les universités cette année sur la proposition de cadre de financement des universités.

Était-il important, dans ce contexte, d'entendre toutes les institutions universitaires dès le mois de janvier? Nous avons jugé qu'il n'était pas opportun, dans ce contexte, de le faire. L'Opposition, c'est évident, son objectif - c'est comme cela que nous l'avons interprété - était d'entendre toutes les institutions dans le but non plus d'accomplir le mandat de cette commission, mais plutôt de faire un inventaire des besoins financiers et des besoins en équipements de toutes les universités du Québec.

Je pense que l'Opposition, M. le Président, voulait nettement dépasser le mandat que s'était donné cette commission. Nous ne refusions pas d'entendre toutes les institutions, mais nous préférions attendre que la consultation ait lieu et que la commission puisse entendre les conclusions, les rapports de cette consultation qui, normalement, doit être en cours.

Donc, M. le Président, c'est plutôt dans le but de respecter le mandat de la commission et de ne pas entrer, de ne pas faire le jeu de l'Opposition qui est un jeu systématique de démolition de tout ce que fait le gouvernement. Nous l'avons bien vu par les propos tenus par le député d'Argenteuil. Le député d'Argenteuil, au lieu de féliciter le gouvernement pour les décisions qui ont été prises par rapport à l'augmentation des budgets des universités... Je dois constater que le ministère a répondu aux voeux exprimés par les grandes associations qui sont venues nous rencontrer au mois d'octobre. Cela, il faut le souligner, parce que le député d'Argenteuil ne l'a pas souligné.

Je constate que le seul voeu auquel on n'a pas répondu, c'est celui de l'ajout d'un montant de 11 000 000 $ au financement de 1984-1985. Mais je dois dire que, sur tous les autres éléments, que ce soient le financement des clientèles additionnelles, le financement pour le développement des universités, le financement des équipements, le financement des équipes de recherche, les immobilisations - il y a un plan d'immobilisation extrêmement important pour le développement de l'Université du Québec à Montréal qui va profiter à toute la région de Montréal, y compris la région de Laval que j'ai le plaisir de représenter - ceci n'a pas été du tout souligné par le député d'Argenteuil. Le député d'Argenteuil s'est contenté de critiquer. Je le comprends, il n'avait pas grand-chose à dire. Alors, il fallait qu'il insiste beaucoup sur la division, la décision qui a été prise de diviser le ministère de l'Éducation en deux.

Moi, ce que j'ai lu, M. le Président, c'est ceci. À peu près tous les observateurs de la scène - les observateurs sérieux de la scène - du monde de l'éducation ont souligné avec bienvenue, avec beaucoup d'intérêt cette division du ministère de l'Éducation en primaire-secondaire et postsecondaire. Le député d'Argenteuil a pris beaucoup de temps pour critiquer cette décision sans apporter tellement d'argumentation de fond sur cette critique, tout simplement en reprochant au gouvernement de ne pas avoir présenté une thèse universitaire pour démontrer le bien-fondé de cette division qu'à peu près tout le monde a constaté sans la nécessité d'avoir un rapport de 200 pages pour justifier une telle décision.

Je dois souligner une autre incohérence de la part du député d'Argenteuil qui, d'une part, reproche au gouvernement de diminuer les budgets du côté du collégial cette année, alors qu'il souligne à peine le fait que le gouvernement augmente substantiellement les budgets du côté universitaire. L'an passé, il faisait exactement le reproche inverse: de ne pas toucher au budget du côté collégial, mais de toucher au budget du côté universitaire.

Également, il y a cette autre incohérence: je me souviens, lorsqu'il était chef de l'Opposition, pendant la campagne de 1980, il insistait beaucoup sur la nécessité de réduire les dépenses du gouvernement, sur la nécessité de réduire le déficit gouvernemental. Or, aujourd'hui, on l'entend beaucoup insister sur la nécessité d'augmenter les ressources partout, d'augmenter les budgets. Il faudrait à un moment donné, qu'il nous explique la cohérence de ses propos: d'autre part, la nécessité de maintenir, de contenir et même de réduire le déficit gouvernemental et, d'autre part, la nécessité d'augmenter les ressources partout dans le monde de l'éducation, puisqu'on touche à cette question aujourd'hui. Quand on regarde le programme du Parti libéral, on veut à la fois diminuer le déficit et augmenter les budgets partout, dans tous les domaines. Il faudrait, à un moment donné, que le Parti libéral nous indique comment il se situe par rapport à ce problème. Quant à moi, c'est une question de véritable incohérence qui, il faut le constater, se manifeste, encore une fois, du côté de l'Opposition.

M. le Président, je pense qu'il est important de faire cette mise au point devant les nombreuses accusations qui ont été portées par le député d'Argenteuil sur l'attitude et le comportement du côté ministériel par rapport à la commission parlementaire qui a été tenue au mois d'octobre dernier.

Le Président (M. Cnarbonneau): Merci, M. le député de Fabre. Est-ce qu'il y a

d'autres membres de la commission qui veulent faire des remarques préliminaires? Dans ce cas, je vais demander au ministre s'il a des commentaires à ajouter, après quoi on entreprendra la partie proprement dite du contenu des crédits.

M. Yves Bérubé (réplique)

M. Bérubé: M. le Président, je dirais qu'il y a des éléments amusants dans l'intervention du député d'Argenteuil. Ils seraient amusants si la société québécoise voyait l'intervention du député d'Argenteuil comme celle de quelqu'un qui va passer 500 ans de sa vie dans l'Opposition et qui n'a aucune aspiration à diriger le Québec. À ce moment, évidemment, il peut dire n'importe quoi, c'est sans importance et on peut s'amuser de ses propos. Si, par contre, le député d'Argenteuil envisage un jour d'assumer la relève au niveau de la direction de l'État, à ce moment, son discours est nettement plus triste et il est marqué au coin de l'incohérence la plus totale.

Ainsi, n'importe quel journaliste ayant suivi les débats des crédits... Nous avons l'avantage de survenir un peu en bout de piste et, par conséquent, on a toutes les autres commissions qui ont examiné ou commencé à examiner les crédits de divers ministères. Que retiendrait l'observateur dit impartial de l'intervention du député d'Argenteuil ou, encore, des interventions de certains autres députés à d'autres commissions? Premièrement, il est clair qu'il n'a pas suffisamment de ressources injectées au niveau des budgets universitaires. Indéniablement, toute l'intervention du député d'Argenteuil va dans ce sens. De plus, au niveau collégial, c'est également la même chose. Que dire des frais de scolarité qu'il ne faut pas hausser? Que dire de l'insuffisance des sommes consacrées aux immobilisations collégiales et universitaires? Que dire de l'absence de ressources que le gouvernement aurait dû injecter pour augmenter le personnel enseignant dans nos universités? Que dire des 400 $ qu'on aurait dû verser à ce professeur qui a dû acheter des livres, ce qu'évidemment son salaire de 50 000 $ ne lui permet pas de faire?

Évidemment, il n'est pas le seul. Nous avons eu droit à la même jérémiade dans le domaine de la santé. N'est-ce pas qu'au dire de tous les députés libéraux, députation libérale il faudrait injecter beaucoup de ressources dans le domaine de la santé et -le nombre de lits? À l'heure actuelle, on pourrait sortir des patients des corridors et les mettre dans des conditions beaucoup plus intéressantes pour recevoir des soins de santé. L'équipement hospitalier est vétuste. Le gouvernement est fautif de ne pas avoir injecté des sommes aussi importantes que celles que va injecter le Parti libéral dans nos hôpitaux s'il prend le pouvoir!

Évidemment, notre santé est déplorable parce que nous ne consacrons que 1 % de notre budget à l'environnement. Tout le monde le sait, c'est ce que la députée, Mme Bacon, a souligné en commission parlementaire et qui a fait la manchette des journaux.

Ah! mais la voirie! On a entendu parler tant et tant de l'insuffisance du budget de la voirie, n'est-ce pas? Il n'y a pas suffisamment de routes dans l'Estrie, voyons donc! Quand est-ce qu'on va avoir la route 55, la route 62, la route 74 et allons donc? Alors, là!

Mais ils vont trouver quand même des compressions majeures. On va réduire le nombre de voyages au ministère de l'Énergie et des Ressources. Alors, je vous dis qu'on va en faire des économies. Avec cela, on va financer tous les lits d'hôpitaux, toutes les universités et l'équipement, y compris les 400 $ de livres du professeur mal pris. Ah voilà! Par deux ou trois économies de bout de chandelle, imaginez, à la suite de travaux de recherche en profondeur par le Parti libéral, on va injecter toutes les ressources qu'on prétend devoir injecter dans l'éducation universitaire, le collégial, le primaire et le secondaire, les prêts-bourses, la santé, les frais de scolarité, l'environnement, la voirie. J'en oublie certainement parce que je n'ai pas pu assister à toutes les commissions parlementaires.

J'oublie une commission parlementaire, celle des Finances. N'est-ce pas que la taxation est beaucoup trop élevée au Québec? J'oublie également les remarquables graphiques du député de Vaudreuil-Soulanges concernant la croissance explosive du déficit qu'il nous faut combattre avec la dernière des énergies.

Voilà la cohérence de l'Opposition libérale! Vous m'injectez pas assez de dépenses partout, vous taxez trop, et de plus, votre déficit est trop élevé. Essayez donc de concilier cela. Il n'y a pas un citoyen au Québec qui ne sait pas que, si ses revenus baissent - parce que, effectivement, en taxant moins nos revenus vont baisser -s'il augmente ses dépenses et que, déjà, il a de la difficulté à arriver, il va avoir de très gros problèmes avec son banquier. Voilà le genre de cohérence ou d'absence de cohérence auquel on a eu droit par cette magnifique intervention du député d'Argenteuil qu'il faut insérer dans l'ensemble des interventions des députés de l'Opposition pour dire que tout ce qu'ils nous ont dit, c'est de la foutaise, totalement et intégralement.

M. le Président, c'est vrai que nous n'avons pas toutes les ressources que nous aimerions avoir et, par conséquent, ce dont il faut discuter, c'est de là où nous

consacrons nos ressources. Fait-on bien de les consacrer à accroître l'accessibilité en finançant les clientèles additionnelles? Ou devrait-on plutôt les investir pour améliorer la qualité du système? Voilà de bonnes questions qu'il faut se poser. Voilà ce qu'un parti d'Opposition consciencieux, qui aspire à prendre le pouvoir, poserait comme questions, indiquant clairement les possibilités et les choix qu'il ferait.

Avons-nous entendu parler de choix? Non, on n'a entendu parler que d'une seule chose: les choix qui n'ont pas été faits, non pas ceux qui ont été faits. Par conséquent, tout le discours du député d'Argenteuil est marqué au coin de l'irresponsabilité sociale, comme le discours d'à peu près tous ses collègues de l'Opposition libérale. Une journée, on va nous dire: Ce gouvernement pratique un interventionnisme éhonté, parlant d'actions structurantes orientant les institutions dans un sens donné. D'autre part, lorsque le même gouvernement, évidemment, souligne à des professeurs du collège du Vieux-Montréal qu'effectivement il appartient au conseil d'administration et à la direction de gérer le fonctionnement interne du collège, là, on nous accuse de manquer d'interventionnisme. (11 h 45)

Eh bien, M. le Président, non, quand nous avons des sommes à injecter et que nous n'en avons pas pour répondre à tous les besoins, nous devons faire des choix. Ce n'est pas de l'interventionnisme, c'est choisir là où nous voulons faire porter les ressources additionnelles. Une fois que ces ressources sont rendues disponibles, nous ne nous mêlons pas de la gestion, nous laissons les intervenants gérer leur réseau.

Le choix que nous avons fait dans le cas de l'action structurante, il est simple; il est reconnu par tous les intervenants que, là où le Québec a pris du retard dans le domaine des études avancées, c'est au niveau des études de deuxième et de troisième cycles dans les secteurs de la science, du génie et des mathématiques. La commission, le sommet qui s'est réuni pour discuter de microélectronique à Montréal nous rappelait d'ailleurs l'écart très important existant entre le nombre de docteurs en sciences formés au Québec, compte tenu de notre population, avec le nombre formé ailleurs au Canada, et soulignait que nous prenions un retard. Donc, nous avons identifié ces secteurs pour y injecter davantage de ressources. Quel mal y a-t-il, ayant reconnu une carence, de décider d'injecter des ressources à cet endroit?

Deuxièmement, comment le faisons-nous? C'est vrai que nous ne le faisons pas par le biais du FCAR, entre autres, peut-être parce que le FCAR a beaucoup trop dilué son financement. Une équipe de recherche présentement financée par le

FCAR reçoit en moyenne autour de 16 000 $ à 18 000 $. C'est nettement insuffisant pour regrouper quinze, vingt, trente étudiants gradués dans un secteur donné pour assurer un encadrement véritablement valable. Ce n'est pas à la blague que j'ai souligné qu'en moyenne il faut 7,7 années pour former un docteur au Québec; c'est une période beaucoup trop longue et qui caractérise une insuffisance de l'encadrement, une mauvaise rétention des étudiants, d'où des problèmes structurels.

Nous recommandons que les professeurs d'université regroupent leurs forces, se définissent des créneaux de manière à pouvoir offrir à un étudiant gradué le type d'encadrement dont il a besoin, c'est-à-dire d'au moins vingt à trente étudiants gradués oeuvrant dans le même centre de recherche. On ne parle pas de champs généraux de recherche, mais de champs suffisamment pointus pour qu'il y ait une véritable interaction entre ces jeunes chercheurs qui ont besoin les uns des autres pour finalement puiser à même une science en émergence les éléments nouveaux qui vont leur permettre éventuellement d'obtenir un diplôme de doctorat qui reconnaît une contribution originale en recherche.

Donc, nous avons choisi d'injecter non pas 16 000 $ par équipe, mais 200 000 $, 300 000 $ 400 000 $ par équipe. Évidemment, c'est 10 à 20 fois de plus que le FCAR, mais c'est uniquement dans la mesure où nous nous sommes imposé cette contrainte de limiter le nombre d'équipes que nous évitons le morcellement qui a fait en sorte que, finalement, le financement de la recherche universitaire au Québec a peut-être permis une espèce de dispersion qui rend l'encadrement plus difficile.

Donc, le dirigisme a consisté à dire: Nous voulons donner des sommes suffisamment importantes pour développer des créneaux d'excellence, premièrement, et nous voulons ces créneaux d'excellence dans les secteurs où le Québec, tel que tous le reconnaissent, a pris du retard. Voilà ce qu'on appelle du dirigisme.

Lorsqu'on parle de compression, on peut faire la comparaison entre le réseau collégial et le réseau universitaire. Si on regarde de 1978-1979 à nos jours, 1984-1985, disons, l'enseignement universitaire a connu une compression qui représente à peu près 26 % de son enveloppe. C'est exact. Les données du député d'Argenteuil ne sont pas erronées, elles sont exactes. Elles ont d'ailleurs été soumises en commission parlementaire. Pourquoi s'est-on imposé un tel effort de compression? Premièrement, parce que nous n'avions pas les ressources; deuxièmement, parce que, comparant les coûts unitaires pour la formation universitaire au Québec avec ceux de nos voisins, nous avions constaté qu'il nous en coûtait beaucoup plus par

étudiant qu'ailleurs. Était-ce parce que cela permettait une plus grande accessibilité aux études avancées? Non, notre accessibilité était même inférieure. Était-ce parce que nous avions développé une telle qualité que cela se matérialise sous forme d'un plus grand nombre de maîtrises et de doctorats? Non, les études avancées étaient nettement en retard au Québec. Donc, nous nous sommes dit qu'à qualité comparable il n'y avait pas de raison qu'il nous en coûte plus cher. Nous avons donc demandé aux universités d'accueillir tout près de 40 000 étudiants de plus sans véritablement de financement nouveau. La conséquence est qu'aujourd'hui l'accessibilité aux études avancées est nettement meilleure. Elle est passée au collégial, par exemple, de 41 % à 54 %. Aux universités, je pense que c'est de l'ordre de 17 % à 25 %. Donc, nous avons permis à beaucoup plus de nos jeunes Québécois de réaliser des études avancées. Non seulement nous leur avons permis de le faire à un coût qui n'augmentait pas en flèche, mais nous constatons en même temps que la performance au niveau des études supérieures s'est améliorée. Donc, on ne peut pas a priori prétendre que le système s'est détérioré au point que la qualité soit menacée. Non pas non plus qu'on doive dire qu'il n'y a pas de problème, qu'il ne manque pas à certains endroits d'équipement scientifique, particulièrement au niveau du premier cycle.

Au niveau collégial - je n'ai pas les données statistiques sous les yeux, je les avais tantôt - je pense que c'est tout près de 56 000 000 $ que nous allons investir cette année dans le renouvellement de l'équipement scientifique: 57 000 000 $: 16 000 000 $ en budget général, 24 000 000 $ qui viennent de la caisse d'accroissement, 2 500 000 $ qui viennent pour le financement des nouveaux programmes, 2 000 000 $ en révision de programmes, 8 400 000 $ dans des disciplines reliées au virage technologique et 3 400 000 $ pour introduire des microordinateurs dans nos collèges; 57 000 000 $ pour de l'équipement destiné à l'enseignement.

Ce sont des sommes fort raisonnables et, si je ne m'abuse, au niveau universitaire, on doit atteindre à peu près autour de 54 000 000 $ en 1985-1986 également. Des sommes considérables pour injecter de l'équipement scientifique; pourrait-on en injecter davantage? Oui, sans doute. Devrait-on en injecter davantage? Oui, sans doute. À quel prix? Et voilà que l'Opposition libérale refuse de répondre à cette question. Ce que nous disons tout simplement, c'est que, si nous devons le prendre dans d'autres missions, nous estimons avoir réalisé un certain équilibre et nous ne voulons pas aller plus loin que cela. Par conséquent, nous devons espérer devoir disposer de ressources additionnelles si nous voulons injecter des sommes. Qu'est-ce que cela donne quand je regarde les deux réseaux? Donc, 25,6 % de compression d'enveloppe sur la période mentionnée. Au niveau collégial, 16 %. C'est-à-dire que les compressions imposées au réseau collégial sous forme d'accroissement de tâches, de réduction salariale, de diminution des effectifs, ont représenté environ 107 000 000 $ sur une enveloppe de 675 000 000 $, c'est-à-dire 16 %.

Je dois donc tirer la conclusion que le réseau collégial n'a pas eu à assumer un effort de compression aussi élevé que le réseau universitaire. Aurait-il dû assumer un effort plus grand? Honnêtement, je l'ignore, M. le Président, car nous n'avons pas de barème de comparaison puisque le réseau collégial est absolument unique au Québec et qu'en conséquence il est très difficile de savoir quel devrait être un coût raisonnable au niveau de l'enseignement collégial.

Une chose que je sais cependant, c'est que, si j'ai des coûts unitaires au niveau universitaire de l'ordre de 7000 $ et de 5000 $ au niveau collégial, cela camoufle une réalité car, au niveau universitaire, nous avons des études avancées qui coûtent beaucoup plus cher que les études de premier cycle. On doit tirer la conclusion à l'heure actuelle que, probablement au niveau du premier cycle, il en coûte aussi cher au niveau collégial qu'au niveau universitaire et que, par conséquent, il n'y a pas véritablement de raison de ne pas imposer certaines compressions au réseau.

Les compressions qui ont été imposées au réseau collégial ont été des compressions identiques à celles imposées partout ailleurs. Ce ne sont pas des compressions particulièrement dures pour ce réseau; ce sont les mêmes qu'ailleurs: non-indexation des dépenses autres que salariales. Nous avons levé ces compressions au réseau universitaire parce que nous estimions que notre coût unitaire avait pris un peu de retard par rapport à celui de nos voisins. Nous injectons - et là-dessus le député d'Argenteuil a raison - 36 000 000 $, 37 000 000 $ pour les clientèles inscrites en septembre 1984, dois-je dire. C'est-à-dire qu'il s'agit de ressources additionnelles pour couvrir les clientèles qui sont déjà là. À quoi vont servir ces 36 000 000 $? Eh bien, si le député d'Argenteuil attache la moindre importance à son accusation concernant le dirigisme ou l'interventionnisme d'État, je lui dirais: Les 37 000 000 $ peuvent servir, oui, à engager de nouveaux professeurs et même pas mal de nouveaux professeurs.

En effet, il s'agit de sommes additionnelles pour financer les clientèles qui se sont inscrites en septembre 1984, qui sont là présentement. Donc, il s'agit de ressources

additionnelles qui peuvent servir à améliorer le genre de services que l'on donne aux étudiants inscrits en ce moment. M. le Président, 37 000 000 $ de ressources additionnelles, vous en engagez des professeurs. Je vous dirais même que vous allez manquer de professeurs parce que vous n'aurez pas les ressources humaines disponibles pour un tel effort. Vous allez pouvoir en acheter des livres à ce professeur qui a dû débourser 400 $ sur un salaire de 50 000 $ pour se procurer quelques livres. Oui, on va pouvoir injecter pas mal de livres dans les bibliothèques.

M. le Président, 37 000 000 $ de plus pour financer les clientèles qui sont présentement en place, cela nous permet de réaligner nos coûts unitaires à un palier qui va être très voisin de celui de nos concurrents.

Par conséquent, ce que l'on peut dire sans qu'il y ait d'absolu dans le domaine, c'est que nous avons un bon réseau, qui forme bien nos étudiants, à un coût raisonnable. Nous pourrions dire que nous aimerions avoir plus de ressources, mais nous ne les avons pas. À ce moment-là, il faut discuter pour savoir comment on alloue les ressources et non pas faire comme l'Opposition libérale et dire: II en faut plus partout, tout en payant moins d'impôt et surtout en ne faisant pas porter à nos enfants le fardeau d'un déficit inacceptable, car le seul discours que nous a tenu le député d'Argenteuil aujourd'hui, c'est exactement celui-là: c'est celui de l'irresponsabilité sociale.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je constate que le ministre n'a rien perdu de son arrogance et de sa suffisance. Je n'entends aucunement le suivre sur ce terrain, parce que je le trouve spécialement désagréable quand il s'engage dans cette voie. Je remarque qu'il s'est employé à lancer des affirmations générales, mais qu'il n'a réfuté aucune des affirmations précises qui sont contenues dans la critique que j'ai faite ce matin. C'est le devoir de l'Opposition, M. le Président, de faire la critique impitoyable des gestes du gouvernement. Ce n'est pas le devoir de l'Opposition, à chaque commission, de présenter un programme de gouvernement embrassant l'ensemble de la fiscalité; cela se fera à un autre niveau, quand le gouvernement dont fait partie le ministre aura le courage de se présenter devant l'électorat au lieu de passer son temps à s'esquiver comme il l'a fait depuis des mois et à retarder le Québec, empêchant un grand nombre de décisions d'être prises. Si vous voulez l'avoir, ce débat, venez dans l'arène électorale, on va vous le faire. On ne le fera pas ici.

On est venu ici pour faire un jugement sur l'action du gouvernement dans le domaine de l'enseignement collégial et universitaire et nous allons rester sur ce terrain. Je tiens à dire au ministre que ce n'est pas avec l'injection de 37 000 000 $... Je remarque que, quand il s'agit de chiffres, on s'entend de plus en plus facilement. Il y a un progrès qui a été fait de ce côté; j'en suis bien content. Pourtant, nos chiffres n'ont pas changé au cours des années. Je dis donc au ministre que ce n'est pas avec une injection de 37 000 000 $ en dernière heure, à quelques semaines des élections, que vous allez nous empêcher de discuter de la performance de votre gouvernement au cours des quatre dernières années et demie. C'est cela qu'on fait. Vous ne pouvez pas couper cette petite opération de dernière heure de tous les dégâts qu'ont infligés les politiques antérieures. Quand on signale ces faits, je ne pense pas qu'on fasse de la démagogie; on reprend des termes qui ont été évoqués à maintes reprises par des organismes et des personnages sérieux et respectés.

Même s'il y en a qui n'avaient pas fait leur devoir, ce serait notre devoir de le faire. Je ne vois pas pourquoi toutes vos accusations d'incohérence, de ceci et de cela, franchement, je les trouve parfaitement incohérentes, pour être franc. C'est notre devoir de faire cela et, en fin de compte, quand on présentera un programme de gouvernement, on fera la synthèse que vous demandez, on ne la fera pas pour satisfaire chaque petit maître d'école qui passe par les différentes commissions en se présentant comme porte-parole du gouvernement, je tiens à vous dire cela.

Maintenant, je vous donne juste un exemple de ce que je dis; si vous m'accusez d'incohérence et d'irresponsabilité, vous embrassez un paquet de monde dans votre accusation. Si c'était seulement de moi, passe encore. Je pense que l'expérience a démontré que j'étais capable de me défendre et de survivre à bien des intempéries. Mais là, c'est parce que vous attaquez un paquet de monde. Prenez le secteur des collèges. Vous dites: Tout ce qu'il dit ne tient pas debout. Je regarde ce que la Fédération des cégeps a conclu, à une assemblée récente où elle a discuté du programme de financement du gouvernement pour 1985-1986. Elle dit ceci et c'est extrait de son bulletin daté du 16 avril 1985, c'est tout récent: "Les compressions budgétaires proposées par le gouvernement sont inacceptables et inapplicables pour le réseau des cégeps. Cette conclusion tirée d'une analyse du projet gouvernemental amène la fédération à poursuivre ses actions dans le but d'amener le gouvernement à réviser sa politique budgétaire, à proposer une solution globale au problème du financement des

établissements collégiaux. Elle s'appliquera donc - la fédération - à dénoncer auprès du gouvernement le caractère inacceptable des compressions envisagées."

C'est pas mal de monde, je pense qu'il y a 46 cégeps dans la province de Québec, c'est leur fédération qui parle en leur nom. Ce n'est pas toute une bande de fous et d'irresponsables.

Vous dites cette année des choses qu'on vous disait l'an dernier. L'an dernier, vous disiez que c'était fou et incohérent et vous le faites cette année. Vous vous rappelez quand on vous a dit: Gelez la tâche des enseignants au primaire et au secondaire. Vous êtes venus vous balader en pleine Chambre en disant: Cela ne tient pas debout, on ne le fera pas et il n'en est pas question. Deux semaines après, vous disiez: On va avoir le gel de la tâche des enseignants, après que le Conseil supérieur de l'éducation vous eut mis sous les yeux des faits qui étaient connus de tout le monde depuis un bon bout de temps.

Organisation des travaux

Je ne veux pas continuer le débat dans cette voie, cela ne me donnerait rien. Je maintiens les affirmations qui étaient contenues dans mon exposé liminaire. Je crois comprendre que le ministre maintient les siennes et je voudrais qu'on engage le plus tôt possible la discussion sur une série de points dont je voudrais peut-être vous proposer une liste pour assurer un peu d'ordre et de cohérence, parce que cela semble un souci cher au ministre dans le déroulement de nos discussions.

Je vais vous donner une liste, M. le Président, et si le ministre veut bien l'accepter. S'il y a des propositions à faire par nos collègues, je n'ai pas du tout d'objection. C'est une proposition que je vous fais. Je crois comprendre que nous avons la séance de ce matin, une séance cet après-midi et une séance ce soir. À la séance de ce soir, il faut réserver à peu près une heure à la fin pour l'étude des crédits de l'Office des professions. Je proposerais ceci: c'est que le reste de la séance de ce matin et la séance de cet après-midi soient consacrés à l'étude des universités; que la première partie de la séance de ce soir soit consacrée à l'étude des collèges et que la dernière partie soit consacrée à l'Office des professions. Si vous étiez d'accord là-dessus...

M. Bérubé: Référez-vous au député de Saint-Laurent.

M. Ryan: Cela nous intéresse. Il y a des problèmes sur lesquels je vais l'accompagner.

Le Président (M. Charbonneau): Cela val Vous n'avez pas d'objection de part et d'autre?

M. Ryan: Si vous n'avez pas d'objection à ceci, je vous proposerais peut-être une liste de sujets.

M. Bérubé: M. le Président, nous nous sommes renseignés sur l'organisation des travaux et, comme on nous avait indiqué l'inverse, c'est-à-dire les collèges en premier et les universités ultérieurement, nous avons fait venir les gens des collèges immédiatement. Donc, je suis présentement entouré de tous ceux qui ont les données pour répondre aux questions, j'espère, cohérentes du député d'Argenteuil sur les collèges.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, il y a peu de personnes ici qui vous entourent qui sont dans le réseau universitaire, qui sont concernées par...

M. Bérubé: Non, nous avons consulté d'ailleurs les intervenants de cette commission et c'est sur la base de cette consultation que nous avons convenu que les représentants des collèges m'accompagneraient au début.

Le Président (M. Charbonneau): J'ignore à qui on a parlé. On n'a certainement pas parlé au président de la commission, mais, de toute façon, s'il n'y a pas d'objection...

M. Ryan: Je ne sais pas, vous entendez peut-être des voix, mais il n'y a pas eu d'échange là-dessus.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): J'aurais quelques questions au niveau de l'enseignement collégial sur les sciences spécialisées.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord, M. le député d'Arthabaska. La seule chose, c'est que je voudrais terminer la discussion sur l'organisation des travaux. Une fois qu'on se sera entendu, dès qu'on sera rendu à ce point à l'ordre du jour, je réserve du temps de parole pour vous.

M. Baril (Arthabaska): Parce qu'on disait qu'on parlait juste des universités.

Le Président (M. Charbonneau): Non, on va parler des collèges et des universités, il s'agit de savoir par quoi on commence.

M. Baril (Arthabaska): D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): Donc, devant le problème qui nous est posé par le

ministre, est-ce que, M. le député d'Argenteuil, vous pouvez engager la discussion maintenant sur...

M. Ryan: Je demanderais une suspension de cinq minutes pour m'entendre avec mes collègues, parce qu'on avait prévu suivre la procédure contraire. Je n'ai pas d'objection de fond à ce que nous fassions cela, mais...

Le Président (M. Charbonneau): On va suspendre les travaux quelques minutes le temps qu'on fasse les ajustements nécessaires. On suspend pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 12 h 10)

Le Président (M. Charbonneau): Si j'ai bien compris les discussions que nous venons d'avoir durant la suspension, je pense que, de part et d'autre, on s'entendrait pour ajourner maintenant les travaux après la période de questions et les reprendre suivant l'entente et l'ordre qui ont été convenus entre le ministre et le porte-parole de l'Opposition. Cela va?

M. Bérubé: M. le Président, effectivement...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Ce n'est pas un dortoir ici, c'est une commission parlementaire.

M. Bérubé: M. le Président, vous pourriez peut-être demander si on dérange l'auditoire...

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que j'ai été assez clair, M. le ministre, à cet égard. Je pense que les gens semblent oublier parfois qu'ils sont dans un Parlement.

M. Bérubé: Alors, M. le Président, compte tenu des demandes qui nous sont faites et du temps qu'implique finalement l'appel au personnel qui viendrait répondre aux questions entourant les programmes des universités, dans la mesure où on s'était préparé pour faire le programme 5 avant le programme 6, dans un certain souci de cohérence, nous n'avons pas d'objection, cependant, vu l'état d'esprit de l'Opposition, à commencer par le programme 6 et à finir par le programme 5. Cela implique cependant que nous puissions suspendre la séance jusqu'après la période des questions, effectivement.

Le Président (M. Charbonneau): Sans plus tarder, on va faire cet ajournement avant que cela ne dégénère. Donc, les travaux de la commission sont ajournés jusqu'après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 15 h 26)

Le Président (M. Charbonneau): La commission parlementaire de l'éducation et de la main d'oeuvre reprend ses travaux et son mandat, qui est l'étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Si j'ai bien compris l'entente prise ce matin, nous aborderions d'abord, cet après-midi, l'étude du dossier de l'enseignement universitaire. Je cède la parole au vice-président de la commission, le député d'Argenteuil, le critique officiel.

M. Ryan: Je voudrais qu'on fasse le contrôle du temps pour commencer, M. le Président, pour savoir où nous en sommes et combien de temps il nous reste exactement.

Le Président (M. Charbonneau): Nous allons vous dire ça dans...

M. Ryan: Combien avons-nous écoulé du temps qui nous était accordé?

Le Président (M. Charbonneau): II nous reste cinq heures trente, on a pris deux heures sur sept heures trente d'étude de crédits; nous avons une heure allouée au député de Saint-Laurent pour l'Office des professions - je sais que ça nous fait un grand plaisir à nous également - et, donc, il nous resterait quatre heures pour les autres sujets. C'est-à-dire la séance de cet après-midi, quatre heures, quatre heures et demie, en fait. Il est 15 h 30.

M. Ryan: Cet après-midi, je voudrais savoir jusqu'à quelle heure nous siégeons? Je pense que nous allons jusqu'à 18 heures.

Le Président (M. Charbonneau): C'est parce qu'il y a un caucus à 18 heures.

M. Ryan: Cela veut dire que nous avons deux heures et demie cet après-midi, ça va faire quatre heures et demie. Il va rester deux heures ce soir pour les collèges ou universités et une heure pour l'Office des professions; cela veut dire trois heures ce soir.

Le Président (M. Charbonneau): C'est cela.

M. Bérubé: L'Office des professions. M. Leduc pourra nous poser deux ou trois questions par écrit et on pourra lui fournir

les réponses.

M. Ryan: C'est parce que je veux savoir à quoi m'en tenir exactement. Cela veut dire qu'on accepterait, des deux côtés, de siéger au besoin jusqu'à 23 heures, de 20 heures à 23 heures.

Le Président (M. Charbonneau): En fait, j'ai l'impression que, si j'ai bien compris les remarques ou les réponses du ministre ce matin, il y aurait un accord ou un consensus pour compléter la période allouée initialement, c'est-à-dire sept heures trente, je crois. Ce matin, on a dû interrompre pour régler des problèmes d'intendance. À ma connaissance, on devait reprendre ce temps-là ce soir; donc, si personne n'a d'objection, on finirait vers 22 h 30, 22 h 45, selon...

M. Ryan: On a perdu du temps cet après-midi encore.

Le Président (M. Charbonneau): II est 15 h 30, si on commence maintenant...

M. Ryan: On est prêt, nous autres.

Le Président (M. Charbonneau): ...on n'en perdra plus. Cela va?

Enseignement universitaire

M. Ryan: Très bien. Au sujet des universités, je voudrais peut-être énumérer une série de sujets sur lesquels nous avons des questions à poser, pour que le ministre ait un peu l'idée de l'ordre de grandeur dans lequel nous évoluons et que, espérons-nous, ça conditionne la longueur de ses réponses en conséquence.

Une voix: On entend très mal. M. Ryan: Oui, c'est un problème.

Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de système d'amplification...

M. Ryan: On va essayer de parler plus fort.

Le Président (M. Charbonneau): ...d'une part. D'autre part, à cause de cela, je demanderais à nos invités, en fait les gens qui assistent à la commission parlementaire, d'être le plus silencieux possible dans la mesure où cette salle n'est pas celle qu'on avait ce matin et dans la mesure du possible, si les gens pouvaient éviter un abus de nicotine, cela aiderait tout le monde.

Une voix: Sûrement.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député d'Argenteuil.

M. Bérubé: M. le Président, il y a là une atteinte à l'équilibre budgétaire à laquelle vous devriez être sensible, compte tenu des demandes empressées de l'Opposition pour qu'on dépense davantage.

Le Président (M. Charbonneau): Le ministre des Finances...

La contribution fédérale au financement des universités

M. Ryan: Une première question à propos du rapport Johnson, le rapport que M. Al Johnson, ancien président de Radio-Canada et ancien sous-ministre fédéral des Finances, a publié au mois de mars, à la demande du gouvernement fédéral, sur la contribution fédérale au financement des universités. Je lisais dans ce rapport qu'un gros problème se pose pour le gouvernement fédéral. C'est celui de la destination des fonds qui sont versés aux provinces pour les fins du financement universitaire.

Le Québec n'a pas été inclus dans les provinces à qui le commissaire adresse des reproches, mais on a constaté que, dans plusieurs provinces, la part du gouvernement provincial au financement des universités est devenue bien inférieure à celle qui émane des contributions fédérales, alors qu'au début le principe était qu'il y avait une certaine correspondance moitié-moitié entre la contribution du gouvernement fédéral et celle des provinces. Il est vrai que le gouvernement fédéral a laissé tomber ce principe en 1977 et qu'on est entré dans une période où il ne s'exerçait plus de contrôle strict sur le volume de la part des provinces, mais, depuis ce temps-là, le gouvernement fédéral a dû tenir compte d'un mouvement d'opinion très fort à travers le Canada. C'est ce qui l'a amené à adopter la loi C-12, l'an dernier, qui déjà ouvre la porte à des contrôles plus astreignants de ce point de vue.

Le commissaire Johnson recommande dans son rapport ceci, entre autres. Il recommande que le gouvernement fédéral continue de verser des subventions pour le financement des universités. Il recommande qu'au lieu que ces contributions soient variables selon les humeurs du gouvernement ou son appréciation des besoins, elles augmentent régulièrement selon le taux d'accroissement du PNB. M. Johnson recommande aussi que les contributions du gouvernement fédéral n'augmentent qu'en proportion des contributions que les provinces voudront mettre dans le financement de leur enseignement universitaire. Il dit, d'autre part, que la contribution fédérale ne pourrait pas augmenter au-delà du taux d'accroissement du PNB. Il veut fixer un plafond parce qu'il ne veut pas se retrouver dans une situation découverte comme celle qui a existé au temps où cela était 50-50

sans limite.

Alors, je veux demander au ministre si le gouvernement québécois, et surtout lui-même, à titre de ministre de l'Enseignement supérieur, a pris connaissance de ce rapport de M. Johnson et a fait des représentations au gouvernement fédéral à ce sujet. Il y a beaucoup d'autres recommandations dont on pourra parler, mais je veux savoir où en est le gouvernement dont fait partie le ministre sur cette question précise.

M. Bérubé: Nous avons eu déjà plusieurs rencontres de travail au niveau ministériel entre les ministres de l'Éducation et le Secrétaire d'État, d'une part. Ces questions ont été abordées. Nous n'avons pas encore soumis de mémoire formel dans la mesure où, disons, cette question a été ajoutée aux nombreuses autres questions qui touchent les relations fédérales-provinciales et qu'il n'y a pas encore de position gouvernementale finale.

Soulignons néanmoins certains aspects qui font que la question posée par le rapport Johnson est une question mal posée. En effet, l'éducation est un domaine strictement de juridiction provinciale. Il est vrai que pour, je dirais, pratiquer une certaine péréquation, le gouvernement fédéral a choisi de taxer les citoyens canadiens pour verser aux provinces des contributions au financement de l'éducation. Cependant, on a toujours insisté pour que ces transferts soient inconditionnels, de telle sorte que les provinces maintiennent leur entière juridiction sur l'éducation. Et ces transferts ont toujours été vus par les ministres des Finances comme étant une contribution du gouvernement fédéral à l'équilibre budgétaire global d'une province.

Je dirais que la question est mal posée parce qu'à partir du moment où un gouvernement abuse de son pouvoir de taxation, il est aux prises avec l'utilisation des fonds qu'il a ainsi produits. La solution la plus simple, à mon point de vue, serait de continuer dans la voie qui avait été tracée et de convertir la contribution fédérale à l'éducation post-secondaire en points d'impôt puisque déjà, à l'heure actuelle, la contribution fédérale, pour autant que le Québec soit concerné, se partage à peu près moitié-moitié, de mémoire, entre transferts financiers et transferts fiscaux.

Donc, il s'agit de convertir tous ces transferts financiers en transferts fiscaux purement et simplement, en équivalents de points d'impôt, de telle sorte qu'à ce moment-là le gouvernement fédéral n'a plus à s'interroger sur la façon dont les provinces utilisent leurs taxes puisque ce sont les provinces qui taxent et ce sont les provinces qui décident de leur utilisation.

À ce moment-là, dans la mesure où les députés élus par l'électorat dans une province ne sont certainement pas moins légitimes que les députés élus à Ottawa, et pas moins incompétents, on doit tirer la conclusion qu'ils sont plus en mesure de décider ce qui est bon pour leur province et où doit être la priorité. S'ils décident de la mettre dans l'éducation secondaire, au-delà de ce qui se fait ailleurs - c'est le cas du Québec où nous injectons davantage en éducation que ne le font peut-être les autres provinces - c'est un choix de société. Si une société décide d'injecter moins, c'est son choix aussi et, à ce moment-là, l'élu local est plus en mesure de décider de ce qui est bon pour lui.

Pour vous donner un exemple des complications de la formule Johnson, prenons le cas d'une province qui aurait effectivement dépensé moins dans le domaine de l'éducation et déciderait de procéder à un rattrapage. Comme la contribution fédérale est plafonnée au PIB, à la croissance du PIB, tout effort de rattrapage d'une province ne serait donc pas couvert par le gouvernement fédéral puisque la contribution fédérale serait plafonnée au PIB, ou à la croissance de celui-ci. Conséquence: la province serait seule à devoir assumer le rattrapage, alors qu'à côté une autre province qui, dans le passé, aurait maintenu des dépenses d'éducation plus importantes aurait vu ses dépenses d'éducation couvertes par Ottawa. C'est un cas. C'est le cas d'une province qui est en retard et qui veut faire du rattrapage.

Prenons l'autre cas d'une province qui, effectivement, aurait peut-être eu tendance à immobiliser trop de ressources dans le secteur de l'éducation - compte tenu de la performance du réseau - et déciderait de ralentir. À ce moment-là, le gouvernement fédéral fait une économie puisque, chaque fois que la croissance du budget provincial est inférieure au PIB, le gouvernement fédéral ne suit pas le rythme du PIB. Il s'ensuit donc que le gouvernement fédéral vient de faire une économie quand on fait croître les budgets plus lentement que le PIB. Il fait également une économie quand on fait croître le budget plus vite que le PIB. Donc, celui qui économise dans l'opération, c'est purement et simplement le gouvernement fédéral, tout le temps.

Pourquoi est-on amené à réfléchir au problème tel que le soumet le rapport Johnson? Simplement parce que le gouvernement fédéral ne se mêle pas de ses affaires! En d'autres termes, si le gouvernement fédéral se retirait purement et simplement du financement en transférant des points de taxation aux provinces et en veillant à ce que ceux-ci soient ajustés pour tenir compte de la richesse relative et de l'importance relative de l'assiette fiscale, tout le problème ne se poserait pas puisque les provinces taxeraient aux fins qui leur

sont propres.

M. Ryan: M. le commissaire Johnson a peut-être mal posé le problème, si on s'en reporte à ce que vient de dire le ministre, mais je ne pense pas que le ministre nous avance beaucoup en ayant l'air de nier le problème. Il existe un problème véritable. À moins qu'à peu près tout ce que nous comptons au Canada de milieu intéressé à l'éducation supérieure ne soit dans l'erreur, je pense qu'on doit constater l'existence d'un très fort mouvement d'opinion à travers le pays en faveur d'une intervention fédérale dans le domaine du financement de l'enseignement post-secondaire. La raison de fond est double. D'abord, l'égalité des chances.

Dans le domaine de l'assurance-maladie, je pense qu'il faut se rendre à une vérité historique. S'il n'y avait pas eu, à un moment donné, une intervention qui était discutable à bien des points de vue, il y a peut-être des provinces qui n'auraient pas encore l'assurance-maladie de caractère public, obligatoire et universel que nous avons maintenant à travers tout le Canada. Quand le gouvernement fédéral a introduit l'assurance-maladie, s'il voulait parler de choses sérieuses, il fallait qu'il introduise certains critères. Il l'a fait. Des critères qui n'ont tué personne, qui ont aidé beaucoup à fournir des services d'assurance-maladie qui avaient de l'allure à l'ensemble de la population canadienne. C'est, par conséquent, le premier point: égalité des chances.

Le deuxième point est le niveau d'excellence auquel nous devons nous élever si nous voulons que l'enseignement supérieur au Canada soit à la hauteur des défis modernes dont vous avez parlé ce matin dans vos remarques liminaires. Je pense bien qu'il tombe sous le sens que si tout cela est abandonné complètement au financement des provinces individuelles, étant donné la grande disparité de "thought" d'une province à l'autre, on n'arrivera pas. Je ne sais pas. On peut bien nier le problème, encore une fois.

Je ne veux pas insister davantage là-dessus parce qu'il y a beaucoup d'autres sujets qu'on doit examiner. Je veux insister d'autant moins que le ministre nous a dit que le gouvernement n'avait pas encore de position officielle. Par conséquent, je ne voudrais pas avoir un cours là-dessus aujourd'hui. Cela ne donnerait rien. Je soumets simplement au ministre que j'ai l'impression qu'il simplifie peut-être le problème à l'autre extrême. Je ne dis pas que j'approuve le rapport Johnson, je n'ai pas émis d'opinion là-dessus pour l'instant, mais j'approuve fortement l'idée voulant que le gouvernement fédéral soit impliqué dans le financement de l'enseignement supérieur sous une certaine forme. C'est une réalité qui fait partie de l'histoire canadienne maintenant et ni vous ni moi n'allons l'effacer demain matin, alors autant nous demander franchement et loyalement comment cela peut être fait de la manière qui respecte le mieux les réalités des provinces.

C'est cela que j'attends de votre gouvernement; qu'il nous dise comment il réagit à cet ensemble de propositions. Il y a d'autres propositions qui peuvent aller assez loin. Je crois que le plus tôt possible on pourra avoir une position claire de votre gouvernement, le mieux ce sera pour tout le monde. Nous-mêmes, nous ferons connaître notre opinion incessamment là-dessus.

M. Bérubé: Alors, M. le Président, les deux arguments invoqués par le député d'Argenteuil portent à faux. En effet, quand on parle d'égalité des chances, on fait référence au problème de la péréquation. Il est tout à fait plausible d'ajuster des transferts fiscaux en prenant en compte la richesse relative des assiettes fiscales, ce qui se traduit par des transferts de points dits "péréquatés". Effectivement, il est tout à fait possible pour l'équilibre entre les régions canadiennes d'effectuer un transfert de points d'impôt dont l'importance relative varie selon l'importance de l'assiette fiscale d'une province. Il n'en coûte pas un cent de plus au gouvernement fédéral. Ce sont exactement les mêmes sommes qui sont transférées à la différence près, cependant, qu'évidemment on prend en compte la richesse relative d'une région. Une région plus pauvre, ayant une assiette fiscale plus petite, se voit transférer davantage de points d'impôt. Donc, à la fin, nous avons exactement atteint l'objectif d'égalité des chances, c'est-à-dire que les revenus des provinces prennent en compte leur richesse relative de manière à pouvoir assurer les services de base. Dans la mesure où elles ont le niveau de revenu adéquat, elles peuvent donc poursuivre le niveau d'excellence dont on vient de parler. Donc, les deux arguments trouvent leur réponse dans un transfert de points d'impôt "péréquatés".

Finalement, c'est cela qui est au coeur du débat. Au lieu de se retrouver avec deux administrations et les problèmes que connaît le gouvernement fédéral, à savoir l'utilisation des sommes par les provinces, on élimine le problème purement et simplement en reconnaissant qu'un député élu par des citoyens pour gérer des juridictions régionales est un citoyen aussi légitimement élu qu'un citoyen élu à d'autres fins, par exemple, aux fins dites fédérales.

Ce qui est frappant un peu dans l'intervention du député d'Argenteuil, c'est l'espèce de mépris qu'il a vis-à-vis des députés élus dans une province comme étant des députés moins sensibles aux besoins des

concitoyens, donc incapables d'utiliser les sommes dont on parle. Lorsqu'il nous parle d'un partage plus équitable de la richesse, nous en sommes et on ne conteste pas la nécessité de la péréquation. Cependant, ce qui est en cause, ce n'est pas la nécessité de la péréquation, c'est le préjugé que l'on peut avoir vis-à-vis des députés élus dans une province quant à leur capacité de bien percevoir les besoins de leurs concitoyens dans un domaine qui est de leur juridiction. Évidemment, peut-être est-ce la trop longue fréquentation de ses collègues dans son parti qui l'amène à porter un jugement aussi sévère, mais je pense qu'il ne le devrait pas.

M. Ryan: M. le Président, ce sont les raisonnements à l'envers que M. Trudeau nous servait sur les mêmes sujets, exactement à l'envers, mais j'en laisse la responsabilité au ministre. Je voudrais lui demander une simple question qui va demander une très brève réponse, je pense. Quand le gouvernement va-t-il faire connaître sa position là-dessus? Est-il capable de nous donner une date?

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: Bon. C'est cela que je voulais savoir. Il n'y en a pas actuellement et on ne sait pas quand on va en avoir une. Merci.

Deuxième question... (15 h 45)

M. French: M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Oui.

M. French: Si vous me le permettez, j'aurais une couple de questions...

Le Président (M. Charbonneau): Sur le même sujet, avant de changer de sujet?

M. French: Sur le même sujet, voilà, M. le Président. Je ne voudrais pas entrer dans le débat sur la capacité des législateurs provinciaux. Je pense que les constatations et les arguments du ministre en ce qui a trait à Québec sont tout à fait justifiés par rapport à ce qu'on peut s'attendre des députés fédéraux, mais je puis lui suggérer brièvement, ayant, en tant qu'étudiant, fait du lobbying pour les universités auprès d'un autre gouvernement provincial, qu'il n'est pas évident pour moi, malgré mes accords fondamentaux avec le ministre sur le plan constitutionnel, que tous les parlementaires provinciaux sont également capables de concevoir leurs responsabilités face aux universités.

Je voudrais aborder une autre question, celle de la recherche et de la subvention à la recherche. Je voudrais demander au ministre s'il appliquerait son argument, tel qu'il nous l'a présenté tantôt, également au domaine de la recherche.

M. Bérubé: Dans le domaine de la recherche, je pense que c'est plus difficile. D'abord en vertu du partage des juridictions entre les niveaux provincial et fédéral, il existe des mandats confiés à chaque Parlement dans des domaines spécifiques qui entraînent nécessairement de la recherche. Par exemple, on reconnaîtra que le transport, l'aéronautique...

M. French: La recherche universitaire?

M. Bérubé: Oui, le transport et l'aéronautique impliquent un effort de recherche et, par conséquent, il y a dans le mandat imparti au gouvernement fédéral une responsabilité en termes de recherche. Également, on reconnaîtra qu'il existe un lien très étroit entre la recherche universitaire et la recherche dite d'application dans les entreprises et qu'il peut y avoir comme conséquence que le gouvernement fédéral finance de la recherche.

Dans la mesure où on a recours à des paramètres d'évaluation les plus équitables possible et les moins orientants de la part du gouvernement fédéral, je pense qu'on a traditionnellement accepté le financement fédéral dans le domaine de la recherche. Là où on a des réticences, c'est chaque fois que le gouvernement fédéral prétend développer la recherche dans les universités en orientant la mission des universités. À ce moment, on doit s'opposer à ce type de financement, mais on ne s'est jamais opposé, par exemple, au financement de la recherche par le Conseil national de la recherche ou le Conseil des arts qui s'est appuyé sur des critères dits d'excellence individuelle et sur, donc, des objectifs absolument inattaquables.

Par contre, lorsque l'ancien secrétaire d'État, M. Joyal, a voulu subventionner directement les universités dans le but d'orienter leur développement dans un sens jugé politiquement acceptable au gouvernement fédéral, nous avons dû nous y opposer. D'ailleurs, il y avait un front commun de la part de toutes les universités pour refuser ce type d'orientation voulu par le gouvernement fédéral. Donc, je pense qu'il est très important de dire que nous ne pouvons pas accepter quelque financement que ce soit qui aurait comme résultat de forcer une orientation du système universitaire qui aille à ['encontre de la volonté de la population du Québec et de ses élus.

Ceci m'amène à dire que, dans le cas des universités, il serait préférable de procéder carrément par des transferts fiscaux plutôt que par des transferts financiers. Dans le cas du financement de la recherche, dans la mesure où ce financement repose sur des

critères objectifs qui n'entraînent pas d'orientation privilégiée de développement, je pense qu'on peut accepter ce type de financement.

M. French: Tout simplement, M. le Président, je pense que l'argument du ministre vaut la peine d'être retenu. Cependant, il n'est pas clair que toute initiative fédérale va, par définition, à l'encontre de la volonté de la population du Québec. L'argument est plutôt qu'au point de vue de la juridiction le véhicule approprié serait une Législature provinciale...

Une voix: C'est cela.

M. French: ...sauf que cela ne s'applique pas, comme le dit le ministre, dans un domaine comme la recherche où il y a des économies d'échelle, de l'excellence à juger...

M. Ryan: Je suis content de ce que dit le ministre...

M. Bérubé: Je m'entendrais beaucoup plus facilement avec celui-ci qu'avec l'autre.

M. Ryan: II est plus malléable. Il vient de McGill, ça se comprend. Je l'ai trouvé particulièrement malléable.

Je suis content de ce que dit le ministre sur la participation fédérale au financement de la recherche, parce que cela n'a pas toujours été la position de son parti et de son gouvernement. Je me souviens qu'on a publié des livres blancs qui parlaient un langage très différent. Je trouve que le langage qu'on vient d'entendre est beaucoup plus modéré, beaucoup plus réaliste et je l'enregistre avec plaisir.

Le partage de l'enveloppe du financement

Maintenant, il y a un deuxième point sur lequel j'aimerais poser une question au ministre. Premièrement, comment va se faire le partage de l'enveloppe 1985-1986? On n'a pas d'indications là-dessus dans le cahier explicatif. Comment le partage va-t-il se faire entre les institutions et, en particulier, est-ce que l'on va tenir un compte particulier des institutions qui ont été sous-financées jusqu'à maintenant en vertu de la formule de financement existante? Deuxièmement, est-ce qu'on va tenir compte des institutions qui avaient soumis des besoins particulièrement aigus dans les mémoires qu'elles ont adressés à la commission parlementaire? Je pense d'une manière spéciale aux constituantes régionales de l'Université du Québec.

M. Bérubé: La réponse est non et cela, en accord avec la CREPUQ. En effet, il faut bien comprendre que les règles de financement ne sont pas les règles de financement pour les clientèles qui vont entrer en septembre 1985, mais bien les règles de financement pour les clientèles qui sont entrées en 1984. Nous sommes toujours en retard, puisque nous finançons non pas les clientèles que nous ne connaissons pas, mais les clientèles que nous connaissons, c'est-à-dire celles qui sont présentement inscrites. On doit donc éviter de modifier, le plus possible en tout cas, les règles de financement après coup, une fois que les clientèles ont été admises. Si, cette année, je devais modifier mes règles de financement pour mes clientèles, dans les règles budgétaires que je vais déposer, cela entraînerait comme conséquence inévitable que les universités auraient pu accepter des clientèles en septembre dernier sur la base d'une espérance de gains X et se retrouver avec un budget effectivement différent par rapport à ce qu'elles ont planifié, simplement du fait que j'ai changé mes règles budgétaires une fois les clientèles admises.

Donc, si nous devons changer les règles de financement des clientèles il serait, à mon avis, préférable que nous le fassions par une discussion avec la conférence des recteurs - c'est ce que je me suis engagé à faire auprès d'eux - que nous discutions avec la conférence des recteurs, dis-je, dès ce printemps-ci, donc avant juin, de manière que nous puissions indiquer aux universités quelles seront les règles de financement en 1986-1987. Cela amènerait à ce moment-là les universités à devoir recruter en septembre prochain sur la base de conditions budgétaires sur lesquelles elles pourront tabler.

C'est cette voie que j'ai choisie. J'aurais effectivement aimé corriger un certain nombre de paramètres dans les règles budgétaires; je pourrais vous en citer simplement un cas. Nos règles de financement reposent sur onze secteurs. Si vous examinez ces secteurs de plus près, vous allez constater que le secteur dit des sciences de l'administration est véritablement sous-financé par rapport aux autres secteurs dits de sciences humaines. Pourquoi? Parce que la règle de financement est simple. Nous finançons sur la base des coûts moyens observés. Comme les clientèles en administration se sont recrutées en période de restrictions budgétaires, l'université a effectivement fait des merveilles et a accueilli ces clientèles additionnelles en maintenant les coûts très, très bas. Cependant, si on continue à maintenir une telle règle, basée essentiellement sur le passé, il est clair qu'on ne pourra que très difficilement développer les sciences de l'administration puisqu'on aura toujours un niveau moyen de financement faible, compte

tenu du passé.

J'aurais aimé regrouper certains secteurs de façon un peu plus globale. J'ai finalement convenu avec le ministère et les recteurs qu'il était probablement préférable de n'en rien faire cette année, compte tenu que les universités savaient ce à quoi elles s'engageaient l'an dernier quand elles ont recruté des clientèles. C'est, par conséquent, compte tenu des règles de financement qu'elles ont admis leur clientèle et il n'y a pas de raison de modifier après coup les règles de financement. Je préférerais non pas modifier les règles cette année, mais m'asseoir avec les recteurs pour préparer les règles de financement de la prochaine année, de telle sorte que septembre puisse obéir à l'avance, si on veut, à des règles qui seraient connues de la part de toutes les autorités universitaires. Est-ce clair?

M. Ryan: Oui, cela veut dire qu'aux universités qui ont été sous-financées jusqu'à maintenant, comme l'Université de Montréal, l'Université McGill, l'Université Concordia, l'Université Bishop, l'UQAM, la réponse du gouvernement pour l'année 1985-1986, c'est: Nous continuons le même système de financement.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Et pour les constituantes de l'Université du Québec des régions éloignées qui ont des problèmes particuliers afférents à la distance et à la taille, la réponse est également négative, si je comprends bien.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: C'est exactement le même système pour la prochaine année.

M. Bérubé: Oui, car...

M. Ryan: Pour la présente année.

M. Bérubé: ...il faut bien se dire qu'à la demande même du Conseil des universités, qui désirait que des modifications aux règles de financement fassent l'objet d'un consensus plus vaste au sein du monde universitaire, nous avons convenu avec les recteurs de mettre en place un fichier de données beaucoup plus quantitatives, d'établir des bases de données qui nous permettent éventuellement de modifier peut-être les conclusions de l'étude préliminaire. Reconnaissons que l'étude qui avait été présentée était une étude préliminaire. C'était la première qui se faisait ici au Québec et qui comparait véritablement les bases de financement. Mais il est clair que cette étude repose sur un certain nombre d'hypothèses de travail, hypothèses de travail, nous l'avons tous reconnu, qui pouvaient être critiquables. Et ce que nous faisons à l'heure actuelle, nous cherchons à déterminer justement quelles seraient les hypothèses de travail qui feraient l'objet d'un consensus beaucoup plus vaste.

En conséquence, il est peut-être prématuré de tirer la conclusion à l'heure actuelle, par exemple, que l'Université du Québec serait surfinancée. Modifiant les hypothèses de travail, on pourrait peut-être conclure à l'inverse car surfinancer, c'est toujours surfinancer par rapport à la moyenne de financement dans un secteur. Mais cela ne fait pas référence à la désirabilité d'un niveau donné. Cela ne se réfère qu'à la moyenne actuelle, que ce niveau soit acceptable ou non. Donc, on pourrait être amené un jour à modifier les bases de comparaison et tirer d'autres conclusions qui pourraient être assez différentes. Je pense qu'il serait inapproprié d'effectuer un rétablissement de bases aujourd'hui sur la foi d'une analyse qui pourrait se révéler erronée ultérieurement, ce qui nous amènerait à faire de nouveaux correctifs qui pourraient aller même en sens contraire de ceux qu'on viendrait d'apporter.

C'est donc par mesure de prudence, je pense, qu'il est préférable de s'en tenir aux règles de financement que les universités connaissaient l'année dernière et, qu'en conséquence, elles ont respectées quand elles ont inscrit les étudiants en septembre. Alors, elles ne peuvent pas plaider l'ignorance.

M. Ryan: Est-ce que les possibilités d'en arriver à une nouvelle formule de financement qui tienne davantage compte de tous les aspects de la réalité d'une manière acceptable aux intéressés sont assez grandes pour l'année présente ou si cela va prendre plus qu'une année?

M. Bérubé: Écoutez, il me semble que nous pourrions, disons en début d'été, nous entendre avec les recteurs sur les règles de financement qui prévaudraient pour le recrutement des nouvelles clientèles, des clientèles additionnelles, en septembre de cette année, et qui seraient les règles de financement à mettre en vigueur l'an prochain. Je pense que cela est possible. En ce qui a trait aux bases et au rétablissement de ces bases, l'impression que j'ai, c'est qu'il va nous falloir au moins une année. Nous n'avons pas pour l'instant une base de données suffisamment fiable pour pouvoir tirer des conclusions. C'est vraiment la première fois que l'on peut dire à l'heure actuelle que nous avons un niveau de dialogue suffisamment étroit avec les universités pour pouvoir envisager l'établissement d'une telle base. On sait que, pendant de nombreuses années, les universités ont réagi fréquemment avec force à toute tentative de l'État pour obtenir des données

comparatives qui permettraient justement de régler le problème. (16 heures)

C'est évidemment la menace que font planer à l'heure actuelle des règles de rétablissement de bases qui pourraient être erronées faute d'une base adéquate de données qui amène l'ensemble des universités à dire: Si on est pour rétablir plus d'équité entre les universités, faisons le sur la base de données fiables. C'est ce qui a amené, je pense, l'ensemble des intervenants à reconnaître l'importance au moins de fournir l'information. C'est ce qui est présentement en cours.

Comme, néanmoins, c'est un processus nouveau, j'ai bien l'impression qu'il va falloir au moins une année pour en arriver à quelque chose de valable.

M. Ryan: Justement, puisque vous avez fait allusion au financement des clientèles additionnelles, dans un document que vous nous avez fait parvenir dans le cadre de l'étude des crédits, j'ai trouvé au sujet des clientèles additionnelles le passage suivant qui m'a laissé un peu perplexe. Je voudrais avoir des éclaircissements à ce sujet. C'est en réponse à la question 38 que nous avions adressée à vos services, intitulée "Financement des clientèles additionnelles dans le cadre du virage technologique." On dit ceci à la fin: "Dans le cas où les coûts réels de financement seraient supérieurs aux montants accordés, aucun prélèvement ne serait effectué sur les dépenses de base des universités. Les taux de 70 % et 50 % devraient être modifiés pour respecter l'enveloppe budgétaire obtenue." Faut-il comprendre que les niveaux de 70 % et de 50 % ne sont pas des engagements fermes du gouvernement et que les universités, si elles accueillent plus d'étudiants que ne le prévoient les calculs du ministère, comme c'est souvent arrivé dans les années antérieures, devront en être pénalisées?

Mme Fortin (Michèle): C'est assez simple, on l'a vécu cette année. Nous avons un listing assez précis des clientèles à financer sur 1984. À l'occasion, il y a des jeux lorsque les données définitives des universités arrivent. Ce qu'on fait, on finance à 70 %, 50 % et s'il nous manque une partie des sommes, elles sont automatiquement financées dans le budget de l'année suivante. Parce que l'enveloppe est fermée en début d'année. Le taux n'est pas modifié, mais les sommes sont versées sur deux ans plutôt que sur une année.

M. Bérubé: Problème analogue à ce qu'on a vécu l'année dernière où les clientèles de 1983-1984, une fois évaluées de façon finale, se sont avérées plus importantes que celles qui étaient prévues. À ce moment-là, les budgets étant fermés, on a procédé par un prélèvement dans l'ensemble des budgets des universités pour financer ces clientèles additionnelles. Dans la mesure où nous nous sommes engagés à ce qu'il n'y ait pas de prélèvements, désormais nous finançons les clientèles sur la base des projections de clientèles, des estimations les plus précises possible. Le budget étant fermé, si jamais la prévision s'avère erronée et supérieure à la prévision sur laquelle nous avons fait le budget, comme nous ne procédons pas par prélèvements, en d'autres termes, c'est l'université qui va devoir faire un autoprélèvement pour les financer, c'est-à-dire que le taux de financement, au lieu d'être de 70 %, sera légèrement inférieur à 70 %. Cela pourrait être l'inverse aussi, j'imagine.

M. Ryan: Est-ce qu'il va y avoir un remboursement à l'exercice suivant? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

M. Bérubé: Oui.

Mme Fortin: Par exemple, cette année 1984, sur 1983, le réel par rapport à l'estimation, c'est un montant de 2 000 000 $ qui a été payé l'année suivante.

M. Bérubé: Au fur et à mesure que nos chiffres se précisent, on les corrige. Sauf que pour l'année en cours, 1985-1986, alors que, l'an dernier, nous avions maintenu nos taux de financement de 70 % et 50 % fermes et procédé à un prélèvement pour compléter, pour ramener nos taux à ce niveau, cette année nous disons tout simplement que nous ne procéderons pas par prélèvements et, en conséquence, si jamais il devait y avoir déviation par rapport aux prévisions de clientèles, les taux s'ajusteraient en conséquence, c'est-à-dire que les taux pourraient ne pas être exactement de 70 %.

M. Ryan: Sur le taux de financement des clientèles additionnelles, est-ce que la différence de 70 % pour les clientèles prioritaires et de 50 % pour les autres en est une que le gouvernement entend maintenir indéfiniment? Est-ce une norme qu'il entend inscrire dans une formule de financement permanente ou si c'est une politique temporaire à laquelle on mettra fin tôt ou tard?

Je pense que le Conseil des universités a demandé de mettre fin à cette politique qui, en soi, est discriminatoire à l'endroit de plusieurs disciplines très importantes pour l'avenir de notre culture. Est-ce une mesure temporaire qui va se prolonger le moins longtemps possible ou est-ce l'opinion ferme du gouvernement qu'il s'agit d'une mesure qui doit durer indéfiniment?

Une voix: C'est temporaire.

M. Bérubé: Je n'ai pas, pour l'instant, d'opinion définitive. Effectivement, on examine diverses hypothèses. Les règles budgétaires approuvées par le gouvernement, à l'heure actuelle, ne nous permettent pas de donner plus que cela. Donc, c'est 70 % et 50 %.

Nous avons, cette année, obtenu 50 % de financement du Conseil des ministres. Donc, cette année, on peut dire que les règles budgétaires, pour les clientèles additionnelles et pour les années futures, sont les règles que nous avons sous les yeux. 51 nous voulions augmenter tout à 70 %, il faudrait évidemment hausser l'enveloppe budgétaire. Le seul moment où nous pourrons savoir si cela est possible, c'est l'année prochaine lorsqu'on fermera les livres et qu'on prendra connaissance des ressources dont nous disposons.

Une possibilité existe, cependant, qui pourrait consister à réduire le taux de 70 % et à hausser celui de 50 % de manière à avoir un taux moyen d'environ 60 %...

Une voix: 64 %.

M. Bérubé: ...64 %, uniforme. Il a un avantage, c'est d'être neutre. Il a un inconvénient, c'est, possiblement, de sous-financer, en partie, les clientèles dites prioritaires car, si le coût marginal réel d'un nouvel étudiant est 70 % du coût moyen, chaque fois que je le finance en deçà de 70 %, je demande à l'université de subventionner l'ajout d'un étudiant. Si mes besoins prioritaires, c'est le développement dans ces secteurs, à ce moment, je pense que c'est une mauvaise politique.

Est-ce qu'on doit continuer à pousser, cependant, le recrutement dans les secteurs prioritaires? Je pense que non. On va tendre éventuellement à un niveau de formation d'étudiants dans ces domaines, ce qui nous amènera un jour à dire que le recrutement est adéquat, auquel cas il serait peut-être plus approprié de baisser le taux moyen de 70 % à 64 % et de l'uniformiser pour toutes les clientèles.

C'est un choix qui s'offre à nous et qui consisterait donc à sous-financer légèrement les clientèles tant des secteurs prioritaires que des autres, ce qui pourrait se traduire par une certaine désincitation, relativement parlant, à recruter des clientèles dans ces secteurs. Mais si ces secteurs sont bien nantis, si les besoins sont comblés, je ne vois pas de raison pour laquelle on continuerait à inciter, de façon particulière, le recrutement là-dedans.

Parmi les autres choix qu'on doit examiner, je pense, en toute honnêteté, il y a également le financement des études à temps partiel. Doit-on les financer sur la même base? C'est une question qu'on doit se poser. À l'heure actuelle, je suis en train d'examiner quelles sont les possibilités de réaménagement de l'ensemble de l'enveloppe pour répondre à de nouveaux besoins, sans injection de fonds additionnels. Il va de soi que si, l'année prochaine, le gouvernement dispose de 25 000 000 $, 30 000 000 $, 40 000 000 $ ou 50 000 000 $ de crédits additionnels à des fins de développement, à ce moment, on peut à la fois financer toutes les clientèles et faire le développement.

À l'heure actuelle, il faut retenir que les enveloppes budgétaires dont nous disposons ne nous permettent pas de financer à plus de 70 % et 50 % les clientèles en question. Si nous voulons proposer des règles de financement pour les universités et leurs clientèles de septembre prochain, nous devons le faire à enveloppe fermée, donc, sur la base des décisions gouvernementales prises antérieurement.

C'est ce que nous examinons actuellement. Est-ce qu'on doit le faire en uniformisant le taux? Est-ce qu'on doit le faire en sous-finançant certaines clientèles plus spécifiques, par exemple, les clientèles à temps partiel? C'est le genre de questions qu'à l'heure actuelle nous nous posons, étant acquis évidemment que pour l'instant je travaille à enveloppe fermée, puisqu'il est impossible de déterminer quelle sera l'enveloppe dont nous disposerons en février prochain. En conséquence, il sera trop tard à ce moment-là pour dire aux universités quelles étaient les règles de financement qui auraient dû prévaloir au mois de septembre précédent.

C'est cela, le problème. Nous sommes régulièrement de six à huit mois en retard, dans le fond, entre le moment où l'université accueille des clientèles et le moment où on peut lui confirmer son budget.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, on parle de financement additionnel, c'est très bien. Enfin, on a injecté des sommes minimales, à mon sens. Il fallait le faire. Je voudrais peut-être savoir si le ministre s'est assuré qu'il y aurait un meilleur équilibre, quant à la distribution de ces sommes additionnelles à l'intérieur de l'université, entre les facultés. On sait qu'il y a des facultés négligées, des facultés pauvres. C'est bien d'investir de l'argent, d'augmenter les subventions mais, si on ne prend pas cette précaution de s'assurer que certaines facultés vont avoir les moyens non pas de vivre, mais de survivre, dans certains cas, je pense qu'on va manquer la cible.

M. Bérubé: II est très intéressant d'entendre la question du député de Saint-Laurent. Je dois souligner, que dans son intervention vitriolique, ce matin, le député d'Argenteuil a dénoncé le dirigisme et

l'interventionnisme pour avoir, en milieu d'après-midi, une question de l'Opposition qui demande plus de dirigisme et d'interventionnisme. Je serais d'accord pour qu'il y ait un caucus...

M. French: Ne présumez pas de la teneur de la question. Voyons donc!

M. Bérubé: ...qui vous permette de décider si vous voulez de l'interventionnisme ou si vous n'en voulez pas.

M. Ryan: II y a une différence entre leadership et dirigisme.

M. Bérubé: Ah oui! Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bérubé: Voici la nuance subtile du député d'Argenteuil.

M. Ryan: On vous l'expliquera tantôt.

M. Bérubé: II ne comprend pas. M. le Président, ce que nous avons cherché à faire dans nos règles de financement a été plutôt de les rendre neutres au sens que, dans le passé, nous financions sur la base du coût moyen. Conséquence: un étudiant inscrit dans une faculté peu coûteuse, inscrit à un certificat d'études, par exemple, engendrait un profit pour l'université. Ce profit pouvait être utilisé par l'université pour financer le recrutement d'une clientèle plus coûteuse. C'est ainsi qu'on retrouvait un coût moyen, soi-disant dans le but de ne pas influencer la prise de décision de l'université, en disant: L'université connaît son coût moyen, elle se débrouille pour arriver au coût moyen.

Évidemment, c'est ne pas compter sur l'esprit inventif de l'être humain qui amène celui-ci à se dire: Wof! Le coût moyen cette année, on l'a. L'an prochain, on verra bien. Par conséquent, on peut recruter effectivement des clientèles qui coûtent nettement moins cher dans le but de produire simplement des ressources pour faire face à d'autres besoins que l'université a pu exprimer. Effectivement, la règle de financement pouvait désinciter les universités à poser des gestes rationnels.

Ce que nous faisons maintenant, c'est que nous finançons au coût moyen réel d'un secteur. Donc, si l'étudiant est inscrit dans un secteur, nous le finançons à ce coût. S'il est inscrit ailleurs, nous le finançons à un autre coût. Vous allez me dire: Oui, mais cela ne force pas l'université à utiliser les fonds que vous lui avez consacrés pour financer les études de cet étudiant. Parfaitement exact. C'est l'université qui gère ses ressources, réalloue ses budgets et, à ce moment-là, décide si effectivement, dans une université, les besoins sont ici ou ailleurs.

D'ailleurs, c'est justifié quand, dans une classe qui est presque complète, je peux ajouter un étudiant et le coût marginal de cet étudiant est nul même si le gouvernement me verse 4000 $, 5000 $ ou 6000 $, et même 12 000 $ ou 15 000 $ dans certains cas. Donc, la décision que l'université prend d'allouer des ressources ici ou là, c'est essentiellement en fonction de ses besoins. Il se peut que l'ajout de clientèle dans un secteur ne coûte effectivement à peu près rien à l'université et que cela lui permette de recycler les fonds vers d'autres secteurs où elle a des besoins. (16 h 15)

II appartient à l'université de maintenir un débat constant entre les facultés pour assurer un équilibre dans la répartition des ressources. Je pense que c'est le rôle de l'université. Ce n'est pas en déresponsabilisant les intervenants locaux qu'on bâtit une société plus équitable, je ne pense pas.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites que la formule qui est retenue, c'est qu'on finance les facultés suivant les coûts établis. Est-ce que cette formule existait auparavant?

M. Bérubé: Non. Nous financions les étudiants sur la base du coût moyen. Maintenant, nous les finançons sur la base de leur coût moyen, dans leur discipline. Donc, si j'ai un étudiant en génie qui me coûte 5400 $ par année et que j'ai un étudiant en médecine qui m'en coûte 9000 $, je le finance sur la base de 5400 $ ou de 9000 $. Donc, désormais, je prends en compte le coût réel encouru par l'université pour assurer son éducation. Toutefois, il n'y a aucune garantie que l'université prenne les 9000 $ qu'elle a reçus pour son étudiant en médecine et les lui consacre. Elle pourrait très bien décider de prendre les 9000 $ et de les injecter en sciences humaines où elle estime avoir une percée à faire. C'est un choix de l'université.

M. Leduc (Saint-Laurent): Depuis quand s'applique cette formule?

M. Bérubé: Elle est de deux ans. M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va.

M. French: Sur le même sujet, il y a une autre question après celle-là et c'est la suivante: le problème du sous-financement dans certains des domaines prioritaires n'est qu'une partie des problèmes qui surviennent pour ces secteurs. L'autre problème, c'est le manque de flexibilité interne des institutions, qui fait en sorte qu'il devient extrêmement

difficile de recruter surtout les professeurs qualifiés. Je ne peux pas penser à une faculté d'administration qui n'a pas plus d'argent pour payer les professeurs qu'elle ne peut trouver de professeurs pour l'accepter -des professeurs d'un standard acceptable - ce qui fait en sorte que, dans le domaine de l'administration, nous avons un taux d'activité de chargés de cours extrêmement élevé et surtout concentré dans le temps partiel, de sorte que l'éducation des adultes devient une espèce de ghetto à l'intérieur de nos institutions. Tout cela, je ne prétends pas que c'est la faute du ministre, loin de là, mais, je veux poser la question au ministre.

M. Bérubé: M. le Président, il y a des interventions du député de Westmount qui me font frémir. Je connais ce qui est advenu de l'ancien député de Westmount, qui a été renié par son parti, car c'était un homme beaucoup trop réceptif, généreux et capable d'effectuer des compromis. M. le Président, il faudrait rappeler au député de Westmount que ce qu'il risque, c'est le désaveu de son parti s'il continue sur cette lancée. Aller dire que le ministre n'est pas responsable de tout ce qui nous arrive, c'est vraiment un type de langage qui est inadmissible au sein du Parti libéral.

Des voix: Ah! Ah'. Ah!

M. French: C'est un peu trop libéral!

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un néolibéral.

M. Paré: Un libéral malléable.

M. French: La différence entre le député actuel de Westmount et son prédécesseur, c'est qu'il serait peut-être renié par son parti mais jamais par son comté.

Des voix: Ah! Ah! Ah! M. French: Le problème que... Une voix: C'est correct, cela. M. French: Le problème...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous nous inquiétez.

M. French: Je n'oublierai jamais d'ailleurs... M. le Président, si vous me permettez, l'actuel député d'Argenteuil, alors qu'il était chef de notre parti, se faisait poser une question par un journaliste, à l'extérieur d'un caucus, et le journaliste disait: M. Springate était absent de votre caucus. C'était le caucus où on a attribué les fonctions des critiques. M. le député d'Argenteuil a dit: Bien, on va le nommer notre critique des institutions sportives anglophones. Le problème est donc...

M. Bérubé: Si je ne comprends bien, il y aurait beaucoup de ministres dans ce gouvernement-là?

M. French: Vous voyez maintenant que le député d'Argenteuil a changé d'avis là-dessus, il veut réduire la multiplication des portefeuilles et non l'inverse. Cela dit... Ce n'est pas moi qui a commencé sur cette lancée, M. le Président.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est le ministre.

M. French: Cela dit, le problème reste extrêmement sérieux pour les universités. Y a-t-il moyen de faire en sorte qu'il y ait plus de flexibilité interne pour permettre aux institutions de faire le recrutement nécessaire dans les secteurs comme le génie, les sciences informatiques et l'administration - il y en a peut-être d'autres, mais je n'en nomme que trois - où nous voudrions toujours, chaque année, même avec des moyens relativement réduits, engager plus de professeurs qu'on peut en trouver?

M. Bérubé: Vous avez raison. M. French: Au salaire actuel.

M. Bérubé: Vous avez raison. Il faudrait cesser d'être d'accord parce qu'on va avoir des problèmes, M. le député de Westmount.

M. le Président, c'est exact, ce que dit le député de Westmount. Il y a, par exemple... Je connais certaines facultés, le génie électrique entre autres, où des postes sont ouverts depuis maintenant deux ans et ne sont pas comblés, purement et simplement parce qu'on n'a pas de candidats. Oui, si on voulait prendre un candidat qui n'a pas son doctorat, j'imagine qu'on pourrait en trouver. Mais un professeur d'université avec doctorat, avec une certaine expérience en recherche, c'est quasi introuvable, dans plusieurs disciplines, à l'heure actuelle.

Cela vient de ce que, d'abord, notre performance, en termes de formation aux études doctorales, est pitoyable au Québec. C'est une véritable catastrophe. Écoutez, je pense qu'on n'a pas, en moyenne, un étudiant par programme inscrit au doctorat. Vraiment, il faut se le dire, je pense que c'est la vérité. Là-dessus, nous sommes fautifs comme société, non pas qu'on n'ait pas mis assez d'argent, on en a mis en masse, mais cela n'a pas donné les résultats. J'ai l'impression que l'on est davantage préoccupé de la qualité de vie universitaire que de développement des études académiques. Je

pense qu'il est temps qu'on se rappelle à l'ordre. C'est vrai que nous n'avons pas formé d'étudiants gradués au doctorat et que, en conséquence, quand on vient pour en recruter, on n'a pas de candidat. Ils ne sont carrément pas disponibles. Cela est un problème.

C'est également vrai qu'existent des rigidités. Évidemment, ce sont les universités qui se les sont données. Lorsque nous avons mis en place le programme d'action structurante, nous avons accepté, par exemple, que les sommes que nous consacrons pour les associés de recherche puissent s'ajouter au budget régulier de l'université, de manière à pouvoir attirer du personnel plus valable; par exemple, de véritables professeurs-chercheurs. Je suis convaincu personnellement que nos universités devraient adopter des politiques de rémunération prenant en compte un facteur dit de marché. Je ne dis pas que les professeurs d'université sont mal payés; au contraire, ils sont relativement bien payés, merci, mais il y a un certain nombre de secteurs où, si l'on veut recruter aujourd'hui, il faut payer plus cher que ce que nous offrons. C'est probablement le cas en administration. On me dit qu'il n'y a à peu près pas de docteurs en droit aussi. Des docteurs en administration, c'est quasi inconnu. Les docteurs en génie électrique, cela nous manque dramatiquement. En d'autres termes, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un certain nombre de secteurs où, à l'heure actuelle, pour recruter, cela suppose que l'on va en concurrence avec d'autres établissements, et si on veut les attirer, il faut sans doute payer plus cher. Mais cela ne s'appliquerait qu'à peu de cas et cela coûterait relativement peu cher à l'université...

M. French: C'est cela qui est tragique.

M. Bérubé: ...mais il faut un certain courage politique de la part de l'université pour décider d'adopter une politique de développement. Je pense que vous avez raison de le souligner et que nos recteurs nous entendent.

M. French: J'irais plus loin que cela. Très brièvement, M. le Président, j'espère que le député d'Argenteuil ne m'en voudra pas, mais il n'est pas....

M. Bérubé: Désormais, je ne marcherai pas quand je l'entendrai derrière moi.

M. French: II n'est pas interdit au gouvernement de constater que le groupe dominant ou qui a tendance à être dominant dans l'administration des universités n'a pas tendance à provenir des secteurs dits prioritaires pour la société et dans lesquels nous avons le problème le plus aigu de recrutement. Je n'irai pas plus loin que cela, mais les administrations universitaires sont dominées par certaines disciplines et ces dernières ont tendance à se voir comme l'essence même de l'université. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.

M. Bérubé: II y a cela qui joue.

M. French: Je parle à l'ingénieur, évidemment.

M. Bérubé: II y a cela qui joue... Je pense que vous avez une formation en droit, si je ne m'abuse. En administration?

M. French: En histoire.

M. Bérubé: En histoire. Je pense qu'il y a une tendance à l'uniformisation. Écoutez, il est clair que le salaire payé aux professeurs de nos universités est confortable, je pense; il est, aujourd'hui, ramené... Il est très voisin, d'ailleurs, des tendances canadiennes, à l'heure actuelle. On ne peut pas parler de mauvais niveau de rémunération lorsque l'on les compare avec les salaires moyens payés dans les universités américaines; on constate que, même dans les grandes universités, la rémunération payée au Québec est tout à fait comparable. Mais le problème que vous soulevez est différent, c'est que, dans un certain nombre de créneaux où les besoins se font sentir et où, d'ailleurs, si on ne recrute pas de professeurs de qualité, on ne formera pas de docteurs et, par conséquent, c'est un cercle vicieux, donc, il faut, à un moment donné, défoncer, débloquer. Il faut donc accepter de payer le prix.

Dans ces secteurs, il faut reconnaître qu'au sein des universités il y a eu des tendances à l'égalisation, c'est-à-dire qu'on ne voit pas la raison pour laquelle un professeur qui enseigne en métallurgie ne serait pas payé aussi cher qu'un professeur qui enseigne en génie électrique puisqu'en soi, à travail égal, c'est salaire égal, évidemment. Le seul problème, c'est qu'on a peut-être suffisamment de docteurs en métallurgie, mais on n'en a pas assez en génie électrique et, par conséquent, le problème est mal posé. Ce n'est pas de savoir si c'est à travail égal, salaire égal, mais c'est simplement de savoir, si on a besoin de gens en génie électrique, combien on les paie pour aller les chercher. Ce n'est que cela la question. C'est ce genre de raisonnement que, malheureusement, je dois le dire, nos syndicats d'universitaires n'ont pas vraiment compris.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: En ce qui concerne la formation en génie, est-ce que vous avez des chiffres qui démontrent le nombre de places d'étudiants que nous avons ici dans la province, dans nos universités? Est-ce qu'on a déjà excédé ce nombre? Ce qui me préoccupe, c'est que j'ai l'impression qu'on est arrivé au point où les conditions de base, le nombre de professeurs, l'équipement, l'espace ne permettent plus une augmentation des clientèles, et il y ' a certaines universités qui, peut-être, acceptent de former plus d'élèves malgré le risque d'une diminution de la qualité, simplement pour avoir de l'argent.

M. Bérubé: Non, je ne le pense pas. Par exemple, on constate que la majeure partie des clientèles additionnelles ont été observées dans les secteurs prioritaires, dont le génie.

Mme Dougherty: Dont le génie?

M. Bérubé: Oui, dont le génie. Il y a donc eu une augmentation phénoménale, même en période de resserrement budgétaire, de ces clientèles. Maintenant, sans qu'on puisse l'affirmer avec certitude, car nous n'avons pas d'analyse qui nous permette de trancher, il est possible, à l'heure actuelle, que, pour l'enseignement du génie au premier cycle, l'appareillage à des fins pédagogiques soit inadéquat, insuffisant.

Mme Dougherty: C'est évident que c'est cela.

M. Bérubé: Non, ce n'est pas si évident que cela. Vous ne pouvez citer aucune étude rigoureuse, à l'heure actuelle, démontrant le besoin et l'adéquation. Il y a une faille et on est obligé de se fier à l'opinion de gens, à des opinions. Certains disent: On pense que... Mais cela ne repose pas nécessairement sur une évaluation plus quantitative des besoins et, à partir de cela, une comparaison avec ce qui existe réellement et l'état du parc d'équipement.

À titre d'exemple, les universités n'ont à peu près pas de données statistiques sur l'état de leur équipement scientifique dans leurs institutions. Elles ne peuvent pas nous fournir un portrait de leur situation. Elles n'ont pas l'information.

Alors, on y va donc beaucoup plus à partir d'intuitions, d'impressions, mais acceptons qu'un certain nombre de plus en plus grand d'intervenants nous soulignent qu'à l'heure actuelle, dans certains secteurs de haute technologie, il y a des problèmes d'équipement.

Deuxièmement, soulignons, par exemple, qu'à l'École polytechnique, il y a des problèmes d'espace que l'on ne retrouve pas ailleurs cependant. Il faut quand même être honnête, le problème ne se trouve pas à

Laval, par exemple, et c'est un problème qui est en voie de résorption puisqu'on vient d'annoncer la construction de deux étages additionnels à l'École polytechnique, ce qui va répondre, effectivement, aux besoins prévisibles de clientèles en croissance.

C'est vrai qu'il y a certainement des problèmes d'ajustement ici et là, tantôt d'espace, peut-être d'équipement, mais je ne pense pas, à l'heure actuelle, que ce soit le problème majeur. Je n'ai pas l'impression qu'on a un problème au niveau du premier cycle en génie, mais j'ai l'impression qu'on a un problème sérieux au niveau des études avancées, non pas sérieux, mais catastrophique.

Mme Dougherty: Alors, les chiffres sur le nombre de places...

M. Bérubé: On peut vous donner cela.

Mme Dougherty: Ce n'est pas le nombre d'étudiants, mais le nombre de places d'étudiants, s'il y a des...

M. Bérubé: Cela n'existe pas, des places.

Mme Dougherty: Cela n'existe pas? (16 h 30)

M. Bérubé: Cela n'existe pas, des places, car ce n'est pas comme une douzaine d'oeufs avec 12 petites cases et on met les étudiants dans chaque casier. En pratique, on peut avoir des groupes plus importants. On peut, par exemple, étaler un laboratoire sur une plus longue période, on peut jouer avec les plages-horaires. J'ai eu l'occasion d'examiner des taux d'occupation de salles de cours et j'ai constaté qu'en pratique on avait des marges de manoeuvre. On ne manquait pas d'espaces de cours au Québec. J'ai pu constater qu'il y a moyen de prendre un laboratoire et d'étaler le cours sur deux, trois, quatre périodes de manière à répondre aux besoins. Strictement parlant, on ne peut pas parler d'un nombre de places. Tout ce qu'on pourrait dire, c'est qu'à l'heure actuelle il pourrait manquer de salles de cours. C'est le cas à la polytechnique, ce n'est le cas nulle part ailleurs. Il pourrait manquer d'équipements pour l'enseignement au niveau du premier cycle, bien qu'à nouveau quelqu'un pourrait faire la démonstration qu'en jouant avec les horaires il y a moyen de répondre à la demande.

Mme Dougherty: Arrivent-ils à contingenter leurs facultés de génie pour garder une certaine qualité des services?

M. Bérubé: Voilà. Vous pourriez vouloir maintenir un ratio étudiants-professeurs plus faible de manière à dégager vos professeurs pour faire davantage de recherche, assurer

un encadrement des études supérieures et, effectivement, c'est le choix que McGill a déjà fait dans le passé. Soit dit en passant, elle le paie sur le plan budgétaire puisque les règles de financement privilégiant la croissance de clientèle, ceci se traduit par des compressions budgétaires additionnelles à McGill pour financer les clientèles additionnelles ailleurs.

M. French: Alors, la formule n'était pas si mauvaise que celai C'est-à-dire que votre décision de changer la formule était très bonne.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

Le contingentement

M. Ryan: Ma question débouche sur le contingentement. On avait demandé des données là-dessus. Les chiffres qu'on nous a fournis indiquent, au trimestre de l'automne 1984, au-delà de 20 000 demandes d'admission qui auraient été refusées dans l'un ou l'autre secteur de l'enseignement universitaire. Est-ce que vous avez des données indiquant ce qui est arrivé de ces candidats? Pourriez-vous nous dire quelle est la politique du gouvernement là-dessus? Y a-t-il des secteurs où le gouvernement a une politique ferme de contingentement, par exemple, dans le secteur des études en médecine, je crois, et pour le reste est-ce qu'on laisse entièrement l'initiative aux universités? Est-ce une question qui a été abordée dans les discussions de méthodes de financement?

Mme Fortin: Concernant les 20 000 candidats, je voudrais juste apporter une précision technique. Ce sont des données qui viennent des fichiers de la CREPUQ sur les admissions. Ce ne sont pas 20 000 personnes, ce sont 20 000 demandes d'admission. Dans les programmes qui sont contingentés, parce qu'il y en a un certain nombre, les étudiants font en général des demandes d'admission dans toutes les universités et, pour un étudiant admis, vous avez quatre ou cinq refus, mais l'étudiant a sa place. On essaie d'avoir des données qui nous permettent de juger ce phénomène de façon plus intelligente. Les chiffres que nous avons présentement sur les refus des demandes d'admission ne nous donnent pas une bonne idée de combien d'étudiants ont été refusés à ces programmes, où ils sont allés, qu'est-ce qu'ils sont devenus, parce qu'on n'est pas capables de les identifier nommément. Nos fichiers sont trop globaux pour cela. C'est difficile de répondre à votre...

M. Bérubé: Si ce n'est qu'on peut conclure que le taux d'accès aux études universitaires au Québec est en croissance année après année.

M. Ryan: La question que j'ai posée est: Quelle est la politique du ministère en matière de contingentement? C'est cela qui m'intéresse.

M. Bérubé: Nous n'avons aucune politique en matière de contingentement, sauf en médecine où nous appliquons une politique que nous aurons l'occasion de discuter en commission parlementaire la semaine prochaine et que, par conséquent, je n'ai pas l'intention d'aborder ici. Mais, sauf en médecine, nous n'appliquons pas de politique de contingentement. Évidemment, d'aucuns pourraient dire qu'en ne finançant pas au coût marginal réel nous appliquons une sorte de politique de contingentement. Par exemple, si je finance à 50 % des clientèles qui coûteraient 70 % du coût moyen, en quelque sorte, j'applique une forme de contingentement, non pas absolu, puisque l'université, chaque fois qu'elle est capable d'organiser ses groupes de manière à avoir un coût marginal inférieur à 50 %, va prendre l'étudiant, mais lorsqu'on la met dans une position où elle doit dédoubler des groupes, ce qui entraîne un coût marginal très très élevé pour l'étudiant additionnel que l'on injecte, cela peut entraîner, à ce moment, un certain contingentement, oui.

M. Ryan: Sur les déficits et les surplus des universités, les données qu'on nous a fournies allaient jusqu'au 31 mai 1984. Ces données indiquaient qu'au 31 mai 1980 le surplus accumulé de l'ensemble des universités était de 37 200 000 $ et que ce surplus, en l'espace de cinq ans, s'était transformé en un déficit de 3 500 000 $.

Avec les perspectives que décrivait la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec devant la commission parlementaire, l'automne dernier, nous avions des raisons de craindre que le déficit pour l'année 1984-1985 ne soit de l'ordre de 10 000 000 $ ou 20 000 000 $ pour l'ensemble des universités au moins. Ce qui voudrait dire que...

M. Bérubé: On parlait de 20 000 000 $. Les universités ont dit 20 000 000 $ et même 30 000 000 $.

M. Ryan: Avez-vous des données récentes là-dessus ou si vous en êtes simplement aux données qu'on avait l'automne dernier?

M. Bérubé: Les données les plus récentes que nous avons nous indiqueraient que nous ne serons ni à 20 000 000 $ ni à 30 000 000 $, mais plutôt autour de 13 000 000 $.

M. Ryan: C'était pas mal, 10 000 000 $ à 20 000 000 $. Je sais qu'ils avaient dû exagérer un petit peu. Ils ont dû serrer en cours de route.

M. Bérubé: Ils avaient dit de 20 000 000 $ à 30 000 000 $.

M. Ryan: Oui, mais comme n'importe quelle bonne administration le ferait.

M. Bérubé: C'est cela.

M. Ryan: Maintenant, cela voudrait dire que...

M. Bérubé: Ce qui montre bien que les 36 000 000 $ que nous injectons...

M. Ryan: Cela voudrait dire que le déficit accumulé au 31 mai 1985 serait de l'ordre d'environ 17 000 000 $. Entre 16 000 000 $ et 18 000 000 $, je pense qu'on ne se tromperait pas trop. Ce qui voudrait dire une dégradation, pendant les années 1980 à 1984, d'environ 55 000 000 $.

Je voudrais demander au ministre s'il aurait déjà une politique qu'il entendrait recommander au gouvernement à ce sujet, ou si la politique du gouvernement consiste toujours à dire: Ces gens on fait des déficits, qu'ils s'arrangent avec et cela finit là.

M. Bérubé: Je pense que la deuxième description est assez près de la réalité. On ne peut pas, une journée, parler d'autonomie, de responsabilisation, et, chaque fois qu'une situation devient difficile à gérer, abdiquer ses responsabilités en les retournant au gouvernement. Non, au contraire, les universités gèrent sans mot dire l'abondance. Elles devraient gérer, sur la même base, la pénurie.

M. Ryan: Je trouve que c'est une manière assez simplifiée de voir les choses.

M. Bérubé: C'est probablement beaucoup plus honnête.

M. Ryan: II est arrivé combien de fois, dans l'histoire du Québec et de toutes les sociétés, que des déficits aient été causés dans des secteurs dont la signification sociale était très élevée à cause de l'incurie des gouvernements ou de l'insuffisance de leurs politiques et que d'autres administrations aient dû, par la suite, prendre ces déficits à leur charge et les absorber ou les liquider d'une manière ou de l'autre?

Je pense que ce n'est pas encore arrivé à des proportions catastrophiques, étant donné qu'on avait certains surplus il y a cinq ans, mais on s'en allait très vite vers cela. Dans les perspectives qu'on vous a présentées du côté des universités pour 1985-1986, il est trop tôt et vous n'avez aucune idée de ce qu'elles entrevoient de ce point de vue, j'imagine, à ce moment-ci?

M. Bérubé: Non.

Mme Fortin: D'autant plus qu'en général les prévisions qu'elles nous donnent sont toujours nettement supérieures à celles effectivement réalisées. Alors, on ne peut pas juger à partir de ce que nous annonce le déficit. Les états financiers n'entrent pas avant septembre.

Revenus provenant de fonds privés

M. Ryan: Avant septembre, très bien. Maintenant, je voudrais poser une question au ministre là-dessus. Une université qui a dû enregistrer des déficits assez élevés, c'est l'Université McGill. On a dit, du côté du ministère - je ne sais pas si on l'a dit publiquement, mais on l'a soufflé, en tout cas - qu'il ne faudrait pas trop s'inquiéter du sort de cette institution, parce qu'elle avait des fonds privés à même lesquels elle pouvait puiser pour combler une partie de ses déficits. C'est une des questions que nous avions souhaité élucider en commission parlementaire justement. Si la majorité ministérielle avait consenti à ce que la commission fasse tout son travail comme cela avait été convenu moralement, on aurait pu poser ces questions. Là, on est obligé d'attendre.

Je ferme cette parenthèse pour revenir à ma question.

M. Bérubé: Le président aurait dû prendre ses responsabilités.

M. Ryan: On m'assure...

Le Président (M. Charbonneau): On avait demandé au ministre de ne pas ouvrir cette boîte.

M. Ryan: On lui avait demandé de communiquer avec nous.

Le Président (M. Charbonneau): Je ne suis pas sûr que vous en seriez sorti gagnant.

M. Bérubé: ...de régler cela entre vous.

M. Ryan: Je vois cela. On m'assure du côté de l'Université McGill - j'ai vu un papier l'autre jour à ce sujet - que ces fonds, à toutes fins utiles, sont utilisés. Je comprends qu'il peut toujours en naître de nouveaux et tout, mais... Est-ce que ce serait la politique du gouvernement de dire que tout ce qui est revenu en provenance de dons privés à une université doit lui être soustrait aux fins des subventions publiques

auxquelles elle a droit? Quelle est la politique du gouvernement là-dessus? Parce qu'on a bien du malaise, bien de l'équivoque et il me semble qu'une de nos tâches, c'est d'essayer de clarifier cette question de manière que tout le monde ait vraiment l'impression d'être traité sur un pied d'égalité.

Si ce n'était de ce facteur, je pense qu'on devrait tous enregistrer en mettant entre parenthèses les réserves qu'inspire cette méthode. Dans le cadre de financement qu'on avait proposé, on reconnaissait que depuis plusieurs années cette institution aété grandement sous-financée par rapport à la moyenne.

M. Bérubé: Ce n'est pas démontré.

M. Ryan: A priori, prima facie, c'est une étude qui est sortie de votre ministère qu'on a laissé circuler...

M- Bérubé: Mais contestée quant à sa validité.

M. Ryan: ...- je sais bien - et qui va être mise au point. Il y a quand même une sorte d'indication qu'il y a quelque chose là. La question qui m'intéresse, j'y reviens, c'est à savoir quelle est la politique du gouvernement concernant ces revenus qui peuvent provenir à des universités de fonds privés qui ont souvent été donnés pour des fins très précises et qui ont souvent été donnés par les anciens de l'institution, par exemple. Est-ce qu'ils ont droit, dans votre livre à vous, de faire des dons pour des fins particulières? Est-ce que cela est de nature à diminuer d'autant les subventions publiques auxquelles elles auront droit?

M. Bérubé: II y a deux points en fait: la question des déficits et la question de la prise en compte par l'État des dons à des fondations universitaires. D'abord, concernant les déficits, ils ne doivent pas être pris en charge par l'État. En effet, qu'est-ce qui inciterait un administrateur dans le secteur public à faire un effort pour équilibrer son budget s'il savait qu'à tout bout de champ l'État intervient de toute façon pour éponger les déficits? C'est ainsi que nous avons découvert dans nos hôpitaux, à un moment donné, des déficits de plusieurs centaines de millions de dollars, la même chose dans les commissions scolaires. Effectivement, une mauvaise habitude de l'État qui, cédant trop facilement à des pressions politiques, intervient pour éponger des déficits en disant que ce sera la dernière fois, engendre une déresponsabilisation totale car pourquoi un administrateur ferait-il un effort pour bien gérer si son voisin à côté ne le fait pas et que de toute façon il voit que son voisin va tirer bénéfice d'une politique laxiste en matière de contrôle de déficit?

Donc, il ne faut pas désinciter les administrateurs à bien faire leur travail; il faut les amener à gérer avec les ressources dont ils disposent. Certes, tout le monde voudrait gérer avec plus de ressources, tout le monde est dans la même situation. Cependant, il faut partir du principe que dès que l'État a pris une décision quant au niveau de ressources dont elle va disposer, il lui appartient de prendre les moyens nécessaires pour rentrer à l'intérieur de ses budgets en indiquant quelles sont les conséquences des décisions qu'elle est amenée à prendre, en essayant de prendre les meilleures décisions possible, je pense que ce sont ses responsabilités, en indiquant à la collectivité les conséquences des décisions, mais elle a à respecter l'équilibre budgétaire.

Donc, nous ne devons pas nous suppléer à la responsabilité des universités et éponger pour quelque raison que ce soit un déficit, sauf si le déficit est la conséquence directe d'une erreur administrative gouvernementale, si nous avions nous-mêmes dévié par rapport aux règles budgétaires qui ont été adoptées par le gouvernement, auquel cas je suis d'accord pour dire qu'on doit automatiquement éponger puisque l'erreur est nôtre. (16 h 45)

En ce qui a trait au financement privé des institutions, ce financement n'est pas pris en compte dans le calcul des subventions. Nous prenons en compte les frais de scolarité, mais non les contributions aux fondations des universités.

M. Ryan: Est-ce une politique que vous entendez maintenir?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: C'est très bien.

M. Bérubé: Sans quoi quel intérêt y aurait-il pour une université à obtenir la participation du secteur privé si l'État le prend en compte et le soustrait automatiquement?

M. Ryan: Quand?

M. Bérubé: Cependant, nous le prenons, en un sens, un peu en compte puisque nous avons eu tendance à encourager les universités à aller chercher du financement privé pour certaines de leurs immobilisations. On peut penser à la bibliothèque de Concordia, on peut penser à la bibliothèque de la Faculté des sciences humaines de l'Université de Montréal, on peut penser à plusieurs immeubles de l'Université McGill. Donc, il est vrai qu'on a parfois incité les universités à s'engager dans des campagnes de souscription en apportant une participation

gouvernementale additionnelle, ce qui peut avoir eu comme conséquence que certaines universités - et je pense à McGill - sont bien mieux équipées sur le plan des immobilisations que d'autres universités, mais on ne peut pas dire que cela s'est fait à partir de déboursés de l'État. Cela s'est fait essentiellement à partir de fonds privés. Nous avons joué un certain rôle incitateur en ce sens que nous avons autorisé des immobilisations que, normalement, nous n'aurions pas autorisées en acceptant même d'en défrayer une faible fraction et en exigeant, cependant, une participation du secteur privé.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Westmount.

M. Bérubé: Je pense que cela est une saine politique.

M. French: Très brièvement, c'est un commentaire auquel le ministre n'est pas tenu de répondre nécessairement, d'autant plus qu'il vient de dire qu'il n'a pas l'intention de revenir sur le dossier. Pour ce qui est des déficits, il ne faudrait pas oublier que dans le cas de certaines institutions - j'évoque McGill mais je pense que ce n'est pas uniquement McGill - le déficit a été contrôlé ou réduit dans la mesure où les professeurs et le personnel de soutien ont décidé eux-mêmes de renoncer à certaines augmentations salariales. Les écarts de salaires sont importants entre les institutions universitaires québécoises, entre autres, à cause de ce genre de concession. Je crois que le ministre serait d'accord que ce serait dans l'intérêt public de dire que les gens qu'il vient de nommer sont relativement bien payés, et je suis d'accord. Cependant, ils ont décidé de faire ces sacrifices, mais d'autres personnes exactement dans la même situation ou, parfois, dans une meilleure situation n'ont pas décidé de faire cela. Si jamais l'État intervenait, il faudrait absolument que ce genre de sacrifice qui a été fait soit pris en considération. Donc, il y a un déficit caché à l'Université McGill qui est dans la poche des professeurs de l'Université McGill. La base est d'autant plus réduite, donc, les augmentations sont d'autant plus réduites et l'écart commence à être sérieux.

M. Bérubé: Pour vous montrer à quel point, d'ailleurs, nous avons respecté ce genre de décision, lorsque nous avons appliqué la loi 70 dans le cas des universités et des collèges privés, nous avons pris en compte les sacrifices que s'était imposés le personnel d'un certain nombre de ces établissements au nom de la qualité de leur réseau. À ce moment, nous n'avons pas appliqué intégralement les prescriptions de la loi en disant qu'ils avaient déjà fait un effort pour l'ensemble de la société, mais dans le cas de d'autres institutions où on refusait quelque sacrifice que ce soit pour la société nous avons appliqué strictement la loi 70.

M. French: J'ajouterais simplement et très brièvement que l'objectif principal visé, ce n'était pas de contrôler le déficit de l'institution, c'était de permettre le recrutement de nouveaux professeurs que nous considérions comme très important dans le temps et nous continuons de le considérer comme très important.

M. Bérubé: Personnellement, je n'ai que des louanges pour le sens civique des professeurs qui se sont imposé de tels sacrifices.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): S'il y a un surplus, à ce moment, il n'y a aucune restriction quant à l'utilisation par l'université?

M. Bérubé: Aucune.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président...

M. Bérubé: La contrepartie, c'est que quand il y a des déficits ils se débrouillent.

M. Ryan: D'abord, je suis assez heureux des choses qui ont été dites au sujet de facteurs qui gravitent autour de l'Université McGill, en particulier. Je pense qu'on clarifie tranquillement une atmosphère qui a été assez confuse pendant de nombreuses années. Si l'on pouvait aller encore plus loin dans cette voie et mettre au point une méthode de financement qui soit vraiment équitable au jugement de tout le monde - elle ne sera jamais acceptable à 100 % par tous - si elle a été ventilée publiquement comme ce doit normalement être le cas, on arrivera à des conclusions qui seront justes et on évitera que certains soient convaincus d'être traités en partenaires inférieurs et que d'autres laissent entendre qu'ils ont couru après et qu'ils ont d'autres moyens de se rattraper. Si on peut abandonner ce genre de langage pour en venir à un langage beaucoup plus transparent en ce qui regarde une institution comme McGill, qui est un très grand actif pour le Québec, en ce qui regarde une institution comme Concordia pour d'autres raisons, une institution comme l'UQAM aussi

ce sont trois exemples que j'ai particulièrement à l'esprit - je pense qu'on fera des progrès considérables. Je veux dire au ministre que toute démarche qu'il va accomplir en ce sens va être suivie avec intérêt par l'Opposition et, dans la mesure où elle améliorera la situation en direction d'une plus grande transparence, nous en serons extrêmement heureux.

En ce qui touche les déficits des institutions publiques, j'ajoute une brève remarque. Je pense que dans ces déficits j'adhère au principe que le ministre a énoncé, mais j'ajoute que dans les déficits d'institutions de cette nature il y a une dimension politique inévitable. Dans la mesure même où les politiques des gouvernements ont pu contraindre les institutions d'un secteur à des situations qui les acculaient à des déficits, il peut très bien arriver - il est arrivé souvent dans le passé et il arrivera encore dans l'avenir -que des gouvernements plus éclairés reprennent le dossier au point où on l'avait laissé pourrir et le remettent sur une voie plus saine. Je pense que cela fait partie du processus démocratique.

On peut énoncer des grandes théories tant qu'on voudra mais, en pratique, le jugement concret que les hommes, les formations politiques portent sur telle ou telle situation a également une très grande importance. Dans ce cas-ci, j'avoue que j'ai un préjugé favorable pour les institutions qu'on a acculées à des situations extrêmement difficiles. Je n'aurais pas le mandat de prendre quelque engagement que ce soit ici mais je ne pense pas que je l'aborderais uniquement avec la raideur qui était, par exemple, dans les propos du ministre. Encore une fois, sur le principe, cela va très bien mais, ce principe, on est justifié d'en exiger l'application intégrale dans la mesure même où on a gouverné avec une ouverture et une équité irréprochables.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Bérubé: Les seuls commentaires que je ferai c'est que, touché en termes généraux comme le député d'Argenteuil vient de le faire, il ne faut pas a priori affirmer qu'on est en désaccord avec ses propos. Je le mets cependant en garde.

En effet, il est normal, je pense, que tout dirigeant d'un organisme public cherche, au nom de la plus grande qualité possible des services qu'il dispense à la population, à bénéficier des budgets les plus généreux possible et qu'en conséquence il lui soit souvent difficile de devoir vivre avec des ressources moindres que celles auxquelles il aspire.

Il est donc tenté de se retourner vers des politiciens plus avides de popularité pour tenter de négocier une condition privilégiée au point où, cette attitude politique se généralisant, elle produit chez l'ensemble de nos concitoyens une mentalité de dépendance qui a été si profondément ancrée chez nous chaque fois que le Parti libéral a pris le pouvoir. Je le mets simplement en garde contre une telle attitude qui dénote généralement un respect insuffisant du sens des responsabilités des gens.

M. Ryan: Vous avez appris depuis quatre ans, cela commence à paraître.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce, j'ai l'impression qu'on va passer à un autre sujet.

Le rajeunissement du corps professoral

M. Ryan: Oui, allons-y donc, il y en a encore beaucoup. Le ministre a indiqué ce matin les raisons pour lesquelles il n'a pas accepté les recommandations du Conseil des universités concernant la création d'un programme spécial de rajeunissement du corps professoral dans les universités. Si j'ai bien compris ce qu'il a dit, il soutient que l'ajout approximatif de 37 000 000 $ qui va être fait cette année dans le budget de fonctionnement, subvention d'équilibre, sera suffisant pour permettre aux institutions de s'engager dans cette voie-là dans la mesure où elles le jugeront opportun.

Est-ce que le ministre veut convenir, d'autre part, que suivant l'étude qui avait été déposée par le Conseil des universités il y a à peu près un an et demi il y a un véritable problème qui s'est créé de ce côté? Il y a eu un arrêt dans le recrutement de nouveaux professeurs. On a perdu de nombreuses ressources qui, normalement, auraient pu être orientées de ce côté; les professeurs en place ont vieilli; ils ont tous, ceux qui sont permanents, la tenure, pour ainsi dire. Est-ce que le ministre ne trouve pas que, pour arriver à l'objectif d'excellence qu'il a défini - on a une bonne politique de ce côté - on s'est engagé dans une voie qui nous mène tout droit vers la stagnation et la lenteur?

M. Bérubé: D'abord, quant aux besoins en jeunes professeurs d'université, je pense que personne ne nie le fait qu'il soit nécessaire, dans n'importe quelle organisation, d'avoir une pyramide d'âges normale: des professeurs, par exemple, plus âgés, plus expérimentés, qui donnent la tradition à une université; des professeurs plus jeunes, certainement moins expérimentés, mais sans doute, également, plus audacieux, parce que l'audace est davantage permise à la jeunesse et désirable, en soi, ce qui crée un climat intéressant.

Je pense également à un certain

nombre de professeurs d'âge mûr, dans ta force de l'âge et au sommet de leur productivité scientifique. Il est normal qu'on ait une pyramide normale sur le plan des âges et il faut donc s'inquiéter de voir, à un moment donné, se tarir l'arrivée de jeunes professeurs. On risque, à terme, de se retrouver avec une institution déséquilibrée. Je pense qu'on va s'entendre assez facilement là-dessus.

Il faut, cependant, se méfier d'une injection qui serait trop rapide et trop instantanée de nouveaux postes de professeurs dans nos universités. En effet, peut-on recruter un nombre de professeurs aussi élevé que ce que l'on voudrait recruter maintenant? Est-il désirable qu'on les recrute tous la même année? Ne devrait-on pas chercher à régler ce problème sur un certain nombre d'années, de manière à ne pas recréer le même problème, puisqu'on introduirait un bouchon de nouveaux jeunes professeurs qui se déplaceraient dans le système avec, évidemment, le problème de vide qui se recréerait immédiatement. Donc, il faut parler, je dirais, d'une politique corrective étalée dans le temps, si on veut à la fois pouvoir les former et pouvoir éliminer le problème à sa source d'avoir une véritable échelle, une pyramide d'âges au sein du corps professoral.

Or, de quoi disposons-nous, à l'heure actuelle, simplement cette année? 37 000 000 $. C'est beaucoup pour les professeurs. Si on voulait investir cela sur les professeurs, il en entrerait pratiquement 400 ou 500. Deuxièmement, les actions structurantes permettent, pour une quarantaine d'équipes, d'incorporer de deux à cinq associés de recherche. Là, on parle, à nouveau, de 150 à 200 qui entrent. Nous examinons, pour l'année prochaine, la nécessité d'ajouter peut-être encore d'autres sommes.

Mais je mets tout de suite en garde le député d'Argenteuil. Il faudrait non pas qu'on cherche massivement à dégager des sommes pour une année donnée, mais plutôt s'engager sur une source de financement étalée dans le temps, qui permette le renouvellement du corps professoral. L'impression que j'ai, c'est qu'à l'heure actuelle, avec 37 000 000 $ et les quarante équipes d'actions structurantes, les universités vont en avoir plein les bras pour tenter de recruter du personnel enseignant de haut calibre.

M. Ryan: Si vous me permettez, les actions structurantes sont limitées à des domaines très hautement spécialisés, généralement...

M. Bérubé: Mais là où la pénurie se fait sentir plus particulièrement.

M. Ryan: ...du côté technologique. Mais on nous a signalé aussi que dans les facultés de lettres, par exemple, il y a un vieillissement très inquiétant du personnel.

M. Bérubé: Les 37 000 000 $ sont là.

M. Ryan: On ne sait pas où ils vont aller. On ne sait pas, nous, où ils vont aller.

M. Bérubé: Mais, justement, les universités ont les 37 000 000 $. Elles peuvent faire ce qu'elles veulent avec. S'il apparaît que le problème numéro un de nos universités, c'est le renouvellement du corps professoral, eh bien, j'imagine qu'elles vont les injecter dans des postes de professeurs. (17 heures)

M. Ryan: Quand vous dites qu'il faut échelonner cela sur quelques années, je pense que c'est l'évidence même. D'ailleurs, c'était le sens de la proposition qu'avait faite le Conseil des universités. Le programme qu'il demandait était étalé sur dix ans.

M. Bérubé: Les sommes que nous injectons sont majeures.

M. Ryan: Peut-être qu'il y a une partie qui peut aller pour cela. Je ne veux pas contester cela.

M. Bérubé: Majeures.

M. Ryan: Ce qui nous intéresse, c'est que ce processus de renouvellement reprenne, parce qu'il a été gravement tari au cours des cinq dernières années. C'est l'avis de...

M. Bérubé: II est clair que les universités n'ont pas été dans une situation où elles pouvaient recruter facilement. Il est également clair que, même quand elles disposaient de postes, elles n'ont pas souvent été capables de les combler. Il est également clair que l'injection de 37 000 000 $ pour les clientèles déjà inscrites depuis septembre 1984 et le programme d'actions structurantes vont mettre à la disposition des universités des sommes fort importantes pour le recrutement de nouveaux professeurs et que, si c'est là la priorité, l'impression que j'ai, c'est que le problème va être un problème de disponibilité de matière grise et non pas de budget.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Fabre.

Projets du plan quinquennal

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais avoir des précisions sur le plan quinquennal 1985-1986 d'équipement pour les universités. J'aimerais qu'on me précise quel montant on prévoit pour le plan quinquennal et ce que cela

représente par rapport au plan précédent. Quelle est l'évolution des montants par rapport au plan précédent? J'aimerais également qu'on m'indique quels sont les projets qu'on veut réaliser à travers ce plan quinquennal.

M. Bérubé: II faut bien se rendre compte qu'il s'agit d'un plan quinquennal à horizon glissant. Par conséquent, nous ne parlons pas d'un plan quinquennal terminé et remplacé par un nouveau plan quinquennal, mais nous parlons toujours d'un horizon de cinq ans qui se déplace chaque année.

Donc, le plan 1982-1987 était un plan de 275 000 000 $; le plan 1983-1988 est un plan de 282 000 000 $; le plan 1984-1989 est un plan de 300 000 000 $ et le plan 1985-1990 est un plan de 331 000 000 $. Mais il faut bien comprendre que, lorsque je compare le plan 1985-1990 avec le plan 1984-1989, il y a une seule différence, c'est un an. Alors, j'ai suppression d'une année dans le plan précédent et remplacement d'une nouvelle année dans le nouveau plan. On parle à nouveau de cinq ans, c'est difficile conceptuellement de faire les comparaisons que vous avez à l'esprit.

Tout ce que l'on peut dire c'est que, pour les cinq ans dont on parle, il y a 10 % de plus de budget par rapport aux cinq ans dont on parlait. Maintenant, comme les cinq ans dont on parlait incluent quatre années en commun, vous pourriez être tentés d'attribuer la différence de 10 % à l'année additionnelle; ce serait une grave erreur parce que tout le plan a été retravaillé. Alors, c'est très difficile de vraiment faire une comparaison.

M. Leduc (Fabre): Quels sont les projets les plus importants qui sont visés à travers ce plan?

M. Bérubé: Alors, à l'université, le projet le plus important, c'est l'UQAM avec sa phase II pour à peu près 25 000 mètres carrés. Le deuxième, je penserais que c'est la bibliothèque de Concordia. Il y a également l'Ecole polytechnique avec deux étages. Il y a la bibliothèque de l'Université de Montréal qui est un projet important mais qui, néanmoins, ne représente qu'un financement modeste pour l'État, le reste étant financé par une fondation privée. Après, c'est l'école de médecine vétérinaire, la ferme expérimentale de l'Université de Montréal. Ah oui, l'école de technologie supérieure qui aménage dans l'école Émile-Nelligan, INRS-Santé, l'agrandissement des Hautes Études commerciales. Je pense que vous avez là le compte.

M. Ryan: II n'y a pas d'université à Laval.

Une voix: Pas encore.

M. Ryan: Dans la ville de Laval, la ville du député de Fabre.

M. Bérubé: L'Université Laval est en pleine santé et n'a pas vraiment besoin d'espace à l'heure actuelle.

M. Ryan: Toute sa question était orientée vers ça.

M. Leduc (Saint-Laurent): II va y en avoir une à Saint-Laurent avant Laval.

M. Ryan: C'est malheureux, M. le député, il faudrait que vous passiez le message au ministre du Commerce extérieur.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va?

M. Ryan: À propos du plan quinquennal, il y avait une pratique qui consistait, à toutes fins utiles, à avoir un taux d'augmentation de 2,5 % par année. Je crois comprendre que c'est à peu près maintenu. Est-ce qu'il y a des changements là-dessus ou si c'est à peu près la même chose?

M. Bérubé: D'après les...

M. Ryan: Excusez, je vais compléter ma question, si vous me permettez. Ce qui nous intéresse, évidemment, c'est de voir s'il y a une progression ou si ce sont les mêmes politiques qui continuent sans trop de modification. Ici, j'ai l'impression, finalement, que les 2,5 % sont maintenus; par conséquent, on peut aligner de gros chiffres, mais il n'y a pas tellement de changement. Est-ce que je suis dans l'erreur? Oui? J'en serais très heureux. Sur les chiffres, malheureusement, on ne se trompe pas trop souvent.

M. French: Je ne sais pas si le ministre a compris.

M. Bérubé: Non, j'ai malheureusement...

M. Ryan: Ah! il l'admet maintenant; II ne faut pas lui faire renier ce qu'il a dit ce matin.

M. Bérubé: Non, je ne renie rien.

M. Ryan: Voilà, madame, est-ce qu'il y a quelque chose de changé?

Une voix: M. le ministre...

M. Ryan: Excusez, vous me regardiez d'un oeil tellement sympathique que j'étais sûr que vous partagiez mon point de vue.

Une voix: Nous sommes tous une grande famille.

M. Ryan: Je ne suis pas chanceux.

M. Leduc (Saint-Laurent): On est tellement sympathique.

M. Bérubé: Ce que je vous indiquais tantôt, par exemple, c'est que l'enveloppe globale, si on regarde les plans quinquennaux, a crû en 1982-1987, si je la compare avec 1983-1988, de 2,6 %. Si je prends le plan quinquennal suivant, elle augmentait de 6,3 % et, si je prends le plan quinquennal suivant, de 10,3 %. Donc, ce sont des taux d'augmentation qui sont au-delà de 2,5 %.

Deuxièmement, lorsque vous parlez de...

M. Ryan: Je m'excuse, je voudrais vous suivre sur les chiffres parce que tout le reste pourrait être inutile. Vous avez dit 1982-1987 par rapport à 1983-1988.

M. Bérubé: II y aurait une croissance de 2,6 %.

M. Ryan: 2,6 %, oui. Ensuite?

M. Bérubé: Pour le plan quinquennal suivant, 1984-1989, 6,3 %.

M. Ryan: 6,3 %, oui.

M. Bérubé: Pour 1985-1990, 10,3 %.

M. Ryan: Continuez, ça va.

M. Bérubé: Pour l'ensemble du plan. Lorsque vous parlez des 2,5 %, vous faites référence à l'enveloppe annuelle pour entretien, améliorations, immobilisations de petite taille, répartie sur une base normée entre les différentes institutions. Cette enveloppe, effectivement, n'augmente que de 2,5 %. Si, cependant, vous ajoutez les sommes additionnelles que nous avons consenties cette année pour l'équipement scientifique et la micro-informatique, vous retrouvez un taux de croissance de 4,8 %. Cela, c'est pour l'enveloppe annuelle normée.

À cette enveloppe annuelle normée s'ajoute l'enveloppe des immobilisations. Il est exact de dire que, compte tenu des immobilisations importantes que nous voulions réaliser, nous avons réduit la croissance de l'enveloppe annuelle de manière à dégager des crédits pour des immobilisations. Donc, les 2,5 % auxquels vous faites référence, c'est une décision gouvernementale, soumise d'ailleurs à la discussion et à l'avis du Conseil des universités, de diminuer l'enveloppe annuelle à 2,5 % par rapport à une croissance qui aurait pris en compte l'inflation et la croissance du service de la dette, de manière à pouvoir financer des immobilisations lourdes.

Il s'est avéré que les projections d'inflation ont dû être révisées à la baisse et que cet échange que j'avais négocié avec le Conseil du trésor se traduit par une petite baisse de 300 000 $ du budget annuel contre une très importante augmentation du budget d'immobilisations. Par conséquent, j'ai échangé un cheval contre un lapin avec le Conseil du trésor, mais il arrive parfois que, chacun ayant aiguisé ses crayons, nos crayons furent mieux aiguisés que les leurs ce jour-là; mais, parfois, c'est l'inverse.

M. Ryan: Maintenant, vous avez dit que vous aviez demandé là-dessus l'avis du Conseil des universités. Est-ce que celui-ci ne vous avait pas dit que ce taux, qui a été retenu finalement, est insuffisant pour faire face aux besoins?

M. Bérubé: Aujourd'hui, écoutez... C'est très simple. À l'heure actuelle, si nous avions appliqué les paramètres qui ajustent la croissance du service de la dette sur nos immobilisations à l'inflation, le taux de croissance de l'enveloppe annuelle aurait dû être de 3,2 %, alors que nous avons réussi à négocier avec le Trésor, l'an dernier, sur la base de projection d'inflation supérieure, un échange entre l'enveloppe annuelle d'immobilisations et les immobilisations plus lourdes, lesquelles sont financées sur la base de projets. C'est ainsi qu'on m'a permis de m'engager davantage dans des projets d'immobilisation. Je finançais de telles immobilisations lourdes par un prélèvement sur mon enveloppe annuelle, qui, à ce moment-là, se retrouvait avec un taux de croissance de 3,2 % abaissé à 2,5 %.

Cependant, comme les projections s'avèrent nettement inférieures en termes d'inflation, ce que j'ai perdu à l'enveloppe annuelle est très faible, ce que j'ai gagné en enveloppe d'immobilisations lourdes est très grand; cela explique pourquoi j'ai une croissance de 10 % dans mon plan quiquennal, grâce à cet échange d'un lapin pour un cheval.

M. Ryan: Maintenant, vous allez me dire une chose...

M. Bérubé: Je pense que, finalement, cela aura été une excellente décision, non pas du point de vue du Trésor public, cela s'entend, mais du point de vue des universités.

M. Ryan: Dans le plan quiquennal d'investissements lourds, dans quelle proportion ce sont des constructions et dans quelle proportion ce sont des équipements?

M. Bérubé: Ce sont des constructions. M. Ryan: Seulement de la construction.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Le programme pour le renouvellement, l'entretien d'abord et le renouvellement des équipements, toutes les informations que nous croyons avoir indiquent qu'il est insuffisant. Est-ce que vous soutenez qu'il est suffisant? Le Conseil des universités avait été assez explicite là-dessus, il me semble, l'an dernier.

M. Bérubé: Elles n'ont pas de données sur leur parc d'équipements scientifiques, techniques pour l'enseignement. C'est un des problèmes. Nous n'avons pas de donnée sur l'état du parc. Nous n'avons pas d'information sur les besoins reliés à l'enseignement, ni de normes sur lesquelles nous pourrions tabler pour affirmer que le parc d'équipements est adéquat ou non.

En conséquence, nous nageons dans le domaine le plus complet de l'opinion.

M. Ryan: Cela est sérieux. C'est une carence très sérieuse.

M. Bérubé: C'est que ce n'est pas facile à déterminer.

Une voix: Cela est un chiffre de budget d'équipement...

M. Ryan: Oui, pourriez-vous nous donner ces chiffres, justement; cela m'intéresserait au plus haut point.

M. Bérubé: J'ai ici ce qui a servi de 1980 à aujourd'hui pour l'équipement scientifique. Alors, je vous donne les chiffres. De 1980-1981 jusqu'à 1986-1987: 7,3, 8,3, 9,8, 10,7, 19,2 en 1984-1985; 20,9 en 1985-1986 et 19,1 en 1986-1987. Cela est l'enveloppe pour le remplacement d'équipements scientifiques, l'augmentation de ce stock d'équipements scientifiques, l'équipement scientifique relié au virage technologique de 5 000 000 $ par année, et l'implantation de la micro-informatique dans les différents services ou facultés universitaires.

M. Ryan: Cela, c'est tout ce que vous avez de crédits budgétaires pour les équipements. Cela comprend...

M. Bérubé: À l'intérieur du plan...

M. Ryan: ...les trois montants annuels de 5 000 000 $.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Les trois dernières années.

M. Bérubé: Oui.

Une voix: Cela ne comprend pas... M. Ryan: Pardon?

Une voix: Cela ne comprend pas les sommes du fonds FCAR...

M. Bérubé: Cela ne comprend pas les fonds du FCAR, cela ne comprend pas...

M. Ryan: Non, non, non.

M. Bérubé: ...l'équipement pour la recherche.

M. Ryan: Cela est entendu. Mais le programme spécial de 15 000 000 $ est compris là-dedans.

Une voix: Est dedans. M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Trois tranches de 5 000 000 $.

M. Bérubé: Maintenant, la difficulté vient de ce qu'il n'existe pas, contrairement à ce que l'on pourrait avoir dans le cas des immeubles, où on a des normes, des standards nord-américains qui relient directement le nombre d'étudiants, le type de formation qu'ils reçoivent à leurs besoins en espace. Par conséquent, on est en mesure, sur la base des clientèles additionnelles, de déterminer quels sont nos besoins en location ou en construction d'immeubles. Existent également certaines règles concernant la quantité ou les sommes requises pour assurer l'entretien et le renouvellement d'un parc à partir du parc existant et de son âge. Donc, si on a le volume actuel des immobilisations et leur âge relatif on est à peu près capable de déterminer quelle somme on devrait consacrer à la rénovation, et je pense qu'à nouveau on y arrive.

Là où c'est beaucoup plus difficile c'est lorsque l'on parle de l'équipement technique pour l'enseignement dans les facultés, car cela dépend énormément du type d'enseignement que l'on dispense, cela dépend énormément de l'organisation académique. On peut avoir un laboratoire absolument merveilleux qui sert exactement trois heures par semaine, ou on peut avoir le même laboratoire qui sert quinze heures par semaine simplement en réorganisant son enseignement. Par conséquent, il n'y a pas de standard absolu. Et comme nous n'avons pas une évaluation des besoins de nos universités, que nous n'avons pas une évaluation de l'équipement qui est déjà en place, que nous n'avons pas de critères de comparaison basés sur ce qui existerait à l'extérieur, à l'étranger, on peut tout au plus se fier à la critique de certains professeurs

d'université qui peuvent avoir des problèmes. Donc, pour l'instant c'est très aléatoire, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé au ministère de mettre l'accent sur une évaluation plus rigoureuse des besoins en équipement.

Disons que nous avons injecté une quinzaine de millions, je ne dirais pas les yeux bandés, mais en nous disant: Bien, écoutez, puisque les gens protestent c'est qu'il doit y avoir un problème. Est-ce que avec 15 000 000 $ c'est assez ou pas assez? Cela est notre problème, et il faut le reconnaître honnêtement: on n'a pas vraiment l'information. (17 h 15)

M. Ryan: En tout cas, je vous assure que l'an dernier j'étais allé à l'Université de Montréal un jour et j'avais rencontré des professeurs du Département de chimie, et ils étaient joliment en arrière au point de vue de l'équipement; ils étaient absolument incapables de faire face à la demande qui leur arrivait. C'est juste un exemple, je ne veux pas m'attarder sur cela, ce n'est pas l'endroit pour faire cette enquête.

Je voudrais annexer à ceci une autre question qui s'y rattache assez directement c'est celle des bibliothèques des universités. J'aimerais savoir où en est le gouvernement en matière de politique à l'endroit du développement et du fonctionnement des bibliothèques universitaires. Les échos que nous avons, et nous en faisons la vérification de temps à autre quand nous avons l'occasion d'aller travailler dans ces endroits, c'est qu'il y a une détérioration des "stocks" qui s'est opérée ces dernières années à la faveur de coupures budgétaires. Alors que les coûts des abonnements et des publications augmentaient, les budgets souvent diminuaient. Je voudrais savoir si le gouvernement est au courant de la perte de terrain que nous avons subie de ce côté? Quelle mesure entend-il prendre pour que les bibliothèques soient vraiment à la hauteur des besoins des professeurs et des étudiants?

M. Bérubé: D'abord, il est vrai que, lorsque vous avez à faire face à des restrictions budgétaires, certaines dépenses sont plus facilement compressibles que d'autres. L'exemple: L'équipement, la fourniture de bibliothèque. C'est bien évident qu'on peut, temporairement, y appliquer là les contraintes avant de regarder ailleurs. Également, ce n'est pas mauvais en ce sens qu'un appareil administratif ne se réajuste pas instantanément sous l'exercice des contraintes. Effectivement il faut envisager parfois le non-renouvellement de postes de professeurs. Il faut donc étaler dans le temps l'application d'une compression, ce qui amène à ce moment l'université à temporairement faire supporter l'effort maximum par une dépense telle la dépense des bibliothèques, ne pouvant pour l'instant appliquer la compression ailleurs. Toutefois, ultérieurement, au fur et à mesure que l'université peut rationaliser ses opérations, elle se dégage des ressources et elle peut à nouveau les réallouer du côté des bibliothèques. Donc, ne nions pas que nos bibliothèques universitaires ont probablement souffert de la période de restriction budgétaire, et cela était inévitable. N'oublions pas non plus - et cela m'a été souligné par quelques recteurs - que nos bibliothèques universitaires avaient à un moment donné privilégié l'administration plutôt que les collections, et que beaucoup de nos bibliothèques universitaires sont gérées suivant des méthodes antiques extrêmement coûteuses en personnel, personnel souvent qui n'a pas la mobilité latérale au sein de l'université et qu'on est donc obligé de supporter que le besoin existe ou non.

Une des raisons de l'insuffisance de certaines collections dans les bibliothèques universitaires est reliée par certains recteurs au fait que certaines compressions qui auraient dû être faites au niveau du personnel d'administration des bibliothèques, n'ont pas pu être faites à ce niveau-là et ont donc été faites au niveau des collections; on se retrouve, effectivement, avec des modes de gestion inadéquats.

D'ailleurs, je vous rappellerai que ce fut l'un des éléments les plus centraux de la négociation à l'Université Laval. L'université voulait obtenir de ses employés - je pense qu'elle a finalement obtenu raison - une plus grande mobilité justement pour pouvoir réallouer du personnel qui leur apparaissait beaucoup trop nombreux au niveau de la bibliothèque, pouvoir le réallouer ailleurs afin de faire un usage plus judicieux de leur personnel, et à ce moment-là ne pas être amené à faire des compressions qui leur apparaissaient peut-être moins désirables, telles les compressions au niveau des collections.

Je pense que, oui, c'est vrai sans doute que les bibliothèques ont subi une bonne partie des compressions, que ces compressions n'ont pas nécessairement porté là où elles auraient dû porter mais là où les universités étaient prises pour les faire porter, que les universités sont en voie de corriger en général ces situations, et qu'avec les fonds additionnels dont elles disposeront, écoutez, si elles ne réussissent pas à trouver 500 professeurs, elles pourraient peut-être en trouver 300 et mettre quelques livres.

M. Ryan: Mais "en voie de corriger"... Ce serait seulement avec les crédits additionnels de 1985-1986, sûrement pas avec ce qu'elles ont reçu en 1984-1985, ni les années précédentes.

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: D'accord. Là-dessus, il y a juste un petit point que je voudrais soulever à ce moment-ci, M. le Président, une question reliée à notre programme de travail. Normalement, nous devrions continuer sur les universités jusqu'à l'ajournement de fin d'après-midi. Ce soir nous devons reprendre... S'il reste encore un petit peu de temps pour les universités, on peut le prendre, mais il y a des collèges à voir et il y a l'Office des professions, évidemment. Je voudrais demander au ministre s'il aurait objection à ce que vers 17 h 40 ou 17 h 45, on donne à mon collègue de Gatineau - de Chapleau, je m'excuse, du comté de Chapleau - M. Kehoe, l'occasion de lui adresser quelques questions au sujet d'une question que le ministre devine très bien. M. Kehoe ne pouvant pas être ici ce soir, cela lui donnerait la chance de poser ces questions-là, de retourner chez-lui en disant qu'il a bien défendu les couleurs de son équipe, comme chacun est toujours fier de pouvoir le faire.

M. Bérubé: M. le Président, il n'y a pas de problème. On n'a pas souvent l'occasion de l'entendre et cela nous fera certainement plaisir.

Une voix: Merci beaucoup.

M. Ryan: On reprendra, à ce moment-là, à 20 heures ce qui ne sera pas terminé sur les universités, parce que je ne voudrais pas donner l'impression qu'on était à court de souffle là-dessus, bien au contraire. Alors, on continue.

Le Président (M. Charbonneau): Ça va, on continue, il est moins vingt.

M. Bérubé: Vous ne nous donnez pas l'impression, vous nous donnez l'évidence.

M. Ryan: M. le Président, nous continuons, nous continuons sans nous occuper des jugements de valeur du ministre, comme d'habitude. À propos du FCAR...

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez...

M. Ryan: Quand il annonce des politiques, parfois il est intéressant.

Le rajeunissement du corps professoral (suite)

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous me permettez, je voudrais peut-être revenir à une question sur le renouvellement du corps professoral. Je voudrais savoir si vous avez vérifié les conséquences de la loi 15. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Est-ce que la loi 15, vraiment, a un impact sur le vieillissement du corps professoral? Avez-vous des chiffres?

M. Bérubé: Je n'ai pas de chiffres récents. Nous avons surveillé à un moment donné l'impact de la loi 15, il y a déjà plusieurs mois, et je n'ai pas de données. Je vais voir si nous avons des données mises à jour.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est bien beau de parler de renouvellement, mais s'il y a un bouchon parce que, disons, les professeurs continuent au-delà de 65 ans, on ne permet certainement pas aux jeunes de prendre la place. Je comprends qu'on peut augmenter le nombre de professeurs mais la meilleure façon de renouveler, je pense que c'est le remplacement de ceux qui partent.

Mme Fortin: ...de données récentes là-dessus, mais on en a moins que vous pouvez l'imaginer, car les universités ont mis en place des programmes pour faciliter la mise à la retraite accélérée d'un grand nombre de leurs professeurs. Les informations qu'on a de la part des universités c'est que ces programmes sont relativement efficaces, c'est-à-dire qu'il y a des mises à la retraite progressive; cela n'a pas un impact aussi grand qu'on pouvait le craindre au moment où la loi 15 a été promulguée. Remarquez qu'on aurait pu, même avec la loi 15, présenter un règlement pour exempter les universités, comme il en a déjà été question, mais la Charte des droits et libertés de la personne nous empêche de considérer des mécanismes de ce type.

La façon dont les universités ont contourné le problème, c'est de mettre sur pied des programmes d'incitation à la retraite. Ces programmes, jusqu'à présent, fonctionnent très bien.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on pourrait avoir des chiffres? Je serais intéressé. Vous dites...

Mme Fortin: On ne les a pas.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai l'impression que vous n'avez jamais eu de chiffres là-dessus.

Mme Fortin: On en a eu au moment où la loi 15 a été promulguée. Nous avons essayé d'évaluer l'impact de cette situation sur les universités en fonction des structures d'âge du corps professoral. Mais on n'a pas de données récentes sur le nombre de professeurs, à quel âge ils ont été mis à la retraite ou non dans les universités.

M. Bérubé: II faut dire que cela se comprend. On a déjà de la difficulté à

obtenir des bases de données fiables sur les clientèles universitaires, sur les coûts. Alors, vous comprendrez que toutes ces questions, qui pourraient être intéressantes, généralement se heurtent à un obstacle majeur, c'est que nous n'avons pas de banque de données sur l'ensemble de notre réseau.

Par exemple, comme ministre responsable, je ne sais pas, comme information, quels sont les programmes de doctorat, les professeurs qui y enseignent, le nombre d'étudiants inscrits, combien de doctorats on donne par année. Je n'ai même pas ce portrait aussi simple et élémentaire que toute société, normalement, il me semble, voudrait détenir. Je n'ai pas de portrait sur l'état du réseau universitaire. Par tradition, la grande indépendance de nos institutions a fait en sorte que l'information colligée qui nous permettrait d'avoir un tableau d'ensemble, nous ne l'avons pas. On peut, par le biais de statistiques diverses, parfois, arriver à recouper certaines données pour à peu près retomber sur nos pieds. Mais, très fréquemment, nous n'avons pas l'information.

Dans ce cas-là, si nous voulions avoir l'information, il faudrait, effectivement, procéder par questionnaire auprès de chacune des institutions d'enseignement supérieur, ce qui se traduit par une paperasse de plus, donc une critique de plus concernant l'abus de la réglementation et des enquêtes gouvernementales.

M. Leduc (Saint-Laurent): On parle de rajeunissement, mais je me demande si, des fois, on ne parle pas dans le vide.

M. Bérubé: Si les universités avaient voulu en faire véritablement un cas, elles auraient assemblé un dossier et l'auraient fait valoir. Si nous avions reçu, par exemple, de l'université un portrait de la situation de l'application de la loi 15, qui amène l'université à conclure que le problème est majeur, à ce moment-là on aurait pu commencer à avoir des données. Mais, dans la mesure où aucune université n'a senti le besoin de nous assembler un tel dossier, c'est probablement que le problème n'est pas majeur.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, comment rajeunissez-vous le corps professoral, en pratique? Vous ajoutez des professeurs? Est-ce que cela va être suffisant pour qu'on parle de rajeunissement? On parle de rajeunir, mais comment le fait-on? Quand? Comment?

M. Bérubé: Bien, il faut dire que la vie, comme toute bonne chose, a une fin, un jour. Alors, il y a nécessairement une rotation.

M. Leduc (Saint-Laurent): On va atten- dre!

M. French: C'est la politique du ministre, attendre!

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va attendre. Cela va se rajeunir un jour.

M. Bérubé: Écoutez, je pense que...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vieillissez vite.

M. Bérubé: ...là où il y a souvent une mauvaise perception de tout le dossier, c'est qu'on ne réalise pas que, un jour ou l'autre, les gens quittent. Alors, le seul problème, c'est dans la période de transition, parce que, en régime stationnaire, il y aura effectivement un nombre d'enseignants qui va quitter, qui va être là; même celui qu'on observe actuellement... Il y aura un nombre d'enseignants qui quittent et un nombre d'enseignants qui entrent. Cela ne change pas du fait de l'application de la loi 15. Cette dernière n'a simplement comme conséquence que de gonfler le nombre global de professeurs pendant la période où on tend vers le nouveau régime stationnaire.

Alors, ce que cela veut dire, c'est que pendant un certain nombre d'années, vous aurez plus de professeurs dans votre système que vous n'en aviez antérieurement, jusqu'à ce que vous retrouviez un nouvel équilibre, de telle sorte que "Q-in" égale "Q-out", et que la différence c'est le volume fois DCDT pour avoir l'équation différentielle au complet. (17 h 30)

Effectivement, vous ne pouvez pas avoir un nombre de professeurs dans nos universités qui tende vers l'infini. Vous finissez par retrouver à un moment donné un nouvel équilibre où le nombre qui entre est égal au nombre qui sort. C'est exactement le même équilibre que présentement, sauf qu'il y a un plus grand nombre de corps dans le système en régime d'équilibre. C'est une petite équation très simple en écoulement des fluides.

Une voix: C'est ce qui existe actuellement, donc le vieillissement du corps professoral.

Une voix: C'est exactement cela. M. Ryan: M. le Président. Une voix:C'est cela l'équation.

Mme Fortin: M. le député me corrigera, mais dans l'étude faite par le Conseil des universités sur cette question-là, je pense qu'en situation stable il y a un taux de roulement qui implique environ 500 ou 700

professeurs par année sans ajout d'un poste de plus. Je pense que c'est 700. Cela veut dire qu'à nombre égal, étant donné qu'il y a à peu près 7000 à 8000 profs dans les universités, les gens qui partent naturellement, parce qu'ils changent de fonction, ils deviennent députés, ils s'en vont dans d'autres types d'activité, il y en a à peu près 700 par année qui peuvent être remplacés par des plus jeunes sans qu'on ajoute un poste de plus.

M. Bérubé: On prend les meilleures additions dans la deputation.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député d'Argenteuil.

L'indexation des dépenses

M. Ryan: On va essayer d'aborder un autre sujet avant d'en venir au sujet qui préoccupe M. Kehoe ainsi que nous d'ailleurs.

Une voix: Oui.

M. Ryan: L'indexation des autres dépenses que des salaires, vous l'avez fixée cette année à 4 %.

M. Bérubé: On ne l'a pas fixée, on l'a mesurée.

M. Ryan: Pour une fois. M. Bérubé: 4,3 %.

M. Ryan: 4,3 % c'est le taux d'inflation de l'année dernière, si mes souvenirs sont bons, l'année 1984.

M. Bérubé: ...tantôt l'inflation composite, puisqu'il nous faut utiliser, pour les dépenses d'énergie, des taux d'indexation propres et pour d'autres dépenses, d'autres taux d'indexation. C'est disons l'intégral des taux d'indexation sur l'ensemble des dépenses du réseau universitaire.

M. Ryan: En tout cas, c'est le chiffre qui était dans le discours sur le budget dans les publications de Statistique Canada. Cela fait qu'on ne se perdra pas là-dedans.

Ma question, je me réjouis...

M. Bérubé: Ah non, c'est un jeune très intéressé par le développement de la haute technologie.

M. Paré: Je n'ai pas de question, j'ai compris.

M. Ryan: Là vous nous gênez, M. le député de Shefford.

Une voix: Le président n'ayant pas compris...

M. Ryan: Le député de Shefford nous gêne terriblement. Avez-vous compris ce qu'il a dit? Il a dit: Je ne pose pas de question, j'ai compris.

M. Paré: C'est parce que j'ai parlé au ministre avant.

M. Ryan: Très bien.

M. Paré: C'est à votre tour.

Le Président (M. Charbonneau): Ceci dit, j'inviterais les membres de la commission à utiliser un langage qui va permettre aux citoyens de comprendre le Journal des débats.

M. Ryan: M. le Président, je m'intéresse à ce moment-ci à la question de l'indexation des dépenses autres que les salaires. Le ministre nous a annoncé que, dans le secteur universitaire, il y aurait indexation à un taux de 4,3 % pour l'année 1985-1986. Dans le secteur des collèges il n'y a aucune indexation. Dans le secteur primaire et secondaire, il y a indexation de 2 % à ce chapitre. Alors là c'est une espèce d'hydre à trois têtes. Vous avez d'un côté, selon qu'on a une préférence pour ce secteur-ci cette année, on lui donne 4,3 %; selon que l'on trouve que l'autre secteur a été bien traité ou ne mérite pas d'être traité sur un pied d'égalité ou sur un pied de normalité, on dit: Vous autres, c'est rien. Entre les deux, il y a celui que l'on situe dans la moyenne, au sujet de laquelle on cherche d'ailleurs en vain un rationnel. On dit: Vous, c'est 2 %.

Je vous pose la question au sujet des universités. Je ne veux pas que vous me fassiez une grande démonstration, je suis d'accord pour que l'on indexe les universités à 4,3 %, mais je ne comprends pas que dans un secteur qui relève de votre autorité immédiate, le secteur des collèges, il n'y ait aucune indexation, alors qu'il y a des besoins extrêmement urgents comme ceux que j'ai signalés ce matin; je ne comprends pas que dans le secteur, j'adresse la parole à titre de membre du gouvernement, que dans le secteur de l'enseignement primaire et secondaire on ait une indexation limitée à 2 %. Je pense que c'est un très bel exemple d'incohérence dans la politique gouvernementale. Et si le gouvernement jugeait devoir mettre plus d'argent dans un secteur ou dans l'autre, il y avait d'autres moyens de le faire qu'une manière aussi irrationnelle de faire l'indexation de dépenses qui doivent être encourues.

M. Bérubé: Alors, M. le Président, je

pense qu'il faudrait plutôt un cours sur la façon de préparer un budget. À ce moment-là, cela s'expliquerait plus facilement. Essentiellement, la compression est la même pour tout et partout. C'est-à-dire que les autres dépenses ne sont pas indexées. Par exemple, FCAR voit son budget non indexé, puisqu'elle est soumise à la même contrainte. Les universités étaient soumises à la non-indexation également, les collèges, les commissions scolaires aussi, les hôpitaux. Subséquemment, il y a eu deux décisions gouvernementales d'utilisation de la marge de manoeuvre, le pauvre 100 000 000 $ de marge de manoeuvre dont nous disposions.

Nous avons décidé d'effacer pour deux réseaux cette compression additionnelle, soit dans les centres d'accueil et les hôpitaux, compte tenu que l'évaluation qu'on en faisait, c'est qu'il était très difficile de ne pas indexer les dépenses alimentaires, celles-ci ayant connu l'essentiel des compressions passées, et qu'après examen du budget du réseau de la santé, on a tiré la conclusion qu'il n'y avait pas de marge de manoeuvre pour exercer une telle compression. Ce qui fait que dans le domaine de la santé, foyers pour personnes âgées et hôpitaux, on a effectivement annulé cette compression. Également dans le cas du réseau universitaire, on a annulé cette compression.

Dans tous les autres cas, la compression s'est appliquée. Il était évidemment possible pour le ministère de l'Éducation - je ne suis pas là pour discuter des décisions prises par le ministère - de répartir sa compression différemment. J'ignore comment le ministère de l'Éducation a pu répartir sa compression, qui correspondait à la non-indexation de ses autres dépenses, mais une chose est sûre, c'est qu'il a dû avaler cette compression, il a dû la prendre. En toute probabilité - il suffira de poser la question au ministre responsable - ce que le ministre a pu faire, c'est de ne pas la faire porter entièrement par les autres dépenses et de la faire porter ailleurs où il pouvait avoir une certaine marge de manoeuvre.

Cela peut expliquer, à ce moment-là, pourquoi le ministre de l'Éducation a une compression de 2 %. Mais n'oubliez pas qu'il y a certainement une compression ailleurs parce que l'ensemble des réseaux ont effectivement dû supporter la compression, sauf le réseau de la santé et de l'enseignement supérieur universitaire.

M. Ryan: Est-ce que le ministre veut dire que, dans l'ensemble de l'administration publique, et également dans le secteur parapublic, comprenant non seulement les institutions d'enseignement et les institutions sociales et sanitaires, mais les sociétés d'État qui émergent directement des contributions du gouvernement, est-ce que dans tout l'ensemble de l'administration publique et parapublique, il y a une règle voulant qu'il n'y ait pas d'indexation des dépenses autres que les salaires en vigueur pour 1985-1986?

M. Bérubé: C'est ça, tous les organismes budgétaires. Tous les organismes budgétaires se sont vu imposer la même compression: non-indexation des dépenses autres que salariales.

M. Ryan: Et depuis quand...

M. Bérubé: C'est une décision qui remonte à décembre, à peu près, décembre 1984.

M. Ryan: Est-ce qu'on pourrait avoir la référence de l'arrêté en conseil où a été prise cette décision?

Une voix: C'est un arrêté du Conseil du trésor, probablement.

M. Bérubé: Non, c'est une décision du Conseil des ministres, à ma connaissance.

M. Ryan: Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir la référence?

M. Bérubé: On pourrait essayer.

Une voix: Cela s'applique depuis quand?

M. Bérubé: Cette année.

M. Ryan: Il n'y a jamais eu de déclaration explicite là-dessus de la part du président du Conseil du trésor, du ministre des Finances, à ma connaissance, sur cela.

M. Bérubé: C'est-à-dire que la compression... Cette méthode servait à déterminer le quantum. Ensuite, le ministère examinait, à l'intérieur de son budget, où faire porter la compression. Tantôt, elle pouvait apparaître sous la forme d'une suppression d'un programme, d'un service, elle pouvait apparaître sous la forme d'une compression d'effectifs supérieure à l'objectif demandé. Elle prend différentes formes, cette compression, mais le quantum est calculé comme on vient de l'indiquer... Donc elle est universelle.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Tel que convenu, nous allons maintenant céder la parole au député de Chapleau, quitte à revenir sur ces questions ce soir. M. le député de Chapleau.

L'implantation d'un cégep à Gatineau

M. Kehoe: Merci, M. le Président. M. le ministre, vous êtes sans doute au courant

des problèmes vécus au campus à Gatineau.

M. Bérubé: Non, je n'en ai pas entendu parler.

Une voix: Où est-ce que c'est?

M. Kehoe: Vous allez le savoir. Je pense que ça fait deux ou trois ans que c'est dans le décor. Vous avez fait des promesses, votre prédécesseur...

M. Bérubé: Oh non, je n'ai pas fait de promesse!

M. Kehoe: Votre prédécesseur, Camille Laurin, a fait des promesses, le ministre de notre région. Oui, vous avez fait des promesses, je vais lire votre promesse, je l'ai ici, en date du 12 mars 1985, textuellement, le troisième paragraphe: "En attendant cette décision sur le financement, le ministre, de concert avec le collège de l'Outaouais poursuit, après approbation du devis pédagogique, l'élaboration des devis techniques en construction du campus de Gatineau. C'est vous dire la priorité de ce projet du ministère et notre volonté d'y donner suite. Tout est déjà mis en oeuvre pour que cela se réalise dans les meilleurs délais." Je pense que cela ne peut pas être plus clair.

M. Bérubé: Ah, dans les meilleurs délais! Mais, c'est un excellent délai.

Une voix: II ne pourrait pas en avoir de meilleur.

M. Kehoe: Je pense que vous devez me donner la chance, au moins, de poser des questions avant de répondre. Tantôt vous avez dit que vous avez donné un cheval pour un lapin; là, je me demande si vous n'êtes pas en train de passer un sapin au monde de la ville de Gatineau. À toutes fins utiles, M. le ministre.

Une voix: C'est la forêt de tantôt...

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre! Le député de Chapleau, d'ailleurs, a peu de temps.

M. Kehoe: Justement, qu'il me laisse poser la question avant de donner des réponses.

M. Bérubé: Est-ce qu'on peut avoir la citation au complet. Est-ce que le député peut déposer le document?

M. Kehoe: La lettre est signée par M. Yves Bérubé, je pense. C'est qui cela, au juste? Je ne suis pas sûr si la personne est là. J'ai souligné la partie la plus intéressante où vous avez fait les promesses.

M. Bérubé: II y a des paroles intéressantes dedans.

M. Kehoe: M. le ministre, si vous me permettez, je peux aussi déposer des documents...

Une voix: C'est important, on a eu la naïveté de le prendre au sérieux.

M. Kehoe: ...signés par M. Camille Laurin. Je pense que vous l'avez connu.

Une voix: Oui, il est bien connu.

M. Kehoe: Pas aussi bienvenu aujourd'hui qu'auparavant. Il y a aussi Mme Marois qui a signé un document similaire.

Une voix: Il ne faut pas l'oublier, cela!

M. Kehoe: Tous ces documents vont dans le sens qu'il y a plutôt une garantie qu'il y aura un cégep à Gatineau. D'ailleurs, les annonces dans les médias vont dans le sens que vous vous êtes engagés à débloquer l'argent. D'ailleurs, toutes les étapes sont faites. Vous m'avez fait une promesse lors d'une visite, lors de la rencontre avec le maire de Gatineau et le sous-signé, vous m'avez dit: Faites deux choses. D'abord prouvez qu'il y a un besoin. Je pense que tout le monde est d'accord - on a déposé cinq documents - que le besoin d'un campus de cégep dans notre région est clairement établi.

Deuxièmement, vous avez demandé à tous les intervenants de la région d'en venir à un consensus, parce qu'il y avait la question d'un campus à Gatineau et d'un cégep autonome dans la ville de Gatineau. Vous avez dit: Ne vous chicanez plus entre vous. Arrivez à un consensus et, après cela, je réglerai le problème.

M. Bérubé: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. Kehoe: Laissez-moi finir; je n'ai pas posé de question. J'en viens à la question; donnez-moi la chance, au moins. M. le ministre, vous m'avez dit textuellement: Si tous les intervenants de la région en viennent à un consensus pour accepter un campus du cégep de l'Outaouais à Gatineau, je verrai...

M. Bérubé: ...à soumettre la demande au Conseil du trésor.

M. Kehoe: Pas seulement... De défendre et de pousser votre projet pour assurer que ce soit accepté. J'étais présent quand vous m'avez fait cette promesse, devant le maire

de la ville de Gatineau. D'ailleurs, vous le répétez quasiment dans votre lettre. Je sais que vous allez faire des nuances; vous allez jouer avec cela. Mais, l'affaire demeure quand même que vous l'avez dit, et que vous l'avez promis dans la lettre.

M. Bérubé: Je le répète dans ma lettre, oui. La demande de financement du campus a été acheminée au Conseil du trésor.

M. Kehoe: II faut lire plus loin; là, vous sautez un bout. Allez plus loin à l'autre paragraphe, où vous avez pris des engagements. M. le ministre, avant de poser des questions, on s'en vient tranquillement à ma question! Le 28 mars 1984, je note, ici, devant moi: Québec accorde 2 300 000 $ pour agrandir le cégep de Drummondville. Je lis textuellement un paragraphe: ce qui ressort d'une conférence de presse tenue à la fin de l'après-midi, alors que le président du Conseil du trésor et député de Drummond, M. Michel Clair, a annoncé que les membres du conseil d'administration... un montant de 2 300 000 $ soit accordé pour agrandir -pas pour la construction d'un campus - un campus déjà existant à Drummond.

Je trouve cela extrêmement curieux que notre projet soit bloqué au niveau du Conseil du trésor et le président du Conseil du trésor est le député de Drummond. C'est une coïncidence, j'en suis sûr, mais c'est juste donné que lui peut débloquer un montant de 2 300 000 $ pour agrandir, pas pour l'implantation d'un campus déjà promis par vous et par deux autres ministres.

Tout cela étant dit, M. le ministre, on est rendu à un point critique. Les gens de la ville de Gatineau ont déjà beaucoup d'espérance, ils ont confiance en vous. On sait qu'il y a une élection qui s'en vient.

Une voix: C'est là, le problème.

M. Kehoe: On sait qu'il y a une élection générale qui s'en vient le plus vite possible. On sait que vous avez besoin d'appui dans notre région, le Parti québécois...

Une voix: C'est tellement vrai... (17 h 45)

M. Kehoe: Vous n'avez plus besoin d'appui dans Drummond; vous avez déjà un ministre, vous avez le président du Conseil du trésor. Maintenant, M. le ministre, je vous pose une question sérieuse. Quand est-ce que les fonds vont débloquer? Quand allez-vous arrêter de nous passer des sapins? Donnez-nous le cheval dont vous avez parlé tantôt. On passe un lapin ou un sapin. Quand allez-vous régler le problème du cégep, du campus de Gatineau? C'est clair!

M. Bérubé: Ah oui! M. le Président, d'abord, soulignons que, effectivement, le ministère estime qu'il y a un besoin à Gatineau. Reconnaissons-le en partant...

M. Kehoe: C'est une chose, au moins.

M. Bérubé: ...d'entrée de jeu. Deuxièmement, soulignons aussi que ce cégep, cette demande ne pouvait pas être intégrée à l'intérieur du plan d'équipement dont je disposais, compte tenu des autres priorités.

M. Kehoe: Pourquoi la lettre?

M. Bérubé: Troisièmement, soulignons...

M. Kehoe: Pourquoi la lettre?

M. Bérubé: ...que j'ai indiqué cette situation auprès des intervenants du milieu et je leur ai dit qu'à moins qu'on s'entende sur une formule raisonnable à défendre auprès du Conseil du trésor, je n'essaierais même pas de la défendre.

M. Kehoe: C'est vrai.

M. Bérubé: Et que, par conséquent, si les gens demandaient un cégep, je n'essaierais même pas d'aller au Conseil du trésor, sachant que j'avais autant de chance là qu'une boule de neige en enfer.

M. Kehoe: C'est vrai, je suis d'accord avec vous.

M. Bérubé: Vous êtes d'accord avec moi.

M. Kehoe: Oui, au moins sur cela, je suis d'accord. Enfin!

M. Bérubé: Enfin, les intervenants du milieu s'étant mis d'accord sur un campus plutôt qu'un cégep...

M. Kehoe: Cela fait un an.

M. Bérubé: ...j'ai dit: Dans ces conditions, je suis prêt à défendre le dossier auprès du Conseil du trésor...

M. Kehoe: Et cela fait un an qu'ils le sont.

M. Bérubé: ...ce que je fis. Évidemment...

M. Kehoe: Un autre sapin.

M. Bérubé: ...dans les demandes, j'ai une enveloppe qui est calculée de la façon que vous connaissez peut-être, c'est-à-dire que cette enveloppe fait en sorte que le service de dette sur les immobilisations

gouvernementales ne doit pas augmenter plus vite que l'indice des prix à la consommation, tout cela, d'ailleurs, pour respecter les exigences du Parti libéral de contrôle de notre déficit...

M. Kehoe: Sûrement, sûrement.

M. Bérubé: ...avec lequel vous êtes en entier accord...

M. Kehoe: Encore.

M. Bérubé: ...compte tenu des positions fréquentes que vous prenez sur le sujet.

M. Kehoe: Cela fait deux fois qu'on est d'accord.

M. Bérubé: Donc, sur la base de cette enveloppé, j'ai dû examiner quels sont les projets que nous pouvions réaliser. Eh bien, la première réalité du ministère demeure ce qu'elle était, c'est-à-dire le collège de Dawson. Je vous invite à aller visiter les équipements actuels du Collège de Dawson pour que vous vous ralliez immédiatement en disant: "Effectivement, c'est un bon choix et c'est normal que le ministère en ait fait sa première priorité".

La deuxième priorité, ce n'est pas compliqué, c'est le cégep de Trois-Rivières, pour une raison très simple: l'Université du Québec doit récupérer des locaux, et elle met à la porte le cégep; en conséquence, le cégep a besoin d'espace. Les étudiants sont là, il faut leur trouver un toit. Donc, deuxième priorité, pas le choix.

Troisième priorité, c'est le collège Garneau à Québec. À cause des augmentations très importantes de clientèles, à cause de la disponibilité d'un immeuble vide à côté, il est possible, à très bas coût, d'accueillir ces clientèles et, effectivement, cela nous donne un coût unitaire très bas. Le Conseil du trésor et le ministère estiment que, compte tenu du coût, c'est sans doute l'investissement qui est le plus facile à défendre.

Quatrième dossier chaud à l'heure actuelle, sur la scène publique à Québec, le collège de Limoilou, où les besoins additionnels en espace - celui-ci déborde littéralement - sont, également, on ne peut plus évidents.

Le collège suivant dans les priorités du ministère, c'est le collège de Gatineau. On ne le conteste pas, c'est, effectivement, le collège qui arrive en cinquième place, à la fois parce que nous estimons qu'il n'y a pas...

Une voix: ...

M. Bérubé: Non, non, à la fois parce que nous estimons qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, suffisamment d'options professionnelles dans la région, bien que, notons-le, beaucoup d'étudiants reçoivent quand même l'enseignement collégial, si ce n'est pas au Québec, au moins en Ontario.

M. Kehoe: En Ontario, c'est cela.

M. Bérubé: Bien oui, ils reçoivent quand même l'enseignement. Donc, il n'y a pas la même urgence que dans un endroit où on ne peut plus donner l'enseignement parce qu'il n'y a plus de place. Donc, c'est la raison pour laquelle ce collège vient en cinquième place.

Il y en a un sixième, c'est le collège de Sainte-Foy.

Voilà l'ordre de priorité. Je suis prêt, en n'importe quel temps, à examiner chacun des dossiers et à faire la démonstration du besoin supérieur d'un collège par rapport à l'autre. Partant de l'enveloppe dont je dispose, hélas! je réussis à faire quatre priorités et non pas cinq. Ce qui fait que la ligne passe juste devant le nez du cégep de Gatineau.

M. Kehoe: On était au moins proche.

M. Bérubé: Vous étiez proche.

M. Kehoe: Cela nous soulage beaucoup.

M. Bérubé: Alors, deux solutions sont possibles. La première, c'est, plutôt que d'avoir le plan d'équipement 1985 ou 1985-1989, de prendre le plan d'équipement 1986-1990 et de le mettre dans le prochain plan d'équipement. C'est une première solution qui implique des délais plus longs, au moins d'un an, ou de surveiller l'état des enveloppes d'immobilisation et, lorsque nous avons des immobilisations qui ne se réalisent pas suivant la planification prévue, nous entendre avec le Conseil du trésor pour obtenir une enveloppe additionnelle de manière à pouvoir faire plus vite Gatineau.

C'est là que nous en sommes. Ce que nous cherchons à faire avec le Conseil du trésor, c'est d'identifier, en examinant l'ensemble des enveloppes, non pas uniquement l'enseignement collégial, en examinant d'un peu plus près les différents délais pouvant affecter des programmes d'immobilisation de manière à pouvoir faire de la substitution. C'est l'approche présentement que nous privilégions avec le collège de Gatineau pour tenter d'aller plus vite dans la prise de décision. Est-ce clair?

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: C'est très clair, mais ce n'est pas acceptable. M. le ministre, la question fondamentale dans cela, c'est que

ce sont des engagements pris par tout le monde dans le dossier. Que ce soit par Camille Laurin, que ce soit par le ministre responsable de notre région, Mme Marois, que ce soit vous-même, les espérances et...

M. Bérubé: Moi-même, tout ce que j'ai dit, c'est qu'il fallait le soumettre au Conseil du trésor.

M. Kehoe: Plus que cela, le troisième paragraphe va beaucoup plus loin. Vous lisez la partie qui fait votre affaire et vous oubliez le reste. Qu'est-ce qui est important? Vous avez pris l'engagement de le faire et, un mois après, que la question des priorités budgétaires devienne discrétionnaire ou que cela devienne, pour des raisons politiques...

M. Bérubé: Ce n'est pas discrétionnaire, c'est le contraire.

M. Kehoe: ...je ne sais pas pour quelle raison vous dites que vous n'avez mentionné cela à aucun moment durant les négociations avec les groupes que vous avez reçus. Cela sort du sac, comme votre lapin, d'un coup sec. Vous avez trop parlé...

M. Bérubé: Au contraire, j'ai dit aux intervenants que ce projet n'était pas conforme aux normes et ne pouvait pas être intégré dans l'enveloppe. Vous avez même reconnu tantôt que je l'avais dit franchement à tous les intervenants. J'ai simplement dit que, si on s'entendait sur une formule, j'étais prêt à essayer de voir auprès du Conseil du trésor comment on pourrait accommoder ce projet additionnel. Dès le début, j'ai été explicite et vous l'avez même reconnu tantôt dans votre intervention...

M. Kehoe: Pas dans votre lettre. Dans votre lettre, au troisième paragraphe...

M. Bérubé: Oui, j'ai bien clairement...

M. Kehoe: Avez-vous oublié que vous avez écrit cette lettre?

M. Bérubé: Bien non!

Une voix: Lisez-la donc, M. le Président.

M. Kehoe: Dans le troisième paragraphe...

M. Bérubé: La demande de financement du campus Gatineau...

M. Kehoe: Je ne sais pas si c'est le bon paragraphe.

M. Bérubé: ...a été acheminée au Conseil du trésor au cours de l'automne dernier.

M. Kehoe: Ce n'est pas là, c'est plus loin.

M. Bérubé: Celui-ci doit prendre sa décision d'ici les prochaines semaines.

M. Kehoe: Ce n'est pas cela, on le sait. C'est l'autre paragraphe qui fait mal.

M. Bérubé: Ce que je vous dis, c'est que, effectivement, le ministère le considère prioritaire...

M. Kehoe: Plus bas.

M. Bérubé: ...et, par conséquent, a donné le signal pour qu'on fasse l'évaluation et qu'on soumette la demande. C'est la seule chose que je vous dis.

M. Kehoe: Le paragraphe plus bas, l'engagement que vous avez pris...

M. Bérubé: Veuillez agréer, monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

Mme Dougherty: You gave it to him. You do not have a copy left?

M. Kehoe: Je veux avoir ma copie, parce que...

M. French: II ne veut même pas lire sa propre lettre.

M. Kehoe: C'est justement le paragraphe qui fait mal qu'il ne veut pas lire. Le paragraphe...

M. Bérubé: M. le Président, tout ce qui est dit, c'est qu'en attente de cette décision, donc, en attendant que le Conseil du trésor tranche, on reconnaît que le projet 1 n'est pas conforme à mon enveloppe budgétaire, il faut que j'aille en demande additionnelle, premièrement. Je l'ai bien clairement dit, et je dis que c'est donc soumis au Conseil du trésor. En attente de cette décision sur le financement, le ministère, de concert avec le collège, poursuit, après l'approbation du devis pédagogique, l'élaboration du devis technique de construction du campus de Gatineau. C'est vous dire la priorité de ce projet au ministère et notre volonté d'y donner suite.

Surtout, ce que je vous dis, c'est qu'en attendant que le Conseil du trésor tranche, j'ai donné instructions qu'on ne retarde aucune étape dans le processus et que, effectivement, on entreprenne dès maintenant l'élaboration du devis pédagogique. Je ne vous cache pas la priorité que nous accordons au projet, mais je vous ai dit depuis le début qu'à l'heure actuelle il est la priorité no 5, et j'arrête à la priorité no 4.

M. Kehoe: Je peux vous assurer qu'il y a bien des manières de lire cette lettre-là.

M. Bérubé: Ah!

M. Kehoe: Les gens de la ville de Gatineau vont la lire de différentes façons.

M. Bérubé: Vous l'avez mal lue. M. Kehoe: Une autre remarque.

M. Leduc (Saint-Laurent): II y a la bonne et la mauvaise manière.

M. Kehoe: M. le ministre...

M. Ryan: M. le Président, juste un mot. Je crois qu'il aurait été plus honnête de la part du ministre de dire franchement à ces gens de Gatineau qu'ils étaient dans les priorités du ministère, mais au rang no 5.

M. Kehoe: C'est cela, c'est cela. M. Bérubé: Cela leur fut dit.

M. Ryan: Cela n'a pas été dit dans la lettre.

M. Kehoe: Jamais!

M. Bérubé: Bien non, mais...

M. Ryan: La lettre semblait aller beaucoup plus loin. Pour quelqu'un qui lit la lettre...

M. Bérubé: Mais, cette lettre-là vient à la suite d'une série de rencontres.

M. Ryan: ...il dit: Tu es en seconde priorité; en cinquième, c'est pas la même chose du tout.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'espère que c'est une copie...

M. Kehoe: À aucune de ces rencontres, vous n'avez dit que Gatineau serait au cinquième ou au troisième rang, ou au deuxième rang.

M. Ryan: Jamais, jamais!

M. Kehoe: Vous nous avez toujours laissé l'espérance que ce serait approuvé au Conseil du trésor.

M. Bérubé: J'ai toujours dit...

M. Kehoe: Là, c'est à la dernière minute, après le 12 mars...

M. Bérubé: Non, non, non!

M. Kehoe: ...vous écrivez une lettre... M. Bérubé: Non, non!

M. Kehoe: ...dans laquelle vous dites la même chose. Mais, par la suite...

M. Ryan: M. le Président...

M. Kehoe: ...vous découvrez d'autres priorités...

M. Bérubé: Non. Et...

M. Ryan: ...je propose un vote de blâme.

M. Bérubé: En fait, M. le Président...

M. Ryan: Je demande un vote de blâme.

M. Bérubé: ...le député a finalement confirmé...

M. Ryan: Je pense qu'on n'est plus... M. Bérubé: ...ce qui était...

M. Leduc (Saint-Laurent): On demande le vote!

M. Bérubé: ...de bonne foi, ce qui était sage de sa part, car j'avais suffisamment de témoins pour le certifier...

M. Leduc (Saint-Laurent): Le vote! M. Bérubé: ...qu'en aucun moment... M. Leduc (Saint-Laurent): Le vote!

M. Bérubé: ...que je n'ai dit autre chose aux citoyens de l'Outaouais, y compris aux journalistes qui m'ont interrogé, que le fait suivant que le projet du cégep de Gatineau. ne pouvait pas entrer dans mon enveloppe budgétaire, qu'il était au-delà des paramètres normatifs que je devais appliquer, mais que j'étais prêt à le défendre auprès du Conseil du trésor, au moins si on s'entendait sur une formule. Nous nous sommes entendus sur une formule; j'ai défendu et je continue de défendre le projet auprès du Conseil du trésor. Je n'ai jamais dit autre chose à aucun intervenant.

M. Kehoe: La lettre dit autre chose... M. Bérubé: Non, non!

M. Kehoe: ...ou laisse entendre autre chose.

M. Bérubé: La lettre ne laisse...

M. Kehoe: Et, aujourd'hui...

M. Bérubé: ...rien entendre, elle dit tout simplement qu'en...

M. Kehoe: Bon!

M. Bérubé: ...attendant que le Conseil du trésor prenne sa décision concernant le financement, car, effectivement, c'est à la suite des conversations que nous avions eues...

M. Kehoe: M. le ministre...

M. Bérubé: ...à savoir le Conseil du trésor ne reconnaissait pas le collège de Gatineau dans l'enveloppe...

M. Kehoe: ...est-ce que je peux poser juste une question?

M. Bérubé: ...je dis tout simplement que nous allons poursuivre...

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre...

M. Bérubé: ...la préparation du devis technique de construction...

M. Kehoe: Juste une.

Le Président (M. Charbonneau): Juste une petite vite et une petite réponse vite, parce que, dans une minute, on va...

M. Kehoe: Juste une question vite, vite. M. le ministre, quand vous avez écrit la lettre du 12 mars, dans laquelle vous dites certaines choses qui sont sujettes à interprétation par différentes personnes...

M. Bérubé: Non, non, c'est clair.

M. Kehoe: En tout cas, quand vous avez écrit la lettre, est-ce que vous saviez que Gatineau était au cinquième rang...

M. Bérubé: Ah bien, je savais que... M. Kehoe: ...des priorités?

M. Bérubé: Non. Je savais que Gatineau était au premier rang, immédiatement...

M. Kehoe: Après les quatre autres.

M. Bérubé: ...au-delà de l'enveloppe dont je disposais.

M. Ryan: C'est cela que vous n'avez pas dit.

M. Kehoe: Cela veut dire...

M. Bérubé: Mais c'est ce que j'ai dit aux intervenants. C'est la seule réponse...

Le Président (M. Charbonneau): Sur cette réponse, M. le député...

M. Kehoe: Est-ce que vous avez répondu à ma question? Leur avez-vous dit que Gatineau était au cinquième rang, oui ou non?

M. Bérubé: J'ai dit que Gatineau n'entrait pas à l'intérieur de l'enveloppe de nos priorités et...

M. Kehoe: Ce n'est pas cela que vous dites dans la lettre.

M. Bérubé: ...qu'il faudrait...

M. Kehoe: Dans la lettre, vous dites que cela entre dans une de vos priorités et, là, vous dites que cela n'entre pas.

M. Bérubé: Bien, je confirme...

M. Kehoe: Cela entre ou cela n'entre pas!

M. Bérubé: Je confirme tout simplement que je vais au Conseil du trésor pour demander un ajout de budget. C'est ce que je confirme ici.

Le Président (M. Charbonneau): Ceci...

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est marqué plus que cela.

Le Président (M. Charbonneau): ...étant dit...

M. Bérubé: Vous lisez ce que vous voulez lire.

Le Président (M. Charbonneau): ...je pense que vous ne réglerez pas le problème du cégep de Gatineau ce soir. Chacun a marqué ses points. Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, au salon rouge. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission parlementaire de l'éducation et de la main-d'oeuvre reprend ses travaux avec l'étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie.

Rebonjour, M. le ministre.

M. Bérubé: II me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Moi de même. Sur cette petite introduction, immédiatement, je vais passer la parole au...

M. Bérubé: Je vous ferai remarquer, M. le Président que j'ai décidé de ne me faire entourer d'aucun conseiller, compte tenu en général de la faiblesse totale des questions qui m'étaient adressées et auxquelles je pouvais répondre du revers de la main.

Le Président (M. Charbonneau): Je crois que vous venez d'exclure votre sous-ministre.

M. Ryan: II y a des sourires qui en disent plus que des paroles; en arrière de vous, c'est loin d'être cela.

Le Président (M. Charbonneau): Ceci étant dit, il nous reste officiellement deux heures et 57 minutes, c'est-à-dire trois heures. Il n'y a rien qui oblige les membres de la commission à aller jusqu'à 11 h 15. Donc, tout le monde y allant avec un peu de discipline, on pourrait peut-être terminer plus tôt. Sans plus tarder, je laisse la parole au député d'Argenteuil.

M. Bérubé: M. le Président, étant donné que cette commission m'a fait gâcher un excellent billet de hochey que je devais partager avec ma fille, est-ce que votre présidence nous ferait l'honneur de temps en temps de nous donner le résultat du pointage?

Le Président (M. Charbonneau): Ce serait avec plaisir, M. le ministre, que je pourrai moi-même aller vérifier...

M. Bérubé: M. le Président, nous pourrions vous remplacer par un téléviseur.

Le Président (M. Charbonneau): Je n'en doute point. Je suis convaincu que ce serait probablement plus apprécié.

M. Ryan: M. le Président, dans un geste de grande ouverture envers un secteur qui intéresse plus spécialement le ministre, nous avons décidé de consacrer une période de deux heures à l'examen des crédits de l'Office des professions, après que nous en aurons terminé des affaires universitaires et collégiales.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous avez là le compte final!

M. Bérubé: M. le Président, existe-t-il une telle accusation que celle de cruauté mentale à l'égard de l'Opposition?

Le Président (M. Charbonneau): Je n'oserais point répondre à cette question.

M. Ryan: Blague à part, voici comment nous aimerions utiliser le temps dont nous disposons ce soir: une demi-heure pour terminer l'examen des crédits du secteur universitaire; entre une heure et une heure et demie pour le secteur collégial. Nous avons toute une série d'aspects à soulever sur ce volet de l'action du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, et ensuite une heure pour l'Office des professions. Nous allons nous en tenir strictement è cette division du temps, ce qui veut dire qu'à 8 h 45 ou 8 h 48, nous serons bons pour passer à l'autre sujet. Nous vous autorisons même à nous l'imposer.

M. Bérubé: Je vais me prévaloir de cette autorisation, M. le vice-président.

M. Ryan: Si le ministre y consent, nous commençons. Est-ce que cela va?

Le Président (M. Charbonneau): Adopté.

M. Bérubé: Je suis au service de la commission, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Voilà!

M. Bérubé: Cela n'apparaît pas à mes réponses, mais n'en croyez rien.

Action et vocation du fonds FCAR

M. Ryan: Le premier sujet que nous voudrions soulever à ce moment, c'est l'action et la vocation du fonds FCAR. Nous en avons traité brièvement ce matin. D'abord, le ministre a fait des remarques ce matin au sujet de l'orientation du fonds FCAC. C'était la première fois, à ma connaissance, que le ministre responsable de cet organisme faisait des remarques critiques aussi précises et aussi lourdes de conséquence dans un sens. Je crois qu'il est important que nous revenions sur ce sujet pour connaître de manière plus précise la politique qu'entend suivre le gouvernement. Dans le rapport de M. Johnson dont nous avons parlé ce matin, il est question des organismes subventionnaires à Ottawa. Le ministre en a parlé lui-même cet après-midi d'ailleurs, avec une note plutôt positive. Nous avons à Québec un organisme qui a accompli un travail généralement bien accueilli dans les milieux concernés depuis plusieurs années. Il y a peut-être eu des fautes d'aiguillage qu'il pourra y avoir lieu d'examiner, mais nous avons constaté depuis deux ans qu'il y a un problème de confiance entre le ministre et cet organisme. Cela

existait déjà l'an dernier quand les représentants du fonds FCAC étaient venus rencontrer la commission parlementaire. Si mes souvenirs sont bons, est-ce que c'est en juin ou en décembre dernier qu'ils sont venus? Juin dernier. Nous avons senti qu'il y avait un problème qui se posait de ce côté, qui nous était apparu à travers la stagnation des crédits budgétaires et la décision qui avait été prise de lancer le programme des actions structurantes complètement en marge du fonds FCAC. Dans la réalisation de ce programme, tout ce qu'on donnait au FCAC, c'était une représentation au comité chargé du tamisage des projets. Je pense que c'est important de soulever le problème pour avoir des clarifications de la part du gouvernement.

Première question. Pourquoi les fonds mis à la disposition du fonds FCAR demeurent-ils au même point cette année alors que, indépendamment de certaines décisions qui ont été prises concernant, par exemple, les actions structurantes, les statistiques établissent que la demande, en particulier dans le domaine des bourses au niveau du deuxième et du troisième cycle, a continué d'augmenter ces dernières années tandis que le nombre des bourses disponibles est demeuré stationnaire?

Deuxièmement, comment, alors que, du côté fédéral, le rapport Johnson recommande que le gouvernement fédéral affecte plus de fonds à la promotion de la recherche scientifique par le truchement d'allocations budgétaires accrues aux conseils subventionnés, expliquer qu'à Québec nous suivions une procédure différente et que nous semblions aller vers une politique où l'intervention directe du ministre et de ses fonctionnaires sera beaucoup plus présente au coeur de l'action que ce n'est le cas au niveau fédéral?

Ce sont les deux questions que je voudrais adresser au ministre pour commencer. J'ajoute un troisième point à cela. Est-ce qu'il y a eu des changements dans la composition du conseil d'administration du fonds FCAR par rapport à ce qu'était cette composition l'an dernier, à peu près à la même date, quand le conseil d'administration du fonds FCAC était venu nous voir?

Il y a également un autre problème. Quand ils sont venus nous voir en juin dernier, déjà, les dirigeants du fonds avaient préparé un plan triennal de développement en anticipation de la loi créant le ministère de la Science et de la Technologie. Ils avaient déjà mis au point les grands éléments de ce programme triennal avant l'adoption de la loi. Au moment où nous les avons rencontrés, ils avaient procédé, pendant une période de six mois, à des consultations extensives avec le milieu, avec les universités et la communauté scientifique. Ils avaient produit une synthèse, ils étaient en mesure de soumettre un plan à peu près définitif. C'était en juin 1984 et nous sommes à la fin de mai 1985, et nous en sommes encore à nous demander où en est le gouvernement. Nous croyons comprendre que le fameux plan triennal n'a pas encore été approuvé et qu'il subsiste, autour de tout ce qui regarde le fonds FCAR, un climat d'imprécision et d'indéfinition qui est très malsain pour la réalisation des objectifs qui lui ont été confiés par le gouvernement.

M. Bérubé: Plusieurs points ont été soulevés, M. le Président. D'abord, il est vrai que nous avons connu certaines difficultés de fonctionnement avec le fonds FCAC. Je pense que c'est inutile de le camoufler. Par exemple, je ne prendrai pour preuve que la décision prise de façon complètement unilatérale par le conseil d'administration du fonds FCAC de s'engager auprès des universités à un niveau de financement de la recherche excédant le budget autorisé, sans se conformer à une directive qui lui avait été servie l'année précédente, à savoir qu'il devrait s'assurer que, lorsqu'il s'engage auprès des institutions d'enseignement pour des sommes données, effectivement, il a obtenu les crédits. Donc, malgré l'avertissement explicite fait aux autorités du fonds FCAC, celles-ci ont passé outre et se sont effectivement engagées auprès des universités pour des sommes dépassant les budgets qui leur étaient alloués et c'est complètement inadmissible. Je dois dire également...

M. Ryan: Pour quelle année budgétaire, M. le ministre?

M. Bérubé: L'année dernière. M. Ryan: 1984-1985, quoi?

M. Bérubé: Oui. Je dois dire que, qui plus est, nous n'avions même pas reçu de la part du FCAC une demande de crédits additionnels justifiée sur la base, par exemple, d'une incapacité à répondre à des besoins des plus pressants. Nous n'avons eu aucune demande de budget additionnel de la part du fonds à ce moment-là. Effectivement, il m'est apparu qu'une telle action, de la part du fonds, était abusive.

Je dois également souligner que certaines pratiques, au niveau du FCAC, ne sont pas sans causer des problèmes. Le fonds FCAC a effectivement, je pense, contribué à financer de la recherche en sciences sociales qui, autrement, ne se serait fait financer nulle part, et permet aux universités québécoises, au moins en termes de financement, de comparer très avantageusement leur position par rapport à leurs consoeurs canadiennes. Il faut

reconnaître, cependant, certains problèmes opérationnels au niveau du FCAC.

À titre d'exemple, le programme de bourses est un programme destiné à la formation de chercheurs. Or, si vous examinez les récipiendaires des bourses, vous constaterez qu'une très grande majorité d'entre eux ne font pas d'études les orientant vers la recherche, mais sont au contraire engagés dans des diplômes professionnels, maîtrise professionnelle, maîtrise de cours plutôt que maîtrise de recherche, beaucoup en administration, par exemple, alors qu'il existe au gouvernement des programmes destinés à subventionner la formation d'étudiants, et c'est le régime de prêts et bourses du gouvernement, qui s'adresse aussi bien aux études de premier cycle qu'aux études de deuxième ou de troisième cycle.

Quelqu'un qui veut poursuivre des études à des fins d'enrichissement personnel, de formation personnelle a accès à un mécanisme de financement que tous les étudiants de collège et du premier cycle connaissent bien. Le programme de bourses du FCAR ne peut être un programme visant à concurrencer le régime de prêts et bourses du gouvernement en consentant des bourses exactement aux mêmes clientèles. Il doit donc se concentrer sur une clientèle bien particulière, celle qui veut faire de la recherche. Il s'agit bien d'un programme de formation de chercheurs. Si vous examinez les récipiendaires de la majorité des bourses, vous verrez que nous passons à côté de la cible.

Troisième observation que l'on peut faire, qui, je pense, doit être examinée de beaucoup plus près, c'est une observation à propos des modes de financement. En effet, le principal programme du FCAC est un programme de financement d'équipes de recherche. Si on devait examiner le niveau moyen de subvention à des équipes de recherche, on constaterait aujourd'hui que le niveau est probablement autour de 16 000 $ ou 17 000 $. Quand je dis "équipe de recherche", je ne parle pas d'une équipe de deux ou trois étudiants gradués; à ce moment-là, ce serait une subvention normale, je parle d'une équipe de professeurs encadrant un groupe d'étudiants gradués.

Vous comprendrez que 16 000 $, c'est inadéquat pour une équipe de recherche alors que, normalement, un professeur-chercheur dans une université valable dans le monde ne devrait normalement pas aller chercher moins que 80 000 $ à 150 000 $ de budget personnel pour financer les activités de recherche dans son laboratoire. Vous comprendrez que les 16 000 $ consentis à deux, trois, quatre professeurs travaillant encore pour leurs quatre, cinq, six, dix, quinze étudiants gradués, c'est clair que ce niveau est inadéquat.

Donc, on a une tendance à diminuer progressivement le financement des équipes de recherche à tel point que la notion d'équipe n'a presque plus de sens puisque le niveau de financement n'est même pas, je dirais, le cinquième ou le huitième du niveau de financement normal pour un professeur à l'université. Pourtant, il s'agit du financement d'équipes de recherche. (20 h 30)

Donc, il y a quelque chose qui ne va pas. Il faut essayer de revenir à la philosophie du fonds au départ, reconnaître que les organismes fédéraux de financement de la recherche - on pense au Conseil national de la recherche, par exemple - vont financer la recherche individuelle. On pense que, par le biais de contrats venant de ministères, d'entreprises, d'organismes de toutes sortes, également, on peut financer de la recherche individuelle. On pense qu'il faut revenir à l'esprit du FCAC d'origine, des années soixante-dix, qui était un financement d'équipes de recherche, qui va permettre de regrouper 20, 25, 30 étudiants gradués dans un même domaine de recherche où pourra se réaliser cette absolue symbiose nécessaire au développement de la recherche.

On sait à quel point en recherche les contacts entre professeurs et étudiants sont importants, mais bien plus importants encore sont les contacts entre les chercheurs d'un même laboratoire, c'est-à-dire des gens qui vivent quotidiennement ensemble, à longueur de journée, même les fins de semaine ensemble et les soirées ensemble, de telle sorte qu'ils développent les mêmes techniques expérimentales, se soutiennent mutuellement en s'offrant des services, en s'échangeant des services, en complétant souvent les travaux de recherche de l'autre, et vice versa. En d'autres termes, c'est par un travail continu ensemble qu'à un moment donné naissent dans ces laboratoires les idées les plus intéressantes parce qu'il faut comprendre que la situation d'un chercheur est une situation traumatisante parce que, par définition, un chercheur ne sait pas où il va. Il est dans le cirage le plus total et souvent simplement poser la question est l'essentiel de l'effort de recherche. Une fois que vous savez quelle question poser, généralement, vous n'avez presque plus de problèmes parce que, pour être capable de poser la question, vous aurez dû effectuer énormément d'expérimentations pour en arriver à bien identifier le comportement de votre système et là, éventuellement, vous serez en mesure de vous poser la question et, assez rapidement, d'effectuer les expériences, les vérifications qui sont nécessaires.

Donc, parce que le chercheur est dans l'inconnu, il n'y a rien de plus traumatisant pour un chercheur de passer un an, deux ans, trois ans en ayant l'impression qu'il ne va nulle part. C'est l'encadrement qu'assure une

équipe de recherche, avec des gens qui réussissent une petite percée ici, une petite percée là, qui, finalement permet à celui qui semble patauger dans le noir de trouver la clé. Or, ceci n'est possible que dans un environnement où on est en mesure de côtoyer des gens qui partagent les mêmes préoccupations scientifiques ou même littéraires.

On me soulignait, par exemple, lors d'une réunion de professeurs de français, le représentant des professeurs universitaires de français soulignait que le plus grave obstacle rencontré à l'heure actuelle par les chercheurs québécois dans ce domaine qu'est la recherche en français, c'était l'individualisme des professeurs qui rendait quasi impossible l'interaction entre les étudiants gradués oeuvrant dans un domaine et les professeurs eux-mêmes. Donc, c'est un problème assez universel. Je pense personnellement que le FCAC a...

M. Ryan: Question de règlement. M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Le ministre est en train de prendre toute la demi-heure qu'on avait pour cet échange-là. On a des sous-questions à lui poser. S'il pouvait accélérer sa réponse, cela nous rendrait service.

M. Bérubé: Je peux essayer d'accélérer puisque j'avais terminé à peu près le portrait.

M. Ryan: Ah oui?

M. Bérubé: J'ai essayé de vous brosser, si on veut, le portrait... J'avais cru comprendre que le député d'Argenteuil était intéressé par la réponse.

M. Ryan: Cela m'intéresse, cela m'intéresse, mais si c'était plus bref, parce que j'ai ma collègue de Jacques-Cartier qui a des questions. Moi, j'en aurai une couple d'autres aussi, mais cela m'intéresse.

M. Bérubé: Alors, en ce qui touche maintenant aux conséquences pratiques. D'une part, lorsqu'on prétend que FCAR, et FCAC antérieurement, n'a pas vu ses crédits croître, il faut dire que le fonds FCAC a échappé aux compressions. Il n'y a eu aucune compression au cours des dernières années d'appliquée au budget du FCAC; c'est uniquement cette année qu'il y a une non-indexation des dépenses de transfert. Donc, en période où on resserrait tous les budgets, le simple fait pour le FCAC de ne pas connaître de compression, c'était déjà symptomatique.

M. Ryan: ...de lancement.

M. Bérubé: Non, parce que le FCAC date de 1970; alors, nous n'étions pas en période de lancement. Je vous parle de toute la période de 1976 à nos jours, par exemple. Donc, nous n'avons pas appliqué de compressions. Pourquoi avons-nous choisi plus particulièrement, dans le cas du Programme actions structurantes, de ne pas passer par le FCAR et d'administrer directement un programme de subvention aux équipes? D'abord, parce que nous faisions un choix dans le FCAR. Nous avions identifié un certain nombre de domaines où nous voulions financer les équipes de recherche. Le fonds FCAR, pour l'instant, en tout cas, ne choisit pas de créneaux. On peut même dire qu'en général il y a relativement peu d'adéquation entre les priorités gouvernementales et les équipes, finalement, subventionnées par le FCAC.

Donc, première raison, dans le cas du FCAC, le fonds ne pouvant subventionner spécifiquement des secteurs, alors que le gouvernement voulait encourager le développement dans des secteurs qui avaient été identifiés comme étant légèrement en retard, nous avons choisi de passer par un organisme indépendant, c'est-à-dire que nous avons regroupé le Conseil des universités, le FCAR et des gens des ministères pour effectuer la sélection.

Deuxièmement, dans la mesure où, pour le FCAC, on avait continuellement dilué les subventions, alors que, si vous regardez le niveau de subventions pour une équipe de recherche dans le cadre du programme, nos subventions sont de l'ordre de 300 000 $, 350 000 $ et 400 000 $ pour une équipe de recherche, pour l'équivalent de trois à quatre associés de recherche, vous voyez que là, nous retrouvons à peu près l'idée des 100 000 $ par associé de recherche. Donc, ce que nous avons fait par le biais de notre programme, c'est véritablement de faire ce que le FCAC aurait dû faire antérieurement, mais qu'il n'a pas fait. Nous avons donc voulu volontairement éviter la tendance à la dilution que l'on avait observée depuis les années soixante-dix et essayer de concentrer à quelques endroits des budgets suffisamment importants pour nous permettre véritablement de pénétrer à l'échelle internationale.

Donc, deux objectifs: un objectif de reconcentration, de refocalisation sur des créneaux, lequel, je pense, est l'objectif central, et, deuxièmement, l'identification de certains domaines où nous voulions développer des créneaux, ce que le FCAC n'a jamais assumé comme responsabilité. Pour l'instant, ce que nous faisons avec le nouveau conseil d'administration, car nous avons un nouveau conseil d'administration au FCAR... Nous l'avons recruté parmi les chercheurs les plus remarquables et les plus forts au Québec dans leurs diverses disciplines. Ce sont, en général, des

chercheurs dans la force de l'âge qui publient énormément et nous avons volontairement voulu retenir des gens pour leur compétence à effectuer des travaux de recherche de première classe et nous voudrions que le fonds dégage une politique ou, du moins, réfléchisse à partir de l'expérience qu'il a sur les besoins de la recherche au Québec, de telle sorte qu'éventuellement le gouvernement puisse baliser l'action du FCAR.

Comme vous le savez, nous pouvons maintenant émettre des directives en vertu de la loi et nous pourrions, à ce moment, baliser le fonds FCAR en lui indiquant, par exemple - je donne cela à titre d'exemple -quel genre d'équilibre à maintenir entre la recherche au sein d'universités francophones ou d'université anglophones, quel genre d'équilibre à réaliser entre les universités excentriques et les universités des centres, quel genre d'équilibre à établir entre différentes disciplines: les sciences humaines, les sciences exactes.

En d'autres termes, il appartiendra au gouvernement d'indiquer quels sont ses objectifs globaux de financement pour permettre au fonds, après, de financer, cette fois, uniquement sur la base de l'excellence et en essayant de resserrer ses créneaux, de manière à nous permettre véritablement de développer une force de frappe dans des secteurs bien définis. Je pense que cela répond pas mal à toutes les questions que vous pourriez vouloir poser sur le FCAR.

M. Ryan: J'aurais deux observations. D'abord, vous dites que la loi vous donne le pouvoir de lui adresser des directives écrites. Vous l'aviez, à plus forte raison, avant la loi, parce que cet organisme n'avait même pas de statut juridique. C'était une création administrative du ministère de l'Éducation. Par conséquent, le ministre pouvait, en tout temps, la supprimer, la réorienter ou lui donner des directives. Est-ce que des directives écrites ou des remarques écrites avaient déjà été soumises à cet organisme avant que vous en veniez à ces conclusions?

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: Deuxièmement, est-ce que c'est votre ferme intention de resituer, sous la responsabilité de cet organisme, des actions comme celles qui ont été prises en charge par votre ministère, disons, dans des circonstances comme celles que vous évoquez? Est-ce que c'est votre intention d'en revenir le plus vite possible...

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: ...à la politique qui consiste à procéder par un organisme subventionnaire, jouissant de la marge nécessaire, pourvu que le gouvernement puisse lui adresser des orientations dont il devra tenir compte?

M. Bérubé: C'est cela, exactement. Il nous faut - je pense que c'est un reproche qu'on doit se faire à nous-mêmes - avoir une idée de ce que nous voulons. Aucun organisme subventionnaire du type du FCAR ne pourra, je dirais, répartir les fonds de façon correcte s'il ne sait pas ce que le gouvernement attend. Donc, le gouvernement doit avoir suffisamment de lucidité et de franchise pour énoncer les objectifs.

M. Ryan: C'est du leadership.

M. Bérubé: Oui. Je pense que subséquemment...

M. Ryan: Je n'ai pas d'objection.

M. Bérubé: D'ailleurs, c'est comme cela que nous avons conçu le Programme actions structurantes. C'est un programme terminal au bout de cinq ans et, ensuite, les fonds sont intégrés dans les budgets réguliers des universités de manière à assurer la continuité, lorsque la performance est satisfaisante. Ce que je pense également, c'est que sans doute, à un moment donné, les budgets qui étaient consacrés à des salaires d'étudiants seront versés au programme de bourses du FCAR. Mais attention! et c'est ce qui m'inquiète, si on met en place de telles équipes qui réussissent très bien et que l'on revient aux vieilles habitudes de morcellement, dès qu'on va les remettre entre les mains du FCAC, dix ans plus tard, on aura détruit tout ce qu'on aura essayé de faire. Alors, il faut que le fonds comprenne que voilà l'orientation qu'il doit prendre, de telle sorte que, lorsqu'on lui remettra des équipes qu'on aura réussi tant bien que mal à constituer, on ne dilapide pas le patrimoine scientifique du Québec. C'est l'inquiétude que j'ai.

M. Ryan: Juste une dernière question: Qu'est-ce qui arrive du plan triennal, à la suite de ce que vous venez de dire? Est-il en train d'être refait complètement par la nouvelle équipe?

M. Bérubé: On ne l'a pas eu et le fonds est à l'heure actuelle en train de le travailler, mais ce n'est pas facile, car le Programme actions structurantes était un programme relativement facile puisqu'on taillait dans du neuf, mais je dois vous dire que corriger certaines habitudes prises pendant quinze ans n'est pas si facile que cela, car là on taille un nouvel habit dans un vieil habit. Ce n'est pas si simple que cela et probablement qu'on n'arrivera pas à des changements rapides, il faudra les étaler sur plusieurs années. C'est ce que le conseil

d'administration effectue à l'heure actuelle comme réflexion et, au ministère, on effectue une réflexion un peu parallèle; éventuellement, on fusionnera le tout pour en arriver à prendre une position gouvernementale.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais demander au ministre: Comment conciliez-vous votre attitude envers le FCAR avec le consensus qui est à peu près de 100 %, je crois, en ce qui concerne la façon dont les fonds fédéraux fonctionnent? Les fonds fédéraux ne sont assujettis à aucune directive ministérielle. Il semble que ce soit une de leur force importante qu'ils soient tout à fait autonomes parce qu'ils sont fondés sur le principe de la "peer review", qui est grandement apprécié par le milieu scientifique.

M. Bérubé: C'est exact, parce qu'il n'appartient pas, comme nous en avons discuté cet après-midi, aux autorités fédérales d'orienter le réseau éducatif des provinces. Par conséquent, les fonds consacrés à la recherche par le gouvernement fédéral doivent être neutres et ne pas impliquer d'orientations forcées qui pourraient aller, par exemple, à rencontre d'orientations qu'une province pourrait vouloir donner à son réseau, d'une part.

D'autre part, s'il n'appartient pas au gouvernement fédéral d'orienter, il appartient au gouvernement des provinces d'avoir des visions sur ce qu'il désire. Par exemple, nous avons comme société choisi un système d'éducation, je dirais, de qualité standard, le plus universellement accessible à tout le Québec, et nous avons probablement un des plus grands nombres d'institutions per capita en Amérique du Nord, l'objectif étant de rapprocher les institutions d'enseignement supérieur de notre population. Parmi les choix que nous pourrions faire, nous pourrions décider que la recherche se concentrera dans certaines universités. Aux États-Unis, il y a à peine 10 % des universités qui sont actives en recherche. Cela voudrait dire, à l'échelle du Québec, que, sur la douzaine d'universités, il y en aurait une à laquelle on reconnaîtrait un rôle en recherche et les autres seraient des universités de premier cycle. Je doute que notre société accepte une telle attitude. Je doute, par exemple, que mes concitoyens de la Gaspésie acceptent que l'on fasse de l'Université du Québec à Rimouski un gros cégep, sans mission de recherche, d'autant plus que, même au niveau des cégeps, à l'heure actuelle, on demande de voir reconnaître une mission de recherche. (20 h 45)

Donc, peut-on établir une concurrence exactement identique entre toutes les institutions du Québec? Si je ne devais appliquer que des critères d'excellence absolus, en toute probabilité, la recherche se concentrerait dans quelques rares universités au Québec et les autres ne pourraient y avoir accès. Si vous n'avez pas de fonds pour entreprendre de la recherche, vous ne pouvez pas atteindre l'excellence et, si vous ne pouvez pas atteindre l'excellence, vous ne pouvez pas avoir de fonds, et vous tournez en rond.

Donc, il est possible qu'un gouvernement décide de consacrer un volume minimal de fonds pour financer la recherche dans les universités régionales. Voilà une directive... Je pense qu'il nous appartient de décider pour nos organismes subventionnaires si nous voulons aller dans cette voie.

Autant je pense qu'il n'appartient pas aux autorités fédérales d'orienter nos institutions d'enseignement supérieur, autant je pense que nous, comme société, nous devons avoir une idée de ce que nous attendons de la part de nos institutions d'enseignement et, à ce moment-là, de mettre en place, par le biais de directives, des règles qui vont nous permettre d'atteindre les objectifs qu'on s'est fixés comme société.

Mme Dougherty: La grosse crainte du milieu scientifique universitaire, c'est que le gouvernement sacrifie, dans son zèle de réussir le virage technologique, la recherche libre. Il semble que, de plus en plus, les pays qui réussissent le virage technologique reconnaissent que la base de tout l'effort est la recherche libre; sans cette base, on ne peut pas réussir. C'est là la crainte du milieu universitaire. Cela a été exprimé lors de la consultation du FCAR. Il y a eu une large consultation du milieu scientifique. C'est intéressant de voir que récemment, depuis quatre ans, aux États-Unis, le gouvernement américain a réorienté l'effort gouvernemental en ce qui concerne la recherche. J'ai un document très intéressant ici. C'est un résumé de la politique gouvernementale des États-Unis. C'est écrit par M. Keyworth, qui est un "science advisor to the President of United States". J'aimerais vous lire un paragraphe. C'est très important parce qu'aux Etats-Unis on a décidé que le rôle du gouvernement n'est pas d'appuyer la recherche appliquée; on va laisser tout cela au secteur privé. Le rôle du gouvernement est d'appuyer la recherche libre. C'est le fondement de tout l'effort en ce qui concerne la recherche.

Perhaps the most important element of policy that emerged from those reassessments - and they are talking about 40 years ago in the United States where the Government used to support very clearly

applied research - was a commitment to federal support for basic research. Not only is basic research an essential investment in the nation's long-term welfare, but it is largely a federal responsibility because its benefits are so broadly distributed. Quite simply, basic research is a vital underpinning for our national well-being.

Over the last four years, a strong emphasis on basic research as well as a concomitant reduction of government support for demonstration, development and applied research projects that are considered to be more appropriate for the private sector.

Je crois que c'est très important. Je crois qu'au Japon, en Allemagne, on a reconnu cette nécessité d'appuyer la recherche fondamentale, la recherche libre. Vous savez que le Conseil des universités a émis un avis, il y a deux ans, je crois, sur la recherche au Québec quant à notre manque de succès en ce qui concerne les subventions fédérales, les fonds fédéraux. Une des raisons étaient que notre base de recherche, notre capacité n'était pas suffisante pour attirer les fonds fédéraux. Donc, il faut améliorer notre base. Je crois que les fonds FCAR et FCAC étaient un des moyens privilégiés d'augmenter notre capacité d'attirer ces fonds fédéraux. Autrement dit, il faut avoir un "farm team", il faut créer le "farm team". On ne peut pas produire des équipes d'excellence d'un jour à l'autre. Il faut qu'elles évoluent.

Donc, il y a un rôle pour le gouvernement du Québec de subventionner cette base, d'augmenter notre capacité d'attirer des fonds qui soient disponibles pour les équipes d'excellence. Les équipes que le gouvernement a subventionnées, les douze équipes choisies il y a quelques semaines, sont des équipes qui méritent notre appui, mais ce sont des équipes déjà aguerries. C'est par le biais d'autres subventions qu'elles en sont arrivées à ce niveau d'excellence.

J'aimerais vous demander: Quels moyens seront privilégiés par le gouvernement du Québec pour augmenter cette capacité d'excellence, cette capacité potentielle d'excellence? Est-ce que c'est par le biais du FCAR ou d'un autre fonds? Est-ce qu'on va abolir le FCAR? Est-ce qu'on va créer un autre fonds de recherche? Qu'est-ce que vous prévoyez à cet égard?

Le Président (M. Charbonneau): Je voudrais signaler à Mme la députée de Jacques-Cartier ainsi qu'au ministre qu'une fois la réponse donnée on va passer à l'étude de l'enseignement collégial. Donc, la réponse du ministre et, par la suite, on passera à un autre sujet.

M. Bérubé: Je ne sais pas si j'ai totalement compris l'ensemble de l'intervention de la députée de Jacques-Cartier, M. le Président. J'ai l'impression, cependant, que nous sommes totalement sur la même longueur d'onde. En effet, prenons, par exemple, le Programme actions structurantes. Nous n'avons pas regardé le sujet de recherche. II y a même eu une équipe qui n'a pas été retenue parce que tout était centré sur un sujet de recherche. Nous n'étions pas intéressés à subventionner un sujet de recherche en cherchant à forcer nos universitaires à faire de la recherche appliquée en fonction des intérêts du Québec; nullement. Nous financions des équipes, des noyaux de chercheurs. La seule chose que nous recherchions, cependant, c'est un champ, une discipline, un domaine qui puisse être pertinent pour la société québécoise. C'est quand même important, en ce sens que je pourrais avoir une remarquable équipe -et, encore là, c'est bien relatif - et développer énormément toute la recherche spatiale. Il y a peu de chance qu'il y ait des retombées au Québec.

Il y a des années, par exemple, le gouvernement fédéral avait encouragé l'apparition de centres de recherche sur les matériaux à l'intérieur des universités. Soit dit en passant, le programme est passé tellement vite qu'il n'y a que les provinces anglophones qui en ont hérité, rien pour le Québec, mais quand même.

Quel a été le constat après plusieurs années? C'est un échec presque complet, car ces centres de recherche sur les matériaux se sont concentrés dans des domaines tellement éthérés et sophistiqués, généralement issus directement de l'activité scientifique américaine que, pratiquement parlant, il n'y a à peu près pas eu d'effet d'entraînement au Québec et au Canada. Donc, vous avez raison de dire que nous devons encourager la recherche fondamentale à l'université. Sur cela, je suis totalement d'accord. Nous devons éviter de chercher à l'orienter sur des sujets spécifiques sauf par le biais de contrats de recherche où, là, on fait faire du développement. Donc, nous devons encourager des travaux de recherche suffisamment larges pour que la connaissance puisse progresser et que, finalement, cette recherche serve à la formation intellectuelle de jeunes chercheurs et représente une contribution au savoir international.

C'est le principe même de la recherche universitaire. Elle doit demeurer fondamentale même dans les facultés de génie. Elle prend une allure différente, mais elle doit demeurer fondamentale.

Mme Dougherty: Comment?

M. Bérubé: En laissant les gens libres de développer eux-mêmes leur sujet de recherche. C'est tout. Il faut les laisser faire. Il n'y a pas de comment, il faut les

laisser faire. C'est leur travail et ils le font. Si vous commencez à les forcer à faire de la recherche fondamentale, c'est là que vous déviez. Donc, vous devez les financer.

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait terminer d'ici une minute parce qu'on s'était fixé 21 heures comme limite ultime pour le secteur des universités?

M. Bérubé: Oui, M. le vice-président...

M. Ryan: Autrement, nous serons injustes envers ce qui reste.

M. Bérubé: Donc, la recherche universitaire doit demeurer de type fondamental, mais ce qui est en cause ici par mes propos, ce n'est pas la nature de la recherche, à savoir si elle doit être fondamentale ou de la recherche appliquée de développement. Ce n'est pas cela qui est en cause. C'est: doit-elle être morcelée, isolée ou, au contraire, doit-elle être regroupée de manière à créer un environnement propice à l'innovation? Il est clair que, dans une université comme MIT ou Stanford, dans un département de métallurgie, vous allez avoir peut-être 60 ou 70 professeurs. Oh là! là! Là, il est possible, en métallurgie mécanique, de regrouper 10 ou 12 professeurs. Vous comprendrez qu'à ce moment-là les 40 étudiants gradués ou les 50 étudiants gradués oeuvrant en métallurgie mécanique constituent un milieu remarquablement enrichissant. Mais, dans une de nos universités, s'il y a un professeur de métallurgie mécanique dans tout le département, vous comprendrez que ces étudiants gradués sont seuls. Le drame, c'est que vous allez trouver dans un département un professeur qui fait de la métallurgie mécanique, un professeur qui fait de la métallurgie physique, un autre fait, je ne sais pas, de la physique de l'état solide et la conséquence, c'est que tous les étudiants gradués travaillent dans des domaines, mais totalement non reliés. C'est cela qui est en cause. (21 heures)

Ce que nous devons essayer de corriger, c'est regrouper nos forces pour identifier à l'intérieur d'un département des lignes de force autour desquelles les professeurs se regroupent pour effectuer leur recherche, de manière à créer véritablement un climat de recherche. Pour ce qui est du caractère fondamental de la recherche, laissez-les tranquilles. Laissez-les faire, ils vont se débrouiller. Vous n'avez pas besoin d'intervenir.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce,

M. le ministre, nous allons maintenant passer à l'enseignement collégial. Je sais que cela frustre un peu tout le monde, mais il y a des heures limitées pour l'étude des crédits.

La parole est à M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Comme élément de transition, je voudrais adresser une brève question au ministre, à laquelle je souhaiterais qu'il réponde par un oui ou un non. Est-ce qu'il y aura un projet de loi sur l'UQAM à la présente session?

M. Bérubé: Nous avions effectivement un projet de loi qui nous avait été soumis par l'Université du Québec. Il a été repris par les autorités de l'université ayant constaté une faille de nature légale dans la proposition qu'on nous avait faite. Elles viennent tout juste de nous faire parvenir la nouvelle version. Je crains qu'il ne soit pas possible - sauf avec le consentement de l'Opposition et je dirais du leader également - de l'adopter avant la fin de la session, mais j'aurais l'intention de le déposer s'il n'y a pas d'obstacle.

Enseignement collégial

M. Ryan: C'est bien. Merci. Nous passons maintenant au secteur des cégeps tout en regrettant que le temps ne nous ait pas permis d'aborder deux sujets importants qui étaient également inscrits sur notre liste, c'est-à-dire la question des frais de scolarité et la question de l'aide financière aux étudiants. Mais, j'espère que la commission parlementaire trouvera le moyen de revenir sur ces deux sujets par une autre méthode au cours des semaines à venir.

Au sujet des cégeps, première question, la compression de 7 000 000 $. Dans le cahier explicatif, on nous disait que le ministère n'avait pas reçu de réactions de la Fédération des cégeps à ce sujet. Depuis que ce cahier a été rédigé, la Fédération des cégeps a fait connaître sa réaction sous une forme très vive. Est-ce que le ministre a reçu les représentations de la Fédération des cégeps? Est-ce qu'il a rencontré la Fédération des cégeps à ce sujet? Est-ce qu'il compte rencontrer ces gens prochainement et est-ce que ces représentations pourraient être de nature à l'influencer dans le sens d'une révision de la décision qui a été prise?

M. Bérubé: J'ai avisé les représentants de la fédération des collèges que le budget était fermé, qu'il était le fruit d'un exercice difficile d'équilibre budgétaire et qu'en conséquence ils ne devaient pas s'attendre à une réouverture pour une amélioration des règles budgétaires en général - Oh! Bonne nouvelle! Un à zéro pour les Nordiques! - Ce que j'ai accepté d'examiner avec eux, cependant, c'est le prélèvement de

2 000 000 $ que nous effectuons dans l'enveloppe globale pour financer de nouveaux programmes. En effet, il est normal que dans n'importe quelle organisation il y ait des programmes qui doivent disparaître et des nouveaux programmes qui doivent être implantés. En conséquence, si notre coût moyen doit demeurer constant, il faut trouver un moyen d'autofinancer le coût des développements à même notre enveloppe générale, de manière à maintenir nos coûts moyens constants. Ceci nous amène à effectuer des prélèvements de 2 000 000 $, par exemple, pour développer des programmes. La réaction de la Fédération des cégeps est facilement compréhensible. En l'absence de compression, un tel prélèvement leur apparaît normal. En présence de compression, le prélèvement est plus difficile à avaler. La conséquence, cependant, de l'absence de prélèvement est la stagnation complète des programmes collégiaux. Ce que j'ai accepté de faire, c'est d'examiner avec le ministère la liste complète des développements envisagés par le ministère et devant être financés à même le prélèvement, de voir dans quelle mesure certaines de ces décisions ont un caractère irréversible, de voir quelles sont les décisions qui ont un caractère réversible et de réexaminer avec la Fédération des cégeps l'ensemble du dossier pour voir si des réaménagements seraient possibles.

M. Ryan: Qu'est-ce qu'une révision de ce prélèvement-là pourrait entraîner? Une révision dans le sens que vous le laisseriez peut-être tomber.

M. Bérubé: Seulement si les conséquences nous apparaissent acceptables. Mais il faudrait voir avant quelles sont les conséquences.

M. Ryan: La discussion est ouverte sur cet aspect-là?

M. Bérubé: Oui.

Tâche éducative de l'enseignant

M. Ryan: Autre point: des représentations ont été faites à maintes reprises au cours des derniers mois par la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes de cégeps au sujet des conséquences du fameux décret pour la tâche éducative de l'enseignant au niveau collégial.

Dans une intervention qui a été faite encore ces jours derniers, la fédération réclame la création, la libération de 350 postes de plus dans le réseau. Elle demande, en particulier, que les enseignants mis en disponibilité et payés à ne rien faire soient au moins employés étant donné la surcharge de travail découlant des décrets pour les enseignants qui sont au travail.

La fédération a également fait une intervention demandant que, dans le cadre du projet de loi 37 sur les relations du travail dans le secteur public, la liste des sujets qui seraient référés à la négociation locale soit réexaminée de manière que certains sujets qui ont un impact pédagogique très important ne soient pas abandonnés à la pure négociation locale, laquelle ne sera d'ailleurs pas accompagnée du droit de grève.

Sur ces deux points, j'aimerais connaître la position du ministre. Est-ce que c'est mieux de laisser des enseignants en disponibilité à ne rien faire pour sauver l'honneur d'un décret ou si ce ne serait pas mieux de leur donner la chance de travailler et de soulager la charge de travail de ceux qui sont au poste?

M. Bérubé: D'abord, sur les 700 enseignants en disponibilité...

M. Ryan: On dit même, pour votre information, qu'il viendrait s'en ajouter 300 ou 400 au cours de la présente année.

M. Bérubé: ...la majeure partie est utilisée totalement. Il reste 250 enseignants auxquels on ne fait pas nécessairement appel. On me souligne, par exemple, que certains de ces enseignants oeuvrent dans des secteurs spécialisés, par exemple, sciences de la santé, où on a un problème de clientèle et cela n'a rien à voir avec les décrets, cela a à voir, essentiellement, avec un réajustement constant d'un système à moins de vouloir toujours enseigner exactement la même matière de la même façon sans jamais modifier les programmes. Évidemment, là on aurait toujours besoin des mêmes enseignants, mais ce n'est pas sûr que ce serait à bon escient.

Il est inévitable que, dans une organisation où il y a une dizaine de milliers de professeurs, des ajustements de programmes, des fluctuations de clientèle amènent, de façon permanente, un certain nombre d'enseignants se retrouvant en disponibilité. Cela n'a rien à voir avec les décrets, cela a purement et simplement à voir avec les ajustements inévitables au sein d'un appareil aussi important. On me dit qu'il y a environ 250 professeurs qui pourraient, effectivement, se retrouver en disponibilité sans qu'on puisse avoir recours à leurs services. C'est peu.

M. Ryan: Est-ce que vous êtes informé que, pour l'année 1985-1986, il risque d'en avoir 300 de plus?

M. Bérubé: Comme il n'y a pas d'augmentation de tâche en 1985-1986, ce ne sera certainement pas le résultat des décrets. Il faut donc tirer la conclusion que

c'est tout simplement l'ajustement normal du système.

Maintenant, pour ce qui est de l'augmentation de tâche des enseignants au collégial, il n'y a personne sain d'esprit qui va accorder quelque foi que ce soit à des prétentions concernant la surcharge au niveau des enseignants du cégep. Il faut voir quelle est la tâche d'un enseignant au collégial. C'est une tâche normale. Des études qui ont été menées conjointement par le Conseil des collèges, par le syndicat, des tables patronales-syndicales, par exemple, ont fait la démonstration que la tâche normale d'un enseignant collégial c'était, quand on calculait la préparation, le cours, la correction, 38 heures par semaine.

M. le Président, 38 heures par semaine, pour une année scolaire qui, disons-le, n'est pas de 365 jours par année. Une année scolaire au Québec, c'est deux trimestres en général d'environ une trentaine de semaines. Tous vous diront qu'il y a là-dedans également des périodes assez relaxes. On vous parlera même de l'absentéisme des professeurs au collégial assez régulièrement, soi-disant pour surcharge. Alors, moi, j'ai de la misère à imaginer qu'un professionnel qui travaille à peu près 38 heures par semaine, d'après les études qui ont été faites conjointement avec les syndicats, et l'équivalent d'à peu près 30 semaines par année, je ne peux pas croire que ce professionnel soit écrasé par la tâche.

Donc, ne me parlez pas des décrets; vous ne me ferez jamais pleurer sur la situation au niveau collégial. La tâche est normale, elle est raisonnable et on s'attend que le professeur fasse ses quarante heures par semaine pendant ses 60 semaines de travail et qu'après cela il continue en s'impliquant sur le plan de sa réflexion, en travaillant ses cours pour l'année suivante durant les périodes estivales. Je pense que c'est une tâche tout à fait normale. Je ne suis absolument pas sensible aux prétentions syndicales. D'ailleurs, il n'y a pas grand-monde qui l'est parmi ceux qui connaissent le fonctionnement de nos collèges.

En ce qui a trait au niveau local, justement, parce que ces questions concernent la vie des institutions, le modèle ne doit pas être un modèle unique, mais doit tenir compte des caractéristiques propres de chaque institution. Un petit collège n'est pas un gros collège. Il est possible, dans un grand collège, de procéder à des réajustements de groupes ou de classes, de telle sorte qu'on puisse se partager la tâche d'une façon très différente de celle dans un petit collège où un corps professoral limité doit offrir un éventail de cours très large, si on veut offrir un choix de programmes suffisant.

À ce moment, l'organisation du travail doit nécessairement coller à la réalité, je dirais, du cégep et de son environnement. Par conséquent, cela doit rester de négociation locale.

M. Ryan: Le droit de grève? Vous n'êtes pas trop pour cela, vous.

M. Bérubé: Sans droit de grève, car je vais vous dire une chose: Tel que conçu, le projet de loi va donner le résultat final. Si une des parties, disons, s'isole volontairement en refusant de parler à l'autre partie, en s'asseyant sur les acquis, un jour ou l'autre, elle a intérêt à faire rouvrir sur certains aspects. À ce moment, il y a nécessairement un dialogue. Je pense que, si nous voulons effectivement mettre un terme à ces conflits stériles que nous avons érigés en système, M. le Président, oui, les professeurs et les administrateurs de nos collèges doivent prendre l'habitude de voir le collège comme étant leur institution et doivent voir ensemble à la faire fonctionner et non pas tout le temps à l'intérieur d'un rapport d'affrontements qui nous a systématiquement menés à des grèves.

Si on conçoit la vie d'un collège et son organisation sur la base d'un rapport conflictuel, à ce moment, on ne peut pas bâtir un milieu de vie raisonnable. Je pense que oui, il faut absolument supprimer le droit de grève, en tout cas pour les prochaines années, au niveau local, pour amener les gens à apprendre à se parler autrement que dans une situation conflictuelle.

M. Ryan: Cela, c'est votre conception de la libre négociation des conditions de travail.

M. Bérubé: C'est ma conception de la mise en place d'un climat qui respecte nos jeunes et les valeurs intellectuelles dans une société.

M. Ryan: Très bien. On va discuter de cela à l'occasion du projet de loi qui est devant la Chambre; on aura l'occasion d'en parler. Mais, à propos de la tâche de travail des enseignants, je ne pense pas que ce soit facile d'être d'accord avec le ministre. Il a ses vues et ses perceptions, ses rapports, ses souvenirs. Mais, il y en a beaucoup qui ont regardé cela de près et qui ont fait d'autres constatations que celles dont nous fait part le ministre. Il m'est arrivé de causer avec plusieurs enseignants sérieux et consciencieux de niveau collégial et ils m'ont donné un portrait très différent de celui que vous présentez ici.

Vous avez invoqué le Conseil des collèges dans votre intervention. Si mes souvenirs sont bons, le Conseil...

M. Bérubé: Je m'excuse, c'était une

table patronale-syndicale.

M. Ryan: Ah bon! ce n'est pas la même chose. Le Conseil des collèges, si mes souvenirs sont fidèles, a décidé, il n'y a pas beaucoup de temps, il y a une couple de mois, d'instituer une enquête sur la condition enseignante, parce qu'il trouvait, justement, qu'il y avait un pourrissement qui était encore là et que c'était de nature à affecter gravement et de manière peut-être plus insidieuse que les grèves ouvertes d'autrefois, mais de manière peut-être non moins nocive, la qualité de l'enseignement et de la formation dispensés dans les cégeps. (21 h 15)

On n'a pas le temps d'engager un débat interminable, mais je m'inscris en faux contre la vision simplifiée que le ministre semble avoir de tout ce problème de la tâche éducative au niveau collégial. Je ne suis pas prêt à ériger en système toutes les pratiques dont nous avons pu avoir connaissance ces dernières années, pas du tout.

Je crois qu'il y a une plainte qui émane de ce milieu-là, qui est très répandue. Je serais étonné qu'elle fût purement artificielle ou fabriquée de toutes pièces seulement pour créer des difficultés au gouvernement ou à la communauté.

M. Bérubé: Ou fabriquée de toutes pièces par les organisations syndicales et adressée à un critique officiel de l'Opposition dont les pleurs et les larmes de crocodile sont un peu trop faciles.

M. Ryan: Voyons donc! Nous écoutons! M. le ministre, je trouve que ce sont des propos terriblement irresponsables que vous tenez là.

M. Bérubé: Non, pas tant que cela. De votre part, ils le sont, oui.

M. Ryan: En ce qui touche l'Opposition, je vous dirai pour la nième fois, même si vous n'avez pas l'air capable de le comprendre, que nous écoutons tous les points de vue qui nous sont soumis avec un égal respect et une égale considération, nous réservant de faire le partage sous la forme des opinions que nous exprimons en temps utile. Je pense qu'une approche comme celle-là n'est pas du tout de nature à faciliter une amélioration de la situation dans ce secteur-là, mais, en tout cas, vous avez donné votre opinion clairement. J'espère que ce n'est pas l'opinion définitive du gouvernement, ni la vôtre, mais pour ce soir disons que nous l'enregistrons.

Est-ce que je peux passer à un sujet suivant?

M. Bérubé: En fait, si je comprends bien la différence qui nous oppose, c'est que, dans un cas, nous avons une opinion et, dans votre cas, vous n'en avez pas.

M. Ryan: Non, nous nous renseignons avant d'en avoir une, nous recueillons toutes les données même celles que nous croyons posséder et, quand elles sont contredites par d'autres, nous essayons de faire le partage, puis nous modifions notre opinion si on nous fait la preuve.

Je vous dis, encore une fois, que j'ai rencontré des enseignants très sérieux à ce niveau-là, très consciencieux qui ne méritent pas du tout le genre de résumé que vous avez fait tantôt, et qui m'ont tenu un tout autre langage, qui méritent d'être entendus par celui qui a la responsabilité de la qualité de l'enseignement à ce niveau-là.

M. Bérubé: M. le Président, comme de toute façon il en va de même au niveau, par exemple, de l'enseignement universitaire. La tâche moyenne d'un professeur à l'université est de l'ordre de six heures d'enseignement, ce qui est loin d'être abusif. Cependant, je connais des professeurs d'université qui travaillent rarement moins de 80 heures par semaine. Disons que ce sont des professeurs qui ont trois, cinq, six, sept publications dans des revues internationales, qui dirigent sept, huit, dix étudiants gradués à la maîtrise et au doctorat, qui ont 150 000 $, 200 000 $ de subventions de recherche. Dans leur faculté, ils font partie des 25 % qui, effectivement, sont activement engagés, mais j'ai le problème des autres 75 %.

M. Ryan: J'enregistre que vous balayez du revers de la main les représentations qui viennent des enseignants du secteur collégial.

M. Bérubé: Sur la tâche moyenne au collégial? Absolument.

M. Ryan: Très bien, très bien.

M. Bérubé: La tâche moyenne au collégial est tout à fait normale et correcte.

Sous-centres régionaux

M. Ryan: Parfait. Autre point. Est-ce que vous pourriez résumer brièvement la politique actuelle du ministère en ce qui touche les sous-centres régionaux de collèges? Il y a un certain nombre de coins dans la province de Québec où on ne peut pas avoir un cégep complet et où on demande de jouir au moins des prolongements de cégep sous forme de sous-centres régionaux. Il en existe déjà un certain nombre. Il y a des besoins qui s'expriment en d'autres endroits qui n'en ont point. Est-ce qu'il y a des perspectives de déblocage de ce côté-là ou si la politique "wait and see" qui

a caractérisé faction du ministère à ce sujet-là depuis une couple d'années se maintient pour l'instant?

M. Bérubé: Oui, je pense que, pour l'instant, il faut poursuivre l'expérimentation de quatre de ces sous-centres, un aux Îles-de-la-Madeleine, un à Amos, un à Mont-Laurier et l'autre à Chibougamau, je crois. Il faut poursuivre l'expérimentation de ces quatre projets. Je pense qu'on comprend facilement pourquoi on s'est engagé dans ces expériences. Certaines de nos régions au Québec sont à ce point éloignées des maisons d'enseignement collégial, de telle sorte qu'on peut se retrouver avec un taux d'accès aux études collégiales qui est nettement inférieur, par exemple, è la moyenne québécoise. On est amené à ce moment-là à vouloir faciliter l'accès aux études collégiales par l'implantation de sous-centres.

M. Ryan: D'accord. Pourriez-vous nous donner des nouvelles du côté...

M. Bérubé: C'est assez intéressant, M. le Président. J'ai fait un essai et j'ai fait exprès pour ne pas répondre à la question du député d'Argenteuil constatant, en fait, qu'il n'écoutait pas et il semble se satisfaire de ma réponse.

M. Ryan: On n'a pas de leçon à recevoir du maître d'école. Mais tout cela pour en revenir au problème que je voulais vous poser. Est-ce que vous êtes saisi d'un projet d'implantation, soit d'un cégep ou d'un campus de cégep du côté de Bonaventure? Est-ce que vous allez prendre des décisions à cet égard avant longtemps, si vous n'en avez pas déjà pris?

M. Bérubé: Le problème de Bonaventure, c'est la deuxième partie de la réponse que j'allais vous présenter quand j'ai vu que votre intérêt était attiré par le député de 5aint-Laurent qui, d'ailleurs, devait sans doute avoir des propos importants à vous tenir. Peut-être étiez-vous en train de lui expliquer la qualité de la question que vous veniez de poser et l'intérêt qu'il devrait y manifester. Dans le cas...

M. Ryan: Elles sont si souvent routinières que, même si on en manque une, on ne manque pas grand-chose, des fois.

M. Bérubé: Là, c'est moi qui en ai manqué un bout.

M. Ryan: Si vous voulez avoir le fond de la réaction, vous allez l'avoirl

M. Bérubé: Si on revient à nos sous-centres régionaux, ce que le ministère examine avant de prendre une telle décision, c'est non seulement le fait qu'il est plus commode pour une population d'avoir accès directement à un sous-centre localement, mais également quel sera l'impact de ce sous-centre sur la disponibilité de l'enseignement au niveau collégial.

Je m'explique. Prenons le cas de la région de la baie des Chaleurs. Si nous devions situer le sous-centre à son endroit optimal, c'est-à-dire là où il y a des densités de population importantes, le sous-centre prélèverait les clientèles qui, à l'heure actuelle, vont à Gaspé. Conséquence: Gaspé, qui a déjà de la difficulté à offrir un éventail adéquat d'options professionnelles, verrait ses clientèles diminuer, il ne serait donc plus en mesure de dispenser l'éventail actuel d'options. Quel est le problème de nos régions? Si nous n'offrons pas un choix d'options bien adaptées aux besoins de notre région et bien adaptées aux besoins de l'étudiant, notre étudiant aura tendance, quitte à partir de Sainte-Anne-des-Monts pour aller à Gaspé s'il n'a pas le choix ou l'option qu'il désire, il va tout aussi bien décider de s'en aller à Montréal ou à Québec.

À ce moment, il risque de quitter notre région d'une façon définitive. Il faut donc offrir dans notre région un éventail d'options suffisamment large pour attirer tous nos étudiants, sauf qu'il y a peu d'étudiants pour chaque option. Ce sont des options à la limite de la viabilité, si on veut. Dès que nous créons un sous-centre, nous soutirons des clientèles - par exemple, au collège de Gaspé - et nous réduisons la capacité de ce collège à satisfaire aux besoins de la région, en termes d'options professionnelles.

Ce n'est pas compensé par l'ouverture du sous-centre, car le sous-centre qui doit lui aussi s'attirer des clientèles ne peut pas choisir des options pointues qui auraient peu d'attrait pour la clientèle locale et qui l'obligerait à recruter sur l'ensemble du territoire. Il doit donc chercher à coller le plus près à sa clientèle locale. Il doit donc se cantonner à des options de générales, préuniversitaires, non terminales, non professionnelles, avec la conséquence que nous risquons de donner une mauvaise formation de départ aux jeunes qui, localement, auraient normalement choisi la bonne option correspondant à leur goût, mais qui, maintenant, vont plutôt choisir une option générale, parce que c'est celle-là qui est disponible dans le village.

Conséquence: non seulement ces jeunes seront-ils mal formés, mais nous aurons diminué le nombre d'options professionnelles, accentué l'exode vers l'extérieur pour faire en sorte que ces jeunes qui reçoivent la formation professionnelle sont mal préparés pour l'économie régionale et, par conséquent, ont des chances de devoir aller à l'université pour compléter leur formation, à l'extérieur,

et risquent même de ne pas revenir chez nous.

Il faut donc regarder l'impact de l'implantation d'un sous-centre sur la disponibilité d'options professionnelles, sur l'orientation des jeunes, sur l'impact quant à l'accessibilité aux études collégiales. C'est uniquement lorsque nous avons ce portrait que l'on peut décider si, oui ou non, c'est une bonne idée d'implanter des sous-centres.

Comme nous n'avons pas encore véritablement de données statistiques, puisque l'expérience ne remonte qu'à deux ou trois ans, tout ce que nous pouvons conclure, c'est qu'il semble qu'il y a deux des quatre expériences que nous menons qui ne semblent pas fructueuses. L'une est marginale et on a de la difficulté à trancher, et l'autre s'est avérée bonne et fructueuse.

Pour l'instant, nous n'avons pas tout à fait encore assez de données pour pouvoir vraiment trancher quant à l'avenir des sous-centres. C'est ce qui nous amène à user de prudence et à suggérer que l'on continue l'expérimentation en cours qui est prévue pour cinq ans. Au terme de ces cinq ans, on fera une évaluation rigoureuse de l'impact de ces sous-centres sur l'accessibilité aux études collégiales, sur l'orientation des jeunes avant et après la création de ces sous-centres et sur les institutions régionales d'enseignement. On pourra alors décider de l'avenir de l'expérimentation.

M. Ryan: Pour le cas de la baie des Chaleurs, cela veut dire que, pour le moment, il n'y a pas de décision?

M. Bérubé: Oui, pour le moment; je pense qu'il est clair que c'est un des territoires les plus vastes géographiquement parlant et sans service collégial. Donc, c'est un territoire québécois qui, par définition, mériterait un sous-centre. Par contre, nous constatons que ce sous-centre, pour ne pas faire trop de tort à Gaspé, il faut le mettre à l'endroit où il y a le moins de clientèle potentielle. Alors, vous voyez l'ironie du sort. Le collège de Gaspé nous propose un sous-centre là où il est moins utile et pourquoi? Parce que c'est là où il fait le moins de tort. Alors, on est coincé entre les deux.

M. Ryan: Qu'il nous fasse savoir s'il y a une réponse. S'il n'y en a pas, je ne veux pas avoir d'autres explications. Quant aux centres spécialisés créés au cours des deux dernières années, on nous a fourni une liste de ces centres que nous avions déjà évidemment, mais cela complète. Il y a un paragraphe qui m'a intrigué à la fin de cette liste; on écrit ceci: Au terme d'une période variant entre trois et cinq ans, l'objectif visé est que chacun des centres a développé ses fonctions de service aux milieux socio- économiques et soit en mesure de s'autofinancer.

Je voudrais savoir comment vous entrevoyez la relation de ces centres-là avec le cégep dont ils sont issus et comment, dans l'hypothèse d'un éventuel autofinancement, se définirait la relation avec le cégep? Inutile de vous dire que certains promoteurs de centres spécialisés se voient déjà comme directeur de petit cégep parallèle. Allez-vous encourager cela? J'ai l'impression que les lignes contenues dans le paragraphe que je viens de citer sont de nature à encourager cela. Est-ce que vous voyez que ces centres-là demeurent en relation organique avec le cégep dont ils sont issus et dont ils continuent d'être partie constituante, même s'ils disposent d'une large autonomie?

M. Bérubé: Nous envisageons ces centres spécialisés comme faisant partie intégrale du collège et non comme corporation totalement autonome. Je ne suis pas sans savoir que certains collèges - la loi le permet - ont voulu créer des corporations complètement indépendantes, mais pour autant que le ministère est concerné, un centre spécialisé, c'est un centre qui émane directement du collège et constitue un pôle d'excellence au sein du collège, et non pas un organisme parallèle de type parapublic, par exemple.

Lorsque nous parlons d'autofinancement, nous ne parlons pas d'autofinancement de l'enseignement, nous parlons d'autofinancement de l'aide technique et de la recherche. Pour l'instant, nous finançons un petit montant pour favoriser l'implantation d'une infrastructure d'accueil auprès des entreprises ou des organismes du milieu. Toutefois, ce qu'il faut éventuellement viser, c'est que les cégeps aient accès à des programmes réguliers de financement, soit de transfert technologique ou de recherche, et que, par le biais de ces programmes en concurrence les uns avec les autres, ils puissent éventuellement atteindre l'autofinancement de la mission aide technique et recherche, mais il ne s'agit évidemment pas d'un autofinancement de la mission éducative.

M. Ryan: On disait dans les notes que l'on nous a remises que, pour 1985-1986, on envisage la création de trois autres centres spécialisés. On disait que cinq dossiers étaient à l'étude. Est-ce qu'une décision à cet égard a été prise? On disait qu'une décision allait être prise au cours des prochaines semaines.

M. Bérubé: Elle est prise et elle a été annoncée au cours des dernières semaines.

M. Ryan: Oui, j'ai remarqué. Voulez-

vous confirmer ce qui en est? (21 h 30)

M. Bérubé: C'est ce que j'ai annoncé: bureautique à Bois-de-Boulogne, foresterie à Sainte-Foy et métallurgie à Trois-Rivières.

Développement des équipements

M. Ryan: Très bien. Je pense qu'il faut dire un petit mot sur le plan des investissements. J'ai cité ce matin un cas assez lamentable. II s'agit d'un cégep où je suis allé faire une visite assez récemment. J'aimerais que le ministre en reparle. Il a adressé une lettre aux professeurs de ce cégep qui lui avaient écrit, une lettre que j'ai trouvée personnellement assez cavalière, dans laquelle on les renvoyait purement et simplement au conseil d'administration du cégep. Le ministre disait ce matin que c'était à peu près tous les pouvoirs, toutes les responsabilités qu'il avait là-dedans. C'est profondément faux, à mon point de vue. Je pense que le ministre a la responsabilité de veiller à ce que l'enseignement professionnel soit dispensé par les collèges dans des conditions de qualité, de modernité d'équipements qui répondent aux besoins des jeunes qui doivent s'intégrer rapidement au marché du travail.

Dans un cas comme celui-là, je voudrais lui demander s'il en est réellement saisi et si, après avoir reçu cette requête, il a procédé à une enquête au moins discrète pour savoir où cela en était, enfin, si, à la lumière des faits que j'ai quand même apportés ce matin, de bonne foi, et après les avoir constatés personnellement, il s'en tient à la ligne de conduite qu'il définissait dans sa lettre aux professeurs de cette institution.

M. Bérubé: J'aimerais que le député d'Argenteuil précise le cas.

M. Ryan: Je l'ai décrit ce matin. Vous le trouverez dans les notes que j'ai données ce matin. C'est...

M. Bérubé: Je vous répondrai quand j'aurai toutes les notes.

M. Ryan: ...décrit là en toutes lettres. Bien, vous n'écoutiez pas ce matin, c'est libre à vous. Je ne reviendrai pas là-dessus, mais je vous dis que la loi vous donne tous les pouvoirs voulus pour aller plus loin. Il me semble qu'un ministre de l'Enseignement supérieur, quand il reçoit des représentations sérieuses, doit au moins faire un début d'enquête pour savoir à quoi s'en tenir avant de dire: Cela ne me regarde pas et allez voir votre conseil d'administration, purement et simplement. C'est cela que je veux clarifier ici. Je vous dis que les conditions que j'ai constatées réapparaissent absolument inaceptables. Qu'est-ce qui peut être fait pour les corriger rapidement? M. Bérubé: Je pense... M. Ryan: Rapidement. M. Bérubé: Je pense...

M. Ryan: M. le ministre, quand je vous disais ce matin qu'on enseigne l'électronique à des jeunes avec des appareils récepteurs et transmetteurs qui datent de l'autre génération et dont on ne trouve même plus le modèle sur le marché, ni même les pièces d'équipement pour remplacer celles qui sont terminées, qu'on n'a pas de budget pour en acheter d'autres, qu'est-ce qu'on fait? Il faudrait que vous voyiez les ateliers de céramique. Ils travaillent dans des conditions de pollution effrayantes. À l'atelier de photographie, c'est la même chose. Des conditions de pollution qui sont absolument inadmissibles. Qu'est-ce qu'on fait dans des cas comme cela? Est-ce qu'on laisse cela là en disant: II y a un conseil là-bas et que ça marche? C'est cela que je veux savoir.

M. Bérubé: M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que, l'année dernière, on me souligne que, dans le budget, il y avait 6 000 000 $ consacrés à l'électrotechnique et à la modernisation de l'équipement, ce qui est une somme considérable puisque tous les collèges ne donnent pas cette option et que cela est réparti entre quelques collèges, dont le collège du Vieux-Montréal. J'ai l'impression que ce n'est pas parce que c'est le collège du Vieux-Montréal que c'est nécessairement du vieil équipement qu'on lui achète.

M. le Président, je pense que... Non, il faut que j'en revienne à la position que j'ai prise au début. Nos collèges sont des entités autonomes et nos collèges doivent assumer leurs responsabilités. Lorsqu'il y a lieu de penser qu'on est en face de fraude, de mauvaise conduite de la part des dirigeants, oui, il y a un pouvoir de mise en tutelle. Il faut l'invoquer dans des conditions graves et non pas à tout bout de champ. Il y a, par exemple, aux États-Unis, certaines bonnes universités, d'autres moins bonnes, cela se sait. Si le collège du Vieux-Montréal est un moins bon collège, il y aura moins d'étudiants qui vont aller y étudier et c'est l'ensemble du collège qui va écoper. Je pense qu'il faut accepter la concurrence, il faut accepter qu'il y aura des collèges plus performants, d'autres moins performants. Évidemment, j'ai visité plusieurs collèges qui se sont dotés de secteur d'excellence et qui en sont très fiers. J'ai eu l'occasion de rencontrer des professeurs remarquablement dynamiques et très profondément engagés dans le développement des activités de recherche et d'éducation au sein du collège.

Je me doute qu'il y ait, au Québec, à côté, d'autres collèges, d'autres équipes beaucoup moins performantes qui s'endorment dans une certaine léthargie.

M. le Président, je dois dire qu'il appartient à chaque collège de se doter d'une politique d'évaluation. Il appartient à chaque collège de surveiller la réputation de son institution. Par exemple, parmi les mesures que nous prenons, nous distribuons, à l'heure actuelle, des statistiques de toutes sortes sur le résultat d'étudiants à des examens, les performances comparatives de divers collèges et nous envoyons les performances dans l'ensemble des collèges. Je ne vous cache pas que, quand vous enseignez dans un collège et que vous constatez que les statistiques ne semblent pas très favorables, oui, cela provoque une certaine discussion à l'interne et cela secoue les gens.

Je pense que c'est peut-être la meilleure façon de procéder, à savoir maintenir les gens responsables et leur fournir des instruments de comparaison. Et si, à la suite de l'envoi de tels instruments et de leur disponibilité au public en général, un grand nombre de nos concitoyens constataient qu'un collège était de mauvaise qualité, il recruterait pas mal moins d'étudiants. Recrutant moins d'étudiants, il y aurait plus de professeurs en disponibilité à ce collège et il y aurait de sérieux problèmes à l'interne. Je pense qu'il faut laisser jouer une certaine concurrence entre les collèges et ne pas passer son temps, à chaque fois qu'un professeur est insatisfait, à vouloir passer par-dessus toute la Loi sur les collèges qui prévoit des niveaux hiérarchiques de responsabilités pour tenter continuellement de ramener cela au centre. C'est l'erreur systématique de déresponsabilisation de nos concitoyens, et ce, je ne peux pas l'accepter.

M. Ryan: M. le Président, je devrai dire à ces gens, les professeurs nombreux et les élèves nombreux également qui m'ont saisi du problème - je leur avais dit que j'en parlerais en commission parlementaire - que le ministre a dit qu'il nie toute responsabilité, qu'il n'a rien à faire là-dedans, c'est le conseil d'administration et cela finit là. C'est ce que je vais leur dire demain. Merci.

M. Bérubé: C'est l'autorité de leur collège, parce que je peux leur dire que, depuis...

M. Ryan: Je le déplore profondément, parce que c'est bien beau de dire ici, cavalièrement, que ce collège perdra de la clientèle, etc., mais les jeunes qui sont là, c'est leur avenir qui est en cause. Ils viennent vous dire après avoir passé un an, un an et demi: Peut-être que j'aurais été mieux d'aller ailleurs. Me conseillez-vous de regarder ailleurs? On trouve que c'est un collège qui a sa place dans la famille des collèges, il a été créé pour faire quelque chose. Je ne vois pas pourquoi on laisse aller les choses comme cela. Il me semble qu'une visite au collège pour vérifier de visu des conditions qui sont portées à l'attention du ministre, cela ne devrait pas être la fin du monde. Cela fait partie de ses attributions courantes.

D'ailleurs, je souligne juste une petite parenthèse ici. Je trouve qu'on avait, dans la vielle Loi sur l'instruction publique au Québec, un article très simple qui disait: N'importe quel député peut visiter n'importe quelle école quand il le veut. Vous avez fait tomber cet article. C'était très bon qu'on ait cela. Je trouve qu'à ce niveau cela fait du bien quand un homme public va faire une petite visite, se rendre compte de visu. Vous le savez comme moi, vous êtes allé à un grand nombre d'endroits aussi.

J'espère que cette affaire ne restera pas là parce que c'est vraiment une fin de non-recevoir que je trouve absolument inqualifiable. Je le regrette, je le dis sans aucune espèce d'amertume. Je pense à ces gens, avec qui j'ai passé une jounée, et je me dis: II me semble que cela ne peut pas en rester là.

M. Bérubé: À titre d'exemple, M. le Président, pour l'amélioration et la transformation du collège, en 1981, nous avons versé 158 000 $; en 1982, nous portions cela à 552 000 $; l'année suivante, 467 000 $; l'année d'après, 455 000 $ et, en 1985-1986, dans le plan d'équipement, c'est 1 700 000 $.

Au niveau de l'appareillage-outillage au cégep du Vieux-Montréal, pour les cinq dernières années, c'est près de 1 400 000 $ injectés pour moderniser l'appareillage.

M. Ryan: C'est au cours de quelle période cela?

M. Bérubé: De 1981 à 1985. C'est 1 400 000 $ que nous consacrons à l'amélioration de l'appareillage ou de l'outillage. Donc, il y a des sommes importantes qui sont dépensées au collège. Maintenant, soulignons qu'il y a une décision qui a été prise par le conseil d'administration il y a quand même un bon nombre d'années, c'est dans les années soixante-quatorze, où on a voulu doter le collège d'aires ouvertes soi-disant au nom d'une nouvelle forme de pédagogie. C'est une erreur que l'on paie très cher et que nous cherchons à corriger à l'heure actuelle en injectant annuellement un montant assez important pour l'amélioration et la transformation, ce que je vous soulignais tantôt. Donc, effectivement, nous essayons

de donner au collège les moyens de corriger ses erreurs.

Toutefois, de façon systématique, je pense que nous devons éviter de déresponsabiliser les gens. Or, il n'y a rien de plus facile pour quelqu'un qui pourrait essayer de régler son problème à l'interne, mais il faut qu'il se batte, il faut qu'il convainque. Il y a des résistances et là on essaie d'imaginer ce Deus ex machina -peut-être sous l'image de M. Ryan - qui va régler tous les problèmes à la place des gens en fonction, mais peut-être pas. C'est à cela qu'il faut faire attention.

M. Ryan: Mais vous avez des centaines d'étudiants, M. le ministre, encore une fois, qui jouent leur avenir dans l'option qu'ils ont faite de s'inscrire à cette institution. Ils l'ont fait de bonne foi en pensant qu'ils trouveraient là la formation, la qualité minimale à laquelle ils ont un droit strict et on leur offre des équipements qui ne leur permettent pas d'acquérir cette formation. Pendant ce temps, on tripote les cloisons en masse. Pour cela, vous avez raison quand vous dites qu'il y a eu une grave erreur de commise avec les aires ouvertes. Je suis entièrement de votre opinion. Il faut voir les conditions d'acoustique qui existent encore là-dedans pour la dispensation des cours. C'est effrayant.

Je me dis: Pendant qu'on joue avec les cloisons, qu'on bâtit des bureaux au 9e étage pour l'administration, dans les étages inférieurs, au niveau des ateliers, c'est lamentable. En tout cas, je pose le problème. On le reposera à l'opinion publique. S'il n'y a pas moyen d'avoir le moindre signe d'intérêt ici, on le posera ailleurs. On va voir à ce qu'il soit acheminé vers une attention plus grande.

Dans le même ordre d'idées, je voudrais vous demander s'il existe au ministère un plan pour le développement des équipements en ce qui concerne les cégeps. Quels sont les grands éléments de ce plan? Est-ce qu'on a fait des études récemment? Est-ce qu'on a un tableau précis des besoins du réseau collégial en matière d'investissement ou si, à ce niveau, on est aussi "in the dark", on est aussi dans la noirceur que le ministre a dit l'être pour ce qui est des universités, cet après-midi?

M. Bérubé: Notre plan - je ne devrais pas dire "plan", parce que cela s'étale de 1983 à 1989, c'est donc plus qu'un plan quinquennal - la programmation générale donnerait, sur la période, à peu près 37 000 000 $ dans le cadre de la caisse d'accroissement, une dizaine de millions pour l'introduction de la micro-informatique, une quarantaine de millions pour ce que nous appelons le virage technologique; c'est la modernisation des équipements à caractère relié au virage technologique, c'est la robotique, l'électronique en général, le contrôle. Nous avons également une dizaine de millions de prévus pour la mise à jour de programmes lorsque nous refaisons l'orientation d'un programme et que cela entraîne la mise en place de nouveaux laboratoires; il y a une dizaine de millions de prévus. Cela, c'est pour la mise à jour. Il y a également de nouveaux programmes que nous pouvons mettre en place dans nos collèges et il y a une douzaine de millions de prévus, c'est-à-dire au total 110 000 000 $ de prévus, pour l'ensemble de l'équipement technique, je dirais, strictement parlant, de 1984 à 1989, parce qu'il y a seulement 2 000 000 $ de prévus en 1983- 1984, alors cela voudrait dire sur cinq ans. (21 h 45)

M. Ryan: Maintenant, dans le cahier d'explications qu'on nous a fourni, aux pages 26 et 27, on nous donne des catégories abstraites qui ne nous éclairent aucunement. On parle des projets terminés au 1er avril 1985, des projets qui se termineront en 1985- 1986, des projets pour lesquels les collèges sont autorisés à procéder, des projets qui débuteront en 1985-1986. Est-ce qu'on pourrait avoir une liste détaillée de ces projets-là avec les montants qui sont affectés à chacun? Pas nécessairement les avoir ce soir, mais si on pouvait me transmettre cela au cours des...

M. Bérubé: Je n'ai pas ici le détail de tous les projets parce que, évidemment, il y en a une liste considérable.

Une voix: Vous voulez la liste des projets?

M. Ryan: Oui, s'il y avait moyen d'obtenir la liste ces jours-ci...

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: ...avec les précisions que vous jugerez utiles. Je pense que cela serait apprécié. Ça va pour cela?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Regardez, je continue parce qu'il reste seulement dix minutes pour notre section des collèges et j'ai encore quatre ou cinq questions. Je vais essayer d'être bref dans mes questions. Je souhaite que les réponses soient brèves également.

Dans un document qu'on nous a remis intitulé "Enseignement collégial public Document d'orientation concernant la politique budgétaire 1985-1986", je trouve, parmi les tableaux en annexe, le tableau 1 intitulé: Budget des investissements.

M. Bérubé: Les documents que nous

vous avons fournis, c'est à votre demande.

M. Ryan: Oui, c'était en réponse à la demande... Non, celui-là, c'est un document qui accompagnait vos réponses à nos demandes.

M. Bérubé: Oui, ça va.

M. Ryan: Un document important.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Regardez, le quatrième titre, il y a: Achat et aménagement de terrain, entretien et réparation, fonds de bibliothèque. Fonds de bibliothèque, je pense que nous nous retrouvons là.

M. Bérubé: Pas pour l'instant. Une voix: Quelle page?

M. Ryan: C'est le tableau 1 en annexe...

M. Bérubé: Le tableau 1, en annexe.

M. Ryan: ...intitulé: Budget des investissements. C'est écrit: En supposant les demandes accordées par le Conseil du trésor. C'est très grave quand on se rappelle ce qui a été dit cette après-midi à propos du cégep de Gatineau. Est-ce qu'on est sur la même longueur d'onde?

M. Bérubé: Je crois! Le tableau i, le tableau 1.

M. Ryan: C'est le tableau i, peut-être.

M. Bérubé: Le tableau 1: Fonds de bibliothèque. Oui, je vois: Fonds de bibliothèque.

M. Ryan: Regardez ce que l'on disait: Budgets généraux, budgets particuliers. Pour 1984-1985, on avait 1 432 200 $ en budgets généraux et en budgets particuliers. En 1985-1986, avant l'étape extrêmement dangereuse du Conseil du trésor, vous proposiez 1 313 000 $ c'est-à-dire une réduction de peut-être 6 %.

J'ai deux questions. D'abord, est-ce que cette demande a été accordée par le Conseil du trésor? Deuxièmement, est-ce qu'il n'est pas dangereux de réduire encore l'efficacité de nos bibliothèques de collèges qui ont perdu beaucoup de terrain ces dernières années par suite des compressions budgétaires, d'après des échos que nous recevons d'un peu partout au Québec?

M. Bérubé: Pour vous rassurer, oui, le plan d'équipement a été approuvé par le Conseil du trésor.

M. Ryan: Comment expliquez-vous cette réduction qui était proposée ici au fonds de bibliothèque?

M. Bérubé: Ce n'est pas une grosse diminution, c'est une diminution à peu près de 70 000 $ sur un budget de 1 382 000 $; alors écoutez, effectivement, je constate qu'il y a une baisse de 70 000 $ sur un budget de 1 382 000 $, c'est vrai. On me dit qu'il y a 2000 étudiants de moins. Est-ce que la composante variable reliée aux clientèles expliquerait entièrement la diminution? Je suis incapable de vous le dire. Je pense qu'il va falloir fouiller pour 70 000 $. Où est-ce que c'est?

M. Ryan: 119 000 $ en comptant le budget particulier qui n'existe pas cette année non plus. 119 000 $ sur 1 400 000 $, je trouve que cela fait...

M. Bérubé: Si vous me demandez pourquoi le budget particulier n'est pas en 1985-1986, c'est parce qu'il était particulier à 1984-1985.

M. Ryan: Je pensais qu'il était peut-être particulier à une ou deux institutions. Ce n'est pas impossible, cela non plus. On peut avoir chacun sa lecture. Je déplore cela, en tout cas, et je m'aperçois que l'explication est assez "far-fetched". Je pense qu'il doit y en avoir une meilleure que cela, parce que la seule réduction de clientèle, ce n'est pas pour une réduction de 2000 dans la clientèle qu'on va continuer à accentuer cette dimunition de la qualité des stocks dans nos bibliothèques de cégeps. J'ai donné des exemples, ce matin, de ce que cela entraîne, sur le plan des disciplines qu'on enseigne dans le secteur de la formation professionnelle. Le professeur va arriver avec un manuel... Vous, vous avez dit: Qu'il l'achète, à 50 000 $ par année, cela finit là. Mais, il faudrait que l'étudiant ait accès souvent à des ouvrages les plus récents. On ne les a pas dans la bibliothèque; ce n'est pas un luxe. On ne les a pas; il en aurait besoin et ils ne sont pas là, si on diminue le budget... Mais, c'est évident que ce sont des ouvrages qui coûtent cher.

Je pense que j'ai fait le point là-dessus. Je voudrais passer à un autre point, si vous me permettez.

M. Bérubé: Oui, certainement.

M. Ryan: Pourriez-vous nous dire où vous en êtes à propos du campus Heritage à Hull? Depuis des années, la communauté anglophone de l'Outaouais demande de pouvoir disposer d'un cégep qui soit sous sa responsabilité, comme le voudrait, d'ailleurs, une politique maintenant acceptée aussi par le Parti québécois en vertu de laquelle les

institutions éducatives et les institutions hospitalières, sanitaires et sociales devraient être en conformité avec les besoins de cette communauté.

On a un cas, ici, d'une communauté qui est gardée en tutelle et qui est gardée captive à l'intérieur d'un cégep où elle se sent à l'étroit, où elle est traitée de manière souvent parternaliste. Elle demande d'avoir accès au statut de campus de cégep autonome.

Toutes les données qu'on a soumises à notre intention indiquent qu'un cégep autonome pour la communauté anglophone à Hull ne déparerait pas le paysage par rapport à d'autres institutions de même taille qui existent à d'autres endroits, soit du côté anglophone ou du côté francophone.

Je demande ceci au ministre. On a une politique de piétinement de la part du gouvernement au sujet du campus Heritage depuis de nombreuses années. Je me souviens que votre prédécesseur, le ministre Camille Laurin, s'était engagé - il avait commencé en 1981, mais il avait repris son engagement en commission parlementaire pour l'étude de ses crédits - il y a deux ans, à faire une enquête là-dessus et à tirer des conclusions des expériences qui étaient en cours. Deux ans plus tard, nous en sommes toujours au même point.

J'apprends que la communauté anglophone insiste, de plus en plus, pour qu'il soit donné droit à sa revendication. Je voudrais savoir où en est le ministère sur cette question.

M. Bérubé: Ce n'est pas une question de principe, mais une opposition basée essentiellement sur de strictes considérations budgétaires, en ce sens que, à l'heure actuelle, le campus est quand même très autonome; il dispose de toutes les ressources humaines, de tous les aménagements sur le campus. Finalement, ce qui lui échappe, c'est la gestion comptable, la gestion des conventions collectives, ces quelques services centraux qui gagnent, évidemment, en termes d'économie d'échelle, à devoir s'appliquer à plus d'un campus. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le cas du cégep de Gatineau, nous n'avions pas voulu acceter un cégep, mais nous étions près à accepter un campus, de manière à réduire d'une façon assez significative les coûts et essayer de rendre le projet plus acceptable au Conseil du trésor, ce que j'ai pu expliquer à mon collègue, le député de Chapleau.

Ce qui fut dit fut fait, d'ailleurs. Vous allez me dire: Pourquoi ne mettriez-vous pas 600 000 $ de plus là, ou je ne sais pas combien, pour en faire un véritable cégep autonome? Je vous dis tout simplement oui, quand les besoins les plus urgents auront été satisfaits. J'imagine qu'à un moment donné, on disposera de ressources qui nous permettront de consentir à une telle mesure. Pour l'instant, il n'y a pas péril en la demeure, les services sont dispensés, par conséquent il n'y a pas d'injustice de commise et on le fait meilleur marché. Comme on a d'autres besoins assez urgents et que ce réseau a été en plein développement pendant des années, donc a coûté très cher en termes de budget de développement, c'est un peu normal qu'on ait essayé de répondre à la demande continue pour de nouveaux services et que là où les services étaient tout de même valables, mais que pour des raisons culturelles on aimerait bien contrôler ces institutions - ce à quoi on n'a pas d'objection, au contraire, comme vous l'avez souligné - à ce moment, on dit: Quand on aura les ressources nécessaires, on le fera. Disons que ce n'est pas la priorité numéro 1 du ministère dans le contexte actuel.

M. Ryan: Est-ce qu'on peut avoir une idée de l'échelle de temps? Votre attitude peut rester pendant une période combien longue?

M. Bérubé: Aussi longtemps...

M. Ryan: Vous reconnaissez qu'en principe, il devrait y avoir un cégep autonome, que cela répondrait à la conception que vous vous faites de ces choses. Est-ce que c'est cela que j'ai compris?

M. Bérubé: Oui. Comme principe, les anglophones veulent contrôler leurs intitutions. Je vous dirais d'ailleurs que les francophones du West Island réclament également un collège contrôlé par les francophones sur leur territoire, invoquant qu'à l'heure actuelle ils doivent parcourir de longues distances sur l'île de Montréal pour aller dans les collèges francophones environnants. Voilà un autre exemple de besoin réel, tout aussi réel que celui des anglophones qui sont pris pour aller dans un campus qui n'a pas sa pleine autonomie. Je vous soulignerais qu'il y a des francophones qui sont obligés d'aller, à l'heure actuelle, dans des collèges anglophones de la région de Montréal, parce que ce sont les plus proches. Il y a là, également, un besoin. Je ne le conteste pas, le besoin est là. Sauf que je vous dis: L'enseignement leur est donné, ils ne sont quand même pas dans l'eau chaude. Par conséquent, il n'y a pas péril en la demeure. La réponse à la question ne peut pas être disponible. Cela va dépendre des budgets qui sont disponibles.

M. Ryan: M. le ministre, je ne voudrais pas que vous vous laissiez entraîner dans des généralisations faciles comme vous en avez souvent l'art. Dans le West Island, cela

dépend ce qu'on entend par le West Island. Dans l'ouest de Montréal, je connais deux cégeps francophones, il y a celui de Saint-Laurent qui...

M. Bérubé: Tous les francophones qui sont à John Abbott et qui, présentement, sont insérés dans un collège anglophone, il y a des classes francophones à l'intérieur de ce collège, mais ils ne jouissent pas de leur autonomie.

M. Ryan: M. le Président, est-ce que je pourrais continuer mes remarques? Vous oubliez le cégep André-Laurendeau qui est situé à LaSalle, qui a une clientèle très nombreuse, c'est au moins 3000 ou 4000 étudiants, si mes souvenirs sont exacts.

M. Bérubé: Je vous parle des francophones de John Abbott.

M. Ryan: De Lachine à ville de LaSalle, si vous connaissez la géographie de Montréal, c'est à côté. Pour le West Island à aller à Saint-Laurent, ce n'est pas loin non plus. Ne dites pas qu'il n'y a pas de cégep francophone dans la partie ouest de Montréal, il y en a au moins deux très importants.

Là-dessus, je trouve que la comparaison, par conséquent, ne vaut pas du tout parce qu'on traite d'une communauté qui est dans la région de l'Outaouais...

M. Bérubé: Elle vaut beaucoup plus...

M. Ryan: ...M. le Président, est-ce que je peux terminer? On termine à dix heures et je vais finir cela moi-même. Je regrette.

M. Bérubé: On me souligne que - c'est ce que je voulais vérifier - à John Abbott, il y a près de 30 % de la clientèle qui est francophone. Parmi les demandes répétées que je reçois chaque fois que je vais en tournée dans la région de l'ouest de Montréal, c'est cette demande pour une institution autonome.

M. Ryan: À John Abbott, combien y a-t-il d'étudiants en tout? Quelle est l'inscription totale?

M. Bérubé: 3300. Donc, il y aurait 900 francophones à John Abbott, c'est-à-dire autant qu'au campus Heritage. Voilà un très bel exemple, M. le Président, où, appliquant le principe fort défendable... je vous dirais même que la situation du campus Heritage est nettement moins dramatique, car celui-ci dispense l'enseignement en anglais par des professeurs anglais avec un encadrement contrôlé par des anglophones. Toute l'institution, tout le service est dispensé en anglais. Alors, on ne peut quand même pas prétendre que le service n'est pas dispensé, sauf que le conseil d'administration, certains services centraux, non pas à la clientèle, mais au collège, sont intégrés au collège de l'Outaouais. Mais cela, c'est nettement moins dramatique que 900 francophones dans un collège anglophone sans services directs dans leur langue. (22 heures)

M. Ryan: Combien sont là par libre choix, parce qu'ils veulent avoir cette formation en anglais? Avez-vous des statistiques là-dessus? Vous ne savez pas.

M. Bérubé: Bien, libre choix. C'est tous par leur libre choix, personne n'a utilisé une baïonnette pour les entrer au collège de force.

M. Ryan: Mais non, ils ont accès à d'autres...

M. Bérubé: Ils sont tous là par libre choix.

Office des professions

Le Président (M. Charbonneau): Cela dit, nous allons maintenant passer au dossier de l'Office des professions, dossier passionnant, qui passionne en particulier le député de Saint-Laurent à qui nous allons maintenant céder la parole.

M. Leduc (Saint-Laurent): Merci, M. le Président. Je voudrais évoquer certains problèmes dont on parle d'une année à l'autre. Mais, c'est bien évident que si le gouvernement apportait des solutions, peut-être que ces problèmes reviendraient moins souvent.

Alors, on recense aujourd'hui près de 180 000 professionnels regroupés au sein de 40 corporations professionnelles. Ces professionnels se répartissent en quatre grands secteurs d'activité. Ainsi, 16,2 % exercent dans le domaine du droit, de l'administration et des affaires; 22,8 % en génie et en aménagement; 3,2 % en relations humaines et 57,8 % dans le secteur de la santé. De plus, on peut distinguer la corporation selon le statut juridique. 21 corporations professionnelles ont un titre réservé et un champ d'exercice exclusif. Qu'on pense ici aux avocats, aux médecins, aux ingénieurs et aux comptables agréés. Au total, c'est 73,8 % des professionnels qui ont ce privilège. Tous les autres professionnels ont un titre réservé seulement. Ce sont, par exemple, les évaluateurs, les hygiénistes dentaires, les travailleurs sociaux, les comptables généraux licenciés. Tous ces professionnels ont, bien sûr, chacun ses problèmes et chacun ses exigences. Mais certains de ces problèmes durent depuis déjà trop longtemps pour qu'on ne leur donne pas

toute l'attention qu'ils méritent.

Le premier problème qui me vient à l'esprit est le dossier des comptables, amorcé en 1972 lors de la réforme du droit des professions. Le débat sur le regroupement des trois corporations de comptables, les CA, les CGA et les RIA, est constant et continue depuis 1975. Après une commission parlementaire en février 1981, les discussions se poursuivent toujours et on attend encore une décision. Il est temps, M. le Président, de régler le contentieux. Il est temps de prendre une décision. Le gouvernement quant à lui, n'a pas encore pris la sienne. Cependant, nous nous rendrons compte par divers subterfuges artificiels qu'il a une idée toute prête. En effet, à l'insu total de la partie intéressée et au moyen d'un papillon dans le projet de loi omnibus 15 de la dernière session, le gouvernement du Parti québécois entendait permettre aux CGA de faire la vérification des garderies publiques. Nous nous sommes opposés à cette façon peu subtile, je dois dire, d'agir.

Tout récemment, nous avons constaté que le projet de loi 20 sur la réforme du Code civil entend permettre à l'une ou l'autre des trois corporations professionnelles de comptables de dresser les états financiers accompagnés de commentaires. Et ceci s'applique dans le domaine de la copropriété... Nous nous opposons également à cette façon d'agir, M. le Président. Nous ne prenons nullement position en faveur des CA, pas plus d'ailleurs que nous ne prenons position contre les CGA ou les RIA. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est de prendre enfin ses responsabilités et de régler le problème au grand jour plutôt que d'essayer de se défiler. Ce que le gouvernement est actuellement en train de faire, c'est de donner le droit de vérification au CGA par la porte arrière. Nous ne pouvons accepter cette façon de procéder et je suis convaincu que les CGA ne sont nullement intéressés à obtenir le droit de vérification par la porte arrière, par petits bouts et au moyen de papillons dans des projets de loi omnibus. Le gouvernement a une décision à prendre, qu'il la prenne publiquement au grand jour et à la connaissance de tous les intéressés.

Maintenant, le problème des médicaments vétérinaires. Le problème des résidus médicamenteux dans les viandes de consommation remonte à plus de 15 ans, lorsque la commission April lançait un cri d'alarme à cet effet. Actuellement, plus de 2500 produits pharmaceutiques pour les animaux d'élevage sont vendus sur le marché dont seulement 20 % font l'objet d'une ordonnance vétérinaire. Un rapport émis au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en mars 1983 alertait le gouvernement sur les dangers des résidus toxiques dans les viandes pour le danger de la santé de l'être humain. En décembre de la même année, après trois ans de consultation, l'Office des professions remettait au gouvernement une liste de 450 médicaments qui devront dorénavant faire l'objet d'une prescription. Devant l'acuité du problème et la menace qui pèse sur la santé publique, le ministre peut-il aujourd'hui s'engager à ce que la période de l'été dont on parle pour la mise en application de cette politique soit respectée intégralement?

L'Office des professions a terminé une étude sur la réglementation de l'acupuncture en 1983. On proposait alors l'exigence d'un certificat médical préalable à toute intervention de l'acupuncteur. En mai dernier, la Corporation professionnelle des médecins proposait, quant à elle, un projet de règlement imposant aux non-médecins d'obtenir un diplôme d'études collégiales en acupuncture comme condition minimale d'admissibilité aux examens donnant accès au droit de pratique de l'acupuncture.

Le ministre de l'Enseignement supérieur a maintenant préparé un projet de programme de formation collégiale en techniques d'acupuncture. Ce programme vient de subir une critique acerbe de la part du Conseil des collèges; on n'y retrouverait aucune description de la fonction d'acupuncteur ni des objectifs du programme ni des préalables requis pour l'admission au programme. J'estime que ce n'est pas sérieux, M. le Président. Comme le souligne le Conseil des collèges, le gouvernement minimise ses responsabilités, soit d'offrir une formation adéquate, un programme conforme aux normes de la profession et d'assurer un contrôle adéquat de cette formation. Quelles sont les véritables intentions du ministre dans ce dossier? Le ministre entend-il reconnaître l'acupuncture?

Enfin, il y a toute la question de la réglementation des honoraires professionnels et de la publicité chez les professionnels. À trois reprises depuis 1977, l'Office des professions a publié des rapports et des études sur ces deux questions. l'Office propose de déréglementer les honoraires privés au nom de la libre concurrence. Cette mesure toucherait plus de 35 000 professionnels ou 20 % d'entre eux. L'office propose également de libéraliser la publicité, actuellement limitée par l'article 92 du Code des professions et les règlements des corporations, toujours, bien sûr, au nom du même principe de la libre concurrence.

Toute cette question de la déréglementation ne fait évidemment pas l'unanimité. À mon avis, ce qui est en cause, c'est bien plus la protection du public que la libre concurrence. Mais où se loge cela, M. le ministre? Cela fait maintenant huit ans qu'on en parle dans des colloques et dans des coulisses de chaque corporation. Cela fait huit ans que l'on dépense des énergies et des

fonds publics pour étudier cette question. Il serait peut-être temps pour le gouvernement de faire connaître ses intentions. L'objectif primordial que l'on doit avoir en mémoire, si l'on parle de réglementation ou de déréglementation, c'est, à mon sens, la qualité des services annoncés. La réglementation des honoraires professionnels privés a pour but d'assurer cette qualité en garantissant aux professionnels un prix juste et raisonnable.

Si la déréglementation fait baisser les prix, la qualité en souffrira à coup sûr. D'ailleurs, la dernière étude commandée par l'office auprès des deux professeurs de Laval, MM. Leblanc et Lemelin, le reconnaît. Chaque professionnel consacrera moins de temps à chacun de ses clients. Quand on sait que le travail d'un professionnel est un service immatériel, fait de conseils, d'efforts intellectuels et de compétence, un public peut difficilement évaluer le professionnel qu'il paie. Mais, comme l'effort et la compétence d'un professionnel influencent nécessairement le résultat d'un acte professionnel posé, j'estime que la tarification représente une certaine garantie à cet effet.

Quant à la publicité, est-on prêt à accepter de voir des avocats offrir des divorces à 125 $ ou à 175 $? La publicité promotionnelle n'est pas le meilleur moyen, à mon sens, d'informer le public.

Il devient donc intéressant de distinguer publicité promotionnelle et publicité sociétale ou informatique. Nous serions prêts à faire un pas dans cette direction. Il y a lieu aussi de distinguer publicité sur les services et publicité sur les biens. Cette dernière mériterait sûrement une certaine libéralisation. Ce que nous voulons savoir aujourd'hui, c'est la position du ministre. Il me semble y avoir un certain laxisme, pour ne pas dire un laxisme certain, de la part de ce gouvernement sur toutes les questions qui concernent les corporations porfessionnelles. Peut-être que le ministre ne trouve pas le temps, à cause de ses responsabilités de ministre de l'Enseignement supérieur et de ministre de la Science et de la Technologie, de s'occuper adéquatement des corporations professionnelles. C'est une question que je pose. Les avocats, les notaires, les ingénieurs, les arpenteurs-géomètres, les architectes, les dentistes, les optométristes, ont tous le droit de savoir ce qui les attend relativement à leurs honoraires. L'ensemble des professionnels a aussi le droit de savoir ce que le ministre leur réserve ou pas sur la question de la publicité. En effet, sur 351 décisions disciplinaires de culpabilité rendues par l'office en 1983-1984, 149, soit 42,4 %, concernent les denturologistes, pour publicité illégale principalement.

Je m'en voudrais également, M. le Président, de passer sous silence l'Office des professions. Après consultation auprès de certaines corporations, il m'est apparu que l'office était reconnu pour être d'une lenteur administrative incroyable. L'office entend maintenant se doter d'un système informatique de 20 500 $ en 1985-1986. Je vous demande aujourd'hui si cette informatisation de l'office est suffisante pour améliorer son efficacité.

On attend toujours de l'office un avis là-dessus. Certaines corporations attendent toujours une révision de leur champ de pratique, c'est le cas notamment des architectes et des ingénieurs. Relativement aux ingénieurs, est-ce que le ministre croit que le problème des diplômés de l'ETS particulièrement est maintenant réglé depuis l'adoption du projet de loi omnibus 15? Notre réponse à nous, M. le Président, c'est non. Ces diplômés de l'ETS se retrouvent aujourd'hui dans la même situation qu'avant la modification et les ingénieurs dans la même incertitude qu'auparavant également. Les diplômés de l'ETS n'ont aucun statut malgré les modifications législatives du ministre. Le ministre attend-il que le problème refasse surface pour intervenir à nouveau de façon aussi ponctuelle et sans rien régler?

Voilà quelques-uns des problèmes qui concernent les corporations professionnelles. Je le répète, tous ces problèmes durent depuis déjà trop longtemps pour qu'on ne leur accorde pas toute l'attention qu'ils méritent, et ceci sans parler de bien d'autres problèmes encore. Qu'on pense aux médecins par exemple. Depuis dix ans, 3000 médecins auraient quitté le Québec, ce qui équivaut, je dirais, à quatre fournées universitaires. De plus, 27 % des 14 867 médecins songeraient à quitter le Québec. Sur 305 résidents formés entre 1970 et 1979, le tiers pratiquent à l'étranger et ce, sans parler d'une politique sur les médecins en région qui ne fonctionne toujours pas.

Maintenant que penser de la formation des médecins? Est-il acceptable d'avoir deux types de formation au Québec? Cinq ans, plus une année d'internat, à Montréal et McGill, et quatre ans, plus une année d'internat, à Laval et Sherbrooke. Quelle est la position du ministre sur le consensus qui semble se dégager actuellement à l'effet d'offrir un cours standard de quatre ans plus deux ans de médecine de famille?

Et les médecins immigrants? Le Québec a déjà trop de médecins. Les universités contingentent au maximum. Quelles sont vos réflexions sur ce dossier?

Enfin, les sages-femmes. L'office est allé étudier la question à l'extérieur, mais les médecins d'ici n'ont même pas été consultés. Les médecins ne sont-ils pas déjà assez nombreux sans qu'on débatte sérieusement la question. En outre, quels seraient les coûts supplémentaires pour la formation universitaire que nous devrons

prodiguer aux sages-femmes? Le nombre d'accouchements au Québec justifie-t-il cet investissement?

Pour terminer, M. le Président, il y a enfin le rôle du conseil interprofessionnel, qu'il serait peut-être utile de réévaluer. Il y a aussi le moratoire du ministre sur l'adoption de règlements aux conditions supplémentaires aux diplômes qui durent depuis 1979. Il serait peut-être temps de savoir où en est l'étude du gouvernement dans ce dossier.

Il y a aussi les locaux de l'office, un à Montréal et l'autre à Québec, qui sont très coûteux, alors que la grande majorité des corporations se trouvent dans la métropole. Je m'attends donc, M. le Président, à des réponses à toutes ces questions aujourd'hui, et ce, au bénéfice de toutes les corporations professionnelles, qui regroupent près de 180 000 professionnels au Québec.

Alors, ma première question concerne le fameux dossier des trois corporations professionnelles de comptables. Je voudrais savoir si le président de l'Office des professions a remis son rapport au ministre sur la réorganisation des professions comptables et quels en sont les points saillants?

M. Bérubé: Pourriez-vous reprendre votre question?

M. Leduc (Saint-Laurent): Si je comprends bien, l'Office des professions a préparé un rapport sur le contentieux des professions comptables. Je voudrais savoir si ce rapport qui a été préparé a été remis au ministre et quels en sont les points saillants, les points importants.

M. Bérubé: Non, nous n'avons pas encore reçu ce rapport, mais je sais qu'il devrait nous parvenir incessamment, la pensée de l'office étant présentement cristallisée.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre a l'intention de légiférer sur la question, le contentieux des trois corporations de comptables? (22 h 15)

M. Bérubé: M. le Président, contrairement à l'Opposition qui a l'habitude de prendre des décisions avant d'être informée, non, je prétends attendre de recevoir le rapport et de l'analyser avant de tirer des conclusions.

M. Ryan: Est-ce que vous pourriez nous dire depuis combien de temps le gouvernement est en réflexion sur cette question?

M. Bérubé: Depuis fort longtemps.

M. Ryan: II n'y a rien de fait encore?

M. Bérubé: C'est un problème qui remonte d'ailleurs à l'administration libérale, et même avant.

M. Ryan: Mais là, depuis huit ans et demi, il n'a rien fait. Merci.

M. Bérubé: Je présume que c'est en même temps un jugement de valeur sur l'administration de M. Bourassa qui était là avant.

M. Ryan: Mais le public l'a jugé dans le temps. On ne fait pas cela deux fois en politique; une fois, c'est assez.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'ailleurs, la question est posée au ministre, elle n'est pas posée à un absent, si je comprends bien. Alors...

M. Bérubé: Vous avez raison, c'est...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...quels ont été, si je comprends bien...

M. Bérubé: Vous avez raison de parler d'un absent. C'est bien la première fois, en tout cas, qu'on en a une reconnaissance de la part...

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, cela achève...

M. Bérubé: ...de l'Opposition.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...vous allez l'avoir, cela ne sera pas long. Si je comprends bien, il y a eu une mission d'information qui est allée en Europe. Je voudrais connaître les résultats, toujours sur le dossier des professions comptables, de cette mission.

M. Bérubé: Je suppose que c'est pour vérifier l'importance du budget des dépenses de voyage ou c'est...

M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout. M. Bérubé: ...le contenu.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout, non, pas du tout.

M. Bérubé: Bon. Cela fait changement des...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux connaître les raisons qui ont motivé ce voyage et savoir aussi s'il y a eu des résultats. Je pense bien que, si on s'est déplacé, c'est que cela valait la peine de se déplacer. Alors, je voudrais savoir s'il y a eu

des résultats à la suite de ce déplacement. On l'a fait pour les corporations comptables. Alors, je présume qu'il doit y avoir un cheminement et que cela progresse. Cela a dû sûrement aider au cheminement.

M. Desgagné (André): Cette mission s'est inscrite dans la recherche que nous avons entreprise à la demande du ministre sur l'organisation des professions comptables. Cette mission était constituée d'une personne. Vous avez vu cela dans vos documents. Cette personne nous a fait un rapport assez détaillé de l'organisation des professions comptables en Angleterre d'où proviennent au moins deux des trois corporations professionnelles que nous connaissons ici. En plus, cette recherche s'est étendue sur l'organisation continentale, en particulier en France. Le rapport de cette mission sera annexé au rapport que nous sommes en train de terminer pour le ministre en exécution du mandat qu'il nous avait confié, il y a déjà deux ans, sur cette question de la réorganisation des professions comptables.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre est d'accord avec l'article 1159 du projet de loi 20 qui donnerait le droit aux trois corporations de comptables de préparer des états financiers avec commentaires?

M. Bérubé: Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ah! pas de réponse. Est-ce que le conseiller... M. le Président, j'aimerais bien avoir des réponses. Si c'est un exercice absolument futile qu'on fait ici, j'aime autant m'en aller. Il n'y a rien à faire si le ministre n'est absolument pas au courant, si le président de l'Office des professions ne l'est pas non plus. Je peux peut-être m'adresser au conseiller. C'est qu'à un moment donné on arrive avec des papillons lors de l'étude d'un projet de loi omnibus et on veut changer les règles du jeu. Est-ce que le ministre est d'accord avec cela? Je voudrais bien le savoir.

M. Bérubé: Si vous vouliez donner spécifiquement le contenu de l'article, je pourrais sans doute le commenter. Mais l'article 1059 du projet de loi 20, chapitre je ne sais lequel...

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est l'article 1159 du projet de loi 20 qui dit que, lorsque...

M. Bérubé: Quelle année de Législature?

M. Leduc (Saint-Laurent): ...préparer... que n'importe quel comptable des trois corporations peut préparer des états financiers pour une copropriété et émettre des commentaires. Si je comprends bien, on donnerait le droit de vérification aux trois ordres de comptables.

M. Bérubé: Non, je ne suis pas au courant personnellement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas au courant.

M. Bérubé: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre se propose de donner droit aux demandes de changement de nom présentées par la corporation professionnelle des CGA et celle des RIA?

M. Bérubé: On me dit qu'on avait recommandé son intégration au projet de loi omnibus, mais on me dit qu'on ne peut pas l'intégrer dans la mesure où il y a des oppositions et que le projet de loi omnibus ne devant comporter que de la législation consensuelle, on a dû prendre la décision de le retirer. Donc, il me fait plaisir de vous annoncer qu'on l'a retiré. Cela n'apparaîtra pas dans le projet de loi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, d'accord. En ce qui concerne les médicaments vétérinaires maintenant, est-ce que le ministre peut aujourd'hui prendre un engagement face à la mise en application d'une politique sur les médicaments vétérinaires?

M. Bérubé: Effectivement, j'ai soumis la proposition de règlement de l'office à mes collègues, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et le ministre des Affaires sociales. Je pense que le gouvernement devrait être incessamment prêt à prendre une décision finale.

M. Leduc (Saint-Laurent): Elle devrait être prise d'ici l'été.

M. Bérubé: L'appareil de l'État vogue sur les flots à sa rapidité coutumière.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne maintenant l'acupuncture, comme je l'indiquais tantôt, quelles sont les véritables intentions du ministre dans le dossier de l'acupuncture?

M. Bérubé: Même chose.

M. Leduc (Saint-Laurent): Même chose que quoi?

M. Bérubé: J'ai soumis à mes collègues du Conseil des ministres une proposition de

reconnaissance de l'acupuncture, nonobstant les avis que j'aurais pu avoir du Conseil des collèges en ce qui a trait au programme, puisqu'il nous est apparu que le Conseil des collèges s'était mépris sur son mandat plus spécifique. Le gouvernement n'a nullement l'intention de développer l'acupuncture au Québec et, par conséquent, de s'engager dans le développement de programmes d'acupuncture à l'intérieur des cégeps publics. Il n'entendait que rectifier une situation de fait où des gens pratiquent l'acupuncture et, en conséquence, chercher ce qui pourrait constituer une formation acceptable. Il y a eu un groupe de travail où ont siégé, médecins, acupuncteurs, représentants de l'office et, à partir de cette consultation quant à ce que pourrait être la formation, je ne dirais pas optimale, mais la formation acceptable pour une reconnaissance de fait, sur cette base-là, j'ai proposé à mes collègues l'acceptation. A ma connaissance, à nouveau, cette recommandation chemine à son rythme propre dans l'appareil gouvernemental plus connu sous le nom de pipeline.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le ministre entend reconnaître la profession?

M. Bérubé: Reconnaître l'exercice? Non, il n'y a pas d'ordre professionnel spécifique. Ce dont nous nous assurons, c'est de la possibilité pour les acupuncteurs de pratiquer leur métier sous un contrôle médical à tout le moins préventif.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre est au courant qu'actuellement il y a des personnes qui exercent la profession d'acupuncteur et qui n'ont pas de formation adéquate. Est-il d'accord avec cette situation-là?

M. Bérubé: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Combien de temps cela va-t-il durer? N'y a-t-il pas un danger direct pour la santé de la population?

M. Bérubé: En fait, la situation va se régulariser d'elle-même dans la mesure où j'ai toutes les raisons de croire que le mémoire soumis au Conseil des ministres sera accepté et qu'en conséquence celui qui pratique le métier d'acupuncteur sera soumis à un certain contrôle, du moins quant à sa formation. Également, le patient sera protégé, du moins en ce qui a trait à des contre-indications possibles face à l'acupuncture.

M. Ryan: M. le député de Saint-Laurent a un don spécial d'obtenir des réponses brèves du ministre; on va lui demander son secret.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je le connais. Après huit ans de discussion sur la question de la déréglementation des honoraires professionnels et de la publicité, où se loge le ministre dans ce dossier? Quelles sont ses intentions?

M. Bérubé: Nous avons essentiellement deux positions, en ce qui a trait à la publicité, qui sont en conflit. L'office nous recommande de modifier la pratique actuelle en vertu de laquelle toute publicité est bannie, sauf celle autorisée, de remplacer cette pratique par la pratique inverse où toute publicité serait autorisée, sauf celle interdite pour des raisons d'intérêt public. Évidemment, c'est un changement assez radical, qui découle, je dirais, d'une absence de volonté de la part des ordres professionnels de s'ouvrir progressivement à une publicité concernant la pratique professionnelle qui soit susceptible de mieux renseigner le public sur les choix qui s'offrent à lui.

Par contre, le Conseil interprofessionnel a eu l'occasion, lors d'une rencontre, de m'exprimer son opposition à un changement aussi radical. J'avais indiqué au Conseil interprofessionnel - d'ailleurs, en conformité un peu avec la recommandation de l'office qui parlait d'une période d'intégration ou d'implantation du nouveau règlement - que, dans le fond, son attitude pourrait permettre une intégration progressive de la publicité, si les différents ordres prenaient les moyens d'ouvrir leur règlement. L'expérience passée nous a enseigné, cependant, qu'au-delà d'un discours creux les corporations ou les ordres professionnels ont peu fréquemment cherché à ouvrir leur règlement de manière à permettre une publicité plus large et que, dans ces conditions, on peut comprendre la position de l'office.

C'est donc une question de bonne foi de la part des intervenants qui n'ont pas montré, dans le passé, beaucoup de volonté, qui semblent vouloir, aujourd'hui, sous la menace, assouplir leur règlement qui, à l'heure actuelle, interdit presque toute publicité. Je n'aurais pas d'objection à laisser aux ordres professionnels quelque chose comme douze mois pour leur permettre de livrer la marchandise. S'ils ne livrent pas la marchandise, je pense que, à ce moment-là, il faut appliquer la recommandation de l'office.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, en ce qui concerne la tarification, est-ce que vous êtes pour son maintien ou pour son abolition?

M. Bérubé: Je ne peux pas dire que j'ai une opinion là-dessus.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas d'opinion.

M. Bérubé: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne l'Office des professions, quelles mesures le ministre entend-il prendre pour améliorer l'efficacité et l'efficience de l'office, à la suite de certains commentaires émis par des corporations professionnelles?

M. Bérubé: Pourriez-vous préciser votre question?

M. Leduc (Saint-Laurent): Pardon?

M. Bérubé: Pourriez-vous préciser davantage?

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir... C'est moi qui pose les questions et je suppose que c'est le ministre qui devrait y répondre.

M. Bérubé: Elle n'est pas d'une clarté lumineuse.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais savoir si le ministre entend prendre les mesures pour améliorer l'efficacité et l'efficience de l'office, qui, au dire de certaines corporations professionnelles, est d'une lenteur incroyable dans certains cas?

M. Bérubé: Les questions sont généralement très complexes, impliquent énormément d'intérêts divergents. C'est ce qui explique sans doute la lenteur olympienne de l'appareil de l'État à apporter des modifications.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est votre réponse? Les crédits de l'office augmentent de 11,2 % cette année par rapport à ceux de 1984-1985.

M. Bérubé: ...augmentation, mais, si on la dégonflait... (22 h 30)

M. Leduc (Saint-Laurent): Les loyers comptent pour une part assez importante, je pense qu'il y a une augmentation de 411 %. Je voudrais connaître l'explication de cette augmentation. Est-ce qu'il ne serait pas justifié de réévaluer l'existence de deux bureaux de l'office, l'un à Montréal et l'autre à Québec, alors que la majorité des corporations professionnelles, comme je l'ai indiqué, ont pignon sur rue à Montréal?

M. Bérubé: Évidemment, la question du siège social de l'office revient régulièrement. Je dois dire qu'il n'est pas mauvais que l'office qui constitue l'interface avec le gouvernement puisse être proche du gouvernement dans la mesure où, en même temps, on maintient un bureau à Montréal qui est, lui, proche davantage des corporations ou des ordres professionnels; à ce moment-là, je pense qu'on atteint deux objectifs. Le budget de l'office n'est pas un budget très considérable, je pense que vous l'admettrez. On me dit que le bureau de Montréal entraîne des coûts de 61 312,55 $ exactement et non pas 61 312,54 $. Devant l'importance d'une telle somme, il me semble que cela permet à l'office de donner un bon service à sa clientèle. Je ne vois pas la raison pour laquelle on ne maintiendrait pas la situation actuelle.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comment expliquer l'augmentation du loyer?

M. Bérubé: L'augmentation du loyer? M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

M. Desgagné: L'augmentation vient du fait que, depuis la formation de la Société immobilière, les loyers qui étaient autrefois assumés par le ministère des Travaux publics ont été versés au compte de l'office, de sorte que la somme de 204 000 $ qui apparaissait autrefois à un autre compte est versée à notre compte; c'est uniquement pour cela. Ce ne sont pas des nouveaux locaux qu'on a ajoutés à nos anciens.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est simplement...

M. Desgagné: C'est un transfert de coût.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...dû à la création de la société.

M. Bérubé: Oui. Ce n'est pas un nouveau coût, contrairement à ce que le journaliste de L'Actualité, M. Blouin, de L'Actualité peut avoir imaginé. Ce n'est pas un coût additionnel, c'est une imputation budgétaire directe au budget de l'office pour ses dépenses de loyer. Ceci a comme avantage désormais d'incorporer dans la prise de décisions budgétaires l'ensemble des contraintes, dont les contraintes de logement, et permet à ce moment-là à l'office de décider quelle part il veut consacrer au logement et quelle part il veut consacrer à d'autres dépenses alors que, lorsque le budget relève directement du ministère des Travaux publics, à ce moment-là l'office n'a pas entre les mains un tel choix et, par conséquent, on ne retrouve pas aussi facilement une optimisation des décisions basée sur un équilibre entre des types de dépenses.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre a-t-il révisé ses positions relativement à sa politique des médecins en région? Il faut bien reconnaître que le problème n'est pas

encore réglé.

M. Bérubé: On ne peut rien vous cacher, mais c'est le ministre responsable des Affaires sociales à qui vous devriez adresser la question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, vous n'êtes pas en mesure de répondre?

M. Bérubé: Je comprends que je suis un homme aux talents variés, mais néanmoins je n'ai pas encore juridiction sur le ministère des Affaires sociales.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne maintenant la formation des médecins, quelle est la position du ministre sur l'idée d'offrir un cours standard de quatre ans en médecine plus les deux ans de médecine de famille qui remplacerait les deux formations différentes en ce qui concerne l'Université McGill à Montréal et les autres universités, de quatre ans plus un an d'internat et de cinq ans plus un an d'internat?

M. Bérubé: Nous attendons un avis du Conseil des universités et, également, de l'office.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qui devrait être émis avant longtemps?

M. Bérubé: Ah! En temps et lieu, oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut dire quand?

M. Bérubé: Je l'ignore.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous l'ignorez. Y a-t-il des éclaircissements? Alors, c'est la réponse.

M. Ryan: La question a-t-elle été confiée formellement au Conseil des universités?

M. Bérubé: À ma connaissance, oui.

M. Desgagné: Vous me permettez? Deux mandats parallèles ont été accordés: l'un à l'office et l'autre au conseil dans la mesure où le conseil est mandaté pour évaluer les programmes de formation de base et l'office, pour évaluer les programmes qui constituent les conditions supplémentaires dans notre jargon. Les deux mandats parallèles cheminent. Le nôtre est stagnant dans l'attente de l'avis du Conseil des universités qui a soumis la question à un comité interne qui lui a fait un rapport. On me dit que le Conseil des universités doit considérer la question à sa prochaine réunion.

M. Ryan: Est-ce que le projet de nouveau programme émane des facultés de médecine et de la Corporation des médecins?

M. Desgagné: Le programme de formation de base, évidemment, qui mène au MD relève des facultés. Cependant, tout ce qui vient après, internat et ainsi de suite, relève de la corporation. Ce qui est en discussion, c'est de savoir si l'internat ne devrait pas aussi être versé du côté du programme de formation de base ou, au contraire, être maintenu tel quel.

M. Ryan: Mais la question que je voulais poser est la suivante: Est-ce qu'il y a un accord de la Corporation des médecins et des facultés de médecine pour soumettre un projet commun?

M. Desgagné: Évidemment, ils ont réagi au rapport, du Conseil des universités, du comité interne, et d'après nos informations, ils ne sont pas tout à fait d'accord.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne les médecins immigrants, est-ce que vous avez une solution à ce problème?

M. Bérubé: Non pas à l'office, ni au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, mais possiblement au ministère des Affaires sociales car toute la politique des effectifs médicaux est une politique conçue au ministère des Affaires sociales pour répondre essentiellement à des contraintes de nature économique et budgétaire. Nous appliquons la politique gouvernementale en ce qui a trait, par exemple, à l'imposition de quotas d'admission dans les universités. Notre rôle, au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, n'est qu'au niveau des contrôles des admissions.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne les sages-femmes, est-ce que vous avez une politique? Est-ce que vous avez une idée arrêtée sur cette question?

M. Bérubé: Le ministère des Affaires sociales doit publier une politique de périna-talité où, effectivement, il fait place à ce métier. Il faudra, à ce moment, que l'office se penche, à la lumière des orientations retenues par le gouvernement, sur la façon de concilier l'exercice d'un tel métier avec, par exemple, le champ d'exercice de la profession médicale.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quant à la formation, s'il y a lieu de créer cette profession, est-ce que vous entendez consulter les médecins?

M. Bérubé: Nous entendons consulter

certainement, d'une part, l'office et, également, le ministère va devoir se prononcer. S'agit-il, par exemple, d'une formation de type collégial ou d'une formation encore moins poussée? Je pense que c'est la question que nous aurons à examiner à la lumière du type d'exigences qu'exprimera le gouvernement à la suite des recommandations du ministère des Affaires sociales.

M. Leduc (Saint-Laurent): Êtes-vous favorable, personnellement, aux sages-femmes?

M. Bérubé: C'est une question à ce point importante qu'il faudrait que j'examine cela plus en profondeur, surtout à la lumière des recommandations que me fera mon collègue, et je serai certainement favorable à la décision prise par le gouvernement.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne le problème de l'École de technologie supérieure, est-ce que le ministre considère, avec les modifications qu'il a apportées à l'article 5 de la Loi sur les ingénieurs, que le problème des diplômés de l'ETS est réglé?

M. Bérubé: Non. Il faut reconnaître que la solution que nous avons retenue était un pis-aller qui permet néanmoins aux diplômés de l'École de technologie supérieure d'exercer leur profession ou leur métier, d'une part. D'autre part, nous avons mandaté l'office pour examiner tout le problème de l'exercice du génie, donc, de ce champ d'exercice de la profession et, entre autres, de l'interaction du génie avec l'aménagement en général. C'est à la lumière de cette analyse, je pense, qu'on pourra essayer de voir si nous pouvons aller plus loin. Je dois dire que l'Ordre des ingénieurs avait tenté de mieux baliser les champs respectifs des diplômés de l'ETS et des diplômés des facultés de génie. Cependant, ce projet a avorté, à cause d'ailleurs de la complexité très grande d'effectuer de telles distinctions.

En effet, comment distingue-t-on, par exemple, ce qu'on appelle l'ingénierie de conception de l'ingénierie d'application? Ce n'est pas facile. Effectivement, l'ordre qui a peut-être, cependant, un intérêt trop personnel à la question n'a pas pu trouver un équilibre sur lequel on pourrait s'appuyer pour modifier la description des champs et, par conséquent, éventuellement créer un ordre spécifique pour les diplômés.

Nous continuons à penser que l'approche des corporations mixtes est l'approche la plus désirable, parce que, de plus en plus, nous sommes conduits à devoir reconnaître des professions dont le champ d'exercice est très voisin du champ d'exercice de professions contiguës et, à ce moment, il devient presque impossible - sauf si on procède par le biais de champs évocateurs, peut-être - de baliser le champ d'exercice d'une profession donnée. À cause de cela, peut-être qu'on devrait tendre à regrouper toutes les professions qui oeuvrent dans des domaines connexes à l'intérieur de corporations mixtes. D'ailleurs, c'est un des mandats d'étude, d'analyse, que l'office se donne pour cette année.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pensez que, éventuellement, il va avoir une solution à ce problème?

M. Bérubé: II est possible qu'on ne puisse jamais trouver de solution à ce problème, sauf si on procédait d'une façon plus radicale. Si, effectivement, on devait limiter le concept d'ordre professionnel à ceux qui exercent leur profession sur une base privée, à ce moment, évidemment, on pourrait modifier le Code des professions et n'envisager l'existence d'un ordre professionnel que pour la protection du public avec, donc, des moyens de contrôle, des moyens de vérification qui, à ce moment, permettraient peut-être une base nouvelle de réconcilier différentes professions.

Je ne vous cache pas que, dans le cadre de la loi actuelle, avec des champs exclusifs définis, par exemple, pour les ingénieurs et pour les médecins, il est clair qu'il est très difficile de concilier ces exclusivités avec l'introduction d'autres professions qui exercent en parallèle, avec une certaine autonomie, disons, dans un domaine de connaissances ou un champ professionnel. C'est là le problème soulevé par toutes ces professions qui se chevauchent, dans le fond.

M. Leduc (Saint-Laurent): Combien a-ton de diplômés à cette école?

M. Bérubé: Je le savais, mais je ne le sais plus. On me dit qu'il y en aurait 800 dans le champ, venant tant de l'ETS que d'ailleurs.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va, merci.

Autres programmes

Le Président (M. Charbonneau): Je pense que cela complète le programme de la commission pour aujourd'hui. Il me reste à demander aux membres de la commission si les éléments 1, 2, 3 et 4 du programme 1, les éléments 2 et 3 du programme 2 et les éléments 5, 6, 7 et 8 du programme 3 sont adoptés.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): Adopté sur division.

M. Ryan: II y avait division!

Le Président (M. Charbonneau): La commission ayant complété le mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale ajourne ses travaux sine die et remercie le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, ainsi que ses collaborateurs et collaboratrices pour leur collaboration.

Les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 22 h 45)

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